ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
ARCHIVES
DE r'
NEUROLOGIE
PARAISSANT TOUS LES MOIS
REVUE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
J.-M. Cil ARGOT
AVEC LÀ COLLABORATION DE
Mi). ANTONELL1, BAHINSICI, BALLET, BLANCHARD,
BLIN (E.), BLOCQ, BONNAIRE (E.), BOUCHEREAU,
BRIAND (M.), RR1SSAUD (E.), BROUUIDEL (P.), CAMUSET, CATSAHAS,
CHABBEKT, CHARPENTIER, CHASL1N, CHRISTIAN, DEBOVE (M.).
DELASTAUVE, DENY, 1)(ITIL, DUVAL (Matiius), FERR1ER. FRANCOTTE,
GH1LARUUCCI. GILLES DE LA TOURETTE. GOMBAULT, GRASSET, P. JANET.
JOFFROY (A.). Kl,'11 ? VAL (I'.), KINNOSUlOE MIURA, LAiOEOl,zy, LEROY, MAGNAN,
31ARIE,NARINI : Sf.0.6tAUV0UIIY,tIEItZEJEVSICY, J1USGRAVE-CI,AY,NOIR,
PARINAUU, PILLIET P1ERRET, PITRES, POIOFF, ItAY)IOND (F.). 11ÉGNARU (A.),
REGNARI) (P.), RICHER (P.), It0UItINOVITCH, ROTH (W.),
ROUSSELET (A.), SACAZE, SÉGLAS, SEGUIN (E.-C.), SOLLIER. SOITEL,
SOUQUES, SOURY (J.), TEINTURIER (E.), TIIULIE (IL), TR01S1ER (E.), VALLON,
VIGOUROUX (R.), VOISIN (J.), P. YVON. z
Rédacteur en chef : B9UItNt.VILI.
Secrétaires de la rédaction : J.-n. ClIAItCOT et G. GUINON
Dessinateur : LEUBA
Tome XXV. 1893.
Avec 58 ligures dans le texte.
PARIS
BUREAUX DU PIfOGItÈS MÉDICAL
1 '" r/le des Cannes,
189 : ;
Vol. XXV. Janvier 1893. Nu 73.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE.
HÔPITAL SAINT-ÉLOI DE MONTPELLIER. CLINIQUE MÉDICALE.
DU VERTIGE DES ATAXIQUES (Signe DE ROllBEIIG);
Par le Professeur J. GRASSET.
LEÇONS CLINIQUES RECUEILLIES ET PUBLIÉES
Par le D' J. SaCIZE, chef de clinique médicale.
I.
MESSIEURS,
Au n° 30 de la salle Fouquet est entré le '16 octobre dernier
un malade atteint d'ataxie locomotrice progressive. Son obser-
vation est classique sur plusieurs points; aussi, semble-t-il,
au premier abord, qu'elle ne mérite pas que j'en fasse l'objet
de ces leçons. Mais en l'étudiant avec plus de soin il est facile
d'y retrouver certaines particularités qui la rendent intéres-
sante et sur lesquelles je veux attirer votre attention. Parmi
ces particularités une surtout m'arrêtera ; car elle me permettra
de bien examiner avec vous un symptôme très important du
tabès : l'influence de l'occlusion des yeux sur les mouvements et
l'équilibre des ataxiques; ce symptôme porte, comme vous le
savez, le nom de signe de Romberg. 1
Classiquement, ce symptôme est considéré comme une dépen-
dance et une conséquence de la perte de la sensibilité et spé'-
cialement de la sensibilité musculaire. Mais vous verrez que
chez notre malade, le signe de Romberg existe très bien et que
cependant toutes les sensibilités, même la sensibilité muscu-
Archives, t. XXV. 1
2 CLINIQUE NERVEUSE.
laire sont fort bien conservées. Il y a donc contradiction avec
les théories généralement admises.
Ainsi voilà une particularité qui rend ce fait intéressant et
le rend môme plus particulièrement intéressant à nous,
puisque, vous le savez, nous avons une autre conception patho- ? génique du symptôme de Romberg. Nous voyons là une espèce,
une variété du vertige.
Il y a deux ans, quand nous avons étudié ensemble le vertige
des artério-scléreux ', nous avons dû analyser la symptomato-
logie du vertige, et nous avons vu que l'ouverture ou l'occlu-
sion des yeux a très souvent une grande influence sur sa pro-
duction ou sa cessation. En nous plaçant à ce point de vue,
nous en avons distingué deux groupes : les uns s'atténuent ou
disparaissent par l'occlusion des yeux; d'autres au contraire
naissent et s'exagèrent par l'occlusion des yeux et disparaissent
ou s'atténuent beaucoup par leur ouverture. Dans le premier
groupe, nous avons rangé le vertige du mal de mer, le vertige
des espaces, appelé encore agoraphobie. Vous pouvez faire
l'expérience sur vous-même en ayant recours, pour ceux-ci,
aux divers moyens de navigation aérienne dont est peuplé en
ce moment le champ de foire. Afin d'éprouver les seconds il
vous faudrait avoir une digestion difficile ou un peu d'éthylisme
aigu, chose qu'il m'est impossible de vous conseiller, surtout
au début de l'année. C'est parmi ces derniers que je plaçais
le symptôme de Romberg.
« Je rangerai dans le même groupe, vous disais-je =, le symp-
tôme qui, chez les ataxiques, porte le nom de signe de Rom-
berg et qui consiste, vous le savez, dans la perte de l'équilibre
lors de l'occlusion des yeux. Le signe de Romberg répond à la
définition du vertige, puisque la perte effective de l'équilibre,
survenant à la suite de l'occlusion des yeux et cessant par
leur ouverture, succède à une sensation, inexpliquée-quant à
sa nature, de perte d'équilibre. On a voulu attribuer- cette sen-
sation à l'anesthésie plantaire; il n'en est rien, puisque cer-
taines hystériques chez lesquelles cette anesthésie est surtout
très développée, ne présentent pas le signe de Romberg.
« Ce symptôme, dont le mécanisme intime n'a pu être encore
pénétré, me semble, en tout cas, en relation directe avec le
' Du vertige cnrclio-vasculaire, ou vertige des arlério-scléreux. Leçons
de Clinique médicale, 1891, p. 522.
' Loc. cit., p. 528.
DU VERTIGE DES ATAXIQUES . 3
brusque passage de la lumière à l'obscurité. Voilà pourquoi
l'ouverture ou l'occlusion des paupières suffit à le provoquer. »
Cette manière de voir n'a pas été acceptée par tout le monde,
et vous trouverez une réponse récente à cette conception du
signe de Romberg dans le livre, du reste fort intéressant et
destiné à devenir classique, que Blocq et Onanoff ont consacré
à la séméiologie du système nerveux.
«Nous ne saurions, disent-ils 1, à l'exemple du professeur
Grasset, ranger parmi les vertiges le signe de Romberg. La
perte de l'équilibre qui survient dans ces conditions parait en
effet résulter de l'absence ou de la diminution du sens muscu-
laire, et non pas, selon l'avis de cet observateur, de l'anesthésie
plantaire. Si les hystériques offrant de l'anesthésie cutanée de
la plante des pieds ne présentent pas en effet le signe de Rom-
berg, ce signe se manifeste au contraire chez les mêmes ma-
lades quand il existe de l'anesthésie du sens musculaire (ataxie
hystérique de Lasègue). J)
Voilà la question nettement posée. Devons-nous abandonner
notre conception formulée en z1890, et accepter avec les auteurs
classiques que le signe de Romberg est la conséquence de la
perte de la sensibilité et spécialement du sens musculaire chez
les ataxiques ? Je crois que le malade de la salle Fouquet va
nous permettre de maintenir notre ancienne manière de voir,
en lui fournissant une nouvelle preuve clinique.
Avant d'aller plus loin, je vais vous résumer son histoire,
d'abord pour vous démontrer que c'est réellement un tabé-
tique, et voir ensuite quelles sont les particularités de son
tabès. Tous les renseignements que je vous donnerai ont été
puisés dans l'observation prise avec beaucoup de soin par
M. Sacaze.
C'est un homme, âgé de trente et un ans, facteur rural dans
les montagnes de la Lozère, d'où il est descendu pour nous
consulter.
Les antécédents héréditaires ou personnels ont une médiocre
importance. S'il s'agissait d'un hystérique, ou d'un individu à
tempérament très nerveux, je vous dirais, en attirant votre
attention sur ce point, que son receveur des postes est parait-il
fortement ataxique; mais je ne pense pas que l'imitation ait
1 Blocq et Oiianofï. Séméiologie et diagnostic des maladies nerveuses.
1892, p. 62.
4 CLINIQUE NERVEUSE.
joué ici un rôle quelconque. Le père est migraineux, et sa mère
très nerveuse.
A l'Age de dix ans, il aurait eu une anasarque avec urines
rouges à la suite d'un refroidissement. A vingt-cinq ans, il a
été atteint de choléra au Tonkin; à vingt-six ans, il a présenté
- une éruption, en diverses parties de son corps, de petits bou-
tons blancs disparus sous l'influence des bains sulfureux.
Depuis son enfance, notons qu'il est assez sujet à la cépha-
lalgie. Il n'a jamais commis d'excès alcooliques ou génésiques ;
jamais non plus il n'a présenté d'accidents syphilitiques.
Enfin, je tiens à vous faire remarquer qu'il est facteur rural,
et qu'en cette qualité il est obligé de parcourir tous les jours
trente kilomètres à travers les montagnes. Vous voyez qu'en
somme, l'étiologie est assez maigre, cependant elle renferme
quelques données intéressantes sur lesquelles il est nécessaire
de revenir. Et d'abord, nous n'avons pas trouvé de syphilis;
cette constatation est importante.
J'ai été des premiers, comme vous pouvez en juger par la
citation suivante, à accepter les idées de Fournier sur la fré-
quence de la syphilis chez les tabétiques. « En France, il est
vrai, la doctrine d'une ataxie d'ordre syphilitique continuait à
être froidement acceptée et ne ralliait que peu d'adhérents.
Seuls, ou peu s'en faut, MM. Grasset et Vulpian l'avaient
accueillie favorablement et je tiens ici à leur exprimer ma
gratitude par l'attention dont ils ont honoré mes travaux'. »
Dès la première édition de mon livre (1878), je défendais les
mêmes idées 2, et presque en même temps mon élève regretté,
R. Caizergues les développait dans son excellente thèse.
Depuis lors tout ce que j'ai vu m'a confirmé dans la pensée que
le plus souvent le tabès se montre chez d'anciens syphilitiques,
des syphilitiques qui n'ont pas soigné ou qui ont mal soigné
leur vérole parce qu'elle paraissait bénigne. La maladie ne
s'était manifestée que par un petit chancre, quelques accidents
secondaires très légers; aussi n'y avait-on attaché aucune
importance, et par là même le traitement avait été insigni-
fiant. Au contraire, les véroles qui dès le début se montrent
' Fournier. De l'ataxie locomotrice d'origine syphilitique. Tabes
spécifique, 1882, p. 6.
' Maladies du système nerveux, 1. 1, 1878, p. 329, et t. II, 1879, p. 689.
3 R. Caizergues. Des myélites syphilitiques, thèse de Montpellier,
1878.
DU VERTIGE DES ATAXIQUES. S
avec des troubles considérables sont soignées sérieusement et
sont suivies bien moins fréquemment d'accidents nerveux.
En soutenant cette doctrine, j'ai toujours essayé cependant
de démontrer qu'il n'y avait pas contradiction entre la manière
de voir de Fournier et celle de Charcot sur le rôle étiologique
capital de l'hérédité nerveuse dans l'ataxie locomotrice. Les
deux ordres de causes ne sont nullement contraires et peuvent
se superposer, l'une constituant le fond de la maladie, et
l'autre déterminant la forme, donnant le pourquoi de sa mani-
festation. Vous comprenez, en effet, sans peine que chez les
personnes à système nerveux faible, impressionnable, par des
prédispositions héréditaires diverses, la syphilis ait une cer-
taine tendance à porter volontiers en ce point ses atteintes. Et
pour ce motif, on devrait toujours rechercher dans les antécé-
dents les causes de cette localisation.
Donc je puis dire que je suis un partisan de la première
heure de l'origine syphilitique fréquente du tabès, puisque j'ai
soutenu cette opinion un ou deux ans après que Fournier J'eût
fait connaître 4 et deux ans avant que Chauvet affirmât dans
sa thèse d'agrégation 2 * que la syphilis ne donnera jamais
lieu au développement d'une sclérose primitive des zones radi-
culaires postérieures ».
Eh bien ! notre cas prouve une fois de plus qu'il ne faut rien
exagérer et que si la syphilis est fréquente, elle n'est pas cons-
tante chez les tabétiques. Il se trouve en opposition avec l'idée
exprimée tout récemment par Pierre Marie en ces termes :
« La vraie, je dirais presque la seule cause du tabès, c'est la
syphilis (p. 313). Au point de vue pratique, soyez bien con-
vaincu d'une chose, c'est que dans les conditions de notre
observation journalière, le tabès est toujours d'origine syphi-
litique (p. 318) ». Et plus loin « c'est à l'infection syphilitique
qu'il faut attribuer ces altérations cellulaires, » et il admet
avec Strümpell * que dans le tabès, la syphilis agit comme un
véritable poison organique, comme une toxine ». -
Donc voilà le premier intérêt que présente notre fait; il
montre l'exagération de cette doctrine qui voudrait faire de la
1 Fournier. Leçons recueillies par Dreyfous dans les Annales de der-
matologie et de syphiligraphie, 1875-76, t. VII, p. 187.
1 Chauvet. - Influence de la syphilis sur les maladies du système
nerveux central, th. d'agrégation, 1880.
3 Pierre Marie. Leçons sur les maladies de la moelle, 1892. '
6 CLINIQUE NERVEUSE.
syphilis l'origine unique et constante du tabès. Cette cause est
évidemment fréquente, mais elle n'est pas constante.
Mais chez notre homme, quels facteurs étiologiques trou-
vons-nous ? D'abord, il possède une hérédité nerveuse mani-
feste démontrée par les migraines du père, par le nervosisme
^de la mère, et par ses céphalalgies fréquentes depuis son
enfance. Charcot insiste beaucoup avec raison sur ce point. En
second lieu il marchait beaucoup et peut-être même trop; ce
n'est qu'au prix d'une fatigue considérable qu'on arrive à faire
trente kilomètres dans les montagnes, par tous les temps et
tous les jours depuis cinq ans.
Et bien, je crois qu'il y a là une cause dont il faut tenir
eompte; elle existe parfaitement quoi qu'on en ait dit. Il y a un
tabès de surmenés des jambes par la marche, comme il y a un
tabès des trépidés. Ainsi je me souviens vous avoir montré
autrefois une ataxie locomotrice chez un mécanicien de loco-
motive, et chez un employé des postes voyageant surtout dans
des wagons de trains express où par ses fonctions il était à peu
près constamment debout. Et pour comprendre l'influence
néfaste du chemin de fer sur le système nerveux, il faut tenir
compte non pas seulement des secousses, car alors les voya-
geurs pourraient être impressionnés; mais encore de l'obliga-
tion de se tenir longtemps sur ses jambes, de faire un travail.
Si le voyageur n'est pas également fatigué, c'est qu'il reste
assis, peut s'allonger, etc.
Il n'en est pas de même du mécanicien ou du postier qui
doivent agir très fréquemment, s'imposer de la fatigue.
Dans le même groupe sont les tabès de la machine à coudre,
quoique Pierre Marie objecte qu'en pareil cas la vertu des
mécaniciennes n'étant pas à l'abri de tout soupçon, on peut
encore invoquer la syphilis ! !
Les médecins allemands ont étudié encore un très grand
nombre de tabès survenus après les guerres de 1866 et de 1870,
et ils les ont attribués aux fatigues excessives, aux marches
exagérées que ces campagnes ont entraînées '. Donc cet élé-
ment étiologique existe et nous pouvons l'invoquer ici. Nous
conclurons donc en disant que chez notre malade le tabès s'est
développé sous l'influence du surmenage des jambes sur un
fond névrotique.
1 Raymond. Art. Tabes dorsalis in Dicl, encyclop. des sciences
méd., 3e série, t. XV, p. 293.
DU VERTIGE DES ATAXIQUES. 7
Passons maintenant à la symptomatologie. D'un mot il est
à vrai dire possible de la caractériser ; c'est, en effet, d'un
tabès moteur qu'il s'agit.
Le tabès complet, classique est à la fois moteur et sensitif,
souvent plus sensitif. Dans la salle des femmes, au n° 4, vous
en avez un bel exemple; j'y reviendrai plus longuement dans
des leçons ultérieures'. En ce moment, qu'il me suffise de
vous dire, comme vous avez pu le voir vous-mêmes, que cette
malade a des douleurs fulgurantes, présente de l'anesthésie
plantaire, perd ses jambes dans le lit; elle serait susceptible
de faire comme ces ataxiques de Lamalou'qui, voyant un pied
émerger en dehors de l'eau dans la piscine, durent explorer
avec les mains leurs jambes à partir des hanches pour savoir
à qui il appartenait.
Notre homme est absolument différent; il est purement
moteur; et si nous ne connaissions d'une manière assez com-
plète le tableau de l'ataxie locomotrice, nous pourrions être
embarrassés pour déterminer la nature des troubles qu'il pré-
sente. Son histoire est fort courte.
Au mois de juillet '1892, il commence par éprouver une
sorte de constriction à la base de la poitrine ; trois ou quatre
jours après, il sent les jambes fléchir sous lui; la marche de-
vient difficile et déjà incoordonnée. On applique des pointes
de feu le long de la colonne vertébrale et on donne de l'iodure
de sodium. Actuellement, ses membres inférieurs sont très
faibles ou plutôt inhabiles; la faiblesse qu'il ressent n'est pas
réelle ; elle parait seulement momentanée ; il lui semble par
moment que ses genoux vont fléchir. Il marche en jetant ses
jambes, talonne au moins par moments. Il lui est impossible
ou très difficile de s'arrêter brusquement, de tourner aussitôt
sur place àun ordre donné, il tomberait même s'il n'avait soin
de décrire un demi-cercle, avec une certaine hésitation ou
bien en s'appuyant.
Dans la position allongée au lit, si on lui commande de di-
riger¡son pied vers un objet désigné, ces mouvements sont
exécutés très régulièrement, et le but est atteint directement.
Ainsi se passent les choses tant que les yeux restent ouverts.
Si au contraire les yeux sont fermés, le malade marche beau-
coup plus mal, titube facilement, lance ses jambes d'une
' Voir Nouveau Montpellier médical, décembre 1892 et janvier 1893.
8 CLINIQUE NERVEUSE. '
façon plus accentuée, et perd l'équilibre lorsqu'il n'est pas
soutenu. Avec les yeux ouverts, il peut se soutenir debout,
sans canne, immobile, et les pieds rapprochés ; mais dès que
les yeux sont fermés, il oscille, et s'effondrerait vite si quel-
qu'un n'était pas là pour le soutenir.
Pendant la marche, et dans la position debout, il ne fixe
pas ses pieds ; il regarde toujours droit devant lui, et peut
même se déplacer en dirigeant ses yeux vers le plafond. D'ail-
leurs, afin de vous mieux montrer que la perte d'équilibre ne
dépend nullement de ce fait que le malade n'est plus à même
de regarder ses jambes, j'ai fait devant vous l'expérience sui-
vante : cet homme étant debout, et les yeux ouverts, j'ai placé
un carton entre ses yeux et ses pieds ; il a parfaitement con-
servé sa position première. Je lui ai commandé d'avancer, et
la marche a eu lieu sans perte d'équilibre et cependant, il lui
était impossible de voir ses jambes. Il ne peut se tenir sur un
pied, que les yeux soient ouverts ou fermés.
Les réflexes rotuliens sont complètement abolis. Que je vous
signale encore un léger retard pour la miction. Du côté de la
vue, il éprouve parfois quelques vertiges et un peu de diplopie.
Il n'y a pas 'de myosis ; la pupille continue à réagir sous l'in-
fluence de la lumière et de l'accommodation; le signe d'Argill
Robertson n'existe donc pas. La sensibilité ne présente aucun
trouble ; afin de faire cette constatation on a eu recours aux
procédés classiques (épingle, esthésiomètre, corps chauds ou
froids).
Je tiens surtout à vous dire que notre malade n'a aucun
signe d'anesthésie plantaire; il sent fort bien les pavés, peut
même apprécier les inégalités du sol. L'expérience suivante
rend démonstrative cette conservation de la sensibilité plan-
taire : les yeux étant fermés on a fait marcher cet homme
sur un tapis de trame grossière, où, de loin en loin, étaient
disposés des objets de nature différente (bas de laine, papiers,
etc.). Chaque fois que ses pieds ont touché un de ces objets,
il a manifesté une sensation toute différente, et a pu déter-
miner assez souvent leur nature.
Le sens musculaire n'offre pas d'altération appréciable.
Voici un certain nombre d'expériences très précises à cet
égard, et qui me serviront bientôt à établir la thèse dont je
poursuis la démonstration, en analysant devant vous l'histoire
.de, ce tabétique. Le malade étant allongé dans son lit, les
DU VERTIGE DUS ATAXIQUES. U
yeux fermés, on attache successivement divers poids aux pieds;
on lui commande de plier sa jambe sur la cuisse, ce qui pro-
voque la contraction des muscles biceps, demi-tendineux et
demi-membraneux. Afin d'apprécier le triceps fémoral, les
poids ont été fixés à la pointe des pieds par l'intermédiaire
d'une longue corde qui se réfléchissait sur une poulie placée
derrière l'oreiller du malade ; la résistance opposée par les poids
ne s'opérait que quand le membre passait de la position fléchie
à" l'extension complète. Cette expérience permettait même
d'examiner les muscles du mollet. Enfin, cet homme étant
assis, les yeux toujours fermés, on a disposé différents poids
sur la partie antérieure des pieds; ici c'étaient les muscles de
la région antéro-externe de la jambe qui intervenaient. Dans
tous les cas le malade est parvenu à reconnaître s'il avait à
soulever d'un moment à l'autre des poids identiques, ou bien
des poids différents.
Rien à noter pour le tube digestif, les appareils circula-
toire et respiratoire, et les organes génitaux. L'état général
est bon ; le sommeil s'accomplit normalement.
Voilà l'histoire à peu près complète et l'ensemble des symp-
tômes que nous avons pu étudier chez cet homme. Nous pou-
vons en déduire deux conséquences : d'abord, c'est que nous
nous trouvons réellement en présence d'un tabès, et ensuite,
c'est que ce tabès est d'une espèce particulière, qu'il est uni-
quement moteur. En d'autres termes, nous pouvons souligner
dans ce cas des troubles qui le rapprochent du tabès clas-
sique et des troubles qui l'en séparent.
Parmi les premiers, je vous citerai l'incoordination dans la
marche, l'influence de l'occlusion des yeux sur les mouve-
ments et l'équilibre, l'abolition des réflexes rotuliens, la di-
plopie, la miction retardée ; tous ces signes le distinguent
des paraplégiques et en font un tabétique.
Au nombre des seconds, je rangerai l'évolution rapide et la
conservation de la sensibilité dans tous ses modes. Il est rare
de voir une ataxie locomotrice arriver à la phase où elle se
trouve chez notre malade en l'espace de quatre mois; ordinai-
rement elle met des dix et douze ans.
Mais ce qui fait surtout la caractéristique de cette observa-
tion c'est qu'il s'agit seulement d'un tabès moteur. Les deux
groupes de symptômes qu'on observe dans l'ataxie locomotrice
peuvent quelquefois se montrer isolément. Aussi, Charcot a
10 0 PATHOLOGIE NERVEUSE.
décrit un tabès sensitif réduit aux douleurs fulgurantes, à
l'abolition des réflexes rotuliens, à la perte de la sensibilité.
J'en ai vu de très beaux exemples. Les exemples de tabès pu-
rement moteur sont plus rares ; celui-ci en est un.
Pour synthétiser dans une même formule les caractères
- étiologiques et symptomatiques constatés sur ce malade, nous
pouvons dire qu'il s'agit là d'un cas de tabès exclusivement
moteur à incoordination précoce, développé sans syphilis anté-
rieure chez un surmené des jambes, avec une hérédité ner-
veuse.
C'est sur ce point de départ clinique que nous étudierons,
dans la prochaine leçon, le signe de Romberg en détail, dans
sa nature, sa symptomatologie et sa pathogénie, et nous ver-
rons si nous pouvons tirer quelque enseignement de ce fait
particulier. (La fin au prochaitt numéro.)
DE LA MALADIE DES TICS.
(tics, chorée, IlTllillll : : diagnostic);
Par le D' L. C(1.1BBEItI', de Toulouse,
L'étude détaillée de la maladie des tics remonte seulement
à ces dernières années. Elle a été faite par MM. J.-M. Charcot,
Gilles de la Tourette et G. Guinon, qui en ont décrit avec soin
les caractères nosographiques. Il serait injuste, cependant, de
ne pas reconnaître que Trousseau avait parfaitement vu la ma-
ladie et en avait indiqué les principaux symptômes. Non seule-
ment, dans les quelques lignes qu'il consacre à cette affection,
il qualifie les mouvements des tiqueux de « contractions ins-
tantanées, rapides, involontaires », mais encore il signale la
tendance des malades « à répéter toujours le même mot, et
même à proférer à haute voix des mots qu'ils voudraient bien
retenir' ». En outre, il a le soin de faire remarquer que l'af-
fection est chronique par excellence, le plus souvent hérédi-
1
' A. Trousseau. Clinique médicale de l'Ilôtel-Dieu de Paris, t. II,
4" édition, p. 267, 268.
DE LA MALADIE DES TICS. 11
taire, et qu'elle se réclame de la monomanie et de l'aliénation
mentale.
A côté de ces notions très justes que les travaux récents ont
confirmé tout en les précisant davantage, il en est d'autres de
controuvées qui, toutefois, pouvaient paraître légitimes à
l'époque où elles ont été émises, étant donné les idées impar-
faites que l'on avait sur les diverses manifestations de l'hys-
térie. C'est précisément le grand mérite de l'Ecole de la Salpê-
trière, sur ce point comme sur bien d'autres de la pathologie
nerveuse, d'avoir remis toute chose à sa place, et d'avoir
assigné à chaque symptôme l'importance qu'il méritait.
Aussi, après des travaux si complets, on ne saurait prétendre
à la nouveauté. Mais ici, comme dans toutes les sciences qui
relèvent de l'observation, l'oeuvre n'est jamais parachevée. Les
grandes lignes restent immuables, alors que les traits secon-
daires s'accusent ou s'effacent suivant l'oeil de l'observateur,
et le moment où l'examen a porté. Si la maladie est une, la
plupart des signes qui la caractérisent sont inconstants et
variables; présents aujourd'hui, ils peuvent faire défaut
demain; manifestes dans un cas, ils peuvent manquer dans un
autre. Enfin, comme pour se jouer de notre faible entende-
ment, dans ses méfaits, la nature se plaît à se contredire, et
les symptômes que l'on croyait les mieux propres à différencier
telle affection trouvent leur sosie dans telle autre.
Les quatre cas de maladie des tics que nous publions vien-
nent à l'appui de ces considérations. Chacun, pris isolément,
comporte quelque particularité sur l'étiologie, la symptomato-
logie ou le diagnostic de l'affection. Groupés ensemble, ils
donnent, croyons-nous, une idée générale, suffisamment com-
plète de la maladie et des principales formes qu'elle peut
revêtir. Les deux premiers se rapportent à des tics localisés;
le troisième est un exemple typique de la forme généralisée ;
le quatrième tire surtout son intérêt des difficultés que présen-
tait le diagnostic.
Observation I. An... L..., quarante-deux ans.
Antécédents héréditaires. Père, cultivateur, décédé à quatre-
vingt-deux ans, après quelques jours de maladie; homme doux, tran-
quille. Mère morte à soixante-quatre ans, hémiplégique; ni migrai-
neuse, ni sujette à des attaques de nerfs. Du côté des oncles et des
tantes, rien de particulier. Les grands parents sont morts à un
âge assez avancé ; pas de déments, pas d'originaux.
z2 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Antécédents personnels et histoire de la maladie. - An... est la
plus jeune de sept enfants. Deux sont morts en bas âge : l'un à
huit jours, l'autre au bout de quelques semaines; les quatre autres,
quatre soeurs, n'ont jamais fait de maladie sérieuse, ont des enfants
bien portants. Elle-même a toujours eu une bonne santé; dans son
enfance, on ne relève ni convulsions, ni fièvre éruptive. Réglée à
-. quatorze ans, elle a une grossesse à vingt-deux ans, terminée par
un accouchement naturel.
- A neuf ans, conduisant des chevaux à l'abreuvoir, elle reçut une
ruade de l'un d'eux, qni l'atteignit au côté gauche de la face. La
lèvre inférieure, la lèvre supérieure et la peau de l'arcade sourci-
lière furent divisées. Les blessures n'étaient pas cicatrisées que
les mouvements convulsifs s'étaient manifestés. Dès le début, les
contractions ont occupé la partie inférieure du muscle orbicu-
laire des paupières; depuis, elles sont restées localisées en ce point.
Au traumatisme se rattachent encore des attaques de nerfs que
la malade rapporte à peu près en ces termes : quelques mois après
l'accident, elle venait de se coucher, lorsqu'elle est obligée de se
lever pour uriner; au moment de remonter au lit, elle tombe à
terre, étendue raide. La perte de connaissance dura quelques mi-
nutes. Plus tard, vers l'âge de douze ans, elle était à travailler dans
une vigne en compagnie de sa mère; surprises parla pluie, elles
gagnentun abri etdéjeunent. Quelques heures après, elle « sent son
estomac se soulever » et, de nouveau, tombe étendue raide.
Jusqu'à l'âge de dix-sept ans, les attaques ne se renouvellent pas,
mais, à cette période de son existence, elle éprouve un jour une
contrariété des plus vives. Dans la soirée, elle est prise « d'un serre-
ment d'estomac avec sifflement d'oreilles » et perd connaissance.
Depuis, santé parfaite.
Etat actuel. An... est une personne robuste, bien constituée,
d'une intelligence ordinaire. Très émotive, elle rit ou pleure pour
des motifs futiles; capricieuse, fantasque, son attention est diffici-
lement captivée. Acuité visuelle normale, pas de rétrécisse-
ment du champ visuel, pas de dyschromatopsie ; le goût, l'ouïe,
l'odorat sont conservés; la sensibilité, sous ses divers modes, est
intacte; pas de zone hystérogène; le réflexe pharyngien seul fait
défaut.
Sur le côté gauche de la face, on constate trois cicatrices li-
néaires occupant la lèvre inférieure, la lèvre supérieure et la région
sourcilière. La cicatrice de la lèvre inférieure siège sur le bord
libre, à 2 centimètres en dedans de la commissure labiale, elle est
superficielle; celle de la lèvre supérieure, située un peu en dehors
du tubercule, intéresse toute l'épaisseur de l'organe ; elle est aussi
apparente sur la muqueuse que sur la peau. La troisième occupe
le sourcil à sa partie médiane, mesure 1 centimètre dans le sens
vertical.
DE LA MALADIE DES TICS. 13
Le tic est caractérisé par la contraction brusque de la partie
moyenne de la portion périorbitaire inférieure de l'orbiculaire
gauche des paupières. Son siège répond à l'union du voile membra-
neux et de la joue, au niveau de l'os malaire. Lorsque la contrac-
tion se produit, la peau se plisse dans le sens transversal; ce sont
des rides qui se forment simulant un commencement d'occlusion
de la paupière. Sous l'influence de l'émotion, le mouvement aug-
mente d'étendue ; alors le clignement des yeux s'effectue et s'ac-
compagne d'un léger tiraillement en haut de la commissure labiale
gauche.
Les contractions ont la rapidité de l'éclair ; elles se produisent
avec une fréquence variable. De deux à trois par minute, les
secousses peuvent atteindre douze, quinze, si la malade est contra-
riée, ou simplement mise en présence d'une personne qu'elle ne
connaisse pas. Parfois, il s'écoulera plusieurs minutes sans qu'elles
se manifestent. La volonté n'a aucune action sur elles, eiles dispa-
raissent pendant le sommeil.
Au point de vue des phénomènes psychiques, il n'existe pas de
troubles bien appareils. Néanmoins An... appartient à la catégorie
des originaux de la pensée. Si elle s'est formée une opinion sur
quelqu'un ou quelque chose, il est bien difficile de l'en faire chan-
ger, même en lui mettant sous les yeux les preuves de son erreur;
si elle contracte l'habitude de se servir chez un fournisseur, elle se
refusera à le quitter, alors qu'il lui sera démontré qu'elle est indi-
gnement exploitée.
L'écholalie, l'échocinésie font complètement défaut; la copro-
lalie revêt un mode exceptionnel. Elle se manifeste lorsque la
malade est fortement contrariée, par exemple, si ses patrons lui
font une observation qu'elle ne croit pas mériter. Dans ces cir-
constances le tic s'accuse, et les mots merde, nom de Dieu lui vien-
nent aux lèvres. Cependant, elle ne les prononce pas, elle peut
les retenir; mais la retenue qu'elle s'impose n'est pas sans occa-
sionner un état de fatigue, d'énervement, qui ne prend fin que
lorsque les mots ont été émis. Aussi, elle cherche à s'isoler, et dès
qu'ellese trouve seule, font-ils explosion; aussitôt, elle est soula-
gée. Ces phénomènes remontent il des années, mais leur manifes-
tation est de beaucoup postérieure à l'apparition des secousses
musculaires.
En regard de cette observation, il convient de placer celle
du fils de la malade Ma... L..., atteint lui aussi de tic loca-
lisé :
Observation II. Ma... L..., dix-neuf ans.
Antécédents héréditaires. - aux antécédents maternels s'ajoutent
ceux du côté paternel quevoici :
14 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Père, quarante-huit ans, sanguin, coléreux; pas de rhumatisme,
pas de syphilis. Un oncle, âgé de quarante-deux ans, est atteint de
paralysie progressive. Le grand-père, fils unique, est mort à qua-
rante-six ans d'une attaque d'apoplexie. La grand'mère, âgée de
soixante-quatorze ans, bien portante, n'a jamais fait de maladie
sérieuse; elle avait deux frères : l'ainé mort à cinquante-huit ans,
paralysé, laissant deux enfants : l'un, actuellement âgé de trente-
huit ans (faible d'esprit), l'autre, trente-cinq ans, en bonne santé ;
le plus jeune frère, âgé de soixante-quatre ans, a deux filles migrai-
neuses. .
Antécédents personnels. Ma... L... a toujours eu une bonne
santé. Dans son enfance, on relève une chute à l'âge de quatre ans
et demi, d'où résulta une légère blessure au front, au-dessus du
sourcil gauche. Vers huit ans, il aprésenté descrises desomnambu-
lisme. Sa mère raconte que souvent pendant la nuit il se promenait
dans la chambre ou cherchait après ses livres ; le matin, au réveil, il
ne se rappelait de rien. A cette même époque, il lui arrivait fré-
quemment de pisser au lit, ou bien,, se levant, d'uriner à terre ou
dans ses bottines. Ces phénomènes ont persisté jusque vers l'âge de
douze ans. Il y a quelques mois, Ma..., en dehors de toute cause
occasionnelle s'est apeiçu que la peau du front était le siège de
tiraillements.
Etat actuel. Garçon vigoureux, bien constitué, intelligence
vive, habitudes régulières. Au niveau de la queue du sourcil
gauche on constate une cicatrice linéaire mesurant environ 1 cen-
timètre. En dedans de cette cicatrice, avoisinant la racine du nez,
on voit par moments la peau du front entraînée en haut et pré-
senter des rides, les unes dirigées verticalement, les autres obli-
quement. Cette disposition est comparable à un V dont les deux
branches, l'interne verticale monte sur le milieu du front, l'autre
oblique se portant vers la bosse frontale. A la branche verticale
correspondentles fibres rectilignes les plus internes du muscle fron-
tal, tandis que l'autre branche dessine les premières fibres obliques
du muscle. Les rides apparaissent brusquement et disparaissent de
même; quand elles se produisent, elles ont pour résultat d'élever
la peau du front correspondant à la naissance du sourcil. Elles
surviennent par accès, à intervalles assez éloignés. On note quatre,
cinq contractions consécutives, puis un repos d'une ou plusieurs
minutes; leur fréquence augmente avec l'émotion, elles cessent
pendant le sommeil. .
Ma... est un garçon impressionnable, à idées bizarres. Il suffit
que l'on désire qu'il fasse telle chose pour qu'il s'y refuse; si, au
contraire on a l'air de ne pas attacher grande importance à ce
qu'on lui demande, il s'empresse de vous être agréable. Chargé
du service des expéditions dans une importante maison de spiri-
tueux, il lui semble toujours qu'il oublie d'inscrire les acquits de
- DE LA MALADIE DES TICS. 15
la régie, bien qu'il n'ait jamais commis la moindre erreur à ce
sujet; il supporte difficilement la contradiction et se montre
scrupuleux à l'excès. Si, au cours d'une conversation, une discus-
sion s'élève sur une date, sur la signification exacte d'un mot, il
n'a de cesse et de répit que tout autant qu'il a élucidé le point con-
troversé.
La recherche des stigmates hystériques a donné les résultats sui-
vants : acuité visuelle très diminuée des deux yeux ; champ visuel
rétréci notamment à droite; l'oeil gauche ne distingue pas le violet
et le vert; l'oeil droit ne perçoit pas également ces deux couleurs, et
la notion du jaune disparaît alors que le rouge etle bleu sont con-
servés ; réflexe pharyngien aboli; le goût, l'ouïe, l'odorat normaux,
il y a de l'hypoesthésie à droite.
Ces deux observations présentent des traits communs et
des dissemblances- Chez la mère comme chez le fils, le tic
coexiste avec l'hystérie; mais chez la mère, la grande névrose
parait éteinte, tandis qu'elle est en puissance chez le fils. Le
traumatisme a été pour la mère un facteur prépondérant; il a
donné naissance aux mouvements convulsifs et a contribué
pour une bonne part à l'éclosion des accidents hystériques;
pour le fils, au contraire, son action a été nulle.
Chez An..., si l'on fait abstraction de la léion cérébrale
qui a déterminé l'hémiplégie de l'un des ascendants, l'hérédité
se trouve ramenée à zéro; par contre, chez Ma..., elle est simi-
laire et directe tant pour le tic que pour l'hystérie ; en outre,
elle se complique des antécédents du côté paternel qui sont
des plus chargés.
Dans les deux cas, le tic est tout à fait localisé; il est limité
à quelques fibres musculaires ; il occupe le même côté de la
face et siège sur des muscles avoisinant le globe oculaire;
dans les deux cas encore, les faisceaux musculaires en rapport
immédiat avec les cicatrices ne participent pas aux mouve-
ments convulsifs.
Chez An..., les contractions surviennent par accès séparés
par de courts intervalles; chez Ma..., au contraire, elles se
manifestent à intervalles très espacés. Il est vrai, pour le fil ?
le tic remonte seulement à quelques mois, alors que pour la
mère il dure depuis trente-trois ans.
Dans l'un et l'autre cas, le tic s'accompagne de phénomènes
psychiques. Pour la mère, ce sont des idées de suffisance, d'in-
faillibilité; pour le fils, de l'obsession, des manies, des idées
de doute. Enfin, la mère présente des troubles coprolaliques'
16 PATHOLOGIE NERVEUSE.
dont le trait saillant est de ne pas échapper complètement à
l'action de la volonté.
De ces diverses particularités, il résulte que les tics localisés
peuvent offrir des caractères communs aux tics généralisés;
aussi, convient-il de considérer les uns et les autres comme
relevant d'une même maladie dont les manifestations extrêmes
sont reliées entre elles par des gradations insensibles.
Envisagés par rapport au traumatisme, ces deux cas établis-
sent que la doctrine des spasmes réflexes, appliquée aux tics
localisés, est insuffisante à rendre compte des phénomènes
observés. Dans l'un des cas, les secousses convulsives se sont
manifestées quinze ans et demi après l'accident ; dans l'autre,
à la vérité, leur apparition a été contemporaine du trauma-
tisme, mais leur domaine ne correspond nullement au siège
de la lésion. D'ailleurs, dans cette hypothèse, il resterait à
expliquer les troubles psychiques et coprolaliques consécutifs.
Par rapport à l'hystérie, ces deux observations démontrent
que la grande névrose peut coexister avec les tics localisés, de
même qu'elle s'associe fréquemment aux tics généralisés. C'est
là un rapprochement de plus entre les deux formes de la ma-
ladie des tics.
Observation III. - Ma... M..., quarante-quatre ans, célibataire.
Antécédents héréditaires. Père, enfant naturel, originaire de
la Manche, exerçait la profession de serrurier; mort en 1870 à
soixante-quatre ans, d'une inflammation d'entrailles ( ? ). C'était un
homme robuste, d'humeur assez égale, sans antécédents patholo-
giques, mais qui vers trente-six, trente-huit ans,s'était adonnéaux
boissons alcooliques.
Mère âgée de soixante-dix ans, bonne santé habituelle, si ce
n'est quelques douleurs rhumatismales ; caractère emporté, non
migraineuse, sans attaques convulsives dans son passé. Elle a eu
neuf enfants : quatre sont morts en bas âge; Ma... est née la der-
nière ; deux frères et deux soeurs sont bien portants.
Parmi les collatéraux, du côté du père, tous renseignements
font défaut; du côté de la mère figurent deux oncles : l'un, mort
paralysé à soixante-cinq ans; l'autre, en bonne santé, a perdu une
fille, enfant unique, morte à trente ans hydropique.
Antécédents personnels. Ma... n'a jamais fait de maladie, mais
sa santé a toujours été délicate. Dans son enfance, elle a souffert
de maux d'yeux, présenté des engorgements ganglionnaires, ainsi
que des croûtes du cuir chevelu. Pas de convulsions. Réglée à
quatorze ans, les menstrues sont toujours venues régulièrement.
DE LA MALADIE DES TICS. 17
Etat actuel. - Taille : 1m.22; constitution chétive, peau blanche,
système pileux développé, blépharite des deux yeux (les bords
libres des paupières sont absolument dégarnis de cils), coeur et
poumons sains,- ni migraineuse ni coléreuse; pas d'attaques de
nerfs, pas de stigmates hystériques. Au point de vue mental, elle
raisonne juste; caractère doux, mais très méfiant. '
Début de la maladie. Le début de l'affection remonte à l'âge de
quatre ans, à la suite d'une peur. Une après-midi, à la salle d'asile,
Ma... fut mise au cachot, où, par oubli, elle passa la soirée et une
partie de la nuit. Peu de temps après apparurent les mouvements
convulsifs. D'abord limités à la face, ils auraient envahi peu à peu ,
le membre supérieur droit, le membre inférieur de ce même côté
et le bras gauche.
Description des mouvements. - Les mouvements peuvent être
ramenés à deux types, suivant qu'ils sont plus ou moins généralisés.
Dans un premier type, le plus fréquent et le plus complet, ils occu-
pent la langue, la face, le membre supérieur droit, le membre infé-
rieur de ce même côté et le membre supérieur gauche. Voici l'ordre
dans lequel ils se montrent :
Tout d'abord, la langue projetée en avant vient buter contre la
lèvre inférieure ; retirée aussitôt, le maxillaire est abaissé et amené '
en diduction vers la droite, la commissure labiale de ce côté tirée
en bas; en même temps, les paupières se contractent, recouvrent
les lobles occulaires, et une nouvelle projection de la langue se
produit, cette fois, contre l'arcade dentaire inférieure, qui termine
la série des secousses musculaires de la face.
Pour le membre supérieur droit, la sériation est la suivante : le
bras en demi-flexion est lancé avec force sur l'abdomen; ramené
ensuite vers la tête, la main par sa face dorsale, répondant au pre-
mier métacarpien et au premier espace interosseux, frappe succes-
sivement la région temporale, le milieu du front, et en dernier lieu
la partie dorso-Iatérale du nez.
Dans le membre inférieur, les mouvements sont moins com-
plexes : la cuisse est fléchie à angle droit sur le bassin, puis, la
déllexion a lieu brusquement, et le pied porte fortement contre le
sol.
Pour le bras gauche, les mouvements sont à peu près les mêmes
que pour le membre du côté opposé ; ils sont seulement moins
énergiques, et la main, par ses extrémités digitales demi-fléchies,
heurte simplement la partie latérale du front.
Ces contractions s'accomplissent presque simultanément pour la
face et les membres du côté droit; ce n'est que lorsque leur évolu-
tion est terminée que le bras gauche entre en branle, souvent il
reste en repos.
Dans le second type, les mouvements sont limités au bras gauche,
qui d'abord est projeté avec force sur l'abdomen et ensuite ramené
Archives, t. XXV. 2
18 PATHOLOGIE NERVEUSE.
vers la tête ; du côté de la face on note simplement la projection de
la langue hors de la cavité buccale.
Ces mouvements, dont le propre est d'échapper à l'action de la
volonté, se produisent avec une certaine violence; la preuve en
est que la malade, pour se garantir la tête, est obligée de la blin-
'der avec de nombreux mouchoirs. A cause de sa blépharite, elle
porte, en plus, un vaste chapeau de paille, dont l'aile droite offre
une échancrure à bords élimés de la grandeur d'une pièce de
cinq francs, résultant des chocs réitérés de la main (fig. 4).
D'ailleurs, les parties découvertes du visage, le milieu du front,
la partie latérale du nez, présentent une teinte légèrement vio-
lacée, indice des contusions dont ces régions sont l'objet. Il en
Fig. 1. - Phototypie de Ma... M...
DE LA MALADIE DES' TICS. 19
est de même de la main droite, l'instrument contondant, qui offre,
au niveau du premier métacarpien, une coloration rouge foncée.
Le caractère des mouvements est franchement explosif; c'est un
ressort qui se déclenche, dont l'action est d'autant plus rapide qu'elle
est plus rapprochée de sa mise en jeu. Ainsi, la projection du bras
droit sur l'abdomen, qui inaugure les contractions de ce membre,
Fig. 2. Inscription du mouvement du bras droit projeté sur
l'abdomen.
(Le chronographe bat la Beconde, le cylindre enregistreur accomplissant sa révolution
en 9 secondes.)
se fait avec une vigueur et une rapidité inouïes (fig. 2) ' ; par contre
' Qu'il nous soit permis de remercier ici notre distingué confrère M. le
20 0 , PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'acte de porter la main' sur la partie latérale du nez s'accomplit
avec une lenteur relative. Ces caractères apparaîtront encore plus
manifestes quand' nous décrirons les phénomènes coprolaliques
auxquels ils sont associés. - i ' .
. Le nombre des mouvements est très variable. Si la malade est
émotionnée, on compte dans une minute six à sept mouvements
du premier type et deux à trois du second. Il en est de même avec
la fatigue ou à la suite de tout effort musculaire. En dehors de ces
états, on note simplement trois, quatre mouvements généralisés,
car le plus souvent le bras gauche reste au repos. Ils surviennent
par accès, se reproduisant à intervalles irréguliers; tantôt il s'é-
coule trente, quarante secondes, tantôt une minute et plus. La posi-
tion occupée par la malade n'influe guère sur leur fréquence; les
seules modifications portent sur l'étendue; assise ou couchée, le
membre inférieur demeure le plus habituellement immobile. Pen-
dant le sommeil, les contractions disparaissent complètement.
Phénomènes coprolaliques. La coprolalie consiste dans l'émis-
sion stridente des mots : pardi et voilà, hé ! oh1', qui accompagnent L
invariablement les mouvements convulsifs. Si le mouvement est
généralisé, la phrase entière est prononcée; s'il est limité au bras
gauche, les mots : hé ! oh ! seuls sont émis. D'autres fois, la phrase
entière est précédée de hé ! oh !
En analysant les rapports qui existent entre l'émission de ces
mots et les mouvements convulsifs, on se rend compte que le dé-
clenchement musculaire se fait sur la syllabe Par du terme pardi.
A cet instant^ les muscles de la face, ceux du membre supérieur
entrent en action ; le mot voilà prononcé, le pied à déjà frappé
le sol, le cycle est terminé, la malade est au repos. Quant aux inter-
jections hé ! oh ! si elles sont prononcées an début, leur émission
précède le déclanchement; en ce cas, on ne note pas la première
projection de la langue qui, d'habitude, devance l'exclamation
coprolalique; si, au contraire, elles terminent l'explosion, elles
se font entendre au moment où le bras gauche est ramené vers la
tête.
Le mode d'émission de ces mots est vraiment caractéristique.
C'est une mesure précipitée à trois temps, dont le premier temps est
rempli par Pardi, le second par et voilà, le troisième par hé ! oh !
Quant à la tonalité, elle est forte et explosible sur pardi, basse sur
et voilà, moyenne pour hé ! oh !
Dr Laulanié, directeur de l'Ecole vétérinaire de Toulouse, qui a bien
voulu mettre à notre disposition les appareils nécessaires pour ce tracé
et les suivants. ' '
' Traduction littérale : Parbleu et voilà, hé ! oui ! Mais, au sens qu'attache
à ces mots la classe ouvrière, leur signification est la suivante : C'est
comme ça, sinon va te faire foutre; c'est ainsi. »
DE LA MALADIE DES TICS. 21
' Mais en plus de ces exclamations franchement articulées et asso-
ciées aux mouvements convulsifs, Ma... est coprolalique, dans le
vrai sens ordurier. Ainsi, elle prononce, à la suite les uns des
autres, les mots : puto, puto de bido, salopo, macarelo', seulement
elle les dit tout bas, comme si elle était honteuse de son action, et
avec cette particularité que, dans ces moments, elle garde le repos
le plus complet.
Echolalie. - L'écholalie est caractérisée par la répétition de cer-
taines expressions usuelles, telles : Adicias atal pla3. Le phénomène
se produit surtout lorsque la malade est fatiguée ou au cours d'une
conversation. Si, dans ces moments, quelqu'un vient à passer et
lui adresse lesdits mots, ou bien que ces paroles mettent fin à l'en-
tretien, elle les répète involontairement à plusieurs reprises. ?
Chez Ma..., l'écholalie est aussi visuelle. Si un objet attire son
regard, elle prononce, mais à voix basse, comme un enfant émer-
veillé, étonné, le nom qui sert à désigner l'objet. Ainsi, se trou-
vant dans notre cabinet, frappée de voir un tas de journaux, elle
se met à dire : Que de papiers ! que de papiers ! Un autre jour,
apercevant de la bière, elle répète plusieurs fois : De la bière ! de
la bière ! .
Echocinésie. L'échocinésie se manifeste seulement pour les
mouvements convulsifs que la malade présente. Dans les moments
de calme, on peut faire apparaître les contractions musculaires par
la projection du bras droit sur l'abdomen ou en frappant avec le
pied le sol. Cette suggestion à reproduire les mouvements qui
simulent ceux qu'elle exécute naturellement offre cette particularité
que, même dans ces conditions, il y a émission des mots : Pardi et
voilà, hé ! ho !
Troubles psychiques. Les troubles psychiques ressortissent à
la maladie du doute. Ils s'observent pour les choses les plus usuelles
de la vie. Si elle met un objet en place, elle le déplacera plusieurs
fois pour s'assurer que c'est bien là où il doit être posé; si elle vient
de jeter une lettre à la poste, elle se retournera trois, quatre fois,
pour voir si la lettre ne serait pas tombée à terre; si on lui donne
quelques sous, elle les tiendra dans la main, les examinera à plu-
sieurs reprises, pensant y trouver une pièce blanche. ; -
" Ce tic de la pensée est surtout mis en évidence lorsqu'il se rap-
porte à une attention qui la concerne. Ainsi, Ma... use de tabac à ?
priser. Si une connaissance lui offre une prise, elle l'accepte, la
porte à son nez, fait semblant d'aspirer, se gardant bien d'intro-
duire la moindre parcelle de tabac; puis, portant la main derrière.
' « Putain, putain de vie, salope, maquerelle. »
« Bonjour. » ' "
- De la sorte, ça va bien. » ,... . 1 .
22 PATHOLOGIE NERVEUSE.
le dos, elle le répand à terre. Interrogée sur les motifs qui la font
agir de la sorte, elle répond qu'elle redoute une mauvaise plaisan-
terie, alors que jamais rien de semblable ne lui est arrivé. Il con-
vient d'ajouter que Ma... a un faible pour le tabac à priser; c'est
là son péché mignon, et même la tabatière vide, sans un centime
dans les poches pour en acheter, elle ne modifie en rien sa manière
de faire.
En fait d'obsessions, le seul détail à noter est le suivant : Si elle
a l'habitude de passer par une rue pour regagner son domicile ou
s'en éloigner, on ne peut l'en détourner; néanmoins, une fois qu'elle
est à une certaine distance de son habitation, elle parcourt indiffé-
remment les rues de la ville.
Cette observation est un cas typique de la maladie des tics.
On y retrouve tous les caractères nosographiques assignés à
cette affection. Certains points, cependant, méritent de nous
arrêter. Tout d'abord, Ma... ne relève pas de l'hérédité simi-
laire, directe; sa mère, son père ne sont pas des tiqueux. Ce
serait, en effet; aller un peu loin que d'admettre que les habi-
tants des bords de la mer sont tous des tiqueux, ou bien por-
tent en eux les germes de la maladie.
L'hérédité de transformation serait-elle en cause ? La mère
a des douleurs rhumatismales, un oncle est mort paralysé, un
autre a perdu une fille hydropique; évidemment, l'arthritisme
est là représenté. Mais, les frères, les soeurs de la malade
jouissent d'une santé excellente, ont des enfants magnifiques.
Ce sont là des considérations dont il est impossible de ne pas
tenir compte. Du côté du père, si les renseignements man-
quent pour les ascendants et les collatéraux, nous trouvons un
facteur d'une réelle importance, l'alcoolisme ; seulement, ces
habitudes d'intempérance, il ne les a pas eues toujours. C'est
vers trente-six, trente-huit ans, à la suite de mauvaises rela-
tions, qu'il s'est adonné aux liqueurs fortes. Or, à cette époque,
les frères, les soeurs de Ma... étaient nés, tandis que sa nais-
sance à elle est postérieure de quatre à cinq ans à la contracta-
tion du vice paternel. Voilà qui explique comment ses frères,
ses soeurs sont parfaitement développés, bien portants, alors
qu'elle seule a été victime de l'inconduite du père. D'ailleurs,
l'alcoolisme du père a laissé sur l'enfant une marque indélé-
bile. Malgré ses quarante-trois ans, Ala... est restée, petite,
chétive; c'est à peine si elle mesure la taille d'une jeune fille
d'une dizaine d'années. Or, de toutes les manifestations de
l'alcoolisme chez les descendants, le défaut de développement
DE LA MALADIE DES TICS. 23
physique en est regardé comme la tache originelle. En consé-
quence, il est légitime de rapporter ce cas de maladie des tics
àl'hérédité de transformation, représentée ici par l'alcoolisme.
Une autre particularité concerne la coprolalie qui se manifeste
sous deux formes absolument distinctes. Tantôt les paroles
ordurières sont associées aux mouvements convulsifs, et leur
émission se fait d'une voix stridente, tantôt elles sont pronon-
cées pendant le repos et dites à voix basse.
Ce dernier mode de coprolalie coexistant avec les exclama-
tions nettement articulées à haute voix, est des plus rares ; à
notre connaissance, il n'aurait pas été encore mentionné. La
seule observation qui pourrait être rapprochée de la nôtre, est
celle de M. Pitres, rapportée par M. Gilles de la Tourette,
encore l'analogie n'est-elle qu'apparente. Ainsi a en présence
d'une personne étrangère, 111"° X... étouffait les sons en ser-
rant convulsivement les lèvres, et on n'entendait qu'un gro-
gnement indistinct. Dès qu'elle se trouvait libre, elle profé-
rait, avec une abondance inaccoutumée, les paroles grossières;
même dans ces conditions, le grognement était accompagné de
secousses convulsives B. Il nous suffira de faire observer que
chez M... l'émission à voix basse se fait sans la moindre rete-
nue ; il ne s'agit pas de grognement, mais de paroles parfaite-
ment articulées; enfin, elles sont prononcées en dehors de toute
secousse musculaire.
Pareille remarque mérite d'être faite pour l'écholalie qui se
produit à haute voix, ou bien a lieu à voix basse. Ce dernier
mode caractériserait l'écholalie visuelle, tandis que le premier
serait propre à l'écholalie auditive. Chez Ma..., l'un et l'autre
ne sont nullement associés aux mouvements convulsifs.
Quant à l'échocinésie, les conditions dans lesquelles elle sur-
vient, les circonstances qui l'accompagnent, démontrent d'une
façon péremptoire que les expressions coprolaliques haute-
ment articulées, sont étroitement liées aux secousses muscu-
laires.
En dernier lieu, la manière dont s'effectue le mouvement
du membre inférieur soulève quelques remarques. Ce mouve-
ment a été comparé à un tressautement, c'est-à-dire à une con-
traction brusque qui, dans l'espèce, aurait pour résultat de
fléchir la cuisse sur le bassin.
Cette comparaison donne une très bonne idée de l'acte,
' G. de la Tourette. Archives de Neurologie, vol. IX, n° 2v, p. il.
II PATHOLOGIE NERVEUSE.
mais, dans le cas actuel, n'est pas exaète. En effet, elle laisse
entendre, que la contraction accomplie, le membre, aussitôt,
est ramené à sa position première, en vertu de la détente mus-
culaire par les seules lois de la pesanteur. Chez Ma... il n'en
est pas ainsi. La déflexion se produit bien, mais elle s'accom-
pagne de la mise en jeu de certains muscles. Il suffit, à cet
égard, de jeter les yeux sur le tracé suivant, obtenu par la
fixation du tambour, sur le mollet (Aq. 3). La ligne d'ascen-
sion est tellement brusque, qu'elle manifeste d'une manière
évidente la contraction énergique des gastrocnémiens. D'ail-
leurs, si l'on examine attentivement la jambe de la malade au
moment où le choc a lieu, on constate, non seulement que le
pied en extension frappe avec violence le sol, ce qui déjà ne se
concilie guère avec la théorie d'un organe ramené à sa posi-
tion première, en vertu de la détente musculaire, mais, en
outre, qu'il est porté légèrement en avant, c'est-à-dire qu'il ne
retombe pas à la place qu'il occupait primitivement, et que son
bord externe est relevé, la pointe tournée en dehors, simulant
Fig. 3. Inscription de la contraction des gastrocnémiens. L'ascension
est tout d'abord saccadée, puis brusque, de même la descente à
laquelle fait suite une nouvelle contraction moins étendue, qui se
transforme presque aussitôt en ligne ondulée. Ce dernier état de
la contraction répond à la position du pied en valgus équin.
DE LA MALADIE DES TICS. 25
ainsi un commencement de valgus équin. Or, une pareille
position du membre ne peut être obtenue que par la contrac-
tion du triceps fémoral, d'une part, et par la participation des
jumeaux et des péroniers, d'autre part.
Observation IV. z V..., douze ans et demi.
Antécédents héréditaires. Du côté du père, le bisaïeul paternel
est mort à quatre-vingt-six ans, ayant donné le jour à huit enfants,
sept garçons et une fille ; six sont vivants, y compris le grand-père
paternel de J..., actuellement âgé de soixante-dix-sept ans. Ce der-
nier a eu sept enfants : cinq sont morts en bas âge, entre trois et
quatre ans; des deux autres, l'un. est mort aliéné; le. second, le
père de la malade, est âgé. de quarante-un ans. Bisaieul mater-
nel, mort à un âge avancé, renommé par ses excentricités; il a eu
sept enfants : six sont morts après soixante-dix ans, dont un de
paralysie; tous étaient des coléreux, des originaux; le septième, la
grand'mère paternelle de J..., est âgée de soixante-dix-sept ans;
apathique, hémiplégique depuis trois ans.
Du côté de la mère, le bisaïeul paternel est mort jeune, d'une
attaque d'apoplexie, laissant trois enfants : deux sont morts para-
lysés; l'un à soixante ans, l'autre à cinquante-cinq ans; le troisième,
le grand-père maternel de la malade, est àgé de soixante-trois
ans et vient d'être frappé d'hémiplégie. Il a eu six enfants : un garez z
çon et cinq filles; deux sont morts, l'un à vingt-deux ans, poitri-
naire, l'autre en bas âge, du croup. Des quatre survivants, le fils,
militaire, est âgé de vingt-quatre ans; des trois soeurs, l'une, est
âgée de vingt-cinq ans, anémique, très nerveuse, mais sans attaques
convulsives; une autre a trente-six ans, bien portante; la troisième,
la mère de J..., est âgée de trente-un ans Bisaïeul maternel
âgé de quatre-vingt-huit ans, bonne santé, a eu une fille, la grand'-
mère maternelle de l'enfant, âgée de cinquante-sept ans, très ner-
veuse, sujette autrefois à des attaques convulsives qui ont disparu
depuis le retour d'âge.
Le père deJ... exerce laprofession de représentant de commerce.
Dans ses antécédents on relève la syphilis à l'âge de dix-sept ans.
Constitution vigoureuse, caractère difficile, emporté, original dans
ses idées et la manière de se vêtir. Au point de vue mental, un
exalté, mais s'acquittant à la satisfaction de ses patrons des intérêts
qui lui sont confiés. l'as de rhumatisme, n'a jamais fait d'excès de
boissons. Marié en secondes noces, il a épousé deux soeurs; sa pre-
mière femme est morte de tuberculose pulmonaire à vingt-deux
ans, ne laissant pas d'enfants.
La mère est une personne de taille moyenne, bien conformée,
sait lire, écrire, a été réglée à douze ans. Mariée à dix-sept ans et
demi, elle a eu J... au bout d'un au de. mariage; trois ans après,
26 PATHOLOGIE NERVEUSE.
seconde grossesse, elle donne naissance à une autre fille, âgée
aujourd'hui de neuf ans et demi, lymphatique, nerveuse. Dans les
antécédents, on ne note aucune maladie sérieuse; pas d'attaques
de nerfs, pas de stigmates hystériques, mais on relève certaine
manie caractérisée par la flexion et l'extension alternative des
- dernières phalanges, tantôt des mains, tantôt des pieds. Bien que
les mouvements s'exécutent inconsciemment, ils restent soumis à
l'action de la volonté; pour les réprimer, il suffit que l'attention
soit portée sur eux.
Antécédents personnels et histoire de la maladie. Fluxion de
poitrine à l'âge de deux ans et demi qui a laissé une toux sèche,
nerveuse; à quatre ans, rougeole; pas de convulsions, pas de rhu-
matisme. Agée de six ans, J... est assise près d'une croisée, lors-
qu'un cheval vient s'abattre à ses pieds. Grande frayeur, l'enfant
reste agitée toute la journée; au milieu de la nuit, elle se dresse
sur son séant, se met à pousser des cris d'effroi et voit devant elle
le cheval. La crise hallucinatoire dura environ un quart d'heure.
Quelques jours après, les mouvements apparurent. D'abord, limités
au bras droit, ils ont envahi la face, les autres membres et le tronc.
Leur extension aurait été occasionnée par de nouvelles frayeurs
survenues dans les circonstances suivantes :
En 1887, se trouvant avec sa mère à une procession organisée à
l'occasion d'une mission, un orage épouvantable éclate; J... est telle-
ment impressionnée qu'elle reste une dizaine de minutes sans pou-
voir prononcer une parole. En 1890, le 14 juillet, elle était descendue
à la cave chercher du vin, lorsqu'une fusée pénètre par le soupirail
et fait explosion. L'émotion est telle que l'enfant est plusieurs
heures à trembler de tous ses membres. C'est à la suite de ce der-
nier incident que les mouvements se sont généralisés aux membres
inférieurs et au tronc.
Etat actuel. - Jeune fille, suffisamment développée pour son âge;
face légèrement asymétrique, l'hémiatrophie porte sur le côté
droit; tous les organes fonctionnent bien; le coeur, les poumons
ne présentent pas de signe d'une lésion quelconque. Non encore
réglée. L'état mental n'offre aucune particularité; pas d'idées
bizarres; pas d'idées fixes, sait lire, écrire. Caractère doux, tran-
quille.
La recherche des stigmates-hystériques donne les résultats sui-
vants : rétrécissement concentrique du champ visuel de l'oeil droit;
ouïe, goût, odorat diminués à droite; il en est de même des divers
modes de la sensibilité. Sens musculaire légèrement obtus de ce
côté ; la main apprécie imparfaitement la forme des objets. Réflexes
pharyngien et conjonctival abolis; -force musculaire conservée à
gauche, très diminuée à droite.
Description des mouvements . Les mouvements sont partiels ou
généralisés, partiels ils sont limités à la face et au bras droit; géné-
DE LA MALADIE DES TICS. 27
ralisés, ils occupent la tête, les membres et le tronc; ces derniers
sont de beaucoup les plus fréquents, aussi nous les considérerons
dans les diverses positions prises par la malade, à l'exclusion des
premiers dont la seule particularité est d'être localisés.
Assise sur une chaise, les mouvements peuvent être ramenés à
. trois temps. ier temps : Les globes oculaires sont portés en haut,
déviés à gauche, le front se ride, les sourcils se froncent, la tête
subit un mouvement de torsion de droite à gauche; 2e temps :
Clignement brusque des yeux, flexion de la tête sur l'épaule droite,
qui s'élève en même temps que le bras de ce côté demi-fléchi est
appliqué sur la poitrine; flexion de la jambe droite, dont le pied
frappe le barreau de la chaise ; 3° temps : La tête est ramenée
brusquement de droite à gauche; elle exécute un mouvement com-
plet de latéralité; fléchie qu'elle était sur l'épaule droite, elle se
met en flexion sur l'épaule gauche, qui s'élève à son tour; le bras
gauche demi-fléchi est porté sur la poitrine ; le membre inférieur de
ce côté est placé en adduction, le pied gauche s'appliquant contre
le droit; enfin, des mouvements de latéralité du tronc en tout point
comparables à ceux que provoquerait une sensation de démangeai-
son dans le dos, terminent cette série de contractions. Parfois, le
mouvement convulsif est précéd de la projection de la langue hors
de la bouche, ou encore de grimaces dues à la mise en jeu des mus-
cles grand et petit zygomatiques et des dilatateurs de l'aile du nez.
Assise à terre, les jambes étendues, les mouvements restent les
mêmes pour la face, les membres supérieurs et le tronc, mais la
jambe droite se met en flexion (position du tailleur assis sur son
établi), et chaque secousse musculaire détermine le soulèvement et
la projection dn tronc en avant, de sorte qu'à la fin de chaque con-
traction la malade retombe lourdement sur son siège.
Etendue à terre de tout son long, les seules particularités portent
sur la tête et les épaules qui sont détachées du sol à chaque mouve-
ment convulsif.
Dans la station debout, en plus des contractions de la tête et des
membres supérieurs, on observe une légère flexion de la cuisse sur
l'abdomen et de la jambe sur la cuisse; puis, le pied est ramené à
terre, mais sans phénomène de choc. En outre, pendant que la
jambe droite est ainsi fléchie, la jambe gauche, sur laquelle repose
la malade, est le siège de contractions intermittentes qui ont pour
effet de détacher le talon du sol ; aussi, durant ces secousses, tout
le poids du corps porte sur la pointe du pied gauche.
En marche, les mouvements sont ceux de la station debout; mais
toutes les fois qu'ils se produisent, la malade saute à cloche-pied sur
la jambe gauche.
Comme nombre, les mouvements sont très variables. Sous l'in-
fluence de l'émotion ou de la fatigue, on notera 10, 12 secousses
musculaires généralisées par minute ; par contre, si l'attention est
28 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tenue en éveil, il s'écoulera vingt, trente secondes entre deux con-
tractions consécutives. Ils se manifestent par accès à intervalles irré-
guliers ; tantôt on constatera un repos d'une ou plusieurs minutes,
tantôt la période d'accalmie sera seulement de quelques secondes.
Ils s'exécutent avec une certaine rapidité, mais, d'une manière
générale, on ne saurait les comparer une décharge électrique. Ce
caractère ne s'observe guère que pour les contractions qui inaugurent
la sériation des divers actes musculaires composant un mouvement
généralisé. Bien que très atténués, ils persistent pendant le som-
meil, notamment pour le bras droit qui reste agité de légères se-
cousses musculaires; enfin, ils durent depuis six ans sans qu'ils aient
jamais complètement disparu; les parents ont bien noté deux
périodes de calme relatif, chacune de quelques semaines de durée,
mais, même dans ces moments, la- face et le membre supérieur
droit étaient le siège de contractions.
La coprolalie, l'échocinésie, les troubles psychiques font défaut;
l'écholalie existe et se manifeste principalement le soir, dans les
quelques heures qui précèdent le coucher. La répétition porte sur
des mots formés d'un petit nombre de syllabes : oui, non, boire.
Elle est de date récente, remonte à peine à quelques mois.
Tels sont les symptômes qu'il convient maintenant d'inter-
préter. Si l'on fait abstraction des phénomènes d'écholalie,
l'appareil symptomatique se trouve ramené à des mouvements
étendus à tout le corps, dont le propre est d'échapper à l'ac-
tion de la volonté. Lorsque les mouvements involontaires sont
ainsi généralisés, de prime abord on est porté à songer à la
chorée. Cependant, à un examen détaillé, aucune des qualités
des contractions ne justifie cette opinion.
Les caractères inhérents aux mouvements choréiques sont :
la lenteur, le défaut de coordination, la permanence. La len-
teur se traduit par des gesticulations peu étendues, ondulées
si on peut dire, par conséquent placées à l'opposé du type
convulsif; le défaut de coordination est tiré de ce que les con-
tractions ne répondent à aucun acte physiologique ; elles. sont
illogiques, aussi prêtent-elles au rire. La permanence indique
que les mouvements se produisent sans trêve ni repos, du
moins à l'état de veille. Cette permanence des mouvements
peut fournir dans l'espèce un signe' d'une certaine valeur, qui
est tiré de l'écriture. Malgré toute son attention, les pleins et
les déliés que trace le choréique, trahissent les contorsions
dont le membre est agité. '
A ces signes extérieurs s'ajoutent ceux emprumtés à l'héré-
dité, au début et à l'évolution de la maladie. ,
DE LA MALADIE DES TICS. 9
La chorée, le plus habituellement, se réclame du rhuma-
big. 4. La contraction n'offre pas la rapidité de la secousse musculaire;
elle s'accomplit cependant dans un temps relativement court (1 sec. 1/2),
et .sans saccades.
Fig. 5. La contraction, au début, simule l'explosion d'une décharge
électrique, mais aussitôt elle s'éternise, rappelle le muscle en état de
tétanie, et prend fin d'une manière progressive par saccades. ,
Fig, 6, 7. La contraction, au début et à la fin, est l'analogue de la
secousse musculaire, mais les lignes d'ascension et de descente sont
séparées par un plateau plus ou moins accidenté.
DE LA MALADIE DES TICS.' 31
tisme ou de l'hystérie; parfois, de ces deux facteurs à la fois.
Son début est marqué par des modifications du caractère, par
un affaiblissement momentané des facultés intellectuelles ; sa
durée est de deux à quatre mois chez l'enfant, exceptionnel-
lement, elle est chronique et les cas où elle a duré un temps
plus long se rapportent à des malades dont les accès choréiques
étaient entrecoupés par des périodes de calme absolu.
Si de ces particularités nous rapprochons les traits essen-
tiels à notre malade, nous trouvons entre eux une opposition
absolue. Chez J..., le mouvement, sans avoir la rapidité de
l'éclair, présente une certaine brusquerie ; sur le tracé, la
ligne d'ascension est presque verticale, de même, la ligne de
descente (fig. 4) ; les ondulations ne s'observent que tout à
fait à la fin de la contraction, - c'est là l'exception, (fig. 5),
ou bien pendant sa durée, et alors on constate une ligne en
plateau, légèrement accidentée, qui rappelle la contraction du
muscle en état de tétanie (fig. 6, 7); enfin, pour les muscles
du cou, le tracé simule l'explosion d'une décharge électrique
((ig. 8).
Comme étendue, les mouvements ne sont pas limités à un
Fig. 8. - Inscription des muscles du cou, lorsque la tête est fléchie sur
l'épaule droite. La durée de la contraction est à peine d'un quart de
seconde. ' .
32 U2 PATHOLOGIE NERVEUSE.
segment de membre, mais au membre tout entier. De plus, ils
sont systématisés, c'est-à-dire invariables, stéréotypés en
quelque sorte, se reproduisant toujours de la
même façon, qu'ils soient partiels ou généralisés.
Le défaut de coordination n'existe pas ; pour
si limité que soit le mouvement, il répond tou-
jours à un acte physiologique. Ainsi, le fron-
cement des sourcils, l'occlusion des paupières,
la flexion de la tête sur les épaules, la projec-
tion du bras sur la poitrine, le sautillement,
les mouvements de latéralité du tronc sont tout
autant de contractions qui ne diffèrent de l'acte
physiologique que parce qu'elles ne sont pas
voulues, et que les sensations qui leur donnent
naissance sont absentes.
Un autre trait caractéristique est tiré de la
non permanence des mouvements. Pour si agi-
tée que soit la malade, elle reste toujours quel-
ques secondes sans présenter la moindre con-
traction ; aussi, dans ces intervalles de repos,
écrit-elle très lisiblement, et les lettres qu'elle
forme n'offrent pas trace d'irrégularité. Que
l'on compare l'écriture de J... et cette autre
d'une jeune choréique, et toute hésitation sera
levée (fit. 9, 10).
Pareillement, si eue ni, cause ou reçue, i articulation ues
mots reste distincte ; son débit, à l'inverse de celui du èho-
réique, n'est pas plus précipité à un moment qu'à un autre.
