(1893) Archives de neurologie [Tome 25, n° 73-76] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1893) Archives de neurologie [Tome 25, n° 73-76] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

ARCHIVES

DE r'

NEUROLOGIE

PARAISSANT TOUS LES MOIS

REVUE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE

J.-M. Cil ARGOT

AVEC LÀ COLLABORATION DE

Mi). ANTONELL1, BAHINSICI, BALLET, BLANCHARD,

BLIN (E.), BLOCQ, BONNAIRE (E.), BOUCHEREAU,

BRIAND (M.), RR1SSAUD (E.), BROUUIDEL (P.), CAMUSET, CATSAHAS,

CHABBEKT, CHARPENTIER, CHASL1N, CHRISTIAN, DEBOVE (M.).

DELASTAUVE, DENY, 1)(ITIL, DUVAL (Matiius), FERR1ER. FRANCOTTE,

GH1LARUUCCI. GILLES DE LA TOURETTE. GOMBAULT, GRASSET, P. JANET.

JOFFROY (A.). Kl,'11 ? VAL (I'.), KINNOSUlOE MIURA, LAiOEOl,zy, LEROY, MAGNAN,

31ARIE,NARINI : Sf.0.6tAUV0UIIY,tIEItZEJEVSICY, J1USGRAVE-CI,AY,NOIR,

PARINAUU, PILLIET P1ERRET, PITRES, POIOFF, ItAY)IOND (F.). 11ÉGNARU (A.),

REGNARI) (P.), RICHER (P.), It0UItINOVITCH, ROTH (W.),

ROUSSELET (A.), SACAZE, SÉGLAS, SEGUIN (E.-C.), SOLLIER. SOITEL,

SOUQUES, SOURY (J.), TEINTURIER (E.), TIIULIE (IL), TR01S1ER (E.), VALLON,

VIGOUROUX (R.), VOISIN (J.), P. YVON. z

Rédacteur en chef : B9UItNt.VILI.

Secrétaires de la rédaction : J.-n. ClIAItCOT et G. GUINON

Dessinateur : LEUBA

Tome XXV. 1893.

Avec 58 ligures dans le texte.

PARIS

BUREAUX DU PIfOGItÈS MÉDICAL

1 '" r/le des Cannes,

189 : ;

Vol. XXV. Janvier 1893. Nu 73.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

HÔPITAL SAINT-ÉLOI DE MONTPELLIER. CLINIQUE MÉDICALE.

DU VERTIGE DES ATAXIQUES (Signe DE ROllBEIIG);

Par le Professeur J. GRASSET.

LEÇONS CLINIQUES RECUEILLIES ET PUBLIÉES

Par le D' J. SaCIZE, chef de clinique médicale.

I.

MESSIEURS,

Au n° 30 de la salle Fouquet est entré le '16 octobre dernier

un malade atteint d'ataxie locomotrice progressive. Son obser-

vation est classique sur plusieurs points; aussi, semble-t-il,

au premier abord, qu'elle ne mérite pas que j'en fasse l'objet

de ces leçons. Mais en l'étudiant avec plus de soin il est facile

d'y retrouver certaines particularités qui la rendent intéres-

sante et sur lesquelles je veux attirer votre attention. Parmi

ces particularités une surtout m'arrêtera ; car elle me permettra

de bien examiner avec vous un symptôme très important du

tabès : l'influence de l'occlusion des yeux sur les mouvements et

l'équilibre des ataxiques; ce symptôme porte, comme vous le

savez, le nom de signe de Romberg. 1

Classiquement, ce symptôme est considéré comme une dépen-

dance et une conséquence de la perte de la sensibilité et spé'-

cialement de la sensibilité musculaire. Mais vous verrez que

chez notre malade, le signe de Romberg existe très bien et que

cependant toutes les sensibilités, même la sensibilité muscu-

Archives, t. XXV. 1

2 CLINIQUE NERVEUSE.

laire sont fort bien conservées. Il y a donc contradiction avec

les théories généralement admises.

Ainsi voilà une particularité qui rend ce fait intéressant et

le rend môme plus particulièrement intéressant à nous,

puisque, vous le savez, nous avons une autre conception patho- ? génique du symptôme de Romberg. Nous voyons là une espèce,

une variété du vertige.

Il y a deux ans, quand nous avons étudié ensemble le vertige

des artério-scléreux ', nous avons dû analyser la symptomato-

logie du vertige, et nous avons vu que l'ouverture ou l'occlu-

sion des yeux a très souvent une grande influence sur sa pro-

duction ou sa cessation. En nous plaçant à ce point de vue,

nous en avons distingué deux groupes : les uns s'atténuent ou

disparaissent par l'occlusion des yeux; d'autres au contraire

naissent et s'exagèrent par l'occlusion des yeux et disparaissent

ou s'atténuent beaucoup par leur ouverture. Dans le premier

groupe, nous avons rangé le vertige du mal de mer, le vertige

des espaces, appelé encore agoraphobie. Vous pouvez faire

l'expérience sur vous-même en ayant recours, pour ceux-ci,

aux divers moyens de navigation aérienne dont est peuplé en

ce moment le champ de foire. Afin d'éprouver les seconds il

vous faudrait avoir une digestion difficile ou un peu d'éthylisme

aigu, chose qu'il m'est impossible de vous conseiller, surtout

au début de l'année. C'est parmi ces derniers que je plaçais

le symptôme de Romberg.

« Je rangerai dans le même groupe, vous disais-je =, le symp-

tôme qui, chez les ataxiques, porte le nom de signe de Rom-

berg et qui consiste, vous le savez, dans la perte de l'équilibre

lors de l'occlusion des yeux. Le signe de Romberg répond à la

définition du vertige, puisque la perte effective de l'équilibre,

survenant à la suite de l'occlusion des yeux et cessant par

leur ouverture, succède à une sensation, inexpliquée-quant à

sa nature, de perte d'équilibre. On a voulu attribuer- cette sen-

sation à l'anesthésie plantaire; il n'en est rien, puisque cer-

taines hystériques chez lesquelles cette anesthésie est surtout

très développée, ne présentent pas le signe de Romberg.

« Ce symptôme, dont le mécanisme intime n'a pu être encore

pénétré, me semble, en tout cas, en relation directe avec le

' Du vertige cnrclio-vasculaire, ou vertige des arlério-scléreux. Leçons

de Clinique médicale, 1891, p. 522.

' Loc. cit., p. 528.

DU VERTIGE DES ATAXIQUES . 3

brusque passage de la lumière à l'obscurité. Voilà pourquoi

l'ouverture ou l'occlusion des paupières suffit à le provoquer. »

Cette manière de voir n'a pas été acceptée par tout le monde,

et vous trouverez une réponse récente à cette conception du

signe de Romberg dans le livre, du reste fort intéressant et

destiné à devenir classique, que Blocq et Onanoff ont consacré

à la séméiologie du système nerveux.

«Nous ne saurions, disent-ils 1, à l'exemple du professeur

Grasset, ranger parmi les vertiges le signe de Romberg. La

perte de l'équilibre qui survient dans ces conditions parait en

effet résulter de l'absence ou de la diminution du sens muscu-

laire, et non pas, selon l'avis de cet observateur, de l'anesthésie

plantaire. Si les hystériques offrant de l'anesthésie cutanée de

la plante des pieds ne présentent pas en effet le signe de Rom-

berg, ce signe se manifeste au contraire chez les mêmes ma-

lades quand il existe de l'anesthésie du sens musculaire (ataxie

hystérique de Lasègue). J)

Voilà la question nettement posée. Devons-nous abandonner

notre conception formulée en z1890, et accepter avec les auteurs

classiques que le signe de Romberg est la conséquence de la

perte de la sensibilité et spécialement du sens musculaire chez

les ataxiques ? Je crois que le malade de la salle Fouquet va

nous permettre de maintenir notre ancienne manière de voir,

en lui fournissant une nouvelle preuve clinique.

Avant d'aller plus loin, je vais vous résumer son histoire,

d'abord pour vous démontrer que c'est réellement un tabé-

tique, et voir ensuite quelles sont les particularités de son

tabès. Tous les renseignements que je vous donnerai ont été

puisés dans l'observation prise avec beaucoup de soin par

M. Sacaze.

C'est un homme, âgé de trente et un ans, facteur rural dans

les montagnes de la Lozère, d'où il est descendu pour nous

consulter.

Les antécédents héréditaires ou personnels ont une médiocre

importance. S'il s'agissait d'un hystérique, ou d'un individu à

tempérament très nerveux, je vous dirais, en attirant votre

attention sur ce point, que son receveur des postes est parait-il

fortement ataxique; mais je ne pense pas que l'imitation ait

1 Blocq et Oiianofï. Séméiologie et diagnostic des maladies nerveuses.

1892, p. 62.

4 CLINIQUE NERVEUSE.

joué ici un rôle quelconque. Le père est migraineux, et sa mère

très nerveuse.

A l'Age de dix ans, il aurait eu une anasarque avec urines

rouges à la suite d'un refroidissement. A vingt-cinq ans, il a

été atteint de choléra au Tonkin; à vingt-six ans, il a présenté

- une éruption, en diverses parties de son corps, de petits bou-

tons blancs disparus sous l'influence des bains sulfureux.

Depuis son enfance, notons qu'il est assez sujet à la cépha-

lalgie. Il n'a jamais commis d'excès alcooliques ou génésiques ;

jamais non plus il n'a présenté d'accidents syphilitiques.

Enfin, je tiens à vous faire remarquer qu'il est facteur rural,

et qu'en cette qualité il est obligé de parcourir tous les jours

trente kilomètres à travers les montagnes. Vous voyez qu'en

somme, l'étiologie est assez maigre, cependant elle renferme

quelques données intéressantes sur lesquelles il est nécessaire

de revenir. Et d'abord, nous n'avons pas trouvé de syphilis;

cette constatation est importante.

J'ai été des premiers, comme vous pouvez en juger par la

citation suivante, à accepter les idées de Fournier sur la fré-

quence de la syphilis chez les tabétiques. « En France, il est

vrai, la doctrine d'une ataxie d'ordre syphilitique continuait à

être froidement acceptée et ne ralliait que peu d'adhérents.

Seuls, ou peu s'en faut, MM. Grasset et Vulpian l'avaient

accueillie favorablement et je tiens ici à leur exprimer ma

gratitude par l'attention dont ils ont honoré mes travaux'. »

Dès la première édition de mon livre (1878), je défendais les

mêmes idées 2, et presque en même temps mon élève regretté,

R. Caizergues les développait dans son excellente thèse.

Depuis lors tout ce que j'ai vu m'a confirmé dans la pensée que

le plus souvent le tabès se montre chez d'anciens syphilitiques,

des syphilitiques qui n'ont pas soigné ou qui ont mal soigné

leur vérole parce qu'elle paraissait bénigne. La maladie ne

s'était manifestée que par un petit chancre, quelques accidents

secondaires très légers; aussi n'y avait-on attaché aucune

importance, et par là même le traitement avait été insigni-

fiant. Au contraire, les véroles qui dès le début se montrent

' Fournier. De l'ataxie locomotrice d'origine syphilitique. Tabes

spécifique, 1882, p. 6.

' Maladies du système nerveux, 1. 1, 1878, p. 329, et t. II, 1879, p. 689.

3 R. Caizergues. Des myélites syphilitiques, thèse de Montpellier,

1878.

DU VERTIGE DES ATAXIQUES. S

avec des troubles considérables sont soignées sérieusement et

sont suivies bien moins fréquemment d'accidents nerveux.

En soutenant cette doctrine, j'ai toujours essayé cependant

de démontrer qu'il n'y avait pas contradiction entre la manière

de voir de Fournier et celle de Charcot sur le rôle étiologique

capital de l'hérédité nerveuse dans l'ataxie locomotrice. Les

deux ordres de causes ne sont nullement contraires et peuvent

se superposer, l'une constituant le fond de la maladie, et

l'autre déterminant la forme, donnant le pourquoi de sa mani-

festation. Vous comprenez, en effet, sans peine que chez les

personnes à système nerveux faible, impressionnable, par des

prédispositions héréditaires diverses, la syphilis ait une cer-

taine tendance à porter volontiers en ce point ses atteintes. Et

pour ce motif, on devrait toujours rechercher dans les antécé-

dents les causes de cette localisation.

Donc je puis dire que je suis un partisan de la première

heure de l'origine syphilitique fréquente du tabès, puisque j'ai

soutenu cette opinion un ou deux ans après que Fournier J'eût

fait connaître 4 et deux ans avant que Chauvet affirmât dans

sa thèse d'agrégation 2 * que la syphilis ne donnera jamais

lieu au développement d'une sclérose primitive des zones radi-

culaires postérieures ».

Eh bien ! notre cas prouve une fois de plus qu'il ne faut rien

exagérer et que si la syphilis est fréquente, elle n'est pas cons-

tante chez les tabétiques. Il se trouve en opposition avec l'idée

exprimée tout récemment par Pierre Marie en ces termes :

« La vraie, je dirais presque la seule cause du tabès, c'est la

syphilis (p. 313). Au point de vue pratique, soyez bien con-

vaincu d'une chose, c'est que dans les conditions de notre

observation journalière, le tabès est toujours d'origine syphi-

litique (p. 318) ». Et plus loin « c'est à l'infection syphilitique

qu'il faut attribuer ces altérations cellulaires, » et il admet

avec Strümpell * que dans le tabès, la syphilis agit comme un

véritable poison organique, comme une toxine ». -

Donc voilà le premier intérêt que présente notre fait; il

montre l'exagération de cette doctrine qui voudrait faire de la

1 Fournier. Leçons recueillies par Dreyfous dans les Annales de der-

matologie et de syphiligraphie, 1875-76, t. VII, p. 187.

1 Chauvet. - Influence de la syphilis sur les maladies du système

nerveux central, th. d'agrégation, 1880.

3 Pierre Marie. Leçons sur les maladies de la moelle, 1892. '

6 CLINIQUE NERVEUSE.

syphilis l'origine unique et constante du tabès. Cette cause est

évidemment fréquente, mais elle n'est pas constante.

Mais chez notre homme, quels facteurs étiologiques trou-

vons-nous ? D'abord, il possède une hérédité nerveuse mani-

feste démontrée par les migraines du père, par le nervosisme

^de la mère, et par ses céphalalgies fréquentes depuis son

enfance. Charcot insiste beaucoup avec raison sur ce point. En

second lieu il marchait beaucoup et peut-être même trop; ce

n'est qu'au prix d'une fatigue considérable qu'on arrive à faire

trente kilomètres dans les montagnes, par tous les temps et

tous les jours depuis cinq ans.

Et bien, je crois qu'il y a là une cause dont il faut tenir

eompte; elle existe parfaitement quoi qu'on en ait dit. Il y a un

tabès de surmenés des jambes par la marche, comme il y a un

tabès des trépidés. Ainsi je me souviens vous avoir montré

autrefois une ataxie locomotrice chez un mécanicien de loco-

motive, et chez un employé des postes voyageant surtout dans

des wagons de trains express où par ses fonctions il était à peu

près constamment debout. Et pour comprendre l'influence

néfaste du chemin de fer sur le système nerveux, il faut tenir

compte non pas seulement des secousses, car alors les voya-

geurs pourraient être impressionnés; mais encore de l'obliga-

tion de se tenir longtemps sur ses jambes, de faire un travail.

Si le voyageur n'est pas également fatigué, c'est qu'il reste

assis, peut s'allonger, etc.

Il n'en est pas de même du mécanicien ou du postier qui

doivent agir très fréquemment, s'imposer de la fatigue.

Dans le même groupe sont les tabès de la machine à coudre,

quoique Pierre Marie objecte qu'en pareil cas la vertu des

mécaniciennes n'étant pas à l'abri de tout soupçon, on peut

encore invoquer la syphilis ! !

Les médecins allemands ont étudié encore un très grand

nombre de tabès survenus après les guerres de 1866 et de 1870,

et ils les ont attribués aux fatigues excessives, aux marches

exagérées que ces campagnes ont entraînées '. Donc cet élé-

ment étiologique existe et nous pouvons l'invoquer ici. Nous

conclurons donc en disant que chez notre malade le tabès s'est

développé sous l'influence du surmenage des jambes sur un

fond névrotique.

1 Raymond. Art. Tabes dorsalis in Dicl, encyclop. des sciences

méd., 3e série, t. XV, p. 293.

DU VERTIGE DES ATAXIQUES. 7

Passons maintenant à la symptomatologie. D'un mot il est

à vrai dire possible de la caractériser ; c'est, en effet, d'un

tabès moteur qu'il s'agit.

Le tabès complet, classique est à la fois moteur et sensitif,

souvent plus sensitif. Dans la salle des femmes, au n° 4, vous

en avez un bel exemple; j'y reviendrai plus longuement dans

des leçons ultérieures'. En ce moment, qu'il me suffise de

vous dire, comme vous avez pu le voir vous-mêmes, que cette

malade a des douleurs fulgurantes, présente de l'anesthésie

plantaire, perd ses jambes dans le lit; elle serait susceptible

de faire comme ces ataxiques de Lamalou'qui, voyant un pied

émerger en dehors de l'eau dans la piscine, durent explorer

avec les mains leurs jambes à partir des hanches pour savoir

à qui il appartenait.

Notre homme est absolument différent; il est purement

moteur; et si nous ne connaissions d'une manière assez com-

plète le tableau de l'ataxie locomotrice, nous pourrions être

embarrassés pour déterminer la nature des troubles qu'il pré-

sente. Son histoire est fort courte.

Au mois de juillet '1892, il commence par éprouver une

sorte de constriction à la base de la poitrine ; trois ou quatre

jours après, il sent les jambes fléchir sous lui; la marche de-

vient difficile et déjà incoordonnée. On applique des pointes

de feu le long de la colonne vertébrale et on donne de l'iodure

de sodium. Actuellement, ses membres inférieurs sont très

faibles ou plutôt inhabiles; la faiblesse qu'il ressent n'est pas

réelle ; elle parait seulement momentanée ; il lui semble par

moment que ses genoux vont fléchir. Il marche en jetant ses

jambes, talonne au moins par moments. Il lui est impossible

ou très difficile de s'arrêter brusquement, de tourner aussitôt

sur place àun ordre donné, il tomberait même s'il n'avait soin

de décrire un demi-cercle, avec une certaine hésitation ou

bien en s'appuyant.

Dans la position allongée au lit, si on lui commande de di-

riger¡son pied vers un objet désigné, ces mouvements sont

exécutés très régulièrement, et le but est atteint directement.

Ainsi se passent les choses tant que les yeux restent ouverts.

Si au contraire les yeux sont fermés, le malade marche beau-

coup plus mal, titube facilement, lance ses jambes d'une

' Voir Nouveau Montpellier médical, décembre 1892 et janvier 1893.

8 CLINIQUE NERVEUSE. '

façon plus accentuée, et perd l'équilibre lorsqu'il n'est pas

soutenu. Avec les yeux ouverts, il peut se soutenir debout,

sans canne, immobile, et les pieds rapprochés ; mais dès que

les yeux sont fermés, il oscille, et s'effondrerait vite si quel-

qu'un n'était pas là pour le soutenir.

Pendant la marche, et dans la position debout, il ne fixe

pas ses pieds ; il regarde toujours droit devant lui, et peut

même se déplacer en dirigeant ses yeux vers le plafond. D'ail-

leurs, afin de vous mieux montrer que la perte d'équilibre ne

dépend nullement de ce fait que le malade n'est plus à même

de regarder ses jambes, j'ai fait devant vous l'expérience sui-

vante : cet homme étant debout, et les yeux ouverts, j'ai placé

un carton entre ses yeux et ses pieds ; il a parfaitement con-

servé sa position première. Je lui ai commandé d'avancer, et

la marche a eu lieu sans perte d'équilibre et cependant, il lui

était impossible de voir ses jambes. Il ne peut se tenir sur un

pied, que les yeux soient ouverts ou fermés.

Les réflexes rotuliens sont complètement abolis. Que je vous

signale encore un léger retard pour la miction. Du côté de la

vue, il éprouve parfois quelques vertiges et un peu de diplopie.

Il n'y a pas 'de myosis ; la pupille continue à réagir sous l'in-

fluence de la lumière et de l'accommodation; le signe d'Argill

Robertson n'existe donc pas. La sensibilité ne présente aucun

trouble ; afin de faire cette constatation on a eu recours aux

procédés classiques (épingle, esthésiomètre, corps chauds ou

froids).

Je tiens surtout à vous dire que notre malade n'a aucun

signe d'anesthésie plantaire; il sent fort bien les pavés, peut

même apprécier les inégalités du sol. L'expérience suivante

rend démonstrative cette conservation de la sensibilité plan-

taire : les yeux étant fermés on a fait marcher cet homme

sur un tapis de trame grossière, où, de loin en loin, étaient

disposés des objets de nature différente (bas de laine, papiers,

etc.). Chaque fois que ses pieds ont touché un de ces objets,

il a manifesté une sensation toute différente, et a pu déter-

miner assez souvent leur nature.

Le sens musculaire n'offre pas d'altération appréciable.

Voici un certain nombre d'expériences très précises à cet

égard, et qui me serviront bientôt à établir la thèse dont je

poursuis la démonstration, en analysant devant vous l'histoire

.de, ce tabétique. Le malade étant allongé dans son lit, les

DU VERTIGE DUS ATAXIQUES. U

yeux fermés, on attache successivement divers poids aux pieds;

on lui commande de plier sa jambe sur la cuisse, ce qui pro-

voque la contraction des muscles biceps, demi-tendineux et

demi-membraneux. Afin d'apprécier le triceps fémoral, les

poids ont été fixés à la pointe des pieds par l'intermédiaire

d'une longue corde qui se réfléchissait sur une poulie placée

derrière l'oreiller du malade ; la résistance opposée par les poids

ne s'opérait que quand le membre passait de la position fléchie

à" l'extension complète. Cette expérience permettait même

d'examiner les muscles du mollet. Enfin, cet homme étant

assis, les yeux toujours fermés, on a disposé différents poids

sur la partie antérieure des pieds; ici c'étaient les muscles de

la région antéro-externe de la jambe qui intervenaient. Dans

tous les cas le malade est parvenu à reconnaître s'il avait à

soulever d'un moment à l'autre des poids identiques, ou bien

des poids différents.

Rien à noter pour le tube digestif, les appareils circula-

toire et respiratoire, et les organes génitaux. L'état général

est bon ; le sommeil s'accomplit normalement.

Voilà l'histoire à peu près complète et l'ensemble des symp-

tômes que nous avons pu étudier chez cet homme. Nous pou-

vons en déduire deux conséquences : d'abord, c'est que nous

nous trouvons réellement en présence d'un tabès, et ensuite,

c'est que ce tabès est d'une espèce particulière, qu'il est uni-

quement moteur. En d'autres termes, nous pouvons souligner

dans ce cas des troubles qui le rapprochent du tabès clas-

sique et des troubles qui l'en séparent.

Parmi les premiers, je vous citerai l'incoordination dans la

marche, l'influence de l'occlusion des yeux sur les mouve-

ments et l'équilibre, l'abolition des réflexes rotuliens, la di-

plopie, la miction retardée ; tous ces signes le distinguent

des paraplégiques et en font un tabétique.

Au nombre des seconds, je rangerai l'évolution rapide et la

conservation de la sensibilité dans tous ses modes. Il est rare

de voir une ataxie locomotrice arriver à la phase où elle se

trouve chez notre malade en l'espace de quatre mois; ordinai-

rement elle met des dix et douze ans.

Mais ce qui fait surtout la caractéristique de cette observa-

tion c'est qu'il s'agit seulement d'un tabès moteur. Les deux

groupes de symptômes qu'on observe dans l'ataxie locomotrice

peuvent quelquefois se montrer isolément. Aussi, Charcot a

10 0 PATHOLOGIE NERVEUSE.

décrit un tabès sensitif réduit aux douleurs fulgurantes, à

l'abolition des réflexes rotuliens, à la perte de la sensibilité.

J'en ai vu de très beaux exemples. Les exemples de tabès pu-

rement moteur sont plus rares ; celui-ci en est un.

Pour synthétiser dans une même formule les caractères

- étiologiques et symptomatiques constatés sur ce malade, nous

pouvons dire qu'il s'agit là d'un cas de tabès exclusivement

moteur à incoordination précoce, développé sans syphilis anté-

rieure chez un surmené des jambes, avec une hérédité ner-

veuse.

C'est sur ce point de départ clinique que nous étudierons,

dans la prochaine leçon, le signe de Romberg en détail, dans

sa nature, sa symptomatologie et sa pathogénie, et nous ver-

rons si nous pouvons tirer quelque enseignement de ce fait

particulier. (La fin au prochaitt numéro.)

DE LA MALADIE DES TICS.

(tics, chorée, IlTllillll : : diagnostic);

Par le D' L. C(1.1BBEItI', de Toulouse,

L'étude détaillée de la maladie des tics remonte seulement

à ces dernières années. Elle a été faite par MM. J.-M. Charcot,

Gilles de la Tourette et G. Guinon, qui en ont décrit avec soin

les caractères nosographiques. Il serait injuste, cependant, de

ne pas reconnaître que Trousseau avait parfaitement vu la ma-

ladie et en avait indiqué les principaux symptômes. Non seule-

ment, dans les quelques lignes qu'il consacre à cette affection,

il qualifie les mouvements des tiqueux de « contractions ins-

tantanées, rapides, involontaires », mais encore il signale la

tendance des malades « à répéter toujours le même mot, et

même à proférer à haute voix des mots qu'ils voudraient bien

retenir' ». En outre, il a le soin de faire remarquer que l'af-

fection est chronique par excellence, le plus souvent hérédi-

1

' A. Trousseau. Clinique médicale de l'Ilôtel-Dieu de Paris, t. II,

4" édition, p. 267, 268.

DE LA MALADIE DES TICS. 11

taire, et qu'elle se réclame de la monomanie et de l'aliénation

mentale.

A côté de ces notions très justes que les travaux récents ont

confirmé tout en les précisant davantage, il en est d'autres de

controuvées qui, toutefois, pouvaient paraître légitimes à

l'époque où elles ont été émises, étant donné les idées impar-

faites que l'on avait sur les diverses manifestations de l'hys-

térie. C'est précisément le grand mérite de l'Ecole de la Salpê-

trière, sur ce point comme sur bien d'autres de la pathologie

nerveuse, d'avoir remis toute chose à sa place, et d'avoir

assigné à chaque symptôme l'importance qu'il méritait.

Aussi, après des travaux si complets, on ne saurait prétendre

à la nouveauté. Mais ici, comme dans toutes les sciences qui

relèvent de l'observation, l'oeuvre n'est jamais parachevée. Les

grandes lignes restent immuables, alors que les traits secon-

daires s'accusent ou s'effacent suivant l'oeil de l'observateur,

et le moment où l'examen a porté. Si la maladie est une, la

plupart des signes qui la caractérisent sont inconstants et

variables; présents aujourd'hui, ils peuvent faire défaut

demain; manifestes dans un cas, ils peuvent manquer dans un

autre. Enfin, comme pour se jouer de notre faible entende-

ment, dans ses méfaits, la nature se plaît à se contredire, et

les symptômes que l'on croyait les mieux propres à différencier

telle affection trouvent leur sosie dans telle autre.

Les quatre cas de maladie des tics que nous publions vien-

nent à l'appui de ces considérations. Chacun, pris isolément,

comporte quelque particularité sur l'étiologie, la symptomato-

logie ou le diagnostic de l'affection. Groupés ensemble, ils

donnent, croyons-nous, une idée générale, suffisamment com-

plète de la maladie et des principales formes qu'elle peut

revêtir. Les deux premiers se rapportent à des tics localisés;

le troisième est un exemple typique de la forme généralisée ;

le quatrième tire surtout son intérêt des difficultés que présen-

tait le diagnostic.

Observation I. An... L..., quarante-deux ans.

Antécédents héréditaires. Père, cultivateur, décédé à quatre-

vingt-deux ans, après quelques jours de maladie; homme doux, tran-

quille. Mère morte à soixante-quatre ans, hémiplégique; ni migrai-

neuse, ni sujette à des attaques de nerfs. Du côté des oncles et des

tantes, rien de particulier. Les grands parents sont morts à un

âge assez avancé ; pas de déments, pas d'originaux.

z2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Antécédents personnels et histoire de la maladie. - An... est la

plus jeune de sept enfants. Deux sont morts en bas âge : l'un à

huit jours, l'autre au bout de quelques semaines; les quatre autres,

quatre soeurs, n'ont jamais fait de maladie sérieuse, ont des enfants

bien portants. Elle-même a toujours eu une bonne santé; dans son

enfance, on ne relève ni convulsions, ni fièvre éruptive. Réglée à

-. quatorze ans, elle a une grossesse à vingt-deux ans, terminée par

un accouchement naturel.

- A neuf ans, conduisant des chevaux à l'abreuvoir, elle reçut une

ruade de l'un d'eux, qni l'atteignit au côté gauche de la face. La

lèvre inférieure, la lèvre supérieure et la peau de l'arcade sourci-

lière furent divisées. Les blessures n'étaient pas cicatrisées que

les mouvements convulsifs s'étaient manifestés. Dès le début, les

contractions ont occupé la partie inférieure du muscle orbicu-

laire des paupières; depuis, elles sont restées localisées en ce point.

Au traumatisme se rattachent encore des attaques de nerfs que

la malade rapporte à peu près en ces termes : quelques mois après

l'accident, elle venait de se coucher, lorsqu'elle est obligée de se

lever pour uriner; au moment de remonter au lit, elle tombe à

terre, étendue raide. La perte de connaissance dura quelques mi-

nutes. Plus tard, vers l'âge de douze ans, elle était à travailler dans

une vigne en compagnie de sa mère; surprises parla pluie, elles

gagnentun abri etdéjeunent. Quelques heures après, elle « sent son

estomac se soulever » et, de nouveau, tombe étendue raide.

Jusqu'à l'âge de dix-sept ans, les attaques ne se renouvellent pas,

mais, à cette période de son existence, elle éprouve un jour une

contrariété des plus vives. Dans la soirée, elle est prise « d'un serre-

ment d'estomac avec sifflement d'oreilles » et perd connaissance.

Depuis, santé parfaite.

Etat actuel. An... est une personne robuste, bien constituée,

d'une intelligence ordinaire. Très émotive, elle rit ou pleure pour

des motifs futiles; capricieuse, fantasque, son attention est diffici-

lement captivée. Acuité visuelle normale, pas de rétrécisse-

ment du champ visuel, pas de dyschromatopsie ; le goût, l'ouïe,

l'odorat sont conservés; la sensibilité, sous ses divers modes, est

intacte; pas de zone hystérogène; le réflexe pharyngien seul fait

défaut.

Sur le côté gauche de la face, on constate trois cicatrices li-

néaires occupant la lèvre inférieure, la lèvre supérieure et la région

sourcilière. La cicatrice de la lèvre inférieure siège sur le bord

libre, à 2 centimètres en dedans de la commissure labiale, elle est

superficielle; celle de la lèvre supérieure, située un peu en dehors

du tubercule, intéresse toute l'épaisseur de l'organe ; elle est aussi

apparente sur la muqueuse que sur la peau. La troisième occupe

le sourcil à sa partie médiane, mesure 1 centimètre dans le sens

vertical.

DE LA MALADIE DES TICS. 13

Le tic est caractérisé par la contraction brusque de la partie

moyenne de la portion périorbitaire inférieure de l'orbiculaire

gauche des paupières. Son siège répond à l'union du voile membra-

neux et de la joue, au niveau de l'os malaire. Lorsque la contrac-

tion se produit, la peau se plisse dans le sens transversal; ce sont

des rides qui se forment simulant un commencement d'occlusion

de la paupière. Sous l'influence de l'émotion, le mouvement aug-

mente d'étendue ; alors le clignement des yeux s'effectue et s'ac-

compagne d'un léger tiraillement en haut de la commissure labiale

gauche.

Les contractions ont la rapidité de l'éclair ; elles se produisent

avec une fréquence variable. De deux à trois par minute, les

secousses peuvent atteindre douze, quinze, si la malade est contra-

riée, ou simplement mise en présence d'une personne qu'elle ne

connaisse pas. Parfois, il s'écoulera plusieurs minutes sans qu'elles

se manifestent. La volonté n'a aucune action sur elles, eiles dispa-

raissent pendant le sommeil.

Au point de vue des phénomènes psychiques, il n'existe pas de

troubles bien appareils. Néanmoins An... appartient à la catégorie

des originaux de la pensée. Si elle s'est formée une opinion sur

quelqu'un ou quelque chose, il est bien difficile de l'en faire chan-

ger, même en lui mettant sous les yeux les preuves de son erreur;

si elle contracte l'habitude de se servir chez un fournisseur, elle se

refusera à le quitter, alors qu'il lui sera démontré qu'elle est indi-

gnement exploitée.

L'écholalie, l'échocinésie font complètement défaut; la copro-

lalie revêt un mode exceptionnel. Elle se manifeste lorsque la

malade est fortement contrariée, par exemple, si ses patrons lui

font une observation qu'elle ne croit pas mériter. Dans ces cir-

constances le tic s'accuse, et les mots merde, nom de Dieu lui vien-

nent aux lèvres. Cependant, elle ne les prononce pas, elle peut

les retenir; mais la retenue qu'elle s'impose n'est pas sans occa-

sionner un état de fatigue, d'énervement, qui ne prend fin que

lorsque les mots ont été émis. Aussi, elle cherche à s'isoler, et dès

qu'ellese trouve seule, font-ils explosion; aussitôt, elle est soula-

gée. Ces phénomènes remontent il des années, mais leur manifes-

tation est de beaucoup postérieure à l'apparition des secousses

musculaires.

En regard de cette observation, il convient de placer celle

du fils de la malade Ma... L..., atteint lui aussi de tic loca-

lisé :

Observation II. Ma... L..., dix-neuf ans.

Antécédents héréditaires. - aux antécédents maternels s'ajoutent

ceux du côté paternel quevoici :

14 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Père, quarante-huit ans, sanguin, coléreux; pas de rhumatisme,

pas de syphilis. Un oncle, âgé de quarante-deux ans, est atteint de

paralysie progressive. Le grand-père, fils unique, est mort à qua-

rante-six ans d'une attaque d'apoplexie. La grand'mère, âgée de

soixante-quatorze ans, bien portante, n'a jamais fait de maladie

sérieuse; elle avait deux frères : l'ainé mort à cinquante-huit ans,

paralysé, laissant deux enfants : l'un, actuellement âgé de trente-

huit ans (faible d'esprit), l'autre, trente-cinq ans, en bonne santé ;

le plus jeune frère, âgé de soixante-quatre ans, a deux filles migrai-

neuses. .

Antécédents personnels. Ma... L... a toujours eu une bonne

santé. Dans son enfance, on relève une chute à l'âge de quatre ans

et demi, d'où résulta une légère blessure au front, au-dessus du

sourcil gauche. Vers huit ans, il aprésenté descrises desomnambu-

lisme. Sa mère raconte que souvent pendant la nuit il se promenait

dans la chambre ou cherchait après ses livres ; le matin, au réveil, il

ne se rappelait de rien. A cette même époque, il lui arrivait fré-

quemment de pisser au lit, ou bien,, se levant, d'uriner à terre ou

dans ses bottines. Ces phénomènes ont persisté jusque vers l'âge de

douze ans. Il y a quelques mois, Ma..., en dehors de toute cause

occasionnelle s'est apeiçu que la peau du front était le siège de

tiraillements.

Etat actuel. Garçon vigoureux, bien constitué, intelligence

vive, habitudes régulières. Au niveau de la queue du sourcil

gauche on constate une cicatrice linéaire mesurant environ 1 cen-

timètre. En dedans de cette cicatrice, avoisinant la racine du nez,

on voit par moments la peau du front entraînée en haut et pré-

senter des rides, les unes dirigées verticalement, les autres obli-

quement. Cette disposition est comparable à un V dont les deux

branches, l'interne verticale monte sur le milieu du front, l'autre

oblique se portant vers la bosse frontale. A la branche verticale

correspondentles fibres rectilignes les plus internes du muscle fron-

tal, tandis que l'autre branche dessine les premières fibres obliques

du muscle. Les rides apparaissent brusquement et disparaissent de

même; quand elles se produisent, elles ont pour résultat d'élever

la peau du front correspondant à la naissance du sourcil. Elles

surviennent par accès, à intervalles assez éloignés. On note quatre,

cinq contractions consécutives, puis un repos d'une ou plusieurs

minutes; leur fréquence augmente avec l'émotion, elles cessent

pendant le sommeil. .

Ma... est un garçon impressionnable, à idées bizarres. Il suffit

que l'on désire qu'il fasse telle chose pour qu'il s'y refuse; si, au

contraire on a l'air de ne pas attacher grande importance à ce

qu'on lui demande, il s'empresse de vous être agréable. Chargé

du service des expéditions dans une importante maison de spiri-

tueux, il lui semble toujours qu'il oublie d'inscrire les acquits de

- DE LA MALADIE DES TICS. 15

la régie, bien qu'il n'ait jamais commis la moindre erreur à ce

sujet; il supporte difficilement la contradiction et se montre

scrupuleux à l'excès. Si, au cours d'une conversation, une discus-

sion s'élève sur une date, sur la signification exacte d'un mot, il

n'a de cesse et de répit que tout autant qu'il a élucidé le point con-

troversé.

La recherche des stigmates hystériques a donné les résultats sui-

vants : acuité visuelle très diminuée des deux yeux ; champ visuel

rétréci notamment à droite; l'oeil gauche ne distingue pas le violet

et le vert; l'oeil droit ne perçoit pas également ces deux couleurs, et

la notion du jaune disparaît alors que le rouge etle bleu sont con-

servés ; réflexe pharyngien aboli; le goût, l'ouïe, l'odorat normaux,

il y a de l'hypoesthésie à droite.

Ces deux observations présentent des traits communs et

des dissemblances- Chez la mère comme chez le fils, le tic

coexiste avec l'hystérie; mais chez la mère, la grande névrose

parait éteinte, tandis qu'elle est en puissance chez le fils. Le

traumatisme a été pour la mère un facteur prépondérant; il a

donné naissance aux mouvements convulsifs et a contribué

pour une bonne part à l'éclosion des accidents hystériques;

pour le fils, au contraire, son action a été nulle.

Chez An..., si l'on fait abstraction de la léion cérébrale

qui a déterminé l'hémiplégie de l'un des ascendants, l'hérédité

se trouve ramenée à zéro; par contre, chez Ma..., elle est simi-

laire et directe tant pour le tic que pour l'hystérie ; en outre,

elle se complique des antécédents du côté paternel qui sont

des plus chargés.

Dans les deux cas, le tic est tout à fait localisé; il est limité

à quelques fibres musculaires ; il occupe le même côté de la

face et siège sur des muscles avoisinant le globe oculaire;

dans les deux cas encore, les faisceaux musculaires en rapport

immédiat avec les cicatrices ne participent pas aux mouve-

ments convulsifs.

Chez An..., les contractions surviennent par accès séparés

par de courts intervalles; chez Ma..., au contraire, elles se

manifestent à intervalles très espacés. Il est vrai, pour le fil ?

le tic remonte seulement à quelques mois, alors que pour la

mère il dure depuis trente-trois ans.

Dans l'un et l'autre cas, le tic s'accompagne de phénomènes

psychiques. Pour la mère, ce sont des idées de suffisance, d'in-

faillibilité; pour le fils, de l'obsession, des manies, des idées

de doute. Enfin, la mère présente des troubles coprolaliques'

16 PATHOLOGIE NERVEUSE.

dont le trait saillant est de ne pas échapper complètement à

l'action de la volonté.

De ces diverses particularités, il résulte que les tics localisés

peuvent offrir des caractères communs aux tics généralisés;

aussi, convient-il de considérer les uns et les autres comme

relevant d'une même maladie dont les manifestations extrêmes

sont reliées entre elles par des gradations insensibles.

Envisagés par rapport au traumatisme, ces deux cas établis-

sent que la doctrine des spasmes réflexes, appliquée aux tics

localisés, est insuffisante à rendre compte des phénomènes

observés. Dans l'un des cas, les secousses convulsives se sont

manifestées quinze ans et demi après l'accident ; dans l'autre,

à la vérité, leur apparition a été contemporaine du trauma-

tisme, mais leur domaine ne correspond nullement au siège

de la lésion. D'ailleurs, dans cette hypothèse, il resterait à

expliquer les troubles psychiques et coprolaliques consécutifs.

Par rapport à l'hystérie, ces deux observations démontrent

que la grande névrose peut coexister avec les tics localisés, de

même qu'elle s'associe fréquemment aux tics généralisés. C'est

là un rapprochement de plus entre les deux formes de la ma-

ladie des tics.

Observation III. - Ma... M..., quarante-quatre ans, célibataire.

Antécédents héréditaires. Père, enfant naturel, originaire de

la Manche, exerçait la profession de serrurier; mort en 1870 à

soixante-quatre ans, d'une inflammation d'entrailles ( ? ). C'était un

homme robuste, d'humeur assez égale, sans antécédents patholo-

giques, mais qui vers trente-six, trente-huit ans,s'était adonnéaux

boissons alcooliques.

Mère âgée de soixante-dix ans, bonne santé habituelle, si ce

n'est quelques douleurs rhumatismales ; caractère emporté, non

migraineuse, sans attaques convulsives dans son passé. Elle a eu

neuf enfants : quatre sont morts en bas âge; Ma... est née la der-

nière ; deux frères et deux soeurs sont bien portants.

Parmi les collatéraux, du côté du père, tous renseignements

font défaut; du côté de la mère figurent deux oncles : l'un, mort

paralysé à soixante-cinq ans; l'autre, en bonne santé, a perdu une

fille, enfant unique, morte à trente ans hydropique.

Antécédents personnels. Ma... n'a jamais fait de maladie, mais

sa santé a toujours été délicate. Dans son enfance, elle a souffert

de maux d'yeux, présenté des engorgements ganglionnaires, ainsi

que des croûtes du cuir chevelu. Pas de convulsions. Réglée à

quatorze ans, les menstrues sont toujours venues régulièrement.

DE LA MALADIE DES TICS. 17

Etat actuel. - Taille : 1m.22; constitution chétive, peau blanche,

système pileux développé, blépharite des deux yeux (les bords

libres des paupières sont absolument dégarnis de cils), coeur et

poumons sains,- ni migraineuse ni coléreuse; pas d'attaques de

nerfs, pas de stigmates hystériques. Au point de vue mental, elle

raisonne juste; caractère doux, mais très méfiant. '

Début de la maladie. Le début de l'affection remonte à l'âge de

quatre ans, à la suite d'une peur. Une après-midi, à la salle d'asile,

Ma... fut mise au cachot, où, par oubli, elle passa la soirée et une

partie de la nuit. Peu de temps après apparurent les mouvements

convulsifs. D'abord limités à la face, ils auraient envahi peu à peu ,

le membre supérieur droit, le membre inférieur de ce même côté

et le bras gauche.

Description des mouvements. - Les mouvements peuvent être

ramenés à deux types, suivant qu'ils sont plus ou moins généralisés.

Dans un premier type, le plus fréquent et le plus complet, ils occu-

pent la langue, la face, le membre supérieur droit, le membre infé-

rieur de ce même côté et le membre supérieur gauche. Voici l'ordre

dans lequel ils se montrent :

Tout d'abord, la langue projetée en avant vient buter contre la

lèvre inférieure ; retirée aussitôt, le maxillaire est abaissé et amené '

en diduction vers la droite, la commissure labiale de ce côté tirée

en bas; en même temps, les paupières se contractent, recouvrent

les lobles occulaires, et une nouvelle projection de la langue se

produit, cette fois, contre l'arcade dentaire inférieure, qui termine

la série des secousses musculaires de la face.

Pour le membre supérieur droit, la sériation est la suivante : le

bras en demi-flexion est lancé avec force sur l'abdomen; ramené

ensuite vers la tête, la main par sa face dorsale, répondant au pre-

mier métacarpien et au premier espace interosseux, frappe succes-

sivement la région temporale, le milieu du front, et en dernier lieu

la partie dorso-Iatérale du nez.

Dans le membre inférieur, les mouvements sont moins com-

plexes : la cuisse est fléchie à angle droit sur le bassin, puis, la

déllexion a lieu brusquement, et le pied porte fortement contre le

sol.

Pour le bras gauche, les mouvements sont à peu près les mêmes

que pour le membre du côté opposé ; ils sont seulement moins

énergiques, et la main, par ses extrémités digitales demi-fléchies,

heurte simplement la partie latérale du front.

Ces contractions s'accomplissent presque simultanément pour la

face et les membres du côté droit; ce n'est que lorsque leur évolu-

tion est terminée que le bras gauche entre en branle, souvent il

reste en repos.

Dans le second type, les mouvements sont limités au bras gauche,

qui d'abord est projeté avec force sur l'abdomen et ensuite ramené

Archives, t. XXV. 2

18 PATHOLOGIE NERVEUSE.

vers la tête ; du côté de la face on note simplement la projection de

la langue hors de la cavité buccale.

Ces mouvements, dont le propre est d'échapper à l'action de la

volonté, se produisent avec une certaine violence; la preuve en

est que la malade, pour se garantir la tête, est obligée de la blin-

'der avec de nombreux mouchoirs. A cause de sa blépharite, elle

porte, en plus, un vaste chapeau de paille, dont l'aile droite offre

une échancrure à bords élimés de la grandeur d'une pièce de

cinq francs, résultant des chocs réitérés de la main (fig. 4).

D'ailleurs, les parties découvertes du visage, le milieu du front,

la partie latérale du nez, présentent une teinte légèrement vio-

lacée, indice des contusions dont ces régions sont l'objet. Il en

Fig. 1. - Phototypie de Ma... M...

DE LA MALADIE DES' TICS. 19

est de même de la main droite, l'instrument contondant, qui offre,

au niveau du premier métacarpien, une coloration rouge foncée.

Le caractère des mouvements est franchement explosif; c'est un

ressort qui se déclenche, dont l'action est d'autant plus rapide qu'elle

est plus rapprochée de sa mise en jeu. Ainsi, la projection du bras

droit sur l'abdomen, qui inaugure les contractions de ce membre,

Fig. 2. Inscription du mouvement du bras droit projeté sur

l'abdomen.

(Le chronographe bat la Beconde, le cylindre enregistreur accomplissant sa révolution

en 9 secondes.)

se fait avec une vigueur et une rapidité inouïes (fig. 2) ' ; par contre

' Qu'il nous soit permis de remercier ici notre distingué confrère M. le

20 0 , PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'acte de porter la main' sur la partie latérale du nez s'accomplit

avec une lenteur relative. Ces caractères apparaîtront encore plus

manifestes quand' nous décrirons les phénomènes coprolaliques

auxquels ils sont associés. - i ' .

. Le nombre des mouvements est très variable. Si la malade est

émotionnée, on compte dans une minute six à sept mouvements

du premier type et deux à trois du second. Il en est de même avec

la fatigue ou à la suite de tout effort musculaire. En dehors de ces

états, on note simplement trois, quatre mouvements généralisés,

car le plus souvent le bras gauche reste au repos. Ils surviennent

par accès, se reproduisant à intervalles irréguliers; tantôt il s'é-

coule trente, quarante secondes, tantôt une minute et plus. La posi-

tion occupée par la malade n'influe guère sur leur fréquence; les

seules modifications portent sur l'étendue; assise ou couchée, le

membre inférieur demeure le plus habituellement immobile. Pen-

dant le sommeil, les contractions disparaissent complètement.

Phénomènes coprolaliques. La coprolalie consiste dans l'émis-

sion stridente des mots : pardi et voilà, hé ! oh1', qui accompagnent L

invariablement les mouvements convulsifs. Si le mouvement est

généralisé, la phrase entière est prononcée; s'il est limité au bras

gauche, les mots : hé ! oh ! seuls sont émis. D'autres fois, la phrase

entière est précédée de hé ! oh !

En analysant les rapports qui existent entre l'émission de ces

mots et les mouvements convulsifs, on se rend compte que le dé-

clenchement musculaire se fait sur la syllabe Par du terme pardi.

A cet instant^ les muscles de la face, ceux du membre supérieur

entrent en action ; le mot voilà prononcé, le pied à déjà frappé

le sol, le cycle est terminé, la malade est au repos. Quant aux inter-

jections hé ! oh ! si elles sont prononcées an début, leur émission

précède le déclanchement; en ce cas, on ne note pas la première

projection de la langue qui, d'habitude, devance l'exclamation

coprolalique; si, au contraire, elles terminent l'explosion, elles

se font entendre au moment où le bras gauche est ramené vers la

tête.

Le mode d'émission de ces mots est vraiment caractéristique.

C'est une mesure précipitée à trois temps, dont le premier temps est

rempli par Pardi, le second par et voilà, le troisième par hé ! oh !

Quant à la tonalité, elle est forte et explosible sur pardi, basse sur

et voilà, moyenne pour hé ! oh !

Dr Laulanié, directeur de l'Ecole vétérinaire de Toulouse, qui a bien

voulu mettre à notre disposition les appareils nécessaires pour ce tracé

et les suivants. ' '

' Traduction littérale : Parbleu et voilà, hé ! oui ! Mais, au sens qu'attache

à ces mots la classe ouvrière, leur signification est la suivante : C'est

comme ça, sinon va te faire foutre; c'est ainsi. »

DE LA MALADIE DES TICS. 21

' Mais en plus de ces exclamations franchement articulées et asso-

ciées aux mouvements convulsifs, Ma... est coprolalique, dans le

vrai sens ordurier. Ainsi, elle prononce, à la suite les uns des

autres, les mots : puto, puto de bido, salopo, macarelo', seulement

elle les dit tout bas, comme si elle était honteuse de son action, et

avec cette particularité que, dans ces moments, elle garde le repos

le plus complet.

Echolalie. - L'écholalie est caractérisée par la répétition de cer-

taines expressions usuelles, telles : Adicias atal pla3. Le phénomène

se produit surtout lorsque la malade est fatiguée ou au cours d'une

conversation. Si, dans ces moments, quelqu'un vient à passer et

lui adresse lesdits mots, ou bien que ces paroles mettent fin à l'en-

tretien, elle les répète involontairement à plusieurs reprises. ?

Chez Ma..., l'écholalie est aussi visuelle. Si un objet attire son

regard, elle prononce, mais à voix basse, comme un enfant émer-

veillé, étonné, le nom qui sert à désigner l'objet. Ainsi, se trou-

vant dans notre cabinet, frappée de voir un tas de journaux, elle

se met à dire : Que de papiers ! que de papiers ! Un autre jour,

apercevant de la bière, elle répète plusieurs fois : De la bière ! de

la bière ! .

Echocinésie. L'échocinésie se manifeste seulement pour les

mouvements convulsifs que la malade présente. Dans les moments

de calme, on peut faire apparaître les contractions musculaires par

la projection du bras droit sur l'abdomen ou en frappant avec le

pied le sol. Cette suggestion à reproduire les mouvements qui

simulent ceux qu'elle exécute naturellement offre cette particularité

que, même dans ces conditions, il y a émission des mots : Pardi et

voilà, hé ! ho !

Troubles psychiques. Les troubles psychiques ressortissent à

la maladie du doute. Ils s'observent pour les choses les plus usuelles

de la vie. Si elle met un objet en place, elle le déplacera plusieurs

fois pour s'assurer que c'est bien là où il doit être posé; si elle vient

de jeter une lettre à la poste, elle se retournera trois, quatre fois,

pour voir si la lettre ne serait pas tombée à terre; si on lui donne

quelques sous, elle les tiendra dans la main, les examinera à plu-

sieurs reprises, pensant y trouver une pièce blanche. ; -

" Ce tic de la pensée est surtout mis en évidence lorsqu'il se rap-

porte à une attention qui la concerne. Ainsi, Ma... use de tabac à ?

priser. Si une connaissance lui offre une prise, elle l'accepte, la

porte à son nez, fait semblant d'aspirer, se gardant bien d'intro-

duire la moindre parcelle de tabac; puis, portant la main derrière.

' « Putain, putain de vie, salope, maquerelle. »

« Bonjour. » ' "

- De la sorte, ça va bien. » ,... . 1 .

22 PATHOLOGIE NERVEUSE.

le dos, elle le répand à terre. Interrogée sur les motifs qui la font

agir de la sorte, elle répond qu'elle redoute une mauvaise plaisan-

terie, alors que jamais rien de semblable ne lui est arrivé. Il con-

vient d'ajouter que Ma... a un faible pour le tabac à priser; c'est

là son péché mignon, et même la tabatière vide, sans un centime

dans les poches pour en acheter, elle ne modifie en rien sa manière

de faire.

En fait d'obsessions, le seul détail à noter est le suivant : Si elle

a l'habitude de passer par une rue pour regagner son domicile ou

s'en éloigner, on ne peut l'en détourner; néanmoins, une fois qu'elle

est à une certaine distance de son habitation, elle parcourt indiffé-

remment les rues de la ville.

Cette observation est un cas typique de la maladie des tics.

On y retrouve tous les caractères nosographiques assignés à

cette affection. Certains points, cependant, méritent de nous

arrêter. Tout d'abord, Ma... ne relève pas de l'hérédité simi-

laire, directe; sa mère, son père ne sont pas des tiqueux. Ce

serait, en effet; aller un peu loin que d'admettre que les habi-

tants des bords de la mer sont tous des tiqueux, ou bien por-

tent en eux les germes de la maladie.

L'hérédité de transformation serait-elle en cause ? La mère

a des douleurs rhumatismales, un oncle est mort paralysé, un

autre a perdu une fille hydropique; évidemment, l'arthritisme

est là représenté. Mais, les frères, les soeurs de la malade

jouissent d'une santé excellente, ont des enfants magnifiques.

Ce sont là des considérations dont il est impossible de ne pas

tenir compte. Du côté du père, si les renseignements man-

quent pour les ascendants et les collatéraux, nous trouvons un

facteur d'une réelle importance, l'alcoolisme ; seulement, ces

habitudes d'intempérance, il ne les a pas eues toujours. C'est

vers trente-six, trente-huit ans, à la suite de mauvaises rela-

tions, qu'il s'est adonné aux liqueurs fortes. Or, à cette époque,

les frères, les soeurs de Ma... étaient nés, tandis que sa nais-

sance à elle est postérieure de quatre à cinq ans à la contracta-

tion du vice paternel. Voilà qui explique comment ses frères,

ses soeurs sont parfaitement développés, bien portants, alors

qu'elle seule a été victime de l'inconduite du père. D'ailleurs,

l'alcoolisme du père a laissé sur l'enfant une marque indélé-

bile. Malgré ses quarante-trois ans, Ala... est restée, petite,

chétive; c'est à peine si elle mesure la taille d'une jeune fille

d'une dizaine d'années. Or, de toutes les manifestations de

l'alcoolisme chez les descendants, le défaut de développement

DE LA MALADIE DES TICS. 23

physique en est regardé comme la tache originelle. En consé-

quence, il est légitime de rapporter ce cas de maladie des tics

àl'hérédité de transformation, représentée ici par l'alcoolisme.

Une autre particularité concerne la coprolalie qui se manifeste

sous deux formes absolument distinctes. Tantôt les paroles

ordurières sont associées aux mouvements convulsifs, et leur

émission se fait d'une voix stridente, tantôt elles sont pronon-

cées pendant le repos et dites à voix basse.

Ce dernier mode de coprolalie coexistant avec les exclama-

tions nettement articulées à haute voix, est des plus rares ; à

notre connaissance, il n'aurait pas été encore mentionné. La

seule observation qui pourrait être rapprochée de la nôtre, est

celle de M. Pitres, rapportée par M. Gilles de la Tourette,

encore l'analogie n'est-elle qu'apparente. Ainsi a en présence

d'une personne étrangère, 111"° X... étouffait les sons en ser-

rant convulsivement les lèvres, et on n'entendait qu'un gro-

gnement indistinct. Dès qu'elle se trouvait libre, elle profé-

rait, avec une abondance inaccoutumée, les paroles grossières;

même dans ces conditions, le grognement était accompagné de

secousses convulsives B. Il nous suffira de faire observer que

chez M... l'émission à voix basse se fait sans la moindre rete-

nue ; il ne s'agit pas de grognement, mais de paroles parfaite-

ment articulées; enfin, elles sont prononcées en dehors de toute

secousse musculaire.

Pareille remarque mérite d'être faite pour l'écholalie qui se

produit à haute voix, ou bien a lieu à voix basse. Ce dernier

mode caractériserait l'écholalie visuelle, tandis que le premier

serait propre à l'écholalie auditive. Chez Ma..., l'un et l'autre

ne sont nullement associés aux mouvements convulsifs.

Quant à l'échocinésie, les conditions dans lesquelles elle sur-

vient, les circonstances qui l'accompagnent, démontrent d'une

façon péremptoire que les expressions coprolaliques haute-

ment articulées, sont étroitement liées aux secousses muscu-

laires.

En dernier lieu, la manière dont s'effectue le mouvement

du membre inférieur soulève quelques remarques. Ce mouve-

ment a été comparé à un tressautement, c'est-à-dire à une con-

traction brusque qui, dans l'espèce, aurait pour résultat de

fléchir la cuisse sur le bassin.

Cette comparaison donne une très bonne idée de l'acte,

' G. de la Tourette. Archives de Neurologie, vol. IX, n° 2v, p. il.

II PATHOLOGIE NERVEUSE.

mais, dans le cas actuel, n'est pas exaète. En effet, elle laisse

entendre, que la contraction accomplie, le membre, aussitôt,

est ramené à sa position première, en vertu de la détente mus-

culaire par les seules lois de la pesanteur. Chez Ma... il n'en

est pas ainsi. La déflexion se produit bien, mais elle s'accom-

pagne de la mise en jeu de certains muscles. Il suffit, à cet

égard, de jeter les yeux sur le tracé suivant, obtenu par la

fixation du tambour, sur le mollet (Aq. 3). La ligne d'ascen-

sion est tellement brusque, qu'elle manifeste d'une manière

évidente la contraction énergique des gastrocnémiens. D'ail-

leurs, si l'on examine attentivement la jambe de la malade au

moment où le choc a lieu, on constate, non seulement que le

pied en extension frappe avec violence le sol, ce qui déjà ne se

concilie guère avec la théorie d'un organe ramené à sa posi-

tion première, en vertu de la détente musculaire, mais, en

outre, qu'il est porté légèrement en avant, c'est-à-dire qu'il ne

retombe pas à la place qu'il occupait primitivement, et que son

bord externe est relevé, la pointe tournée en dehors, simulant

Fig. 3. Inscription de la contraction des gastrocnémiens. L'ascension

est tout d'abord saccadée, puis brusque, de même la descente à

laquelle fait suite une nouvelle contraction moins étendue, qui se

transforme presque aussitôt en ligne ondulée. Ce dernier état de

la contraction répond à la position du pied en valgus équin.

DE LA MALADIE DES TICS. 25

ainsi un commencement de valgus équin. Or, une pareille

position du membre ne peut être obtenue que par la contrac-

tion du triceps fémoral, d'une part, et par la participation des

jumeaux et des péroniers, d'autre part.

Observation IV. z V..., douze ans et demi.

Antécédents héréditaires. Du côté du père, le bisaïeul paternel

est mort à quatre-vingt-six ans, ayant donné le jour à huit enfants,

sept garçons et une fille ; six sont vivants, y compris le grand-père

paternel de J..., actuellement âgé de soixante-dix-sept ans. Ce der-

nier a eu sept enfants : cinq sont morts en bas âge, entre trois et

quatre ans; des deux autres, l'un. est mort aliéné; le. second, le

père de la malade, est âgé. de quarante-un ans. Bisaieul mater-

nel, mort à un âge avancé, renommé par ses excentricités; il a eu

sept enfants : six sont morts après soixante-dix ans, dont un de

paralysie; tous étaient des coléreux, des originaux; le septième, la

grand'mère paternelle de J..., est âgée de soixante-dix-sept ans;

apathique, hémiplégique depuis trois ans.

Du côté de la mère, le bisaïeul paternel est mort jeune, d'une

attaque d'apoplexie, laissant trois enfants : deux sont morts para-

lysés; l'un à soixante ans, l'autre à cinquante-cinq ans; le troisième,

le grand-père maternel de la malade, est àgé de soixante-trois

ans et vient d'être frappé d'hémiplégie. Il a eu six enfants : un garez z

çon et cinq filles; deux sont morts, l'un à vingt-deux ans, poitri-

naire, l'autre en bas âge, du croup. Des quatre survivants, le fils,

militaire, est âgé de vingt-quatre ans; des trois soeurs, l'une, est

âgée de vingt-cinq ans, anémique, très nerveuse, mais sans attaques

convulsives; une autre a trente-six ans, bien portante; la troisième,

la mère de J..., est âgée de trente-un ans Bisaïeul maternel

âgé de quatre-vingt-huit ans, bonne santé, a eu une fille, la grand'-

mère maternelle de l'enfant, âgée de cinquante-sept ans, très ner-

veuse, sujette autrefois à des attaques convulsives qui ont disparu

depuis le retour d'âge.

Le père deJ... exerce laprofession de représentant de commerce.

Dans ses antécédents on relève la syphilis à l'âge de dix-sept ans.

Constitution vigoureuse, caractère difficile, emporté, original dans

ses idées et la manière de se vêtir. Au point de vue mental, un

exalté, mais s'acquittant à la satisfaction de ses patrons des intérêts

qui lui sont confiés. l'as de rhumatisme, n'a jamais fait d'excès de

boissons. Marié en secondes noces, il a épousé deux soeurs; sa pre-

mière femme est morte de tuberculose pulmonaire à vingt-deux

ans, ne laissant pas d'enfants.

La mère est une personne de taille moyenne, bien conformée,

sait lire, écrire, a été réglée à douze ans. Mariée à dix-sept ans et

demi, elle a eu J... au bout d'un au de. mariage; trois ans après,

26 PATHOLOGIE NERVEUSE.

seconde grossesse, elle donne naissance à une autre fille, âgée

aujourd'hui de neuf ans et demi, lymphatique, nerveuse. Dans les

antécédents, on ne note aucune maladie sérieuse; pas d'attaques

de nerfs, pas de stigmates hystériques, mais on relève certaine

manie caractérisée par la flexion et l'extension alternative des

- dernières phalanges, tantôt des mains, tantôt des pieds. Bien que

les mouvements s'exécutent inconsciemment, ils restent soumis à

l'action de la volonté; pour les réprimer, il suffit que l'attention

soit portée sur eux.

Antécédents personnels et histoire de la maladie. Fluxion de

poitrine à l'âge de deux ans et demi qui a laissé une toux sèche,

nerveuse; à quatre ans, rougeole; pas de convulsions, pas de rhu-

matisme. Agée de six ans, J... est assise près d'une croisée, lors-

qu'un cheval vient s'abattre à ses pieds. Grande frayeur, l'enfant

reste agitée toute la journée; au milieu de la nuit, elle se dresse

sur son séant, se met à pousser des cris d'effroi et voit devant elle

le cheval. La crise hallucinatoire dura environ un quart d'heure.

Quelques jours après, les mouvements apparurent. D'abord, limités

au bras droit, ils ont envahi la face, les autres membres et le tronc.

Leur extension aurait été occasionnée par de nouvelles frayeurs

survenues dans les circonstances suivantes :

En 1887, se trouvant avec sa mère à une procession organisée à

l'occasion d'une mission, un orage épouvantable éclate; J... est telle-

ment impressionnée qu'elle reste une dizaine de minutes sans pou-

voir prononcer une parole. En 1890, le 14 juillet, elle était descendue

à la cave chercher du vin, lorsqu'une fusée pénètre par le soupirail

et fait explosion. L'émotion est telle que l'enfant est plusieurs

heures à trembler de tous ses membres. C'est à la suite de ce der-

nier incident que les mouvements se sont généralisés aux membres

inférieurs et au tronc.

Etat actuel. - Jeune fille, suffisamment développée pour son âge;

face légèrement asymétrique, l'hémiatrophie porte sur le côté

droit; tous les organes fonctionnent bien; le coeur, les poumons

ne présentent pas de signe d'une lésion quelconque. Non encore

réglée. L'état mental n'offre aucune particularité; pas d'idées

bizarres; pas d'idées fixes, sait lire, écrire. Caractère doux, tran-

quille.

La recherche des stigmates-hystériques donne les résultats sui-

vants : rétrécissement concentrique du champ visuel de l'oeil droit;

ouïe, goût, odorat diminués à droite; il en est de même des divers

modes de la sensibilité. Sens musculaire légèrement obtus de ce

côté ; la main apprécie imparfaitement la forme des objets. Réflexes

pharyngien et conjonctival abolis; -force musculaire conservée à

gauche, très diminuée à droite.

Description des mouvements . Les mouvements sont partiels ou

généralisés, partiels ils sont limités à la face et au bras droit; géné-

DE LA MALADIE DES TICS. 27

ralisés, ils occupent la tête, les membres et le tronc; ces derniers

sont de beaucoup les plus fréquents, aussi nous les considérerons

dans les diverses positions prises par la malade, à l'exclusion des

premiers dont la seule particularité est d'être localisés.

Assise sur une chaise, les mouvements peuvent être ramenés à

. trois temps. ier temps : Les globes oculaires sont portés en haut,

déviés à gauche, le front se ride, les sourcils se froncent, la tête

subit un mouvement de torsion de droite à gauche; 2e temps :

Clignement brusque des yeux, flexion de la tête sur l'épaule droite,

qui s'élève en même temps que le bras de ce côté demi-fléchi est

appliqué sur la poitrine; flexion de la jambe droite, dont le pied

frappe le barreau de la chaise ; 3° temps : La tête est ramenée

brusquement de droite à gauche; elle exécute un mouvement com-

plet de latéralité; fléchie qu'elle était sur l'épaule droite, elle se

met en flexion sur l'épaule gauche, qui s'élève à son tour; le bras

gauche demi-fléchi est porté sur la poitrine ; le membre inférieur de

ce côté est placé en adduction, le pied gauche s'appliquant contre

le droit; enfin, des mouvements de latéralité du tronc en tout point

comparables à ceux que provoquerait une sensation de démangeai-

son dans le dos, terminent cette série de contractions. Parfois, le

mouvement convulsif est précéd de la projection de la langue hors

de la bouche, ou encore de grimaces dues à la mise en jeu des mus-

cles grand et petit zygomatiques et des dilatateurs de l'aile du nez.

Assise à terre, les jambes étendues, les mouvements restent les

mêmes pour la face, les membres supérieurs et le tronc, mais la

jambe droite se met en flexion (position du tailleur assis sur son

établi), et chaque secousse musculaire détermine le soulèvement et

la projection dn tronc en avant, de sorte qu'à la fin de chaque con-

traction la malade retombe lourdement sur son siège.

Etendue à terre de tout son long, les seules particularités portent

sur la tête et les épaules qui sont détachées du sol à chaque mouve-

ment convulsif.

Dans la station debout, en plus des contractions de la tête et des

membres supérieurs, on observe une légère flexion de la cuisse sur

l'abdomen et de la jambe sur la cuisse; puis, le pied est ramené à

terre, mais sans phénomène de choc. En outre, pendant que la

jambe droite est ainsi fléchie, la jambe gauche, sur laquelle repose

la malade, est le siège de contractions intermittentes qui ont pour

effet de détacher le talon du sol ; aussi, durant ces secousses, tout

le poids du corps porte sur la pointe du pied gauche.

En marche, les mouvements sont ceux de la station debout; mais

toutes les fois qu'ils se produisent, la malade saute à cloche-pied sur

la jambe gauche.

Comme nombre, les mouvements sont très variables. Sous l'in-

fluence de l'émotion ou de la fatigue, on notera 10, 12 secousses

musculaires généralisées par minute ; par contre, si l'attention est

28 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tenue en éveil, il s'écoulera vingt, trente secondes entre deux con-

tractions consécutives. Ils se manifestent par accès à intervalles irré-

guliers ; tantôt on constatera un repos d'une ou plusieurs minutes,

tantôt la période d'accalmie sera seulement de quelques secondes.

Ils s'exécutent avec une certaine rapidité, mais, d'une manière

générale, on ne saurait les comparer une décharge électrique. Ce

caractère ne s'observe guère que pour les contractions qui inaugurent

la sériation des divers actes musculaires composant un mouvement

généralisé. Bien que très atténués, ils persistent pendant le som-

meil, notamment pour le bras droit qui reste agité de légères se-

cousses musculaires; enfin, ils durent depuis six ans sans qu'ils aient

jamais complètement disparu; les parents ont bien noté deux

périodes de calme relatif, chacune de quelques semaines de durée,

mais, même dans ces moments, la- face et le membre supérieur

droit étaient le siège de contractions.

La coprolalie, l'échocinésie, les troubles psychiques font défaut;

l'écholalie existe et se manifeste principalement le soir, dans les

quelques heures qui précèdent le coucher. La répétition porte sur

des mots formés d'un petit nombre de syllabes : oui, non, boire.

Elle est de date récente, remonte à peine à quelques mois.

Tels sont les symptômes qu'il convient maintenant d'inter-

préter. Si l'on fait abstraction des phénomènes d'écholalie,

l'appareil symptomatique se trouve ramené à des mouvements

étendus à tout le corps, dont le propre est d'échapper à l'ac-

tion de la volonté. Lorsque les mouvements involontaires sont

ainsi généralisés, de prime abord on est porté à songer à la

chorée. Cependant, à un examen détaillé, aucune des qualités

des contractions ne justifie cette opinion.

Les caractères inhérents aux mouvements choréiques sont :

la lenteur, le défaut de coordination, la permanence. La len-

teur se traduit par des gesticulations peu étendues, ondulées

si on peut dire, par conséquent placées à l'opposé du type

convulsif; le défaut de coordination est tiré de ce que les con-

tractions ne répondent à aucun acte physiologique ; elles. sont

illogiques, aussi prêtent-elles au rire. La permanence indique

que les mouvements se produisent sans trêve ni repos, du

moins à l'état de veille. Cette permanence des mouvements

peut fournir dans l'espèce un signe' d'une certaine valeur, qui

est tiré de l'écriture. Malgré toute son attention, les pleins et

les déliés que trace le choréique, trahissent les contorsions

dont le membre est agité. '

A ces signes extérieurs s'ajoutent ceux emprumtés à l'héré-

dité, au début et à l'évolution de la maladie. ,

DE LA MALADIE DES TICS. 9

La chorée, le plus habituellement, se réclame du rhuma-

big. 4. La contraction n'offre pas la rapidité de la secousse musculaire;

elle s'accomplit cependant dans un temps relativement court (1 sec. 1/2),

et .sans saccades.

Fig. 5. La contraction, au début, simule l'explosion d'une décharge

électrique, mais aussitôt elle s'éternise, rappelle le muscle en état de

tétanie, et prend fin d'une manière progressive par saccades. ,

Fig, 6, 7. La contraction, au début et à la fin, est l'analogue de la

secousse musculaire, mais les lignes d'ascension et de descente sont

séparées par un plateau plus ou moins accidenté.

DE LA MALADIE DES TICS.' 31

tisme ou de l'hystérie; parfois, de ces deux facteurs à la fois.

Son début est marqué par des modifications du caractère, par

un affaiblissement momentané des facultés intellectuelles ; sa

durée est de deux à quatre mois chez l'enfant, exceptionnel-

lement, elle est chronique et les cas où elle a duré un temps

plus long se rapportent à des malades dont les accès choréiques

étaient entrecoupés par des périodes de calme absolu.

Si de ces particularités nous rapprochons les traits essen-

tiels à notre malade, nous trouvons entre eux une opposition

absolue. Chez J..., le mouvement, sans avoir la rapidité de

l'éclair, présente une certaine brusquerie ; sur le tracé, la

ligne d'ascension est presque verticale, de même, la ligne de

descente (fig. 4) ; les ondulations ne s'observent que tout à

fait à la fin de la contraction, - c'est là l'exception, (fig. 5),

ou bien pendant sa durée, et alors on constate une ligne en

plateau, légèrement accidentée, qui rappelle la contraction du

muscle en état de tétanie (fig. 6, 7); enfin, pour les muscles

du cou, le tracé simule l'explosion d'une décharge électrique

((ig. 8).

Comme étendue, les mouvements ne sont pas limités à un

Fig. 8. - Inscription des muscles du cou, lorsque la tête est fléchie sur

l'épaule droite. La durée de la contraction est à peine d'un quart de

seconde. ' .

32 U2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

segment de membre, mais au membre tout entier. De plus, ils

sont systématisés, c'est-à-dire invariables, stéréotypés en

quelque sorte, se reproduisant toujours de la

même façon, qu'ils soient partiels ou généralisés.

Le défaut de coordination n'existe pas ; pour

si limité que soit le mouvement, il répond tou-

jours à un acte physiologique. Ainsi, le fron-

cement des sourcils, l'occlusion des paupières,

la flexion de la tête sur les épaules, la projec-

tion du bras sur la poitrine, le sautillement,

les mouvements de latéralité du tronc sont tout

autant de contractions qui ne diffèrent de l'acte

physiologique que parce qu'elles ne sont pas

voulues, et que les sensations qui leur donnent

naissance sont absentes.

Un autre trait caractéristique est tiré de la

non permanence des mouvements. Pour si agi-

tée que soit la malade, elle reste toujours quel-

ques secondes sans présenter la moindre con-

traction ; aussi, dans ces intervalles de repos,

écrit-elle très lisiblement, et les lettres qu'elle

forme n'offrent pas trace d'irrégularité. Que

l'on compare l'écriture de J... et cette autre

d'une jeune choréique, et toute hésitation sera

levée (fit. 9, 10).

Pareillement, si eue ni, cause ou reçue, i articulation ues

mots reste distincte ; son débit, à l'inverse de celui du èho-

réique, n'est pas plus précipité à un moment qu'à un autre.

Au point de vue de l'hérédité, si on relève des hystériques

FIg. 10. Fac-similé de l'écriture d'une jeune cho-

réique (hystérique), dont le trouble fonctionnel dispa-

rut en quarante-huit heures. -Cette malade, atteinte

de chorée manifeste depuis quelques semaines, nous

avait été adressée pour suivre un traitement thermal

par notre excellent confrère, M. le Par Fort, de Car-

bonne. '

..... » .... 1 .. 1

DE LA MALADIE DES TICS. 33

parmi les ascendants, on est tenu de reconnaître que les cé-

rébraux occupent le premier rang. Pour un hystérique, nous

trouvons un dément, six paralytiques, sans compter les origi-

naux ; par contre, pas le moindre rhumatisant.

Quant au début et à la durée de l'affection, il y a lieu de

faire observer que la maladie n'a pas été précédée de troubles

de l'intelligence ni de modifications dans le caractère, et que

les mouvements persistent depuis six ans sans avoir jamais

complètement disparu. Voilà donc tout autant de dissem-

blances parfaitement tranchées, qui autorisent à repousser

le diagnostic de chorée vulgaire ou de chorée de Sydenham.

Convient-il d'attribuer les mouvements de J... à l'hystérie,

et par suite de les considérer comme des spasmes hystériques ?

Ici, cette hypothèse a pour elle la nature du terrain sur lequel

l'affection s'est développée.

Chez la malade, en effet, l'hystérie est manifeste; elle

résulte de la constatation des stigmates; au besoin, de cette

toux brève, non accompagnée d'expectoration ni de lésion

pulmonaire, survenue à l'âge de deux ans et demi, à la suite

d'une fluxion de poitrine. Elle s'étaie encore sur les antécé-

dents de la grand'mère maternelle qui, jusqu'à la ménopause,

a eu des attaques convulsives fréquentes. Mais, de ce que la

malade est une hystérique, il ne s'ensuit pas que les mouve-

ments qu'elle présente doivent être rapportés fatalement à

l'hystérie ; c'est simplement une présomption. Pour conclure

à des spasmes hystériques, il faut que nous retrouvions en

eux les caractères assignés aux mouvements spasmodiques de

cette nature.

De ces caractères, celui qui sans contredit offre un intérêt

de premier ordre, c'est l'uniformité, la cadence avec laquelle

ils se produisent. Qu'ils surviennent sous forme d'accès ou

se montrent pendant un temps plus long, les intervalles qui

séparent les contractions sont toujours régulièrement espacés.

De plus, les spasmes hystériques cessent habituellement

pendant le sommeil ; ils peuvent être modifiés ou suspendus

par les changements de position, par la pression d'une zone

spasmo-frénatrice; ils s'observent le plus souvent après la

puberté, ce n'est que très exceptionnellement qu'on les ren-

contre dans le jeune âge; enfin, ils apparaissent à la suite

d'une frayeur ou d'un traumatisme ; mais, de même que

Aucune, t. XXV, 3

34 R.&TFIOLOGIE . NERVEUSE. z

l'émotion leur adonné naissance, de, même elle peut les faire

disparaître, tout comme un traitement approprié. Or, tous ces

caractères manquent dans notre cas.

D'abord, les.mouvements ne sont pas uniformes; ils sont

tantôt généralisés, tantôt plus ou moins localisés ; les inter-

valles qui séparent deux contractions sont des plus variables ';

en outre, ils persistent bien qu'atténués pendant le sommeil;

les changements d'attitude ne les font pas disparaître momen-

tanément ni n'exercent sur eux la moindre modification ; leur

apparition remonte à l'âge de six ans, à la suite d'une vive

frayeur il est vrai, mais, depuis, la malade a éprouvé deux

autres émotions non moins vives, et les mouvements au lieu

de disparaître pu simplement de s'atténuer n'ont fait que s'ac-

cuser. Enfin, voilà six mois que J... est soumise aux prépara-

tions ferrugineuses, fait de l'hydrothérapie, et son état ne s'est

nullement amélioré. Le seul bénéfice du traitement a porté

1 Les' deux tracés suivants permettent de se faire une idée très juste

des dissemblances fondamentales qui existent entre les spasmes hysté-

riques et les contractions propres à la maladie des tics : l'un est em-

prunté à l'ouvrage de : lL le professeur Pitres, à l'obligeance duquel nous

devons de pouvoir le reproduire; i autre a ete pris sur notre malade. De

la comparaison de ces deux graphiques, il ressort que dans les spasmes

hystériques les secousses musculaires présentent une amplitude uniforme,

se reproduisent à des intervalles équidistants, en un mot, s'accomplissent

avec une harmonie parfaite. Dans la maladie des tics, au contraire, le

rythme n'existe pas, les contractions ne présentent ni uniformité ni

cadence.

' Ti. 11. - lnscriplou eles muuvemeuts Jes musclca Ju cuu dc 1'ctorinc l'...

pendant les accès de hoquet. (Pitres, t. 1. p. 313.)

fin. 12. - Inscription des mouvements du bras droit de J... V.

36 PATHOLOGIE NERVEUSE.

sur les stigmates hystériques ; la force musculaire est rede-

venue à peu près égale des deux côtés ; les divers modes de la

sensibilité ont été récupérés. Quant aux troubles sensoriels,

ils restent ce qu'ils étaient avant. En conséquence, on est en

droit de conclure que les mouvements ne relèvent pas de

l'hystérie, bien que la malade soit une hystérique.

Si on envisage, au contraire, la maladie des tics, on n'a pas

de peine à reconnaître que la plupart des symptômes pré-

sentés par J... rentrent dans le cadre nosographique qui a été

tracé de cette affection. Quelques-uns cependant manquent

au tableau; mais de ce que, dans un cas donné, on ne retrouve

pas tous les éléments constitutifs de la maladie, ce n'est pas

une raison suffisante pour laisser le diagnostic en suspens,

surtout lorsque les symptômes observés ne concordent avec

ceux d'aucune autre affection. D'ailleurs, les caractères qui

font défaut sont loin d'être constants et univoques ; leur

absence a été signalée dans un certain nombre d'observations,

comme on a relevé leur présence dans des cas où la maladie

des tics n'était pas en cause.

La maladie des tics convulsifs, telle qu'elle a été décrite par

MM. J.-M. Charcot, Gilles de la Tourette et G. Guinon, peut

être définie de la sorte : affection héréditaire, produit de la

vésanie, très tenace, survenant dans le jeune âge à la suite

d'un traumatisme ou d'une vive émotion, caractérisée par des

mouvements involontaires avec troubles divers du système

nerveux.

Les mouvements, d'abord limités, se généralisent et peuvent

s'accompagner de soubresauts du membre inférieur; ils sont

systématisés, se produisent par accès, sans le moindre rythme,

avec l'a rapidité de l'éclair.

Les troubles nerveux consistent dans l'émission involontaire

de paroles ordurières (coprolalie), dans la répétition automa-

tique de mots ou de bruils (écholalie), de signes (échocinésie),

et dans des troubles psychiques tels qu'idées fixes, délire du

doute.

Or, ces divers caractères, à l'exception de la plupart de ceux

afférents aux troubles nerveux qui manquent en partie, se

retrouvent chez la malade.

L'hérédité, produit de la vésanie, résulte des déments, des

paralytiques , des originaux qui figurent au nombre des

' Pour les lésions en foyer du cerveau qui, selon toute vraisemblance.

DE LA MALADIE DES TICS. 37 7

ascendants; elle est affirmée par l'asymétrie de la face. La

ténacité de l'affection est mise en évidence par la longue période

écoulée depuis le début de la maladie. L'apparition des mou-

vements à l'âge de six ans, les circonstances qui ont précédé

leur manifestation témoignent que l'affection est survenue

dans le jeune âge, à la suite d'une vive émotion. Dans le prin-

cipe, les contractions musculaires ont occupé le bras droit, la

face, puis se sont étendues aux autres membres et au tronc ;

voilà qui est d'accord avec la marche envahissante de la ma-

ladie. Les mouvements se reproduisent à des intervalles irré-

guliers, surviennent par accès, s'accompagnent de tressaute-

ment des membres inférieurs, reconnaissent constamment

la mise en jeu des mêmes muscles, ce sont là encore tout

autant de caractères propres aux tics convulsifs. Quant à la

rapidité des mouvements, elle n'est pas ici tout à fait compa-

rable à la décharge d'une étincelle électrique; la contraction,

au début, offre bien cette analogie, mais ensuite, le plus sou-

vent, elle s'éternise, si on peut dire, et ne reprend ce premier

caractère que lorsqu'elle touche à sa fin, ou bien s'éteint gra-

duellement par des secousses de moins en moins accusées.

Aussi, à ce point de vue, la malade s'éloigne du type décrit

ont amené les paralysies, tant du côté paternel que du côté maternel,

il n'est guère possible de ne pas en tenir compte, bien qu'elles n'aient pas

encore pris rang au nombre des tares dont se réclament les affections

neuropathiques. Ainsi, dans le cas actuel, pour un dément nous trouvons

six paralytiques. Cette proportion n'est-elle pas un enseignement ? D'ailleurs

dans les trois autres observations, nous voyons la paralysie par lésion*

cérébrale figurer constamment au nombre des antécédents héréditaires !

Dans l'observation I, elle constitue même le seul antécédent patholo-

gique ; dans l'observation II, elle est notée deux fois; dans l'observa-

tion III, on la relève chez un oncle du côté paternel. Et puis, pourquoi

ne pas prendre en considération les lésions en foyer alors que l'on ac-

cueille volontiers les cas de paralysie piogressive. Certainement, dans

les deux maladies, le processus morbide n'est pas le même, puisque, d'une

part, l'altération vasculaire est primitive, tandis que, d'autre part elle est

consécutive à la dégénérescence des cellules nerveuses; mais est-ce que

dans l'une et l'autre affection les émotions psychiques ne tiennent pas le

premier rang dans les commémoratifs des malades ? Que si l'on objecte

la banalité de la lésion, n'est-il pas permis d'opposer la fréquence reconnue

de la tuberculose et de l'arthritisme qui, cependant, sont considérés comme

deux des principaux facteurs des maladies nerveuses; et si l'on admet

l'efficacité de la diathèse, pourquoi frapper d'ostracisme l'accident qui en

est une des manifestations ? Dès lors la lésion, tout comme la diathèse

qui lui a donné naissance, doit entraîner pour les descendants les mêmes

conséquences étiologiques... *

38 PATHOLOGIE NERVEUSE.

par M. Charcot des mouvements des tiqueux et se rapproche

plutôt de celui donné par M. Pitres i qui admet que dans la

maladie des tics, « les contractions sont lentes, graduelles,

progressives 2 ».

Arrivons aux troubles du système nerveux. Dans notre cas,

l'écholalie seule est manifeste. Quelle est la valeur de ce

signe ? Pour M. Charcot, l'écholalie se trouve seulement dans

les tics 1. Pour M. Guinon, au contraire, elle s'observe aussi

bien chez les tiqueux que chez les hystériques'.

Si l'on consulte les cas de spasmes respiratoires, compliqués

d'émission involontaire de mots, notamment les observations

rapportées dans l'ouvrage de M. Pitres 6, on constate que l'é-

cholalie, chez les hystériques, est caractérisée par la répéti-

tion de mots presque toujours les mêmes, prononcés constam-

ment à intervalles réguliers, et que le plus souvent l'articulation

en est peu marquée. Ainsi, le malade de Bright répétait inces-

samment hélas ! hélas ! celui d'Ahercombrie, échum ; celui de

Galvagni, ba. En analysant le mode d'émission de ces mots,

on reconnaît qu'à leur production, les mouvements des lèvres,

de la langue prennent une faible part, tandis que le mode

d'expiration y joue un rôle prépondérant. Quant aux excla-

mations franchement articulées, telles : cochon, cochon (Obs.

de M. Chairou), té voilà ! té voilà ! (Obs. de M. Pitres), il y a

lieu de remarquer que, dans ces deux cas, tout mouvement

volontaire faisait défaut, et. d'ailleurs, l'écholalie portait inva-

riablement sur le même mot. Voilà donc des caractères qui

n'appartiennent pas à la maladie des tics, dont le propre de

L'écholalie est de porter sur des mots nettement articulés, qui

peuvent changer suivant les moments et les circonstances, et

dont l'émission se produit à intervalles très irréguliers. Ainsi

' A. Pitres. - Leçons cliniques sur l'hystérie et l'hypnotisme, t. I,

p. 318.

2 De ces deux opinions de concevoir la qualité du mouvement chez les

tiqueux, nous croyons la première plus conforme à la 3rénérallté des faits;

c'est elle qui est représentée dans les trois premières observations; si

pour cette autre malade les mouvements présentent le plus habituellement

une lenteur relative, il n'en n'est pas moins vrai que parfois la compa-

raison avec l'explosion d'une décharge électrique leur est applicable.

3 J.-M. Charcot. Semaine médicale, 6' année, n° 37, p. 364, et

Archives de Neurologie, vol. XXIII, n 67, p. 83.

' G. Guinon. Revue de médecine, 7° année, n° 6, p. 511 .

'A.Pitres, loc. cit., p. 33, 351.

DE LA MALADIE DES TICS. 39

compris, ce signe a une valeur de premier ordre, et sa présence

chez la malade confirme le diagnostic de maladie des tics.

La coprolalie n'existe pas chez J... Toutefois, une distinc-

tion est nécessaire. Si par ce terme on entend l'émission invo-

lontaire de paroles ordurières, accompagnant le plus souvent

le mouvement convulsif, certainement ce trouble du système

nerveux fait défaut chez la malade. Mais si on étend sa' signi-

fication jusqu'à faire rentrer dans la coprolalie l'émission écla-

tante et successive de mots grossiers, se produisant seule-

ment dans des moments d'agacement', alors, J... est

manifestement coprolalique. Enervée par sa jeune soeur, les

parents ont noté qu'elle prononçait à deux ou trois reprises

consécutives et sur un timbre éclatant le mot de Cambronne.

Cependant, la fillette est d'une certaine retenue, et dans son

entourage, elle n'est pas habituée à entendre des expressions

pareilles. Dès lors, que conclure ? Ici encore, l'hésitation n'est

pas permise. Pour nous, J... ne présente pas ce phénomène;

car à étendre ainsi la signification du terme coprolalie, peu

d'enfants, même appartenant à une certaine classe de la so-

ciété, échapperaient à ce trouble.

Pareille restriction doit être apportée aux tics de la pensée

qui sont si peu accusés chez la malade, que nous avons cru

devoir les passer sous silence. Il lui arrive bien de regarder à

plusieurs reprises sous son lit pour voir si quelqu'un ne s'y

trouverait pas caché, ou encore de s'assurer si la porte de

l'appartement est réellement fermée ,alors qu'elle vient, quel-

ques instants avant, de donner un tour de clef; mais on ne

saurait considérer ces allées et venues comme des obsessions

pathologiques, et dans leur appréciation, il convient de faire

la part de l'âge.

Au résumé, de cette discussion des caractères propres à la,

chorée, aux spasmes hystériques et à la maladie des tics, il

résulte que J... est atteinte de cette dernière affection. C'est

une hystérique chez laquelle s'est déclarée la maladie des tics

convulsifs, ou, si l'on préfère, une tiqueuse présentant des

stigmates hystériques. Elle est hystérique du fait des ascen-

dants de la branche maternelle ; elle est tiqueuse par ses an-

cêtres du côté paternel. L'hérédité, très chargée de part et

d'autre, s'est manifestée sous deux formes distinctes, et de

même qu'elle peut donner naissance chez un même individu à

1 G. Guinon. Revue de médecine, 7' année, Il'' G, f. 511;.

40 .PATHOLOGIE NERVEUSE. DE LA MALADIE DES TICS.

des lésions relevant de la superposition de deux maladies, de

même chez J... elle a créé deux états morbides différents : les

tics et l'hystérie. Et comme le dit excellemment M. G. Guinon :

« Pourquoi ces deux névroses ne pourraient-elles pas se ren-

contrer associées l'une à l'autre ? L'hérédité qui crée à elle

seule la maladie des tics ne joue pas non plus un médiocre

rôle dans l'étiologie de l'hystérie. D'autre part, ne voit-on pas

tous les jours des associations morbides semblables ? L'épi-

lepsie se marie souvent avec l'hystérie pour constituer cette

maladie qui a reçu le nom d'hystéro-épilepsie à crises sépa-

rées. De même, il existe des cas dans lesquels l'hystérie et la

maladie des tics convulsifs viennent se greffer l'une sur

l'autre 1. » .

De cette étude sur la maladie des tics, découlent les conclu-

sions suivantes : Sous la dénomination de maladie des tics, il

convient de comprendre non seulement les cas dans lesquels

les mouvements involontaires sont généralisés, mais aussi

ceux. où les spasmes sont tout à fait localisés. Ces derniers,

pareillement, se réclament du traumatisme (Obs. I), de l'hé-

rédité (Obs. II), et donnent lieu à la coprolalie (Obs. I), aux

tics de la pensée (Obs. I, II). Pour les uns comme pour les

autres, l'hérédité joue le principal rôle : elle peut être directe

et similaire (Obs. II), ou bien collatérale et de transforma-

tion (Obs. III, IV). Aux causes incriminées, désignées du

terme générique de vésanies, doivent s'ajouter l'alcoolisme

(Obs. III), et vraisemblablement les lésions en foyer du cer-

veau (Obs. I, II, III et IV). Lorsque la maladie des tics coexiste

avec l'hystérie, il est possible, en dehors du traumatisme, de

retrouver chez les ascendants les facteurs propres à ces deux

névroses (Obs. II, IV).

Les caractères distinctifs de la maladie des tics sont tirés du

début de l'affection, de son évolution, des qualités du mouve-

ment et des troubles nerveux. Elle se manifeste dans le jeune

âge : quatre ans (Obs. III), six ans (Obs. IV), neuf ans (Obs. I) ;

parfois elle se développe après la puberté, dix-huit ans (Obs. II).

Son évolution est indéterminée; dans un des cas elle dure de-

puis trente-cinq ans (Obs. I), dans un autre depuis quarante

ans (Obs. III), dans un troisième, depuis six ans (Obs. IV) ;

enfin, dans le quatrième, elle remonte seulement à quelques

mois (Obs. II).

1 G. Guinon. -> Revue de médecine, 7° année, n° G, p. ji8, dt9.

L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 41

Les qualités du mouvement sont : la rapidité, la systéma-

tisation, la coordination, l'arythmie. Parfois, la rapidité fait

défaut (Obs. IV), mais, même dans ces cas, les tracés obtenus

offrent des analogies avec les mouvements qui simulent une

'décharge électrique.

L'écholalie, l'échocinésie, la coprolalie, les tics de la pensée

peuvent se trouver réunis chez le même individu (Obs. III).

Le plus souvent, ces phénomènes s'observent isolés : écho-

lalie (Obs. IV), troubles psychiques (Obs. II), ou diversement

associés, troubles psychiques et coprolalie (Obs. I). L'écholalie

porte sur des mots formés de plusieurs syllabes qui sont net-

tement articulés (Obs. III, IV) ; elle peut être auditive et vi-

suelle ; visuelle, la répétition a lieu à voix basse (Obs. III).

L'échocinésie consistant dans la reproduction des mouve-

ments habituels au malade paraît intimement liée à l'émission

des mots orduriers, lorsque ce trouble existe (Obs. III).

La coprolalie peut se manifester sous deux formes distinctes :

à haute voix ou à voix basse ; à haute voix, les paroles gros-

sières accompagnent les secousses musculaires; à voix basse,

ellez sont émises en dehors d'elles. Ces deux formes peuvent

se rencontrer chez le même malade (Obs. III). Parfois, l'explo-

sion des mots coprolaliques se trouve retardée par un effort de

la volonté (Obs. I).

Les troubles psychiques, dans les trois cas où ils ont été

notés, se sont traduits par des idées de doute, des manies, des

obsessions (Obs. Il, III), ou des idées de suffisance, d'infailli-

bilité (Obs. I).

HOSPICE DE la SALPËTRIËRE. M. CHARCOT,

CONTRIBUTION AU DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL ENTRE L'HYS-

TÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU;

Notes cliniques recueillies par le Dr F. GHILARDUCCI,

de Jh izzallo (Italie)1 t

QUELQUES considérations générales SUR LES cas étudiés

précédemment. Les quatre observations que nous avons

1 Voir Archives de Neurologie, p. 387. , .

42 PATHOLOGIE NERVEUSE.

exposées donnent lieu à quelques considérations d'ordre géné-

ral, qui nous paraissent importantes au point de vue du dia-

gnostic et de la thérapeutique. Nous allons les résumer briè-

vement.

Nous avons montré que tous nos cas simulent exactement'

-des accès d'épilepsie, soit sensitive, soit motrice. Or, que

l'hystérie puisse reproduire très fidèlement le tableau de l'é-

pilepsie partielle, c'est une chose bien établie. Charcot, Ballet,

Crespin, Babinski 1, en rapportent des observations d'une

netteté remarquable. Dans celles-ci, l'absence de fièvre malgré

le chiffre élevé (plusieurs milliers) des attaques se répétant

pendant plusieurs jours presque sans intervalles, l'apparition

après une ou plusieurs séries d'attaques du délire, la présence

des zones hystérogènes, donnent à l'observation clinique une

signification diagnostique presque mathématique.

Il n'en était pas ainsi dans nos observations. En effet, les

attaques se sont présentées isolément, à l'exception du cas de

Bar..., lequel eut vingt-huit attaques dans un jour et pas en

notre présence. Une ébauche de délire a été observée dans

deux de nos cas (deuxième et troisième) et nous l'avons utilisée

pour le diagnostic, moins pour ses caractères intrinsèques que

pour sa relation avec l'état mental du malade. Dans tous les

cas une grande difficulté au diagnostic nous a été présentée par

l'absence des zones hystérogènes.

L'analyse des urines, laquelle, selon l'enseignement de

Gilles de la Tourette, aurait pu nous fournir des résultats

utiles pour le diagnostic différentiel, n'a pas été faite par

nous pour les raisons suivantes. Si l'on veut que cette expé-

rience donne des résultats exacts, elle doit être pratiquée avec

une très grande rigueur scientifique, ce qui demande une

surveillance continuelle du malade et de son alimentation ; de

plus, le procédé d'analyse est long et délicat; ce sont là des

circonstances qui rendent l'application pratique de ce procédé

très difficile et nous avons préféré nous maintenir sur le ter-

rain clinique.

En continuant donc l'analyse de nos cas, nous avons à faire

V. Lezioni cliniche cM /'< : ? MOco/as<tco 1882-84 sulle malattic del sis-

lema nervoso, redatte dal D' Millioti, Millano. 1883. Ballet et Crespin.

Des attaques d'hystérie ii forme d'épilepsie partielle. (Archiv. de Neu-

)-ologie, 1884.) Babinsky. L'atrophie musculaire dans l'hystérie. Progrès

médical 1886. (Obs. I.) Babinski. De la migraine ophtalmique hys-

térique. (Archiv. de Neurologie, 1890, n° 60.)

l'hystérie et les maladies organiques DU cerveau. 43

les observations suivantes : dans le premier cas, c'est très remar-

quable la persistance pendant deux ans des crises hystéro-

épileptiques avec les attaques épileptiformes, qui se présen-

taient tout à fait séparément et indépendamment les unes des

autres, ce qui fut encore une cause de perplexité.

Dans tous les cas, il est à noter la présence d'antécé-

dents morbides, héréditaires et personnels aptes à nous faire

concevoir les soupcons d'une lésion organique. Chez la pre-

mière malade, le diagnostic de tuberculose paraissait s'imposer

par ses antécédents, par son amaigrissement et par les phéno-

mènes bronchiques qu'elle présentait. Chez le deuxième, nous

trouvons des signes de bacillose à l'apex pulmonaire droit, des

conditions générales de santé très mauvaises. Chez le troisième

malade, nous : trouvons un développement qui n'est pas en

harmonie avec son âge, et comme antécédents personnels, de

nombreux traumatismes sur la tête. Chez le quatrième, des

signes de rachitisme dans la déformation vertébrale, des fils

maladifs avec engorgements glandulaires multiples et une

hérédité cancéreuse. 0 ' ZD

Dans aucun de ces cas, il n'était possible de diagnostiquer

la nature de la maladie en se basant sur la considération de

l'attaque en elle-même. Elle représentait bien comme expres-

sion symptomatique, le syndrome de l'épilepsie sensitive ou

motrice. Cela est si vrai, que tous nos malades ont été pris

pour des organiques, par des praticiens fort distingués...

Nous avons donc dû utiliser, pour le diagnostic, d'autres con-

sidérations que nous grouperons sous les quatre chefs suivants

Ces considérations ont trait : 1° au développement, à la filia-

tion des accidents et à leur évolution; '-)0 aux caractères

spécifiquement hystériques de quelques-uns d'entre eux;

3° à l'absence des phénomènes persistants des maladies orga-

niques ; -4° à l'état mental des malades.

'1° L'étude du développement et de la filiation des accidents

nous a permis de nous expliquer le mécanisme avec lequel

l'attaque a été constituée dans les deux premiers cas, et nous en

avons tiré parti pour le diagnostic.

Dans le troisième cas, la manifestation brusque d'une para-

lysie, après une attaque et sa guérison soudaine à la fin d'une

attaque successive, nous a fourni un argument très solide en

faveur de la nature hystérique de l'attaque.

Dans le quatrième cas, le caractère hystérique du bégaie--

44 PATHOLOGIE NERVEUSE.,

ment, du bredouillement et de la monoplégie crurale, nous

ont éclairé sur la nature de la céphalalgie et de la crise,

à la suite de laquelle ces phénomènes avaient paru.

Enfin l'étude de l'évolution des symptômes ne nous a pas

été moins utile. L'amélioration et la disparition de quelques-

- uns d'eux (observation première), leur caractère transitoire et

intermittent (observations deuxième et quatrième), nous ont

fourni des preuves valables à l'appui du diagnostic d'hystérie.

2° Le caractère spécifiquement hystérique de quelques-uns

des phénomènes présentés par nos malades, nous ont donné

les arguments les plus décisifs. Nous les grouperons en trois

classes :

a) Symptômes permanents. - Ils comprennent les stig-

mates hystériques présents dans tous les cas : la paraplégie

(premier cas), la paralysie crurale avec démarche de Todd,

bégaiement et bredouillement (quatrième cas).

b) Symptômes transitoires qui se sont manifestés pendant

l'attaque et dans les intervalles. Ils comprennent les pares-

thésies (premier cas), la parésie, le tremblement du bras, la

céphalalgie, les étourdissements et la diplopie (deuxième cas).

c) Symptômes transitoires qui se sont manifestés seulement

à l'occasion des attaques. Ils comprennent l'aura hystérique

(deuxième cas), ébauche du délire (deuxième cas), aura psychi-

que (troisième cas).

. Le premier groupe de ces phénomènes nous a permis d'affir-

mer la présence de la névrose dans tous les cas. Les deuxième

et troisième nous ont démontré la relation qui existe entre eux

et les attaques épileptiformes dans le cas de Cha...

3° L'absence de phénomènes persistants de maladies orga-

niques nous a fourni pour tous les cas un signe utile. Ceci

nous a servi comme un argument de renfort au' diagnostic,

jamais comme une base, parce que nous savons qu'ont été

observés des cas de maladies organiques du cerveau, lesquels,

pendant longtemps, sont restés latents et n'ont donné que des

manifestations très vagues et des phénomènes peu accentués.

4" L'état mental de nos quatre malades est bien celui qui

est caractéristique de l'hystérie; de toutes les 'particularités

qui le démontrent et que nous croyons inutile de rappeler ici,

la suivante nous parait digne d'être remarquée. C'est que dans

toutes les attaques se montre la reproduction des troubles

sensitifs,- moteurs ou émotifs, qui ont marqué le début déjà

L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 45

névrose; dans le premier cas, ce sont les paresthésies; dans le

deuxième, la céphalalgie, la diplopie, la parésie et le tremble-

ment du bras; dans le troisième, la frayeur avec sensation

d'angoisse; dans le -quatrième, la céphalalgie. Ceci montre que

les souvenirs de ces troubles occupent l'esprit de nos malades

avec une persistance et une intensité qui sont tout à fait carac-

téristiques de l'état mental hystérique. Faut-il voir, dans leur

réveil, leur invasion soudaine dans le champ d'une conscience

suggestionnable au plus haut degré, la cause occasionnelle de

Fig. 13. - Examen du 1" juillet 1892.

46 PATHOLOGIE NERVEUSE.

la crise ? L'on serait tenté de le croire, si l'on réfléchit que plu-

sieurs de ces troubles ont persisté longtemps comme phéno-

mènes isolés et transitoires avant que les crises éclatassent, et

qu'ils se montrent toujours à leur début. Mais nous ne voulons

pas ici aborder l'étude de la pathogénie de l'attaque hystéri-

que, question extrêmement complexe et difficile. Nous avons

seulement voulu mettre en relief certaines circonstances qui

démontrent dans nos malades l'existence d'un état mental,

croyons-nous, très caractéristique et qui confirme de tous points

notre diagnostic.

Maintenant, il est temps de tirer de nos observations une

conclusion d'ordre thérapeutique qui nous paraît très intéres-

sante.

C'est que dans tous les cas d'épilepsie partielle, avant de

procéder à la trépanation du crâne, dont l'application depuis

quelque temps est entrée pour ainsi dire dans la pratique cou-

rante, il faudra s'assurer que l'hystérie n'est pas la cause des

accidents morbides car nous avons vu par nos observations

qu'elle peut simuler d'une façon parfaite l'épilepsie partielle;

et l'on sait, d'autre part, quelles fâcheuses conséquences suc-

cèdent parfois aux traumatismes lorsqu'ils touchent des indi-

vidus sous le domaine de la névrose hystérique.

Observation V. Sur un cas d'apoplexie hystérique.

All..., âgé de soixante-trois ans, tanneur, entre le 4 novembre à

la Charité (service de M. le professeur Potain)1.

Antécédents DE famille. La famille de AU... est exempte de tare

nerveuse. Ses parents sont morts à un âge très avancé. Il a eu dix

frères et deux soeurs, dont quatre sont encore vivants et bien por-

tants ; les autres sont morts de maladies aiguës.

Antécédents personnels. AU... n'a jamais souffert de troubles

dignes de remarque jusqu'à la maladie actuelle. Il a fait les cam-

pagnes de Crimée et d'Italie, en jouissant toujours d'une bonne

santé : .dans la campagne de Crimée, il fut blessé légèrement au

pouce de la main droite; en 1870, il se battit aux environs de Paris.

Il n'a jamais fait d'excès alcooliques. Il n'a jamais contracté la sy-

philis. '

Dès sa jeunesse, il a exercé toujours le métier de tanneur, en

1 Je saisis avec empressement cette occasion pour remercier vivement

mon éminent maître, M. le professeur Potain, pour m'avoir permis de

recueillir cette observation dans son service.

L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 47

gagnant très bien sa vie et en n'ayant jamais à lutter contre la mi-

sère. . ·

Il y a cinq ans, il subit un désastre financier, après lequel il per-

dit tout ce qu'il possédait; à la suite de cela, une terrible mélancolie

s'empara de lui, et pendant trois ou quatre mois il resta dans un

état très proche de l'aliénation mentale, il avait perdu toute acti-

vité psychique et physique. Puis petit à petit, il recommença à tra-

vailler, et ces conditions mentales et physiques revinrent à l'état

normal. Sa santé se maintint bonne jusqu'au mois de mai passé. A

cette époque, il commença à souffrir de vertiges qui le prenaient

.tous les dix ouquinze jours, parfois au réveil, parfois dans le cours

du jour, soit à jeun, soit après avoir mangé, mais jamais dans la

position horizontale. Ils duraient peu de secondes, ils ne s'accom-

pagnaient pas d'obnubilation de la conscience, ni d'aucun trouble

du sens ou du mouvement; seulement AU... se sentait entraîné à

tomber vers le côté gauche.

En juin, il consulta un praticien très distingué qui lui conseilla

le régime lacté, les iodures; en même temps il lui fit connaître, la

gravité de sa maladie, en l'engageant à se soigner très sérieuse-

ment. Ail... fut très préoccupé de ces conseils, il fit le traitement

ioduré, mais il ne suivit le régime lacté. que très irrégulièrement.

Pourtant les vertiges continuèrent jusqu'au 14 octobre. Ce jour-là,

tandis qu'il était occupé à son travail il fut pris d'un vertige plus

fort que d'habitude et il tomba sur son côté gauche en perdant

complètement connaissance : AU... resta plongé dans le coma pen-

dant trois heures. Lorsqu'il revint à lui il se trouva complètement

paralysé à gauche et presque complètement à droite; à gauche, le

mouvement le plus léger lui était impossible; à droite, il pouvait à

peine mouvoir les doigts de la main. Sa langue était contractée et

immobile, les lèvres tirées vers la gauche; dans ces conditions, il

lui était impossible de parler et aussi de mâcher.

Après quinze jours le mouvement commença à revenir il droite

successivement dans la main, dans l'avant-bras et dans le bras,

puis dans le membre inférieur. Après six semaines, la motilité

s'était complètement rétablie dans tout le côté droit. -

Le 4 novembre, il entra dans la clinique de M. Potain où il fut

soumis au régime lacté, aux iodures et à l'électricité.

Peu à peu commencèrent à se rétablir les mouvements du côté

gauche ; au mois de mars il était en mesure de descendre du lit.

Voici sa situation au moment où je pratiquai l'examen objectif.

Examen OBJECTIF. (Pratiqué le 12 avril 1892.) AU... est de haute

taille, bien conformé; il a l'apparence d'une vigueur peu commune

pour son âge. Ses artères temporales sont très visibles, serpigineuses

et très dures au toucher. L'angle labial gauche est fortement tiré

en haut, la langue fortement déviée ers la gauche. Du reste, pas de

trouble du langage parlé ou écrit.

48 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Motilité. AU..., en se mettant en train de marcher incline for-

tement la colonne vertébrale, il porte le poids de son corps sur sa

moitié droite en s'appuyant sur un bâton, puis il imprime à la han-

che gauche un brusque- mouvement de rotation et porte devant soi

le membre inférieur gauche, en' fauchant d'une façon très évidente.

Du reste, All.... après avoir parcouru la salle dans sa longueur 2 ou

3 fois, est très fatigué et obligé de s'asseoir.

- Le système musculaire est très bien développé. Pas d'atrophie,

pas de secousse fibrillaires. Les masses musculaires sont également

développées des deux côtés, seulement à gauche, elles.sont plus

dures au toucher; en palpant le biceps du bras gauche pour cons-

tater son état de nutrition, il se produit une flexion brusque de

'l'avant-bras; celui-ci se contracte brusquement et vient s'appliquer

par la face antérieure contre le bras; pendant les mouvements passifs

on trouve dans les deux membres de gauche un certain degré de

résistance et de rigidité. Tous les mouvements actifs intéressant les

différents groupes musculaires sont bien conservés, mais extrême-

ment faibles et incomplets. AU... ne réussit pas avec sa main à se

toucher l'épaule, il ne peut pas sans l'aide du bras tirer la jambe

hors du lit. De plus tous les mouvements sont très lents, se font par

saccades, comme si AU... dût vaincre une très grande résistance.

Lorsque le mouvement est achevé, les muscles se contractent for-

tement ; ils restent ainsi contractés pendant quelques secondes, pen-

dant lesquelles on les sent très durs au toucher, et AU... ne peut

exécuter le mouvement antagoniste qu'après quelques secondes;

ce mouvement s'accomplit lentement et lui aussi par saccades.

Ce phénomène est très évident, surtout pour les fléchisseurs des

doigts. En invitant AU... à serrer ma main dans sa main gauche,

il y réussit avec beaucoup de fatigue, mais à peine le mouvement

de flexion est-il achevé, son énergie augmente brusquement, je

sens ma main serrée entre la sienne avec beaucoup de force et

il doit s'écouler quelques secondes avant que AU... puisse vaincre

cette contracture de ses fléchisseurs en étendant les doigts.

Réflexes. Le patellaire existe des deux côtés et il a une in-

tensité normale. Le clonus du pied est absent. Le réflexe du poi-

gnet est très faible; l'olécranien est absent des deux côtés ; l'abdo-

minal et le plantaire sont absents à gauche.

Sensibilité. Il existe à gauche une anesthésie-sensitivo-senso-

rielle complète et profonde. Le goût, l'odorat, l'ouïe sont complè-

tement abolis.

Appareil de la vision. - (EU gauche. - Fonctionnement de la

musculature interne et externe de l'oeil, parfait. Pas de diplopie,

pas de nystagmus. La perception des couleurs est éteinte. Ail... voit

tout gris; son champ visuel est réduit presque à un point.

0 ? il droit. Pas d'altérations.

L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 49

Examen viscéral. Le coeur est légèrement hypertrophique ; sa

pointe bat au-dessous de la sixième côte, un peu en dehors du

mamelon. Il y a une légère dilatation aortique, qui est démon-

trable avec la percussion; à l'auscultation, on trouve le deuxième

ton aortique un peu accentué : pas de bruits anormaux. L'exa-

men des autres viscères donne des résultats complètement né-

gatifs. ,

AU... abandonne l'hôpital au mois de juin 1892 considérablement

amélioré.

Diagnostic. -Dans ce cas, le diagnostic d'hystérie, qui a

été confirmé après par l'issue de la maladie, s'appuyait sur

l'hémianesthésie étendue et profonde du côté gauche, sur la

présence du spasme glosso-labié, sur la faiblesse et absence des

réflexes tendineux, malgré l'état spasmodique des muscles para-

lysés ; sur la présence de la diathèse de contracture qui se

décelait par la flexion brusque de l'avant-bras lors de la p'alpa-

tion du biceps et par la flexion brusque des fléchisseurs des

doigts, qui se produisait quand AU... voulait serrer quelque

chose dans sa main gauche. Ce cas est extrêmement intéres-

sant, parce que l'âge du sujet et la présence d'altérations de

l'appareil circulatoire nous pouvaient très facilement conduire

à un diagnostic erroné. Cette erreur pouvait être raffermie par

l'absence des réflexes abdominal et plantaire qui, selon Rosen-

bach, s'observe dans la paralysie organique et par la démarche

hélicopoïde. Celle-ci, du reste, peut être observée, même dans

l'hystérie, si les membres sont contracturés (Charcot).

La nature hystérique de l'hémiplégie nous renseigne sur la

nature des troubles cérébraux qui leur donnèrent origine. Il

est évident que l'on a affaire ici avec le syndrome décrit par

Debove et Achard, sous le nom d'apoplexie hystérique '.

Notre cas démontre comment cette dénomination est appro-

priée. En effet, nous rappellerons que AU..., après un court

vertige, tomba lourdement à terre, comme frappé par apo-

plexie foudroyante; il resta plongé dans le coma pendant trois

heures et à son réveil, il se retrouva complètement paralysé du

côté gauche. Comme on le voit, la ressemblance avec l'apo-

plexie cérébrale était frappante, d'autant plus que ce tableau

se présentait chez un homme d'âge avancé, et avec des mar-

ques visibles d'atéromasie artérielle, circonstances qui prédis-

t

' Debove. Apoplexie hystérique. (Bull, de li Soc. des flJp.,

13 août 18S6.) Achard. Même sujet, thèse de Paris, 1SS7.

Archives, L. XXV. 4

50 PATHOLOGIE NERVEUSE.

posent à l'hémorragie cérébrale. La preuve que ce que nous

venons de dire n'est pas une exagération, c'est que le médecin

appelé à soigner Ail... lui appliquait 24 sangsues à la nuque.

Nous ne voulons pas faire ici l'histoire de l'apoplexie hysté-

rique ; nous nous bornerons à faire quelques remarques sur

son interprétation et sur son diagnostic. Pour ce qui est de

l'interprétation, nous croyons que celle qui a été donnée par

M. Charcot est très juste et conforme à la physionomie clinique

de la grande névrose. Il équipare l'apoplexie hystérique à

l'attaque de sommeil hystérique; elle doit donc être considérée

comme une attaque hystéro-épileptique modifiée ou trans-

formée. Pendant le coma apoplectiforme, nous nous baserons

pour le diagnostic surles mêmesarguments que le Maître nous a

indiqués pour distinguer l'attaque de sommeil, à savoir sur

l'existence de phénomènes plus ou moins ébauchés de la crise

hystéro-épileptique (mouvements convulsifs, délire, attitude

passionnelle), et surtout sur l'existence des zones hystérogènes.

Cependant il faut se rappeler que tous ces phénomènes se

retrouvent dans l'attaque de sommeil à peine ébauchés et

d'une façon transitoire; nous devrons pour cela nous attendre

à à ne pas les retrouver constamment dans l'apoplexie hystérique

-par le fait même de sa courte durée.

Pour ce qui est de l'analyse des urines laquelle, selon Gilles

de la Tourette, nous donnerait un puissant appui pour le dia-

gnostic en nous démontrant dans le cas d'hystérie une inver-

sion de la formule du phosphate, nous avons exposé précé-

demment les raisons pour lesquelles ce moyen de diagnostic

ne nous paraît pas utilisable dans la pratique courante.

La présence d'une déviation faciale ne parle pas contre le

diagnostic d'hystérie. Elle peut dépendre, ou d'une parésie, ou

d'un spasme musculaire; la chose pourrait être vérifiée avec

précision seulement au réveil du malade. La constatation du

spasme glosso-labié a une signification clinique presque spéci-

fique en faveur de l'hystérie, puisqu'il est très rare et tardif

dans les lésions organiques. L'on doit à M. Charcot le mérite

d'avoir fait connaître ce précieux moyen de diagnostic*.

La paralysie faciale, pourvu qu'elle soit bornée au facial

' V. Charcot. Hémispasme glosso-labié unilatéral chez les hystériques.

(Semaine médicale, 1887.) Brissaud et Marie. De la déviation faciale

dans l'hémiplégie hystérique. (Progrès méd.,1887.) - Belin. llèmispasme

gosso-labié des hystériques, thèse de Paris, 1888.

L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. SI

inférieur, ne dépose non plus contre le diagnostic d'hystérie.

En effet, elle a été signalée dans cette névrose pour la pre-

mière fois par Ballet; désormais, la littérature médicale est

très riche de cas de cette espèce \

Pour ce qui est des troubles du langage, peuvent se vérifier

dans l'hystérie toutes les formes d'aphasie avec les mêmes

caractères comme dans les lésions organiques. Nous ne pou-

vons entrer dans des détails sur cet'argument. Nous rappelle-

rons seulement que le seul mutisme, lorsqu'il correspond à la

description classique qui en a été donnée par Charcot, est

spécifique de la névrose hystérique. Pour les autres formes,

nous ne pourrions nous guider, pour un diagnostic sûr, que

sur l'évolution et sur les phénomènes concomitants.

Si l'attaque comateuse est suivie une hémiplégie, les carac-

tères de celle-ci pourront nous éclaircir sur la nature des phé-

nomènes qui l'ont précédée. En d'autres termes, nous serons

réduits alors à faire le diagnostic différentiel entre l'hémiplé-

gie hystérique et celle de cause organique.

Or, nous avons démontré que l'hémiplégie, dans ce cas,

était de nature hystérique; donc il faut conclure que même i

les accidents comateux qui lui donnèrent origine furent de 1

nature hystérique. Donc le diagnostic d'apoplexie hystérique 1

mis en tête de ce travail est pleinement justifié. -

Observation VL- Sur un cas d'hémiplégie hystérique présentant des

caractères qui ne lui appartiennent pas généralement.

Bo..., âgé de quarante-trois ans, de Rouen, scieur de pierres,

entre le 29-juin 1892, à la Salpêtrière (service de M. le professeur

Charcot).

Antécédents DE famille. Son père mourut à l'âge de cin-

quante-huit ans à la suite d'un grave traumatisme. Sa mère mou-

rut à cinquante-six ans d'une maladie-aiguë. Il a quatre frères [qui

jouissent tous d'une bonne santé. Personne de sa famille ne souffre

de maladies nerveuses.

Antécédents personnels Bo... n'a jamais eu de maladies dignes

de remarque dans sa première jeunesse. Dès l'âge de six ans, il com-

mença le métier de fumiste et il le continua jusqu'à i'age de dix-

neuf ans. A cette époque, en se trouvant à travailler au-dessous

1 Ballet. Paralysie faciale hystérique. (Soc. méd. des Ildp., 21 nov.

1890.) Ballet. Paralysie faciale hysléri Jue, thèse de Paris, 1891 ?

risquez. Paralysie faciale hystérique. (Bull. méd., 1891.)

D2 PATHOLOGIE NERVEUSE..

d'une voûte en construction, la voûte s'écroula, Bo... n'eut pas le

temps de s'enfuir et se trouva couvert par les matériaux. Il en

reçut une fracture très étendue de l'os pariétal droit, de laquelle il

porte encore les traces. Il perdit les sens complètement ; lorsqu'il

revint à lui à son domicile où on J'avait transporté, il ressentit une

douleur très forte dans toute la mâchoire droite et dans l'oreille de

laquelle sortait du sang en abondance. Il dit que sa bouche était

étirée fortement vers la gauche, l'orbiculaire droite fortement con-

tractée, les mâchoires serrées de façon que pendant cinq jours, il

ne put prendre des aliments par la bouche. Il entra à l'hôpital de

Blois;,dans la plaie s'établit une suppuration très longue et persis-

tante ; à plusieurs reprises des écailles osseuses furent extraites de

sa blessure. La fermeture de l'oeil droit dura deux mois; pendant

ces temps il dut s'alimenter avec des substances liquides puisque la

mastication lui provoquait beaucoup de douleur. Après un an et

demi passé à l'hôpital de Blois, la blessure cicatrisa complètement;

Bo... rentra dans sa famille et après quatre mois de convalescence,

il reprit son métier. Sa santé était alors parfaite; il n'était resté du

grave trauma aucun trouble fonctionnel, sinon que de temps à ,

autre il avait des éblouissements de la vue accompagnés de vertiges

très légers et de courte durée. C'est à cause de ces troubles qu'il

jugea prudent d'abandonner son métier qui l'obligeait à travailler

en haut pour entreprendre celui de scieur de pierres. Il entra donc

dans une scierie, où il est resté dix-sept ans avec le même patron.

A vingt-trois ans, Bo... se maria, il n'eut pas d'enfants. Sa femme

est morte il y a deux ans à la suite d'une opération qu'on lui a pra-

tiquée dans l'abdomen.

Il y a quatre ans, il fut victime d'un très grave traumatisme qui

lui arriva dans les conditions suivantes. Tandis que deux de ses

compagnons étaient en train de mouvoir une très lourde dalle pour

la charger sur un chariot, par maladresse la dalle s'échappa de

leurs mains. B... qui se trouvait en face d'elle se recula violemment

pour en éviter le choc, et il frappa son épine dorsale à l'angle d'une

muraille qui se trouvait derrière lui; en même temps la dalle. lui

tombait sur le ventre, en le frappant même légèrement à l'avant-

bras gauche. B... resta ainsi pris au milieu et comme cloué entre

l'angle de la muraille et la dalle qui lui appuyait sur le ventre, en

essayant en vain de se dégager. Immédiatement après le choc, il

ressentit une sensation d'engourdissement dans la région lombaire.

Lorsque la dalle qui le maintenait prisonnier fut enlevée, il essaya

de marcher, mais la douleur de la région lombaire devint tellement

intense que B... perdit connaissance. Transporté à son domicile,

les douleurs de la région lombaire continuèrent très vives ; il fut

soigné avec des ventouses scarifiées appliquées à la région lombaire

et,; lutées. Les douleurs ne se diffondirent jamais le long des mem-

Ures : sur la paroi abdominale apparurent les signes d'une contu-

L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 53

' si.on très diffuse, on lui appliqua de la glace. Il survint une consti-

pation opiniâtre, avec des déjections très rares entremêlés avec du

sang, de l'anorexie et une prostation générale très grave. Ces phé-

nomènes s'amendèrent graduellement au bout de quelques jours ;

B... de temps à autre sortait de son lit et essayait de marcher,

mais c'était à peine s'il pouvait faire quelques pas en s'aidant avec

des bâtons, puisque la démarche lui était très pénible et exacerbait

ses douleurs lombaires ; en outre de cela, ses jambes, particulière-

ment la jambe gauche, étaient très faibles. Il s'aperçut encore que

son bras gauche, et particulièrement la main, n'avaient plus la force

d'autrefois, les mouvements des flexions des doigts avaient très

peu d'énergie et les objets lui échappaient de la main avec une

grande facilité. Dès cette époque commence le douloureux pèle-

rinage de B... dans les hôpitaux de Paris, entrecoupé de temps à

autre de quelques essais infructueux de travail. La douleur lom-

baire se calma peu à peu; seulement, elle revenait de temps à autre

par des accès mais sans être très intense ; au contraire, la faiblesse

du bras et de la jambe alla continuellement en augmentant, de

telle façon qu'il ne put s'adonner à aucun genre de travail. Con-

gédié par son ancien patron et ayant vainement cherché une oc-

cupation conforme à son état physique, la crainte de la misère

s'empara de lui. Il y a six mois, l'hémiplégie gauche était complète;

en outre, à cette époque il s'aperçut être complètement anesthési-

que du côté gauche.

Examen objectif. B... est un homme de haute taille, avec la

peau bronzée par le soleil, il est très bien musclé ; dans l'ensemble

il donne l'impression d'un homme très vigoureux. A la partie supé-

rieure de son crâne, sur la droite, on note une exostose très éten-

due, sur laquelle pour une surface grosse comme un poing les

cheveux sont complètement absents. Cette exostose commence à

l"os pariétal, environ à 5 centimètres au-dessus de l'oreille et

empièle au-devant sur l'os frontal en s'étalant de façon à prendre

une forme triangulaire avec l'apex dirigé en arrière. Son plus grand

diamètre longitudinal est de 12 centimètres, le diamètre transver-

sal de 7 centimètres. La pression et la percussion au-dessus d'elle

ne provoque pas de douleur.

La partie droite du crâne est un' peu plus basse que la gauche;

cette légère asymétrie se manifeste encore dans la face, dans

laquelle on note les sourcils de gauche plus élevés que ceux de

droite. '

Attitude et démarche. Dans la station debout, B... se présente

avec son épaule gauche un peu plus élevée, le bras pendant le

long du tronc, l'avant-bras en très légère flexion et supination, la

main tombant, le doigt dans une semi-flexiou à peine accentuée.

La partie supérieure de la colonne vertébrale présente une légère

courbure à convexité droite. Bo... ne peut pas se tenir debout

54 PATHOLOGIE NERVEUSE.

avec les talons rapprochés que pour peu de secondes et avec beau-

coup de peine; si on lui fait fermer les yeux, sa difficulté à se

tenir en équilibre augmente au point qu'il ne peut conserver cette

position pas même pour une seconde.

En marchant, B... incline légèrement le tronc vers sa droite;

parfois il fauche avec sa jambe gauche à la façon des organiques,

parfois il jette en dehors brusquement son membre en le laissant

retomber presque aussitôt sur le sol avec les pieds à plat en rappe-

lant avec cette façon de marcher un peu celle des steppeurs.

Force musculaire. Elle est presque complètement abolie dans

les deux membres de gauche. Le bras aussi bien que la jambe,

aussitôt qu'ils sont soulevés, retombent lourdement comme une

chose morte. La résistance que le malade peut opposer au mouve-

ment passif qu'on imprime aux différents groupes musculaires de

ses membres est presque nulle. Pour ce qui est des mouvements

actifs, Bo... réussit avec beaucoup de peine à porter son bras au

niveau de l'horizontale, et il ne peut le mettre dans cette position,

pas même une seconde. L'avant-bras ne peut être fléchi au delà de

l'angle droit; le mouvement d'extension et de flexion du poignet

est à peine appréciable; ceux des doigts sont nuls.

Quant à son membre inférieur, il ne peut fléchir sa cuisse sur le

bassin sans soutenir sa jambe avec la main droite et encore le

mouvement est très peu accentué. La flexion de la jambe sur la

cuisse est possible en Ja soutenant un peu. Les mouvements qui

intéressent l'articulation du pied sont insignifiants.

Les mouvements de flexion du tronc sont très limités. En res-

tant debout, Bo... ne peut pas se baisser pour recueillir un objet

quelconque, ni il ne peut se remettre debout sans s'aider avec son

bras sain.

Sensibilité. La sensibilité thermique est abolie complètement

sur tout le côté gauche. L'application du thermo-esthésiomètre,

chauffé à 75 degrés, ne provoquait dans aucune partie ni douleur,

ni chaleur. Sur la poitrine, la thermo-anesthésie surpasse un peu

la ligne médiane.

La sensibilité dolorifique est encore complètement abolie. Cepen-

dant tandis que la moitié gauche de la face, dans le bras gauche

et dans la partie supérieure du tronc jusqu'aux rebords costaux,

les piqûres d'épingle ne provoquent aucune sensation, au-dessous

de ces limites elles sont appréciées comme une sensation tac-

tile. La sensibilité tactile est également abolie à gauche. L'anes-

thésie est profonde. L'on peut imprimer aux articulations des

mouvements de torsion dans tous les sens sans provoquer de dou-

leurs.

Le sens musculaire est complètement absent dans les deux

membres gauches. En faisant fermer les yeux à B..., il réussit avec

beaucoup de difficultés et de tâtonnements à trouver les diffé-

L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 55

rentes parties de ses membres gauches situés dans les différentes

positions.

Réflexes. Conjonclival, très faible des deux côtés; le réflexe de

la cornée est conservé. Le réflexe massétérin est absent des deux

côtés. Le réflexe pharyngien fait absolument défaut. L'on peut

introduire le doigt très profondément, chatouiller l'épiglotte et la

muqueuse pharyngienne sans provoquer la moindre réaction mus-

culaire.- Les réflexes olécranien et patellaire sont un peu exa-

gérés et plus du côté gauche. Cependant la différence entre les

deux côtés est à peine appréciable. Le réflexe du poignet est éga-

lement un peu plus fort du côté paralysé. Le réflexe crémasté-

rique est très vivace des deux côtés.- Les reflexes plantaire et

abdominal à gauche manquent complètement.

Sens spécifiques. L'odorat et le goût à gauche sont absents;

l'ouïe très faible.

Appareil de la vision.-Les globes oculaires sont mobiles norma-

lement dans toutes les directions. Les pupilles réagissent bien à la

lumière et à l'accommodation. Pas d'achromatopsie. Pas de rétré-

cissement du champ visuel, pas de diplopie monoculaire. Il existe

une légère mégalopsie des deux côtés.

Examen viscéral. - Il est complètement négatif. Après un exa-

men minutieux de l'appareil circulatoire, on ne trouve aucune

anomalie, ni dans le coeur, ni dans les vaisseaux.

MARCHE DE la maladie. A partir du moment de son entré*

dans la clinique, les conditions de santé de B... se sont progressi

vement améliorées. Le 6 juillet, l'anesthésie s'était déjà modifiée.

L'analgésie occupait seulement le membre supérieur gauche, la

moitié gauche de la face et du tronc, limitée en bas par une ligne

correspondant au rebord costal. Entre cela et l'arcade crurale, la

sensibilité était de beaucoup obnubile, mais pas abolie. Postérieu-

rement de la moitié du pli poplité jusqu'au talon l'on trouve une raie

de la largeur de 2 à 3 centimètres, dans laquelle la sensibilité est

presque normale.

La sensibilité thermique présentait à peu près la même distribu-

tion. Son abolition était absolue seulement dans une zone comprise

inférieurement entre le rebord costal et supérieurement entre une

iigneaconvexitésupérieure, partantpostérieurementde la deuxième

ou troisième vertèbre dorsale, remontant en haut vers la moitié de

la fosse sus-épineuse pour descendre après antérieurement jusqu'à

la moitié du sternum. En dehors de cette zone, la sensibilité ther-

mique est seulement affaiblie.

Le 8 juillet, la sensibilité tactile est revenue dans tout le mem-

bre inférieur, dans la moitié inférieure du tronc au-dessous d'une

ligne correspondant à peu près au rebord costal. Dans la région sus-

claviculaire, dans une zone de forme triangulaire ayant pour base

56 PATHOLOGIE NERVEUSE.

la clavicule, les impressions tactiles et dolorifiques sont perçues

normalement.

L'amélioration delà sensibilité a été continue et progressive. Au

commencement d'août, la sensibilité était revenue dans tous les

membres inférieurs et dans la moitié inférieure du tronc jusqu'à

quelques doigts transversalement au-dessus du rebord costal, dans

la face, dans des zones de-la surface d'une pièce de cinq francs

situées l'une dans la région frontale, au-dessus des sourcils, l'autre

sur la joue. A l'examen objectif pratiqué le 16 août, l'on trouve que

dans toutes ces régions, les impressions dolorifiques sont très

bien perçues. Le contact d'un morceau de papier, promené très

légèrement sur la surface cutanée, est perçu immédiatement et

B... indique avec rapidité et précision le point où il a été tou-

ché.

Il en est de même pour les impressions thermiques. B... dis-

tingue très bien la différence de température qu'il y a entre la

partie métallique du marteau à percussion et sa partie en bois.

Le sens musculaire, tant dans le membre inférieur que dans

le supérieur est complètement revenu. Les différentes positions

imprimées aux membres sont jugées par B... avec une très grande

précision et rapidité.

Motilité. La force musculaire s'est améliorée dans les deux

membres. L'on peut dire que dans le membre inférieur, elle est

presque normale. Tous les mouvements qui intéressent les diffé-

rentes articulations du membre s'accomplissent avec une énergie

qui diffère très peu de celle déployée parle membre sain.

L'amélioration n'est pas très remarquable dans le membre supé-

rieur gauche; cependant elle existe pour tous ses groupes muscu-

laires. B... peut placer la main sur la tête¡; il peut fléchir complè-

tement l'avant-bras sur le bras, étendre et fléchir complètement le

poignet, avec les deux des doigts il réussit à se toucher la paume

de la main. Dans toutes ces positions, B... peut opposer une cer-

taine résistance aux mouvements qu'on lui imprime dans une

direction opposée.

Réflexes. Les réflexes abdominal et plantaires se rétablirent

après l'apparition de lasensibilité tactile. Les réflexes pharyngiens

conjonctivaux sont encore absents. Jamais on n'a observé le clonus

- du pied. Les réflexes tendineux ont toujours été plus forts du côté

gauche; cependant la différence a toujours été peu remarquable,

quelquefois à peine sensible.

Le 9 août, se produisit un épisode dans la maladie de B..., sur

lequel nous reviendrons dans la discussion du diagnostic en nous

contentant pour le moment de l'indiquer sommairement. A lâsuite

d'un effort musculaire, vingt-quatre heures après, B... eut de vio-

lentes douleurs à la partie inférieure de la région lombaire; ces

L HYSTERIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 0 1

douleurs étaient continues, mais s'exacerbaient de temps à autre

en forme de crises; après une de ces crises, une paralysie du

membre droit. jusqu'alors sain se produisit; celte paralysie était

complètement flasque et se révélait seulement pendant la démarche

qui avait le type de la démarche décrite par Tood; au contraire le

membre, en examinant ses différents groupes musculaires, dans la

partion assise décelait une force complètement normale. Contem-

porairement, le membre inférieur gauche acheva brusquement sa

guérison; de ce côté il n'était plus possible de découvrir aucune

anomalie pendant que B... marchait.

Diagnostic Un rapide coup d'oeil jeté à Bo..., lorsque

pour la première fois, il se présenta à la visite, nous donna

l'impression que son hémiplégie était de nature organique. La

large exostose qui apparaissait sur son crâne, l'hémiplégie du

côté opposé prédominant dans le membre supérieur avec

exagération des réflexes, l'attitude du bras, la déviation de la

colonne vertébrale, la démarche hélicopoïde étaient des phé-

nomènes à justifier un tel diagnostic. Cependant un examen

plus soigné de l'anamnèse et des symptômes nous fit bientôt

convaincre qu'une bonne partie au moins de ces phénomènes

était due à l'hystérie. Le cours de la maladie a démontré com-

bien notre conviction était légitime ; nous croyons pourtant

très utile de discuter sur quels signes elle était basée.

En première ligne, il manquait une étiologie satisfaisante

pour nous expliquer l'origine organique de l'hémiplégie.

Celle-ci s'était développée chez un individu très vigoureux,

exempt de syphilis, avec des artères saines, absent de tout

symptôme de tumeur cérébrale; de plus, le développement de

l'hémiplégie avait été très lent; elle avait employé quatre ans

à se compléter. D'un autre côté, une relation entre l'hémiplé-

gie et le traumatisme dont Bo... avait été victime vingt ans

auparavant ne nous paraissait pas admissible pour les raisons

suivantes. Le traumatisme pouvait avoir agi de deux façons :

1° ou par une dépression des os du crâne ; 2° ou par une irrita-

tion lente provoquée par quelques écailles osseuses sur la

méninge subjacente. Dans le premier cas, l'hémiplégie aurait

été l'effet de la compression exercée par les os sur les zones

excito-motrices et elle aurait dû être immédiate. Cette hypo-

thèse n'est pas admissible ; elle est en désaccord avec l'anam-

nèse. Aucun fait paralytique n'a suivi immédiatement le trau-

matisme. La bouche, nous affirme Bo..., était tirée vers la

gauche; il y avait donc probablement une- paralysie du.facial

58 PATHOLOGIE NERVEUSE. -

droit, évidemment d'origine périphérique, à cause de sa situa-

tion du même côté de la lésion cranienne. Du reste, Bo...

jouit du parfait fonctionnement de ses membres jusqu'à ce

que le deuxième accident survînt. Mais l'on pourrait supposer

que Bo... voulut cacher la vérité, en ayant intérêt à démon-

- trier que tous ces malheurs actuels lui étaient survenus pen-

dant l'exercice de son métier. Eh bien, nous avons des argu-

ments péremptoires, qui nous démontrent qu'il dit la vérité, à

savoir : 1° l'absence absolue de toute atrophie dans les mem-

bres paralysés; 2° l'état dans lequel se trouve la peau de sa

main gauche; elle est calleuse presque autant que l'autre, ce

qui nous démontre que Bo... s'en est servi jusqu'à une

époque relativement récente.

Dans la deuxième hypothèse, il faudrait admettre que la

pachyméningite est restée latente pendant vingt ans, qu'à

l'époque du deuxième accident elle a suivi une poussée nou-

velle. Celle-ci aurait été provoquée par une hémorrhagie intra-

arachnoïdienne, occasionnée par les efforts faits par Bo... pour

se délivrer de la dalle qui lui été tombée sur le ventre; le sang

extravasé aurait irrité les méninges, en provoquant des exsu-

dations, des néoformations pseudo-membraneuses ; et de

cette façon, une compression des centres moteurs. Mais bien

que la pachyméningite puisse demeurer longtemps silen-

cieuse, un silence de vingt ans, comme dans notre cas, nous

paraît à vrai dire un peu trop prolongé. Puis, l'hémiplégie

n'a pas eu l'évolution que l'on observe dans les paralysies symp-

tomatiques de la pachyméningite ; tous les autres symptômes

de celle-ci sont absents 1. 0

Comme conclusion, nous n'avions pas de raison pour nous

expliquer l'origine organique de l'hémiplégie ; tandis que

dans le deuxième traumatisme souffert par Bo..., nous en

avions une très bonne pour nous en expliquer l'origine psy-

chique. Mais il y avait en faveur de l'hypothèse d'hystérie

d'autres arguments basés sur l'examen objectif :

1° L'hémianesthésie totale du côté gauche, avec perte abso-

lue du sens musculaire, lequel dans l'hémianesthésie d'origine

capsulaire est ordinairement conservé ; 0

2° L'anesthésie bilatérale des conjonctives et la perte bilaté-

rale du goût et de l'odorat;

1 V. Charcot. OEUVI'es complètes, t. IX, p. 134.

L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 59

3° L'absence de paralysie du facial ' ;

4° Le caractère contradictoire de l'hémiplégie. En effet,

tandis que les réflexes olécranien et patellaire étaient exagérés,

le membre soulevé- retombait lourdement comme une masse

inerte. Nous avions donc une paralysie qui tenait contempo-

rainement de la paralysie flasque et de la spasmodique; or, ce

fait se concilie très mal avec l'hypothèse d'une lésion orga-

nique datant de quatre ans.

L'attitude du bras était bien telle qu'on l'observe dans les

hémiplégies organiques, mais ici il faut noter que l'épaule du

côté paralysé était plus haute que l'autre, tandis que dans

l'hémiplégie organique l'on observe le contraire. L'élévation

de l'épaule, la légère adduction du bras, la flexion et la supi-

nation de l'avant-bras pourraient être expliquées, comme une

attitude prise par B... au moment du deuxième accident et

conservée après inconsciemment. En effet, cette position repré-

sente une ébauche de mouvement de défense, que Bo... doit

avoir fait avec beaucoup de vraisemblance lorsque la pierre

était en train de lui tomber sur le ventre - ;

5° La déformation de la colonne vertébrale peut bien être

imputée à l'hystérie. En effet, elle est très limitée, elle occupe

la sommité de la colonne dorsale. Elle peut être expliquée elle

aussi avec des attitudes inconscientes prises par notre malade

à la suite de rachialgies dont il souffre depuis quatre ans. La

présence de ces déviations dans les rachialgies hystériques a

été observée plusieurs fois 3 ; '

6° Pour ce qui est de l'exagération des réflexes, bien que rare-

' Il ne faut pas considérer ceci comme un argument absolu. Non

seulement la paralysie faciale peut être absente dans les lésions capsu-

laires, mais la paralysie peut respecter le membre inférieur correspon-

dant en se bornant au seul membre supérieur.

V. Jouffroy. Monoplégie brachiale par lésion de la capsule interne.

(Progr. méd., 5 déc. 1885.)

2 Un exemple classique des altitudes inconscientes prises par les

malades nous est offert par la sciatique. Il est connu que dans cette

maladie l'on observe des déviations de la colonne vertébrale dues des

attitudes prises par des malades pour éviter la douleur. Ce qui est

curieux, c'est que ces attitudes persistent parfois même longtemps après

que la douleur a disparu.

* V. H. Duret. Déformation de la région lombaire de nature nél ! 1'o-

MUM ! st')'f (<p/ ! <Mco/ : <Me Ay<e') ? Me). JVouM//e tconorap/tt'e de a a<-

musculaire (yphoscoliose hystérique). Nouvelle iconographie de la Sal-

pctriére, 1888, p. 191. - Riclier. Note sur l'anatomie morphologique de

la région lombaire. (Nouvelle iconographie de la Salpêtrière, 1888.) -

Tolken. Beabachtungen über hysterischen contracluren.

60 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ment elle peut être observée dans l'hystérie dans les membres

paralysés ' ;

7° La démarche hélicopoide peut s'observer dans l'hémi-

plégie hystérique lorsque les membres sont contractures ou

dans l'état d'opportunité de contracture (Charcot). Du reste,

- dans notre cas, Bo... alternait cette manière de marcher avec

une autre tellement bizarre, que l'interprétation en était très

difficile, en admettant une lésion organique.

Comme conclusion, l'absence d'une étiologie satisfaisante,

'hémianesthésiesensitive complète, l'anesthésie des deux con-

jonctives, la perte bilatérale de l'odorat et du goût, la bizar-

rerie de la démarche, celle non moins curieuse de l'hémiplégie,

participant à la fois du caractère de la paralysie flasque et

spasmodique, le développement enfin de l'hémiplégie à la suite

d'un traumatisme dont l'action directe sur les membres ne

pouvait donner raison de leur paralysie, constituaient un

ensemble d'arguments très solides pour nous donner la per-

suasion, que seulement l'hystérie était la cause de tous ces

phénomènes. '

La marche de la maladie a de tous points confirmé notre idée

à présent, nous avons les arguments suivants pour affirmer le

diagnostic :

1° L'hémianesthésie est toujours allée plus se bornant vers le

moignon de l'épaule, assumant la forme caractéristique en man-

chon. Le sens musculaire est réapparu dans les deux membres .

2° Le membre inférieur gauche a réacquis la force muscu-

- laire et la mobilité normale; en outre il se comporte d'une

manière tout à fait physiologique pendant la démarche. L'amé-

lioration a commencé aussitôt après l'entrée de B... à l'hôpital.

- La guérison s'est ensuite achevée brusquement, après une

attaque de rachialgie. Pour ce qui est du membre supérieur,

' son amélioration est plus lente, mais non moins réelle et pro-

gressive. Sa paralysie s'accompagne avec une anesthésie qui i

a le caractère classique de l'anesthésie hystérique. Son début t

et son amélioration se sont montrés contemporainement avec

le début et l'amélioration de la paralysie dans le membre infé-

rieur ; donc il n'y a pas de raison pour considérer la monoplé-

. gie brachiale comme de nature différente.

. 3° Les crises de rachialgie et la paralysie de la jambe droite,

survenue brusquement à la suite d'une de ces crises, sont des

1 V. Charcot. Leçons sur le spasme glosso-labié. (Sem. médic, 1887.)

L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 61

phénomènes très nettement hystériques; de plus, la façon

dont ils se sont établis nous révèle l'état mental de B..., et

comme cet état mental est très intéressant à connaître pour

nous expliquer l'étiologie de la maladie, nous croyons devoir

insister sur ce point.

