REVUE
DE
L'HYPNOTISME
et de la
PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
REVUE
DE
L'HYPNOTISME
et de. la
PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
Paraissant tous les mois
PSYCHOLOGIE - PÉDAGOGIE - MÉDECINE LÉGAL MALADIES MENTALES & NERVEUSES
Rédacteur en Chef Docteur Edgar BÉRILLON
PRINCIPAUX COLLABORATEURS :
MM. les Docteurs AZAM. professeur à la Faculté de Bordeaux; BARETY (de Nice) : DE BEAUVAIS. médecin de Mazas, BERNHEIM. prof. à la Faculté de Nancy : BOURRU. prof. à l'Ecole de Rochefort: J. BOUYER (d'Angoulême): BRÉMAUD (de Brest); BUROT, prof, a l'Ecole de Rochefort CHARCOT. prof. à. la Faculté de Paris, membre de l'Institut;
CHILTOFF (de Kharkoff): COLLINEAU; W. DEKHTEREFF (de Saint-Pétersbourg); DESCOURTIS : DU MONTPALLIER. médecin de l'Hôtel-Dieu : Eug. DUPUY : FÉRÉ. médecin de Bicêtre : A. FOREL (de Zurich): FRAENKEL (de Dessau) ;
HACK TUKE (de Londres) : GRASSET, prof, à la Faculté de Montpellier : W. IRELAND (d'Edimbourg): LACASSAGNE. prof. à la Faculté de Lyon LADAME. privat-docent à l'université de Genève; LIEBEAULT (de Nancy); LETOURNEAU, professeur à l'Ecole d'Anthropologie: LUYS. membre de l'Académie de médecine, médecin de la Charité; Max DESSOIR (de Berlin) ; MESNET. médecin de l'Hôtel-Dieu ; MABILLE, médecin en chef de l'asile de Lafond : Paul MAGNIN ; MANOUVRIER. prof, à l'Ecole d'Anthropologie: J. OCHOROWICZ; Aug. VOISIN, médecin de la Salpêtrière, etc.: et MM. LIEGEOIS, prof, à la Faculté de droit de Nancy ; Paul COPIN : DELBŒF. prof, à l'Université de Liège; Félix HEMENT. inspecteur général Pierre JANET. agrégé de l'Université ; A. NICOT; DE ROCHAS; Juin SOURY: Emile YUNG. prof, à l'Université Genève, etc.. etc.
LE NUMÉRO : 75 CENTIMES
PARIS
Rédaction 40 bis, Rue de Rivoli
administration
170, Rue Saint-Antoine
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
BULLETIN
HYPNOTISME UTILE ET HYPNOTISME DANGEREUX
La discussion sur l'hypnotisme qui, depuis six mois, occupe toutes les séances de l'Académie de médecine de Belgique, ne peut manquer d'avoir une grande influence sur l'évolution de cette science.
Bien que l'Académie n'ait encore voté aucune résolution, à la seule lecture des discours qui ont été prononcés, il est possible de dégager, dès à présent, les enseignements qui résulteront de cette importante discussion.
Jusqu'à ce jour, il n'était pas rare d'entendre des esprits réputés sérieux contester la réalité même des phénomènes d hypnotisme. C'est ainsi qu'il y a quelques années, en sortant de l'hôpital de la Pitié où il venait d'assister aux expériences les plus concluantes, l'honorable M. Roger, membre de l'Académie de médecine de Paris, pouvait dire, sans soulever trop de protestations : « Malgré toutes les expériences qu'on pourra provoquer devant moi, je persisterai toujours à croire que l'hypnotisme n'existe pas. »
Il est bon de constater que rien de pareil n'a été dit à l'Académie dé Belgique et qu'il n'est venu à aucun des orateurs l'idée de mettre en doute l'existence des phénomènes fondamentaux qui constituent l'état d'hypnotisme.
Tous ont été d'accord pour accepter ce principe : c'est qu'il est possible, par des procédés variés et en particulier par la suggestion, de provoquer chez les sujets une série d'états nerveux spéciaux, essentiellement différents de l'état de veille normal, et qu'il convient de ranger ces phénomènes sous la dénomination générale d'hypnotisme.
Les membres de l'Académie qui ont pris part à la discussion se sont appliqués, à l'envi, à démontrer que l'hypnotisme est non seulement un moyen précieux d'investigations psychologiques et
physiologiques, mais surtout un puissant agent thérapeutique. Jamais on n'a fait ressortir avec plus de précision et de talent que si l'étude ou l'application de l'hypnotisme est légitime, ce n'est qu'autant qu'elle a chance d'aboutir à un effet utile. Le corollaire de cette démonstration, c'est que l'hypnotisme appliqué sans but ou dans un but d'amusement est à la fois immoral et dangereux.
Puisqu'il est hors de doute que l'hypnotiseur peut imposer à un somnambule suggestible des actes délictueux et criminels qu'il accomplira, soit pendant l'état d'hypnotisme, soit après son réveil, â une époque plus ou moins éloignée, il n'est pas admissible que le premier venu soit autorisé à tenter cette expérience pour son amusement ou pour celui du public.
II y a quelques jours, dans les environs de Paris, au cours d'une représentation donnée par un magnétiseur, cet individu eut la malencontreuse idée de suggérer à plusieurs sujets que le feu venait de prendre au théâtre. Les sujets affolés s'enfuirent à travers la foule avec une telle brutalité que plusieurs femmes et plusieurs enfants furent foulés aux pieds avant qu'il fût possible de les arrêter.
La cause des séances publiques d'hypnotisme est si difficile à soutenir que ceux qui ont présenté la défense des magnétiseurs ambulants avec le plus de talent ne se doutent même pas qu'ils fournissent contre eux des arguments décisifs.
Nous pouvons ajouter que plusieurs magnétiseurs des plus connus ont été les premiers à reconnaître devant nous que les représentations publiques d'hypnotisme devraient être interdites.
L'hypnotisme ne pourra que gagner à être étudié scientifiquement, dans les hôpitaux ou dans les cliniques particulières, par des hommes ayant donné des gages d'un savoir et d'une moralité indiscutables.
Dans ces conditions, le rôle de cette Revue est nettement tracé. Comme par le passé, nous continuerons à enregistrer toutes les recherches faites à un point de vue pratique et capables d'apporter d'utiles contributions à la psychologie et à la pédagogie expérimentales, à la physiologie, à la thérapeutique et à la médecine légale.
Nous n'admettrons jamais que les expériences d'hypnotisme puissent être considérées comme un jeu, comme une distraction qu'on peut se procurer pour son argent. Il en est malheureusement de l'hypnotisme comme de beaucoup d'autres choses, et l'on peut affirmer que lorsqu'il cesse d'être utile, c'est qu'il commence á devenir nuisible.
Dr Edgar Bérillon.
DES EXPERTISES MÉDICO-LÉGALES EN MATIÈRE D'HYPNOTISME RECHERCHE DE L'AUTEUR D'UNE SUGGESTION CRIMINELLE
Par M. Jules: LIÉGEOIS
professeur a la faculté de droit de nancy
Supposons qu'un vol ou un meurtre ait été effectivement commis. Le coupable apparent est arrêté. L'avocat chargé de le défendre, soutient : 1° que l'acte incriminé n'a pas été commis librement: 2° qu'il est le résultat d'une suggestion. Une expertise médico-légale est ordonnée.
Admettons que, par une première série d'expériences, les experts aient mis hors de doute ce double fait :
l° Qu'on se trouve en présence d'un sujet chez qui le somnambulisme peut être provoqué ;
2° Qu'il est hypnotisable à un point tel qu'on peut lui faire des suggestions criminelles irrésistibles.
Les experts n'auront encore rempli que la moitié de leur tâche, et non peut-être la plus délicate et la plus difficile.
Voyons ce qu'il leur reste à faire.
Il s agit maintenant de trouver l'auteur de la suggestion en vertu de laquelle le crime a été commis. Sans doute, on a pu dire — je l'ai dit moi-même — que, en remettant le prévenu en état de somnambulisme, on renouera en lui la chaîne du souvenir, interrompu à l'état normal, et qu'on lui demandera de donner tous les renseignements possibles sur la manière dont les choses se sont passées. Mais il faut mettre les choses au pis, et supposer, chez l'auteur de la suggestion criminelle, une connaissance approfondie des ressources que lui offre l'hypnotisme pour s'assurer l'impunité. Eh bien ! celui qui a voulu faire d'un innocent l'instrument docile de ses vengeances ou de ses convoitises, aura suggéré à ce malheureux de ne se souvenir de rien de ce qui a précédé le crime, de croire que c'est lui-même qui en a conçu ridée, de se refuser à toute tentative ayant pour effet de lui faire nommer l'auteur de la suggestion, de jurer qu'il n'y a eu aucune sugges-tion. etc.
La difficulté que l'amnésie ainsi suggérée opposerait à la recherche et à la punition des coupables est des plus sérieuses: elle m'avait paru si grave, il y a quatre ans. que. la connaissant bien déjà, je n'avais pas voulu en parler, de peur d'ajouter aux embarras qu'on pouvait me reprocher de susciter aux magistrats chargés de la justice criminelle. Mais cette indication ne pouvait rester long-
temps ignorée : elle a été donnée par plusieurs des auteurs qui se sont occupés des phénomènes hypnotiques ; il serait pueril aujourd'hui de vouloir faire le silence autour d'elle. Il vaut mieux regarder le péril en face, et chercher si nous ne pourrions pas trouver, dans la suggestion même, une défense contre la suggestion.
Après bien des réflexions et des expériences, il me semble possible d'arriver, toujours ou presque toujours, à faire dénoncer par le prévenu le véritable, le seul auteur du crime, même quand ce dernier lui aura fait la suggestion d'une amnésie complète.
Voici l'une des expériences que j*ai faites à ce sujet :
Le 9 juin 1888, à la clinique de M. le Dr Liébeault, j'endors Mme M..., très bonne somnambule, chez qui mon savant ami a reconnu des facultés hypnotiques remarquables.
Je lui suggère que, à son réveil, elle verra devant elle M. O.... qui. elle le sait, a tenu sur son compte les propos les plus offensants ; elle ne pourra le voir sans indignation, elle songera qu'il lui a fait beaucoup de mal, que peut-être il lui en fera davantage encore : et, dans un mouvement de colère irrésistible, elle prendra le revolver qui est sur une table voisine et tuera son implacable ennemi. Elle sera convaincue d'ailleurs que cette idée lui est venue spontanément, que je n'y suis pour rien; elle refusera de me nommer comme l'auteur de la suggestion, jurera qu'il ne s'agit point de suggestion, etc., etc.
Réveillée et dans cet état que je crois pouvoir assimilera la condition seconde de Félida X... et de ses pareils, elle prend le pistolet et tue ou croit tuer M. O...
Je prie M. Liébeault de la rendormir, pour l'interroger sur les circonstances du fait qui vient de s'accomplir. Comme je le lui ai suggéré, elle s'accuse elle-même, donne les raisons que je lui ai dit de donner, nie qu'on lui ait fait aucune suggestion, etc., etc. Le résultat prévu se réalise.
Mais alors, sur ma demande, M. Liébeault lui fait successivement les suggestions suivantes :
« 1° Quand vous verrez entrer « l'auteur, quel qu'il soit, de la » suggestion » — s'il y a eu suggestion, — vous ne pourrez vous » empêcher de dormir pendant deux minutes. »
« 2° Après deux minutes de sommeil, vous le regarderez fixe-» ment et vous ne pourrez détacher vos yeux des siens jusqu'à ce » que je dise : « Assez ! »
« 3° Vous vous placerez devant « l'auteur de la suggestion », et » vous essayerez, en vous tenant debout et élargissant votre jupe, » de le cacher aux yeux des assistants, jusqu'à ce que je dise : 0 Pourquoi donc voulez-vous cacher M. Liégeois? »
« 4° Enfin, vous ne verrez ni n'entendrez plus « l'auteur de la » suggestion », jusqu'à ce que je dise : « C'est fini, tout est » bien ! »
Alors Mme M... reviendra à son état normal et n'éprouvera aucun malaise.
Tout se passa comme je l'avais supposé. Après être parti quelques instants, je rentrai dans la pièce où se trouvaient, avec le sujet mis en expérience, dix ou quinze consultants; à peine avais-je franchi le seuil de la porte, que Mme M... s'endormait au bout de deux minutes; elle s'éveilla, puis me regarda d'un œil fixe,étrange, inquiétant : elle ne pouvait détacher son regard du mien : passant dans la pièce voisine, je me fis suivre par elle sans rien dire, puis je la fis reculer en marchant à sa rencontre.
Ensuite, dès que je me fus assis, elle vint se placer devant moi, étalant sa jupe comme pour me cacher, jusqu'à ce qu'on lui en eût fait l'observation. Enfin, pour la quatrième épreuve, elle ne me voit ni ne m'entend plus, en vertu de l'hallucination négative donnée par M. Liébeault. Pendant tout le temps où les faits que je viens de résumer se sont passés. Mme M... est anesthésique, elle est insensible aux piqûres ; je lui plante dans la peau, sur les bras, à la nuque, sur la joue, des épingles qui restent fixées et qu'elle ne sent pas; je lui place sous le nez un flacon d'ammoniaque, elle ne s'en aperçoit nullement ; je lui chatouille les narines avec un corps dur, elle ne sent rien. Rendue à son état normal, elle a tout oublié.
M. le professeur Bernheim, que j'avais entretenu des faits qui précèdent, a bien voulu-organiser, de concert avec moi, à l'hôpital de Nancy, des expériences de contrôle et de vérification. Voici comment nous y avons procédé, le 18 juin 1888 :
X..., ancien soldat, 25 ans, revenu du Tonkin et soigné pour une dyssenterie qu'il a contractée dans notre lointaine colonie, peut être mis facilement en somnambulisme. M. Bernheim l'endort et me présente à lui comme un médecin qui a rapporté du Brésil un remède souverain contre la dyssenterie; il lui offre un verre imaginaire contenant le spécifique ; le sujet le prend avec confiance, le boit avec conviction (le mouvement de déglutition est parfaitement visible), trouve le remède fort, éprouve des nausées, mais, en somme, s'en trouve bien.
Je lui fais la suggestion suivante : « X..., tout à l'heure, quand » vous serez éveillé et après que nous serons allés, M. Bernheim » et moi, dans la salle voisine, vous verrez sur la table une pièce » de cinq francs en argent ; vous aurez une envie irrésistible de » vous en emparer ; vous la prendrez et la mettrez dans votre » poche. Si l'on vous interroge sur ce fait, vous serez convaincu » que l'idée vous en est venue spontanément ; vous oublierez ce
» que je vous ai dit : si l'on vous demande si je ne vous aurais
» pas suggéré ce vol, si l'on veut vous faire dire que c'est moi,
» vous vous y refuserez obstinément ; vous serez convaincu que » c'est vous qui avez tout fait. »
Nous passons. M. Bernheim et moi, dans la salle voisine de son cabinet ; X.... qui a été réveillé et que nous surveillons par une fente de la porte, se lève, prend la pièce de cinq francs et la met dans sa poche. Nous rentrons; mon collègue rendort X... et l'interroge : « Qu'avez-vous fait ? — J'ai pris une pièce de cinq francs. — Savez-vous que c'est très mal ? c'est un vol ; comment avez-vous été amené à le faire ? — C'est une idée qui m'est venue comme ça. — Mais, avez-vous donc jamais volé ? — Jamais. — Pourquoi l'avez-vous fait tout à l'heure.? — Je ne sais pas. c'est une idée. — Mais, ne vous l'aurait-on pas suggérée ? Si cela était, il faudrait le dire. — Non, personne ne m'a rien dit. — Prenez garde ! si vous avez été seul coupable, on peut vous poursuivre, vous serez condamné à la prison, le savez-vous ? — Je le sais, mais cela ne me fait rien. — C'est peut-être ce monsieur qui était là qui vous a dit de voler la pièce? Si cela est vrai, dites-le. je le veux. — Non, non, ce n"est personne. — C'est peut-être quelqu'un d'autre ? — Personne. — Ne craignez pas de le nommer ; autrement, vous serez puni. — Personne. — Jureriez-vous que ce n'est personne.-— Non ! ce n'est personne, je le jure ! »
Alors M. Bernheim, à qui j'ai laissé le choix des expériences de contrôle, fait les suggestions suivantes :
1° A X.... endormi, il dit: « Quand vous serez éveillé et que » vous verrez entrer dans mon cabinet « celui qui vous a suggéré » l'idée de voler », vous prendrez la pièce de cinq francs qui est
» sur la table et vous la lui remettrez. » Eveillé, il prend cette pièce et me la remet, sans pouvoir expliquer pourquoi il agit ainsi ; il sait seulement que cette pièce est à moi ; comment il le sait, il ne peut le dire ; mais, enfin, il le sait, etc.
2° M. Bernheim le rendort et lui dit : c Quand vous verrez « celui » qui vous a suggéré de voler ». vous irez à lui et vous lui direz: » Monsieur, je suis content de vous voir! Chantez-moi donc la » Marseillaise ! » Tout se réalise de point en point.
3° A X..., de nouveau endormi, mon collègue dit encore: « Voyons, dites-moi qui vous a suggéré l'idée de voler ? — Per-
» sonne. — L'idée est donc venue de vous ? — Parfaitement. — » Savez-vous que c'est très grave ? il vaudrait mieux dire qui vous a
» poussé au mal... — Personne. — On ne vous punirait pas, dans » ce cas. — Je ne puis pas le dire, puisque personne ne m'a rien
» dit. — Vous le jurez ? — Je le jure ! »
« Alors, écoutez-moi bien : Quand vous verrez c celui qui vous
» a suggéré de voler», vous irez à lui et vous lui direz: « Ah !
» monsieur, je vous reconnais bien. C'est vous qui m'avez dit de Œ voler la pièce de cinq francs ! » Si personne ne vous a fait au-» cune suggestion, vous ne direz rien. En tout cas, vous vous Œ rendormirez ensuite, quelques instants après le réveil. »
Eveillé, il vient à moi et me dit : « Ah ! monsieur, je vous reconnais bien. C'est vous qui m'avez dit de voler la pièce de cinq francs ! » Je me défends vainement contre cette accusation, il la maintient avec fermeté, soutient qu'une ment pas, etc., etc. Puis il va se rasseoir et s'endort.
M. Bernheim l'interroge de nouveau pendant son sommeil somnambulique, mais peut-être un peu trop rapidement, — je ne l'avais pas moi-même remarqué sur le moment, — c'est-à-dire alors qu'il se trouve encore sous l'action de la suggestion en vertu de laquelle il m'a adressé les paroles que je viens de rapporter. Ce qui me le fait penser, c'est qu'il répond d'abord, presque dans les mêmes termes: « Oui, c'est ce monsieur, etc. » ; puis, chose curieuse, le sommeil devenant plus profond. ¡I revient à sa première version, déclare que c'est lui qui a eu l'idée de voler, qu'on ne lui a rien dit. etc. Jusqu'à ce qu'enfin M. Bernheim, insistant toujours, ravivant, en quelque sorte, sa propre suggestion, qui tend à me faire dénoncer, l'emporte à la fin sur la suggestion d'amnésie que j'avais faite moi-même au début de l'épreuve ; toutefois, j'y avais mis beaucoup moins de persévérance et d'énergie qu'on n'en a mis pour déjouer la précaution que j'avais prise. En dernier lieu, et comme par une sorte de transaction inconsciente entre les deux impulsions contraires données à sa pensée, X... finit par dire : « Eh bien ! oui, c'est vrai, c'est ce monsieur qui m'a dit de prendre la pièce, mais c'est moi qui l'ai prise ! »
L'expérience est terminée. M. Bernheim suggère à X... qu'il ira mieux, que tout est bien, que sa dyssenterie diminuera de plus en plus, que mon remède brésilien fera merveille, etc. Il le réveille et le renvoie dans la salle de malades à laquelle il appartient.
Ces expériences me semblent avoir une très grande signification, au point de vue médico-légal. Et voici, selon moi, l'interprétation qui en doit être donnée.
Puisque le principe de l'automatisme somnambulique aurait pour effet de préserver d'une punition méritée l'auteur de la suggestion; puisque le prévenu, en vertu de l'ordre reçu, ne le dénoncera jamais directement, il faut le lui faire dénoncer indirectement, par des actes dont il ne comprendra pas la signification, ou même par des démarches auxquelles on donnera une apparence de protection ou de défense pour le criminel lui-même.
Ainsi, reprenant l'exemple donné plus haut, Mme M... refuse de dire mon nom, mais elle ne refuse pas de s'endormir, quand elle me verra entrer, parce qu'elle ne saisit pas — dans l'inertie
d'attention pendant laquelle la suggestion la plus récente s'impose à elle — la relation qui unit ces deux idées.
Elle me regarde fixement, parce que. si je lui ai dit de ne pas me nommer, je ne lui ai pas dit de ne pas me regarder;
Elle se place devant moi, parce qu'il y a là une idée de protection qui s'allie parfaitement à l'idée de ne pas me dénoncer ;
Elle ne me voit ni ne m'entend plus, parce que je ne lui ai pas dit que je ne pourrais pas être, pour elle, l'objet d'une hallucination négative ;
Enfin, elle est anesthésique, parce qu'elle est en état de condition seconde, pendant la réalisation des suggestions les plus récemment faîtes par M. Liébeault.
La même explication, mutatis mutandis, s'appliquerait également bien « au sujet » de M. Bernheim.
Je ne sais si je ne me fais illusion, mais je crois qu'il y a là un moyen presque assuré de déjouer la suggestion de l'amnésie, faite par celui qui aurait suggéré à un hypnotique l'accomplissement d'un crime. Et je formulerai ainsi ma pensée:
On pourra faire à un sujet hypnotique, relativement à « l'auteur quel qu'il soit » de la suggestion de crime, toutes les suggestions qui ne seront pas directement et expressément contraires à l'amnésie suggérée. On lui inspirerait, par exemple, l'idée : de se rendre chez lui, pour le protéger contre les agents de la force publique, de le prendre dans ses bras, de le couvrir de son corps, ou bien de le prévenir, par lettre, que des soupçons s'élèvent contre lui, qu'il doit prendre des précautions, etc.. etc.
On voit que le véritable coupable tombera ainsi sous la main de la justice, parce qu'il lui aura été impossible de tout prévoir et d'écarter tous les dangers par une suggestion d'amnésie, si large et si compréhensive qu'on la suppose.
Et alors s'évanouit la sécurité absolue dont paraissaient jusqu'ici pouvoir se targuer ceux qui voudraient recourir à la suggestion pour faire accomplir un crime par un sujet hypnotisable. La justice reprend ses droits ; la suggestion criminelle reste possible en théorie, mais devient, en pratique, extrêmement dangereuse, pour ceux qui seraient tentés d'en faire usage. Ainsi tomberont, j'espère, en partie du moins, les alarmes suscitées par mon Mémoire de 1884, lu à l' Académie des Sciences morales et politiques, et qui ont été d'ailleurs fort exagérées par un certain nombre d'écri-vains.
Je remarquerai en terminant, sur ce point, que le moyen que je propose, s'il est reconnu exact, — et MM. Liébeault et Bernheim l'espèrent comme moi, — peut s'appliquer non seulement aux crimes ou aux délits imputés à des sujets hypnotiques, mais encore à ceux dont ils auraient été eux-mêmes victimes.
DE LA NÉCESSITÉ D'INTERDIRE LES SÉANCES PUBLIQUES D'HYPNOTISME (1)
Par le Dr GUERMONPREZ
professeur a la faculté libre de lille
Messieurs, ce n'est pas un discours que je viens vous apporter. Je me bornerai a vous présenter quelques arguments à l'appui des conclusions de la commission.
Votre discussion sur l'hypnotisme attire l'attention des étrangers ; elle a un remarquable et légitime retentisse ment : il en a été de même d'une autre question délicate et difficile que vous avez récemment portée à votre ordre du jour.
Ce n'est cependant pas que la question de la publicité des séances de l'hypnotisme soit une question nouvelle : elle a été, tout récemment encore, jugée presque en même temps par la Société de Biologie de Paris et par l'Association Française pour l'avancement des Sciences (section de médecine publique et d'hygiène professionnelle). Dans l'une et l'autre de ces deux assemblées médicales, on a voté que les séances publiques d'hypnotisme étaient dangereuses et on a émis le vœu d'en obtenir la suppression. Le vote a été unanime; il a répondu d'emblée a la proposition due à l'initiative privée ; mais il n'y a pas eu de discussion, il n'y a pas eu d'argumentation de nature à faire la conviction des pouvoirs publics.
Ici, vous apportez une véritable maturité dans vos résolutions ; vous ne craignez pas la publicité d'une large et libre discussion; vous ne trouverez pas mauvais que j'apporte a mon tour quelques arguments. Ils sont opposés à ceux qui viennent d'être présentés avec tant de soin et tant d'autorité. Maïs je suis persuadé, comme vous, que c'est la vraie manière de débrouiller une question, de former les convictions, de formuler des propositions vraiment étudiées. Ainsi les lois peuvent aboutir; elles reposent sur les bases d'une saine critique; elles s'inspirent d'une sage appréciation des choses; elles s'imposent au respect de tous.
En montant à la tribune de l'Académie, je tiens à déclarer qu'il n'y a, dans mon esprit, rien de désobligeant pour M. Nuel, qui a dit avec une conviction profonde pour quels motifs l'hypnotisme lui paraît pouvoir être laissé en pleine liberté. Il en est de même pour M. Kuborn, dont nous venons d'entendre et de goûter le remarquable discours. Je suis : d'avis que mes honorables contradicteurs ont rendu service, en présentant la défense des séances publiques d'hypnotisme. Personne ne contestera que cette défense se trouve en très bonnes mains.
Cependant, dans le travail si soigné de M. Kuborn, il est quelques opinions dont je ne puis accepter les rigueurs.
(1) Discours prononcé à l'Académie de médecine de Belgique.
Ainsi, par exemple, si j'ai bien compris les conclusions de l'honorable préopinant. les faits qui se passent à l'étranger ne devraient pas compter pour beaucoup en Belgique. Eh bien, permettez-moi de vous le dire, en France, nous ne procédons pas ainsi ; nous tenons grand compte des faits observés en Belgique, et nous nous garderions bien de les éliminer, par cette seule considération qu'ils ont passé la frontière. Nous avons même autant de confiance dans les observateurs étrangers qu'en nos propres compatriotes, et M. Kuborn peut être convaincu qu'il n'est pas le moins bien partagé, parmi ceux qui. jouissent en France d'une juste et avantageuse notoriété.
Je n'insiste pas sur ce point ; mais il est une affirmation a laquelle je-ne me serais guère attendu. D'après M. Nuel, les choses de la morale ne sont pas de la compétence médicale.
Eh bien : il m'est impossible de partager son avis... Si M. Nuel avait dit que les médecins ne doivent pas s'ériger en moralistes, s'il s'était borné a dire qu'ils ne doivent pas régenter les choses de la morale, alors, j'aurais été absolument de son avis... ; mais s'il croit que nous pouvons nous désintéresser entièrement de ces graves et délicates préoccupations, j'ai le regret de me séparer absolument de lui.
En cela, je ne fais que suivre des traditions non interrompues en médecine ; je. ne fais que répondre au sentiment que nous avons de notre propre responsabilité; je ne fais que suivre l'opinion publique de notre temps, à l'égard de tous ceux qui exercent notre profession.
Sans doute, l'estime publique est attribuée, pour une part, aux progrès accumulés par la médecine contemporaine. Sans doute, les progrès des sciences médicales sont incontestables; mais qui pourrait dire que la science des ingénieurs n'a pas marché plus rapidement que la nôtre? qui pourrait contester que, sur le terrain scientifique, les ingénieurs sont mieux partagés que les médecins ? Et cependant, nous avons tous eu l'occasion de nous rencontrer avec des savants, avec des ingénieurs ; et partout, dans les familles ou en présence des administrations publiques, partout le contraste est le même : l'ingénieur est accueilli avec une sorte de curiosité attentive, tandis qu'on approche le médecin avec une confiance respectueuse, avec des égards presque révérencieux. Croyez-vous qu'il en serait ainsi, si les gens du monde ne considéraient que la valeur scientifique du médecin ? N'est-il pas évident que cette allure, que ces procédés s'adressent à la profession elle-même?
Tout le monde sait que le médecin est le témoin des misères humaines : on sait qu'il est le confident du secret des familles; il voit de près les misères inhérentes aux groupes humains: il a une fonction sociale, qui le met sans cesse aux prises avec les difficultés de la morale publique et de la morale privée. Cette fonction sociale est inéluctable. Il nous est impossible de reculer devant les délicates nécessités que nous imposent les réalités de notre vie professionnelle.
Il y a quelques jours, un de mes amis me disait, en France, combien
il était étonné de l'argument présenté par M. Nuel. Et il me disait ceci : « Il y a un siècle, on prétendait qu'il fallait, dans la vie, être en bons » termes, surtout avec son confesseur. Eh bien! de nos jours, chacun » doit chercher à être en bons termes, surtout avec son médecin. » On prête ce propos à Sainte-Beuve. Il importe peu de savoir jusqu'à quel point il est authentique. Mais j'en retiens ceci : au temps où la morale s'inspirait de la seule religion, il était admis que le prêtre eût seul qualité pour en juger; de notre temps, chacun se fait sa morale selon que le lui inspire sa conscience; mais, quand il faut trouver quelqu'un qui soit. par sa fonction sociale, une sorte de personnification toujours sauvegardée, quelque chose comme un dernier refuge, auquel aboutissent le respect et l'estime de tous, c'est le médecin qui est ce quelqu'un; c'est lui qui personnifie ce dernier refuge. Cela résulte, non pas de sa valeur personnelle, mais bien de sa fonction professionnelle dans la société.
Eh bien ! permettez-moi de vous le dire, chaque fois qu'il m'a été donné d'être en relations avec des confrères belges, j'ai été frappe de la façon délicate dont ils comprennent cette dignité et cette responsabilité de notre profession. J'ai été frappé de leur sollicitude éclairée, de la sagesse de leurs préoccupations, de la sagacité, de la circonspection, de la mesure qu'ils apportent, lorsqu'il faut prendre une décision délicate ou difficile. On sent, on voit, on touche du doigt combien les médecins belges se sentent parfois dépositaires d'une portion des intérêts des familles.
Et (pourquoi ne pas le dire?) il m'est arrivé de me souvenir de ces procédés consciencieux et de venir en Belgique prendre exemple et conseil auprès de confrères aussi dignes de respect et d'estime.
C'est pourquoi, je le répète, j'ai été si surpris, comme bien d'autres d'ailleurs, d'entendre dire ici, à propos de l'hypnotisme, que les médecins n'ont pas à connaître ce qui regarde la morale
Tout à l'heure, j'entendais M. Kuborn rappeler que la perte du libre arbitre se rencontre souvent dans la vie, et il ajoutait qu'il n'est pas .besoin d'avoir recours à des manœuvres hypnotiques pour voir diminuer le libre arbitre, soit d'une assemblée, soit d'une personne isolée.
Mais, qu'il me permette de le faire remarquer: là n'est pas la question. La véritable question est de savoir si, par l'hypnotisme, on peut atteindre la volonté, si on peut la diminuer plus que par tout autre moyen; il faut surtout savoir si l'on peut vraiment supprimer le libre arbitre par les manœuvres hypnotiques.
Or, il est remarquable que, sur ce point, il ne s'élève aucune contestation : les adversaires et les partisans des séances publiques d'hypnotisme sont tous d'accord sur cette question. Et, chose plus remarquable encore, ceux-là qui vivent de la publicité des séances d'hypnotisme se font un plaisir et un succès de multiplier, d'accumuler les faits, qui démontrent jusqu'à la dernière évidence combien le libre arbitre est complètement annihilé, atrocement perdu; Us prouvent, de la façon la
plus convaincante, à quelles redoutables conséquences peu: aboutir cette ruine épouvantable, qu'ils ont eux-mêmes déterminée, aux dépens de la responsabilité humaine.
Par conséquent, ce qui fait notre valeur individuelle subit, par le fait des manœuvres hypnotiques, une attaque si profonde, que tout homme qui a le moindre souci de sa dignité, que tout homme qui se sent une part de responsabilité morale, doit nécessairement s'en émouvoir.
M. Kuborn disait aussi qu'il n'y avait guère d'accidents, qu'il n'y avait surtout pas de mort attribuable à l'hypnotisme.
Si j'ai bien compris, mon honorable contradicteur est d'avis qu'il n'y a pas lieu de se préoccuper beaucoup des dangers signalés sous ce rapport, — parce que les faits ne sont pas nombreux, — parce que les faits manquent, surtout en Belgique.
Je ne puis ni ne veux revenir sur les faits si bien présentés dans le remarquable rapport de M. le professeur Masoin. Il est cependant quelques autres faits qui ont eu un certain retentissement. Je citerai un jugement du tribunal de Douai, rapporté par M. Gilles de la Tourette. Ce jugement insiste sur les faits de convulsions, de loquacité et de demi-sommeil, qui ont persisté et qui ont empêché le sujet de se livrer à ses occupations ordinaires pendant un certain temps. Le tribunal a attribué ces faits à l'hypnotisme, et il a condamné le magnétiseur qui avait provoqué cet état par ses manœuvres. La certitude du fait est donc établie ; la responsabilité est démontrée, et la culpabilité est appuyée par la sanction du tribunal.
Les faits de ce genre ne sont certes pas rares dans le remarquable rapport qui sert de base à la discussion actuelle. On en trouve encore d'autres, dans le livre auquel j'ai emprunté le fait précédent.
M. de C..., ancien militaire, faisait des expériences de magnétisme sur sa fille. Il observa d'abord quelques mouvements convulsifs. Bientôt Mlle de C... eut des convulsions très violentes ; et le père, ignorant la manière de les calmer, ne fit plus que les augmenter. Il fut forcé d'abandonner sa fille dans cet état et elle passa la nuit suivante dans des convulsions continuelles. Cet état se prolongea pendant huit jours. Ce fait n'est pas contesté et il démontre que, si ce monsieur avait été plus circonspect, il se serait bien gardé de faire fonction de médecin.
Il est inutile de supputer combien de faits analogues sont demeurés inconnus; car enfin, les auteurs et les victimes de ce genre n'ont pas lieu de s'en prévaloir.
On connaît bien des cas de congestion cérébrale, bien des cas de convulsions, bien des cas de propensions au sommeil, ou de sommeil prolongé, et les médecins eux-mêmes n'arrivent pas toujours à y porter remède.
Il y a deux ou trois ans, une mésaventure de ce genre a été signalée à Lille ; mais je ne veux pas insister sur ce fait.
Actuellement, on semble d'accord pour dire que l'hystérie est la plaie de notre époque. M. Kuborn l'a fort judicieusement rappelé tantôt.
Il semble que l'hypnotisme n'en soit pas trop responsable, puisque l'hystcrie était déjà très répandue avant la réapparition du magnétisme sous sa forme actuelle de neurhypnotisme. Cependant, M. le professeur Lombroso, MM. les docteurs Bozzolo et Silva ont signalé l'aggravation de toutes sortes de maladies nerveuses, chez des sujets qui avaient été soumis aux manœuvres hypnotiques dans des séances publiques, ou bien chez des personnes qui avaient été simples témoins de ces exhibitions théâtrales. Les faits ne sont d'ailleurs pas rares pour établir la responsabilité de l'hypnotisme a propos d'hystérie.
M. le professeur Charles Richet a rapporté, dans la Revue philosophique de 1880, le fait d'une femme qu'il endormait à l'hôpital Beaujon et qui est demeurée « extrêmement hystérique ».
Il cite, sans le nommer, un de ses amis, M. le docteur H..., qui a fait une observation tout à fait analogue : « une femme, point du tout hystérique, qu'il endormait souvent avec une extrême facilité, finit par » présenter tous les symptômes d'une hystérie nettement accusée. »
Il y a bien d'autres faits analogues. On pourrait y joindre les trois enfants dont l'histoire est rapportée dans une des récentes leçons de M. le professeur Charcot. Il est vrai que c'était le spiritisme, et non l'hypnotisme, qui avait été l'agent provocateur de l'hystérie chez ces trois enfants. Mais, dans l'esprit du célèbre maître de l'école de la Salpêtriére. les pratiques de spiritisme confinent de si près aux manœuvres hypnotiques, qu'il n'y a pas lieu de les différencier dans la circonstance.
D'ailleurs, il n'y a pas lieu d'insister sur ce détail.
Le fait qui importe et qui n'est pas niable, c'est que des sujets prédisposés à l'hystérie ont eu leur première manifestation à la suite des manœuvres d'hypnotisme. Ces personnes n'avaient pas été malades jusque-là ; elles ne le seraient peut-être pas devenues avant longtemps ; elles auraient pu avoir la bonne fortune d'éviter l'apparition de cette névrose déplorable, qui est vraiment la plaie de notre époque... et c'est l'hypnotisme, l'hypnotisme seul, qui est responsable d'en avoir déterminé l'explosion... Or, je ne voudrais pas avoir sur la conscience — et j'opine que personne ne peut, de gaîté de cœur, en encourir la responsabilité, — d'être la cause occasionnelle, la cause déterminante d'une maladie aussi déplorable que l'hystérie.
Ce n'est pas tout. M. le professeur Azam a signalé un cas dans lequel les manœuvres hypnotiques ont produit, non plus seulement de l'hystérie, mais une épilepsie avérée.
Or, si je porte à la tribune de l'Académie cette grave responsabilité à la charge de l'hypnotisme, c'est parce que je suis profondément pénétré de l'importance de notre fonction médicale. Et, s'il n'est plus de notre temps de prêter le serment d'Hippocrate, il est dans les traditions pro-
fessionnelles de dévoiler les faits de ce genre; c'est presque une œuvre de salut public de leur donner un plus grand retentissement.
Il impone de le bien faire connaître, les magnétiseurs de profession ont une responsabilité qui a été bien établie par M. le professeur Lombroso, de Turin, dans une lettre adressée à M. le docteur Gilles de la Tourette. C'est bien ce magnétiseur auquel je faisais allusion tantôt et qui n'honore pas beaucoup son pays; c'est bien lui qui est chargé de la responsabilité des maladies dont il a été l'agent provocateur. Je n'insiste pas sur un ancien hystérique et un ancien somnambule, qui sont redevenus malades après deux séances d'hypnotisation. Je n'insiste pas davantage sur ces deux étudiants en mathématiques qui s'hypnotisaient spontanément en regardant leurs compas; sur ce malheureux officier d'artillerie qui est devenu presque fou et qui a failli se faire écraser par une voiture dont les lanternes étaient allumées. Ce sont des faits suffisamment connus.
On cite une pauvre jeune femme devenue presque imbécile après avoir été trois nuits sans sommeil.
J'ai connu personnellement plusieurs étudiants vraiment distingués qui ont perdu, pendant plusieurs semaines et même pendant plusieurs mois, leur aptitude si remarquable au travail d'esprit. Ils avaient une étrange diminution de la mémoire, une singulière hésitation au moment de se déterminer; il est manifeste que, pour eux, les manœuvres hypnotiques auxquelles ils se sont naïvement soumis, ont déplorablement entravé les progrès de leurs études.
L'un d'eux avait été ainsi victime de l'imprudence d'un magnétiseur italien; il était très amélioré, presque guéri de cette grave diminution de valeur psychique, lorsqu'il eut la maladresse de se prêter, une première fois, aux séances publiques du magnétiseur si judicieusement incriminé par MM. Lombroso, Gilles de la Tourettc et par tant d'autres. Il vint me demander conseil, parce qu'il se sentait entraîné à se prêter aux séances ultérieures et parce qu'il redoutait, fort à raison, les conséquences inévitables dont il commençait a être atteint. Je fus assez heureux, dans ce cas particulier; mais combien d'autres se sont trouvés dans un état de subordination plus complète et n'avaient même plus le sentiment nécessaire pour demander conseil, pour chercher une garantie contre les déplorables effets de cet état de subordination !
Voici un autre fait relaté par M. Pitres: « Un jeune employé de chemin » de fer était un des sujets ordinaires à l'aide desquels Donato faisait » dernièrement, a Bordeaux, des séances publiques d'hypnotisme. Depuis » cette époque, le sujet a des crises de sommeil spontané, pendant les-» quelles il accomplit des actes inconscients qui ne sont pas sans danger » pour lui et pour les personnes de son entourage. Dans une de ces » crises, il a tenté de se suicider, et, pour celte raison, on le conduisit » à l'hôpital. » M. Pitres s'est efforcé de ramener le calme dans ce cerveau malade. Mais il n'y était pas encore parvenu, au moment où le fait était
publié par le Journal de médecine Je Bordeaux, par l' Union médicale de Paris du 2 juillet 1887 et par la Revue médicale de Toulouse du 15 du même mois.
J'ai sous les yeux d'autres documents encore; mais je ne veux pas abuser de la bienveillante attention de l'Académie.
Voici cependant un autre fait observé par M. le docteur Charpignon; il date d'assez loin (1848) ei il n'a jamais été contesté. Il s'agit d'une jeune fille « qui était devenue somnambule par la magnétisation d'un grand » amateur de magnétisme. On fit pendant longtemps beaucoup d'expé-
» riences; puis... on cessa. Cette fille, jeune, était très nerveuse, un peu
» hystérique, souvent souffrante. Elle avait grande confiance dans le » magnétisme et éprouva de la contrariété quand on cessa de la som-» nambuliser.
» Quelques mois après, elle se réveilla dans sa cuisine; une autre » fois, à la fenêtre. Enfin, ce somnambulisme spontané se montra si » souvent et à toutes les heures, que la maitresse congédia sa domestique » pour qu'elle allat se faire soigner chez elle.
» Cette fille vint consulter M. Charpignon; elle lut raconta « que
» ces sommeils existaient, parce que ce monsieur la magnétisait de » loin... » M. Charpignon fit de son mieux pour y pourvoir.
» Cette fille « s'en alla à son village, où elle passa pour une pytho-» Disse... »
» En vain la personne qui l'avait autrefois magnétisée revint-elle plu-» sieurs fois pour tâcher de régulariser ces crises spontanées ; elle n'en » put venir à bout et l'abandonna.
» Cet état dura plus de six mois, pendant lesquels la jeune fille restait » sans occupation, puisque, dans la journée comme dans la nuit, elle
» entrait en somnambulisme. Elle eut plusieurs entretiens avec le curé
» de son village, qui chercha a remettre cet esprit, qui se dérangeait, » évidemment, aux yeux d'un observateur attentif. Dans un de ces som-» nambulismes, elle lui dit qu'elle irait se jeter a la Loire et que per-» sonne ne pouvait l'en empêcher.
» Deux mois peut-être après, des paysans rencontrèrent cette infor-» tunée et lui demandèrent où elle allait: « Je vais me noyer, » répondit-
» elle. Cette parole leur sembla une plaisanterie, et ils la laissèrent a aller. Mais elle avait dit vrai, et on repêcha son cadavre quelques jours
» après. »
Voilà donc un fait de suicide qui me parait indéniable et qui est bien à la charge de l'hypnotisme.
11 semblerait que ceux qui manient le magnétisme soient plus a l'abri d'accidents que d'autres. Eh bien ! c'est une erreur qu'il ne faux pas laisser accréditer.
J'en trouve la preuve dans un livre écrit par M. Cavailhon :
« Un magnétiseur produit sur M. H..., frère d'un médecin..., une telle
» tension des muscles, que ceux-ci sont devenus durs et rigides comme
» du fer; alors le magnétiseur ayant appuyé la tête et les pieds de » M. H... sur les extrémités de deux chaises écartées, il s'est assis sur le » milieu du corps magnétisé, et ce corps n'a pas ployé, si peu que ce » soit, sous le fardeau. Nous devons cependant appeler l'attention sur » un point important, à savoir que de pareilles expériences exigent une » grande circonspection. En effet, on risque de suspendre la plus impor-» tante des fonctions vitales; la contraction des muscles respiratoires » peut en résulter, et, faute de respiration, l'on peut provoquer la
» mort. »
Je vous prie de remarquer que je conserve les expressions de l'auteur. Elles ne sont pas techniques, mais elles expriment un fait vrai. Ces dangers de l'hypnotisme existent: M. Cavailhon reconnaît qu'ils peuvent porter sur la fonction respiratoire, alors même que c'est un magnétiseur qui manie l'hypnotisme.
Les dangers de l'hypnotisme ne sont donc pas imaginaires. Personne n'est à l'abri. Les médecins eux-mêmes n'en sont pas exempts.
Nous n'avons pas d'intérêt à cacher la vérité sur ce point, et le rapport si remarquable de M. le professeur Masoin rappelle, fort à propos, la situation de ce médecin qui soignait une femme séparée de son mari. Cette femme faisait à son médecin des aveux d'amour, pendant des crises répétées de somnambulisme. Elle n'aurait jamais osé pareille chose dans l'état de veille... ; un jour, cette femme s'est trouvée enceinte et le médecin a dû quitter le pays... C'est évidemment un malheur déplorable.
Eh bien ! si ceux qui appartiennent à notre noble profession sont exposés à des malheurs pareils, s'ils se heurtent à tant de difficultés, que doit-il en être de ceux qui. sans avoir la sollicitude, la prudence et les ressources de la médecine, assument une si lourde responsabilité et provoquent eux-mêmes ce sommeil si compromettant ?
Quand je vois que c'est pour défendre la liberté des magnétiseurs ambulants que nous hésitons à demander une mesure destinée à la protection de la santé publique, — quand je compare ceux qui bénéficient de la publicité des séances d'hypnotisme d'une part, et les malheureux qui en deviennent les victimes, d'autre part, — je me sens profondément ému et il m'est impossible de garder le silence.
En France, on a été vivement frappé de cette situation : « Le vrai, le » seul danger, et il est très sérieux, c'est d'asservir le sujet à l'expéri-» mentateur, de façon qu'une fois le pli pris, l'hypnotisé se trouve sous la » dépendance absolue de l'hypnotiseur. » Ce mot est de M. le professeur Beaunis ; il est remarquablement dit et il traduit, avec le mérite de l'exactitude la plus heureuse, ce qui est de notoriété vulgaire. Remarquez qu'à ce point de vue, l'opinion est générale, aussi bien à Paris qu'à Nancy.
Tous, nous sommes émus de cette atteinte profonde portée à la liberté. Cette atteinte est grave ; elle est redoutable, parce qu'elle est
progressive ; elle est de plus en plus complete à mesure que se renouvellent, . mesure que se multiplient les manœuvres d'hypnotisme.
Cet attentat à la liberté, voilà le vrai danger. Eh bien ! la meilleure manière de défendre la liberté, c'est de s'opposer aux entreprises des hommes coupables qui n'hésitent pas à se faire un jeu, une gloire, un bénéfice de priver les au;res de leur part de liberté.
Et, si l'on ne peut pas corriger toutes les erreurs, il faut du moins faire tout le possible pour les restreindre, il faut les circonscrire, les diminuer, les arrêter.
M. Kuborn a émis la pensée que les séances publiques d'hypnotisme permettent aux sujets prédisposés de s'éclairer,—c'est, si je ne me trompe, le mot dont il s'est servi ; qu'ils aillent assister aux séances publiques d'hypnotisme, et ils sauront comment ils doivent se prémunir contre les dangers du sommeil provoqué.
Sur ce point, je me sépare absolument de l'honorable préopinant; j'ai le regret de penser, au contraire, que ces sujets prédisposés ont particulièrement besoin d'être protégés. La plupart sont juvéniles; d'autres sont du sexe faible; quand il s'agit d'adultes, on leur trouve quelque tare, qui diminue l'équilibre ou la résistance du système nerveux.
Ces sujets prédisposés sont malheureusement les plus susceptibles : il suffit de peu pour troubler, pour déséquilibrer, pour désorienter leur système nerveux. Pour eux surtour, tout ce qui diminue la responsabilité, tout ce qui atteint le libre arbitre, tout ce qui trouble la possession de soi-même, tout ce qui touche le sui compos, tout cela constitue un immense danger.
Je suis d'avis que la perte de la liberté est d'une très haute gravité; on ne peut même la comparer qu'à cette funeste maladie qui est l'aliénation mentale. Nous ne pouvons que plaindre profondément ceux qui ont eu le malheur de perdre une partie importante de leur valeur psychique. Mais nous ne pouvons nous borner à les plaindre; et il n'est pas nécessaire d'être aliénîste pour revendiquer une part importante, qui appartient, par la force des choses, à notre profession médicale.
C'est à la médecine, en effet, qu'il appartient de guérir l'aliénation mentale;— il lui appartient de l'atténuer, quand elle ne peut pas la guérir: — il lui incombe surtout le devoir formel de l'empêcher, de la prévenir par tous les moyens possibles. —Il nous appartient vraiment de sauvegarder la liberté d'esprit de notre prochain, autant que notre propre liberté. Il ne nous est donc pas permis de nous désintéresser d'une question de cette importance.
Les médecins ont le droit et le devoir d'élever la voix en pareille matière; et, aussi longtemps que les défenseurs de l'hypnotisme n'auront pas prouvé que le libre arbitre est aussi intact après qu'avant les séances d'hypnotisme, nous devrons demander qu'on fasse disparaître, ou, tout au moins, qu'on diminue les dangers qu'elles présentent.
On dît bien que la suppression des séances publiques d'hypnotisme n'empêchera pas les dangers actuels de se produire encore dans l'avenir. Sans doute, il y aura encore des dangers, mais la question est la même pour l'hypnotisme que pour les poisons. II s'en trouve dans le monde entier, mais tous les peuples civilises ont pris des mesures inspirées par la prudence la plus élémentaire : les substances toxiques sont placées en des mains dignes de confiance; elles sont retenues dans l'officine des pharmaciens ; elles sont maintenues sous clef: enfin, la loi multiplie les garanties pour diminuer les dangers que comporte le maniement des poisons...et la loi a raison. Cependant nous avons des contre-poisons ; tandis que cet autre danger, qui est à la disposition de tous et qui est dénoncé sous le nom d'hypnotisme, celui-là n'a pas encore son contrepoison !
Oui, certainement, les dangers de l'hypnotisme sont d'autant plus grands, qu'on donne une publicité plus étendue à ce renouveau du magnétisme animal.— d'autant plus qu'on le fait pénétrer inconsidérément au sein des familles et dans des réunions où se trouvent des jeunes gens, des adolescents et même des enfants.
C'est pourquoi l'Académie Royale de médecine de Belgique fera une œuvre sage et salutaire, à mon avis, — et bon nombre de mes compatriotes partagent ma manière de voir, — en demandant aux pouvoirs publics d'interdire toutes les séances publiques d'hypnotisme.
En empêchant les séances publiques, on diminuera, par cela même, les séances privées ; on endiguera ce flot qui déborde, on arrêtera les dangers qui se multiplient.
Cependant je ne veux pas désobliger ceux qui sont de l'avis de M. Kuborn ; je ne veux même pas incriminer ceux qui font de l'hypnotisme une sorte d'exploitation en règle. C'est pourquoi je termine par ce mot d'espérance, rempli de sagesse et de mesure; il appartient au baron J. Cloquet : « Le magnétisme animal, comme pratique, ne pour-» rait avoir que peu d'inconvénients et que des avantages réels pour » l'humanité, si ceux qui s'en occupent étaient des Fénelons, des saints » Vincent de Paul... » j'ajoute : « et des médecins ! »
L'HYPNOTISME EN FACE DE L'EGLISE
Par M. Paul. COPIN
I
La condamnation de l'hypnotisme contenue dans la récente lettre pastorale de l'évêque de Madrid-Alcala appelle naturellement l'attention sur l'attitude prise par l'Eglise vis-à-vis d'une science qui, bien qu'à peine naissante, fait trop parler d'elle pour que les autorités ecclésiastiques puissent feindre de l'ignorer.
La Revue de l'Hypnotisme, en relatant cette condamnation dans son dernier numéro, faisait remarquer que les évêques de France s'étaient montrés plus libéraux que l'évêque de Madrid. Elle rappelait en outre qu'en 1846, Lacordaire, dans la chaire de Notre-Dame, faisait acte d'adhésion au magnétisme et que depuis, la cour de Rome, après avoir condamné les abus du magnétisme, déclarait dans ces derniers temps que l'étude de l'hypnotisme importait non seulement à la science, mais encore à la foi.
Il nous a paru qu'après avoir noté ces différentes appréciations, il serait intéressant d'étudier les motifs qui, dominant forcément le Jugement de l'Eglise, étaient susceptibles de le mettre en opposition avec les données rationnelles.
Ces motifs, nous les trouvons développés dans un ouvrage publié, il y a quelques mois, par un écrivain qui fait autorité dans le monde catholique : Le Miracle et ses contrefaçons, par le P. de Bonniot.
N'eussent été ses dimensions rébarbatives, — plus de 400 pages in-S*. et son titre peu scientifique, nous eussions même été entraîné à nous occuper plus tôt d'une étude qui porte en certains points sur l'hypnotisme et qui, destinée par son auteur a entretenir la légitime défiance du public contre les faux miracles, nous parait d'ailleurs également propre à augmenter celle qu'il nourrit, non moins justement, contre les vrais. Le but du P. de Bonniot, en publiant cet ouvrage, se trouve exposé dans les lignes suivantes que j'emprunte a sa préface :
» Nous rechercherons quelle est la nature du miracle ; si les incrédules ont la moindre raison de le reléguer dans le domaine des chimères, et s'il est vraiment difficile de le reconnaître au milieu des événements naturels. Ce dernier point nous obligera d'aborder une question qu'on a l'habitude aujourd'hui d'écarter comme méprisable et définitivement jugée ; nous voulons parler de l'ingérence du démon dans nos affaires. Avec une habileté bien digne de lui, ce triste personnage tourne autant que possible a son avantage le ridicule dont le triomphe du christianisme l'a couvert; il en use comme d'un voile pour dissimuler ses manœuvres et pour faire servir à ses fins ceux-là même qui le relèguent dans les mondes imaginaires. Nous soulèverons ce voile et nous essaierons de nous rendre compte du rôle qui lui est attribué : la chose n'a rien de plaisant, elle est de la dernière importance. »
Ce programme se trouve développé dans deux parties bien distinctes dont l'une est consacrée à l'étude doctrinale. Elle conclut à la possibilité du miracle.
La seconde partie comprend l'application de la doctrine aux faits.
D'après le P. de Bonniot, le catholicisme aurait le monopole des miracles; mais le diable, jaloux de cette prérogative, susciterait continuellement des contrefacteurs dont il est important de se défier. C'est pourquoi l'écrivain catholique consacre un chapitre à ceux qui ont ac-
quis le plus de renommée dans le passé ou qui séduisent encore actuellement les imaginations trop crédules.
Les miracles de Bouddha, d'Esculape et de Sérapis, d'Apollonius de Tyanc. des hérétiques, des magnétiseurs et des spirites, des hypnotiseurs, voire même des hystériques, sont successivement passés en revue.
Enfin, dans un dernier chapitre, le P. de Bonniot dévoile les procédés des démons aux premiers siècles de l'Eglise, et il établit le plus péremptoirement qu'il lui est possible, que ces démons et les dieux du paganisme étaient des personnages identiques.
J'ai lu, — et il y a quelque courage à cela, — les 400 pages dans lesquelles sont traitées ces scientifiques questions. Tout en me défendant de vouloir être désagréable de parti pris pour un écrivain qui use pourtant volontiers de la polémique injurieuse, je dois avouer que si je croyais au niable, je serais convaincu qu'il a collaboré malicieusement avec le P. de Bonniot pour empêcher la vérité de se manifester. Il me parait, en effet, que malgré les efforts très consciencieux de l'auteur, — peut-être même en raison de ces efforts, — la vérité, telle qu'il la comprend, est bien loin d'être éclairée par sa discussion.
Naturellement, je n'ai pas l'intention de parler ici de Bouddha, que je considère comme une figure trop remarquable pour vouloir l'étudier à travers un de ses ennemis-nés.
D'autre part, je n'ai rien à faire avec Esculape et Sérapis, non plus qu'avec Apollonius de Tyanc. Ces antiques contrefacteurs, dont il ne reste que le souvenir, ont en effet depuis longtemps cessé d'être dangereux et par là même intéressants.
Les faux miracles des magnétiseurs et des spirites pourraient au contraire arrêter l'attention, si les pages qui leur sont consacrées par le P. de Bonniot étaient autre chose que la reproduction de certains ouvrages écrits au commencement de ce siècle par des abbés dont les noms sont demeurés très obscurs et qui, les uns après les autres, se sont répétés alors, comme le P. de Bonniot les répète aujourd'hui.
La question vraiment intéressante pour les lecteurs de la Revue de l'Hypnotisme est celle des miracles de l'hypnotisme, et c'est précisément la seule partie de son œuvre que le P. de Bonniot ait traitée avec quelque esprit scientifique. Savoir ce qu'en définitive il y a de commun entre l'enfer et l'hypnotisme et nous rendre compte de la nature du pacte intervenu entre les docteurs Charcot, Dumont pallier, Voisin et tant d'autres à qui l'on supposait une complète indépendance, voilà ce qui, pour nous, est particulièrement curieux.
II
Mais avant d'arriver à ce point spécial, nous sommes obligé de suivre un instant le P. de Bonniot dans son exposé de principes. Il est indispensable en effet, pour décider si les phénomènes hypnotiques
sont, ou non, des contrefaçons de miracles, qu'en nous dise d'abord ce que c'est qu'un miracle.
Ce que c'est qu'un miracle, d'après le P. de Bonniot, le voici : « Nous nous croyons autorisé, écrit-il en soulignant les mots, à définir le miracle une manifestation de Dieu par une œuvre sensible que nul agent crée ne peut produire. »
C'est sur cette définition boiteuse que le champion du miracle a fait reposer l'édifice de ses 400 pages et ce serait chose facile, bien que fatigante, de rétorquer l'une après l'autre les très nombreuses inconséquences qu'entraîne tout naturellement un point de départ aussi insuffisant.
Mais j'estime qu'entreprendre une réfutation de détail serait, avant tout, me montrer trop prodigue du temps de mes lecteurs. A quoi bon, d'ailleurs ? Pour supprimer l'ombre d'un arbre, il n'est pas nécessaire d'en arracher les feuilles une à une; il suffit de quelques coups de hache appliqués à la base. Il n'est pas besoin non plus d'effeuiller de ses arguments le livre du P. de Bonniot, ni d'opposer un in-8 à son in-8. Il suffit de s'attaquer à la définition sur laquelle tout son travail est appuyé. Celle-ci renversée, tout ce qu'elle supporte ne tient plus.
Or. qui ne voit que la définition du P. de Bonniot ne définit rien ?
« Une manifestation de Dieu par une œuvre sensible que nul agent créé ne peut produire ! » C'est bientôt dit. Mais aux termes mêmes de la définition, avant de décider s'il y a manifestation de Dieu, il est nécessaire d'établir que l'œuvre sensible dont il s'agit n'a pu être produite par un c agent créé », autrement dit, par un agent naturel.
Or, cette constatation, qui la fera ? Est-ce que le P. de Bonniot connaît tous les agents naturels ? Est-ce qu'il a mesuré l'étendue de leurs forces ainsi que les modifications dont elles sont susceptibles? Evidemment non ! Dés lors, comment osera-t-il affirmer que tel ou tel phénomène peut, ou non, être produit par des « agents créés » qu'il ignore ?
S'en rapportera-t-il à la science?
Mais la science est la première à nous défendre de nous prononcer en pareille matière. Elle nous dit que l'humanité n'est encore qu'à l'aurore de l'évolution scientifique et que les forces de la nature nous sont inconnues. Elle se rend compte que des agents naturels existent, dont nous n'avons pas même l'idée. La science sait, par exemple, qu'avant que cette force spéciale que nous appelons électricité fût suffisamment caractérisée par l'observation répétée de ses effets, elle n'en existait pas moins ; qu'elle agissait, indépendamment de notre ignorance ; quelle était la cause de phénomènes qui, d'ailleurs, étaient attribués à tort j une intervention surnaturelle. La science infère de là que certains autres phénomènes, légalement surnaturels en apparence, peuvent fort bien avoir pour cause un agent naturel dont l'existence se manifestera plus tard ; qu'il doit même en être ainsi, attendu que, jusqu'ici, tout phénomène suffisamment étudié est apparu comme procédant d'une loi
générale. La science sait encore que, même parmi les agents dont s'occupe actuellement la physique, il est une foule de caractères, de rapports, de modifications, d'actions et de réactions qui nous échappent; elle sait que chaque jour nous apprend quelque chose que nous ignorions la veille, que chaque matin éclaire une erreur de la nuit; elle sait que se prononcer sur un cas incertain, c'est faire preuve de légèreté : qu'affirmer en l'absence de preuves, c'est mentir... Ah ! non, certes! ce n'est pas la science qui déclarera que tel ou tel phénomène, compliqué de détails contestés, entouré de circonstances obscures, ne saurait avoir pour cause un agent naturel. Elle craindrait trop que l'heure qui suivrait celle d'un pareil jugement ne l'obligeât à se dédire. En face d'une telle interrogation, la science se taira. Pour parler, elle attendra de savoir.
D'ailleurs, ce n'est pas à la science que le P. de Bonniot demandera de prononcer sur les rapports des effets aux causes. Il a les savants en défiance. « L'esprit du savant qui n'est que savant, écrit-il. et du philosophe qui n'est que philosophe, est l'esprit le moins ouvert à la vérité. »
C'est à la foule qu'il aura recours.
Qu'un fait d'apparence miraculeuse vienne à se produire en présence d'une multitude, et. le P. de Bonniot n'en doute pas, tous les assistants éprouveront soudain le besoin d'adorer. L'n même mot sera prêt a jaillir de toutes les lèvres : « Dieu est là ! » Cette unanimité sera, d'après lui, une constatation suffisante du miracle.
Je signale ce criterium de certitude, adopté par un écrivain qui semble continuellement préoccupé de faire croire à ses lecteurs qu'il sait ce que c'est que la science.
La multitude, P. de Bonniot, voila votre oracle! Mais laquelle? celle de quel pays? celle de quelle époque ?
Allez dans les contrées encore inexplorées du centre de l'Afrique. Appuyez le doigt sur la détente d'une carabine chargée s poudre. A peine la détonation aura-t-elle retenti, que les naturels se rouleront à vos pieds, terrassés par une crainte religieuse. Une même pensée les saisira tous : « Dieu est la ! »
Est-ce l'autorité de cette multitude que vous reconnaissez et allez-vous proclamer que la détonation produite par quelques grammes de poudre est un miracle?
Non! Alors prenons la multitude qui peuplait notre France il y a quelques siècles; celle qui croyait aux revenants et qui, par contre, n'aurait jamais consenti à admettre comme faits naturels certaines expériences de suggestion hypnotique dont l'analyse vous est possible aujourd'hui ; celle à qui l'on n'eût jamais fait comprendre qu'un peu de vapeur d'eau fût capable de traîner des fardeaux prodigieux avec une vitesse de 80 kilomètres à l'heure; celle qui n'eût pas voulu croire que la pensée de l'homme pût être jetée, en une seconde, sous une forme tangible, d'un bout de l'univers à l'autre ; que sa parole pût être entendue a
des centaines de lieues; que la force développée par le courant des rivières américaines pût mettre en mouvement les moulins d'Europe; est-ce à cette multitude qui, devant tant de phénomènes prodigieux, n'eût poussé qu'un cri : « Dieu est là! » est-ce à elle que vous allez demander la fixation des limites des forces naturelles?
Et si vous reconnaissez l'insuffisance de ses connaissances, est-ce à la multitude d'aujourd'hui que vous vous en rapporterez? Mais la multitude d'aujourd'hui, par rapport a la science des générations qui nous suivront, est exactement dans la situation où se trouvent les générations antérieures par rapport à la nôtre.
Et vous-même, oui, vous-même, qui possédez sur les « agents créés » des notions infiniment plus précises que celles qui existaient ¡1 y a deux cents ans, n'écrivez-vous pas, au sujet de certains phénomènes, exactement le contraire de ce que vous eussiez écrit alors? Et d'autre part votre conscience ne vous dit-elle pas qu'en imposant aujourd'hui certaines limites à la puissance des agents naturels, vous ne feriez qu'aller au-devant des démentis multipliés que vous infligeraient les découvertes scientifiques, avant qu'un siècle seulement ait passé sur vos jugements ?
Vraiment, la raison s'irrite d'avoir à convaincre un homme de ce temps, un travailleur de la pensée, que la multitude n'a pas-qualité pour déterminer la puissance des actions et des réactions des forces naturelles.
Non, P. de Bonnïot, la multitude n'a rien à décider sur une pareille question! La science elle-même, qui, relativement à la somme de connaissances qu'elle aura accumulée dans quelques siècles, n'est aujourd'hui qu'une enfant ignorante, la science elle-même y est impuissante et vous ne pouvez douter qu'en cette matière, votre incapacité n'égale au moins la sienne.
L'auteur du Miracle et ses contrefaçons avait bien prévu l'objection qui lui est ici faite; on peut s'étonner qu'il n'en ait pas senti la portée. Un savant qui n'eût été que savant, se fût fait un devoir de s'en préoccuper.
Le P. de Bonniot, pour toute reponse, se contente de laisser tomber cette parole dédaigneuse : « La science enorgueillit, et l'orgueil aveugle ! »
Eh bien, soit! La science enorgueillit et l'orgueil aveugle! C'est entendu! Mais il ne s'agit pas ici d'une objection scientifique ni philosophique; c'est le simple bon sens qui parle.
« Soyez sans inquiétude, répond le P. de Bonniot, Dieu est moins embarrassé que vous. Il saura bien se manifester aux simples quand il le voudra, de manière qu'il n'y ait d'incertitude ni pour les simples ni pour les sages qui font encore usage de leur bon sens. »
Si c'est là le dernier argument du défenseur du miracle, ç'aurait dû être le seul. Car, dès lors que Dieu n'est pas embarrassé, ce
n'était vraiment pas la peine d'écrire un si gros volume pour le tirer d'embarras.
Quoi qu'en pense le P. de Bonniot, une objection est debout en face de la définition qu'il donne du miracle, objection qui se résume en ces termes: La puissance des agents naturels nous étant inconnue, il est impossible à qui que ce soit d'établir qu'un phénomène est ou n'est pas en dehors de l'action de ces agents et, par conséquent, qu'il est ou n'est pas ce que le P. de Bonniot appelle un miracle.
Je le répète, l'objection est debout. Or, une objection, c'est un obstacle que la raison ne saurait franchir sans cesser d'être la raison. Elle doit le renverser, ou rester au pied.
Tant que le P. de Bonniot n'aura pas fourni de réfutation, les 400 pages qu'il a rangées derrière sa définition ne passeront pas. Aux yeux de la raison, elles sont non avenues.
(A suivre.)
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ IMPÉRIALE DES MÉDECINS DE VIENNE
De l'hypnotisme.
M. Meynert fait une communication sur l'hypnotisme: l'orateur rappelle d'abord qu'une commission, nommée par l'Académie de médecine de Paris, a déclaré inexacte la prétendue action à distance des médicaments ; d'autre part, M. Grafft-Ebing (de Graz) est arrivé a des résultats identiques. M. Mey-nert n'est pas encore convaincu de la valeur curative de l'hypnotisme employé comme méthode thérapeutique.
L'orateur rapporte ensuite l'histoire de deux malades de son service.
L'une, institutrice, âgée de vingt ans, fut prise, après avoir passé ses examens, d'une maladie nerveuse. En mai 1886, elle eut un premier accès, qui se renouvela plusieurs fois dans l'année, sauf pendant les vacances. Le 13 janvier 1887, M. Meynert observa pour la première fois un de ces accès. La malade perdit tout d'un coup connaissance et fut prise de spasmes toni-ques de toute la musculature : le visage exprimait la terreur, les yeux et la bouche étaient largement ouverts, les extrémités supérieures étaient contrac-turées (le bras gauche en flexion, le bras droit en extension), la respiration était stertoreuse. Au bout d'une demi-heure, les yeux se fermèrent, les extrémités devinrent flasques et la malade tomba dans un songe agréable ; elle se croyait au milieu de ses élèves et paraissait être très contente. Dans cette période, on put observer l'excitabilité nervo-musculaire si bien décrite par Charcot. La durée totale de l'accès fut d'une heure et demie. Au bout de ce temps, la malade s'éveilla. Ces accès se répétèrent, en janvier 24 fois, en février 13, en mars 12, en avril 15 et en mai seulement deux fois. M. Mey-
nert croit avoir réussi à couper ces accès en employant, suivant la méthode Kahn (de Graz), des compresses chaudes appliquées pendant la période léthargique.
La seconde malade est une hystérique hypaotisable et suggestionnable. On produisait chez elle, à volonté, des paralysies psychiques, des hallucinations sensorielles, etc.
Quoi qu'il en soit de tous ces faits, M. Meynert pense qu'il faut les soumettre à une critique sévère ; qu'il faut chercher à les expliquer en s'appuyant sur les données actuelles de la physiologie et qu'il faut bien se garder d'admettre l'existence d'une force magnétique.
M. Winternitz ne partage pas l'opinion exprimée par M. Meynert. Il fait remarquer que l'application de l'hypnotisme a la thérapeutique a fourni déjà des résultats très remarquables et que M. Meynert a tort de ne pas admettre un tel essai. Il a vu chez Bernheim, à Nancy, et chez Forel, à Zurich, des faits qui justifient pleinement l'application de l'hypnose à la thérapeutique. 11 tait aussi remarquer que M. Bernheim a démontré qu'on pouvait hypnotiser des hommes sains aussi bien que des hystériques.
VARIÉTÉS
L'ASTUCE CHEZ L'ENFANT
Par le Dr Collineau
La droiture, en général, est l'apanage du jeune âge. Dans l'âpre conflit des intérêts, par contraste avec l'écœurante constatation de la duplicité des hommes, la contemplation de sa bonne foi naïve est un repos. Sa confiance sans mélange en autrui est pour l'entourage son plus sûr gage de sincérité. Dans sa curiosité native, dans son impatience de connaître, réside le mobile le plus certain de son irrésistible amour du vrai. La stricte justesse de ses raisonnements étonne. En maintes circonstances, l'inexpugnable radicalisme de ses visées comporte un enseignement.
Telle est la règle. Comme toute règle, celle-ci, hélas ! n'est pas sans souffrir exception. Moins réfléchi que sentimental, moins conscient de ses actes qu'instinctif, prime-sautier à la fois et ignorant, l'enfant cède volontiers au désir du moment qui l'aiguillonne, et, aveuglément, en suit l'impulsion. Surgit-il un obstacle ? Il le renverse ou le tourne, et lait, pour parvenir à ses fins, appel aux virtualités plus ou moins malsaines qui encore sommeillent dans les profondeurs de son entendement. La plupart du temps la violence le dessert... La juste mesure de son impuissance, voilà, en définitive, ce qu'il en tire, et ce qu'il en saurait tirer de mieux. Dès lors, sournoisement, il a recours à la ruse. Elle lui peut réussir; on ne se méfie pas. Si elle lui réussit, le mal est fait. Il a trouvé son arme. Précieusement il la cache; en silence il l'affile, prêt à
s'en servir en toute occasion. Malheur à qui l'opprime, a qui le trompe. Celui-là, à son tour, il le tourmentera, il le trompera. La retenue n'est point son fait; il n'observe guère que celle qu'on lui impose ; mais il a ses vouloirs personnels, ses aspirations. Plus durement il sentira qu'on le comprime, plus ardemment il s'ingéniera a réagir.
La culture si longue, si délicate, si complexe des sentiments moraux est encore, en ce qui le concerne, rudimentaire. En lui. l'équilibre moral n'est pas près d'être stable; un rien peut suffire a l'ébranler. L'instinct, en revanche, parle, et le langage qu'il tient est impérieux. C'est pour cela que la direction initiale de la jeunesse est, au premier chef, chose subtile et grave. C'est pour cela qu'au premier chef encore, il importe de couper court à certaines déviations de la ligne droite auxquelles, les circonstances aidant, les sujets les mieux doués sont enclins.
Ce n'est pas la rigueur, en pareil cas, qu'il faut prendre pour guide: c'est l'habileté. Mais l'habileté, ici, est au prix d'une science exacte, et des conceptions familières aux enfants en quête d'imposture, et des conditions psycho-physiologiques de genèse de ces conceptions. C'est à la faveur de cette science qu'on les pressent dons leurs écarts et les devine. C'est grâce à elle que, déjouant i temps la puérile conspiration qui s'ourdit, on décourage le ténébreux conspirateur; c'est ainsi qu'on étouffe des velléités naissantes de fourberie, et que l'on garde avantage et autorité.
En quoi, donc, consiste cette science? De quelles notions positives convient-il d'être pourvu pour n'être pas la dupe d'un écolier astucieux et impudent? — Voilà ce que nous nous proposons d'examiner. D'essence médicale, la question est assurément, aussi, de portée pédagogique.
Et d'abord, quand il a entrepris de biaiser avec les exigences ponctuelles de la discipline, d'assoupir, pour quelque espièglerie, la vigilance du surveillant, de se concilier, pour quelque faute, la mansuétude du maître; ou bien encore, tout simplement, d'appeler sur sa petite personne l'intérêt, c'est a la simulation d'un malaise quelconque, voire d'une maladie qualifiée, que l'écolier a recours. Ceci est un fait d'observation.
A s'en référer aux recherches des rares auteurs qui se sont préoccupes de la matière, les choses peuvent aller fort loin parfois. La liste de ces auteurs, disons-nous, n'est pas longue. Sans parler de Galien, d'Am— broise Paré, de Silvaticus, de Pigray, de Fodéré, d'Olivier d'Angers, de Gavin, ni de tant d'autres qui. tout en abordant le chapitre si curieux des maladies simulées, n'ont pas porté leur attention sur la simulation des maladies de la part de l'enfant; en ne faisant mention que pour mémoire des études de Ch. West, des Leçons cliniques d'Henoch sur les maladies de l'enfance, ainsi que des leçons professées au Val-de-Grâce sur les maladies simulées, par Boisseau (écrits où il est a peine consacré
passim quelques lignes au sujet), J. Simon (1), Bourdin (2), Fournet (3), Dally (4), Motet (5), en France; Abelin, Malmstcn, en Suide: Wiltmann, en Allemagne: James Pajet, en Angleterre, et plus spécialement encore Eross (6). à Budapest, sont ceux qui, par la relation de faits instructifs autant que variés, ont placé la question sur son véritable terrain. Tout récemment enfin. Dufesiel (7) vient de publier sur les maladies simulées chez les enfants, un mémoire plein d'intérêt. Les travaux des devanciers et les observations personnelles de l'auteur y servent de base à un classement méthodique. Nous y ferons plus d'un emprunt.
Force est bien avant tout de le reconnaître, l'histoire de la simulation dans l'enfance présente encore une regrettable lacune : l'indigence des statistiques. Et pourtant il n'est pas de médecin, parmi ceux, notamment, auxquels l'inspection des écoles et des lycées est confiée, qui n'ait eu occasion d'en relever des exemples frappants.
Des quelques documents que l'on possède, il résulte que l'âge de prédilection pour les machinations mensongères est celui de onze à quinze ans. C'est celui également où le désir, soudain, devient vif; tandis que, somnolent et insuffisamment sollicité, le sentiment de la dignité personnelle n'a pas cessé d'être, de même que le discernement, rudimentaire et obtus. Avant l'âge de quatre ans, l'éclosion de ces conceptions hypocrites semble ne jamais se rencontrer.
Plus que le petit garçon, la petite fille est portée par nature à en imposer et à feindre. Tout le monde est d'accord là-dessus. En précocité, en habileté, en audace, elle l'emporte sensiblement. Sur 14 cas de simulation rapportés par Eross, 2 seulement sont relatifs à des garçons; 12 le sont à des filles. Sur 79 cas recueillis par Dufestel, 49 concernent des filles; 3o concernent des garçons. C'est donc, entre les deux sexes, un écart d'un tiers environ que l'on aurait à enregistrer. Les conclusions de Dally, sur ce point, sont conformes à celles d'Eross.
Des enfants qui se laissent surprendre en flagrant délit de supercherie, les uns sont mus par un mobile fortuit, maïs nettement défini; les autres cèdent à une véritable fatalité maladive. Fatalité d'ordre hystérique, disons-le sans plus d'ambages. Entre ceux qui cherchent ù donner le change dans un but circonstanciel particulier et ceux dont, assujettie aux paroxysmes d'une névrose caractérisée, la volonté est enchaînée, il en est d'autres dont la constitution héréditairement nerveuse ne se trahit par rien d'anormal dans les actes, sauf la perversion psycho-cérébrale dont nous parlons : « Chez beaucoup de personnes qui n'ont jamais été
(1) J. Simon, Conférences cliniques sur les maladies des enfants.
(2) Bourdin, Les Enfants menteurs.
(3) Fournet, L'Éducation est une génération psychique.
(4) Dally, Le Mensonge chez les enfants. Discussion ouverte en 1882 a la Société médico-psychologique de Paris.
(5) Motet, Sur le faux témoignage des enfants.
(?) Eross. In Jahrbuch fur Kinderheilkunde, xxi. p.- 373(1884). .
(7) Dufestel., Des maladies simulées chez les enfants- Th. inaug. 1888, Paris.
hystériques, dit James Pajet (1), vous trouverez de la simulation nerveuse, » Entre les deux groupes extrêmes, c'est le groupe intermédiaire. Sans se targuer d'une rigueur scientifique absolue, on peut donc adopter jusqu'à plus ample informé la classification de Dufestel (a), et diviser les jeunes simulateurs en trois catégories. « La première se compose d'enfants dont tous les organes sont sains. Ceux-ci ne simulent en général que des choses insignifiantes, avec un but bien défini. Dans la deuxième se placent les enfants qui simulent des choses plus compliquées et y sont poussés, soit par leur instinct, soit par leur éducation première. Ces enfants sont mal équilibrés au point de vue mental. On constate le plus souvent chez eux une hérédité nerveuse plus ou moins manifeste. Dans la troisième catégorie se placent les simulateurs hystériques. »
Un mot sur chacun de ces groupes.
Qui n'a ses jours de paresse? En un de ces jours-là, la leçon à apprendre semble à l'écolier plus que jamais fastidieuse, le devoir à faire au-dessus de ses capacités. Il accuse la migraine. Une autre fois, c'est la promenade que sa fantaisie du moment lui fait trouver monotone à mourir. A s'y préparer, il préfère rester couché tout de son long sur un banc. Il évoque la colique. Celui-là est le type du simulateur maladroit. Point de préméditation, point de préambules. Ce qu'on lui ordonne lui répugne. Demain, il acceptera la tâche sans broncher. Aujourd'hui il n'a qu'une idée : s'y soustraire... sans trop savoir pourquoi... affaire de caprice, voilà tout. Il donne un prétexte, vraisemblable ou non, le premier venu. Cède-t-on ? Il ne songe même pas à persister dans la fraude. Il était très malade tout i l'heure, il est guéri maintenant. Ne pas faire ceci, ou ne pas faire cela, à une heure donnée aujourd'hui : c'est tout ce qu'il lui fallait. Tel est le simulateur banal du premier groupe. L'astuce n'est pas son fort: aisée à pénétrer, sa supercherie ne dure qu'un moment. La franchise de son naturel ne tarde guère à reprendre le dessus. Ce qui caractérise la simulation, chez lui, c'est, en tout état de cause, la fixité du mobile, et surtout son extemporanéité.
(A suivre.)
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
Le magnétisme devant les tribunaux.
Dans le courant du mois d'avril dernier, le tribunal correctionnel de Rennes ayant a juger un magnétiseur, a rendu un long jugement dont nous extrayons les considérants suivants, qui méritent d'être enregistrés :
« Attendu, en droit, qu'il n'appartient pas aux tribunaux de décider si le
(1) James pajet, Leçons de clinique chirurgicale. — Traduction de L. H. Petit, p. 246, Paris, 1887.
(2) Dufestel, loco citato, p.13.
magnétisme est une science réelle, capable de procurer un diagnostic et une thérapeutique sérieuse, ou s'il ne constitue que des scènes de charlatanisme aboutissant a des résultats chimériques et mensongers ;
» Mais qu'il suffit que des autorités médicales ou scientifiques attribuent au magnétisme une certaine efficacité curative ou divinatoire pour que le juge ne puisse à priori, en matière d'inculpation d'escroquerie, qualifier de manœuvres frauduleuses !e seul emploi des procédés magnétiques pour le diagnostic et le traitement des maladies ;
» Attendu que, au point de vue de l'application du magnétisme a l'art de guérir, la doctrine et la jurisprudence n'attribuent le caractère d'escroquerie qu'à des manœuvres mensongères, telles que passes magnétiques destinées à amener un sommeil fictif et simulé, ou encore la promesse d'une guérison infaillible appuyée sur des certificats falsifiés ou des procédé» chalatanesques ;
» Attendu, en d'autres termes, qu'il faut que le magnétiseur et le prétendu médium aient été de mauvaise foi, se soient bornés à jouer une comédie grossière, et qu'ils n'aient employé te magnétisme que comme un trompe-l'œil, une jonglerie destinée à exploiter la crédulité du public et à lui extorquer de l'argent;
» Que c'est dans ces conditions, mais dans ces conditions seulement, qu'il y aurait véritablement manœuvres frauduleuses, tendant à persuader l'existence d'un pouvoir imaginaire (celui de guérir certaines maladies) et à faire naître l'espérance d'un succès chimérique (la guérison de ces mêmes maladies);
« Attendu, en fait, que la femme Quentin, non munie d'un diplôme de médecin ou autres équivalents, tient a Rennes un cabinet de consultations; qu'au moyen du fluide magnétique et de l'imposition des mains elle endon David ; que ce dernier, ainsi endormi, dévoile à la femme Quentin la maladie dont le client est atteint et indique le traitement à lui taire suivre, traitement qui consiste exclusivement dans des frictions, des insufflations et l'imposition des mains ;
» Attendu qu'il s'agit donc bien, dans l'espèce, du magnétisme appliqué a l'an de guérir;
a Attendu que le fait de recourir au magnétisme pour la découverte ou le traitement des maladies constitue, à n'en pas douter, la contravention d'exercice illégal de la médecine, à moins que le magnétiseur ne soit pourvu d'un diplôme de médecin ;
» Attendu qu'il resson des déclarations mêmes de la femme Quentin qu'elle a eu recours au magnétisme pour soigner des malades et que, de plus, elle ne produit aucun diplôme;
» Qu'elle est donc coupable d'exercice illégal de la médecine; » Attendu qu'il n'en est pas de même au regard de David;
» Attendu, en effet, qu'en matière de contravention punie des peines de simple police, la complicité pénale n'existe pas;
» Attendu que le rôle de David s'est borné à prêter son concours à la femme Quentin, à se laisser endormir par elle et à lui transmettre, en qualité de médium, les suggestions qu'il recevait;
a Attendu que, si la complicité en pareille matière était punissable, il serait certainement complice; mais que la question est de savoir s'il peut être considéré comme co-auteur;
» Attendu qu'il a été allégué plus haut, et non contredit, que David était
réellement plongé dans le sommeil magnétique; qu'il devenait alors inerte et inconscient; qu'il dépouillait sa propre personnalité pour revêtir celle d'un autre ;
» Que, dans ces conditions, on ne saurait dire qu'il a joué un rôle actif; qu'il c'était qu'un instrument dans la main de la femme Quentin, et qu'ayant perdu pour un moment l'usage de la raison, il avait cessé d'être responsable au point de vue pénal;
» Que, sans doute, il était conscient au moment où il se soumettait aux passes magnétiques; mais que le diagnostic, fait constitutif de la contravention, n'a eu lieu qu'alors qu'il était devenu l'instrument passif dont il vient d'être parlé ;
» Qu'à aucun point de vue, David ne saurait donc être retenu dans les liens de la prévention;
» Attendu, en ce qui touche l'application de la peine, que le fait imputé à la femme Quentin est prévu et réprimé par les articles 35 et 36 de la loi du 25 ventôse an XI;
- » Attendu que l'amende édictée par cet article est une amende de simple police, mais qu'il doit y avoir autant d'amendes que de contraventions ;
» Or, attendu que la femme Quentin a donné des soins médicaux à sept personnes; qu'il y a donc lieu de lui infliger sept amendes séparées;
» Par ces motifs,
» Le Tribunal relaxe les deux prévenus de la prévention d'escroquerie qui leur est imputée:
» Relaxe également David de la contravention d'exercice illégal de la médecine ;
» Retient cette contravention au regard de la femme Quentin et condamne cette dernière en sept amendes de a francs chacune. »
Nous n'avons rien à dire en ce qui concerne l'application de la loi relative à l'exercice de la médecine. Mais nous avons le droit de nous étonner en entendant des magistrats parler de magnétisme, de médiums, en gens qui ignorent le premier mot des acquisitions scientifiques réalisées dans le domaine de l'hypnotisme. A l'heure actuelle, après les importants travaux publiés sur la question, il n'est plus permis à personne, aux magistrats moins qu'à tous autres, de mettre en doute l'existence des phénomènes de l'hypnotisme et de ne pas être au courant des graves applications médico-légales qui en découlent.
Le traitement de l'alcoolisme.
Au Congrès des neurologistes tenu récemment à Fribourg, M. le Dr Forel a fait une intéressante communication sur l'alcoolisme.
Notre collaborateur résume d'une façon très claire, dans les lignes suivantes, le rôle que peut jouer la suggestion dans le traitement de l'alcoolisme :
« Ce sont les sociétés d'abstinence totale de toute boisson alcoolique même de la bière et du cidre) qui ont à leur actif les plus beaux résultats dans le traitement de l'alcoolisme. La Société- suisse d'abstinence compte parmi ses 6.ooo membres plus de 1.ooo buveurs guéris. C'est donc par l'abstinence totale, jointe au soutien moral que ces Sociétés offrent à leurs mem-
bres. qu'on guérit le plus sûrement l'alcoolisme. La suppression rapide (non pas brusque) de l'alcool chez le buveur, même dans le cas de delirium tremens, n'a nullement les dangers qu'on a cru devoir lui attribuer. Je déshabitue généralement mes alcooliques en quatre ou cinq jours. Il suffit de bien les nourrir. Dans certains cas de délire alcoolique, j'emploie même, au besoin, pendant la crise, l'alimentation artificielle forcée au moyen de la sonde.
» La suggestion est un moyen auxiliaire très utile, parfois très puissant, qui sert à décider les buveurs à devenir abstinents, à entrer dans une Société, bref, a faire le premier pas qui leur coûte tant. Seul l'hypnotisme ne semble devoir réussir d'une façon durable que chez certains sujets très suggestibles-
» J'ai dressé un petit tableau qui comprend les alcooliques ainsi traités par moi à l'asile de Burgholzli depuis un an et demi.
» J'y ai ajouté deux cas de morphinomanie traités par la suggestion avec succès, c'est-à-dire où la suggestion a beaucoup aidé aux malades à supporter la privation de la morphine et à s'en déshabituer en un temps relativement très court (8 à 12 jours).
»Enfin,j'ai présenté un cas d'alcoolisme guéri et maintenu guéri par la suggestion seule.
» Dr A. Forel.,
» Professeur de psychiatrie à la Faculté de médecine de Zurich. »
BIBLIOGRAPHIE
Bibliographie de l'hypnotisme contemporain (Bibliographie des Mo-dernen Hypnotismus) par Max Dessoir. Berlin. 1888.
C'est avec le plus vif intérêt que nous avons parcouru cette intéressante publication qui vient combler une lacune dont se plaignaient à juste titre tous ceux qui s'occupent d'études hypnotiques. Dans une préface fort intéressante, l'auteur constate qu'il est bon a certains moments de jeter un regard en arrière pour mesurer le chemin parcouru et chercher la voie la plus sûre et la plus courte pour marcher en avant avec de nouvelles forces.
« La jeune science de l'hypnotisme se trouve a un de ces moments de son développement. Elle a essaye trois lois en vain, dans le cours des cent dernières années, de s'imposer à l'attention publique. Ni Mesmer et Puységur, ni Braid et Heidenhain, ni Czermack et Preyer n'ont pu lui aplanir complément la route. Ce sont les Français seulement qui réussirent enfin a conduire les recherches de telle façon que les faits se dégagèrent avec la force la plus convaincante et eux seuls ont créé un mouvement qui s'étend actuellement sur le monde entier. » C'est pourquoi, négligeant les travaux plus anciens, l'auteur consacre sa bibliographie à l'hypnotisme moderne, Cette bibliographie elle-même est divisée en chapitres qui facilitent singulièrement les recherches. L'auteur a pris soin de nous expliquer dans sa préface pourquoi il a suivi un ordre plutôt qu'un autre, et il nous apprend
que la raison qui l'a généralement guidé est : l'utilité. Nous sommes heureux de l'assurer qu il a atteint son but.
Après l'intéressante préface dont nous avons parlé, vient un catalogue de tons les périodiques ayant quelque rapport avec le sujet qui occupe l'auteur. Cette liste ne comprend pas moins de 211 titres de journaux ou revues paraissant dans tous les pays du monde, et est déjà une précieuse indication
pour le travailleur. Puis vient la biblographie proprement dite, divisée en : Généralités; II. Médecine; III. Magnétisme et Hypnotisme: ce dernier chapitre est subdivisé en : Métallothérapie et Métalloscopie, Sens magnétique. Transfert; IV. Physiologie ; V. Psychologie et Pédagogie ; VI. Droit et médecine légale ; VII. Action à distance (divisé en : Action a distance des hommes. Action à distance des médicaments): VIII. Mesmérisme moderne, comprenant une Bibliographie, les Précurseurs, l'Ecole actuelle, et enfin, IX. Divers.
Tout ce qui peut faciliter les recherches est réuni dans l'ouvrage de M. Max Dessoir: des titres courants, des renvois d'une section à l'autre, chaque fois que le titre cité peut se rapporter à deux sujets d'études ou rentrer dans deux classes différentes. En outre, une table spéciale, en dehors de celle des noms d'atueurs, comprend les grandes divisions suivantes, qui embrassent tous les travaux répandus dans les neuf chapitres dont nous avons donné la liste : Ecole de Nancy. — Ecole de Paris. — De la simulation. — De la suggestion. — Pratique de l'hypnotisme. — Théorie de l'hypnotisme. Enfin la dernière page contient une statistique que nous ne pouvons mieux faire que de reproduire intégralement ici, pour donner une idée de l'interêt qu offre le travail de M. Dessoir.
Statistique.
Dans la bibliographie, on a nommé : 801 ouvrages, 481 auteurs (sans compter 17 anonymes), 107 périodiques.
Le n° I (Généralités). comprend 101 ouvrages ;
» Il (Médecine), » 199 »
». I (Magnétisme), 36 »
» IV (Physiologie), » 62 »
» V (Psychologie, pédagogie). » . 85 »
» VI (Droit), » 43 »
» VII (Action à distance). » 81 »
» VIII (Mesmérisme), » 58 »
» IX (Divers). » 46 »
En ne tenant pas compte des traductions, les 801 numéros cités se répartissent ainsi :
En français. 473 ouvrages: anglais, 102; italien. 88; allemand. 69; danois, 22: espagnol, 16; russe, 13; hollandais. 6; suédois, 4; norvégien, 3; polonais, 2 ; hongrois, 2; portugais; 1 ; roumain, 1.
Enfin, ont paru en 1880, 14 ouvrages cités; 1881, 39; 1882, 39; 1883, 40; 1884. 78 : 1885, 71 ; 1886. 131 ; 1887,. 2o5 ; 1888 (janvier-avril), 71.
On a indiqué 14 thèses dont 13 appartiennent à la France et 1 a l'Allemagne.
Nous ne pouvons que féliciter M. Dessoir de cet ouvrage qui lui fait grand honneur, et souhaiter de voir paraître bientôt le livre qu'il prépare sous le titre d'« Histoire critique de l'hypnotisme moderne ».
Terminons en avertissant les auteurs, rédacteurs et éditeurs qui publient des œuvres intéressant l'hypnotisme, que M. Dessoir se propose de faire paraître à l'avenir un bulletin annuel des progrès accomplis sur le terrain de l'hypnotisme ou tout au moins, en temps voulu, des suppléments au présent ouvrage et qu'il recevra avec reconnaissance tout ce qui lui sera adressé à son domicile : Köthenerstrasse, n° 27, Berlin, W.
Georce] Simon.
NOUVELLES
Hospice de la Salpêtrière. — Court de clinique des maladies du système nerveux : M. le professeur Charcot. Leçons le mardi et le vendredi, à 9 heures.
Cours libre. — M le Dr Edgar Bérillon fait a- sa clinique. 40 bis, rue de Rivoli, les jeudis à 4 heures, une leçqn clinique sur les applications thérapeutiques de l'hypnotisme. Cet enseignement est réservé aux médecins et aux étudiants en médecine.
Société de psychologie. — Dans sa séance du lundi 25 juin, sous la présidence de M. Charcot. la Société a entendu une communication de M. le dr Dufailly sur le sommeil provoqué à distance, de M. Manouvrier sur le cerveau de Bertillon. de M. Ruaux sur les réflexes psychiques d'origine nasale.
L'Administrateur-Gérant: Émile BOURIOT, 170, Rue St-Antoine.
paris. — imprimerie charles dlot, rue bleue, 7.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
UN NOUVEL ÉTAT PSYCHOLOGIQUE(1)
Par M. Jules LIÉGEOIS
PROFESSEUR. A LA FACULTÉ DE DROIT DE NANCY
Parmi les phénomènes que l'on peut produire au moyen du somnambulisme provoqué, l'un des plus singuliers, des plus étranges. l'un de ceux qui lassent le moins la curiosité, c'est assurément l'hallucination négative.
Qu'une personne d'esprit parfaitement sain, qui paraît complètement éveillée, qui a les yeux ouverts, la démarche aisée, la conversation facile, la riposte rapide, que rien, en un mot, ne semble distinguer du reste des humains; que cette personne, dis-je, ne voie, ni n'entende plus l'un des assistants désigné pendant le sommeil somnambulique, que son esprit, ses sens, ses perceptions restent ouverts à tous les objets extérieurs, à toutes les personnes présentes et obstinément, totalement fermés au regard de la seule personne, objet de l'hallucination négative, c'est là vraiment un fait bien extraordinaire! En pareil cas, les curieux qui ne sont point au courant des faits hypnotiques sont presque invinciblement portés à croire à la supercherie et à couvrir du même dédain, pour ne pas dire plus, et l'expérimentateur et l'expérimenté. Ils se fortifient encore dans ce sentiment, au fond assez naturel, quand ils voient qu'un mot, un geste, un souffle suffit pour tout faire rentrer dans l'ordre habituel des choses : ils sont alors bien tentés de croire que, en réalité, l'on n'en était jamais sorti.
Nous ne sommes pas. je crois, au bout des étonnements que peut soulever l'hallucination négative, et voici qui pourra contribuer encore à les augmenter.
J'ai parlé, dans le dernier numéro de la Repue (2). de l'expérience tentée sur Mme M... en vue de rechercher, dans les cas de
(1) M. Liégeois a bien voulu nous communiquer l'extrait suivant du livre qu'il va publier tout ce titre : De la suggestion et du somnambulisme, dans leurs rapports avec la jurisprudence et la médecine légale. L'ouvrage paraîtra prochainement chez M. Octave Doin, éditeur, à Paris.
(2) Revue de l'Hypnotisme, 1er juillet 1888.
suggestions criminelles, le moyen de tourner la difficulté résultant de ce que l'amnésie aurait été suggérée à l'auteur inconscient de lacté coupable. Au cours de cette expérience, j'ai été amené à étudier l'état du sujet pendant que je réalise pour lui l'hallucination négative, par exemple, la disparition d'une personne présente.
Jusqu'à ce jour, les auteurs qui se sont occupés d'hypnotisme s'étaient bornés, et moi tout le premier, à constater l'efficacité de cette suggestion. Toutefois, ils ne se sont pas mis d'accord sur sa vraie nature: pour MM. Binet et Féré, qui trouvent singulièrement mal choisie l'expression d'hallucination négative que nous avons adoptée à Nancy, il ne s'agit pas d'hallucination du tout... « Il s'agit, pour l'œil comme pour le bras, d'un phénomène » d'inhibition qui produit une paralysie systématique (i) »: pour mon collègue et ami M. Bernheim. au contraire — et je partage entièrement son avis, —c'est un phénomène psychique ; les rayons lumineux continuent à peindre sur la rétine l'image de la personne rendue invisible, ses paroles continuent à impressionner l'ouïe du sujet; mais il y a annulation de la sensation, qui n'est pas perçue par l'intelligence, à cause de la suggestion même. « Le » sujet, dit M. Bernheim, voit tous les objets, à l'exclusion de celui » qui a été suggéré invisible pour lui: j'ai effacé dans son cerveau » une image sensorielle, j'ai neutralisé ou rendu négative la per-» ception de cette image... Un aliéné se croit en prison ; il voit » son cachot, son geôlier, la chaîne qui l'attache : voilà des per-» ceptions sensorielles créées dans son cerveau. D'autre part, il ne
» voit pas les objets réels qui sont devant lui : il ne voit pas, il
» n entend pas les personnes qui l'entourent : voilà des perceptions » sensorielles réelles effacées (2). »
Plus loin. M. Bernheim rappelle qu'il a démontré que l'amaurose suggestive, de même que l'amaurose hystérique, n'est pas une paralysie systématique, mais une amaurose purement psychique, une neutralisation de l'objet perçu par l'imagination (3) :
« L'image visuelle perçue, l'amaurotique par suggestion et l'hys-» térique la neutralisent inconsciemment avec leur imagination : » oculos habent et non vident, ils voient avec les yeux du corps, » ils, ne voient pas avec les yeux de l'esprit; l'amaurose n'est » qu'une illusion négative. »
Enfin, parlant de la surdité suggérée à un sujet qui ne doit plus ni le voir ni l'entendre, M. Bernheim ajoute : t Je le réveille, je » lui parle, je corne à ses oreilles, il ne sourcille pas ; sa figure
(1) Revue philosophique, janvier 1885.
(2) Bernheim, De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique, 2e édition, p. 65.
(3) Bernheim, op. cit.. p. 60.
» reste inerte. Si alors je lui dis avec force, soit une fois, soit
» plusieurs fois : « Vous entendez de nouveau ». tout d'un coup
» sa figure exprime un profond étonnement; il m'entend et me » répond... Le sourd par suggestion entend comme l'aveugle par
» suggestion voit, mais il neutralise à chaque instant l'impression
» perçue avec son imagination et se fait accroire qu'il n'a pas
» entendu, »
Voyons en quoi les expériences dont je vais présenter la relation, nous permettront d'appuver, de modifier ou de compléter ces vues théoriques, et de tirer, des faits constatés, des conclusions nouvelles.
Dans l'expérience médico-légale à laquelle j'ai fait ci-dessus allusion, je n'existe plus pour Mme M..., à qui M. Liébeault a, sur ma demande, suggéré que, une fois éveillée, elle ne me verra, ni ne m'entendra plus. Je lui adresse la parole, elle ne me répond pas; je me place devant elle, elle ne me voit pas ; je la pique avec une épingle, elle ne ressent aucune douleur; on lui demande où je suis, elle dit qu'elle l'ignore, que, sans doute, je suis parti, etc.
J'imagine alors de faire à haute voix des suggestions à cette personne, à qui je semble être devenu totalement étranger, et, chose singulière, elle obéit à ces suggestions.
Je lui dis de se lever, elle se lève; de s'asseoir, elle s'assied; de tourner ses mains l'une autour de l'autre, elle les tourne.
Je lui suggère un mal de dents, et elle a mal aux dents; un éter-nuement, et elle éternue; je dis qu'elle a froid, et elle grelotte; qu'elle doit aller près du poêle, dans lequel il n'y a d'ailleurs pas de feu, et elle y va, jusqu'à ce que je lui dise qu'elle a chaud, et alors elle se trouve bien. Pendant tout ce temps, elle est, pour tous les assistants, aussi complètement éveillée qu'eux-mêmes; interrogée par eux, elle répond que je suis absent, elle ne sait pas pourquoi; peut-être vais-je revenir tout à l'heure, etc. Interpellée par moi, en mon nom personnel, toutes mes demandes restent sans réponse. Elle ne réalise que les idées que j'exprime impersonnellement, si je puis ainsi parler, et comme si elle les tirait de son propre fonds ; c'est son moi inconscient qui la fait agir, et le moi conscient n'a aucune notion de l'impulsion quelle reçoit du dehors.
L'expérience me parut assez intéressante pour être renouvelée avec un autre sujet, et voici le résumé succinct des épreuves et des vérifications faites, quelques jours plus tard, avec la jeune Camille S...
Camille S..., 18 ans, est une très bonne somnambule ; M. Liébeault et moi, nous la connaissons depuis prèsde quatre ans ; nous l'avons endormie souvent; nous l'avons toujours trouvée d'une entière bonne foi : elle nous inspire, en un mot, toute confiance.
Cette constatation était nécessaire, on va le voir, pour donner quelque poids aux singuliers résultats que j'ai obtenus, et qui confirment d'ailleurs absolument la première observation concernant Mme M...
M. Liébeault endort Camille, et, sur ma demande, il lui suggère qu'elle ne me verra, ni ne m'entendra plus, puis il me laisse expérimenter à ma guise. Réveillé, le sujet est en rapport avec tout le monde; seul, je n'existe pas pour elle; mais, ainsi que je vais le démontrer, cela n'est pas tout à lait exact : il y a en elle comme deux personnalités, dont l'une me voit, quand l'autre ne me voit pas, et m'entend, quand l'autre ne fait aucune attention à mes paroles.
D'abord je m'assure de l'état de la sensibilité : chose curieuse, celle-ci existe au regard de tous les assistants et n'existe pas pour tout ce qui vient de moi ; si on la pique, elle retire vivement son bras ; si je la pique, elle ne sent rien ; je lui plante des épingles qui restent suspendues à ses bras, à sa joue, elle n'accuse aucune sensation, elle ne les voit même pas.
Ce fait d'anesthésie, non pas réelle, mais personnelle en quelque sorte, est déjà assurément fort singulier; il est, si je ne me trompe, tout à fait nouveau. De même, si je place un flacon d'ammoniaque sous son nez, elle ne le repousse pas; elle s'en éloigne, au contraire, si c'est une main étrangère qui le lui présente.
Nous allons voir maintenant — toujours pendant quelle ne peut, en apparence du moins, ni me voir, ni m'entendre — se dérouler à peu près toute la série des suggestions qui peuvent être faites à l'état de veille. Je les résume, ainsi qu'il suit, d'après les notes que j'ai prises, au moment même, le 14 juin 1888.
Je rappelle, en tant que Je besoin, que, si je m'adresse directement à Camille S..., si je lui demande, par exemple, comment elle va, depuis quand elle n'est pas venue, etc., sa physionomie reste impassible : elle ne me voit, ni ne m'entend ; au moins n'en a-t-elle pas conscience.
Je procède alors, Comme je l'ai dit tout à l'heure, impersonnellement; parlant, non pas en mon nom, mais comme s'il s'agissait d'une voix intérieure, exprimant des pensées que le sujet tirerait de son propre fonds. Et alors l'automatisme somnambulique se montre, sous cette forme nouvelle et imprévue, aussi complet que sous toute autre déjà connue.
Je dis à haute voix : a Camille a soif; elle va aller demander, à la cuisine, un verre d'eau qu'elle apportera sur cette table. » Elle semble n'avoir rien entendu, et cependant, au bout de quelques instants, elle fait la démarche indiquée et l'accomplit avec l'allure vive et impétueuse déjà plusieurs fois signalée chez les somnambules. On lui demande pourquoi elle a apporté le verre qu'elle
vient de poser sur la table : elle ne sait ce qu'on veut lui dire : elle n'a pas bougé : il n'y a là aucun verre.
Je dis : « Camille voit le verre : mais ce n'est pas de l'eau comme on veut le lui faire croire ; c'est du vin gris, il est très bon, elle va le boire et il lui fera du bien. » Elle exécute ponctuellement l'ordre donné; puis aussitôt elle a tout oublié.
Je lui fais dire successivement des paroles peu convenables : « Coquin de sort! Cré nom d'un chien! Cr... » et elle répète tout ce que je lui ai suggéré, perdant d'ailleurs instantanément le souvenir de ce qu'elle vient de dire.
A M. F..., qui s'étonne de ces faits, qui lui reproche ses propos inconvenants et qu'elle voit m'adresser la parole, à moi-même, à la place de qui elle n'aperçoit que le mur, elle dit : « Mais je n'ai » pas prononcé ces vilains mots ; pour qui me prenez-vous ? vous » rêvez, vous êtes donc fou ? etc. »
Elle me voit sans me voir. En voici la preuve. Je dis : « Camille va s'asseoir sur le genou de M. L... » ; aussitôt, elle s'y jette violemment et déclare, sur interpellation, qu'elle est toujours sur le banc où elle s'est placée un moment auparavant.
M. Liébeault m'adresse la parole; comme elle ne me voit pas et ne m'entend pas consciemment, elle s'en étonne et alors elle engage avec lui un colloque où je joue le rôle de souffleur, maïs d'un souffleur qui serait logé dans son cerveau même. C'est mot qui lui suggère toutes les paroles suivantes, qu'elle prononce, convaincue qu'elle exprime sa pensée propre:
« Monsieur Liébeault, vous parlez donc aussi au mur, maintenant ? Il faudra que je vous endorme pour vous guérir; nous changerons ainsi de rôle, etc. »
« Monsieur F..., comment va votre bronchite ? »
M. F... lui demande pourquoi et comment elle dit tout cela. Et elle de répondre, après que je le lui ai soufflé:
« Mais comment voulez-vous que cela me vienne ? comme à tout le monde. Comment les idées vous viennent-elles à vous-même? » et elle continue à développer le thème que je lui ai donné.
Elle paraît être dans un état absolument normal et tient tête à tous les assistants avec beaucoup de présence d'esprit. Seulement, elle intercale, au milieu de sa conversation, les phrases que je suscite dans son esprit et qu'elle fait siennes inconsciemment.
Ainsi, pendant qu'elle discute avec M. F..., à qui elle dit qu'elle le conduira à Maréville (1), son interlocuteur ayant objecté : « Mais je ne suis pas fou ! » Elle lui répond : c Tous les fous disent qu'ils ne sont pas fous; vous dites que vous n'êtes pas fou, donc vous êtes fou. » Elle est très fîère de son syllogisme et ne se doute pas qu'elle vient de me l'emprunter, sans le savoir.
(1) Asile d'aliénés, près de Nancy.
Voulant m'assurer. une fois de plus, qu'elle me voit sans en avoir conscience, je dis : « Camille va prendre dans la poche du gilet de
M. L…un flacon dans lequel il y a de l'eau de Cologne, elle le
débouchera et en appréciera la délicieuse odeur. » Elle se lève, vient droit à moi, cherche d'abord à gauche, puis à droite, prend dans ma poche un flaçon d'ammoniaque, le débouche et en aspire avec plaisir les émanations. Il faut que je le lui retire des mains.
Puis, toujours par suggestion, elle me défait mon soulier droit. M. F... lui dit : « Qu'est-ce que vous faites là ? Vous ôtez à M. L... un de ses souliers! » Elle est offusquée : « Mais à quoi
pensez-vous? M. L…n'est pas là. je ne puis donc lui ôter son
soulier. Mais vous êtes donc encore plus fou que tout à l'heure ! » Et comme M. F... lève les bras au ciel, en me parlant, Camille s'écrie : « Décidément, il faudra que je vous conduise à Marc-ville. C'est dommage ! Pauvre M. F... ! » Celui-ci ne se lient pas pour battu : « Mais enfin, ce soulier que vous tenez là, qu'est-ce que c'est? » Je viens au secours de mon sujet, et je dis : « C'est un soulier que Camille doit essayer, elle n'a pu le faire ce matin chez elle, parce que son cordonnier lui a manqué de parole ; il s'est enivré, et il vient de l'apporter seulement tout à l'heure ; elle va l'essayer ici même, »
Tout cela est accepté, répété exactement, exécuté ponctuellement, toujours comme par une inspiration spontanée. Par convenance, elle se tourne vers le mur pour essayer mon soulier ; elle le trouve un peu large, parce que je dis qu'il est un peu large, et me le remet, parce que je dis qu'elle doit me le remettre.
Enfin, sur ma suggestion, elle reporte le verre à la cuisine; à son retour, interrogée par M. F..., elle déclare qu'elle n'est pas sortie de la pièce où nous nous trouvons ; qu'elle n'a rien bu. qu'il n'y a jamais eu de verre entre ses mains. Vainement on lui montre le cercle humide que le pied du verre a laissé sur la table; ce cercle, elle ne le voit pas, il n'y en a pas, on veut lui en faire accroire ! et alors, pour prouver son dire, elle passe, à plusieurs reprises, la main sur la table, faisant voler, sans les voir, les feuilles sur lesquelles je prends des notes et qui participent à mon privilège d'invisibilité; nul doute que, s'il y avait eu là un encrier, il n'eût été projeté sur le parquet.
Pour mettre fin à cette série d'épreuves, je dis à haute voix: a Camille, vous allez me voir et m'entendre. Je vous souffle sur les yeux. Vous vous portez maintenant fort bien. » Je suis à trois mètres d'elle, mais la suggestion opère ; Camille passe, sans transition apparente, de l'état d'hallucination négative dans lequel l'avait plongée M. Liébeault. à l'état normal qui, pour elle, naturellement, s'accompagne d'une amnésie complète. Elle n'a aucune
notion de tout ce qui vient de se passer ; ces expériences nombreuses, variées de toute façon, ces hallucinations, ces paroles, ces actes dans lesquels elle a joué le principal rôle, tout cela est oublié, tout cela, c'est pour elle le néant absolu.
Examinons maintenant quelles sont les conclusions qui peuvent être tirées des faits qui précèdent.
Ils établissent, ce me semble, que, durant l'hallucination négative, les hypnotisés voient ce qu'ils paraissent ne pas voir et entendent ce qu'ils paraissent ne pas entendre. Seulement, ils voient et ils entendent d'une façon inconsciente. II y a, en eux, deux mot: un moi inconscient t qui voit et entend, et un moi conscient, qui ne voit ni n'entend, mais auquel on peut faire des suggestions, en passant, si je puis m'exprimer ainsi,, par l'inter- médiaire du premier moi. Ce dédoublement de la personnalité n'est pas plus surprenant que celui qu'ont constaté M. le docteur Azam pour Félida X... de Bordeaux, M. le docteur Dufay pour Mlle R... L... de Blois, et, pour divers autres sujets, plusieurs auteurs, parmi lesquels nous citerons MM. Taine et Ribot.
De plus, nos expériences viennent, semble-t-il, appuyer la théorie adoptée par l'Ecole de Nancy, pour expliquer les hallucinations négatives. Comment pourrait-on, dans tous les cas que nous venons d'examiner, parler comme MM. Binet et Féré, « pour l'œil, comme pour le bras, d'un phénomène d'inhibition qui produit une paralysie systématique », quand nous avons vu Camille, anesthésique pour les piqûres faites par moi, être sensible à celles d'autres personnes ?
L'explication donnée plus haut par M. Bernheim, c'est-à-dire la correction psychique et l'annulation de la sensation par l'idée suggérée nous paraît, au contraire, satisfaisante.
Toutefois, elle a encore besoin, pensons-nous, d'être complétée. En effet, on a cru jusqu'ici que l'hallucination négative annulait complètement les sensations visuelles ou auditives, en empêchant qu'elles ne fussent perçues parle cerveau. Eh bien ! nous croyons que c'est là une erreur : il y a perception visuelle, il y a perception auditive ; ces perceptions n'arrivent pas, comme je l'ai dit. au moi conscient, mais elles se réalisent dans le moi inconscient, et, chose importante et, je crois, nouvelle, la personne objet de l'hallucination négative peut entrer en rapport avec le sujet, aux yeux duquel on croyait l'avoir fait entièrement disparaître.
Si cela est exact, comme je le pense, plusieurs conséquences en peuvent être déduites.
D'abord, on se trouve en présence d'un nouvel état hypnotique, et l'on constate que les phénomènes de la vie inconsciente
occupent, dans les fonctions psychologiques du cerveau, un domaine bien plus étendu qu'on ne l'avait supposé jusqu'à ce jour. .
En second lieu, la médecine légale peut trouver des ressources nouvelles dans les expertises tendant à découvrir l'auteur d'une suggestion criminelle : en effet, tout ce qui étend les prises de l'homme de science sur le somnambule, tout ce qui recule les bornes de son pouvoir, tout ce qui lui permet de combiner de mille façons des épreuves répétées, devient une garantie contre la suggestion de l'amnésie faite par le vrai coupable, et tend à diminuer une sécurité qui sera, pour lui. de plus en plus trompeuse.
Mais, ce qui paraît pouvoir donner une véritable importance au fait de la suggestibilité des hypnotisés en état d'hallucination négative, c'est la considération suivante, que je ne donne d'ailleurs que comme une hypothèse, et qui, dès lors, n'aura de valeur que si l'expérience vient à la confirmer.
On trouve dans les délires pathologiques, on trouve dans l'aliénation mentale — M. Bernheim nous l'a fait remarquer tout à l'heure — des phénomènes très fréquents d'hallucination négative.
Pourquoi n'y aurait-il pas une analogie plus ou moins grande, et peut-être, qui sait ? une véritable identité, entre ces hallucinations et celles que nous donnons chaque jouraux somnambules ?
Jusqu'ici, on a cru que la personne rendue invisible pour le sujet hypnotique n'était pas vue par lui ; qu'elle n'était pas entendue de lui, quand on lui avait suggéré de ne pas l'entendre. Or, j'ai montré le contraire ; je crois avoir prouvé que celui qui paraît ne pas voir, voit ; que celui qui paraît ne pas entendre, entend ; que celui qui semblait devoir être, pour un temps, insensible aux suggestions de la personne objet de l'hallucination négative, les subit avec une docilité parfaite et les réalise avec une exactitude absolue.
Si donc, — mais, c'est là une si grande espérance que j'ose à peine la formuler ! — s'il en était de même pour le malade, agité par le délire de la fièvre ? pour l' aliéné, jeté hors de la vie réelle par les fantômes que crée son cerveau halluciné: S'il y avait là des faits de vie inconsciente, analogues, sinon identiques à ceux que nous venons de produire ? Et si l'on pouvait, dès lors, trouver dans ces désordres mêmes de la pensée, un moyen de la rétablir dans son intégrité, de faire des suggestions thérapeutiques produisant tout l'effet qu'on en obtient dans les autres états hypnotiques ? Si le délire lui-même donnait au médecin, à l'homme de l'art, le moyen de faire cesser le délire et de guérir le malade ?
Mais je m'arrête. Sans doute, l'ambition est trop grande ! Pourtant, si j'en avais les moyens, je tenterais de vérifier cette hypothèse, si hasardée qu'elle puisse paraître au premier abord !
Et, ce que je ne puis faire, pourquoi les physiologistes, pourquoi les médecins, les médecins aliénistes notamment, ne le feraient- . ils pas : Je vois bien ce que l'humanité et la science pourraient y gagner : je ne vois pas ce qu'elles y pourraient perdre.
LES ÉTATS PROFONDS DE L'HYPNOSE
Par le Comt A. de ROCHAS
I
Les trois états de l'hypnose décrits par M. Charcot sont devenus classiques, malgré l'Ecole de Nancy, qui ou bien n'a point opéré sur des sujets assez sensibles, ou bien n'a point pris toutes les précautions nécessaires pour constater des phénomènes qu'elle n'avait point découverts la première.
Ces états sont : la léthargie, la catalepsie et le somnambulisme. Je ne reviendrai point sur leurs caractères spécifiques et je me bornerai à faire remarquer que les médecins de la Salpêtrière semblent ne pas être allés plus loin que l'état somnambulique, puisqu'ils n'ont jamais signalé d'autres phases de l'hypnose que certains états secondaires reliant les étapes principales que nous venons de nommer.
Cela provient sans doute de ce que ces expérimentateurs, redoutant un rapprochement entre leurs recherches et les pratiques des magnétiseurs, se sont bornés 1 produire l'hypnose, soit avec des agents très faibles, comme un bruit subit, la pression des globes oculaires ou du vértex, soit par des procédés dont l'effet s'arrête dès qu'un premier résultat s'est produit; telle est, par exemple, la fixation du regard, qui cesse d'agir aussitôt que les sujets ont les yeux fermés.
Suivant que ces sujets sont plus ou moins sensibles, on semble arriver d'emblée à une phase ou à une autre de ce que l'on appelle l'état hypnotique, et cela en quelques secondes.
Les magnétiseurs agissent d'une toute autre façon. A l'aide de fasses, ils prolongent leur action sur le sujet pendant un quart d'heure, une demi-heure et quelquefois plus ; ils ne se préoccupent nullement de ce qui peut se produire au début, et ils ne s'arrêtent que lorsqu'ils ont reconnu, à l'aide de certains signes extérieurs, que le sujet a atteint le degré de lucidité qu'ils cherchent a obtenir.
Les uns et les autres s'imaginent n'avoir rien de commun. C'est une erreur. J'ai prié un magnétiseur d'agir sur son sujet suivant sa méthode ordinaire, à l'aide de laquelle il mettait une vingtaine de minutes pour obtenir la vue avec les yeux fermés, et je l'ai arrêté à diverses reprises pour essayer de déterminer les caractères du sommeil au moment de la pause.
Je suis parvenu à constater ainsi que le sujet passait par tous les états que j'ai décrits dans mon livre sur Les forces non définies, à savoir :
I° Etat de crédulité ;
2° Léthargie (1) avec hyperesthésie de la contractibilité musculaire ; 3° Catalepsie ;
4° Léthargie sans contractibilité musculaire
5° Somnambulisme;
6° Léthargie ;
7° Etat de rapport ;
8° Léthargie.
Après cette dernière phase, la magnétisation a duré encore une dizaine de minutes, mais il me fut impossible de constater de nouveaux changements d'états, parce que j'ignorais alors les phénomènes qu'il fallait provoquer pour les caractériser.
J'ai repris, depuis, cette étude et je suis arrivé à des résultats assez concordants pour qu'on puisse, au moins provisoirement, formuler une loi.
Je vais d'abord décrire ce qui se passe avec celui des sujets sur lequel j'ai expérimenté le plus souvent et qui peut être considéré comme un type par la régularité absolue des manifestations.
J'indiquerai ensuite les variantes rencontrées chez les autres sensitifs.
Bcnoïst a 19 ans; c'est un garçon fort intelligent, bien portant et très sensible à la polarité (2). Depuis trois ans , il se prête à mes recherches
(1) J'accepte le terme consacré de léthargie pour designer un état dans lequel le sujet présente une apparence de prostration beaucoup plus accentuée que dans les étais voisins. Cet état ou ces états (car on verra qu'il y en a toute une série) sont assez difficiles a définir, car il est certain que l'ouïe n'est pas abolie; la parole ne l'est pas toujours, la vue n'existe pas plus que dans beaucoup d'autres phases de l'hypnose. Quand il est en léthargie, le sujet paraît insensible, ses membres retombent inertes, sa tête s'incline sur les épaules ; quand il en sort, il redresse au contraire la tête et respire fortement deux ou trois fois. Les figures 1 et 6 représentent Benoist dans la léthargie qui précède l'état de rapport et dans celle qui la suit; la figure 2 le montre au moment où il entre dans l'état de rapport.
(1) Il y a des sujets facilement hypnotisables qui ne sont point sensibles à la polarité; tels sont, par exemple, quatre ou cinq hystériques que j'ai essayées à la Salpetriêre. J'appelle sensible à la polarité une personne sur laquelle je produis des effets déterminés par l'application de certains agents, notamment des agents électriques, suivant des lois exposées par MM. Decle et Chazarain, ainsi que dans mon livre sur Les forces non définies. Je n'ai étudié que ces sujets-là, chez lesquels l'influx nerveux présente une mobilité tout à fait spéciale.
et je connais assez son organisme pour éviter la plupart des causes d'erreur.
L'agent employé pour doser l'hypnose, dans le cas qui nous occupe, a été l'application de la main sur le sommet de la tête, de manière a agir à la fois par polarité sur les deux hémisphères cérébraux.
En imposant la main droite sur le front, je détermine en premier lieu l'état de crédulité, puis l'état léthargique caractérisé par la con-tractibiliié musculaire, l'état cataleptique avec ses deux phases de rigidité et d'imitation automatique, un deuxième état léthargique sans contractibilité musculaire, et enfin le somnambulisme.
Après cela, nous entrons dans la période non encore étudiée scientifiquement, avec un troisième état de léthargie. Cette léthargie (fig. 1) n'est autre chose que le sommeil ordinaire(1) ; car si je surprends le sujet dans ce sommeil et que je diminue l'hypnose par l'application de la main gauche sur la tète, je ramène l'état somnambulique; si au contraire j'emploie la main droite, je détermine l'état suivant que j'appelle l'état de rapport. Dans cette phase léthargique, la contractibilité neuro-musculaire existe à peu près au même degré que dans l'état normal.
ÉTAT DE RAPPORT.
Le sujet n'est en rapport qu'avec le magnétiseur, quel qu'il soit (2) ; cet état, comme la catalepsie, présente deux phases.
Dans la première, le sujet perçoit encore les sensations provenant d'autres agents que le magnétiseur, mais ces sensations, de quelque nature qu'elles soient, leur paraissent également désagréables, notamment celles qui proviennent du contact des animaux. Interrogé sur la nature de la souffrance qu'il exprime, quand il touche un chien par exemple, Benoist répond que ce qu'il touche n'est pas organisé comme lui, et que cela lui cause un bouleversement par tout le corps.
Dans la seconde phase, le sujet ne perçoit plus que le magnétiseur. Si celui-ci joue du piano, Benoist l'entend; mais Benoist n'entend plus le son de l'instrument si c'est une autre personne qui en touche ; pour qu'il l'entende dans ce cas, il suffit que le magnétiseur place ses doigts contre l'oreille du sujet de telle manière que le son passe par les doigts avant d'arriver à l'oreille.
(1) Comme dans le sommeil ordinaire, j'ai eu l'occasion d'observer une fois le rêve avec manifestation parlée, mais je n'ai point eu encore le temps de déterminer les conditions de ce phénomène. — Je n'ai du reste pu constater l'identification de cette phase léthargique avec le sommeil ordinaire que sur un seul sujet, Benoist.
(2) Dans un autre article, je traiterai de l'effet des actions électriques, et je montrerai que si l'état de rapport est déterminé par un courant galvanique ou un effluve d'électricité statique, le sujet ne perçoit plus que les objets en contact avec l'un des électrodes ou en communication avec la machine électrique. La plupart des sujets voient le fluide de l'opérateur quand ils sont à l'état de rapport ; je reviendrai également sur ce phénomène.
D'une façon générale, le sujet ne perçoit aucun objet, à moins qu'il ne soit en contact avec le magnétiseur; le regard de ce dernier peut être suffisant pour établir le contact (1), et c'est probablement ce qui explique, dans la plupart des cas, comment les anciens magnétiseurs trouvaient que leurs sujets étaient naturellement en rapport avec certaines personnes et non avec d'autres.
Toute excitation cutanée (piqûre pincement, etc.), produite par le magnétiseur ou par un objet en contact avec lui, est agréable au magnétisé, à moins qu'elle ne provoque une douleur trop violente; cette même excitation, produite par une personne non en rapport, n'est pas perçue, à moins aussi qu'elle ne soit trop forte.
Un caractère commun aux deux phases de l'état de rapport est un sentiment de béatitude extrêmement caractérisé, manifesté par le sujet (fig. 2), qui résiste toujours si on veut le réveiller ou l'endormir davantage.
Dans l'état de rapport, les phénomènes psychiques provoqués par des pressions sur différents points du crâne, et que j'ai décrits ailleurs (2), se produisent avec une très grande intensité. La figure 3 montre l'extase avec vision religieuse obtenue par la pression surte milieu du front (3). Dans la figure 4, Benoist est représenté au moment où il éprouve un accès de contrition sous l'influence des paroles qu'il croit entendre; ses yeux sont remplis de larmes, et si on lui demande ce qu'il éprouve, il répond que la sainte Vierge lui fait des reproches. Enfin, dans la figure 5, la vision a complètement changé dénature sous la simple influence de la pression du point n° 18, correspondant au 6e sens. — Les yeux s'ouvrent généralement par suite du renversement de la tête en arrière; ils sont eux-mêmes à l'état de rapport, c'est-à-dire qu'ils ne voient que le magnétiseur ou les objets en contact avec lui; mais le sujet objective ses visions à l'extérieur, car il écarte vivement la main du magnétiseur quand celui-ci la lui place devant la figure, comme un écran entre les yeux et l'apparition.
Quand on pousse plus loin l'hypnose, on amène une nouvelle léthargie (fig. 6), où la contractibilité neuro-musculaire est suspendue et où le pouls est sensiblement ralenti: puis vient l'état de sympathie.
état de sympathie au contact.
Le sujet continue a n'être en rapport qu'avec le magnétiseur et les personnes que touche celui-ci ; mais ce qui différencie cet état du pré-
(i) Le Dr Baréty à fait, sur cet établissements de rapport à distance. d'intéressantes expériences qu'il a relatées dans un article intitulé: La Force nevrique (Revue de l'hypnotisme, 1887, p. 8o). Voir encore un article de M. Jules Janet intitulé Hypno-tisme et double personnalité (Revue scient, n° du 19 mai 1888) et le livre de M. Ocho-rowicz sur la Suggestion mentale (passim).
(2) Cosmos, tome IX, p. 379.1888. — Les localisations cérébrales.
(3) Chez Benoist, l'extase est accompagnée de l'ouverture spontanée des yeux ; ce fait n'est pas général.
cèdent, c'est qu'il suffit que le magnétiseur éprouve une douleur pour que le sujet en contact avec lui la perçoive.
Si moi, magnétiseur, je tiens la main de Benoist et qu'une tierce personne me pique, me pince ou me tire les cheveux. Benoist perçoit les mêmes sensations que moi et aux mêmes pointsl Si j'endure une souffrance ou même un: simple gêne par suite d'une maladie. Benoist la perçoit également; ce phénomène cesse dèsque le contact n'a plus lieu.
Si je me contente de mettre la main de Benoist en contact avec celle d'un autre individu et que j'établisse le rapport en laissant ma propre main en contact avec les deux autres, Benoist ne perçoit point les piqûres ou pincements qu'on fait éprouver à ce tiers, et qui sont trop légères pour modifier l'état de son organisme, mais il ressent les symptômes des maladies et des infirmités. C'est ainsi qu'il a éprouvé la migraine au contact d'une dame qui avait la migraine, qu'il est devenu dur d'oreille au contact d'un officier affligé de cette infirmité, qu'il n'a plus pu parler quand on l'a mis en rapport avec un enfant paralysé de la langue et qu'on avait amené pendant son sommeil, qu'il a éprouvé une cuisson au col de la vessie en touchant un monsieur souffrant d'une cystite chronique.
J'ai essayé plusieurs fois de lui faire ressentir la maladie d'une personne absente, en lui faisant toucher un objet ayant appartenu a cette personne; je n'ai jamais réussi. Il a palpé l'objet avec attention, mais constamment il m'a répondu qu'il n'éprouvait rien de particulier.
Après l'état de sympathie vient encore une période de léthargie dont le sujet sort en état de lucidité.
état de lucidité.
Le sujet voit alors en plus les organes intérieurs de la personne avec laquelle on le met en rapport ; il les décrit avec les termes qui lui sont familiers a l'état de veille, surtout quand ces organes sont malades. Interrogé pourquoi il voit mieux ceux-là que les autres, il répond que c'est parce que la souffrance ou la perturbation qu'il éprouve par sympathie concentre sur eux son attention.
Quand on lui fait toucher une personne et qu'on la prie de l'examiner, il compare ce qu'il voit chez cette personne avec ce qu'il voit dans son propre corps. Par exemple, pour l'officier souffrant d'une oreille, il a dit: « Il y a dans l'oreille une petite peau en travers comme chez moi, mais derrière je vois un bouton que je n'ai pas et ce bouton suppure. » Pour la cystite, il a vu, tout autour du col de la vessie, un gonflement un peu moins gros que le petit doigt et plein de sang, comme les veines gonflées qui faisaient saillie sur la main de l'opérateur, etc.
Si on lui demande ce qu'il y a à taire pour amener la guérison. ou bien il répond qu'il ne sait pas. ou bien il indique des remèdes provenant évidemment de ses souvenirs de l'état de veille: ainsi, dans une seconde expérience relative a la cystite, le malade avait volontairement
attribué devant lui, avant qu'il fût endormi, cette infirmité à une certaine cause ; Benoist a répété l'assertion qui était fausse et a recommandé
des boissons rafraîchissantes.
Dans cet état, le sujet acquiert une faculté nouvelle, c'est de reconnaître la trace laissée par un contact, même remontant à plusieurs jours. Voulant m'assurer si je pouvais le faire voyager dan; l'espace et dans le temps comme certains somnambules, je le menai devant une armoire où je ne retrouvais pas certain objet et je lui demandai s'il pouvait voir où était cet objet et désigner celui qui l'avait enlevé. Il me répondit « non » : mais, en palpant, il ajouta : « Je sens ici le contact d'une autre personne que vous. » Je le conduisis alors vers plusieurs autres meu-ples qu'il palpa également, tantôt ne ressentant rien, tantôt retrouvant son impression de l'armoire; enfin, je lui présentai divers vêtements appartenant à des gens de ma maison, et il reconnut le contact dans la paire de gants d'un domestique. Je n'ai pu vérifier la réalité du fait; mais j'ai obtenu plusieurs fois la contre-épreuve en faisant toucher plusieurs objets par une personne, puis la personne par le sujet. Le sujet retrouve toujours l'objet touché.
J'ai vainement essayé d'obtenir la suggestion mentale : impossible de faire exécuter même le mouvement le plus simple par la concentration de la pensée, aussi bien dans cet état que dans les autres.
Benoist n'arrive pas toujours à l'état de lucidité; quelquefois je ne parviens pas à le faire sortir de la léthargie qui précède cet état ; dans ces cas-la, il ne tient pas l'hypnose pour ainsi dire; il rétrograde vers la veille des qu'on l'abandonne à lui-même.
Quand j'ai voulu le pousser au delà de la lucidité, je n'ai pu produire qu'une nouvelle léthargie dans laquelle la respiration se suspend et j'ai toujours dû m'arrèter, dans la crainte d'un accident (1).
Avec l'imposition de la main gauche, je ramené graduellement et en sens inverse toutes phases dont je viens de décrire les phénomènes les plus caractéristiques.
Mais ces phénomènes ne sont pas les seuls.
A mesure qu'on avance dans l'hypnose, les souvenirs de l'état de veille, surtout ceux qui ont trait aux individualités, s'affaiblissent peu à peu. Le sujet ne conserve avec netteté que ceux des phénomènes qui se sont produits dans des étals semblables à celui où il se trouve au moment où on l'interroge. Quand il est arrivé a la lucidité, il n'y a plus que deux personnes au monde : le magnétiseur et lui ; encore ne sait-il plus ni leurs noms, ni aucun détail sur eux.
L'aptitude a la suggestion commence à l'état de crédulité ; elle parait atteindre son maximum au moment de la phase de la catalepsie automatique, puis décroit légèrement pendant le somnambulisme, pour disparaître presque complètement dans les débuts de l'état de rapport.
(1) Depuis que cet article a été écrit, pu déterminer chez Benoist l'état suivant que j'appelle Etat de sympathie à distance, parce que le sujet n'a plus besoin de toucher l'opérateur pour percevoir les sensations éprouvées par celui-ci.
Lc dialogue suivant fera mieux comprendre ces modifications de la mémoire qui laissent intacte la faculté de raisonnement.
QUESTIONS
Vous sentez — vous bien ?
Comment vous appe-lez-vous ?
Quel est le nom de baptême de votre père ?
Quel est mon nom?
Combien ai-je d'en-fants ?
Comment se nom-
Dans quelle ville êtes-vous ?
Quelle est votre profession ?
Comptez : un, deux, ete.
Combien font deux et trois?
Comment te fait-il que vous ne vous rappeliez pas ?
Vont sentez une dé-mangenison sur sur le nez (j'insiste avec force et a plusieurs reprises).
Endormez-vous davantage.
Au réveil vous ferez telle chose.
REPONSES
ÉTAT DE RAPPORT
Oh oui!
(Avec quelque hé-Benoist .
(Avec beaucoup d'hésitation) Théo-phile.
Le commandant de Rochas.
Trois (j'en ai qui-tre).
Il cherche et donne des noms ayant à peu près la même consonance que ceux de mes enfants qu'il connaît parfaitement.
A Blois (il habitait Blois avant de venir à Grenoble où il est actuellement).
Comptable.