Au point de vue de l'hérédité, si on relève des hystériques
FIg. 10. Fac-similé de l'écriture d'une jeune cho-
réique (hystérique), dont le trouble fonctionnel dispa-
rut en quarante-huit heures. -Cette malade, atteinte
de chorée manifeste depuis quelques semaines, nous
avait été adressée pour suivre un traitement thermal
par notre excellent confrère, M. le Par Fort, de Car-
bonne. '
..... » .... 1 .. 1
DE LA MALADIE DES TICS. 33
parmi les ascendants, on est tenu de reconnaître que les cé-
rébraux occupent le premier rang. Pour un hystérique, nous
trouvons un dément, six paralytiques, sans compter les origi-
naux ; par contre, pas le moindre rhumatisant.
Quant au début et à la durée de l'affection, il y a lieu de
faire observer que la maladie n'a pas été précédée de troubles
de l'intelligence ni de modifications dans le caractère, et que
les mouvements persistent depuis six ans sans avoir jamais
complètement disparu. Voilà donc tout autant de dissem-
blances parfaitement tranchées, qui autorisent à repousser
le diagnostic de chorée vulgaire ou de chorée de Sydenham.
Convient-il d'attribuer les mouvements de J... à l'hystérie,
et par suite de les considérer comme des spasmes hystériques ?
Ici, cette hypothèse a pour elle la nature du terrain sur lequel
l'affection s'est développée.
Chez la malade, en effet, l'hystérie est manifeste; elle
résulte de la constatation des stigmates; au besoin, de cette
toux brève, non accompagnée d'expectoration ni de lésion
pulmonaire, survenue à l'âge de deux ans et demi, à la suite
d'une fluxion de poitrine. Elle s'étaie encore sur les antécé-
dents de la grand'mère maternelle qui, jusqu'à la ménopause,
a eu des attaques convulsives fréquentes. Mais, de ce que la
malade est une hystérique, il ne s'ensuit pas que les mouve-
ments qu'elle présente doivent être rapportés fatalement à
l'hystérie ; c'est simplement une présomption. Pour conclure
à des spasmes hystériques, il faut que nous retrouvions en
eux les caractères assignés aux mouvements spasmodiques de
cette nature.
De ces caractères, celui qui sans contredit offre un intérêt
de premier ordre, c'est l'uniformité, la cadence avec laquelle
ils se produisent. Qu'ils surviennent sous forme d'accès ou
se montrent pendant un temps plus long, les intervalles qui
séparent les contractions sont toujours régulièrement espacés.
De plus, les spasmes hystériques cessent habituellement
pendant le sommeil ; ils peuvent être modifiés ou suspendus
par les changements de position, par la pression d'une zone
spasmo-frénatrice; ils s'observent le plus souvent après la
puberté, ce n'est que très exceptionnellement qu'on les ren-
contre dans le jeune âge; enfin, ils apparaissent à la suite
d'une frayeur ou d'un traumatisme ; mais, de même que
Aucune, t. XXV, 3
34 R.&TFIOLOGIE . NERVEUSE. z
l'émotion leur adonné naissance, de, même elle peut les faire
disparaître, tout comme un traitement approprié. Or, tous ces
caractères manquent dans notre cas.
D'abord, les.mouvements ne sont pas uniformes; ils sont
tantôt généralisés, tantôt plus ou moins localisés ; les inter-
valles qui séparent deux contractions sont des plus variables ';
en outre, ils persistent bien qu'atténués pendant le sommeil;
les changements d'attitude ne les font pas disparaître momen-
tanément ni n'exercent sur eux la moindre modification ; leur
apparition remonte à l'âge de six ans, à la suite d'une vive
frayeur il est vrai, mais, depuis, la malade a éprouvé deux
autres émotions non moins vives, et les mouvements au lieu
de disparaître pu simplement de s'atténuer n'ont fait que s'ac-
cuser. Enfin, voilà six mois que J... est soumise aux prépara-
tions ferrugineuses, fait de l'hydrothérapie, et son état ne s'est
nullement amélioré. Le seul bénéfice du traitement a porté
1 Les' deux tracés suivants permettent de se faire une idée très juste
des dissemblances fondamentales qui existent entre les spasmes hysté-
riques et les contractions propres à la maladie des tics : l'un est em-
prunté à l'ouvrage de : lL le professeur Pitres, à l'obligeance duquel nous
devons de pouvoir le reproduire; i autre a ete pris sur notre malade. De
la comparaison de ces deux graphiques, il ressort que dans les spasmes
hystériques les secousses musculaires présentent une amplitude uniforme,
se reproduisent à des intervalles équidistants, en un mot, s'accomplissent
avec une harmonie parfaite. Dans la maladie des tics, au contraire, le
rythme n'existe pas, les contractions ne présentent ni uniformité ni
cadence.
' Ti. 11. - lnscriplou eles muuvemeuts Jes musclca Ju cuu dc 1'ctorinc l'...
pendant les accès de hoquet. (Pitres, t. 1. p. 313.)
fin. 12. - Inscription des mouvements du bras droit de J... V.
36 PATHOLOGIE NERVEUSE.
sur les stigmates hystériques ; la force musculaire est rede-
venue à peu près égale des deux côtés ; les divers modes de la
sensibilité ont été récupérés. Quant aux troubles sensoriels,
ils restent ce qu'ils étaient avant. En conséquence, on est en
droit de conclure que les mouvements ne relèvent pas de
l'hystérie, bien que la malade soit une hystérique.
Si on envisage, au contraire, la maladie des tics, on n'a pas
de peine à reconnaître que la plupart des symptômes pré-
sentés par J... rentrent dans le cadre nosographique qui a été
tracé de cette affection. Quelques-uns cependant manquent
au tableau; mais de ce que, dans un cas donné, on ne retrouve
pas tous les éléments constitutifs de la maladie, ce n'est pas
une raison suffisante pour laisser le diagnostic en suspens,
surtout lorsque les symptômes observés ne concordent avec
ceux d'aucune autre affection. D'ailleurs, les caractères qui
font défaut sont loin d'être constants et univoques ; leur
absence a été signalée dans un certain nombre d'observations,
comme on a relevé leur présence dans des cas où la maladie
des tics n'était pas en cause.
La maladie des tics convulsifs, telle qu'elle a été décrite par
MM. J.-M. Charcot, Gilles de la Tourette et G. Guinon, peut
être définie de la sorte : affection héréditaire, produit de la
vésanie, très tenace, survenant dans le jeune âge à la suite
d'un traumatisme ou d'une vive émotion, caractérisée par des
mouvements involontaires avec troubles divers du système
nerveux.
Les mouvements, d'abord limités, se généralisent et peuvent
s'accompagner de soubresauts du membre inférieur; ils sont
systématisés, se produisent par accès, sans le moindre rythme,
avec l'a rapidité de l'éclair.
Les troubles nerveux consistent dans l'émission involontaire
de paroles ordurières (coprolalie), dans la répétition automa-
tique de mots ou de bruils (écholalie), de signes (échocinésie),
et dans des troubles psychiques tels qu'idées fixes, délire du
doute.
Or, ces divers caractères, à l'exception de la plupart de ceux
afférents aux troubles nerveux qui manquent en partie, se
retrouvent chez la malade.
L'hérédité, produit de la vésanie, résulte des déments, des
paralytiques , des originaux qui figurent au nombre des
' Pour les lésions en foyer du cerveau qui, selon toute vraisemblance.
DE LA MALADIE DES TICS. 37 7
ascendants; elle est affirmée par l'asymétrie de la face. La
ténacité de l'affection est mise en évidence par la longue période
écoulée depuis le début de la maladie. L'apparition des mou-
vements à l'âge de six ans, les circonstances qui ont précédé
leur manifestation témoignent que l'affection est survenue
dans le jeune âge, à la suite d'une vive émotion. Dans le prin-
cipe, les contractions musculaires ont occupé le bras droit, la
face, puis se sont étendues aux autres membres et au tronc ;
voilà qui est d'accord avec la marche envahissante de la ma-
ladie. Les mouvements se reproduisent à des intervalles irré-
guliers, surviennent par accès, s'accompagnent de tressaute-
ment des membres inférieurs, reconnaissent constamment
la mise en jeu des mêmes muscles, ce sont là encore tout
autant de caractères propres aux tics convulsifs. Quant à la
rapidité des mouvements, elle n'est pas ici tout à fait compa-
rable à la décharge d'une étincelle électrique; la contraction,
au début, offre bien cette analogie, mais ensuite, le plus sou-
vent, elle s'éternise, si on peut dire, et ne reprend ce premier
caractère que lorsqu'elle touche à sa fin, ou bien s'éteint gra-
duellement par des secousses de moins en moins accusées.
Aussi, à ce point de vue, la malade s'éloigne du type décrit
ont amené les paralysies, tant du côté paternel que du côté maternel,
il n'est guère possible de ne pas en tenir compte, bien qu'elles n'aient pas
encore pris rang au nombre des tares dont se réclament les affections
neuropathiques. Ainsi, dans le cas actuel, pour un dément nous trouvons
six paralytiques. Cette proportion n'est-elle pas un enseignement ? D'ailleurs
dans les trois autres observations, nous voyons la paralysie par lésion*
cérébrale figurer constamment au nombre des antécédents héréditaires !
Dans l'observation I, elle constitue même le seul antécédent patholo-
gique ; dans l'observation II, elle est notée deux fois; dans l'observa-
tion III, on la relève chez un oncle du côté paternel. Et puis, pourquoi
ne pas prendre en considération les lésions en foyer alors que l'on ac-
cueille volontiers les cas de paralysie piogressive. Certainement, dans
les deux maladies, le processus morbide n'est pas le même, puisque, d'une
part, l'altération vasculaire est primitive, tandis que, d'autre part elle est
consécutive à la dégénérescence des cellules nerveuses; mais est-ce que
dans l'une et l'autre affection les émotions psychiques ne tiennent pas le
premier rang dans les commémoratifs des malades ? Que si l'on objecte
la banalité de la lésion, n'est-il pas permis d'opposer la fréquence reconnue
de la tuberculose et de l'arthritisme qui, cependant, sont considérés comme
deux des principaux facteurs des maladies nerveuses; et si l'on admet
l'efficacité de la diathèse, pourquoi frapper d'ostracisme l'accident qui en
est une des manifestations ? Dès lors la lésion, tout comme la diathèse
qui lui a donné naissance, doit entraîner pour les descendants les mêmes
conséquences étiologiques... *
38 PATHOLOGIE NERVEUSE.
par M. Charcot des mouvements des tiqueux et se rapproche
plutôt de celui donné par M. Pitres i qui admet que dans la
maladie des tics, « les contractions sont lentes, graduelles,
progressives 2 ».
Arrivons aux troubles du système nerveux. Dans notre cas,
l'écholalie seule est manifeste. Quelle est la valeur de ce
signe ? Pour M. Charcot, l'écholalie se trouve seulement dans
les tics 1. Pour M. Guinon, au contraire, elle s'observe aussi
bien chez les tiqueux que chez les hystériques'.
Si l'on consulte les cas de spasmes respiratoires, compliqués
d'émission involontaire de mots, notamment les observations
rapportées dans l'ouvrage de M. Pitres 6, on constate que l'é-
cholalie, chez les hystériques, est caractérisée par la répéti-
tion de mots presque toujours les mêmes, prononcés constam-
ment à intervalles réguliers, et que le plus souvent l'articulation
en est peu marquée. Ainsi, le malade de Bright répétait inces-
samment hélas ! hélas ! celui d'Ahercombrie, échum ; celui de
Galvagni, ba. En analysant le mode d'émission de ces mots,
on reconnaît qu'à leur production, les mouvements des lèvres,
de la langue prennent une faible part, tandis que le mode
d'expiration y joue un rôle prépondérant. Quant aux excla-
mations franchement articulées, telles : cochon, cochon (Obs.
de M. Chairou), té voilà ! té voilà ! (Obs. de M. Pitres), il y a
lieu de remarquer que, dans ces deux cas, tout mouvement
volontaire faisait défaut, et. d'ailleurs, l'écholalie portait inva-
riablement sur le même mot. Voilà donc des caractères qui
n'appartiennent pas à la maladie des tics, dont le propre de
L'écholalie est de porter sur des mots nettement articulés, qui
peuvent changer suivant les moments et les circonstances, et
dont l'émission se produit à intervalles très irréguliers. Ainsi
' A. Pitres. - Leçons cliniques sur l'hystérie et l'hypnotisme, t. I,
p. 318.
2 De ces deux opinions de concevoir la qualité du mouvement chez les
tiqueux, nous croyons la première plus conforme à la 3rénérallté des faits;
c'est elle qui est représentée dans les trois premières observations; si
pour cette autre malade les mouvements présentent le plus habituellement
une lenteur relative, il n'en n'est pas moins vrai que parfois la compa-
raison avec l'explosion d'une décharge électrique leur est applicable.
3 J.-M. Charcot. Semaine médicale, 6' année, n° 37, p. 364, et
Archives de Neurologie, vol. XXIII, n 67, p. 83.
' G. Guinon. Revue de médecine, 7° année, n° 6, p. 511 .
'A.Pitres, loc. cit., p. 33, 351.
DE LA MALADIE DES TICS. 39
compris, ce signe a une valeur de premier ordre, et sa présence
chez la malade confirme le diagnostic de maladie des tics.
La coprolalie n'existe pas chez J... Toutefois, une distinc-
tion est nécessaire. Si par ce terme on entend l'émission invo-
lontaire de paroles ordurières, accompagnant le plus souvent
le mouvement convulsif, certainement ce trouble du système
nerveux fait défaut chez la malade. Mais si on étend sa' signi-
fication jusqu'à faire rentrer dans la coprolalie l'émission écla-
tante et successive de mots grossiers, se produisant seule-
ment dans des moments d'agacement', alors, J... est
manifestement coprolalique. Enervée par sa jeune soeur, les
parents ont noté qu'elle prononçait à deux ou trois reprises
consécutives et sur un timbre éclatant le mot de Cambronne.
Cependant, la fillette est d'une certaine retenue, et dans son
entourage, elle n'est pas habituée à entendre des expressions
pareilles. Dès lors, que conclure ? Ici encore, l'hésitation n'est
pas permise. Pour nous, J... ne présente pas ce phénomène;
car à étendre ainsi la signification du terme coprolalie, peu
d'enfants, même appartenant à une certaine classe de la so-
ciété, échapperaient à ce trouble.
Pareille restriction doit être apportée aux tics de la pensée
qui sont si peu accusés chez la malade, que nous avons cru
devoir les passer sous silence. Il lui arrive bien de regarder à
plusieurs reprises sous son lit pour voir si quelqu'un ne s'y
trouverait pas caché, ou encore de s'assurer si la porte de
l'appartement est réellement fermée ,alors qu'elle vient, quel-
ques instants avant, de donner un tour de clef; mais on ne
saurait considérer ces allées et venues comme des obsessions
pathologiques, et dans leur appréciation, il convient de faire
la part de l'âge.
Au résumé, de cette discussion des caractères propres à la,
chorée, aux spasmes hystériques et à la maladie des tics, il
résulte que J... est atteinte de cette dernière affection. C'est
une hystérique chez laquelle s'est déclarée la maladie des tics
convulsifs, ou, si l'on préfère, une tiqueuse présentant des
stigmates hystériques. Elle est hystérique du fait des ascen-
dants de la branche maternelle ; elle est tiqueuse par ses an-
cêtres du côté paternel. L'hérédité, très chargée de part et
d'autre, s'est manifestée sous deux formes distinctes, et de
même qu'elle peut donner naissance chez un même individu à
1 G. Guinon. Revue de médecine, 7' année, Il'' G, f. 511;.
40 .PATHOLOGIE NERVEUSE. DE LA MALADIE DES TICS.
des lésions relevant de la superposition de deux maladies, de
même chez J... elle a créé deux états morbides différents : les
tics et l'hystérie. Et comme le dit excellemment M. G. Guinon :
« Pourquoi ces deux névroses ne pourraient-elles pas se ren-
contrer associées l'une à l'autre ? L'hérédité qui crée à elle
seule la maladie des tics ne joue pas non plus un médiocre
rôle dans l'étiologie de l'hystérie. D'autre part, ne voit-on pas
tous les jours des associations morbides semblables ? L'épi-
lepsie se marie souvent avec l'hystérie pour constituer cette
maladie qui a reçu le nom d'hystéro-épilepsie à crises sépa-
rées. De même, il existe des cas dans lesquels l'hystérie et la
maladie des tics convulsifs viennent se greffer l'une sur
l'autre 1. » .
De cette étude sur la maladie des tics, découlent les conclu-
sions suivantes : Sous la dénomination de maladie des tics, il
convient de comprendre non seulement les cas dans lesquels
les mouvements involontaires sont généralisés, mais aussi
ceux. où les spasmes sont tout à fait localisés. Ces derniers,
pareillement, se réclament du traumatisme (Obs. I), de l'hé-
rédité (Obs. II), et donnent lieu à la coprolalie (Obs. I), aux
tics de la pensée (Obs. I, II). Pour les uns comme pour les
autres, l'hérédité joue le principal rôle : elle peut être directe
et similaire (Obs. II), ou bien collatérale et de transforma-
tion (Obs. III, IV). Aux causes incriminées, désignées du
terme générique de vésanies, doivent s'ajouter l'alcoolisme
(Obs. III), et vraisemblablement les lésions en foyer du cer-
veau (Obs. I, II, III et IV). Lorsque la maladie des tics coexiste
avec l'hystérie, il est possible, en dehors du traumatisme, de
retrouver chez les ascendants les facteurs propres à ces deux
névroses (Obs. II, IV).
Les caractères distinctifs de la maladie des tics sont tirés du
début de l'affection, de son évolution, des qualités du mouve-
ment et des troubles nerveux. Elle se manifeste dans le jeune
âge : quatre ans (Obs. III), six ans (Obs. IV), neuf ans (Obs. I) ;
parfois elle se développe après la puberté, dix-huit ans (Obs. II).
Son évolution est indéterminée; dans un des cas elle dure de-
puis trente-cinq ans (Obs. I), dans un autre depuis quarante
ans (Obs. III), dans un troisième, depuis six ans (Obs. IV) ;
enfin, dans le quatrième, elle remonte seulement à quelques
mois (Obs. II).
1 G. Guinon. -> Revue de médecine, 7° année, n° G, p. ji8, dt9.
L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 41
Les qualités du mouvement sont : la rapidité, la systéma-
tisation, la coordination, l'arythmie. Parfois, la rapidité fait
défaut (Obs. IV), mais, même dans ces cas, les tracés obtenus
offrent des analogies avec les mouvements qui simulent une
'décharge électrique.
L'écholalie, l'échocinésie, la coprolalie, les tics de la pensée
peuvent se trouver réunis chez le même individu (Obs. III).
Le plus souvent, ces phénomènes s'observent isolés : écho-
lalie (Obs. IV), troubles psychiques (Obs. II), ou diversement
associés, troubles psychiques et coprolalie (Obs. I). L'écholalie
porte sur des mots formés de plusieurs syllabes qui sont net-
tement articulés (Obs. III, IV) ; elle peut être auditive et vi-
suelle ; visuelle, la répétition a lieu à voix basse (Obs. III).
L'échocinésie consistant dans la reproduction des mouve-
ments habituels au malade paraît intimement liée à l'émission
des mots orduriers, lorsque ce trouble existe (Obs. III).
La coprolalie peut se manifester sous deux formes distinctes :
à haute voix ou à voix basse ; à haute voix, les paroles gros-
sières accompagnent les secousses musculaires; à voix basse,
ellez sont émises en dehors d'elles. Ces deux formes peuvent
se rencontrer chez le même malade (Obs. III). Parfois, l'explo-
sion des mots coprolaliques se trouve retardée par un effort de
la volonté (Obs. I).
Les troubles psychiques, dans les trois cas où ils ont été
notés, se sont traduits par des idées de doute, des manies, des
obsessions (Obs. Il, III), ou des idées de suffisance, d'infailli-
bilité (Obs. I).
HOSPICE DE la SALPËTRIËRE. M. CHARCOT,
CONTRIBUTION AU DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL ENTRE L'HYS-
TÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU;
Notes cliniques recueillies par le Dr F. GHILARDUCCI,
de Jh izzallo (Italie)1 t
QUELQUES considérations générales SUR LES cas étudiés
précédemment. Les quatre observations que nous avons
1 Voir Archives de Neurologie, p. 387. , .
42 PATHOLOGIE NERVEUSE.
exposées donnent lieu à quelques considérations d'ordre géné-
ral, qui nous paraissent importantes au point de vue du dia-
gnostic et de la thérapeutique. Nous allons les résumer briè-
vement.
Nous avons montré que tous nos cas simulent exactement'
-des accès d'épilepsie, soit sensitive, soit motrice. Or, que
l'hystérie puisse reproduire très fidèlement le tableau de l'é-
pilepsie partielle, c'est une chose bien établie. Charcot, Ballet,
Crespin, Babinski 1, en rapportent des observations d'une
netteté remarquable. Dans celles-ci, l'absence de fièvre malgré
le chiffre élevé (plusieurs milliers) des attaques se répétant
pendant plusieurs jours presque sans intervalles, l'apparition
après une ou plusieurs séries d'attaques du délire, la présence
des zones hystérogènes, donnent à l'observation clinique une
signification diagnostique presque mathématique.
Il n'en était pas ainsi dans nos observations. En effet, les
attaques se sont présentées isolément, à l'exception du cas de
Bar..., lequel eut vingt-huit attaques dans un jour et pas en
notre présence. Une ébauche de délire a été observée dans
deux de nos cas (deuxième et troisième) et nous l'avons utilisée
pour le diagnostic, moins pour ses caractères intrinsèques que
pour sa relation avec l'état mental du malade. Dans tous les
cas une grande difficulté au diagnostic nous a été présentée par
l'absence des zones hystérogènes.
L'analyse des urines, laquelle, selon l'enseignement de
Gilles de la Tourette, aurait pu nous fournir des résultats
utiles pour le diagnostic différentiel, n'a pas été faite par
nous pour les raisons suivantes. Si l'on veut que cette expé-
rience donne des résultats exacts, elle doit être pratiquée avec
une très grande rigueur scientifique, ce qui demande une
surveillance continuelle du malade et de son alimentation ; de
plus, le procédé d'analyse est long et délicat; ce sont là des
circonstances qui rendent l'application pratique de ce procédé
très difficile et nous avons préféré nous maintenir sur le ter-
rain clinique.
En continuant donc l'analyse de nos cas, nous avons à faire
V. Lezioni cliniche cM /'< : ? MOco/as<tco 1882-84 sulle malattic del sis-
lema nervoso, redatte dal D' Millioti, Millano. 1883. Ballet et Crespin.
Des attaques d'hystérie ii forme d'épilepsie partielle. (Archiv. de Neu-
)-ologie, 1884.) Babinsky. L'atrophie musculaire dans l'hystérie. Progrès
médical 1886. (Obs. I.) Babinski. De la migraine ophtalmique hys-
térique. (Archiv. de Neurologie, 1890, n° 60.)
l'hystérie et les maladies organiques DU cerveau. 43
les observations suivantes : dans le premier cas, c'est très remar-
quable la persistance pendant deux ans des crises hystéro-
épileptiques avec les attaques épileptiformes, qui se présen-
taient tout à fait séparément et indépendamment les unes des
autres, ce qui fut encore une cause de perplexité.
Dans tous les cas, il est à noter la présence d'antécé-
dents morbides, héréditaires et personnels aptes à nous faire
concevoir les soupcons d'une lésion organique. Chez la pre-
mière malade, le diagnostic de tuberculose paraissait s'imposer
par ses antécédents, par son amaigrissement et par les phéno-
mènes bronchiques qu'elle présentait. Chez le deuxième, nous
trouvons des signes de bacillose à l'apex pulmonaire droit, des
conditions générales de santé très mauvaises. Chez le troisième
malade, nous : trouvons un développement qui n'est pas en
harmonie avec son âge, et comme antécédents personnels, de
nombreux traumatismes sur la tête. Chez le quatrième, des
signes de rachitisme dans la déformation vertébrale, des fils
maladifs avec engorgements glandulaires multiples et une
hérédité cancéreuse. 0 ' ZD
Dans aucun de ces cas, il n'était possible de diagnostiquer
la nature de la maladie en se basant sur la considération de
l'attaque en elle-même. Elle représentait bien comme expres-
sion symptomatique, le syndrome de l'épilepsie sensitive ou
motrice. Cela est si vrai, que tous nos malades ont été pris
pour des organiques, par des praticiens fort distingués...
Nous avons donc dû utiliser, pour le diagnostic, d'autres con-
sidérations que nous grouperons sous les quatre chefs suivants
Ces considérations ont trait : 1° au développement, à la filia-
tion des accidents et à leur évolution; '-)0 aux caractères
spécifiquement hystériques de quelques-uns d'entre eux;
3° à l'absence des phénomènes persistants des maladies orga-
niques ; -4° à l'état mental des malades.
'1° L'étude du développement et de la filiation des accidents
nous a permis de nous expliquer le mécanisme avec lequel
l'attaque a été constituée dans les deux premiers cas, et nous en
avons tiré parti pour le diagnostic.
Dans le troisième cas, la manifestation brusque d'une para-
lysie, après une attaque et sa guérison soudaine à la fin d'une
attaque successive, nous a fourni un argument très solide en
faveur de la nature hystérique de l'attaque.
Dans le quatrième cas, le caractère hystérique du bégaie--
44 PATHOLOGIE NERVEUSE.,
ment, du bredouillement et de la monoplégie crurale, nous
ont éclairé sur la nature de la céphalalgie et de la crise,
à la suite de laquelle ces phénomènes avaient paru.
Enfin l'étude de l'évolution des symptômes ne nous a pas
été moins utile. L'amélioration et la disparition de quelques-
- uns d'eux (observation première), leur caractère transitoire et
intermittent (observations deuxième et quatrième), nous ont
fourni des preuves valables à l'appui du diagnostic d'hystérie.
2° Le caractère spécifiquement hystérique de quelques-uns
des phénomènes présentés par nos malades, nous ont donné
les arguments les plus décisifs. Nous les grouperons en trois
classes :
a) Symptômes permanents. - Ils comprennent les stig-
mates hystériques présents dans tous les cas : la paraplégie
(premier cas), la paralysie crurale avec démarche de Todd,
bégaiement et bredouillement (quatrième cas).
b) Symptômes transitoires qui se sont manifestés pendant
l'attaque et dans les intervalles. Ils comprennent les pares-
thésies (premier cas), la parésie, le tremblement du bras, la
céphalalgie, les étourdissements et la diplopie (deuxième cas).
c) Symptômes transitoires qui se sont manifestés seulement
à l'occasion des attaques. Ils comprennent l'aura hystérique
(deuxième cas), ébauche du délire (deuxième cas), aura psychi-
que (troisième cas).
. Le premier groupe de ces phénomènes nous a permis d'affir-
mer la présence de la névrose dans tous les cas. Les deuxième
et troisième nous ont démontré la relation qui existe entre eux
et les attaques épileptiformes dans le cas de Cha...
3° L'absence de phénomènes persistants de maladies orga-
niques nous a fourni pour tous les cas un signe utile. Ceci
nous a servi comme un argument de renfort au' diagnostic,
jamais comme une base, parce que nous savons qu'ont été
observés des cas de maladies organiques du cerveau, lesquels,
pendant longtemps, sont restés latents et n'ont donné que des
manifestations très vagues et des phénomènes peu accentués.
4" L'état mental de nos quatre malades est bien celui qui
est caractéristique de l'hystérie; de toutes les 'particularités
qui le démontrent et que nous croyons inutile de rappeler ici,
la suivante nous parait digne d'être remarquée. C'est que dans
toutes les attaques se montre la reproduction des troubles
sensitifs,- moteurs ou émotifs, qui ont marqué le début déjà
L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 45
névrose; dans le premier cas, ce sont les paresthésies; dans le
deuxième, la céphalalgie, la diplopie, la parésie et le tremble-
ment du bras; dans le troisième, la frayeur avec sensation
d'angoisse; dans le -quatrième, la céphalalgie. Ceci montre que
les souvenirs de ces troubles occupent l'esprit de nos malades
avec une persistance et une intensité qui sont tout à fait carac-
téristiques de l'état mental hystérique. Faut-il voir, dans leur
réveil, leur invasion soudaine dans le champ d'une conscience
suggestionnable au plus haut degré, la cause occasionnelle de
Fig. 13. - Examen du 1" juillet 1892.
46 PATHOLOGIE NERVEUSE.
la crise ? L'on serait tenté de le croire, si l'on réfléchit que plu-
sieurs de ces troubles ont persisté longtemps comme phéno-
mènes isolés et transitoires avant que les crises éclatassent, et
qu'ils se montrent toujours à leur début. Mais nous ne voulons
pas ici aborder l'étude de la pathogénie de l'attaque hystéri-
que, question extrêmement complexe et difficile. Nous avons
seulement voulu mettre en relief certaines circonstances qui
démontrent dans nos malades l'existence d'un état mental,
croyons-nous, très caractéristique et qui confirme de tous points
notre diagnostic.
Maintenant, il est temps de tirer de nos observations une
conclusion d'ordre thérapeutique qui nous paraît très intéres-
sante.
C'est que dans tous les cas d'épilepsie partielle, avant de
procéder à la trépanation du crâne, dont l'application depuis
quelque temps est entrée pour ainsi dire dans la pratique cou-
rante, il faudra s'assurer que l'hystérie n'est pas la cause des
accidents morbides car nous avons vu par nos observations
qu'elle peut simuler d'une façon parfaite l'épilepsie partielle;
et l'on sait, d'autre part, quelles fâcheuses conséquences suc-
cèdent parfois aux traumatismes lorsqu'ils touchent des indi-
vidus sous le domaine de la névrose hystérique.
Observation V. Sur un cas d'apoplexie hystérique.
All..., âgé de soixante-trois ans, tanneur, entre le 4 novembre à
la Charité (service de M. le professeur Potain)1.
Antécédents DE famille. La famille de AU... est exempte de tare
nerveuse. Ses parents sont morts à un âge très avancé. Il a eu dix
frères et deux soeurs, dont quatre sont encore vivants et bien por-
tants ; les autres sont morts de maladies aiguës.
Antécédents personnels. AU... n'a jamais souffert de troubles
dignes de remarque jusqu'à la maladie actuelle. Il a fait les cam-
pagnes de Crimée et d'Italie, en jouissant toujours d'une bonne
santé : .dans la campagne de Crimée, il fut blessé légèrement au
pouce de la main droite; en 1870, il se battit aux environs de Paris.
Il n'a jamais fait d'excès alcooliques. Il n'a jamais contracté la sy-
philis. '
Dès sa jeunesse, il a exercé toujours le métier de tanneur, en
1 Je saisis avec empressement cette occasion pour remercier vivement
mon éminent maître, M. le professeur Potain, pour m'avoir permis de
recueillir cette observation dans son service.
L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 47
gagnant très bien sa vie et en n'ayant jamais à lutter contre la mi-
sère. . ·
Il y a cinq ans, il subit un désastre financier, après lequel il per-
dit tout ce qu'il possédait; à la suite de cela, une terrible mélancolie
s'empara de lui, et pendant trois ou quatre mois il resta dans un
état très proche de l'aliénation mentale, il avait perdu toute acti-
vité psychique et physique. Puis petit à petit, il recommença à tra-
vailler, et ces conditions mentales et physiques revinrent à l'état
normal. Sa santé se maintint bonne jusqu'au mois de mai passé. A
cette époque, il commença à souffrir de vertiges qui le prenaient
.tous les dix ouquinze jours, parfois au réveil, parfois dans le cours
du jour, soit à jeun, soit après avoir mangé, mais jamais dans la
position horizontale. Ils duraient peu de secondes, ils ne s'accom-
pagnaient pas d'obnubilation de la conscience, ni d'aucun trouble
du sens ou du mouvement; seulement AU... se sentait entraîné à
tomber vers le côté gauche.
En juin, il consulta un praticien très distingué qui lui conseilla
le régime lacté, les iodures; en même temps il lui fit connaître, la
gravité de sa maladie, en l'engageant à se soigner très sérieuse-
ment. Ail... fut très préoccupé de ces conseils, il fit le traitement
ioduré, mais il ne suivit le régime lacté. que très irrégulièrement.
Pourtant les vertiges continuèrent jusqu'au 14 octobre. Ce jour-là,
tandis qu'il était occupé à son travail il fut pris d'un vertige plus
fort que d'habitude et il tomba sur son côté gauche en perdant
complètement connaissance : AU... resta plongé dans le coma pen-
dant trois heures. Lorsqu'il revint à lui il se trouva complètement
paralysé à gauche et presque complètement à droite; à gauche, le
mouvement le plus léger lui était impossible; à droite, il pouvait à
peine mouvoir les doigts de la main. Sa langue était contractée et
immobile, les lèvres tirées vers la gauche; dans ces conditions, il
lui était impossible de parler et aussi de mâcher.
Après quinze jours le mouvement commença à revenir il droite
successivement dans la main, dans l'avant-bras et dans le bras,
puis dans le membre inférieur. Après six semaines, la motilité
s'était complètement rétablie dans tout le côté droit. -
Le 4 novembre, il entra dans la clinique de M. Potain où il fut
soumis au régime lacté, aux iodures et à l'électricité.
Peu à peu commencèrent à se rétablir les mouvements du côté
gauche ; au mois de mars il était en mesure de descendre du lit.
Voici sa situation au moment où je pratiquai l'examen objectif.
Examen OBJECTIF. (Pratiqué le 12 avril 1892.) AU... est de haute
taille, bien conformé; il a l'apparence d'une vigueur peu commune
pour son âge. Ses artères temporales sont très visibles, serpigineuses
et très dures au toucher. L'angle labial gauche est fortement tiré
en haut, la langue fortement déviée ers la gauche. Du reste, pas de
trouble du langage parlé ou écrit.
48 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Motilité. AU..., en se mettant en train de marcher incline for-
tement la colonne vertébrale, il porte le poids de son corps sur sa
moitié droite en s'appuyant sur un bâton, puis il imprime à la han-
che gauche un brusque- mouvement de rotation et porte devant soi
le membre inférieur gauche, en' fauchant d'une façon très évidente.
Du reste, All.... après avoir parcouru la salle dans sa longueur 2 ou
3 fois, est très fatigué et obligé de s'asseoir.
- Le système musculaire est très bien développé. Pas d'atrophie,
pas de secousse fibrillaires. Les masses musculaires sont également
développées des deux côtés, seulement à gauche, elles.sont plus
dures au toucher; en palpant le biceps du bras gauche pour cons-
tater son état de nutrition, il se produit une flexion brusque de
'l'avant-bras; celui-ci se contracte brusquement et vient s'appliquer
par la face antérieure contre le bras; pendant les mouvements passifs
on trouve dans les deux membres de gauche un certain degré de
résistance et de rigidité. Tous les mouvements actifs intéressant les
différents groupes musculaires sont bien conservés, mais extrême-
ment faibles et incomplets. AU... ne réussit pas avec sa main à se
toucher l'épaule, il ne peut pas sans l'aide du bras tirer la jambe
hors du lit. De plus tous les mouvements sont très lents, se font par
saccades, comme si AU... dût vaincre une très grande résistance.
Lorsque le mouvement est achevé, les muscles se contractent for-
tement ; ils restent ainsi contractés pendant quelques secondes, pen-
dant lesquelles on les sent très durs au toucher, et AU... ne peut
exécuter le mouvement antagoniste qu'après quelques secondes;
ce mouvement s'accomplit lentement et lui aussi par saccades.
Ce phénomène est très évident, surtout pour les fléchisseurs des
doigts. En invitant AU... à serrer ma main dans sa main gauche,
il y réussit avec beaucoup de fatigue, mais à peine le mouvement
de flexion est-il achevé, son énergie augmente brusquement, je
sens ma main serrée entre la sienne avec beaucoup de force et
il doit s'écouler quelques secondes avant que AU... puisse vaincre
cette contracture de ses fléchisseurs en étendant les doigts.
Réflexes. Le patellaire existe des deux côtés et il a une in-
tensité normale. Le clonus du pied est absent. Le réflexe du poi-
gnet est très faible; l'olécranien est absent des deux côtés ; l'abdo-
minal et le plantaire sont absents à gauche.
Sensibilité. Il existe à gauche une anesthésie-sensitivo-senso-
rielle complète et profonde. Le goût, l'odorat, l'ouïe sont complè-
tement abolis.
Appareil de la vision. - (EU gauche. - Fonctionnement de la
musculature interne et externe de l'oeil, parfait. Pas de diplopie,
pas de nystagmus. La perception des couleurs est éteinte. Ail... voit
tout gris; son champ visuel est réduit presque à un point.
0 ? il droit. Pas d'altérations.
L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 49
Examen viscéral. Le coeur est légèrement hypertrophique ; sa
pointe bat au-dessous de la sixième côte, un peu en dehors du
mamelon. Il y a une légère dilatation aortique, qui est démon-
trable avec la percussion; à l'auscultation, on trouve le deuxième
ton aortique un peu accentué : pas de bruits anormaux. L'exa-
men des autres viscères donne des résultats complètement né-
gatifs. ,
AU... abandonne l'hôpital au mois de juin 1892 considérablement
amélioré.
Diagnostic. -Dans ce cas, le diagnostic d'hystérie, qui a
été confirmé après par l'issue de la maladie, s'appuyait sur
l'hémianesthésie étendue et profonde du côté gauche, sur la
présence du spasme glosso-labié, sur la faiblesse et absence des
réflexes tendineux, malgré l'état spasmodique des muscles para-
lysés ; sur la présence de la diathèse de contracture qui se
décelait par la flexion brusque de l'avant-bras lors de la p'alpa-
tion du biceps et par la flexion brusque des fléchisseurs des
doigts, qui se produisait quand AU... voulait serrer quelque
chose dans sa main gauche. Ce cas est extrêmement intéres-
sant, parce que l'âge du sujet et la présence d'altérations de
l'appareil circulatoire nous pouvaient très facilement conduire
à un diagnostic erroné. Cette erreur pouvait être raffermie par
l'absence des réflexes abdominal et plantaire qui, selon Rosen-
bach, s'observe dans la paralysie organique et par la démarche
hélicopoïde. Celle-ci, du reste, peut être observée, même dans
l'hystérie, si les membres sont contracturés (Charcot).
La nature hystérique de l'hémiplégie nous renseigne sur la
nature des troubles cérébraux qui leur donnèrent origine. Il
est évident que l'on a affaire ici avec le syndrome décrit par
Debove et Achard, sous le nom d'apoplexie hystérique '.
Notre cas démontre comment cette dénomination est appro-
priée. En effet, nous rappellerons que AU..., après un court
vertige, tomba lourdement à terre, comme frappé par apo-
plexie foudroyante; il resta plongé dans le coma pendant trois
heures et à son réveil, il se retrouva complètement paralysé du
côté gauche. Comme on le voit, la ressemblance avec l'apo-
plexie cérébrale était frappante, d'autant plus que ce tableau
se présentait chez un homme d'âge avancé, et avec des mar-
ques visibles d'atéromasie artérielle, circonstances qui prédis-
t
' Debove. Apoplexie hystérique. (Bull, de li Soc. des flJp.,
13 août 18S6.) Achard. Même sujet, thèse de Paris, 1SS7.
Archives, L. XXV. 4
50 PATHOLOGIE NERVEUSE.
posent à l'hémorragie cérébrale. La preuve que ce que nous
venons de dire n'est pas une exagération, c'est que le médecin
appelé à soigner Ail... lui appliquait 24 sangsues à la nuque.
Nous ne voulons pas faire ici l'histoire de l'apoplexie hysté-
rique ; nous nous bornerons à faire quelques remarques sur
son interprétation et sur son diagnostic. Pour ce qui est de
l'interprétation, nous croyons que celle qui a été donnée par
M. Charcot est très juste et conforme à la physionomie clinique
de la grande névrose. Il équipare l'apoplexie hystérique à
l'attaque de sommeil hystérique; elle doit donc être considérée
comme une attaque hystéro-épileptique modifiée ou trans-
formée. Pendant le coma apoplectiforme, nous nous baserons
pour le diagnostic surles mêmesarguments que le Maître nous a
indiqués pour distinguer l'attaque de sommeil, à savoir sur
l'existence de phénomènes plus ou moins ébauchés de la crise
hystéro-épileptique (mouvements convulsifs, délire, attitude
passionnelle), et surtout sur l'existence des zones hystérogènes.
Cependant il faut se rappeler que tous ces phénomènes se
retrouvent dans l'attaque de sommeil à peine ébauchés et
d'une façon transitoire; nous devrons pour cela nous attendre
à à ne pas les retrouver constamment dans l'apoplexie hystérique
-par le fait même de sa courte durée.
Pour ce qui est de l'analyse des urines laquelle, selon Gilles
de la Tourette, nous donnerait un puissant appui pour le dia-
gnostic en nous démontrant dans le cas d'hystérie une inver-
sion de la formule du phosphate, nous avons exposé précé-
demment les raisons pour lesquelles ce moyen de diagnostic
ne nous paraît pas utilisable dans la pratique courante.
La présence d'une déviation faciale ne parle pas contre le
diagnostic d'hystérie. Elle peut dépendre, ou d'une parésie, ou
d'un spasme musculaire; la chose pourrait être vérifiée avec
précision seulement au réveil du malade. La constatation du
spasme glosso-labié a une signification clinique presque spéci-
fique en faveur de l'hystérie, puisqu'il est très rare et tardif
dans les lésions organiques. L'on doit à M. Charcot le mérite
d'avoir fait connaître ce précieux moyen de diagnostic*.
La paralysie faciale, pourvu qu'elle soit bornée au facial
' V. Charcot. Hémispasme glosso-labié unilatéral chez les hystériques.
(Semaine médicale, 1887.) Brissaud et Marie. De la déviation faciale
dans l'hémiplégie hystérique. (Progrès méd.,1887.) - Belin. llèmispasme
gosso-labié des hystériques, thèse de Paris, 1888.
L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. SI
inférieur, ne dépose non plus contre le diagnostic d'hystérie.
En effet, elle a été signalée dans cette névrose pour la pre-
mière fois par Ballet; désormais, la littérature médicale est
très riche de cas de cette espèce \
Pour ce qui est des troubles du langage, peuvent se vérifier
dans l'hystérie toutes les formes d'aphasie avec les mêmes
caractères comme dans les lésions organiques. Nous ne pou-
vons entrer dans des détails sur cet'argument. Nous rappelle-
rons seulement que le seul mutisme, lorsqu'il correspond à la
description classique qui en a été donnée par Charcot, est
spécifique de la névrose hystérique. Pour les autres formes,
nous ne pourrions nous guider, pour un diagnostic sûr, que
sur l'évolution et sur les phénomènes concomitants.
Si l'attaque comateuse est suivie une hémiplégie, les carac-
tères de celle-ci pourront nous éclaircir sur la nature des phé-
nomènes qui l'ont précédée. En d'autres termes, nous serons
réduits alors à faire le diagnostic différentiel entre l'hémiplé-
gie hystérique et celle de cause organique.
Or, nous avons démontré que l'hémiplégie, dans ce cas,
était de nature hystérique; donc il faut conclure que même i
les accidents comateux qui lui donnèrent origine furent de 1
nature hystérique. Donc le diagnostic d'apoplexie hystérique 1
mis en tête de ce travail est pleinement justifié. -
Observation VL- Sur un cas d'hémiplégie hystérique présentant des
caractères qui ne lui appartiennent pas généralement.
Bo..., âgé de quarante-trois ans, de Rouen, scieur de pierres,
entre le 29-juin 1892, à la Salpêtrière (service de M. le professeur
Charcot).
Antécédents DE famille. Son père mourut à l'âge de cin-
quante-huit ans à la suite d'un grave traumatisme. Sa mère mou-
rut à cinquante-six ans d'une maladie-aiguë. Il a quatre frères [qui
jouissent tous d'une bonne santé. Personne de sa famille ne souffre
de maladies nerveuses.
Antécédents personnels Bo... n'a jamais eu de maladies dignes
de remarque dans sa première jeunesse. Dès l'âge de six ans, il com-
mença le métier de fumiste et il le continua jusqu'à i'age de dix-
neuf ans. A cette époque, en se trouvant à travailler au-dessous
1 Ballet. Paralysie faciale hystérique. (Soc. méd. des Ildp., 21 nov.
1890.) Ballet. Paralysie faciale hysléri Jue, thèse de Paris, 1891 ?
risquez. Paralysie faciale hystérique. (Bull. méd., 1891.)
D2 PATHOLOGIE NERVEUSE..
d'une voûte en construction, la voûte s'écroula, Bo... n'eut pas le
temps de s'enfuir et se trouva couvert par les matériaux. Il en
reçut une fracture très étendue de l'os pariétal droit, de laquelle il
porte encore les traces. Il perdit les sens complètement ; lorsqu'il
revint à lui à son domicile où on J'avait transporté, il ressentit une
douleur très forte dans toute la mâchoire droite et dans l'oreille de
laquelle sortait du sang en abondance. Il dit que sa bouche était
étirée fortement vers la gauche, l'orbiculaire droite fortement con-
tractée, les mâchoires serrées de façon que pendant cinq jours, il
ne put prendre des aliments par la bouche. Il entra à l'hôpital de
Blois;,dans la plaie s'établit une suppuration très longue et persis-
tante ; à plusieurs reprises des écailles osseuses furent extraites de
sa blessure. La fermeture de l'oeil droit dura deux mois; pendant
ces temps il dut s'alimenter avec des substances liquides puisque la
mastication lui provoquait beaucoup de douleur. Après un an et
demi passé à l'hôpital de Blois, la blessure cicatrisa complètement;
Bo... rentra dans sa famille et après quatre mois de convalescence,
il reprit son métier. Sa santé était alors parfaite; il n'était resté du
grave trauma aucun trouble fonctionnel, sinon que de temps à ,
autre il avait des éblouissements de la vue accompagnés de vertiges
très légers et de courte durée. C'est à cause de ces troubles qu'il
jugea prudent d'abandonner son métier qui l'obligeait à travailler
en haut pour entreprendre celui de scieur de pierres. Il entra donc
dans une scierie, où il est resté dix-sept ans avec le même patron.
A vingt-trois ans, Bo... se maria, il n'eut pas d'enfants. Sa femme
est morte il y a deux ans à la suite d'une opération qu'on lui a pra-
tiquée dans l'abdomen.
Il y a quatre ans, il fut victime d'un très grave traumatisme qui
lui arriva dans les conditions suivantes. Tandis que deux de ses
compagnons étaient en train de mouvoir une très lourde dalle pour
la charger sur un chariot, par maladresse la dalle s'échappa de
leurs mains. B... qui se trouvait en face d'elle se recula violemment
pour en éviter le choc, et il frappa son épine dorsale à l'angle d'une
muraille qui se trouvait derrière lui; en même temps la dalle. lui
tombait sur le ventre, en le frappant même légèrement à l'avant-
bras gauche. B... resta ainsi pris au milieu et comme cloué entre
l'angle de la muraille et la dalle qui lui appuyait sur le ventre, en
essayant en vain de se dégager. Immédiatement après le choc, il
ressentit une sensation d'engourdissement dans la région lombaire.
Lorsque la dalle qui le maintenait prisonnier fut enlevée, il essaya
de marcher, mais la douleur de la région lombaire devint tellement
intense que B... perdit connaissance. Transporté à son domicile,
les douleurs de la région lombaire continuèrent très vives ; il fut
soigné avec des ventouses scarifiées appliquées à la région lombaire
et,; lutées. Les douleurs ne se diffondirent jamais le long des mem-
Ures : sur la paroi abdominale apparurent les signes d'une contu-
L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 53
' si.on très diffuse, on lui appliqua de la glace. Il survint une consti-
pation opiniâtre, avec des déjections très rares entremêlés avec du
sang, de l'anorexie et une prostation générale très grave. Ces phé-
nomènes s'amendèrent graduellement au bout de quelques jours ;
B... de temps à autre sortait de son lit et essayait de marcher,
mais c'était à peine s'il pouvait faire quelques pas en s'aidant avec
des bâtons, puisque la démarche lui était très pénible et exacerbait
ses douleurs lombaires ; en outre de cela, ses jambes, particulière-
ment la jambe gauche, étaient très faibles. Il s'aperçut encore que
son bras gauche, et particulièrement la main, n'avaient plus la force
d'autrefois, les mouvements des flexions des doigts avaient très
peu d'énergie et les objets lui échappaient de la main avec une
grande facilité. Dès cette époque commence le douloureux pèle-
rinage de B... dans les hôpitaux de Paris, entrecoupé de temps à
autre de quelques essais infructueux de travail. La douleur lom-
baire se calma peu à peu; seulement, elle revenait de temps à autre
par des accès mais sans être très intense ; au contraire, la faiblesse
du bras et de la jambe alla continuellement en augmentant, de
telle façon qu'il ne put s'adonner à aucun genre de travail. Con-
gédié par son ancien patron et ayant vainement cherché une oc-
cupation conforme à son état physique, la crainte de la misère
s'empara de lui. Il y a six mois, l'hémiplégie gauche était complète;
en outre, à cette époque il s'aperçut être complètement anesthési-
que du côté gauche.
Examen objectif. B... est un homme de haute taille, avec la
peau bronzée par le soleil, il est très bien musclé ; dans l'ensemble
il donne l'impression d'un homme très vigoureux. A la partie supé-
rieure de son crâne, sur la droite, on note une exostose très éten-
due, sur laquelle pour une surface grosse comme un poing les
cheveux sont complètement absents. Cette exostose commence à
l"os pariétal, environ à 5 centimètres au-dessus de l'oreille et
empièle au-devant sur l'os frontal en s'étalant de façon à prendre
une forme triangulaire avec l'apex dirigé en arrière. Son plus grand
diamètre longitudinal est de 12 centimètres, le diamètre transver-
sal de 7 centimètres. La pression et la percussion au-dessus d'elle
ne provoque pas de douleur.
La partie droite du crâne est un' peu plus basse que la gauche;
cette légère asymétrie se manifeste encore dans la face, dans
laquelle on note les sourcils de gauche plus élevés que ceux de
droite. '
Attitude et démarche. Dans la station debout, B... se présente
avec son épaule gauche un peu plus élevée, le bras pendant le
long du tronc, l'avant-bras en très légère flexion et supination, la
main tombant, le doigt dans une semi-flexiou à peine accentuée.
La partie supérieure de la colonne vertébrale présente une légère
courbure à convexité droite. Bo... ne peut pas se tenir debout
54 PATHOLOGIE NERVEUSE.
avec les talons rapprochés que pour peu de secondes et avec beau-
coup de peine; si on lui fait fermer les yeux, sa difficulté à se
tenir en équilibre augmente au point qu'il ne peut conserver cette
position pas même pour une seconde.
En marchant, B... incline légèrement le tronc vers sa droite;
parfois il fauche avec sa jambe gauche à la façon des organiques,
parfois il jette en dehors brusquement son membre en le laissant
retomber presque aussitôt sur le sol avec les pieds à plat en rappe-
lant avec cette façon de marcher un peu celle des steppeurs.
Force musculaire. Elle est presque complètement abolie dans
les deux membres de gauche. Le bras aussi bien que la jambe,
aussitôt qu'ils sont soulevés, retombent lourdement comme une
chose morte. La résistance que le malade peut opposer au mouve-
ment passif qu'on imprime aux différents groupes musculaires de
ses membres est presque nulle. Pour ce qui est des mouvements
actifs, Bo... réussit avec beaucoup de peine à porter son bras au
niveau de l'horizontale, et il ne peut le mettre dans cette position,
pas même une seconde. L'avant-bras ne peut être fléchi au delà de
l'angle droit; le mouvement d'extension et de flexion du poignet
est à peine appréciable; ceux des doigts sont nuls.
Quant à son membre inférieur, il ne peut fléchir sa cuisse sur le
bassin sans soutenir sa jambe avec la main droite et encore le
mouvement est très peu accentué. La flexion de la jambe sur la
cuisse est possible en Ja soutenant un peu. Les mouvements qui
intéressent l'articulation du pied sont insignifiants.
Les mouvements de flexion du tronc sont très limités. En res-
tant debout, Bo... ne peut pas se baisser pour recueillir un objet
quelconque, ni il ne peut se remettre debout sans s'aider avec son
bras sain.
Sensibilité. La sensibilité thermique est abolie complètement
sur tout le côté gauche. L'application du thermo-esthésiomètre,
chauffé à 75 degrés, ne provoquait dans aucune partie ni douleur,
ni chaleur. Sur la poitrine, la thermo-anesthésie surpasse un peu
la ligne médiane.
La sensibilité dolorifique est encore complètement abolie. Cepen-
dant tandis que la moitié gauche de la face, dans le bras gauche
et dans la partie supérieure du tronc jusqu'aux rebords costaux,
les piqûres d'épingle ne provoquent aucune sensation, au-dessous
de ces limites elles sont appréciées comme une sensation tac-
tile. La sensibilité tactile est également abolie à gauche. L'anes-
thésie est profonde. L'on peut imprimer aux articulations des
mouvements de torsion dans tous les sens sans provoquer de dou-
leurs.
Le sens musculaire est complètement absent dans les deux
membres gauches. En faisant fermer les yeux à B..., il réussit avec
beaucoup de difficultés et de tâtonnements à trouver les diffé-
L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 55
rentes parties de ses membres gauches situés dans les différentes
positions.
Réflexes. Conjonclival, très faible des deux côtés; le réflexe de
la cornée est conservé. Le réflexe massétérin est absent des deux
côtés. Le réflexe pharyngien fait absolument défaut. L'on peut
introduire le doigt très profondément, chatouiller l'épiglotte et la
muqueuse pharyngienne sans provoquer la moindre réaction mus-
culaire.- Les réflexes olécranien et patellaire sont un peu exa-
gérés et plus du côté gauche. Cependant la différence entre les
deux côtés est à peine appréciable. Le réflexe du poignet est éga-
lement un peu plus fort du côté paralysé. Le réflexe crémasté-
rique est très vivace des deux côtés.- Les reflexes plantaire et
abdominal à gauche manquent complètement.
Sens spécifiques. L'odorat et le goût à gauche sont absents;
l'ouïe très faible.
Appareil de la vision.-Les globes oculaires sont mobiles norma-
lement dans toutes les directions. Les pupilles réagissent bien à la
lumière et à l'accommodation. Pas d'achromatopsie. Pas de rétré-
cissement du champ visuel, pas de diplopie monoculaire. Il existe
une légère mégalopsie des deux côtés.
Examen viscéral. - Il est complètement négatif. Après un exa-
men minutieux de l'appareil circulatoire, on ne trouve aucune
anomalie, ni dans le coeur, ni dans les vaisseaux.
MARCHE DE la maladie. A partir du moment de son entré*
dans la clinique, les conditions de santé de B... se sont progressi
vement améliorées. Le 6 juillet, l'anesthésie s'était déjà modifiée.
L'analgésie occupait seulement le membre supérieur gauche, la
moitié gauche de la face et du tronc, limitée en bas par une ligne
correspondant au rebord costal. Entre cela et l'arcade crurale, la
sensibilité était de beaucoup obnubile, mais pas abolie. Postérieu-
rement de la moitié du pli poplité jusqu'au talon l'on trouve une raie
de la largeur de 2 à 3 centimètres, dans laquelle la sensibilité est
presque normale.
La sensibilité thermique présentait à peu près la même distribu-
tion. Son abolition était absolue seulement dans une zone comprise
inférieurement entre le rebord costal et supérieurement entre une
iigneaconvexitésupérieure, partantpostérieurementde la deuxième
ou troisième vertèbre dorsale, remontant en haut vers la moitié de
la fosse sus-épineuse pour descendre après antérieurement jusqu'à
la moitié du sternum. En dehors de cette zone, la sensibilité ther-
mique est seulement affaiblie.
Le 8 juillet, la sensibilité tactile est revenue dans tout le mem-
bre inférieur, dans la moitié inférieure du tronc au-dessous d'une
ligne correspondant à peu près au rebord costal. Dans la région sus-
claviculaire, dans une zone de forme triangulaire ayant pour base
56 PATHOLOGIE NERVEUSE.
la clavicule, les impressions tactiles et dolorifiques sont perçues
normalement.
L'amélioration delà sensibilité a été continue et progressive. Au
commencement d'août, la sensibilité était revenue dans tous les
membres inférieurs et dans la moitié inférieure du tronc jusqu'à
quelques doigts transversalement au-dessus du rebord costal, dans
la face, dans des zones de-la surface d'une pièce de cinq francs
situées l'une dans la région frontale, au-dessus des sourcils, l'autre
sur la joue. A l'examen objectif pratiqué le 16 août, l'on trouve que
dans toutes ces régions, les impressions dolorifiques sont très
bien perçues. Le contact d'un morceau de papier, promené très
légèrement sur la surface cutanée, est perçu immédiatement et
B... indique avec rapidité et précision le point où il a été tou-
ché.
Il en est de même pour les impressions thermiques. B... dis-
tingue très bien la différence de température qu'il y a entre la
partie métallique du marteau à percussion et sa partie en bois.
Le sens musculaire, tant dans le membre inférieur que dans
le supérieur est complètement revenu. Les différentes positions
imprimées aux membres sont jugées par B... avec une très grande
précision et rapidité.
Motilité. La force musculaire s'est améliorée dans les deux
membres. L'on peut dire que dans le membre inférieur, elle est
presque normale. Tous les mouvements qui intéressent les diffé-
rentes articulations du membre s'accomplissent avec une énergie
qui diffère très peu de celle déployée parle membre sain.
L'amélioration n'est pas très remarquable dans le membre supé-
rieur gauche; cependant elle existe pour tous ses groupes muscu-
laires. B... peut placer la main sur la tête¡; il peut fléchir complè-
tement l'avant-bras sur le bras, étendre et fléchir complètement le
poignet, avec les deux des doigts il réussit à se toucher la paume
de la main. Dans toutes ces positions, B... peut opposer une cer-
taine résistance aux mouvements qu'on lui imprime dans une
direction opposée.
Réflexes. Les réflexes abdominal et plantaires se rétablirent
après l'apparition de lasensibilité tactile. Les réflexes pharyngiens
conjonctivaux sont encore absents. Jamais on n'a observé le clonus
- du pied. Les réflexes tendineux ont toujours été plus forts du côté
gauche; cependant la différence a toujours été peu remarquable,
quelquefois à peine sensible.
Le 9 août, se produisit un épisode dans la maladie de B..., sur
lequel nous reviendrons dans la discussion du diagnostic en nous
contentant pour le moment de l'indiquer sommairement. A lâsuite
d'un effort musculaire, vingt-quatre heures après, B... eut de vio-
lentes douleurs à la partie inférieure de la région lombaire; ces
L HYSTERIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 0 1
douleurs étaient continues, mais s'exacerbaient de temps à autre
en forme de crises; après une de ces crises, une paralysie du
membre droit. jusqu'alors sain se produisit; celte paralysie était
complètement flasque et se révélait seulement pendant la démarche
qui avait le type de la démarche décrite par Tood; au contraire le
membre, en examinant ses différents groupes musculaires, dans la
partion assise décelait une force complètement normale. Contem-
porairement, le membre inférieur gauche acheva brusquement sa
guérison; de ce côté il n'était plus possible de découvrir aucune
anomalie pendant que B... marchait.
Diagnostic Un rapide coup d'oeil jeté à Bo..., lorsque
pour la première fois, il se présenta à la visite, nous donna
l'impression que son hémiplégie était de nature organique. La
large exostose qui apparaissait sur son crâne, l'hémiplégie du
côté opposé prédominant dans le membre supérieur avec
exagération des réflexes, l'attitude du bras, la déviation de la
colonne vertébrale, la démarche hélicopoïde étaient des phé-
nomènes à justifier un tel diagnostic. Cependant un examen
plus soigné de l'anamnèse et des symptômes nous fit bientôt
convaincre qu'une bonne partie au moins de ces phénomènes
était due à l'hystérie. Le cours de la maladie a démontré com-
bien notre conviction était légitime ; nous croyons pourtant
très utile de discuter sur quels signes elle était basée.
En première ligne, il manquait une étiologie satisfaisante
pour nous expliquer l'origine organique de l'hémiplégie.
Celle-ci s'était développée chez un individu très vigoureux,
exempt de syphilis, avec des artères saines, absent de tout
symptôme de tumeur cérébrale; de plus, le développement de
l'hémiplégie avait été très lent; elle avait employé quatre ans
à se compléter. D'un autre côté, une relation entre l'hémiplé-
gie et le traumatisme dont Bo... avait été victime vingt ans
auparavant ne nous paraissait pas admissible pour les raisons
suivantes. Le traumatisme pouvait avoir agi de deux façons :
1° ou par une dépression des os du crâne ; 2° ou par une irrita-
tion lente provoquée par quelques écailles osseuses sur la
méninge subjacente. Dans le premier cas, l'hémiplégie aurait
été l'effet de la compression exercée par les os sur les zones
excito-motrices et elle aurait dû être immédiate. Cette hypo-
thèse n'est pas admissible ; elle est en désaccord avec l'anam-
nèse. Aucun fait paralytique n'a suivi immédiatement le trau-
matisme. La bouche, nous affirme Bo..., était tirée vers la
gauche; il y avait donc probablement une- paralysie du.facial
58 PATHOLOGIE NERVEUSE. -
droit, évidemment d'origine périphérique, à cause de sa situa-
tion du même côté de la lésion cranienne. Du reste, Bo...
jouit du parfait fonctionnement de ses membres jusqu'à ce
que le deuxième accident survînt. Mais l'on pourrait supposer
que Bo... voulut cacher la vérité, en ayant intérêt à démon-
- trier que tous ces malheurs actuels lui étaient survenus pen-
dant l'exercice de son métier. Eh bien, nous avons des argu-
ments péremptoires, qui nous démontrent qu'il dit la vérité, à
savoir : 1° l'absence absolue de toute atrophie dans les mem-
bres paralysés; 2° l'état dans lequel se trouve la peau de sa
main gauche; elle est calleuse presque autant que l'autre, ce
qui nous démontre que Bo... s'en est servi jusqu'à une
époque relativement récente.
Dans la deuxième hypothèse, il faudrait admettre que la
pachyméningite est restée latente pendant vingt ans, qu'à
l'époque du deuxième accident elle a suivi une poussée nou-
velle. Celle-ci aurait été provoquée par une hémorrhagie intra-
arachnoïdienne, occasionnée par les efforts faits par Bo... pour
se délivrer de la dalle qui lui été tombée sur le ventre; le sang
extravasé aurait irrité les méninges, en provoquant des exsu-
dations, des néoformations pseudo-membraneuses ; et de
cette façon, une compression des centres moteurs. Mais bien
que la pachyméningite puisse demeurer longtemps silen-
cieuse, un silence de vingt ans, comme dans notre cas, nous
paraît à vrai dire un peu trop prolongé. Puis, l'hémiplégie
n'a pas eu l'évolution que l'on observe dans les paralysies symp-
tomatiques de la pachyméningite ; tous les autres symptômes
de celle-ci sont absents 1. 0
Comme conclusion, nous n'avions pas de raison pour nous
expliquer l'origine organique de l'hémiplégie ; tandis que
dans le deuxième traumatisme souffert par Bo..., nous en
avions une très bonne pour nous en expliquer l'origine psy-
chique. Mais il y avait en faveur de l'hypothèse d'hystérie
d'autres arguments basés sur l'examen objectif :
1° L'hémianesthésie totale du côté gauche, avec perte abso-
lue du sens musculaire, lequel dans l'hémianesthésie d'origine
capsulaire est ordinairement conservé ; 0
2° L'anesthésie bilatérale des conjonctives et la perte bilaté-
rale du goût et de l'odorat;
1 V. Charcot. OEUVI'es complètes, t. IX, p. 134.
L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 59
3° L'absence de paralysie du facial ' ;
4° Le caractère contradictoire de l'hémiplégie. En effet,
tandis que les réflexes olécranien et patellaire étaient exagérés,
le membre soulevé- retombait lourdement comme une masse
inerte. Nous avions donc une paralysie qui tenait contempo-
rainement de la paralysie flasque et de la spasmodique; or, ce
fait se concilie très mal avec l'hypothèse d'une lésion orga-
nique datant de quatre ans.
L'attitude du bras était bien telle qu'on l'observe dans les
hémiplégies organiques, mais ici il faut noter que l'épaule du
côté paralysé était plus haute que l'autre, tandis que dans
l'hémiplégie organique l'on observe le contraire. L'élévation
de l'épaule, la légère adduction du bras, la flexion et la supi-
nation de l'avant-bras pourraient être expliquées, comme une
attitude prise par B... au moment du deuxième accident et
conservée après inconsciemment. En effet, cette position repré-
sente une ébauche de mouvement de défense, que Bo... doit
avoir fait avec beaucoup de vraisemblance lorsque la pierre
était en train de lui tomber sur le ventre - ;
5° La déformation de la colonne vertébrale peut bien être
imputée à l'hystérie. En effet, elle est très limitée, elle occupe
la sommité de la colonne dorsale. Elle peut être expliquée elle
aussi avec des attitudes inconscientes prises par notre malade
à la suite de rachialgies dont il souffre depuis quatre ans. La
présence de ces déviations dans les rachialgies hystériques a
été observée plusieurs fois 3 ; '
6° Pour ce qui est de l'exagération des réflexes, bien que rare-
' Il ne faut pas considérer ceci comme un argument absolu. Non
seulement la paralysie faciale peut être absente dans les lésions capsu-
laires, mais la paralysie peut respecter le membre inférieur correspon-
dant en se bornant au seul membre supérieur.
V. Jouffroy. Monoplégie brachiale par lésion de la capsule interne.
(Progr. méd., 5 déc. 1885.)
2 Un exemple classique des altitudes inconscientes prises par les
malades nous est offert par la sciatique. Il est connu que dans cette
maladie l'on observe des déviations de la colonne vertébrale dues des
attitudes prises par des malades pour éviter la douleur. Ce qui est
curieux, c'est que ces attitudes persistent parfois même longtemps après
que la douleur a disparu.
* V. H. Duret. Déformation de la région lombaire de nature nél ! 1'o-
MUM ! st')'f (<p/ ! <Mco/ : <Me Ay<e') ? Me). JVouM//e tconorap/tt'e de a a<-
musculaire (yphoscoliose hystérique). Nouvelle iconographie de la Sal-
pctriére, 1888, p. 191. - Riclier. Note sur l'anatomie morphologique de
la région lombaire. (Nouvelle iconographie de la Salpêtrière, 1888.) -
Tolken. Beabachtungen über hysterischen contracluren.
60 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ment elle peut être observée dans l'hystérie dans les membres
paralysés ' ;
7° La démarche hélicopoide peut s'observer dans l'hémi-
plégie hystérique lorsque les membres sont contractures ou
dans l'état d'opportunité de contracture (Charcot). Du reste,
- dans notre cas, Bo... alternait cette manière de marcher avec
une autre tellement bizarre, que l'interprétation en était très
difficile, en admettant une lésion organique.
Comme conclusion, l'absence d'une étiologie satisfaisante,
'hémianesthésiesensitive complète, l'anesthésie des deux con-
jonctives, la perte bilatérale de l'odorat et du goût, la bizar-
rerie de la démarche, celle non moins curieuse de l'hémiplégie,
participant à la fois du caractère de la paralysie flasque et
spasmodique, le développement enfin de l'hémiplégie à la suite
d'un traumatisme dont l'action directe sur les membres ne
pouvait donner raison de leur paralysie, constituaient un
ensemble d'arguments très solides pour nous donner la per-
suasion, que seulement l'hystérie était la cause de tous ces
phénomènes. '
La marche de la maladie a de tous points confirmé notre idée
à présent, nous avons les arguments suivants pour affirmer le
diagnostic :
1° L'hémianesthésie est toujours allée plus se bornant vers le
moignon de l'épaule, assumant la forme caractéristique en man-
chon. Le sens musculaire est réapparu dans les deux membres .
2° Le membre inférieur gauche a réacquis la force muscu-
- laire et la mobilité normale; en outre il se comporte d'une
manière tout à fait physiologique pendant la démarche. L'amé-
lioration a commencé aussitôt après l'entrée de B... à l'hôpital.
- La guérison s'est ensuite achevée brusquement, après une
attaque de rachialgie. Pour ce qui est du membre supérieur,
' son amélioration est plus lente, mais non moins réelle et pro-
gressive. Sa paralysie s'accompagne avec une anesthésie qui i
a le caractère classique de l'anesthésie hystérique. Son début t
et son amélioration se sont montrés contemporainement avec
le début et l'amélioration de la paralysie dans le membre infé-
rieur ; donc il n'y a pas de raison pour considérer la monoplé-
. gie brachiale comme de nature différente.
. 3° Les crises de rachialgie et la paralysie de la jambe droite,
survenue brusquement à la suite d'une de ces crises, sont des
1 V. Charcot. Leçons sur le spasme glosso-labié. (Sem. médic, 1887.)
L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES ORGANIQUES DU CERVEAU. 61
phénomènes très nettement hystériques; de plus, la façon
dont ils se sont établis nous révèle l'état mental de B..., et
comme cet état mental est très intéressant à connaître pour
nous expliquer l'étiologie de la maladie, nous croyons devoir
insister sur ce point.
Le 9 août, B... soulève de terre un malade et il le couche
sur le lit; cet effort musculaire ne donne lieu pour le moment
à aucun phénomène douloureux. Mais B..., qui se croit faible
et malade à l'épine dorsale, y réfléchit tout le jour, songeant aux
conséquences possibles. La nuit, il rêve de son ancien métier
de scieur, la mémoire du traumatisme souffert se mêle confu-
sément au rêve. Le matin suivant, il se lève en bonne santé,
toujours préoccupé par l'imprudence qu'il croyait avoir com-
mise le jour avant; finalement, l'idée suggestive qui domine l'é-
tat psychique de B... se traduit tout àcoup avec un violentaccès
de rachialgie. Celle-ci a tout le caractère d'une rachialgie hys-
térique. En effet, elle siège le long des apophyses épineuses
des dernières vertèbres lombaires, qui sont douloureuses à la
pression, tandis que celle-ci ne provoque pas de douleur sur la
masse musculaire sacro-lombaire, ni à côté de la colonne ver-
tébrale, en correspondance de l'émergence des nerfs. Le mou-
vement de la colonne vertébrale, la station debout n'augmen-
tent pas la douleur qui, au contraire, s'accroît dans la position
horizontale. Avec ces caractères, la douleur ne saurait être
attribuée ni aux lésions des nerfs ni des muscles, ni des os et
encore moins de la moelle. Il s'agit donc d'une douleur d'ori-
gine psychique, laquelle s'exacerbe à forme de crises. B... est
très agité, il gémit continuellement. La douleur devient pour
lui occasion de renfort de l'idée suggestive; elle lui rappelle
celle qu'il avait souffert quatre ans auparavant, dans les pre-
miers mois, après le traumatisme; « c'est précisément comme
alors», il se reproche l'effort fait, « il ne sait ce que cela lui
a produit dans l'épine, certainement la paralysie se présen-
tera... » etc., etc.
Quelques jours après, l'auto-suggestion a achevé son oeuvre;
elle se révèle avec une paralysie de la jambe droite sur la
nature de laquelle il n'y a pas à se tromper. Le malade traîne
sa jambe d'arrière en avant, de la façon la plus caractéristique.
Contemporainement, le membre inférieur gauche retrouve
brusquement toute sa force et sa motilité physiologique. Cet
épisode nous fait connaître avec une précision pour ainsi dire
62 PATHOLOGIE NERVEUSE.
mathématique l'état mental de B...; en outre des stigmates
physiques, nous pouvons dès maintenant affirmer qu'il possède
encore l'auto-suggestionnabilité, stigmate aussi précieux pour
le diagnostic que pour la physiologie pathologique de l'hys-
térie. Elle nous explique la relation qui existe entre le trauma
souffert par B... quatre ans auparavant et son hémiplégie con-
sécutive. En d'autres termes, en connaissant à présent l'état
mental de B..., nous avons une puissante raison en plus pour
qualifier sa paralysie avec plus de précision par une paralysie
. Fig. 14. - Examen du 16 août 1892.
L'HYSTÉRIE ET LES MALADIES. ORGANIQUES DU CERVEAU. 63
hystéro-traumatique. Il y a lieu ici de faire quelques remarques
au sujet de la névrose traumatique. L'on sait que ce syndrome
est admis par quelques auteurs allemands comme une espèce
autonome et différente de l'hystérie, tandis que l'Ecole de la
Salpêtrière en fait une variété de la névrose hystérique, asso-
ciée parfois à la neurasthénie. Nous ne voulons pas aborder
ici l'étude de ce sujet si difficile. Nous ferons remarquer seu-
lement comment cette observation vient à l'appui de la doc-
trine de la Salpêtrière. En effet, notre malade, pendant une
longue période de sa maladie, aurait représenté un type parfait
de névrose traumatique pour les défenseurs de l'autonomie de
cette forme morbide. Il s'agissait d'un homme très vigoureux,
sans antécédents nerveux, avec des stigmates hystériques très
imparfaits; pas de troubles de l'appareil de la vision, pas de
zones hystérogènes, pas de sensation de boule, pas d'attaques.