Le 9 août, B... soulève de terre un malade et il le couche

sur le lit; cet effort musculaire ne donne lieu pour le moment

à aucun phénomène douloureux. Mais B..., qui se croit faible

et malade à l'épine dorsale, y réfléchit tout le jour, songeant aux

conséquences possibles. La nuit, il rêve de son ancien métier

de scieur, la mémoire du traumatisme souffert se mêle confu-

sément au rêve. Le matin suivant, il se lève en bonne santé,

toujours préoccupé par l'imprudence qu'il croyait avoir com-

mise le jour avant; finalement, l'idée suggestive qui domine l'é-

tat psychique de B... se traduit tout àcoup avec un violentaccès

de rachialgie. Celle-ci a tout le caractère d'une rachialgie hys-

térique. En effet, elle siège le long des apophyses épineuses

des dernières vertèbres lombaires, qui sont douloureuses à la

pression, tandis que celle-ci ne provoque pas de douleur sur la

masse musculaire sacro-lombaire, ni à côté de la colonne ver-

tébrale, en correspondance de l'émergence des nerfs. Le mou-

vement de la colonne vertébrale, la station debout n'augmen-

tent pas la douleur qui, au contraire, s'accroît dans la position

horizontale. Avec ces caractères, la douleur ne saurait être

attribuée ni aux lésions des nerfs ni des muscles, ni des os et

encore moins de la moelle. Il s'agit donc d'une douleur d'ori-

gine psychique, laquelle s'exacerbe à forme de crises. B... est

très agité, il gémit continuellement. La douleur devient pour

lui occasion de renfort de l'idée suggestive; elle lui rappelle

celle qu'il avait souffert quatre ans auparavant, dans les pre-

miers mois, après le traumatisme; « c'est précisément comme

alors», il se reproche l'effort fait, « il ne sait ce que cela lui

a produit dans l'épine, certainement la paralysie se présen-

tera... » etc., etc.

Quelques jours après, l'auto-suggestion a achevé son oeuvre;

elle se révèle avec une paralysie de la jambe droite sur la

nature de laquelle il n'y a pas à se tromper. Le malade traîne

sa jambe d'arrière en avant, de la façon la plus caractéristique.

Contemporainement, le membre inférieur gauche retrouve

brusquement toute sa force et sa motilité physiologique. Cet

épisode nous fait connaître avec une précision pour ainsi dire

62 PATHOLOGIE NERVEUSE.

mathématique l'état mental de B...; en outre des stigmates

physiques, nous pouvons dès maintenant affirmer qu'il possède

encore l'auto-suggestionnabilité, stigmate aussi précieux pour

le diagnostic que pour la physiologie pathologique de l'hys-

térie. Elle nous explique la relation qui existe entre le trauma

souffert par B... quatre ans auparavant et son hémiplégie con-

sécutive. En d'autres termes, en connaissant à présent l'état

mental de B..., nous avons une puissante raison en plus pour

qualifier sa paralysie avec plus de précision par une paralysie

. Fig. 14. - Examen du 16 août 1892.

L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES. ORGANIQUES DU CERVEAU. 63

hystéro-traumatique. Il y a lieu ici de faire quelques remarques

au sujet de la névrose traumatique. L'on sait que ce syndrome

est admis par quelques auteurs allemands comme une espèce

autonome et différente de l'hystérie, tandis que l'Ecole de la

Salpêtrière en fait une variété de la névrose hystérique, asso-

ciée parfois à la neurasthénie. Nous ne voulons pas aborder

ici l'étude de ce sujet si difficile. Nous ferons remarquer seu-

lement comment cette observation vient à l'appui de la doc-

trine de la Salpêtrière. En effet, notre malade, pendant une

longue période de sa maladie, aurait représenté un type parfait

de névrose traumatique pour les défenseurs de l'autonomie de

cette forme morbide. Il s'agissait d'un homme très vigoureux,

sans antécédents nerveux, avec des stigmates hystériques très

imparfaits; pas de troubles de l'appareil de la vision, pas de

zones hystérogènes, pas de sensation de boule, pas d'attaques.

Et cependant, nous avons vu comment, à un moment donné,

la névrose hystérique s'est décelée en lui avec une de ses mani-

festations les plus typiques; à savoir avec un état mental très

caractéristique, qui a donné origine à une paralysie hystérique

non moins typique. Et l'apparition de celle-ci a donné occa-

sion à la disparition brusque de l'autre qui avait été contractée

par le fait du traumatisme. Or, qui pourrait nier que ces deux

paralysies et les états morbides qui leur ont donné origine sont

de la même nature ? »

En continuant l'analyse de notre cas, il nous reste à expli-

quer pourquoi la paralysie prit la forme hémiplégique. En

premier lieu, nous devons rappeler que, à l'occasion du trau-

matisme, la dalle heurta le bras gauche de B... en y produi-

sant une légère contusion. Or, mon éminent maître a démontré

comment la paralysie hystérique se manifeste avec facilité dans

les parties frappées par le trauma, par un mécanisme unique-

ment psychique, qui a son origine fondamentale dans l'auto-

suggestionnabilité de ces malades. Cette théorie nous explique

pourquoi, à des traumatismes très légers, succèdent des para-

lysies très graves. L'intensité du traumatisme n'a pas d'impor-

tance ; c'est l'impression qu'il produit sur l'état psychique du

malade qui détermine l'apparition et l'intensité des phéno-

mènes paralytiques. A ce propos, est resté classique l'exemple

de la femme qui présenta une paralysie des extenseurs de la

main après avoir donné une gifle à l'un de ses enfants '. Dans

' Y. Charcot. Leçons du Mardi, 1887-1888, p. 111.

64 PATHOLOGIE NERVEUSE. - L'HYSTÉRIE ET LE CERVEAU.

notre cas, cette doctrine nous explique encore pourquoi la

paralysie prédomine dans le bras.

Pour ce qui est de la paralysie de la jambe, nous devons

nous rappeler comment B... se trouva pris entre la dalle qui

lui comprimait le ventre et l'angle de la muraille sur laquelle

il avait heurté avec l'extrémité inférieure de la colonne verté-

- brale; ainsi il ressentit des douleurs très violentes pendant

plusieurs mois, si bien que l'idée d'être malade à l'épine ne l'a

plus abandonné. Or, c'est une cognition vulgaire que dans les

lésions de l'épine dorsale, les jambes se paralysent; c'est donc

à son auto-suggestionnabilité que B... doit sa paralysie crurale.

Du reste, l'épisode sur lequel nous avons insisté rend cette

explication très probable.

Pourquoi la paralysie frappa la jambe gauche ? Pour ce fait,

l'explication suivante nous semble très raisonnable : Pendant

les dix-huit mois que B... avait dû passer à l'hôpital à la suite

de son premier traumatisme, il est presque certain que les mé-

decins ont dû examiner avec beaucoup de fréquence l'état de la

motilité dans ses membres gauches, afin de se persuader que

la grave lésion cranienne n'avait pas produit de dommages sur

l'écorce cérébrale subjacente. Ces examens répétés- peuvent

bien avoir cultivé dans le cerveau de B... l'idée d'une hémiplé-

gie gauche. Cette idée aurait trouvé, dans le deuxième trauma-

1 tisme souffert, occasion favorable pour achever de dominer

complètement l'état mental de B...

Quoi qu'il en soit, nous croyons avoir bien démontré qu'il

s'agit ici d'une paralysie hystéro-traumatique. Ce cas nous

démontre que de prudence est nécessaire dans le diagnostic

des maladies nerveuses, même lorsque, par l'apparence et par

l'attitude du malade, l'on pourrait se croire autorisé à l'établir

au premier coup d'oeil.

Arrivés à la fin de notre travail, qu'il nous soit permis d'ex-

primer une conclusion qui nous paraît s'en écouler tout logi-

quement. C'est que dans le diagnostic entre l'hystérie et les

maladies organiques, il ne faut pas se contenter d'envisager

les symptômes et rien autre chose que les symptômes, mais

il faut les interpréter, en étudiant leur rapport avec l'état

mental des malades. Seulement, à cette condition, le diagnos-

tic sera complet et fécond en résultats utiles pour la thérapie.

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

RECHERCHES SUR LA TOXICITÉ URINAIRE CHEZ LES

ÉPILEPTIQUES;

Par M. Jules VOISIN, médecin de la Salpêtrière,

et M. A. PERON, interne des hôpitaux'.

III. ÉPILEPTIQUES DANS UN ÉTAT PLUS OU MOINS NORMAL.

18 mai 1892. - Vilm... Poids : 50 kil., 5, âgée de dix-huit

ans. Période de calme.

Urines intercalaires. - Pour ses accès voir le relevé.

L'accès du 19 mai a eu lieu vingt-quatre heures après la fin de

la récolte de l'urine.

Depuis plusieurs années, Vilm..., autrefois intelligente, bonne

élève, travaillant bien à l'école, sachant lire, écrivant et calculant

passablement, était tombée progressivement dans un état proche

de la démence en dépit du traitement. Il ne se passait guère de

jour où elle n'eût d'attaques. Presque toujours assise sur un fau-

teuil, inconsciente, abrutie, on n'en pouvait plus tirer que quel-

ques mots sans suite. Le pronostic le plus grave était porté.

Cependant, spontanément, depuis le mois de janvier dernier, un

changement considérable s'est fait dans son état. Ses attaques

journalières sont devenues des attaques eu série; en même temps

l'intelligence commença à se réveiller. Vilm..., aujourd'hui, joue,

court toute la journée, elle peut d'elle-même' fournir quelques

renseignements, l'expression de la physionomie est animée :

l'état général est meilleur.

Nous avons voulu rechercher quelle pouvait être la toxicité

actuelle des urines de cette malade.

Totalité des vingt-quatre heures : 2 lit. 500.

Lapin de 2 lui. 350. Urines acides filtrées. Rien à noter au

début. Pas de myosis. 11 n'y a pas eu d'ailleurs de myosis pendant

toute la durée de l'injection. L'animal est calme.

Premier arrêt de quelques minutes dans l'injection à 180 c. c.,

parce que l'urine filtrée manque; deuxième arrêt à 260 pour la

' Voir le n° 71, p. 178.

Archives, t. XXV. 5

66 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

même raison. L'injection a donc été faite très lentement en

une heure cinq minutes environ.

Vers 200 c. c., la respiration devient bruyante, haletante.

L'exophtalmie commence à apparaître vers 240; à 305 brusque-

ment dilatation énorme de la pupille, exophtalmie énorme, cris,

convulsions toniques du type ordinaire répétées. Mort.

Autopsie. Congestion pulmonaire intense, surtout à la base

droite sans infarctus. Congestion rénale et hépatique. Légère con-

gestion de l'encéphale.-Coefficient urotoxique : 0,40.

Relevé des accès de Vilm...

DE LA TOXICITÉ URINAIRE CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 67

68 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

2° Pendant la série, cet abaissement persiste moins marqué

que dans la période pro-paroxyslique. La courbe tend déjà à se

relever (voir la courbe de Hug...);

3° Après la série, la toxicité urinaire se relève, dépasse la

normale si la série est finie. Si la série n'est pas terminée, le

coefficient ne s'élève pas au-dessus de la normale et les accès

reparaissent (cas de Broch). Cette hypotoxicité est un élé-

ment de diagnostic pour affirmer que la série n'est pas finie et

que certains cas quotidiens qui étaient considérés comme étant

des cas isolés, doivent être considérés comme faisant partie

d'une série durant plusieurs jours. Cette hypotoxicité persiste

aussi quand après les accès convulsifs se développent le délire

ou l'excitation maniaque.

4° Certains malades, en particulier, les malades gravement

atteints dans leur état mental paraissent avoir une hypotoxicité

constante (voir tableau de Hug...), mais néanmoins, la toxicité

la plus faible répond aux périodes proe-convulsives, la plus

forte aux périodes post-convulsives.

S° La toxicité urinaire en dehors des paroxysmes est-elle

normale ? Nous inclinons à le croire avec MM. Deny et Choupe

(cas de Vilm...), au moins chez des épileptiques femmes. Cepen-

dant il semble bien qu'il y ait des épileptiques, et ce ne sont

pas les moins atteintes au point de vue mental, dont l'état

normal est l'hypotoxicité.

6° Le trouble mental des épileptiques parait toujours s'ac-

compagner d'hypotoxicité.

CONSIDÉRATIONS CLINIQUES, PATHOGÉNIQUES ET THERAPEUTIQUES.

Nous venons de voir que l'état des urines est différent avant,

pendant et après les accès.-Cet état de la sécrétion urinaire au

moment des paroxysmes s'accompagne aussi toujours de symp-

tômes psychiques ou physiques particuliers que tous les auteurs

ont signalé. Nous ne les passerons pas tous en revue, mais

nous attirerons seulementl'attention sur l'état des voies diges-

tives. Tous les malades ont la langue pâteuse, saburrale et un

manque absolu d'appétit. Les malades sentent qu'ils vont avoir

leur accès, et pour eux, cet état gastrique est un indice certain

de l'imminence de leur accès. Ils viennent trouver le médecin

et lui réclamer une purgation. Cet état gastrique a déjà été

signalé par plusieurs auteurs et entre autres par M. Charpen-

DE LA TOXICITÉ URINAIRE CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 69

tier et pour notre compte, nous l'avons toujours constaté et

nous avons annoncé plusieurs fois à l'avance des accès en cons-

tatant cet état. Cet état saburral accompagnant l'hypotoxicité

des urines s'accuse de plus en plus pendant une série et s'ac-

centue avec l'intensité de cette série pour disparaître ensuite

dans les espaces intercalaires. Ces deux phénomènes sont

donc concomitants et paraissent être sous la même dépen-

dance. Cette corrélation entre l'hypotoxicité des urines et ces

troubles gastriques est donc très importante; elle nous a permis

souvent de prédire un accès. De même cette hypotoxicité

d'urine nous a permis de prédire un nouvel accès convulsif

chez une malade qui était considérée jusqu'à ce jour comme

présentant des accès isolés. La connaissance de ces faits est

aussi très utile, car elle permet au médecin de prendre des

précautions en vue d'un trouble mental possible consécutif à

un accès. Un malade qui a un accès isolé et qui tout de suite

a de l'hypertoxicité urinaire peut être considéré comme guéri

et indemne d'un retour offensif assez rapproché. Sa décharge

nerveuse, ou plutôt son élimination toxique ayant eu lieu, il

sera libre pendant assez longtemps, jusqu'au jour où sa toxicité

urinaire redeviendra au-dessous de la normale.

Les expériences que nous avons faites pendant la période

du délire nous montrent aussi qu'un malade sujet au délire

doit être surveillé aussitôt que ses urines ne présentent plus

la toxicité normale.

A quoi attribuer ces phénomènes précurseurs et concomi-

tants de l'accès convulsif ou du trouble de l'état mental ? En

tenant compte de l'état urinaire, on doit penser que tous ces

troubles doivent être dus à l'intoxication du sang par rétention

de produits toxiques ou par défaut d'élimination de ces pro-

duits. En effet, avant l'accès et pendant la période paroxystique,

les urines sont hypotoxiques, ce qui indique que l'élimination

des toxines est entravée et qu'il y a surchage de toxines dans

le sang. Ces toxines retenues dans l'économie excitent le sys-

tème nerveux de différentes manières suivant les individus,

d'où toutes les variétés de manifestations épileptiques chez les

sujets. Il doit se passer là ce qui se passe chez les éclamptiques.

M. Chambrelent 1 a montré que chez les éclamptiques, le sérum

du sang est plus toxique pendant les attaques et que les urines

* Février 1892. Société de Biologie.

70 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

dans ces moments-là sont hypotoxiques. Nous n'avons pas

fait d'expériences avec le serum du sang des épileptiques mais

nous pouvons avec les données que nous avons sur leurs urines,

données tout à fait identiques à celles que M. Chambrelent a

trouvé chez les éclamptiques, conclure à la toxicité du sang

pendant les paroxysmes.

Cette toxicité du sang explique les troubles mentaux et phy-

siques que présentent les malades au début de la période pré-

paroxystique et l'accumulation de ces toxines explique la

période paroxystique avec son hypotoxicité urinaire et son état

gastrique. A la fin de cette période paroxystique, on signale de

la polyurie, de la sudation, quelquefois de la diarrhée et enfin

une exagération de la toxicité urinaire avec diminution de

l'état gastrique. C'est ce qui constitue la fin de la crise.

Ces phénomènes sécrétoires sont le résultat da l'élimination

des toxines accumulées dans le sang. Cette élimination est plus

ou moins prompte et la guérison est plus ou moins rapide. Si

l'albuminurie complique la sécrétion urinaire comme dans

l'état de mal, cette élimination des toxines est plus longue et

le danger plus grand. La température monte démesurément

comme dans les maladies infectieuses et la mort peut survenir

dans un laps de temps plus ou moins court.

L'état du rein dans ces cas, joue un rôle capital. S'il est pri-

mitivement malade, la mort est presque certaine. Si sa fonction

urinaire a été très troublée pendant l'état de mal et si ce

trouble fonctionnel persiste longtemps, la convalescence est

très longue parce que l'élimination digestive s'effectue mal. On

doit hâter dans les cas graves cette élimination des produits

toxiques par des purgatifs énergiques, des drastiques, par des

lavements purgatifs et même dans certains cas par la saignée,

comme nous l'avons fait avec succès dans un cas de mal épilep-

tique où la température avait atteint 41°,2. L'antisepsie intes-

tinale doit être recommandée aussi, et les heureux effets que

M. Féré a constaté avec la médication naphtholée et bromurée

doivent être mis sur le compte de la facile élimination des

toxines par ce procédé ou sur la neutralisation des toxines du

tube digestif par ce médicament.

Nos expériences viennent donc corroborer les opinions

émises par MM. Lepine, Mairet et Lemoine sur les troubles

de nutrition dans les maladies nerveuses. M. Lemoine, dans

la Gazette des hôpitaux, 1889, comparait la crise épileptique à

DE LA TOXICITÉ URINAIRE CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 71

la crise qui marque le déclin des maladies infectieuses; mais

il n'avait pas d'expériences à son actif qui pussent lui donner

raison. Les faits que nous ont révélé nos expériences viennent

apporter une preuve à sa conception théorique. Nous avons,

avant et pendant l'accès, hypotoxicité des urines, c'est-à-dire

intoxication du sang, et après l'accès, hypertoxicité des urines,

c'est-à-dire élimination des toxines du sang. Nous avons vu

que cette élimination ne s'effectue pas dans l'état de mal,

qu'elle est retardée par l'albuminurie passagère du malade et

qu'elle s'effectue aussitôt que l'albuminurie disparaît. Aussi,

doit-on tenir grand compte de cette albuminurie chez les indi-

vidus en état de mal. Dans certains cas, elle peut être une

cause de difficulté de diagnostic et sa disparition est d'un pro-

nostic favorable.

Cette conception de l'accès épileptique appuyée sur l'auto-

intoxication est encore rendue acceptable par l'examen des

accidents provoqués chez les animaux par nos expériences.

Nous remarquons chez eux des symptômes convulsifs sem-

blables à ceux que l'on remarque chez nos malades. Enfin, en

se rappelant les phénomènes convulsifs dus à l'alcool, à l'ab-

sinthe et au plomb, et en comparant ces phénomènes toxiques

à ceux dus à l'épilepsie essentielle, on arrive à cette conclusion

qu'il est impossible de différencier le syndrome convulsif dans

ces cas qu'en s'appuyant sur les commémoratifs. En dernier

lieu, en comparant les expériences de Chambrelent, qui ont

rapport aux urines et au sang des éclamptiques, c'est-à-dire à

ces malades que certains auteurs considèrent comme atteints

d'épilepsie aiguë, on ne peut que reconnaître le bien fondé de

la conception de cette hypothèse. Dans ce cas particulier,

comme dans l'urémie, il y a lésion primitive du rein et em-

poisonnement consécutif. Dans l'épilepsie, la lésion rénale

n'existe pas, il y a seulement lésion de la fonction sécrétoire

qui est sous la dépendance du système nerveux. Cette lésion

de fonction agit à un moment donné comme une lésion pri-

mitive du rein et les symptômes convulsifs s'identifient presque

avec les premiers.

D'ailleurs, quelle lésion peut expliquer le mal comitial ? Des

localisations cérébrales ne peuvent expliquer des symptômes

qui nécessitent l'intervention de tous les appareils nerveux

connus (circonvolutions, bulbe, protubérance, etc.). Les lé-

sions ou nulles ou énormes trouvées à l'autopsie des épilep-

72 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.

tiques sont d'ailleurs là pour protester contre une lésion

unique déterminante. Aussi, nous pensons que l'auto-intoxi-

cation est l'élément principal de l'accès paroxystique ; mais,

cette auto-intoxication est favorisée par un système nerveux

défectueux congénital ou acquis, agissant sur les fonctions

sécrétoires, ou sur toute la nutrition en général. Cette prédis-

position du système nerveux à contracter ces troubles nutri-

tifs est due à l'hérédité qui transmet aussi bien les lésions

que les troubles et les aptitudes aux fonctions des organes.

Quoi qu'il en soit, cette manière d'envisager les paroxysmes

nous permet d'expliquer beaucoup de phénomènes dont nous

sommes témoins. C'est ainsi qu'elle nous donne l'explication

des séries et de l'état de mal. L'élimination ne s'effectuant pas,

le malade reste en puissance d'acpès. Elle nous donne aussi

l'explication des accès survenant inopinément à la suite d'écarts

de régime; elle nous donne aussi la clef des accès épileptiques

des gros mangeurs. D'un autre côté, elle nous permet de nous

rendre compte des bons effets de la vie à la campagne, des

exercice au grand air; d'un régime sobre et de l'usage des

diurétiques (eau et lait) pour boissons, et du traitement par le

bromure de potassium et les antiseptiques.

THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE

LA FOI QUI GUÉRIT;

Par J.-M. CHARCOT1 .

La New Review, prenant texte du récent voyage d'un litté-

rateur célèbre à un sanctuaire religieux et des discussions qui

se sont élevées à cette occasion, me demande mon opinion sur

la faith-healing. La question n'est pas de celles qui puissent

me laisser indifférent. Elle intéresse d'ailleurs tout médecin,

' Sous ce titre · The faith-healing, La foi qui guérit », la Xe1V

Revieiv, de Londres, a publié, dans son numéro du 1"' décembre, un

article du directeur des Archives de Neurologie,^, le professeur Charcot.

Nous en empruntons la traduction il la Revue hebdomadaire.

LA FOI QUI GUÉRIT. I )'

le but essentiel de la médecine étant la guérison des malades

sans distinction dans le procédé curatif à mettre en oeuvre.

Dans cet ordre d'idées, la faith-healing me parait être l'idéal à

atteindre, puisqu'elle opère souvent lorsque tous les autres

remèdes ont échoué. C'est pourquoi, depuis longtemps, en

présence de certains cas déterminés, j'ai cherché, après bien

d'autres, à pénétrer autant que faire se peut le mécanisme de

sa production afin d'utiliser sa puissance, et c'est l'opinion

que je me suis faite dans ces conditions que je vais exposer en

quelques mots.

J'ajouterai qu'en pareille matière, comme en toute autre, il

ne faut jamais se départir de la rigueur inhérente à la discus-

sion scientifique; les polémiques passionnées ne servent à

rien, si ce n'est à tout embrouiller et à compromettre les

meilleures causes. Ce n'est pas par des affirmations sans

preuves ou par des négations sans fondements qu'on peut

espérer résoudre cette question de la faith-healing qui, je le

répète, appartient entièrement à l'ordre scientifique où les

faits bien et sincèrement étudiés, groupés en faisceau pour

conclure, sont les seuls arguments que l'on puisse admettre.

Les faits que, dans ma pratique spéciale déjà longue, j'ai eu

l'occasion d'observer ne sont pas isolés, tant s'en faut, car la

faith-healing et son aboutissant, le miracle, sans attacher

à ce mot aucune autre signification que celle d'une guérison

opérée en dehors des moyens dont la médecine curative semble

disposer d'ordinaire, répondent à une catégorie d'actes qui

n'échappent pas à l'ordre naturel des choses. Le miracle thé-

rapeutique a son déterminisme, et les lois qui président à sa

genèse et à son évolution commencent à être, sur plus d'un

point, suffisamment connues pour que le groupe des faits

qu'on englobe sous ce vocable se présente avec une allure

assez spéciale pour ne pas échapper tout à fait à notre appré-

ciation. Il y atout lieu de s'en féliciter, d'ailleurs, puisque par

la compréhension plus nette de ces déterminations nous met-

tons de plus en plus à notre disposition les grandes res-

sources de la faith-healing et que, de ce fait, la maladie nous

trouve de moins en moins désarmés devant elle.

Ce sont les éléments eux-mêmes de ce déterminisme que

nous allons étudier. Leur groupement nous conduira à une

conclusion que je puis du reste donner immédiatement. La

guérison d'apparence particulière, produit direct de la failli-

74 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE. '

leealing, que l'on appelle communément en thérapeutique du

nom de miracle, est, on peut le démontrer, dans la majorité

des cas, un phénomène naturel qui s'est produit de tout temps,

au milieu des civilisations et des religions les plus variées, en

apparence les plus dissemblables, de même qu'actuellement

on l'observe sous toutes les latitudes. Les faits dits miraculeux,

et je n'ai pas la prétention d'exprimer ici rien de bien neuf,

ont un double caractère : ils sont engendrés par une disposi-

tion spéciale de l'esprit du malade; une confiance, une crédi-

bilité, une suggestibilité, comme on dit aujourd'hui, constitu-

tives de la faith-healing dont la mise en mouvement est d'ordre

variable. D'autre part, le domaine de la faith-healing est

limité; pour produire ses effets, elle doit s'adresser à des cas

dont la guérison n'exige aucune autre intervention que cette

puissance que possède l'esprit sur le corps, dont le Dl' Hack

Tuke a donné, dans son beau livre', une si remarquable

analyse. Ses limites, aucune intervention n'est susceptible de

les lui faire franchir, car nous ne pouvons rien contre les lois

naturelles. On n'a jamais, par exemple, noté, en compulsant

les recueils consacrés aux guérisons dites miraculeuses, que la

faith-healing ait fait repousser un membre amputé. Par contre,

c'est par centaines qu'on y trouve les guérisons de paralysies,

mais je crois que celles-ci ont toujours été de la nature de

celles que le professeur Russel Reynolds 2 a qualifiées du terme

général de paralysies « dépendant on idea D.

Je sais bien qu'aujourd'hui des médecins préposés à la

constatation des miracles, et dont la bonne foi n'est pas en

cause, semblent portés à reconnaître que la guérison subite

des paralysies ou des convulsions n'a rien qui sorte du

domaine des lois naturelles. Ils s'appliquent à montrer que

des tumeurs, des ulcères parmi les plus rebelles, sont, par

contre, monnaie courante dans le domaine de la thérapeu-

tique miraculeuse. Je ne le ni(, pas : je pense comme eux que

la faith-healing peut directement faire disparaître dans cer-

tains cas des ulcères et des tumeurs, mais je crois aussi que

1 Illustrations of the influence of the mind upon the Godrl in heallh

and disease designed to elucidate the action of the imagination. ).on-

don, Churchill, 1872.

2 Remarks on paralysies and olhers disorders of motion and sensa-

lion dépendant on idea, read to the médical section of the British medi-

cal Association. Leeds, july 1869; in British med..lourn., nov. 1869.

LA FOI QUI GUÉRIT. 75 NJ

les lésions de ce groupe sont, malgré leur apparence contraire,

de la même nature, de la même essence que les paralysies

dont je parlais tout à l'heure.

La guérison plus ou moins soudaine des convulsions et des

paralysies était autrefois considérée comme un miracle théra-

peutique du meilleur aloi. La science ayant démontré que ces

phénomènes étaient d'origine hystérique, c'est-à-dire non or-

ganiques, purement dynamiques, la guérison miraculeuse

n'existerait plus en pareille matière !

Pourquoi cela ? Et s'il était démontré encore que ces tu-

meurs et ces ulcères autour desquels on mène tant de bruit

sont aussi de nature hystérique, justiciables eux aussi de la

même faith-healing que les convulsions et les paralysies, c'en

serait donc fini du miracle.

Pourquoi jeter tant de défis à la face de la science, qui finit,

en somme, par avoir le dernier mot en toutes choses !

Il est beaucoup plus simple de constater que la thérapeu-

tique miraculeuse et la science ont subi une évolution paral-

lèle. La faith-healing religieuse et laïque ne pouvant être

dédoublée, c'est la même opération cérébrale produisant des

effets identiques. La science qui évolue n'a pas la prétention

de tout expliquer; elle nierait ainsi sa propre évolution. Elle

donne son interprétation rationnelle au sur et à mesure de ses

découvertes, et voilà tout ! Dans tous les cas, elle est l'ennemie

des négations systématiques que ses lendemains font évanouir

à la lumière de ses nouvelles conquêtes. Je crois que son évo-

lution n'est pas restée en arrière de celle du miracle; que de

tout temps, ^la faith-healing a fait disparaître par son seul pou-

voir des tumeurs et des ulcères de certaine nature. En pareille

matière, l'ignorance tenait à ce qu'on n'avait pas saisi le secret

de son mécanisme. Bien que nous ignorions encore beaucoup

de choses, je constate que-nous sommes aujourd'hui plus

avancés dans cette voie de l'interprétation scientifique, et je

prévois le jour plus ou moins éloigné cependant encore où

l'évidente réalité des faits ne trouvera plus de contradicteurs.

Etudions maintenant les éléments du déterminisme de la faith-

healing .

C'est surtout dans les sanctuaires religieux que la faith-

healing a trouvé à s'exercer. De tout temps il a existé des

thaumaturges, depuis Simon le magicien jusqu'au prince de

Hohenlohe au commencement du siècle, en passant par le

76 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.

diacre Paris, qui ont eu le don de faire des guérisons dites

miraculeuses, c'est-à-dire d'inspirer la faith-healing. Ces thau-

maturges, étant souvent eux-mêmes des religieux, ont fondé

des sanctuaires, et sur leurs tombeaux se sont multipliés les

miracles qu'ils faisaient pendant leur vie. Il est en effet très

digne de remarque que, dans les sanctuaires religieux, ce n'est

pas la divinité elle-même qu'on intercède, c'est son prophète

ou ses disciples. C'est presque toujours un simple mortel qui,

pendant sa vie, a gagné lui-même sa béatification en faisant

des miracles. Il est même curieux de constater que certains de

ces thaumaturges étaient atteints de la maladie dont ils vont

désormais guérir les manifestations : saint François d'Assise,

sainte Thérèse, dont les sanctuaires viennent au premier rang

parmi ceux où se produisent des miracles, étaient eux-mêmes

des hystériques indéniables.

La façon dont s'est formé le sanctuaire importe peu ; ce

qui est surtout intéressant à étudier au point de vue du déter-

minisme du miracle c'est le sanctuaire lui-même. Et ce détermi-

nisme devient frappant lorsqu'on constate que les sanctuaires

se ressemblent tous, sont tous coulés dans le même moule. Ils

sont restés les mêmes depuis les temps les plus reculés de

l'histoire jusqu'à nos jours, se copiant pour ainsi dire les uns

les autres. C'est dire déjà qu'à travers les âges, parmi les civi-

lisations les plus diverses, au milieu des religions les plus dis-

semblables en apparence, les conditions du miracle sont res-

tées identiques, ses lois d'évolution étant immuables.

Etudions, par exemple, l'Asclépieon d'Athènes', fils direct des

sanctuaires de l'ancienne Egypte, puisque, même l'Asclépieon,

le dieu guérisseur revêt souvent les traits de Sérapis, le thau-

maturge des Pharaons. Au fond du sanctuaire, la statue mira-

culeuse ; parmi les serviteurs du temple, des prêtres-médecins

chargés de constater ou d'aider les guérisons; c'est le bureau

médical que les sanctuaires d'aujourd'hui ne manquent pas de

s'attacher lorsqu'ils ont une certaine importance.

Nous trouvons encore sous les portiques de l'Asclépieon une

classe de personnages très singuliers ; ce sont les intercesseurs

ceux qui font métier, dans diverses villes de se rendre près du

dieu guérisseur pour implorer sa protection aux lieu et place

de leurs clients.

' Cf. l'Asctépien tl' Athènes, d'après de récentes découvertes, par Paul

Girard, Paris, 1881, E. Thorin, édit.

LA FOI QUI GUÉRIT. 77

/

Dans tout le Poitou, il existe une catégorie de vieilles femmes

qui ont pour métier ordinaire d'aller ainsi intercéder près du

tombeau miraculeux de sainte Radegonde pour ceux qui,

animés de la faith-healing, ne peuvent ou ne veulent pas se

déplacer.

Laissons là ces intermédiaires pour ne considérer que les

seuls suppliants venus pour eux-mêmes. De tous les dèmes de

la Grèce, ceux qu'anime la faith-healing s'acheminent vers

le sanctuaire pour obtenir la guérison de leurs maux. Dès leur

arrivée, afin de rendre le dieu favorable, ils déposent sur l'au-

tel de riches présents et se plongent dans la fontaine purifica-

trice qui coule dans le temple d'Esculape.

«Par Zeus ! s'écrie la bonne femme à laquelle Carion, le valet

de la comédie d'Aristophane, raconte les aventures allégori-

ques de Ploutos, le beau bonheur pour un vieillard que d'être

trempé dans l'eau froide ! 1 »

Les siècles ont passé, mais la source sacrée coule tou-

jours. ,

Après ces préliminaires, les suppliants sont admis à passer

la nuit sous les portiques du temple. C'est l'incubation qui

commence, la neuvaine propitiatoire, pendant laquelle la faith-

healing s'exalte de plus en plus, par auto-suggestion, par con-

tagion de voisinage, sorte d'entraînement inconscient, et alors

le miracle se produit... s'il y a lieu.

Ceux qui trouvaient la guérison dans l'Asclépieon ornaient

les parois du temple d'hymnes votives et surtout de bras, de

jambes, de cous, de seins en matière plus ou moins précieuse,

objets représentatifs de la partie du corps qui avait été guérie

par intervention miraculeuse. Les sanctuaires d'aujourd'hui

sont toujours ornés de ces ex-voto gravés sur le marbre ; et à la

porte, mille marchands, comme autrefois à Athènes, vendent

des bras, des mains, des petits enfants de cire qui orneront les

abords du tombeau du saint ou les parois de la grotte. Le

rosaire de la neuvaine pendant laquelle la foi s'exalte, rap-

pelle le chapelet du musulman qui s'incline devant le sépulcre

du marabout vénéré.

La mise en oeuvre de la faith-healing a donc, dans tous les

temps, sous toutes les latitudes, chez les païens, les chrétiens,

comme chez les musulmans, revêtu le même caractère. Les

sanctuaires et les pratiques propitiatoires sont analogues. Les

statues du dieu guérisseur seules diffèrent, mais l'esprit hu-

78 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.

main, toujours, lui-même dans ses grandes manifestations, les

confond dans une même évocation.

D'une façon générale, la faith-healing ne se développe pas

spontanément dans toute son intensité curatrice.

- Un malade entend dire que dans tel sanctuaire il se produit

des guérisons miraculeuses : il est bien rare qu'il s'y rende

immédiatement. Mille difficultés matérielles mettent un obs-

tacle au moins temporaire à son déplacement : il n'est pas com-

mode àun paralytique ou à un aveugle, quelque fortune qu'il

possède, de s'embarquer pour un long voyage. Il interroge son

entourage, demande des renseignements circonstanciés sur les

cures merveilleuses dont le.bruit lui est parvenu. Il n'entend

que des paroles encourageantes non seulement émanées de son

entourage direct, mais souvent encore de son médecin. Celui-

ci ne veut pas enlever à son malade un dernier espoir, surtout

s'il juge que la maladie de son client est justiciable du /azith-

healing qu'il n'a pas su lui-même inspirer. La contradiction

dans la circonstance n'aurait, du reste, d'autre effet que d'exal-

ter la croyance à la possibilité d'une guérison miraculeuse. La

faith-healing commence à naître, elle se développe de plus en

plus, l'incubation la prépare, le pèlerinage à accomplir devient

une idée fixe. Les déshérités de la fortune se mortifient en sol-

licitant des aumônes qui leur permettront de gagner le lieu

saint ; les riches deviennent généreux vis-à-vis des pauvres

afin de se rendre la divinité propice : tous prient avec ferveur

et implorent leur guérison. Dans ces conditions, l'état mental

ne tarde pas à dominer l'état physique. Le corps rompu par une

route fatigante, les malades arrivent au sanctuaire l'esprit

éminemment suggestionné. « L'esprit de la malade, a dit Bar-

well', étant dominé parla ferme conviction qu'elle doit guérir,

elle guérira immanquablement. » Un dernier effort : une ablu-

tion dans la piscine, une dernière prière plus fervente, aidée

par les entraînements du culte extérieur, et la faith-healing

produit l'effet désiré ; la guérison miraculeuse devient une

réalité.

Quels sont les effets directs de la faith-healing ? Quelles sont

les maladies dans lesquelles elle produit des effets curatifs in-

contestables ? Interrogeons pour répondre les [documents que

nous trouvons dans les sanctuaires eux-mêmes.

1 The Lancet, 28 novembre 1858.

LA FOI QUI GUÉRIT. 7U

J'ai parlé, il n'y a qu'un instant, des ex-voto symboliques que

les malades guéris suspendaient aux murailles de l'Asclépieon,

et qu'on retrouve aujourd'hui toujours les mêmes dans les sanc-

tuaires les plus vénérés. Ces bras, ces jambes de marbre ou de

cire sont des représentations imparfaites de la réalité, car un

bras peut être atteint de vingt maladies différentes, et c'est tou-

jours le même membre, la même forme traditionnelle que l'on

découvre dans les fouilles ou qu'on contemple dans les sanc-

tuaires d'aujourd'hui. Combien la figuration directe, réelle de

la maladie eût été plus instructive ! Une seule fois j'ai rencou-

tré cette représentation d'une maladie qui avait été l'objet d'un

miracle thérapeutique. Je visitais un sanctuaire vénéré du midi

de la France, dans la Camargue, l'église des Saintes-Mariés.

Parmi les ex-voto, je distinguai le moule en plâtre du membre

inférieur d'une jeune fille d'une douzaine d'années atteinte de

pied bot. Ce moule reproduisait exactement la figure bien con-

nue de la contracture hystérique du membre inférieur. La gué-

rison s'était opérée rapidement, et à côté du moule se trouvait '

la photographie de la jeune fille, droite sur sa jambe, désor-

mais débarrassée de sa contracture. A part cet exemple parti-

culier, l'art du modeleur à l'usage des sanctuaires ne nous ap-

prend rien de précis sur les maladies qui s'y guérissent sous

l'influence de la faith-healing.

Mais il est d'autres documents figurés qui vont nous être

d'un grand secours. Les travaux de M. Paul Girard, ancien

élève de l'école d'Athènes, nous ont appris que les murailles

de l'Asclépieon étaient couvertes de peintures votives représen-

tant, pour une partie tout au moins, les guérisons miraculeuses

qui s'étaient opérées dans le lieu saint. Ces peintures n'ont pas,

comme les ex-voto de métal ou de marbre, résisté à l'action

du temps, mais nous les retrouvons ornant les sanctuaires plus

modernes ou illustrant les ouvrages qui en sont les annales.

Nous pouvons donc raisonner par analogie. On trouvera de

nombreuses reproductions de ces oeuvres du moyen âge et de

la Renaissance dans le livre que j'ai publié en collaboration

avec M. Paul Richer sur les Démoniaques dans l'art.

Ces reproductions d'une guérison miraculeuse se ressemblent

toutes avec les variations que le génie particulier de l'artiste

leur a imprimées : il s'agit presque toujours, sinon toujours,

de la guérison de malades convulsionnaires. La représentation

est identique dans l'évangéliaire de la bibliothèque de Ra-

80 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.

venne, qui date du vie siècle de notre ère, sur la porte de

bronze de Saint-Zénon, à Vérone (xi° siècle), ou dans les

tableaux de Rubens ou de Jordaens, qui ornent les sanctuaires

religieux ou les musées particuliers ou publics, qui les ont

tirés le plus souvent de ces sanctuaires. L'unanimité de ces

~ documents est remarquable. Saint Nil, saint Dominique, saint

Ignace, saint Martin, ont exercé avec un ensemble frappant

leur pouvoir miraculeux pour faire cesser des convulsions dont

l'origine hystérique est indubitable.

Mais l'influence de la faith-healing ne s'exerce-t-elle que

sur les convulsions hystériques ? Certainement non. Les autres

manifestations, si nombreuses, de la névrose en sont égale-

ment tributaires, et nous en trouvons la preuve à la fois dans

les documents figurés et dans les documents écrits.

Au xiiie siècle, dans la basilique de Saint-Denis, le tom-

beau de saint Louis devint un lieu de pèlerinage très fré-

quenté ; il se produisit de nombreux miracles à son contact.

Littré nous les a fait connaître et il en a donné l'interprétation

dans la Philosophie positive1. Il s'agissait là, très certainement,

de contractures hystériques. -

A une époque plus récente, au xvIll'' siècle, le docu-

ment figuré s'est associé au document écrit, et l'ouvrage de

Carré de Montgeron, dont les planches gravées d'après nature

représentent nombre de guérisons miraculeuses, est une mine

toujours précieuse à consulter. Nous trouvons l'histoire illus-

trée de la guérison miraculeuse de la demoiselle Fourcroy et

de Marie-Anne Couronneau, atteintes de paralysie et de con-

tracture hystérique. Je prends ces deux faits au hasard parmi

les nombreux cas dont Carré de Montgeron a donné la rela-

tion : ils se ressemblent tous. A ceux qui me reprocheraient de

toujours parler d'hystérie, et avant de m'expliquer plus com-

plètement à ce sujet, je répondrai par ce mot de Molière :

« Je dis la même chose, parce que c'est toujours la même chose » ;

je constate, et rien de plus.

Mais, me répondra-t-on, les médecins qui aujourd'hui,

comme autrefois dans l'Asclépieon, sont chargés de cons-

tater les miracles opérés dans les sanctuaires, prétendent que

la guérison des convulsions, des contractures et des paralysies

d'origine hystérique, est d'un ordre trop naturel pour justifier

1 Littré. Un fragment de médecine rétrospective. (La philosophie

positive, 1866, t. V, p. 103.)

LA FOI QUI GUÉRIT. 81

une intervention miraculeuse. Ils connaissent, eux aussi, l'in-

fluence de l'esprit sur le corps, et la disparition spontanée des

paralysies hystériques ne vaut pas qu'on fasse appel à une

force surnaturelle. C'est à des tumeurs, à des plaies, que

s'adresse maintenant l'eau de la piscine; elle guérit soudaine-

ment les ulcères les plus rebelles; dira-t-on encore qu'ils

étaient nés sous l'influence de la névrose ?

L'évolution de nos données scientifiques me permet d'être,

sur la question de fait, entièrement de l'avis des médecins des

sanctuaires : certaines tumeurs ou certains ulcères sont jus-

ticiables de la faith-healing, qui prend sa source dans les eaux

de la piscine sacrée.

Croit-on que ce soient là des faits nouveaux ? De tout temps

la faith-healing a guéri des tumeurs et des ulcères, et j'ajoute

que, comme aujourd'hui, cette guérison s'est effectuée dans

des conditions parfaitement déterminées dont il nous est actuel-

lement possible de donner le plus souvent une exacte analyse.

Qu'il me soit permis d'en citer un exemple.

Qu'on veuille bien se reporter à la guérison miraculeuse

opérée sur la demoiselle Coirin, dont Carré de Montgeron nous

a donné la description et la représentation figurée '.

Au mois de septembre 1716, la demoiselle Coirin, alors âgée

de trente et un ans, fit coup sur coup deux chutes de cheval :

la seconde fois, elle tomba * sur le côté gauche de l'estomac

qui porte à plomb sur un tas de pierres, ce qui lui cause une

douleur si vive qu'elle en reste évanouie ».

Au bout de quarante jours, elle est prise de vomissements

de sang qui se répètent fréquemment et s'accompagnent de

« foiblesse ».

« Dans une de ses foiblesses, qui lui arriva trois mois après

sa chute, comme on lui mettoit des linges sur l'estomac, on

s'aperçut qu'elle avoit le sein du côté gauche extrêmement dur,

enflé et tout violet. Le chirurgien du pays, nommé Antoine

Paysant, ayant été consulté et ayant examiné son sein, décou-

vrit qu'elle avoit une grosse glande qui s'étendoit jusque

sous l'aisselle du bras en arrière et une espèce de grosse corde

de la largeur de trois doigts qui gagnoit jusqu'au bout du

sein. Ce chirurgien lui donna des cataplasmes, lesquels lui

1 Carré de Montgeron. La vérité des miracles opérés par J1. d

Paris et autres appelants, t. I, Cologne, 1747. Septième démonstration

Archives, t. XXV. 6

82 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.

faisoient distiller une quantité considérable de sang par le

bout du sein sans la guérir ni même la soulager, son sein

lui faisant toujours de la douleur et étant de plus en plus

dur.

- -0[ ... On s'aperçut qu'elle avoit un cancer au sein du côté

gauche, la mamelle de ce côté étant devenue grosse comme la

tête, excessivement dure et toute enflammée. "

Ceci se passait en 1716. « Cependant l'humeur tranchante

et corrosive du cancer faisoit toujours de funestes progrès, qui

éclatèrent enfin de la manière la plus affreuse vers la fin de

l'année 1719. »

Un témoin oculaire, Anne Giroux, nous apprend « qu'il lui

vint une petite ouverture de pourriture au-dessous du sein et

de la mamelle gauche; que cette ouverture augmenta toujours

de plus en plus, gagnant tout autour du bout du sein, et

qu'elle le cerna en peu de jours, de façon que le bout de ce

sein tomba en un morceau. Elle ajoute qu'elle a vu le. bout de

ce sein détaché de la mamelle, qu'on le garda trois jours sur

une serviette pour le montrer aux chirurgiens qui avoient soin

de ladite demoiselle, et qu'elle avoit ou qu'il y avoit à la place

de ce bout un trou un peu plus large qu'une pièce de douze

sols qui paroissoit assez profond, et dont il sortoit sans cesse

une eau qui puoit comme une charrogne. »

En 1720, deux chirurgiens proposèrent l'amputation du sein,

mais la mère de la demoiselle Coirin refusa de consentir à

l'opération, celle-ci ne devant être que palliative, puisque la

maladie cancéreuse était déclarée incurable. « Puisque sa fille

n'étoit pas sûre de guérir par cette opération, elle étoit bien

aise de la lui épargner, et mourir pour mourir, il falloit autant

qu'elle ne souffrit pas. JI '

Ajoutons que, dès 1718, la malade avait été frappée tout

d'un coup, pendant la nuit, d'une paralysie de tout le côté

gauche.

« Il lui prit un engourdissement dans le bras gauche qui,

la nuit, dégénéra en paralysie qui lui ôta tout l'usage de tout

le côté gauche; depuis ce tems, il lui a été impossible de faire

aucun mouvement de son bras ni de sa main gauche, qui

demeurèrent en tout tems froids comme de la glace, et ne

pouvoit les changer de place qu'en les prenant avec son bras

droit, en poussant sa jambe gauche avec sa droite, ce qui est

resté ainsi jusqu'à la nuit du 11 au 12 août 1731. Que même

LA FOI QUI GUÉRIT. 83

sa cuisse et sa jambe se retirèrent de façon qu'elle avoit un

creux au-dessous de la hanche assez profond pour y pouvoir

mettre le poing, et que, comme les nerfs de la jambe s'étoient

retirés, cette jambe paroissoit considérablement plus courte

que l'autre... Sa jambe gauche étoit toute retirée en arrière

et comme recoquillée, et qu'elle étoit pâle, toute desséchée,

froide comme de la glace, même dans le plus chaud de l'été. »

Le 9 août 11731, elle s'adresse à une vertueuse femme de

Nanterre, la charge de dire pour elle une neuvaine au tom-

beau du bienheureux François de Pâris, d'y faire toucher

une chemise et de lui apporter de la terre prise auprès du

sépulcre. Le lendemain 10, la pieuse femme se rend à Saint-

Médard...

c Le soir du lendemain 11 août, à peine la moribonde s'est

fait mettre la chemise qu'avoit touchée le précieux tombeau

qu'elle éprouve à l'instant la vertu bienfaisante qu'elle y avoit

puisée. Forcée de par sa paralysie de se tenir constamment

sur le dos, elle se retourna elle-même dans son lit. »

Le lendemain 12, elle s'empresse d'appliquer elle-même

sur son « cancer » la précieuse terre, et a aussitôt elle

remarque avec admiration que le trou profond de son sein,

d'où sortoit sans cesse depuis douze ans un pus corrompu et

infecté, s'étoit séché sur-le-champ et commençoit se refermer

et à guérir ».

La nuit suivante, nouveau prodige. « Les membres para-

lytiques qui depuis tant d'années représentoient les membres

d'un corps mort par leur froid glaçant, leurs marques affreuses

et leur raccourcissement hideux, se raniment tout à coup;

déjà son bras a repris la vie, la chaleur et le mouvement; sa

jambe retirée et desséchée se déploie et s'allonge; déjà le

creux de sa hanche se remplit et disparait; elle essaye si elle

pourra dès ce premier jour se servir de ces membres nouvelle-

ment rappelés à la vie, mais dont la maigreur porte encore la

livrée de la mort; elle se lève seule, elle se soutient sur le

bout du pied de cette jambe qui depuis si longtemps étoit

beaucoup plus courte que l'autre; elle se sert aisément de son

bras gauche, elle s'habille et se coiffe avec ses mains. »

Le miracle était consommé : toutefois, il faut ajouter que la

plaie du sein n'était complètement cicatrisée qu'à la fin du

mois; que le -24 septembre seulement, elle put sortir, et le

30 septembre monter en voiture.

84 -il THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.

J'avoue qu'il y a dix ans seulement l'interprétation de tous

les éléments de cette curieuse observation eût offert bien des

difficultés ; la nature hystérique des vomissements sanglants,

de la paralysie, n'eût pas fait de doute, mais cette paralysie

s'accompagnait d'atrophie : Eh bien, il est péremptoirement

démontré aujourd'hui que l'atrophie musculaire accompagne

assez souvent la paralysie ou la contracture hystérique pour

qu'il ait été déjà publié plus de vingt cas analogues à celui de

la demoiselle Coirin.

Mais, dira-t-on, le cancer du sein, ce cancer ulcéré, était-il

aussi une manifestation hystérique ? Parfaitement, pourvu

que l'on veuille bien concéder que le terme « cancer » ne doit

pas être pris ici au pied de la lettre et dans son acception his-

tologique moderne. Les ulcérations persistantes de la peau ne

sont pas rares dans la névrose, témoin les plaies de saint Fran-

çois d'Assise et les stigmates de Louise Lateau.

La demoiselle Coirin présentait au niveau du sein ces phé-

nomènes d'oedème hystérique, mentionnés pour la première

fois par l'illustre Sydenham, oedème dur, oedème bleu ou vio-

lacé, comme je l'ai appelé, et l'on sait aujourd'hui, après les

travaux de M. le professeur Renaut, de Lyon', que l'oedème,

lorsqu'il est porté à un certain degré d'intensité, peut entraîner

avec lui des gangrènes cutanées dont les escarres laissent à

leur suite des ulcérations analogues à celle qui avait détruit le

mamelon dans le cas précité 2.

Je lisais dernièrement un mémoire fort intéressant du

Dr Fowler On y trouvera l'exposé de huit cas dans lesquels

il existait dans le sein des tumeurs uniques ou multiples dépas-

sant parfois le volume d'un oeuf de poule.

Plusieurs des malades consultèrent des chirurgiens célèbres;

la plupart de ceux-ci considérèrent, parait-il, l'affection du

sein comme étant de nature organique et proposèrent l'abla-

rehaut. - Sur une forme de la gangrène successive et disséminée

de la peau; l'urticaire gangreneuse. (La Médecine moderne, n° 9, 20 fé-

vrier 1890.)

2 On trouvera l'histoire complète de ces troubles trophiques dans le

Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, de mon ancien chef de

clinique, M. Gilles de la Tourette. (T. I, Paris, 1891 ; il, en prépara-

lion.) Pion, édit.

' Neurolic Tumours of Ilic Greast; read bejore Vie New-York Neuro-

logical Society, tuesday 7 januarv 1890. - Médical Record, 15 fe-

bruary 1890, p. 179.

LA FOI QUI GUÉRIT. 85

tion de l'organe. Or, le Dr Fowler, plus avisé, soumit ses

patientes, qui étaient toutes hystériques, à un traitement dont

l'élément psychique' fit pour ainsi dire tous les frais, et les

tumeurs qu'on avait jugées justiciables de l'instrument tran-

chant disparurent sans trop tarder. Si, munies des consulta-

tions concluant à une néoplasie, à un cancer peut-être, elles

s'étaient rendues à un sanctuaire, comment révoquer en doute

qu'elles eussent été guéries d'une maladie réputée incurable ?

Le Dr Fowler connaissait bien chez ces malades l'influence

de la faith-healing, car il nous dit en toutes lettres, en

parlant de l'une d'elles, et il en était probablement ainsi des

autres : Lilse aU women of similar tempérament, she had a

fetich like-faith in lier régulai- médical attendant 1. »

Ces cas et aussi tous les autres montrent bien que la guéri-

son dite ou non surnaturelle survenue sous l'influence de la

faith-healing obéit à des lois naturelles, et celles-ci sont encore

plus évidentes lorsqu'on pénètre plus avant dans l'analyse des

faits. C'est ainsi, par exemple, que dans tous les cas, la sou-

daineté de la guérison est beaucoup plus apparente que réelle.

Prenons pour exemple la contracture hystérique. Sous l'in-

fluence de la faith-healing ou de toute autre cause plus ou

moins réputée miraculeuse, la rigidité cesse, les muscles sont

aptes de nouveau à entrer en action. A ce moment et les jours

qui suivent, l'examen attentif montre qu'il persiste dans le

membre qui a été contracturé des troubles de sensibilité, de

l'exagération des réflexes tendineux, compagnons ordinaires

de la contracture. C'est une loi physiologique que ces phéno-

mènes-ne disparaissent pas immédiatement, et que tant qu'ils

persistent, ainsi que je l'ai bien souvent montré à ma Cli-

nique, on peut toujours redouter un retour offensif de la para-

lysie ou de la contracture. Ces phénomènes, on ne songe pas

à les chercher dans les sanctuaires, mais je les ai souvent notés

chez des malades guéris dans un lieu saint comme chez ceux

dont la guérison avait été obtenue à la Salpêtrière : les diffé-

rences ne sont pas dans les faits eux-mêmes, mais dans l'inter-

prétation qu'on en donne.

A plus forte raison ce déterminisme est-il encore plus évi-

dent lorsque la paralysie s'accompagne d'atrophie, lorsque

l'oedème produit de la gangrène cutanée, tous phénomènes

' " Comme toutes les femmes de semblable tempérament, elle avait

une sorte de foi fétichiste en son médecin ordinaire. - ·

86 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.

dont l'évolution est appréciable pour les observateurs les moins

expérimentés.

A ce propos, revenons à la demoiselle Coirin. Sous l'influence

psychique déterminée par l'application de la chemise qui a

touché au tombeau du diacre Pâris, l'oedème, trouble vaso-

-moteur, a disparu presque immédiatement, le sein a repris

son volume normal. Il n'y a dans ce fait rien qui puisse nous

étonner, puisque nous savons avec quelle rapidité peuvent

apparaître et disparaître les troubles circulatoires. L'oedème

n'existant plus, les conditions locales de la nutrition des tissus

sont heureusement modifiées, la plaie du sein va pouvoir se

cicatriser en vertu de lois physiologiques aussi bien connues

que celles qui précédemment avaient présidé à l'apparition de

la gangrène. Mais la cicatrisation complète demande un temps

normal, suffisant pour s'effectuer, et ce n'est en effet que

quinze jours plus tard que la peau de l'organe est devenue

lisse, indemne de toute ulcération en voie de cicatrisation.

1

L'élément contracture ou paralysie peut apparaître ou dis-

paraitre soudainement. C'est un fait bien connu qu'une vio-

lente émotion nous cloue au sol sans que nous puissions mou-

voir nos membres. Lorsque l'influx moteur parti du cerveau

s'est rétabli, nous sommes aptes à marcher de nouveau. Mais

si pendant cette paralysie les muscles se sont atrophiés, le

membre né reprendra sa force et son volume que lorsque les

faisceaux musculaires se seront régénérés, et cette régéné-

ration, à laquelle président aussi des lois physiques, demande

un temps suffisant pour s'accomplir. C'est encore là le cas

de la demoiselle Coirin qui ne peut se servir de sa jambe

atrophiée pour monter en voiture, que vingt jours après sa

guérison qualifiée de soudaine.

C'est encore le cas de Philippe Sergent rapporté par Carré

de Montgeron. Le 10 juillet 1730, troisième jour de sa neu-

vaine au tombeau du diacre Paris, il est guéri d'une contrac-

ture des membres du côté droit avec atrophie. « Mais, dit

explicitement le narrateur, sa main, sa cuisse et sa jambe

droite ne rengraissèrent pas dans le moment, mais elles repri-

rent seulement couleur de chair », étant atteintes, comme

chez la demoiselle Coirin, de l'oedème bleu hystérique. L'atro-

phie n'a pu échapper à la loi physiologique de la régénération

musculaire.

De tout cela, je ne parle point sans pouvoir invoquer une

LA FOI QUI GUÉRIT. 87

expérience un peu particulière. J'ai vu revenir de sanctuaires

en vogue des malades qui y avaient été envoyés avec mon

consentement, n'ayant pu moi-même leur inspirer la faith-

healing. J'ai examiné leurs membres atteints quelques jours

auparavant de paralysie ou de contracture, et j'ai assisté à la

disparition graduelle des stigmates sensitifs locaux qui persis-

tent presque toujours quelque temps encore après la guérison

de l'élément paralysie ou contracture 1.

En résumé, je crois que, pour qu'elle trouve à s'exercer, il

faut à la faith-healing des sujets spéciaux et des maladies spé-

ciales, de celles qui sont justiciables de l'influence que l'esprit

possède sur le corps. Les hystériques présentent un état men-

tal éminemment favorable au développement de la faith-hea-

ling, car ils sont suggestibles au premier chef, soit que la

suggestion s'exerce par des influences extérieures, soit surtout

qu'ils puisent en eux-mêmes les éléments si puissants de l'auto-

suggestion. Chez ces individus, hommes ou femmes, l'influence

de l'esprit sur le corps est assez efficace pour produire la gué-

rison de maladies que l'ignorance où on était il n'y a pas long-

temps encore, de leur nature véritable faisait considérer comme

incurables. Tels ces faits de troubles trophiques d'origine hys-

térique qu'on commence à bien connaître : atrophie muscu-

laire, oedème, tumeurs avec ulcérations. Quand on entendra

désormais parler d'une guérison soudaine, dans un sanctuaire,

de cancer ulcéré du sein, qu'on se souvienne du cas' de la

demoiselle Coirin et qu'on se rappelle les faits d'observation

toute moderne du Dr Fowler.

Est-ce à dire que, dès à présent, nous connaissions tout dans

ce domaine du surnaturel tributaire au premier chef de la faith-

healing et qui voit tous les jours ses frontières se rétrécir sous

l'influence des acquisitions scientifiques ? Certainement non.

Il faut, tout en cherchant toujours, savoir attendre. Je suis le

premier à reconnaitre qu'aujourd'hui : The1'e a¡'e more things

in heaven and hearth, than are dreant in yow" s philosophy 2. »

1 Voir comme exemple typique l'observation d'Etch... (Bourneville,

Recherches clin, et thér. sur l'épilepsie et l'hystérie, p. 175 et 192, Paris,

1876.) A consulter aussi : Valentiner. Nouv. méd., 1872, p. 233 (Trad.

E. Teinturier) ; Bourneville, Louise Lateau ouj la stigmatisée belge. B. et

P. Regnard, Iconogr. phot. de la Salpêtrière, 1876, 1880).

' « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre qu'il n'y a de

rêves dans votre philosophie. (SAAICESPSARB.)

THÉRAPEUTIQUE

L'ÉLONGATION DE LA MOELLE EN ORIENT;

Par M. Alexandre HASTONIL.

En 1883, le Dr Motchoutkowsky (d'Odessa) utilisa le pre-

mier la suspension dans le traitement des affections de la

moelle. Depuis, ce procédé a pris une grande extension et par-

ticulièrement après qu'il eût été expérimenté par M. le profes-

seur Charcot.

Nous n'avons ni la science, ni l'âge voulus pour nous per-

mettre d'apprécier un moyen thérapeutique, qui a déjà donné

d'excellents résultats et il faut les instances d'un malade fort

intelligent, qui a suivi le traitement de la suspension et celui

que nous allons décrire, pour nous décider à écrire deux ou

trois mots sur la méthode orientale d'élongation de la moelle.

Nous pouvons considérer trois temps dans l'application de cette

méthode.

Premier temps. Le malade est couché sur un plan ho -

zontal, les pieds reliés à une barre fixe. L'opérateur, age-

nouillé derrière la tête du sujet, s'est préalablement muni

d'une serviette pour éviter de rendre douloureuse la traction

qu'il doit exercer; il prend alors cette serviette et il en applique

les deux extrémités pliées au niveau des apophyses mastoïdes

du malade, dont il enserre ainsi comme dans un demi-cercle

la partie postérieure de la tête. Il attire alors brusquement et

avec force la tête du malade en arrière. Ce premier mouve-

ment exécuté, l'opérateur laisse un instant reposer le patient,

puis il procède comme précédemment, mais cette fois au lieu

de s'interrompre aussitôt la traction faite, il fait suivre immé-

diatement cette traction d'un redressement brusque de la tête

du sujet comme pour en porter la face au-devant des genoux.

Simultanément, il exerce fortement avec la paume de la main

et à quatre ou cinq reprises de fortes pressions sur la colonne

vertébrale du malade. Là s'arrête le premier temps.

. REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. ' 89

Deuxième temps. - Après quelques instans de repos, le

sujet est placé debout, les pieds maintenus fixes et par consé-

quent absolument immobiles. L'opérateur se place alors au-

devant de lui, le dos exactement appliqué contre la poitrine

du malade. Dans cette situation, il prend les mains du malade

et les faisant passer par-dessus les épaules, il les ramène en

croix sur sa poitrine : il les maintient dans cette position et

se- croisant les bras, pour prendre un solide point d'appui, il

se courbe très doucement et très lentement de manière à en-

traîner dans ce mouvement la colonne vertébrale du malade

et à lui faire exécuter un arc assez étendu pour opérer une

élongation salutaire de la moelle.

Troisième temps. L'opérateur se place dos à dos avec le

patient et lui prenant les bras de manière à entre-croiser les

coudes entre eux, il se courbe en avant et il entraîne la co-

lonne vertébrale du sujet dans ce mouvement exactement

comme dans le second temps de l'opération. Notons ici que

le dos de l'opérateur doit, pendant l'exécution de ce troisième

et dernier temps, rester toujours solidement appliqué contre

celui du patient de manière à éviter tout glissement.

Encore une fois, nous n'avons pas eu la prétention de faire

oeuvre de grande utilité en écrivant ces deux ou trois mots sur

la manière dont on essaie en Orient l'élongation de la moelle.

Que si, n'ayant bien sincèrement d'autre intérêt en vue

que celui des malades, nous avions cependant réussi à inté-

resser tant soit peu ceux qui ont à coeur de les traiter le mieux

possible, nous nous en estimerions très henreux.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

I. DE la LOGORRHÉE, par 0. Klinke. (Allg. Zcilsch. f. Psychiat.,

t. XLVIII, p. 1 et 2.)

Observation de parole impulsive automatique, incoercible. Il

semble qu'à ce phénomène président, d'une façon permanente, des

images de mots qui obligent la malade à parler. Bien qu'elle

s'exprime lentement, par intervalles, et nettement, comme en

90 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

scandant, jamais le flux n'est difficile ; il n'y a pas d'arrêt. Quand

on la touche ou l'appelle, on provoque son attention ; alors elle

s'interrompt et le calme se produit. Puis, de nouveau, doucement

et graduellement plus haut elle se remet à parler..Plus tard, la

malade indiqua que les pensées se présentaient à elle ; qu'elle sen-

tait dans sa tête des murmures et des fredonnements ; que Dieu

lui proposait ce qu'elle avait à répéter. C'est donc une logorrhée

symptomatique de la folie systématique (paranoia).

P. KERAVAL.

Il. UN cas DE CONTAGION PSYCHIQUE terminé par complète GUÉRISON;

par KCHNE. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., t. XL VIII, 1. 2.)

A lire en entier; la suscription résume complètement l'observa-

tion. P. K.

III. Contribution A L'ÉTUDE DE l'épilepsie jacksonienne ET DB

l'atrophie musculaire D'ORIGINE cérébrale ; par L. KR.1MER.

(Jahrbùch. f. Psychiat., X, 1.)

Observation intéressante par ceci : Cinq ans environ après une

infection syphilitique certaine, amaurose et convulsions faisant

supposer une lésion de la base et de l'écorce. L'épilepsie est jack-

sonienne, donc il y a lésion de l'écorce; mais, comme on a signalé

l'épilepsie partielle consécutive à une localisation quelconque ou

même sans lésion organique de l'encéphale, il pourrait subsister

des doutes si les convulsions n'avaient été suivies de parésie et

d'atrophie. Et d'abord il n'y a pas paralysie générale (ni troubles

de la parole, ni mégalomanie); ce n'est pas non plus une sclérose

en plaques (étiologie, âge du malade, évolution). Reste l'hypothèse

d'une plaque néoplasique de la base s'insinuant entre la bandelette

et le nerf optique (atrophie de celui-ci) ou d'un foyer inflammatoire

circonscrit des méninges et des parties corticales voisines, oblité-

rant les artères, ou occupant la base, lésant la bandelette et le

nerf optique, gagnant l'écorce et déterminant, soit par l'oblitéra-

tion des artères, soit par la destruction de la région motrice, l'hé-

miparésie et l'épilepsie jacksonienne (irritation sous-jacente).

L'atrophie aurait la même origine, étant donné qu'elle est pré-

coce, que Jes grandes cellules des cornes antérieures sont indemnes,

qu'il existe des centres trophiques dans l'écorce (Quincke Hirt

Eisenlohr).

Autopsie. Leptoméningite chronique, atrophie et hypérémie

cérébrale. Pneumonie lobulaire. Ostéome de la dure-mère avec

pachyméningite. Intégrité de la substance blanche et grise de la

moelle, même au microscope; cellules nerveuses normales. Rien

qui puisse expliquer la paralysie des extrémités gauches; pas de

foyer dans la zone motrice droite. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 91

IV. Un cas DE PSYCHOSE chez un saturnin; par C. AIAYER.

(YM/t ! '6Me/t. f. Psychiat., X, 1.)

Saturnisme chronique professionnel (coliques de plomb, cépha-

lalgies, paralysie typique des extenseurs, avec réaction dégénéra-

tive, attaques épileptiformes, tremblement); psychose aiguë appar-

tenant au groupe de l'amelttia de Meynert; hallucinations de la

sensibilité cutanée semblables à celles des alcooliques et cependant t

le malade n'est pas alcoolique; alternatives irrégulières de gaieté

et d'angoisse. Paralysie bilatérale de l'oculomoteur externe, mais

passagère, sans qu'on ait pu déterminer s'il s'agissait d'une para-

lysie nucléaire ou neuromusculaire périphérique. Déjà Tancquerel

avait dit que strabisme et diplopie sont des signes prodromiques

de l'encéphalopathie saturnine. P. K.

V. Inversion ET perversion du sens génital (cas médico-légal);

par Lewin. (Neurolog. Centralbl., 1891.)

Examen d'un acteur ayant imaginé d'associer sa propre torture

à la pédérastie passive (voir les détails dans le mémoire). Conclu-

sion. Dégénérescence mentale; psychopathie; décadence morale;

inversion du sens génital et perversion sexuelle. P. K.

VI. UN cas d'automatisme comitial ambulatoire;

par le D1' H. GRANDJE.1N.

Il s'agit d'un homme de trente-quatre ans, ayant un oncle épi-

leptique, et ayant présenté lui-même dans son enfance un accès

de somnambulisme qui, du mois de janvier 1890 au mois de

février 1891, fut atteint de trois crises d'automatisme ambulatoire.

Pendant ces crises, cet homme agit d'une façon aussi correcte que

s'il était conscient; il accomplit les actes les mieux coordonnés et

les plus complexes, tels que jouer aux cartes, demander son billet

de chemin de fer, monter et descendre du train à la station indi-

quée sur son billet, causer sensément, etc. Le retour à l'état cons-

cient dans ces crises, d'une durée de seize à quarante-cinq heures,

est suivi d'une amnésie absolue. Entre les crises d'automatisme on

a noté quelques absences se produisant seulement pendant le tra-

vail. Pas de stigmates hystériques.

Pour admettre que les crises d'automatisme de ce malade dépen-

dent de l'épilepsie, l'auteur se fonde sur les faits suivants : 1° l'exis-

tence de prodromes (dépression psychique et rêves pénibles qui

correspondaient assez bien à une aura épileptique de longue durée);

2° les caractères des crises elles-mêmes (céphalalgie, fatigue et

amnésie consécutives) ; 3° l'existence d'absences entre les crises et

4° l'efficacité du traitement bromure. (Rev. méd. de la Suisse Ro-

mande, 1891.) G. D.

92 z2 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

N'Il. CONTRIBUTION A l'étude DE la toxicité urinaire CHEZ LES

aliénés ; par les DS DE BOLT et SLASSE. (Bull, de la Soc. de lŸI(id.

ment. de Belgique, 1891.)

. Les auteurs n'ont fait porter leurs recherches que sur les urines

d'un seul aliéné, atteint de délire mélancolique ethypochondriaque;

ils ont constaté que le-coefficient urotoxique était d'abord plus

élevé chez ce malade qu'à l'état normal, puis qu'il avait

diminué au sur et à mesure que les troubles psychiques s'étaient

accentués. Ils inclinent à croire que dans ce cas les modifications

de la toxicité urinaire doivent être rattachées à la maladie mentale.

G. D.

VIII. LE délire chronique ÉVOLUTION systématique et les PSYCHOSES

DES DÉGÉNÉRÉS; par le Dr P. Sérieux. (Bull, de la Soc. de 11féd,

ment. de Belgique, 1891.)

Travail destiné à mettre en relief les caractères différentiels qui

d'après l'enseignement de M. Magnan séparent le délire chronique

des autres psychoses, notamment de celles des dégénérés.

IX. Mélancolie anxieuse CHRONIQUE. PERTE DU SENTIMENT DE la

personnalité; par le Dr Jules DaGONET. (Bull, de la Soc. de Méd.

ment. de Belgique 1891.)

Observation d'une héréditaire qui a présenté à quarante-deux

ans un premier accès de mélancolie anxieuse suivi de plusieurs

autres. Au cours de ces accès elle fit deux tentatives de suicide. A

cette première période de l'affection en a succédé une seconde,

caractérisée par un cinquième accès avec délire systématisé de

négation et dissociation de la personnalité, puis une troisième ou

terminale dans laquelle les signes de démence ont peu à peu rem-

placé les conceptions délirantes. L'évolution de cette psychose a

- duré vingt-cinq ans. G. D.

X. Atrophie partielle symétrique DES hémisphères ET PORENC-

PHALIE du LOBE frontal DROIT; par le Dr SALGO. Il2llt. de la Soc.

de Med. ment. de Belgique, 1891.)

- Relation de l'autopsie d'un idiot dont le cerveau présentait :

1° une atrophie de la seconde circonvolution temporale et de la

seconde circonvolution occipitale des deux côtés ; 2° une atrophie

porencépbalique occupant le lobe frontal de l'hémisphère droit. Ces

lésions sont rapportées par l'auteur à une encéphalite de la première

enfance ou même foetale et non à un simple arrêt de développement

D'après lui la porencéphalie, l'atrophie simple, les ramollissements,

les dégénérations kystiques, les scléroses lobaires anciennes plus

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 93

ou moins étendues, ne sont que les effets divers d'un même pro-

cessus pathologique, évoluant dans le cerveau de l'enfant ou du

foetus et donnant lieu à des accidents différents suivant les régions

du cerveau qu'il affecte. G. D.

XI. Idiotie avec cachexie P.aCHYDEIl3rIQLE, par le Dr COUSOT.

(Bull. de la Soc. de lIléd, ment, de Belgiquc, 1881.)

Il s'agit de deux nouvelles observations d'idiotie myxoedéma-

teuse caractérisée par un arrêt de développement et de l'évolu-

tion, un trouble nutritif aboutissant à une atrophie générale, ona-

nisme avec les signes habituels du myxoeJème et un état de

perturbation intellectuelle, l'idiotie. L'auteur adopte la doctrine de

Bourneville pour lequel le myxoedème dépend de l'absence totale

ou partielle, ou tout au moins d'une lésion de la glande thyroïde.'

G.D.

XII. DE la présence DE l'acétone dans l'urine DES aliénés; par les

D™ J. DE Roeck et A. SLOSSE. (Bull. de la Soc. de Med. ment, de

Belgique, 1891.)

De leurs recherches qui ont porté sur les urines de 31 aliénés et

d'une quinzaine de sujets normaux, les auteurs tirent les conclu-

sions suivantes : lorsqu'on veut constater dans les urines la pré-

sence de l'acétone, il faut les récolter avec les plus grandes pré-

cautions. Elles doivent être conservées en flacons bien bouchés et

exactement remplis, ou mieux être distillées immédiatement.

La réaction iodoformée de Lieben est de toutes les réactions

proposées celle qui convient le mieux à déceler de très minimes

quantités d'acétone. On peut aussi avoir recours à la réaction de

Gunning. Là où ces deux réactions auraient échoué, toutes les autres

sont superflues. La réaction au perchlorure de fer n'a aucune

valeur pour déceler l'acétone : elle est caractéristique de l'acide

diacétique.

Il y a une acétonurie physiologique, son importance dépend de

larichesse de l'alimentation en substances azotées. La constatation

d'une petite quantité d'acétone dans l'urine des aliénés n'a donc

aucune signification pathologique. La quantité d'acétone contenue

dans l'urine n'est pas en rapport avec l'état psychique du malade

(dépression, agitation, peur, hallucination). La quantité d'acétone

augmente considérablement pendant l'inanition ; il est utile de

commencer l'alimentation artificielle lorsque , chez l'aliéné qui

refuse de manger, la quantité d'acétone urinaire augmente dans

de grandes proportions. G. D.

94 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XIII. Contributions A L'ÉTUDE DE L'ÉPILEPSIE symptomatique ;

par le Dr BELLAT.

Observation intéressante de tumeur de la dure-mère, placée à

cheval sur la scissure interhémisphérique, au point de jonction de

la première frontale et de la frontale ascendante, un peu en avant

de la scissure de Rolondo et portant un peu plus sur le côté gauche

que sur le droit. Cette tumeur avait déterminé, surtout du côté

gauche, une attrition direcle de l'écorce cérébrale ayant eu, tout

d'abord, pour résultat, des phénomènes d'épilepsie jacksonienne

du côté droit; puis, avec l'accroissement de la tumeur, les convul-

sions avaient pritle type de l'épilepsie vraie. Enfin, insensiblement,

s'est produite une accoutumance cérébrale, l'encéphale n'a plus

réagi aussi vivement, et bientôt on n'a plus constaté chez le malade

que de simples vertiges précédés ordinairement de mouvements

oscillatoires et de course en avant, propulsion dont le malade avait

conscience et qui semble avoir été une sorte d'accès procursif in-

complet, le malade est mort en démence deux ans après l'appari-

tion despremiers symptômes. (Annales médico-psychologiques, 1892.)

E. B.

XIV. Tuanatophobie ET suicide; par le Dr NiCOULAU.

Les causes occasionnelles du suicide sont, chez les dégénérés

héréditaires, en nombre et en variété presque infinis : loutes ne se

rencontrent pas avec une égale fréquence et la thanatophobie peut

être comptée parmi les plus rares. Les thanatophobes sont des

condamnés à mort d'une variété particulière qui las de vivre sous

le coup d'une menace permanente,, en devancent'1'exécution.

La thanatophobie, simple primitive, est dégagée de tout élément

initial et prépondérant qui puissea prionlijustifier lafin des malades,

tels que : hallucinations terrifiantes, crainte de supplices barbares,

remords imaginaires avec terreur des peines futures ou immé-

diates, etc. Le délire thanatophobique provient, chez les dégénérés,

de motifs tout à fait futiles ou complètement étrangers à leurs per-

sonnes ; chez l'un, la peur de la mort survient à la suile d'un rêve

qui l'a représenté à ses propres yeux sanglant et mutilé; un autre

interprète dans le même sens quelque événement sans rapport avec

son individu; un troisième s'affecte outre mesure d'un mal insi-

gnifiant (en dehors, bien entendu, d'aucune hallucination de la

sensibilité générale) et porte si loin son erreur que la mort doit

nécessairement survenir à bref délai ; la malade par exemple, dont

l'auteur relate l'intéressante observation, frappée de ce fait que

son père, sa mère et l'un de ses frères étaient morts après l'accom-

plissement de leur cinquante-deuxième année, se persuade qu'il y

a là une échéance inéluctable imposée par le deslin à elle-même.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 95

aussi bien qu'à ses proches. A partir du jour où fut révolue sa

cinquante-deuxième année, cette malade se sentait, pour ainsi dire

guettée, épiée incessamment par cette mort inévitable, d'autant

plus affreuse qu'elle restait inconnue dans sa forme et surtout dans

le moment précis de son avènement ; de là une anxiété, une oppres-

sion qui finissent par déterminer la malade à devancer, par des

tentatives répétées de suicide, un trépas dont l'attente augmentait

encore les angoissantes perspectives.

En présence de semblables manifestations délirantes, une ques-

tion se présente dès l'abord à l'esprit : puisque la mort est, au dire

des patients, certaine et prochaine, pourquoi la devancer et par

quelle succession de modalités psychiques en viennent-ils à s'infli-

ger de leurs mains le sort qu'ils redoutent ? 2

Chez l'homme sain, l'attente d'un événement se traduit par une

sorte d'appétence, qui, dans certaines occasions va jusqu'à l'im-

patience extrême ; volontiers on en précipiterait l'échéance, que

le résultat soit d'ailleurs bon ou mauvais, afin de procurer à l'an-

goisse une détente, une relâche bienfaisantes ; comme exemple,;on

peut prendre l'état psychique des candidats à un concours, à un

examen, et mieux pour se rapprocher plus encore des conditions

propres aux malades en question, celui des condamnés à mort dont

les idées tendront huit fois sur dix au suicide.

Etant admise, à l'état normal, l'existence de l'appétence anxieuse,

il est facile de concevoir ensuite comment par une exagération

tout entière attribuable au mauvais état psychique du sujet, cette

appétence induit ce dernier à certains actes anormaux et en par-

ticulier au suicide. La conduite' paradoxale des aliénés thanato-

pliobes qui, bien que terrifiés par l'imminence d'une fin jugée

inévitable, n'en recherchent pas moins la mort avec une opiniâ-

treté trop souvent couronnée de succès, n'aurait pas d'autre mo-

tif. (Annales médico-psychologiques, 1892.) E. B.

XV. DE l'acétonurie chez LES aliénés ; par M. SAILLER.

Dans une communication à la Société de médecine mentale de

Belgique, MM. de Boeck et Slosse ont fait connaitreleurs recherches

sur l'acétonurie chez les aliénés.

D'après ces auteurs, ce n'est pas seulement dans certaines affec-

tions mentales que l'on trouve de l'acétone dans les urines ; l'exis-

tence d'acétone en quantité plus ou moins considérable dans l'u-

rine des aliénés est unfaitconstant.Dans desrecherches antérieures

M. Sailler avait constaté maintes fois la présence de l'acétone

dans l'urine d'hommes sains de corps et d'esprit, et que, d'autre

part, sa présence dans l'urine des aliénés n'avait aucun point

d'attache avec telle ou telle affection mentale. Malgré leur affir-

mation de l'existence constante de l'acétone dans l'urine des alié-

96 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

nés, MM. de Boeck et Slosse en arrivent cependant à formuler

cette conclusion, c'est que la constatation d'une petite quantité

d'acétone dans l'urine des aliénés n'a aucune signification patholo-

gique et que la quantité d'acétone contenue dans l'urine, n'est

pas en rapport avec l'état psychique du malade (dépression, agita-

tion, peur, hallucination).

Une dernière conclusion dans leur travail est que la quantité

d'acétone augmente considérablement pendant l'inanition et qu'il

est utile de commencer l'alimentation artificielle lorsque, chez

l'aliéné qui refuse de manger, la quantité d'acétone urinaire aug-

mente dans de grandes proportions. (Annales médico-psycholo-

giques, 1892.) E. B.

XVI. PLUSIEURS attaques DE SOMMEIL paradoxal CHEZ UN aliéné;

par le Dr SZCZYPIORSKI,

Il existe une modalité toute particulière du sommeil morbide

propre aux aliénés, qui n'a rien de commun avec le sommeil hyp-

notique et hystérique. L'incertitude plane encore sur la nature de

cette hypnose anormale que l'on désigne, faute de mieux, du nom

de sommeil paradoxal. 0

L'auteur en montre un cas chez un héréditaire présentant des

périodes d'excitation et de dépression avèc idées de persécution et

qui a été pris à plusieurs reprises d'un sommeil bizarre, accompa-

gné de troubles de la sensibilité et du mouvement, de phosphaturie,

sommeil au cours duquel l'alimentation se faisait avec participa-

tion du malade. Il y eut en tout cinq attaques de sommeil : la

première dura quatre jours ; douze jours après survint une deuxième

qui dure huit jours; vingt-quatre heures après, débute une nou-

velle attaque, qui se prolonge pendant sept semaines et qui est

suivie, au bout de dix jours, d'une autre de trente-cinq jours; dix

jours de veille la sépare de la cinquième et dernière attaque qui,

le lendemain de son apparition fut avortée par le serrement du

testicule.

Il est difficile de rattacher à l'hystérie un sommeil dans lequel

tout ce qui touche à la vie de relation n'est pas suspendu, ou le

malade mâche et avale comme à l'état normal, où l'émission des

sons est conservée, où la sensibilité n'est pas abolie, où le malade,

enfin, au lieu de présenter de la diminution, présente une augmen-

tation considérable du taux des phosphates dans les urines.

Le malade, interrogé sur son sommeil, répond invariablement :

« c'est ma psychose » et il est impossible de résoudre la question,

à savoir si, et en cas d'affirmative, jusqu'à quel point et pour quel

motif la volonté entre dans sa production.

Quoi qu'il en soit, il est certain, même en admettant la simula-

tion, qu'il y avait beaucoup de spontanéité dans l'apparition du

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 97

sommeil : sinon, comment expliquer ces troubles de la sensibilité

et cette phosphaturie, n'existant que pendant le sommeil, et dis-

paraissant complètement au réveil ? (Annales ntédico-psychologiques,

1891.) E. B.

XVII. Contribution L'ÉTUDE delà rémission dans la paralysie

générale ; par le Dr Guillemin.

Lorsqu'une rémission se produit, au cours d'une paralysie géné-

rale, on est en droit d'admettre que l'élément congestif a subi un

temps d'arrêt, que les lésions inflammatoires se localisent et que

les parties du cerveau restées ou redevenues saines suppléent au

fonctionnement des parties atteintes par une lésion définitive.

L'observation citée par l'auteur montre que cette théorie, vraie

dans certains cas, ne saurait être généralisée.

11 s'agit d'un paralytique général chez lequel la plupart des

symptômes somatiques et psychiques avaient presque complète-

ment disparu depuis huit mois, lorsqu'il mourut presque subite-

ment à la suite de crises épileptiformes.

Or, à l'autopsie, on trouva des adhérences généralisées, les cir-

convolutions peu marquées; la substance grise est pâle, décolorée,

la pulpe cérébrale ramollie, lésions d'une paralysie générale arri-

vée à une période avancée et que ne pouvait faire soupçonner l'état

de rémission dans lequel se trouvait le malade. (Annales médico-

psychologiques, 1891.) E. B.

XVIII. TROIS cas DE SUICIDE SURVENUS EN TROIS ans chez trois Saurs;

par le Dr iI : IBILLE.

Les cas de suicide chez les membres d'une même famille ne sont

malheureusement pas rares. M. Mabille nous rapporte l'histoire

pathologique d'une famille où les manifestations morbides de

l'hérédité sont particulièrement frappantes.

Aacmvu ? t. XXV. 7

98 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

.XIX. OCCLUSION accidentelle DE L'OUVERTURE DE la GLOTTE par LE BOL

· alimentaire chez LES aliénés; par le Dr HOSPITAL.

Observation intéressante d'un cas de mort par occlusion acci-

dentelle de l'ouverture de la glotte chez une malade atteinte de

dépression mélancolique et présentant depuis longtemps des trou-'

bles de la déglutition, en même temps qu'une incurvation anor-

male en avant des vertèbres cervicales, par suite d'une rétraction

ancienne des muscles cervicaux postérieurs.

La malade, à qui une infirmière faisait manger un mélange de

soupe mitonnée au fromage, se débat tout à coup, puis reste immo-

bile : on essaya inutilement les secours en usage. Le médecin,

arrivé quelques instants après, plongea aussitôt les doigts dans

l'arrière-bouche : cette région était encombrée de pâte formée de

pain et de fromage, qui n'avait pu être avalée. Il introduisit alors

le bec de la sonde courbe de trousse, en puise de tube laryngien, et

sentit la résistance vaincue de la substance molle, en pénétrant par

l'ouverture de la glotte; on souffla avec énergie, mais rien ne

changea; la mort était déjà réelle. Al'autopsie, on trouva un frag-

'ment de fromage long de deux centimètres ayant pénétré dans

l'ouverture de la glotte et logé entre les cordes vocales; dans ce

fragment, entre lui et la muqueuse on observe un sillon verti-

cal ; c'est là qu'a passé la sonde aérifère pour pénétrer dans le

larynx.

Donc, si on avait pu l'introduire à l'instant même de l'accident,

on aurait eu la chance de suspendre l'asphyxie, de provoquer une

toux d'expulsion qui aurait chassé ou favorablement déplacé le

bouchon obturateur, et conservé la vie à la malade.

A ce propos, étant donnée la rapidité des accidents, l'auteur

montre combien il est important de démontrer aux infirmiers le

mécanisme de l'obstruction de la glotte par des aliments et les

moyens d'y remédier immédiatement soit par l'introduction de

deux doigts ou d'une pince, soit par celle du tube laryngien.

(Annales médico-psychologiques, juillet 1891.) E. B.

XX. La température dans L'LILE11SIE, par Bénédikt (British Médical

journal, 14 mai 1892, p. 77.)

Bénédikt (Intem, Kli7t. Rundsclwu, n° 46,1891) communique le cas

suivant d'un ? garçon fluet âgé de quinze ans. On prit attentivement

pendant huit jours la température, elle allait de 39 à 41 degrés

centigrades. Le mal de tête était intense, et une fois il y eut perte

de connaissance. Il parut alors se remettre. Au bout d'un semaine

ou deux de rémission, la céphalalgie et une sensation fiévreuse

reparurent ; la température s'éleva vivement à 42u5. Cet état calo-

rique dura environ deux heures, puis une crise arriva soudaine-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 99

ment, la température descendit à 36°, l'appétit revint et le malade

se sentit bien.

Des attaques plus ou moins semblables revinrent une ou plu-

sieurs fois par jour. jusqu'au moment où le malade put dire avec

beaucoup de précision quel degré de fièvre existait. Toutes les fois

que la température allait de 43°4 à 43°, le malade perdait connais-

sance, prenait une expression étonnée et murmurait invariable-

ment « Raiiber » (Robber). Cet état durait ordinairement de dix il

trente minutes et était suivi d'une crise. Le pouls n'excédait jamais

104 pulsations par minute.

Aussitôt que la connaissance revenait, le malade se plaignait de

contractions dans les muscles de la nuque. Il y avait de la pros-

tration et pendant un temps assez court le malade avait des hallu-

cinations.

Les arcès ne venaient jamais dans la nuit ni pendant le som-

meil, mais souvent pendant le temps des repas. Dans les inter-

valles, il n'existait aucuns symptômes cérébraux. L'examen démon-

tra seulement qu'il y avait un élargissement splénique modéré.

une légère albuminurie, une augmentation des corpuscules blancs

du sang et une désintégration, de nombreuses altérations des cor-

puscules rouges. La quinine et l'arsenic n'avaient produit aucun

effet thérapeutique. Pendant un temps assez court la phénacétine

fut employée. Quand les accès diminuèrent graduellement, les

pointes de feu sur la suture coronale et l'iodure de sodium furent

prescrits. Au point de vue de l'étiologie, Bénédikt, pen"e qu'il s'a-

gissait dans ce cas d'une intoxication microbienne ou ptomaïniqun.

XXI. AUTOMATISME SOMNAMBUDQUK AVEC DÉDOUBLEMENT DE LA.

personnalité; par le Dr BOETAU.

L'auteur, dans une très intéressante observation, détaille l'his-

toire d'une hystérique qui, à la suite d'une attaque, est restée

plongée pendant trois jours dans un état somnambulique.

Le premier jour elle a erré dans Paris, faisant environ 60 kilo-

mètres ; les deux autres journées de somnambulisme, elle les a

passées au dépôt de la Préfecture et à Sainte-Anne, dans une

demi-torpeur, sans réagir, inerte, ou du moins obéissant à tout ce

qui lui était commandé, passivement, automatiquement.

A son réveil, elle ne conserve plus aucun souvenir de ce qui

s'est passé pendant son accès de somnambulisme : elle a vécu pen-

dant ces trois journées une véritable vie mentale différente de sa

vie normale.

Lorsqu'on met cette malade en état d'hypnose, elle revient

brusquement à son état de condition seconde et le souvenir de sa

fugue revient exactement le même à chaque tentative : il est

stéréotypé.

100 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

.Lorsqu'on la fait sortir de l'état léthargique dans lequel on l'a

plongée, elle rentre dans l'existence ordinaire avec son état

mental spécial et tout différent de celui où elle est quand elle est

endormie. Chaque état de conscience ne conserve le souvenir que

de lui-même et ces deux états s'ignorent réciproquement. (Annales

médico-psyahologiques, 1892.) 1. 13.

XXII. DE LA MOUT SUBITE DANS SES RAPPORTS AVEC L'HÉRÉDITÉ

NÉVROPATHIQUE; par le Dr CULLERRE. '

Dans une série de vingt observations, l'auteur met en relief un

nouveau signe de dégénérescence des plus importants pour la

connaissance des parentés morbides, quoique des plus rarement

signalés : c'est la mort subite.

Lorsqu'on s'enquiert des antécédents héréditaires des malades

qui composent la clientèle habituelle des asiles d'aliénés, ou enre-

gistre de temps en temps cette particularité pathologique. C'est

en général dans les lignées à hérédité accumulée que ce phéno-

mène se produit : certain jour, tel membre d'une de ces familles,

jusqu'alors indemne d'accidents névropathiques, en apparence

bien portant, tombe soudain sans connaissance au milieu de ses

occupations habituelles; on le relève : il est mort.

Sur les vingt cas de mort subite relatés, la moitié environ s'est

produite chez des sujets très jeunes, quelques-uns à peine sortis de

l'adolescence. En supposant même que les cas restants dussent

être éliminés comme appartenant à des variétés pathologiques

d'ordre différent, les premiers n'en formeraient pas moins un

groupe compact de raits semblables relevant bien positivement

de la dégénérescence héréditaire et appartenant certainement à

la neuro-palhologie. Mais cette distinction serait excessive, car, à

part l'âge des sujets frappés, qui diffère dans les deux ordres de

faits, les autres conditions sont les mêmes, le milieu morbide est

identique. Jeunes et âgés appartiennent à des familles où le sys-

tème nerveux central est électivement frappé de déchéance, et où

les affections nerveuses sont prédominantes, sinon exclusives.

L'origine nerveuse, cérébrale, de ci s morts subites, étant

admise, répondent-elles toutes au même mécanisme palhogé-

nique ? Sont-elles le résultat de congestion cérébrale apoplecti-

forme, ou d'aploplexie nerveuse, cette dernière étant un accident

de nature épileptoïde ? sont-elles la résultante d'une hémorrhagie

cérébrale foudroyante consécutives à des lésions vasculaires pré-

coces qui ne sont pas rares chez les dégénérés ? Le champ des hypo-

thèses reste ouvert. (Annales méclico.psychologiques, 1892.) E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '101

XXIII. Aliénation mentale par TROUBLES DE la nutrition;

par MM. Mairet et Bosc.

Lorsqu'on recherche l'étiologie de certains cas d'aliénation

mentale, on se trouve parfois amené, en l'absence de toute autre

cause susceptible d'expliquer leur développement, à les considérer

comme subordonnés à des perturbations physiques : tels sont les

cas développés à la suite de quelque maladie physique grave ou

bien pendant la puerpéralilé, ou bien encore à certains moments

de l'évolution de la vie, à la puberté, par exemple. MM. Mairet et

Bosc apportent la preuve de cette hypothèse par des expériences

entreprises sur la toxicité des urines des aliénés.

Les résultats obtenus par ces auteurs au cours d'expériences

antérieures avec l'urine normale, ont servi de terme de compa-

raison pour juger de l'effet des urines pathologiques.

Au point de vue du degré de toxicité, ces dernières expériences

avaient montré que l'urine normale, en injections intra-veineuses,

tue le chien à 100 centimètres cubes par kilogramme; au point de

Vue des qualités toxiques, c'est-à-dire de l'action des urines nor-

males sur les différentes fonctions de l'économie, on a constaté

chez le chien : du côté du tube digestif, salivation, vomissements,

diarrhée; du côté de la respiration, ralentissement et gêne aug-

mentant avec la dose; du côté de la circulation, accélération

constante avec plus grande énergie des battements cardiaques; du

côté de la calorification, hypothermie pouvant atteindre 3 et

4' degrés; du côté du système nerveux, phénomènes consistant

suivant les doses, en un simple affaissement, avec somnolence

quelquefois et conservation des réflexes, puis en résolution, coma,

attaques épileptiformes ; il se produit des mictions abondantes

pendant et après l'injection; myosis à doses toxiques; enfin à

l'autopsie, lorsque la mort est immédiate, dilatation du coeur,

congestion des différents organes ; et lorsque la mort est éloignée,

dilatation du système veineux, poumons en bouillie, inflammation

de la pie-mère ; troubles trophiques cutanés.

Les injections d'urine pathologique ont été faites avec l'urine

de malades atteints de manie, de stupeur, de lypémanie, de folie

des persécutions et de démence sénile.

Degré de toxicité. Dans toutes les formes d'aliénation men-

tale, autres que la démence sénile, le degré de toxicité de l'urine

a été augmenté, dans des proportions différentes du reste, suivant

la forme d'aliénation et l'acuité de la maladie. Tandis que la

manie sans agitation a une toxicité presque semblable à celle de

l'urine normale, tandis que la stupeur simple et la folie des per-

sécutions ont un degré de toxicité relativement faible, la stupeur

iypémaniaque, la lypémanie, la manie avec agitation ont, au con-

1 02 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

traire, une toxicité beaucoup plus énergique ; et la forme n'est

guère qu'un élément secondaire au point de vue du degré de

toxicité de l'urine, l'élément premier dépendant de l'intensité de

la maladie : chez tous les malades, quelle que soit la forme revêtue,

plus la maladie était intense, plus le degré de toxicité était élevé.

'Dans la stupeur lypémaniaque et certains cas de manie, la mort

survenait chez le chien à 25 centimètres cubes par kilogramme.

Qualités toxiques, D'une manière générale, les qualités toxi-

ques des urines des aliénés sont les mêmes que celles de l'urine

normale pour ce qui concerne toutes les fonctions autres que le

système nerveux.

Pour ce qui concerne le système nerveux, on retrouve dans tous

les cas des symptômes semblables à ceux que produit l'urine nor-

male, mais, à côté de ces symptômes, en existent d'autres.

Dans un premier groupe (certains cas de manie, stupeur simple,

folie des persécutions). la symptomatologie est semblable à celle de

l'urine normale : l'affaissement et la résolution sont seulement

plus marqués.

Dans un second groupe (manie avec agitation considérable,

stupeur lypémaniaque, lypémanie) on constate des symptômes

qui n'existent pas avec l'urine normale : les urines de maniaques

avec agitation considérable donnent lieu à une hyperesthésie, une

hyperexcitabilité musculaire et auditive et à un état de convulsi-

bilité qu'on ne retrouve pas avec l'urine normale. Cet état est

poussé si loin que, dans l'intervalle des attaques convulsives,

alors que la résolution est complète, la moindre excitation, bruit,

attouchement, suffit pour produire des convulsions généralisées.

Les chiens, injectés avec de l'urine des malades atteints de stu-

peur lypémaniaque, présentent un état de stupeur avec inquiétude

et apeurement, qui ne dure que quelques heures, mais n'en tra-

duit pas moins assez bien, dans son expression symptomatique,

ce qui existe che; l'individu atteint de cette forme d'aliénation

mentale.

L'urine des lypémaniaques donne naissance non seulement à un

état de résolution plus marqué qu'à l'état normal, mais encore à

de l'inquiétude et àde l'apeurement, et à de l'hyperesthésie auditive.

En jetant un regard d'ensemble sur ces expériences, on voit que

peu importe la cause physique qui a donné naissance à la folie :

puerpéralité, puberté, maladies infectieuses; les urines, à part

peut-être quelques éléments secondaires, produisent toujours les

mêmes phénomènes toxiques.

Par conséquent, ce n'est pas à un poison typhique ou puerpéral,

par exemple, qu'il faut rattacher l'aliénation mentale, mais à un

autre élément commun à toutes ces perturbations; et comme le

seul élément commun est le trouble subi par la nutrition, force

est de rattacher ces aliénations mentales à ce trouble.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 103

De sorte qu'à côté des aliénations mentales, névroses, doivent

prendre place des aliénations mentales par troubles de la nutri-

tion lesquelles réunissent dans un même groupe des aliénations

mentales étudiées par certains auteurs sous autant de noms diffé-

rents qu'il y a de causes susceptibles de les produire : folie puer-

pérale, folie pubérale, etc. (Annales médico-psychologiques, 1892.)

E. B.

XXIV. Gymnastique SUGGESTIVE; par L. LEHntANN.

(Neurol. CcHai/6 ? 1891.)

On ordonne au patient d'exécuter des mouvements, ou on

imprime des mouvements aux membres paralysés. On éduque, ou

plutôt on rééduque les centres cérébraux moteurs lésés, ou du moins

on réincite les fibres d'association et de suppléance du côté altéré

ou du côté sain. Méthode fonctionnelle très active. P. K.

XXV. Mensonge ET aliénation mentale; par MOELI. (Allg. Zeitsch. f.

. Psychiat., XLVIII, 4.)

Rapport médico-légal. Un dégénéré accusé d'escroquerie. Ment-

il ? Simule-t-il ? Etablir la débilité mentale et samodalité. Conclusion

irresponsabilité . P. K.

XXVI. CONTRIBUTION A la THÉORIE des hallucinations; par Tigges. (Allg.

Zeitsch. f. Psychiat., XLVIII, 4.)

Revue critique. Les hallucinations sensorielles sont d'origine

centrale, mais il peut se faire que les voies nerveuses périphériques

entrent simultanément en vibration. Les hallucinations motrices

partent de l'écorce qui est le siège de l'innervation et de l'impul-

sion volontaire. P. K.

XXVII. Des formes aiguës delà démence (Amentia) ET DE la folie SYSTÉ-

) ! .\TIQUE (Paranoïa) ; par WL. SERBSKI. (Allg. Zeitsch. f. Pyschiat.,

XLVIII, 4.)

Les folies aiguës se présentent sous deux formes. '

1° Désordre des idées hallucinatoire (amentia acuta). Trois symp-

tômes. Désarroi intellectuel, c'est-à-dire trouble primitif de la

connaissance ne dépendant pas des hallucinations parfois complète-

ment absentes. Mobilité de l'humeur tantôt anxieuse, tantôt gaie,

le plus souvent rapidement modifiable. Trouble de l'association dans

les idées. Marche caractéristique ; oscillations très considérables

dans l'intensité; grande tendance à des rémissions; sidération

tenant à un désordre suraigu dans les idées, puis agitation ma-

niaque, stupeur, ou apparence de la démence (démence aiguë) ; ou

104 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

bien encore succession de ces stades. Pronostic favorable, même

dans la période de démence. C'est une psychose d'épuisement,

peut-être d'origine bactérienne et peut-être y a-t-il plusieurs

démences aiguës avec chacune son microbe. -2 Folie systématique

aiguë. Se distingue de la folie systématiqu e chronique par l'installa-

tion aiguë ou subaignë des idées délirantes, tandis qu'elles' s'ins-

tallent lentement et progressivement dans la folie systématique

chronique. Les idées délirantessont solides, mais dépourvues de lien,

incomplètement ou insuffisamment systématisées ? leur charpente

manque d'assemblage. L'affectivité conserve son activité. Durée

cinq à neuf mois. Issue : guérison fréquente. P. KERAVAL.

XXVIII.COMMU,NICATIO,NS cliniques; par N. OSTERMAYER. (Allg. Zeitsch.

f. Psychiat., XLVIII, 4.)

1° Folie guérie par un traitement gynécologique. Femme de

trente-deux ans; une attaque de mélancolie avec symptômes d'ar-

rêt psychique, consécutive à une endométrite chronique (ulcéra-

tions du col). On guérit l'affection delà matrice; la psychose cède.

Trois ans plus tard, endométrite chronique, métrite, catarrhe chro-

nique du col et du vagin ; désordre dans les idées avec stupeur,

angoisse. Guérison de la métrite; la psychopathie disparait.

2° Catatonie de Kahlbaum. C'est, dit l'auteur, une forme morbide

autonome, indépendante. 1 P. K.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

I. Contribution A la psychologie INDIVIDUELLE; par H. Muens-

TERBERG. (Centralbl. f. Nervenheilk. IL,NF. II, 1891.)

Déterminer l'équation personnelle, c'est-à-dire les différences

individuelles du travail mental ou des impressions qui sont dans des

limites normales; établir ainsi des statistiques et, préciser par elles

l'influence des occupations professionnelles sur la constitution

psychique chez le travailleur, le médecin, le jurisconsulte, le pro-

t C'est la légitimation nette de notre traduction des mots paranoïa

Verruecktlaeit, Wahnsinn, sur laquelle nous avons bien souvent appelé

l'attention des lecteurs. (P. K.)

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 105

fesseur, le marchand, l'officier ; tel est le but de l'auteur. Il s'est

d'abord adressé aux élèves des divers établissements d'instruction,

classes par classes, afin de déterminer l'influence des enseigne-

ments différents sur l'organisation psychique de l'enfant. Les opé-

rations intellectuelles qui deviennent le sujet de ses expériences

portent sur : la lecture de dix mots renonciation des couleurs

des objets auxquels ces mots se rapportent- l'énonciation non de

l'objet, mais de son espèce -la désignation d'images - la lecture

des nombres-l'appel des couleurs la reconnaissance des figures

géométriques avec ou sans analyse, etc., etc. On mesure le temps

que demande chez chaque sujet ce travail mental à l'aide d'une

montre à déclancliement podalique graduée par centièmes de se-

condes, ou, quand on est pressé, avec une simple montre à cinquièmes

secondes. L'examen d'une seule personne, dans ces conditions,

demande près d'une heure; on prend donc des aides de façon à faire

des séances de deux heures dans la cour de l'école; en quatorze-

jours on obtient l'équation de toute une école. Les résultats sont

intéressants. Ils seront publiés plus tard. P. Kéraval.

II. Le trajet des FIBRES dans LE nerf optique; par 0. IIEBULD.

(Neurolog. Centralbl., 1891.)

Paralytique général atteint d'amaurose de l'oeil gauche (atrophie

de la papille) pendant les derniers temps de la vie; rétrécissement

simultané du champ visuel de l'oeil droit à droite. L'autopsie révèle

une atrophie du nerf optique gauche dont les fibres sont toutes

détruites ; dans le nerf optique droit, deux forts trousseaux sont

altérés, et tout autour d'eux, existe une aréole de dégénérescence.

On retrouve la dégénérescence dans le chiasma; elle montre que,

dans tout nerf optique, il y a des fibres nerveuses qui appartiennent

à la bandelette du même côté et du côté opposé, le faisceau direct

occupant rigoureusement la périphérie externe du tronc du nerf,

de même que dans le chiasma et la bandelette. Le faisceau entre-

croisé occupe le centre du nerf optique, et, dans la bandelette, la

partie inférieure (ventrale). P. K. '

III. Contribution A la QUESTION [des FIBRES externes d'association

DE l'écorce du cerveau ; par W. DE 13ECHTEREW. (Neurolog. Cet-

tralbl., 1891.)

M. Kaes (même recueil, V. Archives de Neurolog ? revues analyti-

ques) distinguait dans l'écorce : 1° une couche tangentielle, la plus

externe; -20 une couche intermédiaire ; - 3° une couche externe des

fibrespropres de Meynert sous-corticales, qui s'associent, fusionnent,

etcoupent par autant de parallèles les fibres verticales de projection.

C'est àpeu près, dit M. Bechterew, ce quej'ai,dit dans l'ouvrage russe-

106 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

de Lawdowski et Owsjannikow (1887) à propos de la corne d'Am-

mon. P. K.

IV. CONTRIBUTION 9 la QUESTION DE la circulation DU sang dans

l'encéphale pendant LES attaques d'épilepsie d'après les RE-

cherches expérimentales DE TODORSKY; par W. DE BECUTEREW.

(Neurolog. Centralbl ? 1891.)

On rend des chiens et des chats épileptiques, soit en soumettant

l'écorce à des courants d'induction, soit en leur injectant dans les

veines de la cinchoninè, de la cinchonidine ou de l'essence d'absin-

the. On les trépane et l'on observe les vaisseaux de la pie-mère; on

mesure en même temps la pression dans le cercle artériel deWillis et

l'aorte. On voit ainsi que, pendant l'attaque d'épilepsie, la pression

monte dans les artères cérébrales, tandis qu'elle diminue dans les

extrémités centrales des carotides. Le sang afflue donc au cerveau

et en dilate les capillaires. P. K.

V. Du noyau externe du faisceau cunéiforme dans LE bulbe ; par

L. 13LUfENAU. - QUELQUES REMARQUES SUR LE noyau EXTERNE

du faisceau cunéiforme; par le même. (Neurolog. Centralbl., 1891.)

Examen du bulbe d'un adulte, d'un nouveau-né et de plusieurs

embryons de différents âges. Le noyau externe en question appa-

raît d'abord à la région bulbaire où le faisceau latéro-cérébelleux

direct donne naissance à des fibres arciformes qui gagnent en

arrière l'extrémité la plus inférieure du corps restiforme ; en cette

région, plus profondément, on trouve, notamment contre le noyau

interne, quelques cellules ressemblant, par leur grandeur et leur

forme, à celles du noyau externe. Ce sont ces cellules périphériques

du noyau interne qui en se groupant forment ou plutôt renforcent

le noyau externe bientôt supérieur en volume au noyau interne.

Plus haut, au-dessus des premiers trousseaux de la racine interne

du pédoncule cérébelleux inférieur, le noyau interne disparaît peu

à peu, mais totalement, tandis que l'extrémité supérieure du noyau

externe peut être suivie jusqu'au plan inférieur de l'émergence de

l'auditif. Les cellules multipolaires du noyau externe ontun volume

considérable (50 à 80 ); elles ressemblent fort à celles des colonnes

de Clarke dans la moelle dorsale.

En ce qui concerne les relations des cordons postérieurs avec le

corps restiforme, c'est le noyau externe du cordon cunéiforme qui

les établit avec le pédoncule cérébelleux du même côté; il y a donc

une analogie physiologique entre le noyau externe et les colonnes

de Clarke. Le premier sert de lien entre les fibres des cordons pos-

térieurs et le pédoncule cérébelleux du corps restiforme ; les colonnes

de Clarke réunissent les fibres des cordons postérieurs au faisceau

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 107

latéro-cérébelleux. Il est même probable que les noyaux du faisceau

cunéiforme sont en communication avec le corps restiforme du côté

opposé.

La méthode de Golgi (nitrate d'argent) permet en outre de for-

muler ce qui suit sur le type des cellules et la direction de leurs

prolongements.

La plupart des cellules du noyau externe appartiennent au pre-

mier des deux types de Golgi. Les prolongements qu'elles émettent,

tout en projetant quelques rameaux accessoires, conservent néan-

moins leur individualité, ces prolongements s'en vont généralement

sur le côté, c'est-à-dire vers le corps restiforme et les fibres arci-

formes émanées du cordon cérébelleux. On en peut suivre quelques-

uns jusqu'à la périphérie externe du bulbe sans cependant pouvoir

déterminer leur marche ultérieure. Quelques cellules envoient aussi

leurs prolongements en dedans, mais souvent ceux-ci s'infléchissent

après avoir parcouru une étendue variable et se rapprochent à

nouveau de la périphérie.

Chez un homme atteint d'arrêt de développement du cervelet,

on constatait que cet organe était réduit à des fractions des deux

hémisphères; l'olive cérébelleuse gauche avait disparu, celle du côté

droit était rudimentaire. Les noyaux internes du faisceau cunéi-

forme étaient bien développés; mais les noyaux externes des deux

côtés étaient atrophiés. P. Kéraval.

VI. Des altérations DES cellules nerveuses DE la moelle;

par K. SCHAFFER. (Neurolog. Central., 1891.)

Conclusions en partie conformes aux recherches de Friedmann

(voy. Archives de Neurologie, t. XIX ; p. 270 ; t. XXI, p. 283 ; t. XXII,

p. 132) : myélite aiguë.

1° Leurs altérations portent au début sur une portion limitée

du corps de la cellule, soit au centre (tuméfaction homogène), la

périphérie restant normale ; soit au bord du protoplasma (sclé-

rose), le reste de la cellule demeurant sain.

2" C'est le noyau qui résiste le plus, et surtout le nucléole ; ces

derniers ne sont d'ordinaire atteints que lorsque le corps de la cel-

lule est affecté.

3 Il s'agit d'une dégénérescence partielle des cellules nerveuses

entraînant la diminution de fonction. P. K.

VII. LE réflexe anal ; sa physiologie ET sa pathologie; par G. Ros-

SOLIMO. (Neurolog. Cenlrulbl., 1891.)

Chez tous les hommes normaux le sphincter se contracte quand,

à l'aide d'une tête d'épingle ou d'une plume, 'on touche la peau et

la muqueuse de l'anus. Le centre de ce réflexe est la troisième ou

108 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

la quatrième racine sacrée, c'est-à-dire le cône médullaire. L'exci-

tation transversale de la moelle étudiée chez le chien de la tête à la

queue, montre qu'au-dessus du milieu du renflement lombaire le

réflexe augmente d'intensité pour disparaître, lorsque l'excitation

porte sur la région de la quatrième racine sacrée. Découvrons le

renflement lombaire, et sectionnons transversalement la cinquième

paire radiculaire postérieure; nous voyons que l'arc réflexe anal

émane de la quatrième paire radiculaire sacrée, et de son centre qui

siège un peu au-dessus d'elle, c'est-à-dire au niveau de la troisième

paire de racines sacrées. Le centre réflexe anal occupe en réalité

le milieu des territoires du renflement lombaire qui renferment

une série de centres de réflexes des organes du bassin ; il est situé

au-dessous de tous les autres réflexes musculo-cutanés connus.

Le réflexe anal est exagéré : chez les neurasthésiques à réflexes

cutanés excessifs ; dans la myélite transverse élevée ; quand il y a

lésion anatomique du système nerveux accompagnée d'excès des

fonctions de sensibilité. Il est diminué ou épuisé : dans la névrite

multiloculaire avec ascension au plexus sacré ; chez les tabétiques

à altérations viscérales avec anesthésie de la région anale ; dans la

myélite du segment inférieur du renflement lombaire. Il reste

normal dans les névroses fonctionnelles, de la miction, de la défé-

cation, de l'appareil sexuel. P. K.

VIII. La résistance électro-faradiquedu corps humain ; par FREY et

`'VINDSCHEID. (Neurolog. Centralbl., 1891.)

Un courant va animer un téléphone ; on en mesure la résistance

au moyen d'un pont différentiel compensateur de Wheatstone.

Seulement, l'extrémité du fil qui dérive le courant au téléphone est

plongée dans un conducteur liquide (gouttière pleine d'une solution

de zinc), et le rhéostat est liquide (lame de platine plongeant dans

l'acide sulfurique faible). On trouve ainsi que la résistance du corps

dépasse rarement1000 ohms, souvent elle est au-dessus de 00 ohms.

Cette résistance tient surtout à la peau; elle dépend de la dimension

des organes traversés, mais est, en soi, des plus constantes. P. K.

IX. DES troubles sensitifs ET VASO-MOTEURS dans la paralysie

faciale rhumatismale; par L. de fRA\KL-HOCfIR'.1RT. (Neurolog.

CentralGl., 1891.)

Soit : vingt cas de paralysie faciale rhumatismale (début brusque

sous l'influence d'un courant d'air), légère de gravité moyenne, ou

grave (types Erb). Ils se décomposent comme suit :

10 : aucun trouble des nerfs sensitifs ou vaso-moteurs.

3 : trouble simultané.

5 : des nerfs sensitifs seuls.

2 : aaso-moteurs seuls.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 109

Dans tous ces cas, il y avait atteinte de toute la moitié de la face,

y compris quelquefois aussi la muqueuse des joues et de la langue

(analgésie, anesthésie, hypolhermeslhésie, dont les malades ne

s'étaient pas aperçus), bouffissure de la partie paralysée, tuméfac-

tion de la paupière inférieure avec coloration porcelainée; dilata-

tion des vaisseaux avec élévation de la température; tous accidents

accompagnant la paralysie. Parfois complications de troubles du

goût. Excepté en un cas, ces symptômes disparurent rapidement;

il est donc possible que dans les dix cas où ils n'existaient pas, ils

eussent disparu avant que les malades ne fussent venus se faire

traiter. Conclusion : Le facial de l'homme contient des nerfs sensi-

tifs et vaso-moteurs. P. K.

X. Emploi DE la méthode DE WOLTERS SUR LES fibres fines, DE

l'écorce du cerveau; par Tu. KArs. (JVeM ? 'OO.C<' ? ! <rtt/6<., 1891.)

A l'aide de cette méthode (Zeitsch. f. wiss. 1lIikl'osliOpie, t. VII),

on colore les fibres tangentielles d'une manière à tous égards sur-

prenante. On voit aussi un trousseau de fibres dans l'écorce crise,

qui se détache nettement et n'est autre que la couche d'association

la plus externe de Meynert. P. K.

XI. RECHERCHES anatomiques SUR la marche DES FIBRES DE la

SUBSTANCE GRISE CENTRALE DES CAVITES CÉRÉBRALES ET LA DISPARU-

TION DES FIBRES NERVEUSES A MYELINE DES MÊMES RÉGIONS DANS LA

1 AR.\LYSIE progressive des aliénés; par H. SCIlUETZ (A1'chiv (. Psy-

chiat., t. XXII,. 3.)

Chez vingt paralytiques généraux atteints d'immobilité pupillaire

réflexe, il y avait intégrité de la partie périphérique de l'arc ré-

flexe (nerf optique, nerf oculomoleur). Le faisceau des fibres lon-

gitudinales qui couvre comme d'une calotte le noyau de l'hypo-

glosse, pour longer plus tard les côtés du pneumogastrique, est un

faisceau dorso-longitudinal ; à la hauleur du noyau de l'auditif il

s'étale en une bande étroite sous le plancher ventliculaire qu'il

suit dans toute son étendue. Tant et si bien. qu'au niveau de la

substance grise du troisième ventricule, on compte quatre trous-

seaux de fibres :

1° Le prolongement direct du faisceau dorso-longitudinal, occupe la

région de l'infundibulum;

2° Les fibres qui occupent la substance grise centrale des cavités, se

terminent dans les noyaux des couches optiques, dans le ganglion de

l'habenula, dans le ganglion optique du la base, dans le corps de Luys,

dans l'anse du noyau lenticulaire ;

3° Le faisceau dorso-longiludinal occupe la substance principale de

ces libres; ,

4° D'autres fibres atteignent les tubercules quadrijumeaux, la valvule

de Vieussens, la commissure postérieure.

110 REVUE. D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

C'est à l'atrophie des fibres de la substance grise des cavités qu'il

faut rattacher les troubles si fréquents de tous les muscles de la

physionomie qui concourent à la mimique chez les paralytiques

généraux. L'auteur fournit à l'appui de cette assertion douze obser-

vations avec autopsies. C'est une lésion systématique primitive,

non inflammatoire, n'ayant aucun rapport avec les granulations

épendymaires. Le développement embryogénique montre aussi

qu'il s'agit là d'un véritable système de fibres. Elles demeurent

intactes dans la démence sénile, l'alcoolisme chronique, la folie

systématique chronique. P. KERaVAL.

XII. UN CAS DE PORENCÉPUAHE ACQUISE AVEC DÉGÉNÉRESCENCE SECON-

DAIRE DI : S FIBRES OPTIQUES ET DU FAISCEAU LATÉRAL DU PÉDONCULE

cérébral; par H. Kreuper. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat , XLVIII,

1,2.)

Cas de ramollissement cérébral ischérnique portant quatre ans

avant la mort sur le lobe temporal droit, six semaines avant sur le

territoire irrigué par la quatrième branche de la sylvienne gauche;

enfin, dans l'intervalle, lésion, par poussées, du lobe occipital droit.

Dégénérescence secondaire de la moitié latérale du segment le

plus postérieur de la capsule interne. Immédiatement en avant de

l'extrémité antérieure du corps genouillé externe on voit un fais-

ceau anormal qui gagne le segment latéral du pied du pédoncule

cérébral et un autre faisceau, plus gros, qui va directement dans

la couche optique et les ganglions nerveux adjacents ; dans la cap-

sule interne même, existe, plus en avant, une raie étroite de dégé-

nérescence qui, le long du bord du noyau lenticulaire, peut être

suivie jusque près dugenou de la capsule. Cette raie, qui correspond

à une partie du faisceau pyramidal de Flechsig, aboutit à la masse

cicatricielle, dans la région de la capsule externe et de l'écorce de

l'Insula ; en bas, elle ne se sépare pas de l'atrophie latérale, et on

la retrouve à l'état de fascicule scléreux dans la pyramide du

bulbe. Secondairement, atrophie du pulvinar, du corps genouillé

externe, du bras antérieur des tubercules quadrijumeaux, de la

substance blanche superficielle du tubercule quadrijumeau anté-

rieur, dégénérescence de la bandelette optique et du nerf optique.

M.Kreuser croit que les trousseaux atrophiés de la couronne rayon-

nante entrent directelllentdans les ganglions. Atrophie encore plus

avancée du corps genouillé interne et des segments latéraux de la

couche optique, qui est probablement consécutive à l'atrophie du

lobule pariétal inférieur (et de la circonvolution temporale supé-

rieure). La dégénérescence du faisceau latéral du pied du pédon-

cule cérébral se rattache à la région pariélo-temporale, maison ne

saurait éliminer la participation du lobe occipital. Dans la zone

atrophiée du segment le plus postérieur de la capsule, il est impos-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 111

sible de distinguer des fibres optiques les éléments qui établissent

une relation avec le trousseau latéral du pied du pédoncule céré-

bral. P. K.

XIII. CONTRIBUTION A la connaissance des racines du trijumeau ; par

Il. DE GUDDEN. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVIII, 1, 2.)

Voici une série complète de coupes transverses et perpendicu-

laires de l'encéphale et du bulbe d'un veau privé de renflement

olfactif du côté droit et du nerf trijumeau du même côté. Voici

d'autre part l'encéphale et la moelle d'un lapin, chez lequel, aus-

sitôt après la naissance, on avait sectionné transversalement le tri-

jumeau ; on le tua quelques jours plus tard. Ces pièces proviennent

de la collection du père de l'auteur de ce mémoire.

La racine motrice du trijumeau prend naissance dans le noyau moteur

du même côté; la racine descendante, dans les grosses cellules de la

substance grise centrale des ventricules, autour de l'aqueduc de Sylvius.

Il faut distinguer les racines descendantes et motrices des racines

ascendantes, au moyen du plus fort calibre de leurs fibres nerveuses, ce

qui permet de reconnaître que la racine descendante se juxtapose il la

racine motrice. Il n'y a lieu ni de confirmer, ni d'infirmer l'idée acceptée

par les auteurs de l'entre-croisement partiel de la racine motrice et de

la racine descendante, car, du côté altéré, il reste des deux racines

encore quelques fibres qui expliquent la conservation totale ou partielle

des quelques cellules indemnes et l'existence intégrale des fibres d'entre-

croisement. S'il y a des fibres qui s'entre-croisent, en tout cas, il n'y en

a que très peu. Les trousseaux de fibres de la racine ascendante prennent t

probablement leur origine première dans les parties les plus inférieures

de la moelle cervicale; la série des coupes commence à la hauteur de la

cinquième paire cervicale, et, à ce niveau, la racine ascendante du côté

sain a déjà un notable volume. Les fibies émanent de la substance

gélatineuse, ou plutôt de la partie latérale de celle-ci, jusqu'au niveau

de la deuxième paire cervicale postérieure, puis jusqu'au bulbe, elles nais-

sent, en se multipliant, de son senmentinféro-latéral (ventro-latéral) ; la

partie supérieure ou dorsale de cet organe paraît être en relations avec

les racines des paires cervicales postérieures; plus haut, vers les centres,

la substance gélatineuse est encore le centre de formation des fibres de

la racine ascendante. Au surplus, la seconde série des préparations

(lapins) montre le rapport pathogénétique entre l'atrophie de la racine

ascendante et celle de la substance gélatineuse; bien que le trijumeau

ait été lésé entre la protubérance et le ganglion de Casser, on y trouve

l'atrophie des deux organes. P. Klraval.

XIV. DE l'atrophie DES fibres dans la substance grise ET des PRO-

CESSUS DE division DES noyaux dans la moelle SOUS DES INFLUENCES

pathologiques; par FUERSTNEit et 11NODLAUCII. (A1'chiv f. Psychiat.,

XXIII, i.)

Chez l'homme, il est de règle, dans les cas de lésions cérébrales

Il'-) REVUE. D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

en foyer, de constater une dégénérescence secondaire bilatérale des

cordons latéraux; la dégénérescence unilatérale apparente du cor-

don du côté opposé se complique toujours, à l'examen microsco-

pique, d'altération identique du cordon du même côté. Chez le

chien auquel on enlève le gyrussigmoïde, seul le cordon latéral du

côté opposé dégénère, tandis que tous les segments de la moelle

demeurent intacts, ce qui prouve qu'il n'y a pas chez cet animal

de cordon antérieur. La dégénérescence a lieu par l'évolution suc-

cessive des lésions suivantes. Tuméfaction et augmentation de

volnme de la substance de soutènement; compression des tubes

nerveux ; tuméfaction, puis segmentation en grumeaux des man-

chons de myéline; disparition ou régression par tuméfaction,

vacuolisation, effritement des cylindraxes. Dans les travées de subs-

tance conjonctive, noyaux à contenu granuleux qui appartiennent

aux cellules de la névroglie augmentées de volume ; ces noyaux aug-

mentent, mais sans se multiplier; on ne constate ni altération des

éléments des parois vasculaires, ni accumulation de cellules autour

des vaisseaux, ni multiplication, ni néoplasie de la substance de

soutènement. Et, somme toute, la dégénérescence secondaire

demeure des mois limitée à la substance nerveuse, 'ce n'est qu'à

une période avancée que le tissu conjonctif est atteint.

Chez le lapin, l'hémisection de la moelle provoque la myélomala-

cie transverse de la substance grise et une dégénérescence secon-

daire bilatérale. Ici, il y à division des noyaux dans les cellules con

jonctives de la substance blanche et de la substance grise.

En multipliant les hémisections chez les lapins et les chiens, on voit

que la karyomitose ou segmentation inJil'ected'Al'I1old, caractérisée

par la division du noyau suivant l'équateur ou le long de seg-

ments égaux, est due à la lésion traumatique. On observe encore la

fragmentation nucléaire indirecte, c'est-à-dire la division du noyau

en une place quelconque, formant des segments inégaux. L'une et

l'autre espèce sont des processus équivalents de métamorphose

régressive. La fragmentation est en réalité le premier acte des

processus de prolifération des cellules conjonctives ; elle est graduel-

lement remplacée par la karyomitose. Les cellules nerveuses n'y

prennent aucune part. P. K.

XV. Contributions casuistiques A la connaissance DE la MIKROGYRIE;

par R. OTTO. (Arcleiv f. Psychiat., XXIII, 1.)

Deux observations d'idiotie complète. Age, cinq à six ans. Chez

l'un, impotence fonctionnelle des membres. Chez l'autre, contrac-

tures multiples. Chez tous deux, de temps à autre, accès convulsifs.

Poids des cerveaux : 120 et 780. Rachitisme du crâne, adhérence

de la dure-mère avec l'os, faible dilatation des ventricules, adhé-

rences de la pie-mère à la surface bossuée de l'encéphale. L'ence-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 113

phale a conservé sa symétrie excepté au niveau des pyramides, des

régions fronto-pariétales. Peu de cellules dans l'écorce de ces

menues circonvolutions ; absence totale des grandes pyramides ;

immédiatement sous l'écorce, zones gris clair, parfois séparées de

l'écorce par une couche blanche étroite. 1 P. K.

XVI. Contribution A l'anatomie pathologique DE la chorée MINOR;

par R. WOLLENBERG. (Archio f. Psychiat., XXIII, 1.)

Examen de six encéphales.

Conclusions. Dans quelques cas de chorée simple ou de chorée

avec délire, on trouve dans le noyau lenticulaire ou plutôt dans le

globus pallidus du noyau lenticulaire de nombreux organites sphé-

riques très réfringents, disposés le long des vaisseaux, qui résistent

énergiquement aux matières colorantes et aux réactifs. Comme on

rencontre ces mêmes éléments dans les mêmes régions d'individus

n'ayant jamais eu la chorée, ils ne sont pas caractéristiques de cette

maladie. Ils indiquent, très probablement, la calcification de subs-

tances organiques fondamentales dont la nature reste indétermi-

née. Ils ne réagissentni à l'alcool, ni à l'éther, ni à la solution de

Legal, ni à l'acide osmique, ni à la lessive de potasse ; la concentri-

cité de leurs couches n'est pas mieux dessinée 'par l'acide acétique.

L'acide sulfurique les dissout en les dissociant en de fines

aiguilles ; l'acide chlorhydrique ne les dissout pas toujours . Us ne

sont colorés ni parle carmin, ni par l'agent colorant de la fibrine

de Weigerl, mais le cyano-ferrure de potassium et l'hématoxyline les

rend gris obscur et noirs; la solution d'aniline et de fuchsine

acide les imprègne : ils deviennent alors rouges quand on les sou-

met à l'acide picrique. P. KERAVAL..

XVII. DE la dégénérescence secondaire dans la paralysie infantile

cérébrale; par GIERLICIi. (Archiv f. Psychiat., XXIII, 1.)

Observation de destruction chez l'enfant des faisceaux moteurs

de la capsule interne. Le faisceau pyramidal dans la protubérance,

le bulbe, la moelle, est plutôt rabougri que dégénéré, mais son étio-

lement se prolonge jusque dans la région lombaire; les fibres ont

conservé leur aspect normal, elles ne le cèdent point en grosseur à

celles du faisceau normal. seulement elles sont moins abondantes

dans le premier que dans le second. Cet état se constate surtout

dans la protubérance; la déchéance est de moins en moins accen-

tuée de haut en bas. P. K.

Archives, t. XXV. 8

114 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XVIII. LES CORPUSCULES amyloïdes DU SYSTÈME NERVEUX;

par E. REDLICH. (Jahrberch. f. Psychiat., X, 1.)

Technique. Laver les coupes à l'eau, plongez-les dans la solu-

tion colorante (hématoxyline alunée, ou hématoxyline acéto-

alunée d'Ehrlich), puis dans l'eau additionnée de solution de

lithine, montez dans le baume de Damar. Ce sont des sphères ou

des ellipses d'un brillant mat, mesurant 12 à 50 , dans lesquelles il

est parfois permis de distinguer un noyau central et une écorce

périphérique, mais jamais de couches concentriques. La solution

sulfurique d'iode les colore en bleu foncé; l'hématoxyline les teint

en bleu. On les trouve dans la moelle et le bulbe, disséminés parmi

les noyaux, dans la couche corticale au sein des gaines des vais-

seaux et des cloisons, dans le cerveau au niveau du revêtement

des ventricules, et même dans le cervelet. On les rencontre très

nombreux dans la bandelette olfactive. Leur nature chimique est

inconnue,, car ils diffèrent des corpuscules amyloïdes de la prostrate

et de la dégénérescence amyloïde commune. Ils résultent de la

transformation des noyaux de la névroglie. Leur fréquence coïn-

cide avec l'âge de trente ans; ils ne manquent jamais après qua-

rante ans. Ils n'ont pas de raison d'être pathologique, mais, dans

certaines circonstances, ils se multiplient aux endroits malades,

lorsque les lésions occupent les régions privilégiées (périphérie

des cordons postérieurs, des faisceaux de Goll, etc.). P. K.

XIX. Démonstration A l'actif DE l'anatomie pathologique DE la

paralysie générale progressive; par BINSW.1NGER. (Neurol. Cen-

tralbl., 1891.)

Deux observations qui se rapprochent de celles de Zambaco,

Westphal, L. Meyer : on y trouve des gommes et des artérites,

mais non généralisées; ce sont des résidus de néoplasmes syphili-

tiques anciens et très limités et non des lésions récentes disséminées

sur les méninges et le cerveau. Il n'est pas admissible de ratlacher

ces altérations spécifiques locales aux altérations diffuses simul-

tanées de l'écorce. C'est une paralysie générale entée sur la

syphilis. P. K.

XX. DES altérations DE la COUCHE OPTIQUE dans la paralysie

PROGRESSIVE; par G. ZAGARI. (Neurolog. Centralbl., 1891.)

Lissauer a (dans la Deutsch. med. Wochenschr., 1890, n° 56) pré-

tendu (neuf observations avec autopsie) que, dans les cas de para-

lysie générale où l'on constate des symptômes de lésions en foyer,

symptômes d'ordinaire brusques et disparaissant souvent bientôt,

(aphasie, hémiplégie, paraplégie, troubles sensoriels), on rencontre

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 115

à l'autopsie des lésions circonscrites de la couche optique, tandis

que cet organe est indemne dans les cas où il ne se produit pas de

symptômes semblables. Ces faits sont à rapprocher des rapports

établis par Monakow entre l'écorce et la couche optique (dégéné-

rescence de celle-ci à la suite de l'ablation expérimentale de la

première). M. Zagari a voulu contrôler cette assertion à l'aide de

cinq observations. Conclusions. Les couches optiques sont, dans la

paralysie générale, souvent le siège d'une altération toute particu-

lière, mais il n'est pas encore possible d'établir avec la précision

de Lissauer un rapport entre les symptômes paralytiques aigus en

question et ces altérations. P. K.

XXI. DE la conscience musculaire DE DUCHENNE; par A. Pica.

(Neurolog. Centralbl., 1891.)

Les individus qui ont perdu les sensations kinesthésiques sont

incapables de se mouvoir les yeux fermés. (Raymond, Revue de

Médecine, mai.) Or, cela est simplement dû à un trouble psy-

chique de l'attention. Chez les hystériques (P. Janet, W. James,

Binet) le champ de l'attention est rétréci, comme le champ visuel;

cela suffit pour troubler ou arrêter tout à fait la motilité. Ainsi

agit l'occlusion des yeux et même des oreilles; ainsi agit le trouble

de l'attention. P. K.

XXII. Hypothèse SUR la genèse DES EMPREINTES mnémoniques DES

IMPRESSIONS VISUELLES ET DES MOUVEMENTS REFLEXES ; par NOISZE-

wski. (Centmlbl. f. Nevenheilk., 1891. N. F 11.)

La mémoire des impressions visuelles est le produit d'une em-

preinte matérielle laissée par un objet sur un sujet, exactement

comme la lumière laisse sa trace sur la plaque de la chambre obs-

cure du photographe. Or, pour que cette trace subsiste, il faut qu'il

se produise des modifications chimiques, sinon pas de trace. Quelles

traces la lumière laisse-t-elle dans l'oeil ? Les optogrammes sont la

résultante de la décomposition de substances explosibles qui lais-

sent après la décharge, des stries ou des plis sur le revêtement

corné des fibres nerveuses (cônes et bâtonnets). Etudes de Kuehn,

A. Fick, Chodin, Gscheidlen. Sczerbak, Max Schultze, Remak.

Cette substance explosible emmagasinée dans l'enveloppe extérieure

de ces éléments donne naissance à toute une série de décharges

isolées qui, séparées les unes des autres, suivent lesens de l'axe de

l'élément; après chaque explosion, l'enveloppe de l'élément opti-

que forme un pli annulaire qui représente une sorte de raie ou

strie : la neurokératine de l'extrémité antérieure du filament

étant détruite, il faut qu'il se forme toute une série d'échanges

physico-chimiques, etc. Quoi qu'il en soit, cette raie ou strie intra-

oculaire est le signe matériel de la mémoire. (Mendel-Meynert.)

116 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Il y a impression unique quand l'action n'a lieu par exemple que

sur un cône et, par suite, sur un seul élément nerveux; une impres-

sion composée, une image résulte d'une impression qui affecte

simultanément les extrémités de plusieurs fibres nerveuses. La

force de chaque impression dépend de l'explosion complète ou par-

tielle d'une charge. Si elle n'est que partielle, ce qui reste de la

charge empêche l'affaissement de l'enveloppe des fibres nerveuses;

la strie ne se produit pas. Une image peut manquer de netteté,

c'est-à-dire que son empreinte n'est pas assez épaisse, parce qu'il

n'y a pas assez de prolongements nerveux pris dans une explosion

commune.

L'action de la lumière produit sur l'extrémité antérieure des

bâtonnets et des cônes des filaments optiques une modification qui

développe des courants électriques; ils suivent ces éléments jus-

qu'à la cellule nerveuse du cerveau où, les mêmes conditions phy-

sico-chimiques existant,- il s'effectue peut-être une explosion qui

laisse également après elle une raie sur l'enveloppe de la cellule,

c'est-à-dire une empreinte (Wagner, Bidder, Kendrick, Holmgren,

Landois, Noiszewski).

Toute'image tombant sur la rétine a son centre sur la macula

lutea. Tout mouvement de la tête produit' une nouvelle image

déterminant un autre centre. Le premier centre est contigu à la

ligne de démarcation de la seconde image. Les images d'ensemble

sont la somme des impressions du mouvement des muscles qui

pendant un certain espace de temps sont reçues consciemment. Si

notre attention se porte ailleurs, il se produit une nouvelle image

d'ensemble.

Les empreintes d'impressions simultanées sont contiguës, mais

non superposées. Les empreintes d'impressions inégales comme

temps sont situées en arrière les unes des autres. Le plus ou moins

de ressemblance d'une image avec l'objet dépend du nombre plus

ou moins égal de fibres affectées, bien que de nouvelles impres-

sions, même dans les mêmes fibres, occupent toujours de nouvelles

parties éloignées. Toute nouvelle impression occupe, non, comme

le pense Meynert, une nouvelle cellule, mais seulement une nou-

velle partie d'une cellule ou d'une terminaison de fibres ner-

veuses.

Quand, en présence de plusieurs impressions successives, notre

attention se concentre sur une seule et même partie, c'est que cette

partie est le foyer de plusieurs images d'ensemble. (Exemple : un

cheval, un cavalier à cheval représentant un centaure, etc.) L'a-

nimal se meut-il, nous déplaçons notre oeil, et, tandis que nous sai-

sissons les détails, nous avons toujours pour pivot du tableau le

cheval. Nous recevons ainsi, en deux minutes, près de six cents

impressions qui forment six cents aspects dont les linéaments s'im-

prègnent en nous. Pour fixer la mémoire des impressions, il en faut

SOCIÉTÉS SAVANTES. 117 7

la répétition fréquente qui fournit un plus ou moins grand nombre

de raies sur une seule et même terminaison nerveuse de l'appareil

sensoriel. Cette théorie chimique est applicable à l'hallucination, à

la vision par action mécanique. P. KERAV.\L.

XXIII. CONTRIBUTION A l'étude DE la chaleur sur LES nerfs moteurs;

par Olga GoATlsxx.

Cette étude avait en vue deux questions :

1° Chaleur comme excitant ;

2° Chaleur comme modificateur de l'excitabilité du nerf.

La méthode choisie consistait à appliquer sur le nerf sciatique

isolé (mais non coupé) d'une grenouille la boule d'un thermomètre

qui venait d'être chauffée de 25 à 80° C.; la durée de l'application

était de une à dix secondes. Le résultat général relatif à la pre-

mière question, la chaleur est-elle un excitant pour le nerf moteur ? 2

fut négatif.

Pour résoudre la seconde question, la chaleur modifie-t-elle

l'excitabilité du nerf ? la boule du thermomètre chauffée fut

appliquée d'abord au-dessus du point irrité, le résultat obtenu

fut négatif puis au-dessous du point irrité. Avec ce dernier

dispositif on a constaté que sur un nerf frais la chaleur augmentait

l'effet des irritations faibles d'induction et des irritations chimi-

ques ; et que sur un nerf moins frais, ou pour des irritations plus

fortes, elle le diminuait. (Rev. méd. de la Suisse Romande, 1891.)

G. D.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ 11ÉDIC0-PSYCHOLOG1QUE.

Séance du 31 octobre 1892. PRÉSIDENCE DE M. TH. RoussEL.

Les vices du caractère et les folies qui s'y rattachent. Leurs rapports

avec les asiles spéciaux. M. Charpentier, sous le nom de folies

du caractère, décrit les fous raisonnants, les fous moraux, les fous

persécuteurs. Il examine dans chacun de ces groupes les difficultés

que soulève l'acception du mot caractère. Il distingue les change-

ments du caractère des troubles passagers tels que la colère et

118 SOCIÉTÉS SAVANTES.

trouve dans ces sortes de folies 12 signes communs qu'on peut

ainsi résumer :

1° L'association fréquente chez un même sujet des trois formes

de folie avec prépondérance d'une seule; -2° la subordination vo-

lontaire des facultés intellectuelles avec émotions de nature

agréable pour eux, résultant de leurs sentiments ou penchants

mauvais fortifiés par l'habitude; 3° le discernement dans les

actes; 4° le développement fréquent et l'entretien des facultés

intellectuelles sous l'influence de leurs sentiments, penchants et

vices de caractère; 5° l'indifférence et l'affaissement de ces

mêmes facultés en l'absence des mêmes excitants; 6° la dispo-

sition graduelle des bons sentiments qui pourraient encore exister.

L'apparition graduelle de nouveaux vices et de mauvais penchants

nouveaux; 7° la lente évolution de ces vices de caractère

depuis l'enfance; le caractère ne change pas; il ne peut que s'ac-

centuer dans son tour vicieux ; 8° leur conduite dans l'asile qui

les distingue nettement des autres fous; 9° leur conduite à

l'état libre dans la société; ce qui les distingue des gens sains d'es-

prit ; 10° la rareté de leur mort dans les asiles : leurs rémis-

sions fréquentes, la rareté de la démence (les causes de leur mise

en liberté) ; 11° leur rôle capital dans les conversations de séques-

tration arbitraire; - 12° leur absence de délire contrastant avec

leurs propos déraisonnables. Ces signes permettent d'apprécier les

rapports de ces individus avec les asiles spéciaux.

Du délire des persécutions. M. FALRET. La discussion qui s'est t

ouverte ici, il y a quelques années, à propos du délire des persécu-

tions, a engendré plusieurs travaux sur le délire chronique. Je

crois assez volontiers que les persécutés, ainsi que cela a été dit

ici par M. Briand, cachent assez volontiers leurs idées ambitieuses,

alors qu'ils étalent sans trop de difficultés leurs craintes de persé-

cution. Ce point mériterait qu'on revint sur la question du délire

chronique. D'autres aperçus n'ont pas été suffisamment étudiés. Je

crois, pour ma part, que la maladie remonte beaucoup plus loin

qu'on ne le croit. Souvent elle débute dans l'enfance. Dès l'école

ou le collège, les persécutés vivent à part, se lient peu avec leurs

camarades et montrent déjà une disposition au soupçon et à la

méfiance. Parfois, il faut l'avouer, les premières manifestations du

délire n'éclatant que dans l'âge mûr, quelques malades peuvent

citer la date précise du début de leur folie. Chez les femmes elle

coïncide souvent avec la ménopause.

Le rôle de l'hérédité dans le délire des persécutions devrait aussi

être précisé par notre société. Pour quelques-uns d'entre nous,

les persécutés n'auraient jamais de stigmates physiques, alors que

la clinique semble démontrer le contraire. Quelques auteurs alle-

mands vont même presque à faire du délire chronique une classe à

part de la dégénérescence mentale.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 119

Certains persécutés, qui cependant ne sont pas des raisonnants,

n'ont pas d'hallucinations de l'ouïe. L'hallucination ne peut donc

pas être dans tous les cas considérée comme caractère différentiel

absolu entre les persécutés vrais et les persécutés persécuteurs.

Pour ce qui est de l'hallucination de la vue, on admet généra-

lement qu'elle n'existe pas dans le délire chronique. On pense gé-

néralement que les auteurs qui croient l'avoir observée ont pris des

illusions de la vue pour des hallucinations. Pour ma part, c'est plu-

tôt une interprétation délirante à propos d'une perception subjec-

tive de la vue. Les persécutés vrais sont parfois confondus avec les

délirants mélancoliques. Il y a encore là un point de vue très im-

portant pour nous à éclaircir.

Les hallucinations de la sensibilité générale sont très fréquentes,

tous les auteurs les ont notées ; mais ce qu'on sait moins, c'est

l'époque de leur apparition. Chez quelques hypochondriaques plus

tard persécutés, les troubles de la sensibilité précèdent le délire de

persécution proprement dit. D'autres fois, ce phénomène n'apparaît

qu'après les hallucinations, c'est-à-dire, à la période d'état de la

maladie. L'opinion n'est pas encore fixée sur ce côté de la question.