Un. deux, trois, quatre... six...
(Avec beaucoup d'hésitation) Cinq.
Mais nor. — Ah! oui. un peu.
Je ne veux pas. Lais-tez-moi tranquille : je sais bien comme cela.
(La suggestion ne s'exécute qu'en partie.)
ÉTAT DE SYMPATHIE ÉTAT DE LUCIDITÉ
Un peu lourd.
(Avec beaucoup d'hésitation) Benoist.
Je ne sais plus.
Le commandant... je ne sais plus le reste.
Je ne sais pas si vous en avez.
Connais pas.
(Il cherche) Je ne me souviens plus.
Je n'en ai pas.
Un, deux, quatre... je ne me rappelle plus.
Deux et trois..... sept.
Je ne sens rien.
Je ne peux pas ; ce que vous me dites ne sert à rien.
(La suggestion ne s'exécute pas.)
Assez bien.
Je ne sais pas, ça m'est bien égal.
Je ne sais pas.
Je ne sais pas. Connais pas. Connais pas.
Je n' en sais rien.
Je ne sais pas.
Un. deux. . je ne sais plus.
.Je ne sais pas.
Il y a certaines choses que je ne puis me rappeler, surtout ce qui a trait aux personnes et aux lieux.
Je ne sens rien (je me gratte le nez), mais c'est vous qui sentez une démangeaison au nez. ce n'est pas moi.
Ce que vous me dites est inutile, vous ne m'endormirez pas du tout, je sens du reste que cela me fatiguerait.
(La suggestion ne s'exécute pas.)
J'ai expérimenté sur plusieurs autres sujets, mais, malheureusement, il ne m'a pas été possible de le faire avec toute la précision désirable. Il faut, en effet, essayer à plusieurs reprises son instrument, afin d'en connaître le degré de sensibilité, avant de pouvoir en jouer avec précision, et le temps a manqué aussi bien aux uns qu'aux autres. Voici, cependant, quelques observations plus ou moins sommaires :
Joseph, garçon coiffeur, 18 ans, extrêmement sensible à la polarité, passe régulièrement par tous les états décrits plus haut (1) et va au delà. J'ai déterminé, a plusieurs reprises, trois ou quatre séries de léthargies et de réveil apparent après l'état de lucidité; mais, ignorant les phénomènes qui les caractérisent, je n'ai point su les mettre en évidence ; je me suis borné à chercher la suggestion mentale et je lai obtenue une fois a l'un de ces états extrêmes. J'ai pensé: « Leyez le bras droit. » il a levé lentement le bras droit; — « Embrassez-moi. » il a arrondi les bras, mais m'a manqué et a embrassé le vide ; — « Dressez-vous, » il s'est dressé progressivement comme un automate.
Tout cela s'opérait avec un retard d'une ou deux minutes, et le sujet, interrogé sur la manière dont il percevait l'ordre mental, a répondu qu'il n'en avait pas conscience, mais qu'il sentait ses muscles se raidir peu à peu pour accomplir certains mouvements.
Joseph perçoit aussi les maladies des personnes avec lesquelles on le met en rapport ; il s'imagine à tel point les sentir lui-même, qu'il se lamente sur son triste état, lui, si jeune!— Il indique volontiers les remèdes les plus extraordinaires et les raisonne en amalgamant les fragments de consultation dont il a pu être témoin. Pour la cystite dont il a été question, il a fait des inductions d'après la position de l'organe malade et a prescrit du mercure.
Un jour, un médecin lui a apporté le bonnet d'une personne malade que je ne connaissais nullement et il a, parait-il, exactement décrit les symptômes de la maladie de cette femme; il est bon d'ajouter que la personne en question souffrait de la tête et que le bonnet avait pu lancer son imagination sur cette partie, du corps. L'expérience n'a point été renouvelée.
R..., 25 ans, forgeron, ancien chasseur à pied, a passé nettement par tous les états, jusqu'à la sympathie, et n'a pas été poussé au delà. On n'a opéré que deux fois sur lui, et l'expérience faite, séparément par deux personnes différentes, a donné les mêmes résultats ; à l'état de sympathie, il ressent les piqûres faites sur le magnétiseur, mais il ne perçoit pas les maladies.
Clotilde, 20 ans, gantière. — Mme veuve D..., 25 ans.
Observations identiques. Chez ces deux dames, le réveil se fait très rapidement, et il est très difficile de suivre les phases du retour, tandis
(1) Dans l'eut de rapport, les phénomènes d'extase religieuse et sensuelle se produisent par la pression des points correspondants ; la tête se renverse en arrière, mais les yeux ne s'ouvrent pas et le sujet raconte ses visions.
que celles de l'aller ne se franchissent qu'avec une certaine lenteur et sans les profondes inhalations qui marquent nettement chez Benoist les changements d'état.
Mme X. ., 35 ans; Louise et Maria, 19 ans, lingères. Mêmes observations, avec cette différence que la sensibilité est si grande, qu'il a fallu beaucoup d'attention et de légèreté de mains pour reconnaître les phases, aussi bien de l'aller que du retour. A l'état de somnambulisme, Mme X... a les yeux ouverts et sans fixité ; il faut recourir à l'explo ration de la sensibilité a la constatation de la suggestibilité pour reconnaître qu'elle n'est point complètement éveillée (1).
Chez quelques-uns de ces sujets, l'aptitude a la suggestibilité commence des la veille; ce sont des gens naturellement crédules et elle se continue avec une certaine intensité, jusque pendant l'état de rapport. Mme X..., R... et Maria ne se lèvent plus que très difficilement de leur chaise après le réveil, quand, à l'état de rapport, ils en ont reçu l'ordre de ne pas pouvoir se mettre debout.
Cette variation de la suggestibilité est expressément importante à noter; il en résulte, en effet, qu'on peut produire ou enlever l'hypnose au simple commandement, jusqu'au somnambulisme, et, par exception, jusqu'à l'état de rapport, mais que lorsqu'on veut aller plus loin, il faut employer des agents physiques. L'action de ces agents, dans les états profonds, montre bien que, dans les états inférieurs, ils agissent aussi, et que la théorie de l'autosuggestion pour expliquer leurs effets n'est pas admissible d'une façon générale.
(A suivre.)
L'HYPNOTISME EN FACE DE L'ÉGLISE
Par M. Paul COPIN (Suite et fin)
III
Examinons maintenant quelques-unes des déductions que le P. de Bonniot prétend tirer de la définition qu'il donne du miracle.
Si cette définition reposait sur la réalité des choses, nous verrions en découler des conséquences logiques et naturelles. Basée comme elle l'est sur l'erreur, elle doit au contraire engendrer l'illogisme et la confusion. C'est en effet ce qui arrive.
(1)Mme X... peut être poussée très loin et, dans tous les états autres que les états léthargiques, elle a les yeux ouverts, mais ne voit que l'opérateur ou les objets avec lesquels celui-ci la met en rapport. Les caractères spécifiques des états n'ont été détermines avec précision que jusqu'à l'état de Sympathie à distance.
Mme X... peut être réveillée au commandement à tous les degrés de l'hypnose.
Dire que le miracle est une œuvre sensible que nul agent créé ne peut produire, c'est meure dans les esprits cette idée que toute œuvre sensible non expliquée par les lois naturelles est un miracle. Or, parmi la multitude des phénomènes inexpliqués, il s'en trouve que l'Eglise n'aurait pas intérêt a présenter comme des miracles. C'est là une grosse difficulté qu'elle pense résoudre en imaginant l'existence d'une certaine catégorie d'êtres de nature particulière qu'elle appelle les démons. Ces démons, purs esprits, seraient les auteurs du mal, les inspirateurs du mensonge et c'est à ce titre qu'ils simuleraient de faux miracles, destinés à tromper les hommes.
On a de tout temps objecté à l'Eglise que croire aux démons comme auteurs du mal, c'était encourir le reproche de contradiction, puisqu'elle admet d'autre part un Dieu comme seul auteur et seul principe de tout ce qui est.
L'Eglise a répondu que les démons n'étaient pas des êtres existant par eux-mêmes, maïs bien des créatures de Dieu.
Soit ! a-t-on riposté. Mais alors votre Dieu est l'auteur du mal ; ¡1 n'est pas l'être infiniment bon que vous nous dites. C'est une autre contradiction ?
Pardon, reprend imperturbablement l'Eglise. Dieu est le seul auteur des êtres qui ont créé le mal, mais il n'est pas l'auteur du mal. Il a créé ces êtres libres et il fallait qu'il les créât tels. Leur dignité en dépendait. C'est par le mauvais usage de la liberté que le mal s'est trouvé
créé.
Les esprits indépendants ne se sont jamais contentés de cette réponse qu'ils considèrent comme un simple sophisme.
Pour ma part, si j'avais la puissance de créer un monde de microbes intelligents, si je les faisais, libres de répandre, ou non, des germes dévastateurs dans tous les organismes vivants et à naître, et si ces microbes usaient criminellement de leur liberté, j'avoue qu'au spectacle de l'univers se débattant sous les étreintes du mal que j'aurais ainsi déchaîné sur lui, il ne me viendrait pas à la pensée de calmer les remords de ma conscience et d'étouffer les accusations de mes victimes en alléguant la nécessite stupide de sauvegarder dans mes microbes une dignité qui leur permettait de devenir des bourreaux.
De quelque côté qu'on la retourne, il est manifeste qu'il y a ici contradiction dans la doctrine catholique.
Le P. de Bonniot. en fils respectueux des erreurs de l'Eglise, devait reprendre a son compte celle que nous venons de constater.
Il expose en effet que les démons sont les créatures du Dieu catholique, qui leur laisse la liberté de commettre le mal. Il les oblige même à le commettre; car, en raison de la condamnation éternelle qui pèse sur eux, ils ne peuvent pas ne pas avoir « l'horreur du vrai et la haine du bien ». Ils sont attachés au mensonge, écrit le P. de Bonniot, « par des liens plus solides et plus durs que l'acier. » Néanmoins, le
Dieu qui fait peser sur eux une telle contrainte n'est en rien responsable.
Une pareille théorie est absurde. Mais quel mérite y aurait-il pour le P. de Bonniot a croire quelque chose qui ne serait pas absurde? Un savant « qui ne serait que savant » s'empresserait de tourner le dos. Les savants, en effet, avant de croire et d'affirmer, demandent de la logique et des preuves. C'est pour cela qu'ils n'ont point de mérite et sont des impies.
Donc, en raison de la haine que les démons se sentent incessamment pour le vrai, ils s'acharnent à faire de faux miracles. Ainsi arrive-t-il qu'une foule de phénomènes inexpliqués se produisent, qui n'ont pas Dieu, mais le démon pour auteur.
Mais comment distinguer les faux miracles des vrais?
Il y a pour cela un moyen très simple :
Tous les phénomènes inexpliqués pouvant Cire tournés a l'avantage de l'Eglise sont de vrais miracles;
Tous les phénomènes inexpliqués ne pouvant être tournés a l'avantage de l'Eglise sont de faux miracles.
L'intérêt catholique ! Telle est la raison capitale qui, dominant le jugement de l'Eglise sur la question qui nous occupe, le met forcément, comme nous l'avons dit, en opposition avec les données rationnelles.
L'explication précédemment fournie par le P. de Bonniot ne suffit plus ici. Il le comprend et s'en donne une autre qui mérite d'être citée.
« Un peu de psychologie est nécessaire pour comprendre ce singulier phénomène. La sensation a deux instants bien distincts. Dans le premier, l'objet agit physiquement, sur des milieux, sur l'organe, sur le nerf de l'organe, où il forme son empreinte et détermine un phénomène à la fois matériel et vivant, matériel parce qu'il est dans le corps, et vivant parce qu'il est dans un corps vivant : ici la sensation va du dehors au dedans, elle est passive dans le sujet sentant. Mais à peine ce premier phénomène est-il accompli, que l'activité sensible de l'âme réagit, se porte du dedans au dehors et saisit activement à sa manière l'objet du sens qui fait en elle son impression. On comprendra bien ce que nous voulons dire, si l'on tait attention à la signification de ces expressions : s'appliquer à entendre, à voir, à toucher; écouter, regarder, palper. Alors l'activité propre de l'âme dans la sensation est clairement consciente. Or, dans toute sensation clairement aperçue, il y a au moins un commencement d'application, et c'est cene application qui, d'après nous, achève la sensation et la rend nettement consciente. Voilà pourquoi, qui n'en fait journellement l'expérience ? une distraction empêche de voir un objet placé devant les yeux et parfaitement éclairé. Il arrive même qu'une direction maladroite de l'attention suffit pour empêcher de voir, et l'on se donne beaucoup de peine pour trouver un objet que l'on a sous la main.
» Ainsi l'analyse démontre que les sens, pour s'exercer d'une manière pleinement consciente, réclament l'intervention de la volonté qui les applique, au moins avec un commencement d'effort, à leur objet. Mais la volonté dans l'hypnotisme, nous l'avons déjà remarqué, dépend intimement de la conviction, de telle sorte qu'on voit quand on est convaincu qu'on voit, et qu'on ne voit pas quand on est convaincu qu'on ne voit pas. Voilà, si je ne me trompe, notre problème résolu. L'hypnotique à qui l'on dit qu'il ne verra pas telle personne à son réveil, est absolument persuadé qu'il aura perdu la faculté de voir cette personne. Par suite de cette conviction, pourra-t-il faire cet effort d'application sans lequel il n'y a pas de vision consciente? cela nous parait absolument impossible. Il se passe en lui quelque chose d'analogue à ce que l'on observe dans l'hypnotique qui a perdu le sens musculaire, et qui n'est point paralysé. Celui-ci est incapable de remuer les membres dans l'obscurité, quoiqu'il les meuve très facilement quand il y voit. Une disposition mentale qui est indispensable, la conscience même du mouvement, lui fait alors défaut. L'hypnotique éveillé a sa volonté paralysée dans une direction par la direction contraire de la conviction. C'est pour cela que, en présence de la personne désignée, il ne reçoit de cette personne que des commencements de sensation; que, lui-même n'achevant jamais ces rudiments, il n'a de fait jamais véritablement conscience des impressions qui lui viennent de ce côté, et qu'il ne se doute pas qu'il la voit, l'entend, la touche et en est touché. »
Ces pages nous semblent tout à fait à l'honneur des facultés d'analyse du P. de Bonniot. Elles suffiraient à indiquer un esprit capable de recherches sérieuses. Malheureusement, elles constituent presque à elles seules, nous l'avons dit, la partie vraiment rationnelle du Miracle et ses contrefaçons.
L'auteur parvient encore à s'expliquer les suggestions à longue échéance, maïs dès qu'il s'agit d'étudier les phénomènes d'exsudations sanguines et les stigmates produits par suggestion, l'esprit d'analyse lui fait de nouveau défaut. C'est qu'ici, l'écrivain catholique se trouve obsédé par sa préoccupation dominante qui est de repousser toujours et quand même ce qui serait de nature à compromettre l'Eglise.
Or, l'explication des stigmates produits par suggestion pourrait avoir pour effet d'établir qu'il n'y a rien de miraculeux dans les miracles des mystiques. C'est assez pour que le P. de Bonniot sonne la charge et pour qu'il parte en guerre, revêtu de sa bonne armure et coiffé de son casque de bataille, son casque qui l'aveugle, sa foi, c'est-à-dire son parti pris. En présence des phénomènes d'exsudation, le P. de Bonniot n'a qu'une conclusion : De pareils faits ne se trouvant pas suffisamment expliqués dans l'état actuel de la science, au lieu d'attendre de l'étude et du temps la solution du problême, il affirme l'existence d'une cause surnaturelle.
IV
Les phénomènes hypnotiques n'ayant encore guère servi l'Eglise sont provisoirement classés parmi les faux miracles.
Toutefois. le P. de Bonniot s'avise ici d'une certaine prudence. Les résultats de l'étude de l'hypnotisme, depuis un certain nombre d'années, sont tels, que l'écrivain catholique prend garde de se risquer, tête baissée, comme a l'ordinaire. C'est qu'en présence des phénomènes si constants qui se produisent dans les expériences d'hypnotisme, il est. en effet, bien difficile d'oser prétendre que les faits observés ne soient pas la conséquence d'une loi, encore inconnue, mais certaine. Le démon ne répondrait pas avec une telle régularité a l'appel des hypnotiseurs; il ne se pique pas, parait-il, d'une si grande ponctualité.
L'Eglise, d'ailleurs, se trouve obligée à une réserve chaque jour plus grande, en face de la science. Ce n'est pas sans un étonnement plein d'inquiétude qu'elle doit constater la fréquence de ses erreurs, et combien de fois elle s'est mise elle-même dans la nécessité de revenir sur ses appréciations. Naguère encore, ne fulminait-elle pas contre le transformisme ? Et voici qu'en présence des preuves nouvelles apportées chaque jour par la géologie à la théorie de révolution, elle est obligée de convenir que la conception de Darwin pourrait bien être vraie.
Après avoir crié a l'impiété de la science, elle en est réduite à tirer sur les textes pour essayer de la concilier avec la Bible. De pareilles contradictions font plus de mal à une doctrine religieuse, dite infaillible, que les plus violentes attaques de ses adversaires. L'Eglise le sent, et le P. de Bonniot le sent comme elle.
Aussi, en ce qui regarde l'hypnotisme, au lieu de conclure immédiatement a l'action satanique, prend-il son parti d'étudier longuement les phénomènes observés. Nous devons même à la vérité de reconnaître que la plus grande partie de ses recherches sur ce sujet sont très consciencieuses et conduites avec une perspicacité dont nous voudrions avoir a le louer plus souvent. La science, en effet, n'a rien à redouter de l'examen méthodique et approfondi de ses adversaires. Elle appelle au contraire cet examen, qui est un des plus sûrs moyens de son triomphe.
Le P. de Bonniot commence cette partie de son ouvrage en rappelant que le somnambulisme a été longtemps rejeté par la science et que, sous le nom d'hypnotisme, il a enfin obtenu droit de cité.
Il serait plus exact et plus précis de dire que les phénomènes du somnambulisme, dépouillés de la mise en scène dont on les entourait* soit par plaisir, soit par intérêt, et ramenés aux faits palpables, constants, indéniables, qu'on classe sous la dénomination nouvelle de phénomènes hypnotiques, ont paru dignes d'étude aux esprits curieux que tentent tous les problèmes posés par l'inconnu.
Le P. de Bonniot expose ensuite les plus remarquables des expé-
riences hypnotiques. Il montre l'hypnotisme créant des hallucinations dans l'esprit et les sens de l'hypnotise ; lui faisant sentir à son gré le chaud ou le froid, le plaisir ou la douleur, l'extase ou ta terreur, et cela par simple affirmation; lui ordonnant d'agir et l'obligeant à une obéissance d'automate, quel que soit d'ailleurs l'acte prescrit.
Quelle peut être l'explication de ces phénomènes ?
Le P. de Bonniot les ramène tous à une cause unique : la suggestion. Dans cette suggestion, il voit deux éléments : l'affirmation de l'hypnotiseur et la conviction produite chez l'hypnotisé par cette affirmation, conviction qui entraîne des déterminations, des actes ou des phénomènes consécutifs.
« C'est la conviction du sujet, écrit le P. de Bonniot, qui est ici le grand, l'unique thaumaturge. Elle a cela de particulier chez l'hypnotique, qu'au lieu de suivre son objet, d'en être l'effet, elle le précède et le fait naître dans la mesure du possible. Cet objet est tantôt une résolution de la volonté, laquelle détermine fréquemment à son tour des mouvements extérieurs destinés à la réaliser; tantôt des hallucinations avec des émotions qui en sont la conséquence et qui déterminent des troubles nerveux de diverses sortes.
» Mois comment, poursuit-il, l'une telle conviction peut-elle naître naturellement ? Et 2° comment peut-elle produire son effet?
» 1° La conviction de l'hypnotisme est de même ordre que la crédulité de quiconque rêve endormi. La distinction du vrai et du faux, du réel et de l'imaginaire, est un acte de la raison attentive qui prononce sur la valeur des signes extérieurs des choses. Dans le sommeil, l'attention est amoindrie ci paralysée au point de rendre impossible le mouvement de l'intelligence nécessaire à la comparaison. L'esprit alors n'est point suffisamment armé pour refouler l'apparence dans la fiction, et il croit à la réalité du faux par l'impuissance où il est d'y opposer le vrai.
» 2° Comment la conviction, ainsi produite, crée-t-elle ce qu'elle croit ?
» S'il s'agit de l'efficacité de la conviction sur la volonté, rien ne nous semble plus simple. On dit a une personne hypnotisée : « Vous voulez manger; vous voulez danser; » aussitôt elle croit qu'elle veut manger, qu'elle veut danser ; la volonté de manger, de danser, vient se placer spontanément sous cette conviction. La volonté contraire, ou même la seule indifférence de la volonté ne se comprend plus. La parole de l'hypnotiseur, fausse au moment où il la prononce, est vraie dès qu'elle est achevée. C'est quelque chose de semblable a ce qui se passe lorsqu'on fait rougir un sujet très impressionnable en lui affirmant qu'il rougit. »
Telle est l'explication que se donne l'écrivain catholique du mécanisme de la suggestion hypnotique. Si cette explication n'est pas absolument indiscutable, elle peut, certes, être méditée utilement.
Mais les faits d'hallucination ne sont pas les seuls produits par la suggestion. L'hypnotisme non seulement fait sentir ce qui n'est pas,
mais encore il empêche de sentir ce qui est. Ainsi, une personne présente pourra cesser d'être aperçue sur la suggestion de l'hypnotiseur ; son contact ne sera plus senti par l'hypnotisé.
Cette cause s'appelle Dieu, s'il s'agit des stigmates des mystiques; si au contraire il s'agit des phénomènes hypnotiques, elle s'appelle le démon.
C'est de pareils illogismes qu'est rempli Le Miracle et ses contrefaçons; c'est de semblables déraisonnements qu'est faite l'opinion de l'Eglise sur la plupart des questions scientifiques. On s'étonnerait volontiers de les rencontrer si nombreux, si fréquents, si enracinés dans un esprit qui n'est pas sans valeur. Ce phénomène est pourtant explicable, surtout pour les personnes au courant de ce qui se passe journellement dans les expériences d'hypnotisme.
Ceux-là savent qu'entre les mains d'un hypnotiseur habile, il n'est pas d'intelligence qui n'abdique ; pas de raison qui. au gré de l'expérimentateur, sur un point quelconque ou sur tous les points, ne cesse de raisonner. Le sujet, une fois endormi, ne s'inspire plus de son propre jugement. Celui-ci même semble avoir cessé d'exister, comme force directrice. Déformé, pétri, réduit a l'état de pâte molle, il subit toutes les compressions, il présente toutes les difformités imaginables, sans pouvoir même s'en rendre compte.
Tel est l'effet de la suggestion hypnotique, et cet effet, que ne nieront aucun de ceux qui se sont occupés d'hypnotisme, nous permet de nous rendre compte de celui qui résulte d'une autre suggestion qu'en un précédent article, publié dans cette Revue, nous avons appelé la suggestion des milieux.
Le P. de Bonniot a subi cette dernière suggestion, et c'est par elle que sa libre intelligence est asservie. C'est elle qui, lui permettant, lui prescrivant même le respect des lois de la raison dans toutes les conditions et toutes les circonstances de la vie, lui en impose au contraire le mépris sur un point particulier. Né dans un milieu catholique, il a obéi à la suggestion de ce milieu dans lequel il s'est lentement développé, comme fait une plante en un terrain dont elle porte en elle, qu'elle le veuille ou non, les principes nutritifs. Né mahométan, il se fût tout aussi fatalement imprégné de la doctrine d'Allah et de Mahomet, son prophète. Il eût brûlé ce qu'il adore aujourd'hui ; il se fût incliné devant la prétendue vérité du prétendu mensonge qu'il condamne, au nom des suggestions dont il a été entouré dès son berceau.
Les suggestions eussent été autres; le degré de conviction eût été égal.
Voyez comme on pourrait lui retourner tout ce qu'il écrit sur l'état de conviction des hypnotisés :
« Il importe de remarquer, dit-il, que l'acte de volonté produit par la conviction hypnotique n'a rien de rationnel, c'est-à-dire n'est- pas déterminé par des motifs présentés à la raison. C'est plutôt le fait d'une
impulsion semblable à l'instinct. L'hypnotisé veut, d'abord parce qu'il croit vouloir, puis parce qu'il veut déjà. Cette dernière forme est celle de l'entêtement ; elle nous explique pourquoi l'hypnotisé veut avec tant d'énergie. Quand l'entêtement permet aux motifs de se faire jour, alors on voit l'hypnotisé hésiter et parfois même agir contrairement à la suggestion.»
L'application qu'on pourrait faire de ces paroles à l'état psychologique de celui qui les a écrites n'est-elle pas saisissante?
Lorsqu'il conclut, comme il le fait, à l'existence du miracle en s'appuyant sur une définition vide de sens, lorsqu'il prétend pour l'Eglise au monopole des prétendus miracles, lorsqu'il dénonce les contrefaçons sataniques dont l'hypnotisme n'est qu'un échantillon, est-ce que le P. de Bonniot « est déterminé par des motifs présentés à la raison » ? Nullement! Il croit pourtant procéder rationnellement.
Il le croit, comme croient les hypnotisés, et sans s'apercevoir, qu'en définitive, il déraisonne le plus logiquement du monde tout le long d'un volume, pour aboutir à cette déclaration à priori, qui est juste le contraire d'un raisonnement : « Dieu n'est pas embarrassé pour faire des miracles ; ce n'est pas la peine de discuter ! »
Il semble impossible que son jugement ne sente pas ici toute son inconséquence; et pourtant il n'en est rien, car « l'hypnotisé veut, d'abord parce qu'il croit vouloir, puis parce qu'il veut déjà !» Le P. de Bonniot, lui, est convaincu quand même, d'abord parce qu'il croît être convaincu, puis parce qu'il veut être déjà convaincu.
« Cette dernière forme, continue-t-il, est celle de l'entêtement ; elle nous explique pourquoi l'hypnotisé veut avec tant d'énergie. »
Je voudrais n'avoir pas à dire que la conviction du P. de Bonniot est « de cette dernière forme ». Mais je me demande si lui-même ne se défendrait pas contre mon scrupule, en protestant qu'il est bien de ceux qui se font honneur de répéter la fameuse parole : « Je crois, j'affirme, même quand c'est absurde, et parce que c'est absurde ! »
Je doute que les hypnotiseurs qui opèrent dans les cliniques arrivent jamais à produire des résultats plus complets.
RECUEILS DE FAITS APPLICATION DE L'HYPNOTISME AU TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES
M. le docteur G. Burckhardt, directeur de l'asile d'aliénés de Préfargier (Suisse), a recueilli un certain nombre d'observations dans lesquelles il a obtenu de réels avantages de l'emploi de l'hypnotisme comme procédé thérapeutique. Nous publions le résumé de quelques-unes de ces observations qui ont trait à des femmes.
1° Femme 3gée de 43 ans.
Est atteinte d'hypocondrie à un très haut degré. Elle sent pour ainsi dire tous les organes de son corps; leur fonctionnement lui occasionne des sensations douloureuses et pénibles, ce qui lui fait croire qu'ils sont tous plus ou moins gravement attaqués. La malade a perdu tout espoir, elle est persuadée quelle ne se remettra plus, elle est beaucoup plus mal que les précédentes fois. — Troubles de la digestion jusqu'à arrêt complet,déperdition des forces. Elle ne fait que se lamenter « analyser ses sensations, vit dans une agitation continuelle et ne dort plus.
Les premières séances d'hypnotisation ne produisirent qu'un sommeil léger, qui devint de plus en plus profond. Les suggestions tendent à rétablir le sommeil et les fonctions digestives, et surtout à détourner l'attention des sensations anormales multiples. — La malade se trouve fort bien de ce régime et au bout de peu de semaines elle entre en convalescence, alors qu'avant l'emploi de l'hypnotisme elle n'avait pas fait beaucoup d'avance.
2° Femme âgée de 37 ans.
Hérédité directe. — Souffre d'idées Me persécution et de grandeur avec hallucinations de l'ouïe qui surviennent par moments et s'accompagnent de crises d'agitation (cris, pleurs) plus ou moins violentes. — Tendance aux voies de fait. Insomnie complète. Montées de sang à la tête. — Troubles menstruels. — Obésité. — L'affection remonte a plusieurs années. — La malade a bien souvent change de domicile sans aucun résultat. — Son mariage ne lui a apporté aucun soulagement.
Lors des premières séances, le sommeil provoqué par la fixation du regard s'est fait longtemps attendre et a été précédé d'une phase d'agitation convul-sive assez analogue à celle que l'on remarque dans la narcose chloroformique Plus tard, cette phase d'agitation a disparu ; la malade s'est endormie tranquillement et elle est devenue accessible aux suggestions.
3° Femme âgée de 67 ans.
En est à son troisième séjour à Préfargier et souffre comme les précédentes fois de mélancolie passive. — Les idées d'indignité sont très prononcées, bien que la malade parle peu, et à plusieurs, reprises le délire s'est rapproché de la folie systématisée.
C'est principalement pour combattre ces idées délirantes et rompre le fil des préoccupations incessantes qu'elles donnaient à la malade, que j'ai entrepris chez elle le traitement hypnotique. La malade s'endort facilement par la fixation du regard et ensuite par la parole.— Elle réalise bien les suggestions faîtes dans le but indique, et après chaque séance se trouve soulagée pour quelques heures.
Le sommeil naturel redevient meilleur. J'ai essayé,dans ce cas, de combattre une constipation opiniâtre qui faisait beaucoup souffrir la malade, en lui suggérant le fonctionnement régulier des organes digestifs. Mais je suis resté dans le doute sur l'efficacité des suggestions.
4° Femme âgée de 28 ans-Héréditaire. — Hystérique et alcoolique.
La malade présente le délire de jalousie, particulier aux alcooliques, délire accompagné d'hallucinations incomplètes de l'ouïe. Elle s'agite souvent, devient violente, et s'est laissée aller plusieurs fois à des voies de fait à l'égard de son mari et de ses enfants. — Elle a passé aussi par des phases de dépression mélancolique pendant lesquelles elle prend les meilleures résolutions, mais au bout de peu de jours l'agitation reparait. Les nuits sont sans sommeil, les fonctions digestives profondément troublées. — Depuis deux mois, la situation n'a fait que s'aggraver. — A son arrivée, elle est en plein délire des persécutions. — Cependant, sous l'influence du régime régulier, elle se calme jusqu'à un certain point.
L'hypnotisation se propose dans ce cas, en premier lieu, d'inspirer à la malade la confiance à l'égard de son mari et le goût du travail, et, en second lieu, de lui faire prendre en horreur toute boisson alcoolique.
Le sommeil a été provoqué par la fixation du regard et après quelques séances il se produit très facilement. Les suggestions ont atteint le résultat désiré. La malade a pu quitter la maison au bout de peu de semaines et s'est bien tenue pendant un certain temps. — Mais dès lors elle est retombée dans son ancien état.
5° Femme âgée de 28 ans.
Cas de manie puerpérale très aigu.
Cette femme a eu quelques couches très rapprochées. L'épuisement qui en est résulté et l'existence d'une phlébite accompagnée de fièvre sont les causes principales de la maladie. — Après les premiers quinze jours, pendant lesquels la vie de la malade fut en danger, l'agitation et la tendance aux violences et aux actes désordonnés n'était plus permanente, mais se déclarait par accès alternant avec des moments relativement lucides. M. le Dr Godet remarqua alors qu'on pouvait parfois couper une nouvelle crise d'agitation par la suggestion. — On n'avait pas besoin d'endormir la malade. — En lui suggérant l'idée de se tenir tranquille, l'impossibilité d'ouvrir la bouche, etc., on parvenait à obtenir le calme. — Ce fut frappant à voir. — Bientôt l'agitation disparut tout à fait, et la malade entra en convalescence.
6° Femme 3gée de 44 ans.
Hystérie grave. — Morphinisme invétéré. — Insomnies opiniâtres depuis des années. — La morphine ne procurait plus de sommeil. Après un assoupissement de une à deux heures dans la nuit ou parfois au milieu du jour, la malade se trouvait agitée et énervée. — Vomissements fréquents, malgré les piqûres.
Le traitement hypnotique ne fut institué qu'après sevrage complet de la morphine et dans le but de ramener le sommeil, d'améliorer la digestion et de combattre la disposition aux crampes tétaniformes (avec perte de conscience) qui se déclara après la cure suppressive. La malade fut endormie par la fixation du regard, procédé Voisin. Dès la première séance, la suggestion produisit un sommeil-de plusieurs heures qui, ultérieurement, persista pendant huit ou dix heures par nuit. Les autres symptômes diminuèrent graduellement et on peut espérer un bon résultat final.
Avant de s'endormir complètement, la malade se sent légèrement angoissée. — La respiration devient haletante, et il y a quelques contorsions des membres. Le tout est l'affaire de quinze secondes. — Au réveil, soit spon-
tané, soit suggéré, elle se sent parfaitement bien et reposée comme après un bon sommeil naturel. 7° Femme âgée de 44 ans.
Hystérique. — Tendance aux spasmes tétaniformes, — Insomnies. — Morphino-chloralisme.
Le traitement hypnotique est institue dans ce cas pendant la suppression graduelle desdites drogues. — Le sommeil n'est ni aussi prompt à venir Ini aussi profond que dans le cas précèdent. L'hypnotisme ne peut s'obtenir par la fixation du regard, la tendance aux crampes s'accentuant immédiatement, et l'on doit avoir recours a la suggestion verbale. Souvent le résultat n'est qu'incomplet, mais la malade parvient a se tenir tranquil.e pendant des heures. — Et peu a peu le sommeil naturel revient dans une certaine mesure. — Elle nous a quitte dans un état de santé très satisfaisant.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du 21 juillet. — Présidence de M. bouchard
Nouveau procédé d'hypnotisation.
M. Luys. — Les personnes qui s'occupent de recherches hypnotiques savent combien il faut de persévérance, de fatigue et d'attention soutenue pour arriver à produire, au début, chez les sujets non entraînés, les phénomènes de l'hypnose.
Les uns, à l'exemple de Braid, font miroiter devant les yeux du sujet un objet brillant, un bouchon de cristal, par exemple; ou bien ils agissent direc-tement par la sensibilité de la rétine en comprimant légèrement le globe oculaire d'avant en arrière.
Les autres s'adressent, plus directement, au nerf acoustique et à la sensibilité auditive. Tantôt ils produisent une série de sons articulés, et incitent, itérativement, le sujet à s'endormir ; tantôt ils ont recours soit aux vibrations d'un diapason, soit au tic tac d'une montre, soit à un bruit violent et soudain, produit parla résonance d'un gong chinois, etc.
En présence de ces difficultés multiples, bien souvent suivies d'insuccès, j'ai songé à avoir recours à des moyens plus pratiques et plus actifs, en remplaçant l'action propre de l'hypnotiseur par celle d'agents mécaniques, agissant par eux-mêmes et aptes, par conséquent, à produire les résultats désirés.
L'instrument qui m'a paru le plus propre à atteindre le but que je me proposais, c'est le miroir à alouettes. En songeant, en effet, à l'action spéciale, fascinatrice que ces miroirs mobiles, éclairés par le soleil, sont susceptibles de déterminer chez ces oiseaux, je me suis demandé si, par analogie, ces
mêmes instruments ne seraient pas aptes à produire chez l'homme, du moins chez certains sujets névrosiques, prédisposés, des actions similaires et à développer ainsi, mécaniquement, leurs aptitudes latentes à l'hypnotisation.
Ces instruments, d'après ce que j'ai vérifié, ont chez les sujets hypnotisa-bles, soii du sexe masculin, soit du sexe féminin, chez les hystériques et les non hystériques, chczles hémiplégiques, et même chez les ataxîques, une action somnitcre des plus évidentes.
Une fois le sujet placé devant un de ces appareils en mouvement, l'appareil étant lui-même disposé de manière à réfléchir convenablement la lumière, une fois, dis-je. qu'on lui a dit de fixer le miroir, la fatigue des yeux arrive vite et. en général, au bout de cinq à six minutes, quelquefois même d'une façon instant-mée, on les voit fermer les yeux et s'endormir. On reconnaît alors que tantôt ils sont en catalepsie franche, les membres gardant leurs attitudes, et tantôt dans un état de sommeil, naturel en apparence, et profond.
Au fur et à mesure qu'on répète les séances de fascination, j'ai remarqué que les sujets, d'abord en catalepsie, sont aptes insensiblement a passer en période de léthargie profonde avec les phénomènes d'hyperexcitabilité neuro-musculaire qui n'apparaissent pas dans les premiers temps. Il est à noter qu'on peut grouper trois ou quatre sujets autour d'un appareil en rotation et qu'on peut ainsi les endormir tous à la fois; c'est là un point utile à connaître pour l'étude des phénomènes hypnotiques, que l'on peut suivre ainsi simultanément sur plusieurs sujets à la fois.
Dans la même série d'idées, j'ai eu encore recours, comme moyen succédané des appareils rotatifs, à l'emploi de la lumière électrique sous forme de lampe à incandescence, sous forme de bijoux étincelants, etc.
VARIÉTÉS
I _
L'ASTUCE CHEZ L'ENFANT
Par le Dr Collineau (Suite)
La simulation, dans le second groupe, est plus complexe. Ici encore s'impose, ostensible, la souveraineté du but ; mais les choses se passent tout différemment. Il faut partir de ceci : l'astuce est une des aptitudes notoires du sujet; l'astuce liée d'ordinaire à la vivacité de l'imagination et à la lucidité de l'intelligence. Celui-là sait ce qu'il veut. Il le sait pertinemment. De longtemps, sa décision est prise; et pour réaliser le vœu qu'il a formé, rien ne lui coûte. Aussi est-ce de longue main qu'il médite son programme, qu'il le complète, châtie, affine. D'avance, tout obstacle est prévu. A .toute objection, réponse est prête. Pas un détail qui soit omis. Rien qui soit livré au hasard. C'est un plan de campagne en règle. C'est une trame si serrée et ourdie avec tant d'art que parfois les plus expérimentés s'y laissent prendre et que deux, trois enquêtes
successives échouent tour a tour devant tant d'insistance, d'habileté, de hardiesse.
Les fauteurs habituels dé ces machinations conçues avec une duplicité prématurée sont, comme Dufcste lie fait remarquer, des fillettes de huit.à quatorze ans. Suivant Bourdin. les enfants abandonnés fournissent â la série un contingent considérable. De son côté, Motet (1). en rapportant de nombreux exemples de simulation savante recueillis à la prison de la Roquette, déclare que chez les jeunes détenus € le mensonge atteint des proportions inouïes; non pas par le mensonge naïf et malhabile, maïs le mensonge compliqué, préparé, soutenu avec une astuce qui déjoue toutes les recherches. »
Enquércz-vous des facteurs de ces perversions sentimentales portées, en certains cas, à un si haut degré; cherchez, et vous trouverez, la plupart du temps, l'hérédité et l'éducation. Nous allons revenir la-dessus en un instant.
Dans le troisième groupe, on ment pour mentir; on trompe pour tromper; on intrigue pour intriguer; on accuse pour accuser. On accuse au hasard, on s'accuse soi-même, au besoin, de méfaits imaginaires. De fait, on est sous l'empire d'une névrose — l'hystérie — féconde en impulsions bizarres, irraisonnées, impulsions parfois irrésistibles.
Ce qui distingue d'une manière fondamentale les imposteurs de ce groupe de ceux des précédents, c'est qu'ici le but, le mobile de l'imposture sont impossibles à déchiffrer. Quoi d'étonnant à ce qu'ils soient indéchiffrables, puisqu'on réalité ils n'existent pas? La simulation, alors, on ne saurait trop y insister, n'a aucun but. A proprement parler, c'est à titre de phénomène pathologique, de manifestation clinique, de symptôme, qu'elle se produit, et c'est comme telle qu'il convient de la considérer. Tout à l'heure, dans le deuxième groupe, nous démêlions un état mental particulier, un état mental qui, plaçant le sujet sur les limites de la maladie et de la santé, a été, à juste titre, désigné sous le nom d'exfra-phj-siologique. A présent, c'est un état mental décidément morbide que force est bien d'admettre. Si les enfants nerveux du second groupe peuvent être, en une foule de cas, regardés comme autant de candidats à l'hystérie; si, encore à l'état latent, la névrose convulsive n'attend que l'occasion pour éclater, chez les sujets qui forment le troisième, la prise de possession de l'organisme est consommée et la névrose se trahit soit parles spasmes qui en constituent un des syndromes caractéristiques, soit par des stigmates d'ordre divers non moins probants. Le fait de simuler sans motif plausible est déjà, sous ce rapport, une révélation.
Point curieux, sur lequel Dufestel ne manque pas d'insister, l'hysté-rique enfant simule avec autant d'habileté, de ténacité, d'audace que l'hys-
(i) Motet, Discussion à la Société médico-psyCÂohgiquc. Ano. modico-psychol. C* série. T. IX, p. a8i, i883. Paris.
térique adulte. Comme l'adulte, il aime à porter tout à l'extrême, et veut à tout prix qu'on s'occupe de lui. qu'on le plaigne, qu'on prenne part à ses misères. A tout prix, il lui faut se rendre intéressant; et il n'est excentricité, mensonge, imposture, calomnie, dont il ne soit capable dans l'unique espoir de se faire remarquer.
Bref, pourvu que l'aptitude à l'astuce y soit, la paresse, la gourmandise, une convoitise quelconque, un caprice, le dé*ir de s'épargner quelque lourd labeur, celui de se faire gà;er, la vanité, l'imitation, de pernicieux conseils, dans le jeune Age. tel est, indépendamment de l'impulsion morbide par elle-même, le point de départ de l'imposture à laquelle se contraignent, ou dans laquelle se complaisent les esprits mal équilibrés.
Quelles formes précises revêt la simulation? — C'est ce que nous avons, maintenant, à spécifier.
A défaut d'expérience, l'enfant est particulièrement enclin a l'imitation. On doit, par conséquent, s'attendre a le voir reproduire soit les plaintes qui ont pu déjà frapper son oreille, soit les manifestations cliniques dont le hasard l'a rendu témoin.
Eh bien, avec Dufestel, on peut diviser en quatre groupes les perturbations de la santé que simulent d'ordinaire les enfants astucieux. Dans le premier rentrent tous les phénomènes purement sensit f . Ici. le symptôme culminant accusé c'est la douleur. Par un sentiment de jalousie, et pour appeler sur elle l'intérêt, une petite fille de six ans, observée par Jules Simon i). se plaignait de maux de tête continuels et de photophobie. Elle refusait les aliments et persistait à rester dans l'obscurité. A quatorze ans, c'était une hystérique. — En vue de couper court à un apprentissage qu'il trouve trop fatigant, un jeune garçon de quatorze ans observé par Dufestel dons le service du professeur Grancher, se dit en proie à de violents maux de tête, à des troubles gastro-cmériques, à des fourmillements dans les jambes qui n'existent [on l'amène à en faire l'aveu) que dans son imagination. — Démoralisé par les perpétuels gémissements de sa mère, à la suite du décès par méningite d'un enfant, un jeune garçon de treize ans accuse à son tour des maux de tête, de la raideur du cou, une sensibilité exagérée de la vue et de l'audition, la perte de l'appétit, etc. La fermeté du père et l'intervention du médecin mettent bon ordre à cette comédie (i).— Deux sœurs, l'une de quatorze ans, l'autre de treize, se présentent quinze jours consécutifs à la clinique d'Eross, se plaignant, celle-ci de douleurs temporales, celle-là de douleurs intercostales. Pressées de questions, elles finissent par faire l'aveu de leur supercherie, mais s'obstinent à en taire le motif.
(.4 suivre.)
(0 JWn Smoi*, Conférences cliniq. et thirap. sur les maladies des enfants. T. I, p. i85. Paris.
(i) Cm. Wih, Leçons sur les maladies des enfants. — Traduction d'A;¦ iiumbaolt Paris.
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
Les dangers de l'hypnotisme extra-scientifique.
A la suite de la publication de son travail sur la nécessité d'interdire les séances publiques d'hypnotisme, M. le D* Guermonprez a reçu de M. le professeur A. Pitres, la lettre suivante qui vient corroborer d'une façon très précise un des faits sur lesquels il avait basé son argumentation :
Bordeaux, 18 juillet 1888.
¦ Très honoré confrère,
j>.....Le jeune homme dont vous parlez fi) était un garçon vigoureux
d'une vingtaine d'années, employé au Chemin de fer du Midi, qui avait été hypnotisé par Donato à différentes reprises. Quelques jours après le départ de Donato, il devint sujet à des attaques de sommeil spontané dans lesquelles il mimait les scènes que lui avait fait jouer le magnétiseur sur le théâtre. Pendant plus de six mois, ce pauvre garçon a été sujet à ces accidents; il est aujourd'hui complètement rétabli.
» Je partage tout à fait votre avis relativement aux dangers de l'hypnotisme extra-scientifique. J'ai même fait sur ce sujet, à la fin de l'année dernière, une leçon que j'ai eu le tort de ne pas faire publier, mais qui paraîtra bientôt dans un livre dont je termine la rédaction. Aux inconvénients que vous signalez, on peut, si je ne me trompe, en ajouter un autre : c'est le désordre, le trouble profond qui résultent de la dissémination dans les milieux incompétents des pratiques de l'hypnotisme. Donato avait suscité à Bordeaux une véritable épidémie de folie hypnotique. Les souteneurs endormaient des filles dans les lupanars, des négociants, des viveurs, des dandys de toute sorte hypnotisaient leurs maîtresses. C'était devenu une véritable manie, et j'ai approuvé la mesure par laquelle la municipalité de Bordeaux a interdit la continuation des séances de Donato, parce que je crois, comme vous, qu'il ne faut pas laisser les poisons et les armes dangereuses entre les mains de tout le monde.
» Veuillez agréer, etc.
» Signe : A. Pitres, a
Brigands et magnétiseurs.
M. le docteur Cari du Prel, de Munich, nous prie d'insérer la note suivante:
• Un livre intitulé La Main for, et publié probablement au dix-septième on au dix-huitième siècle, contient, d'après les communications qu'on m'en a uiies, l'histoire très curieuse et appuyée sur des documents officiels d'une bande de brigands de cette époque, bande qui avait choisi le Sud de la France pour le théâtre de ses exploits. Les méfaits de ces voleur» se rattachent a la théorie du magnétisme animal, par le fait que les brigands, pour commettre leurs vols ou leurs rapts, ont rendu leurs victimes incapable» de défense en le» plongeant dans un profond sommeil à la suite d'un simple attouchement avec la main.
(0 Revue Je l'Hypnotisme. Juillet 1888. N* 1, p. 14-
» Le livre en question me parait d'une grande importance pour l'histoire du magnétisme et surtout pour l'étude des diverses manifestations des effets magnétiques. 11 est très rare, et on n'en connaît même pas le nom dans les bibliothèques les plus célèbres de l'Allemagne, ou je l'ai fait chercher.
» C'est pourquoi je me permets de prier les hommes de lettres, les directeur» de grandes bibliothèques et les amateurs de livres rares, ainsi que les bouquinistes de m'en avertir, si par hasard ils rencontraient le volume en question.
s» Je serai particulièrement reconnaissant a celui qui me ferait parvenir quelques renseignements sur ce livre ou un extrait exposant d'une façon assez complète le fait en question et de nature a pouvoir être inséré dans l'Archiv du Magnétisme animal.
Dr Cahl du Pbel, à Munich. •
NOUVELLES
Société de phusiologie de Washington. — t'a: Société de physiologie vient de se fonder à Washington. Sa première réunim annuelle aura lieu au mois de septembre prochain. ,
— En séance plenière, les membres de l'erseignement supérieur de Montpellier, les membres de l'Académie des sciences et lettres, viennent de décider que dans l'hiver 1880-1890 on célébrerait le sixième centenaire de la fondation de l'Université de Montpellier.
Association médicale britannique. — La prochaine réunion annuelle (la 56e) de cette Association aura lieu à Glasgow, du 7 au 10 août.
Mèdecine en Tunisie.— Un décret établi:, qu'à dater de l5 juillet 1888, nul ne pourra pratiquer dans la Régence la médecine, la chirurgie et les accouchements, s'il n'est possesseur d'un titre donnant droit à cette pratique dans le pays où il lui a été concédé. L'exercice simultané des professions de médecin et de pharmacien est interdit.
Congrès pour l'étude de la tuberculose. — La première session du Congres pour l'étude de la tuberculose s'est ouverte, mercredi 25 juillet, à trois heures de l'après-midi, dans le grand amphithéâtre de la Faculté de médecine, sous la présidence de M. Chauveau, assisté de MM. Verneuil. Villemin, Corail, Lannelongue, Larrey, et de M. Petit, secrétaire général.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
Etudes de psychologie expérimentale : Le fétichisme dans l'amour, la vie psychique des micro-organismes, l'intensité des images mentales, le problème hypnotique, note sur l'écriture hystérique, par Alfred Binet. — Va vol. in-in de 31o pages avec figures dans le texte. Octave Doin, édit., 1888. — Prix : 3 fr. 5o.
Om hypnotismeus anvandande i den praktiska medicinen, par Otto
Wetterstraud.— Stockholm. Seligmaus Forlag, broch. in-8°, 1888.
Considérations générales sur les fausses rages, par le Dr E. Messet,
médecin de l'Hôtel-Dieu. — Broch. in-8°, Maison, 1887.
De l'hypnotisme, discours prononcé à l'Académie royale de médecine par le Dr LEFEBEVRE. membre de l'Académie. — Bruxelles, broch. in-8°, 1888.
Maison de santé de Préfauger, exercice 1884, 39° rapport annuel par le
Dr G. Burckhardt.— Neufchâtel. broch. in-8°, 1888.
Traité pratique et clinique d'hydrothérapie, par Duval. médecin en chef de l'Institut hydrothérapique. — In-8° de 900 pages avec figures, avec une préface de M. Peter. — J.-B. Baillière. Paris. 1888, 10fr.
L'Administrateur-Gérant: Emile BOURIOT, 170, Rue St-Antoine.
paris. —imprimerie charles dlot, rue bleue. 7.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
BCXLÈtiS
L'ACTION DES MÉDICAMENTS A DISTANCE
Ce qu; nous avions prévu l'année dernière, lorsque l'Académie de médecine nommait une commission chargée de vérifier les expériences de M. Luys sur l'action à distance des substances médicamenteuses, s'est pleinement réalisé.
La commission ayant voulu modifier le plan expérimental de M. Luys, est arrivée à des conclusions complètement opposées. Le même fait s'était déjà produit lorsque cfes expérimentateurs exercés, comme MM. Bernneim et Jules Voisin, avaient voulu vérifier la réalité de l'action médicamenteuse à distance sur les sujets les plus sensibles de leur service.
M. Bernheim avait institué un programme d'expériences dont la rigueur scientifique ne laissait rien à désirer. Mais l'application de ce programme conduisait à la conclusion que tout se réduisait à des phénomènes de suggestion inconsciente.
Quant à M. Jules Voisin, il fut rapidement amené à se convaincre que c'était non seulement la suggestion, mais encore 1 auto-suggestion et la vivacité du souvenir dans le sommeil hypnotique qui rendaient le mieux compte de tous ces phénomènes.
Nos lecteurs trouveront dans le volume de la seconde année de la Revue toutes les péripéties de ce débat si intéressant.
Il était à prévoir que M. Luys ne voudrait pas rester sous le coup du rapport de M. Dujardin-Beaumetz, qui infirmait et contredisait tous les résultats obtenus par lui. II s'est appliqué à le réfuter pied à pied dans toutes ses parties.
MM. Dujardin-Beaumetz, Brouardel et Cariel ont naturellement maintenu les conclusions adoptées à l'unanimité par la commission et, assurément, M. Luys n'est parvenu à faire passer sa conviction dans l'esprit de personne. Bien plus, des esprits sceptiques et prompts à la raillerie, comme il s'en trouve tant, ont voulu voir
dans la brusque façon dont s'est terminé le débat, un échec pour la cause de l'hypnotisme.
Il n'en est heureusement rien. Des expériences et des travaux personnels ne sauraient engager que la responsabilité de leur auteur. Si les expériences de M. Luys se sont heurtées à des objections difficiles à réfuter, il est certain, au contraire, que les conclusions de l'Ecole de Nancy, faciles àcontrôler. vérifiées sur des milliers de sujets par des médecins de tous les pays. ne courent plus le risque d'être mises en doute. Leur réalité est aujourd'hui universellement reconnue et les applications pratique s qui en découlent ne cessent de frapper et de convaincre journellement les esprits les plus prévenus.
Nous pensons cependant qufîl y aurait à tirer de la discussion stérile qui vient d'avoir lieu à l'Académie un enseignement utile : c'est que. lorsqu'il s'agit de phénomènes aussi controversés que ceux qui relèvent de l'hypnotisme, il ne laut présenter comme acquis à la science que des faits capables de supporter le contrôle le plus rigoureux.
Nous nous rallions volontiers à l'opinion du Journal des sciences médicales de Lille, lorsqu'il dit à ce sujet : « N'oublions pas qu'il n'y a de science que là où il y a possibilité de contrôle ; qu'il y a des causes d'erreur qui tiennent à l'expérimentation, au sujet en expérience, au mode expérimental ; c'est faute de se souvenir des règles précises de l'expérimentation, si magistralement données par Bacon, que tant de travaux contiennent des erreurs positives et viennent entraver la marche de la science. »
Ajoutons cependant que les expérimentateurs ont un moyen facile d'éviter la principale cause d'erreur. Ce moyen consiste moins à se défier de la simulation possible du sujet, qu'à se souvenir du laconique conseil donné par le professeur Bernheim : « Défiez-vous de la suggestion. »
Cr Edgar Bérillon.
ORIGINE DES EFFETS CURATIFS INSTANTANÉS DE L'HYPNOTISME SUR LES MALADIES CHRONIQUES
Par M. J. DELBŒIF paoï-Bssr.i'ft i l'université de liège
La douleur est une cause d'irritation. Une preuve en est que la douleur suggérée peut engendrer des stigmates, des vesications, des brûlures.
{t) Cette étude complète le travail publié en 1887 par notre collaborateur M- J. Delbonf: De l'origine des effets curatifs de l'hypnotisme. Alcan, Paris 1887. -
Toute lésion organique, accompagnée de douleur, porte donc en elle une cause d'aggravation. L'on conçoit, par là, que l'apaisement de la douleur par la suggestion puisse entraîner une amélioration correspondante.
C'est ce que j'ai montré par l'expérience suivante : Deux brûlures faites au même sujet, a deux endroits symétriques (aux deux bras, aux deux épaules), dont l'un était soustrait par suggestion à la douleur, ont manifesté de* réactions absolument différentes ; Tune suivant son cours naturel et s'accompagnant d'un processus inflammatoire, l'autre se bornant à la destruction du tissu.
Il est donc légitime de considérer comme l'une des causes du processus inflammatoire la douleur même. Elle hypnotise le malade en ce sens qu'elle le fait penser au siège de son mal, et, par là. entretient ou agrandit la plaie. C'est ce qui paraît résulter, en outre, de la contre-expérience : Si, pendant le cours de l'inflammation, on supprime la douleur, l'inflammation s'arrête et la plaie se guérit.
Ces points admis, surgit la question de savoir quel est le mécanisme de cette action de l'idée sur la matière corporelle. J'ai alors supposé que l'attention et !a volonté, soustraites momentanément à l'attraction qu'exerce sur elles le monde extérieur, pouvaient, en vertu d'un ancien pouvoir qu'elles ont cessé d'exercer, mais n'ont pas abdiqué, agir sur les organes de la vie végétative, les vaso-moteurs, les glandes, les muscles lisses. Je montrais même que, dans la vie ordinaire, on peut, dans une certaine mesure, dégager ce pouvoir en pensant fortement à l'effet qu'on veut obtenir. C'est ainsi que certains observateurs ont la faculté de contracter ou de dilater leurs pupilles et môme de fatiguer leur rétine par un rouge imaginé, au point de voir ensuite réellement un vert complémentaire. Moi-même, me soumettant à une longue opération dentaire fictive, j'ai pu, en exaltant convenablement mon imagination, empêcher la sécrétion salivaire.
Voilà, en peu de mots, les quelques idées systématiques qui, actuellement, me guident pour le choix et l'interprétation de mes expériences. Jusqu'à présent, elles semblent se confirmer. Toutefois, je ne suis pas de ceux qui mettent leur amour-propre à vouloir passer pour ne s'être jamais trompés. Sans doute, il est bon de n'aventurer une théorie que lorsqu on peut l'appuyer sur l'une ou l'autre expérience entreprise spécialement à son sujet ; mais, dans une matière aussi neuve que l'hypnotisme, il y aurait de la témérité à annoncer qu'on tient la vérité et qu'on s'entêtera dans son opinion. Ceci dit pour réserver l'avenir.
Je voudrais, aujourd'hui, ajouter un aperçu nouveau concernant tes guérisons subites, et par conséquent d'apparence miraculeuse, fe maladies invétérées.
Au commence me m du mois d'août de Tannée dernière, — j'étais en vacances et à la campagne. — on me consultait par lettre sur le cas dune dame, âgée de 57 ans, qui avait toujours souffert de migraine, mais dont, depuis huit ans, la vie était un véritable martyre. Les crises se renouvelaient toutes les deux ou trois semaines, duraient quelques jours avec céphalalgies intenses, nausées perpétuelles, et étaient suivies de quatre ou cinq jours de prostration et d'un dégoût général de vivre. Au total, la moitié de Tannée était dévolue à la souffrance. Tous les médecins l'avaient traitée sans succès, et tous les remèdes avaient été essayés. Elle en était venue a prendre des doses très lortes de morphine. J'oublie de dire qu'on avait donné à sa maladie dix ou douze noms différents.
Je l'adressai à un docteur qui avait déjà fait de l'hypnotisme et qui avait assisté à bon nombre de mes expériences. Après trois jours de vaines manœuvres, il la déclara non hypnotisable.
Averti de cet insuccès, je priai mon ami le docteur de Rasquî-net de vouloir bien entreprendre son hypnotîsaiion. Il y consentît de grand cœur. Mais ce ne fut pas sans des instances réitérées que j'obtins de la malade qu'elle voulut bien consentir à un nouvel essai.
Chose bien remarquable et qui montre bien que l'art de Thvp-notisation est un don individuel. M. de Rasquinet. malgré bien des circonstances défavorables, l'endormît dès la première séance, lui suggéra un sommeil paisible de quelques heures pour le premier jour, et, de progrès en progrès, parvint à éloigner et à diminuer les crises, de façon à espérer une guérison tout au moins relative.
Sur ces entrefaites, un mois après, vers le commencement de septembre, se présenta chez moi une jeune dame de 28 ans, mère de trois enfants, souffrant aussi de migraines depuis quatre ans entiers, accompagnées des mêmes symptômes, seulement les crises étaient quotidiennes. Elles commençaient quand elle était encore au lit, entre cinq et six heures du matin, pour recommencer, mais moins régulièrement, dans l'après-midi, vers trois heures et demie jusque environ auatre heures et demie. Cette jeune dame en était arrivée à prendre des pastilles de composition secrète ; sa santé allait s'altérant. Elle me demanda si l'hypnotisme ne pourrait pas la soulager. Je lui racontai le cas de la aame. Elle se prêta à une première hypnotîsaiion. Je me proposais de l'adresser à M. de Rasquinet. Elle fut endormie en Jeux ou trois minutes, au point d'être insensible aux pincements et aux piqûres et de pouvoir être mise en catalepsie. Je lui fis désigner les points du crâne, sièges d'élection de la douleur, et lui fis la suggestion qu'elle n'aurait pas sa migraine cet après-midi (il était deux heures). Toutefois, je lui enjoignais de venir me trouver si, contre
mon attente, elle la ressentait, et. dans tous les cas, de se présenter dans la soirée pour une nouvelle suggestion.
Elle revint dans la soirée. L'après-midi s'était passé sans migraine. Je fis une suggestion pour la matinée, avec l'annonce que, peut-être même, les accès ne se représenteraient plus. La suggestion porta fruit, et, depuis lors, — il y a donc un an — cette personne n'a plus eu sa migraine. Sa santé est parfaite. L'intervention de mon ami, M. de Rasquinet, n'a pas été requise.
Voici maintenant comment je crois qu'on peut expliquer ce cas et les cas analogues.
Chaque réussite agit comme une suggestion contre la crise à venir. A mesure que les réussites se répètent, elles se fortifient, leur action s'accumule, en quelque sorte. S'il m'est permis de représenter par des chiffres des phénomènes qui, jusqu'à présent, échappent à la mesure, la première réussite a une action égale à i ; la deuxième vaut 2 ; la troisième 1+2 = 3 ; la c-uatrième 1 + 2 + 3 =6, etc. ; de sorte que, au bout de peu de temps, ces suggestions artificielles sont en état de vaincre des causes organiques très puissantes.
LA PSYCHOSE HYPNOTIQUE
P»r M. le D' François SEMAL
MÙtClN Df L'asile d'aLIKXÉ* Dt MOVS, MEMBRE CORRESPONDANT DE l'aCADEH!» DE BELOIQUE
Bien que l'hallucination soit parfois compatible avec l'état de raison, elle n'en est pas moins l'expression d'un état anormal de l'activité cérébrale^ bien qu'elle ne soit pas toute la folie, elle n'en constitue pas moins un des symptômes les plus tenaces tt les plus redoutables de la folie. Chez l'homme sain, l'homme instruit surtout, elle est sans conséquence nuisible, parce qu'il la soumet au même doute qui atteint ses plu» fermes croyances. *: ce doute spéculatif qui. suivant une heureuse expression, est le critérium de l'état de raison. Chez l'aliéné, pourquoi Thallucination est-elle fâcheuse'* Parce que, pour lui, elle n'est pas seulement comparable à la réalité, elle est pour lui la réalité même : il applique a cette vaine croyance les mêmes attributs et lui donne les mêmes fondements qu'à ses croyances aux choses réelles, et surtout ptree que cette foi en une chose fictive amènera une idée fictive, déli-
rame, et déterminera des actes bizarres, nuisibles, criminels peut-être. N'en est-il pas de même chez l'hypnotisé ? Citons un exemple : J'étais à Nancy, au milieu d'une salle de malades qui tous indistinctement avaient été endormis rapidement par M. liernheim. A l'un d'eux et à voix à peine assez haute pour être entendue de ses voisins, l'honorable chef du service afrirme qu'il m'a vu la veille, que je suis venu photographier son portrait et qu'en remerciement de sa bonne volonté, je lui ai donné une pièce de quarante sous. Passés dans une autre salle pour continuer les expériences, c'est seulement au bout d'une grosse heure que nous revenons à nos premiers sujets, tous encore endormis d'un sommeil paisible. Nous procédons à leur réveil, et arrivés à celui d'entre eux qui avait été l'objet de la suggestion prémentionnée. nous demandons s'il nous connaît. « Parfaitement, répond-il, c'est vous qui êtes venu hier à quatre heures tirer mon portrait et qui m'avez donné quarante sous. » Jusqu'ici, rien d'étonnant ; mis sur le chemin du souvenir par son adroit hypnotiseur, le sujet répétait ponctuellement la leçon qui lui avait été faite pendant son sommeil. Nous passons à un autre, même question ; un peu d'hésitation avant de répondre : a Non, ¡1 ne me con naît pas. il ne m'a jamais vu... —Rappelez-vous bien, dit M. Bernhcim, vous avez vu monsieur hier a quatre heures...— Oh ! tiens, c'est vrai, je le reconnais...— Et qu'cst-il venu faire?—Réponse: Mon portrait et il m'a donné quarante sous. ¦> Etonné de cette acuité auditive qui avait permis au sujet de saisir au vol, étant sous l'influence hypnotique, des paroles qui ne lut étaient pas adressées, je vais directement a l'autre bout de la salle, près d'un jeune malade à qui on renouvelle les mêmes questions. Il déclare me reconnaître : c'est moi qui l'ai photographié hier à quatre heures... » Mais, repris-je, pelais hier ù cinquante lieues d'ici.— Non, non, je vous reconnais bien, a preuve que vous m'avez donné une pièce de quarante sous.—Mais tu as rëvécela ¦ — Rêvé? repart-il en me regardant, indigné. — Oui, rêvé, dis-jc sévèrement, et pour te confondre, je te défie de me montrer la pièce que tu prétends avoir reçue... » Aussitôt mon jeune malade ouvre précipitamment le tiroir de sa table de nuit, y fouille.fait le geste de saisir un objet qu'il place dans ma main et me dit: La voilà. *• Inutile de vous dire que ma main était absolument aussi veuve de pièce de quarante sous que la sienne; et malgré mes dénégations, le malade persiste dans ses convictions.
Eh bien, messieurs, je serais curieux de connaître les différences que l'on pourrait trouver entre le sujet de cet épisode et le malheureux insensé donr parle M. Delbœuf, qui croyait avoir le ventre rempli de grenouilles ou de crapauds et qui, lorsqu'on cherchait par démonstration à le guérir, les empoignait avec ses mains, vous les mettait devant les yeux ou vous les jetait à la face ?
Ils sont tous deux victimes d'une même illusion, aussi inévitable pour l'un que pour l'autre, puisque les fondements de leur croyance aux choses réelles ne sont pas d'une nature différente.
Au point de vue psychologique, il n'y a donc aucune différence entre les conceptions Je l'halluciné morbide et celle» de l'halluciné hypnotique. Cherchons maintenant si. dans l'ordre pathologique, nous ne trouverons pas de» analogies qui corroborent encore cette assertion. La clinique serait évidemment la contre-épreuve désirable, et fort heureusement elle n'est pas muette sur ce point.
Je rappellerai en premier Heu la remarquable communication faite au Congrès de psychiatrie d'Anvers, en iS85. par notre honorable collègue M. Verriest. sur le»'paralysies par inconscience/ paralysies, comme il le dit fort justement, souvent dues à une inertie ou a un état spastique, inconnu dans sa nature, de certaines régions cérébrales, état qui aurait la plus grande analogie avec les modifications nerveuses déterminées par Thypnotismc.
Antérieurement déjà, avec la grande autorité qui s'attache à son nom et à ses travaux. M. Charcot avait démontré l'existence et la nature des troubles moteurs et sensitifs de cause psychique.
Les paralysie» psychiques n'atteignent, comme on le sait, que les muscles soumis à la volonté, c'est-à-dire ceux qui reçoivent leurs nerfs de l'encéphale, absolument comme celles qui auraient comme siège organique des lésions cérébrales ; mais ce qui les distingue et les caractérise, c'est la brusquerie ordinaire de leur disparition, qui s'effectue soit sous 'influence d'une attaque hystéro-épilcptique, soit, ce qui est plus notable pour le but que nous poursuivons, par une suggestion faite dans l'état hypnotique.
Ces paralysies, dit le docteur Lober dans sa thèse d'agrégation, présentent absolument les mêmes sj'mptùmes que les paralysies hypnotiques. Nous y trouvons, en effet, le début brusque, une hémianesthésie généralisée, cutanée et sensorielle, de l'anesthésie du pharynx, de la polyopie monoculaire des hystériques, du rétrécissement du champ visuel pour la lumière et pour les couleurs, des zone» hy»térogènes, et enfin l'absence de toute participation de U face à la paralysie. Or, tous ces symptômes sont ceux que l'on trouve dans I hystérie confirmée. Les paralysies psychiques forment donc une variété des paralysies hystériques.
L'analogie des contractures développées sous une influence psychique avec les contractures hystériques ne semble pas plus douteuse. En outre, les observation* d'hyperesthésies, de névralgies, de douleurs variées et multiples, mais toujours de cause psychique, sont acquises également à la science, et toutes aussi elles s'éloignent de leurs congénères de cause organique par la spontanéité de la guérison et se rapprochent par là des phénomènes hystériques de même nature. Enfin, la puissance de l'idée fixe se révèle également à la suite du traumatisme, ou consécutivement à l'émotion, au choc nerveux qui suit les accidents de chemin de fer, ou bien encore par ce que j'appellerai* volontiers l'imitation émotive qui préside aux épidémies nerveuses et
névropathiques, et enfin par l'appréhension, la peur de la douleur, la crainte d'une conséquence pénible dont on a été témoin chez d'autres. Tous les jours, dans nos asiles, nous rencontrons des faits de ce genre, et pour ceux-ci comme pour ceux-là, nous savons, à n'en pas douter, que leur évolution est subordonnée à l'existence préalable d'une idée fixe, d'une autosuggestion. Car il n'est pas une seule des situations pathologiques sur lesquelles nous venons d'appeler votre attention qui ne puisse être déterminée par l'hypnotisme, et c'est une preuve de plus des dangers qu'il peut présenter. On va m'arrêter ici en objectant que la guérison, la cessation des phénomènes, qui s'opère spontanément dans un laps de temps plus ou moins long pour les cas pathologiques, s'obtiendra d'autre pan, comme par magie, sur l'ordre de l'hypnotiseur. Je sais cela, mais il n'y a pas là la preuve évidente que le danger signalé soit illusoire, car je sais aussi, et tout physiologiste, tout psychologue sait également que dans ce qui est fait, il y a toujours quelque chose qui ne peut plus se défaire et que tout acte de sentiment, de pensée ou de volition, en vertu d'une loi universelle, imprime en nous une trace plus ou moins profonde, mais indélébile.
Ainsi donc, pourquoi la douleur qui. pour avoir un motif imaginaire, n'en est pas moins réelle, la paralysie, la contracture, l'hallucination, l'impulsion aux actes délictueux, qui avaient pris naissance ou s étaient réveillées sous l'influence de la suggestion hypnotique, ne pourraient-elles pas réjpparaitre un jour? Il ne faut pas réfléchir longtemps pour reconnaître que les occasions en peuvent être aussi fréquentes que fortuites, puisque l'expérience a démontré la facilité surprenante avec laquelle la suggestion nouvelle agit sur des sujets déjà préparés par des suggestions antérieures. -
o Eh bien ! puisqu'il en est ainsi, des combinaisons de circonstances ne peuvent-elles pas se rencontrer accidentellement dans notre 'vie journalière, au milieu de nos affaires ou de nos plaisirs, qui réaliseront cette plasticité de l'idéalisation et qui nous rendront suggestionnables à notre insu? Et une fois mis, bien que sans nous en douter et pleinement éveillés, dans cette situation, ne pourrons-nous pas de la même manière être suggestionnés fortuitement par ce qui se dit autour de nous, par ce que nous lisons, par les spectacles qui frappent nos regards et notre imagination ? Oui, certainement, il en est ainsi, le raisonnement et l'observation m'en ont convaincu. Et alors, n'est-il pas à croire, n'cst-il pas infiniment probable que ces suggestions de hasard se traduiront par des perturbations cérébrales, par des symptômes névropathiques semblables à ceux que le suggestionneur produit par ses artifices ? Incontestablement oui, et j'en conclus qu'une multitude de cas de névroses, manies, monomanies, perversions sensorielles et mentales de toute espèce et de toute forme, contre lesquelles la médecine épuise inutilement ses ressources, n'ont pas d'autre origine ni d'autre cause qu'une îdéoplastie, une suggestibilité accidentelles et non voulues, »
On contredira d'autant moins à cette opinion qu'il est indéniable aujourd'hui que les manifestations tant psychiques que somatiques de l'hypnotisme peuvent s'obtenir à l'état de veille er sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir les pratiques de l'hypnotisation. Il est des sujets de l'espèce, et peut-être sont-ils plus nombreux qu'on ne le pense, dit Charcot ; ¡1 semble, ajoute-t-il, « que l'état hypnotique qui, pour d'autres, est un état artificiel, soit, pour ces singulières créatures, l'état ordinaire, si tant est qu'en pareille circonstance, il puisse cire question d'état normal. Ces gens-là dorment, 3lors même qu'ils semblent parfaitement éveillés; ils procèdent, en tout cas, dans la vie comme dans le songe, plaçant sur le même plan la réalité objective et le rêve qu'on leur impose, ou tout au moins entre les deux ils ne font guère la différence, a
A part l'emploi extensif du mot dormir, que fait Charcot, ses paroles sont marquées au coin d'une haute moralité, et quiconque ne méconnaît point l'effet de l'éducation ne pourra s'empêcher de reconnaître avec lui que plus on aura été suggestionné souvent, plus on deviendra suggestiblc ci passible, par conséquent, de ces influences latentes qui imprègnent l'atmosphère où nous vivons.
Avant de poursuivre, il convient de résumer brièvement ce qui, d'après les développements précédents, doit, me semble-t-il, être acquis aux débats :
i* Le sommeil, qui n'est du reste pas indispensable a la production des phénomènes hypnotiques, constitue seulement l'état favorable à l'établissement d'une aptitude qui domine entièrement la situation. la suggestibilité du sujet. Le terme sommeil hypnotique désigne donc un phénomène complexe, comprenant d'une part, comme élément accessoire, le sommeil proprement dit, et, comme élément fondamental indispensable et nécessaire, la faculté pour le sujet d'obéir aux suggestions verbales ou sensorielles. En dehors de cette condition, il n'y a pas hypnose, y eût-il même sommeil, et celui-ci doit, en somme, être considéré comme le résultat primordial de la suggestion. C'est pourquoi il est inexact de comparer le sommeil normal au sommeil hypnotique : ils n'ont de commun que le fait même de dormir, ce qui n'a même pas toujours lieu.
2* C'est en forçant encore l'analogie qu'on arrive à assimiler l'état mental dans l'hypnose avec un rêve ordinaire. Dans ce rêve, l'illusion est complète, parce qu'une barrière semble s'être élevée entre le dormeur et le monde extérieur; les conceptions, les idées y subsistent, mais la perception étant éteinte ou plutôt engourdie, l'imagination régne en despote.
Dans le rêve hj-pnotique, au contraire, la perception subsiste et devient d'autant plus nette et intense qu'elle se localise dans une région déterminée qui accapare pour ainsi dire à elle seule l'activité cérébrale. Ici l'illusion est complète encore, ou peut l'être du moins, non plus
par l'affaiblissement, l'anéantissement des influences extérieure*, mais, au contraire, par la prépondérance d'un des agents extérieurs sur les autres, et cet agent c'est la suggestion, aboutissant toujours a la fixité d'une idée ou de plusieurs idées associées.
3* Au point de vue psychologique, il n'existe aucune différence appréciable entre l'hallucination qui s'observe dans certaines affections mentales et celle qui se développe pendant l'hypnose ; toutes vieux sont prises pour la réalité, et toutes deux entrent comme motif déierminunt des actes.
Quelle conclusion tirer de ces prémisses, si ce n'est celle-ci : que ce qui ressemble le plus à l'état mental de l'hypnotisé suggcstiblc, c'est l'état mental de l'halluciné morbide, et qu'en conséquence on peut, sans cxagcratîon, comparer l'hvpnosc a une psvcbose, différant seulement des autres états de même espèce par la cause occasionnelle qui lut donne naissance, par sa durée apparente, qui est laissée à l'arbitraire de l'opérateur. C'est donc une psychose expérimentale.
On objectera peut-être qu'il n'était pas utile de recourir à l'hypothèse d'une psychose expérimentale, puisque depuis longtemps l'Ecole delà Salpétrièrc a propose celui de névrose expérimentale; et ceci m'oblige a déclarer qu'à mon sens aussi, c'est par suite de la généralisation abusive des cas particuliers sur la valeur desquels il n'y a pas à discuter, que Charcot et ses élèves ont identifié l'hypnose et l'hystérie. Que ces deux étais aient de nombreux points de contact, c'est ce qu'on ne saurait nier, surtout si l'on ne perd pas de vue que le lien qui les attache est toujours la suggestibitité. On prétend, et c'est avec raison, que les hystériques sont difficilement hypnoiisablcs, en ce sens que la mobilité hobituellede leurs idées s'opposcà ce que l'opérateur parvienne facilement,à les fixer; mais cela ne veut pas dire que les hystériques ne soient pas suggestibles : elles le sont à un haut degré, et c'est même cette suggestibilité exagérée qui donne à leur modalité actuelle et psychique une versatilité particulière. On est même en droit de se demander si des syndromes morbides, que l'on rapporte avec une docilité banale à l'hystérie, ne sont pas, en fia de compte, de simples effets d'auto-sug^estions inconscientes. La caractéristique de l'hyttérie est d'autant plus difficile à trouver que, par extension à l'homme, on a donné ce nom à une foule de névroses dont '.a symptomatologie est quelque peu irréguliérc ou insolite. Qu'on pense à l'hystérie, quand des accidents dans le genre de ceux que nous avons mentionnés se développent chez des jeunes filles nerveuses, chez des femmes, je le comprends ; mais qu'on ait recours à cette hypothèse chez des forgerons, des cochers de fiacre, qui n'ont présenté antérieurement aucun signe it, diathèse nerveuse, et ceto pour expliquer des troubles moteurs et sensi-tifs. dont la cauve essentiellement psychique est malgré tout reconnue et admise, c'est ce qu'il semble impossible de comprendre autrement qu'en faisant ce msoi.-crvn: :
L*n choc, un traumatisme quelconque, une émotion, l'imitation, provoquent chez certaines hystériques des troubles moteurs et sensitifs. en vertu d'une opération mentale dont le mécj:ii>ru- c-: sjt»is*ab!c : mais les meutes troubles se présentent aussi chez des sujets indemnes absolument de toute dîatnèse nerveuse jusqu'au moment o*: ils apparaissent, grâce toujours ô la même opération mentale. Les élèves de Charcot croient pouvoir conclure que les second* sont devenus hystériques ou l'étaient déjà a l'état latent. Cette conclusion est forcée, assurément, puisqu'il existe une déduction beaucoup plus simple et surtout plus logique, te même état mental che\ les uns et che^ les autres a suffi à provoquer les mêmes phénomènes somatiques.
Les troubles moteurs et sensitifs nés par autosuggestion chez la jeune hystérique seront identiques à ceux produits p>tr même ca-ise chez le forgeron ou le cocher de fiacre; mais la doit s'arrêter l'analogie.
Or. l'Ecole de la Salpêtrière, en fait d'hypnotisme, tourne dans le même cercle vicieux. En prenant pour sujets exclusivement des hystériques confirmées, elle a produit une sorte d'intégration entre les phénomènes hystériques et les phénomènes hypnotiques, et constitué une névrose d'ordre composite dont les manifestations extérieures se ressentent nécessairement de l'élément primordial hystérie, qui a été introduit d'emblée. En sorte que l'appellation qui conviendrait à cette situation complexe serait névrose hj-stéro-hypnotique et nullement, comme on l'a voulu, névrose hypnotique. L'hypnose n'est pas une névrose, puisqu'elle est dépourvue dans la généralité des cas des phénomènes somatiques qui caractérisent les nevro-.es, et que ceux-ci n'apparaissent qu'au moment où l'on prend pour champ d'observation un sujet capable de les présenter en dehors de toute influence hypnotique-
Mais ce qui ne fait jamais défaut dans l'hypnose, ce qui par conséquent la caractérise nett.-ment, c'est un état mental particulier qui, sous le rapport psvchologiquc, phvsiologique et clinique, se rapproche indubitablement des psychoses, et qui, à lui seul, donne la clef de tous les phénomènes et domine la situation. Cet état mental particulier, c'est la suggestibilité, c'est-i-dirc l'aptitude pour le sujet d'être influencé par la suggestion.
L'hypnose est donc une psychose, mais une psychose expérimentale. créée de toutes pièces au gré de l'opérateur, et se perfectionnant par l'éducation, en ce sens qu'à mesure qu'un sujet est suggestionné, plus U devient facilement, diversement et complètement sug^csiible. C'est une aptitude, une faculté nouvelle qui s'est organisée ou mieux développée, et dont les etfets se feront plus ou moins sentir dans la suite: car il en est sans doute des modifications psydiiques de l'hypnose comme des autres acquisitions de l'esprit: elles font désormais partie de la mémoire, s'y conservent plus ou moins intact» et y réapparaissent sous forme de réminiscence ou de souvenir.
II
Les phénomènes de rapport, de sympathie et de vue à travers l'organisme étaient connus depuis longtemps des magnétiseurs; je me suis borné à les constater de nouveau et à les classer par états en indiquant d'autres traits spécifiques; c'est ce qu'a fait M. Charcot pour les phénomènes du Braidisme.
Cette classification avait du reste déjà été plus ou moins vaguement entrevue.
« Est-il bien philosophique, dit le docteur Charpignon (Physiologie du magnétisme, 1848, p. : u. de réunir, sous le nom générique d'extase, tous les phénomènes d'insensibilité, de catalepsie, de visions diverses, de lucidité, que ces phénomènes soient spontanés, déterminés par la magnétisation ou bien par l'action d'intelligence surhumaine.
» Bien que la signification absolue du mot extase (de statu dejicio, renversement de l'état ordinaire) semble légitimer cette manière de voir, nous pensons qu'il serait plus convenable de classer tous les phénomènes dont nous parlons dans le magnétisme, qui, comme nous l'avons dit. présente des groupes bien tranchés, soit relativement aux espèces dans lesquelles on l'observe, soit par rapport aux causes occasionnelles des phénomènes qui sont toujours spontanés ou volontaires. »
Trente ans auparavant, M. de Lausanne (Des principes et des pro-cédés du magnétisme animal) divisait les phénomènes du magnétisme en demi-crise et en crise complète; il indiquait huit degrés pour U demi-crise et quatre pour la crise complète, et en décrivait ainsi les traits principaux :
demi-crise.
i*r degré. La personne éprouve une sensation de chaleur ou de froid qui semble suivre la main du magnétiseur. Cette sensation est quelquefois assez intense pour être pénible à supporter. Elle produit généralement chez le magnétisé un étonnement qui fixe sa pensée sur l'action du magnétisme et qui augmente conséquemment son aptitude a recevoir cette action.
2* degré. La personne magnétisée devient lourde, ses yeux se ferment ctj sans être endormie, elle ne peut plus ouvrir les paupières, ou remuer
Par le Com« a. de rochas (Suite etjiit)
les bras et les jambes : ce n'est point un simple engourdissement : il lui semble que sa volonté n'a plus d'action sur ses membres.
3" degré. Le magnétisé est absorbé ; ses yeux fermés ne peuvent s'ouvrir et ses paupières lui paraissent collées ensemble ; quoiqu'il entende tout ce qui se dit auprès de lui. il ne peut répondre. Le bruit l'incommode et il désire le plus profond silence. Cet état est souvent suivi immédiatement de la crise complète.
4' degré. Le magnétisé est légèrement assoupi et ne se rappelle que comme un rêve ce qu'il peut avoir entendu pendant le temps qu'il était dans cet état. Le bruit le réveille et l'incommode.
$• degré. Le magnétisé entre dans un assoupissement profond que le magnétiseur est obligé de faire cesser après une heure ou deux, parce qu'il pourrait se prolonger fon longtemps.
6* degré. L'action magnétique provoque un sommeil doux et léger; le magnétisé se trouve dans un état de bien-être qu'il ressent encore quelqu.- temps après le réveil,
7* degré. Le magnétisé est dans un état apparent de sommeil ; ses paupières et tout son corps restent entièrement immobiles, mais il entend ce qu'on lui dit et peut répondre; il prévoit la durée de son sommeil ou la fixe, guidé par l'instinct qui commence à se développer.
8* degré. Etat de sommeil dans lequel le système viscéral a acquis assez d'irritabilité pour transmettre ses impressions; mais, comme la translation de la sensibilité au centre épigastrique n'est point complète, le malade ne voit que confusément son mal, et les re.r.èdes qu'il s'ordonne ne peuvent être que douteux, parce qu'il lie sjs impressions et les combine suivant les lois de sa raison ; dès lors, il ne sent plus, il juge, et aucune certitude ne peut accompagner des jugements qui ont pour éléments des impressions confuses de l'instinct. A ce degré, le magnétisé est isolé pour certaines personnes, tandis qu'il ne l'est point pour d'autres ; c'est-à-dire qu'il entend les premières et non les secondes, ce qui vient du plus ou moins d'analogie qu'il a avec elles.
crise complète.
Les quatre degrés de la crise complète présentent des traits communs qui sont les suivants : Le magnétisé ne peut ouvrir les yeux ; ¡1 est dans an état apparent de sommeil; il est entièrement isolé et, quelque bruit qu'on puisse faire autour de lui, il n'entend que le magnétiseur; en se réveillant, ¡1 perd complètement le souvenir de tout ce qu'il a pu voir ou dire pendant la crise, si bien qu'il lui semble même n'avoir point dormi. Le contact de tout ce qui n'est point magnétisé, et particulièrement celui des animaux, lui cause une sensation désagréable qui peut aller jusqu'à lui occasionner des crispations de nerfs.
Quant à leurs caractères particuliers, les voici :
i" degré. Le molade roit parfaitement son mal présent et peut indiquer les remèdes qui lui «ont nécessaire», sans cependant prévoir le développement d'un autre mal dont la cause existe déjà et lui échappe. Il peut encore annoncer avec précision l'époque de guérîson du mal qui l'occupe.
2* 4egrè. Ix magnétisé peut entrevoir, de plus, les maux des personnes sur lesquelles le magnétiseur a tixé sa pensée; celte vision est quelquefois très imparfaite, et il serait dangereux de se fier aveuglément aux remèdes qu'il ordonne.
S* degré. Le magnétisé voit avec certitude le mal présent et le germe de toute autre maladie qui peut exister, soit chez lui, soit chez les personnes avec lesquelles il est en rapport. Il annonce l'époque du développement et les périodes de la maladie en indiquant les remèdes avec la plus grande précision.
4' degré. Le magnétisé roif. de plus, de* choses éloignées et étrangères à son état. Il prévoit des événements qui n'ont aucun rapport avec ce qui l'intéresse, et ses prévisions s'accomplissent exactement.
Nota. — Dans les troisième et quatrième degrés, le magnétisé lit dans la pensée du magnétiseur et agit, dirigé par cette pensée, sans que le magnétiseur ait besoin de la manifester par aucun signe extérieur.
On le voit, les anciens magnétiseurs s'étaient beaucoup plus préoccupés des applications pratiques que des caractères pouvant servir de bases à une théorie; ils n'avaient pas reconnu nettement ces alternations de léthargie et de réveil apparent que nous avons constatées, et, comme le fait remarquer M. de Lausanne, leurs sujets brûlaient généralement les étapes constituées par les cinq derniers degrés de la demi-crise.
La sensation de bien-être si caractéristique de notre état de rapport semble cependant signalée dans le sixième degré de la demi-crise; nous la retrouvons indiquée avec plus de précision dans une lettre que le docteur Fiiz Gibbon, médecin royal et agrégé au collège de médecine de Bordeaux, écrivait, le 22 mat i;85. au marquis de Puységur pour lui rendre compte de ses expériences magnétiques:
« L'nc particularité que j'ai remarquée dans mon petit traitement, est un état de plaisir extrême que ressentent certains hommes, c'est une extase, un état extatique de plaisir qui surpasse tout autre connu et lequel dure quelquefois un quart d'heure ou vingt minutes au plus, et qui se manifeste par ces paroles : O mon Dteu, que c'est bon ! et ces mots répétés constamment, les yeux sont tout ouverts, le corps dons une espèce de raideur. la respiration un peu gênée, comme si l'on étouffait de joie ou de plaisir, comme l'on dit communément. Ils sont vraiment moitié somnambuliques et moitié cataleptiques, pendant cette crise. Les femmes n'y sont point sujettes, du moins je n'en ai point vu dans cet ciat-la. Je ne sais. Monsieur, si vous en avez vu dans l'état que je vous
décris : // ne m'a jamais fallu plus de trois ou quatre minutes pour les mettre dans cet et ai. •
La question de la sympathie et de la vue des organes a été* posée depuis longtemps et étudiée avec le plus grand soin par les magnétiseurs.
En 1699. une prétendue sorcière, Marie Bucaille, fut poursuivie et condamnée a mort par le parlement de Valogncs, sur le motif qu'elle ressentait sympathiquemcnt le mal des autres, ce qui ne pouvait se faire que par art magique et opération du démon. Le parlement de Rouen mitigea la sentence en une condamnation au fouet et au carcan. Une demoiselle Anne Scville et un curé de Godcvillc furent condamnés par le même motif. Lie Desage, De l'extase.)
Carré de Montgeron rapporte qu'il arrivait souvent aux convulsion-naires ¦ de prendre les maladies sans savoir si les personnes sont malades, ni la nature de leurs maux. Ils en sont instruits par le sentiment «le douleur qu'ils éprouvent dans les mêmes parties. *
Deleuze Histoire critique du magnétisme, !*• partie, ch. 8- «numéro ainsi les propriétés 4es somnambules :
c Le somnambule... ne voit et n'entend que ceux avec lesquels il est en rapport. Il ne voit que ce qu'il regarde, et il ne regarde ordinairement que les objets sur lesquels on dirige son attention... Il voit ou plutôt il sent l'intérieur de son corps; mais il n'y remarque ordinairement que les parties qui ne sont pas dans l'état naturel et qui troublent l'harmonie. »
c Sî une personne malade, dit Charpignon (Physiologie du magnétisme), est mise en rapport avec une somnambule suffisamment lucide, U se passe l'un de ces deux phénomènes : la somnambule voit les parties malades et les décrit avec plus ou moins de perfection, se servant d'expressions figurées, si clic ne connaît pas d'avance les noms de ce qu'elle voit; ou bien sent, souvent très vivement, les mêmes souffrances que le malade, et indique ainsi le siège du mal et toutes les sympathies...
• La plupart des somnambules, ajouie-t-il ailleurs, ressentent les douleurs de* personnes avec lesquelles on les met en rapport. Cette sensation est fugitive et ne laisse pas de traces au réveil si l'on a bien le soin de rompre le rapport; si c'est le magnétiseur qui souffre, la sensation est des plus vives et elle persiste souvent au réveil. Si l'on continue plusieurs jours à magnétiser dans cette disposition maladive, on inocule à ces somnambules impressionnables la même maladie. >
Ce dernier fait avait déjà été affirmé par le marquis de Puységur dans ses Mémoires :
« La susceptibilité qu'ont les malades en crises magnétiques de gagner avec promptitude certaines maladies, a été plusieurs fois démontrée. Le danger que courent les somnambules en touchant certains ma-
lades ne doit cependant pas effrayer au point de ne plus les consulter sur les maladies des autres, mais ¡1 faut le faire avec précaution. »
Le t>* Ch. Bertrand, père du secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, rapporte trois cas de sympathie ou de vue magnétique qu'il a observés lui-même.
* J'observais, dit-il (i), une somnambule qu'on m'avait dit avoir la faculté de reconnaître les maladies... Je ne me contentai pourtant pas de ce qu'on m'en rapportait et je voulus éprouver 1s somnsmbule sur une malade dont l'état me fût connu d'avance. Je la mis en conséquence en rapport avec une demoiselle de......dont la principale affection consistait dans des accès d'asthme qui la tourmentaient très souvent. Quand la malade arriva, la somnimbule était endormie, et j'étais sûr qu'elle ne pouvait connaître la personne que je lui amenais. Cependant, après quelques minutes de contact, elle parut respirer difficilement, et bientôt elle éprouva tous les symptômes qui accompagnent une forte révolution d'asthme. Sa voix «'éteignit; elle nous dit avec beaucoup de peine que la malade était sujette au genre d'oppression que sa présence venait de lui communiquer è elle-même. »
Une autre de ses somnambules, mise en rapport avec un enfant qui avait un dépôt dans une articulation du bras , rit des efforts inutiles pour soulever son bras à elle, en v ressentant le même mal. (?., p. 23a.)
Cette même personne, mise en rapport avec un jeune homme blessé qu'elle ne connaissait pas et qui était entré dans la chambre pendant son sommeil, s'écria : « Non, non, ce n'est pas possible, si un homme avait eu une balle dans la tête, il serait mon. — Eh bien, dit Bertrand, que voyez-vous donc? — Il fajt qu'il se trompe, il me dit que ce monsieur a une balle dans la tête. ¦ Et sous l'influence de son instinct ainsi personnifié, elle indiqua très exactement le trajet de la balle au travers de la tête, en entrant par la bouche, où aucune cicatrice extérieure ne pouvait servir d'indice.
Dans son second livre (Du magnétisme animai en France. — Paris. 1826), Bertrand revient encore sur ce sujet : « Je crois, dit-il (p. 428), qu'il n'est personne, pour peu qu'il ait observé quelques somnambules, qui ne les ait vus souvent ressentir, par suite d'un simple contact, les douleurs des malades avec lesquels on les mettait en rapport. >
Le docteur Pétctin, de Lyon, raconte qu'un jour, voyant la physionomie d'une de ses somnambules exprimer l'ctonncmcnt le plus complet, îl lui demanda ce qu'elle avait:
« Je vois l'intérieur de mon corps, dit-elle, et l'étrange forme de tous mes organes environnée d'un réseau de lumière. Ma contenance doit exprimer ce que je sens, étonnementet crainte. Un médecin qui aurait
(1) Traité du Somnambulisme et des différentes modifications qu'il présente. — Paris, :8a3, p. »39.
ma maladie serait bien heureux, car la nature lui révélerait tous ses secrets, et s'il était dévoué à sa profession, il ne voudrait pas, comme moi, d'une prompte guérison. — Voycz-vous votre coeur > demanda le docteur Pétettn. — Oui. il est là. *
Et la malade décrivit les quatre cavités du coeur, la différence de sang 1 droite et à gauche, les vaisseaux qui partaient de chaque côté.
Une commission, nommée en février 1820 par l'Académie de médecine pour étudier les phénomènes du magnétisme, publia, cinq ans après, un volumineux rapport signé: Bourdois de la Motte, Fouquier. Guéneau de Mussy, Guersent. Itard, J. Leroux, Marc, Thtllage et Husson, rapporteur. Il y est dit que malgré les recherches faites sur un assez grand nombre de somnambules, la commission n'en trouva qu'une seule qui ait indiqué les symptômes de la maladie de trois personnes avec lesquelles on l'avait mise en rapport.
« La commission, dit le texte, trouva parmi ses membres quelqu'un qui voulut bien se soumettre à l'exploration de la somnambule : ce fut M. Marc. Mlle Céline fut priée d'examiner avec attention l'état de la santé de notre collègue ; elle appliqua la main sur le front et la région du cœur, et. au bout de trois minutes, elle dit que le sang se portait à la tête: qu'actuellement M. Marc avait mal dans le côté gauche de cette cavité ; qu'il avait souvent de l'oppression, surtout après avoir mangé; qu'il devait avoir souvent une petite toux : que la partie inférieure de la poitrine était gorgée de sang ; que quelque chose gênait le passage des aliments ; que cette partie (et elle désignait la région de l'appendice xipholdel était rétrécie: que. pour guérir M. Marc, il fallait qu on le saignât largement, que l'on appliquât des cataplasmes de ciguë et que l'on fit des frictions avec du laudanum sur la partie inférieure de la poitrine ; qu'il bût de la limonade gommée, qu'il mangeât peu et souvent et qu'il ne se promenât pas immédiatement après le repas.
a II nous tardait d'apprendre de M. Marc s'il éprouvait tout ce que cette somnambule annonçait; il nous dit qu'en effet il avait de l'oppression lorsqu'il marchait en sortant de table; que souvent il avait de la toux et qu'avant l'expérience il avait mal dans le côté gauche de la tête, maïs qu'il ne ressentait aucune gêne dans le passage des aliments.
» Nous avons été frappés de cette analogie entre ce qu'éprouve M. Marc et ce qu'annonce la somnambule; nous l'avons soigneusement annoté et nous avons attendu une autre occasion pour constater de nouveau cette singulière faculté. Cette occasion fut oSerte au rapporteur, sans qu'il l'eût provoquée, par la mère d'une jeune demoiselle à laquelle il donnait des soins depuis fort peu de temps. •
La sensation des maladies d'une personne, par le simple contact du sujet magnétisé avec un objet ayant appartenu à la personne, a été affirmée par Puysc'gur et Tardy de Montravel; Bertrand n'a eu, à cet égard, que des épreuves négatives.
Le docteur Charpignon cite, au contraire, un très grand nombre de cas observés par lui {Physiologie du magnétisme, p. 2?3-2Ô;), où le rapport avait été établi à l'aide d'une mèche de cheveux.
III
Des expériences toutes récentes, faites par des observateurs habitués aux recherches scientifiques, ont montré qu'on pouvait aller encore plus loin dans cet ordre de phénomènes.
M. Pierre Janet a rapporté un cas de sympathie physiologique se produisant, même a distance (i).
« Mme B... semble éprouver la plupart des sensations ressenties par la personne qui l'a endormie. Elle croyait boire quand cette personne buvait. Elle reconnaissait toujours exactement la substance que je mettais dans ma bouche et distinguait parfaitement si je goûtais du sel, du poivre ou du sucre 2 .
» Nous avons remarqué que le phénomène se passe encore, même si je me trouve dans une autre chambre... Si, même dans une autre chambre, on me pince fortement le bras ou la jambe, elle pousse des cris et s'indigne qu'on la pince ainsi au bras ou au mollet. Enfin, mon frère, qui assistait à ces expériences et qui avait sur elle une singulière influence, car elle le confondait avec moi, essaya quelque chose de plus curieux. En se tenant dans une autre chambre, il se brûla fortement le bras, pendant que Mme B... était dans la phase de somnambulisme léthargique où elle ressent les suggestions mentales. Mme B... poussa des cris terribles et j'eus de la peine a la maintenir. Elle tenait son bras droit au-dessus du poignet et se plaignait d'y souffrir beaucoup. Or. je ne savais pas moi-même où mon frère avait voulu se brûler. C'était bien a cette place-la. Quand Mme B... fut réveillée, je vis avec étonnement qu'elle serrait encore son poignet droit et se plaignait d'y souffrir beaucoup, sans savoir pourquoi. Le lendemain, elle soignait encore son bras avec des compresses d'eau fraîche, et. le soir, je constatai un gonflement et une rougeur très apparente à l'endroit exact où mon frère s'était brûlé, maïs il faut remarquer qu'elle s'était .touché et gratte le bras pendant la journée- Ce phénomène de la communication des
(l) C« dernier fait avait déjà été signalé par tes magnétiseurs. - Le phénomène de la transmission ie sensation du magnétiseur au magnétisé, dit Lafonulne -Vè-moire t. t. i, p. : -7 . se déclara un tour chez Clarisse ; je descendit alors à l'étage inférieur avec deux personne* qui me rren: subir mille petite» torture», me lircrcat le* cheveux, me chatouillant, me piquant, etc. Quand nous remontâmes, on nous dit que la somnambule avait Indiqué toutes ces souffrances, dans l'ordre où elles m'avaient été infligée». C'est là un de» phénomène» que j'ai le ploi rarement rencontres. »
(a) Suie sur quelques faits de somnambulisme 'Bulletin de la Société de ptychologie
physiologique, iS85, t- ntajej.
sensations ne se produit qu'après une longue suite de séances et à la fin d'une séance quia dure elle-même plusieurs heures; aussi ne l'ai-je pas revu une autre fois avec la même netteté (i), >
La Society for psychical researches a étudié cette question pendant trois ans, de iS85 à 1886, et a publié les procès-verbaux de ses expériences qui ont donné des résultats concordants dans la très grande majorité des cas. Voici un extrait du préambule de l'un de ces procès-verbaux :
«.....Nous avons souvent observé une communauté de sensations
véritablement remarquable entre l'operateur et son sujet, phénomène qui pourrait être nommé d'une façon plus exacte une transmission de sensations. Ce phénomène est évidemment intimement lié à ceux dont s'occupe le comité de la transmission mentale. Nos expériences dirlérent d'ailleurs en ceci des expériences faites par ce dernier comité, que le sujet n'est pas dans son état normal, mais se trouve plongé dans le svmm meil mesmérique. Voici comment elles ont été arrangées : Fred. Walls {un jeune homme de vingt ans, le somnambule! était assis sur une chaise, les veux bandés, et M. Smith se tenait derrière lui. Le sujet fut endormi par M. Smith à l'aide de passes. Ce dernier fut alors piqué ou pincé dans différents endroits assez fortement et cette opération durait généralement une ou deux minutes. Un silence absolu fut observé, à l'exclusion d'une question nécessaire : « Sentez-vous quelque chose? » Cette question était prononcée par M. Smith, puisque le sujet paraissait ne pas entendre les autres personnes. Dans la première série d'expériences, M. Smith tenait l'une des mains du sujet, mais cette précaution ayant été constamment trouvée inutile, tout contact entre l'opérateur et son sujet a été rompu dans les expériences ultérieures (a). »
IV
Je n'ai pas trouvé, dans les ouvrages des magnétiseurs que j'ai eu l'occasion de parcourir, d'observations relatives à l'hyperesthésie du sens du toucher que j'ai signalée pour Benoit dans l'état de lucidité, mais j'ai été, pour ainsi dire, témoin à Blois, en 1886, d'un fait analogue.
Le sergent B..., du 113' de ligne, sur lequel j'avais fait quelques expériences relatives à la polarité, était sujet à des accès de somnambulisme naturel se reproduisant en moyenne tous les huit ou dix jours. L'accès s'annonçait généralement dans la journée par un grand besoin de sommeil ; ci le soir, B... s'endormait dès qu'il était au lit. Deux heures après environ il se levait, s'habillait, allait s'asseoir à sa table et. parlant alors tout haut, il racontait généralement ce que faisaient à ce moment-Iâ les personnes avec lesquelles il était en relation; de là des révélations pi-
{*) Renie philosophique, n» 8. avril iSfcVÎ.
{3) Proceedingi ofthe Society for psychical research. V. I, Part. UT.
quantes, mais fort ennuyeuses, parce que son camarade de chambre était toujours là pour les recueillir.
L'n vol fut commis au régiment; on prît pendant la nuit le porte-monnaie d'un sergent-major dans la poche de son pantalon déposé sur une chaise prés de son lit. Quatre ou cinq nuits après, &..., qui avait beaucoup entendu parler de l'arfairc. prend son accès de somnambulisme a l'heure ordinaire, mais au Heu d'aller a sa table, il sort de sa chambre, suivi de son camarade qui tenait à savoir ce qu'il allait faire.
Il se rend droit à la chambre du sergent-major volé, regarde le pantalon, jtaire leplancher et, la tête penchée, les narines ouvertes, comme un chien qui suit une trace, il longe les corridors, descend les étages, traverse la cour, s'arrêtam parfois pour se coucher à terre et renifler en maugréant de ce qu'il ne sentait presque plus ; enfin, après quelques crochets vers les angles des bâtiments où le voleur imaginaire qu'il suivait ainsi semblait avoir guetté a'il n'y avait personne plus loin, il enfile un corridor, monte un étage et va droit au Ht d'un soldat qu'il ne connaît pas du tout et dans la chambrée duquel il n'avait jamais mis les pieds; là, après quelques secondes d'examen, il dit avec dépit : « Trop tari! * puis retourna se coucher.
Le lendemain, l'histoire se répandit. Le soldat ainsi désigné avait un casier judiciaire; on l'arrêta, on fit une enquête, au cours de laquelle, étonne de la précision avec laquelle on luî décrivait son itinéraire, il se laissa aller à dire : « On ma donc suivi? » mais cette preuve ne pouvait suffire et on dut le relâcher, bien que tout le monde fût convaincu de sa culpabilité.
V
De tout ce qui précède, on doit conclure que certains sujets peuvent, dans certains états de l'hypnose, éprouver les symptômes de la maladie de la personne avec laquelle ils sont mis en rapport et même voir les organes intérieurs de cette personne.
L'admission de ces deux faits, ou seulement du premier, a une grande importance au point de vue légal, car il en résulte que, si l'on peut poursuivre les somnambules donnant des consultations médicales, pour exercice illégal de la médecine, il n'y a pas Heu de leur appliquer nécessairement l'article 40$ du Code pénal :
c Quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, ou pour (aire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre événement chimérique, se sera fait remettre ou délivrer ou aura tenté de se faire remettre ou délivrer des fonds, et aura, par un de ces moyens, escroqué ou tenté d'escroquer la to-
ttlité ou panie de la fortune d'autruî, sera puni d'un emprisonnement d'un an au moins, ou de cinq ans au plus. »
Bien que la cour de cassation ait confirmé, en 1851. cette manière de voir dans l'affaire des époux Mongruel et de médecin Pyrabouski. associés pour l'exploitation d'un cabinet de consultations magnétiques, la question se pose encore assez souvent devant les tribunaux et. en ce moment même, elle se plaide devant le tribunal de Blois.
SOCIÉTÉS SAVANTES
ACADÉMIE DE MÉDECINE
Séance du 7 août. — Présidence de M. Mérakd.
Action des médicaments à distance.
Réponse de M. Lcïs au rapport de M. Dl'jardin-Beausietz.
M. Luys, après avoir médité longuement le rapport de M. Du jardin-Beau-metz, a pensé qu'il devait à lui-même de ne pas rester silencieux devant un verdict aussi sévère. D'autres que lui ont vu leurs doctrines contestées.
Une commission a été nommée pour vérifier ses expériences. Il les a répétées devant elle et avec un plein succès. Mais la commission s'était donné un autre mandat; elle eut des défiances vis-à-vis du sujet ; elle voulue, dans une deuxième séance, instituer des expériences contradictoires. Elle pensa que, dans une telle question, on ne saurait prendre assez de précautions. Elle fit placer dans un certain nombre de tubes diverses substances ayant un numéro d'ordre. Ces substances ignorées de tous furent préparées par une tierce personne. Ces précautions étaient régulières, logiques, justifiées. Mais l'éton-nement le prit quand on parla de suggestion mentale, d'influence occulte rayonnant de l'hypnotiseur vers l'hypnotisé. C'était voisin du spiritisme, et cependant il dut se conformer à ce Credo. Il fut donc convenu qu'aucun assistant n'aurait connaissance des solutions contenues dans les tubes numérotés. Mais on opérait ainsi à l'aveugle. Et cependant c'est sur cet échafaudage qu'on a bâti des expériences incertaines, contradictoires, qui seront jugées sévèrement par les hommes réfléchis; c'est sur cet échafaudage qu'ont été bâties les conclusions de la commission.
M. Luys arrive à la réfutation des observations du rapporteur. Les tubes, dit-on, n'ont pas déterminé les effets habituels. Eh bien ! il maintient les faits, les expériences de la deuxième séance ont été mal faites. Il a obtenu le contraire dans son laboratoire et ses photographies en font foi. Il faut tenir •compte, en effet, et de la fatigue du sujet et des traces persistantes d'un ébranlement nerveux antérieur. Il laisse le sujet se reposer et oublier l'incita-*ion qu'il a reçue. La commission n'a pas procédé avec cette sage lenteur,
c'est ce qui explique les observations confuses et infidèles du rapport. En outre, il faut tenir compte des doses employées. Les dotes fortes déterminent des actions violentes.
M. le rapporteur constate encore des effets différent» pour les mêmes substances employées à divers jours d'intervalle. M. Luys maintient, lui, que les résultats sont identiques.
L'objection la plus sérieuse est la suivante : le» même» tubes produisent des effets dissemblables. II n'en est rien. Les tubes i, 4. 7, expérimentés, ont toujours donné des contractions, des émotions identiques. "On lui a encore objecte que les médicaments employés à dix. quinze jours d'intervalle, produisaient des effets divers- Dans les deux séances on a noté des phénomènes presque identiques. L'objection tombe donc d'elle-même.
Il arrive enfin aux concluions du rapport. Ainsi, tous ces phénomène» constatés par lui et d'autres médecins sont sommairement jugés ci taxés de fantaisies ci de caprices. Il pense que ce jugement n'esi pas sérieux et qu'il s'agit là d'impressions purement personnelles.
Ceci dit, il demande au rapporteur s'il pense avoir rempli consciencieusement son devoir, car il n'a qu'à laisser parler les faits. La commission a pu constater dans ses expérjences — et les procès-verbaux en font foi — quatre-vingt-quinze manifestations symp.tomatiques. Ces faits étaient bien réels. Etait-ce de la fantaisie, du caprice: D a donc été surpris de ce verdict sévère, de cette condamnation sommaire.
II s'arrête. Il a exposé la situation qui lui avait été faiic. L'avenir dira qui a vu jus». La question est posée et fera son chemin. Qu'il lui soit permis en terminant de poser ce dilemme à la commission : ou les faits somatiques dont vous avez été témoins sont vrais ou ils sont faux. S'ils sont réels, pourquoi n'en pas leoir compte: S'ils sont faux, pourquoi les avez-vous enregistrés dans vos procès-verbaux et légalisés par votre signature ?
M. Dujardin-Beaumetz tient à faire tout d'abord remarquer que le rapporteur est un Cire impersonnel et qu'il parle au nom de U commission.
« M. Luys est étonné des mesures de précaution que nous avons prises. Mais il ne faut pas oublier que les sujets sont des hystériques et, partant, sujets à caution. Nous devions donc nous mettre en garde. Dans la première séance, nous avons constaté tous les faits annoncés par M. Luys, mais les tubes étaient connus de la malade et nous avons voulu, dans une deuxième série d'expériences, nous entourer d'une sévérité rigoureuse, scientifique. !
• M. Luys nous dit que. dans les deux séries d'expérience*, nous avons obtenu une symptomaiologie semblable. On sait que, chez ces malades, Us faits observés sont toujours identiques ou à peu près.
» D'autre part, nous avons constaté un certain nombre de phénomènes objectifs. C'est exact ; maïs ces phénomènes étaient aussi bien produits par des eorps inertes que par des corps actifs. C'est donc l'interprétation de ces' phénomènes qui nous sépare. Je maintiens donc les réserves de la commission^
» Quant au mot caprice qui a frappé notre collègue, il va sans dire qu'il s'adresse à la malade et non à M. Luys et que rien ne s'adresse à son honorabilité ou à sa bonne foi. ?
Reste la question de médecine légale? Ici il laisse la parole a M. Brouardel. M. Brouardel. — Lors de la communication de M. Luys à l'Académie, il y a un an, nous avons tous été émus. J'ai demandé une discussion approfondie.
car. cd fait de médecine légale, il faut être d'une prudence extrême. J'inculque toujours à mes élèves ce principe qu'il ne faut porter nu Palais que ce qui est dix fois démontré. On pourrai; sans cela nous accuser d'avoir fait condamner on innocent, acquitter un coupable.
Dans la question de suggestion. tout est exploité. Que M. Luys nous démontre que c'est la vérité et qu'il nous apporte des preuves convaincantes.
La première séance de M. Luys a pleinement réussi. C'est justement cet accord complet qui a inspiré ncs doutes. M. Luys endormait ou croyait endormir sa malade er nous annonçait ensuite ce qui allait se passer. En effet, nous pouvions le constater. Dans une seconde série, au milieu d'une ignorance parfaite et d'un silence absolu, rien ne s'est passé comme cela aurait du se passer. Nous avons assurément observé des phénomène* objectif*, mais U jeune fille qui, pour mot, est une simulatrice, a dit au hasard et a agi de même- Jamais les signes n'ont été identiques.
Dans ces conditions. Ii commission a pensé que les faits annoncés par M. Luys n'étaient pas démontrés et qu'il n'y avait pas lieu d'en tenir compte.
M. Gariel. — M. Luys nous dit que nous avons expérimentés sur des sujets fatigués. Mais la faute lui en revient, car nous lui avons demandé le moment opportun pour intervenir et nous nous sommes conformés a son opinion- La commission est donc dégagée.
Séance do u août. — Présidence de M. litica0,
Aaction des médicaments à distance (Suite).
M. le Secrétaire perpétuel donne lecture d'une Icare de M. La borde au sujet de la prétendue action à distance des médicaments.
M. Lahor de tait remarquer qu'il existe une contradiction préjudicielle entre la notion fondamentale relative su mode d'action physiologique des substances toxiques et médicamenteuses et la doctrine de leur prétendue action à distance; que, du reste, si cette action existait réellement. Ton se trouverait nécessairement en présence des manifestations fonctionnelles caractéristiques de l'action physiologique de ces substances, tandis que, dans les observations de M. Luys ou dans celles des auteurs qui l'ont imité, la Symptomatologie est excessivement variable et infidèle. Par conséquent, cette Symptomatologie serait plutôt artribuable à l'état de maladie provoquée du sujet en expérience, qu'à l'action réelle de» médicaments.
ACADÉMIE DE MÉDECINE DE BELGIQUE
Séance du 3o juin. — Présidence de M. Défaire.
Discussion sur l'hypnotisme \Suite).
M. Semal. — «L invitation à l'abstention, sinon au silence, adressée, sous prétexte d'incompétence, à la plupart des membres de cette assemblée par l'honorable M. Nuel, m'oblige, dès l'abord, à justifier mon attitude dans le
débat. Je ne me regarde pas comme un profane dans ce grand art de l'hypnotisme, que. p.-.- une singulière contradiction, les partisans des exhibitions publiques prétendent vulgariser dans les coins les plus reculés du pays, tout en proclamant que le maniement correct n'en sera jamais que l'apanage de quelques privilégiés, à condition surtout que ces privilégiés ne soient pas médecins; car vous n'avez pas été sans vous apercevoir que toute cette éloquence dépensée, tout ce bruit produit à l'occasion d'une mesure dont la plus élémentaire prudence conseille l'adoption, est une sorte de campagne en faveur de la liberté de la profession médicale; c'est du moins vers ce but, plus ou moins déguisé a leurs yeux, que nos adversaires dirigent leurs efforts.
L'argumentation des honorables MM. Nucl et Kuborn s'éloigne souvent des formes ordinaires de l'argumentation scientifique. A les entendre, on se serait cru, soit dans une assemblée politique où il s'agirait d'étayer la liberté ébranlée et menacée, soit dans le prétoire d'une cour d'assises, en présence d'un definseur sympathique et disert, mêlant adroitement le sentiment à la question de droit. »
(Après diversesconsîdérationsgénérales sur la nature de l'hypnose, M. Semai arrive à penser que les actes accomplis sous l'influence hypnotique constituent une véritable psychose expérimentale. — (Voir plus haut.)
Il termine en déclarant qu'il voudrait voir l'hypnotisme trouver accès dans le programme universitaire, seule manière vraiment décente d'en vulgariser la connaissance. Une prise de possession, bien Légitime cette fois, empêchera l'emploi empirique et banal d'un puissant agent thérapeutique, et le maintiendra aux mains des médecins aussi longtemps qu'existera une loi sur l'art de guérir.)
« Nous ne demandons certes pas qu'un monopole soit créé à cet égard ; libre à tous ceux que l'esprit scientifique inspire d'utilïser ce moyen de recherches; le titre de savant, le mobile qui les pousse, garantissent suffisamment des abus.
Enfin, nous voudrions encore qu'une décision, conforme à l'opinion de ta presque unanimité des expérimentateurs de l'hypnotisme, intervînt pour ranger celui-ci dans la catégorie des causes accidentelles et des artifices pouvant altérer les facultés et déterminer la part de l'usage des sens, dont fait mention l'article 37J du Code pénal belge. »
Séance du 2X juillet. — Présidence de M. Depaike
Discussion sur l'hypnotisme 'Suite).
M. Crocq. — Tous les hommes sont-ils sensibles à l'hypnotisme? Je suis de l'avis de l'Ecole de Nancy; je pense que tout système nerveux quelconque étant susceptible d'actions instinctives, réflexes, est. par cela même, accessible à l'influence hypnotique ; mais cette impVessionnabilité varie dans une très grande mesure; plus le système nerveux périphérique est prédominant, plus la sensibilité hypnotique du sujet est torte. D'autre part, l'acquiescement du sujet est une circonstance favorable pour recevoir l'action hypnotique, mais cet acquiescement n'est pas indispensable.
Faut-il proscrire l'hypnotisme ? Non- Mais il faut le restreindre comme étant
da domaine exclusif des savants, des médecins, des philosophes, de la même façon que 1 administration des médicaments actifs.
Quant aux magnétiseurs ambulants, qu'on veut protéger sous prétexte qu'ils ont découvert et propagé l'hypnotisme, loin d'avoir contribué à éclairer ce point de science, ils lui ont nui considérablement ; et si l'on prononce le nom de Mesmer, je répondrai à ceux qui l'ignorent que Mesmer était médecin.
Les actes criminels qui peuvent être perpétrés pendant le sommeil hypnotique sont de nature diverse ; parmi eux, je citerai le viol, aggravé par ce fait que le souvenir de pareils actes peut ne pas exister au réveil, quoi qu'on en ait dit.
Les actes de supercherie accomplis dans les séances publique» sont nombreux; presque toujours il existe un ou plusieurs compères dans la salle; si l'un d'eux est découvert ou pris en flagrant délit par le public, celui-ci, justement indigné, n'ajoute plus aucune foi aux faits d'hypnotisme honnêtement et scientifiquement produits, ce qui confirme encore ce que je disais tout i l'heure, à savoir que les magnétiseurs ambulants ont nui à la connaissance des faits dont l'ensemble constitue l'hypnotisme et ne l'ont servi en rien.
Ma conclusion, c'est que les séances publiques d'hypnotisme doivent être interdites.
U. LcritvRE. — Je suis obligé de contredire notre collègue sur un point particulier: la supercherie n'intervient en aucune façon dans beaucoup des séances publiques d'hypnotisme ; pour le reste, je me rallie entièrement a son discours et à la conclusion qui le termine.
(La suite de la discussion est renvoyée à la séance suivante.)
VARIÉTÉS
L'ASTUCE CHEZ L'ENFANT
Par le D» Collmau (Suite)
Au second groupe — entre tous le plus important— appartiennent les simulations caractérisées par quelque trouble du système locomoteur pouvant se rattacher aux névroses convulsives, aux maladies à type cho-réique, ou à une paralysie quelle qu'elle soit. C'est le terrain par excellence, pour permettre à l'instinct d'imitation si prononcé dans la seconde enfance, de s'exercer a satiété.
De l'accès fruste d'épilcpsie jusqu'à l'attaque la plus complète, il n'est pas de nuance qui n'ait été reproduite avec plus ou moins d'exactitude par les simulateurs.
Il y a plus d'un siècle de cela, Boissier de Sauvages (1) rapportait
(1) Boisaïaa 01 Savvacis, SosohgiJ. methodica, 1771. Lyon.
qu'une petite fille de sept ans simulait si parfaitement les gestes et mouvements des personnes qui tombent du haut mal, qu'il n'y avait personne a l'hôpital général de Lyon qui n'y fût trompé. « Je lui demandai, ajoute-t-il. si elle ne sentait point une aura passant de la main au bras et de là dans le dos. puis dans la cuisse. Elle répondit que oui. J'ordonnai qu'on lui donna: le fouet, et ma recette fit tant d'effet qu'elle se trouva parfaitement guérie. » — A la Roquette, convaincu de simulation, un grand garçon de quinze ans, très vigoureux, très bien portant, avoue à Motet |i) qu'à diverses reprises, il a vu sa mère qui est très nerveuse « dans ses attaques de nerfs » et que l'idée lui est venue de faire comme elle, dans l'espérance qu'on ne le garderait pas en prison. — Chez une jeune fille de quinze ans, de Haen sut démasquer la simulation de la surdité d'abord, puis de l'épilepsie.—Comme pendant, chez un petit paysan de quatorze ans, Malmsten (2) démasqua celle de Fcpilepaie-i d'abord, puis du mutisme. — Née de parents sourds-muets, d'un caractère capricieux et indisciplinable, une petite fille de onze ans est remise aux soins d'Eross (3). Un examen prolongé et approfondi démontre ! que, réellement atteinte d'épilepsie, elle simule des attaques dans l'in- ; tervalle des accès réels, o Nous ne pûmes, dit le savant médecin de Bu- • dapest, faire avouer à l'enfant ni la simulation, ni le motif. C'est la si- : mulatrice la plus obstinée que nous ayons rencontrée jamais. Ni la douceur, ni la sévérité, n'en purent venir a bout. — Boisseau 4), enfin, rapporte qu'une femme et son enfant furent surpris, à deux heures d'intervalle, simulant des accès d'épilepsie, dans le même quartier de Paris.
Au dire de Motet, chez les jeunes détenus, l'attaque épileptiforme est le mode de simulation le plus habituel. Dans les hôpitaux d'enfants, selon Dufestel, il serait beaucoup plus rare.
D'autres, avec plus ou moins de succès (Gentilhomme, Abelin. Henoch en relatent des exemples), feignent le tétanos, la catalepsie, ou encore (Dufestel) la syncope. — A deux reprises différentes, une petite fille de quatre ans, très gâtée par sa mère, se laisse choir à terre, reste quelques instants sans mouvements, puis, quand on s'empresse autour d'elle, éclate de rire.
Parfois, c'est la toux convulsive, le hoquet, l'aboiement et jusqu'à la coqueluche qui servent de substratum à la fourberie et à l'instinct
d'imitation.
La simulation des maladies à type choréique n'est pas moins fréquente que celle des névroses à attaques convulsives. Feindre les mouvements désordonnés de la danse de Saint-Guy est en effet très facile, ou tout au moins le parait. L'écucil, en pareil cas, réside dans le caractère
(ij Motït. Annales médico-psychol. T. IX, p. 3o3, 1882. Paris, (a) Mauistek, Les maladies simulées. — Annales d'Iiygitn:, serie. T. IV, p. iï6. 1880. Paris.
(3) Enoss, loco citato, p. 385.
(4) Boisseau, loco citato, p. 70.
absolument desordonne et automatique des mouvements chorciques mêmes. Ce désordre, quand subsiste l'empire de la volonté, ne donne pas aisément le change a un observateur expérimenté. Dés qu'il se croit seul, d'ailleurs, il est bien rare que le simulateur n'en prorite pas pour prendre, incontinent, un moment de repos. Quelques jours de surveillance discrète, et. dépisté, il ne tarde pas à entrer dans la voie de plus en plus large des aveux. Lorsque avec des accès de chorée réelle alternent, chez le même sujet, des accès de chorée simulée, la question se complique, cela va de soi.
L'affectation du tremblement des membres est encore, pour certains, un moyen d'en imposer. Bourdîn rapporte le singulier stratagème employé, pour rentrer dans si famille, par un jeune pensionnaire aux yeux de qui le séjour du collège manquait d'attrait. Un beau matin, le voilà pris de balancement de droite à gauche, puis de gauche à droite, de la tête. Le mouvement était incessant. La crise dura vingt à trente minutes, pour se terminer par une somnolence invincible et se renouveler ensuite • à tout propos; mais seulement, ainsi qu'une surveillance étroite permit de le noter, en présence de témoins.
A priori, on serait peu porté à croire que l'idée de feindre la paraplégie (paralysie des membres inférieurs pût germera un âge auquel la locomotion est un des plus impérieux besoins. Les auteurs en ont pourtant relaté des exemples. Citons, entre autres, celui dont Abelin se porte garant. C'est le cas d'une jeune fille qui, dans une station thermale, se faisait depuis plusieurs mois rouler dans une voiture munie d'un lit et affectait de ne pouvoir se servir de ses jambes. Sous un prétexte subtil, on la mit à la diète; et puis on fit semblant d'oublier, à une certaine distance de son lit, mais bien en vue. des gâteaux et un bol de lait. Sous l'aiguillon de la faim, elle sut fort bien se lever, dans la nuit, et aller chercher la nourriture que réclamait son appétit.
Se mettre à boiter tout à coup pour s'exempter de l'atelier, quand on est apprenti, ou bien encore, quand on est au collège, pour aller passer j l'infirmerie quelques jours de doux far-nionte, voilà un procédé ingénieux autant que commode. Les impénétrables Machiavels de quinze ans le prisent fort et... en usent. Par malheur, ainsi que le fait remarquer Broussolle [i , « ils ne savent pas boiter », ils exagèrent, ei un œil exercé n'a pas grand'peîne a déjouer la ruse. ¦ II en est. dit de Saint-Germain (2), qui se condamnent du premier coup. La promenade les fait boiter, mais d'autres exercices ne les fatiguent pas; ils ne veulent pas, ou ne peuvent pas sortir; mais par contre ils demandent à n'être pas privés d'escrime... Certains cas. ajoutc-t-il, sont plus difficiles à apprécier. Le prétendu malade refuse absolument de marcher; pour lui. le repos est le plus grand des biens; il est paresseux avec délices et il aime mieux s'ennuyer dans son lit que de descendre en classe. »
(1) BaouitoLLX, De la claudication cfter les enfants, 1887. Paris, (aj Dx âAiNT-Gravaix, Diagnostic ci traitement des différentes formes de toileries* 1885. Paris,
1-? troisième groupe comprend les troubles intellectuels qui peuvent servir de thème à la simulation. C'est le plus restreint. Assez fréquente chez l'adulte, la simulation de la folie est. en effet, fort rare chez l'enfant. 11 faut pour cela des circonstances toutes spéciales du genre, par exemple, de celles-ci : Debackcr (f dit avoir observé dans le service de Moreau de Tours, à la Salpétriére, une petite tille de onze ans. épilcp-tique. se distinguant par ses instincts pervers et son gout pour les accusations calomnieuses. Peu de temps après son admission, elle se prit à reproduire, tour a tour, les diverses perturbations nerveuses dont, en toute sincérité, hélas ! son entourage la rendait témoin chaque jour.
Quant au quatrième et dernier groupe, il embrasse la simulation de tous les troublesfonctionnels, soit des sens, soit des autres systèmes organiques.
[A suivre.)
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
Le miracle au point de vue médical.
11 etisie en France une Société de médecins catholiques qui se sont mis sous l'invocation de saint Luc, de saint Cóme et de saint Damien. — La section de Paris, ì la suite d'une discussion sur le miracle envisagé au point de vue médical, a voté les conclusions suivantes :
* Les membres de la Société médicale Saint-Luc, Saint-Còme et Saint- l'a-mien, d'une part, convaincus que l'ordre des faits miraculeux est en dehors de l'ordre des faits scientifiques; que le miracle est un fait de l'ordre surnaturel, comme les faits dits scientifiques sont des phénomènes de l'ordre naturel; que le déterminisme positiviste est mal fondé a renier la possibilité du miracle, mais seulement à en écarter la question comme insoluble à son point de vue, ou à en rejeter les faits comme mal observés;
• D'autre part.
a Regrettant la facilité avec laquelle certaines personnes et quelques publications accueillent comme miraculeux des faits apocryphes ou explicables par les forces naturelles.
¦ > Ont adopté les conelusions suivantes :
¦ i» Il y a lieu, dans l'intérêt de la vérité et de la polémique religieuse actuelle, de n'admettre qu'avec une extrême réserve les faits publiés comme miraculeux prématurément et sans contrôle légitime;
a 3* La confusion systématique des miracles et des faits simplement extraordinaires que l'amour du merveilleux ou l'ignorance transforme trop facilement en faits miraculeux doit être rigoureusement évitée;
> 3» II y aurait une grande utilité à déterminer scientifiquement les catégories de phénomènes pathologiques, dont la disparition, dans l'état actuel de la science, n'a pas d'explication naturelle : telles sont les affections, dont le
i) Diuacker, Thèse inaug., p. «3, l88l. Paris.
diagnostic étant bien établi. la marche clinique n'évolue jamais d'une manière spontanée et rapide vers la guerison absolue et définitive;
» 4» Le rescrit du pape Benoit XIV. qui exclut de l'ordre miraculeux ce qui est attribuahl* aux névrose» en général et à l'hystérie en particulier, en un mot. toutes les affection* constituées par de simples troubles fonctionnels, doit servir de règle a l'interprétation des faits dits miraculeux. »
Charité et dégradation sociale.
A la dernière réunion de la Société nationale de charité et de correction, qui a eu Heu à Buffalo, le Rév. Oscar Mae-Culloch, d'Iodianopolis, a lu un remarquable travail sur la dégradation sociale. Il a fait l'exposé de la condition sociale de irente familles pendant cinq générations et comptant 1,693 personnes. L'histoire de ces gens avait été suivie de près pendant cinquante ans. Elle était effrayante. Il y avait dans le groupe plusieurs meurtrier* et des voleurs sans nombre. Ils ne travaillaient pas et vivaient de mendicité et de rapine. Les enfants mouraient jeunes. Des moeurs licencieuses les caractérisaient tous, hommes et femmes. 11 en résultait une dégénérescence intellectuelle et une incapacité générale au travail, occasionnées par la charité publique et les secours illimités fournis i ces misérables par l'Etat et des particuliers, les encourageant à cette vie de paresse et de vice. D'après l'orateur, l'assistance publique était a un haut degré responsable de la perpétuation de cette race, et, avec elle, la charité privée, qui suppléait à ce que la première n'avait pas fait.
I.es gens charitables, ou ainsi appelés, qui donnent l'aumône aux femmes et aux enfants, avaient a répondre d'une faute grave. Parmi ces 1,693 personnes, M. Mae-Culloch disait qu'il n'en avait connu qu'une qui avait pu sortir de cette condition et devenir honnête.
Le remède qu'il indiquait était de cesser l'assistance officielle extérieure, de modérer la bienfaisance aveugle des particuliers, appelée a tort charité, et de s'emparer des enfants.
L'hypnotisme en face de l'Église.
Dans la seconde partie de l'article de notre collaborateur, M. Paul Copia (o'du 1" août), sur l'hypnotisme en face de l'Église, une erreur de mise en pages 1 pu rendre difficile la lecture de certains passages. C'est ainsi que le paragraph: III, au lieu de se terminer au bas de la page 53, doit finir au milieu de la page 5i, après ces lignes :
« L'intérêt catholique! Telle est la raison capitale qui, dominant le jugement de l'Eglise sur la question qui nous occupe, le met forcément, comme mous tavons dit, en opposition avec les données rationnelles. »
Le resie du paragraphe III (une page et demie) doit être reporté au cours du paragraphe IV, et intercalé tout entier entre la troisième et la quatrième Kgne de la page 55, après le passage : ¦ Ainsi, une personne présente pourra cesser d'être aperçue sur la suggestion de l'hypnotiseur ; son contact ne sera plus senti par l'hypnotisé. •
Au lieu de : 1 Cette cause s'appelle Dieu s'il s'agit des miracles des mysti-
eues... - il fjut lire alors : - L'explication précédemment fournie par le P. de
Bonniot ne suffit plus ici..., etc. ¦
En tenant compte de ces errata, nos lecteurs pourront apprécier la valeur de l'argumentation si serrée par laquelle notre collaborateur réfute les opinions d'ordre purement métaphysique du P. de Bonniot.
Les Congrès scientifiques en 2839.
Il y aura en iSSo, a Paris, toute une série de Congrès pendant l'Exposition internationale : Congrès de zoologie, d'anthropologie, de physiologie, d'électricité, d'hygiène, de dermatologie, etc. Toutes les sciences, ou peu s'en faut, seront représentées chacune par un congrès spécial. L'Association française pour l'avancement des sciences :iendra aussi son prochain Congres h cette époque a Paris. Enfin, le Congrès français de chirurgie aura lieu certainement au même moment. Il est à souhaiter que ces congrès réussissent encore mieux que tous les précédents. C'est aux Sociétés savantes parisiennes à prendre l'initiative et a rédiger des programmes.
Nous pensons qu'à tous ces congrès pourrait s'en joindre utilement un autre où seraient spécialement discutées les questions qui se rattachent i l'étude icientifique de l'hypnotisme.
Dès aujourd'hui, la Revue de rHypnotisme fait appel à ses collaborateurs ainsi qu'à ses correspondants français et étrangers pour leur demander dans quelle mesure elle peut compter sur leur concours.
Leurs observations et leurs avis seront accueillis avec la plus grande faveur.
Dès qu'un certain nombre d'adhésions nous seront parvenues, mus inviterons les adhérents à s'entendre pour nommer un Comité d'organisation.
HYGIÈNE SCOLAIRE
Une table hygiénique.
Frappe de l'inconvénient que présentait la fixité des tables scolaires dont l'élévation est uniforme pour tous les élevés de la même classe, quelles que
soient leur taille ou la rapidité de leur croissance, un homme intelligent, M. A. Féret, a eu l'excellente idc'e de créer une table dite hygiénique, en ce sens qu'il est facile de l'élever a la taille de l'enfant, a mesure qu'il grandit.
Cette table permet alternativement le travail assis et le travail debout, ce qui constitue un moyen efficace de combattre la sédentarité si nuisible au développement. Elle permet aussi d'éviter les déformations de la poitrine et les tendances à la myopie, si fréquentes parmi les élèves de la génération actuelle.
Les dessins ci-dessus permettent de se rendre un compte exact des services multiples que peut rendre la table Feret. Le but que se proposait l'inventeur a été, nous devons le reconnaître, complètement réalisé. A l'Ecole normale d'instituteurs, d'auteurs, une classe, meublée de 4S tables, a permis de faire une expérimentation concluante.
Il est d'ailleurs facile de juper les avantages que présente la table à élévation facultative chez son inventeur, M. Féret, 16, rue Etienne-Marcel, où sont exposés les divers modèles.