Et cependant, nous avons vu comment, à un moment donné,
la névrose hystérique s'est décelée en lui avec une de ses mani-
festations les plus typiques; à savoir avec un état mental très
caractéristique, qui a donné origine à une paralysie hystérique
non moins typique. Et l'apparition de celle-ci a donné occa-
sion à la disparition brusque de l'autre qui avait été contractée
par le fait du traumatisme. Or, qui pourrait nier que ces deux
paralysies et les états morbides qui leur ont donné origine sont
de la même nature ? »
En continuant l'analyse de notre cas, il nous reste à expli-
quer pourquoi la paralysie prit la forme hémiplégique. En
premier lieu, nous devons rappeler que, à l'occasion du trau-
matisme, la dalle heurta le bras gauche de B... en y produi-
sant une légère contusion. Or, mon éminent maître a démontré
comment la paralysie hystérique se manifeste avec facilité dans
les parties frappées par le trauma, par un mécanisme unique-
ment psychique, qui a son origine fondamentale dans l'auto-
suggestionnabilité de ces malades. Cette théorie nous explique
pourquoi, à des traumatismes très légers, succèdent des para-
lysies très graves. L'intensité du traumatisme n'a pas d'impor-
tance ; c'est l'impression qu'il produit sur l'état psychique du
malade qui détermine l'apparition et l'intensité des phéno-
mènes paralytiques. A ce propos, est resté classique l'exemple
de la femme qui présenta une paralysie des extenseurs de la
main après avoir donné une gifle à l'un de ses enfants '. Dans
' Y. Charcot. Leçons du Mardi, 1887-1888, p. 111.
64 PATHOLOGIE NERVEUSE. - L'HYSTÉRIE ET LE CERVEAU.
notre cas, cette doctrine nous explique encore pourquoi la
paralysie prédomine dans le bras.
Pour ce qui est de la paralysie de la jambe, nous devons
nous rappeler comment B... se trouva pris entre la dalle qui
lui comprimait le ventre et l'angle de la muraille sur laquelle
il avait heurté avec l'extrémité inférieure de la colonne verté-
- brale; ainsi il ressentit des douleurs très violentes pendant
plusieurs mois, si bien que l'idée d'être malade à l'épine ne l'a
plus abandonné. Or, c'est une cognition vulgaire que dans les
lésions de l'épine dorsale, les jambes se paralysent; c'est donc
à son auto-suggestionnabilité que B... doit sa paralysie crurale.
Du reste, l'épisode sur lequel nous avons insisté rend cette
explication très probable.
Pourquoi la paralysie frappa la jambe gauche ? Pour ce fait,
l'explication suivante nous semble très raisonnable : Pendant
les dix-huit mois que B... avait dû passer à l'hôpital à la suite
de son premier traumatisme, il est presque certain que les mé-
decins ont dû examiner avec beaucoup de fréquence l'état de la
motilité dans ses membres gauches, afin de se persuader que
la grave lésion cranienne n'avait pas produit de dommages sur
l'écorce cérébrale subjacente. Ces examens répétés- peuvent
bien avoir cultivé dans le cerveau de B... l'idée d'une hémiplé-
gie gauche. Cette idée aurait trouvé, dans le deuxième trauma-
1 tisme souffert, occasion favorable pour achever de dominer
complètement l'état mental de B...
Quoi qu'il en soit, nous croyons avoir bien démontré qu'il
s'agit ici d'une paralysie hystéro-traumatique. Ce cas nous
démontre que de prudence est nécessaire dans le diagnostic
des maladies nerveuses, même lorsque, par l'apparence et par
l'attitude du malade, l'on pourrait se croire autorisé à l'établir
au premier coup d'oeil.
Arrivés à la fin de notre travail, qu'il nous soit permis d'ex-
primer une conclusion qui nous paraît s'en écouler tout logi-
quement. C'est que dans le diagnostic entre l'hystérie et les
maladies organiques, il ne faut pas se contenter d'envisager
les symptômes et rien autre chose que les symptômes, mais
il faut les interpréter, en étudiant leur rapport avec l'état
mental des malades. Seulement, à cette condition, le diagnos-
tic sera complet et fécond en résultats utiles pour la thérapie.
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
RECHERCHES SUR LA TOXICITÉ URINAIRE CHEZ LES
ÉPILEPTIQUES;
Par M. Jules VOISIN, médecin de la Salpêtrière,
et M. A. PERON, interne des hôpitaux'.
III. ÉPILEPTIQUES DANS UN ÉTAT PLUS OU MOINS NORMAL.
18 mai 1892. - Vilm... Poids : 50 kil., 5, âgée de dix-huit
ans. Période de calme.
Urines intercalaires. - Pour ses accès voir le relevé.
L'accès du 19 mai a eu lieu vingt-quatre heures après la fin de
la récolte de l'urine.
Depuis plusieurs années, Vilm..., autrefois intelligente, bonne
élève, travaillant bien à l'école, sachant lire, écrivant et calculant
passablement, était tombée progressivement dans un état proche
de la démence en dépit du traitement. Il ne se passait guère de
jour où elle n'eût d'attaques. Presque toujours assise sur un fau-
teuil, inconsciente, abrutie, on n'en pouvait plus tirer que quel-
ques mots sans suite. Le pronostic le plus grave était porté.
Cependant, spontanément, depuis le mois de janvier dernier, un
changement considérable s'est fait dans son état. Ses attaques
journalières sont devenues des attaques eu série; en même temps
l'intelligence commença à se réveiller. Vilm..., aujourd'hui, joue,
court toute la journée, elle peut d'elle-même' fournir quelques
renseignements, l'expression de la physionomie est animée :
l'état général est meilleur.
Nous avons voulu rechercher quelle pouvait être la toxicité
actuelle des urines de cette malade.
Totalité des vingt-quatre heures : 2 lit. 500.
Lapin de 2 lui. 350. Urines acides filtrées. Rien à noter au
début. Pas de myosis. 11 n'y a pas eu d'ailleurs de myosis pendant
toute la durée de l'injection. L'animal est calme.
Premier arrêt de quelques minutes dans l'injection à 180 c. c.,
parce que l'urine filtrée manque; deuxième arrêt à 260 pour la
' Voir le n° 71, p. 178.
Archives, t. XXV. 5
66 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
même raison. L'injection a donc été faite très lentement en
une heure cinq minutes environ.
Vers 200 c. c., la respiration devient bruyante, haletante.
L'exophtalmie commence à apparaître vers 240; à 305 brusque-
ment dilatation énorme de la pupille, exophtalmie énorme, cris,
convulsions toniques du type ordinaire répétées. Mort.
Autopsie. Congestion pulmonaire intense, surtout à la base
droite sans infarctus. Congestion rénale et hépatique. Légère con-
gestion de l'encéphale.-Coefficient urotoxique : 0,40.
Relevé des accès de Vilm...
DE LA TOXICITÉ URINAIRE CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 67
68 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
2° Pendant la série, cet abaissement persiste moins marqué
que dans la période pro-paroxyslique. La courbe tend déjà à se
relever (voir la courbe de Hug...);
3° Après la série, la toxicité urinaire se relève, dépasse la
normale si la série est finie. Si la série n'est pas terminée, le
coefficient ne s'élève pas au-dessus de la normale et les accès
reparaissent (cas de Broch). Cette hypotoxicité est un élé-
ment de diagnostic pour affirmer que la série n'est pas finie et
que certains cas quotidiens qui étaient considérés comme étant
des cas isolés, doivent être considérés comme faisant partie
d'une série durant plusieurs jours. Cette hypotoxicité persiste
aussi quand après les accès convulsifs se développent le délire
ou l'excitation maniaque.
4° Certains malades, en particulier, les malades gravement
atteints dans leur état mental paraissent avoir une hypotoxicité
constante (voir tableau de Hug...), mais néanmoins, la toxicité
la plus faible répond aux périodes proe-convulsives, la plus
forte aux périodes post-convulsives.
S° La toxicité urinaire en dehors des paroxysmes est-elle
normale ? Nous inclinons à le croire avec MM. Deny et Choupe
(cas de Vilm...), au moins chez des épileptiques femmes. Cepen-
dant il semble bien qu'il y ait des épileptiques, et ce ne sont
pas les moins atteintes au point de vue mental, dont l'état
normal est l'hypotoxicité.
6° Le trouble mental des épileptiques parait toujours s'ac-
compagner d'hypotoxicité.
CONSIDÉRATIONS CLINIQUES, PATHOGÉNIQUES ET THERAPEUTIQUES.
Nous venons de voir que l'état des urines est différent avant,
pendant et après les accès.-Cet état de la sécrétion urinaire au
moment des paroxysmes s'accompagne aussi toujours de symp-
tômes psychiques ou physiques particuliers que tous les auteurs
ont signalé. Nous ne les passerons pas tous en revue, mais
nous attirerons seulementl'attention sur l'état des voies diges-
tives. Tous les malades ont la langue pâteuse, saburrale et un
manque absolu d'appétit. Les malades sentent qu'ils vont avoir
leur accès, et pour eux, cet état gastrique est un indice certain
de l'imminence de leur accès. Ils viennent trouver le médecin
et lui réclamer une purgation. Cet état gastrique a déjà été
signalé par plusieurs auteurs et entre autres par M. Charpen-
DE LA TOXICITÉ URINAIRE CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 69
tier et pour notre compte, nous l'avons toujours constaté et
nous avons annoncé plusieurs fois à l'avance des accès en cons-
tatant cet état. Cet état saburral accompagnant l'hypotoxicité
des urines s'accuse de plus en plus pendant une série et s'ac-
centue avec l'intensité de cette série pour disparaître ensuite
dans les espaces intercalaires. Ces deux phénomènes sont
donc concomitants et paraissent être sous la même dépen-
dance. Cette corrélation entre l'hypotoxicité des urines et ces
troubles gastriques est donc très importante; elle nous a permis
souvent de prédire un accès. De même cette hypotoxicité
d'urine nous a permis de prédire un nouvel accès convulsif
chez une malade qui était considérée jusqu'à ce jour comme
présentant des accès isolés. La connaissance de ces faits est
aussi très utile, car elle permet au médecin de prendre des
précautions en vue d'un trouble mental possible consécutif à
un accès. Un malade qui a un accès isolé et qui tout de suite
a de l'hypertoxicité urinaire peut être considéré comme guéri
et indemne d'un retour offensif assez rapproché. Sa décharge
nerveuse, ou plutôt son élimination toxique ayant eu lieu, il
sera libre pendant assez longtemps, jusqu'au jour où sa toxicité
urinaire redeviendra au-dessous de la normale.
Les expériences que nous avons faites pendant la période
du délire nous montrent aussi qu'un malade sujet au délire
doit être surveillé aussitôt que ses urines ne présentent plus
la toxicité normale.
A quoi attribuer ces phénomènes précurseurs et concomi-
tants de l'accès convulsif ou du trouble de l'état mental ? En
tenant compte de l'état urinaire, on doit penser que tous ces
troubles doivent être dus à l'intoxication du sang par rétention
de produits toxiques ou par défaut d'élimination de ces pro-
duits. En effet, avant l'accès et pendant la période paroxystique,
les urines sont hypotoxiques, ce qui indique que l'élimination
des toxines est entravée et qu'il y a surchage de toxines dans
le sang. Ces toxines retenues dans l'économie excitent le sys-
tème nerveux de différentes manières suivant les individus,
d'où toutes les variétés de manifestations épileptiques chez les
sujets. Il doit se passer là ce qui se passe chez les éclamptiques.
M. Chambrelent 1 a montré que chez les éclamptiques, le sérum
du sang est plus toxique pendant les attaques et que les urines
* Février 1892. Société de Biologie.
70 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
dans ces moments-là sont hypotoxiques. Nous n'avons pas
fait d'expériences avec le serum du sang des épileptiques mais
nous pouvons avec les données que nous avons sur leurs urines,
données tout à fait identiques à celles que M. Chambrelent a
trouvé chez les éclamptiques, conclure à la toxicité du sang
pendant les paroxysmes.
Cette toxicité du sang explique les troubles mentaux et phy-
siques que présentent les malades au début de la période pré-
paroxystique et l'accumulation de ces toxines explique la
période paroxystique avec son hypotoxicité urinaire et son état
gastrique. A la fin de cette période paroxystique, on signale de
la polyurie, de la sudation, quelquefois de la diarrhée et enfin
une exagération de la toxicité urinaire avec diminution de
l'état gastrique. C'est ce qui constitue la fin de la crise.
Ces phénomènes sécrétoires sont le résultat da l'élimination
des toxines accumulées dans le sang. Cette élimination est plus
ou moins prompte et la guérison est plus ou moins rapide. Si
l'albuminurie complique la sécrétion urinaire comme dans
l'état de mal, cette élimination des toxines est plus longue et
le danger plus grand. La température monte démesurément
comme dans les maladies infectieuses et la mort peut survenir
dans un laps de temps plus ou moins court.
L'état du rein dans ces cas, joue un rôle capital. S'il est pri-
mitivement malade, la mort est presque certaine. Si sa fonction
urinaire a été très troublée pendant l'état de mal et si ce
trouble fonctionnel persiste longtemps, la convalescence est
très longue parce que l'élimination digestive s'effectue mal. On
doit hâter dans les cas graves cette élimination des produits
toxiques par des purgatifs énergiques, des drastiques, par des
lavements purgatifs et même dans certains cas par la saignée,
comme nous l'avons fait avec succès dans un cas de mal épilep-
tique où la température avait atteint 41°,2. L'antisepsie intes-
tinale doit être recommandée aussi, et les heureux effets que
M. Féré a constaté avec la médication naphtholée et bromurée
doivent être mis sur le compte de la facile élimination des
toxines par ce procédé ou sur la neutralisation des toxines du
tube digestif par ce médicament.
Nos expériences viennent donc corroborer les opinions
émises par MM. Lepine, Mairet et Lemoine sur les troubles
de nutrition dans les maladies nerveuses. M. Lemoine, dans
la Gazette des hôpitaux, 1889, comparait la crise épileptique à
DE LA TOXICITÉ URINAIRE CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 71
la crise qui marque le déclin des maladies infectieuses; mais
il n'avait pas d'expériences à son actif qui pussent lui donner
raison. Les faits que nous ont révélé nos expériences viennent
apporter une preuve à sa conception théorique. Nous avons,
avant et pendant l'accès, hypotoxicité des urines, c'est-à-dire
intoxication du sang, et après l'accès, hypertoxicité des urines,
c'est-à-dire élimination des toxines du sang. Nous avons vu
que cette élimination ne s'effectue pas dans l'état de mal,
qu'elle est retardée par l'albuminurie passagère du malade et
qu'elle s'effectue aussitôt que l'albuminurie disparaît. Aussi,
doit-on tenir grand compte de cette albuminurie chez les indi-
vidus en état de mal. Dans certains cas, elle peut être une
cause de difficulté de diagnostic et sa disparition est d'un pro-
nostic favorable.
Cette conception de l'accès épileptique appuyée sur l'auto-
intoxication est encore rendue acceptable par l'examen des
accidents provoqués chez les animaux par nos expériences.
Nous remarquons chez eux des symptômes convulsifs sem-
blables à ceux que l'on remarque chez nos malades. Enfin, en
se rappelant les phénomènes convulsifs dus à l'alcool, à l'ab-
sinthe et au plomb, et en comparant ces phénomènes toxiques
à ceux dus à l'épilepsie essentielle, on arrive à cette conclusion
qu'il est impossible de différencier le syndrome convulsif dans
ces cas qu'en s'appuyant sur les commémoratifs. En dernier
lieu, en comparant les expériences de Chambrelent, qui ont
rapport aux urines et au sang des éclamptiques, c'est-à-dire à
ces malades que certains auteurs considèrent comme atteints
d'épilepsie aiguë, on ne peut que reconnaître le bien fondé de
la conception de cette hypothèse. Dans ce cas particulier,
comme dans l'urémie, il y a lésion primitive du rein et em-
poisonnement consécutif. Dans l'épilepsie, la lésion rénale
n'existe pas, il y a seulement lésion de la fonction sécrétoire
qui est sous la dépendance du système nerveux. Cette lésion
de fonction agit à un moment donné comme une lésion pri-
mitive du rein et les symptômes convulsifs s'identifient presque
avec les premiers.
D'ailleurs, quelle lésion peut expliquer le mal comitial ? Des
localisations cérébrales ne peuvent expliquer des symptômes
qui nécessitent l'intervention de tous les appareils nerveux
connus (circonvolutions, bulbe, protubérance, etc.). Les lé-
sions ou nulles ou énormes trouvées à l'autopsie des épilep-
72 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.
tiques sont d'ailleurs là pour protester contre une lésion
unique déterminante. Aussi, nous pensons que l'auto-intoxi-
cation est l'élément principal de l'accès paroxystique ; mais,
cette auto-intoxication est favorisée par un système nerveux
défectueux congénital ou acquis, agissant sur les fonctions
sécrétoires, ou sur toute la nutrition en général. Cette prédis-
position du système nerveux à contracter ces troubles nutri-
tifs est due à l'hérédité qui transmet aussi bien les lésions
que les troubles et les aptitudes aux fonctions des organes.
Quoi qu'il en soit, cette manière d'envisager les paroxysmes
nous permet d'expliquer beaucoup de phénomènes dont nous
sommes témoins. C'est ainsi qu'elle nous donne l'explication
des séries et de l'état de mal. L'élimination ne s'effectuant pas,
le malade reste en puissance d'acpès. Elle nous donne aussi
l'explication des accès survenant inopinément à la suite d'écarts
de régime; elle nous donne aussi la clef des accès épileptiques
des gros mangeurs. D'un autre côté, elle nous permet de nous
rendre compte des bons effets de la vie à la campagne, des
exercice au grand air; d'un régime sobre et de l'usage des
diurétiques (eau et lait) pour boissons, et du traitement par le
bromure de potassium et les antiseptiques.
THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE
LA FOI QUI GUÉRIT;
Par J.-M. CHARCOT1 .
La New Review, prenant texte du récent voyage d'un litté-
rateur célèbre à un sanctuaire religieux et des discussions qui
se sont élevées à cette occasion, me demande mon opinion sur
la faith-healing. La question n'est pas de celles qui puissent
me laisser indifférent. Elle intéresse d'ailleurs tout médecin,
' Sous ce titre · The faith-healing, La foi qui guérit », la Xe1V
Revieiv, de Londres, a publié, dans son numéro du 1"' décembre, un
article du directeur des Archives de Neurologie,^, le professeur Charcot.
Nous en empruntons la traduction il la Revue hebdomadaire.
LA FOI QUI GUÉRIT. I )'
le but essentiel de la médecine étant la guérison des malades
sans distinction dans le procédé curatif à mettre en oeuvre.
Dans cet ordre d'idées, la faith-healing me parait être l'idéal à
atteindre, puisqu'elle opère souvent lorsque tous les autres
remèdes ont échoué. C'est pourquoi, depuis longtemps, en
présence de certains cas déterminés, j'ai cherché, après bien
d'autres, à pénétrer autant que faire se peut le mécanisme de
sa production afin d'utiliser sa puissance, et c'est l'opinion
que je me suis faite dans ces conditions que je vais exposer en
quelques mots.
J'ajouterai qu'en pareille matière, comme en toute autre, il
ne faut jamais se départir de la rigueur inhérente à la discus-
sion scientifique; les polémiques passionnées ne servent à
rien, si ce n'est à tout embrouiller et à compromettre les
meilleures causes. Ce n'est pas par des affirmations sans
preuves ou par des négations sans fondements qu'on peut
espérer résoudre cette question de la faith-healing qui, je le
répète, appartient entièrement à l'ordre scientifique où les
faits bien et sincèrement étudiés, groupés en faisceau pour
conclure, sont les seuls arguments que l'on puisse admettre.
Les faits que, dans ma pratique spéciale déjà longue, j'ai eu
l'occasion d'observer ne sont pas isolés, tant s'en faut, car la
faith-healing et son aboutissant, le miracle, sans attacher
à ce mot aucune autre signification que celle d'une guérison
opérée en dehors des moyens dont la médecine curative semble
disposer d'ordinaire, répondent à une catégorie d'actes qui
n'échappent pas à l'ordre naturel des choses. Le miracle thé-
rapeutique a son déterminisme, et les lois qui président à sa
genèse et à son évolution commencent à être, sur plus d'un
point, suffisamment connues pour que le groupe des faits
qu'on englobe sous ce vocable se présente avec une allure
assez spéciale pour ne pas échapper tout à fait à notre appré-
ciation. Il y atout lieu de s'en féliciter, d'ailleurs, puisque par
la compréhension plus nette de ces déterminations nous met-
tons de plus en plus à notre disposition les grandes res-
sources de la faith-healing et que, de ce fait, la maladie nous
trouve de moins en moins désarmés devant elle.
Ce sont les éléments eux-mêmes de ce déterminisme que
nous allons étudier. Leur groupement nous conduira à une
conclusion que je puis du reste donner immédiatement. La
guérison d'apparence particulière, produit direct de la failli-
74 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE. '
leealing, que l'on appelle communément en thérapeutique du
nom de miracle, est, on peut le démontrer, dans la majorité
des cas, un phénomène naturel qui s'est produit de tout temps,
au milieu des civilisations et des religions les plus variées, en
apparence les plus dissemblables, de même qu'actuellement
on l'observe sous toutes les latitudes. Les faits dits miraculeux,
et je n'ai pas la prétention d'exprimer ici rien de bien neuf,
ont un double caractère : ils sont engendrés par une disposi-
tion spéciale de l'esprit du malade; une confiance, une crédi-
bilité, une suggestibilité, comme on dit aujourd'hui, constitu-
tives de la faith-healing dont la mise en mouvement est d'ordre
variable. D'autre part, le domaine de la faith-healing est
limité; pour produire ses effets, elle doit s'adresser à des cas
dont la guérison n'exige aucune autre intervention que cette
puissance que possède l'esprit sur le corps, dont le Dl' Hack
Tuke a donné, dans son beau livre', une si remarquable
analyse. Ses limites, aucune intervention n'est susceptible de
les lui faire franchir, car nous ne pouvons rien contre les lois
naturelles. On n'a jamais, par exemple, noté, en compulsant
les recueils consacrés aux guérisons dites miraculeuses, que la
faith-healing ait fait repousser un membre amputé. Par contre,
c'est par centaines qu'on y trouve les guérisons de paralysies,
mais je crois que celles-ci ont toujours été de la nature de
celles que le professeur Russel Reynolds 2 a qualifiées du terme
général de paralysies « dépendant on idea D.
Je sais bien qu'aujourd'hui des médecins préposés à la
constatation des miracles, et dont la bonne foi n'est pas en
cause, semblent portés à reconnaître que la guérison subite
des paralysies ou des convulsions n'a rien qui sorte du
domaine des lois naturelles. Ils s'appliquent à montrer que
des tumeurs, des ulcères parmi les plus rebelles, sont, par
contre, monnaie courante dans le domaine de la thérapeu-
tique miraculeuse. Je ne le ni(, pas : je pense comme eux que
la faith-healing peut directement faire disparaître dans cer-
tains cas des ulcères et des tumeurs, mais je crois aussi que
1 Illustrations of the influence of the mind upon the Godrl in heallh
and disease designed to elucidate the action of the imagination. ).on-
don, Churchill, 1872.
2 Remarks on paralysies and olhers disorders of motion and sensa-
lion dépendant on idea, read to the médical section of the British medi-
cal Association. Leeds, july 1869; in British med..lourn., nov. 1869.
LA FOI QUI GUÉRIT. 75 NJ
les lésions de ce groupe sont, malgré leur apparence contraire,
de la même nature, de la même essence que les paralysies
dont je parlais tout à l'heure.
La guérison plus ou moins soudaine des convulsions et des
paralysies était autrefois considérée comme un miracle théra-
peutique du meilleur aloi. La science ayant démontré que ces
phénomènes étaient d'origine hystérique, c'est-à-dire non or-
ganiques, purement dynamiques, la guérison miraculeuse
n'existerait plus en pareille matière !
Pourquoi cela ? Et s'il était démontré encore que ces tu-
meurs et ces ulcères autour desquels on mène tant de bruit
sont aussi de nature hystérique, justiciables eux aussi de la
même faith-healing que les convulsions et les paralysies, c'en
serait donc fini du miracle.
Pourquoi jeter tant de défis à la face de la science, qui finit,
en somme, par avoir le dernier mot en toutes choses !
Il est beaucoup plus simple de constater que la thérapeu-
tique miraculeuse et la science ont subi une évolution paral-
lèle. La faith-healing religieuse et laïque ne pouvant être
dédoublée, c'est la même opération cérébrale produisant des
effets identiques. La science qui évolue n'a pas la prétention
de tout expliquer; elle nierait ainsi sa propre évolution. Elle
donne son interprétation rationnelle au sur et à mesure de ses
découvertes, et voilà tout ! Dans tous les cas, elle est l'ennemie
des négations systématiques que ses lendemains font évanouir
à la lumière de ses nouvelles conquêtes. Je crois que son évo-
lution n'est pas restée en arrière de celle du miracle; que de
tout temps, ^la faith-healing a fait disparaître par son seul pou-
voir des tumeurs et des ulcères de certaine nature. En pareille
matière, l'ignorance tenait à ce qu'on n'avait pas saisi le secret
de son mécanisme. Bien que nous ignorions encore beaucoup
de choses, je constate que-nous sommes aujourd'hui plus
avancés dans cette voie de l'interprétation scientifique, et je
prévois le jour plus ou moins éloigné cependant encore où
l'évidente réalité des faits ne trouvera plus de contradicteurs.
Etudions maintenant les éléments du déterminisme de la faith-
healing .
C'est surtout dans les sanctuaires religieux que la faith-
healing a trouvé à s'exercer. De tout temps il a existé des
thaumaturges, depuis Simon le magicien jusqu'au prince de
Hohenlohe au commencement du siècle, en passant par le
76 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.
diacre Paris, qui ont eu le don de faire des guérisons dites
miraculeuses, c'est-à-dire d'inspirer la faith-healing. Ces thau-
maturges, étant souvent eux-mêmes des religieux, ont fondé
des sanctuaires, et sur leurs tombeaux se sont multipliés les
miracles qu'ils faisaient pendant leur vie. Il est en effet très
digne de remarque que, dans les sanctuaires religieux, ce n'est
pas la divinité elle-même qu'on intercède, c'est son prophète
ou ses disciples. C'est presque toujours un simple mortel qui,
pendant sa vie, a gagné lui-même sa béatification en faisant
des miracles. Il est même curieux de constater que certains de
ces thaumaturges étaient atteints de la maladie dont ils vont
désormais guérir les manifestations : saint François d'Assise,
sainte Thérèse, dont les sanctuaires viennent au premier rang
parmi ceux où se produisent des miracles, étaient eux-mêmes
des hystériques indéniables.
La façon dont s'est formé le sanctuaire importe peu ; ce
qui est surtout intéressant à étudier au point de vue du déter-
minisme du miracle c'est le sanctuaire lui-même. Et ce détermi-
nisme devient frappant lorsqu'on constate que les sanctuaires
se ressemblent tous, sont tous coulés dans le même moule. Ils
sont restés les mêmes depuis les temps les plus reculés de
l'histoire jusqu'à nos jours, se copiant pour ainsi dire les uns
les autres. C'est dire déjà qu'à travers les âges, parmi les civi-
lisations les plus diverses, au milieu des religions les plus dis-
semblables en apparence, les conditions du miracle sont res-
tées identiques, ses lois d'évolution étant immuables.
Etudions, par exemple, l'Asclépieon d'Athènes', fils direct des
sanctuaires de l'ancienne Egypte, puisque, même l'Asclépieon,
le dieu guérisseur revêt souvent les traits de Sérapis, le thau-
maturge des Pharaons. Au fond du sanctuaire, la statue mira-
culeuse ; parmi les serviteurs du temple, des prêtres-médecins
chargés de constater ou d'aider les guérisons; c'est le bureau
médical que les sanctuaires d'aujourd'hui ne manquent pas de
s'attacher lorsqu'ils ont une certaine importance.
Nous trouvons encore sous les portiques de l'Asclépieon une
classe de personnages très singuliers ; ce sont les intercesseurs
ceux qui font métier, dans diverses villes de se rendre près du
dieu guérisseur pour implorer sa protection aux lieu et place
de leurs clients.
' Cf. l'Asctépien tl' Athènes, d'après de récentes découvertes, par Paul
Girard, Paris, 1881, E. Thorin, édit.
LA FOI QUI GUÉRIT. 77
/
Dans tout le Poitou, il existe une catégorie de vieilles femmes
qui ont pour métier ordinaire d'aller ainsi intercéder près du
tombeau miraculeux de sainte Radegonde pour ceux qui,
animés de la faith-healing, ne peuvent ou ne veulent pas se
déplacer.
Laissons là ces intermédiaires pour ne considérer que les
seuls suppliants venus pour eux-mêmes. De tous les dèmes de
la Grèce, ceux qu'anime la faith-healing s'acheminent vers
le sanctuaire pour obtenir la guérison de leurs maux. Dès leur
arrivée, afin de rendre le dieu favorable, ils déposent sur l'au-
tel de riches présents et se plongent dans la fontaine purifica-
trice qui coule dans le temple d'Esculape.
«Par Zeus ! s'écrie la bonne femme à laquelle Carion, le valet
de la comédie d'Aristophane, raconte les aventures allégori-
ques de Ploutos, le beau bonheur pour un vieillard que d'être
trempé dans l'eau froide ! 1 »
Les siècles ont passé, mais la source sacrée coule tou-
jours. ,
Après ces préliminaires, les suppliants sont admis à passer
la nuit sous les portiques du temple. C'est l'incubation qui
commence, la neuvaine propitiatoire, pendant laquelle la faith-
healing s'exalte de plus en plus, par auto-suggestion, par con-
tagion de voisinage, sorte d'entraînement inconscient, et alors
le miracle se produit... s'il y a lieu.
Ceux qui trouvaient la guérison dans l'Asclépieon ornaient
les parois du temple d'hymnes votives et surtout de bras, de
jambes, de cous, de seins en matière plus ou moins précieuse,
objets représentatifs de la partie du corps qui avait été guérie
par intervention miraculeuse. Les sanctuaires d'aujourd'hui
sont toujours ornés de ces ex-voto gravés sur le marbre ; et à la
porte, mille marchands, comme autrefois à Athènes, vendent
des bras, des mains, des petits enfants de cire qui orneront les
abords du tombeau du saint ou les parois de la grotte. Le
rosaire de la neuvaine pendant laquelle la foi s'exalte, rap-
pelle le chapelet du musulman qui s'incline devant le sépulcre
du marabout vénéré.
La mise en oeuvre de la faith-healing a donc, dans tous les
temps, sous toutes les latitudes, chez les païens, les chrétiens,
comme chez les musulmans, revêtu le même caractère. Les
sanctuaires et les pratiques propitiatoires sont analogues. Les
statues du dieu guérisseur seules diffèrent, mais l'esprit hu-
78 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.
main, toujours, lui-même dans ses grandes manifestations, les
confond dans une même évocation.
D'une façon générale, la faith-healing ne se développe pas
spontanément dans toute son intensité curatrice.
- Un malade entend dire que dans tel sanctuaire il se produit
des guérisons miraculeuses : il est bien rare qu'il s'y rende
immédiatement. Mille difficultés matérielles mettent un obs-
tacle au moins temporaire à son déplacement : il n'est pas com-
mode àun paralytique ou à un aveugle, quelque fortune qu'il
possède, de s'embarquer pour un long voyage. Il interroge son
entourage, demande des renseignements circonstanciés sur les
cures merveilleuses dont le.bruit lui est parvenu. Il n'entend
que des paroles encourageantes non seulement émanées de son
entourage direct, mais souvent encore de son médecin. Celui-
ci ne veut pas enlever à son malade un dernier espoir, surtout
s'il juge que la maladie de son client est justiciable du /azith-
healing qu'il n'a pas su lui-même inspirer. La contradiction
dans la circonstance n'aurait, du reste, d'autre effet que d'exal-
ter la croyance à la possibilité d'une guérison miraculeuse. La
faith-healing commence à naître, elle se développe de plus en
plus, l'incubation la prépare, le pèlerinage à accomplir devient
une idée fixe. Les déshérités de la fortune se mortifient en sol-
licitant des aumônes qui leur permettront de gagner le lieu
saint ; les riches deviennent généreux vis-à-vis des pauvres
afin de se rendre la divinité propice : tous prient avec ferveur
et implorent leur guérison. Dans ces conditions, l'état mental
ne tarde pas à dominer l'état physique. Le corps rompu par une
route fatigante, les malades arrivent au sanctuaire l'esprit
éminemment suggestionné. « L'esprit de la malade, a dit Bar-
well', étant dominé parla ferme conviction qu'elle doit guérir,
elle guérira immanquablement. » Un dernier effort : une ablu-
tion dans la piscine, une dernière prière plus fervente, aidée
par les entraînements du culte extérieur, et la faith-healing
produit l'effet désiré ; la guérison miraculeuse devient une
réalité.
Quels sont les effets directs de la faith-healing ? Quelles sont
les maladies dans lesquelles elle produit des effets curatifs in-
contestables ? Interrogeons pour répondre les [documents que
nous trouvons dans les sanctuaires eux-mêmes.
1 The Lancet, 28 novembre 1858.
LA FOI QUI GUÉRIT. 7U
J'ai parlé, il n'y a qu'un instant, des ex-voto symboliques que
les malades guéris suspendaient aux murailles de l'Asclépieon,
et qu'on retrouve aujourd'hui toujours les mêmes dans les sanc-
tuaires les plus vénérés. Ces bras, ces jambes de marbre ou de
cire sont des représentations imparfaites de la réalité, car un
bras peut être atteint de vingt maladies différentes, et c'est tou-
jours le même membre, la même forme traditionnelle que l'on
découvre dans les fouilles ou qu'on contemple dans les sanc-
tuaires d'aujourd'hui. Combien la figuration directe, réelle de
la maladie eût été plus instructive ! Une seule fois j'ai rencou-
tré cette représentation d'une maladie qui avait été l'objet d'un
miracle thérapeutique. Je visitais un sanctuaire vénéré du midi
de la France, dans la Camargue, l'église des Saintes-Mariés.
Parmi les ex-voto, je distinguai le moule en plâtre du membre
inférieur d'une jeune fille d'une douzaine d'années atteinte de
pied bot. Ce moule reproduisait exactement la figure bien con-
nue de la contracture hystérique du membre inférieur. La gué-
rison s'était opérée rapidement, et à côté du moule se trouvait '
la photographie de la jeune fille, droite sur sa jambe, désor-
mais débarrassée de sa contracture. A part cet exemple parti-
culier, l'art du modeleur à l'usage des sanctuaires ne nous ap-
prend rien de précis sur les maladies qui s'y guérissent sous
l'influence de la faith-healing.
Mais il est d'autres documents figurés qui vont nous être
d'un grand secours. Les travaux de M. Paul Girard, ancien
élève de l'école d'Athènes, nous ont appris que les murailles
de l'Asclépieon étaient couvertes de peintures votives représen-
tant, pour une partie tout au moins, les guérisons miraculeuses
qui s'étaient opérées dans le lieu saint. Ces peintures n'ont pas,
comme les ex-voto de métal ou de marbre, résisté à l'action
du temps, mais nous les retrouvons ornant les sanctuaires plus
modernes ou illustrant les ouvrages qui en sont les annales.
Nous pouvons donc raisonner par analogie. On trouvera de
nombreuses reproductions de ces oeuvres du moyen âge et de
la Renaissance dans le livre que j'ai publié en collaboration
avec M. Paul Richer sur les Démoniaques dans l'art.
Ces reproductions d'une guérison miraculeuse se ressemblent
toutes avec les variations que le génie particulier de l'artiste
leur a imprimées : il s'agit presque toujours, sinon toujours,
de la guérison de malades convulsionnaires. La représentation
est identique dans l'évangéliaire de la bibliothèque de Ra-
80 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.
venne, qui date du vie siècle de notre ère, sur la porte de
bronze de Saint-Zénon, à Vérone (xi° siècle), ou dans les
tableaux de Rubens ou de Jordaens, qui ornent les sanctuaires
religieux ou les musées particuliers ou publics, qui les ont
tirés le plus souvent de ces sanctuaires. L'unanimité de ces
~ documents est remarquable. Saint Nil, saint Dominique, saint
Ignace, saint Martin, ont exercé avec un ensemble frappant
leur pouvoir miraculeux pour faire cesser des convulsions dont
l'origine hystérique est indubitable.
Mais l'influence de la faith-healing ne s'exerce-t-elle que
sur les convulsions hystériques ? Certainement non. Les autres
manifestations, si nombreuses, de la névrose en sont égale-
ment tributaires, et nous en trouvons la preuve à la fois dans
les documents figurés et dans les documents écrits.
Au xiiie siècle, dans la basilique de Saint-Denis, le tom-
beau de saint Louis devint un lieu de pèlerinage très fré-
quenté ; il se produisit de nombreux miracles à son contact.
Littré nous les a fait connaître et il en a donné l'interprétation
dans la Philosophie positive1. Il s'agissait là, très certainement,
de contractures hystériques. -
A une époque plus récente, au xvIll'' siècle, le docu-
ment figuré s'est associé au document écrit, et l'ouvrage de
Carré de Montgeron, dont les planches gravées d'après nature
représentent nombre de guérisons miraculeuses, est une mine
toujours précieuse à consulter. Nous trouvons l'histoire illus-
trée de la guérison miraculeuse de la demoiselle Fourcroy et
de Marie-Anne Couronneau, atteintes de paralysie et de con-
tracture hystérique. Je prends ces deux faits au hasard parmi
les nombreux cas dont Carré de Montgeron a donné la rela-
tion : ils se ressemblent tous. A ceux qui me reprocheraient de
toujours parler d'hystérie, et avant de m'expliquer plus com-
plètement à ce sujet, je répondrai par ce mot de Molière :
« Je dis la même chose, parce que c'est toujours la même chose » ;
je constate, et rien de plus.
Mais, me répondra-t-on, les médecins qui aujourd'hui,
comme autrefois dans l'Asclépieon, sont chargés de cons-
tater les miracles opérés dans les sanctuaires, prétendent que
la guérison des convulsions, des contractures et des paralysies
d'origine hystérique, est d'un ordre trop naturel pour justifier
1 Littré. Un fragment de médecine rétrospective. (La philosophie
positive, 1866, t. V, p. 103.)
LA FOI QUI GUÉRIT. 81
une intervention miraculeuse. Ils connaissent, eux aussi, l'in-
fluence de l'esprit sur le corps, et la disparition spontanée des
paralysies hystériques ne vaut pas qu'on fasse appel à une
force surnaturelle. C'est à des tumeurs, à des plaies, que
s'adresse maintenant l'eau de la piscine; elle guérit soudaine-
ment les ulcères les plus rebelles; dira-t-on encore qu'ils
étaient nés sous l'influence de la névrose ?
L'évolution de nos données scientifiques me permet d'être,
sur la question de fait, entièrement de l'avis des médecins des
sanctuaires : certaines tumeurs ou certains ulcères sont jus-
ticiables de la faith-healing, qui prend sa source dans les eaux
de la piscine sacrée.
Croit-on que ce soient là des faits nouveaux ? De tout temps
la faith-healing a guéri des tumeurs et des ulcères, et j'ajoute
que, comme aujourd'hui, cette guérison s'est effectuée dans
des conditions parfaitement déterminées dont il nous est actuel-
lement possible de donner le plus souvent une exacte analyse.
Qu'il me soit permis d'en citer un exemple.
Qu'on veuille bien se reporter à la guérison miraculeuse
opérée sur la demoiselle Coirin, dont Carré de Montgeron nous
a donné la description et la représentation figurée '.
Au mois de septembre 1716, la demoiselle Coirin, alors âgée
de trente et un ans, fit coup sur coup deux chutes de cheval :
la seconde fois, elle tomba * sur le côté gauche de l'estomac
qui porte à plomb sur un tas de pierres, ce qui lui cause une
douleur si vive qu'elle en reste évanouie ».
Au bout de quarante jours, elle est prise de vomissements
de sang qui se répètent fréquemment et s'accompagnent de
« foiblesse ».
« Dans une de ses foiblesses, qui lui arriva trois mois après
sa chute, comme on lui mettoit des linges sur l'estomac, on
s'aperçut qu'elle avoit le sein du côté gauche extrêmement dur,
enflé et tout violet. Le chirurgien du pays, nommé Antoine
Paysant, ayant été consulté et ayant examiné son sein, décou-
vrit qu'elle avoit une grosse glande qui s'étendoit jusque
sous l'aisselle du bras en arrière et une espèce de grosse corde
de la largeur de trois doigts qui gagnoit jusqu'au bout du
sein. Ce chirurgien lui donna des cataplasmes, lesquels lui
1 Carré de Montgeron. La vérité des miracles opérés par J1. d
Paris et autres appelants, t. I, Cologne, 1747. Septième démonstration
Archives, t. XXV. 6
82 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.
faisoient distiller une quantité considérable de sang par le
bout du sein sans la guérir ni même la soulager, son sein
lui faisant toujours de la douleur et étant de plus en plus
dur.
- -0[ ... On s'aperçut qu'elle avoit un cancer au sein du côté
gauche, la mamelle de ce côté étant devenue grosse comme la
tête, excessivement dure et toute enflammée. "
Ceci se passait en 1716. « Cependant l'humeur tranchante
et corrosive du cancer faisoit toujours de funestes progrès, qui
éclatèrent enfin de la manière la plus affreuse vers la fin de
l'année 1719. »
Un témoin oculaire, Anne Giroux, nous apprend « qu'il lui
vint une petite ouverture de pourriture au-dessous du sein et
de la mamelle gauche; que cette ouverture augmenta toujours
de plus en plus, gagnant tout autour du bout du sein, et
qu'elle le cerna en peu de jours, de façon que le bout de ce
sein tomba en un morceau. Elle ajoute qu'elle a vu le. bout de
ce sein détaché de la mamelle, qu'on le garda trois jours sur
une serviette pour le montrer aux chirurgiens qui avoient soin
de ladite demoiselle, et qu'elle avoit ou qu'il y avoit à la place
de ce bout un trou un peu plus large qu'une pièce de douze
sols qui paroissoit assez profond, et dont il sortoit sans cesse
une eau qui puoit comme une charrogne. »
En 1720, deux chirurgiens proposèrent l'amputation du sein,
mais la mère de la demoiselle Coirin refusa de consentir à
l'opération, celle-ci ne devant être que palliative, puisque la
maladie cancéreuse était déclarée incurable. « Puisque sa fille
n'étoit pas sûre de guérir par cette opération, elle étoit bien
aise de la lui épargner, et mourir pour mourir, il falloit autant
qu'elle ne souffrit pas. JI '
Ajoutons que, dès 1718, la malade avait été frappée tout
d'un coup, pendant la nuit, d'une paralysie de tout le côté
gauche.
« Il lui prit un engourdissement dans le bras gauche qui,
la nuit, dégénéra en paralysie qui lui ôta tout l'usage de tout
le côté gauche; depuis ce tems, il lui a été impossible de faire
aucun mouvement de son bras ni de sa main gauche, qui
demeurèrent en tout tems froids comme de la glace, et ne
pouvoit les changer de place qu'en les prenant avec son bras
droit, en poussant sa jambe gauche avec sa droite, ce qui est
resté ainsi jusqu'à la nuit du 11 au 12 août 1731. Que même
LA FOI QUI GUÉRIT. 83
sa cuisse et sa jambe se retirèrent de façon qu'elle avoit un
creux au-dessous de la hanche assez profond pour y pouvoir
mettre le poing, et que, comme les nerfs de la jambe s'étoient
retirés, cette jambe paroissoit considérablement plus courte
que l'autre... Sa jambe gauche étoit toute retirée en arrière
et comme recoquillée, et qu'elle étoit pâle, toute desséchée,
froide comme de la glace, même dans le plus chaud de l'été. »
Le 9 août 11731, elle s'adresse à une vertueuse femme de
Nanterre, la charge de dire pour elle une neuvaine au tom-
beau du bienheureux François de Pâris, d'y faire toucher
une chemise et de lui apporter de la terre prise auprès du
sépulcre. Le lendemain 10, la pieuse femme se rend à Saint-
Médard...
c Le soir du lendemain 11 août, à peine la moribonde s'est
fait mettre la chemise qu'avoit touchée le précieux tombeau
qu'elle éprouve à l'instant la vertu bienfaisante qu'elle y avoit
puisée. Forcée de par sa paralysie de se tenir constamment
sur le dos, elle se retourna elle-même dans son lit. »
Le lendemain 12, elle s'empresse d'appliquer elle-même
sur son « cancer » la précieuse terre, et a aussitôt elle
remarque avec admiration que le trou profond de son sein,
d'où sortoit sans cesse depuis douze ans un pus corrompu et
infecté, s'étoit séché sur-le-champ et commençoit se refermer
et à guérir ».
La nuit suivante, nouveau prodige. « Les membres para-
lytiques qui depuis tant d'années représentoient les membres
d'un corps mort par leur froid glaçant, leurs marques affreuses
et leur raccourcissement hideux, se raniment tout à coup;
déjà son bras a repris la vie, la chaleur et le mouvement; sa
jambe retirée et desséchée se déploie et s'allonge; déjà le
creux de sa hanche se remplit et disparait; elle essaye si elle
pourra dès ce premier jour se servir de ces membres nouvelle-
ment rappelés à la vie, mais dont la maigreur porte encore la
livrée de la mort; elle se lève seule, elle se soutient sur le
bout du pied de cette jambe qui depuis si longtemps étoit
beaucoup plus courte que l'autre; elle se sert aisément de son
bras gauche, elle s'habille et se coiffe avec ses mains. »
Le miracle était consommé : toutefois, il faut ajouter que la
plaie du sein n'était complètement cicatrisée qu'à la fin du
mois; que le -24 septembre seulement, elle put sortir, et le
30 septembre monter en voiture.
84 -il THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.
J'avoue qu'il y a dix ans seulement l'interprétation de tous
les éléments de cette curieuse observation eût offert bien des
difficultés ; la nature hystérique des vomissements sanglants,
de la paralysie, n'eût pas fait de doute, mais cette paralysie
s'accompagnait d'atrophie : Eh bien, il est péremptoirement
démontré aujourd'hui que l'atrophie musculaire accompagne
assez souvent la paralysie ou la contracture hystérique pour
qu'il ait été déjà publié plus de vingt cas analogues à celui de
la demoiselle Coirin.
Mais, dira-t-on, le cancer du sein, ce cancer ulcéré, était-il
aussi une manifestation hystérique ? Parfaitement, pourvu
que l'on veuille bien concéder que le terme « cancer » ne doit
pas être pris ici au pied de la lettre et dans son acception his-
tologique moderne. Les ulcérations persistantes de la peau ne
sont pas rares dans la névrose, témoin les plaies de saint Fran-
çois d'Assise et les stigmates de Louise Lateau.
La demoiselle Coirin présentait au niveau du sein ces phé-
nomènes d'oedème hystérique, mentionnés pour la première
fois par l'illustre Sydenham, oedème dur, oedème bleu ou vio-
lacé, comme je l'ai appelé, et l'on sait aujourd'hui, après les
travaux de M. le professeur Renaut, de Lyon', que l'oedème,
lorsqu'il est porté à un certain degré d'intensité, peut entraîner
avec lui des gangrènes cutanées dont les escarres laissent à
leur suite des ulcérations analogues à celle qui avait détruit le
mamelon dans le cas précité 2.
Je lisais dernièrement un mémoire fort intéressant du
Dr Fowler On y trouvera l'exposé de huit cas dans lesquels
il existait dans le sein des tumeurs uniques ou multiples dépas-
sant parfois le volume d'un oeuf de poule.
Plusieurs des malades consultèrent des chirurgiens célèbres;
la plupart de ceux-ci considérèrent, parait-il, l'affection du
sein comme étant de nature organique et proposèrent l'abla-
rehaut. - Sur une forme de la gangrène successive et disséminée
de la peau; l'urticaire gangreneuse. (La Médecine moderne, n° 9, 20 fé-
vrier 1890.)
2 On trouvera l'histoire complète de ces troubles trophiques dans le
Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, de mon ancien chef de
clinique, M. Gilles de la Tourette. (T. I, Paris, 1891 ; il, en prépara-
lion.) Pion, édit.
' Neurolic Tumours of Ilic Greast; read bejore Vie New-York Neuro-
logical Society, tuesday 7 januarv 1890. - Médical Record, 15 fe-
bruary 1890, p. 179.
LA FOI QUI GUÉRIT. 85
tion de l'organe. Or, le Dr Fowler, plus avisé, soumit ses
patientes, qui étaient toutes hystériques, à un traitement dont
l'élément psychique' fit pour ainsi dire tous les frais, et les
tumeurs qu'on avait jugées justiciables de l'instrument tran-
chant disparurent sans trop tarder. Si, munies des consulta-
tions concluant à une néoplasie, à un cancer peut-être, elles
s'étaient rendues à un sanctuaire, comment révoquer en doute
qu'elles eussent été guéries d'une maladie réputée incurable ?
Le Dr Fowler connaissait bien chez ces malades l'influence
de la faith-healing, car il nous dit en toutes lettres, en
parlant de l'une d'elles, et il en était probablement ainsi des
autres : Lilse aU women of similar tempérament, she had a
fetich like-faith in lier régulai- médical attendant 1. »
Ces cas et aussi tous les autres montrent bien que la guéri-
son dite ou non surnaturelle survenue sous l'influence de la
faith-healing obéit à des lois naturelles, et celles-ci sont encore
plus évidentes lorsqu'on pénètre plus avant dans l'analyse des
faits. C'est ainsi, par exemple, que dans tous les cas, la sou-
daineté de la guérison est beaucoup plus apparente que réelle.
Prenons pour exemple la contracture hystérique. Sous l'in-
fluence de la faith-healing ou de toute autre cause plus ou
moins réputée miraculeuse, la rigidité cesse, les muscles sont
aptes de nouveau à entrer en action. A ce moment et les jours
qui suivent, l'examen attentif montre qu'il persiste dans le
membre qui a été contracturé des troubles de sensibilité, de
l'exagération des réflexes tendineux, compagnons ordinaires
de la contracture. C'est une loi physiologique que ces phéno-
mènes-ne disparaissent pas immédiatement, et que tant qu'ils
persistent, ainsi que je l'ai bien souvent montré à ma Cli-
nique, on peut toujours redouter un retour offensif de la para-
lysie ou de la contracture. Ces phénomènes, on ne songe pas
à les chercher dans les sanctuaires, mais je les ai souvent notés
chez des malades guéris dans un lieu saint comme chez ceux
dont la guérison avait été obtenue à la Salpêtrière : les diffé-
rences ne sont pas dans les faits eux-mêmes, mais dans l'inter-
prétation qu'on en donne.
A plus forte raison ce déterminisme est-il encore plus évi-
dent lorsque la paralysie s'accompagne d'atrophie, lorsque
l'oedème produit de la gangrène cutanée, tous phénomènes
' " Comme toutes les femmes de semblable tempérament, elle avait
une sorte de foi fétichiste en son médecin ordinaire. - ·
86 THÉRAPEUTIQUE PSYCHOLOGIQUE.
dont l'évolution est appréciable pour les observateurs les moins
expérimentés.
A ce propos, revenons à la demoiselle Coirin. Sous l'influence
psychique déterminée par l'application de la chemise qui a
touché au tombeau du diacre Pâris, l'oedème, trouble vaso-
-moteur, a disparu presque immédiatement, le sein a repris
son volume normal. Il n'y a dans ce fait rien qui puisse nous
étonner, puisque nous savons avec quelle rapidité peuvent
apparaître et disparaître les troubles circulatoires. L'oedème
n'existant plus, les conditions locales de la nutrition des tissus
sont heureusement modifiées, la plaie du sein va pouvoir se
cicatriser en vertu de lois physiologiques aussi bien connues
que celles qui précédemment avaient présidé à l'apparition de
la gangrène. Mais la cicatrisation complète demande un temps
normal, suffisant pour s'effectuer, et ce n'est en effet que
quinze jours plus tard que la peau de l'organe est devenue
lisse, indemne de toute ulcération en voie de cicatrisation.
1
L'élément contracture ou paralysie peut apparaître ou dis-
paraitre soudainement. C'est un fait bien connu qu'une vio-
lente émotion nous cloue au sol sans que nous puissions mou-
voir nos membres. Lorsque l'influx moteur parti du cerveau
s'est rétabli, nous sommes aptes à marcher de nouveau. Mais
si pendant cette paralysie les muscles se sont atrophiés, le
membre né reprendra sa force et son volume que lorsque les
faisceaux musculaires se seront régénérés, et cette régéné-
ration, à laquelle président aussi des lois physiques, demande
un temps suffisant pour s'accomplir. C'est encore là le cas
de la demoiselle Coirin qui ne peut se servir de sa jambe
atrophiée pour monter en voiture, que vingt jours après sa
guérison qualifiée de soudaine.
C'est encore le cas de Philippe Sergent rapporté par Carré
de Montgeron. Le 10 juillet 1730, troisième jour de sa neu-
vaine au tombeau du diacre Paris, il est guéri d'une contrac-
ture des membres du côté droit avec atrophie. « Mais, dit
explicitement le narrateur, sa main, sa cuisse et sa jambe
droite ne rengraissèrent pas dans le moment, mais elles repri-
rent seulement couleur de chair », étant atteintes, comme
chez la demoiselle Coirin, de l'oedème bleu hystérique. L'atro-
phie n'a pu échapper à la loi physiologique de la régénération
musculaire.
De tout cela, je ne parle point sans pouvoir invoquer une
LA FOI QUI GUÉRIT. 87
expérience un peu particulière. J'ai vu revenir de sanctuaires
en vogue des malades qui y avaient été envoyés avec mon
consentement, n'ayant pu moi-même leur inspirer la faith-
healing. J'ai examiné leurs membres atteints quelques jours
auparavant de paralysie ou de contracture, et j'ai assisté à la
disparition graduelle des stigmates sensitifs locaux qui persis-
tent presque toujours quelque temps encore après la guérison
de l'élément paralysie ou contracture 1.
En résumé, je crois que, pour qu'elle trouve à s'exercer, il
faut à la faith-healing des sujets spéciaux et des maladies spé-
ciales, de celles qui sont justiciables de l'influence que l'esprit
possède sur le corps. Les hystériques présentent un état men-
tal éminemment favorable au développement de la faith-hea-
ling, car ils sont suggestibles au premier chef, soit que la
suggestion s'exerce par des influences extérieures, soit surtout
qu'ils puisent en eux-mêmes les éléments si puissants de l'auto-
suggestion. Chez ces individus, hommes ou femmes, l'influence
de l'esprit sur le corps est assez efficace pour produire la gué-
rison de maladies que l'ignorance où on était il n'y a pas long-
temps encore, de leur nature véritable faisait considérer comme
incurables. Tels ces faits de troubles trophiques d'origine hys-
térique qu'on commence à bien connaître : atrophie muscu-
laire, oedème, tumeurs avec ulcérations. Quand on entendra
désormais parler d'une guérison soudaine, dans un sanctuaire,
de cancer ulcéré du sein, qu'on se souvienne du cas' de la
demoiselle Coirin et qu'on se rappelle les faits d'observation
toute moderne du Dr Fowler.
Est-ce à dire que, dès à présent, nous connaissions tout dans
ce domaine du surnaturel tributaire au premier chef de la faith-
healing et qui voit tous les jours ses frontières se rétrécir sous
l'influence des acquisitions scientifiques ? Certainement non.
Il faut, tout en cherchant toujours, savoir attendre. Je suis le
premier à reconnaitre qu'aujourd'hui : The1'e a¡'e more things
in heaven and hearth, than are dreant in yow" s philosophy 2. »
1 Voir comme exemple typique l'observation d'Etch... (Bourneville,
Recherches clin, et thér. sur l'épilepsie et l'hystérie, p. 175 et 192, Paris,
1876.) A consulter aussi : Valentiner. Nouv. méd., 1872, p. 233 (Trad.
E. Teinturier) ; Bourneville, Louise Lateau ouj la stigmatisée belge. B. et
P. Regnard, Iconogr. phot. de la Salpêtrière, 1876, 1880).
' « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre qu'il n'y a de
rêves dans votre philosophie. (SAAICESPSARB.)
THÉRAPEUTIQUE
L'ÉLONGATION DE LA MOELLE EN ORIENT;
Par M. Alexandre HASTONIL.
En 1883, le Dr Motchoutkowsky (d'Odessa) utilisa le pre-
mier la suspension dans le traitement des affections de la
moelle. Depuis, ce procédé a pris une grande extension et par-
ticulièrement après qu'il eût été expérimenté par M. le profes-
seur Charcot.
Nous n'avons ni la science, ni l'âge voulus pour nous per-
mettre d'apprécier un moyen thérapeutique, qui a déjà donné
d'excellents résultats et il faut les instances d'un malade fort
intelligent, qui a suivi le traitement de la suspension et celui
que nous allons décrire, pour nous décider à écrire deux ou
trois mots sur la méthode orientale d'élongation de la moelle.
Nous pouvons considérer trois temps dans l'application de cette
méthode.
Premier temps. Le malade est couché sur un plan ho -
zontal, les pieds reliés à une barre fixe. L'opérateur, age-
nouillé derrière la tête du sujet, s'est préalablement muni
d'une serviette pour éviter de rendre douloureuse la traction
qu'il doit exercer; il prend alors cette serviette et il en applique
les deux extrémités pliées au niveau des apophyses mastoïdes
du malade, dont il enserre ainsi comme dans un demi-cercle
la partie postérieure de la tête. Il attire alors brusquement et
avec force la tête du malade en arrière. Ce premier mouve-
ment exécuté, l'opérateur laisse un instant reposer le patient,
puis il procède comme précédemment, mais cette fois au lieu
de s'interrompre aussitôt la traction faite, il fait suivre immé-
diatement cette traction d'un redressement brusque de la tête
du sujet comme pour en porter la face au-devant des genoux.
Simultanément, il exerce fortement avec la paume de la main
et à quatre ou cinq reprises de fortes pressions sur la colonne
vertébrale du malade. Là s'arrête le premier temps.
. REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. ' 89
Deuxième temps. - Après quelques instans de repos, le
sujet est placé debout, les pieds maintenus fixes et par consé-
quent absolument immobiles. L'opérateur se place alors au-
devant de lui, le dos exactement appliqué contre la poitrine
du malade. Dans cette situation, il prend les mains du malade
et les faisant passer par-dessus les épaules, il les ramène en
croix sur sa poitrine : il les maintient dans cette position et
se- croisant les bras, pour prendre un solide point d'appui, il
se courbe très doucement et très lentement de manière à en-
traîner dans ce mouvement la colonne vertébrale du malade
et à lui faire exécuter un arc assez étendu pour opérer une
élongation salutaire de la moelle.
Troisième temps. L'opérateur se place dos à dos avec le
patient et lui prenant les bras de manière à entre-croiser les
coudes entre eux, il se courbe en avant et il entraîne la co-
lonne vertébrale du sujet dans ce mouvement exactement
comme dans le second temps de l'opération. Notons ici que
le dos de l'opérateur doit, pendant l'exécution de ce troisième
et dernier temps, rester toujours solidement appliqué contre
celui du patient de manière à éviter tout glissement.
Encore une fois, nous n'avons pas eu la prétention de faire
oeuvre de grande utilité en écrivant ces deux ou trois mots sur
la manière dont on essaie en Orient l'élongation de la moelle.
Que si, n'ayant bien sincèrement d'autre intérêt en vue
que celui des malades, nous avions cependant réussi à inté-
resser tant soit peu ceux qui ont à coeur de les traiter le mieux
possible, nous nous en estimerions très henreux.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
I. DE la LOGORRHÉE, par 0. Klinke. (Allg. Zcilsch. f. Psychiat.,
t. XLVIII, p. 1 et 2.)
Observation de parole impulsive automatique, incoercible. Il
semble qu'à ce phénomène président, d'une façon permanente, des
images de mots qui obligent la malade à parler. Bien qu'elle
s'exprime lentement, par intervalles, et nettement, comme en
90 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
scandant, jamais le flux n'est difficile ; il n'y a pas d'arrêt. Quand
on la touche ou l'appelle, on provoque son attention ; alors elle
s'interrompt et le calme se produit. Puis, de nouveau, doucement
et graduellement plus haut elle se remet à parler..Plus tard, la
malade indiqua que les pensées se présentaient à elle ; qu'elle sen-
tait dans sa tête des murmures et des fredonnements ; que Dieu
lui proposait ce qu'elle avait à répéter. C'est donc une logorrhée
symptomatique de la folie systématique (paranoia).
P. KERAVAL.
Il. UN cas DE CONTAGION PSYCHIQUE terminé par complète GUÉRISON;
par KCHNE. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., t. XL VIII, 1. 2.)
A lire en entier; la suscription résume complètement l'observa-
tion. P. K.
III. Contribution A L'ÉTUDE DE l'épilepsie jacksonienne ET DB
l'atrophie musculaire D'ORIGINE cérébrale ; par L. KR.1MER.
(Jahrbùch. f. Psychiat., X, 1.)
Observation intéressante par ceci : Cinq ans environ après une
infection syphilitique certaine, amaurose et convulsions faisant
supposer une lésion de la base et de l'écorce. L'épilepsie est jack-
sonienne, donc il y a lésion de l'écorce; mais, comme on a signalé
l'épilepsie partielle consécutive à une localisation quelconque ou
même sans lésion organique de l'encéphale, il pourrait subsister
des doutes si les convulsions n'avaient été suivies de parésie et
d'atrophie. Et d'abord il n'y a pas paralysie générale (ni troubles
de la parole, ni mégalomanie); ce n'est pas non plus une sclérose
en plaques (étiologie, âge du malade, évolution). Reste l'hypothèse
d'une plaque néoplasique de la base s'insinuant entre la bandelette
et le nerf optique (atrophie de celui-ci) ou d'un foyer inflammatoire
circonscrit des méninges et des parties corticales voisines, oblité-
rant les artères, ou occupant la base, lésant la bandelette et le
nerf optique, gagnant l'écorce et déterminant, soit par l'oblitéra-
tion des artères, soit par la destruction de la région motrice, l'hé-
miparésie et l'épilepsie jacksonienne (irritation sous-jacente).
L'atrophie aurait la même origine, étant donné qu'elle est pré-
coce, que Jes grandes cellules des cornes antérieures sont indemnes,
qu'il existe des centres trophiques dans l'écorce (Quincke Hirt
Eisenlohr).
Autopsie. Leptoméningite chronique, atrophie et hypérémie
cérébrale. Pneumonie lobulaire. Ostéome de la dure-mère avec
pachyméningite. Intégrité de la substance blanche et grise de la
moelle, même au microscope; cellules nerveuses normales. Rien
qui puisse expliquer la paralysie des extrémités gauches; pas de
foyer dans la zone motrice droite. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 91
IV. Un cas DE PSYCHOSE chez un saturnin; par C. AIAYER.
(YM/t ! '6Me/t. f. Psychiat., X, 1.)
Saturnisme chronique professionnel (coliques de plomb, cépha-
lalgies, paralysie typique des extenseurs, avec réaction dégénéra-
tive, attaques épileptiformes, tremblement); psychose aiguë appar-
tenant au groupe de l'amelttia de Meynert; hallucinations de la
sensibilité cutanée semblables à celles des alcooliques et cependant t
le malade n'est pas alcoolique; alternatives irrégulières de gaieté
et d'angoisse. Paralysie bilatérale de l'oculomoteur externe, mais
passagère, sans qu'on ait pu déterminer s'il s'agissait d'une para-
lysie nucléaire ou neuromusculaire périphérique. Déjà Tancquerel
avait dit que strabisme et diplopie sont des signes prodromiques
de l'encéphalopathie saturnine. P. K.
V. Inversion ET perversion du sens génital (cas médico-légal);
par Lewin. (Neurolog. Centralbl., 1891.)
Examen d'un acteur ayant imaginé d'associer sa propre torture
à la pédérastie passive (voir les détails dans le mémoire). Conclu-
sion. Dégénérescence mentale; psychopathie; décadence morale;
inversion du sens génital et perversion sexuelle. P. K.
VI. UN cas d'automatisme comitial ambulatoire;
par le D1' H. GRANDJE.1N.
Il s'agit d'un homme de trente-quatre ans, ayant un oncle épi-
leptique, et ayant présenté lui-même dans son enfance un accès
de somnambulisme qui, du mois de janvier 1890 au mois de
février 1891, fut atteint de trois crises d'automatisme ambulatoire.
Pendant ces crises, cet homme agit d'une façon aussi correcte que
s'il était conscient; il accomplit les actes les mieux coordonnés et
les plus complexes, tels que jouer aux cartes, demander son billet
de chemin de fer, monter et descendre du train à la station indi-
quée sur son billet, causer sensément, etc. Le retour à l'état cons-
cient dans ces crises, d'une durée de seize à quarante-cinq heures,
est suivi d'une amnésie absolue. Entre les crises d'automatisme on
a noté quelques absences se produisant seulement pendant le tra-
vail. Pas de stigmates hystériques.
Pour admettre que les crises d'automatisme de ce malade dépen-
dent de l'épilepsie, l'auteur se fonde sur les faits suivants : 1° l'exis-
tence de prodromes (dépression psychique et rêves pénibles qui
correspondaient assez bien à une aura épileptique de longue durée);
2° les caractères des crises elles-mêmes (céphalalgie, fatigue et
amnésie consécutives) ; 3° l'existence d'absences entre les crises et
4° l'efficacité du traitement bromure. (Rev. méd. de la Suisse Ro-
mande, 1891.) G. D.
92 z2 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
N'Il. CONTRIBUTION A l'étude DE la toxicité urinaire CHEZ LES
aliénés ; par les DS DE BOLT et SLASSE. (Bull, de la Soc. de lŸI(id.
ment. de Belgique, 1891.)
. Les auteurs n'ont fait porter leurs recherches que sur les urines
d'un seul aliéné, atteint de délire mélancolique ethypochondriaque;
ils ont constaté que le-coefficient urotoxique était d'abord plus
élevé chez ce malade qu'à l'état normal, puis qu'il avait
diminué au sur et à mesure que les troubles psychiques s'étaient
accentués. Ils inclinent à croire que dans ce cas les modifications
de la toxicité urinaire doivent être rattachées à la maladie mentale.
G. D.
VIII. LE délire chronique ÉVOLUTION systématique et les PSYCHOSES
DES DÉGÉNÉRÉS; par le Dr P. Sérieux. (Bull, de la Soc. de 11féd,
ment. de Belgique, 1891.)
Travail destiné à mettre en relief les caractères différentiels qui
d'après l'enseignement de M. Magnan séparent le délire chronique
des autres psychoses, notamment de celles des dégénérés.
IX. Mélancolie anxieuse CHRONIQUE. PERTE DU SENTIMENT DE la
personnalité; par le Dr Jules DaGONET. (Bull, de la Soc. de Méd.
ment. de Belgique 1891.)
Observation d'une héréditaire qui a présenté à quarante-deux
ans un premier accès de mélancolie anxieuse suivi de plusieurs
autres. Au cours de ces accès elle fit deux tentatives de suicide. A
cette première période de l'affection en a succédé une seconde,
caractérisée par un cinquième accès avec délire systématisé de
négation et dissociation de la personnalité, puis une troisième ou
terminale dans laquelle les signes de démence ont peu à peu rem-
placé les conceptions délirantes. L'évolution de cette psychose a
- duré vingt-cinq ans. G. D.
X. Atrophie partielle symétrique DES hémisphères ET PORENC-
PHALIE du LOBE frontal DROIT; par le Dr SALGO. Il2llt. de la Soc.
de Med. ment. de Belgique, 1891.)
- Relation de l'autopsie d'un idiot dont le cerveau présentait :
1° une atrophie de la seconde circonvolution temporale et de la
seconde circonvolution occipitale des deux côtés ; 2° une atrophie
porencépbalique occupant le lobe frontal de l'hémisphère droit. Ces
lésions sont rapportées par l'auteur à une encéphalite de la première
enfance ou même foetale et non à un simple arrêt de développement
D'après lui la porencéphalie, l'atrophie simple, les ramollissements,
les dégénérations kystiques, les scléroses lobaires anciennes plus
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 93
ou moins étendues, ne sont que les effets divers d'un même pro-
cessus pathologique, évoluant dans le cerveau de l'enfant ou du
foetus et donnant lieu à des accidents différents suivant les régions
du cerveau qu'il affecte. G. D.
XI. Idiotie avec cachexie P.aCHYDEIl3rIQLE, par le Dr COUSOT.
(Bull. de la Soc. de lIléd, ment, de Belgiquc, 1881.)
Il s'agit de deux nouvelles observations d'idiotie myxoedéma-
teuse caractérisée par un arrêt de développement et de l'évolu-
tion, un trouble nutritif aboutissant à une atrophie générale, ona-
nisme avec les signes habituels du myxoeJème et un état de
perturbation intellectuelle, l'idiotie. L'auteur adopte la doctrine de
Bourneville pour lequel le myxoedème dépend de l'absence totale
ou partielle, ou tout au moins d'une lésion de la glande thyroïde.'
G.D.
XII. DE la présence DE l'acétone dans l'urine DES aliénés; par les
D™ J. DE Roeck et A. SLOSSE. (Bull. de la Soc. de Med. ment, de
Belgique, 1891.)
De leurs recherches qui ont porté sur les urines de 31 aliénés et
d'une quinzaine de sujets normaux, les auteurs tirent les conclu-
sions suivantes : lorsqu'on veut constater dans les urines la pré-
sence de l'acétone, il faut les récolter avec les plus grandes pré-
cautions. Elles doivent être conservées en flacons bien bouchés et
exactement remplis, ou mieux être distillées immédiatement.
La réaction iodoformée de Lieben est de toutes les réactions
proposées celle qui convient le mieux à déceler de très minimes
quantités d'acétone. On peut aussi avoir recours à la réaction de
Gunning. Là où ces deux réactions auraient échoué, toutes les autres
sont superflues. La réaction au perchlorure de fer n'a aucune
valeur pour déceler l'acétone : elle est caractéristique de l'acide
diacétique.
Il y a une acétonurie physiologique, son importance dépend de
larichesse de l'alimentation en substances azotées. La constatation
d'une petite quantité d'acétone dans l'urine des aliénés n'a donc
aucune signification pathologique. La quantité d'acétone contenue
dans l'urine n'est pas en rapport avec l'état psychique du malade
(dépression, agitation, peur, hallucination). La quantité d'acétone
augmente considérablement pendant l'inanition ; il est utile de
commencer l'alimentation artificielle lorsque , chez l'aliéné qui
refuse de manger, la quantité d'acétone urinaire augmente dans
de grandes proportions. G. D.
94 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XIII. Contributions A L'ÉTUDE DE L'ÉPILEPSIE symptomatique ;
par le Dr BELLAT.
Observation intéressante de tumeur de la dure-mère, placée à
cheval sur la scissure interhémisphérique, au point de jonction de
la première frontale et de la frontale ascendante, un peu en avant
de la scissure de Rolondo et portant un peu plus sur le côté gauche
que sur le droit. Cette tumeur avait déterminé, surtout du côté
gauche, une attrition direcle de l'écorce cérébrale ayant eu, tout
d'abord, pour résultat, des phénomènes d'épilepsie jacksonienne
du côté droit; puis, avec l'accroissement de la tumeur, les convul-
sions avaient pritle type de l'épilepsie vraie. Enfin, insensiblement,
s'est produite une accoutumance cérébrale, l'encéphale n'a plus
réagi aussi vivement, et bientôt on n'a plus constaté chez le malade
que de simples vertiges précédés ordinairement de mouvements
oscillatoires et de course en avant, propulsion dont le malade avait
conscience et qui semble avoir été une sorte d'accès procursif in-
complet, le malade est mort en démence deux ans après l'appari-
tion despremiers symptômes. (Annales médico-psychologiques, 1892.)
E. B.
XIV. Tuanatophobie ET suicide; par le Dr NiCOULAU.
Les causes occasionnelles du suicide sont, chez les dégénérés
héréditaires, en nombre et en variété presque infinis : loutes ne se
rencontrent pas avec une égale fréquence et la thanatophobie peut
être comptée parmi les plus rares. Les thanatophobes sont des
condamnés à mort d'une variété particulière qui las de vivre sous
le coup d'une menace permanente,, en devancent'1'exécution.
La thanatophobie, simple primitive, est dégagée de tout élément
initial et prépondérant qui puissea prionlijustifier lafin des malades,
tels que : hallucinations terrifiantes, crainte de supplices barbares,
remords imaginaires avec terreur des peines futures ou immé-
diates, etc. Le délire thanatophobique provient, chez les dégénérés,
de motifs tout à fait futiles ou complètement étrangers à leurs per-
sonnes ; chez l'un, la peur de la mort survient à la suile d'un rêve
qui l'a représenté à ses propres yeux sanglant et mutilé; un autre
interprète dans le même sens quelque événement sans rapport avec
son individu; un troisième s'affecte outre mesure d'un mal insi-
gnifiant (en dehors, bien entendu, d'aucune hallucination de la
sensibilité générale) et porte si loin son erreur que la mort doit
nécessairement survenir à bref délai ; la malade par exemple, dont
l'auteur relate l'intéressante observation, frappée de ce fait que
son père, sa mère et l'un de ses frères étaient morts après l'accom-
plissement de leur cinquante-deuxième année, se persuade qu'il y
a là une échéance inéluctable imposée par le deslin à elle-même.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 95
aussi bien qu'à ses proches. A partir du jour où fut révolue sa
cinquante-deuxième année, cette malade se sentait, pour ainsi dire
guettée, épiée incessamment par cette mort inévitable, d'autant
plus affreuse qu'elle restait inconnue dans sa forme et surtout dans
le moment précis de son avènement ; de là une anxiété, une oppres-
sion qui finissent par déterminer la malade à devancer, par des
tentatives répétées de suicide, un trépas dont l'attente augmentait
encore les angoissantes perspectives.