Il en est de même de la prédominance dans un sexe ou dans

l'autre des troubles de la sensibilité générale. Coexistent-ils avec

les idées ambitieuses ou les excluent-ils ? Les deux opinions ont

été soutenues.

Il serait fort utile de reprendre la discussion pour délimiter le

délire des persécutions, ou délire chronique proprement dit, le dé-

lire des persécutions des dégénérés, celui des alcooliques et enfin

celui des mélancoliques. Je crois qu'une seconde discussion serait

aussi fertile en résultats que la première.

Séance du 28 octobre 1892. Présidence de M. CHRISTIAN.

A propos du procès-verbal, M. FALRET insiste de nouveau sur la

mise à l'ordre du jour de la discussion sur le délire des persécutions.

Patronage des aliénés. M. FALRET dépose sur ie bureau le rap-

port de la Société de patronage des aliénés indigents qui fonctionne

à Paris depuis près de cinquante ans. Il attire l'attention de la

société sur cette oeuvre dont se désintéressent aujourd'hui les pou-

voirs publics, peut-être parce qu'elle emploie des religieuses. Bien

que reconnue d'utilité publique, elle ne fonctionne qu'avec ses res-

sources privées et secourt un grand nombre d'aliénés.

M. A. Voisin insiste sur les services rendus chaque année par le

patronage fondé par Falret père d'abord, puis par Baillarger et au-

quel s'est dévoué J. Falret. Si la maison de Grenelle qui appartient à

l'oeuvre est dirigée par des religieuses, c'est, dit-il, par raison éco-

120 SOCIÉTÉS savantes.

nomique. Il fait l'éloge des soeurs qui font preuve d'un grand

dévouement '.

Contribution à l'étude clinique des hallucinations verbales psycho-

motrices. M. Roubinovitch après avoir constaté que la nature de

l'hallucination verbale psycho-molrice a été déjà suffisamment éta-

blie, se demande quelle est sa valeur clinique et dans quelles

formes vésaniques elle s'observe. Il cite d'abord le cas publié par

M. Gilbert Ballet 2 où ces hallucinations occupaient une large place

dans un délire de persécution à évolution chronique. Il rappelle

ensuite le travail de MM. Séglas et Londe qui ont démontré qu'elles

sont très fréquentes dans la mélancolie. Il passe alors à l'exposé du

cas qu'il a étudié lui-même en collaboration avec M. Zuber, interne

à la SalpêLrière.

Il s'agit d'une femme d'un niveau intellectuel faible descendant

d'alcoolique, qui, après quelques accidents mentaux très fugaces, a

d'abord présenté un véritable accès de délire mélancolique avec

idées de culpabilité et plusieurs tentatives de suicide. Plus tard un

délire de persécution à évolution systématisée et progressive s'est

manifesté. Or, il résulte d'un interrogatoire très minutieux et de

renseignements aussi complets que possible que pendant son délire

mélancolique, la malade n'a pas présenté d'hallucinations verbales

psycho-motrices, et ce n'est qu'à une certaine période de son délire

de persécution (période mégalomaniaque) qu'on les voit apparaître

et prendre une place tout à fait prépondérante.

En analysant tous les éléments constitutifs de ce cas, l'auteur

fait remarquer combien le terrain intellectuel de cette malade est

faible et combien la systématisation de son délire porte le cachet

de sa débilité mentale; c'est, en effet, une systématisation pauvre,

souvent niaise, incohérente; et cependant, l'évolution de son délire

de persécution commençant par la période d'inquiétude, traver-

sant la seconde phase, entrant ensuite dans la phase mégaloma-

niaque, paraît presque calquée sur la description classique; de sorte

que, à tout prendre, cette observation représente un cas typique de

ce que Krafft Ebing a décrit sous le nom de paranoïa dans sa forme

primitive ou de ce qui en France est connu sous le nom de délire

de persécution systématisé des dégénérés.

M. Roubinovitch insiste surtout sur le fait que sa malade pré-

sente à un très haut degré le phénomène d'hallucinations verbales

psycho-motrices et le dédoublement de la personnalité qui en est

la conséquence naturelle.

1 M. A. Voisin invoque un mauvais argument. Dans la très grande ma-

jorité des hôpitaux de France, le service serait fait plus économiquement

par les laïques que par les religieuses. (B.)

' G. Ballet. Leçon à l'hôpital Saint-Antoine. (Semaine médicale,

18q 1 .) .. * ..

SOCIÉTÉS SAVANTES. 121 1

Ces hallucinations étaient totalement absentes au cours d'un

délire mélancolique que la même malade a eu auparavant, et l'au-

teur demande si leur apparition, à une certaine phase de son

délire de persécution, est une simple coïncidence ou si elles sont

plus intimement liées à la genèse de ce délire.

M. FALRET fait remarquer que la communication de M. Roubi-

novitch vient à propos pour démontrer combien il serait opportun

de discuter les questions relatives aux différents délires de persé-

cution.

M. GARNIER ne voit pas sur quelles bases M. Roubinovitch étaie

son diagnostic de psychose à évolution systématique et progressive ;

car le fait seul de l'existence de plusieurs accès délirants antérieurs

au délire de persécution est contraire à la possibilité de cette psy-

chose.

M. Arnaud demande si l'accès de mélancolie a été séparé du

délire de persécution par un intervalle de santé et quel est en tout

cas l'âge de la malade.

M. ROUBINOVITCH.' Trente-deux ans.

M. Charpentier voudrait savoir pourquoi l'auteur fait de sa ma-

lade une dégénérée et ce qu'il entend par le terme de dégéné-

rescence mentale.

M. RITTI exprime l'hypothèse que le cas de M. Roubinovitch mé-

riterait plutôt la dénomination de paranoïa secondaire.

M. Vallon pense que le délire de persécution était, dans ce cas,

secondaire à la mélancolie.

M. J. Séglas. Envisagées dans les délires de persécution, les

hallucinations verbales psycho-motrices ont, suivant la forme cli-

nique du délire une valeur séméiologique différente. Dans le délire

des persécutions à évolution systématique, elles apparaissent tar-

divement, après les hallucinations sensorielles et peuvent rester à

un plan effacé. Chez d'autres persécutés, elles peuvent n'être qu'é-

pisodiques ou même faire totalement défaut.

Daus certains cas, elles sont précoces et semblent être un symp-

tôme saillant de la maladie. Par leur aspect clinique général, ces

derniers, difficiles à ranger dans les catégories habituelles, méri-

teraient peut-êlre une description à part.

Un fait capital est la prédominance excessive des troubles psycho-

moteurs, hallucinations motrices verbales et communes, impul-

sions ou phénomènes d'inhibition, les troubles de la sensibilité

profonde et viscérale sont aussi très marqués : on peut rencontrer

des hallucinations génitales et des hallucinations visuelles, les hal-

lucinations auditives sont plus effacées ou même manquent.

Ces différents désordres sont interprétés d'une façon spéciale.

122 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Au premier abord, on croit avoir affaire à des idées de persécution,

assez systématisées. Mais, il est à remarquer qu'elles ont une teinte

mystique particulière, traduisant en quelque sorte la contrainte

éprouvée par la malade ; par leur couleur et leur fondement psy-

ehologique, elles se rapprochent beaucoup des idées de possession,

si fréquentes jadis.

A côté d'elles, on peut voir parfois des idées de nature mélan-

colique, culpabilité, damnation... Mais il est à noter que les trou-

bles émotionnels primordiaux de la mélancolie font défaut, et s'ils

existent, ne sont que des épisodes réactionnels sous le coup des

idées délirantes, à l'inverse de ce qui a lieu dans la mélancolie.

Puis apparaissent d'autres idées délirantes, de nature très diverse.

Tantôt les malades regardent les symptômes de possession comme

une faveur (Dieu parle par leur bouche, etc.) et formulent des idées

de grandeur. D'autres, au contraire, accusant de plus en plus

l'atteinte portée à leur personnalité individuelle, arrivent à un

véritable délire de négation différant du type de Cotard.

Dans ces cas, tantôt l'on a affaire à des sujets jeunes, ils ren-

trent alors dans la classe si vaste des dégénérés. Chez eux, au lieu

d'une évolution anormale, l'anomalie' se présente sous la forme

d'une dissociation psychique rapide. D'autres fois, ces troubles psy-

chiques se présentent à un âge plus avancé, à la ménopause, par

exemple. Au lieu d'un vice d'évolution, ils semblent marquer le

début d'une involution précoce; d'ailleurs les derniers malades

présentent souvent des signes physiques de sénilité.

Ces faits diffèrent donc et de la mélancolie et des diverses for-

mes habituelles des délires de persécution. Ils constituent peut-être

entre ces maladies mentales comme un groupe mixte de transi-

tion, et me semblent assez comparables aux faits envisagés par

Kroepelin dans la description de son depressiver Walmdim.

M. CHRISTIA1V. Il ne me semble pas démontré qu% le malade

ait eu de la paranoïa. Jusqu'à vingt-quatre ans cette femme va'

bien, dit-on ; puis surviennent les accidents et aujourd'hui elle

serait guérie. Il ne me paraît pas que la guérison soit très complète,

puisque la malade, nous l'avoue M. Roubinovitch, ne se trouve bien

nulle part. De plus, il est admis que dans le délire chronique, les

hallucinations de la vue n'existent pas. M. Roubinovitch les a notées

chez sa malade. Je rangerais donc plutôt cette observation dans

les délires mystiques avec accidents hystériques.

M. Charpentier. Je ne pense pas qu'il s'agisse ici du délire de

persécution vrai. Si les illusions sensorielles accompagnées d'in-

terprétations délirantes ont précédé la systématisation du délire,

les hallucinations psycho-motrices verbales l'ont suivie.

Je ne pense pas davantage à un délire de persécution chez une

dégénérée. Si les terreurs nocturnes et le délire d'emblée devien-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 123

nent maintenant la caractéristique de la dégénérescence, nous n'au-

rons plus alors en médecine mentale d'autre maladie que la dégé-

nérescence. D'ailleurs, folie des dégénérés est un terme que, pour

ma part, je n'accepte pas et que je n'emploie jamais.

M. ROUBINOVITCH répond d'abord à M. Falret en le remerciant t

d'avoir bien voulu constater l'opportunité et l'intérêt de cette-

communication. Reprenant ensuite les différentes objections, il

cherche à établir que le délire de persécution de sa malade pré-

sente une systématisation toute spéciale, grâce au terrain de débi-

lité mentale sur lequel il s'est développé et que c'est justement à

cause de ce terrain que la physionomie, de ce délire à évolution

systématique et progressive, est toute autre que celle de la psy-

chose connue sous le nom de « délire chronique ». S'il fait de sa

malade une « dégénérée », c'est parce qu'elle a présenté à diffé-

rentes reprises des bouffées et des accès délirants complètement

séparés les uns des autres par des intervalles de santé. Quant à

vouloir considérer cette affection comme un cas de « paranoïa

secondaire », l'hypothèse lui semble difficile à admettre, à cause

de l'intervalle de santé qui sépare l'accès de mélancolie du délire

de persécution. Il se range plutôt du côté de l'opinion de M. Séglas.

En tout cas son observation est difficile à classer dans les classifi-

cations actuelles.

Séance du 26 décembre 1892. Présidence de M. TH. ROUSSEL.

M. RITTI, secrétaire général, donne lecture d'une lettre de M. Cat-

zaras en réponse à M. Charpentier qui s'est défendu, dans la der-

nière séance, d'admettre l'existence de la folie des dégénérés.

M. Catzaras rappelle que MM. Magnan et Schule ont démontré que

la désharmonie des facultés intellectuelles est bien la caractéris-

tique de la dégénérescence mentale. Il y a en conséquence lieu,

selon lui, de maintenir la folie des dégénérés dans la nomencla-

ture des psychoses.

Elections. Le bureau est ainsi constitué après élections : Vice-

président : M. A. Voisin; Secrétaire général : M. Rlrxt ; Trésorier t

M. J. Voisin; Secrétaires annuels : MM. SG31ELAIGNE et SOLFIER.

Marcel l3RIAND.

124 SOCIÉTÉS SAVANTES.

XXIIIC CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE

DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST.

Session DE I.1RLSRUHh : .

Séance du 7 novembre 1891 Présidence DE M. Ludwig.

M. SCHNTH : 1L. Du désordre dans les idées hallucinatoires aiguës.

Début soudain ; à peine un court stade prodromique, impétuosité

des accidents, hallucinations profuses, confusion complète dans les

idées, obnubilation de la connaissance, fréquence de l'agitation,

Tel est l'ensemble symptomatique. Ce qui prime, l'élément qui

domine, c'est le désordre dans les idées qui déconcerte le malade ;

son humeur, mobile, au gré des hallucinations et des idées déli-

rantes qui dépendent égalementde ces dernières, est tantôtanxieuse

tantôt joyeuse. Il en est de même de son allure. Dans les cas graves,

il se produit soit une agitation intense qui témoigne de l'hyperex-

citabilité impulsive du système nerveux, soit un affaiblissement

progressif avec exagération des réflexes, tremblements, émaciation

albuminurie, élévation thermique, insomnie et troubles vaso-mo-

teurs ou trophiques qui constituent le syndrome d'une déchéance

inquiétante. La maladie se termine par la guérison (dans ce cas,

elle passe généralement par une phase qui rappelle la démence

aiguë), par la mort ou par le passage à l'état chronique du reste

lui-même curable. Il n'est pas rare de la voir se compliquer de

manie (qui est elle-même un élément favorable) et de stupeur.

Elle se distingue de la manie par la soudaineté des accidents et leur

impétuosilé. La manie a généralement un début graduel, un stade

prodromique de dépression, puis le malade devient gai ou, s'il a des

périodes de tristesse, celles-ci ne sont que passagères. Chez nos

malades au contraire la mobilité d'humeur dépend de la multipli-

cité et de la variabilité des hallucinations. Dansla folie systématique

aiguë, on constate une organisation dans les idées délirantes que

le malade s'attache à enchaîner par un raisonnement aussi logique

que possible ; dans le désordre aigu des idées, au contraire, les

idées délirantes, incohérentes, témoignent du trouble profond de

la connaissance déjà signalé. Le désordre aigu dans les idées est

une psychopathie due à l'épuisement du système nerveux par le

surmenage physique, l'anémie, les maladies somatiques, les hé-

morrhagies et surtout la puerpéralité. Par conséquent, le traite-

ment est inscrit dans l'étiologie.

' Voy. Archives de Neurologie, XXII' congrès, t. XXII, p. 280.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 125

Discussion : M. SCHUFLE. Il faut tenir compte non seulement de

l'obnubilation de la connaissance, mais de l'affaiblissement de

l'aperception consciente. La guérison s'annonce souvent par des

crises physiques (éruption de furoncles, entérites catarrhales, retour

des règles).

M. LuDwiG. Le trouble de la connaissance est un phénomène

secondaire ; il résulte de la multiplicité des hallucinations.

M. SCHUELE. Communication casuistique. Il s'agit d'une hysté-

rique de quarante-quatre ans, atteinte de mélancolie avec idées de

culpabilité qui déroba une sonde oesophagienne, se l'introduisit

dans le nez et l'avala dans un but de suicide : elle meurt dix-huit

jours plus tard : perforation stomacale de 4 centimètres de long

sur 3 centimètres de large entre la grande courbure et le cul-de-

sac du cardia.

M. FUERSTNER. De la névrite périphérique dans la paralysie générale.

Voici deux observations personnelles de paralysie générale

typique. On constate dans le premier cas une lésion des cordons

latéraux, dans le second, une altération des cordons postérieurs.

Dans le premier cas, il existait une paralysie du grand dentelé

droit, avec réaction dégénérative ; dans le second cas; c'était une

paralysie des péroniers (réaction dégénérative). L'examen anato-

mique des muscles du premier malade a permis de découvrir, en

outre, des altérations musculaires, une atrophie très prononcée des

fibres nerveuses, dissociation de la myéline, tuméfaction des cylin-

draxes, prolifération interstitielle des plus accusées ; intégrité du

plexus et de la substance grise.

Discussion : M. B1NSZPdNGEIt traite un jeune homme qui, atteint

d'une fièvre typhoïde grave, dut pendant, un an, rester les genoux

étendus. Une paralysie des péroniers s'ensuivit.

M. WILDERIUTIi raconte l'histoire de deux malades atteints d'épi-

lepsie, et traités par la méthode chirurgicale de 31. Burckhardt. La

première observation a trait à un homme de dix-neuf ans, qui pré-

sente au niveau du pariétal gauche une dépression osseuse remon-

tant à une application de forceps. Cette dépression est limitée en

avant par la suture coronaire, en haut, elle arrive à 3 centimètres

de la suture sagittale, elle a le diamètre d'une pièce de deux francs.

On applique en cet endroit une couronne de trépan, on enlève une

plaque de méningo-encéphalite du diamètre d'une pièce de un franc,

qui correspond à peu près au bord médio-antérieur de l'ascendante ;

on trouve à ce niveau une sorte de kyste séreux que l'on crève et

qui fournit de la sérosité pendant neuf jours consécutifs. Il ne se

produit ultérieurement qu'un prolapsus cérébral passager; réunion

par première intention sans fièvre Guérison complète et définitive.

Dans le second cas, il s'agit d'une jeune fille du même âge devenue

épileptique à la suite d'une contusion de la région fronto-pariétale

126 SOCIÉTÉS SAVANTES.

gauche. On lui ouvre le crâne; on tombe sur le sillon de Rolando;

un enlève une plaque de méningite qui laisse à découvert le pied

de la pariétale ascendante que l'on résèque. Le traumatisme guérit

sans accident. Dans les quelques jours qui suivent, il se produit un

peu d'aphasie, de la paraphasie, une phase d'excitation maniaque,

de la paralysie du bras; puis tous ces phénomènes disparaissent. Et

la maladie reste guérie.

Discussion : M. LUDVIG. C'est très beau, mais attendons encore

avant de nous prononcer définitivement.

M. FUERTSNER. A côté de ces cas, il y en a d'autres dans lesquels

on ne trouve pas de lésions dans l'écorce ni au-dessous. Il serait

bon aussi de publier les observations défavorables.

M. KIRN. En tout cas, on voit que l'intervention chirurgicale

n'est par elle-même point dangereuse. 11 convient maintenant, par

la pratique, d'arriver à poser des indications.

Séance du 8 novembre 1891. Présidence de M. SCHUELE.

Les questions suivantes seront traitées pour le prochain congrès

par les maîtres dont voici les noms.

4 De l'indication et du mode d'emploi de l'hydrothérapie dans des

états d'agitation psychique. Rapporteurs : MM. FUERSTNER et FELD-

B : 1USCIi.

2° De l'installation intérieure et du nombre indispensable des cel-

lules dans un asile. Rapporteurs : MM. LUDWIG et KREUSER.

La prochaine session aura lieu à Karlsruhe. Sont chargés de

l'organisation MM. STARK et FISCHER.

M. G. ILBERG. De l'infusion sous-cutanée de chlorure de sodium chez

les aliénés sitiophobes en état de collapsus. Mémoire publié.

Discussion : M. SCHUELE. Cette pratique est précieuse quand il

est impossible d'exécuter l'alimentation forcée ou quand cette der-

nière est contre-indiquée. ,

M. VORSTER. Sur un cas d'héinianesthésie cérébrale. - Il s'agit d'un

homme de quarante-neuf ans qui, à la suite d'un ictus, présenta de

la paralysie de la motilité et de la sensibilité dans la moitié gauche

du corps, avec amaurose des deux yeux. Les accidents moteurs et

sensitifs cédèrent en peu de jours presque complètement. L'amau-

rose fut, quatorze jours après l'ictus, remplacée par une hémiopie

gauche. En même temps, cécité psychique et achromatopsie, puis

apparurent des hallucinations de la vue qui déterminèrent le syn-

drome du désordre dans les idées hallucinatoire aigu. Quelques

mois plus tard les troubles intellectuels disparaissaient à leur tour.

On constata alors de l'hémiopie du côté gauche compliquée d'hé-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 127

miopie droite incomplète homonyme. Les deux moitiés droites

du champ visuel étaient affectés d'une anopsie pour le blanc distante

de 40° du point de fixation : la même anopsie n'était distante que

de 10° du point de fixation pour les deux moitiés gauches du champ

visuel. Rien à l'ophtalmoscope.

L'amaurose des premiers temps tenait évidemment à une hé-

miopie bilatérale complète absolue, homonyme. Puis celle-ci se

transforma en une hémiopie bilatérale incomplète, que l'on put

suivre du centre à la périphérie dans les moitiés droites et gauches

du champ visuel. De là l'opinion qu'il y avait une lésion autochtone

des trousseaux optiques, situés en arrière du chiasma. L'existence

de la cécité psychique indique la bilatéralité de la lésion, car il

n'y a que des altérations bilatérales des lobes occipitaux qui

puissent produire de la cécité psychique. Quant à la transforma-

tion des troubles centraux de la vue en hallucinations visuelles

pressées et impérieuses, elle indique qu'il s'agit de symptômes de

lésions en foyer.

Discussion : I%I.SCRUELE partage complètement l'avis de M. Vorster,

mais l'atteinte profonde de la connaissance le ferait pencher pour

un ramollissement cortical (superficiel) du lobe occipital empiétant

sur le lobe temporal; il y croirait plutôt qu'à un foyer du centre

ovale partant du centre optique du lobe occipital et intéressant

les fibres qui, parties de ce lobe, vont à la capsule interne.

M.KREUSER. De la sensibilité à la pressiondes sutures craniennes.-

Chez la plupart des individus sains.ou malades, quand on comprime

légèrement avec le doigt les sutures crâniennes, on détermine une

sensation toute particulière, différente de celle que l'on obtient en

exerçant une compression identique en d'autres points du crâne,

impression désagréable, aiguë, ressemblant à une démangeaison

pénétrante, qui dure plus longtemps que la sensation provoquée

par la compression d'autres régions craniennes. Chez les malades

atteints d'affections cérébrales chroniques, la sensibilité des sutures

est plus fréquemment émoussée que chez les individus sains. Par

contre, chez les sujets affectés de processus intra-craniens aigus,

cette sensibilité est exagérée, elle atteint même le degré d'une dou-

leur intense, il existe des différences entre les deux côtés d'une suture

et l'on constate des irradiations à d'assez grandes distances : l'en-

semble de ces phénomènes ne s'observe pas chez les gens bien por-

tants. Mais avant d'établir une description systématique, et d'en tirer

des conclusions diagnostiques, il convient de procéder à un plus

ample examen. Quoi qu'il en soit, ce mode d'exploration permet de

mettre en évidence la céphalalgie latente et de préciser les carac-

tères des douleurs céphaliques, en les rattachant à des troubles de

la circulation.

La sensibilité spéciale des sutures crâniennes doit être transmise

128 SOCIÉTÉS SAVANTES.

par les nerfs qui appartiennent à la dure-mère, car cette membrane

adhère aux sutures et communique, par un mécanisme qu'il con-

vient de rechercher pour chaque individu (car il doit y avoir à ce

sujet des variations personnelles), avec l'épicrâne et le périoste

externe. Faute de preuves anatomiques, nous invoquerons, à l'appui

de cette thèse, l'irradiation de la sensibilité douloureuse en sens

inverse du trajet des nerfs de la peau de la tête, et dans le sens

des filets dure-mériens, leurs relations constatées entre les symp-

tômes ou les maladies du cerveau. Ainsi, quand il existe des trou-

bles de la circulation intra-cranienne, qui gênent le dégorge-

nient veineux des sinus, il se produit des douleurs céphaliques, par

compression de la dure-mère ou plutôt par compression des su-

tures voisines.

Ce mécanisme physiologique a à son actif l'action pathologique

des cicatrices consécutives aux plaies pénétrantes du crâne. Leur

action pathologique est encore plus rapide quand elles ne siègent

que sur l'épicrâne, mais dans la région des sutures craniennes.

L'auteur cite cinq observations de psychopathies dues à de simples

lésions de l'épicrâne en ces points. Il conclut que les sutures doivent

être palpées avec le plus grand soin, car elles constituent un locus

mimons resislentiav.

Discussion : M. Kern. La découverte de M. Kreuser enrichit la

séméiologie somatique de la psychiatrie notamment au point de

vue médico-légal. Mais c'est un chapitre à créer de toutes pièces.

M. WILDERMUTII. L'usure du crâne par les corpuscules de

Pacchioni joue peut-être bien un rôle important dans la sensibilité

en question. Qu'on se rappelle ces observations dans lesquelles de

petits épanchements sanguins dans l'épaisseur des os du crâne ont

nécessité l'intervention chirurgicale pour débarrasser les malades

de céphalalgies intenses.

M. SCHUELE. C'est aux autopsies qu'il faut demander si réelle-

ment la dure-mère joue, comme je le crois moi-même, un rôle

dans les symptômes cliniques mis en évidence. La sensibilité des

sutures servirait alors à diagnostiquer une pachyméniugite externe;

elle permettrait aussi de se rendre compte des variations de volume

intermittentes du cerveau. Cet organe, par son expansion tirail-

lant la dure-mère, engendrerait ainsi l'hypersensibilité des sutures

crâniennes.

M. Kreuser. Ce mécanisme ne serait admissible qu'en ce qui

a trait à la suture sagittale. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLVIIl, 6.)

P. KERAVAL.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 129

SOCIÉTÉ DES MÉDECINS ALIÉNISTES

ET NEUROLOGISTES DE MOSCOU ;

Séance du 17 janvier 1892.

I). M. le Dr A. EG.Row. Contribution à la symptomatologie des

psychonCll1'OSes. 1° N..., paysan, vingt-cinq ans. Plaintes : dou-

leur et sifflements dans l'oreille droite, vertige et maux de tête.

Pas d'antécédents héréditaires. Abusus spirituosor1lln. Depuis

quatre ans, excitations paroxystiques avec hallucinations, état mé-

lancolique, dégoût de la famille. Cet état a empiré depuis une

maladie intercurrente. L'examen du malade constate une anes-

thésie dissociée d'intensité différente, disposée avec beaucoup de

symétrie sur une partie de la tête, du tronc et des extrémités ;

quelques petites plaques hypéresthésiques, d'autres régions assez

grandes de la peau ne présentent aucun trouble de la sensibilité.

Le champ visuel est rétréci surtout du haut en bas. Si l'ouïe gauche

est bouchée, il entend les paroles sans les comprendre.'Le goût

est presque ;aboli.- Au bout de trois semaines, les troubles de la

sensibilité disparurent, l'ouïe est devenue normale, le champ

visuel s'est élargi, les accès d'excitation sont moins forts. Dia-

gnosis : hystérie plus psychose ex abuso spi1'ituoso1'1t1n. Surdité

verbale fonctionnelle de l'oreille droite.

2° II... (L.-D.), trente-deux ans, alcoolique. Plaintes : douleurs

intenses dans le visage et les extrémités. Hypéresthésie cutanée

d'intensité diverse et distribuée en segments sur tout le corps en

laissant intactes des grands espaces, Ces régions hypéresthésiques

au pincement sont analgésiques à la piqûre et aux excitations

électriques et thermiques. Troubles vaso-moteurs stabiles de la

peau. Augmentation de l'excitabilité électrique des nerfs. Phéno-

mène facial. Anesthésie du pharynx. Diagnosis : la combinaison

d'un état tétanoïde avec l'hystérie qui est cause de cette coexis-

tence paradoxale de l'hypéralgésio au toucher avec l'analgésie à la

piqûre.

Discussion : Le professeur Korsakow croit que l'auteur en em-

ployant le mot 4 psychoneuroe » peut donner lieu à un malentendu,

vu que ce mot a déjà une signification très précise et s'emploie

dans la psychiatrie pour déterminer tout un groupe de maladies

mentales.

II). M. le Dr D.abcuEwmcH. Sur les altérations de la partie cen-

trale d'un nerf moteur après lésion de sa partie périphérique. - Une

Archives, t. XXV. 9

130 SOCIÉTÉS SAVANTES.

série d'expériences faites par l'auteur sur des cobayes lui impose

la conclusion suivante : une lésion d'un nerf moteur cranien, aussi

bien que d'un nerf mixte spinal si une restitution ad integnl1n

est impossible-est suivie d'une dégénérescence des fibres du bout

central et des cellules dont ils proviennent. Expérience première :

le nerf facial d'un cobaye adulte est arraché; six semaines après,

l'animal est tué, le cerveau est durci dans le liquide de Muller et

traité par le liquide de Marchi, on en fait ensuite une série de

coupes continue. L'examen microscopique de ces coupes démontre

que la racine du nerf lésé contient, sur tout le trajet depuis l'en-

trée dans les centres nerveux, jusqu'au noyau beaucoup de masses

noires caractéristiques pour les fibres ayant leur gaine de myéline

atteinte; l'examen du noyau du facial (picro-carminé) démontre

une atrophie importante de ses cellules. Dans d'autres expériences

au lieu d'arracher le nerf facial on employait la ligature ou bien

on en excisait un morceau assez grand pour rendre impossible la

régénération du nerf. A l'examen on constate autant dans la

racine que dans le noyau du facial les mêmes lésions, l'atrophie

des cellules était pourtant un peu moins prononcée. Les expériences

du même genre sur l'hypoglosse donnèrent des résultats identiques.

Autant pour la lésion des nerfs spinaux mixtes (n. ischiadicus).

Sont atteintes les fibres des racines antérieures et les cellules des

cornes antérieures des parties correspondantes de la moelle. Le

rapporteur pense que ces expériences ont une certaine portée pra-

tique. Ainsi, les différents modes de terminaison des neurites et

surtout de la neurite qui détermine la paralysie du facial s'expli-

queraient par les lésions consécutives des éléments cellulaires des

centres nerveux. On pourrait invoquer ces mêmes lésions pour

expliquer la pathogénèse au moins de certaines formes des atro-

phies musculaires, surtout de l'atrophie musculaire progressive

neurotique (type péronéal).

Discussion : M. le Dr ROSSOLIMO rappelle à ce propos les expé-

riences de Mme Tarnovsky sur l'extension et l'arrachement du nerf

sciatique suivies de lésions des parties centrales (substance grise de

la moelle) et pense que dans les expériences du rapporteur il n'y

avait pas de dégénérescence walérienne proprement dite.

M. le Dr DORNSCfII : VITCTH est d'avis que le bout central des fibres

est atteint de dégénération consécutivement à une altération des

cellules de la substance grise.

M. le professeur KAJEWNIKOW. - Les recherches du rapporteur

offrent un grand intérêt clinique. Elles prouvent entres autre qu'au

cours d'une neurile multiple peuvent survenir consécutivement des

lésions de la moelle; en dehors, bien entendu, de ces cas bien

connus il existe une lésion simultanée de la moelle et des nerfs

provoquée par une cause commune.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 131

III). M. le Dr IDNOW. Contribution à l'étiologie des psychoses

puerpérales. Les causes des psychoses puerpérales dans les trente-

trois cas observés par le rapporteur sont diverses. Pour ce qui est

des causes prédisposantes la plus grande importance revient aux

antécédents héréditaires (56 p. 100) et aux premières couches

(45 p. 100). Quant aux causes déterminantes, il faut ranger en pre-

mière ligne l'infection, dont le foyer peut être non seulement

l'utérus, mais aussi différents autres organes (les reins, les intes-

tins, etc.); il y a des malades qui ont des foyers d'infection mul-

tiples. Dans les observations du rapporteur l'infection figure dans

70 p. 100 des cas. La seconde place revient au choc moral ;

dans 27 p. 100 des cas, le rapporteur invoque les influences morales

comme cause de la maladie. En plus, cette cause est notée dans

beaucoup d'observations simultanément avec l'infection (sur trente-

trois cas d'infection, dans treize cas sont notées des violentes

secousses morales).

Discussion : M. le Dr RoTT attire l'attention du rapporteur sur les

modifications du chymisme du sang chez les femmes en couches

et enceintes. Il est vraisemblable que dans ces conditions, il peut

avoir lieu une agglomération de toxines dans le sang en dehors de

tout processus pathologique.

M. le professeur Kaorsakow serait plutôt d'avis que la similitude

du tableau clinique de la maladie dans les différents cas indique-

rait qu'il s'agit ici d'un seul et même poison, qui se produirait

dans le système nerveux sous l'influence des causes différentes par-

mi lesquelles peuvent être rangées aussi les émotions violentes

Ce sont les modifications chimiques du sang, les modifications

de la circulation lymphatique de la métamorphose, les rétentions

dans l'organisme de ses produits, etc., qui en dernier lieu doivent

être mises en cause.

M. le Dr IDNOW se range à l'avis du professeur Korsakow et

invoque à l'appui les travaux de l'uùichum. -

Séance du 21 février 1892.

M. le Dr Miner fait voir une -malade et donne son observation

sous le titre : Lésion traumatique de la moelle et de l'épine dorsale.-

La malade a cinquante-cinq ans. Ni lues, ni tuberculose dans les

antécédents. Est tombée d'une hauteur de 2 mètres sur un

objet dur, le coup a porté sur la partie cervicale ; après cette con-

tusion se développe le tableau clinique d'une myélite ex ecmpres-

sione (à évolution lente). Tout de suite après la contusion le cou

est devenu rigide; dans la région du 4-5 processus épineux on

constate une saillie dure et osseuse. Douleurs intenses dans le cou

132 SOCIÉTÉS SAVANTES.

et les bras, s'exacerbant pendant les mouvements. Parésie très

prononcée des mains et des pieds. Pendant les quatorze mois qui

suivirent, la parésie des mains allait en augmentant, des atrophies

prononcées se développent dans les petits muscles du poignet. La

malade ne peut plus marcher, elle ne peut même presque pas lever

ses jambes dans son lit; rétention d'urine continue (calhétérisation

journalière), des décubitus vont se former. Les réflexes tendineux

sont très exagérés. La sensibilité est presque intacte. Toutes les

méthodes thérapeutiques ayant échoué et vu les prières intstantes

de la malade, le Dr miner se décide à une intervention chirurgi-

cale et notamment à l'ablation d'une ou deux arcades vertébrales.

M. le professeur BoBOw veut bien se charger de l'opération. M. le

Dr Minor se propose de tenir la Société au courant de l'histoire de

cette malade.

Discussion : M. le professeur Bobarow se prononce contre une

luxation et pour une fracture dans la région des vertèbres cer-

vicales.

M. le D1' Roxx fait observer qu'il est difficile, dans le cas présent,

d'affirmer qu'il ne s'agit pas ici d'un simple mal de Pott, la malade

en offrant tous les symptômes. M. le Dr KARNtLOW se range de cet

avis et conseille d'essayer dans le cas présent la méthode de sus-

pension prolongée qu'il a inventée et employée avec succès dans

deux cas de la maladie de Pott. Le malade est assis dans son ht,

on ne. lui met qu'un collier sur lequel on fait peser un poids de

huit à 25 kilogrammes au moyen d'une corde qu'on jette sur un

bloc. Les séances durent de trois à quatre heures tous les jours.

M. le D'' ¡\IJNOR riposte que dans les cas de ce genre c'est au chirur-

gien que revient la décision dernière; quand même il s'agirait ici

d'une maladie de Pott il ne croit pas que cela constituerait une

contre-indication.

II). M. le Dr ¡\IOURATOW. Un cas de paralysie ascendante de Landry.

- Paralysie des quatre extrémités, des muscles du tronc, du dia-

phragme ; phénomènes bulbaires très prononcés; hypéresthésies,

douleurs le long des nerfs, en un mot tout le syndrome des symp-

tômes neuritiques. Ce cas offrait les particularités suivantes : 1, nys-

tagmus ; 2, pupille droite élargie; 3, réflexes patellaires exagérés,

avec trépidation spinale. L'auteur explique 1, le mydriasis par un

réflexe du plexus bronchialis sur les rami communicantes du sym-

pathique et 2, l'exagération des réflexes tendineux par l'hypertonie

des grandes cellules de la moelle provoquée par l'irritation des

nerfs centripètes. Le malade a guéri.

Discussion : M. le Dr Netchaiew rappelle à ce propos l'opinion de

Roux qui considère la paralysie de Landry comme une forme de la

rage paralytique qu'on ne croyait propre qu'aux animaux, chez

l'homme.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 133

M. le Dr Minot, à propos des symptômes spinaux constatés

dans l'observation du Dr Mouratow émet l'opinion qu'il est

dans certains cas indispensable d'admettre la coexistence de deux

processus morbides l'un spinal, l'autre périphérique. Il cite à ce

propos son observation d'un malade qui, étant syphilitique et

alcoolique, offrait les symptômes du tabes et de la paralysie alcoo-

lique. L'étiologie complexe de la maladie donnait une explication

suffisante de ce syndrome combiné. M. le Dr Rassolimo se refuse

d'accepter comme prouvée l'explication du Dr Mouratow sur l'ori-

gine réflexe du mydriasis, d'autant plus que le rapporteur n'a pas

obervé de douleurs dans le plexus brachial.

III). M. le Dr REPMANN. Le principe des machines dynamo et les

oscillations du courant. Machines dynamo à phases multiples. Ce

rapport n'offre qu'un intérêt technique tout à fait spécial.

Séance du 20 mars 1892.

I. M. le Dr G. ROSSOLIMO. Sur l'hystérie simulant la gliomatose mé-

dullaire. Il présente à la société une jeune fille de vingt ans, qui,

depuis dix-huit mois, eut six rechutes'du même complexe de troubles

du système nerveux. Les rechutes se suivirent à intervalles à peu près

égaux. La dernière rechute, la plus longue, débuta au mois de sep-

tembre 1891 et cessa le 10 mars 1892. La malade, lingère de pro-

fession, à antécédents héréditaires prédisposants, présentait à la

fin de janvier, lors de son entrée à l'hôpital : les deux mains en

griffes (parésie des muscles interosseux), la parésie était particuliè-

rement marquée aux petits doigts et aux doigts annulaires; affai-

blissement des muscles extenseurs de l'épaule, plus marquée à

gauche; analgésie complète, thermanesthésie et faible hypoesthésie

des poignets; diminution du sens musculaire des deux derniers

doigts; enfin les traces d'une profonde brûlure au segment infé-

rieur de l'avant-bras, que la malade s'est faite, sans s'en aperce-

voir, il y avait trois jours. L'état de la malade s'améliora très vite

à l'hôpital, surtout après chaque séance de suggestion hypnotique,

qui furent au nombre de trois. Le rapporteur se base sur les symp-

tômes observés, améliorés à la suite d'une thérapie hypnotique,

sur l'apparition régulière des récidives à intervalles complètement

clairs et pense expliquer tout le complexe des troubles, simulant la

gliomatose médullaire, par l'hystérie, il considère ce cas, comme

appartenant au groupe des troubles hystériques, qui se distingue

par l'absence des stigmates bien connus, et dit monosymptoma-

tique. M. le Dr Rossilimo tire de cette observation la conclusion

suivante : la syringomyélie, d'origine hystérique, doit avoir des

particularités si distinctes, que l'idée de cette dernière doit être

complètement excluse dans les cas publiés de simple gliomatose

médullaire. 0

134 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Discussion : M. le Dr W. ROTH'est d'accord sur le diagnostic du cas

rapporté, mais il rappelle que dans la gliomatose médullaire on

peut de même observer des améliorations, des oscillations par rap-

port au degré de l'analgésie, par exemple.

D'autre part, il a vu chez des hystériques, des modifications stables

de la sensibilité, à type syringomyélique. Les auteurs français ont

mis en doute le diagnostic de quelques cas qu'il a publiés ; l'un de

ces cas (monothermanesthésie) échappa aux observations, tandis

que le cours de la maladie des autres cas a complètement prouvé

le diagnostic de gliomatose médullaire.

M. le professeur KOJRVNIKOFF a à son service de la clinique un

malade, atteint de syringomyélie. Il présente une forte atrophie

musculaire et un anesthésie typique d'un membre, le symptôme

de Morvan de l'autre; il eut des panaris analgésiques avec perte

des phalanges tandis que sa sensibilité à la douleur est assez vive

en ce moment.

II. M. le Dr P. Fambourère a présenté un cas de syringomyélie

avec hémiatrophie de la langue. La malade, âgée de vingt et un

ans, présente une grande quantité de cicatrices après brûlures et

panaris aux membres supérieurs et près des trochanters. Déviation

lordo-cyphotique de la colonne vertébrale à droite, dans sa partie

thoracique. Marche titubante. Le symptôme de Romberg. Une

atrophie diffuse générale des membres gauches. Diminution de la

force musculaire de la main droite, du membre inférieur et du

tronc. Secousses fibrillaires des muscles de la main gauche. L'exci-

tabilité électrique des muscles est normale. Exagération du réflexe

tendineux rotulien et plantaire. Trépidation réflexe des deux côtés.

Divers degrés de troubles de la sensibilité. Thermanesthésie en ja-

quette, analgésie considérable à peu près de toute la surface du

corps, troubles du sens du toucher, principalement du côté gauche.

Nystagmus. Atrophie de la moitié droite de la langue. La largeur

de la moitié droite est de 20 millimètres (de la raphe au bord) ;

celle de gauche, 30 millimètres. L'épaisseur de la moitié droite est

de 5 millimètres, de la moitié gauche 7 millimètres. La muqueuse

est couverte de plis et de sillons. Déviation de langue du côté droit;

le sens du toucher et le sens du goût ne sont pas atteints; l'exci-

tabilité électrique est augmentée du côté malade; il n'y a pas de

dégénérescence; secousses fibrillaires dans la moitié droite de la

langue. Le langage et la déglutition ne sont pas atteints. Parésie du

côté droit du voile du palais et de la corde vocale droite. Différents

troubles trophiques et vaso-moteurs. Sudation du côté gauche du

corps et du visage.

C'est vers l'âge de treize ans que la maladie débuta, après un

typhus abdominal très grave, par l'apparition de tremblements des

membres, de brûlures et de panaris analgésiques. Les troubles de

, SOCIÉTÉS SAVANTES. 135

la marche et du langage datent de sept ans ; la sudation d'un côté

du corps dure depuis deux ans. La date du commencement de l'hé-

miatrophie de la langue n'est pas connue. Il y a un an fort

traumatisme de la tête. La malade est toujours sujette à prendre

froid ; la syphilis et l'uréthrite sont exclues. Il semble très pro-

bable que la pathogenèse de ce cas est une gliomatose, montée

vers la moelle .allongée et ayant atteint les noyaux des hypo-

glosses.

Discussion : M. le Dr RosSOLIMO pense pouvoir rapporter l'atrophie

de la langue à une légère lésion des fibres trophiques dans la racine

ascendante du trijumeau. Ses expériences avec la section du nerf

lingual, qui est suivie d'atrophie des muscles linguaux semblent

confirmer cette manière de voir. '

M. le or MINOR pense qu'il est plus probable d'admettre une hé-

morrhagie dans le noyau du nerf hypoglosse, car il a eu une

observation clinique, où l'apoplexie se suivit par des troubles bul-

baires et l'hémiatrophie de la langue.

M. le D'' DARNSCHEWITSCH se basant sur l'intégrité de l'excitabilité

électrique, suppose que l'atrophie est d'origine réflexe.

M. le Dr RoTU mettant' en vue l'autopsie de Schulze et M. le pro-

fesseur KOJEVNIKOFF croient plutôt à une lésion du noyau de l'hy-

poglosse.

M. le Dr IiORNILOFP pense aussi que le processus anatomique

s'est propagé sur le segment supérieur du système nerveux, il

s'appuie sur un cas de gliomatose spinale avec atrophie des nerfs

optiques.

III. M. le Dr G. P(tIBYTKON. Contribution à l'étude du trajet des

fibres des nerfs optiques. Après avoir mis à l'épreuve toutes les

.méthodes, connues de nos jours, pour l'étude du trajet des fibres

des nerfs optiques, le rapporteur se servit de la méthode de colo-

ration de Marchi tout en mettant en vue l'étude particulière des

questions suivantes : I) la structure du chiasma chez le cobaye, le

lapin, le chat ei le chien; H) la structure et le trajet des bande-

lettes optiques; Il,1) le rapport des fibres des nerfs optiques aux

diverses régions du cerveau, peuvent être envisagées comme centres

primaires des fibres optiques. Toutes les expériences ont été faites

sur des animaux adultes. L'expérience consistait dans l'extirpation

unilatérale de l'oeil; les animaux vivaient de vingt à vingt-sept jours

après l'opération. L'examen des séries ininterrompues des coupes ho-

rizontales amène le rapporteur aux conclusions suivantes : L'entre-

- croisement des nerfs optiques est complet chez les cobayes ; la com-

. missure de Meynert et de Gudden, ainsi que l'entre-croisement de

- Fore ! n'ont pas de rapports avec la rétine; le faisceau de Flechsig

(allant de l'entre-croisement à la substance grise centrale du troi-

136 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sième ventricule) et les fibres pupillaires de Bechterev (au noyau du

nerf moteur oculaire commun) n'existent pas; il n'y a de même

aucune commissure entre les rétines des deux yeux (commissure

antérieure de Hannover). Chez le lapin, le chien et le chat l'entre-

croisement n'est pas complet, mais la commissure de Hannover, la

racine indépendante optique de Flechsig et les fibres pupillaires

de Beclrterev leur manquent aussi. Quant aux bandelettes optiques,

le rapporteur n'admet pas de faisceau optiqué directe allant à

l'écorce des hémisphères, de même que l'union des fibres optiques

avec le corps de Luys et le corps géniculé interne. Il ne peut aussi

observer l'existence du faisceau allant au ganglion habenulaë, que

le D'' Darkschevitsch envisage comme un faisceau de fibres optiques

qui réunissent la rétine de l'oeil avec le noyau du nerf moteur ocu-

laire commun. Les observations sur le rapport des fibres optiques

aux centres primaires aboutirent aux résultats suivants : chez le

cobaye, le lapin, la majorité des fibres finit dans le corps quadri-

jumeau supérieur : ce n'est que la minorité qui finit dans le corps

géniculé extérieur, chez le chat le fait est tout contraire - le corps

géniculé externe est le siège de l'extrémité de la majorité des fibres,

tandis que le corps quadrijumeau sert seulement à une petite quan-

tité défibres. D'après les observations de M. le Dr PRIBYTFOV il existe,

.hors ces deux centres, un troisième situé entre la substantia nigra et

le noyau rouge, au niveau de l'oculo-moteur, dans le «tegmentum»;

une partie des fibres optiques, y parviennent en faisceau distinct

que Gudden a décrit sous le nom de « tractus peduncularis trans-

versus ». Le pulvinar et le thalamus opticus en général ne sont pas

des centres optiques.

Discussion : M. le Dr DARKSCHEViTSCH salue les résultats de la nou-

velle méthode, quoique cette dernière ne prouve pas ses propres

observations sur le trajet des nerfs optiques. Tout de même la

question sur le rapport du a ganglion habenulaë » au réflexe pupil-

laire ne peut être envisagée comme résolue en sens négatif vu les

expériences de Mendel, sur l'atrophie de cette partie à la suite de

l'extirpation de l'iris, M. le professeur KOJEVNIKOFF, porte l'atten-

tion sur le rôle physiologique du tractus peduncularis qui s'ensuit

du tableau anatomique, tracé par le rapporteur.

Le rapporteur pense revenir à cette question muni de preuves

plus efficaces.

Séance du 17 avril 1892.

1). M. le D'' W.-A. MOURATOV fait une communication sur les dégé-

nérescences secondaires de l'encéphale après l'ablation de zones mo-

trices. Les expériences avec l'ablation d'un centre moteur quel-

conque ont été faites sur des chiens, la durée des expériences variait

SOCIÉTÉS SAVANTES. '1S7 -1

de quinze jours à un mois; les recherches microscopiques ont été

faites d'après Marchi.

Conclusions principales : la dégénérescence du côté lésé a lieu :

1° dans les fibres arquées d'association du premier ou du deuxième

ordre; 2° dans un système de fibres déterminé; ce système est

limité dans sa partie supérieure par le corps calleux, dans sa

partie inférieure par le corps caudé et du côté externe par la cou-

ronne rayonnante; ces fibres appartiennent, de l'avis du rappor-

teur, aux fibres d'association et leur dégénérescence est unilatérale;

3° dans une partie des fibres du « gyrus fornicatus », principale-

ment dans celle ,qui, après s'être recourbée des circonvolutions

motrices, passe par-dessus le corps calleux et poursuit ensuite le

trajet longitudinal vers le « gyrus fornicatus Do Ce trajet est, selon

}1. le Dr Mouratow, une voie d'association reliant le c gyrus cru-

ciatus » aux lobes occipitaux. La dégénérescence des fibres du corps

calleux a été constatée bilatérale. Nous mentionnerons encore

les conclusions suivantes de l'auteur : 1° quelques accès postopé-

ratoires peu stables doivent être expliqués par la perte des voies

d'association ; 2° pour porter un jugement sur la localisation des

accès, on doit penser au rôle des voies d'association; 3° les modi-

fications du sens musculaire dépendent, d'après l'auteur, des fibres

d'association.

11). M. le Dr G.-I. Rossolimo. Nouveau mode d'exploration des fonc-

tions du cerveau. Ce mode est un mode combiné, il consiste pre-

mièrement dans l'ablation d'une partie quelconque du cerveau d'un

animal, ce dernier survit jusqu'au développement de manifesta-

tions cliniques stables et est alors soumis à l'action de la cocaïne

ou de l'atropine, que l'auteur emploie comme substances excitant

les fonctions du cerveau. Voilà le résultat des observations : l'in-

jection hypodermique de ces médicaments à des animaux, préa-

lablement opérés, amenait chez eux de tels troubles fonctionnels,

qu'il ne pouvaient dépendre uniquement de l'opération. Les alté-

rations fonctionnelles postopératoires, devenues faibles avec le

temps, revenaient en plus fort après les injections de la cocaïne.

Les troubles fonctionnels postopératoires s'affaiblissaient ou deve-

naient perverses après les injections de l'atropine. L'auteur croit

que ce mode combiné aidera à éclairer les recherches sur la genèse

de certaines maladies fonctionnelles.

MM. A. IZOJEVNIROV, W. Roth, [L. D.1RRSHEWITSCH et S. KORSAROV

ont pris part à la discussion.

111). M. le Dr M.-A. LUNz. Contribution à l'étude de la bradycardie

avec accès épileptiformes (maladie de Adams-Stokes). 11 s'agit

d'un homme de cinquante ans, ayant toujours joui d'une bonne

santé, sans aucune maladie sérieuse précédente, atteint d'accès

épileptiformes (aura, perte brusque de connaissance, convulsions).

138 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Il existait chez lui nu procès athéromateux peu manifeste et de la

bradycardie. On observait, précédé à chaque accès, un arrêt com-

plet du pouls, durant plusieurs secondes à une demi-minute. Entre

les accès, on constatait 26 pulsations par minute, des fois même

18 pulsations. Après une amélioration de l'alimentation du muscle

cardiaque et après une augmentation des pulsations de 36 à 40,

même de 50 à 56 par minute, les accès disparurent. Le rapporteur

veut relier ces accès à la bradycardie et trouve une complète ana-

logie du cas rapporté avec les cas que M. Huchard a proposé de

nommer du nom de leurs premiers observateurs, maladie d'Adams-

Stokes.

AI11. A. KOJEV,91KOV, A. Kornilov et W. BuTzKF prirent part aux

discussions. 11. : 1-. KoRNILOv ne voit pas assez de preuves pour

être persuadé que, dans le cas rapporté, l'arrêt du pouls causait

l'accès. D'après lui, c'est par cet arrêt que se manifestait, peut-être,

le début de l'accès et ce dernier était relié à une maladie du coeur,

en tant que les accès épileptiques ne sont pas rares chez les car-

diaques. M. W. BUTZKE croit plutôt qu'il s'agissait ici de simples

accidents syncopaux.

Séance du io mai 1892.

I). M. le Dl' A.-A. EGoRov. Pied bot déterminant des troubles de la

moelle épinière. Une petite fille de douze ans, obligée de beau-

coup marcher et de porter sur ses bras sa soeur cadette, vient à

souffrir de pes plano-valgus bilatéral, plus manifeste du côté droit.

A cette altération de l'articulation et de l'appareil ligamenteux

s'associèrent des grandes douleurs, qui rendirent la marche impos-

sible à la malade. On constata à l'examen un amaigrissement très

marqué des muscles du fémur, exagération des réflexes rotuliens,

clonus du pied, tous ces symptômes bien plus manifestes du

côté droit. C'est bien encore du côté droit, en comparaison avec le

côté gauche, qu'on peut observer une augmentation marquée de

'l'excitabilité électrique des nerfs et des muscles. L'auteur croit

expliquer ces troubles nerveux par l'excitation de la moelle épi-

nière, déterminée par le pied plat. Cette explication conserve toute

sa valeur dans les ras plus graves, où il y a combinaison de pied

plat avec contracture musculaire. L'état de la malade s'améliora

de beaucoup après faradisation des muscles de la jambe : Les dou-

leurs cessèrent, elle regagna la possibilité de la marche..

Discussion : M. le Dr W. Rora insiste sur le grand intérêt du. cas de

pied bot rapporté, grâce au développement d'amyotrophie et d'exa-

gération des réflexes. L'exagération des réflexes, observée parfois

dans les neurites, devrait trouver son explication dans l'excitation

.analogue de la moelle épinière. D'après M. Roth, l'amyotrophie de-

sociétés savantes. 1139

vrait être envisagée comme résultat d'excitation par voie réflexe

des centres vaso-moteurs des muscles..

II). MM. les Drs L. DAItKCAER'tTCII et W. VEtDE\HA31hiER. Delasubs-

titution par un os décalcifié des défauts crâniens après trépanation.

Les auteurs se sont livrés à de minutieuses études sur la substitu-

tion des défauts osseux par un os décalcifié, que proposa un Améri-

cain M. le D'' Ilienn, tout en se bornant aux défauts du crâne, si

importants pour les neurologistes. Ils expérimentèrent sur des la-

pins. La première question que les auteurs abordèrent est la sui-

vante : le défaut crânien pratiqué artificiellement, peut-il réelle-

ment se remplir par un os de nouvelle formation, après avoir été

substitué par un os décalcifié ? Une série d'expériences y répond

affirmativement. L'examen microscopique démontre que le procès

de néoformation de l'os consiste principalement dans l'accroisse-

ment et le gonflement de l'os mère, jusqu'à adhésion complète

avec l'os substitué et dans le développement, dans les espaces

restés libres, de tissu connectif, riche en éléments cellulaires. Ce

tissu, à caractère ostéogène sans contredit, renvoie des prolonge-

ments aux anciens canaux et espaces médullaires de l'os décalcifié.

A une période un peu plus avancée, ou découvre des îlots d'os

normal dans la soudure fibreuse, le nombre des ostéoblastes aug-

mente autour des canaux et des espaces du morceau décalcifié,

qui vient enfin à être substitué par un os normal. Ce que devient

l'os décalcifié ? Pour résoudre cette seconde question, les auteurs

viennent en somme à la conclusion suivante : l'os intercalé sert

d'intermédiaire à la formation du nouvel os pour être résorbé

ensuite. Les observations ultérieures montrent que la classe zoolo-

gique de l'animal, auquel on enlève l'os pour substituer un défaut,

n'a pas grande influence sur le succès de l'opération, quoiqu'il soit

certainement préférable de prendre un osa structure possiblement

proche à celle de l'animal livré à l'expérience. Enfin, il s'ensuit,

des expériences des auteurs, que l'absence du périoste au-dessus de

l'os intercalé, mais avec la dure-mère intègre et vice versa, n'in-

fluence pas le cours de l'expérience. MM. KojEvOEov, L. ! \lINon,

P. MODLINSKY et G. Rossolimo ont pris part à la discussion.

III). M. le D'' L. Minor communique les résultats de l'opération

faite à la malade qu'il a présentée à la séance du mois de février.

L'opération fut faite par M. lé professeur A. Bobrow et consistait

dans l'ablation de l'arc vertébral de la cinquième vertèbre cervi-

cale et de l'apophyse épineuse. On constata, lors de l'opération,

une divergence des quatrième et cinquième apophyses épineuses,

l'une était dirigée un peu du côté postérieur et à droite, l'autre en

avant et à gauche. En un seul endroit de l'arc on distingua une

,âpreté. Le champ de l'opération était libre de tout procès tuber-

culeux. L'examen avec le manche du scalpel découvrit par place

140 bibliographie.

des adhérences de'la dure-mère avec la cavité du canal vertébral.

La plaie guérit per p1'imam. Résultat de l'opération : la parésie des

membres supérieurs n'existe plus ; au lieu de la paraplegia infe-

rior, il y a possibilité de marcher (quelques pas dans la chambre)

sans canne et sans aide d'autrui; au lieu de retentio urinée, qui

nécessitait un cathétérisme journalier, excrétion urinaire libre. Pas

d'eschares. L'état de santé de la malade n'est pas satisfaisant, elle

est encore faible, nerveuse. Vu les résultats obtenus, l'auteur en-

visage l'opération pleinement réussie.

BIBLIOGRAPHIE.

I. Des folies diathésiques ; par MM. MABILLE et LALLEMANT.

Dans ce travail, riche de faits, qui a valu à leurs auteurs le prix

Falret 1890, à l'académie de médecine, la folie est étudiée dans

ses rapports avec les diathèses; la diathèse nous reste et nous y

tenons, telle est l'opinion qui les a guidés dans leurs recherches,.

La partie historique est très complète, l'arthritisme, la scrofule

avec les transformations qu'ils ont subies successivement sont

très bien exposés, et la théorie de Bouchard sur les vices de nutri-

tion dans leurs rapports avec les diathèses est à chaque page cou-

rageusement défendue et appuyée sur de nombreux tableaux rap-

portant des analyses d'urine dans des cas de folies liées à l'arthri-

tisme, à la goutte, aux accidents urémiques, au diabète.

Le travail est divisé en quatre grands chapitres : 1° la folie rhu-

matismale ; 2° la folie dans ses rapports avec les maladies de la

peau, l'artério-sclérose, l'obésité ; 3° la folie par rapport à la

goutte et au diabète; 4° le cancer, la scrofule, la tuberculose

dans leurs rapports avec la folie.

A propos de la folie rhumatismale et de la goutte, les auteurs

examinent les groupes dans lesquels ces troubles sont simultanés,

alternants* ou simplement successifs et publient de nombreuses et

intéressantes observations à l'appui de chaque groupe.

La périodicité, l'intermittence et la rémittence sont la caracté-

ristique des folies rhumatismales.

La mélancolie serait la forme principale mais non la seule ;

l'arthritisme étant le fait de troubles de l'innervation sensitive,

motrice et vaso-motrice, serait une névrose complexe dont certaines

folies seraient les manifestations; l'hyperthermie, les complica-

tions cardiaques; les fluxions rhumatismales seraient les princi-

paux facteurs; l'étude des urines et des antécédents héréditaires

BIBLIOGRAPHIE. 141

sont les preuves principales de cette connexion et les auteurs citent

à leur appui un travail que nous avions communiqué à la société

médico-psychologique sur les rapports entre la folie et les hémor-

roïdes, ce dont nous les remercions.

Le chapitre des troubles vésaniques dans leur rapport avec la

goutte est de plus documentés; les troubles du caractère, les

troubles intellectuels, émotifs, moteurs, l'amnésie ayant été notés

avec soin.

Le chapitre sur le diabète est moins riche de faits, mais est

complet au point de vue des recherches; il sera consulté avec

intérêt ainsi que celui sur l'obésité. C'est un travail original, auquel

les auteurs n'ont pas épargné leurs peines et qui constitue pour

l'avenir un recueil de faits indispensables à lire pour ceux qui

voudraient se livrer à quelques études sur un des nombreux sujets

qu'il contient. Charpentier.

II. Cas de poliomyélite antérieure et de névrite multiple. (A case of

anterior olio-myélilis ann multiple HCM)'t<t6') ; par W. Gowers.

(Reprinted from vol. XXIV of the Clinical society's transactions.)

11 s'agit d'un enfant de -sept ans, qui fut pris d'une attaque de

paralysie atrophique aiguë, présentant les symptômes caracté-

ristiques d'une poliomyélite aiguë antérieure à la moelle cervicale.

Ultérieurement, des douleurs spontanées, puis des douleurs sur le

trajet des nerfs du côté gauche, suivis de paralysie survinrent, et

rétrocédèrent : la paralysie atrophique primitive du bras persis-

tant. Il y a eu là combinaison de névrite multiple et de poliomyé-

lile, et la possibilité de ce fait est très importante tant au point de

vue théorique que pratique. Paul BLOCQ.

111. Manuel pratique de médecine mentale; par le Dr E. Régis.

2e édition. Paris, 0. Doin éditeur, 1892.

Cette seconde édition du Manuel de M. Régis ne ressemble que

de loin à la première, dont le succès cependant avait été incontes-

table et qui avait été accueillie déjà avec faveur, non seulement

par les aliénistes, mais par tout le public médical. On peut dire

qu'elle a été revue et remaniée à fond par l'auteur. Certains cha-

pitres ont été complètement transformés, d'autres ont été ajoutés.

si bien que sous son titre modeste, ce manuel représente dans une

forme concise un véritable traité des maladies mentales d'après les

données les plus récentes de la science spéciale.

Sans doute, il n'est pas d'oeuvre qui ne puisse prêter matière à

quelques critiques. Mais plutôt que de chercher à formuler ici

quelques-unes de ces. critiques de détail, nous préférons signaler

tout particulièrement à l'attention du lecteur le chapitre sur les

Éléments symptomatiques de l'aliénation mentale, dans lequel

z BIBLIOGRAPHIE.

M. Régis, s'inspirant du livre de Morselli expose d'une façon très

précise, très claire, toute la séméiologie des maladies mentales, les

chapitres de la Folie systématisée, de la Paralysie générale, des

Folies toxiques. Bien que remanié, le chapitre de la Mélancolie est

peut-être un de ceux qui demandent encore à être complétés, sur-

tout en ce qui concerne la stupeur, que l'auteur semble toujours

rattacher sans dictinction de forme, à la mélancolie. En revanche, un

des meilleurs chapitres est celui qui a trait aux jf7em<'s</tën : M psy-

chiques, dans lequel M. Régis étudie les idées fixes, impressions,

aboulies qu'il rattache franchement à la neurasthénie, dont elles

constituent la forme psychique. M. Régis est le premier auteur

français qui adopte cette opinion, déjà formulée à l'étranger; alors

qu'en France on ne veut voir qu'une coexistence de la dégénéres-

cence et de la neurasthénie, lorsque ces troubles intellectuels se

présentent chez les neurasthéniques. Pour notre part, nous n'hési-

tons pas à dire que l'opinion de M. Régis nous paraît bien plus

conforme à la réalité des faits qui ne justifient nullement ces dis-

tinctions aussi subtiles que problématiques. Le chapitre des Phré-

nasthénies où l'auteur étudie la folie héréditaire est également très

bien exposé. Signalons encore l'étude des folies associées aux ma-

ladies générales, maladies infectieuses, folie des diathèses rajeuni

par l'application à l'étude des troubles mentaux des doctrines mo-

dernes, professées par M. Bouchard et ses élèves. En revanche, le

chapitre des Folies sympathiques, associées aux maladies locales

des viscères, eût peut-être gagné à être décrit à un point de vue

plus général. Des chapitres sur le Diagnostic pratique, sur le

Traitement, sur la Médecine légale des aliénés offrent à l'étudiant

et au praticien de nombreux et utiles renseignements.

Ce livre conçu avec méthode, exposé avec clarté, se recommande

encore par une autre qualité, l'impartialité que l'auteur semble

toujours avoir eu a coeur de garder. Ce fait n'est pas si fréquent

dans bon nombre de publications récentes sur la psychiatrie pour

qu'il ne mérite d'être signalé. Ecrit par un médecin érudit, ayant

une grande habitude des aliénés, observateur en même temps que

psychologue, ce manuel est certainement le meilleur que nous

possédions en France sur la matière; et nous pensons qu'actuel-

lement, si l'on peut faire autrement, on ne peut guère faire mieux.

J. SÉGLAS.

IV. Atlas der Pathologischen Histologie des Nervensystems, redigirt

von Pr V. Babès und P. BLOCQ. I Lieferung, von Babès und

MARINESCO. A. Hirschwald, Berlin, 1892.

Les auteurs se proposent de faire un Traité complet de l'histo-

logie fine des maladies du système nerveux. Cette histologie est

bien décrite dans les travaux d'un certain nombre d'auteurs : de

Charcot, de Leyden, de Westphal, d'Erb et de Flechsig; mais la

BIBLIOGRAPHIE. 143

technique a été tellement perfectionnée dans ces dernières années,

grâce aux recherches de Ranvier, de Weigert, de Golgi, d'Ehrlich,

de Ramon y Cajal, etc., que l'opportunité de cette publication

s'imposait.

Au reste, cet atlas qui comprendra trente-deux fascicules, sera

dû à des observateurs dont il nous suffira de citer les noms, pour

qu'on se rende compte de leur compétence spéciale. Ce sont :

MM. Ehrlich, Homen, Marchi, P. Marie, G. Marinesco, \fendel,

Môli, V.Monakow, Ramon y Cajal et Vanlair.

Chaque fascicule sera consacré à la description de l'anatomie

pathologique d'une partie déterminée du système nerveux, illustrée

d'un grand nombre de planches lithographiées, ou de photographies

originales, et précédée d'un aperçu de l'histologie normale. Le texte

sera écrit en langue allemande ou française, selon la nationalité

des auteurs.

Le premier fascicule que nous venons de parcourir, qui a trait

aux altérations des terminaisons des nerfs musculaires a été rédigé

par MM. Babès et Marinesco. Fidèles au programme que nous

venons d'indiquer, les auteursdécrivent en premier lieu l'histologie

normale des terminaisons nerveuses : nous trouvons ici à signaler

particulièrement la planche 1 où sont figurées les plaques termi-

nales des muscles de divers animaux et de l'homme. La figure 4 de

cette planche représente, avec des détails nouveaux, la plaque ter-

minale des muscles du lézard, vue à un grossissement de 1000 dia-

mètres. Les auteurs passent successivement en revue les lésions

que subissent ces plaques dans la section expérimentale des nerfs.

Mais, la partie la plus intéressante et la plus originale de ce tra-

vail est celle qui est consacrée aux altérations des plaques motrices

dans les diverses affections du système nerveux central et périphé-

rique : maladie de Charcot, polynévrite, paralysie pseudo-hyper-

trophique, maladie de Thomsen, etc. Ainsi, dans la sclérose latérale

amyotrophique, par exemple, les auteurs nous montrent dans le

muscle, une atrophie de la fibre et du réseau terminal de la plaque,

tandis que dans le tendon on voit, au contraire, une hypertrophie

de la fibre terminale. D'autre part, la névrite est caractérisée par

la prolifération nucléaire des noyaux de la plaque (Pl. VU, fig. 6).

L'exécution des planches est en tous points remarquable, et ce

premier fascicule permet de préjuger de ce que sera la publication

complète. Elle formera un véritable monument, tant au point de

vue documentaire que didactique, de cette branche si considérable

de l'anatomie pathologique. B.

V. La pathologie des émotions, études physiologiques et cliniques;

par le Dr Ch. Féré, médecin de BieCLre. (Paris, 1892. F. Alcan,

édit.).

Les émotions ne sont que la résultante de la représentation men-

1144 BIBLIOGRAPHIE.

tale d'états agréables ou pénibles, et sont, par conséquent d'au-

tant plus fortes qu'elles renferment un plus grand nombre de sen-

sations actuelles ou naissantes, propres à rappeler ces états. Dès

lors, les émotions n'étant que des représentations d'états de cons-

cience provoqués par des excitations extérieures, il est à présumer

que les conditions physiologiques des émotions présentent, aussi

bien à l'état normal qu'à l'état pathologique, une grande analogie,

sinon une similitude complète avec les conditions physiologiques

des sensations. Par suite, les agents physiques, qui sont capables

de modifier un état de conscience d'origine périphérique, sont

aussi capables de modifier les états de conscience d'origine cen-

trale : les signes extérieurs de ces divers états de conscience peu-

vent être étudiés par les mêmes procédés; la psychologie n'est que

la physiologie spécialisée ; la médecine mentale n'est qu'une spé-

cialisation de la médecine générale à laquelle elle doit emprunter

ses procédés d'étude et ses procédés d'action, tous purement phy-

siques. C'est la démonstration de ces rapports que M. Féré a en-

treprise dans le livre qui fait le sujet de cette analyse. Son but a

été de déterminer autant que possible, à l'aide de la méthode ex-

périmentale, les conditions physiologiques des émotions, de mon-

trer que ces conditions sont identiques aux réactions somatiques

qui résultent des agents physiques et de prouver que les émotions

sont des états somatiques s'accompagnant d'états de conscience

que l'on peut voir se développer en conséquence d'excitations phy-

siques, cette similitude de conditions physiologiques établissant en

dernier terme la nature physique des phénomènes tant normaux

que pathologiques de l'esprit.

Pour démontrer les analogies entre les phénomènes physiolo-

giques et pathologiques, qui accompagnent les états de conscience

d'origine soit externe, soit interne, il était nécessaire de passer en

revue l'influence des agents physiques sur l'homme. Ausssi M. Féré

examine-t-il d'abord l'influence de l'air, de la pression atmosphé-

rique, de la température, de l'état hygrométrique, de la tension

électrique des ingesta, de la lumière, du son, des odeurs, des sa-

veurs, l'équivalence des excitations sensorielles (vision colorée,

synesthésies), les signes physiques des sensations; en nous mon-

trant, au cours de son exposé, les modifications produites par ces

différents agents sur la nutrition, sur les actes, psychiques, la

vitesse, la forme, l'énergie des mouvements secondaires, sur la

pression artérielle, sur la circulation périphérique déterminant un

changement de volume du membre, toutes modifications que l'on

peut objectiver, en quelque sorte, à l'aide de la méthode expéri-

mentale. Tous les agents physiques qui concourent à l'entretien de

la vie ou à mettre en jeu l'irritabilité, tous les ingesta qui contri-

buent à l'entretien des combustions organiques sont capables, par

leur action, tantôt insuffisante, tantôt excessive, de provoquer des

BIBLIOGRAPHIE. 145

modifications de nutrition, qui se traduisent par des modifications

morbides des fonctions de relation. Les modifications de nutrition

constituent les conditions physiologiques des émotions diverses qui

les accompagnent nécessairement.

Après les eflets physiologiques, M. Féré étudie les effets patholo-

giques des agents physiques sur l'homme, les effets du refroidissement

modifiant les conditions de la circulation, la constitution même du

sang, diminuant la résistance del'organisme à l'infection, détermi-

nant même des troubles mentaux; puis l'influence de la uuit sur l'ap-

parition des phénomènes morbides (douleurs ostéocopes, accès de'

goutte, asthme spasmodique, accès épileptiques, délire alcoolique,

hallucinations, anxiété mélancolique, terreurs nocturnes...). Mais les

troubles les plus caractéristiques ressortissant à la pathologie de la

nuit se rapportent aux manifestations sensorielles et motrices; ce sont

par exemple, l'incontinence nocturne, l'héméralopie, la paralysie

nocturne, signalée par Weir-Milchell, et résultant d'un défaut d'exci-

tation physiologique (paralysie par iatirritation), la chorée du réveil.

A côté de ces désordres moteurs se placent les troubles sensoriels,

et les chocs émotionnels, également signalés par Weir-Mitchell,

des troubles vaso-moteurs comme l'oedème hystérique plus fréquent

le matin, des troubles sécrétoires. D'un autre côté, si l'absence

d'excitation physiologique est capable de .provoquer des dépres-

sions fonctionnelles, les excitations excessives peuvent aussi déter-

miner des troubles locaux ou généraux, mais qui reconnaissent

alors pour,condition physiologique l'épuisement de l'organe ou de

l'organisme. Bien que ce soient les troables de la vue qui se mon-

trent le pins fréquemment dans ces circonstances, il n'en est pas

moins vrai que tous les sens peuvent être atteints de diminution

ou de perversion à la suite d'excitations excessives déterminant

l'épuisement et provoquant aussi dans le domaine d'autres fonc-

tions des phénomès morbides qui tiennent plus à l'excitabilité pa-

thologique du sujet qu'à la nature de l'excitant.

Les excitations externes déterminent donc des effets locaux et

généraux qui se réduisent en somme à des transformations de

forces. Le mouvement qui tient une place importante parmi ces

effets et est la condition indispensable de la sensation comme des

états de conscience : interne, même lorsqu'il est purement passif,

peut s'accompagner des mêmes effets généraux et des mêmes états

de conscience auxquels il est indissolublement lié. L'exercice phy-

sique modéré provoque une exaltation des fonctions respiratoires

et circulatoires et une augmentation de -la force-musculaire en

même temps qu'une certaine excitation de l'activité psychique.

Mais le travail forcé et prolongé, amène, au contraire,' une dépres-

sion des fonctions de nutrition et conséquemment une dépression

de l'énergie motrice. et de la sensibilité,- un ralentissement des pro-

cessus nerveux et un affaiblissement^ intellectuel.' Cette influence de.

Archives, t. XXV. 10 0

146 . BIBLIOGRAPHIE.

la fatigue sur l'activité psychique peut être mise en lumière par

l'étude de l'influence de l'énergie motrice sur l'attention. L'atten-

tion est constituée exclusivement par des phénomènes moteurs dont

la physiologie non seulement révèle l'existence, mais peut encore

étudier les qualités, leur énergie, leur forme, leur précision, leur

rapidité. Ces modifications des caractères des mouvements sont en

rapport avec des modifications de la circulation et de la nutrition,

déterminant, comme toutes les excitations internes ou externes, un

état particulier de tension musculaire préralable, qui constitue la

condition physiologique de l'attention. Aussi, l'attention fait-elle

défaut ou est-elle affaiblie dans tous les cas où il existe une dépres-

sion des forces et les oscillations physiologiques de l'attention ont

elles-mêmes pour condition physique les oscillations de l'énergie

motrice. z

L'exercice physique ou intellectuel modéré entraînant une exci-

tation générale du système nerveux s'accompagne d'une sensation

de bien-être, de plaisir ; tandis que le travail excessif comme l'inac-

tion amène une dépression générale du système nerveux, accom-

pagnée de malaise et d'une tendance aux émotions tristes. Cette

relation qui existe entre l'activité et le plaisir, entre l'inaction ou

la fatigue et la peine se retrouve dans les conditions physiques des

émotions en général. Les émotions se traduisent par des manifes-

tations diffuses ou locales qui ne sont pas les effets mais bien les

conditions physiques de ces états de conscience, et qui consistent

dans des modifications du pouls, de la tension artérielle, de la cir-

culation périphérique, de la résistance électrique, de la respiration,

de la température, de la digestion, des sécrétions, de la tension

électrique, des excrétions, de la composition du sang, de la moti-

lité, toutes modifications que l'on retrouve dans l'expression des

émotions.

Il est d'ailleurs impossible de tracer une limite entre la physio-

logie et la pathologie des émotions. Toutefois, une émotion peut

être considérée comme morbide, lorsque ses accompagnements

physiologiques se présentent avec une intensité extraordinaire, lors-

qu'elle se produit sans cause déterminante suffisante, lorsque ses

effets se prolongent outre mesure. Les conditions pathologiques des

émotions sont tantôt générales, tantôt locales : on peut dire aussi

qu'en général les effets locaux d'une émotion sont toujours les

mêmes chez une même personne et se manifestent vers l'organe

qui présente normalement un défaut congénital ou acquis. Parmi

les effets des émotions, nous voyons successivement étudiés par

M. Féré, l'ivresse émotionnelle et la mort par émotions morales,

les troubles de la circulation, des sécrétions et excrétions, de la

nutrition, les oedèmes, les troubles cutanés, la modification de la

résistance aux infections. On sait, d'autre part, l'influence exercée

par les émo.tions sur le développement et la marche des maladies

BIBLIOGRAPHIE. z7

nerveuses et mentales,- de même que, dans des cas inverses, les

effets curatifs de ces mêmes émotions.

Suivant leurs caractères sthéniques ou asthéniques, les excita-

tions sensorielles, l'activité volontaire, les émotions sont suscep-

tibles de provoquer les mêmes phénomènes généraux et d'épuise-

ment, des états pathologiques analogues. Sous le coup des condi-

tions physiques des diverses émotions, la mémoire, l'association

des idées subissent des variations appréciables à l'aide des pro-

cédés variés d'expérimentation. Un point digne de remarque, c'est

que dans les états d'excitation l'accélération du processus d'asso-

ciation est toujours peu marquée relativement au ralentissement dans

les états de dépression. Par suite, l'imagination se trouve égale-

ment influencée dans le même sens, et peut arriver à créer de véri-

tables délires à forme de rêve.

D'ailleurs, l'analogie qui existe entre les différentes formes de mé-

lancolie et de manie et les émotions normales, a frappé de tous

temps les observateurs. Au point de vue physiologique, la manie

est généralement considérée comme l'antithèse de la mélancolie.

Pour M. Féré par ses antécédents, par son expression symptoma-

tique, elle se rapproche surtout de la colère dans laquelle l'exalta-

tion n'est que secondaire et consécutive à la douleur morale. Les

différentes formes de manie et de mélancolie naissent sur un fond

de dépression, elles débutent par des phénomènes de dépression

avec douleur morale, elles sont l'expression physiologique d'un état

émotionnel unique, la douleur. La manie dans ses formes furieuses

n'est que l'exagération en durée et en intensité des accès d'excita-

tion de la mélancolie agitée. A mesure que l'excitation devient

plus intense, on voit se manifester une exaltation croissante de la

personnalité qui se traduit par des idées de satisfaction. Le carac-

tère antérieur du malade, reactionnel ou inerte, constitue d'ail-

leurs une prédisposition aux différentes formes de psychoses.

De même qu'on ne peut affirmer une émotion en l'absence de

signes physiques extérieurs, de même le diagnostic des troubles

mentaux ne peut être basé que sur les signes physiques. Les répré-

sentations hallucinatoires s'accompagnent des mêmes phénomènes

extérieurs que les excitations périphériques et les phénomènes phy-

siques des psychopathies peuvent être mis en parallèle avec ceux des

émotions.

Quels sont les organes des émotions ? Si les hémisphères sont

indispensables à la production des sensations, état de conscience

d'origine externe, ils sont bien plus indispensables encore à la

production des émotions, sans toutefois qu'il soit possible de les

localiser. D'un autre côté les observations et expériences sur les

accompagnements physiques des émotions montrent que ceux des

émotions sthéniques reproduisent la plupart des effets de la section

du grand sympathique au cou, et ceux des émotions asthéniques les

148 BIBLIOGRAPHIE.

effets opposés dus à la galvanisation du même nerf, si bien que le

grand sympathique semble être l'organe périphérique, d'extériori-

- sation des émotions.

L'émotivité morbide, bien difficile à délimiter de la normale,

est caractérisée par ce fait qu'elle entraîne des réactions mal adap-

tées à l'intérêt de l'individu ou de l'espèce. Elle se présente sous

deux formes, une émotivité diffuse et permanente qui constitue un

- caractère pathologique et une émotivité systématique qui ne se

traduit que dans des conditions particulières et toujours les mêmes

pour le même individu. Celte dernière forme est bien mise en évi-

dence dans la catégorie des faits groupés par More ! sous le nom de

délire émotif et dont M. Féré passe très rapidement en revue de

nombreuses variétés.

L'émotivité systématique n'est qu'un épisode comparable aux

dysesthésies et anesthésies systématiques et apparaît toujours

comme l'émotivité diffuse d'ailleurs, sur un fond de débilité se

reliant à la dégénérescence, à la neurasthénie, à des maladies gé-

nérales antérieures... Il est à remarquer aussi que la constitution

physique et mentale peut influer sur la localisation des troubles

physiques d'origine émotionnelle et sur la forme spéciale des

.roubles psychiques.

Les troubles diffus de l'émotivité sont pour ainsi dire de règle

dans les névropathies Mais ils sont fréquents aussi au début ou à la

suite des affections générales. Il en est de même des émotivités sys-

tématiques ; aussi importe-t-il d'étudier avec soin l'état somatique

du sujet pour chercher à découvrir d'abord s'il n'existe pas une

cause de dépression étrangère au' système nerveux ou un état

dépressif curable de ce système, Considérer tous les états émotifs

comme des stigmates de dégénérescence, par suite inaccessibles

au traitement, constitue une doctrine non seulement erronée, mais

néfaste.

La faiblesse irritable qui constitue la condition physiologique de

l'émotivité morbide est non seulement pour l'individu atteint une

cause de maux innombrables, mais c'est encore l'origine d'autres

maux dont il n'est pas seul à souffrir. Incapable d'une attention

soutenue, il devient impropre à toute activité productive, devient à

charge à sa famille. Son lot, c'est la misère physique, intellec-

tuelle et morale. Plus souvent qu'au génie, l'émotivité morbide

aboutit à l'impuissance, au crime, au suicide, à la stérilité.

11 résulte de cela que le traitement comporte deux points de

vue, celui de l'individu considéré seul, ou comme membre d'une

collectivité. Aussi M. Féré après avoir exposé le traitement médi-

cal, physique et moral, envisage-t-il ensuite la prophylaxie (hygiène

de la génération, éducation) et la législation applicable à ces ma-

lades, s'élevant contre les tendances humanitaires exagérées dujour,

et- réclamam contre ces individus improductifs et au bénéfice des

VARIA.- 149

membres utiles de la collectivité, une discipline, la nécessité d'une

sanction légale et de la responsabilité civile, l'application générale

du droit commun.

Ce compte rendu ne peut donner qu'une idée générale, le plan

d'ensembie du livre de M. Féré, très riche en documents et en aper--

çus originaux, d'une lecture très suggestive, et qui sera consulté

avec fruit non seulement par les médecins, mais encore par tous-

ceux qui s'intéressent aux sciences psychologiques, philosophes, i

pédagogues et magistrats. J. Séglas.

VARIA

Congrès annuel des MÉDECINS aliénistes ET DES pays DE

langue française

Session de la Rochelle (1893). Le congrès annuel des Médecins

aliénistes de France et des pays de langue française se réunir à

1 Rochelle du 1er août au 6 août 1893. Le congrès discutera spé-

cialement les questions suivantes :

1° Pathologie : « Des auto-intoxications dans les maladies men-

tales. » -Rapporteurs MM. les docteurs Régis et Chevalier-Lavaure.

2° Médecine légale : « Des faux témoignages des aliénés devant

la Justice. » Rapporteur M. le Dr Cullerre ; 3° Législation et admi-

nistration : « Des sociétés de patronage des aliénés. » Rapporteur

M. le Dr Giraud. Les rapports sur ces questions seront adressés

en temps utile aux adhérents.

- Des séances spéciales seront réservées aux communications par-

ticulières. Les personnes qui se proposent de participer aux travaux

du Congrès de la Rochelle sont priées d'adresser leur adhésion et

leur cotisation à M. le Dr H. Mabille, médecin en chef directeur de

l'asile de Lafond (La Rochelle) et de vouloir bien faire connaître

le plus tôt possible le titre de leurs communications ou leur inten-

tion de prendre part raz la discussion des questions générales indi-

quées ci-dessus. Le montant de la cotisation est de 20 francs.

La DIRECTION administrative ET' médicale DES établissements

'd'aliénés. Considérations nouvelles à l'appui de son unité en

réponse aux arguments contraires de ill. l1Jarandon de J/OHe; i

par le D' Samuel GARNIEIa. (Annales médic. psych., févr. 1891.)

DE la réunion DES FONCTIONS médicales ET administratives dans

150 VARIA.

' les asiles d'aliénés; par le Dr LAPOINTC. (Annales médic.psych.,

mars 1891.)

r Le principe de la réunion et celui de la séparation des fonctions

médicales et administratives dans les asiles ont eu de tout temps

leurs partisans convaincus. En face de ces deux principes a pris

naissance un principe éclectique, d'après lequel t le directeur pro-

prement dit laisserait la place à un administrateur placé sous le

contrôle du service médical, qui correspond avec la préfecture ».

M. S. Garnier reprend la critique de ce système éclectique, cri-

tique déjà formulée par lui dans un précédent article 1. Aucun

argument bien nouveau ne surgit du reste de cette spirituelle

réponse à M. Marandon de Montyel. L'auteur est persuadé que,

loin d'être une entrave aux travaux scientifiques, la direction

médico-administrative est éminemment favorable à leur éclosion,

car les occupations du service administratif donnent un repos

relatif à l'esprit du médecin en apportant à son régime intellec-

tuel une variété obligée autant que nécessaire. C'est pousser peut-

être un peu loin les avantages du service médico-administratif.

Mais ce qui est bien certain, c'est que l'organisation actuelle, avec

ses assemblées départementales souveraines maîtresses en matière

d'assistance des aliénés, est autrement fatale au relèvement du

niveau scientifique de la spécialité que la réunion des fonctions de

directeur et de médecin.

M. Lapointe, partisan aussi de là réunion des fonctions médico - «

administratives, insiste avec raison sur la différence qui sépare le

régime médical pour le traitement des maladies mentale s de celui

que réclame le traitement des maladies ordinaires : pour ces

dernières le médecin a rempli toute sa tâche lorsqu'il a posé un

diagnostic et formulé une prescription pharmaceutique ou encore

signalé des mesures hygiéniques à prendre. Dans un service d'alié-

nés, au contraire, son action doit être beaucoup plus étendue par-

ce qu'elle doit s'exercer par des moyens éminemment variés. Tout,

dans [le fonctionnement d'un asile, est de nature à concourir au

traitement et tout convergera à ce but principal : l'unité d'action

est dès lors d'une haute importance et ne peut exister que si la

double autorité de directeur et de médecin réside dans la même

personne, union sans laquelle il n'est pas possible de comprendre

la mise en pratique du traitement spécial que réclame un service

d'aliénés. E. B.

Il est certain que l'organisation des asiles est très différente

de celle des hôpitaux où, d'ailleurs, l'incompétence des direc-

tions pour tout ce qui concerne l'hygiène et le fonctionnemen t

' -Voir à ce sujet, Archives de Neurologie, t. XXI, p. 428 et suiv.

VARIA. 151

même des services médicaux a de déplorables conséquences au

point de vue de l'hygiène et de la simple propreté du person-

nel, des malades, des salles, etc. L'idéal, ce seraient les asiles

mixtes ne dépassant point 500 malades. Le mouvement de la

population étant, par suite, assez restreint, un médecin direc-

teur actif et intelligent peut mener de front et l'administration

et les travaux scientifiques, aidé qu'il est par un médecin-

adjoint et un ou deux internes. C'est la seule organisation

qui permette de tout combiner pour le bien-être, le traitement,

le travail des malades et cela même au grand bénéfice de l'asile

et des guérisons. Quant à l'autorité des conseils généraux, elle

est légitime et légale. Malheureusement ces conseils ne sont t

pas encore bien pénétrés des besoins de l'Assistance telle

qu'elle doit être sous un régime républicain. B.

` Ouverture du nouvel asile d'aliénés (asile de traitement

et d'hospitalisation) de Tworki près VARSOVIG. -

L'enfantement de ce nouvel établissement, tel que le raconte

M. Rothe, est à lire in extenso. Mais, ce qui est méritoire, c'est que

les plans et projets envoyés en 1887 à Pétersbourg étaient retournés

pour exécution à Varsovie la même année, que sous l'oeil du

comité de construction le professeur de psychiatrie (vous avez

bien lu ! ) Balinsky et l'architecte Strom se mirent à l'oeuvre dans

les premières semaines de l'année 1888 et que, le 15 novembre 1891

l'asile était inauguré. On lui a donné le nom d'asile d'aliénés de

Varsovie. Il comprend deux parties. L'une est destinée au traite-

ment des aliénés et peut recevoir 210 hommes et 210 femmes.

L'autre est la ferme séparée de l'asile, avec sa colonie, et comporte

104 lits pour aliénés incurables.

' Entre l'asile de traitement et l'asile des chroniques, s'étend un

petit bois de sapins.

L'asile de traitement consiste en pavillons séparés dont les édi-

fices sont complètement séparés les uns des autres et entourés de

jardinets délimités par des haies vives. L'ensemble représente un

rectangle dont le front regarde le petit bois. Le plus court côté est

occupé au centre par les bâtiments d'administration. Ces bâtiments

comprennent : 1° une sorte de rez-de-chaussée surélevé et 2° deux éta-

ges. Au rez-de-chaussée, on trouve les bureaux des médecins et des

employés d'administration, et, de chaque côté, une petite division

pouvant recevoir dix malades de chaque sexe avant leur admission

proprement dite. Au premier, habitation du directeur et des soeurs

auxquelles on a confié la surveillance de la cuisine, de la buan-

derie, des pavillons des malades-femmes.. Au second, employés.

Les médecins habitent les diverses divisions respectives. = -

à Ils) ` varia.

Derrière les bâtiments d'administration, cuisine, buanderie,

locaux des machines et des appareils d'éclairage électrique. L'éta-

blissement entier est éclaré par 600 lampes. La cuisine et la buan-

derie marchent à la vapeur; elles sont pourvues des appareils les

plus perfectionnés, des'derniers modèles. L'électricité est elle-

même employée à la ventilation des services des malades. Un

château d'eau, muni d'un réservoir de dimension, alimente l'asile;

une machine à vapeur puise cette eau dans une petite rivière

eontiguë'1'Utiata, elle l'envoie dans. un filtre spécial,' d'où' ella

passe dans le réservoir.

En arrière de ces constructions, mais un peu à gauche sont : l'obi-

toire, avec 'sa chambre d'autopsie, et une petite chapelle calholique.

A droite et à gauche des bâtiments d'administration,' division

des hommes et division des femmes, d'égales dimensions : à cha-

cune d'elles trois édifices avec leur rez-de-chaussée surélevé et leur

premier-étage. ' ,

Le premier édifice destiné à 100 malades du régime commun

(indigents) forme un asile complet avec ses sections convenables,

y compris-les agités et les gâteux, les salles de bains, la tisanerie,

les waler-closets,, salles de jour, dortoirs, etc.; on y a ménagé

l'habitation d'un médecin.. -

. Tout- près de ce pavillon, est celui de 10 pensionnaires de pre-

mière classe muni, lui aussi, de toutes ses sections;, un médecin

l'habite' aussi. Rez-de-chaussée et un étage. Un peu plus loin

pavillon de 40-pensionnaires de deuxième classe; même distribu-

tion..lIabilation d'un médecin, 1 >.

Chacun de.ces pavillons sera entouré de son jardin avec sa haie'

vive. Les jardins seront contigus., '

Le chauffage s'effectue- par des poëles en terre réfra'ctaire, à

chauffage extérieur et bouches de chaleur à clefs. Dans les sections

d'agités, de gâteux, d'alités, chauffage central à l'air chaude

Tout est planchéié à l'exception des corridors, des salles de bains;

des laveries, des offices, des tisaneries, des cuisines, où l'on a posé

de l'asphalte. -- ? 1 1 - ;

Les sections d'agités, de malades soumis à la surveillance con-

tinue (observation médico-légale), de nouveaux arrivants sont

pourvues de cadrés en fer-dans lesquels sont installées de petites

fenêtres à système de fermetures à clefs et.de broches, dont le

tiers supérieur peut se rabattre à, l'intérieur. Systèmes de portes à

un ou deux battants sans loquets. Cabinets d'aisances partout. Ce

qui manque c'est une salle de fête ou de réunion .

La colonie se compose d'un bâtiment pour hommes et d'un bâti-

ment pour femmes (en tout 104 incurables) ? Un , troisième bâti-

ment ,est; réservé,' pour le rez-de-chaussée, à. des ateliers, pour le

premier étage à deux appartements de médecins. Tout près sont

les locaux agricoles et.les écuries. , ,, , .

varia.. 153

L'asile a sa pharmacie à lui. ' ' ' ,

Voici maintenant les statuts de l'établissement : ; .

10 L'asile d'aliénés de Varsovie, avec sa colonie est destinée à : a) traiter

les aliénés dont on espère obtenir la guérison) hospitaliser des aliénés

incurables, c) examiner les' individus que les autorités considèrent

comme donnant des signes d'aliénation mentale, d) recevoir des aliénés

criminels.

2° L'asile ne recevra que des habitants du royaume de Pologne, mais

s'il dispose de places vacantes en excès, l'empire peut y placer ses aliénés

à la condition d'en payer le prix de journée..

3° La population de l'asile de Varsovie est fixée à 420 malades, hommes

bu femmes, lOi d'entre eux considérés comme incurables, mais capables

de travailler, jouiront d'une plus grande liberté. ·

4° On y'recevra des indigents et des pensionnaires, soit 320 indigents

et 100 pensionnaires (20 pensionnaires de première classe, 80 de seconde

classe)..... .

. 5" Le prix de pension se décompte comme suit. Un prix normal

représentant le prix de journée c'est-à-dire la somme réelle que coûte le

pensionnaire à la maison, et un bénéfice. Les ecclésiastiques et les

fonctionnaires sans ressources, ne paieront, non plus que leurs familles

le bénéfice sus-indiqué. - 1

1 6o L'asile n'encaissera de la pension que le bénéfice qui viendra former

son fonds spécial, le reste sera rapporté au fonds commun des établisse-

ments de bienfaisance du comité d'assistance publique de Varsovie; :

il Le placement des indigents a lieu par les soins du comité de

Varsovie et l'arrêté du général gouverneur ; ,

8° L'établissement rentre dans le département du ministère de l'Inté-

rieur; mais il est surveillé, sous la haute autorité du général gouverneur,

par le comité d'assistance publique de Varsovie;

9° Le comité délègue ses pouvoirs à cet objet à un curateur.

10 L'établissement est dirigé par le' médecin en chef qui prend le

titre de directeur. Proposé par le général gouverneur, il est nommé par

le ministre de l'Intérieur. Les ordonnateurs sont, sous la responsabilité

du directeur, nommés, sur la proposition du gouverneur de Varsovie, par

le ministre de l'Intérieur, après agrément du chef du comité d'assis-

tance publique et de l'inspecteur médical des hospices civils de Varsovie.

L'asile comprend donc, en dehors des fonctionnâmes administratifs et

des employés ordinaires :

154 varia.

La construction et l'achat du terrain n'avaient pas coûté moin

de 800,000 roubles (1,760,000 francs). P. KÉRAVAL.

UNE VISITE A l'asile DE ROME; parle Dr PONS.

Le nouvel asile de Rome ne répond à aucune formule classique :

il n'appartient à aucun des ordres connus de l'architecture spéciale.

On l'a installé sur une colline salubre, habitée déjà, en utilisant les

immeubles dont elle est couverte : parmi les frondaisons étince-

lantes émergent des maisons blanches, aux aspects variés, aux

contours disparates, villas élégantes, ateliers, fermes, quartiers de

malades. Chacun de ces quartiers porte un nom différent parmi les-

quels il en est de curieux : la division des agités, c'est li « auberge

de l'espérance ;) ; le quartier des gâteux porte l'étiquette consolante

d' « auberge du repos ». Dans le manicome romain, les aliénés

sont entourés d'un personnel nombreux et bien discipliné. Pour

mille deux cents malades, il n'y pas moins de deux cents infirmiers

ou employés. Le corps médical qui doit encore être augmenté se

compose, à l'heure actuelle, de huit médecins : un médecin direc-

teur ; un vice-directeur, professeur de psychiatrie à l'Université,

avec deux chefs de clinique, a sous la main les deux quartiers d'ob-

servation, hommes et femmes, trois médecins en chef sont chargés

des autres services ; enfin, un libéro-docent d'anatomie normale

à l'Université a spécialement le soin des autopsies et des recherches

anatomo-pathologiques. (Annales médico-psychologiques, 1891.)

E. B.

Assistance DES épileptiques ET DES IDIOTS dans la PROVINCE DE Saxe

A la suite d'une enquête médico-administrative des plus intéres-

santes, en ce qu'elle met en évidence la collaboration des pouvoirs

publics et des médecins compétents, tels que : Loehr, Kurella,

Wildermuth, le conseil général (Landtag) de la province, a le

11 mars dernier, décidé d'acheter le domaine de Modderkuhl, près

Boergitz (cercle de Gardelegen) pour y construire un asile de trai-

tement et d'hospitalisation destiné aux épileptiques et idiots. Cet éta-

blissement, qui comprendra 360 hectares environ, devra d'abord

recevoir cinq cents malades. Il ne recevra pour débuter que des

épileptiques, et notamment ceux des établissements de Neinstedt

(au nombre de deux cents); à Neinstedt on enverra, pendant cette

même période de début, des idiots jusqu'à concurrence de six cents.

Au nouvel asile on transférera également sur-le-champ, cent alié-

nés épileptiques de Nietleben et Alt-Scherbitz. Il va de soi que

tout sera disposé pour qu'on puisse l'agrandir de façon à ce qu'il

puisse recevoir mille malades. Le nom du domaine étant vilain,

on lui donnera le nom d'Uchtspringe qui correspond à celui de la

localité. '

VARIA. 155.

Voici comment sont concédés et répartis les crédits.

15G VARIA.

Assistance DES idiote et DES épileptiques dans la PROVINCE DE

. BRANDEBOURG.

L'assemblée départementale, achète l'asile des épileptiques et

idiots fondé il y a six ans, sur l'initiative du comité provincial,

par une société de bienfaisance -qui- l'administrait à l'aide d'un

conseil d'administration. Son capital était de 93,500 marks; le

Brandebourg, augmente le capital de 56,500 marks afin que

l'asile puisse continuer à»s'entretenir seul à l'aide de ce fonds de

150,000 marks (187,500 francs). Une somme de ,260,000 marks,

(325,000 francs) est mise à la disposition du conseil afin de venir

en aide aux épileptiques pauvres dénués de toutes ressources.

120,000 marks seront consacrés à l'agrandissement de l'établisse-

ment. Il va de soi que l'asile d'idiots annexe connu sous le nom de

Inondation Guillaume (120 malades) sera rattaché à l'établissement,

et afin qu'il n'y ait pas d'interruption entre les deux domaines,.

60,000 marks serviront à acheter un petit bois qui les sépare.

L'assemblée adopte également le projet de M. Zinn, relatif à la

construction d'un asile d'infirmes de 1,000 à 1,600 lits et à l'acqui-

sition d'un domaine de 120 à 150 hectares; il en accorde les cré-

dits (25 février 1892). P. K.

· ECOLE DE faibles D'ESPRIT.

-Ainsi qu'il y a deux ans à Aachen, il s'est fondé à Hanovre une

école qui puisse permettre de cultiver les enfants auxquels les

facultés intellectuelles ne permettent pas, pour une raison ou pour

une autre, de suivre les classes soit de l'école communale, soit

d'une école professionnelle, soit de l'enseignement secondaire.

On sait quels services a rendu cette institution à Aachen, il en

sera de même à Hanovre. C'est un exemple à suivre. P. K.

En maintes circonstances nous avons eu l'occasion de si-

gnaler l'organisation de classes spéciales pour les enfants

faibles d'esprit, et dont la situation physique et intellectuelle

ne nécessite pas l'internement dans des asiles spéciaux. Déplus,

nous en avons entretenu notre ami M. Léon Bourgeois, alors

qu'il était ministre de l'instruction publique, et nous avons sou-

levé la question l'an dernier devant la délégation cantonale du

V° arrondissement. Malheureusement on ne parait pas se rendre

un compte exact des avantages de cette organisation pourtant

si facile à réaliser. Deux classes par arrondissement seraient

parfaitement suffisantes. Dans ces classes on introduirait un

enseignement analogue à celui qui existe dans les institutions

consacrées aux enfants arriérés. B.

'FAITS divers. 157 Î

LES Infirmiers.

Pour arriver à recruter un corps d'infirmiers capables, le budget

de Dalldorf, de 1889-90 avait prévu un crédit de 1,000 marks

(1,250 francs), destiné à venir en aide aux infirmiers blessés dans

leurs fonctions ou atteints de maladies incurables. Nous faisons

mieux que cela dans le département de la Seine. P. K.

PÉTITION DE LA SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET DE PSYCHOLOGIE MÉDICO-

LÉGALE de Vienne; par M. GAUSTEIi. (Jalt1'bÜch. f. Psychiat., X, 1.)

1° Fréquentation obligatoire d'un cours de clinique psychiatrique

par les étudiants en médecine avant d'être admis au troisième

examen riyorosum; 2° Interrogation théorique et pratique sur la

psychiatrie au même examen. P. K.

Bien des fois, soit dans les Archives, soit dans le Progrès

Médical, nous avons insisté sur la nécessité tant sous le rapport

scientifique qu'au point de vue social, de l'utilité d'un stage

obligatoire pour les étudiants dans un service d'aliénés, con-

sacré par un examen. Cette mesure, appliquée dans plusieurs

pays étrangers, ne paraît pas avoir encore appelé l'attention

des doyens des facultés de médecine ni du ministre de l'ins-

truction publique. Il rentre pourtant dans leurs obligations de

se tenir au courant de l'organisation de l'enseignement dans

les Facultés de médecine étrangères. B.

FAITS DIVERS

Asiles d'Aliénés. - Nominations et promotions . - M. le Dr Pages,

médecin de l'asile d'Alençon, est promu à la 2° classe du cadre

(1°r novembre 1892) ; M. le Dr Anglade, interne à l'asile de Bor-

deaux, est nommé médecin-adjoint à l'asile de Bassens (5 novem-

bre); M. Tondu, directeur de l'asile de Bron, est nommé aux mêmes

fonctions à l'asile de Saint-Pierre de Marseille; M. le Dr DUBRIL,

directeur de l'asile de Saint-Pierre de Marseille, est nommé aux

mêmes fonctions à l'asile de Bron (Rhône) (19 novembre) ; III. le

Dl Dupain, médecin-adjoint de l'asile public de Bailleul, est nommé

aux mêmes fonctions à l'asile d'Alençon (14 décembre) ; M. BRESSOV,

directeur de l'asile de Montdevergues, est promu à la lre classe de

son cadre (16 décembre).

158 FAITS DIVERS.

Un cocher improvisé. Le 25 juillet vers midi, un fiacre vide

traversait la place de l'Opéra au grand trot. Il était conduit par un

monsieur bien mis, d'un certain âge, qui faisait claquer son fouet

d'une façon inquiétante et[qui accrochait à peu près toutes les voi-

tures à sa portée. Ce singulier attelage étonnait.

Le fiacre s'engagea bientôt, au galop du cheval, dans l'avenue

de l'Opéra. La foule intriguée suivait.

Devant un des magasins de l'avenue, au numéro 20, le singulier

équipage s'arrêta et le vieux monsieur, gravement, enroula les

guides autour du manche du fouet et descendit.

Les agents s'approchèrent. Le vieux monsieur était rentré dans

le magasin. Il ressortit presque aussitôt, les agents l'interpellèrent,

il ne daigna pas répondre. Cependant, devant leur insistance, il se

décida à dire qu'il ne pouvait leur fournir aucun renseignement,

sauf qu'il se rendait à l'Elysée, pour y prendre M. Carnot qui l'at-

tendait. Les agents s'aperçurent alors que le cocher fantaisiste ne

paraissait pas jouir de ses facultés mentales, et ils se disposèrent à

l'emmener au poste voisin.

A ce moment, plusieurs employés du magasin sortirent et s'in-

terposèrent, priant les agents de laisser le vieux monsieur en

liberté. Il était très connu d'eux; représentant de commerce.

M. II. était, dirent-ils, atteint de troubles cérébraux. Ils s'enga-

geaient à payer le temps perdu par le cocher, auquel M. H. avait

pris sa voiture, et à acquitter les frais de la fourrière, où les agents

se disposaient à conduire le fiacre. Enfin, après de longs pourpar-

lers, le vieux monsieur put regagner son domicile sans être autre-

ment inquiété. Mais le plus curieux c'est qu'il a été impossible de

savoir à quelle station M. H. s'était emparé de cette voiture et que

le cocher dépossédé n'a pas encore été retrouvé.

(Eclair, 25 juillet 1892.)

Aliénation MENTALE. - Il y a quelques jours, une femme, demeu-

rant 25, rue Delille, nommée Rose Larantagaret, veuve Filial, avait,

dans un moment de folie, essayé de se suicider en se portant plu-

sieurs coups de rasoir à la gorge. On vint 0. temps pour l'empêcher

de se faire 'des blessures irrémédiables. Grâce aux soins qui lui

furent immédiatement donnés, elle eût la vie sauve. Et aujourd'hui,

elle est guérie de ses entailles, mais le cerveau étant toujours dé-

rangé, on vient de l'interner d'urgence à l'asile de Saint-Pons.

(Petit Var, 8 Juillet.) Il aurait été plus sage de l'interner avant

sa tentative de suicide. Malheureusement beaucoup de préfets ne

veulent signer d'arrêtés d'internement que si les malades ont

prouvé qu'ils étaient dangereux.

LEs Épileptiques. Un jeune vacher, nommé Emile Partie,

âgé de quinze ans, a été trouvé mort dans un bateau de pêche

voguant sur la Seine. Ce malheureux, sujet à de fréquents accès

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 139

epileptiques, est tombé, sous le coup de son mal, et a trouvé la

mort par asphyxie dans quelques centimètres d'eau où sa tête est

venue baigner. (Rappel de l'Eure, 27 juin 1891.) Ce fait montre une

fois de plus l'utilité de l'hospitalisation des épileptiques.

Suicide D'UNE aliénée. Mercredi, pendant l'absence de son

mari, Mme Thorain, âgée de vingt-neuf ans, qui depuis quelque

temps donnait des signes d'aliénation mentale, s'est jetée dans un

puits profond de 20 mètres et dans lequel il y avait 2m,50 d'eau.

Ce n'est que deux heures après que M. Maréchal, qu'on était allé

chercher à Ingré, personne n'osant descendre dans le puits, qu'on

a retiré le cadavre de Mme Thorain. M. le Dv Vincent appelé, n'a

pu que constater le décès. (Républicain Orléanais, du 22 juillet.)

Le drame du boulevard GARIBALDI. Un drame épouvantable

de la folie s'est passé hier à Grenelle. Vers trois heures du soir,

Mme Piene, âgée de trente-deux ans, demeurant 15, boulevard

Garibaldi, prise d'un accès de folie subite, s'armait d'un tisonnier

et se ruant sur sa petite fille, Albertine, âgée de dix ans, en frappait

l'enfant avec une rage sans pareille.

Blessée grièvement à la tête et aux reins, la malheureuse fillette

pleurait et criait, implorant sa mère.

Maman, ma petite maman, je n'ai rien fait de mal.

Aux cris de l'enfant, des voisins accoururent, enfoncèrent la

porte et retirèrent des mains de la folle, la malheureuse enfant

au moment où sa mère cherchait à l'étrangler. L'enfant dont l'état

est très grave, a été conduite à l'hospice des Enfants-Malades.

Quant à la mère, elle a été conduite à l'infirmerie du Dépôt, par

les soins de M. Dubonnois, commissaire de police du quartier.

Ce fait, avec tant d'autres montre la nécessité d'un prompt in-

ternement des malades aliénés, et partant d'un traitement dès le

début de la folie. GEORGES GUINO : 1 et ,¡. -B. CIIARCOT.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

. Prime exceptionnelle à nos lecteurs.

LES

LMÇOXS DU MARDI A LA SALPÈTR1ÈRE

Policlinique (1887-88, t. 1, 2° édit. et 1888-80, t. 11), notes de cours re-

cueillies par 11.\l. 1311n, Ctarcot, H. Colin, élèves du service. Deux beaux

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volumes : 40 fr. Pour nos abonnés : 25 fr. Pour la France et l'étran-

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160 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

- Aveta et de Angelis.. Azione del somnalio lieUe psicopatie. Brochure

in-8° de 19 pages. Aversa, 1892. Tipografico Panfilo Castaldi.

.BouR\EVtLLE ? Histoire de la section des enfants de Bicêtre. Vo-

lume in-8 de 140 pages, avec 11 figures et une planche hors texte.

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Bourneville. Histoire de la fondation Vallée. Brochure in-8° de

72 pages avec 3 planches. Prix : 2 fr. Pour nos abonnés : 1 fr. 50.

Bureaux des Archives de Neurologie.

-Boukneville. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'hystérie

et l'idiotie. Compte rendu du service des enfants idiots, épileptiques et

arriérés de Bicétre pendant l'année 1891, avec la.'collaboration de

MM. Banzet, ISCH-WALL, RAOULT, R. SOREL et P. SOLLIER. Volume in-8°,

de cvm-144 pages, avec 2 planches et 13 figures. Tome XII de la sé-

rie. Prix : 5 fr. pour nos abonnés, 3 fr. 50. Aux bureaux du Progrès

médical.

Brunet (D ). Rapport présenté au Conseil général de t'Eure (session

d'août 1892,) sur l'asile d'aliénés d'Evreux. Brochure in-8° de 56 pages.

Evreux, 1892. Imprimerie E. Quettier. ·

CHAHCOT 1.-1L).-Leçons du mardi à la Salpêlrière. Notes de cours de

MM. BLIn, CHARIOT et Colin, Seconde édition, 1 vol. in-4° de 502 pages,

avec 101 figures. Prix : 20 fr, Paris, 1892. Aux bureaux du

Progrès médical. Pour les abonnés des Archives, 16 fr.

CHERVix. Diagnostic différentiel du bégaiement et des autres troubles

de la parole. Brochure in-8° de 11 pages. Paris, 1892. Union

Médicale. '

Dedichex (H.). Philippe Pinel (ln Studie). Brochure in-8° de 11 pages.

Iiristiana, 1892. Steensk Bogtrykkeri.

Féré (Ch.). La pathologie des émotions (Études physiologiques et

cliniques). Volume in-8° de 620 pages. Prix : 12 fr. Paris, 1892.

Librairie F. Alcan.

GANTIER (S.). Asile départemental d'aliénés de Dijot. - Rapport

médical, compte moral et administratif présenté pour l'année 1891.

Volume in-8o de 106 pages. Dijon, 1892. Imprimerie Carré.

Garxieh (S.). Elude sur la fréquence du délire de.grandeur dans le

délire de persécution. Brochure in-8» de 73 pages. Paris, 1892.

Librairie A. Rousseau.

iIIORSELLI (E.). -Sulle vibrazioni meccaniche nella cura délie malallie

nervose et mertlnli. Brochure in-8° de 7 pages. - Napoli, 1892.

F. Vallardi.

Ramadier. -- Rapport spécial de 11. le Directeur de l'asile d'aliénés

de Rodez. Deuxième session de 1892. Brochure in-8° de 27 pages.

Rodez, 1892. Imprimerie V° Virenque.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

Cyreux «¿Il. Hl ! a188EY, imp.- t '3*

Vol. XXV. Mars-Avril 1893. N" 74.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

AVIS. - La première partie de chacun des numéros

des Archives est consacrée à des Mémoires originaux

sur /'aliénation mentale ou la NEUROLOGIE. Ces mé-

moires sont inédits et n'ont été ni analysés, ni résumés

dans aucune autre publication.

CLINIQUE NERVEUSE.

CLINIQUE DES maladies DU système NERVEUX. M. CHARCOT

SCLÉROSE LATÉRALE .1\II'OTROPIIIQUE OU AMYOTROPHIE

HYSTÉRIQUE ? DIFFICULTÉS DE DIAGNOSTIC.

(Leçon recueillie par M. le D' DUTIL.)

Messieurs,

Je me suis attaché dans la dernière leçon à vous faire

reconnaître sur deux sujets appropriés et mis en pré-

sence l'un de l'autre pour être étudiés parallèlement,

les caractères cliniques qui distinguent la sclérose laté-

rale amyotrophique de l'affection désignée sous le

nom d'amyotrophie spinale progressive type Duchenne-

Ar&n (poliomyélite antérieure chronique, progressive).

Aujourd'hui, je voudrais, avant d'entrer dans là dis-

cussion du cas qui vous sera soumis, compléter à

Aacr3wE, t. ? V. Il

Î6Q2 CLINIQUE NERVEUSE.

quelques égards le tableau des atrophies progressives

en vous signalant un certain nombre d'affections qui

intéressent également le système musculaire, y produi-

sent des amyotrophies et des impuissances motrices

plus ou moins généralisées et à tendance progressive

et peuvent, par conséquent, simuler plus ou moins

parfaitement soit la sclérose latérale amyotrophique,

soit la paralysie du type Duchenne-Aran.

Cette question du diagnostic différentiel des atro-

phies musculaires progressives se confond presque avec

la suivante qui offre plutôt un intérêt historique, mais

qui n'est certes pas à dédaigner : qu'est devenu l'an-

cien groupe atrophie musculaire progressive, tel que ce

grand observateur le concevait ? Vous n'ignorez pas

que ce grand groupe que Duchenne, il y a trente ans,

considérait comme constituant une unité homogène,

s'est aujourd'hui par les efforts de l'analyse anatomo-

clinique disloqué, décomposé en un certain nombre

d'espèces pathologiques qui présentent entre elles des

différences si. profondes qu'on s'étonne (aujourd'hui

que l'on a appris à en saisir les caractères distinctifs),

comment un observateur aussi fin, aussi pénétrant

que Duchenne (de Boulogne), a pu les réunir sous une

même rubrique.

Les deux types que je vous ai présentés dans notre

dernière réunion et qui répondent l'un à la sclérose

latérale amyotrophique, l'autre à l'atrophie du type

Duchenne-Aran, ont pour caractères communs une

lésion nécessaire des cornes antérieures de substance

grise, évoluant suivant le mode chronique. A cet

égard, la seule différence qui existe entre les deux

affections, c'est, vous le savez, que dans la maladie

ATROPHIE D'UN MEMBRE INFERIEUR. 1G3

de Duchenne-Aran, la poliomyélite antérieure est

isolée, tandis que dans l'autre maladie elle paraît être

consécutive ou tout au moins associée à une leucomyélite

latérale. Mais, ainsi que je vous l'ai fait sentir l'autre

jour, il n'est pas d'affection spinale à évolution lente,

qui occupant primitivement les faisceaux blancs ou

les régions de la substance grise, autres que les cornes

antérieures, ne puisse retentir sur cette partie de la

substance grise et déterminer secondairement, acci-

dentellement en quelque sorte, les symptômes de la

poliomyélite antérieure, c'est-à-dire l'atrophie muscu-

laire progressive.

1° Certaines myélites diffuses prédominant dans le

renflement cervical et intéressant la substance grise

des cornes antérieures de cette région de la moelle

peuvent reproduire assez fidèlement les caractères

cliniques de l'atrophie musculaire progressive. M. Ray-

mond en rapportait récemment un exemple à la

Société médicale des hôpitaux;

2° La sclérose en plaques disséminées est aussi sus-

ceptible de réaliser une destruction lente des cellules

ganglionnaires de la moelle cervicale. Le fait est

exceptionnel, mais il a été observé. En pareil cas, on

se trouve en présence d'une paralysie atrophique des

deux membres supérieurs, dont l'évolution plus ou

moins progressive, jointe à l'état spasmodique des

membres inférieurs, à certains troubles bulbaires peut

en imposer un instant.

3° La même altération des cornes antérieures, se tra-

duisant par une atrophie symétrique et lentement effec-

tuée des muscles, de la main et des avant-bras, peut

encore se rencontrer dans le cours du tabès. Mais alors

164 CLINIQUE NERVEUSE.

le diagnostic est trop facile, je n'ai pas à y insister.

. Je ne veux mentionner ici que les cas principaux

et non tous les cas dans lesquels une affection spinale

qui n'a pas pour caractère essentiel de déterminer

une amyotrophie plus ou moins progressive, peut, par

circonstance, réaliser ce symptôme. De toutes ces

affections, celle peut-être qui le plus souvent crée la

difficulté que je signale, c'est la syringomyélie. Vous

savez que le processus anatomique, qui la caractérise,

localisé tout d'abord dans le voisinage du canal épen-

dymaire ou dans l'aire des cornes postérieures, envahit

à la longue les cornes antérieures, retentit secondai-

rement sur les faisceaux blancs, et en particulier sur

les cordons latéraux. Lorsque cette éventualité se

réalise dans le renflement cervical, il en résulte une

atrophie progressive et souvent symétrique des deux

membres supérieurs, tout à fait semblable, vous le

comprenez, soit à l'atrophie du type Aran-Duchenne,

soit à la sclérose latérale, si elle s'accompagne d'un

état spasmodique suffisamment accentué. Jetez les

yeux sur les membres supérieurs de ce malade et

faites pour un instant abstraction de la scoliose. Vous

apercevez les mêmes déformations en griffe des deux

mains, l'aplatissement des éminences thénar et hypo-

thénar, les mêmes contractions fibrillaires que je vous

ai fait constater dans le cas de poliomyélite antérieure

chronique. S'agit-il ici encore de cette affection ? Nul-

lement, car si vous poursuivez votre examen, vous

remarquerez que les membres inférieurs sont raides,

les réflexes tendineux, les réflexes rotuliens en par-

ticulier, sont exagérés, très brusques^et la trépidation

spinale se produit dès qu'on redresse brusquement

ATROPHIE D'UN MEMBRE INFÉRIEUR. 165

l'avant-pied. Serait-ce donc la sclérose latérale amyo-

trophique avec son pronostic fatal à brève échéance ?

Il n'en est rien ainsi que vous allez le voir. Il existe

chez cet homme, étendue à tout le membre supérieur

gauche et à une partie du thorax, une anesthésie dis-

sociée de telle sorte que, la sensibilité tactile étant

parfaitement conservée, les sensations de douleur et

de température ne sont plus perçues. Ce n'est pas tout :

la scoliose que est ici si prononcée, les troubles tro-

phiques, les bulbes pemphigoïdes, les panaris muti-

lants, les arthropathies, tous ces symptômes n'appa-

raissent jamais dans le cours de la sclérose latérale.

Ils appartiennent à l'histoire de la syringomyélie.

Duchenne (de Boulogne) eut très certainement rangé

ce fait parmi les cas d'amyotrophie progressive anor-

maux par l'immixtion de troubles de la sensibi-

lité. « Parfois, dit-il, par exception, une anesthésie

cutanée plus ou moins prononcée, se montre com-

binée aux symptômes classiques de l'atrophie muscu-

laire progressive. Cette anesthésie est quelquefois si

grande que les malades ne perçoivent ni les excita-

tions faradiques les plus fortes, ni l'action du feu.

J'en ai vu qui s'étaient laissé brûler profondément les

parties anesthésiées, parce qu'ils n'avaient pas perçu

l'action des corps incandescents et qu'ils n'avaient pas

été prévenus par la vue que ces parties se trouvaient

en contact avec eux. » Sans nul doute, ces quelques

remarques de Duchenne sont relatives à des cas de

syringomyélie.

Mais laissons de côté ces amyotrophies d'origine

1 Duchenne (de Boulogne), 3° édit,, ISï2; p. 503.

166 CLINIQUE NEItVEUSE.

spinale, qui toutes figuraient dans l'ancien groupe de

l'atrophie musculaire progressive. Elles n'y prenaient

pas toute la place, une partie de celle-ci était occupée par

un autre groupe qui en est aujourd'hui définitivement

séparé, celui des myopathies primitives ou de la myo-

pathie primitive, comme on le désigne encore, suivant

qu'on adopte la doctrine unitaire ou séparatiste des

diverses formes sous lesquelles elles peuvent se pré-

senter. Messieurs, très certainement la myopathie pri-

mitive était englobée dans le grand groupe de l'atrophie

musculaire progressive de Duchenne. Nous en avons

la preuve et vous n'ignorez pas qu'il y a vingt ans, on

pensait que cette amyotrophie reconnaissait toujours

une origine spinale. Voici en deux mots comment

la scission s'est faite : dès cette époque, la paralysie

dite pseudo-hypertrophique, maladie progressive, n'é-

tait pas confondue avec l'amyotrophie progressive en

raison de son apparition dans l'enfance, de l'hyper-

trophie des muscles, etc. Elle avait été reconnue

comme indépendante de lésions de la moelle et des

nerfs, par Eulenbourg et Conheim en 1866, et par

moi-même en 1871. Cette forme resta longtemps l'uni-

que représentant du groupe qui, par la suite, s'est fort

étendu.

. En 1884, M. Erb décrit une forme juvénile d'atro-

phie musculaire progressive, qu'il considère comme

analogue, ou pour mieux dire, comme franchement

identique, à la paralysie pseudo-hypertrophique. Il

affirme et les recherches ultérieures ont montré qu'il

avait raison, qu'elle est aussi indépendante, de toute

altération spinale. Cette forme se développe en général

vers la vingtième année; elle débute par les muscles

atrophie D'UN membre inférieur, 167

de la ceinture scapulo-humérale, respectant pendant

longtemps les muscles de l'avant-bras et de la main.

Il y a parfois pseudo-hypertrophie de certains muscles,

les deltoïdes, les triceps du bras, et les muscles du

mollet. A ces caractères, il convient d'ajouter l'absence

de contractions fibrillaires, de réaction, de dégéné-

rescence, etc., tous caractères qui permettent de la

différencier aisément des atrophies progressive, d'ori-

gine spinale. Cette forme avait cependant été englobée

dans la description de la maladie de Duchenne ; vous

pourrez voir dans son livre une planche qui a trait

à un cas d'atrophie répondant bien certainement à la

forme juvénile d'Erb..

Vers la même époque, en 1884, MM. Landouzy

et Déjerine ont repris l'étude de la forme infantile de

l'atrophie musculaire progressive, d'après Duchenne.

Ces auteurs ont eu le mérite, dans leur description,

de préciser les caractères cliniques de cette forme, et

de montrer qu'indépendante de toute altération de la

moelle et des nerfs périphériques, elle devait faire

retour au groupe des myopathies primitives. Les deux

malades que voici sont deux exemples typiques de

cette variété d'atrophie myopathique.

Aujourd'hui on s'accorde assez généralement pour

reconnaître que ces trois espèces, que des variétés

intermédiaires rattachent d'ailleurs l'une à l'autre,

sont au fond identiques. Sous des modalités diverses,

elles appartiennent à une seule et même maladie : la

myopathie primitive. Messieurs, mon intention n'est

pas d'étudier à fond les myopathies primitives. J'en ai

dit assez pour le but que je me proposais d'atteindre et

qui était de vous retraccr les grandes lignes du dai-

168 CLINIQUE NERVEUSE.

gnosticdiuerentiel des formes spinales del'amyotrophie

progressive, vis-à-vis des autres amyotrophies. Les

considérations qui. précèdent me permettront de bien

mettre en valeur le cas qui va vous être présenté et

qui nous embarrasse, je vous l'avoue, singulièrement.

C'est à ce point qu'il me sera impossible de vous pro-

poser un diagnostic ferme, et que, par conséquent, le

pronostic et la thérapeutique se ressentiront de nos

hésitations. Deux hypothèses se présentent : la pre-

mière est pessimiste ; il s'agit d'une lésion organique,

spinale, téphromyélique à marche progressive et fatale;

la seconde optimiste : la lésion est de nature dyna-

mique et, malgré les apparences contraires, parfaite-

ment curable.

Un malade, de constitution robuste, âgé de trente

et un ans, est né en Belgique, près de Liège. Après

avoir travaillé pendant plusieurs années à la fabrica-

tion des chapeaux de paille, il fait actuellement le

métier de placier à Paris. Je vous parlerai plus tard

de ses antécédents héréditaires et de ses antécédents

personnels qui sont intéressants. J'en viens immédia-

tement à l'incident qui fait qu'il est venu nous con-

sulter. Il fit le 11 janvier dernier une singulière

découverte alors qu'il était au bain. Il remarqua pour

la première fois (aucun trouble fonctionnel ne l'avait

annoncé) que son membre inférieur gauche, cuisse,

jambe et pied, ces deux derniers segments surtout,

avait considérablement diminué de volume. Je le répète,

il n'avait jamais éprouvé aucune gêne, aucun trouble

de la sensibilité dans l'accomplissement des fonctions

de ce membre. C'est la vue, la vue seule qui lui a

révélé l'atrophie considérable qui porte sur le membre

atrophie D'UN MEMBRE inférieur. 169

inférieur gauche. Et son étonnement, son émotion

furent tels lorsqu'il remar-

qua l'existence de cetteatro-

phie qu'il eut quelques ins-

tants après une crise de

nerfs. C'est un hystérique.

Nous aurons l'occasion de

revenir sur ce point. Il vint

nous consulter le 19 jan-

vier, c'est-à-dire huit jours

après. Il était alors exac-

tement dans l'état où nous le voyons aujourd'hui. L'a-

Fig. 15 et 16.

'lit c,moL rLi;v ? s.

trophie est des plus prononcées ; elle saute pour ainsi

dire aux yeux tant la différence de volume des deux

membres inférieurs, est marquée (elle est de 5 centi-

mètres au mollet) ( ? 15 et 1G).

Il est impossible de croire que ce soit là une mal-

formation originelle. Le sujet a été militaire, il a été

examiné à plusieurs reprises par différents médecins.

C'est donc une chose récente ou relativement récente

que cette atrophie. Il vient nous demander un avis, un

pronostic, un traitement s'il y a lieu. De quoi s'agit-il ? z

Voici ce qu'un examen méthodique nous a permis

de constater. L'atrophie porte sur les muscles du pied,

de la jambe, de la cuisse et de la fesse. Elle prédomine

à la jambe; l'attitude du membre est à peu près nor-

male ; il semble seulement qu'il existe un certain degré

de spasme dans les muscles extenseurs des orteils; les

tendons extenseurs se dessinent plus nettement sur le

dos du pied et la pulpe des orteils, légèrement sou-

levés, ne touche pas le sol. Il n'y a aucune modifica-

tion de la coloration, ni de la température du membre,

aucun trouble de la sensibilité. Les muscles atrophiés

sont le siège de contractions fibrillaires considérables;

elles sont excessivement énergiques dans le droit an-

térieur ; et elles déterminent là des mouvements d'élé-

vation de la rotule brusques et très étendus. Les

réflexes rotuliens sont très exagérés, mais d'une ma-

nière égale à droite et à gauche. Il n'y a pas trace de

trépidation spinale. Avec cela aucun trouble de la mo-

tilité ; la démarche est ferme, assurée et le malade peut

se tenir debout et marcher toute une journée (comme

il l'a fait il y a quelques jours à titre d'essai), sans

ressentir dans la jambe atrophiée un sentiment de fa-

atrophie d'un membre inférieur. Il -1 1

ligue ou de gêne appréciable. Cependant, à l'épreuve,

des mouvements provoqués avec résistance de la part

du malade, on peut se rendre compte que l'énergie

des contractions musculaires est un peu moindre du

côté lésé.

Les réactions électriques sont normales. Quelle est

donc la signification d'une semblable atrophie ? On

peut rejeter tout d'abord l'hypothèse d'une lésion né-

vritique que l'état des réflexes tendineux et la con-

tractilité électrique des muscles rendent inadmissible.

Il en est de même de l'hypothèse d'une lésion céré-

brale, que rien ne nous autorise à envisager. S'agit-il

d'une téphro-myélite aiguë, l'idée n'est pas plus sou-

tenable etil me paraît inutile d'y insister. Serait-ce une

de ces myélites diffuses, mais prédominant dans les

cornes antérieures de substance grise et dont je vous

parlais tout à l'heure ? Je ne vois guère quelle en serait

l'origine, ni la syphilis, ni aucune autre maladie infec-

tieuse, ne sauraient être invoquées ici.

D'ailleurs ces myélites diffuses déterminent généra-

lement quelques troubles de la sensibilité; or, il n'est

pas question de cela chez noire malade. Il faut donc

en venir aux affections spinales silencieuses quant à

la sensibilité, mais se traduisant à la fois par de l'a-

trophie des muscles et de l'exaltation des réflexes ten-

dineux, c'est précisément le cas de la sclérose latérale

amyotrophique, envisageons cette hypothèse et poursui-

vons l'examen de notre sujet. Si nous étudions l'état

des différentes régions et en particulier des membres

supérieurs nous trouvons que les muscles de l'épaule

droite et de la partie supérieure du bras ont subi un

commencement d'atrophie, qu'ils sont le siège de con-

172 CLINIQUE NERVEUSE.

tractions fibrillaires manifestes et qu'enfin les réflexes

tendineux comme ceux des membres inférieurs sont

notablement exagérés. Il s'agit donc évidemment

d'une atrophie qui tend à se généraliser. Le réflexe

massétérin n'est pas-exagéré; il n'y a aucun trouble

de l'innervation bulbaire; nous n'en sommes pas

moins conduits à accepter le diagnostic de sclérose

latérale amyotrophique de date récente, anormale sans

doute à beaucoup d'égards, mais qui n'en est pas moins

destinée à poursuivre son évolution fatale et à entraîner

la mort du malade dans un laps de temps relativement

court. Cependant n'est-il pas singulier qu'avec une

atrophie aussi accentuée l'examen électrique ne révèle

en aucun muscle l'existence de la réaction de dégéné-

rescence partielle et que le malade ne présente pas

le plus léger degré d'impotence motrice !

Faut-il s'arrêter à cette hypothèse ? On peut en

envisager une autre plus favorable, l'hypothèse d'une

lésion purement dynamique à laquelle je faisais allu-

sion en commençant. Vous allez voir, messieurs, qu'a-

près discussion, cette seconde hypothèse n'est pas, tant

s'en faut, absurde. Elle mérite au moins d'être considé-

rée de près. Nous avons signalé déjà, chemin faisant,

bien des choses qui ne cadrent pas tout à fait avec

l'hypothèse de lésion spinale organique, ne fût-ce que

l'absence d'une impuissance motrice dans un cas

d'atrophie musculaire aussi avancée.

Eh bien ! le malade est un névropathe, un hysté-

rique ; il est facile de l'établir. Il a eu, à notre connais-

sance, deux crises parfaitement caractérisées de petite

hystérie à la suite de contrariétés. Il n'a pas de stig-

mates permanents, il est vrai, pas d'anesthésie, pas de

atrophie D'UN MEMBRE INFÉRIEUR. 173

rétrécissement du champ visuel, mais il a un passé de

névropathe et une hérédité des plus chargées. Dans son

enfance jusqu'à l'âge de quinze ans, il avait des terreurs

nocturnes. Le soir vers 10 ou 11 heures, peu après

qu'il s'était couché, il voyait en un rêve terrifiant une

masse de feu s'avancer vers lui. Il se levait nu en

poussant des cris et accourait près de sa mère en proie

à une terreur folle. Cette sorte d'émoi durait parfois plus

d'une heure et se renouvelait fréquemment. D'un autre

côlé, le tableau d'hérédité ne laisse rien à désirer.

Ainsi donc c'est un hystérique et un prédisposé

héréditaire; cela n'est pas douteux. Mais, tout n'est

pas nécessairement hystérique, chez un hystérique, les

cas où la névrose s'associe à telle ou telle affection du

système nerveux sont loin d'être rares. En est-il ainsi

chez notre malade. Je ne le crois pas. Quoi qu'il en soit

une autre question se pose que nous allons maintenant

examiner. L'hystérie par elle-même n'est-elle pas

capable de provoquer des amyotrophies, et ces amyo-

trophies, si elles existent, ont-elles des caractères tels

qu'elles puissent simuler les atrophies de cause spi-

nale ? Malgré l'invraisemblance qui semble à priori

s'attacher à une pareille proposition pour des audi-

174 CLINIQUE NERVEUSE.

teurs peu familiarisés avec les difficultés de diagnostic

que crée l'intervention fréquente de l'hystérie dans la

clinique neuropathologique, je dois vous déclarer

qu'une réponse affirmative doit être faite à la question

que je viens de formuler. Oui, il existe des amyotro-

phies relevant de l'hystérie, subordonnées à elle,

subissant le sort des autres manifestations de la névrose

et, c'est là le point essentiel, apparaissant et dispa-

raissant avec elles.

Messieurs, si l'on tient compte des documents que

l'on pourrait appeler prescientifiques, il y a longtemps

que ces atrophies singulières sont connues.

Des observations peu contestables en ont été

rapportées en des récits naïfs mais véridiques et

accompagnés de planches à l'appui, par Carré de

Montgeron. Dans ses narrations relatives aux mi-

racles opérés sur le tombeau du bienheureux diacre

Paris, vous trouverez deux cas, celui de la demoiselle

Coin et d'un nommé Sergent, qui sont fort ins-

tructifs au point de vue qui nous occupe en ce moment.

Mais, l'étude régulière de ces amyotrophies est de date

récente. Elles ont été décrites par W.-C. Kahlkof,

dans une thèse faite sous l'inspiration de Sceligmuller.

Dans le cours de la même année, M. Babinski en

publiait quatre observations on ne peut plus démons-

tratives. Des faits du même ordre ont été observés

depuis par MM. Chauffard, Ballet, Blocq, Debove, etc.

Ces amyotrophies hystériques offrent en général les

caractères suivants : coïncidant fréquemment mais non

toujours avec la paralysie ou l'anesthésie des membres

où elles se produisent, elles se développent parfois en

quelques jours après une durée qui est très variable

ATROPHIE D'UN MEMBRE INFÉRIEUR. 175

elles peuvent rétrocéder soit lentement, soit rapide-

ment suivant les cas. Ces atrophies souvent considé-

rables ne s'accompagnent pas de contractions fibril-

laires, mais vous pourrez rencontrer dans les publica-

tions de ces dernières années certains exemples

d'atrophie musculaire hystérique dans lesquels l'exis-

tence des contractions fibrillaires, le siège de

l'amyotrophie (éminence thénar, observation de

Cahn, dans le mémoire de MM. Gilles de la Tourette et

Dutil, Nouvelle Iconographie, 1889), joints à l'exagéra-

tion des réflexes qu'on observe parfois chez les hysté-

riques sont autant de traits qui, au premier abord, pour-

raient en imposer et faire croire à une amyotrophie

d'origine spinale. Ce sont là, toutefois, des faits très

exceptionnels; puis en pareil cas l'examen électrique

des muscles permetleplus souvent de fixer le diagnostic ;

car il n'a pas été démontré du moins jusqu'à ce jour

que l'atrophie musculaire hystérique peut donner lieu

à des réactions de dégénérescence ; cela étant dit, si

vous envisagez ce côté du tableau sans préjugé, sans

idée préconçue, vous verrez qu'il n'y a rien d'absolu-

ment contradictoire entre les faits observés chez notre

malade et l'hypothèse d'une atrophie dynamique. Car

ici on ne constate aucune des modifications des réac-

tions auxquelles on était en droit de s'attendre pour

une atrophie aussi prononcée, si son point de départ t

était organique.

Acceptons une situation mixte puisqu'il nous est

impossible de faire mieux. Ce malade, lui, n'y perdra

rien, car nous pourrons combiner nos propositions

thérapeutiques en vue des deux hypothèses que nous

avons réservées. Telle est, messieurs, l'attitude si je ne

176 6 CLINIQUE NERVEUSE.

me trompe, véritablement médicale, véritablement

clinique que vous auriez à prendre dans un cas sem-

blable à celui-ci.

OB.3ERV,TION. Sclérose latérale <tm ! /o<)'op/tt(/M6 ou Amyotrophie

hystérique ? (difficultés de diagnostic).

Troq..., trente et un an, placier; né en Belgique, près de Liège ;

a appris et exercé le métier de fabricant de chapeaux de paille.

Depuis l'âge de quinze ans vient faire la saison à Paris (d'octobre

à janvier). La saison terminée, il retournait chez ses parents, en

Belgique, gagnait sept à huit francs par jour.

Depuis deux ans a cessé de fabriquer; il fait la place à Paris. A

été soldat de vingt à vingt-trois ans. Lorsqu'il passa devant le con-

seil de révision, aucune remarque ne fut faite par le médecin ma-

jor en ce qui concerne sa santé ou sa conformation extérieure.

Il fut examiné de nouveau lors de son arrivée au régiment, il

faisait partie du corps de musique et marchait avec son régiment

sans difficulté. 11 y a un an en montant dans une voiture il se

heurte la jambe contre le marche-pied et se fait une petite plaie

insignifiante qui ne l'a pas arrêté même un jour.

Antécédents héréditaires. Côté paternel. Père vif, emporté.

Dans son enfance il avait des peurs qui le prenaient subitement tan-

dis'qu'il était aux champs, il quittait son travail et courait vers ses

parents en proie à une frayeur très vive; un oncle mégalomane a

été fou pendant deux ans, à la suite d'une perte d'argent se mit à

délirer, ne voulait plus rentrer chez lui; il finit par se calmer,

mais aujourd'hui encore si on l'excite, s'il boit tant soit peu, il

tient des propos extravagants- : propos de grandeur, se croit très

intelligent, grand lettré. Une tante a des attaques nerveuses « on

la tient pendant ses crises et elle pousse des cris ». Une soell1' du

malade a eu des attaques d'hystérie pendant deux ans.

Côté maternel. Mère bien portante, deux cousins germains

tiqueux et une cousine germaine hystérique à attaques.

Antécédents personnels. Dans son enfance et jusqu'à l'âge de

quatorze ans ou quinze ans, il a été sujet à des crises de nerfs très

particulières, sortes de terreurs nocturnes qui s'emparaient de lui

pendantle premier sommeil, le faisaient sortir du lit, se précipiter

vers sa mère en poussant des cris et avec des gestes d'effroi. Voici

ce qu'il raconte à ce propos.

Cela le prenait environ une fois ou deux par semaine, le soir,

vers onze heures, peu de temps après qu'il s'était couché, il aperce-

vait tout à coup dans le lointain, un feu qui allait grandissant et

se rapprochait de lui, pris de frayeur, il se dressait sur son lit, trem-

ATROPHIE D'UN MEMBRE INFÉRIEUR. 177 7

blant de tous ses membres, brusquement il sautait à terre et cou-

rait vers sa mère, se cramponnait à ses vêtements en poussant des

cris. Le malade ne perdait pas connaissance. Il se rappelait très

bien le lendemain tous les détails de la crise. Il se souvient que

sa mère cherchait à le calmer, lui parlait pour le distraire de ses

jeux, de ses camarades, le promenait dans le jardin. Cet émoi

durait une heure, une heure et demie. Après quoi il se recouchait t

et dormait d'un sommeil tranquille jusqu'au lendemain. On disait

dans le village qu'il était somnambule ; d'autres prétendaient qu'il

était atteint du mal de saint Gilles » et il fut question de le con-

duire en pèlerinage près la statue de saint Gilles en la cathédrale

de Liège. A partir de sa quinzième année, ces accidents ont cessé

complètement.

Dans le temps qu'il était soldat, il lui vint un jour quelques bou-

tons sur la peau de l'abdomen, à la ceinture. Il alla le montrer au

major qui déclara qu'il avait la syphilis. Le malade fit remarquer

qu'il n'avait pas et n'avait jamais eu ni chancre, ni écorchure ni

aucune autre éruption. Il fut envoyé à l'hôpital, deux jours après

son arrivée à l'hôpital, son éruplion a disparu. Il n'en fut pas moins

soumis au traitement spécifique, mais pendant trois jours seule-

ment. Le troisième jour, il fut pris de gonflement, d'oedème géné-

ralisé, avec dyspnée ( ? ). On cessa la médication iodurée et mercu-

rielle. Il resta six semaines malade. L'oedème disparut rapidement

en quelques jours mais il lui resta un épanchement au côté ( ? ) ; on

lui mit des ventouses, un vésicatoire sur la poitrine. Il se rétablit

complètement après un mois de convalescence. Depuis cette époque,

aucune éruption suspecte. Il est plus que probable qu'il n'a jamais

eu la syphilis. En rentrant de son congé de convalescence, il fut

encore examiné par le médecin du régiment qui ne remarqua rien

d'anormal dans son état de santé.

Histoire DE la maladie. Il y a deux mois, il luifut impossible

de payer certaine somme qu'il s'était engagé à rembourser : cha-

grins. Etat mélancolique. Un ami lui promit de lui avancer cette

somme. Mais au moment voulu, il s'y refusa; cette nouvelle décep-

tion provoqua, séance tenante, une première crise.11 se trouvait dans

un café; « quelque chose, dit-il, lui a monté du ventre jus-

qu'à la partie supérieure de la poitrine. Ça l'étouffait. Il s'est mis à

serrer les poings convulsivement, à claquer des dents.- A la fin de

la crise, grands soupirs et pleurs. Pas de perte de connais-

sance.

Le lendemain, il reprit ses occupationsde placier comme à l'ordi-

naire. Iln'avaitmal nulle part. Toujours triste et préoccupé cepen-

dant, à l'occasion du jour de l'an, il alla voir ses parents en Belgique.

11 y apprit que ses affaires pouvaient s'arranger. Dès lors, il fut gai,

reprit son entrain habituel.

Archives, t. XXV. 12

178 CLINIQUE NERVEUSE.

De retour à Paris le 11 janvier, il alla le lendemain de son arri-

vée prendre un bain. Et là, dans sa baignoire, il s'aperçoit que sa

jambe gauche est beaucoup plus petite que l'autre. Il en éprouve

une émotion très vive. « Je vais peut-être, se dit-il, ne plus pou-

voir travailler, Le soir même, dans sa chambre, en montrant sa

jambe à son frère il eut une deuxième crise de nerfs. Entré à la

Salpêtrière le 19 janvier 1893. 1

Etat actuel. On constate chez cet homme :

1° Atrophie du membre inférieur gauche intéressant les deux seg-

ments du membre (jambe, cuisse et fesse), cette atrophie est très

prononcée. Contraste choquant au premier coup d'oeil avec le

membre du côté droit.

DU VERTIGE DES . ATAXIQUES. 179

Le malade n'accuse aucune gêne fonctionnelle, aucune faiblesse

dans les membres intéressés par l'atrophie.

Cependant à l'épreuve des mouvements provoqués avec résistance

de la part du malade, les mouvements de la jambe, de la cuisse, du

pied gauche sont un peu moins énergiques, moins résistants.

Les réflexes rotuliens, les réflexes tendineux des membres supé-

rieurs sont exagérés, mais sensiblement égaux à droite et à gauche.

Le réflexe massetérin n'existe pas. Pas de trouble de la phonation

ni de déglutition. Les lèvres et la langue sont à l'état normal. Pas

de troubles du côté des sphincters. Pas de troubles oculaires.

Sensibilité. La sensibilité de la peau et des muqueuses est

partout intacte. Il n'existe du côté des organes des sens ou des mu-

queuses aucun autre trouble, aucun stigmate.

DU VERTIGE DES ATAXIQUES (Signe de ROMBEnG)' J

Par le Professeur J. GRASSET.

LEÇONS CLINIQUES RECUEILLIES ET PUBLIEES

P,Ir le D' J. SACAZE, chef de clinique médicale.

\

II.