NÉCROLOGIE
M. Edmund Gurney.
Nous devons signaler la mort de M. Edmund Gurney, qui était un des plus remarquables collaborateurs d'une importante revue psychologique anglaise, The Mind. Dans ses dernières années, il s'etait presque exclusivement consacré à des études sur l'hypnotisme et il était l'un des membres les plus actifs de la Society for psychical researches. Sujet à des insomnies fréquentes, il se traitait par les narcotiques et est mon d'une dose trop forte de chloroforme.
Il a exprimé sur les « phantasms of the living» les idées les plus originales. Il a publié aussi, il y a quelques années, un très bon livre: The Power of sound, dans lequel il étudie l'action physiologique et psychologique du son sur les sens.
NOUVELLES
Légion d'honneur. — Noire excellent confrère le dr L.-H. Petit, bibliothécaire adjoint à la Faculté de médecine, qui vient d'organiser avec un si légitime succés le Congrès pour l'étude de la tuberculose, est nomme chevalier de la Légion d'honneur.
Concours. — Parmi les questions mises au concours par l'Institut des sciences, arts et lettres du Milan, concours auquel les médecins italiens et étrangers peuvent prendre part et dont les prix seront décernés en nous signalons :
Le prix Cagnola (une somme de 1,500 francs et une médaille d'or de 500 francs) : « Histoire de l'hypnotisme ; étude critique de tous les documents qui s'y rapportent et observations personnelles. » Les mémoires devront dire adressés avant le 1er mai
S'adresser pour plus amples renseignements à l'Institut royal lombard des sciences, lettres et arts à Milan.
Nous constatons, à ce sujet, que dans les pays étrangers on semble dispose à lutter avec ardeur sur un terrain où la France avait jusqu'ici occupe la place prépondérante. - Congrès. — Un congres de « magnétiseurs » allemands a eu tenu à Eisenach. Pour éviter les poursuites judiciaires en vertu de la loi qui défend aux personnes
non diplômées de s'affubler de titre» médicaux, les membres du congrès prirent la décision d'abandonner leur ancienne dénomination de « magnétiseurs-curateurs » (Heilmagnetiseurs), pour s'appeler maintenant « magnétopathes » et de fonder une société de magnétopathes allemands.
— Le Brésil nous apprend que la chambre municipale de Rio-Janeiro a décidé de provoquer une souscription dans le but d'offrir un présent au docteur Charcot. ainsi qu'aux deux médecins italiens qui ont soigné l'empereur du Brésil à Turin.
Etudiantes en médecine en Suisse. — En Suisse, dans les quatre Facultes de médecine suisses qui admettent les femmes comme élèves, on constate entre les étudiants des deux sexes la relation numérique suivante : Berne, :184 étudiants et 49 étadiantes (dont une seule Suisse); Genève. 121 étudiants et 8 étudiantes (toutes étrangère ) ; Lausanne. 18 étudiants et 1 étudiante (Suisse); Znrich, 221 étudiants et 44 étudiantes (dont 10 Suisses). II y a donc actuellement en Suisse 102 femmes qui étudient la médecine. (Rev. mèd. de l'Est )
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
Traité d'hygiène sociale, par le Dr Jules Rochard, membre de l'Académie de médecine. — Lecrosnier et Babé, un fort vol. in-8° de 700 pages. Paris,
1888.
Bibliographie des modernen Hypnotismus, par Max Dessoir. — Cari Dunkers Verlag. Berlin. — Grand in-8° de 90 pages, 1888.
Einiger uber Suggestion, von Dr Ernst Jeudrassik, universitad docent à Budapest. — Extrait du Neurologisches Centralblatt. — Broch. in-8°, 1888.
Hipnotismo y suggestion. Notiones générales, historia, sintomatologia, fisiologia, medicina legale y terapeutica de la hipnosis, por Octavio Maira et David Benaveste. — Santiago (Chili), in-12, 1887.
L'hygiène de l'estomac, guide pratique de l'alimentation, preface de Théodore de Banville, par le Dr E. Monin. — 0. Doin, in-12, 1888,
Études expérimentales et cliniques sur la tuberculose publiées sous la direction de M. le professeur Verneuil. — Secrétaire de la rédaction. Dr L.-H. Petit. (Ce volume contient la bibliographie des travaux publics sur la tuberculose en 1887, par L.-H. Petit. Tome II. 1er fasc.. — Maison, in-8° 1888.
La conscience psychologique et morale dans l'individu ot dans l'histoire, par Ludovic Carrau. — Perrin et Cie, in-12, 1887.
Les origines du dogme de la trinité, par M. Courdaveaux, professeur à la Faculté des lettres de Douai. — Broch. in-8° 1888.
El hipnotismo y la suggestion, estudios de fîsio-psychologia y de psico-terapia, por el Dr Abdon Sanchez Herrero, Valladolid. — Six fasc in-8°, 1887.
Le Coup du lapin, roman social, par Félix Fabart. — Traite, entre autres questions, du magnétisme et de l'hypnotisme. — Marpon et Flammarion, éditeurs. — Prix : 3 fr. 5o.
L'Admimstrateur'Gérant: Emile BOURIOT, 170, Rue St-Antoine. PARIS. — imprimerie charles dlot, rue bleue, 7.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
BULLETIN
LA LÉGENDE DU SOLDÂT SOMNAMBULE
Il y a quelques jours, les journaux politiques annonçaient que le bataillon du 3' régiment d'infanterie de marine, en résidence à Saintes, comptait parmi ses hommes un jeune soldat somnambule qu'on avait dû envoyer à l'hôpital de Rochefort.
On prétendait qu'en état de somnambulisme, ce jeune homme répondait avec justesse à toutes les questions qui lut étaient posées : qu'il prédisait l'avenir, voyait à distance avec une lucidité merveilleuse.
Pour mieux préciser, rapportons les trois principaux faits signalés et qui ont fait le tour de la presse. Ils étaient, disait-on, attestés par de nombreux témoins :
Une clef avait été perdue ; on la cherchait depuis longtemps sans pouvoir la découvrir. Le somnambule est interrogé; il indique un des recoins de la caserne; l'on s'y rend et la clef est retrouvée.
Autre fait : deux soldats du bataillon volaient le café de l'ordi-naire qu'ils revendaient à une tierce personne; plus de 100 kilos avaient ainsi disparu. Il était fort difficile de découvrir les coupables et atout hasard on questionna ce sujet, qui les dénonça en les nommant. Les deux coupables furent obligés d'avouer, et cette affaire est aujourd'hui à l'instruction.
Voici un autre fait plus fort que les précédents : étant en état de somnambulisme, le soldat révélateur déclara qu'un détachement de son régiment, qui était allé en Nouvelle-Calédonie, y était arrivé le 14 juillet et y avait débarqué à sept heures du matin.
On télégraphia aussitôt pour s'assurer de la véracité du somnambule et on acquit la certitude qu'en effet le détachement était arrivé à destination le 14 juillet et avait débarqué à sept heures du matin.
Nous n'insisterons pas sur le peu de vraisemblance de la partie de ce récit qui a trait à la vérification du dire du soldat, par la voie télégraphique.
La moindre dépèche un peu détaillée qu'on voudrait faire passer en Nouvelle-Calédonie s'élèverait à un prix trop élevé pour que ce contrôle ait été tenté. Dans tous les cas, il aurait pu s'agir là d'une coïncidence assez curieuse, mais cependant très possible.
Le jeune soldat avait été placé à l'hôpital de Rochefort, dans le service de MM. les docteurs Bourru et Burot. Nous avons eu la curiosité d'aller demander à notre aimable collaborateur, M. Burot, ce qu'il y avait de vrai dans tous ces racontars.
Notre confrère s'est immédiatement mis à notre disposition. Un examen très approfondi du malade nous a d'abord permis de nous assurer que le soldat était, à n'en pas douter, un somnambule naturel, et qu'il était possible, non seulement de l'hvpnotiser avec la plus grande facilité, mais aussi de réaliser chez lui des suggestions à l'état de veille.
Après l'avoir mis dans l'état de somnambulisme, il ne restait plus cju'à vérifier son état de lucidité. Diverses expériences nous ont permis de nous assurer que, malgré ses efforts pour trouver dans nos questions les éléments d'une réponse plausible, malgré de visibles tentatives pour deviner, il ne voyait rien de ce qui se passait, même dans la salle voisine, à plus forte raison à quelques kilomètres.
Cependant il prétendait toujours voir distinctement les personnes au sujet desquelles on l'interrogeait. Dans toutes les expériences, il s'est trompé d'une façon au moins grossière.
En réalité, ce jeune homme ne présente pas la moindre trace de lucidité et nous nous demandons encore sur quoi repose la légende édifiée à son sujet.
11 semble qu'en présence de ces déclarations, nos confrères de la presse politique devraient s'empresser de démentir ce qu'ils ont avancé d'une façon aussi légère. Ne fût-ce que pour faire cesser la pluie de lettres qui s'est abattue depuis lors sur l'hôpital de Rochefort.
Du nord au midi de la France sont arrivées des missives dans lesquelles on prie ceux qui ont l'occasion d'approcher du jeune soldat de lui demander la cause, l'origine, le siège de mainte maladie, les moyens de la guérir. On voudrait, par son intermédiaire, retrouver des objets égarés, voire môme des chiens perdus. Un, Italien pratique a vu là un moyen de gagner tous les gros lots de la prochaine loterie de Milan. Il demande au somnambule de lui désigner à l'avance, moyennant un partage loyal des gains, tous les. numéros sortants, etc., etc.
Il serait temps, dans l'intérêt du somnambule et dans celui de la discipline, que cette mauvaise plaisanterie prit fin. Malheureusement, pour beaucoup qui se sont empressés de propager le fait erroné et même d'y croire, il s'en trouvera fort peu pour le démentir.
La légende du soldat somnambule est faîte. Elle restera; et pendant longtemps encore des hommes de bonne foi se baseront sur cet exemple pour propager la croyance à la lucidité des somnambules.
Dr Edgar Bérillox.
DE L'ACTION CONTRAIRE OU PARADOXALE DES MÉDICAMENTS CHEZ LES NERVEUX
Par le Dr P. BU ROT
MOFESSEU* A i."ÉCOLE DE XEDECISB DE ROCHEFO»r
Parmi les observations faites à l'Académie de médecine et relatives à l'action à distance des médicaments, il en est une qui m'a vivement frappé; c'est celle de M. Laborde. Ce distingué physiologiste croit qu'il existe une contradiction préjudicielle entre la notion fondamentale relative au mode d'action physiologique des substances toxiques et médicamenteuses et les faits signalés.
D'après lui, au lîeu d'observer une symptomatologie variable, on devrait se trouver toujours en présence des manifestations fonctionnelles caractéristiques de ces substances. Aussi ce même auteur émet l'avis que la svmptomatologie est plutôt attribuable à l'état de maladie provoquée du sujet en expérience qu"à l'action réelle des médicaments.
11 me semble que c'est à une autre conclusion que l'on pourrait arriver. En effet, quand on présente à un sujet de la valériane, par exemple, avec l'idée d'obtenir, d'après les données physiologiques, une action calmante, si l'on observe une excitation suivie ou non d'hallucination spéciale, c'est qu'il existe une action particulière dont je ne veux pas. pour le moment, discuter la nature.
Le point sur lequel je veux attirer l'attention, c'est que les médicaments agissent souvent, sur les personnes nerveuses, en opposition avec les connaissances de la physiologie.
Quand on voit un grand nombre de nerveux, on ne tarde pas à s'apercevoir que chez eux les médicaments agissent très souvent à rebours et parfois d'une manière paradoxale.
Depuis déjà longtemps, mon attention était attirée sur ce point ; la remarque de M. Laborde me décide à publier la note que je préparais. Dans un numéro de la Semaine médicale de 1888, le professeur Lépine a publié, sur un sujet analogue, un article que je vais tout d'abord résumer :
« Leichtenstern dît avoir vu deux fois l'administration de deux grammes de quinine être suivie d'une élévation de la température.
» Merkel a vu plusieurs fois, chez une même femme, une dose de 20 centigrammes de chlorhydrate de quinine produire un Irisson, avec une température de 40*5 dans le rectum et 120 pulsations.
» Herrlich a vu, chez un paludéen, une dose de 1 gramme de quinine faire réapparaître à plusieurs reprises un accès.
» Le célèbre voyageur Nachtigal dit que le quinine amenait constamment chez lui un fort accès de fièvre.
» Lépine a vu, chez un ancien paludéen atteint de bronchopneumonie, la quinine augmenter la fièvre, tandis que i'antipyrine ramenait la température normale.
» Laache a rapporté le cas d'un phtisique de vingt-cinq ans, traité à cause de la fièvre par l'antipyrine à la dose de 2 à ç grammes par jour; le dixième jour, éruption rubéoliforme (due à l'antipyrine). Une autre fois, on reprend le médicament à la dose de 2 grammes ; peu après, le malade ressent de l'ardeur à la gorge et il est pris d'un frisson intense d'une durée de deux heures, suivi de frissonnements toute la journée ; élévation brusque de la température à 40*8; 160 pulsations et seulement 20 respirations.
» Bernouilli (de Bâle) a vu, chez une femme de cinquante-deux ans, tuberculeuse, l'antipyrine, à la dose de 3 à 4 grammes, produire de la fièvre et à certains moments de l'intolérance gastrique.
> Lûrman, assistant à la clinique de Kiel. a publié le cas d'une jeune fille de vingt ans. atteinte de rhumatisme chronique déformant, chez laquelle une dose de 4 grammes de salicylate de soude a déterminé un violent frisson suivi d'une chaleur intense, des bourdonnements d'oreilles, de la céphalalgie et un léger œdème des avant-bras et des jambes. On notait la réapparition de la fièvre et des mêmes accidents, parfois suivis d'albuminurie, dès que la malade reprenait une dose de salicylate de soude.
» Baruch a vu 2 grammes de salicylate de soude produire, chez une dame souffrant d'un rhumatisme polyaniculaire et apyrétique, des accidents variés : bourdonnements d'oreilles, troubles de la vue. faiblesse et frissons suivis de lividité du visage et des extrémités, claquements des dents et tremblement convulsîf de tout le corps ; respiration profonde, pénible et deux fois plus fréquente
qu'à l*état normal : palpitations, pouls accéléré ; température à 40*, puis sueur abondante. On crut à un accès de fièvre intermittente. Cinq semaines plus tard, à l'occasion de nouvelles douleurs rhumatismales, on administre encore 2 grammes de salicylate de soude : de nouveau, retour des mêmes accidents.
» Erb a vu le salicylate de soude produire un exanthème féry-thème diffus).
» Frankel, chez un jeune rhumatisant qui, dans une circonstance, avait bien supporté sans inconvénient une forte dose d'acide salicylique, ayant donné pour une récidive un demi-gramme de ce môme médicament toutes les deux heures (en tout 6 grammes et demi), a observé un frisson violent et un exanthème scarlatiniforme à la face, au cou et au tronc, et rubéolique aux extrémités ; la température, qui s'éleva à 40°2, dura deux jours, diminua et disparut avec l'exanthème ; plus tard, 1 gr. 5 et 1 gramme du même médicament furent suivis du même résultat. >
M. Lépine fait observer cjue. loin d'être fatale, l'action contraire est éminemment capricieuse. On a hasardé beaucoup d'hypothèses, pour expliquer ces différents faits. On pouvait penser que le médicament était altéré, dans le cas où il a produit un effet opposé à celui qu'on attendait ; mats cette hypothèse est réfutée par le fait que, dans la plupart des cas, il a été prouvé que le même médicament, administré à d'autres malades, n'avait pas produit d'action contraire.
En raison de la fréquence de l'exanthème, on a invoqué un trouble vaso-moteur et Ton a admis l'existence d'une lésion vascu— laire, analogue à celle qui a été constatée dans la caisse tympan!-que, sous l'influence de hautes doses de quinine et de salicylate de soude ; cette altération s'étendrait, dans le cas où l'action contraire se produit, à la substance du corps strié, c'est-à-dire au centre thermique de certains auteurs.
M. Lépine, d'accord avec Leichtenstern, ne voit dans l'action contraire qu'une perturbation dynamique et il l'explique en rappelant qu'une même excitation d'un nerf donne des résultats opposés, suivant l'état où cette excitation surprend le centre. Le savant professeur de Lyon a vu autrefois que l'excitation du bout périphérique du nerf sciatique est suivie du refroidissement de la patte de l'animal, quand celle-ci était préalablement assez chaude (c'est le cas le plus habituel) et que si, exceptionnellement, elle produit la vaso-dilatation, c'est quand la patte était préalablement froide.
Cette expérience si nette dans ses résultats, dit Lépine, explique bien des résultats contradictoires en pharmaco-dynamique, et elle paraît, dans l'espèce, donner une raison suffisante de l'action contraire. Récemment, M. Schwartz a constaté le fait important
que tous les antipyrétiques (acide salicylique, quinine, antipyrine, thalline. etc.) amènent une élévation de la température "périphérique, si cette dernière était préalablement basse, et au contraire un abaissement, si elle était élevée.
Tout prouve que l'action des médicaments est différente suivant l'eut des malades. C'est encore ce que tendent à démontrer les observations suivantes :
I. — Mlle M..., très nerveuse, a éprouvé des douleurs névralgiques en différents points du corps, surtout localisées dans la hanche droite. Pour calmer ces douleurs, on fit un jour une seule injection de morphine qui fit dormir la malade pendant trois jours, sans que le caté à l'intérieur put arriver à la réveiller.
II. — Mme C... est très nerveuse. Elle fut un jour empoisonnée par des compresses de belladone appliquées sur une jambe dont clic sourirait; il se produisit une énorme dilatation de la pupille. Une pommadée la morphine, appliquée sur la tempe droite et à doses faibles pour combattre les douleurs névralgiques, produisit également des phénomènes inquiétants et surtout un assoupissement profond avec rêves et hallucinations. Une faible dose de quinine, même prise au moment des repas, amenait de la syncope avec bruissement et bourdonnement des oreilles.
III. —7 B..., étudiant en pharmacie, est névropathe. Le bromure de potassium, au lieu d'agir comme sédatit, empêche absolument tout sommeil ; l'ingestion de ce médicament produit une sorte d'abattement et même, par intervalles, pendant huit à dix heures, de fortes secousses nerveuses.
IV. — Gir... est un grand hystérique ayant présenté les phénomènes les plus variés de la névrose.
L'éthcr produit tantôt du calme, tantôt de l'excitation. S'il respirait de l'éther après une crise, il y avait généralement du calme; si c'était avant une crise, il y avait une grande excitation, il était poussé à marcher, à gesticuler et à tout briser. En général, après une heure de cette excitation, le calme survenait et la crise était le plus sou%ent modifiée ; cette excitation remplaçait les hallucinations et les étouffements. Une potion d'étner à la dose de 40 gouttes déterminait généralement des nausées.
Le chloral occasionne des crises. Ce médicament, administré pour calmer l'agitation et l'insomnie, détermine des contractions d'estomac avec difficulté de digestion, sensation de serrement au front et consécutivement une grande crise.
La morphine donne de la surexcitation et de vives démangeaisons semblables à celles produites par l'ortie, sans rougeurs. L'o-
pium donne de l'insomnie ou un sommeil açité et avec cauchemars. Un tampon de laudanum appliqué sur la)oue, à l'extérieur, pour calmer ces douleurs de dents, produit les mêmes démangeaisons que la morphine.
Le camphre, employé pour calmer les érections nocturnes, les au i^mcnte.
Le bromure de potassium amène des crampes d'estomac et une vive surexcitation.
L'iodurc de potassium donne des tremblements des membres et une sensation oc brûlure et de picotement aux yeux.
Les odeurs, en général, môme les odeurs suaves, produisent des effets de suffocation et parfois d'évanouissement ; celle du tabac donne des nausées.
Enfin, je signalerai une observation de Huchard. citée par Leclerc dans une brochure sur l'angine de poitrine hystérique :
V. — Mme D.... âgée de 38 ans, est atteinte do neurasthénie d'origine arthritique: clou hystérique, migraines, étourdissements, vertiges, névralgies multiples, douleurs cntêralgiqucs et articulaires, accès de dyspnée, crises angineuses nocturnes et périodiques.
En 1884, la malade présentait des digestions difficiles, douloureuses, accompagjiées d'une distension considérable de l'estomac, avec éructations très fréquentes. Un médecin, consulté, ordonne une préparation de noix vomique et du sulfate de quinine, à faible dose. Les médicaments provoquent des douleurs gastral-giques si violentes, avec crampes dans les jambes, surdité, bourdonnements d'oreilles tels qu'on dut immédiatement en cesser l'emploi. Toutefois, les bourdonnements persistèrent et survint une hyperacousie telle que le moindre bruit ébranlait sa tète.
Ces faits d'ataxie thérapeutique sont beaucoup plus fréquents qu'on ne le croit. Ils sont réels et se produisent malgré les indications des médecins et l'idée des sujets, au moins pour la première fois. Ce sont principalement les nerveux qui les présentent. Us sont variables chez les mêmes malades, suivant l'orientation du système nerveux.
L'expérimentation sur les animaux et même sur l'homme sain ne peut faire soupçonner ces phénomènes, qui méritent d'attirer sérieusement l'attention des praticiens.
L'HYPNOTISME ET LE SYSTÈME NERVEUX
Par M. le D' CROCQ
V»i1i Dï L'ACADÉMIE DE NSDKCIMt Ot BELCtOCE
Messieurs (i),
Afin de bien nous diriger, de bien nous orienter dans la grave question qui nous occupe, la question de l'hypnotisme, je crois devoir vous exposer d'abord quelques idées générales sur la physiologie du système nerveux.
Dans le système nerveux, nous pouvons reconnaître deux espèces d'actions : d'une pan, des actions périphériques ou organiques, et, d'autre pan. des actions que j'appellerai intellectuelles, ou centrales, si vous voulez.
Les actions périphériques rayonnent de l'extérieur vers l'intérieur ; c'est le monde extérieur qui agit sur l'individu et qui le met en quelque sone en mouvement.
Les actions centrales ou intellectuelles sont dirigées en sens inverse, rayonnant de l'intérieur vers l'extérieur; ce sont des actions en venu desquelles l'individu, ayant conçu en lui-même le rayonnement qu'il doit projeter au dehors, réagit sur le monde extérieur. C'est ce qu'on a indiqué en d'autres termes, en désignant l'homme comme composé d'une dualité, de corps, d'une part, et d'esprit, d'autre part. Ce qu'on appelle le corps, ce sont les forces organiques ou périphériques. L'esprit, ce sont les forces centrales ou intellectuelles. Ces deux genres de forces, qui ont toutes deux leur siège dans le système nerveux, qui y prennent leur point de départ, présentent des caractères différents.
Le caractère propre des forces périphériques ou organiques, c'est la nécessité, la fatalité. Le caractère propre des forces centrales ou intellectuelles, c'est la libené.
Envisagées à ce point de vue, les deux catégories de forces apparaissent en quelque sorte comme opposées l'une à l'autre, comme étant l'antithèse l'une de l'autre, comme étant en antagonisme l'une avec l'autre.
Ici, arrêtons-nous un instant.
Je viens de parler de libené.
Quels que soient les arguments qu'on ait opposés au dogme de la Rbené humaine, je ne puis pas, moi, mempêcher d'admettre ce dogme, et je considérerais même comme un fait malheureux qu'il fût méconnu généralement. Tout d'abord, quel que soit d'ailleurs son point de dépan, quelles que soient les conditions d'équilibre que vous posiez à son existence, la libené est un fait d'expérience qu'il me parait absolument
(i) Ce travail forme la première partie du discour» prononcé i l'Académie de médecine par M. le Dr Crocq, pendant la discuwioa sur l'hypnotisme.
impossible de nier, à moins de se meure en quelque sorte, pour obdfr à des vues systématiques, au-dessus de ce que l'observation peut nous apprendre. £e sont les forces centrales et intellectuelles, celles qui sont empreintes du caractère de la liberté, qui constituent, à proprement parler, l'être humain et qui lui donnent sa caractéristique en le distinguant de l'animal, de la brute.
( Les forces périphériques ou organiques sont celles qui constituent Pinstinct/par opposition à cet attribut prédominant de l'homme, que nous appelons l'intelligence.
Ces deux genres de forces se concentrent, se centralisent et ont leur point de départ dans le cerveau — centre commun de toutes les actions qui se rapportent au système nerveux. — La, par conséquent, nous- rencontrons tout à la fois les attributs de la fatalité et de la liberté, la lutte entre les deux principes : le principe libre et spontané, d'une part; le principe de la fatalité, de l'obéissance, de la soumission au monde extérieur, d'autre part. L'un de ces deux principes peut l'emporter sur l'autre dans une proportion plus ou moins considérable. De là, les hommes qui sont, à un degré plus ou moins élevé, maîtres d'eux-mêmes et du monde extérieur par leur volonté, dont la liberté ne reconnaît en quel-que sorte aucune borne, tandis que d'autres sont, au contraire, pour ainsi dire courbés constamment vers la terre et obéissent absolument aux impulsions qu'ils reçoivent du monde extérieur. Nous rencontrons ainsi dans l'humanité ces types si différents par la prédominance, tantôt de l'une, tantôt de l'autre de ces deux grandes catégories de forces que je viens d'éiablir. Nous rencontrons des différences analogues lorsque nous étudions, dans le règne animal, l'évolution des facultés intellectuelles et instinctives. Nous trouvons chez les animaux supérieurs de* traces d'intelligence et de liberté qui nous font comprendre en quelque sorte la transition insensible de l'animalité à l'humanité ; tandis que chez les animaux tout à fait inférieurs, l'action extérieure domine à tel point que la spontanéité et la liberté disparaissent en quelque sorte.
Que si nous voulons examiner l'espèce humaine elle-même, nous rencontrons, par exemple, chez les enfants, la faiblesse de la volonté, l'absence de liberté, l'instinct prédominant.
Même chose chez les peuples sauvages qui occupent un rang inférieur dans le développement de l'humanité. Différence selon les sexes : chez l'homme, l'intelligence prédomine davantage que chez la femme, pliée en quelque sorte à un plus haut degré sous le joug de l'instinct et présentant, par conséquent, moins de liberté. Telles sont les prémisses que j'ai cru devoir établir avant d'entrer dans les considérations que j'ai à vous soumettre sur la question de l'hypnotisme.
Quel est le point de départ des facultés instinctives de l'homme, le point de départ de ces forces qui rayonnent en quelque sorte de l'extérieur vers l'intérieur, de la périphérie vers le centre cérébral* Ce point de départ, c'est lïmpressionnabilité, c'est-à-dire la faculté que possède le
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système nerveux de recevoir les impressions du monde extérieur. Plus ces impressions seront vives, plus elles seront fortement accentuées, et plus le coté périphérique de l'être humain se développera, généralement aux dépens du côté .intellectuel, du côté central, accusant ainsi nettement «eue dualité, cette opposition que j'ai fait ressortir tantôt. Les sensations peuvent même devenir tellement vives, tellement intenses, qu'elles contrarient, qu'elles étouffent les manifestations de la volonté et de la liberté, et que l'homme nous apparaît u ce degré comme mù> uniquement par l'instinct, c'cst-à-dirc comme étant l'esclave de ses sensations et des impressions qui lui arrivent du monde extérieur.
L'instinct, ainsi sollicité par les impressions extérieures, est pour le cerveau ce qu'est pour la moelle épinière l'acte réflexe ; c'est en quelque sorte l'acte réflexe cérébral atteignant son plus haut degré ; c'est le cer-veau mis en mouvement, agissant sous l'influence d'impulsions qui lui arrivent du dehors et qui le sollicitent a l'action.
Pour résumer, nous distinguons donc dans le cerveau deux ordres, différents d'actions : d'une pan. les actions instinctives, automatiques» impulsives; d'autre part, ks actions volontaires, conscientes et lîbresr^j ces actions sont développées en raison inverse les unes des autres, de telle sorte que plus les unes l'emportent, plus les autres faiblissent, et j réciproquement. Lorsque l'impressionnabilité prédomine, lorsque, par conséquent, les forces instinctives l'emportent sur les forces intellec- . luette*, lorsque la liberté vient échouer devant l'impressionnabilité, I devant la domination du système nerveux périphérique, nous rencontrons ce qu'on appelle les névrosiques, les gens qui sont constamment dominés parle monde extérieur, par les impressions qu'en reçoivent leur»-* sens ; disposition que l'on rencontre davantage, conformément à ce que I je vous ai dit tout à l'heure, chez la femme que chez l'homme. davajt-J tage chez les enfants que chez les adultes, davantage chez les sauvages-que chez les civilisés. La volonté est développée en raison inverse de ce» . actes instinctifs dont je viens de parler.
Cette base nous étant donnée relancement à l'action du système nerveux central, voyons en quoi consistent les phénomènes du magnétisme animal ou de l'hypnotisme, car il est évident que ces deux choses s», confondent. Ce qu'on nomme aujourd'hui hypnotisme, c'est ce que. il y t a trente à quarante ans, et il y a également un siècle, on appelait le nu- -gnétisme animal. Ce sont choses absolument identiques. Que sont les phénomènes du magnétisme ou de l'hypnotisme : Ce sont les phénomènes involontaires, automatiques, indépendants de Taciion de l'intelligence et de celle de la volonté ; par conséquent, ce sont, d'après ce que j'ai dit tout a l'heure, des actes instinctifs, des actes qui proviennent de l'extérieur et non pas du fond même de l'individu, des actes sollicttjfl par le monde extérieur. Ils appartiennent à la seconde des catégorie™ que j'ai étabiies, à celle des actes instinctifs, et non pas a c-ll- des acte» inicllcciucis et libres. En d'autres termes, c'est l'exaltation de ces actes
instinctifs, c'est leur prédominance qui constitue l'état magnétique ou hypnotique.
A cette manière de voir, on a bien objecté qu'on peut hypnotiser les animaux. Effectivement, on sait que des chiens, des chevaux, des coqs ou des poules peuvent cire soumis a l'action magnétique.
On me dira: Admettez-vous donc chez ces êtres-là la présence du • principe intellectuel, et ce rapport inverse dont vous avez parlé tout à l'heure ?
On peut admettre ou ne pas admettre un certain degré d'intelligence chez les animaux. Peu importe, d'ailleurs, pour la question qui nous occupe. Ce que vous produisez quand vous les soumettez aux forces hypnotiques, c'est une exaltation des actes renexes, une augmentation de ces actes, un accroissement de l'impressionnabilité extérieure et de la réaction Habilité, si je puis ainsi m'exprimer, du système nerveux vis-à-vis de ces actions venues de l'extérieur. On comprend fort bien que ce résultat puisse être obtenu chez l'animal tout aussi bien que chez l'homme, sans qu'il soit nécessaire d'invoquer l'action des forces supérieures, qui sont tout au moins beaucoup plus développées chez l'homme. Du reste, l'impressionnabilité est d'autant plus marquée qu'on a affaire à des animaux dont le système nerveux est plus développé et qui, par conséquent, se rapprochent davantage de l'homme; ce n'est pas chez des animaux tout a fait inférieurs, dont le système nerveux est en quelque sorte rudimentaire, qu'on rencontre cela ; c'est, comme je le élisais tantôt, chez les chiens, les chevaux, les oiseaux doués d'un ccr-uia développement cérébral...
Quand je parle d'animaux inférieurs, je ne veux pas dire inférieurs au point de vue de la classification zoologique; cette classification est une machine artificielle créée par l'intelligence de l'homme. Au point de vue de l'activité du système nerveux et des centres nerveux en particulier, il y a bien des animaux considérés comme inférieurs et qui mériteraient d'être classés a un rang supérieur dans la série. Ainsi, l'instinct des abeilles et des araignées est supérieur â l'instinct de bien d'autres animaux qui sont classés par les zoologistes bien au-dessus de ceux-là. J'admets parfaitement, par conséquent, que le système nerveux instinctif de ces animaux soit susceptible d'exaltation, peut-être beaucoup plus que celui d'autres animaux que la classification met bien au-dessus d'eux, par la raison qu'il s'agît d'une série artincieHe,créee par l'homme, et non d'une série progressive établie par la nature elle-même. Par exemple, si vous me disiez qu'on peut hypnotiser des abeilles ou des araignées, cela ne m'étonnerait nullement, et cela concorderait parfaitement avec les considérations que j'ai fait valoir jusqu'ici.
Je continue, messieurs, et je rac pose la question que voici : Tous les hommes sont-ils accessibles aux influences magnétiques ou hypnotiques? Grave question, considérablement débanue; ce fait est affirmé par les uns et nié par les autres. Ainsi, d'apre* l'école de la Salpêtrièrç,
¡1 n'y aurait que les hysie'riqucs. ou a peu près, qui scraien: sensibles a l'action hypnotisante.
D'après l'école de Nancv, tout le monde y serait accessible, ou a peu près.
Ici, messieurs, je me range a l'avis de l'éjole de Nancy. Je crois que tout système nerveux quelconque est plus ou moins accessible aux manœuvre* qui déterminent l'hypnotisme. Je n'ai pas toujours été de cet avis. J'ai cru de prime abord que c'étaient surtout certains sujets, particulièrement prédisposés, qui étaient sensibles à ces manœuvres. Mais les études auxquelles je me suis livré et les faits que j'ai observés m'ont amené a considérer tous les hommes comme étant plus ou moins accessibles aux influences hypnotiques.
Je dis: plus ou moins accessibles. Il yen a. en effet, qui présentent le minimum d'impressionnabilîté, qui sont infiniment peu susceptibles cTétre influencés. D'autres présentent le maximum de l'impressionnabilité, a un tel point qu'il ne faut pour ainsi dire qu'un rien pour les subjuguer. Entre ces deux extrêmes, les sujets très peu prédisposés et les sujets offrant le maximum de la sensibilité, vous pouvez rencontrer absolument tous les échelons intermédiaires. Cela dépend de l'étendue plus ou moins grande de l'impressionnabilité du système nerveux. Plus le système nerveux périphérique est impressionnable, plus l'individu est susceptible d'être hypnotisé. Moins le système nerveux périphérique est accessible aux impressions sensorielles, moins il est prédominant, et moins l'hypnotisme est possible. C'est ainsi que les individus qui s'émeuvent de tout, qui sont très impressionnables, sur lesquels tout ce qui vient du monde extérieur agit puissamment, qui ressentent l'action lointaine de l'électricité et même d'un aimant qu'on approche d'eux, Faction de l'hypnoscope par lequel on a voulu rechercher cette espèce de faculté, ces individus sont éminemment accessibles aux manœuvres de l'hypnotisme. Tout cela indique, en effet, un degré d'impressionna-bilité excapiionnelle des centres nerveux.
Ici, messieurs, se place l'intervention de la volonté au point de vue du développement des phénomènes dont nous nous occupons. On a prétendu, et l'on soutient encore que la volonté du sujet peut empêcher l'hypnotisation. c'est-à-dire l'influence hypnotique ; que son acquiescement est, au contraire, une circonstance qui rend possible la production de ces phénomènes.
Que l'acquiescement du sujet soit pour quelque chose dans la production de ces faits, c'est ce que je considère comme incontestable. Mais il est non moins certain qu'on peut jeter quelqu'un dans l'état hypnotique, absolument sans son intervention, sans qu'il le veuille et même contrairement à sa volonté, lorsque, bien entendu, cet individu a un système nerveux suffisamment impressionnable. Il n'est pas nécessaire de lui en demander la permission : on l'hypnotise malgré lui. Il suffit, pour cela, que chez lui l'impressionnabilité soit suffisamment exagérée,
que la fatalité remporte, en quelque sorte, sur la liberté : que l'instinct, en d'autres termes, domine habituellement chez lui la volonté.
Aux considérations que je viens de développer jusqu'à présent, il semble qu'on ait déjà fait une grave objection ; vous avez entendu cette objection sortir de la bouche de l'honorable M. Kuborn, lorsqu'il vous a dit que ce n'étaient pas toujours les individus a intelligence bien développée, à système nerveux bien actif, qui étaient les plus sensibles aux phénomènes de l'hypnotisme, mais qu'au contraire cette aptitude se rencontre souvent chez des êtres primitifs, sortant en quelque sorte des mains de la nature : chez des villageois, des campagnards, chez des gens dont l'intelligence est peu éveillée.
Mais, messieurs, réfléchissez un instant à ce que je vous ai dit tout a l'heure, et vous vous expliquerez aisément cette différence. Les êtres primitifs sont plus accessibles que d'autres aux phénomènes de l'hvpno-tisme, parce que chez eux le système intellectuel est moins développé et que le système instinctif l'est davantage. Ces gens sont surtout dominés par leurs instincts, leur intelligence est moins libre, moins active, et, par conséquent, leur disposition toute particulière à subir les phénomènes du magnétisme se comprend, si l'on accepte les prémisses que j*ai posées tout a l'heure.
f D'après M. Delbceuf, les hystériques, que M. Charcot considère en quelque sorte comme essentiellement hypnotisables, le sont, nu contraire, moins que d'autres indiv¡dusj> il estime que c'est en dehors du champ de l'hystérie qu'il faut chercher les individus sensibles à l'action du magnétisme.
Cela n'est pas exact ; je dis, au contraire, que les hystériques sont, en général, les sujets qui sont le plus accessibles à l'action magnétique ; que c'est dans le champ de l'hystérie qu'on rencontre le plus souvent les sujets faciles a soumettre à cette action, qu'il est même fort peu d'hystériques qui ne soient pas susceptibles d'être influencés par l'hypnotisme. Seulement, si l'on ne veut ranger dans le cadre de l'hypnotisme que les phénomènes réguliers de sommeil ou de somnambulisme lucide, alors M. Delbceuf peut sembler avoir raison, parce que les phénomènes qu'on provoque par des manœuvres hypnotiques chez les hystériques sont avant tout des phénomènes analogues a ceux d'attaques ou d'accès hystériques. Mais ce sont pourtant des phénomènes hypnotiques, provoqués comme les autres, présentant la même nature, le même point de départ, la même essence.
Quel est donc le mécanisme de la production du somnambulisme ? Nous savons qu'en dehors de l'état d'hypnotisation, le système nerveux est susceptible de présenter des phénomènes très rapprochés de ceux du somnambulisme artificiel, tellement rapprochés qu'ils se confondent avec eux.
Ce sont les phénomènes du somnambulisme naturel. Demandons-nous d'abord ce que sont ces phénomènes et par quoi ils sont produits ;
nous arriverons alors à nous rendre facilement compte de ce que sont les mêmes phénomènes lorsqu'ils sont artificiellement provoqués.
Il y a des sensations qui reconnaissent pour point de départ, non le monde extérieur, mais l'intérieur du corps, les viscères ; c'est ce qu'on appelle les sensations viscérales: ces sensations agissent sur certains individus en état de sommeil, de façon à meure leur système nerveux dans des dispositions particulières. Ces sensations, agissant sur le système nerveux et mettant en jeu son activité, donnent naissance aux rêves dans l'état ordinaire, et aux phénomènes du somnambulisme naturel chez les sujets prédisposés. Voilà pourquoi les actions ainsi produites sont inconscientes, involontaires, et pourquoi elles échappent A la mémoire. Le sujet ne s'en sourient pas, parce que son intelligence, la partie consciente de son individu, n'y a pris aucune part. Ce sont des produits qui appartiennent exclusivement au domaine de l'instinct, c'est-à-dire de l'automatisme, automatisme qui a été mis en jeu par la voie de l'acte réflexe agissant sur le cerveau, c'est-à-dire par la même voie que les instincts physiologiques.
Dans le somnambulisme artificiel, il y a quelque chose d'analogue; ce somnambulisme n'est pas autre chose qu'un acte réflexe dons lequel très probablement l'état vaso-moteur du cerveau, c'est-à-dire son état vasculairc, est modifié de façon à le rendre analogue à ce qu'il est dans le sommeil. On a cherché à identifier le sommeil hypnotique avec le sommeil normal. Je ne vois aucun inconvénient à considérer le système nerveux comme présentant les mêmes modifications de vascularité. de circulation, de nutrition, dans le somnambulisme naturel et dans le somnambulisme artificiel, dans le sommeil provoqué par l'hypnotisme et dans le sommeil spontané.
.Mais pendant que l'individu est ainsi en état de somnolence, de sommeil, que son intelligence et sa spontanéité sont endormies, l'action réflexe veille toujours, à un degré plus ou moins élevé. L'activité cérébrale ne fait jamais complètement déûut. Supposez que cette action réflexe soit mise en jeu isolément, sans participation des actions conscientes du cerveau, et vous aurez tout le tableau du somnambulisme artificiel, comme vous aviez untôt. par un mécanisme analogue, tout le tableau du somnambulisme naturel. Ce sont donc, je le répète, des phénomènes de même ordre, caractérisés pir l'absence de volonté, de liberté, et généralement aussi par l'absence de mémoire.
Avançant un peu plus sur ce terrain, ne confondons pas, comme on l'a fait quelquefois, l'hypnose avec le sommeil. On a souvent qualifié de sommeil les phénomènes hypnotiques. Ce n'est pas le sommeil, ou plutôt il y a un sommeil hypnotique, mais dans l'hypnotisme il y t autre chose que le sommeil. D'après moi, les phénomènes de l'hypnotisme, en général, peuvent se ramener à quatre catégories différentes.
La première forme de l'hypnotisme, c'est le sommeil, et, comme je l'ai dit tout à l'heure, je considère cette forme comme absolument sem-
blable au sommeil naturel, offrant le même mécanisme de production au point de vue physiologique. C'est, si vous voulez vous servir d'une expression empruntée à M. Charcot. l'hypnotisme léthargique ou la léthargie hypnotique, qui n'est pas autre chose qu'un sommeil plus ou moins profond.
La seconde forme, c'est l'hypnotisme convulsif, pouvant présenter toutes les variétés de l'état convulsif ; ainsi, il peut être tonique, cataleptique, clonique. hystériforme; chez l'un, les membres restent raides pendant un certain temps; chez un autre, on peut changer leur position, mais ils présentent le phénomène de la catalepsie ; tel autre encore aura de véritables attaques d'hystérie provoquées artificiellement par des manœuvres hypnotiques.
La troisième forme est celle qu'on appelle la forme somnambulique ; celle-ci est identique au somnambulisme artificiel; elle ne constitue cependant p3S un sommeil ; l'individu en ctat de somnambulisme ne dort plus ; le sommeil est un éiat passif, inerte. Appeler sommeil le somnambulisme, c'est commettre une grave erreur; le sommeil est un état passif, un état d'inertie; le somnambulisme est, au contraire, un état éminemment actif, pendant lequel le sujet sent bien et accomplit toutes sortes d'actes, parfois même des actes très extraordinaires; il peut quelquefois répondre aux questions qu'on lui pose, et il peut vivre pendant longtemps dans cet état.
On a vu des individus agir avec suite dans cet état, se rappelant parfaitement ce qu'ils faisaient, de façon que cet état chez eux ne différait presque pas de leur état normal; et cela peut se prolonger pendant des semaines et des mois. Ces sujets dormaient-ils? Evidemment non: seulement, il y avait chez eux une activité cérébrale qui différait de l'activité normale. L'activité instinctive du cerveau prédominait, étouffant en quelque sorte tout le reste; et les actes posés dans cet état échappaient à la conscience, a la mémoire et aussi à la liberté.
La quatrième forme, quelle est-elle ? Que peut-il encore y avoir après le sommeil hypnotique, après les convulsions hypnotiques et après le somnambulisme hypnotique? Il y a la forme suggestive, lasuggesùqn, non pas la suggestion dans l'état somnambulique, où l'individu qui est en cet état devient en quelque sorte la chose de celui qui l'y a mis, mais la suggestion pure et simple, je le répète, sans rien de plus. Cette forme suggestive est moins connue que les autres ; elle est [plus difficilement obtenue, elle est plus rare ; conformément a ce qu'a dit M. Semai dans le beau discours qu'il a prononcé dans la dernière séance, c'est quelque chose d'analogue a la folie impulsive. L'individu, mû par une force extérieure qui agit en dehors de lui, de sa liberté, pose un acte quelconque, parce que cet acte lui a été imposé par une volonté qui domine la sienne. C'est une forme qu'il faut distinguer de toutes les autres, car elle en est bien nettement séparée.
LA LETTRE PASTORALE DE M6R L'ÉVÊQUE DE MADRID SUR L'HYPNOTISME
Par l'abbé Elie MËEUC
FROFIIIIl'l A la SOtB OSSE
I
Le venerable prélat, frappé des dangers auxquels les 3mes chrétiennes sont exposées par les pratiques coupables de l'hypnotisme, n'a pas hésité a traiter devant les fidèles cette question délicate, difficile, obscure encore et qui semblait réservée, jusqu'à ce jour, aux école» et aux savants. Il l'a fait avec une grande sjgesse, une réserve intelligente et une charité courtoise qui devrait désarmer ses adversaires, si elle n'avait pas la puissance de les convaincre. Il ne se contente pas d'avertir le» ridèles et de les défendre contre les superstitions et les vaincs observances, mais, faisant un pas en avant, le docte et vénéré prélat essaye même de trancher la question de fond, si obscure aux yeux même des hommes du métier et des savants de premier ordre, initiés cependant aux mystère» de la physiologie.
Dans celte belle Lettre où la clarté d'esprit et la charité 'évange-lique de l'cvcque se révèlent avec *un grand charme, ¡1 y a cependant des idées et des propositions qui appartiennent au domaine profane des sciences humaines et qui appellent des réflexions, peut-cire môme une libre discussion.
L'auteur s'étonne du désaccord qui règne entre les médecins sur l'explication du sommeil hypnotique et des moyens de le provoquer. Ce désaccord témoigne seulement de l'imperfection de l'intelligence humaine, elle nous rappelle que la science avance lentement et rencontre sans cesse des obstacles. Est-ce que le même désaccord n'existe pas entre les médecins quand il» veulent expliquer les causes et les conditions physiologiques du sommeil naturel ? Cette ignorance ne prouve rien. Nous savons que l'on peut produire, par des moyens divers, un sommeil particulier que nous désignons sous le nom d'hypnotisme, cela nous suffit. Nous savons aussi que l'on produit les trois états de léthargie, de catalepsie et de somnambulisme avec des caractères soma-ùques déterminés, nettement tranché». De nouvelles recherches nous donnent des résultats plus complets.
L'auteur confond les médecin» consciencieux qui, aujourd'hui, dans tous nos hôpitaux, se servent de l'hypnotisme comme d'un agent thérapeutique puissant, mais dangereux, avec les charlatans, les désœuvrés, les naïfs qui prétendent trouver dans l'hypnotisme un moyen certain de connaître l'avenir ou un divertissement dangereux et criminel. Cette confusion involontaire est le point faible de l'argumentation de l'émi-
nent évêque de Madrid, et clic engendre une suite d'affirmations et de conclusions qui manquent, peut-cire, de précision.
Ainsi, l'auteur affirme que l'hypnotisme est très dangereux, au point de vue physique, pour la santé des malades. Je réponds : oui, il en est ainsi quand l'hypnotiseur est un imprudent ou un charlatan ; non, quand l'hypnotiseur est un homme de science, un médecin consciencieux. — L'auteur aiouie : L'hypnotisme est très dangereux au point de vue moral, parce que le magnétiseur peut abuser de la femme magnétisée et commettre un crime. —Je réponds: oui, quand le magnétiseur esi un misérable ; non, quand le magnétiseur est un médecin honnête. Les troubles physiques et moraux ne découlent pas directement de l'hypnotisme; ils sont l'effet de la malice personnelle de celui qui les produit. .Qui voudrait proscrire l'usage de la morphine, de l'opium, du chloroforme, parce qu'un misérable peut profaner, outrager le sujet endormi : L'auteur nous dit encore : L'hypnotisme fait naître dans le sujet magnétisé une passion pour le magnétiseur.
Je réponds: oui, quand le magnétiseur provoque cette affection par son assiduité, ses paroles, ses gestes, ses déclarations, et, alors, la passion n"cst pas l'effet direct de l'hypnotisme; je réponds: non, si l'hypnotiseur est un honnête homme. Est-ce que MM. Bcrnhcim, Bcaunis, Liébeault, qui ont hypnotisé des milliers de malades a l'hôpital de Nancy, ont jamais constaté dans leurs malades une passion pour le médecin qui les hypnotise ? Est-ce qu'on magnétise seulement des jeunes filles et des femmes, et ne voit-on pas tous les jours des hommes et des vieillards que l'on endort sans péril de passion? L'auteur prétend que les magnétisés parlent des langues qu'ils ne connaissaient pas, devinent l'avenir, etc. Je réponds: Ces beaux phénomènes n'ont jamais été constatés d'une manière scientifique; leur réalité est niée par tous les savants qui s'occupent d'hypnotisme, et, d'ailleurs, le médecin d'hôpital occupé à guérir un malade, un médecin sérieux ne consentira jamais à produire ces phénomènes superstitieux condamnés, réprouvés par la religion, par l'honnêteté et par la science !
Ces assertions de l'auteur étant contestables, la conséquence qu'il en déduit, c'est-à-dire la condamnation absolue de l'hypnotisme, est compromise. Le Saint-Siège a toujours séparé avec une grande sagesse le magnétisme pris en lui-même, dont la science essaie de nous taire connaître les secrets, et l'usage mauvais, coupable du magnétisme qu'il a trappe de ses anathèmes les mieux justifiés. Le document religieux le plus important du débat, c'est-à-dire la lettre encyclique adressée à tous les évêques par la Congrégation du Saint-Olrlce, en i856, est intitulé : « Lettre encyclique contre les abus du magnétisme », et, depuis cette époque, avec une persévérance, une réserve qui rendent sensible la présence de l'Esprit-Saint dans l'Eglise, c'est toujours l'usage mauvais. les abus du magnétiseur, et ¿amáis le magnétisme que le Saint-Siège a condamné. Le Saint-Siège se réserve, avec raison, la question morale, et il abandonne la question scientifique aux savants.
Les faits justifient avec celai la sagesse de cette distinction : Ainsi, je dis à un homme de regarder avec attention un point brillant au-dessus de son front, entre ses yeux : c'est, par exemple, une boule métallique frappée par le soleil. Cet homme éprouve un strabisme convergent, une fatigue nerveuse, et il s'endort. Je produirai facilement le même phénomène sur des lapins, des poules et d'autres animaux. Evidemment, ce sommeil, que nous désignons sous le nom d'hypnose, est un sommeil indifférent au point de vue de la morale, un fait qui n'est ni bon ni mauvais. Mais si je profite de ce sommeil pour suggérer à ce: endormi une pensée criminelle, il est certain que je commets un acte mauvais.
Je fais respirer à un homme un linge imbibé de quelques gouttes de chloroforme, il s'endort. Ce sommeil provoqué, que l'on pourrait aussi désigner par le nom d'hypnose, est assurément indifférent, et je ne sache pas que l'on ait jamais condamné le chirurgien qui fait une opération chirurgicale sur un malade endormi. Mais si j'abuse de ce sommeil pour faire suggérer au malade une pensée mauvaise. — le sujet, ainsi endormi, cause quelquefois avec son chirurgien, tandis que la sensibilité est abolie, — je me rends coupable d'un acte mauvais. Il faut donc distinguer avec le Saint-Siège et avec la science le phénomène de l'hypnose et l'usage que des misérables peuvent en faire, et il ne faut pas prétendre, comme on l'a fait quelquefois avec une témérité qui irrite les savants, que le magnétisme est condamné.
J'ai eu de la peine à concilier, dans la belle lettre de réminent évèque de Madrid, deux passages qui semblent se contredire. Evidemment, la contradiction n'est qu'a la surface. A la page 13, Mgr de Madrid rappelle avec une grande clarté que les physiologistes hypnotiseurs les plus sérieux et les plus savants rejettent les phénomènes de vision à distance, de divination, etc., comme autant d'erreurs nées de l'ignorance et d'un charlatanisme vulgaire, et le savant auteur écrit avec raison: « Des aveux de cette nature, faits par les premières lumières de l'hypnotisme, ont une grande importance et nous autorisent à écarter tous les prodiges fantasmagoriques que des esprits légers ci superficiels lui avaient attribués. » (P. t3j. — A merveille: c'est d'une loyauté parfaite. —Mais je ne comprends plus ce passage, au nom duquel le docte prélat se prononce ici contre tout usage du magnétisme : * Nous y voyons la divination des pensées, la transposition des sens, l'emploi des langues auparavant inconnues de l'hypnotisée, la découverte de causes de maladies internes, de leur durée, des remèdes propres à les guérir. » (P. 34).— Le premier passage cité n'est-il pas la réfutation du second?
A notre humble avis, ce vaste problème de l'hypnose exige de ceux qui essaient de le creuser des analyses fines et savantes, des distinctions, des séparations d'idées et de jugements fondées sur la variété même des éléments que l'on rencontre, une rare sagesse pour démêler les ruses, les mensonges, les inventions d'une imagination échauffée et les faits
certains, une étude attentive, éclairée, approfondie des phénomènes nerveux et des troubles intellectuels qui les accompagnent, et ce n'est qu'avec une timidité légitime que nous osons, nous-même, *na!grc de très longues éludes, exposer nos idées et les soumettre au contrôle de ceux qui ont partagé nos angoisses et nos travaux.
L'émïncnt évéque de Madrid ne s'adresse pas aux spécialistes, aux savants; il s'adresse à tous les fidèles avec l'accent éloquent d'une charité ardente; il veut les protéger contre une curiosité indiscrète et contre les dangers trop certains de l'hypnotisme. Nous avons écouté cette parole avec respect, nous souhaitons qu'elle soit entendue et respectée de tous.
I I
Les graves questions soulevées par l'hypnotisme sont entrées dans le domaine public; elles ont un puissant attrait pour les imaginations faciles à subir l'impression du merveilleux et pour les philosophes qui veulent connaître la genèse et l'évolution des facultés de l'âme dans la période mystérieuse du. sommeil provoqué. La distinction si simple et si naturelle que nous avons faite dans notre précédent article, entre le médecin expérimenté et ces imprudents, ces histrions qui cherchent dans l'hypnotisme un délassement criminel ou un lucre honteux, a frappé beaucoup d'esprits et nous a valu des questions, des observations bienveillantes auxquelles nous répondrons aujourd'hui en quelques mots.
' Les lecteurs ont bien voulu reconnaître avec nous que l'hypnotisme exercé par des médecins, dans des conditions déterminées, ne présente pas les dangers physiques, moraux, religieux et sociaux, inhérents à l'hypnotisme pratiqué par des misérables et des histrions.
C'est déjà un fait acquis; ce fait a une grande importance.
Mais ce qui trouble encore certains philosophes spiritualistes, c'est qu'ils prétendent reconnaître dans l'hypnotisme un attentat à la dignité humaine et une cause d'abaissement de nos facultés et de notre liberté. Leminent é vaque de Madrid exprime lui-même ce trouble en ces termes :
« Si l'usage du chloroforme et des autres substances toxiques est licite, c'est que, leur action transitoire terminée, la personne sur laquelle ils ont agi rentre pleinement dans l'exercice de ses facultés; sa volonté, libre et dégagée, peut reprendre la liberté de ses actes et les conformer ou non aux règles de l'ordre moral.
» Si l'hypnotisme ne produisait pas d'autres effets, on n'aurait pas à en censurer l'application dans le cas où l'on aurait une raison suffisante d'y recourir, et en supposant que sa vertu thérapeutique fût capable de remplacer celle des substances dont nous parlons. Mais les effets de l'hypnotisme ne se bornent pas là... l'hypnotisme peut, a son gré, faire toute espèce de suggestions jusqu'aux plus obscènes, sans que la personne
hypnotisée puisse résister... Tout cela est profondément offensant pour la dignité humaine. » (P. 2?.)
Voila l'objection dans toute sa force : elle repose sur une base fragile. Le vénérable prélat oublie, peut-être, que l'on peut distinguer, séparer l'hypnose et les suggestions coupables, soit prochaines, soit éloignées, qui sont un attentat à la dignité de l'âme, à sa liberté.
Voila un malade atteint depuis longtemps d'insomnie, je l'endors par l'usage, a dose thérapeutique, des substances somnifères connues : éther, colorai, opium, ou par des injections sous-cutanées de morphine, et je détermine ainsi dans le sujet un sommeil réparateur. A son réveil, le sujet est en pleine et paisible possession de son intelligence, de sa volonté, de ses facultés morales, il est libre et responsable devant la loi du devoir. Voici un autre malade, frappé lui aussi d'insomnie. Le médecin juge à propos, en obéissant à des considérations médicales sé-rreuscs, de ne pas employer les narcotiques; il endort son malade parles procédés hypnotiques ordinaires, connus.
Le sujet ainsi endormi, ou hypnotisé, se réveille après quelques heures; ¡1 reprend les occupations accoutumées de sa vie. Quelle différence faites-vous, au point de vue de la dignité humaine et de l'intégrité des faculté! morales, entre ce sujet hypnotisé et les sujets endormis par des somnifères, quand ils se réveillent après un sommeil réparateur? Aucune. j'ai hypnotisé mon malade, sans lui donner aucune suggestion à échéance éloignée ou prochaine; il se réveille, il est libre et responsable comme vous et moi devant la société, devant sa conscience' et devant Dieu ; il n'y a donc pas une connexion nécessaire entre l'hypnose et les suggestions coupables qui suppriment la liberté humaine et dégradent notre âme.
Ne sommes-nous pas autorisé à répéter de l'hypnose employée comme somnifère, dans des cas particuliers, ce que l'émïncnt évêque de Madrid nous dit avec raison du chloroforme et des narcotiques : « Leur usage est licite, parce que, leur action transitoire terminée, la personne sur laquelle ils ont agi rentre pleinement dans l'exercice de ses facultés », et que devient alors la condamnntion sans réserve, sans exception, de l'hypnose employée comme agent thérapeutique?
Braid reçoit en consultation une malade frappée de paraplégie avec anesthésic; la sensibilité est abolie, les mouvements volontaires des jambes et des pieds n'existent plus, les genoux sont fléchis et rigides, les pieds courbés. Braïd hypnotise cette malade, pendant quinze jours, sans lui impeser de suggestion, et la guérit; il n'avait ni aboli, ni diminué son intelligence et sa volonté; que de faits semblables nous pourrions citer! Vous condamnez l'hypnotisme parce qu'il abolit la liberté, la conscience et qu'il blesse la dignité humaine en faisant d'un homme l'esclave de son semblable. Or, l'expérience médicale nous apprend que, dans le plus grand nombre de cas, le médecin hypnotiseur fait disparaître certaines affections nerveuses, sans suggestion, en laissant dans
leur intégrité la volonté, la raison, la conscience et la dignité de la personne, et cette expérience nous défend de confondre l'hypnose et les suggestions faites par des misérables ou des scélérats.
Quand il croît nécessaire de recourir a la suggestion, que fait donc le médecin: Est-il vrai que, dans ce cas du moins, il diminue ou supprime la liberté? Je ne le crois pas. Lame est le principe en nous des trois vies, intellectuelle, morale et physique: c'est l'âme, maîtresse de la force vitale, qui fait sentir son action a tous les points et dans toutes les profondeurs de notre corps. Le médecin hypnotise un =ujci : c'est, par exemple, un malade affligé d'une contracture du bras droit; le médecin lui suggère qu'il a la puissance de remuer son bras, qu'il peut, qu'il doit l'exercer, a son réveil. Dans l'immense varicet des affections nerveuses, le rôle de l'hypnotiseur consiste ainsi simplement i réveiller l'énergie de l'âme, à lui suggérer de se servir de la force vitale, à déterminer la volonté 4 faire sentir au corps son action, sa puissance, son influence plastique.
Le malade ainsi hypnotisé, put» réveillé, reste donc libre, absolument libre, dans l'ordre moral et religieux. Seule. la force plastique de l'âme a été éveillée, excitée, mise en jeu. Il nous paraît donc qu'il n'est pas exact d'affirmer que l'hypnose abolit la liberté morale, dégrade l'homme et qu'on doit le flétrir. Nous retrouvons la cette perpétuelle et déplorable confusion du médecin honnête et du misérable, de l'hypnose et de l'usage criminel que l'on en peut faire sous l'usurpation d'un sentiment abject.
Ainsi donc, quand je considère l'hypnotisme médical, thérapeutique, soit en lui-même et sans l'élément suggestif, soi t quand il est uni a la suggestion, je constate qu'il laisse intact le domaine religieux et moral; il respecte la raison, la conscience, la liberté morale placée en face de la loi du devoir naturel et surnaturel. Que l'on flétrisse les magnétiseurs de foire et de carrefour, les magnétiseurs présomptueux, indociles, qui cherchent dans l'hypnose unie aux suggestions un amusement coupable aux dépens des facultés morales et de la dignité de l'homme, c'est un devoir; mais nous estimons qu'il n'est pas permis de traiter avec cette rigueur le médecin expérimenté, prudent, intègre, qui a recours, dans des cas déterminés, à l'influence hypnotique; nous croyons, enfin, que l'argumentation par laqucllconessayede condamner leur intervention est un édifice bâti sur le sable, et qu'il ne faut pa* négliger l'analyse et les distinctions logiques quand on étudie ce problème, qui trouble par la variété fuyante et le nombre de ses éléments.
Le digne et vénérable évéque de Madrid invoque enfin, en faveur de •a thèse, les décisions des conseils d'hygiène et de salubrité de Vienne « de Milan, rendues en t88o et en 1S8Ô, A la suite de quelques accidents provoqués par des séances publiques de magnétisme. Ici encore l«i le regret de me iéparer de Mgr de Madrid ; il me permettra, je l'cs-pere, de lui signaler respectueusement une distraction. Loin de corro-
borer sa thèse, ces décisions dont j'ai le texte sous les yeux la rendent plus fragile encore. A Milan et à Vienne, comme à Turin et à Bade. les gouvernements ont interdit les séances publiques, les exhibitions théâtrales de magnétisme que rendaient dangereuses l'impressionnabilité des spectateurs et l'ignorance des magnétiseurs de foire: mais ils n'ont pas interdit la pratique de l'hypnotisme aux savants, aux médecins dans leurs cliniques et dans leurs leçons.
C'est a ce point de vue que récemment encore le docteur Masoin, soin, professeur de médecine mentale à l'Université catholique de Louvain, a traité cette question et a demandé, dans un mémoire présenté à l'Académie de médecine de Bruxelles, que l'usage de l'hypnotisme, comme l'usage de certaines substances toxiques, fût interdit au public et réservé aux médecins. Tel est aussi le sens précis des décisions rendues par les conseils de santé de Vienne, de Rome, de Bade et de Milan.
Il faut donc distinguer avec soin l'hypnotisme thérapeutique, médical, pratiqué par les médecins, et l'hypnotisme de salon, de foire et de carrefour, exploité par des hommes sans conscience ou pratiqué par des personnes imprudentes, plus empressées à suivre les entraînements d'une imagination malade que les sages conseils de la raison. Le pre-mier respecte l'auguste dignité de l'àme, la raison, la liberté, la conscience, et il n'a jamais été condamné m par l'Eglise ni par les conseils', d'hygiène quand il remplit les conditions requises par la religion et pan la morale. L'avenir nous fera connaître l'étendue de son efficacité. Le second est contraire à la religion et a la morale, Il blesse la dignité de l'homme, il abolit sa liberté et provoque des désordres graves dans le corps et dans l'esprit du sujet endormi : il a encouru et mérite les condamnations de l'Eglise et la flétrissure des gouvernements qui protègent les mœurs, ta santé, la paix des familles et des individus.
« Très utile, écrit le docteur Barth, dans certaines formes de maladies nerveuses où l'on peut, grâce a ce puissant moyen, soulager des maux rebelles a toute médication, inoffensif lorsqu'il est applique avec mesure, dons un but scientifique, l'hypnotisme offrirait les plus sérieux dangers s'il devenait soit un passe-temps à l'usage des oisifs, soit un moyen pour les gens nerveux de satisfaire leur besoin d'émotions on. leur recherche inquiète de sensations inconnues, a
Ces études sur l'hypnotisme sont pleines encore d'obscurités et de mystères, de révélations et de surprises, et la nouveauté même des phé-nomènes qui se produisent trouble notre esprit et alarme quelquesnfl les consciences chrétiennes. Qu'on prenne garde aux condamnations, précipites, aux réfutations sommaires : on ne résout pas pjr un conp-violent les problèmes qaî tourmentent l'esprit de l'homme, dans les épaisses ténèbres où s'écoule sa vie.
Connaissons-nous bien le sommeil naturel, les rêves, le somnaanfl lisme naturel? Savons-nous si le sommeil nerveux provoqué par l'éther, le colorai, l'opium, le chloroforme, ce se prêterait pas aussi bien qn*
l'hypnose aux suggestions à longue échéance avec abolition partielle de la liberté ? Ne savons-nous pas que quelques physiologistes ont prétendu qu'en appuyant ses mains chaudes ou une plaque légèrement chauffée sur la tête d'un sujet névropathe endormi tranquillement dans son lit d'un sommeil naturel, on pourrait lui imposer des suggestions écoulées avec la même docilité que les suggestions de l'hypnose ? Connaissons-nous les lois, l'évolution, les phénomènes de la polarité humaine, de ces deux électricités dont nous avons constaté nous-même plusieurs fois l'existence dans le corps humain? Ce que nous ignorons dépasse, comme l'infini, ce que nous croyons savoir. Soyons modestes. Il faut donc attendre, et se défier des solutions téméraires dictées par les impatiences d'une foi religieuse trop prompte à s'alarmer.
L'Eglise veille; elle parle, elle enseigne au nom de la Vérité qui ne trompe jamais. C'est elle qui lèvera la main pour faire pénétrer au loin la lumière et son flambeau. Attendons cette heure; personne ne sera plus heureux que nous d'entendre la parole du successeur de Pierre et de lui obéir.
RECUEIL DE FAITS
SPASMES DE LCRÉTHRE ET TROUBLES NERVEUX —guérison PAR L HYPNOTISME.
Obseration recueillie dans le service de M. le docteur Mesnet à l'Hôtel-Dieu, par M. Louis Roux. externe Je service.)
Le nommé Léon R..., âgé de 21 ans, comptable, envoyé par M. Til-laux, chirurgien, se présente le 10 février 1888, dans le service de M. le docteur Mesnet à l'Hôtel-Dieu, en lui demandant à être guéri, par la suggestion hypnotique, de divers troubles nerveux dont le point de départ serait dans l'urèthre.
D'une constitution assez faible, il ne présente dans ses antécédents rien de bien digne d'être signalé. Il reconnaît s'être livré a l'onanisme depuis l'âge de 16 ans.
Un matin du mois d'août 1885, à son réveil, il éprouva en urinant une sensation de brûlure dans le canal. Il eut bientôt tous les symptô-mes d'une cystite aiguë.
A ce moment, effrayé, il cessa pour quelque temps de se livrer à l'onanisme La cystite disparut. C'est à cette époque que survinrent les troubles nerveux pour lesquels il vient nous consulter.
Très fréquemment, il ressent tout a coup dans l'urcthre. en un point qui, très mobile au début, se trouve maintenant localisé au méat, une sorte d'élancement.
Ces élancements ne se produisent qu'a l'état de veille, jamais pendant
le sommeil, ei ne reconnaissent pas de causes déterminées. Ils ne sont jamais provoqués par des attouchements à la verge, mais c'est surtout lorsque le malade appréhende leur apparition qu'ils surviennent. La verge n'entre pas en érection, aucun mouvement n'est apparent. Aussitôt après cet élancement dans la verge, survient du retentissement cérébral. La vue, à ce que nous dit le malade, se trouble, les sons deviennent moins distincts, l'abattement est profond. la mémoire faiblit et il y a impossibilité de continuer le travail commencé. Cependant il n'y a jamais eu de perte de connaissance. La paume des mains, les aisselles sont le siège d'une sudation abondante.
Ces troubles disparaissent au bout d'une à deux minutes, lorsqu'un second élancement dans la verge ne vient pas leur donner une nouvelle force. Dans les premiers temps, il en avait une quarantaine par jour, actuellement dix à douze. En outre, aujourd'hui, il suffit bien souvent qu'il appréhende le retour de ces élancements pour que les troubles cérébraux apparaissent sans être précédés d'aucun signe uréthral.
Dans l'intervalle des accès, il reste triste, aimant la solitude.
Ce jeune homme fut soumis à divers traitements sans résultat. L'ne cystite du col survint même ù la suite d'essais de dilatation progressive de l'urèthrc tentés dans la pensée que l'on avait à combattre une affection du col de la vessie.
C'est alors que le malade vit le Df Tillaux qui, en piésence de son état nerveux, l'adressa au Dr Mesnet.
L'n examen minutieux révéla divers troubles de la sensibilité, notamment l'hémiancsihésie à gauche. Il présente aussi assez souvent des contractures musculaires. On a aussi pu constater un léger rétrécissement du champ visuel, égal pour les deux yeux.
-L'hystérie paraissant la cause des troubles que présente ce jeune homme, M. Mesnet ne voit aucun empêchement à essayer comme traitement la suggestion hypnotique.
Le 26 février, le malade vient dans le service pour être endormi. Après l'avoir fait asseoir dans un fauteuil, M. Mesnet, en présence de ses élèves, essaye, en lui faisant fixer soit les yeux, soit un objet brillant, de produire le sommeil. Le résultat est nul.
Même expérience et même insuccès le 1" mars. Il faut dire que ce jeune homme, tout en venant de lui-même se soumettre à l'expérience, est convaincu qu'on ne parviendra pas à l'endormir.
4 mars. — M. le Dr Bërillon, sur la demande de M. Mesnet, tente de provoquer le sommeil par suggestion. Un engourdissement notable est déterminé. — Quoique l'état d'hypnotisme obtenu soit peu profond, on lui suggère, avant de le réveiller, de cesser d'analyser ce qu'il ressent, de ne plus penser à ces élancements.
Les 11 et 18 mars, on renouvelle les mêmes suggestions, dans le même état. Le 18, le malade accuse du mieux. Les élancements sont aussi fréquents, mais le malade a repris confiance.
M. Louis Roux, élève du service, s'efforce de provoquer cher le malade un étai de sommeil plus profond. Il y parvient sans peine et refait les mêmes suggestions.
i" avril. — Le sujet est encore plus fortement influencé. A son réveil, il présente une amnésie manifeste. Il ne se souvient pas en particulier d'avoir mis sa montre et son porte-monnaie d'une poche dans l'autre : peu à peu le souvenir de ce qu'il a fait lui revient complètement.
5 avril. — Notre malade accuse du mieux. Le retentissement cérébral existe toujours, mais de moindre intensité. Quoique les élancements soient aussi fréquents, son mal est, dit-il, plus supportable. A partir de ce moment, nous cessons de voir ce malade pendant un mois. Au bout de ce temps il revient et nous dit qu'il a cessé de venir, parce que jusqu'ici il a constamment simulé le sommeil, mais qu'il ne dormait pas.
Par une série d'expériences auxquelles il veut bien se prêter, nous lui prouvons qu'il est un simulateur malgré lui et que si la mémoire, le jugement et le raisonnement lui semblent rester intacts même lorsqu'il est profondément influencé, par contre sa volonté est abolie et qu'il ne peut se soustraire à l'accomplissement d'aucun de nos ordres.
Nous avons poussé la démonstration jusqu'à le renvoyer un jour sans le réveiller. Il est resté toute la journée inerte, sans force et sans volonté.
Il reconnaît enfin qu'il est bien nettement hypnotise, et alors la gué-rison fait de grands pas.
Le 5 juin, on fait au malade la suggestion qu'il sera définitivement guéri le lendemain. En effet, depuis ce jour, les élancements qui lui causaient tant d'inquiétude ont complètement disparu ainsi que tous les troubles dont ils étaient le point de départ.
Le 8 juillet, le malade est endormi une dernière fois, en présence de plusieurs chefs de service de l'Hôtel-Dieu. On constate sur lui les divers phénomènes de l'état d'hypnotisme.
Depuis lors, nous avons souvent revu ce malade et sa santé se maintient parfaite.
En résumé, nous croyons cette observation intéressante a deux points de vue différents. Au point de vue purement médical, il était important de ne point méconnaitre la nature nerveuse des troubles présentés parle malade. Nous avons vu, en effet, qu'undiagnostiedéfectueuxavait pu compromettre la santé de ce jeune homme. D'un autre côté, nous voyons que par une persévérance réfléchie on a pu obtenir un sommeil profond chez un sujet paraissant au premier abord rebelle a toute influence hypnotique.
VARIÉTÉS
L'ASTUCE CHEZ L'ENFANT
Par le D' COLUOTiB (Suite et fin)
En ce qui a irait à la vision, il n'est pas rare, selon Galézowski (i), de voir des enfants se plaindre de différents troubles visuels : diplopie, amblyopie, amaurose, ophtalmies diverses, strabisme, allégués uniquement pour les besoins de la cause.
En ce qui a trait à l'ouïe, on en a vu feindre la surdité. D'autres, pour arriver à leurs lins, à l'instar d'une jeune tille de quinze ans dont Bourdin relate l'histoire, et qui, six ans plus tard, devenue femme, lui rit l'aveu de sa fraude, soutiennent qu'ils ont, par mégarde, introduit un corps étranger quelconque dans le conduit auditif.
L'aphonie, le mutisme, les désordres des voies digestives : héma-lémese, vomissements incoercibles, incontinence, etc., ont été de la part d'enfants intelligents et opiniâtres l'objet de simulations conduites avec une habileté et soutenues avec une persévérance vraiment surprenantes.
Il n'est pas, si étrange que puisse sembler le fait, jusqu'aux maladies de la peau : chromhydrose, zona, pemphigus, etc.. que de jeunes sujets de douze à quinze ans n'aient artificiellement tenté de reproduire, par pur caprice, ou pour quelque futile satisfaction.
En somme, quel que soit le mode particulier dont l'enfant fasse choix' pour mettre en «cuvre ses dispositions a l'astuce, le fond ne varie pas. On se trouve en face de l'une des deux éventualités que voici : Ou bien, c'est à un sujet à constitution psycho-cérébrale normale que l'on a; affaire, à un sujet qui n*a fait que céder à une incitation fortuite, passagère. Son désir du moment satisfait, nulle intention arrêtée de perrister ne subsiste, et alors sa gaucherie même tourne à sa confusion, le décourage, et ses sentiments de loyauté reprenant le dessus, de lui-même il rentre dans la voie de la sincérité. Ou bien, c'est à un sujet a constitution nerveuse; et alors, une question se pose : Est-ce un hystérique, c'est-à-dire un malade? Est-ce un sujet plus ou moins avancé sur le chemin de l'hvsiérie, c'est-à-dire un individu encore en santé, mais nerveux à l'excès et mal équilibré? Dans la manière de se conduire à son égard, la distinction est d'importance capitale.
Hystérique, il simule sans but défini, uniquement pour se rendre intéressant et mystifier son entourage.
(i) Galézowski, Traité des maladies des yeux, p. 927.
— Simplement nerveux, il y n un but caché, mais pratique à ses manœuvres. Telles sont, nous le répétons, les bases de cette distinction.
Ajoutons, avec Dufestel (i). que la feinte d'une maladie persistant des mois et des années a bien des chances pour être de nature hvstérique ; et, ce qui n'est pas pour faciliter la tâche, que chez les individus tributaires de névroses convulsives, indépendamment de toute lésion matérielle ostensible, nombre de perturbations fonctionnelles n'ayant rien d'apocryphe peuvent fort bien se manifester.
Les hyitéro-épileptiques, encore un coup, sont des malades; c'est en malades qu'il les faut traiter.
Quant aux nerveux proprement dits, leur état purement et simplement extra-physiologique se reconnaît à la constatation négative de toute manifestation caractéristique — attaques convulsives ou stigmates
— de la ne*vro*e: de même qu'il s'établit grâce à la recherche des antécédents héréditaires.
H est bien rare, en effet, qu'une enquête sérieuse ouverte en ce sens reste infructueuse. Que l'on cherche avec quelque suite du côté des ascendants; et, la plupart du temps, on mettra a découvert des tares né* Tropathiques : épilepsie, hystérie, constitution apoplectique, syphilis, alcoolisme, etc., dont l'origine remonte aux précédentes générations.
— Pourquoi la propension à la ruse, à la dissimulation et à l'imposture est-elle si notoire chez les jeunes détenus et les enfants abandonnés?
Toujours est-il que, sur la direction mentale du nerveux, les procédés Mssortissant à la pédagogie ont une prise incontestable. (~ L'imagination, chez eux, est d'une împressionnabilité extrême. 11 faut, avec un soin jaloux, ménager cette excessive împressionnabilité. Point de récits émouvants, dramatiques, terribles. Point d'intrusion du surnaturel dans l'enseignement. De toutes les causes de perturbations Je la fonctionnalité cérébrale, « il n'en est peut-être point de plus efficace, ait Chsreot [z}, et dont l'action ait été plus souvent signalée, que la croyance au merveilleux. >
Non; c'est par une direction à la fois douceet ferme; le raisonnement et la persuasion; l'emploi utile d'une spontanéité exubérante; la désignation, a une activité impatiente de se dépenser, d'un objectif précis et impersonnel; la suggestion d'idées généreuses et élevées, que Ton parviendra à s'emparer, à la longue, de ces esprits récalcitrants et à coatrc-balancer les passions égoïstes qui germent dans l'obscurité de leur intellect^/'
Quoi qu'on ait fait pour combattre les dispositions natives à l'astuce dont on a pu surprendre la trace, est-on vaincu? Le besoin de tromper
(i) [¦..-..:. loco citato, p. 133.
(a) Ci ... .. Leçons sur les maladies du système nerveux. T. III. p. ajô, 1S87. Parti.
l'a-t-il emporte* sur tout? En arrive-t-on, en découvrant la trame savamment ourdie d'une simulation, à constater sa propre défaite? Alors, à tout prix, par la douceur, ou par la m.mace, —par la douceur plutôt, et en se conciliant plus étroitement encore, s'il se peut, la confiance du délinquant — il faut obtenir de lui l'aveu. Alors on lui jette à la tête cette vérité, c'est qu'à contrefaire une maladie, on s'expose à la contracter; et elle peut être incurable.
Si, en dépit de tous les efforts que dicte la mansuétude à laquelle a droit la jeunesse, le sujet résiste, alors Visolement s'impose comme le plus sûr remède et comme une suprême nécessité.
Maisqu'on ne le perde jamais de vue: s'il est des cas exceptionnels où la dépravation est assez forte pour défier les procédés les plus ingénieux et les plus persévérants de dérivation, « dans la formation de l'homme moral, ainsi que l'avance avec tant de justesse Delasiauve (r, il faut ne point procéder au hasard. On confond volontiers l'instruction avec l'éducation. C'est le préjugé qui a souvent porté à révoquer en doute les bienfaits de cette dernière, ou a en restreindre, outre mesure, l'efficacité. Nos aptitudes à la moralité sont innées et multiples; mais rappelons-nous que, si ce n'est exceptionnellement, elles n'arrivent à exercer un pouvoir sérieux que par une culture régulière, que par des stimulations soutenues qui les comprennent chacune et dans leur ensemble. Fussent-elles peu actives, on gagnerait toujours beaucoup. Plus les instincts sont farouches, plus il importe de leur imposer des modérateurs. * X
Les manifestations effectives des sentiments moraux affectueux, ajouterons-nous, prennent selon la race, le climat, les mœurs et le temps, les modalités parfois les plus opposites. Dans leur traduction en actes, il n'est pas impossible de distinguer la part de la nature de celle de l'éducation. Loin de s'exclure l'une l'autre, ces deux actions respectives sont intimement connexes. Contingentes ici, elles peuvent être antagonistes là. Eh bien! s'il n'est pas toujours commode d'assurer la suprématie de l'éducation sur la nature, n'est-ce pas une raison de plus de redoubler d'efforts pour tenir en échec les incitations perverses de la nature à l'aide des suggestions salutaires de l'éducation?
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
Les femmes et l'étude de la médecine.
A l'assemblée des naturalistes et médecins allemands tenue à Cologne da iS au 32 septembre dernier, on aagité, dans une séance intéressante, la question de savoir si l'étude de la médecine et l'exercice de cet art pouvaient être permis aux femmes. Le professeur Waldeyer, de Berlin, s'est prononcé contre l'admission officielle des étudiantes aux cours des facultés at médecine. Il ne les tolère qu'à titre d'exception. Il prétend que cette science doit rester aux
.i. DiLAtuuvt, Journal de médecine mentale. T. II, p. 8, i86a. Paris.
mains des hcmmes, et il invoque a l'appui de sa thèse des arguments assez contradictoires.
H reconnaît, avec l'histoire, que la femme a presque toujours été considérée comme légale de l'homme, et que tous les dons de l'esprit ont été sa propriété. IL Waideyer avoue que la médecine a été aussi pendant longtemps l'apanagedes femmes, qu'elles ont toujours eu la spécialité des accouchements et des soins a donner aux enfants, et que quelques-unes même ont acquis, à la suite d'études sérieuses et de brillants examens, le droit de professer la médecine. Il cite avec éloges Louise Bourgeois, Marguerite de la Marche, Mme Lachapelle, Mme Bol-vin et plusieurs autres femmes distinguées dont les travaux ne sont malheureusement pas assez connus.
Mais, après ces constatations, il vient déclarer que la femme ne doit point marcher dans la voie de l'homme, trop étroite pour deux », qu'elle n'a jamais rien inventé, pas plus en obstétrique que dans d'autres branches de la médecine, et que les études féminines ne peuvent qu'entraver les progrès de la médecine. C'est même au nom de l'humanité tout entière qu'il demande l'exclusion des étudiantes. Il craint que l'admission de quelques centaines d'élèves femmes (et cous sommes encore loin de ce chiffre) « n'écarte des facultés des hommes capables de faire de grandes choses ». Il nous semble que M. Waideyer se contredit quelquefois. N'y aurait-il pas dans cet acharnement que mettent les hommes à i efuser aux femmes leur part de la science, quelque chose comme une secrète jalousie — ou comme une crainte de voir bientôt apparaître des travaux émanant de femmes instruites et capables, elles aussi, de faire de grandes choses?
A notre avis, la science médicale serait bien peu solide si quelques centaines de femmes pouvaient l'ébranler en la cultivant. Les femmes docteurs seront toujours l'exception, bien qu'il soit * souhaiter que les mères et les jeunes filles puissent confier leurs maux à des personnes de leur sexe, plutôt que de demander ailleurs les remèdes du corps ou les consolations de l'âme. Ajoutons enfin que la Faculté serait mal venue à chasser de son sein les femmes courageuses qui se vouent à la médecine, dussent-elles ne rien découvrir de nouveau, alors qu'elle accueille un grand nombre de médecins qui, sans être regardes pour cela comme de mauvais praticiens, n'ont jamais rien inventé. L. B.
Hypermnéaie dans la veille et le somnambulisme.
Dans une de ses récentes leçons cliniques de l'hôpital Necker, M. le LV Gilbert Ballet vient de présenter un malade atteint d'hallucinations, et qui offre en même temps une aptitude vraiment remarquable à se souvenir des images visuelles ou auditives anciennement perçues par lui. a l'état de veille, il possède au plus haut degré l'hypermnésie qu'on observe si souvent chez les somnambules.
Ce malade évoque facilement les images visuelles de forme.On luidemande de se représenter parla pensée le Panthéon, par exemple. C est alors avec «o« grande netteté qu'il décrit la façade, les colonnes, etc. Il semble absolu* meni qu'il le voit. Les images visuelles de couleur, i] se les représente aussi facilement. a ce propos, il faut bien foire une distinction entre les images visuelles de forme et les images visuelles de couleur. Considérons les tableaux d'Ingres et ceux de Delacroix, etnous nous rendrons facilement compte qu ils ne pouvaient avoir la même constitution psychologique. a voirl'étrangcté de la peinture de Maoet, on sent qu'il était foncièrement incapable d'évoquer Timace des formes.
Cet homme se forme aussi facilement des images olfactives et gustatives.
S'il lit haut, il entend derrière son oreille, dit-il. une voix avant qu'il prononce les mots. S'il lit bas, la voix parle bas. Lui fait-oa penser une phrase, « je suis souffrant », par exemple, il entend la phrase avec une intensité telle qu'il l'entend comme une voix en dehors au lieu de l'entendre en dedans, c'est une perception nette d'une voix intérieure. Chez lui, les images sensorielles prennent donc une intensité extraordinaire.
Notre mémoire ne se compo»e pas seulement de souvenirs que nous cherchons a rappeler. Nous possédons une série de souvenirs a l'état latent que nous n'avons pas eu l'occasion d'évoquer. 11 faut une circonstance particulière pathologique pour ressusciter cet souvenirs de faits nombreux, dont nous avons été témoins, qui se sont fixés malgré tout dans notre cerveau.
Ainsi, notre malade se rappelle un tas de faits de son enfance, de sa jets-nesse. faits qu'il arait complètement oubliés depuis longtemps. H se rappelle, par exemple, parfaitement des noms de ses camarades de régiment, des noms surtout prononcés une seule fois devant lui.
Quand donc nous disons que quelque chose nous entre par une oreille et sort par l'autre, c'est inexact Par suite de circonstances pathologiques, les souvenirs les plus fugaces réapparaissent.
Comme le fait justement observer M. Ballet, l'état de ce malade trouve son analogue dans un et a: qu'on peut provoquer artificiellement : le somnambulisme. Il y a toutefois cette différence, c'estque les somnambules sont plongés dans un des degrés de l'hypnotisme, tandis que cet homme es: u l'état de veille. A ce sujet, M. Ballet a rappelé un fait qui montre combien l'hyper-, mnésie est développée chez certains somnambules.
Il y a une dizaine d'années, on commençait i la Salpètrière à étudier l'hypnotisme. M. Charcot étudiait surtout les gros faits et systématiquement ment ne. s'attachait qu'a eux. Un jour, pendant qu'on montrait une femme plongée dans l'état de somnambulisme a une réunion de médeoins, l'un d'eux dit qu il serait curieux de savoir si. en cet état, il serait possible de faire deviner j la femme endormie le nom des personnes présentes. Il insiste, et enfin on demande àv-la femme endormie le nom d'un des assistants. Ellcnomm.iM. P;irrot. 1. 'bonnement est alors général. On réveille la malade et elle ne reconnaît plus celui qu'elle vient de nommer. Dans le cas particulier, c'était un fait d'hypcrmnésïe produit sous l'influence du sommeil lomnambulique. Cette femme', étant tout? enfant, était allée aux Enfants-Assisté s où elle avait vu M. Parrot. Dans la vie. ordinaire, elle n'avait pas gardé son souvenir, et il avait fallu l'état spécial-pathologique du somnambulisme pour raviver ce souvenir.
Des observateurs moins consciencieux et trop pressés de conclure se seraient sans doute empressés d'interpréter ce fait par re» s: cr.ee c'i.r.c lucidité spé-: cïole, tandis quil s'agissait tout simplement d'un état dnypermric'sie qui sel manifeste dans un certain nombre d'états nerveux et, en particulier, dans le somnambulisme spontané et provoqué.
L'anesthésle en obstétrique et la côte d'Adam.
Ai-je le droit de recourir au chloroforme ou 1 l'hypnotisme pour m'éviter les douleurs de l'enfantement i Telle est la question posée par une femme M. Hugues Le Roux, le spirituel chroniqueur du Temps. Abritant sa modestie derrière 1 opinion de Saint Sulpice et d'un philosophe, M. Hugues Le Roux répond en ces termes à sa cliente : Vous n'avez pas le droit de mettre en péril, pour vous épargner la souffrance, ni votre \ic ni la vie de l'enfant à' naître de vous. Si un médecin digne de confiar.ee accepte !a responsabilité de ce risque, agissez selon votre bonne foi et selon votre scrupule. Le souvenir du texte biblique: • Tu CLfanteras dans la douleur - ne doit point vous^ troubler. L'enfantement est autant un acte moral qu'un phénomène physique ; il survit à la naissance, et pour les douleurs dame, conséquence; de la maternité, la médecine ne trouvera point de remède. »
« — Et enfin voulez-vous que je vous donne mon avis ; m'écrit une femme'
qui me paraît avoir plus d'esprit que de foi. Vous nous la baillez belle avec votre verset biblique qui nous obligerait nous autres, faibles créatures, à supporter les douleurs sans cherchera y porter remède.
- Il y a un homme, un seul, qui ai't accouché une fois en sa vie... et il s'est fait endormir.
c Rouvrez, ie vous prie, les Ecritures. Vous v verrez que Dieu, ayant eu à prendre une des côtes d'Adam pour en créer Eve, exécuta cette 'opération pendant le sommeil de notre aïeul. »
Nous ajouterons à cela qu'il est peu probable que l'anesthésie dont bénéficia Adam ait été le résultat du sommeil ordinaire. Pour qu'il n'ait pas été réveille par la "sensation de l'extraction qui lui était faite, il fallait qu'il fût plongé dans un état de sommeil exceptionnel. L'hypnotisme pourrait seul rendre compte de ce phénomène, On sait que plusieurs observations d'accouchements effectués sans douleur pendant le sommeil hypnotique ont déjà; été publiées dans cette Revue; on sait de plus qu'un grand nombre d'opérations graves ont été faites pendant l'anesthésie hypnotique.
On peut admettre que Dieu ait trouvé dans sa toute-puissance un moyen d'hypnotiser un homme, alors que de simples mortels ont découvert le moyen d'endormir leurs semblables par la seule mise en action de cette faible puissance humaine : la volonté.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
Grâce à la collaboration assidue de l'cmînent bibliographe Max Dessoir, de Berlin, nous donnerons dorénavant à l'Index bibliographique un développement très important.
Nous invitons les auteurs, dans le but de vulgariser leurs travaux et de faciliter de nouvelles recherches, à nous transmettre aux bureaux de la rédaction, 40 bis, rue de Rivoli, tous les documents et tous les renseignements bibliographiques qui permettront de constituer d'une façon complète la bibliographie de l'hypnotisme.
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hystérique par l'hypnotisme.)
g. vivien : L'hypnotisme et le code. (Annales de la Cour d'assises, août 1888.)
E. Bérillon et Max Dessous.
L'Administrateur-Gérant: Emile B0URI0T, 170, Rue St-Antoine.
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REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
BULLETIN
L'HYPNOTISME ET L'AMOUR OU MERVEILLEUX
Dans la séance du 9 octobre dernier, M. le professeur Brown-Séquard. en présentant à l'Académie des sciences les deux volumes du la première et de la seconde année de la Revue Je Vllyp* notisme. a bien voulu exprimer, dans les termes les plus flatteurs, son opinion sur la valeur scientifique Je cette publication.
Aucun encouragement ne pouvait nous être plts précieux que celui de ce maître éminent dont les rcmtrquabïes découvertes sur l'inhibition et la dynamogénic ont fourni l'interprétation physiologique des phénomènes de l'hypnotisme.
Après avoir constaté que la création de la Revue de l'Hypnotisme a tracé une séparation très nette entre le domaine scientifique et l'empirisme des charlatans. M. Brown-SéquarJ a terminé sa présentation par des conseils dont tous ceux qui s'occupent d'hypnotisme pourront faire leur profil : « Cette revue, a-t-il dit, en contribuant dans une large mesure à la diffusion des nouvelles doctrines, a provoqué l'apparition d'un grand nombre de travaux. Beaucoup ont une réelle valeur. Malheureusement, on trouve encore chez quelques auteurs trop de tendance ù se ir.-sser entraîner par l'amour du merveilleux. En restant fidèle à son programme rigoureusement scientifique, la Revue de ï Hypnotisme est appelée à rendre de véritables services et je suis heureux de la signaler à h bienveillante attention de l'Académie des sciences. « I II est hors de doute que, si les études sur l'hypnotisme ont eu ¦nbir maini arrêt dans leur développement, elles le doivent ¦oins au scepticisme avec lequel beaucoup d'esprits accueillent toutes les nuj.oautés. qu'à I enthousiasme immodéré dont font Bhvc certains expérimentateurs, i;n effet, l'hypnotisme n'a pas «ennemi plus dangereux que cet amour du merveilleux auquel faisait si justement allusion M. le professeur Brown-Séquard.
Ce juge d'instruction de Paimbceuf. qui. dans une aflairc récente, faisait appel à la lucidité d'un de ces * professeurs d'hypnotisme(:)* qu'on rencontre habituellement dans les foires, est assurément un enthousiaste.
La lecture de quelques-uns des nombreux romans dans lesquels les mystères de la suggestion ont été tant de fois approfondis dans ces derniers temps, l'aura subitement convaincu que l'hypnotisme pouvait fournir un moyen assuré de découvrir tous les coupables.
L'aventure de ce magistrat nous a fait souhaiter Je voir publier' promptement un traité complet sur les applications médico-légales de ; la suggestion. Notre vœu a clé satisfait par l'apparition d'un nou-j veau livre de M. Liégeois sur la Suggestion et le somnambu--Usine dans leurs rapports avec la jurisprudence et la médecine, légale. Notre émînent collaborateur avait seul l'autorité néces-; sairc pour réaliser cette oeuvre importante. Son livre sera demain! dans les mains de tous ceux que préoccupe la grave question deJ Ja responsabilité humaine. En le lisant, ils pourront se convaincre-j que, pour satisfaire les esprits qui s'intéressent aux études surl'hyM notisme, il n'est pas besoin de faire la moindre concession û l'amour] du merveilleux.
Dr Edgar Bérillon.
UN CAS DE PERVERSITÉ MORALE GUÉRI PAR LA SUGGESTION HYPNOTIQUEy
Par le> D' Auc. voisin
X ldec i m de la s a Uf t t ¦ i il 1 K
Un jeune garçon de 16 ans m'a été amené. le o, juin 1888, poun que je puisse le guérir par l'hypnotisme de mauvais instincts»
11 a été atteint à l'âge de i3 ans du tétanos. 11 présente depuis*1 cette époque du nystagmus, une notable blésité. niais avant cette-1 maladie et dès l'âge de 6 à 7 ans, son caractère le rendait insupportable, il était menteur, indiscipliné, méchant cl. de plus, voleur.
Ses mauvais instincts n'ont fait que croître d'année en année, : aussi il n'a pas pu rester dans plusieurs institutions et il a été •. rendu à plusieurs reprises à sa mere en raison de l'impossibilité de le garder et des mauvais exemples qu'il donnait aux autres! élèves.
II a été impossible, en outre, de lui iaire taire sa première communion.
Dans ces deux dernières années, les idées de vol ont beaucoup
augmenté ci, de plus, il est devenu Jdébauché. Il volait sa mère pour courir les lilles. L'onanisme est devenu chez lui une passion et il s'y livre sans pudeur dans l'appartement de sa mère. Il se flatte d'aimer le mal et il dit qu'il ne se rend pas eomote qu'il lait mal. Ses parents ont consulté un certain nombre d instituteurs et de prêtres, sans arriver à aucun résultat. La maison de Mettray. où l'on avait eu l'idée de le placer, n'était pas considérée comme étant assez sévère et sa famille cherchait une autre maison de correction, lorsqu'on lui a conseillé de s'adresser à moi.
A notre premier examen, nous avons constaté un strabisme interne de l'œil gauche, le nystagmus et la blêsïté que l'on nous avait sî^naiës.
Les oreiiles, les mains et les pieds bien faits: pas de pléiades toanglionnaires cervicales ni de goitre. La pointe de la langue est déviée à gauche. La lecture est difficile, le malade a des notions de géographie très élémentaires, et cependant il se rend compte de bien des choses et il manifeste une mémoire généralement suffisante.
Dès le 9 juin, "'ai essayé le traitement par l'hypnotisme. Le procédé qui m'a réussi nu bout de la troisième séance a consisté à faire fixer par le jeune homme une boule brillante argentée qui était suspendue au-dessus de sa téte. Le sommeil a été obtenu après quelques minutes de fixation de l'objet et après l'injonction de dormir. Dès le sommeil obtenu, j'ai commencé des suggestions qui ont porté sur la cessation du vol et sur le changement du caractère.
' A partir de la première séance, le jeune homme n'a plus volé et son caractère s'est modifié dans un sens favorable. Le traitement était appliqué tous les trois jours, et les suggestions ont porté tour à tour sur son mauvais caractère, sur ses instincts vicieux, sur le j*o/f l'onanisme et ses habitudes Je débauches.
Le 6 juillet, le jeune homme était absolument transformé. L'idée de faire le mal avait disparu et était remplacée par la volonté de faire le bien; à sa désobéissance et à son indiscipline avait fait place le désir absolu d'être agréable à sa mère. Ce n'était pour ainsi dire plus le même jeune homme et dans les moments où il venait me trouver, il me racontait le bonheur qu'il ressentait à être ainsi chancre.
Le 20 octobre, je le revois après six semaines d'absence et la guérison s'est maintenue malgré la cessation du traitement pendant ce temps.
Il me parait intéressant de joindre à mon observation une lettre que m'écrivait, le 1; juillet dernier, un élève de l'Ecole normale supérieure (section de philosophie, troisième année) qui avait, depuis un certain nombre d'années, prodigué ses avis à la mère de ce
jeune homme sans arriver au moindre résultat. L'analyse psychologique que lait ce jeune et savant professeur est une affirmation du succès que j'ai obtenu dans ce cas qui était considéré comme désespéré.
Monsieur le Docteur,
J'ai revu Je près le jeune homme dont nous nous somme* déjà entretenus et mes premières impressions se confirment. Avant de vous être confie, le jeune F... présentait comme traits dominants un manque absolu de caractère et de volonté : sans doute, il mettait entre le bien et le mal une certaine différence, mais incapable de se retrancher en lui-même pour juger des influences auxquelles il était soumis, il se laissait aller a la sollicitation des choses, prêt a toutes les tentations et à tous les désirs déréglés.
Maintenant la transformation me parait complète, il veut le bien et travaille â faire le bien. U parle avec horreur de sa vie passée, disant que c'est là us rêve, qu'il n'était pas encore lui, que maintenant il s'est trouvé pour ne plus se perdre. Bien plus, il raisonne sur la nouvelle existence qui commence pour lui, la reconnaît aimable etdésirable, en parle avec joie.yacquicsccdctoutson cœur. Et ne croyez pas. Monsieur le Docteur, qu'il s'arrête au raisonnement et au discours, répétant comme un perroquetlaleçon qu'on lui aurait apprise: il convertit ses idées en résolutions exactes ; il recherche tous les moyens de plaire et de se rendre utile ; les plaisir», me disait-il hier, dont l'applt pouvait seul le conduire, lui sont devenus indifférents. Il lui suffit de savoir qu'il a bien fait. Les tentations mêmes ne viennent plus le solliciter et l'idée de quelque chose de sérieux et de bon prend consistance et fixité chez lui et il ne vit alors que dans ce désir et dans cet effort. 11 n'est pas jusqu'à la reconnaissance qui ne trouve place dans cet esprit transforme: Auparavant, me di-» satt-il, je croyais que tout m'était dû et je ne savais reconnaître aucun » bienfait; maintenant, j'apprécie hautement ce qu'on fait pour moi et je me >• mettrais en quatre pour le reconnaître. •
Cette observation vient s'ajouter à d'autres déjà publiées et démontre l'heureuse influence de la suggestion hypnotique employée comme agent moralisateur, dont M. le D' Bénllon et M. Félix Hémer.t ont eu l'occasion de signaler aux congres de Nancy et de Toulouse les heureux résultats.
UN CAS DE SOMNAMBULISME SPONTANÉ
Par M. le D' P. BU ROT pROFEssEua a l'école de médecim: de RociitFORT
Il ma été donné d'observer récemment un cas de somnambulisme spontané chez un soldat d'infanterie de marine, autour, duquel il s'est lait du bruit, beaucoup trop de bruit. Pour dégager
complètement ma responsabilité, je dois dire tout de suite que les faits qui ont éveillé la curiosité du public sur ce somnambule se sont passes en dehors de moi. Ce qui mérite d'attirer sérieusement notre attention, à nous, médecins, c'est l'état morbide qui lui est particulier et encore peu étudié jusqu'à ce jour, malgré les nombreux travaux sur le somnambulisme artificiel.
F... Mathieu, 22 ans, né à Saint-Etienne (Loire), où il exerçait la profession de forgeron avant son incorporation, est arrivé avec la classe, en 1888, au 3* de marine. En garnison è Saintes, il se fit remarquer, quelques mois après son arrivée au corps, par des fugues nocturnes ; il partait subitement la nuit, et. le fusil sur l'épaule, il allait faire la petite guerre. On se rendit compte que ce soldat était somnambule, mais, qui dit somnambule, dit devin, du moins pour le vulgaire. C'est pourquoi certaines personnes du régiment, étrangères a la médecine, l'interrogèrent et furent étonnées de voir qu'il répondait. Un vol de café avait été commis à la caserne : il désigne les vrais coupables, paraît-il. On lui demande quel jour est arrivé, à la Nouvelle-Calédonie, une compagnie d'infanterie de marine : il affirme que cette compagnie est arrivée le 14 juillet, à sept heures du malin. Sans douter un seul instant de la véracité de son dire, on colporte la nouvelle, qui se propage de bouche en bouche ; la population de Saintes est vivement intéressée ; les journalistes s'emparent de ce racontar, qui lait vite le tour de la presse. Telle est l'origine de cette légende.
Sur ces entrefaites. F... est envoyé en observation à l'hôpital de Rochefort ci est placé dans mon service. La première recherche qui s'imposait, c'était celle de la simulation ; les phénomènes somatiques qu'il présenta ne permirent pas le moindre doute à cet égard. Voici, du reste, la relation des incidents:
F... n'a jamais eu de maladie grave dans son enfance. Pas de maladies nerveuses ou mentales dans sa famille. Un jour de l'année ¦884. étant alors âgé de 17 ans, il éprouva une vive frayeur à la vue d'un homme déguisé qui le surprit. A l'instant même, U tomba évanoui et fut pris de tremblements dans les mâchoires et dans les membres : cette crise dura deux à trois minutes; il put se relever, mais conserva une douleur à la tète et marcha comme un homme ivre.
Dans la nuit qui suivit, il a eu trois crises nouvelles avec tremblements et secousses dans tout le corps, sans perte complète de connaissance. Les crises se renouvelèrent presque toutes les nuits pendant huit jours : il ava;t toujours devant ses yeux l'homme déguisé. Dans l'intervalle des crises, il éprou%-ait de l'oppression et restait couché.
Il a pu reprendre son travail pendant une quinzaine de jours, mais les nuits étaient toujours agitées.
Environ trois semaines après l'accident, il fut pris, vers onze heurts de la nuit, de l'envie subite de se lever. II se leva, passa dans la chambre de sa mère et lui dit qu'il allait se promener. Après une courte promenade, il rentra et se mil i chanter. Cette scène dura à peu près une heure, puis il s'endormit, et le lendemain se réveilla très faligué.
Les nuits suivantes, il se levait et allait se promener, toujours entre dix et onze heures, parfois dans les rues de la ville, mais le plus souvent au cimetière. Sa famille l'avait suivi et avait prévenu le gardien du cimetière, qui ne l'inquiétait pas : on disait qu'il était dangereux de le réveiller.
Au cimetière, il se promenait avec satisfaction au milieu des tombes, se prosternait, faisait des prières, ou bien il échangeait des conversations avec des êtres imaginaires, pendant plusieurs heures.
Ces promenades nocturnes durèrent environ six mois. Puis il fut repris de crises la nuit, sous forme de tremblements et de grincements de dents : chacune des crises durait cinq à dix minutes. A l'époque de ces crises, il ne se levait plus, et, chose plus curieuse, à la suite, il resta trois mois sans être pris de l'envie de se lever.
De nouvelles crises de même espèce survinrent et il recommença à se lever et à se promener la nuit pendant huit mois.
Au moment du conseil de révision, il n'avait pas de crises et ne se prévalut pas de sa maladie pour se faire dispenser du service militaire.
Quand il arriva au régiment, il n'avait pas été malade depuis assez longtemps.
Plusieurs mois s'écoulèrent sans que rien attirât sur lui l'attention. Des crises de pleurs avec grincements de dents revenant toutes les nuits et à la mémo heure, sans que personne s'en aperçût, ramenèrent l'idée de se lever. Tout d'abord, il descendait dans la cour et remontait se coucher.
Plus tard, il sortait de la caserne et s'en allait dans la campagne, faisait quelquefois dix kilomètres, le fusil et le sac sur le dos, puis rentrait. Plusieurs fois ses chefs le suivirent et le ramenèrent.
F... entra à l'hôpital de Rochefort le 21 juillet 1808. Figure calme, constitution 1res vigoureuse, taille au-dessus de la moyenne, pas de troubles moteurs : pas de troubles de la sensibilité, ni générale, ni spéciale: pas de zone hystèrogène... Sa mémoire ne porte que sur les faits qui se sont passés en dehors, de ses crises de sommeil. Il sait qu'il se lève quelquefois La nuit, parce qu'on le lui a dit, mais ne peut rien préciser.
Il est très facile à endormir. Dès que je pose ma main sur son
front, en faisant l'occlusion des paupières, la respiration s'accélère et au bout de deux minutes il est endormi. Dans cet élatv le changement est complet. la physionomie est modifiée, il marche les yeux fermés, les mains derrière le dos et obéit à toutes les suggestions, mais plus facilement à celles qui sont en rapport avec ses idées de déambulation. L'anesthésie est absolue: on peut lui enfoncer des épingles dans les chairs sans provoquer le moindre réflexe, aussi bien du coté des muqueuses que du côté de la peau. Il n'existe pas de paralysie, mais il est facile d'en provoquer et môme de les faire durer pendant l'état de veille. Une paralysie dn bras et de la jambe gauches provoquée par suggestion a duré tout un jour; elle s'est dissipée la nuit, sous I influence d'une crise- Je Pavais fait surveiller attentivement toute la journée; il n'a pas été possible de le prendre en défaut. J'ai pu provoquer aussi par suggestion et presque instantanément des garde-robes. Un jour, ie fis une suggestion avec beaucoup d'énergie et dans mon élan je comprimai fortement les globes oculaires: je m'aperçus qu'il ne me répondait plus. les membres étaient dans la résolution là plus complète et rhvperexcitabilité musculaire exagérée. C'était un état de léthargie que je venais de créer à mon insu. Ce fait peut servir à démontrer que le somnambulisme comme la oata-
I lepsîc et la léthargie sont des états particuliers du système nerveux qui peuvent se développer soit spontanément, soit artificiellement, en dehors de toute suggestion. Du reste, quand des
: sujets, jusque-là bien équilibrés, entrent directement et spontanément, par une cause subite, dans un des trois états, l'idée n'a été pour rien: c'est la rupture de l'équilibre nerveux dans un certain sens qui les a placés dans l'un ou l'autre état, la léthargie étant un eut d'engourdissement cérébral plus profond que les deux autres.
Quand il s'endort lui-même, soit le soir dans son lit, soit dans la journée quand il est inoccupé, il a quelques contractions de mâchoires, et au bout d'un certain temps il entre en somnambulisme. Il rêve, parle, chante et va se promener. Dans les premiers temps de son séjour à l'hôpital, il couchait dans une salle commune et il effrayait les malades par ses chants et ses promenades. Plusieurs fois il est resté absent des heures entières: il revenait avec une attitude spéciale, les mains derrière le dos, les yeux fermés, sachant toutefois éviter les obstacles, peut-être à la manière des aveugles, ne se préoccupant que d'aller où il voulait, répondant aux personnes qui l'interpellaient, sans opposer beaucoup de résistance quand on cherchait à le faire changer de direction et le faire rentrer. Parfois il racontait, quand on le lui demandait, ce qu'il venait de faire : il était allé aux environs de la gare, mais le plus souvent il revenait du cimetière, causer avec ses camarades décédés.
Un jour, avec deux de mes collègues, je voulus m'assurer de ce dernier tait, et l'avant mis en somnambulisme, je lui dis de se rendre où il allait la nuit. Nous l'avons vu escalader les grilles et les murs de l'hôpital avec la plus grande facilité. Il s'est rendu au cimetière, s'est couché près d'une tombe et a engagé une conversation avec son camarade décédé; il entendait sa voix qui le suppliait de venir le voir souvent. Dans une des allées du cimetière où nous l'avions suivi, je l'ai réveillé en lui soufflant vivement sur les yeux; il est tombé à ta renverse et a eu un moment d'effroi en se trouvant dans ce lieu, mais nous voyant avec lui. il s'est repris et a compris. Il ne savait pas comment ÎI était venu, ni ce qu'il avait fait. Endormi de nouveau, il rentra à l'hôpital avec la môme allure qu'auparavant. Nous l'avons vu escalader un mur et marcher sur le sommet du mur au milieu du verre avec une grande assurance. Il est probable que la faculté qu'ont les somnambules de traverser des endroits périlleux vient de ce qu'ils ne sont préoccupés que de -e qu'ils font et n'ont pas le vertige. C'est à ces moments qu'il serait dangereux de les réveiller. H est rentrée la salle, après avoir cueilli et mangé des pommes dans le jardin, sans être fatigué, comme s'il venait de se promener dans la cour.
A l'état de somnambulisme, F... a la mémoire complète: il se rappelle non seulement tout ce qui s'est passé dans les périodes analogues, mais encore à son état normal: c'est ainsi qu'il a pu fournir des renseignements qu'il ignorait absolument à 1 état dé] veille.
A ce point de vue. il n'a pas été pris une seule fois en détaut.
Sa lucidité est nulle, comme l'a déjà dit le docteur Bérillon. II.; est incapable de reconnaître ce que Ton tient a la malt:. Je deviner ce qu'on pense ou ce qui se fait dans la salle voisine. J'ai voulu voir s'il ressentirait les douleurs d'un malade avec lequel je le mettais en contact : je n'ai obtenu que des résultats négatifs.
C'est donc un somnambule naturel, mais pa= !e rno:ns du monde lucide. Il a été réformé et renvové dans ses fbvers.
LES TERREURS NOCTURNES DANS LE JEUNE AGE
Par le D' Collines
Entre cinq ci huit ans, plus tard parfois, il n'est pas rare de voir de» enfants, sous l'obsession de terreurs chimériques et soudaines, -.'éveiller en sursaut la nuit. Tel s'élance rout à coup avec [des cris perçants hors du lit et, plein d'angoisse, se jette dans les bras de son entourage.
Tel, les yeux grands ouverts et hagards, se lève en silence 01, encore somnolent, !»'cn va au hasard se réfugier en quelque coin ou il cherche, en sanglotant et en s'accrochant convulsivement à ce qui lui tombe sous la main, une sécurité irraisonnée. Tel encore, tremblant de peur, se cache sous ses draps ci y reste blotti jusqu'à ce qu'un sommeil lourd et agité lui rende un semblant de repos- Tout en continuant de dormir, il en est enfin qui. sans motif, se prennent a s'agiter, à se tourner et retourner sur leurs matelas, en poussant de sourdes plaintes jusqu'à ce qu'une main tutélaire leur impose la tranquillité. Pour certains, pour ceux en particulier qui. touchant à la puberté, sont parvenus à une maturité plus complète, l'approche de la nuit et l'obscurité suscitent un sentiment d'anxiété inexprimable. L'horreur de la solitude les domine, et il n'est prétexte qu'ils n'inventent dans le but de l'éviter.
M n'y a d'ordinaire qu'une crise par nuit, ci ainsi que Moizard {i) a pu l'observer, la crise se produit dans les premières heures du sommeil et se renouvelle avec une périodicité d'une régularité mathématique.
Selon Mosso (2), « l'intensité, la durée et la fréquence des accès varient beaucoup; en général, ils durent cinq à trente minutes, puis l'enfant reprend possession de lui-même et se rendort. *
Pour la plupart, ces enfants-là ne sont pas malades. En général, l'accomplissement de leurs fonctions physiologiques est régulier.
On a attribué — non sans raison dans certains ca» — le trouble du sommeil chez les enfants à l'existence de parasites , d'helminthes, d'oxyures notamment, dans les voies intestinale». Les désordres nerveux qui reconnaissent pareille cause sont en effet communs, et il est rationnel d'admettre que, sans aller jusqu'à provoquer des convulsions, les vers intestinaux trahissent leur présence par la surexcitation nocturne.
Dans d'autres circonstances — et elles sont nombreuses — la conception terrifiante qui éclôt inopinément la nuit et l'agitation anxieuse qui en est la suite coïncident avec l'émission involontaire des urines. De ces deux phénomènes simultanés : terreurs et incontinence nocturnes, lequel est la cause ; lequel est l'effet? il n'y a rien d'absolu : le rapport de causalité, dont on ne saurait d'ailleurs méconnaître la constante étroi-icsse. peut fort bien, scion les personnes, se trouver renversé. Ici, l'incontinence préexiste, et c'est le malaise résultant de l'humidité du lit qui détermine la crise. Là. l'incontinence est la suite de la surexcitation nerveuse. Aux yeux du professeur Atkînson ,3 ,qui vient de publier sur le sujet d'intéressantes observations, le plus souvent c'est de cette dernière façon que les choses se passent. « L'incominencc. dit-il, Bst dans la majeure partie des cas, sinon dans tous, le résultat de la frayeur. » Telle est également notre opinion. Plus généralement celle-ci est la
(1) Moizabd. Journal de médecine ei de chirurgie, Paris,
(al Mono, ta Peur, ?• édit. (Traduction de Félix Hdment). p. 146; 1886, Paris. (3) Atkixsox. Archives of pedialries u Moniteur de rhygiene fuhiique, n» du 37 avril 18SG. (Traduction du D' Dupouy.)
cause qu; la conséquence de celle-là. Mais ce sont là questions d'ordre exclusivement clinique; le diagnostic posé, l'origine du mal spécifiée, plus ou moins aisément, les accidents cèdent aux agents thérapeutiques appropriés.
En réalité, il y a d'autant moins à insister que d'ordinaire les terreurs nocturnes des enfants tiennent à des circonstances absolument distinctes de celles que nous venons d'analyser. Ici, les considérations d'ordre, clinique s'erlacent. La physiologie, l'hygiène, puis la pédagogie propreS ment dite, occupent le premier plan.
Et d'abord, il n'est pas besoin de parasites dans les voies intestinales pour que les digestions des enfants soient laborieuses. A part certaines dispositions tout à fait personnelles dont parle Debackcr, et qui consistent dans l'intolérance absolue, invincible pour tel ou tel aliment parfaitement sain d'ailleurs, et de digestion facile, mais dont l'usage, provoque fatalement la crise de terreur ; à part ces cas rares, exception-nels, il suffit que les aliments composant le repas soient lourds, indi-_; gestes ou trop abondants; il suffit surtout qu'il y ait été mêle des excid tants pour que le sommeil, ensuite, soit mauvais et traversé de rêves,; C'est affaire de vulgaire bon sens que de proscrire les excitants de toutes sorte du régime alimentaire des enfants, et de modérer au repos du soir, j en particulier, les intempérances d'appétit qui leur sont familières. «
Par malheur, les enoses qui dépendent simplement du bon sens sont-d'ordinaire celles qu'on obtient avec le plus de difficulté. Aussi . à cetl égard, en l'ét3t actuel de nos mœurs, les abus soni-ïK quotidien** Aussi se rencontrc-t-îl moins de familles que l'on ne croit, au foyew desquelles le régime alimentaire soit réglé avec la sollicitude éclairé©! que comportent les besoins réels et pjrfois opposite* du jeune àge.3 Mais , au point de vue qui nous occupe, là encore n'est pas le pire! danger.
Pour peu qu'il possède des notions exactes sur les faits. l'enfant en tire spontanément des déductions d'une justesse inattaquable. Kh bien, . loin de mettre â profit cette qualité maîtresse, loin de cultiver avec un soin jaloux cette aptitude si prononcée pour le raisonnement dont tout instant il fait preuve, on semble prendre à lâche d'en obscurcir la clairvoyance; dés les premiers ans, on semble avoir hâte d'en fausser te'i ressort.
A peine est-il sorti des lisières, à peine est-il en é:a: J.e balbutiera quelques mots, d'aligner quelques phrases, d'accoupler quelques idées i rudimentaires qu'on s'évertue à lui présenter les choses sous le jourlel plus fantastique, qu'on se donne un mal inouï pour lui en cacher Uj nature ci les véritables rapports. Par une inqualifiable aberration ¿9 sens maternel, du matin au soir, on s'ingénie à le tromper. « Défions-.; nous, dit avec justesse Alph. Esquiros(i), de certaines illusions poéli-3
[I] Alph. Esauiaos, L'Emile du dix-neuvième siècle, p. SS; Paris.
ques. La littérature moderne a Trop rlatté l'enfant. Elle aime a voir en lui un an je qui aurait laissé ses ailes au Paradis. J'ignore, en vérité, d'ov: il vient; mais s'il a vu des merveilles dans un autre monde, m'est avis qu'il s'en souvient très peu ci que c'est parmi nous qu'il doit acquérir toutes ses connaissances. >
Si encore on ne l'entretenait que du Paradis... Maïs, c'est de l'Enfer et de ses tortures sans fin qu'on lui parle; c'est du sentiment de sa propre déchéance qu'on l'accable; c'est d'une accusation d'indignité insoutenable, inique, qu'on le poursuit. La digue une fois rompue, le houle des superstitions passe. Le diable, les démons, la possession, les miracles, les saints, la divination, les présages, les lutins, les revenants, les farfadets, les esprits, les vampires, les âmes en peine, les sorciers, les fées, les magiciens, les enchantements, les philtres, les nécromanciens, les chiromanciens, le mauvais ceil, les talismans, l'ogre, Calîban. Croqucmitaine... tout cela danse une sarabande échevelée dans les cerveaux enfantins; tout cela y prend corps ; tout cela y grimace. Tout cela y usurpe la place de la salutaire et vivifiante intuition du vrai.
Le plus grave est que ce fatras d'insanités dont on commence par surcharger, comme à plaisir, la mémoire et obscurcir le jugement, on ne se fait pas faute d'en user ensuite, comme moyen de direction. On n'y prend pas garde, et pourtant, empruntés à la fiction, les mobiles des actes ne sauraient plus être qu'artnciels. La distinction entre le bien et le mal ne saurait plus devenir que pure convention. A ce jeu sinistre, — car on se fait un icu de tout cela au début, — l'aplomb moral se perd. Sourdement, se glisse dans l'enchaînement des idées un ne sait quelle pernicieuse indécision. Selon la nature de l'appétit ou du sentiment qui commande, on s'en remet avec nonchalance, pour le gouvernement de soi-même, aux bons soins de la Providence, a moins que ce ne soit au savoir-faire éprouvé de Satan.
La superstition encombre les dogmes. Est-il bon d'enseigner les dogmes aux petits enfants? L'importance de la question est capitale, Esquiros (t) se la pose. Voici en quels termes il la résout : « Je crois qu'on s'exagère beaucoup l'influence du sentiment religieux sur le caractère des personnes. On s'expose, dans tous les cas, â de cruels mécomptes en plaçant dans l'ordre surnaturel la sanction des actes humains. Que le dogme sur lequel on a appuyé tout l'édifice des devoirs Tienne plus tard a s'ébranler, et voilà l'ouvrage de la première éducation entièrement détruit. Or, comment espérer que dans un siècle de doute et de libre recherche. le> croyances qu'on a pour ainsi dire moulées et cimentées dans le cerveau de l'entant ne recevront plus tard aucune atteinte?... Combien de fois n'ai-je point entendu des chrétiens, rouges de colère, jeter a la tète d'un marmot indocile cette féroce menace :
i) Alpii. EsveiBos, loco citai., p. 119.
« Dieu te punira ! Tu seras damné ! • Tout mon sang rerluan alors vers le eccur. Mettre nos misérables arrêts sous l'invocation d'un juge suprême ; appeler la vengeance céleste au secours de nos rancunes : faire Dieu méchant, parce que nous sommes irrités! Est-ce là ce qu'on appelle donner pour base à la morale le sentiment religieux?... Je n'approuve en aucun cas, ajoute Esquiro*. qu'on fasse appel aux terreurs du merveilleux. » Puis imprimant, en manière de conclusion, un tour aphoris-tique à sa pensée : • Parler religion à un très jeune enfant, c'est vouloir qu'il dénature le sens de nos idée» »; il n'hésite pas à le déclarer.
Sur cette scabreuse question, Bain (t) n'est pas moins explicite. Selon lui, ¦ de tous les moyens d'éducation. le plus mauvais est l'emploi des terreurs spirituelles. ¦
Dans le chapitre de son livre consacre à la recherche de l'influence qu'exerce l'enseignement d'un but d'activité mystique sur la surexcitation du système nerveux. Cerise (t) lui-même — un croyant — s'exprime, sur les périls des idées et des pratiques superstitieuses, en terme» qui ne laissent aucune prise à l'équivoque. ¦ Les superstitions, fait-il observer, occupent une trop gronde place dans les annales de l'esprit humain pour que nous puissions en raconter ici les résultats pitoyables... Placé sous le joug d'une tïrreur que tout concourt à faire naître, l'esprit s'égare; on croit voir, entendre, toucher le diable. Telle est l'origine de ces déplorables hallucinations qui ont régné universellement pendant plusieurs siècles, qui régnent encore de nos jours dans plusieurs pays et dont les exemples ne sont pas très rares dans certaines contrées de la France. Telle est l'origine de ces hallucinations dont Luther lui-même, cet ardent réformateur des superstitions tolérées par l'Eglise romaine, fut le jouet, avec la plupart des théologiens de son époque et de sa secte. De 1a croyance a la puissance et a la corporelle des démons à la doctrine de la sorcellerie, il n'y a qu'un pas. Ce pas est aisément franchi. ¦ Et pourtant, voila ce à quoi on se montre, dans toutes les sphères, empressé d'initier la jeunesse.
Qu'on se place, maintenant, en face de sujets primitivement doués d'une impressionnabilité excessive, quels désordres profonds dans le mode de fonctionnement du système nerveux n'a-t-on pus lieu de redouter? Si, dans les manifestations de la sensibilité physique, l'impression ressentie sur un point quelconque de U périphérie e>t transmise aux centres encéphaliques; si, là. elle se traduit en sensation, en idée, en ressentiment : et si, durable ou fugace, agréable ou pénible, CEI rcss:mimem. cette idée, cette sensation demeure plus ou moins conforme à la cause provocatrice, les manifestations de la sensibilité morale suiveni un parcours plus mystérieux. C'est sous l'empire direct cl tout
fi) Alexandre Bain, La Science de l'éducation, p. *>. (Bibliothèque des sciences in:crnatioiuIei. 1870, Paris.)
3) Ceris». Des Fonctions et des Maladies nerveuses, pp. îy4 et sy»; 1S4;, Paris.
a fait imimc Je la pensée qu'elles éclatent. Elles en subissent ou modifient les teintes, fécondent le travail, élargissent le rayon, éclaircissent ou assombrissent l'horizon. Ainsi que la dit ave; tant de vérité Dela-siauve (r, le fonctionnement mental se résume en un mouvement giratoire, en une succession rapide de réactions : « réactions des idées sur les idées, des idées sur les sentiments, des sentiments sur 1« idées, des sentiments sur les sentiments. » Que tes émotions soient douces, expansives. ou bien pénibles, déprimantes, et elles seront favorables ou bien désastreuses; et elles imprimeront aux fonctions une activité féconde, ou bien y provoqueront de funestes éclats.
Sent-on. à présent, le péril qui menace? Apprécic-t-on le préjudice causé? Saisit-on sur quelle pente insensible, mais fatale, a glisse l'esprit? Entre la doctrine terrifiante et les oppressions du cauchemar, entre l'automatisme du rêve et l'effroi du sursaut, voit-on le lien?
Quelle qu'en soit la nature, toute action rérlexe a d'autant plus de tendance à se reproduire dans l'organisme qu'elle s'est produite, déjà, un plus grand nombre de fois. La première nuit qu'en proie à la terreur qui le domine, l'enfant saute en criant hors du lit, que l'on tienne compte de cette loi physiologique, et l'on sera en état de peser ce que vaut l'intrusion du surnaturel dans l'enseignement.
Jusqu'ici, que s'cst-îl passé? un phénomène nerveux de tout point regrettable : un spasme. Le cours défectueux des idées la provoqué. Que ra-t-il se passer les jours suivants? Le phénomène se renouvellera, et. plus il se renouvellera, plus l'imprcssionnabilité du sujet s'exaltera, moins les écarts en seront compressibles, moins l'équilibre des fonctions nerveuses sera facile à récupérer.
Heureux si ces coups de piston périodiques que reçoit le centre céphalo-rachidien n'ont pas pour effet bientôt, soit d'engendrer un état congestif des méninges avec son lugubre cortège d'accidents convulsifs, puis comateux ; soli de paralyser dans son évolution normale l'encéphale et de le frapper d'un irrémédiable arrêt de développement. Selon les virtualités personnelles, combien de démences prématurées, d'idioties tardives, de méningites mortelles n'ont pas reconnu d'autre point de départ !
Il y a plus : cette habitude, contractée dans le Jeune àgc, de céder à la peur peut avoir sur la santé et le bonheur, à l'âge adulte, un retentissement formidable. Sans parler de l'irritabilité maladive qu'entraîne, comme conséquence, un semblable état nerveux, que Ton veuille bien ne pas perdre de vue une chose: c'est que de toutes les circonstances propres à expliquer la genèse de l'épilepsic, lu frayeur est celle qui réapparaît avec le plus de ténacité. Parmi les causes déterminantes du mal caduc, 36 fois sur 8ô par Maisonneuvc. 27 fois sur 70 par Boucher et
10 DiLASiM-ve, Journal dt médecine mentale. — Emotion». Scn* c root il. T. 1, p. 203 ; Paria.
Casauvieilh, 3- foi» sur ioo par Leuret. clic est placée au premier rang. Franck ci Gcorget vont plus loin : ils évaluent aux deux lier* la quantité des épïlepiiques qu'a faits la peur: et Beau en porte le nombre au chiffre colossal de 45 pour ioo. Aux yeux de Delasiauve (i . - la peur entre, pour une énorme part dans la production convulsive. • Gowers {2) émet la même opinion, —-Jj
Relevés avec une scrupuleuse ponctualité dans les cas individuels observés par les médecins, les faits spéciaux abondent : imminence d'un danger; participation à quelque scène poignante ou horrible : rencontré d'animaux féroces ou furieux : bruits insolites ; simple ressouvenir de lectures, de récits ou d'images. Aom, pendant l'enfance, l'esprit avait pu être frappé. Dans sa laborieuse carrière. Legrnnd du SjuHc 1) rapporte avoir observé huit enfants de dix a quatorze ans pour qui la vue d'un cadavre a été la caisc déterminante des accidents. •
Qui en disconviendra : Sous quelque forme, sous quelque prétexte que ce soit, mêler le surnaturel à l'éducation de l'enfance, n'est-ce pas de gaîté de eccur, n'est-ce pas de parti pris préparer le terrain aux éventualités les plus lamentables'' E' pourtant, tous les jours, c'est juste ce que l'on fait.
Mais ce n'est pas tout. L'enfant de la maison est périodiquement pris de terreur. Chaque nuit il s'agite, a un réveil brusque, se lève, tremble ci crie. Comment, à son endroit, en agissent les parents? Im plupart du temps on le menace, on le châtie. N'a-t-on pas mille fois raison - Ne prend-il donc pas une habitude mauvaise qu'il n'est que temps de refréner.* Oui, il tend à s'établir dans le mode de fonctionnement du système nerveux une irrégularité fâcheuse. Oui, il *3Ut s cvcriucr. et sans délai, a y meure un frein.. Mais si. au lieu ci place du sentiment de crainte qui chaque nuit l'oppresse, le sujet étaii le fait est d'observation courante) pris de douleurs névralgiques à heure rixe, le soir, est-ce aux châtiments ou seulement aux menaces, qu'un seul instant, on songerai! ; à avoir recours ? On s'empresserait au chevet du petit malade; on le consolerait, on s'ingénierait a le soulager. Eh bien ! le malheureux enfant enclin, par une cause quelconque, aux terreurs nocturnes mérite d'être traité avec les mêmes égards. Pas plus que son voisin n'est responsable des souffrances aigués qu'il endure, il n'esi, lut, responsable du sentiment de crainte inopinée qu'il subit. Chez l'un comme chez l'autre, il s'est produit un trouble de la fonctionnalité nerveuse.
Ici, le phénomène se traduit par une douleur. Là. il urTe.-Te les caractères du spasme. Dans l'un et l'autre cas. il échappe d'une manière absolue à l'action de la volonté. Voilà ce dont il faudrait se bien pénétrer.
(0 Dklasuuvi. Traite de Vifiteftie. p. an; 1854. Paris.
(i) Gow»i, Clinique de tf/ôfital national des épiieptiquet à Londret
(3) Liciaxq du > v v : ; 1, Clinique de la Salpétrier; 'Cir des hôpitaux, 1S8*, p. 407)-'
Prétendre, par !a crainie. faire cesser la crainte, causer de l'effroi à qui tremble pour le remettre de sa peur, est d'ailleurs le comble de l'absurdité et de la sot:ise.
D'une manière générale, on ne saurait trop le répéter, la crainte est un moyen de direction détestable; Le mal qu'elle cause est grand ; plus
grand parfois que celui auquel on se propose d'obvier. Comme le fait observer Bain (i\ « elle épuise l'énergie, détourne l'esprit du but principal et nuit aux progrés intellectuels. Son seul résultat assuré consiste à paralyser et comprimer toute activité, ou bien encore à concentrer les forces sur un point unique en produisant l'affaiblissement de l'ensemble. * Mais c'est surtout dans les circonstances particulières qui nous occupent qu'on a le devoir de bannir la rudesse de la répression. Taxer de malades les enfants enclins aux terreurs nocturnes serait s'exposer a être taxé soi-même d'exagération. Pourtant, la constatation même du fait dénonce l'émotivité excessive du système nerveux ; et c'est un peu comme des malades que ces enfants-lâ méritent d'être considérés. C'est par la mansuétude, la douceur, les caresses, la raison qu'il faut les prendre. C'est à les calmer, â les rassurer au moment de la crise qu'il faut s'employer avant tout.
Ce qui semblerait 'démontrer que la terreur nocturne chez l'enfant n'est, en somme, que le résultat d'une suggestion, c'est que l'on a pu facilement guérir des enfants atteints de cette affection par l'application de la méthode suggestive. Ce qu'on avait créé artificiellement pouvait être ainsi guéri par un procédé analogue.
Le docteur Bérillon a pu guérir, en deux ou trois séances d'hypnotisme, des enfants de six et de huit ans atteints de terreurs nocturnes 2). L'un d'eux, qui ne pouvait rester seul pendant la nuit, dans une chambre obscure, sans pousser des cris d'effroi, fut vite habitué à l'idée de ne plus avoir peur dans l'obscurité la plus complète.
La présence d'oxyures dans l'intestin, l'incontinence d'urine si elle existe, réclament des soins spéciaux qui sont exclusivement du ressert médical.
/L'hygiène impose moins une stricte sévérité qu'une régularité sans mélange dans le régime. Elle conseille le mouvement, les exercices physiques, le séjour au grand air, surtout après le repas. Elle proscrit les alcôves, l'air y est confiné; les tentures, elles contribuent à rendre l'aération difficile; les lourdes couvertures, en concentrant la chaleur elles disposent à l'agitation. Atkinson veut que la chambre à coucher soit suffisamment éclairée pour que les yeux puissent, sans effort, reconnaître la nature des objets. Presque dans les mêmes termes. Mosso émet la même opinion. Pas plus qu'Atkinson, pas plus que Mosso,
ti) Alxx. Bais, loeo citato.
(a) !.. • : :. De /a Suggestion et de ses applications à la pédagogie. Brochure in^S», 1SS8.
dans le local où repose un entant nerveux et impressionnable, nous n'admettons le demi-jour. Le contour indécis des choses leur prête des formes étranges et fantastiques dont l'imagination peut se frapper. Mais — en y mettant, cela va de soi. tous les ménagements que dictent les délicatesses de la situation,— à notre sens, il y a avantage à accoutumer de bonne heure les enfants a dormir isolés dans une chambre spacieuse où l'obscurité règne.
La raison, entin, appuyée sur l'expérience, réprouve à un égal degré le mysticisme avec ses énervantes mièvreries, et l'ascétisme avec ses vaincs austérités. A tout âge, en tout lieu, dans tous les rangs, l'influence qu'ils exercent sur l'intellect est néfaste. Mais, c'est des bancs de l'école qu'au premier chef il importe de les tenir écartés. Le mal qu'ils y causent est infini.
REVUE CRITIQUE
DN LIVRE SUEDOIS
Om hypnotiamens anvandande i den praktiska Medicinen, par leJ
Dr Orro G. VVetterstrànd, Stockholm, iS88.^/
Le travail du médecin de Stockholm peut être consideré comme une des meilleures publications sur l'hypnotisme et la suggestion, après l'apparition de Pieuvre capitale de Bernheim.