En présence de semblables manifestations délirantes, une ques-
tion se présente dès l'abord à l'esprit : puisque la mort est, au dire
des patients, certaine et prochaine, pourquoi la devancer et par
quelle succession de modalités psychiques en viennent-ils à s'infli-
ger de leurs mains le sort qu'ils redoutent ? 2
Chez l'homme sain, l'attente d'un événement se traduit par une
sorte d'appétence, qui, dans certaines occasions va jusqu'à l'im-
patience extrême ; volontiers on en précipiterait l'échéance, que
le résultat soit d'ailleurs bon ou mauvais, afin de procurer à l'an-
goisse une détente, une relâche bienfaisantes ; comme exemple,;on
peut prendre l'état psychique des candidats à un concours, à un
examen, et mieux pour se rapprocher plus encore des conditions
propres aux malades en question, celui des condamnés à mort dont
les idées tendront huit fois sur dix au suicide.
Etant admise, à l'état normal, l'existence de l'appétence anxieuse,
il est facile de concevoir ensuite comment par une exagération
tout entière attribuable au mauvais état psychique du sujet, cette
appétence induit ce dernier à certains actes anormaux et en par-
ticulier au suicide. La conduite' paradoxale des aliénés thanato-
pliobes qui, bien que terrifiés par l'imminence d'une fin jugée
inévitable, n'en recherchent pas moins la mort avec une opiniâ-
treté trop souvent couronnée de succès, n'aurait pas d'autre mo-
tif. (Annales médico-psychologiques, 1892.) E. B.
XV. DE l'acétonurie chez LES aliénés ; par M. SAILLER.
Dans une communication à la Société de médecine mentale de
Belgique, MM. de Boeck et Slosse ont fait connaitreleurs recherches
sur l'acétonurie chez les aliénés.
D'après ces auteurs, ce n'est pas seulement dans certaines affec-
tions mentales que l'on trouve de l'acétone dans les urines ; l'exis-
tence d'acétone en quantité plus ou moins considérable dans l'u-
rine des aliénés est unfaitconstant.Dans desrecherches antérieures
M. Sailler avait constaté maintes fois la présence de l'acétone
dans l'urine d'hommes sains de corps et d'esprit, et que, d'autre
part, sa présence dans l'urine des aliénés n'avait aucun point
d'attache avec telle ou telle affection mentale. Malgré leur affir-
mation de l'existence constante de l'acétone dans l'urine des alié-
96 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
nés, MM. de Boeck et Slosse en arrivent cependant à formuler
cette conclusion, c'est que la constatation d'une petite quantité
d'acétone dans l'urine des aliénés n'a aucune signification patholo-
gique et que la quantité d'acétone contenue dans l'urine, n'est
pas en rapport avec l'état psychique du malade (dépression, agita-
tion, peur, hallucination).
Une dernière conclusion dans leur travail est que la quantité
d'acétone augmente considérablement pendant l'inanition et qu'il
est utile de commencer l'alimentation artificielle lorsque, chez
l'aliéné qui refuse de manger, la quantité d'acétone urinaire aug-
mente dans de grandes proportions. (Annales médico-psycholo-
giques, 1892.) E. B.
XVI. PLUSIEURS attaques DE SOMMEIL paradoxal CHEZ UN aliéné;
par le Dr SZCZYPIORSKI,
Il existe une modalité toute particulière du sommeil morbide
propre aux aliénés, qui n'a rien de commun avec le sommeil hyp-
notique et hystérique. L'incertitude plane encore sur la nature de
cette hypnose anormale que l'on désigne, faute de mieux, du nom
de sommeil paradoxal. 0
L'auteur en montre un cas chez un héréditaire présentant des
périodes d'excitation et de dépression avèc idées de persécution et
qui a été pris à plusieurs reprises d'un sommeil bizarre, accompa-
gné de troubles de la sensibilité et du mouvement, de phosphaturie,
sommeil au cours duquel l'alimentation se faisait avec participa-
tion du malade. Il y eut en tout cinq attaques de sommeil : la
première dura quatre jours ; douze jours après survint une deuxième
qui dure huit jours; vingt-quatre heures après, débute une nou-
velle attaque, qui se prolonge pendant sept semaines et qui est
suivie, au bout de dix jours, d'une autre de trente-cinq jours; dix
jours de veille la sépare de la cinquième et dernière attaque qui,
le lendemain de son apparition fut avortée par le serrement du
testicule.
Il est difficile de rattacher à l'hystérie un sommeil dans lequel
tout ce qui touche à la vie de relation n'est pas suspendu, ou le
malade mâche et avale comme à l'état normal, où l'émission des
sons est conservée, où la sensibilité n'est pas abolie, où le malade,
enfin, au lieu de présenter de la diminution, présente une augmen-
tation considérable du taux des phosphates dans les urines.
Le malade, interrogé sur son sommeil, répond invariablement :
« c'est ma psychose » et il est impossible de résoudre la question,
à savoir si, et en cas d'affirmative, jusqu'à quel point et pour quel
motif la volonté entre dans sa production.
Quoi qu'il en soit, il est certain, même en admettant la simula-
tion, qu'il y avait beaucoup de spontanéité dans l'apparition du
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 97
sommeil : sinon, comment expliquer ces troubles de la sensibilité
et cette phosphaturie, n'existant que pendant le sommeil, et dis-
paraissant complètement au réveil ? (Annales ntédico-psychologiques,
1891.) E. B.
XVII. Contribution L'ÉTUDE delà rémission dans la paralysie
générale ; par le Dr Guillemin.
Lorsqu'une rémission se produit, au cours d'une paralysie géné-
rale, on est en droit d'admettre que l'élément congestif a subi un
temps d'arrêt, que les lésions inflammatoires se localisent et que
les parties du cerveau restées ou redevenues saines suppléent au
fonctionnement des parties atteintes par une lésion définitive.
L'observation citée par l'auteur montre que cette théorie, vraie
dans certains cas, ne saurait être généralisée.
11 s'agit d'un paralytique général chez lequel la plupart des
symptômes somatiques et psychiques avaient presque complète-
ment disparu depuis huit mois, lorsqu'il mourut presque subite-
ment à la suite de crises épileptiformes.
Or, à l'autopsie, on trouva des adhérences généralisées, les cir-
convolutions peu marquées; la substance grise est pâle, décolorée,
la pulpe cérébrale ramollie, lésions d'une paralysie générale arri-
vée à une période avancée et que ne pouvait faire soupçonner l'état
de rémission dans lequel se trouvait le malade. (Annales médico-
psychologiques, 1891.) E. B.
XVIII. TROIS cas DE SUICIDE SURVENUS EN TROIS ans chez trois Saurs;
par le Dr iI : IBILLE.
Les cas de suicide chez les membres d'une même famille ne sont
malheureusement pas rares. M. Mabille nous rapporte l'histoire
pathologique d'une famille où les manifestations morbides de
l'hérédité sont particulièrement frappantes.
Aacmvu ? t. XXV. 7
98 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
.XIX. OCCLUSION accidentelle DE L'OUVERTURE DE la GLOTTE par LE BOL
· alimentaire chez LES aliénés; par le Dr HOSPITAL.
Observation intéressante d'un cas de mort par occlusion acci-
dentelle de l'ouverture de la glotte chez une malade atteinte de
dépression mélancolique et présentant depuis longtemps des trou-'
bles de la déglutition, en même temps qu'une incurvation anor-
male en avant des vertèbres cervicales, par suite d'une rétraction
ancienne des muscles cervicaux postérieurs.
La malade, à qui une infirmière faisait manger un mélange de
soupe mitonnée au fromage, se débat tout à coup, puis reste immo-
bile : on essaya inutilement les secours en usage. Le médecin,
arrivé quelques instants après, plongea aussitôt les doigts dans
l'arrière-bouche : cette région était encombrée de pâte formée de
pain et de fromage, qui n'avait pu être avalée. Il introduisit alors
le bec de la sonde courbe de trousse, en puise de tube laryngien, et
sentit la résistance vaincue de la substance molle, en pénétrant par
l'ouverture de la glotte; on souffla avec énergie, mais rien ne
changea; la mort était déjà réelle. Al'autopsie, on trouva un frag-
'ment de fromage long de deux centimètres ayant pénétré dans
l'ouverture de la glotte et logé entre les cordes vocales; dans ce
fragment, entre lui et la muqueuse on observe un sillon verti-
cal ; c'est là qu'a passé la sonde aérifère pour pénétrer dans le
larynx.
Donc, si on avait pu l'introduire à l'instant même de l'accident,
on aurait eu la chance de suspendre l'asphyxie, de provoquer une
toux d'expulsion qui aurait chassé ou favorablement déplacé le
bouchon obturateur, et conservé la vie à la malade.
A ce propos, étant donnée la rapidité des accidents, l'auteur
montre combien il est important de démontrer aux infirmiers le
mécanisme de l'obstruction de la glotte par des aliments et les
moyens d'y remédier immédiatement soit par l'introduction de
deux doigts ou d'une pince, soit par celle du tube laryngien.
(Annales médico-psychologiques, juillet 1891.) E. B.
XX. La température dans L'LILE11SIE, par Bénédikt (British Médical
journal, 14 mai 1892, p. 77.)
Bénédikt (Intem, Kli7t. Rundsclwu, n° 46,1891) communique le cas
suivant d'un ? garçon fluet âgé de quinze ans. On prit attentivement
pendant huit jours la température, elle allait de 39 à 41 degrés
centigrades. Le mal de tête était intense, et une fois il y eut perte
de connaissance. Il parut alors se remettre. Au bout d'un semaine
ou deux de rémission, la céphalalgie et une sensation fiévreuse
reparurent ; la température s'éleva vivement à 42u5. Cet état calo-
rique dura environ deux heures, puis une crise arriva soudaine-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 99
ment, la température descendit à 36°, l'appétit revint et le malade
se sentit bien.
Des attaques plus ou moins semblables revinrent une ou plu-
sieurs fois par jour. jusqu'au moment où le malade put dire avec
beaucoup de précision quel degré de fièvre existait. Toutes les fois
que la température allait de 43°4 à 43°, le malade perdait connais-
sance, prenait une expression étonnée et murmurait invariable-
ment « Raiiber » (Robber). Cet état durait ordinairement de dix il
trente minutes et était suivi d'une crise. Le pouls n'excédait jamais
104 pulsations par minute.
Aussitôt que la connaissance revenait, le malade se plaignait de
contractions dans les muscles de la nuque. Il y avait de la pros-
tration et pendant un temps assez court le malade avait des hallu-
cinations.
Les arcès ne venaient jamais dans la nuit ni pendant le som-
meil, mais souvent pendant le temps des repas. Dans les inter-
valles, il n'existait aucuns symptômes cérébraux. L'examen démon-
tra seulement qu'il y avait un élargissement splénique modéré.
une légère albuminurie, une augmentation des corpuscules blancs
du sang et une désintégration, de nombreuses altérations des cor-
puscules rouges. La quinine et l'arsenic n'avaient produit aucun
effet thérapeutique. Pendant un temps assez court la phénacétine
fut employée. Quand les accès diminuèrent graduellement, les
pointes de feu sur la suture coronale et l'iodure de sodium furent
prescrits. Au point de vue de l'étiologie, Bénédikt, pen"e qu'il s'a-
gissait dans ce cas d'une intoxication microbienne ou ptomaïniqun.
XXI. AUTOMATISME SOMNAMBUDQUK AVEC DÉDOUBLEMENT DE LA.
personnalité; par le Dr BOETAU.
L'auteur, dans une très intéressante observation, détaille l'his-
toire d'une hystérique qui, à la suite d'une attaque, est restée
plongée pendant trois jours dans un état somnambulique.
Le premier jour elle a erré dans Paris, faisant environ 60 kilo-
mètres ; les deux autres journées de somnambulisme, elle les a
passées au dépôt de la Préfecture et à Sainte-Anne, dans une
demi-torpeur, sans réagir, inerte, ou du moins obéissant à tout ce
qui lui était commandé, passivement, automatiquement.
A son réveil, elle ne conserve plus aucun souvenir de ce qui
s'est passé pendant son accès de somnambulisme : elle a vécu pen-
dant ces trois journées une véritable vie mentale différente de sa
vie normale.
Lorsqu'on met cette malade en état d'hypnose, elle revient
brusquement à son état de condition seconde et le souvenir de sa
fugue revient exactement le même à chaque tentative : il est
stéréotypé.
100 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
.Lorsqu'on la fait sortir de l'état léthargique dans lequel on l'a
plongée, elle rentre dans l'existence ordinaire avec son état
mental spécial et tout différent de celui où elle est quand elle est
endormie. Chaque état de conscience ne conserve le souvenir que
de lui-même et ces deux états s'ignorent réciproquement. (Annales
médico-psyahologiques, 1892.) 1. 13.
XXII. DE LA MOUT SUBITE DANS SES RAPPORTS AVEC L'HÉRÉDITÉ
NÉVROPATHIQUE; par le Dr CULLERRE. '
Dans une série de vingt observations, l'auteur met en relief un
nouveau signe de dégénérescence des plus importants pour la
connaissance des parentés morbides, quoique des plus rarement
signalés : c'est la mort subite.
Lorsqu'on s'enquiert des antécédents héréditaires des malades
qui composent la clientèle habituelle des asiles d'aliénés, ou enre-
gistre de temps en temps cette particularité pathologique. C'est
en général dans les lignées à hérédité accumulée que ce phéno-
mène se produit : certain jour, tel membre d'une de ces familles,
jusqu'alors indemne d'accidents névropathiques, en apparence
bien portant, tombe soudain sans connaissance au milieu de ses
occupations habituelles; on le relève : il est mort.
Sur les vingt cas de mort subite relatés, la moitié environ s'est
produite chez des sujets très jeunes, quelques-uns à peine sortis de
l'adolescence. En supposant même que les cas restants dussent
être éliminés comme appartenant à des variétés pathologiques
d'ordre différent, les premiers n'en formeraient pas moins un
groupe compact de raits semblables relevant bien positivement
de la dégénérescence héréditaire et appartenant certainement à
la neuro-palhologie. Mais cette distinction serait excessive, car, à
part l'âge des sujets frappés, qui diffère dans les deux ordres de
faits, les autres conditions sont les mêmes, le milieu morbide est
identique. Jeunes et âgés appartiennent à des familles où le sys-
tème nerveux central est électivement frappé de déchéance, et où
les affections nerveuses sont prédominantes, sinon exclusives.
L'origine nerveuse, cérébrale, de ci s morts subites, étant
admise, répondent-elles toutes au même mécanisme palhogé-
nique ? Sont-elles le résultat de congestion cérébrale apoplecti-
forme, ou d'aploplexie nerveuse, cette dernière étant un accident
de nature épileptoïde ? sont-elles la résultante d'une hémorrhagie
cérébrale foudroyante consécutives à des lésions vasculaires pré-
coces qui ne sont pas rares chez les dégénérés ? Le champ des hypo-
thèses reste ouvert. (Annales méclico.psychologiques, 1892.) E. B.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '101
XXIII. Aliénation mentale par TROUBLES DE la nutrition;
par MM. Mairet et Bosc.
Lorsqu'on recherche l'étiologie de certains cas d'aliénation
mentale, on se trouve parfois amené, en l'absence de toute autre
cause susceptible d'expliquer leur développement, à les considérer
comme subordonnés à des perturbations physiques : tels sont les
cas développés à la suite de quelque maladie physique grave ou
bien pendant la puerpéralilé, ou bien encore à certains moments
de l'évolution de la vie, à la puberté, par exemple. MM. Mairet et
Bosc apportent la preuve de cette hypothèse par des expériences
entreprises sur la toxicité des urines des aliénés.
Les résultats obtenus par ces auteurs au cours d'expériences
antérieures avec l'urine normale, ont servi de terme de compa-
raison pour juger de l'effet des urines pathologiques.
Au point de vue du degré de toxicité, ces dernières expériences
avaient montré que l'urine normale, en injections intra-veineuses,
tue le chien à 100 centimètres cubes par kilogramme; au point de
Vue des qualités toxiques, c'est-à-dire de l'action des urines nor-
males sur les différentes fonctions de l'économie, on a constaté
chez le chien : du côté du tube digestif, salivation, vomissements,
diarrhée; du côté de la respiration, ralentissement et gêne aug-
mentant avec la dose; du côté de la circulation, accélération
constante avec plus grande énergie des battements cardiaques; du
côté de la calorification, hypothermie pouvant atteindre 3 et
4' degrés; du côté du système nerveux, phénomènes consistant
suivant les doses, en un simple affaissement, avec somnolence
quelquefois et conservation des réflexes, puis en résolution, coma,
attaques épileptiformes ; il se produit des mictions abondantes
pendant et après l'injection; myosis à doses toxiques; enfin à
l'autopsie, lorsque la mort est immédiate, dilatation du coeur,
congestion des différents organes ; et lorsque la mort est éloignée,
dilatation du système veineux, poumons en bouillie, inflammation
de la pie-mère ; troubles trophiques cutanés.
Les injections d'urine pathologique ont été faites avec l'urine
de malades atteints de manie, de stupeur, de lypémanie, de folie
des persécutions et de démence sénile.
Degré de toxicité. Dans toutes les formes d'aliénation men-
tale, autres que la démence sénile, le degré de toxicité de l'urine
a été augmenté, dans des proportions différentes du reste, suivant
la forme d'aliénation et l'acuité de la maladie. Tandis que la
manie sans agitation a une toxicité presque semblable à celle de
l'urine normale, tandis que la stupeur simple et la folie des per-
sécutions ont un degré de toxicité relativement faible, la stupeur
iypémaniaque, la lypémanie, la manie avec agitation ont, au con-
1 02 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
traire, une toxicité beaucoup plus énergique ; et la forme n'est
guère qu'un élément secondaire au point de vue du degré de
toxicité de l'urine, l'élément premier dépendant de l'intensité de
la maladie : chez tous les malades, quelle que soit la forme revêtue,
plus la maladie était intense, plus le degré de toxicité était élevé.
'Dans la stupeur lypémaniaque et certains cas de manie, la mort
survenait chez le chien à 25 centimètres cubes par kilogramme.
Qualités toxiques, D'une manière générale, les qualités toxi-
ques des urines des aliénés sont les mêmes que celles de l'urine
normale pour ce qui concerne toutes les fonctions autres que le
système nerveux.
Pour ce qui concerne le système nerveux, on retrouve dans tous
les cas des symptômes semblables à ceux que produit l'urine nor-
male, mais, à côté de ces symptômes, en existent d'autres.
Dans un premier groupe (certains cas de manie, stupeur simple,
folie des persécutions). la symptomatologie est semblable à celle de
l'urine normale : l'affaissement et la résolution sont seulement
plus marqués.
Dans un second groupe (manie avec agitation considérable,
stupeur lypémaniaque, lypémanie) on constate des symptômes
qui n'existent pas avec l'urine normale : les urines de maniaques
avec agitation considérable donnent lieu à une hyperesthésie, une
hyperexcitabilité musculaire et auditive et à un état de convulsi-
bilité qu'on ne retrouve pas avec l'urine normale. Cet état est
poussé si loin que, dans l'intervalle des attaques convulsives,
alors que la résolution est complète, la moindre excitation, bruit,
attouchement, suffit pour produire des convulsions généralisées.
Les chiens, injectés avec de l'urine des malades atteints de stu-
peur lypémaniaque, présentent un état de stupeur avec inquiétude
et apeurement, qui ne dure que quelques heures, mais n'en tra-
duit pas moins assez bien, dans son expression symptomatique,
ce qui existe che; l'individu atteint de cette forme d'aliénation
mentale.
L'urine des lypémaniaques donne naissance non seulement à un
état de résolution plus marqué qu'à l'état normal, mais encore à
de l'inquiétude et àde l'apeurement, et à de l'hyperesthésie auditive.
En jetant un regard d'ensemble sur ces expériences, on voit que
peu importe la cause physique qui a donné naissance à la folie :
puerpéralité, puberté, maladies infectieuses; les urines, à part
peut-être quelques éléments secondaires, produisent toujours les
mêmes phénomènes toxiques.
Par conséquent, ce n'est pas à un poison typhique ou puerpéral,
par exemple, qu'il faut rattacher l'aliénation mentale, mais à un
autre élément commun à toutes ces perturbations; et comme le
seul élément commun est le trouble subi par la nutrition, force
est de rattacher ces aliénations mentales à ce trouble.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 103
De sorte qu'à côté des aliénations mentales, névroses, doivent
prendre place des aliénations mentales par troubles de la nutri-
tion lesquelles réunissent dans un même groupe des aliénations
mentales étudiées par certains auteurs sous autant de noms diffé-
rents qu'il y a de causes susceptibles de les produire : folie puer-
pérale, folie pubérale, etc. (Annales médico-psychologiques, 1892.)
E. B.
XXIV. Gymnastique SUGGESTIVE; par L. LEHntANN.
(Neurol. CcHai/6 ? 1891.)
On ordonne au patient d'exécuter des mouvements, ou on
imprime des mouvements aux membres paralysés. On éduque, ou
plutôt on rééduque les centres cérébraux moteurs lésés, ou du moins
on réincite les fibres d'association et de suppléance du côté altéré
ou du côté sain. Méthode fonctionnelle très active. P. K.
XXV. Mensonge ET aliénation mentale; par MOELI. (Allg. Zeitsch. f.
. Psychiat., XLVIII, 4.)
Rapport médico-légal. Un dégénéré accusé d'escroquerie. Ment-
il ? Simule-t-il ? Etablir la débilité mentale et samodalité. Conclusion
irresponsabilité . P. K.
XXVI. CONTRIBUTION A la THÉORIE des hallucinations; par Tigges. (Allg.
Zeitsch. f. Psychiat., XLVIII, 4.)
Revue critique. Les hallucinations sensorielles sont d'origine
centrale, mais il peut se faire que les voies nerveuses périphériques
entrent simultanément en vibration. Les hallucinations motrices
partent de l'écorce qui est le siège de l'innervation et de l'impul-
sion volontaire. P. K.
XXVII. Des formes aiguës delà démence (Amentia) ET DE la folie SYSTÉ-
) ! .\TIQUE (Paranoïa) ; par WL. SERBSKI. (Allg. Zeitsch. f. Pyschiat.,
XLVIII, 4.)
Les folies aiguës se présentent sous deux formes. '
1° Désordre des idées hallucinatoire (amentia acuta). Trois symp-
tômes. Désarroi intellectuel, c'est-à-dire trouble primitif de la
connaissance ne dépendant pas des hallucinations parfois complète-
ment absentes. Mobilité de l'humeur tantôt anxieuse, tantôt gaie,
le plus souvent rapidement modifiable. Trouble de l'association dans
les idées. Marche caractéristique ; oscillations très considérables
dans l'intensité; grande tendance à des rémissions; sidération
tenant à un désordre suraigu dans les idées, puis agitation ma-
niaque, stupeur, ou apparence de la démence (démence aiguë) ; ou
104 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
bien encore succession de ces stades. Pronostic favorable, même
dans la période de démence. C'est une psychose d'épuisement,
peut-être d'origine bactérienne et peut-être y a-t-il plusieurs
démences aiguës avec chacune son microbe. -2 Folie systématique
aiguë. Se distingue de la folie systématiqu e chronique par l'installa-
tion aiguë ou subaignë des idées délirantes, tandis qu'elles' s'ins-
tallent lentement et progressivement dans la folie systématique
chronique. Les idées délirantessont solides, mais dépourvues de lien,
incomplètement ou insuffisamment systématisées ? leur charpente
manque d'assemblage. L'affectivité conserve son activité. Durée
cinq à neuf mois. Issue : guérison fréquente. P. KERAVAL.
XXVIII.COMMU,NICATIO,NS cliniques; par N. OSTERMAYER. (Allg. Zeitsch.
f. Psychiat., XLVIII, 4.)
1° Folie guérie par un traitement gynécologique. Femme de
trente-deux ans; une attaque de mélancolie avec symptômes d'ar-
rêt psychique, consécutive à une endométrite chronique (ulcéra-
tions du col). On guérit l'affection delà matrice; la psychose cède.
Trois ans plus tard, endométrite chronique, métrite, catarrhe chro-
nique du col et du vagin ; désordre dans les idées avec stupeur,
angoisse. Guérison de la métrite; la psychopathie disparait.
2° Catatonie de Kahlbaum. C'est, dit l'auteur, une forme morbide
autonome, indépendante. 1 P. K.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
I. Contribution A la psychologie INDIVIDUELLE; par H. Muens-
TERBERG. (Centralbl. f. Nervenheilk. IL,NF. II, 1891.)
Déterminer l'équation personnelle, c'est-à-dire les différences
individuelles du travail mental ou des impressions qui sont dans des
limites normales; établir ainsi des statistiques et, préciser par elles
l'influence des occupations professionnelles sur la constitution
psychique chez le travailleur, le médecin, le jurisconsulte, le pro-
t C'est la légitimation nette de notre traduction des mots paranoïa
Verruecktlaeit, Wahnsinn, sur laquelle nous avons bien souvent appelé
l'attention des lecteurs. (P. K.)
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 105
fesseur, le marchand, l'officier ; tel est le but de l'auteur. Il s'est
d'abord adressé aux élèves des divers établissements d'instruction,
classes par classes, afin de déterminer l'influence des enseigne-
ments différents sur l'organisation psychique de l'enfant. Les opé-
rations intellectuelles qui deviennent le sujet de ses expériences
portent sur : la lecture de dix mots renonciation des couleurs
des objets auxquels ces mots se rapportent- l'énonciation non de
l'objet, mais de son espèce -la désignation d'images - la lecture
des nombres-l'appel des couleurs la reconnaissance des figures
géométriques avec ou sans analyse, etc., etc. On mesure le temps
que demande chez chaque sujet ce travail mental à l'aide d'une
montre à déclancliement podalique graduée par centièmes de se-
condes, ou, quand on est pressé, avec une simple montre à cinquièmes
secondes. L'examen d'une seule personne, dans ces conditions,
demande près d'une heure; on prend donc des aides de façon à faire
des séances de deux heures dans la cour de l'école; en quatorze-
jours on obtient l'équation de toute une école. Les résultats sont
intéressants. Ils seront publiés plus tard. P. Kéraval.
II. Le trajet des FIBRES dans LE nerf optique; par 0. IIEBULD.
(Neurolog. Centralbl., 1891.)
Paralytique général atteint d'amaurose de l'oeil gauche (atrophie
de la papille) pendant les derniers temps de la vie; rétrécissement
simultané du champ visuel de l'oeil droit à droite. L'autopsie révèle
une atrophie du nerf optique gauche dont les fibres sont toutes
détruites ; dans le nerf optique droit, deux forts trousseaux sont
altérés, et tout autour d'eux, existe une aréole de dégénérescence.
On retrouve la dégénérescence dans le chiasma; elle montre que,
dans tout nerf optique, il y a des fibres nerveuses qui appartiennent
à la bandelette du même côté et du côté opposé, le faisceau direct
occupant rigoureusement la périphérie externe du tronc du nerf,
de même que dans le chiasma et la bandelette. Le faisceau entre-
croisé occupe le centre du nerf optique, et, dans la bandelette, la
partie inférieure (ventrale). P. K. '
III. Contribution A la QUESTION [des FIBRES externes d'association
DE l'écorce du cerveau ; par W. DE 13ECHTEREW. (Neurolog. Cet-
tralbl., 1891.)
M. Kaes (même recueil, V. Archives de Neurolog ? revues analyti-
ques) distinguait dans l'écorce : 1° une couche tangentielle, la plus
externe; -20 une couche intermédiaire ; - 3° une couche externe des
fibrespropres de Meynert sous-corticales, qui s'associent, fusionnent,
etcoupent par autant de parallèles les fibres verticales de projection.
C'est àpeu près, dit M. Bechterew, ce quej'ai,dit dans l'ouvrage russe-
106 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
de Lawdowski et Owsjannikow (1887) à propos de la corne d'Am-
mon. P. K.
IV. CONTRIBUTION 9 la QUESTION DE la circulation DU sang dans
l'encéphale pendant LES attaques d'épilepsie d'après les RE-
cherches expérimentales DE TODORSKY; par W. DE BECUTEREW.
(Neurolog. Centralbl ? 1891.)
On rend des chiens et des chats épileptiques, soit en soumettant
l'écorce à des courants d'induction, soit en leur injectant dans les
veines de la cinchoninè, de la cinchonidine ou de l'essence d'absin-
the. On les trépane et l'on observe les vaisseaux de la pie-mère; on
mesure en même temps la pression dans le cercle artériel deWillis et
l'aorte. On voit ainsi que, pendant l'attaque d'épilepsie, la pression
monte dans les artères cérébrales, tandis qu'elle diminue dans les
extrémités centrales des carotides. Le sang afflue donc au cerveau
et en dilate les capillaires. P. K.
V. Du noyau externe du faisceau cunéiforme dans LE bulbe ; par
L. 13LUfENAU. - QUELQUES REMARQUES SUR LE noyau EXTERNE
du faisceau cunéiforme; par le même. (Neurolog. Centralbl., 1891.)
Examen du bulbe d'un adulte, d'un nouveau-né et de plusieurs
embryons de différents âges. Le noyau externe en question appa-
raît d'abord à la région bulbaire où le faisceau latéro-cérébelleux
direct donne naissance à des fibres arciformes qui gagnent en
arrière l'extrémité la plus inférieure du corps restiforme ; en cette
région, plus profondément, on trouve, notamment contre le noyau
interne, quelques cellules ressemblant, par leur grandeur et leur
forme, à celles du noyau externe. Ce sont ces cellules périphériques
du noyau interne qui en se groupant forment ou plutôt renforcent
le noyau externe bientôt supérieur en volume au noyau interne.
Plus haut, au-dessus des premiers trousseaux de la racine interne
du pédoncule cérébelleux inférieur, le noyau interne disparaît peu
à peu, mais totalement, tandis que l'extrémité supérieure du noyau
externe peut être suivie jusqu'au plan inférieur de l'émergence de
l'auditif. Les cellules multipolaires du noyau externe ontun volume
considérable (50 à 80 ); elles ressemblent fort à celles des colonnes
de Clarke dans la moelle dorsale.
En ce qui concerne les relations des cordons postérieurs avec le
corps restiforme, c'est le noyau externe du cordon cunéiforme qui
les établit avec le pédoncule cérébelleux du même côté; il y a donc
une analogie physiologique entre le noyau externe et les colonnes
de Clarke. Le premier sert de lien entre les fibres des cordons pos-
térieurs et le pédoncule cérébelleux du corps restiforme ; les colonnes
de Clarke réunissent les fibres des cordons postérieurs au faisceau
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 107
latéro-cérébelleux. Il est même probable que les noyaux du faisceau
cunéiforme sont en communication avec le corps restiforme du côté
opposé.
La méthode de Golgi (nitrate d'argent) permet en outre de for-
muler ce qui suit sur le type des cellules et la direction de leurs
prolongements.
La plupart des cellules du noyau externe appartiennent au pre-
mier des deux types de Golgi. Les prolongements qu'elles émettent,
tout en projetant quelques rameaux accessoires, conservent néan-
moins leur individualité, ces prolongements s'en vont généralement
sur le côté, c'est-à-dire vers le corps restiforme et les fibres arci-
formes émanées du cordon cérébelleux. On en peut suivre quelques-
uns jusqu'à la périphérie externe du bulbe sans cependant pouvoir
déterminer leur marche ultérieure. Quelques cellules envoient aussi
leurs prolongements en dedans, mais souvent ceux-ci s'infléchissent
après avoir parcouru une étendue variable et se rapprochent à
nouveau de la périphérie.
Chez un homme atteint d'arrêt de développement du cervelet,
on constatait que cet organe était réduit à des fractions des deux
hémisphères; l'olive cérébelleuse gauche avait disparu, celle du côté
droit était rudimentaire. Les noyaux internes du faisceau cunéi-
forme étaient bien développés; mais les noyaux externes des deux
côtés étaient atrophiés. P. Kéraval.
VI. Des altérations DES cellules nerveuses DE la moelle;
par K. SCHAFFER. (Neurolog. Central., 1891.)
Conclusions en partie conformes aux recherches de Friedmann
(voy. Archives de Neurologie, t. XIX ; p. 270 ; t. XXI, p. 283 ; t. XXII,
p. 132) : myélite aiguë.
1° Leurs altérations portent au début sur une portion limitée
du corps de la cellule, soit au centre (tuméfaction homogène), la
périphérie restant normale ; soit au bord du protoplasma (sclé-
rose), le reste de la cellule demeurant sain.
2" C'est le noyau qui résiste le plus, et surtout le nucléole ; ces
derniers ne sont d'ordinaire atteints que lorsque le corps de la cel-
lule est affecté.
3 Il s'agit d'une dégénérescence partielle des cellules nerveuses
entraînant la diminution de fonction. P. K.
VII. LE réflexe anal ; sa physiologie ET sa pathologie; par G. Ros-
SOLIMO. (Neurolog. Cenlrulbl., 1891.)
Chez tous les hommes normaux le sphincter se contracte quand,
à l'aide d'une tête d'épingle ou d'une plume, 'on touche la peau et
la muqueuse de l'anus. Le centre de ce réflexe est la troisième ou
108 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
la quatrième racine sacrée, c'est-à-dire le cône médullaire. L'exci-
tation transversale de la moelle étudiée chez le chien de la tête à la
queue, montre qu'au-dessus du milieu du renflement lombaire le
réflexe augmente d'intensité pour disparaître, lorsque l'excitation
porte sur la région de la quatrième racine sacrée. Découvrons le
renflement lombaire, et sectionnons transversalement la cinquième
paire radiculaire postérieure; nous voyons que l'arc réflexe anal
émane de la quatrième paire radiculaire sacrée, et de son centre qui
siège un peu au-dessus d'elle, c'est-à-dire au niveau de la troisième
paire de racines sacrées. Le centre réflexe anal occupe en réalité
le milieu des territoires du renflement lombaire qui renferment
une série de centres de réflexes des organes du bassin ; il est situé
au-dessous de tous les autres réflexes musculo-cutanés connus.
Le réflexe anal est exagéré : chez les neurasthésiques à réflexes
cutanés excessifs ; dans la myélite transverse élevée ; quand il y a
lésion anatomique du système nerveux accompagnée d'excès des
fonctions de sensibilité. Il est diminué ou épuisé : dans la névrite
multiloculaire avec ascension au plexus sacré ; chez les tabétiques
à altérations viscérales avec anesthésie de la région anale ; dans la
myélite du segment inférieur du renflement lombaire. Il reste
normal dans les névroses fonctionnelles, de la miction, de la défé-
cation, de l'appareil sexuel. P. K.
VIII. La résistance électro-faradiquedu corps humain ; par FREY et
`'VINDSCHEID. (Neurolog. Centralbl., 1891.)
Un courant va animer un téléphone ; on en mesure la résistance
au moyen d'un pont différentiel compensateur de Wheatstone.
Seulement, l'extrémité du fil qui dérive le courant au téléphone est
plongée dans un conducteur liquide (gouttière pleine d'une solution
de zinc), et le rhéostat est liquide (lame de platine plongeant dans
l'acide sulfurique faible). On trouve ainsi que la résistance du corps
dépasse rarement1000 ohms, souvent elle est au-dessus de 00 ohms.
Cette résistance tient surtout à la peau; elle dépend de la dimension
des organes traversés, mais est, en soi, des plus constantes. P. K.
IX. DES troubles sensitifs ET VASO-MOTEURS dans la paralysie
faciale rhumatismale; par L. de fRA\KL-HOCfIR'.1RT. (Neurolog.
CentralGl., 1891.)
Soit : vingt cas de paralysie faciale rhumatismale (début brusque
sous l'influence d'un courant d'air), légère de gravité moyenne, ou
grave (types Erb). Ils se décomposent comme suit :
10 : aucun trouble des nerfs sensitifs ou vaso-moteurs.
3 : trouble simultané.
5 : des nerfs sensitifs seuls.
2 : aaso-moteurs seuls.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 109
Dans tous ces cas, il y avait atteinte de toute la moitié de la face,
y compris quelquefois aussi la muqueuse des joues et de la langue
(analgésie, anesthésie, hypolhermeslhésie, dont les malades ne
s'étaient pas aperçus), bouffissure de la partie paralysée, tuméfac-
tion de la paupière inférieure avec coloration porcelainée; dilata-
tion des vaisseaux avec élévation de la température; tous accidents
accompagnant la paralysie. Parfois complications de troubles du
goût. Excepté en un cas, ces symptômes disparurent rapidement;
il est donc possible que dans les dix cas où ils n'existaient pas, ils
eussent disparu avant que les malades ne fussent venus se faire
traiter. Conclusion : Le facial de l'homme contient des nerfs sensi-
tifs et vaso-moteurs. P. K.
X. Emploi DE la méthode DE WOLTERS SUR LES fibres fines, DE
l'écorce du cerveau; par Tu. KArs. (JVeM ? 'OO.C<' ? ! <rtt/6<., 1891.)
A l'aide de cette méthode (Zeitsch. f. wiss. 1lIikl'osliOpie, t. VII),
on colore les fibres tangentielles d'une manière à tous égards sur-
prenante. On voit aussi un trousseau de fibres dans l'écorce crise,
qui se détache nettement et n'est autre que la couche d'association
la plus externe de Meynert. P. K.
XI. RECHERCHES anatomiques SUR la marche DES FIBRES DE la
SUBSTANCE GRISE CENTRALE DES CAVITES CÉRÉBRALES ET LA DISPARU-
TION DES FIBRES NERVEUSES A MYELINE DES MÊMES RÉGIONS DANS LA
1 AR.\LYSIE progressive des aliénés; par H. SCIlUETZ (A1'chiv (. Psy-
chiat., t. XXII,. 3.)
Chez vingt paralytiques généraux atteints d'immobilité pupillaire
réflexe, il y avait intégrité de la partie périphérique de l'arc ré-
flexe (nerf optique, nerf oculomoleur). Le faisceau des fibres lon-
gitudinales qui couvre comme d'une calotte le noyau de l'hypo-
glosse, pour longer plus tard les côtés du pneumogastrique, est un
faisceau dorso-longitudinal ; à la hauleur du noyau de l'auditif il
s'étale en une bande étroite sous le plancher ventliculaire qu'il
suit dans toute son étendue. Tant et si bien. qu'au niveau de la
substance grise du troisième ventricule, on compte quatre trous-
seaux de fibres :
1° Le prolongement direct du faisceau dorso-longitudinal, occupe la
région de l'infundibulum;
2° Les fibres qui occupent la substance grise centrale des cavités, se
terminent dans les noyaux des couches optiques, dans le ganglion de
l'habenula, dans le ganglion optique du la base, dans le corps de Luys,
dans l'anse du noyau lenticulaire ;
3° Le faisceau dorso-longiludinal occupe la substance principale de
ces libres; ,
4° D'autres fibres atteignent les tubercules quadrijumeaux, la valvule
de Vieussens, la commissure postérieure.
110 REVUE. D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
C'est à l'atrophie des fibres de la substance grise des cavités qu'il
faut rattacher les troubles si fréquents de tous les muscles de la
physionomie qui concourent à la mimique chez les paralytiques
généraux. L'auteur fournit à l'appui de cette assertion douze obser-
vations avec autopsies. C'est une lésion systématique primitive,
non inflammatoire, n'ayant aucun rapport avec les granulations
épendymaires. Le développement embryogénique montre aussi
qu'il s'agit là d'un véritable système de fibres. Elles demeurent
intactes dans la démence sénile, l'alcoolisme chronique, la folie
systématique chronique. P. KERaVAL.
XII. UN CAS DE PORENCÉPUAHE ACQUISE AVEC DÉGÉNÉRESCENCE SECON-
DAIRE DI : S FIBRES OPTIQUES ET DU FAISCEAU LATÉRAL DU PÉDONCULE
cérébral; par H. Kreuper. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat , XLVIII,
1,2.)
Cas de ramollissement cérébral ischérnique portant quatre ans
avant la mort sur le lobe temporal droit, six semaines avant sur le
territoire irrigué par la quatrième branche de la sylvienne gauche;
enfin, dans l'intervalle, lésion, par poussées, du lobe occipital droit.
Dégénérescence secondaire de la moitié latérale du segment le
plus postérieur de la capsule interne. Immédiatement en avant de
l'extrémité antérieure du corps genouillé externe on voit un fais-
ceau anormal qui gagne le segment latéral du pied du pédoncule
cérébral et un autre faisceau, plus gros, qui va directement dans
la couche optique et les ganglions nerveux adjacents ; dans la cap-
sule interne même, existe, plus en avant, une raie étroite de dégé-
nérescence qui, le long du bord du noyau lenticulaire, peut être
suivie jusque près dugenou de la capsule. Cette raie, qui correspond
à une partie du faisceau pyramidal de Flechsig, aboutit à la masse
cicatricielle, dans la région de la capsule externe et de l'écorce de
l'Insula ; en bas, elle ne se sépare pas de l'atrophie latérale, et on
la retrouve à l'état de fascicule scléreux dans la pyramide du
bulbe. Secondairement, atrophie du pulvinar, du corps genouillé
externe, du bras antérieur des tubercules quadrijumeaux, de la
substance blanche superficielle du tubercule quadrijumeau anté-
rieur, dégénérescence de la bandelette optique et du nerf optique.
M.Kreuser croit que les trousseaux atrophiés de la couronne rayon-
nante entrent directelllentdans les ganglions. Atrophie encore plus
avancée du corps genouillé interne et des segments latéraux de la
couche optique, qui est probablement consécutive à l'atrophie du
lobule pariétal inférieur (et de la circonvolution temporale supé-
rieure). La dégénérescence du faisceau latéral du pied du pédon-
cule cérébral se rattache à la région pariélo-temporale, maison ne
saurait éliminer la participation du lobe occipital. Dans la zone
atrophiée du segment le plus postérieur de la capsule, il est impos-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 111
sible de distinguer des fibres optiques les éléments qui établissent
une relation avec le trousseau latéral du pied du pédoncule céré-
bral. P. K.
XIII. CONTRIBUTION A la connaissance des racines du trijumeau ; par
Il. DE GUDDEN. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVIII, 1, 2.)
Voici une série complète de coupes transverses et perpendicu-
laires de l'encéphale et du bulbe d'un veau privé de renflement
olfactif du côté droit et du nerf trijumeau du même côté. Voici
d'autre part l'encéphale et la moelle d'un lapin, chez lequel, aus-
sitôt après la naissance, on avait sectionné transversalement le tri-
jumeau ; on le tua quelques jours plus tard. Ces pièces proviennent
de la collection du père de l'auteur de ce mémoire.
La racine motrice du trijumeau prend naissance dans le noyau moteur
du même côté; la racine descendante, dans les grosses cellules de la
substance grise centrale des ventricules, autour de l'aqueduc de Sylvius.
Il faut distinguer les racines descendantes et motrices des racines
ascendantes, au moyen du plus fort calibre de leurs fibres nerveuses, ce
qui permet de reconnaître que la racine descendante se juxtapose il la
racine motrice. Il n'y a lieu ni de confirmer, ni d'infirmer l'idée acceptée
par les auteurs de l'entre-croisement partiel de la racine motrice et de
la racine descendante, car, du côté altéré, il reste des deux racines
encore quelques fibres qui expliquent la conservation totale ou partielle
des quelques cellules indemnes et l'existence intégrale des fibres d'entre-
croisement. S'il y a des fibres qui s'entre-croisent, en tout cas, il n'y en
a que très peu. Les trousseaux de fibres de la racine ascendante prennent t
probablement leur origine première dans les parties les plus inférieures
de la moelle cervicale; la série des coupes commence à la hauteur de la
cinquième paire cervicale, et, à ce niveau, la racine ascendante du côté
sain a déjà un notable volume. Les fibies émanent de la substance
gélatineuse, ou plutôt de la partie latérale de celle-ci, jusqu'au niveau
de la deuxième paire cervicale postérieure, puis jusqu'au bulbe, elles nais-
sent, en se multipliant, de son senmentinféro-latéral (ventro-latéral) ; la
partie supérieure ou dorsale de cet organe paraît être en relations avec
les racines des paires cervicales postérieures; plus haut, vers les centres,
la substance gélatineuse est encore le centre de formation des fibres de
la racine ascendante. Au surplus, la seconde série des préparations
(lapins) montre le rapport pathogénétique entre l'atrophie de la racine
ascendante et celle de la substance gélatineuse; bien que le trijumeau
ait été lésé entre la protubérance et le ganglion de Casser, on y trouve
l'atrophie des deux organes. P. Klraval.
XIV. DE l'atrophie DES fibres dans la substance grise ET des PRO-
CESSUS DE division DES noyaux dans la moelle SOUS DES INFLUENCES
pathologiques; par FUERSTNEit et 11NODLAUCII. (A1'chiv f. Psychiat.,
XXIII, i.)
Chez l'homme, il est de règle, dans les cas de lésions cérébrales
Il'-) REVUE. D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
en foyer, de constater une dégénérescence secondaire bilatérale des
cordons latéraux; la dégénérescence unilatérale apparente du cor-
don du côté opposé se complique toujours, à l'examen microsco-
pique, d'altération identique du cordon du même côté. Chez le
chien auquel on enlève le gyrussigmoïde, seul le cordon latéral du
côté opposé dégénère, tandis que tous les segments de la moelle
demeurent intacts, ce qui prouve qu'il n'y a pas chez cet animal
de cordon antérieur. La dégénérescence a lieu par l'évolution suc-
cessive des lésions suivantes. Tuméfaction et augmentation de
volnme de la substance de soutènement; compression des tubes
nerveux ; tuméfaction, puis segmentation en grumeaux des man-
chons de myéline; disparition ou régression par tuméfaction,
vacuolisation, effritement des cylindraxes. Dans les travées de subs-
tance conjonctive, noyaux à contenu granuleux qui appartiennent
aux cellules de la névroglie augmentées de volume ; ces noyaux aug-
mentent, mais sans se multiplier; on ne constate ni altération des
éléments des parois vasculaires, ni accumulation de cellules autour
des vaisseaux, ni multiplication, ni néoplasie de la substance de
soutènement. Et, somme toute, la dégénérescence secondaire
demeure des mois limitée à la substance nerveuse, 'ce n'est qu'à
une période avancée que le tissu conjonctif est atteint.
Chez le lapin, l'hémisection de la moelle provoque la myélomala-
cie transverse de la substance grise et une dégénérescence secon-
daire bilatérale. Ici, il y à division des noyaux dans les cellules con
jonctives de la substance blanche et de la substance grise.
En multipliant les hémisections chez les lapins et les chiens, on voit
que la karyomitose ou segmentation inJil'ected'Al'I1old, caractérisée
par la division du noyau suivant l'équateur ou le long de seg-
ments égaux, est due à la lésion traumatique. On observe encore la
fragmentation nucléaire indirecte, c'est-à-dire la division du noyau
en une place quelconque, formant des segments inégaux. L'une et
l'autre espèce sont des processus équivalents de métamorphose
régressive. La fragmentation est en réalité le premier acte des
processus de prolifération des cellules conjonctives ; elle est graduel-
lement remplacée par la karyomitose. Les cellules nerveuses n'y
prennent aucune part. P. K.
XV. Contributions casuistiques A la connaissance DE la MIKROGYRIE;
par R. OTTO. (Arcleiv f. Psychiat., XXIII, 1.)
Deux observations d'idiotie complète. Age, cinq à six ans. Chez
l'un, impotence fonctionnelle des membres. Chez l'autre, contrac-
tures multiples. Chez tous deux, de temps à autre, accès convulsifs.
Poids des cerveaux : 120 et 780. Rachitisme du crâne, adhérence
de la dure-mère avec l'os, faible dilatation des ventricules, adhé-
rences de la pie-mère à la surface bossuée de l'encéphale. L'ence-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 113
phale a conservé sa symétrie excepté au niveau des pyramides, des
régions fronto-pariétales. Peu de cellules dans l'écorce de ces
menues circonvolutions ; absence totale des grandes pyramides ;
immédiatement sous l'écorce, zones gris clair, parfois séparées de
l'écorce par une couche blanche étroite. 1 P. K.
XVI. Contribution A l'anatomie pathologique DE la chorée MINOR;
par R. WOLLENBERG. (Archio f. Psychiat., XXIII, 1.)
Examen de six encéphales.
Conclusions. Dans quelques cas de chorée simple ou de chorée
avec délire, on trouve dans le noyau lenticulaire ou plutôt dans le
globus pallidus du noyau lenticulaire de nombreux organites sphé-
riques très réfringents, disposés le long des vaisseaux, qui résistent
énergiquement aux matières colorantes et aux réactifs. Comme on
rencontre ces mêmes éléments dans les mêmes régions d'individus
n'ayant jamais eu la chorée, ils ne sont pas caractéristiques de cette
maladie. Ils indiquent, très probablement, la calcification de subs-
tances organiques fondamentales dont la nature reste indétermi-
née. Ils ne réagissentni à l'alcool, ni à l'éther, ni à la solution de
Legal, ni à l'acide osmique, ni à la lessive de potasse ; la concentri-
cité de leurs couches n'est pas mieux dessinée 'par l'acide acétique.
L'acide sulfurique les dissout en les dissociant en de fines
aiguilles ; l'acide chlorhydrique ne les dissout pas toujours . Us ne
sont colorés ni parle carmin, ni par l'agent colorant de la fibrine
de Weigerl, mais le cyano-ferrure de potassium et l'hématoxyline les
rend gris obscur et noirs; la solution d'aniline et de fuchsine
acide les imprègne : ils deviennent alors rouges quand on les sou-
met à l'acide picrique. P. KERAVAL..
XVII. DE la dégénérescence secondaire dans la paralysie infantile
cérébrale; par GIERLICIi. (Archiv f. Psychiat., XXIII, 1.)
Observation de destruction chez l'enfant des faisceaux moteurs
de la capsule interne. Le faisceau pyramidal dans la protubérance,
le bulbe, la moelle, est plutôt rabougri que dégénéré, mais son étio-
lement se prolonge jusque dans la région lombaire; les fibres ont
conservé leur aspect normal, elles ne le cèdent point en grosseur à
celles du faisceau normal. seulement elles sont moins abondantes
dans le premier que dans le second. Cet état se constate surtout
dans la protubérance; la déchéance est de moins en moins accen-
tuée de haut en bas. P. K.
Archives, t. XXV. 8
114 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
XVIII. LES CORPUSCULES amyloïdes DU SYSTÈME NERVEUX;
par E. REDLICH. (Jahrberch. f. Psychiat., X, 1.)
Technique. Laver les coupes à l'eau, plongez-les dans la solu-
tion colorante (hématoxyline alunée, ou hématoxyline acéto-
alunée d'Ehrlich), puis dans l'eau additionnée de solution de
lithine, montez dans le baume de Damar. Ce sont des sphères ou
des ellipses d'un brillant mat, mesurant 12 à 50 , dans lesquelles il
est parfois permis de distinguer un noyau central et une écorce
périphérique, mais jamais de couches concentriques. La solution
sulfurique d'iode les colore en bleu foncé; l'hématoxyline les teint
en bleu. On les trouve dans la moelle et le bulbe, disséminés parmi
les noyaux, dans la couche corticale au sein des gaines des vais-
seaux et des cloisons, dans le cerveau au niveau du revêtement
des ventricules, et même dans le cervelet. On les rencontre très
nombreux dans la bandelette olfactive. Leur nature chimique est
inconnue,, car ils diffèrent des corpuscules amyloïdes de la prostrate
et de la dégénérescence amyloïde commune. Ils résultent de la
transformation des noyaux de la névroglie. Leur fréquence coïn-
cide avec l'âge de trente ans; ils ne manquent jamais après qua-
rante ans. Ils n'ont pas de raison d'être pathologique, mais, dans
certaines circonstances, ils se multiplient aux endroits malades,
lorsque les lésions occupent les régions privilégiées (périphérie
des cordons postérieurs, des faisceaux de Goll, etc.). P. K.
XIX. Démonstration A l'actif DE l'anatomie pathologique DE la
paralysie générale progressive; par BINSW.1NGER. (Neurol. Cen-
tralbl., 1891.)
Deux observations qui se rapprochent de celles de Zambaco,
Westphal, L. Meyer : on y trouve des gommes et des artérites,
mais non généralisées; ce sont des résidus de néoplasmes syphili-
tiques anciens et très limités et non des lésions récentes disséminées
sur les méninges et le cerveau. Il n'est pas admissible de ratlacher
ces altérations spécifiques locales aux altérations diffuses simul-
tanées de l'écorce. C'est une paralysie générale entée sur la
syphilis. P. K.
XX. DES altérations DE la COUCHE OPTIQUE dans la paralysie
PROGRESSIVE; par G. ZAGARI. (Neurolog. Centralbl., 1891.)
Lissauer a (dans la Deutsch. med. Wochenschr., 1890, n° 56) pré-
tendu (neuf observations avec autopsie) que, dans les cas de para-
lysie générale où l'on constate des symptômes de lésions en foyer,
symptômes d'ordinaire brusques et disparaissant souvent bientôt,
(aphasie, hémiplégie, paraplégie, troubles sensoriels), on rencontre
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 115
à l'autopsie des lésions circonscrites de la couche optique, tandis
que cet organe est indemne dans les cas où il ne se produit pas de
symptômes semblables. Ces faits sont à rapprocher des rapports
établis par Monakow entre l'écorce et la couche optique (dégéné-
rescence de celle-ci à la suite de l'ablation expérimentale de la
première). M. Zagari a voulu contrôler cette assertion à l'aide de
cinq observations. Conclusions. Les couches optiques sont, dans la
paralysie générale, souvent le siège d'une altération toute particu-
lière, mais il n'est pas encore possible d'établir avec la précision
de Lissauer un rapport entre les symptômes paralytiques aigus en
question et ces altérations. P. K.
XXI. DE la conscience musculaire DE DUCHENNE; par A. Pica.
(Neurolog. Centralbl., 1891.)
Les individus qui ont perdu les sensations kinesthésiques sont
incapables de se mouvoir les yeux fermés. (Raymond, Revue de
Médecine, mai.) Or, cela est simplement dû à un trouble psy-
chique de l'attention. Chez les hystériques (P. Janet, W. James,
Binet) le champ de l'attention est rétréci, comme le champ visuel;
cela suffit pour troubler ou arrêter tout à fait la motilité. Ainsi
agit l'occlusion des yeux et même des oreilles; ainsi agit le trouble
de l'attention. P. K.
XXII. Hypothèse SUR la genèse DES EMPREINTES mnémoniques DES
IMPRESSIONS VISUELLES ET DES MOUVEMENTS REFLEXES ; par NOISZE-
wski. (Centmlbl. f. Nevenheilk., 1891. N. F 11.)
La mémoire des impressions visuelles est le produit d'une em-
preinte matérielle laissée par un objet sur un sujet, exactement
comme la lumière laisse sa trace sur la plaque de la chambre obs-
cure du photographe. Or, pour que cette trace subsiste, il faut qu'il
se produise des modifications chimiques, sinon pas de trace. Quelles
traces la lumière laisse-t-elle dans l'oeil ? Les optogrammes sont la
résultante de la décomposition de substances explosibles qui lais-
sent après la décharge, des stries ou des plis sur le revêtement
corné des fibres nerveuses (cônes et bâtonnets). Etudes de Kuehn,
A. Fick, Chodin, Gscheidlen. Sczerbak, Max Schultze, Remak.
Cette substance explosible emmagasinée dans l'enveloppe extérieure
de ces éléments donne naissance à toute une série de décharges
isolées qui, séparées les unes des autres, suivent lesens de l'axe de
l'élément; après chaque explosion, l'enveloppe de l'élément opti-
que forme un pli annulaire qui représente une sorte de raie ou
strie : la neurokératine de l'extrémité antérieure du filament
étant détruite, il faut qu'il se forme toute une série d'échanges
physico-chimiques, etc. Quoi qu'il en soit, cette raie ou strie intra-
oculaire est le signe matériel de la mémoire. (Mendel-Meynert.)
116 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Il y a impression unique quand l'action n'a lieu par exemple que
sur un cône et, par suite, sur un seul élément nerveux; une impres-
sion composée, une image résulte d'une impression qui affecte
simultanément les extrémités de plusieurs fibres nerveuses. La
force de chaque impression dépend de l'explosion complète ou par-
tielle d'une charge. Si elle n'est que partielle, ce qui reste de la
charge empêche l'affaissement de l'enveloppe des fibres nerveuses;
la strie ne se produit pas. Une image peut manquer de netteté,
c'est-à-dire que son empreinte n'est pas assez épaisse, parce qu'il
n'y a pas assez de prolongements nerveux pris dans une explosion
commune.
L'action de la lumière produit sur l'extrémité antérieure des
bâtonnets et des cônes des filaments optiques une modification qui
développe des courants électriques; ils suivent ces éléments jus-
qu'à la cellule nerveuse du cerveau où, les mêmes conditions phy-
sico-chimiques existant,- il s'effectue peut-être une explosion qui
laisse également après elle une raie sur l'enveloppe de la cellule,
c'est-à-dire une empreinte (Wagner, Bidder, Kendrick, Holmgren,
Landois, Noiszewski).
Toute'image tombant sur la rétine a son centre sur la macula
lutea. Tout mouvement de la tête produit' une nouvelle image
déterminant un autre centre. Le premier centre est contigu à la
ligne de démarcation de la seconde image. Les images d'ensemble
sont la somme des impressions du mouvement des muscles qui
pendant un certain espace de temps sont reçues consciemment. Si
notre attention se porte ailleurs, il se produit une nouvelle image
d'ensemble.
Les empreintes d'impressions simultanées sont contiguës, mais
non superposées. Les empreintes d'impressions inégales comme
temps sont situées en arrière les unes des autres. Le plus ou moins
de ressemblance d'une image avec l'objet dépend du nombre plus
ou moins égal de fibres affectées, bien que de nouvelles impres-
sions, même dans les mêmes fibres, occupent toujours de nouvelles
parties éloignées. Toute nouvelle impression occupe, non, comme
le pense Meynert, une nouvelle cellule, mais seulement une nou-
velle partie d'une cellule ou d'une terminaison de fibres ner-
veuses.
Quand, en présence de plusieurs impressions successives, notre
attention se concentre sur une seule et même partie, c'est que cette
partie est le foyer de plusieurs images d'ensemble. (Exemple : un
cheval, un cavalier à cheval représentant un centaure, etc.) L'a-
nimal se meut-il, nous déplaçons notre oeil, et, tandis que nous sai-
sissons les détails, nous avons toujours pour pivot du tableau le
cheval. Nous recevons ainsi, en deux minutes, près de six cents
impressions qui forment six cents aspects dont les linéaments s'im-
prègnent en nous. Pour fixer la mémoire des impressions, il en faut
SOCIÉTÉS SAVANTES. 117 7
la répétition fréquente qui fournit un plus ou moins grand nombre
de raies sur une seule et même terminaison nerveuse de l'appareil
sensoriel. Cette théorie chimique est applicable à l'hallucination, à
la vision par action mécanique. P. KERAV.\L.
XXIII. CONTRIBUTION A l'étude DE la chaleur sur LES nerfs moteurs;
par Olga GoATlsxx.
Cette étude avait en vue deux questions :
1° Chaleur comme excitant ;
2° Chaleur comme modificateur de l'excitabilité du nerf.
La méthode choisie consistait à appliquer sur le nerf sciatique
isolé (mais non coupé) d'une grenouille la boule d'un thermomètre
qui venait d'être chauffée de 25 à 80° C.; la durée de l'application
était de une à dix secondes. Le résultat général relatif à la pre-
mière question, la chaleur est-elle un excitant pour le nerf moteur ? 2
fut négatif.
Pour résoudre la seconde question, la chaleur modifie-t-elle
l'excitabilité du nerf ? la boule du thermomètre chauffée fut
appliquée d'abord au-dessus du point irrité, le résultat obtenu
fut négatif puis au-dessous du point irrité. Avec ce dernier
dispositif on a constaté que sur un nerf frais la chaleur augmentait
l'effet des irritations faibles d'induction et des irritations chimi-
ques ; et que sur un nerf moins frais, ou pour des irritations plus
fortes, elle le diminuait. (Rev. méd. de la Suisse Romande, 1891.)
G. D.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ 11ÉDIC0-PSYCHOLOG1QUE.
Séance du 31 octobre 1892. PRÉSIDENCE DE M. TH. RoussEL.
Les vices du caractère et les folies qui s'y rattachent. Leurs rapports
avec les asiles spéciaux. M. Charpentier, sous le nom de folies
du caractère, décrit les fous raisonnants, les fous moraux, les fous
persécuteurs. Il examine dans chacun de ces groupes les difficultés
que soulève l'acception du mot caractère. Il distingue les change-
ments du caractère des troubles passagers tels que la colère et
118 SOCIÉTÉS SAVANTES.
trouve dans ces sortes de folies 12 signes communs qu'on peut
ainsi résumer :
1° L'association fréquente chez un même sujet des trois formes
de folie avec prépondérance d'une seule; -2° la subordination vo-
lontaire des facultés intellectuelles avec émotions de nature
agréable pour eux, résultant de leurs sentiments ou penchants
mauvais fortifiés par l'habitude; 3° le discernement dans les
actes; 4° le développement fréquent et l'entretien des facultés
intellectuelles sous l'influence de leurs sentiments, penchants et
vices de caractère; 5° l'indifférence et l'affaissement de ces
mêmes facultés en l'absence des mêmes excitants; 6° la dispo-
sition graduelle des bons sentiments qui pourraient encore exister.
L'apparition graduelle de nouveaux vices et de mauvais penchants
nouveaux; 7° la lente évolution de ces vices de caractère
depuis l'enfance; le caractère ne change pas; il ne peut que s'ac-
centuer dans son tour vicieux ; 8° leur conduite dans l'asile qui
les distingue nettement des autres fous; 9° leur conduite à
l'état libre dans la société; ce qui les distingue des gens sains d'es-
prit ; 10° la rareté de leur mort dans les asiles : leurs rémis-
sions fréquentes, la rareté de la démence (les causes de leur mise
en liberté) ; 11° leur rôle capital dans les conversations de séques-
tration arbitraire; - 12° leur absence de délire contrastant avec
leurs propos déraisonnables. Ces signes permettent d'apprécier les
rapports de ces individus avec les asiles spéciaux.
Du délire des persécutions. M. FALRET. La discussion qui s'est t
ouverte ici, il y a quelques années, à propos du délire des persécu-
tions, a engendré plusieurs travaux sur le délire chronique. Je
crois assez volontiers que les persécutés, ainsi que cela a été dit
ici par M. Briand, cachent assez volontiers leurs idées ambitieuses,
alors qu'ils étalent sans trop de difficultés leurs craintes de persé-
cution. Ce point mériterait qu'on revint sur la question du délire
chronique. D'autres aperçus n'ont pas été suffisamment étudiés. Je
crois, pour ma part, que la maladie remonte beaucoup plus loin
qu'on ne le croit. Souvent elle débute dans l'enfance. Dès l'école
ou le collège, les persécutés vivent à part, se lient peu avec leurs
camarades et montrent déjà une disposition au soupçon et à la
méfiance. Parfois, il faut l'avouer, les premières manifestations du
délire n'éclatant que dans l'âge mûr, quelques malades peuvent
citer la date précise du début de leur folie. Chez les femmes elle
coïncide souvent avec la ménopause.
Le rôle de l'hérédité dans le délire des persécutions devrait aussi
être précisé par notre société. Pour quelques-uns d'entre nous,
les persécutés n'auraient jamais de stigmates physiques, alors que
la clinique semble démontrer le contraire. Quelques auteurs alle-
mands vont même presque à faire du délire chronique une classe à
part de la dégénérescence mentale.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 119
Certains persécutés, qui cependant ne sont pas des raisonnants,
n'ont pas d'hallucinations de l'ouïe. L'hallucination ne peut donc
pas être dans tous les cas considérée comme caractère différentiel
absolu entre les persécutés vrais et les persécutés persécuteurs.
Pour ce qui est de l'hallucination de la vue, on admet généra-
lement qu'elle n'existe pas dans le délire chronique. On pense gé-
néralement que les auteurs qui croient l'avoir observée ont pris des
illusions de la vue pour des hallucinations. Pour ma part, c'est plu-
tôt une interprétation délirante à propos d'une perception subjec-
tive de la vue. Les persécutés vrais sont parfois confondus avec les
délirants mélancoliques. Il y a encore là un point de vue très im-
portant pour nous à éclaircir.
Les hallucinations de la sensibilité générale sont très fréquentes,
tous les auteurs les ont notées ; mais ce qu'on sait moins, c'est
l'époque de leur apparition. Chez quelques hypochondriaques plus
tard persécutés, les troubles de la sensibilité précèdent le délire de
persécution proprement dit. D'autres fois, ce phénomène n'apparaît
qu'après les hallucinations, c'est-à-dire, à la période d'état de la
maladie. L'opinion n'est pas encore fixée sur ce côté de la question.
Il en est de même de la prédominance dans un sexe ou dans
l'autre des troubles de la sensibilité générale. Coexistent-ils avec
les idées ambitieuses ou les excluent-ils ? Les deux opinions ont
été soutenues.
Il serait fort utile de reprendre la discussion pour délimiter le
délire des persécutions, ou délire chronique proprement dit, le dé-
lire des persécutions des dégénérés, celui des alcooliques et enfin
celui des mélancoliques. Je crois qu'une seconde discussion serait
aussi fertile en résultats que la première.
Séance du 28 octobre 1892. Présidence de M. CHRISTIAN.
A propos du procès-verbal, M. FALRET insiste de nouveau sur la
mise à l'ordre du jour de la discussion sur le délire des persécutions.
Patronage des aliénés. M. FALRET dépose sur ie bureau le rap-
port de la Société de patronage des aliénés indigents qui fonctionne
à Paris depuis près de cinquante ans. Il attire l'attention de la
société sur cette oeuvre dont se désintéressent aujourd'hui les pou-
voirs publics, peut-être parce qu'elle emploie des religieuses. Bien
que reconnue d'utilité publique, elle ne fonctionne qu'avec ses res-
sources privées et secourt un grand nombre d'aliénés.
M. A. Voisin insiste sur les services rendus chaque année par le
patronage fondé par Falret père d'abord, puis par Baillarger et au-
quel s'est dévoué J. Falret. Si la maison de Grenelle qui appartient à
l'oeuvre est dirigée par des religieuses, c'est, dit-il, par raison éco-
120 SOCIÉTÉS savantes.
nomique. Il fait l'éloge des soeurs qui font preuve d'un grand
dévouement '.
Contribution à l'étude clinique des hallucinations verbales psycho-
motrices. M. Roubinovitch après avoir constaté que la nature de
l'hallucination verbale psycho-molrice a été déjà suffisamment éta-
blie, se demande quelle est sa valeur clinique et dans quelles
formes vésaniques elle s'observe. Il cite d'abord le cas publié par
M. Gilbert Ballet 2 où ces hallucinations occupaient une large place
dans un délire de persécution à évolution chronique. Il rappelle
ensuite le travail de MM. Séglas et Londe qui ont démontré qu'elles
sont très fréquentes dans la mélancolie. Il passe alors à l'exposé du
cas qu'il a étudié lui-même en collaboration avec M. Zuber, interne
à la SalpêLrière.
Il s'agit d'une femme d'un niveau intellectuel faible descendant
d'alcoolique, qui, après quelques accidents mentaux très fugaces, a
d'abord présenté un véritable accès de délire mélancolique avec
idées de culpabilité et plusieurs tentatives de suicide. Plus tard un
délire de persécution à évolution systématisée et progressive s'est
manifesté. Or, il résulte d'un interrogatoire très minutieux et de
renseignements aussi complets que possible que pendant son délire
mélancolique, la malade n'a pas présenté d'hallucinations verbales
psycho-motrices, et ce n'est qu'à une certaine période de son délire
de persécution (période mégalomaniaque) qu'on les voit apparaître
et prendre une place tout à fait prépondérante.
En analysant tous les éléments constitutifs de ce cas, l'auteur
fait remarquer combien le terrain intellectuel de cette malade est
faible et combien la systématisation de son délire porte le cachet
de sa débilité mentale; c'est, en effet, une systématisation pauvre,
souvent niaise, incohérente; et cependant, l'évolution de son délire
de persécution commençant par la période d'inquiétude, traver-
sant la seconde phase, entrant ensuite dans la phase mégaloma-
niaque, paraît presque calquée sur la description classique; de sorte
que, à tout prendre, cette observation représente un cas typique de
ce que Krafft Ebing a décrit sous le nom de paranoïa dans sa forme
primitive ou de ce qui en France est connu sous le nom de délire
de persécution systématisé des dégénérés.
M. Roubinovitch insiste surtout sur le fait que sa malade pré-
sente à un très haut degré le phénomène d'hallucinations verbales
psycho-motrices et le dédoublement de la personnalité qui en est
la conséquence naturelle.
1 M. A. Voisin invoque un mauvais argument. Dans la très grande ma-
jorité des hôpitaux de France, le service serait fait plus économiquement
par les laïques que par les religieuses. (B.)
' G. Ballet. Leçon à l'hôpital Saint-Antoine. (Semaine médicale,
18q 1 .) .. * ..
SOCIÉTÉS SAVANTES. 121 1
Ces hallucinations étaient totalement absentes au cours d'un
délire mélancolique que la même malade a eu auparavant, et l'au-
teur demande si leur apparition, à une certaine phase de son
délire de persécution, est une simple coïncidence ou si elles sont
plus intimement liées à la genèse de ce délire.
M. FALRET fait remarquer que la communication de M. Roubi-
novitch vient à propos pour démontrer combien il serait opportun
de discuter les questions relatives aux différents délires de persé-
cution.
M. GARNIER ne voit pas sur quelles bases M. Roubinovitch étaie
son diagnostic de psychose à évolution systématique et progressive ;
car le fait seul de l'existence de plusieurs accès délirants antérieurs
au délire de persécution est contraire à la possibilité de cette psy-
chose.
M. Arnaud demande si l'accès de mélancolie a été séparé du
délire de persécution par un intervalle de santé et quel est en tout
cas l'âge de la malade.
M. ROUBINOVITCH.' Trente-deux ans.
M. Charpentier voudrait savoir pourquoi l'auteur fait de sa ma-
lade une dégénérée et ce qu'il entend par le terme de dégéné-
rescence mentale.
M. RITTI exprime l'hypothèse que le cas de M. Roubinovitch mé-
riterait plutôt la dénomination de paranoïa secondaire.
M. Vallon pense que le délire de persécution était, dans ce cas,
secondaire à la mélancolie.
M. J. Séglas. Envisagées dans les délires de persécution, les
hallucinations verbales psycho-motrices ont, suivant la forme cli-
nique du délire une valeur séméiologique différente. Dans le délire
des persécutions à évolution systématique, elles apparaissent tar-
divement, après les hallucinations sensorielles et peuvent rester à
un plan effacé. Chez d'autres persécutés, elles peuvent n'être qu'é-
pisodiques ou même faire totalement défaut.
Daus certains cas, elles sont précoces et semblent être un symp-
tôme saillant de la maladie. Par leur aspect clinique général, ces
derniers, difficiles à ranger dans les catégories habituelles, méri-
teraient peut-êlre une description à part.
Un fait capital est la prédominance excessive des troubles psycho-
moteurs, hallucinations motrices verbales et communes, impul-
sions ou phénomènes d'inhibition, les troubles de la sensibilité
profonde et viscérale sont aussi très marqués : on peut rencontrer
des hallucinations génitales et des hallucinations visuelles, les hal-
lucinations auditives sont plus effacées ou même manquent.
Ces différents désordres sont interprétés d'une façon spéciale.
122 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Au premier abord, on croit avoir affaire à des idées de persécution,
assez systématisées. Mais, il est à remarquer qu'elles ont une teinte
mystique particulière, traduisant en quelque sorte la contrainte
éprouvée par la malade ; par leur couleur et leur fondement psy-
ehologique, elles se rapprochent beaucoup des idées de possession,
si fréquentes jadis.
A côté d'elles, on peut voir parfois des idées de nature mélan-
colique, culpabilité, damnation... Mais il est à noter que les trou-
bles émotionnels primordiaux de la mélancolie font défaut, et s'ils
existent, ne sont que des épisodes réactionnels sous le coup des
idées délirantes, à l'inverse de ce qui a lieu dans la mélancolie.
Puis apparaissent d'autres idées délirantes, de nature très diverse.
Tantôt les malades regardent les symptômes de possession comme
une faveur (Dieu parle par leur bouche, etc.) et formulent des idées
de grandeur. D'autres, au contraire, accusant de plus en plus
l'atteinte portée à leur personnalité individuelle, arrivent à un
véritable délire de négation différant du type de Cotard.
Dans ces cas, tantôt l'on a affaire à des sujets jeunes, ils ren-
trent alors dans la classe si vaste des dégénérés. Chez eux, au lieu
d'une évolution anormale, l'anomalie' se présente sous la forme
d'une dissociation psychique rapide. D'autres fois, ces troubles psy-
chiques se présentent à un âge plus avancé, à la ménopause, par
exemple. Au lieu d'un vice d'évolution, ils semblent marquer le
début d'une involution précoce; d'ailleurs les derniers malades
présentent souvent des signes physiques de sénilité.
Ces faits diffèrent donc et de la mélancolie et des diverses for-
mes habituelles des délires de persécution. Ils constituent peut-être
entre ces maladies mentales comme un groupe mixte de transi-
tion, et me semblent assez comparables aux faits envisagés par
Kroepelin dans la description de son depressiver Walmdim.
M. CHRISTIA1V. Il ne me semble pas démontré qu% le malade
ait eu de la paranoïa. Jusqu'à vingt-quatre ans cette femme va'
bien, dit-on ; puis surviennent les accidents et aujourd'hui elle
serait guérie. Il ne me paraît pas que la guérison soit très complète,
puisque la malade, nous l'avoue M. Roubinovitch, ne se trouve bien
nulle part. De plus, il est admis que dans le délire chronique, les
hallucinations de la vue n'existent pas. M. Roubinovitch les a notées
chez sa malade. Je rangerais donc plutôt cette observation dans
les délires mystiques avec accidents hystériques.