Le signe de Romberg, ainsi appelé pour indiquer le premier

observateur qui l'a découvert et analysé, ne possède pas en

France d'autres dénominations ; mais dans la littérature

étrangère, vous le trouverez souvent décrit sous le nom de

symptôme de Brach (Rosenthal 2), ou de Brach-Romberg

(Eichhorst 3, Erb 1, Vanlair 5).

En quoi consiste-t-il ? C'est l'influence de l'occlusion des

4 Voy. Archives de Neurologie, n° 73, p. 1. '

8 Rosenthal. Traité clinique des maladies du système nerveux, trad.

franc, de Lubansky, 1878.

Eicthorst. Traité de pathologie interne, édition franc., 1889, t. III.

' rab.- Ziemssen's laanclbuclader specielleit Pathologie und Thérapie,

t. XI, 2° partie.

. Vanlair. - Manuel de pathologie interne, 1890.

180 CLINIQUE NERVEUSE.

yeux, ou mieux du passage brusque de la lumière à l'obscu-

rité sur la marche et la station des tabétiques.

C'est souvent un signe précoce qui peut révéler la maladie

dans des circonstances particulières à des personnes qui ne

s'en doutaient nullement.

Plusieurs d'entre vous ont connu peut-être un ataxique de

cette ville qui fut fort surpris de perdre tout d'un coup l'équi-

libre en passant d'une pièce éclairée dans une pièce obscure.

Hammond * cite l'observation d'un haut fonctionnaire muni-

cipal de Brooklyn qui avait l'habitude de fermer les yeux en

faisant l'ablution du visage le matin au lever; il constata

ainsi un jour qu'il perdait l'équilibre. Fournier a connu un

malade qui faillit s'effondrer en changeant de chemise ; celle-ci

passant sur la tête, obtura la vue et presque immédiatement

provoqua cette perte d'équilibre.

Déjà Duchenne avait observé un homme qui la nuit était

paralysé du membre supérieur droit, tandis que dans la

journée, il pouvait lui communiquer toutes sortes de mouve-

ments. Croyant à un accident de nature paludéenne à cause

de son intermittence, on avait donné de la quinine. Mais en

réalité, il s'agissait du signe de Romberg.

D'autres fois les malades n'ont pas eu l'occasion de cons-

tater par eux-mêmes ce symptôme.

Le médecin est obligé de le rechercher, de le dépister, en

raison de l'importance considérable qu'il présente. En tout

cas, il doit savoir l'analyser sous toutes ses formes et à tous

ses degrés.

Il faut d'abord voir s'il existe dans la marche ; tandis que le

patient se déplace, vous lui fermez les yeux, ou bien vous lui

commandez de les fermer ; vous notez si l'incoordination

augmente, s'il perd l'équilibre. Ayez toujours soin en pareille

circonstance de vous tenir auprès de lui, ou bien d'y mettre

une autre personne pour l'empêcher de tomber. Puis vous

passez à la station debout, immobile, avec les pieds rappro-

chés. Après vous être assurés que cette position est bien

gardée avec les yeux ouverts, vous lui dites de les fermer, et

vous observez les phénomènes qui se produisent. Enfin vous

1 Hammond. Traité des maladies du système nerveux; trad. franc,

de Labailie-Lagrave, 1879, p. 681.

' Duchenne. Eleclrisalion localisée, 3" édition, 1872, p. 784.

DU VERTIGE DES ATAXIQUES. '181

prescrivez au malade de se tenir tantôt sur un pied, tantôt'

sur l'autre ; s'il parvient à le faire, vous lui donnez l'ordre à

un certain moment de fermer les yeux, et vous tenez compte

aussi du résultat obtenu. S'il n'arrive pas à se fixer sur un

seul pied, les yeux ouverts, n'en concluez pas qu'il soit

ataxique ; cela est impossible à beaucoup de personnes qui

cependant n'ont rien de cette maladie. C'est à l'occlusion des

yeux, et aux effets qui l'accompagnent que vous devez vous

attacher.

Dans chacune de ces positions vous pouvez encore recher-

cher ce qui a lieu lorsque le patient dirige la vue ailleurs que

sur ses pieds, qu'il regarde à droite, à gauche, en l'air, ou

qu'on interpose un carton de manière à l'empêcher de les

apercevoir.

Par ces divers procédés, on apprécie les nuances les plus

délicates du signe de Romberg, et surtout on constate que l'oc-

clusion des yeux est bien plus active pour sa production que

les divers autres moyens, tendant à soustraire les pieds au

domaine de la vision.

Vous voyez en même temps combien est légendaire cette

donnée qui dit que le tabétique regarde constamment ses

pieds en marchant. Elle est même entièrement fausse ; inter-

rogez-le, observez-le, analysez-le, vous vous convaincrez que

cela n'a pas lieu. Le tabétique regarde droit devant lui, à quel-

ques pas en avant, cherche l'endroit où il va mettre ses pieds.

Ce qui le caractérise surtout, c'est qu'il a besoin de marcher

avec son cerveau, avec attention, par un effort cérébral, au

lieu de marcher, comme quelqu'un qui lit, automatiquement,

avec la moelle ; celle-ci chez lui étant malade, il lui est impos-

sible pendant la marche de parcourir un journal, de prendre

part à une conversation, en un mot, de porter son attention

sur un autre sujet que sur sa marche. C'est dans ce sens qu'il

faut comprendre le passage suivant de Althaüs ' : : Le malade

emploie ses yeux en guise de béquilles; » et plus loin : « quel-

ques malades, en se promenant, regardent constamment des

objets rapprochés pour être sûrs de retrouver un appui à la

moindre occasion, et par là même ils essayent de régulariser

leurs mouvements. »

Donc les patients ne fixent pas leurs pieds. Voilà pourquoi

1 Althaùs. Maladies de la moelle épinière ; trad. franç., 1885, p. 224.

'182 CLINIQUE NERVEUSE.

cela les prive peu de ne plus les voir, ainsi que je vous l'ai

montré avec le carton. Mais ils ont besoin de toute leur atten-

tion cérébrale pour diriger leur marche ; la moelle épinière,

chez eux, ne peut plus y parvenir seule.

Enfin, dernier point à mettre en relief dans cette analyse

symptomatique, c'est'que le signe de Romberg est dû au

brusque passage de la lumière à l'obscurité ; la brusquerie du

changement est un élément nécessaire pour sa production.

Ceci vous explique pourquoi il est souvent peu développé chez

les ataxiques qui deviennent aveugles progressivement. Il y a

quelques années, nous avons eu dans nos salles un de ces

malades qui, bien que privé totalement de la vue, pouvait

parcourir seul la salle ; peut-ètre le rencontrerez-vous encore

en ville. Il m'est impossible d'adopter sur ce point l'opinion

de Vulpian ' qui dit à propos de la pathogénie du signe de

- Romberg, : « On conçoit donc que la cécité, qui n'est pas rare

chez les tabétiques augmente l'ataxie des mouvements. »

C'est là une erreur complète. Trousseau 2 avait mieux vu,

comme le prouve le passage suivant : « Mais il y a une excep-

tion étrange pour ceux qui ont perdu entièrement la vue dès

le début; ils conservent, malgré leur cécité, la faculté de

marcher jusque dans une période très avancée de la maladie. »

Vous pourrez trouver la confirmation de ce fait dans la thèse

- de Folie-Desjardins 1.

Voilà donc l'analyse symptomatique du signe de Romberg ;

examinons maintenant sa nature et la théorie pathogénique

qu'il est possible de lui appliquer.

Un premier point admis par tous les auteurs, et sur lequel

je suis d'accord avec eux, c'est l'indépendance du signe de

Romberg, et de l'ataxie ; il n'y a ni parallélisme, ni propor-

tionnalité entre ces deux troubles.

« Le symptôme de Romberg, dit Vanlair ? n'a rien à faire

1 Vulpian. Maladies du système nerveux; maladies de la moelle,

t. 1, 1879, p. 502.

1 Trousseau. Art. Alaxie locomotrice prog. in Nouv. Dicl. de mcd.

et chir. pratiques, t. III, 1875, p. 757.

3 Folie-Desjardins. De l'amaurose et de sa valeur séméiologique

dans l'évolution de l'ataxie locomotrice. (Th. de Montpellier, 1890.)

Il Vanlair, loc. cit., p. 183.

DU VERTIGE DES ATAXIQUES. 183

avec l'ataxie ; car bien souvent ce phénomène apparaît long-

temps avant que l'ataxie ne se soit manifestée; il existe même

des cas d'ataxie dans lesquels le phénomène en question n'a

jamais été trouvé. »

Cela est parfaitement vrai ; le signe de Romberg est un

symptôme distinct, séparé, ne faisant pas partie du tableau de

l'ataxie. Donc il a une pathogénie spéciale, qu'il ne faut pas

confondre dans la pathogénie générale qu'on donne de l'a-

taxie.

Cela dit, tous les auteurs attribuent le symptôme de Rom-

berg aux divers troubles de la sensibilité, à l'anesthésie. Je

n'ai pas besoin d'insister beaucoup pour vous montrer que

l'anesthésie cutanée ne peut en rien expliquer ce symptôme.

Ainsi vous trouvez fréquemment des malades présentant de

l'anesthésie plantaire, sans qu'il vous soit possible de le dé-

couvrir ; certains hystériques, certains tabétiques sont de ce

nombre. Par contre, il y a des personnes avec une sensibilité

tout à fait normale qui cependant le présentent. D'ailleurs,

cette théorie est abandonnée par la plupart des auteurs comme

le passage de Blocq et Onanoff vous l'a montré.

Mais tout l'effort se concentre sur le sens musculaire qui

semble être la clef de la discussion, sa diminution ou son

abolition deviendraient le point de départ de ce symptôme.

Voilà l'opinion classique qui est exposée dans tous les livres;

pour vous le prouver, les témoignages abondent. Le signe de

Romberg, dit Vanlair 1 dépend uniquement de l'anesthésie

tactile et musculaire » . Et Pierre Marie 2 : « Dans cet état, la

vue est d'un grand secours au malade pour rectifier les écarts

de position dont les altérations de son sens musculaire l'em-

pêchent d'être averti ; d'où la difficulté ou même l'impossibilité

de rester debout les yeux fermés. »

Dans le livre de Jaccoud 3 écrit en lettres italiques, vous

pourrez lire : « Ces effets singuliers de l'occlusion des yeux

résultent, je le répète, de l'anesthésie musculo-tactile; ils man-

quent, quel que soit le degré de l'ataxie, lorsque la sensibilité

est intacte. » Vulpian admet aussi cette théorie et attribue

' Vantail-, loc. cil., p. 183.

° Marie, loc. cit., p. 168. '

3 Jaccoud. Traité de Pathol. interne, t. I de la 7° édition, 18S3,

p. 651.

184 CLINIQUE NERVEUSE.

même toute l'ataxie aux troubles de la sensibilité. J'en dirai

autant pour Erb qui se rallie encore à l'opinion classique.

Quant à Eichhorst ' , il s'exprime en ces termes : « Le

symptôme de Brach-Romberg est lié à la perversion du sens

musculaire dans la majorité des cas. Ce dernier dit, comme

vous le voyez, dans la majorité des cas ; il reconnaît des excep-

tions ; cependant il admet aussi la théorie ordinaire.

Il me paraît inutile d'insister davantage ; ces citations pui-

sées dans les principaux ouvrages suffisent pour vous montrer

que cette vue pathogénique est acceptée par tout le monde.

Eh bien, je ne puis l'admettre malgré ce faisceau de preuves

venant d'hommes compétents, et voici les raisons qui me pous-

sent à cela.

1. Comment expliquer avec cette théorie pourquoi le brusque

passage de la lumière à l'obscurité est un élément pathogé-

nique nécessaire du signe de Romberg, et pourquoi l'ataxique

aveugle marche souvent mieux que l'ataxique qui y voit, ou

en tout cas, marche beaucoup mieux que l'ataxique ordinaire

à qui on ferme les yeux ?

2. Comment expliquer encore pourquoi les effets sont si

différents lorsqu'on fait fermer les yeux au malade et lorsqu'on

l'empêche par un artifice quelconque de regarder ses pieds

ou même le sol ? Beaucoup d'auteurs n'ont pas manqué de

s'apercevoir de cette particularité remarquable.

Ainsi Jaccoud2, après Eisenmann et avec Bénédikt, constate

que « si l'on se borne à placer au-devant de la poitrine du

malade un objet qui lui masque complètement la vue de ses

pieds, l'aggravation des symptômes est beaucoup moins pro-

noncée que dans l'occlusion des yeux »

Pierre Marie 3 note aussi que l'on peut en quelque sorte

doser ce contrôle de la vue. « Si, au lieu de fermer complète-

ment les yeux du malade, vous vous bornez à lui cacher ses

pieds en plaçant un écran ou une feuille de carton horizonta-

lement au niveau de son sternum, vous voyez les oscillations

être moins fortes que lorsque les yeux sont fermés, mais plus

1 Eichhorst, loc. cit., p. 214.

1 Jaccoud, loc. cil., p. 651.

3 Pierre Marie, loc. cil., p. 167.

DU VERTIGE DES ATAXIQUES. 185

étendues cependant que quand aucun écran n'est interposé. »

Donc ces auteurs admettent le fait. Chez notre homme,

l'expérience, comme vous l'avez vu, est parfaitement démons-

trative. La marche, la station debout restent possibles, quoique

un peu plus difficiles, alors même qu'il regarde en l'air, ou

qu'on interpose un carton; l'équilibre est aussitôt rompu

lorsque, au contraire, il ferme les yeux.

J'ai répété ces mêmes manoeuvres devant vous chez la femme

de la salle Bichat, qui possède une perte complète du sens

musculaire, et pour laquelle la théorie classique pourrait être

invoquée. Eh bien, vous avez vu que les phénomènes ne sont

nullement identiques suivant qu'elle ferme les yeux, ou qu'on

place au-dessous du menton un écran ; tandis que dans le

premier cas, elle s'effondre, dans le second, elle continue la

marche, en jetant plus follement ses jambes.

L'explication généralement admise du signe de Romberg ne

rend pas compte de ces différences. Ainsi on prétend que

quand le sens musculaire est aboli, la vue est nécessaire, non

en soi, mais pour permettre au malade de voir ses pieds. Et

alors pourquoi le tabétique peut-il cependant continuer à se

tenir debout, ou à marcher avec les yeux dirigés au plafond,

ou en ayant la vue interceptée par un carton ? Il me semble

qu'il devrait tomber, si la théorie est vraie, comme l'ataxique

qui ferme les yeux. Or je vous ai montré qu'il n'en est rien.

Donc la démonstration est péremptoire, et il faut tâcher de

trouver une pathogénie qui s'adapte mieux aux faits.

3. Si la théorie classique était exacte, le signe de Romberg

ne devrait pas exister lorsque le sens musculaire n'est pas

altéré. Notre homme, et c'est là réellement ce qui en fait tout

l'intérêt, ne présente pas cette altération. Je vous ai dit pré-

cédemment qu'il sentait le sol, qu'il appréciait avec ses jambes

des différences de poids très légères; mais il lui est impossible

de marcher dès qu'on lui ferme les yeux.

Notre fait n'est pas toutefois le seul qui mérite d'être cité à

ce point de vue. Déjà Duchenne 1 a publié une observation

d'ataxie locomotrice avec « intégrité parfaite de la sensibilité

musculaire, articulaire et cutanée » ; ccpendantle malade était

bien tabétique, et dans l'obscurité, ces troubles de la coor-

' Duchenne, loc. cit., p. 781. , .

186 CLINIQUE NERVEUSE.

dination étaient encore augmentés, car alors il lui était impos-

sible de se tenir debout et de marcher ». Et Duchenne ajoute

qu'à l'aide de ce fait, il démontra au professeur Trousseau la

différence et l'indépendance complète des troubles de la loco-

motion dus à l'insensibilité musculaire d'avec les troubles fonc-

tionnels de l'ataxie locomotrice progressive. Nous, nous di-

rions que ce fait démontre, comme le nôtre, l'indépendance

de la paralysie du sens musculaire et du signe de Romberg.

Axenfeld * constate que les mêmes phénomènes (symptôme

de Romberg) se produisent quand l'anesthésie est faible ou

même nulle. *

Et pour ne pas prendre des auteurs relativement anciens, je

puis vous citer encore Erb 2, dont les observations possèdent

le mérite à la fois d'émaner d'un homme compétent et d'être

récentes.

Il reconnaît que dans certains cas, le signe de Romberg peut

exister sans trouble objectif de la sensibilité. Seulement

comme il ne veut malgré cela abandonner la théorie classique,

il se déclare obligé d'admettre que ce signe est le premier et

le plus léger symptôme d'une diminution de cette sensibilité

musculaire qu'aucune autre manifestation ne décèle. Mais il y

a là une pétition de principes qui ne prouve rien ; il appuie sa

démonstration sur un fait qui demande lui-même à être dé-

montré. Donc la valeur de notre cas reste entière, et sans le

secours de quelques aulres semblables que je viens de vous

indiquer, il suffirait à ruiner entièrement la théorie clas-

sique.

4. La preuve inverse peut être fournie aussi. Le signe de

Romberg existe parfois, vous l'avez vu, sans perte de la sensi-

bilité musculaire. Nous allons établir maintenant qu'il peut

manquer, alors que le sens musculaire est profondément altéré.

Ce sont surtout les hystériques qui nous fournissent cette

démonstration.

Dans les cliniques de Trousseau 3, vous trouverez l'observa-

tion d'un peintre (hystérique saturnin probablement) offrant

1 Axenfeld. Art. Ataxie locom. progr., in Dici. encyclop., t. VII,

l8Gi.

ers, loc. cit., p. 162.

3 Trousseau. Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu de Paris, 7° édition,

1885, t. II, p. 621.

DU VERTIGE DES ATAXIQUES. 187

une anesthésie entière. « Or, malgré cette insensibilité mus-

culaire complète, il marchait parfaitement, et, lorsqu'il mar-

chait les yeux fermés, il le faisait avec autant d'aisance que

l'aurait pu faire l'homme le mieux portant. »

Dans d'autres cas, la perte du sens musculaire trouble les

mouvements (et je ne nie nullement cela), mais les caractères

qu'ils présentent sont différents de ceux qui appartiennent au

signe de Romberg.

Duchenne ' et Lasègue 2 ont très bien analysé ces phéno-

mènes chez les hystériques. La malade ayant perdu son sens

musculaire ne peut plus bouger quand elle a les yeux fermés;

elle croit exécuter les mouvements commandés, et cependant

elle ne les fait pas; la nuit elle reste comme elle se couche;

une fois la lumière éteinte, si elle est jetée en dehors de son

lit par une attaque, elle ne peut se déplacer et se relever

qu'au jour. Au milieu d'un mouvement volontaire, si on

masque la vue du membre en mouvement ou si on détourne

le regard, le mouvement s'arrête, le membre reste où il est,

bien que la malade croie continuer à le mouvoir; elle est en-

suite étonnée et chagrine quand elle constate ce qui s'est pro-

duit.

On a multiplié et contrôlé ces expériences : il n'y a là rien

du signe de Romberg.

Donc je ne nie pas que la perte ou l'altération du sens mus-

culaire, n'ait une action sur la marche ou la station, les yeux

étant fermés ; mais il me paraît démontré que là n'est pas la

théorie physiologique de ce symptôme. Celui-ci est un trouble

à part, spécial au tabès, distinct des altérations de la sensibi-

lité musculo-tactile, comme il est distinct de l'ataxie elle-

même.

Il me semble alors beaucoup plus raisonnable de le rappro-

cher du vertige, et particulièrement de ces vertiges qui se pro-

duisent par l'occlusion des yeux. Quand nous avons analysé

le vertige, nous avons trouvé comme élément constituant prin-

cipal la sensation de perte d'équilibre pouvant aboutir à la

chute, sans suppression de la connaissance, mais s'accompa-

gnant d'un certain degré d'angoisse et de terreur.

1 Duchenne, loc. cil., p. 786.

' Lasègue. Anesthésie et ataxie hystérique. (Arch. générales de

méd., 1SG'r, et Etudes znéd., 1884, t. II, p. 25, 35, 37.)

188 CLINIQUE NERVEUSE.

Ce dernier élément que je n'hésitais pas à qualifier de carac-

tère essentiel du vertige ne se retrouve en rien dans les

troubles qu'entraîne la perte du sens musculaire chez les hys-

tériques, tandis qu'on le rencontre à un haut degré chez les

tabétiques. Vous pouvez le constater sur nos malades. Les

auteurs également le reconnaissent tous.

Jaccoud ' note « le sentiment profond de terreur » des

malades dans le signe de Romberg.

Le malade, dit Vaulair 2, en décrivant ce symptôme, «éprouve

en même temps un grand sentiment d'anxiété ». Déjà Axen-

feld 3 avait écrit : « Nous dirons seulement qu'il y a dans l'in-

certitude de l'ataxique qui ferme les yeux quelque chose de

moral et que la crainte de tomber... semble être pour beau-

coup dans l'affaissement du corps qui arrive au bout de ses

oscillations. »

Toutes ces constatations de terreur, d'anxiété, d'état moral,

tout cela n'indique-t-il pas cette sensation cérébrale qui consti-

tue pour nous le vertige quand elle aboutit à la perte de l'équi-

libre et est causée par la sensation de cette perte d'équilibre.

Un dernier mot pour finir. Il ne faut pas confondre ce ver-

tige spécial, le signe de Romberg avec les autres vertiges ordi-

naires qui peuvent exister dans le tabes, et en être même un

symptôme précoce. Fournier 4 les à bien décrits et bien étu-

diés. Ils méritent d'être rapprochés des vertiges produits par

l'artério-sclérose. Ceci ne saurait étonner puisque les tabé-

tiques sont très souvent artério-scléreux. Mais s'il s'agit là de

faits courants, le signe de Romberg est au contraire un symp-

tôme spécial, un vertige particulier de l'ataxie locomotrice.

Comme conclusion, je vous dirai que je n'ai pas la prétention

ici de fournir une explication pathogénique complète de ce

trouble. Je veux simplement le placer dans sa vraie famille

physiologique ; je veux le faire sortir du groupe des désordres

fonctionnels tenant au sens musculaire où tout le monde le

met; et le ranger dans celui des vertiges où classiquement on

ne veut pas l'accepter.

1 Jaccoud, loc. cil., p. 651.

' Vanlair, loc. cil., p. 180.

3 Axenfeld, loc. cil., p. 67.

3 Fournier. Leçons sur la période pré-alaxiquc du tabès d'origine

syphilitique, 1885, p. 76 et 357.

PATHOLOGIE NERVEUSE

SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE

DU TYPE LANDOUZY-DÉJERINE, AVEC AUTOPSIE;

Par PAUL BLOCQ et G. MARINESCO.

(Travail du Laboratoire de M. le professeur Charcot.)

Nous avons eu récemment l'occasion de pratiquer l'examen

nécroscopique d'une malade qui, pendant sa vie avait offert le

tableau devenu classique de cette forme de myopathie primi-

tive dite héréditaire infantile de Duchenne (de Boulogne) ou,

forme facio-scapulo humérale de Landouzy et Déjerine.

On sait, en effet, que cette variété d'atrophie musculaire fut

décrite, en premier lieu, par Duchenne (de Boulogne) qui la

considérait comme étant de même nature que l'atrophie mus-

culaire progressive ou, autrement comme reconnaissant une

origine spinale. MM. Landouzy et Déjerine dans un mémoire

important, où non seulement ils complétèrent l'histoire cli-

nique de cette forme morbide, mais où encore et surtout ils en

fixèrent la nature, en montrant qu'elle ne dépendait pas d'al-

térations de la moelle épinière, mais consistait en une myo-

pathie primitive, fondèrent réellement l'autonomie de ce type,

auquel, du reste, leurs noms sont restés attachés.

Léonie L... qui entra à la Salpêtrière en 1884, y séjourna

jusqu'en 1891, époque à laquelle elle mourut de phtisie pul-

monaire, et elle fut pendant ce long temps soumise à une

observation constante. A de nombreuses reprises, M. le profes-

seur Charcot la présenta aux auditeurs de la Clinique 1, comme

un exemple très caractéristique de cette variété de myopathie.

Comme on le verra, l'examen post-morlem a confirmé le dia-

1 Voir : Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, Paris,

1887, t. III, p. 202.

190 PATHOLOGIE NERVEUSE.

gnostic porté pendant la vie, mais ce n'est là qu'un des côtés

intéressants du fait que nous rapportons, et qui, en outre de

sa rareté relative, prête encore à diverses considérations qu'il

nous a semblé utile de relater, cela d'autant plus, que l'his-

toire des myopathies est encore entourée de beaucoup d'obs-

curités.

Nous reproduirons, en premier lieu, l'observation de la

malade, telle qu'elle fut publiée en 1885, dans le mémoire de

MM. Marie et G. Guinon, où se trouvent figurées des photo-

graphies, qui complètent heureusement l'excellente description

donnée par ces auteurs '.

Observation

Léonie Lavr..., seize ans.

Du côté maternel, il n'y a absolument aucun antécédent ner-

veux. Le père est atteint d'une myopathie de même nature, ainsi

qu'on a pu le constater sur l'OBSERVATION III qui le concerne.

La mère du père était atteinte de la même affection. La mère

de Léonie a eu six enfants et une fausse couche; deux sont morts

d'affections non nerveuses. Parmi les quatre qui restent, Léonie

seule est malade; les autrps : fille de dix-neuf ans, fille de quinze ans,

garçon de six ans, sont très bien portants et d'une vigueur muscu-

laire parfaitement normale.

Léonie est née à terme. Dans sa première enfance, elle était

superbe. A l'âge de dix-huit mois, convulsions internes; à l'âge de

cinq ou six ans, elle a eu une fièvre de peu de durée (peut-être

très légère, fièvre typhoïde); rougeole à trois ans; coqueluche à

dix ans. Réglée à quinze ans. Pas de manifestations slrumeuses

notables.

Dès sa plus tendre enfance, on a remarqué que sa lèvre supé-

rieure restait à peu près immobile, même quand elle pleurait, la

paupière supérieure a toujours semblé plus lourde, et, quand elle

dormait, l'oeil n'était jamais tout à fait couvert. Elle a toujours eu

les larmes aux yeux.

Avant l'âge de quatorze ans, elle était parfaitement vigoureuse,

portant son petit frère dansjses bras, et exécutait tous les mouve-

ments d'une façon absolument normale. Elle était jusqu'alors assez

petite pour son âge; à cette époque elle s'est mise à grandir très

rapidement; on s'aperçut alors qu'elle devenait maladroite, lais-

sait souvent tomber les objets; ses bras restaient un peu pendants

1 Pierre Marie et Georges Guinon. Contribution ù l'élude de quelques

unes des formes cliniques de la myopathie primitive progressive. (Revue

de médecine, 1885, p. 793.)

SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 191

et lui semblaient lourds; le mouvement qui tout d'abord lui a été

le plus difficile est la flexion de l'avant-bras sur le bras, et notam-

ment l'action de se moucher. La gène des mouvements a augmenté

d'une façon progressive et presque insensible. C'est vers le mois de

janvier 1884 que la faiblesse des jambes s'est fait remarquer. Il est

arrivé plusieurs fois qu'en marchant, la malade est tombée (non pas

que les jambes fléchissent, mais parce qu'elle butte, n'ayant pas

levé assez le pied au-dessus du sol). Vers la même époque, la lèvre

inférieure qui a toujours été un peu grosse a semblé le devenir

davantage et s'est retournée légèrement, de façon à présenter un

rebord assez volumineux.

Face. A l'état de repos, le front se présente assez lisse sans

rides notables, parsemé d'un certain nombre de points d'acné

punctiforme. Le sourcil n'offre pas de relief appréciable. L'oeil est

largement ouvert, mais rempli de larmes qui, de temps en temps,

surtout lorsqu'elle est à l'air, coulent sur la joue. Le nez est un peu

engorgé; la lèvre supérieure est relevée, à bord libre assez large.

La lèvre inférieure présente, elle aussi, un bord muqueux large, elle

est renversée en haut et décrit une concavité tournée vers le haut.

Elle manque absolument de tonicité et quand on la fait mouvoir

avec le doigt, la bouche restant ouverte, on lui imprime des mou-

vements comme si elle n'était retenue que par une feuille de papier;

en dehors, à 1 centimètre de la commissure, se trouve un méplat

qui s'accuse surtout quand la malade fait un mouvement des lèvres.

Le menton ne présente rien de particulier.

Les sillons naso-labiaux des deux côtés ont disparu et sont plutôt

remplacés par une saillie. Il lui est difficile de relever les sourcils.

Au contraire elle peut assez bien les abaisser et les rapprocher de

la ligne médiane (attention, menace). La direction générale de

l'oeil est oblique en bas et en dedans; les paupières ne peuvent être

exactement fermées. La paupière supérieure reste pour l'oeil droit,

à environ 1 millimètre de la paupière inférieure; pour l'oeil gauche,

2 millimètres et demi. Les mouvements synergiques de la paupière

supérieure coïncidant avec les mouvements de l'oeil dans la vision

en haut et en bas, sont normaux. Les mouvements des yeux sont

parfaitement réguliers. Il y a toujours une certaine abondance de

larmes au niveau de la paupière inférieure.

Les mouvements de l'aile du nez, dans l'action de renifler, ne

peuvent être exécutés.

Elle ne peut relever non plus la lèvre supérieure; elle abaisse un

peu l'inférieure, et l'on voit se contracter les muscles de la houppe

du menton. Il lui est complètement impossible d'avancer les lèvres

en arrondissant l'orifice buccal, comme pour siffler, par exemple.

Elle arrive tout au plus à les rapprocher et encore sans beaucoup

de force. Elle ne peut écarter les commissures labiales. Elle par-

vient à imprimer isolément quelques mouvements de latéralité aux

- 192 PATHOLOGIE NERVEUSE.

commissures, mais extrêmement faibles. La langue a un volume

à peu près normal. Elle est plutôt un peu petite, symétrique, mais

un peu tournée vers la gauche. Sensibilité réflexe du voile du

palais conservée. Voûte palatine un peu plus élevée à gauche.

Amygdales grosses. Les fléchisseurs de la tête ne peuvent résister

à une tentative un peu forte d'extension. Le sterno-cléido-mas-

toïdien résiste assez bien des deux côtés. Les muscles extenseurs de

la tête résistent parfaitement bien. Le deltoïde de chaque côlé

résiste très peu ; son action peut encore s'exercer cependant, et la

malade peut tenir quelques minutes son bras relevé; pendant ce

temps la partie supérieure du trapèze se contracte. Les mouve-

ments des pectoraux peuvent s'accomplir. La malade croise ses bras

devant sa poitrine, mais elle ne présente aucune résistance aux

mouvements passifs. Mouvements du trapèze très énergiques, résis-

tant parfaitement bien aux mouvements passifs, du moins dans sa

partie supérieure; au contraire, les parties moyennes et inférieures

n'agissent presque plus, surtout à gauche. Le grand dorsal exécute

assez difficilement son aclion et, en arrière, la main ne peut

atteindre la ligne médiane. Les rhomboïdes semblent avoir dis-

paru. Les sus ou sous-épineux sont très bien conservés, ces der-

niers forment même une saillie notable. Le biceps n'exerce plus

du tout son aclion et, pour arriver à fléchir l'avant-bras sur le

bras, la malade projette l'avant-bras en haut, en élevant brusque-

ment le bras, ce qui entraîne le segment inférieur du membre, et

cela d'autant plus facilement que le bras est en abduction. Dans

la flexion du bras, on ne sent pas le relief du long supinateur.

On ne peut non plus retrouver nettement le coraco-brachial. La

contraction du triceps est énergique et résiste très notablement aux

mouvements passifs. Les mouvements de pronation et de supina-

tion s'exéculent bien et énergiquement. Les fléchisseurs du carpe

accomplissent bien leurs mouvements, mais n'opposent que peu de

résistance. 11 en est de même pour les extenseurs. Les mouvements

d'abduction et d'adduction sont encore assez énergiques quoique

un peu affaiblis.

Dynamomètre : main gauche 13 kil.

main droite G kil.

La malade était droitière. Les mouvements des interosseux et

de l'adduction du pouce s'exécutent normalement et avec force.

L'exlension des doigts se fait bien, mais la résistance est peu forte.

La malade porte assez bien son bras sur sa tête, quoique pour faire

ce mouvement elle soit obligée de projeter brusquement son bras.

A droite, l'omoplate n'est pas déviée anormalement dans ce mouve-

ment. A gauche, cependant, elle est portée un peu en dehors, sans

qu'il y ait détachement du scapulum, comme dans la paralysie du

grand dentelé. D'une façon générale, l'épaule droite est un peu

SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 193

plus élevée que la gauche, celle-ci est même notablement tombante,

et l'axe de la malade est, pendant le repos, légèrement incliné à

gauche. Dans le mouvement du grand dorsal, le scapulum bascule

très fortement, et son extrémité inférieure fait, sous la peau, une

saillie anormale. Pendant le repos, l'axe du scapulum est oblique

en bas et en dedans. Quand la malade est couchée sur le dos, les

épaules touchant par terre et qu'elle veut se relever, il se produit

le long de la ligne blanche une dépression notable, et quoique les

muscles droits de l'abdomen fassent une saillie en se contractant,

il lui est impossible de se relever directement, et elle est obligée

de s'incliner du côté droit et de s'aider des coudes pour prendre la

position assise. Elle peut se relever complètement sans grimper

après ses membres inférieurs, à la manière des malades atteints de

paralysie pseudo-hyperlroplrique. Cependant, quand elle fait ce

mouvement sans être prévenue, elle a une tendance à appuyer ses

deux mains sur la cuisse gauche. Les fléchisseurs du bassin sont

un peu affaiblis. Mouvements du triceps fémoral forts. Résistance

assez considérable aux mouvements passifs. De même la flexion de

la jambe sur la cuisse est forte aussi. L'adduction est assez éner-

gique. Flexion dorsale du pied faible. Le groupe des muscles de la

région antéro-externe de la jambe est certainement affaibli des

deux côtés. Quelquefois la malade se tourne le pied en marchant,

mais cela ne l'empêche nullement de marcher assez longtemps et

même de courir. Flexion plantaire du pied très forte. Il en est de

même de l'adduction. L'abduction est assez facilement vaincue,

c'est peut-être la cause pour laquelle, quand elle marche, elle

tourne assez facilement son pied en dedans. Les mouvements des

orteils sont normaux. Les fessiers agissent bien; leur volume ne

présente rien d'anormal. Les réflexes tendineux existent au genou.

Ils sont absents au coude et au poignet. Pas de phénomène du

pied. La contraction idéo-musculaire ne peut être retrouvée sur

les muscles de la partie supérieure du corps, sauf aux muscles

thénar et hypothénar. Aux membres inférieurs, elle existe au

triceps crural, sur le vaste interne, ne peut être constatée sur les

autres portions du triceps; exisle nettement sur les jumeaux, et

non sur les muscles de la région antéro-interne de la jambe.

Formes extérieures. La clavicule, des deux côtés, est assez

saillante. Le relief des pectoraux est peu sensible, et il y a évidem-

ment un aplatissement de ce muscle. La saillie de l'apophyse cora-

coïde est notable et ne semble pas du tout recouverte par le

deltoïde. On ne sent pas non plus l'épaisseur de ce muscle entre

l'acromion et la tête de l'humérus et, même à l'état de repos, on

constate une dépression. Nous avons indiqué plus haut la direc-

tion des omoplates. La colonne vertébrale n'est pas très saillante,

mais, vers la partie inférieure, elle éprouve une légère courbure à

concavité droite. Quand la malade a le tronc renversé en arrière,

Archives, t. XXV. 13

1\) ! ¡. " PATHOLOGIE NERVEUSE.

on ne peut le lui redresser que par un effort violent. L'ensellure

est considérable. Le volume de la taille est normal ainsi que celui

du bassin, qui semble bien développé et celui des fesses. La consis-

tance des fesses est normale; celle des muscles de la cuisse en

général, et surtout de là partie postérieure est assez considérable,

sans cependant être notablement exagérée. Quant aux mollets* ils

n'ont pas une saillie extraordinaire et leur consistance est peut-

être un peu accentuée. Les bras des deux côtés sont notablement

diminués de volume et, par suite de la disparition du biceps et du tri

brachial antérieur, leur face antérieure a pris une forme concave.

Les avant-bras sont normaux. Des deux côtés, la limite de l'exten-

sion du coude est dépassée, et il existe alors une concavité posté-

rieure, de telle façon que le pli du coude paraît convexe et saillant.

SUR UN CAS DE .MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. '1

mort le 3 avril 1891, nous avons à relater divers incidents, qui,

pour n'ètre pas sous la dépendance directe de la maladie prin-

cipale n'en sont pas moins intéressants.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'atrophie musculaire,

elle ne cessa pas de progresser lentement, augmentant d'in-

tensité dans les régions prises primitivement, envahissant

ensuite des départements musculaires, qui lors des premiers

examens avaient paru presque indemnes.

A la face, les yeux restent largement ouverts, mème lors

des plus grands efforts d'occlusion. Les lèvres prennent de

plus en plus la forme de museau.

Au tronc, l'ensellure s'accentue ; la station debout persiste,

mais avec un équilibre très instable, aussi la malade s'appuie-

t-elle constamment, et ne s'aventure-t-elle plus à marcher

sans le secours d'une de ses compagnes.

Aux membres supérieurs, la main et l'avant-bras restent

indemnes, mais l'atrophie est extrème, aux bras et aux

épaules, la malade n'arrive plus à se vêtir elle-même; elle ne

peut plus soulever les bras.

Aux membres inférieurs, la marche en steppant devient

caractéristique. L'ascension des escaliers est entourée de beau-

coup de difficultés. -

En plus de ces désordres fonctionnels qui montrent la dis-

tribution de la myopathie, on observe dans les régions corres-

pondantes une diminution du volume des muscles, qui déter-

mine les déformations habituelles '.

En second lieu, Léonie présenta, un an après son entrée à

l'hôpital, tous les signes de V hystéro-épilepsie : grandes atta-

ques classiques et stigmates (hémianesthésie sensitivo-senso-

rielle, zones hystérogènes) en même temps qu'on pouvait pro-

voquer chez elle le grand hypnotisme avec sesphases classiques.

A ce sujet, il a été plusieurs fois question d'elle en diverses

publications, à l'occasion d'expériences auxquelles elle a été

soumise, par MM. Féré, Binet, Babinski, etc..

Enfin, on lui reconnut, il y a trois ans, les signes de la

tuberculose pulmonaire au début. Les lésions du poumon par-

1 On trouvera l'examen détaillé des muscles de la malade dans le tra-

vail de MM. Babinski et OnanoO' : Myopathie primitive progressive

(Bulletins de la Soc. de Biologie, 11 février 1888); elle figure dans

l'observation " J. Lav... » du tableau produit par ces auteurs.

196 " PATHOLOGIE NERVEUSE.

coururent leurs phases ordinaires, et c'est à leurs progrès

que la malade succomba. , ·

Autopsie (3 avril 1891). A l'ouverture du thorax, on constate

les lésions ordinaires de la tuberculose pulmonaire chronique. Les

poumons sont farcis de tubercules à divers degrés d'évolution et

leurs sommets creusés de cavernules et de cavernes de dimensions

différentes.

L'encéphale, non plus que le bulbe ni la moelle épinière, ne pré-

sentent ni extérieurement ni à la coupe aucune altération appré-

ciable, ni dans leur aspect, ni dans leur consistance.

Membres supérieurs. A la dissection des muscles du bras, on

est frappé de la coloration, de la consistance et de l'atrophie con-

sidérable qu'ils présentent. Ils revêtent tous une couleur jaune

clair, tirant sur le gris, tout à fait pâle et se confondant absolu-

ment avec le tissu cellulo-adipeux ambiant, au point qu'il est

très difficile de les en distinguer.

Le biceps est réduit au volume du petit doigt. Le brachial anté-

rieur presque totalement détruit, est réduit à une petite languette

de tissu fibroïde jaune pâle, d'une couleur analogue à celle de la

graisse.

Si tous les muscles du bras participent à l'atrophie, il n'en est

pas de même en ce qui concerne ceux de l'avant-bras, où le con-

traste est saisissant entre les muscles atrophiés et les muscles res-

pectés. C'est ainsi que les muscles fléchisseurs ont conservé la cou-

leur rouge foncée, que l'on est habitué à voir chez les sujets

vigoureux ; ils paraissent même d'une apparence plus saine, que

l'on ne serait en droit de le supposer chez une tuberculeuse.

Les seuls muscles de l'avant-bras qui présentent l'aspect jaune

pâle déjà signalé et sont atrophiés, sont le long supinateur, les deux

muscles radiaux, ainsi qu'un des faisceaux de l'extenseur commun.

Tous les autres muscles de l'avant-bras paraissent sains. ·

Les muscles des éminences thénar et hypothénar sont indemnes.

Les lésions sont symétriques aux deux membres supérieurs.

Membres supérieurs. Les muscles du pied sont sains. A la

jambe, seuls les péroniers et l'extenseur commun sont atro-

phiés1.. «

Examen histologique, Notre examen a porté sur les muscles,

les nerfs périphériques, la moelle épinière et le bulbe rachidien. z

Muscles. Les muscles ont été durcis dans la liqueur de Muller,

1 En raison des difficultés que nous avons eues, pour obtenir de la

famille de la malade l'autorisation de pratiquer l'autopsie, nous n'avons

pu, 'ni examiner les muscles de la face, ni disséquer aussi minutieusement

que nous l'eussions désiré les muscles du tronc et des membres.

SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 197 1

et le durcissement complété par l'alcool et la celloïdine. Les

préparations ont été colorées par le picro-carmin, l'éosiue et

Illiéinatoxyline et la laque au chromo-cuivre hématoxylique.

Les lésions dans les muscles atrophiés étant parfaitement iden-

tiques, sauf des différence dans l'intensité du processus, nous les

décrirons seulement dans le biceps, le radial et le brachial anté-

rieur.

Biceps. - Examinée à un faible grossissement, la coupe parait

divisée par des tractus de différentes épaisseurs qui s'entre-croisent

en divers sens en une multitude de petites alvéoles, d'étendue iné-

gale qui ne contiennent presque que du tissu adipeux au milieu

duquel on voit persister'de rares unités musculaires. Ces tractus

sont eux-même formés par du tissu conjonctif dont la coloration

rose vif par le picro-carmin, tranche très nettement sur la couleur

plus pâle des fibres de soutènement du tissu adipeux et sur la cou-

leur rouge-brun foncé des fibres musculaires. Celles-ci se montrent

sous des aspects très variés : parfois elles sont réduites à des débris

qui ne sont reconnaissables qu'à leur couleur, d'autres fois,

elles sont d'un diamètre très inférieur à la normale, quelques-unes

sont enfin hypertrophiées etdéformées.

Al'aide d'un fort grossissement on constate que les tractus sont

formés par un tissu conjonctif lamelleux, qui est quelquefois d'un

aspect fibrillaire. Les fibres conjonctives de volume et déforme

variables, sont le plus souvent homogènes, d'autres fois vaguement

striées, présentant enfin en divers points une double réfringence qui

les fait ressembler à des fibres musculaires.

Si l'on examine attentivement le tissu adipeux, on découvre cer-

taines'particularités capables de nous renseigner sur le rôle que

.joue ce tissu dans les myopathies. On constate, en effet, assez sou-

vent à la périphérie, des vésicules graisseuses, des cellules spéciales

variant entre 8 et 20 p., composées d'un protoplasma uniforme ou

bien finement granuleux qui contient de petites goutelettes grais-

seuses`(de 3 à 5 p.). Comme, parfois ces cellules 'ne contiennent

qu'une seule Moutelette simulant une vacuole, on a l'impression

qu'on se trouve en présence de cellules à noyaux. Tout d'abord

nous nous sommes demandés s'il ne s'agirait pas là de cellules plas-

matiques d'Ehrlich (mastzlelen), mais bientôt, nous nous sommesren-

du compte par les réactions de ces cellules qu'il s'agissait de cel-

lules graisseuses. Il y en a de petites (6 à 8 p.) qui ressemblent à des

leucocytes, sans noyaux évidents; leur évolution indique quelle est

leur nature jusqu'à un certain point. A propos de la pathogénie des

myopathies primitives, nous reviendrons du reste, sur leur impor-

tance et leur signification.

Quant aux fibres musculaires, elles diffèrent par leurs formes et

par leurs dimensions. Il importe d'ajouter au point de vue de leur

mode de grouppement que parfois elles apparaissent isolées et d'au-

198 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tres fois réunies en nombre variable. Dans ce dernier cas, on n'ob-

serve pas que les unités de même apparence se trouvent plutôt

agglomérées. Il arrive ainsi que, tantôt on voit plusieurs fibres

petites et très atrophiées et que tantôt le même amas contient

des fibres petites et grosses.

- Parmi les fibres les plus fines, certaines conservent leur striation

d'une façon très manifeste, alors qu'au contraire, les moyennes et

les grosses offrent une striation bien moins accusée. L'hypertro-

phie de quelques fibres est très considérable. Souvent on observe

des fibres présentant des parties renflées en ampoule au milieu

desquelles la striation est plus évidente que sur le reste de la

fibre.

On peut saisir, sur le fait, en certains endroits, la métaplasie de

la fibre musculaire : on voit, en effet, comment la striation dispa-

raissant la fibre désagrégée se transforme en tissu conjonctif. La

coupe transversale de certaines fibres est uniforme, les champs de

Colmheim n'étant plus appréciables, et ce n'est que la configura-

tion générale de l'élément qui permet de voir qu'il s'agit d'une

fibre auparavant musculaire. On voit aussi le tissu adipeux

prendre la place du tissu musculaire en voie de disparition.

Les faisceaux neuro-musculaires sont tout il fait indemnes, il enesL

de même des nerfs musculaires dont les plus fines ramification.')

paraissent normales en leurs diverses parties : myéline, cylindre-

axe, gaine et noyaux. Au contraire, les vaisseaux sont presque tous

plus ou moins altérés, soit que leur tunique externe soit épaissie,

soit que leur couche interne soit hypertrophiée et rétrécisse la lu-

mière du vaisseau arrivant dans certains cas à l'oblitérer presque

complètement. L'endothélium des petits vaisseaux est hypertro-

phié. Il existe, d'une façon générale, un certain degré de proliféra-

tion nucléaire, mais relativement peu intense.

Brachial antérieur. On y constate des lésions analogues mais

plus intenses encore, quant au degré de l'atrophie. Ici ou peut

presque compter les unités musculaires qui persistent dans le

champ du microscope. Les lésions des vaisseaux "sont également

plus prononcées.

Il est à noter qu'il exisle aussi une plus grande abondance de

tissu conjonctif par rapport au tissu graisseux relativement à ce

qu'on voyait dans les coupes du biceps où au contraire le tissu adi-

peux dominait.

Radial. Ce qui distingue surtout les préparations, c'est la plus

grande prolifération conjonctive. Les trabécules de ce tissu forment

un réseau plus épais et plus régulier. Les altérations des fibres

musculaires sont analogues aux précédentes. Même intégrité des

nerfs musculaires.

. Bulbe, Moelle épinière. Nerfs périphériques. - Ne présentent rien

SUR UN CAS DK MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 199

de particulier, sinon que les coupes du nerf radial sont remar-

quables par la netteté avec laquelle on y observe ce que nous

avons appelé des systèmes tabulaires.

Avant que d'exposer les quelques remarques que nous a

inspirées l'étude de ce cas, nous tenons précisément à mettre

en lumière ces particularités que nous avons constatées sur les

coupes du nerf radial.

Nous rapporterons, ici, à cet égard ce que nous en avons dit

dans une communication faite à la Société de Biologie le

16 juillet 1892.

Sur des coupes transversales portant sur la totalité du nerf

radial fixé par l'acide osmique, on remarque à l'oeil nu, et

môme encore, à un faible grossissement des aires qui tranchent

par leur couleur claire sur le reste du faisceau nerveux..

Leur forme est irrégulièrement ovoïde; elles sont situées

sur une même partie de la périphérie des faisceaux nerveux,

et regardent toutes du même côté, tant par rapport à l'axe des

fascicules qu'elles occupent, que par rapport à l'axe du nerf

tout entier. Sur vingt-quatre fascicules que nous avons comptés

dans la section transversale du nerf, elles se trouvent dans dix

fascicules. Dans chacun de ces fascicules, elles n'en occupent

guère que la dixième partie.

Parfois, il n'existe qu'une seule de cet aires claires dans un

fascicule, parfois on en compte deux ou trois, soit réunies,

soit séparées par quelques filets nerveux.

Nous décrirons d'abord une de ces aires, choisies parmi celles

qui présentent l'apparence la plus caractéristique. Elles sont

limitées, du côté de la périphérie du fascicule nerveux par une

formation lamelleuse qui résulte de l'hyperplasie de la couche

profonde du périnèvre, et, du côté central, par le tissu intra-

fasciculaire du fascicule nerveux. L'espace ainsi circonscrit,

qui forme l'ensemble du système, est occupé par des figures

qui ressemblent à des sections transversales de tubes, et sont

au nombre de deux ou trois : on peut, par suite, décrire à ces

dernières figures, une paroi et un contenu. La paroi se com-

pose de lames fibrillaires stratifiées, ressemblant aux gaines

lamelleuses de Ranvier, dans l'intervalle des lamelles des-

quelles se trouvent parfois des cellules plates. Le contenu est

constitué par des éléments d'aspect cellulaire en nombre

variable. Ceux-ci, qui peuvent atteindre de 20 à 25 p. ont

une forme généralement arrondie; limitée par' un contour

200 , PATUOLOGIE NERVEUSE.

parfois simple,' parfois double ou triple, et présentent dans

leur intérieur des corps chromatiques, qu'on prendrait, au

premier abord pour des noyaux, mais qui rappellent aussi

une coupe de cylindre-axe. Entre la paroi de ces pseudo-cellules

et leur substance chromatique, il n'existe aucune apparence

protoplasmique. Souvent on trouve autour de cette substance

chromatique des granulations, mais ce sont des granulations

de myéline. Parfois le contour de ces éléments se plisse de

.telle sorte que l'élément se trouve divisé en un certain nombre

Fig. 17.

Coupe du nerf radial, coloré par l'acide osmique : les i-ystoxcs tubulaires

sont représentés par les zones claires».

SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 201

de loges, qui rayonnent autour du corps chromatique central.

Il en résulte alors un aspect COl'olli(01'me. Il arrive aussi que

la substance chromatique se dispose de telle façon qu'elle

donne l'illusion d'un leucocyte polynucléé.

D'autres de ces éléments présentent des formes un peu

différentes, dans le détail desquelles nous n'entrerons pas.

Il est de ces aires ou de ces systèmes qui offrent une appa-

rence moins compliquée ; ils sont constitués par un espace

limité simplement par le périnèvre et l'endonèvre, et où se

trouvent un ou deux des éléments que nous venons de décrire.

Sur des coupes longitudinales, où les aires en question sont

plus difficiles à trouver, on les voit constituées par des tubes,

parallèles à l'axe du nerf et qui s'étendent sur une longueur

de 4 à 8 millimètres. Ces tubes ont des limites confuses, et on

retrouve dans leurs cavités les mêmes éléments. Toutefois,

certains détails permettent de se rendre compte, jusqu'à un

certain point, de la signification qu'ils paraissent avoir. On y

voit, en effet, parfois, des fibres nerveuses ou des fragments

de fibres reconnaissables à leur cylindre-axe, et aux granula-

tions de myéline qui l'entourent, bien que ces fibres soient

notablement modifiées.

Nous avons recherché si des formations analogues n'auraient

pas été décrites par d'autres observateurs, et quelle interpré-

tation, leur aurait été attribuée. M. J. Renaut 1; dans son

étude sur la structure des nerfs chez les'solipèdes, a décrit un

tissu qu'il appelle système hyalin intm-vagi1 ! al; il est facile,

d'après la description qu'il en donne, de se rendre compte

que ce système est l'analogue de notre système tubulaire. Cet

auteur pense qu'il s'agit là d'un appareil de perfectionnement

dont le rôle par rapport au faisceau primitif, serait identique

à celui que joue la myéline par rapport au cylindre-axe.

M. Rakhmaninoff a a rencontré, dans des cas de névrite, des

formations particulières, qui se rapportent, évidemment aux

systèmes en question. Il rappelle qu'il n'a trouvé de descrip-

tion les concernant que dans les travaux d'Oppenheim et Sie-

1 J. Renaut. - Recherches sur quelques points de l'histologie des nerfs.

{Archives de Physiologie, 1881, p. 161.)

2 Rakhmaniiiolï. Névrite périphérique. (Revue de médecine, avril 1892.

n° 4, p. 335.) .

202 PATHOLOGIE NERVEUSE.

merlin ? et que ces auteurs les considéraient comme des

vaisseaux oblitérés, opinion que lui-même ne partage pas. Il

croit qu'il s'agit de corpuscules à structure alvéolaire, et qui

n'apparaîtraient que dans les cas de dégénération des nerfs.

Nous rapprocherons l'un de l'autre les travaux qui concer-

nent, à notre avis, les mêmes systèmes, travaux de Langhans2

et de Kopp 3, son élève. Langhans qui décrit ces formations

avec beaucoup de soin, dit qu'elles ont été mentionnées par

divers auteurs (Trzebinski, Scbültze, Joffroy et Achard, Hols-

chewnikoff, losenlieim, Arnold, Stadelmann et Nonne) dans

des états pathologiques différents. '

Il est d'avis, et Kopp confirme cette manière de voir, que

ces formations, qu'ils ont tous deux rencontrées, surtout dans

le myxoedème, pathologique ou expérimental, dans le créti-

nisme et dans le goitre, constituent des altérations spécifiques,

appartenant en propre à la cachexie strumiprive, et ils se

demandent si des troubles de la glande thyroïde n'auraient

pas existé dans les cas précités, où d'autres auteurs ont observé

des formations de ce genre.

Nous ne discuterons pas l'hypothèse que nous trouvons très

vraisemblable, qui a été formulée par M. Renaut sur ces sys-

tèmes, mais nous ne saurions adopter la dénomination de

systèmes hyalins, proposée par cet observateur, car le qualifi-

catif préjuge de la nature des éléments, et le mot hyalin prête

à la confusion. "

Il ne nous parait pas, non plus, qu'on puisse s'en tenir à

l'opinion de MM. Oppenheim et Siemerling, car les figures ne

se rapportent nullement à celles que donneraient des vais-

seaux oblitérés.

Quant à la manière de voir proposée par M. Rakhmaninoff,

à savoir qu'il s'agirait de l'hypertrophie pathologique du tissu

conjonctif de consistance gélatineuse situé à la périphérie du

nerf , elle ne s'accorde pas avec le fait que nous avons observé

et qui a trait à un nerf normal.

1 Oppenheim et Siemerling. -l3eilrage zur pathologie der tabès dor-

salis und der peripherischen Nervenkrankungen. (Arek. sur Psychiatrie,

1887, XVIII, p. 487.)

= Langhans. - Ueber veriindentngen in den ]1e1'ipherische Ne/'ven bei

kaehexia Llcyreopriva des menschens. (Arc/¿ , de Virchow, ut ! . CXX\'111,

18\)2,)

3 Kopp, - VeriindC1'ul1gen in Nervensyslem. (Th. inaug., Berlin, 1802.)

SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 203

La même considération suffit à nous faire douter de la valeur

spécifique attribuée par Langhans et Kopp aux « cellules vési-

culeuses » dans le myxoedème. Nous avons vu des images tout

à fait identiques à celles que ces auteurs représentent, et

cependant le nerf que nous examinions était normal, et, de

plus, la malade que nous avons observée pendant des années

et jusqu'à sa mort n'a jamais présenté ni myxoedème, ni

goitre, ni crétinisme. » .

Nous serions disposés, pour notre part, à admettre que la

nature et la signification de ces formations est la suivante :

L'étude histologique que nous avons poursuivie nous porte à

croire que ces formations représentent des tubes nerveux pro-

fondément modifiés. Leur paroi lamelleuse ne serait autre

qu'une gaine lamellaire modifiée : les apparences nucléaires

qu'offrent les éléments chromatiques, représenteraient la coupe

transversale des cylindres-axes. Nous sommes confirmés dans

cette opinion, non seulement par la présence autour de ces

éléments de granulations de myéline, mais encore par cela,

que nous avons pu distinguer nettement un fragment de tube

nerveux dans certaines figures ; l'absence de protoplasma, qui

a préoccupé Langhans et Kopp; s'explique facilement selon

cette hypothèse. Quant aux apparences corolliformes (Blasen-

zellen), elles sont le fait du plissement de la gaine conjonctive

du tube nerveux.

Si l'on tient compte de ce que les auteurs ont rencontré ces

formations dans presque tous les nerfs périphériques, et spé-

cialement en certains points de leur trajet, ce qui explique

qu'elles aient échappé à d'autres, de ce que M. Renaut les a

rencontrées à l'état physiologique chez les solipèdes, enfin de

ce que les observateurs les ont signalées dans des états patho-

logiques qui n'ont rien de commun, il est naturel de penser,

et le cas que nous rapportons est une éclatante démonstration

de cette manière de voir, qu'il s'agit là d'une disposition nor-

nivale.

En résumé, ces formations que nous désignerons sous le nom

de systèmes tubulaires, en raison de leur structure histologique

(qui les montre composées de tubes et non pas de cellules),

constitueraient un appareil organique qui existe, à l'état

normal, dans les nerfs de l'homme, et qui dérive d'une trans-

formation de certaines fibres nerveuses, en vue d'un but qui

reste à déterminer.

204 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Nous devons ajouter que presque en môme temps que nous

et dans un travail, dont nous n'avons eu connaissance qu'ul-

térieurement, bien que sa publication (2 juillet) fut antérieure,

M. Schültze' 1 arrivait de son côté, à une manière de voir ana-

logue, du moins en ce qui concerne la nature normale de ces

formations, car pour ce qui a trait à l'interprétation, notre

opinion diffère de celle de cet observateur. Il remarque que

M. Renaut a décrit ces svstèmes sur des nerfs normaux et

s'étonne que Langhans leur attribue un rôle pathologique. Il

laisse entendre, que ces formations sont normales, mais il lui

parait probable qu'elles puissent subir des transformations

pathologiques qui se traduisent cliniquement par des symp-

tômes. Il n'accepte pas la dénomination de système hyalin,

parce que ces productions lui semblent plutôt opaques, et il

propose de les appeler, soit corpuscules de Renaut, soit hyper-

plasies circonscrites du tissu conjonctif, soit enfin fuseaux con-

jozctifs (Bindegewebspindel).

Bien que pour toutes les raisons que nous avons dites et

dont on peut s'autoriser actuellement, il nous paraisse légi-

time jusqu'à plus ample informé, de considérer, ces formations

comme normales, nous devons néanmoins présenter quelques

réserves. Au cas, toutefois, où elles constitueraient des lésions

accidentelles, leur valeur au point de vue de la pathogénie de

la maladie en général ne saurait peut-être entrer en considé-

ration ; au contraire on en devrait sans doute tenir compte,

quant aux localisations, en remarquant que cet aspect spécial

des coupes de nerfs était localisé, dans notre cas, au radial,

alors que seuls àl'avant-bras les muscles radiaux se trouvaient

atrophiés. Il y a là un problème complexe en raison de l'appa-

rence si spéciale de ces systèmes, encore si peu connus.

L'histoire clinique de notre malade et la relation nécrosco-

pique qui la complètent sont par elles-mêmes suffisamment

explicites, pour que nous n'ayons pas à insister sur le dia-

gnostic du cas. Notre autopsie confirme en effet de point en

point les résultats de celle de MM. Landouzy et Déjerine, et

ici aussi il s'est agi d'une myopathie primitive, c'est-à-dire

sans altération appréciable du système nerveux.

' Schuitxe. Ueber circonscriple Bindegewebs hgpcrplasie oder

l31xrle,ewebspencGel. Nodules hyalins de Renaut. (Archiv. de Virchow,

Bd. CXXIX, 11t. I, 1892, 2 juillet.)

SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 205

A cet égard, il nous est permis de nous demander si les

constatations anatomiques que nous avons faites ne nous

autorisent pas, jusqu'à un certain point, à prendre parti dans

les débats qui se sont élevés sur la pathogénie de cette

lésion.

A. Théorie centrale. Pour Erb 1, les myopathies recon-

naîtraient une origine spinale, et traduiraient un trouble dyna-

mique des cellules ganglionnaires des cornes antérieures de

substance grise de la moelle épinière, centres trophiques.des

muscles. Du moins est-il probable, pour cet auteur qu'il existe

des altérations du système nerveux que la technique actuelle

serait impuissante à déceler. En faveur de cette origine, on

peut invoquer selon lui un grand nombre d'arguments : l'hé-

rédité, la localisation de l'atrophie dans certains muscles cor-

respondant à des centres spinaux déterminés (groupe d'Erb),

sa fréquente coïncidence avec des troubles nerveux comme

l'idiotie, l'épilcpsie. -

Cette manière de voir nous paraît toutefois difficilement

acceptable, et cela pour plusieurs motifs. Tout d'abord les

arguments invoqués par Erb n'ont pas une valeur absolue. On

ne saurait dénier au système musculaire une 'autonomie rela-

tive, qu'il tient pour le moins de son origine embryologique,

et qui, précisément pour' cela, permet de comprendre qu'à

l'égal du système nerveux il puisse transmettre ses vices, par

voie héréditaire. Aussi l'hérédité des myopathies ne saurait-

elle être considérée comme une preuve en faveur de leur ori-

gine nerveuse.

Nous en dirons autant du mode de distribution de l'atrophie

musculaire, que les recherches de Babinski et Onanoff 2, nous

ont montré être en rapport avec le développement des mus-

cles, bien plus qu'avec des localisations nerveuses spinales.

Quant à la coïncidence de l'atrophie musculaire avec divers

troubles nerveux, elle s'explique aisément pour peu qu'on se

souvienne, qu'en tous les cas de vice d'évolution - et la myo-,

patine' primitive semble rentrer dans cette catégorie il est

' Brb. - Dystropliie musculaire progressive. (De2ctsclae Zeilschrifl für

NeraezJceillcüzde, 1891, p. 13-173.)

' Babinski et Otiatioff. De la myopathie primitive progressive. (Société

de Biologie, 18SG.)

zou PATHOLOGIE NERVEUSE.

commun d'observer la coexistence de diverses tares dégénéra-

tives.

Il est, à notre avis, un argument des plus importants qui

milite contre la doctrine de l'origine spinale. En nous plaçant

en effet dans l'hypothèse de Erb, c'est-à-dire en admettant un

trouble dynamique des cellules trophiques, nous devrions

observer, en raison de l'analogie invoquée entre les effets des

lésions d'ordre dynamique et d'ordre organique, des altéra-

tions des fibres terminales des nerfs périphériques. Or, il n'en

est rien, et ni les auteurs qui nous ont précédé, ni nous-mêmes

dans le cas que nous venons de rapporter, et où notre atten-

tion a été, comme on l'a vu, spécialement attirée sur ces orga-

nes, n'avons pu constater aucune lésion des petits nerfs intra-

musculaires.

B. Théories périphériques. - Si l'origine de la myopathie

ne peut être recherchée dans les centres, il nous reste à savoir

quels sont les organes périphériques qui entrent en jeu pour

l'a réaliser. Or, nous avons vu que, dans notre cas, les nerfs

étaient normaux, car nous nous sommes expliqués sur la

signification des systèmes tubulaires qui, par leur présence

sur le nerf radial, donnaient à celui-ci une apparence qu'au

premier abord on aurait pu prendre pour pathologique.

C'est donc que le muscle lui-même -serait primitivement

atteint. Cette conclusion, à laquelle nous sommes obligés de z

nous rallier, est, du reste, admise actuellement par la très

grande majorité des observateurs, dont les avis ne diffèrent

guère que sur la nature intime du processus.

Nous insisterons peu, à cet égard, sur l'opinion qui a été for-

mulée par divers auteurs, et selon laquelle on aurait affaire à

une cirrhose interstitielle primitive, soit à une inflammation

du tissu interstitiel dont le développement en arriverait à

étouffer les fibres musculaires, car outre qu'elle ne s'accorde

pas avec les résultats de l'examen histologique, elle n'a pas

conservé de défenseurs.

C'est en dernière analyse la fibre musculaire elle-même

cirrhose parenchymateuse de Landouzy-Déjerine, de Roth --

qui serait prise la première; et c'est, aussi, ce qui nous paraît

résulter du fait que nous avons observé. Toutefois, nous ne

partageons pas, sur la modalité du processus, la manière de

voir exposée par Krosing, et que nous allons rapporter avant

SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 20ï

que de proposer, à notre tour, la conception qui nous paraît

actuellement la plus admissible sur ce point délicat.

M. Krosing ' 1 entrepris ses recherches sur des muscles

d'embryon d'une part, et sur des muscles pathologiques d'autre-

part (muscles avoisinant les cals osseux, les abcès, muscles

d'atrophie expérimentale, muscles pseudo-hypertrophiés). Il

rappelle que la fibre musculaire striée résulte d'une associa-

tion cellulaire, à la construction de laquelle participent un

grand nombre de cellules fusiformes. Les cellules se réunis-

sent pour former des fibres grêles, et se fusionnent. La divi-

sion des noyaux à l'intérieur des fibres jeunes produit la crois-

sance en longueur, tandis que l'accroissement en largeur se

fait par l'accolement sérié des éléments cellulaires. Les fibres

étant devenues adultes, les noyaux des cellules passeraient à

l'état de cellules invisibles ou cellules sommeillantes de Gra-

vitz (Schlümmernden Zellen), tandis que leur protoplasma

formerait la myosine contractile. S'il intervient alors des pro-

cessus régressifs, le protoplasma musculaire perdant ses qua-

lités de différenciation, revient à l'état de protoplasme ordi-

naire, et aussitôt les cellules sommeillantes reprennent leur

activité et les attributs qui les rendent visibles elles pro-

lifèrent, constituent des centres d'attraction pour le proto-

plasma transformé. Le tissu dans son ensemble reprend l'as-

pect et les qualités du tissu embryonnaire, et, en conséquence,

aboutit à une formation de tissu conjonctif ou de ses dérivés,

tissu cartilagineux, osseux.

La théorie de la phagocytose est très séduisante ; mais

telle qu'elle a été autrefois conçue par l'auteur elle n'est plus

soutenable; du reste M. Metchnikoff revient sur ses premières

assertions dans un travail récemment publié dans la Revue

scientifique.

D'après M. l\Ietchnikofi' 2, dans les faisceaux musculaires, ce

seraient les cellules musculaires qui joueraient le rôle de pha-

gocytes. Dans les cas où les fibrilles ne manifestent pas une

vitalité suffisante, le protoplasma interstitiel s'empare d'elles et

les dévore. C'est à l'aide de ces phagocytes musculaires que

s'opère l'atrophie des muscles des tétards en voie de dévelop-

' R. Krosing. Ueber die Riiclibildung und Entwic/oel1wg der Ouer-

geslreissen miiskelfalern. {Archiv. de Virchow, juin 1892, BLI. CXXVIlI,

lit. 1lI, p. 445.)

1-llie Metchnikoff. {Revue Scientifique, 10 sept. IS9` ? ; p. 324.)

208 ' PATHOLOGIE NERVEUSE.

pement. La substance contractile -- myoplasma s'entoure

du plasma interstitiel du faisceau sarcoplasma ; celui-ci

englobe et digère les fibrilles et se transforme en cellules

amiboïdes.

Un mécanisme analogue a été observé dans les muscles

atteints de pseudo-hypertrophie et d'atrophie musculaire pro-

gressive par M. Lewin 1. Cet auteur a constaté la formation de

phagocytes : le sarcoplasma des faisceaux se différencie en

cellules amiboïdes qui englobent la substance striée.

Nous basant, quant à nous, sur le mode histochimique de

l'altération de certaines unités musculaires, que nous avons

pu constater, ainsi que sur les observations que nous venons

de rappeler, nous pensons que le mécanisme des lésions pour-

rait être interprété de la façon suivante.

A l'état normal, le tissu conjonctif des muscles est remar-

quable par la minceur de ses faisceaux; on y observe souvent

des cellules adipeuses, et ses- mailles contiennent des cellules

lymphatiques en nombre variable. Le tissu conjonctif consti-

tue, en quelque sorte, une vaste cavité lymphatique cloison-

née, dans laquelle sont plongés les faisceaux musculaires, de

telle façon que c'est dans la lymphe qui les baigne qu'ils pui-

sent les éléments de leur nutrition et qu'ils déversent leurs

produits de désassimilation (Ranvier).

L'équilibre de la nutrition du myoplasme, du sarcoplasme

et du tissu interstitiel est réglé par l'action frénatrice du sys-

tème nerveux. Quand cette action d'arrêt est suspendue, le

sarcoplasma et le tissu interstitiel qui possèdent en raison

de leur état de moindre différenciation - une énergie de nu-

trition plus grande que le protoplasma différencié de la fibre

musculaire, prennent le dessus. Ils prolifèrent progressivement

tandis que le myoplasma est devenu impuissant, l'équilibre de

son activité nutritive n'étant maintenue que par la force domi-

nante de l'innervation, qui fait maintenant défaut, et il finit

par disparaître. C'est là ce que l'on constate dans les myopa-

thies myélopathiques, névrosiques et dans celles qui suivent

la section des nerfs.

. Mais, dans les myopathies primitives, d'où vient l'impuis-

sance de l'influence nerveuse trophique ? Ce serait précisé-

ment un désordre primordial de la nutrition de la fibre mus-

1 Lewin. - Deulschc Zeilschrifl sur .rerventeilkunde, t. II, p. 139.

SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 209

culaire, désordre transmis par hérédité : en cela réside la

cause première de l'altération. Son apparition dans l'enfance

provient de l'activité de la nutrition musculaire à cet âge, sa

localisation sur certains groupes musculaires particuliers est,

comme l'ont montré MM. Babinski et Onanoff, en rapport

avec le développement embryologique des muscles.

Il résulte de là, qu'à un moment donné, par une véritable

inversion chimiotactique le myoplasma devient incapable

d'assimiler les éléments de nutrition de la lymphe qui le

baigne, et alors, le tissu de soutènement, grâce à son pouvoir

nutritif si puissant, accapare ces éléments devenus surabon-

dants. -

Nous tenons ici à mettre en évidence l'importance dans ce

processus de la prolifération du tissu adipeux, car cette parti-

cularité ne parait pas avoir retenu, autant qu'elle le mérite,

l'attention des observateurs. On sait que ce tissu, au point de

vue de son développement, ne résulte pas d'un simple dépôt

de graisse dans les cellules 'fixes du tissu conjonctif. Les cel-

lules adipeuses sont, à l'origine, des cellules spéciales qui

apparaissent le long des vaisseaux sanguins. Une cellule adi-

peuse représente, en réalité, comme le dit avec raison M. Ran -

vier, une glande cellulaire. Or, la description que nous avons

donnée de la multiplication des cellules adipeuses jeunes, dé-

montre le rôle actif que joue ici le tissu graisseux, dont l'im-

portance est si grande dans les échanges nutritifs en général.

Aussi bien, ne provient-il ni de la fibre musculaire ni des

fibres conjonctives, mais résulte-t-il d'une hyperplasie auto-

gène des cellules adipeuses. Nous pouvons ajouter que le

mécanisme de la disparition de la fibre musculaire n'est pas

uniforme au point de vue chimique. Certaines fibres dispa-

raissent par le fait du remplacement du protoplasma différencié

par le sarcoplasma; dans d'autres, à mesure que le myoplasma

disparaît, c'est le tissu adipeux qui prend sa place; il en est

enfin où la destruction se fait par une véritable transforma-

tion chimique (dégénérescence hyaline).

Ainsi qu'on le voit, l'hypothèse que nous proposons diffère

à certains égards de l'application au cas particulier de la théo-

rie générale de la phagocytose, du moins telle qu'elle a été

autrefois comprise par M. Metchnikoff. Nous n'avons pu, en

effet, distinguer nulle part d'indices certains de l'action cyto-

phagedes phagocytes; mais il convient d'ajouter que M. Metch-

AncmvES, t. XXV. - 14

210 -- PATHOLOGIE NERVEUSE.

nikoff a modifié, comme déjà nous l'avons dit, sa manière de

voir, puisqu'il rend la prolifération nucléaire dépendante et

de l'impuissance nutritive du myoplasma et de la nutrition

exubérante du sarcoplasma.

HOSPICE DE la SALPÊTRIÈRE,' -' SERVICE DE M. CHARCOT.

SERVICE OTOLOGIQUE

années 1891-1892;

Par le Dr GELLÉ.

Le tableau publié à la fin de cette revue montre que la cli-

nique otologique a été' fréquentée cette année' par un grand

nombre de malades.1 Parmi les affections variées de l'appareil

et de la fonction de l'ouïe .qu'il 'nous a été donné d'observer, il

en est quelques-unes qui méritent' d'être signalées à l'atten-

tion, soit qu'elles offrent 'de l'intérêt par les difficultés d'un

diagnostic complexe, ou par une évolution spéciale, soit

qu'elles mettent en évidence la valeur séméiologique d'un

symptôme auriculaire, ou parce que le groupement des obser-

vations autorise certaines déductions pratiques au point de

vue du pronostic ou du traitement.

On remarque tout d'abord une forte diminution du nombre

des cas suraigus, des otites suppurées, et des mastoïdites; déci-

dément l'influence épidémique a été moindre; mais, par contre,

les otorrhées se présentent en quantité; c'est le reliquat de

l'an passé; les cas graves ont été mal ou banalement soi-

gnés en ville par les irrigations interminables dans le conduit,

les vésicatoires, etc., tandis qu'une incision tympanique ou des

incisions répétées auraient triomphé du mal en cinq semaines,

et évité les complications. C'est ainsi que les cellules mastoïdes

se prennent, suppurent, et nul traitement ne peut agir sur ce

diverticulum de l'oreille moyenne, s'il n'est dirigé vers

l'antrum par des mains expérimentées armées d'instruments

SERVICE OTOLOGIQUE 9-il

spéciaux. Pour moi, je crois devoir à l'emploi de ces soins et

de ces moyens l'absence complète de complications du côté de

l'apophyse et de trépanations depuis quinze ans, quand j'ai

pris à temps en main le traitement topique auquel je fais allu-

sion.

Si l'on embrasse l'ensemble des 810 observations récoltées

à la clinique de cette année à la Salpêtrière, on est vivement

frappé de constater des lésions otiques ou fonctionnelles des

plus graves chez des individus qui disent n'en avoir pas souf-

fert, et ne point s'en être aperçus ; et qui reçoivent même avec

un air de doute le diagnostic et le pronostic portés; tandis que,

chez d'autres sujets, les troubles auriculaires les plus persis-

tants, et la préoccupation la plus forte, reconnaissent pour

cause un léger eczéma, un amas de cerumen, une lésion insi-

gnifiante. Entre la lésion et ses manifestations, il y a l'homme

malade aussi ondoyant que divers.

On a dit avec raison que les aspects les plus anormaux du

tympan n'impliquaient nullement un égal désordre de la fonc-

tion auditive; on peut parallèlement ajouter que les troubles

subjectifs les plus terribles de l'ouïe ne prouvent pas l'existence

d'une lésion de l'appareil de transmission, de ce qui est trop

souvent regardé comme la partie principale de l'oreille, au

point de vue pathogénique. De même on apprend à la clinique

otologique à ne pas trop facilement conclure en l'absence'de

lésion objective qu'il n'y a pas de lésion auriculaire.

Loin des regards, l'oreille n'a-t-elle pas son appareil sen-

sitif, qui, d'un côté, touche à l'organe de transmission des sons,

et est relié de l'autre au système nerveux central ? C'est par

ces derniers liens que la pathologie auriculaire se rattache à la

pathologie du système nerveux. Ainsi le labyrinthe peut être

primitivement frappé ; ou bien consécutivement dans les affec-

tions de la caisse; enfin, en troisième lieu, dans les maladies

générales du système nerveux et de l'appareil cérébro-spinal.

Dans ces trois hypothèses, le labyrinthe a son mode réac-

tionnel propre, caractéristique. On ne trouvera de lésions que

dans le cas de propagation d'une otite moyenne ou d'une lésion

du rocher. L'expression des souffrances des nerfs labyrinthi-

ques est univoque. C'est un tableau symptomatique com-

plexe, mais qui donne une image reconnaissable entre toutes,

une impression toute particulière signalant l'unité d'origine :

c'est ce que j'appelle le labyrinthisme.

,)Il) pathologie nerveuse.

L'état de souffrance de l'oreille interne, que j'appelle du

nom synthétique de labyrinthisme, se manifeste par un groupe

de symptômes très nombreux; où l'on trouve réunis les bruits

d'oreilles les plus divers sous le rapport de la durée, de l'inten-

sité et de la nature; les troubles de l'équilibre les plus variés,

depuis le grand accès' de vertige, dit de Ménière, jusqu'à l'état

subvertigineux, qui ne reconnaît qu'un mode d'éveil, tantôt la

résolution la plus subite, tantôt une impulsion motrice invo-

lontaire, mais sans perte de connaissance ; les malades ne

perdant jamais conscience de leurs actes et de leurs souf-

frances ; la tendance aux lipothymies, les troubles de la vue,

des hallucinations de la vue, du toucher et du sens muscu-

laire ; des troubles vaso-moteurs évidents, de la migraine, des

angoisses et des terreurs au moindre ébranlement, un état

d'émotivité remarquable, d'anxiété pénible, avec une faiblesse

générale telle que le sujet se tient pendant des semaines cou-

ché ; des sueurs froides, des nausées, des crises, des vomisse-

ments ; de la surdité à tous ses degrés, subite ou tardive,

antécédente ou consécutive aux attaques, aux malaises; un

état de dépression mentale, d'incapacité intellectuelle, qui est

parfois le seul trouble observé, durable, et qui va jusqu'à la

prostration, jusqu'à l'hébétement. L'hypéresthésie, l'otalgie,

l'ouïe douloureuse, l'insomnie, le cauchemar en font partie ;

et tout cela peut céder, comme par enchantement, à la douche

d'air, et au sulfate de quinine, soit aux douches froides, etc.,

à l'extraction d'un polype, à l'ouverture d'un abcès, ou à

la raréfaction qui soulagent le labyrinthe. Les deux laby-

rinthes sont rarement atteints simultanément d'inflammation,

d'hémorrhagie, etc. (fièvres, dyscrasies, etc., exceptées), tandis

que dans les névropathies, la simultanéité et la bilatéralité des

troubles nerveux otiques sont fréquentes, et s'expliquent faci-

lement. Par contre, la fixité et la durée des phénomènes mor-

bides sont plutôt l'apanage de lésions limitées au labyrinthe,

et la variabilité et l'inégalité sont surtout remarquables dans

les troubles auriculaires liés aux grandes névroses.

On voit combien nous sommes loin de la simplicité du dia-

gnostic de la surdité nerveuse par exclusion. Aussi les troubles

otiques qui reconnaissent une origine nerveuse sont-ils aussi

fréquents qu'on les trouvait rares par la méthode d'élimination

ancienne.

Mais souvent les deux causes, l'une générale, prédisposante,

. SERVICE OTOLOGIQUE 213

et l'autre locale unilatérale, ou bilatérale, sont réunies et con-

courent à la même expression symptomatique qui devient pré-

dominante et caractéristique, l'intensité des symptômes n'était

pas en rapport avec la légèreté des lésions. Ces cas sont fort

nombreux ; et l'unilatéralité n'exclut pas l'intervention de l'élé-

ment névropathique.

L'an passé, nous avons à cette place décrit l'évolution des

crises neurasthéniques consécutives aux otites de l'influenza;

appuyé sur l'analyse d'un grand nombre de faits, nous avons

montré combien la connaissance des associations dont nous

parlons est importante pour démêler l'indication thérapeutique

nécessaire. C'est ainsi que nous avons plusieurs fois vu des

troubles subjectifs auriculaires tenaces, céder aux douches

froides, après avoir résisté aux meilleurs pansements de la

lésion locale. Nous avons vu ainsi rapidement s'amender, sur-

dité, vertiges, bourdonnements rebelles, douleurs, incapacité

intellectuelle, absences, etc., qui persistaient après l'otite sup-

purée ou non, tout avait été séché, cicatrisé, mais le labyrin-

thisme résistait. Né de la lésion voisine, il durait sous l'influence

de l'état neurasthénique créé par l'épidémie. L'observation

suivante est curieuse entre toutes à ce point de vue : '

UDSERVAT;ON CCLVIII du registre 1891-1892. (Résumé.) 7 fé-

vrier 1891. Aime IIéraud, trente-neuf ans, est toujours malade

depuis son attaque d'influenza dans laquelle ses deux oreilles ont

suppuré : la gauche coule encore. Cette dame ne répond pas si

elle ne voit pas parler.

111 = 3 centimètres à gauche; M = 10 centimètres à droite;

M B B sur le front et l'apophyse mastoïde à droite et à gauche;

D. V + à gauche, et non mobilisé par l'occlusion droite.

D. Vêtant bien perçu par l'air à droiteet à gauche. D. V moins fort

perçu queD à droite et à gauche. Après le nettoyage à sec : pres-

sions centripètes D/ tube = o ; D / os = o ; D/ or opposée = o.

Large perforation centrale à gauche, avec enfonçure du tympan;

et manche 'horizontal presque invisible à droite et à gauche. Oreille

droite sèche, rose pâle; caisse vide, sans fongosités; à gauche rou-

geurs et humidité au fond. En mars, tout est sec, rose pâle;

souffle sec par Valsalva. Affaiblissement général, suite de' cette

longue crise de douleurs, de suppuration et d'appréhension pour

l'avenir. 21 mars, l'audition n'a rieu gagné. Mais sous l'in-

fluence du vin arsénical et des gouttes amères de Baumé, relève-

ment des forces, bourdonnements moindres, la parole est à peine

entendue de face; à 10 centimètres du côté gauche; un peu mieux,

214 pathologie NERVEUSE.

un peu plus clairement après le Politzer associé à la raréfaction qui

redresse le tympan déprimé.

En mai, retour de l'écoulement léger, et la surdité revient

totale.

L'état général, au lieu de s'améliorer, s'aggrave rapidement ;

affaiblissement, prostration, insomnie, inappétence, incapacité de

travail de tête, de penser, inertie complète, faiblesse et surdité

croissantes. Tête lourde qui s'étourdit vite; sentiment de vague et

d'engourdissement des facultés. En mai, juin et juillet, j'ordonne

les douches froides quotidiennes, et le sirop de sulfate de strych-

nine.

On note assez régulièrement et assez vite un relèvement pro-

gressif des forces, le retour de l'appétit, du sommeil, de la gaieté

et l'amélioration très évidente, de l'ouïe. Les tympans sont plus

minces, moins enfoncés, la teinte générale est pâle rosée, à peine

un léger suintement par instants.

En septembre, l'audition est revenue telle que la malade reprend

ses travaux et ses forces sont à peu près normales. Elle continue les

douches et le sirop d'iodure de fer.

Les maladies du système nerveux, avec ou sans lésions

systématiques ou en foyer, retentissent sur l'appareil auditif,

qu'il soit sain ou malade, et davantage dans le dernier cas.

Les neurasthéniques, dont l'oreille est atteinte de sclérose con-

firmée, voient les crises de vertige apparaître, les bourdonne-

ments redoubler. Phénomène remarquable, leur surdité s'ac-

croit en même temps ; et la courbe de l'acuité auditive offre

des oscillations curieuses, d'un moment à l'autre, des dénivel-

lements qui concordent avec la marche des accidents d'as-

thénie nerveuse générale, avec leur progression ou leur dimi-

nution, et permettent de les enregistrer (Obs. CCXLII).

Observation CCXLII. - Femme, trente-deux ans. Oreille gauche

perdue; à l'oreille droite elle perçoit la montre à 35 centimètres

en janvier 1891 ; avec l'audiphone, la parole est nettement perçue

basse et vite. En mars suivant, je ne puis me faire entendre, rien

ne passe, ni parole, ni mieux avec l'audiphone. En juillet même

année, l'audition primitive se rétablit, tout renaît et l'état général

se relève. En janvier 1892, nouvelle éclypse des fonctions audi-

tives.

Les épileptiques ont souvent l'audition altérée à la suite de

leurs attaques. Féré a récemment repris ce sujet. Le n° 275

qui entendait naguère la montre à 50 centimètres de sa bonne

oreille, ne la perçoit plus aujourd'hui qu'à 3 centimètres après

SERVICE OTOLOGIQUE 215

un accès violent. On peut constater la surdité absolue après

la crise, si déjà une oreille était perdue.

Les hystériques sourdes peuvent voir l'audition raparaître

après la crise ; ou bien une oreille seule reste anesthésiée; ou

enfin l'affection change de côté et l'oreille la meilleure peut

devenir la pire.

Cette marche par à-coups, ces oscillations brusques sont

absolument caractéristiques des états névropathiques et il

m'est arrivé fréquemment dans la pratique de reconnaître une

neurasthénique à ces variations de l'acuité auditive, la lésion

auriculaire étant de sa nature immobile et fixe.

La cachexie exophtalmique s'accompagne quelquefois de

troubles auditifs, bourdonnements, battements, vertiges, et

cependant à l'exploration on peut ne [découvrir aucune lésion

ou une altération insignifiante des appareils de l'ouïe ; n'est-ce

qu'une anémie labyrinthique liée aux troubles vaso-moteurs ?

Observation CCLXXIV. (Résumé.) ! \lUe B..., vingt ans, bourdon-

nement, vertiges, battements, palpitations et gonflement, anémie

extrême, souffle carotidien modulé, pouls fréquent, exophtalmie

double, gros corps thyroïde.

M= à 65 centimètres à droite et à gauche. DV central mobile à

volonté par l'occlusion des oreilles. Pressions positives, réflexes

normaux, aération facile, aspect normal, pâleur générale des mu-

queuses, règles rares. '

Le soulagement a été obtenu par le traitement général (élec-

tricité, douches froides). Autre fait avec affaiblissement de

l'ouïe.

OBSERVATION CCCXXV. Exophtalmie double, doubla surdité crois-

sante, oreilles saines. mime D., trente-quatre ans, maigre, fatiguée,

trois enfants, faiblesse générale, palpitation fréquente, battements

carotidiens; corps thyroïde énorme; se plaint de surdité graduelle-

ment plus forte surtout depuis quelques semaines, léger tremble-

ment général; pas d'oedème, point décote très habituel sur le sien.

Sueurs faciles, souffle ronflant, vibrant au premier temps, pâleur

très accusée des muqueuses buccales et pharyngées.

M = 2 centimètres à droite, M = 3 centimètres à gauche, M = B

sur le front et l'apophyse mastoïde, à droite et à gauche, aération

de la caisse facile à droite et à gauche.

Pressions centripètes positives des deux côtés : D/ tube = B,

D/ or. - B, D/ oreille opposée = B, c'est-à-dire réflexes intacts,

D.V. central. Tympans normaux et mobiles sur les yeux, mem-

brane et marteau.

216 pathologie nerveuse.

De cet examen il résulte que la surdité n'a pas sa cause

dans une lésion objective ; or, elle est bilatérale, et très forte.

La parole est cependant entendue de près sans effort ni faute;

mais la voix confidentielle et celle de conversation ordinaire

sont mal perçues; il faut une phrase courte, dite à haute voix.

Mais ce n'est pas seulement par suite de ses rapports avec le

système nerveux central que l'appareil percepteur des sons

réagit d'une façon anormale, cause les phénomènes subjectifs

déjà énumérés.

Ces troubles fonctionnels otiques s'observent encore chez

les malades épuisées par des grossesses répétées, l'allaitement

trop prolongé, les pertes sanguines, les diarrhées continues;

s'il y a lésion de l'organe auditif les désordres sous l'influence

de ces causes déprimantes s'accroissent outre mesure. L'OB-

SERVATIO1V CCLXV en est un exemple.

Observation CCLXV. 28 février 1891. Mue M. Aline, quarante-

sept ans, sourde à crier, fait répéter toute question; soignée il y a

six ans pour une affection douloureuse de la matrice : elle a son

oreille gauche absolument perdue; n'a jamais eu de douleurs d'o-

reille, mais des bourdonnements avec battements.

En 1889, un grand vertige, depuis deux ans et plus, maux d'es-

tomac et diarrhée continue, maux de fête; état amélioré par le

Dr Tapret, au moyen du régime lacté.

Depuis novembre dernier (1890), accès de vertiges avec me-

nace de chute; tournoiement, nausées sans perte de connaissance ;

mal de tête constant au-dessus des yeux; si elle fixe, la vue se

trouble, il y a des points noirs sur ce qu'elle regarde, elle ne peut

lire ni coudre. Elle est régulièrement menstruée, urines normale ?

Le vertige vient au moindre mouvement des yeux, de la tête;

elle a dû garder le lit très souvent etlongtemps depuis deux ans.

Même au lit ou renversant la tête, tout tourne. M = 3 centimètres

à droite et non perçue sur le crâne.

DV -l- à gauche, mais mal senti. Diapason plus perçu par l'air

que sur le vertex à droite et à gauche : tympans mobiles avec le

seigle ainsi que le manche du marteau; pressions positives à

droite et à gauche.

Réflexes excellents ; D/ or. opposée = il, droiteet gauche. Pas

de vertige provoqué, neurasthénie évidente, oreilles saines ou à

peine atteintes, la trompe gauche peu perméable, rien à la gorge

ni dans les fosses nasales. - Réponses intelligentes.

Traitement par les douches froides suivi d'une excellente amé-

lioration de l'état général, de la disparition des battements, des

vertiges et du retour d'une audition et d'une capacité visuelle suffi-

service OTOLOGIQUE 217

santés ; fait chaque jour la douche d'air' dès la première semaine

du traitement.

Les troubles subjectifs de l'ouïe s'observent encore dans les

divers états dyscrasiques, cachectiques (albuminurie, diabète,

etc.), assez souvent ils reconnaissent pour origine l'hyperten-

sion vasculaire au début de l'artério-sclérose et des affections

cardiaques, rénales et cérébrales de nature scléreuse, et de

même à la période d'hypertension, au moment de l'asystolie

et de l'anémie cérébrale.

Il est à remarquer que ces troubles vertigineux, ces bour-

donnements sont fréquemment suivis de chute à terre dans

ces cas. L'amélioration rapide que l'on obtient ici par le ré-

gime lacté sévère au début, par les iodures et par la digitale à

la fin, montre l'utilité du diagnostic étiologique.

Je compte 12 à 15 de ces cas par année à la clinique, en-

voyés comme atteints de vertiges de Ménière, soit pour leurs

bourdonnements, offrant ou non des lésions chroniques sclé-

reuses des oreilles, peu faciles à modifier, et que le traitement

général susdit soulage d'une façon très évidente, quand on

sait discerner à quelle période d'hypertension ou d'hypoten-

sion en est le maladie. Le traitement quinique suffit encore

dans le premier cas. Les affections utérines ont aussi de sé-

rieux contre-coups sur les oreilles, et ramènent toute la symp-

tomatologie du labyrinthisme et de la neurasthénie. Les moin-

dres troubles congestifs de la tête retentissent vivement sur

les nerfs de l'oreille interne, qu'ils soient dus à une rhinite,

ou à toute autre cause de fluxion sanguine; l'irritation simple

du conduit suffit chez certains individus (clou, bouchon de

cire, blessure).

Certaines observations montrent excellemment la dualité

des causes de persistance, et de retour des troubles subjectifs

si énervants et si tenaces (bourdonnements et vertiges) dans

les affections auriculaires les plus franches et les surdités les

plus caractérisées, quand sous l'influence du traitement on

voit peu à peu l'acuité auditive redevenir normale et étendue,

même alors que cependant certains symptômes auditifs per-

sistent et progressent, entretenus par un état neurasthénique,

soit par une affection utérine ou par toute autre cause d'affai-

blissement général de l'économie. L'Observation CCLXXVI

en est un type très instructif et très suggestif à ce point de'

vue.

218 8 pathologie NERVEUSE.

Observation CCLXXVI. 14 mars 1891. (Résumé.) - Mme Gris...,

trente-cinq ans, dit avoir une bonne audition, mais souffre de ver-

tiges avec tendance à tourner à droite, depuis l'influenza de l'an

dernier (hiver 1890).

Depuis le le, mars, elle est plus malade; mal de tête continuel,

pas de bourdonnements,. mais crises de tournoiement qui se répè-

tent plusieurs fois dans la journée.

Femme nerveuse, impressionnable, émotive, craintive, mais non

affaiblie ; elle répond très bien aux questions, ne fait pas répéter,

n'hésite jamais dans ses réponses, elle entend la voix murmurée

autant à droite qu'à gauche et M = à plus de 50 centimètres à

droite, D. V. central.' M. Bien perçue sur le crâne à droite et à

gauche. : ' 1

A droite, pressions centripètes positives, D/ tube = B, D/ os. = B,

mais D/ or opposé = 0, pas de réflexe. Pas de vertige provoqué

par les pressions. Mobilité entière de la cloison et du manche du

marteau. A gauche, les pressions sont également positives, et de

même l'accommodation binauriculaire est nulle, le réflexe est perdu.

Pas de vertiges après l'épreuve. Opacité du fond, trompe imper-

méable de ce côté. Mobilité très étendue, anormale avec retour vers

le fond de la cloison en relâchement évident.

Cette altération du tissu tympanique est la condition principale

des compressions et chocs labyrinthiques et de leurs retours

tenaces. C'est le résultat de l'affection otique du commencement de

l'année dernière. Autre condition, l'aération-de la caisse est diffi-

cile à gauche par le Politzer, cependant il n'existe pas d'adhé-

rence. ,

La malade est soumise au traitement par le sulfate de quinine

et aux insufflations d'air de Politzer.

21 mars, Le Politzer a redressé peu à peu la cloison et l'audi-

tion de la M. atteint 40 centimètres à gauche. Le malade a remar-

qué que toujours ses vcrtiges sont plus fréquents et tenaces au

moment des règles. Elle n'en a eu qu'un seul cette semaine et se

sent bien plus sûre dans la marche.

4 avril. Légère sensation de tournoiement fugace dans les

mouvements brusques de la tête en arrière, rien de plus; la ma-

lade se trouve forte et solide.

11. Menstrues abondantes, avec caillots et très douloureuses;

léger suboedème des paupières, bouffissure de la face, abaissement

des forces, cerveau faible, faiblesses, vertiges à tomber, titubation,

bourdonnements d'oreilles et sueurs froides, les jambes se dérobent,

la vue se trouble.

La raréfaction douce redresse aussitôt le tympan, très excavé à

nouveau, pour lever .la compression de l'étrier, mais étourdit la

malade; le Politzer a été fait dans le même moment. L'audition

SERVICE OTOLOGIQUE 219

est excellente, la montre est entendue à 1 mètre, et plus à droite

et à gauche. La quinine est reprise, mais reste insuffisante; un état

utérin (pertes, écoulements, douleurs, etc.) très sérieux s'est dé-

claré et exige un traitement particulier ;'la malade entre à l'hô-

pital.

Il est curieux de constater dans ce cas que la neurasthénie a

reparu sous l'influence de la maladie utérine, et des pertes ;

et que le cachet -labyrinthique reste évident. Mais l'appareil

de conduction et la fonction auditive n'avaient pas gardé leur

état normal. L'otite ancienne a laissé ici un point faible irri-

table, le labyrinthe, l'expansion de l'acoustique, et un relâ-

chement du tympan, cause occasionnelle d'irritation.

L'hypéresthésie du labyrinthe à la suite des affections de

l'oreille est un fait démontré, et elle persiste longtemps ; ainsi

il a été possible au Dr Gradenigo de reconnaître de vieilles

lésions otiques oubliées au moyen du courant électrique, qui

ne provoque le bourdonnement que dans l'organe altéré ;

beaucoup de sourds ont une sensibilité exagérée au bruit.

Quant à l'hypéresthésie nerveuse, elle est aussi connue. Tout

récemment nous constations ce fait curieux; le D1' V... était

latéralisé du côté droit qui entend le mieux, bien que l'autre

oreille perçoive la montre à 20 centimètres. De même une

autre personne percevait la montre à 18 à 8S centimètres d'une

oreille, où la sensation du'diapason lui était absolument dou-

loureuse : il y avait du reste du même côté d'autres signes

d'hypéresthésie. Chez les hystériques, quelquefois l'oreille de-

vient un foyer hystérogène; un bruit intense, on le sait, suffit

à les rendre cataleptiques ; et tout cela peut exister sans

lésion. Cependant quand on suit les malades, on s'aperçoit que

bien des vertiges, diagnostiqués neurasthéniques au début,

ont abouti à la surdité uni ou bilatérale, dont ils étaient les

signes avant-coureurs ; mais au début, il n'y avait aucun signe

objectif. J'ai déjà dit que ces états d'éréthisme sont fréquem-

ment des signes prémonitoires de la surdité par sclérose, plus

ou moins rapide. Ces états spasmodiques, véritables névroses

labyrinthiques s'expliquent naturellement quand ils accom-

pagnent une affection de l'oreille moyenne manifeste; on a

plutôt tendance à tout rapporter à la maladie constatée et à à

négliger l'affection du labyrinthe. On les reconnaît comme

otiques à leur allure bien caractéristique, quand la lésion est

labyrinthique d'emblée, s'il y a surdité; mais il y a plus de

220 0 pathologie nerveuse.

difficulté à ne pas les confondre avec les troubles nerveux

généraux, quand l'oreille est restée en apparence saine dans

ses parties accessibles.

Il faut cependant encore attribuer à une affection de l'oreille

interne l'ensemble des troubles subjectifs observés, et leur

reconnaître une origine auriculaire, malgré la conservation

de l'ouïe, avec ou sans hypéracousie, dans les cas où le vertige

est bien évidemment du type dit de Ménière.

La malade n° 286 est un cas de ces névroses labyrinthi-

ques associées à tous les états de souffrance de la neuras-

thénie, l'ouïe restant encore excellente. A ce propos, il faut

remarquer qu'on ignore si cette acuité auditive n'était pas

auparavant très supérieure. Cette dame a perdu ses forces et

vu commencer ses malaises il y a deux ans et demi, au mo-

ment où elle nourrissait. Cela débuta par un accès de vertige

de Ménière avec chute dans la rue sans perte de connaissance.

Elle est bien plus souffrante aux époques menstruelles ; elle

offre ceci de remarquable que son ouïe est excellente, et qu'il

n'y a pas de bourdonnements auriculaires; mais l'ouïe peut

s'altérer graduellement et lentement en ce cas. La montre est

perçue à 60 centimètres à droite et à gauche; les mouvements

des tympans et des étriers sont normaux ; les réflexes aussi.

C'est une émotive, et une épuisée dont tous les centres ner-

veux sont en état de souffrance. Un traitement général, les

prises classiques et les douches froides l'ont rapidement amé-

liorée. J'ai déjà donné plusieurs faits de même ordre. Cette

année, il est passé également sous nos yeux un certain

nombre de cas de surdité dues à des lésions cérébrales ou intra-

crâniennes. Ils ont pour la plupart un grand intérêt d'étude

surtout. Je citerai le fait suivant qui met bien en relief la va-

leur des signes auriculaires au point de vue de la localisation

de la lésion dans les centres nerveux.

Observation CCCLIII. (Résumé.) F. Mo... trente-cinq ans, il

y a quinze mois, attaque subite, hémiplégie droite et paralysie

faciale gauche.

Aujourd'hui sa face est normale, mais elle traîne encore la jambe

droite ; l'oreille gauche est restée sourde depuis lors et bourdonne

légèrement.

D. V. mal perçu, D. posé sur l'apophyse mastoïde de droite, assez

bien senti et non mobilisé par l'occlusion gauche. M et diapason

non perçus par l'oreille gauche, diapason mastoïde non plus à

gauche. Pressions centripètes positives à droite et nulles à gauche.

SERVICE OTOLOGIQUE 221

Aucune action des pressions exercées à l'oreille gauche sur l'audi-

tion droite R = 0. M et diapason bien entendus à droite ;

M = 8 centimètres à droite. Cependant la parole est assez facile-

ment entendue sans effort et sans faire répéter à distance ordinaire

de la conversation. Le Politzer passe très bien sans aucune amé-

lioration ni à droite ni à gauche.

Au point de vue de la séméiotique, j'insiste sur la valeur de

cette perte du réflexe optique. R = 0, de l'action synergique

de l'oreille gauche (sourde) sur la droite. Evidemment cela

indique que le siège de la lésion cause de surdité gauche n'est

pas central; ce n'est pas une lésion du foyer sensoriel : nous

savons que dans l'hémi-surdité hystérique entre autres les

réflexes de l'accommodation binauriculaire fonctionnent nor-

malement, et qu'on atténue la sensation perçue du côté sain

en agissant par pression sur le côté sourd. Or, ici, ce réflexe

est perdu ; il y a donc autre chose ; c'est sur le trajet des con-

ducteurs des actes réflexes que se trouve sans doute la lésion;

et probablement au niveau de la protubérance ainsi que la

paralysie croisée l'indique déjà.

CLINIQUE OTOLOGIQUE ANNEXE

STATISTIQUE 1891-1892.

222 pathologie NERVEUSE.

SERVICE OTOLOGIQUE 223

RECUEIL DE FAITS

GANGRÈNE DE LA LEVRE PAR SUCCION

CHEZ UN PARALYTIQUE GENERAL';

Par le Dr Cu. VALLON, z '

Médecin de l'asile d'aliénés de Villejuif..

Le nommé B... est atteint de paralysie générale à la dernière

période : complètement dément, gâteux, il ne quitte plus le

lit; un soir vers huit heures, on s'aperçoit que sa lèvre infé-

rieure est prise et fortement serrée entre les arcades dentaires,

alors qu'à quatre heures et demi, Heure du diner, il n'existait

rien de semblable. L'interne de garde arrive aussitôt ; à l'aide

du manche d'une cuiller il écarte les mâchoires et dégage la

lèvre; celle-ci est très tuméfiée, violacée, noirâtre par places.

La figure 18 donne une idée de l'état de la lèvre à ce mo-

ment, mais une idée incomplète, car elle n'a été prise que le

lendemain, alors que la tuméfaction avait déjà diminué.

Que s'était-il passé ? Mon malade qui, les jours précédents,

faisait des mouvements continuels de succion était arrivé par

une succion plus énergique à faire passer sa lèvre inférieure

entre les arcades dentaires et, en continuant les mêmes mou-

vements, à produire dans la partie un afflux abondant de sang

et par suite un gonflement considérable. La grande richesse

vasculaire de la lèvre inférieure explique et le degré de tumé-

faction et sa rapidité.

L'introduction de la lèvre entre les arcades dentaires avait

du reste été favorisée par un léger degré de prognathisme

supérieur; la mâchoire supérieure avançant sur la mâchoire

inférieure laissait un certain espace libre entre la face posté-

rieure de l'arcade dentaire supérieure et la face antérieure de

l'arcade dentaire inférieure.

1 Extrait d'une communication faite à la Société de médecine légale de

France, séance du 11 juillet 1892.

gangrène DE la lèvre par SUCCION. 22S

La succion continuant et par suite la tuméfaction augmen-

tant, la lèvre inférieure s'était bientôt trouvée comprimée entre

les parties dures environnantes ; la circulation avait fini par

s'arrêter et la gangrène s'était produite.

La compression avait dû être énergique ; car, s'il en avait

été autrement, au moment où la lèvre a été dégagée, la circu-

lation se serait bien vite rétablie dans une région aussi riche

en vaisseaux que la lèvre.

Les suites de l'accident furent simples. En peu de temps il

s'établit autour de la partie gangrenée un sillon d'élimination

et huit jours après la plus grande partie de la lèvre inférieure

pouvait être détachée d'une pièce. La figure 19 représente l'as-

pect de la lèvre à ce moment.

On voit qu'il existe une perte de substance assez considé-

Anciuvus, L. XXV. iq

Fig. 18.

226 recueil' DE faits. '

rable à la partie médiane intéressant plus de la moitié de

l'organe et laissant voir les incisives de la mâchoire inférieure;

la plaie est à bords courbes et naturellement la concavité est

tournée en haut.

La perte de substance s'est réparée rapidement ainsi que

cela se voit d'habitude chez les paralytiques généraux, même

tout à fait à la dernière période de la maladie.

La figure 20, prise trois semaines après l'accident, permet

de constater que la plaie est très bien cicatrisée, il n'en reste

pour ainsi dire pas de traces : l'ouverture buccale est simple-

ment un peu rétrécie.

Le malade n'est mort que plusieurs mois plus tard des pro-

grès de la paralysie générale dont il était atteint.

Ce fait est un exemple des nombreuses mutilations que

Fig. 19.

gangrène DE la lèvre par succion. 227

peuvent se faire les paralytiques généraux par la répétition de

mouvements automatiques; il est tout à fait exceptionnel, si

j'en juge par les quelques recherches bibliographiques que

j'ai faites; nulle part en effet même dans les traités de chi-

rurgie les plus récents, je n'ai trouvé signalé de cas de plaie

des lèvres produites suivant le mécanisme que je viens d'indi-

quer.

Fig. 20.

228 8 recueil de faits.

IDIOTIE CONGÉNITALE; ATROPHIE CÉRÉBRALE;

TICS NOMBREUX;

Par BOURNEVILLE et NOIR.

Sommaire. Père, céphalalgies, coléreux, rhumatismes, accidents

cérébraux, alcoolique. Grand-père paternel, calculeux. More,

rhumatisante, migraineuse. Gra2zd'mèra maternelle, migraineuse.

Aïeul maternel, diabétique ( ? ). Oncle maternel, mort de conges-

tion cérébrale. - Cousin germain, mort de convulsions. Soell1', con-

vulsions de l'enfance. - Autre saur, morte de convulsions .

Conception durant l'ivresse. Naissance à 7 mois; absence

d'ongles. Convulsions à 2 mois. - Chorée ( ? ) de 4 à G ans.

Tics multiples. Parole nulle. Marche à 2 ans et demi.

Ros... (Augusle), né à Paris le 27 septembre 1873, est entré à Bicêlre

le 14 mars 1887 (service de M. BoURNEVILLE).

Antécédents {Renseignements fournis par sa mère, le 28 mars 1887).

Père, cinquante et un ans, sculpteur sur bois, homme vif, em-

porté, sujet à de fréquentes céphalalgies accompagnées d'épistaxis.

Rhumatisant depuis la guerre, il fut pris en 1873 après la naissance

de l'enfant d'accidents articulaires avec fièvre qui s'accompagnèrent

de phénomènes cérébraux graves (délire, perte de la connaissance

durant vingt-quatre heures). Celte affection avait été précédée du-

rant plusieurs jours d'un état mental tout particulier et bizarre.

« Il s'arrêtait sur les trottoirs et parlait à toutes les personnes

qu'il rencontrait. » Depuis il ne fut pris d'aucun accident nerveux.

Il n'a jamais été atteint de dermatoses et ne présente pas de traces

de syphilis. Sobre actuellement, il s'enivrait fréquemment à l'é-

poque de la conception de l'enfant. il n'use pas de tabac. [Père

sobre, mort à soixante et onze ans, de la suite de l'opération

de la pierre qu'on exécutait sur lui pour la seconde fois. Mère,

non nerveuse, morte à vingt-quatre ans, d'une affection pul-

monaire à la suite de sa quatrième couche. Dans le reste de

la famille du père, aucune autre affection psychique, nerveuse,

arthritique, etc.]

Mère, cinquante ans, ménagère, femme forte, paraissant douée

d'une intelligence moyenne, elle a eu de légères atteintes de rhu-

matisme chronique aux poignets et des migraines assez fréquentes

survenant surtout le matin, s'accompagnant de scotomes, de nau-

idiotie congénitale. 229

sées et de vomissements. Elle est très sobre, ne porte pas de traces

de syphilis, est vive, nerveuse sans avoir jamais eu de crises, ni

d'accidents nerveux d'aucune sorte. [Père robuste, sobre, d'ha-

tude bien portant, est mort à soixante-dix ans de pneumonie.

Mère morte à cinquante-neuf ans avec de l'ictère, aurait contracté

sa maladie ultime à la suite d'une peur que lui aurait faite un fou

qui menaçait de la tuer ( ? ). Elle était aussi migraineuse. 3 frères

dont un mort à treize ans de « congestion cérébrale accompagnée

de convulsions ». Cette maladie aurait duré deux jours. La grand'-

mère maternelle morte assez âgée à la suite d'une fracture de jambe

aurait été extravagante, « Elle était comme un homme, . - Le

grand-père pale1'1lel paraît avoir été diabétique. La grand'mère

maternelle est morte « asthmatique z Dans le reste de la famille

de la mère, rien d'intéressant, à part cela, à signaler.

Fig. 21. - Ros... en robe de gâteux (avril 1887).

230 RECUEIL de faits.

Pas de consanguinité (père originaire d'Italie, mère franc-

comtoise). L'inégalité d'âge des deux époux est d'un an.

7 enfants, 6 sont vivanls à l'heure actuelle : 1° une fille (vingt-

sept ans), n'ayant jamais eu d'accidents nerveux, ni de convulsions,

toujours bien portante. D'un caractère gai et vif, parfois emporté

elle est mariée et a eu 2 filles, une de ces dernières est morte en

ayant des convulsions, l'autre a toujours joui d'une bonne santé,

est bien portante et intelligente; - 2° une fille (vingt-six ans),

ayant eu à onze mois une seule fois des crises convulsives il l'époque

de la dentition. Celte fille, saine de corps et d'esprit bien qu'un

peu excitable, a eu 4 enfants, 2 de ces derniers .sont morts en bas

âge, les 2 autres sont bien portants, aucun n'a eu de convulsions;

Fig. 22. Ros... devenu propre et mis en pantalon.

idiotie congénitale. 231

3° Un garçon (vingt-quatre ans),sobre et intelligent, n'a jamais eu

de convulsions; 4° une fille morte à onze mois de méningite avec

de nombreuses crises convulsives ; - 5° un garçon de dix-neuf ans,

sobre, sans accidents nerveux ; Go 6° une fille de dix-septans, sans

accidents nerveux, bien que nourrie pendant le siège; z notre

malade.

Notre malade. z l'époque de la conception, le mari se livrait à

des excès alcooliques très fréquents, et la mère est persuadée que

l'enfant a été conçu durant l'ivresse. - La grossesse fut acciden-

tée. La mère s'exposait fréquemment au froid, passant les nuits à la

recherche de son mari, dans le but de l'arracher aux excitations

des mauvais camarades et d'empêcher dans la mesure du possible

ses excès alcooliques. Elle prit alors froid, eut de l'oedème des

jambes. Un médecin qui l'examina prétendit qu'elle était atteinte

d'hydramnios. Elle n'eut néanmoins aucune crise syncopale, ni

Fig. 23.

232 RECUEIL DE faits.

éclamptique, ne reçut pas de coups, ne fit pas de chute, ne fut

sujette ni aux vomissements, ni aux frayeurs, ni aux envies. -

L'accouchement eut lieu prématurément, à sept mois. Il fut long, dif-

ficile, sans nécessiter pourtant ni l'anesthésie, ni l'emploi du for-

ceps. La rupture de la poche des eaux. s'accompagna d'un épan-

chement de sérosité considérable. L'enfant, ci la naissance, était

tout petit, il n'était pas asphyxié; n'avaitpas de circulaires autour du

cou. On remarqua qu'il n'avait pas d'ongles et -qu'il avait les yeux

malades; cette affection guérit-au bout de deux mois. A six

semaines, les ongles commencèrent à pousser. Il fut pris à deux

mois de convulsions très courtes et très rapides, se manifestantpar

de la cyanose, des grimaces de la face et des mouvements couvul-

sifs des memhres sans prédominance d'un côté. Depuis, il n'a pas

eu d'autres accidents convulsifs. - Première dent à cinq mois. Den-

7 ? 2 î.

idiotie congénitale : TICS. 233 3

tition longue à se compléter. Début de la parole à onze mois; n'a

jamais pu dire que « maman ». Rougeole et variole à deux ans.

Coqueluche plusieurs fois ( ? ) durant son enfance.

De quatre à six ans, l'enfant aurait présenté des mouvements cho-

réiformes dans les membres, tant à droite qu'à gauche. C'est après

la disparition de cette chorée ( ? ) que sont survenus chez lui les

troubles bizarres que nous observons aujourd.hui et qui ont très

peu varie. Ces troubles, d'après sa mère, consistent en un besoin

fréquent de mouvements. Depuis l'âge de deux ans et demi, il sait

marcher et depuis six ans il court constamment, ne peut rester en

place et tourne fréquemment sur ' lui-même. Il reconnaît ses

parents, mais est dans un état intellectuel des plus bas. Gâteux

jour et nuit, il ne peut se laver, ni s'habiller, cependant il se prête et

aide un peu à cette dernière opération. 11 a toujours été incapable

Fi ? 25.

234 recueil DE faits.

de recevoir la moindre éducation. Sans cesse en mouvement, il passe

parfois des heures à s'amuser avec un objet quelconque, un morceau

de bois par exemple (fig. 21).

Etat du malade (19 mars 1887). Tête : crâne pointu en pain de

sucre. Front fuyant. Asymétrie notable. Dépression prononcée des

régions frontales et pariétales droites. Occiput peu saillant. - Face

ovale, physionomie stupide.' Arcades sonrcilières déprimées, sour-

cils châtain clair. Yeux : strabisme interne double, surtout

accusé à droite. Iris brun, pupilles égales, moyennement dila-

tées, à réactions normales. Ne ? moyen, épaté à la base.

Bouche moyenne. Lèvres assez volumineuses. Oreilles longues et

larges, écartées du. crâne à leur partie supérieure. L'ourlet n'est

pas très bien conformé surtout à droite, il est déchiré à sa partie

supérieure et présente un tubercule. Le lobule est peu développé et

adhérent à gauche.

Fi ! ). ` ? G.

idiotie congénitale. 235

Thorax bien conformé ainsi que les membres supérieurs et infé-

rieurs. Aucun signe de rachitisme. Le dos des mains présente des

durillons arrondis limités par des bords latéraux très saillants, dus

à des morsures répétées qu'il se fait sur les mains.

Les aisselles sont entièrement glabres. Le pénil présente quel-

ques poils clairsemés et bruns. La verge a une longueur de

8 centimètres et une circonférence de 8 cent. 5. Phimosis; cepen-

dant le gland est découvrable. Le méat est normal. Testicules du

volume d'un oeuf de passereau, le droit est légèrement moins

volumineux que le gauche.

Sensibilité générale au tact, à la douleur, à la température assez

développée. Goût : Ros... aime le sucre, mais n'éprouve pas de

dégoût pour la teinture de coloquinte. ]/ odorat, l'ouïe, paraissent

normaux. L'examen de la vue est impossible.

2 27.

236 RECUEIL DE faits.

Description des tics. - {Mars 1888.) L'enfant exécute un cou

tinuel froncement de sourcils avec des grimaces de la bouche dont

il abaisse les commissures en poussant un petit grognement avec

les lèvres et la langue. Lorsqu'il est en colère, il prend un air pleu-

reur. Calme, il regarde autour de lui avec une physionomie

hébétée. Il a peur et se met à crier dès qu'on l'approche ou qu'on

lui parle. Il fait avec les doigts des mouvements bizarres et incohé-

rents. Dans la marche, il traîne toujours le pied gauche et tourne

plusieurs fois sur lui-même lorsqu'il veut avancer.. Son état intel-

lectuel est très bas. Il ne parle pas, comprend peu, est d'une istn-

bilité extraordinaire, entre parfois en colère et se mord furieuse-

ment le dos des mains. ' . ,

1888. Juillet. Pas de modification notable de son état. Déve-

loppement physique peu accentué. Léger duvet aux extrémités de

Fiv. 28.

idiotie congénitale. 237

la lèvre supérieure, aisselles glabres, poils assez abondants au pénil

et à la racine des bourses, verge : long. 7 cent., cire. 8 cent., testi-

cules du volume d'un oeuf de moineau.

1880. Mars. - L'enfant présente à cette époque des plaques à la

bouche et à l'anus' avec des adénites cervicales et sous-maxillaires.

Aucune trace d'accident primitif; pas de roséole. Une enquête à

son égard ne donne lieu à aucun résultat. Le développement phy-

sique de l'enfant s'est accentué, la verge a conservé le même

volume, mais les testicules sont de la grosseur d'un oeuf de pigeon.

1890. Juillet. - Son état intellectuel n'est pas sensiblement

modifié. Ses tics conservent les mêmes caractères, il est sujet à

de violents accès de colère contre ses camarades et les infirmiers.

Il se livre à l'onanisme. Le système pileux est assez développé aux

Raisselles et à la région anale. IL. passe à la grande école.

Fig. 29.

238 recueil DE faits.

Décembre. - Noies de l'école. - Phvsionomie douce, yeux à demi

fermés. Il marche en sautant, traînant le pied gauche et tournant

souvent sur lui-même de gauche à droite. Il met fréquemment ses

mains sur ses oreilles. Il connaît bien sa place en classe. Il ne parle

pas. S'il est contrarié, il crie « maman » d'une voix plaintive, res-

pire fortement et se pelotonne, cherchant il se rapetisser. Il est for t

craintif. A son entrée à l'école, il était violent, criait, gâtait et se

masturbait continuellement. Au bout de quelques semaines, son

état s'est amélioré, il sourit, obéit à quelques ordres (fermer la

porte, ramasser du papier, etc.). Il a la manie de couper du papier

en petits morceaux et de frotter les murs et les meubles comme

s'il voulait les nettoyer. Il connaît les diverses parties de son corps,

mais ne distingue pas le côté droit du gauche. Il n'a aucune ins-

truction,.mais parvient à classer les figures géométriques en bois

Fig. 30.

idiotie congénitale : TICS. 239

et colorées sur les images correspondantes. 11 reconnaît sa mère,

mais n'est pas très affectueux.

1891. Juin. Pas d'amélioration, toujours même instabilité et

mêmes manies. Ses notes d'école présentent une seule particularité

intéressante, c'est l'amour de cet idiot pour la symétrie. Il aligne

les bancs inégalement distants, met par ordre de volume les boules

qui servent à son éducation. Au point de vue de la puberté, le dé-

veloppement s'est accentué, quelques poils apparaissent aux joues

et à l'extrémité du menton, les poils sont abondants aux aisselles.

Les testicules sont du volume d'un noyau de pêche; la verge est

hien développée. Il se masturbe toujours cyniquement. Il ne parle

pas et ne semble avoir fait aucun progrès (fig, 22).

1892. Avril. Outre ce que nous avons observé, R... exécute

Fig. 31.

240 recueil DE faits.

de temps à autre de véritables valses. Il incline la tête à droite ou

il gauche et tourne avec une très grande rapidité et cela parfois

deux minutes en faisant environ soixante tours par minute. Les

derniers tours sont encore plus rapides, après il ne paraît pas,

étourdi, s'assied ensuite la tête entre les genoux, puis recommence

et cela parfois durant des heures. Sa mère explique ce tic singulier

par ce fait que plusieurs personnes venaient parfois danser chez elle

et qu'il cherchait à les imiter. 'il écarte souvent les jambes et arrive

ainsi à faire le grand écart.

Au réfectoire, il ne se sert jamais de cuillère, ni de fourchette,

lèche les assiettes, même la table, est gourmand. Le repas terminé,

il débarrasse la table de la vaisselle et la porte à l'office. Au dor-

toir, il ferme toutes les portes, frotte son lit, le parquet elle mur,

avance en tournoyant, se déshabille lorsqu'on le lui ordonne, passe

sa nuit assis sur le lit en grognant. Il ne gâte jamais. Il s'habille

lui-même, mais on doit le débarbouiller.

Fig.'132.

idiotie congénitale : TICS. 241

Actuellement, sous le rapport de la puberté, il est bien développé :

un fin duvet recouvre sa lèvre supérieure, quelques poils ont poussé

aux aisselles, le pénil est garni de poils noirs abondants et frisés.

La région anale est normale et garnie de poils comme le périnée.

La verge est assez volumineuse (longueur, 11 centimètres; circonfé-

rence, 8 centim. 5), le gland conique. Les testicules sont de la

srosseur d'un oeuf de pigeon, le gauche paraît un peu plus gros que

le droit. - Ros... passe aux aliénés adultes (5e division, Ire section,

service de M. le D1' Charpentier), le 29 avril 1892.

Voici la description, à cette date, des tics multiples qu'il présente.

Ros... commence par grincer des dents, en faisant des contor-

sions des doigts comparables aux mouvements de l'athétose

(fit. 23 et 24). Il remue lentement les mains demi-fermées comme

pour attraper une mouche, puis 'met ses doigts les uns sur les

Archives, t. XXV. 1G

, Fig. 33.

242 RECUEIL DE FAITS.

autres, de façon que l'extrémité du petit doigt et des suivants

jusqu'à l'index touche l'articulation métacarpo-phalangienne des

doitgs suivants. Il parvient à faire ce mouvement compliqué sans

se servir de la main opposée. Il ne tarde pas alors à se pencher

à terre, faisant de petits sauts et grinçant toujours des dents. Il

fait vibrer ses lèvres (fit. 25), et produit des bruils de cornage

particuliers. Pendant un instant il se balance avec des mouvements

de rotation de la fête et présente une posture que l'on ne saurait

mieux comparer qu'à celle observée souvent chez les ours du Jardin

des Plantes.

Peu après, il se campe sur ses jambes écartées ; le torse rejeté

en arrière, la tête légèrement baissée et tendue en avant, il regarde

avec fixité, les yeux dans un léger strabisme convergent (fig. 26, 27).

Fig. 31.

IDIOTIE CONGÉNITALE : TICS. 21, z-1)

1,'iy. 36.

Fig. 36.

244 RECUEIL DE FAITS.

il met alors la main droite dans la poche de son pantalon, laisse

flotter l'autre le long de sa cuisse gauche, détourne la tête avec

une expression de dédain et de suprême indifférence. Les vibra-

tions de ses lèvres légèrement propulsées en avant, ajoutent encore

à cette expression.)

Alors il sort de sa poche un morceau de fer-blanc, se racle un

instant la main gauche avec, puis le porte il sa bouche. le mâ-

chnnne un instant et le remet dans sa poche.

Peu après, il nous tourne le dos, se porte sur le pied droit, se

penche fortement en avant sur ce seul pied et fait tout à coup

volte-face. Nous l'interpellons : il obéit et vient rapidement

auprès de nous, en tournant deux fois sur lui-même, dans le trajet

des quelques mètres qu'il est en train d'accomplir. Sur notre

ordre, il s'assied, prend diverses positions (fig. 28, 29, 30, 31), se

Fig. 37.

IDIOTIE CONGÉNITALE : 'l'ICS. 24o

lève en se contorsionnant, se couche à terre (fig. 32, 33, 34 35, 36),

se relève, sans hésitation, presque automatiquement. Il ne répond

pas aux questions que nous lui adressons, bien qu'il les comprenne

toutes, comme le prouvent les mouvements que nous lui faisons

faire sur simple invitation. Il se contente lorsque nous voulons

exiger de lui une réponse de tirer la langue, de se dilater la

bouche avec les index en crochet, tirant sur les commissures des

lèvres, mais sa physionomie reste placide, et cet acte [ne semble

pas guidé par une intention offensive.

Ayant voulu examiner ses yeux et entr'ouvrir ses paupières, il se

met il pousser des cris brefs et plaintifs en traînant sur la voyelle

finale et comparables aux mugissements ou aux bêlements des

animaux : lIa-a-a-a, 13e-e-e-e.

Marche. Il s'avance le plus souvent lentement en deux temps,

Fifl. 38.

'Il 1-6 \ RECUEIL DE FAITS.

poussant le pied droit à 20 centimètres environ du gauche, qu'il

ramène ensuite en traînant légèrement à peu de distance du pre-

mier, mais toujours en arrière. Cette démarche est assez analogue

à la marche de l'escrime. Parfois, lorsqu'on veut le faire aller vite,

il porte les pieds en avant l'un de l'autre comme dans la marche

ordinaire, mais toujours en trainant, alors il tourne plusieurs fois

sur lui-même pendant un court trajet. Les autres mouvements de

Ros... sont bien coordonnés, il prend les objets qu'on lui indique

sans hésitation et est nettement droitier.

Sensibilité à la piqûre normale sur lous les points explorés. Très

pusillanime, Ros... se plaint en poussant les cris que nous avons

signalés plus haut.

Réflexes. Abolition complète du réflexe rotulien tant à droite

qu'à gauche. L'introduction d'une cuillère dans l'arrière-gorge

Fig, 39.

G

0

n

0

a

y.

m

fi-

V.

- i

r

M

H

n

VI

ils ?

48 RECUEIL DE FAITS.

semble produire une impression désagréable, mais ne provoque

pas le réflexe nauséeux. Ouïe : R... entend également très bien

à droite et à gauche. - Vue : l'acuité visuelle parait suffisante, il

va quérir facilement et sans hésiter de très petits objets placés à

une certaine distance de lui. Se= pupilles, peu dilatées, paraissent

être plus sensibles à la lumière qu'à l'accommodation, mais réagis-

sent sous ces deux influences. La notion des couleurs est très bornée

chez lui.

Etat intellectuel en général. - Ross... n'est pas méchant, il aime

à être seul, et trouve le plus grand plaisir à déchirer du papier

(fig. 37) dont il entasse les morceaux dans ses poches et à se mor-

diller le dos des mains qui portent en effet une double cicatrice

calleuse de 3 cent. 1/2 à 4 centimètres de long. Il obéit toujours

et semble n'être jamais animé par aucune impression spontanée

de plaisir ou de déplaisir. Il végète sans aucune volonté, obéissant

automatiquement sans chercher à se rendre le moindre compte

de la valeur de ses actes et de leurs conséquences possibles, pour

lui ou ceux qui l'environnent. Très pusillanime, le moindre geste

brusque l'effraie (fig. 38, 39), toutefois, cette frayeur, excessivement

passagère, semble purement réflexe et disparaît aussitôt que l'acte

qui l'a provoqué est àccompli.

Réflexions. -I. Les causes prédisposantes et déterminantes

de l'idiotie chez Ros..., sont nombreuses. Au point de vue de

l'hérédité, les accidents neuro-arthritiques abondent tant dans

la famille du père que dans celle de la mère. L'alcoolisme du

père, la conception probable pendant l'ivresse, l'hydramnios,

la naissance avant terme, sont plus que suffisants pour expli-

quer l'état psychique de notre malade. Les accidents convulsifs

rares, survenus à deux mois et sans répétition, ne sont point

suffisants pour nous faire songer à une lésion irritative du

cerveau (méningite chronique ou sclérose des circonvolutions).

D'autre part, l'état rudimentaire de son intelligence, les mou-

vements coordonnés et bizarres qu'il répète constamment,

l'asymétrie crânienne, l'absence de la parole nous permettent,

en le comparant à des cas semblables dont on a pu faire

l'autopsie, de poser le diagnostic à' arrêt de développement

cérébral. Cette atrophie, d'origine congénitale, doit même

porter tout particulièrement sur l'hémisphère droit. N'est-il

pas, en effet, remarquable de voir Ross... user tout particuliè-

rement de ses membres droits, les seuls véritablement actifs,

tandis qu'il laisse traîner le pied gauche dans sa marche ordi-

naire, et que la main correspondante Hotte le plus souvent

IDIOTIE CONGÉNITALE : TICS. 4 ! )

inerte le long de la cuisse. Notons toutefois qu'il n'a jamais été

paralysé.

II. Ros... est le prototype, si nous pouvons nous exprimer

ainsi, de toute une classe d'idiots, et c'est là ce qui fait l'intérêt

de cette observation. La forme de la tête, les tics coordonnés

complexes, multiples, et reproduisant constamment la même

série de mouvements, l'absence plus ou moins complète de la

parole, le manque absolu de volonté, sont les symptômes

caractéristiques de ce genre d'idiots, généralement bien cons-

titués physiquement et n'offrant pas de paralysie.

L'origine des tics chez Ros... est intéressante. Comme ses

pareils, il est avide de mouvements et surtout de mouvements

rotatoires (gyrospasmes). Il éprouve une véritable jouissance à

tourner, jouissance comparable à celle que manifeste le nouveau-

né que l'on berce. Mais ici le plaisir dû au mouvement se com-

plique du résultat de l'imitation. Sa mère, en effet, nous a

raconté que son fils est devenu un « valseur en voyant danser

des amis qui régulièrement venaient ainsi se récréer chez elle

et Ros... a joint, dans ses tics, ces deux penchants si communs

chez les idiots : la nécessité du mouvement et l'imitation. Une

autre particularité intéressante, chez notre malade, est le

manque de volonté et l'obéissance passive, automatique, qu'il

met à exécuter les ordres qu'on lui donne. Ce manque de vo-

lonté peut expliquer en partie la persistance et la reproduction

des mêmes tics ; aucune action volontaire d'inhibition ne peut

se manifester chez lui pour mettre un terme à ces habitudes

vicieuses. Ce manque de la volonté est fréquent chez les idiots,

il offre une similitude avec l'état des hypnotisés, qu'il serait

intéressant de comparer à nombre de nos malades, que l'on

peut si facilement suggérer à l'état de veille. Nous nous réser-

vons du reste, à propos d'autres cas de ce genre, d'étudier cette

particularité et d'établir plus nettement cette comparaison.

III. La description et la classification méthodiques des tics

des idiots est une tâche des plus intéressantes. Elle fera pro-

chainement, de la part de l'un de nous, l'objet d'un travail

spécial. Aussi, nous bornerons-nous ici, à propos de Ros..., à

rapporter quelques exemples qui s'ajouteront à ceux que nous

avons eu l'occasion de citer dans les observations consignées

dans les treize volumes de nos Comptes rendus du service des

enfants de Bicêt1'c.

250 . RECUEIL DE FAITS.

A propos de l'écholalie, dont nous avons parlé ailleurs et qui

est assez fréquente et peut disparaître, nous dirons que, à côté

des enfants chez lesquels la répétition se produit vite, il en est

d'autres chez lesquels elle ne se manifeste qu'après insis-

tance, c'est-à-dire après que l'observateur a repété plusieurs

fois le mot. Elle est simple ou composée. Dans ce dernier cas,

l'enfant répète deux, trois, quatre fois le mot ou les mots qu'on

a dits devant elle et cela ou de suite ou à intervalles plus ou

moins éloignés (Julie Ler... 1). Parmi les tics de la parole,

notons celui qui consiste en une sorte d'explosion : les pre-

miers mots de la phrase sont jetés comme un sorte de hoquet.

(Telle est Mu Louise Th... : de plus il lui arrive fréquemment,

lorsque le mot ne vient pas aussi vite qu'elle le voudrait de

pousser une sorte d'interjection, constamment la même : «Tout

en plein. » )-Un de nos malades Villacè..., surnommé le gzjleur

par ce qu'il a des impulsions à donner des gifles, fait des con-

torsions de la face, indice d'un effort, avant de parvenir à

prononcer les premiers mots qui sortent comme une explo-

sion. Il entrecoupe ses phrases d'inspirations profondes.

Chez d'autres enfants, les tics s'accompagnent de mots gros-

siers ou bien encore on observe chez eux des impulsions à

proférer des injures, qu'on pourrait peut-être considérer comme

une variété de la coprolalie. Larro... parle très souvent seul

et alors profère Jes injures les plus grossières. Caut ? a des

accès de cris avec émission de mots -grossiers. Coutan...

appartient à une autre variété : ce ne sont pas des mots

grossiers mais des gestes.

Parfois, chez le même enfant, on observe les paroles gros-

sières et les gestes grossiers, tel est Rob. (Léon) : il court dans

la classe appelant tout le monde : « putain, vache, salope, mon

c... pour toi » et simultanément, il ouvre son pantalon en

faisant un vilain geste et dit : Tiens, voilà ma bête, salope ! »

et si l'on n'arrivait pas à temps, il sortirait sa verge.

Signalons l'habitude de sifllotter, de se ronger les ongles,

de jeter les objets, de lécher les murs. Les grincements de

dents, les cognements de tète - sont fréquents, surtout dans

1 L'écholalie s'observe parfois chez des délirants. Ainsi Carti..., épi-

leptique, pris de délire après une série de crises, répétait tout ce qu'on

disait, bien qu'en temps ordinaire il ne soit pas écholalique,

2 Nous avons vu autrefois une brebis qui avait un tic de ce genre. Elle

ne se cognait pas la tête comme les moutons qui ont le tournis, mais

cherchait à cogner les personnes ou les autres brebis.

'REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE ? J1

l'idiotie méningitique et peuvent concourir, dans une certaine

mesure, au diagnostic.

Sim..., idiot aveugle, a l'habitude de mettre ses doigts dans

ses yeux, puis dans sa bouche, ou bien il passe ses mains sur

sa figure, comme un chat qui se nettoie, et s'enduit le visage

de sa bave, qui, mélangée avec la malpropreté de ses mains,

lui donne un aspect repoussant.

Gouj... ouvre de grands yeux, frotte ses mains l'une contre

l'autre, et aspire fortement en serrant les dents, ce qui produit

de petits bruits stridents, etc., etc.

Comme on le voit, l'étude des tics chez les idiots est très

intéressante. Il faudrait, nous le repétons, les grouper et les

interpréter au point de vue clinique et chercher quelle est leur

valeur diagnostique.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

Avis. - Nous rappelons à nos lecteurs, que, dans zzos

BEVUES analytiques, nous publions le résumé de tous

les travaux qui paraissent dans les journaux con-

sacrés à /'aliénation mentale et à la Neurologie,

en Angleterre, en Allemagne, eu Belgique, aux Etats-

Unis, en Italie, ainsi que les mémoires originaux

des Annales médico-psyclzologiques et des principaux

journaux de médecine français.

XIX. Sur deux cas de rumination chez LES aliénés; parle D1' Andréa

Cristiani. (Riu. sp. cdi (J'en., t. XVIII, fasc. 1, 1892.)

Le D'' Cristiani a cherché à déterminer le mécanisme du mérv-

cisme (rumination chez l'homme). Ses recherches expérimentales

out porté sur deux points intéressants, la détermination du chi-

misme stomacal et du pouvoir moteur de l'estomac par la méthode

de Suvers et de Ewald. Le chimisme stomacal n'a pas présenté de

modifications, mais le pouvoir moteur de l'estomac semble un peu

2M REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

accru. D'un autre côté, l'auteur a pu enregistrer graphiquement

les mouvements des muscles abdominaux, niés par Percy et Lau-

rent, et que nous avions, pour notre part ', également constatés chez

les malades observés avec M. Bourneville dans son service de BicêLre.

Ce sont les mouvements des muscles abdominaux qui sont les fac-

teurs actifs et essentiels de la rumination.

M. Cristiani entre dans quelques détails intéressants sur le méca-

nisme physiologique de la rumination. Nous ne pouvons les repro-

duire dans cette courte analyse : nous dirons seulement que le

mécanisme qu'il indique ne peut s'appliquer à tous les cas; il vise

simplement ceux du merycisme total ou portant sur les aliments

solides, mais ne peut expliquer ceux de mérycisme partiel portant

seulement sur les liquides et dont nous avons rapporté plusieurs

exemples dans notre travail avec M. Bourneville.

Avec Canlarano, M. Cristiani regarde le mérycisme comme un

symptôme de régression atavique; et il donne comme preuves à

l'appui de cette opinion, le fait que ses malades se servaient de la

langue pour prendre les aliments et présentaient dans la mastica-

tion des mouvements de latéralité de la mandibule. J. Séglas.

XX. UN PHÉNOMÈNE NON DÉCRIT DANS LES HALLUCINATIONS VISUELLES;

par le Dr P1ERACCINI. (Riv. sp. di fren., t. XVIII, fasc. 2, 1892.)

C'est la disparition de l'hallucination visuelle dans la vision mo-

noculaire, l'un ou l'autre des yeux étant fermé, avec réapparition

dans la vision binoculaire, que le Dl' Pieraccini a observé deux fois

chez un de ses malades. L'auteur voit la un simple fait d'auto-

suggestion ; ceux qui ont cherché à expliquer l'amblyopie hystérique

par l'hypothèse de centres distincts pour la vision monoculaire et

binoculaire n'eussent pas manqué d'invoquer ce nouveau fait à l'ap-

pui de leur manière de voir. J. Séglas

XXI. Sur l'action bactéricide ET toxique du sang DES aliénés; par

le Dr G. d'ABUNDO. (Itiv. sp. di fr'en., t. XVIII, fasc. 2, 1892.)

La toxicité du sang a été trouvée augmentée dans la démence

paralytique progressive. Dans la démence, la toxicité du sang

fut constamment diminuée et d'une façon très marquée. Elle est

assez diminuée dans la lypémanie tranquille; mais elle augmente

dans les intervalles d'agitation prolongée. Dans la paranoia, elle se

rapproche de celle des individus sains, sauf dans les cas d'épisodes

psychoneurotiques intercurrents qui, s'ils sont de nature dépressive,

déterminent une diminution de la toxicité du sang, s'ils sont de

nature maniaque, provoquent au contraire une augmentation de

, Bourneville et Séglas. Du merycisme (Archives de Neurologie,

1883-188L)

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. -) 1,; 1)

toxicité. Dans la folie pellagreuse, la toxicité fut tantôt diminuée,

tantôt augmentée. Dans la manie et l'excitation maniaque, la toxi-

cité du sang s'élève. Dans l'idiotie, à côté de cas dans lesquels elle

était normale, il en fut d'autres où elle était fortement diminuée.

Dans l'imbécillité et la folie morale, diminution de la toxicité. Dans

les états .consécutifs aux accès épileptiques, ce fut la diminution

qui se montra le plus souvent. Pas de conclusions à propos de

quelques faits, peu nombreux, d'hystéro-épilepsie. J. Séglas.

XXII. L'acide URIQUE dans les formes DE dépression mentale; par

le or Marzocchi. (Riv. sp. di (l'en., t. XVIII, fasc. 2, 1892.)

Dans quelques formes de mélancolie, il y a augmentation, abso-

lue ou relative, de l'acide urique dans le sang : il n'est pas probable

que cette augmentation soit un simple effet du processus patholo-

gique, en raison de l'influence dépressive de l'acide urique sur les

fonctions psychiques. Quand même on ne voudrait pas donner à

l'acide urique la valeur d'un coefficient, on peut le regarder comme

une cause d'aggravation du processus morbide. J. Séglas.

XXII 1. CHORÉE électrique ou 1l YOCLONIE ÉLECTROIDE D'ORIGINE gastrique;

par le Dr R. MaSsALONGO. (Riforma mcdica, août 1893.)

La chorée électrique de Bergeron Henock n'est qu'une variété de

paramyoclonus; il serait plusjuste de lui donner le nom de myoc-

Ionie électroïde. Il n'est pas rare de rencontrer dans les myoclo-

nies des phénomènes psychiques comme dans la maladie des tics

convulsifs. Les myoclonies ne sont pas toujours l'expression de

troubles fonctionnels du système nerveux. Il existe une variété de

myoclonie à secousses imprévues, violentes, foudroyantes, dite pour

cela myoclonie électroïde, provoquée par des troubles gastriques,

d'origine toxique. Le traitement de l'estomac est le vrai traitement

calmant de cette variété de myoclonie; les moyens indiqués sont

les amers, la strychnine, le lavage de l'estomac, le lait et les anti-

septiques. Deux observations à l'appui. J. SÉGLAS.

XXIV. OBSESSION avec CONSCIENCE, aberration DU SENS génital;

par Henry HERBEZ. (Gaz.hebd. deméd. et chil'" 1890.)

Le malade qui fait le sujet de cette observation est un dégénéré

héréditaire qui fut arrêté dans la rue au moment où il coupait les

cheveux d'une jeune fille.

A l'âge de quinze ans il avait été vivement impressionné par la

vue d'une femme dont les cheveux étaient épars sur le dos. En

contemplant les cheveux de cette personne il eut conscience pour

la première fois de sa vie, qu'il était en érection. Depuis cette épo-

que, il a toujours été obsédé par la vision mentale des cheveux de

2û'l- 1, 1. REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

femme épars et flottants. Le contact ou la représentation mentale

de ces cheveux suffit chez lui à provoquer l'organe vénérien. G. D.

XXV. DE l'état sain DE L'ESPRIT ; par le D'' 13UCRE.

L'auteur se propose d'établir qu'il est faux d'affirmer que les sen-

sations, les pensées et les actes de l'homme sain d'esprit sont de

tout point d'accord avec la vérité des choses et que,, d'autre part,

les sensations, les pensées, les actes des aliénés sont en complet

désaccord avec la vérité des choses.

Dans l'ensemble des impressions sensorielles, les pensées et les

conditions morales des hommes sains sont très loin de s'appliquer

au monde objectif actuel, c'est-à-dire que, sous quelques-uns des

plus importants points de vue, non seulement elles ne représentent

pas la vérité, mais que souvent elles présentent des images absolu-

ment fausses. D'autre part, quelques conditions mentales qui sont

universellement considérées comme caractéristiques d'une maladie

sont, en fait, un reflet beaucoup plus exact de la vérité objective

que ne le sont les soi-disant conditions de l'état mental sain.

M. Bucke cite quatre points sur lesquels l'esprit sain et le fait exté-

rieur ne concordent pas 1

1° L'esprit sain nous dit que nous sommes toujours en repos, tan-

dis qu'en réalité nous sommes constamment en mouvement dans

l'espace. '

2° L'esprit sain renferme au nombre de ses fonctions une forte

crainte instinctive de la mort, lorsqu'on fait, autant que nous pou-

vons en déduire, il n'y a rien dans la mort qui puisse justifier de

telles craintes.

3° L'homme sain d'esprit a une plus grande affection pour ses

parents immédiats que pour ceux d'autres personnes, sans que

la préférence soit justifiée par une supériorité quelconque pouvant

faire concorder une plus grande affection avec la vérité objective.

4° On peut déduire directement, du développement si lointain

de l'esprit humain que l'intelligence saine et plus encore la nature

morale saine manque et'a toujours manqué de rendre justice à

l'univers en général, en ce sens que le monde extérieur est beau-

coup plus favorable pour nous que ce que nous croyons qu'il est,

que nos haines et nos frayeurs sont toujours injusticiables et sont

dans leur nature pathologique ab initia ; que nos facultés de con-

fiance et d'affection sont si ridiculement au-dessous de ce que de-

mande le monde qui nous entoure, qu'on ne peut les considérer

que comme rudimentaires.