La littérature sur l'hypnotisme devient de plus en plus volumineuse; la seule liste des travaux parus à notre époque forme une forte brochure (i). Cependant une grande partie de» ouvrage* ne fait que rééditer des idées déjà connues. Tous ceux qui se sont rendu cm pie de la valeur des expériences de M. Bernheim. ont pu voir facilement quelles ont révolutionné complètement la science de l'hypnotisme, et que personne ne pourra travailler dans cette voie sans tenir compte Je ce que cet éminent professeur a fait et écrit.
Une foule de publications ne contiennent que des variations sur les expériences de MM. Charcot, Haidenhain, etc.. expériences lûtes sur des sujets exceptionnellement sensibles: très souvent on mentionne quelque guérison heureuse. Cependant les savants ne sont pas encore assez convaincus de l'importance de la suggestion pour apprécier nettement la valeur théorique de leurs expériences. Pour la partie pratique
(i) V.Mas Dessoi*. Bibliographie des modernen Hypnotismus.
de cette science, on n'a plus besoin de prouver 1a possibilité des guéri-sons, mais il impone surtout de fixer les indications de la thérapeutique suggestive et de vérifier largement les résultats de m. Bernheim. /Au mois de janvier 1887,—c'est-à-dire quatre mois avant que m. Van Rcnterghem inaugurât sa pratique dans les Pays-Bas, — le docteur Wetterstrand commença ses investigations à Stockholm, après avoir visité les cliniques de Nancy. Aujourd'hui, sa statistique porte sur 718 cas, et les résultats de M. Bernheim sont confirmés complètement par ceux Je m. Wetterstrand.
/'De ces 71s personnes, il n'y en a que 10 qui ont été réfractoires à l'hypnose. Après cette constatation, le professeur Kwald ne pourra se refuser à accepter que l'état névropathique de la population de la Lorraine se manifeste également ù Stockholm.
Comme les Suédois sont de sang germanique aCP»pur que les Allemands, l'idée de l'immunité des Germains contre l'hypnose (r, mentionnée avec tant de satisfaction par M. Nussbaum, tombe d'elle-même. Ni l'état nerveux spécial, ni la différence du sexe ne sont la cause de la susceptibilité à l'hypnotisme, d'après l'expérience de M. Wetterstrand. Le caractère et principalement l'âge y contribuent avant tout. Les enfants se sont montrés tous sensibles. Après l'âge de trente ans. la susceptibilité diminue. Quoique ceci soit tout â fait conforme a ma propre expérience, je crois néanmoins avoir observé qu'à un âge très avancé le sommeil peut être produit plus facilement. L'auteur n'a jamais remarqué de troubles nerveux consécutifs à l'hypnose. Dans certains cas, les malades se plaignaient d'une sensation de froid extraordinaire ou d'une chaleur excessive: pourtant, une suggestion suivante suffisait pour écarter complètement ces inconvénients. L'envie de dormir après les séances ces>a également.
/*~ Les maladies suivantes furent traitées à l'aide de l'hypnotisme et de la suggestion :
Céphalalgie, névralgies, affections de la moelle épiniére tabès dorsa-lis), épilepsie. chorée, contractions spasmodiques, bégaiements, neurasthénie, anémie, rhumatisme, hémorragies, phtisie pulmonaire, maladies de cœur, affections d'estomac, diarrhée, maladie de Bright, incontinence d'urine, névralgie du col vésical. maladies des enfants, anomalie des menstrues, psychoses, hystérie, amblyopie. surdité nerveuse, alcoolisme, et. finalement, il s'est servi de l'hypnotisme pour obtenir l'oncs-thésîe chez quelques petites opérations et dans des accouchements.
La longueur de cette série n'est pas conforme à l'opinion reçue. Beaucoup de médecins, qui pensent que seulement les affections hystériques et les névroses fonctionnelles peuvent être corrigées par la suggestion hypnotique, prouveront, par des raisons théoriques, l'impossibilité d'étendre la thérapeutique hypnotique au traitement des autres
(1) V. Nussmcm, Xeue Heitmittel/ar Nerten Krankkettea, Rrcslau. i«*t
maladie». Cependant l'expérience de M. Wetterstrand et d'autres savant» est incompatible avec cette théorie, et confirme les résultats de MM. Bernheim et I.icbcault. ainsi que des médecin» qui, comme MM. Bé-rillon et Auguste Voisin, à Paris, on: appliqué la même méthode. Un cas seulement de l'hystérie proprement dite fut traité par lui. Dans les maladies organiques, au contraire, il remarqua une influence heureuse, par exemple, dans les hémorragies des phtisiques, et dans les diarrhées chroniques des mêmes malades. Dans les arfcctions cardiaques, il obtint une amélioration de l'action du cojur, ce qu'il démontre p3r des tracés. Il obtint surtout des résultats surprenants dans le> cj* J'anémie, qui,, chez les femmes, sont très souvent accompagnés de la leucorrhée ci de la dyspepsie^ il donne même le conseil, à chaque médecin qui veut se vouer a la pratique suggestive, de commencer par des cas pareils. Ainsi, dans les cas de irhJtus Drlghti, l'influence salutaire Je la u^estiosW hypnotique était hors de doute. Ceci est conforme à l'expérience de M. \ an Rentcrghem et à la mienne, qui. avons écarté, chez les malades, à l'aide de la suggestion, l'hydropisie " qui les menacu' .Mine mort, certaine et qui avait résisté à tout remède. Comme il appert de tout ceci qu'on a posé des limites trop étroite* à la puissance Je 1j suggestion, néanmoins la suggestion hypnotique trouvera surtout s n .ipplica-: tion dans les névroses fonctionnelles.
M. Wetterstrand traita 74 malades souffrant de céphalalgie; de ce nombre, 05 furent guéris. Dans notre clinique, la proportion n'est pas si avantageuse. J'ai eu sous mon traitement d:s malades qui, quoiqu'ils tombassent dans un somnambulisme profond, n'ont pu être guéris par moi de leur mal. Il est très probable que les meilleurs résultats du docteur Wetterstrand doivent êire attribués au fait que ses malades appartiennent, pour la plupart, à une classe moins instruite: car notre expérience nous démontre que l'hypnose profonde ci l'effet thérapeutique sont plus difficile» a atteindre chez les personnes instruites.' Wetterstrand traita 20 ca» de bégaiements et obtînt un résultat favorables chez 10.
M. Wetterstrand considère comme infaillible l'effet de la suggestion dans le cas d'emiresis wicturna. On peut dire que ceci est assez important, vu la difficulté de traiter cette maladie d'une autre manière.
Dans le cas d'alcoolisme, M. Wetterstrand n'obtint pas d.-s résultats moins brillants; il» nous sont communiqués par M. Forci. Très faible fut l'effet de la suggestion dans le» ca; de tabès dursalis. d'épilepsie, dtj grave* psvehose» et de neurasthénie. La faute en doit sans doute être attribuée à la gravité des cas traités. Quand le malade soutire de tubes dorsalts. on n'obtiendra assurément qu'une amélioration passagère des* phénomènes douloureux. L'épilepsic sous la forme de p;:i: mal et le» psychoses légères sont traitées à l'aide de la suggeiii n par M. Wet-,| terstt ainsi que par Van Rentcrghem et moi. avec des résultats très satisfaisants. 11 semble que le docteur suédois n'a pas très bien réussi
dans les cas de neurasthénie : à notre clinique, une grande partie des malades sont atteints de cette maladie, et il est très rare que nous ayons complètement échoue.
L'auteur n'a fas essayé de traiter l'asthme nerveux : j'ai été assez heureux dan» ces cas-là. Ni le morphinisme. ni l'aphonie nerveuse, ni la paralysie hystérique et les contractures ne figurent sur la liste. Quand on voudra bien nous le permettre, nous espérons publier, dans cette Revue, les résultats que nous avons obtenus dans les cas de ces maladies.
m M. Wetterstrand nous donne peu d'aperçus théoriques sur l'hypnose et la suggestion. II a raison, en quelque sorte : ce sont les faits qui importent le plus. Cependant il a montré, par des procédés remarquables, comment les phénomènes du transfert de l'hystéro-hvpnose **e M. Char-cot reposent sur la suggestion. Il a réussi, en touchant avec un aimant cette partie de la tête sous laquelle se trouvent les autres moteurs du bras, il a réussi, dis-je. à provoquer des crampes du bras sur le côté Opposé. La catalepsie du bras gauche fut transférée, à l'aide d'un aimant, au côté opposé. Quand on employait, au lieu de l'aimant, un rouleau de papier ou un stéthoscope, l'expérience réussissait également. Tous cesj»hénomencs furent provoques avec préméditation, par la suggestion indirecte, en faisant comprendre au malade qu'on les attendait et qu'ils devaient arriver.
Dr F. Van Bnu.
deux brochures allemandes sur l'hypnotisme
Zur Einfuhrung in das Studium des Hypnotlsmus und Thierischen «j- Hagnetismus. Von Ferdinand Maack. Hemers Verlag, Neuwied 'am ' Rhein. 1S88. 8', 37 p.
Ein Beitrag zur therapeutischen Verwertung dos Hypnotisrous. Von Albert Krcihcm von Sehrenck-Notzing, D' med. und prakt. Arzt. Leipzig. Verlag von F. C. W. Vogel. iSSS. S*, 93 p.
La petite brochure de M. F. Maack ne prétend qu'être une introduction a l'étude de l'hypnotisme et nous devons reconnaître que l'auteur a atteint son but. Le lecteur trouvera facilement tout ce qui l'intéresse et il apprendra bien des choses utiles en feuilletant ces vingt-sept pages, ¦fais nous ne pouvons être d'accord avec l'auteur dans toutes ses assertions. S'il dit, par exemple, que l'hypnotisme est une chose ditïéremedu biomagnéiisme, il devrait nous donner la preuve de ce qu'il avance en démontrant l'existence de celui-ci, car il sait très bien que la science contemporaine, en général, n'admet pas l'existence d'un agent ou d'un fluide magnétique. In dubiis tacendum est. tel est le conseil que mou* lui
donnerons en passant. De plus, sa division des moyens hypnogènes ne nous semble pas très heureuse. Jamais le magnétisme minéral ni 1 électricité n'ont produit le sommeil. Enfin, c'est pour nous du nouveau d'apprendre que Smeuncr et Prêter appartiennent à l'école de Paris. Berger à celle de Nancy. Mais, malgré ces petites critiques, nous félicitons de tout cœur l'auteur de son ouvrage si instructif et intéressant.
Le travail de M. le docteur de Schrenck-Notzing est excellent. L'auteur fait preuve d'une profonde connaissance de la littérature hypnotique : il est un éminent expérimentateur et il ne se départ pas d'une assez rare impartialité. — Après avoir jeté un coup d'œil sur l'hypnotisme dans U thérapeutique des divers pays (p. 4-35 . il donne les conclusions suivantes :
1. La suggestion est le fondement de la psychothérapie.
2. Les nations ne dînèrent pas extrêmement quant a l'hypnotisabilité.
3. Les dangers de l'hypnose reposent sur la maniera de procéder, qui doit être individuelle.
4. La thérapeutique suggestive sera la dernière ressource quand tous les autres moyens auront échoué.
3. Elle s'appliquera principalement aux troubles fonctionnels du système nerveux.
Suivent une relation de l'application de l'hypnose dans quinze cas à l'hôpital de Munich et un catalogue des ouvrages les plus importants sur la matière.
Quant à la grande discussion entre Paris et Nancy, le baron de Schrenck remarque que les faits observés a la Salpétricre sont peut-être très rares, mais que la méthode de Charcot reste la seule juste, caractérisée par ces trois règles :
t. Caution contre la simulation ;
2. Classification méthodique des symptômes:
3. Définition des lois.
Cependant il est hors de doute que la doctrine de Bernheim est plus conforme a la réalité des faits mêmes.
C'est avec le plus vif plaisir que nous annonçons cette excellente bro-j chure dans la Revue Je l'Hypnotisme. Elle doit être regardée comme le premier ouvrage allemand qui entre en ligne avec les meilleurs travaux publiés en France. Elle les surpasse même en quelque, points, au moins dans l'exposé complet de l'état actuel de 1 hypnotisme en Belgique, en Hollande, en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Russie, en Pologne, en Grèce, en Suéde, en Norvège, en Danemark, en Suisse, en Ah triche, etc., etc.
Max Drssoia.
VARIÉTÉS
jUE FAUT-IL PENSER DE L HOMŒOPATHIE?
Par le D' DESPLATS Professeur à la Faculté libre de médecine de Lille
Il paraîtra peut-être présomptueux à quelques-uns qu'un médecin allopathie vienne parler publiquement de 1'homœopathie et dire ce qu'il en pense, au risque de blesser quelques convictions robustes et de mériter le reproche de « prêcher pour son saint > ; cependant, à moins que l'on n'admette que ceux-là seuls peuvent parler de l'homccopathie qui n'entendent rien à la médecine, il faut bien reconnaître qu'un professeur, dont le devoir est de connaître, d'exposer et de critiquer les doctrines et les faits médicaux, ne sort pas de son domaine en abordant ce sujet, sur lequel chacun a ou croit avoir un avis. C'est ce qui me décide. J'aurai ainsi, du reste, l'occasion de répondre à bien des questionneurs et des questionneuses devant lesquels je me vois souvent désolé. Inutile d'ajouter que dans mon article doctrines et faits seront seuls en jeu.
Les médecins ont cette bonne fortune que tout le monde s'intéresse à l'objet de leurs études; ceci probablement parce que dans leurs études ils s'occupent de tout le monde; aussi, dans un dincr. jamais, avec eux. la conversation ne chôme : « Y a-t-il beaucoup de malades, docteur-1 vous dit. en s'asseyant, la voisine à laquelle vous venez d'être présenté : et aussitôt la conversation s'engage; des maladies régnantes, vous passez à la rage ou au choléra, suivant la préoccupation du moment, puis a. l'élevage des enfants ; enfin, vers le milieu du dîner, quand vous avez fait ample connaissance, vient la grande question, qu'on ne peut presque éviter : f Que pensez-vous, docteur, de l'homœopathic ? » C'est le moment de se bien tenir, cher confrère, car cette question a été entendue des voisins qui lèvent la tête, vous regardant et attendant votre réponse, quelques-uns avec un sourire malicieux. C'est qu'ils savent bien, eux, ce qu'il faut penser de l'homa-opathie et. pour si peu que vous vouliez les écouter, ils vont vous faire un cours complet et vous raconter des cures merveilleuses au récit desquelles vous ne trouverez rien à répondre; aussi je vous engage à esquiver la question, car vous n'aurez pas le dessus si vous essayez de répondre sérieusement. Il y t*3ut trop de tempr-, et ce n'est pas la fourchette en main, devant un auditoire charmant, contre lequel il ne faut pas avoir trop raison, que vous pouvez entreprendre une docte conférence. Bien souvent il m'est arrivé de me dérober ainsi, un peu à regret, car j'entendais des arguments que je trouvais faux et des faits qui me paraissaient mal interprétés. Aujourd'hui je vais
prendre mu revanche et dire ce que je pense sans craindre d'être interrompu. Si je vous ennuie, lecteurs, ne vous gênez pas, cette conférence n'est pas obligatoire.
Le public voit dans I'homccopaihie un système de médication commode, jamais répugnant et souvent efficace. Il sait bien qu'on adresse aux globules le reproche de ne contenir que du sucre et aux solutions d'être seulement composées d'eau, mais peu lui importe, il est positiviste et ne regarde qu'aux faits; or. les faits sont indéniables. M. X... avuit une gastralgie pour laquelle il avait consulté tous les médecins, il éiait même allé a Paris et plusieurs fois aux eaux; rien n'aurait réussi. Il a fait de l'homéopathie et depuis i! est guéri. — Mme R... souffrait de maux de tète affreux contre lesquels elle avait en vain tout essayév On lui a conseillé de voir l'homceopathe ; d'abord elle a résisté puis lai mal est devenu si intolérable qu'elle s'est rendue. En quelques jours; elle a été guérie. — La petite lïlU de Mme C... avait une angine couen-neusc grave. On craignait le croup, si bien qu'on a dû éloigner tous les autres enfants; malgré son père, qui ne croit pas à l'homéopathie, elle a pris des globules et, en moins d'une semaine, elle a été pariaitement guérie. Le public connaît ces faits ou d'autres pareils. Il les sait authentiques, et c'est sur eux que s'appuie sa conviction, qu'aucun argument ne pourra ébranler.
Quant aux confrères qui se livrent à la pratique de l'homa-opatliic. il ne serait pas aussi aisé de les considérer tous comme des naïfs ou des habiles exploitant la crédulité publique. j'en ai connu, pour mon compte, de fon hou:.êtes, et j'en sais d'éclairés; aussi m; sl;i* '-¦ appli-; qué à découvrir les motifs de leur conviction et de leur foi. C:s motifs: sont les mêmes que ceux du public : ce sont les faits. Après avoir traité pendant des années, d'après les méthodes reçues, pneumonie-, tièvren typhoïde*, angines, etc.. et avoir constaté que la mort arriva;: souvent' malgré leurs efforts. Ic doute est entré dons leur esprit et ils ont essayé la médication nouvelle. S'ils ont eu la chance d'une série heureuse, leur conviction s'est faite, et rien ne pourra l'ébranler. Ils se croient fondés à dire qu'elle a une base expérimentale, et à l'opposer aux couvîcùofl contraires.
C'est cette communauté d'origine de la foi dans la médication nouvelle qui fait que les homovopathc.s et leurs adcpits fitrm.m une petite église, dont les médecins sont les ministres et leurs clients ¡es ti deles.
Entre les deux la différence est souvent si peu tranchée que les simples fidèles, aidés d'un manuel, « ordonnent », comme de vrai > mimsireavj en toute sécurité de conscience. Nous voyons tous les jours île pareils faits, et cette science sans études, cette expérience sans pratique, n'cM pas ce qui étonne le plus dans l'homceopathie.
C'est pour les non croyants une des causes de leur îndcxible sévérité. Ils ne peuvent comprendre, surtout quand ils appartiennent au mondai médical, qu'il soit facile d'acquérir, sons éludes préalables, sans une
longue préparation, cette assurance thérapeutique que les mniircs eux-mêmes ne possèdent pas. et c'est toujours pour eux un sujet de surprise et presque de scandale de constater que des confrères qui ont été leurs camarades d'études, et pas toujours les plus brillants, sont devenus, après quelques mois d'absence, les fervents adeptes de la doctrine nouvelle.
Tous ces fjit» me semblent avoir leur explication en dehors de la mauvaise foi, que l'on suppose trop facilement. C'est cette explication que je voudrais donner aussi clairement que possible; mais avant, je dois dire un mot de la doctrine hurmeopathïque et de son histoire.
C'est Hanehmann qui est le père de la doctrine homœopathique. Il naquit eu Saxe en 1755. étudia la médecine à Leipzig et fut reçu docteur a Erlangen en 1779. C'est en 170.6 qu'il commença a publier ses études sur l'action des médicaments. En 1810 il publia son Organon; de 1811a 1^2: ses six volumes de matière médicale pure, et de 182S à l83o ion iraitJ des maladies chroniques. Après avoir vécu pendant la plus grande p.irtic de sa vie en Allemagne, où il connut toutes les extrémités de la fortune, il mourut en 1843, à Paris, où l'avait attiré une Française de ses clientes, qu'il avait épousée à l'âge de 80 ans.
A sa mort, il avait déjà de nombreux disciples. Leur nombre ne s'est pas sensiblement accru depuis, et ils ont toujours été considérés comme des hérétiques par l'Ecole. Depuis sa mort, sa doctrine n'a pas progressé et elle resta toujours ce qu'il la lit.
Deux idée*, deux lois, disert: les initiés, lui servent de base: la loi des semblables, qui a donné son nom ou système, et la loi de l'action dynamique des médicaments, qui a conduit aux doses infinitésimales et a valu 1 l'homa'Opathic les plus vives critiques etsa fortune.
Pour Hanehmann. toute maladie se résout en ses symptômes. Inutile J'en chercher la cause, car elle réside en une altération Je ce qu'il y a ée matériel en nous. Pour la bien connaître, il suffît d'avoir le tableau le plus complet possible des symptômes qui la manifestent.
Ccst Li toute la nosologie.
11 n'est pis nécessaire d'être profond médecin pour comprendre combien est étroite cette conception'de la maladie et combien peu elle réjond a la réalité.
L'organisme malade n'a pas mille manières d'exprimer sa souffrance. Wk fièvre, la douleur, les troubles secrétaires, l'exaltation vu l'affaissement du système nerveux, s'observent dans toutes les maladies, et cha-pm de ces symptômes n'a pas de valeur propre en dehors des autres phénomène? «: ji l'ont précédé. l'accompagnent ou le suivront. II n'a pas plus de signincaiion que le mot séparé de la phrase dont il fait partie, car pour le vrai médecin l'ensemble des troubles organiques est un langage dont il ¡1 lu clef, qu'il enund, malgré les obscurités dont il est souvent enveloppe.
Et cependant c'est sur cette conception fausse de lu maladie que
repose toute la thérapeutique d'Hanehmann. Au lieu de viser la maladie, cl'c s'adresse aux symptômes, et comme souvent ils sont complexes et nombreux, la médication sera complexe comme eux : chacun des phénomènes saillants sera combattu par un agent spécial, et. de même que la maladie est constituée par l'ensemble des symptômes, le traitement comprendra l'ensemble des médicaments employés à les combattre. L'unité n'existe pas plus dans la médication que dans la maladie.
Cet exposé est très incomplet et cependant je passe, car ces questions intéressent peu le public. Ce qui l'intéresse davantage, c'est la manière dont les médicaments sont choisis par les homa-opathe*. Ils se vantenc de les avoir tous expérimentés sur l'homme sain. Voici comment :
Pour Hanehmann, tout médicament est capable de produire sur l'homme sain un ensemble de troubles auquel il donne le nom de maladie artificielle.
C'e*t un principe que les faits contredisent, mais il faut l'accepter, car il est une des bases du système. Il repose sur quelques observations exactes, très supcrhcicllcment interprétées. Il est bien vrai, par exemple, que le mercure, pris à dose suffisante, produit des ulcérations dans la bouche, que la belladone dessèche la gorge, que l'arsenic provoque la diarrhée, etc., etc. Ce sont là de véritables empoisonnements que tout le monde peut observer, mats il n'est pas exact, quoi qu'on oit pu dire, que le quinquina donne la fièvre, et il est exceptionnel que l'opium empêche de dormir.
C'est cependant cette action pathogêné tique, si contestable. Jes médicaments qui détermine leur choix; Hanehmann, ayant remarqué que quelques médicaments produisent sur l'homme soin des accidents analogues à ceux qu'ils doivent combattre, en déduisit la loi Je similitude. D'après lui, la maladie artificielle se substituerait a la maladie naturelle, pour disparaître ensuite i son tour.
Le problème û résoudre par le thérapeute est donc le suivant : Etant donnée une maladie, déterminer le ou les médicaments capables de produire les symptômes qui la caractérisent. C'est la l'objet Je l'expérimentation sur l'homme sain. Hanehmann a eu l'idée ingénieuse d'en taire la base de son système, malheureusement la manière dont il l'a appliquée est tout a lait vicieuse; au lieu de contrôler et de confirmer la doctrine des semblables, l'expérimentation homéopathique la suppose définitivement établie. On administre à un homme sain une substance, et à partir de ce moment l'observateur, ou plutôt le sujet, note impartialement, sans critique, tout ce qui se produit en lui. tout ce qu'il éprouve, et l'attribue à la substance administrée. Ou voit combien, est imparfaite cette manière d'expérimenter, surtout chez Jes sujets prévenus, a imagination vive, dont la préoccupation suffit a elle seule pour provoquer ou grossir une foule de sensations plus ou moins bizarres. Quelle différence entre cette expérimentation et celle que j'appel-
lerai scientifique ! Celle-là ne va pas à l'aventure ; elle pose a l'organisme animal ou humain des questions précises et n'accepte que des réponses nettes. Quelques observations ont paru montrer que le chloral calme la douleur et provoque le sommeil; aussitôt on administre a des animaux, à des hommes sains, à des malades du chloral, à doses variées, et, comme les résultats paraissent probants, on les publie. Alors commence, dans tous les centres scientifiques, un travail de contrôle. Les expérimentateurs se procurent la substance annoncée et l'administrent, a leur tour, à d'autres animaux, à d'autres hommes, a d'autres malades. Ils varient les conditions d'administration et publient leurs résultats, qui souvent diffèrent. Pourquoi ? se demande-t-on de toute part; et les recherches recommencent, et on arrive à démontrer que ces différences tiennent ou à la substance employée, qui n'est pas toujours la même, ou à la dose ou aux sujets, qui ne sont pas tous également impressionnés.
L'homœopathîe ne connaît pas toutes ces distinctions et, chose bizarre ! elle qui a individualisé les maladies au point de les nier et de n'admettre que des groupes de symptômes, elle admet l'action spécifique de tou» les médicaments.
(A suivre.)
f^LIOGRAPHIE
L'Alcoolisme. c'tude mcdic**feocidle. par le docieur E. Monin, secrétaire de la Société française d'hiKène, etc., etc. Octave I>oin. éditeur.)
Les gros livres ont fait leur ternps ; les ouvrages en plusieurs volumes imprimés en '.ictère* condensés, non seulement ne se lisent plus, mais, en raison de leur prix élevé, ne trouvent plus dans les bibliothèques la place qu'on leur réservait autrefois. Les œuvres publiées sont aujourd'hui si nom-breuscs que. forcément, il faut entre elles faire un choix, sous peine d'être mis hors de chez soi par les livres ; malgré qu'on en ait a Paris surtout, où Il place est parcimonieusement mesurée . il est indispensable de se borner.
Les éditeurs, et plus particulièrement les éditeurs scientifiques, s'ingénient donc à mettre « la disposition de l'homme qui lit, non plus de gros traités didactiques, touffus et compacts, comme on les aimait au dernier siècle dans le monde de la science, mais de petits ouvrages, lestement écrits, faciles à parcourir, commodes a loger et d'un prix abordable. Presque tous ont imagine* des « bibliothèques scientifiques contemporaines -, des « bibliothèques des actualités scientifiques », dont ils confient les différents volumes aux plus estimés d*« maîtres de noire époque. v
Le demtar venu de ces livres si pratiques et si modernes est l'Alcoolisme, dudoatcur E. .Monin. Ce livre n'a que 3oo pages et dit tout ce qu'il faut dire. Il est précédé d'une courte préface du professeur Dujnrdin-Benumctz, dont je vaux citer quelques lignes: Il est bon, il est utile, il est nécessaire que l'on connaisse U profondeur du mal et quels sont les ravages que luit chaque jour, dans nos populations, l'abus des boissons fortes. Dans cette progression ver-tigineusc de la consommation des boissons alcooliques, la France ne reste
malheureusement pas isolée, elle est suivie ou précédée par tou* les autres peuples. On dirait, en effet, qu'à mesure que la civilisation se perfectionne, l'homme cherche dans l'ivresse une compensation et un oubli aux ennuis et aux chagrins qui résultent de la lutte qu'il soutient chaque jour pour Texisrf tence. Mait l'alcool tue le corps comme l'esprit et l'homme qui se livre aux excès de boi>*ons ne peut être ni un père de famille prévoyant, ni un bon citoyen, ni un soldat courageux.
¦ L'exposé >i clair et si lumineux que donne le docteur M or. m de* désordres produit* par l'alcool, est bien fait pour montrer a tous le» dangers des boissons alcooliques ; il met bien aussi en lumière ? péril que ('..ni courir I la santé publique les falsifications éhontées auxquelles i-n se l:-. re dans ? commerce des boissons alcooliques. Mai» si la loi doit se montrer impitoyable pour ces empoisonneurs de la classe ouvrière, elle doit aussi protéger et favorise* l'usage des boissons saines. Le vin n'est pa* inutile. c\-: . v.e boissoa tonique, et la France, qui possède des ïignobles renommés, ne pc :. comme nos voisins d'outre-Manche, prêcher l'abstinence absolue des boissons alcoo-, liques. Ce qu'elle doit combattre et réprimer, ? es: i abus de ces S >>ssotu « leur tolsitîcation. De tous côtés, dans tous les pays, ce grave problème social de l'abus de* boissons fortes est étudié par tous ceux qui s'intéressent à la chose publique. Danscette voie, la Knnce n'est pas restée en arrière, et le résultat de l'enquête faite par le Sénat, sous l'inspiration du recette Claude (des Vosges*, est l'exposé e plus complet que l'on ait fait sur cette question: en nous montrant le danger, il nous signale aussi par ? s r.u^« pou-
vons arriver a le conjurer. Le livre du docteur Monin servira à propager çH saines et utiles doctrines; il aura le succès qu'il mérite et il ralliera les suffrages de tous. »
Après avoir nettement montré le but vers lequel il tend, et tracé des misères sociales et individuelles engendrées par l'alcool une esquisse Adèle et saisissante, Monin fait en quelques mots l'historique de l'alcoolisme, puis définit l'ivresse et l'ivrognerie auxquelles ¡1 consacre un chapitre tout'entier,
? m chapitre encore sur les maladies des buveurs avec un tableau synoptique de la pathologie de l'alcool, puis successivement sur i'eiendue de l'alcoolisme et son expansion pandémique, sur l'alcool et le système nerveux, la responsabilité des alcooliques, l'action des diverses boissons alcooliques f^B boissons distillée*, l'absinthe, les boissons fermentées usuelles), la dipsoafl nie : entin. comme conclusion nécessaire, les remèdes préventifs et curatifs. -
Parmi les t-aitemtnis, l'auteur ne pouvait passer sous silence les excellents, résultat» eue l'emp.oi ce la suggestion hypnotique a donnés entre les mains du D' Ladame Je Genève'. 11 aurait pu ajouter aussi que les résultats ont été confirmés par des observations nombreuses, recueillies par les J> ¦ Forel (de Zurich, Burchart, Aug. Voisin. Uérillon, Widmer. etc., etc.
Naturellement, tes anecdotes abondent, et pour chaque chapitre Monin en a réuni quelques-unes, toutes fort curieuses et pittoresques.
Ainsi conçu «exécuté, le livre de Monin est mieux qu'un bon livre, c'est une bonne œuvre saine et fertile en utiles conséquences : tel qui jamais n'afl rail eu l'occasion d'ouvrir le majestueux rapport do sénateur Claude, se pénétrera de 1'ctuJe médico-sociale du docteur Monin. Et qui sait combien seroati sauvés par cette seule lecture :
D' Tiiouvssix.
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
Singulier procédé d'instruction judiciaire.
La cour d'assises de la Loire-Inférieure vient de condamner à deux ans de prison un cordonnier de Paimboeuf du nom de Louis Pichereau, accusé d'avoir Volé deux cents franc* à son patron, un sieur Morice.
L'affaire en elle-rr.êms serait banale, si le magistrat instructeur chargé de Il procédure n";ivait employé, au cour* Je l'information, un moyen tout à fin insolite d'arriver à découvrir une preuve de la culpabilité de l'accusé.
Pichereau niait énergiquement. et depuis des semaines le juge d'instruction, H. de Penemprat. cherchait vainement à lui arrecher des aveux, lorsque arriva dans la ville un professeur d'hypnotisme ":' nommé Zamora. qui stupéfia la population de Paimbœuf par ses expériences • d'hypnotisme ù l'état de veille (?) «. dans lesquelles il semblait obtenir des résultats étonnants.
M. de Penemprat alla voir le professeur, fut stupéfait et ravi, et songea u se servir de lut comme d'un auxiliaire dans l'instruction qui n'aboutissait pas. 11 alla le trouver, lui exposa son affaire et lui demanda son concours, que Zamora lui promit. Rendez-vous fut pris pour le lendemain dans le cabinet du juge.
Là, en présence de plusieurs témoins, Zamora. qui avait les yeux bandés, interrogea longuement le prévenu Pichereau et lui prit la main, qu'il garda quelque temps entre les siennes; enfin, suivi du cortège des magistrat* et des curieux, le devin sortit du tribunal et. toujours les yeux bandés, marcha résolument, à travers un dédale de petites rues, jusqu'à un vieux mur qui enclôt un vaste jardin à l'une ées extrémités delà ville.
Arrivé en face du vieux mur. le professeur s'arrêta net, frappa du pied la terre et commença a creuser le sol avec ses pieds. On fouilUi davantage et l'on trouva, enfouie sous une pierre, la somme disparue, moins quinze francs.
Cest sur cette preuve que le juge d'instruction rendit son ordonnance de renvoi devant la chambre des mises en accusation. Celle-ci. dans son arrêt de renvoi, pas plus que le procureur de la République dans son réquisitoire, n'a fait allusion à cette scène extraordinaire, ni à ce moyen d'information plus qu'étrange.
H n'en est pas moins vrai que Pichereau n'a été condamné que sur de? présomptions, et qu'il aurait fort probablement été acquitté sans les prétendues révélations du magnétiseur, que les juiés avaient connues par la voie de la presse. Comme l'a dit. au cours de sa plaidoirie, l'avocat de Pichereau, U* Brunschwig, il se pourrait bien cependant que le professeur Zamora fût un joyeux fumiste, et qu'instruit du v«t le soir, il fût allé, pour se faire une jolie réclame, déposer au pied du vieux mur une somme à peu près égale à celle qu'on recherchait.
M. Zamora, fier de la réclame qui lui était faite en cette occasion, s'est empressé d'écrire aux journaux pour certifier la véracité du fait. Nous pouvons gager que d'ici peu ce singulier professeur, qui joue à volonté le rôle d'hypnotisé ou d hvonotiseur. sera à Paris et qu'il n'aura pas de peine à convaincre beaucoup d'esprits, naturellement crédules, de l'existence de sa double vue.
Souvenirs et anecdotes sur Ampère.
A l'occasion du !.i récente inaugurjtin, à Lyon, de la statue d'AmpaH notre confrère Em. Nol a publié, dans le Figaro, un certain nombre d'anecdotes qui nous montrent le savant physicien sous un jour entièrement nota-veau; après avoir étudié Ampère comme professeur, il dit :
La métaphysique vint constamment à la traverse des travaux scientifiques qu'il entreprenait. En iSi3, il consultait ses amis de Lyon sur le projet qui avait formé de se livrer entièrement ù la psychologie. Il se croyait appelé! poser les fondements de cette science pour tous les siècles. 11 i:« répondait pas à une lettre de sir Humphry Davy sur la physique et la chimie, ' n'ayant plus, disait-il. le courage de rixer ses idées sur ces ennuveuscs choses-là »!
Sa plus chère distraction était d'aller le dimanche, après midi, discuter sur des questions de métaphysique avec de* amis. « et encore, disait-il, pour mon malheur, beaucoup ne les aiment point. »
Ces amii qu: n'étaient pas assez métaphysiciens à son prv. citaient Cabanis, Destutt de Traey et Gérando, avec lesquels il rédigea les projets de divers ouvrages philosophiques restes inachevés, ("était surtout Maine de Btran, retiré dans une campagne, près de Bergerac, avec lequel il entretint de iSo3 à 1813. et en i8i5. une correspondance des plus curieuses.
Son. cabinet de travail s'ouvrait ¡1 toute heure et à tout venant. Maisefl n'en sortait pas sans avoir joué aux échecs durant de* heure* entières. Les plus inhabiles connaissaient un moyen infaillible de le vaincre ; il sufnsak 4Ê s'attaquer à ses idées sur les courants électriques ou sur le» ondes lumineuse* : Ampère était alors ¦ échec et mat ».
II fut un adepte du magnétisme animal. Il lut conduit h admettre que, dans certaines conditions d'excitation nerveuse, l'homme peut voir. même de loin, sans le secours des yeux ; observer une étoile avec son gcnnu. suivre tous las mouvements des acteurs sur la scène en leur tournant le dos. lire un biBet doux avec le coude. Les expériences modernes sur l'hypnotisme auraient vivement excité sa curiosité.
Notre savant ne pouvait expliquer nettement ce qu'il savait le mieux, s^H mouvement du corps ne lui venait en aide. Ses émînen:c> acuités, sa vert* s'éteignaient dés qu'il s'asseyait devant un bureau : ¦ Etre assis, écrit-il, dB vant une table une plume à la main, c'est le plus pénible, le plus rude des métiers. ¦
Ampère n'avait de verve que debout, en s'agitant. Descarte*, au contraire,; restait couché, immobile, et Cujas ne travaillait avec fruit qu'étendu de tout son long sur un tupi», le ventre contre terre.
Les causes qui font jaillir l'idée sont nombreuses -t fugitives. Partiel*»: composait enseveli sous des couvertures, mais Cimarosa ne trouvas mÊ beaux motifs de ses opéras qu'au milieu des joies et du bruit Je la foule. L'historien Mézerai n'écrivait, même à midi, même en plei;i mois de juillet, qu'à la lumière des bougies: et Rousseau se livrait a >c> méditations en pleifl soleil, en herbori*ant.
La morphinomanie.
Noire confrère L'Art médical, de Belgique, appelle l'aitention des médecins sur les causes qui non seulement propagent la morphinomanie. mais surtout
empêchent d'ob'enir la guérison des malades atteints de cette terrible affection.
Combien de malade», dit-il très justement, veulent et ne veulent pas pue-tir! Combien se remettent ù moitié entre les mains d'un médecin et prennent ensuite je ne sais quel malin plaisir à le tromper! La morphînomanie. qui développe le goût du vu!. — les enquêtes faîtes sur les larcins opérés dans les grand* magasins en témoignent amplement — inocule également l'amour et presque la volupté du mensonge. Un médecin soignait une malade depuis un mois. Elle n'allait pas mieux et il flaira une ruse : « Ah ! docteur, pouvez-vous me soupçonner? Fouillez partout. Il n'y a pas une goutte de morphine chez moi. a Le docteur ne fouilla pas, mais, se rappelant subitement un trait qui lui avait été conté dans un hôpital, il passa brusquement derrière la malade et lui enleva le peigne du chignon. Une seringue tomba des cheveux déroulés.
Il n'y a rien .1 tenter avec ces incorrigibles , mais il me semble qu'avec les malades sérieu^ment désireux de guérir, d'utiles réformes peuvent être apportées au mode de traitement. La principale, à mon sens, consisterait • svhrre une pratique adoptée en Allemagne. Chez nos voisins, tout morphine qui entre dans un établissement ,id hoc signe un papier par lequel il aliène absolument son libre arbitre. Il devient une chose entre les mains des directeurs et des médecins, qui prescrivent non seulement toute sortie, mais jusqu'aux visites d s famille. On ne leur laisse même ni argent, ni livrets de chèques avec lesquels ils pourraient essayer de corrompre les gardiens.
Cours de M. le professeur Charcot.
* M. le pni:c>>eur Charcot a recommencé mardi dernier, à la Salpêtru-re, en présence d'un nombreux auditoire d'étudiants et de médecins, ses leçons cliniques sur les maladies du système nerveux.
Conformément à sa méthode d'enseignement ai claire et si saisissante, sa leçon porte toujours sur des malades dont l'examen est fait devant les élèves. Dans ce premier cours. M. Charcot a étudié successivement un cas de bâillement hystérique, un cas de dyspnée hystérique, et plusieurs formes de tics et de chorée. Dans le cours de cette étude, il a présenté plusieurs aperçus (ort intéressants sur l'hypnotisme, dont les applications faites à la clinique de la Salpctrière diffèrent Je celles qu'ont rapportées les expérimentateurs de l'Ecole de Nancy. A la Salpctrière, ces applications ont toujours été limitées à des malades atteints de grande hystérie.
En terminant. l'émincnt professeur a démontré, au moyen de l'hypnotisme,
par quel aKCanisme s'effectue la contagion de certaines affections nerveuses.
Eue hystérique a é;_: amenée en eu: ce somnambulisme. Au bout de quel-
Vcs instants. p.ir une sorte de suggestion inconsciente, elle a été atteinte
done façon irrésistible des bâillements hystériques et des tics dont elle avait les
exemples sous les veux. u
NOUVELLES
Faculté de médecine de Paris. — M.le professeur Charcot a commencé le cours de clnique des maladies mentales le mardi 23 octobre à l'hospice de la Salpêtrière,
à neuf heures un quart, et le continuera les mardis suivants, a la même heure,
M. le professeur Ball commencera le cours de clinique des maladies mentales,
le dimanche 11 novembre 1888, à dix heures du matin, à l'asile Sainte-Anne, et le
continuera les jeudis et dimanches suivants. à la même heure.
M. Bischoffsheim vient de mettre à la disposition du ministre de l'instruction
publique une somme de 5.ooo francs, pour être distribuée en on ou plusieurs prix destinés a récompenser les meilleurs travaux relatifs à l'établissement des jeux
gymnastiques, notamment dans les établissements d'entendement primaire. Parmi les membres de la commission chargée de fixer les conditions de ce concours, nous
relevons les noms suivants :
MM. Brouardel, Marey (de l'Institut) François-Franck (de l'Académie de méde-cine) et le docteur Lagrange.
Ecole d'anthropologie. — L'Ecole d'anthropologie, qui entre dans sa treizième
année d'existence, ouvrira ses cours le lundi 5 novembre 1888, à huit heures et
demie du soir, dans son local habituet, 15, rue de l'Ecole-de-Médecine. Les cours
se succéderont dans l'ordre suivant :
Lundi : à quatre heures. M. Letourneau : Histoire des civivlisations; — à cinq
heures, .M. Mathias Du val : Anthropologie et Embryologie comparée; — à huit
heures et demie du soir, M. G. de Mortillet : Anthropologie préhistorique, avec
Mardi : à cinq heures. M. Georges Hervé : Anthropologie zoologique
Mercredi ; à quatre heures, M. Topinard : Anthropologie générale.
Vendredi : à cinq heures, M. Manouvrier : Anthropologie physiologique.
Samedi : à quatre heures et demie. M. Bordier : Géographie médicale.
Société Médico-psychologique. — Dans sa séance de lundi 29 novembre, la Société à élu commission de quatre membres : MM. Blanche Magnan
et Ball, chargée d'organiser un congres d'aliénation mentale pendant : l'Exposition de 1880.
Dans la même séance. M. Séglas a fait une communication sur les avantages et les dangers de l'hypnotisme,et M. Auguste Voisin a lu un sur la
classification des maladies mentales. M. Marsudon de Montyel a ensuite donné lecture
d'un long mémoire sur le même sujet.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
(Depuis 1880)
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municatioas casuistiques sur la thérapeutique suggestive.) bollaan : De hypnose in de practijk. Nederl. Tijdschr. voor gencesk, 2 vol.,
p. 346. Amsterdam, 1888. L'hypnose dans la pratique ; bourru y burot : La suggestion mental y la accion a distancia de las sustancias
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spiro: [Quelques observations sur le magnétisme animal.,] Odessa. 1884. swlatlowsky :[Magnétisme animal.] Saint-Pétersbourg, 1881. telnichin: [L'hypnotisme et son importance dans le présent et dans l'avenir.] Saratow, 1888.
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: Diskussion om hypnotismen. Hygiea L. 5. Svenska Sckaresallsk. fort., p. 41.
siegismunds : Vade-mecum der gesamten Litteratur ueber Occuhismus. (Contiendra 35oo titres et sera envoyé gratuitement et franco par M. Karl Sigismund, Berlin,
W. Mauerst., (8) , „
E. Bérillon et Max Dessoir.
Les indications contenues dans l'Index bibliographique international
font suite à la Bibliographie de l'hypnotisme moderne, publiée par notre col-laborateur Max Dessoir. (Carl Duncker's Verlag, Berlin.)
Nous invitons les auteurs, dans le but de vulgariser leurs travaux, à transmettre aux bureaux de la Rédaction, 40 bis, rue do Rivoli. tous les docu-ments et tous les renseignements bibliographiques qui permettront de cons-tituer d'une façon complète la bibliographie de l'hypnotisme.
Chaque ouvrage dont il sera envoyé deux exemplaires ù l.t Réfaction sera. annoncé et analyse, s'il y a lieu.
L'échange sera fait avec toutes les publications periodiques. : françaises et
étrangères, adressées à la Rédaction.
ouvrages reçus a la revue
Liégeois, professeur a la Faculté de droit de Nancy. De la suggestion et du somnambulisme dans leurs rapports avec la jurisprudence et la médecine
légale. 1 vol. de 760 pages. O. Doin, Paris (7 fr. 5o).
Monin. secrétaire de la Société française d'hygiène. — L'Alcoolisme : Étude médico-sociale, avec une préface de M. Dujardin-Beaumetz. 1 vol. in-18 de 3o8 pages. O. Doin. Paris (3 fr. 5o).
Klein. — Microbes et maladies. In-12. 290 pages. Tignot, Paris.
Coats. - L Inconscient : Etude sur l'hypnotisme. In-8. 158 pages.J.-B. Bail-. lière, Paris.
Coate. — Conférence sur l'hypnotisme. Broch. in-4° , 29 pages. J.B. Baillière,
Paris.
Telnikin. — L'Hypnotisme, In-4°. 10? pages. Saratov, Russie (en russe).
Mont' Alverne de Sequeira. — Hypnotisme et suggestion. Thèse inaugu-rale soutenue devant la Faculté de Lisbonne. In-8° de 266 pages avec figures. Lisbonne, 1888 (en portugais°.
Semai, médecin de l'asile d'aliénés de Mons. — De l'utilité et des dangers
de l'hypnotisme. In-8° 57 pages. Bruxelles.
l'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT, 170, Rue St-Antoine.
paris. — imprimerie charles blot, rue bleue, 7.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
DES HALLUCINATIONS fiËj^ÎVES SUGGÉRÉES
Par M.1^4o^tâlEIM
a la r*CÙMÌtì^kdkixe i>k xan-cï
J'appelic hallucination positive l'acte qui consiste à concevoir des sensations correspondant à des objets qui n'existent pas; ces sensations. nées dans l'imagination du sujet, sont cxtóriorées par lui et matérialisées, pour ainsi dire, si bien que le sujet les croit réelles. II voi-, devant lui un chien qui n'y est pas: c'est une hallucination positive
. J'appelle, avec l'école de Nancy, hallucination négative, l'acte qui consiste à ne pas concevoir des sensations correspondant 'ides objets réels. Le sujet ne voit pas une personne placée devant lui; c'est une hallucination négative.
Je dis concevoir et non pas percevoir. La conception est un phénomène d~ conscience. La perception est un acte physiologique qui peut ne pas arriver à la conscience^ Une impression visuelle affecte la rétine, se propage par le nerf optique et son prolongement iiura-cérébral jusqu'au centre cortical sensoriel ac la vision : là. la sensation est perçue. Mais le sujet peut ne pas avoir conscience de cette sensation perçue; il ne la conçoit pas; elle est lettre morte pour lui. Voilà ce qui constitue l'hallucination négative. L'imagination neutralise, ou bien la conscience ignore la sensation réellement perçue : le sujet ne sait pas qu'il l'a perçue et la nie.
Hffcî démontré d'une façon péremptoîrc que l'amaurose unilatérale des hystériques et l'amaurose suggérée sont des phénomènes de ce genre (voir Revue de l'Hypnotisme, 1887, p. (30). Con-nrement à ce qui semblait admis par MM. Binet et Féré, Pan-Kpd, Pitres, j'ai établi qu'il ne s'agit pas là d'une paralysie réelle, paralysie systématique par inhibition, comme on a dit pour la cécité suggestive, mais d'une hallucination négative: c'est-à-dire 4un défaut de conception. L'oeil, en apparence aveugle, voit: l'image es: perçue par le centre visuel cérébral: mais celle perception
n'est pas consciente: l'imagination la neutralise. C'est une cécité de l'esprit, une vraie cécité psychique, dans le sens réel que je donne à ce mot, et non pas dans le sens que les pathologistes lui donnent (i).
Je vais démontrer que ce qui est vrai pour la cécité su itérée est vraî pour toutes les hallucinations négatives : toutes correspondent à des sensations réellement perçues par le cerveau, mais qui n émergent pas dans le domaine de la conscience.
Voici l'expérience démonstrative :
Elise B..., âgée de iS ans, domestique, est alîe:téc de scia-tique. C'est une jeune fille honnête, de conduite régulière, d'intelligence moyenne, ne présentant, en dehors de sa sciatique, aucune manifestation, aucun antécédent névropathique.
Elle a été, dès la première séance, très facile à mettre en somnambulisme, avec hallucînabiliié hypnotique et post-hypnotique et amnésie au réveil. Je développe chez elle facilement une hallucination négative. Je lui dis, pendant son sommeil : « A votre réveil, vous ne me verrez plus; je serai parti. » A son réveil, elle nie cherche des yeux et ne paraît pas me voir. J'ai beau lui parler, lui crier dans l'oreille, lui introduire une épingle dans la peau, dans les narines, sous les ongles, appliquer la pointe de l'épingle surit: muqueuse oculaire: elle ne sourcille pas. Je n'existe plus pour elle, et toutes les impressions acoustiques, visuelles, tactiles, etc., émanant de moi. la laissent impassible ; elle ignore tout. Aussitôt qu une autre personne la touche, a son insu, avec une épingle, elle perçoit vivement et retire le membre piqué.
J'ajoute, en passant, que cette expérience ne réussit pas avec la même perfection chez tous les somnambules. Beaucoup ne réalisent pas les suggestions sensorielles négatives ; d'autres ne les réalisent qu'en partie. Certains, par exemple, quand j'ai affirmé qu'ils ne me verront pas à leur réveil, ne me voient pas: mais ils entendent ma voix, ils sentent mes impressions tactiles. Les uns sont étonnés de m'entendre et de se sentir piqués, sans me voir; les autres ne cherchent pas à se rendre compte; d'autres enfin croient que cette voix et cette sensation émanent d'une autre personne présente. Ils récriminent violemment contre elle ; cette personne a beau protester que ce n'est pas elle et chercher à le leur démontrer, ils restent convaincus que c'est elle.
On arrive parfois à rendre l'hallucination négative complète poor toutes les sensations en faisant la suggestion ainsi : « A votre réveil, s! je vous touche, si je vous pique, vous ne le sentirez pas;
(i) Dans la cceitc* perchique des auteurs, l'objet est vu, mais non interprété; le sujet ne sait plus ce qu'il voit; il a perdu la mémoire local* qui lui donne la sigoi»
ficaiionde l'objet vu; c'est l'amnésie visuelle.
si je vous parle, vous ne m'entendrez pas. D'ailleurs, vous ne me verrez pas ; je serai parti, o Quelques sujets arrivent ainsi, à la suite de cette suggestion détaillée, à neutraliser toutes leurs sensations : d'autres n'arrivent à neutraliser que la sensation visuelle, toutes les auties suggestions sensorielles négatives restant inefficaces.
La somnambule dont je parle réalisait tout à la perfection. Logique dans sa conception hallucinatoire, elle ne me percevait en apparence par aucun sens. On avait beau lui dire que j'étais là, que je lui parlais : elle était convaincue qu'on se moquait d'elle. Je la fixe avec obstination et je lui dis : « Vous me vovez bien ; mais vous faites comme si vous ne me voyiez pas ! vous êtes une ferceuse. vous jouez la comédie ! » Elle ne bronche pas et continue à parler aux autres personnes. J'ajoute, d'un air convaincu: c D'ailleurs, je sais tout! Je ne suis pas votre dupe! Vous êtes une mauvaise fille. II y a deux ans déjà, vous avez eu un enfant et vous l'avez fait disparaître! Est-ce vrai? On me l'a dit! » Elle ne sourcille pas : sa physionomie reste placide. Désirant voir, dans un intérêt médico-légat, si un abus grave peut être commis à la faveur d'une hallucination négative, je soulève brusquement sa robe et sa chemise : cette jeune fille est de sa nature très pudibonde. Elle se laisse faire sans la moindre rougeur à la face. Je lui pince le mollet et la cuisse : elle ne manifeste absolument rien. Je suis convaincu que le viol pourrait être commis sur elle dans cet état, sans qu'elle oppose la moindre résistance.
Cela posé, je prie mon chef de clinique de l'endormir et de lui suggérer que je serai de nouveau là, au réveil. Ce qui a lieu, en effet. Elle me voit de nouveau et ne se souvient de rien. Je lui dis : « Vous m'avez vu tout à l'heure! Je vous ai parlé. » Etonnée, elle me répond : a Mais non, vous n'étiez pas là ! > — * J'y étais; je vous ai parlé. Demandez à ces messieurs. > — * J'ai bien vu ces messieurs. M. P. voulait me soutenir que vous étiez là! Mais c'était pour rire! Vous n'y étiez pas! » —« Eh bien! lui dis-je, vous allez vous rappeler tout ce qui s'est passé pendant que je n'y étais pas, tout ce que je vous ai dit, tout ce que je vous ai fait ! s — o Mais vous n'avez rien pu me dire, ni faire, puisque vous n'étiez pas là! » J'insiste d'un ton très sérieux et, la regardant en face, j'appuie sur chaque parole : « Je n'y étais pas, c'est vrai ! Vous allez vous rappeler tout de même. » Je mets ma main sur son front et j'affirme : « Vous vous rappelez tout, absolument tout ! Là! Dites vite ! Qu'est-ce que je vous ai dit? » Après un instant de concentration, elle rougit et dit: « Mais non, ce n'est pas possible: vous n'étiez pas là ! Je dois avoir rêré !» — « Eh bien ! qu'est-ce que je vous ai dit dans ce rêve î » Elle ne veut pas « dire, honteuse ! J'insiste. Elle finit par me dire: « Vous m'avez
dit que j'avais eu un enfant ! » — « Et qu'est-ce que je vous ai fait r « — « Vous m'avez piquée avec une épingle ! » — Et puis? » Apres quelques instants: a Maïs non, je ne me serais pas laissée faire ! C'est un rêve !» — « Qu'est-ce que vous avez revé? > — e Que vous m'avez découvert, etc. >
J'arrive ainsi à évoquer le souvenir de tout ce qui a é:é dit et fait par moi pendant qu'elle était censée ne pas me voir ! Donc, elle m'a vu en réalité, elle m'a entendu, elle m'a senti, malgré son inertie apparente. Seulement, convaincue par la suggestion que je ne devais pas être là, sa conscience restait fermée aux impressions venant de moi, ou bien son esprit neutralisait au lur et à mesure qu'elles se produisaient les perceptions sensorielles ; il les erTaçait,i et cela si complètement, que je pouvais torturer le sujet physiquement et moralement; elle ne me voyait pas. elle ne m'entendait pas, elle ne me sentait pas! Elle me voyait avec les yeux du corps, elle ne me voyait pas avec les yeux de l'esprfl Elle était frappée de cécité, de surdité, d'anesthésie psychiques pour moi; toutes les impressions sensorielles émanant de moi étaient bien perçues, mais restaient inconscientes pour eue. C'estj bien une hallucination négative, illusion de l'esprit sur les phénomènes sensoriels.
Cette expérience, je l'ai répétée chez plusieurs su:e*.s susceptibles d'hallucinations négatives. Chez tous j'ai pu constater que le souvenir de tout ce que les sens ont perçu pendant que l'esprit, effaçait, a pu être reconstitué.
Rien ne se passe dans l'état hypnotique qui ne puisse se pro-: duire à l'état de veille ! Ne sommes-nous pas sujets, dans une cer-3 tainc mesure, à des phénomènes analogues ? Nous sommes absor-j bés par un travail intellectuel, pendant qu'on parle et discute à côté de nous. Nous n'entendons rien, notre esprit étant ailleurs, con-; centré sur nos propres méditations. Quand c'est fini, r.ous n'avons aucune idée de la conversation tenue â nos eûtes. Plus tarda cependant, une circonstance fortuite venant à évoquer une certaine association d'idées, voilà que bien des choses que nous re croyions! pas avoir entendues reviennent distinctement à notre esprit. Nous: avions entendu, notre oreille avait enregistré : mais l'impression-, psychique avait été si peu intense ou si fugitive qu'elle restais effacée jusqu'au moment où elle s'est réveillée au choc de la réminiscence.
L'expérience que je viens de relater a son importance au point de vue médico-légal. Certaines femmes, j'en ai ;u conviction,! dans cet état d'hallucination négative, se laisseraient violer sans, résistance, à leur insu. Invisible et présent, comme le Dieu de U Fable, le suggestionneuragità sa guise; le sujet inconscient luq appartient. Mais ces actes^ ces impressions produites sur le sujet, \
à son insu, laissent cependant une empreinte persistante dans le centre psychique. On a eu beau neutraliser l'image sensorielle par suggestion : cette image reste enregistrée dans le cerveau où elle a été perçue, et ce qu'une suggestion a effacé de la conscience, une nouvelle suggestion peut l'y revivifier.
LES DANGERS OE L'HYPNOTISME
Communication faite à la Société médico-psychologique te 39 octobre iS>S par M. le D' J. SÉGLAS
médecin supf l£ ant de la sa lp ht biè k f
Mme P.... née R..., âgée de 38 ans, se présente à la consultation externe de la Salpétrière, le 3i août 1S88.
Antécédents héréditaires. — Mère: nerveuse sans attaques, sourirait souvent de ses nerfs, a qui se nouaient sur l'estomac. » Plusieurs personnes de sa famille présentaient les mêmes symptômes.
Antécédents personnels. — Née à sept mois ; développement normal, mais santé toujours faible; apprenait bien à l'école; pas de maladies nerveuses de l"enf3nce ; aurait eu deux fièvres typhoïdes (:), à 4 ans et a 14 ans. Menstruation à 14 ans ; toujours sujette aux crampes d'estomac, des l'âge de 7 ans ; parfois elle se trouvait mal et tombait comme en défaillance ; deux crises de nerfs avec mouvements convulsifs, sans cause connue, à iS ans et à 20 ans.
Le 7 août 1s88, se trouvant à la fête d'Aubervilliers, Mme P... est entrée dans la baraque d'un magnétiseur. Elle a d'abord assisté à des tentatives d'hypnotisme faites sur d'autres personnes, et ce qui l'a le plus impressionnée, c'est de les voir en état de catalepsie. Aussi n'osa-r>ellc pas se faire endormir de suite; elle était d'ailleurs avec son mari. Mais elle revint le lendemain, sans son mari, avec d'autres ouvrières, et cette lois voulut se faire hypnotiser. Le magnétiseur voulut l'endormir par la fixation du regard : jamais, dit-elle, elle n'a dormi et prétend avoir toujours eu conscience de ce qui se passait autour d'elle. Au lieu de dormir, elle se sentait devenir raide, ne pouvait plus remuer : deux fois ses yeux ont tourné et elle est même tombée une fois a la renverse. 0:i la tirait de cet état en lui soufflant sur les yeux. Elle est retournée chez le magnétiseur cinq fois en trois semaines ; c'e'tJtl plus'Jbrt qu'elle : toujours les choses se sont passées de même. La première fois, le magnétiseur a cru qu'elle dormait, et même, comme elle ne sortait pas de l'état où l'avaient plongée les tentatives d'hypno-
tismc, il a dit qu'elle était plus forte que lui. l.*s autres fois, elle l'a désillusionné en lui disant quelle n'avait iamais dormi: il a répondu qu'il le savait bien, mais que peu lui importait, parce qu'il agissait sur clic par suggestion mentale. Il a. d'ailleurs, voulu lui faire des sugges-tions : il lui a dit qu'il allait la brûler avec une lame de couteau. Elle n'a pas senti de brûlure, dit-elle, mais elle avait très peur, cependant, du couteau, et cela a provoqué les raideurs dont nous avons déjà parlé. Il lui dit aussi que de loin comme de près, clic ne ferait que ce qu'il" voudraii, quand même elle ne le voudrait pas. » Il aurait encore dit à' d'autres personne*, qui le répétèrent a la malade. « qu'elle était un sujet remarquable, et que si elle n'était pas mariée, il remmènerait avec lui. >
Pendant toute cette période et dès sa première visite, la malade devint très triste, se ngurant toujours être sous la domination du magnétiseur. Elle travaillait encore un peu. mais très mal ; elle n'avait plus de goût à rien, elle ne vivait plus; ses idées s'embrouillaient ; elle n? savait plus compter; elle ne pouvait plus penser à rien et ne songeait qu'à s'en aller. Elle ne mangeait presque plus. Pendant ce temps, elle eut deux crises de raideurs. Enfin, un jour elle partit subitement de che; elle et s'en alla à Vincennes rejoindre le magnétiseur, chez lequel clic resta deux jours, au bout desquels, devant la responsabilité qu'il encourait, il lui conseilla de rentrer chez elle. Le mari de la malade avait d'ailleurs dépose une plainte chez le commissaire de police. Toute la nuit qui siivii sa rentrée et toute la matinée du lendemain, elle eut des attaques. Son mari la rît alors entrer k l'hôpital de Saint-Denis, où elle est restée but jours, Là, on aurait, à ce qu'elle raconte, cru qu'elle dormait. On lui appuyait sur la tetc et elle tombait dans le même état que chez le magnétiseur: on lui faisait des suggestions auxquelles elle obéissait, quoique ne dormant pas; mais, ait-elle, sa volonté était annihilée. Cependant une fois, comme en lui disait d'empoisonner un des médecins, elle refusa d'obéir. Elle assure n'avoir jamais dormi : d'un autre côté, les attaques de raideurs, qui se présentaient trois ou quatre fois par jour, devenant de plus en plus fortes, son mari la fit sortir et l'amena à la Salpétrière.
Elle entre dans la salle de consultation soutenue pur son mûri et marchant à petits pas. les yeux fermés, comme une somnambule, ou plutôt comme une aveugle. Elle ne se souvient pas de tout cela, maïs sait seulement qu'elle était très impressionnée. Elle ne sort de cet état que pour tomber dans des sortes de crises, que provoque, d'ailleurs, le moindre attouchement ou la moindre parole qu'on lui adresse. Tout d'un coup elle se raidit dans l'extension ; cette raideur porte surtout sur Us muscles du tronc, du cou et des bras; moins aux jambes, pas de chute. La pression des muscles ou des nerfs nerf cubital), le choc oes| tendons, pas plus que l'excitation de la peau, n'augmentent cette raideur, d'ailleurs peu accentuée. On peut la vaincre assez facilement et placer
les membres supérieurs dans différentes attitudes, dans lesquelles la malade s'immobilise comme si elle était en catalepsie. Mais, a ce moment, elle rougit et semble faire manifestement des efforts pour garder la position qu'on donne a ses membres, qui sont d'ailleurs toujours plus ou moins raides. Les attitudes donné:s au membre n influent pas sur l'expression de la physionomie. Pendant tout ce temps, les paupières restent fermées et sont agitées d'un clignotement continuel. Cet état de raideur dure environ une à deux minute*, pour recommencer après un très court intervalle, pendant lequel la malade reste toujours, cependant, immobile et les yeux termes. Dans cet état, on peut, en insistant, obtenir d'elle quelques réponses ; mais elle parle avec effort, par phrases entrecoupées. Ainsi, elle nous dit que • le magnétiseur... lui a fait peur... > en lui disant... qu'il allait la brûler... et il l'a fait tomber... comme... » en... catalepsie... avec... une lame de couteau... sur les mains. » Et, à ces paroles, elle se raidit dans une espèce de pose catalcpiiformc. 11 en est de même lorsqu'elle dit : « Ce qui m'a fait... encore... le plus peur... » c'est de voir... la... catalepsie. « Elle nous dit aussi que quand les raideurs la prenn.-nt, elle souffre beaucoup du cœur et du dos.
Apres avoir observé la malade un certain temps, je dis devant elle* d'un ton très convaincu, que je connaissais des moyens certains pour remédier à cet é:at et le faire cesser presque instantanément. Alors, au moment où la malade commençait à se raidir, je lui soufflai brusquement sur les yeux. La raideur disparut aussitôt et la malade ouvrit les yeux. La même chisc ayant réussi a plusijurs reprises et voyant que la malade était suggcstibleà l'état de veille, je lui 6s plusieurs suggestions, lui disant que.le n'avait plus rien à craindre du magnétiseur, qu'elle était désormais réveillée, que ses crises disparaîtraient très vite, surtout si elle prenjii très régulièrement le traitement que ic prescrivais (vin de gentiane, teinture de Mars tariarisée. douches froides).
Les suggestions a l'eut de veille produisirent un erTct.'Stnon complet, au moins satisfaisant, car la malade n'eut plus peur de l'action du magnétiseur, fut plus calme, moins triste ; les attaques aussi, pendant huit fours, diminuèrent de fréquence, de longueur et d'intensité. Elles se réduisaient à un simple sentiment de défaillance, mais sans raideurs.
L'amélioration survenue dans l'état mental se maintint, mais au bout de ces huit jours les attaque* se reproduisirent comme devant, constituant désormais le point saillant de la maladie.
Toutes les attaques sont précédées d'une aura: battements de cœur, douleur sous le sein gauche, puis constriction à la gauche. Elles se présentent sous deux formes ne différant guère qu'au point de vue de l'intensité. — i° La malade, debout, lève la tête et se courbe légèrement en '•Trière; les bras et les jambes se raidissent légèrement dans l'extension, pas de chute. Cette raideur est assez peu accentuée et prédomine aux membres supérieurs. On peut la vaincre très facilement, et si l'on place les membres dans d'autres positions, ils s'y maintiennent toujours
légèrement m ides. L'expression de la physionomie ne correspond pas aux altitudes que l'on donne aux membres. Pas d'hypcrcxcitabilitc ncuro ni cutano-musculoirc. Les yeux sont fermés. Il y a des battements continuels des paupières. I.a malade entend ce qu'on lui dit: par exemplej si on lui dit de marcher, elle marche comme une aveugle, gardant la position imprimée u ses bras.
D'autres fois, l'attaque se présente sous la forme suivante : La malade, debout, se courbe en arrière et forme un arc de cercle très accentué ; elle se raidit dans l'extension, les muscles du cou. du tronc, des bras, des jambes sont absolument contractures et on ne peut vaincre leur résistance, même en déployant une certaine force. Ils sont le siège de petites secousses. La face rougit, les yeux sont fermés, les paupières animées de battements répétés. II n'y a pas tfhyperexci'.abilîté ncuro' ou cutano-musculaîre. I.. malaxation des muscles diminue la contracture et permet alors de donner aux membres une nouvelle position qu'ils conservent comme dans les attaques du premier genre.
Toutes ces attaques peuvent cesser par le soufrîe sur les yeux et aussi par la suggestion, surtout celles de la première espèce. Après rattaqtH la malade est très fatiguée, brisée: cela n'existait pas au début. Quoiqu'elle prétende être consciente, elle ne se rappelle que très confu>cmcnt ce qui s'est passé pendant l'attaque.
Ces attaques sont spontanées ou provoquées. Au début, un attouehe-' ment quelconque, un mot les provoquait: aujourd'hui, il :"aut pour] cela l'excitation 'e certaines zones. Celle don: l'cx.nation amène le plus sûrement l'attaque est la zone sous-mammaire gauche, puis une zone intra-scapulaire du côté gauche de l'épine, puis le clou; il y a aussi deux zones ovariennes : l'une droite, l'autre gauche, maïs pUjfl hyperesthésiques qu'hystérogènes. D'ailleurs, même en pressant sur ces] dernières, si l'on a ;oîncn même temps de faire a la malade des safl gestions appropriées, l'attaque ne se produit pas. Souvent aussi elle peut éviter ou retarder l'attaque en résistant à l'aura, depuis que nous' lui avons dit que cela était possible. La suggestion agi; aussi sur les zones douloureuses, car un moment, a la suite de nos suggestions, in n'existait plus que la zone sous-mammaire gauche. Mais, pour cela comme pour les attaques, l'ctTct des suggestions fut passager et les svmptômes morbides ne tardèrent pas ù reparaître, d'autant plus quej nous ne voyions pes la malade d'une façon suivie. Nou> ii-ouuronsque la sensibilité générale parait a peu prés intacte : peut-être y s-:-iI une légère diminution de la sensibilité à droite; le sens musculaire est normal. La vision des couleurs est conservée: le champ visuel n'a pu ôtre examiné, la malade tombant en attaque sitôt qu'elle tixe un objet.
Cette observation me semble renfermer plusieurs particularités intéj cessantes.
Elle montre, une fois de plus, que si l'hypnotisme ne crée pas de
touies pièces l'hystérie, iî peut en être au moins l'agent révélateur ou en aggraver les manifestations somatiques et psychiques. Ce fait est doublement évident chez notre malade, qui est tombée dans un éiat mental particulier et dont les attaques ont débuté a la suite des tentatives d'hypnotisme et revêtu, par l'effet d'un phénomène d'auto-suggestion, un caractère spécial, leur donnant l'apparence de certains états hypnotiques. Nous croyons, d'ailleurs, avoir suffisamment montré, par les détails cites au cours de l'observation, que notre malade n'a jamais dormi et que ce pseudo-hypnotisme ne consiste en réalité qu'en des attaques hystériques d'une allure un peu particulière, duc aux circonstances dans lesquelles elles sont apparues. La confusion était d'autant plus possible que la malade est très suggesiible. même à l'état de veille ; d'un autre côté, si l'emploi de la suggestion à l'état de veille peut avoir ici quelque action curative, il est hors de doute pour nous que. dans ce cas particulier, touic tentative d'hypnotisme, dans quelque but qu'elle soit faite, est formellement contreindiquée (t). Ces diverses considérations, ainsi que la fugue de la malade hors de son domicile, nous prouvent une fois de plus que si, dans quelques cas en général assez rares, l'hypnotisme peut rendre quelques services lorsqu'il est employé par des médecins instruits et expérimentés, il ne peut être que nuisible entre les mains de gens ignorants ou peu scrupuleux et de charlatans dont les manœuvres, constituant un véritable danger pour la santé publique, ne sauraient être trop sévèrement réprimées (a).
^NÉVROPATHIE AVEC A CRI NIE SALIVAIRE ET CONSTIPATION DATANT DE 35 ANS, GUÉRIE PAR LA SUGGESTION
Par M. le Dr p. BU ROT professeur a l'école de u£»ecine de rochefort
Mme V..., 55 ans, est malade depuis loge de 20 ans. 11 n'existe dans sa famille aucune maladie nerveuse.
Habituée aux travaux de la campagne, elle n'a jamais souffert dans son enfance et a été réglée de bonne heure.
Chaque hiver, elle occupait une partie de ses journées et de ses veillées à filer du chanvre; pour mouiller le fil. elle se servait de sa salive dont la sécrétion était suffisante et même exagérée. On l'avait
tO) J. StGL*s. Thérapeutique suggestive [Arch, de neurologie, novembre iS8î>).— Birci e: Férk, Magnétisme [animal, 1SS7.
(a) Gilles de la Toubette, L'Hypnotisme, 1SÌ7.
bien engagée a se servir d'une éponge, maïs ce conseil n'avait pas clé suivi.
Vers l'âge de 20 an*, à la suite d'un hiver où elle avait beaucoup nié, elle s'aperçut que la salive faisait défaut dans si bouche, qui devint sèche; In constipation, un peu habituelle, augmenta, l'appétit diminua et elle ne pouvait plus digérer ses aliments sans les assaisonner de fi% naigre. Un état d'à languisse ment ne tarda pas à se manifester avec somnolence presque continuelle le jour comme la nuii. Elle n'avait plus de forces, c'est a peine si elle pouvait tirer de l'eau, et les jambes tiédiissaiem pour m mter un escalier. Malgré tout, le- règles ne s'étaient pas modifiées.
a 22 ans. elle cprouva.cn même temps que !j sécheresse de la bouche, une douleur vive avec raideur dans les régions latérales du cou;, puis survint de l'urticaire ci de la lièvre. Tous les quinze '¦•¦un, des douleurs très fortes apparaissaient dans le derrière de la tête et étaient accompagnées de vomissements bilieux. Parfois il survenait un météo--, ris me abdominal très marqué, Elle a souvent pensé qu'elle était en danger de mort.
Plus tard, elle fut atteinte de douleurs clan* lc ;us-Je-ricd ci dons le poignet gauche; dans ce dernier point. la douleur s'est accompagnée
de raideur et de rétraction des tendons; ces phénomènes ont duré plusieurs années.
A l'âge de 40 ans, lu ménopause s'établit sans amener de change-; ments bien appréciables.
En aojt 1SS8, cette malade vient nie consulter; elle est languissante, anémiée; douleurs généralistes, malaises constant : ¡1 lui es: impossible, de travailler, est incapable de faire son ménage ; c'est à peine si elle peut marcher; ne peut toucher ni l'eau chaude, ni l'eau froide qui aggravent les douleurs, ne peut s'approcher du feu, ni icire sa cuisine;"' les pieds sont toujours froids. La langue est rouge, sèche avec d.-velop-a pement des papilles. Il existe • surtout uns grande sécheresse de Is bouche. L'estomac est toujours embarrassé, bien que l'appétit suit conservé. Les digestions ïom difficiles. La constipation est oriri:itrc ; les: selles sont rares et très dures. 1 Elle souffre autant, dit-elle, pour aller.' à la garde-robe que pour avoir un enfant. » Le- urines non; jamais été très abondantes, la soif ne s'est jamais lait sentir. Pas Je sucre ddB Ici urines, pas d'albumine, 6 grammes d'urée par litre : presque ncuttflfl densité 1010, malgré l'absence de polydipsie et de polyurie. Le sommeiu
est s iiiv.ii; tnau.ais à cause de la vJelieressc r .tmle Je la bouche# Tous les traitements avaient été employés saiu pr JiJre J'amélionW tion. Toutefois, des pilules purgatives anglaises l'avaient quelque pjfl soulagée, en produisant des selles momentanément; mais : irritabilité] nerveuse persistait. J
Je fais de la suggestion et,dès la première séance, c. ::s;aic une iiw flicncc tr-is marquée. Comme je pensais que ti>u% u- phénomènes ner-
wux dérivaient de l'absence de sucs digestifs, je dirigeais principalement la suggestion en ce sens, et j'excitai par lu parole et de douces friction- les glandes salivaircs et les glandes du uibe digetif à sécréter; jjecoridciiun;. je calmai l'irritation nerveuse.
Après un mois de traitement. Mme V... est guérie. La bouche est .humide: la salive est revenue. Les digestions sont faciles; les sel les sont régulières, molles et les garde-robes ont lieu deux fois par jour, jUtïn et loir. Les douleurs ont disparu. Le* forces sont revenues et l'embonpoint reparaît.
Cette observation peut servir è élucider :
.1* Un point d'hygiène : le filage du chanvre peut tarir la sécrétion salivaire :
2* Un point de physiologie : la suggestion peut faire renaître les sécrétions :
3* Un point de thérapeutique : la suggestion guérit une femme malade depuis 35 uns et que rien n'avait pu soulager.
En présence de faits si probants, n'est-on pos stupéfoit d'entendre dire, a l'Académie de médecine de Belgique, que de nos jours l'hypnotisme passera sans laisser de traces, ni dans la physiologie, ni dans la thérapeutique -
RECUEIL DE FAITS
URETHRITE SPECIFIQUE — SPASME DOULOUREUX PROVOQUE PAR DES INJECTIONS INTRA-URÈTHRALES, GUERIS PAR LA SUGGESTION HYPNOTIQUE
Par M. le rv Pacl Ducloli, chirurgien en chef de l'Hôpital >Jc Ccuc
G. R., 20 ans. garçon de café, strabique, maigre, vif, de complexion jsvétive. présente tous les attribut.* d'un tempérament nerveux a l'excès. Je ne connais en aucune façon ses antécédents pathologiques.
Il fut endormi une première fois dans une salle d: café par un de ces magnémeurs ambulants toujours doublés d'un prestidigitateur. Je l'hypnotisai moi-même quelques jours plus tard. J'obtenais à volo.ité, soit ^¦Rde fascination par fixation subit: et rapprochée, soit le somnambulisme par sensation visuelle prolongée ou tout autre procédé.
G... ne m'avait pendant quelque temps servi que de sujet à expériences, lorsqu'il vint un jour me consulter pour une uréthritc spécifique aigue" de date récente. Après nvoir institué le traitement classique, je crus, lorsque la période d'acuité eut j peu près complètement disparu, devoir ^¦courir aux injections intra-uréthraies, et prescrivis à cet effet une solu-;1»n de bichlorurc d'hydrargrre à dix centigrammes pour 200 grammes d'eau.
Le canal avant ét! préalablement balayé par rémission de l'urine. G... s'adminisira, suivant ma recommandation, une injection chaude, à forte pression, mais avec les deux tiers seulement d'une seringue ordinaire. Il éprouva presque immédiatement une violente douleur bientôt accompagnée de pâleur, sueurs froides, et tendance syncopale. En même temps se produisait au niveau du périnée une sensation douloureuse que le malade définissait en disant qu'il ressentait comme une boule en cet endroit. Ce spasme douloureux se prolongea pendant dix minutes environ, et se reproduisit presque aussi violent après la miction suivante. Effrayé, G... refusa obstinément de renouveler l'injection : tous mes efforts de persuasion échouèrent, et je dus le laisser partir avec une potion de complaisance, non sans lui avoir recommandé de venir m'en faire savoir l'effet.
Le lendemain, je détournai la conversation sur l'hypnotisme, et fus assez heureux pour décider le malade à se laisser hypnotiser sous le prétexte de renouveler une expérience que j'avais faite autrefois. En raison du temps qui s'était écoulé (près de 2 mois) depuis notre dernière séance, j'eus quelque peine à obtenir le sommeil. J'y parvins néanmoins et en profitai uniquement, car c'était là mon intention secrète, pour suggérer au malade de reprendre ses injections, lui donnant d'ailleurs l'assurance qu'il ne souffrirait plus. Je n'eus garde d'oublier de lui suggérer de revenir le lendemain.
Je le vis reparaître, en effet, à l'heure dite : il m'annonça tout joyeux qu'il avait eu l'idée de reprendre ses injections, et qu'il n'avait éprouvé aucune douleur. Je parus surpris de ce changement dans sa détermination précédente, évitai, bien entendu, de lui en donner l'explication, et l'hypnotisai de nouveau. Ma suggestion de la veille fut renouvelée : Vous reprendrez vos injections, et n'en éprouverez aucune douleur. »
Tout se passa, en effet, comme je le souhaitais, et, après une troisième suggestion, j'abandonnai le malade a ses injections, lesquelles ne luî causaient plus désormais ni appréhension ni douleur.
G... guérit entièrement de son uréthrite au bout de quatre semaines, terminaison particulièrement heureuse chez un individu exposé de par sa profession à commettre des excès de boissons alcooliques.
REVUE DE LA PRESSE
L'hypnotisme en anesthésie.
M. Maurice Lente publie, dans la Galette médicale de Picardie, l'ar-icle suivant : J
Tout le monde connaît aujourd'hui les avantages de l'hypnotisme
employé comme moyen thérapeutique dans le traitement des maladies nerveuses.
C En anesthésie, il est encore un puissant moyen de soustraire le malade à la douleur et de pouvoir pratiquer sur lui des opérations chirurgicales. Chez les hystériques hypnotisables je n'emploie jamais d'autres moyens; j'ai pu ainsi pratiquer différentes opérations, entre autres un accouchement; il y a quelque temps, j'ai pu, par ce moyen, enlever, chez le même sujet, une dent et deux racines pour l'extraction desquelles In malade aurait atrocement souffert, si elle eût été à l'état de veille. Avec l'hypnotisme, plus de surveillance sur la circulation et la respiration; par suggestion, le malade respirera et se réveillera au temps fixé. Il serait à désirer que son emploi se répandit davantage ; les charlatans deviendraient moins nombreux recédant profani!) et le médecin en retirerait de grands avantages ; il pourrait ninsi éviter de se servir du chloroforme, dont l'emploi n'est pas toujours sans danger chez les névropathes.
Cependant bien des doutes persistent encore actuellement sur l'utilité de la pratique de l'hypnotisme.
Je viens aujourd'hui rapporter une observation qui a le mérite d'avoir été prise dans la pratique médicale courante.
/Mme G... est une névropathe, jjuc M. le docteur Bax a déjà soignée pour différentes maladies et qui est atteinte aujourd'hui d'une atlection utérine dont le diagnostic restait encore obscur.
Cette personne, en effet, avait une nyperesthétie de la paroi abdominale, telle, que la palpation avait été jusque-li impossible. Au moindre attouchement, la malade poussait des cris déchirants et un examen complet n'avait jamais pu être fait.
Connaissant les antécédents hystériques de la malade. M. le docteur Bax pensa que, par 1'hypnotísatiou, on pourrait peut-être abolir l'hyperesthésle et éclairer le diagnostic en pratiquant la palpation «t l'examen direct. Il me pria donc de l'accompagner et d'essayer l'anesthésie par le sommeil nerveux provoqué. J'endormis la malade par le regard, après deux minutes de fixation, et je la remis, complètement insensible, entre les mains de M. Bax, qui put facilement palper sa mulade et confirmer son diagnostic de tumeur interne d'origine cancéreuse. .
Ce fait, messieurs, n'est pas nouveau ; mais j'ai pensé qu'il méritait d'être soumis i votre judicieuse appréciation, en montrant que l'hypnotisme n'est pas exclusivement renfermé dans le domaine de la spéculation, qu'il ne doit pas être considéré comme un frivole passe-temps, mais, au contraire, entrer dans la pratique journalière.où nous avons si souvent occasion de l'employer, et prendre place parmi les différents agents que le malade nous réclame pour le guérir ou soulager ses souffrances.
Monoplegie hystéro-traumatique guérie par une seule séance
de suggestion.
Sous ce titre, le Dr Journée, médecin-major du loi'dc ligne, publie dans le Progrès médical une observation fort intéressante :
Les paralysies étendues survenant après des traumatismes légers ont, de-
puis quelques années surtout, attiré l'attention des médecins et des chirurgiens. M. Charcot a interprété ces observations et n fait jouer à la grande né-* vrose qu'il a si magistralement étudiée le rôlo principal, en démontrant que» dam !¦ plupart des faits observés, on en retrouvait les stigmate* chea le* patients et que !es accidents pouvaient être artificiellement reproduit* pendant riiypno'c. L'observation suivante vient confirmer cette théorie.
En prenant une leçon d'armes. A..., caporal, est atteint ¿1 la région sup&» Heure du pli du coude droit. Le coup de bouton, arrivant dans une parade,, détermine une Lgère égrntignure avec épanchemerr sanguin: il ne se produit» au reste que peu de douleur. Huit jours après, il ressent dans le brns un engourdissement qui s'accompagne de fourmillements dans !a main et détscsjj mine un peu d'impotence fonctionnelle. Les fourmillements s'accentuent le* jour* suivants et en même temps apparaît une douleur modérée, ayant pour point de départ le siege de la lésion. L'impotence du membre augmente jJB gressïvement.
Enfin le malade s; présente a la consultation. On constate alors les phénomènes suivants : au point indiqué, exista une ecchymose comme celles que produisent les coups de bouton: le centre est un peu éraiilé. le pourtour est-rouge et semble présenter un léger degré d'inflammation. A la palpation lo~-cale, douleur mtnime, pas de gonflement ni des partie* molles ni Je l'articulation sous*;ocente dont les mouvements imprimés sont intacts, quoique un peu douloureux. Le bras est pendant er. par son poids, abaisse l'épaule. ? n'est pas entièrement fiasque, mais présente plutôt un certain degré Je contracture- portant sur toute la masse musculaire et ne se systématisant pas dan» un groupe de muscles en particulier. L'avnnt-bras est un peu fléchi sur le bra* et, aux mouvements provoqués, donne la sensation de la JlcxibUius eerca* Les mouvements voient! res tris limités, la pression sur les musses et les mouvement* imprimés sont douloureux. La main est à demi fermée et ne* s'ouvre que lentement avec peine et douleur. La contractilité musculaire est fortement diminuée du côté droit, tandis que la main g uche serre avec vigueur et énergie. Le sens musculaire est conservé. Pas d'atrophie. Le membre! est complètement anesthésié, aussi bien à la surface que dans la profondeur r lanesthésie affecte ln forme en gigot décrite par M. Chnrcot.
Cette forme particulière d'anesthésie, le peu ' de rapport existant entre la-lésion primitive et les phénomènes actuels, la distribution Je la paralysie, font penser a une manifestation hystérique et les stigmates sont recherchés. Voici les résultats de cet examen : Pjs de polyapie monoculaire, pas d'ochnoma-topîe, pas de rétrécissement appréciable du champ visuel. Anesthéne pharyngée. Pas d'anesthésie, pas de troubles senstiivo-sensoriels, pas de boule ni d'hyperesthésie testiculaire, pas de zones hystérogénes. Jamais d'attaque» nerveuses, ni de maux de tête, ni d'irrégularités 'e caractère. Malgré les résultats négatifs, sauf sur un point, de cet examen, le diagnostic porté est: Paralysie hystéro-traumatique du bras droit, incomplète ai-ec légère contrac-ture.
Prescription : Cataplasmes phéniqués. loco dolent!, et repo«. >i 'c lendemain la paralysie n'a pas cessé, j'avertis le malade que je la ferai disparahA par suggestion.
Le jour suivant, comme c'était à prévoir, la paralysie s'est accentuée, Ies-autres symptômes restant les mêmes. En venant ù 1a visite, le malade rencontre un olficier et il lui est impossible de faire lo salut militaire.
l'Hypnotisation : Sommeil rapidement obtenu par fixation du regard; catalepsie. ; uis somnambulisme: suggestion de sensibilité, de comractilîté et tfanalgcsie. Le sommeil est miintenu pendant vingt minutes. Au réveil, les diverses suggestions sont réalisées : lu salut militaire se fait très correctement.
Le lendemain, après cne journée et une nuit très bonnes, la guérison s'est maintenue. Néanmoins, pour la confirmer, je fn«s une nouvelle suggestion pendant le sommeil, en affirmant que pareil accident ne se reproduira plus jamais à l'avenir.
a…reprend son service: il est devenu sergent, et ne présente à l'heure
actuelle plus trace de son affection.
Réflexions. — Cette observation m'a paru intéressante : elle montre une fois de plus que l'hystérie peut exister chez l'homme à l'état virtuel et ne se manifester que par des stigmates très peu apparents, qu'il faut rechercher avec soin : dans l'espèce, il n'existait que lanesthésie pharyngée, sans antécédents familiaux, et une attaque convulsive dans la jeunesse.
D'autre par:. i rapidité avec laquelle la paralysie a été guérie par simple suggestion, outre qu'elle justifie le diagnostic naturam morborum curâtionet ostenJunt, mo.-vic combien il est imponanr, dans des cas analogues, de porter le diagnostic et d'agir vite : l'ecole de la Salpêtrière enseigne, en effet que ces affections deviennent habituellement très rebelles si elles ont le temps de s'établir définitivement et si on les laisse persister seulement quelques jours.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance du lundi 20 octobre. — Présidence de de M. Cotard-Les dangers de l'hypnotisme, Voir plus hav: la communication de M. Séglas.
DISCUSSION
M. Bruni . — J'ai déjà eu l'occasion d'observer deux cas analogues à celui qui a fait l'objet de la communication de M. Séglas. Une de ces observations,
recueille par M Lwolf, interne du service, a été publiée dans la Revue de l'Hypnotisme. Chez ces deux malades, les troubles mentaux se sont manifes-tés des manœuvres pratiquées par des magnétiseurs. Si entre les mains de ces individus qui sont complètement étrangers â l'art de la méde-cine, l'hypnotisme peut présenter quelques dangers, il est juste de reconnaître
qu'il n'en est pas même entre les mains des médecins expérimentés, qui
trouvent dans l'hypnotisme e: la suggestion un agent thérapeutique de la
plus grande efficacité.
M. Auguste Voisin.— L'hypnotisme pratiqué par les magnétiseurs de pro-
fessiort n'a rien de commun avec l'hypnotisme employé comme agent thérapeutique, qui, dans ee cas, offre de nombreux avantages, tandis qu'il ne présente aucun danger. C'est même un procédé thérapeutique absolument inoffensif. A plusieurs reprises je suis allé assister à des séances publiques données par des magnétiseurs. J'ai remarqué que les mêmes sujets, après quelques mois d'expériences consécutives, tombaient dans un état de cachexie profonde. Je suis donc d'avis qu'il est temps que les pouvoirs publics prennent l'initiative d'interdire de semblables exhibitions. L'hypnotisme ne doit être appliqué que par des médecins; entre les mains des empiriques et des charlatans, il offrirait les mêmes dangers que présente l'emploi des substances toxiques, telles que la morphine, la digitale employées par des personnes qui n'ont pas les connaissances voulues.
CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ ITALIENNE DE MÉDECINE INTERNE
Tenu à Rome du ao bu 34 octobre iSSS. Hypnotisme dit spontané.
M. Vlzioli (de N'aples), dans la séance du 24 octobre, présente une femme hystérique qu'il hypnotise en la faisant p'accr simplement sur un lit et en lo{ projetant sur les yeux un faisceau de rayens lumineux réfléchis par un petit miroir. Comme il arrive parfois a cette malade de s'endormir subitement et de rester dans cet état pendant plusieurs heures et même plusieurs jours, M. Viziolfeo conclut que c'est là un type caractéristique d'hypnotisme spoo-
m. Sciamanna (de Rome} n'est pas de l'avis de m. Vizioli; il pense, au contraire, que les phénomènes observés sont seulement 1 effet de la suggestion, par suite de l'éducation d>i sujet et de l'habitude prise dans ce genre d expériences. Désormais, les expérimentateurs devront toujours tenir compte de ce facteur dans les expériences d'hypnotis.ne et il n'est plus permis d'ignorer *e rôle prépondérant que ioue la suggestion dans la production de tons ces phénomènes.
ACADÉMIE DE MÉDECINE DE BELGIQUE.
Suite de la discussion du npport de *Ia Commission à laquelle a etc* renvoyée la proposition de M. Rohmelaiii, relative a l'hypnotisme. — M. Masois, rapporteur.
La réglementation de l'hypnotisme.
M. Bom»AiRT. — Messieurs, je ne me propose pas d'entrer dans de longuet considérations ù propos du sujet très intéressant qui est maintenant discuté devant l'Académie. Je ne reviendrai pas sur les vues théoriques qui ont été développées avec beaucoup de talent par l'honorable rapporteur d'abord, et ensuite par les divers orateurs qui ont pris la parole dans ce débat. C'est
particulièrement des dangers de l'hypnotisme que je vais m'occupcr, et encore je ne pense pas traiter cette question dans toute son étendue. Je désire surtout justifier la note très modeste que j'ai fournie à M. Masotn, è l'appui des conclusions formulées par la Commission.
On a agité, ici et ailleurs, la question de compétence. Il me semble qu'il s'est établi à ce sujet une confusion qu'il serait bon de faire disparaître. Si nous _nous conformons aux vues de l'auteur de la proposition, nous avons à discuter avant tout les dangers de l'hypnotisme ; nous travaillerons beaucoup moins à en constituer la théorie. Il est bien vrai que l'idée que l'on se fait de l'état hypnotique doit avoir une certaine influence sur l'appréciation des dangers qu'il peut entraîner ; mais il ne faudrait pas cependant exagérer la portée de cette relation. Autant vaudrait dire qu'il faut absolument posséder les connaissances d'un colonel d'artillerie en balistique pour bien apprécier, après le bombardement, les ravages que les projectiles ont faits dans une ville assiégée. Je ne crois pas qu'au moment actuel, aucune des théories qui ont été proposées pour l'explication des phénomènes hypnotiques puisse être considérée comme définitive; mais, même dans cet état provisoire de la science et quelle que soit l'explication théorique que l'avenir nous réserve, les faits bien observés et bien interprétés restent ci gardent leur valeur, et il faudra toujours compter avec les accidents que l'on peut, dés maintenant, ramener avec certitude à l'influence de l'hypaose.
Or, sur ce point de fait, et, je le répète, c'est le seul qui soii directement en discussion, je suis d'avis que les médecins, et surtout les médecins d'une certaine catégorie, ont une compétence incontestable. Quand des accidents de ce genre doivent être conjurés, ce n'est pas, que je sache, au professeur de philologie, ni même au professeur d'ophialmologie que l'on s'adresse. Sous ce rapport, ces honorables et très savants collègues peuvent très bien ne pas en connaître beaucoup plus que la masse du public. Or. celle-ci est loin d'être toujours bien informée des conséquences fâcheuses qu'amènent parfois les manœuvres d'hypnotisme.
Le praticien qui est appelé près d'un cas de ce genre se lair, par devoir professionnel : et, pour ma part, je comprends très bien l'attitude de quelques-uns de nos collègues, quand ils nous ont dit ici qu'ils avaient les mains pleines de vérités, mais qu'il ne leur était pas permis de les ouvrir. Même en ne divulguant pas les noms, on ne peut pas toujours dérouter la malignité du public en relatant des faits de cette espèce- L'entourage des malades ne parle pas davantage ; il s'agit le plus souvent de phénomènes nerveux plus ou moins graves, qui passent pour une espèce de tare, de nature à déconsidérer la famille ci à compromettre plus ou moins l'avenir de ceux qui s'en trouvent marqués. Depuis que cette discussions commencé, j'ai pu me convaincre, dans des entretiens que j'ai eus avec différents confrères, que tous les accidents imputables A l'hypnotisme ne sont pas, à beaucoup près, livrés à la publicité.
J'ai commencé par dire que, dans la grande majorité des cas, les pratiques d'hypnotisme ne sont pas nuisibles à la santé, et il en est ainsi notamment dans les représentations publiques actuelles, où les sujets ne servent généralement qu'une fois, ou tout au plus un petit nombre de fois.
Cette règle n'est pas cependant sans exceptions, des faits incontestables le prouvent. Quel est, du reste, le médecin habitué à observer tous les jours la variabilité de réaction que présente la nature humrine, surtout quand l
s'agit de phénomènes nerveux, qui voudrait affirmer à priori que, dans tous les cas. l'influence perturbatrice de l'hypnose trouvera l'organisme complètement indifférent, que jamais elle ne viendra réveiller une prédisposition mor-'. bide jusqu'alors sommeillante '
Je ne crois pas que l'é;ar hypnotique constitue une maladie, dans le sens qui s'attache d'ordinaire à ce mot, encore moins un accès de loite momentané, comme îe prétend Rieger. Mais je r.c peine pas davantage que les suggestions n'ont que l'importance d'un simple rêve survenant dans !e cours du* sommeil ordinaire. Si, par le fait de cet état anormal, de ce trouble nerveux passager, des accidents sérieux doivent se produire d'emblée, ils se manifeste-ront beaucoup plus souvent lors des représentations théatrales que dans le cabinet du savant et du médecin. Le magnétiseur en représentation opère sur des inconnus ; il ne peut établir, parmi ceux qui se présentent sur ses tré-teaux. aucune espèce de sélection ; il ne connaît rien de leurs intécédents pathologiques, rien de leurs prédispositions héréditaires. De plus, si les choses se passent ailleurs comme je les ai vues se passer à Gand, ce sont précisément les névropathiques. les amoindris, les déséquilibrés de toute na-turc qui se précipitent le plus avidement à la recherche de ces émotions d'un genre nouveau.
Des cas d'accidents vous ont déjà -té cités. messieurs, et or. pourrait allonger encore la liste qui vous a été soumise.
Tout récemment. M. Edgar Bérillon. dans un article qui a reçu une assez
grande publicité, écrivait les lignes suivantes :
i Depuis deux ans que nous avons .'honneur de diriger la Ksvuc dV l'Hjrp-': notisn-.r, nous avons enregistré un assez grand nombre de faits q-ai prouvent' l'action néfaste exercée dans maintes localités par le passage de certains magnétiseurs.
» Le premier. M. Ladame a fait, dans son livre sur la névrose- hypnotique, un exposé frappant du snns-gêne avec lequel les magnétiseurs se jouent de 1*' santé de leurs sujets. Depuis. M. le professeur Charcot a signalé l'apparition,: dans un chef-lieu de département français, d'une sorte de manie hypnotique active qui pénétra jusque dans le college de h ville. En particulier, un jeune' élève, hypnotisé par ses camarades, fut atteint d'une série de troubles nerveux qui l'amenèrent à la Salpètriére. M. Pitres, ce Bordeaux, et M. Andrieu, d'Amiens, ont observé des jeunes gens chez lesquels les pratiques de magnétiseurs ambulants et de saltimbanques avaient déterminé l'éclosion de graves accidents.
» Enfin, récemment, nous recevions de M. Briant. médecin en chef de l'asile de Villcjuif, l'observation d'un cr.s de délire mélancolique consécutif à des pratiques d'hypnotisme tentées par un magnétiseur. (La séance avait duré trois heures et demie.)
» Nous avons eu nous-même l'occasion d'enregistrer un certain nombre d'accidents analogues, dus à des tentatives d'hypnotisme faites par des empiriques dans un but d'amusement ou de curiosité. »
Par:bis même, ces accidents se sont montrés en dehors de rhvpnotisation proprement dite, dans le cours de cette période de préparation où, suivant la méthode de Braid, on opère par la concentration de l'attention et du regard.
Il en a été ainsi dans un cas décrit par Bovin : Une jeune dame de iS ans, d'une bonne santé habituelle, avait, aans une soirée, fixé quelque temps
ses ycnx sur un bouton brillant, dans le but de s'hypnotiser, mais sans y réussir. Peu après, elle perdit connaissance; il y avait chez elle de In raideur musculaire, un rétrécissement des pupilles, 40 respirations, 100 pulsations à la minute. L'accès dura une heure et dix minutes. Le lendemain, la fréquence du pouN était encore de 120 battements a la minute.
M. Licbeault signale un fait du même genre dans sa Confession d'un médecin hypnotiseur. où cet observateur distingué expose toute une série d'acciicnis qu'il a provoques alors qu'il manquait encoio d'expérience dans la pratique de l'hypnotisme. On voit par là. soit dit en passant, ce qu'il faut redouter de ces magnétiseurs d'occasion qui ne mettront pa* évidemment dans leurs manoeuvres le : la r.:servc prudente de V. Licbeault. ¦ Un jour, dit-il, que j'avais mis en rang sur des chaises six personnes qui voulaient se confier à moi pour être endormies et dont le* yeux, d'apres mes indications, restèrent iïxés en haut sur un objet bridant mis au-dessus du front, l'une d'entre elles, presque aussitôf. tomba à la renverse, prise de violentes convulsions. ¦
Un écrivain, dont l'autorité est invoquée fréquemment par les partisans de la liberté des exhibitions publiques, le professeur Morselli, de Turin, dit. dans le traité qu'il vient de publier sur le magnétisme animal, qu'il a vu fréquemment chez les hystéro-épileptiques des accès se produire pendant et après l'hypnotisât ion. Et il ajoute, sans soulever à ce sujet la moindre protestation, que des auteurs ont décrit des convulsions, des syncope*, des paralysies et de contractures persistantes, des accès épileptiques. de la somnolence, du coma léthargique, de l'hébétude et enfin de la folie et de la démence, ù la suite de manœuvres d'hypnotisation trop fréquemment répétées ou mal conduites. Aussi n'est-il pas. d'une manière absolue, partisan de la liberté des représentations hypnotiques ; il semble approuver l'idée de Tnr-ehin:-Boni'an:i. qui voudrait les réglementer de manière qu'elles cessassent d'être nuisibles pour le sujet ou répugnantes pour les spectateurs, idée excellente en théorie. mais, or. en conviendra, difficile à réaliser en pratique.
On demande des noms de magnétiseurs. Linden cite le cas d'un jeune homme de 18 ans par Hansen. a la suite de l'hypnose, le sujet se plaignit d'une sensation bien marquée de faiblesse, d'une céphalalgie persistante, d'une somnolence invincible. Il. se déclara chez lui un état d'affaiblissement et de torpeur intellectuels qui le força d'interrompre ses études. Un séjour à la campagne complet de l'esprit dissipèrent graduellement, mais lentement, ces divers troubles.
Je pense qu'on peut encore invoquer ici le témoignage d'un magnétiseur de profession, M. Moutin, qui. plus malheureux que ses confrères, ovouc, dans son livre sur le nouvel hvpnotisme. toute une série d'accidents dus ù l*hyp-notisation, accidents que, le plus souvent, il a dû relever dans sa propre pra-tique. II s'agit — j'emploie la nomenclature de M. Moutin — de crises de nerfs et de convulsions violentes, de rires convulsifs. de syncope», de pleurs accompagnés de suffocation et de spasmes, de catalepsie. de congestion céré-brale, d'évanouissement, d'idiotisme. 11 décrit nota-nment une scène assez dramatique ou le sujet, qui n'avait jamais été malade, présenta, après son réveil, entre autres phénomènes d'excitation, des convulsions effrayantes qui durèrent prés de trois quarts d'heure. M. Moulin reconnaît qu'il a produit, ù diverses reprises, des accidents de ce. genre. Il ajoute que le sujet de cette observation, une fois calmé, ne se souvenait absolument pas de ce qui venait
de se passer ci ne ressemait aucune fatigue. Il n'en est pas moins vrai que, pour le médecin, ce sont là des manifestations assez graves et qui pourraient très bien réveiller une prédisposition latente à l'hystérie ou à i'épilepsie.
Du reste, il n'est pas seulement question ici de troubles nerveux proprement dits ; on est en droit de dire que les émotions vives par lesquelles on fait passer les hypnotisés, que les mouvements violents que l'on suscite parfois chez eux peuvent être nuisibles dans les cas de maladies du cceur ou des gros vaisseaux.
Il est donc démontré, me semb!e-t-il. que dans certains cas, rares et peu nombreux, les représentations théâtrales peuvent développer immédiatement différents états morbides, dont quelques-uns du moins ont un caractère grave. Ont-elles, d'autre part, habituellement des avantages qui compensent ces sérieux inconvénients? On prétend qu'elles ont pour etTet d'instruire le public; il faudrait, pour cela, d'autres professeurs que ceux qui opèrent actuellement sur les tréteaux. On peut s'associer, au moin» dans une assez large mesure, an jugement sévère que M. Bérillou, dans l'article que je viens de citer, porte sur les magnétiseurs : ¦ Chez presque tous, nous avons constaté une ignorance complète des faits physiologiques les plus élémentaires. Uniquement préoccupés du désir d'amuser et de distraire le public, ils ne s'appliquaient qu'à produire des phénomènes ayant une apparence de merveilleux, sans se soucier des conséquences que leurs manœuvres pouvaient avoir sur l'état mental des sujets. Quelques-uns faisaient preuve d'une brutalité inouïe. Tous, pour rehausser leur prestige, s'efforçaient de propager la croyance qu'ils étaient détenteurs d'un fluide spécial et magique, d'une force l'ascinatrice surnaturelle, dont les autres mortels seraient à peu prés dépourvus. »
J'ajoutais dans ma petite rote: ¦ Les séances publiques me semblent constituer un danger ; elles font surgir un certain nombre de magnétiseurs en sous-ordre, qui manquent souvent du tact et de la prudence nécessaires pour manier convenablement un modificateur aussi puissant. »
Il me sera permis de relever ici une inexactitude qui s'est glissée dans l'exposé de M. Nuel, et qui s'est encore produite ailleurs. J'ai cité deux cas à l'appui de mon assertion ; mais, pour l'un d'entre eux, je ne me suis pas borné à dire que l'hypnotisation n'a pas été étrangère au développement de l'hystérie. Dans l'espèce, l'hystérie doit être bien rapportée à l'influence des manoeuvres hypnotiques; elle s'est montrée à leur suite; elle a complètement disparu quand on les a fait cesser. Au reste, ce mode de production de l'hystérie par le fait de l'hypnotisation, alors que celle-ci suspend le pouvoir d'inhibition des centres cérébraux, a été reconnu depuis longtemps Les crises des malades de Mesmer, qui nécessitaient leur isolement dans une chambre spéciale, n'étaient en somme que des manifestations hystériques.
Je disais donc qu'en répandant ainsi dans la masse du public U pratique de l'hypnotisme, les représentations publiques amenaient de nouveaux dangers, plus nombreux et généralement plus graves que ceux qui dérivent de MM influence immédiate.
Dans le cours de cette discussion, l'honorable M. Nuel. relevant des interruptions qui lui signalaient ces conséquences nuisibles, nous a dit qu'il réservait la réponse à cet argument pour la fine bouche. J'avoue 411e j'ai vainement attendu cette réfutation.
M. Nuel s'est borné à dire que les phénomènes hypnotiques constituent des faits du plus haut intérêt avec lesquels il faudra compter à l'avenir, qu'on ne
pourra pas supprimer par un ukase, au sujet desquels toute personne pensante Toudra avoir une conviction basée sur son expérience personnelle.
On continuera donc les séances privées, et cela dans le but de s'instruire. On voit bien que M. Nuel. heureusement pour lui, n'est pas tout à fait dans la bataille et ne se rend pas très exactement compte de ce qui se passe, le plus souvent, dans ces réunions. Dans la grande majorité des cas, l'amateur drhvpnotisme. sans la moindre préparation, imite d'une façon plus ou moins heureuse les procédés qu'il a vu mettre en usage par le magnétiseur. Ces procedes, en etTei, sont relativement simples, ils n'exigent aueune installation particulière, aucun instrument spécial ; ils sont absolument i la portée du premier venu. L'amour de la science, le désir de s'instruire n'entrent guère ici en ligne de compte ; l'opérateur veut, avant tout, amuser sa famille, ses amis; d'autre part, mû psr un sentiment de vanité, il tient à bien montrer comment il peut, a son gré, se jouer de la personnalité humaine. Il choisit un sujet, et. si !c choix lui semble bon. c'est sur ce sujet seul qu'il répète, quelquefois très fréquemment, ses expériences. Il est d'autant plus porté à en agir ainsi, qu'à chaque nouvelle séance l'hypnotisé tt montre plus docile, se trouve davantage sous la domination de son magnétiseur. Quant aux démonstration*, on n soin de les choisir parmi les plus absurdes et les plus ridicules; !e succès est a ce prix.
Je crois qu'il ne se trouvera personne ici pour défendre ces pratiques ; de l'aveu de tout le monde et M. Nuel lui-même est très affirmatif sous ce rapport, ces manœuvres répétées, qu'aucun b-t sérieux n'excuse, peuvent devenir dangereuses. Hiles ont. dans tous les cas. pour effet d'augmenter le nombre des individus facilement hypnotisables, et je considère cet état comme une véritable infirmité, comme une complication nouvelle qui vient s'ajouter à tant d'autres, pour développer davantage le nervosisme de l'époque aciueïle.
Seulement, me* honorables contradicteurs tichent d'échapper à cette solidarité compromettante. L'expérience, pourtant, d'accord avec la logique, démontre que ces élèves supposent un professeur, que les séances privées et les conséquences qu'elles entraînent sont incontestablement liées aux représentations publiques.
a Gand, ce fut surtout l'influence de Hansen qui mit en vogue les pratiques du magnétisme ; après quelques mois d'engouement, cette fièvre hypnotique était complètement calmée. Il a suffi de l'arrivée dans notre ville, Û la fin de l'année dernière, d'un autre magnétiseur pour donner une nouvelle impulsion aux démonstrations privées, et ce qui s'est passé & Gand s'est évidemment répété ailleurs.
Comme nous l'avons vu plus haut, l'émïnent professeur de la Faculté de Paris. M. Chircot, dans sa leçon sur l'hypnotisme en thérapeutique, signale l'espèce de manie hypnotique active, l'émotion que les représentations d un magnétiseur ambulant provoquèrent chez les habitants de Chaumont-en-Bassi-gny. I! en résulta des accidents très sérieux.
Au rapport Je M. Pitres, Donato avait suscité, à Bordeaux, une véritable épidémie de folie hypnotique, et M. Pitres, dans la /cerne de fHypnotisme, Bfctsi ce propos « sur le désordre, le trouble profond qui résultent de la dissémination dans les milieux incompétents des pratiques du magnétisme. II ne faut pas les bisser, ajouie-t-il, pas plus que les poisons ou les armes dangereuses, entre les moins de tout le monde, a
Mais on a soutenu que l'interdiction des séances publiques n'empêcherait
pas la pratique de l'hypnotisme dam le* réunions privées. Je crois qu'ici il5
faut distinguer et distinguer surtout, messieurs, d'apre» l'accueil que nous
faire aux propositions de la Commission. L'opinion publique est saisie de car
débat ; 1-s journaux politiques '."ont suivi et en ont fait connaître les diverses
phases ù leurs lecteurs. Si l'Académie décide que les séances publiques
n'otlrent aucune espèce de danger et peuvent être acceptées avec toutes .tes
conséquences qu'elles entrai ne et, il sera bien difficile de ùiire comprendre «n
public que les séances privées sont grosses de périls, et celles-ci conûftfl root.
Il en sera tout autrement quasd la grande voix de la presse arra publié que vous ave* cm nécessaire d'appeler l'attention du gouvernement sur les conséquences fâcheuses des exhibitions hypnotiques, et que vous avez signalé, par» ces conséquences fâcheuses, les abu» qui se sont manifestés parfois 4*a!^H réunions privées. Kn crTet, dans les cas que j'ai cites et probablement dans presque tous ceux du même g-:nre. ;l n'v a eu qu'ignor,.nce ci i.c«-rcte;ce. sont de très proches parents de mes malades qui ent n:vené ces aecid;nosj ce qui. soi| dit en passant, prouve combien serait peu pratique la mcsure«H l'on a proposée pour parer aux dangers de l'espèce; elle c(.:-.>i>:.:.-.i: a rem» le magnétiseur responsable de ces effet* nuisibles et à le punir au besoin. W est clair que ces magnétiseurs d'occasion n'auraieut jamais commencé leur»; manoeuvres, s'ils avaient su qui:*exposaient '.cars sujets à un danger sérieux; et, sous ce rapporr, la décision de l'Académie, si elle se radie aux vues de la Commission, sera un avertissement solennel et une retentissante leçon.
Le magnétisme animal a passé par cette phase de charlatanisme qui se rjsfl contre parfois au début de l'évolution-d'une science.
Je comparerais volontiers les magnétiseurs aux alchimistes d'autrefois qui, eus aussi, malgré leur vantardise et leurs fourberies, ont aide a ia constitution des connaissances chimiques. Je ne fais aucune difficulté d'admettre que les magnétiseurs de l'époque actuelle, en appelant tout le sur leur)
théâtre, aient contriouc a fixer la valeur scientifique de Thy-r. ::>me. SiJMg démonstrations de ce genre n'ont pas toujours reçu dans le corps midicaleaj accueil favorable, il faut bien l'attribuer, en partie du moins, a-a\ niagnétfe seurs eux-mêmes. Ou bien ils se servaient de ruse* grossières, nu bien ils avaient 11 ; rétention d'opérer de véritables miracles, et i. n'e-t pas étonnant que. dan» ces conditions, des esprits à éducation scientifique aient montré ose. certaine réserve.
Mais ce résultat, qui, je l'avoue, est considérée. e.«: r.:a;;::e:Mnt acquis, et s il est démontré qu'il l'a été parfois nu prix de certains dar.ci; >. je ne vois: pas pourquoi ces pratiques, désormais inutiles comme p: ..c.dJ . démonstration, devraient être tolérées davantage. On ne privera pas ainsi les magnétiseurs de leur gagne-pain, on ne les traquera pis. on ne les poursuivra pia^H est très admissible que certaines personnes, grâce ù des qualités innées, sM^H a leurs études, à leur expérience, réussiront mieux que d'au-, à .cvcloppiri l'état hypnotique. On pourra donc les utiliser, et l'on commence déjà à le faire, soit pour l'étude de la théorie de l'hypnotisme, soit pour 1 applies^H de cette .cience à l'art de guérir. Le magnétiseur deviendra ainsi, dans qnftra ques cas, un précieux auxiliaire pour le médecin.
l-e temps n'est pas éloigne, je pense, où l'on s'étonnera que de- questice»; de ce genre aient du être discutées devant les corps savants, et, de merneqofl la chimie appartient désormais irrévocablement aux chimiste;;. 1 hypnotisme,
traité sérieusement comme les autres connaissances humaines, appartiendra aux psychologues, aux physiologistes, aux médecins. L'époque des exhibitions théâtrales sera alors probablement passée ; que dirait-on. au moment actuel. du professeur d'electricité qui consacrerait presque tout* sa leçon à exciter rhflarité de son auditoire en provoquant, chez les sujets qui veulent bien s'y prêter, des contorsions et des grimaces par le passage du courant électrique i
J'avoue que j'ai toujours été très étonné de voir des savants d'une valeur ..'Considerable, des philosophes auxquels on doit de remarquables études sur noe phénomènes de l'hypnotisme, se faire les champions des représentations publiques. Ils devraient être les premiers, ce me semble, à demander que ces questions, si belles et si graves, soient traitées d'une manière con-venable et digne ; on les dégrade en quelque sorte, en les luisant servir à des exhibitions plus ou moins burlesques, en les livrant eux rires et à la frivolité du public.
J'ai tâché, messieurs, de justifier le vote que j'ai émis nu sein de la Com-mission. L'étude de 1 hypnotisme peut être abordée de divers côtés ù la fois; Comme la question est complexe, comme ello touche à divers ordres de connaissances humaines, elle n'appartient pas aux médecins seuls : les philosophes de l'école expérimentale peuvent, entre autres, en tirer un excellent parti.
Quant à l'emploi de l'hypnotisme en thérapeutique, il doit être réservé a ceux qui possedent des connaissances médicales sérieuses, ou, tout au moins, .être dirigé par eux. Il ne suffit pas de bien connaître la théorie de l'Hypno-tisme pour intervenir utilement dans le traitement des maladies, pas plus qu'il 'De suffit d'être physicien pour uppliquer l'électricité a la cure des affections nerveuses. Dans les cas de ce genre, la théorie pure ne saurait mener bien loin; elle doit égarer même, si l'expérimentateur ne connaît pas bien le ter-rain où il compte en faire l'application.
L'hypnotisme a fait c::lin son entrée dans la science, et. pour la première fois, bien qu'en prenant une voie un peu détournée, il est venu se présenter devant notre Academie. II n'est pas étonnant que. dans ces circonstances, le débat se soit immédiatement élargi; à propos des conséquences fâcheuses des exhibitions hypnotiques, la question tout entière a fait l'objet d'un long et sérieux examen. On a parlé à diverses reprises, dans le cours de cette discussion, de tribunal et de plaidoiries. Les Académies constituent en effet de véritables tri.-.. scientifiques: :1 leur revient, entre autres attributions, de prononcer. avec l'autorité de la compétence et du nombre. si tel ordre de faits est digne d'être admis dans le domaine de la science. On leur reproche quelquefois, non sans quelque ironie, leurs lenteurs et leurs hésitations ; autant vaudrait se railler du juge qui demande le temps nécessaire pour l'étude de diverses pièces du procès avant de se lier définitivement par une décision.
En ce qui concerne l'hypnotisme, la cause est maintenant entendue et
logée; il apparait comme un modificateur nouveau de l'organique humain. avec de sérieux avantages et des dangers non moins réels. Ces da. gers,mes-sieurs, vous êtes appelés ù les signaler et à les prévenir: vous avez reçu du
gouvernement la garde de la santé publique. En adoptant les conclusions de vos commissaires. en condamnant les séances publiques des magnétiseurs,
«tous affirmerez que la période charjatanesque est irrévocablement passée
pour l'hypnotisme, qu'il doit être manie désormais avec l'attention que son importance lui mérite, avec la prudence que ses dangers imposent. Confié d'une manière définitive aux hommes de science, il fournira un puissant moyen d'investigation au philosophe et au phvsiologiste. une ressource thérapeutique précieuse au médecin.
M. Nuel. —A mon avis, la discussion présente est épuisée, et je serais d'avis que les débats fussent fermés. Je prie toutetois l'Académie de m'ac-corder encore la parole pendant quelques minutes. Je voudrais formuler quelques propositions dont la vérité, d'après mot, se dégage clairement des discussions qui ont eu lieu.
Tout d'abord, je crois pouvoir constater qu'en provoquant ces discussions, en venant combattre le rapport de la Commission, M. Kuborn et moi nous avons produit ce résultat heureux d'avoir contribué à éclaireir notablement les idées de !a plupart de nos collègues relativement i l'hypnotisme.
Des choses excellentes ont été dites dans cette longue discussion, mais souvent, trop souvent, â mon avis, elles n'ont avec l'objet en litige, avec l'interdiction des séances publiques d'hvpnotisme, qu'un rapport très éloigné. Il suffira, je pense, d'avoir appelé l'attention sur le danger qu'il peut y avoir & développer longuement des idées justes d'ailleurs, mais qui ne prouvent rien dans le procès plaidé ici.
Je constate ensuite que personne ne s'est élevé, dans cette enceinte, pour défendre les assertions du l)r Lombroso, pourtant vertement attaquées. J'en conclus qu'elles ne sont guère défendables. Et pourtant, sans les histoires de ce confrère, colportées de citations en citations, il ne serait venu à l'idée de personne de soulever la question de l'interdiction aux Chambres législatives, et notre Compagnie n'en aurait pas été saisie.
Il ressort aussi à l'évidence des divers discours que les crimes par suggestion, que je nomme « crimes par procuration », n'existent qu'en imagination.
L'émotion qui de ce chel s'est emparée du public, et qui a retenti jusque dans cette enceinte, est donc artificielle, n'a aucune base positive.
Et pour rassurer les plus timorés, je citerai ici des expériences faites récemment à Nancy, démontrant péremptoirement que, si par impossible le cas se présentait, rien ne serait plus facile que de faire dénoncer l'instigateur par l'instrument hypnotisé, même lorsque le premier aurait suggéré au second de ne pas le dénoncer.
En fait de violenutions immorales des hypnotisés par les hypnotiseurs, on n'en cite aucune qui soit à l'actif des représentations publiques, li faut certainement que les faits de l'espèce soient rares, puisque l'honorable M. Sema), dans son discours d'aiileurs si remarquable, plein d'analyses délicates de situations psychologiques, en est réduit à rééditer le cas obscur, contestable et contesté de Castell3n, qui se serait passé dix ans avant la première séance publique d'hypnotisme.
Je tiens à faire encore une remarque touchant les signatures extorquées aux hypnotisés. Les quelques expériences que j'ai laites récemment démontrent que l'écriture dans l'hypnose se distingue aisément de l'écriture à l'état de veille. Le saccadé, si caractéristique, des mouvements de l'hypnotisé se retrouve aussi dans l'écriture.
Il est admis aussi que, loin d'être favor tble à la production des phénomènes
hypnotique», l'eut névrosique est une condition défavorable : un hypnotise e'est pas un névrosique.
On remarquera que ces propositions sont les prémisses principales sur lesquelles est basée l'argumentation dans mon discours du a8 avril dernier, auquel je renvoi pour le reste.
Tout en rcservjnt la question hygiénique, je persiste donc à croire que les faits allégués ne justifient pas une mesure aussi grave que celle de restreindre la liberté individuelle des citoyens dans une mesure dont on ne prévoit pas encore l'étendue.
(.4 suivre.)
VARIETES
RUE FAUT-IL PENSER DE L HOMŒOPATHIE ?
Par M. le D' DESPLATS Professeur à la Faculté" libre de médecine de Lille
La question des doses a, pour le public, encore plus d'importance que le choix des médicaments. Peu lui importe que le médecin prescrive euprum ou arsenicum : ce qu'il désire, c'est qu'un les lui donne «dose homœopathique, c'est-à-dire infinitésimale ; car ces deux termes sont devenus synonymes. Et cependant, pour les disciples éclairés d'Hahnemann. le dogme des doses infinitésimales a été ébranlé ; dans la pratique, il est même souvent abandonné. L'aveu formel en a été lait au Congrès homéopathique de 1878. En quoi consiste ce dogme et-quel en est le fondement?
Ainsi que nous 1 avons vu plus haut, la maladie ne dépend pas d'une lésion d'organe:.-, eue dépend de la force vitale désaccordée. C'est un simple trouble dynamique. Le médicament, pour être adéquat à la maladie, devru.lui .aussi. avoir une action purement dynamique et cette action, cette vertu ne dépend ni de la masse, ni des propriétés physiques on chimiques de l'agent. Cette masse, ces propriétés ne servent même qu'à masquer les propriétés dynamiques, si bien qu'avant de les employer, le médecin devra les dégager. le- isoler, pour les rendre plus maniables. Les trituratiors et les dilutions, faites suivant un certain mode. n'ont d'autre but que de dégager la vertu médicatrice de la matière dans laquelle elle . pour ainsi dire, engainée. Voici comment on procède: l'eau et le sucre de lait étant adoptés comme véhicules, on
prend une partie de !a substance active et on la mêle à 99 parties de la substance inerte: eau, s'il s'agit d'une dilution ; sucre, s'il s'agit d'une trituration. Le mélange ou la dilution faite, on prend encore une paiv tîe qu'on dissout ou qu'on mêle comme précédemment, et ainsi jusqu'à la 10e, 20e, 30e dilution.
Pour avoir une idée du peu de substance active qui reste dans les dilutions etendues, il suffit de savoir que la 3e dilution en contient un millionième, et la 10e un quintillionième. et cependant 1:1t. au dire d'Hahne-mann, la puissance de ces globules et de ces dilutions est si étonnante qu'il n'est pas nécessaire de les absorber, qu'il suffit de les sentir. Sur 100 malades, il en guérit 99 par le seul secours de l'olfaction (Organon, pp. 121 et 277). II faut lire de pareilles assertions dans l'original pour les; croire.
Depuis près d'un siècle, tous ceux qui ont combattu le système homœopathique se sont efforces de démontrer que les dilutions et les globules ne contiennent rien de la substance primitive, sans s'apercevoir que c'est la le but poursuivi par Hahnemann et par ses disciples. Ils se débarrassent de la matière et ne conservent que la force.
On n'a donc rien prouvé contre eux quand on a démontré que lenjfl médicaments ne contiennent rien de ma'éricl. Ce qu'il faut, c'est démontrer qu'ils ne possèdent aucune vertu dynamique.
On a v mveni remarqué que les plus fervents adeptes de rhomœopttjfl sont animés de sentiments religieux ou familiarisés par leurs occupa-! lions, leurs études, avec les abstractions. Cela s'explique, car nea^H prépare mieux à l'idéalisme thérapeutique d'Hahncmann que l'idéa-i lisme religieux ou les abstractions métaphysiques, c: c'est dans cette parenté des doctrines qu'on doit chercher l.i cause de ! 1 faveur dont jouit l'homreopathic dans les couvents et de la piété s vivent sincère de ceux qui la pratiquent.
Je n'imiterai donc pas mes confrères qui se s..11 jusqu'ici occupés de-ce sujet, et je ne m'attacherai pas & démontrer qu: !e* »¦! oaîes mœopathiques ne contiennent rien. Ccst admis. Je m'efforcerai de démontrer que les actions qu'on leur attribue peuvent -s'expliquer autre-ment.
IV
Les homœopathes ne comprennent pas tous la doctrine d'Hahneminn comme je viens de l'exposer, et ils s'efforcent de démontrer que leurs granules contiennent des quantités appréciables de substance active; en apparence, quelques découvertes récentes leur donnent raison. Je dis en apparence, car, lorsqu'on y regarde de près, les analogies qu'ils in-voquent n'ont aucune valeur. Ainsi, la découverte des alcaloïdes, prin-cipes actifs de certains médicaments, a permis de les donner a doses très faibles et sous la forme de granules. Cette forme et ces doses ont paru
empruntées aux homœopathes, et cependant il y a. au fond, plus de JilTrrn rr entre ce nue contient un granule commun et un granule ho-¦joeopathique. qu'il n'y en a entre un milliard de francs et un millième focentime. Un granule commun suffirait à pratiquer des granules ho-mceopailiiqucs pour le monde entier.
Les découvertes de Davaine et de Pasteur sur l'action des infiniment petits ont et.1 aussi invoquées comme preuve de l'action des médicaments «doses infini:ésima*cs, et, au premier abord, crue preuve parait avoir plus de valeur. On ne peut se figurer la surprise du monde savant lorsque Davaine communiqua à l'Académie de médecine ses expériences sur l'action du virus septique. Une gcutte de sang d'un lapin mort suffisait 4 mer un autre lapin ; un centième de goutte du sang de ce second lapin suffisait a en tuer un troisième: un millième de goutte du sang de ce troisième Ijpin en tuait un quatrième, et ainsi de suite. C'était, semblait-il, la démonstration expérimentale de l'action des doses infinitésimales et de la dynamisation des substances inertes par leur combinaison méthodique avec les substances actives.
Les faits étaient indéniables, et. pendant quelque temps, l'explication ne put en ê:rc donnée : les homecopathes triomphaient et, peut-être, en est-il encore qui invoquent ces faits en faveur de leur doctrine et de leur pratique- Cependant, depuis longtemps déjà, il est démontré que, dans les faits de Davaine. il s'agit de phénomènes de l'ordre vivant. Les virus dont il prend une goutte, un centième de goutte, etc., ne sont que des -semences qui se multiplient dans un milieu favorable, de sorte que, au bout d'un temps plus ou moi/is long (quelques heures suffisent), toute la masse est devenue vivante, et qu'une goutte soustraite peut communiquer la vu-j une masse nouvelle. C'est ainsi que le levain met en -fermentation la pâte i laquelle il a été mêle, et que cette pile, a son tour, mettra en fermentation une pâte nouvelle.
Rien de pareil ne se produit dans la préparation des médicaments .faomœopathiqucs. Ils sont empruntés au monde minéral, végétal ou animal, mais ils sont toujours dépourvus de vie. L'arsenic, le cuivre, l'ipéca qu'ils emploient sont les mêmes que les nôtres, et quand ils les dissolvent Ja:is Je l'eau dis:il!ée ou du sucre de lait, ils ne leur communiquent pas de vertus nouvelles. Ils les atténuent en les divisant.
Et cependant le fait est la. des témoins irrécusables se lèvent pour l'attester, je l'ai reconnu moi-même. D- nombreux malades, traités par l'homceopathie. guérissent. A qui. à quoi attribuer leur guérison ? A la suture, à l'hygiène, à la suggestion.
Le public i-nore, ci bien des médecins ne savent pas assez que c'est -toujours la nature qui gucTit. Sans son secours, les médicaments les mieux appropriés, les soins les plus éclairés ne peuvent rien. Qu'un soldat soit atteint .ic tievre m ilarique en Algérie ou au Tonkin. le plus souvent la quinine le guérira; mais, une fois, deux fois sur dix, la quinine >cra sans action. Pourquoi ? Parce que les médicaments ne
suffisent pas à la cure et qu'il y faut le concours de l'organisme. — Que ce malade, atteint de fièvre que la quinine ne guérit pas, retourne en France, c t quelques semaines il sera transformé : sans aucune intenta lion, scs accès auront disparu, ou, grâce aux conditions nouvelles, la quinine aura recouvre sa venu. — Celte tendance naturelle vers la gué-rison est encore plus prononcée dans les maladies aiguës: angines, phlegmasics diverses, fièvres.
Toutes tendent à une solution prochaine, et cette solution, chez les sujets bien constitues, est la guérison, qui se produira avec le concuasa et quelquefois malgré la médication. C'est là ce qui explique pourquoi guérissent, des maladies les plus graves, tant de malheureux qui man-quent de tout et que les préjugés populaire» soumettent aux traitements les plus absurdes. C'est la nature qui fait tous les irais de ces cures. Les faits de ce genre sont nombreux, et ils servent d'appui aux partisans du nihilisme thérapeutique qt'î se voile sous le nom d'expeciation. Ils ont aussi servi à établir toutes les médications systématiques qui, tour à tour, ont dominé dan: le monde médical. Ce son: eux qui servent de base à l'homccopathie.
Les médicaments homueopathiques, en effet, n'ont ras d'action physiologique définie ; ils ne purgent pas, ne font pas dormir, n'abattent pas la lièvre, ne calment pas la douleur. Us guérissent, assurent ceux' qui les prônent; à cela seulement on reconnaît leur action.
Or, la guérison, je viens de le dire, ne prouve rien, dans le plus grand nombre des cas, la nature en faisant seule les ir.is. Le rule dsj médecin s'est borné, en l'attendant, ù modérer ou à faire disparaître certains phénomènes douloureux ou gênants. Mais, dira-t-on, il est des. maladies particulièrement graves dont la terminaison naturelle est souvent la mort, qui guérissent toujours entre les mains des homœopathes. Ainsi, on ne peut nier qu'ils guérissent les maux de gorge, et particu-lièrement le croup et les angines couenneuses. Il est vrai que beaucoup le croient et le disent, mais ils se trompent. I.eur croyait ce repose sur; des erreurs de diagnostic. Le vrai croup est rare. Le faux croup, qui a toutes les apparences du croup vrai et est même plus effrayant, à cause, de son début brusque, le plus souvent pendant la nuit, au contraire-fréquent. Or. tandis que l'un est très grave et se termine la mort, deux et trois fols sur dix. l'autre est bénin et guérit toujours. Le pu-blïc et les médecins peu éclairés ne font pas ces distinctions.
Les accès de dyspnée croupalc les plongent dans de folles terreurs; la disparition de ces accès leur donne une confiance non justifiée dans les. moyens employés pour les combattre.
Je dirai la même chose pour les angines couenneuses. Le vraies, les, graves, celles qui sont vraiment diphtéritiques et à redouter, sont rares et difficiles à reconnaître ; les pultacées, les bénignes, celles qui mil quiètent si souvent les familles, s. voient tous les jours. Or, elles ont même apparence et, dans certains cas, c'est l'évolution seule qui permet
de les distinguer. Cela explique pourquoi tant d'erreurs sont commises par les familles et même par les médecins.
Il est donc peu scientifique d'accepter, comme preuve de l'efficacité des médicaments homéopathiques, les nombreuses guérisons de maladies aigués qu'ils invoquent.
M n'est pas plus légitime d'invoquer la guérison des maladies chroniques. Celles-là guérissent, non à cause des médicaments, mais grâce 1 l'hygiène prescrite. Sur ce point, les homœopathes sont plus sévères et obtiennent plus facilement l'obéissance. Leurs clients, étant des croyants, acceptent mieux la règle, surtout quand on leur assure qu'elle est nécessaire pour le succès de la médication, un peu mystérieuse, a laquelle ils se soumettent. — Les guérisons de cette catégorie de maladies doivent toutes être attribuées au régime, à l'hygiène et non aux médicaments.
Reste la grande classe des maladies nerveuses, dont les limites sont encore indéterminées. Celles-là guérissent ou s'amendent par l'homœo-pathie. on ne r;ut le nier: mais il serait injuste d'en conclure que c'est par les granules administrés que la guérison est obtenue. Tout est dû à l'état d'esprit du malade et à l'empire que le médecin sait prendre sur lui. Jusqu'à ces dernières années, ces faits étaient d'une interprétation diflicile. Ceux qui les observaient ne pouvaient refuser de les croire, ceux qui ne les connaissaient que par oui-dire les considéraient comme invraisemblables : de là des accusations d; duplicité et de mauvaise foi. Aujourd'hui, ces faits s'expliquent et les accusations tombent. Les médicaments homœopathiques doivent être assimilés à tous les autres agents de suggestion (plaques, anneaux, colliers, etc., etc ). Us agissent comme eux. iun sur le corps directement, mais sur l'esprit, et. par son intermédiaire, ils peuvent guérir ou amender des maladies, même graves. « Mais, dira-ton. si les granules homéopathiques ne contiennent rien, si les guérison* .les homéopathes sont dues à la nature, à l'hygiène ou à la suggestion, l'homœopathie, comme système thérapeutique. e;: sans fondement et n'a pas de raison d'être? i C'est la
conclusion qu: me parait s'imposer après cette étude faite de bonne foi.
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
Cours de M. le professeur Giard sur l'évolution des êtres organisés.
M. A. Giard, ir.cie.i député du Nord, maître de conférences à l'Ecole normale supérieure, a ouvert ce cours le jeudi as novembre dans l'amphithéâtre d'histoire naturelle de la Sorbonne.
L'initiaiive de ce cours revient au Conseil municipal de Paris, qui avait décidé la création d'une chaire de philosophie biologique. Le Conseil supérieur des Facultés accepta cette proposition, et le cours fut constitué avec une légère modification du titre : Chaire de l'évolution des cires organisés.
L'inauguration de cette chaire a eu lieu en présence d'un auditoire nombreux et composé de l'élite du monde savant et enseignant. M. Giard, du reste, a été souvent interrompu par les applaudissements ; surtout lorsque, parlant de Lamarck, il rend un éloquent hommage à ce grand naturaliste français, victime des doctrines officielles. Il constate qu'il a fallu quatre-vingts ans pour que les travaux de ce célèbre naturaliste, partis initialement du Muséum de Paris, fussent revenus à la Sorbonnc, après avoir fait un long voyage circulaire en Allemagne, en Angleterre et en Amérique.
M. Giard a terminé sa leçon par ces réflexions :
« Si, dans le cours de ces leçons, il m arrivait de formuler quelque proposition ou quelque critique de nature à froisser des idées auxquelles vous êtes habitués, à ébranler des croyances qui vous sont chères, n'y voyez de ma part aucune tendance agressive, aucun désir de prosélytisme extra-scientifique. Ne me condamnez pas avant de m'avoir entendu.