M. Charpentier. Je ne pense pas qu'il s'agisse ici du délire de
persécution vrai. Si les illusions sensorielles accompagnées d'in-
terprétations délirantes ont précédé la systématisation du délire,
les hallucinations psycho-motrices verbales l'ont suivie.
Je ne pense pas davantage à un délire de persécution chez une
dégénérée. Si les terreurs nocturnes et le délire d'emblée devien-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 123
nent maintenant la caractéristique de la dégénérescence, nous n'au-
rons plus alors en médecine mentale d'autre maladie que la dégé-
nérescence. D'ailleurs, folie des dégénérés est un terme que, pour
ma part, je n'accepte pas et que je n'emploie jamais.
M. ROUBINOVITCH répond d'abord à M. Falret en le remerciant t
d'avoir bien voulu constater l'opportunité et l'intérêt de cette-
communication. Reprenant ensuite les différentes objections, il
cherche à établir que le délire de persécution de sa malade pré-
sente une systématisation toute spéciale, grâce au terrain de débi-
lité mentale sur lequel il s'est développé et que c'est justement à
cause de ce terrain que la physionomie, de ce délire à évolution
systématique et progressive, est toute autre que celle de la psy-
chose connue sous le nom de « délire chronique ». S'il fait de sa
malade une « dégénérée », c'est parce qu'elle a présenté à diffé-
rentes reprises des bouffées et des accès délirants complètement
séparés les uns des autres par des intervalles de santé. Quant à
vouloir considérer cette affection comme un cas de « paranoïa
secondaire », l'hypothèse lui semble difficile à admettre, à cause
de l'intervalle de santé qui sépare l'accès de mélancolie du délire
de persécution. Il se range plutôt du côté de l'opinion de M. Séglas.
En tout cas son observation est difficile à classer dans les classifi-
cations actuelles.
Séance du 26 décembre 1892. Présidence de M. TH. ROUSSEL.
M. RITTI, secrétaire général, donne lecture d'une lettre de M. Cat-
zaras en réponse à M. Charpentier qui s'est défendu, dans la der-
nière séance, d'admettre l'existence de la folie des dégénérés.
M. Catzaras rappelle que MM. Magnan et Schule ont démontré que
la désharmonie des facultés intellectuelles est bien la caractéris-
tique de la dégénérescence mentale. Il y a en conséquence lieu,
selon lui, de maintenir la folie des dégénérés dans la nomencla-
ture des psychoses.
Elections. Le bureau est ainsi constitué après élections : Vice-
président : M. A. Voisin; Secrétaire général : M. Rlrxt ; Trésorier t
M. J. Voisin; Secrétaires annuels : MM. SG31ELAIGNE et SOLFIER.
Marcel l3RIAND.
124 SOCIÉTÉS SAVANTES.
XXIIIC CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE
DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST.
Session DE I.1RLSRUHh : .
Séance du 7 novembre 1891 Présidence DE M. Ludwig.
M. SCHNTH : 1L. Du désordre dans les idées hallucinatoires aiguës.
Début soudain ; à peine un court stade prodromique, impétuosité
des accidents, hallucinations profuses, confusion complète dans les
idées, obnubilation de la connaissance, fréquence de l'agitation,
Tel est l'ensemble symptomatique. Ce qui prime, l'élément qui
domine, c'est le désordre dans les idées qui déconcerte le malade ;
son humeur, mobile, au gré des hallucinations et des idées déli-
rantes qui dépendent égalementde ces dernières, est tantôtanxieuse
tantôt joyeuse. Il en est de même de son allure. Dans les cas graves,
il se produit soit une agitation intense qui témoigne de l'hyperex-
citabilité impulsive du système nerveux, soit un affaiblissement
progressif avec exagération des réflexes, tremblements, émaciation
albuminurie, élévation thermique, insomnie et troubles vaso-mo-
teurs ou trophiques qui constituent le syndrome d'une déchéance
inquiétante. La maladie se termine par la guérison (dans ce cas,
elle passe généralement par une phase qui rappelle la démence
aiguë), par la mort ou par le passage à l'état chronique du reste
lui-même curable. Il n'est pas rare de la voir se compliquer de
manie (qui est elle-même un élément favorable) et de stupeur.
Elle se distingue de la manie par la soudaineté des accidents et leur
impétuosilé. La manie a généralement un début graduel, un stade
prodromique de dépression, puis le malade devient gai ou, s'il a des
périodes de tristesse, celles-ci ne sont que passagères. Chez nos
malades au contraire la mobilité d'humeur dépend de la multipli-
cité et de la variabilité des hallucinations. Dansla folie systématique
aiguë, on constate une organisation dans les idées délirantes que
le malade s'attache à enchaîner par un raisonnement aussi logique
que possible ; dans le désordre aigu des idées, au contraire, les
idées délirantes, incohérentes, témoignent du trouble profond de
la connaissance déjà signalé. Le désordre aigu dans les idées est
une psychopathie due à l'épuisement du système nerveux par le
surmenage physique, l'anémie, les maladies somatiques, les hé-
morrhagies et surtout la puerpéralité. Par conséquent, le traite-
ment est inscrit dans l'étiologie.
' Voy. Archives de Neurologie, XXII' congrès, t. XXII, p. 280.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 125
Discussion : M. SCHUFLE. Il faut tenir compte non seulement de
l'obnubilation de la connaissance, mais de l'affaiblissement de
l'aperception consciente. La guérison s'annonce souvent par des
crises physiques (éruption de furoncles, entérites catarrhales, retour
des règles).
M. LuDwiG. Le trouble de la connaissance est un phénomène
secondaire ; il résulte de la multiplicité des hallucinations.
M. SCHUELE. Communication casuistique. Il s'agit d'une hysté-
rique de quarante-quatre ans, atteinte de mélancolie avec idées de
culpabilité qui déroba une sonde oesophagienne, se l'introduisit
dans le nez et l'avala dans un but de suicide : elle meurt dix-huit
jours plus tard : perforation stomacale de 4 centimètres de long
sur 3 centimètres de large entre la grande courbure et le cul-de-
sac du cardia.
M. FUERSTNER. De la névrite périphérique dans la paralysie générale.
Voici deux observations personnelles de paralysie générale
typique. On constate dans le premier cas une lésion des cordons
latéraux, dans le second, une altération des cordons postérieurs.
Dans le premier cas, il existait une paralysie du grand dentelé
droit, avec réaction dégénérative ; dans le second cas; c'était une
paralysie des péroniers (réaction dégénérative). L'examen anato-
mique des muscles du premier malade a permis de découvrir, en
outre, des altérations musculaires, une atrophie très prononcée des
fibres nerveuses, dissociation de la myéline, tuméfaction des cylin-
draxes, prolifération interstitielle des plus accusées ; intégrité du
plexus et de la substance grise.
Discussion : M. B1NSZPdNGEIt traite un jeune homme qui, atteint
d'une fièvre typhoïde grave, dut pendant, un an, rester les genoux
étendus. Une paralysie des péroniers s'ensuivit.
M. WILDERIUTIi raconte l'histoire de deux malades atteints d'épi-
lepsie, et traités par la méthode chirurgicale de 31. Burckhardt. La
première observation a trait à un homme de dix-neuf ans, qui pré-
sente au niveau du pariétal gauche une dépression osseuse remon-
tant à une application de forceps. Cette dépression est limitée en
avant par la suture coronaire, en haut, elle arrive à 3 centimètres
de la suture sagittale, elle a le diamètre d'une pièce de deux francs.
On applique en cet endroit une couronne de trépan, on enlève une
plaque de méningo-encéphalite du diamètre d'une pièce de un franc,
qui correspond à peu près au bord médio-antérieur de l'ascendante ;
on trouve à ce niveau une sorte de kyste séreux que l'on crève et
qui fournit de la sérosité pendant neuf jours consécutifs. Il ne se
produit ultérieurement qu'un prolapsus cérébral passager; réunion
par première intention sans fièvre Guérison complète et définitive.
Dans le second cas, il s'agit d'une jeune fille du même âge devenue
épileptique à la suite d'une contusion de la région fronto-pariétale
126 SOCIÉTÉS SAVANTES.
gauche. On lui ouvre le crâne; on tombe sur le sillon de Rolando;
un enlève une plaque de méningite qui laisse à découvert le pied
de la pariétale ascendante que l'on résèque. Le traumatisme guérit
sans accident. Dans les quelques jours qui suivent, il se produit un
peu d'aphasie, de la paraphasie, une phase d'excitation maniaque,
de la paralysie du bras; puis tous ces phénomènes disparaissent. Et
la maladie reste guérie.
Discussion : M. LUDVIG. C'est très beau, mais attendons encore
avant de nous prononcer définitivement.
M. FUERTSNER. A côté de ces cas, il y en a d'autres dans lesquels
on ne trouve pas de lésions dans l'écorce ni au-dessous. Il serait
bon aussi de publier les observations défavorables.
M. KIRN. En tout cas, on voit que l'intervention chirurgicale
n'est par elle-même point dangereuse. 11 convient maintenant, par
la pratique, d'arriver à poser des indications.
Séance du 8 novembre 1891. Présidence de M. SCHUELE.
Les questions suivantes seront traitées pour le prochain congrès
par les maîtres dont voici les noms.
4 De l'indication et du mode d'emploi de l'hydrothérapie dans des
états d'agitation psychique. Rapporteurs : MM. FUERSTNER et FELD-
B : 1USCIi.
2° De l'installation intérieure et du nombre indispensable des cel-
lules dans un asile. Rapporteurs : MM. LUDWIG et KREUSER.
La prochaine session aura lieu à Karlsruhe. Sont chargés de
l'organisation MM. STARK et FISCHER.
M. G. ILBERG. De l'infusion sous-cutanée de chlorure de sodium chez
les aliénés sitiophobes en état de collapsus. Mémoire publié.
Discussion : M. SCHUELE. Cette pratique est précieuse quand il
est impossible d'exécuter l'alimentation forcée ou quand cette der-
nière est contre-indiquée. ,
M. VORSTER. Sur un cas d'héinianesthésie cérébrale. - Il s'agit d'un
homme de quarante-neuf ans qui, à la suite d'un ictus, présenta de
la paralysie de la motilité et de la sensibilité dans la moitié gauche
du corps, avec amaurose des deux yeux. Les accidents moteurs et
sensitifs cédèrent en peu de jours presque complètement. L'amau-
rose fut, quatorze jours après l'ictus, remplacée par une hémiopie
gauche. En même temps, cécité psychique et achromatopsie, puis
apparurent des hallucinations de la vue qui déterminèrent le syn-
drome du désordre dans les idées hallucinatoire aigu. Quelques
mois plus tard les troubles intellectuels disparaissaient à leur tour.
On constata alors de l'hémiopie du côté gauche compliquée d'hé-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 127
miopie droite incomplète homonyme. Les deux moitiés droites
du champ visuel étaient affectés d'une anopsie pour le blanc distante
de 40° du point de fixation : la même anopsie n'était distante que
de 10° du point de fixation pour les deux moitiés gauches du champ
visuel. Rien à l'ophtalmoscope.
L'amaurose des premiers temps tenait évidemment à une hé-
miopie bilatérale complète absolue, homonyme. Puis celle-ci se
transforma en une hémiopie bilatérale incomplète, que l'on put
suivre du centre à la périphérie dans les moitiés droites et gauches
du champ visuel. De là l'opinion qu'il y avait une lésion autochtone
des trousseaux optiques, situés en arrière du chiasma. L'existence
de la cécité psychique indique la bilatéralité de la lésion, car il
n'y a que des altérations bilatérales des lobes occipitaux qui
puissent produire de la cécité psychique. Quant à la transforma-
tion des troubles centraux de la vue en hallucinations visuelles
pressées et impérieuses, elle indique qu'il s'agit de symptômes de
lésions en foyer.
Discussion : I%I.SCRUELE partage complètement l'avis de M. Vorster,
mais l'atteinte profonde de la connaissance le ferait pencher pour
un ramollissement cortical (superficiel) du lobe occipital empiétant
sur le lobe temporal; il y croirait plutôt qu'à un foyer du centre
ovale partant du centre optique du lobe occipital et intéressant
les fibres qui, parties de ce lobe, vont à la capsule interne.
M.KREUSER. De la sensibilité à la pressiondes sutures craniennes.-
Chez la plupart des individus sains.ou malades, quand on comprime
légèrement avec le doigt les sutures crâniennes, on détermine une
sensation toute particulière, différente de celle que l'on obtient en
exerçant une compression identique en d'autres points du crâne,
impression désagréable, aiguë, ressemblant à une démangeaison
pénétrante, qui dure plus longtemps que la sensation provoquée
par la compression d'autres régions craniennes. Chez les malades
atteints d'affections cérébrales chroniques, la sensibilité des sutures
est plus fréquemment émoussée que chez les individus sains. Par
contre, chez les sujets affectés de processus intra-craniens aigus,
cette sensibilité est exagérée, elle atteint même le degré d'une dou-
leur intense, il existe des différences entre les deux côtés d'une suture
et l'on constate des irradiations à d'assez grandes distances : l'en-
semble de ces phénomènes ne s'observe pas chez les gens bien por-
tants. Mais avant d'établir une description systématique, et d'en tirer
des conclusions diagnostiques, il convient de procéder à un plus
ample examen. Quoi qu'il en soit, ce mode d'exploration permet de
mettre en évidence la céphalalgie latente et de préciser les carac-
tères des douleurs céphaliques, en les rattachant à des troubles de
la circulation.
La sensibilité spéciale des sutures crâniennes doit être transmise
128 SOCIÉTÉS SAVANTES.
par les nerfs qui appartiennent à la dure-mère, car cette membrane
adhère aux sutures et communique, par un mécanisme qu'il con-
vient de rechercher pour chaque individu (car il doit y avoir à ce
sujet des variations personnelles), avec l'épicrâne et le périoste
externe. Faute de preuves anatomiques, nous invoquerons, à l'appui
de cette thèse, l'irradiation de la sensibilité douloureuse en sens
inverse du trajet des nerfs de la peau de la tête, et dans le sens
des filets dure-mériens, leurs relations constatées entre les symp-
tômes ou les maladies du cerveau. Ainsi, quand il existe des trou-
bles de la circulation intra-cranienne, qui gênent le dégorge-
nient veineux des sinus, il se produit des douleurs céphaliques, par
compression de la dure-mère ou plutôt par compression des su-
tures voisines.
Ce mécanisme physiologique a à son actif l'action pathologique
des cicatrices consécutives aux plaies pénétrantes du crâne. Leur
action pathologique est encore plus rapide quand elles ne siègent
que sur l'épicrâne, mais dans la région des sutures craniennes.
L'auteur cite cinq observations de psychopathies dues à de simples
lésions de l'épicrâne en ces points. Il conclut que les sutures doivent
être palpées avec le plus grand soin, car elles constituent un locus
mimons resislentiav.
Discussion : M. Kern. La découverte de M. Kreuser enrichit la
séméiologie somatique de la psychiatrie notamment au point de
vue médico-légal. Mais c'est un chapitre à créer de toutes pièces.
M. WILDERMUTII. L'usure du crâne par les corpuscules de
Pacchioni joue peut-être bien un rôle important dans la sensibilité
en question. Qu'on se rappelle ces observations dans lesquelles de
petits épanchements sanguins dans l'épaisseur des os du crâne ont
nécessité l'intervention chirurgicale pour débarrasser les malades
de céphalalgies intenses.
M. SCHUELE. C'est aux autopsies qu'il faut demander si réelle-
ment la dure-mère joue, comme je le crois moi-même, un rôle
dans les symptômes cliniques mis en évidence. La sensibilité des
sutures servirait alors à diagnostiquer une pachyméniugite externe;
elle permettrait aussi de se rendre compte des variations de volume
intermittentes du cerveau. Cet organe, par son expansion tirail-
lant la dure-mère, engendrerait ainsi l'hypersensibilité des sutures
crâniennes.
M. Kreuser. Ce mécanisme ne serait admissible qu'en ce qui
a trait à la suture sagittale. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLVIIl, 6.)
P. KERAVAL.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 129
SOCIÉTÉ DES MÉDECINS ALIÉNISTES
ET NEUROLOGISTES DE MOSCOU ;
Séance du 17 janvier 1892.
I). M. le Dr A. EG.Row. Contribution à la symptomatologie des
psychonCll1'OSes. 1° N..., paysan, vingt-cinq ans. Plaintes : dou-
leur et sifflements dans l'oreille droite, vertige et maux de tête.
Pas d'antécédents héréditaires. Abusus spirituosor1lln. Depuis
quatre ans, excitations paroxystiques avec hallucinations, état mé-
lancolique, dégoût de la famille. Cet état a empiré depuis une
maladie intercurrente. L'examen du malade constate une anes-
thésie dissociée d'intensité différente, disposée avec beaucoup de
symétrie sur une partie de la tête, du tronc et des extrémités ;
quelques petites plaques hypéresthésiques, d'autres régions assez
grandes de la peau ne présentent aucun trouble de la sensibilité.
Le champ visuel est rétréci surtout du haut en bas. Si l'ouïe gauche
est bouchée, il entend les paroles sans les comprendre.'Le goût
est presque ;aboli.- Au bout de trois semaines, les troubles de la
sensibilité disparurent, l'ouïe est devenue normale, le champ
visuel s'est élargi, les accès d'excitation sont moins forts. Dia-
gnosis : hystérie plus psychose ex abuso spi1'ituoso1'1t1n. Surdité
verbale fonctionnelle de l'oreille droite.
2° II... (L.-D.), trente-deux ans, alcoolique. Plaintes : douleurs
intenses dans le visage et les extrémités. Hypéresthésie cutanée
d'intensité diverse et distribuée en segments sur tout le corps en
laissant intactes des grands espaces, Ces régions hypéresthésiques
au pincement sont analgésiques à la piqûre et aux excitations
électriques et thermiques. Troubles vaso-moteurs stabiles de la
peau. Augmentation de l'excitabilité électrique des nerfs. Phéno-
mène facial. Anesthésie du pharynx. Diagnosis : la combinaison
d'un état tétanoïde avec l'hystérie qui est cause de cette coexis-
tence paradoxale de l'hypéralgésio au toucher avec l'analgésie à la
piqûre.
Discussion : Le professeur Korsakow croit que l'auteur en em-
ployant le mot 4 psychoneuroe » peut donner lieu à un malentendu,
vu que ce mot a déjà une signification très précise et s'emploie
dans la psychiatrie pour déterminer tout un groupe de maladies
mentales.
II). M. le Dr D.abcuEwmcH. Sur les altérations de la partie cen-
trale d'un nerf moteur après lésion de sa partie périphérique. - Une
Archives, t. XXV. 9
130 SOCIÉTÉS SAVANTES.
série d'expériences faites par l'auteur sur des cobayes lui impose
la conclusion suivante : une lésion d'un nerf moteur cranien, aussi
bien que d'un nerf mixte spinal si une restitution ad integnl1n
est impossible-est suivie d'une dégénérescence des fibres du bout
central et des cellules dont ils proviennent. Expérience première :
le nerf facial d'un cobaye adulte est arraché; six semaines après,
l'animal est tué, le cerveau est durci dans le liquide de Muller et
traité par le liquide de Marchi, on en fait ensuite une série de
coupes continue. L'examen microscopique de ces coupes démontre
que la racine du nerf lésé contient, sur tout le trajet depuis l'en-
trée dans les centres nerveux, jusqu'au noyau beaucoup de masses
noires caractéristiques pour les fibres ayant leur gaine de myéline
atteinte; l'examen du noyau du facial (picro-carminé) démontre
une atrophie importante de ses cellules. Dans d'autres expériences
au lieu d'arracher le nerf facial on employait la ligature ou bien
on en excisait un morceau assez grand pour rendre impossible la
régénération du nerf. A l'examen on constate autant dans la
racine que dans le noyau du facial les mêmes lésions, l'atrophie
des cellules était pourtant un peu moins prononcée. Les expériences
du même genre sur l'hypoglosse donnèrent des résultats identiques.
Autant pour la lésion des nerfs spinaux mixtes (n. ischiadicus).
Sont atteintes les fibres des racines antérieures et les cellules des
cornes antérieures des parties correspondantes de la moelle. Le
rapporteur pense que ces expériences ont une certaine portée pra-
tique. Ainsi, les différents modes de terminaison des neurites et
surtout de la neurite qui détermine la paralysie du facial s'expli-
queraient par les lésions consécutives des éléments cellulaires des
centres nerveux. On pourrait invoquer ces mêmes lésions pour
expliquer la pathogénèse au moins de certaines formes des atro-
phies musculaires, surtout de l'atrophie musculaire progressive
neurotique (type péronéal).
Discussion : M. le Dr ROSSOLIMO rappelle à ce propos les expé-
riences de Mme Tarnovsky sur l'extension et l'arrachement du nerf
sciatique suivies de lésions des parties centrales (substance grise de
la moelle) et pense que dans les expériences du rapporteur il n'y
avait pas de dégénérescence walérienne proprement dite.
M. le Dr DORNSCfII : VITCTH est d'avis que le bout central des fibres
est atteint de dégénération consécutivement à une altération des
cellules de la substance grise.
M. le professeur KAJEWNIKOW. - Les recherches du rapporteur
offrent un grand intérêt clinique. Elles prouvent entres autre qu'au
cours d'une neurile multiple peuvent survenir consécutivement des
lésions de la moelle; en dehors, bien entendu, de ces cas bien
connus il existe une lésion simultanée de la moelle et des nerfs
provoquée par une cause commune.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 131
III). M. le Dr IDNOW. Contribution à l'étiologie des psychoses
puerpérales. Les causes des psychoses puerpérales dans les trente-
trois cas observés par le rapporteur sont diverses. Pour ce qui est
des causes prédisposantes la plus grande importance revient aux
antécédents héréditaires (56 p. 100) et aux premières couches
(45 p. 100). Quant aux causes déterminantes, il faut ranger en pre-
mière ligne l'infection, dont le foyer peut être non seulement
l'utérus, mais aussi différents autres organes (les reins, les intes-
tins, etc.); il y a des malades qui ont des foyers d'infection mul-
tiples. Dans les observations du rapporteur l'infection figure dans
70 p. 100 des cas. La seconde place revient au choc moral ;
dans 27 p. 100 des cas, le rapporteur invoque les influences morales
comme cause de la maladie. En plus, cette cause est notée dans
beaucoup d'observations simultanément avec l'infection (sur trente-
trois cas d'infection, dans treize cas sont notées des violentes
secousses morales).
Discussion : M. le Dr RoTT attire l'attention du rapporteur sur les
modifications du chymisme du sang chez les femmes en couches
et enceintes. Il est vraisemblable que dans ces conditions, il peut
avoir lieu une agglomération de toxines dans le sang en dehors de
tout processus pathologique.
M. le professeur Kaorsakow serait plutôt d'avis que la similitude
du tableau clinique de la maladie dans les différents cas indique-
rait qu'il s'agit ici d'un seul et même poison, qui se produirait
dans le système nerveux sous l'influence des causes différentes par-
mi lesquelles peuvent être rangées aussi les émotions violentes
Ce sont les modifications chimiques du sang, les modifications
de la circulation lymphatique de la métamorphose, les rétentions
dans l'organisme de ses produits, etc., qui en dernier lieu doivent
être mises en cause.
M. le Dr IDNOW se range à l'avis du professeur Korsakow et
invoque à l'appui les travaux de l'uùichum. -
Séance du 21 février 1892.
M. le Dr Miner fait voir une -malade et donne son observation
sous le titre : Lésion traumatique de la moelle et de l'épine dorsale.-
La malade a cinquante-cinq ans. Ni lues, ni tuberculose dans les
antécédents. Est tombée d'une hauteur de 2 mètres sur un
objet dur, le coup a porté sur la partie cervicale ; après cette con-
tusion se développe le tableau clinique d'une myélite ex ecmpres-
sione (à évolution lente). Tout de suite après la contusion le cou
est devenu rigide; dans la région du 4-5 processus épineux on
constate une saillie dure et osseuse. Douleurs intenses dans le cou
132 SOCIÉTÉS SAVANTES.
et les bras, s'exacerbant pendant les mouvements. Parésie très
prononcée des mains et des pieds. Pendant les quatorze mois qui
suivirent, la parésie des mains allait en augmentant, des atrophies
prononcées se développent dans les petits muscles du poignet. La
malade ne peut plus marcher, elle ne peut même presque pas lever
ses jambes dans son lit; rétention d'urine continue (calhétérisation
journalière), des décubitus vont se former. Les réflexes tendineux
sont très exagérés. La sensibilité est presque intacte. Toutes les
méthodes thérapeutiques ayant échoué et vu les prières intstantes
de la malade, le Dr miner se décide à une intervention chirurgi-
cale et notamment à l'ablation d'une ou deux arcades vertébrales.
M. le professeur BoBOw veut bien se charger de l'opération. M. le
Dr Minor se propose de tenir la Société au courant de l'histoire de
cette malade.
Discussion : M. le professeur Bobarow se prononce contre une
luxation et pour une fracture dans la région des vertèbres cer-
vicales.
M. le D1' Roxx fait observer qu'il est difficile, dans le cas présent,
d'affirmer qu'il ne s'agit pas ici d'un simple mal de Pott, la malade
en offrant tous les symptômes. M. le Dr KARNtLOW se range de cet
avis et conseille d'essayer dans le cas présent la méthode de sus-
pension prolongée qu'il a inventée et employée avec succès dans
deux cas de la maladie de Pott. Le malade est assis dans son ht,
on ne. lui met qu'un collier sur lequel on fait peser un poids de
huit à 25 kilogrammes au moyen d'une corde qu'on jette sur un
bloc. Les séances durent de trois à quatre heures tous les jours.
M. le D'' ¡\IJNOR riposte que dans les cas de ce genre c'est au chirur-
gien que revient la décision dernière; quand même il s'agirait ici
d'une maladie de Pott il ne croit pas que cela constituerait une
contre-indication.
II). M. le Dr ¡\IOURATOW. Un cas de paralysie ascendante de Landry.
- Paralysie des quatre extrémités, des muscles du tronc, du dia-
phragme ; phénomènes bulbaires très prononcés; hypéresthésies,
douleurs le long des nerfs, en un mot tout le syndrome des symp-
tômes neuritiques. Ce cas offrait les particularités suivantes : 1, nys-
tagmus ; 2, pupille droite élargie; 3, réflexes patellaires exagérés,
avec trépidation spinale. L'auteur explique 1, le mydriasis par un
réflexe du plexus bronchialis sur les rami communicantes du sym-
pathique et 2, l'exagération des réflexes tendineux par l'hypertonie
des grandes cellules de la moelle provoquée par l'irritation des
nerfs centripètes. Le malade a guéri.
Discussion : M. le Dr Netchaiew rappelle à ce propos l'opinion de
Roux qui considère la paralysie de Landry comme une forme de la
rage paralytique qu'on ne croyait propre qu'aux animaux, chez
l'homme.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 133
M. le Dr Minot, à propos des symptômes spinaux constatés
dans l'observation du Dr Mouratow émet l'opinion qu'il est
dans certains cas indispensable d'admettre la coexistence de deux
processus morbides l'un spinal, l'autre périphérique. Il cite à ce
propos son observation d'un malade qui, étant syphilitique et
alcoolique, offrait les symptômes du tabes et de la paralysie alcoo-
lique. L'étiologie complexe de la maladie donnait une explication
suffisante de ce syndrome combiné. M. le Dr Rassolimo se refuse
d'accepter comme prouvée l'explication du Dr Mouratow sur l'ori-
gine réflexe du mydriasis, d'autant plus que le rapporteur n'a pas
obervé de douleurs dans le plexus brachial.
III). M. le Dr REPMANN. Le principe des machines dynamo et les
oscillations du courant. Machines dynamo à phases multiples. Ce
rapport n'offre qu'un intérêt technique tout à fait spécial.
Séance du 20 mars 1892.
I. M. le Dr G. ROSSOLIMO. Sur l'hystérie simulant la gliomatose mé-
dullaire. Il présente à la société une jeune fille de vingt ans, qui,
depuis dix-huit mois, eut six rechutes'du même complexe de troubles
du système nerveux. Les rechutes se suivirent à intervalles à peu près
égaux. La dernière rechute, la plus longue, débuta au mois de sep-
tembre 1891 et cessa le 10 mars 1892. La malade, lingère de pro-
fession, à antécédents héréditaires prédisposants, présentait à la
fin de janvier, lors de son entrée à l'hôpital : les deux mains en
griffes (parésie des muscles interosseux), la parésie était particuliè-
rement marquée aux petits doigts et aux doigts annulaires; affai-
blissement des muscles extenseurs de l'épaule, plus marquée à
gauche; analgésie complète, thermanesthésie et faible hypoesthésie
des poignets; diminution du sens musculaire des deux derniers
doigts; enfin les traces d'une profonde brûlure au segment infé-
rieur de l'avant-bras, que la malade s'est faite, sans s'en aperce-
voir, il y avait trois jours. L'état de la malade s'améliora très vite
à l'hôpital, surtout après chaque séance de suggestion hypnotique,
qui furent au nombre de trois. Le rapporteur se base sur les symp-
tômes observés, améliorés à la suite d'une thérapie hypnotique,
sur l'apparition régulière des récidives à intervalles complètement
clairs et pense expliquer tout le complexe des troubles, simulant la
gliomatose médullaire, par l'hystérie, il considère ce cas, comme
appartenant au groupe des troubles hystériques, qui se distingue
par l'absence des stigmates bien connus, et dit monosymptoma-
tique. M. le Dr Rossilimo tire de cette observation la conclusion
suivante : la syringomyélie, d'origine hystérique, doit avoir des
particularités si distinctes, que l'idée de cette dernière doit être
complètement excluse dans les cas publiés de simple gliomatose
médullaire. 0
134 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Discussion : M. le Dr W. ROTH'est d'accord sur le diagnostic du cas
rapporté, mais il rappelle que dans la gliomatose médullaire on
peut de même observer des améliorations, des oscillations par rap-
port au degré de l'analgésie, par exemple.
D'autre part, il a vu chez des hystériques, des modifications stables
de la sensibilité, à type syringomyélique. Les auteurs français ont
mis en doute le diagnostic de quelques cas qu'il a publiés ; l'un de
ces cas (monothermanesthésie) échappa aux observations, tandis
que le cours de la maladie des autres cas a complètement prouvé
le diagnostic de gliomatose médullaire.
M. le professeur KOJRVNIKOFF a à son service de la clinique un
malade, atteint de syringomyélie. Il présente une forte atrophie
musculaire et un anesthésie typique d'un membre, le symptôme
de Morvan de l'autre; il eut des panaris analgésiques avec perte
des phalanges tandis que sa sensibilité à la douleur est assez vive
en ce moment.
II. M. le Dr P. Fambourère a présenté un cas de syringomyélie
avec hémiatrophie de la langue. La malade, âgée de vingt et un
ans, présente une grande quantité de cicatrices après brûlures et
panaris aux membres supérieurs et près des trochanters. Déviation
lordo-cyphotique de la colonne vertébrale à droite, dans sa partie
thoracique. Marche titubante. Le symptôme de Romberg. Une
atrophie diffuse générale des membres gauches. Diminution de la
force musculaire de la main droite, du membre inférieur et du
tronc. Secousses fibrillaires des muscles de la main gauche. L'exci-
tabilité électrique des muscles est normale. Exagération du réflexe
tendineux rotulien et plantaire. Trépidation réflexe des deux côtés.
Divers degrés de troubles de la sensibilité. Thermanesthésie en ja-
quette, analgésie considérable à peu près de toute la surface du
corps, troubles du sens du toucher, principalement du côté gauche.
Nystagmus. Atrophie de la moitié droite de la langue. La largeur
de la moitié droite est de 20 millimètres (de la raphe au bord) ;
celle de gauche, 30 millimètres. L'épaisseur de la moitié droite est
de 5 millimètres, de la moitié gauche 7 millimètres. La muqueuse
est couverte de plis et de sillons. Déviation de langue du côté droit;
le sens du toucher et le sens du goût ne sont pas atteints; l'exci-
tabilité électrique est augmentée du côté malade; il n'y a pas de
dégénérescence; secousses fibrillaires dans la moitié droite de la
langue. Le langage et la déglutition ne sont pas atteints. Parésie du
côté droit du voile du palais et de la corde vocale droite. Différents
troubles trophiques et vaso-moteurs. Sudation du côté gauche du
corps et du visage.
C'est vers l'âge de treize ans que la maladie débuta, après un
typhus abdominal très grave, par l'apparition de tremblements des
membres, de brûlures et de panaris analgésiques. Les troubles de
, SOCIÉTÉS SAVANTES. 135
la marche et du langage datent de sept ans ; la sudation d'un côté
du corps dure depuis deux ans. La date du commencement de l'hé-
miatrophie de la langue n'est pas connue. Il y a un an fort
traumatisme de la tête. La malade est toujours sujette à prendre
froid ; la syphilis et l'uréthrite sont exclues. Il semble très pro-
bable que la pathogenèse de ce cas est une gliomatose, montée
vers la moelle .allongée et ayant atteint les noyaux des hypo-
glosses.
Discussion : M. le Dr RosSOLIMO pense pouvoir rapporter l'atrophie
de la langue à une légère lésion des fibres trophiques dans la racine
ascendante du trijumeau. Ses expériences avec la section du nerf
lingual, qui est suivie d'atrophie des muscles linguaux semblent
confirmer cette manière de voir. '
M. le or MINOR pense qu'il est plus probable d'admettre une hé-
morrhagie dans le noyau du nerf hypoglosse, car il a eu une
observation clinique, où l'apoplexie se suivit par des troubles bul-
baires et l'hémiatrophie de la langue.
M. le D'' DARNSCHEWITSCH se basant sur l'intégrité de l'excitabilité
électrique, suppose que l'atrophie est d'origine réflexe.
M. le Dr RoTU mettant' en vue l'autopsie de Schulze et M. le pro-
fesseur KOJEVNIKOFF croient plutôt à une lésion du noyau de l'hy-
poglosse.
M. le Dr IiORNILOFP pense aussi que le processus anatomique
s'est propagé sur le segment supérieur du système nerveux, il
s'appuie sur un cas de gliomatose spinale avec atrophie des nerfs
optiques.
III. M. le Dr G. P(tIBYTKON. Contribution à l'étude du trajet des
fibres des nerfs optiques. Après avoir mis à l'épreuve toutes les
.méthodes, connues de nos jours, pour l'étude du trajet des fibres
des nerfs optiques, le rapporteur se servit de la méthode de colo-
ration de Marchi tout en mettant en vue l'étude particulière des
questions suivantes : I) la structure du chiasma chez le cobaye, le
lapin, le chat ei le chien; H) la structure et le trajet des bande-
lettes optiques; Il,1) le rapport des fibres des nerfs optiques aux
diverses régions du cerveau, peuvent être envisagées comme centres
primaires des fibres optiques. Toutes les expériences ont été faites
sur des animaux adultes. L'expérience consistait dans l'extirpation
unilatérale de l'oeil; les animaux vivaient de vingt à vingt-sept jours
après l'opération. L'examen des séries ininterrompues des coupes ho-
rizontales amène le rapporteur aux conclusions suivantes : L'entre-
- croisement des nerfs optiques est complet chez les cobayes ; la com-
. missure de Meynert et de Gudden, ainsi que l'entre-croisement de
- Fore ! n'ont pas de rapports avec la rétine; le faisceau de Flechsig
(allant de l'entre-croisement à la substance grise centrale du troi-
136 SOCIÉTÉS SAVANTES.
sième ventricule) et les fibres pupillaires de Bechterev (au noyau du
nerf moteur oculaire commun) n'existent pas; il n'y a de même
aucune commissure entre les rétines des deux yeux (commissure
antérieure de Hannover). Chez le lapin, le chien et le chat l'entre-
croisement n'est pas complet, mais la commissure de Hannover, la
racine indépendante optique de Flechsig et les fibres pupillaires
de Beclrterev leur manquent aussi. Quant aux bandelettes optiques,
le rapporteur n'admet pas de faisceau optiqué directe allant à
l'écorce des hémisphères, de même que l'union des fibres optiques
avec le corps de Luys et le corps géniculé interne. Il ne peut aussi
observer l'existence du faisceau allant au ganglion habenulaë, que
le D'' Darkschevitsch envisage comme un faisceau de fibres optiques
qui réunissent la rétine de l'oeil avec le noyau du nerf moteur ocu-
laire commun. Les observations sur le rapport des fibres optiques
aux centres primaires aboutirent aux résultats suivants : chez le
cobaye, le lapin, la majorité des fibres finit dans le corps quadri-
jumeau supérieur : ce n'est que la minorité qui finit dans le corps
géniculé extérieur, chez le chat le fait est tout contraire - le corps
géniculé externe est le siège de l'extrémité de la majorité des fibres,
tandis que le corps quadrijumeau sert seulement à une petite quan-
tité défibres. D'après les observations de M. le Dr PRIBYTFOV il existe,
.hors ces deux centres, un troisième situé entre la substantia nigra et
le noyau rouge, au niveau de l'oculo-moteur, dans le «tegmentum»;
une partie des fibres optiques, y parviennent en faisceau distinct
que Gudden a décrit sous le nom de « tractus peduncularis trans-
versus ». Le pulvinar et le thalamus opticus en général ne sont pas
des centres optiques.
Discussion : M. le Dr DARKSCHEViTSCH salue les résultats de la nou-
velle méthode, quoique cette dernière ne prouve pas ses propres
observations sur le trajet des nerfs optiques. Tout de même la
question sur le rapport du a ganglion habenulaë » au réflexe pupil-
laire ne peut être envisagée comme résolue en sens négatif vu les
expériences de Mendel, sur l'atrophie de cette partie à la suite de
l'extirpation de l'iris, M. le professeur KOJEVNIKOFF, porte l'atten-
tion sur le rôle physiologique du tractus peduncularis qui s'ensuit
du tableau anatomique, tracé par le rapporteur.
Le rapporteur pense revenir à cette question muni de preuves
plus efficaces.
Séance du 17 avril 1892.
1). M. le D'' W.-A. MOURATOV fait une communication sur les dégé-
nérescences secondaires de l'encéphale après l'ablation de zones mo-
trices. Les expériences avec l'ablation d'un centre moteur quel-
conque ont été faites sur des chiens, la durée des expériences variait
SOCIÉTÉS SAVANTES. '1S7 -1
de quinze jours à un mois; les recherches microscopiques ont été
faites d'après Marchi.
Conclusions principales : la dégénérescence du côté lésé a lieu :
1° dans les fibres arquées d'association du premier ou du deuxième
ordre; 2° dans un système de fibres déterminé; ce système est
limité dans sa partie supérieure par le corps calleux, dans sa
partie inférieure par le corps caudé et du côté externe par la cou-
ronne rayonnante; ces fibres appartiennent, de l'avis du rappor-
teur, aux fibres d'association et leur dégénérescence est unilatérale;
3° dans une partie des fibres du « gyrus fornicatus », principale-
ment dans celle ,qui, après s'être recourbée des circonvolutions
motrices, passe par-dessus le corps calleux et poursuit ensuite le
trajet longitudinal vers le « gyrus fornicatus Do Ce trajet est, selon
}1. le Dr Mouratow, une voie d'association reliant le c gyrus cru-
ciatus » aux lobes occipitaux. La dégénérescence des fibres du corps
calleux a été constatée bilatérale. Nous mentionnerons encore
les conclusions suivantes de l'auteur : 1° quelques accès postopé-
ratoires peu stables doivent être expliqués par la perte des voies
d'association ; 2° pour porter un jugement sur la localisation des
accès, on doit penser au rôle des voies d'association; 3° les modi-
fications du sens musculaire dépendent, d'après l'auteur, des fibres
d'association.
11). M. le Dr G.-I. Rossolimo. Nouveau mode d'exploration des fonc-
tions du cerveau. Ce mode est un mode combiné, il consiste pre-
mièrement dans l'ablation d'une partie quelconque du cerveau d'un
animal, ce dernier survit jusqu'au développement de manifesta-
tions cliniques stables et est alors soumis à l'action de la cocaïne
ou de l'atropine, que l'auteur emploie comme substances excitant
les fonctions du cerveau. Voilà le résultat des observations : l'in-
jection hypodermique de ces médicaments à des animaux, préa-
lablement opérés, amenait chez eux de tels troubles fonctionnels,
qu'il ne pouvaient dépendre uniquement de l'opération. Les alté-
rations fonctionnelles postopératoires, devenues faibles avec le
temps, revenaient en plus fort après les injections de la cocaïne.
Les troubles fonctionnels postopératoires s'affaiblissaient ou deve-
naient perverses après les injections de l'atropine. L'auteur croit
que ce mode combiné aidera à éclairer les recherches sur la genèse
de certaines maladies fonctionnelles.
MM. A. IZOJEVNIROV, W. Roth, [L. D.1RRSHEWITSCH et S. KORSAROV
ont pris part à la discussion.
111). M. le Dr M.-A. LUNz. Contribution à l'étude de la bradycardie
avec accès épileptiformes (maladie de Adams-Stokes). 11 s'agit
d'un homme de cinquante ans, ayant toujours joui d'une bonne
santé, sans aucune maladie sérieuse précédente, atteint d'accès
épileptiformes (aura, perte brusque de connaissance, convulsions).
138 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Il existait chez lui nu procès athéromateux peu manifeste et de la
bradycardie. On observait, précédé à chaque accès, un arrêt com-
plet du pouls, durant plusieurs secondes à une demi-minute. Entre
les accès, on constatait 26 pulsations par minute, des fois même
18 pulsations. Après une amélioration de l'alimentation du muscle
cardiaque et après une augmentation des pulsations de 36 à 40,
même de 50 à 56 par minute, les accès disparurent. Le rapporteur
veut relier ces accès à la bradycardie et trouve une complète ana-
logie du cas rapporté avec les cas que M. Huchard a proposé de
nommer du nom de leurs premiers observateurs, maladie d'Adams-
Stokes.
AI11. A. KOJEV,91KOV, A. Kornilov et W. BuTzKF prirent part aux
discussions. 11. : 1-. KoRNILOv ne voit pas assez de preuves pour
être persuadé que, dans le cas rapporté, l'arrêt du pouls causait
l'accès. D'après lui, c'est par cet arrêt que se manifestait, peut-être,
le début de l'accès et ce dernier était relié à une maladie du coeur,
en tant que les accès épileptiques ne sont pas rares chez les car-
diaques. M. W. BUTZKE croit plutôt qu'il s'agissait ici de simples
accidents syncopaux.
Séance du io mai 1892.
I). M. le Dl' A.-A. EGoRov. Pied bot déterminant des troubles de la
moelle épinière. Une petite fille de douze ans, obligée de beau-
coup marcher et de porter sur ses bras sa soeur cadette, vient à
souffrir de pes plano-valgus bilatéral, plus manifeste du côté droit.
A cette altération de l'articulation et de l'appareil ligamenteux
s'associèrent des grandes douleurs, qui rendirent la marche impos-
sible à la malade. On constata à l'examen un amaigrissement très
marqué des muscles du fémur, exagération des réflexes rotuliens,
clonus du pied, tous ces symptômes bien plus manifestes du
côté droit. C'est bien encore du côté droit, en comparaison avec le
côté gauche, qu'on peut observer une augmentation marquée de
'l'excitabilité électrique des nerfs et des muscles. L'auteur croit
expliquer ces troubles nerveux par l'excitation de la moelle épi-
nière, déterminée par le pied plat. Cette explication conserve toute
sa valeur dans les ras plus graves, où il y a combinaison de pied
plat avec contracture musculaire. L'état de la malade s'améliora
de beaucoup après faradisation des muscles de la jambe : Les dou-
leurs cessèrent, elle regagna la possibilité de la marche..
Discussion : M. le Dr W. Rora insiste sur le grand intérêt du. cas de
pied bot rapporté, grâce au développement d'amyotrophie et d'exa-
gération des réflexes. L'exagération des réflexes, observée parfois
dans les neurites, devrait trouver son explication dans l'excitation
.analogue de la moelle épinière. D'après M. Roth, l'amyotrophie de-
sociétés savantes. 1139
vrait être envisagée comme résultat d'excitation par voie réflexe
des centres vaso-moteurs des muscles..
II). MM. les Drs L. DAItKCAER'tTCII et W. VEtDE\HA31hiER. Delasubs-
titution par un os décalcifié des défauts crâniens après trépanation.
Les auteurs se sont livrés à de minutieuses études sur la substitu-
tion des défauts osseux par un os décalcifié, que proposa un Améri-
cain M. le D'' Ilienn, tout en se bornant aux défauts du crâne, si
importants pour les neurologistes. Ils expérimentèrent sur des la-
pins. La première question que les auteurs abordèrent est la sui-
vante : le défaut crânien pratiqué artificiellement, peut-il réelle-
ment se remplir par un os de nouvelle formation, après avoir été
substitué par un os décalcifié ? Une série d'expériences y répond
affirmativement. L'examen microscopique démontre que le procès
de néoformation de l'os consiste principalement dans l'accroisse-
ment et le gonflement de l'os mère, jusqu'à adhésion complète
avec l'os substitué et dans le développement, dans les espaces
restés libres, de tissu connectif, riche en éléments cellulaires. Ce
tissu, à caractère ostéogène sans contredit, renvoie des prolonge-
ments aux anciens canaux et espaces médullaires de l'os décalcifié.
A une période un peu plus avancée, ou découvre des îlots d'os
normal dans la soudure fibreuse, le nombre des ostéoblastes aug-
mente autour des canaux et des espaces du morceau décalcifié,
qui vient enfin à être substitué par un os normal. Ce que devient
l'os décalcifié ? Pour résoudre cette seconde question, les auteurs
viennent en somme à la conclusion suivante : l'os intercalé sert
d'intermédiaire à la formation du nouvel os pour être résorbé
ensuite. Les observations ultérieures montrent que la classe zoolo-
gique de l'animal, auquel on enlève l'os pour substituer un défaut,
n'a pas grande influence sur le succès de l'opération, quoiqu'il soit
certainement préférable de prendre un osa structure possiblement
proche à celle de l'animal livré à l'expérience. Enfin, il s'ensuit,
des expériences des auteurs, que l'absence du périoste au-dessus de
l'os intercalé, mais avec la dure-mère intègre et vice versa, n'in-
fluence pas le cours de l'expérience. MM. KojEvOEov, L. ! \lINon,
P. MODLINSKY et G. Rossolimo ont pris part à la discussion.
III). M. le D'' L. Minor communique les résultats de l'opération
faite à la malade qu'il a présentée à la séance du mois de février.
L'opération fut faite par M. lé professeur A. Bobrow et consistait
dans l'ablation de l'arc vertébral de la cinquième vertèbre cervi-
cale et de l'apophyse épineuse. On constata, lors de l'opération,
une divergence des quatrième et cinquième apophyses épineuses,
l'une était dirigée un peu du côté postérieur et à droite, l'autre en
avant et à gauche. En un seul endroit de l'arc on distingua une
,âpreté. Le champ de l'opération était libre de tout procès tuber-
culeux. L'examen avec le manche du scalpel découvrit par place
140 bibliographie.
des adhérences de'la dure-mère avec la cavité du canal vertébral.
La plaie guérit per p1'imam. Résultat de l'opération : la parésie des
membres supérieurs n'existe plus ; au lieu de la paraplegia infe-
rior, il y a possibilité de marcher (quelques pas dans la chambre)
sans canne et sans aide d'autrui; au lieu de retentio urinée, qui
nécessitait un cathétérisme journalier, excrétion urinaire libre. Pas
d'eschares. L'état de santé de la malade n'est pas satisfaisant, elle
est encore faible, nerveuse. Vu les résultats obtenus, l'auteur en-
visage l'opération pleinement réussie.
BIBLIOGRAPHIE.
I. Des folies diathésiques ; par MM. MABILLE et LALLEMANT.
Dans ce travail, riche de faits, qui a valu à leurs auteurs le prix
Falret 1890, à l'académie de médecine, la folie est étudiée dans
ses rapports avec les diathèses; la diathèse nous reste et nous y
tenons, telle est l'opinion qui les a guidés dans leurs recherches,.
La partie historique est très complète, l'arthritisme, la scrofule
avec les transformations qu'ils ont subies successivement sont
très bien exposés, et la théorie de Bouchard sur les vices de nutri-
tion dans leurs rapports avec les diathèses est à chaque page cou-
rageusement défendue et appuyée sur de nombreux tableaux rap-
portant des analyses d'urine dans des cas de folies liées à l'arthri-
tisme, à la goutte, aux accidents urémiques, au diabète.
Le travail est divisé en quatre grands chapitres : 1° la folie rhu-
matismale ; 2° la folie dans ses rapports avec les maladies de la
peau, l'artério-sclérose, l'obésité ; 3° la folie par rapport à la
goutte et au diabète; 4° le cancer, la scrofule, la tuberculose
dans leurs rapports avec la folie.
A propos de la folie rhumatismale et de la goutte, les auteurs
examinent les groupes dans lesquels ces troubles sont simultanés,
alternants* ou simplement successifs et publient de nombreuses et
intéressantes observations à l'appui de chaque groupe.
La périodicité, l'intermittence et la rémittence sont la caracté-
ristique des folies rhumatismales.
La mélancolie serait la forme principale mais non la seule ;
l'arthritisme étant le fait de troubles de l'innervation sensitive,
motrice et vaso-motrice, serait une névrose complexe dont certaines
folies seraient les manifestations; l'hyperthermie, les complica-
tions cardiaques; les fluxions rhumatismales seraient les princi-
paux facteurs; l'étude des urines et des antécédents héréditaires
BIBLIOGRAPHIE. 141
sont les preuves principales de cette connexion et les auteurs citent
à leur appui un travail que nous avions communiqué à la société
médico-psychologique sur les rapports entre la folie et les hémor-
roïdes, ce dont nous les remercions.
Le chapitre des troubles vésaniques dans leur rapport avec la
goutte est de plus documentés; les troubles du caractère, les
troubles intellectuels, émotifs, moteurs, l'amnésie ayant été notés
avec soin.
Le chapitre sur le diabète est moins riche de faits, mais est
complet au point de vue des recherches; il sera consulté avec
intérêt ainsi que celui sur l'obésité. C'est un travail original, auquel
les auteurs n'ont pas épargné leurs peines et qui constitue pour
l'avenir un recueil de faits indispensables à lire pour ceux qui
voudraient se livrer à quelques études sur un des nombreux sujets
qu'il contient. Charpentier.
II. Cas de poliomyélite antérieure et de névrite multiple. (A case of
anterior olio-myélilis ann multiple HCM)'t<t6') ; par W. Gowers.
(Reprinted from vol. XXIV of the Clinical society's transactions.)
11 s'agit d'un enfant de -sept ans, qui fut pris d'une attaque de
paralysie atrophique aiguë, présentant les symptômes caracté-
ristiques d'une poliomyélite aiguë antérieure à la moelle cervicale.
Ultérieurement, des douleurs spontanées, puis des douleurs sur le
trajet des nerfs du côté gauche, suivis de paralysie survinrent, et
rétrocédèrent : la paralysie atrophique primitive du bras persis-
tant. Il y a eu là combinaison de névrite multiple et de poliomyé-
lile, et la possibilité de ce fait est très importante tant au point de
vue théorique que pratique. Paul BLOCQ.
111. Manuel pratique de médecine mentale; par le Dr E. Régis.
2e édition. Paris, 0. Doin éditeur, 1892.
Cette seconde édition du Manuel de M. Régis ne ressemble que
de loin à la première, dont le succès cependant avait été incontes-
table et qui avait été accueillie déjà avec faveur, non seulement
par les aliénistes, mais par tout le public médical. On peut dire
qu'elle a été revue et remaniée à fond par l'auteur. Certains cha-
pitres ont été complètement transformés, d'autres ont été ajoutés.
si bien que sous son titre modeste, ce manuel représente dans une
forme concise un véritable traité des maladies mentales d'après les
données les plus récentes de la science spéciale.
Sans doute, il n'est pas d'oeuvre qui ne puisse prêter matière à
quelques critiques. Mais plutôt que de chercher à formuler ici
quelques-unes de ces. critiques de détail, nous préférons signaler
tout particulièrement à l'attention du lecteur le chapitre sur les
Éléments symptomatiques de l'aliénation mentale, dans lequel
z BIBLIOGRAPHIE.
M. Régis, s'inspirant du livre de Morselli expose d'une façon très
précise, très claire, toute la séméiologie des maladies mentales, les
chapitres de la Folie systématisée, de la Paralysie générale, des
Folies toxiques. Bien que remanié, le chapitre de la Mélancolie est
peut-être un de ceux qui demandent encore à être complétés, sur-
tout en ce qui concerne la stupeur, que l'auteur semble toujours
rattacher sans dictinction de forme, à la mélancolie. En revanche, un
des meilleurs chapitres est celui qui a trait aux jf7em<'s</tën : M psy-
chiques, dans lequel M. Régis étudie les idées fixes, impressions,
aboulies qu'il rattache franchement à la neurasthénie, dont elles
constituent la forme psychique. M. Régis est le premier auteur
français qui adopte cette opinion, déjà formulée à l'étranger; alors
qu'en France on ne veut voir qu'une coexistence de la dégénéres-
cence et de la neurasthénie, lorsque ces troubles intellectuels se
présentent chez les neurasthéniques. Pour notre part, nous n'hési-
tons pas à dire que l'opinion de M. Régis nous paraît bien plus
conforme à la réalité des faits qui ne justifient nullement ces dis-
tinctions aussi subtiles que problématiques. Le chapitre des Phré-
nasthénies où l'auteur étudie la folie héréditaire est également très
bien exposé. Signalons encore l'étude des folies associées aux ma-
ladies générales, maladies infectieuses, folie des diathèses rajeuni
par l'application à l'étude des troubles mentaux des doctrines mo-
dernes, professées par M. Bouchard et ses élèves. En revanche, le
chapitre des Folies sympathiques, associées aux maladies locales
des viscères, eût peut-être gagné à être décrit à un point de vue
plus général. Des chapitres sur le Diagnostic pratique, sur le
Traitement, sur la Médecine légale des aliénés offrent à l'étudiant
et au praticien de nombreux et utiles renseignements.
Ce livre conçu avec méthode, exposé avec clarté, se recommande
encore par une autre qualité, l'impartialité que l'auteur semble
toujours avoir eu a coeur de garder. Ce fait n'est pas si fréquent
dans bon nombre de publications récentes sur la psychiatrie pour
qu'il ne mérite d'être signalé. Ecrit par un médecin érudit, ayant
une grande habitude des aliénés, observateur en même temps que
psychologue, ce manuel est certainement le meilleur que nous
possédions en France sur la matière; et nous pensons qu'actuel-
lement, si l'on peut faire autrement, on ne peut guère faire mieux.
J. SÉGLAS.
IV. Atlas der Pathologischen Histologie des Nervensystems, redigirt
von Pr V. Babès und P. BLOCQ. I Lieferung, von Babès und
MARINESCO. A. Hirschwald, Berlin, 1892.
Les auteurs se proposent de faire un Traité complet de l'histo-
logie fine des maladies du système nerveux. Cette histologie est
bien décrite dans les travaux d'un certain nombre d'auteurs : de
Charcot, de Leyden, de Westphal, d'Erb et de Flechsig; mais la
BIBLIOGRAPHIE. 143
technique a été tellement perfectionnée dans ces dernières années,
grâce aux recherches de Ranvier, de Weigert, de Golgi, d'Ehrlich,
de Ramon y Cajal, etc., que l'opportunité de cette publication
s'imposait.
Au reste, cet atlas qui comprendra trente-deux fascicules, sera
dû à des observateurs dont il nous suffira de citer les noms, pour
qu'on se rende compte de leur compétence spéciale. Ce sont :
MM. Ehrlich, Homen, Marchi, P. Marie, G. Marinesco, \fendel,
Môli, V.Monakow, Ramon y Cajal et Vanlair.
Chaque fascicule sera consacré à la description de l'anatomie
pathologique d'une partie déterminée du système nerveux, illustrée
d'un grand nombre de planches lithographiées, ou de photographies
originales, et précédée d'un aperçu de l'histologie normale. Le texte
sera écrit en langue allemande ou française, selon la nationalité
des auteurs.
Le premier fascicule que nous venons de parcourir, qui a trait
aux altérations des terminaisons des nerfs musculaires a été rédigé
par MM. Babès et Marinesco. Fidèles au programme que nous
venons d'indiquer, les auteursdécrivent en premier lieu l'histologie
normale des terminaisons nerveuses : nous trouvons ici à signaler
particulièrement la planche 1 où sont figurées les plaques termi-
nales des muscles de divers animaux et de l'homme. La figure 4 de
cette planche représente, avec des détails nouveaux, la plaque ter-
minale des muscles du lézard, vue à un grossissement de 1000 dia-
mètres. Les auteurs passent successivement en revue les lésions
que subissent ces plaques dans la section expérimentale des nerfs.
Mais, la partie la plus intéressante et la plus originale de ce tra-
vail est celle qui est consacrée aux altérations des plaques motrices
dans les diverses affections du système nerveux central et périphé-
rique : maladie de Charcot, polynévrite, paralysie pseudo-hyper-
trophique, maladie de Thomsen, etc. Ainsi, dans la sclérose latérale
amyotrophique, par exemple, les auteurs nous montrent dans le
muscle, une atrophie de la fibre et du réseau terminal de la plaque,
tandis que dans le tendon on voit, au contraire, une hypertrophie
de la fibre terminale. D'autre part, la névrite est caractérisée par
la prolifération nucléaire des noyaux de la plaque (Pl. VU, fig. 6).
L'exécution des planches est en tous points remarquable, et ce
premier fascicule permet de préjuger de ce que sera la publication
complète. Elle formera un véritable monument, tant au point de
vue documentaire que didactique, de cette branche si considérable
de l'anatomie pathologique. B.
V. La pathologie des émotions, études physiologiques et cliniques;
par le Dr Ch. Féré, médecin de BieCLre. (Paris, 1892. F. Alcan,
édit.).
Les émotions ne sont que la résultante de la représentation men-
1144 BIBLIOGRAPHIE.
tale d'états agréables ou pénibles, et sont, par conséquent d'au-
tant plus fortes qu'elles renferment un plus grand nombre de sen-
sations actuelles ou naissantes, propres à rappeler ces états. Dès
lors, les émotions n'étant que des représentations d'états de cons-
cience provoqués par des excitations extérieures, il est à présumer
que les conditions physiologiques des émotions présentent, aussi
bien à l'état normal qu'à l'état pathologique, une grande analogie,
sinon une similitude complète avec les conditions physiologiques
des sensations. Par suite, les agents physiques, qui sont capables
de modifier un état de conscience d'origine périphérique, sont
aussi capables de modifier les états de conscience d'origine cen-
trale : les signes extérieurs de ces divers états de conscience peu-
vent être étudiés par les mêmes procédés; la psychologie n'est que
la physiologie spécialisée ; la médecine mentale n'est qu'une spé-
cialisation de la médecine générale à laquelle elle doit emprunter
ses procédés d'étude et ses procédés d'action, tous purement phy-
siques. C'est la démonstration de ces rapports que M. Féré a en-
treprise dans le livre qui fait le sujet de cette analyse. Son but a
été de déterminer autant que possible, à l'aide de la méthode ex-
périmentale, les conditions physiologiques des émotions, de mon-
trer que ces conditions sont identiques aux réactions somatiques
qui résultent des agents physiques et de prouver que les émotions
sont des états somatiques s'accompagnant d'états de conscience
que l'on peut voir se développer en conséquence d'excitations phy-
siques, cette similitude de conditions physiologiques établissant en
dernier terme la nature physique des phénomènes tant normaux
que pathologiques de l'esprit.
Pour démontrer les analogies entre les phénomènes physiolo-
giques et pathologiques, qui accompagnent les états de conscience
d'origine soit externe, soit interne, il était nécessaire de passer en
revue l'influence des agents physiques sur l'homme. Ausssi M. Féré
examine-t-il d'abord l'influence de l'air, de la pression atmosphé-
rique, de la température, de l'état hygrométrique, de la tension
électrique des ingesta, de la lumière, du son, des odeurs, des sa-
veurs, l'équivalence des excitations sensorielles (vision colorée,
synesthésies), les signes physiques des sensations; en nous mon-
trant, au cours de son exposé, les modifications produites par ces
différents agents sur la nutrition, sur les actes, psychiques, la
vitesse, la forme, l'énergie des mouvements secondaires, sur la
pression artérielle, sur la circulation périphérique déterminant un
changement de volume du membre, toutes modifications que l'on
peut objectiver, en quelque sorte, à l'aide de la méthode expéri-
mentale. Tous les agents physiques qui concourent à l'entretien de
la vie ou à mettre en jeu l'irritabilité, tous les ingesta qui contri-
buent à l'entretien des combustions organiques sont capables, par
leur action, tantôt insuffisante, tantôt excessive, de provoquer des
BIBLIOGRAPHIE. 145
modifications de nutrition, qui se traduisent par des modifications
morbides des fonctions de relation. Les modifications de nutrition
constituent les conditions physiologiques des émotions diverses qui
les accompagnent nécessairement.
Après les eflets physiologiques, M. Féré étudie les effets patholo-
giques des agents physiques sur l'homme, les effets du refroidissement
modifiant les conditions de la circulation, la constitution même du
sang, diminuant la résistance del'organisme à l'infection, détermi-
nant même des troubles mentaux; puis l'influence de la uuit sur l'ap-
parition des phénomènes morbides (douleurs ostéocopes, accès de'
goutte, asthme spasmodique, accès épileptiques, délire alcoolique,
hallucinations, anxiété mélancolique, terreurs nocturnes...). Mais les
troubles les plus caractéristiques ressortissant à la pathologie de la
nuit se rapportent aux manifestations sensorielles et motrices; ce sont
par exemple, l'incontinence nocturne, l'héméralopie, la paralysie
nocturne, signalée par Weir-Milchell, et résultant d'un défaut d'exci-
tation physiologique (paralysie par iatirritation), la chorée du réveil.
A côté de ces désordres moteurs se placent les troubles sensoriels,
et les chocs émotionnels, également signalés par Weir-Mitchell,
des troubles vaso-moteurs comme l'oedème hystérique plus fréquent
le matin, des troubles sécrétoires. D'un autre côté, si l'absence
d'excitation physiologique est capable de .provoquer des dépres-
sions fonctionnelles, les excitations excessives peuvent aussi déter-
miner des troubles locaux ou généraux, mais qui reconnaissent
alors pour,condition physiologique l'épuisement de l'organe ou de
l'organisme. Bien que ce soient les troables de la vue qui se mon-
trent le pins fréquemment dans ces circonstances, il n'en est pas
moins vrai que tous les sens peuvent être atteints de diminution
ou de perversion à la suite d'excitations excessives déterminant
l'épuisement et provoquant aussi dans le domaine d'autres fonc-
tions des phénomès morbides qui tiennent plus à l'excitabilité pa-
thologique du sujet qu'à la nature de l'excitant.
Les excitations externes déterminent donc des effets locaux et
généraux qui se réduisent en somme à des transformations de
forces. Le mouvement qui tient une place importante parmi ces
effets et est la condition indispensable de la sensation comme des
états de conscience : interne, même lorsqu'il est purement passif,
peut s'accompagner des mêmes effets généraux et des mêmes états
de conscience auxquels il est indissolublement lié. L'exercice phy-
sique modéré provoque une exaltation des fonctions respiratoires
et circulatoires et une augmentation de -la force-musculaire en
même temps qu'une certaine excitation de l'activité psychique.
Mais le travail forcé et prolongé, amène, au contraire,' une dépres-
sion des fonctions de nutrition et conséquemment une dépression
de l'énergie motrice. et de la sensibilité,- un ralentissement des pro-
cessus nerveux et un affaiblissement^ intellectuel.' Cette influence de.
Archives, t. XXV. 10 0
146 . BIBLIOGRAPHIE.
la fatigue sur l'activité psychique peut être mise en lumière par
l'étude de l'influence de l'énergie motrice sur l'attention. L'atten-
tion est constituée exclusivement par des phénomènes moteurs dont
la physiologie non seulement révèle l'existence, mais peut encore
étudier les qualités, leur énergie, leur forme, leur précision, leur
rapidité. Ces modifications des caractères des mouvements sont en
rapport avec des modifications de la circulation et de la nutrition,
déterminant, comme toutes les excitations internes ou externes, un
état particulier de tension musculaire préralable, qui constitue la
condition physiologique de l'attention. Aussi, l'attention fait-elle
défaut ou est-elle affaiblie dans tous les cas où il existe une dépres-
sion des forces et les oscillations physiologiques de l'attention ont
elles-mêmes pour condition physique les oscillations de l'énergie
motrice. z
L'exercice physique ou intellectuel modéré entraînant une exci-
tation générale du système nerveux s'accompagne d'une sensation
de bien-être, de plaisir ; tandis que le travail excessif comme l'inac-
tion amène une dépression générale du système nerveux, accom-
pagnée de malaise et d'une tendance aux émotions tristes. Cette
relation qui existe entre l'activité et le plaisir, entre l'inaction ou
la fatigue et la peine se retrouve dans les conditions physiques des
émotions en général. Les émotions se traduisent par des manifes-
tations diffuses ou locales qui ne sont pas les effets mais bien les
conditions physiques de ces états de conscience, et qui consistent
dans des modifications du pouls, de la tension artérielle, de la cir-
culation périphérique, de la résistance électrique, de la respiration,
de la température, de la digestion, des sécrétions, de la tension
électrique, des excrétions, de la composition du sang, de la moti-
lité, toutes modifications que l'on retrouve dans l'expression des
émotions.
Il est d'ailleurs impossible de tracer une limite entre la physio-
logie et la pathologie des émotions. Toutefois, une émotion peut
être considérée comme morbide, lorsque ses accompagnements
physiologiques se présentent avec une intensité extraordinaire, lors-
qu'elle se produit sans cause déterminante suffisante, lorsque ses
effets se prolongent outre mesure. Les conditions pathologiques des
émotions sont tantôt générales, tantôt locales : on peut dire aussi
qu'en général les effets locaux d'une émotion sont toujours les
mêmes chez une même personne et se manifestent vers l'organe
qui présente normalement un défaut congénital ou acquis. Parmi
les effets des émotions, nous voyons successivement étudiés par
M. Féré, l'ivresse émotionnelle et la mort par émotions morales,
les troubles de la circulation, des sécrétions et excrétions, de la
nutrition, les oedèmes, les troubles cutanés, la modification de la
résistance aux infections. On sait, d'autre part, l'influence exercée
par les émo.tions sur le développement et la marche des maladies
BIBLIOGRAPHIE. z7
nerveuses et mentales,- de même que, dans des cas inverses, les
effets curatifs de ces mêmes émotions.
Suivant leurs caractères sthéniques ou asthéniques, les excita-
tions sensorielles, l'activité volontaire, les émotions sont suscep-
tibles de provoquer les mêmes phénomènes généraux et d'épuise-
ment, des états pathologiques analogues. Sous le coup des condi-
tions physiques des diverses émotions, la mémoire, l'association
des idées subissent des variations appréciables à l'aide des pro-
cédés variés d'expérimentation. Un point digne de remarque, c'est
que dans les états d'excitation l'accélération du processus d'asso-
ciation est toujours peu marquée relativement au ralentissement dans
les états de dépression. Par suite, l'imagination se trouve égale-
ment influencée dans le même sens, et peut arriver à créer de véri-
tables délires à forme de rêve.
D'ailleurs, l'analogie qui existe entre les différentes formes de mé-
lancolie et de manie et les émotions normales, a frappé de tous
temps les observateurs. Au point de vue physiologique, la manie
est généralement considérée comme l'antithèse de la mélancolie.
Pour M. Féré par ses antécédents, par son expression symptoma-
tique, elle se rapproche surtout de la colère dans laquelle l'exalta-
tion n'est que secondaire et consécutive à la douleur morale. Les
différentes formes de manie et de mélancolie naissent sur un fond
de dépression, elles débutent par des phénomènes de dépression
avec douleur morale, elles sont l'expression physiologique d'un état
émotionnel unique, la douleur. La manie dans ses formes furieuses
n'est que l'exagération en durée et en intensité des accès d'excita-
tion de la mélancolie agitée. A mesure que l'excitation devient
plus intense, on voit se manifester une exaltation croissante de la
personnalité qui se traduit par des idées de satisfaction. Le carac-
tère antérieur du malade, reactionnel ou inerte, constitue d'ail-
leurs une prédisposition aux différentes formes de psychoses.
De même qu'on ne peut affirmer une émotion en l'absence de
signes physiques extérieurs, de même le diagnostic des troubles
mentaux ne peut être basé que sur les signes physiques. Les répré-
sentations hallucinatoires s'accompagnent des mêmes phénomènes
extérieurs que les excitations périphériques et les phénomènes phy-
siques des psychopathies peuvent être mis en parallèle avec ceux des
émotions.
Quels sont les organes des émotions ? Si les hémisphères sont
indispensables à la production des sensations, état de conscience
d'origine externe, ils sont bien plus indispensables encore à la
production des émotions, sans toutefois qu'il soit possible de les
localiser. D'un autre côté les observations et expériences sur les
accompagnements physiques des émotions montrent que ceux des
émotions sthéniques reproduisent la plupart des effets de la section
du grand sympathique au cou, et ceux des émotions asthéniques les
148 BIBLIOGRAPHIE.
effets opposés dus à la galvanisation du même nerf, si bien que le
grand sympathique semble être l'organe périphérique, d'extériori-
- sation des émotions.
L'émotivité morbide, bien difficile à délimiter de la normale,
est caractérisée par ce fait qu'elle entraîne des réactions mal adap-
tées à l'intérêt de l'individu ou de l'espèce. Elle se présente sous
deux formes, une émotivité diffuse et permanente qui constitue un
- caractère pathologique et une émotivité systématique qui ne se
traduit que dans des conditions particulières et toujours les mêmes
pour le même individu. Celte dernière forme est bien mise en évi-
dence dans la catégorie des faits groupés par More ! sous le nom de
délire émotif et dont M. Féré passe très rapidement en revue de
nombreuses variétés.
L'émotivité systématique n'est qu'un épisode comparable aux
dysesthésies et anesthésies systématiques et apparaît toujours
comme l'émotivité diffuse d'ailleurs, sur un fond de débilité se
reliant à la dégénérescence, à la neurasthénie, à des maladies gé-
nérales antérieures... Il est à remarquer aussi que la constitution
physique et mentale peut influer sur la localisation des troubles
physiques d'origine émotionnelle et sur la forme spéciale des
.roubles psychiques.
Les troubles diffus de l'émotivité sont pour ainsi dire de règle
dans les névropathies Mais ils sont fréquents aussi au début ou à la
suite des affections générales. Il en est de même des émotivités sys-
tématiques ; aussi importe-t-il d'étudier avec soin l'état somatique
du sujet pour chercher à découvrir d'abord s'il n'existe pas une
cause de dépression étrangère au' système nerveux ou un état
dépressif curable de ce système, Considérer tous les états émotifs
comme des stigmates de dégénérescence, par suite inaccessibles
au traitement, constitue une doctrine non seulement erronée, mais
néfaste.
La faiblesse irritable qui constitue la condition physiologique de
l'émotivité morbide est non seulement pour l'individu atteint une
cause de maux innombrables, mais c'est encore l'origine d'autres
maux dont il n'est pas seul à souffrir. Incapable d'une attention
soutenue, il devient impropre à toute activité productive, devient à
charge à sa famille. Son lot, c'est la misère physique, intellec-
tuelle et morale. Plus souvent qu'au génie, l'émotivité morbide
aboutit à l'impuissance, au crime, au suicide, à la stérilité.
11 résulte de cela que le traitement comporte deux points de
vue, celui de l'individu considéré seul, ou comme membre d'une
collectivité. Aussi M. Féré après avoir exposé le traitement médi-
cal, physique et moral, envisage-t-il ensuite la prophylaxie (hygiène
de la génération, éducation) et la législation applicable à ces ma-
lades, s'élevant contre les tendances humanitaires exagérées dujour,
et- réclamam contre ces individus improductifs et au bénéfice des
VARIA.- 149
membres utiles de la collectivité, une discipline, la nécessité d'une
sanction légale et de la responsabilité civile, l'application générale
du droit commun.
Ce compte rendu ne peut donner qu'une idée générale, le plan
d'ensembie du livre de M. Féré, très riche en documents et en aper--
çus originaux, d'une lecture très suggestive, et qui sera consulté
avec fruit non seulement par les médecins, mais encore par tous-
ceux qui s'intéressent aux sciences psychologiques, philosophes, i
pédagogues et magistrats. J. Séglas.
VARIA
Congrès annuel des MÉDECINS aliénistes ET DES pays DE
langue française
Session de la Rochelle (1893). Le congrès annuel des Médecins
aliénistes de France et des pays de langue française se réunir à
1 Rochelle du 1er août au 6 août 1893. Le congrès discutera spé-
cialement les questions suivantes :
1° Pathologie : « Des auto-intoxications dans les maladies men-
tales. » -Rapporteurs MM. les docteurs Régis et Chevalier-Lavaure.
2° Médecine légale : « Des faux témoignages des aliénés devant
la Justice. » Rapporteur M. le Dr Cullerre ; 3° Législation et admi-
nistration : « Des sociétés de patronage des aliénés. » Rapporteur
M. le Dr Giraud. Les rapports sur ces questions seront adressés
en temps utile aux adhérents.