D'autre part des centaines de personnes sont considérées comme

malades, dont les esprits sont plus que les nôtres et, sur certains

points, en accord plus strict avec la réalité, et cependant, à cause

de cela même, nous les considérons comme aliénés : par exemple,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 2 : J : J 5

les malades qui s'imaginent voler dans l'espace avec vitesse ;

ceux qui ne craignent pas la mort; ceux enfin dont la nature mo-

rale, placée dans des conditions d'excitation surnaturelle les pousse

à s'imaginer qu'ils vivent dans un monde de gloire et de beauté

fabuleuses dans lequel ils ont le pouvoir et l'autorité suprêmes.

Ces idées nous reportent aux discussions de Platon, dans le

Phédon; sur la supériorité innée (il certains points de vue), de la

folie sur la raison. (Ame1'ieanjolll'lwl of insmzit, 1892.) E. BLIN.

XXVI. DE la folie en Amérique et DES soins donnés aux aliénés;

par le Du GoDDING.

A propos de la récente loi de l'état de New-York, qui déclare les

aliénés pupilles de l'État et les place dans les hôpitaux d'Etat, l'au-

teur, dans un style oratoire et pompeux, jette un regard d'en-

semble sur les progrès accomplis dans ce siècle pour le traitement

des aliénés, sur l'installation des asiles d'aliénés et sur les progrès

thérapeutiques employés. -

Constatons tout d'abord combien les directeurs se sont montrés

à la hauteur de leur mandat : « Dans l'éclatante réunion de ce

firmament (la liste des directeurs) comme dans les cieux qui sont

au-dessus de nous, une étoile diffère d'une autre étoile, mais seule-

ment en gloire. »

Ce n'est pas seulement en France qu'on rencontre de l'encom-

brement dans les asiles : il paraît qu'en Amérique la situation est

encore pire. Onajusqu'à présent bâti des asiles trop monumentaux,

trop luxueux et par suite trop coûteux où l'on entasse un trop

grand nombre d'aliénés : il est temps, dit l'auteur, que l'on consi-

dère plutôt l'utilité des constructions que leur architecture, le con-

fort des malade plutôt que l'orgueil des comités de construction :

« Il faudrait désormais moins de cérémonies de pose de premières

pierres, mais plus d'emploi courant de la brique. »

Doit-on créer des asiles spéciaux pour les cas aigus ? En éloi-

gnant les cas aigus des asiles, on rendrait ainsi presque nul le

mouvement des sorties, mouvement qui donne aux malades chro-

niques l'espérance de sortir à leur tour et leur aide ainsi à suppor-

ter la rigueur de l'internement.

Une fois l'aliéné interné, qu'il soit aigu ou chronique, l'occupa-

tion hygiénique, lorsqu'elle est possible, lui rendra les plus grands

services; mais en plus, et quelque puisse être le pronostic, on devra

mettre à contribution, pour essayer de le guérir, tous les moyens

thérapeutiques indiqués par les recherches scientifiques, agents

chimiques, intervention chlruricale,hypnotisme, électricité,hydro-

thérapie, etc. : « tenter quelque chose pour sauver un homme qui

se noie vaut mieux que ne rien tenter du tout. »

En regard des chaînes, menottes, cachots, barres de fer, an-

2.V")6 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

neaux, etc., qui, il y a à peine quelques années, constituaient pres-

que uniquement l'arsenal thérapeutique des asiles, l'auteur se

plaît à constater que la clef de voûte du traitement actuel des

aliénés consiste dans le maximum de soins et dans le minimum

de contrainte. (American journal ofinsanity, 1892.) E. B.

XXVII. Du RÔLE DE L'ATTENTION DANS LES PHÉNOMÈNES HYPNOTIQUES;

par le Dr PAGE.

Depuis des siècles ont été observés des phénomènes ayant trait

à l'hypnotisme : les problèmes pleins d'obscurité soulevés par ces

observations ont servi de thème à une spéculation sans limite en

même temps que de nombreuses hypothèses ont été proposées pour

les éclaircir; mais aucune solution exacte n'était possible tant que

ces conditions mentales particulières ont été attribuées à l'oeuvre

de quelque influence ou force extérieure agissant sur la personne

affectée.

De l'étude historique des principales théories, magnétisme ter-

restre, magnétisme animal, etc., il ressort que la première condi-

tion dans les effets hypnotiques doit être un état mental personnel

au sujet : par suite d'un trouble profond du mécanisme mental, les

sensations et les pensées sont privées de leur guide approprié, les

facultés rationnelles.

Si les phénomènes de l'hypnotisme dérivent du pouvoir attention-

nel séparé des facultés rationnelles, il faut étudier le caractère et

le but de l'attention en rapport avec l'activité mentale ou physique.

Il existe dans toute matière vivante une force vitale individuelle

qui permet à cette matière de s'adapter aux diverses conditions de

son existence ; cet acte d'adaptation de la force vitale individuelle

peut être appelé attention organique.

L'attention organique simple chez les êtres inférieurs devient plus

complexe à mesure qu'on s'élève dans l'échelle animale. Là où

existe un système nerveux, l'énergie qu'engendre l'attention est

inhérente aux cellules et aux fibres de ce système, et comme des

centres d'ordre plus élevé se développent successivement, chacun

d'eux contrôlant un groupe de séries inférieures, l'attention se

développe et se divise dans son application.

L'attention, organique, chez l'homme, est apte à accomplir un

travail compliqué, à choisir les éléments nerveux exigés pour for-

mer des combinaisons originales de notions primaires et d'exciter

en eux des degrés exacts d'action moléculaire, pourvu qu'elle soit

guidée et surveillée par une force influente supérieure : à l'état de

veille, un acte de volition stimule l'activité fonctionnelle dans les

centres moteurs et produit des mouvements prédéterminés. Mais

le pouvoir de la volonté est entièrement dépendant de l'usage

qu'il peut faire de l'attention et nous ne pouvons comprendre l'o-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 257

péralion que quand nous reconnaissons deux ordres de force ou

deux formes d'attention : lorsque l'attention agit spontanément,

sans entrave du pouvoir de la volonté ou sans [être guidé par elle,

on peut la qualifier d'attention organique; mais quand elle agit en

obéissant à des facultés mentales supérieures, ou à une volonté

intelligente on peut la regarder comme attention rationnelle.

Lorsqu'une association de mouvements musculaires a été une fois

définitivement établie d'une façon satisfaisante, la réexcitation des

séries des centres nerveux qui y concourent devient aisée et la répé-

tition ou l'habitude réduit ces actions au degré de simples mouve-

ments pour l'exécution desquels l'attention organique a la plus

ample capacité, ne demandant que la plus légère impulsion de

l'attention rationnelle. Un plus grand degré de précision est le

résultat de l'exécution antérieure et correcte des mouvements qui

sont exécutés par la capacité automatique de l'attention organique

aussi dans l'état mental normal de l'homme, beaucoup de mouve-

ments peuvent-ils.être obtenus, et d'une façon plus exacte, en se

confiant pleinement à la force de l'attention organique. Dans le

somnambulisme, l'attention rationnelle faisant complètement dé-

faut, l'attention organique peut par conséquent accomplir son

oeuvre la plus parfaite.

Cette classification d'attention organique et rationnelle est

pratiquement reconnue par la division de l'appareil nerveux en

système volontaire et involontaire.

Tandis que l'attention rationnelle ne peut exercer aucun pouvoir

direct sur les fonctions vitales, elle peut cependant utiliser l'atten-

tion organique et, par un effort persistant, réussir à impressionner

les opérations physiologiques. En vertu de cette capacité, nous

pouvons mouler, pour ainsi dire, la base physique de notre vie

mentale supérieure et donner une signification au terme éducation.

Lorsque le type physique de l'idée est une fois ébauché, il devient

une partie de l'appareil mental, et quoi que ce soit que l'esprit se

soit assimilé, l'action de l'attention organique peut le raviver

pourvu qu'une impulsion exacte lui soit donnée. Dans l'état hypno-

tique dans lequel l'attention rationnelle est mécaniquement frap-

pée d'incapacité, l'homme devient alors un automate intelligent,

l'attention organique devenant doublement sensible à certaines

classes de suggestion.

L'utilité de l'emploi de l'hypnotisme comme agent thérapeu-

tique devient évidente, si cette théorie est exacte, et l'on comprend

ainsi comment des conditions morbides physiques peuvent être

rectifiées, pour présent tout au moins, par l'obéissance incons-

ciente de l'attention organique. (,li2zei,icaz journal of. insanity,

1890-18-il.) E. BLIN.

Archivas, t. XXV. 17

Oo REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XXVIII. L'ÉQUATION PERSONNELLE (CALCUL DU TEMPS DES PROCESSUS PSY-

CHIQUES) CHEZ LES PERSONNES HYPNOTISÉES; par W. BECIITEI\EV.

'(Neurolog. Centralbl., 1892.)

Recherches de F. Henika et B. Worotynski, sur : 1° le temps de

la réaction acoustique simple; - 2° le temps qu'il faut pour recon-

naître une impression auditive (temps d'aperception ; 3° le temps

d'élection (on dit au sujet en expérience : vous ferez tel mouvement

quand vous reconnaîtrez l'impression auditive); 4° le temps

d'association des conceptions représentatives (mots) ; 5° le temps

de numération des nombres simples. 1200 déterminations au chro-

noscope de Hipp, dont 130 exécutées par Bechterew lui-même, sur

trois femmes en état de suggestion hypnotique amhulatoire (deux

grandes hystériques, une petite hystérique). Conclusions.

1° Les malades en question à l'état de veille, se sentant en bonne santé,

présentaient pour le temps de réaction simple, pour le temps d'apercep-

tion et le temps d'élection des valeurs moyennes différant peu de celles de

l'homme sain pour les mêmes opérations de l'intellince. Mais les valeurs

moyennes caractérisantle temps de la numération des nombres simples et le

temps d'association étaient supérieures aux mêmes valeurs caractéristiques

des mêmes opérations intellectuelles chez les individus sains. 2° Dans

l'état hypnotique il faut, par rapport à l'état de veille, un temps plus grand

pourla réaction simple, le temps d'aperception, le temps d'élection. Pen-

dant l'hypnose, letemps de la numération des nombres simples et celui de

l'association des conceptions est moindre que dans l'état de veille chez

les mêmes individus. 3° Chez ces trois sujets, les opérations intellec-

tuelles sus-désignées se font plus vite dans l'état hypnotique quand on

leur suggère de se presser que lorsqu'on n'exerce pas de suggestion.

4° La suggestion hypnotique de se presser abrège le temps de la numéra-

tion simple et de l'association conceptuelle, elle le rend plus court que

dans l'état de veille. Elle abrège le temps de la réaction simple, le temps

d'aperception, le temps d'élection mais ne le rend pas toujours plus

court que dans l'état de veille, avant l'hypnotisme. 5° Invariablement,

quand l'état nerveux des sujets s'aggrave (accès d'hystérie antérieurs ou

prodromes d'un nouvel accès), les opérations intellectuelles en question

deviennent franchement plus lentes. P. KERAvAI,.

XXIX. Communication D'UN cas DE POLYURIE CHEZ UNE cérébrale;

par WIEDEfEISTER. (Neurolog. Centralbl., 1892.)

Il s'agit d'une idiote urinant 6,000 centimètres cubes d'une urine

ayant pour densité 1002 à 1004; cent deux à cent vingt mictions

qui l'empêchent de dormir. L'urine est ammoniacale et précipite

une abondance de phosphates triples. Traitement par la phénacétine,

l'antipyrine, l'antifébrine, le salicylate de soude, la pipéracine;

en outre, trois fois par semaine bains faradiques de trois minutes.

Sous l'influence de ce traitement, la malade n'urine plus que

580 centimètres cubes d'une urine acide pesant 1028 (sels acides

(urates) avec oxalate de chaux). P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 259

XXX. DÉVELOPPEMENTS A L'APPUI DE TABLEAUX STATISTIQUES EMPRUNTES A

l'asile d'aliénés DE ToKio (Japon). Tokio Fou Sougamo Ilospital;

par Hasimé SAKAK1. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVIII, 1, 2.)

Statistique de l'établissement en question pour 1888 et 1889,

comprenant : mouvement général de la population - particula-

rités sur les malades admis (profession, âge, hérédité, causes, etc.)

sorties complications et maladies consécutives. Il est encore

pas mal de régions au Japon où l'aliénation mentale est considérée

comme, soit le châtiment d'une haute divinité, soit la possession de

l'homme par plusieurs animaux (renard, chien, etc.); on envoie les

malades dans un temple bouddhiste, où la lecture des saints écrits

doit les guérir; et cela, même à Tokio dont les habitants sont

cependant plus éclairés.

260 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 261

III. Du RAPPORT DU POIDS DU CORPS AVEC UN CERTAIN NOMBRE DE PSY-

CHOSES ; par L. STERN. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVII, 5.)

L'étude de toutes les maladies cérébrales envisagées à ce point

de vue, montre, d'après les auteurs, que, lorsqu'elles durent depuis

longtemps, il y a au moins une série constante de poids normaux et

très souvent une augmentation de poids. Quand la manie ou la

mélancolie durent depuis longtemps, fréquemment le malade pèse

davantage; on regarde ce fait comme étant d'un pronostic défavo-

rable. Il est vrai que les affections chroniques s'accompagnent aussi

de cette constante, sinon d'une augmentation de poids, il est éga-

ment vrai que, plus une maladie est ancienne, plus rare en est la

guérison. Mais, considérée en soi, l'augmentation du poids dans les

maladies de longue durée n'a rien à faire avec un pronostic fâcheux;

elle prouve, non que la maladie est incurable, mais qu'elle est

ancienne. Autrement dit, il semble que l'organisme, pour faire les

frais de conditions nocives, suractive sa nutrition, et que, par com-

pensation, il exagère son assimilation. Donc, comme dans les psy-

choses aiguës qui guérissent, il y a également une augmentation

de poids, on peut prétendre que, s'il ne survient dans l'économie

aucune perturbation importante, si le malade ne devient pas sitio-

phobe, tous les aliénés (paralysie générale exceptée) augmentent

de poids, les uns de bonne heure, les autres tard, quand la qualité

et la quantité de la nutrition demeurent bonnes. L'augmentation

précoce du poids va avec une amélioration graduelle; l'augmenta-

tion tardive ne cadre pas toujours avec une amélioration, mais elle

ne l'exclut pas.

Dans les psychoses subaiguès (durant au moins depuis un an) qui

finalement guérissent, l'amélioration, souvent très faible, s'annonce

par une augmentation de poids, souvent si énorme, que l'amélio-

ration n'a aucun rapport avec elle. Dans les psychoses persistantes,

mais qui vont en s'atténuant peu à peu, le poids de l'individu aug-

mente toujours, puis reste stationnaire, puis diminue un peu, cela

souvent quand survient la guérison (Obs. I à XIII). Dans la paralysie

générale, bien que la nutrition soit vicieuse, on constate parfois un

poids très élevé. Dans l'épilepsie, l'agitation détermine une dimi-

nution de poids (Obs. XIV à XVII). Dans la manie périodique, les

pesées manifestent des oscillations considérables dues à des modi-

fications de la pression cérébrale, mais la déchéance pondérable,

rapide, se relève très promptement et très haut quand le trouble

mental dure depuis longtemps. Dans la mélancolie, le poids dimi-

nue, puis, quand elle dure depuis longtemps, il augmente. La folie

circulaire décèle des augmentations ou des diminutions de poids en

rapport avec la trophonévrose, en faisant naturellement la part des

complications, de la sitiophobie, de l'état de la digestion, de la

constitution, de l'âge, des périodes d'agitation (Obs. XXV111).

262 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Conclusion. Le poids du corps n'a aucune valeur pronos-

tique. P. K.

IV. D'UNE forme grave spéciale d'épiphénomènes consécutifs A la

COMMOTION CÉRÉBRALE, ET DU COMPLEXUS VASOMOTEUR QUI GÉNÉRALE-

MENT LES accompagne; par FRIEDÜANN. (Archiv f. Psychiat.,

XXIII, 1.)

Il y a trois grands groupes d'accidents consécutifs au trauma-

tisme cérébral, qui ne sont pas invariablement les mêmes : 1° Un

complexus symptomatique vasomoteur caractérisé par : céphalalgie,

vertiges, intolérance de l'encéphale : les anomalies psychiques sont

secondaires (trois observations l'appui); 2° Un complexus

symptomatique hystériforme : névrose locale traumatique de

Charcot et Slruempell (deux observations); 3° Troubles psychiques

consécutifs aux lésions céphaliques, qui n'ont rien de rare. Jamais

le n° 1 ne manque quand on constate le n° 2; il est la conséquence

d'altérations du système vasculaire. L'ensemble des phénomènes

sensitivo-moteurs émane de l'hystérie et d'un substratum organique

qui produisent une diminution de l'activité fonctionnelle de l'organe

central (exemple : maladresse tardive et toute particulière de la

marche). En somme la névrose traumatique n'est pas une entité ;

qu'est-ce qu'un choc psychique, sinon la commotion mécanique

elle-même. P. K.

V. DE la paralysie chronique PROGRESSIVE DES MUSCLES DES YEUX,

1 travail posthume de C. WESTPHAL, mis en ordre et publié par

E. SIEMERLING. (Archiv f. Psychiat., XXII. Cahier supplémentaire.)

C'est un véritable livre. A la suite d'une riche bibliographie, huit

observations, avec autopsies, montrent des lésions nucléaires ou

l'interruption de la conduclibilité des racines intra-médullaires.

Dans l'analyse minutieuse des altérations des noyaux des nerfs

moteurs de l'oeil, nous relevons ce qui suit. La racine dite acces-

soire du nerf pathétique n'appartient pas à ce dernier. Il n'est pas

encore possible dans la colonne des cellules du noyau de l'ocuio-

moteur commun d'attribuer à tel ou tel groupe la fonction de

chacun des muscles, mais il est très probable, que, chez l'homme,

le centre de l'accommodation et des mouvements de l'iris réside

dans le segment antérieur de ce noyau, tandis que son segment

latéral préside à la fonction des muscles élévateurs du globe ocu-

laire. L'exposé de Perlia est parfait : il y a lieu de distinguer en effet

un noyau ventral postérieur (inféra-postérieur), - un noyau ventral

antérieur, (inféro-autérieur), un noyau dorsal (supérieur), - des

groupes de cellules médianes et latérales (le premier de ces groupes

continue jusque dans le 3° ventricule, sous le nom de noyau mé-

dian antérieur, - enfin un noyau impair sagittal ou central avec ses

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 263

groupes acolytes pairs. Il n'y a pas du reste de symptôme patbo-

gnomonique de la paralysie nucléaire; le diagnostic repose sur

l'examen de l'espèce, de l'étendue, de la marche de la paralysie des -

muscles des yeux et la simultanéité des signes spinaux et céré-

braux. Il y a cependant des cas de paralysie chronique des muscles

des yeux indemnes cliniquement de toute complication du côté du

reste du système nerveux, mais l'autopsie démontre, dans l'im-

mense majorité des cas, la complication d'une affection nerveuse

et les troubles intellectuels n'y sont point rares. P. KERAVAL.

VI. Contribution A l'étude des affections syphilitiques DU système

nerveux central; par R. SCHULZ. (Neurolog. Centralbl., 1891.)

Observation. Paralysie croisée comprenant : adroite, tout le facial;

à gauche, les extrémités; anesthésie gauche complète, atteinte

des deux oculomoteurs externes. Autopsie. Sténose falciforme

de la sylvienne droite; plusieurs petits foyers de ramollissement

dans la couche optique droite, le noyau lenticulaire du même

côté, lamoitié droite et postérieure de la protubérance; méningite

spinale postérieure; faible dégénérescence des faisceaux de Goll

avec dégénérescence marginale, dégénérescence très marquée des

racines postérieures, dégénérescence faible des racines antérieures;

dégénérescence hyaline de la paroi des petits vaisseaux, récentes

hémorrhagies punctiformes dans la substance grise; hypertrophie

du lobe moyen de la prostate; hydronéphrose bilatérale très pro-

noncée. L'auteur base le diagnostic de syphilis sur l'évolution et

les accidents cliniques, l'apparition du premier ictus à l'âge de

trente ans, l'intégrité du coeur, la paralysie de plusieurs nerfs cra-

niens, la fugacité des accidents paralytiques. P. K.

VII. UNE observation DE syphilis DU système nerveux central BEVL-

tant l'aspect d'une paralysie générale tabétique; par M. BRASCH.

(Neurol. Centralbl., 1891.)

Elude clinique, anatomo-patbologique et microscopique très

complète. Lésions disséminées occupant tous les systèmes et tous

les éléments du système nerveux central; de là la multiplicité des

symptômes. P. K.

VIII. LE VERTIGE paralysant DE 1888 A 1891 ; par le Dr GERLIER (de

Fernay). Quelques mots sur l'étiologie du vertige paralysant,

par le Dr Ladame.

Sous ce nom, le D' Gerlier a décrit une nouvelle maladie qui

serait caractérisée par trois ordres de signes : 1° des troubles de

la vision; 2° des parésies momentanées; 3° des douleurs spinales

avec irradiation. ,

264 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

Ces accidents ne s'observent que d'une façon intermittente ; ils

reviennent par crises plus ou moins complètes. On ne les a obser-

vés jusqu'ici que sur des personnes fréquentant les étables, occu-

pées à soigner les bestiaux. Depuis 1887, époque où il a constaté

pour la première fois l'existence de celte maladie, le D'' Gerlier

en a observé une dizaine de cas nouveaux. Il s'agirait là, d'après

lui, d'une névrose particulière, d'origine infectieuse, qui serait due

à un microbe spécial ayant les étables pour habitat.

Cette hypothèse a été combattue par M. Ladame qui tend plutôt

à croire qu'il s'agit là d'une psycho-névrose développée sous l'in-

fluence de la peur et de la superstition. (Reo. méd. de la Suisse

Romande, 1891.) G. DENY.

IX. Paralysies hystériques provoquées par la crainte

DES examens ; par le D'' KRAFFT.

Histoire d'une jeune fille de treize ans, qui a des nerveux dans

sa famille, qui est timide et craintive, et qui par crainte de ses

examens a eu, en cinq accès, quatre crises de paralysie hystérique

de l'un ou de l'autre bras, directement avant ses examens, et plu-

sieurs autres crises dans le courant de l'année, survenues pour la

plupart en classe pendant les leçons. Guérison par suggestion aidée

de l'électricité. (Rev. méd. Suisse Romande, 1891.) G. D.

X. Paralysie hystérique CHEZ UN garçon de treize ANS. SUGGES-

TION. Guérison; par le Dr Eugène REVILLIOD. (Rev. méd. delà

Suisse Romande, 1891.)

XI. IIÉMIATROPIIIE faciale expérimentale; par le D1' GIRARD.

D'un certain nombre d'expériences, dont la priorité appartient

à Schiff, il résulte que la destruction de la grosse racine du triju-

meau détermine chez le chien une atrophie des muscles correspon-

dants de la face, notamment des muscles masticateurs. L'auteur

en conclut que les fibres trophiques du trijumeau ne sont pas

situées dans la petite racine motrice de ce nerf, mais dans sa

grosse racine sensitive et que le nerf de la septième paire ne joue

aucun rôle dans l'évolution de l'hémiatrophie faciale typique.

(Rev. med. delà Suisse Romande, 1891.) G. D.

XII. Deux observations CLINIQUES relatives A l'aphasie; par le

D L. de Rode. (l3ull. de la Soc. dc tlled. ment. de Belgique, 1891.) .)

XIII. D'UNE FORME rare DE neurasthénie SEXUELLE avec obsessions;

par de KRAFFT-EBING,. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVIII, 11.)

Quatre observations. Tares héréditaires. Neurasthénie généra-

lisée. Faiblesse irritable, surtout des organes sexuels. Obsessions

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 265 5

érotiques ou obscènes relatives à des personnes et à des objets d'un

usage quotidien. Pas de sensations de plaisir, au contraire, éré-

thisme pénible. Idées de suicide. Traitement. Continence, hydrothé-

rapie, préparations bromurées; traitement moral. Morphine, dans

les cas graves, quand même on devrait produire du morphinisme.

P. K.

XIV. Trois CENT cinquante séances DE SUSPENSION chez UN ataxique ;

par le D' Ducamp. (Montp. mi., 1891, t. IL)

L'ataxique qui fait le sujet de cette observation était malade de-

puis dix ans. Son affection se traduisait surtout par d'atroces et

continuelles douleurs fulgurantes et par une incoordination mo-

trice ne permettant la marche qu'à condition d'être aidé.

La suspension amena dès les premières séances la disparition

complète des douleurs fulgurantes, disparition qui persiste depuis

vingt mois. Le traitement fut continué, bien qu'il semblât ne devoir

donner aucun autre résultat, quand vers la cinquantième séance,

une amélioration légère se produisit dans la marche; cette amé-

lioration s'accentua progressivement jusqu'à la deux cent quatre-

vingtième séance et put alors être considérée comme définitive,

car la continuation du traitement jusqu'à trois cent cinquante

séances ne donna aucun résultat nouveau.

La suspension a été faite au moyen de l'appareil de Sayre,

d'abord tous les deux jours, ensuite tous les jours. La durée mini-

mum des séances a été de quinze secondes; leur durée maximum

de cinq minutes, mais cette durée n'a pu être supportée qu'une

seule fois. La disparition des douleurs s'est produite avant que la

durée de la suspension ait dépassé une minute et quinze secondes;

la diminution des troubles moteurs a été obtenue avec des séances

n'excédant pas trois minutes. G. D.

XV. Dermographie CHEZ un hystérique; par le Dr DUCAMP.

(Montpellier méd., 1891, t. II.)

La dermographie présentait chez le sujet de cette observation les

caractères suivants :

Immédiatement après le passage du stylet sur un point quelcon-

que du corps, apparition d'une raie blanche fugace, en rapport

avec la pression plus ou moins énergique du stylet;

Cinq secondes après et parfois moins, teinte rosée suivant le tra-

jet du stylet;

Trente-cinq secondes après le début de l'expérience la teinte

rosée devient d'un rouge foncé;

Une minute et parfois deux minutes après le début, on constate

un bourrelet blanc rosé faisant une saillie de 2 millimètres et en-

tourée d'une bordure rouge érythémateuse ;

266 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

A la sixième ou à la septième minute, le bourrelet commence à

s'atténuer ; à la vingtième minute environ, le bourrelet a complè-

tement disparu. A partir de ce moment, le tracé est seulement

constitué par une ligne très rouge, il persiste généralement ainsi

pendant cinq ou six heures, d'autres fois pendant huit et même qua-

torze heures. G. D.

XVI. LE SYNDROME DE FNIEDREICII ET DE DIORV.1N MYOCLONIE; par le

Dr FARGE (d'Angers). (Gaz. hebd. de méd. et de chir., 1890.)

D'un fait de myoclonie qu'il a observé et de divers autres

rapportés par les auteurs, M. le Dr Farge tire les conclusions sui-

vantes : 1° la paromyoclonie de [Friedreich n'est point une mala-

die essentielle ni une véritable entité clinique; 2° c'est un syn-

drome commun à plusieurs classes de maladies ; 3° les cas les plus

nombreux pourront être rangés dans les manifestations variées

de l'hystérie ou de la neurasthénie; 4° des formes plus rebelles et

d'une localisation spéciale se rapprochent de la maladie des tics de

Marie ou de la chorée électrique qui tend elle-même à s'absorber

dans la première; 5° enfin le paramyoclonus peut s'associer, en

ajoutant un syndrome de plus aux myélites chroniques graves,

comme la myélite diffuse, l'atrophie musculaire progressive et la

sclérose en plaques disséminées. Dans ces derniers cas, il dénote

l'altération des cornes grises antérieures de la moelle. L'ordre de

son apparition et de son évolution presque toujours ascendante peut

servir à déterminer le point de départ de la lésion anatomique, et

son extension de dedans en dehors ou de dehors en dedans aux

cordons blancs de la moelle. G. D.

XVII. SYNDROME DE Friedreich et DE MORVAN devant la CHORÉE; par le

Dl' COLLEVILLE (de Reims). (Gaz. hebd. de méd. et de chir" 1890.)

L'auteur relate un cas de myoclonie qui s'est transformé au

bout de peu de temps en chorée ordinaire et conclut en disant

« qu'on ne peut alléger le cadre des affections nerveuses du syn-

drome de Friedreich et de Morvan qui n'est pour lui qu'une mani-

festation clinique particulière d'une perturbation dynamique ou

d'une altération dans le fonctionnement des cellules des cornes

antérieures et plus généralement des cellules motrices dans tout

l'appareil cérébro-spinal D. G. D.

ŸVIII. Vaste épanchement sanguin INTRA-CR.\NIEN, consécutif A UNE

RUPTURE DE L'ARTÈRE MÉNINGÉE MOYENNE. HÉMIPLÉGIE COMPLÈTE DU

côté OPPOS.É. Trépanation HATIVE. Guérison complète; par le

D' RocHET (de Lyon). (Gaz. hebd. de méd. et de chir., 1890.)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 267

XIX. QUELQUES cas DE TREMBLEMENT chez LES vieillards;

par J. SACAZE. (Alontpelliel' méd., 1890.)

De l'ensemble des faits consignés dans ce travail, l'auteur a cru

pouvoir dégager les conclusions suivantes : 1° Le tremblement chez

le vieillard est la conséquence de plusieurs causes différentes, telles

que l'hérédité, l'hystérie, les excès de tabac, etc.; 2° par contre, le

tremblement dit sénile, ne paraît pas exister; 3° le rôle do l'arté-

rio-sclérose dans l'étiologie de ce trouble est loin d'être encore

bien défini ; 4° il n'est guère possible, au point de vue du diagnos-

tic, de trop insister soit sur l'allure des tracés, soit sur les nombres

d'oscillations par seconde; 5° l'apparition de tous ces tremble-

ments semble exiger, entre autres conditions indispensables, une

certaine contraction musculaire plus marquée que l'état de tonicité

ordinaire. G. D.

XX. DE LA PACHYMÉNING1TK INTERNE III3DtOBBH.1GIQUE ;

par le Dr Wiglesworth.

Dans toutes les hémorrhagies du système nerveux, se pose la ques-

tion des rapports de l'hémorrhagie avec l'inflammation.

Pour les hémorrhagies méningées, en particulier pour l'hémor-

rhagie sus-arachnoïdienne, il s'agit de savoir si les néo-membranes

qui entourent le foyer sanguin le précèdent ou le suivent. On sait

que pour Virchow il n'y a que rarement des hémorrhagies primi-

tives ; le premier phénomène est une inflammation chronique de

la dure-mère, une pachyméningite, d'où formation de néo-mem-

branes vasculaires, rupture consécutive de ces nouveaux vaisseaux

et hémorrhagie. '

L'auteur pense au contraire que les apparences morbides décrites

sous le terme de pachyméningite ne sont pas le résultat d'une inflam-

matiou mais sont uniquement dues à une effusion de sang sous la dure-

mère. Ce n'est que postérieurement que des adhérences vasculaires

s'établissent entre la nouvelle membrane organisée et la dure-mère

et que cette dernière s'épaissit. Dans plusieurs autopsies faites peu

de temps après l'apparition de l'hémorrhagie, M. Wiglesworth a pu

constater que la face interne de la dure-mère avait conservé son

aspect uni, brillant; il n'existait ni injection, ni épaississement, ni

ramollissement de la dure-mère.

D'où provient alors l'hémorrhagie ? Elle peut provenir des grosses

veines qui s'ouvrent dans le sinus longitudinal, mais il est plus pro-

bable que, dans la majorité des cas, elle provient des petits vaisseaux

de la pie-mère qui occupent les sommets des circonvolutions. Ces

vaisseaux ainsi situés pourront se rompre directement et à travers

l'arachnoïde s'épancher dans l'espace sous-jacent à la dure-mère

268 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

sans répandre leur contenu dans l'espace sous-arachnoïdien : en

effet, dans quelques cas d'aliénation mentale, comme la paralysie

générale, cas dans lesquels se rencontrent le plus fréquemment les

hémorrhagies méningées, il existe, au sommet des circonvolutions,

une union si intime entre la pie-mère et l'arachnoïde que les deux

constituent en réalité une seule et même membrane et que, en

s'épanchant à travers elle dans la cavité arachnoïdienne, le sang

ne fait que suivre la voie où la résistance est moindre. Dans ces

conditions, si l'épanchement de sang sous-arachnoïdien arrive seul

sans pénétrer dans la cavité sous-arachnoïdienne, cet épanche-

ment sera peu marqué et ses traces pourront disparaître rapide-

ment. (Américanjoumal of insanity, 1891.) . B.

XXI. Deux cas DE LÉSION traumatique du cerveau;

par le Dr DEWRY.

Dans le premier cas, il s'agit d'un homme de vingt ans admis à

l'asile de Kankakee le Il décembre 1889. Cet homme, fermier,

vivant seul, ne présentait pas d'antécédents héréditaires, pas d'al-

coolisme. Quatre semaines avant son admission, il s'était heurté

violemment la tête contre le linteau d'une porte. Quelques jours

après, il tombait dans un état mélancolique avec périodes d'exci-

tation par intervalles, état qui nécessita son placement dans un asile

d'aliénés. A l'asile, alternatives de dépression et d'excitation.

Quelques jours après l'entrée, le médecin, au cours d'un examen,

remarque fortuitement un point douloureux au niveau du vertex,

il examine déplus près et constate, à un millimètre et demi de la

ligne médiane, à 31 millimètres en avant de la suture lambdoïde

et 75 millimètres en arrière de la suture coronale, la tête d'un

clou galvanisé' fortement implanté dans la paroi osseuse. Le clou,

retiré à l'aide d'un davier, mesure 75 millimètres de longueur,

3 millimètres de diamètre, la tête présente un diamètre de G milli-

mètres. Le trajet du clou était oblique en bas et en avant sous un

angle de 40 degrés. Immédiatement après l'extraction du clou, em-

barras dans les mouvements du bras droit et quelques symptômes

d'aphasie. Ces phénomènes de paralysie s'accentuent et le lende-

main le malade présente une paralysie complète du côté droit.

Deux jours après l'extraction du clou, apparition de phénomènes

d'inflammation méningée : trépanation au niveau de la perfora-

tion. - Mort au bout de quatre jours. A l'autopsie, on constata que

le clou avait pénétré dans la circonvolution pariétale ascendante,

suivant une direction oblique en bas, en avant et un peu en de-

hors, presque parallèle à la scissure de Romande.

Sa présence avait détruit la substance cérébrale formant une

cavité irrégulière de 55 millimètres de long sur 15 millimètres de

large.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 269

En somme, le clou entré au niveau du centre moteur de la

jambe, avait probablement lésé sur un point sous-jacent le centre

moteur du bras et et de l'épaule.

Une question se posait : Quand et comment le clou a-t-il été

enfoncé ? Il est probable que c'est le malade qui l'a enfoncé lui-

même sous l'influence de ses idées mélancoliques.

Un autre point intéressant de l'observation, ce sont les troubles

moteurs ne se déclarant qu'au moment de l'extraction du corps

étranger, lequel avait été toléré jusque-là.

La seconde observation a trait au boucher de l'asile de Kan-

kakee, qui reçut d'un malade un coup de couperet de boucher. Le

couperet frappa à quelques millimètres au-dessus de la protubé-

rance occipitale, tranchant sur la partie postérieure du crâne une

portion d'os de 75 millimètres de large et de 55 millimètres de

hauteur. Heureusement, la dure-mère resta intacte, complètement

mise à nu. L'os et le cuir chevelu furent remis en place et la plaie

guérit très vite sans que le malade ait jamais présenté aucun

trouble moteur ou sensoriel. (Ame1'iean journal of insccnity, 1890.)

E. B.

XXII. Essai d'une théorie DE la tétanie; par H. Schlesinger.

(Neurolog. Centralbl., 1892.)

Revue critique.

Conclusion. - La tétanie est une affection de tout le système

nerveux dont quelques symptômes peuvent être expliqués par une

atteinte des nerfs périphériques, tandis que les phénomènes con-

vulsifs et le phénomène de Trousseau se rattachent à l'hyperexcita-

bililé du système nerveux central (cerveau -bulbe - moelle). Les

troubles vaso-moteurs sont peut-être le rouage intermédiaire.

P. K.

XXIII. DE la paralysie spinale SYPHILITIQUE; par W. Erb.

(Neurolog. Centralbl., 1892.)

L'auteur tendrait à admettre comme type l'existence d'une sclé-

rose latérale (paralysie 'spinale spasmodique), presque toujours

liée à de légers troubles de la sensibilité et de la vessie (J. Ross

Seeligmuller Rumpf). Mais il fait les réserves suivantes :

1° Le nombre des myélites dorsales se rattachant à la syphilis

est-il assez grand pour pouvoir être séparé des autres cas en tant

que forme séparée. Ses observations personnelles durant ces dix

dernières années (myélite chronique ou dorsale) montrent que

35 à 40 p. 100 de ces malades avaient eu la syphilis. 2° Cette

forme syphilitique de la myélite dorsale a-t-elle des caractères

différentiels qui la distinguent ? Il faudra l'observer. - 3° Parmi

les formes nombreuses des affections spinales syphilitiques, cette

270 REVUE DU PATHOLOGIE NERVEUSE.

paralysie spasmodique peut-elle être considérée comme un type

symptomatique concret. C'est à voir. D'après l'auteur, c'est pro-

bable. 4° Ce complexus symptomatique a-t-il comme substra-

tum une altération à localisation invariable, en rapport avec des

territoires vasculaires précis ? C'est une question d'autopsies.

- P. K.

XXIV. UN CAS DE PARALYSIE BULBAIRE SANS LÉSIONS ANATOMIQUES;

par H. SÉN : 1TOR. (Neurolog. Centralbl., 1892.)

L'auteur croit qu'il faut rattacher ces accidents à une affection

du cerveau; mais le cerveau ne présentait pas de lésions macrosco-

piques, et il n'a pas été soumis à l'examen microscopique. P. K.

XXV. ! UN cas DE CONVULSIONS CLONIQUES du bras A la SUITE DE trau-

MATISME, constituant EN même TEMPS la réponse A la QUESTION : LA

NARCOSE CHLOROFORM1QUE PEUT-ELLE ÊTRE EMPLOYÉE A DÉMASQUER LA

SIMULATION DE LA NÉVROSE TRAUMATIQUE; par M. FRIEDMANN. (NeU-

rolog. Centralbl., 1892.)

De cette observation se dégagent : 1° l'occurrence de convulsions

cloniques affectant la forme de névrose généralisée consécutive au

traumatisme et associée à la parésie ; - 2° la proche parenté des

convulsions cloniques et toniques; 3° la localisation centrale des

premières; 4° la disparition de ces convulsions, dès la phase

d'excitation de la narcose chloroformique. P. K.

XXVI. DEUX cas DE MYOCLONUS multiple (PARAMYOCLONUS MULTIPLE DE

Friedreich; par S. GOLDFLA31. (Neurolog. Centralbl., 1892.)

Diagnostic par exclusion. P. K.

XXVII. UN cas DE paralysie traumatique bilatérale dans LE domaine

du plexus brachial; par M. Bernhardt. (Neurolog. Centralbl.,

1892.) .

Type- Erb. La bilatéralité en constitue la nouveauté. Il s'agit

d'une femme de vingt-neuf ans, chez laquelle on pratiquait une

oophorectomie pour une salpingite double. Pendant plus d'une

heure, elle resta sur la chaise de Veit le bassin élevé, tandis qu'un

assistant lui tenait fortement les deux bras en haut et en arrière.

Quand elle se réveilla du sommeil chloroformique, elle avait les

deux bras paralysés. Par cette traction en haut et en arrière des

bras, les deux clavicules sont venues heurter les plexus brachiaux

comprimés contre les apophyses transverses des vertèbres cervi-

' cales. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 271

XXVIII. UN CAS DE PARALYSIE ISOLÉE DU NERF MUSCULO-CUTANÉ AVEC

REMARQUES SUR LA RÉACTION TRAUMATIQUE DES MUSCLES DE RUMPF ;

par VINDSCIIEID. Complément A CETTE communication; par BERN-

IIARDT. (Neurolog. Centralbl., 1892.)

Paralysie isolée du biceps droit par compression du nerf mus-

culo-cutané sur l'angle d'une plaque de marbre. Ce qui est anor-

mal, c'est que le plexus brachial soit resté indemne. 11 se peut

qu'il y ait une anomalie, ou que la plaque de marbre ait, dans

l'aisselle, atteint isolément les fibres du musculo-cutané dans le

plexus avant dissociation.

La réaction traumatique de Rumpf, c'est l'onde contractile con-

sécutive à la cessation de l'excitation indirecte. Elle ressemble au

tétanos de Ritler (au moment de l'ouverture du courant) qui sur-

vient quand, après avoir longtemps fait passer un courant galva-

nique à travers un nerf, on ouvre le courant, et qu'on explique par

ce fait que l'ouverture d'un courant dans le même sens, provoque

de l'hyperirritabilité. Mais cela n'explique rien. Le traumatisme

a augmenté l'excitabilité du nerf, d'où la réaction anormale du

muscle.

M. Bernhardt rappelle qu'il a publié deux observations sem-

blables, en 1877 et 1884. Il les reproduit en abrégé. P. K.

XXIX. Contribution A l'étude DU tétanos céphalique;

par P. NERLICII. (Archiv. f. Psychiat., XXIII, 3.)

F. de quarante-six ans, accident traumatique du dos du nez, perte de

connaissance, épistaxis. Huit jours plus tard, déviation de la bouche

adroite. Deux jours après, trismus, convulsions cloniques du masséter

gauche, paralysie du facial gauche entier, contracture du masséter

gauche, hyperexcitabilité faradique des muscles animés par le

facial gauche, hypéresthésie de la moitié gauche de la face, pas

de fièvre, mais pouls fréquent. Puis, convulsions de la branche

buccale du facial à gauche, hyperexcitabilité faradique des muscles

de la moitié droite de la face, de la nuque, du cou. Les courants

faradiques faibles déterminent des deux côtés des convulsions.

Hyperexcitabilité mécanique à gauche, exagération des réflexes.

Convulsions pharyngées, dysphagie, dyspnée, phénomènes inten-

sifs à l'occasion de toute excitation optique ou auditive. Convul-

sions toniques adroite, du masséter, du peaucier, du sterno-cléido-

mastoïdien. Pupilles étroites ne réagissant plus. Violents accès d'é-

touffement. Mort quinze jours après le début de l'affection. Autopsie.

Léger oedème de la pie-mère. Anémie cérébrale. Vacuolisation des

cellules nerveuses du noyau du facial et des deux trijumeaux. Inté-

grité de la moelle cervicale. P. KERAvaL

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ lirDICO-PSYCIIOLOGIQUI;.

Séance du 30 janvier 1893.

Présidence de Tu. ROUSSEL ET CHRISTIAN.

M. Th. ROUSSI·;L passe en revue l'oeuvre scientifique de la Société

et rappelle, en termes émus, les pertes qu'elle a éprouvées dans

le courant de l'année qui vient de s'écouler. Il procède ensuite à

l'installation de son successeur.

M. CHRISTIAN prend possession du fauteuil de la présidence en

exprimant, au Président surtout, l'honneur qui rejaillit sur la

société médico-psychologique d'avoir été présidée par un philan-

thrope éclairé dont l'oeuvre sociale est considérable, par l'auteur de

la loi Roussel et du rapport, an Sénat, sur le Régime des aliénés.

Délire des négations. M. 1'ouLOUZS communique l'observation

d'une femme atteinte du délire des négations et dont la mère,

ainsi qu'a pu le constater Morel, présentait déjà le même délire.

Après quelques accès de délire mélancolique, la malade de M. Tou-

louze a été prise d'idées de négations, d'abord mal liées qu'elle

finit ensuite par formuler, en se donnant comme morte depuis

plusieurs années. Aujourd'hui, elle s'étonne de ne pas être en-

terrée ; son corps est vide; elle n'a plus ni nerfs, ni muscles, ni os.

Ce délire, actuellement stable, est véritablement systématisé.

L'observation, des plus complètes, est exposée avec beaucoup de

clarté par l'auteur.

Délire polymorphe. M. ARNAUD rapporte en son nom per-

sonnel et au nom de M. FALRET, l'histoire d'une mélancolique

persécutée et érotique avec penchant au suicide, qui a conçu tout

un système théologique dans lequel elle joue tout à la fois le rôle

de mère et de fille du Créateur. M. ARNAUD déclare ne pas retrouver

dans les classifications la place qui conviendrait à sa malade.

M. FALRET voit dans cette observation la preuve qu'il est néces-

saire d'étudier les variétés cliniques du délire de la persécution

dont plusieurs sont encore observées.

sociétés savantes. <2ï3

M. Charpentier donne actuellement ses soins il trois malades

analogues. Ils se plaignent tantôt d'être persécutés, tantôt d'être

morts. Parfois ils se prétendent ressuscités. Ils ressemblent à des

délirants chroniques; mais leur délire n'a suivi aucune évolution

régulière. A certains moments, ils ont eu de l'excitation maniaque

au cours de laquelle les idées de persécutions s'exagéraient.

M. GnR : mER s'étonne que les idées de persécution aient persisté

pendant les périodes d'excitation.

M. Séglas a observé une persécutée alternativement déprimée

ou excitée mais qui se disait toujours empoisonnée par son mari ;

elle interprétait différemment la chose suivant son état d'esprit.

Un jour, elle s'accusait d'avoir mérité ce que lui faisait son mari ;

un autre jour, elle protestait et le menaçait de représailles.

Marcel Briand.

XV1F CONGHKS DES NEUROLOGUES ET ALIÉNÂTES

DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST

SESSION DE BADE-LES-BAINS

Séance du 28 mai 18921. - Présidence DE : \1, LEBER.

M. LEBER. - Des affections périphériques des nerfs optiques chez

les hystériques. L'orateur a, dans un groupe de cas, observé chez

des hystériques une amblyopie ou une amaurose très prononcée

qu'il fallait imputer à une névrite rétro-bulbaire du nerf optique.

La régression rapide et presque complète du trouble visuel et l'ab-

sence, au début, de toute altération ophthalmoscopique; la cons-

tatation chez les malades d'autres troubles nerveux et des Stig-

mates de l'hystérie, tels étaient les éléments à l'appui de la nature

hystérique des perturbations. Et cependant, malgré la rapidité du

rétablissement des fonctions de la vue, on constatait une décolora-

tion marquée de la papille; en rapprochant cette altération de la

forme du truuble visuel, de l'existence d'un scotome central, d'un

scotome pour les couleurs, de l'unilatéralité des accidents, on pou-

vait conclure que la.lésion siégeait à la périphérie, c'est-à-dire

dans le bout du nerf optique antérieur au chiasma. La cécité, sur-

venue brusquement, permettait, de concert avec l'existence dans la

papille de légères altérations névritiques, d'admettre une névrite en

arrière du globe' de l'oeil, terminée par une atrophie partielle. Mal-

' Voy. Archives de Neurologie, session de 1891. "

Archives, t. XXV. lis

274 SOCIÉTÉS savantes.

gré l'intensité de l'amblyopie, celle-ci rétrocédait presque complè-

tement en huit ou quatorze jours, ou bien sans aucun traitement,

ou bien sous l'influence d'injections hypodermiques de strychnine,

de bromure de potassium, de salicylate de soude. Cinq malades

ont été observés avec soin; parmi eux, on compte quatre femmes

présentant des troubles hystériques plus ou moins marqués; l'autre

cas concerne un homme qui, peu après la rétrocession de l'am-

blyopie (unilatérale), se plaignit de paresthésie et d'anesthésie de

l'autre moitié du corps, qui disparut elle-même bientôt.

En plusieurs cas, l'amblyopie fut précédée de malaises et de fièvre

passagers. Il est probable que la névrite rétro-oculaire, qui, ainsi

que le montrent ces exemples, pent rétrograder rapidement sans

traitement, laisse après elle un trouble de la conductibilité des

fibres nerveuses cédant elle-même à la strychnine ou à une

influence morale; mais il est des cas dans lesquels, le processus

anatomique étant plus actif ou plus prolongé, un certain nombre

de fibres succombent à l'atrophie. Il y a par conséquent des cas où

les troubles soi-disant fonctionnels de la vue chez les hystériques,

tout en rétrocédant du reste, se rattachent à des lésions occupant

les centres nerveux.

L'amblyopie chronique de l'hystérie ou anesthésie rétinienne

tient probablement aussi à une lésion. M. Leber a, dans un cas

d'hystérie grave chez la femme, pu pratiquer l'examen microsco-

pique ; il constata des altérations atrophiques du nerf optique

remontant à plusieurs années; elles occupaient, immédiatement en

avant du chiasma, les trousseaux superficiels des nerfs.

M. D1N&LER. Tabès dorsal syphilitique au début; méningite syphi-

litique; avec présentation de pièces microscopiques. Il s'agit d'un

homme de quarante-deux ans entaché de tares névropathiques.

Syphilitique avéré depuis l'âge de vingt-sept ans. A trente-six ans

(1885), douleurs lancinantes dans les deux jambes, douleurs en

ceinture; en 1889 fourmillements dans les jambes, parésie vésicale,

diminution de la virilité, fatigue rapide au plus petit effort. On cons-

tate à cette époque : cicatrice pénienne, paralysie réflexe despupilles

avec myosis, hypoalgésie et ralentissement dans la conductibilité

des sensations douloureuses dans les jambes, hypéresthésie au ni-

veau du dos; réflexes cutanés normaux, absence complète des

réflexes du tendon d'Achille, réflexes patellaires moindres à droite

qu'à gauche, mais normaux. Sous l'influence des onctions hydrar-

gyriques, de la station thermale de Nauheim et du séjour dans les

montagnes, du nitrate d'argent associé à la noix vomique, le malade

s'améliore. Au bout de six mois, les douleurs lancinantes reparais-

sent sans aucune autre altération appréciable. Une semaine plus

tard, mort subite. On constate au microscope un. tabès dorsal au

début, de la méningite spinale syphilitique avec arachnoïdite gom-

meuse, de l'arthrite gommeuse des basilaires, des artères spinales

sociétés savantes. 27S

et cérébrales moyenne et antérieures des deux côtés. Un ané-

vrysme disséquant de la sylvienne droite s'étant rompu, il y a eu

hémorrhagie cérébro-spinale diffuse.

M. GoLTZ a, en commun avec M. Ewer.n excisé de gros segments

de moelle épinière chez les chiens. 'Ces animaux ont survécu long-

temps. Voici par exemple une chienne à laquelle le 28 mai 1891 on

a sectionné transversalement la moelle cervicale au niveau de la

cinquième vertèbre. En deux séances ultérieures dont la dernière

remonte au 5 janvier 1892, on lui a réséqué 13 centimètres de

moelle à partir de la queue de cheval, d'arrière en avant. Il y a

donc cinq mois que l'animal a subi ces mutilations. Le train pos-

térieur est paralysé, mais la peau ne présente aucun trouble de

nutrition ; les ulcérations qui se sont produites à la suite de la pre-

mière opération se sont guéries. Quant aux muscles des pattes pos-

térieures, ils ont dégénéré; ce ne sont plus que des cordesfibreuses.

Intégrité, par contre, du tube digestif, de la vessie, des vaisseaux

sanguins. Digestion normale, matières fécales solides. Rien dans

le gros intestin, rien à l'anus. La miction doit être mise en train

par une douce pression sur le, ventre; urines normales; conserva-

tion de la tonicité des vaisseaux. Une excitation des tissus cicatri-

ciels au niveau des escarres gangreneuses produit de la rougeur qui

disparaît au bout de quelque temps. En soumettant l'animal à des

alternatives de froid et de chaleur, on voit persister les fonctions

régulatrices de la température somatique. Ces expériences donnent

un démenti aux théories classiques. Il faut aussi noter que les os

du rachis qui ont une première fois subi la section se montrent

d'une remarquable friabilité dans les interventions ultérieures.

M. EnB. - Une tumeur cérébrale enlevée par deux fois avec succès .

Il s'agit d'un malade de quarante-quatre ans atteint d'épilepsie

Jaksonienne caractéristique, d'origine nettement corticale, suivie

d'hémiparésie; d'autres symptômes tels que : accès de céphalalgie,

vomissements, inflammation de la papille au début, permirent

simultanément d'étabiir sûrement l'existence d'une lésion des

régions corticales motrices du côté droit : ou diagnostiqua une

tumeur probable. Le 21 novembre 1890, M. Czerny enleva un

glio-sarcome hémorrhagique. Tout se passa bien; la guérison eut

lieu. Récidive huit ou neuf mois plus tard, nouvelles attaques de

convulsions cloniques monoplégiques, augmentation de la parésie.

On opérait il nouveau le 23 décembre 1891;. cette fois, outre la

tumeur, on enlevait un kyste produisant dans l'hémisphère droit

une perte de substance plus étendue. Actuellement, six mois après

la dernière opération, l'hémiparésie est revenue avec les convul-

sions, mais les facultés mentales n'ont pas subi d'atteinte et le ma-

lade peut encore se livrer à ses occupations. Au niveau de la perte

de substance, on sent sur le crâne une tumeur pulsalile fluctuante,

molle, de la grosseur d'un oeuf.

276 6 SOCIÉTÉS savantes.

" Trois enseignements découlent de cette histoire. Ce malade, évi-

demment perdu si l'on n'eût rien fait, a pu, pendant dix-huit

mois, reprendre son travail et- en tirer profit; il a sans encombre

supporté les frais de deux opérations graves.

Discussion : M. Fuerstner. Chez une femme de trente-cinq ans,

j'ai diagnostiqué une tumeur de la région motrice gauche; l'opé-

ration confirma le diagnostic, mais il ne fut pas possible d'enlever

toute la tumeur; la femme succomba plus tard; à l'autopsie, on

trouva un glio-sarcome étendu de l'hémisphère gauche. En pareil

cas il faut ouvrir largement la paroi cranienne pour voir ce qu'il il

y a et savoir ce que l'on fait.

M. Erb partage complètement cette manière de voir.

M. THOMAS. - De la néphrite choréique. Il s'agit d'un garçon de

quatorze ans et demi n'ayant jamais eu auparavant ni chorée ni

néphrite, chez lequel, trois semaines après le début des symptômes

choréiques, il se montra de l'anasarque généralisée. On pense aune

néphrite; on institue le traitement convenable; l'anasarque et les

symptômes de néphrite disparaissent et, avec eux, les mouvements

choréiques. Il est donc à penser qu'il y avait un rapport étiologique

entre la chorée et la néphrite; l'intoxication produite par le dé-

faut d'élimination des éléments chimiques de l'urine a provoqué

des troubles dans les centres coordinateurs. C'est l'histoire de la

chorée rhumatismale et de la chorée consécutive à des maladies

infectieuses.

M. Moos. Des troubles de l'équilibre consécutifs ci une affection

organique des canaux semi-circulaires. Ces lésions portent sur les

canaux semi-circulaires horizontaux et transversaux d'une fillette

de douze ans ayant succombé à une méningite par staphylococcus

de la base des hémisphères; elle avait, trois ans avant sa mort, été

atteinte de diphtérie scarlatineuse. C'est au moment de la con-

valescence de cette dernière affection que se produisirent : une

surdité complète avec douleurs d'oreilles violentes et profondes,

principalement nocturnes, et de la titubation en marchant. Aucune

autre espèce de symptômes cérébraux. Voici les lésions histolo-

giques : 1° Dans les deux caisses tympaniques, les couches épider-

miques du bord du manche du marteau détruit avaient immigré;

2° la spire de base des deux limaçons présentait une végétation

osseuse qui avait détruit les filets nerveux; le bourgeon osseux

hyperplasié se prolongeait vers le centre jusque dans le ganglion

spiral (d'où la surdité absolue); 3° dans les canaux semi-circulaires

il y avait eu une nécrose des éléments osseux qui s'était guérie. La

nécrose doit être attribuée aux bactéries. M. Moos a jadis montré

que tous les micro-organismes en arrivant dans le labyrinthe peu-

vent coaguler la lymphe; des cellules lymphatiques, par division des

noyaux, se forment des cellules géantes dont proviennent du tissu

SOCIÉTÉS SAVANTES. 277

fibreux ostéoïde ou du tissu osseux capable d'oblitérer la lu-

mière des canaux semi-circulaires, ces cellules géantes peuvent

également jouer le rôle d'angioblastes. Les troubles de l'équilibre

émanent dans l'espèce de la lésion des canaux semi-circulaires.

M. FUEasTivEa. De la faiblesse irritable d'origine psycho-motrice .

L'agoraphobie peut être tenue pour un exemple particulièrement

caractéristique d'un état de faiblesse psychomotrice. Or voici

trois faits dans lesquels, par le concours des mêmes éléments psy-

chiques que ceux qui interviennent dans l'agoraphobie, d'autres

groupes de muscles, ceux surtout qui servent aux occupations

journalières, ont subi un arrêt de conductibilité fonctionnelle; ce

trouble passager a transformé les mouvements voulus combinés

en mouvements incoordonnés. Les trois observations ont trait à

des barbiers chez lesquels, sous l'influence de perceptions senso-

rielles déterminées, le bras droit était périodiquement atteint de

faiblesse avec tremblement et oscillations dissociées. Une quatrième

concerne un maître de chapelle, momentanément incapable, par

ce fait, de diriger les exercices; un cinquième cas porte sur un

médecin devenu par moments inhabile à signer.

)I. Fuerstner a également observé l'aphonie périodique et un

trouble spécial de la parole non paralytique se rattachant à la

résultante intellectuelle pathologique du travail d'élucubration

cérébrale des sensations. Il est évident qu'il y avait par suite

trouble fonctionnel des centres moteurs, le sentiment en modifiant

l'activité. Ce sont des faits à rapprocher des paralysies psychiques.

Chez l'homme arrivé à l'âge mûr, M. Fuerstner a vu spontané-

ment, sans aucun accident, extérieur, se produire une parésie

totale du bras droit; incapacité d'effectuer sans peine certains

mouvements, avec secousses de l'avant-bras etde la main, secousses

exagérées par les mouvements intentionnels. Il y avait aussi anes-

thésie de la main allant en diminuant jusque vers le coude. Affai-

blissement peu accentué de la jambe droite. L'anesthésie peut

même occuper tout le bras ; dans ce cas, il y a hémianesthésie pas-

sagère du même côté, mais sans les organes des sens. (Deux obser-

vations.)

Plusieurs faits rappellent la pseudo-paralysie agitante d'Oppen-

heim. L'orateur les rapproche de la faiblesse irritable limitée des

cas précédents et de la paralysie agitante typique.

M. Edinger. Moelle épinière artificielle. Sur ses indications,

M. Loew a fait fabriquer par la maison Jung (d'Heidelberg) une

moelle épinière avec son bulbe. Cette pièce se distingue des autres

qui ont été faites jusqu'ici en ce que l'on y voit non seulement les

faisceaux et leurs émanations avec les divers centres microsco-

piques, mais aussi deux coupes transverses qui permettent de

s'orienter. -

278 . SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance du 29 mai 1892. Présidence de 1)1. SCFIULTZL.

M. Ascii. Présentation d'un jeune garçon de onze ans porteur

d'alté1'ations particulières aux phalangettes des doigts et des orteils.

Hérédité très chargée au point de vue de la phtisie pulmonaire,

mais ni syphilis, ni alcoolisme, ni maladies nerveuses dans sa

famille. Aucun accident pendant l'accouchement. La tête du jeune

homme est grosse; le corps très maigre; les extrémités digitales

présentent dès la naissance une forme étrange qui est due à ce

que le corps de l'organe est effilé tandis que les phalangettes sont

épaisses. A l'âge de deux ans, plusieurs accès de laryngite stridu-

Leuse ; l'enfant apprit correctement à parler, mais il ne marcha

qu'à six ans ; sa mémoire était bonne, mais il était original et

pleurait facilement, se fatiguant au moindre effort. Les dents de lait,

en scie, friables tombèrent tout d'un coup; il perdit également

les dents de la seconde dentition ou les arracha de leurs alvéoles

dans lesquelles elles n'étaient pas solidement implantées. L'exa-

men actuel démontre qu'il s'agit d'un hydrocéphale avec rétrécis-

sement congénital de l'artère pulmonaire et dystrophie musculaire

progressive infantile. Le volume des phalangettes, rapproché des

fissures de la langue, permet de penser à l'acromégalie mais, comme

il manque beaucoup de symptômes appartenant à cette maladie,

il vaut mieux attribuer l'état des phalangettes à une stase produite

par des lésions artérielles et à l'hydrocéphalie congénitale, tout en

tenant compte de l'hérédité tuberculeuse. Cette opinion ne'permet-

trait pas d'expliquer l'allongement de la charpente osseuse des pha-

langettes qui du reste se retrouve dans l'acromégalie.

M. Laquer. - Présentation d'une batterie t1'Ctl1spol'table de trente

petits accumulateurs pour l'électrisation galvanique. Les accumula-

teurs sont composés de trente cellules; ils sont contenus dans un

coffre en gutta-percha, par séries de dix cellules. Chaque cellule

ou chambre se compose d'une lame positive et de deux plaques

négatives et à la tension de 2 volts, ce qui donne à l'accumula-

teur entier une tension de 60 volts. Cette tension s'obtient à l'aide

de 50 éléments de Leclanché ou de 90 à 100 éléments de Siemens

et Resali. A la batterie est adjointe un milliampèremètre absolu

(modèle Edelmann) à l'échelle de 550 à 500 milliampères. Le dis-

positif intérieur permet d'associer ou de disjoindre les uns des

autres les compartiments cellulaires en série de 5, 15, 30. Au

moyen de deux appareils de résistance régulatrice au fil de

nickel, on peut doser le courant; le régulateur en question peut

faire intervenir 62,000 ohms ; chacun de ces appareils possède

50 contacts; par exemple quand on emploie cinq chambres on

peut diviser 10 volts en 100 fractions. Les accumulateurs peuvent

SOCIÉTÉS SAVANTES. 279

emmagasiner 1,500 milliampères-heures, c'est-à-dire qu'on peut

leur demander trois cents heures de 5 milliampères-cent cinquante

heures de 10 milliampères. On les charge en les mettant en com-

munication avec n'importe quel appareil d'éclairage électrique à

courant constant. L'usage quotidien ordinaire permet d'employer

cette batterie pendant plusieurs mois.

M. ScuuLTZE rapporte une observation de spasmes dans les deux

tenseurs du fascia lata avec hypertrophie consécutive de ces mus-

cles, chez un jeune homme ; il en relate une autre concernant une

contracture des muscles épicondyliens avec hypertrophie extrême de

l'éminence hypothénar et des muscles épicondyliens de l'avant-

bras droit.

L'orateur raconte enfin que chez un homme vigoureux qui n'é-

tait ni hystérique, ni hypochondriaque, un traumatisme avait déter-

miné une plaie sur le côté externe du tibia, qui occupait la face

antérieure de la jambe gauche. Lorsqu'il marchait, ce membre se

cyanosait, devenait douloureux et oedémateux; puis, la sensibilité

du membre diminuait, et le triceps fémoral était pris de convul-

sions cloniques ressemblant à du tremblement; la cicatrice était

excessivement douloureuse. Il s'agit probablement d'une lésion de

la tibiale, car, outre l'oedème bleu, on constate que l'artère dor-

sale du pied ne bat presque plus. Le tremblement du triceps crural

peut être rapproché du tic convulsif consécutif aux cicatrices et aux

blessures de la face.

M. KnOEPEUK. De l'action de quelques médicaments sur les

centres nerveux. Etudiant les effets de ces médicaments sur l'activité

mentale, par la méthode des mensurations psychophysiques,

l'expérimentateur est parvenu à établir le rôle de ces agents et

leur influence sur chacun des éléments composants d'un méca-

nisme intellectuel complexe. Ainsi, d'une façon générale, on peut

dire qu'il y a antagonisme entre la réception et la manifestation

psychique des impressions extérieures d'une part, et la production

des mouvements d'autre part, car les médicaments en question,

agissent différemment sur chacune de ces opérations. Leur dose

joue d'ailleurs aussi un grand rôle.

L'alcool ralentit les opérations intellectuelles; cette aclion se fait

très rapidement et ne cesse que lentement, c'est-à-dire que le

ralentissement obtenu subsiste ; mais il exagère le pouvoir excito-

moteur et cela pendant vingt à trente minutes; au bout de ce

temps, cette fonction devient plus difficile. Si l'on en fait ingérer de

hautes doses, on provoque des phénomènes paralytiques précoces,

autant que complets. Ainsi s'expliquent les intoxications alcooliques

aiguës; l'association des idées se trouble, il se produit des concep-

tions clichées, pour ainsi dire, des associations d'idées par asso-

nances, une idéogénèse exagérée et accélérée (volubilité), tous

80 SOCIÉTÉS SAVANTES. -

phénomènes qui doivent être considérés comme des phénomènes

d'excitation d'ordre moleur.

Au point de vue qui nous occupe, l'éther, le chloroforme et le

nitrite d'amyle sont de proches parents de l'alcool, comme l'indique

Je tracé graphique de résultats expérimentaux. A petites doses,

en tous ces cas, il y a en même temps, paralysie sensorielle et in-

tellectuelle, conjointement avec l'hyperexcitabilité motrice ; quand

l'intoxication progresse, il y a paralysie du système locomoteur.

C'est avec le nitrite d'amyle que l'excitomotricité est le plus exas-

pérée et qu'il y a le moins d'obnubilation de la connaissance. L'effet

psychique de la paraldéhyde se rapproche encore davantage de

celui de l'alcool, mais le trouble de la connaissance se montre des

plus rapides et des plus intenses. En revanche, l'hyd1'ate de chloral

paralyse déjà à petites doses l'élément intellectuel et excitomoteur

de l'activité psychique.

L'intoxication par le thé est toute différente. Il facilite nettement

et pour longtemps les opérations sensorielles et intellectuelles,

sans produire après d'accidents paralytiques. Suivant toute appa-

rence, il gêne un peu le centre générateur des mouvements,

mais active la contraction des muscles par action périphérique.

La morphine aussi excite les fonctions sensorielles et intellectuelles,

mais en même temps se développe une paralysie motrice centrale

progressive.

La genèse des paralysies du système moteur est propre à tous

lespoisons qui modifient le caractère lorsqu'on en fait abus d'une

façon chronique. Alcool, éther, chloroforme, hydrate de chloral,

paraldéhyde et morphine engendrent, à des degrés divers, cet

affaiblissement permanent de l'activité volontaire, ainsi que la

paralysie motrice aiguë, d'origine centrale. Le thé, au contraire,

agit peu sur l'activité du système moteur, il l'entrave un peu sans

la paralyser, par suite il peut produire des troubles neurasthéni-

ques, mais jamais il ne détermine la dégénérescence morale qui

est un caractère effrayant des intoxications que nous venons de

passer en revue.

M. A. Hoche. De la réaction galvanique de l'appareil visuel.

Etablir : 10 si chez les aliénés et notamment leshallucinés de la vue,

il existe des modifications des réactions galvaniques de l'oeil (comme

il en existe dans l'auditif chez les hallucinés de l'ouïe) ; 2° quelle est

la réaction galvanique du nerf optique dans les cas de lésions

organiques et d'altérations fonctionnelles de l'oeil, conformément

aux principes de Erb ?

Tel était le projet primitif de l'orateur.

Mais il fallait, avant tout, déterminer la valeur de la réaction

normale et les oscillations physiologiques de cette valeur, en un

mot la formule normale de la réaction lumineuse galvanique.

En procédant avec méthode, tant en ce qui concerne la préci-

SOCIÉTÉS SAVANTES. ? 8 1

sion de l'appareil instrumental qui ne doit pas varier une fois qu'on

en a rationnellement déterminé les conditions, qu'en ce qui a trait

à l'examen des individus, M. Hoche a trouvé ce qui suit :

Le minimum de la sensibilité lumineuse galvanique se montre

dans les yeux sains (acuité visuelle = 1, aucune anomalie de la

réfraction ni du fond de l'oeil) quand on fait agir un courant dont

l'intensité varie entre 1/50 et 1/5 de milliampère; la plupart des

yeux réagissent sous l'influence de 1/20 à 1/10 de milliampère.

La réaction se montre à un courant minimum chez les neurasthé-

niques, les hystériques, les individus très sensibles, ce qui prouve

qu'il y a chez eux exagération de la sensibilité des surfaces senso-

rielles centrales et non des organes périphériques.

L'exercice n'influence aucunement les valeurs minima, quand

elles ont atteint une certaine limite.

Des deux yeux d'un individu ayant 1 pour acuité visuelle, il

arrive que l'un des deux réagisse à une intensité moindre du cou-

rant que l'autre. C'est celui qui a acquis une activité profession-

nelle (exercice du microscope) ou qui s'est exercé à des observations

entoptiques, ou qui par rapport à l'autre est plus vigoureux,

l'autre, par exemple, étant atteint d'anomalies de la réfraction.

L'âge parait diminuer la sensibilité galvanique.

Chez la plupart des sujets, la première sensation lumineuse gal-

vanique se montre à la fermeture de l'anode parfois même simul-

tanément à la fermeture de l'anode et à l'ouverture de la cathode;

la dernière sensation qui apparaisse apparaît à l'ouverture de

l'anode, mais c'est la fermeture de l'anode qui, quelle que soit

1 intensité du courant, provoque l'intensité lumineuse la plus péné-

trante. La formule des phases du courant suit donc en ordre inverse -

de celle que montre l'examen galvanique d'autres nerfs; la ferme-

ture de l'anode est l'agent d'excitation de zip, la fermeture de la £ z

cathode celui des nerfs moteurs (étude des valeurs absolues, échelle

des chiffres). La raison la plus plausible de cette interversion, il

faut la chercher dans l'existence d'électrodes virtuelles au pôle

postérieur de l'oeil. Quant à la durée de la sensation dans ses rap-

ports avec chacune des électrodes, on n'a pu établir de valeurs

absolues.

A raison de la multiplicité et de l'iiitrication des réseaux cons-

titués par la disposition des éléments rétiniens, nous n'espérons

guère poser de formule normale aussi exacte que celle qui régit les

nerfs sensibles de la peau.

M. J. HOFFMANN. De l'atrophie musculaire spinale progressive

dans une même famille. Il s'agit de deux familles non parentes;

chez l'une d'elles, sur quatorze enfants, six présentaient l'ensemble

symptomatique qui suit ; chez l'autre, sur six enfants, il y en eut

deux d'atteints. L'affection débute à la première année de la vie,

par une paralysie, à marche subaiguë ou chronique, des muscles

282 SOCIÉTÉS SAVANTES.

du bassin, du rachis, des cuisses. Puis, au bout d'un temps plus ou

moins long, vient le tour des muscles du cou, de l'épaule, des

bras, des avant-bras, des mains. Atrophie dégénérative progressive

du système musculaire, avec réaction dégénérative ; en aucun cas

il n'y eut de pseudo-hypertrophie. Disparition des réflexes tendi-

neux et des réflexes cutanés; les nerfs ne sont, pas plus que des

masses musculaires, sensibles à la pression. Intégrité constante des

sphincters. Intégrité de la sensibilité. Toujours chez tous les malades,

marche symétrique, chronique, progressive. Sans exception, la

mort avait lieu de un à quatre ans après le début de la maladie.

Aucun des enfants ne dépassa l'âge de cinq ans ; ils furent tués

par une paralysie des muscles du tronc avec lésion secondaire des

poumons. Furent épargnés les muscles de la face, de la langue, du

larynx, du pharynx, ainsi que les organes des sens. Pas d'acci-

dents cérébraux. L'autopsie d'un des sujets a jusqu'ici démontré

l'existence de l'atrophie dégénérative des muscles (état graisseux),

de la dégénérescence des racines antérieures de la moelle, et des

cellules des cornes antérieures. L'examen complet n'a pas été

achevé. Ce mémoire sera publié plus tard in extenso.

M. G. Aschaffenburg. Contribution à l'étude du délire du col-

lapsus. Ce délire est la conséquence de lésions profondes de l'or-

ganisme ; il succède à des maladies aiguës, à des maladies puerpé-

rales. En très peu de temps, les accidents atteignent une acuité

extrême ; ils revêtent la forme de la manie aiguë (agitation, volu-

bilité du langage, rimes, assonances, allitlérations, parole rylh-

mée et saccadée, désordre extrême dans les idées) avec alternatives

de gaîté et de dépression, pouvant aller jusqu'à l'angoisse, selon

la forme des hallucinations. 11 existe, en effet, de nombreuses

hallucinations de tous les sens et des ilusions de la vue et de l'ouïe.

L'insomnie complète et l'irrégularité de l'alimentation entraînent

un affaissement progressif. Mais il est rare de voir la mort survenir

dans le collapsus le plus profond. Généralement, le collapsus, qui

paraît si grave, cesse soudain, après avoir duré quelques jours,

deux semaines au plus. Tout à coup les malades reprennent leur

lucidité et tout est fini. Mais, dans quelques cas, il se produit un

stade de réaction, constitué par de l'irritabilité, une tendance au

mécontentement, à se plaindre de tout, qui juge définitivement la

maladie. Il peut enfin aussi arriver que la guérison n'ait lieu qu'à

la suite du syndrome de la démence aiguë. En tout cas, la gué-

rison reste complète sans laisser de traces.

La maladie à laquelle le délire de collapsus ressemble le plus,

c'est le delirium tremens, mais, dans le delirium tremens, le trouble

de la connaissance est moins profond. L'alcoolique peut comprendre

ce qu'on lui dit, ce qu'on-lui demande, il n'a pas un désordre des

idées aussi intense. il est moins obtus ; la volubilité des idées

n'existe pas chez lui. L'humeur des deux espèces de malades porte

SOCIÉTÉS SAVANTES. 283

la teinte du genre de leurs hallucinations, mais le tremblement

de l'alcoolique est plus ordonné, il obéit à un délire qui rappelle

la nature de ses occupations ordinaires.

La manie furieuse de l'épileptique est brutale; l'obtusion men-

tale est plus profonde, il n'existe pas chez lui cette volubilité que

nous avons décrite, cette volubilité manque aussi dans le délire

raisonnant post-épileptique. L'accès de manie aiguë du dément

paralytique reflète les idées de grandeur de ce malade ; les hallu-

cinations sont chez lui moins nombreuses et moins actives; il pré-

sente, par moments, l'embarras de la parole caractéristique même

lorsqu'il n'est qu'esquissé, et l'inégalité pupillaire.

Le traitement consiste à soutenir le malade par tous les moyens

dont nous disposons. L'alcool est notamment un bon médicament

parce qu'il agit en même temps comme hypnotique, la paral-

déhyde, la morphine, le chloral et l'opium, pouvant agir défavo-

rablement sur l'organe central de la circulation; excellence des

bains chauds prolongés. ·

L'évolution du délire de collapsus étant courte, ces malades ne

sont guère observés dans les asiles d'aliénés. C'est pourquoi l'on en

connaît peu l'histoire. - ,

M. GIERLICH, De la névroglie et de son inflammation dans le

ramollissement du cerveau. Il s'agit d'un cas d'encéphalomalacie,

dans lequel on trouva des altérations spéciales de la névroglie. Le

foyer de ramollissement occupait la base du lobe occipital et du

lobe temporal du côté gauche ; il existait, en outre, de petits foyers

dans les ganglions de la base. L'examen microscopique révéla dans

les parties ramollies deux espèces de tissus. 4° Sur les limites du

tissu normal, les cellules de la névroglie étaient augmentées de

volume; le protoplasma y était plus abondant, ainsi que les noyaux

(on en trouvait deux et plus); elles émettaient de nombreux prolon-

gements qui s'entre-croisaient. Entre ces éléments, il n'y avait que

de rares fibres nerveuses. 2° A la périphérie, un tissu très riche en

cellules : cellules rondes, ovales, anguleuses, contenant de un à

quatre' noyaux contre la paroi des éléments, avec un protoplasma

granuleux. Les unes étaient grosses comme une cellule migratrice,

les autres quatre fois plus volumineuses que celle-ci.

C'est, somme toute, ce que l'on voit dans le gliosarcome. Mais ce

n'en est pas un, car nous savons que les petits foyers séparés du foyer

principal par un pont de tissu sain présentent les mêmes altéra-

tions, et, d'autre part, en examinant attentivement les nombreux

foyers minuscules des ganglions de la base, nous y retrouvons les

mêmes caractères. Il s'agit donc bien d'un foyer de ramollissement

sur les bords duquel la névroglie a proliféré à un degré extrême.

On a déjà décrit cet état anatomique sous le nom de gliose.

M. J. STEINER. Des lésions de plusieurs nerfs crâniens par un

z84 SOCIÉTÉS SAVANTES. ,

traumatisme chimique. Chez une dame de vingt ans, présentant des

ganglions tuberculeux du cou, à droite ; on injecte, dans la masse

de ces tumeurs, un mélange d'iodoforme, de glycérine et de

formiate de soude. A la sixième séance, la malade est soudain

prise d'angoisse. La dyspnée passée, huitjours après cet accident ;

on constate une paralysie de la branche supérieure et de la branche

moyenne du facial, une'déviation de la langue à droite avec diffi-

culté de la mastication et de la déglutition ; une paralysie de la

corde vocale droite. Le nerf laryngé est lui-même atteint. Il est

probable que les branches respiratoires du pneumogastrique et sa

branche cardiaque sont aussi prises. Réaction dégénérative des

muscles accessibles à l'examen. En résumé, l'accident a porté sur

les deux rameaux supérieurs du facial, l'hypoglosse, le laryngé supé-

rieur et le laryngé inférieur, du côté droit. Sous l'influence de l'élec-

tricité galvanique, en quelques mois les laryngés supérieurs et

inférieurs ont récupéré leurs fonctions; le facial et le lingual sont

partiellement reconstitués.

M. Gilbert décrit deux cas de polynévrite. L'un est de nature

infectieuse. Dans ce cas, il s'agissait d'un homme de cinquante-

cinq ans pris à la suite d'une émotion violente, excessivement vio-

lente, des accidents d'une névrite aiguë multiloculaire revêtant

l'aspect de lapéliose rhumatismale et de l'infection aiguë. Atrophie

excessive avec diminution colossale de poids, exacerbation apyré-

tique à la suite d'un coryza, amenant la mort en quelques heures

par paralysie des centres respiratoires. - L'autre observation con-

cerne une dame qui après avoir tenté de s'empoisonner avec du

vert de Schweinfurt fut atteinte d'une polynévrite extrêmement

violente, limitée à un côté du corps.

M. THOMSEN. Contribution ci la casuistique du traumatisme cépha-

lique. Un mélancolique se tire dans la moitié droite du front une

balle de revolver de 7 millimètres. Ni fracture, ni phénomène

local ; le soir, délire. Puis plus aucun accident. Le cinquième jour

brusquement une série d'accès d'épilepsie francs; puis plus aucun

accident. Le onzième jour coma grave avec 42 pulsations, acci-

dents de paralysie et d'excitation de tout le côté gauche du corps.

Le douzième jour les mêmes symptômes subsistent. Le treizième,

somnolence, puis tout revient à la normale et la guérison complète

a lieu. La santé ne s'est pas démentie depuis.

M. L. Laquer. D'une forme particulière de paresthésie des

extrémités. Série d'observations caractérisées par des accès d'en-

gourdissement et de rigidité des deux mains et des deux avant-

bras. Les sensations de brûlure et de piqûre insupportables sont

diffuses, elles s'étendent à. toute la surface du corps et dégénèrent

la nuit en une violente douleur qui prive très souvent le malade de

sommeil. Elles surviennent spontanément ou à la suite d'un travail

SOCIÉTÉS SAVANTES. 285

pénible ou encore après certaines excitations thermiques. Pas

d'autres accidents. Il s'agit très probablement d'une névrose pro-

fessionnelle, survenant chez des femmes anémiques à la suite de

travaux manuels. En tout cas, c'est une maladie des plus opiniâtres :

quelques malades ont cependant pu être améliorées ou guéries par

la galvanisation, les bains, des pulvérisations d'élher le long de la

colonne vertébrale.

Dicussion : M. SCIIULTZE. - C'est là Yacroparesthésie que j'ai déjà

décrite et que l'on trouvera dans la thèse de Mohr.

M. V1NDSCIIGIU1'. Chez une fillette de douze ans il survenait la

nuit par accès de très violents fourmillements qui débutaient par

la pulpe des doigts. L'eau froide arrêtait le mal. (Archiv f. Psych. u.

ru6H/;)'anA., XXIV, 2) P. Keraval.

CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE

CINQUANTE-SEPTIÈME SESSION A BRESLAU .

Séance du 5 décembre 1891.

M. KURELLA. - De l'assistance publique des idiots. La loi prus-

sienne du 11 juillet 1891 charge les bureaux de bienfaisance ré-

gionaux (Landal'menvel'boende) de placer les idiots et épileptiques

indigents dans des asiles appropriés. C'est entrer dans la voie de

l'assistance officielle et substituer à l'initiative et à la bienfaisance

privées le traitement médical. Il importe que nous nous en occu-

pions, car les religieux qui conduisent actuellement un grand

nombre d'asiles privés de ce genre et qui tendent à rejeter l'assis-

tance médicale, se remuent pour obtenir l'autorisation d'en fonder

de nouveaux et pour être titularisés.

Combien y a-t-il d'idiots indigents ? On ne le sait en Prusse, mais

les statistiques du Wurtemberg, du canton de Zurich, des pro-

vinces baltiques, et du Danemark (1888-1889), permettent d'éta-

blir la proportion d'un idiot par 5 à 600 habitants. Ce qui don-

nerait pour la Silésie plus de 8,000 idiots et imbéciles.

On ne saurait penser à hospitaliser tous ces malheureux. En

Wurtemberg (asiles de Stetten et Mariaberg) et en Hanovre (Lan-

genhagen), où l'on hosptialise la plupart des idiots indigents, on

compte un idiot par 3 ou 4000 habitants. Ce qui donnerait pour

la Silésie un total de 1400 idiots.

'Voy. Arcldves de Neurologie, LVI" session.

28G SOCIÉTÉS SAVANTES.

S'il est possible dans un petit centre de réunir en un même

asile, sous une même direction, idiots et épileptiques, il vaut mieux,

pour les provinces étendues, fonder un asile pour chaque catégorie

de ces malades. Mais, l'idiotie s'accompagnant fréquemment d'épi-

lepsie, il est indiqué de confier les enfants épileptiques à un asile

d'éducation pour les idiots. On commencerait par fonder un asile

public destiné à l'éducation des enfants atteints d'arrêt de dévelop-

pement des facultés, puis, peu à peu, on recevrait dans une annexe

les idiots adultes, et l'asile public prendrait ainsi son extension

naturelle.

Il est aisé de comprendre que les idiots dangereux et indi-

gents arrivés à l'âge adulte, peuvent aujourd'hui, comme avant,

continuer à être reçus dans une section de chroniques d'un asile

d'aliénés, car ce sont des infirmes, tout comme les déments. Mais

il n'en est pas de même des idiots perfectibles. Il faut organiser

pour eux un établissement d'instruction et d'éducation. Le médecin-

directeur peut seul remplir ces indications; il suffit, pour s'en con-

vaincre de lire les comptes rendus et les publications quelconques

sur ce sujet des religieux ou de leurs agents actuellement à la tête

d'asiles privés d'idiots. La psychologie de l'idiot, qui n'est autre

qu'un malade .atteint d'une affection chronique du cerveau, fait

partie de la pathologie cérébrale. Elle emprunte ses particularités

spéciales à ce fait que le processus morbide a frappé un organe

avant que le développement en fût suffisamment avancé; de là les

lacunes psychiques. Mais c'est justement par suite de ces considé-

rations qu'il faut confier cette mission à un pathologiste.

Pour connaître et traiter les affections intercurrentes qui hantent.

les enfants et les adultes affectés d'idiotie, il faut que le médecin

s'occupe journellement et exclusivement de ces malades-là. On ne

traite pas une otorrhée par des prières et des invocations. L'étude

de l'idiotie est une introduction naturelle il celle de la pathologie

du cerveau, puisque cette affection représente la vivisection à telle

ou telle phase du développement cérébral, à celle de la craniologie,

car le système osseux joue un grand rôle dans sa genèse, à celle de

la criminologie, car les facultés morales sont également mutilées.

On peut du reste très bien installer un institut médico-pédago-

gique près d'un asile quelconque, tout en laissant au médecin qui

en sera chargé la plus complète liberté. L'administration de l'asile

effectuera les prescriptions de toute nature du médecin, suivant

l'exemple de Dalldorf, Bicêtre, la Salpêtrière : les idiots adultes

ou adolescents, incapables de développement, seront ainsi reçus sans

difficultés dans la section des incurables.

Du reste, il est bien simple de nommer une commission qui dans

la prochaine séance nous fasse des propositions fermes et qui, con-

formément au souhait de M. Gûrich, nous donne une bonne défi-

nition de l'idiotie et nous apporte une statistique.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 287

A la suite d'une discussion à laquelle prennent part MM. Wernicke,

DORNHLUETH, ALTER, sont nommés membres de la commission :

MM. ALTER, GUIIICH, KARCZEWSKt, IvURELLA VVER111ChE.

M. CL. NEISSER. Critique de laparanoïa au point de vue clinique.

(Publié hl-extenso dans le Centralbl. f. Ne1'venheil/¡wule 1.) .)

M. H. Sachs. - Des images commémoratives des impressions vi-

suelles. (Voy. le Centralbl. f. Ne1'vl'nheilk 2.)

M. Wernicke. Bases d'une symptomatologie psychiatrique. (Voy.

Berl. ]Wn, IVocherzsclcrift., n° 23. Allg.) (Zeitsch. f. Psychiat.,

XLIX, 1,2.) P. KERAVAL.

cinquante-huitième session A llItEzLAU

Séance du 12 mars 1892 3.

M. Altier. - Contribution ci l'assistance provinciale des idiots et

des épileptiques. Rapport. - On désigne sous le nom d'idiots

tous les aliénés qui dès leur naissance ou dans leur plus tendre

enfance sont atteints de débilité mentale, d'imbécillité, de dé-

mence.

Sous l'influence de M. Gûrich, l'administration provinciale, avec

l'aide des conseillers régionaux (Landreetlie) et des magistrats, a

entrepris une statistique. Nous y voyons qu'en Silésie, il y a

962 idiots et 503 épileptiques qui, indigents, devraient être assistés

et qui ne sont pas encore admis dans un asile approprié. Mais cette

statistique ne comprend point la ville de Breslau qui forme à elle

seule un district, au point de vue de l'assistance, et l'on n'a pas

encore résolu la question de savoir si l'on doit lui recevoir ses

idiots et ses épileptiques ou les lui laisser assister. D'autre part,

M. Kurella raconte que, par ordonnance royale datant de 1888, les

professeurs sont tenus de signaler aux inspecteurs scolaires, les

enfants atteints d'infirmités et de lacunes psychiques et physiques.

Il est, en consultant ces listes, aisé de trouver les idiots et les épi-

leptiques. Or, dans le cercle régional de Kreuzbourg, il y a actuel-

lement 22 idiots de moins de onze ans; la statistique de l'adminis-

tration provinciale n'en indique que 12 dans cette même zone.

Une enquête de M. Gübitz sur la ville de Breslau n'a pas été plus

sérieuse au point de vue des résultats.

11 nous paraît donc impossible de dresser une statistique fidèle

' Voy. Archives de Neurologie, Revues analytiques.

5 Id., Reyues analytiques. ,

3 Id., séance de décembre 1891.

288 sociétés savantes.

de tous les idiots et épileptiques. On se bornera par suite à mettre

l'assistance de ces malheureux en harmonie avec une approxima-

tion donnée, tout en ménageant à l'institution la ressource d'agran-

dissements selon les besoins.

Comment organiser l'assistance des idiots et épileptiques ? Il y a

unanimité sur ce point. L'administration provinciale devra fonder

des asiles publics spéciaux qu'elle conservera sous son autorité ; tout

en reconnaissant les services rendus par la bienfaisance indivi-

duelle, les asiles privés fondés par elle, ne sont point organisés

comme il conviendrait. L'assistance de l'idiot doit reposer sur

l'éducation; on doit s'efforcer d'instruire et de donner une profes-

sion afin de décharger d'autant les établissements. L'idiot perfec-

tible sera donc surtout éduqué, exercé, développé au point de vue

d'une activité utilisable. C'est pourquoi le médecin d'un asile public

d'idiots devra avoir une situation toute différente de celle que lui

font les asiles privés.

Idiots et épileptiques sont des malades dont l'hygiène doit être

réglée par le médecin. Les exercices, leur mode, leur adaptation

à tel ou tel individu, et, inversement, l'entraînement des divers

sujets, tout cela appartient au médecin. Ces asiles seront donc

dirigés par des médecins qui formeront et surveilleront les institu-

teurs et les infirmiers. Il faut pour arriver à son but que le mé-

decin ait une autorité complète; il doit être le directeur et non le

conseil, non le médecin en chef. C'est pour cela que l'administra-

tion provinciale.aura sous son autorité les asiles d'idiots, de même

que les asiles d'aliénés '. '

Logique avec elle-même, la commission a également exprimé le

voeu que l'action demeure entière à l'administration provinciale et

que les asiles d'idiots et épileptiques n'aient rien à faire avec le

bureau d'assistance, puisqu'il s'agit d'aliénés. En Silésie, en effet,

ce bureau est autonome et ne relève pas de l'administration pro-

vinciale. Il est évident que, les aliénâtes ayant toute compétence

en ce qui concerne le traitement et l'éducation des idiots, il n'y a

pas de raison pour qu'ils se heurtent un jour ou l'autre à une fin

de non-recevoir, sous prétexte que le bureau d'assistance est

chargé de placer ce genre de malades. Ce n'est pas tout; si l'assis-

tance publique des pauvres idiots et épileptiques réussit, il faut

s'attendre à la constitution de pensionnats; or, le bureau d'assis-

tance n'a à connaître que de l'indigence.

Enfin la commission, après avoir examiné les avantages et les

inconvénients : a. des grands'asiles communs à tous les genres de

l'idiotie et de l'épilepsie; - b. des asiles spéciaux aux enfants idiots

et épileptiques, spéciaux aussi aux adultes idiots et épileptiques;

1 Grave affaire que nous signalons à nos confrères, qui préconisent la

séparation des fonctions. (il. K.)

sociétés savantes. 289

c. des annexes agencées près d'un asile public d'aliénés pour

traiter et éduquer les idiots et épileptiques jeunes, tandis que l'éta-

blissement proprement dit continuerait à recevoir les malades

adultes, la commission a pensé que ce qu'il y avait de mieux à

faire en Silésie, c'était de construire de grands asiles communs iL

tous les genres de l'idiotie et de l'épilepsie; mais, naturellement, en

ménageant, dans ces établissements, des quartiers séparés à ces

genres de malades, et en précisant que l'on s'y occuperait surtout

d'éducation. Elle a donc rédigé la proposition suivante :

u Il n'y a aucun inconvénient à réunir toutes les catégories de malades

« idiots et épileptiques en de grands asiles communs pourvu que le but

« poursuivi soit l'instruction et l'éducation représentées, sous la conduite

« du médecin, par un institut médico-pédagogique bien et complètement

« aménagé qui en constitue le foyer principal. »

A la suite de la discussion à laquelle prennent part 11111. GUBITZ,

GURICH, WERNICKE, DORNBLUETII, ALTEft, Kurella, cette proposition

est adoptée.

M. TREPINSKI. Contribution à la connaissance du développement

des manchons de myéline dans les cordons postérieurs de la moelle,

avec présentation de préparations. Examen par la méthode de Pal et

Weigert de la moelle lombaire, dorsale, cervicale inférieure, de

foetus mesurant 27 à 47 centimètres. L'auteur a trouvé que les pre-

mières fibres nerveuses à myéline apparaissent dans les cordons

postérieurs de foetus ayant atteint 24 centimètres de longueur. Sur

une coupe transverse de la moelle lombaire, on n'en trouve pas

une seule dans une zone postéro-latérale de ce cordon; mais on

les rencontre assez uniformément disséminées sur tout le reste de

cet organe. Dans la moelle dorsale et cervicale inférieure, ces

fibres myéliniques n'occupent qu'une bande étroite avoisinant la

cloison postérieure et les zones externes du même cordon et encore,

pas jusqu'à la périphérie postérieure; entre ces fibres internes et

externes, des deux côtés, il existe, dans le cordon postérieur, une

partie veuve de fibres myéliniques qui a la forme d'un coin à

sommet dirigé en avant. Celte zone cunéiforme non organisée

commence au niveau de la partie inférieure de la moelle dorsale,

elle monte dans la partie supérieure de la même région jusqu'à la

partie inférieure de la moelle cervicale et, dans ces deux segments,

son sommet se dirige peu à peu en avant sans toucher nulle part

à la commissure postérieure.

Chez les foetus de 28 centimètres de long, les segmeuts·postéro-

latéraux du cordon postérieur de la moelle lombaire sont égale-

ment occupés par des fibres myéliniques. Mais déjà. le reste du

cordon est pourvu de nouvelles fibres ou du moins leurs gaines

myéliniques commencent à se former à cette époque; en effet,

outre que le nombre des fibres à myéline y est infiniment plus

Archives, t. XXV. 19

290 SOCIÉTÉS savantes.

grand, les zones glabres ont diminué de volume, quoique l'ensemble,

du cordon postérieur ait considérablement augmenté. Dans les

régions dorsale et cervicale inférieure, abondance de fibres myéli-

niques, aussi pressées dans les segments internes du cordon posté-

rieur que dans ses segments externes, notamment au niveau de la

partie inférieure et moyenne de la moelle dorsale ; à cette époque,

il n'est guère possible de distinguer le segment externe du segment

interne à moins de bien remarquer une petite bande, moins riche

en fibres myéliniques, et, par suite, plus claire, qui constitue la

limite entre le regment interne et le segment externe du cordon.

En s'élevant dans la partie supérieure de la moelle dorsale on

retrouve la bande claire qui s'est étendue.

Chez les foetus de 35 centimètres, la partie moyenne du cordon

postérieur se développe, c'est-à-dire qu'entre les fibres nerveuses

myéliniques déjà développées, de nouvelles fibres reçoivent leur

myéline (région lombaire). Dans la moelle dorsale et cervicale infé-

rieure, les fibres myéliniques s'accroissent dans les segments

externes ainsi que dans une partie interne voisine de la cloison

postérieure.

Chez les foetus de 42 centimètres, il n'y a plus de parties claires

et de parties obscures quelle que soit la région de la moelle. A

cette époque, les fibres du cordon postérieur ont toutes reçu leurs

gaines de myéline. A cette époque aussi, on voit dans la zone

marginale de Lissauer des fibres myéliniques, mais il y existe

encore des espaces clairs assez étendus.

Par conséquent, les fibres des cordons postérieurs sont pourvues

de leurs manchons de myéline en quatre temps, par stades de déve-

loppement correspondant aux dimensions foetales de 24, 28, 35,

42 centimètres. Il faut cependant faire une exception pour la zone

marginale de Lissauer qui n'est pas invariablement pourvue de

fibres myéliniques chez tous les foetus de 42 centimètres de long.

Quant aux relations qui existent à cet égard entre les fibres du

segment interne (faisceau de Goll) et du segment externe (faisceau

de Burdach) du cordon postérieur dans la moelle dorsale et cervi-

cale inférieure, les fibres du faisceau de Goll sont pourvues de leurs

gaines myéliniques, aux mêmes époques et aux mêmes intervalles

que celles du faisceau de Burdach. Or, dans le faisceau de Goll, il

y a des fibres à long trajet; dans le faisceau de Burdach existent

des fibres à court trajet; il n'y a donc au point de vue du mode de

développement qui nous occupe, aucune différence entre ces or-

ganes et leurs éléments constitutifs.

- Que montre maintenant la dégénérescence des cordons postérieurs

dans le tabès ? En quelques cas (stades de début du labes), c'est la

partie moyenne du cordon postérieur qui est surtout lésée ; or, cette

partie est occupée par des fibres nerveuses relevant du troisième

stade du développement. L'extension de la dégénérescence corres-

sociétés savantes. ? 91

pond donc exactement aux fibres de ce troisième stade. Cette opi-

nion est renforcée par celte constatation que, dans les régions

dorsale et cervicale inférieure, la lésion occupe, dans le faisceau

de Goll, un segment situé près de la cloison postérieure tandis

qu'elle respecte le segment postérieur du faisceau de Burdach.

Il est d'autres observations de tabès dans lesquelles les fibres dégé-

nérées appartiennent au troisième et au quatrième stade de déve-

loppement, tandis que celles du premier et du deuxième stade

demeurent intactes. Le cordon postérieur affecté de cette façon a

le même aspect que le cordon postérieur arrivé au deuxième

stade de son développement, puisqu'on n'y trouve pas de fibres

relevant des stades trois et quatre; cette ressemblance s'applique

aussi bien aux régions lombaires qu'aux régions dorsale et cervi-

cale inférieure. Il est des cas dans lesquels la lésion porte sur

les fibres des deuxième et troisième stades de développement. La

lésion est alors surtout accusée dans la partie moyenne du cordon

postérieur; déchéance des fibres des deuxième et troisième stades

de développement; intégrité de celles relevant du premier stade;

dégénérescence moyenne du segment postérieur du cordon, dans

lequel les fibres du quatrième stade demeurent intactes. La moelle

dorsale et cervicale inférieure est surtout, à raison de la réparti-

tion des fibres des deuxième et troisième stades, lésée dans la

partie moyenne du faisceau de Goll; il y a altération des segments

postérieurs du faisceau de Burdach. Le tabès est donc aussi au

point de vue embryogénique, une affection systématique, et, le

plus habituellement, une affection systématique combinée.

Discussion : M. H. Sacs. M. Flechsig, au dernier congrès des

naturalistes, a présenté des préparations d'embryons sur lesquelles

on constatait la présence des fibres du troisième stade de déve-

loppement. Il a également présenté des préparations empruntées

à un tabétique dans lesquelles les fibres en question avaient dégé-

néré exactement à la même place. '

M. PicK. De l'association des troubles oculaires d'origine hysté-

j'ique avec des troubles oculaires d'origine organique. (Publié in

extenso '.)

M. FREUND présente des schémas destinés à enregistrer l'état de la

sensibilité. On les trouve chez Hirschwald, de Berlin.

M. H.\IIN présente des. photographies de coupes transverscs et per-

pendiculaires à travers un hémisphère cérébral grossi deux à trois

fois. On les trouvera dans le récent ouvrage de Saclls, sur la suús--

tance blanche du cerveau colorée par la méthode de Pal.

M. Il. Sacs, en présentant des préparations d'écorce du cerveau,

signale la modification apportée à la coloration myélinique de Weigert,

' Voir Archives de Neurologie, Revues analytiques.

292 SOCIÉTÉS SAVANTES.

par Lissauer. Les coupés, aussi minces que possible, de l'organe

durci 'dans' le liquide de Muller, non traitées par le cuivre, sont

chauffées avec prudence dans une solution d'acide chromique à

1 p. 100 jusqu'à ce que les premières bulles se dégagent, puis on

les lave rapidement à l'eau, et on les chauffe à nouveau avec la

même prudence jusqu'à formation de bulles, dans la solution

d'hématoxyline de Weigert. Puis, à l'exemple de Pal, on les déco-

lore à l'hypermanganate de potasse et à l'acide sulfureux. (Allg.

Zeitsch. f. Psycla. XLIX, 4, 2.) P. KERAVAL.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN.

Séance du 15 mars 18921. - Présidence de M. ZINN, aîné.

M. P. NOEcKE. - Crime et folie chez la femme. - Après avoir exa-

miné cette question au point de vue de l'anthropologie biologique

(séance du 15 décembre 1890), l'auteur la traite aujourd'hui au

point de vue clinique et pratique. Voici 100 femmes aliénées qui se

décomposent en deux groupes. Un groupe de 53 comprend des

malades provenant de divers établissements pénitentiaires. L'autre

série, de 47, embrasse des aliénées ayant déjà subi une condamna-

tion ou ayant été examinées par un magistrat instructeur.

Les 53 aliénées qui subissaient leur condamnation, de la première

catégorie, pour la plupart d'un âge mûr, étaient soit domestiques

(la moitié d'entre elles), soit ouvrières. Pour la plupart prostituées

ou ivrognes, elles ne sont cependant pas désignées dans les dossiers

comme telles ; pour 7 seulement on trouve la mention de filles

publiques, une seule est désignée comme buveuse. Les délits com-

mis se répartissent ainsi ; 53 p. 100 ont volé, 15 ont incendié,

9 ont vagabondé et mendié, 7,5 ont tué ou essayé de tuer. La

passion ne joue, dans leurs actes aucun rôle; elles sont presque

toutes des délinquantes par habitude, aussi en trouve-t-on

23,4 p. 100 qui ont subi plusieurs condamnations et il n'est pas

rare d'enregistrer 48,1 p. 100 de récidives. Les pénalités pronon-

cées sont surtout graves et longues. Dans 17 p. 100 des cas, l'alié-

nation mentale était indéniable à l'époque du dernier crime ou

délit; elle était extrêmement probable en 24,5 p. 100; chiures

évidemment fantastiques par leur énormité.

Examinons maintenant le groupe des 47 aliénées ayant subi des

' Voyez Archives de Neurologie, séance de décembre 1891.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 293

condamnations antérieures. Le.vagabondage domine ici; l'assassi-

nat y est très fréquent. Il y en a près de 20 p. 100 qui à l'époque

de leur dernier crime ou délit étaient sûrement affectées de vésa-

nies, la proportion des folles probables atteint 23,4. Cette propor-

tion s'accroît encore si l'on note le nombre des délinquantes que le

juge instructeur a reconnues malades et en faveur desquelles il a

rendu une ordonnance de non-lieu. Les aliénées que nous dési-

gnons dans ce groupe présentaient au moment de leur admis-

sion dans l'asile les psychopathies les plus variées, mais la folie

systématique tenait le premier rang. La folie' morale était fré-

quente. Quelques-unes appartenaient au type criminel pur. L'hé-

rédité n'existait que chez 20 p. 100 de ces malheureuses; les dos-

siers ne mentionnent pas la syphilis; l'alcoolisme est rarement

signalé, il n'y est pas non plus fait mention de condamnations

antérieures.

Quoi qu'il en soit,c'est la folie systématique qui grève ces cerveaux-

là (79 p. 100) et la folie systématique avec hallucinations; l'auteur y

fait rentrer le type de Meynert (désordre aigu dans les idées avec

hallucinations et agitation maniaque). Il note également la dégé-

nérescence mentale préalable et dans ce cas la terminaison de la

maladie par la démence. La guérison constitue une fin rare. En tout

cas, la psychose des prisons, causée par l'isolement et la détention,

est un mythe, cela n'existe pas. Les particularités symptomatiques

observées, telles que la rapidité du début en rapport avec l'explosion

des hallucinations ou leur impériosité, le désordre dans les idées, la

fréquence d'épisodes plus aigus venant compliquer le délire chro-

nique, et, finalement la démence prompte, l'ensemble de ces carac-

tèlres'doit êlre mis sur le compte de la tare dégénérative déjà

signalée. Rareté de la paralysie générale. ' . -

Comment faut-il assister et traiter les délinquantes ou criminelles

aliénées ? Celles qui sont difficiles à conduire doivent demeurer dans

une annexe de l'établissement pénitentiaire, organisée comme un

asile d'aliénées. Celles qui sont inoffensives, on peut sans inconvé-

nient les transférer dans un véritable asile, à la condition de les y

répartir avec discernement. Faire intervenir en pareil cas la ques-

tion de l'honorabilité et de l'infamie est un peu exagéré; en effet

ce sont toujours à des maladies organiques de l'espèce humaine

que l'on a affaire, et, de même que dans les hôpitaux ordinaires,

il n'est pas étonnant qu'il y ait des malades ayant eu maille à par-

tir avec la justice. Puis, puisqu'à l'époque du dernier délit la plu-

part étaient aliénées, on les a condamnées à tort; par conséquent,

ce sont des aliénées criminelles et non des criminelles aliénées.

Quel rapport y a-t-il entre le crime et la folie ! Ces deux acci-

dents germent sur un terrain préparé par les géniteurs. Ce qui le

prouve c'est la fréquence de la dégénérescence mentale congéni-

tale chez les criminelles. Sans doute le crime, ne se produit pas

294 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tout seul, il ne s'effectue que par une occasion; eh bien ! mais la

folie aussi, bien que la cause déterminante soit difficile, souvent

impossible à mettre en évidence. Pour produire le crime, la syphi-

lis, les excès alcooliques, les rigueurs de la vie, la mauvaise éduca-

tion, les mauvais exemples, une hygiène défectueuse, les privations

les traumatismes, les grossesses, la réceptivité morbide déterminée

par le vagabondage et autres causes de déchéance physique, vien-

nent s'ajouter à la débilité mentale et au vice d'organisation céré-

brale du prédestiné. C'est précisément le même ensemble de causes

morbigènes qui vise le candidat à la folie : il peut donc débuter par

la prison où il trouvera un nouvel élément en soi minime qui fai-

sant déborder le vase provoquera l'aliénation mentale par laquelle

un hasard différent eût pu le faire débuter avant qu'il ne versât

dans le crime.

La responsabilité et la liberté volontaire ne sont donc en somme

que de vains mots, l'atténuation de la responsabilité, voilà le salut.

La transformation dés établissements pénitentiaires en agents d'a-

mélioration pour les condamnés à de courtes peines, en agents de

préservation pour les condamnés à peines prolongées, voilà ce à

quoi il faut tendre. Mais il ne faut pas se faire illusion, le criminel

par habitude est incurable.

L'examen des délinquants par un psychiatre est de rigueur, il

conviendrait également que le médecin ordinaire de la prison fût

un aliéniste. On arriverait ainsi à décharger le ministère de la jus-

tice.

Discussion : M. lltraN. La fréquence de l'épilepsie chez

les criminelles aliénées m'a frappé. 11. Noecke n'en parle pas.

M. 1RNDEL. Je ne vois pas sur quels éléments scientifiques on

pourrait s'appuyer pour s'occuper des modalités des pénalités. Ces

questions n'ont rien à faire avec le fonctionnement organique du

cerveau. La responsabilité ne regarde pas davantage le médecin;

se maintenant dans son rôle, il doit simplement décider si l'individu

soumis à son examen est malade ou non.

M. LEPPMANN. Oui, parmi les criminels, prédomine la folie systé-

matique et la dégénérescence mentale. Mais on constate aussi

souvent la mélancolie stupide, qui affecte assez fréquemment la

forme de la démence aiguë. L'isolement n'a pas d'influence nocive.

M. CRAMER, - Etat de la pression du sang dans les anomalies pl'imi-

tives de l'humeur. Voici un fait des plus instructifs. Chez un malade

atteint de folie circulaire, M. Cramer a constaté que la pression du

sang diminue quand le stade de gaité survient (dans le cas parti-

culier le stade maniaque ne se manifestait pas par de l'agitation),

et que cette pression augmente pendant le stade de dépression

(anxieux). Ce fait est unique en son genre, parce qu'il permet

d'éliminer deux facteurs qui peuvent à eux seuls entacher d'erreur

SOCIÉTÉS SAVANTES. 398

l'observation de la pression artérielle. Il n'y avait ni exagération

de la fonction du muscle, puisque l'agitation faisait défaut, ni ces

troubles de la nutrition qui se montrent dans la mélancolie chro-

nique : M. Cramer s'est servi du sphygmomanomètre de Basch.

11 appert également de trois cents examens comparatifs que l'an-

goisse s'accompagne d'une élévation de la colonne mercurielle de

20 à 50 millimètres, suivant le degré de l'anxiété. Si l'on en rap-

proche la pâleur des muqueuses et des téguments externes cons-

tatée en même temps que ce symptôme, et l'état du pouls (petit et

contracté), on peut en conclure que dans des territoires vasculaires

relativement étendus, il se produit une contracture des vaisseaux

pendant l'angoisse des mélancoliques. D'autre part, les recherches

de la thérapeutique ont montré que le nitrite d'amyle dilate les

vaisseaux et fait baisser la pression du sang ; la clinique a permis

de constater que ce médicament faisait, au moins passagèrement,

disparaître l'angoisse. Il est donc rationnel d'attribuer l'anxiété à

la contracture des vaisseaux qui se traduit par l'augmentation de

la pression sanguine.

Discussion : 111. 11\ECnT. Le sphygmographe confirme les résultats

du sphymomanomètre. Le jeune maniaque a un pouls subdicrote ;

ce qui permet de supposer un relâchement de la paroi vasculaire

et une diminution de la pression sanguine. Chez les anxieux

mélancoliques, surtout dans la pseudo-stupeur, on trouve un pouls

hyperlricrote ; il provient d'une extrême tension de la paroi

vasculaire, le vaisseau n'admettant plus qu'une petite ondée san-

guine et ne se laissant distendre que par force, sur une toute

petite étendue : en d'autres termes, la pression est considéra-

blement augmentée. 11 en résulte une sorte de reflux du sang

vers le coeur, la circulation de l'artère étant morcelée et comme

forcée ; de là la sensation d'oppression épigastrique des mélanco-

liques, exactement comme chez les cardiaques.

M. MOELI complète oralement les explications fourniespar M. STIEDA

sur les lJ1'épul'ations sèches d'eneéphale (Nell1'olog. Centrnlbl.,1892) t. En

soumettant des fragments de cerveaux, durcis préalablement dans

l'alcool, à l'action successive de solutions de chlorure de calcium et

de sulfate de soude, il les a pétrifiés. Mais on ne peut obtenir de

résultats qu'en agissant sur de petites pièces : tubercules quadriju-

meaux, ou cerveaux de petits animaux, antérieurement revêtus

d'un vernis. Cette méthode échoue quand on a affaire à des encé-

phales ou à des hémisphères entiers. Depuis longtemps, M. Moeli

applique à ces grosses pièces le procédé suivant. Généralement

elles ont d'abord subi un durcissement, au moins partiel, dans la

liqueur de Muller; on les met dans l'alcool, puis on les recouvre à

plusieurs reprises d'un vernis à bon marché, en solution faible dans

' Voy. Revues analytiques. f - '

296 6 THÉRAPEUTIQUE CHIRURGICALE.

la térébenthine. On peut se servir de ces préparations pendant

longtemps.

. Voici, par exemple, trois hémisphères qui à l'époque où on lésa a

extraits des cadavres, pesaient à peu près le même poids. L'un a

.été' soumis à l'esprit de bois (procédé de Richter), le second à la

paraffine, le troisième au vernis. L'hémisphère le moins rétracté

est celui qui a été traité par la paraffine ; il cube 270 centimètres

cubes. Puis vient celui qui, durci dans l'acide phénique, a ensuite

été verni (250 centimètres cubes). Celui qui a été traité par l'esprit

de bois cube 205 centimètres. Le procédé au chlorure de zinc (pro-

cédé Stieda) donne un excellent durcissement.

Discussion : M. MINDEL. Les encéphales que lui a présentés Stieda

sont encore moins rétractés que celui-ci. (Allg. Zeitschr. f. Psy-

chiat., XLIX, 1, 2.) ' P. KKRAVAL.

DU TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'IDIOTIE ' 1

Nous continuons l'exposé résumé des travaux publiés

sur le traitement chirurgical de l'idiotie en le faisant précéder

d'une courte note de M. Giacomo sur la microcéphalie.

§ VIII. LE cerveau dans la microcéphalie ; par le

. Dr Giacomo. (The N.-Y. Médical Record, 1892, p. 139.)

Le Dr Giacomo a récemment publié des observations sur ce

sujet. En voici le résumé. Le processus morbide déterminant la

microcéphalie dépend essentiellement du système nerveux central,

et la déformation (ou malformation) crânienne résulte du manque

de développement cérébral. Il n'est pas de microcéphalie qui

dépende, à l'origine, des os.' Glle se rattache toujours au système

nerveux. Cette condition n'est pas seulement limitée au cerveau.

11 y a aussi la micromyélie.

Le système nerveux dans la microcéphalie ne présente aucune

altération pathologique susceptible d'être produite par un

arrêt de développement. Les cerveaux appartiennent tous au type

humain, variant suivant, la période de la vie embryonnaire, où se

produit l'arrêt de développement, rangés par degré, depuis le

* Voir Archives de Neurologie, 1892, p. 131, 316 et 330. 1

DU TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'IDIOTIE. 297

cerveau qui est au-dessous de celui d'un adulte normal jusqu'à la

limite de l'anencéphalie.

La formation de la substance corticale dans les cas extraordi-

naires, en dehors de l'arrêt manifeste de développement, a beau-

coup de ressemblance avec celle de certains animaux, et peut être

considérée comme un exemple d'atavisme par les évolutionisles,

car cette formation n'a jamais existé pendant la période historique

de l'espèce humaine.

§ IX. Note SUR la CRANIECT01111E linéaire; par le

Dr TuHOLSKE. (Weekly Médical Reviezo, 21 novembre 1891,

p. 415.) )

M. le Dr IRY dit qu'il était certain que plusieurs cas ont été

opérés d'une manière inexcusable. Ceci était une déduction géné-

rale tirée de son examen de la littérature sur le sujet, et non

par rapport au cas rapporté par le Dr Tuholske. La description de

son cas se rapproche d'une grande catégorie de cas de « cerebritis »

infantile, dans laquelle le progrès de l'inflammation enveloppe la

substance corticale, et à laquelle on a donné le nom de Polio-encé-

phalite. L'enfant est paralysé des extrémités, et il existe des trou-

bles généraux de la nutrition. Le diagnostic, ainsi fait, contre-indi-

querait la craniectomie. L'examen, fait à l'autopsie dans de pareils

cas, révèle des processus inflammatoires étendus ou leurs résultats i

dans d'autres circonstances, la dégénération des cellules nerveuses

dans des portions particulières du cerveau, les suites d'une maladie

étendue. Shrimple a donné à cette catégorie d'affections le nom

de polio-encéphalite, à cause de sa ressemblance avec la polio-

myélite de la corne antérieure de la moelle. Si un tel diagnostic

pouvait être fait dans un cas donné, une opération ne serait pas

justifiable.

Le Dr J.-K. BAUDUY dit que le cas en discussion ne pourrait avoir

été un cas de polio-encéphalite. En premier lieu, H n'y avait pas la

plus légère manifestation de paralysie; l'intellect de l'enfant n'était

pas fortement altéré, arrêté quelque peu seulement et diminué.

Pourquoi était-il arrêté ? pour la meilleure raison du monde; la

fontanelle antérieure était complètement fermée, et de là, l'arrêt

de développement du cerveau.

M. le D'' Broome dit qu'il croyait que l'opération n'aurait jamais

de succès tant qu'on n'aurait pas agi sur la dure-mère comme sur

.l'os. Les opérations faites antérieurement ne l'ont été que sur l'os ;

la dure-mère n'offrant pas assez d'élasticité pour rendre heureuse

l'opération, il sera nécessaire de remédier à l'obstacle de la dure-

mère aussi bien qu'à celui de l'os. ,Aucun succès cependant n'a

accompagné l'opération. Keen a fait six opérations jusqu'ici et il ne

298 thérapeutique CHIRURGICALE.

.rapporte aucun résultat. L'orateur ne savait pas que l'on eût

jamais conçu celle opération, mais c'était la solution de l'insuccès

de l'opération, car on n'avait rien fait pour combattre la pression

exercée par la dure-mère aussi bien que par l'os.

M. le Dr BREMEIt. Conseilleriez-vous de couper la dure-mère en

même temps que l'os ?

M. le Dr Broome réplique qu'il ne le conseillerait pas, mais que

l'opération ne peut réussir tant qu'on ne trouvera pas un remède.

M. le D'' BARCLAY dit que dans ce cas l'opération aurait pu être

très avantageuse si elle avait été faite sans percussion, ce qui était

inévitable avec la méthode employée. Il y a plusieurs années, il fut

fait une recommandation aux chirurgiens opérateurs de cette

Société, d'employer l'instrument chirurgical à dents pour opérer

sur l'os, pour lequel la contusion était un danger, car le caractère

de l'os est tel que le danger peut résulter du glissement de l'ins-

trument. Celui en question peut s'employer avec la plus grande

justesse et très facilement. Il a été à plusieurs reprises rappelé à

l'attention des chirurgiens par des médecins otologisles, comme

étant souvent employé par eux et d'autres pour l'ablation d'exos-

toses du canal auditif. C'est la plus dure de toutes les tumeurs

connues, et si l'on pense au danger de ciseler, la possibilité de

briser la base du crâne, la percussion qu'il faut exercer, et la diffi-

culté qu'on rencontre à travailler sur un endroit semblable, on

finira par comprendre le grand avantage d'un tel instrument;

l'opération se fera plus rapidement, avec plus de sûreté et sans

danger pour le cerveau du malade.

M. le Dr BAUDUY dit que son ami, le Dr Broome, avait fait quel-

ques erreurs. Keen a opéré deux fois avec succès, et Lannelongue

a accompli vingt-cinq fois l'opération de la craniectomie et n'a eu

que deux décès. Ce n'est pas seulement une question de la sûreté

de l'opération; celle-ci est naturellement chose essentielle pour le

chirurgien, mais c'est une question des résultats définitifs de l'opé-

ration. Il est prématuré de faire aucune prédiction positive quant

au résultat de cette opération. Il faut attendre; il faudra probable-

ment plusieurs années pour les développer. Nous espérons pouvoir

à une certaine époque rendre compte du résultat de la Société et

nous avons confiance en son issue favorable. Physiquement, cet

enfant était presque un Adonis, il avait un beau développement

physique.

Si on consulte ce que dit le Dr Broome au sujet de la dure-mère,

il dit qu'elle s'accommodera d'elle-même à l'accroissement du cer-

veau, mais si elle ne peut se développer, l'hémisphère cérébral ne

le peut non plus, parce qu'il est renfermé dans une cavité osseuse;

mais si on en enlève l'os, ça permettra le développement de la

dure-mère, et elle se développera.

DU TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'IDIOTIE. 299

Les injonctions du Dr Barclay au sujet de l'emploi du ciseau et

du maillet sont certainement excellentes. Elles constituent une

sourco de danger, celui provenant de la concussion, de la vibration

ou du contre-coup ; mais il n'est pas nécessaire d'employer l'outil

chirurgical ou le ciseau et le maillet, parce que au moyen de

la pince que Keen emploie presque exclusivement, nous avons

un moyen sûr qui exclut l'usage du ciseau, du maillet ou du

trépan. Dans des conditions aseptiques et antiseptiques le malade

est bien certain de guérir de l'opération; mais ce qu'il faut le plus

considérer, ce sont les conséquences futures, l'amélioration de

l'intelligence de l'enfant. Après l'opération, le cerveau aura la

facilité de se développer, et nous connaissons d'après des opéra-

tions de Lannelongue, celles faites par des chirurgiens de cette

ville, et par Keen, que l'amélioration mentale s'en est suivie.

M. le Dr HURT dit : le D'' Bauduy a parfaitement établi que la

dure-mère se fait elle-même au développement du cerveau; et le

crâne ne fait-il pas de même ? Est-ce que d'ordinaire les crânes

humains ne croissent pas après la fermeture des sutures et des

fontanelles ? La question est celle-ci : pourquoi chez quelques

enfants les sutures se ferment-elles dans l'enfance ? Est-ce par ce

que l'activité du système osseux l'emporte sur celle du système

cérébral ? S'il nous était possible de connaître que le cerveau de

l'enfant croissait d'une façon normale, et qu'il était réellement

arrêté, parce que les fontanelles s'étaient fermées, et qu'il ne lui

était pas facile de se développer, il y aurait là un point qui nous

indiquerait la nécessité d'une opération. Mais si la réunion des

sutures est la conséquence de l'arrêt du développement, ou bien le

défaut de développement des organes cérébraux, l'opération sera

un insuccès. Si la nutrition du cerveau est normale, ainsi que son

développement, comment les sutures peuvent-elles se fermer d'une

façon anormale et prématurée ? Et même fussent-elles fermées, le

cerveau ne devrait-il pas trouver un moyen de se faire lui-même à

ce défaut ? le crâne se familiarise généralement à la croissance

du cerveau. C'est ainsi que le fait se produit pour les carapaces des

tortues; la tortue ne s'arrête pas dans son développement lors

même que son corps a rempli complètement sou enveloppe; de

même la carapace ne cesse de croître jusqu'à ce qu'elle ait atteint

son complet développement. '

M. le Dr BRUMER dit : « Cette discussion montre de nouveau

combien peuvent être contradictoires les témoignages de témoins

oculaires. Il y a ici des hommes dignes de foi qui ont vu le même

cas, et cependant leur témoignage est de beaucoup différent. Le

témoignage se rapporte cependant aux résultats de l'opération. Un

passage des remarques du Dr Tuholske donna la note de la situation

qui était celle-ci : « Le docteur ne vit aucune amélioration, mais

OU . THÉRAPEUTIQUE CHIRURGICALE.

la mère, elle,' la vit. » Rien de plus naturel n'a été accompli dans

des cas aussi désespérés après une opération, la mère qui aime, la

mère ou le père qui espèrent, tous les parents, en un mot, verraient

quelque amélioration. L'orateur craint que les améliorations rap-

portées ne soient de ce caractère.

Naturellement, avec le temps, le mieux se produira; les enfants

.microcéphales ne restent pas toujours à un degré inférieur d'intel-

ligence, mais elle se développe jusqu'à un certain point, .et il est

assez naturel que cette amélioration, qui aurait lieu à un degré

quelconque, soit attribuée à l'opération. Quoique l'orateur n'ait

pas une entière confiance dans cette opération, il a pensé que,

lorsqu'elle est légitime, elle devrait être essayée. Il s'était exprimé

dans sa note d'une manière plutôt obscure au point de vue des

résultats définitifs, mais ceci est, en grande partie, une marque du

caractère, propre de chacun; d'aucuns sont optimistes, d'autres

pessimistes; les uns voient de l'amélioration là où d'autres cons-

tatent un mouvement rétrograde, et par conséquent, certains vou-

dront qu'il soit fait une opération, d'autres ne l'appuieront pas;

ceci dépend d'une opinion toute personnelle. On lui apprit qu'il

avait vu ce cas un an auparavant et avait dit qu'il n'y avait rien à

faire à cette époque. 11 est de fait qu'alors on ne savait que peu de

chose sur la craniotomie linéaire; des cas semblables avaient été

trépanés avec un certain succès, mais il n'avait pas grande con-

fiance dans cette opération, et conseilla aux parents de ne rien

faire pour leur enfant. Cependant, en face du pronostic : absolu-

ment mauvais et de l'avenir malheureux réservé à de tels enfants,

il est juste qu'on cherche à se raccrocher aux branches et qu'on

fasse l'opération.

M. le Dr Tuholske termine la discussion en disant que le sujet

n'était pas de son choix ; il ne se sentait pas d'enthousiasme pour

la craniectomie linéaire; il a essayé de présenter ce sujet avec

impartialité, montrant les bons résultats obtenus et les mauvais

déjà connus. 11 est impossible jusqu'à présent de dire si on tirera

on non un avantage, il est prématuré de rapporter ce cas mainte-

nant ; et il se passera probablement huit mois ou un an avant qu'on

en connaisse le résultat. Il n'aurait pas, dit-il, rapporté ce cas

aujourd'hui, cinq semaines après l'opération, si on ne lui avait pas

demandé d'écrire sur ce sujet. Il a pensé qu'il n'est pas question

du diagnostic. Le Dr Fry a mal compris le rapport du cas, parce

qu'il n'y avait pas de symptômes de paralysie; il y avait quelques

contractures des muscles; l'enfant remuait les bras, et il n'y avait

pas de perte de sensibilité ni rien de ce genre.

Le cas avait été examiné par les Drs Bauduy et Bremer, et si l'o-

rateur avait eu quelque doute au sujet du.diagnostic, il l'aurait

exposé et se serait considéré simplement comme un instrument en

faisant le travail mécanique indiqué. Le D1' Bremer se fait à lui-

DU TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'IDIOTIE 301 L

même une légère injustice, si le malade me l'a fidèlement répété.

Le Dr Bremer aurait dit que : c Actuellement il n'y avait rien à

faire dans ces cas, mais qu'il croyait que l'époque n'était pas bien

éloignée où l'on arriverait à opérer pour tâcher d'apporter quelques

soulagements à ces malades. » Il y a de cela plus d'un an. Il ne

faut pas perdre de vue le danger du ciseau et du maillet. L'opinion

de l'orateur était qu'on ne devrait pas en faire usage. La chose la

plus heureuse du monde serait que le petit malade ne mourût pas.

M. le Dr BREMER expliqua que le Dr Tuholske avait été choisi pour

lire un travail sur ce sujet, parce qu'il était le seul chirurgien de.

cette ville qui eût accompli l'opération, et on désirait obtenir

l'expérience personnelle de ceux qui ont lu ces notes.

X. Craniectomie dans la MICROCÉPIIALIE.

M. Victor HORSLEY rapporte le cas suivant. Le malade était un

garçon âgé de trois ans, qui, dit-on, avait eu une attaque à qua-

torze jours, mais plus rien ensuite. Cet enfant avait des colères

bruyantes, n'était jamais tranquille, et avait parfois une expres-

sion idiote de la physionomie. Quand il prenait la nourriture, on

était obligé de la pousser;au fond de la bouche, ou bien il ne l'ava-

lait pas, et il faisait tout sous lui. Sa tête décelait un microcéphalie

bien marqué; les sutures étaient ossifiées, et les bases des os

étaient bien marquées. Pas d'asymétrie de la tête ou de la face.

Les pupilles inégales, la gauche plus petite, toutes deux réagissant

bien à la lumière. Le fond des deux yeux était normal. Les ré-

flexes profonds, bien marqués, mais pas exagérés. Une opération

ayant été décidée, la peau et le périoste furent découverts. Un mor-

ceau d'os de quatre pouces de long et d'un demi-pouce à sa partie

la plus large, terminé en fuseau vers les extrémités, fut alors enlevé

du côté gauche du crâne, près de la ligne médiane; le morceau

enlevé étant légèrement arqué vers le bas à chaque extrémité. On

n'employa pas de drains; et en huit jours la plaie était parfaitement

cicatrisée. Pas d'élévation de la température. Ou constata une

amélioration distincte dans l'expression du malade, au bout du

troisième jour. Ensuite, on vit que les mouvements de la tête étaient

beaucoup moins fréquents et que l'expression idiote avait disparu

en grande partie, et les parents et le médecin furent frappés de

l'amélioration produite chez l'enfant.Dans un second cas, le résultat

fut moins heureux. Le malade était un garçon, âgé de sept ans, et

on lui enleva un grand morceau d'os; mais l'enfant mourut de

pyrexie, que M. Horsley croit être due à la trop grande extension

de l'opération et à la basse organisation des centres thermotaxi-

ques, étant incapables de résister aux influences traumatiques dé-

favorables amenées par l'opération. (Brit. Aled. Journal, 12 sep-

tembre 1891 et The Practilioncr, novembre 1891, p. 365 : )- :

30 BIBLIOGRAPHIE.

§ XI. CRANIOTOSI(E POUR NÉVRITE OPTIQUE DOUBLE AVEC MlCROCÉPHAL1E;

. par MILLER.

Millier (British Médical Journal, n° 1647, p. 176) a rapporté le

cas d'un enfant mâle âgé de huit mois, présentant de la microcé-

phalie et une névrite optique double. L'épine et les extrémités

étaient presque constamment étendues et rigides. Les pouces

étaient susceptibles d'adduction et les doigts se fléchissaient; les

jambes, adduction normale et croisement. Les parties génitales

étaient mal développées. Il existait du nystagmus et du strabisme

interne. Les. globes de l'oeil étaient profondément enfoncés dans

les orbites. Les os de la face étaient bien développés. Les incisives

centrales inférieures étaient bien plantées dans les gencives ;

toutes les sutures crâniennes étaient complètement ossifiées et les

fontanelles oblitérées. On a délivré la mère avec le forceps. Les

éminences osseuses du crâne étaient,peu marquées; le front en

arrière et étroit; circonférence de la tête au-dessous de la nor-

male. L'enfant était bien bâti, mais agité, il criait beaucoup et

était habituellement constipé. Son activité intellectuelle était peu

déployée. On lui fit l'opération de la craniectomie ; on lui enleva

un demi-pouce d'os sur une étendue de 3 pouces. L'améliora-

tion se fit sentir immédiatement, bien marquée et progressive.

(Anal, du Médical Nelas, 24 septembre 1892.)

BIBLIOGRAPHIE

VI. Les troubles du langage chez les aliénés; par J. Séglas, 1 vol.

in. (Bill, médicale, CuaAcoT-DEnovr.) Ruefi", éditeur, Paris,

1892.

La question des troubles du langage chez les aliénés ne laisse

pas d'être fort étendue et complexe. Les éléments épars de divers

côtés ont été groupés par M. Séglas qui a ajouté de nombreux do-

cuments personnels et a apporté à l'examen des faits connus l'in-

géniosité de sa critique et de ses interprétations. Pour mettre un

peu de clarté dans un sujet si vaste il a commencé par dresser un

tableau synoptique des troubles du langage parlé, qui tiennent à

trois choses : 1° des troubles intellectuels avec intégrité de la foncez

tion langage; ce sont les dyslogies qu'il examine au point de vue

des modifications de la rapidité, de la forme, de la syntaxe et du

contenu; 2° à des troubles de la fonction du langage; ce sont

BIBLIOGRAPHIE. 303

les dysphasies, qui sont tantôt organiques, tantôt fonctionnelles

(amnésies verbales transitoires, hallucinations verbales, impulsions

verbales) ; 3° enfin à des troubles de la parole; ce sont les dys-

lalies, qui résultent d'une éducation défectueuse de la parole, de

malformations congénitales ou accidentelles, de maladies du

système nerveux central ou périphérique, ou de laloneuroses

spasmodiques. '

Il est difficile d'analyser un travail aussi touffu, et où l'auteur a

jeté presque à chaque page quelque idée neuve et personnelle.

Quoique le mieux que nous puissions faire est d'en recommander

la lecture, nous signalerons les chapitres les plus intéressants et les

plus originaux.

Le mutisme vésanique est analysé avec grand soin. Il peut être

absolu ou relatif, continu ou intermittent; mais ce qui est plus

important, c'est qu'il peut être involontaire ou volontaire. Tantôt

il s'agit d'un fait d'aboulie; il résulte de la difficulté que les malades

ont à exprimer leur pensée parce qu'ils sont incapables de l'effort

d'attention nécessaire pour faire la synthèse indispensable à la

construction de la phrase. Tantôt le mutisme résulte d'un arrêt

total de la pensée. Dans certains cas, c'est une hallucination qui

interdit au malade de parler; ou bien le malade se tait en vertu

d'une idée délirante, mélancolique ou de persécution. Il est enfin

des cas où le mutisme est de nature hystérique.

Signalons en passant les pages sur le langage émotionnel et le

langage réflexe, pour en arriver à un chapitre des plus intéres-

sants, celui des hallucinations verbales. M. Séglas, dont les tra-

vaux sur les rapports des hallucinations avec la fonction langage

sont trop connus pour que nous les rappelions ici, ne pouvait

manquer de traiter celte question de main de maître. Il étudie

successivement les hallucinations verbales auditives, visuelles et

psycho-motrices. Ces dernières sont l'objet d'une étude approfondie.

Il les distingue avec soin de l'impulsion verbale et de la parole

involontaire et inconsciente.

Il passe ensuite en revue les hallucinations verbales en clinique

mentale. Il montre que contrairement à ce qu'on croyait jusqu'ici,

il fallait admettre des obsessions hallucinatoires, et distinguer

deux cas : 1° ou bien l'idée obsédante s'accompagne d'une hallu--

cination qu'elle provoque (obsession hallucinatoire); 2° nu bien

l'hallucination a une existence indépendante, avec tous les carac-

tères communs aux obsessions en général (hallucination obsé-

dante).

Les troubles du langage écrit sont traités avec même méthode

et la même clarté. M. Séglas examine d'abord les modifications de

la façon d'écrire, puis le nombre et l'aspect général des écrits,

dont il donne des exemples caractéristiques et originaux, puis la

valeur qu'il faut attacher aux- écrits, leur forme et leur contenu

304 BIBLIOGLAPHIE.

en général, la logique qui s'y rencontre, et les particularités, sou-

vent typiques, qu'on observe dans leur rédaction, enfin les modifi-

cations de la syntaxe et des signes graphiques eux-mêmes. De

nombreuses reproductions d'autographes d'aliénés illustrent cette

seconde partie. Tous ces troubles sont les résultats de troubles in-

tellectuels avec intégrité de la fonction langage. A côté d'eux se

placent ceux qui tiennent à des troubles de cette fonction; ce sont

les disgraphies, qui se distinguent en organiques et fonctionnelles,

les hallucinations verbales motrices graphiques et les impulsions

graphiques, l'écriture involontaire et inconsciente. Enfin les der-

niers troubles du langage écrit sont les troubles de l'écriture elle

même, qui tiennent à une éducation défectueuse, ou à des mal-

formations congénitales ou accidentelles, ou encore à des maladies

organiques ou fonctionnelles du système nerveux, ou enfin .consti-

tuent une névrose spéciale, la crampe des écrivains. Un appendice

consacré aux dessins des aliénés termine la seconde partie. z

La troisième partie comprend l'étude des troubles du langage

mimique. C'est là un sujet encore bien vague et où les recherches

sont très délicates à poursuivre. Il serait intéressant, pour arriver à

quelques données plus précises, d'employer la photographie instan-

tanée.

Si nous avions une critique à formuler, ce serait d'avoir peut-être

un peu trop négligé, à propos des différents troubles examinés

dans le langage, leur valeur séméiologique au point de vue du

diagnostic et du pronostic des affections mentales où ils se rencon-

trent. En tout ce qui touche au contraire l'aspect clinique et la

pathogénie de ces différents troubles, nous ne pouvons que signaler

tout l'intérêt qu'il peut offrir non seulement aux aliénistes, mais

encore aux psychologues. P. S.

VII. Paralysies et contractures hystériques; par Paul RICHER, 9 vol.

in-8° de 222 pages. Paris, 1892, 0. Doin, éditeur.

Il y a une dizaine d'années que M. Richer avait présenté ce tra-

vail à l'Académie de médecine, qui lui avait décerné le prix

Civrieux. Les progrès faits sur cette question depuis lors ont forcé

l'auteur à le revoir pour le mettre au courant de l'état actuel de

nos connaissances. Mais le fond est resté le même, et il est essen-

tiellement clinique. Les faits bien observés gardent toujours leur

yaleur propre. M. Richer ne s'occupe que des paralysies et des

contractures permanentes, et laisse de côté celles qui se montrent

dans l'attaque d'hystérie. Son ouvrage est divisé en deux parties :

dans la première, il étudie les paralysies et les contractures hysté-

riques en général; dans la sconde, il les examine en particulier.

Au point de vue étiologique, il relève l'influence des attaques con-

vulsives et de leurs diverses variétés, l'influence de la disparition

BIBLIOGRAPHIE. 305

d'un autre symptôme hystérique, celle de divers états morbides,

tels que les fièvres graves, celle du traumatisme et enfin des im-

pressions morales.

La symptomatologie des paralysies est exposée avec de grands

détails. M. Richer distingue : 1° l'amyosthénie, qui n'est qu'un

léger degré de la 'paralysie; 2° la paralysie vulgaire qui répond

aux cas les plus communément observés; 3° la paralysie par sup-

pression des mouvements coordonnés (astasie-abasie). Il analyse

leurs caractères : rarement complètes, elles atteignent également

les muscles antagonistes; les troubles de nutrition y sont rares,

la contractilité électrique est conservée, caractere diagnostique

important; les troubles de la sensibilité sont très fréquents; tandis

que les réflexes cutanés sont abolis, les réflexes tendineux sont

ordinairement exaltés.

Comme transition à l'étude des contractures, un chapitre est

consacré à la diathèse de contracture. D'intéressants graphiques

rendent compte de l'influence produite par des courants élec-

triques sur les muscles contracturés.

Quant aux contractures proprement dites, M. Richer en dis-

tingue deux formes : 1° contracture hystérique permanente se

subdivisant en deux variétés suivant l'état d'anesthésie ou d'hy-

péresthésie de la peau; 2° contracture hystérique de forme psy-

chique. Il insiste sur la différence symptomatique, plus apparente

que réelle, croyons-nous, de ces deux formes. La contracture vul-

gaire aurait un caractère d'intensité invariable, tandis que la con-

tracture psychique serait moins marquée et plus modifiable. La

première ne disparaît pas pendant le sommeil, tandis que la

- seconde disparait. L'attitude des mémbres dans la première serait

la flexion pour le membre supérieur, l'extension pour l'inférieur;

dans la seconde les attitudes n'obéiraient à aucune loi. Les trou-

bles de la sensibilité presque constants dans la première et modi-

fiables par les sesthésiogènes sont rares dans la seconde, et

sont rebelles ces agents.

M. Richer, passant ensuite à la physiologie pathologique des con-

tractures et des paralysies hystériques, défend l'opinion que la

contracture n'est qu'une forme de l'activité musculaire, et n'est

qu'une exagération du tonus musculaire. Quant aux preuves du

siège cérébral de quelques formes de la contracture hystérique, il

les range en deux ordres, les unes tirées de l'expérimentation, les

autres de la clinique.

Après quelques pages judicieuses consacrées au traitement,

M. Richer aborde l'étude des contractures et paralysies localisées,

monoplégies, hémiplégies, paraplégies, quadriplégies, puis celle

des paralysies et contractures partielles proprement dites, telles que

le blépharospasme, l'hémispasme glosso-labié, le trismus, la para-

lysie faciale hystérique, le torticolis paralytique et par contrac-

Archives, l. XXV. 20

306 BIBLIOGRAPHIE.

ture, la coxalgie hystérique, les paralysies et contractures du dia-

phragme, celles du larynx, le mutisme (hystérique, les spasmes

laryngés, la dyspnée hystérique, la dysphasie, les vomissements,

la tympanitc, le spasme anal, et enfin, les paralysies à contractures

des organes génito-urinaires.

De nombreuses observations apportent leur témoignage clinique

aux assertions de l'auteur, qui, avec son talent ordinaire, a illustré

le texte d'un assez grand nombre de figures, qui donnent plus de

vie aux descriptions. P. SOLFIER.

VIII. Les troubles de la marche dans les maladies nerveuses, par

le Dr P. BLOCQ. (Bibliothèque CHARCOT-DEBOVE.; Paris, Rueff, édit.

1892.

On sait toute la valeur qu'ont au point de vue séméiologique les

troubles de la marche dans les maladies du système nerveux. En

faisant une étude d'ensemble de ces troubles, M. Blocq, tout dé-

signé déjà par son mémoire aujourd'hui classique sur l'astasie-

abasie, ne pouvait manquer de faire une oeuvre intéressante.

Il rappelle d'abord les principes de la marche normale. tant au

point de vue physiologique qu'à celui de la psychologie physiolo-

gique, et montre combien la multiplicité des associations néces-

saire; à la fonction de la marche, associations qui peuvent être

atteintes isolément, rend compte de la grande variété des troubles

qu'on peut observer dans cette fonction.

Il expose rapidement dans quelles affections du système nerveux

on rencontre des troubles de la marche, puis aborde un des cha-

pitres les plus importants, celui de leur pathogénie. Il désigne

d'une façon générale les troubles de la marche sous le nom de

dysbasie. Les fonctions du système nerveux se réduisent en der-

nière analyse : motilité, sensibilité, intelligence et trophicité; on

a les dysbasies motrices, sensitives, psychiques et trophiques. Suivant

que la fonction est abolie, troublée ou exagérée, on a trois sous-

groupes dans chaque variété. Les dysbasies motrices peuvent être

akinétiques (paralysies), parakinétiques (convulsions), hyperkiné-

tiques (contractures, spasmes). Les dysbasies sensitives sont tantôt

anesthésiques (marche ataxique), tantôt presthésiques (titubation),

tantôt enfin hypéresthésiques. M. Blocq insiste sur les dysbasies

psychiques dont l'intérêt est en effet considérable. Il les distingue

en afonctionnelles, parafonctionnelles et hyperfonctionnelles.

L'astasie-abasie, qui peut être regardée comme une akinésie psy-

chique systématisée, forme le premier groupe. Dans les dysbasies

parafonctionnelles, l'auteur place les dysbasies amnésiques (Séglas

et Sollier), les dysbasies émotives (Binswauger, Séglas), les dys-

basies abouliques et l'ananabasie de M. Régis. Il range enfin les

automatismes ambulatoires dans les dysbasies hyperfonction-

.BIBLIOGRAPHIE. 307

nelles. Mais, outre que la question de la pathogénie de ces accident

est loin d'être élucidée, on ne peut guère, à mon avis, les faire

rentrer dans les troubles de la marche. Les dysbasies trophiques se

distinguent de même en atrophiques (atrophies musculaires), para-

trophiques (dystrophies musculaires, arthropathies, paralysie agi-

tante), et hypertrophiques (maladie de Thomsen).

Les différents troubles de la marche étant ainsi clairement

classés, l'auteur consacre quelques pages à la technique à em-

ployer pour les examiner, puis arrive à leur description dans les

différentes affections du système nerveux, en n'entrant, bien en-

tendu, dans les détails que pour les types principaux. A cet égard,

il divise d'abord la marche pathologique en unilatérale et bilaté-

rale, suivant que l'un ou les deux membres inférieurs sont pris.

La démarche bilatérale peut, à son tour, être rectiligne ou titu-

bante. Enfin, dans chacun de ces trois cas, la démarche est ou non

spasmodique, ce qui donne lieu à sous-division.

La marche unilatérale non spasmodique peut être douloureuse,

comme dans la sciatique, ou paralytique comme dans certaines

paralysies partielles, dans la paralysie infantile, dans l'hémiplégie

flasque hystérique avec démarche hélicopode. La marche unilaté-

rale spasmodique (marche hélicopode ou en fauchant) se rencontre

dans les dégénérations descendantes du faisceau pyramidal.

La marche bilatérale, rectiligne, non spasmodique peut affecter

trois types. Le type paraplétique (chorée molle, polynévrites,

myélite diffuse); le type de flexion ou du stepper (pseudo-tabes,

myopathies); le type ataxique (ataxie locomotrice). - La marche

bilatérale spasmodique se divise en deux classes selon qu'il s'agit

d'un spasme tonique ou clonique. La variété tonique revêt trois

types : paralytique, myotonique (maladie de Thomsen), et parkin-

sonnien. La variété clonique revêt trois types également : saltatoire,

choréique et orthétosique.

La marche abasique forme un groupe intermédiaire et peut être

paralytique (ou parétique), ou ataxique et alors tantôt choréi-

forme, tantôt trépidante. La marche titubante non spasmodique se

rencontre dans les affections du cerveau et du cervelet, dans la

maladie deMénière; spasmodique elle s'observe dans la sclérose en

plaques.