« Faites-moi crédit de quelques mois et. lorsque vous connaîtrez mieux les lois de l'embryogénie, lorsque vous aurez vu dans mon laboratoire les merveilleux phénomènes du développement des animaux, nous pourrons discuter utilement, ou plutôt nous ne discuterons pas, car alors, je l'espère, vous partagerez mes convictions, et la science comptera toute une phalange de nouveaux travailleurs désireux d'ajouter leur pierre à l'édifice construit par trois grands génies, l'honneur de trois grands peuples : Gcetke. Darwin et Lamarck. m
Les conférence* du samedi seront consacrées a l'étude de l'embryogénie.
Eugène Caustier.
Conférence de M. le professeur Preyer sur l'hypnotisme.
Le célèbre physiologiste M. Preyer vient de se fixer comme professeur agrégé a l'université de Berlin. Il a ir.auguré son service par une conférence publique sur l'hypnotisme et les états analogues. C'était la première fois que l'hypnotisme figurait dans le programme d'une université allemande.
M. Preyer est certainement au courant des recherches modernes sur la matière. Dans ce premier cours, il a donné lecture d'une lettre que venait de lui écrire son éminent collègue de Paris, M. le professeur Charles Richet, qui le félicitait d'aborder l'enseignement d'une science si passionnante. C'est vrai; mais il a paru que les étudiants de Berlin sont d'autre avis; car environ trois douzaines seulement assistaient à la conférence du 14 novembre.
Nous reviendrons sur l'intéressante et importante initiative prise par M. le professeur Preyer.
m. d.
Vols dans l'état de somnambulisme.
Nous trouvons dans un journal judiciaire le fait suivant :
Une dame G... comparaissait en police correctionnelle sous l'inculpation de divers vols, entre autres de celui d'un remontoir en or, que la dame G... est allée ensuite engager au Mont-de-Piété.
L'accusée ne nie pas les vols, mais elle dit que si elle les a commis, c'est dans un moment où elle était en proie au somnambulisme et n'avait pas conscience de ce qu'elle faisait.
Du rapport du docteur Auditfren, médecin aliéniste. qui a examiné l'inculpée, mais qui ne s'est jamais livré a des expériences d'hypnotisme sur elle, il résulte qu'en effet la dame G... est en proie à de fréquents accès de somnambulisme pendant lesquels elle agit d'une façon inconsciente.
Interrogée pendant divers accès par une prévenue, elle s toujours déclaré n'avoir pas volé.
D'autre par:, devant le tribunal, la dame G... a une attitude passive et endormie fort étrange.
Que décider en présence de cette situation? Les juges, embarrassés, ont renvoyé le jugement au 33 courant.
Mésaventure d'un magnétiseur.
Le New-York Médical Journal, dans son numéro du 38 juillet 1888, rapporte une anecdote qui, si elle est vraie, est bien faite pour mettre en garde les imprudents qui se hasardent à faire de l'hypnotisme au hasard. Un magnétiseur de passage à Saulx-Sainte- Marie fut prié de donner dans une soirée une séance d'hypnotisme. Parmi les personnes qu'il réussit à endormir se trouvait une jeune fille chez laquelle il lui fut facile de provoquer le sommeil artificiel. Mais, hélas! il ne lui fut pas si facile de l'en tirer. L'endormie, comme fascinée, se mit à suivre son endormeur et, malgré tous les efforts, on ne put l'empêcher de s'attacher à ses pas et de contempler son visage. Des médecins furent invités à rompre le charme; ils ne purent y parvenir. Finalement, on ne vit qu'un moyen de sortir d'affaire, un bon mariage auquel, dit-on, le magnétiseur se prêta volontiers. L'anecdote nous vient de loin, il n'est donc pas facile d'en vérifier l'authenticité.
Nous préférons nous demander si le magnétiseur n'a pas trouvé dans son sujet une hypnotiseuse plus forte que lui.
Tous ceux qui se livrent à la pratique de l'hypnotisme ne sont assurément pas exposés à une mésaventure pareille, mais ceux qui opèrent sans avoir la compétence ou l'autorité voulues, peuvent être assurés qu'ils s'exposent à des désagréments de toutes sortes. Ils feront donc bien de réfléchir avant de se livrer à un jeu aussi dangereux.
Singulière expérience de suggestion.
Un médecin de la Nouvelle-Orléans (Etats-Unis), voulant se rendre compte des effets de l'imagination, a eu la singulière idée d'administrer à cent
de ses malades une potion d'eau sucrée. Un quart .d'heure après. il revient,
1 air très agité, et dit qu'il a, par erreur, administré une forte d -se d'un émé-tique quelconque et qu'il faut préparer de suite ce que l'on sa;t. Sur les cent malades, quatre-vingts sont pris de vomissements, il il est à noter que la plupart dis quatre-vingts sont des hommes, a'.ors que les vingt rebelles sont presque tous des femmes.
Ce qui ajoute a la vraisemblance de ce récit, c'est que le fin s'est passé en Amérique. Dans ce pays, si fertile en excentricités de tout genre, il est possible qu un médecin se soit permis de tenter une pareille expérience. En France,, le corps médical professe plus de respect à l'égard des malades, et celui qui. serait soupçonné de se livrer à de pareilles fantaisies serait sûrement mis-au ban de toute la corporation.
NOUVELLES
— Le ministre de l'intérieur de la Saxe, se basant sur les dangers qui existent, pour la santé du sujets hypnotisés. vient de défendre les séances publiques d'hypno-tisme.
Cours libre. — Cours et travaux pratiques de chimie et Je micrographie médicales. — M. Ph. Lafou, chimiste, ancien préparateur du laboratoire de toxicologie de M. le professeur Brouardel, commencera le 3 décembre un cours pratique de chimie et de micrographie médicales, appliqué à la clinique, à l'hygiène et à la
thérapeutique. J
Il traitera particulièrement de l'examen chimique et macroscopique des urines, des calculs, de la bile, du saeg. des sérosités, du lait de femme, de l'eau potable, des matières alimentraires les pics usuelles, de U recherche des bacilles pathogènes.
On t'inscrit tous les jours, de trois à quatre heures. au 1aboratoire, 7, rue des Saints-Pères.
Cours. — Asile Sainte:-Anne — M. le professeur Bail a repris son cours de cli-, nique dimanche matin, à l'asile Sainte-An; .. au milieu d'un nombreux auditoire de collègues et d'éléves. — Il a commencé une série de leçons sur la folie de la persé-cution, sujet qui emprunte une actualité toute spéciale aux débats qui se sont éleves depuis deux ans dans les sociétés savantes sur ce point de pathologie mentale. Voici le programme du cours : Les vrais persécutés [sujet traite dans la première
leçon); les persécutés ambitieux; les persécutés persecuteurs; la folie à deux ou folie
communiquée; les idées de persécution : alcooliques, débiles. paralytiques généraux, déments séniles, hypochondriaques. etc.
— Nous apprenons avec plaisir que la direction de la Revue du Cercle militaire vient d'être confiée à notre distingué collaborateur M. le commandant du génie A. de Rochas, auteur d'un livre remarquable sur les Forces non définies.
Collège de France. — Cours. — M. le professeur Brown-Séquard commençera. le cours de médecine le mardi 4 décembre, a deux heures et demie, salle n° 6, et
le continuera les mardis et samedis suivants a la même heure. — Il traitera du rôle
de l'inhibition dans les fonctions et les maladies des centres nerveux.
L'abondance des matières nous oblige à reporter au prochain numéro la. suite de l'Index bibliographique international.
L Administrateur-Gérant ; Emile BOURIOT, 170, Rue St-Antoine.
paris. — imprimerie charles blot, rue bleue, 7.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET^^ÉRAPEUTIQÜE,
L'HYPNOTISME DEVANf U^OCIÉTÉS SAVANTES
On a souvent reproché aux Sociétés savantes d'accueillir avec une défiance systématique toutes les communications ayant trait à rhypnotisric. A maintes reprises, nous avons entendu répéter que l'Académie de médecine était résolue à rejeter impitoyablement tout ce qui lui serait présenté sous le couvert de l'hypnotisme. Trois faits importants à signaler, survenus dans le courant du mois dî décembre, viennent donner un démenti formel à ces assertions, qui ne reposent sur aucun fondement.
Tout d'abord, à la séance annuelle de l'Académie de médecine. M. Proust, qui remplit depuis six ans les (onctions de secrétaire annuel, dans son rapport général sur les prix décernés en 1S8S, a cru devoir consacrer, avec une grande larg;ur de vues, plusieurs pages importantes à la question de l'hypnotisme. De ce qu'a dit l'honorable académicien, il résulte que l'Académie, loin de fermer systématiquement ses portes aux-études nouvelles, est, au contraire, disposée à les accueillir favorablement, à la condition, toutefois, de ne leur accorder la sanction qu'elles viennent y chercher qu'après les avoir soumises à un contrôle rigoureux.
Présentez-nous des faits positifs, bien observés, susceptibles de résister à un examen sérieux, semble dire M. Proust aux médecins qui s'adonnent à l'étude de l'hypnotisme et vous verrez si l'accueil le plus favorable ne vous sera pas réservé! Au contraire, si vous ne nous apportez que des œuvres d imagination, des laits Utivemen: e: incomplètement étudiés, nous serons obligés de vous interdire impitoyablement l'accès de notre seuil !
Nous ne -aurions qu'approuver pleinement cette attitude. Si les Hftdémics ont pour but d'aider á la diffusion des vérités, elles Ont aussi p;>ur devoir de démasquer et de rejeter les erreurs. Malgré les obstacles, il n'est pas de vérité qui ne finisse par s'imposer, tôt ou lard, aux moins clairvoyants : mais quand une erreur, par l'effet d'indignes complaisances, est parvenue à s'accréditer, combien faut-il dépenser, pour la combattre, d'efforts
BULLETIN
inutiles et négatifs, sans qu'on puisse jamais la déraciner complètement !
Dans ses paroles. M. Proust s est fait l'interprète des senfl
ments de l'Académie. Ils correspondent trop aux nôtres pour «S nous ne soyons pas heureux de les enregistrer.
Au mois d'avril i883. la Section d'hygiène c: de médecine publique de l'Association française pour l'avancement des' sciences, avait déjà, sur notre proposition, émis, à l'un.:limité, le vœu que ¦ ies séances publique? de magnétisme et d'hvpnodH fussent interdites sur toute l'étendue du territoire fn. u et que les applications de l'hypnotisme et du magnétisme comme mojw| curât il fussent soumises aux lois qui régissent \ .c de h\ médecine. »
La même proposition vient d'être reprise devant la Société de] médecine légale de Paris par MM. Brouardel et Gilles de la Tourctte.
La Société, par un vote unanime, ¿1 résolu do demander au préfet de police l'interdiction des représentations théâtrales d'hypv notisme.
Le moment est proche où tout le monde sera d'accord poer. reconnaître qu'il est immoral de se livrer sur l'h :r-: dos cxp5-i riences publiques, dans le but de distraire des curie-:*. ¦ 1 d'amuser des badauds.
Enfin, une Société savante dont les arrêts jouissent, aux yeux* du monde scientifique, de l'autorité la plus justifiée, n.>as voulons parler de l'Académie des sciences, vient de récompenser quatre auteurs dont les travaux sur l'hypnotisme lui ont paru inspiresiH un véritable esprit scientifique. Nous manquerions à un deval personnel si nous n'adressions à MM. les professer- iï »uchard, Brown-Séquard, Charcot. et aux autres membres de la Section de médecine de l'Académie des sciences, l'expression de notre reconnaissance pour la bienveillance particulière qu'ils nous ont témoignée en cette circonstance.
La cause de l'hypnotisme est donc définitivement gagnée devant les Sociétés savantes les plus influentes de France Je i"étranger. Ce succès est le résultat des patientes études des savants qni ont substitué, dans leurs recherches, la méthode rigoureuse epiH gnéc par Claude Bernard à l'empirisme des magnétiseurs.
II ne nous reste plus qu'un vœu à exprimer, c'est que le terrain si péniblement conquis ne soit pas perdu par la faute'de quelques esprits imprudents qui, soit par amour du merveilleux, soit par défaut d'éducation scientifique, viendraient choquer les hon^H les mieux disposes par des allégations qu'il leur serait impossible de justifier.
lv Edgar Bébiixon.
EMPLOI DE LA SUGGESTION HYPNOTIQUE POUR L'ÉDUCATION DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS
Par le D' LIÉBEAULT (de Nancy)
C'est au Congrès scientifique de Nancy, en août 1886, que fut posée, pour Ja première fois, la question de savoir s'il ne serait pas utile de se servir de la suggestion hypnotique, comme agent auxiliaire des moyens connus, pour développer les aptitudes des enfants inintelligents et vicieux. La proposition en fut faite, par M. le D' Bérilion,àla sectiondepédagogie présidée,cette année-là. met M. Félix Hémcnt. inspecteur général de l'Université. Par sa nouveauté, cette question excita au plus haut point l'intérêt; et pourtant, en principe, le terrain sur lequel elle allait se développer était déjà ensemencé. Je dois a la vérité de dire, qu'en 1857, M. le Dr Durand (de Gros) avait écrit dans son Cours de Brai-disme(1). petit livre remarquable, que l'hypnotisme « nous fournit la base d'une orthopédie intellectuelle et morale qui, certainement, sera inaugurée un jour dans les maisons d'éducation et dans les établissements pénitentiaires. » Mais M. Durand (de Gros) en testa à cette assertion : c'était déjà beaucoup. Car ces paroles furent forigMe première de la question que, par son initiative, M. Béril-lon mit au jour si à propos. En 1873, dans mon Ebauche de Psychologie (2). taisant allu-sion à la citation précédente qui avait frappé mon esprit, je rapportais le fait d'une prostituée dont parle Charpignon dans sa Physiologie du Magnétisme, laquelle renonça à son dégradant métier sur l'injonction qui lui en fut faite dans l'état de sommeil artificiel. En même temps j'apportais une observation probante en faveur de la suggestion hypnotique employée dans le but de surexciter les facultés intellectuelles. C'était 'colle d'un collégien qui, faible dans sa classe, parvint trè.« vite aux premières places à la suite de deux suggestions qui lui furent faites à ceite intention pendant le somnambulisme .Cette observation jointe à une autre qui est encore plus importante : celle d'un jeune idiot dont j'avais, par le même procédé et dans le même état, excité le peu d'intelligence qu'il possédait puis des observations de M. ie Dr A..Voisin, concernant deux malades endormis et suggestionnés par lui, dont l'une, folle, malpropre, indocile et paresseuse, et l'autre, acariâtre,
(1) Péris, Germer-Baillière, p.112, 1857. (2) Paris, V. Masson. p. 174, 1873.
colère, devinrent, la première, une lemme propre, docile, laborieuse, et la seconde, une femme affeclueuse et calme. — furent, à -J elles quatre, les bases de la discussion que M. Bërillon suscita cfl à laquelle prirent part, avec lui, MM. Liégeois, Félix Hément. le J D' Ladame, Leclaire. avocat, etc. Dans le cours de la discussion, | M. Liégeois émit le voeu que l'on fît des expériences de suggestion i hypnotique dans un but de moralisation et d'éducation sur quelques sujets plus ou moins mauvais des écoles primaires (r. Et. il faut le dire, tous les auditeurs, moins un seul, se rallièrent avec empressement à celte proposition toute pleine d'avenir.
Je félicite grandement M. Bérillon de n'avoir pas cessé, depuis . lors, et au Congrès de Toulouse (2), et au Congrès d Oran. et dans la Revue de l'Hypnotisme, d'apporter les observations qu'il a recueillies en fa%'cur de la réalisation de ce voeu. Je le félicite encore d'avoir aussi ouvert les pages de son journal aux observations et aux articles, trop peu nombreux à mon gré, qui lui ont été communiqués à ce sujet, et dont les auteurs, après lui. sont : MM. FéSH Hément. Bernheim, Ladame, pour les articles théoriques; MM. Voisin, Bernheim. pour les articles pratiques. A mon tour, je viens aussi fournir à la Revue de VHypnotisme les observations que j'ai prises dans ces dernières années, pour éclairer cette Question d'éducation et de moralisation des jeunes gens, à l'aide de la thérapeutique suggestive du sommeil. Et l'on ne peut y parvenir, comme l'a fort bien dit M. Bernheim (3 . qu'er. amassant, dans ce but. des matériaux toujours de plus en plus nombreux. Ce grand travail aurait été facile à faire si 1 on avait agréé la demande * que fit M. Félix Hément \±\ au préfet de police, et par celui-ci au ministre de l'intérieur, tendant a obtenir l'autorisation d'essayer la suggestion hypnotique sur des détenus des établissements de correction. Mais cette permission, on l'attend toujours. C'est donc, pour ma faible part, dans l'intention de remédier à l'absencede ces sources d'information scientifique, que j'apporte ici un compte rendu des observations que j'ai pu faire à propos de la question pédagogique qui fut posée au Congrès de Nancy. Je les ai insentes presque toutes dans leur ordre de dates, j'en ai consigné les résul- -tats bons et mauvais, et j'ai cherché à en dégager la signification. Voici ces observations :
i. — 8 octobre 1885. — N.. (Henry), 8 ans. Bonne santé. Pas de facilité à apprendre, pas de bonne volonté, pauvre jugement,
(1) Reme de CHypnotisme, septembre, p. 87, i$86\
(ï) Bérillon. — De la suggestion et de *cs .ippli:a;ions a la pedagogie.— AQQUjH de l'Association française pour l'avancement des sciences : Congres de Toulouse. Brochure in-#>, 1s87.
(3. Revue de l'Hypnotisme, novembre, p. i3i,
{4) Revue de rHypnotisme, décembre, p. 164, 1S86.
fait des questions niaises, crie pour des riens, etc. — Mis 435 fois, d'abord en sommeil très profond, puis en somnambulisme, il a montré à la suite plus de bonne volonté et n'a plus crié. Plus eu de nouvelles.
2. — 17 octobre. — D-... (Louise), 8 ans. Se masturbe depuis ses premières années. Depuis ? ans, urine involontairement au lit. Intelligence lourde et elle apprend difficilement.— j séances de suggestion espacées pendant le somnambulisme ont amené un changement complet.
j. — 27 octobre. — V... (Paul). 8 ans. Urine tous les jours au Ht, tette ses doigts, est lourd d'esprit et apprend difficilement. — A été mis une fois en sommeil profond et 2 fois en somnambulisme. Il en est résulté la guérison et un grand développement des facultés inteileciueiles. 2 ans après, l'on me disait qu'on ne remarquait plus en lui de différence avec ses camarades d'école.
4. — 51 octobre. — N... (Georges), 12 ans. Se porte bien, mais il est dissipé et manque d'assurance quand on l'interroge- — ta à ; séances de suggestion pendant le sommeil profond l'ont rendu plus attentif.
ç.—4 février 1886. — V... (Joseph), 15 ans. Se porte bien. Depuis l'âge de 7 ans est devenu paresseux, n'a pas de goût au travail et est très peureux. De plus, il sort souvent sa langue hors de la bouche et la tette. — Quelques séances avec suggestion dans le sommeil profond ont amené cet enfant à bien, et j'ai appris, longtemps après ce traitement, qu'il était resté tout à fait changé.
6. — 16 février. — C... (Théophile), 15 ans. Est toujours agité et crie pour des riens. En outre, il est très peureux. Lors— -qu'il a peur, il perd la tête au point qu'il se jetterait par une fenêtre, etc., si on ne le surveillait. — j à 4 séances de suggestion pendant le somnambulisme l'ont calmé et lui ont enlevé la disposition à s'épouvanter. Le 22 mai de la même année, j'ai appris que cet enfant avait encore parfois de l'agitation d'esprit, mais elle était bien moindre.
7.— iî juin. — G... (Emile), 2j mois. A quelquefois la diar-.raee, ne dort pour ainsi dire pas. pleure presque continuellement et avec rage, et a de grandes colères à en rester bleu. Par ses cris, il empêche de dormir non seulement ses parents, mais aussi les voisins, et cela depuis qu'il est au monde. — 10 séances d'application des mains sur la tête et le ventre de ce jeune enfant éveillé, ce qui n'est autre chose qu'une suggestion indirecte, ont produit un changement complet dans son caractère farouche, changement qui ne s'est pas démenti.
8. — 1 ; juin. — P... (Edouard), 14 mois. Venu avec le précé-
dent. Comme lui, il a de la diarrhée, mais elle est plus continue. Comme lui, depuis sa naissance, il ne dort presque pas, cric continuellement et a des accès de colère interminables. — Après $ à 6 séances d'application des mains, il a été bien sous tous les rap- '4 ports, et depuis, j'en ai eu plusieurs fois de bonnes nouvelles.
9- — 14 septembre. — K... (Sophie), .9 ans. Depuis sa pre-d mière jeunesse, timidité très grande, même avec les personnes qu'elle connaît. Elle ne peut résistera certaines suggestions qu'elle se fait : si, par exemple, elle se met dans l'esprit qu'elle va se troubler, elle perd contenance ; qu'elle va ne pouvoir plus parler, elle ; reste muette. — 7 séances, tant de sommeil léger que de sommeil profond, n'ont amené aucune amélioration dans l'état de cette per- ; sonne, sans doute parce que les suggestions qu'elle se fait habituellement à elle-même remportent sur celles que je lui ai faites lorsqu'elle dormait. N'auraïs-je pas réussi, si elle eût été toute jeune r
10. —15 septembre. — L... (Arma). 16 ans. A peu dégoût pour l'étude: n'en a pas surtout pour apprendre l'histoire, la géographie et le dessin: se plaint de céphalalgie. — Après avoir é:é mise 4 fois-1 en sommeil profond, elle a montré plus de disposition au travail. N'est plus revenue.
11.—28 septembre. — L... (Albert. 10 ans. Se porte bien. Comme il prépare un examen de baccalauréat, i! es; venu chez moi se faire endormir pour acquérir plus d'application au travail; pour être détourné d'une tendance trop prononcée à s'occuper d'autres choses que de ses devoirs de classe: pour avoir enfin dH.; goût pour les matières arides qu'il a à apprendre. — Malgré de nombreuses séances de suggestion, pendant les états de sommeils léger et profond, je ne suis arrivé à rien.
12.— 11 novembre. — X..., 16 ans. Est un lycéen des plus -forts de sa classe. H vient pour obtenir la force de consacrer encore plus de temps a l'étude qu'il ne le fait d'ordinaire. 1! tient à acquérir, sans qu'il en résulte de la fatigue, une pius longue et une plus grande tension des facultés intellectuelles, ce qui. en même temps, à l'aide de la suggestion hypnotiquef ne peut s'obtenir que concomitamment avec un grand appétit et l'usage d'une nourriture saine et abondante. — Mis en sommeil léger, pendant 15 jours, et une fois par jour, ce lycéen a été porté à travailler davantage, et de son travail il a retiré plus de fruits: mais dès qu il a cessé d'être hypnotisé, il est revenu à son état intellectuel ordinaire.
13. — 8 décembre. — P... (Delphine.. 12 ans. Est atteinte d'une affection héréditaire et spécifique. Tête dure, peu de mémoire, n'est pas studieuse, est désobéissante et menteuse. De phjV.l elle est toujours en retard pour aller à l'école. — Au bout de
quelques séances de suggestion pendant le somnambulisme, il en est résulté, d'après ce que j'ai appris de son institutrice, que cette petite fille n'a plus menti et qu elle est devenue studieuse et obéissante. Seulement elle a toujours continué d'arriver en retard à l'école et sa mémoire est restée la même.
14. — 25 mars 1887. — M... (Victor), 14 ans. Jouit d'une bonne santé: mais depuis un an il est très peureux. Dès qu'il fait nuit, il n'ose même pas. avec une bougie allumée, pénétrer dans -noe chambre voisine de celle où il se trouve avec ses parents. —
2 séances de somnambulisme, avec suggestion chaque fois, ont débarrassé cet enfant de ce sentiment de crainte excessif, et il ose même depuis descendre à la cave, en pleine obscurité. N'a pas eu de rechute.
15. — 7 juillet. — N... (Gaston». 3 ans. Depuis quelque temps on s?est aperçu que cet enlant se livre à l'onanisme, line joue plus comme autrefois, il est inattentif et il a pris un air hébété. — j séances de sommeil léger avec suggestion lui ont fait oublier ses manœuvre-, et il est resté sage jusqu'au mois de septembre 18S8, époque où, tout d'un coup, il a repris sa mauvaise habitude. Cette fois, il est devenu encore plus stupide qu'il ne l'avait été; mais une Semaine de séances analogues aux premières l'ont complètement amené à bien.
16.— 12 octobre. — S... (Charles), 14 ans. Excellente santé. 11 présente une déformation très marquée de la partie frontale du crâne, déformation attribuée à ce qu'il est venu au monde à l'aide
du forceps. Mauvaise tête, volonté absolue de ne pas travailler, le disant et s'en vantant à tout le monde. Adopte des tics : tels que
de remuer continuellement les paupières, de renifler for;, de sil-fler en société et dans la rue, sans écouter aucune remontrance, etc. — A été mis en sommeil léger du 12 octobre au 6 novembre. Il en est résulté de l'amélioration sous tous les rapports, et quand le jeune S... a cessé d é:re endormi, on n'était plus guère mécontent de lui. Je l'ai depuis perdu de vue.
17. — 14 octobre. — T... (Maurice) . 7 ans. Se masturbe depuis 4 ans. Est menteur paresseux, n'écoute rien en classe ni chez ses parents. Sa mémoire, qui était très bonne, est très diminuée.— Mis 5 fois en somnambulisme, la suggestion a causé du mieux. N'a pas été ramené à ma clinique. J'ai eu quelques raisons de croire qu'il a été guéri.
18.— 1" avril :s$8. — L... rAlice). 11 ans. Accès de fortes ^¦Misions vers l'âge de 10 mois. C'est à ces accès que Ton fait "•orner son caractère bizarre, timide. Elle fuit la société, n'a ja-n«is voulu prendre ses aliments à la table de famille ni ailleurs avec crique ce soit. Elle se sauve au moment des repas et se réfugie dans • coin pour manger debout. Cependant, depuis un an, on est ar-
rivé à la faire rester à la table commune; mais seule, à un bout, où elle maniée sans s'asseoir. Elle n'aime pas surtout de voir l'eau avec laquelle on doit la laver, et elle réstsie aux efforts que l'on fait dans ce but. ainsi que pour autres choses. De plus, ! intelligence de cette jeune fille est médiocre. — 7 suggestions dans, l'état de somnolence ont abouti à un résultat nul.
19. — 18 avril. — W... ^Stanislas), 17 ans. Corps peu développé. Urine au lit depuis sa naissance. Intelligence assez médiocre. Sait lire et écrire. Caractère doux. 11 a éié renvoyé de l'école des enfants de troupe de Montreuil-sur-Mcr pour incapacité morale et physique. - 25 séances de somnambulisme avec suggestion ont amené la guérison complète de l'incontinence i"i9 rine» mais n'ont proJuîi aucune amélioration dans 1 intelligence
20. — 12 octobre. — Z..., 9 ans. A été éduqué à l'habitude de l'onanisme par une vieille femme, â l'âge de 6 arts. Depuis lors, ce petit garçon s'est livré avec ardeur à la masturbation. Par aucun moyen les médecins n'ont pu le débarrasser de cela. On a enfin . essayé de l'hypnotiser, mais en vain. — Consulté à ce sujet, j'ai, conseillé un procédé indirect de suggestion à employer pendant la veille, et par suite, de méchant et insoumis qui! était, on en a fait un cnlant doux et soumis après quelques séances. On continue le traitement.
Je crois devoir, aux observations précédentes, en ajouter 2 autres concernant 2 jeunes gens affaiblis, l'un, par une trop grande application à l'étude, et l'autre, par un travail physique trop pro-longé et trop violent. Les médecins n'y avaient rien pu faire. Cependant les résultats importants que j'ai obtenus sur eux me font espérer cjue l'on trouvera, dans la pratique de l'hypnotisme, un remède à 1 épuisement physique et moral des enfants et des adultes surmenés.
SI. — 10 août 1878. — H... 1 Emile», 18 ans. Ce ieune homme déjà soigné depuis longtemps par des médecins, e: surveillé avec beaucoup d'attention, n'a présenté aucune habitude de masturbation. Il a été épuisé par des travaux pénibles qu'il exécute en compagnie de son père : il est raboteur de plancher. Faiblesse générale avec diarrhée depuis longtemps, perte involontaire des urines et des excréments, céphalalgie, vue affaiblie, tremblement des mains, fourmillements dans les jambes, sueurs, inielligence lourde, pas d'initiative, ne songe pas à parler et à agir, mais répond brièvement quand on lui parle. En outre, il a un caractère -auvage et il fuît tout le monde. —Mis en sommeil très profond, puis en soflel nambulîsme pendant près d'un mois, il a présenté dé;à un grand mieux dés la onzième séance ci il est reparti, après son traitement, parfaitement rétabli. N'a pas eu de rechute.
22. — 16 octobre 1886. — V... (Emile), 17 ans. N*a pas d'habitudes de masturbation. Il est gros et bien membre et grandit beaucoup. Il est mou de caractère et assez intelligent. Il se préparait avec assiduité pour entrer à l'école normale d'instituteurs, lorsqu'il fut pris de céphalalgie, il y a déjà plusieurs mois. Puis il devint nonchalant et lourd d'intelligence. Actuellement il est comme hébété, stupide. Il n'a aucune tendance à agir et à parler, il répond par oui et par non et va comme on le pousse. — Les soins médicaux qu'on lui a donnés n'ayant abouti à rien, on m'a amené ce jeune homme. Mis par moi en somnambulisme et suggestionné. V... est entré en convalescence en moins de 2 mois. Son intelligence est redevenue ce qu'elle était auparavant, il a repris son inï— tutîve ordinaire et sa gaité. et depuis lors il est resté complètement remis.
Tels sont les quelques matériaux que j'apporte à la question soulevée au congrès de Nancy par M. Bérilion, et mise depuis à l'ordre du jour des savants qui ont souci de l'éducation morale de la jeunesse.
On le voit, sur cette quantité de 22 personnes traitées, il y a3 catégories : 1 sujets non malades. t3 (1, 4, 5, 6. 9, io. 11, 14. K;i6. 17, 18, 20). dont 3 guéris, 7 améliorés et ; nor. amélio-B; 2* sujets maladifs, 8(2, 3. 7, 8, i3, 19. 21, 22), dont 7 guéris et 1 non amélioré: ;° sujets ayant toutes leurs facultés intellectuelles. 1 ;-j .. lequel a éprouve un mieux.
Dans ce nombre de 22 ¡1 y en a 7. tous de la première catégorie, qui n'ont pas été traités assez longtemps et qui m'ont donné l'espérance de pouvoir être guéris (t. 4. (>. 10. 16, 18. 20>.
Par ce qui précède, on remarque aussi ,60m bien la suggestion hypnotique est utile pour faire disparaître le sentiment de la peur, fit 6, 141. celui de la colère »7. 8). et combien elle est puissante Ksi pour anéantir certains appétits précoces et dépravés : 2. ; 17. 20). pour dissiper l'habitude du mensonge (4), cl,même pour exciter les facultés intellectuelles normales (12). Enfin, des esprits indocileN or.t trouvé dans les suggestions qui leur ont été appliquées, un frein, i! est vrai, incomplet, mais réel/u 3, 16).
En somme, il a été obtenu 10 guénsons, 8 améliorations et 4 insuccès, sur 22 sujets irai té > sans choix. C'est encourageant, sur-^Ki l'égard de jeunes gens dont les défectuosités morales sont ? conséquence d'é;ats maladifs. Aussi je crois que la nouvelle méthode que j'ai employée, et que quelques expérimentateurs ont essayée, s'impose dans la science; je crois qu'elle est déjà la condamnation de ceux qui la combattent, poussés qu'ils sontpar
des idées préconçues et des déductions théoriques inconsidérées. ? rien ne peut prévaloir contre les faits.
SUR L'EXPLICATION FOURNIE PAR M. LE D' BERNHEIM
DES HALLUCINATIONS NÉGATIVES SUGGÉRÉES
Par M. J. DELBŒUF pftorc&sEua * t'usiveasiTÉ dk liège
Rien de plus lucide que la définition et l'explication c¡ue M. Bernheim donne des hallucinations négatives suggérées : l'impression laite sur l'organe est perçue, mais elle n'est pas conçue, c'est-à-dire qu'elle n'arrive pas à la conscience.
Je comprends parfaitement la pensée, quoique je voudrais en changer les termes. C'est, me paraît-il, forcer le sen^ des mots que d'appeler la perception un acte physiologique. La perception est un acte psychique: c'est, à proprement parler, un jugement (souvent inconscient) porté sur la cause de la sensation, cause qa» se présente à l'esprit comme lui étant extérieure. La perception suppose donc une cause réelle extérieure, peu importe que le jugement soit vrai ou faux. L'illusion du miroir n'est possible que si des rayons lumineux frappent la rétine. Les rayons, voilà il cause extérieure réelle dont l'esprit fait un objet imaginaire situé derrière le miroir.
La conception est une création de l'esprit, à l'instar d'une perception. Celui qui se représente les traits d'un»- personne absente n'en a pas la perception, mais la conception.
Modifiant donc dans ses termes l'explication de M. Bernheîm, je dirais que, selon lui. dans l'hallucination négative, le processus physiologique est complet, mais qu'il n'y a pas de perception.
Loin de moi la pensée de vouloir interdire à M. Bernheim de créer sa terminologie, mais je pense que l'emploi ordinaire des termes conception et perception justifie davantage le sens que je leur donne. Ce que j'en dis ici n'a d'autre raison, d'aiüeurs. que de me permettre d'exposer mon explication en usant de îa terminologie qui m'est familière.
Dans ma relation d'une Visite à la Salpêtricre : . je disais; en note que ¡"avais fait une étude spéciale des hallucinations négta tives dont je publierais les résultats ; que l'explication n'en était pas des plus aisées, puisque, ajouta¡s-je. o pour ne pas voir l'objet disparu, il faut bien que le sujet en expérience le voie. »
S'il en est ainsi, il est clair que le sujet ne fait que semblant de: ne pas voir l'objet, qu'il joue la comédie exactement comme pourrait le faire une personne éveillée qui y mettrait toute la bonne
(i) Extrait de la Roue de Belgique (1886), p. ai.
volonté possible. Il n'y a pas une action d'Elise B... qu'elle n'eût pu accomplir ù l'état de veille. Tout ce qu'elle fait ou se laisse faire s'explique sans peine, en admettant que sa complaisance est absolue.
Mais il s'agit de prouver qu'il en est ainsi. Voici d'abord une première expérience que j'ai répétée nombre de fois et qui, à elle seule, est concluante. Le sujet à qui vous avez dit ( j'emprunte les termes mêmes de M. Bemhci'm) : « A votre réveil, si je vous touche, si je vous pique, vous ne le sentirez pas ; si je vous parle, vous ne m'entendrez pas: vous ne me verrez pas », se réveillera à votre voix si vous lui dites: « Réveillez-vous ï » Certes, si vous avez prévu L- cas vous pourrez lui suggérer de ne pas se réveiller, même quand vous le lui ordonnerez.
; Il est même possible ou'un sujet particulièrement logique (comme l'était celui que je désigne par la lettre B dans mes articles delà Revue Philosophique tire de lui-même cette conclusion; mais je n'ai jamais ob>ervé la chose. Toujours les sujets se sont réveillés à ma voix.
Qu'ils voient l'objet, c'est ce qui ressort du soin qu'ils mettent à réviter. — à moins, encore une fois, que vous ne leur ayez expressément suggéré qu'ils iront s'y heurter sans le sentir. On me répondra c-être qu'une grenouille privée de ses hémisphères cérébraux en fait autant; mais ce n'est pas une raison suffisante pour lui assimiler le somnambule.
Le somnambule trouve tout naturel — à moins qu'on ne lui suggère l'étonnement — que l'objet non vu cache les objets au'on place derrière. Mais, ce qui est particulier et prouve l'excès de sa complaisance, c'est que. pour peu qu'on insiste, il verra les objets plus ou moins f.dèlement. Il se donne alors un mal incroyable pour deviner, c après certains indices, quels ils peuvent être et com-aent ils se comportent. Inutile de dire qu'ils se trompent très souvent.
Un jour, 'ai Mit, avec une jeune fille hypnotisée par le magnétiseur Léon, l'expérience du miroir magique. Je mis entre ses mains un petit écran, en lui disant que c'était un miroir, dans lequel, par conséque;;-.. e!!e devait voir ce qui se passait derrière elle. La jeune fille tendait tous ses sens pour y parvenir, et notamment ses Jttx se projetaient hors de leurs orbites pour agrandir littéralement ^Kunp visuel. On s'imaginerait difficilement jusqu'à que; point elle savait conjecturer, d'après de faibles indices, nos laits et gestes (i).
? relaté, dans mes articles sur La prétendue veille som-
(0 Voir tur le mé:r.c sujet, dans la Rtvue philosophique, un article etirémenicnl "•Pressant Jc M. lier^ion, sur La Simulation inconsciente dans "état dTtypnotisme, fcptrtage absolument l'aride M. B«rgson.
nambulique 'Revuephilosophique, 1886,lome XXIlI .desexpériences sur des sujets auxquels je faisais croire qu'ils avaient perdu leur tète. Je les mettais ensuite devant une glace.
Ils ne la voyaient pas, — sauf un qui. pour ne plus la voir, eut besoin d'une suggestion spéciale. Tous ont été interloqués par une question : « Comment pouvez-vous voir que vous n'avez plus votre tête, si, effectivement, vous ne l'avez plus ¦ » L'un répondait d'abord « avec mes veux ». puis finissait par se taire ; un autre s'obstinait à répondre « par ma fenêtre » ; un troisième gardait m silence embarrassé.
Mais voici qui montre bien la complaisance du sujet et son ingéniosité.
Les scènes suivantes eurent pour témoins plusieurs de mes collègues et eurent pour acteurs le jeune B..., le docteur Mathieu et moi.
M. Mathieu fut transformé en fauteuil. B... consentit à voir un fauteuil. On lui fit tâter les pieds et les bras du fauteuil : il jugea ou'on leur avait mis des jambes de pantalon et de- manches-d'habit. Les pieds remuèrent. « C'est bien simple, ils renfermaient des ressorts. » 11 y avait aussi des ressorts dans les bras. Quant à la tétc du docteur, c'était une sculpture : ses yeux étaient des yeux artificiels: ses dents de l'ivoire: sa barbe et sa chevelure étaient postiches. S'il ouvrait la bouche. les ressorts fonctionnaient. Bref, B... interprétait avec une logique admirable, dans l'hypothèse qu il avait un fauteuil devant lui, toutes les particularités de costume et tous les gestes de M. Mathieu.
Donnant alors à B... une hallucination négative, je fis disparaître M. Mathieu, et je me plaçai derrière lui. B... distingua toujours, sans jamais se tromper, je dois le dire, les parties de mon conB qui étaient visibles pour lui. Ainsi, quand M. Mathieu et mot con-' tournions nos bras de manière que mes mains avaient l'air de lui appartenir, B... ne s'y laissait pas prendre. Mais une personne] éveillée ne s'y serait pas non plus laissé prendre.
Donc B... se conduisait comme une personne éveillée.
Nous allâmes plus loin. M. Mathieu enleva sa redingote et je la revêtis. Alors B... ne vit plus, ou, plus exactement, si mon interprétation est exacte, se fit un devoir de ne plus voir les parties; de ma personne couvertes par l'habit de M. Mathieu. Réciproquement, M. Mathieu, se couvrant de mes habits, B... vit mes habits, et il prétendit qu'ils tenaient en l'air, sur une espèce de mannequiBj invisible. Enfin, compliquant l'expérience et fourrant chacun un bras dans les manches d'un même habit, B.... sans se tromper jamais, vit toujours mon habit et ne vit pas de moi ce que recouvrait l'habit de M. Mathieu.
Il me semble qu'on ne peut pas donner de preuve plus tangible
de ce eue j'avance, à savoir que le sujet se prête à ce qu'on lui demande avec passivité, mais avec intelligence. Je ne doute pas que la même expérience, répétée avec un autre sujet, donnera heu à quelques différences. Il pourra se faire, par exemple, que l'habit d'un spectateur, endossé par la personne disparue, disparaisse, et que l'habit de celle-ci apparaisse sur le dos d'une autre. Mais ces différences ne feront que mettre en relief la spontanéité du somnambule.
Tel autre somnambule s'efforcera de voir à travers le corps de la chose qu'il ne doit plus voir. Ce sera son imagination qui remplira le cône de vide. C'est ainsi que nous-mêmes, dans l'état de veille, savons voir, à travers la cloison qui nous sépare d'un appartement voisin, les personnes que nous y entendons marcher ou causer.
Il y a donc perception (ou conception, pour me servir du langage de M. Bernheim' ; et il n'y a pas neutralisation effective de la sensation, mais seulement une neutralisation simulée. C'est assez dire que je suis à ses côtés pour repousser la paralysie réelle et systématique par laquelle MM. Féré et Binet,et d'autres, ont essaye d'expliquer les hallucinations négatives. Ces sortes d'hallucinations sont le résultat apparent de la volonté dirigée des sujets.
LES RÉCENTES ACQUISITIONS OANS LE DOMAINE DE L'HYPNOTISME:
Par M. le Dr PROUST
riOrUftltR A LA PACULTi Dt MÉDECINE
Secrétaire annuel de l'Académie de Médecine de Paris
Une certaine partie de mon auditoire ne me pardonnerait pas si, étant entre dans l'étude du système nerveux, je laissais complètement dans l'ombre tout ce qui touche ù l'hypnotisme, doutant plus que l'Académie, dan* des discussions qui l'ont occupée récemment, et a propos des prix qu'elle avait à décerner, a eu à se prononcer sur des travaux de cet ordre.
Le moment me parait donc propice pour indiquer brièvement quel "est, en la matière, le bilan de nos connaissances positives.
(i) Exirai; du Rapport général lu par M. Proust, secrétaire annuel, dans la séance publique annuelle de l'Académie de-médecine de Paris (n décembre 18S8J.
Il y a juste cinquante ans (c'était en i83"), la question fut solennellement soulevée et agitée ici même. On n'a pas oublié avec quelle rigueur et quelle décision Dubois, d'Amiens, procéda à l'exécuùon, en quelque sorte officielle, de ce qu'on appelait alors le magnétisme animal. Le souvenir Je l'éloquent et véhément rapport de l'illustre secrétaire perpétuel est resté si vivant, qu'on a peine à se défendre d'une certaine hésitation, lorsqu'on se propose de toucher de nouveau, a cette tribune, à l'histoire de l'hypnotisme et du sommeil provoqué.
On peut cependant le faire aujourd'hui sans grandes appréhensions et sans craintes sérieuses. Il fut un temps où, lorsqu'il s'agissait d'hypnotisme, on s'imaginait volontiers avoir affaire à une collection de faits merveilleux, propres surtout à frapper l'esprit et à satisfaire le besoin détonnement qui est au fond de notre nature. C'est parce que les faits soumis à son appréciation étaient, par leur complexité, plus propres* surprendre l'imagination qu'à se prêtera l'analyse, que l'Académie se montra naguère si justement rigoureuse.
Maïs l'hypnotisme, dût-il y perdre une partie de son prestige, au moins de celui qu'il s'est acquis dans le monde, doit être tenu pour autre chose qu'une faculté merveilleuse de notre être. C'est un état particulier du système nerveux, susceptible, comme tous les états psychiques, d'une minutieuse et rigoureuse analyse. Certes, cette analyse est plus délicate qu'aucune autre. Plus qu'aucune autre, elle exige une incomparable patience, une prudence particulière, un esprit de sage temporisation, une grande aptitude à distinguer le vrai du faux. Mais, quelque laborieuse qu'elle puisse être, elle n'en est pas moins susceptible de résultats positifs et précis. Les travaux de ces dix dernières années l'ont prouvé.
Comment, à la vérité, ne serait-on pas surpris et séduit parle caractère en apparence étrange de certains faits} N'est-il pas singulier qu'une, personne hypnotisée puisse, durant le sommeil provoqué, se rappeler des noms, des figures, mille incidents de sa vie dont, à l'état de veille, elle ne garde nul souvenir? N'est-il pas naturel de se sentir vivement impressionné, lorsquTon voit la somnambule obéir sans résistance aux ordres qu'on lui donne, se lever, marcher, frapper telle personne qu'on lui désigne, et cela avec la passivité d'un automate ? Peut-on se défendre enrin de croire que l'opérateur possède le philtre du magicien, quand on le voit persuader la personne endormie qu'une amère solution d'un sel de quinine est Je plus délicieux des breuvages; faire défiler sous ses yeux complaisants toute une série d'objets imaginaires ou de personnages fantastiques; la convaincre qu'elle n'est plus elle et la transformer, comme par l'effet instantané d'une baguette magique, en une personnalité de convention, dans laquelle elle s'incarne avec une conviction parfaite et un grand souci de son rôle? Aussi peut-on persuader la plus vulgaire hypnotique qu'elle est tour à tour guerrier illustre, chanteuse en renom, oiseau ou reptile.
De pareils faits étonnent d'abord, puis ils effraient par les conséquences que l'imagination leur prête. La littérature, dans ces derniers temps, ne s'est pas fait faute de nous présenter l'hypnotisme comme une ressource nouvelle et d'une puissance redoutable entre les mains des malfaiteurs de profession ou d'occasion. Avec l'hypnotisme, le vol devient chose facile; l'assassinat même est une opération sans danger et désormais pleine de sécurité pour celui non qui opère (car, à l'avenir, le criminel ne doit plus opérer lui-même), mais qui sait se servir avec habileté du sommeil provoqué. Ces appréhensions, je le dis en passant, sont pour le moins exagérées. Et si le criminel devait trouver dans l'hypnotisme un si précieux auxiliaire, il n'eût pas attendu, pour y recourir, que l'analyse scientifique ait jeté la lumière sur des faits que de longue date les charlatans ont pris l'habitude d'exploiter.
Pour discerner, parmi ces faits complexes qui ont tour à tour servi d'aliment à la curiosité publique et de prétexte aux exhibitions théâtrales, ceux qui méritent créance et doivent passer au rang de vérités établies. ¡1 était plus que jamais nécessaire de ne'pas se départir d'une méthode scientifique rigoureuse. Ceue méthode consiste à s'attacher aux faits simples, de préférence aux faits complexes, et, comme le recommande l'immortel auteur du Discours sur la Méthode, « à conduire par ordre ses pensées (c'est-à-dire ses recherches), en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degré, jusqu'à la connaissance des plus compliqués. »
Si les phénomènes de l'hypnotisme ont conquis droit de cité dans ia science, n'est-ce pas précisément parce qu'on s'est enfin décidé à appliquer à leur étude la règle posée par Descartes ?
Qu'où en juge plutôt. 11 y a quinze ans à peine on en était encore au souvenir de Mesmer et du marquis de Puységur. L'étrange engouement qui, durant plusieurs mois, avait attiré autour des fameux baquets de la place Vendôme ou de l'arbre de la rue de Bondy les névropathes qui sont nombreux, et les amateurs du merveilleux, qui ne sont point rares, n'était pas fait pour conquérir à l'hypnoiisme l'auemion des savants. On ne parlait de rien moins alors que de la guérison des maladies au moyen de pratiques bizarres, de la possibilité de la divination, de la transmission à distance de la pensée, de la transposition des sens, grâce à laquelle les sujets hypnotisés seraient doués de la merveilleuse faculté de voir avec la peau, entendre avec l'œil, goûter avec la main. L'énoncé de ces faits étranges devait plutôt détourner les investigateurs consciencieux que tenter leur esprit méthodique.
Mais voici qu'en 1878, on constata chez les sujets hypnotisés des phénomènes d'un nouvel ordre, ceux-là grossièrement tangibles et impossibles à simuler.
Si l'on plonge, par exemple, une malade en léthargie, soit en lui commandant de fixer un objet brillant, soit en exerçant sur les yeux une pression douce et prolongée, on détermine chez elle ce qu'on a appelé
rhyperexciiabilité neuro-musculaire, c'csi-à-dire qu'il suffira de toucher ou de presser un muscle pour provoquer aussitôt la contracture de ce muscle. Un terrain solide était trouvé. On allait entin pouvoir aborder l'étude de l'hypnotisme en mettant le pied sur autre chose que sur un sol mouvant. C'est alors que parut cette description si précise, si nettement objective des trois états hypnotiques, la léthargie, la catalepsie et le somnambulisme; la léthargie, qui se caractérise, je viens de le dire, par l'aptitude remarquable qu'ont acquise les muscles de se contracturcr lorsqu'on les frotte ou qu'on les presse; la catalepsie, au cours de laquelle les membres ont la faculté de garder fort longtemps le* attitudes varices qu'on leur imprime; enfin, le somnambulisme. Cet état s'obtient, on le sait, en exerçant un léger frôlement sur le vertes des sujets en léthargie. Son caractère objectif principal consiste en ceci : que le frôlement de la peau, même à distance, suffit à déterminer ce que produisait tout à l'heure, chez la léthargique, l'excitation directe des masses musculaires, c'est-i-dire la contracture.
Du jour où notre éminent collègue, M. le professeur Charcot, eut tracé la description de ces trots états, on put dire que l'hypnotisme avait conquis son droit de cité dans la science. Il devint évident qu'on pouvait, sans trop de péril, s'aventurer dans l'étude de faits qui avaient jusqu'alors semblé déjouer les tentatives de l'analyse, à la condition toutefois d'apporter dans de semblables recherches la prudence, la défiance de soi-même et des malades, qui sont ici, plus qu'en toute matière, impérieusement commandées.
Peut-être est-ce pour n'avoir pas suffisamment obéi a ces exigences que quelques esprits des plus ouverts sont allés jusqu'à donner, pour des vérités établies, d'ingénieuses mais fragiles hypothèses, (.'étude de l'hypnotisme a élargi nos connaissances en physiologie cérébrale; jusqu'à présent, elle ne les a point bouleversées. Aucun des faits qui semblaient de nature à opérer une semblable révolution n'a été vraiment démontré, ni la transmission de la pensée, ni la transposition des sens, ni l'action des médicaments a distance, qui a pourtant été soutenue ici même, avec beaucoup de courage et de talent, par l'un de nos plus distingués collègues.
Mais si l'on doit s'astreindre, dans une telle question, à bien établir la barrière qui sépare le positif de l'hypothétique, ce qui est démontré de ce qui reste à démontrer, on n'en est que plus à l'aise pour affirmer les faits dont la réalité a été mise hors de contestation.
Il y a moins de vingt ans, bien des savants eussent émis des doutes au récit des particularités qu'on observe dans le troisième état ou état de somnambulisme. Les manifestations de cet état sont celles, en erTci, qui ont longtemps défrayé les charlatans ci qui alimentent encore la curiosité publique. L'une des plus intéressantes est à coup sûr l'hypcrscuiié sensorielle. Grâce à cette hyperseuité, le moindre souffle dirigé sur la peau, les bruits les plus ténus, les impressions les moins vives, sont
perçus et semis ¦> des distances considérables. Il semble quels puissance sensorielle lit été portée, chez le somnambule, s un degré tel qu'on s'en fait difficilement une idée. Cette finesse des sens chez l'hypnotisée explique bien des expériences qu'on a tout d'abord cru pouvoir invoquer en faveur de la suggestion mentale. On sait ce qu'on entend par ce mot. C'est la suggestion par l'hypnotiseur â l'hypnotisée d'une idée ou d'un ordre sans avoir recours a la parole, au geste, au regard; bref, aux divers procédés habituels de communication. Or, l'observateur est-îl toujours assez sûr de lui-même pour affirmer qu'un mouvement inconscient des lèvres, des yeux eu du visage n'aura pas servi a transmettre sa pensée intime à cette somnambule chez laquelle la conscience est endormie, mais dont les »ens sont doués d'une si curieuse pénétration et d'une si incomparable puissance? Si la suggestion mentale, malgré l'avis de savants dont le nom fait autorité, reste encore au rang des faits à prouver, il n'en est plus de même de la suggestion directe. Qu'il soit possible, durant le sommeil hypnotique, de donner au somnambule des ordres aussitôt fidèlement or>fis, de faire apparaître dans son esprit les hallucinations les plus diverses de la vue ou de l'ouïe, de l'odorat ou du goût, c'est une vérité devenue aujourd'hui banale.
Plus curieuse, en apparence au moins, sont les suggestions produites pendant le sommeil et dont la réalisation n'a lieu qu'après le réveil. Mlle X... est endormie ci, tandis qu'elle est au plus profond de l'état hypnotique, on lui suggère l'ordre d'aller, deux heures après son réveil, frapper du poing sa voisine de lit. Sortie de son sommeil, X... n'a gardé aucun souvenir de l'ordre suggéré. Mais cet ordre est dans son cerveau â l'état de souvenir latent, et, à l'heure dite, poussée par une de jçes impulsions irrésistibles dont on retrouve chez les aliénés de si fréquents exemples, X... se jette sur sa voisine et la frappe. Ce sont les f*îts de cet ordre qui ont donné naissance aux appréhensions que l'on sait au sujet des dangers de l'hypnotisme. J'ai dit combien ces appréhensions sont exagérées. Qu'il me suffise d'ajouter que si l'on s'en réfère aux enquêtes minutieuses poursuivies sur la question, les dangers que l'hypnotisme fait courir a la société sont plus théoriques que viais. Les criminels ont pensé jusqu'à présent, et ils ont eu raison, qu'il était plus prudent pour eux d'opérer directement et sans intermédiaire.
Mais l'état hypnotique n'est pas la condition obligée de la suggestion. Chez certains névropathes, il n'est pas impossible de suggérer en pleine veille des hallucinations ou des ordres. Voici une jeune tetnme hystérique qui a été, il y a quelques mois, spontanément frappée d'une paralysie du côté gauche. Cette paralysie s'est progressivement et presque complètement dissipée. Les membres restent seulement insensibles. Nous attirons l'attention de cette malade sur son bras gauche, nous lui faisons remarquer qu'elle a peine à le mouvoir; elle nous démontre tout d'abord le contraire en élevant le membre, mais nous insistons sur notre affirmation et, petit à petit, la malade arrive a se convaincre
qu'elle est bien paralysée à nouveau et, en fait, elle vient de le devenir.
Expérience sans inconvénients et sans dangers, car, tout à l'heure, nous ferons disparaître la paralysie par la suggestion, aussi aisément que nous l'avons produite : mais expérience qui nous démontre que si le sommeil hypnotique est la situation qui se prête le mieux à cette suggestion, il n'en est pas, le l'ai dit, la condition indispensable.
D'ailleurs, la suggestion à l'état de veille ne jouc-t-e)Ie pas un rôle considérable dans tous les faits de la vie sociale? N'est-il pas la conséquence d'une suggestion mutuelle, cet engouement qui s'empare à certaines heures des assemblées ou des foules, et donne lieu i ces manifestations tantôt imposantes, tantôt redoutables, mais toujours curieuses pour le psychologue, de l'exaltation politique ou religieuse? Et en médecine, la suggestion ne tient-elle pas une grande place? Je ne parle plus de la suggestion provoquée durant le sommeil, donrde nombreux travaux dans ces dernières années, particulièrement ceux de nos confrères de Nancy, ont montré l'efficacité ajourd'hut indiscutée.
Mais que faisonr-nous autre choc que de la suggestion, lorsque nous essayons, suivant l'expression consacrée, de relever le moral du malade? Tout médecin qui s'est trouvé aux prises avec ces longues et interminables maladies du système nerveux, où l'on épuise trop souvent sans résultat toutes les ressources de la pharmacopée, sait le parti qu'il peut tirer pour le grand bénéfice du malade d'une réflexion encourageante ou d'une bonne parole. Aussi Forbes |i)a-t-ÎI pu dire avec raison que l'imagination doit être comptée « parmi les moyens normaux essentiellement inhérents à l'exercice d'une nouvelle méihodcde guérir •. L'imagination» le médecin psychologue (et on n'est point bon médecin sans être un peu psychologue), ne doit jamais oublier son rôle, ne fût-ce que pour sesoo-venir qu'à elle seule sont dus les résultats souvent heureux des médications systématiques et des panacées.
RECHERCHES SUR L'ANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE
Par H. Almeb BIN ET (a)
Les recherches suivantes ont été faites sur douze hystériques hémi-anesthésiques, appartenant à plusieurs services hospitaliers de Paris r
i* L'excitation d'une région anesthésique. quoique n'étant pas perçue par le sujet sous la forme d'une sensation tactile ou musculaire, déter-
(i) Nature and art in the eure of Disease, cite par Hack-Tukc. {Le Corps et TEs-prit, trad. française. )
(a) Note présentée a l'Académie des sciences par M. Brown-Séquard.
mine l'image visuelle de la région excitée ; cette image visuelle peut être recueillie sur unécran qu'on prie le sujet de regarder fixement; elle dure aussi longtemps que l'excitation qui la produit. (Il est bien entendu que. dans toutes les expériences, on supprime pour le iujet la vue de la région excitée et l'on évite tout ce qui pourrait donner lieu à une suggestion.)
a* La piqûre de la région anesthésique détermine sur l'écran l'apparition d'un point sombre ou éclairé: une ligne, un dessin quelconque tracés avec une pointe de compas sur la peau insensible produisent sur l'écrnn le même dessin en lignes de couleur; une légère constrictîon autour du poignet ou du doigt de la main insensible fait apparaître l'image visuelle de ces parties; les mouvements passifs communiqués aux divers segments d'un membre anesthésique sont reproduits par limage visuelle de ce segment et peuvent être comptes ; enfin les diverses attitudes d'un membre, qu'on peut provoquer au m oven d'une contrac* tore artificielle, se retrouvent également dans l'image visuelle. 3* L'excitation, avec le compas, de la peau insensible, provoque, scion
-l'écart des deux pointes de compas, et selon la région explorée, tantôt deux points visuels, tantôt un seul: on peut, grâce à cette méthode, me-
-tarer cette sensibilité spéciale d'un membre anesthésique, comme on mesure celle d'un membre sensible, avec cette seule différence que, pen-
-áartx l'exploration, l'interrogation de l'expérimentateur ne pone pas sur le nombre des sensations tactiles perçues, mais sur le nombre de points qui apparaissent sur l'écran. Mesurée par cette méthode, la sensibilité du membre soi-disant anesthésique parait généralement normale.
4' Les impressions visuelles produites par l'excitation d'une région insensible sont claires ou sombres, suivant les sujets; à mesure que
ffexcitation se rapproche d'une région sensible, la couleur de l'impression se moditï- régulièrement : elle prend une teinte rouge. L'excitation des régions hypnogenes que l'on rencontre fréquemment chez les hystériques sur le ventre et diverses parties du corps, provoque des impressions lumineuses dont l'éclat est comparable à celui de la lumière électrique. C'est probablement cette sensation lumineuse qui provoque la sommation.
5* Le* images visuelles sont assez intenses pour s'extérioriser ; elles couvrent les objets extérieurs, elles suivent le mouvement des yeux, elles persistent les yeux fermés ; projetées sur un écran qu'on rapproche et qu'on éloigne, elles s'agrandissent, comme une image consécutive, et "ieclaircissent quand on éloigne l'écran; dans le cas contraire, elles deviennent plus petites et plus intenses. Ces changements de grandeur de l'image visuelle sont faciles à constater, en provoquant, i l'aide de deux piqûres, deux points lumineux dont on prie le sujet de mesurer la distance sur l'écran. Enfin, les images visuelles ainsi provoquées revêtent la couleur complémentaire de celle des surfaces sur lesquelles on les extériorise.
— 6- Si l'on marque sur l'écran un point destiné a fixer le regard du
sujet, l'image visuelle déterminée par l'excitation d'une région anes-thésique est constamment localisée sur le point de fixation ; le lieu de l'excitation n'importe pa* ; que la piqûre soit laite i la face, sur le membre supérieur ou sur le membre inférieur, la petite tache ainsi produite vient toujours couvrir le point de fixation. Si, pendant qu'on continue la première excitation, on en fait une seconds (nous supposons qu'il s'agisse de deux piqûres). la seconde image visuelle ne se confond pas avec la première, mais se fixe à une certaine distance du point de fixation. Si, enfin, on supprime la première excitation et qu'on prolonge h seconde, la seconde imjge se rapproche par un mouvement lent du point de fixation et s'y localise. Après ce changement de position. la seconde image présente une couleur différente et apparaît plus distinctement. Ces expériences, comme je le montrerai, peuvent nous renseigner sur le champ de la vision mentale.
7* Lorsque deux piqûres sont faites simultanément à la peau insensible, les deux points visuels, chez quelques malades, apparaissent sur l'écran, séparés exactement par la même distance que les deux piqûres, a la condition que cette distance ne dépasse pas 2 centimètres ou 3 centimètres; pour les distances plus considérables, il s'opère, dans les perceptions visuelles, un phénomène de réduction.
8* Lorsqu'on trace des lignes sur la main insensible, et que celle-ci est placée dans le même plan que l'écran, les lignes visuelles qui apparaissent sur l'écran sont parai H les a celles qu'on a tracées sur la main.
9' Les images visuelles provoquées, persistant aussi longtemps que l'excitation qui leur donne naissance, peuvent être fixées sur l'écran par le dessin dans leurs moindres détails.
10* La signification des images visuelles provoquées n'est pas constamment comprise par les sujets ; lorsqu'on imprime un mouvement passif au doigt d'une main insensible, le sujet décrit parfois ce qu'il voit sur l'écran comme une raie blanche, un bâton, une colonne, etc., bien que cette forme indécise soit réellement celle de son doigt, comme on peut s'en assurer par la concordance des mouvements du doigt et de l'image visuelle. Il résulte de ceci que la vision mentale a ses illusions comme la vision extérieure.
11* Les images visuelles provoquées ne sont jamais mises par le sujet en rapport avec l'excitation de son membre anesthésique; le sujet ne se doute pas des expériences qu'on pratique sur sa sensibilité, et il ne cesse pas de croire à son anesthésie.
iaa Les images des régions anesthésiques du corps ne sont pas les «cules qu'on peut provoquer par l'excitation de ces régions; si l'on place un objet familier dans la main insensible, le sujet voit cet objet sur l'écran; si l'on imprime un mouvement graphique à la main insensible, le sujet voit sur l'écran les lettres tracées.
RECUEIL DE FAITS
TROUBLES HYSTERIQUES TRAITES PAR L'HYP NOTIS V E
Par le M. Docteur BESSE
Anna F.... née F.... 3o an«, originaire Je l'Oise, cuisinier.1. Tempérament nerveux Constitution robuste.
Dans la soirée du mardi 5 avril 1887, 1j malade nous est apportée à l'hôpital, en état complet d'ivresse et en pleine attaque d'hystérie que nous essayons vainement d'arrêter par la compression des ovaires. Le calme ne se produisant pas, nous faisons mettre la camisole de force à la malade. Potion chloral, 2 grammes.
Mercredi ô, matin. — La nuit s été relativement calme. La malade se plaint seulement d'une grande lassitude. On la laisse encore en observation. L'ivresse est dissipée. Anna répond a nos questions, et nous l'étu-afions alors d'un peu plus près.
Antécédents héréditaires. — Père robuste, n'a jamais été malade, mais est d'un caractère violent. Mère hystérique, d'après les renseignements fournis par la malade; elle mourut d'hémorragie. Sur sept entants de la même famille, tous ont présenté des symptômes nerveux; deux de ses soeurs sont mortes.
La malade n'a pas connu ses grands-parents. Mais clic nous assure que les collatéraux maternels auraient aussi été atteints d'affections nerveuses.
Antécédents personnels. — La malade a toujours été nerveuse. Mariée à quinze mis, n'étant pas encore réglée. Les menstrues apparurent trois mois après et s'interrompirent ensuite pendant six ans, dans l'espace desquels clic mit au monde six enfants, tous robustes et bien constitués. Trois d'entre eux sont morts du croup: les trois autres sont vivants et comprennent deux filles et un garçon. L'aînée des tilles est sujette & des attaques semblables * celles de la mère. Malgré cela, elle est d'une constitution robuste et se porte bien. • Anna cm de nouveau enceinte. Elle porte, a la partie gauche du cou. la trace d'une cicatrice due à l'ouverture d'un abcès par Verneuil.
Début de /lï maladie. — La malade, avons-nous dit, était très nerveuse dans son enfance ; toutefois, avant son mariage, elle n'avait jamais eu de crises. Elle cohabita plusieurs années avec son mari; mais un jour, ayant appris sa situation étrange et îrréguliére vis-à-vis de lui, elle le prit en horreur et le quitta pour aller vivre avec un amant a Paris. Forcée, a cause de la surveillance dont elle était l'objet, de quitter la capitale, elle s'en vint a Nimcs et fut recueillie dans un refuge, où clic
passa cinq semaines sans avoir de crises. Les premières remontent i quelque temps avant sa séparation d'avec son mari.
Le 5 avril, sentant, dit-elle elle-même, venir une nouvelle attaque, elle abandonne le refuge où clic s'était retirée et passe la journée en ville. Ccst le soir de ce même jour que la police nous l'amène à l'hôpital.
La malade sent toujours approcher son attaque. La première phase de celle-ci est caractérisée par une cwa qui part de la région ovarienne où elle produit une sensation de constriction, arrive au larynx et amène une gène respiratoire assez marquée, au point que la malade demande toujours qu'on ouvre la fenêtre de la salle où clic est enfermée. Sensation manifeste de boule hystérique.
Immédiatement après elle se plaint, fait entendre quelques gémissements et commence alors à entrer en contracture. Elle se tient en opis-thotonos, se couche sur le côté droit du corps qui décrit une courbe à concavité postérieure. Les bres, contractures aussi, sont en croix, quelquefois élevés au-dessus de la tétc, les jambes l'une sur l'autre dans des positions variables.
Pendant ces crises, la malade ne répond pas aux questions qu'on lnt adresse et qu'elle semble ne pas entendre. La sensibilité c>i émoussec; la malade ne réagit pas aux piqûres.
La crise se termine naturellement, les contractures disparaissent peu à peu et la malade se sent brisie; elle se plaint de la tete, des reins et da ventre. Ces attaque* reviennent d'une façon assez irrégulière, mais ne sont jamais isolées.
Anna nous apprend qu'on a épuisé sur elle tout l'arsenal thérapeutique usité en pareil cas, mais sans succès. Nous lui proposons alors de l'endormir, et la malade, décidée à tout pour guérir, disait-elle, se prêta de très bonne grâce à nos expériences.
Mercredi C avril, soir. — Première tentative. Nous essayâmes d'endormir notre sujet par la fixité du regard, sans résultat. Nous plaçâmes alors entre ses yeux, au niveau de la racine du nez, un crayon à bout en os blanc, que nous fîmes fixer par la malade, qui s'endormait quelques instants après.
Elle entend nos questions et y repond. Pour bien nous assurer que nous n'étions pas dupes d'une simulation, nous lui suggérons qu'au réveil elle aura perdu toute sensibilité dans le membre supérieur gauche. Nous l'éveillons ensuite par la compression de la région ovarienne gauche. Et en effet, nous pouvons alors traverser de part en part avec une épingle, la peau de l'avant-bras anesthésié sans provoquer la moindre réaction.
Jeudi 7. — Nouvelle séance, faite en compagnie de notre ami le IV Jean Cavalier. La malade s'endort après d'assez longs efforts. Comme' elle s'ennuie beaucoup â l'hôpital, nous lui ordonnons de travailler et
de ne pas languir. A son réveil, elle ne se souvient de rien, et est fort étonnée de se Trouver habillée sur son lit.
Vendredi S. — La malade n'a pas langui. Elle a travaillé toute la journée. 1-a veur de jervicc nous ayant prévenu que les conversations de notre malade étaient souvent émaillëes d'expressions grossières, soc-vent même ordurières nous endormons Anna et nous lui commandons d'être dorénavant convenable vis-à-vis de ses compagnes et envers la sœur de la salle.
Samedi i. — Anna a eu une attaque hier a ~ heures, et une autre ce matin au point du iour; sa conduite a été bonne pendant la journée d'hier, se-, expressions irréprochables. Nous l'endormons et nous lui défendons d'avoir une attaque avant la visite du lendemain.
Dimanche 10. — L'attaque a eu lieu ce matin au moment où nous entrions dans la chambre d'Anna. Elle se plaint de ne pas avoir d'appétit et ne mang; près jue pas.
Après li visite, roas l'endormons, nous lui commandons de manger avec appétit de tout ce qu'on lui apportera.
Lundi ri.—La malade a exécuté ponctuellement nos ordres ; elle a mangedV.weilent appétit.
Le soir, vers huit heure, elle a eu plusieurs attaques que nous avons eu beaucoup Je peine à arrêter. A dix heures cependant, quand nous 'sons sommes retiré, la malade était relativement calme.
Mardi 12. —Notre chef de service. M. le d' Carcassonne, demande à voir nos expériences, que nous répétons devant tous nos maîtres et nos collègues de l'Hotcl-Dieu. Nous paralysons successivement Anna des quatre membres, nous la piquons sans qu'elle manifeste la moindre souffrance. Nous lui suggérons qu'elle verra à son réveil, devjnt son fit, son mari, â qui elle demandera pardon de sa conduite passée. Effectivement, .juand clic s'éveille, elle tend la main à M. le principal Dc-Tozey, et lui dit : a Bonjour, François : il ne faut pas m'en vouloir, je te demande pardon. » Nous lui interdisons d'avoir une attaque avant trois jours, et de passer convenablement la journée.
Mercredi — Rien de nouveau : la malade va bien.
Jeudi 14. — La malade se plaint de ne pouvoir aller h la selle, et d'être constipée: nous la purgeons pur suggestion avec un demi-verre d'eau pure.
Vendredi 5. — La malade a eu une attaque. Plusieurs selles diar-rbéiques dans ia journée d'hier. Nous lui interdisons une attaque avant huit jours.
Lundi iS. — La malade se porte bien; elle s'occupe dans les salles; elle s'ennuie un peu. Nous lui ordonnons de ne pas s'ennuyer.
Vendredi 22. — La malade a eu une attaque. Nous l'endormons en Joi interdisar: d'avoir une crise avant dix jours. Avec notre ami Ch. Fabre, nous faisons manger à la malade une peau d'orange en lui commandant de trouver un goût sucré à la première moitié, nn goût amer
à la seconde. Nous lui ordonnons ensuite de venir nous voir à notre chambre, le soir, a quatre heures. Tous ces ordres sont très bien exécutés.
Lundi 25. — La malade demande a sortir en ville. Nous lui ordonnons d'être i entrée à 4 heures et demie. Elle rentre a l'heure fixée.
Mardi 26. — Anni se plaint d'une vive douleur dans la région lombaire, douleur que nous lui enlevons par suggestion.
Jeudi 28. — La malade demande a sortir pour affaires, et cette fois ne rentre plus.
cours et conférences /attaque de sommeil
Leçon clinique de M. Ic professeur Ciuscot Recueillie par M. le D' Bcrikj, chef de clinique adjoint.
J'ni fait apporter devant vous une femme, qui dort déjà depuis treize jours, sans s'être réveillée une seule fois. Il s'agit d'une femme très connue dans l'hospice, j'allais même dire de tout Paris, car c'est elle dont, à différentes reprises. les journaux ont parlé, la désignant sous le nom de dormeuse de la Salfêtriére. Je dois vous dire que, malgré la durée de ce sommeil, on est sans inquiétude sur le compte de cette femme, on sait qu'elle se réveillera un jour ou l'autre, qu'elle appartient à la catégorie des hystériques de la grande espèce, et qu'il n'y a rien de grave dans son état.
Cette femme, en effet, a des attaques d: sommeil depuis :87s : une fois elle a dormi deux mois, une autre fois quarante jours seulement ; elle appartient au service de M. Jules Voisin, qui me l'a obligeamment-prêtéc. Cette malade mérite toute notre attention, car elle représente un type particulier : la malade a des attaques de sommeil, c'est là un phénomène propre a l'hystérie et qui ne se rencontre pas ailleurs.
L'histoire de cette femme, la fameuse Eudoxie X..., est consignée dans la première iconographie photographique de la Salpétrière, publiée sous la direction de MM. Bourncvillc et Regnard, en 1875.
Moi-même j'ai fait sur elle une première leçon, en i883; cette leçon, inédite en France, a été traduite en italien par Millotti; enfin, j'ai fait-" une deuxième leçon, qui a été publiée dans le Bulletin médical du 3 décembre 1887.
On retrouve l'histoire d'Eudoxic dans le travail de M. Gilles sur les attaques de sommeil.
Ccue femme est entrée à la Salpêtrtère. il y a vingt-six ans, à l'âge de vingt-sept ans; e!le a des antécédents nerveux fort remarquables :
¦ Mère épileptique dans l'enfance; Père ivrogne (psut-être dipsomane); Sœur nerveuse.
A dix-huit ans. elle a commencé a avoir des attaques; vous voyez quelle ténacité a cette hystérie encore considérée par bien des médecins comme une affection légère.
Les attaques ont duré jusqu'en i8j5, et ont été remplacées parles crises de sommeil. Les attaques antérieures étaient bel et bien des attaques d'hystéro-êpilepsie dans le sens où nous l'employons, c'est-à-dire n'ayant rien de commun avec l'épilcpsie. le morbus saccr, et ne lui ressemblant que dans so phase initiale.
Cette malheureuse femme a encore été victime d'un de ces accidents, fréquents chez les hystériques, je veux parler des paraplégies, qui peuvent parfois disparaître, mais qui, fréquemment aussi, deviennent permanentes et constituent une infirmité incurable. Vous vovez ces muscles atrophiés et réduits à lien, ces sortes de pieds-bots. Cette malade, sans qu'on puisse affirmer qu'il s'est fait quelque lésion du système nerveux, présente une paraplégie dont elle ne guérira évidemment pas.
On a appelé l'état dans lequel est cette femme crise de sommeil : le mot sommeil est-il bon: Dans tous les cas, il ne s'agit en aucune façon du sommeil naturel. Quand on dort, on prui vous réveiller en faisant du bruit avec tin tam-tam, en vous faisant respirer de l'ammoniaque, en vous électrisant à toute volée... Notre malade résisterait à toute tentative de ce genre. Nous n'avons d'efficace que la pression de l'ovaire ; encore ne parvenons-nous, par ce moyen, qu'à obtenir quelques grognements, quelques mouvements sans réveil aucun.
Autre différence avec le sommeil naturel. — La malade présente une série de contractions spasmodiques des paupières, elle parait vibrer, les membres sont raides, de temps à autre elle se soulève et exécute ce que nous appelons une salutation incomplète. Eh bien ! c'est cet état de tension et d'agitation si différent de ce que l'on voit dans le sommeil naturel avec résolution musculaire, qui me fait considérer le. sommeil de cette femme comme une attaque fruste, une attaque manquée au lieu du tapage de la grande hystérie ; il y a là un calme apparent, mais auquel ¡1 ne faut pas se laisser prendre. Ces mouvements de translation du corps en avant, c'est l'esquisse des grands mouvements qu'exécute habituellement l'hystérique en attaques régulières.
Cette raideur des membres, cette mousse aux lèvres, c'est l'esquisse de la phase épilcptoldc ; enfin, ce cri poussé de temps à autre, ce mouvement qui l'accompagne, c'est l'ébauche de l'hallucination gaie ou terri-
tiantc qui marque ordinairement avec Tare de cercle la An de l'attaque
classique.
Mais, nous dira-t-on, pourquoi ne s'agirait-îl pas la de l'état de mal cpileptique où l'on vibre aussi, où l'on n'a pas sa connaissance? Je répondrais à cela : C'est tout autre chose ; les symptômes que je viens d'indiquer manquent absolument dans l'état de mal. l.'état de mal est un état très grave, qui souvent se termine par la mort; il a des signes spéciaux; enfin, le thermomètre, qui accuse d'un coté une température énorme, de l'autre une température normale, indique assez dans ru l'activité des combustions et l'usure rapide, dans l'autre le ralentissement de la nutrition et un statu quo d'animal hibernant.
Une seule fois une hystérique en série d'attaques eut une température de 3p degrés : très inquiet, nous cherchâmes la raison de ce phénomène insolite; nous ne tardâmes pas à la trouver Juns une constipation ditant de plusieurs jours. Un purgatif cji promptemmt raison 'le l'élévation de température.
Signalons encore chez notre malade un autre fragment de la névrose hypnotique : des attitudes caialepioides.trahissant par la l'intime union, ou mieux l'intime parenté de ces états connexes, l'hystérie, les attaques de sommeil et le sommeil hypnotique.
Comment vit la malade* De la manière la plus simple du monde- On lui fait avaler du lait; et cette alimentation, si insuffisante qu'elle pn-. raissc. suffît encore. II y a, en effet, ralentissement de la nutrition pendant toute la durée du sommeil, puis repriso des combustions (élévation du taux de l'urée. Kcgnard), au moment où le sommeil cesse. 11 y a bien un peu d'amaigrissement dû ù l'autophagic, mais sans gravité.
L'état de sommeil hystérique ne peut être confondu en aucune manière avec le coma apoplectique. Il suffit de signaler l'impossibilité d'une confusion.
M. Debove a appelé apoplexie hystérique la première phase de l'attaque de sommeil. Cette apoplexie, c'est le début brusque de l'attaque. On ne. doit pas voir là autre chose et il faut éviter de compliquer à plaisir lm nomenclature, déjà si chargée, des phénomènes hystériques.
L'état de raideur de notre malade rappelle aussi l'attaque Je raideur qu'obtiennent parfois, à leur grand effroi, les magnétiseurs de foire et de salon. Il s'agit donc bien là d'une des modalités de l'attaque J hystérie: il est indispensable de le savoir pour éviter des erreurs préjudiciables au malade et encore plus préjudiciables au médecin.
société de médecine légale
Séance du ? décembre. — Présidence de M. Ho»telqvp
Dangers et interdiction des représentations théâtrales d'hypnotisme.
M. Gilles ii: i.a Tourette. — Depuis plusieurs mois il devient difficile d'ouvrir les recueils médicaux sans cire frappé Ju nombre considérable d'observations relative» aux accidents occasionnés par les représentations théâtrales des magnétiseurs.
Les pays étrangers n'ont pas été épargnés et leurs gouvernements respectifs, s'appuyant sur les autorités médicales les plus incontestées, n'ont pas hésité un seul instant à proscrire ces représentations comme attentatoires à la santé et à la mor.ilc publiques. La France seule aujourd'hui tolère ces dangereuses exhibitions.
Notre pays est donc devenu le reluge de tous les magnétiseurs de tréteaux dont les affiches couvrent les murs de la capitale.
Nous avons pu voir â la Salpctrièrc ce que devenaient lei sujets des magnétiseur:, qui, de simples névropathes chez lesquels la névrose fût peut-être toujours restée en germe, passaient à l'état d'hystériques eomulsifs ou hallucinés, incapables, désormais, pendant de longs mois, quelquefois pour toujours, de subvenir aux besoins de leur existence. Non seulement le danger existe pour les personnes qui se prêtent à ces hypnotisations intempestives, mais il n'e>t souvent pas moindre pour les simples assistants. Ceux qui, en effet, se rendent habituellement à ce genre de spectacle, sont le plus souvent de ces individus inquiet», friands d'impressions malsaines, que réclame à ses risques et pJi'iis leur esprit dévoyé. Qu'en résulte-t-il : que ces cerveaux troublés de h vtille ce\iennent les hystériques ou les aliénés du lendemain; ciT l'hypnotisme n'est pas un phénomène naturel: c'est une véritable névrose expérimentale, ainsi que l'a démontré péremptoirement M. Char-eot, qui doit toujours être déterminée par le seul médecin dans un but curatif.
Personne évidemment ne force ces individus susceptibles d'être fâcheusement impressionnés, à assister à ces dangereux spectacles; mais n'est-ce pas une règle --"istar.te et salutaire de placer un garde-fou devant les précipices atîn d'empë.-her les vertigineux d'y tomber?
Après le p.isj.i^c des magnétiseurs, il ne tarde pas à se développer de véritables épidémies d'hypnotisme, sévissant dans de petits cercles intimes, dans les colletés, dans les pensions. M. Charcot a consacré l'une de ses leçons à l'exposition d'accidents de cet ordre qui sévissent sur les élèves d un collège de la Champagne; l'un d'eux, gravement atteint, dut attendre plus de trois moi», à la Salpétrière, la guerison d'accidents hystérisques convulsifs.
MM Pitres et Damaschino, Garnier, Séghis ont signalé des faits analogues et nous en avons rapporté un grand nombre d'autres, tant personnels qu'empruntés aux auteurs français ou éirangers, dans notre publication sur rHyp-noiisme et les états analogues au point de tue médico-légal.
Parfois les familles se portent partie civile et les tribunaux condamnent les magnétiseurs à indemniser leurs victimes (Douai, i83S) ; mais qui dira le nombre des accidents qui passent inaperçus ou que les familles cachent fréquemment, en présence du discrédit qui s'attache aux phénomènes pathologiques d'ordre convulsîf.
11 est beaucoup plus facile d'empêcher ces accidents de se produire que de les guérir, lorsqu'ils sont survenus, et ce serait faire œuvre saine que d'interdire — à l'exemple des pays étrangers — ces représentations, véritables foyers de contagion nerveuse. Déjà dans plusieurs villes, à Bordeaux, a Poitiers, les magnétiseurs se sont vu refuser l'autorisation nécessaire à la perpétration de leurs exploits; il serait très désirable que cette mesure leur fût appliquée d'une façon générale sur toute l'étendue du territoire et particulièrement à Paris, où leurs représentations vont tous lesjours en se multipliant davantage.
Aussi avoDS-nous l'honneur de soumettre à la Société la proposition suivante : • La Société de médecine légale émet le vœu que les séances publiques d'hypnotisme soient interdites, en raison des nombreux accidents qu'elles provoquent. »
M. Brouardel. — J'appuie la proposition de M. Unies de la Tourette. J'ajouterai aux arguments qu'il a fournis en faveur de son adoption, que ces magnétiseurs de théâtre font des élèves, qu'ils contribuent de cette l'açon à créer dans la société une classe d'individus peu scrupuleux, mettant l'hypnotisme au service de leurs passions les plus basses. C'est ainsi que le sieur Lévy. dentiste de profession, mais autrefois magnétiseur, n'avait pas hésité à violer, en état d'hypnotisme, une malheureuse jeune fille qui était venue réclamer ses soins. De ce lait — j'avais été commis comme expert — il fut condamné à dix ans de réclusion par la Cour d'assises de Rouen {1877}.
— La proposition de M. Gilles de la Tourette, mise aux voix, est adoptée à l'unanimité ; la Société décidc.cn outre de charger son bureau de présenter ce vœu à M. le préfet de police, en l'entourant des considérations qui ont déterminé l'unanimité de son adoption.
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
Récompenses de l'Académie des sciences.
Dans sa séance publique annuelle du lundi 24 décembre iSSS, l'Académie des sciences, dans le concours de médecine et chirurgie {fondation Moniyon), a accordé les recompenses suivantes à des auteurs ayant présenté des ouvrages se rapportant a l'hypnotisme : Elle a attribue une mention honorable et i.5oo fr. à M. le D' Gilles de la Tourette. pour son ouvrage intitulé*
L'hypnotisme et les ctats analogues au point de vue médico-légal ;- une citation honorable ei une somme de 800 fr. à M. le Dr. Edgar Bcrillon, pour son travail sur ; La dualité cérébrale, ex une citation honorable à MM. Binct et Fére, pour leur ouvrage intituîé x'Le magnétisme animât.
Le dé'it de couvrage en Angleterre.
ï.e Conseil général de médecine, qui surveille l'enseignement médical dans le Royaume-1'ni et accorde le permis d'exercer la médecine après obtention des diplômes nécessaires, vient de retirer leur permis a deux médecins jugés coupables de ¦ couvrage >. Ce mot désigne un délit particulier a notre pays, « qui consiste dans le fait de s'associer avec une personne non pourvue de diplôme afin qu'elle puisse exercer la médecine. Cette contravention est ires commune. ma:s ce n'est que depuis un an que le Conseil s'est décidé à s'en occuper. Il a obtenu, ce faisant, l'approbation de tous les médecins dont la clientèle se trouvait diminuée par cette concurrence déloyale. Les médecins peu scrupuleux mettront dorénavant moins d'empressement à prêter leur nom a ce genre d'exploitation et le public y gagnera tout comme nous.
De l'habitude de fumer l'opium.
Le médecin anglais de la colonie de Hong-Kong, dans son dernier rapport annuel sur l'habitude qu'ont un grand nombre de Chinois de fumer l'opium, soutient que cette habitude ne produit pts de plus mauvais effet, quand on use de l'opium avec modération, que le tabac. La privation subite de l'opium pour ceux qui y sont accoutumés ne cause aucun dérangement physique spécial. Il a vu un grand nombre de vieilles gens fort bien conservés qui ont fumé l'opium toute leur vie, et néanmoins ont gardé de bons muscles et toute leur force, avaient bon appétit et dormaient du sommeil du juste. Il affirme aussi que les effets dangereux de cette habitude ne peuvent être comparés a ceux de l'abus de l'alcool.
Exercice illégal de la médecine.
Dans le cours qu'il professe s: magistralement a la Faculté de médecine, M. Brouardc!. traitant la question de l'exercice illégal de la médecine, ne pouvait manquer de parler des magnétiseurs. Voici les renseignements qu'il a donnés à ses auditeurs sur ce sujet :
| « Dans ce moment-ci, ce qui suscite peut-être le plus de poursuites dans le sens qui nous occupe.ee sont les cabinets de magnétiseurs. Mais lorsque dans ces cabinets or. a vu qu'on pouvait être poursuivi pour exercicï illégal de la médecine, on s'est attaché un docteur ou un officier de santé qui signe les ordonnances. Le tribunal n'en a pas moins continué ses poursuites et il
semble même plus sévère quand il y a association de médecins ou d'officiers de santé. On les condamne comme complices parce au ils ont exercé 1? médecine tout en faisant complitemtut abstraction de leur personnalité médicale.
» Dernièrement, j'ai été commis avec M. Vibert dans une affaire de la banlieue de Paris, où une somnambule avait ordonné du boeuf et de la salade à un typhique qui est mort dans les vingt-quatre heures. Les coupables ont été condamnés ù une forte amende.
» Depuis lors,cette jurisprudnee s'est reproduite- Malheureusement les gens de cette sorte, et particulièrement le* rebouteurs, invoquent témoignage de ceux qu'ils sont censé* avoir guéris, et on voit alors Jciilcr devant le tribunal des hommes de la plus haute valeur, comme des membres de l'Institut et des; maréchaux de France. >
Ceux qui s'adonnent n l'exercice illégal de la médecine pourraient croire qu il leur suffît, pour échapper ? l'application de la loi, d'attacher un médecin a leur cabinet. C'est là une erreur. La jurisprudence est établie, ci nul croyons utile de rappeler aux magnétiseurs, dans leur in: .-'^ tombent sous l'application de la loi, lorsqu'ils donner.! des soins à un malade, même sous le couvert d'un médecin.
Action diurétique du massage chez le chien.
M. Bum, rëd-icteur en chef de la tt'tener ,\fed. Presse, a fnit au laboratoire de physiologie du professeur Basch. sur des chiens curante* c: soumis i la respiration artificielle, des experiences fort intéressantes qui démontrent Taction éminemment diurétique du massage chez ces animaux.
M. Bum massait seulement les pattes postérieures. 11 ohc-vaît constan— ment une augmentation très considérable de la sécrétion urinair: 'qui devenait quelquefois huit fois plus abondante t. en comparaison de ce qu'elle était dans les intervalles des séances de massage.
De ses nombreuses expérience s, M. Bum conclut que ta perméabilité des veî-nesestune condition sine qua nonpourobtcr.irunc .',U£me¡i:;iUi>n ¿c la sécrétion urinaîre soui l'influence du massage. Dès que i.i wine cinc i;;!\;ncurc est liée, le massage perd son action diurétique, tar.di* que cette même action persiste malgré la ligature de l'aor;c et du canal thoracique et malgré la section des nerfs splanchniquei. Les influences nerveuses et la circulation artérielle ne louent donc aucun rôle dans l'action diurétique du massage et cette dernière s'exerce seulement par l'intermédiaire de 'a circulation veineuse. M. Bona pease que les substances qui se forment et qui s'accumulent dans les muscles par suite du travail musculaire, sont exprimées par les manipulation» Haj massage dans les veines d'abord et ensuite dans le torrent de la circtüagB générale et agissent sur les reins comme substances diurétiques. En flflM M. Bum a trouvé que l'augmentation de la sécrétion urinaîre est beaucoup plus considérable quand on masse des muscles fatigué*, tétanisés, que quand on soumet à la même manipulation des muscles restés longtemps en repos.
NOUVELLES
M. Mairet, agrégé, est nommé professeur de clinique des maladie» mentale* ci nerveuses à la Faculté de médecine de Montpellier.
Faccltk de «koïcine dk Nascr. — M. Bernheiro, professeur de clinique médicale, membre du Conseil general des Facultés, est nommé assesseur du doyen.
Po»TiGAL. — Le gouvernement portugais, suivant l'exemple donné par l'Italie, la Suisse, l'Allemagne. l'Autriche, li Russie, la Hollande et le Danemark, Tient d'interdire les séances publiques d'hypnotisme.
Suisse. — Notre collaborateur M. le docteur Forel (de Zurich) vient de fonder, avec le concours de M. Bleuler, une maison de santé pour ivrognes. Cet asile possède une fer.ne dans laquelle les malades travaillent. L'abstinence absolue des boisson* alcooliques, le travail obligatoire et la suggestion hypnotique sont la bise du traitement. ! ..* minimum de la durée da traitement est de six mois. Les ivrognes atteints de troubles psychiques considérables ne sont pas admis.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
(Depuis 18S0)
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183. 1888.
E- Bérillon et Max Dessoir.
OUVRAGES REÇUS a la REVUE
Crépieux Jamin. — L'Écriture et le Caractère, précèdé d'une préface de M, le Dr Paul Hélot. In-8°, avec 146 figures dans le texte. 3t5 pages. F. Alcan, 1888 (5 fr.).
Ribot (Th).. — Psychologie de l'attention. In-12, 182 pages. F. Alcan, 1889
(2 fr. 5o).
Collineau. — La Gymnastique : Notions physiologiques et pédagogiques ;
Applications hygiéniques et médicales. Grand in-8° de 824, pages avec 136 figures. J.-B. Baillière. 1884 (10 fr.).
James Sully. — Les Illusions des sens et de l'esprit. ;Bibliothcque scientifique internationale.) In-8°, 264 pages. Alcan, 1889 (6 fr.).
Gaston Bussy et Gaston Lèbre. — Le Mahatma. In-12, 357 pages.
Marpon et Flammarion (3 fr. 5o).
Beaunis. — L'École du service de santé militaire de Strasbourg et la Faculté de médecine de Strasbourg de 1856 à 187o. Discours prononcé à la séance de rentrée de la Faculté de médecine du Nancy, le 31 octobre 1888. Brochure in-8°, 22 pages. Berger-Levrault ; Nancy, 1888.
L'Administrateur-Gérant ; Emile BOURIOT, 170, Rue St-Antoine.
—paris. — imprimerie charles blot, rue bleue, 7.
REVUE DE^YPXOTISME
EXPÉRIMENTA ET.WraPEÜTIQUE
DES H ALLUCINATI *&%£¦'' JjM A TIV E S SUGGÉRÉES
Par le ifr"BERXHEIM
Reponte a H. le Professeur DELBlKLT
Il est utile que je revienne sur la question. l'interprétation donnée par M. Delbœuf pouvant, dans les termesoù elle est donnée par le professeur de Liège, être mal saisie par le lecteur et lui suggérer une pensée qui n'est peut-être pas celle de l'auteur.
L'article de M. Delbceuf contient deux choses : la première a trait aux définitions des mots perception et conception. Là-dessus, je n'insiste pas- J'ai été amené à proposer les définitions que je donne de ces deux termes par l'observation des faiis physiologiques et cliniques.
Pour qu'une impression sensorielle devienne consciente pour nous, il faut que cette impression arrive d'abord jusqu'aux cellules nerveuses de l'écorce cérébrale, auxquelles se termine le nerf sensoriel impressionné. Pour qu'un objet soit vu par nous, il faut que FÎmpression lumineuse qui frappe la rétine soit propagée par le '¦en optique le long de son prolongement intra-cérébral jusqu'aux cellules de l'écorce cérébrale (lobe occipital ou lobule du pli courbe), il faut que les cellules cérébrales, terminaison du nerf, soient actionnées. Ceci est un premier acte, simplement physiologique, que j'appelle ià tort, selon M. Delboeuh perception. C'est la mise en activité physiologique de la cellule.
Mais cela ne suffit pas. Cette activité peut être inconsciente. A la suite, se place un phénomène de conscience. La cellule nerveuse sensorielle impressionnée, par un mécanisme d'élaboration psychique que j'ignore, peut-être par transmission de l'excitation reçue à d'autres cellules cérébrales, cellules psychiques, cellules nrtposées aux phénomènes de l'entendement, localisées peut-être dans les lobes antérieurs du cerveau qui paraissent plus spécialement dévolus à ces phénomènes, la cellule nerveuse sensorielle, Ss-je, donne lieu ainsi secondairement au phénomène de cons-Bence : le sujet voit et sait qu'il voit. Ceci est le second acte, psychologique, qui succède à la perception sensorielle inconsciente; je l'appelle conception ou perception consciente. L'im-
pression simplement perçue (phénomène physiologique) par la cellule sensorielle est ainsi conçue, c'est-à-dire devenue consciente,
par l'élaboration complexe de la cellule sensorielle associée aux cellules psychiques.
Quand les cellules corticales sensorielles sont détruites, l'impression rétinienne a beau arriver au noyau spinal du nerf optique, elle n'est pas perçue par le cerveau : le sujet ne voit pas ; la perception consciente et inconsciente manque. C'est la cécité corticale (par lésion de Pecoree du cerveau).
Mais je crois avoir démontré qu'il peut exister chez les hystériques une cécité unilatérale, bien que l'impression arrive jusqu'à la cellule sensorielle du cerveau. Le premier acte physiologique, la perception inconsciente (qu'on me pardonne encore ce mot) existe. Mais le second acte, psychique, est altéré: la perception n'est pas consciente. Le sujet ne sait pas qu'il voit. C'est là ce que j'appelle cécité psychique, cécité de l'esprit.
Voilà ce que je voulais établir. Si les psychologues^ tiennent à leur définition des mots perception et conception, je n'insiste pas et je dirai : impression sensorielle cérébrale ^au lieu de perception) pour le premier acte : réception de l'impression par la cellule sensorielle corticale : et perception consciente (au lieu de conception) pour le second acte : transformation de l'impression en phénomène psychique conscient.
J'avoue que les termes de perception inconsciente et perception consciente me paraissent bien significatifs pour exprimer le fait.
La seconde chose contenue dans l'article de M. Delbœufa trait à l'interprétation du phénomène des hallucinations négatives. Ces hallucinations, dit l'auteur, sont le résultat apparent de la volonté dirigée du sujet : il se prête à ce qu'on lui demande, avec passivité, mais avec intelligence. »
Jusque-là, je suis d'accord avec luí. N'ai-je pas dit, dans mon livre. * que le somnambule agit toujours avec spontanéité, qu'il joue un rôle actif dans l'évocation du phénomène suggéré, que chacun le réalise à sa manière, comme il le conçoit, comme il l'interprète? » Mais quand M. Delbœuf dit « que le sujet ne fait que semblant de ne pas voir l'objet, qu'il joue la comédie exactement comme pourrait le faire une personne éveillée qui y mettrait toute la bonne volonté possible, » l'expression dépasse peut-être la pensée de l'auteur. Si elle la rend exactement, je proteste absolument : je ne suis pas d'accord avec lui. Le sujet évoque son rôle, c'est vrai : mais le rôle évoqué, l'hallucination négative est réelle, il n'y a pas simulation. L'hallucination négative est aussi réelle, je le répète, que les hallucinations positives évoquées par le sujet.
¦ Envisageons le phénomène, tel qu'il se produit spontanément, en dehors de toute suggestion. Voici une hystérique affectée, sans suggestion, de cécité unilatérale. Aucun clinicien n'a jamais prétendu qu'il s'agisse là d'une simulation. L'hystérique ne sait pas que la cécité unilatérale est un des symptômes qui se rencontrent dans sa maladie. Elle ne sait pas qu'elle en est affectée. C'est par hasard, quand on lui ferme le bon oeil, qu'elle s'aperçoit que l'autre ne voit pas. Elle ne joue donc pas la comédie. Il serait étrange au moins que l'idée de ce genre spécial de comédie naisse spontanément dans l'esprit d'un grand nombre d'hystériques, ignorantes et isolées les unes des autres.
I Et cependant je démontre que cette cécité unilatérale est purement psychique : qu'elle n'existe ni dans la rétine, ni dans le nerf fctique, ni dans la cellule sensorielle corticale. Appliquant un prisme sur le bon œil et plaçant un objet devant ce prisme )c constate que le sujet voit les deux images de l'objet, aussi distinctes Tune que l'autre : or l'une des images est fournie par l'œil qui est censé ne pas voir. Donc cet œil voit; et cependant le sujet ne voit pas de cet œil ; et il ne simule pas. La rétine est impressionnée : ie cerveau perçoit et voit ; mais l'imagination du sujet, à Ko insu, neutralise la vision. Quand par l'artifice du prisme, l'imagination déroutée ne peut entrer en jeu, et agir d'une façon logique, ie sujet voit. Cela se passe comme s'il simulait. L'appareil deSnellen. employé pour découvrir la simulation dans les cas d'amaurose unilatérale, semble indiquer la simulation ; et cependant celîe-ci n'existe pas. C'est une cécité unilatérale créée par l'imagination, une cécité de l'esprit, une cécité psychique. Je constate le phénomène : je ne l'explique pas; je laisse aux psychologues le soin de l'expliquer, s'ils le peuvent.
Il en est de môme du phénomène des hallucinations négatives Wggérées. Sans doute, il y a des sujets qui ne réalisent pas nettement le phénomène; il en est qui. après leur réveil, ont 1 idée suggérée qu'iU doivent ne pas me voir, mais qui. incapables de réaliser exactement cette idée, croient devoir s'ingénier à ne pas me *oir; ils croient, pour répondre à la suggestion, devoir de bonne foi y mettre du la complaisance et affirmer qu'ils ne me voient pas. alors qu'ils me voient. Ainsi en est-il quelquefois pour les hallucinations positives. certains ont l'idée de l'image suggérée, la cherchent et ne l'ont pas, ou ne l'ont que d'une façon indécise; leurs réponses sont nnbi^ués comme leurs sensations. Il en est, je le veux bîea, qui croient que la suggestion leur commande de simuler.
|e ne prends que les sujets chez lesquels l'hallucination réussit nettement, dans tout son éclat, comme chez Elise B..., et ¦otmbre d'ajtres que j'ai expérimentées. Ici, l'idée de simulation ou «complaisance ne peut plus être invoquée. H une de mes clientes en ville je suggère, pendant son sommeil
provoqué, qu'à son réveil, elle ne me verrait plus : je ne serais plus là. Au bout de 10 minutes seulement, elle me verrait rentrer. A son réveil, elle craint d'avoir une crise nerveuse en mon absence; elle me cherche et, ne me voyant pas, se montre très affectés ; elle ne comprend pas que je l'aie quittée sans rien lui dire; elle manifeste un désappointement naturel, qui n'a rien de simulé. C'est une dame que je connais depuis longtemps et dont je garantis la bonne foi. Je me place devant elle, je la lixe dans le blanc des yeux, je la pince, je la pique : je lui dis des sottises, je la traite de comédienne. Elle ne sourcille pas et continue à répondre aux autres personnes, comme m je n'étais pas là, sans que rien dans sa physionomie trahisse la moindre émotion, alors que je lui crie des injures à la face. 11 faudrait une comédienne accomplie pour jouer ce rôle; et la pauvre dame n'a ni les aptitudes, ni les allures d'une comédienne.
De même Elise B... Je lui chatouille la muqueuse olfactive avec une plume, je la perce avec des épingles, j'approche l'épingle de la cornée : clic ne sourcille pas. Quand les assistants lui disent que je suis là, elle croit qu'on se moque d'elle, s'indigne et se fâche. Je la découvre brusquement et cette fille très pudibonde' se laisse faire, sans rougir, ni protester, en face des assistants, calme et indifférente. Elle ne me voit pas; elle ne me sent pas. Si j'essaie de la rendormir, je ne peux pas. Une autre personne l'endort et lui suggère qu'à son réveil, elle me verra de nouveau. On la réveille ; elle me voit. Elle ne se souvient absolument de rien. Et quand, après cela, j'évoque chez elle le souvenir de tout ce qui s'est passé, quand je la fais se rappeler tout cej que je lui ai dit et fait, alors qu'elle é;ait censée ne pas me voir, elle est stupéfaite : elle ne comprend pas. ne m'ayant pas vu tout à l'heure. Elle dit : « Ce n'est pas possible, je dois avoir rêvé. » Et quand je la fais se souvenir d'avoir été déshabillée et découverte, le rouge lui monte au from, elle est honteuse : « Ce n'est pas possible, je ne me serais pas laissé faire. Je dois avoir rêvé. »
Toute celte scène, la première fois que je l'ai réalisée et toujours depuis, s'est déroulée avec une apparence de vérité. Je candeur, d'ingénuité que je défierais la plus habile comédienne d'imiter. Non! ce n'est pas delà simulation. Le sujet ne me voyait pas; il n'avait pas conscience qu'il me voyait ; il était convaincu que je n'étais pas là, qu'il ne me sentait pas, qu'il ne m'entendait pas. J'affirme que le viol eût été possible sans résistance aucune et sans complaisance ; le sujet eût été convaincu que rien d'anormal ne se passait chez lui.
Et cependant, cette cécité, cette surdité, cette anesthésie potT ma personne, n'étaient que des illusions psychiques. Car je puis
évoquer Je souvenir de tout ce que j'ai fait et dit. pendant qu'il ne me voyait pas. Voilà le fait.
Sans doute l'interprétation est difficile. J'en propose deux.
La première est celle-ci. Les sensations sont perçues et non conçues (dans le sens que je donne à ces deux mots) ; c'est-à-dire que la perception ne devient pas consciente. Toutefois elle reste enregistrée dans les cellules sensorielles. Beaucoup de souvenirs inconscients peuvent ainsi s'inscrire dans le cerveau. Telle la mémoire des mouvements nécessaires à l'articulation des mots et celle des mouvements de coordination nécessaire à l'écriture : ces mémoires ont. comme on sait, des localisations spéciales dans le cerveau : elles s'y inscrivent, par l'apprentissage, à notre insu, sans que nous en ayons conscience. Lorsque les cellules de la troisième circonvolution frontale, qui conservent la mémoire motrice de la parole articulée, sont détruites, il v a aphasie motrice; le malade ne peut plus réaliser la coordination musculaire qui fait la parole articulée. Lorsque les cellules de la deuxième circonvolution frontale sont détruites, il y a agraphïc motrice : le malade ne peut plus réaliser les mouvements complexes de récriture. ïl serait donc possible que les actes sensoriels reçus (pour ne pas dire perçus) dans les cellules corticales correspondantes y restent enregistrés, sans pénétrer dans le domaine de la conscience.
Et plus tard, quand je produis par suggestion la concentration nerveuse spéciale pour évoquer le souvenir, l'acte enregistré par une modification moléculaire dans les cellules sensorielles cérébrales réveille l'activité des cellules psvehiques et donne lieu au phénomène psycho-sensoriel, c'est-à-dire au phénomène de conscience. La sensation entre dans le domaine de la conscience : la mémoire organique devient mémoire consciente.
Telle est la première interprétation.
La seconde, qui convient peut-être mieux au phénomène de cécité unilatérale des hystériques, est celle-ci :
L'acte est d'emblée psycho-sensoriel : le sujet voit, sent et entend. Mais l'imagination" actionnée par la suggestion internent et neutralise; elle fait acte d'inhibition; elle efface à chaque instant la sensation perçue ; el!e recouvre les sens d'un bandeau : le sujet voit sons voir, entend sans entendre.
Je sais bien que cette explication est vague : c'est une image plutôt qu'une explication. Mais dans le domaine de la psychologie, 3 faut bien nous contenter de simples aperçus, puisque l'essence même des phénomènes échappe à nos investigations.
Mon éminent collègue de Liège voudra bien excuser cette Ion— ¦te réponse. Le lecteur aurait pu conclure de son article que le phénomène des hallucinations négatives ci, par extension aussi. Ses les phénomènes de l'hypnotisme ne constituent au'une pure simulation. Lf.e pure comédie inconsciente et complaisante. Ce ¦ est certainement pas ce que M. Delbœuf a voulu dire.
EFFETS DE LA SUGGESTION HYPNOTIQUE DANS UN CAS DE SCLÉROSE EN PLAQUES
Par let D* J- FONTAN, professeur îl l'École de Toujon et Cn. SÈGARD, médecin principal de la Marine /
Nous avons inséré dans notre livre Éléments de médecine suggestive paru l'année dernière, l'observation d'un homme atteint de sclérose en plaques, et dont les troubles moteurs et sensitifs avaient été remarquablement amendés par îa suggestion hypnotique.
Le cas s'étant présenté à l'Hôpital maritime, dans la salle de clinique médicale, les faits que nous publions eurent pour spectateurs beaucoup de nos chefs, de nos camarades ou de nos élèves, dont nous pourrions, au besoin, invoquer le témoignage.
Le malade était depuis de longues années connu d'eux tous. Notre bonne foi ne pouvait donc pas avoir été surprise par un simulateur nouveau venu. Seulement, en présence de la disparition si soudaine des phénomènes paralytiques, et des inconnues non encore dégagées de la pathologie nerveuse, quelques sceptiques pouvaient émettre des doutes sur l'exactitude de notre diagnostic (il.
Dans le courant de juin, le hasard nous servit favorablement en ramenant l'un de nous dans le service où l'homme venait de rentrer, pour y succomber cn peu de temps d'une tuberculose généralisée. Nous nous empressâmes de procéder avec le plus grand soin à l'autopsie (examens macroscopique et microscopique); elle conforma entièrement le diagnostic de sclérose en plaques; et les constatations que nous avons faites nous ont paru si intéressantes que nous n'hésitons pas à les publier : elles démontrent, en effet, jusqu'à l'évidence, l'influence de la thérapeutique suggestive sur des maladies accompagnées de lésions matérielles bien authentiques.
Avant de consigner les résultats de cette nécropsic, nous croyons devoir rappeler aussi brièvement que possible la série des phénomènes morbides présentés par le sujet. L'observation détaillée se trouve dans le livre cité, à la page 133.
OBSERVATION V.
Myélite chronique diffuse (sclérose en plaques fruste). — Paralysie flasque des membres inférieurs. — Anesthésie. — Impotence complète depuis id mois. — Amblyopîe. — Atrophie musculaire, etc.
Marche obtenue en 3 séances. — Grande amélioration dans tous les autres symptômes.
(i) Ces doutes ont été effectivement formulés et l'on n'a, pas hésité à afhrmer daas »? journal scientifique que nous avions commis une erreur de diagnostic.
Lance, Jean-Auguste, âgé de 3o ans, gardien de bureau, a fait pour myélite chronique de nombreuses entrées dans nos hôpitaux.
Pendant ses derniers séjours, les chefs de clinique ont consigné sur sa feuille l'histoire détaillée de ce malade, et il nous sufnt de puiser dans ce dossier les renseignements essentiels.
Malade depuis 187?, Lance a ét: successivement traité, chez lui et dans les hôpitaux maritimes, pour une névralgie faciale, attribuée à un coup de froid. Cette névralgie avait son siège primitif dans la région temporale, puis elle passa dans les régions orbîtaire et frontale droites, pour se localiser finalement dans les régions orbîtaire et temporale gauches. Elle était caractérisée par des douleurs très violentes, que le malade compare aujourd'hui à des coups de canif. II en indique le trajet le long de différentes branches du trijumeau, particulièrement dans les rameaux orbitaires, et dit qu'en même temps il éprouvait de la photophobie, des sensations de lumière vive, d'étincelles, d'éblouîssements, et constatait surtout une diminution profonde dans l'acuité visuelle des deux côtés.
11 avait également des bourdonnements et des sifflements d'oreilles, une otorrhéc du coté gauche, des maux de dents très aigus, principalement dans le* molaires supérieures. Pas de déformation de la face. Lance ne possède aucun antécédent pathologique ou héréditaire pouvant se rattacher à ces symptômes. Vers le mois de novembre 1877, il est débarrassé totalement de sa névralgie faciale. Tout à coup, une nuit, il est pris de .douleurs fulgurantes dans les membres supérieurs et inférieurs, douleurs qui se reproduisirent le jour suivant, cessant ensuite pour quelque temps. A la suite, première constatation de parcsic des membres inférieurs, Raccompagnant de fourmillement dans les extrémités, de crampes doulcnrcuscs et surtout de douleurs en ceinture, partant de la .légion sacro-lombaire. Après plusieurs jours, quand le malade put se 'lever, sensation de ouate sous les pieds, sentiment de, chute imminente, augmentant quand les yeux étaient clos. Station debout impossible. Anesthésie des deux membres inférieurs, le gauche surtout, portant sur les diverses sottes de sensibilité. Rien d'anormal dans la miction, la ^défécation ni les organes génitaux, mais commencement de troubles tro-phiques, amenant un amaigrissement progressif. En même temps, abaissement de température, dont Lance se rend compte. Nous abrégeons. En janvier 1884, on note des espèces de crises apoplectiformes : c'est à partir de ce moment que la sensibilité s'est émoussée de plus en plu» et que Lance n'a plus pu marcher. On ?? journellement habillé et levé. En octobre 1886, on enregistre la diminution progressive delà sensibilité aux membres supérieurs, la difficulté persistante de la miction avec besoin fréquent d'uriner, l'opiniâtreté delà constipation, la perte de l'appétit, l'impossibilité de faire marcher le malade avec des béquilles, etc.
¦De 1875 a ce moment, Lance a été soigné a l'hôpital, ou en ville par MM. Olivier, médecin en chef; Cunéo, médecin en chef; Rouvier, me-
decïn en chef; Geslin, directeur du service de santé; Forné. médecin en chef; Bertrand et Galliot, médecins professeurs, docteur GuiUabert, et par nous-mêmes à diverses reprises. Toute la série des médications ordinairement employés en pareil cas a été mise en œuvre.
L'un de nous revient dans !e service où se trouve le malade et, le i" novembre 1886. le revoit toujours dans le même état. Il est typique avec son bas de corps inerte, son décubitus assis pendant les visites, son immobilité sur son siège où on le transporte entre les repas, sa barbe et ses cheveux longs, sa figure amaigrie et attristée, et il semble, tant on est habitue à le voir ainsi de plus en plus immobile, à mesure que s'écoulent les mois, il semble personnifier l'incurabilité. Pour l'instant, il ne suit plus, depuis pas mal de temps déjà, de traitement : « Demi-quart comme régime, tisane commune. »
I-c 8 décembre, essai de la méthode suggestive. Examiné une nouvelle fois au préalable, Lance nous présente bien la série de phénomènes à plusieurs reprises déjà constatés. Intelligence intacte.
Plus de motilite dans les membres inférieurs ; pas de tremblements ni de nystugmus.
Disparition de toute sensibilité dans les jambes à partir de 3 centimètres au-Jcssus des genoux jusqu'à la limite postérieure de la face dorsale du pied, ce que le malade exprime pittoresquement. en disant c qu'on peut, si l'on veut, lui couper les jambes, sans qu'il sente rien. » Pas de réaction aux courants électriques; pas de sensibilité à la chaleur, ni au froid. Pas de réflexe plantaire; le réflexe rotulien est supprimée gauche, exagéré à droite.
Même insensibilité aux membres supérieurs dans les avant-bras et les mains.
Vue très abaissée, surtout à droite, insuffisante pour la lecture. L'œil gauche distingue encore fort bien les objets, l'œil droit servirait à peine au malade pour se conduire.
Examen nphtalmoscopique.— A droite, atrophie grise de la papille, bords nets,coloration grise, vaisseaux centraux modérément atrophiés (1).
Atrésie des papilles; champ visuel très rétréci, surtout à droite (3o'du côté externe', pas d'altération du sens des couleurs.
Constipation opiniâtre.
Amaigrissement extrême; atrophie des masses musculaires des parties paralysées.
M. le docteur Cunéo, médecin en chef, professeur de clinique médicale à l'école de Toulon, après avoir, à notre prière, mctieulcuscment examiné une fois de plus ce malade, ayant dù écarter les paraplégie» d'ordre réflexe ou psychiques, s'est vu forcé de conclure, en raison de l'ensemble des phénomènes constatés, à une myélite chronique à forrae.
(1) Nous reproduisons les termes de la feuille de clinique, sans préjuger en r;« des constatations histologiques ultérieures.
diffuse, cl, précisant davantage, il porte, sans hésitaiion.commc nous, le diagnostic de sclérose en plaques truste.
Aucun des médecins traitants n'a jamais, du reste, mis en doute Texistence des lésions médullaires; les seules divergences ont eu trait a la localisation exacte; c'est ainsi que nous avions entendu émettre tour A tour le diagnostic de sclérose en plaques fruste (pas de tremblements, BÏ de nystagmus, ni de trouble de la parole'! ; celui d'ataxie locomotrice compliquée (pas de perte du sens des couleurs, pas d'incoordination proprement dite); celui de myélite chronique diffuse généralisée ou envahissante.
Le 8 décembre, Lance est donc transporté dans notre cabinet ci assis sur un fauteuil.
. iN séance d'hypnotisme. — Hypnose assez profonde, obtenue très Rapidement par la simple fixation du regard; réponses par signes; tcie abandonnée, penchée en arrière : yeux clos.
Suggestion. — Vous pouvez mouvoir vos jambes, les soulever, les fléchir; je le veux... Faites-le immédiatement. -
(Le malade, endormi, obéit et exécute, non sans quelque peins et avec lenteur, les mouvement indiqués.) « Cela ira de mieux en mieux. •
Réveil obtenu en soufriant sur les paupières. Lance est tout d'abord étonné; il dit ne plus savoir où il est. Revenu à lui après quelques secondes d'hésitation, il continue à pouvoir accomplir les mouvements qui lui ont été prescrits. Il peut notamment fléchir les jambes, les déplacer, les soulever, mouvements qu'il n'avait plus faits depuis dix-hnit mois, dit-il... «Je me trouve mieux, déclare Lance, osant à peine croire à cette amélioration; maintenant, je verrai si, couché, je suis obligé de chercher, comme d'habitude, mes jambes ci de les saisir avec les mains pour les remuer. »
" Je le fais aussitôt transporter sur un lit, et là, son étonnement et sa satisfaction croissant toujours, il peut, sans recourir à son expédient ordinaire, fléchir la jambe gauche en la traînant sur sa face externe, et plier la droite à angle droit, en la détachant du lit. « Je suis très content, dit-il spontanément, en constatant ce résultat inespéré... Jamais je o'étais parvenu à me mouvoir ainsi dans mon lit. »
Léo, décembre, le résultat acquis hier s'est maintenu.
a séance. — Hypnose très rapidement obtenue parla simple fixation du regard.
Suggestion. — a Vous sentirez; vous marcherez; vos jambes ne seront pins froides ; la constipation disparaîtra, etc.. »
A un moment donné, tandis qu'on affirme au malade qu'il va sentir,
oalepin^e dans une zone, auparavant complètement anesthésiéc, et il
s'éveille subitement, affirmant qu'il sent, en effet; il est rendormi sur-lc-*bimp.
Réveil. — Les mouvements sont en progrès sur ceux d'hier. La marche
est possible avec double appui : mais la jambe gauche reste encore à la traîne; le malade, ayant les yeux clos, reconnaît quand on le pince, ou qu'on le touche, en avant, en arrière ou latéralement, aux deux jambes. Pendant la nuit, la chaleur reparait dans ces deux segments des membres inférieurs.
Le 10 décembre, 3' séance. — Hypnose comme d'habitude.
Suggestion. — t Mouvements plus aisés; la force reviendra dans vos membres inférieurs, qui seront en état de vous supporter; la sensibilité va renaître aux avant-bras et aux mains, dont les mouvements s'exécuteront sans difficulté. » Au fur et ù mesure qu'un ordre est intimé an malade, on contrôle, pendant son sommeil, que l'exécution s'en ctfectue.
Réveil.— Les effets cbtenus persistent, et quand nous disons d'accompagner l'infirme, celui-ci se redresse seul de dessus son fauteuil.
Dans la journée, il marche en s'aidant simplement du bras d'un voisin de lit.
Il continue d'ailleurs à être transporté de joie, parle en pleurant de sa guérison, et dans un de ces accès de coquetterie qui se manifestent cher les gens recouvrant la santé, il se fait couper barbe et cheveux, incultes depuis si longtemps.
ii décembre. — L'amélioration s'accentue. 4» séance. — Sommeil très rapide.
Suggestion, comme à l'ordinaire ; « pourra de mieux en mieux marcher, a
Réveil, facile. Le malade se lève de son fauteuil, et marche, appuyé au bras de quelqu'un ou même seul, en se cramponnant aux meubles, par peur de riéchir, car, ne l'oublions point, il reste, à la suite de cette inaction prolongée, une atrophie marquée des muscles; il va d'une salle i l'autre, sans plus traîner sa jambe gauche. Il sent le contact du sol, et réagit au courant électrique d'un appareil de Gaiffe.
13 décembre. — 6' séance. — Le progrès s'accentue toujours.
Le malade peut avec des béquilles, et en posant ses pieds sur le sol, descendre, puis remonter tous les degrés d'un étage, pour aller se promener dans la cour.
L'état des réflexes rotuliens ne s'est pas néanmoins modifié : la constipation cède.
Dynamomètre : Pression, main droite 5 lui.; main gauche 8 kil.
14 décembre. — séance.
15 décembre. — Le malade est allé à la selle le dimanche et le mardi. 8* séance. — Dynamomètre : Main droite 33 ; main gauche 3o.
16 décembre. — 9* séance (8 h. matin*.
Dynamomètre : Pendant l'hypnose : main droite 3;, main gauche 33. Révcil : main droite s3 i/s, main gauche 33.
17 décembre. — Nuit très bonne. Avant la séance, dynamomètre: main droite 3i 1/3, main gauche 33.
io' séance. — Après la séance, dynamomètre : main droite 3t, nfl gauche .'. Le malade a eu une selle.
Les jours suivants, trois nouvelles séances affermissent ces résultats. 14* séance. — Le malade est examiné pour son acuité visuelle; avant suggestion : VOD = 1/20, VOG = t/io; après suggestion : YOD — 1/12,
VOG — 1 12: —champ visuel : rayon extérieur, 40' à droite. 35' à gauche.
Du 22 décembre au 7 janvier, il est pratiqué 11 séances de suggestion hypnotique, prescrivant et obtenant toujours l'amélioration de la marche, cW la force des bras, de la vision et la liberté du ventre.
Nous avons arrêté là notre observation, pour la livrer à l'impression avec les réflexions suivantes auxquelles, peu de mois après, donnai pleinement raison la constatation de visu des lésions.
Réflexions. — En résumé, disions-nous, ce malade atteint de paraplégie des membres inférieurs, et qui ne pouvait mouvoir ses jambes dans son lit qu'en les déplaçant avec les mains comme des corps inertes, marche maintenant avec des béquilles ou même sans l'aide de celles-ci pour les courtes distances, grâce à la suggestion seule. La force dynamométrique manuelle passe en deux jours de 5 kilog. à plus de 3o.
L'acuité visuelle, presque nulle à droite et très affaiblie à gauche, atteint rapidement 1/10. L'état général, au moral et au physique, s'améliore de jour en jour et cette transformation frappe d'etonnement tous les médecins qui ont, depuis des années, regardé ce malheureux comme incurable.
Lance, que notre éloignement du service de M. le médecin cn chef Cunéo ne nous permet pas de suivre à partir de la fin de février 1887, reste dans le même état jusqu'à la lin de mai, conservant tout le bénéfice obtenu par le traitement suggestif. Il n'a plus été fait de séance depuis le 8 février. Le 10 juin, le malade demande à sortir pour passer quelques jours dans sa famille. Il tousse beaucoup et s'est très amaigri.
Très fatigué depuis deux semaines, il a dû s'aliter...
Son état >'aggrave rapidement pendant le peu de temps qu'il passe dehors et il revient à l'hôpital le tû juin.
Il n'a rien pris comme nourriture depuis huïr jours; il est constipé depuis ce temps-ià... ne peut plus remuer ses membres inférieurs et a un commencement de plaies de position.
La toux est très pénible, très fréquente; l'oppression, par moments, extrême; la poitrine pleine de râles humides; les membres supérieurs et le tronc se cyanosent. Tous les signes d'une tuberculose pulmonaire très avancée se constatent... Nous le retrouvons ainsi le t8, et il meurt le 19 juin 1887, ii c, heures i3 minutes du soir.
L'autopsie est pratiquée par nous-mêmes le lendemain, et l'examen microscopique soigneusement fait a confirmé l'état de sclérose en Îlots dissémines dans presque toute la hauteur de l'axe médullaire. M n'y avait point d'atrophie des nerfs optiques, ni de sclérose cérébrale.
AUTOPSIE.
Habitude extérieure. — Emaciation extrême, de la cage thoracique aurtout, qui montre sa charpente, comme un véritable gril.
Les dimensions en largeur du siernum sont d'une exiguïté remarquable.
Commencement de putréfaction à la région abdominale. Œdème des mains, de la droite surtout.
Plaie de position de peu de profondeur au sommet du sacrum.
Cavité thoracique. — A l'ouverture de la cavité ihoracîque. les deux poumons se montrent complètement adhérents au diaphragme et à la paroi costale.
Les adhérences de droite, un peu moins résistantes, semblent de formation un peu plus récente.
Le poumon g3uchc, du poids de 730 grammes, présente dans ses deux tiers supérieurs une quantité considérable de tubercules à toutes les périodes de leur évolution, ainsi que de nombreuses cavernes, dont quelques-unes ont les dimensions d'une noisette; toutes, du reste, sont pleines d'un liquide purulent.
Plusieurs foyers d'anthracosis.
Etat à peu près identique du poumon droit, dont le poids est de 85o grammes, et qui. comme le gauche, est fortement congestionné.
Le péricarde adhère au cœur par toute sa surface.
Le muscle cardiaque a un très petit volume; il ne pèsi que 145 grammes, et renferme des caillots post-agoniques.
Cavité abdominale. — L'épiploon, le péritoine, les intestins sont criblés, de granulations tuberculeuses volumineuses. Le péritoine présente de nombreuses adhérences d'une organisation avancée, de formation ancienne.
Botte crânienne. — Pas d'adhérences; mais, sur la convexité du cerveau, trainées lymphoïdes, le long des gaines des vaisseaux; un peu d'injection superficielle de la substance cérébrale. De 60 à 80 grammes de liquide céphalo-rachidien, légèrement teinte de sang.
Conduit rachidien. —A son ouverture, la moelle parait réduite de volume. Dans la région cervico-dorsale, altérations manilestes a l'œil nu et consistant en taches 'gris saumoné disséminées en divers points de l'axe nerveux.
Examen microscopique. — La moelle et le cerveau ont été durcis par l'acide chromique. en solutions progressivement concentrées, suivant le procédé classique et étudiés 3prés deux mois de préparation. Les bandelettes optiques, chiasma et nerfs optiques ont été traités par l'acide. osmique et l'alcool.
La moelle avait été divisée en dix-huit tronçons de deux centimètres et demi environ. Des coupes minces, pratiquées sur chacun ne ces iroBr çons, permettent de suivre la propagation de la sclérose qui forme des îlots disséminés, mais souvent assez prolongés.
Les croquis pris par nous indiquent, mieux que notre texte même, Il topographie de ces lésions anatomiques.
Moelle cervicale. — Immédiatement au-dessous du bulbe, une plaque de sclérose considerable occupe tout le cordon latéral et le cordon postérieur du même côté gauche. L'extrémité de la corne postérieure du même côte est aussi envahie. Enfin, la lèvre droite du sillon postérieur (partie interne du cordon de Goll droit) est manifestement atteinte de sclérose.
Cette altération qui est arrivée, dans les points indiqués, à son maximum de développement, est caractérisée par l'absence du retîculum fibroïde de névroglie, et la formation d'un tissu de faisceaux de fibrilles, qui envahît tous les espaces alvéolaires, où l'on ne voit plus aucune trace de myéline. Quelques cylindres d'axe s'aperçoivent cependant encore. Sur les bords/brusques et tranchés, de la plaque de sclérose, on voit la structure tubulairc des gaines de Schwann avec leurs cvlîndres d'axe. Mais la myéline en a complètement disparu. Enfin, dans les portions voisines de la tache, qui semblent, à un faible grossissement, ne pas participer au processus scléreux, le tissu névrogliquc est cependant épaissi et les noyaux en sont grossis et multipliés. Ces détails se retrouvent, du reste, à toutes les hauteurs de la moelle, et nous n'y reviendrons plus, nous en tenant pour la suite à la topographie des lésions.
Au point qui nous occupe, l'hémi-moelle gauche est sensiblement plus petite que la droite, et la différence est surtout marquée pour le cordon postérieur, le sillon postérieur étant courbe, à convexité gauche.
Un peu plus bas, la sclérose du cordon latéral persiste, mais celle du cordon postérieur disparaît, sauf sur les bords du sillon postérieur, où l'on voit deux petites bandelettes dégénérées. En même temps, la corne grise postérieure se prend d'un premier degré d'altération dans toute sa hauteur. La corne antérieure du même côté est aussi légèrement atteinte sans que les cellules motrices soient atrophiées.
Au milieu de la moelle cervicale, la tache est beaucoup plus diffuse: elle est moins dense dans le cordon latéral, mais elle englobe toute la substance grise de ce côté, se condense autour de l'épendymc, et apparaît dans les cordons antérieurs droit et g3uchc, à la partie profonde des faisceaux de Turck.
, A la portion supérieure du rendement cervico-dorsal. la tache de scié-rose, déjà étudiée, est nettement limitée au cordon antéro-latéral, qu'elle Occupe en entier.
En outre, deux autres taches se montrent, l'une à droite du sillon antérieur, l'autre dans le cordon latéral droit, le long des faisceaux radîcu-laires antérieurs de ce côté. Une légère trace sclérosée atteint toujours les deux bords du sillon postérieur.
Dans le sixième tronçon (10 centimètres). la sclérose occupe surtout la substance grise a gauche. la région périépendymaire, le fond cordon de Turck droit, et la substance gélatineuse de Rolando des deux Côtés.
Plus bas, elle siège, mais à un faible degré, dans le cordon latéral
gauche, et, d'une manière plus marquée, dans les faisceaux radiculaires
postérieurs.
Presque aussitôt après, au milieu de la moelle dorsale, il n'y a plus de sclérose dan? la substance blanche ; seulement, la moitié gauche de la substance grise est comprimée, la tète étant mince et saillante, les groupes cellulaires restreints et enserres par de forts faisceaux ri brillai rcs, et la corne postérieure étant étranglée au point de sembler interrompue aussitôt après sa racine. A la partie inférieure, la moelle dorsale présente la même altération de la substance grise gauche, et, en outre, une nouvelle plaque dans le cordon latéral droit.
Au renflement lombaire, sclérose de la partie profonde des deux cordons postérieurs; puis, presque aussitôt, sclérose du cordon antérieur droit. Enfin, à partir de ce point, les altérations disparaissent à peu près complètement.
En somme, une longue traînée de sclérose occupe toute la moitié gauche de la moelle cervicale, tandis que dans la moelle dorsale et lombaire apparaissent de plus petites taches disséminées dans les cordons antérieur, latéral ou postérieur et presque toujours à droite.
Bulbe. — A la partie inférieure du bulbe, la sclérose disparaît, et, dans toute la hauteur de la décussation des pyramides, on n'en voit point de trace. Mais une plaque existe dans le plancher du quatrième ventricule.
Elle occupe la substance grise de ce plancher, du côté gauche, entre l'cminence teres qui est épargnée, et le corp3 restiforme. qui est légèrement atteint. Les fibres radiculaires postérieures du nerf auditif gauche paraissent elles-mêmes altérées.
Dans le sens de la hauteur, cette plaque s'arrête à deux millimètres en dessous d'une ligne passant par le sillon bulbo-protubérantiel.
De très nombreuses coupes pratiquées dans la protubérance, les tubercules quadrijumeaux. les corps opio-striés, et diverses parties de l'encéphale établissent qu'il n'y avait point de lésions encéphaliques. La sclérose était simplement bulbo-spinale.
Nerfs optiques. — Les bandelettes optiques, le chiasma, les nerfs, les papilles ont donné Heu à de nombreuses recherches, toutes infructueuses. Malgré l'amblyopic progressive, malgré l'aspect d'atrophie commençante de la papille droite constatée sur le vivant, il a été impossible de relever, en quelque point que ce fût de l'appareil nerveux optique, ni plaques de sclérose, ni même un état d'atrophie partielle do nerf qui avait été réputé malade.
La papille seule offre une certaine tuméfaction, et les vaisseaux centraux, un certain épaississement de leur paroi. Mais les éléments nerveux sont intacts, la névroglie normale, et la myéline existe jusqu'à un point très rapproché de la lame criblée.
En définitive, aucune lésion confirmée, surtout du côté de l'élément nerveux; simple trouble nutritif, peu accusé, du reste.
Réflexions. — De l'observation clinique publiée antérieurement
extenso ex brièvement résumée aujourd'hui, et de l'examen anatomique auquel nous venons de nous livrer, nous pouvons déduire un certain nombre de remarques, sur lesquelles s'appuieront nos conclusions :
i* Le diagnostic de sclérose en plaques fruste était absolument justifié. La prédominance des lésions dans les cordons antéro-latéraux est on fait habituel de cette maladie. La hauteur de la plaque de sclérose cervicale, qui mesure plusieurs centimètres de long, ne constitue pas une sclérose fasciculéc, car elle atteint tour à tour le cordon antéro-latéral. la zone radiculairc, et la substance grise elle-même.
Puis elle disparait et les autres plaques sont ensuite brèves et nettement circonscrites. Cette sclérose en plaques est de forme bulbo-spi-rnale, aucun i'.ot de dégénérescence n'ayant été rencontré au-dessus de la partie moyenne du bulbe.
, 2» La corrélation des symptômes paralytiques et de l'amyoïrophic avec les lésions spinales n'est pas partout évidente et directe.
Les principaux symptômes étaient, en effet, la paralysie flasque des membres ink-neurs, avec atrophie musculaire, et celle très accusée du membre supérieur droit. Or, les principales lésions siègent au renñe-tnem cervical, et l'atrophie y atteint même les libres radiculaires et la substance grise à gauche. Les plaques disséminées dans les cordons 'droits sont partout plus circonscrites et la substance grise de ce côté n'est guère atteinte. Les principales paralysies, celles du moins qui avant la suggestion étaient a peu près absolues, ne correspondaient donc pas aux régions les plus altérées de l'axe médullaire.
La même réflexion se présente pour les nerfs crâniens.
Les racines du trijumeau, celles du nerf optique ci ce nerf lui-même ont été trouvas sains et pourtant l'œil droit était avant la suggestion presque aniauroiiquc, avec les signes ophtalmoscopiques et cliniques de l'atrophie grise progressive.
Inversement, le nert auditif gauche avait quelques racines malades, ¦boique aucun symptôme n'ait, pendant la vie, trahi cet état.
En résume, les principales paralysies notées pendant la vie et avant la suggestion n'étaient pas en relation directe avec les points les plus malades de l'axe nerveux. On peut tirer de ces considérations deux conclusions importantes :
¦A.— La première a trait a l'élude de la sclérose en plaques en général. ¦Noos tenons en effet, la preuve de ce fait important, qu'il existe des paralysies partielles, sine materia, dans une maladie manifestement matérielle.
Ces paralysies semblent être des troubles fonctionnels, surajoutés à ceux qui correspondent réellement à la lésion constatée.
Si l'on nuus trouve trop affirmatifs en déclarant ces paralysies materia. ».n nous accordera qu'elles dépassent en réalité la mesure de la lésion et sont susceptibles d'être ramenées à une quantité moindre. C'est probablement ce groupe de troubles moteurs, qui présente des
remissions imprévues et temporaires, ainsi que les auteurs, et particulièrement Charcot, l'ont indiqué, dans la sclérose en plaques.