- Des séances spéciales seront réservées aux communications par-
ticulières. Les personnes qui se proposent de participer aux travaux
du Congrès de la Rochelle sont priées d'adresser leur adhésion et
leur cotisation à M. le Dr H. Mabille, médecin en chef directeur de
l'asile de Lafond (La Rochelle) et de vouloir bien faire connaître
le plus tôt possible le titre de leurs communications ou leur inten-
tion de prendre part raz la discussion des questions générales indi-
quées ci-dessus. Le montant de la cotisation est de 20 francs.
La DIRECTION administrative ET' médicale DES établissements
'd'aliénés. Considérations nouvelles à l'appui de son unité en
réponse aux arguments contraires de ill. l1Jarandon de J/OHe; i
par le D' Samuel GARNIEIa. (Annales médic. psych., févr. 1891.)
DE la réunion DES FONCTIONS médicales ET administratives dans
150 VARIA.
' les asiles d'aliénés; par le Dr LAPOINTC. (Annales médic.psych.,
mars 1891.)
r Le principe de la réunion et celui de la séparation des fonctions
médicales et administratives dans les asiles ont eu de tout temps
leurs partisans convaincus. En face de ces deux principes a pris
naissance un principe éclectique, d'après lequel t le directeur pro-
prement dit laisserait la place à un administrateur placé sous le
contrôle du service médical, qui correspond avec la préfecture ».
M. S. Garnier reprend la critique de ce système éclectique, cri-
tique déjà formulée par lui dans un précédent article 1. Aucun
argument bien nouveau ne surgit du reste de cette spirituelle
réponse à M. Marandon de Montyel. L'auteur est persuadé que,
loin d'être une entrave aux travaux scientifiques, la direction
médico-administrative est éminemment favorable à leur éclosion,
car les occupations du service administratif donnent un repos
relatif à l'esprit du médecin en apportant à son régime intellec-
tuel une variété obligée autant que nécessaire. C'est pousser peut-
être un peu loin les avantages du service médico-administratif.
Mais ce qui est bien certain, c'est que l'organisation actuelle, avec
ses assemblées départementales souveraines maîtresses en matière
d'assistance des aliénés, est autrement fatale au relèvement du
niveau scientifique de la spécialité que la réunion des fonctions de
directeur et de médecin.
M. Lapointe, partisan aussi de là réunion des fonctions médico - «
administratives, insiste avec raison sur la différence qui sépare le
régime médical pour le traitement des maladies mentale s de celui
que réclame le traitement des maladies ordinaires : pour ces
dernières le médecin a rempli toute sa tâche lorsqu'il a posé un
diagnostic et formulé une prescription pharmaceutique ou encore
signalé des mesures hygiéniques à prendre. Dans un service d'alié-
nés, au contraire, son action doit être beaucoup plus étendue par-
ce qu'elle doit s'exercer par des moyens éminemment variés. Tout,
dans [le fonctionnement d'un asile, est de nature à concourir au
traitement et tout convergera à ce but principal : l'unité d'action
est dès lors d'une haute importance et ne peut exister que si la
double autorité de directeur et de médecin réside dans la même
personne, union sans laquelle il n'est pas possible de comprendre
la mise en pratique du traitement spécial que réclame un service
d'aliénés. E. B.
Il est certain que l'organisation des asiles est très différente
de celle des hôpitaux où, d'ailleurs, l'incompétence des direc-
tions pour tout ce qui concerne l'hygiène et le fonctionnemen t
' -Voir à ce sujet, Archives de Neurologie, t. XXI, p. 428 et suiv.
VARIA. 151
même des services médicaux a de déplorables conséquences au
point de vue de l'hygiène et de la simple propreté du person-
nel, des malades, des salles, etc. L'idéal, ce seraient les asiles
mixtes ne dépassant point 500 malades. Le mouvement de la
population étant, par suite, assez restreint, un médecin direc-
teur actif et intelligent peut mener de front et l'administration
et les travaux scientifiques, aidé qu'il est par un médecin-
adjoint et un ou deux internes. C'est la seule organisation
qui permette de tout combiner pour le bien-être, le traitement,
le travail des malades et cela même au grand bénéfice de l'asile
et des guérisons. Quant à l'autorité des conseils généraux, elle
est légitime et légale. Malheureusement ces conseils ne sont t
pas encore bien pénétrés des besoins de l'Assistance telle
qu'elle doit être sous un régime républicain. B.
` Ouverture du nouvel asile d'aliénés (asile de traitement
et d'hospitalisation) de Tworki près VARSOVIG. -
L'enfantement de ce nouvel établissement, tel que le raconte
M. Rothe, est à lire in extenso. Mais, ce qui est méritoire, c'est que
les plans et projets envoyés en 1887 à Pétersbourg étaient retournés
pour exécution à Varsovie la même année, que sous l'oeil du
comité de construction le professeur de psychiatrie (vous avez
bien lu ! ) Balinsky et l'architecte Strom se mirent à l'oeuvre dans
les premières semaines de l'année 1888 et que, le 15 novembre 1891
l'asile était inauguré. On lui a donné le nom d'asile d'aliénés de
Varsovie. Il comprend deux parties. L'une est destinée au traite-
ment des aliénés et peut recevoir 210 hommes et 210 femmes.
L'autre est la ferme séparée de l'asile, avec sa colonie, et comporte
104 lits pour aliénés incurables.
' Entre l'asile de traitement et l'asile des chroniques, s'étend un
petit bois de sapins.
L'asile de traitement consiste en pavillons séparés dont les édi-
fices sont complètement séparés les uns des autres et entourés de
jardinets délimités par des haies vives. L'ensemble représente un
rectangle dont le front regarde le petit bois. Le plus court côté est
occupé au centre par les bâtiments d'administration. Ces bâtiments
comprennent : 1° une sorte de rez-de-chaussée surélevé et 2° deux éta-
ges. Au rez-de-chaussée, on trouve les bureaux des médecins et des
employés d'administration, et, de chaque côté, une petite division
pouvant recevoir dix malades de chaque sexe avant leur admission
proprement dite. Au premier, habitation du directeur et des soeurs
auxquelles on a confié la surveillance de la cuisine, de la buan-
derie, des pavillons des malades-femmes.. Au second, employés.
Les médecins habitent les diverses divisions respectives. = -
à Ils) ` varia.
Derrière les bâtiments d'administration, cuisine, buanderie,
locaux des machines et des appareils d'éclairage électrique. L'éta-
blissement entier est éclaré par 600 lampes. La cuisine et la buan-
derie marchent à la vapeur; elles sont pourvues des appareils les
plus perfectionnés, des'derniers modèles. L'électricité est elle-
même employée à la ventilation des services des malades. Un
château d'eau, muni d'un réservoir de dimension, alimente l'asile;
une machine à vapeur puise cette eau dans une petite rivière
eontiguë'1'Utiata, elle l'envoie dans. un filtre spécial,' d'où' ella
passe dans le réservoir.
En arrière de ces constructions, mais un peu à gauche sont : l'obi-
toire, avec 'sa chambre d'autopsie, et une petite chapelle calholique.
A droite et à gauche des bâtiments d'administration,' division
des hommes et division des femmes, d'égales dimensions : à cha-
cune d'elles trois édifices avec leur rez-de-chaussée surélevé et leur
premier-étage. ' ,
Le premier édifice destiné à 100 malades du régime commun
(indigents) forme un asile complet avec ses sections convenables,
y compris-les agités et les gâteux, les salles de bains, la tisanerie,
les waler-closets,, salles de jour, dortoirs, etc.; on y a ménagé
l'habitation d'un médecin.. -
. Tout- près de ce pavillon, est celui de 10 pensionnaires de pre-
mière classe muni, lui aussi, de toutes ses sections;, un médecin
l'habite' aussi. Rez-de-chaussée et un étage. Un peu plus loin
pavillon de 40-pensionnaires de deuxième classe; même distribu-
tion..lIabilation d'un médecin, 1 >.
Chacun de.ces pavillons sera entouré de son jardin avec sa haie'
vive. Les jardins seront contigus., '
Le chauffage s'effectue- par des poëles en terre réfra'ctaire, à
chauffage extérieur et bouches de chaleur à clefs. Dans les sections
d'agités, de gâteux, d'alités, chauffage central à l'air chaude
Tout est planchéié à l'exception des corridors, des salles de bains;
des laveries, des offices, des tisaneries, des cuisines, où l'on a posé
de l'asphalte. -- ? 1 1 - ;
Les sections d'agités, de malades soumis à la surveillance con-
tinue (observation médico-légale), de nouveaux arrivants sont
pourvues de cadrés en fer-dans lesquels sont installées de petites
fenêtres à système de fermetures à clefs et.de broches, dont le
tiers supérieur peut se rabattre à, l'intérieur. Systèmes de portes à
un ou deux battants sans loquets. Cabinets d'aisances partout. Ce
qui manque c'est une salle de fête ou de réunion .
La colonie se compose d'un bâtiment pour hommes et d'un bâti-
ment pour femmes (en tout 104 incurables) ? Un , troisième bâti-
ment ,est; réservé,' pour le rez-de-chaussée, à. des ateliers, pour le
premier étage à deux appartements de médecins. Tout près sont
les locaux agricoles et.les écuries. , ,, , .
varia.. 153
L'asile a sa pharmacie à lui. ' ' ' ,
Voici maintenant les statuts de l'établissement : ; .
10 L'asile d'aliénés de Varsovie, avec sa colonie est destinée à : a) traiter
les aliénés dont on espère obtenir la guérison) hospitaliser des aliénés
incurables, c) examiner les' individus que les autorités considèrent
comme donnant des signes d'aliénation mentale, d) recevoir des aliénés
criminels.
2° L'asile ne recevra que des habitants du royaume de Pologne, mais
s'il dispose de places vacantes en excès, l'empire peut y placer ses aliénés
à la condition d'en payer le prix de journée..
3° La population de l'asile de Varsovie est fixée à 420 malades, hommes
bu femmes, lOi d'entre eux considérés comme incurables, mais capables
de travailler, jouiront d'une plus grande liberté. ·
4° On y'recevra des indigents et des pensionnaires, soit 320 indigents
et 100 pensionnaires (20 pensionnaires de première classe, 80 de seconde
classe)..... .
. 5" Le prix de pension se décompte comme suit. Un prix normal
représentant le prix de journée c'est-à-dire la somme réelle que coûte le
pensionnaire à la maison, et un bénéfice. Les ecclésiastiques et les
fonctionnaires sans ressources, ne paieront, non plus que leurs familles
le bénéfice sus-indiqué. - 1
1 6o L'asile n'encaissera de la pension que le bénéfice qui viendra former
son fonds spécial, le reste sera rapporté au fonds commun des établisse-
ments de bienfaisance du comité d'assistance publique de Varsovie; :
il Le placement des indigents a lieu par les soins du comité de
Varsovie et l'arrêté du général gouverneur ; ,
8° L'établissement rentre dans le département du ministère de l'Inté-
rieur; mais il est surveillé, sous la haute autorité du général gouverneur,
par le comité d'assistance publique de Varsovie;
9° Le comité délègue ses pouvoirs à cet objet à un curateur.
10 L'établissement est dirigé par le' médecin en chef qui prend le
titre de directeur. Proposé par le général gouverneur, il est nommé par
le ministre de l'Intérieur. Les ordonnateurs sont, sous la responsabilité
du directeur, nommés, sur la proposition du gouverneur de Varsovie, par
le ministre de l'Intérieur, après agrément du chef du comité d'assis-
tance publique et de l'inspecteur médical des hospices civils de Varsovie.
L'asile comprend donc, en dehors des fonctionnâmes administratifs et
des employés ordinaires :
154 varia.
La construction et l'achat du terrain n'avaient pas coûté moin
de 800,000 roubles (1,760,000 francs). P. KÉRAVAL.
UNE VISITE A l'asile DE ROME; parle Dr PONS.
Le nouvel asile de Rome ne répond à aucune formule classique :
il n'appartient à aucun des ordres connus de l'architecture spéciale.
On l'a installé sur une colline salubre, habitée déjà, en utilisant les
immeubles dont elle est couverte : parmi les frondaisons étince-
lantes émergent des maisons blanches, aux aspects variés, aux
contours disparates, villas élégantes, ateliers, fermes, quartiers de
malades. Chacun de ces quartiers porte un nom différent parmi les-
quels il en est de curieux : la division des agités, c'est li « auberge
de l'espérance ;) ; le quartier des gâteux porte l'étiquette consolante
d' « auberge du repos ». Dans le manicome romain, les aliénés
sont entourés d'un personnel nombreux et bien discipliné. Pour
mille deux cents malades, il n'y pas moins de deux cents infirmiers
ou employés. Le corps médical qui doit encore être augmenté se
compose, à l'heure actuelle, de huit médecins : un médecin direc-
teur ; un vice-directeur, professeur de psychiatrie à l'Université,
avec deux chefs de clinique, a sous la main les deux quartiers d'ob-
servation, hommes et femmes, trois médecins en chef sont chargés
des autres services ; enfin, un libéro-docent d'anatomie normale
à l'Université a spécialement le soin des autopsies et des recherches
anatomo-pathologiques. (Annales médico-psychologiques, 1891.)
E. B.
Assistance DES épileptiques ET DES IDIOTS dans la PROVINCE DE Saxe
A la suite d'une enquête médico-administrative des plus intéres-
santes, en ce qu'elle met en évidence la collaboration des pouvoirs
publics et des médecins compétents, tels que : Loehr, Kurella,
Wildermuth, le conseil général (Landtag) de la province, a le
11 mars dernier, décidé d'acheter le domaine de Modderkuhl, près
Boergitz (cercle de Gardelegen) pour y construire un asile de trai-
tement et d'hospitalisation destiné aux épileptiques et idiots. Cet éta-
blissement, qui comprendra 360 hectares environ, devra d'abord
recevoir cinq cents malades. Il ne recevra pour débuter que des
épileptiques, et notamment ceux des établissements de Neinstedt
(au nombre de deux cents); à Neinstedt on enverra, pendant cette
même période de début, des idiots jusqu'à concurrence de six cents.
Au nouvel asile on transférera également sur-le-champ, cent alié-
nés épileptiques de Nietleben et Alt-Scherbitz. Il va de soi que
tout sera disposé pour qu'on puisse l'agrandir de façon à ce qu'il
puisse recevoir mille malades. Le nom du domaine étant vilain,
on lui donnera le nom d'Uchtspringe qui correspond à celui de la
localité. '
VARIA. 155.
Voici comment sont concédés et répartis les crédits.
15G VARIA.
Assistance DES idiote et DES épileptiques dans la PROVINCE DE
. BRANDEBOURG.
L'assemblée départementale, achète l'asile des épileptiques et
idiots fondé il y a six ans, sur l'initiative du comité provincial,
par une société de bienfaisance -qui- l'administrait à l'aide d'un
conseil d'administration. Son capital était de 93,500 marks; le
Brandebourg, augmente le capital de 56,500 marks afin que
l'asile puisse continuer à»s'entretenir seul à l'aide de ce fonds de
150,000 marks (187,500 francs). Une somme de ,260,000 marks,
(325,000 francs) est mise à la disposition du conseil afin de venir
en aide aux épileptiques pauvres dénués de toutes ressources.
120,000 marks seront consacrés à l'agrandissement de l'établisse-
ment. Il va de soi que l'asile d'idiots annexe connu sous le nom de
Inondation Guillaume (120 malades) sera rattaché à l'établissement,
et afin qu'il n'y ait pas d'interruption entre les deux domaines,.
60,000 marks serviront à acheter un petit bois qui les sépare.
L'assemblée adopte également le projet de M. Zinn, relatif à la
construction d'un asile d'infirmes de 1,000 à 1,600 lits et à l'acqui-
sition d'un domaine de 120 à 150 hectares; il en accorde les cré-
dits (25 février 1892). P. K.
· ECOLE DE faibles D'ESPRIT.
-Ainsi qu'il y a deux ans à Aachen, il s'est fondé à Hanovre une
école qui puisse permettre de cultiver les enfants auxquels les
facultés intellectuelles ne permettent pas, pour une raison ou pour
une autre, de suivre les classes soit de l'école communale, soit
d'une école professionnelle, soit de l'enseignement secondaire.
On sait quels services a rendu cette institution à Aachen, il en
sera de même à Hanovre. C'est un exemple à suivre. P. K.
En maintes circonstances nous avons eu l'occasion de si-
gnaler l'organisation de classes spéciales pour les enfants
faibles d'esprit, et dont la situation physique et intellectuelle
ne nécessite pas l'internement dans des asiles spéciaux. Déplus,
nous en avons entretenu notre ami M. Léon Bourgeois, alors
qu'il était ministre de l'instruction publique, et nous avons sou-
levé la question l'an dernier devant la délégation cantonale du
V° arrondissement. Malheureusement on ne parait pas se rendre
un compte exact des avantages de cette organisation pourtant
si facile à réaliser. Deux classes par arrondissement seraient
parfaitement suffisantes. Dans ces classes on introduirait un
enseignement analogue à celui qui existe dans les institutions
consacrées aux enfants arriérés. B.
'FAITS divers. 157 Î
LES Infirmiers.
Pour arriver à recruter un corps d'infirmiers capables, le budget
de Dalldorf, de 1889-90 avait prévu un crédit de 1,000 marks
(1,250 francs), destiné à venir en aide aux infirmiers blessés dans
leurs fonctions ou atteints de maladies incurables. Nous faisons
mieux que cela dans le département de la Seine. P. K.
PÉTITION DE LA SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET DE PSYCHOLOGIE MÉDICO-
LÉGALE de Vienne; par M. GAUSTEIi. (Jalt1'bÜch. f. Psychiat., X, 1.)
1° Fréquentation obligatoire d'un cours de clinique psychiatrique
par les étudiants en médecine avant d'être admis au troisième
examen riyorosum; 2° Interrogation théorique et pratique sur la
psychiatrie au même examen. P. K.
Bien des fois, soit dans les Archives, soit dans le Progrès
Médical, nous avons insisté sur la nécessité tant sous le rapport
scientifique qu'au point de vue social, de l'utilité d'un stage
obligatoire pour les étudiants dans un service d'aliénés, con-
sacré par un examen. Cette mesure, appliquée dans plusieurs
pays étrangers, ne paraît pas avoir encore appelé l'attention
des doyens des facultés de médecine ni du ministre de l'ins-
truction publique. Il rentre pourtant dans leurs obligations de
se tenir au courant de l'organisation de l'enseignement dans
les Facultés de médecine étrangères. B.
FAITS DIVERS
Asiles d'Aliénés. - Nominations et promotions . - M. le Dr Pages,
médecin de l'asile d'Alençon, est promu à la 2° classe du cadre
(1°r novembre 1892) ; M. le Dr Anglade, interne à l'asile de Bor-
deaux, est nommé médecin-adjoint à l'asile de Bassens (5 novem-
bre); M. Tondu, directeur de l'asile de Bron, est nommé aux mêmes
fonctions à l'asile de Saint-Pierre de Marseille; M. le Dr DUBRIL,
directeur de l'asile de Saint-Pierre de Marseille, est nommé aux
mêmes fonctions à l'asile de Bron (Rhône) (19 novembre) ; III. le
Dl Dupain, médecin-adjoint de l'asile public de Bailleul, est nommé
aux mêmes fonctions à l'asile d'Alençon (14 décembre) ; M. BRESSOV,
directeur de l'asile de Montdevergues, est promu à la lre classe de
son cadre (16 décembre).
158 FAITS DIVERS.
Un cocher improvisé. Le 25 juillet vers midi, un fiacre vide
traversait la place de l'Opéra au grand trot. Il était conduit par un
monsieur bien mis, d'un certain âge, qui faisait claquer son fouet
d'une façon inquiétante et[qui accrochait à peu près toutes les voi-
tures à sa portée. Ce singulier attelage étonnait.
Le fiacre s'engagea bientôt, au galop du cheval, dans l'avenue
de l'Opéra. La foule intriguée suivait.
Devant un des magasins de l'avenue, au numéro 20, le singulier
équipage s'arrêta et le vieux monsieur, gravement, enroula les
guides autour du manche du fouet et descendit.
Les agents s'approchèrent. Le vieux monsieur était rentré dans
le magasin. Il ressortit presque aussitôt, les agents l'interpellèrent,
il ne daigna pas répondre. Cependant, devant leur insistance, il se
décida à dire qu'il ne pouvait leur fournir aucun renseignement,
sauf qu'il se rendait à l'Elysée, pour y prendre M. Carnot qui l'at-
tendait. Les agents s'aperçurent alors que le cocher fantaisiste ne
paraissait pas jouir de ses facultés mentales, et ils se disposèrent à
l'emmener au poste voisin.
A ce moment, plusieurs employés du magasin sortirent et s'in-
terposèrent, priant les agents de laisser le vieux monsieur en
liberté. Il était très connu d'eux; représentant de commerce.
M. II. était, dirent-ils, atteint de troubles cérébraux. Ils s'enga-
geaient à payer le temps perdu par le cocher, auquel M. H. avait
pris sa voiture, et à acquitter les frais de la fourrière, où les agents
se disposaient à conduire le fiacre. Enfin, après de longs pourpar-
lers, le vieux monsieur put regagner son domicile sans être autre-
ment inquiété. Mais le plus curieux c'est qu'il a été impossible de
savoir à quelle station M. H. s'était emparé de cette voiture et que
le cocher dépossédé n'a pas encore été retrouvé.
(Eclair, 25 juillet 1892.)
Aliénation MENTALE. - Il y a quelques jours, une femme, demeu-
rant 25, rue Delille, nommée Rose Larantagaret, veuve Filial, avait,
dans un moment de folie, essayé de se suicider en se portant plu-
sieurs coups de rasoir à la gorge. On vint 0. temps pour l'empêcher
de se faire 'des blessures irrémédiables. Grâce aux soins qui lui
furent immédiatement donnés, elle eût la vie sauve. Et aujourd'hui,
elle est guérie de ses entailles, mais le cerveau étant toujours dé-
rangé, on vient de l'interner d'urgence à l'asile de Saint-Pons.
(Petit Var, 8 Juillet.) Il aurait été plus sage de l'interner avant
sa tentative de suicide. Malheureusement beaucoup de préfets ne
veulent signer d'arrêtés d'internement que si les malades ont
prouvé qu'ils étaient dangereux.
LEs Épileptiques. Un jeune vacher, nommé Emile Partie,
âgé de quinze ans, a été trouvé mort dans un bateau de pêche
voguant sur la Seine. Ce malheureux, sujet à de fréquents accès
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 139
epileptiques, est tombé, sous le coup de son mal, et a trouvé la
mort par asphyxie dans quelques centimètres d'eau où sa tête est
venue baigner. (Rappel de l'Eure, 27 juin 1891.) Ce fait montre une
fois de plus l'utilité de l'hospitalisation des épileptiques.
Suicide D'UNE aliénée. Mercredi, pendant l'absence de son
mari, Mme Thorain, âgée de vingt-neuf ans, qui depuis quelque
temps donnait des signes d'aliénation mentale, s'est jetée dans un
puits profond de 20 mètres et dans lequel il y avait 2m,50 d'eau.
Ce n'est que deux heures après que M. Maréchal, qu'on était allé
chercher à Ingré, personne n'osant descendre dans le puits, qu'on
a retiré le cadavre de Mme Thorain. M. le Dv Vincent appelé, n'a
pu que constater le décès. (Républicain Orléanais, du 22 juillet.)
Le drame du boulevard GARIBALDI. Un drame épouvantable
de la folie s'est passé hier à Grenelle. Vers trois heures du soir,
Mme Piene, âgée de trente-deux ans, demeurant 15, boulevard
Garibaldi, prise d'un accès de folie subite, s'armait d'un tisonnier
et se ruant sur sa petite fille, Albertine, âgée de dix ans, en frappait
l'enfant avec une rage sans pareille.
Blessée grièvement à la tête et aux reins, la malheureuse fillette
pleurait et criait, implorant sa mère.
Maman, ma petite maman, je n'ai rien fait de mal.
Aux cris de l'enfant, des voisins accoururent, enfoncèrent la
porte et retirèrent des mains de la folle, la malheureuse enfant
au moment où sa mère cherchait à l'étrangler. L'enfant dont l'état
est très grave, a été conduite à l'hospice des Enfants-Malades.
Quant à la mère, elle a été conduite à l'infirmerie du Dépôt, par
les soins de M. Dubonnois, commissaire de police du quartier.
Ce fait, avec tant d'autres montre la nécessité d'un prompt in-
ternement des malades aliénés, et partant d'un traitement dès le
début de la folie. GEORGES GUINO : 1 et ,¡. -B. CIIARCOT.
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de la parole. Brochure in-8° de 11 pages. Paris, 1892. Union
Médicale. '
Dedichex (H.). Philippe Pinel (ln Studie). Brochure in-8° de 11 pages.
Iiristiana, 1892. Steensk Bogtrykkeri.
Féré (Ch.). La pathologie des émotions (Études physiologiques et
cliniques). Volume in-8° de 620 pages. Prix : 12 fr. Paris, 1892.
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GANTIER (S.). Asile départemental d'aliénés de Dijot. - Rapport
médical, compte moral et administratif présenté pour l'année 1891.
Volume in-8o de 106 pages. Dijon, 1892. Imprimerie Carré.
Garxieh (S.). Elude sur la fréquence du délire de.grandeur dans le
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de Rodez. Deuxième session de 1892. Brochure in-8° de 27 pages.
Rodez, 1892. Imprimerie V° Virenque.
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
Cyreux «¿Il. Hl ! a188EY, imp.- t '3*
Vol. XXV. Mars-Avril 1893. N" 74.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
AVIS. - La première partie de chacun des numéros
des Archives est consacrée à des Mémoires originaux
sur /'aliénation mentale ou la NEUROLOGIE. Ces mé-
moires sont inédits et n'ont été ni analysés, ni résumés
dans aucune autre publication.
CLINIQUE NERVEUSE.
CLINIQUE DES maladies DU système NERVEUX. M. CHARCOT
SCLÉROSE LATÉRALE .1\II'OTROPIIIQUE OU AMYOTROPHIE
HYSTÉRIQUE ? DIFFICULTÉS DE DIAGNOSTIC.
(Leçon recueillie par M. le D' DUTIL.)
Messieurs,
Je me suis attaché dans la dernière leçon à vous faire
reconnaître sur deux sujets appropriés et mis en pré-
sence l'un de l'autre pour être étudiés parallèlement,
les caractères cliniques qui distinguent la sclérose laté-
rale amyotrophique de l'affection désignée sous le
nom d'amyotrophie spinale progressive type Duchenne-
Ar&n (poliomyélite antérieure chronique, progressive).
Aujourd'hui, je voudrais, avant d'entrer dans là dis-
cussion du cas qui vous sera soumis, compléter à
Aacr3wE, t. ? V. Il
Î6Q2 CLINIQUE NERVEUSE.
quelques égards le tableau des atrophies progressives
en vous signalant un certain nombre d'affections qui
intéressent également le système musculaire, y produi-
sent des amyotrophies et des impuissances motrices
plus ou moins généralisées et à tendance progressive
et peuvent, par conséquent, simuler plus ou moins
parfaitement soit la sclérose latérale amyotrophique,
soit la paralysie du type Duchenne-Aran.
Cette question du diagnostic différentiel des atro-
phies musculaires progressives se confond presque avec
la suivante qui offre plutôt un intérêt historique, mais
qui n'est certes pas à dédaigner : qu'est devenu l'an-
cien groupe atrophie musculaire progressive, tel que ce
grand observateur le concevait ? Vous n'ignorez pas
que ce grand groupe que Duchenne, il y a trente ans,
considérait comme constituant une unité homogène,
s'est aujourd'hui par les efforts de l'analyse anatomo-
clinique disloqué, décomposé en un certain nombre
d'espèces pathologiques qui présentent entre elles des
différences si. profondes qu'on s'étonne (aujourd'hui
que l'on a appris à en saisir les caractères distinctifs),
comment un observateur aussi fin, aussi pénétrant
que Duchenne (de Boulogne), a pu les réunir sous une
même rubrique.
Les deux types que je vous ai présentés dans notre
dernière réunion et qui répondent l'un à la sclérose
latérale amyotrophique, l'autre à l'atrophie du type
Duchenne-Aran, ont pour caractères communs une
lésion nécessaire des cornes antérieures de substance
grise, évoluant suivant le mode chronique. A cet
égard, la seule différence qui existe entre les deux
affections, c'est, vous le savez, que dans la maladie
ATROPHIE D'UN MEMBRE INFERIEUR. 1G3
de Duchenne-Aran, la poliomyélite antérieure est
isolée, tandis que dans l'autre maladie elle paraît être
consécutive ou tout au moins associée à une leucomyélite
latérale. Mais, ainsi que je vous l'ai fait sentir l'autre
jour, il n'est pas d'affection spinale à évolution lente,
qui occupant primitivement les faisceaux blancs ou
les régions de la substance grise, autres que les cornes
antérieures, ne puisse retentir sur cette partie de la
substance grise et déterminer secondairement, acci-
dentellement en quelque sorte, les symptômes de la
poliomyélite antérieure, c'est-à-dire l'atrophie muscu-
laire progressive.
1° Certaines myélites diffuses prédominant dans le
renflement cervical et intéressant la substance grise
des cornes antérieures de cette région de la moelle
peuvent reproduire assez fidèlement les caractères
cliniques de l'atrophie musculaire progressive. M. Ray-
mond en rapportait récemment un exemple à la
Société médicale des hôpitaux;
2° La sclérose en plaques disséminées est aussi sus-
ceptible de réaliser une destruction lente des cellules
ganglionnaires de la moelle cervicale. Le fait est
exceptionnel, mais il a été observé. En pareil cas, on
se trouve en présence d'une paralysie atrophique des
deux membres supérieurs, dont l'évolution plus ou
moins progressive, jointe à l'état spasmodique des
membres inférieurs, à certains troubles bulbaires peut
en imposer un instant.
3° La même altération des cornes antérieures, se tra-
duisant par une atrophie symétrique et lentement effec-
tuée des muscles, de la main et des avant-bras, peut
encore se rencontrer dans le cours du tabès. Mais alors
164 CLINIQUE NERVEUSE.
le diagnostic est trop facile, je n'ai pas à y insister.
. Je ne veux mentionner ici que les cas principaux
et non tous les cas dans lesquels une affection spinale
qui n'a pas pour caractère essentiel de déterminer
une amyotrophie plus ou moins progressive, peut, par
circonstance, réaliser ce symptôme. De toutes ces
affections, celle peut-être qui le plus souvent crée la
difficulté que je signale, c'est la syringomyélie. Vous
savez que le processus anatomique, qui la caractérise,
localisé tout d'abord dans le voisinage du canal épen-
dymaire ou dans l'aire des cornes postérieures, envahit
à la longue les cornes antérieures, retentit secondai-
rement sur les faisceaux blancs, et en particulier sur
les cordons latéraux. Lorsque cette éventualité se
réalise dans le renflement cervical, il en résulte une
atrophie progressive et souvent symétrique des deux
membres supérieurs, tout à fait semblable, vous le
comprenez, soit à l'atrophie du type Aran-Duchenne,
soit à la sclérose latérale, si elle s'accompagne d'un
état spasmodique suffisamment accentué. Jetez les
yeux sur les membres supérieurs de ce malade et
faites pour un instant abstraction de la scoliose. Vous
apercevez les mêmes déformations en griffe des deux
mains, l'aplatissement des éminences thénar et hypo-
thénar, les mêmes contractions fibrillaires que je vous
ai fait constater dans le cas de poliomyélite antérieure
chronique. S'agit-il ici encore de cette affection ? Nul-
lement, car si vous poursuivez votre examen, vous
remarquerez que les membres inférieurs sont raides,
les réflexes tendineux, les réflexes rotuliens en par-
ticulier, sont exagérés, très brusques^et la trépidation
spinale se produit dès qu'on redresse brusquement
ATROPHIE D'UN MEMBRE INFÉRIEUR. 165
l'avant-pied. Serait-ce donc la sclérose latérale amyo-
trophique avec son pronostic fatal à brève échéance ?
Il n'en est rien ainsi que vous allez le voir. Il existe
chez cet homme, étendue à tout le membre supérieur
gauche et à une partie du thorax, une anesthésie dis-
sociée de telle sorte que, la sensibilité tactile étant
parfaitement conservée, les sensations de douleur et
de température ne sont plus perçues. Ce n'est pas tout :
la scoliose que est ici si prononcée, les troubles tro-
phiques, les bulbes pemphigoïdes, les panaris muti-
lants, les arthropathies, tous ces symptômes n'appa-
raissent jamais dans le cours de la sclérose latérale.
Ils appartiennent à l'histoire de la syringomyélie.
Duchenne (de Boulogne) eut très certainement rangé
ce fait parmi les cas d'amyotrophie progressive anor-
maux par l'immixtion de troubles de la sensibi-
lité. « Parfois, dit-il, par exception, une anesthésie
cutanée plus ou moins prononcée, se montre com-
binée aux symptômes classiques de l'atrophie muscu-
laire progressive. Cette anesthésie est quelquefois si
grande que les malades ne perçoivent ni les excita-
tions faradiques les plus fortes, ni l'action du feu.
J'en ai vu qui s'étaient laissé brûler profondément les
parties anesthésiées, parce qu'ils n'avaient pas perçu
l'action des corps incandescents et qu'ils n'avaient pas
été prévenus par la vue que ces parties se trouvaient
en contact avec eux. » Sans nul doute, ces quelques
remarques de Duchenne sont relatives à des cas de
syringomyélie.
Mais laissons de côté ces amyotrophies d'origine
1 Duchenne (de Boulogne), 3° édit,, ISï2; p. 503.
166 CLINIQUE NEItVEUSE.
spinale, qui toutes figuraient dans l'ancien groupe de
l'atrophie musculaire progressive. Elles n'y prenaient
pas toute la place, une partie de celle-ci était occupée par
un autre groupe qui en est aujourd'hui définitivement
séparé, celui des myopathies primitives ou de la myo-
pathie primitive, comme on le désigne encore, suivant
qu'on adopte la doctrine unitaire ou séparatiste des
diverses formes sous lesquelles elles peuvent se pré-
senter. Messieurs, très certainement la myopathie pri-
mitive était englobée dans le grand groupe de l'atrophie
musculaire progressive de Duchenne. Nous en avons
la preuve et vous n'ignorez pas qu'il y a vingt ans, on
pensait que cette amyotrophie reconnaissait toujours
une origine spinale. Voici en deux mots comment
la scission s'est faite : dès cette époque, la paralysie
dite pseudo-hypertrophique, maladie progressive, n'é-
tait pas confondue avec l'amyotrophie progressive en
raison de son apparition dans l'enfance, de l'hyper-
trophie des muscles, etc. Elle avait été reconnue
comme indépendante de lésions de la moelle et des
nerfs, par Eulenbourg et Conheim en 1866, et par
moi-même en 1871. Cette forme resta longtemps l'uni-
que représentant du groupe qui, par la suite, s'est fort
étendu.
. En 1884, M. Erb décrit une forme juvénile d'atro-
phie musculaire progressive, qu'il considère comme
analogue, ou pour mieux dire, comme franchement
identique, à la paralysie pseudo-hypertrophique. Il
affirme et les recherches ultérieures ont montré qu'il
avait raison, qu'elle est aussi indépendante, de toute
altération spinale. Cette forme se développe en général
vers la vingtième année; elle débute par les muscles
atrophie D'UN membre inférieur, 167
de la ceinture scapulo-humérale, respectant pendant
longtemps les muscles de l'avant-bras et de la main.
Il y a parfois pseudo-hypertrophie de certains muscles,
les deltoïdes, les triceps du bras, et les muscles du
mollet. A ces caractères, il convient d'ajouter l'absence
de contractions fibrillaires, de réaction, de dégéné-
rescence, etc., tous caractères qui permettent de la
différencier aisément des atrophies progressive, d'ori-
gine spinale. Cette forme avait cependant été englobée
dans la description de la maladie de Duchenne ; vous
pourrez voir dans son livre une planche qui a trait
à un cas d'atrophie répondant bien certainement à la
forme juvénile d'Erb..
Vers la même époque, en 1884, MM. Landouzy
et Déjerine ont repris l'étude de la forme infantile de
l'atrophie musculaire progressive, d'après Duchenne.
Ces auteurs ont eu le mérite, dans leur description,
de préciser les caractères cliniques de cette forme, et
de montrer qu'indépendante de toute altération de la
moelle et des nerfs périphériques, elle devait faire
retour au groupe des myopathies primitives. Les deux
malades que voici sont deux exemples typiques de
cette variété d'atrophie myopathique.
Aujourd'hui on s'accorde assez généralement pour
reconnaître que ces trois espèces, que des variétés
intermédiaires rattachent d'ailleurs l'une à l'autre,
sont au fond identiques. Sous des modalités diverses,
elles appartiennent à une seule et même maladie : la
myopathie primitive. Messieurs, mon intention n'est
pas d'étudier à fond les myopathies primitives. J'en ai
dit assez pour le but que je me proposais d'atteindre et
qui était de vous retraccr les grandes lignes du dai-
168 CLINIQUE NERVEUSE.
gnosticdiuerentiel des formes spinales del'amyotrophie
progressive, vis-à-vis des autres amyotrophies. Les
considérations qui. précèdent me permettront de bien
mettre en valeur le cas qui va vous être présenté et
qui nous embarrasse, je vous l'avoue, singulièrement.
C'est à ce point qu'il me sera impossible de vous pro-
poser un diagnostic ferme, et que, par conséquent, le
pronostic et la thérapeutique se ressentiront de nos
hésitations. Deux hypothèses se présentent : la pre-
mière est pessimiste ; il s'agit d'une lésion organique,
spinale, téphromyélique à marche progressive et fatale;
la seconde optimiste : la lésion est de nature dyna-
mique et, malgré les apparences contraires, parfaite-
ment curable.
Un malade, de constitution robuste, âgé de trente
et un ans, est né en Belgique, près de Liège. Après
avoir travaillé pendant plusieurs années à la fabrica-
tion des chapeaux de paille, il fait actuellement le
métier de placier à Paris. Je vous parlerai plus tard
de ses antécédents héréditaires et de ses antécédents
personnels qui sont intéressants. J'en viens immédia-
tement à l'incident qui fait qu'il est venu nous con-
sulter. Il fit le 11 janvier dernier une singulière
découverte alors qu'il était au bain. Il remarqua pour
la première fois (aucun trouble fonctionnel ne l'avait
annoncé) que son membre inférieur gauche, cuisse,
jambe et pied, ces deux derniers segments surtout,
avait considérablement diminué de volume. Je le répète,
il n'avait jamais éprouvé aucune gêne, aucun trouble
de la sensibilité dans l'accomplissement des fonctions
de ce membre. C'est la vue, la vue seule qui lui a
révélé l'atrophie considérable qui porte sur le membre
atrophie D'UN MEMBRE inférieur. 169
inférieur gauche. Et son étonnement, son émotion
furent tels lorsqu'il remar-
qua l'existence de cetteatro-
phie qu'il eut quelques ins-
tants après une crise de
nerfs. C'est un hystérique.
Nous aurons l'occasion de
revenir sur ce point. Il vint
nous consulter le 19 jan-
vier, c'est-à-dire huit jours
après. Il était alors exac-
tement dans l'état où nous le voyons aujourd'hui. L'a-
Fig. 15 et 16.
'lit c,moL rLi;v ? s.
trophie est des plus prononcées ; elle saute pour ainsi
dire aux yeux tant la différence de volume des deux
membres inférieurs, est marquée (elle est de 5 centi-
mètres au mollet) ( ? 15 et 1G).
Il est impossible de croire que ce soit là une mal-
formation originelle. Le sujet a été militaire, il a été
examiné à plusieurs reprises par différents médecins.
C'est donc une chose récente ou relativement récente
que cette atrophie. Il vient nous demander un avis, un
pronostic, un traitement s'il y a lieu. De quoi s'agit-il ? z
Voici ce qu'un examen méthodique nous a permis
de constater. L'atrophie porte sur les muscles du pied,
de la jambe, de la cuisse et de la fesse. Elle prédomine
à la jambe; l'attitude du membre est à peu près nor-
male ; il semble seulement qu'il existe un certain degré
de spasme dans les muscles extenseurs des orteils; les
tendons extenseurs se dessinent plus nettement sur le
dos du pied et la pulpe des orteils, légèrement sou-
levés, ne touche pas le sol. Il n'y a aucune modifica-
tion de la coloration, ni de la température du membre,
aucun trouble de la sensibilité. Les muscles atrophiés
sont le siège de contractions fibrillaires considérables;
elles sont excessivement énergiques dans le droit an-
térieur ; et elles déterminent là des mouvements d'élé-
vation de la rotule brusques et très étendus. Les
réflexes rotuliens sont très exagérés, mais d'une ma-
nière égale à droite et à gauche. Il n'y a pas trace de
trépidation spinale. Avec cela aucun trouble de la mo-
tilité ; la démarche est ferme, assurée et le malade peut
se tenir debout et marcher toute une journée (comme
il l'a fait il y a quelques jours à titre d'essai), sans
ressentir dans la jambe atrophiée un sentiment de fa-
atrophie d'un membre inférieur. Il -1 1
ligue ou de gêne appréciable. Cependant, à l'épreuve,
des mouvements provoqués avec résistance de la part
du malade, on peut se rendre compte que l'énergie
des contractions musculaires est un peu moindre du
côté lésé.
Les réactions électriques sont normales. Quelle est
donc la signification d'une semblable atrophie ? On
peut rejeter tout d'abord l'hypothèse d'une lésion né-
vritique que l'état des réflexes tendineux et la con-
tractilité électrique des muscles rendent inadmissible.
Il en est de même de l'hypothèse d'une lésion céré-
brale, que rien ne nous autorise à envisager. S'agit-il
d'une téphro-myélite aiguë, l'idée n'est pas plus sou-
tenable etil me paraît inutile d'y insister. Serait-ce une
de ces myélites diffuses, mais prédominant dans les
cornes antérieures de substance grise et dont je vous
parlais tout à l'heure ? Je ne vois guère quelle en serait
l'origine, ni la syphilis, ni aucune autre maladie infec-
tieuse, ne sauraient être invoquées ici.
D'ailleurs ces myélites diffuses déterminent généra-
lement quelques troubles de la sensibilité; or, il n'est
pas question de cela chez noire malade. Il faut donc
en venir aux affections spinales silencieuses quant à
la sensibilité, mais se traduisant à la fois par de l'a-
trophie des muscles et de l'exaltation des réflexes ten-
dineux, c'est précisément le cas de la sclérose latérale
amyotrophique, envisageons cette hypothèse et poursui-
vons l'examen de notre sujet. Si nous étudions l'état
des différentes régions et en particulier des membres
supérieurs nous trouvons que les muscles de l'épaule
droite et de la partie supérieure du bras ont subi un
commencement d'atrophie, qu'ils sont le siège de con-
172 CLINIQUE NERVEUSE.
tractions fibrillaires manifestes et qu'enfin les réflexes
tendineux comme ceux des membres inférieurs sont
notablement exagérés. Il s'agit donc évidemment
d'une atrophie qui tend à se généraliser. Le réflexe
massétérin n'est pas-exagéré; il n'y a aucun trouble
de l'innervation bulbaire; nous n'en sommes pas
moins conduits à accepter le diagnostic de sclérose
latérale amyotrophique de date récente, anormale sans
doute à beaucoup d'égards, mais qui n'en est pas moins
destinée à poursuivre son évolution fatale et à entraîner
la mort du malade dans un laps de temps relativement
court. Cependant n'est-il pas singulier qu'avec une
atrophie aussi accentuée l'examen électrique ne révèle
en aucun muscle l'existence de la réaction de dégéné-
rescence partielle et que le malade ne présente pas
le plus léger degré d'impotence motrice !
Faut-il s'arrêter à cette hypothèse ? On peut en
envisager une autre plus favorable, l'hypothèse d'une
lésion purement dynamique à laquelle je faisais allu-
sion en commençant. Vous allez voir, messieurs, qu'a-
près discussion, cette seconde hypothèse n'est pas, tant
s'en faut, absurde. Elle mérite au moins d'être considé-
rée de près. Nous avons signalé déjà, chemin faisant,
bien des choses qui ne cadrent pas tout à fait avec
l'hypothèse de lésion spinale organique, ne fût-ce que
l'absence d'une impuissance motrice dans un cas
d'atrophie musculaire aussi avancée.
Eh bien ! le malade est un névropathe, un hysté-
rique ; il est facile de l'établir. Il a eu, à notre connais-
sance, deux crises parfaitement caractérisées de petite
hystérie à la suite de contrariétés. Il n'a pas de stig-
mates permanents, il est vrai, pas d'anesthésie, pas de
atrophie D'UN MEMBRE INFÉRIEUR. 173
rétrécissement du champ visuel, mais il a un passé de
névropathe et une hérédité des plus chargées. Dans son
enfance jusqu'à l'âge de quinze ans, il avait des terreurs
nocturnes. Le soir vers 10 ou 11 heures, peu après
qu'il s'était couché, il voyait en un rêve terrifiant une
masse de feu s'avancer vers lui. Il se levait nu en
poussant des cris et accourait près de sa mère en proie
à une terreur folle. Cette sorte d'émoi durait parfois plus
d'une heure et se renouvelait fréquemment. D'un autre
côlé, le tableau d'hérédité ne laisse rien à désirer.
Ainsi donc c'est un hystérique et un prédisposé
héréditaire; cela n'est pas douteux. Mais, tout n'est
pas nécessairement hystérique, chez un hystérique, les
cas où la névrose s'associe à telle ou telle affection du
système nerveux sont loin d'être rares. En est-il ainsi
chez notre malade. Je ne le crois pas. Quoi qu'il en soit
une autre question se pose que nous allons maintenant
examiner. L'hystérie par elle-même n'est-elle pas
capable de provoquer des amyotrophies, et ces amyo-
trophies, si elles existent, ont-elles des caractères tels
qu'elles puissent simuler les atrophies de cause spi-
nale ? Malgré l'invraisemblance qui semble à priori
s'attacher à une pareille proposition pour des audi-
174 CLINIQUE NERVEUSE.
teurs peu familiarisés avec les difficultés de diagnostic
que crée l'intervention fréquente de l'hystérie dans la
clinique neuropathologique, je dois vous déclarer
qu'une réponse affirmative doit être faite à la question
que je viens de formuler. Oui, il existe des amyotro-
phies relevant de l'hystérie, subordonnées à elle,
subissant le sort des autres manifestations de la névrose
et, c'est là le point essentiel, apparaissant et dispa-
raissant avec elles.
Messieurs, si l'on tient compte des documents que
l'on pourrait appeler prescientifiques, il y a longtemps
que ces atrophies singulières sont connues.
Des observations peu contestables en ont été
rapportées en des récits naïfs mais véridiques et
accompagnés de planches à l'appui, par Carré de
Montgeron. Dans ses narrations relatives aux mi-
racles opérés sur le tombeau du bienheureux diacre
Paris, vous trouverez deux cas, celui de la demoiselle
Coin et d'un nommé Sergent, qui sont fort ins-
tructifs au point de vue qui nous occupe en ce moment.
Mais, l'étude régulière de ces amyotrophies est de date
récente. Elles ont été décrites par W.-C. Kahlkof,
dans une thèse faite sous l'inspiration de Sceligmuller.
Dans le cours de la même année, M. Babinski en
publiait quatre observations on ne peut plus démons-
tratives. Des faits du même ordre ont été observés
depuis par MM. Chauffard, Ballet, Blocq, Debove, etc.
Ces amyotrophies hystériques offrent en général les
caractères suivants : coïncidant fréquemment mais non
toujours avec la paralysie ou l'anesthésie des membres
où elles se produisent, elles se développent parfois en
quelques jours après une durée qui est très variable
ATROPHIE D'UN MEMBRE INFÉRIEUR. 175
elles peuvent rétrocéder soit lentement, soit rapide-
ment suivant les cas. Ces atrophies souvent considé-
rables ne s'accompagnent pas de contractions fibril-
laires, mais vous pourrez rencontrer dans les publica-
tions de ces dernières années certains exemples
d'atrophie musculaire hystérique dans lesquels l'exis-
tence des contractions fibrillaires, le siège de
l'amyotrophie (éminence thénar, observation de
Cahn, dans le mémoire de MM. Gilles de la Tourette et
Dutil, Nouvelle Iconographie, 1889), joints à l'exagéra-
tion des réflexes qu'on observe parfois chez les hysté-
riques sont autant de traits qui, au premier abord, pour-
raient en imposer et faire croire à une amyotrophie
d'origine spinale. Ce sont là, toutefois, des faits très
exceptionnels; puis en pareil cas l'examen électrique
des muscles permetleplus souvent de fixer le diagnostic ;
car il n'a pas été démontré du moins jusqu'à ce jour
que l'atrophie musculaire hystérique peut donner lieu
à des réactions de dégénérescence ; cela étant dit, si
vous envisagez ce côté du tableau sans préjugé, sans
idée préconçue, vous verrez qu'il n'y a rien d'absolu-
ment contradictoire entre les faits observés chez notre
malade et l'hypothèse d'une atrophie dynamique. Car
ici on ne constate aucune des modifications des réac-
tions auxquelles on était en droit de s'attendre pour
une atrophie aussi prononcée, si son point de départ t
était organique.
Acceptons une situation mixte puisqu'il nous est
impossible de faire mieux. Ce malade, lui, n'y perdra
rien, car nous pourrons combiner nos propositions
thérapeutiques en vue des deux hypothèses que nous
avons réservées. Telle est, messieurs, l'attitude si je ne
176 6 CLINIQUE NERVEUSE.
me trompe, véritablement médicale, véritablement
clinique que vous auriez à prendre dans un cas sem-
blable à celui-ci.
OB.3ERV,TION. Sclérose latérale <tm ! /o<)'op/tt(/M6 ou Amyotrophie
hystérique ? (difficultés de diagnostic).
Troq..., trente et un an, placier; né en Belgique, près de Liège ;
a appris et exercé le métier de fabricant de chapeaux de paille.
Depuis l'âge de quinze ans vient faire la saison à Paris (d'octobre
à janvier). La saison terminée, il retournait chez ses parents, en
Belgique, gagnait sept à huit francs par jour.
Depuis deux ans a cessé de fabriquer; il fait la place à Paris. A
été soldat de vingt à vingt-trois ans. Lorsqu'il passa devant le con-
seil de révision, aucune remarque ne fut faite par le médecin ma-
jor en ce qui concerne sa santé ou sa conformation extérieure.
Il fut examiné de nouveau lors de son arrivée au régiment, il
faisait partie du corps de musique et marchait avec son régiment
sans difficulté. 11 y a un an en montant dans une voiture il se
heurte la jambe contre le marche-pied et se fait une petite plaie
insignifiante qui ne l'a pas arrêté même un jour.
Antécédents héréditaires. Côté paternel. Père vif, emporté.
Dans son enfance il avait des peurs qui le prenaient subitement tan-
dis'qu'il était aux champs, il quittait son travail et courait vers ses
parents en proie à une frayeur très vive; un oncle mégalomane a
été fou pendant deux ans, à la suite d'une perte d'argent se mit à
délirer, ne voulait plus rentrer chez lui; il finit par se calmer,
mais aujourd'hui encore si on l'excite, s'il boit tant soit peu, il
tient des propos extravagants- : propos de grandeur, se croit très
intelligent, grand lettré. Une tante a des attaques nerveuses « on
la tient pendant ses crises et elle pousse des cris ». Une soell1' du
malade a eu des attaques d'hystérie pendant deux ans.
Côté maternel. Mère bien portante, deux cousins germains
tiqueux et une cousine germaine hystérique à attaques.
Antécédents personnels. Dans son enfance et jusqu'à l'âge de
quatorze ans ou quinze ans, il a été sujet à des crises de nerfs très
particulières, sortes de terreurs nocturnes qui s'emparaient de lui
pendantle premier sommeil, le faisaient sortir du lit, se précipiter
vers sa mère en poussant des cris et avec des gestes d'effroi. Voici
ce qu'il raconte à ce propos.
Cela le prenait environ une fois ou deux par semaine, le soir,
vers onze heures, peu de temps après qu'il s'était couché, il aperce-
vait tout à coup dans le lointain, un feu qui allait grandissant et
se rapprochait de lui, pris de frayeur, il se dressait sur son lit, trem-
ATROPHIE D'UN MEMBRE INFÉRIEUR. 177 7
blant de tous ses membres, brusquement il sautait à terre et cou-
rait vers sa mère, se cramponnait à ses vêtements en poussant des
cris. Le malade ne perdait pas connaissance. Il se rappelait très
bien le lendemain tous les détails de la crise. Il se souvient que
sa mère cherchait à le calmer, lui parlait pour le distraire de ses
jeux, de ses camarades, le promenait dans le jardin. Cet émoi
durait une heure, une heure et demie. Après quoi il se recouchait t
et dormait d'un sommeil tranquille jusqu'au lendemain. On disait
dans le village qu'il était somnambule ; d'autres prétendaient qu'il
était atteint du mal de saint Gilles » et il fut question de le con-
duire en pèlerinage près la statue de saint Gilles en la cathédrale
de Liège. A partir de sa quinzième année, ces accidents ont cessé
complètement.
Dans le temps qu'il était soldat, il lui vint un jour quelques bou-
tons sur la peau de l'abdomen, à la ceinture. Il alla le montrer au
major qui déclara qu'il avait la syphilis. Le malade fit remarquer
qu'il n'avait pas et n'avait jamais eu ni chancre, ni écorchure ni
aucune autre éruption. Il fut envoyé à l'hôpital, deux jours après
son arrivée à l'hôpital, son éruplion a disparu. Il n'en fut pas moins
soumis au traitement spécifique, mais pendant trois jours seule-
ment. Le troisième jour, il fut pris de gonflement, d'oedème géné-
ralisé, avec dyspnée ( ? ). On cessa la médication iodurée et mercu-
rielle. Il resta six semaines malade. L'oedème disparut rapidement
en quelques jours mais il lui resta un épanchement au côté ( ? ) ; on
lui mit des ventouses, un vésicatoire sur la poitrine. Il se rétablit
complètement après un mois de convalescence. Depuis cette époque,
aucune éruption suspecte. Il est plus que probable qu'il n'a jamais
eu la syphilis. En rentrant de son congé de convalescence, il fut
encore examiné par le médecin du régiment qui ne remarqua rien
d'anormal dans son état de santé.
Histoire DE la maladie. Il y a deux mois, il luifut impossible
de payer certaine somme qu'il s'était engagé à rembourser : cha-
grins. Etat mélancolique. Un ami lui promit de lui avancer cette
somme. Mais au moment voulu, il s'y refusa; cette nouvelle décep-
tion provoqua, séance tenante, une première crise.11 se trouvait dans
un café; « quelque chose, dit-il, lui a monté du ventre jus-
qu'à la partie supérieure de la poitrine. Ça l'étouffait. Il s'est mis à
serrer les poings convulsivement, à claquer des dents.- A la fin de
la crise, grands soupirs et pleurs. Pas de perte de connais-
sance.
Le lendemain, il reprit ses occupationsde placier comme à l'ordi-
naire. Iln'avaitmal nulle part. Toujours triste et préoccupé cepen-
dant, à l'occasion du jour de l'an, il alla voir ses parents en Belgique.
11 y apprit que ses affaires pouvaient s'arranger. Dès lors, il fut gai,
reprit son entrain habituel.
Archives, t. XXV. 12
178 CLINIQUE NERVEUSE.
De retour à Paris le 11 janvier, il alla le lendemain de son arri-
vée prendre un bain. Et là, dans sa baignoire, il s'aperçoit que sa
jambe gauche est beaucoup plus petite que l'autre. Il en éprouve
une émotion très vive. « Je vais peut-être, se dit-il, ne plus pou-
voir travailler, Le soir même, dans sa chambre, en montrant sa
jambe à son frère il eut une deuxième crise de nerfs. Entré à la
Salpêtrière le 19 janvier 1893. 1
Etat actuel. On constate chez cet homme :
1° Atrophie du membre inférieur gauche intéressant les deux seg-
ments du membre (jambe, cuisse et fesse), cette atrophie est très
prononcée. Contraste choquant au premier coup d'oeil avec le
membre du côté droit.
DU VERTIGE DES . ATAXIQUES. 179
Le malade n'accuse aucune gêne fonctionnelle, aucune faiblesse
dans les membres intéressés par l'atrophie.
Cependant à l'épreuve des mouvements provoqués avec résistance
de la part du malade, les mouvements de la jambe, de la cuisse, du
pied gauche sont un peu moins énergiques, moins résistants.
Les réflexes rotuliens, les réflexes tendineux des membres supé-
rieurs sont exagérés, mais sensiblement égaux à droite et à gauche.
Le réflexe massetérin n'existe pas. Pas de trouble de la phonation
ni de déglutition. Les lèvres et la langue sont à l'état normal. Pas
de troubles du côté des sphincters. Pas de troubles oculaires.
Sensibilité. La sensibilité de la peau et des muqueuses est
partout intacte. Il n'existe du côté des organes des sens ou des mu-
queuses aucun autre trouble, aucun stigmate.
DU VERTIGE DES ATAXIQUES (Signe de ROMBEnG)' J
Par le Professeur J. GRASSET.
LEÇONS CLINIQUES RECUEILLIES ET PUBLIEES
P,Ir le D' J. SACAZE, chef de clinique médicale.
\
II.
Le signe de Romberg, ainsi appelé pour indiquer le premier
observateur qui l'a découvert et analysé, ne possède pas en
France d'autres dénominations ; mais dans la littérature
étrangère, vous le trouverez souvent décrit sous le nom de
symptôme de Brach (Rosenthal 2), ou de Brach-Romberg
(Eichhorst 3, Erb 1, Vanlair 5).
En quoi consiste-t-il ? C'est l'influence de l'occlusion des
4 Voy. Archives de Neurologie, n° 73, p. 1. '
8 Rosenthal. Traité clinique des maladies du système nerveux, trad.
franc, de Lubansky, 1878.
Eicthorst. Traité de pathologie interne, édition franc., 1889, t. III.
' rab.- Ziemssen's laanclbuclader specielleit Pathologie und Thérapie,
t. XI, 2° partie.
. Vanlair. - Manuel de pathologie interne, 1890.
180 CLINIQUE NERVEUSE.
yeux, ou mieux du passage brusque de la lumière à l'obscu-
rité sur la marche et la station des tabétiques.
C'est souvent un signe précoce qui peut révéler la maladie
dans des circonstances particulières à des personnes qui ne
s'en doutaient nullement.
Plusieurs d'entre vous ont connu peut-être un ataxique de
cette ville qui fut fort surpris de perdre tout d'un coup l'équi-
libre en passant d'une pièce éclairée dans une pièce obscure.
Hammond * cite l'observation d'un haut fonctionnaire muni-
cipal de Brooklyn qui avait l'habitude de fermer les yeux en
faisant l'ablution du visage le matin au lever; il constata
ainsi un jour qu'il perdait l'équilibre. Fournier a connu un
malade qui faillit s'effondrer en changeant de chemise ; celle-ci
passant sur la tête, obtura la vue et presque immédiatement
provoqua cette perte d'équilibre.
Déjà Duchenne avait observé un homme qui la nuit était
paralysé du membre supérieur droit, tandis que dans la
journée, il pouvait lui communiquer toutes sortes de mouve-
ments. Croyant à un accident de nature paludéenne à cause
de son intermittence, on avait donné de la quinine. Mais en
réalité, il s'agissait du signe de Romberg.
D'autres fois les malades n'ont pas eu l'occasion de cons-
tater par eux-mêmes ce symptôme.
Le médecin est obligé de le rechercher, de le dépister, en
raison de l'importance considérable qu'il présente. En tout
cas, il doit savoir l'analyser sous toutes ses formes et à tous
ses degrés.
Il faut d'abord voir s'il existe dans la marche ; tandis que le
patient se déplace, vous lui fermez les yeux, ou bien vous lui
commandez de les fermer ; vous notez si l'incoordination
augmente, s'il perd l'équilibre. Ayez toujours soin en pareille
circonstance de vous tenir auprès de lui, ou bien d'y mettre
une autre personne pour l'empêcher de tomber. Puis vous
passez à la station debout, immobile, avec les pieds rappro-
chés. Après vous être assurés que cette position est bien
gardée avec les yeux ouverts, vous lui dites de les fermer, et
vous observez les phénomènes qui se produisent. Enfin vous
1 Hammond. Traité des maladies du système nerveux; trad. franc,
de Labailie-Lagrave, 1879, p. 681.
' Duchenne. Eleclrisalion localisée, 3" édition, 1872, p. 784.
DU VERTIGE DES ATAXIQUES. '181
prescrivez au malade de se tenir tantôt sur un pied, tantôt'
sur l'autre ; s'il parvient à le faire, vous lui donnez l'ordre à
un certain moment de fermer les yeux, et vous tenez compte
aussi du résultat obtenu. S'il n'arrive pas à se fixer sur un
seul pied, les yeux ouverts, n'en concluez pas qu'il soit
ataxique ; cela est impossible à beaucoup de personnes qui
cependant n'ont rien de cette maladie. C'est à l'occlusion des
yeux, et aux effets qui l'accompagnent que vous devez vous
attacher.
Dans chacune de ces positions vous pouvez encore recher-
cher ce qui a lieu lorsque le patient dirige la vue ailleurs que
sur ses pieds, qu'il regarde à droite, à gauche, en l'air, ou
qu'on interpose un carton de manière à l'empêcher de les
apercevoir.
Par ces divers procédés, on apprécie les nuances les plus
délicates du signe de Romberg, et surtout on constate que l'oc-
clusion des yeux est bien plus active pour sa production que
les divers autres moyens, tendant à soustraire les pieds au
domaine de la vision.
Vous voyez en même temps combien est légendaire cette
donnée qui dit que le tabétique regarde constamment ses
pieds en marchant. Elle est même entièrement fausse ; inter-
rogez-le, observez-le, analysez-le, vous vous convaincrez que
cela n'a pas lieu. Le tabétique regarde droit devant lui, à quel-
ques pas en avant, cherche l'endroit où il va mettre ses pieds.
Ce qui le caractérise surtout, c'est qu'il a besoin de marcher
avec son cerveau, avec attention, par un effort cérébral, au
lieu de marcher, comme quelqu'un qui lit, automatiquement,
avec la moelle ; celle-ci chez lui étant malade, il lui est impos-
sible pendant la marche de parcourir un journal, de prendre
part à une conversation, en un mot, de porter son attention
sur un autre sujet que sur sa marche. C'est dans ce sens qu'il
faut comprendre le passage suivant de Althaüs ' : : Le malade
emploie ses yeux en guise de béquilles; » et plus loin : « quel-
ques malades, en se promenant, regardent constamment des
objets rapprochés pour être sûrs de retrouver un appui à la
moindre occasion, et par là même ils essayent de régulariser
leurs mouvements. »
Donc les patients ne fixent pas leurs pieds. Voilà pourquoi
1 Althaùs. Maladies de la moelle épinière ; trad. franç., 1885, p. 224.
'182 CLINIQUE NERVEUSE.
cela les prive peu de ne plus les voir, ainsi que je vous l'ai
montré avec le carton. Mais ils ont besoin de toute leur atten-
tion cérébrale pour diriger leur marche ; la moelle épinière,
chez eux, ne peut plus y parvenir seule.
Enfin, dernier point à mettre en relief dans cette analyse
symptomatique, c'est'que le signe de Romberg est dû au
brusque passage de la lumière à l'obscurité ; la brusquerie du
changement est un élément nécessaire pour sa production.
Ceci vous explique pourquoi il est souvent peu développé chez
les ataxiques qui deviennent aveugles progressivement. Il y a
quelques années, nous avons eu dans nos salles un de ces
malades qui, bien que privé totalement de la vue, pouvait
parcourir seul la salle ; peut-ètre le rencontrerez-vous encore
en ville. Il m'est impossible d'adopter sur ce point l'opinion
de Vulpian ' qui dit à propos de la pathogénie du signe de
- Romberg, : « On conçoit donc que la cécité, qui n'est pas rare
chez les tabétiques augmente l'ataxie des mouvements. »
C'est là une erreur complète. Trousseau 2 avait mieux vu,
comme le prouve le passage suivant : « Mais il y a une excep-
tion étrange pour ceux qui ont perdu entièrement la vue dès
le début; ils conservent, malgré leur cécité, la faculté de
marcher jusque dans une période très avancée de la maladie. »
Vous pourrez trouver la confirmation de ce fait dans la thèse
- de Folie-Desjardins 1.
Voilà donc l'analyse symptomatique du signe de Romberg ;
examinons maintenant sa nature et la théorie pathogénique
qu'il est possible de lui appliquer.
Un premier point admis par tous les auteurs, et sur lequel
je suis d'accord avec eux, c'est l'indépendance du signe de
Romberg, et de l'ataxie ; il n'y a ni parallélisme, ni propor-
tionnalité entre ces deux troubles.
« Le symptôme de Romberg, dit Vanlair ? n'a rien à faire
1 Vulpian. Maladies du système nerveux; maladies de la moelle,
t. 1, 1879, p. 502.
1 Trousseau. Art. Alaxie locomotrice prog. in Nouv. Dicl. de mcd.
et chir. pratiques, t. III, 1875, p. 757.
3 Folie-Desjardins. De l'amaurose et de sa valeur séméiologique
dans l'évolution de l'ataxie locomotrice. (Th. de Montpellier, 1890.)
Il Vanlair, loc. cit., p. 183.
DU VERTIGE DES ATAXIQUES. 183
avec l'ataxie ; car bien souvent ce phénomène apparaît long-
temps avant que l'ataxie ne se soit manifestée; il existe même
des cas d'ataxie dans lesquels le phénomène en question n'a
jamais été trouvé. »
Cela est parfaitement vrai ; le signe de Romberg est un
symptôme distinct, séparé, ne faisant pas partie du tableau de
l'ataxie. Donc il a une pathogénie spéciale, qu'il ne faut pas
confondre dans la pathogénie générale qu'on donne de l'a-
taxie.
Cela dit, tous les auteurs attribuent le symptôme de Rom-
berg aux divers troubles de la sensibilité, à l'anesthésie. Je
n'ai pas besoin d'insister beaucoup pour vous montrer que
l'anesthésie cutanée ne peut en rien expliquer ce symptôme.
Ainsi vous trouvez fréquemment des malades présentant de
l'anesthésie plantaire, sans qu'il vous soit possible de le dé-
couvrir ; certains hystériques, certains tabétiques sont de ce
nombre. Par contre, il y a des personnes avec une sensibilité
tout à fait normale qui cependant le présentent. D'ailleurs,
cette théorie est abandonnée par la plupart des auteurs comme
le passage de Blocq et Onanoff vous l'a montré.
Mais tout l'effort se concentre sur le sens musculaire qui
semble être la clef de la discussion, sa diminution ou son
abolition deviendraient le point de départ de ce symptôme.
Voilà l'opinion classique qui est exposée dans tous les livres;
pour vous le prouver, les témoignages abondent. Le signe de
Romberg, dit Vanlair 1 dépend uniquement de l'anesthésie
tactile et musculaire » . Et Pierre Marie 2 : « Dans cet état, la
vue est d'un grand secours au malade pour rectifier les écarts
de position dont les altérations de son sens musculaire l'em-
pêchent d'être averti ; d'où la difficulté ou même l'impossibilité
de rester debout les yeux fermés. »
Dans le livre de Jaccoud 3 écrit en lettres italiques, vous
pourrez lire : « Ces effets singuliers de l'occlusion des yeux
résultent, je le répète, de l'anesthésie musculo-tactile; ils man-
quent, quel que soit le degré de l'ataxie, lorsque la sensibilité
est intacte. » Vulpian admet aussi cette théorie et attribue
' Vantail-, loc. cil., p. 183.
° Marie, loc. cit., p. 168. '
3 Jaccoud. Traité de Pathol. interne, t. I de la 7° édition, 18S3,
p. 651.
184 CLINIQUE NERVEUSE.
même toute l'ataxie aux troubles de la sensibilité. J'en dirai
autant pour Erb qui se rallie encore à l'opinion classique.
Quant à Eichhorst ' , il s'exprime en ces termes : « Le
symptôme de Brach-Romberg est lié à la perversion du sens
musculaire dans la majorité des cas. Ce dernier dit, comme
vous le voyez, dans la majorité des cas ; il reconnaît des excep-
tions ; cependant il admet aussi la théorie ordinaire.
Il me paraît inutile d'insister davantage ; ces citations pui-
sées dans les principaux ouvrages suffisent pour vous montrer
que cette vue pathogénique est acceptée par tout le monde.
Eh bien, je ne puis l'admettre malgré ce faisceau de preuves
venant d'hommes compétents, et voici les raisons qui me pous-
sent à cela.
1. Comment expliquer avec cette théorie pourquoi le brusque
passage de la lumière à l'obscurité est un élément pathogé-
nique nécessaire du signe de Romberg, et pourquoi l'ataxique
aveugle marche souvent mieux que l'ataxique qui y voit, ou
en tout cas, marche beaucoup mieux que l'ataxique ordinaire
à qui on ferme les yeux ?
2. Comment expliquer encore pourquoi les effets sont si
différents lorsqu'on fait fermer les yeux au malade et lorsqu'on
l'empêche par un artifice quelconque de regarder ses pieds
ou même le sol ? Beaucoup d'auteurs n'ont pas manqué de
s'apercevoir de cette particularité remarquable.
Ainsi Jaccoud2, après Eisenmann et avec Bénédikt, constate
que « si l'on se borne à placer au-devant de la poitrine du
malade un objet qui lui masque complètement la vue de ses
pieds, l'aggravation des symptômes est beaucoup moins pro-
noncée que dans l'occlusion des yeux »
Pierre Marie 3 note aussi que l'on peut en quelque sorte
doser ce contrôle de la vue. « Si, au lieu de fermer complète-
ment les yeux du malade, vous vous bornez à lui cacher ses
pieds en plaçant un écran ou une feuille de carton horizonta-
lement au niveau de son sternum, vous voyez les oscillations
être moins fortes que lorsque les yeux sont fermés, mais plus
1 Eichhorst, loc. cit., p. 214.
1 Jaccoud, loc. cil., p. 651.
3 Pierre Marie, loc. cil., p. 167.
DU VERTIGE DES ATAXIQUES. 185
étendues cependant que quand aucun écran n'est interposé. »
Donc ces auteurs admettent le fait. Chez notre homme,
l'expérience, comme vous l'avez vu, est parfaitement démons-
trative. La marche, la station debout restent possibles, quoique
un peu plus difficiles, alors même qu'il regarde en l'air, ou
qu'on interpose un carton; l'équilibre est aussitôt rompu
lorsque, au contraire, il ferme les yeux.
J'ai répété ces mêmes manoeuvres devant vous chez la femme
de la salle Bichat, qui possède une perte complète du sens
musculaire, et pour laquelle la théorie classique pourrait être
invoquée. Eh bien, vous avez vu que les phénomènes ne sont
nullement identiques suivant qu'elle ferme les yeux, ou qu'on
place au-dessous du menton un écran ; tandis que dans le
premier cas, elle s'effondre, dans le second, elle continue la
marche, en jetant plus follement ses jambes.
L'explication généralement admise du signe de Romberg ne
rend pas compte de ces différences. Ainsi on prétend que
quand le sens musculaire est aboli, la vue est nécessaire, non
en soi, mais pour permettre au malade de voir ses pieds. Et
alors pourquoi le tabétique peut-il cependant continuer à se
tenir debout, ou à marcher avec les yeux dirigés au plafond,
ou en ayant la vue interceptée par un carton ? Il me semble
qu'il devrait tomber, si la théorie est vraie, comme l'ataxique
qui ferme les yeux. Or je vous ai montré qu'il n'en est rien.
Donc la démonstration est péremptoire, et il faut tâcher de
trouver une pathogénie qui s'adapte mieux aux faits.
3. Si la théorie classique était exacte, le signe de Romberg
ne devrait pas exister lorsque le sens musculaire n'est pas
altéré. Notre homme, et c'est là réellement ce qui en fait tout
l'intérêt, ne présente pas cette altération. Je vous ai dit pré-
cédemment qu'il sentait le sol, qu'il appréciait avec ses jambes
des différences de poids très légères; mais il lui est impossible
de marcher dès qu'on lui ferme les yeux.
Notre fait n'est pas toutefois le seul qui mérite d'être cité à
ce point de vue. Déjà Duchenne 1 a publié une observation
d'ataxie locomotrice avec « intégrité parfaite de la sensibilité
musculaire, articulaire et cutanée » ; ccpendantle malade était
bien tabétique, et dans l'obscurité, ces troubles de la coor-
' Duchenne, loc. cit., p. 781. , .
186 CLINIQUE NERVEUSE.
dination étaient encore augmentés, car alors il lui était impos-
sible de se tenir debout et de marcher ». Et Duchenne ajoute
qu'à l'aide de ce fait, il démontra au professeur Trousseau la
différence et l'indépendance complète des troubles de la loco-
motion dus à l'insensibilité musculaire d'avec les troubles fonc-
tionnels de l'ataxie locomotrice progressive. Nous, nous di-
rions que ce fait démontre, comme le nôtre, l'indépendance
de la paralysie du sens musculaire et du signe de Romberg.
Axenfeld * constate que les mêmes phénomènes (symptôme
de Romberg) se produisent quand l'anesthésie est faible ou
même nulle. *
Et pour ne pas prendre des auteurs relativement anciens, je
puis vous citer encore Erb 2, dont les observations possèdent
le mérite à la fois d'émaner d'un homme compétent et d'être
récentes.