Mais ces différents types peuvent se combiner dans une certaine

mesure, et donner alors lieu à un groupe que M. Blocq appelle :

marches mixtes. C'est ainsi que les scléroses combinées offrent

une démarche à la fois ataxique et paraplégiqu e, que la démarche

de la maladie de Friedreich est à la fois titubante et ataxique, que

celle de la paralysie générale est titubante et paralytique, etc.

Les types cliniques de la démarche étant ainsi connus, M. Blocq

en résume le diagnostic et la sémeiologie, implicitement contenus

dans leur exposé, et il termine par quelques considérations sur le

308 BIBLIOGRAPHIE.

traitement, qui n'a guère d'ailleurs d'intérêt en lui-même que

dans les cas de dysbasies fonctionnelles.

Une grande clareté d'exposition est une des qualités maitresses

de ce petit livre. La classification de l'auteur est très simple, très

naturelle aussi, et ne contribue pas peu à apporter de la lumière

dans une question en apparence complexe. Bien des points sont

encore dignes d'être repris et étudiés. Les mettre en évidence et

appeler l'attention sur eux constitue encore un mérite de ce travail

d'ensemble, le plus complet qui ait été encore fait, à notre con-

naissance. P. S.

IX. Syphilis du système nerveux (Syphilis and the nel'VQUS sslems) ;

par W.-R. GOVERS. London, 1892. J. et A. Churchill., édit.

Ce volume renferme les conférences faites en 1890 par l'auteur à

la Société médicale de Londres; elles sont au nombre de trois. La

première est consacrée à la pathologie de la syphilis ; l'auteur y

passe en revue les caractères des néoformations syphilitiques qu'il

divise en spécifiques et non spéciales, celles étant représentées par

-les gommes et les artérites, celles-ci par des lésions inflammatoires

- et y établit l'apparente analogie qui existe entre l'effet de certains

poisons organiques et chimiques, et l'action de la vérole. La seconde

leçon a trait aux symptômes nerveux attribuables à la syphilis;

leur diagnostic est souvent possible d'après les caractères de siège

et d'évolutions des lésions. L'auteur y passe en revue les symp-

tômes et le diagnostic de nombreux processus syphilitiques du sys-

tème nerveux, gommes, méningites chroniques cérébrales locali-

sées, artérites et leurs conséquences, thromboses et ramollissement

- névrosique du cerveau. Il insiste en particulier sur les paralysies

des yeux, et sur leur valeur sémeiologique dans le diagnostic des

neuropalhies syphilitiques. Dans la dernière seclion M. Gowers a

surtout en vue d'en poser le pronostic des affections nerveuses

d'origine syphilitique. Nombre de symptômes dépendent non pas

de processus spécifiques, mais d'altérations banales; or, le traite-

ment exerce un effet direct sur les processus spécifiques, de sorte

que la persistance des troubles, malgré le traitement montre que

ceux-ci se rapportent à des lésions non spécifiques. L'ouvrage se

termine par des considérations pratiques d'un très grand intérêt

sur l'action propre du mercure et de l'iodure de potassium dans le

traitement, et sur le mode d'administration de ces médicaments, le

plus propre à prévenir ou à guérir les accidents. P. BLOCQ.

VARIA

ASSISTANCE DES ENFANTS NERVEUX ET ARRIÉRÉS.

La Commission inter-départementale, réunie à Avignon, le 2 fé-

vrier, a été à l'unanimité, favorable au projet de création d'une

colonie régionale pour les enfants arriérés. Elle a adopté les

conclusions suivantes : 1° l'utilité d'un établissement inter-dépar-

temental pour les enfants arriérés, est reconnue ; 2° le principe

de sa création a été adopté; 3° le département sur lequel l'éta-

blissement sera construit aura à fournir le terrain, les constructions.

L'ameublement et le matériel seront à frais communs. La dépense

sera couverte au moyen d'un emprunt amortissable en trente ans.

Pour l'amortissement de cet emprunt, les départements auront à

payer le même nombre de centimes. Le prix de journée sera le

même pour tous les départements syndiqués.

La Commission invite l'Administration à faire établir le nombre

d'enfants arriérés dans chaque département syndiqué, et à auto-

riser l'architecte départemental à se mettre en rapport avec le

Dr Rey, membre de la Commission, rapporteur, pour dresser sur

ses indications un avant-projet de l'établissement. Il y a lieu de

renouveler les propositions déjà faites aux départements des Bou-

ches-du-Rhône, des Alpes-Maritimes et de la Drôme.

La Commission se compose de MM. le D1' Cunéo, directeur du

service de santé de la marine, à Toulon, conseiller général du Var,

président; Dr Segalas, conseiller général du Var; D'' Allemand

(Basses-Alpes); Martin (Hautes-Alpes); Dr Lemoine (Vaucluse);

D" Rey, médecin en chef de l'Asile d'aliénés de Marseille, etc., etc.

LES TRANSFERTS DES ENFANTS ALIÉNÉS.

Le 16 mars 1891, le père de l'enfant March..., que nous préve-

nions officieusement du transfert de son enfant à.l'asile de Bourg,

nous supplie en pleurant de conserver son enfant à Bicêtre. Le

père est né à Marseille de parents lorrains et la mère est de

Meurthe-et-Moselle. Le père du père de l'enfant étant douanier fut

envoyé à Marseille, d'où sa naissance, à lui Lorrain, dans cette

ville. Il a acheté plus tard une étude de notaire dans un canton de

l'Ain, puis est venu habiter Paris. D'où il suit que l'enfant n'a

aucun parent dans l'Ain. Et c'est ce département qui le réclame;

c'est là qu'est son domicile de secours. ·

3'jo faits DIVERS.

L'INSTRUCTION professionnelle DU PERSONNEL DE surveillance chez

les aliénés, par le De PEETERS. B2Lll. de la Soc. de méd. ment,

de Belg., 1892.)

Courte note destinée, dans l'esprit de son auteur, à servir d'in-

troduction à une discussion approfondie sur les moyens à mettre

en oeuvre pour généraliser et compléter l'instruction profession-

nelle du personnel de surveillance des asiles belges. G. D.

Mesures législatives ayant COURS dans LE canton DE SAINT-GALL,

(EN SUISSE), pour 'combattre LES excès DE BOISSONS spiritueuses.

(Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVIII, 4.)

Une loi en vigueur depuis juillet 1891 permet la séquestration c

d'un buveur dans un asile spécial. La séquestration prévue est de

neuf à dix-huit mois, soit par placements volontaires soit par pla-

cements d'offices. Nécessité d'un certificat médical émanant d'un

médecin fonctionnaire, de demandes de placements officieuses ou

o fficielles adressées au conseil communal et sanctionnées ensuite ou

non par le conseil du gouvernement. Les dépenses sont à la charge

des intéressés ou, en cas d'indigence, de l'assistance publique.

L'Etat, au besoin, participe à ces charges et, en des cas excep-

tionnels, fait parvenir des subsides à la famille du malade. Un

mois avant l'époque présumée de la sortie de l'alcoolique, l'asile

adresse un rapport sur l'état du malade aux fonctionnaires qui l'ont

fait séquestrer; si la guérison n'est pas complète, on prolonge la

séquestration. Un tuteur sera nommé au séquestré ou même avant

la séquestration, pourvu qu'un rapport d'un médecin fonctionnaire

constate l'affaiblissement intellectuel ou l'énervement de la volonté

causé par l'usage immodéré des boissons alcooliques. P. K.

FAITS DIVERS

Asiles D'ALIÉNÉS, - Nominations et promotions. -111, leur DUPAIN,

médecin-adjoint de l'asile public de Bailleul, est nommé à l'asile

public d'Alençon et maintenu dans la 2° classe du cadre (14 dé-

cembre 1892; M. Bresson, directeur de l'asile public d'aliénés de

Montdevergucs, est promu à la 1re classe du cadre, 7,000 fr. (16 dé-

cembre 1892); M. le Dr Dubief, directeur de l'asile public de Saint-

Pierre de Marseille, est nommé aux mêmes fonctions à l'asile de

Bron (Rhône) et maintenu à la 1re classe du cadre (19 décembre

faits DIVERS. 311

1892); M. JOSSERAND, directeur de l'asile public du Mans (Sarthe),

élevé à la 2e classe, 6,000 fr. par an, effet du 1er janvier 1893

(24 janvier 1893); M. le Dr Dupain, médecin-adjoint à Alençon,

promu à la Ira classe à dater du 1er mars 1893 (4 février 1893);

M. le D'' ALLAMAN (concours 15 décembre 1891, Montpellier), est

nommé médecin-adjoint à l'asile de Bailleul (Nord) en remplace-

ment du docteur Dupain nommé à Alençon (8 février 1893).

CONCOURS POUR l'internat dans LES asiles d'aliénés DE la SEINE.

(Asile clinique, asiles de Vaucluse, Ville-Evrard et Villejuif et

l'infirmerie spéciale des aliénés à la préfecture de police).-

Le lundi 12 décembre 1892, à midi précis, il a été ouvert à la

Préfecture de la Seine, annexe de l'Hôtel de Ville, rue Lobau, n° 2,

à Paris, un concours pour la nomination aux places d'interne titu-

laire en médecine qui seront vacantes dans lesdits établissements

au 1 ? janvier 1893.

Les questions orales ont été les suivantes : l^8 Séance : Symp-

tômes et diagnostic de la pneumonie franche aiguë; hernie cru-

rale. z2" Séance : Hémoptysie; fractures de l'extrémité inférieure

du radius. 3e Séance : Insuffisance mitrale : fracture de côtes.

- 4° Séance : Pleurésie purulente; luxation de la mâchoire. -

Les candidats ont été classés dans l'ordre suivant : MM. Ecart

(47 points); Trénel (47 p.); Le Maître (45 p.); Baruk (45 p.); Bour-

din (43 p.); Coulon et Leroy (ex xquo) (42 p.); Bresson (42 p.);

Couillaud (41 p.); Barbary (40 p.); Thibaud (40 p.); Darin (40 p.);

Autheaume (30 p.); Moundlic (39 p.); Tsakiris (38 p.); de Fon-

tréaulx (39 p.); Wintrebert (37 p.); Iscovesco (35 p.); Ponsard

(32 p.). MM. Ecart, Trénel, Le Maître, Baruk, Bourdin, Coulon

et Leroy ont été désignés par le jury pour être nommés internes

titulaires. MM. Bresson, Couillaud, Barbary, Thibaud, Darin,

Antheaume et Moundlic ont été désignés pour être nommés in-

ternes provisoires.

Répartition DU SERVICE médical DES asiles PUBLICS d'aliénés DE

la Seine pour l'année 1893. Infirmerie spéciale du Dépôt, pré-

fecture de la Seine. Service de M. Garnier; médecin-adjoint :

M. Legras; internes : MM. Pécharmant et Pribat. Asile clinique

(Sainte-Anne), 1, rue Cabanis. 914 lits. - Service de M. Bail, sup-

pléé par M. Ballet; chef de clinique : M. Pactet; interne : M. Han-

nion. Laboratoire de la clinique : M. Klippel, service de M. Ma-

gnan (admission); internes : MM. Boissier et Lachaux. Service

de M. Bouchereau (femmes); internes : Mai. Fseart et Le Filliatre.

- Service de M. Dubuisson (hommes); interne : M. Le Maître.

Service hydrothérapique externe : M. Dagonet. - Asile DE VILLE-

juif. 1,128 lits : Service de M. Briand (femmes); médecin-adjoint :

M. Sérieux; internes : MM. Trénel et Baruc. - Service de M. Val-

lon (hommes); médecin-adjoint : M. Rouillard; internes : MM. La-

3'1'2 faits divers.

vergne et Ecart. Asile de' VILLE-EVI1111D (Neuilly-sur-Marne).

1,015 lits. Service de M. Marandon de Montyel (hommes); in-

ternes : MM. Laroussinée et Lepatré. - Service de M. Febré

(femmes); interne : M. Mooundjick. - Service de li. Legrain (Pen-

sionnat) ; interne : M. Bourdin. Asile de VAUCLUSE, prèsEpinay-

sur-Orge. 855 lits. Service *de M. Keraval (hommes); interne :

M. Croustel. Service de M. Boudrie (femmes); interne : M. Cou-

)on. Service de M. Blin (colonie des idiots); interne : M. Leroy.

Nous rappellerons que les quartiers d'hospice de Bicêtre et de la

Salpêtrière ont un personnel médical recruté de la même façon

que les autres hôpitaux de Paris.

Prix DE l'Académie DE médecine. -Parmi les prix décernés, nous

.relevons ceux qui ont été accordés à des travaux sur la pathologie

mentale et nerveuse.

Pria; Alvarenga de Piarchy (Brésil) (800 fr.), 400 fr. à M. le

D'' COURMONT pour son ouvrage : Le cervelet et ses fonctions. Mention

honorable à MM. ARTiIAUD et BUTTE : Du nerf pneumogastrique

(anatomie et physiologie).

. Pria; Barbier (2,500 fr.). Mention honorable et 1,000 fr. à

MM. CADÉAC et Meunier : Recherches sur les essences, sur l'eau de

mélisse .des carmes; contribution à l'étude de l'alcoolisme.

- Prix Henri Buiquet (1,500 fr.). MM. Deuierre et Doumer :

Album stéréoscopique des centres nerveux.

Prix Adrien Buisson (10,500 fr.). 4,500 fr. à ml. LONDE et

BLOCQ : Anatomie pathologique de la moelle.

Prix Civrieux (900 fr.). M. de Vallon, médecin de l'asile de

Ville,juif; mention honorable à AI. A. Paris, médecin de l'asile de

Mareville. La question posée était : Etablir, par des recherches cli-

niques et anatomo-pathologiques, la nature des pscudo-1Ja1'alysics

t'xtumine et alcoolique.

Prix Falret (1,000 fr.). Question : Accidents nerveux (le l'urémie,

M. BERNARD (de Ducard-les-Bains); mention honorable à M. Cour-

TADE (de Thiers). -

Prix Vernis (700 fr.). Mentions honorables à M. Yillahd (de

Marseille) : Leçons sur l'alcoolisme. M. Albin Rousselet : Les secours

publics en cas d'accidents.

Prix pour 1895. Pria; Civrieux (800 fr.) : Des obsessions en

pathologie mentale. Prix Baillarger (2,000 fr., 4894). Au meilleur

mémoire sur la thérapeutique des maladies mentales et sur l'or-

ganisation des asiles publics ou privés consacrés aux aliénés.

Les concours des prix de l'Académie de médecine sont clos tous

les ans fin février. Les ouvrages adressés à ces concours doivent

être écrits lisiblement, en français ou en latin et accompagnés d'un

pli cacheté avec devise indiquant les noms et adresses des auteurs.

Prix DE l'Académie des sciences. - Parmi les récompenses accor.

dées, nous relevons les suivantes : '

FAITS DIVERS. 313 là

. Prix Monlyon (médecine et chirurgie). Mention honorable à

M. Pitres (de Bordeaux) : Leçons cliniques sur l'hystérie et l'hypno-

tisme.

Prix Barbier (2,000 fr.), Partagé entre : 1° M. L9BORDE : du me-

canisme physiologique des accidents et de la mort par le chloroforme;

et 2° MM. C\DÉAC et Meunier : Contribution à l'étude de l'alcoolisme;

étude sur l'eau d'arquebuse ou vulnéraire ; recherches physiologiques

sur l'eau de mélisse des Carmes.

, Prix Bellion (1,400 fr.), M. CoTIr.LE (d'Angers) : Education du sens;

éducation de la vue chez le soldat.

Prix Allemand (1,000 fr). Partagé entre : 1° M. BINET : Les

altérations de la personnalité ; 2° M. DURAND (de Gros) : publications

diverses sur les fonctions du système nerveux chez les animaux et

l'homme.

Pria; Pourat (1,800 fr.), M. A. RoGER. La question posée était :

Recherches expérimentales et cliniques sur les phénomènes inhibiloires

du système nerveux.

LES CONCOURS POUR LES places DE médecins aliénistes EN ITALIE.

Nous citons dans les Annales médico-psychologiques : Nous trou-

vons dans le dernier numéro de la Cronaca del Regio manicomio

di Alexandria, l'annonce d'un concours pour les places de méde-

cins-adjoints de l'asile de Santa Maria délia Puta à Rome. Il nous

parait intéressant de reproduire le programme, afin qu'on puisse

te comparer avec les concours de Bicêtre et ceux des médecins-

adjoints des asiles.

A la place de médecins (medico primario) est attribué le traite-

ment de 2,000 francs, outre le logement et la nourriture. Le con-

cours est sur titres ou sur épreuves, suivant la loi du 13 novembre

1839 sur l'instruction publique. (En Italie, pour les nominations des

professeurs, cette façon de procéder est adoptée. Si le concours

sur titres seul ne donne pas de résultats, c'est-à-dire si personne

ne s'impose par ses travaux, on ouvre un concours avec épreuves.

Ce système a l'avantage d'encourager le travail personnel et d'éviter

que des hommes de valeur ne soient éliminés parce qu'ils ne savent

pas concourir.) La durée des fonctions est de dix ans ; au bout de ce

temps le médecin peut être nommé de cinq en cinq ans, avec l'ap-

probation obligatoire de l'administration.

Tous les candidats doivent présenter leur acte de naissance, afin

de montrer qu'ils n'ont pas dépassé quarante-cinq ans ; en outre,

ils doivent faire la preuve qu'ils ont passé deux ans en qualité de

médecin dans un des asiles publics ou privés du royaume. On doit

joindre à ces pièces un certificat de moralité, délivré par le maire.

Le concours sur titres consiste en la production de documents et

de publications qui prouvent la compétence scientifique et pratique

du candidat en médecine mentale, et dans la pratique des asiles.

314 FAITS DIVERS.

Le concours sur épreuves se compose : 1° de l'examen clinique

d'un malade à propos duquel on doit faire le diagnostic, le pro-

nostic et le traitement; 2° de l'examen anatomique et anatomo-

pathologique d'organes appartenant au système nerveux.

Les candidats peuvent choisir entre les deux modes du concours,

ou bien se présenter à la fois pour les deux. Lejury est composé

du commissaire royal, président sans droit de vote, de deux pro-

fesseurs de la Faculté de médecine de Rome et de trois médecins

(professori) choisi parmi les aliénistes. La forme du concours est

soumise aux prescriptions du règlement pour la nomination du

personnel médical des hôpitaux de Home,'du 19 juillet 1892.

Quant aux postes de médecins assistants, il y en a deux de va-

cants. Le traitement est de 960 fr. avec la nourriture les jours de

garde. Le médecin assistant est nommé pour trois ans, et il peut

être renommé de nouveau pour la même période. Le candidat

doit être docteur, n'avoir pas dépassé trente-cinq ans et présenter

un certificat de moralité.

Le concours consiste en épreuves : 1° examen d'un malade et

exposé du diagnostic; 2° description d'une pièce du laboratoire

servant à établir un diagnostic.

A mérite égal, il sera donné la préférence à ceux qui prouveront

avoir servi dans un asile public ou privé. La composition du jury

est la même que pour celui de médecins.

Dénonciations calomnieuses ET faux témoignages d'une PERSÉCU-

TtE. - On écrit de Londres au Temps (19 septembre 1891). La Cour

des divorces vient de rendre son jugement sur une demande en

séparation intentée par Lady Abdy contre son mari, sir William

Abdy, qu'elle accusait d'adultère avec Mm° de Benitez, riche sud-

américaine dont la résidence est Buenos-Ayres, mais qui a long-

temps habité Paris. C'est à Paris que les faits incriminés se sont

passés, et Lady Abdy a fait défiler devant les tribunaux une série

de témoins, tailleurs, coiffeurs, cuisinières et concierges, 'qui ont

déposé en français. Ils ont prétendu reconnaître en sir William

Abdy un visiteur assidu de Mm° de Benitez, à l'époque où celle-ci

venait de perdre son mari. Il se présentait comme médecin, s'en-

fermait.sous ce prétexte avec elle dans un boudoir et affectait une

légère claudication ils n'ont pas dit qu'il eût des lunettes bleues.

Enfin Mme de Benitez, qui n'avait pas l'air très riche, s'est trouvée

tout à coup dans l'opulence, ce qui ne leur a pas paru naturel.

Sir William Abdy a démontré qu'aux différents moments où on

prétendait l'avoir vu à Paris, il était à Spa ou à Londres. Quant à

Alm° de Benitez, devenue riche par l'héritage d'un proche parent,

et qui a fait expressément pour se défendre le voyage de Buenos-

Ayres, elle a déclaré qu'elle était depuis huit ans, en butte aux

attaques de Lady Abdy, attaques auxquelles elle n'avait jamais rien

faits DIVERS. 315

compris; elle n'avait jamais vu sir William avant d'avoir le coû-

teux honneur de le rencontrer à la barre du tribunal. Elle a fait

donner par son avocat, lecture d'une lettre de lady Abdy, qui

semble prouver que celle-ci est possédée du délire de la persécu-

tion. Lady Abdy lui reproche en effet « d'avoir rendu son mari

malade, de s'être fait donner par lui tous les bijoux à elle appar-

tenant, et aussi sa belle dentelle noire de Chantilly, unique au

monde, ses tableaux de vieux maîtres, son velours de Gênes, ses

meubles et ses tapisseries des Gobelins, plus de 800,000 fr. de bel

argent vivant. De ce, non contente, Mmo de Benitez, qui a fait des

études de toxicologie approfondies, a essayé à plusieurs reprises

de le faire empoisonner ».

Le juge Barnes a repoussé la demande en séparation et con-

damné lady Abdy à tous les frais du procès.

Asile d'aliénés D'ÂRMENTIËRES. Un gardien brutal . - Le tri-

bunal correctionnel de Lille a jugé un ancien gardien de l'asile

d'aliénés d'Armentières, H. S..a, âgé de vingt-deux ans, prévenu

de coups et blessures sur un vieillard de soixante-quinze ans, pen-

sionnaire de l'établissement. Quand ce malheureux quittait le par-

loir, où ses parents venaient- le voir, S... exigeait qu'il lui remît

la totalité'des friandises qu'on lui apportait d'habitude. S'il refu-

sait, il le frappait ou lui mettait la camisole de force. Les juges

correctionnels ont condamné S..., aujourd'hui soldat au 110° de

ligne, à six mois de prison. (Progr. méd.)

Asile d'aliénés DE Bron. - Grossesse et accouchement chez une

folle. A la dernière session du conseil général du Rhône, M. le

Dr Masson a demandé au préfet s'il était en mesure de fournir des

explications sur un fait très grave qui se serait produit à l'asile

départemental de Bron. Il s'agit d'une des pensionnaires de l'asile,

internée depuis cinq ans, qui aurait accouché, il y a quelques

jours, d'un enfant placé aujourd'hui dans une maternité. M. Ri-

VAUD a répondu que ce fait était exact et que la justice était au-

jourd'hui saisie de l'affaire. Il a regretté que l'administration n'ait

été avertie du fait qu'après l'accouchement; mais, en l'état actuel

des choses, il croit qu'il n'y a qu'à laisser l'enquête poursuivre son

cours. L'opinion et la moralité publique recevront satisfaction.

Drame DE la superstition. On mande de Bordeaux, 4 sep-

tembre : Le village de la Chappe, commune de Queyrac, vient

d'être le théâtre d'un assassinat accompli dans de singulières cir-

constances. Une vieille femme de soixante-huit ans, Mélanie Fort,

laitière, a été trouvée ce matin, sur la route de Laruac, gisant dans

une mare de sang, la tête affreusement fracassée et détachée du

tronc. Non loin du cadavre, on a trouvé la crosse d'un fusil por-

tant des éclats de cervelle et des taches de sang.

31G faits DIVERS.

- 'Un nommé Fort, homonyme de la victime, mais n'étant nulle-

ment son parent, a été arrêté. Interrogé, il a fait des aveux com-

plets. Il prétend que sa victime était sorcière et lui avait jeté un

sort. C'est pour se venger qu'il s'est jeté sur elle et l'a abattue d'un

coup de crosse. Puis il a détaché la tête, qu'il a mise en bouillie

en la frappant avec la crosse de son fusil. (Petit Troyen, sept.)

La consommation DE l'alcool EN France. -En 1870, on ne con-

sommait en France que 585,000 hectolitres d'alcool ou 1 litre 46

par habitant. Aujourd'hui , la population française absorbe

1,669,184 hectolitres, soit 4 litres 40 par habitant. Si l'on consi-

dère que les alcools actuels sont infiniment plus toxiques que ceux

que l'on consommait avant 1870, on ne s'étonnera plus des énor-

mes progrès qu'a fait l'alcoolisme depuis vingt ans.

Nécessité DE l'assistance DES enfants IDIOTS. Un fait odieux

encore, s'est passé à Genneviliers. Un jeune homme, qu'on croit

être le neveu d'une blanchisseuse de la localité, avait entraîné dans

un champ, pour la violer, une fillette de treize ans, sourde et

presque idiote. L'innocente se défendit cependant, et son père et

son frère accoururent à son secours. Ils engagèrent une lutte

terrible avec l'individu qu'ils voulaient arrêter. Mais, plus fort

qu'eux, il les roua de coups et prit la fuite.

L'alcoolisme EN Suisse. D'après les relevés officiels du bureau

fédéral de statistique pour l'année 1891, sur un total de 6,885 décès

de personnes âgées de plus de vingt ans, dans les quinze villes les

plus populeuses de la Suisse, on en compte 425 dus à l'alcoolisme

(59 femmes et 366 hommes), soit 6,1 p. 100. Sur les 366 individus

ayant succombé à l'alcoolisme, 188 appartenaient à la classe ou-

vrière et 178 à la classe supérieure, ce qui prouve, en tenant

compte du nombre des individus qui composent chacune de ces

deux classes sociales, que l'alcoolisme est plus fréquent dans la

société cultivée. Les quinze villes qui font l'objet de cette statis-

tique ne forment que la sixième partie de la population suisse; si

donc, l'on multiplie par 6 le chiffre des décès alcooliques ci-dessus

donné, on trouve que le total des décès alcooliques serait pour tout

le pays de 2,550 en 1891. (Sem. méd.)

Nouvelle maison de santé pour LE traitement DES affections MEII-

tales ET nerveuses. 11. le D'' PACHOUD, ancien médecin directeur

de l'asile cantonal de Cery (Lausanne), vient d'ouvrir une nouvelle

maison de santé au château de Greng, près Alorat (Suisse).

Le bacille DE l'épilepsie. - On annonce, dit le Médical Record

du 28 mai 1892 (p. 610), que le D1' GARDES, premier aide à l'institut

pathologique de l'université de Halle, a découvert un grand nombre

de bacilles particuliers dans le foie, les reins et le sang des per-

FAITS DIVERS. 317 Î

sonnes mortes de l'épilepsie. Il a fait des expériences avec ces

bacilles sur des souris et des rats et partout le même effet mortel

s'est produit invariablement ( ! ? ). ,

Faculté DE médecine D'IF : NA. M. le Dr ZICIIEN est nommé

professeur extraordinaire de psychiatrie. ,

Epidémie. de suicides. - On mande de Trieste qu'une véritable

épidémie de suicides a sévi dans cette ville pendant la. dernière

semaine : seize personnes ont attenté à leurs jours, les unes par

suite d'affaires d'amour, les autres, à ce que l'on croit, dans un

état de démence momentanée causée par la chaleur.

LE jeûne condamné. Le verdict du juge coroner de New-York

dans le cas de la mort de Stratton, le jeûneur, est digne d'être

signalé. Cette décision déclare que « les exhibitions de jeûneurs

doivent être considérées comme immorales et criminelles ' et

devraient être défendues par la loi P. La durée du jeûne de

Stratton mort de faim a été, dit-on, de quarante et un jours.

Suicides de médecins aux États-Unis. Le Boston médical and

surgical Journal nous apprend que ce sont les médecins qui se

suicident le plus en Amérique depuis dix ans. Et cette vérité sera

encore confirmée cette année, puisque dans les douze premiers

jours de janvier il n'y a pas moins de sept médecins qui se sont

donné la mort.

UN FOU assassin. M. Follet, originaire du département de

l'Aisne, était arrivé depuis trois jours à Paris avec sa famille. Il

était atteint d'aliénation mentale. Sa folie cependant n'avait jus-

qu'alors présenté rien de dangereux. Ses proches néanmoins vou-

laient le faire interner et l'avaient déjà soumis à l'examen de mé-

decins aliénistes. Toute la famille, le fou compris, habitait un hôtel

de la cité Bergère.

Hier soir, M. Follet, qui avait dîné avec un docteur en médecine,

chargé de l'examiner d'une façon toute particulière, revint à l'hôtel

et pénétra dans une chambre qui n'était pas la sienne. 11 y trouva

une canne à épée et s'en empara, puis, redescendant, il dit aux

siens qu'il se rendait, 6, rue Gaudot-de-Mauroy. A cette adresse, il

prétendait connaître une femme; il désirait la voir. Un cousin de

M. Follet le suivit en voiture.

Le concierge du 6 de la rue Gaudot-de-Mauroy, voyant l'air sin-

gulier du visiteur, lui demanda où il allait, et n'en recevant pas de

réponse, voulut l'empêcher de monter l'escalier.

Laissez, dit le cousin qui le suivait. Il a le cerveau faible mais

je réponds de tout.

M. Follet gravit l'escalier, suivi du concierge qui, au deuxième,

l'interpella, décidément inquiet. L'aliéné, brusquement, après

318 FAITS DIVERS.

quelques paroles violentes, frappa le concierge d'un coup de canne

à la tête, qui ne le blessa point. Il redescendit, suivi du concierge

qui criait qu'on l'arrêtât. Dans le vestibule, l'altercation recom-

mença entre les deux hommes.

Le concierge, M. Levavasseur, décidé à en finir, poussait la vic-

time vers la porte. Le fou leva sa canne pour frapper une seconde

fois. Le cousin saisit la canne, mais le fourreau lui resta dans les

mains, et l'épée, dégagée, resta nue entre les mains de l'aliéné,

qui la plongea dans la poitrine du concierge. Le coeur fut traversé

et la mort immédiate.

Le fou ne s'enfuit pas. On put s'emparer de lui et le conduire

chez M. Cornette, commissaire de police. Le cousin, aussi peu brave

que maladroit, s'était éclipsé. On le retrouva à l'hôtel de la cité

Bergère. Il conta les faits tels qu'ils s'étaient passés.

M. Follet, gardé à vue au poste de la rue de Larochefoucauld, a

demandé, à plusieurs reprises, à se retirer, en s'informant de l'heure

à laquelle il devrait se représenter le lendemain. Il était absolument

inconscient du crime qu'il venait de commettre. (L'Éclair.)

- - Un terrible drame vient de se dérouler à Ramiliées, près de Cam-

brai. Un nommé Théodore Moreau, âgé de quarante-trois ans, a été

trouvé pendu chez lui; sa femme, âgée de quarante-cinq ans gisait,

ensanglantée sur son lit, dans la chambre voisine. Moreau, atteint

d'une maladie de cerveau, a profité de l'absence de ses six enfants

pour accomplir le crime qu'il méditait depuis longtemps. Pendant

que sa femme dormait, il lui porta sur la tête et sur différentes par-

ties du corps plusieurs coups de fer à repasser quilui ont fait depro-

fondes blessures; les mains meurtries de la malheureuse, dontl'état

est très grave, indiquent qu'elle a cherché à parer les coups. Mo-

reau, croyant sa femme morte, se pendit. (Radical, : 1. or juillet 1891.)

UNE séance d'hypnotisme. Une curieuse expérience a été faite

au tribunal de Santa-Rosa, aux Etats-Unis. On jugeait le nommé

Edward Livernash, accusé d'avoir fait boire à un homme un verre

d'eau contenant une dose d'acide prussique suffisante pour tuer

douze individus et d'avoir ensuite tiré plusieurs coups de revolver

sur sa victime.

La défense soutenait que Livernash était sensible à l'influence

hypnotique et que, se trouvant endormi d'un sommeil magnétique,

l'accusé était sujet à une sorte de manie homicide. Le docteur

Gardner, appelé à donner son avis devant le tribunal, a hypnotisé

Livernash et, pour prouver l'insensibilité absolue du sujet, a planté

une longue épingle, successivement, dans les mains, les joues et

les oreilles de l'assassin. -

Néanmoins, l'expert, représentant l'accusation, restait incrédule.

Il s'est mis à frapper violemment Livernash, mais celui-ci a con-

servé son immobilité.

FAITS DIVERS. 319

L'accusé, toutefois, a répondu à toutes les questions qu'on lui a

adressées; mais il a raconté les détails du crime d'une façon inco-

hérente, et tout son récit avait, en effet, l'air d'être dit par un

homme pris de boisson. Livernash a souffert lorsque, réveillé par

le docteur Gardner, on lui a arraché les épingles de sa chair. Les

manières et l'attitude de l'accusé ont alors changé immédiatement.

Le procès n'est pas encore terminé. Détail curieux : l'accusé est l'un

des plus habiles journalistes de San-Francisco. (L'Intransigeant.)

Somnambule extra-lucide. Une grrrande somnambule, seule

élève et successeur de Mlle Lenormand, vient d'être cueillie par la

police dans son superbe appartement du quartier de l'Europe. Elle

ne se contentait pas, paraît-il, de dire le passé, le présent et

l'avenir; mais ayant, disaient ses prospectus, un médecin et une-

sage-femme attachés à son établissement, elle était toute disposée

à conseiller utilement et même à aider les jeunes personnes dans

l'embarras. C'est pour cela et pour bien d'autres méfaits que la

police a cru utile de lui demander quelques renseignements sur

son passé; après cela, on pourra à coup sûr lui prédire l'avenir.

- (Progrès médical.) .

SCAPULAIIiE anticholérique. Nous considérons comme un devoir

de reproduire la réclame suivante que signale l'Echo de Paris : « Ces

scapulaires, sur lesquels est brodée l'image de la sainte Vierge, et

qui ont été Dénis par notre Saint-Père le Pape, ont pour effet mer-

veilleux de protéger les fidèles contre toute indisposition ou affec-

tion cholériforme. -Nota 6ene. La longueur des rubans permet de

faire descendre les scapulaires jusque sur le ventre. Placés sur cette

partie du corps, ils arrêtent immédiatement la diarrhée. On peut se

procurer, moyennant l'envoi de 4 fr. 50 par la poste, les scapulaires

anticholériques chez M. l'abbé G..., ancien aumônier de la marine

à Toulon (Var). » Ce moyen de combattre le choléra et même la

simple diarrhée sera, nous n'en doutons pas, soumis à l'appro-

bation du conseil d'hygiène. (Progr. méd.)

Assistance DES épileptiques. Une dépêche d'AfenÇOt7, eI1 date

du 7 novembre, dit que : « dans la forêt de la Ferrière, un char-

bonnier nommé Louvel, pris d'une attaque d'épilepsie est tombé

dans le feu et a été horriblement brûlé ».

J.-B. CUIRCOT et Georges (,UINO,4.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Prime exceptionnelle à non lecteurs.

LES

LI ? O\S i)U -ll,%,RDI A LA SiLPÈTR11 : R1;

De M. le Professeur CHIRCOT

Policlinique (1887-88, t. I, 21 édit. et 1888-80, t. II), notes de cours re-

cueillies par MM. Blin, Charcot, il. Colin, élèves du service. Deux beaux

volumes in-l' couronne de plus de 600 pages chacun. Prix des deux

volumes : 40 fr. Pour nos abonnés : 25 fr. Pour la France et l'étran-

ger. Prix : 27 fr.

BREMER und FREU\D. Ueber den psychischen Mechanismus hysteris-

cher Phazomen. Brochure in-8° de 11 pages. - Leipzig, 1893 : - Neuro-

logisc7zez Centralblatt.

GOWERS (W,-R.). - Syphilis and the nervous System. Volume in-8"

cartonné de 131 pages. London, 1892. J. et A. Churchill.

Grasset (J.). Thérapeutique appliquée. Consultations médicales

sur quelques maladies fréquentes. Volume in-12 cartonné de 185 pages.

Prix : 3 fr. Paris, 1893. - G. Masson.

HOLIfES (Ch.). A case of llémianopsic (The Boston aud Sure.

Jours" 1863, p. 162.)

Index-Catalogue of the Library of the surgeon -gênerai' Office.

United States Army. Vol. XIII (Siaiagigues-Sutugin). Volume in-4° car-

tonné 1005 pages. Washington, 1892. Government printing Office.

JA/OE1" (P.). - Etat mental des hystériques. - Les stigmates mentaux.

Volume in-12 cartonné de 234 pages. Prix 3 fr. 50. - Rueff et C ?

Knoctos. - Arthropathies tabétiques (Finska Lalsaresallskapels

Ilandlingar, fev. 1893.) ,

Magnan (V.) ? yVach'M mentales. Leçons faites à l'asile clinique (Sainte-

Anne), recueillies et publiées par Briand (M.), Legrain, Journiac et Sé-

rieux. Deuxième édition augmentée. Un beau volume in-8° de 435 pages,

avec figures. Prix : 8 fr. Pour nos abonnés : 6 fr. Bureaux du Pro-

grès Médical.

MASSALOXGû (R.). Atelosi successiva a morbillo. Brochure in-8° de

8 pages. - Napoli, 1892. Tipografia della Riforma Medica.

Maurel (E.). Recherches expérimentales sur les leucocytes. -

Application à la pathologie microbienne. Septième fascicule : Actions des

corps inanimés, des microbes non pathogènes et de la bactéridie char-

bonneuse sur les leucocytes. Volume in-8» de 116 pages, avec 17 figures.

Prix : 2 fr. 50. 0

Avis A NOS lecteurs. A partir du -1 CI' mai prochain,

les Archives de Neurologie paraîtront tous LES mois.

Le rédacteur-gérant, 1l0un : OE\'ILLE,

I ? '"PII' f.1, lltptqsrv lmp - 8p3

Vol. XXV. Mai 1893. N, 75.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

SUR TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE;

Par le D' KLNNOSUKE MIURA (du Japon).

Au commencement du mois de mars de cette année, M. le

professeur Charcot a présenté dans ses leçons du mardi quel-

ques cas de monoplégie hystérique. C'est l'histoire de ces cas

qu'il a eu l'extrême obligeance de me communiquer que je

viens rapporter ici. Outre le grand intérêt qu'ils présentent au

point de vue de l'évolution, de la symptomatologie et du trai-

tement de cette paralysie, ils viennent encore confirmer ce que

notre illustre maître avait déjà démontré en 1885 1.

Nous passerons d'abord en revue nos observations en les

faisant suivre des remarques qu'elles comportent. Nous cher-

. cherons ensuite, dans les observations de monoplégie hysté-

rique publiées jusqu'ici, quels sont les caractères communs à

tous ces différents cas, tant au point de vue de l'hérédité, que

de la cause provocatrice, de la symptomatologie, etc.

Observation 1. - Le nommé Roug... (Fort...), âgé de trente-

sept ans, charretier, entré le ii février 1892 à la Salpêtrière (ser-

vice de M. le professeur CHARCOT), salle Prus, lit n° 2î ?

1 Charcot. Sur deux cas de monoplégie brachiale hystérique, de

cause traumatique chez l'homme. (Progrès méd., n° 3F, 37, 39, 40. 1885.)

GEuvrescon : plètes : Leçons sur les maladies du système nerveux, t. III,'

p. 299-3G9.

- Cette observation a été de la part de M. Charcot l'objet d'une leçon

publiée dans la Semaine médicale du 8 juin 1892, n° 29, Sur un cas de

monoplégie brachiale hystérique chez l'homme, présentant des difficultés

de diagnostic. ,

An : anws, t. XXV. 21 1

322 1), CLINIQUE NERVEUSE.

Antécédents héréditaires. -Père, aubergiste, buveur, querelleur,

maltraitait souvent sa femme, mort à quatre-vingt-deux ans,

d'une bronchite qu'il avait depuis une vingtaine d'années. Une de

ses soeurs était bizarre, maltraitait sans motif ses enfants. Mère

encore vivante, soixante-quatre ans, a eu des attaques de nerfs

dans sa jeunesse; actuellement elle a des douleurs dans les mem-

bres qui l'empêchent de marcher. Huit enfants, dont sept encore

vivants; un mort de la poitrine. Le malade est le cinquième. Tous

les enfants sont bien portants, sauf la dernière qui est souffrante.

Les deux dernières ont eu des convulsions dans l'enfance.

Antécédents personnels. Jamais de maladie grave. Pas d'in-

continence nocturne. Il ne peut pas dire s'il a eu des convulsions.

Boit environ deux litres de vin par jour et de l'eau-de-vie pour

trois sous tous les matins. Pas de signes d'alcoolisme, pas de syphi-

lis. Soldat pendant cinq ans à Paris.

Histoire actuelle. - Il y a deux ans, le malade s'est fait une

fracture de la clavicule droite en portant un madrier. Son compa-

gnon, qui le portait avec lui, est tombé, et le choc du madrier

contre le sol a produit la fracture par contre-coup.

Il n'a pas consulté tout de suite; et malgré la douleur qu'il res-

sentait dans l'épaule droite, il a continué à travailler pendant trois

mois et demi. Il avait beaucoup de mal à s'habiller; il était obligé

de manier son fouet avec la main gauche et il ne pouvait plus

porter des fardeaux sur l'épaule droite. Mais enfin, il pouvait se

servir de sa main droite pour manger. Les mouvements de l'épaule

seuls était impossibles à cause de la douleur.

Son bras n'a pas maigri à cette époque, et les douleurs occu-

paient seulement le moignon de l'épaule. Il est allé alors consulter

M. Terrillon qui a constaté une fracture ancienne de la clavicule

sans consolidation et qui lui a extirpé un fragment d'os (fragment

externe), séjour d'un mois et demi dans le service; en sortant,

amélioration, mais il souffrait encore dans l'épaule seulement et

il existait une fistule par laquelle s'écoulait du pus.

Quelques jours après sa sortie de chez M. Terrillon, il est entré

chez M. Charcot, salle Prus, pour se faire électriser l'épaule (sur

le conseil de M. Terrillon). Il est resté sept à huit jours et est sorti

très amélioré, il ne souffrait plus du tout de l'épaule. L'écoule-

ment s'est bientôt tari, et il est resté deux ans sans rien remarquer,

se servant de sa main droite comme de sa gauche pour fouetter,

de ses deux épaules indifféremment pour charger.

Il y a eu avant-hier trois semaines (le 24 janvier 1891), étant à

table à une heure après midi, il sentit le couteau lui échapper de

la main droite, et celle-ci resta inerte, tombante. Il demanda au

marchand de vin de l'alcool camphré pour se frictionner; mais le

résultat fut nul.

TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 323

Il ne trouve aucune raison à invoquer pour expliquer cette para-

lysie. Il n'avait pas fait d'effort violent, n'avait pas fouetté plus

que d'habitude. Du reste, il n'avait rien ressenti de particulier dans

la main, l'avant-bras ou le bras. C'était le dimanche; le jeudi pré-

cédent, il avait assisté à l'enterrement d'un de ses neveux qui avait t

eu quelques jours auparavant le bras broyé dans une fabrique. Il

avait été le voir à l'hôpital Lariboisière quelques jours auparavant

et cet événement l'avait vivement impressionné. C'est la seule

émotion qu'on trouve chez lui dans les jours qui ont précédé son

accident. Aucune dispute, aucune contrariété.

Au moment même de l'accident, quand il a lâché le couteau, il

a senti des fourmillements dans tous les doigts, comme lorsqu'on se

fait une contusion de cubital. Cela a duré trois jours et ne s'est

pas reproduit depuis lors. C'est depuis cet accident qu'il a remarqué

que l'avant-bras et le bras droit maigrissaient. Il ne saurait dire

s'il y avait une différence de volume auparavant. Au dire du malade,

la paralysie aurait augmenté depuis son apparition. Le premier

jour, il pouvait encore exécuter quelques mouvements des doigts,

tandis qu'aujourd'hui, il en est totalement incapable.

Il convient d'ajouter qu'au moment de l'apparition de sa para-

lysie de la main, il n'a point ressenti le moindre malaise, le

moindre étourdissement. Depuis trois semaines, il a travaillé de

temps en temps, toujours sans se servir de la main droite.

Etat actuel. Malade d'apparence vigoureuse, fortement mus-

clé. d'excellent état général. Intelligent, renseigne bien sur les

divers événements de sa maladie.

Examen du membre supérieur droit. Motilité. La paralysie

atteint tous les muscles de la main, de l'avant-bras et du bras. A

la main et à l'avant-bras, elle est absolue. Le malade est incapable

de faire le moindre mouvement de la main et des doigts. Quand la

main est en pronation,"elle est tombante comme dans la paralysie

radiale; quand elle est en supination, les doigts sont dans une très

légère flexion. Il n'y a pas de résistance à l'extension passive com-

plète, mais elle ne peut être obtenue par la volonté du malade.

L'extension des doigts, la flexion des doigts, le relèvement du

poignet, l'écartement des doigts ou leur rapprochement sont tout

à fait impossibles. Il n'y a pas même une ébauche de ces mouve-

ments. Les mouvements de pronation et de supination de même.

Pour mettre sa main dans l'une ou l'autre de ces positions, le ma-

lade la saisit avec la main gauche.

Flexion. - Quand on lui commande de fléchir son avant-bras, il

peut le faire, le mouvement est très faible, et l'on s'y oppose facile-

ment (tandis que du côté opposé il faut déployer une force très

grande); de plus il ne peut pas se produire de supination. Dès le

début de la flexion, la main se met en supination. Ce n'est donc

324 CLINIQUE NERVEUSE.

pas le biceps qui produit ce mouvement. D'ailleurs, le biceps, pen-

dant ce mouvement, reste flasque, Le mouvement de flexion est

vraisemblablement obtenu par le brachial antérieur, et la position

de pronation n'est autre chose qu'une chute passive de la main,

en vertu de la pesanteur. Dans tous les cas, le malade est capable

de porter ainsi la main à la bouche. Une fois l'avant-bras fléchi,

quand on lui commande de résister aux efforts d'extension, cette

résistance est absolument insignifiante. C'est à peine si l'on sent la

consistance du biceps augmenter légèrement.

Extension. - Le triceps brachial se contracte un petit peu; et la

résistance aux efforts de flexion existe un peu, quoique très facile

à vaincre. Du côté opposé, elle est absolument invincible.

A la palpation, tous les muscles sont flasques, mous : ils ne don-

nent pas une sensation des masses fermes comme du côté gauche.

Mouvement de l'épaule. Le deltoïde et le grand pectoral se con-

tractent faiblement il est vrai, mais enfin, il y a là une contraction

réelle. Le bras est élevé à l'horizontale sans que l'omoplate bas-

cule. On voit les faisceaux du deltoïde se contracter. De même on

sent le grand pectoral se durcir dansl'adduction. Les muscles rota-

teurs de l'épaule (sus et sous-épineux, sous-scapulaire, petit rond)

ne se contractent pas; car le malade ne peut exécuter aucun mou-

vement de rotation de l'épaule. Le trapèze se contracte bien dans

les mouvements d'extension de la tête et dans l'élévation de l'épaule.

Sens musculaire. Tout à fait intact. Le malade sait indiquer

parfaitement où est son bras. Il peut reproduire avec le membre

gauche toutes les positions imprimées au membre droit.

Atrophie musculaire. Elle est incontestable quoique peu accen-

tuée. C'est à l'avant-bras (partie moyenne) qu'elle semble le plus

marquée (un centimètre de différence).

Dimension en circonférence :

TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTERIQUE. 325 5

gauche, mais elle est due à une augmentation de résistance du

côté malade (accusée au galvanomètre, peut-être due au spasme

vasculaire). C'est ce que l'on voit dans la paralysie radiale vulgaire.

Seulement ici, c'est total.

Sensibilité. Elle est intacte dans tous ses modes. Le contact est

perçu parfaitement; il localise avec une grande précision. Le froid,

le chaud sont sentis ainsi que les piqûres d'épingle, aussi bien que

du côté gauche. Cette recherche, faite à plusieurs reprises, montre

qu'il n'y a pas une seule région dans le membre supérieur malade

ou dans l'épaule, où la sensibilité présente une altération quel-

conque. Le malade ne sent plus de fourmillements comme au début.

Aspect de la région claviculcziz·e (siège de l'ancienne fracture).

Il existe dans le quart externe de la clavicule une cicatrice cutanée

avec enfoncement de la région. C'est là qu'était le fragment os-

seux enlevé. L'os s'est reformé et il est soudé à l'acromion. Pas de

sensibilité spéciale de cette région. La sensibilité y est normale

comme partout ailleurs. i , 1

Réflexes. Les réflexes du coude de ce malade (tendon du tri-

ceps) sont un peu plus forts qu'à l'état normal, mais égaux des deux

côtés, sans qu'on puisse en trouver la raison. Pas de -trépidation

épileptoïde du pied. La marche est parfaite. , ,

17 février. Nouvel examen : de la sensibilité, elle est intacte

partout et en particulier dans tous les doigts de la main.

Rien d'anormal dans le creux axillaire, pas de points loulou-

reux. L'artère sus-claviculaire est sentie dans le creux, l'artère

axillaire, l'artère humérale, les artères radiales et cubitales abso-

lument comme du côté sain, sans différence de l'intensité de la

pulsation. Le malade ne présente aucun point hystérogène, pas de

sensibilité testiculaire. ?

Sens spéciaux. C»il. Pas de différence dans les pupilles.

326 CLINIQUE NERVEUSE.

Réactions normales. Pas de différence dans la grandeur de la

fente palpébrale.

Oreille. Pas de différence entre les deux côtés. Le tir, 1 a

d'une montre est entendu à 15 centimètres du pavillon de l'oreille

à droite comme à gauche.

Goût. - Le sucre, le-sel, l'amertume du sulfate de quinine sont

reconnus aussi bien sur la moitié droite que sur la moitié gauche

de la langue.

Odorat. - L'éther est reconnu à droite comme à gauche. L'am-

moniaque produit un réflexe énergique avec larmoiement des

deux côtés aussi. Rien dans les autres organes.

Traitement du malade et résultat. Il a été d'abord soumis pen-

dant huit jours exclusivement à la faradisation. Au bout de ce

temps, résultat absolument nul.

A partir du mercredi 25 février, l'électrisation est supprimée. Le

malade est mis aux douches et au traitement psychique, c'est-à-

dire qu'on essaie l'éducation du membre paralysé. Voici les résul-

tats notés jour par jour, avec le modus faciendi.

24. Séance de trois quarts d'heure. On lui commande de faire

des mouvements alternatifs de flexion et d'extension des doigts de

la main gauche en regardant bien, puis de les reproduire à droite

en fixant à son tour la main droite et se représentant bien le mou-

vement. Le résultat est tout à fait nul. Les doigts sont complète-

ment inertes. Le résultat est également uul pour les mouvements

associés (par exemple : pression du dynamomètre, écriture de la

main gauche).

25. - Séance d'une heure. Même exercice. Pendant que le ma-

lade fait tous ses efforts pour fléchir tous les doigts, on remarque

une très légère flexion de la phalangette du pouce. C'est le premier

mouvement volontaire qu'on obtient. Le malade est enchanté, et

sa bonne volonté se met de la partie. Dans la même séance, une

légère flexion des deux dernières phalanges de l'index est obtenue

vers la fin, et les mouvements du pouce se produisent à différentes

reprises. On n'obtient pas de flexion d'ensemble de tous les doigts.

Il a fallu procéder isolément pour l'index et toujours par imitation

de la main saine. '

26. Séance d'une heure. Les mouvements de flexion du pouce

et de l'index se conservent, les deux doigts arrivent presque à se

mettre en contact. Les quatrième et cinquième doigts se fléchis-

sent dans leurs deux dernières phalanges à la fin de la séance, le

troisième reste en arrière.

27. Séance de trois quarts d'heure. Pour la première fois, on

obtient un mouvement de flexion d'ensemble des quatre derniers

TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 327

doigts de la main. Le troisième est plus paresseux, mais il arrive

à suivre les autres. Ce mouvement de flexion est beaucoup plus

étendu qu'au début, il a lieu dans les trois phalanges. L'index et

le pouce arrivent au contact par leur pulpe. Les mouvements sont

lents, faibles et la flexion se fait souvent par saccades.

Pour la première fois aussi, on obtient de légers mouvements d'ex-

tension dans l'index et le cinquième doigt surtout. Le pouce fait

maintenant de petits mouvements d'abduction, mais l'adduction

est toujours plus facile.

Le malade est encore incapable d'écrire ou de presser le dynamo-

mètre de la main droite. Poignet toujours tombant. En résumé, les

mouvements volontaires sont apparus dans l'ordre suivant :

Flexion du pouce;

- de l'index.

- des deux derniers doigts;

simultanée de tous les doigts;

Extension de l'index et du cinquième doigt et légère abduc-

tion du pouce.

Il semble que le malade exécute plus facilement les mouve-

ments qu'on lui commande quand on les a fait exécuter passive-

ment à ses doigts d'abord. Le massage de la région, qui fait dis-

paraître l'oedème bleu semble être une circonstance adjuvante.

Après avoir été ainsi améliorée, il sort au moins de mars de la

Salpêtrière, mais cet état ne dura pas longtemps, car d'après une

lettre qu'il a écrite à un malade de sa salle, la paralysie est rede-

venue complète.

Il s'agit ici d'un individu, entaché d'hérédité névropathique,

chez lequel une émotion vive semble avoir provoqué le déve-

loppement d'une monoplégie brachiale flasque. Il a vu son

neveu se broyer le bras, subir l'amputation de ce bras et suc-

comber enfin aux suites de cet accident. Or, quatre jours après,

il présente lui-même une monoplégie brachiale du côté où deux

ans auparavant il avait eu la clavicule fracturée (fracture

longue à guérir, mal soignée au début, compliquée de suppura-

tion, d'esquilles, d'intervention chirurgicale...). Il est vraisem-

blable que l'accident arrivé à son neveu a éveillé, consciemment

ou inconsciemment, dans son cerveau, l'idée de paralysie bra-

chiale. Cette idée a germé pendant trois ou quatre jours, puis

s'est traduite extérieurement par une monoplégie du membre

supérieur. Il devait fatalement en être ainsi : l'amputation

du bras chez son neveu devait, chez cet homme traumatisé

au niveau de l'épaule droite, logiquement éveiller cette idée de

monoplégie brachiale et localiser cette monoplégie dans le côté

328 - CLINIQUE NERVEUSE.

droit. Il a dû dans sa personnalité consciente ou inconsciente,

peut-être dans ses rêves, comparer l'accident de son neveu à

l'accident qu'il avait jadis éprouvé lui-même au niveau de l'é-

paule droite et sur lequel son métier de charretier avait attiré

son attention pendant de longs mois. De cette comparaison a

dû naître l'idée de paralysie.

Tout à fait singulier chez notre malade est l'absence de

troubles de la sensibilité dans le membre paralysé. C'est un

fait extraordinaire qu'on n'a pas encore'observé jusqu'à pré-

sent du moins à notre connaissance dans les cas semblables de

monoplégie hystérique '. Non seulement la sensibilité de la

peau est conservée dans tous ses modes, mais aussi le sens

musculaire est resté intact.

Cette monoplégie ressemble, à ce point de vue, beaucoup à

la paralysie spinale par lésion de la corne antérieure; mais

dans notre cas les réflexes tendineux ne'sont pas abolis, la

réaction de dégénérescence manque totalement et l'atrophie

musculaire est très peu prononcée. Une lésion organique de

"l'écorce du cerveau (centre du bras) est encore plus improbable

'parce que cet homme n'a eu ni attaque apoplectiforme, ni

étourdissements, ni vertiges, ni céphalalgie, etc., au moment

où s'est produite la paralysie. Du reste, ce qui lève tous les

doutes, c'est le résultat du traitement purement psychique qui

a été institué. Déjà le deuxième jour de ce traitement, le ma-

'lade était capable de faire quelques légères flexions du pouce et

de l'index; dans des séances suivantes, les autres doigts ont

commencé également à se mouvoir, de sorte que M. Charcot a

pu montrer le malade, dans une leçon, en état complet de pa-

ralysie, et dans la leçon suivante en état d'amélioration très

considérable. C'est là un fait positif qui démontre avec le rétré-

cissement du champ visuel et l'oedème bleu, la vraie nature de

la maladie, à savoir l'existence d'une monoplégie purement

fonctionnelle, d'une monoplégie hystérique, sans anesthésie

concomitante.

Expérimentalement chez les hypnotiques, M. le professeur

Charcot a pu réaliser des monoplégies sans troubles de la sen-

sibilité, mais en suggérant au sujet l'absence de ces troubles *.

1 . , '

1 Nous parlons de monoplégie flasque sans contracture.

' Charcot. OEuvres complètes : Leçons sur la maladie du système

nerveux, t. III, p. 353.

TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 329 9

On peut cependant, dit-il, je tiens à le faire remarquer, même

chez les hystériques hémianesthésiques, obtenir la paralysie

motrice, sans accompagnement aucun de troubles de la sensi-

bilité ; il suffit, pour cela, ainsi que nous l'avons vu plusieurs

fois, de persuader au sujet, au moment même où a lieu la

suggestion, que le mouvement seul sera paralysé et que la sen-

sibilité restera intacte. Je ne voudrais pas généraliser hâtive-

ment à propos d'expériences encore relativement peu nom-

breuses, mais je dois relever toutefois, que jusqu'ici, je n'ai

pas encore observé cette variante sur les hystériques hémianes-

thésiques, auxquelles j'ai suggéré purement et simplement, la

paralysie motrice du membre sans rien dire de la sensibilité.

J'ignore, quant à présent, ce qui adviendrait en pareil cas,

chez les hystériques non anesthésiques.

C'est ce que nous avons recherché chez une hystérique non

anesthésique. Mais les hystériques de ce genre sont relative-

ment exceptionnelles; nous avons cependant pu, avec le con-

cours de notre ami, M. Souques, examiner, à la Salpêtrière,

une femme atteinte d'amnésie ' manifestement hystérique et

hypnotisable; nous avons provoqué chez elle une paralysie

brachiale, par suggestion, sans lui suggérer l'absence de trou-

bles sensitifs. Dans ces conditions, nous avons obtenu la perte

du mouvement mais aussi la perte de la sensibilité. Il s'agis-

sait'd'une femme chez laquelle on n'avait encore fait aucune

expérience de ce genre. Mais, en somme, nous n'avons pu exa-

miner encore qu'un seul sujet et nous ne voulons et ne pou-

vons rien conclure de cette expérience négative. Tout en

croyant à la possibilité des monoplégies expérimentales pure-

ment motrices, nous pensons qu'il faut encore s'en tenir à la

remarque de M. le professeur Charcot et ne pas préjuger, quant

à présent, ce qui adviendrait en pareil cas, chez les hystériques

non anesthésiques.

Quant à l'oedème bleu que nous trouvons chez notre malade,

il a bien le caractère de l'oedème hystérique tel qu'il a été dé-

crit par M. le professeur Charcot 2. Généralement associé tan-

' f ,

' L'histoire de cette malade, au point de vue amnésique a été rapportée

par )[. Charcot : Sur un cas d'amnésie rétro- antérograde. Revue de

méd., t. XII, février 1892, et M. Souques] : Essai sur l'amnésie 1'éll'o-allté-

rograde. (Rev. de méd.) . 1

' Charcot. - Leçons du mardi, t. II, juin 1889. (Progrès Médical, 1890,

2' s., t. XII, 1103 41, 42, p. 259, 275.) 1

330 CLINIQUE NERVEUSE.

tôt à des altérations de la sensibilité, anesthésie ou hyperesthésie,

tantôt à des troubles du mouvement (paralysies et contrac-

tions) cet oedème bleu des hystériques se caractérise, on le sait :

1° par une infiltration ferme des téguments ne gardant pas

l'empreinte du doigt; 2° par un abaissement de la température

locale qui peut aller jusqu'à deux, trois, quatre et même cinq

degrés centigrades ; 3° par une coloration bleue violacée, quel-

quefois très foncée, quelquefois simplement lilas.

Nous rappelons à ce propos que M. Charcot a pu reproduire

le symptôme par suggestion somnambulique chez une grande

hystérique (nommée Pauline Schey...) un oedème bleu abso-

lument identique à l'oedème spontané de ses malades.

Observation II. Monoplégie brachiale droite. Hystéro-salurnisme.

(Observation recueillie par M. Garnie, interne des hôpitaux.)

' Le nommé Cherb..., âgé de cinquante-trois ans, peintre, est

entré le 16 février 1892, à la Salpêtrière (service de M. CHARC9T),

salle Parmentier, lit n° 10.

Antécédents héréditaires. Rien à noter dans les antécédents,

sinon que son père était emporté.

Antécédents personnels. Peintre depuis trente-cinq ans (depuis

l'âge de dix-huit ans, il fait des enduits à la céruse). En 1888, puis

en 1889, attaques des coliques saturnines. Pas alcoolique; caractère

emporté, émotif; marié, il a cinq enfants dont quatre sont morts

des convulsions en bas âge.

Début. Dans les premiers jours de mars 1890 (il y a deux ans),

après avoir éprouvé des chagrins et travaillé six nuits de suite, en

plein travail, le malade est pris, sur son échelle (il peignait un

plafond), d'une sensation de vertige c'était vers une heure du

matin puis d'un tremblement général qui dura un quart d'heure

environ. Son bras pris de faiblesse était tombé à plusieurs reprises

pendant, le travail. Aucune cause immédiate; on peut noter cepen-

dant dans la journée un véritable surmenage et aussi un excès de

boisson. Rentré à pied chez lui, le malade se déshabille sans diffi-

culté ; jusque là pas de paralysie. Le lendemain, en se réveillant,

son bras droit pend inerte le long de son corps et il éprouve dans

la main droite une sensation de fourmillement qu'il compare à celle

que donnerait du sable tombant sur la main. Cette sensation a

persisté un mois environ.

Le lendemain, il entra à Saint-Antoine (service de M. Gingeot);

on constate une paralysie absolue des doigts, du poignet, du coude

TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 331 L

et de l'épaule pour l'extension et la flexion. La sensibilité est abolie

dans tous les modes, depuis l'extrémité des doigts jusqu'au moi-

gnon de l'épaule. Pas d'hémianesthésie. On constate en même

temps la perte du réflexe pharyngien, de la dyschromatopsie et

de l'anosmie. Au bout de quatre mois de traitement (électricité,

bains sulfureux), lemalade sortit de l'hôpital. Il pouvait mouvoir

le coude et l'épaule, mais le poignet et les doigts restaient para-

lysés. Il se remit à travailler mais d'un travail facile, il mélangeait

les couleurs. De temps en temps il venait reprendre son traitement

à Saint-Antoine (service de M. T..PaET; séjours de trois mois

chaque fois).

Etat actuel. La main droite est tombante en flexion et pro-

nation, les doigts en demi-flexion. Les mouvements de l'épaule et

du coude sont conservés, mais beaucoup moins puissantes que du

côté sain. Impossibilité absolue de relever le poignet et d'étendre

les doigts, même impossibilité pour les fléchir ; cependant si l'on a

soin de relever la main sur l'avant-bras, les doigts peuvent exécu-

ter un très léger mouvement de flexion, et les premières phalanges

étant maintenues sur la- main, les deux derniers peuvent être

relevés par le malade, de même aussi la main étant étendue sur

une surface plane, il peut faire quelques mouvements de latéralité

des doigts. Tous ces mouvements ont été récupérés depuis une

quinzaine de jours.

Le long supinateur est paralysé et il n'y a pas de mouvement de

supination, même dans la flexion du coude.

L'anesthésie depuis l'extrémité des doigts remonte à la manière

d'un gant jusqu'à deux travers des doigts au-dessus du poignet.

Hypéresthésie en manche de veste de la partie supérieure du

membre.

Réflexes tendineux normaux, pas de tremblement de la main

droite. Pas d'atrophie du membre paralysé. La main gauche éten-

due présente un tremblement oscillatoire rapide. Spasme : il y

existe un spasme intermittent des muscles orbiculaires et signo-

matique du côté gauche de la face. Ce spasme serait apparu en

même temps que la monoplégie.- Les secousses seraient beaucoup

moins accentuées et beaucoup moins fréquentes qu'au début de

l'affection. La langue présente un tremblement fibrillaire très ma-

nifeste, elle. est tirée à gauche.

Il y a un mois, lors de son entrée dans le service, le malade pré-

sentait encore une notable diminution de la sensibilité dans le

membre paralysé, aujourd'hui il y a peu de troubles manifestes

de la sensibilité.

Absence du réflexe pharyngien. Perte de l'odorat des deux côtés.

Goût très émoussé. Dyschromatopsie monoculaire gauche etachro-

332 CLINIQUE NERVEUSE.

matopsie même pour le rouge. Le champ visuel notablement rétréci

à gauche, normal à droite. Acuité visuelle diminuée, V = 5/10.

Aucune altération du fond de l'oeiL

L'ouïe normale des deux côtés. Pas de points hystérogènes.

Note de M. Vigouroux sur l'examen électrique des muscles para-

lysés (le 10 février 1892) : simple diminution de l'excitabilité fara-

dique et galvanique des muscles paralysés. "

Traitement et évolution. - Le malade a été traité comme le

malade précédent (Obs. I), d'abord par la faradisation, puis par

une éducation psychique et enfin par des exercices sur le dyna-

momètre.

Les premiers mouvements acquis ont été les mouvements de

flexion des doigts, sans participation du pouce, puis quelques mou-

vements d'écartement des doigts, la main étant posée à plat sur

une table, c'est surtout l'extension du petit doigt et de l'index qui

était bien exécutée.

Enfin le malade a pu serrer le dynamomètre. A ce moment, la

sensibilité revient sur la main et les doigts, il reste seulement une

"zone d'anesthésie en bracelet au niveau du poignet. Depuis, pro-

grès continus dans la flexion des doigts, constatés au dynamomètre

(voy. la courbe). Enfin le pouce peut fléchir et étendre sa dernière

phalange et atteindre dans le mouvement d'opposition la pulpe de

l'index.

Le poignet reste encore immobile. Le malade remarque qu'il

' peut mettre beaucoup plus d'énergie dans les mouvements du coude

et de l'épaule. 1

TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 333

10 mars. - Le mouvement du poignet est commencé, mais la

sensibilité n'est pas encore tout à fait rétablie.

18. Il a pu écrire aujourd'hui, pour la première fois, depuis

deux ans, une lettre. Dynamomètre il droite 40, à.'gauche 50. Le

spasme sous-orbitaire persiste, chaque secousse spasmodique s'ac-

compagne dans l'oeil droit d'une sensation visuelle tout à fait t

analogue à celle du scotome scintillant de la migraine ophthal-

mique.

21. Attaque de migraine ophthalmique avec injection con-

jonctivale, scotome scintillant qui d'abord plus petit, pendant l'at-

taque s'agrandit. La douleur siège au fond de l'oeil et s'irradie

aux nerfs sus et sous-orbitaires, la sécrétion des larmes est exces-

sive. Le scotome est de couleur violette ou verte, bordé de lignes

brisées et entouré de taches rouges qui voltigent. Cette attaque de

migraine se répète quatre ou cinq fois par jour.

Traitement : bromure de potassium.

3 avril. - Les attaques de migraine ophthalmique vont s'atté-

nuant peu à peu, l'injection conjonctivale est moins intense. Les

mouvements du membre supérieur droit sont tout à fait libres.

6 mai. Le malade quitte l'hospice. Le spasme glosso-labié et le

scotome scintillant persistent encore. La dyschromatopsie de l'oeil

gauche est atténuée. Pas d'attaque de migraine ophthalmique.

Les mouvements du membre supérieur droit sont tout à fait libres.

Fig. 42.

334 CLINIQUE NERVEUSE.

L'hypoesthésie au niveau du poignet a disparu. Le champ visuel

s'est agrandi.

Voilà un cas de monoplégie brachiale hystérique qui s'est

développé chez un saturnin. On sait maintenant, depuis que

M. Charcot 1 a fait connaître la véritable nature des anesthé-

r sies saturnines ou soi-disant saturnines, que le plomb joue un

rôle important comme agent provocateur de l'hystérie. Chez

notre malade, le terrain était merveilleusement préparé à cet

égard pour le développement de l'hystérie. La tristesse, le

chagrin et le surmenage subi par le patient ont provoqué l'éclo-

sion.

Le diagnostic dans ce cas ne présentait aucune difficulté;

car en même temps que la monoplégie doublée d'anesthésie

classiquement limitee, on observait un rétrécissement perma-

nent du champ visuel, de la dyschromatopsie, l'absence de

réflexe pharyngien, ta perte de l'odorat, le spasme glosso-

labié, etc

Quatre mois environ après le début de la monoplégie, le

malade peut faire mouvoir son épaule et l'anesthésie disparaît

peu à peu de la partie supérieure du bras jusqu'au-dessous du

coude. C'est trois mois après soit sept mois après le début

des accidents que les mouvements du coude reparaissent pres-

que subitement. Il est à noter que l'anesthésie ne s'est effacée

qu'après le retour de sa motilité et beaucoup plus lentement

que la paralysie motrice. L'électrisation, la balnéation sul-

fureuse prescrite dès le début et mise en pratique régulière

pendant plus de six mois n'ont produit aucun changement dans

l'état du malade. Les mouvements de l'articulation du poignet

et ses doigts restaient toujours paralysés ; ils n'ont commencé

à reparaître que par la mise en oeuvre du traitement psy-

chique.

Une autre particularité qui mérite d'être soulignée dans l'his-

toire de ce malade est la suivante : Il avait dès le début de sa

paralysie un hémispasme facial du côté gauche, accompagné

d'un scotome scintillant de l'oeil correspondant. Or dans le

temps que la monoplégie brachiale s'améliorait, on voit se

développer des accès quotidiens de migraine ophthalmique qui

' Charcot,. - Leçons du mardi, 26 juin 1886. (Bulletin médical, 1888,

p. 387.)

TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 335

ont duré plus de six semaines; après quoi, les accès de migraine

ont disparu, mais le scotome a persisté, isolé comme il était

tout d'abord.

Le scotome dans ce cas semble bien avoir été le signe pré-

curseur de la migraine, ou plutôt comme une ébauche du syn-

drome lui-même. M. Charcot, en 1888, dans ses Leçons du

mardi et M. Babinski' ont montré que la migraine ophthal-

miquepeut être une manifestation de l'hystérie, et plus récem-

ment, M. Fink3, dans sa thèse, en a rapporté deux nouvelles

observations dues l'une à M. Raymond et l'autre à M. Souques.

Il nous semble inutile de chercher à prouver par une analyse

minutieuse que dans notre cas la migraine n'est autre chose

qu'une manifestation de l'hystérie.

Observation III. - Monoplégie brachiale gmche hystéro-trauma-

tique, sclérose en plaques. Lésion organique des nerfs des muscles

deltoïde et sous-épineux.

Le nommé Math... J.-P., quarante-trois ans, ajusteur-mécanicien,

puis manouvrier, entré le 27 février 1892, à la Salpêtrière (service

de M. CHaRcoT), salle Prus, lit n° 21.

Antécédents héréditaires . Issu d'une famille de laboureurs, de

paysans robustes et bien portants. Aucun antécédent névropa-

thique.

Antécédents personnels. - Sa maladie actuelle est sa première

maladie. Il avait toujours eu une santé parfaite. Il n'est pas alcoo-

lique. Il n'a jamais fait d'excès d'aucune sorte. Il n'est pas syphili-

tique. Soldat en 1870. Son métier, celui dans lequel il a travaillé

la majeure partie de la vie, est celui d'ajusteur-mécanicien. En

1884, dans un moment de chômage, il s'embaucha dans une grande

raffinerie comme mécanicien ; mais on l'employa comme enfou r-

neur et la besogne étant bien rétribuée, il accepta de la remplir.

Cette besogne consistait à enfourner des briques préparées - la

température des pièces de chauffe est de 60 à 80°. Douze heures

de travail par jour. Ce métier très pénible altéra un peu sa santé.

Au bout de deux ans, en 1886, il avait un peu perdu de fo rces, il

mangeait peu, mais travaillait encore régulièrement.

1 Charcot. - Leçons du mardi. 1887-1888. Policlinique du 10 jan-

vier 1888, p. 10.

' Babinsbi. - De la migraine ophthaliiiique hystérique. (Archives de

Neurologie, vol. XX, nov. 1890, n° 60, p. 305 et suiv.)

' Fink. - Des rapports de la migraine ophthalmique avec l'hystérie.

Thèse de Paris, juillet 1891.

336 CLINIQUE NERVEUSE.

Début. A quelque temps de là (1886), il tomba malade. Un jour,

il se sentit t trop faible », dit-il, et il dut cesser de travailler. Il n'a-

vait plus d'appétit, il restait une partie du jour dans sa chambre

ou sur son lit, faisait quelques promenades au dehors. Cet état de

faiblesse dura trente jours environ. Eut-il de la fièvre à cette

époque ? impossible de s'en rendre compte. Ses réponses sont va-

. gués quand on l'interroge sûr cette période initiale de la maladie.

11 raconte cependant qu'il eut à cette époque deux grosseurs ayant

chacun le volume d'un oeuf et siégeant au niveau des deux seins

qui étaient gros et douloureux ; les mamelons étaient rétractés

(probablement mammite). Une de ces grosseurs se vida et il en

sortit un liquide séreux presque clair. Au bout de trente jours de

cet état de malaise et de faiblesse générale, il voulut essayer de tra-

vailler ; mais il ne peut faire sa besogne que pendant une huitaine

de jours, et à grand'peine. Il n'était cependant paralysé, ni des

jambes ni des bras. Il ne tremblait pas encore. 11 n'avait pas de

troubles de la parole. Il était seulement très abattu, débilité. Il

essaya encore de s'embaucher (à plusieur reprises), après des pé-

riodes de repos, mais chaque fois il dut cesser son travail au bout

de quelques jours. C'est il y a quatre ans, en 1888, que semblent

s'être manifestés chez lui, les premiers symptômes de sclérose en

plaque. Cela commença par de la titubation; ses jambes n'étaient

pas et n'ont jamais été raides, mais faibles et comme maladroites.

Sa démarche vacillante le faisait quelquefois prendre pour un

ivrogne. Puis la parole s'est embarrassée, enfin le tremblement

des mains est apparu plusieurs mois après. Le malade s'est présenté

à la consultation de la Salpêtrière en 1887, puis de nouveau en

1890. Diagnostic : sclérose en plaques.

Depuis deux ans, il gagnait sa vie en distribuant des prospectus

sur la voie publique. Il était donc atteint de sclérose en plaques et

suivait le traitement qui lui avait été prescrit à la Salpêtrière,

le 14 octobre dernier (1891), en suivant le trottoir de la rue Jeanne-

d'Arc, il reçut le choc violant sur l'épaule gauche d'une persienne

qui s'était détachée d'une fenêtre au troisième étage. Sur le coup

il tomba sans connaissance. Relevé quelques instants après et con-

duit par un agent de police dans une pharmacie, il disait à l'agent

qui le soutenait par son bras droit : mais où est mon bras gauche ?

- Donnez-moi mon bras ! Ce bras était complètement paralysé;

il pendait inerte. Et quand le malade prit sa main gauche avec sa

droite il remarqua que sa main gauche était insensible. Après

quelques soins, il fut reconduit à pied à son domicile. La paralysie

du membre supérieur gauche n'a pas cessé d'exister depuis ce jour.

Seulement, il y a trois semaines, le malade a recouvré petit à petit

quelques mouvements de flexion et d'extension des doigts, des poi-

gnets et de l'avant-bras. Ces derniers sont très difficiles, très

faibles, très restreints.

TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 337 î

Après l'accident, pendant un mois et demi au moins, le bras pa-

ralysé a été le siège de douleurs sourdes, profondes, vagues, ne

correspondant pas à tel ou tel trajet nerveux. Il en souffre encore

quand on presse fortement à pleine main l'épaule gauche. Pas de

cauchemars, pas de crise d'aucune sorte. Le 26 février le malade

se présente à la consultation externe et est admis dans le service

le lendemain.

Etat actuel. A. Les symptômes qui permettent d'affirmer

l'existence de la sclérose en plaques chez cet homme sont les sui-

vantes : 1° titubation, démarche vacillante ; 2° parole scandée et

lenle; 3° tremblement intentionnel de deux mains; 4° nystagmus;

atrophie blanche de la papille; 5° troubles urinaires, miction dif-

ficile ; 6° réflexe rotulien un peu brusque, mais pas de trépidation,

pas de paralysie spasmodique.

B. Quant à la paralysie post-traumatique du membre supérieur

gauche, elle présente les caractères suivants :

Paralysie complète des mouvements, dont l'épaule est le centre;

paralysie incomplète des mouvements d'extension et de flexion de

l'avant-bras, du poignet et des doigts, sans prédominance de tel

ou tel muscle ou groupe des muscles.

Atrophie des muscles pectoraux, sous et sus-épineux et tous les

muscles du bras et un peu aussi de l'avant-bras, pas d'atrophie de

muscle de la Ira,in. Voici la mesure des circonférences du bras :

338 CLINIQUE NERVEUSE.

La sensibilité pharyngée est abolie.

L'ouïe, l'odorat et le goût sont intacts.

Vision (note de M. Parinaud, du 2 mars 1892). Nystagmus avec

parésie de tous les mouvements associés. Les pupilles réagissent

normalement.

OEil droit : acuité visuelle diminuée (V = 1/8). pas de rétrécis-

sement du champ visuel. Un 'peu de dyschromatopsie pour le vert.

Atrophie blanche de la papille.

Fig. 43. - Distribution de l'anesthésie et de l'hypoesthésie

dans la monoplégie brachiale hystéro-traumatique.

Partie quadrillée : anesthésie. - Partie à lignes verticales : hypoesthésie.

TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 3 9

OEil gauche : rétrécissement irrégulièrement concentrique. Achro-

nMtopsie complète. Compte seulement les doigts à deux mètres.

Atrophie de la papille plus accusée que du côté droit.

Traitement. - Douches toniques, électrisation et exercices quo-

tidiens dans lesquels le malade s'efforce d'exécuter des mouvements

divers des doigts de la main et des autres segments du membre

supérieur gauche.

Depuis 21. /4. Le malade est capable de fléchir sans aide son

avant-bras, mais à la condition que l'avant-bras s'appuie en

s'élevant contre le thorax. Ce mouvement gagne par l'exercice

chaque jour et on voit très bien maintenant la contraction du bi-

ceps.

Le malade, le 19 mai 1892, sans qu'un notable changement

se fut produit dans son état, a quitté le service. Les limites de

la zone anesthésique n'avaient pas changé, l'atrophie et la para-

lysie'étaient stationnaires en ce qui concerne les mouvements de

l'épaule. '

Ce cas est complexe, on ne saurait l'interpréter sans dis-

cussion. L'hystérie et la sclérose en plaque sont les deux

maladies du système nerveux qu'on voit coexister le plus

souvent chez un même sujet, et il est parfois difficile de sé-

parer dans les cas où ces deux affections se trouvent asso-

ciées les symptômes appartenant à chacune d'elles (M. Char-

cot) ' .

Charcot. - Leçons du mardi, policlinique, Il décembre 1888.

340 CLINIQUE NERVEUSE.

En ce qui concerne l'existence chez notre malade d'une sclé-

rose en plaques, le doute n'est guère possible.

Il a été reconnu dans le service même de la clinique qu'il

était bien réellement atteint de cette affection bien longtemps

avant l'accident dont il a été récemment victime et qui a déter-

miné la monoplégie brachiale sur la nature et les caractères

de laquelle nous allons revenir; la démarche titubante, la dy-

sarthie très particulière, le tremblement intentionnel, le nys-

tagmus, l'atrophie blanche de la papille, relèvent incontesta-

blement de cette maladie, et le diagnostic sur ce point est bien

assuré.

Mais comment interpréter la paralysie du bras qui est sur-

venue sous l'influence du choc violent que le malade a reçu

sur l'épaule gauche ? S'agit-il d'une lésion du plexus ou de ses

racines L'apparition immédiatement après le choc de la para-

lysie et une anesthésie complète de tout le membre, l'existence

de la réaction de dégénérescence dans certains muscles atro-

phiés (sous-épineux et deltoïde) sont autant de particularités

bien conformes à cette hypothèse. Mais il n'en est pas de même

de l'anesthésie très particulière qui accompagne ces différents

troubles moteurs. Cette anesthésie s'étend à la moitié corres-

pondante de la tête, du cou et du thorax. Elle dépasse par

conséquent et de beaucoup les limites que peut atteindre l'anes-

thésie dans le cas de lésion du plexus ou de ses racines. Par sa

topographie, par la forme arrondie de ses contours, elle est

toutàfait pareille aux anesthésies hystériques etl'on ne saurait

guère imaginer une lésion organique centrale ou périphérique

susceptible de réaliser une semblable anesthésie. On est donc

conduit à admettre que cette monoplégie avec ses caractères

complexes et en apparence contradictoires est due en partie au

choc traumatique et aux lésions organiques qu'il a produites

dans le plexus brachial et en partie aux troubles hystériques

locaux que le traumatisme a fait naître. A la lésion du plexus

doivent être rapportées la paralysie du mouvement et la sen-

sibilité qui ont suivi immédiatement le choc et l'atrophie mus-

culaire dégénérative nerveuse par la suite. A l'hystérie seule

doit être attribuée l'anesthésie très spéciale qui double la mo-

noplégie et peut-être aussi la paresse des mouvements de

flexion de l'avant-bras. Cette interprétation étant acceptée, on

comprendra aisément pourquoi le mouvement du coude a re-

paru rapidement sous l'influence d'un traitement psychique

TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 341

(exercices et suggestions) auquel le malade a été soumis, tandis

que l'épaule est restée immobile en raison de la nature orga-

nique des lésions auxquelles se rattachait la paralysie de ses

muscles.

1

342 CLINIQUE NERVEUSE.

3S2 CLINIQUE NERVEUSE.

REFLEXIONS SUR LES CAS DE MONOPLÉGIE HYSTÉRIQUE.

Nombre. - Nous avons donc trouvé dans la littérature de-

depuis l'année 1885 jusqu'à 1890 vingt-huit cas de monoplégie

hystérique, auquel j'ajoute trois cas de même genre, c'est en

somme trente-un cas de monoplégie hystérique flasque.

Sexe. Sur ces 31 cas, 23 ont trait à des sujets du sexe

masculin et 8 à des féminins.

Age. L'âge des malades varie entre douze et cinquante-

quatre ans : voici la distribution dans chaque cinq ans :

TROIS CAS. DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 353

D'autre part, on retrouve dans l'enfance de la plupart des

malades des convulsions, de l'incontinence d'urine, des perver-

sions d'ordre moral, etc. Dans trois cas, il s'agissait d'alcooliques

avérés, dans quatre cas, nous avons noté une récidive de paraly-

sie et dans plusieurs cas, des crises hystériques plus ou moins

nettes. Chez trois personnes, nous n'avons pu connaître les an-

técédents personnels. Deux malades seulement n'avaient jamais

été malades.

Ageats provocate2crs. - Parmi les agents provocateurs, le trau-

matisme se place au 'premier rang. Ainsi nous rencontrons

dans quinze cas un choc quelconque, léger ou grave, depuis le

simple coup d'épingle jusqu'à la fracture, comme cause provo-

catrice de la monoplégie.

Dans six cas, nous avons noté le saturnisme, où la paralysie

se développait soit après surmenage soit après vertige, douleur

articulaire, lourdeur, etc. Chez les individus qui ont eu déjà

quelques symptômes d'hystérie, elle se manifeste soit après un

accès hystérique, soit à la suite de fourmillements, d'engour-

dissements ou de troubles vasomoteurs, etc., dans le membre

intéressé (cinq cas). Dans trois cas une émotion morale, une cause

provocatrice avait été la cause occasionnelle du développement

de la paralysie. Deux malades avaient déjà été atteints de para-

lysie après s'être couchés une nuit dans un endroit humide et

froid. La fixation et l'immobilisation du membre semble avoir

quelque influence sur le développement de la paralysie, car

nous avons vu chez deux malades après un traumatisme qui

avait nécessité l'immobilisation du membre dans un appareil

de fracture se développer une paralysie; chez qui la simple

immobilisation sans trauma préalable avait été suffisante po ur

provoquer une paralysie brachiale.

Période de méditation. On entend par ces mots la période

qui s'étend depuis l'apparition de la cause accidentelle jusqu'à

la réalisation de la paralysie psychique. Dans seize cas, il nous

a été impossible de préciser la durée de cette période; dans les

autres cas, les choses, ont été comme il suit :

384 CLINIQUE NERVEUSE.

de la paralysie brachiale un autre membre du même côté est

plus ou moins affaibli, toujours une hémianesthésie du même

côté ; mais il y a des cas où l'hémianesthésie existe avec une

monoplégie pure (9 cas). D'autres fois, l'anesthésie est limitée

autour de la racine du membre paralysé par une ligne perpen-

diculaire au grand axe de-l'extrémité à la manière bien connue

(15 cas), ou bien s'étend à la moitié correspondante de la tête

et à la partie supérieure du corps, descendant jusqu'au niveau

de l'épigastre ou de l'ombilic (4 cas). Le cas de monoplégie

flasque sans aucune anesthésie que nous avons relaté est jus-

qu'à présent le premier exemple de cette espèce (observ. I).

Troubles trophiques. - Nous avons noté dans neuf cas l'atro-

phie musculaire du membre paralysé, dont deux cas en même

temps avec atrophie osseuse, un avec élévation de la tempéra-

ture et deux autres avec abaissement de la température. Un

simple abaissement avec ou sans coloration bleue a été trouvé

chez quatre malades. Les dix-huit autres sont sans troubles

tropiques.

Réflexes tendineux.

TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 355

Autres stigmates d'hystérie. Parmi les stigmates d'hystérie

que nous n'avons pas encore mentionnés, nous relèverons :

10 fois l'insensibilité de pharynx;

9 des points douloureux et hystérogènes;

7 des attaques d'hystérie;

4 l'ovarie.

Résultat du traitement. La paralysie hystérique peut dis-

paraître spontanément sans aucun traitement, mais plus sou-

vent, on est obligé d'employer soit un traitement psychique,

soit l'électricité ou l'hydrothérapie ou encore d'autres procédés.

Dans la majorité des cas, la paralysie motrice et sensitive se

dissipe ou s'améliore parles moyens qu'on a employé (22 cas),

quelquefois cependant, elle est très tenace et rebelle, résistant

contre une série des moyens qu'on applique et reste sans chan-

gement (4 cas), cinq récidives, vingt-deux améliorations ou

guérisons et quatre cas sans changement de la paralysie.

Tels sont les résultats observés dans les diverses observations

que nous avons pu réunir ici.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE.

1-3. Charcot. Sur deux cas de monoplégie brachiale hystérique, de

cause traumatique, chez l'homme. (Progr. méd., nos 34, 39, 40,

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tème nerveux, t. III, p. 299-3G9. '

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p. 357.

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12. CHAUFFARD. - Gaz. hebd. de rnéd. et dechir, 1886, n° 21, p. 341.

13. Lombroso. Lo sperimentale, 1886, nov. et déc. (cité par Rendu,

Archives de neurologie, 1887, t. XIV, p. 177).

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tériques. (Archives de Neurologie, t. XII, 1886.)

17-18. RENDU. - Contribution à l'histoire des monoplégies part, du

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rl),lce, l. Xl V, 1337, p. 1;' 7.)

356 CLINIQUE NERVEUSE.

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21. Determann llystérisc ! ec Monoplégie. (Neul'ologisches Oci2tî,alblatt,

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p. 407.)

27. SÉRIEUX. - Choc nerveux local et hystél'o-tl'Humatique. (Archives

de Neurologie, t. XX, 1890, p. 231.)

28. Charcot. Clinique des maladies du système nerveux, t. 1, Pa-

ris, 1892, p. 29.

UN CAS DE SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE

ATROPHIQUE;

. Par le D' J. SACAZE,

Chef de clinique médicale à la Faculté de Montpellier.

Des travaux récents viennent d'établir la présence assez fré-

quente de la scoliose dans les névropathies, et bien qu'encore

cette question demande de nouvelles recherches pour éclairer

de nombreux points obscurs, on connaît cependant déjà un

peu les caractères de cette déviation dans la sciatique, dans la

syringomyélie, le tabès, la sclérose en plaques. Ce chapitre est

au contraire à faire entièrement pour les diverses atrophies

musculaires progressives familiales. « Les myopathiques at-

teints d'atrophie des muscles des gouttières vertébrales et de

la masse sacro-lombaire sont affectés de la lordose paralytique

avec cyphose dorsale que Duchenne a décrite comme consé-

quence de ces insuffisances musculaires. Chez eux, pas de sco-

liose, ou scoliose insignifiante 1. » Telle est la conclusion émise

par M. Hallion, après avoir examiné un certain nombre de

malades et parcouru beaucoup de faits connus. Nous avons

1 II,tllion. Les déviations vertébrales acuropalleiynes, Thèse Paris,

juillet 1892.

SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE ATROPHIQUE. 357

nous-même tenté quelques recherches, et dans aucune des

observations qui sont tombées sous notre main, nous n'avons

trouvé cette déformation signalée. Il semble donc que notre

cas, où il s'agit d'une scoliose très nette, est le premier fait de

ce genre connu. Cette particularité, qui déjà lui communique

une très grande valeur, ajoutée à quelques autres considéra-

tions que nous tâcherons de mettre en relief, le rendent,

comme on va le voir, plein d'intérêt et digne d'être étudié avec

soin.'

F... (J.), âgé de seize ans, habite avec ses parents une petite

maison située sur les montagnes.

Antécédents héréditaires. Le grand-père maternel appartient

à une famille où le tempérament névropathique s'est révélé chez

plusieurs membres, sous diverses formes. Il est lui-même mort,

vers l'âge de soixante ans, dans la démence. Quant à la grand'mère

maternelle, elle a toujours eu une santé très forte; mais une de

ses soeurs vient de mourir, présentant depuis quelques années des

arthrites rhumatismales chroniques.

Père. Caractère vif. Hère. Sa santé a été toujours bonne. Il

n'en a pas été de même pour tous ses frères ou sceurs. D'aboril, un

de ses frères a présenté une atrophie musculaire progressive, qui

débuta à l'âge de trois ou quatre ans; au début il eût de l'hy-

pertrophie des mollets : puis peu à peu l'émaciation survint, n'é-

pargnant dans sa marche que la face; c'est dans cet état que

ce jeune garçon succomba à seize ans, La plupart de ses soeurs ont

montré une grande vivacité de caractère; en outre, elles ont

éprouvé de temps en temps des névralgies dans divers points du

corps, et chez leurs enfants, nous avons trouvé enfin des manifes-

tations non seulement névropathiques, mais aussi herpétiques.

Notre patient n'est pas le seul enfant de sa famille qui a dû sup-

porter les atteintes de la maladie. Il a déjà vu mourir un de ses

frères d'atrophie musculaire. Celle-ci, d'après les renseignements

que les parents nous ont fournis, commença par de la faiblesse dans

les jambes, à l'âge de sept ans; on se souvient que les mollets, à ce

moment, étaient très gros; ce n'est que plus tard que les mem-

bres inférieurs diminuèrent de volume. A une période assez rap-

prochée du début, la faiblesse et l'atrophie s'emparèrent également

des bras; la face ne montra jamais aucun trouble. Durant les quel-

ques mois qui précédèrent la mort survenue à seize ans, cet enfant t

se plaignit plusieurs fois d'une douleur dans la hanche droite ;

celle-ci devint progressivement, bien plus émaciée que la gauche >

à tel point, nous a-t-il été répété, que les os semblaient avoir dis-

paru en grande partie.

Une de ses soeurs, sans enfants, présente tantôt des névralgies

358 CLINIQUE NERVEUSE.

et tantôt des manifestations herpétiques. Une autre soeur, d'une

bonne santé habituelle, possède un jeune garçon âgé de neuf ans,

qui, depuis deux ans, a quelques symptômes de la myopathie pri-

mitive ; il est, en effet, vite fatigué, ressent de la peine à monter

les escaliers, et offre de l'hypertrophie des jambes. Le tableau

suivant permet de bien saisir les particularités que nous venons ? de donner sur l'hérédité.

1,

Histoire antérieure de la maladie. Elle aurait débuté à l'âge de

sept ans. Jusqu'à ce moment, la santé n'avait offert aucun trouble

bien manifeste. On aurait tout d'abord constaté de la faiblesse

dans les membres inférieurs, et une certaine hypertrophie des

mollets. Vers cette époque, l'enfant serait tombé, en s'amusant,

dans une flaque d'eau, et pendant quelque temps, aurait supporté

l'humidité.

Les membres supérieurs ne tardent pas à être pris; mais ici, la

difficulté des mouvements coïncide avec une diminution considé-

rable des masses musculaires entourant l'épaule. Nous le voyons

pour la première fois le 10 septembre 1888. Ce qui nous frappe

alors, c'est la faiblesse, assez grande ,dans les bras, mais surtout

manifeste dans les membres inférieurs. La marche n'est guère

possible qu'avec deux béquilles; ainsi soutenu, il lui est permis de

parcourir une certaine distance. Sans cet appui la fatigue survient

très vite, et, de plus, il montre une peine considérable à se tenir sur

ses jambes. On le voit alors porter son tronc fortement en arrière,

ne toucher le sol qu'avec la partie antérieure des pieds, et écarter

ses jambes; puis il se met à marcher très lentement, à petits pas,

n'avançant ses pieds qu'au prix d'un effort considérable; son tronc

décrit en même temps des oscillations latérales, et reste porté en

arrière. Il a donc, comme tous les malades de ce genre, du vrai

dandinement.

Il montre de la difficulté pour se remuer dans le lit, et une fonib

SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE ATROPHIQUE. 359

couché par terre, s'il veut se relever, il est obligé de se servir beau-

coup de ses bras, et n'arrive à donner à son corps la position ver-

ticale qu'en prenant sur ses jambes une série de points d'appui

avec ses mains, ce qui lui permet de hisser en quelque sorte le haut

du tronc et la tête jusqu'à la situation cherchée.

Il ne peut pas s'habiller, à cause de la gêne des divers mouve-

ments dans les membres supérieurs.

Les mollets sont un peu hypertrophiés. L'atrophie des bras,

quoique manifeste, n'offre pas encore un degré extrême. La région

lombaire, sauf l'ensellure, a un aspect normal. Les pieds montrent

un léger équinisme. Les diverses fonctions s'accomplissent régu-

lièrement. Etat général bon.

Dès que l'affection a commencé à s'établir, divers traitements

ont été tentés. On a employé successivement des vésicatoires placés

le long de l'épine dorsale, des toniques, des frictions sur les mem-

bres, des bains chauds, des bains sulfureux, etc. L'électricité est

un des rares moyens qui n'ont pas été essayés, à cause du défaut

d'appareil.

Dans le co urant de l'année 1889, l'atrophie apparaît aux jambes,

aux cuisses, au tronc et s'accentue un peu plus aux membres su-

périeurs. La marche devient alors complètement impossible, même

avec le secours dès béquilles. A certains moments, éclatentdans les

genoux'quelques douleurs assez légères; signalons aussi des épis-

taxis fréquentes et abondantes. Cet état continue à s'aggraver

durant l'année 1890, et au mois d'avril 1891 nous revoyons le ma-

lade.

L'atrophie des jambes, des cuisses, du tronc et des bras est très

évidente; les fesses possèdent encore un volume presque normal

Les mouvem'ents sont des plus limités; le malade remue un peu

ses pieds, et continue à se servir assez bien de ses mains

pour fabriquer avec beaucoup d'art de petits jouets. Les doigts

n'offrent pas de griffe. Par suite de la rétraction de certains

muscles, il n'est déjà plus possible de remettre les membres dans

une position rectiligne.

Il passe la plus grande partie de la journée au plein air, assis

sur un siège très peu élevé, ce qui lui permet d'appuyer son tronc

sur la face antérieure des cuisses et sur les genoux, de venir ainsi

en aide aux muscles du dos. Celui-ci ne présente aucune déforma-

tion. Rien d'anormal également à noter du côté de la tête,

sauf quelques manifestations acnéiques.

Cet enfant se plaint parfois de légers fourmillements dans les

pieds, et d'un peu de trépidation du côté des membres pendant

son séjour au lit. Il y a une certaine diminution de l'appétit.

1892. 23 avril. - A part la tête qui continue à rester à peu près

indemne, les autres parties du;corps sont atrophiées; en outre, la

jambe gauche paraît légèrement plus amaigrie. De chaque côté

360 CLINIQUE NERVEUSE.

des creux poplités, on sent une saillie formée par les tendons des

muscles fléchisseurs qui sont rétractés.

A l'examen du dos, nous trouvons une scoliose déjà fort accen-

tuée, et dont la convexité est tournée à gauche. Cette scoliose s'est

montrée il y a cinq à six mois, et a pris un degré très marqué en

un court espace de temps. Les dernières côtes gauches forment une

- saillie considérable en arrière, tandis que celles du côté droit sont

enfoncées, au niveau du flanc et de l'hypochondre et portent en

avant et en bas cette portion du thorax. Il survient assez souvent

des sueurs abondantes pendant la nuit, bien qu'on ait soin de

mettre peu de couvertures. Epistaxis. Les diverses fonctions s'accom-

plissent régulièrement.

1893. 14 février. - Etat actuel. Les divers détails que nous

allons fournir sont représentés en grande partie sur les dessins ci-

joints, qui ont été faits d'après des photographies tirées ce

jour-là (fig. 45 et 46).

Un simple coup d'oeil suffit pour constater l'état d'amaigrisse-

ment considérable que montrent les quatre membres; les masses

musculaires ne masquent plus les saillies des os. La face seule

échappe à'l'atrophie. Quant aux mouvements, ils ont presque en-

tièrement disparu ; le malade peut remuer un peu lés pieds, plier

les genoux. Il continue à se servir de ses doigts, de ses mains, et

parvient à plier légèrement l'avant-bras sur le bras. Néanmoins,

tous ces mouvements sont accomplis avec très peu de force. Pour

s'en convaincre il n'y a qu'à lui donner ses mains à serrer; à peine

sent-on une faible pression, La tête a conservé la plupart de ses

mouvements.

Par lui-même, il est incapable, non seulement de relever son

tronc en avant, tandis qu'il est assis, mais encore de garder la

position verticale : un soutien est toujours nécessaire. Aussi est-il

à peu près constamment le jour, dans une chaise à bras, où il

peut appuyer ses coudes, de manière à mieux maintenir le haut

du tronc et l'empêcher de s'effondrer davantage. Pour faire la pho-

tographie la mère a dû le soutenir. La mastication, et les autres

actes de la digestion ne paraissent pas troublés.

Au niveau du dos, nous trouvons la scoliose qui semble s'être

un peu plus accentuée depuis le mois d'avril 1892. La colonne ver-

tébrale décrit une courbure très grande, appartenant à vrai dire

à la variété dorsale principale, bien qu'elle soit peut-être légère-

ment dorso-lombaire. Sa convexité est tournée à gauche.

A la région cervicale, le rachis semble se porter dans une direc-

tion opposée; mais cette déviation est si faible qu'elle ne nous

paraît pas bien mériter qu'on s'y attache, et qu'on trouve là une

véritable courbure de compensation.

Les six à sept dernières côtes gauches constituent une saillie

postéro-latérale très marquée. A droite, elles sont plutôt enfoncées

SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE ATROPHIQUE 361

dans ces mêmes points, atteignent presque la crête iliaque, et

en avant, les cartilages costaux proéminent et descendent plus

bas que du côté opposé. Le sternum est porté de droite à gauche.

Fig. 45.

362 CLINIQUE NERVEUSE. ,

L'extrémité du sacrum et le coccyx soulèvent modérément la

peau en arrière En outre, le sacrum a décrit un petit mouvement

de rotation, de manière que sa face antérieure s'est tournée légère-

ment à gauche. Ceci nous explique en même temps la position

particulière de la hanche droite qui occupe un plan plus antérieur

que celle du côté opposé.

' La lordose lombaire que nous avions notée dans des examens

antérieurs, loin de s'accentuer, a fait place au contraire à un cer-

tain degré de cyphose qui s'est combinée à la scoliose. Il est impos-

sible de faire disparaître ces déviations par le redressement;

lorsqu'on cherche à soulever le malade, en le saisissant sous les

aisselles, à peine arrive-t-on à les diminuer. Autant que nous avons

pu en juger par la palpation que nous avons faite à travers les

parties molles, les os de la colonne vertébrale, du bassin, et de la

cage thoracique ne nous ont pas paru offrir des altérations pro-

fondes comme cela a été rencontré dans certaines affections ner-

veuses (syringomyélie, tabès, etc.). A part les déformations entraî-

nées par la scoliose, il nous a semblé qu'il n'y avait ni atrophie ni

ramollissement très manifestes. Pas d'exostose.

Nous avons examiné de la même manière les os des membres,

et nous n'y avons décélé aucun détail intéressant à retenir.

L'épaule gauche occupe, comme le montre notre dessin, une po-

sition bien plus élevée que celle du côté droit. Cette différence ne

dépend nullement d'une forme particulière de la cage thoracique

en ce point; les côtes n'ont pas changé là leur aspect, ni leur di-

rection ordinaires. A notre avis, elle doit étre mise sur l'habitude

contractée par le malade dans la station assise, en raison de la

scoliose, de s'appuyer assez fortement sur le membre supérieur de

ce côté. Et si maintenant elle persiste, c'est que la clavicule et les

tissus voisins se sont fixés dans cette situation irrégulière.

Malgré la déformation vertébrale, la respiration ne paraît pas

trop gênée. Il en est de même de la digestion.

La sensibilité ne présente aucun trouble. Quant à l'intelligence,

elle est assez développée; ainsi, nous avons été frappé par l'habi-

leté avec laquelle il avait fabriqué certains jouets; en outre, bien

qu'il n'ait point fréquenté l'école, il arrive à faire des opérations

compliquées et longues, grâce aux quelques éléments de calcul

qu'il a puisés auprès de ses parents; il fait ces opérations entière-

ment de tête. Il ne sait pas écrire.

La peau des jambes est un peu froide et violacée.

Voix faible et rauque. Mort le 24 février.

D'après l'ensemble des détails que nous venons de donner,

soit sur l'hérédité, soit sur l'évolution de la maladie, il n'est

pas douteux que nous sommes en présence ici d'une atrophie

SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE ATROPHIQUE. 363

musculaire progressive familiale. Et afin de spécifier un peu

plus, nous pouvons rapprocher ce cas du type Leydea-illcebiics-

à cause de l'hérédité d'abord, et puis à cause du cachet spécia

Fig. 16.

364 ' CLINIQUE NERVEUSE

de l'atrophie qui n'a été précédée que d'une hypertrophie assez

légère aux membres inférieurs, tandis qu'aux bras, elle s'est

montrée immédiatement. Cette observation, intéressante, en

raison de la scoliose, renferme encore quelques autres parti-

cularités qui ne doiventpas être passées sous silence et que nous

allons indiquer dès maintenant.

Au point de vue héréditaire, il n'est pas banal de voir la

maladie frapper trois générations successives et conserver à

peu près la même forme, le même type. Nous trouvons encore

là une preuve de la prédisposition bien plus grande du sexe

masculin, fait qui, d'ailleurs, a été noté par quelques auteurs.

Il nous a paru nécessaire de rechercher du côté des ascendants

ou des collatéraux les causes de cette affection familiale.

Les renseignements que nous avons pris à diverses sources

indiquent d'une manière évidente l'existence à la fois du ner-

vosisme et de l'arthritisme, l'un chez le grand-père maternel

de notre malade, l'autre chez la grand'mère maternelle. Cette

hérédité ressemble donc beaucoup à celle que l'on rencontre

dans la plupart des maladies nerveuses, et peut-être joue-t-elle

à l'égard des myopathies le même rôle important qu'on lui

attribue très fréquemment dans l'hystérie, l'épilepsie et les

autres manifestations névrosiques, rôle sur lequel insistent

plusieurs auteurs ', et en particulier l'Ecole de Montpellier 2.

Nous devons encore signaler l'analogie très grande qu'a

présentée l'affection comme évolution chez les trois sujets qui

ont déjà succombé. Elle a commencé à peu près au même âge,

et par des troubles fonctionnels identiques, et dans la suite,

l'atrophie musculaire, progressant de plus en plus, a entraîné

la mort chez tous, à l'âge de seize ans.

Enfin, parmi les points importants que cette observation

renferme, il y a la déviation vertébrale poussée à un très haut

degré. Il n'est pas nécessaire, en effet, afin de la constater.

d'avoir recours aux divers moyens indiqués par les auteurs

pour les cas où elle est à peine dessinée. Cette scoliose se

montre au premier coup d'oeil est accompagnée des autres dé-

' Déjerine. Hérédité dans les maladies du système nerveux. Thèse

agrég., 1886. lérv. Famille névropathique. (Arch. de Neurologie,

1884, etc.)

2 Grasset. - Art. Dialhèse, in Dicl. encyclop. des sciences médicales,

p. 252. - Rapports de l'hystérie avec les diathèses en général, et spé-

cialement avec dia thèses scrofuleuse et tuberculeuse. (Montpellier méd"

mars-août 1881.

SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE ATROPHIQUE. 365

formations, qui se produisent le plus souvent on pareil cas,

soit du côté de la cage thoracique, soit du côté du bassin.

Son existence étant admise, il convient de se demander

qu'elle a pu être sa pathogénie, il convient d'examiner à laquelle

des nombreuses théories qui ont été données pour expliquer

le mécanisme de la scoliose, nous devons rattacher celle que

nous a présentée ce malade.

Nous éliminerons immédiatement les théories physiolo-

gique, ligamenteuse et costrale. Il s'agit surtout de savoir, à

notre avis, si c'est à l'altération musculaire, ou bien à un

trouble trophique des vertèbres, ou encore à ces deux causes

réunies que cette déviation mérite d'être attribuée. A vrai dire,

la théorie musculaire possède quelques arguments en sa faveur.

On conçoit, en effet, sans peine que la colonne vertébrale

n'ayant plus pour maintenir sa position verticale les mêmes

liens dont elle jouit à l'état normal, puisse se déformer, et cette

déformation sera encore plus facile à comprendre, si on l'ad-

met que l'atrophie se trouve plus marquée d'un seul côté.

Néanmoins, tout en reconnaissant que l'altération muscu-

laire a dû avoir une certaine action dans notre cas, il nous

semble nécessaire de faire intervenir d'autres éléments, et sur-

tout, de tenir compte d'un trouble trophique osseux ayant pour

siège les vertèbres. On connaît des cas de paralysie trophique

de l'enfance où les muscles du dos avaient été profondément

touchés, où même la lésion avait frappé spécialement un côté,

et où on ne constatait pas cependant une scoliose aussi mar-

quée que celle qui existe chez notre malade; elle était au

contraire très légère. La théorie musculaire n'est donc pas à

même d'expliquer complètement le mécanisme de cette dispo-

sition du rachis ; nous sommes ainsi amené à faire entrer en

ligne de compte pour une grande part l'altération osseuse.

La scoliose ne s'est produite, et surtout n'est devenue aussi

considérable que parce que la myopathie, dans sa dernière

période, s'est compliquée d'une lésion de vertèbres. Mais pour-

quoi cette lésion, à quelle cause la rattacher ? Telle est la

question que nous allons maintenant aborder.

On pourrait penser, en premier lieu, au rachitisme. Néan-

moins, cette hypothèse nous paraît susceptible d'être écartée,

d'abord, parce que notre malade a dépassé l'âge où cette affec-

tion se montre le plus fréquemment, et puis parce que nous

ne découvrons aucun des autres signes habituels (déformations

366 CLINIQUE NERVEUSE.

du thorax, nouures épiphysaires, incurvation). La discussion

avec l'ostéomalacie est encore moins possible.

Il reste donc deux explications qui demandent d'être exa-

minés avec bien plus de soin. La scoliose, chez ce myopa-

thique, ou bien n'est que la conséquence du mauvais état de

nutrition que la maladie a peu à peu entraîné, ou bien mérite

d'être rapprochée comme origine de l'atrophie musculaire.

Depuis bien longtemps, c'est une notion courante que la

misère physiologique, l'alimentation défectueuse, la sédenta-

rité, etc., ont une influencé considérable sur les déviations

vertébrales. De telles conditions se sont trouvées réalisées jus-

qu'à un certain point chez ce jeune garçon, et il y a lieu de

croire qu'elles ont eu un rôle. C'est même à elles, presque ex-

clusivement, que nous rattacherions la scoliose si quelques

considérations que nous allons indiquer ne nous faisait pres-

sentir un rapport étroit comme cause entre cette déformation

et l'atrophie musculaire.

En traçant l'histoire héréditaire de notre patient, nous avons

eu soin de dire qu'un de ses frères frappé par cette même ma-

ladie avait présenté une atrophie de la racine du membre infé-

rieur droit; les parents, qui avaient été surpris de cette dimi-

nution considérable, nous ont donné des détails permettant de

croire à une réelle altération osseuse de cette portion du sque-

lette.

D'ailleurs, ce cas n'est pas le premier où soient signalés des

troubles trophiques. M. Hallion' a déjàpublié un cas semblable,

où il s'agissait d'un enfant de treize ans et demi, atteint d'une

atrophie musculaire, à peu près générale, et qui présentait au

niveau du fémur droit des traces probables d'une fracture

spontanée.

Voilà donc deux faits qui semblent établir l'existence de

lésions osseuses dans les myopathies, et nous portent un peu

à penser que la scoliose, chez notre malade, doit reconnaître

la même pathogénie. Nous aurions, par conséquent, affaire à

une altération atrophique analogue à celle qui envahit le

système musculaire et semblant se produire vers la phase ul-

time. Et alors, étant donnée cette pathogénie, on conçoit fort

bien pourquoi il est légitime de considérer les divers types

1 HaUion.J ? oct</Ke primitive avec lésions osseuses; fracture spon-

tanée probable. (France médicale, 1S91, n" 11.)

UN CAS SINGULIER DE L'HYSTÉRIE MALE. 367 Î

d'atrophie musculaire progressive familiale comme des affec-

tions névropathiques, de les mettre un peu en parallèle avec

le tabès, la maladie de Friedreich, la sclérose en plaques, etc.

L'hérédité d'abord, les troubles trophiques ensuite, cons-

tituent des arguments d'une grande valeur à ce point de vue,

et notre observation en fournit un excellent exemple.

La théorie osseuse, soutenue par Bouvier 1, Dubreuil2 et plu-

sieurs autres auteurs pour la scoliose idiopathique, nous semble

devoir être encore ici adoptée. Mais tout en attribuant le

principal rôle à cette cause, nous sommes prêt à reconnaître

que la paralysie des muscles spinaux a eu aussi une certaine

action qu'elle n'a pas manqué de rendre la déformation plus

accentuée; cette paralysie a même peut-être fait qu'il ne s'est

pas produit de courbure de compensation très évidente. Nous

aurions désiré pouvoir donner à ces considérations une base

anatomique, rechercher l'état des rachis et des centres ner-

veux ; des circonstances particulières nous ont rendu l'autopsie

impossible. ,

Les détails importants à retenir dans le fait que nous venons

d'étudier sont donc :

1° Des antécédents héréditaires névropathiques et arthri-

tiques ;

2° Une atrophie musculaire familiale ayant déjà frappé des

membres dans trois générations successives ;

3° Une scoliose très marquée attribuée à une altération tro-

phique des vertèbres de même nature probablement que la

lésion musculaire.

RECUEIL DE FAITS

UN CAS SINGULIER DE L'HYSTÉHIE MALE;

Par le professeur N. 11. PoroFr (de Varsovie).

Ce n'est pas depuis longtemps que le tremblement comme

un symptôme d'hystérie ait attiré l'attention des cliniciens.

' Bouvier. Art. Rachis, du Dictionnaire encyclopédique.

2 Dubreuil. Eléments d'orthopédie.

368 RECUEIL DE FAITS.

Ce n'est que dès le moment où on a reconnu l'énorme impor

tance des maladies hystériques chez l'homme et que beaucoup

de névropathologues contemporains ont consacré toute une

série d'études à ces maladies et nous ont donné leur précision

caractéristique, c'est alors qu'on a appris que parmi les symp-

tômes de la grande névrose le tremblement n'occupe pas la

dernière place.

Les travaux de Charcot, de Pitres et de leurs élèves, parmi

lesquels se font distinguer ceux de Dutil et de Bitot, sont trop

connus, pour qu'on eût besoin de donner ici une description

exacte du tremblement hystérique. Ils nous ont démontré que

ce tremblement peut présenter toutes les formes différentes

du tremblement, qui ont été jamais observé dans les maladies

nerveuses, et ne possède aucune particularité qui, d'elle-même,

nous donnerait le droit de le considérer catégoriquement

comme une variété à part. Dans ce cas, ni le rapport du trem-

blement aux mouvements volontaires, ni l'amplitude des oscil-

lations, ni leur nombre n'ont pas une importance absolue. Ce

n'est que le rapport de ce phénomène à tout l'ensemble symp-

tomatique qui fait la diagnosc.

Constituant un des symptômes de la névrose, le tremblement

hystérique peut présenter des degrés différents, mais le plus

souvent il joue un rôle très subordonné et dans cette conclusion

tous les observateurs de tous les pays sont d'accord.

Ainsi le Dr Oseretzkowsky (De l'hystérie chez les militaires.

Thèse de Moscou, 1891. Russe), se fondant sur de riches ma-

tériaux, affirme d'une manière catégorique, que dans ses

cas, le tremblement comme un symptôme principal était

observé bien rarement ; cependant, les cliniciens français ont

démontré que ce phénomène est plus propre aux affections

hystériques chez l'homme que chez la femme. Relativement

rares se trouvent ces observations, où le tremblement a prévalu

longtemps dans le cours de la névrose, mais plus rarement

encore on rencontre des cas, où le tremblement en gardant le

caractère dominant dans le tableau clinique de la maladie

apparaissait périodiquement comme des attaques. Nous avions

eu l'occasion d'observer un pareil cas il y a deux ans.

P. S..., paysan, vingt et un an, est passé de l'hôpital d'Ujordow

à ma clinique pour être démontré aux étudiants; comme un cons-

crit il était sujet à l'épreuve.

L'individu d'une taille moyenne, d'une bonne et robuste consti-

UN CAS SINGULIER DE L'HYSTÉRIE MALE. 369

tution, un peu anémique. Quand aux organes intérieurs, ils ne

présentent rien de pathologique. Lorsqu'il est couché tranquille-

ment, ses membres inférieurs sont dans un tremblement continu,

régulier et rythmique, auxquels prennent une part principale les

muscles extenseurs et fléchisseurs du pied. Ce tremblement, très

rapide, a des amplitudes courtes, s'accroît sensiblement quand on

observe la malade et atteint un haut degré lorsque P. S... s'ef-

force de faire un mouvement volontaire ou d'être debout, davan-

tage encore quandil essaie de marcher. Le malade ne peut rester

debout que lorsqu'il se tient ferme à quelque chose et il ne marche

Archives, t. XXV. 21

Fig.

Fi ? 11.

370 RECUEIL DE FAITS.

qu'en s'appuyant sur deux hommes, en trépignant et perdant

facilement l'équilibre. Chaque émotion augmente à l'instant

même son tremblement. On observe la môme chose quand on

demande au malade de faire un effort de la volonté pour suppri-

mer ce tremblement. Mais le plus fort devient ce phénomène si

l'observateur tâche d'arrêter avec ses propres mains les mouve-

- ments des membres du malade et les troubles moteurs deviennent

plus accusés, plus on veut leur opposer.

L'examen objectif de P. S... nous a permis de constater encore

d'autres troubles non seulement moteurs, mais aussi sensitifs.

L'irritabilité mécanique des muscles du tronc et des membres,

ainsi que les réflexes tendineux sont augmentés; la force muscu-

laire diminuée d'une manière considérable : la main droite porte

le dynamomètre à 10 et la gauche jusqu'à 3. Une diminution évi-

dente de la force musculaire peut être aussi observée sur les mouve-

ments des membres inférieurs. Toutes les espèces de la sensibilité

cutanée sur la tête, les extrémités supérieures et sur le tronc

demeuraient intactes, tandis que sur les extrémités inférieures le

sens du toucher était émoussé et celui de la douleur, de la tempéra-

ture et la sensibilité faradique manquaient complètement. Les

limites supérieures de la zone anesthésique passaient les plis ingui-

naux en avant et en arrière, elles atteignaient les bords supérieurs

des muscles fessiers. (Voir fig. 47 et 48.)

L'examen périmétrique a démontré dans l'un et dans l'autre

oeil un rétrécissement concentrique du champ visuel pour lacouleur

blanche (voir fig. 49 et 50). Les centres visuels des autres couleurs

ne pouvaient être déterminés d'une manière exacte, parce que le

malade (un homme assez borné et peu développé) se fatiguait bien

vite.

Suivant son propre récit, nous avons appris qu'il était malade

dès son enfance et que sa maladie s'est déclarée comme une série

d'attaques d'un caractère assez uniforme : sans une cause évidente

tout d'un coup apparaît un tremblement des extrémités inférieures

et persiste pendant deux semaines pour disparaître brusquement.

Pendant l'accès, le malade n'éprouve la douleur si par accident il

s'est frappé aux pieds et sans recours de la vue il ne peut distin-

guer s'il est chaussé ou non.

Chaque accès laisse une sensation de fatigue habituellement

durant quelques jours et immédiatement après l'attaque, le ma-

lade ne peut s'occuper de ses travaux agricoles. Des accès se sui-

vent toujours à certains intervalles à peu près d'un mois, mais ils

peuvent aussi éclater plus souvent étant, en ce cas, provoqués par

quejque.émotion, par exemple, par l'effroi et alors ils ne durent

plus que deux à trois jours et n'exercent aucune influence sur l'at-

taque successive. · '

Le malade ne peut pas indiquer la cause de sa maladie, ni don-

UN CAS SINGULIER DE L HYSTERIE %IAIE. 1,; -11 t

ner un renseignement s'il y avait dans sa feuille une hérédité névro

ou psychopathique.

Depuis le premier examen, j'ai eu encore plusieurs fois l'occasion

de voir le malade et de me faire certain que le tremblement per-

sistait chez lui durant deux semaines avec des interruptions seule-

ment pendant le sommeil. Après ce temps, le trouble moteur dispa-

raît tout'd'un coup : le malade se réveille un matin sans éprouver

le tremblement, la sensibilité se rétablit; il n'éprouve qu'une sen-

sation d'écrasement et des douleurs aux muscles des extrémités

inférieures; il ressent une telle fatigue qu'il peut à peine marcher

appuyé sur un bâton. L'examen périmétrique démontre cependant

que son champ visuel reste comme auparavant rétréci.

L'état d'une santé relative dure jusqu'à trois semaines et, sans

incidents, on voit soudainement éclater avec une exactitude remar-

quable tout l'ensemble symptomatique déjà décrit.

En considérant le caractère singulier du tableau clinique de

la maladie, on peut aisément conclure que nous avons un cas

d'hystérie.

En effet, le rétrécissement concentrique et persistant du

champ visuel, l'exagération des réflexes tendineux, le caractère

et la localisation particulière des troubles sensitifs, leur appa-

rition périodique, enfin, le tremblement, tout cela nous donne

bien à conclure que le dernier symptôme est aussi dû à la né-

vrose hystérique.

Fig. "n,

I' j. : 0.

37'3 RECUEIL DE FAITS. CAS SINGULIER D'HYSTÉRIE MALE.

Par ses propriétés essentielles, le tremblement chez notre

malade peut être rapporté à la première forme du groupe

moyen, suivant la classification de Dutil ou au second type

.de Charcot. Mais un caractère tout à fait singulier acquiert

"notre cas par l'apparition périodique du tremblement présen-

tant le plus éclatant symptôme de l'accès hystérique.

Quoique Dutil mentionne que le tremblement hystérique

peut quelquefois présenter des attaques, mais il a observé que

de telles attaques étaient toujours amenées par une émotion

et précédé par des prodromes habituels : sentiment de serre-

ment de la gorge, de pesanteur dans l'épigastre, bourdonne-

ment, etc. Ce n'est qu'après de semblables accidents pré-

monitoires que se développait, chez les malades de Dutil, le

tremblement qui ne durait que quelques heures et disparaissait

après tout à fait jusqu'à une nouvelle éclosion. Après une ou

plusieurs attaques, ajoute l'auteur, le tremblement peut de-

venir stationnaire et durer des semaines et mois entiers. De ces

mots, on doit conclure que les accès du tremblement, observés

par Dutil, présentaient seulement une phase dans l'évolution

de la grande névrose. M. Pitres en décrivant une forme du

tremblement qu'il a nommée trépidatoire, cite un cas, où le

tremblement hystérique se bornait, comme chez notre malade,

au membre inférieur et durait plus de dix ans. Cependant son

cas ne présentait guère des périodes.

L'observation de Nomolle (hémianesthésie hystérique anor-

male avec contracture et tremblement du membre inférieur.

Prog. Méd., -1879, p. 518) concerne aussi un accès chronique

où le tremblement s'augmentait par les émotions et les mou-

vements et ne s'étendait qu'au membre inférieur, où par con-

séquence le tableau clinique rappelait notre cas sous plusieurs

rapports. ,

Parmi les nombreuses observations d'Ozeretzkowsky, c'est

seulement dans nOS 8S et 56 que sont décrites les attaques du

tremblement, lesquelles du reste n'étaient pas fréquentes et

ne présentaient aucun type régulier ; ils interrompaient comme

une phase le cours de la maladie. Le même caractère porte le

tremblement dans un cas très enseignant de Greidenberg

(W1'atch., 1888, n° 44, Russe).

Plus rapproché à notre observation que toutes celles qui

ont été jusqu'à présent cité, parait être le cas de Chambard.

(Hémichorée et tremblement hystérique. L'Encéphale, 1881.)

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 373

La névrose hystérique chez la malade de cet auteur s'est

développée à l'âge de huit ans et s'est manifestée comme un

tremblement du membre inférieur droit, apparu soudainement

après l'effroi.

Le premier accès de la maladie ne durait que quelques jours,

mais il était suivi par toute une série d'accès semblables qui

duraient cependant plus longtemps. Quelquefois, le trem-

blement ne s'observait pas' des années entières, quelquefois

aussi, les attaques se suivaient rapidement, de temps en temps

s'étendant sur toute la musculature volontaire et, comme

l'auteur en a fait l'expérience, disparaissant pour un moment

à la suite de la pression sur la région ovarienne pour céder à

une contracture généralisée après laquelle suivait un état d'af-

faiblissement et perte de conscience. Souvent dans les inter-

valles des accès du tremblement étaient observées des attaques,

typiques de la grande hystérie.

Ainsi chez la malade de Chambard, le tremblement était le

plus éminent symptôme de la névrose et se déclarait par des

accès : mais ce symptôme avec son uniformité ne présentait

aucune périodicité régulière dans son apparition et' était entre-

mêlé d'attaques hystériques d'une autre forme ; en un mot,

il était dépourvu de toutes les particularités cssentielles obser-

vées dans notre cas.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XXXI. Suit CERTAINS CAS D'ABOULIE AVEC OBSESSIONS 1NTERROGATIVES ET

TROUBLE DES MOUVEMENTS (FOLIE DU DOUTE AVEC DÉLIRE DU TOUCHER) ;

par MM. Raymond et Arnaud.

A propos de trois observations des plus intéressantes, MM. Ray-'

mond et Arnaud reprennent l'histoire de l'affection dénommée par

le plus grand nombre des auteurs : folie du doute avec délire du

toucher. Cette appellation claire sans doute autantque brève, et réu-'

nissant dans son énoncé deux ordres de symptômes qui coexistent

souvent, a cependant le défaut de trop restreindre et de dénaturer

les faits ; car d'une part le mot douté n'est pas applicable à tous les

cas, et, d'autre part, le mot toucher pourrait laisser croire à tort

qu'il s'agit d'un trouble du sens du toucher.

g74 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Les divergences qui existent encore sur cette affection tiennent

à ce que chaque auteur a presque exclusivement étudié quel-

ques-unes des manifestations les plus saillantes de ce trouble

mental.

Deux ordres de faits ont été presque entièrement passés sous

silence qui cependant paraissent expliquer la plupart des autre phé-

nomènes et conduisent à une conception d'ensemble du sujet, ce

sont : 1° le fonctionnement général des facultés, autrement dit le

dynamisme mental; 2° l'état des mouvements volontaires.

Tout d'abord s'impose la distinction de l'état mental général et

des symptômes plus en relief qui pourraient masquer son impor-

tance. Ces symptômes essentiels et fondamentaux de la maladie,

dont ils fournissent la caractéristique véritable, ont été réunis par

MM. Raymond et Arnaud en différents groupes, suivant qu'ils dé-

pendent : 1° de {'inactivité (instabilité, irritabilité mentales; pano-

phobie, arrêt en présence de ce qui est inconnu ou imprévu) ; 2° de

{'hésitation psycho-motrice (hésitation de la volonté, incertitude des

mouvements, malades incapables par eux-mêmes d'une volonté

efticace et ayant conscience de leur faiblesse, éprouvant le besoin

de s'abriler sous une tutelle) ; 3° de la neurasthénie (tendances by-

pochondriaques et mélancoliques, névralgies diverses, sensations

pénibles, troubles digestifs et vaso-moteurs).

Ces groupes qui se pénètrent plus ou moins sans se confondre

trahissent dans sa généralité le manque de pondération, le défaut du

stabilité des fonctions nerveuses, en un mot le trouble profond du

dynamisme mental. Ce trouble primitif et général qui porte sur les

éléments moteurs communs à l'intelligence et à la volonté, déter-

mine, dans chacune des opérations mentales, des symptômes de

même ordre : hésitation intellectuelle produisant le doute et la né-

cessité des répétitions intérieures et des affirmations de la part des

personnes présentes; - hésitation de la volonté, aboulie, avec

toutes ses conséquences; - hésitation et difficulté des mouvements

musculaires et des actes, qui ne peuvent, plus s'exécuter avec les

procédés normaux, et qui exigent l'emploi de moyens accessoires.

Au-dessus de l'état général, qui est à peu près fixe et constant,

apparaissent des symptômes plus variables qui ne sont que l'exa-

gération de l'instabilité psycho-motrice. En première ligne, se ren-

contrent les obsessions conscientes à forme interrogative ou dubita-

tive et qu'on peut distinguer en deux grandes classes : dans l'une

les malades se préoccupent des questions insolubles de leur nature

comme la vie, la nature, la création, etc., c'est le doute métaphy-

sique; dans l'autre, les interrogations se rapportent à des pro-

blèmes suscptibles d'une vérification immédiate. En fait toutes ces

obsessions sont liées à un état émotif, s'accompagnent des mêmes

phénomènes d'anxiété et aboutissent au bout d'un certain temps au

même trouble des actes correspondant au délire du toucher (lavage

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 375

des mains, craintes des contacts, gestes anormaux, répétitions etc.).

Bien que les tendances impulsives soient à peu près constantes,

les impulsions franches, véritablement irrésistibles manquent sou-

vent.

Pas plus que les impulsions, les idées tardives de suicide ne font partie

intégrante de cet état morbide, les tentatives de suicide de ces ma-

lades ont le caractère d'hésitation de tous leurs actes et restent habi-

tuellement puériles et saus résultat.

- Tous ces symptômes surajoutés à l'état général fondamental va-

riant avec chaque malade, varient aussi chez un même malade,

selon les périodes de l'affection et sans qu'il soit possible, le plus

souvent, de trouver un prétexte satisfaisant à ces variations; mais

de l'analogie de ces divers symptômes, on peut conclure à leur

identité de nature. Si les symptômes les plus saillants, obsessions

et impulsions, quand ils existent, subissent des variations d'inten-

sité aux diverses périodes de l'affection, les troubles' moteurs qui

correspondent au délire du, toucher sont beaucoup plus, fixes.

Quant aux phénomènes fondamentaux, on peut dire qu'ils restent

à peu près invariables à toutes les périodes. Les sujets sont tou-

jours des émotifs, des hésitants, des maladroits, des neurasthé-

niques, en un mot des malades. C'est dire que les guérisons ne

sont que relatives. La lésion de l'activité psycho-motrice persiste,

puisqu'elle dépend d'une disposition originelle du système net-

veux. Elle peut toutefois s'atténuer dans une certaine mesure et ce

bénéfice s'ajoute à l'amélioration produite par la disparition plus

ou moins complète des obsessions, des impulsions et des idées

fixes, ainsi qu'à la diminution qui peut être notable, de l'émotivité

et des symptômes neurasthéniques.

Un des moyens de traitement sera précisément tiré de la tendance

que présentent les malades à se placer sous la tutelle d'une volonté

plus forte que la leur : le point capital consiste à inspirer confiance

au malade qui se laisse guider et peut récupérer une partie de son

activité spontanée.

En somme, il s'agit là d'un trouble primordial et très général

de l'activité mentale considérée surtout dans ses manifestations

volontaires. . 1

L'intelligence n'est altérée que dans son pouvoir de coordina-

tion et de fixation des idées, c'est-à-dire dans son mode actif et sur-

tout dans son mode actif par excellence, dans l'attention volontaire.

C'est la volonté qui est, sans conteste, la plus diminuée des facul-

tés mentales. Elle est diminuée dans sa double action : et comme

force impulsive d'où l'hésitation et l'incertitude des mouvements et

comme puissance d'arrêt, d'où les obsessions et les impulsions.

En résumé, les altérations réunies sous le nom de folie du doute

et de délire dzc.touclcer ou crainte des contacts seraientles deux faces,

l'une intellectuelle et interne, l'autre motrice et externe, d'une

376 () REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

seule et même lésion des centres idéo-moteurs. (Annules médico-

psychologiques, octobre 1892.) E. BLIN.

XXII. SUR LE délire DES NÉGATlO1';S; par le D'ARNAUD,

L'histoire du délire des négations est de date récente : c'est eu

effet dans une série de travaux publiés de 1880 à 1888 que Cotard

à décrit un type de mélancolie anxieuse dans lequel, aux symptômes

habituels de la mélancolie anxieuse, viennent s'ajouter, à une pé-

riode généralement avancée de la maladie, des idées de négation

généralisée portant d'abord sur la réalité des choses extérieures,

organisme, qualités morales, existence même du malade, pour

atteindre enfin le domaine métaphysique et englober dans la néga-

tion l'âme, la nature et Dieu. Ces idées de négation se distinguent

facilement de celles qui surviennent chez les paralytiques généraux

et aussi des tendances négatives qui se retrouvent fréquemment

dans toutes les variétés de délires dépressifs par leur cohésion

logique, leur systématisation, leur longue durée et, en outre, par

leur évolution également systématique.

« Par un enchaînement logique » (Cotard), de ces idées de néga-

tion se déduisent des idées de damnation, d'immortalité, de véri-

tables idées de grandeur conservant le cachet de tristesse qui

marque les conceptions délirantes habituelles de ces malades et

pouvant aller jusqu'au délire d'énormité. Cette mégalomanie

triste, morose, allant parfois jusqu'à l'énormité, reste infamante,

inavouable, généralement inavouée, et quand le malade en parle,

c'est pour en gémir et se lamenter.

Après Cotard, M. Séglas a étudié cette forme psycho-pathétique

et a mis en lumière l'altération de la personnalité qu'elle suppose

et qui en est la lésion profonde.

Comme le disait M. Faire ! au Congrès de Blois, ce délire de né-

gation est peu connu mais on le constatera de plus en plus fré-

quemment à mesure qu'on examinera plus attentivement les

aliénés dans ce sens : en effet, pour mettre en évidence ce trouble

mental, il faut le rechercher avec soin, interroger les malades dans

ce sens, triompher de leur mutisme et de feurs réticences. M. Ar-

naud rapporte une observation des plus instructives, de tous points

conforme à la description de Cotard et dont l'intérêt est d'autant

plus grand qu'une série de lettres écrites par la malade non seule-

ment mettent en retief les conceptions délirantes de cette malade,

mais font encore saisir sur le vif cette altération de la personnalité

décrite par M. Séglas.

De la comparaison des observations publiées sur le délire des

négations, M. Arnaud dégage provisoirement, pour servir de

jalons d'étude, les propositions générales suivantes : le délire des

négations systématisé, à évolution progressive (type Cotard), plus

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE . ON 1

fréquent chez la femme, peut être considéré comme une psychose

tardive, ne se montrant souvent qu'après cinquante-cinq ans, ap-

paraissant dans un grand nombre de cas après un ou plusieurs

accès de mélancolie commune et ne se développant, dans les cas

typiques, qu'après une période plus ou moins longue de mélancolie

anxieuse.

Sa signification est grave, même lorsqu'il doit guérir, car, d'or-

dinaire, l'accès dure alors très longtemps. (Annales médico-psycholo-

giques, décembre 1892.) E. B.

XXXIII. La confusion mentale primitive; par le Dr CHASLIN.

Il est un groupe particulier de folies aiguës parfaitement distinct

des autres formes reconnues généralement en France et dont on

ne trouve la description dans aucun des traités classiques d'alié-

nation français, bien que ce soit en France où ce mode particulier

de la folie ait été tout d'abord délimité avant d'être admis défini-

tivement à l'étranger : c'est la confusion mentale primitive.

Après un historique aussi complet qu'intéressant dans lequel il

nous montre la part prise par les auteurs français, en particulier

par Delasiauve, dans la création de ce type mental, l'auteur donne

une esquisse précise de l'aspect clinique de la confusion mentale

primitive.

Après un stade prémonitoire qui peut durer de quelques heures

à quelques mois (irritabilité, perte desommeil, anxiété), la maladie

débute en général brusquement par une agitation extrême qui

rappelle la manie aiguë, avec perte complète de l'orientation ;

d'autres fois, le début est graduel et le malade entre d'emblée dans

un état qui ressemble à celui du délire alcoolique subaigu. Il peut

y avoir aussi un état de stupeur très marqué avec ou sans phéno-

mènes cataleptiformes. Le plus souvent, la marche de la maladie

consiste en un mélange déréglé de stades d'agitation, de calme,

de stupidité et de stupeur, de durée absolument variable et qui

peuvent être entrecoupés par des intervalles de lucidité relative.

La durée varie de quelques jours à plusieurs mois et même plu-

sieurs années.

La terminaison est : 1° guérison, précédée constamment d'un

stade d'affaiblissement psychique, avec amnésie complète sur le

temps et l'existence de la maladie; 2° guérison avec léger airai-

blissement des facultés; 3° état chronique de démence; 4° mort

après marche aiguë ou chronique, le plus souvent par pneumonie,

phtisie, marasme ou état de délire aigu. Au point de vue de l'aaa-

tomie pathologique, on trouverait des états d'anémie, d'oedème céré-

bral avec trouble des méninges, en sorte que la confusion mentale

primitive serait une psychose constituant une forme intermédiaire

entre les folies purement fonctionnelles comme la manie, la

Bit) REVUE DE rATHOLOGlE MENTALE.

mélancolie, la paranoïa et les folies à base anatomique comme le»

intoxications et la paralysie générale (\Ville). En somme, le fond

de la maladie est la confusion des idées par suite de l'affaiblisse-

ment et de l'incoordination du processus de l'association des

idées, de la perception ; les hallucinations ne sont qu'accessoires

et l'aspect extérieur, les actes du malade varient d'un moment à

l'autre ; le patient a la figure sans expression; il marmotte des

paroles sans suite et se livre à des actes souvent incompréhensibles

qui paraissent reliés plus ou moins aux hallucinations. Sur cet état

de stupidité viennent se greffer des accès d'agitation qui ressem-

blent à la manie, ou des accès de stupeur. Quelquefois les malades

présentent des phénomènes catalepliformes.

Souvent la confusion mentale primitive revêt le caractère d'une

véritable maladie par les phénomènes somatiques qui l'accompa-

gnent : épuisement, dénutrition, troubles vaso-moteurs, affaiblis-

sement du pouls et du coeur, souvent fièvre mode) ée ou. au contraire,

hypothermie ; souvent troubles oeulo-moleurs, crampes, névralgies,

mouvements automatiques, troubles des voies digestives, gâtisme

irrégulier. Quelquefois albumine et sucre dans l'urine.

Etiologie. La femme y est particulièrement prédisposée. Le

maximum de fréquence est de vingt à quarante ans.

Tous les auteurs s'accordent pour reconnaitre que cette maladie

csttaconséqucnced'un état d'épuisement cérébral qui amène un état

de faiblesse irritable du système nerveux central ; toutes les causes

dépressives pourront donc avoir un rôle étiologique. Les auteurs

les plus récents attribuent cet état au résultat intime d'une infection

ou auto-intoxication par les produits des microbes ou la résorption

des poisons de l'économie.

Diagnostic. Dans la manie, quoique par moment le malade

puisse avoir complètement perdu l'orientation et le sentiment du

monde extérieur, il y a d'abord toujours un parallélisme entre

l'état d'agitation motrice et l'idéorrhée ; les hallucinations sont

rares ; l'aspect du malade est particulier.

La paralysie générale, même à marche aiguë, s'accompagne de

troubles somatiques plus prononcés et présente une marche spé-

ciale.

Dans le délire des dégénérés, il n'y a pas un trouble aussi profond

de la conscience ni de perturbation dans l'état somatique ; le

délire d'emblée est le plus souvent l'exagération du déséquilibre

mental plus ou moins latent ; le diagnostic avec le délire alcoolique

sera fondé sur les antécédents, la durée et la marche de la ma-

ladie. Pour la mélancolie avec stupeur, la marche lente et la présence

de symptômes réellement mélancoliques serviront à établir le

diagnostic.

Pour le délire aigu, le moment de son apparition, l'état grave,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 379

la température, serviront à tenter d'établir la différence qui sera

surtout jugée par la terminaison ordinairement fatale.

Le diagnostic avec la paranoïa aiguë est d'autant plus difficile

que l'existence de cette dernière, sa place dans la classification,

ses formes sont loin d'être établies; l'apparition rapide d'une ccr-

taine systématisation des idées délirantes avec actes coordonnés,

est indiquée par Wille, comme un caractère diagnostique.

Pronostic. La confusion mentale est plus grave que la mélan-

colie ou la manie. D'après les statistiques, du reste assez variables,

il y aurait plus de non guérisons que de guérisons.

La guérison peut survenir même après une durée de plusieurs

aimées. (Annales mé(lico-2)sychologiqïics, oct. 1892.) E. B.

XXXIV. Les maladies DE L1 volonté chez les criminels ;

par le Dl' E. LOURENT.

Il existe chez certains criminels, à côté d'un état de débilité intel-

lectuelle, un état de débilité volitiouuclle qui les met dans un état

d'infériorité notoire, lequel ne leur permet pas de lutter contre la

paresse et les mauvais instincts.

A côté de ces criminels inertes, où manque l'impulsion volontaire,

il en est d'autres chez qui c'est, au contraire, la puissance de coordi-

nation et d'arrêt qui fait défaut et c'est l'impulsion qui se dépense

tout entière au profit de l'automatisme. C'est le règne de l'impul-

sion régie par l'instinct; la défaite de la volonté par l'impulsion.

Donc, chez les uns, défaut d'impulsion; excès d'impulsion chez

les autres. Partant de là, l'auteur propose une classification des

criminels en deux grandes catégories, d'après l'état de leur vo-

lonté : les inertes et les impulsifs.

Passant en revue chaque genre de délit et de crime, il constate

que cette idée s'adapte aux faits d'une façon exacte.

Examinant ensuite l'influence des agents stupéfiants de la

volonlé, et le rôle de la suggestion soit hypnotique, soit à l'état de

veille, l'auteur reste persuadé qu'on peut, à l'état de veille, aveugler

la raison et abuser la volonté d'un individu et en particulier d'un

enfant, de façon à l'amener à accuser des innocents d'un crime

imaginaire et même à s'accuser lui-même, sauvant ainsi le cou-

pable. Peut-être même la volonté et les facultés de raisonnement

sont-elles parfois abolies au point de laisser le champ libre à l'au-

tomatisme, et de rendre possible à l'état de veille de véritables

auto-suggestions criminelles. (Annales médico - ]Jsyc/wloair¡IlC8 ,

déc. 1892.) E, B.

XXXV. Modifications 013SERN iES dans l'état mental DE certains

ALIÉNÉS ATTEINTS DE CHOLÉRA; par le I)l C\MUSEr.

L'épidémie cholérique qui a sévi à l'asile de Donneval,a permis à

380 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

M. le D1' Camuset de faire plusieurs observations intéressantes sur

l'état mental des aliénés atteints.

1° Etats maniaques. - L'attaque cholérique a toujours fait dis-

paraître l'état maniaque quelle que fût l'intensité, quelle que fût

l'ancienneté de celui-ci. Mais aucune de ces guérisons ne s'est main-

tenue. Le choléra agit en somme comme agissent les autres ma-

ladies graves intercurrentes.

Sur vingt-deux cas, il n'y a pas eu une seule exception : le choléra

a toujours fait disparaître temporairement l'état maniaque ainsi

que les délires non systématisés variables et peu profonds de cette

forme vésanique. Quand il y avait manie chronique simple et non

démence maniaque, le sujet se montrait, pendant un certain temps,

normal au point de vue intellectuel.

Quand il y avait démence maniaque, il était momentanément

dément simple.

On a remarqué aussi que la plupart des malades, sauf les idiots

et les imbéciles, ont eu, pendant les périodes graves du choléra, la

notion exacte de leur situation et que tous envisageaient la mort

sans angoisse.

2° Etats mélancoliques. - L'influence de l'attaque de choléra sur

les états mélancoliques, n'a été ni aussi profonde, ni surtout aussi

générale que sur les états maniaques. Dans un cas de mélancolie

chronique, la maladie intercurrente a produit un effet semblable

à celui qu'elle produit toujours dans les états maniaques. Mais, en

général, la maladie tendait plutôt à accroître encore l'état de

dépression. Les malades tombaient vite en prostration et les idées

délirantes habituelles persistaient jusqu'à la fin.

3° Délire de persécution. Tous les aliénés à délire partiel

n'éprouvèrent aucune modification psychique. L'excitation, quand

il y en avait, se dissipait, mais le délire systématisé persistait.

4° Démence organique, paralysie générale, etc. - Un seul para-

lytique général fut atteint du choléra et son état mental, déjàtrès

mauvais, ne fut nullement modifié. Plusieurs déments organiques

ne présentèrent non plus rien de notable. 11 faut noter en plus un

alcoolique chronique qui cessa de délirer dès le début de l'at-

taque, et mourut avec une grande frayeur de la mort.

5° Idiotie, débilité mentale, - Les idiots ne paraissent pas avoir une

grande sensibilité, mais deux débiles hystériques reconnurent très

bien leur situation désespérée.