B. — Notre dernière conclusion a irait à l'action de la suggestion. Cette action a été manifeste, éclatante et durable, puisque, après 6 mois, les effets obtenus avaient persisté et n'ont été dominés que par U période agonique. D'ailleurs, elle a été limitée, et nous n'avons jamais pu dépasser un certain résultat maximum acquis dans les premières semaines. Mais la suggestion avait-elle agi sur les éléments nerveux atrophiés, qu'elle aurait contribué a régénérer?
Nous n'en croyons rien. Nous pensons plutôt que cette influence s'est exercée particulièrement sur ces paralysies surajoutées, qui ne résultaient pas directement d'une lésion irrémédiable, mais qui se trouvaient liées à l'ensemble de la perversion fonctionnelle.
Ce sont ces paralysies-là, que la suggestion dégage en quelque sorte et dont elle devient facilement maîtresse. Elle détermine avec une énergie surprenante, au moment voulu et d'une façon peut-être définitive, une de ces rétrocessions mentionnées plus haut et qui sont ordinairement courtes et fortuites.
LA DISCIPLINE SCOLAIRE
Par le Dr A. COLUNEAL'
« U est des morts, dit-on, qu'il faut qu'on tue. ¦ On a beau s'acharner pour les extirper, il est des préjugés qui. de génération en génération, se perpétuent avec une opiniâtreté désespérante.
A-t-on assez tonné contre l'abus de la force envers les enfants ? A-i-on édicté assez de lois, toutes plus sages, toutes plus tutclaires en vue de mettre terme aux châtiments corporels qui, à la faveur de traditions néfastes, sont, ù tout propos, infligés aux écoliers: Cependant, en dépit des plus éloquentes dissertations sur le respect suprême auquel le jeunet» a droit — maxima debetur puero reverenlia, comme chacun sait; — an mépris des ordonnances les moins équivoques, à notre époque encore, il ne se passe guère de mois sans que les échos des tribunaux retentissent de plaintes suggérées par les sévices plus ou moins graves que, sous prétexte de discipline, des êtres faibles et inorfcnsîls auraient eu à «upporter.
D'où vient cela? Salutaire ou funeste, équitable ou inique, toute institution vieille a poussé des racines profondes. Pour en avoir raison, U faut des efforts, non seulement énergiques, maïs persévérants, mais sans cesse renouvelés. Or, nous sommes en présence d'institutions, de cou-
tumcs, de méthode* dont la vétusté est sans égale, et qui, de siècle en siècle, se sont répercutées à l'abri de tout conteste, jusqu'au jour où leur principe même s'est trouvé mis en discussion.
l-o très intéressante étude insérée dans la Revue pédagogique (numéro du i5 juillet 1886), sous la signature de Franck d'Arverr, donne du fait des preuves surabondantes.
Modestement intitulé : Xotes pour servira une histoire des châtiments corporels à récole, ce substantiel mémoire livre, sans compter, sur la question, des documents aussi variés que précis.
Empirique au début, l'emploi des moyens disciplinaires corporels est devenu, l'auteur l'avance et le démontre, > méthodique sous l'influence de la théologie, et, la où elle règne encore, le progrès n'a eu d'autre effet que d'atténuer la rigueur de ces procédés et de restreindre son domaine au côté moral de l'enseignement >.
- Qui épargne les verges à son lils. dît Salomon (t), ne l'aime pas. C'est par les corrections que l'amour paternel s'affirme. " Salomon éiant le sage des sages, son précepte passa indiscuté. De leur autorité de pères de 1 Kglise, saint Augustin et saint Chrysostomc le consacrent: si bien qu'il est resté la pierre angulaire de la pédagogie A peu près partout, jusqu'à nos jours. Comprimer la vivacité des enfants sous une étroite discipline, ne laisser a la légèreté du jeune âge aucune occasion de tomber dans le péché... Coercere. cmstringere, emendare, compescere, voilà, en somme, en matière pédagogique, les doctrines qui préva-lurent au Concile d'Aix-la-Chapelle. Ce sont celles que les précepteurs congréganistes se sont de tout temps et eu tout lieu efforcés de propager.
Pucri Jîagellantur consuetudwaliter, disent les Coutumes de Cluny. Le maître de chapelle, par surcroit, y était autorisé à tirer les cheveux. Dans la plupart des monastères, on ne reculait, à la leçon de chant, ni ocrant le fouet, ni devant le soufflet. Que ceux qui seraient tentes de ne voir là que des moyens assez détournés de cultiver la voix humaine se détrompent. La lecture de la vie de sainte Adélaïde leur apprendra que « les soufflets qu'elle administrait... avec largesse, avaient pour effet de rendre toujours claire, juste et agréable \delectabilis) la voix des nonnes les moins favorisées par la nature, sous ce rapport. »
Les choses, pourtant, n'allaient pas partout aussi aisément. * Nos élèves, disait à saint Anselme un certain abbé, deviennent de jour en jour plus mauvais et plus difficiles, et cependant nous ne cessons de les bnttre nuit et jour.— Et une fois grands? demanda le saint. — Une fois grands, ce sont des imbéciles et des brutes, répliqua l'abbé. »
Bref, pour faire saisir, d'un mot. l'esprit des errements pédagogiques en cours avant la Renaissance, il suffit de rappeler que le règlement scolaire deWorms, en date de 1260, n'autorisait un élève à quitter le maître
(0 Salomon, Proverbe XI», 24.
auquel il était confié, que pour cause de lésion grave, dans le cas de frac-turc d'un membre notamment.
Avec la Renaissance, avec la Réforme, il se produisit dans les coutumes scolaires un adoucissement dont les courageuses protestations de Rathcrius, au x* siècle, d'Anselme, au xn*. de Woggio, de Gerson, au xv, avaient préparé l'avènement. Du souffle de Rabelais, de Montaigne, d'Erasme naquit l'humanisme : mais les idées nouvelles ne remuèrent pas les couches profondes de l'opinion et l'usage du fouet, dans les académies aussi bien que dans les collèges, n'en fut même pas ébranle.
Plus tard, en étouffant l'humanisme, les jésuites, par politique, s'en approprièrent les méthodes.On inaugura, non sans ostentation, une discipline qu'on annonçait comme n la fois douce et sévère. A l'Oratoire, dans le début, le grand ressort de l'éducation fut le respect. Knire de tels errements et l'esprit qui préside à la règle édictée par Loyola, le désaccord était flagrant. Aussi cet état de choses dura peu. On en revint bientôt, dans les collèges des jésuites, a la bonne et vieille doctrine de la persuasion a l'aide de la férule, de la palette et du fouet. Au xvu* siècle et au XVIII*. les établissements scolaires protestants, d'ailleurs, ne le cédaient en rien aux collèges dirigés par les jésuites, les ïnflictions corporelles y étant d'un usage quotidien. Jean Sturm lui-même, — un humaniste, cependant, — ne crut pas pouvoir s'en passer. La verge y était solennellement rcmtscau maître en signe d'investiture et, par la suite, il ne se faisait pas faute de s'en servir. Il y joignait volontiers le bâton, la vielle, le chevalet sorte de carcans*, l'obligation de prendre son repas par terre, de coucher sur le sol, de boire de l'eau de vaisselle, de manger dans l'écuelle du chien, etc.
Moins inhumain, le règlement scolaire de 1348, à Essling. interdit les coups de savate, l'emploi du bâton et l'usage assez répandu d'arracher les cheveux par poignées. L'application des verges sur le derrière » esti peu près la seule correction qu'il admet.
En revanche, à Francfort-sur-lc-Mcin, de 1679 à 1829, l'élève que la cravache ne pouvait dompter était mis aux fers, au pain et a l'eau plusieurs jours consécutifs. En cas d'insuccès, il était relégué dans la Cage aux Ours, réduit où l'on ne pouvait se tenir ni assis, ni debout. Même rigueur dans la Hcssc. à Wcimar, à Nordhausen, & Erfurt et autres lieux.
Ce n'est guère qu'à l'issue de la Révolution française que. sous l'impulsion des Condorcct, des Carnot, des Rabaud-Saint-Htiennc, des Danton, des Lakanal, les idées sur l'enseignement de la jeunesse se modifièrent de fond en comble. Après Locke, après Jean-Jacques Rousseau, après Diderot, viennent Pcstalozzi, Frœbel, Bassedow, Jacotot, Gautier, Jo-mard, et l'humanisme brille d'un éclat plus vif que jamais. Des oppositions pourtant subsistent. En Allemagne, en Angleterre particulièrement, les châtiments corporels ont leurs apologistes surannés. Les circu-
laire* officielles en tont foi. Chez nous, c'est l'esprit de réaction coalisé ¦??? la routine qui s'efforce d'éterniser des agissements réprouvés parla science et par la raison.
Quel rapport entre la discipline — telle que nous l'entendons — et les procédés barbares consignés avec une si scrupuleuse exactitude dans le mémoire de Franck d'Arvert? Aucun; ils en sont le contre-pi^.
ifbt la bonne volonté, de la déférence, du travail, voila, a tous les degrés de l'enseignement : primaire, secondaire, supérieur, ce qu'on est en droit d'exiger de l'élève. De la coordination dans l'activité, voila, pour mener a bonne fin une occupation, quelle qu'en soit la nature, du moment qu'elle est collective, ce qui est indispensable,' Partout où les hommes se trouvent groupés dans un but commun, la discipline s'impose comme nécessité indiscutable. La coercition et la crainte ont été, dans le i assé, les moyens employés avec la fallacieuse espérance d'obtenir le bon ordre. La liberté et l'émulation sont ceux qui désormais per-mettentdc l'assurer. La répression assombrit, irrite,déprime. Les encouragements égayént, calment, réconfortent.
Toute chose égale, d'ailleurs, n'y a-t-il pas constant avantage à faire appel aux sentiments affectifs et généreux?
Autre considération : Mécanique ou intellectuel, tout travail implique résistance. De quel droit, donc, réclamc-t-on le travail, ai l'on commence par paralyser chez celui qui le deit accomplir la force nécessaire pour triompher de la résistance en face de laquelle on le met? Ht quelle expansion, quelle spontanéité attendre de pauvres êtres qui tremblent de crainte sous l'incessante menace de ta punition?
Qu'qn ne s'y trompe pas, c'est une arme à deux tranchants qu'une sévérité rigoureuse et intempestive. Elle est à la fois périlleuse et superflue. Périlleuse, en ce qu'elle (engendre l'aversion, que se dérober par la ruse à ses exigences tracassières ne tarde pas-à devenir l'idée dominante de l'enfant, et qu'aux luttes de ce genre l'affection s/émousse/la confiance se perd, la droiture fléchit; superflue, en ce ^uc les avantages apparents qu'on en retire ne sont, en réalité, que des concessions de la faiblisse à la force, h que d'abord subie avec une impatience plus ou moins mal déguisée, prise en haine ensuite, l'autorité du maitre finit par être méronnuc ouvertement. L'aigreur déborde. %tt hostilités s'ouvrent, L'état de guerre devient permanent. S'agit-il par occurrence d'une de ces natures malléables, craintives, sans réaction ? Les excès d; sévérité brisent le peu de ressort qu'il y a en elle. La notion du juste s'obscurcit. Le sentiment de la dignité personnelle se relâche, la passivité et la résignation l'emportent. L'être est réduit. — Réduit à quoi? A une infériorité irrémédiable. Des fourbes ou des indécis, des trembleurs ou des révoltés. « des imbéciles ou des brutes », selon l'expression du vénérable îimerlocuteur de saint Anselme : tel est le dilemme ; c'est affaire de tempérament.
Philosophes et penseurs n'ont qu'une voix laxiessus.
Entre le* mains du sophiste Thubal Holoferne sic) « qui lui apprint sa chine si bien qu'il la disoit par cœur au rebours*.Gargantua était,dit Rabelais (tj, devenu « fou. niais, tout rcsveux et rassoie ».
Flétrissant comme elles le méritent les inflictions corporelles. « qui a veu, demande Montaigne (il, aultrc effet aux verges, sinon de rendre le* âmes plus lasches ou plus malicieusement opiniâtres? »
Voltaire ,3), de son côté, le déclare sans ambages : • Il est honteux et abominable qu'on inflige un pareil châtiment sur les fesses a de jeune» garçons et à de jeunes filles. C'était autrefois le supplice des esclave». J'ai vu dans les collèges des barbares qui faisaient dépouiller des enfant» presque entièrement; une espèce de bourreau, souvent ivre, les déchirait avec Je longues verges qui mettaient en sang leurs aines et les faisaient enfler démesurément. »
Quant a Pestalozzi. dont la doctrine repose tout entière sur une inébranlable confiance dans la bonté native de l'être humain, il n'est pas, en matière d'enseignement, de plus mortel ennemi delà coercition.
Charles Fourier, enfin, qui a eu sur l'évolution de l'humanité de* operceptions si profondes et si vastes, et qui revendique pour l'enfance le droit à lu culture intégrale et harmonique des facultés, écarte, cela va de soi, de sa discipline, comme allant contre le but, la répression a outrance et les châtiments.
Utopie», dîra-t-on, visées subjectives ! Eh bien, non. La physiologie de l'entendement donne des armes contre ces errements pédagogiques dont la cruauté e_t d'un autre âge, et dont la survivance fait la honte de notre temps. ¦
Selon la judicieuse remarque de Bain ¡4), pour instruire l'enfant, force est bien de fixer son attention sur des considérations pour lui sans intérêt immédiat. La seule force qui puisse l'obliger d'être attentif est le sic jubeo qui place le maître sur la pente glissante de la sévérité ; de la sévérité à laquelle il importe de n'avoir que le moins possible recour». Tenir grand compte des disposition» naturelles qui. au préalable, se sont manifestées, saisir l'occasion de les éveiller, en savoir tirer parti est, en une foule de circonstances, un moyen de rendre superflue la rigueur,. Puis, quand le moment pénible est venu ; quand, bon gré. mal gré, il faut aborder les sujets auxquels l'élève n'attache aucun intérêt par lui-même; quand, en un mot, le travail difficile s'impose, comment faire: — Alors, dit le savant professeur d'Abcrdecn. évertuez-vous i apprécier, avec justesse, dans quelle mesure l'enfant est capable de l'effort qu'exige l'attention forcée. Usez largement de ccuc faculté, mais
(1) Rabelais, Gargantua, chapitres XIV ci XV.
(3) Montaigne, Essais, livre II, chapitre VIII.
(3) Voltaire, Dictionnaire philosophique, article : Verges.
(4I Bain, La Science de réiueation, p. i36. (Bibliothèque scientifique internationale, 1S79, P*ris.)
n'en abusez pas. Sachez en pressemirer. respecter la limiievCommencez pour l'entant l'apprentissage de la vie en l'accoutumant peu à peu â des occupations pénibles : mais ayez soin aussi de laisser à son esprit des détentes ; ménagez-lui des alternances de travail, de repos et de plaisir. s
^"Découvrir les aptitudes existantes et les mettre à profit, là, en etïei, est le secrey«; Donner aux facultés leur juste développement, solliciter les moins actives, corriger, réprimer dans les autres les excès ou les écarts qui pourraient nuire, l'éducation, fait observer Delasîauvc (t), l'éducation tout entière est là. » A proprement parler, c'est à amplifier les ressource; existant en puissance dans l'organisme et à en régulariser remploi que l'enseignement doit s'évertuer. De la culture de chacune de ces dispositions, en particulier, dépend l'essor de l'ensemble. Du surcroit de soins accordés à celles dont on ne constate que le rudiment dépend, pour l'ensemble cncore.et l'harmonie et l'ampleur. De même, pour emprunter à Félix Voisin (2) un judicieux rapprochement, que la vue n'est pas l'ouïe, que l'ouïe n'est pas le goût, que le goût n'est pas le toucher, ni le toucher l'odorat, et que le développement de ces sens spéciaux réclame des moyens appropriés à leur nature spéciale; de même, dirons-nous, chaque aptitude organique demande à être exercée à part, dans le sens précis de ses attributions.
Que. sur toute la ligne, on mette en application ces principes, et, ipso facto, dans les exercices, la torpeur fera place à l'animation. A la faveur de l'émulation qu'un semblable entraînement ne saurait manquer de susciter, les inflictions perdront jusqu'à leur raison d'être. Le temps même de méditer, ou tout au moins en admettant que la pensée en soit venue, de commettre une infraction, manquera. Et, pour passer inaperçue, la discipline ne régnera que dans une sécurité plus parfaite. L'activité dans l'ordre seule en sera l'effet ostensible et patent.
II n'y a pas à se faire illusion: le terrain de la pratique est hérissé d'obstacles. On se heurte à chaque pas contre une difficulté. Pour amener à son summum de développement chacune des aptitudes physiques, intellectuelles et morales qu'apporte à sa naissance l'enfant, pour l'habituer à s'imposer l'cnort, pour lui ménager des intervalles de repos et lui faire goûter des moments de plaisir, que faut-il * Des programmes à la fois diversifiés et simples; des maîtres dont l'inaltérable sérénité et la mansuétude éclairée le disputent à l'ardeur et au dévouement.
Malheureusement, le lype du magister fwîosus n'a pus encore complètement disparu. Par les faits scandaleux auxquels nous faisions allusion au début, il n'affirme qu'avec trop de fracas son existence. Pourquoi ? C'est d'abord qu'on a mis jusqu'ici une coupable mollesse àrompre avec des traditions qu'on sait désastreuses et contre lesquelles, en dépit d'interdictions formelles et faisant loi, par on ne sait quelle sen-(r) Dclasiauve. Sature et degré de l'enseignement qu'il convient de donner dans les écoles primaires, p. 24. (2) FCIix Voisin, Mémoires sur l'abolition de la peine de mort*.
siblerie timorée, on hésire à sévir : c'est aussi, et surtout que le son précaire qu'on fait aux maîtres jure, la plupart du temps, avec la lourde somme de travail qu'on leur demande et les immenses services qu'on attend d'eux. La morosité chagrine, l'état d'irritation sourde, l'aigreur qui parfois percent, ne trouvent, hélas ! que de trop plausibles explications.
« Pour l'instituteur, dit Bonnemere (t), ni autorité, ni indépendance, ni liberté civile, politique, religieuse ou autre... Il faut qu'il chante au lutrin et communie aux fêtes carillonnées. Secrétaire de la mairie, si le premier magistrat municipal commet quelque faute grave, il la met sur le dos de son subordonné et le fait destituer sans vergogne. » Dès 184$, avec une rigueur d'analyste incomparable, Arsène Meunier (2ï passe en revue la série entière des procédés auxquels, « tyrannisé lui-même par ses supérieurs, le curé a recours pour tyranniser le maître d'école. »
Au demeurant, quelles doivent être ses qualités fondamentales? Dans son Plan d'une Université, Diderot s'est chargé de le spécifier: une science approfondie des matières a enseigner, un caractère honnête et sensible. Entre les maîtres, point de prêtres, ajoute-t-il, si ce n'est dans les écoles de la Faculté de théologie. Ils sont rivaux par état de la puissance séculière, et la morale de ces rigoristes est étroite et triste, a
S'il est vrai de dire, enfin, que.ies bons maîtres (ont les boni élèves, il ne l'est pas moins d'ajouter que Tinsubordin tion et la paresse de ceux-ci sont bien souvent cause de l'irascibilité et du désenchantement de ceux-là.
L'insouciance, la légèreté, la mobilité seront toujours le propre de la jeunesse. Dans l'élaboration des programmes, se préoccupe-t-on suffisamment de dispositions naturelles après tout, et, en dernier ressort, avec lesquelles force sera bien de compter? Point. Alors que chaque aptitude en particulier devrait recevoir sa culture spéciale ; alors que la coordination des exercices devrait tendre à l'instauration de cette discipline spontanée dont l'émulation et la persuasion méthodique sont le pivot; alors que la principale pierre d'achoppement à tout enseignement est le défaut d'attrait, on fatigue maîtres et élèves par des classes et des études d'une longueur démesurée. Dans les lycées, classes et études ont, en général, une durée quotidienne de dix heures. Fonssagrives (3), au nom de l'hygiène, demande qu'on les réduise a sept, afin d'avoir du temps à consacrer au mouvement. Au cours de ses Excursions pédagogiques, Michel Bréal (4I nous apprend qu'au Graue Ktoster.— un des gymnases les plus renommés de Berlin, — la classe dure une heure au plus, trois
(1) Bonnemere, Le Maître d'école, p. *>. (Bibliothèque de la Société d'instrueno républicaine.)
{2) Arsène Meunier. Lutte du principe c.'éricat et du principe laïque, p. 174 c! su
(3) Fonssagrives, L'Éducation physique des garçons, p. 155.
(4) Michel Bréal, Excursions pédagogiques, p. i3.
quarts d'heure au moins, et qu'elle est invariablement suivie de cinq a quinze minutes de repos.
Ce sont là de précieuses indications à noter. ^Si l'on s'ingéniait à simplifier, dans toute la mesure du possible, les méthodes, l'enseignement perdant ses fastidieuses lenteurs, l'écolier deviendrait nécessairement moins turbulent et l'on parviendrait, avec moins de peine, à fixer son attention. D'autre pan, en raison même de la surabondance des matières, la simplification des méthodes devient de jour en jour plus urgente. Sur ce point, l'accord est fait ; mais, sur les voies et moyens, on diffère. C'est pour cela sans doute que les résolutions attendues se font désirer. Aux spécialistes d'aviser; nous n'irons pas sur leurs brisées.
A présent qu'on attribue aux questions d'enseignement l'intérêt hors ligne qu'elles comportent, et que. sans réticence, on montre le ferme propos de les résoudre dans le sens démocratique, qu'il nous soit permis d'appuyer sur ceci : le cerveau de Penfjnt est beaucoup moins rebelle aux opérations d'abstraction qu'on ne se l'imagine en général. D'instinct, sans effort, il est incité à accoupler les idées et à en tirer des déductions. La plupart du temps, il est vrai, ses conclusions sont erronées ; mais l'erreur, ici, ne vient pas d'une défectuosité radicale dans le mode du fonctionnement cérébral. Elle tient à l'indigence des points de comparaison. Le bagage des notions acquises est encore si léger ! A part cette cause d'irrégularité : cause extrinsèque, indépendante de la personne et étrangère à la puissance plus ou moins grande des actions rérlcxes qui ont pour siège les replis de l'organe en jeu, la plupart des jugements portés par l'enfant sont d'une justesse inattaquable. Et il se Comptait à en lormer.
Eh bien ! on peut sans crainte l'exercer dans le sens où, de son propre mouvement, il évolue. Il n'y a pas en cela à redouter de fatigue excessive pour l'intellect. Au contraire, sous une impulsion éclairée, circonspecte, il y a, pour lui, agrément en même temps que profit à raisonner. C'est, à tout prendre, une satisfaction donnée à une fonction naturelle, à un besoin impérieux.
Dans les programmes d'un enseignement reposant sur des bases physiologiques, la base ne saurait donc être trop large pour les exercices de raisonnement. Quand on a dans sa tête des modèles parfaits de dialectique, on y rapporte, sans presque s'en douter, les autres manières déraisonner; avec l'instinct de la précision, on sent, dans les cas même de probabilité, les écarts plus ou moins grands de la ligne du vrai, a Ainsi pense Diderot.
Grâce aux exercices de raisonnement, en effet, le sens critique s'è*-. veille ; le discernement s'affine ; l'aplomb moral s'acquiert. Plus synthétique, l'esprit cesse de s'embarrasser dans tes détails. Par habitude, toute chose se trouve mise su point, classée selcn son importance effective, estimée à sa juste valeur.
Ainsi aiguillonnée, la curiosité pousse, sans trêve, à des recherches
nouvelles. Sans pénible labeur, en quelque sorte sans qu'on s'en doute, la mémoire se meuble. Point capital : à se refuser au métier semle de copiste, la puissance d'assimilation s'accroît. Or. plus la puissance d'assimilation d'un homme est développée, plus il se sent d'initiative, plus ses œuvres sont frappées au coin de l'expérience et de l'originalité.
Dans une démocratie, l'objectif de l'enseignement, en réalité, quel est-il > Ce n'est pas, à coup sûr. de faire, des enfants de la nation, autant de puits de science. Non; c'est de former des hommes capables, par leurs propres forces, plus tard, de s'instruire selon leurs besoins, leur tour d'esprit, leurs aspirations. Que les années de scolarité soient tout entières dépensées a apprendre aux élèves à travailler : qu'un but aussi enviable soit atteint, et, nous n'hésitons pas à le déclarer, l'emploi du temps aura été parfait.
Enfin* diriger, régler, assouplir, susciter les virtualités sans nombre que l'organisme humain recèle, est mission complexe entre toutes./La tâche exige d'exquises délicatesses, jointes â une profonde pénétration. a travers les dédales où Ton s'engage, qu'on prenne du moins pour boussole cette vérité inéluctable : On ne triomphe de la nature qu'en se conformant à ses lois.
ÉTUDE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX EN RUSSIE
Par M. le D' RAYMOND (i)
proxesseck aorêoê a la FACULTÉ sx paris
J'envisagerai surtout dans cette éiudc ce qui est spécial aux maladies nerveuses, but officiel de ma mission, tout en tenant compte des rapports qui existent entre l'enseignement médical général et l'enseignement particulier de la Ncuropathologie. Avant de décrire l'organisation actuelle des Universités, organisation qui date de l'année 1884, il me parait nécessaire de résumer brièvement l'organisation ancienne (ancien régime .
En Russie, chaque Université complète comprend quatre Facultés: I* Faculté des lettres; 2' Faculté des sciences physico-mathématiques 'mathématiques pures; physique, chimie, histoire naturelle' ; 3" Faculté de droit ; 4° Faculté de médecine.
Dans l'ancien régime. Vannée scolaire n'était pas divisée, elle embras-
(1) Rapport adresse à M. le Miniàire de l'Instruction publique.
sait les douze mois consécutifs- et. à la fin de chaque année, les étudiants devaient passer un examen sur les sujets qui avaient été enseignés pendant cette période scolaire. La durée des études était de quatre ans dans toutes les Facultés, excepté à la Faculté de médecine, où cette durée était de cinq ans.
Le nouveau régime a changé cet état de choses : Vannée scolaire est maintenant divisée en deux semestres. Les examens de fin d'année sont supprimés; mais, pendant toute la durée de ses études, l'étudiant est soumis à la surveillance des professeurs et de leurs aides; il est obligé d'assister à tous les cours de chaque semestre, aussi bien qu'aux travaux pratiques et aux leçons cliniques. A la fin de chaque semestre, l'étudiant est tenu, avant de se faire inscrire pour le semestre suivant, de fournir des certificats d'assiduité délivrés par les professeurs sous la direction desquels il a travaillé. Il ne peut interrompre ses études pendant une durée de plus de quatre semestres ; ceux qui ont laissé passer cet intervalle sans faire acte de scolarité, c'est-à-dire sans prendre les inscriptions correspondantes, sont exclus de l'Université, sauf toutefois dans les cas de maladie, et ne peuvent plus être admis dans aucune Faculté de l'Empire.
L'enseignement complet à la Faculté de médecine embrassant dix semestres, l'élève en possession des dix inscriptions semestrielles est admis à subir les examens de doctorat. Il y a. par an. une seule session d'examens de doctorat, et elle ne dure que trois mois. C'est le ministre de 1 instruction publique qui nomme le jury, et, pour former cette commission, il est libre de choisir les médecins qu'il considère comme suffisamment compétents pour remplir cette tâche. Tous les médecins peuvent être appelés à faire partie des jurys d'examens.
Il existe en Russie deux diplômes de doctorat: i" le diplôme de médecin ou licencié en médecine, et 2» le diplôme de docteur en médecine, ou mieux de docteur ès sciences médicales. Il y a donc deux degrés d'examens de doctorat. Tout médecin, pour avoir le droit d'exercer la profession médicale, doit obtenir le premier de ces diplômes, en subissant avec succès un examen complet sur les sciences médicales; il n'a pas de thèse à présenter pour l'obtention de ce titre. Le second diplôme est purement scientifique ; les candidats doivent être en possession du diplôme de médecin, puis faire des études plus approfondies, passer un examen plus complet que le premier et surtout plus raisonné. Avant de subir ce second examen, il leur laut fréquenter un certain temps les cliniques et les laboratoires spéciaux; puis ils font connaître à la Faculté quel est le sujet vers lequel ils ont plus spécialement dirigé leurs études. Après avis favorable, l'aspirant présente et soutient sa thèse de doctorat. Cette thèse est ordinairement un travail de grand mérite, qui suppose une connaissance très approfondie du sujet traité, jet sa préparation matérielle exige un travail de dix-huit mois à deux ans. Ce diplôme, supérieur au premier, ne confère pas à celui qui le possède plus de droits que ceux qu'il avait auparavant par le fait de son
diplôme de médecin ou licencié en médecine ; mais le litre de docteur ès sciences médicales est exigé de ceux qui aspirent à une charge dans 1 enseignement officiel de la médecine : professeurs, assistants, médecins des hôpitaux, chefs et aides de laboratoires, etc.
Sous l'ancien régime, les professeurs nommaient eux-mêmes les titulaires aux chaires vacantes, et le ministre de l'instruction publique approuvait ou infirmait ce choix, mais dans le cas de non-acceptation du candidat présenté, il devait demander a la Faculté de faire un autre choix ; il ne pouvait nommer un candidat autre que l'un de ceux présentés par les professeurs.
D'après le nouveau régime, la Faculté fait une liste de présentation des candidats, liste qui est soumise au ministre, et celui-ci peut, à son gre. fixer son choix sur l'un des noms désignés, ou choisir le titulaire en dehors de la liste présentée; mais, pour être nommé à une chaire, il faut être en possession du diplôme scientifique de docteur és sciences médicales.
A l'Université de Varsovie, le nouveau régime ne sera appliqué qu'à partir de l'année scolaire 1888-1889.
Après ces considérations générales, je rappelle que mon but est surtout d'éludier l'enseignement de la Neurologie, et je me limiterai a ce sujet dans ce qui va suivre.
Contrairement à ce qui se passe en France, et particulièrement h Paris, où il existe une chaire de clinique des maladies nerveuses et une chaire de clinique des maladies mentales, en Russie l'enseignement des maladies nerveuses et des maladies mentales est concentré entre les mains d'un seul professeur chargé de la chaire spéciale de psychiatrie.
Une des plus anciennes chaircsdcpsychiatriecst celle de Saint-Pétersbourg ; elle a été fondée en 1867. Le premier titulaire de cette chaire fut Balinski, le père de la psychiatrie russe. Mais, pendant le professorat de Balinski, l'enseignement des maladies nerveuses fut négligé, ou, du moins, il fut purement théorique, ce professeur s'occupant exclusivement des maladies mentales. M. Mierjiewsky, nommé titulaire de cette chaire en 1877, enseigne à la fois les maladies nerveuses elles maladies mentales; l'enseignement pratique de la neurologie date de cette époque.
L'enseignement des maladies nerveuses est une chose si nouvelle en Russie, que dans une Université aussi importante que celle de Kîew* la chaire consacrée à cet enseignement n'existe que depuis deux ans. A Varsovie, cet enseignement ne commencera que l'année prochaine (1888-1889). A Karkoff, la clinique des maladies mentales et nerveuses se trouve dans une maison de santé appartenant au docteur Platonoff; il n'existe pjs encore de service de clinique à l'Université. La nouvelle clinique des maladies mentales et nerveuses à Moscou vient d'être Installée. C'est Mme Morosoff, qui a offert à l'Université le terrain, qui a fait les frais des constructions et de l'ameublement (400.000 francs). La clinique porte le nom de clinique Morosoff. {A suivre?)
RECUEIL DE FAITS
SURDITÉ DOUBLE DATANT DE DES JODRS GUERIE EN ONE SEULE SÉANCE
PAR LA SUGGESTION
Par 1« D' P. BU ROT, professeur à l'Ecole de médecine de Rochefort
Mlle E..., 19 ans, chlorotique, a eu, le i5 octobre iS85, une crise d'évanouissement qui a duré une heure, et a la suite de laquelle elle était devenue sourde.
Cette crise avait été déterminée par le départ d'un cousin qu'elle affectionnait beaucoup. Elle était survenue subitement, dans un magasin. Cette jeune fille s'était affaissée, avait perdu connaissance, et n'avait présenté qu'un léger tremblement dans les membres. A son réveil, elle n'entendait plus les personnes qui lui parlaient et percevait à peine le lie tac d'une montre. Les nuits suivantes, elle fut agitée pendant son sommeil, elle avait des rêves et était surtout tourmentée de l'idée de ne plus pouvoir entendre. Le médecin qui lui donnait des soins avait en effet déclaré qu'il s'était produit une congestion cérébrale, et que probablement Fouie ne reviendrait pas. Elle était arrivée à ne plus rien entendre, pas même le bruit de la montre, et sa famille était obligée d'écrire pour se faire comprendre.
Le 25 octobre, dix jours après la crise, je fus consulté. Cette jeune rille émit très disposée A accepter la suggestion pour se débarrasser d'une infirmité aussi gênante: j'appliquai ma main sur son front, en faisant l'occlusion des paupières avec les doigts, et j'attendis sans rien dire, puisqu'elle n'entendait pas. Au bout de dix minutes, il se produit un léger tremblement dans les membres. Pensant que le moment était opportun, je lui dis : « A votre réveil, mademoiselle, vous entendrez le nom d'Elise, quand il sera prononcé. »
J'attends encore cinq minutes environ et je la réveille en lui soufflant sur les yeux. Elle ouvre les yeux, ébauche un sourire, et dit : € J'entends. » Elle entendait en effet, non seulement le nom d'Elise, mais tout ce que l'on disait. J'avais pensé qu'en fixant la suggestion sur un seul mot, comme l'ont déjà indiqué MM. Bernhein et Bérillon, elle aurait plus de chance de réussir. Le résultat a été plus complet que je ne l'espérais. Mlle E... a bien avoué que le premier mot qu'elle ait entendu avait été celui d'Elise, mais il est probable que, sans se rendre bien compte du fait, elle a complété la suggestion en se disant : « Puisque j'entends le nom d'Elise, je peux bien entendre tous les mots. » On peut encore admettre, sans taire intervenir l'auto-suggestion, que les oreilles, qui s'étaient ouvertes à un mot, l'étaient pour tous les autres.
Quoi qu'il en soit, cette jeune fille a été radicalement guérie d'un seul coup d'une infirmité qui semblait devoir s'éterniser.
REVUE DE LA PRESSE
Le sommeil normal, comme le sommeil hypnotique, est le résultat d'une inhibition de l'activité intellectuelle, par m. Brows-Séquard. (Archives de Physiologie normale et pathologique. — Janvier et avril 1889.)
Dans les recherches que j'ai publiées en 1882 sur l'inhibition et son rôle dans l'hypnotisme et le transfert (Galette hebdomadaire de méde~ cine, etc., p. 38a), j'ai déjà démontré que le sommeil hypnotique est un effet d'inhibition. D'une autre part, dans plusieurs publications, mais surtout dans une communication à l'Académie des sciences [Comptes rendus de l'Académie des sciences, i883, vol. XCVI,p. 417), j'ai montré que dans l'épilepsie et dans les affections organiques ou lésions trauma-tiques de l'encéphale, la perte de connaissance temporaire est duc à une inhibition de l'activité intellectuelle. Je vais maintenant donner, en quelques mots, les raisons qui conduisent à considérer le sommeil normal comme l'elfet d'un acte inhibitoire.
La théorie d'après laquelle le sommeil dépend d'une contraction vas-culaire ayant lieu dans les lobes cérébraux (Durham, Hammond) est absolument fausse, comme ¡e l'ai montré depuis longtemps. En effet, j'ai trouvé que les cobayes et les lapins, après la section des deux nerfs grands sympathiques.au cou. dorment comme si la circulation cérébrale était à l'état normal, c'est-à-dire lorsqu'elle peut cesser par contraction vasculairc. Il en est de même chez les chiens et les chats, après qu'on leur a enlevé le ganglion cervical supérieur d'un côté et coupé le nerf vago-sympathique de l'autre côté. Lorsqu'on a. par ces opérations, paralysé les vaisseaux du cerveau, il est évident que le sommeil, qui alors se produit comme à l'ordinaire, non seulement ne dépend pas d'une anémie cérébrale par contraction vasculairc. mais encore peut exister malgré l'état inverse, c'est-à-dire une hyperhémie même notable. Il est donc certain que le sommeil peut exister, qu'il y ait peu ou qu'il y ait beaucoup de sang dans les vaisseaux du cerveau.
La perte de connaissance dans le sommeil, comme dans de nombreuses autres circonstances accidentelles ou pathologiques, est l'effet d'une inhibition des facultés cérébrales.
Je me fonde, pour établir cette opinion : t* sur des preuves directes établissant que la perte de connaissance, dans le cas d'une piqûre du bulbe et dans d'autres cas aussi, est incontestablement due à un acte inhibitoire ; 20 sur tout ce qu'on sait des circonstances qui précèdent ou accompagnent le sommeil.
Je me bornerai à dire à ce sujet que, de même que dans toute inhibition, il existe, lorsque le sommeil se produit et tant qu'il dure, des
irritations à distance de l'organe où la cessation d'activité a Heu. On trouve la preuve de l'existence d'irritations dans les particularités suivantes :
!• Ce qu'on appelle le besoin de dormir, qui consiste en certaines sensations et particulièrement un sentiment de lourdeur dans l'ieil ; . a* Contraction persistante de la pupille ; . 3* Contraction des muscles orbiculaires palpébraux;
4* Contraction des muscles droits interne et supérieur ;
5* Contraction des vaisseaux sanguins de la rétine et des lobes cérébraux.
J'ajoute qu'en outre de l'inhibition des facultés psychiques.il y a une inhibition spéciale de certains muscles {relevcur de la paupière supérieure et les muscles du cou) et peut-être aussi un degré d'inhibition du eccur et de la respiration. Ces divers phénomènes tnbibitoires. associés au sommeil, montrent bien l'existence d'une irritation quelque part et peut-être en plusieurs points, pendant cet état périodique de cessation de l'activité intellectuelle.
La production du sommeil chez l'homme, dans l'expérience de Fleming et d'Augustus Wallcr, consistant en une pression exercée à la fois sur la carotide, le sympathique cervical et le nerf vague, montre bien que le sommeil peut provenir d'une irritation périphérique. A ce fait il importe d'ajouter ce que tout le monde sait à l'égard de l'influence somnifère de ecttaines irritations gastriques.
Quant au siège ordinaire de l'irritation ou des irritations que cause le sommeil, je ne puis rien dire de plus que ceci : i* 11 n'est pas probable qu'il soit dans le cerveau proprement dit, car, ainsi que nous le savons, les oiseaux et surtout le pigeon dorment et se réveillent périodiquement, après l'ablation de leur cerveau comme avant : 2* les contractions réflexes et les inhibitions paralytiques qui sont associées au sommeil, si nous les considérons comme dues à des irritations provenant d'un même point, ont leur siège bien plus probablement dans les parties excitables de la base de l'encéphale que dans les lobes cérébraux.
Avant de conclure, je rappellerai que. dans l'épilepsie que je produis chez les cobayes, la perte de connaissance, comme les convulsions, est aisément causée par une irritation périphérique, et qu'il en est ainsi quelquefois dans les attaques de petit-mal chez l'homme. Je rappellerai aussi que la perte de toutes les activités cérébrales peut avoir lieu, par inhibition, comme je l'ai montré, sous l'influence d'irritations, même très légères, de la base de l'encéphale ou de la moelle cervicale, mais surtout du point que Flourens a oonmé nœud vital.
11 n'est pas douteux, d'après tous ces faits, que des irritations, a sièges divers, existent pendant le sommeil, ayant commencé un peu avant le moment où il survient. Il y a donc tout lieu d'accepter que le principal phénomène du sommeil ordinaire, c'est-à-dire la perte de connaissance, est l'effet d'un acte inhibàoire.
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
Clinique de» maladies nerveuses.
M. le docteur Bérillon, directeur de la Bévue de l'Hypnotisme, commencera le jeudi 21 février, à dix heures du matin, à la Clinique des maladies nerveuses, 55, rue Saint-Andrc-des-Arts, une série de leçons cliniques sur les applications de l'hypnotisme a la thérapeutique et a la
PEDIATRIE.
Il les continuera les jeudis suivants à la même heure. MM. les médecins et étudiants en médecine seront admis à ce cours sur la présentation de leur carte.
Des consultations gratuites sont données à la clinique les mardis,
jeudis, vendredis, de dix heures à midi.
Le somnambulisme lucide en Calrerle.
M. Tuchmann. qui poursuit dans Mélusine son intéressante étude sur les Fascinateurs, raconte le fait suivant qui nous montre que ta croyance an somnambulisme lucide a des adeptes jusque chez les tribus les plus sauvages du continent africain.
Dans plusieurs tribus cafres, pour découvrir les sorciers, la tribu entière se réunit, et une vieille femme, qui n'exerce que ta magie bénigne, se rend seule dans une hutte où elle s'endort afin de voir en songe le sorcier; durant ce sommeil, c'est-à-dire l'espace d'une heure, toute la tribu danse, chante et frappe des mains. Puis les hommes s'avancent auprès de la hune et invitent la femme à en sortir; elle refuse; pour la décider, on lui fait présent de quelques zogaies ; elle se peint alors de blanc le contour de l'œil, le bras et la jambe gauches, et de noir les mêmes parties du côté droit; elle se ceint les hanches d'une espèce de tablier et parait, sans autre vêtement, à l'entrée de la hutte, tenant les zagaics qu'elle a reçues. On la couvre immédiatement de manteaux de peau, on se presse nutour d'elle et on la prie de nommer le sorcier; pen. dant quelque temps, elle feint d'éluder cette demande en alléguant son inhabileté dans l'art de deviner; enfin, se dépouillant des manteaux que l'on a jetés sur elle, elle court à travers la foule et frappe, au hasard, du bois des zagaies : celui que le coup atteint est reconnu pour l'auteur du mal.
Dans l'Inde, pour voir en songe le sorcier dont on veut se venger, on suspend au-dessus d'un amas de balayures, dans une corbeille, la divinité qui veille sur celles-ci; on y place également des grains de rir, des parfums et des - ; on se couche non loin de la corbeille dans un endroit pur et la tête tournée vers l'Orient; on chante alors une formule déterminée, puis on observe un profond silence et l'on s'endort.
Les limites de \u responsabilité médicale.
Appelé à se prononcer sur une demande de dommages-intérêts intentée à un chirurgien par un de ses opérés qui se plaignait d'avoir été estropié à la suite d'une intervention opératoire inopportune et même contre-indiquée,
le Tribunal civil de 1a Seine (1™ ch.) a Tendu, le aa janvier îSft», un jugement qui déboute le plaignant en se fondant sur les considérants suivants :
c Si, en principe, les tribunaux ont le droit incontestable d'etaminer si le médecin a commis une faute etune imprudence, ou s'il s'est écarté des règles de sa profession, il ne leur appartient pas de trancher des questions d'ordre scientifique, d'appréciation et de pratique médicale.
? » Ils ne sauraient davantage se prononcer sur l'opportunité d'une opération, sur la méthode préférable à employer et sur le meilleur traitement a suivre ; ils doivent se borner à rechercher s'il y a eu, de la part de rhomme de l'art, imprudence, négligence, défaut de soins, ou maladresse manifeste. ¦
Or, dans l'espèce, aucune faute de cette nature n'était imputable au défendeur qui. pour mettre sa responsabi ité à couvert, avait préalablement taaminé le malade pendant prés d'un moi.- dans son service hospitalier et ne s'était décidé à intervenir qu'après avoir pris l'avis de deux confrères.
Massage et masseur.
Le Dr Metzger, le fameux masseur hollandais, ne se déplace pour personne. L'impératrice d'Autriche, les princes et princesses qui ont eu recours à son traitement, ont dû se rendre auprès de lui. Le pape est la seule personne 'pour laquelle il ait fait exception en se rendant à Rome. Son tarif est uniforme pour tous, grands et petits. Il ne reçoit personne à son domicile : ses clients, venus de tous les coins du monde, se réunissent deux fois par jour dans les salons de l'Amstel-Hétel, dont le iv Metzger a fait la fortune, et passent tour à tour quelques minutes auprès du docteur qui leur fait subir le massage partiel dont ils ont besoin et dont on prône le succès. Ce spécialiste était garço- boucher; ses observations spontanées sur les animaux, notamment sur leurs muscles, l'ont amené aux connaissances spéciales dont il a tiré parti; il étudia la médecine et se fit recevoir docteur.
En agissant ainsi, le Dr Metzger a fait preuve à la fois d'énergie et de dignité. Il eût pu se livrer à l'exercice de la médecine, comme le font tant d'individus, sans même se donner la peine d'acquérir les connaissances médicales
les plus élémentaires.
Il a compris qu'il élèverait à la fois et sa spécialité et lui-même en s'înstrui-sant. U serait u souhaiter que cet exemple fût suivi par tous ceux qui sont hantés du désir de soigner leurs semblables.
Un médecin de Leeds vient d'intenter une action en dommages-intérêts au General Médical Council (Conseil général de la médecine), qui avait rayé son nom du Media! Remisier (liste officielle des médecins), en raison de la publication d'un livre plus où moins scabreux sur les relations sexuelles entre époux. Le tribunal a juge que le General Médical Council avait agi dans la ¦pEnitude de son droit et d'accord avec ses règlements ; le plaignant a donc été débouté de s.i '.lemande.
,Les Archives Je physiologie normaleet pathologique, fondées il y a vingt ans par MM. Brow.i-Stquard, Charcot et Vulpian, viennent de se dédoubler en deux publications distinctes. L'une de ces publications, sous 1a direction de
H. Brown-S^qu.ird, avec MM. Dastre et François-Frank comme sous-direc-
teur», conserve le litre primitit. L'autre, sous la direction de M. Charcot et avec un comité' de rédaction compose de MM. Grancher, Lépine, Strauss et Joffroy, prend le titre d'Archives de médecine expérimentale et d~ anatomie pathologique.
Ces deux publications se proposent de faire une large part ù la microbie, mais celle de M. Charcot annonce sa préférence pour tanatomie pathologique, éclairée et comme vivifiée par l'observatioi clinique, tandis que celle de M. BrowD-Scquard sera surtout consacrée à la physiologie proprement dite, dans la voie où étaient restées les Archives dans les premières années de leor existence. — (Massoc, éditeur.)
Prix de l'abonnement : Paris, 24 fr.; départements, 36 fr.; étranger, 08 fr. ".•
NOUVELLES
Des conférence» cliniques auront lieu à lHôtel-Dîeu. dans le laboratoire da
M." Proust, les mercredi et vendredi de chaque semaine.
Maladies du sritême nerveux et maladie»-mentales. M. Gilber. Billet ; — phas>-macologic. M. Vinejean ; — :naiadie» du tube digestif, M. Mat bien ; — maladies dat
larynx, M. Lubet-Barbon
La première conférence sur le» affections du système nerveux aura lieu le mercred 16 janvier, i 10 heure».
Sottcaimox Dccmkvxi (de Boulogne). — Le» admirateur», le» élève* et les amis de Duc henné Idc Boulogne) ont l'intention de perpétuer la mémoire dur. des grand» promoteur» de la neuropathologie moderne en lut élevant un monument dans i'en-cetnte de la Salpctricrc. 11» toni appel au concourt Je ioui le» médecin» qui taveat apprécier l'importance de» service» rendu» à la science par notre illustre compatriote.
Pour réaliser ce projet, un comité a été con»:itoé. Il *e compose de MM. Charcot, président; Joffroy, vice-président; Strauss, Pitre», Tetsier. Lcrcboullet. Magnaa. Hamr : Oombauli. trésorier.
Le» souscription» devront c*.-- adressée» k M. le D- Gombault, trésorier. 41. rae de Vaugirard. on k l'un de» membres du comité.
ButijLhr Mohi*. — Mercredi dernier, une centaine de médecin* cr de membre» de la oresse teicatiâque offraient au docteur E. Monîn. chez Ledoyc^. an banquet pour léter sa récente promotion dans la Légion d'honneur, t'ne franche gaieté n'a cessé de présider à cette leie tout intime dont les discours oiseux avaient clé béants.' Touiefui», après q-ielque» mot» de remerciement» du nouveau chevalier, M. Ch. Varey lui a adresié de chaleureuse» félicitations en faisant ressortir les motifs qui avaient guide M. le Ministre du commerce pour accorder une récompense si mérite».
Enrin, après quelque» autre* toajt», M. .Nicot. le pharmacien-poète, bien connu des ami» des lettre», a la ua sonnet finement ciselé en l'honneur de notre ami.
Parmi le» convive», nous pouvons citer MM. le» D" Combes. Benlion. Hubert, Desoi», ApoatoJi. Dubousquct-La borde rie. Huguct. Cczilly.Lorain, .*ocqDct. LeblonaV Mook, MM. J.-B. Baillicre, de Tcncin, Rayoal, Ch. Garaier, etc., Ctc.j
NÉCROLOGIE
M. l« Docnua Loaaa (de Lille).
Le Dr Lober, médecin de» hôpitaux de Lille, qui vient de mourir à >'*§•*! ao «a avait fait «tnèae d-agrd«ati..n en 1KH6. sur le» Paralysies, contracture^ Stotos,d^re^s McÂJpsrMqm, Dan. ce tr.v.,1. M. Lober Si y a identité entre les phénomène» obseeuf. de rhypa. ua«« « ehei ^n cenain nombre de malade», et .1 arrivait à cette conclusion, que Ha* mental dt ce» malade» peut dire compare à 1 état mental de 1 h? pno us*.
M. le Dr Lober avait su s'attirer. » la Faculté de Ulle. I est:me de tous ses confrère» par son énergie au travail et par la droiture de son
VAdministrateur-Gérant ; Emile BOUR1QT, 170, Rue St-Antoine. rajas. — urBuuuua maires stor, ara un, 1
BEVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRlMENTAtî£s|>^THÉRAPELT!QUE
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iPHYSIOLOGIJ-:, P.^/HOLOGIQUE
TROUBLES FONCTIONNELS OEf SENS ET DES SENSIBILITÉS DANS L'HYPNOTISME
Par le Docteur E. M ESN ET
MEMBRE DU : -• - • • DE . i: ¦ .-. !\ DE ; .-OIED
Le 19 janvier 1889, je recevais la visite d'une jeune malade qui. depuis plusieurs années, m'intéressait par la multiplicité et par la netteté des phénomènes hvpnotiques que j'avais observés chez elle, tant du côté des facultés intellectuelles, que dans l'exercice des organes des sens. Quelques-uns de mes collègues, et plusieurs personnes étrangères au service, désireuses de voir cette malade dont elles avaient entendu parler, assistaient à ma consultation, qui avait pour but l'étude des diverses phases successives de sa maladie hypnotique, rapprochées de l'examen de l'état actuel comme terme de comparaison.
Dès 188;. elle avait lait un long séjour dans mon service à Thôpital Saint-Antoine, où j'avais, pour la première fois, constaté chez elle, au milieu des plus grands troubles de l'hystérie con-vulsive, des manifestations hypnotiques accompagnées de spasmes et de contractures.
Je l'avais revue plusieurs fois en 1886. toujours facilement hyp-•otisablc, mais beaucoup moins convulsïve.
En 1887. devenue enceinte sans trop savoir où ni comment,— probablement dans son sommeil hypnotique, — elle me revenait pour accoucher à l'Hôtel-Dieu, dans mon nouveau service.
Arrivée au dernier terme de sa grossesse, il nous avait été •acile. pendant toute la durée du travail, de la maintenir en état somnambuiique continu, et. par ce moyen, de lui faire mettre au monde un enfant, sans qu'elle eût à souffrir des douleurs de la ptrturition. n'ayant eu connaissance qu'elle était mère qu'au moment où. éveillée, elle vit son enfant couché près d'elle, dans son Il est donc probable que, devenue grosse sans le savoir, de même qu'accouchée sans le savoir, elle n'a connu de sa gros-
sesse que sa période intermédiaire, dont elle eut d'ailleurs beaucoup à souffrir. Sortie de l'hôpital quelaue temps après dans un éiai satisraisant, elle put rentrer en condition et travailler de nouveau. Je revoyais donc aujourd'hui cette malade, dont je suis l'observation depuis plus de quatre ans. et il m'importait de savoir si je la retrouverais avec les mêmes ïmpressionnabilités, les mêmes manifestations hypnotiques, les mêmes troubles des organes des sens et de la mémoire.
Après avoir causé avec elle pendant quelques minutes et fixé son attention par les questions que je lui adressais, je cessai toute conversation: presque aussitôt elle s'endormit, dans un calme parfait, sans aucune action ni provocation directe de ma part.
L'examen de ses sensibilités périphériques nous révéla les mêmes troubles : hémianesthésie gauche, un peu moins complète du côté de la peau, comme du côté des muqueuses, avec la ligne médiane comme limite très exactement définie : anesthésie. analgésie, avec conservation du tact.
Les signes d'hyperesthésic neuro-musculaire étaient très manifestes sur les bras en état cataleptique. — la plus légère pression, le moindre contact sur le trajet des fléchisseurs produisait la flexion des doigts, l'incurvation de la main sur le poignet pouvant aller jusqu'à la contracture ; la même action sur le trajet des extenseurs relève la main, redresse les doigts jusqu'à l'extension forcée.
Mêmes effets du côté sain que du côté anesthésie : la malade n'a point connaissance des mouvements que sa main exécute, non plus que des pressions ou des frictions exercées sur ses bras. Ces divers mouvements, indépendants de toute influence cérébrale, puisqu'ils sont étrangers à toute sensation perçue, sont des actes réflexes d'impression médullaire, qui ne se manifestent chez eUe que dans l'état cataleptique.
L'exercice des organes des sens, très manifestement troublé, est plus ou moins engourdi, parfois même suspendu dans les échanges avec le dehors, suivant l'intensité plus ou moins grande du sommeil hypnotique et la concentration de la malade sur l'expérimentateur. A un degré léger :
— Elle voit, mais d'une manière confuse, les objets et les personnes qui l'entourent ; ses yeux convulsés en ba^. ses paupières invariablement closes, ne lui laissent apercevoir que des demi-teintes ;
— Elle a la notion, mais incomplète, des saveurs et des odeurs;
— Elle connaît assez exactement, par le toucher, toutes tes choses qu'on lui présente, et cela tout aussi bien de sa main droite que de sa main gauche.
L'ouïe, conservée presque intacte, est en échange avec toutes les personnes qui entourent la malade ; elle répond à qui Tinter-
roge cl reconnaît, au timbre de leur voix, chacun des assistants qu'elle est habituée à voir.
— La physionomie qu'elle présente, à ce léger degré d'hypnose, la facilité extrême avec laquelle elle répond à ses interlocuteurs, les justes appréciations de son jugement sur les questions qu'on lui adresse, la rapprochent à tel point de l'état normal, qu'on pourrait mettre en doute la réalité de son trouble hypnotique, et que j'ai dû plus d'une fois intervenir près de tel assistant, en le ramenant à la constatation des faits physiques persistants et patho-gnomoniques de son état mental, de même qu'à la perte complète de la mémoire au réveil de la malade.
Telle je l'avais observée en 1885. telle je la retrouvais aujourd'hui, s'endormant avec une facilité extrême, spontanément, par la seule pensée qu'on voulait l'endormir, et arrivant ainsi d'emblée à un somnambulisme léger, dans lequel ses échanges avec le dehors ne semblaient pas sensiblement modifiés.
Je la revoyais donc dans des conditions psycho-sensorielles identiques à celles du mois de janvier 1885. conditions dans lesquelles j'avais fait mes premières expériences.
Je lui avais, à cette époque, offert, à l'occasion du jour de l'an, une broche qu'elle souhaitait depuis longtemps, mais que ses faibles ressources, ne lui permettaient pas d'acheter ; et j'avais eu, dans cette circonstance, un témoignage si parfait du dédoublement de la mémoire, de sa scission et de sa reviviscence, que j'avais le plus grand désir de renouveler l'épreuve. 11 m'avait été possible de lui donner, trois fois en dix minutes, un même objet dont elle avait pris possession à deux reprises différentes, dans son sommeil hypnotique, sans en garder souvenir au réveil, et de le lui représenter pour la troisième fois, à l'état de veille, comme un objet nouveau qu'elle n'avait jamais vu. qu'elle ne connaissait pas.
Bien que la scission qui s'opère dans l'exercice de la mémoire, d'une part à l'état de veille, d'autre part à l'état de sommeil hypnotique, soit aujourd'hui vérité démontrée et généralement consentie, il est cependant encore des incrédules de bonne foi et des sceptiques de parti pris pour lesquels la démonstration expérimentale devrait être preuve à conviction, bien plus entraînante que la discussion et le raisonnement. C'est pourquoi il me semblait intéressant de rechercher si le temps écoulé avait modifié en quelque chose l'état de ma malade et de constater, de visu, si je la retrouverais semblable à elle-même, à quatre années de distance.
A ce moment. Alix était immobile, silencieuse, dans l'état de calme et de quiétude que donne le somnambulisme de moyenne intensité.
Je lui dis:
D. — Nous sommes au mois de janvier : je vais vous donner les étrennes que j'ai là en réserve pour vous.
R. — Vous êtes bon, monsieur, de penser ainsi à moi.
D. — Je suis étonné que vous ne soyez pas venue me voir dan> les premiers jours de janvier.
R. — Je n'aurais pas voulu venir plus tôt, non pas à cause de vous, monsieur, mais pour moi ; on aurait pu dire que je me pressais pour avoir des étrennes.
D. — Votre réflexion est juste, mais... qui aurait dit cela ?
R. — Le monde est si méchant, et dit souvent de si mauvaises choses !ï
D. — Tenez, voici une boîte, ouvrez-la et dites-moi ce qu'il y a dedans r
Elle prend la boîte, l'ouvre lentement, avec embarras, ne pouvant se servir que très incomplètement de sa main gauche, qui est à ce moment en état de parésie et presque sans mouvemenl.
R. — Ce sont des bonbons...
D. — Goûtez-les
R. — Je n'en prendrai qu'après vous, monsieur...
Elle me présente la boîte, se lève toute chancelante, offre, sur ma demande, des bonbons aux autres personnes qui nous entourent, mais qu'elle ne voit pas... en prend un qu'elle mange... et me dit:
— Merci, monsieur, c'est de très bon chocolat.
J'insiste avec intention sur ce dialogue, dont les détails ont, au point de vue psychologique, un grand intérêt ; il nous prouve, en effet, le parfait exercice de l'esprit, l'éveil de la faculté de jugement, la notion exacte des convenances dans leur application à l'objet qui fixe en ce moment l'attention de la malade, alors qu'elle est indifférente à toutes autres choses, qu'elle est incapable de tout acte cérébral spontané, incapable d'avoir une idée, un désir, une volonté. La mise en œuvre de ses facultés est donc exclusive, limitée au seul objet avec lequel elle est en rapport, dont elle prend possession, et qui va disparaître complètement de sa mémoire, quand, un instant après, je la réveille et lui demande :
D. — Qu'aviez-vous tout à l'heure entre les mains.-
R. — Monsieur... je n'avais rien.
La boîte avait été préalablement enlevée pour que, à son réveil, elle n'eût sous les yeux aucune trace de l'expérience que nous venions de faire.
D. —J'aurais plaisir à vousjdonner des étrennes : que désirez-vous r
R. — Ce qu'il vous plaira, monsieur. D. —Voulez-vous des bonbons? R. — Je veux bien.
Nous retrouvions donc, en 1889, les mêmes caractères, les mêmes lacunes qu'en 1885, avec l'oubli complet, absolu, au révei!, des impressions nées dans la période somnambuliquc.
— Endormie de nouveau, elle revient immédiatement au mode d activité cérébrale que le réveil avait interrompu : elle me demande aussitôt ce qu'est devenue sa boîte, elle est en pleine possession de son idée.
Est-il un exemple plus démonstratif de la reviviscence de la mémoire ?
— Réveillée quelques minutes après, tout est oublié. — elle n'a rien vu, ne sait rien.
Je lui présente alors, à l'état de veille, ces mêmes étrennes qu'elle ne connaît pas, qu'elle voit pour la première fois et dont elle me remercie en termes émus, avec un air de surprise, un accent de vérité absolument démonstratifs.
'I Ces deux expériences, répétées à quatre ans d'intervalle, ont été en tous points semblables à elles-mêmes ; j'ai pu, dans chacune d'elles, par trois fois à dix minutes de distance, donner un même objet, dont ma malade avait pris connaissance à deux reprises différentes pendant son sommeil provoqué, sans en garder le souvenir au réveil, et le lui présenter pour !a troisième fois à l'état de veille, comme un objet nouveau, qu'elle n'avait jamais vu.
• Cette double épreuve est la démonstration irréfutable de la persistance, dans la forme et dans l'expression, des troubles que l'hypnose produit dans l'exercice des (acuités mentales, et plus particulièrement dans l'exercice de la mémoire, dont la scission et la reviviscence, bien et dûment établies, ont la valeur d'un symptôme pathognomonique.
Aux divers degrés du sommeil hypnotique répondent des modifications de plus en plus profondes dans l'exercice des organes des sens, et plus particulièrement de l'ouïe : au point le plus élevé, l'isolement de la malade, jusqu'alors incomplet, est tel qu'elle n'a plus d'échanges avec le monde extérieur : insensible aux diverses excitations du dehors, elle cesse de répondre aux questions qu'on lui adresse : mais, plus le cercle de son activité périphérique se rétrécit, plus aussi son attention et son impressionnabilîté se concentrent sur l'expérimentateur, dont l'influence grandit proportionnellement à l'intensité du sommeil hypnotique.
Nous avions à ce moment même, sous les yeux, la démonstration expérimentale de cette influence exclusive et personnelle.
Alix était depuis un quart d'heure dans le sommeil hypnotique ; nous avions passé en revue ses divers modes de sensibilités, et constaté les échanges faciles de la malade avec chacun de nous. Brusquement, elle s'affaissa, laissa tomber sa tête et ses bras; nous dûmes la soutenir pour l'empêcher de choir de sa chaise; die était, du somnambulisme, passée à l'état léthargique.
Revenue quelques minutes après au somnambulisme, elle n'avait
plus d'échanges possibles avec toute autre personne qu'avec moi; son système nerveux se réveillait plus ébranlé, plus névrosé qu'avant cette crise. On lui parlait, elle n'entendait plus ; sa sensibilité du côté droit était très engourdie, presque éteinte ; du côté gauche, lanesthésie persistait, mais le bras était pris successivement de parésie incomplète et de contractures temporaires.
Néanmoins, elle était toujours en rapport avec moi. et obéissait servilement à tout ce que je lui ordonnais, sans plus témoigner la moindre émotion aux sollicitations qui lui étaient faites par mon entourage. Je lui disais :
D. — Entendez-vous ces messieurs qui vous parlent : Faites bien attention !...
Elle prêtait I oreille...
R. — Monsieur, je n'entends rien.
D- — Entendez-vous quelqu'un qui marche;
R. —Non.
D. — Avez-vous entendu tomber une chaise sur le parquet "r R. — Non.
Je lui parlais très bas, à voix muette, elle m'entendait très nettement... son ouïe n'était ouverte que sur moi, exclusivement.
Je cesse de l'interpeller; je me retourne vers M. X... assis derrière moi, qui lui avait, plusieurs fois, adressé vainement la parole, et je lui dis :
— Je vais vous rendre témoin d'un fait très saisissant, que vous allez expérimenter vous-même : mais ne m'en demandez pas l'explication, car, scientifiquement, je ne saurais vous la donner.
Voici ma main gauche que je place derrière mon dos, à votre disposition, et bien à l'insu de la malade : ma main droite repose sur celle de la jeune fille; considérez-moi comme un fil télégraphique dont vous vous servirez quand vous voudrez entrer en communication avec elle, en touchant du doigt ma main, quand vous voudrez lui parler. Faites et agissez comme si je n'étais qu'un simple moyen de transmission entre elle et vous...
M. X... commence l'expérience... Il adresse diverses questions à Alix, qui n'entend pas et ne répond rien : dés que M. X... se met au contact de ma main, elle répond à toutes les questions qui lui sont faites. Vingt fois l'expérience est répétée, tantôt affirmative, tantôt négative, suivant que M. X... touchait ou ne touchait pas ma main. Qu'il baissât ou qu'il haussât le timbre de sa voix, es résultats étaient invariablement les mêmes, répondant en tous points à I hypothèse qui avait réglé les conditions de cette expérience, faite pour la première fois sur elle il y a quatre ans.
Quand, pour la première fois, il y a environ 12 ans, j'observai ce fait de transmission, mon premier mouvement fut de me mettre en garde contre le phénomène que j'avais sous les yeux, et de tenir
pour suspectes mes propres impressions; sage et prudente réserve, mille fois justifiée par l'anomalie d'un fait que les lois connues de la physiologie ne pouvaient expliquer. Je le gardai Jonc dans ma mémoire comme question à étudier, me proposant de l'expérimenter de nouveau chaque fois que j'en aurais l'occasion, en m'entourent des précautions les plus minutieuses. Depuis cette époque, je l'ai vu se reproduire un très grand nombre de lois, dans la période de concentration des grands hypnotiques, sans que les malades en observation aient pu se douter de la direction de nos expériences, non plus que concourir sciemment ou inconsciemment au résultat que nous voulions atteindre !
11 est cependant une remarque importante à signaler, c'est que ce mode J'influence que nous avons si souvent employé comme moven de transmission des impressions auditives, présente parfois, chez certains malades, quelques variantes dans ses applications. Nous avons vu la sensation auditive se produire au simple contact de la main de l'expérimentateur avec la main de l'hypnotisé, sans qu'aucun rapport immédiat existât avec la tierce personne, et la communication rester complète aussi longtemps que durait ce contact. Mais si l'expérimentateur, s'effaçant complètement, mettait la tierce personne seule au contact direct de l'hypnotisé, aucune sensation auditive ne se manifestait de ce fait, l'ouïe restait fermée jusqu'au moment où l'expérimentateur revenait personnellement établir de nouveau le contact entre eux. Ces diverses expériences sur l'ouïe, au sujet desquelles j'appelle de nouvelles recherches, et dont la constatation toujours facile sur les sujets susceptibles de les produire repose sur l'étude clinique la plus circonspecte, sont le témoignage de l'influence dominatrice que l'hypnotiseur exerce sur les diverses modalités nerveuses de l'hypnotisé.
Je me crois donc autorisé â inscrire ces faits de transmissions auditives à côté des transferts de sensibilités, des anesthésies et hyperesthésies expérimentales qui. bien qu'échappant, quant à présent du moins, à toute interprétation scientifique, n'en sont pas moins cependant des vérités acquises, ciiniquemenl établies jusqu'à démonstration contradictoire empruntée à l'observation directe, ou à la physiologie.
Les troubles fonctionnels des organes des sens étudiés chez les grandes hypnotiques, présentent les mêmes modalités que les •verses perturbations des sensibilités périphériques, que les dissociations qui se produisent dans l'exercice des facultés intellectuelles et affectives, c'est-à-dire qu'ils se traduisent par l hyperes-thésie. avec exaltation de telles d'entre elles, et par la dépression de telles autres allant jusqu'à l'affaissement.
L'intensité de ces phénomènes de désequilibration psycho-sensorielle, toujours proportionnelle au degré de l'hypnose et à
l'isolement plus ou moins ^rand du malade dans ses échanges avec le monde extérieur, réalise son maximum de développement dans l'état de fascination. Le malade fasciné, devenu instrument aveugle, incapable de tout acte spontané, debout, l"œil immobile et fixe sur l'expérimentateur, toujours prêt à exécuter ses ordres, ne voit plus, n'entend plus que lui. De toutes les tormes de l'hypnose, celle-là. la plus émouvante, la plus constante dans son expression, la plus incontestable dans sa réalité, est assurément le meilleur champ d'exploration pour l'étude des phénomènes sensoriels que nous voulons plus particulièrement examiner.
Après la malade si intéressante que nous avions tout à l'heure devant nous, qui nous a présenté ces faits remarquables de transmission auditive, je vais vous entretenir d'une autre malade que j"ai eue longtemps dans mon service à l'hôpital Saint-Antoine, en 188t.
C'était une jeune femme de 26 ans, qui m'était venue à l'occasion d'une ovarîte grave avec désordres menstruels ; elle était hystérique à grandes convulsions, et présentait les troubles de la fascination au maximum de développement, sans jamais cependant avoir été hypnotisée, m'affirmait-elle. 11 suffisait de fixer un instant les yeux sur elle, pour qu'aussitôt elle s'attachât à vous, vous suivît où et quand même, renversant tous les obstacles, les personnes et les choses. Son entraînement n'était point la résultante d'une influence personnelle à tel ou tel. il s'appliquait à qui que ce soit d'entre nous qui prenait son regard, l'entraînait dans son mouvement : comme ¡1 arrive, du reste, à tous les fascinés que j'ai connus jusqu'à ce jour.
Cent fois nous avions expérimenté chez elle les laits de transmission auditive dont je viens de vous parler, et toujours avec des résultats identiques à ceux dont nous venons d'être témoins.
Les troubles multiples des sens, et particulièrement de la vue, chez cette jeune malade, ont été pour nous, pendant plusieurs mois, l'objet d'une étude suivie, et d'une longue observation recueillie parle D' de Molènes, mon interne en 188t. J'extrais de cette observation, qui n'a jamais été publiée, les quelques pages relatives à l'état spécial des organes des sens, et je vous les présente telles qu'elles ont été écrites à cette époque où l'hypnotisme n'avait point encore la laveur du jour.
Tous ses sens sont fermés aux impressions du dehors, quelles qu'elles puissent être, et ne s'ouvrent que selon la volonté de la personne sous l'influence de qui Marie est placée.
Voici, à cet égard, quelques expériences répétées maintes et maintes l'ois, que nous avons vues se reproduire toujours invariablement semblables à elles-mêmes.
Marie ne voit, n'entend, ne sent que quiconque l'a endormie,
ou sous l'influence de qui elle se trouve actuellement. Elle répond rapidement à toutes les questions qu'on lui adresse, le plus souvent avec impatience, mais avec la précision la plus grande, absolument comme quand elle est éveillée.
Si l'observateur s'éloigne d'elle, et lui intime un ordre à voix basse, assez basse pour que les assistants qui sont près de la malade ne puissent l'entendre. Marie l'entend de suite, et l'exécute immédiatement.
L'hyperesthésie auditive est des plus manifestes, mais ne s'applique uniquement qu'à l'expérimentateur ; qu'un des assistants lui parle, l'interpelle, lui dise des choses agréables ou désagréables, elle ne répond pas. n'entend pas; qu'on insiste, qu'on crie fort, qu'on la secoue violemment, rien n'y fait, elle reste à l'état de corps inerte.
— Entendez-vous ces messieurs qui vous parlent, qui vous demandent ceci, cela r lui dit M. Mcsnet.
¦ — Non. répond-elle, je n'entends absolument rien ; ces messieurs ne me parlent pas.
— Entendez-vous ces clefs ? dit M. Mesnet, en agitant légèrement un trousseau de ciels.
— Oui. dit Marie.
Mais si M. Mesnet les passe à un des assistants qui les agite violemment. Marie ne les entend plus.
- L'application exclusive de l'ouïe de la malade peut être, au gré de l'expérimentateur, reportée sur tel ou tel des assistants, à cette condition qu'une de ses mains sou au contact de Marie, et l'autre au contact de la tierce personne. Faites durer le contact. Marie entend tout ce que dit la tierce personne, et lui répond exactement:— supprimez-le. elle n'entend plus rien et reste bouche close. Nous avons pu, moyennant des interruptions souvent répétées, ne lui laisser entendre que des mots isolés, des fragments de phrases, véritables propos incohérents dont elle paraissait surprise. C'était la première fois que nous tentions près d'elle ce fait de transmission, elle ignorait donc complètement le but et la direction de notre expérience, et ne pouvait, par conséquent, être mise en doute dans sa sincérité ! J'avais là sous les yeux une nouvelle édition de ce fait de transmission auditive que, deux ans avant, en 1879, j'avais observé chez un autre hypnotisable. Didier, dont l'histoire est devenue célèbre dans les fastes judiciaires.
Il en est de la vue comme ce l'ouïe : Marie ne voit exclusïve-mentque ce que touche l'expérimentateur: des expériences renouvelées à l'infini le démontrent péremptoirement.
Je lui demande ce qu'elle voit sur la table ?
R. — Je ne sais pas, dit-elle. Vous savez bien que je ne vois pas!
J'insiste !...,Elle me répond avec une expression de doute très marquée:
— Il peut y avoir tels, tels objets, et elle m'énumère un à un tous les objets qui s'y trouvent habituellement, sans en excepter ceux que nous avions préalablement retirés.
Sa réponse n'avait évidemment pour guide que sa mémoire, et non l'application de sa vue aux objets actuellement sur la table.
— Regardez bien, dis—je à Marie, qui me fixait toujours avec son immobilité marmoréennne, et, tout en disant, j'approchais mon doigt indicateur de la table en question, qu'elle ne voyait même pas. Dès que mon doigt touche un objet : C'est telle chose ! exclame Marie; dès que mon doigt ne touche plus, elle ne voit plus; et. en effet, si je lui dis de prendre l'objet qu'elle vient de voir, elle me répond qu'il n'y est plus ; elle ne le voit plus, à moins que je ne le touche de nouveau.
Le même fait se reproduit pour tous les corps, quels qu'ils soient, animés ou inanimés.
— Regardez Monsieur, dis-je à Marie, en la plaçant dans la direction d'un de mes élèves qu'elle connaît bien...
D. — Le voyez-vous, le reconnaissez-vous? R. — Je ne vois rien.
Je le touche du bout du doigt, en un point quelconque de la personne, sa main, son front, sa barbe...
— C'est Monsieur un tel, dit aussitôt Marie.
Pendant son sommeil, elle est presque toujours impatiente, grince des dents, frissonne, se plaint souvent d'avoir ia bouche sèche. Tel jour je fais apporter â son insu plusieurs verres contenant, l'un de l'eau, l'autre de la bière, un autre du lait, un quatrième de l'eau très fortement vinaigrée. Tous ces verres sont placés sur la table ; ils sont devant elle, elle ne voit ni la table m les verres.
Je lui dis :
D. — Vous semblez avoir grand soif, prenez un des verres. R. — Il n'y en a pas!
Je touche l'un d'eux, elle le saisit avec avidité. le porte précipitamment à ses lèvres, et avale d'un trait tout le contenu, sans savoir ce qu'elle boit.
Je lui fais présenter un second verre par mon interne, qui le met devant ses yeux, au contact de ses lèvres, sans qu'elle le voie ni le sente.
D. — Vous n'avez plus soif: lui dis-je. R. — Oh si !...
D. — Prenez le verre qui vous touche le menton. R. — II n'y en a pas.
Je touche rapidement le verre — elle le voit, veut le saisir... et.
s'arrête brusquement. —Je n'étais plus au contact, elie ne le voyait plus.
Je porte de nouveau le doigt sur le verre, elle s'en empare. Au moment où elle boit, je lui dis : Arrêtez !... et. malgré sa soif, elle cesse de boire, et reste immobilisée le verre entre les lèvres.
L'occasion était belle de tenter sur la vue une expérience de transmission semblable à celle que. les jours précédents, j'avais essayée sur l'ouïe.
Mon interne avait pris un troisième verre, qu'il tenait devant ses yeux, au contact de ses lèvres comme le précédent ; elle était, comme tout à l'heure, insensible aux excitations qu'on lui faisait. Elle ne voyait ni interne, ni verre ! Je prends la main de Marie, et à un moment quelconque je touche de mon autre main mon interne qui me tournait le dos ; aussitôt elle saisit le verre avec le même entrain, la même précipitation, et le boit d'un seul trait.
Cette expérience répétée itérativement un grand nombre de lois nous a constamment donné les mêmes résultats : je l'ai depuis retrouvée chez d'autres hypnotiques toujours semblable à elle-même ; elle peut donc être considérée comme un fait du même ordre que les transmissions auditives, appartenant comme elles aux perturbations nerveuses du grand hypnotisme.
L'exercice partiel des sens, limité aux seules personnes, aux seuls objets avec lesquels l'hypnotisé est mis directement en rapport par l'expérimentateur, est un fait commun à la plupart des somnambules arrivés au sommeil profond et qui peut être considéré comme constant chez les fascinés, dont l'état représente le summum de puissance de la concentration mentale.
En voici encore quelques exemples empruntés à l'observation de Marie :
D. —Je lui demande de recoudre le bouton de ma toque qui ne tenait plus cjue par un fil !...
R. — Monsieur, donnez-moi du filet une aiguille?
J'avais fait placer ces deux objets sous ses yeux, sur la table prés de laquelle nous étions assis.
Elle ne les voyait pas !
Je porte le doigt sur l'aiguille, qu'elle saisit: de même pour le fil qu'elle prend de son autre main.
D. — Je lui commande d'enfiler l'aiguille.
Elle se retourne vers moi qui étais assis du côté opposé à la fenêtre, et dirige dans la direction de mes yeux le chas de son aiguille, dans lequel elle introduit le fil facilement.
Je retire le fil de l'aiguille, ce qui lui produit un vil" mécontentement, qu'elle exprime du geste et du regard.
D. —Je lui commande de nouveau d'enfiler l'aiguille!
Elle se remet à l'oeuvre comme la première fois ; un de mes
élèves interpose un journal entre l'aiguille et mol: elle s'irrite, déchire le journal, et opère de nouveau comme si la lumière lui venait de mon côté.
Jecessai pendant un quart d'heurede m'occuper d'elle, l'abandonnant à ses propres ressources. Elle resta immobile, les deux bras levés tenant le fil dans le cnas de l'aiguille, l'œil fixe sans clignement et sans larmes, dans l'inertie phvsique et morale la plus complète. Chacun des assistants lui adressait la parole sans l'émouvoir, et la trouvait insensible à toutes les stimulations qu'on lui faisait.
L\ — Je l'interpelle de nouveau :
Que laites-vous ainsi?.. Cousez donc le bouton de ma toque K. — Où est-elle, votre toque :
Elle était sur ma tête : elle la saisit, et ne peut faire la couture qu'à la condition que ma main ne quitte pas l'objet. — s'arrêtani. aussitôt que je la retirais.
Pendant qu'elle cousait ainsi avec activité, je poussai la pointe de son aiguille vers l'index de sa main gauche qui tenait l'objet : elle traversa le bout de son doigt sans s'en apercevoir, et continua son couvre tout en cousant -on doigt à plusieurs tours de fil.
Elle nous donnait ainsi la mesure de la perte de ses sensibilités périphériques dont nous avions eu du reste, quelques jours avant, une preuve plus convaincante encore, en lui voyant au bras une brûlure profonde, large de 5 à 6 centimètres, quelle s'était faite sur la plaque rougic du fourneau de l'office, et dont elle n'avait eu connaissance que le lendemain, par la déclaration d'une autre malade, sa voisine.
Marie était particulièrement intéressante par les manifestations rapides de son intelligence, par ses réponses nettes et précises, pendant son sommeil hypnotique.
Chaque jour elle nous donnait la preuve : de la lucidité de son esprit ; d'une certaine somme de volonté (toujours impuissante, il est vrai, devant l'opposition de son contradicteur : d'appréciations assez justes quand nous faisions appel à son jugement; mais tout cela n'existant qu'à la condition de provocations directes et personnelles ; il y avait, comme complément à cette étude psychologique, ù déterminer quel était le degré d'obtusion de ces mêmes facultés quand la malade, toujours à l'état d'hypnotisme, abandonnée à elle-même, restait sur son propre fonds, sans aucun appel extérieur *aît à son activité mentale.
Marie était assise devant une table sur laquelle étaient disposés tous le-, objets nécessaires pour écrire. Je lui demande de m'éenre quelque ehose soit pour moi, soit pour sa mère, ou toute autre personne.
Elle proteste, s'impatiente, et dit qu'elle ne peut pasl qu'elle ne veut p-i;î Elle procède par négation, comme elle a l'habitude
de le faire chaque fois qu'on lui demande quelque chose qui lui est désagréable.
J insiste... elle refuse... J'insiste encore... elle cède. D. — Où est la plume? me dit-elle brusquement. Elle était devant elle, elle ne la voyait pas... je la touche du doigt, elle s'en empare.
D. — Allons, écrivez!... lui dis-je.
Elle résiste encore, frappe du pied, grince des dents, et me dit sèchement : (Je transcris textuellement ses paroles.)
« Vous savez bien que je ne peux pas écrire:... je le voudrais, » que je ne le pourrais pas:... je n'ai pas d'idées, aucune... » aucune idée:... dites-moi ce qu'il faut écrire, je vais le faire ; » mais ne me demandez pas une idée à moi... je n'en ai pas!
D. —. Ce que je vous demande est bien simple; vous avez bien quelque chose à dire à votre mère?
R. — Je ne trouve rien... je n'ai rien '.
D. — Et à moi r
R. — Rien non plus, si vous ne me parlez pas.
Elle prend une feuille de papier sur laquelle j'ai porté !e doigt sans la prévenir: elle met sa plume sur le papier, prête à écrire, et reste là. immobile, les yeux fixés sur moi.
D. — Commencez donc...
R. — Je n'ai pas de papier...
Je touche de nouveau la feuille, qu'elle voit dans sa :r«a!n avec étonnement.
D. — Ecrivez... je ne sais pas... Ecrivez : Monsieur.... Elle commence, et écrit sous ma dictée :
Monsieur, je voudrais bien vous écrire, mais je ne puis ie taire. » parce que je n'ai pas d'idées à moi ! >
Elle signe... elle date du 29 mars 1882. Pendant qu'elle écrivait, je lui dictais chaque mot : si je m'arrêtais, elle s'arrêtai;: si je cessais de toucher le papier, elle cessait à l'instant d'écrire.
Elle accomplissait évidemment un acte mécanique auquel son intelligence et sa spontanéité étaient complètement étrangères : son nom est le seul mot qu'elle ait écrit de son propre mouvement.
Avant de quitter la salle, je l'éveillai, et lui mis sous les yeux la feuille qu'elle venait d'écrire: elle eut une grande surprise, et ne crut à nos affirmations qu'en voyant sa signature, sans comprendre ce que cela signifiait.
Cette expérience si simple dans sa forme,si nette dans sa concision, répond de la manière la plus démonstrative à cette question que nous nous adressions tout à l'heure : Quel est le mode de perturbation que l'hypnose détermine dans l'ensemble des facultés mentales, chez ces malades, à l'état de somnambulisme complet, ou de fascination, tels que nous venons de les examiner? \ L'effet évident, incontestable est l'incapacité absolue du malade
à produire un acte spontané et volontaire : ses facultés et ses sens, qui n ont plus de manifestations extérieures, semblent frappés d'inhibition par le choc de l'acte hvpnotique. Vous l'avez devant vous immobile dans un état d'abandon personnel qui le laisse sous la dépendance absolue de l'expérimentateur dont il attend un mot, un geste, une provocation quelconque pour entrer aussitôt en action-Plus est grande ta concentration mentale de l'hypnotisé, plus est grand aussi l'abandon de sa personnalité, qui n'a plus qu'un seul point d'attache avec le dehors, l'expérimentateur !
De même que le choc de l'hypnose a produit rinhibition des centres psycho-sensoriels, de même l'influence excito-motrice de 1 expérimentateur détermine des phénomènes de dynamogénie, c'est-à-dire de réveil avec augmentation d'énergie de ces mêmes centres.
Hyposthénie et hyperesthésie sont bien, en réalité, les deux termes extrêmes de ces singulières perturbations nerveuses que Brnwn-Séquard a très judicieusement comprises sous les noms d'inhibition et de dynamogénie ! Quelle autre interprétation pourrions-nous, en effet, donner aux faits consignés dans cette étude, tels que :
— La finesse extrême de l'ouïe ;
— La perception visuelle limitée aux seuls objets que touche la main de l'expérimentateur ;
— Et. plus particulièrement encore, l'exercice complet de ces deux sens appliqués à une tierce personne, moyennant l'influence du contact physique et matériel de rexpérimeniateur, servant d'agent de transmission entre l'hypnotisé et la tierce personne: toute action suggestive, de quelque nature que ce soit, étant rigoureusement exclue.
J'insiste sur ces faits, peu étudiés jusqu'à ce jour, que j'ai contrôlés cent fois dans mes recherches cliniques, et qui offrent toutes les garanties d'une rigoureuse observation.
Je termine en signalant un dernier caractère propre à ce genre de névroses, je veux parler de la transmission facile à une autre personne de l'assistance, de l'influence hypnotique que l'expérimentateur exerce actuellement sur son sujet ; qu'au moment même où il le domine de toute son autorité, il détourne avec sa main le regard du fasciné et le porte doucement sur les yeux d'un assistant, â l'instant la concentration se fait, et le sujet, tout entier à son nouveau possesseur, ne voit plus, n'entend plus, ne connaît plus celui qui, tout à l'heure, disposait de lui à son gré.
Chez le somnambule complet, qui présente sensiblement les mêmes caractères d'isolement et de personnalité, mais dont les yeux sont convulsés et les paupières closes, qu'un assistant place sa main étendue sur le front du sujet et la laisse au contact im-
médiat de sa peau pendant quelques instants, la prise de possession s'opère exactement dans les mêmes conditions que précédemment : une légère secousse musculaire, une inspiration plus large et plus profonde indiquent le moment de la transmission de l'influence nouvelle qui vient de se faire aux dépens du premier expérimentateur, devenu aussitôt un étranger, une chose, un objet que le sujet ne connaît plus.
Ces mutations faciles, indéfiniment renouvelables sur quinze, vingt personnes successivement, se répétant invariablement semblables à elles-mêmes sur tous les hypnotiques susceptibles de les produire, témoignent de la mobilité extrême de tous ces troubles dynamiques, qu'un souffle peut faire disparaître, ou qu'une suggestion criminelle peut conduire aux actes les plus déplorabies.
OES HALLUCINATIONS SUGGÉRÉES A L'ÉTAT DE VEILLE
Par Évite YUNG
PROIFS&EUR * L'UJtlVEBtlTÉ DE G Eft TE
A la suite d'un nombre immense d'observations. nous savons quefles hallucinations proprement dites, c'est-à-dire les perceptions de sensations n'ayant aucune réalité extérieure, les perceptions sans objety selon la définition de M. le professeur Bail, peuvent être provoquées chez les hypnotisés d'une façon à peu près illimitée. Il en est de même, quoique à un moindre degré, chez i'homme à l'état de veille. Je considère les hallucinations produites chez ce dernier comme la forme embryonnaire des phénomènes de même ordre provoqués chez l'homme dormant du sommeil hypnotique.
Depuis dix ans, j'ai recueilli plus de mille observations à l'appui de cette thèse. Je me propose d'en donner ici un résumé général, me réservant d'entrer dans de plus amples détails dans un travail ultérieur, qui sera précédé de l'historique de la question. D'ailleurs, une partie des faits auxquels je vais faire allusion ont déjà été publiés
(j£i> E. Yuhg, Des Erreurs de nos sensations. Contribution à Vètude de l'illusion et de rhallucination {Archives des sciences physiques et naturelles. 3« période, t. ix-1883).
Pour le moment, et en manière d'introduction, je me contenterai de rappeler quelques faits bien connus. Les perceptions dans certains états mentaux, dus à une surexcitation des centres percepteurs, sont complètement disproportionnées avec l'excitation périphérique. L'attente d'un phénomène réduit à un minimum le degré d'intensité de l'excitation que doit produire ce phénomène pour qu'il soit suivi de perception, o Quand l'attente est extraordinairc-meni vive, dit M. James Sully (t). elle peut suffire à produire comme le simulacre d'une sensation réelle. C'est ce qui arrive, quand les circonstances actuelles nous suggèrent l'idée de quelque événement immédiat. L'effet est surtout puissant, dans le cas où l'objet ou l'événement attendu est de nature à intéresser ou à exciter, parce qu'alors l'image mentale gagne en intensité grâce à l'excitation émotionnelle qui l'accompagne. » v, j
Nous sommes constamment exposés à des erreurs sensationnelles. « Nos erreurs, nos illusions, nos hallucinations, dit M. le professeur Bernheim (2), ne sont pas toutes spontanées, nées en nous-mêmes, mémoratives ou consécutives à une impression sensorielle défectueuse ; elles peuvent nous être suggérées par d"autres personnes ; notre cerveau, parfois, les accepte sans contrôle.
» Car, n'avons-nous pas tous, à un degré variable, une certaine crédivité qui nous porte à croire ce qu'on nous ditr.^/l
» Notre première impression, quand une assertion est formulée, c'est de croire ï l'enfant croit ce qu'on lui dit. L'expérience de la vie. l'habitude de rectifier les erreurs journalières qu'on veut nous imposer, la seconde nature que l'éducation sociale nous inculque, affaiblit peu à peu cette crédulité native, naïveté du bas figc-xf/Ze' survit toujours dans une certaine mesure, comme tous les sentiments innés dans l'âme humaine. Dites à quelqu'un : « Vous avez une guêpe sur le front : » machinalement, il y porte la main ; il est même des personnes qui croient en sentir la piqûre. »
Oui, la crédivité persiste durant toute la vie dans une large mesure, elle se rencontre chez tous les individus à des degrés divers, plus forte chez les enfants et les femmes que chez les nommes adultes; plus intense également chez les ignorants, les simples d'esprit, que chez les savants et particulièrement chez ceux dont le sens critique a été aiguisé par des recherches expérimentales.
Elle s'exagère chez tous, dans certains étals d'esprit qui sont, dans la plupart des cas, mais pas toujours, la condition nécessaire
(i) J*mes Sully, Les Illusions des sens cl de l'esprit (Bibliothèque scientifique internationale, Piri», i)*8ï, p. 78).
(?) Bl hc la Suggestion. p8iïs. |886, p. i44.
pour la réussite des expériences dont il va être question. Ces états d'esprit sont provoqués par l'opérateur. Ce dernier doit jouir d'une certaine autorité ; il doit affirmer avec chaleur, pour entraîner la conviction. Son succès sera d'autant plus vif et plus général, qu'à l'instar de certains magnétiseurs, il saura mieux s'envelopper d'une auréole de mvstère.
Dans notre laboratoire de microseopie. j'ai souvent répété l'expérience que voici : Je fais dessiner aux élèves des test-objets, des diatomées, par exemple. Vous trouverez là-dedans, leur dis-je en leur remettant une préparation, des diatomées fusiformes. Soyez attentifs à tel eu tel détail de structure: vous devez voir telle ou telle conformation— je la précise — et vous dessinerez exactement ce que vous verrez. Au début, les élèves voient et représentent ordinairement tout ce que je leur ai ainsi verbalement annoncé, détails qui, d'ailleurs, existent réellement et sont plus ou moins facilement perceptibles. Mais, après quelque exercice de ce genre, il en est peu qui ne représentent au crayon la forme et les détails de structure d'un test-objet, purement imaginaire, que je leur décris avec toute l'autorité que peut avoir un professeur sur ses élèves. Je mets entre leurs mains une préparation microscopique, bitumée, étiquetée, semblable en tous points aux précédentes, mais qui en diffère en ce qu'elle ne renferme rien du tout. Cela ne les empêche pas de voir et de dessiner l'objet imaginaire dont je leur ai affirmé l'existence. Je possède ainsi une collection d'une trentaine de dessins représentant des objets microscopiques (une diatomée rectangulaire ornée de striations obliques sur la plupart) qui n'ont jamais existé ailleurs que dans l'imagination des auteurs de ces dessins.
Voici une autre expérience du même genre. Il m'est arrivé, il y a quelques années, alors qu'une grande comète dont chacun se souvenait pour l'avoir parfaitement vue à l'œil nu, n'était plus visible depuis six semaines, d'affirmer devant six personnes cjue je la voyais encore. J'affirmai avec beaucoup de précision, désignant en même temps le point du ciel où je prétendais voir la comète. Trois des personnes présentes finirent, à force d'attention, par l'apercevoir, telle que je la leur décrivais, mais vaguement ; l'une d'entre elles, cependant, la vit assez nettement pour que. sur ma prière, elle pût la dessiner, non telle qu'elle l'avait réellement vue quelques semaines auparavant, mais telle que son imagination excitée et dirigée par mes affirmations la lui montrait. Je conserve, naturellement, ce dessin.
Je priai alors un de mes amis, attaché à un observatoire astronomique, de répéter cette expérience sur le plus grand nombre possible de visiteurs. Il tenta la chose sur douze personnes, sans réussir complètement. Huit de ces personnes virent la comète imaginaire, sans qu'aucune pût la dessiner. Trois personnes
avouèrent « qu'il leur semblait bien voir quelque chose de lumineux, mais qu'elles n'en étaient pas certaines >. Une seulement, sur douze, s'obstina à répondre « qu'elle n'apercevait rien du tout m.
Du reste, mon ami n'était pas très persuasif, qualité qui doit absolument se rencontrer chez l'opérateur et qui est l'une des conditions sine quà non de la réussite de telles expériences.
Je rapprocherai de ces hallucinations visuelles, beaucoup plus faciles à mire naître qu'on ne le pense communément, les deux faits suivants bien connus, concernant l'ouïe et le goût.
Vous annoncerez subitement, au milieu d'une société, que vous entendez sonner les cloches, ou hurler un chien ou chanter un oiseau, alors qu'aucun bruit ne parvient à vos oreilles. Immédiatement un certain nombre des assistants confirment, de bonne foi. votre dire. Non seulement ils croient entendre, mais ils entendent, ainsi que le prouvent les réflexions dont ils accompagnent leur témoignage, et surtout les actes que parfois le bruit imaginaire leur fait commettre. Ainsi, un étudiant sortit en toute hâte de mon laboratoire, parce qu'à ma suggestion, il entendait sonner le tocsin et que. par une association d'idées toute naturelle, il craignait que le feu ne fût chez lui. Une fois dehors, je le rappelai, lui avouant que je l'avais induit en erreur: mais ce fut en vain: il entendait encore sonner le tocsin, et ce ne fut guère qu'une minute plus tard, au bout de la rue. que son hallucination cessa.
A table, vous affirmez que le potage possède un goût particulier, ud goût de « brûlé » par exemple ; du même coup, un certain nombre de convives éprouvent la sensation de ce goût particulier, sans que celui-ci reconnaisse aucune cause objective. Chacun a pu vérifier cette observation en la variant à l'infini. Je n'insiste pas à son propos, parce qu'il s'agit ici plutôt d'une illusion que d'une hallucination proprement dite.
Mais ce sont bien de pures hallucinations que je vais signaler, des hallucinations qui se produisent d'autant plus sûrement, en vertu de la remarque faite plus haut, que la suggestion en est accompagnée d'une apparence de mystère.
Appelons cela fexpérience de la carte magnétisée.
Vous amenez habilement la conversation sur les tours qu'exécutent les magnétiseurs : vous en racontez, au besoin, que vous choisissez parmi les plus merveilleux, afin d'exciter l'intérêt ; puis, vous adressant au plus sceptique de vos interlocuteurs, vous lui oflre* de procéder à une expérience très simple, destinée à le convaincre. Ce préambule, qu'il est loisible de varier comme on l'entend, n'a d'autre but que d'aviver l'attention, et. par là, de préparer â l'hallucination. Remarquons que les magnétiseurs de profession sont féconds en inventions de ce genre ; sans le paraître, ils amènent leurs auditeurs à admettre tout ce qu'ils leur racontent et.
dans cet état de crédivité. à sentir tout ce qu'ils leur suggèrent.
Je prends ensuite dans un jeu huit cartes quelconques et je les dispose sur une table selon une certaine figure à laquelle, sans dire pourquoi, j'attribue une importance capitale, mystérieuse et incompréhensible, me promettant d'ailleurs de l'expliquer l-Ius tard. Cette figure correspond, comme le montre le dessin ci-joint.
à la figure humaine (i carte pour le front, 2 pour les yeux, 1 pour le nez, 2 pour les oreilles. 1 pour la bouche et 1 pour le menton). Puis, après avoir simulé de me mettre en communication fluidique avec le sujet choisi. — une personne quelconque, quelque sceptique soit-elle, — je lui applique la main sur le front ou j'exécute auelque autre simagrée du même genre et je le prie de toucher, à mon insu, l'une des cartes de la figure. Afin de le convaincre que je ne vois pas ce qu'il fait, je sors de la chambre pendant qu'en la touchant, il « magnétise » la carte.
A mon retour, l'une des personnes présentes, que j'ai soin d introduire dans le secret, me signale immédiatement la carte touchée en se grattant (sans qu'aucun des assistants y prenne garde, puisque aucun ne soupçonne ma bonne foi) la partie correspondante, nez, menton, œil, etc., de son propre visage.
Etant ainsi renseigné et sûr de mon fait, je joue une innocente comédie (une certaine mise en scène est, je le répète, nécessaire) qui consiste à prétendre que je vais retrouver la carte soi-disant magnétisée, grâce à une sensation, attraction, souille, tremblement, odeur, etc., qui me sera communiquée par le « fluide » déposé inconsciemment sur la carte par mon sujet. Je passe la main, en effet, ou le nez sur chacune des cartes, et, parvenu à la carte qui m'a été signalée par le compère, je simule de percevoir la sensation annoncée. Comme je ne me trompe jamais, chacun
est 1res surpris du succès remporté. Comment est-il donc possible que le fait d'avoir posé les doigts pendant un instant sur cette cane ait suffi pour lui communiquer un tel pouvoir : C'est à n'y pas croire !
Jusqu'ici, l'expérience ne présente aucun intérêt scientifique. C'est un joli tour de cartes et voilà tout. Je dirai même que c'est un tour de canes ancien et connu de beaucoup de gens. II ma été montré pour la première fois par mon savant ami. M. le D' Léon Frédéricq. professeur de physiologie à l'Université de Liège, lequel a été témoin de quelques-uns des résultats relatés plus loin. Mais je ne sache pas qu'on l'ait fait servir jusqu'ici à des expériences méthodiques. Continuons donc l'expérience.
Toutes choses étant en état, je prie mon sujet émerveillé, et encore quelque peu incrédule, de s'assurer par lui-même de la réalité de la sensation. Je le fais sortir â son tour, le prévenant qu'en son absence je magnétiserai l'une des canes, il va sans dire que je ne magnétise rien du tout, je m'abstiens même de toucher aucune des canes. Le sujet, rappelé, imite alors la recherche qu'il m'a vu faire, il est attentif à la sensation que je lui ai annoncée et toujours, ou presque toujours, il l'éprouve, puisqu'il signale une cane. Il devient de la sorte le sujet d'une véritable hallucination, car il prétend ressentir la secousse, le tremblement, la démangeaison que je lui ai suggérée, sans qu'aucune des cartes puisse en être la cause.
Si toutes les autres personnes présentes s'accordent à lui certifier que la carte sur laquells il croit avoir éprouvé la sensation est bien celle que je suis censé avoir magnétisée, il se persuade dans son idée et je peux alors lui faire répéter plusieurs fois la même expérience avec un succès toujours croissant. Il en vient à éprouver rapidement et intensivement la sensation, tandis qu'au premier tour celle-ci n'est jamais que légère et quelque peu incertaine.
Je prie les savants qui voudront bien répéter cette expérience, de ne négliger aucune des conditions que je viens d'indiquer : ils se convaincront alors de la facilité avec laquelle on provoque,chez à peu près tout le monde, les hallucinations les plus variées, et ils seront étonnés de l'intensité vraiment extraordinaire qu'atteignent ces hallucinations chez certains sujets, ceux particufièrement qui ont été soumis préalablement à des pratiques hypnotiques. Mais, je le répète encore et j'insiste sur ce point, je ne parle ici que d'expériences tentées sur des personnes à f état de veille et que je n'avais, personnellement, jamais endonnies du sommeil hypnotique.
(A suivre.}
UN CAS DAUTO-H YPNOTISATION
Observants de M. le professeur FORF.L, de Zurich
Une après-midi, étendu sur un canapé, après m'êire endormi et réveillé plusieurs fois, je tombai dans un sommeil tout particulier et que je connaissais bien pour en avoir été la proie plusieurs fois dt.ii. et pour ne l'avoir surmonté qu'avec les plus grands efforts. Je parvins pourtant a m'éveiller et allai me placer sur un fauteuil ou ces mêmes phénomènes se reproduisirent.
J'étais accoudé sur le bras droit du fauteuil et la tête posée sur la main droite. Je ne pouvais que très peu remuer le bras gauche, qui était pourtant complètement libre, et quels que fussent mes efforts, il m'était impossible d'augmenter l'intensité de ce mouvement, que je répétais d'ailleurs autant que je voulais. Je parvins à ouvrir les veux, ce qui me permit de me convaincre de la réalité du mouvement signalé ci-dessus: j'avais le reste du corps complètement paralysé. Enfin, j'arrivai à faire un mouvement de tête de droite 4 gauche; mais à reine la main droite eut-elle été rendue libre par ce déplacement, qu'elle se porta un peu en avant (probablement par suite de l'élasticité du coude qui n'était pins contre-balancée par le poids de la tête). Aussi, quand ma tête, que je pouvais aussi déplacer de gauche a droite, revenait à sa position primitive, mon œil droit venait s'appliquer sur le métacarpe de mon pouce droit. Je recommençai ce mouvement sept ou huit fois de suite, et il me fut impossible aussi bien de me replacer dans la position primordiale que de remuer le bras droit, fût-ce d'un millimètre. De telle sorte que la seule chose qu'il m'était possible de faire, ctaît un mouvement d'oscillation de la têic. Enfin, à force d'efforts, je reconquis l'usage de mes membres, ce dont je profitai pour m'aller laver à grande eau. car je ressentais un grand malaise que ces ablutions dissipèrent, en même temps qu'elles me rendaient toute ma lucidité d'esprit.
Chaque lois qu'il m'est arrivé de tomber dans l'état que je viens de décrire, j'ai pu ouvrir les yeux et. malgré ma somnolence , me rendre compte des mouvements que je faisais ou voyais faire.
L'ouïe et la sensibilité gardaient chez moi toute leur impressionnable té ; ainsi, j entendais marcher les gens dans la rue. 'Une de me* grandes frayeurs était de voir le concierge entrer dans ma chambre et. effrayé par mon apparence cataleptique, envoyer chercher le médecin, car je ne me sentais pas en état de lui faire sentir son erreur.
De là, en partie, les efforts désespérés que je faisais pour m'éveiller. Un jour, ;e sommeillais étendu dans un fauteuil : je cherchais à me
remuer, cela me lut impossible. J'arrivai à ouvrir les yeux, et j'aperçus distinctement tous les objets environnants : la fenêtre, le jardin, les arbres; mais il m'était absolument impossible de faire le moindre mouvement. Il se passa un certain temps avant que je pusse vaincre cette paralysie par les plus vigoureux efforts.
J'ai aussi remarqué que dans de telles occasions j'étais en proie aux plus singulières hallucinations. J'entendais des Druits de pas alors que personne ne passait près de moi: je croyais în'ctre mis en mouvement alors qu'il n'en était absolument rien, et certes, il n'était guère facile de démêler le vrai du faux, surtout pour ce qui touchait les bruits de pas.
Je crois qu'une extension plus grande de cette notice n'est pas nécessaire.
Il est pour moi bien évident que j'étais auto-hypnotisé dans les circonstances que je viens de citer, et que l'auto-suggestion était d'autant plus difficile ù vaincre, que j'étais plus convaincu de sa puissance.
ÉTUDE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX EN RUSSIE
Par M. le Dr RAYMOND PBOPtsfEur. voatcE a la faculté oc taris [Suite et /in)
Les bâtiments ont été construits sous la direction de M. Kojewnîkoff, professeur de clinique des maladies mentales et nerveuses a Moscou. Ces constructions ne laissent rien à désirer, tant au point de vue de l'hygiène qu'au point de vue scientifique. Plusieurs grandes salles sont destinées aux laboratoires, aux cabinets de travail : chimie, microscopie, photographie, autopsies, amphithéâtre des cours ; logements pour les domestiques, logements vastes, éclaires et même confortables. Le bâtiment est entouré d'un grand parc. La clinique contient cinquante lits, ce qui est suttsant pour l'enseignement des maladies nerveuses.
Une autre clinique, encore en construction, se trouve à Saint-Pétersbourg (quartier de Vîborgï ; c'est le Ministère de la guerre qui en fait les frais, parce que la Faculté de médecine de Saint-Pétersbourg, qui porte le nom d'Académie militaire de médecine, est placée sous la direction de ce ministère et forme les médecins militaires.
On projette de construire à Varsovie un hôpital-clinique pour renseignement des maladies nerveuses. On vient de terminer à Kazan la construction de l'hôpital des maladies mentales et nerveuses ; cet hôpital contient trois cents lits.
L'organisation des cliniques, dans les Facultés russes. diffère complètement de l'organisation des cliniques de la Faculté de médecine de Paris.
Les hôpitaux-cliniques soni exclusivement destines aux études et à Fînstruction médicales. Les malades y sont recrutes spécialement dans e but. et leur séjour s'y prolonge autant que durent les études et les recherches que réclame la connaissance ce leur maladie; puis, lorsqu'ils ne sont plus d'aucune utilité pour les leçons. les démonstrations et les recherches de la clinique, ils sont évacués dans Icsautrcs hôpitaux, pour leur traitement ultérieur. Les vacances sont générales dans les cliniques de la Faculté; elles commencent le 20 mai. et à cette date les cliniques sont fermée*, les malades sont dirigés sur les hôpitaux de la ville et les professeurs et leurs aides sont libres jusau au 20 3oût. date de l'ouverture des cliniques. Cette évacuation des cliniques et ces vacances ont été établies dans un but économique; mais cet étal de choses n'est accepté qu'a regret par les membres du corps enseignant. En effet, dans le cours de ma mission, j'ai voulu connaître L'opinion des professeurs a ce sujet, et tous m'ont répondu que cette organisation était très préjudiciable â leurs études et à leur enseignement, et qu'ils faisaient des démarches dans le but d'obtenir la non-fermeture des cliniques pendant l'été. Pour les cliniques autres que celles des maladies du système nerveux, cette fermeture annuelle peut ne pas offrir les mêmes inconvénients: mais quand il s'agit de maladies nerveuses, c'est-à-dire de maladies le plus souvent a évolution lente, l'étude de celles-ci ne peut cire faite complètement qu'au prix d'une observation continuée pendant plusieurs années, comme on le fait à Paris. Déjà, d'ailleurs, un progrès a cet égard a été réalisé à Moscou, où la clinique des maladies mentales et nerveuses est restée ouverte pendant les vacances, et cela dès la première année de sa fondation. M. le professeur Mierjiewsky. a Saint Péicrsbourg, nous a affirmé que cet exemple serait suivi peu à peu et que la nouvelle clinique du quartier de Viborg ne sera pas fermée pendant les vacances. 11 faut remarquer pourtant que, malgré la fermeture des cliniques, on travaille beaucoup dans les laboratoires .1; ces établissements, même pendant les vacances, ainsi que j'ai pu m'en assurer.
La clinique la plus importante, en Russie, en matière d'enseignement des maladies mentales et nerveuses, et en même temps la plus ancienne, est celle de Saint-Petersbaurg ; je la prendrai comme exemple.
M. le professeur Mierjiewsky fait, par semaine, trois leçons sur les maladies mentales et nerveuses, avec présentation de malades et de préparations anatomiques, avec expériences physiologiques, s'il y a lieu; la durée officielle de chaque leçon est de deux heures.
Comme complément de l'enseignement donné * l'intérieur de la clinique ont lieu, deux fois par semaine, des consultations externes, d'une durée de deux heures chacun: ; ces consultations sont faites en présence des élèves de quatrième et de cinquième année.
Trois docents sont attachés â !a clinique des maladies mentales et ncr-
veuses, ils som les aides du professeur, complètent son enseignement et tont chacun une leçon de deux heures par semaine. Ce sont actuellement les docteurs Erliskv, Danillo et Rosenbach. Il y a donc, chaque semaine, seize heures consacrées a l'enseignement des maladies mentales et nerveuses. A cetic liste des membres du corps enseignant, il faut ajouter quatre jeunes docteurs qui. ayant le grade de privai-docents, l'ont des cours sur un sujet, de neuropathologie, qu'ils choisissent eux-mêmes.
Tout ce qui est relatif à l'enseignement clinique : salles des malades, amphithéâtres des cours, laboratoires, salles d'autopsies, etc., se trouve dans le même bâtiment, ce qui épargne à l'étudiant des pertes de temps considérables.
Les professeurs de clinique des maladies mentales et nerveuses dans les Facultés de médecine de Russie sont : MM. Micrnewsky, à Saint-Pétersbourg: Kojcwnikoff, à Moscou: Popoff. à Varsovie; Kowa-lewskv. a Karkorl: Sikorsky. a Kiew, et Bcchtercw. a Kazan. Rien qu'il n'y ait pas de Faculté de médecine à l'Université d'Odessa, on a pourtant organisé dans cette ville, sous la direction de M. le docteur Moc-zoutkowsky. privat-docent. c'est-à-dire professeur agrégé Je la Faculté de Saint-Pétersbourg, un service de maladies nerveuses très bien compris, auquel est annexé un laboratoire supérieurement installé, oh les jeunes médecins de la ville peuvent venir faire des recherches et des études. — L'Université nouvelle de Tomsk, en Sibérie, n'a pas encore de chaire pour les maladies nerveuses.
Ce qui est surtout remarquable dans l'organisation de l'enseignement des maladies nerveuses, en Russie, ce sont les laboratoires annexés aux services des cliniques. Chaque clinique des maladies mentales et nerveuses possède un vaste laboratoire, largement pourvu d'instruments et de tout ce qui est non seulement nécessaire, maïs même seulement utile pour les études et les recherches qui peuvent être faites dans le champ d'investigations qu'offrent les malades de la clinique. Ces laboratoires sont composés d'un certain nombre de salles, ordinairement spacieuses, bien éclairées et bien aérées, destinées, l'une aux recherches microscopiques, une autre aux recherches chimiques, d'autres encore a la photographie, à l'électrothérapie et à l'élcctro-diagnostic. Pour donner une idée nette de l'installation de ces laboratoires, j'ai joint ù mon rapport le plan du laboratoire de la clinique du professeur Kojcw-nikolf.
Quoique l'enseignement de la ncuropatbologic n'ait pas encore acquis une grande extension en Russie, on peut dire sans exagération que le» médecins qui *e sont occupés de cette science ont déjà fourni un nombre considérable de travaux importants sur l'anatomie. la phvsiologie et la pathologie du système nerveux. Les plus connus de ces travaux appartiennent au professeur Bcchtercw. de Kazan.
En Russie, toutes les Facultés d'une même Université, ainsi que toutes les cliniques, se trouvent réunies dans le même édifice. La nou-
velle clinique du quartier de Viborg, à Saint-Pétersbourg, fait seule exception. Cette centralisation de toutes les Facultés d'une même Université offre de grands avantages pour le* élèves et un champ d'études plus vaste, à condition, toutefois, que le nombre des étudiants d'une Université ne soit pas trop considérable. Les élèves de la Faculté des sciences sections d'histoire naturelle, de physique et de chimie peuvent assister aux cours de première année de la Faculté de médecine et réciproquement, sans être obligés, comme chez nous, de perdre du temps pour aller d'une Faculté à une autre, souvent assez éloignée. Les laboratoires, les collections et le* musées scientifiques sont, pour la plupart, communs aux deux Facultés de médecine et de sciences. Mais les laboratoire* des cliniques sont exclusivement réserves aux services de ces cliniques, à l'enseignement et aux travaux des étudiant* en médecine.
Avant de terminer ces considérations générales relatives a l'organisation de l'enseignement de la neuropathologie, je veux citer quelques publications importantes qui résument les travaux personnels de ceux qui produisent dans cene branche des sciences médicales, dette énumé-ration montrera l'importance qu'a prise, en Russie, l'étude de la neurologie.
Voici l'indication des principales publications ou journaux périodiques parus dans les trois dernières années en langue russe, publications qui, elles aussi, sont un mode d'enseignement, et des plus précieux :
[ !• Le Messager de la Psychiatrie clinique et légale et de la .\europatho-togie, sous la direction du professeur Mierjiewsky.Ce journal parait deux ou trois fois par an ; chaque numéro forme un volume de 400 à 5oo pages, contenant des travaux parus dans toutes les langues, sur la Psychiatrie et la Neurologie ;
a" Les Archives de Psychiatrie, de Neurologie et de Psycho'pathologie légale, sous la direction du professeur Kowalewsky. de KarkotT. Ce journal parait six fois par an, par livraisons de 1S0 pages; il publie aussi des travaux oricioaux et fournit des indications bibliographiques très complètes.
Il n'existe p.i*. en Russie, d'autres publications périodiques destinées exclusivement a la neuropathologie, mais il y a d'autres journaux qui donnent ose large pbce aux travaux concernant les maladies mentales et nerveuses. Les principaux sont :
i" Le Médecin, journal hebdomadaire, dont chaque numéro est de 34 pages : ce journal publie les travaux faits au laboratoire de M. Mierjiewsky. a Saint-Pétersbourg ;
1* Les Nouvelles universitaires de Saint-Pétersbourg, de Varsovie, de Moscou, de Kien; de Karkoff. de KéçoM, journaux officiels des différentes Universités, et dans lesquels sont publics les travaux faits dans l'Université qui dirige chacun de ces journaux ;
\ 3* Il y a peu de temps a paru, à Karkoff, un nouveau journal : Le Recueil fkyziologique, du professeur Danilewsky, journal ne publiant que dci travaux originaux dont la plupart sont relatifs à la neurologie.
Parmi les travaux les plus remarquables parus en langue russe dans ces dernières années, on peut citer:
I-a Relation entre Cexcitation et \V excitabilité des nerfs, par Wedensky ; livre de 35o pages avec de nombreuses gravures, édité en t886.
De la Paralysie alcoolique, par KorsakofX; ouvrage !e plus complet sur ce sujet, de 4*0 pages, édité en iSS;.
Des lisions des méninges et du cerveau dans la fièvre typhoïde, par le professeur Popoff, 1887.
Sur ta Pathologie de la lèpre (Lésions des cellules et des terminaisons nerveuses), par Soudafcewitch, 1887.
, La Physiologie de la région psrcho-motrice de l'écorce cérébrale, par le professeur Bechtercw, 1880.
Traité de Psychiatrie, par le professeur Kowalewsky; ouvrage en deux volumes, paru en 1887.
Des Formes hystériques de Vhypnotisme, par Mocioutkowsky 'Odessa, 18^7^
Traite d"anatomie du système nerveux de Thomme, par Zernoff. i8S5.
Rapport sur l'état des asiles d'aliénés de VEmpire russe, par Archangelsky; ouvrage de grande valeur, très détaillé, très complet, dont la préparation a demandé plus de deux ans et qui a paru en 1S87.
Parmi les travaux importants publiés depuis deux ans dans les journaux périodiques, nous citerons les suivants, qui sont des plus remarquables pour ce qui a trait au système nerveux :
Des organes du sixième sens cheq les amphibies, par Mitrofanoff, 1887.
Des Lésions du système nerveux central après Tablation du corps thyrt>ïde, par Rogowitch, 1888.
Le» Travaux sur l'anatomie du système nerveux central, publiés par Bech* terew dans les différents journaux. Nous avons eu soin de les analyser dans la partie scientifique de ce rapport.
Sur la Striation du cylindre-axe et des cellules nerveuses, par Jakimowitcb. 1887.
Des Altérations an atomiques du système nerveux central dans la démence senile, par Belakoff: travail publié, en 1S87. dans le Messager de Mier-jiewsky.
Des Changements anatomo-pathologiques du système nerveux central des animaux sous l'influence de l'électricité statique, par Rogcdesrwensky ; paru en 188S, dans le Messager de Mierjiewskv.
Les Matériaux servant à Tétude de l'anatomie pathologique des maladies mentales, par Sokoloff ; publié, en iSSS, dans les Archives de Kowalewsky.
L'énumération de tous ces travaux peut déjà donner une idée de la place importante qu'a prise, en Russie, l'étude de la neuropathologie.
VARIÉTÉS
LE DÉDOUBLEMENT CÉRÉBRAL DU PIANISTE
Par M. le docteur J. LUYS, médecin de la Charité.
La simple interprétation des phénomènes du langage articule et du langage écrit nous démontre d'une façon précise la participation inégale que prennent les lobes cérébraux dans les opérations mentales, et la pré-
ponJérance constante de l'un d'eux, le lobe gauche, qui seul exprime nos pensées en sons phonéliques. et seul les fixe en caractères écrits.
L'étonnement va augmenter encore si Ton se met à représenter mentalement la série des phénomènes psychiques et somatiques simultanément accomplis dans le cerveau d'un musicien exécutant, d'un pianiste par exemple. On arrive à cette étrange conclusion que chez le pianisteen activité, l'unité mentale est arrivée à se scinder en deux portions indépendantes et à se manifester d'une façon isolée du côté gauche et du côté droit, si bien qu'il semble qu'il y ait chez lui deux sous-individualités distinctes, qui délibèrent et agissent isolément, comme deux instrumentistes faisant isolément leur partie.
Voyons en effet ce qui se passe chez ce pianiste exécutant, et essayons par l'analyse de saisir au passage quelques données de ce complexe problème.
Il est là présent, ses mains sont appliquées sur les touches du clavier qu'il a parcouru mainte et mainte Ibis et qui n'a plus de secret pour lui. Le signal est donné, il part.
La main droite, la plusactive. celle dont les mouvements digitaux sont le plus indépendants, s'ébranle et dévore l'espace. Tantôt contenue et rythmée en mesure lente, elle exprime des mélodies suaves, etdévoiledes sonorités émues. Tantôt tremblante et mobile, suivant que la nature du morceau l'indique, elle fait saillir sous ses doigts des pluies de notes qui crépitent en sons harmoniques ; et pendant ce temps, pendant qu'elle se hâte ou se ralentit tour à tour en exécutant le chant qui lui appartient, la main gauche, en satellite fidèle, la suit doucement, l'accompagne et renforce, tantôt par un accompagnement nourri et soutenu, tantôt par des accords plaqués, la partie chantante qu'elle met ainsi en valeur. Elle parle un tout autre langage que sa congénère, elle a ses tonalités propres, son caractère individuel, et dans cet ensemble harmonique de deux mains qui s'accordent, on ne sait ce que l'on doit admirer, ou de la façon isolée dont chacune travaille et se comporte, ou de l'effet général d'ensemble qu'elles produisent en commun.
Et maintenant, si l'on cherche à se représenter par l'esprit tout ce qui se passe dans le cerveau de celui qui nous tient ainsi sous le charme de son exécution, que de phénomènes complexes on sent se dérouler! Que d'études et de travaux accumulés on perçoit dans la plus simple de ces manifestations ! Et que de problèmes psychologiques inconsciemment résolus par des études patientes !
Le musicien exécutant a devant lui sa partition écrite. Il la Ht des yeux, il la comprend avec son esprit.sa mémoire, son intelligence, il l'exprime avec ses doigts, et ses doigts sont dirigés par son oreille. Ses doigts deviennent les interprêtes dociles de sa pensée et les traducteurs immédiats des signes écrits, comme les muscles phonomoteurs, lorsqu'il lit à haute voix, deviennent les interprètes fidèles des phrases écrites; c'est un travail mental complexe, qui met en œuvre toutes les ressources de sa mémoire, de son discernement et de sa compréhension.
II sait, comme quand il a appris à lire, qu'à un signe graphique donne correspond un son voulu, un mouvement précis de la main, et que, par suite, une série de signes écrits sur la partie musicale représente une série de mouvements spéciaux, et non d'autres, à exprimer sur le clavier.
II voit, il comprend, il entend, il se souvient, il découvre ce qu'il y a à faire ou a ne pas faire, et cela en un diminutif de seconde.
Il fait acte de jugement à chaque note, à chaque accord, et. chose bien merveilleuse, ces opérations mentales si complexes qui s'opèrent pour diriger les mouvements des mains d'une façon différente, tantôt du côté droit, tantôt du côté gauche, elles s'opèrent isolément dans chaque lobe cérébral pour diriger le mouvement de la main correspondante ! et ces actions doubles, distinctes l'une de l'autre, elles se manifestent d'une façon synchronique ! Dans ces opérations, chaque lobe cérébral devient donc ainsi une unité isolée, séparée de son congénère, douée d'une autonomie et d'une vie propres, pouvant séparément accomplir des opérations de mémoire, de jugement, de discernement, de volonté et déterminer des mouvements unilatéraux et parfaitement conscients.
Cet ensemble de phénomènes dvnamiques si curieux, qui sont susceptibles, par la culture et l'entraînement, de se développer dans le cerveau dupianiste. se trouve encore ampliñédans certaines conditions.
On sait en effet que, normalement, les pianistes interprètent la partie delà main gauche en clef de /a.ci la partie de la main droite en clef deso/.cequi est encore un supplément de complication dans le travail mental qui s'accomplit, attendu que la lecture visuelle doitctrca'msi unilatéralement transposée, et que le même signe, la même note est interprétée à droite et à gauche en sonorités différentes. Et enfin, si l'on ajoute à toutes ces opérations successives, que les musiciens consommés exécutent avec uni d'aisance et qui font partie, en quelque sorte, de leur nature même, cette autre aptitude non moins merveilleuse en vertu de laquelle le pianiste,. s'il a la voix flexible et harmonieuse, peut en même temps qu'il met les deux mains en activité sur le clavier, chanter et exprimer en suavitésmé-lodiques. soit ses impressions personnelles, soit les différentes partitions des auteurs, on sera vraiment émerveillé et surpris des ressources infinies que présente cet admirable instrument qui constitue le cerveau de l'homme, des réserves qu'il offre à la culture, de son extrême souplesse pour se prêter à ces milliers d'opérations, et enfin des aptitudes nouvelles auxquelles il s'est accommodé, par suite, soit d'entrainement héréditaire, soit de caractère de race, pour la mise en œuvre de la musique instrumentale ; car évidemment, le monde ancien et celui du moyen âge étaient bien loin de se douter des richesses d'harmonie que les maîtres de notre époque ont fait entendre aux hommes de notre génération, ainsi que de la prestidigitation et du merveilleux travail accomplis par les artistes musiciens du dix-neuvième siècle.
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
Enseignement clinique de 1 hypnotisme.
Le jeudi ¿1 mai, a dix heures, le docteur Be'rillon a inauguré à la clinique des maladies nerveuses, rue Saint-André-des-Arts, 5?. la série de ses leçons cliniques sur les applications thérapeutiques de l'hypnotisme.
Un grand nombre de médecins et d'étudiants assistaient à cette leçon et ont adresse au D' Bérillon toutes leurs félicitations pour l'initiative qu'il a prise en créant un enseignement pratique des applications de l'hypnotisme, enseignement qui, jusqu'alors, avait manqué L Paris.
Parmi les assistants, nous avons été heureux de constater la présence de distingués confrères, parmi lesquels nous citerons : M. Bcaunis, l'emi* nent professeur de la Faculté de Nancy, MM. les 11" Cotlineau, Hubert. Gri-moux, W. de Ilobstein, Monart, médecin-major de l'Ecole Polytechnique, Robbe, Bîgelow (de Washington), Dourdoti (de Moscou), B. Orner (de Constantinople). Chromatinos, Vcnidis, Holstein, J. Macevoy (de Londres). Causticr, Pînel. De pou s, etc.. etc.
Après avoir retracé l'historique de la question, rappelé les études expén-roentales de la Salpctrière et de la Pitié, le D* Bérillon a exposé la méthode à laquelle l'Ecole de Nancy doit ses succès thérapeutiques. La thérapeutique suggestive a ses indications et ses contre-indications déterminées par un grand nombre de cliniciens eminents ; c'est pour permettre aux praticiens de se rendre un compte exact de la valeur et des indications de la suggestion hypnotique dans le traitement de certaines maladies nerveuses, que le l>" Bérillon a cru devoir fonder cette clinique. Le grand nombre des malades qui viennent spontanément réclamer l'application de l'hypnotisme prouve qu'elle répond à un besoin. La présence, à ce cours, des médecins distingués que n'a pas effrayés la modestie de l'installation, démontre qu'il existe dans cette voie un courant scientifique dont l'importance n'est plus à démontrer.
Après cette entrée en matière, le D' Bérillon, se conformant à la méthede d'enseignement de M. le professeur Charcot qui a donne à la Salpctrière de si brillants résultat!, a fait entrer plusieurs malades. Après un examen clinique complet destiné à prouver l'indication de la suggestion hypnotique, il a appliqué ce traitement successivement a plusieurs malades, atteints, l'un d'ép:-kpsie confirmée, un autre d'hypocondrie et un troisième d'hystérie convul-sive.
La seconde leçon, jeudi »8 février, avait attiré un auditoire encore pîus considérable que la première. Dan» cette leçon. le D' Bérillon a étudié quel-ques applications de la suggestion à la pédiatrie.
Les leçons cliniques ont lieu tous tes jeudis, à dix heures; elles sont c\clusivemcnt destinées aux médecins et aux étudiants qui veulent s'initier à la pratique clinique de l'hypnotisme. — E. C.
Association médicale mutuelle du département de la Seine.
Dimanche dernier, io février, a eu lieu, dans le grand amphithéâtre ex l'Ecole de médecine, l'assemblée générale de l'Association médicale mutuelle du département de la Seine.
Cette an rive, grâce au dévouement infatigable de son président et fondateur, M. le IV Lagoguey. les membres de la Société se sont augmentés considérablement. L'effectif de cette Société, qui l'année dernière était de 76 membres avec ur. capital de 6.721 fr., est cette année de 147 membres, avec un capital de 15.Soo fr.
Dans un excellent discours, M. Lagoguey a énuméré les résultats obtenus et a fait appel au bon vouloir de tous ses confrères.
M. Rondeau, secrétaire gênerai, a rendu ensuite hommage au xèle et a l'exactitude des administrateurs, et a cité les noms des nouveaux membres, parmi lesquels nous trouvons MM. Brouardel, Charcot, Grancher, Peter, Potain. Tarnier, etc.
M. Fissiaux, trésorier, lit le compte rendu des recettes (io.iSo fr.) et des. dépenses de l'année (4.902 fr.;.. Il est ensuite procédé au renouvellement des membres du bureau, ainsi composé : Président, D» Lagoguey. — Viee-préti-dents, MM. de Cours et Moutard-Manie. — Secrétaire »¦ ¦ ¦ M. Rondeau. — Trésorier, M. Fissiaux. — Trésorier adjoint, M. Coulon.—Secrétaire, M. Barbu 1 ce. Secrétaire adjoint, M. Signez.
Administrateurs: MM. Mercier. Kuhif, Le Pileur, Coupard, Lamblin, Boa-don, Mary. Rogron, Montignac, Kînzelbach.
Grâce au dévouement et au zèle de M. le Dr Lagoguey, l'idée de l'assurance entre médecins en cas de maladie est définitivement et pratiquement réalisée. La prospérité de la nouvelle Société médicale ne pourra que s'accroître et nous engageons vivement tous les médecins soucieux de la dignité de la profession médicale a joindre leurs efforts à ceux des vaillants fondateurs de l'Association médicale mutuelle.
Interdiction des représentations d'hypnotisme dans les écoles.
M. le recteur de l'Académie de Poitiers, après avoir pris l'avis du Conseil central d'hygiène du département de la Vienne, vient d'interdire, par une circulaire, toute représentation d'hypnotisme dans les écoles normales, lycées, collèges, écoles supérieures et écoles primaires de l'Académie. 11 base son interdiction sur le fait que des accidents peuvent survenir dans le cours de ces représentations. Nous ne pouvons qu'applaudir à cette prudente décision. Comment peut-on admettre un seul instant que, dans un but d'amusement et de curiosité, des individus plus ou moins compétents aient recours à des pratiques qui sont du domaine exclusif de la médecine? A ce compte, il n'y aurait pas de raison pour qu'on ne s'amuse pas a administrer au premier venu du chlorolorme, de l'éther, du haschich. ou d'autres substances capables de produire le sommeil anesthésique ou des hallucinations.
L'hypnotisme ne doit désormais être appliqué que par les médecins comme agent thérapeutique et sous leur responsabilité. ^ ^
Le laboratoire de psychologie physiologique.
Nous étions heureux d'annoncer il y a quelques mois la transformation d'une des chaires du Collège de France en chaire de psychologie expérimentale et comparée, et en même temps d'enregistrer la Domination de M. T. Ribot comme professeur titulaire. Cette création en appelait évidemment une autre.
celle d'un laboratoire de psychologie physiologique. A ce point de vue. nous avions été depuis longtemps devancés par l'étranger et en particulier par l'Allemagne ; aussi c'est arec plaisir que nous apprenons qu'un laboratoire de psychologie physiologique vient d'être créé à l'Ecole pratique des hautes études. Ce laboratoire est placé sous la direction de M. Beaunis. l'éminent professeur de physiologie a la Faculté de Nancy.
Sans tarder. M. Beaunis a procédé à l'installation de son laboratoire, qui sera surtout destiné à des recherches expérimentales plutôt qu'à un enseignement classique. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de faire pan a nos lecteurs des progrès qui ne peuvent manquer d'être réalisés dans ce nouvel ordre d'idees.
NOUVELLES
Académie de médecine. — Prix. — L'Académie go médecine pose la question suivante pour le prix de l'hygiène de l'enfance {1.000 francs) : « Ar l'éducation des organes des sens de la vue et de t"oule dans ta première et deuxième enfance. » Les mémoires devront être adresses à l'Académie avant le i" mars 1S90. terme de rigueur.
Co\- national de thérafrutiql'E Du 1889 a Paris. — Ce Congres, qui aura lieu le i" août prochain, se divisera en deux sections : 1» Matières médicales et pharmacologie; a» Thérapeutique proprement dite.— Questions générales proposées: Antithermiques analgésiques; — Toniques du cœur; — Parasiticides des microbes pathogènes; — Drogues.nouvelles d'origine végétale.
Congrès des Sociétés sataktks. — Le Congres de mm. les délégués des Sociétés savantes de Paris et des départements s'ouvrira au ministère de l'in s truc lion publique, rue de Grenelle, n* 110, le mardi 4 juin 1889, à midi et demi. Les journées des mardi 4, mercredi 5. jeudi 6 et vendredi 7 juin jeront consacrées aux travaux du Congres. La séance générale aura lieu dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, le samedi 8 juin, à 2 heures précises.
— A la suite du concours ouvert à l'asile Sainte-Anne, le ïo décembre 1888. sont nommés dans les asiles publics d'aliénés de la Seine :
1» Internes titulaires en médecine : mm. Roubinowitch, Bcchct, Berbez, Rieder. Marie. Blin, Bernard et Rave.
2* Internes provisoires en médecine : mm. Gucrin, Vjgouroux, Barazer et Tar-gowla.
Hospice de h Salpétrikre. — Clinique des maladies nerivuscs. — m. le professeur Charcot fait les mardis, a 9 heures 1/2, une leçon clinique sur les maladies du système nerveux. Les vendredis, à g heures 1/3, examen des malades.
Asile Sainte-Aune. — Clinique des maladies mentales. — m. le professeur Balen fait, les dimanches et les jeudis, des leçons cliniques sur les maladies mentales.
Hôpital de la Charité.— m. le d* Luys fait le jeudi matin, dans son laboratoire de la Charité, des conférences cliniques sur l'iivpnctisme expérimental.
Cours libre. — Clinique des maladies nerveuses. 55, rue Saint-Andrc-des-Arts.— M. le D' Bérillon fait tous les jeudis, à. 10 heures 1/2, une leçon clinique sur les applications de l'hypnotisme et de la suggestion à la thérapeutique et à la pédiatrie.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
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Max de Nansouty. — La Tour l'.iffel. Bernard Tignol, in-iî, îiop^iSSg.
L'Administrateur-Gérant ; Emile BOL'RJOT, 170, Rue St-Antoine.
parís. — . ': ... . . .: . • blot, r» iL.'-i- tl
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
DES HALLUCINATIONS SUGGÉRÉES A L'ÉTAT DE VEILLE
Par Chili YUNG
Résultats. — Voici le résume cfe-'xix cents observations, notées avec le plus grand soin dansvie^£0*r^'s de ces dix dernières années. Elles ont porté sur des personnes d'âge et de sexe différents, la plupart en bonne santé apparente, instruites et adonnées à des études scientifiques, peu exposées par conséquent à une crédulité exagérée.
Sur ce nombre de six cents personnes soumises à l'expérience de la carte dite magnétisée, quatre-vingt-trois seulement ontrelusé de signaler une carte, disant que malgré l'attention qu'elles y apportaient, elles ne sentaient absolument rien sur aucune des cartes de la figure, ni la sensation annoncée, ni une autre sensation quelconque. Cela fait une proportion de ij,8 pour 100. Parmi ces 8> personnes rebelles à la suggestion, se trouvent 68 hommes et 15 femmes.