Il reconnaît que dans certains cas, le signe de Romberg peut
exister sans trouble objectif de la sensibilité. Seulement
comme il ne veut malgré cela abandonner la théorie classique,
il se déclare obligé d'admettre que ce signe est le premier et
le plus léger symptôme d'une diminution de cette sensibilité
musculaire qu'aucune autre manifestation ne décèle. Mais il y
a là une pétition de principes qui ne prouve rien ; il appuie sa
démonstration sur un fait qui demande lui-même à être dé-
montré. Donc la valeur de notre cas reste entière, et sans le
secours de quelques aulres semblables que je viens de vous
indiquer, il suffirait à ruiner entièrement la théorie clas-
sique.
4. La preuve inverse peut être fournie aussi. Le signe de
Romberg existe parfois, vous l'avez vu, sans perte de la sensi-
bilité musculaire. Nous allons établir maintenant qu'il peut
manquer, alors que le sens musculaire est profondément altéré.
Ce sont surtout les hystériques qui nous fournissent cette
démonstration.
Dans les cliniques de Trousseau 3, vous trouverez l'observa-
tion d'un peintre (hystérique saturnin probablement) offrant
1 Axenfeld. Art. Ataxie locom. progr., in Dici. encyclop., t. VII,
l8Gi.
ers, loc. cit., p. 162.
3 Trousseau. Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu de Paris, 7° édition,
1885, t. II, p. 621.
DU VERTIGE DES ATAXIQUES. 187
une anesthésie entière. « Or, malgré cette insensibilité mus-
culaire complète, il marchait parfaitement, et, lorsqu'il mar-
chait les yeux fermés, il le faisait avec autant d'aisance que
l'aurait pu faire l'homme le mieux portant. »
Dans d'autres cas, la perte du sens musculaire trouble les
mouvements (et je ne nie nullement cela), mais les caractères
qu'ils présentent sont différents de ceux qui appartiennent au
signe de Romberg.
Duchenne ' et Lasègue 2 ont très bien analysé ces phéno-
mènes chez les hystériques. La malade ayant perdu son sens
musculaire ne peut plus bouger quand elle a les yeux fermés;
elle croit exécuter les mouvements commandés, et cependant
elle ne les fait pas; la nuit elle reste comme elle se couche;
une fois la lumière éteinte, si elle est jetée en dehors de son
lit par une attaque, elle ne peut se déplacer et se relever
qu'au jour. Au milieu d'un mouvement volontaire, si on
masque la vue du membre en mouvement ou si on détourne
le regard, le mouvement s'arrête, le membre reste où il est,
bien que la malade croie continuer à le mouvoir; elle est en-
suite étonnée et chagrine quand elle constate ce qui s'est pro-
duit.
On a multiplié et contrôlé ces expériences : il n'y a là rien
du signe de Romberg.
Donc je ne nie pas que la perte ou l'altération du sens mus-
culaire, n'ait une action sur la marche ou la station, les yeux
étant fermés ; mais il me paraît démontré que là n'est pas la
théorie physiologique de ce symptôme. Celui-ci est un trouble
à part, spécial au tabès, distinct des altérations de la sensibi-
lité musculo-tactile, comme il est distinct de l'ataxie elle-
même.
Il me semble alors beaucoup plus raisonnable de le rappro-
cher du vertige, et particulièrement de ces vertiges qui se pro-
duisent par l'occlusion des yeux. Quand nous avons analysé
le vertige, nous avons trouvé comme élément constituant prin-
cipal la sensation de perte d'équilibre pouvant aboutir à la
chute, sans suppression de la connaissance, mais s'accompa-
gnant d'un certain degré d'angoisse et de terreur.
1 Duchenne, loc. cil., p. 786.
' Lasègue. Anesthésie et ataxie hystérique. (Arch. générales de
méd., 1SG'r, et Etudes znéd., 1884, t. II, p. 25, 35, 37.)
188 CLINIQUE NERVEUSE.
Ce dernier élément que je n'hésitais pas à qualifier de carac-
tère essentiel du vertige ne se retrouve en rien dans les
troubles qu'entraîne la perte du sens musculaire chez les hys-
tériques, tandis qu'on le rencontre à un haut degré chez les
tabétiques. Vous pouvez le constater sur nos malades. Les
auteurs également le reconnaissent tous.
Jaccoud ' note « le sentiment profond de terreur » des
malades dans le signe de Romberg.
Le malade, dit Vaulair 2, en décrivant ce symptôme, «éprouve
en même temps un grand sentiment d'anxiété ». Déjà Axen-
feld 3 avait écrit : « Nous dirons seulement qu'il y a dans l'in-
certitude de l'ataxique qui ferme les yeux quelque chose de
moral et que la crainte de tomber... semble être pour beau-
coup dans l'affaissement du corps qui arrive au bout de ses
oscillations. »
Toutes ces constatations de terreur, d'anxiété, d'état moral,
tout cela n'indique-t-il pas cette sensation cérébrale qui consti-
tue pour nous le vertige quand elle aboutit à la perte de l'équi-
libre et est causée par la sensation de cette perte d'équilibre.
Un dernier mot pour finir. Il ne faut pas confondre ce ver-
tige spécial, le signe de Romberg avec les autres vertiges ordi-
naires qui peuvent exister dans le tabes, et en être même un
symptôme précoce. Fournier 4 les à bien décrits et bien étu-
diés. Ils méritent d'être rapprochés des vertiges produits par
l'artério-sclérose. Ceci ne saurait étonner puisque les tabé-
tiques sont très souvent artério-scléreux. Mais s'il s'agit là de
faits courants, le signe de Romberg est au contraire un symp-
tôme spécial, un vertige particulier de l'ataxie locomotrice.
Comme conclusion, je vous dirai que je n'ai pas la prétention
ici de fournir une explication pathogénique complète de ce
trouble. Je veux simplement le placer dans sa vraie famille
physiologique ; je veux le faire sortir du groupe des désordres
fonctionnels tenant au sens musculaire où tout le monde le
met; et le ranger dans celui des vertiges où classiquement on
ne veut pas l'accepter.
1 Jaccoud, loc. cil., p. 651.
' Vanlair, loc. cil., p. 180.
3 Axenfeld, loc. cil., p. 67.
3 Fournier. Leçons sur la période pré-alaxiquc du tabès d'origine
syphilitique, 1885, p. 76 et 357.
PATHOLOGIE NERVEUSE
SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE
DU TYPE LANDOUZY-DÉJERINE, AVEC AUTOPSIE;
Par PAUL BLOCQ et G. MARINESCO.
(Travail du Laboratoire de M. le professeur Charcot.)
Nous avons eu récemment l'occasion de pratiquer l'examen
nécroscopique d'une malade qui, pendant sa vie avait offert le
tableau devenu classique de cette forme de myopathie primi-
tive dite héréditaire infantile de Duchenne (de Boulogne) ou,
forme facio-scapulo humérale de Landouzy et Déjerine.
On sait, en effet, que cette variété d'atrophie musculaire fut
décrite, en premier lieu, par Duchenne (de Boulogne) qui la
considérait comme étant de même nature que l'atrophie mus-
culaire progressive ou, autrement comme reconnaissant une
origine spinale. MM. Landouzy et Déjerine dans un mémoire
important, où non seulement ils complétèrent l'histoire cli-
nique de cette forme morbide, mais où encore et surtout ils en
fixèrent la nature, en montrant qu'elle ne dépendait pas d'al-
térations de la moelle épinière, mais consistait en une myo-
pathie primitive, fondèrent réellement l'autonomie de ce type,
auquel, du reste, leurs noms sont restés attachés.
Léonie L... qui entra à la Salpêtrière en 1884, y séjourna
jusqu'en 1891, époque à laquelle elle mourut de phtisie pul-
monaire, et elle fut pendant ce long temps soumise à une
observation constante. A de nombreuses reprises, M. le profes-
seur Charcot la présenta aux auditeurs de la Clinique 1, comme
un exemple très caractéristique de cette variété de myopathie.
Comme on le verra, l'examen post-morlem a confirmé le dia-
1 Voir : Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, Paris,
1887, t. III, p. 202.
190 PATHOLOGIE NERVEUSE.
gnostic porté pendant la vie, mais ce n'est là qu'un des côtés
intéressants du fait que nous rapportons, et qui, en outre de
sa rareté relative, prête encore à diverses considérations qu'il
nous a semblé utile de relater, cela d'autant plus, que l'his-
toire des myopathies est encore entourée de beaucoup d'obs-
curités.
Nous reproduirons, en premier lieu, l'observation de la
malade, telle qu'elle fut publiée en 1885, dans le mémoire de
MM. Marie et G. Guinon, où se trouvent figurées des photo-
graphies, qui complètent heureusement l'excellente description
donnée par ces auteurs '.
Observation
Léonie Lavr..., seize ans.
Du côté maternel, il n'y a absolument aucun antécédent ner-
veux. Le père est atteint d'une myopathie de même nature, ainsi
qu'on a pu le constater sur l'OBSERVATION III qui le concerne.
La mère du père était atteinte de la même affection. La mère
de Léonie a eu six enfants et une fausse couche; deux sont morts
d'affections non nerveuses. Parmi les quatre qui restent, Léonie
seule est malade; les autrps : fille de dix-neuf ans, fille de quinze ans,
garçon de six ans, sont très bien portants et d'une vigueur muscu-
laire parfaitement normale.
Léonie est née à terme. Dans sa première enfance, elle était
superbe. A l'âge de dix-huit mois, convulsions internes; à l'âge de
cinq ou six ans, elle a eu une fièvre de peu de durée (peut-être
très légère, fièvre typhoïde); rougeole à trois ans; coqueluche à
dix ans. Réglée à quinze ans. Pas de manifestations slrumeuses
notables.
Dès sa plus tendre enfance, on a remarqué que sa lèvre supé-
rieure restait à peu près immobile, même quand elle pleurait, la
paupière supérieure a toujours semblé plus lourde, et, quand elle
dormait, l'oeil n'était jamais tout à fait couvert. Elle a toujours eu
les larmes aux yeux.
Avant l'âge de quatorze ans, elle était parfaitement vigoureuse,
portant son petit frère dansjses bras, et exécutait tous les mouve-
ments d'une façon absolument normale. Elle était jusqu'alors assez
petite pour son âge; à cette époque elle s'est mise à grandir très
rapidement; on s'aperçut alors qu'elle devenait maladroite, lais-
sait souvent tomber les objets; ses bras restaient un peu pendants
1 Pierre Marie et Georges Guinon. Contribution ù l'élude de quelques
unes des formes cliniques de la myopathie primitive progressive. (Revue
de médecine, 1885, p. 793.)
SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 191
et lui semblaient lourds; le mouvement qui tout d'abord lui a été
le plus difficile est la flexion de l'avant-bras sur le bras, et notam-
ment l'action de se moucher. La gène des mouvements a augmenté
d'une façon progressive et presque insensible. C'est vers le mois de
janvier 1884 que la faiblesse des jambes s'est fait remarquer. Il est
arrivé plusieurs fois qu'en marchant, la malade est tombée (non pas
que les jambes fléchissent, mais parce qu'elle butte, n'ayant pas
levé assez le pied au-dessus du sol). Vers la même époque, la lèvre
inférieure qui a toujours été un peu grosse a semblé le devenir
davantage et s'est retournée légèrement, de façon à présenter un
rebord assez volumineux.
Face. A l'état de repos, le front se présente assez lisse sans
rides notables, parsemé d'un certain nombre de points d'acné
punctiforme. Le sourcil n'offre pas de relief appréciable. L'oeil est
largement ouvert, mais rempli de larmes qui, de temps en temps,
surtout lorsqu'elle est à l'air, coulent sur la joue. Le nez est un peu
engorgé; la lèvre supérieure est relevée, à bord libre assez large.
La lèvre inférieure présente, elle aussi, un bord muqueux large, elle
est renversée en haut et décrit une concavité tournée vers le haut.
Elle manque absolument de tonicité et quand on la fait mouvoir
avec le doigt, la bouche restant ouverte, on lui imprime des mou-
vements comme si elle n'était retenue que par une feuille de papier;
en dehors, à 1 centimètre de la commissure, se trouve un méplat
qui s'accuse surtout quand la malade fait un mouvement des lèvres.
Le menton ne présente rien de particulier.
Les sillons naso-labiaux des deux côtés ont disparu et sont plutôt
remplacés par une saillie. Il lui est difficile de relever les sourcils.
Au contraire elle peut assez bien les abaisser et les rapprocher de
la ligne médiane (attention, menace). La direction générale de
l'oeil est oblique en bas et en dedans; les paupières ne peuvent être
exactement fermées. La paupière supérieure reste pour l'oeil droit,
à environ 1 millimètre de la paupière inférieure; pour l'oeil gauche,
2 millimètres et demi. Les mouvements synergiques de la paupière
supérieure coïncidant avec les mouvements de l'oeil dans la vision
en haut et en bas, sont normaux. Les mouvements des yeux sont
parfaitement réguliers. Il y a toujours une certaine abondance de
larmes au niveau de la paupière inférieure.
Les mouvements de l'aile du nez, dans l'action de renifler, ne
peuvent être exécutés.
Elle ne peut relever non plus la lèvre supérieure; elle abaisse un
peu l'inférieure, et l'on voit se contracter les muscles de la houppe
du menton. Il lui est complètement impossible d'avancer les lèvres
en arrondissant l'orifice buccal, comme pour siffler, par exemple.
Elle arrive tout au plus à les rapprocher et encore sans beaucoup
de force. Elle ne peut écarter les commissures labiales. Elle par-
vient à imprimer isolément quelques mouvements de latéralité aux
- 192 PATHOLOGIE NERVEUSE.
commissures, mais extrêmement faibles. La langue a un volume
à peu près normal. Elle est plutôt un peu petite, symétrique, mais
un peu tournée vers la gauche. Sensibilité réflexe du voile du
palais conservée. Voûte palatine un peu plus élevée à gauche.
Amygdales grosses. Les fléchisseurs de la tête ne peuvent résister
à une tentative un peu forte d'extension. Le sterno-cléido-mas-
toïdien résiste assez bien des deux côtés. Les muscles extenseurs de
la tête résistent parfaitement bien. Le deltoïde de chaque côlé
résiste très peu ; son action peut encore s'exercer cependant, et la
malade peut tenir quelques minutes son bras relevé; pendant ce
temps la partie supérieure du trapèze se contracte. Les mouve-
ments des pectoraux peuvent s'accomplir. La malade croise ses bras
devant sa poitrine, mais elle ne présente aucune résistance aux
mouvements passifs. Mouvements du trapèze très énergiques, résis-
tant parfaitement bien aux mouvements passifs, du moins dans sa
partie supérieure; au contraire, les parties moyennes et inférieures
n'agissent presque plus, surtout à gauche. Le grand dorsal exécute
assez difficilement son aclion et, en arrière, la main ne peut
atteindre la ligne médiane. Les rhomboïdes semblent avoir dis-
paru. Les sus ou sous-épineux sont très bien conservés, ces der-
niers forment même une saillie notable. Le biceps n'exerce plus
du tout son aclion et, pour arriver à fléchir l'avant-bras sur le
bras, la malade projette l'avant-bras en haut, en élevant brusque-
ment le bras, ce qui entraîne le segment inférieur du membre, et
cela d'autant plus facilement que le bras est en abduction. Dans
la flexion du bras, on ne sent pas le relief du long supinateur.
On ne peut non plus retrouver nettement le coraco-brachial. La
contraction du triceps est énergique et résiste très notablement aux
mouvements passifs. Les mouvements de pronation et de supina-
tion s'exéculent bien et énergiquement. Les fléchisseurs du carpe
accomplissent bien leurs mouvements, mais n'opposent que peu de
résistance. 11 en est de même pour les extenseurs. Les mouvements
d'abduction et d'adduction sont encore assez énergiques quoique
un peu affaiblis.
Dynamomètre : main gauche 13 kil.
main droite G kil.
La malade était droitière. Les mouvements des interosseux et
de l'adduction du pouce s'exécutent normalement et avec force.
L'exlension des doigts se fait bien, mais la résistance est peu forte.
La malade porte assez bien son bras sur sa tête, quoique pour faire
ce mouvement elle soit obligée de projeter brusquement son bras.
A droite, l'omoplate n'est pas déviée anormalement dans ce mouve-
ment. A gauche, cependant, elle est portée un peu en dehors, sans
qu'il y ait détachement du scapulum, comme dans la paralysie du
grand dentelé. D'une façon générale, l'épaule droite est un peu
SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 193
plus élevée que la gauche, celle-ci est même notablement tombante,
et l'axe de la malade est, pendant le repos, légèrement incliné à
gauche. Dans le mouvement du grand dorsal, le scapulum bascule
très fortement, et son extrémité inférieure fait, sous la peau, une
saillie anormale. Pendant le repos, l'axe du scapulum est oblique
en bas et en dedans. Quand la malade est couchée sur le dos, les
épaules touchant par terre et qu'elle veut se relever, il se produit
le long de la ligne blanche une dépression notable, et quoique les
muscles droits de l'abdomen fassent une saillie en se contractant,
il lui est impossible de se relever directement, et elle est obligée
de s'incliner du côté droit et de s'aider des coudes pour prendre la
position assise. Elle peut se relever complètement sans grimper
après ses membres inférieurs, à la manière des malades atteints de
paralysie pseudo-hyperlroplrique. Cependant, quand elle fait ce
mouvement sans être prévenue, elle a une tendance à appuyer ses
deux mains sur la cuisse gauche. Les fléchisseurs du bassin sont
un peu affaiblis. Mouvements du triceps fémoral forts. Résistance
assez considérable aux mouvements passifs. De même la flexion de
la jambe sur la cuisse est forte aussi. L'adduction est assez éner-
gique. Flexion dorsale du pied faible. Le groupe des muscles de la
région antéro-externe de la jambe est certainement affaibli des
deux côtés. Quelquefois la malade se tourne le pied en marchant,
mais cela ne l'empêche nullement de marcher assez longtemps et
même de courir. Flexion plantaire du pied très forte. Il en est de
même de l'adduction. L'abduction est assez facilement vaincue,
c'est peut-être la cause pour laquelle, quand elle marche, elle
tourne assez facilement son pied en dedans. Les mouvements des
orteils sont normaux. Les fessiers agissent bien; leur volume ne
présente rien d'anormal. Les réflexes tendineux existent au genou.
Ils sont absents au coude et au poignet. Pas de phénomène du
pied. La contraction idéo-musculaire ne peut être retrouvée sur
les muscles de la partie supérieure du corps, sauf aux muscles
thénar et hypothénar. Aux membres inférieurs, elle existe au
triceps crural, sur le vaste interne, ne peut être constatée sur les
autres portions du triceps; exisle nettement sur les jumeaux, et
non sur les muscles de la région antéro-interne de la jambe.
Formes extérieures. La clavicule, des deux côtés, est assez
saillante. Le relief des pectoraux est peu sensible, et il y a évidem-
ment un aplatissement de ce muscle. La saillie de l'apophyse cora-
coïde est notable et ne semble pas du tout recouverte par le
deltoïde. On ne sent pas non plus l'épaisseur de ce muscle entre
l'acromion et la tête de l'humérus et, même à l'état de repos, on
constate une dépression. Nous avons indiqué plus haut la direc-
tion des omoplates. La colonne vertébrale n'est pas très saillante,
mais, vers la partie inférieure, elle éprouve une légère courbure à
concavité droite. Quand la malade a le tronc renversé en arrière,
Archives, t. XXV. 13
1\) ! ¡. " PATHOLOGIE NERVEUSE.
on ne peut le lui redresser que par un effort violent. L'ensellure
est considérable. Le volume de la taille est normal ainsi que celui
du bassin, qui semble bien développé et celui des fesses. La consis-
tance des fesses est normale; celle des muscles de la cuisse en
général, et surtout de là partie postérieure est assez considérable,
sans cependant être notablement exagérée. Quant aux mollets* ils
n'ont pas une saillie extraordinaire et leur consistance est peut-
être un peu accentuée. Les bras des deux côtés sont notablement
diminués de volume et, par suite de la disparition du biceps et du tri
brachial antérieur, leur face antérieure a pris une forme concave.
Les avant-bras sont normaux. Des deux côtés, la limite de l'exten-
sion du coude est dépassée, et il existe alors une concavité posté-
rieure, de telle façon que le pli du coude paraît convexe et saillant.
SUR UN CAS DE .MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. '1
mort le 3 avril 1891, nous avons à relater divers incidents, qui,
pour n'ètre pas sous la dépendance directe de la maladie prin-
cipale n'en sont pas moins intéressants.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'atrophie musculaire,
elle ne cessa pas de progresser lentement, augmentant d'in-
tensité dans les régions prises primitivement, envahissant
ensuite des départements musculaires, qui lors des premiers
examens avaient paru presque indemnes.
A la face, les yeux restent largement ouverts, mème lors
des plus grands efforts d'occlusion. Les lèvres prennent de
plus en plus la forme de museau.
Au tronc, l'ensellure s'accentue ; la station debout persiste,
mais avec un équilibre très instable, aussi la malade s'appuie-
t-elle constamment, et ne s'aventure-t-elle plus à marcher
sans le secours d'une de ses compagnes.
Aux membres supérieurs, la main et l'avant-bras restent
indemnes, mais l'atrophie est extrème, aux bras et aux
épaules, la malade n'arrive plus à se vêtir elle-même; elle ne
peut plus soulever les bras.
Aux membres inférieurs, la marche en steppant devient
caractéristique. L'ascension des escaliers est entourée de beau-
coup de difficultés. -
En plus de ces désordres fonctionnels qui montrent la dis-
tribution de la myopathie, on observe dans les régions corres-
pondantes une diminution du volume des muscles, qui déter-
mine les déformations habituelles '.
En second lieu, Léonie présenta, un an après son entrée à
l'hôpital, tous les signes de V hystéro-épilepsie : grandes atta-
ques classiques et stigmates (hémianesthésie sensitivo-senso-
rielle, zones hystérogènes) en même temps qu'on pouvait pro-
voquer chez elle le grand hypnotisme avec sesphases classiques.
A ce sujet, il a été plusieurs fois question d'elle en diverses
publications, à l'occasion d'expériences auxquelles elle a été
soumise, par MM. Féré, Binet, Babinski, etc..
Enfin, on lui reconnut, il y a trois ans, les signes de la
tuberculose pulmonaire au début. Les lésions du poumon par-
1 On trouvera l'examen détaillé des muscles de la malade dans le tra-
vail de MM. Babinski et OnanoO' : Myopathie primitive progressive
(Bulletins de la Soc. de Biologie, 11 février 1888); elle figure dans
l'observation " J. Lav... » du tableau produit par ces auteurs.
196 " PATHOLOGIE NERVEUSE.
coururent leurs phases ordinaires, et c'est à leurs progrès
que la malade succomba. , ·
Autopsie (3 avril 1891). A l'ouverture du thorax, on constate
les lésions ordinaires de la tuberculose pulmonaire chronique. Les
poumons sont farcis de tubercules à divers degrés d'évolution et
leurs sommets creusés de cavernules et de cavernes de dimensions
différentes.
L'encéphale, non plus que le bulbe ni la moelle épinière, ne pré-
sentent ni extérieurement ni à la coupe aucune altération appré-
ciable, ni dans leur aspect, ni dans leur consistance.
Membres supérieurs. A la dissection des muscles du bras, on
est frappé de la coloration, de la consistance et de l'atrophie con-
sidérable qu'ils présentent. Ils revêtent tous une couleur jaune
clair, tirant sur le gris, tout à fait pâle et se confondant absolu-
ment avec le tissu cellulo-adipeux ambiant, au point qu'il est
très difficile de les en distinguer.
Le biceps est réduit au volume du petit doigt. Le brachial anté-
rieur presque totalement détruit, est réduit à une petite languette
de tissu fibroïde jaune pâle, d'une couleur analogue à celle de la
graisse.
Si tous les muscles du bras participent à l'atrophie, il n'en est
pas de même en ce qui concerne ceux de l'avant-bras, où le con-
traste est saisissant entre les muscles atrophiés et les muscles res-
pectés. C'est ainsi que les muscles fléchisseurs ont conservé la cou-
leur rouge foncée, que l'on est habitué à voir chez les sujets
vigoureux ; ils paraissent même d'une apparence plus saine, que
l'on ne serait en droit de le supposer chez une tuberculeuse.
Les seuls muscles de l'avant-bras qui présentent l'aspect jaune
pâle déjà signalé et sont atrophiés, sont le long supinateur, les deux
muscles radiaux, ainsi qu'un des faisceaux de l'extenseur commun.
Tous les autres muscles de l'avant-bras paraissent sains. ·
Les muscles des éminences thénar et hypothénar sont indemnes.
Les lésions sont symétriques aux deux membres supérieurs.
Membres supérieurs. Les muscles du pied sont sains. A la
jambe, seuls les péroniers et l'extenseur commun sont atro-
phiés1.. «
Examen histologique, Notre examen a porté sur les muscles,
les nerfs périphériques, la moelle épinière et le bulbe rachidien. z
Muscles. Les muscles ont été durcis dans la liqueur de Muller,
1 En raison des difficultés que nous avons eues, pour obtenir de la
famille de la malade l'autorisation de pratiquer l'autopsie, nous n'avons
pu, 'ni examiner les muscles de la face, ni disséquer aussi minutieusement
que nous l'eussions désiré les muscles du tronc et des membres.
SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 197 1
et le durcissement complété par l'alcool et la celloïdine. Les
préparations ont été colorées par le picro-carmin, l'éosiue et
Illiéinatoxyline et la laque au chromo-cuivre hématoxylique.
Les lésions dans les muscles atrophiés étant parfaitement iden-
tiques, sauf des différence dans l'intensité du processus, nous les
décrirons seulement dans le biceps, le radial et le brachial anté-
rieur.
Biceps. - Examinée à un faible grossissement, la coupe parait
divisée par des tractus de différentes épaisseurs qui s'entre-croisent
en divers sens en une multitude de petites alvéoles, d'étendue iné-
gale qui ne contiennent presque que du tissu adipeux au milieu
duquel on voit persister'de rares unités musculaires. Ces tractus
sont eux-même formés par du tissu conjonctif dont la coloration
rose vif par le picro-carmin, tranche très nettement sur la couleur
plus pâle des fibres de soutènement du tissu adipeux et sur la cou-
leur rouge-brun foncé des fibres musculaires. Celles-ci se montrent
sous des aspects très variés : parfois elles sont réduites à des débris
qui ne sont reconnaissables qu'à leur couleur, d'autres fois,
elles sont d'un diamètre très inférieur à la normale, quelques-unes
sont enfin hypertrophiées etdéformées.
Al'aide d'un fort grossissement on constate que les tractus sont
formés par un tissu conjonctif lamelleux, qui est quelquefois d'un
aspect fibrillaire. Les fibres conjonctives de volume et déforme
variables, sont le plus souvent homogènes, d'autres fois vaguement
striées, présentant enfin en divers points une double réfringence qui
les fait ressembler à des fibres musculaires.
Si l'on examine attentivement le tissu adipeux, on découvre cer-
taines'particularités capables de nous renseigner sur le rôle que
.joue ce tissu dans les myopathies. On constate, en effet, assez sou-
vent à la périphérie, des vésicules graisseuses, des cellules spéciales
variant entre 8 et 20 p., composées d'un protoplasma uniforme ou
bien finement granuleux qui contient de petites goutelettes grais-
seuses`(de 3 à 5 p.). Comme, parfois ces cellules 'ne contiennent
qu'une seule Moutelette simulant une vacuole, on a l'impression
qu'on se trouve en présence de cellules à noyaux. Tout d'abord
nous nous sommes demandés s'il ne s'agirait pas là de cellules plas-
matiques d'Ehrlich (mastzlelen), mais bientôt, nous nous sommesren-
du compte par les réactions de ces cellules qu'il s'agissait de cel-
lules graisseuses. Il y en a de petites (6 à 8 p.) qui ressemblent à des
leucocytes, sans noyaux évidents; leur évolution indique quelle est
leur nature jusqu'à un certain point. A propos de la pathogénie des
myopathies primitives, nous reviendrons du reste, sur leur impor-
tance et leur signification.
Quant aux fibres musculaires, elles diffèrent par leurs formes et
par leurs dimensions. Il importe d'ajouter au point de vue de leur
mode de grouppement que parfois elles apparaissent isolées et d'au-
198 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tres fois réunies en nombre variable. Dans ce dernier cas, on n'ob-
serve pas que les unités de même apparence se trouvent plutôt
agglomérées. Il arrive ainsi que, tantôt on voit plusieurs fibres
petites et très atrophiées et que tantôt le même amas contient
des fibres petites et grosses.
- Parmi les fibres les plus fines, certaines conservent leur striation
d'une façon très manifeste, alors qu'au contraire, les moyennes et
les grosses offrent une striation bien moins accusée. L'hypertro-
phie de quelques fibres est très considérable. Souvent on observe
des fibres présentant des parties renflées en ampoule au milieu
desquelles la striation est plus évidente que sur le reste de la
fibre.
On peut saisir, sur le fait, en certains endroits, la métaplasie de
la fibre musculaire : on voit, en effet, comment la striation dispa-
raissant la fibre désagrégée se transforme en tissu conjonctif. La
coupe transversale de certaines fibres est uniforme, les champs de
Colmheim n'étant plus appréciables, et ce n'est que la configura-
tion générale de l'élément qui permet de voir qu'il s'agit d'une
fibre auparavant musculaire. On voit aussi le tissu adipeux
prendre la place du tissu musculaire en voie de disparition.
Les faisceaux neuro-musculaires sont tout il fait indemnes, il enesL
de même des nerfs musculaires dont les plus fines ramification.')
paraissent normales en leurs diverses parties : myéline, cylindre-
axe, gaine et noyaux. Au contraire, les vaisseaux sont presque tous
plus ou moins altérés, soit que leur tunique externe soit épaissie,
soit que leur couche interne soit hypertrophiée et rétrécisse la lu-
mière du vaisseau arrivant dans certains cas à l'oblitérer presque
complètement. L'endothélium des petits vaisseaux est hypertro-
phié. Il existe, d'une façon générale, un certain degré de proliféra-
tion nucléaire, mais relativement peu intense.
Brachial antérieur. On y constate des lésions analogues mais
plus intenses encore, quant au degré de l'atrophie. Ici ou peut
presque compter les unités musculaires qui persistent dans le
champ du microscope. Les lésions des vaisseaux "sont également
plus prononcées.
Il est à noter qu'il exisle aussi une plus grande abondance de
tissu conjonctif par rapport au tissu graisseux relativement à ce
qu'on voyait dans les coupes du biceps où au contraire le tissu adi-
peux dominait.
Radial. Ce qui distingue surtout les préparations, c'est la plus
grande prolifération conjonctive. Les trabécules de ce tissu forment
un réseau plus épais et plus régulier. Les altérations des fibres
musculaires sont analogues aux précédentes. Même intégrité des
nerfs musculaires.
. Bulbe, Moelle épinière. Nerfs périphériques. - Ne présentent rien
SUR UN CAS DK MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 199
de particulier, sinon que les coupes du nerf radial sont remar-
quables par la netteté avec laquelle on y observe ce que nous
avons appelé des systèmes tabulaires.
Avant que d'exposer les quelques remarques que nous a
inspirées l'étude de ce cas, nous tenons précisément à mettre
en lumière ces particularités que nous avons constatées sur les
coupes du nerf radial.
Nous rapporterons, ici, à cet égard ce que nous en avons dit
dans une communication faite à la Société de Biologie le
16 juillet 1892.
Sur des coupes transversales portant sur la totalité du nerf
radial fixé par l'acide osmique, on remarque à l'oeil nu, et
môme encore, à un faible grossissement des aires qui tranchent
par leur couleur claire sur le reste du faisceau nerveux..
Leur forme est irrégulièrement ovoïde; elles sont situées
sur une même partie de la périphérie des faisceaux nerveux,
et regardent toutes du même côté, tant par rapport à l'axe des
fascicules qu'elles occupent, que par rapport à l'axe du nerf
tout entier. Sur vingt-quatre fascicules que nous avons comptés
dans la section transversale du nerf, elles se trouvent dans dix
fascicules. Dans chacun de ces fascicules, elles n'en occupent
guère que la dixième partie.
Parfois, il n'existe qu'une seule de cet aires claires dans un
fascicule, parfois on en compte deux ou trois, soit réunies,
soit séparées par quelques filets nerveux.
Nous décrirons d'abord une de ces aires, choisies parmi celles
qui présentent l'apparence la plus caractéristique. Elles sont
limitées, du côté de la périphérie du fascicule nerveux par une
formation lamelleuse qui résulte de l'hyperplasie de la couche
profonde du périnèvre, et, du côté central, par le tissu intra-
fasciculaire du fascicule nerveux. L'espace ainsi circonscrit,
qui forme l'ensemble du système, est occupé par des figures
qui ressemblent à des sections transversales de tubes, et sont
au nombre de deux ou trois : on peut, par suite, décrire à ces
dernières figures, une paroi et un contenu. La paroi se com-
pose de lames fibrillaires stratifiées, ressemblant aux gaines
lamelleuses de Ranvier, dans l'intervalle des lamelles des-
quelles se trouvent parfois des cellules plates. Le contenu est
constitué par des éléments d'aspect cellulaire en nombre
variable. Ceux-ci, qui peuvent atteindre de 20 à 25 p. ont
une forme généralement arrondie; limitée par' un contour
200 , PATUOLOGIE NERVEUSE.
parfois simple,' parfois double ou triple, et présentent dans
leur intérieur des corps chromatiques, qu'on prendrait, au
premier abord pour des noyaux, mais qui rappellent aussi
une coupe de cylindre-axe. Entre la paroi de ces pseudo-cellules
et leur substance chromatique, il n'existe aucune apparence
protoplasmique. Souvent on trouve autour de cette substance
chromatique des granulations, mais ce sont des granulations
de myéline. Parfois le contour de ces éléments se plisse de
.telle sorte que l'élément se trouve divisé en un certain nombre
Fig. 17.
Coupe du nerf radial, coloré par l'acide osmique : les i-ystoxcs tubulaires
sont représentés par les zones claires».
SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 201
de loges, qui rayonnent autour du corps chromatique central.
Il en résulte alors un aspect COl'olli(01'me. Il arrive aussi que
la substance chromatique se dispose de telle façon qu'elle
donne l'illusion d'un leucocyte polynucléé.
D'autres de ces éléments présentent des formes un peu
différentes, dans le détail desquelles nous n'entrerons pas.
Il est de ces aires ou de ces systèmes qui offrent une appa-
rence moins compliquée ; ils sont constitués par un espace
limité simplement par le périnèvre et l'endonèvre, et où se
trouvent un ou deux des éléments que nous venons de décrire.
Sur des coupes longitudinales, où les aires en question sont
plus difficiles à trouver, on les voit constituées par des tubes,
parallèles à l'axe du nerf et qui s'étendent sur une longueur
de 4 à 8 millimètres. Ces tubes ont des limites confuses, et on
retrouve dans leurs cavités les mêmes éléments. Toutefois,
certains détails permettent de se rendre compte, jusqu'à un
certain point, de la signification qu'ils paraissent avoir. On y
voit, en effet, parfois, des fibres nerveuses ou des fragments
de fibres reconnaissables à leur cylindre-axe, et aux granula-
tions de myéline qui l'entourent, bien que ces fibres soient
notablement modifiées.
Nous avons recherché si des formations analogues n'auraient
pas été décrites par d'autres observateurs, et quelle interpré-
tation, leur aurait été attribuée. M. J. Renaut 1; dans son
étude sur la structure des nerfs chez les'solipèdes, a décrit un
tissu qu'il appelle système hyalin intm-vagi1 ! al; il est facile,
d'après la description qu'il en donne, de se rendre compte
que ce système est l'analogue de notre système tubulaire. Cet
auteur pense qu'il s'agit là d'un appareil de perfectionnement
dont le rôle par rapport au faisceau primitif, serait identique
à celui que joue la myéline par rapport au cylindre-axe.
M. Rakhmaninoff a a rencontré, dans des cas de névrite, des
formations particulières, qui se rapportent, évidemment aux
systèmes en question. Il rappelle qu'il n'a trouvé de descrip-
tion les concernant que dans les travaux d'Oppenheim et Sie-
1 J. Renaut. - Recherches sur quelques points de l'histologie des nerfs.
{Archives de Physiologie, 1881, p. 161.)
2 Rakhmaniiiolï. Névrite périphérique. (Revue de médecine, avril 1892.
n° 4, p. 335.) .
202 PATHOLOGIE NERVEUSE.
merlin ? et que ces auteurs les considéraient comme des
vaisseaux oblitérés, opinion que lui-même ne partage pas. Il
croit qu'il s'agit de corpuscules à structure alvéolaire, et qui
n'apparaîtraient que dans les cas de dégénération des nerfs.
Nous rapprocherons l'un de l'autre les travaux qui concer-
nent, à notre avis, les mêmes systèmes, travaux de Langhans2
et de Kopp 3, son élève. Langhans qui décrit ces formations
avec beaucoup de soin, dit qu'elles ont été mentionnées par
divers auteurs (Trzebinski, Scbültze, Joffroy et Achard, Hols-
chewnikoff, losenlieim, Arnold, Stadelmann et Nonne) dans
des états pathologiques différents. '
Il est d'avis, et Kopp confirme cette manière de voir, que
ces formations, qu'ils ont tous deux rencontrées, surtout dans
le myxoedème, pathologique ou expérimental, dans le créti-
nisme et dans le goitre, constituent des altérations spécifiques,
appartenant en propre à la cachexie strumiprive, et ils se
demandent si des troubles de la glande thyroïde n'auraient
pas existé dans les cas précités, où d'autres auteurs ont observé
des formations de ce genre.
Nous ne discuterons pas l'hypothèse que nous trouvons très
vraisemblable, qui a été formulée par M. Renaut sur ces sys-
tèmes, mais nous ne saurions adopter la dénomination de
systèmes hyalins, proposée par cet observateur, car le qualifi-
catif préjuge de la nature des éléments, et le mot hyalin prête
à la confusion. "
Il ne nous parait pas, non plus, qu'on puisse s'en tenir à
l'opinion de MM. Oppenheim et Siemerling, car les figures ne
se rapportent nullement à celles que donneraient des vais-
seaux oblitérés.
Quant à la manière de voir proposée par M. Rakhmaninoff,
à savoir qu'il s'agirait de l'hypertrophie pathologique du tissu
conjonctif de consistance gélatineuse situé à la périphérie du
nerf , elle ne s'accorde pas avec le fait que nous avons observé
et qui a trait à un nerf normal.
1 Oppenheim et Siemerling. -l3eilrage zur pathologie der tabès dor-
salis und der peripherischen Nervenkrankungen. (Arek. sur Psychiatrie,
1887, XVIII, p. 487.)
= Langhans. - Ueber veriindentngen in den ]1e1'ipherische Ne/'ven bei
kaehexia Llcyreopriva des menschens. (Arc/¿ , de Virchow, ut ! . CXX\'111,
18\)2,)
3 Kopp, - VeriindC1'ul1gen in Nervensyslem. (Th. inaug., Berlin, 1802.)
SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 203
La même considération suffit à nous faire douter de la valeur
spécifique attribuée par Langhans et Kopp aux « cellules vési-
culeuses » dans le myxoedème. Nous avons vu des images tout
à fait identiques à celles que ces auteurs représentent, et
cependant le nerf que nous examinions était normal, et, de
plus, la malade que nous avons observée pendant des années
et jusqu'à sa mort n'a jamais présenté ni myxoedème, ni
goitre, ni crétinisme. » .
Nous serions disposés, pour notre part, à admettre que la
nature et la signification de ces formations est la suivante :
L'étude histologique que nous avons poursuivie nous porte à
croire que ces formations représentent des tubes nerveux pro-
fondément modifiés. Leur paroi lamelleuse ne serait autre
qu'une gaine lamellaire modifiée : les apparences nucléaires
qu'offrent les éléments chromatiques, représenteraient la coupe
transversale des cylindres-axes. Nous sommes confirmés dans
cette opinion, non seulement par la présence autour de ces
éléments de granulations de myéline, mais encore par cela,
que nous avons pu distinguer nettement un fragment de tube
nerveux dans certaines figures ; l'absence de protoplasma, qui
a préoccupé Langhans et Kopp; s'explique facilement selon
cette hypothèse. Quant aux apparences corolliformes (Blasen-
zellen), elles sont le fait du plissement de la gaine conjonctive
du tube nerveux.
Si l'on tient compte de ce que les auteurs ont rencontré ces
formations dans presque tous les nerfs périphériques, et spé-
cialement en certains points de leur trajet, ce qui explique
qu'elles aient échappé à d'autres, de ce que M. Renaut les a
rencontrées à l'état physiologique chez les solipèdes, enfin de
ce que les observateurs les ont signalées dans des états patho-
logiques qui n'ont rien de commun, il est naturel de penser,
et le cas que nous rapportons est une éclatante démonstration
de cette manière de voir, qu'il s'agit là d'une disposition nor-
nivale.
En résumé, ces formations que nous désignerons sous le nom
de systèmes tubulaires, en raison de leur structure histologique
(qui les montre composées de tubes et non pas de cellules),
constitueraient un appareil organique qui existe, à l'état
normal, dans les nerfs de l'homme, et qui dérive d'une trans-
formation de certaines fibres nerveuses, en vue d'un but qui
reste à déterminer.
204 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Nous devons ajouter que presque en môme temps que nous
et dans un travail, dont nous n'avons eu connaissance qu'ul-
térieurement, bien que sa publication (2 juillet) fut antérieure,
M. Schültze' 1 arrivait de son côté, à une manière de voir ana-
logue, du moins en ce qui concerne la nature normale de ces
formations, car pour ce qui a trait à l'interprétation, notre
opinion diffère de celle de cet observateur. Il remarque que
M. Renaut a décrit ces svstèmes sur des nerfs normaux et
s'étonne que Langhans leur attribue un rôle pathologique. Il
laisse entendre, que ces formations sont normales, mais il lui
parait probable qu'elles puissent subir des transformations
pathologiques qui se traduisent cliniquement par des symp-
tômes. Il n'accepte pas la dénomination de système hyalin,
parce que ces productions lui semblent plutôt opaques, et il
propose de les appeler, soit corpuscules de Renaut, soit hyper-
plasies circonscrites du tissu conjonctif, soit enfin fuseaux con-
jozctifs (Bindegewebspindel).
Bien que pour toutes les raisons que nous avons dites et
dont on peut s'autoriser actuellement, il nous paraisse légi-
time jusqu'à plus ample informé, de considérer, ces formations
comme normales, nous devons néanmoins présenter quelques
réserves. Au cas, toutefois, où elles constitueraient des lésions
accidentelles, leur valeur au point de vue de la pathogénie de
la maladie en général ne saurait peut-être entrer en considé-
ration ; au contraire on en devrait sans doute tenir compte,
quant aux localisations, en remarquant que cet aspect spécial
des coupes de nerfs était localisé, dans notre cas, au radial,
alors que seuls àl'avant-bras les muscles radiaux se trouvaient
atrophiés. Il y a là un problème complexe en raison de l'appa-
rence si spéciale de ces systèmes, encore si peu connus.
L'histoire clinique de notre malade et la relation nécrosco-
pique qui la complètent sont par elles-mêmes suffisamment
explicites, pour que nous n'ayons pas à insister sur le dia-
gnostic du cas. Notre autopsie confirme en effet de point en
point les résultats de celle de MM. Landouzy et Déjerine, et
ici aussi il s'est agi d'une myopathie primitive, c'est-à-dire
sans altération appréciable du système nerveux.
' Schuitxe. Ueber circonscriple Bindegewebs hgpcrplasie oder
l31xrle,ewebspencGel. Nodules hyalins de Renaut. (Archiv. de Virchow,
Bd. CXXIX, 11t. I, 1892, 2 juillet.)
SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 205
A cet égard, il nous est permis de nous demander si les
constatations anatomiques que nous avons faites ne nous
autorisent pas, jusqu'à un certain point, à prendre parti dans
les débats qui se sont élevés sur la pathogénie de cette
lésion.
A. Théorie centrale. Pour Erb 1, les myopathies recon-
naîtraient une origine spinale, et traduiraient un trouble dyna-
mique des cellules ganglionnaires des cornes antérieures de
substance grise de la moelle épinière, centres trophiques.des
muscles. Du moins est-il probable, pour cet auteur qu'il existe
des altérations du système nerveux que la technique actuelle
serait impuissante à déceler. En faveur de cette origine, on
peut invoquer selon lui un grand nombre d'arguments : l'hé-
rédité, la localisation de l'atrophie dans certains muscles cor-
respondant à des centres spinaux déterminés (groupe d'Erb),
sa fréquente coïncidence avec des troubles nerveux comme
l'idiotie, l'épilcpsie. -
Cette manière de voir nous paraît toutefois difficilement
acceptable, et cela pour plusieurs motifs. Tout d'abord les
arguments invoqués par Erb n'ont pas une valeur absolue. On
ne saurait dénier au système musculaire une 'autonomie rela-
tive, qu'il tient pour le moins de son origine embryologique,
et qui, précisément pour' cela, permet de comprendre qu'à
l'égal du système nerveux il puisse transmettre ses vices, par
voie héréditaire. Aussi l'hérédité des myopathies ne saurait-
elle être considérée comme une preuve en faveur de leur ori-
gine nerveuse.
Nous en dirons autant du mode de distribution de l'atrophie
musculaire, que les recherches de Babinski et Onanoff 2, nous
ont montré être en rapport avec le développement des mus-
cles, bien plus qu'avec des localisations nerveuses spinales.
Quant à la coïncidence de l'atrophie musculaire avec divers
troubles nerveux, elle s'explique aisément pour peu qu'on se
souvienne, qu'en tous les cas de vice d'évolution - et la myo-,
patine' primitive semble rentrer dans cette catégorie il est
' Brb. - Dystropliie musculaire progressive. (De2ctsclae Zeilschrifl für
NeraezJceillcüzde, 1891, p. 13-173.)
' Babinski et Otiatioff. De la myopathie primitive progressive. (Société
de Biologie, 18SG.)
zou PATHOLOGIE NERVEUSE.
commun d'observer la coexistence de diverses tares dégénéra-
tives.
Il est, à notre avis, un argument des plus importants qui
milite contre la doctrine de l'origine spinale. En nous plaçant
en effet dans l'hypothèse de Erb, c'est-à-dire en admettant un
trouble dynamique des cellules trophiques, nous devrions
observer, en raison de l'analogie invoquée entre les effets des
lésions d'ordre dynamique et d'ordre organique, des altéra-
tions des fibres terminales des nerfs périphériques. Or, il n'en
est rien, et ni les auteurs qui nous ont précédé, ni nous-mêmes
dans le cas que nous venons de rapporter, et où notre atten-
tion a été, comme on l'a vu, spécialement attirée sur ces orga-
nes, n'avons pu constater aucune lésion des petits nerfs intra-
musculaires.
B. Théories périphériques. - Si l'origine de la myopathie
ne peut être recherchée dans les centres, il nous reste à savoir
quels sont les organes périphériques qui entrent en jeu pour
l'a réaliser. Or, nous avons vu que, dans notre cas, les nerfs
étaient normaux, car nous nous sommes expliqués sur la
signification des systèmes tubulaires qui, par leur présence
sur le nerf radial, donnaient à celui-ci une apparence qu'au
premier abord on aurait pu prendre pour pathologique.
C'est donc que le muscle lui-même -serait primitivement
atteint. Cette conclusion, à laquelle nous sommes obligés de z
nous rallier, est, du reste, admise actuellement par la très
grande majorité des observateurs, dont les avis ne diffèrent
guère que sur la nature intime du processus.
Nous insisterons peu, à cet égard, sur l'opinion qui a été for-
mulée par divers auteurs, et selon laquelle on aurait affaire à
une cirrhose interstitielle primitive, soit à une inflammation
du tissu interstitiel dont le développement en arriverait à
étouffer les fibres musculaires, car outre qu'elle ne s'accorde
pas avec les résultats de l'examen histologique, elle n'a pas
conservé de défenseurs.
C'est en dernière analyse la fibre musculaire elle-même
cirrhose parenchymateuse de Landouzy-Déjerine, de Roth --
qui serait prise la première; et c'est, aussi, ce qui nous paraît
résulter du fait que nous avons observé. Toutefois, nous ne
partageons pas, sur la modalité du processus, la manière de
voir exposée par Krosing, et que nous allons rapporter avant
SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 20ï
que de proposer, à notre tour, la conception qui nous paraît
actuellement la plus admissible sur ce point délicat.
M. Krosing ' 1 entrepris ses recherches sur des muscles
d'embryon d'une part, et sur des muscles pathologiques d'autre-
part (muscles avoisinant les cals osseux, les abcès, muscles
d'atrophie expérimentale, muscles pseudo-hypertrophiés). Il
rappelle que la fibre musculaire striée résulte d'une associa-
tion cellulaire, à la construction de laquelle participent un
grand nombre de cellules fusiformes. Les cellules se réunis-
sent pour former des fibres grêles, et se fusionnent. La divi-
sion des noyaux à l'intérieur des fibres jeunes produit la crois-
sance en longueur, tandis que l'accroissement en largeur se
fait par l'accolement sérié des éléments cellulaires. Les fibres
étant devenues adultes, les noyaux des cellules passeraient à
l'état de cellules invisibles ou cellules sommeillantes de Gra-
vitz (Schlümmernden Zellen), tandis que leur protoplasma
formerait la myosine contractile. S'il intervient alors des pro-
cessus régressifs, le protoplasma musculaire perdant ses qua-
lités de différenciation, revient à l'état de protoplasme ordi-
naire, et aussitôt les cellules sommeillantes reprennent leur
activité et les attributs qui les rendent visibles elles pro-
lifèrent, constituent des centres d'attraction pour le proto-
plasma transformé. Le tissu dans son ensemble reprend l'as-
pect et les qualités du tissu embryonnaire, et, en conséquence,
aboutit à une formation de tissu conjonctif ou de ses dérivés,
tissu cartilagineux, osseux.
La théorie de la phagocytose est très séduisante ; mais
telle qu'elle a été autrefois conçue par l'auteur elle n'est plus
soutenable; du reste M. Metchnikoff revient sur ses premières
assertions dans un travail récemment publié dans la Revue
scientifique.
D'après M. l\Ietchnikofi' 2, dans les faisceaux musculaires, ce
seraient les cellules musculaires qui joueraient le rôle de pha-
gocytes. Dans les cas où les fibrilles ne manifestent pas une
vitalité suffisante, le protoplasma interstitiel s'empare d'elles et
les dévore. C'est à l'aide de ces phagocytes musculaires que
s'opère l'atrophie des muscles des tétards en voie de dévelop-
' R. Krosing. Ueber die Riiclibildung und Entwic/oel1wg der Ouer-
geslreissen miiskelfalern. {Archiv. de Virchow, juin 1892, BLI. CXXVIlI,
lit. 1lI, p. 445.)
1-llie Metchnikoff. {Revue Scientifique, 10 sept. IS9` ? ; p. 324.)
208 ' PATHOLOGIE NERVEUSE.
pement. La substance contractile -- myoplasma s'entoure
du plasma interstitiel du faisceau sarcoplasma ; celui-ci
englobe et digère les fibrilles et se transforme en cellules
amiboïdes.
Un mécanisme analogue a été observé dans les muscles
atteints de pseudo-hypertrophie et d'atrophie musculaire pro-
gressive par M. Lewin 1. Cet auteur a constaté la formation de
phagocytes : le sarcoplasma des faisceaux se différencie en
cellules amiboïdes qui englobent la substance striée.
Nous basant, quant à nous, sur le mode histochimique de
l'altération de certaines unités musculaires, que nous avons
pu constater, ainsi que sur les observations que nous venons
de rappeler, nous pensons que le mécanisme des lésions pour-
rait être interprété de la façon suivante.
A l'état normal, le tissu conjonctif des muscles est remar-
quable par la minceur de ses faisceaux; on y observe souvent
des cellules adipeuses, et ses- mailles contiennent des cellules
lymphatiques en nombre variable. Le tissu conjonctif consti-
tue, en quelque sorte, une vaste cavité lymphatique cloison-
née, dans laquelle sont plongés les faisceaux musculaires, de
telle façon que c'est dans la lymphe qui les baigne qu'ils pui-
sent les éléments de leur nutrition et qu'ils déversent leurs
produits de désassimilation (Ranvier).
L'équilibre de la nutrition du myoplasme, du sarcoplasme
et du tissu interstitiel est réglé par l'action frénatrice du sys-
tème nerveux. Quand cette action d'arrêt est suspendue, le
sarcoplasma et le tissu interstitiel qui possèdent en raison
de leur état de moindre différenciation - une énergie de nu-
trition plus grande que le protoplasma différencié de la fibre
musculaire, prennent le dessus. Ils prolifèrent progressivement
tandis que le myoplasma est devenu impuissant, l'équilibre de
son activité nutritive n'étant maintenue que par la force domi-
nante de l'innervation, qui fait maintenant défaut, et il finit
par disparaître. C'est là ce que l'on constate dans les myopa-
thies myélopathiques, névrosiques et dans celles qui suivent
la section des nerfs.
. Mais, dans les myopathies primitives, d'où vient l'impuis-
sance de l'influence nerveuse trophique ? Ce serait précisé-
ment un désordre primordial de la nutrition de la fibre mus-
1 Lewin. - Deulschc Zeilschrifl sur .rerventeilkunde, t. II, p. 139.
SUR UN CAS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE. 209
culaire, désordre transmis par hérédité : en cela réside la
cause première de l'altération. Son apparition dans l'enfance
provient de l'activité de la nutrition musculaire à cet âge, sa
localisation sur certains groupes musculaires particuliers est,
comme l'ont montré MM. Babinski et Onanoff, en rapport
avec le développement embryologique des muscles.
Il résulte de là, qu'à un moment donné, par une véritable
inversion chimiotactique le myoplasma devient incapable
d'assimiler les éléments de nutrition de la lymphe qui le
baigne, et alors, le tissu de soutènement, grâce à son pouvoir
nutritif si puissant, accapare ces éléments devenus surabon-
dants. -
Nous tenons ici à mettre en évidence l'importance dans ce
processus de la prolifération du tissu adipeux, car cette parti-
cularité ne parait pas avoir retenu, autant qu'elle le mérite,
l'attention des observateurs. On sait que ce tissu, au point de
vue de son développement, ne résulte pas d'un simple dépôt
de graisse dans les cellules 'fixes du tissu conjonctif. Les cel-
lules adipeuses sont, à l'origine, des cellules spéciales qui
apparaissent le long des vaisseaux sanguins. Une cellule adi-
peuse représente, en réalité, comme le dit avec raison M. Ran -
vier, une glande cellulaire. Or, la description que nous avons
donnée de la multiplication des cellules adipeuses jeunes, dé-
montre le rôle actif que joue ici le tissu graisseux, dont l'im-
portance est si grande dans les échanges nutritifs en général.
Aussi bien, ne provient-il ni de la fibre musculaire ni des
fibres conjonctives, mais résulte-t-il d'une hyperplasie auto-
gène des cellules adipeuses. Nous pouvons ajouter que le
mécanisme de la disparition de la fibre musculaire n'est pas
uniforme au point de vue chimique. Certaines fibres dispa-
raissent par le fait du remplacement du protoplasma différencié
par le sarcoplasma; dans d'autres, à mesure que le myoplasma
disparaît, c'est le tissu adipeux qui prend sa place; il en est
enfin où la destruction se fait par une véritable transforma-
tion chimique (dégénérescence hyaline).
Ainsi qu'on le voit, l'hypothèse que nous proposons diffère
à certains égards de l'application au cas particulier de la théo-
rie générale de la phagocytose, du moins telle qu'elle a été
autrefois comprise par M. Metchnikoff. Nous n'avons pu, en
effet, distinguer nulle part d'indices certains de l'action cyto-
phagedes phagocytes; mais il convient d'ajouter que M. Metch-
AncmvES, t. XXV. - 14
210 -- PATHOLOGIE NERVEUSE.
nikoff a modifié, comme déjà nous l'avons dit, sa manière de
voir, puisqu'il rend la prolifération nucléaire dépendante et
de l'impuissance nutritive du myoplasma et de la nutrition
exubérante du sarcoplasma.
HOSPICE DE la SALPÊTRIÈRE,' -' SERVICE DE M. CHARCOT.
SERVICE OTOLOGIQUE
années 1891-1892;
Par le Dr GELLÉ.
Le tableau publié à la fin de cette revue montre que la cli-
nique otologique a été' fréquentée cette année' par un grand
nombre de malades.1 Parmi les affections variées de l'appareil
et de la fonction de l'ouïe .qu'il 'nous a été donné d'observer, il
en est quelques-unes qui méritent' d'être signalées à l'atten-
tion, soit qu'elles offrent 'de l'intérêt par les difficultés d'un
diagnostic complexe, ou par une évolution spéciale, soit
qu'elles mettent en évidence la valeur séméiologique d'un
symptôme auriculaire, ou parce que le groupement des obser-
vations autorise certaines déductions pratiques au point de
vue du pronostic ou du traitement.
On remarque tout d'abord une forte diminution du nombre
des cas suraigus, des otites suppurées, et des mastoïdites; déci-
dément l'influence épidémique a été moindre; mais, par contre,
les otorrhées se présentent en quantité; c'est le reliquat de
l'an passé; les cas graves ont été mal ou banalement soi-
gnés en ville par les irrigations interminables dans le conduit,
les vésicatoires, etc., tandis qu'une incision tympanique ou des
incisions répétées auraient triomphé du mal en cinq semaines,
et évité les complications. C'est ainsi que les cellules mastoïdes
se prennent, suppurent, et nul traitement ne peut agir sur ce
diverticulum de l'oreille moyenne, s'il n'est dirigé vers
l'antrum par des mains expérimentées armées d'instruments
SERVICE OTOLOGIQUE 9-il
spéciaux. Pour moi, je crois devoir à l'emploi de ces soins et
de ces moyens l'absence complète de complications du côté de
l'apophyse et de trépanations depuis quinze ans, quand j'ai
pris à temps en main le traitement topique auquel je fais allu-
sion.
Si l'on embrasse l'ensemble des 810 observations récoltées
à la clinique de cette année à la Salpêtrière, on est vivement
frappé de constater des lésions otiques ou fonctionnelles des
plus graves chez des individus qui disent n'en avoir pas souf-
fert, et ne point s'en être aperçus ; et qui reçoivent même avec
un air de doute le diagnostic et le pronostic portés; tandis que,
chez d'autres sujets, les troubles auriculaires les plus persis-
tants, et la préoccupation la plus forte, reconnaissent pour
cause un léger eczéma, un amas de cerumen, une lésion insi-
gnifiante. Entre la lésion et ses manifestations, il y a l'homme
malade aussi ondoyant que divers.
On a dit avec raison que les aspects les plus anormaux du
tympan n'impliquaient nullement un égal désordre de la fonc-
tion auditive; on peut parallèlement ajouter que les troubles
subjectifs les plus terribles de l'ouïe ne prouvent pas l'existence
d'une lésion de l'appareil de transmission, de ce qui est trop
souvent regardé comme la partie principale de l'oreille, au
point de vue pathogénique. De même on apprend à la clinique
otologique à ne pas trop facilement conclure en l'absence'de
lésion objective qu'il n'y a pas de lésion auriculaire.
Loin des regards, l'oreille n'a-t-elle pas son appareil sen-
sitif, qui, d'un côté, touche à l'organe de transmission des sons,
et est relié de l'autre au système nerveux central ? C'est par
ces derniers liens que la pathologie auriculaire se rattache à la
pathologie du système nerveux. Ainsi le labyrinthe peut être
primitivement frappé ; ou bien consécutivement dans les affec-
tions de la caisse; enfin, en troisième lieu, dans les maladies
générales du système nerveux et de l'appareil cérébro-spinal.
Dans ces trois hypothèses, le labyrinthe a son mode réac-
tionnel propre, caractéristique. On ne trouvera de lésions que
dans le cas de propagation d'une otite moyenne ou d'une lésion
du rocher. L'expression des souffrances des nerfs labyrinthi-
ques est univoque. C'est un tableau symptomatique com-
plexe, mais qui donne une image reconnaissable entre toutes,
une impression toute particulière signalant l'unité d'origine :
c'est ce que j'appelle le labyrinthisme.
,)Il) pathologie nerveuse.
L'état de souffrance de l'oreille interne, que j'appelle du
nom synthétique de labyrinthisme, se manifeste par un groupe
de symptômes très nombreux; où l'on trouve réunis les bruits
d'oreilles les plus divers sous le rapport de la durée, de l'inten-
sité et de la nature; les troubles de l'équilibre les plus variés,
depuis le grand accès' de vertige, dit de Ménière, jusqu'à l'état
subvertigineux, qui ne reconnaît qu'un mode d'éveil, tantôt la
résolution la plus subite, tantôt une impulsion motrice invo-
lontaire, mais sans perte de connaissance ; les malades ne
perdant jamais conscience de leurs actes et de leurs souf-
frances ; la tendance aux lipothymies, les troubles de la vue,
des hallucinations de la vue, du toucher et du sens muscu-
laire ; des troubles vaso-moteurs évidents, de la migraine, des
angoisses et des terreurs au moindre ébranlement, un état
d'émotivité remarquable, d'anxiété pénible, avec une faiblesse
générale telle que le sujet se tient pendant des semaines cou-
ché ; des sueurs froides, des nausées, des crises, des vomisse-
ments ; de la surdité à tous ses degrés, subite ou tardive,
antécédente ou consécutive aux attaques, aux malaises; un
état de dépression mentale, d'incapacité intellectuelle, qui est
parfois le seul trouble observé, durable, et qui va jusqu'à la
prostration, jusqu'à l'hébétement. L'hypéresthésie, l'otalgie,
l'ouïe douloureuse, l'insomnie, le cauchemar en font partie ;
et tout cela peut céder, comme par enchantement, à la douche
d'air, et au sulfate de quinine, soit aux douches froides, etc.,
à l'extraction d'un polype, à l'ouverture d'un abcès, ou à
la raréfaction qui soulagent le labyrinthe. Les deux laby-
rinthes sont rarement atteints simultanément d'inflammation,
d'hémorrhagie, etc. (fièvres, dyscrasies, etc., exceptées), tandis
que dans les névropathies, la simultanéité et la bilatéralité des
troubles nerveux otiques sont fréquentes, et s'expliquent faci-
lement. Par contre, la fixité et la durée des phénomènes mor-
bides sont plutôt l'apanage de lésions limitées au labyrinthe,
et la variabilité et l'inégalité sont surtout remarquables dans
les troubles auriculaires liés aux grandes névroses.
On voit combien nous sommes loin de la simplicité du dia-
gnostic de la surdité nerveuse par exclusion. Aussi les troubles
otiques qui reconnaissent une origine nerveuse sont-ils aussi
fréquents qu'on les trouvait rares par la méthode d'élimination
ancienne.
Mais souvent les deux causes, l'une générale, prédisposante,
. SERVICE OTOLOGIQUE 213
et l'autre locale unilatérale, ou bilatérale, sont réunies et con-
courent à la même expression symptomatique qui devient pré-
dominante et caractéristique, l'intensité des symptômes n'était
pas en rapport avec la légèreté des lésions. Ces cas sont fort
nombreux ; et l'unilatéralité n'exclut pas l'intervention de l'élé-
ment névropathique.
L'an passé, nous avons à cette place décrit l'évolution des
crises neurasthéniques consécutives aux otites de l'influenza;
appuyé sur l'analyse d'un grand nombre de faits, nous avons
montré combien la connaissance des associations dont nous
parlons est importante pour démêler l'indication thérapeutique
nécessaire. C'est ainsi que nous avons plusieurs fois vu des
troubles subjectifs auriculaires tenaces, céder aux douches
froides, après avoir résisté aux meilleurs pansements de la
lésion locale. Nous avons vu ainsi rapidement s'amender, sur-
dité, vertiges, bourdonnements rebelles, douleurs, incapacité
intellectuelle, absences, etc., qui persistaient après l'otite sup-
purée ou non, tout avait été séché, cicatrisé, mais le labyrin-
thisme résistait. Né de la lésion voisine, il durait sous l'influence
de l'état neurasthénique créé par l'épidémie. L'observation
suivante est curieuse entre toutes à ce point de vue : '
UDSERVAT;ON CCLVIII du registre 1891-1892. (Résumé.) 7 fé-
vrier 1891. Aime IIéraud, trente-neuf ans, est toujours malade
depuis son attaque d'influenza dans laquelle ses deux oreilles ont
suppuré : la gauche coule encore. Cette dame ne répond pas si
elle ne voit pas parler.
111 = 3 centimètres à gauche; M = 10 centimètres à droite;
M B B sur le front et l'apophyse mastoïde à droite et à gauche;
D. V + à gauche, et non mobilisé par l'occlusion droite.
D. Vêtant bien perçu par l'air à droiteet à gauche. D. V moins fort
perçu queD à droite et à gauche. Après le nettoyage à sec : pres-
sions centripètes D/ tube = o ; D / os = o ; D/ or opposée = o.
Large perforation centrale à gauche, avec enfonçure du tympan;
et manche 'horizontal presque invisible à droite et à gauche. Oreille
droite sèche, rose pâle; caisse vide, sans fongosités; à gauche rou-
geurs et humidité au fond. En mars, tout est sec, rose pâle;
souffle sec par Valsalva. Affaiblissement général, suite de' cette
longue crise de douleurs, de suppuration et d'appréhension pour
l'avenir. 21 mars, l'audition n'a rieu gagné. Mais sous l'in-
fluence du vin arsénical et des gouttes amères de Baumé, relève-
ment des forces, bourdonnements moindres, la parole est à peine
entendue de face; à 10 centimètres du côté gauche; un peu mieux,
214 pathologie NERVEUSE.
un peu plus clairement après le Politzer associé à la raréfaction qui
redresse le tympan déprimé.
En mai, retour de l'écoulement léger, et la surdité revient
totale.
L'état général, au lieu de s'améliorer, s'aggrave rapidement ;
affaiblissement, prostration, insomnie, inappétence, incapacité de
travail de tête, de penser, inertie complète, faiblesse et surdité
croissantes. Tête lourde qui s'étourdit vite; sentiment de vague et
d'engourdissement des facultés. En mai, juin et juillet, j'ordonne
les douches froides quotidiennes, et le sirop de sulfate de strych-
nine.
On note assez régulièrement et assez vite un relèvement pro-
gressif des forces, le retour de l'appétit, du sommeil, de la gaieté
et l'amélioration très évidente, de l'ouïe. Les tympans sont plus
minces, moins enfoncés, la teinte générale est pâle rosée, à peine
un léger suintement par instants.
En septembre, l'audition est revenue telle que la malade reprend
ses travaux et ses forces sont à peu près normales. Elle continue les
douches et le sirop d'iodure de fer.
Les maladies du système nerveux, avec ou sans lésions
systématiques ou en foyer, retentissent sur l'appareil auditif,
qu'il soit sain ou malade, et davantage dans le dernier cas.
Les neurasthéniques, dont l'oreille est atteinte de sclérose con-
firmée, voient les crises de vertige apparaître, les bourdonne-
ments redoubler. Phénomène remarquable, leur surdité s'ac-
croit en même temps ; et la courbe de l'acuité auditive offre
des oscillations curieuses, d'un moment à l'autre, des dénivel-
lements qui concordent avec la marche des accidents d'as-
thénie nerveuse générale, avec leur progression ou leur dimi-
nution, et permettent de les enregistrer (Obs. CCXLII).
Observation CCXLII. - Femme, trente-deux ans. Oreille gauche
perdue; à l'oreille droite elle perçoit la montre à 35 centimètres
en janvier 1891 ; avec l'audiphone, la parole est nettement perçue
basse et vite. En mars suivant, je ne puis me faire entendre, rien
ne passe, ni parole, ni mieux avec l'audiphone. En juillet même
année, l'audition primitive se rétablit, tout renaît et l'état général
se relève. En janvier 1892, nouvelle éclypse des fonctions audi-
tives.
Les épileptiques ont souvent l'audition altérée à la suite de
leurs attaques. Féré a récemment repris ce sujet. Le n° 275
qui entendait naguère la montre à 50 centimètres de sa bonne
oreille, ne la perçoit plus aujourd'hui qu'à 3 centimètres après
SERVICE OTOLOGIQUE 215
un accès violent. On peut constater la surdité absolue après
la crise, si déjà une oreille était perdue.
Les hystériques sourdes peuvent voir l'audition raparaître
après la crise ; ou bien une oreille seule reste anesthésiée; ou
enfin l'affection change de côté et l'oreille la meilleure peut
devenir la pire.
Cette marche par à-coups, ces oscillations brusques sont
absolument caractéristiques des états névropathiques et il
m'est arrivé fréquemment dans la pratique de reconnaître une
neurasthénique à ces variations de l'acuité auditive, la lésion
auriculaire étant de sa nature immobile et fixe.
La cachexie exophtalmique s'accompagne quelquefois de
troubles auditifs, bourdonnements, battements, vertiges, et
cependant à l'exploration on peut ne [découvrir aucune lésion
ou une altération insignifiante des appareils de l'ouïe ; n'est-ce
qu'une anémie labyrinthique liée aux troubles vaso-moteurs ?
Observation CCLXXIV. (Résumé.) ! \lUe B..., vingt ans, bourdon-
nement, vertiges, battements, palpitations et gonflement, anémie
extrême, souffle carotidien modulé, pouls fréquent, exophtalmie
double, gros corps thyroïde.
M= à 65 centimètres à droite et à gauche. DV central mobile à
volonté par l'occlusion des oreilles. Pressions positives, réflexes
normaux, aération facile, aspect normal, pâleur générale des mu-
queuses, règles rares. '
Le soulagement a été obtenu par le traitement général (élec-
tricité, douches froides). Autre fait avec affaiblissement de
l'ouïe.
OBSERVATION CCCXXV. Exophtalmie double, doubla surdité crois-
sante, oreilles saines. mime D., trente-quatre ans, maigre, fatiguée,
trois enfants, faiblesse générale, palpitation fréquente, battements
carotidiens; corps thyroïde énorme; se plaint de surdité graduelle-
ment plus forte surtout depuis quelques semaines, léger tremble-
ment général; pas d'oedème, point décote très habituel sur le sien.
Sueurs faciles, souffle ronflant, vibrant au premier temps, pâleur
très accusée des muqueuses buccales et pharyngées.
M = 2 centimètres à droite, M = 3 centimètres à gauche, M = B
sur le front et l'apophyse mastoïde, à droite et à gauche, aération
de la caisse facile à droite et à gauche.
Pressions centripètes positives des deux côtés : D/ tube = B,
D/ or. - B, D/ oreille opposée = B, c'est-à-dire réflexes intacts,
D.V. central. Tympans normaux et mobiles sur les yeux, mem-
brane et marteau.
216 pathologie nerveuse.
De cet examen il résulte que la surdité n'a pas sa cause
dans une lésion objective ; or, elle est bilatérale, et très forte.
La parole est cependant entendue de près sans effort ni faute;
mais la voix confidentielle et celle de conversation ordinaire
sont mal perçues; il faut une phrase courte, dite à haute voix.
Mais ce n'est pas seulement par suite de ses rapports avec le
système nerveux central que l'appareil percepteur des sons
réagit d'une façon anormale, cause les phénomènes subjectifs
déjà énumérés.
Ces troubles fonctionnels otiques s'observent encore chez
les malades épuisées par des grossesses répétées, l'allaitement
trop prolongé, les pertes sanguines, les diarrhées continues;
s'il y a lésion de l'organe auditif les désordres sous l'influence
de ces causes déprimantes s'accroissent outre mesure. L'OB-
SERVATIO1V CCLXV en est un exemple.
Observation CCLXV. 28 février 1891. Mue M. Aline, quarante-
sept ans, sourde à crier, fait répéter toute question; soignée il y a
six ans pour une affection douloureuse de la matrice : elle a son
oreille gauche absolument perdue; n'a jamais eu de douleurs d'o-
reille, mais des bourdonnements avec battements.
En 1889, un grand vertige, depuis deux ans et plus, maux d'es-
tomac et diarrhée continue, maux de fête; état amélioré par le
Dr Tapret, au moyen du régime lacté.
Depuis novembre dernier (1890), accès de vertiges avec me-
nace de chute; tournoiement, nausées sans perte de connaissance ;
mal de tête constant au-dessus des yeux; si elle fixe, la vue se
trouble, il y a des points noirs sur ce qu'elle regarde, elle ne peut
lire ni coudre. Elle est régulièrement menstruée, urines normale ?
Le vertige vient au moindre mouvement des yeux, de la tête;
elle a dû garder le lit très souvent etlongtemps depuis deux ans.
Même au lit ou renversant la tête, tout tourne. M = 3 centimètres
à droite et non perçue sur le crâne.
DV -l- à gauche, mais mal senti. Diapason plus perçu par l'air
que sur le vertex à droite et à gauche : tympans mobiles avec le
seigle ainsi que le manche du marteau; pressions positives à
droite et à gauche.
Réflexes excellents ; D/ or. opposée = il, droiteet gauche. Pas
de vertige provoqué, neurasthénie évidente, oreilles saines ou à
peine atteintes, la trompe gauche peu perméable, rien à la gorge
ni dans les fosses nasales. - Réponses intelligentes.
Traitement par les douches froides suivi d'une excellente amé-
lioration de l'état général, de la disparition des battements, des
vertiges et du retour d'une audition et d'une capacité visuelle suffi-
service OTOLOGIQUE 217
santés ; fait chaque jour la douche d'air' dès la première semaine
du traitement.
Les troubles subjectifs de l'ouïe s'observent encore dans les
divers états dyscrasiques, cachectiques (albuminurie, diabète,
etc.), assez souvent ils reconnaissent pour origine l'hyperten-
sion vasculaire au début de l'artério-sclérose et des affections
cardiaques, rénales et cérébrales de nature scléreuse, et de
même à la période d'hypertension, au moment de l'asystolie
et de l'anémie cérébrale.