En résumé, l'influence du choléra est analogue il celle des autres

maladies graves intercurrentes, mais elle présente des particula-

rités spéciales. L'attaque cholérique fait disparaître temporaire-

ment tous les états maniaques, modifie peu les états mélanco-

liques, fait disparaître les délires vagues non systématisés, peu

profonds, mais n'a aucune action sur les délires systématisés.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 381

Presque tous les malades, sauf les idiots et les déments avancés,

se rendaient compte de la gravité de leur état et envisageaient la

mort avec résignation, sauf de rares exceptions. (Annales médico-

psychologiques, déc. 1892.) E. B.

XXXVI. Un cas DE folie sans DÉLIRE; par le Dr Marandon

DE MONTYEL.

L'existence de la folie sans délire est aujourd'hui démontrée,

mais de tels malades placent les spécialistes dans une situation

embarrassante. Le médecin aliéniste peut seul, en effet, porter un

jugement exact, et dans ce cas, doit-il s'offrir à la mise en liberté ?

C'est la solution que discute M. le Dr Marandon de llontyel dans

cet article.

Une jeune institutrice ayant présenté des phénomènes hysté-

riques, entre dans une famille pour s'occuper de l'éducation des

enfants; à la suite d'un amour contrarié, elle est prise d'une crise

violente de lypémanie avec hallucinations et idées de persécution.

Elle est alors admise à l'asile public de Marseille où, au bout de

quelque temps, les conceptions délirantes cessent. Mais la cessation

du délire et l'excellent état de ses facultés intellectuelles, n'empê-

chent pas une perversion profonde des sentiments affectifs et mo-

raux. Ses conversations paraissent raisonnables, mais la vie quoti-

dienne la montre égoïste, violente et sans pudeur. '

Elle recherche des propos obscènes, fait des ouvertures à un

membre du service médical et simule des maladies pour se faire

examiner.

La jeune fille, réclamée par son père, devait sortir de l'asile de

Marseille malgré un rapport défavorable de M. Marandon de Mon-

tyel lorsque, le père étant mort, elle fut transférée à Saint-Yon.

(Annales médico-psychologiques, juin 1892.) E. B.

XXXVII. Considérations sur L catalepsie; par le D'' Hospital.

Dans un article intéressant, M. le D1' Hospital rapporte deux obser-

vations de catalepsie à propos desquelles il cite les opinions des

auteurs. Ily a, dit-il, deux catalepsies, l'une accompagnée d'hyp-

nose et formant une entité définie, l'autre éveillée qui accompagne

d'autres maladies. L'invasion de cette dernière est parfois si

prompte qu'elle surprend le malade au milieu de ses occupations.

Ses causes déterminantes sont nombreuses : frayeur, émotion,

- attaques d'hystérie, expériences d'hypnotisme; ses causes prédis-

posantes sont l'hérédité et l'existence d'une maladie nerveuse.

Quelle est la nature de la catalepsie ? Marcé la regarde comme

un épiphénomène de l'hystérie ; Georget et Lieutaud font de ces

deux névroses deux formes symptomatiques de la même maladie :

38.-) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

« la facilité de production des phénomènes cataleptiques chez les

hystériques est une preuve en faveur des liens de leur parenté D.

Mais l'hypnotisme est aussi étroitement uni à la catalepsie, de

sorte qu'hystérie, catalepsie et hypnotisme seraient une trilogie

inséparable. On l'a rencontrée encore dans l'éclampsie infantile,

dans les fièvres graves, dans te'tétanos. Elle est une complication

si fréquente de la folie, que Cavalier et Gérard affirment n'avoir

jamais vu un cataleptique qui ne fut aliéné.

L'accès cataleptique peut être tétanique ou souple. Chez les uns,

tous les muscles sont cataleptiques, chez d'autres, c'est seulement la

moitié longitudinale du corps- l'insensibilité aux piqûres et aux

brûlures est complète l'exercice intellectuel est suspendu et on

en a vu achever au réveil une phrase interrompue par l'invasion

de l'accès. Exceptionnellement, cependant, le jugement et la

volonté peuvent intervenir; des cataleptiques ont versé des larmes

sous l'influence d'une émotion.

L'attaque survient presque toujours brusquement ; le malade,

immobilisé par la contracture qui envahit tous ses membres, ne

peut plus bouger. Les bras obéissent si vite qu'ils en paraissent

légers, il semble qu'il y a aide de la part du patient et il gardera

longtemps cependant une attitude gênante et pénible. L'accès peut

durer de quelques secondes à plusieurs mois; il peut être inter-

rompu ou entremêlé de phénomènes névropathiques.

Parfois, en touchant un cataleptique éveillé, on provoque im-

médiatement la contracture des muscles; un souffle, un bruit, une

lumière suffisent même à déterminer le spasme tétanique. On pré-

tend que le réveil est brusque; pareil phénomène s'observe égale-

ment dans l'épilepsie. larvée, le petit mal et même le grand mal.

Il n'est quelquefois que transitoire et dans beaucoup de cas il s'ac-

compagne de troubles intellectuels, de mémoire chancelante.

Le diagnostic de la catalepsie pure est facile, grâce aux deux

symptômes : sommeil et automatisme passif. Il est difficile dans

les cas nombreux où elle n'apparaît qu'à l'état d'intervention; on

a pu la confondre avec la léthargie, mais dans la léthargie, il y a

souplesse sans automatisme, résolution complète, sommeil bien

moins réel qu'en catalepsie.

Les accidents cataleptoïdes de la stupeur mélancolique sont assez

différents. Les malades redressent leurs membres sur ordre; le

phénomène est variable et transitoire et ils avouent qu'ils ont agi

sous l'influence d'une idée et qu'ils ont maintenu cette attitude il

l'aide d'un effort très énergique.

Quant à l'épilepsie, on se rappellera que la catalepsie ne s'accom-

pagne pas de convulsions hideuses, mais d'une immobilité rigide.

Les somnambules sont beaucoup plus réveillés que les cataleptiques

endormis; ils peuvent aller, obéir; le cataleptique ne peut ni agir

ni être suggestionné.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 383

Dans la dernière partie de son article, M. le Dr Hospital aborde

la question intéressante des inhumations prématurées; la conclu-

sion est faite pour rassurer les esprits timorés. « La mésaventure

de l'illustre Vésale et celle plus pénible encore de l'abbé Prévost

sont heureusement de rarissimes exceptions. » (Annales méclico-

psychologiques, juin 1892.)

XXXVIII. Maladie DE Friedreich accompagnée DE troubles trophiques

chez un imbécile épileptique; par le Dr SZCZI'PIORSKI.

L'ataxie locomotrice de Friedreich se distingue assez nettement

des deux affections voisines : la sclérose en plaques et l'ataxie de

Duchenne (de Boulogne). C'est une maladie de longue durée, sou-

vent héréditaire, caractérisée par l'incoordination des mouvements

avec conservation de la force musculaire, par le nystagmus, l'em-

barras de la parole, l'absence de la douleur, de troubles de la sen-

sibilité, de troubles trophiques et par l'intégrité de l'intelligence.

M. le Dr Szczypiorski rapporte l'observation d'un malade atteint

de cette maladie chez lequel il a trouvé des troubles trophiques el

un degré marqué de déchéance mentale.

Un homme de trente-sept ans, avec de bons antécédents hérédi-

taires, a présenté dans son enfance des attaques d'épilepsie et s'est

toujours fait remarquer par la faiblesse de son intelligence. A

\ingt-trois ans, apparition d'ulcères à la partie antérieure des

jambes, ulcères qui ont persisté. Un an plus tard, apparaît l'ataxie

qui ne s'est jamais accompagnée de douleurs.

En ce moment (mai 1891), la parole est traînante et empâtée.

Les extrémités supérieures ne sont presque jamais en repos, et

l'incoordination motrice est assez accentuée. La station deboutsans

appui est impossible. Sa démarche ressemble à celle d'un ivrogne;

elle est parfois propulsive. Les pieds présentent une cambrure très

exagérée et, par suite, le creux plantaire est excavé, disposition qui

parait constante dans la maladie de Friedreich. Les réflexes son nor-

maux. La sensibilité est partout conservée sauf aux membres infé-

rieurs, où la sensibilité au chaud et au froid paraissent se confondre.

Les troubles trophiques qui sont le point intéressant de cette

observation, siègent depuis quatorze ans aux membres inférieurs

sous forme d'ulcères inguérissables, symétriquement disposés. A

ce niveau, la peau est épaisse, mais lisse. Par places, croûtes épaisses

recouvrant des ulcérations arrondies. Tous les traitements ont

échoué contre ces ulcères chroniques. (Annales médico-psycholo-

giques, juin 1892). E, B.

XXXIX. Un cas d'asphyxie locale symétrique intermittente des

extrémités chez un LS'l'1 : 31A\LAQUEj par le Dr T.wcowLV.

Les troubles vaso-moteurs des mélancolique* sont décrits par

384 4 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

tous les auteurs; l'auteur nous en fait connaître un exemple peu

commun : l'asphyxie locale symétrique intermittente des extrémités.

Un homme atteint de délire mélancolique avec préoccupations

hypochondriaques, découragements, dégoût de la vie, présente les

troubles vaso-moteurs suivants : sous l'influence d'une impression

quelconque, sous l'impression du froid ou même sans cause, les

deuxième et troisième phalanges de l'index, médius, auriculaire et

annulaire de chaque main deviennent livides et, au bout d'un temps

variable, passent à la coloration blanche. Les extrémités des doigts

sont froides, insensibles à la douleur et au toucher; les mouvements

sont faibles et sans vigueur.

Les accès ont lieu deux à trois fois par jour, le plus souvent au

lever, rarement après le repas. Ils ne ne s'accompagnent d'aucune

sensation douloureuse ; les deux mains sont atteintes simultané-

ment, en commençant par la main gauche; le pouce n'est jamais

pris. La durée de l'accès est variable : de quelques minutes à une

demi-heure. En dehors de l'accès, les doigts ont un aspect normal.

Ce malade a des antécédents héréditaires assez chargés au point

de vue mental et, comme antécédents personnels, on note deux

attaques de rhumatisme et la syphilis. Cette affection vaso-motrice

a-t-elle un rapport avec l'affection mentale du malade ? Ces deux

affections se sont développées parallèlement sans paraître s'in-

fluencer mutuellement. Peut-être pourrait-on ramener les deux

affections à une même cause : trouble vaso-moteur survenant, soit

dans la circulation encéphalique, soit aux extrémités. (Annales

méctico-psyclwlogiques, juin 1892.) E. B.

XL. DISCOURS PRÉSIDENTIEL PRONONCÉ A la cinquante ET UNIÈME

RÉUNION ANNUELLE DE L'ASSOCIATION MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE, A LA

Maison de retraite (The Retreat) de York, le 21 juillet 1892;

par ROBERT BAKER. (The Journal of Mental Science, octobre 1892.)

Discours très bref où sont sommairement rappelés les services

rendus par les asiles, et en particulier par la Maison de Retraite

de York, aux aliénés et à la société en général. R. M.-C.

XLI. LE « Local GOVERNMENT ACT » de 1888; SON action probable

SUR LE TRAITEMENT DE LA FOLIE EN ANGLETERRE; par J.-A. CAMPBELL.

(The Journal of Mental Science, janvier 1892.)

Nous nous bornons à signaler ce mémoire à ceux de nos lecteurs

qui s'intéressent à la législation comparée de l'aliénation mentale.

R. M.-C.

XLII. UN cas DE la maladie appelée KATATONIE; par Percy-Smitu.

(The Journal of Mental Science, juillet 1892.)

Observation intéressante et détaillée, recueillie avec soin et que

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 385

l'auteur a fait suivre de quelques commentaires sur la malade

dont il s'agit et sur la katatonie en général. R. M.-C.

XLIII. Les rapports DE la paralysie générale DES aliénés avec la

SYPllILIS; par Jacobson. (The Journal of Mental Science, avril 1892.)

Les recherches poursuivies par M..Tacobson sur l'étiologie de la

paralysie générale l'ont amené à conclure que la syphilis est

l'agent le plus commun et le plus puissant dans la genèse de cette

maladie; il ne conteste pas le rôle de certains autres facteurs

(alcool, plomb, tabac, etc.), mais il ne leur attribue qu'un rôle

tout à fait secondaire et les considère simplement comme des

auxiliaires de la syphilis. R. M.-C.

XLIV. La parotidite chez les aliénés; par Th.-B. HYSLOP. (The

Journal of Mental Science, octobre 1890.)

Les trois observations rapportées par l'auteur sont à rapprocher

des autres cas où une affection aiguë intercurrente a provoqué la

rémission ou la disparition momentanée du trouble mental chez

les aliénés; les cas de ce genre sont assez nombreux. R. M.-C.

XLV. Guérison DE la folie chez UNE femme, après l'ablation DE Le

barbe; par George rINDL.11. (The Journal of Mental Science,

juillet 1890.)

Observation curieuse, qu'il est intéressant de rapprocher d'un

fait semblable publié par M. Savage dans le Journal of Mental Science

de juillet 1886. R. M.-C.

XL VI. Notes sur quelques points concernant les criminels; par

John BAYER. The Journal of Mental Science, juillet 1892.)

Etude intéressante, faite par un homme compétent (l'auteur est

médecin de la prison de Portsmouth) et dans laquelle les carac-

tères psychologiques et quelques-uns des caractères physiques

des diverses catégories de malfaiteurs sont analysés avec sagacité.

R. M.-C.

ALVIN. Folie et divorce ; par A. WooD-RENTON. (Th/ ? Journal ofMental

Science, juillet 1892.)

On ne peut que signaler ici ce court mais judicieux travail, qui

contient des appréciations justement amères et quelque peu iro-

niques sur la manière dont certains magistrats anglais entendent

les questions médico-légales relatives à la responsabilité et à l'alié-

nation mentale; on y remarquera le peu de cas que font certains

juges des affirmations des experts, alors même qu'elles ne sont

Archives, t. XXV. 25

386 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

pas contestées, et qu'elles sont l'exprcssioe de vérités scientifiques

universellement acceptées. R. M.-C.

XLVIII. UN cas DE rupture du CCEUR chez une mélancolique; par

Vincent Nash. (The Journal of Mental Science, janvier 1892.)

L'auteur a cru devoir publier cette observation moins à cause de

-la rareté même de la lésion qu'à cause du temps relativement

long qui s'est écoulé entre le moment où la lésion s'est produite

et celui où la malade a succombé. R. M.-C.

XLIX. Observations sur la « katatonie i ; par Edwin GOOD.1LL.

(The Journal of Mental Science, avril 189.)

L'auteur a résumé ou rappelé dans ce mémoire une série de

documents intéressants sur l'histoire et l'anatomie pathologique de

cette affection. R. M.-C.

L. Sur l'affection dite « Paranoïa » ; par E. L. DUNN.

(The journal of mental science, janvier 1893.)

La première question qui se pose dans l'étude de l'affection men-

tale désignée sous le nom de Paranoïa consiste à rechercher s'il

existe réellement une forme aiguë de cette maladie. Bien que cette

forme aiguë ait été décrite par Westphal et admise par Meynert,

elle est si mal caractérisée que plusieurs autres aliénistes, parmi

lesques M. Dunn est disposé à se ranger, renoncent à l'admettre.

Sous la forme chronique, elle peut ou être' primitive, c'est-à-

dire apparaître d'emblée, et c'est là sa forme la plus typique et la

mieux caractérisée, ou bien succéder, pour le terminer, à un état

mental pathologique antérieur. Parmi les formes les plus usuelles

et les plus généralement admises, la plus importante est la para-

noia persecuteria qui correspond assez bien au délire chronique de

Magnan et des auteurs français. C'est celle que l'auteur se propose

d'étudier ici, et dont il trace d'ahord un historique assez étendu.

Sous cette forme, la maladie apparait généralement entre

trente-cinq et quarante-cinq ans; elle est plus fréquente chez la

femme, où elle paraît pouvoir peut-être se rattacher à la méno-

pause. La période d'incubation est longue, souvent inobservée,

et les symptômes y sont mal définis : malaise inexpliqué, mau-

vaise humeur non motivée, troubles du sommeil et de l'appétit,

inaptitude du travail, modifications du caractère qui devient soup-

çonneux, tels sont les prodromes assez peu précis qui aboutiront

bientôt, sous l'influence d'une cause presque toujours insignifiante

et négligeable à l'apparition du délire, d'abord caractérisé par des

illusions et des hallucinations assez vagues. Mais celles-ci, bientôt

se précisent, se généralisent (sauf pour la vue dont les hallucina-

tions sont rares, et, quand elles existent, ne se rapportent presque

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 387

jamais au délire) et se systématisent : le délire de persécution est

établi. Après avoir' attribué d'abord les persécutions dont il souffre

à des causes générales ou occultes, le malade en vient à préciser

leur source : il les attribue nettement à telle ou telle personne et

devient dangereux; à ce moment les hallucinations de la sensi-

bilité générale se multiplient à l'infini; la langue usuelle ne suffit

plus à décrire de pareilles sensations, et c'est alors que l'aliéné

invente de curieux néologismes dont quelques-uns sont véritable-

ment pittoresques. Ici intervient l'apparition des idées de gran-

deur ; leur genèse la plus commune et aussi la plus logique a été

souvent décrite et se résume ainsi : des persécutions aussi variées,

aussi constantes et compliquées ne peuvent avoir été dirigées

contre un personnage ordinaire et obscur il n'y a pour l'aliéné

qu'un pas bien vile franchi. - Les idées de grandeur peuvent

encore apparaître subitement sous l'influence d'une hallucination.

Après une durée plus ou moins longue, cette période aboutit,

pour quelques auteurs à la démence vraie, pour d'autres à l'évolu-

tion d'un affaiblissement intellectuel très accusé. La durée de la

maladie est habituellement de vingt à trente ans, le pronostic est

des plus graves, puisque la paranoïa est généralement consideiée

comme incurable. Sur 700 cas, Kraft-Hbbing n'a pas vu .une seule

guérison.

Au point de vue anatomo-pathologique, on se trouve en pré-

sence d'hypothèses ou de conceptions plus ou moins théoriques,

dont aucune même n'a jusqu'ici acquis de prééminence sur les

autres.

La paranoïa secondaire, qui succède presque toujours à la mé-

lancolie, est surtout caractérisée par un profond affaiblissement

des facultés intellectuelles, du jugement et de la mémoire, elle

aboutit à la démence complète.

Il est enfin une autre forme, à caractères un peu spéciaux, et

que Krafl,-Ebing considère comme rare, c'est la paranoïa alcoo-

lique ; suivant cet auteur, les Iiallucinalions en ce cas seraient sou-

vent d'ordre génital, elles affecteraient plus souvent la vue que

dans les autres formes, les malades seraient exceptionnellement

irritables et brutaux, et l'affaiblissement intellectuel serait très

précoce.

L'auteur termine cet intéressant travail par quelques considéra-

tions sur le diagnostic différentiel de cette maladie.

. R. DE lUSGB.1VE-CL1Y..

LI. Les calculs biliaires chez les aliénés; par CECIL F. BEADLE.

(The Journal of Mental Science, juillet 1892.)

Etude très documentée sur la fréquence et les causes possibles de

la lithiase biliaire chez les aliénés : en terminant, l'auteur rappelle

388 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

.

que la cholestérine qui entre pour une si grande part dans la cons-

titution des calculs biliaires figure également pour une part im-

portante dans la composition du tissu nerveux normal : il serait

intéressant de rechercher si, dans le cerveau des aliénés, la propor-

tion de cholestérine est augmentée ou diminuée; si on constatait la

.diminution, la fréquence des calculs biliaires dans l'aliénation

'mentale s'expliquerait par une sorte de compensation. R. M.-C.

LII. Note sur l'hématome DE la dure-mère; par Edwin GOODALL.

(The Journal of Mental Science, juillet 1892.)

Note intéressante sur l'analogie et les différences qui existent

entre l'hématome de la dure-mère ou la pachyméningite interne et

les lésions artificiellement créées par l'injection pratiquée à tra-

vers une ouverture de la dure-mère, de liquides irritants. R. M.-C.

LUI. Observation clinique DE deux cas DE paraplégie ataxique; par

F.-S.-John BULLEN. (The Journal of Mental Science, avril 1892.)

Deux observations recueillies avec soin et intéressantes. R.-M.-C.

LIV. LE DÉLIRE SENSORIEL dans SES rapports avec LES DIFFÉRENTES

formes DE Paranoïa; par Del GtEco. (Il manicomio, fasc. 2-3,

1892.)

L'auteur cherche dans ce mémoire à élucider deux points, d'a-

bord établir les différences qui existent entre la mélancolie, la

manie et le délire sensoriel, puis examiner ce dernier dans ses

rapports avec la paranoia et cela, en faisant l'analyse d'une série de

formes intermédiaires entre le délire sensoriel typique et la para-

noia chronique.

Le délire sensoriel typique, bien que ressemblant par certains

côtés à la manie ou à la mélancolie, forme cependant une classe à

part. Il lui faut pour se développer un état d'invalidité cérébrale,

résultant d'un épuisement fonctionnel, et une anomalie plus ou

moins grave du caractère. Celte invalidité cérébrale augmente par

le fait des facteurs d'apaisement (puerpéralité, infections, intoxica-

tions, etc....) L'opinion soutenue par quelques-uns que le délire

sensoriel peut se développer à la suite d'intoxications sans invali-

dité cérébrale préexistante ne semble pas prouvée à l'auteur. Si

une intoxication peut dans un esprit robuste occasionner un trou-

ble mental de très courte durée, elle ne déterminera certainement

pas un véritable accès psychopathique comme on en voit chez les

prédisposés vésaniques. Le délire sensoriel ne résulte pas seule-

ment d'un désordre dans les représentations et mouvements,

mais comporte aussi d'autres symptômes. ,

La symptomatologie du délire sensoriel comporte un rétrécisse-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 389

ment et une obnubilation du champ de la conscience, en même

temps que l'explosion d'images, d'hallucinations, d'idées délirantes

qui malgré la confusion grave, laissent entrevoir, çà et là, une cer-

taine cohérence dans leurs associations réciproques, Ou dans leurs

connexions avec quelque acte ou quelque disposition quoique peu pré-

cise de l'esprit du malade. Les idées et les réactions dérivent du fonds

du caractère et en portentl'empreinte. Quelques-unes d'entre elles

sont comme lesmarques d'une nouvellepersonnalité rudimentaire,

toutefois et changeante, qui fait son apparition au milieu de la con-

fusion des phénomènes conscients. Ces faits sont mis en lumière

par les cas intermédiaires entre le délire sensoriel le plus chao-

tique, le plus asystématique et celui, dans lequel, par suite de

l'augmentation des conditions dégénératives, se rencontre un cer-

tain degré de systématisation dans les hallucinations et les idées

délirantes.

Bien qu'on puisse rencontrer dans le cadre du délire senso-

riel, les conditions essentielles des mélancolies ou manies (accé-

lération ou arrêt dans le cours des représentations...), il y a tou-

jours comme base fondamentale une altération de l'intelligence et

de toute la personnalité.

Dans le processus de dégénérescence mentale qui constitue la

paranoia chronique, on distingue deux facteurs psychologiques,

d'un côté l'obnubilation de la conscience et l'éclosion des idées

délirantes, de l'autre la plénitude de l'activité consciente, la sys-

tématisation délirante.

Le facteur, obnubilation de la conscience se complique dans

beaucoup de cas de phénomènes d'excitation, de dépression, de stu-

peur, d'impulsion etc... et n'est autre qu'un délire sensoriel ou

paranoia aiguë.

Entre le délire sensoriel vrai et la paranoia chronique, il y a une

multitude de formes dans lesquelles la personnalité morbide, plus

ou moins cohérente, se dessine dans un temps relativement court.

Dans ces formes, la modification de la personnalité se révèle au

début non seulement par un trouble de l'aperception, mais aussi

par un état émotionnel (peur) qui petit à petit envahit tout l'esprit

et que l'on retrouve en germe dans les vagues appréhensions de la

période prodomique de la paranoia chronique. C'est à ces formes

que doit s'appliquer exactement le nom de paranoia aiguë.

Malgré la grande variété de formes cliniques intermédiaires entre

le délire sensoriel et la paranoia chronique, elles ont des carac-

tères communs dans quelques points essentiels; ce sont des para-

noia. En général la paranoia est un processus de dégénérescence

mentale. Selon le fonds du caractère, elle prend des formes et des

allures diverses : dans quelques formes aiguës, on peut observer

une rémission, presque même une guérison sans déchéance no-

table. J. SÉGLAS.

390 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

LV. UN cas d'imbécillité associé A UN arrêt de développement D'UN

MEMBRE ; par ANGIOLELLA. (Il manicomio, fasc. 2, 3, 1892.)

L'auteur discute la question de savoir s'il y a entre l'imbécillité

et l'arrêt de développement un rapport de concomitance, à l'ar-

rêt de développement du cerveau en totalité s'étant associé un ar-

-rêtplus marqué dans une région limitée, ou un rapport, de causa-

lité, action sur toute l'écorce cérébrale d'une poliencéphalite de la

première enfance. Question presque insoluble dans le cas actuel par

suite du manque de précision des renseignements anamnestiques

et de l'absence de l'examen nécroscopique. J. Séglas.

LVI. Contribution A l'étude du délire chronique; par R. Fronda.

(Il manicomio, fasc. 2-3, 1892.)

L'auteur commence par rapporter sept observations dont voici

le résumé. I : Aucun fait héréditaire notable; début de la ma-

ladie à l'âge adulte; période d'inquiétude; période du délire de

persécution systématisé ; délire mixte de persécution et de gran-

deur ; affaiblissement mental; durée de huit ans environ. II : Hé-

rédité légère; excentricités, émotivité, idées fixes; début de la

maladie à l'âge adulte; période d'inquiétude ; délire de persécution

systématisé, idées de grandeur; désagrégation mentale; durée

cinq ans. III : Hérédité légère, début à l'âge adulte; longue

période d'incubation; délire de persécution systématisé de plus -

en plus actif; affaiblissement intellectuel; jamais d'idées de gran-

deur ; durée sept ans. IV : Hérédité inconnue; début il y a cinq

ans, à l'âge de trente-six ans; première période inconnue; délire

de persécution systématisé; depuis un an mélange d'idées de gran-

deur. - V : Hérédité inconnue, époque et mode de début incon-

nus ; délire intense de persécution systématisé auquel s'adjoignent t

par la suite quelques idées de grandeur et un certain degré d'affai-

blissement intellectuel. VI : Hérédité légère, début de la maladie

à l'âge adulte, il y a quatre ans ; période d'incubation assez longue;

période de persécution; période de grandeur; confusion mentale.

VII : pas d'hérédité ; développement de la maladie à l'âge

adulte (novembre 1885), période d'incubation ; période de gran-

deur suivie par une longue période de rémission, réelle ou appa-

rente ; période de persécution; mélange d'idées de grandeur; dé-

mence consécutive.

De ces observations, l'auteur tire les conclusions suivantes :

I. La forme du délire chronique décrit par M. Magnan existe

bien cliniquement. - II. On rencontre presque toujours comme

facteur étiologique une légère hérédité, qui peut aussi d'ailleurs

faire totalement défaut. - III. L'évolution du délire chronique

n'est pas constamment identique ; mais, outre qu'il y a des cas

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 391

dans lesquels manque une des périodes, spécialement celle de

grandeur (obs. III), quelquefois cette dernière précède celle de

persécution (obs. IV). -1V. La note prédominante de cette tourne,

laissant de coté le mode de début et la période terminale, est le délire

de persécution, qui même dans la phase des idées de grandeur, ne

leur cède pas totalement la place, mais encore prédomine le plus

souvent. V. Etant donné certains des caractères essentiels du

délire chronique, il n'est pas difficile de le différencier du délire

des dégénérés héréditaires. VI. Ce diagnostic différentiel est

pratiquement utile, au moins pour le pronostic à faire dans chaque

cas.

Comme on le voit, l'auteur en est resté aux premières idées de

M. Gérente et ne s'est pas assimilé parfaitement les doctrines suc-

cessives plus récentes de M. Magnan sur le délire chronique; bien

qu'il trouve que ce ne soit pas difficile de le différencier du délire

des dégénérés héréditaires, il nous parait parfaitement, à en juger

par ses observations, l'avoir confondu avec lui. Pour notre part

nous n'y voyons pas théoriquement un grave inconvénient; mais

les défenseurs du délire chrunique seront sans doute plus difficiles,

ou les temps seraient bien changés. J. SÉGLAS.

I.VII. L'EXCES PSYCHOLOGIQUE DES PRISONNIERS ; par le Dr J. M01\EL

(de Gand). (The Journal of Mental Science, janvier 1893.)

Tous ceux qui sont au courant de l'administration intérieure des

prisons savent que les actes d'insubordination sont presque toujours

commis par les mêmes prisonniers : les rapports adressés à l'ad-

ministration centrale en font foi. Ces rapports ont attiré l'attention

du ministre de la justice en Belgique, qui a voulu savoir si la répé-

tition de ces actes d'indiscipline ne pouvait pas, dans un certain

nombre de cas, être attribuée à un trouble mental, et qui a pres-

crit une enquête médico-psychologique dans une des prisons de

Belgique. Cette enquête a démontré que sur quatorze prisonniers

qui, dans cet établissement, paraissaient absolument réfractaires

à toute obéissance aux règlements, il y en a avait huit qui présen-

taient des symptômes d'aliénalion mentale tels que leur interne-

ment immédiat dans un asile s'imposait d'une manière évidente.

En présence de ce résultat, le ministre n'hésita pas à créer,

spécialement pour les prisons, un service de médecine mentale.

L'auteur pense évidemment avec raison, que les faits cons-

tatés en Belgique pourraient l'être également dans les autres pays

si l'on prenait la peine de les rechercher, et que toutes les prisons

renferment une certaine proportion d'aliénés. Il va plus loin, et se

demande si ce genre d'enquête ne. devrait pas être étendu et appli-

qué à tous les récidivistes, ainsi qu'aux grands criminels : on

pourrait ainsi reconnaître et classer les défectuosités psychiques

392 ) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

des divers délinquants, et faire en outre, dans les prisons le triage

des simples indisciplinés, des simulateurs, et des aliénés véritables;

ces renseignements seraient très utiles au personnel de la prison

au point de vue de l'administrationintérieure de l'établissement, et

de la nature des mesures, disciplinaires ou autres, à prendre à

.l'égard des divers prisonniers. De plus, en ce qui touche les réci-

divistes, les notes ainsi recueillies et jointes au casier judiciaire des

inculpés éclaireraient singulièrement les magistrats appelés à ins-

truire l'affaire ou à juger l'accusé.

L'auteur a eu l'occasion du le,' juin 1891 au 30 mai 1892, d'exa-

miner un grand nombre de prisonniers, et il résume de la façon

suivante les conclusions qui lui ont été dictées par l'observation

des faits. Toutes les grandes prisons devraient posséder une salle

spéciale, réservée aux criminels devenus aliénés pendant leur dé-

tention, et paraissant susceptibles de guérison : les asiles spéciaux

d'aliénés criminels ne recevraient que les malades dont l'incura-

bilité serait plus ou moins établie. La création dans les prisons

d'une salle spéciale pour les aliénés exigerait naturellement un

personnel ad hoc. Tous les prisonniers appartenant à la catégo-

rie mentale des imbéciles devraient être l'objet de soins particuliers

tant au point de vue physique qu'au point de vue mental; leur peine

en outre, ne devrait jamais être abrégée, car ce sont eux qui four-

nissent le plus fort contingent de récidivistes.

Dans les asiles, il y a de nombreux malades (les dégénérés atteints

de folie morale et les faibles d'esprit par exemple) qui ne sont

autre chose que des criminels éventuels. On les traite, cependant,

et on les met en état de jouir, sans inconvénient pour personne,

d'une assez grande liberté. Pourquoi ne pourrait-on pas espérer et

obtenir le même succès, chez certains prisonniers qui ne sont eux

aussi, que des faibles d'esprit ou des dégénérés. C'est le tort de

l'école de Lombroso de ne voir dans le criminel qu'une modalité

anatomo-physiologique, et, par là, de méconnaître ce que l'on peut

faire pour le moraliser pendant sa détention, et surtout pour le

protéger contre les autres et contre lui-même, lorsque, sa peine

subie, il rentre dans la société. R. DE nIUSGRAVE-CL.1Y.

LVIII. Remarques sur l'influence DE la désinfection intestinale

, sur QUELQUES formes DE folie aiguë; par John MACPHERSON.

(The Journal of Mental Science, janvier 1893.)

L'auteur résume dans les termes suivants les résultats de ses

essais et de ses observations sur la naphtaline : j

1° La naphthaline s'est montrée fidèle et inoffensive dans tous

le-- cas où elle a été employée ; une dose de 8 à 9 grammes a pu

êlie administrée à un malade dans l'espace de douze heures.

2° Le médicament a échoué dans un certain nombre de cas,

REVUE DE pathologie mentale. 393

mais à l'heure actuelle, l'auteur attribue ces échecs, ou du moins

quelques-uns d'entre eux, à l'insuffisance des doses prescrites.

3° L'action du médicament sur l'état général somatique a con-

sisté dans le relèvement de la nutrition et la production du som-

meil normal.

4° Sur l'état mental, le médicament a agi en modifiant et en

atténuant les symptômes pénibles ou violents et en hâtant le

retour à un état analogue à un commencement de convalescence.

5° Les troubles cérébraux d'ordre purement psychique n'ont été

aucunement modifiés. R. AI.-C.

LIX. Du la sensation DE PRESSION sur la tète ET DE LOURDEUR DE la

tète; CAREBARIA, pesanteur DE tète, KOPFDRUCK; par HARRY

CAMPBELL. (The Journal of Mental Science, janvier 1893.)

On sait avec quel luxe d'expressions les malades s'attachent à

décrire les sensations pénibles qu'ils éprouvent du côté de la tête.

M. Campbell les rattache à trois groupes principaux : 1° sensations

de pression sur la tête; 2° sensations de pesanteur de la tête;

3° sensations plus vagues, mais analogues, et participant probable-

ment des deux premières variétés. A ces trois groupes, il faut

ajouter certaines sensations de pesanteur ayant pour siège les

yeux ou les paupières.

Après avoir décrit les diverses variétés et les localisations parti-

culières de ces sensations, et avoir rappelé qu'elles ne s'accom-

pagnent ordinairement pas de phénomènes douloureux propre-

ment dits, l'auteur remonte à leurs causes : la plus commune, et

de beaucoup, c'est la neurasthénie; mais il y en a quelques autres,

qu'il convient de 1 rechercher en pareil cas, par exemple le catarrhe

des sinus frontaux, certaines affections oculaires et plus spécia-

lement les anomalies de la réfraction; les maladies des oreilles, et

peut-être la syphilis.

La position du malade a quelquefois une influence assez marquée

sur l'apparition ou la disparition de ces sensations, que quelques

auteurs ont placées sous la dépendance du sens musculaire. Leur

persistance quand la tête est soutenue (quand le malade est cou-

ché par exemple), semblerait indiquer que cette hypothèse n'est

pas exacte; mais il faut faire ici une réserve, car nous ne savons

pas si le sens musculaire n'est pas lui-même indépendant de

l'action musculaire. R. M.-C.

LX. Observations DE chorée héréditaire (maladie de Huntizzgtolz);

par \ ? h. MENZIES. (The Journal of Mental Science, octobre 1892

et janvier 1893.) .

Les travaux qui ont été consacrés à la maladie de Huntington

montrent que cette affection est loin d'être aussi rare que l'avaient

394 SOCIÉTÉS savantes.

pensé les premiers observateurs : si elle n'est pas, à proprement

parler, endémique, elle se rencontre, tout au moins dans certaines

régions, avec une fréquence toute particulière, et le vulgaire la

connaît si bien dans ses symptômes et dans sa marche constam-

ment fatale, que les membres des familles atteintes doivent le plus

souvent- renoncer au mariage. - lI. Menzies a pu observer deux

de ces familles, dont il annexe à son mémoire l'arbre généalo-

gique. 11 décrit avec soin et dans des relations détaillées, impos-

sibles à reproduire ou à analyser ici, les symptômes observés chez

les divers membres de ces deux familles. Les pi incipales remarques

qui lui ont été suggérées par cette étude peuvent se résumer de la

façon suivante : la chorée de Huntington paraît être une des mala-

dies les plus héréditaires que l'on connaisse ; elle paraît frapper les

hommes plus fréquemment que les femmes; aucune diathèse n'a

été constatée dans les deux familles observées, pas même le rhu-

matisme ; les symptômes cliniques sont tellement identiques à

ceux de la choree rhumatismale que, quelle que soit la nature de

la lésion, on est amené à lui attribuer le même siège; les types

cliniques varient suivant les familles observées; la question de

savoir si les secousses choréiques peisistent durant le sommeil

dépend beaucoup de la période de la maladie sur laquelle porte

l'observation.

En somme, voici les principaux éléments de la maladie : tout

d'abord, il n'y a que des secousses accompagnant un état émotif;

puis le malade passe à la manie ou il la mélancolie; ensuite se pro-

duisent des altérations descendantes sous l'influence desquelles on

voit apparaître l'exagération du réflexe rotulien et l'affaiblisse-

ment musculaire généralisé; puis la sclérose générale aboutit géné-

ralement àla démence vraie, et le malade meurt, le plus souvent,

d'une affection intercurrente à laquelle l'a singulièrement prédis-

posé son état de paralysie : la plus commune de ces maladies ter-

minales est la tuberculose.

On trouve à la fin de ce mémoire une bonne bibliographie du

sujets R. 11.-C.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCIIOLOGIQUE.

Séance du 27 février 1893. Présidence de M. Christian.

M. le Président annonce la mort de M. le professeur Ball et

celle du Dr Picnox. Il donne lecture du discours qu'il a prononcé

SOCIÉTÉS savantes. 39o

aux obsèques de M. Pichon. M. Vallon au nom de l'Association

des internes et anciens internes des asiles de la Seine, dont il est

le vice-président, a, aussi, dit un dernier adieu à son ancien maître

et ami. Suivant le désir exprimé par M. Bail, aucun discours n'a

été prononcé sur sa tombe. Le président rappelle en quelques

mots la vie du'professeur Ball et lève ensuite la séance en signe de

deuil.

Séance du 27 mars 1893. Présidence de M. ClILiISTI1N.

Buste de l3aillcwge·. - M. Blanche, au nom de la Commission,

demande l'avis. de la société sur le choix de l'emplacement où

sera installé le buste de Baillarger. Il est décidé que la Commission

se transportera à la Salpêtrière pour examiner sur place s'il ne

serait pas possible de l'ériger provisoirement sous le péristyle de la

chapelle, en attendant qu'il figure dans l'allée des bustes projetée.

Délire des persécutions. Variété psycho-motrice. Démonopathie.

Systématisation d'emblée et dédoublement de la personnalité . Hallu-

cinations motrices et hallucinations psycho-motrices du langage. Ten-

tative de suicide. -- M. J. Voisin communique l'observation d'une

femme dont le délire s'est systématisé très rapidement. Elle se croit

possédée du démon, ce qui constitue une forme rare de nos jours.

Les malades accusent plus généralement la police, l'électricité, les

jésuites, le téléphone, le magnétisme, l'hypnotisme, etc. L'affection

a débuté sans prodromes prémonitoires. Du jour au lendemain sa

personnalité s'est dédoublée. Depuis deux ans il ne s'est produit

aucun changement dans son état. Cette jeune femme n'a pourtant

que vingt-cinq ans. Son hérédité il est vrai est très chargée.

L'élément moteur joue chez elle le rôle principal. C'est lorsque

le mouvement est accompli qu'elle en déduit des conséquences.

Son délire est bien différent du délire de Lasègue ou du délire

chronique de Magnan. Il diffère aussi du délire des dégénérés de

ce même auteur, aussi bien que du délire des persécutés-persécu-

teurs de Falret malgré l'absence d'hallucinations de l'ouïe. La ma-

lade n'a que des hallucinations psycho-motrices du langage.

Elle a tenté de se suicider pour se soustraire à la puissance do-

minatrice qui la possède.

M. SÉGLAS. M. Régis a rapporté une observation semblable

sous le nom de délire systématisé religieux.

M. DupAlK a observé à l'asile de Bailleul une malade se rappro-

chant beaucoup de celle de M. Voisin qu'il considère comme une

dégénérée. Son délire n'est qu'un des syndromes épisodiques

décrits par Magnan. On trouve encore assez souvent dans les asiles

de province des malades atteints de possession démoniaque.

M. l' ALRET. - La malade diffère surtout des persécutés ordi-

396 sociétés savantes.

naires par l'invasion rapide du délire et sa systématisation d'em-

blée. Ces cas ne sont pas communs.

Des antécédents syphilitiques dans la paralysie générale. M. LE-

FIr.InTaE donne lecture d'un travail statistique d'où il résulte que

sur 40 paralytiques qu'il a examinés, 21 auraient eu la syphilis de

dix à trente ans avant leur entrée à l'asile.

M. Charpentier fait remarquer que, dans les autopsies de para-

lytiques généraux, on ne rencontre que très accidentellement les

lésions osseuses si communes dans la syphilis; on fait entrer dans

la syphilis beaucoup de cas qui ne devraient pas y figurer. Tous les

gens qui prennent du mercure ou qui ont des chancres ou des rou-

geurs sur le corps ne sont pas des syphilitiques, même si vers la

quarantaine ils perdent leurs cheveux.

M. A. Voisin considère aussi la syphilis comme une cause peu

fréquente de paralysie générale. (Voir l'opinion de Jacobson, p. 385.)

M. Vallon. Si la syphilis joue un rôle dans l'étiologie de la

paralysie générale, ce rôle n'est que très secondaire. Il ne vient en

ligne qu'après l'alcoolisme, le principal facteur de la maladie.

M. Roubinovitch. Je rappellerai à l'occasion de la communication

de M. Lefiliâtre le travail de M. Liondimov paru dernièrement dans

le Messager de Psychiatrie, de Saint-Pétersbourg. L'auteur s'est atta-

ché à étudier l'état des fibres d'associalion dans l'écorce cérébrale

des paralytiques généraux, et au cours de son travail il a cherché

à établir d'une façon aussi précise que possible et avec toute l'im-

partialité nécessaire, l'étiologie de l'encéphalite interstitielle dif-

fuse. Dans les recherches de cet ordre, ce n'est pas le nombre d'ob-

servations qui importe, mais surtout, je crois, la qualité, la richesse

en détails importants de chacune d'elles. Aussi est-on frappé de

constater que sur toutes les observations de M. Lionbimov, au

nombre de douze, il n'en existe aucune avec une seule et unique

cause dans les antécédents. Ainsi, l'alcoolisme a été retrouvé sept

fois, mais jamais seul et toujours associé ou à la syphilis ou à l'hé-

rédité, ou à un traumatisme crânien. De même, dans cinq obser-

vations, on voit mentionner la syphilis, mais également jamais

seule et combinée tantôt au surmenage intellectuel, aux excès

vénériens, à l'alcoolisme, tantôt à plusieurs de ces facteurs réunis.

11 résulterait de ces recherches que ni la syphilis seule, ni l'alcoo-

lisme seul, ni l'hérédité seule ne peuvent déterminer la para-

lysie générale, qu'aux maladies aussi complexes que cette dernière

il faut des causes complexes et que la recherche d'une cause

unique de la paralysie générale sera probablement en palhologie

m entale un pioblème semblable à celui de la pierre philosophale e

de la quadrature du cercle. carcel Briand.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 397

CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE

DE LAPROVINCE DU RHIN

QUARANTE-NEUVIÈME SESSION

Séance du 6 juillet 1892. Présidence de M. Pelmin.

Cette séance est une séance anniversaire de la vingt-cinquième

année d'existence de la Société.

M. OEbeke fait à ce propos une communication sur la vie, les tra-

vaux et les membres de la Société durant ces vingt-cinq années, à

partir du jour de sa fondation. -- C'est le 18 juin 1867 que se sont

réunis les aliénistes de la province du Rhin à Prolandseck pour,

sur la motion de M. RICH.1RZ, fonder la Société psychiatrique en

question. A cette première séance assistaient MM. Besser, Brosuis.

Dichl, Festh, Focke, Hertz, Hoestemann, Meyer aîné,Neisse, OEbeke,

Obermer, Pelman, Peters, Roechling, Sewaes, Wahl, Wiebecke.

Actuellement la Société compte 73 membres. L'ensemble des com-

munications qui y ont été faites portent sur toutes les questions

scientifiques et pratiques de la psychiatrie.

A l'époque où la Société se fondait il n'y avait dans la province

du Rhin qu'un seul asile public de traitement ; les autres établis-

sement étaient ou des hospices ressortissant à l'assistance non de

toute la province mais de quelques districts, ou des asiles privés.

Les temps sont changés. Aujourd'hui, au lieu de l'asile de Siagburg,

la province compte cinq grands asiles publics d'aliénés ; les 230 lits

dont nous pouvions disposer pour assister nos malades se sont

presque décluplés si bien que les indigents bénéficient de 2,400 lits

et sont soignés non plus comme jadis par les 3 à 5 médecins de

Siegburg mais par 21 à 23 aliénistes.

M. PELMAN. Du développement de la psychiatrie au cours des vingt-

cinq dernières années. Parallèlemen l à l'expansion des méthodes

positives et libérales de l'assistance en général, de la médecine et

de la chirurgie courantes, l'assistance des aliénés et les principes

scientifiques en matière de psychopathologie ont fait des progrès

étonnants.

Les jalons plantés dans cette voie fructueuse sont représentés par

les livres de Griesinger (1845), Schuele, Krafft Ebing, Kropelin,

Kischlolf, les découvertes de Heitzig et Fritsch (les crises internes

cérébrales), Morel (la dégénérescence), Fechner (la psychophy-

sique). Mais il est bon de remarquer que- les enseignements restent

398 SOCIÉTÉS SAVANTES.

limités pendant longtemps à l'asile et que Griesinger lui-même

était un professeur de pathologie interne, il en était de même pour

les cliniciens Nasse et Wachssnuth, car ce n'est qu'en 1866, que

Ludwig Meyer est nommé à Goettingue à la première chaire de

pathologie mentale.

En réalité il n'y a plus maintenant de différences entre un psy-

chiatre et un médecin ordinaire. Tous deux cultivent par les mêmes

méthodes de science positive la pathologie une et indivisible.

(Allg. Zeilschrift. f. Psychiat., XLIX, 3.) P. KERAVAL.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN.

Séance du 15 juin 1892. - Présidence de 11. ZIXN, aîné.

M. Zirrrr explique què l'état de santé de M. Loehr aîné a engagé

le bureau à remettre à la prochaine séance la fête du jubilé de la

vingt-cinquième année d'existence de la Société.

M. Kronthal. De l'hétérotopie de la substance grise de la moelle de

l'homme. - L'orateur présente une série de préparations emprun-

tées à divers individus. Rapprochant ces constatations des obser-

vations publiées par d'autres savants, il pense que ces anomalies

prédisposent au plus haut degré à la genèse d'affections spinales.

De plus, pour lui, ces hétérotopies sont loin d'être aussi rares qu'on

l'a dit, mais elles échappent à la recherche à cause du mode habi-

tuel d'examen de la moelle.

Discussion : M. Cramer présente des coupes de bulbe empruntées à

un idiot, dans lesquelles, le noyau arciforme occupe le plan corres-

pondant au bord médian et inférieur des pyramides. Intégrité de

l'insula gauche. Quelques autres arrêts de développement peu mar-

qués d'ailleurs.

M. Weber. Présentation d'un encéphale d'un enfant avec lésions

por encéphaliques symétriques dans les hémisphères cérébraux.

Sera publié in extenso.

M. f3orur;. Expérimentation à Dtlldo2,f de l'assistance familiale des

aliénés. Sera publié in extenso.

A ce propos M. Mali insiste sur les qualités que l'on doit cher-

cher en pareil cas dans la population qui consent à recevoir les

aliénés. Ce sont : l'intelligence, l'initiative, la sociabilité au point

de vue des rapports à entretenir entre les nourriciers et les gens

des environs et le médecin de l'établissement. Il est notamment

SOCIÉTÉS SAVANTES. 399

très important que les gens qui reçoivent les aliénés (nourriciers et

habitants) se laissent guider par le médecin et comprennent les

indications qu'on leur donne pour la conduite des malades. C'est

le seul moyen d'éviter des incidents ou des accidents.

Cette assistance sous la surveillance médicale peut décharger

d'autant l'asile; sans compter qu'on peut arriver par ce mode de

traitement à consolider certaines améliorations. De là à rendre

aux aliénés la liberté et leur permettre en leur donnant une cer-

taine somme d'argent, ou en leur payant une petite pension, de

reprendre l'existence ordinaire, il n'y a souvent qu'un pas.

M. Zm aîné. Nos collègues de Dalldo,-f ont fait oeuvre pie en

essayant dans les environs de Berlin l'assistance familiale. Cette

tentative doit être imitée. Ce mode de traitement est le complé-

ment naturel de l'assistance publique à la condition que le médecin

aliéniste surveille assidûment nourriciers et pensionnaires et qu'ils

puissent, en guidant les bonnes volontés, faire réintégrer l'asile

aux aliénés dès qu'il le juge convenable. (Allg. Zeitsch. f. Psych.,

XLIX, 3.) . P. KERAVAL.

NÉCROLOGIE

BENJAMIN BALL

M. le professeur BALL est mort, le jeudi 23 février, des suites de

la longue et douloureuse maladie qui le tenait éloigné de son

enseignement depuis plus d'une année. Il Ball (Benjamin) est né à

Naples, le 20 avril 1833. 11 a fait ses études médicales à la Faculté

de Pari=, a été nommé interne des hôpitaux en 1835 et reçu doc-

teur en médecine en 1862. Sa thèse avait pour titre : Des embolies

pulmonaires. Il a été nommé médecin des hôpitaux le 12 août 1870,

agrégé de la Faculté en 1866 (Du rhumatisme viscéral), et membre

de l'Académie de médecine en 1883.

Après avoir fait, pendant deux ans (1875-1876), le cours complé-

mentaire de maladies mentales, il fut nommé, le 18 avril 1877, à

la chaire de pathologie mentale et des maladies de l'encéphale,

(lui venait d'être créée à la faculté de médecine de Paris. Le titre

donné à cette chaire était ambigu, puisqu'elle comprenait, d'une

part, les maladies mentales et, en même temps, non pas les ma-

ladies nerveuses mais les maladies de l'encéphale.

Il chercha alors à obtenir le Bureau d'admission de l'Asile

400 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Sainte-Anne. La raison finit par l'emporter et M. Ball prit posses-

sion d'une partie des deux bâtiments nouveaux qui venaient d'être

érigés dans cet établissement. Ce fut seulement le 16 novembre 1879

que M. Ball fit sa première leçon ', c'est-à-dire plus de deux ans et

demi après sa nomination.

M. Ball était un conférencier très agréable ; il avait l'élocution

facile et élégante. C'était également un écrivain de talent. Malheu-

reusement, ainsi que nous l'avons fait remarquer autrefois, il avait

gardé le souvenir des difficultés qu'il avait créées lui-même pour

arriver à prendre possession de sa chaire et, dans son enseigne-

ment, contrairement à l'obligation qu'a tout auteur ou professeur

« de tenir compte - c'est lui-même qui parle - des progrès inces-

sants de la science », il évitait de citer les travaux de ceux qui

avaient protesté contre ses prétentions ou qui n'avaient pas craint

de dire toute la vérité. Tel n'est pas, à notre avis, le devoir d'un

' Voir Progrès médical, 1879, p. 220. '

" Benjamin Ball.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 401

homme qui a l'honneur de professer dans une chaire de la Faculté

de Médecine de Paris. Ces vérités, nous les avons dites du vivant

de M. Bail ; nous avons cru utile de les rappeler. Puissent-elles

servir d'enseignement !

Voici la liste des principaux travaux de M. le professeur Ball :

Leçons sur les maladies mentales, 1883; 2e édition en 1890; La

morphinomanie, 1888; La Folie protéique, 1887; - La claustro-

phobie (Annales médico-psychologiques, 1879); La médecine men-

tale à travers les siècles, 1879 ; - Ischémie cérébrale fonctionnelle

(Encéphale. 25 mars 1881) ; Impulsions intellectuelles (Ibid.); -

Phtisie et folie (Ibid., 25 juin 1881); - Torpeur cérébrale (Ibid.,

25 septembre 1881); La stigmatisée de S... (Ibid.) ; L'insanité

dans la paralysie agitante (Congrès de Londres, 1881 (en anglais) et

Ibid., 1882); Le crétin des Batignolles (Ibid., 1883); La folie

du doute (Ibid., 1882); - La dipsomanie (Ibid., 1882) ; - Halluci-

nations de l'ouïe consécutives à une inflammation de l'oreille

moyenne (Ibid., 1882); L'aliéné devant la Société (Ibid., 1881);

Les frontières de la folie (Ibid., 1883) ; Les familles des aliénés

(Ibid., 1883); - La folie gémellaire (Ibid., 1884); La folie à deux

(Ibid., 1884); - Epilepsie avec conscience (Ibid., 1884) ; - La folie

consécutive au choléra (Ibid., 1885); La responsabilité partielle des

aliénés (Bulletin de l'Académie de médecine, 1886, et Encéphale);

Polie de la puberté ou hébéphrénie (Encéphale, 1884); Hérédité

dans la paralysie générale (Congrès de Copenhague, 1884) ; -- Ar-

ticles publiés dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médi-

cales : Délire (en collaboration avec M. RITTI); Délire aigu, Démence,

Delirium tremens, Dlélanémie, Somnambulisme, Délire des persécu-

tions (en collaboration avec M. CHAMBARD); Leçons professées à la

Clinique des maladies mentales; Erythème symptomatique des tu-

meurs cérébrales (Encéphale, 1881); - Mal perforant du pied dans

l'ataxie locomotrice (Congrès de Londres, 1881; en anglais); - Tu-

meurs et abcès du cerveau, en collaboration avec le Dr KRISIIABE]T

(llict. encyc. des se. méd..) ; Argent, emploi médical, avec M. le

professeur Ga,RCOT (ibis,) ; Maladie bronzée (Ibid.) ; Maladies

de l'aorte (Ibid.) ; Sclérodermie (Ibid.) ; Angor pectoris (Bulletin

de la Société médicale des Hôpitaux, 1887); Considérations sur le

traitement de la morphinomanie, en collaboration avec 0. J\11NGS

(Bulletin de l'Acad. de méd., 1887) ; Des arthropathies liées à

l'ataxie locomotrice progressive (1868- 1869) 1 ; - De la législation

comparée sur le placement des aliénés dans les établissements publics

et privés (avec M. Rouillard), 1889; - De 1882 à 1889, AI. Ball a

' Ce travail a été fait en partie avec des observations recueillies par

nous, à la Saipêtrièie, dans le service de notre maître commun,

SI. Charcot.

Archives, XXV. 26

402 BIBLIOGRAPHIE.

publié (avec M. Luys) un recueil intitulé {'Encéphale, etc. Il a

également fait paraître les Leçons de M. Charcot sur les maladies

des vieillards (1866). B.

BIBLIOGRAPHIE

X. Leçons cliniques sur les maladies mentales; par le Dr Magnan

Les leçons cliniques sur l'épilepsie, sur la dipsomanie, sur la folie

des héréditaires dégénérés, sur le délire chronique, sur la folie in-

termiltente, contenues dans cette seconde édition, sont trop con-

nues pour qu'il soit nécessaire d'y revenir : elles constituent, à

l'heure actuelle, la base de l'enseignement classique de l'aliénation

mentale en France.

Dans un nouveau chapitre, M. Magnan, avec l'autorité qui carac-

térise sa méthode d'analyse rigoureuse et essentiellement clinique,

présente l'histoire de la manie et des états maniaques dans les di-

verses formes mentales.

Tout le monde est d'accord pour admettre une manie type,

franche, essentielle, véritable entité morbide et clinique, la manie

simple. Ce qui domine dans la manie, c'est une suractivité céré-

brale extrême, c'est l'exaltation de tous les centres corticaux, y

compris ceux de la zone psycho-molrice. Toutes les portes sont ou-

vertes pour projeter au dehors les images, les souvenirs, les mou-

vements, qu'ils répondent à des appétits ou à des sentiments;

qu'ils soient les manifestations des idées ou le résultat d'un besoin

purement automatique. Tout au dehors : telle est la formule du

maniaque. L'évolution de la maladie présente trois stades succes-

sifs : 10 le début est parfois brusque et consécutif à une vive émo-

tion, mais le plus souvent il existe une période prémonitoire très

tranchée, indiquant nettement que l'on a affaire à une maladie

somatique et non pas seulement à un simple trouble des idées :

lassitude, impuissance, abattement, céphalée, insomnie, troubles

digestifs. Peu à peu, la dépression disparaît et l'excitation intellec-

tuelle s'accroit; le malade, sans cesse en mouvement, se montre

loquace, exubérant, l'exaltation augmente de proche en proche et

l'accès éclate; 2° au moment où l'accès éclate, tout malaise dispa-

raît, l'appétit renaît..

Les facultés intellectuelles productives, la mémoire, l'association

des idées, l'imagination sont démesurément surexcitées aux dépens

des facultés de jugement et de réflexion; les pensées sont enchai-

BIBLIOGRAPHIE. 403

nées naturellement, logiquement, bien qu'énoncées avec une exal-

tation et une volubilité maladives. Ce travail de la pensée, caracté-

risé par des associations extrêmement rapides des idées est, sui-

vant le degré d'excitation intellectuelle, parfois plus rapide que sa

manifestation extérieure, d'où l'incohérence du maniaque, incohé-

rence qui n'a rien d'absolu et n'est qu'apparente.

L'aspect et les allures du maniaque sont en rapport avec l'exci-

tation intellectuelle : loquacité intarissable; regard brillant; mou-

vements brusques, désordonnés, incessants; la force musculaire

parait accrue : en tout cas, jamais la fatigue n'apparaît. Les hallu-

cinations de la vue sont fréquentes. La sensibilité générale est altérée.

La fonction génitale est exagérée.

Malgré la suractivité de toutes les fonctions, il n'y a jamais de

fièvre, à moins de complication organique. L'état de fureur

maniaque, signalé parles auteurs comme phénomène paroxystique,

paraît être directement en rapport avec le traitement, car M. Ma-

gnan n'en observe jamais dans son service où les moyens de con-

tention sont radicalement supprimés.

3° Le stade de déclin s'annonce par l'apparition d'intervalles

lucides qui deviennent de plus en plus fréquents et de plus en plus

prolongés.

Outre la guérison, qui est très fréquente, la manie peut passer à

l'état chronique qui se termine par la démence. Rarement elle se

termine par la mort : celle-ci est due toujours à une complication,

soit affection organique quelconque, soit délire aigu, chez les

malades profondément débilités.

Telle est la manie dans sa simplicité clinique. Or, les vrais ma-

niaques sont assez rares. Il est bien plus fréquent d'observer des

malades ayant tout l'extérieur des maniaques, chez lesquels la

manie n'est que l'indice révélateur d'un autre désordre intellec-

tuel, le signe extérieur par lequel ce trouble se manifeste : c'est à

ces états qu'il faut attacher la dénomination d'état maniaque : ces

manies secondaires sont à la manie franche aiguë ce que sont les

états symptomaliques aux états idiopathiques.

Les états maniaques, dont le tableau rappelle de plus ou moins

loin celui de la manie vraie, sont très communs au cours de l'alié-

nation mentale. Le paralytique général s'agite souvent au point de

ressembler à s'y méprendre à un maniaque; les malades à lésions

circonscrites offrent aussi le même aspect. D'autre part, l'alcoolique,

l'épileptique, l'hystérique, le dégénéré, l'intermittent se révèlent

parfois sous les dehors de la manie. Le diagnostic est souvent diffi-

cile, en particulier chez les dégénérés : chez ces derniers, toutefois,

au milieu de l'accès maniaque, on voit poindre des idées hypochon-

driaques, mystiques, ambitieuses qui ne font pas partie du cortège

habituel des symptômes de la manie franche, laquelle est constituée

essentiellement par un chaos des idées et des actes, sans dérange-

404 BIBLIOGRAPHIE.

ment intellectuel proprement dit. L'accès maniaque qui éclate chez

un épileptique est extrêmement violent, dure peu et est toujours

suivi d'une amnésie complète : il se produit une attaque ou un ver-

tige qui sont suivis d'un accès délirant inconscient. Dans l'alcoolisme

où l'aspect maniaque se rencontre communément, il existe cepen-

dant des caractères si tranchés que la confusion avec la manie vraie

n'est guère possible. La manie aiguë franche guérit d'elle-même

après une évolution régulière.

Le point capital du traitement de la manie réside dans la suppres-

sion absolue de la camisole de force et de tout autre moyen de

contention : c'est là la véritable prophylaxie à opposer aux compli-

cations de cette maladie. On peut presque dire que tout maniaque

fébricitant qne l'on camisole est un homme mort.

Le traitement consistera ensuite dans l'administration simul-

tanée de bains tièdes prolongés, de bromure de potassium, associé

ou non au chloral. Un traitement qui donne parfois de bons

effets est l'administration du laudanum à doses progressives, de

quinze gouttes, en augmentant chaque jour d'une goutte, jusqu'à

5 et même 10 grammes par jour ; le chlorhydrate d'hyoscine, en

injection sous-cutanée à la dose d'un demi à un milligramme, peut

rendre des services pour calmer l'agitation.

Enfin, il faut surveiller l'état général et par suite l'alimentation

du malade. E. BLIN.

ll. La thérapeutique suggestive et ses applications; par le

Dr CUALLERRE; 1 vol. de la Bibl. scientif. contemp. J.-B. Baillière.

Paris, 1893.

Nous ne dirons que quelques mots de cet ouvrage qui vient

grossir la liste de ceux que la manie hypnotique a fait naître de-

puis quelques années. Le principal mérite de ce nouveau livre est,

outre sa clarté, son impartialité. Il se borne le plus souvent d'ail-

leurs à enregistrer les faits sans en faire la critique. Il y a une

chose cependant sur laquelle il serait bon d'insister et qu'on né-

glige presque totalement, c'est que la suggestion hypnotique ou

non n'est pas un moyen de traitement d'une maladie, mais ne peut

guère servir qu'à combattre un symptôme. Cette considération ré-

duit singulièrement le rôle de la suggestion en thérapeutique, et

le ramène à celui de beaucoup de médicaments qui dans la méde-

cine ordinaire amènent momentanément une accalmie, mais n'em-

pêche en aucune façon la maladie d'évoluer. Et si, comme nous le

croyons, la suggestion, dirigée un peu à la légère, comme le font

forcément ceux qui s'en servent sans données psychologiques dif-

férentes et sans s'inquiéter de l'état mental provoquant la sugges-

tibilité, peut aggraver cet état mental tout en semblant modifier

avantageusement telle ou telle de ses manitestations, on voit qu'elle

BIBLIOGRAPHIE. 405

a plus d'inconvénients que d'avantages et qu'il peut être dangereux

de laisser croire, même aux médecins, que sa pratique peut être

courante et facile. p, S,

XII. L'inversion sensuelle; par le DrJ. Chevalier. Préface du D1' L ?

CASSAGNE, Storck et Masson. Paris, 1 vol. de la Bibliothèque scion-

tifi'1llC judicÍllil'c, 1893.

Ce livre qui met au point la question des anomalies, perversions

et aberrations sexuelles, ne se contente pas de l'exposer clinique-

mont. Le problème anthropologique et l'étude médico-légale y sont

bien approfondis. L'ouvrage est divisé en cinq parties. La pre-

mière traite de l'instinct sexuel en tant qu'effet et fonction régu-

lière de la sensualité. Cet examen permet de mieux comprendre

l'inversion et d'indiquer sa place au milieu des autres anomalies

génésiques. La seconde énumère les faits historiques et passe en

revue les divers travaux des savants et des médecins sur cette ques-

tion. L'auteur traite successivement l'inversion dans l'histoire,

d'une manière fort intéressante, puis l'inversion dans la science,

où apparaissent toutes les phases par lesquelles a passé ce pro -

blême, enfin l'inversion dans la littérature, où il a su ne pas tom-

ber dans des considérations extra-scientifiques auxquelles ce sujet

aurait pu le mener.

La troisième partie, la plus étendue, décrit et développe les

diverses formes de l'inversion considérées dans leurs causes directes,

leurs manifestations symptomatiques, leur nature et leurs carac-

tères. On passe successivement en revue lns dépravés, les malformés,

les aliénés, les dégénérés. C'est le côté social psychologique et,

pour tout dire, la partie clinique.

La quatrième partie aborde le problème des origines profondes

et lointaines de l'aberration. C'est le côté purement spéculatif, la

partie anthropologique. L'inversion sexuelle ne représente pas une

espèce morbide, mais constitue simplement un symptôme de la

dégénérescence. Les invertis sont des malades et non des vicieux.

La cinquième partie enfin traite la question au point de vue mé-

dico-légal, et s'occupe de la conduite à tenir devant les manifes-

tations délictueuses ou criminelles de l'inversion. Elle agite la

question de la prophylaxie et de la thérapeutique sociales, comme

celle de la responsabilité individuelle.

Nous ne pouvons entrer dans les détails de cet ouvrage, mais

nous en recommandons vivement la lecture il ceux qui désirent se

mettre au courant de cette importante question. P. S.

VARIA

LES TRANSFERTS DES ENFANTS ALIÉNÉS

Le 16 mars 1891, le père de l'enfant March..., que nous préve-

nions officieusement du transfert de son enfant à l'asile de Bourg,

nous supplie en pleurant de conserver son enfant à Bicêtre. Le

père est né à Marseille de parents lorrains et la mère est de

Meurthe-et-Moselle. Le père du père de l'enfant étant douanier fut

envoyé à Marseille, d'où sa naissance, à lui Lorrain, dans cette

ville. Il a acheté plus tard une étude de notaire dans un canton de

l'Ain, puis est venu habiter Paris. D'où il suit que l'enfant n'a

aucun parent dans l'Ain. Et c'est ce département qui le réclame;

c'est là qu'est son domicile de secours.

L'humanité veut que l'on ne transfère pas des enfants loin de

leurs parents; c'est pour cela que le Conseil général de la Seine

sur notre proposition consent à maintenir dans les quartiers

d'asiles du département de la Seine, consacrés aux enfants,

ceux d'entre eux dont les parents habitent Paris depuis deux

ans au moins. Des difficultés étant survenues, nous avons

insisté de nouveau. en 1891, pour que l'administration préfec-

torale de la Seine se conforme à la délibération du Conseil

général. L'administration s'est alors décidée à élaborer un

projet de règlement pour le placement des enfants aliénés ou

idiots, âgés de moins de dix-huit ans. Ce projet a été adopté

en décembre dernier, par le Conseil général, après un avis

favorable émis sur notre rapport, par la commission de sur-

veillance en z.

L'article qui concerne les enfants nés en province est ainsi

conçu :

Art. 8. Les enfants aliénés ou idiots, âgés de moins de dix-

huit ans, qui, par le fait de leur naissance en dehors du départe-

ment de la Seine, ont leur domicile de secours dans un autre

département, peuvent néanmoins être admis dans les asiles de la

Seine, lorsque les parents sont domiciliés à Paris ou dans une

commune de la Seine, depuis trois ans, au moment de la demande

d'admission et qu'ils habitent avec eux.

VARIA. 407

Le département de la Seine ne réclame au département

d'origine que le prix de journée que ce département paie dans

son propre asile, avec une générosité qui mériterait d'être

imitée, faisant ainsi passer les intérêts des enfants et des fa-

milles au-dessus des intérêts financiers. B.

Coup D'OEIL rétrospectif SUR l'histoire DE la création DE la

maison DE retraite (The Reti-eat) de York. Ses différents buts;

son influence; par D. Hack Tuke. (The Journal of mental Science,

juillet 1892.)

La maison de retraite pour les aliénés de York a été fondée par

les ancêtres du Dr Tuke; elle a été le premier asile où les méthodes

de douceur que Pinel allait faire prévaloir en France ont été mises

en pratique à l'égard des aliénés. Pinet d'ailleurs ignorait le fait

et sa gloire de novateur humanitaire n'en est pas diminuée. La

maison de retraite de York (The Retreat) a été fondée en 1792, et

pour célébrer le centenaire de cette fondation l'Association médico-

psychologique britannique y a tenu en 1892 sa grande session

annuelle, après avoir élu pour son président cette même année le

médecin-directeur de la retraite. C'est à cette occasion que M. Hack

Tuke a cru devoir retracer l'histoire de cet asile, en insistant

surtout sur le côté rétrospectif de cette histoire. R. M.-C.

DESCRIPTION DES ailes DU NOUVEL hôpital DE l'asile royal JAMES

Murray; par A.-R. UnQeR.aRT et A. IIEITON. (The Journal of

mental Science, avril 1890.)

Ce mémoire, très intéressant dans ses détails et accompagné

d'une planche, est dû à la collaboration du directeur-médecin de

l'asile et de l'architecte qui a exécuté les travaux. 11 contient tou-

tefois des données trop techniques pour pouvoir être utilement

analysé à cette place. R. M.-C.

LES médecins-adjoints DES asiles, leur situation dans CETTE carriers

spéciale; par les docteurs DODDS, STR : 111AM et GREENLEES. (The

Journal of mental Science, janvier 1890.)

Nous reproduisons ici, bien que les quatre dernières ne soient

évidemment applicables qu'à l'Angleterre, les conclusions des au-

teurs de ce mémoire : .

1° Il est contraire à l'intérêt bien entendu des malades et de la

médecine mentale de laisser augmenter la population de nos asiles

au delà par exemple du chiffre de sept ou huit cents lits;

2° Le personnel médical des asiles devrait être renforcé par la

408 VARIA.

nomination de médecins-adjoints et d'internes en plus grand

nombre ;

3° Le plus ancien des médecins-adjoints devrait avoir une situa-

tion officielle reconnue de médecin responsable, sous la direction

du surintendant (superintendant) de l'asile;

.. 4° Dans tous les grands asiles, il y aurait lieu de prendre des

dispositions telles que le plus ancien des médecins-adjoints ne fût

pas forcé de rester célibataire;

50 Au lieu de rester invariablemen fixes, comme ils le sont trop

souvent à l'heure actuelle, les appointements du plus ancien des

médecins-adjoints, devraient augmenter proportionnellement à la

durée de ses services, et l'échelle de cette augmentation pourrait

se rapprocher de celles dont bénéficient actuellement les officiers.

R. M.-C.

NOTES SUR QUELQUES dispositions spéciales observées dans DIVERS

asiles; par ROBERT BAKER. (The Journal of mental Science, janvier

1890.)

Les différents appareil ou les dispositions spéciales sur lesquelles

l'auteur attire l'attention de ses collègues ne sauraient être exposés

ici en détail, nous les indiquerons seulement ici, à titre de rensei-

gnement pour les intéressés, ce sont : 1° un urinal perfectionné,

doublé de verre, et absolument inodore; -2° un pavage spécial,

non glissant, pour les salles de bains et de douches ; 3° un

garde-feu à fermeture automatique; 4° un guichet de surveil-

lance perfectionné; 5° enfin des revêtements de caoutchouc

pour les pieds des chaises ou fauteuils ; ces « bottes * de gutta-

percha, très usités dans les asiles américains, empêchen t les alié-

nés agités de troubler, par les mouvements continuels de leurs

sièges, la tranquillité de toute une salle. R. M.-C.

Economie des constructions hospitalières; par le Dr BLACKFORD.

Le nombre toujours croissant des aliénés dans l'Etat de Virginie

nécessite la construction de nouveaux asiles .

Au lieu de bâtisses coûteuses, longues à construire, du genre de

celles que l'on édifiait autrefois, les nouveaux asiles seront consti-

tués par la réunion de bâtiments isolés, de 14 mètres sur 30 envi-

ron, chaque bâtiment comportant quatre étages et installé pour

recevoir une centaine de malades. Ils seront construits en briques,

aménagés avec le plus grand confortable, mais sans luxe, ce qui

permettra une édification rapide et économique.

Les hommes seront répartis dans des dortoirs de seize lits cha-

cun ; pour les femmes, il existera plusieurs chambres séparées dans

chaque bâtiment et les dortoirs contiendront onze lits au plus.

(American Journal of insanity, 1892.) E. B.

varia. 409

De la surveillance des asiles publics d'aliénés par l'État; par

ASCHER. DE la surveillance des asiles privés; par KASCHER.

(Centralbl. f. Ne1'venheilk" NF, III, 1892.)

L'auteur détaille la multiplicité des formalités médico-adminis-

tratives qui lorsqu'elles sont appliquées à la lettre nuisent au trai-

tement rapide des psychoses. Quant aux asiles privés, combattus

par Reil qui les déclare dangereux pour la sécurité publique, et

Jacobi, il est bon, dit-il, qu'on les soumette à un contrôle de tous

les instants, mais est-il bon qu'à force de rouages on finisse

par divulguer le secret des familles ? Le prochain article de

M. Ascher nous intéressera par le menu, plus que les dispositifs

d'un pays qui n'est pas le nôtre; dans cet article il étudiera les

modifications qu'on peut faire subir au contrôle de l'Etat dans les

asiles publics et privés afin qu'il demeure utile, sans devenir nui-

sible, sans soulever mille malédictions ! P. K.

LE RÉGIME alimentaire dans LES asiles d'aliénés. NE devrait-il pas

être plus varié; par J.-A. Campbell. (The Journal of mental

Science, juillet 1892.)

Après l'exposé de quelques considérations générales, M. Camp-

bell fait remarquer que le régime des asiles présente une unifor-

mité qu'il y aurait certainement avantage à modifier ; il est clair

par exemple que le régime alimentaire ne devrait pas être le même

l'été que l'hiver; instinctivement pour ainsi dire nous chan-

geons, suivant les saisons, la proportion de nos diverses sortes

d'aliments; pourquoi ne pas introduire des changements analogues

dans le régime des asiles ?

Il est évident, d'autre part, que le même régime alimentaire ne

saurait convenir indistinctement à tous les pensionnaires d'un

asile; le régime qui est normalement réparateur pour un aliéné

qui travaille régulièrement à des ouvrages de force, à la terre par

exemple, devient excessif pour l'aliéné qui ne fait rien ou qui n'a

qu'une occupation sédentaire.

Le choix du régime et son adaptation au malade ont encore un

autre avantage, celui d'exercer une influence presque thérapeu-

tique ; les aliénés violents, excitables, se calmen t d'une façon appré-

ciable quand on supprime pendant quelque temps la viande de

leur alimentation ou quand on les met au régime lacté. L'auteur

pense que dans les asiles anglais, et il ajoute que volontiers il

généraliserait et dirait, en Angleterre, on fait un usage trop

restreint du bouillon et de la soupe.

Il voudrait, la question à son sens en vaut la peine, que l'As-

sociation médico-psychologique nommât une commission pour exa-

miner le régime alimentaire actuel des asiles, et même pour dres-

410 0 VARIA.

ser des projets de menus hebdomadaires; ces menus ne seraient

naturellement pas obligatoires pour les directeurs et les médecins,

mais ils leur serviraient de guides et de modèles, et M. Campbell

ne dédaigne pas de préciser à l'avance les questions sur lesquelles

il voudrait avoir l'avis de ses confrères et d'une commission ; se

sont les suivantes; nous les.reproduisons ici parce que le sujet, en

-traversant la Manche, ne perd rien de son importance :

1° Combien de fois par semaine doit-on donner de la viande de

boucherie en hiver ? 2° Même question pour l'été ? 3° Quelle est la

quantité de viande cuite, sans os, nécessaire pour maintenir en

bonne santé les chroniques d'un asile ? 4° La soupe et le bouillon

occupent-ils dans le régime alimentaire des asiles la place qu'ils

devraient y occuper ? 5° Les aliments farineux et le laitage sont-ils

suffisamment appréciés en tant qu'aliments utiles aux aliénés ?

6° Par suite de leur commodité, de leur bas prix, et aussi par habi-

tude, l'usage des pommes de terre ne tend-il pas à exclure l'usage

des autres légumes, au détriment de la saine hygiène alimentaire ?

7° Ne devrait-on pas attacher plus d'importance à l'usage des fruits

cuits maintenant que leur prix les rend plus abordables ? 8° Quelle

est la forme la plus avantageuse et la moins dangereuse sous la-

quelle on peut faire figurer le poisson dans les repas des aliénés ?

M. Campbell ne voudrait pas toutefois que l'on pût penser qu'il

poursuit un but d'économie; s'il cite des chiffres, c'est pour fixer

les idées; et si ces chiffres sont avantageux pour les finances de

l'asile, c'est tant mieux, mais si la variété dans le régime alimen-

taire devait être plus onéreuse, il la préconiserait néanmoins.

Enfin, il est un dernier point sur lequel il est impossible de ne

pas être d'accord avec M. Campbell, c'est qu'il faut compter au

nombre des misères de l'internement, et non des moindres, l'éter-

nel retour du même et invariable menu pour chacun des jours de

la semaine, et cette misère-là est de celles auxquelles on peut re-

médier. R. de i\IUSGRHE-CLAY.

D'UN SALAIRE A DONNER aux malades DES asiles EN échange DU travail

fourni par eux ; par CHARLES Mercier. (The Journal of mental

Science, janvier 1893.)

Tout le monde sait qu'il y a un double avantage à obtenir des

aliénés internés dans les asiles un travail régulier : avantage pour

l'aliéné que le travail distrait plus ou moins de ses conceptions

délirantes et dont il améliore le sommeil, avantage pour l'asile,

dont on diminue ainsi les charges, lorsque le travail obtenu est un

travail utile. Mais beaucoup d'aliénés sont réfractaires au travail

proposé ou imposé ; les plus raisonneurs, sinon les plus raisonna-

bles, objectent qu'ils sont à l'asile contre leur gré, qu'ils ne doi-

vent rien à ceux qui les y détiennent, et que même l'acceptation

.VARIA. -111

d'une lâche serait comme la sanction de leur internement; d'au-

tres ne sont que très médiocrement tentés par les menues faveurs

obtenues en échange de leurs services. M. Mercier propose de sup-

primer ces objections et de réveiller ces bonnes volontés en payant

- le travail des aliénés, et en le payant d'une façon qui tout en res-

tant très inférieure à la valeur commerciale de ce travail, lui serait

cependant proportionnelle. Il est toutefois évident que ce paie-

- ment ne saurait être fait en argent ; mais rien n'est plus facile

que de créer pour chaque asile des valeurs conventionnelles (bons

ou jetons) que les malades pourraient échanger contre certaines

marchandises très diverses, dont l'assortiment serait naturellement

fixé et autorisé par le directeur. Quant aux rémunérations en na-

ture, elles seraient entièrement supprimées. Cette manière de pro-

céder présenterait plusieurs avantages; par exemple elle permet-

trait de remplacer, chez les malades difficiles, certaines peines

disciplinaires : un malade à qui une promenade, une réunion

peuvent-être utiles comme moyen de distraction et par conséquent,

de traitement, ne devrait jamais en être privé à titre de punition ;

mais une amende pourrait lui être infligée. Enfin en cas de

guérison, l'aliéné, au sortir de l'asile, pourrait toucher le petit pé-

cule ainsi amassé, qui l'aiderait à vivre pendant les quelques jours

qui suivraient sa sortie : ce cas serait d'ailleurs le seul où les va-

leurs conventionnelles ayant cours dans l'asile pourraient être con-

verties en argent. /

M. Mercier ajoute d'ailleurs que cette idée, qu'il croyait neuve,

lorsqu'il a annoncé son intention de la soumettre à l'Association,

avait déjà été mise en pratique par le Dr Orange à l'asile des

aliénés criminels de Broadmoor, où elle avait donné les résultats

les plus heureux tant au point de vue du bien-être des malades

qu'à celui de la prospérité et des finances de l'asile. Toutefois à

Broadmoor, le malade ne touche aucune valeur conventionnelle ;

il il a sur des livres semblables aux livres de banque, son feuillet de

Doit et Avoir, dont un extrait reste en sa possession, et sur lequel

sont inscrites toutes ses petites transactions commerciales.

R. M.-C.

Protection contre L'1NDENDIE dans LES hôpitaux d'aliénés; par le

Dr L.-H. PmNCH., médecin résident, place Bellevue, à Batavia, 3.

- chicano, C.-II. BLAKELf et C°, 1891. (American Journal of

insazzity, octobre 1891, p. 2Î5.)

On ne peut trop estimer l'importance qu'il y a de prendre des

mesures contre le feu dans les hôpitaux affectés aux aliénés; à la

vérité, à cette époque de progrès, négliger de pourvoir les hôpi-

taux d'appareils d'incendie, ne peut être taxée que comme une

. grosse négligence de la part de l'administration. Dans une période

412 VARIA.

relativement courte plusieurs grands incendies se sont déclarés

dans des hôpitaux de ce pays où ils firent de nombreuses victimes

parmi les aliénés. La citation de pareilles catastrophes devrait

suffire pour assurer l'existence d'une législation utile pour pro-

curer les moyens d'organisation et de maintien d'un système com-

plet d'appareils et de manoeuvres indispensables pour se protéger

contre ce danger.

Le livre qu'a écrit le Dr Prince sur ce sujet est à propos et con-

tient des conseils de grande valeur. Il établit bien que les pertes

pécuniaires occasionnées par le feu sont souvent plus grandes qu'il

n'aurait fallu d'argent pour rendre l'établissement complet à l'abri

du danger, car nous sommes fermement convaincus qu'on ne peut

commettre de plus grandes fautes que celles qui consistent à faire

des économies dans ce cas. L'auteur expose d'une façon brève les

méthodes modernes de chauffage et d'éclairage des bâtiments, et

déclare que l'opinion générale est que l'électricité est, « sans

aucun doute le système le plus sûr et le meilleur de tous ceux

employés jusqu'ici » pour l'éclairage.

Les dépôts de chiffons gras, de barils de frêne, etc., sont autant

de dangers qui couvent; il décrit et illustre une grande variété

d'appareils d'extinction en cas d'incendie. L'auteur repousse l'usage

de tuyaux fixes dans les bâtiments et présente de puissants argu-

ments contre leur emploi, disant qu'il arrive que par la forte pres-

sion de l'eau une conduite peut se crever ou être brisée par la

chute d'un mur ou par d'autres causes. La meilleure protection

contre le feu se trouve dans un système de pompes et de grands

conduits d'eau reliés par des jointures en caoutchouc, par l'usage

de seaux placés dans toutes les parties des bâtiments, de grenades

à main et d'extincteurs chimiques. L'auteur a une grande confiance

dans l'extincteur chimique de Babcock. Les expériences faites à

plusieurs reprises, à Utique, ont été couronnées du plus grand

succès. On pourrait également mentionner l'extincteur Miller.

Plusieurs systèmes d'alarme électriques sont également mention-

nés, mais le c système rapide Garnewell », tel qu'il est uti-

lisé à Kankakee, « semble être, pour l'auteur, l'appareil qui répond

le mieux aux exigences des établissements publics ».

Le Dr Prince démontre justement que « après qu'un établisse-

ment aura été pourvu des moyens nécessaires à l'extinction des

incendies, et qu'il possédera un système d'alarme convenable, on

ne peut pas encore le considérer comme parfaitement protégé tant

qu'on n'y aura pas annexé un système d'organisation et de

manoeuvres dans lesquelles l'appareil, quand la nécessité s'en fera

sentir, pourra être manié d'une façon intelligente.

Le Dr Prince lut une fois mis en relation avec la Compagnie

d'assurances Putrol, de Chicago, contre l'incendie, et fut plus tard

médecin assistant à l'hôpital de Kankakee, 111., où il organisa

FAITS DIVERS. 413

une excellente brigade d'incendie, il en élabora les statuts et la

gouverna. Son livre contient l'impression d'une expérience pra-

tique, il mérite un examen attentif et une étude sérieuse. Tous les

établissements d'aliénés devraient avoir dans leur bibliothèque un

exemplaire de ce livre.

Incendie d'un asile d'aliénés A i\EN-HA1LPSHIRE

L'asile d'aliénés du comté de Strasford, situé à 4 milles de

Douvres, N. H, a été rasé par un incendie dans la nuit du 9 février

1893, dans lequel périrent 44 aliénés. Le bâtiment est une cons-

truction de deux étages en bois, de 330 sur 35 pieds de largeur,

entouré par de hautes murailles et une grande cour de chaque

côté. Ce bâtiment contenait cinquante petites cellules, fermées à

clef la nuit. Quand on découvrit le feu, on enfonça les portes,

mais l'incendie s'étendit si rapidement et la disposition des cons-

tructions est telle que quatre aliénés seulement ont pu se sauver.

La hauteur des murs environnant l'asile a empêché qu'un au

moins de ces infortunés s'évadât. La plupart étaient des femmes,

qui étaient totalement affolées et incapables de reconnaître leur

chemin. La construction avait vingt ans d'existence et avait coûté

10,000 dollars. 11 avait été construit pour remplacer celui qui avait

été brûlé, et où périrent huit personnes dans les flammes. Il est

peu probable qu'on ait à redouter un nouveau sinistre de ce genre

pour les asiles qui ont été récemment construits, mais il y a là un

devoir évident pour les autorités qui devront considérer comme

un avertissement ces morts inutiles, et faire en sorte qu'on n'uti-

lise plus de bâtimencs qui offrent des dangers de ce genre.

(Boston med. and surg. Joum., 16 février 1893.)

FAITS DIVERS

Aliénés ; NOUVEL exemple des dangers d'ajourner l'internement.

La nuit dernière, vers quatre heures, M. Gaillard, capitaine du

4e génie, détaché à l'état-major, et qu'on dit atteint de la manie

de la persécution, sortait de sa chambre, 62, rue Victor-Hugo. En-

tendant du bruit dans l'allée dont la porte était ouverte, il tira au

jugé trois coups de revolver.

Un des projectiles atteignit un nommé Paul Lamure, qui satis-

faisait un besoin naturel.

Le blessé tomba et n'eut que la force de se réfugier dans la cave

où il expira.

414 faits DIVERS.

M. Gaillard a fait sa déclaration au commissariat de police. (Ra-

dical, 26 mars.)

Maison pour épileptiques. La commission législative de l'Etat

de Massachusetts s'est occupée de la question de l'établissement

d'une maison d'épileptiques. L'année dernière un comité avait été

nommé par la Société médicale de cet Etat, à l'effet d'étudier et

de presser cette question qui a été l'objet d'une circulaire du gou-

verneur. La législation pendante pour le nouvel asile d'aliénés de

Medfield peut encore retarder l'action jusqu'à l'hiver prochain.

(Thc Boston Med. and SU7'g, Jour" 1893, p. 248.)

Nécrologie. M. le Dr Georges PICEION est mort le 13 février 1893

à l'âge de trente-trois ans; il avait été successivement interne des

Asiles et chef de clinique des maladies mentales et médecin du

bureau de bienfaisance du XIV° arrondissement. On lui doit : De

l'épilepsie dans ses rapports avec les fonctions visuelles (thèse) ;.

Des délires multiples (Prix Esquirol) ; Des maladies de l'esprit

(1888); La morphinomanie et les morphinomanes (1891).

M. Chrestion au nom de la Société médico-psychologique et M. Val-

lon au nom de l'Association des internes et anciens internes des

asiles de la Seine ont rendu hommage à ses qualités intellectuelles

et morales.

Un paysan FOU 4 L'ÉLYSÉE. Paris, 20 février. Un paysan du

Gard, Samuel Peyronauge, ancien sacristain, âgé de quarante ans,

est arrivé, dimanche matin, à Paris. Il s'est rendu directement au

palais de l'Élysée pour s'entretenir avec M. Carnot. Il avait sus-

pendu à un bâton qu'il portait sur l'épaule un paquet assez volu-

mineux contenant des vêtements.

Le concierge du palais arrêta cet homme au passage. Celui-ci

lui expliqua qu'il venait demander au chef de l'État la croix de la

Légion d'honneur et trois millions de francs, en récompense des

miracles qu'il avait accomplis.

Le concierge le fit conduire au bureau du commissaire de police.

Celui-ci envoya Peyronauge à l'infirmerie du dépôt. (Petit Va ? ,,

21 février 1893.)

Le cadavre DE la sorcière. La superstition humaine. Tua-

gique exhumation. - Coupée en morceaux. On mande de Vienne,

6 février : Une lettre adressée de Temesvar au Lloyd, de Pesth,

signale un cas de superstition rare :

c Dans la commune de Spatla, est morte ces jours-ci une vieille

paysanne qui avait une certaine connaissance des simples, qui

mettait ces connaissances à profit pour entreprendre la cure des

villageois malades, et qui avait été entourée peu à peu du respect

que l'on accorde aux sorcières et aux êtres doués de facultés sur-

naturelles.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 415

« Après sa mort il advint que plusieurs bestiaux furent enlevés

dans la commune par des maladies diverses, et, après avoir cher-

ché en vain les causes naturelles de cette catastrophe, les paysans

finirent par penser qu'elle était due au fait que la sorcière défunte

était apparue dans les rues et dans les étables du village.

« Résolus à mettre fin à cette influence néfaste, ils attendirent la

,nuit, se rendirent en foule au cimetière, exhumèrent le cercueil.

l'ouvrirent et coupèrent le cadavre en morceaux pour l'empêcher

de recommencer ses courses à travers la campagne.

«Puis, après avoir rejeté dans la tombe les membres déchiquetés,

ils s'en retournèrent chez eux en donnant le signe d'une satisfac-

tion profonde. La gendarmerie a ouvert une enquête, et plu-

sieurs paysans ont déjà été mis en état d'arrestation. (Petit TroyenT

8 février 1893.)

Enfants idiots. Acceptation de la donation de 100 francs de

rente, 3 p. 100, que 11 ! .\ ! . Gallois se proposent de faire au profit des

enfants idiots ou épileptiques soignés à l'hospice de Bicétre, ou tl'in-

fermiers ou infirmières du même établissement.

Sur le rapport de M. Bonthoux, le conseil émet l'avis suivant : Le

conseil, vu le mémoire par lequel M. le directeur de l'administra-

tion lui fait connaître l'offre faite par MM. Gallois de faire donation

à l'Assistance publique de Paris du capital nécessaire pour former

une rente de 100 francs, dont les arrérages seront employés

chaque année à l'acquisition de deux livrets de caisse d'épargne :

L'un de 30 francs qui sera remis à l'enfant faisant partie de la

section des enfants idiots et épileptiques à l'hospice de Bicêtrequi,

pendant le cours de l'année, se sera fait remarquer par la meil-

leure conduite' et son application au travail ;

L'autre de 70 francs, qui sera remis à l'infirmier ou l'infirmière

de la susdite section de Bicêtre, qui se sera le plus fait remarquer

par sa bonne conduite et son dévouement à soigner les enfants de

la susdite section à eux confiés. (Procès-verbal du conseil de surveil-

lance de l'Assistance publique, 1892-93, p. 298.)

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MASSALOXGO (R.). Atetosi successiva a morbillo. Brochure in-8"

de 8 pages. Napoli, 1892. Tipografia della Riforma Medica.

MASSALOKGO (R.). Le inicziori di liquido teslicolare di Broum-

Sequard e la transfusione nervosa di Costantin Paul. Un nuovo capi-

lolo di tirapeulica suggesliva. Brochure in-8° de 58 pages. Napoii, 1893.

Tipographia della Riforma Medica.

11loBlus (P.-J.). Nervenknankheiten. Volume in-12 cartonné de

188 pages. Leipzig, 1893. - Vorlag. von Ambr. Abel.

MOELLER. Du traitement des maladies du coeur par la méthode des

D" Schott et De Nauhain. Brochure in-8°, de 17 p. Prix : 18 fr.

Bruxelles, 1893. A. Manceaux.

MoftCORW. Quelques réflexions sur l'éliologie et le traitement de la

sclérose en plaques a propos des leçons sur les maladies de la moelle.

Brochure in-8° de 16 p. Paris, 1892. Librairie 0. Berthier.

MucHix. Paralysis spinalis sypTzylilica (Erb), aus der Poliklinik

von prof. Koualewsky in charkow. Brochure in-8° de 7 pages. Sone

derabdruck aus dem Centralblatt füi- Nervenheilkunde und Psychiatrie.

Rosekthal. (E.). Les diplégies cérébrales de l'enfance. Vol. in-8° de

160 pages. Prix 4 fr. Paris, 1893. J.-B. Baillière et fils.

Avis A NOS lecteurs. Avec ce numéro nous commen-

çons la. série des numéros mensuels des Archives DE NEU-

ROLOGIE .

Le rédacteur-gérant, BOliI1\E\'ILLE.

wren : , C6. HÉRIS8EY, mp. 19' -

Vol. XXV.. Juin 1893. Nu 76.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

REVUE GÉNÉRALE

QUELQUES DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HISTi;I;II;;

Par M. Pierre JAKET.

Les définitions de l'hystérie étaient autrefois 'très nom-

breuses et tout auteur était obligé de passer en revue une

cinquantaine de formules présentées par ses devanciers avant

d'exprimer à son tour sa propre pensée 1. Mais quand une

étude plus précise eût montré la variété de ces phénomènes

« plus nombreux que les formes de Protée et que les couleurs

du caméléon », on n'osa plus les réunir dans une même for-

mule. Lasègue qui était cependant bien convaincu de l'exis-

tence de lois rigoureuses dans les manifestations hystériques

n'essaye plus de définir cette maladie. « On désigne provisoi-

1'ement, dit-il, sous le nom d'hystérie un ensemble de manifes-

tations nerveuses se produisant de préférence chez les jeunes

femmes, se rencontrant chez les jeunes gens par une rare excep-

tion, et ne relevant pas d'une lésion connue des centres ner-

veux=. Une se fait pas d'illusions «sur la valeur singulièrement

contestable de cette définition», car il déclare un peu plus tard

que « la définition de l'hystérie n'a jamais été donnée et ne le

sera jamais. Les symptômes ne sont ni assez constants, ni

assez conformes, ni assez égaux en durée et en intensité pour

qu'un type même descriptif puisse les comprendre tous 3. »

1 Voir la longue préface, intéressante d'ailleurs, de Brachet, Traité de

l'hystérie, 1847 et son chapitre sur les Définitions, p. 202. ! Lasègue. Catalepsies partielles,18G5. (L`ludes nzédicates, t.I, p. 898.)

3 Lasègue. Hystéries périphériques, 1878. (Études médicales, t. II,

p. 78.) .

Archives, t. XXV. 27

418 REVUE générale.

Il préfère se borner « à étudier isolément chacun des groupes

symptomatiques; après ce travail préalable, on réunira les

fragments et on recomposera le tout de la maladie ' ».

Le conseil donné par Lasègue a été suivi et les auteurs les

plus compétents ont évité de se prononcer sur la définition

générale de cette maladie. Ils se bornent pour la plupart à

montrer un certain nombre de caractères qui permettent de

reconnaître la nature hystérique d'un phénomène. M. Ba-

binski, par exemple, montre que l'on peut faire ce diagnostic

en étudiant : 1° l'aspect symptomatique; 2° l'évolution; : 3° l'étio-

logie ; 4° l'influence que peut avoir tel ou tel traitement; 50 les

J'ense¡'gnements fournis pm'l' expérimentationsUJ' les lzypnotiqlles2 .

Tout récemment M. Pitres, au début de ses leçons, montrait

les défauts des diverses définitions et refusait d'en donner une

autre; il se bornait à énumérer certains caractères communs

qui permettent de reconnaître « la spécialité nosologique des

accidents... Ces caractères, dit-il, ne sont pas nombreux, tout

compte fait on peut les résumer dans les cinq propositions

suivantes : 1° les accidents hystériques sont la conséquence de

troubles purement fonctionnels du système nerveux; 2° ils peu-

vent être brusquement provoqués, modifiés, ou supprimés par

des influences psychiques ou par des causes physiques qui

n'ont aucune action sur les accidents similaires dépendant de

lésions organiques ; 3° ils se montrent très rarement isolés,

dans l'immense majorité des cas, certains stigmates latents

coexistent avec les manifestations éclatantes de la névrose ; ,.

4° ils n'ont pas d'évolution régulière ; ils surviennent sans 'ordre

préétabli et se succèdent sous différentes formes et à différentes

époques chez les mêmes sujets; 50 ils n'ont habituellement pas

sur la santé générale et sur l'état mental des sujets qui en

sont atteints le retentissement profond qu'auraient des accidents

similaires mais dépendant d'une autre cause 3. » Ces divers

caractères sont justes et intéressants, ils peuvent; dans la

plupart des cas, permettre le diagnostic de l'hystérie. De

même M. Gilles delaTourettedansun ouvrage très important*

1 Lasègue. De l'anorexie hystérique, 1873. (Éludes médicales, t. II,

p. 45.)

, Babinski. De la migraine ophtalmique hystérique. (Archives de

Neurologie, 1891. Extrait p. 8.)

3 Pitres. Leçons cliniques sur l'hystérie, 1891, t. I, p. 4.

4 Gilles de la Tourette. Traité clinique et thérapeutique de l'hys-

lérie, 1891.

DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 419

réunissait la plus riche collection de documents relatifs^ l'hys-

térie, mais considérait comme plus scientifique de ne pas donner,

au moins dans ce premier volume, une définition générale de la

maladie.

Cette résolution de s'abstenir de définition générale a eu

sans doute des résultats utiles; elle a permis aux observateurs

de concentrer leur attention sur les observations isolées sans

tenir compte des contradictions, sans se préoccuper des théo-

ries ; elle a permis de recueillir ce nombre énorme de docu-

ments précieux dont nous disposons aujourd'hui. Mais il est

facile de voir qu'elle n'a pas été sans inconvénients. On a ainsi

une idée très précise d'un caractère isolé et une idée très

vague de la maladie à laquelle on rattache ce caractère ; il n'y

a plus beaucoup d'accord entre les différents auteurs qui

croient cependant parler de la même question. Sans doute, les

élèves d'une même école qui ont les mêmes habitudes d'exa-

men et de langage s'entendent à peu près sur le diagnostic de

l'hystérie, mais les auteurs qui ont reçu une éducation diffé-

rente ne désignent plus toujours sous ce nom les mêmes ma-

lades. Il est impossible de nier que bien des discussions sur les

troubles de la sensibilité, sur les suggestions, sur les som-

nambulismcs ne soient nées de cette confusion et il est évi-

demment désirable que chaque auteur dise avec quelque

netteté ce qu'il entend par un hystérique afin que l'on puisse

contrôler ses observations.

Peut-être, quand on déclare impossible la définition de

l'hystérie, s'est-on fait de la définition une idée trop ambi-

tieuse. Nous sommes évidemment incapables dans ce cas

comme dans tous les autres de faire connaitre la nature véri-

table, l'essence d'une chose, ni l'explication dernière d'aucun

phénomène. Mais une définition, sauf dans les sciences pure-

ment rationnelles, comme les mathématiques, n'a jamais

donné ni essence, ni explication. Nos définitions ne sont que

des idées générales, des résumés qui doivent seulement con-

tenir le plus grand nombre de faits possibles. Une définition

serait parfaite si elle embrassait dans une même formule

absolument tous les faits que l'on peut observer à propos d'un

même objet. Elle est irréalisable, puisque nous ne connaissons

pas tous ces faits. Une définition serait excellente si elle résu-

mait seulement tous les faits connus, mais cela est encore un

idéal difficilement accessible. Une définition est suffisante

420 0 REVUE GÉNÉRALE.

quand elle exprime dans une seule phrase la majorité des

faits connus. Sans doute une pareille formule, comme toute

théorie scientifique, est provisoire puisque les faits connus

augmentent incessamment et la rendent bientôt trop. étroite.

Mais on ne supprime pas une semblable définition en mon-

=triant simplement que tel ou tel fait de détail n'y est pas com-

pris, il faut, pour la rendre inutile lui opposer une autre défi-

ntion plus simple et plus générale embrassant non seulement

les faits compris dans la première mais d'autres encore. Si

l'on s'en tient à cette conception modeste de la définition,

a-t-on le droit de dire qu'une définition suffisante de l'hys-

térie est aujourd'hui impossible ? N'y a-t-il aucun caractère

commun qui rapproche la majorité des faits qui ont été

recueillis de tous côtés ? S'il en était ainsi l'hystérie n'existerait

pas et ne mériterait pas d'être étudiée comme une maladie

distincte.

C'est ce qu'ont pensé quelques auteurs contemporains ; ils

ont cru que le moment était venu de s'arrêter un peu dans

l'énumération des faits et de résumer autant que possible les

connaissances acquises. Voici que de nouveau on propose

diverses définitions de l'hystérie. Ces tentatives ne nous sem-

blent pas entièrement blâmables et nous croyons être utile en

résument les travaux qui ont été récemment publiés sur ce

sujet par MM. Moebius', Oppenheim2, StrumpeIl3,Jolly",

Donhin s, Laurent6, A. Piek7, Breuer et Freud e. Cette revue

1 Moebius. lieber den Begriff der Hystérie (aus dem Centralblalt

sur nervezheilkcczde, von d. Erlenmayer, XI, 1888, n" 3.

2 H. Oppenlieim ? lus de2- nervenkliîile der charité. Thatsuchliches

und hypothelisches uber des IV(tseii der Hystérie, octobre 1S89.)

3 A. Strumpell. Ueber die Entsteleuzg und die Ileiluz,7 voz I%7rank-

leeitez durch Vorslellungen. Rede beim antrUt des protectorats der Kgl.

universitat Erlangen, 4 nov. 1892.)

4 F. Jolly. - Ueber hystérie bei kindern. (Sonder abdruck aus der

berliner klinischer Wochenschrifl, 1892, n^ 31.)

° Donkin. Article Hysleria, dans le Diclionary ol psyclological

medicine de Hack Tuke, 1892.

si L. Laurent. -Des états secozds, Variations pathologiques du champ

de la conscience, 1892.

7 A. Pick. Ueber die soqenanule «conscience musculaire » (Duchenne).

(Zeitsclwi{l fii, psych. und physiol. der Sinnesorgene, heransgegeben,

von H. Ebbinghans rend A. Konig, t. IV, 1892).

" J. Breuer et S. Freud in Vien. Ueber den psycltischen mechanismus

hyslericher phénomène. (Aus neurologischen Centralblalt, E. 111endal,

1893, n"' 1 et 2.)

DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 421

générale n'a pas la prétention d'être complète, beaucoup de

travaux sans doute nous sont restés inconnus, en outre, pour

donner quelque unité à cette étude, nous considérons surtout

les auteurs qui ont examiné le côté mental, psychologique de

l'hystérie. C'est donc simplement un groupe de définitions que

nous désirons présenter : elles ont des caractères communs et

ont été exposées simultanément de divers cotés, aussi nous

semblent elles, au moins au point de vue historique, offrir

quelque intérêt. Comme quelques-unes de ces études font

allusion à nos propres travaux et même adoptent les idées

générales que nous avons autrefois exprimées sur la nature

de l'hystérie, nous demandons la permission de les reprendre

en peu de mots, peut-être pourrons-nous, en réunissant

ces diverses recherches, exprimer une définition provisoire

qui pourra résumer un assez grand nombre des faits connus.

I.-L'HYSTÉRIE, maladie par représentation.

Une définition, comme on sait, ne peut résumer des faits

qu'en les groupant autour d'un phénomène « dominateur ,

c'est-à-dire en mettant au premier rang un caractère déclaré

par hypothèse le plus important et en montrant aussi claire-

ment que possible que tous les autres faits dépendent de ce

caractère. Dans les définitions anciennes, le caractère choisi le

plus souvent comme essentiel était un caractère physique,

une modification réelle ou supposée des phénomènes physio-

logiques élémentaires. Pendant très longtemps les promenades

de l'utérus à travers le corps, ses altérations, ses douleurs ont

été le centre autour duquel gravitaient tous les autres symp-

tômes. Ces définitions ne réunissaient qu'un nombre très

restreint de phénomènes, c'est le seul reproche que nous leur

adresserons. Plus tard un autre phénomène, que l'on consi-

dérait aussi comme un fait uniquement physique, l'attaque,

devint prédominant et l'hystérie fut essentiellement une ma-

ladie convulsivante. « L'hystérie, disait Brachet, est une né-

vrose du système nerveux cérébral, qui se manifeste plus ou

moins brusquement par des crises de convulsions cloniques géné- ? ,ales et par la sensation d'un globe ascendant dans le trajet de

l'casophage, à l'extrémité supérieure duquel il vient se fixer

pour y causer une menace de suffocation » » Ces définitions

1 Brachet. Traité de l'hystérie, 18F7, p. 204.

432 REVUE GÉNÉRALE.

étaient un peu plus compréhensives que les précédentes, les

phénomènes qui se rattachent à l'attaque étant certainement

plus nombreux que ceux qui dépendent des modifications uté-

rines. Mais elles présentaient une grande lacune, elles

laissaient à peu près complètement de côté les caractères et

les accidents interparoxystiques qui sont si nombreux. Puisque

un grand nombre d'auteurs n'avaient pu réussir à grouper les

symptômes autour d'un phénomène physique, on a peu à

peu changé de point de vue et on a cherché si parmi les phé-

nomènes cérébraux, psychiques, que l'on avait observés depuis

longtemps dans cette maladie ne se trouvait pas un symp-

tôme plus important, capable de coordonner un grand nombre

de faits. Les définitions de l'hystérie se sont transformées et

sont devenues psychologiques.

Le livre de Briquet, 18a9, est ce point de vue très impor-

tant, il constitue pour ainsi dire un intermédiaire entre les

conceptions purement physiques et les interprétations morales

de l'hystérie. «-L'hystérie, dit-il, est une néurose de l'encéphale

dont les phénomènes apparents consistent principalement dans

la perturbation des actes vitaux qui servent à la manifestation

des sensations affectives et des passions 1. » L'hystérie devient

une maladie émotionnelle et sans doute on peut facilement

rattacher un très grand nombre de symptômes à des phéno-

mènes d'émotion. Malheureusement, l'émotion est assez peu

analysée par Briquet et l'explication des principaux symp-

tômes est fort vague. Un point surtout, entre beaucoup d'au :

tres restait embarrassant : l'émotion est un phénomène en

apparence accidentel et momentané, comment lui rattacher

des phénomènes permanents qui durent pendant des mois et

des années ? Et comment supposer la permanence de l'émotion,

quand le malade paraît tout à rait calme et indifférent ? Néan-

moins, l'étude de Briquet peut être considérée comme le

point de départ des recherches psychologiques sur les hysté-

riques.

Celte étude n'a commencé d'une manière précise qu'avec

les travaux de M. le professeur Charcot, à la Salpètrière, sur

les accidents traumatiques des hystériques. Reprenant pour

les compléter et les expliquer d'anciens travaux de Brodie 2 et

1 Briquet. - Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, 18.ï9, p. 3.

= B. Iirodie. Lectures illuslraling of certain local nervous affections.

London, 1837.

DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 423

de Reynolds', M. Charcot a montré que certains troubles

graves du mouvement ne pouvaient être expliqués par aucune

lésion grossière et déterminée des centres nerveux. Dans ses

leçons de 18811-1885, il a expliqué comment on pouvait par une

analyse minutieuse faire le diagnostic entre une paralysie

organique et une paralysie proprement hystérique 2. Les com-

mémoratifs, l'absence de la fièvre, des troubles trophiques et

de la réaction de dégénérescence, la conservation des réflexes

tendineux, la répartition de l'anesthésie, etc., ont permis

d'éliminer l'une après l'autre toutes les suppositions relatives

à des lésions matérielles des nerfs, de la moelle ou de l'encé-

phale. Ces études de diagnostic ont été et sont encore'capi-

tales, il est très évident qu'il serait ridicule d'interpréter

psychologiquement une paralysie avant d'avoir démontré par

les analyses précédentes l'insuffisance des explications banales.

Ayant donc assuré son point de départ clinique, M. Charcot

a pu montrer, en étudiant l'origine de l'accident, ses carac-

tères, son évolution et sa guérison, qu'il s'agissait de phéno-

mènes moraux, c'est-à-dire, bien entendu, de phénomènes

psycho-physiologiques. Enfin, il a confirmé cette explication en

introduisant les procédés de la suggestion comme une méthode

scientifique de diagnostic et d'analyse des maladies nerveuses.

Il a montré que cette paralysie pouvait se reproduire par sug-

gestion soit chez le malade lui-même, soit chez d'autres hysté-

riques : l'affirmation verbale, ou bien unsimple choc qui éveillait

dans l'esprit du sujet une idée et une émotion analogues produi-

saient des paralysies tout à fait identiques dans leurs carac-

tères aux accidents naturels'. « Bans certaines circonstances,

disait-il, une paralysie pourra être produite par 'Une idée"'... En

raison de l'obnubilation du moi produite dans un cas par l'hypno-

tisme, dans l'autre cas, ainsi qu on l'a imaginé, par lechocnerveux,

cette idée une fois installée, fixée dans l'esprit et y régnant sans

contrôle, s'y serait développée et y aurait acquis assez de force

pour se réaliser objectivement sous la forme de paralysies11'... »

Plus tard, M. Charcot applique les mêmes réflexions à des

' Reynolds. - Remarlcs on paralysis and others disol'de7's of motion

and sensation dépendant of idea, 1869.

, Charcot. - Maladies du système nerveux, t. III, p. 288 et sq.

3 Charcot. Maladies du système nerveux, t. III, p, 351.

Id., ibid., t. III, p. 335.

- Id., ibid., t. III, p. 355.

424 REVUE GÉNÉRALE.

contractures 1, des hyperesthésies plus ou moins intenses ?

et même à des accidents hystériques en apparence tout à fait

différents, à des vomissements, à des anorexies', à des mu-

tismes 1. Partout, il montrait l'importance de l'idée fixe qui

, produisait et entretenait- l'accident, la reproduction do faits

identiques par la suggestion, le traitement par l'isolement et

les influences morales qui modifiaient non l'état physique

mais l'état mental pathologique de l'hystérique.

Cette conception des maladies par suggestion était loin d'être

admise à cette époque comme elle l'est aujourd'hui, aussi

rencontra-t-elle beaucoup de résistances. M. Georges Guinon

a résumé l'histoire de ces discussions 5 et il nous a montré aussi

comment cette doctrine a fini par triompher. Le mécanisme

psycho-physiologique par lequel l'accident se réalise est encore

discuté et discutable, mais il n'y aplus guère d'auteur qui nie

complètement l'existence des accidents hystériques par

imitation, par suggestion, par idée. Dans son ouvrage sur

les agents provocateurs de l'hystérie, M. Guinon montre

aussi comment, dans certains cas, on peut constater

l'idée fixe qui détermine l'accident hystérique. Le malade

rêve de son accident, il y pense sans cesse, et cette pensée

obsédante peut s'interpréter ainsi : « Je ne sens plus ma main,

je ne peux plus la remuer, mon bras est lourd 6, etc. » Ces

idées ont la plus grande importance et déterminent non seu-

lement la maladie hystérique en général mais encore la forme

très particulière que prend l'accident. A la même époque,

M. Dutil montrait par plusieurs observations l'importance des

idées fixes et des rêves dans la formation des accidents de l'hys-

térie traumatique Quel que soit le mécanisme par lequel ces

idées amèuent le trouble moteur, chorée ou contracture, etc.,

c'est la répétition constante, la persistance du rêve qui est pro-

prement hystérique et qui caractérise la maladie.

M. Charcot a toujours exprimé ces théories avec beau-

1 Charcot, ibid., t. III, p. 375, 394.

2 Id., ibid., t. III, p. 453.

3 Id., ibid., t. III, p. 241.

4 Id., ibid., t. III, p. 506.

" Georges Guinon. Les agents provocateurs de l'hystérie, 1889, p. 42.

6 Id., ibid., p. 360.

7 Dutli. Hystérie et neurasthénie associées. (Gazette. médicale de

Paris, 1889. Extrait n° 10.)

DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 425

coup de modération, bornant leur rôle à l'explication de

quelques cas cliniques bien déterminés. Il restait à géné-

raliser un peu plus cette conception et à l'appliquer à

l'hystérie tout entière, ce fut, croyons-nous, le rôle de M. Moe-

bius. Cet auteur rend hommage de la façon la plus courtoise

aux travaux de M. Charcot; il les a, croyons-nous, complétés

d'une façon intéressante. « Une opinion, dit-il, tend de plus

en plus à s'établir, c'est que l'hystérie est une psychose et que la

modification qui la caractérise est un état maladif de l'esprit'. »

Mais ces modifications mentales ne se manifestent pas seule-

ment par des délires et des altérations des caractères, elles se

manifestent surtout par des accidents d'apparence physique.

Ce sont des mouvements involontaires, des spasmes, des para-

lysies aussi bien que des pleurs, des rires, des vomisse-

ments, etc. Il en est ainsi, semble-t-il, dans toutes les aliéna-

tions où des mouvements bizarres sont aussi la conséquence de

certaines idées fausses. Non, dit M. Moebius, les mouvements

de l'aliéné ne sont qu'indirectement en rapport avec son délire;

c'est le malade lui-même qui remue et qui veut remuer pour

obéir à un ordre imaginaire. Dans l'hystérie, le rapport est

plus immédiat, la pensée se transforme en mouvement sans

l'intermédiaire de la volonté du sujet. Ce fait est caractéris-

tique et il a servi à M. Moebius pour formuler une défini-

tion de cette maladie : « On peut considérer, dit-il 2, comme

hystériques toutes les modifications maladives du corps qui sont

causées par des représentations. »

Le discours de M. Strumpell exprime des idées analogues :

« Ce qu'on appelle la nervosité est, au point de vue scien-

tifique, une disposition surtout spirituelle et non corps-

relle... certaines représentations trop fortes, certaines asso-

ciations d'idées trop faciles deviennent le point de départ

d'une grande série d'accidents en apparence corporels3. D

M. Strumpell s'accorde avec les auteurs précédents pour

expliquer ces accidents név2,olathiqttes par des représentations,

(durch Vorslellungen). Aux définitions purement physiques de

l'hystérie se substitue donc une définition nouvelle qui cherche

à grouper les symptômes autour d'un phénomène moral,

« l'hystérie est un ensemble de maladies par représentation. »

' Moebius, op. cil., p. 1.

- Moebius, op. cil., p. 2.

' Strumpel, op. cil., p. 8.

426 REVUE GÉNÉRALE.

II. LE DÉDOUBLEMENT DE LA PERSONNALITÉ.

Un grand nombre d'accidents hystériques paraissent dé-

pendre de certaines idées fixes, de certaines suggestions ; mais

Peut-on, comme l'a essayé M. \Ieebius étendre cette explica-

tion à tous les accidents et la transformer en une définition de

l'hystérie ? C'est ce qui a semblé très contestable à plusieurs

auteurs et c'est ce qui a été justement critiqué par M. Oppen-

heim, puis par M. Jolly, 1. Essayons de préciser ces critiques

un peu vagues en suivant la méthode que nous avons proposée

pour examiner les définitions.

'1° Un grand nombre d'accidents hystériques, nettement

localisés comme les précédents, des hyperesthésies, des tics,

des paralysies, des spasmes ne semblent en relation avec au-

cune idée, aucune imagination du sujet. Le malade, de quelque

manière qu'on l'interroge, et malgré sa bonne volonté, affirme

qu'il ne pense pas à remuer son bras, à serrer sa main, à faire

une grimace; bien mieux, il n'a aucune idée de ce spasme, il

ne le sent même pas, il constate avec étonnement ses propres

accidents sans savoir comment ils se produisent 2. Il y a, en

effet, deux catégories d'accidents hystériques que l'on dis-

tingue surtout facilement en examinant des tics ou des spasmes.

Les uns ont lieu quand le sujet y pense, ils disparaissent quand

le sujet est distrait ou qu'il s'endort, ceux-là peuvent

facilement être rattachés à une idée. Mais les autres se

produisent même quand le sujet n'y pense pas ; le spasme

persiste malgré la distraction, quelquefois malgré le som-

meil. Ce ne sont plus là, au moins en apparence, des

accidents qui dépendent d'une représentation mentale. Au

début, peut-être, le sujet a eu conscience d'une émotion, d'une

idée plus ou moins vague, mais il est évident que ces phéno-

mènes de conscience ont disparu très vite et que, actuellement

ils n'existent plus.

2° L'hystérique ne présente pas uniquement des accidents

permanents de ce genre, elle présente un phénomène beau-

coup plus fréquent et beaucoup plus connu, c'est l'attaque.

Or cette attaque n'est pas un acte simple comme une contrac-

tion de la main, c'est un ensemble très complexe de convul-

1 H. Oppeinheim, op. cil., p. 3. Jolly, op. cif., p. 12.

` Breuer et Freud, op. cil., p. 1.

DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 427

sions, de cris, de paroles. Le sujet n'a pas dans l'esprit la repré-

sentation de toute cette série de phénomènes, il les ignore

même puisque, dans la majorité des cas, il se réveille de l'at-

taque sans bien savoir ce qui vient de se passer. Ces attaques,

qui se reproduisent avec une régularité monotone, semblent

dépendre de quelque phénomène physique, car elles sont indé-

pendantes de la pensée du sujet et il suffit quelquefois pour les

provoquer non pas d'éveiller les idées, mais de presser

un point du corps, l'ovaire ou l'épigastre pour que la décharge

se produise.

3° Considérons des accidents plus précisément moraux, des

délires, des somnambulismes qui appartiennent incontesta-

blement à l'hystérie; nous ne nous trouvons pas davantage en

présence d'une idée fixe, claire et simple. Le sujet ne sait pas

ce qui se passe pendant son somnambulisme ou son délire et

il n'y pense pas. Quand l'accident arrive, il est composé par

toute une longue suite de sensations et de pensées très variées

qui n'avaient aucunement été prévue par le malade.

En un mot, même en laissant de côté les stigmates, en ne

considérant que les accidents il est impossible de les ramener

tous à des modifications corporelles produites par des repré-

sentations conscientes.

Essayons donc de changer de point de vue et de prendre un

autre phénomène comme centre de la définition. Ce sont en-

core les éludes de M. Charcot et de ses élèves qui ont montré

combien le somnambulisme jouait un grand rôle dans l'hystérie.

Ce phénomène se présente d'abord spontanément chez ces

malades dans bien des circonstances différentes. Tantôt il

existe sous forme de somnambulisme nocturne, tantôt il se

développe en plein jour sous forme d'attaque précédée ou non

de convulsions. Quelquefois, il grandit d'une manière éton-

nante de manière à occuper des journées ou même des mois

entiers : il donne naissance à ces périodes de seconde exis-

tence dont M. Azam a montré l'un des premiers et des plus

curieux exemples et qui ont été depuis constatées si fréquem-

ment 1. Enfin, le somnambulisme peut être provoqué sinon

chez toutes au moins chez la plupart des hystériques, et ces

états artificiels peuvent présenter tous les caractères et toutes

1 Voir un résumé de ces observations dans la thèse de M. Laurent,

op. cit., p. 13.

428 8 REVUE GÉNÉRALE.

les variétés qui ont été remarqués dans les somnambulismes

naturels'. 1.

Il n'est pas facile de se rendre compte du phénomène essentiel

qui caractérise les somnambulismes; comme ces états sont

extrêmement nombreux et variés, on constate dans l'un des

modifications physiques et morales qui ne se retrouvent pas

dans l'autre. Nous avons essayé de montrer autrefois que

« l'état somnambulique ne présente pas de caractères qui lui

soient propres, qui soient en quelque sorte spécifiques... Il n'a

que des caractères relatifs et ne peut être déterminé que par

rapport à un autre moment de la vie du sujet, à l'état normal

ou l'état de veille ». L'oubli de tout ce qui s'est passé pendant

le somnambulisme quand le sujet revient à l'état normal,

malgré toutes les complications que ce symptôme peut pré-

senter, nous a paru le seul caractère constant et essentiel du

somnambulisme. Le plus souvent, les souvenirs perdus réap-

paraissent quand le sujet se retrouve de nouveau dans l'état

anormal et cette amnésie, suivie d'un retour périodique des

souvenirs, établit une sorte de scission entre les deux états.

Un individu qui est vraiment somnambule vit de deux manières,

différentes, il a « deux existences psychologiques alternant suc-

cessivement2 » ; il a dans l'une des sensations, des souvenirs,

des mouvements qu'il n'a pas dans l'autre et, par conséquent,

il présente d'une manière plus ou moins nette suivant les cas,

deux caractères et en quelque sorte deux personnalités. Le

somnambulisme le plus simple doit être considéré comme

identique à ces grands phénomènes de double existence qui

sont quelquefois si manifestes, il est toujours le résultat, la

manifestation d'un dédoublement de la personnalité.

Cet état est provoqué de diverses manières : quelquefois, la

première personnalité, le premier groupement des phénomènes

psychologiques disparaît par le sommeil, par la fatigue de

l'attention et le second groupe se développe facilement. Dans

d'autres cas, une sorte d'alternance périodique s'établit par

l'habitude et le second système se reproduit régulièrement

quand le premier a duré un certain temps. Plus souvent en-

core, à notre avis, un petit fait quelconque, une sensation dé-

' Les actes inconscients et la mémoire pendant le somnambulisme.

Revue philosophique, 1888, t. I, p. 258, et Automatisme psychologique,

1889, 73, p. 125. ! Automatisme psychologique,. 1889, p. 448.

DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE 429

terminée, par exemple, se trouve associée avec le groupe de

phénomènes qui constitue le somnambulisme, et quand cette

sensation est provoquée elle amène automatiquement à sa suite

tout le système dont elle fait partie. C'est pour cela qu'il

suffira de tel ou tel signal pour déterminer le somnambulisme

de tel ou tel malade : l'une entrera rapidement dans cet état

parce que je lui touche le front, une seconde parce que je

lui presse le pouce, une troisième parce que je lui montre mon

doigt. Ces signaux sont tout-puissants non pour créer le dé-

doublement et former la seconde personnalité, mais pour l'évo-

quer quand elle existe déjà'.

Si l'on comprend de cette manière le somnambulisme, il est

facile de remarquer qu'un grand nombre d'accidents hysté-

riques peuvent s'y rattacher. Non seulement les longues pé-

riodes de la double existence, mais des états de durée très

courte pendant lesquels le malade paraît marcher ou agir au-

tomatiquement, ces fugues dont il ne se rend pas compte quand

il semble se réveiller, ces rêveries interminables dont on ne

peut que difficilement le tirer et qu'il ne peut expliquera ces

extases, ces catalepsies plus ou moins complètes, etc., ne sont

que des degrés ou des formes variées du somnambulisme, des

réapparitions plus ou moins complètes de la seconde existence.

Certains délires même dans lesquels le sujet crie, injurie,

semble jouer un rôle, ne sont également pour nous que des

somnambulismes modifiés par des influences particulières.

Mais on peut aller beaucoup plus loin, et M. Charcot a établi

depuis longtemps une notion que nous considérons comme

essentielle pour l'interprétation de l'hystérie, ce sont les rap-

ports étroits qui existent entre l'état somnambulique et l'at-

taque hystérique proprement dite. M. Charcot a montré que

d'un côté l'attaque renfermait très souvent des phénomènes

de nature somnambulique et que de l'autre les somnambu-

lismes naturels ou provoqués étaient souvent précédés ou

même accompagnés d'un grand nombre de symptômes appar-

tenant à l'attaque. Le sujet continuait dans une attaque sui-

vante les actes ou les rêves commencés dans la précédente, il

' Autam, psycho., p. 455.

= Les rêveries et les extases nous paraissent plus fréquentes et plus

importantes dans l'hystérie qu'on ne le croit généralement, elles forment

des attaques spéciales qui seront étudiées avec plus de détails dans

notre travail sur Les accidents mentaux de l'hystérie.

430 REVUE GÉNÉRALE.

avait dans le somnambulisme les mêmes strangulations, les

mêmes contractures que dans l'attaque, enfin les procédés qui

terminaient ou modifiaient l'une réussissaient également à ter-

miner ou à modifier l'autre 1. Nous croyons avoir ajouté

quelques notions à cette étude faite a la Salpêtrière. Les

sujets, disions-nous, passent très facilement d'un état à l'autre,

de la crise au somnambulisme ou réciproquement =. La mé-

moire qui est ici si importante présente dans ces deux états un

caractère essentiel, elle est réciproque : le malade pendant

l'attaque se souvient bien du somnambulisme, et ce n'est que

pendant le somnambulisme qu'il retrouve nettement les sou-

venirs de l'attaquer Ce sont deux états dont les caractères

généraux sont tout à fait comparables.

Cette comparaison de l'attaque et du somnambulisme peut

se poursuivre jusque dans les détails. Considérons, en effet, le

début de l'attaque ou les procédés qui réussissent à la provo-

quer. L'attaque est quelquefois spontanée au moins en appa-

rence surtout quand elle se produit régulièrement au bout d'un

certain temps de vie normale, ainsi que cela a lieu également

pour les somnambulismes. Mais le plus souvent, l'attaque est

provoquée par un phénomène psychologique qui est associé

avec l'état émotif, l'idée fixe, le rêve constitutif de la seconde

existence. Une hystérique qui dans ses attaques est en proie

au désespoir causé par la mort de son enfant, ou à la terreur

déterminée par un incendie, n'a qu'à penser à son enfant ou

même à un enfant quelconque, n'a qu'à regarder une petite

flamme ou simplement du papier rouge pour avoir une attaque.

Ces sensations provocatrices qui jouent le rôle de signal peuvent

être déterminées dans certains cas par l'attouchement d'un

point du corps. Un enfant court dans les rues poursuivi par un

ivrogne, il trébuche et tombe en avant sur le ventre. Depuis,

il suffit de le toucher au ventre pour qu'il ait une attaque de

terreur dans laquelle il voit l'ivrogne se jeter sur lui, essaye

de se sauver et appelle au secours. Un point du corps aura été

douloureux au moment d'une émotion, l'attention du sujet

1 Charcot. Maul, du syst. nerveux, t. I, p. 417. Paul Richer, La

grande hystérie, 1885, p. 301. Pitres, Leçons cliniques sur l'hystérie,

1891, t. 11, p. 235. '

* Aulom. psysch., p. j2,

3 Actes inconscients et dédoublement de la personnalité. (Revue philo-

sophique, 1886, t. II, 590. Autom. psych., p. 87, 1 : 0, 'r-'r8.)

DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE 431 1

aura été attirée sur ce point accidentellement ou même par

des investigations médicales et cette sensation bien spéciale

sera dorénavant associée avec l'attaque et en deviendra le signal.

« Il suffit, disions-nous autrefois, de presser des points hystéro-

gènes, c'est-à-dire de provoquer une sensation déterminée

appartenant au groupe des phénomènes psychologiques de la

crise pour amener l'attaque de convulsions, de même qu'il

suffit d'appeler quelques-uns des sujets qui ont été décrits du

nom que je leur ai donné pendant le somnambulisme pour

amener l'état de somnambulisme complet 1. On pourrait faire

les mêmes remarques sur les phénomènes qui caractérisent la

fin de l'attaque ou la fin du somnambulisme.

Passons à l'étude du développement même de l'attaque : ce

qui a frappé tous les observateurs c'est la régularité absolue

pour ainsi dire mathématique des attaques chez le même malade.

Ce sont toujours les mêmes gestes, les mêmes mouvements, les

mêmes cris, les mêmes paroles : on peut prévoir minute par

minute ce qui va se passer. On a beaucoup discuté pour savoir

s'il y avait un type général d'attaque hystérique, il est du

moins incontestable qu'il y a un type individuel et que chaque

malade conserve le sien pendant des années. Il en est exac-

tement de même pour les somnambulismes naturels : l'un

emporte un oreiller dans ses bras comme si c'était un enfant

et parcourt toujours le même chemin sur les toits, l'autre pré-

pare toujours un empoisonnement en mettant des allumettes

dans un verre. Que le somnambulisme se répète dix fois ou

cent fois, ce sont toujours à peu près les mêmes actes chez les

mêmes sujets. Enfin, on constate encore le même caractère

dans les somnambulismes artificiels : le sujet a les mêmes

aptitudes, les mêmes paroles, il obéit aux mêmes signes,

change d'état suivant qu'on le touche ici ou là. Si l'opérateur

se trompe, le sujet ne se trompe jamais et il fonctionne très

mal quand il n'est pas régulièrement dirigé, quand on n'ob-

serve pas minutieusement tous les procédés auxquels il est

habitué. La régularité automatique caractérise également tous

ces étas et ce fait peut, à notre avis, s'expliquer facilement. La

seconde existence est souvent une existence psychologique

rudimentaire dans laquelle les sensations et les idées peu nom-

breuses ne se contrôlent pas et ne se modifient pas les unes

' Automatisme psych., 1889, p. 456. Même remarque, Breuer et

Freud, op. cit., 1893, t. II.

432 REVUE GÉNÉRALE.

les autres. Les idées fixes que nous avons vu jouer un si grand

rôle pendant la veille des hystériques sont ici bien plus puis-

santes encore et se développent avec plus de régularité.

Enfin examinons le contenu des attaques, les actes et les

paroles qui les remplissent. Certaines attaques sont à ce

point de vue très simples, elles sont évidemment la reproduc-

tion minutieuse d'un événement de la vie du sujet, identiques

entièrement à la plupart des somnambulismes spontanés.

D'autres ne semblent pas être de cette nature : ce sont de

simples convulsions, des cris, des efforts respiratoires sans

signification précise. Il nous semble que l'on peut considérer

ces attitudes et ces contorsions comme des manifestations, des

expressions émotionnelles. Nous sommes loin du savoir exacte-

ment quels sont les mouvements des membres, les contorsions

de la face, les troubles circulatoires et respiratoires qui accom-

pagnent ou mieux qui constituent chaque émotion. Nous

savons seulement que l'émotion n'est pas autre chose qu'un

système de phénomènes de ce genre. Nous ignorons aussi de

quelle manière toutes ces manifestations s'exaspèrent et se mo-

difient quand l'émotion est très violente, très répétée, quand

elle se développe automatiquement sans être modérée par la

perception consciente des autres phénomènes. Nous ne pou-

vons donc pas expliquer par les lois de l'émotion chaque atti-

tude et chaque geste du sujet, mais nous pouvons supposer

d'après bien des signes que l'attaque d'hystérie vulgaire est la

reproduction automatique d'un état émotionnel ancien. On

peut le constater en examinant avec soin les idées et les sen-

timents qui envahissent régulièrement l'esprit du sujet avant

l'attaque et qui le remplissent pendant la crise. Et mettant le

sujet en somnambulisme, en profitant du souvenir qu'il a à

ce moment et seulement à ce moment des émotions éprou-

vées pendant l'attaque, on constate qu'une émotion ini-

tiale, terreur chez l'une, colère chez l'autre, désespoir chez

une troisième se répètent régulièrement à chacune de ces

crises 1. Vraisemblablement, toutes ces crises hystériques sont

de même nature, elles consistent dans la reproduction plus ou

moins complète d'une émotion, d'une aventure, d'une idée

ancienne dans une seconde existence qui est analogue à un

somnambulisme plus ou moins rudimentaire.

' Actes inconscients et dédoublement de la personnalité. (Revue philo-

sophique, lS86, t. II, p. 590. Même remarque, Jolly, op. cit., 1892,

p. 5, et Breuer et Freud, op. cit., 1893, p. 9.)

DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 433

Ces études sur les attaques et les somnambulismes sem-

blaient rapprocher et réunir une catégorie importante de

symptômes hystériques, les accidents périodiques, mais pa-

raissaient laisser de côté les accidents permanents, ces troubles

du mouvement si bien résumés d'autre part par les théories

de M. Charcot et de M. Moebius. Cette séparation de ces deux

groupes de faits est-elle aussi absolue ? C'est ce que nous

n'avons pas pensé; nous avons cherché leur réunion en étu-

diant les manifestations de la seconde personnalité dans l'in-

tervalle des somnambulismes et des attaques.

Cette recherche a été commencée par l'étude des sugges-

tions à effet posthypnotique. Dans certains cas, ces suggestions

ne peuvent être exécutées avec exactitude que grâce à certains

calculs et à certaines réflexions. On a dit au sujet de faire un

acte dans huit jours, il faut bien que, après le réveil, il se

souvienne du commandement et compte les jours qui le

séparent de l'instant de l'exécution. Or il semble après le

réveil n'avoir aucun souvenir de la suggestion et n'a cons-

cience d'aucun calcul, d'aucune réflexion 1. Nous avons été

conduits à admettre dans ce cas et dans beaucoup d'autres

semblables qu'il y avait une certaine intelligence subsistant

dans l'esprit du sujet à son insu, en dehors pour ainsi dire de

sa conscience et de sa personnalité. Des actes de ce genre sont

très nombreux; on les constate facilement quand le sujet est

distrait et qu'on lui fait accomplir à son insu des actes assez

compliqués; on les constate également en étudiant les mou-

vements complexes et intelligents que l'on peut provoquer

dans des membres anesthésiques. Il existe un phénomène

tout à fait caractéristique où de telles actions se manifestent

d'une manière absolument nette, ce sont les actes inconscients

spontanés et l'écriture automatique des médiums =. Ces écri-

tures sont non seulement involontaires, elles sont encore dans

les cas les plus nets totalement inconscientes, c'est-à-dire tout

à fait ignorées par la personnalité normale du médium; mais

elles sont cependant intelligentes et démontrent l'existence de

sensations, de souvenirs, de jugements parfaitement réels.

1 Revue philosophique, 1886, t. II, p. 582.

- Anesthésie systématisée et dissociation des phénomènes psycholo-

giques. (Revue philosophique, 1887, t. I, p. 450 et 1888, t. I, p. 254.)

Pour l'historique de ces études sur l'écriture automatique, cf., Autom.

psych., p, 376.

Archives, t. XXV. 28

434 REVUE GÉNÉRALE.

Enfin, dans quelques expériences étudiées surtout par les

auteurs anglais et dont nous avons pu vérifier l'exactitude, on

peut provoquer chez le sujet non plus des mouvements, mais

des hallucinations visuelles qui ont également leur origine

dans des pensées subconscientes '. Le sujet, en fixant un mor-

ceau de cristal, y verra des images, des lettres correspondantes

à des idées, à des souvenirs qu'il croyait sincèrement ne pas

posséder et qui lui apparaîtront soudainement comme des révé-

lations surnaturelles.

Cette seconde pensée existant au-dessous et en dehors de la

première n'est pas pour nous un phénomène nouveau. Il est

facile de démontrer qu'elle est étroitement liée avec la seconde

existence qui caractérisait le somnambulisme. On constate

pendant le somnambulisme le souvenir de tous ces actes en

apparence insconscients, ces actes eux-mêmes et l'écriture

automatique en particulier manifestent le souvenir complet

du somnambulisme, enfin le passage d'un de ces phénomènes

à l'autre est extrêmement facile et fréquent. On peut résumer

les faits en disant « ces actes en apparence subsconscients ne

sont pas quelque chose de distinct du somnambulisme; ils

sont le somnambulisme lui-même non plus isolé, alternant

avec la veille, mais se prolongeant sous la veille sans inter-

ruption 2. » Bien entendu, il n'est pas question ici des va-

riétés, ni des difficultés de détail, « de ces états de somnam-

bulisme variés dont chacun amène le souvenir d'un certain

nombre d'actes subconscients 3 ». Nous nous bornons à cons-

tater que cet « hémisomnambulisme », comme l'a très bien

appelé M. Ch. Richet4, est exactement de la même nature

que le somnambulisme lui-même; qu'il résulte comme lui

d'un dédoublement de la personnalité. Tous les phénomènes

psychologiques qui se produisent dans le cerveau ne sont pas

réunis dans une même perception personnelle, une partie

reste indépendante sous forme de sensation ou d'images élé-

1 Revue philosophique, 1888, t. I, p. 267. F. Myers, The subliminal

consciousness, sensory automatisrn and induced hallucinations. (Procee-

dinys of the Society forpsychical research, 1892, p. 436.)

1 Les actes inconscients et la mémoire pendant le somnambulisme.

(Revue philosophique, 1888, t. I, p, 265. Autom. psych., p. 410.)

3 Automatisme psychologique, p. 332.

` Ch. Richet. Les mouvements inconscients dans l'hommage ci Che-

vreul, 1880, p. 93.

DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 435

mentaires, ou bien s'agrège plus ou moins complètement et

tend à former un nouveau système, une personnalité indé-

pendante de la première. Ces deux personnalités ne se

bornent pas à alterner, à se succéder l'une à l'autre, elles

peuvent coexister d'une façon plus ou moins complète.

Un grand nombre d'accidents hystériques se rattachent à

ce type de l'hémisomnambulisme comme les attaques se

rattachent au type du somnambulisme. Nous avons été forcé

de reconnaître que dans beaucoup d'accidents, l'idée fixe qui

devait les provoquer et les entretenir d'après la théorie de

M. Charcot ne pouvait être exprimée par le malade, car il

l'ignorait complètement. Nous comprenons maintenant que

ces idées peuvent exister en lui bien qu'il n'en ait pas cons-

cience, et ce n'est pas là une simple supposition vraisem-

blable, c'est un fait que l'on peut démontrer cliniquement.

Combien de fois n'avons-nous pas montré que le sujet par

l'écriture automatique pendant la veille pouvait exprimer ces

idées fixes ? Plus souvent encore, nous avons constaté que le

sujet dans tel ou tel état hypnotique retrouvait complète-

ment la mémoire de ces idées fixes subsconscientes.

De semblables idées fixes, existant en dehors de la percep-

tion personnelle, jouent dans l'hystérie un rôle capital; elles

peuvent déterminer des troubles du mouvement les plus

variés, elles donnent lieu à des hypéresthésies, elles amènent

môme des hallucinations car la séparation des deux cons-

ciences est loin d'être absolue et un phénomène qui a été pro-

voqué dans l'une par toute une série d'associations d'idées peut

apparaître brusquement dans l'autre; elles peuvent troubler

et obscurcir l'esprit, provoquer les oublis les plus étranges et

même des sortes de délires. Nous avons analysé il y a quelques

années un cas de ce genre dans lequel un grand nombre

d'accidents se rattachaient à des idées fixes subconscientes.

z Il faudrait, disions-nous à ce propos, passer en revue toute

la pathologie mentale et une partie importante de la patho-

logie physique pour montrer tous les désordres psycholo-

giques et corporels que peut produire une pensée persistant

ainsi en dehors de la conscience personnelle '. » La puissance

de ces idées dépend précisément de leur isolement. Les idées

' Automatisme psychologique, 1889, p. 436. Mêmes remarques à

propos d'une autre malade sur un cas d'abolie et d'idées fixes. (Rev. phi-

losophique, 1891, t. I, p. 280.)

436 .. REVUE GÉNÉRALE.

d'un homme normal sont nombreuses et se font obstacle réci-

proquement parce qu'elles font partie de la même conscience;

mais chez les hystériques il n'en est pas ainsi, en raison de

la dissociation facile de leur unité mentale, disait M. Charcot,

^certains centres peuvent-être mis en jeu sans que les autres

régions de l'organe psychique en soient averties et prennent

part au processus D. Ces idées grandissent, a s'installent dans

l'esprit à la manière d'un parasite » et ne peuvent être arrê-

tées dans leur développement par les efforts du sujet, parce

qu'elles sont ignorées, qu'elles existent à part dans une

seconde pensée séparée de la première. Ces remarques nous

avaient conduit autrefois à considérer ces dissociations des

phénomènes psychologiques comme un caractère essentiel de

l'hystérie : « Ce fait, disions-nous, doit jouer dans cette ma-

ladie un rôle aussi capital que celui de l'association dans la

psychologie normale 2. » Un peu plus tard, nous expliquions

divers accidents de l'hystérie et en particulier les contractures

par une activité véritable du second groupe d'images séparé

de la conscience normale3 ». « Le caractère essentiel de celte

maladie de la désagrégation était la formation dans l'esprit de

deux groupes de phénomènes, l'un constituant la personnalité

ordinaire, l'autre susceptible d'ailleurs de se subdiviser formait

une personnalité anormale différente de la première et complè-

tement ignorée par elle 4. »

A la même époque, M. -Jules Janet, pour résumer les re-

cherches que nous avions faites, a publié une observation

des plus intéressantes, et il a cherché à exprimer cette nou-

velle conception de l'hystérie 5. On peut peut-être reprocher

à ce travail d'être un peu trop schématique, mais il a le grand

mérite de résumer d'une manière très nette une conception

psychologique assez délicate qui était alors très peu comprise.

« L'état incomplet de la personnalité première, dit-il, cons-

litue les tares hystériques, il permet l'action désordonnée de la

personnalité seconde, c'est-à-dire les accidents hystériques... la

1 Charcot. JIal. du syst. ner., III, p. 455.

. L'anesthésie systématisée et la dissociation des phénomènes spycho-

logiques. (Revue philosophique, 1887, t. I, 472.)

' Automatisme psychologique, 1889, p. 362.

' Ibid., 1889, p. 367.

s Jules Janet. Hystérie et hypnotisme d'après la théorie de la

double personnalité. (Revue scientifique, 1888, t. I, p. 616.)

DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 437

seconde personnalité toujours cachée derrière la première, d'au-

tant plus forte que celle-ci est plus affaiblie, profite de la moindre

occasion pour la terrasser et paraître au grand jour'. »

Un grand nombre d'études psychologiques furent faites en-

suite sur ce dédoublement mais nous ne résumons ici que les

conceptions médicales de l'hystérie. M. Laurent, dans un tra-

vail paru d'abord dans les Archives cliniques de Bordeaux 2, et

reproduit plus tard avec développement dans sa thèse de doc-

toral 3, montre le grand rôle que jouent chez l'hystérique les

états secondaires et les phénomènes subconscients, et les con-

sidère comme caractéristiques de cette maladie. Mais le travail

le plus important qui soit venu confirmer nos anciennes études

est sans contredit l'article de MM. Brener et Frend récemment

paru dans le Neurologisches centmlblatt 4. Nous sommes

très heureux que ces auteurs dans leurs recherches indé-

pendantes aient pu' avec autant de précision vérifier les

nôtres et nous les remercions de leur aimable citation. Ils

montrent par de nombreux exemples que les divers symp-

tômes de l'hystérie ne sont pas des manifestations spontanées,

idiopathiques de la maladie, mais sont en étroite connexion

avec le trauma provocateur. Les accidents les plus ordinaires

de l'hystérie, même l'hypéresthésie, les douleurs, les attaques

banales doivent être interprétés de la même manière que les

accidents de l'hystérie traumatique par la persistance d'une

idée, d'un rêve ? Le rapport entre l'idée provocatrice et l'acci-

dent peut être plus ou moins direct, mais il existe toujours. Il

faut cependant constater que souvent le malade dans son état

normal ignore cette idée provocatrice qui ne se retrouve net-

tement que pendant les périodes d'état second naturelles ou

provoquées et c'est précisément à leur isolement que ces idées

doivent leur pouvoir. Le malade est guéri, disent ces auteurs,

quand il parvient à retrouver la conscience claire de son idée

' Jules Janet, op. cil., p. 622.

s L. Laurent. De l'état mental des hystériques d'après les théories

psychologiques actuelles. (Archives cliniques de Bordeaux, septembre

1892.)