Les 517 autres personnes, appartenant en majorité au sexe féminin, ont éprouvé une hallucination plus ou moins intense. Je les classerai en plusieurs groupes, selon la nature de l'hallucination.
Premier groupe. — 212 personnes, prévenues que la carte soi-disant magnétisée leur serait révélée parce qu'en passant la main au-dessus, elles ressentiraient une secousse dans les muscles (tantôt au bout des doigts seulement, tantôt dans toute la main, le poignet, le bras, etc.), ont en effet signalé une carte, avouant avoir ressenti la secousse annoncée. A la question : « Etes—vous sûr de n'avoir pas été le sujet d'une erreur, d'une illusion? ¦> elles ont répondu « qu'elles avaient la certitude d'avoir ressenti quelque chose >. En général, la réponse ne prête à aucune équivoque. Ordinairement, toutefois, la sensation ne leur paraît pas très intense la première fois et quelques-unes d'entre elles ont spontanément demandé de recommencer l'expérience. Il est fréquent,
ainsi que nous l'avons déjà dit. alors qu'un premier essai a convaincu le sujet de la possibilité de reconnaître la carte magnétisée, qu'au second tour la secousse leur paraît plus forte, plus nette et son intensité grandit encore aux expériences subséquentes.
Quelquefois même, l'hallucination se généralise: au lieu d'une simple secousse, le sujet éprouve une véritable commotion. En voici quelques exemples, extraits de mes notes :
Un physicien émïneni. professeur dans une de nos facultés des sciences, soumis à l'expérience au cours d'un congrès scientifique, avoua, devant plus de quarante témoins, avoir distingué la carte qu il venait de signaler, grâce à une sensation dans tout l'avant-» bras jusqu'au coude, sensation qu'il compara à la secousse d'une bouteille de Leydc (cette comparaison ne lui avait pas été suggérée}. Le cas est intéressant à cause de la qualité du sujet. Il montre combien peut être grande la crédivité, même chez un homme rompu aux recherches de physique.
Il m'est arrivé de provoquer la croyance à une secousse généralisée dans tout le corps chez une jeune femme de 20 ans. J'avais moi-même, dans l'exposition de l'expérience, signalé la carte qu'elle avait touchée en mon absence, en prétendant avoir reçu une commotion générale jusque dans les bras et les jambes et en1 simulant les gestes que Ton fait en pareil cas. Lorsque son tour fut venu, elle tressaillit en passant la main sur une certaine carte que je n'avais pas plus touchée que les autres et elle affirma avoir reçu le choc, non seulement dans les membres, mais encore dans la poitrine. Lui ayant objecté alors que le choc ne pouvait jamais atteindre la poitrine, elle répondit « qu'elle était cependant très sûre de ne pas se tromper et que la poitrine lui faisait encore no peu mal ».
Les phénomènes hallucinatoires consécutifs sont d'ailleurs très fréquents. Un grand nombre de personnes, dans ce groupe, accusèrent avoir éprouvé, outre la secousse, « un peu d oppression » ou d'autres sensations variées, telles, pat exemple, qu'une certaine gêne à mouvoir les doigts. L'une d'elles (une dame d'une quarantaine d'années), que j'avais conviée à faire l'expérience durant une soirée, m'avoua le lendemain, qu'après mon départ, elle avait vainement essayé de toucher du piano, parce que sa main droite — celle qui avait ressenti la secousse imaginaire — « était comme paralysée et qu'elle ne se trouvait pas encore complètement dé-roidie », Une autre personne (Mme R..., âgée de 52 ans) attribua à l'expérience un tremblement musculaire qui lui dura plusieurs jours et qui était apparent, surtout pendant qu'elle écrivait. Uoe jeune fille (Mlle C..., 17 ans), amateur de représentations magnétiques auxquelles sa mère la conduisait fréquemment, considéra également comme une conséquence de l'expérience une crise
¦erveuse qu'elle eue le même soir en rentrant à son domicile.
Je suis persuade que chez certaines personnes cm pourrait provoquer de La sorte des paralysies, des anesthésies et des hyper-esthésies durables, mais je ne l'ai pas tenté. Dans la pratique, îe n'ai pas su jusqu'ici surmonter les scrupules qui me font craindre d'abuser de l'extrême sensibilité de certains sujets.
Deuxième groupe. — 9; personnes auxquelles j'avais suggéré ??? sensation tactile quelconque, sans la qualifier spécialement, ont largement profilé de la latitude que je leur laissais sur ce dernier point. Toutes ont accusé une sensation (faible au premier tour), une sensation limitée au bout des doigts chez la plupart: mais elles ont varié beaucoup dans l'appréciation de cette sensation. Questionnées â cet égard, les unes ont répondu que c'était une sensation de brûlure, ou de pesanteur, ou de picotement, ou de sxwffie, ou de démangeaison : les autres répondirent en termes si vagues qu'il n'était vraiment pas possible de les comprendre, ou du jaoins que je ne sais sous quel chef classer leur réponse. Ainsi, à ceux reprises, un sujet répondit qu'elle avait éprouvé « une singulière sensation, comme un chatouillement des nerfs à l'intérieur ».
I La majorité me demandaient ce que j'avais éprouvé moi-même ; à quoi je répondais invariablement : « Je ne puis vous le dire, cela dépend, c'est quelque chose dans les doigts, essayez donc vous-même et vous le saurez. » Alors elles essayaient et sentaient, comme nous venons de le dire, de manières très différentes. Ici l'imitation joue naturellement un grand rôle, la façon de sentir jenoncée par un sujet devient suggestive pour les sujets qui suivent nmnèdiaiement. Ainsi, dans le cas où ia première personne soumise à l'expérience accuse une démangeaison, celles qui suivent «prouvent généralement aussi une démangeaison, avec quelques variantes, ci et là, insignifiantes.
Du res:e, je m'aperçois que presque tous les cas compris dans ce groupe pourraient être cités séparément; je ne puis cependant tous les rapporter en détail. Voici les plus bizarres :
Une jeune fille (Louisa C... âgée de 19 ans, très nerveuse) «gnalc une carte en déclarant qu'elle vient d'éprouver, en passant fa main au-dessus, « un grand frisson dans le dos ».
EUen W.... 18 ans. excellent sujet plusieurs fois hypnotisé, se renverse subitement en arrière en passam la main sur une carte qu'elle crovait avoir été magnétisée, puis se prend â pleurer â chaudes brmes.
Auguste R.... 25 ans. certifie n'avoir pas éprouvé de sensation ??? doigts sur la carte qu'il signale. « Pourquoi vous y êtes-vous arrêté r > lui demandc-t-on. — € Parce que j'ai eu comme un éblouissement. »
Un autre jeune homme de cette catégorie, évidemment malade, se relevant la nuit dans des accès de somnambulisme, a spontanémentj'uçé l'expérience comme dangereuse, disant que lorsqu'on la lui faisait repéter, « il se sentait vivement impressionné et s'en trouvait mal. >
Je passe maintenant au troisième groupe comprenant les sujets auxquels j'ai suggéré des hallucinations de la vue.
Troisième groupe- — Toutes les autres circonstances étant telles que je l'ai indiqué ci-dessus, j'annonce que la carte magnétisée m est révélée par un mouvement. Naturellement je fais cette déclaration après l'avoir signalée, à la grande surprise des assistants. Parmi ces derniers, je prie une personne de vérifier la chose. « Vous serez très attentive, lui dis-je, le déplacement sera sans doute très faible, prenez garde au moindre vacillement. observez chacune des cartes jusqu'à ce que vous en voyiez bouger une. »
L'expérience a été tentée plus de cent (ois. Dans cinquante-deux cas, elle a été couronnée de succès. 52 personnes ont signalé une carte, déclarant l'avoir vue bouger. Les témoignages varient légèrement de l'une à l'autre. Une personne a déclaré « que la carte lui avait paru se soulever » ; une autre a dit que la carte s'était inclinée en se balançant»: une troisième — qui avait fréquenté les magnétiseurs et avait été endormie par eux — a prétendu qu'au moment où elle regardait la carte. « elle avait senti que son regard y était invinciblement attiré. »
Remarque. — J'ai essayé sans succès de suggérer l'hallucination de changements déforme ou de couleur de la carte prétendue magnétisée. Ces essais ont été peu nombreux et j'en attribue l'insuccès, non à l'impossibilité d'obtenir de tels résultats, mais à mon inhabileté. 11 est a remarquer, en outre, que les hallucinations de la vue sont plus difficiles à provoquer que celles concernant la sensibilité générale, la sensibilité tactile ou olfactive (1).
Quatrième groupe. — J'ai varié l'expérience de la manière suivante, dans le but de provoquer des hallucinations olfactives, et j'ai obtenu des résultats positifs clans 138 cas. Je prétends que la carte magnétisée répand une certaine odeur que tantôt je précise, tantôt je ne fais qu'indiquer d'une façon très vague. Dans le premier cas, l'odeur annoncée est parfaitement reconnue : dans le second.
(0 Ici devraient prendre place le* expériences relatives ??? halluciaations auditives, mais le dispositif dont il vient d'eire question n'est pas propice à leur produc-non. Cependant quelques personnes ont signale' une carte après avoir ¦ emenda sortir d'elle comme un bourdonnement :
les appréciations varient : Odeur acre, odeur pénétrante, odeur douce comme un parfum, odeur a écœurante », etc.
Les personnes qui. après m'avoir vu flairer successivement toutes les cartes, puis m'arrêter à une qui est précisément celle qui a été touchée en mon absence, répètent exactement à leur tour mes faits et gestes ; elles s'inclinent jusqu'au niveau des cartes ou bien les approchent successivement de leur nez en les saisissant avec la main. On conçoit qu'une telle expérience ne puisse être souvent répétée sans faire sourire la galène. Le moindre soupçon de supercherie suffit pour gêner ou empêcher la production de l'hallucination: aussi l'opérateur doit-il s'efforcer de maintenir le sérieux dans l'assistance.
Voici comment on peut varier l'expérience de manière à supprimer le témoin révélateur qui gêne dans bien des circonstances.
Expériences faites avec des pièces métalliques.
On se munit d'un certain nombre de petites plaques métalliques de formes variées ou de pièces de monnaie, portant différentes effigies, de manière à pouvoir facilement les distinguer les unes des autres dans la suite. Puis, après les avoir placées dans un chapeau, on prétend que. grâce à l'excessive acuité qu'acquiert le sens olfactif à la suite de certaines pratiques, on peut reconnaître, à l'odeur particulière qu'elle laissera sur le métal, la personne qui aura touché l'une des pièces pendant un instant. La pratique qui doit préparer à exagérer la faculté de l'odorat est en soi absolument inefficace, cela va sans dire, c'est la mise en scène, l'amorce à laquelle se laisse prendre la crédulité de celui sur qui on opère. Chacun peut la varier comme bon lui semble. En général, ici encore, je fais appel au magnétisme, qui jouit d'une grande réputation de mystère. Dès qu'il est question de magnétisme animal, les personnages les plus indifférents, à l'ordinaire, deviennent attentifs. J'expose donc devant l'auditoire — dont plusieurs membres ont toujours une foi absolue en ce que j'affirme — qu'il suffit de me faire quelques passes devant le nez avec la main gauche, pour aiguiser mon sens olfactif au point de me permettre, à la manière du chien qui reconnaît la piste de son maître, de sentir la trace odorante laissée sur un objet (la pièce métallique) par l'attouchement d'une personne quelconque dont, auparavant, j'ai pris connaissance de l'odeur particulière. Le fait étant accepté théoriquement, il s'agit de passer à sa démonstration.
Je me « magnétise » donc le nez. je flaire une personne de rassemblée et je la prie de toucher pendant une minute une des pièces métalliques. Pour que chacun soit bien certain que je ne tois pas, je sors de la chambre. Lorsqu'on me rappelle, je ramasse vivement toutes les pièces, en causant d'autre chose pour détourner l'attention. La pièce touchée, serrée entre les doigts durant
une minute, m'est immédiatement révélée par sa différence de température, c'est tout simple. Mais l'attention des témoins, portée ailleurs par mon discours, n'y prend point garde et, sûr de mon fait, par cette voie toute naturelle, je continue à jouer la comédie. J'approche successivement de mon nez les pièces en question, je Lais semblant de les flairer avec la plus grande attention et finalement je reconnais la pièce « à son odeur qui est celle de la personne qui ?? touchée ».
D'odeur, il n'y en a pas. Mais, affirmant son existence, je convie le sujet à bien vouloir s'en assurer par lui-même. Je lui lais une passe innocente sur le nez. il son convaincu qu'il retrouvera la pièce et... l'on devine le reste. Neuf fois sur dL\ il désigne, après les avoir successivement flairées, l'une des pièces don: je n'ai touché aucune en son absence, ? sent la même odeur que j'ai qualifiée, que je lui ai suggérée, ou bien une odeur qu'il qualifie, lui-même, dans le cas où je le laisse libre de le taire. Parfois le qualificatif 4}u'il emploie ne signifie pas grand'chose.
Un ¡cune homme, par exemple, a répondu que la pièce qu'il venait de désigner répandait une odeur a sèche » : un autre l'a qualifiée d'aigre.
Sous cette forme, je n'ai jusqu'ici répète l'expérience que sor trente-deux personnes. Toutes ont eu l'hallucination olfactive, ??? huit ne l'ont éprouvée qu'au second tour. Une dame a refusé de recommencer l'expérience sous prétexte « que l'odeur lui faisait malaucceur ». Une autre personne m'a déclaré spontanément •que l'odeur l'avait poursuivie pendant plusieurs heures, etc.
Je n'insiste pas et je termine par quelques réflexions générales.
C'est en jouant soi-même du charlatanisme qu'on se convainc le plus sûrement de son extraordinaire puissance e; j'ajoute que, pour en bien jouer, il est besoin d'un certain apprentissage, il y a dû ans, au début des expériences que je viens de. résumer, l'obtenais moins de succès qu'aujourd'hui. Dans tout acte de suggcsiioade la nature de ceux dont il vient d'être question. Üy a deux personnes ¦en présence, l'opérateur et le sujet. ? est avec raison qne M. Bcrnhcim a attribué une grande importance à l'expérience acquise par le premier^ dans la réussite de la suggestion. Quant au second, j'ûiclîne â croire que tout individu suffisamment préparé est apte à le devenir. Cela ressort, du moins, fort clairement de mes observations» puisque sur mes listes figurent des personr nes de toutes sortes, des savants et des ignorants, des personnes âgées et des jeunes gens, des habitués de magnétisations publiques et des individus qui ne connaissaient le magnétisme que ??» ouï-dire. L'mcrédivité n'est jamais que relative. Tout homme ??.: exposé à Terreur: flsuffit, pour qu'il y tombe, de ?? pousser quelque peur et il est bien rare de rencontrer une grande résistance. En tout cas. ^hallucination par suggestion ne me parait pas être le
résultat d'un état pathologique (1), je la considère comme un fait normal qu'on ne saurait trop mettre en lumière, tant ses conséquences peuvent être fâcheuses. Certaines données se conservent et se répètent durant des années qui n*ont pour base qu'une hallucination. C'est pourquoi on est en droit d'exiger qu'un même fait ait été constaté plusieurs fois et par diverses personnes, avant que son existence objective soit affirmée.
D'autre part, il est à remarquer non seulement qu'une personne tombée une fois dans l'erreur est plus apte à y tomber une seconde fois, mais aussi qu'une personne hallucinée ne consent que difficilement à reconnaître qu'elle l'a été. Dans la plupart des cas cilès plus haut, la croyance à la réalité de la sensation est telle chez le sujet, qu'il faut insister auprès de lui pour le convaincre du contraire. Encore ne réussit-on pas toujours! On a beau lui affirmer qu'on l'a trompé, il est trop certain d'avoir éprouvé la sensation pour revenir en arrière. Je me rappelle la réponse d'une dame qui disait avec conviction « qu'elle mettrait plutôt sa main au feu a que de convenir qu'elle n'a rien éprouvé sur la carte.
L'histoire des sciences connaît des exemples de savants qui. après avoir cru observer un phénomène naturel, propre à soutenir une théorie favorite, n'ont jamais voulu reconnaître qu'ils s'étaient trompés. Il y a là un défaut contre lequel nous devons réagir, et que les professeurs appelés à diriger les premiers pas d'un débutant dans les sciences d'observation doivent s'efforcer de corriger. L'explication de l'influence apparemment mystérieuse de la « carte magnétisée » est fort bonne pour cela.
Je souhaite que les savants éminents qui ont étudié ces derniers temps le phénomène de la suggestion veuillent bien répéter les expériences dont il vient d'être question, en les variant et en les appliquant à un grand nombre de sujets.
(0 Je dois avouer que je ne possède pas de documents sur les antécédents de la plupart de mes sujets. Il est fort possible que parmi eux il se soit rencontré des malades, mais je n**i nullement recherché ces derniers pour les soumettre à l'expérience. D'ailleurs, ai l'hallucination provoquée est en correspondance avec un état mental particulier, il faut convenir que nous pouvons considérer cet état comme normal, puisqu'il se rencontre cher la grande majorité des gens.
QUELQUES REMARQUES SUR LA SUGGESTION
Par le Docieur AUGUSTE FOREL
riOl'IKEUt A l'i N!ïi:»!Ti dv. II'IICH
Tout, dans l'hypnotisme, est suggestion, a dit M. Bernheim; et, plus j'avance dans l'étude du sujet, plus je trouve qu'il a raison.
Qu'est-ce que la suggestion : Il faut y distinguer deux notions: i° le fait psychique qui se passe dans le cerveau de l'hypnotisé, fait qui est physiologiquement et psychologiquement le mime que celui de l'auto-suggestion : 2° l'action de suggérer de la part de l'hypnotiseur.
A mon avis, on devrait restreindre le terme de suggestion à cette dernière notion, et voici pourquoi :
La première notion, le fait psychique que Bernheim définit sous le nom de réflexe idéo-meteur ou idéo-scnsiblc, (il faudrait ajouter idéo-abstrait pour les suggestions d'idées, de représentations abstraites), n'est point du tout particulier à l'hypnotisme. C'est un fait psychologique et physiologique en même temps, un des laits fondamentaux du dynamisme cérébral. Aussi la notion de l'autosuggestion vient-elle se confondre avec les anciennes notions d'actions réflexes coordonnées, de réflexes cérébraux, d'automatismes cérébraux, de cérébration inconsciente, d'inconscient, etc., etc.
. Qu'un bâillement se produise par la suggestion d'un hypnotiseur, par le fait de voir bâiller quelqu'un d'autre, par l'heure à laquelle nous avons l'habitude de nous endormir, ou par un simple souvenir, il est bien clair que le fait physiologique et psychologique est le même.
Donc, en introduisant la notion de la suggestion hypnotique, B faut éviter de lui laire envahir les notions psycho-physiologiques déjà connues auparavant (i). Ce qu'il y a de nouveau, de différent, c'est la production de tous ces phénomènes par l'action d'une âme sur l'autre, soit par l'intermédiaire de la parole (suggestion verbale), soit par l'action des gestes, de la physionomie, de l'attouchement, du langage écrit, etc., sur l'âme de l'hypnotisé, [tout comme il existe un langage écrit, parlé, mimé et d attouchement, qui réagit à l'état de veille sur notre âme et modifie son état conscient et inconscient).
(i) Nous conserverons cependant ici les termes de suggestion et d'auto-suggestion pour le fait qui se passe chc* l'hypnotise*, ne trouvant pas de correspondant asseï complet dans l'ancienne terminologie.
L'âme d'un homme A s'impose à l'Ame d'un autre homme B, s'en empare en pénétrant par un défaut de cuirasse quelconque, en vrai larron ou parasite, et finit par y régner plus ou moins en maître, par se servir du cerveau de B comme d'un docile instrument. Voilà la suggestion.
Pour cela, il faut que les associations cérébrales, les agrégats dynamiques cérébraux de B, dans leur ensemble conscient et inconscient, soient, au moins momentanément, dans un état d'activité moins concentrée que ceux de A, dans un état plus ou moins dissocié relativement à eux. Dès que A a réussi sur un point, a conquis une place, sa domination s'étend facilement, B perd de plus en plus sa force de concentration et d'association ; c'est comme la panique d'une armée qui se produit dans sa dynamique cérébrale. Cette dernière devient plastique et tombe à la merci de A ; B se sent subjugué, et ses dynamismes cérébraux inconscients ou conscients obéissent, en tout ou en partie, aux injonctions de A.
Bernheîm dit, avec raison, que l'hypnotisé se défend ; qu'il discute les ordres donnés et ne les admet pas toujours. En effet, la forteresse n'est pas prise sans combat, et souvent A n'arrive à conquérir que quelques postes. En somme, tout le phénomène de la suggestion est une joute entre les suggestions données par A et les auto-suggestions de B.
L'art de l'hypnotiseur consiste à épier ces dernières dès la première séance avec une attention concentrée et à les vaincre rapidement, coup sur coup, ou à les utiliser lorsqu'elles lui sont propices. Une ibis habitué à l'hypnotisme, le sujet, complétant perpétuellement les suggestions reçues par ses auto-suggestions, finit par se construire un mode de réaction à la suggestion, un ensemble d'obéissances et de désobéissances, de sorte que l'hypnotiseur gagne toujours moins de terrain. L'important est donc, pour A, de subjuguer B aussi complètement que possible, en peu de séances.
Comme l'a très bien fait ressortir Delbceuf, on produit des hypnotisés de toutes les espèces, suivant la manière dont on les suggère. L'amnésie, la suggestion à l'état de veille, le sommeil hypnotique, ne sont que des produits de la suggestion. Du jour où j'ai commencé à suggérer à mes hypnotisés que mes suggestions produiraient leur effet à l'état de veille comme pendant le sommeil, tous mes hypnotisés sont devenus suggestibles à l'état de veille.
L'action de souffler sur le visage ne réveille aucun de mes hypnotisés, parce que j'ai suggéré qu'elle enlevait les douleurs, au lieu de réveiller.
Les hallucinations post-hypnotiques réussissent, pour la même raison, chez tous ceux de mes sujets chez lesquels rhaliucina-
tion hvpnotique réussit, et c'est la grande maiorité. Sur les vingt-sept infirmières de l'asile de Burgholzli, elles réussissent chez i viigt-irois ; chez quatre seulement elles n'ont pas réussi. Or, ¡I en-évident pour moi. que si elles n'ont pas réussi chez ces quatre, c'est simplement parce que ces personnes se sont formé l'auto-! suggestion d'être plus ou moins réfractaires à l'hypnotisme, de n'être influençables qu'au premier ou au second degré de Bernheim.
Mon intime persuasion est que tous les hommes sont, au fond, ?on seulement hypnotisables, mais susceptibles de tous les phénomènes qu'on a attribués au somnambulisme.
Donc, la suggestion consiste dans l'art de s'emparer des forces psychiques d'un homme, c'est-à-dire des forces de ses hémisphères cérébraux et de les faire jouer à sa guise, comme un docile instrument. "Plus l'instrument est normal, mieux il travaille, ce qui explique pourquoi les aliénés son: si réfractaires à la suggestion Tant leurs irritations que leurs inhibitions pathologiques sont si violentes, si tenaces, si répétées, que la suggestion ne peut les vaincre, ou ne les vainc que pour un instant. "J
Par contre, à l'aide d'un cerveau normal rendu plastique et docile par la suggestion, »pn est maître d'une quantité de force très considérable, qu'on peut à volonté diriger, concentrer sur idy ou tel point^/
Tant dans la physiologie que dans la pathologie, on avait en, ; jusqu'à ces dernières années, le tort de considérer le cerveau comme une espèce de terre inconnue, mystique et... négligeable. Or. le fait qu'on connaît mal un organe ne donne nullement le droit de négliger sa puissance dans l'économie animale. La suggestion vient nous révéler avec queile puissance les (orcc% cérébrales bien dirigées, bien concentrées, peuvent agir sur l'économie du corps au moyen des ncrls.
J'ai réussi, par exemple, comme d'autres avant moi. à arrêter ou à produire, sur-le-champ les menstruations par une suggestion, par un mot, à abréger leur durée, à les prédire à jour, heure et minute précises. Il est bien évident qu il s'agît là d'une action vaso-motrice produite ou inhibée par le cerveau. Une routeur circonscrite de la peau, une urticaire que j ai réussi à produire, far-, rêt ou la production des selles, etc., reposent sur des cassa analogues.
Je me crois donc fondé â prétendre que pour bien réussir dana la thérapeutique suggestive, il faut tâcher d'obtenir, le plus rapidement possible, le degré le plus considérable qu'on peut d'obéissance suggestive. On ne risque absolument rien. Au contraire. Lej danger consiste dans les auto-suggestion* contraiietoires que se font les sujets, et à ces au:o-suggestions se réduisent tous les effets fâcheux de l'hypnotisme. Ce sont des maladresses des gens
oui n'ont pas compris ce qu'est la suggestion et qui n'ont pas su détruire les auto-suggestions de tremblement nerveux, de crises hystériques, de terreurs, etc., à leur racine même.
Des qu'un sujet commence à montrer la moindre trace de pareille velléité, il suffit de lui déclarer énergiquement que jamais la suggestion ne produit pareille chose, mais précisément le contraire, et aussitôt on en a raison. Si. par contre, l'hypnotiseur a peur ou hésite, le sujet s'en aperçoit aussitôt, et son auto-suggestion se renforce rapidement, se fixe, et peut devenir un trouble nerveux. Si l'on ne se rend qu'à moitié maître de son sujet, on aura beaucoup moins facilement raison de ses auto-suggestions. Il faut que le sujet soit imprégné de l'idée que la suggestion ne peut rien produire en dehors de ce que veut l'hypnotiseur. De cette façon aussi on n'aura jamais de sujets qui se permettent de tomber spontanément en sommeil hypnotique ou qui se laissent hypnotiser par tout le monde, etc. Au contraire, on protégera ses sujets contre les dangers réels dus à un emploi malintentionné de la suggestion par d'autres.
Sur environ deux cent cinquante personnes que j'ai hypnotisées, je n'ai pas observé une seule suite désagréable que je n'aie pu détruire en une ou deux séances.
Un cerveau (une âme) peut être dessuggestionné comme ¡1 a été suggestionné. Ce sont des auto suggestions ou des contre-suggestions d'autrui qui peuvent produire cet effet et le produisent souvent. II n'est pas toujours facile de reconquérir le terrain ainsi perdu. On y arrive cependant, en général, avec un peu de patience et d adresse. Ce sont en général des états affectifs, des émotions, la perte de la confiance, de la foi, qui dessuçgestïonnent.
Les amulettes, c'est-à-dire la substitution d'un objet à la suggestion verbale de l'hypnotiseur, peuvent rendre de grands services en thérapeutique.
Ainsi, une femme que j'ai guérie de métrorrhagies s'en va. Je lui donne un petit bouton en métal en lui disant que si par hasard l'hcmorrhagic revenait, elle n'aura qu'à regarder pendant trois secondes ce bouton tenu dans la main droite pour s'endormir pendant cinq minutes précises. Au bout de ce temps, l'hémor— rhagie aura cessé et elle sera réveillée.
Je guéris les insomnies en disant à l'hypnotisé qu'à son réveil il prendra une gorgée d'eau, et qu'aussitôt qu'il l'aura prise, il retombera endormi, d'un sommeil profond. Cela a lieu. Alors je lui dis : * Vous voyez bien que l'eau vous endort ! Eh bien ! chaque soir, lorsque vous serez dans votre lit, vous avalerez une gorgée d'eau qui vous endormira du coup d'un sommeil profond, sans rêves, lequel durera jusqu'au matin à six heures. A part cela, l'eau ne vous endormira jamais. > Cette expérience m'a réussi cent fois. Ici, c'est l'eau qui sert d'amulette.
Qu'on me permette maintenant quelques mots à propos delà discussion récente, qui a paru dans ce lournal, entre MM. Bem-heïm et Delbœuf, sur les hallucinations négatives.
Tout d'abord, quiconque a pratiqué la suggestion m'accordera deux choses :
i* Que le point en litige ne concerne pas seulement l'hallucination négative, mais tous les phénomènes de suggestion, qu'us soient sensibles, moteurs ou intellectuels, qu'ils soient hypnotiques ou post-hypnotiques. M. Delbœuf ne croit certainement pas que si le somnambule ne fait que jouer la comédie lorsqu'on fait dis-, paraître un objet à ses yeux, il en soit autrement lorsqu'on fixe son bras, lorsqu'on lui suggère un acte, une pensée, la disparition d'une douleur.
2* Que, pour ce qui concerne les laits. M. Bernheim a absolu— ment raison et que l'interprétation seule peut être discutée.
Notons d'abord que le mot de « simulation » est extrêmement dangereux et que M. Delbœuf commet une erreur bien regrettable en s'en servant comme il le fait. On doit réserver ce terme à une comédie jouée avec pleine conscience, et les annales de la médecine mentale attestent partout quel mal immense l'abus du mot simulation a produit. Le public et même les juristes sont toujours prêts à voir de la « simulation » partout, alors qu'il s'agit de phénomènes mentaux bien différents, soit d'aliénation mentale, soit d'auto-suggestions, soit d'hallucinations rétroactives (i), comme, l'a si magistralement démontré M. Bernheim. Beaucoup de menteurs instinctifs mentent sans s'en rendre compte et la « comédie » que jouent les hystériques est le plus souvent en tout ou en partie réelle. M. Delbœuf sera bien obligé de m'accorder que les menstruations que j'ai arrêtées ou produites chez plusieurs personnes à heure et minute fixe par la suggestion ne peuvent reposer sur une complaisante simulation, car j'ai vérifié le fait moi-même dans quelques cas et l'ai lait vérifier chaque fois par une personne de confiance dans les autres cas. Lorsqu'une violente émotion subite fait disparaître un mal de tête ou un mal de dent, il ne s'agit pas non plus de complaisante simulation. M. Delbœuf me 1 accordera aussi.
D'un autre côté, j'ai observé cent fois les faits énumérés par M. Delbœuf {Revue de l'Hypnotisme, iw janvier 1889, p. 202 cm devoir substituer au terme d'hallucination rétroactive de M. Beraheim le terme de e souvenir illusoire suggéré » {tuggerirte Erimnerungslauschttng; Zét* schrifi/ûr die getammte Slrafrechltwutemseka]!. x838,tomc IX. o« i i a;, parce q» ce phénomène ot lout 4 tait analogue aux * souvenir» illusoires » tErimnenm$Ê^ taOschumgtn) décrit* depuis assez longtemps eu aliénation mentale, et parce qu'il wè. s'agit pas Dcceuair:ment d'hallucinations (perceptions trompeuse»), mais tout autant de souvenirs d'actes, d'idées abstraites, etc.
à 205), faits qui découlent de la docilité de l'hypnotisé, docilité qui peut devenir très voisine, il est vrai, d'une complaisante comédie. Pour comprendre ces contradictions apparentes, il est absolument nécessaire d'approfondir le dynamisme cérébral dont une partie est ce que nous appelons la pensée, et avant tout de se dégager de tout Y à priori dualiste dont nous sommes tous imprégnés sans nous en rendre compte. Jamais nous ne comprendrons ffhypnotisme si nous ne nous pénétrons pas de la seule conception philosophique qui résiste aux laits, du monisme : '
y^L'âme. l'esprit, n'est qu'une partie de la force universelle. La matière elle-même n'est qu'une manifestation de cette force. Donc notre cerveau n'est que la résultante matérielle, sa fonction ; l'Ame) n'est que la résultante dynamique d'un ensemble particulier, individuel, des manifestations de cette force, y
L'activité cérébrale ne peut donc pas être divisée en une activité physiologique et une activité psychologique, en une activité somatique et une activité psychique, en une activité consciente et une activité inconsciente. Dès qu'on introduit pareille division, on rentre dans ce malheureux dualisme qui embrouille tout.
Or, l'activité cérébrale, qui n'est elle-même qu'une partie de l'activité du système nerveux. — la partie la plus importante et la plus considérable, il est vrai, — est en majeure partie inconsciente. Bien plus, si nous analysons à la fois du côté subjectif et du côté objectif un des faits intellectuels que nous appelons « états de conscience » (une pensée abstraite, une perception, une impulsion volontaire^, nous découvrons bientôt que ce qui nous paraît une unité dans le miroir de la conscience est en réalité d'une complication immense, qu'une infinité de dynamismes associés dans le temps et l'espace composent cette résultante qui parait une et indivisible à notre conscience.
Par cette étude, nous arrivons toujours plus à trouver que l'activité cérébrale consciente n'est pas quelque chose de différent de l'activité inconsciente. La première n'est que la seconde lorsque le sommet de ses vagues, si l'on ose parler ainsi, est éclairé par ce [miroir subjectif indéfinissable que nous appelons conscience ou subjectivisme. Il est vrai qu'une particularité de l'activité des hémisphères cérébraux, sa faculté de concentration plus ou moins forte sur un point, nommée 1 l'attention d, tend tout particulièrement à provoquer l'éclairage objectif et sommaire que nous appelons conscience. Les états de conscience successifs sont donc simplement le miroir subjectil des états successifs de notre attention, c'est-à-dire des concentrations successives de notre activité cérébrale. La plupart des éléments de cette activité, c'est-à-dire de notre pensée, sont inconscients.
HAtons-nous d'ajouter que les expériences pathologiques et physiologiques (pigeon de Flourens, rupture de la moelle cervi-
cale, etc.) ont suffisamment démontre que notre conscience humaine, qui n'est donc que l'ensemble de notre subjectivisme, réside uniquement dans les hémisphères cérébraux. Elle ne miroite l'activité d'aucun autre centre nerveux, tant que cette activité n'est pas transmise aux hémisphères. Rien ne nous empêche d'admettre que d'autres centres nerveux n'aient des miroirs conscients analogues ou, si l'on veut, un subjectivisme analogue plus faible i par exemple, le cervelet, la moelle), mais si c'est le cas, ce sont des consciences dont nous n'avons pas conscience, c'est-à-dire dont notre conscience cérébrale n'a pas conscience.
Ajoutons à ces laits celui de la mémoire consciente. Nous ne pouvons nous souvenir consciemment que d'un certain nombre de choses et d'une façon plus ou moins sommaire; les autres sont cependant gravées dans notre cerveau sous forme de dynamisme* inconscients. Mais bien plus, nous ne pouvons éclairer à la fois qu'un bien petit nombre d'associations dynamiques, d'images de mémoire du miroir de notre conscience. A chaque instant même, divers phénomènes d'inhibition coupent momentanément le fil et empêchent tel ou tel souvenir moteur sensible ou central de devenir conscient, ce qui correspond très probablement à une inhibition de l'activité concentrative de l'attention sur telle ou telle voie
des éléments cérébraux.
Comme sur la même corde ou sur la même plaque de cuivre peuvent se produire des systèmes différents de vibrations suivant le point où on les touche, notre cerveau, sans que nous ayons besoin de nous inquiéter de ce qu'on appelle localisations cérébrales, c'est-à-dire des domaines divers de l'écorce où viennent aboutir les systèmes de fibres de chaque contre sensoriel, ou d'où partent les systèmes de fibres pour chaque centre moteur spinal, — notre cerveau, dis-ie, peut vibrer de différentes façons plus ou moins complètement indépendantes l'une de l'autre; c'est probablement ce qui a lieu dans ce qu'on a appelé double conscience (cas de Macnish et d'Azam) ; c'est ce qui a lieu pour chacun de nous dans le sommeil et la veille, comme on l'a souvent fait observer. Ce sont du reste souvent les mêmes images dynamiques qui vibrent tout en étant éclairées par deux consciences indépendantes, mais soit leur intensité, soit leur qualité diffère. Dans l'état de sommeil, dans le rêve, les représentations ont la qualité subjective (consciente) des perceptions de l'état de veille, c'est-à-dire celle d'hallucinations, puisqu'elles ne sont pas éveillées par une irritation sensorielle périphérique correspondante. La perception à l'état de veille n'en est pas moins, comme on le sait, un phénomène purement central, lors même qu'il est éveillé par un complexe adéquat d'irritations sensorielles périphériques. Toute sensation simple (la perception est un agrégat dynamique de sensations associées et contient d'anciens jugements organisés, automatisés) est de même
un phénomène absolument cérébral, ce que beaucoup de gens oublient toujours.
Rapprochons maintenant tous les faits que nous venons cTénu-mérer des faits de la suggestion et observons d'abord ce qui se passe lors d'une de ces suggestions simples à l'état de veille que tout le monde a éprouvées; je prei:ds quelques exemples d'ordres divers :
A Quelqu'un bâule devant moi; involontairement, je bâille sans pouvoir m'en empêcher [suggestion motrice). »
« J'ausculte un malade qui a certains parasites. Au moment où je m'en aperçois, je ressens des démangeaisons partout (suggestion sensible}. »
; Quelqu'un d'ennuyeux parle : je n'entends plus ce qu'il dit (hallucination négative). *
Dès que je m'aperçois de l'effet suggestif produit sur moi, je suis d'abord étonné, mais si ie lait se reproduit souvent, mon éton-nement cesse. Ce qui m'étonne, c'est la façon dont la cause a produit l'effet. La cause et l'effet me sont conscients, mais non leur enchaînement. Du reste, l'effet peut aussi demeurer inconscient (par exemple, dans le troisième exemple) et la cause de même (par exemple, dans le premier exemple).
Il y a là deux faits : une dissociation dans l'enchaînement des états de conscience et un phénomène de dynamogénie cérébrale produit par une simple perception. Que la perception soit consciente ou inconsciente, peu importe; la manière dont elle produit son effet t'son dynamisme associé; est inconsciente et c'est ce qui nous étonne, nous subjugue. La partie consciente de notre dynamisme cérébral s'étonne de l'effet qu'elle subit de l'action d'un rouage demeuré inconscient.
Dans l'hypnotisme, nous ne faisons qu'utiliser ces dynamîsmes cérébraux propres à tout homme ; nous surprenons, envahissons «subjuguons tes dynamismes cérébraux du sujeten nous servant de sa suggestibilité : nous combinons les suggestions de façon à dissocier de plus en plus ses associations conscientes spontanées et alors nous pouvons mouler sa dynamique cérébrale de plus en plus à notre guise, grâce à la tendance qu'ont tous les phénomènes nerveux de s'accentuer et de se reproduire d'autant plus qu'on les répète plus souvent.
Dur. ¦ les suggestions compliquées, telles que les hallucinations négatives, complexes, etc.. nous ne produisons en général pas d'effet très intense sur un point; le sujet perçoit en réalité tout d'une façon normale âcûté de la suggestion : nous inhibons seulement la conscience ou même souvent seulement le souvenir conscient de ces perceptions: souvent l'hallucination et l'inconscience ne sont qu'incomplètes, comme, par exemple, nous avons souvent dans le rêve plus ou moins conscience que les absurdités que nous
rêvons sont des rêves, que nous ne devons pas nous en effrayer, etc. M. Delbœuf. qui a si bien écrit sur les rêves, ne s'accusera cependant pas lui-même de simuler lorsqu'il rêve. Dans l'étatd'hypotaxie où se trouve l'hypnotisé, il est le jouet des idées, images, etc., qu'on lui suggère et ne peut plus les corriger par son propre jugement, ou ne le peut qu'en partie ou seulement pour certaines d'entre elles, pour les suggestions qui ne réussissent pas.
En fait, on peut tout observer chez les hypnotisés, suivant le degré de l'hypnose, la façon dont on la dirige, et surtout dont on a habitué l'hypnotisé à en être impressionné, suivant les auto-suggestions à f'aide desquelles il complète les suggestions qu'on lui donne. Notons que jamais la suggestion verbale ne comprend tout l'effet qu'on veut produire: elle ne peut jamais êtrc,cntièrement adéquate à l'effet qu'elle produit en réalité. Donc elle,se complique toujours d'auto-suggestions.
Prenons pour exemple lanesthésie suggérée : c'est une hallucination négative simple. J'ai déjà fait arracher des dents chez un très grand nombre de sujets avec une réussite admirable; tous ont déclaré, tant à moi qu'à d'autres personnes ensuite, n'avoir absolument rien senti. L'effet est surtout miraculeux lorsqu'on produit lanesthésie en pleine veille par un simple mot, et qu'on voit le sujet, d'ailleurs douillet, rire pendant qu'on arrache sa dent. Dans ce dernier cas, il est certain que l'inhibition est complète, que le sujet n'a pas conscience de la douleur et, par conséquent, ne ressent pas de dojlcur : car, d'après ce que nous avons vu. ressentir de la douleur et en avoir conscience c'est tout un. Jusqu'où l'irritation du nerf malmené de la dent arrachée s est-elle propagée dans le cer\eaur Il est clair que nous ne le savons pas- Mais il est certain que cela varie beaucoup suivant les cas et qu'il y a des cas où l'inhibition est très profonde. Le fait qu'on peut ramener le souvenir d'une douleur perçue après coup en en donnant la suggestion, fait démontré par Bernheim, ne prouve pas autant qu'il le semble, car je puis tout aussi bien suggérer au sujet le souvenir (halluciné ) de la douleur d'une dent arrachée, lors même que l'opération n'a pas eu lieu (hallucination rétroactive). Mais, dans beaucoup de cas, l'inhibition est plus faible et le souvenir réel d'autant plus facile à évoquer. Enfin, il est des cas bien clairs où la douleurest évidemment perçue consciemment et où l'on peut néanmoins persuader le sujet qu'il ne l'a pas ressentie. Ainsi, j'endors un infirmier et je lui suggère l'ancsthésie. ce qui ne réussit qu'à un faible degré. Pendant qu'on arrache sa dent, il crie, se débat, prend la main du médecin. Je continue mes suggestions pendant et après l'opération, si bien qu'il se rendort aussitôt la dent extraite. Je lui déclare alors qu'il n'a rien ressenti du tout, pas la moindre douleur, que c'est bien agréable de ne ressentir aucune douleur en pareil cas,
qu'il ne se souviendra de rien au réveil : et. en effet, au réveil, il üéclare n'avoir absolument rien senti. Je le fais observer et interpeller plus tard par de tierces personnes de son bord et vis-à-vis desquelles il n'a aucune raison de simuler (c'est, du reste, un garçon brave et véridiqjje) :à toutes il déclare n'avoir rien senti. Il est clair qu'il s'agit ici de l'inhibition d'un souvenir, ou mieux de la conscience d'un souvenir, tandis que dans le premier cas la conscience de la perception était inhibée au moment même où elle avait lieu ou, si l'on veut, la perception elle-même n'avait pas lieu; car on peut difficilement parier de perception inconsciente sans détruire la terminologie de l'ancienne psychologie, lors même que le fait physiologique est le même avec l'éclairage subjectif en plus ou en moins.
Chez d'autres sujets je suggère la cécité. Un mot de moi les rend aveugles en plein jour et en pleine veille. Cette cécité varie et il ne s'agit pas decomédie plus ou moins bien jouée. Chez l'un l'inhibition est laible, les yeux clignent dès qu'un objet s'approche, un de ses moi voit (son moi inconscient, demi-conscient); seul un autre dynamisme plus conscient, mais modifié, ne voit pas ou voit mal. Le premier moi évite les objets qu'il voit, le second n'en a pas ou presque pas conscience. Mais chez d'autres sujets la cécité, l'inhibition s'irradie plus fortement et nous obtenons une vraie cécité corticale. Même le clignement des yeux cesse à l'approche des objets, et j'ai vu de pareils sujets entrer en terreur, se croyant réellement devenus aveugles et prendre en suite de cela une grande peur de l'hypnotisme.
On voit donc qu'il importe peu que dans l'hallucination néga-tîve le sujet auquel on suggère, par exemple, qu'une porte de la chambre a disparu, sente ou ne sente pas cette porte lorsqu'il promène sa main dessus, qu'il complète la partie disparue par l'au-to-suggestion des dessins de la tapisserie ou par une nébulosité, jue la porte reparaisse ou ne reparaisse pas à ses yeux lorsqu'on 1 ouvre, etc.; tout cela dépend des auto-suggestions qu'il ajoute ou n'ajoute pas à la suggestion donnée. La clarté de l'effet dépendra aussi du degré de sommeil ou de veille. On sait que tous les états intermédiaires se produisent et que la veille somnambulique » ou « condition seconde » de M. Liégeois est tantôt une réhypnotîsa-tion, tantôt une veille plus ou moins complète, souvent absolue. Ici de nouveau tout dépend de la suggestion de veille ou de sommeil qu'on a donnée au sujet ou de l'auto-suggcstion de veille ou de sommeil qu'il se fait lui-même.
Lorsqu'on se méfie de son sujet et qu'on cherche à le prendre en défaut de simulation, il s'aperçoit qu'on le soupçonne, ce qui lui ôte sa confiance et le dessuggestionne. Sou\ent alors il croît lui-même avoir simulé et s'accuse à tort de simulation, comme l'a montré M. Bernheim et comme je l'ai observé moi-même. On lui a
inconsciemment suggéré qu'il simulait. Un sujet dessuggestionné ainsi par un médecin méfiant, vint me faire un aveu de simulation, en fondant en larmes. Je commençai par entrer dans son idée et lui faire promettre solennellement de me dire la vérité absolue. Puis je Ihypnotisai de nouveau et lui montrai bientôt, à son éton-nemen*. et à la grande stupéfaction du collègue, qu'il s'était trompé, qu'il était vraiment hypnotisé avec anesthésîe. catalepsie suggestive et amnésie.
Lors donc qu'un hypnotisé est complaisant, prudent, lorsqu'il se coupe é,nergiquement le bras avec un couteau suggéré tandis qu'ï se raye à peine avec le couteau réel, etc.. il ne s'agir pas de simulador, ji). mais d'un dualisme artificiel d¿ l'activité cérébrale.d'une inhibition incomplète, de phénomènes parents de ceux du rêve, d'interceptions plus ou moins partielles du miroir conscient ou des souvenirs conscients qui font au sujet 1 Illusion de la réalisation des suggestions, alors que le dynamisme cérébral complet (inconscient) n'a point cette illusion, etc.
M. Bemheim a clairement montré, qu'en génère!, le su;ct qui, dans l'hallucination négative, n'a subjectivement rien vu, a objectivement tout vu f2), et qu'on peut ensuite, en quelque sorte, laire revenir la lumière de la conscience sur ce souvenir inconscient. Tout cela ne prouve absolument pas que l'hallucination négative ne soit aussi réelle que les menstruations produites par la suggestion. Dans tous les cas. il s'agit d'eflets dynamiques ^'inhibition ou de dynamogénie produits dans le système nerveux par la suggestion, c'est-à-dire par le dynamisme cérébral que nous appelons l'âme. Ces effets peuvent se borner au cerveau, mais ils peuvent aussi s'irradier jusqu'aux nerfs périphériques, témoin l'arrêt ou la production des règles, la production de vessies cutanées, les stigmates de Lourdes, la diarrhée suggérée, etc.
La question ne peut donc être limitée à une question de conception ou de perception, de réalité ou de simulation. Les faits enumeres par M. Delbceuf doc. cit.) ne prouvent rien de nouveau. Un sujet de M. Delbceuf auquel on a suggéré qu'il n'a plus de
(i) Etcep:é naturellement le» cas de simulation maladive des hysteriq je» ; 4* reste, par principe, je s'utilise jixai» les expériences faites sur les hystériques.
(a) Qu'est-ce que voir r L'a p:*con auquel on a enlevé les hémisphères cérébraux voit, c'est-à-dire ui lobes optiques (tubercules bijumsaux antérieurs; votent. Cependant son moi cérébral, c'est-à-dire ce qui devenait conscient chez le rigeon lorsqu'il était encore intact, ne voit plus. Nous possédons de même plusieurs vues superposées; la vue cellulaire élémentaire de la reiine, la vue des centres t^bcorticaux (-orps senouillé externe et tubercules bi jumeaux antérieur» . la vue do centre optique cortical 'cwteas;, te enna la vue de l'ensemble des bémispheres sur lequel se répercutent, par le moyen des fibres d'Association, les imagei que la ré:ine a transmises au e**e*i par rintcroiédiaire des centres subcorticaux.
tête, déclare ne pas la voir lorsqu'on lui présente un miroir. C'est une absurdité au point de vue ae la logique, j'en conviens, mais nous en faisons tout autant en rêve, sans simuler, et je répondrai i M. Delbœufqu'un de mes malades atteint de delirium tremens sentit toute la nuit, sous son bras, sa têtequ'on avait coupée (hallucination du toucher) et que, ie matin, il n'y comprenait plus rien en s'apercevant petit à petit que sa tête était encore sur ses épaules. Ce malade n'avait ni plus ni moins simulé que les hypnotisés de M. Delbœuf.
Certainement la perception est un fait psychique, mais les faits psychiques sont en même temps des faits dynamiques, et s'il est vrai qu'originairement les perceptions sont provoquées par les irritations que les objets réels produisent sur nos sens, ce n'est pas toujours vrai pour les perceptions actuelles. L'hallucination est, comme le définit avec raison Kraepelin, une « perception trompeuse » (enallemand: Trugtvahrenehmung). La perception ne suppose donc pas toujours une cause extérieure, mais peut être produite par une cause intérieure, auquel cas elle nous induit en erreur. Et dans l'hypnotisme, ce n'est pas seulement la volonté du sujet qui est tantôt plus, tantôt moins complètement dirigée par l'hypnotiseur, maïs tout son dvnamUme cérébral, tant sensoriel icemri-pète) que moteur (centrifi ge) et intellectuel (centrale.
Je ne puis mieux terminer ces trop longues remarques qu'en recommandant aux lecteurs de la Revue de l'Hypnotisme les excellentes observations qu'a publiées notre collègue le docteur E. Bleuler, directeur de l'asile des aliénés de Rhémau, sur sa propre hypnotisation [Mùnchener Medicinische Wochenschrift, 1889, n° 5 : Zur Psychologie des Hypnose*. Notre collègue, très versé sur lès questions psychologiques et sur l'hypnotisme, a su cependant demeurer assez passif pour se laisser hypnotiser par le docteur Von Speyr et par moi. Il rend compte de l'état éprouvé par lui d'une façon qui confirme entièrement les vues de l'Ecole de Nancy et qui montre clairement combien le mécanisme même de la suggestion est inconscient, lors même que ses manifestations sont la plupart du temps conscientes.
HYPNOTISATION PAR SURPRISE
Communication du Docteur VAN RrNTERGHEM. d'Amsterdam
Le 10 mars dernier, je revenais avec mes amis A. et B. d'un petit voyage de loisir. Prenant place dans un coupé de chemin de fer, M. B. occupa le coin à gauche; je m'assis i sa droite, tandis que M. A. s'asseyait vis-à-vis de nous.
11 était deux heures de relevée et nous avions un trajet de 3/4 d'heure
à faire pour arrivera destination : la petite ville de X, où nous dînerions en famille chez Mme B. La conversation languissait: bientôt le silence s'établit.
A. se mit à lire la gazette et B. se blottit confortablement dans son coin et se prépara à faire un petit somme. Bientôt, en cfTct. il ferma les yeux et parut s'endormir. J'épiai ce moment pour poser doucement ma main gauche sur son genou, puis je la promenai de haut en bas jusqu'à trois reprises; après quoi, m'emparant de sa main droite, je relevai celle-ci et la retins quelques instants dans cette position.
L'avant-bras et la main restaient en catalepsie. Voilà donc mon voisin hypnotisé par surprise.
Disons de suite que M. B. a été traité par nous pour une affection rhumatismale de la jambe droite l'année passée et soigné par la suggestion hypnotique ; disons encore qu'il est très suggestiblc et entre facilement en somnambulisme profond.
Il y avait cependant plus de treize mois depuis sa dernière hypnotisa-tion et je n'avais pas prévenu le sujet que ic l'endormirais ; du reste, l'idée d'hypnotiser M. B. ne m'est venue qu'au moment même où celui-ci ferma les yeux.
Je n'ai pas fixé le sujet, ni prononcé une seule parole pour induire le sommeil ; aussi le fait que B. entra en hypnose et non dans le sommeil naturel, n'a pu Être produit que par mon attouchement. Il a dû se rappeler les légères passes que je lui faisais le long de la jambe, dans l'eut d'hypnose, l'année passée, et ce souvenir a dû lui suggérer le sommeil hypnotique.
D'une voix douce, je recommandai au dormeur de continuera dormir et de ne se réveiller qu'au coup de sifflet de la locomotive, au moment d'entrer en gare de X.
Je sortis de ma poche une carte de\isite sur le dos de laquelle j'écrivis la suggestion suivante :
«Cet après-midi,au diner, vous vous ressouviendrczquevous me devez cinq florins. Vous mêles rendrez en présentant vos excuses d'avoir oublié de me rembourser cette somme que je vous ai prêtée le mois dernier. *
Après en avoir donné lecture à M. A., je glissai la cane dans une poche de la redingote du dormeur.
Maintenant, m'adressant à M. B. :
Moi. — Vous savez que vous nie devez encore cinq florins ?
B. — Mais non.
Moi.—Je vous assure que si; vous me les avez empruntés le mois passé en allant au théâtre ; il vous manquait cette somme pour payer les billets. Rassemblez bien vos souvenirs. Vous vous le rappelez bien maintenant !
B. hoche la tête affirmativement.
Moi. — Vous en êtes bien sûr, n'est-ce pas ?
B. — Oui (d'un ton décidé).
Moi. — V'.'.i bien, cet après-midi, au dîner, après qu'on aura servi la
soupe, vous me rendrez la somme et vous me présenterez vos excuses d'avoir tardé si longtemps à me rembourser.
Mon ami B. continuait son somme pour se réveiller au moment ou le train entrait en gare de X.
— Nous voilà arrivés, dit-il en se frottant les yeux.
Moi. — Avez-vous bien dormi ?
B. — Mais je n'ai pas dormi, je pense; j'ai sommeillé un peu, voilà tout.
Nous quittons la voiture et parlons d'autre chose.
Cependant le soir, au dîner, ma suggestion post-hypnotique se réalisa parfaitement.
Mon ami B. s'obstinait à me rembourser cinq florins qu'il ne medevait pas et refusait de croire que je lui avais donné cette suggestion. Il était bien sûr de ne pas avoir été hypnotisé; il avait été assoupi un peu, c'est vrai, mais il avait dormi de son propre compte.
Aussi, je n'aurais pas pu persuader mon homme qu'il avait agi sous l'empire de ma suggestion, si la carte de visite et l'affirmation de M. A. n'eussent été là pour le convaincre.
Cette observation me semble intéressante sous deux rapports :
D'abord elle démontre une fois de pljs non seulement qu'on peut être hypnotisé à son insu, mais encore que le dormeur peut se tromper sur le degré de son sommeil et que l'appréciation subjective prête facilement aux erreurs.
TROUBLES DE LA VISION GUÉRIS PAR LA SUGGESTION HYPNOTIQUE
Par le Docteur A. CHILTOFF
PROFESSEUR A LA PACULTÉ DE KHAREOFF
/ Le prêtre Nicolas Bosnagian, âgé de 27 ans, demeurant à Nakischevan, est venu chez moi le 6 avril 1SS8. Il se plaint de la faiblesse de sa vue; et comme M. le prolesscur Hirchmann lui avait déclaré que sa maladie était une névrose, le malade s'est adressé à moi afin de lui faire la suggestion hypnotique. Depuis neuf mois déjà il ressentait, à la suite de lectures prolongées, une fatigue et une faiblesse de la vue, surtout de l'œil gauche. Il y a cinq mois que le malade a cessé de lire les caractères ordinaires et de faire la messe. Etat actuel: le malade est d'une constitution faible, le dynamomètre donne pour la main droite 38, pour la main gauche 32. Les fonctions du corps s'accomplissent lentement, mais elles sont normales. Le malade voit mal, surtout de l'œil gauche ; il ne peut pas reconnaître ses connaissances à la distance d'un pas. De l'œil droit
il voìi suflîsamm-nt à la distance de cinq pas. De l'œil gauche, il lille» gros caractères à la distance de 12 centim. ; de l'œil droit, a la distance de 30 centim.
Première séance, le 7 avril : au bout d'un quart d'heure, une somnolence légère.
J'ai sugzére au malade : Vous devez voir mieux. Après la séance, le malade assure qu'il voit mieux. Par exemple : à présent il voit distinctement la mèche de la bougie, tandis que cela était impossible avant la séance.
1-e S avril, seconde séance, qui a duré 20 minutes : sommeil léger.
Suggestion : distinguera la distance de 3 pas, de l'œil gauche, les doigts de ma main et les traits de ma figure ; également Hrc les gros caractères a la distance de 20 cent. Apres la séance, le malade distingue clairement a la distance de 3 pas les traits de ma figure et les doigts que je lui montre; il lit également à la distance de 20 cent.
Le 9 avril, troisième séance (i5 minutes] : pesanteur des paupières et de la tè*:e, engourdissement et sommeil léger.
J'ai suggéré de f jire tout comme dans le précédent cas à la distance de 5 pas. Résultat positif. Le malade, aujourd'hui, s'est promené cnvilleet a pu distinguer clairement tous les objets qui l'entouraient.
Le 10 avril, quatrième séance. Après la séance, le malade voit bien i la distance de 6 pas, de l'œil gauche^-
Le 12 avril, cinquième séance : sommeil profond. Après la séance, le malade, à la distance de 8 pas, voit bien tous les objets dans la chambre et lit exactement les caractcrcs ordinaires à la distance de 5o centim., de l'œil gauche./
Mlle A. Adjëmowa, de li ville de Rosiof. âgée de 16 ans. d'une
constitution scrofulcusç. est venue chez moi le 6 mai 1Ò88.
Elle souffre d'une faiblesse de la vue depuis deux ans. L'examen ophtalmoscopique des yeux ne décèle pas de maladies organiques ; elle Ht péniblement à la distance de 20 centim. et elle ne peut reconnaître
les persinnes à un pas.
A la distance de 2 pas, elle voit tous les objets comme à travers un
voile.
Le 7 mai. première séance. Au bout de 5 minutes, la malade est tombée dans le sommeil ; néanmoins, elle avait bien entendu la haute suggestion verbale, comme elle me l'a dit après la séance.
Je lui ai suggéré de lire distinctement â la distance de 35 centim. et de distinguer le; objets à la distance de 2 pas.
La malade a accompli la suggestion avec une ponctualité remarquable.
Le 9 mai, 2' séance d'hypnotisme. Hypnote assez profonde, obtenue rapidement par la fixation du regard.
Suggestion : Vous devez distinguer les objets à la distance de 4 pas et lire à la distance de 45 centim.
Réveil obtenu en soufflant sur les paupières. Après la séance. la malade voit bien a la distance de 4 pas et lit bien à la distance de 45 centim.
Le 10 mai, le résultat acquis hier s'est maintenu. 3'séance. Hypnose obtenue et après un quart d'heure. Suggestion : Vous devez distinguer les objets à la distance de Ó pas et lire à la distance de 55 centim. Le résultat de la séance est positif. Le 13 mai, 4' séance. Sommeil très rapide.
Suggestion : Distinguer clairement les objets à la distance de S pas et Gre distinctement a (55 centim. Après la séance, la malade atout accompli conformément àia suggestion. La malade, très satisfaite de son état, a quitté la ville.
REVUE DE LA PRESSE
fLes perceptions inconscientes de l'hypnotisme
par M. A. Binet. (Revue scientifique, 33 fév. 1889.) .
Les discussions qui s'élèvent journellement entre les différents observateurs qui se sont adonnés à l'étude des phénomènes hypnotiques tiennent en grande partie a ce qu'on ne s'entend pas sur les mots ; d'autres divergences peuvent provenir d'autres causes, telles que la diiTé-renec des méthodes, la différence des su jets d'expérience, et même leserreurs commises par tel ettelobservateur.carqui peutaffirmerqu'ilnes'cst jamais tromré? Mais les questions de terminologie tiennent une très grande place «Lns le débat, et j'en ai eu la preuve récemment dans trois articles qui ont été publiés par MM. Liégeois, Bernheim et Delbœuf(ii; les deux premiers de ces observateurs nous ont fait connaître, relativement à l'ancsihéiie systématique (ou hallucination négative, des phénomènes très intéressants qui confirment pleinement l'interprétation que plusieurs auteurs et moi-même avons donnée de l'ancsthésie systématique ; cependant les auteurs précédents croient réfuter notre interprétation, qui est identique A la leur, avec des expériences qui sont analogues aux nôtres, et leur erreur provient simplement d'une confusion dans la terminologie.
Je crois donc qu'il serait très utile de résumer, rela'.ivcmcnt à l'ancsihésic systématique, les faiis qui ont été observés par tous les chercheurs, et qu'on peut considérer dès à présent comme hors de discussion. Ce
(ï) Revue de rHypnotisme, iSSS.
travail, qui est très simple, pourrait être fait pour tous les phénomènes de suggestion. Je ne m'occupe pour le moment que de l'anesthésie systématique.
Je propose de définir ce phénomène : la suppression de la perception consciente d'une personne ou d'un objet. Voici ce qui paraît admis par bon nombre d'observateurs : i" On admet que cette suppression peut porter sur tous les sens ù la fois, ou sur un sens seulement; par exemple, avec une suggestion convenable, on peut empêcher le sujet de percevoir visuellement une personne, tout en lui permettant de continuer à l'entendre, ou de sentir son contact. Plusieurs auteurs ont publié sur ce point des observations détaillées.
2* Un second point intéressant a été signalé par M. Richcr (i), par M. Féré et moi {2), et en troisième lieu par M. Pierre Janct (3); lorsqu'on supprime la perception d'une personne connue du sujet, il arrive parfois que le sujet, au réveil, voit la personne, mais ne la reconnaît plus et ignore qui elle est.
3* En troisième lieu, l'objet dont la perception est supprimée ne produit point une lacune dans le champ de la perception du sujet; le plus souvent, le sujet, par un phénomène d'auto-suggestion. croit continuer à voir les objets qu'on place derrière l'objet invisible. Cette observation a été faite par M. Richer, par M. Féré et moi, et par M. Pierre Janct.
4° Il faut que le sujet reconnaisse l'objet invisible pour ne pas le voir. L'expérience le démontre, lorsqu'on dit au sujet endormi qu'il ne verra pas telle carte blanche confondue avec un certain nombre de canes semblables. On peut, du reste, faciliter la reconnaissance de la carte en y dessinant un point de repère quelconque. Cette expérience a été faite par MM. Richer, Binct et Féré. et Pierre Junei.
5' Le dernier point que nous signalerons, le plus délicat de tous, est relatif au mécanisme du phénomène. Il semble prouvé que la partie purement consciente de la perception est seule supprimée; le processus physiologique de la perception est au contraire conservé. Un grand nombre d'expériences, dues à des observateurs différents, vont nous le démontrer. La première en date est celle de M. Féré et de moi; la voici : on donne au sujet hystérique la suggestion qu'il ne verra pas la couleur du carré de papier qu'on placera sur un écran, devant lui; l'expérience faite et le carré de papier retiré, on peut arriver, en aimantant le sujet, à lui donner le souvenir conscient de la couleur du carré (4). Cette expérience suppose qu'on admet la réalité des effets produits par l'aimant sur le corps humain ; mais la question est encore
(1) La Grande Hystérie, 2« édition, p. 72a.
(2) Le Magnétisme animal, 1887, p. 238.
(3) L'Anestkisie systématisée (Revuephilosophique, mai 18S7J.
(4) Le Magnétisme animal, loc. cit.
controversée pour quelques auteurs, aussi devons-nous* mettre notre expérience en réserve.
M. Pierre Janet a aussi constaté que, si on dédouble un sujet pendant qu'il a reçu la suggestion d'une anesthésie systématique, une des personnalités ne perçoit pas l'objet supprimé et l'autre le perçoit. Cette seconde observation, très curieuse, doit encore être mise en réserve. les phénomènes de dédoublement n'étant pas encore admis par tout le monde {i).
Enfin, nous citerons deux expériences, l'une de M. Liégeois, l'autre de M. Bcrnhcim, qui ont l'avantage de ne faire intervenir que la suggestion. Dans l'expérience de M. Liégeois, la personne qui a été totalement supprimée pour le sujet n'est pas entendue de lui, si elle lui adresse directement la parole ; mais quand cette personne parle du sujet à la troisième personne si elle dit par exemple : le sujet se lève, marche, chante, etc.). elle peut produire des suggestions qui se réalisent. Cette expérience démontre que le sujet entend, sans en avoir conscience, la voix de la personne qui a été supprimée par suggestion {2).
L'expérience de M. Bernhcim est plus nette. La personne supprimée fait différents actes, prononce diverses paroles devant le sujet qui dit ne rien voir et ne rien entendre. Puis, on abolit la suggestion, on rend visible la personne supprimée, et par une suggestion nouvelle on peut arriver à faire dire au sujet tout ce que cette personne a fait ou dît, ce qui prouve que le sujet avait vu et entendu sans en avoir conscience (3).
Ainsi, il semble résulter des faits précédents que la perception de l'objet supprimé n'est pas entièrement détruite, et que c'est principalement la partie consciente du phénomène qui est altérée.
Je crois que la conclusion précédente, s'appuyant sur tant de faits, est acquise, et dès a présent hors de discussion.
Ce qui a été un objet de discussion et de dissidcn:e, c'est le nom h donner au phénomène. A Nancy, on l'appelle hallucination négative; ce terme m'a toujours paru impropre, car |e ne vois pas dans tout cela quel rapport il y a avec une hallucination. Ce qu'on supprime, ce n'est pas une hallucination, c'est-à-dire une perception imaginaire, c'est une perception réelle; on abolit, on rend négative, pour employer le terme de M. Bcrnhcim, une perception. L'expression de perception négative serait donc correcte, si le mot négative n'était pas un peu obscur.
M. Féré et moi avions proposé le terme d'anesthésie systématique. Ce terme a donné lieu à des méprises; on a cru sans doute que par anesthésie nous entendions parler d'une paralysie vraie, d'une destruction de la sensation et de la perception; dans notre pensée, ce mot d'anesthésie
(i) L'Anesthésie systématisée [Revuephilosophique, mai 18S7, p. 458).
(a) Revue de l'Hypnotisme, 1SS8.
(3) Revue de l'Hypnotisme, die. 1888.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICALE DES HOPITAUX Séance du a» mars. — Présidence de M. Cabst dk Gasiicoustt. Parai y» Je agitante ancienne améliorée par les miroirs rotatxfe^y
M. Ltm. — Je présente k la Société un malade âgé de quarante-quatre ans, qui, depuis quatre ans, était atteint de paralysie agitante, lorsque j'eus ridée d'essayer sur lui l'action des miroirs rotatifs, ou miroirs à alouettes. Cette tentative était non seulement absolument inoffensive, mais, de plus, justifiée par ec fait que tous les traitements employés jusque-là avaient échoué.
Ce malade a été envoyé dans mon service par M. le docteur Gaucher, dans U service duquel il se trouvait, et qui a pu l'étudier tout è son aise avant de me l'adresser.
Quand je le reçus, le 5 janvier 1880, la maladie se caractérisait d'une faooa des plus typiques comme paralysie agitante. Outre le tremblement si caractéristique des mains, il y avait la trépidation générale du tronc, la roidenr des muscles de la nuque qui, par une sorte de torticolis, immobilisaient la tête •ur la colonne cervicale. Les traits de la face étaient sans aucun pli appareoL
Le malade était dans l'impossibilité absolue de porter les boissons a ses lèvres : il ne pouvait, seul, boutonner ses vêtements, ni écrire ; depuis quatre ans, n avait cessé de pouvoir donner une signature, et il la traçait à l'aide «fane croix. La parole était embarrassée et saccadée.
Le traitement hypnotique avec les miroirs rotatifs fut immédiatement institué, arec l'aide de M. le docteur de Grandchamp. mon chef de laboratoire. L'amélioration commença à la huitième séance seulement, les séances ayant lieu chaque jour. Elle était considérable et généralisée a la quatorzième. Le tremblement des mains a diminué au point que le malade peut porter un
n'avait pas ce sens, et nous ne voulions parler que d'une anesthesie par inconscience. Je crois, du reste, avoir montré dernièrement que Fanes-thésie hystérique se présente le plus souvent sous la forme d'une anes-ihé.sic par inconscience.
Mais, pour ma pan, ¡e suis pret à abandonner une terminologie qui donne lieu â des confusions. Je crois qu'on pourrait mettre de cote hallucination négative, anesthesie systématique, et dire tout simplement : perception inconsciente, ou perception négative.
En définitive, on voit que les différents observateurs qui ont étudié le phénomène en question sont d'accord sur un très grand nombre de points importants. La discussion principale a porté ici sur une question de mots, qu'il serait urgent de faire cesser. .
S'il s'est glissé quelques erreurs dans cet article, je serais heureux qu'on les relevât. Je ne voudrais pas signaler comme acquis des faits dont des auteurs compétents doutent encore.
«rre demi-plein a la bouche, alors qu'auparavant il était obligé de placer le Terre sur une chaise et de se mettre à genoux devant pour happer le liquide, sans toucher le récipient arec les mains.
Il est intéressant de constater qu'un état morbide ancien et réputé incurable a été rapidement et très notablement amélioré par une simple action physique des miroirs en rotation placés devant les yeux. Le malade n'a reçu de nous dacs les premiers jours, aucune suggestion hypnotique; ce n'est que dans les derniers temps, al r* que le mouvement ascendant vers la guéríson était déjà acentué, qu'on lui a donné rarement quelques suggestions verbales èc ne plus trembler. Mais, en somme, l'action véritablement efficace de ce traitement revient tout entière à cette étrange influence sur les yeux d'abord, sur les centres nerveux ensuite, des vibrations lumineuses agissant d'une façon successive et rapide
Cette action, qui ne paraissait pas s'exercer aux premières séances. laissait néanmoins après elle une impression favorable, et cette première impression, l'ajoutant a celle des jours suivants, fiait par amener un colUpsus général, accompagné d'un sommeil spécial. C'est un sommeil qu'on pourrait appeler aaccanique. qui est doué d'effets sédatifs et thérapeutiques d'une puissance escore inconnue. Ses effets se sont révélés, néanmoins, arec une puissance aussi surprenante qu'efficace, et nous Espérons que ce ne sera ¡ i qu'un premier pas sur une route dans laquelle nous serions heureux de voir s'engager tons ceux de nos collègues qui s'intéressent à cet ordre de recherches.
M. Gaucher. — A l'appui des remarques de M. Luys, je dois dire que le naïade était aussi peu hystérique que possible et aussi borné qu'honnête. C'est précisément parce qu'il offrait toutes ces garanties a l'égard d'une simulation toujours a craindre en pareils cas. que je l'ai adressé a notre collègue.
Bien entendu, je ne me charge pas d'expliquer le mécanisme de l'amélioration considérable qui a été obtenue sous mes yeux.
Le diagnostic de paralysie agitante m'a semblé hors de doute. Cependant, j: dois dire qu'un de nos collègues, dans le service duquel le malade a passé, arait pensé a une sclérose en plaques, s appuyant, je crois, sur ce fait que le tremblement était exagéré par les mouvements.
M. Jorruov. — Peut-être convient-iL malgré tout, de mettre un point d'interrogation derrière le dikgnostic de paralysie agitant?. Pour qu'un de ¦os collègues ait pu porter celui de sclérose en plaque*, il fallait, ce me semble, que le cas fût douteux, car le diagnostic de paralysie agitante s'impose pour ainsi dire, de lui-même, quand on se trouve en face d'un cas au-pen tique.
Au surplus, les cas bien nets de paralysie agitante ne sont pas rares, et M. Luys pourra facilement répéter son expérience. La chose en vaut la peine, puisque nous sommes désarmes, ou â peu près, en face de cette maladie.
M. Lurs. — Je crois, comme M. Gaucher, que le diagnostic n'est pas douteux. J'ajouterai qu'on abuse un peu, a mon sens, de la sclérose en plaques et qu'on en voit la où il n'y en a pis. C'est, du motas, l'opinion à laquelle m'a conduit une expérience de dix-huit ans a la Salpctrîère et de deux ans à Bicêtre. Pendant ces vingt ans, passés dans des milieux aussi spéciaux, je » ai vu que quatre autopsies de sclérose en plaques.
Il y a donc, a mon avis, beaucoup moins de scléroses en plaques sur la table d'amphithéâtre qu'au lit du malade.
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
-
Cours de M. le docteur Auguste Voisin.
M. le docteur Auguste Voisin a commencé le dimanche 10 mars, en présence d'un nombreux auditoire, une série de leçons cliniques sur les maladies mentales et nerveuses.
Dans la première leçon, le professeur a fait l'étude des symptômes de ht paralysie générale. Dans la seconde, il a parlé des applications de l'hypnc-tisme au traitement de quelques-unes des maladies mentales. 11 a pu montrer successivement a ses auditeurs quatre malades chez lesquelles la suggestion hypnotique a amené la disparition d'attaques convulsives, de troubles graves du caractère, de mélancolie, et de manie aigué. Comme il l'a fait très justement ressortir, sans cette nouvelle thérapeutique, les malades auraient probablement été condamnées à une séquestration perpétuelle, sans espoir de guérison. tandis qu'au contraire il a été possible de les remettre en liberté^/
Nous ne nous dissimulons pas qu'un certain nombre d'alicnistes discuteront, même sans ies avoir contrôlés, les résultats heureux obtenus par notre éminent collaborateur. Quelques-uns pourront dire qu'entre leurs mains, le même procédé thérapeutique n'a été suivi d'aucun succès. Nous ne nous en étonnerons pas. L'application du traitement psychique n'est pas à la portée de tout le monde. Indépendamment de la compétence spéciale, il nécessite la mise en œuvre de certaines aptitudes, dont les moins difficiles à acquérir ne sont pas la ténacité et la patience. M. le docteur Aug. Voisin possède au plus haut degré ces deux qualités. Quelque critique que puissent formuler des confrères, incompétents en matière d'hypnotisme, il n'en est pas moins acquis, d'une façon indiscutable, qu'il a guéri, par la suggestion hypnotique, des affections mentales graves, rebelles à tout autre traitement.
Trop de médecins ont malheureusement une regrettable tendance à croire qu'il n'y a que ce qu'ils font et que ce qu'ils connaissent qui soit bien et utile.
A maintes reprises, nous avons entendu discuter les résultats thérapeutiques obtenus par M/Aug. Voisin. Avant de formuler une opinion, nous avons voulu attendre que ces guérisons, obtenues par la suggestion hypnotique, fussent sanctionnées par le temps. Aujourd'hui, nous pouvons répondre a ceux qui seraient tentés de détracter : ¡ Si vous n'obtenez pas les mêmes résultats, ne vous en prenez pas au procédé ; de mandez-vous plutôt s'il ne faut pas vous en prendre à vous-mêmes. »
Les cours de M. Aug. Voisin continueront tous les dimanches, pendant le mois d'avril.
Nous engageons vivement à les suivre tous les médecins qui s'intéressent à la question de l'hypnotisme.
Paralysies hystéro-traumatiques.
Dans une des récentes leçons cliniques faites avec tant d'autorité, à la Salpciricre, par M. le professeur Charcot, notre éminent maître a étudié un cas de paralysie hystéro-traumatique survenu dans des conditions très parti-
culicres. 11 s'agit d'une jeune fille qui, après avoir été mordue par un chien enragé. îl y a un an environ, a été soignée à l'Institut Pasteur. Pendant te traitement, elle a été prise d'une paralysie du membre mordu, laquelle persiste encore maintenant. Les caractères de cette paralysie sont des plus nets.
L'anesthcsie commence au-dessus du coude et se termine au-dessous de l'articulation par une ligne de démarcation très nette et nullement en rapport avec la distribution des nerfs. On constate en outre que l'anesthésie est profonde et que toute sensibilité articulaire et musculaire a disparu. La malade a perdu aussi le sens musculaire et est incapable de dire, si on lui ferme les yeux, dans quelle situation se trouve le membre.
11 ne s'agit d'ailleurs pas ici d'hystérie provoquée par le traumatisme, car cette malade a présenté des attaques dés l'âge de 14 ans; mais l'anesthcsie est un phénomène nouveau chez elle.
M. Charcot cite encore un cas de paralysie du même ordre survenu chez un ouvrier à la suite d'un coup de maillet reçu sur la main. Après quelques jours d'engourdissement, il se produisit une véritable" paralysie caractérisée, comme la précédente, par t'anesthésie nettement limitée et l'abolition de la sensibilité articulaire et musculaire ; chez lui, le champ visuel présente aussi la même altération. Ces formes de paralysie doivent être traitées le plus {rapidement possible. En même temps qu'on agît sur l'état général par les reconstituants, il faut aussi agir sur l'esprit du malade et le convaincre qu'il est curable- Il faut faire chaque jour des massages suivis d'efforts pour reproduire les mouvements du bras tain. Ausiitôt qu'on peut constater une certaine amélioration, c'est là un signe excellent qu'il faut mettre à profit et faire vérifier par le malade au moyen du dynamomètre. Il y a dans ce traitement un côte psychique énorme et les efforts sont d'autant plus grands qu'ils réussissent. C'est en réalité un traitement purement suggestit auquel on peut a|outer l'emploi de l'électrisation. qui n'est ici pourtant que d'une importance secondaire. Les résultats qu'on obtient sont tout à fait comparables A ce que Ton voit dans l'hypnotisme lorsqu'on guérit de la même manière une paralysie que l'on a produite artificiellement. Mjîs, pour réussir, il est nécessaire de commencer ce traitement de bonne heure.
L'état mental des mourants
M. Féré a dernièrement communiqué à la Société de biologie une note curieuse sur l'état mental des mourants. Il n'est personne qui n'ait entendu citer quelque cas de lucidité étonnante, de suractivité intellectuelle, particulièrement chez les individus privés de raison, quelques instants avant leur mort. Mais c'est sur le phénomène spécial de réminiscence que M. Féré a voulu appeler l'attention.
Déjà M. Salivas (i383) avait noté, chez un certain nombre de noyés rappelés à la vie, une révision extrêmement rapide des principaux faits de leur existence. Quelquefois, cette représentation panoramique parait comprendre presque tous les événements de l'existence ; d'autres fois, elle ne porte que sur des épisodes qui peuvent être sans importance. Chez les épilcptiqucs, d'ailleurs, cette réminiscence se produit parfois, et constitue alors une forme particulière d'aura intellectuelle. M. Féré pense même que ceite réminiscence des cpileptiques et des noyés rappelés à la vie a peut-être joué un rôle dans ¦rétablissement de la croyance à un jugement dernier.
Cci deux conditions étiologiques pourraient luire croire que ces phénomènes sont liés à une modification brusque de la circulation cérébrale. Mais M. Féré a rapporté deux faits qui semblent indiquer qu'ils constituent un phénomène peat-ctre fréquent dans la mort naturelle.
Dans un cas. il s'agissait d'un malade qui se mourait de consomption à h suite d'une maladie de la moelle. D;jà la connaissance était perdue, quand, ranimé par deux injections successives d'un gramme d'éiher, le mourant souleva légèrement la tcic et prononça avec volubilité de» parole» q -î ne furent pa> comprimes. Il s'était exprimé en flamand, que personne n'entendait autoor de lui. Après quelques mouvements d'impatience, il lit >ij;ne qu'il pouvait, écrire. On lui présenta alors un crayon et un carton sur lequel il écrivit très rapidement trois ou quatre lignes, également en flamand. Or cet homme, originaire des environs d'Anvers, habitait Paris depuii longtemps et ne parlait et n'écrivait qu'en français ; mais dans cette circonstance, il semble qu'il ait été incapaMe de se servir de cette langue. On vérifia que l'écrit rappelait une dette de i5 francs contractée en 1S0S envers un individu de Bruxelles, et qui n'avait pas été payée.
Ce fait est intéressant aussi en ce qu'il montre qu'une pcr>onnc en agonie peut cire momentanément rappelée à la vie et maniloter sa volonté d'une ota-niére intelligente et claire.
Dans un autre cas, il s'agissait d'un staxique qui mourait .1« ; h;i>;c pulmonaire. 11 avait eu plusieurs lipothymies et ne répondaitplu>au\ interpellation; le pouls était à peine sensible; ranimé par une injection d'ether, il tourna la tète vers sa femme, et dit brusquement : ¦ Tu ne la retrouveras pj». cette épingle, tout le parquet a été refait. • allusion à un fait qui s'était passé dix-huit ans auparavant Cette phrase dite, la respiration s'arrêta.
Ces faits ne sont certainement pas rares, et il semble bien que la réminiscence est un fait normal au moment de la mort naturelle, et qu'une excitaùoa artificielle peut eu fatoriserl'cxpressioc. Dans les cas rapportés plus haut,les réminiscences ont été brusques, spasmodiques en quelque aorte, et analogues à celles qui se produisent dans le cas de submersion mal'aura épilcptique.
Opinion d'un savant étranger sur la médecine française.
M. It docteur Hart, rédacteur en chef du Bristish Médical Journal, a profité de son récent séjour ì> Paris pour visiter tous nos établissements d'enseignement médical : écoles, hôpitaux, laboratoires, etc. 11 publie dans soa journal, sous forme de correspondance, tous les renseignements qu'il a recueillis avec le plus grand soin. Ces lettres sont empreintes de la plus vive sympathie pour notre pays; elles démontrent d'une façon évidente que les médecins étrangers qui se rendront à Paris, à l'occasion de l'Exposiuon, pourront y faire de très intéressantes visites au point de vue de leur instruction. M. Hart termine enfin son étude par la critique sui-.-..:-.;.-, qui prouve combien il s'est rendu compte des imperfections de notre système actuel:
« A Paris, personne ne peut arriver de bonne heure ; chacun doit pendant des années étudier les idées officielles de ceux qui peuvent être ses juges; H doit aussi faire grande attention aux idées préconçues et au parti pris de ces derniers, il ne peut pus se spécialiser de trop bonne heure et il ne doit pas être trop proéminent, ni prématurément original. Beaucoup de temps et d'eflorts doivent être employés à des études qui seront plus tard inutiles et à
des travaux qu'on laisser» ensuite de côté. A 35 ou 40 ans. le chirurgien ou le médecin quia atteint l.i plate-forme par une série d'épreuves, a souvent perdu son originalité et sa verdeur. Il est la créature d'un systéme officiel, des mailles duquel il n'est pas encore libéré s'il aspire i entrer à l'Académie, à l'Institut, ou a arriver au professorat. Certainement ce systéme exclu: l'incompétence et diminue ???» l'exclure) le favoritisme : mais il comprime l'origi-nalité et l'initiative; il donne une grande élévation à ceux qui ont pu arriver ??? hautes positions avant d'être fatigués et dans la vigueur de la vie. -
On écrit de Hcerby (Suède) : « M. Akerman a fait subir, a l'hôpital de Hurrby, à un malade hypnotisé, au lieu d'être chloroformé, une opération assez difficile qui a réussi de tout point. »
NOUVELLES
Hospice: de la Salpêtrière. — Clinique des maladies neveuses. — M. le professeur Charcot fait les vendredis, à 9. heures 1/2, une leçon clinique sur les maladies du système nerveux.
Asile Sainte-Anne. — Clinique des maladies mentales. — Clinique des maladies mentales. — M. le professeur Balen fait, les dimanches et les jeudis, des leçons cliniques sur les maladies mentales.
Hopital de la Charité. — m. le Dr Luys fait le jeudi matin, dans son laboratoire de la Charité, des conférences cliniques sûr l'hypnotisme expérimental.
Cours libre — Clinique des maladies nerveuses, 55. rue Saint-André-des-Arts.— M. le Dr Berillon fait tous les jeudis, a 10 heures 1/2. une leçon clinique sur les applications de 1 hypnotisme et de la suggestion à la thérapeutique et à la pédiatrie.
Hospice de la Salpêtrière.— Le Dr Auguste Voisin fait, le dimanche, à 9 h. 1/2 du matin, des coaférences cliniques sur les maladies mentales et nerveuses.
Congrès international de thérapeutique et de matière médicale. — Le congrès aura lieu a Paris, du 1er- au 5 août 1889. à l'hôtel des Sociétés savantes. 28. rue Serpente. Pourront en faire partie tous les médecins, pharmaciens et vétérinaires qui auront envoyé leur adhésion et payé la cotisation de 10 francs.
Le bureau du Comité d'organisation est ainsi compote : MM. Moutard-Martin, président; Dufardin-Beaumetz. vice-président; Constantin Paul, secrétaire général; P.-G.. Bardet, secrétaire général adjoint: Labbé et R. Blondel, secretaires.
Le congres sera divisé en deux sections : l'une thérapeutique, l'autre de matière médicale. Chacune des deux sections pourra délibérer à part dans des salles sepa-rées, aux séances de la matinée consacrées aux questions particulières laissées au choix des membres du congres: les séances du jour seront communes et réservées à h discussion des questions posées par le Comité d'organisation du congrès.
On est prie l'adresser toutes les adhésions ou communication» au D' Bardet, secrétaire général adjoint du Comité d'organisation, 119 bis. rue Notre-Dame-des-Champs. a Paris.
École pratiqué des Hautes Études. — Les personnes qui désirent prendre part aux travaux du laboratoire de psycholosie physiologique, sont priées de s'adresser au laboratoire, tous les jour», de deux heures à quatre heures, cicepté le jeudi ; ou les même; jours, de dix heures à onze heures du matin, chez M Beaunis, directeur dn laboratoire, 58. rue de Courcelles. — Le laboratoire se trouve dan» la nouvelle Sorbonne. au premier étage, entrée par le chantier de la rue Saint-Jacques, près de la rue des Ecoles.
—Le conseil général des Facultés de Paris réuni le 25 mars en Sorbonne. sous la présidence de M. Gréard. a autorisé l'ouverture, pour le second semestre, de cours
libres à la Faculté de médecine de Pari»; ils seront professés par MM. Bérillon, Duchastelet, Gascard, Gautier.
— Nous sommes heureux d'annoncer l'apparition d'un nouveau journal médical destiné à vulgariser les implications de l'hypnotisme. La Clinica, dirigée par notre distingué confrére le Dr Abdon Sanchez Herrero, parait tous les mois a Walladolid, à partir du 1er mars.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
(Depuis 1880)
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pages.
??sse De l'hypnotisme thérapeutique. Montpellier, 1888. In-8, 92 p. binswanger : Bemerkungen ueber die Suggestiv thérapie. Therap. Monatschrift, année III, nos 1, 2, 3. Berlin. 1889.
chambard : Projet de discussion sur les dansera de l'hypnotisme expérimental et de la suggestion. Ann. méd.-psychol., t. XLVI1, n° a. p. 282. Paris, 1889.
danillo: Ueber die therapeutische und forensische Bedeutung des Hypnotisions.
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forel : Ein Fall von Autohypnose. Muench. Med. Wchsckr., année XXXVI, n° 3,
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hirschfeld : Ein Fall von Hystero-Epilepsie bei einem 12 jæhrigen Mædchen. geheilt mittels hypnotischer Suggestion. Intern. Klin. Rosenau, t. II, p. 153. Wien. 1888.
krafft-ebing : Eine experimentelle Studie auf dem Gebiet des Hypnotismus. 2e éd..
Stuttgart, 1889. In-8. 9s p.
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guermonprez : L'ipnotismo ? la suggestione. (Trad. par Venturali.) ln-8°. 104 p.
Bologne.
D' Max Desssoir.
L'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT, 170, Rue St-Antoine.
paris. — imprimerie charles blot, rue bleue, 7.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
CLINIQUE MÉDICALE DE L'HOPITAL SÀ1ST-ELOI DE MONTPELLIER
LEÇONS SUR LE GRAND ET LE PETIT HYPNOTISME
Par le rrofess*u*J. GRASSET Recueillies ci publiées p^&Vv&XER. interne des hôpitaux
Ri
Messieurs, Çgjf
Sans me consacrer spécialerrrerrt'et exclusivement à l'étude et a la pratique de l'hypnotisme, j'ai eu. à plusieurs reprises, l'occa-sion d'aborder ce sujet et de m'en occuper avec vous dans le service.
Beaucoup d'entre vous se rappellent les expériences intéressantes que nous a permis de réaliser F.... ce sujet si remarquable dont j'ai publié avec Brousse l'observation (i). L'an dernier, jai également consacré plusieurs leçons à l'hypnotisme thérapeutique (2) et porté à votre connaissance une série de faits observés, les uns. dans la clinique, les autres (déjà nombreux aujourd'hui), en dehors de l'hôpital. Ces jours-ci, enfin, vous m'avez vu faire quelques tentatives d'hypnotisâtion sur une malade qui se trouve encore dans nos salles et occupe le n* 19 de la salle Sainte-Marie; cette jeune fille, chez laquelle le diagnostic d'hystérie ne saurait être mis en doute, n'a pas encore affirmé nettement le succès de la méthode; mais les expériences ne sont qu'à leur début et la malade en a déjà retiré quelque bénéfice : elle a été, en deux séances, débarrassée de son hémianesthésie.
Je ne vous dissimulerai pas, Messieurs, que le sujet dont j'ai lait choix pour ces leçons n'a jamais cessé de m'intéresser ; qu'aujourd'hui encore il me reste cher, et que je suis heureux de le retrouver à l'ordre du jour pour le signaler de nouveau à votre attention.
(1) Histoire d'une hystérique hypnotisable ; contribution à l'étude clinique doc phénomènes somaiiques rixe* de l'hypnotisme. (Arch. de Seurologie, iSSS. t. XIV.)
La substance de ces leçons a fait l'objet d'une communication sur l'Hypnotisme thérapeutique au Congres médical de Barcelone 'vscpicnbre 1S88).
L'hypnotisme tend de plus en plus à se lairc, dans les sciences
médicales, une place vraie, scientifique et définitive : la biologie, la médecine proprement dite en sont devenues tributaires. Ce qu'il importe, en cette matière comme en beaucoup d'autres, c'est de se maintenir, dans l'appréciation des résultats, à égale distance de 1 enthousiasme exagéré et du dénigrement systématique que les luttes de la première heure avaient fait naître. * . Malheureusement, ces luttes ne sont pas terminées. — En laissant de côté les aveugles et les sourds volontaires, qui, de parti pns. ne veulent rien admettre, et dont, il faut bien le dire, le nombre diminue tous les jours, en considérant seulement les médecins qui se sont sérieusement et scientifiquement occupés de cette grande question, on trouve encore parmi eux un désaccord profond. Aigre dès le début, le différend n'a jamais cessé de l'être, et ceci est d'autant plus regrettable, qu'il s'agit là d'une véritable guerre civile, que la lutte se livre, les coups s'échangent entre Français, et entre Français éminents.
En prèsenee de ces luttes et des théories contradictoires, symbolisées, d'un côté par l'Ecole de la Salpêtrière avec M. Charcot, de l'autre par M. Bcrnheim et l'Ecole de Nancy, vous pouvez vous trouver embarrassés. L'opposition radicale qui semble régner entre les deux Ecoles peut faire germer dans votre esprit le scepticisme et le découragement: ou bien, conséquence tout aussi regrettable, vous conduire à un jugement erroné dans un sens ou dans l'autre.
J'ai cru utile, en cette querelle, de vous faire connaître mon sentiment et ma manière de voir. Je n'ai certes pas la prétention de fonder, sous le nom de Montpellier, une troisième Ecole eu contradiction avec celles de Pans et de Nancy : je veux, en toute simplicité, vous exposer ma pensée et mon jugement sur ces questions difficiles. L'idée que je m'en fais est basée tout d'abord sur l'étude consciencieuse des documents publiés de part et d'autre; ensuite et surtout sur mes propres observations, qui commencent à former une collection importante. Je ie ferai impartialement et sans arrière-pensée, au risque de m'attirer de droite ou de gauche, peut-être des deux côtés, de ces horions dont j'ai déjà quelque expérience et qui. heureusement, ne laissent pas après eux de cicatrice douloureuse.
Je vous disais tout à l'heure que la grande querelle entre Nancy et la Salpôtrière est loin d'être épuisée. Je n'en veux pour preuve qu'un récent mémoire des Archives de Neurologie (janvier et mars 1889}, consacré par Babinski au grand et au petit hypnotisme. En tête de cet article, on trouve le passage suivant (t)( qv:
(1) Arch. de neurologie, 18S9, p. o3.
démontre bien que la lutte existe encore, et donne une note assez exacte du ton qui règne dans la discussion :
« La France, qui a tout lait pour le développement de l'hypnotisme, a été le principal théâtre de ces controverses et de ces batailles. On a opposé Ecole contre Ecole et nous avons aujourd'hui, suivant le langage des auteurs, une Ecole de Nancv qui est en opposition avec celle de la Salpétrière et qui prend le "contre-pied de tout ce que la Salpétrière a affirmé. Ce qui est une vérité a la Salpétrière devient une erreur à Nancy. Ces discussions, faites en général sans suite, à bâtons rompus, à propos de sujets et avec des expressions qu'on n'a pas eu, au préalable, le soin de caractériser suffisamment, ont des inconvénients immenses : le principal est d'inspirer au grand public, et même aux corps savants, un grand scepticisme à l'égard de laits que l'on voit sans cesse remis en question. >
Vous voyez, d'après cette citation, que la guerre dure encore : ta victoire du Grand hypnotisme (Salpétrière; sur le Petit hypnotisme (Nancy), victoire que les deux épithètes précédentes semblent faire prévoir, n'est pas encore définitive, ou tout au moins n'est pas encore universellement démontrée, puisque Babinski a cru utile de revenir sur la question et de faire, en faveur cl à la louange du grand hypnotisme, un nouveau plaidoyer, fort intéressant, du reste.
Cet article n'est pas le seul monument que la littérature médicale ait élevé, ces derniers temps, à la gloire du grand hypnotisme. L'article Hypnotisme » du Dictionnaire Encyclopédique. qui a paru tout récemment, a été confié à deux élèves très distingués de la Salpêirièrc, MM. Paul Richor et Gilles de la Tourelle; l'exposé de la question, habilement tracé par ces deux auteurs, est tout en faveur des théories de la Salpétrière. La structure même de l'article suffit à le prouver : la symptomatologie de l'hypnotisme, qui est la partie la plus importante, comprend 42 pages: sur ce nombre, ;8 pages sont consacrées au grand hypnotisme, a seulement au petit hypnotisme. Les développements donnés aux peux parties du sujet semblent dictés par l'adjectif qui qualifie la forme d'hypnotisme étudiée par chacune des deux Ecoles. Pareille proportion n'est pas, à mon avis, en rapport avec la réalité clinique des choses.
Quelques citations vous démontreront mieux que je ne saurais fe faire, à quelle hostilité se trouve en butte le malheureux petit hypnotisme.
Page ~2 : « Le grand hypnotisme, celui qui. à notre avi* tout au Bjns, mérite seul la qualification de scientifique »: — page 77 : «Nous p.-.sons qu'il (le grand hypnotisme) est actuellement encore fcpanieJ.c Hypnotisme la mieux assise, la mieux étudiée, et peut-être la seule vraiment scientifique »; — page 116 (en eom-
mençani l'élude du petit hypnotisme) : « Ce terme, créé par Charco! {le terme seul, car le petit hypnotisme c'est l'hypnotisme de Nancy), comprend une série d'états encore mal définis et mal classés : on pourrait même se demander si quelques-uns d'entre eux appartiennent bien légitimement à l'hypnotisme » : — et. page 220, à la fin des 4 pages consacrées à ce paragraphe : « Nous n'irons pas plus loin dans l'étude de ces états si mal définis et si mal classés, vu l'absence des caractères somatîques indispensables dans l'espèce pour déjouer la simulation. Achaque instant nous sentons le terrain s'effondrer sous nos pas. Nous ne pourrions cependant' pas nous dispenser, sinon de les décrire, du moins d'affirmer leur existence et d'établir les liens qui les rattachent au grand hypnotisme, le seul scientifique, quelque opinion, du reste, qu'on puisse avoir sur leur nature et sur la place qu'ils méritent d'occuper dans la série. »
Je dois vous paraître, ce moment-ci. bien mal défendre la thèse qui vous a été annoncée. Je vous ai dit que la querelle existait encore entre les deux Ecoles: ne semble-i-il pas. d'après les documents dont je viens de vous donner lecture, que tout est bien fini et que la querelle Paris-Nancy n'a plus qu'un intérêt historique? Les noms qui signent ces articles, les recueils où on les trouve, la forme même dans laquelle est rédigé le jugement, ne prouvent—ils pas péremp toi remen 1 que l'arrêt est définitif, sans appel, et qu'une victoire incontestée a pour toujours consacré l'épithètc de grand pour l'hypnotisme delà Salpètrière, comme Austerlitz l'avait accolée au nom de Napoléon r
Eh bien! non. L'ennemi est encore debout; il ne cesse de s'affirmer et de tenir en éveil ses adversaires; on ne peut nier son existence.
Babinski reconnaît qu'il faut exposer « la manière de voir de l'Ecole de Nancy ; ce qui ne nécessite pas, du reste.de longs développements, car elle consiste essentiellement à nier tout ce qu'on affirme à Paris. Bernheim refuse de prendre pour type le grand hypnotisme qui est, dit-il, une création purement artificielle; il n'attribue aucune importance à l'existence des phénomènes somatiques, qui ne sont, pour lui. que l'œuvre de la suggestion » ; — et pius loin : c L'Ecole de Nancy conteste donc d'une façon absohw l'exactitude des diverses affirmations de l'Ecole de la Salpétriê/e ». (page 10;).
Donc, vous le vovez : les deux thèses sont encore en présence; bien plus, et à première vue, elles paraissent inconciliables.
Rappelez-vous, toutefois, un principe général, sur lequel je °3 cesse d'attirer votre attention, et qui retrouve ici une application directe : Jamais, en clinique, deux observations faites par defl hommes également honnêtes, également éclairés, ne sont inconciliables ou foncièrement contradictoires. On peut chercher long-
temps le terrain de conciliation; mais il est certain qu'il existe, on doit faire effort pour le trouver.
Ne vous semble-t-il pas que nous sommes bien placés ici. aussi éloignés de Nancy que de Paris, dégagés des influences locales, pour essayer de trouver ce terrain de conciliation clinique et pour rechercher, sans parti pris, ce qu'il y a de fondé dans cette querelle ?
C'est ce que je vais essayer de faire dans les trois leçons qui nous séparent des vacances de Pâques.
11 est un premier point de vue important sur lequel je désire, une fois pour toutes, manifester ma manière de voir : c'est le point historique.
Je n'ai aucune difficulté à reconnaître (et tous ceux qui savent combien j'admire l'œuvre de Charcot n'auront aucune peine à me croire) que, non seulement le grand hypnotisme a précédé le petit, mais encore qu'il a ouvert la voie à l'hypnotisme scientifique contemporain tout entier. C'est là pour Charcot un grand et légitime titre de gloire.
Les phénomènes de l'hypnotisme sont trop frappants, trop curieux, trop répandus même, pour ne pas avoir été vus de tout temps. On les trouve décrits dans l'histoire de certaines coutumes, de certaines sectes; les Aïssaouah. que j'ai pu voir en Algérie, se transmettent de génération en génération des pratiques du plus haut intérêt.
A diverses époques se sont manifestées des explosions de vogue qui. loin de marquer un stade dans l'évolution scientifique du problème, ont traduit simplement l'entrain de charlatans magnétiseurs et l'enthousiasme irréfléchi des foules. Telle est la période du magnétisme animal, celle du mesmérisme, etc. Il n'y avait dans ces poussées de vogue enthousiaste rien de raisonné ni de raisonnable ; seul le merveilleux frappait : c'était un simple hommage rendu à la constatation de phénomènes curieux et inexplicables.
Le véritable précurseur de l'ère scientifique, l'ère moderne, est Braid, dont les travaux connus paraissent (1845) au moment même où l'Académie condamne solennellement le magnétisme animal, jette sur la question le voile de la chose jugée, et refuse nettement d'en jamais reprendre la discussion.
Avec Braid, on ne voit pas apparaître ce grand courant d'opinion qui prouve qu'une science est fondée: l'attention, fatiguée par le débat académique, se désintéresse du problème. L'oubli, prescrit par la grande corporation médicale, persiste jusqu'en 1860, où la question reparaît sous une face nouvelle, la face des applications chirurgicales. Azam fait de l'hypnose, empiriquement obtenue, une arme contre la douleur et l'étudié chez une malade célèbre. Il est
suivi dans celte voie par Broca, Verneuil et Velpeau. L'introduction des anesthésiques, avec leur incontestable supériorité, dans le domaine de la thérapeutique chirurgicale, vient bientôt porter un coup fatal à cette trop spéciale application des phénomènes hypnotiques.
Tous les hommes que je viens de mentionner n'ont été que les précurseurs, et non les fondateurs, de l'hypnotisme scientifique. Sans doute, à une époque relativement ancienne, Liébeault faisait de l'hvpnotisme à Nancv, comme KOImoIucn faisait à Montpellier; sans âoute Lasègue et surtout Ch. Richet apportaient à l'étude des faits qu'ils observaient ur.c sérieuse et rigoureuse attention. Mais la porte n'était pas forcée, l'interdit était loin d'être levé, et il est permis d'affirmer que l'hypnotisme n'était pas encore introduit dans la science vraie lorsque, en 1878, Charcot commença les expériences et les publications qui ont précédé sa grande communication de 1882 à l'Académie des sciences.
Comme l'a très bien dit Babinski. il fallait un certain courage pour relever une question mal famée et marcher a rencontre des préjugés enracinés. » Charcot a eu ce courage; malgré quolibets et critiques, qu'il a dédaignés, il a réussi dans l'ceuvre qu'il a entreprise; il a fini par faire entrer triomphalement l'hypnotisme, avec lui, dans cet Institut qui. trente ans auparavant, le condamnait avec autant de dédain et aussi définitivement que le mouvement perpétuel ou la quadrature du cercle.
Pour bien réussir en cette entreprise, dont le succès est loin d'avoir été l'œuvre du hasard. Charcot a compris qu'il fallait, non seulement bien étudier l'hypnotisme, mais encore et surtout rechercher et préciser des caractères somatiques fixes, impossibles à simuler, qui pussent en imposer aux plus incrédules.
Aujourd'hui l'hypnotisme a sa place au soleil, on ne fait nuBe difficulté à l'admettre dans ses manifestations les plus étonnantes. Mais, à celte époque, tout le monde, aussi bien les médecins que le grand public, était tenté de criera la simulation et à la jonglerie; on ne voyait dans l'hypnotisme que des trompeurs ou des trompés, des fripons ou des dupes.
On comprend dès lors l'immense importance que devait acquérir la découverte de symptômes impossibles à simuler, comme l'hy-perexcitabilité neuro-musculaire.
Si Charcot n'avait pas compris cela, s'il s'était laissé tout de suite éblouir et entraîner par l'étude curieuse des phénomènes psychiques et des suggestions, non seulement il n'eût pas réussi, on ne lui eût pas accordé plus de créance qu'à ses devanciers, mais encore tous les travaux ultérieurs auraient été impossibles.
Je ne me refuse donc aucunement à admettre que, historique-* ment, le grand hypnotisme a précédé le petit hypnotisme et que, sans celui-ci, celui-là n'aurait pas existé. Sans Charcot, les
travaux de Bernhcim auraient subi le sort des recherches de Lié-beau 11.
L'immense mérite de Charcot (je tiens à bien fixer cette notion dans vos esprits), c'est d'avoir observé et décru des phénomènes somatiques fixes non simulables; i! les a imposés à l'attention du monde savant, a rendu possibles toutes les recherches ultérieures sur l'hypnotisme, et s'est créé ainsi une place inoubliable dans Thistoire de ce chapitre des sciences biologiques.
S'il a eu un tort (je puis bien le dire tout de suite, quitte â vous le démontrer bientôt), c'est de trop généraliser ses premières observations, de croire que. par cela même qu'un fait était observé et bien observé à la Salpétrière, il devenait nécessairement le prototype constant cl immuable de tout ce que l'on observerait partout. En 1878 ou en 1882. il était légitime de supposer que tout devait partout se passer comme à la Salpétrière : mais plus tard, quand des formes nouvelles ont été révélées à Nancy et ailleurs, il n'y aurait eu rien d'humiliant pour Charcot à reconnaître que les faits nouvellement découverts ruinaient cette généralisation trop hâtive, sans diminuer en rien, d'ailleurs, la valeur de ses observations particulières.
Voilà, je crois, où se trouve la vérité ; telle est la note clinique juste. — Je vous indique aujourd'hui mon sentiment dans une formule synthétique, et tâcherai, dans la prochaine leçon, d'étayer mon opinion sur des arguments qui, je l'espère, vous paraîtront suffisamment démonstratifs.
II
Je vous ai dit, dans ma dernière leçon, que la lutte entre les partisans exclusifs du grand hvpnotisme et les défenseurs également exclusifs du petit hypnotisme était loin de prendre fin : je vous ai montré les conséquences fâcheuses d'une pareille querelle et vous ai fait prévoir la possibilité de trouver un terrain de conciliation sur lequel une entente large pût s'établir. Vous m'avez entendu, enfin, nettement affirmer, au point de vue des préséances, le rôle chronologiquement prépondérant de la Salpétrière.
Nous allons aujourd'hui passer en revue les principaux arguments que chacune des deux Ecoles rivales oppose à son adversaire.
II est nécessaire, tout d'abord, de vous résumer rapidement les caractères des deux formes morbides dites grand et petit hypnotisme.
I. — Le grand hypnotisme, ou hypnotisme de la Salpétrière, nous occupera d'abord. Vous en trouverez la magistrale description dans la note présentée en 1882 par M. Charcot. à 1 Académie
des sciences, et l'étude détaillée dans la thèse de Paul Richer, ainsi que dans l'article déjà signalé du Dictionnaire Encyclopédique.
Au début de sa note intitulée : a Essai d'une distinction noso-graphique des divers états nerveux compris sous le nom d'hypnotisme », M. Charcot définit son sujet en ces termes: * Les phénomènes si nombreux et si variés qui s'observent chez les sujets hypnotisés ne répondent pas à un seul et même état nerveux. En réalité, l'hypnotisme représente cliniquement un groupe naturel, comprenant une série d'états nerveux différents les uns des autres, chacun d'eux s'accusant par une sympumatologie qui lui appartient en propre. On doit, par conséquent, suivre en cela ^exemple des nosographes, s'attacher à bien définir, d'après leurs caractères génériques, ces divers états nerveux avant d'entrer dans l'étude approfondie des phénomènes qui relèvent de chacun d'eux. >
Je vous ferai d'abord remarquer, Messieurs, qu'il serait dangereux de prendre au pied de la lettre les termes de cette note ; en dépasserait certainement, je le crois, la pensée de l'auteur, à l'heure actuelle du moins. Une analyse littérale semblerait indiquer que les divers états nerveux dont il s'agit ne font pas partie d'une même unité morbide ; qu'ils constituent des états morbides noso-graphiquement différents. Il n'en est rien ; les variétés de l'hypnose sont des formes morbides distinctes et non des états noso-graphiquement différents ; au fond, il n'y a qu'un hypnotisme, tandis que l'hystérie et l'épilepsie, pour prendre un exemple opposé, sont des états morbides bien distincts. Les divers modes de l'hypnotisme peuvent subir des transformations récipioques au cours d'une même attaque, par la seule mutation des phénomènes symp-tomatiques. On doit donc interprêter les termes de Charcot dans le sens d'états nerveux svmptomatologiquement différents.
Le grand hypnotisme peut se traduire par l'un des trois états suivants: la catalepsie, la léthargie, le somnambulisme. Ces trois états, qui peuvent se succéder dans le cours d'une même attaque et qui sont artificiellement provoqués, ne doivent pas être confondus avec les phénomènes de même ordre qui surviennent spontanément chez un sujet (catalepsie, léthargie et somnambulisme spontanés) et constituent les névroses à part.
i° La catalepsie peut être provoquée par une impression vive venant frapper un sens : un bruit intense et inattendu (un coup de gong), une vive lumière brusquement placée sous les yeux du sujet, la fixation plus ou moins prolongée d'un objet, et surtout d'un» objet brillant ; ce sont là les anciens procédés du braidisme.
On peut aussi faire passer un sujet de l'état de léthargie à l'état de catalepsie, en lui ouvrant les yeux devant un foyer lumineux d'une certaine intensité. — Ceci prouve bien, comme je le
disais plus haut, que ces divers états nerveux ne sont pas des maladies distinctes et peuvent constituer des termes de passage les uns par rapport aux autres.
Un sujet en état de catalepsie est immobile, fasciné, les yeux ouverts, le regard fixe : il possède une plasticité particulière ; les réflexes sont abolis, l'analgésie est complète, il n'existe pas d'hyperexcitabilité neuro-musculaire. La vision, l'audition, le sens musculaire conservent leur intégrité. On peut, par suggestion, provoquer des hallucinations et déterminer des impulsions.
C'est dans l'état de rigidité cataleptique que l'on peut maintenir un sujet étendu dans le vide, appuyé seulement, par l'intermédiaire des talons et de la nuque, sur les dossiers de deux chaises, — ou encore le river debout à un mur. sans possibilité pour lui de s'en détacher, malgré ses cfForts.
2° L'état de léthargie est développé par la fixation d'un objet placé à une certaine distance. — On peut aussi le déterminer chez un sujet en état de catalepsie par l'occlusion des paupières ou le passage brusque de la lumière à l'obscurité.— Au moment où la catalepsie se transforme en léthargie, on perçoit quelquefois un bruit laryngé, ou bien il monte aux lèvres un peu d'écume.
Les caractères de l'état léthargique sont les suivants : le sujet a l'air profondément endormi ; il est dans la résolution et présente une analgésie complète de la peau et des muqueuses ; avec cela, il conserve un certain degré d'activité sensorielle. On a cru quelque temps que, dans cet état, toute suggestion était impossible ; mais cette opinion a été infirmée depuis et ce caractère est aujourd'hui abandonné. Les yeux sont clos ou demi-clos : il existe un léger frémissement des paupières ; les réflexes tendineux sont exagérés.
Tels sont les signes principaux de l'état de léthargie : mais le phénomène capital, essentiel, celui dont l'Ecole de la Salpétnère a eu l'immense mérite de révéler la constance et la valeur, en tan: que phénomène somatique fixe, c'est Yhyperexcitabilité neuro-musculaire. Voicî en quoi elle consiste: si, chez un sujet en léthargie, on exerce avec une pointe-mousse une certaine pression au niveau d'un tronc nerveux, on détermine les mômes réactions fonctionnelles que par l'électrisation du nerf. En comprimant, par exemple, le cubital au niveau de la gouttière olécrà-nienne. on provoque aussitôt la formation de la griffe cubitale. On peut même, pour prévenir toute supercherie, faire porter les investigations sur des muscles á fonctionnement plus restreint : qui plus est. il est possible d'amener, par ce procédé, la contraction de certains muscles qui ne sont nullement soumis à l'empire de la volonté, les muscles de l'oreille, entre autres, fa* Le somnambulisme provoqué peut être obtenu directement par la r.xation du regard et les diverses pratiques de l'ancien
magnétisme. On l'obtient aussi en exerçant, chez un sujet en état de catalepsie ou de léthargie, une friction légère ou une simple pression sur le vertex.
Le somnambule présente l'apparence d'un sujet endormi : ses yeux sont clos ou demi-clos, les paupières sont agitées de frémissements. La résolution est moins marquèeque dansla léthargie; il n'existe pasd'hypercxcitabilité neuro-musculaire, mais une hyper-excitabilité cutano-musculairc qui provoque de vives réactions à la pression d'un muscle, au moindre contact de la peau. Celle-ci, dont certains modes de sensibilité sont ainsi notablement exagérés, présente une insensibilité complète à la douleur. Quant aux sens, (vue, odorat, ouïe],ilsofTrent une hyperacuité dont il faut seméfier au point de vue de l'appréciation d'un élément suggestif. C'est là, en effet, le véritable état de suggestibilité, le vrai sommeil magnétique ; on peut, dans cette période, provoquer par voie de suggestion ces actes automatiques très complexes, avec déplacements somatiques étendus, dont les magnétisés de foire et les somnambules de profession nous rendent tous les jours témoins.
Nous venons de voir, en passant rapidement en revue les divers états hypnotiques, qu'il est possible de faire passer successivement un sujet, grâce à certaines manœuvres, d'une phase dans une autre. Ce n'est pas tout : on peut, dans le môme ordre d'idées, dédoubler la personnalité physique du sujet et plonger, par exemple, une moitié de son corps dans la léthargie, alors que l'autre moitié présentera les caractères de la catalepsie. En déterminant l'occlusion d'une paupière et laissant ouvert l'oeil du côté oppose, on provoquera d'un côte une hémi-catalepsie et de I autre une hémi-léthargie. Dans ce cas, les fonctions corrélatives aux régions atteintes seront diversement impressionnées, et l'on verra, pour prendre un exemple, l'aphasie survenir quand le côté gauche seul sera mis en léthargie.
Il existe donc (cette courte étude a pu vous en convaincre) dans le grand hypnotisme, l'hypnotisme de Charcot et de la Salpètrière. des caractères matériels, des phénomènes somatiques fixes, bien étudiés et bien définis, indépendants de toute suggestion, antérieurs et supérieurs à elle.
La description que donne Beraheim du petit hypnotisme est toute différente : elle est exposée en détail dans son livre sur k
suggestion.
Ici. pas de phénomènes somatiques fixes, pas de caractères matériels et palpables ; la clé de tout, c'est la suggestion. Celle-ci détermine à son gré la catalepsie ou la résolution musculaire £ lorsqu'une malade est dans la raideur tétanique ou dans l'atonie complète, c'est qu'on le lui a volontairement ou inconsciemment
suggéré. C'est là. on le voit, le contre-pied absolu des théories de la Salpêtrière: on n'est plus en présence d'états nerveux distincts, mais bien d'un même état nerveux offrant des degrés variables. La léthargie, la catalepsie. le somnambulisme ne sont plus des états nettement séparés et différenciés, ce ne sont plus que des phases différentes de I hvpnotisation.
La divergence apparaît même dans les moyens employés pour provoquer l'hypnose. Tout revient, ici encore, à la suggestion : ce n'est plus grâce aux manœuvres dont je vous ai entretenus, par la fixation du regard, la production d'un bruit subit, la projection d'une vive lumière, ou la pression du vertex. que l'on arrive à endormir le sujet ; c'est parce q,ue, en pratiquant ces manœuvres, on a donné au sujet, d'abord l'idée du sommeil, puis l'ordre de s'endormir.
Le sommeil peut se produire à des degrés divers. C'est, au degré le moins accentué, un engourdissement avec somnolence, souvent accompagné de l'impossibilité d'ouvrir les veux. Puis survient rhvpotaxie, le charme des anciens magnétiseurs, degré auquel on observe la catalepsie suggestive. Au troisième degré, la sensibilité s'émousse. la personnalité du sujet s'affaiblit et on peut lut suggérer quelques mouvements automatiques. A la quatrième phase. l'hypnotisé ne communique plus avec le monde extérieur que par l'intermédiaire de son magnétiseur. Les deux derniers degrés sont caractérisés par l'oubli complet au réveil dece qui s'est passé pendant l'hypnose.
Suivant les dispositions du sujet, suivant son degré d'éducation, on arrive à un degré plus ou moins avancé des phénomènes, on obtient un sommeil hypnotique léger ou profond. Quant au mode de succession des symptômes, tel sujet parcourra, pour arriver à un stade avancé, la gamme croissante des phénomènes, tel autre donnera d'emblée le summum d'intensité au sommeil magnétique.
Enfin, il est utile de ïaire remarquer que la docilité aux suggestions et la facilité à provoquer les phénomènes de l'hypnose ne sont pas toujours en rapport avec la profondeur du sommeil que l'on obtient.
En somme, ce qui caractérise l'hypnotisme de Nancy, ce n est plus la production de certains états nerveux symptomatologique-ment différents; c'est, d'un mot, un état de suçgestibilité à des degrés divers. Les troubles de la sensibilité, de la motilité, rhyperexcitabilité neuro-musculaire, qui absorbent presque seuls l'attention de Charcot et sur lesquels la Salpêtrière insiste avec tant de complaisance, ne sont plus les caractères essentiels ^ de l'hypnotisme; la suggestion domine tout. Le côté psychique, laissé volontairement au deuxième plan par Charcot dans ses premières études, devient l'élément capital pour Bernhcim.
' Vous le voyez, Messieurs, le différend est bien net, les opinions
sont bien tranchées. La phrase de Babinski, que je vous citais en commençant, semble justifiée par l'exposé des deux théories. Et cependant, je maintiens ce que je vous ai dit naguère, à savoir que fes deux théories sont trop absolues, qu'il existe un terrain de conciliation clinique.
Examinons d'abord la première série d'objections que les deux Ecoles se font l'une à l'autre ; ce sont les objections que l'on peut appeler vitales, car l'une d'elles, si elle se trouvait justifiée, ruinerait entièrement l'Ecole rivale, en sorte que toute discussion ultérieure serait rendue inutile. Or, chaque Ecole fait à l'autre des objections de cette importance.
i* Le principal argument de l'Ecole de la Salpêtrîère contre l'Ecole de Nancy est le suivant : l'absence de phénomènes soma-tiques fixes dans le petit hypnotisme rend tout contrôle sérieux impossible ; elle laisse ie médecin désarmé en face de la simulation, il est dans l'incapacité absolue de la préveniret de la déjouer; dès lors, les observations accumulées par l'Ecole de Nancy, manquant de toute base de réalité et d'objectivité prouvée, ne constituent c-u'un terrain mouvant sur lequel il est impossible de rien édifier de scientifique.
L'objection est grave, capitale même ; la théorie de Bernheim, si elle n'apporte avec elle aucune preuve de sa réalité, n'a pas de raison d'être. Eh bien ! il est assez facile d'y répondre.
Certes, l'existence de caractères somatiques fixes (soit que les malades eux-mêmes les ignorent, soit que ces signes se trouvent par nature impossibles à simuler) constitue un excellent moyen de déjouer la simulation : telle est surtout Phyperexcitabilité neuromusculaire qui nécessiterait, pour être simulée, les connaissances anatomiques et physiologiques dont beaucoup d'entre vous témoigneraient certainement avec quelque difficulté.
Mais, de ce que ces caractères somatiques sont un très bon moyen de prévenir la simulation, il ne s'ensuit pas forcément que ce soit le seul.
L'Ecole de la Salpêtrière sait mieux, que personne de quelle, valeur minime est cette objection de simulation. Car la Salpêtrière oppose à l'hypnotisme de Nancy un argument dont elle a elle-même démontré le peu d'importance quand il s'agit de l'hystérie, où la simulation était autrefois invoquée de toutes parts. Il en est de l'hypnotisme, à ce point de vue, comme de l'hystérie.
Il est certain que beaucoup de suggestions peuvent être volontairement exécutées et, par suite, l'obéissance à l'acte suggéré être, dans bien des cas. simulée : mais, dans bien des faits également, la simulation est bien difficile, sinon impossible, à réaliser.
Ainsi, quand vous faites raconter à une malade un fait, vrai ou supposé, pénible à dire, contraire à ses habitudes, à son éducation,
à ses mœurs, à son caractère, pouvez-vous Invoquer la simulation? Et pourtant, il arrive tous les jours que l'on obtient, par la suggestion, des aveux ou des actes que jamais les sujets n'eussent fait sciemment.
Je vous ai cité l'an dernier des faits de cet ordre ; vous les avez vous-même constatés chez F...
Peut-on raisonnablement admettre qu'un sujet ayant une volonté ferme, arrêtée, et contraire à la vôtre, se dépouille sciemment de sa personnalité pour soutenir, malgré sa ténacité habituelle, une thèse, diamétralement opposée à ses opinions, dont vous lui aurez fourni le thème pendant le sommeil hypnotique ? La preuve qu'il n'y a pas simulation dans ce cas. c'est que bien souvent le sujet hésite à accomplir l'ordre qu'on lui donne et il faut batailler au cours de l'hypnose pour obtenir gain de cause au réveil.
Ce n'est pas tout : à côté des actes volontaires, il est des actes physiologiques auxquels la simulation peut être difficilement objectée : l'analgésie, les contractures, les troubles oculo-papillaires rentrent dans cet ordre d'idées.
Enfin, argument péremptoire, comment expliquer par une simulation quelconque les phénomènes pathologiques et thérapeutiques obtenus pendant l'hypnose, l'invasion suggérée d'une rougeur à la peau, d'une paralysie flasque, et surtout ces faits si curieux, doni je possède aujourd'hui nombre d'observations personnelles, de menstruations régularisées, d'hémorrhagies arrêtées, de purgations provoquées, de vomissements supprimés, etc., sous l'empire de la suggestion? Comment invoquer la simulation, là où l'action de la volonté ne peut intervenir ?
Ma réponse est donc formelle à l'objection formulée par l'Ecole de la Salpêtrière : On peut très bien établir la réalité objective du petit hypnotisme. Il est bon de se prémunir contre la simulation, mais il est des cas où celle-ci ne peut être objectée. Je puis, en me basant sur ce que j'ai vu, affirmer que les faits observés à Nancy peuvent servir de base solide à un édifice scientifique.
En sens inverse, l'Ecole de Nancy apprécie de la façon suivante les théories de la Salpêtrière : Les phénomènes somatiques fixes, sur lesquels l'Ecole de Charcot fait tant de fond, qui sont comme le pivot de tout le grand hypnotisme, n'existent pas par eux-mêmes; ils ne sont que le produit et le résultat de la suggestion. Les phénomènes sont créés par une suggestion plus ou moins consciente, puis les malades se suggestionnent entre elles, et l'on obtient dès lors des accumulations de faits semblables dans un même milieu. Ces faits sont une émanation du milieu lui-même, au lieu de constituer un groupe de faits réels et scientifiquement observés.
Voici encore une objection capitale dont la réalité proclamerait
d'emblée la victoire éclatante du petit hypnotisme. Comme à l'argument précédent, il est facile d'y répondre.
Il est vrai que les suggestions involontaires, inconscientes (il ne peut être en la matière question que de celles-là), la suggestion mutuelle des malades, sont fréquentes et souvent difficiles à éviter, surtout chez des sujets dont les sens sont, la plupart du temps, si éveillés et si exaltés. Cette influence du milieu et des idées anté-térieurcment acquises peut bien expliquer, à mon avis, que le nombre des cas de grand hypnotisme observés à la Salpètrière soit relativement si considérable, par rapport à ce que l'on constate à Nancy et dans divers centres d'hypnotisme. Mais cela ne peut expliquer la totalité des cas de grand hypnotisme : cela n'explique pas les premiers cas, ceux qui ont formé l'opinion de M. Charcot et qu'il a observés sans aucune idée préconçue. II y a eu certainement là des phénomènes somatiques fixes indépendants de toute suggestion.
De plus, le grand hypnotisme n'a pas été observé seulement à Paris ; il a été étudié dans d'autres régions de la France, en Italie, en Suisse, par des observateurs différents, isolés les uns des tutres.
Puis, s'il est des signes somatiques faciles à suggérer, comme la catalepsie, il en est d'autres qu'il est bien difficile de taire naître, même par la suggestion la plus intentionnelle (l'Ecole de Nancy n'a jamais pu parvenir à les suggérer: par exemple, l'hyperexeita-bilité neuro—musculaire.
Enfin, il est un argument auquel j'attache une grande importance parce qu'il s'agit d'un fait dont nous avons pu personnellement nous rendre compte, fait qui prouve, d'une manière éclatante, la réalité de phénomènes somatiques fixes indépendants de toute suggestion. Vous vous rappelez tous F..., cette hystérique hypnoiisable que nous observons depuis trois ans et dont j'ai publié avec Brousse l'observation. Nous avons vu naître et se développer sa suggesti-bilité : les phénomènes somatiques fixes qu'elle présente, si curieux d'ailleurs et sur lesquels nous reviendrons plus loin, étaient antérieurs à toute suggestion. Non seulement ils se sont produits avant cette dernière, mais encore ils sont toujours restés les mêmes malgré nos efforts constants pour les modifier et la suggestion consciente que nous avons déployée à cet effet. Les phénomènes somatiques fixes se sont donc montres, dans ce cas, supérieurs et absolument réfractai res à toute suggestion.
Elle nous a montré aussi que tous les procédés d*hypnotisaik>n ne reviennent pas nécessairement a la suggestion. Sans doute, par suggestion on arrive très bien à l'endormir : U suffit de luí dire : c Dormez », pour qu'elle s'endorme; — mais ce n'est pas là le seul moyen : on peut l'endormir aussi par la fixation du regard et sans lui intimer l'ordre de dormir; — bien plus, nous avons même
réussi â la faire entrer dans le sommeil hypnotique en fixant son regard, après lui avoir défendu avec autorité de se laisser endormir.
L'indépendance de la suggestion est bien nette encore quand on considère l'action des zones hypnogènes ; tout en causant avec F..., prenez-lui la main et serrez son poignet qui présente une zone hypnogène : immédiatement elle entrera en crise. Serrez toute autre partie du bras ou de la main, et le sommeil ne se produira pas.
Les caractères somatiques fixes du sommeil sont, chez F..-, également indépendants de la suggestion et lui restent supérieurs. Nous avons acquis sur cette malade, vous le savez, une grande autorité. Eh bien! nous avons essayé, â plusieurs reprises, par des suggestions réitérées, soit pendant l'hypnose, soit à l'état de veille, d'obtenir un sommeil sans contractures; cela nous a été impossible. Nous avons seulement obtenu une disposition différente des bras qu'elle a placés le long du corps au lieu de les croiser sur le ventre: mais le corps tout entier n'a pas cessé d'être contracture. Enfin, nous n'avons ¡amáis pu lui faire exécuter pendant son sommeil un acte quelconque ; c'est toujours au réveil qu'elle a exécuté les ordres qui lui étaient donnés.
On ne peut donc, dans le cas mûrement étudié dont il s'agit, faire intervenir la suggestion, et l'on peut affirmer qu'il existe des caractères somatiques fixes indépendants de cette dernière.
Voilà un nouveau point conquis : je n'ai pas besoin de faire ressortir son importance.
Donc, de l'analyse minutieuse des documents publiés, de l'interprétation rigoureuse des faits personnels que je vous ai cités, je suis en droit de conclure :
i° Avec Nancy et contre la Salpêtriére, qu'il y a de nombreux hypnotisés (non simulateurs^ dépourvus de caractères somatiques fixes ;
2* Avec la Salpêtriére et contre Nancy, qu'il y a des hypnotisés possédant des caractères somatiques fixes indépendants de toute suggestion.
Vous voyez déjà. Messieurs, que la contradiction commence à être beaucoup moins formelle entre les deux Ecoles; les deux ordres défaits qu'elles soutiennent existent et ne sont pas inconciliables; il s'agit tout simplement de faits différents s'observant chez des sujets différents.
Dans ma prochaine leçon, je compléterai cette étude et apporterai des conclusions.
[A suhre.)
MANIE HYSTÉRIQUE AVEC IMPULSIONS ET HALLUCINATIONS GUÉRIE PAR LA SUGGESTION
Par le Docteur P. BU ROT
• - i - • .: A l/ÉCOLE du KtlDfcC:- DE KOCHKFORT
Mme Lire..., Agée de vingt-huit ans, atteinte depuis plus de deux ans de manie impulsive, a été guérie, après trois mois de traitement, par la
suggestion.
Il existe dans sa famille des antécédents héréditaires; son père est mort d'une congestion cérébrale. Du côté de la ligne maternelle, une lante. sueur de sa grand'mèrc, et une cousine étaient atteintes d'aliénation: une tante plus rapprochée, sceur de sa mère, est hystérique.
Dans son enfance, elle a été souvent malade et considérée comme affectée de la poitrine. Mariée à l'âge de dix-neuf ans. elle jouissait à cette époque d'une bonne santé: d'une forte constitution, était laborieuse, gaie, d'une nature douce et affectueuse. Un an après son mariage, en i8Si, elle lut atteinte de suette miliaire, affection qui régnait à l'état d'épidémie dans sa localité. Sa convalescence fut longue; elle était devenue très impressionnable, la moindre contrariété l'agitait beaucoup. Son mari, souffrant d'une maladie d'estomac, tomba malade: elle fut très affectée et présenta, pour la première fois, des crises nerveuses.
En 1884, une de ses tantes tomba malade: elle lui donna des soins dévoués, se fatigua et commença a éprouver des sensations pénibles et désagréables. Un jour, le médecin qui traitait sa tante, l'ayant rencontrée seule dans la rue. lui fit l'aveu que sa tante était atteinte de diabète sucré et que cette maladie était mortelle. ? cette nouvelle imprévue, elle ressentit un frisson et un tremblement dans tout le corps. Les nuits suivantes, elle eut des rêves affreux qui la réveillaient en sursaut; elle croyait tomber dans un précipice. Lts secousses nerveuses augmentèrent de fréquence et d'intensité. Elle souffrait de partout et éprouvait des fourmillements dans les membres, surtout la nuit. Elle se levait la nuit douce ou quatorze fois pour uriner; l'urine était abondante et claire. Son médecin ayant demandé a analyser ses urines, trouva 4a grammes de sucre par litre.
Cette constatation fut une surprise pour le médecin, qui prescrivît aussitôt le régime des diabétiques. Ce traitement fit comprendre à la malade l'affection dont elle était atteinte: d'autant plus que c'était le même médecin qui soignait sa tante et qu'elle suivait le même régime; elle crut qu'elle aussi était perdue et qu'elle allait mourir.
Des kirs, elle ne voulut plus entendre parler de ce médecin qui se disait impuissant a sauver ses malades et en consulta un autre. Ce dernier, n'ayant trouvé que 8 grammes de sucre par litre d'urine, déclara qu'une telle diminution en huit jours prouvait que la maladie n'était pas grave. Kn effet, après quinze jours, il n*v avait plus que i5 grammes de sucre par litre, et après un mois, plus de traces. La malade était mécontente de tout, éprouvait de l'inquiétude et une grande impatience; elle avait peur de mourir ou de devenir folle. L'imagination était très surexcitée. Sa tetc lui paraissait lourde, et par moments, il lui semblait qu'elle allait éclater. Elle éprouvait des douleurs, tantôt vives et rapides, tantôt prorondes et durables; boutfées de chaleur, suivies de vertige ou au moins d'étourdissement. La respiration était gênée; accès d'oppression et d'éiouffemeni avec une petite toux sèche. Battements de coeur très violents. Pas de sommeil, ou bien un sommeil pénible et agité par des rêves et des cauchemars qui la réveillaient toujours à la même heure. Constipation opiniâtre; pas de selles sans lavement les selles étaient parfois lientériques).
Faiblesse dans les jambes et impossibilité presque absolue de marcher; pour aller à cinquante mètres, elle était obligée de s'arrêter et de se retenir aux murs pour ne pas tomber. Des gargouillements se faisaient entendre dans ses intestins, et, suivant son expression, a la manière d'un piston qui se déplace. Elle avait aussi la sensation d'une boule partant de l'hypogastre, remontant vers l'estomac et la gorge, où elle déterminait un chatouillement et de la toux.
En 1886. elle fut prise d'une attaque congestive au cerveau; les yeux devinrent proéminents, et la physionomie prît une expression d'épouvante et de frayeur. Elle entendait des bruits et des voix; on allait la tuer, elle et sa famille. Certaines personnes lui avaient donné un sort. Ils étaient trois, deux médecins et un pharmacien, coalisés pour la faire mourir. »
Mme Bre... fut si excitée qu'on jugea prudent de la diriger sur l'asile d'aliénés de Lafond (La Rochelle). Les premiers jours de son séjour à l'asile, elle fut très agitée, poussait des gémissements, ne dormait pas la nuit, était souvent malpropre et refusait de manger. Pas de sucre dans les urines. Peu à peu elle se calma, devint très concentrée, parlant peu, et tomba dans un état voisin de l'idiotisme. Après quatre mois de séjour, elle fut ramenée chez elle.
Elle était beaucoup plus agitée la nuit que le jour, et son mari avait beaucoup de peine a la maintenir. Quand elle réussissait a s'échapper, elle allait sur les routes; un jour.elle voulut aller se faire noyer dans la mer. et elle avait commencé a mettre son projet à exécution. Elle était poursuivie par des voix. Quand son mari voulait l'emmener quelque part, elle faisait de grandes difficultés. Il suffisait de vouloir une chose, pour qu'elle opposât de la résistance. Si avec elle on passait par un chemin, à peine avait-elle fait quelques pas qu'elle retournait, disant que ce n'était pas dans ce chemin qu'il fallait passer, mais bien dans l'autre.
II arrivait parfois à son mari Je la contenter, mais à peine se trouvait-on engagé sur l'autre chemin qu'elle s'en repentait. Alors elle disait qu'elle n'avait pas eu une bonne idée, que ce n'était pas la bonne route et qu'elle aurait dû écouter ce qu'on lui disait; elle reprochait à son mari de n'avoir pas assez de fermeté, qu'il aurait dû la battre pour la faire obéir. Elle l'insultait et le frappait. A l'époque de ses règles, elle était plus agitée.