3 L. Laurent. Des états seconds, variations pathologiques du champ

de la conscience, 1892.

1 Josef Brener et Sigm. Frend in Wien. Ueber den psycheen mecha-

nismus hyslerischer Phiinornene, (Neurologisches ceratralblatt, 1893, nos 1

et 2.)

6 Brener et Frend, op. cit., Séparât abdruck, 3.

438 RECUEIL DE FAITS.

fixe. « Celte division de la conscience que l'on a constatée avec

netteté dans quelques cas célèbres de double existence existe

d'une façon rudiment aire chez toute hystérique, la disposition

à cette dissociation et en même temps à la formation d'étals de

conscience anormaux qucnous proposons de réunir sous le nom

^d'états hypnoïdes constitue le phénomène fondamental de cette

névrose 1. » Cette définition vient confirmer celles que nous

avons déjà données et qui cherchent à grouper tous les symp-

tômes de la maladie autour d'un phénomène principal le dé-

doublement de la personnalité. (A suivre.)

RECUEIL DE FAITS.

PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE.

Par le D' CHABIlERT, de Toulouse.

71édecin-consullant à Bagneres-de-Bigorrc.

Dans l'étude sur les tremblements hystériques, après avoir

analysé un certain nombre de cas de tremblements vibratoires

survenus brusquement à l'occasion d'une cause bien déter-

minée, comme une attaque convulsive, une frayeur, un trau-

matisme, etc., et avoir signalé leur persistance parfois indé-

finie, M. le professeur Pitres conclut en ces termes : « En

présence de ces faits, on peut légitimement se demander si

l'hystérie ne joue pas un rôle beaucoup plus considérable qu'on

ne l'a cru jusqu'à ce jour dans la pathogénie des tremblements

chroniques qui succèdent aux grands ébranlements psychiques.

Les auteurs classiques affirment que la paralysie agitante et le

tremblement sénile débutent quelquefois brusquement à la

suite de fortes émotions morales. Ils ont peut-être raison, mais

il ne serait pas mauvais que leur opinion fut étayée sur des

observations nouvelles, dans lesquelles l'intervention possible

de l'hystérie serait l'objet d'une attention spéciale 2. »

1 Ibid. Les auteurs ajoutent, p. 4, sans préciser que ces idées se

rapprochent aussi de celles de Benedikt. Nous regrettons de ne pas

connaître ce travail.

' A. Pitres.- Leçons cliniques sur l'hystérie et l'hypnotisme, t. I, p. 300.

PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 439

Le cas de paralysie agitante que nous publions répond, dans

une certaine mesure, aux desiderata formulés par M. Pitres.

Il établit : 1" que la paralysie agitante peut s'observer chez un

individu ayant présenté des manifestations convulsives de nature

hystérique; 2° que la paralysie agitante peut coexister avec des

stigmates hystériques parfaitement caractérisés.

Observation. Jean M...re, cinquante-six ans'.

Antécédents héréditaires. Père, cultivateur, mort à soixante-

douze ans d'une fluxion de poitrine. Homme doux, rangé, n'ayant

jamais fait de maladie sérieuse. 11 avait trois frères qui sont morts

également à un âge assez avancé.

Mère décédée à soixante-quatorze ans d'une fluxion de poitrine !

bonne santé habituelle, ni migraineuse ni coléreuse. Elle a eu six

enfants; deux sont morts, l'un à soixante ans, d'un refroidis-

sement ( ? ), l'autre à quarante-quatre ans, des suites de couches ; les

quatre survivants ont soixante-quatorze, soixante-quatre, cin-

quante-neuf et cinquante-six ans ; les trois plus âgés sont bien por-

tants, le quatrième fait l'objet de cette observation.

Les grands parents ont vécu jusqu'à quatre-vingts, quatre-vingt-

deux ans. Chez eux, comme chez les collatéraux, on ne trouve pas

trace d'affection nerveuse ou diathésique quelconque. Mention-

nons, toutefois, que l'un des frères du malade a eu un de ses

fils réformé pour accès de C[ haut mal », survenus à la suite d'une

peur.

Antécédents personnels et histoire de la maladie. M... n'a pré-

senté dans son jeune âge ni convulsions, ni fièvre éruptive; fré-

quentant très peu l'école, il sait à peine lire et écrire; son enfance

s'est écoulée à garder les bestiaux ou aux travaux des champs. Mis

en apprentissage à quinze ans, chez un menuisier, sa jeunesse a

été paisible, sans excès d'aucune sorte; il a été exempt du service

militaire pour varicocèle, s'est établi à vingt-trois ans et marié à

trente-trois. Il a eu cinq enfants : trois garçons et deux filles, tous

en bonne santé, âgés actuellement de vingt-trois, dix-neuf, seize,

quatorze et cinq ans et demi. Au point de vue moral, il s'est

montré toujours bon, affectueux, mais très impressionnable;

la moindre réprimande, même de ses parents, le mettait en pleurs.

Dans les antécédents, on relève une attaque convulsive à vingt

ans et une fièvre typhoïde à vingt-deux ans. L'attaque convulsive

se serait produite dans les circonstances suivantes : M... avait passé

la soirée dans une maison amie, à quelques kilomètres de l'habi-

' Qu'il nous soit permis d'adresser ici nos remerciements à notre ex-

cellent confrère et am, M. le Dr Lairorue, de Bagnères-de-Bigorre, grâce

à l'obligeance duquel nous avons pu observer cet intéressant malade.

440 RECUEIL DE FAITS.

tation de sa famille, où il avait beaucoup chanté; il possédait,

dit-il, une très belle voix; -rentrant chez lui vers minuit et demi,

par une nuit très froide, il continue à chanter de plus belle, et

avec tant de coeur, qu'en vue de son domicile, n'ayant pas ter-

miné sa romance, il s'assied au bord de la route, sur une borne,

pour en dire les derniers couplets. Enfin, il franchit le seuil de la

' porte, monte à sa chambre, se couche. Il était au lit depuis un

moment, lorsqu'il se sent mal à l'aise, ressent quelque chose qui

le presse au cou, l'étouffe, devient raide et se met à se débattre.

Un de ses frères, couché dans la même pièce, accourt, appelle la

famille et, difficilement, quatre personnes le peuvent contenir. La

crise dura environ un quart d'heure. Malgré le temps écoule de-

puis, M... affirme qu'il ne perdit pas connaissance : il voyait tout

ce qui se passait autour de lui, entendait tout ce qui se disait, mais

il ne pouvait parler. A deux reprises, il put s'écrier seulement :

a Laissez-moi ! laissez-moi ! » car, fait-il observer, ses parents en le

maintenant et le frictionnant, lui faisaient plus de mal que de

bien. Il affirme encore qu'il n'avait pas pris la moindre boisson,

que, durant la crise, il n'a pas uriné sous lui ni ne s'est mordu la

langue. Après l'attaque, il s'endormit facilement ; le lendemain, au

lever, se trouvant tout courbaturé, on fit appeler le médecin qui

lui pratiqua une saignée.

Au sujet de sa fièvre typhoïde, M... raconte qu'il fut très grave-

ment malade et très long à se rétablir : il serait resté près de quatre

mois ne pouvant marcher sans l'aide de bâtons.

De 1859 à 1880, santé parfaite. A cette dernière date, possédant

quelques économies, M... se rend acquéreur d'une petite propriété

qu'il ne paie qu'en partie, mais avec l'espoir de se libérer bientôt,

escomptant à l'avance les bénéfices que lui donnait sa profession.

Malheureusement, le travail se ralentit, et de ce côté, il est complè-

tement déçu. Préoccupé par les engagement qu'il a contractés,

son caractère alors se modifie ; il devient triste, taciturne, les di-

gestions se font mal, les nuits sont mauvaises. Ce que voyant, sa

femme et ses deux fils aînés prennent le parti de se rendre en Amé-

rique tenter fortune (octobre 1887). Il consent à cette séparation,

non sans une vive douleur; mais, une fois accomplie, le découra-

gement s'empare de lui; il est sans le moindre entrain, et les nou-

velles peu rassurantes qu'il reçoit ne font qu'aggraver son état;

aussi souvent « se trouvet-il à pleurer ».

C'est dans cette situation d'esprit (mars 1889) qu'il est pris d'un

refroidissement ( ? ) qui lui tient la tête et le membre supérieur

gauche. Il ne peut incliner la tête de ce côté, se sert très difficile-

ment de son bras. Au bout de deux mois de souffrances, il semble

se produire une légère amélioration ; néanmoins, les mouvements

du bras sont toujours très gênés; il existe un peu d'endolorissement

et la fatigue arrive de suite.

PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 441

Jusqu'en septembre, alternatives de bien et de mal, quand, à

cette date un nouveau malheur le frappe; une nuit il est réveillé

par les cris : « au feu A, voit sa maison en flammes et réussit à

grand'peine à se sauver. Le malheur était d'autant plus considé-

rable que nulle assurance ne couvrait le sinistre. Quelques jours

après, M... s'aperçoit qu'il tremble de lamain gauche. Dans la suite, z

le tremblement a envahi le bras, puis lajambe du même côté ; le

tronc s'est infléchi en avant; la tête est devenue immobile, la face a

revêtu un aspect tout spécial.

La thérapeutique suivie a consisté dans l'emploi des prépara-

tions bromurées, dans l'application de vésicatoires et de pointes de

feu le long de la colonne vertébrale. Une première fois, on a fait

quatre-vingt-douze cautérisations ; une autre fois, soixante-douze.

Particularité à noter; après chaque application des pointes de feu,

la gêne des mouvements s'est accusée davantage.

Fig. 51.

Reproduction d'un crcquis dû il I hulule crayon de notre confrère

AI. le D' Lalïorâue.

442 RECUEIL DE FAITS.

Etat actuel. Ce qui frappe tout d'abord chez le malade, c'est son

faciès, son attitude et les mouvements dont le bras gauche est agité.

Les yeux fixes, grands ouverts, les sourcils relevés, le front par-

couru de rides, les lèvres pincées, les sillons naso-géniens en

partie effacés, on croirait voir un masque où serait peint l'étonne-

ment (fig. 1). A un examen plus attentif, on reconnaît cependant

que l'harmonie des traits n'est pas absolue ; l'oeil gauche est un

peu'plus ouvert que le droit; le pincement des lèvres n'est pas uni-

forme ; tandis qu'à droite elles sont fortement appliquées l'une

contre l'autre, à gauche, elles sont légèrement entr'ouvertes. En

outre, soit au repos, soit pendant le parler, on note par moments

de légères contractions en rapport avec le muscle grand zygo-

matique. Mais ces détails ne modifient nullement la physionomie

du malade, qui reste impénétrable et que le rire ne parvient pas à

dérider.

L'altitude est non moins caractéristique : le haut du tronc infléchi

enrayant, la tête comme soudée sur les épaules, on dirait un auto-

Fig. 52.

Reproduction d'un croquis fait par M. le D' Lafforâue.

PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 443

mate. La tête, néanmoins, peut exécuter encore quelques légers

mouvements de latéralité ; très limités à droite, ils sont à peu près

nuls à gauche. Dans la position assise (fig. 2), les bras légèrement

fléchis, les coudes un peu déjetés en dehors, reposent le plus habi-

tuellement sur les cuisses par la face palmaire des mains dont le

bord interne est incliné sur le cubilus. Les membres inférieurs

fléchis à angle droit, modérément écartés, appuient sur le sol par

toute la surface plantaire. Debout, les membres supérieurs occu-

pent la même position que précédemment, mais les mains repo-

sent sur les parties latérales du tronc ou bien sont appliquées l'une

sur l'autre contre l'épigastre. Quelle que soit la position occupée, les

doigts en extension sont légèrement fléchis, rapprochés les uns des

autres, le pouce en opposition, soit sur le bord externe de l'indica-

teur, soit contre sa face palmaire. Cette disposition des mains de

reposer constamment par leur face palmaire, est cause de la diffé-

Fig. 53.

Instantané. - Le malade en marche.

444 Il. RECUEIL DE FAITS.

rence de coloration que l'on observe : tandis que la face dor-

sale est fortement hâlée le malade passe sa vie au grand air

la face palmaire est d'un blanc livide. Les membres inférieurs pré-

sentent une légère flexion de la cuisse sur le bassin et de la

jambe sur la cuisse ; par rapport à leur écartement, ils sont dans

une situation à peu près normale. Pendant la marche, on ne relève

aucune modification ; elle s'accomplit lentement, tout d'une pièce

(fig. 3), mais avec une grande régularité, les yeux ouverts ou fer-

més, et le changement de direction s'effectue sans hésitation ni

perte d'équilibre. Elle n'est pas plus précipitée à un moment qu'à

un autre : si on tire le malade par derrière ou sur les côtés, il n'y

a pas de rétropulsion ou de latéropulsion : d'ailleurs M... descend et

gravit les marches de l'escalier avec la plus grande facilité, sans le

secours de la rampe.

Le tremblement occupe principalement le membre supérieur

gauche, où il est surtout prononcé à la main; pour les autres

membres, on ne l'observe que lorsque le malade est fatigué ou

émotionné. Même dans ces conditions il reste beaucoup plus mar-

qué à gauche (fig. 4, 5, 6), car c'est à peine s'il est dessiné pour la

Fac-similé de l'écriture tracée de la main droite. Le tremblement

en est peu marqué, c'est plutôt de l'hésitation dans la formation des

lettres.

Fac-similé de l'écriture tracée de la main gauche. Le tremblement est

ici très net. La figure 5, répond à l'état du malade, lors de son arrivée

à Bigorre, la ligure 6 au moment du départ. De la main gauche, le

malade écrit de droite à gauche.

main droite et fait défaut dans le membre inférieur du même côté.

Etudié à la main, il consiste en des mouvements alternatifs de

flexion et d'extension combinés avec de légers mouvements de laté-

ralité. Les premiers portent sur les doigts qui semblent « filer la

laine »; les seconds occupent la main dans son ensemble. Ce sont

des oscillations peu étendues, parfaitement rythmées dont le

nombre varie de 5 à 8 par seconde. Augmentant d'amplitude avec

l'émotion, ils persistent le plus souvent au repos. Dans l'accomplis-

sement des actes intentionnels, ils diminuent sensiblement d'éten-

due et paraissent cesser complètement si, par exemple, le maladu

Fig. 51. .

Fig. 55.

Fig, 56.

PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 445

tient sa main fortement appliquée contre le genou. La langue

prend part aussi au tremblement; retirée hors de la bouche, comme

à l'intérieur de la cavité buccale, elle est agitée d'oscillations.

En outre de ces phénomènes qui attirent l'attention, M... signale

les particularités suivantes : depuis quelque temps, ses jointures ne

jouent plus comme parle passé; actuellement, il lui est impossible

de porter la main gauche sur la tète; il éprouve une grande diffi-

culté pour se vêtir; assis, il a de la peine à se mettre dans la station

debout. Néanmoins, les différentes articulations ne présentent pas

signe d'une lésion quelconque; seulement si on cherche à les mou-

voir, on constate une certaine résistance.

Comme troubles subjectifs il y a lieu de relever une sensation de

froid très caractérisée, car le malade, malgré la température élevée

est chaudement vêtu; elle est limitée exclusivement au côté droit;

de ce même côté, il accuse de l'endolorissement qui est très prononcé

à la partie postéro-latérale du cou et au membre supérieur. Il se

plaint encore d'une fatigue générale, de bruits dans la tête qu'il

compare au a cri-cri » non interrompu du grillon', de tiraillements

dans tout le corps, mais plus particulièrement au niveau des pau-

pières et de l'orifice buccal. On croirait, dit-il que quelqu'un me

tire les paupières par-dessus la tête et me tient le poing appliqué

sous le menton. Les paupières, en effet, se ferment à de longs in-

tervalles : il s'écoule plus d'une minute entre deux occlusions con-

sécutives; si on veut maintenir leurs bords appliqués l'un contre

l'autre, on éprouve la sensation d'une résistance à vaincre ; de

même, si le malade, par un effort de volonté, les tient quelques

secondes abaissées, on voit leurs bords libres animés de mouve-

ments convulsifs. Pour l'orifice buccal, le resserrement est tel qu'il

imprime à la parole un cachet spécial : les mots sont prononcés

entre les dents et sur un timbre pleurard qui rappelle les pate-

nôtres de certains mendiants. En raison de cette gêne, il s'écoule

toujours un temps appréciable entre la demande la plus naturelle

et la réponse la plus simple ; en second lieu, taudis que les pre-

miers mots sont émis lentement, les suivants le sont avec volubi-

lité, au point que l'oreille les saisit difficilement. Mais il convient

' Le terme cri-cri employé par le malade pour qualifier le bruit qu'il

ressent dans la tête, mérite d'être retenu, car il dépeint, sous une forme

très juste et très pittoresque, le phénomène auquel il est lié. Les recherches

microphoniques de Boude,. de Pans, Brissaud et Regnard ont établi

que le muscle qui se contracte normalement donne lieu à un bruit de

roulement régulier (bruit rotatoire), tandis que le muscle contracture pro-

duit un bruit irrégulier, scandé. Or, chez M..., le sterno-mastoidien et le

trapèze se trouvant contractures, il est tout naturel que le bruit scandé,

irrégulier, fût transmis et perçu par les organes centraux de l'audition,

étant donné les insertions supérieures de ces muscles à l'apophyse mastoïde

et à la ligne occipitale supérieure.

446 RECUEIL DE FAITS.

de faire observer que le débit précipité est volontaire et motivé pour

obvier à la fatigue qu'entraîne J'écartement des lèvres; car, si on

dit au malade de parler lentement et d'articuler nettement, il le

peut très bien. Enfin, le sommeil est long à venir et de courte durée.

Cependant M... voit arriver la nuit avec plaisir; dès que ses yeux

sont soustraits à l'action-de la lumière, il ressent un bien-être indé-

finissable. Du reste, tous les phénomènes sont quelque peu amen-

dés par le repos. Ainsi, le matin, dans les premières heures qui sui-

vent le lever,le tremblement est moins accusé,la paroleplus facile,

les mouvements plus libres.

Examen du malade. - Homme de taille moyenne, mise soigneuse,

presque coquette, d'une propreté irréprochable, ce qui frappe chez

un campagnard. Mémoire conservée, idées lucides, compréhen-

sion facile. Absence de tissu adipeux, musculature normalement t

développée. Force musculaire sensiblement diminuée; à droite,

l'aiguille du dynamomètre marque 33 ; à gauche, 35. La mensura-

tion fournit les résultats suivants : -.

PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 447

mais il y a de la dyschromatopsie pour le violet, le vert, et le champ

visuel est rétréci dans les différents méridiens. Le goût est conservé,

l'odorat est obnubilé des deux côtés : les odeurs comme le benjoin,

l'eau de Cologne, ne sont pas perçues ; l'éther impressionne quel-

que peu la membrane pituitaire, mais n'est pas reconnu; l'ammo-

niaque ne produit pas de sensation désagréable. Le chatouille-

ment de la muqueuse nasale provoque l'éternuement. L'ouie présente

les particularités suivantes : à droite, le tic tac de la montre est

perçu à la distance de 8 à 10 centimètres; à gauche, c'est à peine

s'il est entendu à 2 centimètres. Le diapason en vibration, appliqué

sur l'apophyse mastoïde, impressionne l'oreille, et, alors que les

vibrations ne sont plus perçues, elles sont entendues à nouveau si

l'instrument est mis en regard du pavillon.

Le coeur, lespoumons fonctionnent régulièrement; pouls,80. Tem-

pérature prise sous la langue, 37°3. Placé sur les diverses régions du

corps le thermomètre accuse de^ différences très minimes, mais qui

dénotent une légère diminution de température du côté droit,

bien que la coloration du tégument soit la même des deux côtés.

L'examen des urines n'a révélé ni sucre, ni albumine; leur ana-

lyse' a donné pour 1,000 centimètres cuhes :

448 RECUEIL DE FAITS.

fatigue de tous les instants; les seuls absents sont la sensation

de chaleur qui n'a jamais existé et se trouve remplacée par

une sensation de froid, et les phénomènes de propulsion, de

rétropulsion. Par rapport à l'âge, aux causes, l'affection s'est

déclarée à cinquante-trois ans, à la suite de chagrins, d'une

' émotion vive; son début a été marqué par des douleurs consi-

dérées rhumatismales, mais qui, selon toute vraisemblance,

doivent être rapportées à la contracture déjà en voie de déve-

loppement ; chez le malade, en effet, la rigidité a précédé le

tremblement. Donc, au point de vue des symptômes réputés

propres à la paralysie agitante, le cas est des plus classiques,

l'on est en présence de la forme vulgaire de la maladie où

sont représentées, à des degrés divers, les deux variétés trépi-

dante et convulsive, avec envahissement progressif.

Mais, à côté de ces symptômes d'observation courante, il en

est d'insolites sur lesquels doit porter maintenant notre exa-

men. D'une part, nous relevons des phénomènes de réflectibi-

lité accrue que trahissent l'exagération du réflexe rotulien, du

réflexe massétérin et la trépidation épileptoide ; d'autre part,

ce sont des stigmates hystériques bien définis : le rétrécisse-

ment concentrique du champ visuel =, la dyschromatopsie,

' Le réflexe massétérin aurait été seulement constaté jusqu'ici dans la

sclérose latérale amyotrophique, dans un cas de lésion organique bulbo-

protubérantielle et dans le spasme hystérique. (De Wateville, in Archives

de Neurologie, vol. XX, p. 72.)

- Le rétrécissement du champ visuel est un stigmate d'une très grande

Fig. 57.

Rétrécissement. Champ visuel de Joseph G...

PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 449

l'obnubilation de l'odorat, de l'ouïe. Les premiers accom-

pagnent la lésion du faisceau pyramidal ou manifestent l'alté-

ration dynamique des éléments ganglionnaires de l'axe céré-

bro-spinal, tandis que les seconds appartiennent uniquement

à ce dernier ordre de causes. L'hypothèse d'une lésion des

cordons latéraux doit être écartée d'emblée, car on n'a cons-

taté ni ictus apoplectique, ni paralysie motrice ; aussi, pouvons-

nous considérer les uns et les autres comme l'expression d'une

altération purement fonctionnelle, et les rattacher bien plus

naturellement à l'hystérie dans laquelle l'hyperexcitabilité

spinale joue un rôle si considérable. Du reste, l'hystérie est

ici confirmée par les antécédents du malade, car on ne saurait

rapporter à aucune autre affection la crise convulsive qu'il a

valeur dans le diagnostic de l'hystérie. Nous aurions voulu reproduire

celui de M..., mais, à l'époque où a porté notré examen, il ne nous était

pas possible de recourir à un spécialiste; aussi, le rétrécissement a été

constaté par les moyens usités en clinique. Toutefois, dans le moment,

grâce à l'obligeance de notre confrère et ami, M. le Dr Olivier, nous obser-

vons un autre cas de paralysie agitante où l'examen campimétrique pra-

tiqué par M. le D Rolland, médecin-oculiste, très compétent en ces ma-

tières, a révélé les modifications suivantes : 0. D. V. =2/3; 0. G.V. = 1/2,

rétrécissement concentrique surtout prononcé à gauche (fig. VII), dys-

chromatopsie pour le violet, le vert; le rouge est reconnu avant le bleu.

Voici, du reste, résumée en quelques mots, l'observation de ce malade :

Joseph G...., soixante-quatre ans, ouvrier cordonnier. Depuis un an et

demi, se plaint d'une grande fatigue et d'une gêne très marquée dans les

mouvements; il y a quelques mois, s'est aperçu que la main droite trem-

blait lorsqu'il était,émotionné. Pas d'antécédents héréditaires, n'ajamais fait

de maladie, ni présenté d'accidents de nature convulsive, a habité long-

temps un rez-de-chaussée humide. Comme cause dépressive, accuse la

misère dans laquelle il se trouve depuis quatre à cinq ans, par suite du

manque de travail.

Exanien du malade. - Tète quelque peu soudée aux épaules; facies

Parkinsimnien et attitude en flexion encore peu marqués; parole, mouve-

ments lents; pas de propulsion ou de rétropulsion, mais, en marche,

G.... se sent comme entraîné en avant. Assis, les membres supérieurs

reposent sur les cuisses, les mains en pronation. Le tremblement est

limité au côté droit; manifeste pour le pied, il est très peu accusé à la

main et ne se produit que si le malade est émotionné. En plus des

troubles de la fonction visuelle, on note : réflexe pharyngien aboli; dimi-

nution de l'acuité auditive et du sens de l'olfaction, surtout prononcée à

gauche; le goût est obnubilé; réflexes rotuliens et des fléchisseurs de la

main exagérés. En somme, cas vulgaire de paralysie agitante en voie de

développement, dont tout l'intérêt réside dans l'âge auquel l'affection a

débuté, dans la manifestation du tremblement tout d'abord au pied

droit, bien qup, le malade ne s'en soit pas aperçu,, dans la présence de

troubles sensoriels et dans l'exagération des réflexes^ tendineux...

Archives, t. XXV. 29

450 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

présentée dans sa jeunesse; les circonstances qui l'ont précé-

dée, les particularités qu'elle a offertes plaident en ce sens.

Par suite, on est amené à se demander si, dans ce complexus

symptomatique, il y a simplement superposition de deux

névroses, ou bien si l'hystérie et la paralysie agitante ne sont ? en réalité qu'une seule et même maladie.

La coexistence de deux névroses n'est pas chose exception-

nelle, aussi, une conception de cette nature ne sortirait pas

des idées reçues en pathologie nerveuse. Toutefois, on ne peut

s'empêcher de reconnaitre que les symptômes ressortissant à

l'hystérie et à la paralysie agitante, si l'on en excepte la rigi-

dité musculaire, sont loin d'offrir entre eux des caractères bien

tranchés ; que les deux névroses se réclament des mêmes

causes, débutent assez souvent brusquement; que, dans notre

cas, l'hystérie a précédé l'explosion des symptômes parking

sonniens ; de plus, que quelques-uns de ses stigmates habi-

tuels ont coexisté avec les signes essentiels de la paralysie

agitante. Or, toutes ces particularités ne signifient-elles pas

que les deux névroses sont très voisines l'une de l'autre, sinon

des manifestations d'une même névrose primordiale dont les

modalités sont régies par l'âge des malades ? En l'état de nos

connaissances, il serait téméraire de conclure ; ce n'est pas

d'ailleurs sur un cas isolé qu'il est permis d'asseoir une opi-

nion ; rappelons simplement que l'étude de l'hystérie sénile

est à peine ébauchée, mais qu'elle se complétera sans doute

dans un avenir prochain par l'analyse de nouveaux cas.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

I. SUR l'action sédative ET HYPNOTIQUE DE ! la DUBOISINE dans LES

maladies mentales; parle Dr BELMONDO. (Riv. p. di (l'en.) t. XVIII,

fasc 1, 1892.)

Le sulfate de duboisine, administré par la voie hypodermique,

est un excellent sédatif, recommandable surtout chez les femmes,

dans tous les états d'excitation psychique ou motrice accompagnant

diverses- formes de maladies mentales. Comme telle, on doit la pré-

REVUE DE thérapeutique. 451

férer de beaucoup à J'hyosciamine et à l'hyoscine dont elle n'a pas

les inconvénients lorsqu'on l'emploie à doses peu élevées. De plus,

c'est un excellent hypnotique, supérieur dans beaucoup de cas au

chloral et à ses succédanés sur lequel il a l'avantage de ne rester

presque jamais sans effet. Dans beaucoup de cas, la duboisine

semble calmer immédiatement le désordre des idées et des actes

comme dans.la manie aiguë. Dans les formes de manie chronique,

dans les états d'agitation, aux arrêts de développement ou à la

démence secondaire, elle a le grand avantage de pouvoir être ad-

ministrée assez longtemps sans accoutumance et aussi sans danger.

La dose suffisante pour obtenir le maximum d'action est pour l'au-

teur au-de ? sous de celle qui a été indiquée parles observateurs des

pays du Nord. La dose maxima pour les premières injections est de

1 milligramme que l'on élève progressivement à mesure que le ma-

lade s'y habitue, jusqu'à 15 uu 16 décimilligrammes, dose qu'il est

périlleux de dépasser; sinon l'on provoque des accidents du côté de

l'estomac et sans avoir d'un autre côté des résultats plus favorables

au point de vue de la sédation ou du sommeil. Dans la majeure

partie des cas, la dose minima de 5 à 6 décimilligrarnmes surtout

les premières fois, suffit pour provoquer un effet sédatif suffi-

sant. J. Séglas.

II. DE la trépanation dans la paralysie générale;

par le Dr MAGNER.

11 existe, dans la paralysie générale une quantité anormale de

liquide dans l'espace sous-arachnoïdien et cela dès les premières

phases de la maladie. Il est permis de se demander si le processus

morbide et les troubles fonctionnels ne sont pas aggravés par la

pression du liquide sur les circonvolutions sous-jacentes.

Allant plus loin, le Dr Schaw admet que l'enlèvement d'une

partie du liquide ne doit être suivi que d'une expansion de la matière

cérébrale telle que l'afflux sanguin se faisant librement, la nutri-

tion puisse être modifiée, améliorée, de telle sorte que les progrès

de cette terrible maladie soient arrêtés en tout ou en partie.

Dans les trois cas de trépanation, dont un personnel, relatés par

l'auteur, l'opération indiquée dans ces cas par des troubles de la

motilité des membres, a été suivie d'une amélioration sensible

presque immédiate. Chez un des malades, dément, gâteux, paraly-

tique général à la troisième période, il y eut pendant deux mois

une amélioration très marquée de l'état mental en même temps

que les troubles de la motilité avaient disparu.

Un autre des malades sortit de l'asile quelques mois après l'opé-

ration avec la mention guéri : les troubles de la parole, de la mé-

moire et des céphalalgies violentes avaient complètement dis-

paru.

452 revue DE thérapeutique.

De ces trois cas heureux, l'auteur conclut à l'opportunité de la

trépanation dans la paralysie générale, et pense qu'au moyen de

cette méthode de traitement, si elle est employée de bonne heure,

on pourra dans quelques cas arrêter les progrès de la maladie et

donner aux malades des mois et peut-être des années d'une vie

utile. (American journal of insanity, 1890-91.) 1;. B.

III. Traitement de l'hématome DE L'OREILLE; parle

Dr SMITH Williams.

L'opinion la plus courante sur le mode de production de l'héma-

tome de l'oreille est que cet épanchement de sang est consécutif à

un traumatisme, quelquefois fort léger, mais ce traumatisme n'a

déterminé l'épanchement sanguin que grâce à une modification

des tissus de l'oreille. 1

Abandonné à lui-même, l'hématome guérit la plupart du temps,

soit que la peau distendue ait subi un nouveau traumatisme qui dé-

termine l'évacuation du contenu de la tumeur, soit que l'épanche-

ment se résorbe de lui-même; mais, dans tous les cas, il persiste

une déformation considérable'de l'oreille grâce à la formation d'un

tissu cicatriciel fibreux ou cartilagineux.

Les différents traitements appliqués à l'hématome de l'oreille,

lorsque ce dernier est arrivé à tout son développement (vésica-

toires, ouverture), n'ont pas donné de résultat satisfaisant; aussi,

beaucoup de médecins sont arrivés à cette conclusion à laquelle se

rattache pleinement l'auteur, que la non-intervention est la meil-

leure conduite à tenir en face d'un hématome de l'oreille arrivé à

son développement. Mais un traitement appliqué au début, en

empêchant l'hématome de se développer, empêche aussi la for-

mation de la cicatrice vicieuse. Le traitement préconisé par l'au-

teur est donc une sorte de traitement abortif : si l'épanchement se

produit, c'est grâce à une pression s'exerçant de dedans en dehors

(pression sanguine) ; le traitement rationnel de l'auteur consiste à

combattre cette pression par une autre pression contraire s'exer-

çant de dehors en dedans et pour arriver à ce but, il suffit d'étendre

sur toute la surface interne de l'oreille plusieurs couches de collo-

dion élastique. Après dix ou quinze jours d'une telle compression,

non seulement l'hématome a disparu, mais encore il ne se repro-

duit pas.

L'auteur, avec cette méthode bien appliquée, n'aurait pas encore

rencontré d'insuccès. (American journal of insanily, 1892.) E. B.

IV. La contrainte corporelle dans le traitement DE la folie ;

. par le Dr W. 1'oncesTEn.

Les aliénistes, les neurologistes et en général les praticiens, ne

s'entendent pas sur le traitement de la folie. Dans un article du

REVUE DE thérapeutique. 453

Médico-légal journal, Charles Bell relève ce fait que d'une part un

grand nombre de directeurs d'asiles condamnent absolument l'em-

ploi des moyens de coercition, et d'autre part quelques aliénistes

croient ces moyens non seulement recommandables, mais néces-

saires. L'auteur de cet article, le Dr Worcester, nous fait connaître les

conclusions auxquelles l'a amené une pratique de quatorze années :

1° Les maisons d'aliénés peuvent obtenir de grands succès mé-

dicaux sans employer aucune contrainte corporelle; 2° dans la

grande majorité des cas où cette contrainte était regardée unani-

mement comme nécessaire, l'expérience a montré qu'elle pouvait

être remplacée par bien d'autres moyens : l'occupation, la dis-

traction, l'éloignement des causes d'excitation associés à la pa-

tience et à la prudence des gardiens, peuvent donner de meilleurs

résultats contre la violence des malades que les courroies et les

camisoles de force; 3° dans un petit nombre de cas cependant, les

mesures de douceur sont infructueuses, tel est l'épileptique atteint

de fureur et dans ces cas, il faut employer la contrainte corporelle,

la réclusion et les sédatifs.

En 1882, les premiers. effets dans cette voie étaient tentés, les

actes de violence, loin de devenir plus fréquents, sont [devenus

plus rares et on a vu des malades, rangés parmi les plus violents,

devenir de bons travailleurs. Pourtant, dans quelques cas, cette

règle de conduite n'a amené aucun résultat et l'auteur nous fait

passer en revue les cas où il a échoué.

Actes de violence et de destruction. Une femme âgée ayant des

instincts de destruction est restée absolument indifférente à tous

moyens de coercition. Mais d'autres malades ont été calmés. C'est

ainsi qu'une jeune femme ayant des instincts homicides fut ra-

menée à la douceur par l'emploi d'un manchon, qu'un épilep-

tique menacé d'une pareille mesure céda à cette discipline, et

qu'une malade refusant de s'habiller ne recommença plus jamais,

après quelques jours de camisole.

Habitudes malpropres. Tous les aliénistes ont eu des malades

ayant le passion de barbouiller leurs personnes ou leurs chambres

avec leurs excréments. L'auteur cite le cas d'un homme auquel nul

moyen n'avait réussi et qui se corrigea après sa mise en cellule.

Une femme atteinte de manie chronique changea ses habitudes de

malpropreté après une semaine de camisole. Nulle autre méthode

.qne la force n'aurait amené un pareil résultat.

La coercition dans la sécurité des malades. Dans l'article de

M. Bell, que nous citons plus haut, se trouve une lettre du Dl' Tour-

tellot, disant que « les plus grands abus existant dans les asiles,

sont les mauvais traitements infligés aux malades par leurs gar-

diens pour assurer leur tranquillité ». Il y a là, assurément, une

part de vérité.

454 REVUE DE thérapeutique.

Mais quand la patience a été inutile et que les gardiens sont

soumis chaque jour à des brutalités, les punitions corporelles, tout

en étant un mal défendu, sont un mal nécessaire. Beaucoup d'a-

gités n'ont pu être calmés ni par la patience, ni par le changement

de leurs gardiens, et ont dû être l'objet de mesures coercitives.

Avantages comparés de l'emploi ou du non-emploi des moyens de

contrainte. Il y a des cas, rares cependant, où la folie ne peul

ètre réprimée que par la coercition, c'est-à-dire la contrainte

physique, la réclusion et l'administration de sédatifs. Tous ces

moyens ont leur valeur propre et présentent comparativement les

uns aux autres des avantages et des inconvénients. La réclusion a

l'avantage d'éloigner le malade des causes extérieures d'agitation,

mais elle a le grand inconvénient de le laisser tout entier à ses

idées morbides. Les malades qui sont continuellement renfermés

sont portés à la méchanceté et à la violence. L'emploi des narco-

tiques est peu recommandable pour l'auteur, car il n'a pu obtenir

de succès sans constater, en même temps, des phénomènes d'in-

toxication. (Ame1'Ïcun journal of insanity, 1892.) E. B.

V. LE BICHLORURE D'OR dans LE traitement DE l'ivrognerie ,

. par le Dr Bannister.

Un praticien, jusqu'ici [inconnu, acquiert, en ce moment, une

grande renommée dans l'Iliiiiois en se donnant comme l'inven-

teur d'un remède infaillible contre l'ivrognerie. Le remède, tenu

secret, doit contenir du chlorure d'or et de soude, du nitrate de

strychnine et quelques médicaments mydriatiques, comme l'atro-

pine ou l'hyoscine. Le nombre des malades traités est considérable,

et l'effet du remède sur le syslème nerveux consiste en une dimi-

nution de la vision, la perte de la mémoire et une abolition tem-

poraire du pouvoir sexuel.

L'auteur ne doute pas qu'il y ait de réels succès, mais il les attri-

bue en grande partie à la suggestion. Les malades s'influencent,

en effet, les uns les autres, et le plus grand nombre viennent se

faire traiter avec l'espérance de perdre leurs mauvaises habitudes.

Ils éprouvent une excitation mentale très marquée, comparable il

celle que produit l'intoxication par le bicblorure d'or. L'inventeur

prétend qu'il guérit 95 p. 100 des ivrognes, mais, comme la période

de traitement dure quatre semaines et que les malades viennent

de différents pays et y retournent ensuite, il est difficile, pour ne

pas uire impossible, de les suivre et de constater la guérison

radicale.

l'our s'enquérir de l'efficacité du remède, il faudrait comparer

les résultais obtenus par le bichlorure d'or avec ceux obtenus par

tous les cliniciens, car le monde est plein d'ivrognes qui ont perdu

leurs mauvais défauts par la seule force de leur volonté. Le bon

REVUE DE thérapeutique. 455

résultat qu'obtient l'inventeur est dû au secret dont il entoure sa

méthode.

Le traitement a un fort mauvais côté, pour l'auteur, celui de

diminuer dans l'esprit public la valeur de l'influence morale, en

faisant croire que l'ivrognerie peut céder à la thérapeutique.

La force de volonté est, cependant, le plus important facteur du

traitement, et c'est là le seul remède de l'intempérance. (American

journal of insanity, 1892.) E. B.

VI. Observation D'UN cas d'épilepsie avec ligature DE l'artère

vertébrale; par Telford-Smitu. (The Journal of Mental Science,

octobre 1890.)

On se souvient qu'il y a quelques années, la ligature de l'artère

vertébrale fut préconisée dans le traitement de l'épilepsie et parut

d'abord donner quelques résultats heureux ; mais on ne tarda pas

à s'apercevoir que les améliorations ainsi obtenues étaient de courte

durée, et que le bénéfice acquis n'était pas proportionnel à la gra-

vité de l'opération. Le cas dont il s'agit ici est un de ceux où cette

amélioration a été particulièrement longue, car les attaques sont res-

tées sans se produire pendant près de quatre ans : ces quatre années

avaient été utilement employées au relèvementinlellectuel du ma-

lade ; malheureusement la réapparition des attaques a renversé l'é-

difice mental et intellectuel si laborieusement restauré. R. M.-C.

VII. Usage ET abus de l'hyoscine, par Lionel Weatiierly. (The

Journal of Mental Science. Juillet 1891.)

L'auteur conclut de ses expériences que l'hyoscine est un médi-

cament dangereux, dont le maniement, soit par la voie stomacale,

soit par la voie hypodermique, demande une prudence attentive,

mais qui peut, dans certains cas d'aliénation mentale ou d'affec-

tions nerveuses, rendre des services signalés. Il faut surtout redou-

bler de prudence chez les cardiaques. Mais dans l'agitation nerveuse,

dans l'excitation surtout motrice, dans l'insomnie, dans la période

d'exaltation de la folie circulaire, dans la paralysie générale,

l'hyoscine rend, lorsqu'elle est bien maniée, 'd'incomparables ser-

vices, ainsi que dans le delirium tremens et dans les cas de sclé-

rose disséminée avec tremblement très accusé. Dans les cas d'hys-

térie avec hallucinations, elle a paru plutôt nuisible; dans la

dépression mentale, elle est sans effet. On la trouvera utile, au

contraire, dans le tremblement de la paralysie agitante et dans

l'alcoolisme chronique.

L'abus du médicament commencerait dansle cas où l'on emploie-

raitsans précautions suffisantes un médicament aussi dangereux,

et surtout dans le cas où on l'emploierait hors de propos, car il faut

bien savoir que, dans certains cas, le danger est réel. R. M.-C.

456 REVUE DE thérapeutique.

VIII, QUELQUES remarques SUR l'emploi DU SULFONAL comme agent

sédatif ET hypnotique; par J. CAIILYLE-JOIiNSTOVE. (The Journal of

Mental Science, janvier 1892.)

- Les conclusions de ce travail sont les suivantes : .

1° A doses convenablement réglées, le sulfonal est un hypnotique

efficace, et par comparaison avec les autres narcotiques, son action

est assez certaine et assez constante; le sommeil qu'il provoque est

naturel, calme et non accompagné de rêves. Le médicament

n'exerce aucune influence fâcheuse sur la circulation, la respira-

tion, l'appétit, la digestion, la température, la santé générale. Au

bout d'un certain temps, on peut en cesser ou en restreindre

l'usage, et le malade continue à bien dormir.

2° Il exerce une influence sédative très nette dans le cas d'agita-

tion ou d'angoisse mentale, particulièrement dans les cas récents

et aigus.

3° Ses principaux inconvénients sont : la lenteur de ses effets, -

la tendance qu'ont ces effets à se prolonger jusqu'au jour suivant

et à s'accompagner de somnolence, de confusion des idées, d'étour-

dissements et de fatigue; enfin les symptômes cérébraux ou

moteurs plus ou moins sérieux qui peuvent se manifester consécu-

tivement à l'emploi de doses réitérées. R. M.-C.

IX. NOTES DE thérapeutique CLINIQUE dans LES maladies mentales ; » ?

par AKGnisANi. (Il ilianicomio, fasc. 2-3, 1892.)

Recherches sur la noix de Kola, le borate de soude, le bromo-

forme, l'azotate de soude. Signalons en particulier ces deux derniers

médicaments. Le bromoforme a donné des résultats favorables et

rapides dans les cas d'excitation maniaque. Le médicament n'a

jamais dû être donné plus de quinze jours de suite, quitte à le

reprendre en cas de retour de l'agitation. Voici la formule

employée :

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 457

l'influence de ce médicament, la circulation, la diurèse sont

activées et, par suite, l'élimination des produits toxiques ; l'état

général de la nutrition s'améliore notablement. J. SÉGLAS.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

LXI. UN cas DE folie DU doute avec délire DU toucher ;

par MASS.\UT. (Bull. de la Soc. de JIéd. ment. de Belgique, 1892.)

La malade qui fait l'objet de cette observation était atteinte de

folie du doute; elle se demandait cent fois par jour si elle avait

bien fait son ouvrage et le recommençait fréquemment. Elle était

en outre obsédée nuit et jour par la crainte de se salir. L'auteur

insiste surtout sur ce fait que cette femme ne présentait aucun

signe de dégénérescence, aucun antécédent héréditaire. Il croit

pouvoir rattacher son état pathologique à un affaiblissement gé-

néral résultant de pertes sanguines considérables et d'un allaite-

ment prolongé. G. DENY.

LXII. Hystérie A deux. Vols A l'étalage ; par le Dr L. DE Rode.

(Bull. de la Soc. de lIIéd. ment, de Belg., 1892.)

Observation médico-légale tendant à prouver que l'inculpée n'a

pas été poussée à commettre ses vols par des obsessions ou des

inspirations irrésistibles, mais qu'elle est atteinte d'une maladie

nerveuse, l'hysthérie, qui a pu contribuer à développer ses ins-

tincts vicieux et à altérer dans une certaine mesure le libre exer-

cice de sa volonté. Acquittement. G. D.

LXIII- Névroses convulsives ET affaiblissement intellectuel;

par le Dr X. Francotte. (Bull, de la Soc. de Méd. ment, de Bel-

gique, 1892.)

L'attention étant la condition du développement de l'intelli-

gence, on peut admettre que les états convulsifs, en entravant

l'attention, favorisent la déchéance intellectuelle. A l'appui de

cette théorie, M. Francotte rapporte les observations de trois ma-

lades atteints de chorée chronique, chez lesquels l'affaiblissement

des facultés intellectuelles s'est terminé assez rapidement par un

véritable état de démence. G. D.

458 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

LXIV. BOULIMIE hystérique par accès s'accompagnant DE TROUBLES

DE la régularité THERMIQUE; par STEFANI. (Riv. sp. di frein.,

fasc. lII-IV, 1892.)

L'auteur conclut de -différentes observations faites sur son

malade, qu'il existe chez lui un trouble profond des fonctions

régulatrices du calorique; que tandis que le malade réagit bien

contre les causes qui tendent à élever sa température, il réagit au

contraire insuffisamment contre les causes qui tendent à la dimi-

nuer ; que la diminution de la température observée à la suite du

jeûne ou d'un bain froid ne tient pas le moins du monde à un

affaiblissement général de l'organisme. Un fait qui le prouve est

que la température se relève rapidement en augmentant la pro-

duction, ou en s'opposant à la dispersion du calorique, tandis que

au contraire les excitants simples (alcool) restent sans action.

D'ailleurs la question de savoir s'il s'agit d'un trouble dans la

production ou la dispersion du calorique ne pourrait être résolue

d'une façon absolue que par l'examen des échanges respiratoires,

que l'auteur n'a pas été à même de pouvoir pratiquer. J. SEGLAs.

- LXV. UN cas d'amnésie rétrograde ; par le D1' R. BARONCINI.

(Riv. sp. di fren., fasc. 111-IV, 1892.)

Observation d'un malade, ayant des antécédents personnels

épileptiques, et qui fut pris subitement d'un accès maniaque

furieux, avec troubles psycho-sensoriels, d'une durée très courte,

ayant disparu brusquement pour faire place à un état d'automa-

tisme mental, avec amnésie complète de l'accès et amnésie rétro-

grade comprenant une période de trois mois et demi avant le

jour où éclata l'accès d'aliénation. J. Séglas.

LXVI. SUR l'origine infectieuse DE l'othématome DES aliénés;.

par le Dr PELLIZZI. (Rio. sp. di fren., fasc. Ill-IV, 1892.)

Les faits cliniques et anatomiques, les observations bactério-

logiques et expérimentales conduisent l'auteur à admettre pour

l'othématome des aliénés une origine infectieuse. Dans cinq cas

qu'il a pu étudier, il était déterminé par un microcoque en chai-

nette, constitué par 4 à 10 éléments, très semblables au strepto-

coque de l'érysipèle et au streptocoque pyogène. Il n'y a aucune

importance à rechercher dans quelles formes mentales se déve-

loppe de préférence l'otématome et cela n'a aucune valeur certaine

pour le pronostic de l'affection. L'ouverture de la cavité de l'othé-

matome et les lavages antiseptiques abondants constituent un

mode de traitement rationnel et nécessaire. L'ouverture doit être

pratiquée au début de l'othématome; les lavages doivent être

REVUE DE pathologie mentale. 489*

répétés, abondants et doivent être poussés avec assez de force

contre les parois de la cavité. Il est nécessaire, lorsque l'on cons-

tate un cas d'othématome dans une section de malades, d'user des

plus grandes précautions antiseptiques, surtout quand l'othéma-

tome s'ouvre à l'extérieur et se vide de son contenu, afin de ne

pas transporter à d'autres malades le germe de la maladie.

J. Séglas.

LXVII. Biographie d'un crimimel simulateur; par James MURRAY.

(The Journal of Mental Science, juillet 1890.)

L'histoire de ce prisonnier est d'autant plus intéressante qu'il a

passé successivement par plusieurs prisons, où il a été examiné

par des médecins différents. R. M.-C.

LXVIII. UN CASDE TUMEUR CÉRDITALF (r[13110-KY--TIQUE); parJamesRoRIE.

(The Journal of Mental Science, juillet 1890.)

Observation détaillée, suivie d'autopsie. R. M.-C.

LXIX. Un cas DE folie homicide ET suicide; par Frank ASIIB1 1;LKINS.

(The Journal of Mental Science, janvier 1891.)

Observation détaillée, poursuivie pendant plusieurs années, et

accompagnée d'un portrait du malade. R. M.-C.

LXX. Les VICES DE fonctionnement DE la LOI sur LES aliénés DE 1890

en ANGLETERRE; par Percy Smith. (The Journal of Mental Science,

janvier 1891.)

Travail impossible à analyser, puisqu'il serait indispensable de le

faire précéder d'un exposé de la loi dont il s'agit. R. M.-C.

LXXI. La mélancolie étudiée au point DE VUE DE sa physiologie ET DE

son évolution ; par George M. Robertson. (The Journal of Mental

Science, janvier 1890.)

Après avoir étudié physiologiquement la mélancolie active, la

mélancolie passive et la mélancolie avec stupeur, l'auteur reprend

l'étude de cette maladie à un autre point de vue, celui de l'évolu-

tion, pour remonter à l'origine primitive des symptômes : cette

deuxième partie de son travail surtout renferme des vues très

ingénieuses. R. M.-C.

LXXII. Insolation ET folie; par Théo. B. IIYSLOP.

(The Journal of Mental Science, octobre 1890.)

L'auteur pense que l'on s'est jusqu'ici trop peu préoccupé de

l'influence de l'insolation (sous la double forme de coup de soleil

460 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

et de coup de chaleur) dans l'étiologie des affections mentales,

surfout dans les pays chauds. Mais son mémoire est plutôt une

intéressante revue du sujet qu'un exposé de ses vues personnelles.

R. M.-C.

LŸXIII, Quelques cas anormaux de paralysie générale ; par BOVVILLE

BRADLEY Fox. (The Journal of Mental Science, juillet 1891.)

Il s'agit de quatre. cas de paralysie générale remarquables à

divers titres; le premier est intéressant par une rémission très

accusée, le second par son étiologie peu ordinaire (traumatisme);

le troisième attire l'attention par son début, par sa terminaison,

ou du moins par ce que l'on sait de cette terminaison, et par l'as-

sociation de la maladie mentadie avec le tabès dorsal ; enfin le

dernier cas était accompagné d'hallucinations d'ordre mélanco-

lique. ' R.M.-C.

LXXIV. Une observation DE manie POST-ÉCLAMPTIQUE j par E.-A.

ALExANDER. (The Journal of Mental Science, juillet 1891.)

L'éclampsie a probablement eu pour cause primitive une né-

phrite gravidique avec phénomènes 'd'auto-intoxication et crises

épileptiformes consécutives. La maladie subissait d'ailleurs une

hérédité névropathique manifeste (père alcoolique et mère hysté-

rique) : elle-même présentait une certaine puérilité de caractère et

une extrême émotivité. L'accès de manie parait avoir eu pour

cause prédisposante l'instabilité mentale congénitale, et pour

cause déterminante les crises épileptiformes. La malade a guéri.

R. M.-C.

LXXV. Discours présidentiel prononcé A la cinquantième réunion

annuelle DE l'association 31ÉDICO-PSYCIIOLOGIQU1. A BIRMINGHAM, le

23 juillet l891, par E.-B. `1'DITCOJIBE. (The Journal of Mental

Science, octobre 1891.)

Dans ce discours, le Président de l'Association s'est attaché à

préciser les progrès réalisés ou proposés pendant les dix dernières

années en manière d'aliénation mentale, tant au point de vue

administratif ou légal qu'au point de vue médico-thérapeutique.

R.M.-C.

LXXVI. UN cas DE pachyméningite B1.MORRIL1GIQUE INTERNE CONSÉCU-

TIVE A une insolation; par E.-B. WHITCOHBE. (The Journal of

Mental Science, octobre 1891.)

Observation d'un cas intéressant, suivie de la relation détaillée de

l'autopsie. R. M.-C.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 461

LXXVII. Hystérie mâle D'ORIGINE TOXIQUE ET FOLIE DES actes;

parR. Brugia. (Il Manicomio, fasc. 2-3, 1892.)

LXXVIII. Influenza ET névrose; par Geo.-H. Savage. (The Journal

, of Mental Science, juillet 1892.)

On sait que l'influenza a eu pour caractère spécial de frapper

chacun de ceux qu'elle atteignait sur le locus minoris resistentia; ;

aussi M. Savage constate-t-il au début de son travail que les con-

séquences névropathiques de l'influenza ont été surtout apparentes

et manifestes chez les prédisposés, c'est-à-dire chez les individus

en puissance de névropathie actuelle ou latente, chez les alcooli-

ques, les syphilitiques, les surmenés. Ces conséquences ont été

directes ou indirectes, c'est-à-dire que les unes ont succédé direc-

tement à l'atteinte morbide, tandis que les autres procédaient plu-

tôt du trouble de la santé générale déterminé par cette atteinte.

Le symptôme nerveux que l'auteur a constaté le plus souvent

pendant ou après l'influenza est l'insomnie; la névralgie vient en

seconde ligne, puis la diminution du pouvoir musculaire.

Plusieurs formes d'aliénation mentale se sont montrées à l'état

de conséquence de la grippe épidémique, et il est à remarquer

qu'il ne parait y avoir eu aucun rapport entre la gravité de la

maladie primordiale et les troubles mentaux dont elle a provoqué

l'éclosion ; ce qu'il y a de plus net c'est que, dans ces cas, il s'agis-

sait toujours de sujets prédisposés.

On a dit que l'influenza pouvait modifier le trouble mental chez

un aliéné; l'auteur n'a constaté ce fait que dans un très petit

nombre de cas, et l'amélioration ainsi obtenue a toujours été très

temporaire; en revanche dans quelques névroses anciennes, sans

trouble mental, dans la surdité nerveuse par exemple, il a pu ob-

server des améliorations plus durables; il est vrai qu'il a vu des

cas plus nombreux dans lesquels cette même surdité nerveuse

avait été au contraire la conséquence de l'influenza.

L'auteur ajoute en terminant que s'il a publié ces faits, c'est moins

en raison de leur intérêt propre, que pour provoquer de la part de

ses confrères la communication de nouveaux faits. R. M.-C.

LXXIX. DES états asymétriques QUI SE RENCONTRENT dans la face

DES aliénés, avec quelques remarques SUR la DISSOLUTION DE L'Ex-

pression; par John TURNER. (The Journal of Mental Science, jan-

vier et avril 1892.)

Dans ce travail étendu et accompagné de planches, M. Turner

s'efforce d'expliquer le mécanisme de l'asymétrie; il a été conduit

à cette étude par la pensée que si l'on étudiait avec soin, et paral-

462 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

lèlement, les symptômes de paralysie du mouvement qui produi-

sent l'asymétrie et les états pathologiques cérébraux qui, dans cer-

tains cas, leur correspondent, on arriverait peut-être à déterminer

avec précision les régions corticales dont l'intégrité est nécessaire à

l'accomplissement des modifications physiques qui accompagnent

certains états émotifs et qui peuvent éventuellement se manifester

sous forme de contraction musculaire. R. M.-C.

LXXX. Un cas DE cocaïnisme; par PERCY Smith. (The Journal of

Mental Science, juillet 1892.)

Ce cas s'écarte du type ordinaire en ce que l'habitude de la

cocaïne n'avait pas été consécutive, comme elle l'est souvent, à

une tentative de substitution, de la cocaïne à la morphine chez une

morphinomane ; ici la malade avait débuté par l'emploi modéré et

thérapeutique de la cocaïne; mais le remède a été pire que le

mal, et la malade est arrivée jusqu'à l'extrême frontière de la

folie. Elle avait d'ailleurs été autrefois morphinomane, et le fait

même qu'elle avait réussi à se corriger d'une première intoxication

habituelle n'a sans doute pas été sans influence sur la possibilité

de sa seconde guérison. La cocaïne cependant paraissait avoir pour

elle encore plus de séductions que la morphine. Les hallucinations

n'ont eu chez cette malade ni le caractère terrifiant qu'on leur

attribue quelquefois, ni le caractère génital signalé par le Dr Co-

nolly Norman, bien que la malade après avoir débuté par des

doses de 4 à 5 centigrammes fût arrivée à prendre 1 gr. 50 de co-

caine en une seule fois. La malade a été traitée dans un établis-

sement spécial; il est probable que malgré sa force de volonté,

elle n'aurait pas réussi à se guérir chez elle. R. M. C.

LXXXI. GÉNIE ET folie; par Arthur i·1.1CD0\.1LD. (The Journal of

Mental Science, avril 1892.)

L'auteur termine son étude, basée sur des documents historiques

et biographiques par les conclusions suivantes : .

« Alors même que les faits rapportés plus haut, et auxquels on

« en pourrait joindre beaucoup d'autres, ne démontreraient pas

« gorie, ils indiquent du moins qu'il y a entre ces deux états de

« nombreux points de contact. C'est ainsi que la fréquence du

« délire, les nombreux signes de dégénérescence, la fréquence de

« l'épilepsie, de la précocité et de la mélancolie, la tendance au

« suicide et le caractère spécial de l'inspiration, viennent à l'appui

« de l'opinion suivant laquelle le génie serait une maladie men-

« taie, une maladie de dégénérescence. »

« Si l'on admet cette conclusion, il n'y a pas lieu de supposer

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 463

« que la valeur de ce qu'il y a d'élevé et de noble dans le génie eu

soit diminuée. Il n'appartient pas à une analyse, montrât-elle

« une étroite relation entre le génie et la folie, ou même le crime,

« de changer le génie lui-même. »

Remarquons que les directeurs scientifiques du Mental Science,

MM. Hack Tuke et Geo. Savage ont cru devoir dégager, dans une

note, leur responsabilité en rappelantque les auteurs des mémoires

publiés sont seuls responsables de leurs assertions et de leurs opi-

nions. R. M.-C.

LXXXII. La KATATONIE EST-ELLE UNE forme particulière DE TROUBLE

mental; par M. J. NOLAN. (The Journal of Mental Science, octobre

1892.)

LYŸlIII. QUELQUES observations DE la maladie appelée KATATONIE,

par M. J. NOLAN. (Ibid.)

Le premier de ces deux mémoires, assez étendu, est con-

sacré à une étude générale du syndrome habituellement désigné

sous le nom de katatonie; le second est constitué par la relation

détaillée de l'observation de cinq malades qui ont paru à l'auteur

d'autant plus intéressants qu'on a pu constater chez eux les traits

principaux des trois formes de katatonie décrites par Schüle, à

savoir : la forme religieuse expansive, la forme démonoma-

niaque, la forme hystérique. R. M.-C.

L1YYI\'. UN cas DE tumeur cérébrale; par James RORIE. (The Journal

of Mental Science, juillet 1892.)

Observation intéressante, suivie d'autopsie; on trouva dans le

centre ovale du côté droit un ramollissement gélatineux, et au ni-

veau des ganglions de la base, une tumeur qui avait pris leur

place des deux côtés ainsi que celle du corps calleux, et qui n'épar*

gnait qu'une faible portion de la partie postérieure de la couche

optique droite. Ce qu'il y a surtout de remarquable dans le cas

dont il s'agit, c'est l'insignifiance des symptômes observés pendant la

vie; parmi les symptômes caractéristiques, ceux dont l'absence est

surtout remarquable sont la céphalalgie, les vomissements, les

troubles du langage, les convulsions et les lésions de la sensibilité.

It faut-remarquer toutefois que l'état de démence de la malade a

pu faire passer inaperçus quelques phénomènes qui, dans d'autres

circonstances, auraient nécessairement attiré l'attention. R. M.-C.

LXXXV. Un cas de rupture du ventricule GAUCHE du COEUR; par

Jolin BRUCE. (The Journal of Mental Science, janvier 1892.)

Observation d'un homme de soixante-dix ans, mort subitement

464 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

au déclin d'une période d'excitation; le coeur était hypertrophié,

gras, le myocarde en état de dégénérescence. La rupture occupait

la paroi antérieure du ventricule gauche. R. M.-C.

LXXXVI. LES cas DE folie dans la pratique médicale ordinaire;

par A.-II. NEWTH. (The Journal of Mental Science, janvier et

avril 1892.) -

A l'aide de plusieurs observations, qu'il ne s'est d'ailleurs pas

efforcé de grouper systématiquement, l'auteur cherche à montrer

que, dans la pratique médicale ordinaire, certains cas d'aliénation

peuvent être utilement traités sans que l'on ait recours à l'interne-

ment, ni aux agents médicamenteux usités dans le traitement de

la folie; il signale notamment certains cas où le trouble mental est

sous la dépendance d'une lésion organique qu'il s'agit alors de re-

chercher et de traiter. Mais il s'empresse de reconnaître que si le

milieu ambiant paraît agir défavorablement sur l'état mental, si les

ressources du traitement à domicile sont insuffisantes, si enfin le

malade a la moindre tendance au suicide ou a l'homicide, il faut se

garder d'apporter le moindre retard à l'internement. R. M.-C.

L11VIII. L'hypnotisme A Paris ET A NANCY : NOTES d'un visiteur ;

par M. George ROBEIiTSON. (The Journal of Mental Science, octo-

bre 1892.)

L'auteur a visité successivement à Paris les services de MM. Char-

cot, Voisin et Luys, et à Nancy, celui de M. Bernheim. Après avoir

assisté à de nombreuses séances d'hypnotisme, et avoir entendu

formuler les conclusions les plus contradictoires, il a résumé son

opinion d'une façon très intéressante dans les termes suivants, que

nous reproduisons presque textuellement : 1

Tout d'abord comment peut-on accorder les contradictions qui

paraissent exister entre l'école de la Salpêtrière et l'école de Nancy ?

M. Charcot enseigne que l'hypnotisme vrai s'accompagne de cer-

tains phénomènes physiques remarquables, que l'on peut étudier

avec précision, ct qui apparaissent indépendamment de toute sug-

gestion, si bien que l'effort conscient ne suffit pasà les reproduire.

M. Bernheim, d'autre part, enseigne que des malades sont réelle-

ment hypnotisés, et cependant il n'obtient chez eux en dehors de

la suggestion, aucun des phénomènes sur lesquels insiste M. Char-

cot. L'auteur pense que la différence provient ici, non de l'hypno-

tisme lui-même, mais bien des malades que l'on hypnotise. M. Char-

cot choisit des cas d'hystérie intense ou de grande hystérie et

d'hystéro-épilepsie, et même, dans ces conditions, il admet que

tous les sujets ne sont pas propres à la démonstration du grand

hypnotisme. Ceux qui y sont propres sont en très petit nombre,

soit absolument, soit relativement. Lorsque, chez ces malades on

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 465

provoque l'hypnose, ils manifestent les divers phénomènes phy-

siques indiqués dans la description classique de Charcot, phéno-

mènes qui se perfectionnent par la pratique et la répétition des

expériences. Mais on peut se demander, avec Tamburini, si ces

phénomènes ne sont pas ceux de l'hystérie aiguë. M. Charcot, dit

l'auteur, m'a signalé les relations étroites qui existent entre l'hys-

térie et l'hypnotisme et il m'a montré comment on peut provoquer

brusquement l'état cataleptique au moyen d'un bruit violent et

soudain ; un éclat soudain de lumière aurait d'ailleurs le même

résultat. Mais on a vu des cas où le même phénomène s'observait

à l'état de veille, sans intervention hypnotique. Aussi Tamburini

pense-t-il que, dans ces états hystériques très accusés, l'hypno-

tisme détermine des modifications nerveuses qui rendent subite-

ment manifestes les phénomènes pathologiques latents propres à

la maladie, phénomènes qui peuvent toutefois, dans d'autres cas,

apparaître spontanément en dehors de l'hypnotisme. L'auteur ne

saurait se prononcer dans ce débat, mais il pense que les phéno-

mènes hypnotiques varient beaucoup suivant le sujet sur lequel on

opère. Il pense qu'en hypnotisant une personne bien portante, en

général on obtiendra l'une des premières phases du petit hypno-

tisme de Nancy. Il est probable aussi que chez des types différents

de personnes, par suite de dispositions nerveuses encore inexacte-

ment connues, l'hypnose devient de plus en plus profonde et s'ac-

compagne de phénomènes de plus en plus marqués; aussi M. Bern-

heim ne lui reconnaît-il pas moins de neuf phases progressives.

Enfin, dans les cas rares d'hystérie grave et d'hystéro-épilepsie, on

atteint le maximum de complexité et de perfectionnement des phé-

nomènes qui accompagnent l'état hypnotique. En partant de ce

point de vue, on voit s'évanouir les plus importantes des difficultés

qui séparent les deux écoles : quant aux difficultés d'ordre secon-

daire, elles tiennent surtout à ce que de chaque côté on connaît

mal ou l'on méconnaît les vues exactes de l'école opposée.

L'auteur n'admet pas que la non-manifestation des phénomènes

physiques suffise à prouver que les malades de M. Bernheim ne

sont pas réellement hypnotisés ; il pense que la forme légère de

l'hypnotisme, telle qu'on l'observe chez les sujets sains, constitue

un phénomène purement psychique, et qui, pour ne pas s'accom-

pagner de phénomènes physiques, n'est ni moins intéressant ni

moins important. Il est assurément plus difficile, il est peut-être

impossible, dans ces cas psychiques, de donner de la réalité de

l'hypnose des preuves aussi convaincantes que celles que fournit

M. Charcot ; mais il n'est guère possible de ne pas admettre la réa-

lité d'un état psychique provoqué lorsqu'on voit les succès que

M. Bernheim obtient contre la douleur.

D'autre part, M. Robertson ne saurait accepter l'opinion soutenue

par M. Bernheim, que tous les phénomènes dits psychiques ou

Archives, t. XXV. 30

466 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

somatiques de l'hypnotisme; tels que les décrit M. Charcot, sont le

résultat de suggestions et ne sauraient apparaître spontanément.

M. Charcot enseigne nettement qu'il ne s'attend à rencontrer les

phénomènes de cet ordre, et à un degré élevé, que chez le petit

nombre des malades qui présentent d'autre part les symptômes

^ de la grande hystérie, et-quand M. Bernheim a essayé de donner

à l'auteur la démonstration de la production de ces phénomènes

par la simple suggestion, les expériences n'ont pas été convain-

cantes. Sa catalepsie suggérée, par exemple, au moins dans les

cas observés par M. Robertson, ne résisterait pas au contrôle scien-

tifique de l'école de la Salpêtrière, et mériterait plutôt le nom

d'état cataleptoïde ; et quant à l'action de l'aimant, la reproduc-

tion par la suggestion de quelques-uns des phénomènes qui lui

sont attribuables ne prouve nullement que ces phénomènes, et

même plusieurs autres, ne puissent être produits par l'aimant, lui-

même. M. Bernheim a si complètement étudié la suggestion, elle lui

a fourni l'explication de tant de faits, qu'il est tout naturel que son

esprit incline à l'invoquer comme explication de tous les phéno-

mènes.

Celte explication, toutefois, M. Robertson est tout disposé à l'ac-

cepter sans grande hésitation, en supposant, bien entendu, la sug-

gestion inconsciente, en ce qui touche les phénomènes de transfert

et autres faits surnaturels observés dans le service de M. Luys, à la

Charité.

Enfin, il est hors de doute que l'hypnotisme a déjà rendu et

rendra encore des services importants à la psychologie expé-

rimentale. Au point de vue thérapeutique, il est incontestable

que son emploi est très utile pour soulager la douleur, et que l'on

pourra probablement l'étendre à des affections nerveuses très

diverses. Dans l'aliénation mentale, l'hypnotisme pourra certaine-

ment être employé avec succès dans quelques cas, mais les obser-

vations faites par l'auteur dans le service de M. Voisin l'ont con-

duit à penser que cette méthode n'a que des avantages très res-

treints.

Quant aux dangers de l'hypnotisme, ils paraissent négligeables,

pourvu que l'emploi de ce moyen reste entre les mains de l'homme

de l'art. M. Robertson ne croit pas qu'on ait relaté un seul cas où

l'hypnotisation ait été suivie de conséquences fâcheuses quand elle

avait été pratiquée par des médecins dans un but thérapeutique.

R. DE Musgrave-Clay.

LXXXVIII. L'ÉTAT DE RÊVE ET LES FAITS PSYCHIQUES QUI L'ACCOMPAGNENT ;

- - par le Henry SlIfITH-`V1LLIAM.

11 faut distinguer trois états d'âme : l'état de veille, l'état de som-

meil profond et l'état de rêve intermédiaire entre les deux autres.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 467

- Dans l'état de sommeil profond, les vibrations du cerveau qui

n'est jamais inactif sont assez faibles pour ne pas affecter la mé-

moire.

- Dans l'état de veille, au contraire, les vibrations sont conscientes

et peuvent être rappelées à notre esprit.

L'état de rêve ne diffère de l'état de veille que par le faiblesse de

certaines vibrations. Le rêve se compose de quelques concepts ou

images saillant sur un fond d'idées vagues et ternes; sorte d'arrière-

plan à peine conscient pendant la vie, totalement oublié au réveil.

Si le rêve, à première vue, diffère des opérations de l'esprit à l'état

de veille, ce n'est pas que l'esprit manque d'unité; c'est que les

idées intermédiaires dont nous sommes conscients à l'état de veille

nous échappent pendant le rêve. Si nous avons rêvé qu'un homme

devenait cheval, puis oiseau, c'est que par une association natu-

relle d'idées nous avons passé do l'idée d'homme à celle de

cheval puis à celle d'oiseau, mais que, les intermédiaires nous échap-

pant, nous attribuons à cet homme les caractères du cheval puis de

l'oiseau.

Une autre différence de l'état de rêve et de l'état de veille, c'est

que, pendant celui-ci, certaines idées, celles de personnalité, de

temps, d'espace, etc., sont très présentes à notre espritet que, pen-

dant le rêve au contraire, elles s'affaiblissent au point de n'être plus

conscientes. De là le fait que nous pouvons en rêve perdre notre

personnalité.

En somme, l'état de rêve est en tous points comparable à l'état de

veille sauf que certaines vibrations du cerveau et les idées qui leur

conespondent sont moins fortes, par suite d'une diminution de

l'afflux du sang au cerveau.

Il en résulte une rupture d'équilibre entre nos idées pendaut

le rêve; certaines d'entre elles dominent et éclipsent toutes les

autres.

Certaines folies ne sont autre chose que l'état de rêve prolongé

pendant la veille; telles sont l'idée fixe etla mélancolie. Dansée cas,

l'aliéné est absorbé par la contemplation d'une seule idée ou d'un

seul objet.

. Toutes les autres perceptions s'affaiblissent et comme il manque

des points de comparaison, le malade a une tout autre vue des

choses que l'esprit normal. Imaginons qu'en regardant au micros-

cope une pétale de fleur, nous fassions abstraction de tous nos sou-

venirs, que nous l'isolions de la fleur et du reste du monde; nous

serons dans la situation d'esprit de l'aliéné.

Ce manque de coordination des perceptions et des idées chez le

mélancolique ou l'halluciné vient d'une anémie du cerveau. Réta-

blissez la santé physique du malade et la santé morale suivra

comme une conséquence nécessaire.

Il ne faut pas conclure que partout où il y a illusion, il y a folie;

468 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

mais partout où il y a folie, il y a illusion. Le génie est une rup-

ture partielle d'équilibre, c'est un état anormal.

La tendance de la race doit être vers le juste équilibre des fa-

cultés et pour ainsi dire, vers la stabilité de l'esprit. (American jour-

nal of insanity, 18J2.) . E. B.

LXXXIX. LES ORIGINES de la folie ; par le Dl' TUCKE.

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes :

1° Toutes les facultés mentales se sont manifestées chacune à

son époque; elles sont de tous les âges, mais beaucoup sont mo-

dernes.

2° La date de l'apparition d'une faculté dans la race peut être

appréciée par l'âge auquel elle apparaît chez l'individu et sa gé-

néralisation plus ou moins grande dans la race.

3° La stabilité d'une faculté chez l'individu dépend de l'époque

de son apparition dans la race; plus elle est ancienne, plus la

faculté est stable.

4° 'En conséquence la race dont l'évolution est la plus rapide

aura la plus hâtive déchéance.

5° Dans une race donnée, les fonctions dont l'évolution est le plus

rapide seront celles qui seront le plus sujettes à déchoir.

6° Dans les familles les plus progressives de la race aryenne, les

facultés mentales depuis quelques milliers d'années, se sont déve-

loppées avec une grande rapidité.

7° Dans celte race, le grand nombre des déchéances mentales,

communément appelées folie, sont dues à la rapide et récente évo-

lution de ces facultés mentales dans la race. Aussi dans la race

Aryenne américaine trouve-t-on un aliéné pour cinq cents indivi-

dus, alors que dans la race nègre il n'y a qu'un aliéné pour onze

cents individus. (1mericanjoumal of insanity, 1892.) E. B.

XC. Les maladies rénales et la folie; par le Dr Georges Tulle.

L'opinion générale des auteurs est que les maladies des reins

sont rarement un facteur important dans l'étiologie de la folie.

C'est ainsi que Griesinger, Buchnill et Tuke disent que le mal de

.Bright peut amener la folie mais qu'ils ne l'ont jamais observée.

Il est cependant probable que nombre de personnes ne doivent

leurs troubles mentaux qu'à l'épuisement produit par la rétention

de poisons de l'organisme. Les cas cités par l'auteur viennent à

l'appui de cette hypothèse.

1° Femme de trente-cinq ans sans antécédents héréditaires,

entre à l'asile de Mehean avec des symptômes de néphrite intersti-

tielle : oedème considérable, coeur très hypertrophié. Comme état

mental : stupidité avec des périodes d'excitation caractérisées par

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 469

des idés de persécution. Son urine contenait de l'albumine et une

grande quatité de cylindres hyalins et granuleux.

2° Femme de soixante-sept ans, mélancolique, périodes de dé-

pression alternant avec des périodes de gaieté exhubérante. Urine

pâle, acide, avec traces d'albumine et important dépôt de cylin-

dres. Pas d'oedème. Quatre mois après sa sortie de l'asile, les cy-

lindres épithéliaux avaient disparu de son urine et son état phy-

sique et mental était excellent.

3° Mélancolique, trace d'albumine, un petit nombre de cylindres

hyalins. Pas d'cedème.

Un an après, état mental très amélioré et plus de signes de

néphrite.

4° Maniaque avec idées de persécution, excitation considérable et

tendance au suicide. Traces d'albumine dans l'urine. Amélioration

rapide.

5° Maniaque avec hypochondrie. OEdème des chevilles, albumine,

cylindres hyalins. Coeur normal. En quelques mois, l'oedème dis-

paraît et l'état mental se guérit.

6° Mélancolie avec idées de suicide. Albumine et dépôt de cris-

taux d'oxalate et de phosphate de chaux. OEdème des jambes. En

quelques mois la mélancolie avait disparu, l'oedème, l'albumine et

les cristaux n'existaient plus.

L'auteur a analysé les urines des malades de son service et il a

trouvé de l'albumine un grand nombre de fois, 32 p. 100. Il en con-

clut que l'élimination des toxines est moins active et qu'il se pro-

duit une auto-intoxication. C'est surtout chez les mélancoliques

que les symptômes de néphrite sont fréquents et on ne trouve

guère de mélancoliques agités sans albumine et sans cylindres

dans les urines.

Les maladies rénales sont donc beaucoup plus communes chez

les aliénés que ne l'admettent les auteurs et les conclusions que

l'on peut tirer de cette étude sont les suivantes :

10 La néphrite chronique est une cause fréquente de folie. 2° La

mélancolie persistante peut donner de l'albumine et [des cylindres

épithéliaux dans l'urine avec de l'oedème dans quelques cas.

3° Cette affection rénale peut être temporaire, disparaissant avec la

cause. Si la cause persiste, l'affection rénale peut devenir chronique.

4° Contrairement à l'opinion de beaucoup d'observateurs, la néphrite

est très commune chez les aliénés. (American journal of insa-

nity, 1892.) E. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 24 avril 1893.

Distribution des récompenses. Prix Moreau (de Tours). M. An-

NAUD, au nom d'une commission composée de MM. Ballet, Moreau

(de Tours) et Wallon, donne lecture de son rapport décernant le

prix à M. Najotte, interne des hôpitaux, pour sa thèse sur les

Ropports de la paralysie générale avec le tabes. Une mention hono-

rable est accordée à M. Berbès et Iiamel internes, à Charenton.

Prix Esquirol. - M. SOLLIElt, rapporteur de la commission formeé

de MM. Bouchereau, Falret, Mitivié et Ritti, passe en revue les cinq

mémoires qui ont été déposés. Le prix Esquirol est remis à M. La-

chaud, interne des asiles de la Seine, pour un travail fait à Ville-

juif, et intitulé : Dissimulation des idées de grandeur dans le délire

chronique des persécutions. Une mention honorable est aussi décernée

à M. Séfiliâtre, interne du même asile, pour son Élude du trem-

blement de la langue dans la paralysie générale.

Prix Bel.homme.-111. Séglas, rapporteur de la Commission formée

de MM. Dagonet, Garnier, Magnan et A. Voisin, expose qu'un seul

mémoire a été présenté pour le prix, qu'il n'y a pas lieu de décerner

cette année. Une mention très honorable, accompagnée des deux

tiers de la valeur du prix, est néanmoins votée à MM. Bounet et Marie,

médecins adjoints des asiles et co-auteurs du mémoire. Le sujet

choisi pour Je prochain concours est le suivant : Du traitement hygié-

nique et pédagogique de l'idiotie (arriérés, débiles, imbéciles, idiots).

Prix Aubanel. M. SliSI1·,LAIGNE, rapporteur de la commission,

expose qu'il n'y a pas lieu de décerner le prix Aubanel, mais que

deux mentions honorables accompagnées d'une somme de 1,200 fr.

seront accordées à MM. Berbès, ancien interne des asiles de la

Seine, actuellement interne à Charenton, et Samuel Garnier, mé-

decin-directeur de l'asile de Dijon.

La Commission propose pour le prochain prix, qui sera dis-

tribué, en 1895 : Etude des variétés cliniques du délire des persé-

cutions. Marcel BRIAND.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 1Î1 1

SOCIÉTÉ DES MÉDECINS NEUROLOGISTES ET ALIÉNISTES

DE MOSCOU.

Séance du 25 septembre 1892.

I. Darkchévitch et Fikhonof. - Des affections consécutives du sys-

tème nerveux central. Après avoir présenté deux malades atteints

d'atrophies' musculaires arthropathiques et offrant des symptômes

spinaux caractéristiques, tels que parésie avec sensibilité normale

exagération des réflexes tendineux, augmentation de l'excitabilité

directe des muscles sans phénomènes de rigidité, es auteurs

retracent l'histoire de la maladie d'une emme cnez laquelle on

avait observé des symptômes identiques, à la suite d'un phlegmon

de la surface dorsale du poignet. CI

Des phénomènes semblables ont été décrits par d'autres auteurs

dans les premiers stades des névrites. Les rapporteurs se croient

en droit de réunir tous ces complexes de symptômes sous la déno-

mination générale d'affections consécutives du système nerveux cen-

tral survenant après des lésions périphériques.

Suivant les rapporteurs, le point de départ de ces lésions péri-

phériques n'est pas l'arthrite ou le phlegmon, mais, dans tous les

cas, la névrite à son premier stade de développement. En faveur

de cette théorie, on peut citer les expériences de Debove et Itay-

mond et celles de Darkchévitch lui-même, expériences qui l'ont

amené à conclure que les lésions des troncs nerveux périphériques

entraînent non seulement des modifications allant jusqu'au centre,

mais encore une altération du noyau lui-même.

Pour prouver cette thèse, les rapporteurs citent le cas patholo-

gique suivant : chez une malade atteinte d'une paralysie faciale

périphérique ex otitide, l'examen microscopique fait après l'au-

topsie a démontré des modifications destructives dans le noyau

correspondant.

Considérant comme prouvées les modifications des centres de la

moelle épinière consécutives aux affections périphériqueslesauteurs

croient que, dans les arthrites, les phlegmons et les stades initiaux

des névrites, ces modifications ne sont que dynamiques, mais que,

dans certaines conditions, il est possible qu'elles deviennent des-

tructives.

Discussion. M. le professeur Iioaevrrmor. croit que beaucoup de

symptômes qu'on pourrait considérer comme centraux, dans les

névrites aiguës, dépendent en réalité de névrites atteignant des

472 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nerfs très importants, tels que le vagues et le ph1'cnicus. Quant aux

modifications destructives, M. Kojevnikof les considère comme

possibles, quoique peu fréquentes. Dans neuf cas de névrites, par

suite d'alcoolisme, observées au microscope, on n'a trouvé que

dans quatre cas seulement des modifications parenchymateuses.

M. W. HOTU est également opposé à une généralisation trop

- complète de l'influence de la périphérie sur les centres. Les expé-

riences de Gudden ont démontré que ce qui arrive aux jeunes ani-

maux ne se présente pas chez les animaux adultes. Les expériences

récentes de Marinesco aboutissent aux mêmes conclusions. Les

observations cliniques prouvent que les névrites les plus graves ne

sont pas suivies de modifications des centres moteurs. D'un autre

côté, dans les'amyotrophies arthropathiques, le mécanisme amenant

l'atrophie est différent; elle se produit d'une manière réflexe par

l'entremise des racines postérieures.

M. S. lCoasnror démontre l'importance de l'influence simultanée

d'une seule et même cause sur le centre et la périphérie. Il est dis-

posé à expliquer beaucoup de phénomènes cliniques par cette

influence simultanée, plutôt que par la lésion consécutive du

centre.

M. L. Miner suppose qu'il existe des symptômes survenant après

une lésion périphérique qui ne sont pas de nature spinale, comme

on serait porté à le croire d'après la théorie des rapporteurs, mais

qui se produisent par l'entremise du cerveau et sont de nature

hystérique.

II. M. W. l\IOURATOF. Les dégénérescences consécutives à la sec-

tion du corps calleux. L'examen microscopique a été fait d'après

la méthode de Marchi. Les conclusions basées sur les expériences

faites, dans certains cas, au moyen de la destruction de l'écorce et,

dans d'autres cas, au moyen de la section du corps calleux, dans

le sens de la suture sagittale, sont les suivantes : 1° Quand on

détruit l'écorce, on observe une dégénérescence des fibres du corpus

callosum jusqu'à l'écorce de l'hémisphère opposé ; 2° la section

du corpus callosum donne lieu à des dégénérescences complètement

identiques deux des côtés; 3° la lésion de l'écorce et la section du

corpus callosum simultanées produisent une dégénérescence sem-

blable, mais plus intense. Dans tous les cas, les dégénérescences

occupent un champ strictement limité, correspondant à la quan-

tité et à l'emplacement des fibres sectionnées dans le corpus callo-

sum ; 4° le corpus callosum est une commissure composée de fibres

dont une partie a pour centre l'hémisphère gauche et l'autre l'hé-

misphère droit. C'est par là qu'il convient d'expliquer le fait men-

tionné plus haut que la section du corpus callosum et l'ablation de

l'écorce d'un seul hémisphère, combinées ensemble, produisent

une dégénérescence plus intense; ici, en effet, grâce à l'ablation,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 473

les fibres de l'hémisphère correspondant dégénèrent, tandis que

dans la section, cela a lieu pour les fibres provenant de l'hémis-

phère opposé, ce qui entraîne une double dégénérescence dans

l'hémisphère où l'ablation a été pratiquée; 5° la capsule interne

ne prend aucune part à ce processus; 6° le faisceau d'association

fronto-occipital, découvert par Onufrowic et Kaufmann et désigné

par le rapporteur sous le nom de fasciculus subcallosus, est une

longue voie d'association qui dégénère dans l'hémisphère ou l'ex-

tirpation a été pratiquée. Le cingulum joue un rôle tout à fait sem-

blable.

Cette communication a donné lieu à des débats auxquels ont

pris part MM. G. Rossolimo, L. Darkchévitch et A. Kojevnikof.

XXV" CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ DES ALIÉNISTES DE BASSE-SAXE

ET DE WESTPHAL1E.

SESSION DE HANOVRE.

Séance du 2 mai 1892 '. Présidence de M. GERSTENBERG.

M. ROLLER. Lésions du crâne et du cerveau chez les aliénés. Il

s'agit d'un certain nombre d'autopsies dans lesquelles on trouva

la calotte cranienne épaissie et la dure-mère adhérente aux os du

crâne. M. Roller trouva aussi des régions cérébrales atrophiées,

c'est-à-dire des circonvolutions atteintes en même temps qu'en

certains cas il constatait des anomalies des sillons et des circon-

volutions cérébrales. Le mémoire sera publié in extenso.

A ce propos, M. DERaBaN fait observer que son maître ERLEN-

MAYER avait prétendu que la calvitie était en rapport avec des adhé-

rences cranio-durmérienens. Cela n'est pas toujours exact, car ces

adhérences se rencontrent aussi chez les aliénés qui ne sont point

chauves. M. Magnan dans de ses leçons exposé des études très remar-

quables sur les altérations pathologiques crânio-cérébrales des

aliénés.

M. \Vor.Fr propose au Congrès d'adopter les décisions sui-

vantes :

1° Les asiles pour idiots et épileptiques doivent, dans l'intérêt

de l'humanité et de la science être, de même que les asiles d'alié-

1 Voir Archives de Neurologie, séance de 1891.

474 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nés, confiées des médecins-directeurs, ils seront organisés comme

ces derniers. '

2° L'Etat seul, c'est-à-dire l'administration provinciale, est ca7

pable d'organiser, de développer, de surveiller de semblables

établissements; le congrès intervient donc auprès des autorités

compétentes pour les prier d'activer la création et la mise en

- fonctions de l'assistance des idiots et des épileptiques, conformé-

ment la teneur de la loi du 11 juillet 4891.

L'orateur rappelle les conclusions adoptées par le congrès des

aliénistes et deWeimar (septembre 1891). (Voy. Archives de Neu-

i-ologie.) Afin de rédiger un projet de délibération, le congrès

nomme une commission dont feront partie MM. Gerstenberg, Lut-

tich, et Wulff.

M. VaLr.r· traite de la conduite à tenir en présence des aliénés

atteints de tuberculose; des règles sont posées à ce sujet par

JMM. GERLACH, 13essE et autres.

La prochaine séance de la société aura lieu le ]or mai 1893 au

Kastew's Ilotel.

(Allg. Zeitsch. f. Pschiat., 1LI1, 3.) P. Keraval

CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE

CINQUANTE-NEUVIÈME SESSION A LEUBUS.

Séance du 19 juin 1802'. Présidence DE M. Vermiche.

M. le président lit à la société l'éloge de Meynert qu'il a fait pa-

raître dans la Deutsche mediz Wochenschrift, n° 28. L'assistance se

lève en l'honneur de l'illustre défunt.

M. Vernicke fait passer sous les yeux de la société des photogra-

phies qui représentent des coupes transverses du cerveau grossies

à la loupe.

M. KAIIL]3.IUM. Un cas de paranoïa. L'orateur rappelle que,

dans sa précédente communication sur la paranoïa (folie systéma-

tique), il a démontré que conformément à l'idée nosographique

que l'on doit se faire de l'entité morbide en question, il faut ou

bien limiter à cette modalité clinique l'emploi du mot paranoïa,

c'est-à-dire réserver le mot paranoïa pour une forme clinique

' Voy. Archives de Neurologie, séance de 1891.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 475

déterminée, ou bien lui appliquer un mot nouveau. C'est à cette

dernière décision que s'en tient M. Kahlbaum. Il propose d'appeler

paraphrénie, en allemand Wahnsucht, la maladie mentale qui se

manifeste par la prédominance et la permanence d'idées délirantes

systématisées, et de conserver le mot paranoïa, en allemand Ver-

2,ücktheit, à tous les cas indistinctement dans lesquels il y a des idées

délirantes quelconques. Il s'ensuit que paranoïa, c'est-à-dire Ver-

rückliteit, est non point une espèce clinique, mais un complexus

symptomatique qui se rencontre en diverses espèces morbides.

Voici maintenant une observation caractérisée par l'existence

d'un complexus symptomatique du dernier genre qui en effet ne

correspond pas à la paranoïa, c'est-à-dire d'après la nouvelle ter-

minologie à la paraphrénie. 11 s'agit d'un malade d'un asile de la

Silésie, qui depuis plusieurs années est interdit et a tenté de faire

lever son interdiction en actionnant l'administration. De l'examen

du malade et de ses assertions, il appert que le personnage en

question est un homme qui est tourmenté par une seule pensée et

que ce tourment l'a mis en lutte contre les personnes qui l'entou-

raient et contre le monde entier. Cetle pensée est l'amour qu'il

éprouve pour une jeune fille; il croit qu'il a sur elle un droit légi-

time et légal, parce que pendant quelque temps, il a été en rela-

tions amicales avec elle, encore que le père de la jeune fille, à cette

époque mineure, lui à refusé son consentement. Son idée fixe l'a

amené à considérer le père de la jeune fille comme son ennemi

et à voir des ennemis dans toutes les personnes qui se sont pro-

noncées contre ses relations avec la jeune fille, notamment dans le

lireisphysiken qui a fait un premier rapport médical sur lui. Il y a

donc dans l'espèce idée fixe, puis délire des persécutions, et con-

curremment, mégalomanie sous forme de délire orgueilleux, tous

symptômes qui caractérisent la paranoïa dans son sens le plus

étroit. Mais si nous tenons compte de ce fait qu'il s'agit d'un indi-

vidu qui dès l'enfance a été très excentrique, très original, que

lors d'un voyage qu'il fit à Londres, il a dû être séquestré dans un

asile d'aliénés, que sa tête est depuis plusieurs années aliénée

(délire de chicane), nous sommes obligés de reconnaître que nous

avons affaire à une Verrucktheit. C'est d'ailleurs ce que fait remar-

quer le Kreisphsiken dans son rapport. Il conclut à la dégénères-,

cence mentale, c'est-à-dire à l'existence d'un état psychopathique

qui doit être considéré non comme une affection psychique

acquise par un cerveau bien développé, mais comme une sorte de

malformation congénitale originelle sur laquelle ont germé des

idées morbides. En un mot, c'est un pseudoparanoïa. ,

Discussion : '

M. 6tiRicii. Que serait-il advenu du malade s'il eût possédé la

jeune fille ?

476 SOCIÉTÉS SAVANTES.'

M. KAHLLAMM. - Évidemment la construction imaginaire de son

amour philosophique n'eût pas tardé à s'écrouler en présence de

la réalité.

Sur la demande de M. Wernicke, M. Kahlbaum esquisse encore

quelques observations. Il allègue que chez ces malades, les troubles

fondamentaux ne sont point uniformément, sans discontinuité,

- rattachés à un système organisé, que chez eux, il se montre d'abord

des perturbations dans la sphère affective, intellectuelle et volon-

taire, et que ce n'est que secondairement qu'ils s'accompagnent de

troubles amalgamés. Ils se distinguent des cas de Verucktheit

proprement dits ou de paraphrénie, dans lesquels tous les symptô-

mes procèdent d'un mécanisme morbide de la vie conceptuelle,

d'une manière de sentir morbide au sujet des personnes et de la

propre personne du sujet. 11 en est ainsi de la plupart des malades

qui constituent les observations détaillées par Sandet dans son

mémoire sur la Verrucktbeit originelle, qui presque tous échap-

pent à cette étiquette.

M. VERNICKE ne partage pas l'opinion de M. Kahlbaum. Le cas

précédemment observé par M. Kahlbaum (il a eu l'occasion de

l'étudier lui aussi pendant quelque temps) est pour lui un exemple

frappant d'idée fixe (obsession) qu'il serait plus exact d'appeler

idée présomptueuse (obsession présomptueuse).

De cette obsession, le malade a tiré un délire logique auquel il

a conformé ses sentiments et ses actes. Du reste, il n'est pas rare

de voir ces hommes de cet âge se forger un penchant quelconque

pour une jeune fille et je ne sache pas qu'on puisse considérer ces

passions comme morbides.

Quant à la Verrùcktheit originelle de Sander, en effet, elle ne tient

pas debout ; n'étant point du tout étayée par ses observations.

M. KAHLBAUM. Il y a cependant des cas qui correspondent à la

description de Sander et qui méritent la démonstration de Ver-

ruclaheit originelle. Mais les observations de Sander représentent

où la folie systématique (Verrùcktheit) ordinaire ou l'héléphrein.

M. 1VEISSER. Le mémoire sur la Yerrucktheit originelle (Sander) a

été souvent mal compris. Aujourd'hui il y a confusion dans le

mode d'emploi de l'expression originaire l'e2-2-uch*lheit. Sander n'a

entendu traiter sous ce nom qu'un groupe, et il le dit expressément

un petit groupe, celui de la folie systématique primitive (premier

Ver1'ucktheit), Au contraire, MEYNERT et ses élèves, FRITSCH par

exemple, ont souvent employé comme synonyme des expressions

de primaire et originaire Verrùcktheit. SCHULLG, d'autre part, sous ce

nom désigne un autre type morbide.

Enfin, plus tard SANDER a lui-même avoué que le terme des

originaire Ve7·rucktheit n'était pas d'un heureux choix pour ses

observations. Les auteurs quand ils parlent de ceux qu'ils désignent

sociétés savantes. 477

sous le nom adopté par SANDER et qu'ils croient correspondre à cette

appellation, ne puissent pas envisager les mêmes observations;

ils les ont perdus de vue, c'est ce qui est notamment arrivé à Roll

dans son travail intitulé : (De la coexistence de la paranoïa origi-

nelle et de l'épilepsie).

M. Wernicke. J'ai publié des observations dans lesquelles il y

avait des idées fixes présomptueuses qui entraînent tout naturelle-

ment, malgré l'intégrité du mécanisme de l'intelligence sur tout

autre point un délire logique, par exemple un délire de persécu-

tion. Puis quand les choses durent ainsi depuis un certain temps,

la connaissance se modifie, la personnalité s'exagère subsidiaire-

ment ; il survient des illusions de la mémoire, et l'individu forge

de toutes pièces une histoire généralement positive, plus rarement

négative.

M. NEISSER. L'isolement des idées fixes est un fait général et géné-

ralement reconnu. Les cas de M. Wernicke sont des exceptions. On

n'a guère vu d'idées délirantes fixes isolées prendre le caractère

d'idées de persécution. *

Quant aux traits symptomatiques caractéristiques de la para-

noïa, il y a lieu d'admettre des symptômes primitifs directs, et des

symptômes secondaires ou consécutifs. J'insiste sur ce point en

tenant compte de la valeur diagnostique de l'idée fixe deM. Wernicke,

et en même temps de la définition que M. Halbaum donne de sa

paraphémie qu'il appelle paranoïa au sens rigoureux du mot, ayant

pour caractères la permanence et la prédominance d'idées déli-

rantes systématisées.

Je dirai tout à l'heure en traitant d'une forme spéciale des néo-

formations délirantes ce que je pense de la symptomatologie spé-

ciale de cette maladie et à son diagnostic différentiel. Pour le mo-

ment, je m'en tiendrai à des aperçus de pathologie générale.

Un grand nombre de malades, des malades d'âges différents

ayant des degrés différents d'éducation, appartenant à des natio-

nalités différentes sont conduits par une maladie identique, tout à

fait par des procédés analogues, à développer des idées délirantes

systématisées de persécution ou de grandeur; il faut donc que nous

reconnaissions une loi dans ces phénomènes, et que nous rassem-

blions ces faits en un faisceau, en un groupe séparé, spécial. Mais

ce n'est là que les prémisses d'une considération scientifique. Les

idées délirantes, surtout quand elles sont systématisées, procèdent

en tous les cas de rouages psychiques très compliqués, elles ne sont

que les produits ultimes d'un moteur morbide qui doit être l'objet

réel des investigations du diagnostic. Il se pourrait très bien que

le même moteur pathologique, considéré, dans son action physio-

logique, dans des conditions déterminées, prenne une tout autre

marche ou n'arrive pas au même degré de développement et que

478 sociétés savantes.

finalement, il n'engendre pas un système de délire à enchaînement

logique. Au surplus, on remarquera que pendant le stade initial de

la maladie, qui peut durer des mois, voire parfois des années, il

n'existe pas forcément des idées délirantes fixes et systématiques.

On serait donc en droit, tant dans l'intérêt de la théorie que de la

pratique, d'exiger que l'on formule son diagnostic en le tirant du

^mécanisme même de la formation du délire et de la façon dont

il évolue, et que l'on analyse l'activité morbide de la pensée en

travail, qu'on en saisisse les éléments aptes à procréer un délire

organisé, cohérent, solide. Certes ce ne seront pas des ratiocina-

tions théoriques qui décideront du genre de trouble intellectuel

qui forge et ajuste ce délire, ce ne peut être que l'expérience cli-

nique. J'ai personnellement lu au sein de la société un travail sur

la paranoïa dans lequel j'attribuais une importance cardinale à un

symptôme spécial que je tiens pour un des rouages générateurs

du délire, je veux parler de l'exagération pathologique des rapports

du moi.

Il n'y a selon moi d'exemple de folie systématique chronique

(chroniscke paranoïa) ou pour nous servir du terme proposé par

M. Kahlbaum de chronische Wahnsucht dans lequel on ne constate

pas d'exagération de la personnalité, il y a en revanche des cas dans

lesquels il n'y a pas d'hallucinations et où le seul symptôme est

constitué par une erreur d'interprétation des rapports du moi. Les

symptômes secondaires varient. Le plus fréquent est le délire de

suspicion et de persécution. Assez souvent, on voit consécutivement

survenir une perplexité toute spéciale. Et c'est justement parce

qu'il s'observe que le malade croit souvent que ses pensées sont

connues des personnes qui l'entourent ; c'est l'exagération qui lui

suggère cette idée.

Puisviennentles hallucinations de la parole intérieure de Cramer,

les hallucinations de l'ouïe avec les néologismes, les sensations

somatiques anormales du corps. Lors même que des malades

affirment avoir devant les yeux le tableau des scènes empruntées

à leur vie, c'est l'exagération de leur personnalité qui, agissant sur

leur imagination, produit ce phénomène. Tel est encore le méca-

nisme des mouvements, des actes, des propos que les fous systé-

matiques prétendent leur être imposés.

M. Wernicke. L'exagération de la personnalité sans substratum

hypochondriaque est une trouvaille de M. Neisser. Toute idée pré-

somptueuse se rattache à une exagération correspondante de la

personnalité ; ainsi s'explique son isolement dans maints cas.

M. Schubert. Communication casuistique. Il s'agit d'une obser-

vation de folie alternante chez une femme de quarante ans; d'abord

atteinte de mélancolie avec agitation pendant dix-huit mois, elle

présenta au bout de ce temps des alternatives de dépression et de

BIBLIOGRAPHIE. 479'

lucidité se succédant alternativement chaque jour; un jour, elle

était déprimée, un autre jour, elle était en parfait état. L'ensemble

de la maladie dura ainsi deux ans et demi; elle guérit alors, et

cette guérison s'annonça par le retour des règles qui avaient cessé

au début de l'affection mentale.

M. NEISSER présente un malade affecté de paralysie progressive

avec complications d'atrophie musculaire spinale 1l1'ooressive. 11 pré-

sente ensuite un homme de quarante-trois ans tourmenté pas des

idées de persécution mais sans dépression, sans que ces idées

l'empêchassent de sentir normalement, de participer à la conversa-

tion, de s'occuper. Ceci prouve que la persistance d'idées délirantes

fixes, sans trouble du côté de la sensibilité morale, ne constitue

pas le fond même de la folie systématique (paranoïa). Dans le cas

particulier, elles sont le résidu d'une maladie aiguë dont l'évolu-

tion a aujourd'hui achevé son cycle, maladie qui était représentée

par les symptômes suivants : trouble de la connaissance; 'délire;

paralysie plusieurs nerfs crâniens ; aphasie, et qui n'était

autre chose qu'une affection organique du cerveau d'origine proba-

blement syphilitique. (Allg. Zeitch. f. Psychiat., XLIX, 3.)

. P. KERAVAL.

BIBLIOGRAPHIE.

XIII. Les diplégies cérébrales de l'enfance; par le Dr Rosenthal de

Vienne (Autriche). J.-B. Boillier.

Sous ce nom, l'auteur a réuni des affections déjà décrites sous le

nom de rigidité généralisée de rigidité paraplégique, de tabes

dorsal spasmodique, d'hémiplégie spasmodique bilatérale et de

chorée congénitale; il pense que ces atfections, quoique différentes

entre elles, appartiennent à un faisceau commun. Ce sont des ma-

ladies de la première enfance, et parfois de la vie intra-utérine

dues à des hémorragies méningées, souvent d'origine traumatique

et siégeant de préférence sur le bord médian de l'hémisphère cé-

rébral dans ses couches superficielles; des paralysies flasques mais

surtout avec rigidité, des rigidités spasmodiques avec parésies.

musculaires, des mouvements choréiques ou athétosiques, en sont

les manifestations; tantôt la forme en est paraplégique sur les

membres inférieurs, tantôt hémiplégique, tantôt généralisée; les

paralysies, les chorées peuvent manquer, et c'est cette variété dans

480 BIBLIOGRAPHIE.

la distribution et l'évolution des symptômes qui a causé la variété

des dénominations et la pluralité des types pris à tort pour autant

de maladies distinctes; l'intelligence est toujours frappée plus ou

moins de la légère imbécillité à l'idiotie complète. Les convulsions

sont aussi très fréquentes au début de l'affection. Les conditions

de la chorée et de l'athétose ne sont pas élucidées.

r Ce travail sérieux ét clair Repose sur un grand nombre d'obser-

vations personnelles groupées en tableaux statistiques des plus in-

téressants à constater au point de vue étiologique et symptol>la-

tique. CH.

XIV. RLINISCHE UND NaTOiISCHP : BEITR1GE ZUR Pathologie DES GEHIRNS.

Contributions cliniques et anatomiques à la pathologie cérébrale) ;

par von S.-E. HENSCHEN. (Upsala, 1892. Deuxième volume, 232 pages

' in-4°, avec 20 planches et 6 cartes.)

Voilà déjà bientôt trois ans qu'a paru la première partie de cet

ouvrage considérable d'un savant suédois, M. Henschen, professeur

à Upsal, déjà avantageusement connu par des travaux antérieurs.

De préférence à sa langue maternelle, l'auteur s'est servi de l'alle-

mand qu'il connaît bien, pour être compris d'un plus grand cercle

de lecteurs. Cette première partie a été l'objet d'éloges unanimes

et mérités de la part de la critique dans les revues spéciales des

différents pays. Dans ce volume, l'auteur avait exposé des obser-

vations cliniques exactes suivies de recherches macroscopiques et

microscopiques avec le plus grand soin, réunissant ainsi des maté-

riaux nombreux et très précieux (trente-six cas, dont trente avec

autopsie) pour l'élucidation des questions de pathologie cérébrale

les plus discutés, surtout celle des localisations, consacrant cepen-

dant son étude principale au centre et aux trajets visuels.

Disons tout de suite de la deuxième partie, parue l'été dernier,

qu'elle continue dignement la première. Elle devait originairement

être consacrée surtout à une analyse critique détaillée des cas dé-

crits dans le premier volume, et à une comparaison avec les résul-

tats obtenus par d'autres. Cependant, les matériaux s'étaient ac-

cumulés dans l'intervalle; aussi l'auteur nous donne-t-il dans un

chapitre spécial sous le titre de : e Hermiochropsie Kasuistih »

neuf cas nouveaux, suivis d'autopsie et d'examen microscopique

et où nous trouvons les mêmes qualités d'exactitude et de soin,

dans l'observation que nous avons eu-à louer dans la première

partie. Parmi ces cas, il en est d'un intérêt tout particulier; citons,

par exemple, celui d'un enfant atteint d'hémianopsie, cas qui,

ayant -abouti à l'autopsie suivie d'un examen au microscope, est

ainsi unique en son genre; ce cas s'est trouvé être une hémia-

nopsie indirecte.

Se basant sur l'analyse critique de ses propres observations et de

BIBLIOGRAPHIE. 481

celles qu'il a recueillies dans la littérature médicale, M. Hensens

suit les trajets visuels depuis la papillè'jusqu'au centre visuel,

complétant sur un grand nombre de points et souvent rectifiant

nos connaissances à cet égard. Ainsi il établit plus exactement le

trajet de ces fibres croisées et non croisées, spécialement'des macu-

laires, d'abord dans le nerf optique même; il montre ainsi, par

exemple, que la partie non croisée des fibres ne forme pas un fais-

ceau compact sur tout leur parcours, comme on le croyait géné-

ralement jusqu'ici, mais qu'elle se partage dans la partie anté-

rieure, orbitale, en deux faisceaux à peu près égaux, l'un plus

(latéro-) ventral, l'autre plus (latéro-) dorsal, et qu'entre eux s'in-

tercalent les fibres maculaires. L'auteur suit ces trajets à travers

le chiasma, la bandelette optique, etc., et arrive sur bien des points

à des conclusions différentes de celles de ses devanciers.

11 faut reconnaître une importance capitale à l'étude aussi appro-

fondie que peu précaire à laquelle l'auteur soumet les centres

visuels eux-mêmes. Il passe en revue les principales localisations

attribuées à ce sens par les différents auteurs; il fait voir d'abord

que le centre visuel ne peut pas être situé dans le lobe pariétal

,inférieur, comme cela résulte des cas où ce lieu était affecté sans

qu'il en fut résulté ni hémianopsie, ni aucun autre trouble visuel,

et il explique comment l'erreur a pu se procuire, en démontrant

que dans les cas accompagnés de troubles visuels, la lésion n'avait

pas seulement détruit la couche corticale de ce lobe, mais avait

pénétré si profondément dans la substance médullaire qu'elle avait

rompu les trajets eux-mêmes (Sehstrahlung). L'auteur montre de

la même manière que le centre de la perception lumineuse ne

peut pas se trouver dans la partie ventrale du lobe temporal, ni

sur la surface latérale ou ventrale du lobe occipital; procédantsur-

tout par exclusion en s'appuyant, sur des cas négatifs, l'auteur

ramène successivement le lieu de ce centre à la partie médiane du

lobe occipital, et finit par le placer sur les bords et au fond de la

scissure calcarine; il apporte aussi à l'appui de cette opinion des

preuves directes, en particulier un cas observé par lui et par

M. Nordenson [n° 142 (40)], une hémianopsie gauche, où la section

révéla un ramollissement exclusivement cortical à droite au fond

de la fissura Hippocampi et de la scissure calcarine, alors qu'il

avait déjà démontré par des cas précédents que la première de ces

parties ne joue aucun rôle dans les troubles visuels; la surface du

cuneus et du lobulus lingualis n'offrait aucun ramollissement, ex-

cepté la pointe antérieure du coin.

En se fondant sur ses observatious, l'auteur croit pouvoir avec

quelque probabilité déterminer plus spécialement le rôle des diffé-

rentes parties de la fissure calcarine pour la perception de la lu-

mière ; il pense en effet que ce rôle est affecté principalement au

tiers médian et postérieur (3 à 4 centimètres) et que les fibres ma-

Archives, t. XXV. 31

ri : .1 .BIBLIOGRAPHIE.

¡ culD;iJ'e doivent être localisées plutôt dans les parties antérieures

et celles pour le champ visuel périphérique dans les' parties posté-

rieures et de telle façon que la lèvre supérieure de la fissure, c'est-

à-dire la partie inférieure du coin, correspondrait à la moitié su-

périeure de la rétine et la lèvre inférieure, c'est-à-dire la partie

supérieure du lobulus lingualis, à la moitié supérieure de la rétine;

enfin que la région rriaculaire est innervée par les deux hémisphères.

" L'auteur cherche encore à déterminer la position du centre

visuel en suivant les phénomènes de dégénérescence occasionnés

par des lésions- périphériques, ainsi que les dégénérescences cen-

trifuges; il trouve- dans ces altérations dégénérescentes ou plutôt

;atrophiques la confirmation de, ses opinions, et il y trouve une

.preuve du fait que les cellules des trajets croisés et des non croisés

des parties homologues de chaque rétine ne sont pas séparés, mais

au contraire mêlés et confondus; enfin, plusieurs des cas observés

portent l'auteur à admettre que les éléments percepteurs des cou-

leurs sont disséminés parmi les éléments percepteurs de la lu-

,mière.. ? Quant à ces altérations dégénérescentes. surtout à la suite d'une

..lésion du corps genouillé externe, et aux recherches histologiques

de l'auteur sur la fine structure des bords de la scissure calcarine,

si intéressantes que sont ces parties de l'ouvrage, nous ne pouvons

nous y arrêter et renvoyons le lecteur à l'original; elles témoignent

de la manière approfondie et complète, dont l'auteur a traité son

sujet. .

. Vingt planches très bien exécutées, six'cartes et une impression

,soignée contribuent à rendre ce bel ouvrage d'un accès agréable

et facile.

. La troisième' partie que l'auteur nous promet sera sans doute

aussi d'un haut. intérêt : il y apportera de nouveaux matériaux

entre autres pour l'étude spéciale du rôle que jouent dans les con-

duits visuels les ganglions optiques subcorticaux : le corps genouillé

externe, le pulvinar et les tubercules quadrijumeaux antérieurs, et

il y abordera aussi la question des centres visuels supérieurs.

...... . ' . E.-A. HOMES. ? Nous venons de recevoir le premier fascicule du Messager neill'o-

.logiste, journal de la société des neuropatliologues et des psy-

chiâtres- de l'université de Kazan, paraissant sous la direction de

- DI, le. professeur V : M. Bechterev, l'un des représentants les plus

éminents de la neuropathologie russe et fondateur de cette société

.savante. Ce premier fascicule est rempli de travaux originaux très

-intéressants.. Pour le moment, nous nous contenterons d'énumérer

leurs titres nous réservant de donner une analyse aussi détaillée

que. possible des plus importante : Tout d'abord, nous trouvons un

article, de M. le professeur- N; 0. Kovalevski qui a été un des

VARIA. 483 i

membres les plus influents de l'Université de Kazan. Vient ensuite

un discours prononcé par M. Bechterev à l'ouverture de la so-

ciété. Ce discours est intitulé : « Sur l'état actuel des connais-

sances neurologiques et sur l'importance des sociétés scientifiques

dans leur développement. » Les autres travaux sont : « Un cas de

pychose consécutive au choléra », par M. le D' V. J. Vassiliev ;

c Sur la valeur thérapeutique de l'hypnotisme », par M. le pro-

fesseur Bechterev; « De l'influence de la suspension sur les troubles

oculaires des malades atteints des lésions médullaires », par le

Dr Vorotinski; a Sur les altérations des nerfs optiques dans le

tabes », par M. le professeur N. M. Popov; « Sur les centres corti-

caux des sphincters vésical et rectal », par M. le Dr K. Meyer; c Sur

l'innervation de la peau de la surface plantaire des extrémités infé-

rieures D, par M. le D 1 : . Smirnov; « Sur les appareils terminaux

du nerf gustatif », par M. le professeur K. A. Arnstein; « Sur les

bases physiologiques et psychologiques de l'esthétique contempo-

raine », par M. le professeur A. J. Smirnov.

Nous souhaitons le plus grand succès à notre nouveau confrère.

J. R.

VARIA

ÂFFAtRVALROFF.

La cour d'assises des Alpes-Maritimes a eu à juger, le 25 avril

dernier, le jeune Valroff dont les journaux politiques ont raconté

la double tentative d'assassinat commise, le 13 mai 1892, sur sa

patronne, 111"'e Oarin de Coccomato, femme du consul du Portugal

et la bonne de celle-ci, 111u Bracco.

On sait combien la lutte a été chaude entre les médecins experts

de Nlce et de Paris, d'une part, et d'autre part, les médecins ayant

donué à la défense leurs consultations : tandis que les premiers

affirmaient que Valroff a commis sa double tentative et qu'il est

par conséquent partiellement responsable, les autres en s'appuyant

sur les documents de l'expertise, prétendaient que l'inculpé a agi

en état de somnambulisme hystérique ou épileptique, ce qui plai-

dait en faveur de son irresponsabilité complète. Le jury a rapporté

un verdict affirmatif sur les deux questions de tentative de meurtre,

mais tenant compte des opinions médicales alléguées par la défense,

il a écarté la préméditation et a accordé les circonstances atté-

nuantes. La cour, après avoir délibéré et par application des

484 faits divers.

articles 295 et 304 du code pénal, a condamné Léon Valroff à

cinq ans de réclusion. D'après les journaux de Nice, il paraît que

Valroff va se pourvoir en cassation. ,

FAITS DIVERS

Asiles D·ALI6N);S.-ilItlGCfi20)tS.- 26 avril 1893. M. le D1' DuBuis-

son, directeur médecin de l'asile de Dury (Somme) est nommé en

la même qualité à l'asile de Braqueville (Haute-Garonne), en rem-

placement de M. le D1' Bouteille, admis à faire valoir ses droits à

la retraite. 24 mai 4893. - M. le D'' ! \IARTI : '<II' : NQ, médecin en

chef de l'asile public d'alinés de Clermont (Oise), est nommé direc-

teur médecin de l'asile de Dury en remplacement de M. le Dr Du-

buisson, appelé à d'autres fonctions.

Faculté de médecine de >110NTPELLIE(l. M. Bosc, chef de clinique

médicale, est institué chef de clinique des maladies mentales, en

remplacement de M. LAPON, dont le temps d'exercice est expiré.

Colonie familiale DE Dun-sur-Auron (Cher). Par décret en

date du 3 octobre, il est créé, en plus du cadre réglementaire un

nouvel emploi de médecin adjoint du service des aliénés du dépar-

tement de la Seine, dont le titulaire sera chargé d'organiser et de

surveiller la colonie familiale établie, à titre d'essai, par le dépar-

tement de la Seine, à Dun-sur-Auron (Char). M. le D1' Marie (Ar-

mand-Victor-Auguste), médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés

d'Evreux (Eure), est nommé médecin-adjoint à l'emploi créé à la

colonie fumiliale du Dun-sur-Auron (Cher). M. le Dr Marié est

maintenu dans la 2 classe du cadre et continuera à jouir dans son

nouveau poste, en dehors des avantages en nature, du traitement

de deux mille cinq cents francs (2,500 fr.) déterminé par le décret

sus-visé du 11 février 1875.

Aliéné meurtrier. Une dépêche de Lyon, du 13 mars, annonce

qu'un assassinat a été commis ce matin à l'asile de Brou. A neuf

heures, un aliéné du nom de Bonnier, ordinairement très calme,

est entré précipitamment dans les cuisines et a porté au chef cuisi-

nier Perrin, un violent coup de couteau qui a atteint le malheureux

dans la région du coeur. La mort a été instantanée. (L'Eclair.)

Incendie d'un asile D'ALI); : NÉS.- Une dépêche de Moulins, du

15 mars apprend qu'un gèand incendie s'est déclaré ce matin, à.

sept heures, à l'asile des aliénés de Sainte-Catherine, distant de

faits DIVERS. 485

deux kilomètres de Moulins. Le feu a pris dans la sallé de bains,

dans la cinquième section, occupée par les agités. En un instant,

le feu se communiquait à tout le pavillon d'une longueur de cent'

mètres. '

L'alarme fut donnée et une foule nombreuse accourut sur les lieux,

ainsi que le régiment du 10° chasseurs à cheval, le 18e escadron du

train des équipages, la gendarmerie et la police. Le feu a pu être

circonscrit. Les dégâts s'élèvent à cent mille francs environ. Il n'y

a pas eu d'accident de personne, les pensionnaires de l'établisse-

ment ayant évacué sans difficulté le pavillon où l'incendie s'était

déclaré. (L'Eclair.) D'où nécessité de pourvoir les asiles d'eau en

abondance, d'uue bonne canalisation, débouches d'incendie et de

- dresser une partie du personnel à l'exercice des pompes.

\

Incendie d'un asile d'aliénés. Le 7 avril dernier, l'asile de

Comté situé à Delaware (0) ; a été incendié; tous les aliénés ont été

sauvés. (The médical Record, zz 15, 1893.)

Société contre l'abus du T.1R1C.- La Société contre l'abus du

tabac vient de constituer son bureau pour 1893. Ont été élus : Pré-

sident : M. Decroix; vice-présidents : MM. le D1' Dujardin-Beaumetz,

de Gasté, le Dr Hache etLeyssenne; secrétaire général : M. Petit-

bon ; secrétaire général adjoint : M. L. Bertheraud ; secrétaire pour

l'étranger : M. Milne; secrétaires des séances : 11111. Habrard :

Mailles, le docteur Laurent, Vivez; trésorier : M. Palut; archiviste,

M. Rassat. l.

La Société contre l'abus du tabac vient d'ouvrir un nouveau

concours. Voici les questions qui intéressent nos lecteurs :

Prix de médecine. Rapporter au moins quatre observations

inédites, bien circonstanciées (étiologie, symptomatologie, termi-

naison, etc.), d'affections exclusivement attribuables à l'abus du

tabac. Le prix consistera en un lot de livres, d'une valeur de

200 francs environ, et d'une médaille de vermeil.

Prix du docteur Gruby (100 francs). Dans l'intérêt des fumeurs

incommodés par le tabac et qui disent ne pouvoir vaincre leur

passion, faire connaître un moyen pratique et peu coûteux de dé-

truire le plus possible les principes délétères de la fumée du tabac.

Le programme détaillé du concours sera envoyé gratuitement aux

personnes qui en feront la demande au Président, 20 bis, rue

Saint-Benoît, Paris.

Une voleuse en léthargie. Une jeune fenime, vêtue d'un am- "

ple manteau couvrant entièrement une élégante toilette de ville,

avait attiré jeudi soir l'attention d'un des surveillants d'un grand

magasin de nouveautés de la rive droite.

Soupçonnant cette élégante personne d'être une voleuse, l'em-

486 BULLETIN bibliographique

ployé la fila. Bien lui en prit, car, au bout de quelques instants, la

jeune femme mettait la main sur trois écrins contenant des cachets

en vieil argent. Continuant sa promenade, elle se rendit à un rayon

du premier étage, à peu près désert à cette heure-là, et s'empara

d'un bronze d'art. -

Se Retour du marché, mesurant 75 centimètres de hauteur, pesant

environ cinq kilos, qu'elle cacha sous son manteau. Comme elle se

disposait à sortir, l'employé la pria de vouloir l'accompagner au

salon des fouilles, où elle perdit connaissance, sans qu'il fût pos-

sible de lui faire reprendre ses sens. Transportée à l'hôpital de la

Charité par les soins de M. de la Londe, commissaire de police,

immédiatement prévenu, on ne put parvenir à la faire sortir de son

état léthargique qui a duré pendant toute la journée d'hier. Ce

malin, seulement, elle est revenue à elle, mais elle a refusé énergi-

quement de fournir aucun renseignement sur son indentité et son

domicile. J.-B. CHARCOT ET GEORGES GUiNON.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Bourneville. - Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,

l'hystérie et l'idiotie. Publié avec la collabotation de MM. Dauriac, Ferrier,

Noir. Vol. in-8° de cxx-368 pages, avec 37 figures dans le texte et 15 plan-

ches hors texte. Prix 6 fr.; pour nos abonnés, 4 fr.

Bourneville. - Du traitement chirurgical et du traitement médico-

pédagogique de l'idiotie. In-8° de pages. Extrait du compte rendu

du Congrès de Blois.

Mairet (A.). Aliénation mentale syphilitique. Volume in-8° de

182 pages. Paris, 1893. Librairie G. Masson.

Moncorvo. Quelques réflexions sur l'étiologie et le traitement de la

sclérose en plaques à propos des leçons sur les maladies de la moelle par

P. Marie. Paris, 1892. Librairie 0. Berthier.

vloaconvo. Sur un cas d'acromégalie chez un enfant de lf mois,

compliqué de microcéplzalie. Brochure in-8°, de 13 pages. - Paris, 1893.

Librairie G. Steinheil.

Pieraccixi (A,). Mutismo accusuale in donna alienala da sialo allu-

cinalorio delcenlro verbale Brochure in-8° de 11 pages. --

Reggio nell'Emilia, 1893. Tipografia Calderini c Figlio.

Sanson (B.). L'Hérédité normale et pathologique. Volume in-8' de

430 pages. Prix 8 fr.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

TABLE DES MATIÈRES

Aboulie avec obsessions, par Ray-

mond et Arnaud, 373.

Acétonurie chez les aliénés, par de

Bocke et Slasse, 93; Sailler, 9.

Aliénation mentale par troubles de

la nutrition, par Mairet et Bosc,

101.

Aliénés, action bactéricide et toxique

du sang des -, par d'Abundo,

252 ; salaire des , par Mercier,

110. -

Amnésie rétrograde, par Baroncini,

458.

Asiles d'aliénés, 149, 150, 151;

nominations et promotions, 158,

310, 484; -de Toldo, par Hasimé

Sakaki, 259; concours des mé-

decins d'-en Italie, 313; - sur-

veillance des -, par Ascher, 409 ;

régime alimentaire des -, par

Campbell, 409.

Asphyxie locale chez un hvpéma-

niaque, par Targowla, 383.

Assistance des épileptiques, loi,

414; - (les idiots. t55,la6, 285,

415; par Allier, 287, 309.

Ataxiques, vertige des, par Gras-

set, 1, 179 : -suspension chez un

- , par Ducamp, 265.

Attention, rôle de l'- dans l'hyp-

nose, par Page, 256.

Atrophie musculaire spinale fami-

liale, par Hoffmann, 281.

Automatisme comitial ambulatoite,

par Grandjean, 91; - somnam-

bulique avec dédoublement de la

personnalité, par Boëteau, 33.

B1'f'fEIiIli électrique transportable,

par Laquer, 278.

Bibliographie des folies diathésiques,

par habille et Lallemant, 140;

poliomyélite antérieure et névrite

multiple, par Gowers, 1 il ; ma-

nuel pratique des maladies men-

tales, par Régis, 141 ; atlas de

pathologie du système nerveux,

par Babès ei Blocq, 142 ; pa-

thologie des émotions, par Féré,

142; troubles du langage chez

les aliénés, par Séglas, 302; z

paralysies et contractures hystéri-

ques, par Richer, 304; - troubles

de la marche dans les maladies

nerveuses, par Blocq, 306;

syphilis du système nerveux, par

Gowers, 308; leçons cliniques

sur les maladies mentales, par

Iagnan, 40 ? ;-thérapeutique sug-

gestive, par Cullerre, 404 ; in-

version sexuelle, par Chevalier,

405 ; - diplégies cérébrales de

l'enfance, par Rosenthal, 479;

contributions cliniques et anato-

miques à la pathologie cérébrale,

par Henschen, 480. 0

Biliaires, calculs chez les aliénés,

par Beadles, 387.

Boulimie hystérique, par Stéfani,

458.

Bradycardie, par Lunz, 137.

Bulletin bibliographique, 159, 415.

Caractère, les vices du et les

folies qui s'y rattachent, par Char-

pentier, 117.

Catalepsie, par Hospital, 381.

CÉPHALIQUE, traumatisme par

Thomsen, 281.

Cerveau, fibres d'association de

l'écorce du -, par Bechterew,

105; fibres de l'écorce du -, 1

par Kaes, 109; fibres de la

substance grise des cavités du ,

par Schuetz, 109; lésions trau-

matiques du , par Dewey, 268 :

action de quelques médica-

ments snr le -, par Kroepelin,

279; lésions du crâne et du

dans la folie, par Roller, 473.

Choléra, influence du sur les

aliénés, par Camuset, 379..

488 table des matières.

CIlOm;¡;, anatomie pathologique de

la - par Wollenberg, 113; --

électrique d'origine gastrique, par ! \Iassalongo, 253; - héréditaire,

par îlenzies, 393. ,

Coc \ÏJ\15JIE, par Percy-Smith, 462.

Coeur, rupture du -, Par Bruce,

î63.

Collapsus, délire du -, par Aschaf-

fenburg, 282.

Commotion cérébrale, parFriedmann,

262.

Confusion mentale primitive, par

Chaslin, 377.

Congrès des médecins aliénistes et

des pays de langue française, 149;

- de la Société psychiatrique de

l'.lllemaque du Sud-Ouest, 1 2,

273; - des médecins aliénistes

et neurologistes de Moscou, 129,

171 ; des aliénistps de l'Est de

l'Allemagne, 285, 474; psychia-

trique de. la province du'Rhin,

3971 - XXV.' - de la Société des

aliénistes de Basse-Saxp et de

Westphahe, 173,

Contrainte corporelle dans le trai-

tement de la folie, par Worcester,

452.

Corps calleux, dégénérescences

consécutives il la section du -,

par Motiratof, 472.

Cnumn.s, maladie de la volonté

chez les -, par Laurent, 379.

Dégénérescences secondaires de

l'encéphale après l'ablation des

zones motrices, par Jlouratof, 136.

Délire chronique, par Sérieux, 92 :

par l'rondor, 390; polymorphe,

par Arnaud, 272.

Démence, formes aiguës de la -,

par Serbslci, 103. .

Dermomiaphie chez un hystérique,

par Dueamp, 205.

Désimection intestinale dans la fo-

lie, par llacpherson, 392.

DUB01SIJ\E dans les maladies men-

tales, par Belmundo, 450.

Epilepsie, toxicité urinaire dans l ?

parJ. Voisin et Péron,65; -jack-

sounienne, par Isramer, z

symptomatique, par Bellat, ! 1S;-

température dans l ? par I)éiié-

dickt, 95; circulation du sang

dans l'encéphale pendant les accès

d' , par 10(i; - trai-

tée par la méthode cltirurgicale,

par Wild0l'IlILILII 12; - révolu-

tion consécutive aux accès d'-

par Pick, 260; - procursive, par

Buttner, 260 ; avec ligature de

l'artère vertébrale, par 'l'elforcl

Smith, 1·JJ.

Equilibre, troubles de 1' consécu-

tifs à une affection des canaux

semi-circulaires, par Ioos, 276.

Esprit, état sain de l'- par Bucke,

25 f.

Face, asymétrie de la-, chez les

aliénés, par Turner, 461.

Faiblesse il ritable d'origine psvcltu-

motrice, par Fuerstner, 277.

Faisceau cunéiforme, noyau externe

du -, par Blumenau, 106.

Foi qui guérit, par Charcot, 72.

Folie, en Famélique, par Godding,

`35;- diathésique, par Mabille

et Lallemant, 140 ; - sans délire,

par Marandon de Montyel, 381 z

du doute avec délire du toucher,

par Massant, 457; dans la pra-

tique médicale ordinaire, par

Newth, 46; origine de la -,

par Bucke, 468 ; et maladies

rénales, par Tulle, 468.

FH1EDHEICn, svndrome de -, par

Farge, 266; 268 : -avec

troubles trophiques,par Szcypiors-

l,i,383.

Génie et folie, par Macdonald. 162.

Génital (sens), inversion ei perver-

sion du -, par Lewis, 91.

Glotte, occlusion de la , par bol

alimentaire chez un aliéné, par

Hospital, 98.

IIALLUCI\.1't'IU\S, par'l'igjes, 103;-

verbales psyclvo-motrices, par

lioubinovitch, 120 ; désordre

des idées dans les aiguës, par

Schoenthal, 124- phénomène non

décrit dans les - visuelles, par

Piéraccini, 252.

Hématome de l'oreille, traitement t

de l' -, par williams

origine de l ? chez les aliénés,

par Pellizzi, 458.

11¡;111.\THOPlIIE faciale expérimentale,

par Girard, 261.

HÉ)11,%,NESTIIISIE cérébrale, par Vors-

tel, 126.

111;'1 h1\OTOPU : de la substance grise

de la moelle, par Krontlial, '3US.

table DES matières. /e8l)

Hvoscm, usage et abus de l ? par

Wealherley, 455.

Hypnose, rôle de l'attention dans l'

, par Page, 258.

Hypnotisme à Paris et à Nancy par

Robertson, 464.

Hystérie , diagnostic différentiel

avec les maladies organiques du

cerveau, par Ghilarducci, il ; -

simulant la gliomatose médul-

laire, par Rossolimo, 133 : défi-

nitions récentes del ? par Ja-

net, p. 17; -paralysie agitante

et -, par Chabbertï 'r81 ; - à

deux, par de Rode, 457.

IDIOTIE, avec cachexie pachyder-

mique, par Cousot, 93; congé-

nitale, avec tics nombreux, par

Bourneville et Noir, 228; - trai-

tement chirurgical de l' -, par

Giacomo, Tuholske, Miller, 292.

Imbécillité avec arrêt de développe

ment d'un membre, par Angio-

lella, 390.

hrLUENzA et névrose, par Savage,

461.

Insolation et folie, par Hyslop, r : 9.

Ivrognerie, bichlorure d'or danô

l ? par Bannister, 454.

Katatonie, par Percy Smith, 381 ;

Noyau, 403.

Logorrhée, par Klinke, S9.

Manie, post éclamptique, par Alexan-

der, 460.

Mélancolie, anxieuse chronique, par

Dagonet, 9 ? ;- au point de vue

physiologique et évolutif, par lio-

bertson, 459.

Mémoire visuelle et mouvements ré-

ilexes, par Ivoizewshi, 115.

Mensonge et aliénation, par Mielo,

103.

-Microgyrie, par Otto, 112.

Moelle, élongation de la -, cn

Orient, par Rastonil. 88 ; - alté-

ration des cellules nerveuses de

la -, par Schaffer, 107 ; atro-

phie des fibres de la substance

grise de la -, par llinor et Kuo-

blauch, 111; - lésions trauma-

tiques de la-, par Minor, 131 ;

développement de la myéline dans

les cordons postérieurs de la

par Trepinslu, 289.

Monoplégie brachiale hystérique .

par Kimosuke lliura, 321.

11o·etts merfb), action de la cha-

leur -sur les -, par Gortinsky,

117; altération de la partie cen-

trale d'un -, après lésion de la

partie phéiiphérique, par Dark-

chevitch, 129.

Mort snbite et hérédité névropa-

thique, par Cullerre, 100.

Musculaire (conscience), de Du- ! chenne, par Pick, 115.

Myopathie primitive, type Landouzy

Dejerine, par Blocq et Marinesco,

189; - scoliose dans une , atro-

phique primitive, par Sacaz, 3 : G.

Nécrologie : Bail, 399; - Piclion,

41F.

Négations, délire des -, par Tou-

louse, 272; Arnaud, 370.

Néphrite choréique, par Thomas,

276.

Nerfs, lésions de plusieurs crâ-

niens par un traumatisme chi-

mique, par Stenier, 283.

Névrite périphérique dans la para-

lysie générale, pal' Fuerslner, 123.

Névroses convulsives et affaiblisse-

ment intellectuel, par Francotte,

4 : 57. '

Obsession avec conscience, par Ber-

bez, 253.

Optique, trajet des fibres dans le

nerf -, par Hebold, 105; par Pri-

bytkow, 135.

Otologique, service de la Salpè-

trière, par Gellé, 210.

hacuruéwscme, pathogénie de la

interne hémorrhagique, par Wi-

glesworth, 267; par Whitcombe.

260. '

1'.%IESTII,Slr des extrémités, par La-

quer, 28 Í.

Paralysie, agitante et hystérie, par

Chabbert, 438; ascendante de

Landry, par Mouratof. 132; - bul-

baire sans lésions, par Senator,

270 ; troubles sensitifs dans

la t\n'iaie rhumatismale, par

Frankl lIochwarth 1113; dégé-

nerescence secondaire dans la`-

infantile cérébrale, par Gierlich,

113; - hystériques par ceinte,

par KrafTt, 264 ; hystérique chez

un jeune garçon, par llévilliod,

26t; spinale syphilitique, par

Erb, 269; isolée du musculo-

clltaup, par Bumpf. 271.

si \)0 TAULE DES MATIÈRES.

1.\R.4LSS11 : générale, rémission dans

la -, par Guillemin, 97; ana-

tomie pathologique, par Binswan-

ger, 114 ; altérations de la

couche optique, par Zagari, 114;

névrite périphérique dans la -,

par Fuerstner, 125; et syphilis,

par Jacobson, 385; par Lefilliatre,

-39G; trépanatlon dans la , par

\Vaner, 450, cas anormaux de

, par Bonville, 460; avec

atrophie musculaire spinale pro-

gressive, par Neisser, 479.

Paralytique général, gangrène de la

lèvre par succion chez un , par

Vallon, 224.

Paranoïa, par Dunn, 380; Kalhbaum,

474; etidélire sensoriel, par del

Greco, 388.

Persécution (délire de) par Falret,

118; J. Voisin, 395.

Plexus brachial, paralysie limitée

du -, par Bernhardt, 270.

Pliomyélite antérieure et névrite

multiple, par Gowers, 141.

Polynévrite, par Gilbert, 284.

POLIURIE chez une cérébrale, par

Wiedemeister, 258.

Porencéphalie du lobe frontal droit,

par Salgo, 92; acquise, par

Kreutzer, 110.

Prisonniers, examen psychologique

des , par Morel, 391.

Psychique, contagion terminée

par guérison, par Kuhne, 90.

Psychologie individuelle, par111uens-

terberg, 104.

Psychonévrose, symptomatologie

des, par Egarow, 129,

Psychose, chez un saturnin, par

Mayer, 91; puerpérale, par

Idnow, 131 ; rapport du pouls

du corps avec un certain nombre

de , par Stern, 261.

Ramollissement cérébral, inflamma-

tion de la névroglie dans le, par

Gierlich, 283.

Réflexe anal, par Rossolimo, 107.

Résistance éleotrique du corps, par

Frey et Windscheid, 108.

RÉI E, état de-, par Smith William,

466.

Rumination chez les aliénés, par

Christiani, 25.

Sang, pression du - dans les ano-

malies primitives de l'humeur-,

par Cramer, 291.

Saturnine, psychose, 1)al' \Iayer, 91.

Sclérose latérale amyotrophique ou

amyotrophie hystérique ? par

Charcot, 161. »

Scoliose dans une myopathie atro-

phique primitive, par Sacaze, 356.

Sociétés, médico-psychologique,

117, 372, 394, 470 (prix); psy-

chiatrique de Berlin, 292, 398;

contre l'abus du tabac, 485 (prix).

Sommeil, paradoxal chez un aliéné,

par Szcypiorski, 96.

Suggestion, gymnastique de la ,

par Lehmann, 103.

Suicide chez tiois soeurs, par Ma-

bille, 97.

SULFOX IL comme sédatif, par Carlyle

Johnstone, 456.

Sutures crâniennes, sensibilité des

, par Kreuser, 127.

Syphilis du système nerveux, par

Schultz, Brasch, 263.

Syringomyélie avec atrophie de la

langue, par Fambourère, 104.

Système nerveux, corpuscules amy-

loïdes du -, par Redlich, 114;

affections consécutives du

central, par Darkchévitch et Fik-

lionof, 471. ' -

Tares dorsal, par Dinlcler, 274.

T IX.\TOPHOI31E et suicide, parNicou-'

I;tti, 91.

Tète, sensation de lourdeur de -,

par Campbell, 393.

Tétante, par Schlesinger, 2G9. xi,,271.

TFTwos céphalique, par Nerlich,271.

Thérapeutique dans les maladies

mentales, par Anarisani, 456.

Tics, maladie des, par Chabbert, 10

- , par Bourneville et Noir. 228.

Transferts des enfants aliénés, 406.

Tremblements chez les vieillards, par

Sacaze, 267.

Trépanation dans la paralysie géné-

rale, par Wagner, 451.

Trijumeau, racines du , par de

Gudden, 111.

Tumeur cérébrale, par Erb, 275 ;

Rorie, 463.

Urines, chez les épileptiques, par

Voisin et Péron, gaz; chez les

aliénés, par de Boecke et Slasse,

92 ; acétone dans l'urine des

i aliénés, par de Boecke et Slasse,

. 93.

Urique (acide) dans la dépression

mentale, par Marzocchi, 253.

table des -auteurs ET DES collaborateurs. 491

Vertige des ataxiques, par Grasset,

1, 179.

Visuel (appareil), réaction galva-

nique de l ? par Hoche, 280.

Yeux, paralysie chronique des

muscles des -, par Siemerling,

262.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Abundo, 252.

Alexander, 460.

Alter, 287.

Angiolella, 390.

Angrisani, 456.

Arnaud, 373, 376. : lscli, 278.

Aschaffenburg, 282.

Babès, 142.

Baker, 408.

liaunister, 451.

Baroncini, 458.

Beagles, 387.

Bechtere\v,105,106,258.

Bellat, 94.

I;elinondo, 450.

lDénédikt, 98.

Berbez, 253.

Bernhardt, 270, 271.

ltiuswanrter, 114.

illaclifori, 408.

Blin, 94 à 100, 102, 154,

255 iL 258, 268, 269,

373 à 384, 404, 452 il

455, 468, 469.

Blocq, 142, 189, 306,

308.

Blumenau, 106.

Bcecke, 92.

Boeteau, 99.

Bonville, 460.

Bosc, 101.

Bourneville, 228.

Bradlev Fox, 459.

Brasch, 263.

Briand, 123, 272, 396,

470.

Bruce, 463.

Bucke, 254, 468.

Campbell, 393, 409.

Camuset, 379.

Cmlyle Johnstone, 456.

Chabbert, 10, 438.

Charcot, 41, 72, 161.

Charpentier, 17, 141.

Chaslin, 377.

Chevalier, 405.

Colleville, 266.

Cousot, 93.

Cramer, 295.

Cristiani, 251.

Cullerre, 117, HI, 404.

Dagonet, 92.

Darkchewitch, 129, 139.

471.

Deny, 91 à 93, 117. 254.

26 à 267, 457.

Dewey, 268.

Dinckler, 2î-1.

Ducamp, 265.

Djinn, 386.

Edinger, 277.

Egarow, 129, 138.

Erb, 279, 275.

Falret, 118.

Fambourère. 134.

Féré, 143..

Fiklionof, 471.

Francotte, 457.

Frankl Hochwart, 108.

Frey, 108,

Friedmann, 262, 270.

Fronda, 90.

Fuerstner, 11L, 123,277.

Gellé, 210.

Ghilarducci, É1.

Giacomo, 296.

Gierlich, 113, 283.

Gilhert, 284.

Godding, 255.

Golcltlam, 270.

Goltz, 275.

Gorkillski, 117.

Gowers, 141, 308,

Grandjean, 91.

Grasset, 1, 179.

Greco, 388.

Gudden, 111.

Guillemin. 97.

Hebold, 105.

Henschen, 480.

Hoche, 280.

Hoffmann, 98, 387.

Hospital, 281.

Hyslop, 459.

Idnow, 131.

Jacobson, 38 : : i,

Janet, 417.

Kas, 109.

ICalhbaum, 474.

Kéraval, 90, 91, 103 Il

117, 124 à 140, 1M à

156, 258 à 263, 269 à

271, 277 à 296, 399,

474, 479.

Kinnosuke Miura, 321.

Klinke, 89.

Kuoblauch, 111.

Krafft, 264.

Kramer, 90.

Kronthal, 398.

Kroepelin, 279.

Kuhne, 90.

Kurella, 285.

Ladame, 263..

Lallemant, 140.

Laquer, 278, 284.

Laurent, 379.

Leber, 2î3.

Lefilliâtre, 396.

Lehmann, 103.

Lewin, 91.

Lunz, 137.

I lfabille, 97, 140.

Macdonald, 462.

Macpherson, 392.

Magnan, 402.

492 . TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Mairet, 101.

Marandon de llontyel,

381.

Marinesco, 189.

Marzocchi, 253.

Massalongo, 253.

Massant, 457.

Mayer, 91.

Menzies, 393.

Mercier, 419. ,. v

Minor, 131, 139.

Ioeli, 103, 295.

motos, 276.

imorel, 391. ,

Alouratow, 132, 1 : Hi,

472.

Muensterberg, 101,

llusrrave-Clav. 381 à

388. 392 à 394, 407 i di

408, HO à 412, 455,

159 it 467.

Neisser,479.

Nerlich, 271.

Newth, 464.

inicoulati, 91.

Noecke, 292.

Noir, 228.

N ovzewski, 111.

Nolau, 463.

Ostermaver, 104.

Otto, 112..

Paire, 256.

Peilizzi, 458.

Hetman,397.

Percy Smith, 462

Péron, 65.

Pick, 115, 2G0.

Pleraccini, 252.

l'opoff. 36 î . *

Pribvtkow, 135.

Rastonil, 88.

Raymond, 373.

Redlich, 114.

Régis, 142.

Révilliod, 264.

Richer, 301.

Robertson. 459, 4G4.

.Hochet. 266.

Rode, 2G, 457.

Roller, 473.

Itorie, 463. ,

Rosenthal, 479.

Itossolimo,10 i,133, 137.

Itonbinovitch, 120.

Sacaze, 1, 1 î9, 26î, 356.

Smiller, 95.

Salzo, 92.

Savane,461.

Schaffer, 106. '

Schlesinger, 269.

Schoenthal, 124.

Schnetz, 109.

Sctultze, 279.' z

Schultz, 263.

Séglas, 142,' 149. 252,

253, 302, 389 à 391,

451,457.407.

Senator, 270.

Serbsl : i, 103.

Sérieux, 92.

Siemeiiing, 202.

Slasse, 92.

Smith Williams, 452,

466.

Sollier, 304, 305, 30S

405.

Stet'ani, 458.

Steiner. 283.

Stern, 261.

SzCZypiOI'ski, 96, 383.

Tarowla, 383.

Telt'ord Smith, 455.

Thomas, 276.

Thomsen, 284.

Tigg-es, 103.

Toulouse, 272

'l'repinski, 289. '

Tultoll¡e, 297.

Tulle, 468.

Turner, 461.

Vallon, 120.

Voisin (.1.), 65, 3m ?

Vorster, 126.

Wagner, 454.

Weatherley, 455.

\\'eiclenhammer, 139.

Westphal, 262.

Witcombe, 460.

\\ïedem'eisteil', 258.

Wiglesworth, 267.

Wildermuth, 12 : ï.

Winscltpid, 108.

\\'ollenberg, 113.

Worcester.

Zagari. 1 14.

Evreux. Ch. Héiiissey, top. 693.

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