Son mari, fort intelligent, qui m'a fourni tous ces renseignements, avait remarqué qu'il semblait y avoir chez sa femme deux personnages différents, agissant en sens contraire l'un de l'autre.
Quand Mme Bre... vint me consulter, en décembre 1887. elle avait les yeux rixes, hagards, la figure congestionnée, souvent très excitée. Pas de sucre dans les urines. Ce qui dominait à cette époque, c'étaient les hallucinations et les idées fixes. Elle entendait des bruits et des voix dans les oreilles. Dominée par ses idées, elle mettait tout en œuvre pour les exécuter. Si son mari dominait une idée et s'efforçait de la combattre, elle entrait dans une violente colère, l'insultait, le menaçait et allait jusqu'à le frapper. Cette agitation durait plusieurs jours; ni les promesses, ni les caresses, ni la rigueur ne pouvaient la ramener à la raison. Dans ses moments de calme, elle avait honte de ses mauvaises actions, de son emportement: aussi elle disait à son mari qu'il aurait dû la gronder, même la battre, et l'empêcher, par un moyen quelconque, de dire ce qu'elle disait et de faire ce qu'elle faisait. Elle ne comprenait pas son mari, qui manquait d'énergie. Cependant, quand sa mère lui portait son chocolat au lit ou la priait de se lever, « elle ne voulait pas: il ne fallait pas. b Si sa mère voulait employer la force pour se faire obéir, elle la prenait par la main e. la poussait pour qu'elle la laissât tranquille. A peine partie, elle la rappelait : « Elle n'aurait pas dû la contrarier: elle aurait dû manger: il ne fallait pas qu'elle fasse ça. ¦ Il en était ainsi pour toutes choses.
La constipation était opiniâtre ; les règles peu abondantes ; elle était toujours plus excitée à ses époques.
Apres un mois et demi de traitement par 1a suggestion, l'état s'était amélioré. L'appétit était revenu; le sommeil plus calme, mais le caractère était resté très susceptible; le moindre bruit l'agaçait, et alors une rougeur subi: lui montait à la face; clic devenait maussade, l'œil fixe, la physionomie dure. Ces accès étaient de courte durée. Elle analysait plus facilement ce qui avait pu la contrarier et reconnaissait ses torts. La constipation était encore assez tenace, les règles étaient plus régulières.
En somme, grande amélioration qui se maintint pendant le séjour qu'elle fit chez elle. Au bout de six mois, on me la ramena avec l'espoir que je pourrais peut-cire enrayer définitivement le mal.
Elle me fut confiée de nouveau pendant un mois et demi. Voyant que la suggestion directe n'avait pas beaucoup d'influence, j'eus l'idée d'avoir recours à un subterfuge. Pendant que j'appliquais ma main sur son front et qu'elle était légèrement engourdie, je lui faisais répéter cette
CX CAS d'hYSTVBIE GRAVE 3?Q
phrase : « Je saurai vaincre mes mauvaises idées et je saurai me dominer. Rien ne me retiendra d'aller à la selle régulièrement tous les jours. Je ••eviendrai aussi tien portante que fêtais à fépoque de mon mariage. »
Au début, elle éprouvait une très grande difficulté pour répéter ces phrases ; il se taisait en elle une révolution toute particulière. Peu a peu, cette révolte intérieure a cessé, et elle pouvait répéter ces formules sans difficulté.
En même temps, la mémoire revenait, le sommeil était calme: plus d'idées fixes, ni d'hallucinations. Sa physionomie a repris cet ensemble de douceur et de gaieté qui lui était particulier autrefois. Elle a repris ses anciennes habitudes d'ordre et de travail. La constipation est enrayée: les selles ont lieu tous les jours sans adjuvant. Les règles sont
périodiques et abondantes.
Depuis deux mois, cette malade est retournée dans sa famille, et la
guérison paraît définitivement établie.
UN CAS D'HYSTÉRIE GRAVE1"
Par J. JANET
intcite des homtacx
(0 Communication à la Société cliniqoe de Paris.
La malade dont je désire entretenir la Société clinique ne présente pas dans sa famille d'antécédents nerveux bien neis, sauf une paralysie agitante qui aurait affecté sa grand*mère maternelle.
A l'âge de t? ans, sans cause occasionnelle appréciable, clic lut prise de eboréc. Ce fut là, chez elle, la première manifestation de son hystérie.
Les mouvements choréiques affectaient tout le corps et il est intéressant de noter qu'ils furent, des leur début, accompagnés d'une anesthésie totale bien constatée à ce moment par le médecin qui la soignait.
Cette manifestation dura prés d'un an. elle disparut au moment de l'établissement des régies qui eut lieu vers l'âge de 14 ans. L'anesthcsie totale disparut en même temps.
A 15 ans, nouvelle attaque, cene fois, d'hémichorée gauche avec hémi-anesthésiegauche.Ces deuxaccidents disparurent simultanément au bout de quelques mois.
Le rapport qui a existé dans ces deux cas entre l'étendue de l'anes-thésie et l'étendue de la manifestation hystérique est un fait fréquent que l'on remarque également djns les attaques et contractures.
A 20 ans, l'anesthésie totale reparut et avec elle se montrèrent pour la première fois les crises hystériques alternant avec des crises de rommeil.
Peu de temps après, en janvier 1S8Ó, la malade fur prise d'une anorexie qui devint de plus en plus intense et qui bientôt se transforma en une dysphagie absolue. La vue seule d'un verre d'eau ou d'une cuillerée de bouillon déterminait chez clic des efforts de vomissements et des contractions spasmodiques qui duraient plusieurs minutes.
Pendant quinze mois, on U nourrit à la sonde, mais comme elle rendait, peu de temps après avoir été gavée, la presque totalité des substances qu'on lui avait ingérées, elle ne tarda pas a dépérir et à perdre ses forces.
Elle ne put plus uriner seule, et il fallut la sonder deux fois par jour. Elle devint paralytique, et son émaciation devint extrême.
C'est dans cet état qu'elle entra à la Pitié dans le service de M. le Dr Brouardel. remplacé alors par M. le D' Brissaud. le 4 avril 1887.
Jusqu'au 12 juin 1887. on continua à la gaver, mais au bout de très peu de temps on dut renoncer à lui faire prendre du lait, il était rendu intégralement. On se contenta de lui donner du café, du bouillon et du todd, car elle en gardait une petite quantité après chaque gavage.
Son état s'aggravait tous les jours et l'on pouvait se demander si sa vie n'était pas sérieusement en danger. Il est vrai que la mort est rare dans l'hystérie; mais, d'autre part, s'il est un accident capable deja causer, c'est bien la dysphagie.
Quelquefois les malades de ce genre, arrivées à la consomption la plus complète et prêtes à succomber, se remettent subitement a manger et se relèvent en quelques jours. Néanmoins, quand on se trouve en présence d'un de ces accès de dysphagie grave, il est légitime de concevoir de sérieuses inquiétudes, et dans le cas présent nous n'avons pu nous en défendre.
C'est dans cet état misérable que je la vis pour la première fois le 12 juin 1S87, mon ami le Dr Gilbert, alors interne du service, m'ayant prié de l'examiner et de chercher à la guérir par l'hvpnotisme.
Je n'insiste pas sur la description de ses tares hvstériques, elle les présentait toutes a leur maximum : anesthésic cutanée et muqueuse totale; sensibilités spéciales presque abolies.
L'hypnose fut très facile à obtenir, et je n'eus pas grand'peinc à créer chez cette malade une phase somnambulique dans laquelle la dysphagie disparaissait entièrement : je pus ainsi, au bout d'une semaine de traite-
ment, lui Taire faire chaque jour dans le sommeil deux repas très complets composés de poulet, de potages, d'œufs et de bière.
Ce genre d'alimentation dont elle était sevrée depuis 18 mois ne tarda pas a produire une amélioration sensible. La paraplégie disparut, l'embonpoint se montra de jour en jour plus accentué. Le i" juin 188- elle pesait 42 kilos, le 11 septembre de la même année elle pesait 5o kil. 3. En trois mois elle avait augmenté de 8 kil. 3.
La malade semblait guérie, mais sa dvsphagie n'en persistait pas moins. Elle mangeait sans aucune difficulté et même avec appétit dans le sommeil hypnotique, mais, une fois réveillée, il lui était impossible d'avaler une gorgée d'eau ; dsns cet état clic n'avait fait aucun progrès.
J'eus l'idée de la réveiller progressivement pendant ses repas et de la faire manger chaque jour dans un état de plus en plus voisin de la veille.
Ce traitement fut très long et ce n'est qu'en décembre 1887 que j'obtins le résultat que je cherchais et que je pus me dispenser de l'endormir à chacun de ses repas.
En janvier 1S8S, la malade put quitter la Pitié, toujours anesthésique totale, se sondant toujours, mais mangeant bien, et, somme toute, dans un bon état.
Jusqu'au mois de mai 1888, tout alla bien, mais à cette époque la dysphagic reparut, et la malade retomba bientôt dans un état aussi grave que celui qui avait nécessité son entrée à la Pitié l'année précédente.
J'entrepris de nouveau son traitement dans le service de mon maître M. le D' Dumontpallier.
Les mêmes moyens me réussirent, mais je les modifiai un peu. Pour m'éviter la peine de l'endormir et de la réveiller à chacun de ses repas, je pris le parti de la laisser indéfiniment dans son état somnambulique. Je ne pus obtenir ce résultat que progressivement en augmentant peu à peu la durée de son sommeil. Cette nouvelle période de son traitement fut plus pénible que la première; elle passa par une série d'altcrnation, d'amélioration cr d'aggravation, et ce n'est qu'en octobre 1888 qu'elle put quitter l'hôpital.
Mais cette fois je n'étais pas arrivé à la guérir de la dvsphagie à l'état de veille, et, une fois réveillée, il lui était impossible de manger ou de boire quoi que ce fût.
Je fus doac forcé de la laisser partir en somnambulisme. Elle s'en trouve du reste fort bien et ne songe pas à s'en plaindre, vu que dans cet état elle mange bien.
Le seul inconvénient de ce mode de traitement, c'est que, une fois ¦éveillée, elle présente un oubli absolu de tout ce qui s'est passé pendant ses longues périodes de sommeil. Au moment où je la réveille, elle se trouve imméjiaiement transportée au jour et à l'heure où elle a été endormie pour la dernière fois.
Li dernière foi* que je Pai réveillée, c'était le i5 janvier dernier, elle dormait depuis le 12 novembre. Son étonnement fui si grand de se voir ainsi âgée de deux mois de plus, et d'ignorer tout ce qui s'était passé pendant cette longue période, qu'elle vînt me supplier elle-même de la rendormir, d'autant plus que, dans ce nouvel état, la dvsphagie avait reparu aussi violente qu'autrefois. Je l'at rendormie et depuis je ne l'ai pas réveillée.
Somme toute, j'ai créé chez cette femme une double existence absolument analogue a celle que présentait naturellement Félida du J> Azam.
Ma malade est une Félida artificielle dont je règle à volonté le» deux existences.
Comme chez Félida, la seconde personnalité semble prendre le dessus et vouloir se substituer à la première; est-ce la un grave inconvénient? je ne le pense pas. car je ne me servirai de cette personnalité anormale que tant que pen aurai besoin, et je la détruirai aussi facilement que je l'ai bfltie. le jout où elle me sera devenue inutile. Au reste, j'estime que, dans le cas présent, les inconvénients de l'amnésie au réveil sont largement compensés par la cessation absolue de tous les accidents hystériques graves que présentait cette malade, qui, depuis près de deux ans, la forçaient à recourir .1 une assistance étrangère pour absorber quelques cuillerées de bouillon et qui peut-fitre auraient rini par la conduire a la consomption la plus profonde et à la mort.
LA JALOUSIE MORBIDE
Par le Docteur AMAND DOREZ
Au point de vue purement psychologique, la jalousie est une passion, et, comme telle, sa définition peut être celle de la passion elle-même, c'est-à-dire une inclination surexcitée, exaltée, la plupart du temps pervertie, qui est devenue tyrannique et dominante, et qui a envahi l'ime au détriment des autres inclinations. Maillet, dans son Traité de l'Essence des passions, oppose celles-ci aux émotions; les émotions, dit-il, sont des états normaux et réguliers qui résultent de l'exercice modéré et raisonnable de nos facultés, tandis que les passions sont des ruptures S equilibre. Cest là une expression bien choisie sur laquelle nous reviendrons plus loin.
La jalousie esi donc une passion, ei une passion qui, comme l'envie, reconnaît l'égolsine pour facteur principal ; mais elle diffère essentiellement de l'envie en ce que celle-ci est excitée par le désir d'avoir le bien d'autru i et qu'elle naît chez celui qui est privé, tandis que la jalousie prend naissance chez celui qui possède et voudrait posséder exclusivement. La manifestation la plus caractérisée de la jalousie est la jalousie en amour. C'est celle-là que nous nous proposons d'étudier, en éliminant volontairement et sciemment tous les laits de lalousic. ou. pour mieux dire, tous les faits de rivalité due aux métiers, aux professions.
¦ La jalousie en amour, dit Diderot, est la disposition ombrageuse
> d'une personne qui aime et qui craint que l'objet aime ne fasse part à » d'autres de son cœur, de ses sentiments, et de tout ce qu'elle prétend
> lui devoir être réservé, s'alarme de ses moindres démarches, voit dans » ses actions les plus indifférentes des indices certains du malheur
> qu'elle redoute, vit dans le soupçon et fait vivre un autre dans la * crainte cl le tourment. »
Ainsi décrite, la jalousie est une passion cruelle et petite, dont la violence, a un moment donné, peut devenir très dramatique ; aussi ngurc-t-elle parmi les principaux ressorts de la tragédie ; elle a inspiré deux chefs-d'œuvre, Othello et Zaïre ; on en trouve encore la manifestation dans les fureurs d'Hcrmione délaissée par Pyrrhus, dans les plaintes de la Camargo des Marrons du feu d'A. de Musset, dans celles de la rîérengèrc du Charles VU d'A. Dumas, etc., etc. ; mais elle est tout aussi bien, par son côté ridicule, du domaine de la comédie. Alain, le valet d'Arnolphe. dans VEcole des Femmes, est jaloux comme Othello; la seule différence, c'est qu'il est un jaloux plaisant, au lieu d'être un jaloux terrible.
• C'est aimer froidement que n'être point jaloux ï »
a dit Molière. Nous sommes loin de nous élever contre cette proposition, et pour un peu nous dirions même que la jalousie est un mal nécessaire à la condition qu'elle soit bénigne ; mais, quand le malheureux jaloux est continuellement ossailli de craintes et de fantômes, d'hallucinations de toute sorte, quand la jalousie absurde, injustifiée et irrésistible peut s'exaspérer au point de rendre la vie insupportable a celui qui en est tourmenté, ou. cas plus fréquent, au point de le pousser a en supprimer les causes par les actions les plus coupables et les plus nuisibles, l'acharnement, les extravagances et le meurtre même, il ne faut pas hésiter a en faire un cas pathologique, car c'est un trouble mental véritable qui tantôt fait demeurer ceux qui en sont afdigcs sur la limite de la raison et de la folie, tantôt les fait entrer dans l'une des catégories que comporte la classification des maladies mentales : nous l'appellerons la jalousie morbide.
La jalousie morbide peut apparaître subitement et spontanément ; les idées jalouses surviennent tout à coup, sont acceptées sans contrôle et
peuvent, dans certains cas. devenir mobiles d'action ; ce mode de production et de développement est assez rare.
Le plus souvent la jalousie morbide ne se déclare pas d'emblée, ou plutôt l'individu chez qui elle va s'implanter commence par l'adopter et la repousser successivement ; il doute, il lutte contre ces pensées qui l'obsèdent et l'importunent, et par moments il a des bouffées de tendresse comme on n'en avait jamais remarqué chez lui. sa jalousie s'accompagne d'abord d'un excès d'amour. Boufrlers a d'ailleurs dît :
¦ La jalousie est la sœur de l'amour
« Comme le diable est le frère des ançes. •
Maïs peu a peu le vague s'efface, l'hésitation est remplacée par une certitude, la raison succombe : l'idée délirante prend le dessus, domine toutes les conceptions et devient le centre commun vers lequel convergent la plupart des pensées et des réflexions. La haine arrive alors, une haine aiguisée et investigatrice qui pousse le malheureux jaloux à rechercher jusque dans les détails les plus secrets de la vie des preuves de sa prétendue infortune. Il se complaît dans cette idée, il la caresse avec complaisance, il la raisonne comme une vérité, il la discute avec les arguments les plus spécieux, il l'entoure de tous les pointsd'appui, detous les motifs qui peuvent la justifier, soit à ses propres yeux, soit à ceux des autres. Tout ce qu'il voit, ce qu'il entend, ce qu'il sent, ce qu'il éprouve, le parfum inusité d'un mouchoir, l'expression d'un regard, l'inspection des parties les plus intimes du vêtement où il croit retrouver les traces d'une odieuse infidélité, il interprète tout dans le sens de son tic, de sa lubie, de sa manie si l'on veut employer ce dernier mot dans son acception usuelle et vulgaire. De cette élaboration de plus en plus exclusive de l'idée principale, naissent d'autres idées délirantes qui se multiplient, se coordonnent, se combinent en conservant entre elles une étroite solidarité ; l'infortuné jaloux devient incapable de continuer ses occupations, et fatigue sans cesse sa famille de ses plaintes, de ses reproches, de l'expression de son désespoir. Pour lui ni pour ceux qui l'entourent, il ne saurait plus y avoir de repos, plus d'intérieur réglé, plus d'heures de repas, plus de sommeil.
€ Si c'est un homme, dit Trélat, il abuse de son autorité pour faire souffrir, il tourmente, il menace, il outrage, il persécute, il oublie qu'il est le plus fort et qu'il n'a reçu sa force que pour protéger et secourir; il frappe, il meurtrit, il blesse, quelquefois il tue. Si c'est une femme, elle pleure, elle crie, elle fait régner la violence, la lassitude et le dégoût la où elle aurait tout ce qu'il faut pour répandre le calme et le bonheur. Hommes ou femmes, ceux que torture la monomanie jalouse, ne goûtenietnelaissent goûteraucune tranquillité, interprètent tout en mal, dénaturent les faits, accusent les intentions, compromettent les absents, et. quelles que soient la patience et la douceur qu'ils ont rencontrées d'abord, finissent, à force de nuire, par devenir odieux. Plus ils ont été
entourés de tendresse, plus on désire qu'ils s'éloignent, et si leur éloï-gnement doit avoir un terme, on tremble à son approche. »
A cette peinture faite de main de maître, nous ajouterons, pour que notre description soit aussi complète que possible, l'observation de la malade qui nous a inspiré l'idée de traiter ce sujet.
Observation 1 (personnelle) Recueillie à l'asile Sainte-Anne, service de M. le professeur Bail.
Marie femme C..., âgée de Sa ans, est entrée à la Clinique des maladies mentales le 3o janvier dernier.
Certificat d'entrée. — Dépression mélancolique, avec accidents hystériques; hallucinations de la vue et de l'ouïe. Idées de - persécution. Préoccupations hypocondriaques. Jalousie morbide. Crises d'exaltation avec menaces, violences. Alimentation très irréguliére. Anémie. — Signé : D'Paul Garnier.
Certificat immédiat. — Dépression mélancolique. Hystérie morale. Idées de persécution, hallucinations de l'ouïe. Préoccupations hypocondriaques. A énormément maigri depuis ia heures. Relus d'aliments. Hyperesthésie cutanée. — Signé : Dr Rouitlard.
Antécédents héréditaires. — Père très nerveux, mère facilement irritable; un frère exalté et prodigue, une sœur hystérique.
Antécédents perscnr.el:. — La malade a toujours été d'un caractère difficile et emporté. Elle a eu des convulsions dans le jeune âge ; la menstruation n'est apparue que très tard, et depuis quelques mois elle se fait d'une façon très irréguliére.
Histoire de la malade. — Elle s'est mariée en iS8it a eu deux enfants : une petite fille qui a maintenant cinq ans et qui se porte bien : un petit garçon qui est mort à sept mois d'une méningite.
Le mari est employé au ministère de la marine. Nous l'avons vu plus d'une fois : c'est un homme doux et patient, beaucoup trop patient, que la jalousie de sa femme a fait horriblement souffrir surtout depuis trois ans. C'est pendant sa seconde grossesse que Mme C... a commencé à se livrer à toute sorte d'excentricités et à manifester son peu de confiance en la fidélité de son mari. Cette seconde grossesse l'avait, il est vrai, considérablement affaiblie et fatiguée ; son accouchement avait été suivi de pertes considérables et elle avait eu de la peine à se remettre. Son caractère déjà médiocre était devenu plus mauvais encore ; un rien la faisait sortir hors des gonds, et elle avait de fréquentes attaques hystériformes, qui commençaient toujours par une scène de jalousie faite à son mari. Celui-ci nous a affirmé que pas plus à cette époque qu'avant ni depuis, il n'avait violé la foi conjugale.
Cependant la jalousie de Mme C... ne fit que s'accroître et les querelles devinrent de plusen plus fréquentes. M. C... se vit bientôt en butte, de la partde sa femme, à des procédés outrageants qui dégénérèrent promptement en scènes scandaleuses et d'une violence extrême ; elle l'accusait de lui faire des traits avec sa concierge, femme de 47 ans, et on ne peut moins séduisante; elle était sure que cette femme était sa rivale heureuse, on le lui avait dit dans l'escalier ; elle avait entendu quelqu'un lui crier : • Votre mari vous trompe avec la concierge, tout le monde le sait. » Et puis dans la rue on la regardait d'un air narquois, chacun était au courant de son malheur! Après la concierge, ce fut à la charbonnière que M. C.fut censé adresser ses hommages.
« De semblables accusations, nous disait ce pauvre mari, étaient tellement absurdes, que je crus tout d'abord à de simples plaisanteries d'assez mauvais goût, j'en conviens, mais que j'aurais assez patiemmeut supportées eu égard au tempérament un peu bizarre et nervenx de ma femme, ainsi qu'aux souffrances qu'elle avait endurées lors deses secondes couches. Malheureusement elle ne s'en tint pat U. Chaque matin, quand je me rendais a mon service, elle m'accompagnait de près ou de loin, jusqu'à ce qu'elle fût bien sûre que j'étais entré au Ministère, épiant, contrôlant et interprétant à son gré. ou plutôt au gré de son idée 6xe, ma démarche, mes gestes et les moindres > de mon allure. Au commencement.elle ne se laissait pas voir pendant qu'elle se livrait à cette extravagante surveillance ; mais elle en vint bientôt 1 ne plus se dissimuler. Je lui reprochai son manque de confiance en moi, je tâchai de lui démontrer tout ce que son espionnage avait de ridicule et de blessant : mais j'eus beau dire, ses soupçons absurdes ne firent qu'augmenter et se traduisirent bientôt par des actes de plus en plus insensés. Elle ne se contentait plus de me guetter, de me suivre à mon départ, elle venait chaque soir sur la place de la Concorde, une heure environ r.vant la sortie ce mon bureau, et là. le plus souvent dans une tenue qui aurait suffi à la laire remarquer des passants, dans un négligé invraisemblable de la part d'une femme qui avait autrefois une tenue irréprochable, en peignoir, sans coiffure, elle gesticulait, elle vociférait des absurdités à mon adresse, elle ameutait le monde en criant : • Vous allez voir sortir du Ministère un homme comme il n'y en a pas beaucoup sur la terre, c'est un homme qui a l'infamie de tromper sa feromelégitime avec une concierge, avec une charbonnière, c'est mon mari, etc.* Et quand je sortais, elle me signalait aux badauds rassemblés qui saluaient mon approche-avec une pitié ironique dont je m'exaspérais; le plus souvent je partaissans tien dire, et ma femme me suivait en continuant à gesticuler et a débiter ses insanités. D'autres fois, je hélais un cocher de riacre, je montais en voiture, ma femme s'y précipitait derrière moi et nous échappions ainsi aux quolibets et aux railleries de la foule. La police, i deux reprises, dut intervenir et emmener au poste ma femme, cause de ces rassemblements: elle se contenait pendant quelque temps, puis elle recommençait.
> Fatigué de cette vie intolérable, sur le conseil d'un de mes collègues, j'allai trouver le iv g..., pour qu'il fût témoin des actes insensés de ma femme et qu'ii me délivrât un certificat constatant l'état de son esprit, et au moyen duquel il *"C serait possible de la faire interner. J'eus la maladresse de laisser ce certificat dans une de mes poches, ma femme l'y trouva, car elle avait pris l'habitude de fouiller dans toutes mes affaires, espérant toujours y découvrir des preuves de ma prétendue infidélité. Cette trouvaille ne Ht que l'exaspérer davantage, elle lacéra le certificat et ne modifia nullement sa conduite à mon endroit.au contraire. In jour, en face de l'hôpital Laénncc, elle me fit en pleine rue une telle scène que des agents de police vinrent à mon secours et voulurent la conduire encore au poste. Je m'y opposai, mais je pris déhai-tivement la résolution de la faire interner.
• Pour en venir a bout, j'employai le moyen suivant. Je sortis du Ministère deux heures plus tôt que d'habitude et je revins à la maison. Ma femme, surprise de me voir rentrer si tôt, m'en demanda la cause, mais je pris un air un peu mystérieux et lui répondis que j'avais un rendez-* ou» avec un ami, et que j'étais venu changer de pardessus. Cela éveilla ses soupçons, comme je m'y attendais. « Ah 1 c'est un ami que tu vas voir, me dit-elle ; eh bien ! je
» suis désireuse de le connaître, cet ami ; je vais aller avec toi, je ne tequitie-> rai pas. > Je témoignai un peu d'humeur, je lui dis que c'était bien ennuyeux qu'elle n'eût pas en moi plus de confiance, et je lui affirmai que c'était bien un ami que j'allais voir; j'ajoutai que pour cela je désirais être seul, qu'elle me gênerait, crc. Cela ne fil qu'augmenter sa défiance et elle persista dans sa résolution de m'accompagner. Je ne demandais pas autre chose ; je dis au cocher, de façon a n'être pas entendu d'elle, de me conduire a la Préfecture d.» police, et c'est aÎDsi qu'elle put être amenée à Sainte-Anne sans qu'elle s'en doutât. »
Depuis qu'elle est à la Clinique, Mme C... a lait preuve du plus exécrable caractère ; elle se dispute avec toutes les malades, leur cherche constamment querelle et les brutalise aussi souvent qu'elle le peut ; elle crache au visage des infirmières et leur lance des coups de pied dans les jambes ; on est très souvent obligé de lui mettre !a camisole de force pour l'empêcher de easser les vitres avec ses poings, de déchirer ses vêtements, de frapper ses compagnes.
Elle refuse d'aller de bon gré au bain. parce qu'il passe des malades plus ou moins propres dans les 1-aignoires ei qu'on ne met pas de fonds de bain à celles-ci. Dans les premiers temps de son séjour ici, elle ne voulait pas manger parce qu'à Sainte-Anne on se sert de couverts en fer ; maintenant elle persiste dans ce refus, mais pour une autre raison : elle veut devenir tellement anémique qu'elle soit un objet de pitié pour des visiteurs compatissants qui la feront sortir ; alors elle se vengera de son mari et intentera un procès à ceux qui la retiennent en ce moment.
La dernière fois que M. Rooillard l'interrogea devant nous, il lui demanda pourquoi elle ne voulait pas manger. ¦ Mais je mange a ma faim, répondit-elle, et je me trouve très bien de me mettre au pain et à l'eau. D'ailleurs vous m'aviez promis de me rendre la liberté si je mangeais pendant huit jours : je me suis exécutée pendant sept jours, mais le huitième on nous a servi des pieds de mouton, je ne les aime pas, je n'en ai pas voulu. Et puis j'ai pensé, à juste titre, que vous me trompiez, et comme je ne tiens nullement i vous faire plaisir, je préfère ne pas manger. » Sur la demande que M. Rouillard lui faisait de nous raconter pourquoi son mari l'avait fait interner : - J'ignore pourquoi je suis ici, dit-elle. Que j'aie eu des torts, c'est possible, mais mon mari en a eu de plus grands encore. Je vous ai raeonté cela plus d'une fois : c'est un sujet sur lequel il m'est pénible de revenir et dont je ne veux plus entendre parler, car je ne vous répondrai pas. Ce sont des choses qui se sont passées entre mon mari et moi et que vous n'avez nullement besoin de connaître. Qu'il me suffise de vous dire que ce que je lui reproche le plus, c'est de m'avoir fait passer pour folle et de m'avoir fait enfermer avec des folles. Mais je ne le suis pas. vous le savez bien, et je ne le deviendrai pas, quoi qu'on fasse pour cela. »
Mme C... n'a demandé des nouvelles de sa fille qu'une seule fois ; encore l'a-t-elle fait d'un ton fort indifférent. Quand son mari vient la voir, elle le reçoit durement, d'un air hautain et méprisant ; elle foule aux pieds les petites provisions qu'il lui apporte et lui répète à chaque fois que s'il ne la fait pas sortir dans deux jours, « elle fera un mauvais coup. »
Mais celui-ci a conservé un si mauvais souvenir des agitations, des violences,-des cris, des scènes du passé et des calamités de toute espèce qui en résultaient, que la pensée seule de reprendre sa femme avec lui, qu'un seul
moi qui y lasse allusion le jettent dans un trouble extrême. aSi on me la rend,
disait-il dernièrement, je l'abandonne ainsi que mon enfant, j'abandonne tout et je me sauve dans les colonies, ou n'importe où. puisqu'on ne me laisse pas d'autre moyen d'échapper à un enfer impossible dont j'ai fait l'épreuve trop longtemps ! •
Trélat. dans son Traité de la Folie lucide, déclare nettement que la t jalousie portée à l'excès esc une véritable folie. ¦ Nous voulons bien admettre qu'à certains points dz vue il puisse suffire de dire, d'une manière générale, qu'un homme est fou ; mais une proposition si vague n'a rien de scientifique ; médicalement parlant, il est nécessaire de con* naître de quelle forme d'aliénation mentale est atteint le sujet, s'il y a véritablement folie.
Rappelons, en passant, que notre jalousie morbide doit être écartée des idées de jalousie qui peuvent se manifester accidentellement, pour ainsi dire, dans le cours d'un grand nombre de maladies mentales de forme et d'origine essentiellement diverses : c'est un trouble spécial de l'esprit où les idées jalouses prennent une telle prépondérance qu'elles constituent le fond même de la maladie.
Doit-on dire des individus atteints de jalousie morbide que ce sont des aliénés confirmés? Il faut établir à cet égarddeux classesde sujets : les uns conservent plus ou moins l'équilibre nécessaire pour juger leurs idées jalouses, les autres en subissent toute l'influence ; ceux-ci sont de vrais fous, leur affection rentre dans la classe des délires partiels ; quant aux premiers, nous pensons que ce serait aller trop loin que d'en faire de véritables aliénés ; par contre, les traiter en gens raisonnables et les considérer comme tels, serait commettre une erreur non moins grave. La vérité est entre ces deux extrêmes.
« Pour le public, dit M. le professeur Bail, ou plus exactement pour » les profanes qui n'ont jamais franchi le seuil du temple, c'est-à-dire » les portes d'un asile d'aliénés, il semble qu'uni ligne mathématique * sépare la raison de la folie ; vérité en deçà, erreur au delà, d'un côté > la folie, de l'autre lebon sens. » Mais, comme le fait observer Gncsin* ger, le dilemme : « Cet homme est fou ou il ne l'est pas » n'a pas le sens commun. Par conséquent, ces idées, parfaitement simples, mais absolument fausses, ne sont faites que pour plaire aux esprits qui ne voient qu'un seul côté des choses ; la moindre réflexion fait comprendre en effet la vanité de tenter une semblable division. Nul ne peutdonc tracer qu'arbitrairement la limite précise qui sépare la raison de la folie, la maladie de la santé, le froid du chaud. Cela n'empêche pas cependant que le froid ne soit le contraire du chaud, que la maladie ne soit différeniede la santé, la folie de la raison. Xatura non facit sattus .* C'est une vérité banale que la nature ne fait pas de saut, mais qu'elle passe d'un extrême à l'autre par des nuances si douces qu'elles se fondent imperceptiblement l'une dans l'autre, sans qu'il soit possible de fixer exactement la ligne de transition. Nulle part cela n'est plus vrai qu'en ce qui concerne la raison et la déraison.
LA UXOOklS «OBBIDF 349
Il est donc fort important de reconnaître qu'il v a un nombre considérable d'états mentaux constituant une région intermédiaire entre l'exacte pondération de toutes les facultés et les maladies mentales véritables, en d'autres termes qu'il y a, entre l'état sain et l'insanité, une sorte de terrain neutre, de zone mitoyenne, à laquelle M. le professeur Bail a donné le nom heureux de Frontières de la Jolie.
Celte région, située à la limite de la raison et de la folie, et que le vulgaire habituellement croit déserte, renferme des millions d'habitants. En effet, parmi les concitoyens que nous rencontrons tous les jours et que nous coudoyons a chaque instant, combien n'en cxistc-t-il pas dont les allures excentriques, le caractère irritable, les sentiments mobiles, les idées bizarres, les actes insolites motivent de notre part les jugements les plus contradictoires? ¦ Que d'individus anormalement déprimés. * portés à la mélancolie ou atteints d'un état habituel de surexcitation ! » Que de pessimistes, d'enthousiastes, d'originaux, d'inventeurs, de » dissipatcurs.de débauchés, de criminels même, dont on ne saurait » dire qu'ils doivent être mis au rang des fous, bien qu'on ait la certi-» tude que leur place n'est pas parmi les raisonnables (1) 1 » L'auteur que nous citons ne mentionné pas les jaloux dans cette longue énumé-ration. Nous nous permettons cependant de classer dans cette même catégorie les sujets qui forment la première partie des Individus atteints de jalousie morbide, ceux qui. avons-nous dit. conservent encore plus ou moins l'équilibre nécessaire pour juger leurs idées erronées ; ils deviendront ou ils ne deviendront pas fous, mais tous y tendent de plusieurs manières, soit que l'état normal de leur intelligence s'exagère jusqu'au délire proprement dit. soit, ce qui est fréquent, qu'il serve de porte-greffe à de véritables accès d'aliénation mentale.
Coiii-m à l'Ecole |»-iitit|iie «le lu Faculté.
M. le docteur Berillon. directeur de la Revue de l'Hypnotisme, commencera. le mardi 14 mai, à cinq heures du soir, dans l'amphithéâtre n" 3 de l'Ecole pratique delà Faculté de médecine, un cours libre de Pathologie nerveuse sur les Applications de l'hypnotisme à la thérapeutique et le continuera les mardis et samedis suivants, à la même heure.
Dans ce cours, le docteur Berillon passera en revue les acquisitions récentes faites dans le domaine de l'hypnotisme. Il étudiera spécialement les indications et les contre-indications de l'hypnotisme dans le traitement des maladies nerveuses et dans ses applications à la pédiatrie.
(i) Cullerre, Les Frontières de la folie.
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
Un Congrès d hypnologie.
il y a quelques mots, nous demandions, dans une courte noie, à nos collaborateurs et à nos lecteurs, de nous donner leur avis sur l'opportunité de réunir, dans un Congrès scientifique, pendant le cours de l'Exposition, les savants français et étrangers qui ont apporté une contribution à l'étude de l'hypnotisme.
Nous avons reçu immédiatement un grand nombre de réponses favorables à cette idée. Spontanément, les médecins les plus autorisés de France et de l'étranger, ainsi qu'un certain nombre de magistrats, nous ont envoyé leur adhésion. Plusieurs médecins des hôpitaux de Paris nous ay.. ¦ assuré leur concours, nous espérons que l'idée d'un Congres d'hypnoiogie pourrait recevoir, dans le cours du mois d'août, au moment même où ls plupart des savants se donneront rendex-rous à Paris, une complète réalisation.
Dans l'esprit des organisateurs, le Congrès garderait un caractère intime. On n'y aborderait que les questions se rapportant aux applications physiologiques, cliniques et médico-légales de l'hypnotisme, et il serait sortout (ait appel au concours des savants français et étrangers ayant apporté une contribution à l'étude de l'hypnotisme.
De cette façon, on pourrait arriver à des conclusions constatant les acquisitions réelles faites dans le domaine d« l'hypnotisme et fixer la terminologie de cette science.
En limitant ainsi l'objet du Congres, il serait facile d'éviter les discussions stériles et les communications dépourvues de contrôle scientifique.
Nous croyons donc devoir soumettre de nouveau l'idée d'un Congrès d'hypnoiogie à nos collaoorateurs et à nos lecteurs, en leur demandant leur adhésion. Nous les prions de vouloir bien nous adresser les observations qui pourraient contribuer à mener à bien l'organisauon d'un Congrès don l'idée a déjà été accueillie avec faveur.
Interdiction des séances publiques d hypnotisme à Genève.
Il y a deux mois, l'Académie royale de médecine de Belgique, après une longue discussion, votait a fnnantmtté, moins deux voix, une résolution tendant à demander au gouvernement belge l'interdicuon dos séances publiques
d'hypnotisme.
Se basant sur les mêmes motifs qui avaient inspire la décision de l'Académie de Belgique, la police de Genève a suspendu les représentations d'hypnotisme données dam cette ville par un certain M. OnofrotF.
Pratiquant rhypn»:isme avec une certaine habileté, ce magnétiseur avait pu influencer assez profondément cinq sujets,dès le premier soir où il opérait au Cirque, pour tenter sur eux la réalisation de suggestions post-hypnotiques. A la fin de la séance, U avait donné à ses cinq sujets endormis les divers ordres suivants pour le lendemain, à midi, devant le Théâtre : i. Faire plusieurs fois le tour de la place Neuve en courant, i. Lire et déclamer à haute voix. 3. Applaudir le précédent et rire aux éclats. 4. Se promener avec un
«Sventail, etc., etc. Puis il les avait réveillés et congédiés. Or, le lendemain à sud:, les nombreux curieux rassemblés devant le Théâtre ont assisté à la par-faite exécution de tous ces actes.
En deux jours, il avait pu hypnotiser plus d'une douzaine de jeunes gens et provoquer publiquement sur eux des phénomènes divers tels que : rigidité cataleptique, insensibilité aux piqûres traversant le bras, illusions du goût qui prête aux pommes de terre la saveur d'une poire et à l'huile de foie de morue le fumet du champagne, hallucinations de toute sorte provoquant la terreur ou un rire inextinguible, obéissance passive aux moindres suggestions, etc., qui avaient extrêmement divertí les nombreux spectateurs réunis dans le cirque.
Après la suspension des séances de M. Onofroff. la Tribune de Genève, dans des articles remarquablement conçus et écrits, a cru devoir justifier l'opportunité de la mesure prise par la police.
C'est à la suite de ces articles que notre éminent collaborateur, M. le docteur Ladame, a été amené ù écrire à la Tribune la lettre suivante, qui résume si bien le débat :
Genève, 6 avril.
Monsieur le Rédacteur, Plusieurs personnes m'ayant assuré qne l'on me désignait comme l'auteur de la correspondance adressée à la Tribune, le vendredi dernier, j courant, dans laquelle un docteur de notre ville demandait l'interdiction absolue des séances publique* d'hypnotisme, je viens vous prier de bien vouloir annoncer que je suis étranger à cette communication, ayant l'habitude de signer de mon nom les articles que j'envoie à l'impression.
Je m'empresse d'ajouter que je suis pleinement d'accord avec mon honorable confrère et que j'appuie sa demande, suinsamment motivée désormais, il faut l'espérer, aux yeux du public, par l'étude remarquable de If. T. F... sur les dangers de l'hypnotisme, que tout le monde voudra lire dans la Tribune d'aujourd'hui samedi. 6 avril.
Il y a tantôt dix ans (depuis les séances tapageuses de Donato à Neuchàtcl et à Lausanne) que je réclame cette interdiction, ayant eu trop souvent l'occasion de constater les effets funestes de ces spectacles sur un grand nombre de personne*.
La plupart des cantons suisses et presque tous les pays qui nous avoisinent ont déjà interdit sur leurs territoires les séances publiques d hypnotisme ou de magnétisme. Tout récemment {dans sa séance du io décembre itóS), la Société de médecine légale de Paris votait a l'unanimité une proposition de M. le l)f Gilles de la Tou-rette, qui demandait au gouvernement d'interdire les séances publiques d'hypnotisme en France, - en raison des nombreux accidents qu'elles provoquent. ¦ Plusieurs villes françaises : Je aux, Poitiers, etc. ont déjà refusé aux magnétiseurs l'autorisation de donner leurs dangereuses représentations.
L'émineni professeur de médecine légale de Paris. M. le D'Brouardel, ea appuyant la proposition de M Gilles de la Tourctte, ajoutai: aux arguments fournis par ce dernier des raisons plus décisives encore, si possible, qui commandent impérieusement cette interdiction.
Les magnétiseurs de théâtre, disaii-il, font des eleves et contribuent de cette façon i creer dans la société une classe d'individus peu scrupuleux, mettant rhvp-notisme au service de leurs passions les plus basses. C'est ainsi que le sieur Lcvy, dentiste de profession, mais autrefois magnétiseur, n'avait pas hésité à abuser, en état d'hypnotisme, d'une malheureuse jeune 611e qui était venue réclamer se* soins. N. Brouardel. consulte comme expert, avait rédigé a cette occasion un rapport mé-dico-léial qui fait encore autorité en cette matière. Le criminel fut condamne, en 1877. à dix ans de réclusion par la cour d'assises de Rouen.
• J'ai été moi-même appelé comme expert dans un cas analogue, en iStto, par le
Irocureur général du canton de Neuchàtcl, quelque temps après les eiploits du imcux Donato. Ou en pourrait citer bien d antres cas. qui n'ont pas toujours passe devant les tribunaux, mais qui n'en révèlent pas moins le péril auquel on s expose * en j^uan: avec l'hypnotisme, » sans parler des troubles psychiques et nerveux qui en sont malheureusement les conséquences trop fréquentes.
' Veuiller acrécr, Monsieur le Rédacteur, l'assurance de ma considération très distinguée.
Traitement empirique du somnambulisme naturel-Dan» le dictionnaire des Ana paru en 1741. nous rro-vons le récit de quelques guéri sens de somnambulisme naturel obtenues j-ir un procédé asiei brutal, qui ne serait plus accepté aussi facilement aujourd'hui.
t'n gentilhomme français, nouait ce dictionnaire, avait coutume de se lever la nuit en dormant, et de faire voler son faucon. Un soir, couchant dans une hôtellerie, il avertit un cocher qui était dans la même chambre, que cela pourrait bien lui arriver. Le cocher, qui était un malin drôle, lui dit qu'il était dans le même cas, et qu'il se levait souvent la nuit pour fouetter les chevaux à toute outrance, croyant les dégager d'un bourbier. Le gentilhomme se lève en chemise, prend son faucon et le jette ea criant très fortement : hapasa, hapasa, hapa! Le cocher se saisit aussitôt de son fouet, et d'en décharger les coups les plus serrés sur le gentilhomme, en criant comme s'il était embourbé; il maltraite excessivement ce pauvre somnambule, mais il le guérit, pour toute la vie. Ce remède, à ce que l'on affirme, a eu un pareil succès dans de semblables occasions.
M. Musitani dit avoir eu un ami somnambule, à qui il a vu faire les choses suivantes. Au milieu de la nuit, il se levait de son lit et allait dans une maison voisine qui était ruinée, et où il n'y avait que les gros murs et quelques poutres mal assurées. Il montait au plus haut de cette maison, sautait d'une poutre ù l'autre, quoiqu'il y eût au-dessous un profond abîme. Une certaine nuit qu'il faisait clair de lune, M. Musitani ayant aperçu son ami qui courait ainsi, l'attendit au retour, et, sitôt qu'il fut rentré, il le fouetta rudement. Il réitéra ce remède quelques autres nuits de suite, et par ce moyen guérit son ami.
J'ai entendu parler, dit le P. Romuald, moine, d'une fille qui s'allait baigner toutes les nuits dans la Seine en rêvant ; ce qu'elle continua jusqu'à ce que son père, en étant averti, l'attendit une fois sur le chemin, et la fouetta si bien pour lui faire perdre cette coutume, qu'elle s'éveilla, fort surprise de se voir nue au milieu de la rue.
NOUVELLES
Hôpital dc la Chakitk. — M. le docteur Luys reprendra son cours le jeudi 9 mal à 10 heures, dans l'amphithéâtre du premier étage.
Ce cours aura pour objet les maladies du système nerveux et les applications thérapeutiques de l'hypnotisme.
Les personnes qui désirent y assister ne seront admise» que »ur la présentatioa d'une carte d'entrée. On est prié de s'inscrire cher le concierge, à l'hôpital.
Interdiction des séances d'hypnotisme à Marseille. — La maire de Marseille a pris l'arrêté suivant :
Considérant que las séances publiques d'hypnotisme et de suggestion portent atteinte a la santé et a la morale publiques; que ce» séances ont donné lieu, ces jours derniers, a des scènes de désordre graves ;
Vu la loi du 5 avril 1884, art. 97 ;
Arrêtons :
Article premier. — Toutes les séances publique» d'hypnotisme et de suggestion sont et demeurent interdites.
Conséquent ment, les expériences de M. Donato succédant a M. Pickmann sont supprimées.
L'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT, 170, Rue St-Antoine. iS-iiT. riais. — Dipaaraut en ailes blot, ace aurez, ~
REVUE D#§taPNOTISME
EXPERIMENTAL ET* .'THERAPEUTIQUE
HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRÈ>^-~£èfvice .le M. le D- v. VOISIN
FOLIE LYPÉMANIAQUE AVEC IDÉES DE SUICIDE DATANT DE 8 ANS PHÉNOMÈNES CHORÉIQUES HYSTÉRIQUES GUÉRISON PAR LA SUGGESTION HYPNOTIQUE
Mme X....âgée de 50 ans. se présente à ma consultation, le 28 juin 1888.
Elle est malade depuis 1870. L'incendie de la maison qu'elle habitait pendant la guerre a provoqué de la chorée qui n'a pas cessé depuis.
La chorée s'est compliquée de lypémanie, avec idées de suicide depuis 1881. et elle a voulu se jeter dans le canal, il y a 15 jours.
En 1888. elle a été prise d'attaques hystériques caractérisées par de la douleur de tête, des étourdissements, de la demi-perte de connaissance, des étourTements, un bruit guttural rauque et des idées de suicide.
Je constate à la première consultation que MmeX... est atteinte de secousses très fréquentes du membre supérieur droit, qu'elle a une physionomie très triste.
Les pupilles sont égales. Pas d'ataxie de la langue, des lèvres ni des mains.
Il n'existe aucun trouble de locomotion. Elle est souvent prise d'une toux rauque.
La parole est nette, la mémoire ne laisse rien à désirer. Lalvpé-manie est très intense, il y a des idées de suicide incessantes. On ne peut la laisser seule. Le sommeil manque à peu près complètement.
Je constate que la malade présente des points douloureux dans les régions sous et sus—mammaires des deux côtés et de l'anes-thésie des deux sclérotiques.
Elle est sujette d'une façon à peu près constante à des douleurs de tête très vives. Elle est d'une grande faiblesse.
Mme X... a été traitée depuis iS ans par des préparations ferrugineuses, par l'hydrothérapie, de la valériane, des pointes de (eu, du bromure, de l'opium, etc.
La maladie a résisté dans toutes ses manifestations. Elle m'est amenée par son mari afin que j'essaye de la guérir par l'hypnotisme.
Pendant ma première consultation, je constate que l'application de l'hypnoscope Ochorowicz sur l'index gauche y détermine de 1 anesthésie à la piqûre d'une épingle et que la présentation de mon index au-dessus de ses yeux détermine du clignement et une demi-occlusion des paupières.
2 juillet. L'hypnose est produite assez rapidement par l'apposition de ma main gauche sur son front, et la présentation d'un prisme devant ses yeux. Mme X... tombe en léthargie.
Mes premières suggestions portent sur :
Ne plus avoir de douleurs de tûte, d'idées noires et de secousses dans le membre supérieur droit. Le sommeil dure une demi-heure.
4 juillet. La douleurdetéte a cessé depuis avant-hier. MmeX... n'a pas eu une seule secousse.
Hypnose. Je Répète les mêmes suggestions qu'avant-hier et j'ajoute qu'elle n'aura plus d'évanouissements, de crises; qu'elle est certaine de guérir et qu'elle se laissera endormir par moi, lorsque je le voudrai.
6 juillet. Mme X... n'a eu qu'un peu de céphalalgie pendant 2 à 3 heures.
Mêmes suggestions ut supra. J'ajoute qu'elle n'aura plus de toux rauque et qu'elle aura la physionomie enjouée.
15 juillet. Mme X... nTa plus présenté aucun phénomène morbide, elle a été enjouée; elle a recommencé à s'occuper de son ménage. Ses parents et amis la trouvent transformée.
Hypnose très facile à obtenir. Mêmes suggestions.
ij mai 1889.
Depuis cette époque j'ai répété l'hvpnose une fois par mois. La guérison s'est maintenue.
En résumé. Mme X... était atteinte depuis 18 ans de chorée qui s'était compliquée, depuis 8 ans, de lypémanie avec idées de suicide qu'elle a failli mettre à exécution.
A ces phénomènes se sont ajoutés des crises hystériques. Mme X... présentait, du reste, d'une taçon très nette, des stigmates hystériques.
L'hypnose a pu être obtenue très facilement et j'ai pu, par des suggestions exécutées pendant le sommeil hypnotique, faire disparaître tous les phénomènes morbides en trois séances : une maladie qui datait de 18 ans a donc été guérie en 6 jours.
Je profite de la latitude qui m'est laissée pour donner des nou-
velles des malades que j'ai traitées par la méthode de l'hypnotisme et dont j'ai déjà publié les observations.
Il est important pour le lecteur de connaître leur état après plusieurs années ; le résultat est encourageant et très démonstratif :
Schatf.... folie morale, instincts vicieux, accès de manie aigué. — I-a guéri son se maintient depuis i885.
Mme , 38 ans. morphinomane. — l.j guerison se maintient depuis 1886.
Mme X.... dipsomane. 42 ans.— La guerison se maintient depuis 1880.
Mme F.... 3i ans. — Ijt guerison se maintient depuis 1887.
Mme X.... 45 ans. — Lu guerison se maintient depuis 1887.
Fa..., 3i ans. dipsomane. — La guerison se maintien: depuis i883.
Mlle K.... 0 ans, migraines. — La guerison se maintient depuis 1887.
Lec..., 17 ans, folie mélancolique, hallucinations.— La guerison se maintient depuis i885.
Dau..., î5 ans. folie mélancolique, hallucinations, idées et tentatives de .suicide — La guerison se maintient depuis i885.
G..., 25 ans, manie aiguë, hystéro-comitialc. attaques convulsives. hallucinations. — La guerison se maintient depuis i885.
Ticr..., 40 ans. folle lypcmaniaque. stupeur, mutisme, hallucinations. — La guerison se maintient depuis 1886.
Mme G.... 25 ans, folie lypémaniaque, refus de manger. — La guéri-son se maintient depuis 1884.
Mme M.... manie subaigué. — La guerison se maintient depuis i885-
F..., 17 ans, arriéré, mauvais instincts, voleur, menteur, etc., onanisme. — La guerison se maintient depuis 1887.
M.... n ans. onanisme.— La guerison se maintient depuis 1887.
Lar.... ao ans. arriérée, mauvais instincts. — Amélioration très grande depuis 1887.
Gen..., a5 ans, folie hystérique, délire éronque. — Amélioration très grande depuis 1887:
Du.... 35 uns, manie subaigué.— Guérie depuis 1S8S.
Hau..., 36 ans. nervosisme chronique datant de S ans. — Guérie depuis 1887.
C..., 48ans, lvpcmanic> — Est retombée au bout de six mois et il n'a pas été possible de l'hypnotiser de nouveau. Bi.... 3i ans. lypémanie. — Rechute.
Dav..., 21 ans. épllepsie. hallucinations. — Rechute ù la suite d'attaques.
Ainsi, sur 22 cas. 19 sont restés guéris et 3 sont retombés malades; mais, ¡1 faut noter que, parmi ces 3. la cause des rechutes a été. 1 fois, des attaques d'épilepsie auxquelles la malade était sujette depuis de longues années.
CLINIQUE MÉDICALE DE L'HOPITAL SAtNT-ÉLOI DE MONTPELLIER
LEÇONS SUR LE GRAND ET LE PETIT HYPNOTISME
Par le professeur J. GRASSET Recueillies et publiées par G. RAUZ1ER. interne des hôpitaux
{Suite et fin)
III
J'ai résumé devant vous, dans ma dernière leçon, les caractères du grand et du petit hypnotisme dans leurs points essentiels. Nous avons vu que le premier est caractérisé par l'existence de phénomènes somatiques fixes, le second par un étal tout particulier de suggestibiliié. J'ai réfuté ensuite les objections vitales faites à chacune de ces formes de l'hypnotisme, à savoir : la simulation pour l'hypnotisme de Nancy. la création artificielle par suggestion des phénomènes somatiques fixes pour l'hypnotisme de la Salpétrière. Ma conclusion découlait fatalement de cette discussion : j*ai conclu à la réalité des deux formes de l'hypnotisme, et me suis efforcé d'étager mon opinion sur un certain nombre de preuves et d'exemples.
Recherchons aujourd'hui quelles sont les conditions du développement de chacune de ces formes, les cas dans lesquels on observe l'un ou l'autre des deux hypnotismes.
Il existe, sous ce rapport, une différence très remarquable entre les sujets observés à Nancy et les malades de la Salpétrière : les hypnotisées de Charcot sont toutes des hystériques: à Nancy, au contraire, on expérimente sur des sujets quelconques, le plus souvent exempts d'hystérie.
Ce dernier mot soulève une double question sur laquelle je dois m'arrêter un instant : Les hystériques sont-ils seuls hypnotisables ? tous les sujets hypnotisables sont-ils des hystériques? Je crois pouvoir affirmer qu'il n'en est rien.
On se trouve, sur ceite matière, en présence de deux opinion dont l'exagération en sens inverse me parait extrêmement fâcheuse. L'Ecole de Nancy soutient que les sujets sains soni hypnotisables, que la suggestibiliié est compatible avec une santé parfaite. Pour
la Salpêtrière, l'hypnotisme est du ressort de la pathologie, les sujets hypnotisables sont des malades et presque toujours des hystériques. Babinski. dans son article déjà cité, résume comme il suit (page 266) l'opinion de son école : « L'hypnotisme est un état pathologique et non physiologique : c'est une manifestation névro-pathique qu'il est permis de rapprocher de l'hystérie. »
Je me rallie, pour ma part, à la conclusion actuelle de la Sal-pêtrière : je ne crois pas que tous les sujets hypnotisables soient des hystériques, mais il me paraît difficile d'admettre que l'hypno-tisation puisse coexister avec l'exquise intégrité du système nerveux. Les sujets hypnotisables sont toujours des nerveux, des névrosés en état ou en puissance, ils font partie de la famille névro-pathique.
Nous pouvons donc diviser les sujets hypnotisables en deux catégories : ceux qui sont hystériques et ceux qui ne le sont pas (la dernière classe comprenant les individus qui, avant d'être hypnotisables, n'ont jamais présenté de symptômes d'hystérie).
Ceci établi, on peut poser, en principe, que tous les cas de grand hypnotisme se produisent che^ des hystériques. Mais il ne serait pas vrai de dire, en renversant la proposition, que toutes les hystériques hypnotisables présentent le grand hypnotisme.
Un deuxième groupe d'hystériques hypnotisables offre à considérer des phénomènes somatiques fixes comme dans le grand hypnotisme, mais ces phénomènes ne sont pas ceux du grand hypnotisme.
C'est là un point sur lequel nous avons, Brousse et moi (1), longuement insisté à propos de F..., notre hystérique hypnotisable dont je vous ai souvent parlé. Nous nous sommes placés dans les mêmes conditions d'observation qu'à la Salpêtrière, ainsi que le recommandent Binet et Féré ; notre sujet a été observé avant toute éducation hypnotique et nous a donné la réaction de la grande hystérie. Et cependant. F... ne présente pas les caractères du grand hypnotisme, les phénomènes somatiques fixes qu'elle possède ne sont pas ceux de la Salpêtrière. D'abord, on n'observe pas chez elle les trois états successifs qui caractérisent le grand hypnotisme de Charcot, avec les modes de transition qui leur sont particuliers. De plus, les caractères de son sommeil ne sont pas ceux de l'un des trois états de la Salpêtrière pris isolément; ce n'est ni de îa catalepsie, ni de la léthargie, ni du somnambulisme. Enfin, nous avons démontré, à l'aide d'arguments qu il m'est impossible de reproduire ici, qu'elle ne présente même pas
(1} Loc. cit., p. 3iû.
les caractères Jes phases intermédiaires, de ces états intermédiaires si bien étudiés par Dumontpallier et Magnin, Pierre Janet et d'autres encore.
Il existe donc des hystériques qui offrent dans le sommeil hypnotique des phénomènes somatiques fixes différents de ceux observés à la Salpêtrière. Nous pouvons rapprocher de ce groupe les hystériques qui. sous l'influence des procédés d'hypnotisation, ne peuvent arriver à s'endormir, mais réalisent tout simplement leur attaque d'hystérie, avec ses caractères habituels et antérieurs à toute tentative hvpnoiique. Tel était le cas chez ce sujet atteint d'hystérie avec astasie-abasie (n° 6, salle Saint-Lazare) dont je vous ai entretenu l'année dernière (i). La fixation du regard, l'occlusion des paupières, la pression du vertex, déterminaient chez lui. non pas le sommeil hypnotique avec son évolution complète ou tronquée, mais bien une crise hystérique identique à ses crises spontanées.
Enfin, un troisième groupe d'hystériques réalise d'emblée et toujours le petit hypnotisme, sans aucun phénomène somatique fixe. La malade qui se trouve au n* 19 de la salle Sainte-Marie, chez laquelle on constate tous les stigmates de l'hystérie, n'a jamais répondu à nos tentatives d'hypnotisation par un ensemble quelconque de phénomènes somatiques; la suggestion seule a eu sur elle quelque effet.
Donc, si tous les sujets qui présentent le grand hypnotisme, et, d'une manière plus générale, si tous les sujets hypnotisables à phénomènes somatiques fixes sont des hystériques, on ne peut donner comme vraie la proposition inverse.
Dès lors, à côté du premier principe : « Tous les cas de grand hypnotisme se produisent chez des hystériques », je formulerai maintenant le suivant : Les sujets du petit hypnotisme peuvent être ou ne pas être des hystériques ; ce sont tous des nerveux ou des prédisposés.
Si l'on considère la totalité des sujets hypnotisables, dans quelle proportion de fréquence observe-t-on le grand et le petit hypnotisme :
' Il est impossible de baser sur des chiffres, même approximatifs, la réponse à cette question. Mais la chose est si claire, si évidente, s'impose tellement à ceux qui ont quelque pratique de l'hypnotisme, qu'il n'est pas besoin de chiffres précis pour conclure : Le nombre des cas de petit hypnotisme surpasse dans d'énormes proportions Je nombre des cas de grand hypnotisme. Ce principe, que j'énonce formellement, ressort avec une netteté parlaite
(1) Leçon clinique sur un cas d'hystérie mâle avec astasie-abasie (Montpellier mi-
dica', 1889).
de tout ce que j'ai lu et de mes propres observations. Je crois, d'ailleurs, que personne ne songe à le nier, et Ton en trouve un aveu explicite dans le mémoire de Babinski (p. too) : « II (Charcoti reconnaît lui-même que le grand hypnotisme, s~ïl répond au type partait, représente cependant une forme rare. »
Si je ne me fais illusion, il me semble que nous avançons peu à peu dans la démonstration de notre thèse : non seulement le grand et le petit hypnotisme existent tous les deux, mais encore le petit hypnotisme est beaucoup plus fréquent que le grand ; ce dernier, sauf dans les milieux de grande culture, comme la Salpêtrièrc, ne constitue guère qu'une exception. C'est là un premier argument (faible encore, je le reconnais) pour trouver peu justifiées leurs épithètes respectives.
Continuons; tout finira bien par se préciser.
Je concède, dira la Salpêtrièrc, que le petit hypnotisme existe, malgré les difficultés que l'on a pour déjouer la simulation. J accorde même qu'il se présente à l'observation plus fréquemment que son rival; mais l'hvpnotismc de Charcot est toujours et reste le grand parce qu'il est le prototype du petit : celui-ci n'est que l'émanation, le diminutif, l'esquisse du grand hypnotisme.
Si cette proposition est exacte, les deux adjectifs sont bien proportionnés à l'importance de chacune des formes qu'ils qualifient, le grand hypnotisme domine sans conteste le petit. C'est là, on le voit, le point capital de l'argumentation.
Cette thèse est très nettement formulée par P. Richer et Gilles de la Tourettc dans leur article du Dictionnaire (p. 117): « D'une façon générale, ces phénomènes (du petit hypnotisme) rentrent plus ou moins dans la catégorie de l'un ou de l'autre des trois états types (léthargie, catalepsie, somnambulisme) que nous avons étudiés. Ils en sont, pour ainsi dire, les formes avortées; aussi pourrait-on, comme on l'a déjà fait, les qualifier d'intermédiaires, en qualifiant toutefois qu'ils relient les uns aux autres les états types, par suite du mélange des signes qu'ils peuvent présenter, en même temps qu'ils sont véritablement le trait d'union qui relie la veille aux phénomènes du sommeil nerveux complet en grand hypnotisme. *
Babinski qualifie aussi de t type parfait » le grand hypnotisme, et déclare ip. too) : « Le grand hypnotisme constitue donc pour notre maître, nous le répétons, la forme la plus parfaite, la forme type de l'hypnotisme. »
D'après celte doctrine, l'hypnotisme de Nancy rentrerait toujours dans le cadre du grand hypnotisme ; il ne serait que le dérivé, la forme fruste, le type ébauché, la vue en raccourci du prototype immuable de la Salpêtrière, et s'il n'offre le tableau bien net de l'un
des trois états qui caractérisent ce dernier, il doit tout au moins en présenter l'esquisse ou un tableau intermédiaire.
Permettez-moi d'insister sur cet argument qui est, je vous l'ai dit. le point capital, le point de l'argumentation.
D'après l'école parisienne, le rapport entre le grand et le petit hypnotisme serait comparable au rapport qui existe entre la grande attaque d'hystérie de la Salpôtrière et toutes les autres attaques: celles-ci. d'après la même école, ne seraient que des dérivés, des formes atténuées de la première, qui resterait le prototype de toute attaque complète.
Ici, je dois le dire, je me trouve en désaccord complet avec la Salpêtrière.
Sans doute, il n'y a qu'un hypnotisme, comme il n'y a qu'une hystérie. Nous n'admettons pas, je vous l'ai déjà dit, des états foncièrement distincts dans l'hypnotisme; il faut y voir un état nerveux unique, particulier, caractérisé par un groupe de phénomènes différents en apparence. En matière d'hystérie, de même, on doit invoquer la même névrose, qu'il s'agisse de processus bruyant et caractéristique de i'hysteria major ou des phénomènes obscurs et variés de I'hysteria minor.
Mais cette unité de nature fondamentale (que personne ne peut contestep ne suffit pas à établir la doctrine de la Salpêtrière, à savoir que le petit hypnotisme est le diminutif du grand. Elle ne le prouve pas plus qu'elle ne suffit à démontrer que I'hysteria minor est I'hysteria major en raccourci.
Pour l'hystérie, j'ai déjà fait nettement connaître ma manière de voir dans un article du Dictionnaire (i), et vous ai rappelé cette opinion dans mes leçons de l'année dernière sur l'hystéro-trauma-tisme (2).
Pour rattacher certaines attaques d'hystérie à la grande attaque, on est obligé de se livrer à une opération intellectuelle très complexe ; il faut : i° ajouter à l'attaque de la Salpêtrière des caractères qui ne lui appartiennent pas (ceci se réalise dans les attaques dites avec immixtion d'éléments nouveaux! : 2° retrancher de l'attaque de la Salpêtrière tout ce qu'elle a de caractéristique, tous ses éléments normaux, pour ne conserver que ces éléments étrangers surajoutés.
Il est évident que, par cette méthode, on peut assimiler n'importe quel syndrome â n'importe quel autre; on peut facilement rapprocher des choses qui n'ont rien à voir ensemble, mais je ne crois pas que ce soit un sûr moyen de forcer les convictions.
Je n'insiste pas davantage sur l'hystérie; sans vous reproduire
(0 Art. Htstskie dvDict. Eneycl., 4« serie, t. XV. '2) Montpellier médical, 188S.
ici les arguments que j'ai donnés ailleurs, je crois pouvoir affirmer
3ue les différentes variétés d'attaques ne sont pas des dérivés, des iminutifs de la grande attaque. 11 en est de môme pour l'hypnotisme : Pour admettre la théorie de la subordination, pour pouvoir conclure que le petit hypnotisme est le diminutif du grand, il faudrait y retrouver les traits importants fondamentaux du grand hypnotisme. 11 faudrait y montrer, atténués, raccourcis, frustes si l'on veut, mais réels et tangibles, les fameux caractères somatiques fixes si remarquables, qui sont la vraie caractéristique de ce dernier. Ce signe capital, dont la découverte constitue pour la SalpÔtrière un titre de gloire impérissable, qui déjoue toute simulation, il faudrait au moins en déceler des traces, quelques linéaments. Eh bien! non! Aucun indice, aucun rudiment de ces caractères somatiques fixes, de ces symptômes antérieurs et supérieurs à la suggestion. Pas plus de léthargie que de catalepsie ou de somnambulisme: rien qui soit indépendant du magnétisme. Rien qui ressemble à cette belle hvperexcitabilité neuro-musculaire dont la présence est comme la signature du grand hypnotisme. Tout est suggestible dans le petit hypnotisme.
Le petit hypnotisme ne correspond donc à l'atténuation d'aucun des trois grands états pris à part et isolément. Pour les mômes raisons, on ne peut dire davantage qu'il représente un type intermédiaire formé par l'association de divers signes empruntés à chacun de ces états. Le petit hypnotisme ne possède, en effet, les signes nécessaires, les caractères somatiques fixes d'aucun d'eux. 11 est donc impossible d'avancer qu'il constitue un terme de transition entre les trois formes du grand hypnotisme.
En somme, vous le voyez, nous ne pouvons souscrire ¿ cette conclusion que le grand hvpnotisme est le prototype de tous les autres. Serait-il légitime d'admettre que, pour l'atténuation d'un état dont la caractéristique est de présenter des caractères somatiques fixes, supérieurs à toute suggestion, on aboutit à un autre état dont la caractéristique est de ne pas présenter ces phénomènes somatiques et de tout subordonner à la suggestion : Non ; deux états à caractéristique opposée ne peuvent jamais être considérés comme le diminutif l'un de l'autre : le petit hypnotisme n'est pas plus un diminutif du grand que le grand n'est la réduction du petit.
Donc, l'hypnotisme étant un état nerveux un. ce que l'on appelle le grand et le petit hypnotisme ne sont que des formes symplomàtiques de cet état nerveux, formes symptomatiques distinctes, qu'il est impossible de considérer comme le diminutif ou le dérivé l'un de l'autre.
S'il était nécessaire d'attribuer l'épithète de grand à l'une de ces deux formes symptomatiques, ce n'est pas à l'hypnotisme de la Salpètrière, c'est au petit hypnotisme qu'il faudrait l'appliquer. En
effet, si l'on veut absolument trouver un fond commun aux deux hypnotismes. ce terrain d'entente sera l'état de suggestibilité. Or, l'état do suggestibilité, que l'on rencontre à titre secondaire dans l'hypnotisme de Charcot. est la caractéristique de l'hypnotisme de Nancy. Les caractères somatiques fixes s'observent, au contraire, dans un nombre de cas restreint, et l'on seraît,dés lors, presque en droit de dire que l'hypnotisme de la Salpêtrière est un cas particulier, un dérivé, un chapitre de I"hypnotisme de Bernhcim. qui. du coup, deviendrait le grand hypnotisme.
Je me garderai de formuler cette proposition révolutionnaire; mais il me paraît sage de conclure que les adjectifs grand et petit, appliqués à l'hypnotisme, sont de bien mauvais qualificatifs, puisqu'ils semblent consacrer une infériorité de l'hypnotisme de Nancy par rapport à l'hypnotisme de la Salpêtrière. alors que le premier n'est pas moins fréquent que le second, alors qu'il n'en dérive pas et qu'il ne constitue pas un diminutif de celui-ci.
Je terminerai enfin en vous montrant qu'au point de vue des applications thérapeutiques, l'hypnotisme de Nancy n'est pas inléricur à son frère aîné de Paris rappelez-\ous. Messieurs, que si nous refusons certaines prérogatives au grand hypnotisme, nous ne lui refusons pas ce droit d'aînesse qui. depuis la Révolution, ne - comporte, en matière d'avantages, que le droit de vieillir avant les autres).
Sur le terrain des applications curatives. le triomphe du petit hypnotisme est complet et sans conteste.
Ce serait une erreur grave et fâcheuse de croire que vous ne . pourrez guérir ou soulager par l'hypnotisme que les sujets chez . lesquels il vous sera possible de cfévelopper la grande hypnose : vous priveriez ainsi vos malades d'un moyen souvent efficace.
Je vais tâcher — et ce sera la justification pratique de ces conférences. — de vous le démontrer.
Non seulement les modalités du grand hypnotisme ne sont pas indispensables à une action thérapeutique, mais encore les phénomènes somaiiques fixes qui les caractérisent rendent le pronostic des névroses plus sombre et les résultats du traitement plus incertains. Ils témoignent, en effet, d'une névrose plus robuste, plus invétérée, plus tenace, partant plus difficile à modifier; de plus, ces phénomènes, supérieurs à la suggestion et non modifiables ; par elle, constituent une gène sérieuse à la thérapeutique hypnotique.
C'est que l'élément principal (je ne dis pas le seul de cette thérapeutique, est la suggestion. Le sommeil par lui-même, en l'absence de suggestion, peut être un moyen de soulagement pour certains nerveux ; mais il ne constitue qu'un élément secondaire. La grande action modificative, dans l'hypnotisme, s'exerce
par la suggestion. Thérapeutique suggestive et thérapeutique hypnotique sont deux synonymes.
C'est par la suggestion que j'ai fait disparaître une contracture avec anesthésie de la main chez une hystérique, des paralysies multiples chez une autre : ailleurs, une aphonie, des douleurs vives, des vomissements, des insomnies, etc.
Je n'insiste pas sur tous ces fans, dont je vous ai parlé dans mes leçons sur l'hypnotisme thérapeutique, et qui, depuis cette époque, sont devenus beaucoup plus nombreux.
Donc, la condition de l'hypnotisme thérapeutique, c'est l'état de suggestibilité ou petit hypnotisme. Celui-ci peut donner des résultats satisfaisants, même à son degré le plus atténué, même à l'état de veîlle et sans qu'il soit nécessaire ae chercher à endormir le sujet : il suffit que le malade soit suggestible en cet état.
Ce fait indéniable vous explique pourquoi les travaux de la Salpêtrière. si riches et si complets sur certains points de l'histoire de l'hypnotisme, sont presque silencieux sur le chapitre de l'hypnotisme thérapeutique. On est peu enthousiaste de ce mode de traitement à la Salpêtrière ; on le pratique infiniment plus à Nancy. Pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à mettre en parallèle le petit nombre de pages consacrées à cette question dans l'article « Hypnotisme » du Dictionnaire (2 pages sur 65) et les développements relatifs donnés à ce même sujet dans le livre de Bernheim.
Pourquoi Bernheim prône-t-il ce que la Salpêtrière dédaigne ? Parce que le petit hypnotisme, étudie par Bernheim, se prête à peu près seul aux applications thérapeutiques.
Je finis, Messieurs, sur ce dernier argument, qui me paraît s'ajouter aux autres pour condamner la tendance, que je vous signalais au début, à mettre en infériorité le petit hypnotisme, et résume ces trois conférences dans les propositions suivantes :
1» L'hypnotisme est un état nerveux un à manifestations variées; le'grand hypnotisme (ou hypnotisme delà Salpêtrière) et le petit hypnotisme (ou hypnotisme de Nancy) en sont des formes symptomatiques.
20 Parmi les hypnotises, les uns présentent des phénomènes somaiiques fixes, antérieurs et supérieurs à toute suggestion ; les autres ont toutes leurs manifestations sous la dépendance de la suggestion. Le grand hypnotisme représente une partie du premier groupe, qui ne comprend que des hystériques, mais ne comprend pas tous les hystériques hypnotisables. Le petit hypnotisme représente le deuxième groupe.
3° On ne doit pas plus nier le petit hypnotisme, sous prétexte de simulation possible, qu'on ne peut nier le grand hypnotisme,
sous, prétexte que la suggestion peut tout engendrer dans l'hypnose.
4° Historiquement et chronologiquement, le grand hypnotisme a précédé le petit : il a ouvert la voie à l'autre, et on peut même dire qu'il l'a rendu possible en s'imposant à l'attention du monde savant avec ses caractères non simulables.
;* Le petit hypnotisme est beaucoup plus fréquent que le grand, qui existe même en dehors de la Salpêtrière, mais peut être considéré comme une rareté.
6" Le petit hypnotisme ne peut pas être considéré comme un diminutif ou un dérivé du grand hypnotisme pris comme prototype universel. L'état de suggestibilité qui caractérise l'hypnotisme de Nancy est même plus compréhensif que le syndrome de la Salpêtrière.
7' Le petit hypnotisme est le véritable hypnotisme thérapeutique.
8° Pour toutes ces raisons, on devrait abandonner définitivement, pour désigner ces formes symptomatiques, les adjectifs « grand > et « petit », qui semblent consacrer pour l'hypnotisme de Nancy une infériorité contraire à la réalité clinique.
LES OUVRAGES DE REICHENBACH
Plus on avance dans l'étude de l'hypnotisme, plus on reconnaît que les états décrits sous ce nom ne sont que les premiers degrés d'une série de phénomènes étudiés depuis longtemps par les magnétiseurs. C'est ce que j'ai indiqué dans deux articles publiés par la Revue sous le titre : Les Etats profonds de l'hypnose.
Il y a donc tout intérêt, pour la science à bénéficier de l'expérience acquise par nos devanciers, quand ceux-ci étaient des hommes sachant voir et ne se laissant point entraîner sur les ailes de leur imagination.
Tel fut le baron de Reichenbach, chimiste distingué, dont les œuvres ne sont connues en France que par une très mauvaise traduction de ses Lettres odiques.
Devenus très rares, ses livres ont été récemment réédités à Vienne 'Autriche;, chez Wilhelm Braumüller.
L'un des plus curieux a pour titre : Aphorimen über sensitivittet und Od [Aphorismes sur la sensitivité et rod).
En voici quelques extraits résumés :
\* Il existe, dit-il, un grand nombre de personnes qui aperçoivent
distinctement un certain quelque chose, pareil à un effluve, qui est répandu dans la nature entière et que les autres ne voient pas i).
Cette faculté, qui se présente en même temps qu'un certain nombre de phénomènes, je l'appelle sensiiivité. et les personnes qui la possèdent, je les nomme sensitifs.
2" Il existe dans la nature quelque chose d'excessivement ténu, que les sensitifs voient, mais dont les non-sensitifs n'ont aucune notion ; ce quelque chose s'échappe des corps, et, d'après les descriptions qui en ont été données, se distingue de l'électricité, du magnétisme, de la chaleur et de la lumière. Ce quelque chose, doué de propriétés variées, je l'appelle « Od ».
Deux verres remplis d'eau sont tenus, l'un dans la main droite, l'autre dans la main gauche, puis on fait goûter l'eau à un sensîtif.
Sensation rafraîchissante procurée par l'eau de la main droite; goût désagréable accusé pour l'eau de la main gauche.
De là :
i* Il s'échappe de la main de l'homme quelque chose qui est absorbé par l'eau.
2° Ce quelque chose est de deux espèces différentes, pour la main droite et pour la main gauche.
3' Certaines personnes apprécient cette différence. Ce sont celles-là que j'appelle des sensitifs.
4- Ce quelque chose, venant du corps humain, est matériel, quoique très peu dense.
Finalement, nous étudions quelque chose :
i° De subjectif, qui est en nous : la Sensiiivité.
2» Quelque chose d'objectif : l'Od.
L'od est émis par tout le monde, mais ne peut être perçu que par peu de personnes.
Autre expérience. Produits chimiques enveloppés de papier. Attraction provoquée.
— Pour le doigt de !a main droite du sensitif. — Pour les uns :
Pas d'attraction. Attraction.
Soufre. Platine.
Sélénium. Nickel.
Charbon. Cuivre.
Tellure. Zinc.
Acide oxalique. Plomb.
Acide tartrique. Iridium.
Sel de Glauber. Etaio.
Sulfate de cuivre. Morphine.
Salpêtre. Caféine.
(0 Je me rappelle que les sensitifs de Reictaenbach ne voyaient le» efHuves qu'après eire restes ires longtemps dans l'obscurité*. J'ai obtenu cette même faculté de vision dans Vitat de rapport, après avoir ouvert les yeux des sujets endormis.
(Voyez l'article précité sur les Etats profonds de I hypnose.)
D. la, les conclusions suivantes:
i* Il y a des individus qui distinguent les corps d'après le genre de réactions qu'ils en éprouvent. Ces gens sont des sensitifs.
a* Cette propriété des corps de réagir sur les nerfs à travers d'autres corps poreux, est inconnue aussi bien en physiologie qu'en phvsiqoe.
Je l'appelle l'Od.
Tous les corps attirants provoquent une sensation de chaleur sur la main gauche : de froid sur la main droite. Et inversement.
Actre expérience.— Un sensitif étant placé a l'ombre, mettez-lui dans la main 'gauche) un bâton de v;rre. de telle façon que l'extrémité de ce bâton puisse ctre exposée aux rayons solaires, la main restant à l'ombre. Il ressentira une impression de froid.
Cette impression s'exagère lorsque le bSion est exposé aux radiations chimiques du spectre.
Donc, nous rencontrons encore ici quelque chose qui agit sur les nerfs du sensitif. Ce quelque chose, ou bien nous est envoyé directement par le soleil, ou bien prend naissance quand les rayons solaires rencontrent le bâton de verre. C'est encore l'od.
Autre expérience. — Placez un verre rempli aux trois quarts d'eau dans un cristallisoir que vous remplirez d'eau de fi-çon a atteindre le même niveau que dans le verre. Faites dissoudre dans le cristallisoir un mélange de bicarbonate et de bitartrate de potasse. Puis faites boire l'eau du verre a un sensitif. Il lui reconnaîtra un goût agréable et rafraîchissant, de telle sorte que de Peau ordinaire sera trouvée fade.
De plus, il y aura production de forts effluves sur les bords du verre.
Donc: cette irritabilité des nerfs est provoquée par quelque chose qui se produit là où il y a réaction chimique.
Autre expérience.— Une meule à aiguiser est animée d'un mouvement rapide. On appuie sur clic un bâton en bois. L'extrémité de ce bâton, touchée avec la main gauche, parait chaude; touchée avec la main droite, elle parait froide.
Au moyen d'un entonnoir, on fait couler de l'eau dans un tube de verre. Un sensitif, touchant l'entonnoir avec sa main droite, le trouve froid; avec sa main gauche, il le trouvera chaud.
En6n, ¡1 est facile de faire constater aux sensitifs les effluves, pareils à un léger souffle, qui s'échappent des extrémités des cristaux ou des pôles des aimants, ainsi que des piles électriques.
Pour les cristaux, la main gauche ressent un soufHe frais lorsqu'elle s'approche de l'extrémité qui, à l'état naturel, est tournée vers le haut.
Pour les aimants, c'est le pâle nord qui produit cette impression.
Enfin, toutes ces sensations d'effluves, de chaleur et de froid peuvent ctre transformées en sensations lumineuses, à condition d'enfermer le sujet dans une chambre obscure.— Une obscurité parfaite est de rigueur.
Dans ces conditions, on remarque l'émission des deux sortes d'od: l'un, jaune rougeàtre; l'autre, bleu: je désigne le premier par od positif et le second par od négatif.
J'ai constate que ces deux fluides ne se neutralisent pas comme le feraient les fluides électriques lorsqu'on les met en contact l'un avec l'autre, mais qu'ils se mélangent en conservant leurs propriétés propres.
De CefJIuve. — L'effluve tend à s'élever. En même temps, il se dirige toujours vers le sud.
Expérience. — Deux barreaux aimantés, maintenus par des supports, sont placés dans le méridien magnétique. Ils sont horizontaux. Leur écartement étant de cinq pieds, les quatre pôles émettent l'effluve sans qu'il y ait d'altération. — En rapprochant les aimants, ou voit l'effluve des pôles intérieurs s'allonger et les deux effluves se réunir lorsque l'écartcment des pôles est de quinze pouces. En rapprochant encore, on voit les effluves se concentrer, prendre d'abord une forme sphérique. ellipsoïdale, puis celle d'un disque, enfin se renverser en arriére. Les pôles se trouvant réunis, tout effluve disparait, mais l'émission d'od' devient plus considérable j our les deux autres pôles libres.
L'un des barreaux est laissé horizontal ; l'autre incliné de 3o degrés sur l'horizon. L'écartement étant de ? pieds, l'effluve s'échappe suivant la direction de l'axe.
En rapprochant les aimants, les effluves intérieurs manifestèrenr encore une tendance au rapprochement, mais l'effluve extérieur dtr barreau incliné, au lieu de rester dans la direction de l'axe du barreau, se mit horizontal aussi.
Equivalents odiques. — J'aï fait une expérience d'où j*ai conclu que :
La sensivité est une faculté qui permet de percevoir, non seulement des différences de qualité, mais aussi de quantité ; l'irritabilité est proportionnelle à la quantité.
J'ai établi un tableau d'équivalence entre les divers poids de deux corps qui produisaient la même impression.
Les couleurs. — De l'eau, éclairée par des rayons bleus, se charge négativement ; par des rayons rouges, positivement. Des fils de métal, exposés aux rayons solaires, émettent de l'od à une distance considérable du point éclairé.
Mais voici une expérience plus curieuse: Un fil de laiton se tcrmine-par une de ses extrémités dans une chambre obscure, où se trouve un-sensitif. L'autre extrémité est dans une autre pièce, éclairée par la lumière solaire. J'y ai disposé un prisme.
Le métal étant éclairé directement par la lumière solaire, le sensitif voit des lueurs blanches s'échapper du fil. Mais à mesure que je place l'extrémité du fil dans les différentes régions du spectre, il voit les lueurs se teinter en rouge, orange, etc., prendre toutes les couleurs de l'a rc-en-ciel.
Le spectre. — Dans la chambre obscure, je place verticalement un-aimant dont le pôle sud est tourné vers le haut. Le sensitif voit s'échapper du pôle une lueur rouge.
Je surmonte le pôle d'une calotte en fer portant deux pointes : je place la ligne joignant ces pointes dans le méridien magnétique. Celle qui est tournée vers le sud émet des lueurs rouges, l'autre des lueurs bleues.
Je prends une calotte avec quatre pointes, que je fais correspondre anx quatre points cardinaux. A l'ouest, il y a coloration jaune ; à l'est, c'est du gris qui parait.
Je prends alors un disque métallique que je place sur l'aimant, et ce ne sont plus seulement quatre couleurs qu'aperçoit le sensitif, mais toutes les couleurs de l'arc-en-cicl, formant une auréole autour du disque.
Enfin, je me servis d'une sphère creuse, à l'intérieur de laquelle était un électro-aimant, et toute sa surface se couvrit de magnifiques colorations.
Reichenbach a constaté l'existence des foyers odiques dans les lentilles. Enfin, il a fait voir que certains corps opaques sont transparents pour l'od.
Dans un autre ouvrage intitulé Wer ist sensitiv, oder nicht ? [Qui est sensitif. ou ne l'est pas?), Reichenbach passe en revue une série d'expériences et formule ainsi l'interrogatoire qu'il convient de fjire subir aux personnes sur la sensirivité desquelles on veut avoir des renseignements avant d'opérer sur elles.
i° Avez-vous un sommeil calme ou agité :— celui qui est sensitif ayant en général un sommeil agité.
2* Vous est-il possible de dormir à deux dans le même lit ?
3° N'éprouvcz-vous aucun malaise quand vous vous trouvez au milieu d'une foule, au théâtre ou dans une église?
4* Quand vous donnez la main droite à quelqu'un, vous est-il indifférent que le serrement de main se prolonge ?
5* Quand vous manipulez des pièces d'argent, ou mieux de cuivre, vous est-il indifférent de le faire avec la main droite ou la main gauche? Mettez-vous cet argent dans la poche de droite ou dans celle de gauche ?
6* Eprouvez-vous une sensation quelconque lorsque vous vous regardez dans un miroir? Cette sensation est-elle agréable ou désagréable?
7* Quand vous appliquez légèrement l'extrémité de vos dix doigts contre un mur. n'éprouvez-vous pas au bout d'un certain temps une impression de chaleur dans l'une des mains, de froid dans l'autre ? Quelle est celle de vos mains qui a froid ?
8* Quand vous tenez les paumes de vos mains l'une à côte de l'autre, et que l'on souffle légèrement dessus, y a-t-il une différence dans les impressions ressenties par les deux mains? Quelle est celle des mains qui a une impression de chaleur, quelle est celle qui éprouve une impression de froid ?
9* Cela vous cst-il désagréable d'avoir des fleurs dans votre chambre à coucher ?
lo" De* passes faites sur la main, le bras, la figure, le corps.sont-elles ressenties ?
11* Le sens de ces passes est-il indifférent?
ta" Aimez-vous les aliments dout et gras? acides et salés? amers et astringents?
i3* Parlez-vous en dormant?
14' Au point de vue des impressions produites, ne faites-vous aucune différence entre le bleu et le jaune ?
Enfin, si Ton veut se rendre compte du degré de sensitivité du sujet, il suffira de faire agir sur lui des passes à distance.
Cet interrogatoire ne peut être clair que si l'on a lu l'ouvrage lui-même, et il serait certainement utile de le traduire peur le publier ici.
Albert dk Roch»s.
LA PRESSION ARTERIELLE DANS LES PAROXYSMES ÉPILEPTIQUES ET DANS LA COLÈRE
Par M. le docteur Ch. FÉRÉ
MÉDECIN DE nioVTRK
J'ai déjà eu occasion de signaler antérieurement 1] quelques faits relatifs aux modifications de la pression artérielle dans les paroxysmes épi-leptiques. Je compléterai aujourd'hui les résultats de mes recherches sur ce point et je les rapprocherai de quelques autres faits. Ces nouveaux faits ont été, comme les précédents, observés à l'aide du sphvgmomètre de M. Bloch.
Lorsqu'on réussit à prendre la pression artérielle pendant l'aura, on constate en général une augmentation de 200 ou 3oo grammes. Cette pression forte se maintient pendant la période convulsive; puis elle tombe au-dessous de la normale quand l'accès est termine. Cette dépression se maintient pendant plusieurs heures, huit ou dix, quelquefois même un jour après un seul accès. A la suite d'accès sériels, surtout si ces accès ne sont pas séparés par des périodes de retour a la connaissance, la dépression peut être de 3oo et 400 grammes et ne disparaître qu'après plusieurs jours.
(i) G R. Soc. de Biologie, iSSS, p. 5o6; 1889, p. *t3-
Les paroxysmes vertigineux s accompagnent de modifications semblables, mais généralement moins prononcées et moins durables. 11 en est de même pour les périodes de secousses.
Dans les accès d'excitation psvehique avec agitation, qui n'apparaissent pas dans la période de dépression consécutive aux paroxysmes con-vulsils ou vertigineux, on retrouve l'augmentation de tension qui peut aussi atteindre 200 ou 3oo grammes, la pression retombe au-dessous de la normale lorsque l'agitation a cessé.
L'augmentation de pression que l'on observe dans les périodes d'excitation peut être modifiée artificiellement : 1" Avec la ventouse en botte de Junod, j'ai obtenu un abaissement de pression de io5o à 85o. Cette diminution artificielle de la pression s'est accompagnée de la cessation momentanée de la loquacité et de l'agitation; cinq minutes après l'enlèvement de l'appareil, la pression était remontée à q3o et l'agitation revenait. 2" Dans un autre cas, la pression étant de o5o, un bain sinapisé la rit descendre à 750, et tel abaissement se maintenait au bout de trois quarts d'heure ; pendant le même temps, l'excitation s'était calmée. Un malade dont l'agitation se termine d'ordinaire par une attaque convul-sive a eu son agitation momentanément suspendue, mais prolongée par la répétition des bains sinapisés, et la décharge convulsive n'a pas eu lieu. Deux malades dans le cours d'accès sériels convulsifs ont eu une suspension des attaques, l'un par l'application de la ventouse le Junod, l'autre par les bains sinapisés, chaque intervention déterminant un abaissement de la pression artérielle.
J'ai expérimenté la ventouse de Junod et le bain sinapisé en dehors des conditions d'élévation anormale de pression, l'abaissement n'a pas dépassé 10 grammes (1).
Les observations précédentes semblent indiquer que l'augmentation de pression est une des conditions physiologiques de la production des paroxysmes epileptiques sous toutes leurs formes. On peut en déduire que les moyens qui permettent d'abaisser la pression sans perte de sang méritent d'être tentés lorsqu'on peut prévoir une décharge, et en particulier dans l'état de mal.
Les rapports qui existent entre les paroxysmes epileptiques et l'augmentation de la pression artérielle nous expliquent comment les efforts violents, les émotions vives peuvent jouer un rôle si important comme cause déterminante des accès. Dans ces conditions, en effet, il existe une augmentation de pression que l'on connaît bien dans l'effort, mais
(i) Dans un de ces cas, l'aspiration ayant été trop rapide, i! s'est f»i: de nombreuses ecchymose» lenticulaires sous la peau et aussi probablement dans les muscles qui étaient d'une dureté ligneuse ei douloureux. Les rériexes rotulien» étaient considérablement exagères. Cette exagération des rertexes a persisté trois jours avec les autres symptômes et tout est rentre dans l'ordre. Cet accident indique que la ventouse devrait dire transparente au moins dans une certaine étendue pour permettre de surveiller le membre.
DUALITÉ DU CERVEAU
Par m. le docteur Eugène DUPUY
Voici une observation qui semble intéressante au point de vue de la dualité du cerveau. L'ne personne de vingt-sept ans. originaire du Brabant, remarquablement intelligente, d'ailleurs bien constituée, a la
îi) Dégénérescence et criminalité. Bibliothèque de philosophie cootempora:ne, 1Í88.
que Pon connaît moins dans les émotions où elle n'a pas été observée directement que je sache. Aussi ai-je cru utile d'appeler l'attention sur ce point.
Les épilcptiques sont, comme l'on sait, fort sujets à des mouvements de colère, en dehors de toute espèce de manifestation morbide officielle et à propos de la moindre provocation. Dans plusieurs circonstances de ce genre, j'ai pu observer une augmentation de pression qui atteint à peu près les chiffres que l'on observe dans l'aura ; ainsi, F... qui a une pression normale de 800, avait. le 14 lévrier, dans une période de secousses, to5o; !e 11 mai, dans un accès de colère motivé par une contestation avec une sous-surveillante, la pression était de 1100. Cette constatation lait comprendre quel rôle peut jouer une émotion de ce genre sur la production d'un paroxysme lorsque le malade n'a pas été déchargé par un accès récent. Ce caractère, commun à l'état émotionnel et au paroxysme épileptiquc. justifie le rapprochement qui a été fait, notamment par Echeverría, entre la colère et les paroxysmes psychiques chez les épilcptiques.
Mats ces modifications de la tension artérielle dans la colère ne sont pas spéciales aux épileptiques. J'ai pris la tension artérielle d'un imbécile, non épileptiqut:. qui venait en colère m "expliquer ses griefs contre un infirmier: elle était de 1000 grammes, au lieu de 85o, comme à l'état normal. L'exploration ayant eu une action hyposthénisante des plus évidentes, je fis comparaître l'infirmier : la pression remonta immédiatement à 1100. Un cocher que j'ai examiné à la fin d'une querelle avait aussi 1 too; il n'avait plus que 800 une heure après.
Ces chiffres montrent que, sous l'influence de la colère, la pression artérielle peut augmenter de plus d'un quart. On peut comprendre ainsi le rôle de cette émotion et des émotions analogues dans la production de ruptures des vaisseaux ou du cœur, lorsqu'il existe préalablement des altérations de structure.
La similitude des phénomènes qui accompagnent les décharges émotionnelles et les décharges convulsives indique qu'au point de vue phvsiologique, il n'v a pas de distinction fondamentale a établir entre ces deux formes de décharges, et il ne doit pas y en avoir non plus au point de vue légal, comme j'ai déjà cherché à le faire prévaloir ailleurs (1).
DUALITÉ DU CERVEAU
P a r M. le d o c t e u r EUGÈNE D U P U Y
V o i c i u n e o b s e r v a t i o n q u i s e m b l e i n t é r e s s a n t e a u p o i n t d e v u e d e
l a d u a l i t é d u c e r v e a u . L ' n e p e r s o n n e d e v i n g t - s e p t a n s . o r i g i n a i r e du
B r a b a n t , r e m a r q u a b l e m e n t i n t e l l i g e n t e , d ' a i l l e u r s b i e n c o n s t i t u é e , a la
îi) Dégénérescence et criminalité. B i b l i o t h è q u e d e p h i l o s o p h i e c o o t e m p o r a : n e , 1Í88.
faculté singulière de mouvoir, par la volonté, ses yeux dans des directions différentes simultanément, et suivant tous les plans d'orientation habituelle ; elle peut aussi, un œil restant fixe, faire mouvoir l'autre suivant tous les plans- Il paraît que cette faculté s'est développée simplement depuis l'enfance, parce qu'elle s'amusait déjà à donner le spectacle de ses yeux tournant chacun dans un sens dirlérent, à ses camarades de jeu.
Je me suis assuré que celte personne ne regarde que d'un œil pendant qu'elle exécute ses mouvements dissociés : mais elle peut regarde?-apercevoir indifféremment avec l'un ou l'autre œil, et peut même s'arranger à voir tantôt avec l'un, tantôt avec l'autre, pendant le cours d'une même série de mouvements dissociés. Sa vision est donc toujours monoculaire pendant cette circonstance. A l'état ordinaire, sa vision est binoculaire et parfaite. Elle ne réussît pas à regarder-apercevoir les objets dans les champs des deux yeux, au même instant, pendant qu'ils se meuvent suivant des plans différents. L'cflort qu'elle tente lui fait éprouver la sensation de tomber d'une hauteur, et reste sans résultat.
Cette personne jouit de la vue binoculaire si parfaite, qu'elle peut se livrer à des ouvrages d'art à l'aiguille, d'une délicatesse et d'une ténuité extrême, aussitôt après avoir cessé ses « exercices oculaires ». comme elle appelle ces mouvements dissociés si singuliers. Il est clair qu'elle n'éprouve aucun désordre d'orientation musculaire même momentanée dans le système optique ni ailleurs.
Il est possible qu'elle veuille les mouvements, par l'intermédiaire de l'un ou de l'autre hémisphère cérébral. On sait que chez les chiens et les singes, les applications électriques sur des points d'une assez grande étendue des circonvolutions cérébrales sont suivies de mouvements divers et plus ou moins conjugués des deux globes oculaires. J'ai même montré depuis longtemps, et d'autres expérimentateurs aussi, que des irritations électriques et mécaniques de lambeaux de la dure-mère crânienne peuvent êtfe suivies de résultats identiques. Il est permis de penser que l'impossibilité de regarder, c'est-à-dire de percevoir consciemment dans le même instant avec les veux animés de mouvements contraires différents ou divergents, les objets dans le champ de vision particulier à chaque œil, tient a ceci que la conscience est une fonction du temps, puisque la réalité des phénomènes n'est possible que dans le temps : le temps n'ayant qu'une dimension, les différents temps ne sont pas simultanés, mais successifs. Pour l'espace, c'est le contraire : les différents espaces ne sont jamais successifs, mais simultanés. Cette théorie permet d'expliquer le curieux phénomène qui est l'objet de cette observation ; et je ne la crois pas hérétique, parce qu'elle est fondée sur le processus du métabolisme des éléments du cerveau.
L'objection qui pourrait être tirée au premier moment de ce faitindis-cutable, qu'il n'est pas possible au premier venu de tracer dans le même instant avec ses mains des figures différentes telles qu'un cercle et un triangle réguliers sur un tableau, par exemple, comme l'ont fait valoir
le professeur Honsley et d'autres, n'est pas recevable, attendu qu'un pareil travail veut une éducation égale des éléments moteurs des deux mains et surtout exige un développement au moins égal du sens musculaire ; cela n'est pas le cas ordinaire.
Je me souviens d'avoir assistée New-York à des conférences faites par un naturaliste distingué, qui avait cette rare faculté de dessiner ses figures sur le tableau avec les deux mains dans Iemême instant apparemment ; quelques-unes de ces figures représentaient des animaux ayant des articles pairs ; mais il pouvait aussi bien dessiner, comme des centaines de personnes le lui ont vu faire, la figure d'un animal, la partie antérieure d'une main et la postérieure de l'autre pendant qu'il l'expliquait verbalement. Son travail était évidemment simultané ; mais l'incitation aux mouvements musculaires, sous lesespèces paroles et dessin, était clairement successive, puisque le temps n'a qu'une dimension.
J'ai rapporté il y a plus de dix ans, à une assemblée de l'Association neurologique Américaine, l'histoire d'une famille dont les parents étaient ambidextres et dont les cinq enfants adultes étaient auss ambidextres, à ce point qu'ils ne pouvaient, par l'etfort de la volonté, exécuter aucun mouvement avec une main sans que l'autre exécutât dans le même instant le même mouvement. Dans tous ces cas. il est probable que l'incitation partait de l'un ou de l'autre hémisphère cérébral, mais que le mouvement était exécuté simultanément par l'intermédiaire des éléments nerveux erférents, à partir d'un point quelconque de l'axe cérébro-médullaire.
Il y a dans la science un certain nombre d'observations bien authentiques et bien étudiées où des individus aphasiques ont recouvré l'usage de la parole soudainement ou peu à peu, bien qu'à l'autopsie on ait constaté que les centres du langage parlé étaient détruits sans retour. Je connais une observation, publiée par le D' Wadham il y a près de vingt ans. d'un garçon ambidextre qui devint aphasique et hémiplégique à gauche : il avait recouvré l'usage de la parole dans le laps de quelques mois qui s'étaient écoulés jusqu'au moment de sa mort. A l'autopsie, on ne trouva qu'une lésion grave de l'însula et de son voisinage à droite ; de sorte que le sujet qui était ambidextre, et qui dans les premiers temps de la maladie s'exprimait déjà en écrivant de la main droite, avait une lésion dans un seul hémisphère ayant causé des désordres paralytiques dans deux sphères différentes d'action : hémiplégie gauche et aphasie chez un ambidextre ; d'où il est permis de conclure que si un hémisphérecérébralpeutaltérerdeux facultés qui se manitestent ordinairement dans l'ordre croisé, il s'ensuit que chez ce même sujît les deux hémisphères avaient des propriétés et des fonctions pareilles : en un mot. que chaque hémisphère est un cerveau complet et actif ; comme on doit l'admettre d'ailleurs depuis que l'on connaît des observations indiscutables de destruction macroscopique et indélébile de centres soi-disant psycho-moteurs des membres dans un hémisphère cérébral sans paralysie aucune comme conséquence.
SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
Séance du a 5 mai 18S9. — Présidence de M. Brown-Séoi-ari».
Accidenta hystériques produits par la lumière électrique,
par M. Ch. 1- ¦'.-. .
Mme P.... âgée de trente-six ans, compte de nombreux accidents névropa-thiques et arthritiques parmi ses ascendants paternels et maternels. Elle-même a eu dans son enfance des troubles nerveux : terreurs nocturnes, migraines, une attaque de chorée à douze ans.
Le t2 mars dernier, après avoir fait quelques courses, elle entre dans un magasin de nouveautés où son mari devait venir la rejoindre. Elle dut attendre dans un hall éclairé par des arcs électriques. Au bout d'une demi-heure environ, elle commença à éprouver une sensation de nausées et des éblouisse-ments transitoires. Plusieurs fois il lui vient un flux de salive. De temps en temps, il lui semblait qu'elle recelait des chocs, dans le fond de l'œil, suivis d'éblouissement, puis d'obscurcissement de la vue. Ne se rendant pas compte de la cause de ces phénomènes qu'elle attribuait à la fatigue, elle s'assit, mais sans s'éloigner de l'endroit trop éclairé où elle devait attendre. Tout à coup, elle ressentit une douleur violente dans toute la région frontale et sa vue s'obscurcit, au point qu'elle reconnut à peine son mari qui arrivait. Lorsqu'elle voulut se lever, elle sentit un engourdissement dans tout le côté gauche, qui était très faible, et ce ne fut qu'en traînant la jambe qu'elle put gagner une voiture. Ce fut ¡1 grand'peine qu'elle put monter jusqu'à son appartement. Les nausées, la céphalée frontale, lamblyopie persistèrent. Ce dernier symptôme la rassurait plutôt sur sa situation à cause du souvenir qu'elle avait conservé de son héméralopîe, qui avait guéri spontanément.
Elle se coucha et s'endormit bientôt d'un sommeil ininterrompu qui dura onze heures. Au réveil, la céphalée et les nausées ont disparu ; mais l'amblyo-pie double persiste, ainsi que l'hémisparésic gauche : la plupart des mouvements sont possibles, mais s'effectuent sans énergie, elle est notamment incapable de se servir de ses doigts pour saisir les petits objets. Son intelligence paraît intacte; mais son entourage est frappé de l'indifférence avec laquelle elle accepte sa situation.
La maude présentait en outre un léger ptosis, de la dilatation des pupilles, de l'anesthésie localisée surtout du côté gauche, de la dyschromatopsie et divers accidents Je nature hystérique.
Elle tut laissée au repos au lit. avec le moins de lumière possible; on lui administra un régime tonique approprié à son état, et, six semaines après, il ne restait plus qu'un peu de rétrécissement du champ visuel, une légère hémianesthésie du même côté.
Ces accidents, déterminés par la lumière électrique, ont été évidemment favorisés par la prédisposition névropathique du sujet, mais ils m'ont paru mériter d'être signalés. Beaucoup de personnes qui ne sont pas exemptes de cette même prédisposition sont obligées par leur profession de séjourner
dans des établissements éclairés de cett; fjçon ; elles peuvent être exposée* a des accidents subits ou plus ou moins graduels qui rapprochent des phénomènes que j ai eu plusieurs fois occasion de signaler dans l'histoire des effets généraux des excitations locales (i . Les électriciens savent du reste parfaitement que les accidents de ce genre ne sont pas rares cher des sujets parfaitement normaux ; M. d'Arsonval nous a signalé un affaiblissement de l'ouïe dont il a souffert lui-même après avoir été exposé à une excitation lumineuse de ce cenre. D'après les renseignements que j'ai pu obtenir, un certain nombre de personnes exposées à ces excitations lumineuses excessives ont souffert d'insomnies, de troubles digestifs.
M. d'Arsonval. — Les cas de surdité pas*agère que j'avais signales a la suite de l'impression de la rétine par l'arc voltafque. sont beaucoup plus fréquents : c'est au moins ce qui résulte d'une enquête que j'ai faite dans les ateliers d'électricité.
al. CHAftrr-XTiKR (de Nancy'. — L'influence d'un sens sur un autre peut être inhîbitoire comme dans les cas de M. d'Arsonval, elle peut être également dynamogénique. Voici un exemple de dynamogénic : un piano, sur lequel on étudiait assez loin de moi pour qu'il me fût impossible de voir les doigts de l'exécutant, ne me transmettait aucun son ; j'entendais, au contraire, très bieii. quand, au moyen d'une jumelle, je pouvais suivre les mouvements des doigts.
société de médecine de berlin
SJaace du 10 avril iSSo. — Présidence de M. Viechow.
(.) C. R. Soc de Biot., lS87, p. 5.., 747- 79«- - Sensation et mouvement, Bibl. de phil. contemp-, 1887.
De la suggestion hypnotique comme moyen thérapeutique.
M. Moll. — A Thcure actuelle, je possède environ no observations de malades soumis a un traitement plus ou moins prolongé par la suggestion hypnotique. J'ai donc le droit, ce me semble, d'exiger que mes affirmations
soient au moins contrôlées. Je distingue trois degrés d'hypnotisme. Le premier comprend tous les états
qui précèJent l'occlusion complète des paupières.
Le deuxième s'étend jusqu'à l'abolition des mouvements volontaires.
Le troisième est caractérisé p*r les hallucinations. Il est parfois suivi d'amnésie au réveil ; mais cette amnésie ne l'observe qu'une fois sur environ cinq à six cas, et non pas toujours, comme le prétend Mendel.
D.ins les hystéries caractérisées par une grande variabilité des symptômei, les résultats que j'ai obtenus par l'hypnotisme n'ont pas été bons. J'ai traité, en tout, neuf cas de ce genre. Une seule fois, j'ai réussi a arrêter les vomissements, mais ils furent bientôt remplacés par d'autres troubles encore plus pénibles.
Par contre, les résultats ont été très favorables dans les hystéries où les accès convulsifs sont le seul symptôme morbide, ou, du moins, le symptôme prédominant. Ainsi, une femme de trente-neuf an, atteinte depuis deux ans d'accès convulsiti fréquents, accompagnés de contractures généralisées, de pertes de connaissance et de douleurs violentes à la région du cœur, fut délivrée de ces douleurs en une seule séance, après avoir été plongée dans le troisième degré de l'hypnotisme.
Après un certain nombre de séances, elle fut complètement guérie. Une deuxième malade, âgée de vingt et un ans, fut aussi délivrée, en deux séances, de secousses convulsives dont elle souffrait depuis onze semaines. Six malades qui présentaient des attaques hystériques furent aussi favorablement influencées par l'hypnotisme. De ce nombre était un homme qui, depuis sept ans. souffrait d'accès dyspnéiqucs très violents, sans convulsions. Il guérit en trois séances.
Un malade (de M. Remaki qui présentait des secousses convulsives avec piresthésie et sensation de faiblesse dans le bras et la jambe du côté droit, put. après huit jours de traitement hypnotique, reprendre son travail.
Autre cas : un homme robuste ne quittait plus le lit depuis deux ans. Chaque fois qu'il essayait de se lever, il était pris de contractures dans les membres, bien que toute* les articulations fussent indemnes. Il y avait, en outre, de l'aphonie et de la photophobie. L'aphonie disparut après les premières séances d'hypnotisme, et au bout de dix jours le malade pouvait marcher. 11 guérit complètement après six semaines de traitement. Ses mollets, qui étaient déjà très atrophies, ont augmenté de quatorze centimètres.
Bien entendu, il s'agissait ici d'une affection purement psychique. On avait longtemps traité le malade A l'électricité, mais sans succès. Or, l'électricité est et restera toujours un moyen de traitement somatlque. tandis que dans les cas comme celui que je viens de mentionner, il faut employer des moyens psychiques, comme l'hypnotisme.
La plupart de mes malades furent traités pour des douleurs purement fonctionnelles, tantôt permanentes, tantôt par accès. Il s'agissait de céphalalgie dans 22 cas, de cardialgie dans 7, de dysménorrhée dans 4 et de douleurs diversement localisées dans 8 cas. Les résultats obtenus variaient selon le degré de l'hypnotisme. Dans le troisième degré, les douleurs disparaissent constamment ; mais on ce réussit pas toujours a obtenir ce degré-la.
Sur mes 21 cas de céphalalgie, j'ai obtenu 4 succès durables, 15 succès passagers et 5 échecs. Un cas de dysménorrhée fut favorablement influencé par l'hypnotisme. Dans l'ovarie j'ai eu, dans un cas, un échec complet, tandis que dans un autre coi, chaque séance diminuait la douleur. J'ajoute qu'on doit continuer à suggestionner pendant un certain temps après la guérison. pour éviter les récidives.
Sur 5 ces de douleurs rhumatismales localisées a l'épaule, j'en ai amélioré deux : échec complet pour le troisième. J'ai ensuite essayé l'hypnotisme contre les douleurs du rhumatisme articulaire aigu chez un malade, mais sans résultat .
Une sciatique type fut considérablement améliorée dans le deuxième degré de l'hypnotisme. J'obtins, dans plusieurs cas, la disparition, pour un temps prolongé, des douleurs post-hémiplégiques de l'épaule. Un cas de spasme des écrivains fut amélioré.
Dans la chorée, j'ai eu un échec et plusieurs améliorations.
Dans la paralysie agitante, l'action de l'hypnotisme a toujours été nulle. Un cas de tremblement grave hit complètement guéri : cette guérison se maintient depuis plusieurs mois. L'hypnotisme agit favorablement sur les troubles de la parole, mais son action a été nulle dans les troubles psychiques légers, ainsi que dans l'insomnie, les vomissements et les diarrhées d'origine nerveuse. Par contre, j'ai guéri radicalement un cas de prurit nerveux. Ce fait n'a rien de surprenant, attendu que l'on réussit à provoquer par la suggestion un prurit véritable. Le malade en question était extrêmement épuisé par l'insomnie : maintenant, il jouit d'une santé admirable depuis dir-huit mois.
Dans les maladies à lésions anatomiques. l'hvpnotisme ne peut donner, on le comprend, que des améliorations : mais ces améliorations sont parfois notables, par cette raison que les troubles fonctionnels sont souvent beaucoup plus marques que ne le comporte à elle seule la lésion anatomique.
Ainsi, chez un ataxique, l'hypnotisme échoua complètement. Mais dans un iiutre cas, je pouvais supprimer l'ataxie pendant quelques minutes et les douleurs pendant un certain temps.
Chez un troisième ataxique, atteint de parésie de la vessie, j'ai pu augmenter de 400 ce. la quantité d'urine rendue en vingt-quatre heures. Dans un cai de sclérose en plaques, j'obtins une courte rémission des symptômes.
Un cas intéressant est celui d'un malade atteint de polyarthrite rhumatismale chronique avec déformations des articulations. Le malade gardait le lit depuis des années, les douleurs et le gonflement des articulations l'empêchant de marcher. Dès 1« deuxième séance, les douleurs disparurent complètement et, pour la première fois depuis quatre ans, le malade put marcher. Six mois se sont écoulé» depuis lors, et le résultat obtenu se maintient toujours.
Une statistique d'ensemble comme celle-ci, comprenant les échecs et les succès, m'autorise, évidemment, à engager mes collègues de la Société à essayer du traitement par la suggestion hypnotique. Ils jugeront la méthode ensuite.
CORRESPONDANCE ET CHRONIQUE
Comment le goût se forme ou ae corrompt.
Ce n'est pas de la sensation, mais du sentiment que nous voulons parler, de l'aptitude de l'esprit i sentir vivement et a discerner promptement les qualités bonnes ou mauvaises des choses, par suite de l'attrait qu'inspirent les premières, et de la répugnance que causent les autres.
¦ 11 y a dans l'art, dit La Bruyère, un point de perfection, comme de bonté ou de maturité djns la nature ; celui qui le sent et qui l'aime a le goût parfait; celui qui ne le sent pas, et qui aime en deçà ou au delà, a le goût défectueux. Il y a donc un bon et mauvais goût et l'on dispute des goûts avec fondement. C'est du goût qu'il eût fallu dire, car il s'agit ici du sentiment et non de la sensation.
La sensation est bornée a l'usage d'un organe, mais l'esprit, lui, n'a pas pour auxiliaire un organe spécial, il les a tous a sa disposition. Indifféremment, ensemble ou séparément. Il se sert de tous les sens; ainsi, à l'aide des
yeux, il perçoit les formes et les couleurs, les détails et l'ensemble; au moyen de l'oreille, il apprécie la pureté et la justesse des sons, les accords et les dissonances, etc. Par lui-même, sans aide, sans secours, il sent, il jupe, il analyse les beautés et les imperfections des œuvres littéraires et scientifiques.
Les chefs-d'œuvre de toute nature n'ont qu'une beauté relative comme tout ce qui est humain, car l'interprétation du beau par l'homme est fatalement entachée des imperfections inhérentes à sa nature et à ses œuvres. L'homme de goût discerne, grâce à une sorts d'instinct divinateur, ce qu'il y a d'idéal ou d'exquis et ce qu'il y a de terre a terre ou de médiocre dans les œuvres qualifiées belles.
L'aptitude au goût ne suffit pas : l'éducation doit développer, perfectionner, épurer le goût; l'esprit doit acquérir un jugement sûr, une finesse exquise, une vive sensibilité, afin de saisir les moindres nuances des qualités et des défauts des œuvres, comme s'il les voyait à l'aide d'une loupe. A cette fin, une culture générale est d'abord nécessaire. De même que le diamant ne possède tout son éclat et tout son prix que lorsque ses nombreuses facettes, dissimulées sous son écorce rugueuse, ont été dégagées et polies, de même l'esprit n'acquiert toute sa valeur qu'autant que ses facultés ont été cultivées avec soin, que les sentiments ont été afrinés, le caractère fortifié, le sens moral affermi
Cette culture générale est indispensable, mais non suffisante: il en faut une spéciale qui résulte de la fréquentation des belles œuvres àc tout genre : tableaux, statues, monuments, compositions musicales, des lectures, des spectacles, et. par-dessus tout, du commerce des gens de goût. Ces derniers, en effet, nous apprendront à connaître, à analyser, à sentir, à aimer tout ce que l'admiration des hommes a consacre à toutes les époques civilisées.
Certains défauts de nos organes ne nous permettent pas d'apprécier le beau sous toutes ses formes : si nous avons l'oreille fausse, nous ne pouvons comprendre les beautés musicales ; si nous sommes atteints de daltonisme, c'est la peinture que nous ne pourrons pas apprécier ; un esprit faux, un jugement incertain nous rendent incapables de goûter les choses littéraires. Même si nous jouissons de l'intégrité de nos organes, nous pouvons être indifférents à la musique ou à la peinture, et un jugement sûr, un sens droit ne feront pas que nous soyons ravis d'entendre un beau poème.
La plupart des hommes on: le désir, mais non le loisir, de former leur goût, d'où la nécessité pour eux de recourir au petit nombre d'esprits qui composent une élite, afin de connaître la valeur des œuvres. Les critiques assument donc une grave responsabilité en se constituant les éducateurs du grand nombre. Cela les oblige a se montrer très scrupuleux dans leurs jugements ; car, selon qu'ils apporteront dans leurs appréciations plus ou moins de sincérité, de gravité et d'impartialité, ils contribueront à élever plus ou moins le goût. Ils ont pour mission de faire connaître et aimer le beau sons toutes ses formes, et. tout en encourageant les talents naissants, d'empêcher le monde de se laisser aller à des engouements irréfléchis. Les œuvres sans valeur n'ont, il est vrai, qu'une durée éphémère; mais si, grâce à une complaisance coupable de leur part, elles sont accueillies du public avec faveur, le goût se trouve abaissé.
Ainsi que la semence germe et se développe avec vigueur dans un sol bien
prépare, l'influence exercée par la critique est d'autant plus grande que les esprits sont plus cultivés. C'est a une critique amollie par une excessive bienveillance, et à l'ignorance, que nous devons le défaut de mesure, de tact et de goût qu'on remarque en général. Le public goûte surtout ce qui est fort et puissant : il distingue à peine l'œuvre de mérite de t'ccuTre de génie ; il distribue le blâme ou l'éloge avec plus de vigueur que de sûreté ; on élève des statues à des hommes d'un mérite secondaire a côté de celles d'un Molière, d'un Pascal ou d'un Lesueur. Cest peine si leur tombe est fermée qu'on rend aux hommes les honneurs suprêmes, et nous aurons bientôt autant d'hommes célèbres que de saints dans le calendrier.
On ne fait point de différence entre le joli et le beau, le talent et le génie. L'analyse savante, ingénieuse, délicate, nuancée, est remplacée par une appréciation insuffisante, incomplète et hrutulc. L'expression semble faire défaut, la langue parait appauvrie, tandis que l'esprit seul est impuissant. C'est une chose fatale, une conséquence naturelle de toute évolution que cette décadence qui suit les périodes brillantes, comme la décomposition du fruit vient après la maturité. La diffusion de l'instruction, qui s'opère plus rapidement que celle de l'éducation, favorise la cébiliution générale. Cest la conséquence du régime démocratique. L'acquisition des connaissances est plus rapide que celle du goût qui reclame du temps et des soins. Aussi voyons-nous en grand nombre des médiocrités envieuses dont les capacités sont inférieures aux appétits. Tous aspirent au premier rang dont nul ne se croit indigne ; on croit sincèrement qu'il suffit qu'une carrière sott ouverte pour qu'on puisse y entrer, et que l'obtention d'un emploi confère des grâces d'état pour l'occuper dignement.
Félix Hkmbnt.
Lea convulsionna ire s d'Abbadia.
Chaque jour on découvre combien est prompte et facile la suggestibilité de certains individus nerveux, particulièrement disposés à présenter des phénomènes rentrant dans In grande classe de l'hystérie. Il est probahlc que l'épidémie de convulsions hystéro-épileptiques observée l'été dernier par le I)' Magnani a Abbadia, près Mede Lomellina, appartient ù ce cas. Dans une réunion de jeunes filles venant de la province Reggio-Emilia, réunies momentanément pour 1« récolte du riz. et un jeune garçon de 11 ans, on observa les faits suivants.
L'accès le plus typique se rencontrait chez une femme de plus de 5o ans qui leur servait de guide. laquelle, comme parvînt a le découvrir avec peine le Dr Magnani, avait depuis onze ans des accès convulsifs. L'épidémie se déclara chez quatorze jeunes filles, toutes au-dessous de 20 ans. non encore réglées, de constitution faible et nerveuse, et un jeune garçon de 11 ans. Obligées a un travail très fatigant et insalubre, au milieu des émanations paludéennes, pauvrement nourries et n'ayant pour dormir qu'un peu de paille, en proie de plus a d'étranges terreurs par suite des mystérieuses prédictions que leur avait faites une vieille bohémierne, et qui avaient fortement impressionné leur esprit superstitieux, on comprend avec quelle promptitude et quelle facilité elles devenaient la proie d'une suggestion inconsciente, produite par des convulsions se manifestant la nuit chez la femme qui les accompagnai:. De là, une épidémie dans laquelle les phénomènes variaient suivant
les sa jets, amenant soit de véritables convulsions générales tono-cloniques, soit des mouvements coordonnés mais déréglés des membres, soit des rires convultifs avec phénomènes vasc-moïeurs, chute de la malade, etc. Chez toutes cependant, on notait l'inconscience du commencement à la fin de ''attaque, l'anesthésie, l'analgésie. Chez beaucoup il y avait des hallucinations évidentes. l'accès débutait par une impression brusque, ou au moins inattendue la vue d'une personne inconnue, par exemple). Ces phénomènes se dissipèrent complètement dès que les malaùes turent renvoyées chez elles, et furent ainsi isolées et soustraites au principal stimulant suggestif.
NOUVELLES
La réunion du Congrès aura lieu du 3 au là août. Nous publierons dans le prochain numero la lisie des communications annoncées. Elles seront reparties en trois groupes :
i» Applications thérapeutiques et cliniques de l'hypnotisme et de la suggestion ;
a* Application» médico-légales ;
3» Applications pnysiologlques et psvchologiques.
Le Congrès se composera :
t* le une séance d'ouverture ;
De séances consacrées aux communications et aux discussions ; 5» De visites dans les hôpitaux et hospices de Paris ; 4° D'une ou plusieurs conférences générales.
Les communications faites tu Congres seront réunies dans une publication spéciale adressée a tous les adhérents.
l-cs adhésions et le titre des communications doivent ¿tre adressés le plus toi possible aux secretaires du comité provisoire: M. te docteur Paul Magnin. ¿4, rue de I.abord 1- et M. ïe docteur Bcrillon, 40 bis, rue de Rivoli.
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L'Admimstrjtcur-Gcrant ; Emile BOL'RIOT, 170, Rue St-Antoine.
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TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
Académie de médecine, 85, 87. Académie de médecine de Belgique. 87,
88, 176.
Acquisitions dans le domaine de l'hypnotisme, par Proust, 205.
Acrinie salivaire guérie par la suggestion, par Burot, 169.
Action contraire ou paradoxale des me-dicaments chez les nerveux, par Burot, 99.
Action des médicaments à distance (l'),
65.
Action des médicaments à distance (réponse de M. Luys), 85.
Adolescents (emploi de la suggestion hypnotique pour l'éducation des), par Liébeault. 195.
Adolescents (rapport de M. Dujardin-Beaumetz), 85, 87.
Alcoolisme (I'). par Monin, 153.
Alcoolisme (traitement de l'), 3o.
Allemandes (deux brochures), 147.
Amour du merveilleux (l'hypnotisme et
l'), 129.
Ampère (souvenirs et anecdoctes sur). 156.
Anesthésie (l'hypnotisme en), 172. Anesthésie en obstétrique et la côte
d'Adam (l'), 126. Anesthésie hystérique (recherches sur l').
par Binet. 210. Association médicale mutuelle du département de la Seine, 285. Astuce chez l'enfant (l'), par Collineau.
25. 60, 89. 142. Attaque de sommeil, par Charcot. 216. Auteur d'une suggestion criminelle (recherche de I'). par Liégeois. 3. Auto-hypnotisation (un cas .d'), par Forel. 277.
Bibliographie de l'hypnotisme contemporain, par Max Dessoir. 31. Brigands et magnétiseurs, 63.
Charité et dégradation sociale. 93. Clinique des maladies nerveuses. 454. Colère (pression artérielle dans la), par Féré. 369.
Conférence de M. le professeur Preyer sur l'hypnotisme, 190.
Congés d'hypnologie (un), 350.
Congrès de la Société italienne de médecine interne. 176.
Congres scientifiques en 1889, 94. Convulsionnaires d'Abbadia (les). 379. Cours de M. le Dr Bérillon à l'Ecole pratique de la Faculté, 349. Cours de M. le Dr Auguste Voisin, 316. Cours de M. le professeur Charcot, 157. Cours de M. le professeur Giard, 189.
Dangers de l'hypnotisme, par Séglas. 165. Dangers de l'hypnotisme extra-scientifique, 63.
Dédoublement cérébral du pianiste, par
Luys, 282. Dégradation sociale. 93. Délit de couvrage en Angleterre, 221, Discipline scolaire, par CoIlineau, 240. Dualité du cerveau, par Dupuy, 371.
Ecoles (interdiction des représentations d'hypnotisme dans les),. 286.
Education des enfants emploi de la sug-gestion hypnotiqoe pour I'), par Liébeault, 195.
Eglise (l'hypnotisme en face de I'), par Paul Copin. 18, 49, 93.
Enfant (l'astuce chez l'), par Collineau. 25, 60, 80, 122.
Enseignement clinique de l'hypnotisme. 285.
Epileptiques (pression artérielle dans les
paroxysmes), par Féré, 369. Etat mental des mourants (l'), par Féré.
317.
Etat de lucidité, 44. Etat de rapport, 43. Etat de sympathie au contact, 45. Etat psychologique (un nouvel), par Liégeois, 33.
Etats profonds de l'hypnose (les), par de
Rochas, 41, 76. Etude des maladies du système nerveux
en Russie, par Raymond. 240, 278. Exercice illégal de la médecine, 221. Expérience de la carte magnéstisée. 274. Expertises médico-legales en matière
d'hypnotisme, par Liegeois, 3. Explication des hallucinations suggérées fournie par le Dr Bernheim (sur une), par Delbœuf, 202.
Femmes et l'étude de la médecine (les), 124.
Folie lypémaniaque, guérison par la suggestion, par A. Voisin, 353.
Goût (comment il se forme et se corrompt), par F. Hément, 377. Grand et petit hypnotisme, par Grasset.
321, 356. Gurney Edmond (Nécrologie).
Habitude de fumer l'opium, 221.
Hallucinations négatives suggérées (des), par Bernheim, 161.
Hallucinations négatives suggérées sur les), par Delbœuf, 202.
Hallucinations négatives suggérées. Réponse à M. Delbœuf, par Bernheim,
225.
Hallucinations suggerées a l'état de veille (des), par Yung, 271, 290.
Homœopathie (que faut-il penser de l'), par Desplats, 149, 185.
Hypermnésie dans la veille (l') et le somnambulisme. 125.
Hypnose (les états profonds de l'), par de Rochas. 41, 76.
Hypnotisme application au traitement des maladies mentales), par Burckhardt. 56.
Hypnotisme par surprise, par Van Renterghem, 307.
Hypnotisme contemporain, par Max Dessoir, 31.
Hypnotisme (les dangers de l'), par Séglas, 165.
Hypnotisme dangereux, 1.
Hypnotisme devant les Sociétés savantes
(l'), 193.
Hypnotisme en anesthésie (l'), 172. Hypnotisme en face de l'Église (l'), par
Paul ???in. 18, 49, 9?. Hypnotisme (nouveau procèdé d'). 59. Hypnotisme utile. 1. Hypnotisme extra-scientifique, 63. Hypnotisme (effets curatifs instantanés
sur les maladies chroniques), par Del-
bœuf. 66. Hypnotisme (discussion sur l'), 87, 88. Hypnotisme et le système nerveux (l') . par
Crocq. 104. Hypnotisme (la réglementation de l'),
Hypnotisme spontané, 176.
Hystérie grave (un cas d'). par J. Janet.
??9.
Index bibliographique international. 127,
158, 223, 288. ?20. Inhibition dans le sommeil normal et
dans le sommeil hypnotique, par
Brown-Séquard, 252. Instruction judiciaire (singulier procédé
d') 155.
Interdiction des séances publiques d'hyp-
notisme en Saxe, 192. Interdiction des séances publiques d'hypnotisme en Portugal, 22?.
Interdiction des séances publiques d' hyp-
notisme à Genève, 351. Interdiction des séances publiques d'hyp-
notisme à Marseille. 352.
Jalousie morbide (la), par Amand Do-rez. 342.
Laboratoire de psychologie physiologique, 286.
Légende du soldat somnambule. 97. Lettre pastorale de Mgr l'évéque de Madrid sur l'hypnotisme, par Elie Méric,
112.
Lober (Nécrologie).
Lumière électrique accidents produits par la), par Féré, 374.
Magnétisme devant les tribunaux (le), 28.
Magnétiseurs et brigands, 63.
Maladies mentales (application de l'hypnotisme au traitement des), par Burck-hardt. 56.
Manie hystérique avec impulsion et hallucinations, guérie par la suggestion, par Burot, 337.
Massage chez le chien 222.
Massage et masseur. 254.
Médecine française ,(1a). 318.
Médicaments à distance (l'action des) , 63.
Médicaments chez les nerveux (action paradoxale des), par Burot, 99.
Mésaventure d'un magnétiseur, 191.
Miracle au point de vue médical (le), 92.
Miracle et ses contrefaçons (le), 19.
Miroirs rotatifs (action hypnotique des), 314.
Monoplégie hystéro-traumatique guérie par une seule séance de suggestion,
173.
Morphinomanie (la), 156. Mourants (état mental des, 317. Myélite chronique diffuse, traitée par la suggestion, 23o.
Nécessité d'interdire les séances publiques d'hypnotisme, par Guermon-prez. 9.
Névropathie guérie par la suggestion, par
Burot, 169. Nouveau procédé d'hypnotisation, 59.
Opium habitude de fumer 1'), 220.
Origine des effets curatifs instantanés de l'hypnotisme sur les maladies chroniques, par Delbceuf, 66.
Ouvrages de Reichenbach, par A. de Rochas, 364.
Paralysie agitante ancienne améliorée par les miroirs rotatifs, par Luys. 314.
Paralysie hystêro-traumatique, par Charcot, 316.
Perceptions inconscientes de l'hypnotisme, par Binet. 3ii.
Perversité morale guérie par la sugges-tion hypnotique. par Aug- Voisin. 130.
Physiologie pathologique. 257.
Pianiste (dédoublement cérébral du).282.
Pratique médicale (applications de l'hyp-notisme dans la), par Wetterstrand, 144.
Psychose hypnotique (la), par Semal. 69. Rècompenses de l'Académie des sciences.
220.
Réglementation de l'hypnotisme (la), 176. Remarques sur la suggestion, par Forel.
297.
Représentations théâtrales d'hypnotisme (dangers et interdiction), 219.
Responsabilité médicale (les limites de la), 254.
Selérose en plaques (effets de la suggestion hypnotique dans un cas de), par Fontan et Ségard. 230.
Séances publiques d'hypnotisme (nécessité d'interdire les), par Guermon-prex, 9.
Singulière expérience de suggestion, 192. Société de biologie. 59. Société de médecine légale, 219 Société impériale des médecins de
Vienne, 24. Société médicale des hôpitaux. 314. Société médico-psychologique, 175. Sociétés savantes (l'hypnotisme devant
les). 193.
Soldat somnambule (la légende du), 97. Sommeil (attaque de), par Charcot, 216. Sommeil hypnotique, résultat d'une inhi-binon de l'activité intellectuelle, 252.
Somnambulisme (hypermnésie dans la
veille et le). 126. Somnambulisme spontané (un cas de).
par Burot 132. Somnambulisme lucide en Cafrerie, 254. Spasmes de l'urèthre, guèrison par l'hypnotisme, par Mesnet et Roux. 119. Spasme douloureux a l'urethre, guéri
par la suggestion. par Ducloux, 171. Suédois (un livre). 144. Suggestion comme moyen thérapeutique
(de la) . par Moll. 375. Surdité double datant de huit jours.
guérie par la suggestion, par Burot,
250.
Système nerveux ;l'hypnotisme et le), par Crocq. 104
Table hygiénique, 94.
Terreurs nocturnes dans le jeune âge.
par Collineau. 136. Traitement de l'alcoolisme (le), 3o. Traitement empirique de somnambulisme
naturel, 352. Tribunaux (le magnétisme devant les.
28.
Troubles fonctionnels des sens et de la sensibilité dans l'hypnotisme, par Mesnet. 257.
Troubles hystériques traités par l'hypnotisme, par par Besse, 213.
Troubles nerveux, guerison par l'hypno-tisme. par Mesnet et Roux, 112.
Veille hallucinations suggérées à l'état
de). 371, 290. Vision (troubles guéris par la suggestion
hypnotique), par Chiltoff. 309. Vols dans l'état de somnambulisme, 195.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Akermaa, 319. Arsonval (d'),375.
Bax. 172. Berbez, 216.f
Bérillon, 2, 65, 97. 129,193 254
Bernheim, 161.225.
Besse. 213.
Binet, 210, 311.
Boddaert, 176.
Briand. 173.
Brouardel, 86, 219, 221.
Brown-Séquard. 252.
Bum. 222.
Burckhard:. 56.
Burot. 90. 132, 169, 250
Caustler, 190. 285, Charcot. 316, 316. Charpentier. 375. Chiltoff. 309.
Collineau. 25, 60. 89. 132. 136. 340. Copin (Paul), 18.49, 93. Crocq, 88, 104.
Delbœuf, 66. 202. Desplats. 149, 185.
Dessoir (Max), 31, 127, 147,158, 190,
252, 288, 380. Dorez (Amand), 342. Ducloux. 171. Dujardin-Beaumetz 86. Dupuy. 371.
Eeden (Vaan), 144.
Fére. 317, 369, 374. Fontan. 230 Forel. 3o, 277. 397. Freiherrn. 147.
Gariel, 87.
Giucher, 315.
Gilles de la Tourette. 219.
Grasset, 311. 336.
Guermongprez,9, 63.
Hart. 318.
Hément( Félix), 377.
Janet (Jules), 339. Joffroy, 315. Journet. 173.
Laborde, 87.
Ladame. 351.
Lefèvre. 88.
Lenté, 173.
Liébeault,195.
Liégeois, 3. 33.
Luys, 59, 85, 282, 314, 315.
Maack. 147. Mac-Culloch. 93. Magnani. 379. Méric (l'abbé) . 112. Mesnet, 112, 257. Mvnert. 24. Moli, 375. Monin, 153.
Nuel, 184.
Pitres, 63. Prel( Karl du) 63. Preyer, 190. Proust. 205.
Rauzier, 321. 356. Raymond. 248, 378. Renterghem 'Van)., 307. Rochas (de), 41. 76, 364. Roux, 112.
Schrenck-Notzing, 147. Sciamanna. 176.. Ségard, 230. Séplas, 165. Semal, 69, 87.
Tuchmann, 254. Vizioli. 176.
Voisin (Aug) . 13o, 175,353.
Wetterstrand, 144. Winternitz, 25.
Yung, 271.