Il est à remarquer que ces troubles vertigineux, ces bour-
donnements sont fréquemment suivis de chute à terre dans
ces cas. L'amélioration rapide que l'on obtient ici par le ré-
gime lacté sévère au début, par les iodures et par la digitale à
la fin, montre l'utilité du diagnostic étiologique.
Je compte 12 à 15 de ces cas par année à la clinique, en-
voyés comme atteints de vertiges de Ménière, soit pour leurs
bourdonnements, offrant ou non des lésions chroniques sclé-
reuses des oreilles, peu faciles à modifier, et que le traitement
général susdit soulage d'une façon très évidente, quand on
sait discerner à quelle période d'hypertension ou d'hypoten-
sion en est le maladie. Le traitement quinique suffit encore
dans le premier cas. Les affections utérines ont aussi de sé-
rieux contre-coups sur les oreilles, et ramènent toute la symp-
tomatologie du labyrinthisme et de la neurasthénie. Les moin-
dres troubles congestifs de la tête retentissent vivement sur
les nerfs de l'oreille interne, qu'ils soient dus à une rhinite,
ou à toute autre cause de fluxion sanguine; l'irritation simple
du conduit suffit chez certains individus (clou, bouchon de
cire, blessure).
Certaines observations montrent excellemment la dualité
des causes de persistance, et de retour des troubles subjectifs
si énervants et si tenaces (bourdonnements et vertiges) dans
les affections auriculaires les plus franches et les surdités les
plus caractérisées, quand sous l'influence du traitement on
voit peu à peu l'acuité auditive redevenir normale et étendue,
même alors que cependant certains symptômes auditifs per-
sistent et progressent, entretenus par un état neurasthénique,
soit par une affection utérine ou par toute autre cause d'affai-
blissement général de l'économie. L'Observation CCLXXVI
en est un type très instructif et très suggestif à ce point de'
vue.
218 8 pathologie NERVEUSE.
Observation CCLXXVI. 14 mars 1891. (Résumé.) - Mme Gris...,
trente-cinq ans, dit avoir une bonne audition, mais souffre de ver-
tiges avec tendance à tourner à droite, depuis l'influenza de l'an
dernier (hiver 1890).
Depuis le le, mars, elle est plus malade; mal de tête continuel,
pas de bourdonnements,. mais crises de tournoiement qui se répè-
tent plusieurs fois dans la journée.
Femme nerveuse, impressionnable, émotive, craintive, mais non
affaiblie ; elle répond très bien aux questions, ne fait pas répéter,
n'hésite jamais dans ses réponses, elle entend la voix murmurée
autant à droite qu'à gauche et M = à plus de 50 centimètres à
droite, D. V. central.' M. Bien perçue sur le crâne à droite et à
gauche. : ' 1
A droite, pressions centripètes positives, D/ tube = B, D/ os. = B,
mais D/ or opposé = 0, pas de réflexe. Pas de vertige provoqué
par les pressions. Mobilité entière de la cloison et du manche du
marteau. A gauche, les pressions sont également positives, et de
même l'accommodation binauriculaire est nulle, le réflexe est perdu.
Pas de vertiges après l'épreuve. Opacité du fond, trompe imper-
méable de ce côté. Mobilité très étendue, anormale avec retour vers
le fond de la cloison en relâchement évident.
Cette altération du tissu tympanique est la condition principale
des compressions et chocs labyrinthiques et de leurs retours
tenaces. C'est le résultat de l'affection otique du commencement de
l'année dernière. Autre condition, l'aération-de la caisse est diffi-
cile à gauche par le Politzer, cependant il n'existe pas d'adhé-
rence. ,
La malade est soumise au traitement par le sulfate de quinine
et aux insufflations d'air de Politzer.
21 mars, Le Politzer a redressé peu à peu la cloison et l'audi-
tion de la M. atteint 40 centimètres à gauche. Le malade a remar-
qué que toujours ses vcrtiges sont plus fréquents et tenaces au
moment des règles. Elle n'en a eu qu'un seul cette semaine et se
sent bien plus sûre dans la marche.
4 avril. Légère sensation de tournoiement fugace dans les
mouvements brusques de la tête en arrière, rien de plus; la ma-
lade se trouve forte et solide.
11. Menstrues abondantes, avec caillots et très douloureuses;
léger suboedème des paupières, bouffissure de la face, abaissement
des forces, cerveau faible, faiblesses, vertiges à tomber, titubation,
bourdonnements d'oreilles et sueurs froides, les jambes se dérobent,
la vue se trouble.
La raréfaction douce redresse aussitôt le tympan, très excavé à
nouveau, pour lever .la compression de l'étrier, mais étourdit la
malade; le Politzer a été fait dans le même moment. L'audition
SERVICE OTOLOGIQUE 219
est excellente, la montre est entendue à 1 mètre, et plus à droite
et à gauche. La quinine est reprise, mais reste insuffisante; un état
utérin (pertes, écoulements, douleurs, etc.) très sérieux s'est dé-
claré et exige un traitement particulier ;'la malade entre à l'hô-
pital.
Il est curieux de constater dans ce cas que la neurasthénie a
reparu sous l'influence de la maladie utérine, et des pertes ;
et que le cachet -labyrinthique reste évident. Mais l'appareil
de conduction et la fonction auditive n'avaient pas gardé leur
état normal. L'otite ancienne a laissé ici un point faible irri-
table, le labyrinthe, l'expansion de l'acoustique, et un relâ-
chement du tympan, cause occasionnelle d'irritation.
L'hypéresthésie du labyrinthe à la suite des affections de
l'oreille est un fait démontré, et elle persiste longtemps ; ainsi
il a été possible au Dr Gradenigo de reconnaître de vieilles
lésions otiques oubliées au moyen du courant électrique, qui
ne provoque le bourdonnement que dans l'organe altéré ;
beaucoup de sourds ont une sensibilité exagérée au bruit.
Quant à l'hypéresthésie nerveuse, elle est aussi connue. Tout
récemment nous constations ce fait curieux; le D1' V... était
latéralisé du côté droit qui entend le mieux, bien que l'autre
oreille perçoive la montre à 20 centimètres. De même une
autre personne percevait la montre à 18 à 8S centimètres d'une
oreille, où la sensation du'diapason lui était absolument dou-
loureuse : il y avait du reste du même côté d'autres signes
d'hypéresthésie. Chez les hystériques, quelquefois l'oreille de-
vient un foyer hystérogène; un bruit intense, on le sait, suffit
à les rendre cataleptiques ; et tout cela peut exister sans
lésion. Cependant quand on suit les malades, on s'aperçoit que
bien des vertiges, diagnostiqués neurasthéniques au début,
ont abouti à la surdité uni ou bilatérale, dont ils étaient les
signes avant-coureurs ; mais au début, il n'y avait aucun signe
objectif. J'ai déjà dit que ces états d'éréthisme sont fréquem-
ment des signes prémonitoires de la surdité par sclérose, plus
ou moins rapide. Ces états spasmodiques, véritables névroses
labyrinthiques s'expliquent naturellement quand ils accom-
pagnent une affection de l'oreille moyenne manifeste; on a
plutôt tendance à tout rapporter à la maladie constatée et à à
négliger l'affection du labyrinthe. On les reconnaît comme
otiques à leur allure bien caractéristique, quand la lésion est
labyrinthique d'emblée, s'il y a surdité; mais il y a plus de
220 0 pathologie nerveuse.
difficulté à ne pas les confondre avec les troubles nerveux
généraux, quand l'oreille est restée en apparence saine dans
ses parties accessibles.
Il faut cependant encore attribuer à une affection de l'oreille
interne l'ensemble des troubles subjectifs observés, et leur
reconnaître une origine auriculaire, malgré la conservation
de l'ouïe, avec ou sans hypéracousie, dans les cas où le vertige
est bien évidemment du type dit de Ménière.
La malade n° 286 est un cas de ces névroses labyrinthi-
ques associées à tous les états de souffrance de la neuras-
thénie, l'ouïe restant encore excellente. A ce propos, il faut
remarquer qu'on ignore si cette acuité auditive n'était pas
auparavant très supérieure. Cette dame a perdu ses forces et
vu commencer ses malaises il y a deux ans et demi, au mo-
ment où elle nourrissait. Cela débuta par un accès de vertige
de Ménière avec chute dans la rue sans perte de connaissance.
Elle est bien plus souffrante aux époques menstruelles ; elle
offre ceci de remarquable que son ouïe est excellente, et qu'il
n'y a pas de bourdonnements auriculaires; mais l'ouïe peut
s'altérer graduellement et lentement en ce cas. La montre est
perçue à 60 centimètres à droite et à gauche; les mouvements
des tympans et des étriers sont normaux ; les réflexes aussi.
C'est une émotive, et une épuisée dont tous les centres ner-
veux sont en état de souffrance. Un traitement général, les
prises classiques et les douches froides l'ont rapidement amé-
liorée. J'ai déjà donné plusieurs faits de même ordre. Cette
année, il est passé également sous nos yeux un certain
nombre de cas de surdité dues à des lésions cérébrales ou intra-
crâniennes. Ils ont pour la plupart un grand intérêt d'étude
surtout. Je citerai le fait suivant qui met bien en relief la va-
leur des signes auriculaires au point de vue de la localisation
de la lésion dans les centres nerveux.
Observation CCCLIII. (Résumé.) F. Mo... trente-cinq ans, il
y a quinze mois, attaque subite, hémiplégie droite et paralysie
faciale gauche.
Aujourd'hui sa face est normale, mais elle traîne encore la jambe
droite ; l'oreille gauche est restée sourde depuis lors et bourdonne
légèrement.
D. V. mal perçu, D. posé sur l'apophyse mastoïde de droite, assez
bien senti et non mobilisé par l'occlusion gauche. M et diapason
non perçus par l'oreille gauche, diapason mastoïde non plus à
gauche. Pressions centripètes positives à droite et nulles à gauche.
SERVICE OTOLOGIQUE 221
Aucune action des pressions exercées à l'oreille gauche sur l'audi-
tion droite R = 0. M et diapason bien entendus à droite ;
M = 8 centimètres à droite. Cependant la parole est assez facile-
ment entendue sans effort et sans faire répéter à distance ordinaire
de la conversation. Le Politzer passe très bien sans aucune amé-
lioration ni à droite ni à gauche.
Au point de vue de la séméiotique, j'insiste sur la valeur de
cette perte du réflexe optique. R = 0, de l'action synergique
de l'oreille gauche (sourde) sur la droite. Evidemment cela
indique que le siège de la lésion cause de surdité gauche n'est
pas central; ce n'est pas une lésion du foyer sensoriel : nous
savons que dans l'hémi-surdité hystérique entre autres les
réflexes de l'accommodation binauriculaire fonctionnent nor-
malement, et qu'on atténue la sensation perçue du côté sain
en agissant par pression sur le côté sourd. Or, ici, ce réflexe
est perdu ; il y a donc autre chose ; c'est sur le trajet des con-
ducteurs des actes réflexes que se trouve sans doute la lésion;
et probablement au niveau de la protubérance ainsi que la
paralysie croisée l'indique déjà.
CLINIQUE OTOLOGIQUE ANNEXE
STATISTIQUE 1891-1892.
222 pathologie NERVEUSE.
SERVICE OTOLOGIQUE 223
RECUEIL DE FAITS
GANGRÈNE DE LA LEVRE PAR SUCCION
CHEZ UN PARALYTIQUE GENERAL';
Par le Dr Cu. VALLON, z '
Médecin de l'asile d'aliénés de Villejuif..
Le nommé B... est atteint de paralysie générale à la dernière
période : complètement dément, gâteux, il ne quitte plus le
lit; un soir vers huit heures, on s'aperçoit que sa lèvre infé-
rieure est prise et fortement serrée entre les arcades dentaires,
alors qu'à quatre heures et demi, Heure du diner, il n'existait
rien de semblable. L'interne de garde arrive aussitôt ; à l'aide
du manche d'une cuiller il écarte les mâchoires et dégage la
lèvre; celle-ci est très tuméfiée, violacée, noirâtre par places.
La figure 18 donne une idée de l'état de la lèvre à ce mo-
ment, mais une idée incomplète, car elle n'a été prise que le
lendemain, alors que la tuméfaction avait déjà diminué.
Que s'était-il passé ? Mon malade qui, les jours précédents,
faisait des mouvements continuels de succion était arrivé par
une succion plus énergique à faire passer sa lèvre inférieure
entre les arcades dentaires et, en continuant les mêmes mou-
vements, à produire dans la partie un afflux abondant de sang
et par suite un gonflement considérable. La grande richesse
vasculaire de la lèvre inférieure explique et le degré de tumé-
faction et sa rapidité.
L'introduction de la lèvre entre les arcades dentaires avait
du reste été favorisée par un léger degré de prognathisme
supérieur; la mâchoire supérieure avançant sur la mâchoire
inférieure laissait un certain espace libre entre la face posté-
rieure de l'arcade dentaire supérieure et la face antérieure de
l'arcade dentaire inférieure.
1 Extrait d'une communication faite à la Société de médecine légale de
France, séance du 11 juillet 1892.
gangrène DE la lèvre par SUCCION. 22S
La succion continuant et par suite la tuméfaction augmen-
tant, la lèvre inférieure s'était bientôt trouvée comprimée entre
les parties dures environnantes ; la circulation avait fini par
s'arrêter et la gangrène s'était produite.
La compression avait dû être énergique ; car, s'il en avait
été autrement, au moment où la lèvre a été dégagée, la circu-
lation se serait bien vite rétablie dans une région aussi riche
en vaisseaux que la lèvre.
Les suites de l'accident furent simples. En peu de temps il
s'établit autour de la partie gangrenée un sillon d'élimination
et huit jours après la plus grande partie de la lèvre inférieure
pouvait être détachée d'une pièce. La figure 19 représente l'as-
pect de la lèvre à ce moment.
On voit qu'il existe une perte de substance assez considé-
Anciuvus, L. XXV. iq
Fig. 18.
226 recueil' DE faits. '
rable à la partie médiane intéressant plus de la moitié de
l'organe et laissant voir les incisives de la mâchoire inférieure;
la plaie est à bords courbes et naturellement la concavité est
tournée en haut.
La perte de substance s'est réparée rapidement ainsi que
cela se voit d'habitude chez les paralytiques généraux, même
tout à fait à la dernière période de la maladie.
La figure 20, prise trois semaines après l'accident, permet
de constater que la plaie est très bien cicatrisée, il n'en reste
pour ainsi dire pas de traces : l'ouverture buccale est simple-
ment un peu rétrécie.
Le malade n'est mort que plusieurs mois plus tard des pro-
grès de la paralysie générale dont il était atteint.
Ce fait est un exemple des nombreuses mutilations que
Fig. 19.
gangrène DE la lèvre par succion. 227
peuvent se faire les paralytiques généraux par la répétition de
mouvements automatiques; il est tout à fait exceptionnel, si
j'en juge par les quelques recherches bibliographiques que
j'ai faites; nulle part en effet même dans les traités de chi-
rurgie les plus récents, je n'ai trouvé signalé de cas de plaie
des lèvres produites suivant le mécanisme que je viens d'indi-
quer.
Fig. 20.
228 8 recueil de faits.
IDIOTIE CONGÉNITALE; ATROPHIE CÉRÉBRALE;
TICS NOMBREUX;
Par BOURNEVILLE et NOIR.
Sommaire. Père, céphalalgies, coléreux, rhumatismes, accidents
cérébraux, alcoolique. Grand-père paternel, calculeux. More,
rhumatisante, migraineuse. Gra2zd'mèra maternelle, migraineuse.
Aïeul maternel, diabétique ( ? ). Oncle maternel, mort de conges-
tion cérébrale. - Cousin germain, mort de convulsions. Soell1', con-
vulsions de l'enfance. - Autre saur, morte de convulsions .
Conception durant l'ivresse. Naissance à 7 mois; absence
d'ongles. Convulsions à 2 mois. - Chorée ( ? ) de 4 à G ans.
Tics multiples. Parole nulle. Marche à 2 ans et demi.
Ros... (Augusle), né à Paris le 27 septembre 1873, est entré à Bicêlre
le 14 mars 1887 (service de M. BoURNEVILLE).
Antécédents {Renseignements fournis par sa mère, le 28 mars 1887).
Père, cinquante et un ans, sculpteur sur bois, homme vif, em-
porté, sujet à de fréquentes céphalalgies accompagnées d'épistaxis.
Rhumatisant depuis la guerre, il fut pris en 1873 après la naissance
de l'enfant d'accidents articulaires avec fièvre qui s'accompagnèrent
de phénomènes cérébraux graves (délire, perte de la connaissance
durant vingt-quatre heures). Celte affection avait été précédée du-
rant plusieurs jours d'un état mental tout particulier et bizarre.
« Il s'arrêtait sur les trottoirs et parlait à toutes les personnes
qu'il rencontrait. » Depuis il ne fut pris d'aucun accident nerveux.
Il n'a jamais été atteint de dermatoses et ne présente pas de traces
de syphilis. Sobre actuellement, il s'enivrait fréquemment à l'é-
poque de la conception de l'enfant. il n'use pas de tabac. [Père
sobre, mort à soixante et onze ans, de la suite de l'opération
de la pierre qu'on exécutait sur lui pour la seconde fois. Mère,
non nerveuse, morte à vingt-quatre ans, d'une affection pul-
monaire à la suite de sa quatrième couche. Dans le reste de
la famille du père, aucune autre affection psychique, nerveuse,
arthritique, etc.]
Mère, cinquante ans, ménagère, femme forte, paraissant douée
d'une intelligence moyenne, elle a eu de légères atteintes de rhu-
matisme chronique aux poignets et des migraines assez fréquentes
survenant surtout le matin, s'accompagnant de scotomes, de nau-
idiotie congénitale. 229
sées et de vomissements. Elle est très sobre, ne porte pas de traces
de syphilis, est vive, nerveuse sans avoir jamais eu de crises, ni
d'accidents nerveux d'aucune sorte. [Père robuste, sobre, d'ha-
tude bien portant, est mort à soixante-dix ans de pneumonie.
Mère morte à cinquante-neuf ans avec de l'ictère, aurait contracté
sa maladie ultime à la suite d'une peur que lui aurait faite un fou
qui menaçait de la tuer ( ? ). Elle était aussi migraineuse. 3 frères
dont un mort à treize ans de « congestion cérébrale accompagnée
de convulsions ». Cette maladie aurait duré deux jours. La grand'-
mère maternelle morte assez âgée à la suite d'une fracture de jambe
aurait été extravagante, « Elle était comme un homme, . - Le
grand-père pale1'1lel paraît avoir été diabétique. La grand'mère
maternelle est morte « asthmatique z Dans le reste de la famille
de la mère, rien d'intéressant, à part cela, à signaler.
Fig. 21. - Ros... en robe de gâteux (avril 1887).
230 RECUEIL de faits.
Pas de consanguinité (père originaire d'Italie, mère franc-
comtoise). L'inégalité d'âge des deux époux est d'un an.
7 enfants, 6 sont vivanls à l'heure actuelle : 1° une fille (vingt-
sept ans), n'ayant jamais eu d'accidents nerveux, ni de convulsions,
toujours bien portante. D'un caractère gai et vif, parfois emporté
elle est mariée et a eu 2 filles, une de ces dernières est morte en
ayant des convulsions, l'autre a toujours joui d'une bonne santé,
est bien portante et intelligente; - 2° une fille (vingt-six ans),
ayant eu à onze mois une seule fois des crises convulsives il l'époque
de la dentition. Celte fille, saine de corps et d'esprit bien qu'un
peu excitable, a eu 4 enfants, 2 de ces derniers .sont morts en bas
âge, les 2 autres sont bien portants, aucun n'a eu de convulsions;
Fig. 22. Ros... devenu propre et mis en pantalon.
idiotie congénitale. 231
3° Un garçon (vingt-quatre ans),sobre et intelligent, n'a jamais eu
de convulsions; 4° une fille morte à onze mois de méningite avec
de nombreuses crises convulsives ; - 5° un garçon de dix-neuf ans,
sobre, sans accidents nerveux ; Go 6° une fille de dix-septans, sans
accidents nerveux, bien que nourrie pendant le siège; z notre
malade.
Notre malade. z l'époque de la conception, le mari se livrait à
des excès alcooliques très fréquents, et la mère est persuadée que
l'enfant a été conçu durant l'ivresse. - La grossesse fut acciden-
tée. La mère s'exposait fréquemment au froid, passant les nuits à la
recherche de son mari, dans le but de l'arracher aux excitations
des mauvais camarades et d'empêcher dans la mesure du possible
ses excès alcooliques. Elle prit alors froid, eut de l'oedème des
jambes. Un médecin qui l'examina prétendit qu'elle était atteinte
d'hydramnios. Elle n'eut néanmoins aucune crise syncopale, ni
Fig. 23.
232 RECUEIL DE faits.
éclamptique, ne reçut pas de coups, ne fit pas de chute, ne fut
sujette ni aux vomissements, ni aux frayeurs, ni aux envies. -
L'accouchement eut lieu prématurément, à sept mois. Il fut long, dif-
ficile, sans nécessiter pourtant ni l'anesthésie, ni l'emploi du for-
ceps. La rupture de la poche des eaux. s'accompagna d'un épan-
chement de sérosité considérable. L'enfant, ci la naissance, était
tout petit, il n'était pas asphyxié; n'avaitpas de circulaires autour du
cou. On remarqua qu'il n'avait pas d'ongles et -qu'il avait les yeux
malades; cette affection guérit-au bout de deux mois. A six
semaines, les ongles commencèrent à pousser. Il fut pris à deux
mois de convulsions très courtes et très rapides, se manifestantpar
de la cyanose, des grimaces de la face et des mouvements couvul-
sifs des memhres sans prédominance d'un côté. Depuis, il n'a pas
eu d'autres accidents convulsifs. - Première dent à cinq mois. Den-
7 ? 2 î.
idiotie congénitale : TICS. 233 3
tition longue à se compléter. Début de la parole à onze mois; n'a
jamais pu dire que « maman ». Rougeole et variole à deux ans.
Coqueluche plusieurs fois ( ? ) durant son enfance.
De quatre à six ans, l'enfant aurait présenté des mouvements cho-
réiformes dans les membres, tant à droite qu'à gauche. C'est après
la disparition de cette chorée ( ? ) que sont survenus chez lui les
troubles bizarres que nous observons aujourd.hui et qui ont très
peu varie. Ces troubles, d'après sa mère, consistent en un besoin
fréquent de mouvements. Depuis l'âge de deux ans et demi, il sait
marcher et depuis six ans il court constamment, ne peut rester en
place et tourne fréquemment sur ' lui-même. Il reconnaît ses
parents, mais est dans un état intellectuel des plus bas. Gâteux
jour et nuit, il ne peut se laver, ni s'habiller, cependant il se prête et
aide un peu à cette dernière opération. 11 a toujours été incapable
Fi ? 25.
234 recueil DE faits.
de recevoir la moindre éducation. Sans cesse en mouvement, il passe
parfois des heures à s'amuser avec un objet quelconque, un morceau
de bois par exemple (fig. 21).
Etat du malade (19 mars 1887). Tête : crâne pointu en pain de
sucre. Front fuyant. Asymétrie notable. Dépression prononcée des
régions frontales et pariétales droites. Occiput peu saillant. - Face
ovale, physionomie stupide.' Arcades sonrcilières déprimées, sour-
cils châtain clair. Yeux : strabisme interne double, surtout
accusé à droite. Iris brun, pupilles égales, moyennement dila-
tées, à réactions normales. Ne ? moyen, épaté à la base.
Bouche moyenne. Lèvres assez volumineuses. Oreilles longues et
larges, écartées du. crâne à leur partie supérieure. L'ourlet n'est
pas très bien conformé surtout à droite, il est déchiré à sa partie
supérieure et présente un tubercule. Le lobule est peu développé et
adhérent à gauche.
Fi ! ). ` ? G.
idiotie congénitale. 235
Thorax bien conformé ainsi que les membres supérieurs et infé-
rieurs. Aucun signe de rachitisme. Le dos des mains présente des
durillons arrondis limités par des bords latéraux très saillants, dus
à des morsures répétées qu'il se fait sur les mains.
Les aisselles sont entièrement glabres. Le pénil présente quel-
ques poils clairsemés et bruns. La verge a une longueur de
8 centimètres et une circonférence de 8 cent. 5. Phimosis; cepen-
dant le gland est découvrable. Le méat est normal. Testicules du
volume d'un oeuf de passereau, le droit est légèrement moins
volumineux que le gauche.
Sensibilité générale au tact, à la douleur, à la température assez
développée. Goût : Ros... aime le sucre, mais n'éprouve pas de
dégoût pour la teinture de coloquinte. ]/ odorat, l'ouïe, paraissent
normaux. L'examen de la vue est impossible.
2 27.
236 RECUEIL DE faits.
Description des tics. - {Mars 1888.) L'enfant exécute un cou
tinuel froncement de sourcils avec des grimaces de la bouche dont
il abaisse les commissures en poussant un petit grognement avec
les lèvres et la langue. Lorsqu'il est en colère, il prend un air pleu-
reur. Calme, il regarde autour de lui avec une physionomie
hébétée. Il a peur et se met à crier dès qu'on l'approche ou qu'on
lui parle. Il fait avec les doigts des mouvements bizarres et incohé-
rents. Dans la marche, il traîne toujours le pied gauche et tourne
plusieurs fois sur lui-même lorsqu'il veut avancer.. Son état intel-
lectuel est très bas. Il ne parle pas, comprend peu, est d'une istn-
bilité extraordinaire, entre parfois en colère et se mord furieuse-
ment le dos des mains. ' . ,
1888. Juillet. Pas de modification notable de son état. Déve-
loppement physique peu accentué. Léger duvet aux extrémités de
Fiv. 28.
idiotie congénitale. 237
la lèvre supérieure, aisselles glabres, poils assez abondants au pénil
et à la racine des bourses, verge : long. 7 cent., cire. 8 cent., testi-
cules du volume d'un oeuf de moineau.
1880. Mars. - L'enfant présente à cette époque des plaques à la
bouche et à l'anus' avec des adénites cervicales et sous-maxillaires.
Aucune trace d'accident primitif; pas de roséole. Une enquête à
son égard ne donne lieu à aucun résultat. Le développement phy-
sique de l'enfant s'est accentué, la verge a conservé le même
volume, mais les testicules sont de la grosseur d'un oeuf de pigeon.
1890. Juillet. - Son état intellectuel n'est pas sensiblement
modifié. Ses tics conservent les mêmes caractères, il est sujet à
de violents accès de colère contre ses camarades et les infirmiers.
Il se livre à l'onanisme. Le système pileux est assez développé aux
Raisselles et à la région anale. IL. passe à la grande école.
Fig. 29.
238 recueil DE faits.
Décembre. - Noies de l'école. - Phvsionomie douce, yeux à demi
fermés. Il marche en sautant, traînant le pied gauche et tournant
souvent sur lui-même de gauche à droite. Il met fréquemment ses
mains sur ses oreilles. Il connaît bien sa place en classe. Il ne parle
pas. S'il est contrarié, il crie « maman » d'une voix plaintive, res-
pire fortement et se pelotonne, cherchant il se rapetisser. Il est for t
craintif. A son entrée à l'école, il était violent, criait, gâtait et se
masturbait continuellement. Au bout de quelques semaines, son
état s'est amélioré, il sourit, obéit à quelques ordres (fermer la
porte, ramasser du papier, etc.). Il a la manie de couper du papier
en petits morceaux et de frotter les murs et les meubles comme
s'il voulait les nettoyer. Il connaît les diverses parties de son corps,
mais ne distingue pas le côté droit du gauche. Il n'a aucune ins-
truction,.mais parvient à classer les figures géométriques en bois
Fig. 30.
idiotie congénitale : TICS. 239
et colorées sur les images correspondantes. 11 reconnaît sa mère,
mais n'est pas très affectueux.
1891. Juin. Pas d'amélioration, toujours même instabilité et
mêmes manies. Ses notes d'école présentent une seule particularité
intéressante, c'est l'amour de cet idiot pour la symétrie. Il aligne
les bancs inégalement distants, met par ordre de volume les boules
qui servent à son éducation. Au point de vue de la puberté, le dé-
veloppement s'est accentué, quelques poils apparaissent aux joues
et à l'extrémité du menton, les poils sont abondants aux aisselles.
Les testicules sont du volume d'un noyau de pêche; la verge est
hien développée. Il se masturbe toujours cyniquement. Il ne parle
pas et ne semble avoir fait aucun progrès (fig, 22).
1892. Avril. Outre ce que nous avons observé, R... exécute
Fig. 31.
240 recueil DE faits.
de temps à autre de véritables valses. Il incline la tête à droite ou
il gauche et tourne avec une très grande rapidité et cela parfois
deux minutes en faisant environ soixante tours par minute. Les
derniers tours sont encore plus rapides, après il ne paraît pas,
étourdi, s'assied ensuite la tête entre les genoux, puis recommence
et cela parfois durant des heures. Sa mère explique ce tic singulier
par ce fait que plusieurs personnes venaient parfois danser chez elle
et qu'il cherchait à les imiter. 'il écarte souvent les jambes et arrive
ainsi à faire le grand écart.
Au réfectoire, il ne se sert jamais de cuillère, ni de fourchette,
lèche les assiettes, même la table, est gourmand. Le repas terminé,
il débarrasse la table de la vaisselle et la porte à l'office. Au dor-
toir, il ferme toutes les portes, frotte son lit, le parquet elle mur,
avance en tournoyant, se déshabille lorsqu'on le lui ordonne, passe
sa nuit assis sur le lit en grognant. Il ne gâte jamais. Il s'habille
lui-même, mais on doit le débarbouiller.
Fig.'132.
idiotie congénitale : TICS. 241
Actuellement, sous le rapport de la puberté, il est bien développé :
un fin duvet recouvre sa lèvre supérieure, quelques poils ont poussé
aux aisselles, le pénil est garni de poils noirs abondants et frisés.
La région anale est normale et garnie de poils comme le périnée.
La verge est assez volumineuse (longueur, 11 centimètres; circonfé-
rence, 8 centim. 5), le gland conique. Les testicules sont de la
srosseur d'un oeuf de pigeon, le gauche paraît un peu plus gros que
le droit. - Ros... passe aux aliénés adultes (5e division, Ire section,
service de M. le D1' Charpentier), le 29 avril 1892.
Voici la description, à cette date, des tics multiples qu'il présente.
Ros... commence par grincer des dents, en faisant des contor-
sions des doigts comparables aux mouvements de l'athétose
(fit. 23 et 24). Il remue lentement les mains demi-fermées comme
pour attraper une mouche, puis 'met ses doigts les uns sur les
Archives, t. XXV. 1G
, Fig. 33.
242 RECUEIL DE FAITS.
autres, de façon que l'extrémité du petit doigt et des suivants
jusqu'à l'index touche l'articulation métacarpo-phalangienne des
doitgs suivants. Il parvient à faire ce mouvement compliqué sans
se servir de la main opposée. Il ne tarde pas alors à se pencher
à terre, faisant de petits sauts et grinçant toujours des dents. Il
fait vibrer ses lèvres (fit. 25), et produit des bruils de cornage
particuliers. Pendant un instant il se balance avec des mouvements
de rotation de la fête et présente une posture que l'on ne saurait
mieux comparer qu'à celle observée souvent chez les ours du Jardin
des Plantes.
Peu après, il se campe sur ses jambes écartées ; le torse rejeté
en arrière, la tête légèrement baissée et tendue en avant, il regarde
avec fixité, les yeux dans un léger strabisme convergent (fig. 26, 27).
Fig. 31.
IDIOTIE CONGÉNITALE : TICS. 21, z-1)
1,'iy. 36.
Fig. 36.
244 RECUEIL DE FAITS.
il met alors la main droite dans la poche de son pantalon, laisse
flotter l'autre le long de sa cuisse gauche, détourne la tête avec
une expression de dédain et de suprême indifférence. Les vibra-
tions de ses lèvres légèrement propulsées en avant, ajoutent encore
à cette expression.)
Alors il sort de sa poche un morceau de fer-blanc, se racle un
instant la main gauche avec, puis le porte il sa bouche. le mâ-
chnnne un instant et le remet dans sa poche.
Peu après, il nous tourne le dos, se porte sur le pied droit, se
penche fortement en avant sur ce seul pied et fait tout à coup
volte-face. Nous l'interpellons : il obéit et vient rapidement
auprès de nous, en tournant deux fois sur lui-même, dans le trajet
des quelques mètres qu'il est en train d'accomplir. Sur notre
ordre, il s'assied, prend diverses positions (fig. 28, 29, 30, 31), se
Fig. 37.
IDIOTIE CONGÉNITALE : 'l'ICS. 24o
lève en se contorsionnant, se couche à terre (fig. 32, 33, 34 35, 36),
se relève, sans hésitation, presque automatiquement. Il ne répond
pas aux questions que nous lui adressons, bien qu'il les comprenne
toutes, comme le prouvent les mouvements que nous lui faisons
faire sur simple invitation. Il se contente lorsque nous voulons
exiger de lui une réponse de tirer la langue, de se dilater la
bouche avec les index en crochet, tirant sur les commissures des
lèvres, mais sa physionomie reste placide, et cet acte [ne semble
pas guidé par une intention offensive.
Ayant voulu examiner ses yeux et entr'ouvrir ses paupières, il se
met il pousser des cris brefs et plaintifs en traînant sur la voyelle
finale et comparables aux mugissements ou aux bêlements des
animaux : lIa-a-a-a, 13e-e-e-e.
Marche. Il s'avance le plus souvent lentement en deux temps,
Fifl. 38.
'Il 1-6 \ RECUEIL DE FAITS.
poussant le pied droit à 20 centimètres environ du gauche, qu'il
ramène ensuite en traînant légèrement à peu de distance du pre-
mier, mais toujours en arrière. Cette démarche est assez analogue
à la marche de l'escrime. Parfois, lorsqu'on veut le faire aller vite,
il porte les pieds en avant l'un de l'autre comme dans la marche
ordinaire, mais toujours en trainant, alors il tourne plusieurs fois
sur lui-même pendant un court trajet. Les autres mouvements de
Ros... sont bien coordonnés, il prend les objets qu'on lui indique
sans hésitation et est nettement droitier.
Sensibilité à la piqûre normale sur lous les points explorés. Très
pusillanime, Ros... se plaint en poussant les cris que nous avons
signalés plus haut.
Réflexes. Abolition complète du réflexe rotulien tant à droite
qu'à gauche. L'introduction d'une cuillère dans l'arrière-gorge
Fig, 39.
G
0
n
0
a
y.
m
fi-
V.
- i
r
M
H
n
VI
ils ?
48 RECUEIL DE FAITS.
semble produire une impression désagréable, mais ne provoque
pas le réflexe nauséeux. Ouïe : R... entend également très bien
à droite et à gauche. - Vue : l'acuité visuelle parait suffisante, il
va quérir facilement et sans hésiter de très petits objets placés à
une certaine distance de lui. Se= pupilles, peu dilatées, paraissent
être plus sensibles à la lumière qu'à l'accommodation, mais réagis-
sent sous ces deux influences. La notion des couleurs est très bornée
chez lui.
Etat intellectuel en général. - Ross... n'est pas méchant, il aime
à être seul, et trouve le plus grand plaisir à déchirer du papier
(fig. 37) dont il entasse les morceaux dans ses poches et à se mor-
diller le dos des mains qui portent en effet une double cicatrice
calleuse de 3 cent. 1/2 à 4 centimètres de long. Il obéit toujours
et semble n'être jamais animé par aucune impression spontanée
de plaisir ou de déplaisir. Il végète sans aucune volonté, obéissant
automatiquement sans chercher à se rendre le moindre compte
de la valeur de ses actes et de leurs conséquences possibles, pour
lui ou ceux qui l'environnent. Très pusillanime, le moindre geste
brusque l'effraie (fig. 38, 39), toutefois, cette frayeur, excessivement
passagère, semble purement réflexe et disparaît aussitôt que l'acte
qui l'a provoqué est àccompli.
Réflexions. -I. Les causes prédisposantes et déterminantes
de l'idiotie chez Ros..., sont nombreuses. Au point de vue de
l'hérédité, les accidents neuro-arthritiques abondent tant dans
la famille du père que dans celle de la mère. L'alcoolisme du
père, la conception probable pendant l'ivresse, l'hydramnios,
la naissance avant terme, sont plus que suffisants pour expli-
quer l'état psychique de notre malade. Les accidents convulsifs
rares, survenus à deux mois et sans répétition, ne sont point
suffisants pour nous faire songer à une lésion irritative du
cerveau (méningite chronique ou sclérose des circonvolutions).
D'autre part, l'état rudimentaire de son intelligence, les mou-
vements coordonnés et bizarres qu'il répète constamment,
l'asymétrie crânienne, l'absence de la parole nous permettent,
en le comparant à des cas semblables dont on a pu faire
l'autopsie, de poser le diagnostic à' arrêt de développement
cérébral. Cette atrophie, d'origine congénitale, doit même
porter tout particulièrement sur l'hémisphère droit. N'est-il
pas, en effet, remarquable de voir Ross... user tout particuliè-
rement de ses membres droits, les seuls véritablement actifs,
tandis qu'il laisse traîner le pied gauche dans sa marche ordi-
naire, et que la main correspondante Hotte le plus souvent
IDIOTIE CONGÉNITALE : TICS. 4 ! )
inerte le long de la cuisse. Notons toutefois qu'il n'a jamais été
paralysé.
II. Ros... est le prototype, si nous pouvons nous exprimer
ainsi, de toute une classe d'idiots, et c'est là ce qui fait l'intérêt
de cette observation. La forme de la tête, les tics coordonnés
complexes, multiples, et reproduisant constamment la même
série de mouvements, l'absence plus ou moins complète de la
parole, le manque absolu de volonté, sont les symptômes
caractéristiques de ce genre d'idiots, généralement bien cons-
titués physiquement et n'offrant pas de paralysie.
L'origine des tics chez Ros... est intéressante. Comme ses
pareils, il est avide de mouvements et surtout de mouvements
rotatoires (gyrospasmes). Il éprouve une véritable jouissance à
tourner, jouissance comparable à celle que manifeste le nouveau-
né que l'on berce. Mais ici le plaisir dû au mouvement se com-
plique du résultat de l'imitation. Sa mère, en effet, nous a
raconté que son fils est devenu un « valseur en voyant danser
des amis qui régulièrement venaient ainsi se récréer chez elle
et Ros... a joint, dans ses tics, ces deux penchants si communs
chez les idiots : la nécessité du mouvement et l'imitation. Une
autre particularité intéressante, chez notre malade, est le
manque de volonté et l'obéissance passive, automatique, qu'il
met à exécuter les ordres qu'on lui donne. Ce manque de vo-
lonté peut expliquer en partie la persistance et la reproduction
des mêmes tics ; aucune action volontaire d'inhibition ne peut
se manifester chez lui pour mettre un terme à ces habitudes
vicieuses. Ce manque de la volonté est fréquent chez les idiots,
il offre une similitude avec l'état des hypnotisés, qu'il serait
intéressant de comparer à nombre de nos malades, que l'on
peut si facilement suggérer à l'état de veille. Nous nous réser-
vons du reste, à propos d'autres cas de ce genre, d'étudier cette
particularité et d'établir plus nettement cette comparaison.
III. La description et la classification méthodiques des tics
des idiots est une tâche des plus intéressantes. Elle fera pro-
chainement, de la part de l'un de nous, l'objet d'un travail
spécial. Aussi, nous bornerons-nous ici, à propos de Ros..., à
rapporter quelques exemples qui s'ajouteront à ceux que nous
avons eu l'occasion de citer dans les observations consignées
dans les treize volumes de nos Comptes rendus du service des
enfants de Bicêt1'c.
250 . RECUEIL DE FAITS.
A propos de l'écholalie, dont nous avons parlé ailleurs et qui
est assez fréquente et peut disparaître, nous dirons que, à côté
des enfants chez lesquels la répétition se produit vite, il en est
d'autres chez lesquels elle ne se manifeste qu'après insis-
tance, c'est-à-dire après que l'observateur a repété plusieurs
fois le mot. Elle est simple ou composée. Dans ce dernier cas,
l'enfant répète deux, trois, quatre fois le mot ou les mots qu'on
a dits devant elle et cela ou de suite ou à intervalles plus ou
moins éloignés (Julie Ler... 1). Parmi les tics de la parole,
notons celui qui consiste en une sorte d'explosion : les pre-
miers mots de la phrase sont jetés comme un sorte de hoquet.
(Telle est Mu Louise Th... : de plus il lui arrive fréquemment,
lorsque le mot ne vient pas aussi vite qu'elle le voudrait de
pousser une sorte d'interjection, constamment la même : «Tout
en plein. » )-Un de nos malades Villacè..., surnommé le gzjleur
par ce qu'il a des impulsions à donner des gifles, fait des con-
torsions de la face, indice d'un effort, avant de parvenir à
prononcer les premiers mots qui sortent comme une explo-
sion. Il entrecoupe ses phrases d'inspirations profondes.
Chez d'autres enfants, les tics s'accompagnent de mots gros-
siers ou bien encore on observe chez eux des impulsions à
proférer des injures, qu'on pourrait peut-être considérer comme
une variété de la coprolalie. Larro... parle très souvent seul
et alors profère Jes injures les plus grossières. Caut ? a des
accès de cris avec émission de mots -grossiers. Coutan...
appartient à une autre variété : ce ne sont pas des mots
grossiers mais des gestes.
Parfois, chez le même enfant, on observe les paroles gros-
sières et les gestes grossiers, tel est Rob. (Léon) : il court dans
la classe appelant tout le monde : « putain, vache, salope, mon
c... pour toi » et simultanément, il ouvre son pantalon en
faisant un vilain geste et dit : Tiens, voilà ma bête, salope ! »
et si l'on n'arrivait pas à temps, il sortirait sa verge.
Signalons l'habitude de sifllotter, de se ronger les ongles,
de jeter les objets, de lécher les murs. Les grincements de
dents, les cognements de tète - sont fréquents, surtout dans
1 L'écholalie s'observe parfois chez des délirants. Ainsi Carti..., épi-
leptique, pris de délire après une série de crises, répétait tout ce qu'on
disait, bien qu'en temps ordinaire il ne soit pas écholalique,
2 Nous avons vu autrefois une brebis qui avait un tic de ce genre. Elle
ne se cognait pas la tête comme les moutons qui ont le tournis, mais
cherchait à cogner les personnes ou les autres brebis.
'REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE ? J1
l'idiotie méningitique et peuvent concourir, dans une certaine
mesure, au diagnostic.
Sim..., idiot aveugle, a l'habitude de mettre ses doigts dans
ses yeux, puis dans sa bouche, ou bien il passe ses mains sur
sa figure, comme un chat qui se nettoie, et s'enduit le visage
de sa bave, qui, mélangée avec la malpropreté de ses mains,
lui donne un aspect repoussant.
Gouj... ouvre de grands yeux, frotte ses mains l'une contre
l'autre, et aspire fortement en serrant les dents, ce qui produit
de petits bruits stridents, etc., etc.
Comme on le voit, l'étude des tics chez les idiots est très
intéressante. Il faudrait, nous le repétons, les grouper et les
interpréter au point de vue clinique et chercher quelle est leur
valeur diagnostique.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
Avis. - Nous rappelons à nos lecteurs, que, dans zzos
BEVUES analytiques, nous publions le résumé de tous
les travaux qui paraissent dans les journaux con-
sacrés à /'aliénation mentale et à la Neurologie,
en Angleterre, en Allemagne, eu Belgique, aux Etats-
Unis, en Italie, ainsi que les mémoires originaux
des Annales médico-psyclzologiques et des principaux
journaux de médecine français.
XIX. Sur deux cas de rumination chez LES aliénés; parle D1' Andréa
Cristiani. (Riu. sp. cdi (J'en., t. XVIII, fasc. 1, 1892.)
Le D'' Cristiani a cherché à déterminer le mécanisme du mérv-
cisme (rumination chez l'homme). Ses recherches expérimentales
out porté sur deux points intéressants, la détermination du chi-
misme stomacal et du pouvoir moteur de l'estomac par la méthode
de Suvers et de Ewald. Le chimisme stomacal n'a pas présenté de
modifications, mais le pouvoir moteur de l'estomac semble un peu
2M REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
accru. D'un autre côté, l'auteur a pu enregistrer graphiquement
les mouvements des muscles abdominaux, niés par Percy et Lau-
rent, et que nous avions, pour notre part ', également constatés chez
les malades observés avec M. Bourneville dans son service de BicêLre.
Ce sont les mouvements des muscles abdominaux qui sont les fac-
teurs actifs et essentiels de la rumination.
M. Cristiani entre dans quelques détails intéressants sur le méca-
nisme physiologique de la rumination. Nous ne pouvons les repro-
duire dans cette courte analyse : nous dirons seulement que le
mécanisme qu'il indique ne peut s'appliquer à tous les cas; il vise
simplement ceux du merycisme total ou portant sur les aliments
solides, mais ne peut expliquer ceux de mérycisme partiel portant
seulement sur les liquides et dont nous avons rapporté plusieurs
exemples dans notre travail avec M. Bourneville.
Avec Canlarano, M. Cristiani regarde le mérycisme comme un
symptôme de régression atavique; et il donne comme preuves à
l'appui de cette opinion, le fait que ses malades se servaient de la
langue pour prendre les aliments et présentaient dans la mastica-
tion des mouvements de latéralité de la mandibule. J. Séglas.
XX. UN PHÉNOMÈNE NON DÉCRIT DANS LES HALLUCINATIONS VISUELLES;
par le Dr P1ERACCINI. (Riv. sp. di fren., t. XVIII, fasc. 2, 1892.)
C'est la disparition de l'hallucination visuelle dans la vision mo-
noculaire, l'un ou l'autre des yeux étant fermé, avec réapparition
dans la vision binoculaire, que le Dl' Pieraccini a observé deux fois
chez un de ses malades. L'auteur voit la un simple fait d'auto-
suggestion ; ceux qui ont cherché à expliquer l'amblyopie hystérique
par l'hypothèse de centres distincts pour la vision monoculaire et
binoculaire n'eussent pas manqué d'invoquer ce nouveau fait à l'ap-
pui de leur manière de voir. J. Séglas
XXI. Sur l'action bactéricide ET toxique du sang DES aliénés; par
le Dr G. d'ABUNDO. (Itiv. sp. di fr'en., t. XVIII, fasc. 2, 1892.)
La toxicité du sang a été trouvée augmentée dans la démence
paralytique progressive. Dans la démence, la toxicité du sang
fut constamment diminuée et d'une façon très marquée. Elle est
assez diminuée dans la lypémanie tranquille; mais elle augmente
dans les intervalles d'agitation prolongée. Dans la paranoia, elle se
rapproche de celle des individus sains, sauf dans les cas d'épisodes
psychoneurotiques intercurrents qui, s'ils sont de nature dépressive,
déterminent une diminution de la toxicité du sang, s'ils sont de
nature maniaque, provoquent au contraire une augmentation de
, Bourneville et Séglas. Du merycisme (Archives de Neurologie,
1883-188L)
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. -) 1,; 1)
toxicité. Dans la folie pellagreuse, la toxicité fut tantôt diminuée,
tantôt augmentée. Dans la manie et l'excitation maniaque, la toxi-
cité du sang s'élève. Dans l'idiotie, à côté de cas dans lesquels elle
était normale, il en fut d'autres où elle était fortement diminuée.
Dans l'imbécillité et la folie morale, diminution de la toxicité. Dans
les états .consécutifs aux accès épileptiques, ce fut la diminution
qui se montra le plus souvent. Pas de conclusions à propos de
quelques faits, peu nombreux, d'hystéro-épilepsie. J. Séglas.
XXII. L'acide URIQUE dans les formes DE dépression mentale; par
le or Marzocchi. (Riv. sp. di (l'en., t. XVIII, fasc. 2, 1892.)
Dans quelques formes de mélancolie, il y a augmentation, abso-
lue ou relative, de l'acide urique dans le sang : il n'est pas probable
que cette augmentation soit un simple effet du processus patholo-
gique, en raison de l'influence dépressive de l'acide urique sur les
fonctions psychiques. Quand même on ne voudrait pas donner à
l'acide urique la valeur d'un coefficient, on peut le regarder comme
une cause d'aggravation du processus morbide. J. Séglas.
XXII 1. CHORÉE électrique ou 1l YOCLONIE ÉLECTROIDE D'ORIGINE gastrique;
par le Dr R. MaSsALONGO. (Riforma mcdica, août 1893.)
La chorée électrique de Bergeron Henock n'est qu'une variété de
paramyoclonus; il serait plusjuste de lui donner le nom de myoc-
Ionie électroïde. Il n'est pas rare de rencontrer dans les myoclo-
nies des phénomènes psychiques comme dans la maladie des tics
convulsifs. Les myoclonies ne sont pas toujours l'expression de
troubles fonctionnels du système nerveux. Il existe une variété de
myoclonie à secousses imprévues, violentes, foudroyantes, dite pour
cela myoclonie électroïde, provoquée par des troubles gastriques,
d'origine toxique. Le traitement de l'estomac est le vrai traitement
calmant de cette variété de myoclonie; les moyens indiqués sont
les amers, la strychnine, le lavage de l'estomac, le lait et les anti-
septiques. Deux observations à l'appui. J. SÉGLAS.
XXIV. OBSESSION avec CONSCIENCE, aberration DU SENS génital;
par Henry HERBEZ. (Gaz.hebd. deméd. et chil'" 1890.)
Le malade qui fait le sujet de cette observation est un dégénéré
héréditaire qui fut arrêté dans la rue au moment où il coupait les
cheveux d'une jeune fille.
A l'âge de quinze ans il avait été vivement impressionné par la
vue d'une femme dont les cheveux étaient épars sur le dos. En
contemplant les cheveux de cette personne il eut conscience pour
la première fois de sa vie, qu'il était en érection. Depuis cette épo-
que, il a toujours été obsédé par la vision mentale des cheveux de
2û'l- 1, 1. REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
femme épars et flottants. Le contact ou la représentation mentale
de ces cheveux suffit chez lui à provoquer l'organe vénérien. G. D.
XXV. DE l'état sain DE L'ESPRIT ; par le D'' 13UCRE.
L'auteur se propose d'établir qu'il est faux d'affirmer que les sen-
sations, les pensées et les actes de l'homme sain d'esprit sont de
tout point d'accord avec la vérité des choses et que,, d'autre part,
les sensations, les pensées, les actes des aliénés sont en complet
désaccord avec la vérité des choses.
Dans l'ensemble des impressions sensorielles, les pensées et les
conditions morales des hommes sains sont très loin de s'appliquer
au monde objectif actuel, c'est-à-dire que, sous quelques-uns des
plus importants points de vue, non seulement elles ne représentent
pas la vérité, mais que souvent elles présentent des images absolu-
ment fausses. D'autre part, quelques conditions mentales qui sont
universellement considérées comme caractéristiques d'une maladie
sont, en fait, un reflet beaucoup plus exact de la vérité objective
que ne le sont les soi-disant conditions de l'état mental sain.
M. Bucke cite quatre points sur lesquels l'esprit sain et le fait exté-
rieur ne concordent pas 1
1° L'esprit sain nous dit que nous sommes toujours en repos, tan-
dis qu'en réalité nous sommes constamment en mouvement dans
l'espace. '
2° L'esprit sain renferme au nombre de ses fonctions une forte
crainte instinctive de la mort, lorsqu'on fait, autant que nous pou-
vons en déduire, il n'y a rien dans la mort qui puisse justifier de
telles craintes.
3° L'homme sain d'esprit a une plus grande affection pour ses
parents immédiats que pour ceux d'autres personnes, sans que
la préférence soit justifiée par une supériorité quelconque pouvant
faire concorder une plus grande affection avec la vérité objective.
4° On peut déduire directement, du développement si lointain
de l'esprit humain que l'intelligence saine et plus encore la nature
morale saine manque et'a toujours manqué de rendre justice à
l'univers en général, en ce sens que le monde extérieur est beau-
coup plus favorable pour nous que ce que nous croyons qu'il est,
que nos haines et nos frayeurs sont toujours injusticiables et sont
dans leur nature pathologique ab initia ; que nos facultés de con-
fiance et d'affection sont si ridiculement au-dessous de ce que de-
mande le monde qui nous entoure, qu'on ne peut les considérer
que comme rudimentaires.
D'autre part des centaines de personnes sont considérées comme
malades, dont les esprits sont plus que les nôtres et, sur certains
points, en accord plus strict avec la réalité, et cependant, à cause
de cela même, nous les considérons comme aliénés : par exemple,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 2 : J : J 5
les malades qui s'imaginent voler dans l'espace avec vitesse ;
ceux qui ne craignent pas la mort; ceux enfin dont la nature mo-
rale, placée dans des conditions d'excitation surnaturelle les pousse
à s'imaginer qu'ils vivent dans un monde de gloire et de beauté
fabuleuses dans lequel ils ont le pouvoir et l'autorité suprêmes.
Ces idées nous reportent aux discussions de Platon, dans le
Phédon; sur la supériorité innée (il certains points de vue), de la
folie sur la raison. (Ame1'ieanjolll'lwl of insmzit, 1892.) E. BLIN.
XXVI. DE la folie en Amérique et DES soins donnés aux aliénés;
par le Du GoDDING.
A propos de la récente loi de l'état de New-York, qui déclare les
aliénés pupilles de l'État et les place dans les hôpitaux d'Etat, l'au-
teur, dans un style oratoire et pompeux, jette un regard d'en-
semble sur les progrès accomplis dans ce siècle pour le traitement
des aliénés, sur l'installation des asiles d'aliénés et sur les progrès
thérapeutiques employés. -
Constatons tout d'abord combien les directeurs se sont montrés
à la hauteur de leur mandat : « Dans l'éclatante réunion de ce
firmament (la liste des directeurs) comme dans les cieux qui sont
au-dessus de nous, une étoile diffère d'une autre étoile, mais seule-
ment en gloire. »
Ce n'est pas seulement en France qu'on rencontre de l'encom-
brement dans les asiles : il paraît qu'en Amérique la situation est
encore pire. Onajusqu'à présent bâti des asiles trop monumentaux,
trop luxueux et par suite trop coûteux où l'on entasse un trop
grand nombre d'aliénés : il est temps, dit l'auteur, que l'on consi-
dère plutôt l'utilité des constructions que leur architecture, le con-
fort des malade plutôt que l'orgueil des comités de construction :
« Il faudrait désormais moins de cérémonies de pose de premières
pierres, mais plus d'emploi courant de la brique. »
Doit-on créer des asiles spéciaux pour les cas aigus ? En éloi-
gnant les cas aigus des asiles, on rendrait ainsi presque nul le
mouvement des sorties, mouvement qui donne aux malades chro-
niques l'espérance de sortir à leur tour et leur aide ainsi à suppor-
ter la rigueur de l'internement.
Une fois l'aliéné interné, qu'il soit aigu ou chronique, l'occupa-
tion hygiénique, lorsqu'elle est possible, lui rendra les plus grands
services; mais en plus, et quelque puisse être le pronostic, on devra
mettre à contribution, pour essayer de le guérir, tous les moyens
thérapeutiques indiqués par les recherches scientifiques, agents
chimiques, intervention chlruricale,hypnotisme, électricité,hydro-
thérapie, etc. : « tenter quelque chose pour sauver un homme qui
se noie vaut mieux que ne rien tenter du tout. »
En regard des chaînes, menottes, cachots, barres de fer, an-
2.V")6 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
neaux, etc., qui, il y a à peine quelques années, constituaient pres-
que uniquement l'arsenal thérapeutique des asiles, l'auteur se
plaît à constater que la clef de voûte du traitement actuel des
aliénés consiste dans le maximum de soins et dans le minimum
de contrainte. (American journal ofinsanity, 1892.) E. B.
XXVII. Du RÔLE DE L'ATTENTION DANS LES PHÉNOMÈNES HYPNOTIQUES;
par le Dr PAGE.
Depuis des siècles ont été observés des phénomènes ayant trait
à l'hypnotisme : les problèmes pleins d'obscurité soulevés par ces
observations ont servi de thème à une spéculation sans limite en
même temps que de nombreuses hypothèses ont été proposées pour
les éclaircir; mais aucune solution exacte n'était possible tant que
ces conditions mentales particulières ont été attribuées à l'oeuvre
de quelque influence ou force extérieure agissant sur la personne
affectée.
De l'étude historique des principales théories, magnétisme ter-
restre, magnétisme animal, etc., il ressort que la première condi-
tion dans les effets hypnotiques doit être un état mental personnel
au sujet : par suite d'un trouble profond du mécanisme mental, les
sensations et les pensées sont privées de leur guide approprié, les
facultés rationnelles.
Si les phénomènes de l'hypnotisme dérivent du pouvoir attention-
nel séparé des facultés rationnelles, il faut étudier le caractère et
le but de l'attention en rapport avec l'activité mentale ou physique.
Il existe dans toute matière vivante une force vitale individuelle
qui permet à cette matière de s'adapter aux diverses conditions de
son existence ; cet acte d'adaptation de la force vitale individuelle
peut être appelé attention organique.
L'attention organique simple chez les êtres inférieurs devient plus
complexe à mesure qu'on s'élève dans l'échelle animale. Là où
existe un système nerveux, l'énergie qu'engendre l'attention est
inhérente aux cellules et aux fibres de ce système, et comme des
centres d'ordre plus élevé se développent successivement, chacun
d'eux contrôlant un groupe de séries inférieures, l'attention se
développe et se divise dans son application.
L'attention, organique, chez l'homme, est apte à accomplir un
travail compliqué, à choisir les éléments nerveux exigés pour for-
mer des combinaisons originales de notions primaires et d'exciter
en eux des degrés exacts d'action moléculaire, pourvu qu'elle soit
guidée et surveillée par une force influente supérieure : à l'état de
veille, un acte de volition stimule l'activité fonctionnelle dans les
centres moteurs et produit des mouvements prédéterminés. Mais
le pouvoir de la volonté est entièrement dépendant de l'usage
qu'il peut faire de l'attention et nous ne pouvons comprendre l'o-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 257
péralion que quand nous reconnaissons deux ordres de force ou
deux formes d'attention : lorsque l'attention agit spontanément,
sans entrave du pouvoir de la volonté ou sans [être guidé par elle,
on peut la qualifier d'attention organique; mais quand elle agit en
obéissant à des facultés mentales supérieures, ou à une volonté
intelligente on peut la regarder comme attention rationnelle.
Lorsqu'une association de mouvements musculaires a été une fois
définitivement établie d'une façon satisfaisante, la réexcitation des
séries des centres nerveux qui y concourent devient aisée et la répé-
tition ou l'habitude réduit ces actions au degré de simples mouve-
ments pour l'exécution desquels l'attention organique a la plus
ample capacité, ne demandant que la plus légère impulsion de
l'attention rationnelle. Un plus grand degré de précision est le
résultat de l'exécution antérieure et correcte des mouvements qui
sont exécutés par la capacité automatique de l'attention organique
aussi dans l'état mental normal de l'homme, beaucoup de mouve-
ments peuvent-ils.être obtenus, et d'une façon plus exacte, en se
confiant pleinement à la force de l'attention organique. Dans le
somnambulisme, l'attention rationnelle faisant complètement dé-
faut, l'attention organique peut par conséquent accomplir son
oeuvre la plus parfaite.
Cette classification d'attention organique et rationnelle est
pratiquement reconnue par la division de l'appareil nerveux en
système volontaire et involontaire.
Tandis que l'attention rationnelle ne peut exercer aucun pouvoir
direct sur les fonctions vitales, elle peut cependant utiliser l'atten-
tion organique et, par un effort persistant, réussir à impressionner
les opérations physiologiques. En vertu de cette capacité, nous
pouvons mouler, pour ainsi dire, la base physique de notre vie
mentale supérieure et donner une signification au terme éducation.
Lorsque le type physique de l'idée est une fois ébauché, il devient
une partie de l'appareil mental, et quoi que ce soit que l'esprit se
soit assimilé, l'action de l'attention organique peut le raviver
pourvu qu'une impulsion exacte lui soit donnée. Dans l'état hypno-
tique dans lequel l'attention rationnelle est mécaniquement frap-
pée d'incapacité, l'homme devient alors un automate intelligent,
l'attention organique devenant doublement sensible à certaines
classes de suggestion.
L'utilité de l'emploi de l'hypnotisme comme agent thérapeu-
tique devient évidente, si cette théorie est exacte, et l'on comprend
ainsi comment des conditions morbides physiques peuvent être
rectifiées, pour présent tout au moins, par l'obéissance incons-
ciente de l'attention organique. (,li2zei,icaz journal of. insanity,
1890-18-il.) E. BLIN.
Archivas, t. XXV. 17
Oo REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XXVIII. L'ÉQUATION PERSONNELLE (CALCUL DU TEMPS DES PROCESSUS PSY-
CHIQUES) CHEZ LES PERSONNES HYPNOTISÉES; par W. BECIITEI\EV.
'(Neurolog. Centralbl., 1892.)
Recherches de F. Henika et B. Worotynski, sur : 1° le temps de
la réaction acoustique simple; - 2° le temps qu'il faut pour recon-
naître une impression auditive (temps d'aperception ; 3° le temps
d'élection (on dit au sujet en expérience : vous ferez tel mouvement
quand vous reconnaîtrez l'impression auditive); 4° le temps
d'association des conceptions représentatives (mots) ; 5° le temps
de numération des nombres simples. 1200 déterminations au chro-
noscope de Hipp, dont 130 exécutées par Bechterew lui-même, sur
trois femmes en état de suggestion hypnotique amhulatoire (deux
grandes hystériques, une petite hystérique). Conclusions.
1° Les malades en question à l'état de veille, se sentant en bonne santé,
présentaient pour le temps de réaction simple, pour le temps d'apercep-
tion et le temps d'élection des valeurs moyennes différant peu de celles de
l'homme sain pour les mêmes opérations de l'intellince. Mais les valeurs
moyennes caractérisantle temps de la numération des nombres simples et le
temps d'association étaient supérieures aux mêmes valeurs caractéristiques
des mêmes opérations intellectuelles chez les individus sains. 2° Dans
l'état hypnotique il faut, par rapport à l'état de veille, un temps plus grand
pourla réaction simple, le temps d'aperception, le temps d'élection. Pen-
dant l'hypnose, letemps de la numération des nombres simples et celui de
l'association des conceptions est moindre que dans l'état de veille chez
les mêmes individus. 3° Chez ces trois sujets, les opérations intellec-
tuelles sus-désignées se font plus vite dans l'état hypnotique quand on
leur suggère de se presser que lorsqu'on n'exerce pas de suggestion.
4° La suggestion hypnotique de se presser abrège le temps de la numéra-
tion simple et de l'association conceptuelle, elle le rend plus court que
dans l'état de veille. Elle abrège le temps de la réaction simple, le temps
d'aperception, le temps d'élection mais ne le rend pas toujours plus
court que dans l'état de veille, avant l'hypnotisme. 5° Invariablement,
quand l'état nerveux des sujets s'aggrave (accès d'hystérie antérieurs ou
prodromes d'un nouvel accès), les opérations intellectuelles en question
deviennent franchement plus lentes. P. KERAvAI,.
XXIX. Communication D'UN cas DE POLYURIE CHEZ UNE cérébrale;
par WIEDEfEISTER. (Neurolog. Centralbl., 1892.)
Il s'agit d'une idiote urinant 6,000 centimètres cubes d'une urine
ayant pour densité 1002 à 1004; cent deux à cent vingt mictions
qui l'empêchent de dormir. L'urine est ammoniacale et précipite
une abondance de phosphates triples. Traitement par la phénacétine,
l'antipyrine, l'antifébrine, le salicylate de soude, la pipéracine;
en outre, trois fois par semaine bains faradiques de trois minutes.
Sous l'influence de ce traitement, la malade n'urine plus que
580 centimètres cubes d'une urine acide pesant 1028 (sels acides
(urates) avec oxalate de chaux). P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 259
XXX. DÉVELOPPEMENTS A L'APPUI DE TABLEAUX STATISTIQUES EMPRUNTES A
l'asile d'aliénés DE ToKio (Japon). Tokio Fou Sougamo Ilospital;
par Hasimé SAKAK1. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVIII, 1, 2.)
Statistique de l'établissement en question pour 1888 et 1889,
comprenant : mouvement général de la population - particula-
rités sur les malades admis (profession, âge, hérédité, causes, etc.)
sorties complications et maladies consécutives. Il est encore
pas mal de régions au Japon où l'aliénation mentale est considérée
comme, soit le châtiment d'une haute divinité, soit la possession de
l'homme par plusieurs animaux (renard, chien, etc.); on envoie les
malades dans un temple bouddhiste, où la lecture des saints écrits
doit les guérir; et cela, même à Tokio dont les habitants sont
cependant plus éclairés.
260 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 261
III. Du RAPPORT DU POIDS DU CORPS AVEC UN CERTAIN NOMBRE DE PSY-
CHOSES ; par L. STERN. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVII, 5.)
L'étude de toutes les maladies cérébrales envisagées à ce point
de vue, montre, d'après les auteurs, que, lorsqu'elles durent depuis
longtemps, il y a au moins une série constante de poids normaux et
très souvent une augmentation de poids. Quand la manie ou la
mélancolie durent depuis longtemps, fréquemment le malade pèse
davantage; on regarde ce fait comme étant d'un pronostic défavo-
rable. Il est vrai que les affections chroniques s'accompagnent aussi
de cette constante, sinon d'une augmentation de poids, il est éga-
ment vrai que, plus une maladie est ancienne, plus rare en est la
guérison. Mais, considérée en soi, l'augmentation du poids dans les
maladies de longue durée n'a rien à faire avec un pronostic fâcheux;
elle prouve, non que la maladie est incurable, mais qu'elle est
ancienne. Autrement dit, il semble que l'organisme, pour faire les
frais de conditions nocives, suractive sa nutrition, et que, par com-
pensation, il exagère son assimilation. Donc, comme dans les psy-
choses aiguës qui guérissent, il y a également une augmentation
de poids, on peut prétendre que, s'il ne survient dans l'économie
aucune perturbation importante, si le malade ne devient pas sitio-
phobe, tous les aliénés (paralysie générale exceptée) augmentent
de poids, les uns de bonne heure, les autres tard, quand la qualité
et la quantité de la nutrition demeurent bonnes. L'augmentation
précoce du poids va avec une amélioration graduelle; l'augmenta-
tion tardive ne cadre pas toujours avec une amélioration, mais elle
ne l'exclut pas.
Dans les psychoses subaiguès (durant au moins depuis un an) qui
finalement guérissent, l'amélioration, souvent très faible, s'annonce
par une augmentation de poids, souvent si énorme, que l'amélio-
ration n'a aucun rapport avec elle. Dans les psychoses persistantes,
mais qui vont en s'atténuant peu à peu, le poids de l'individu aug-
mente toujours, puis reste stationnaire, puis diminue un peu, cela
souvent quand survient la guérison (Obs. I à XIII). Dans la paralysie
générale, bien que la nutrition soit vicieuse, on constate parfois un
poids très élevé. Dans l'épilepsie, l'agitation détermine une dimi-
nution de poids (Obs. XIV à XVII). Dans la manie périodique, les
pesées manifestent des oscillations considérables dues à des modi-
fications de la pression cérébrale, mais la déchéance pondérable,
rapide, se relève très promptement et très haut quand le trouble
mental dure depuis longtemps. Dans la mélancolie, le poids dimi-
nue, puis, quand elle dure depuis longtemps, il augmente. La folie
circulaire décèle des augmentations ou des diminutions de poids en
rapport avec la trophonévrose, en faisant naturellement la part des
complications, de la sitiophobie, de l'état de la digestion, de la
constitution, de l'âge, des périodes d'agitation (Obs. XXV111).
262 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Conclusion. Le poids du corps n'a aucune valeur pronos-
tique. P. K.
IV. D'UNE forme grave spéciale d'épiphénomènes consécutifs A la
COMMOTION CÉRÉBRALE, ET DU COMPLEXUS VASOMOTEUR QUI GÉNÉRALE-
MENT LES accompagne; par FRIEDÜANN. (Archiv f. Psychiat.,
XXIII, 1.)
Il y a trois grands groupes d'accidents consécutifs au trauma-
tisme cérébral, qui ne sont pas invariablement les mêmes : 1° Un
complexus symptomatique vasomoteur caractérisé par : céphalalgie,
vertiges, intolérance de l'encéphale : les anomalies psychiques sont
secondaires (trois observations l'appui); 2° Un complexus
symptomatique hystériforme : névrose locale traumatique de
Charcot et Slruempell (deux observations); 3° Troubles psychiques
consécutifs aux lésions céphaliques, qui n'ont rien de rare. Jamais
le n° 1 ne manque quand on constate le n° 2; il est la conséquence
d'altérations du système vasculaire. L'ensemble des phénomènes
sensitivo-moteurs émane de l'hystérie et d'un substratum organique
qui produisent une diminution de l'activité fonctionnelle de l'organe
central (exemple : maladresse tardive et toute particulière de la
marche). En somme la névrose traumatique n'est pas une entité ;
qu'est-ce qu'un choc psychique, sinon la commotion mécanique
elle-même. P. K.
V. DE la paralysie chronique PROGRESSIVE DES MUSCLES DES YEUX,
1 travail posthume de C. WESTPHAL, mis en ordre et publié par
E. SIEMERLING. (Archiv f. Psychiat., XXII. Cahier supplémentaire.)
C'est un véritable livre. A la suite d'une riche bibliographie, huit
observations, avec autopsies, montrent des lésions nucléaires ou
l'interruption de la conduclibilité des racines intra-médullaires.
Dans l'analyse minutieuse des altérations des noyaux des nerfs
moteurs de l'oeil, nous relevons ce qui suit. La racine dite acces-
soire du nerf pathétique n'appartient pas à ce dernier. Il n'est pas
encore possible dans la colonne des cellules du noyau de l'ocuio-
moteur commun d'attribuer à tel ou tel groupe la fonction de
chacun des muscles, mais il est très probable, que, chez l'homme,
le centre de l'accommodation et des mouvements de l'iris réside
dans le segment antérieur de ce noyau, tandis que son segment
latéral préside à la fonction des muscles élévateurs du globe ocu-
laire. L'exposé de Perlia est parfait : il y a lieu de distinguer en effet
un noyau ventral postérieur (inféra-postérieur), - un noyau ventral
antérieur, (inféro-autérieur), un noyau dorsal (supérieur), - des
groupes de cellules médianes et latérales (le premier de ces groupes
continue jusque dans le 3° ventricule, sous le nom de noyau mé-
dian antérieur, - enfin un noyau impair sagittal ou central avec ses
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 263
groupes acolytes pairs. Il n'y a pas du reste de symptôme patbo-
gnomonique de la paralysie nucléaire; le diagnostic repose sur
l'examen de l'espèce, de l'étendue, de la marche de la paralysie des -
muscles des yeux et la simultanéité des signes spinaux et céré-
braux. Il y a cependant des cas de paralysie chronique des muscles
des yeux indemnes cliniquement de toute complication du côté du
reste du système nerveux, mais l'autopsie démontre, dans l'im-
mense majorité des cas, la complication d'une affection nerveuse
et les troubles intellectuels n'y sont point rares. P. KERAVAL.
VI. Contribution A l'étude des affections syphilitiques DU système
nerveux central; par R. SCHULZ. (Neurolog. Centralbl., 1891.)
Observation. Paralysie croisée comprenant : adroite, tout le facial;
à gauche, les extrémités; anesthésie gauche complète, atteinte
des deux oculomoteurs externes. Autopsie. Sténose falciforme
de la sylvienne droite; plusieurs petits foyers de ramollissement
dans la couche optique droite, le noyau lenticulaire du même
côté, lamoitié droite et postérieure de la protubérance; méningite
spinale postérieure; faible dégénérescence des faisceaux de Goll
avec dégénérescence marginale, dégénérescence très marquée des
racines postérieures, dégénérescence faible des racines antérieures;
dégénérescence hyaline de la paroi des petits vaisseaux, récentes
hémorrhagies punctiformes dans la substance grise; hypertrophie
du lobe moyen de la prostate; hydronéphrose bilatérale très pro-
noncée. L'auteur base le diagnostic de syphilis sur l'évolution et
les accidents cliniques, l'apparition du premier ictus à l'âge de
trente ans, l'intégrité du coeur, la paralysie de plusieurs nerfs cra-
niens, la fugacité des accidents paralytiques. P. K.
VII. UNE observation DE syphilis DU système nerveux central BEVL-
tant l'aspect d'une paralysie générale tabétique; par M. BRASCH.
(Neurol. Centralbl., 1891.)
Elude clinique, anatomo-patbologique et microscopique très
complète. Lésions disséminées occupant tous les systèmes et tous
les éléments du système nerveux central; de là la multiplicité des
symptômes. P. K.
VIII. LE VERTIGE paralysant DE 1888 A 1891 ; par le Dr GERLIER (de
Fernay). Quelques mots sur l'étiologie du vertige paralysant,
par le Dr Ladame.
Sous ce nom, le D' Gerlier a décrit une nouvelle maladie qui
serait caractérisée par trois ordres de signes : 1° des troubles de
la vision; 2° des parésies momentanées; 3° des douleurs spinales
avec irradiation. ,
264 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
Ces accidents ne s'observent que d'une façon intermittente ; ils
reviennent par crises plus ou moins complètes. On ne les a obser-
vés jusqu'ici que sur des personnes fréquentant les étables, occu-
pées à soigner les bestiaux. Depuis 1887, époque où il a constaté
pour la première fois l'existence de celte maladie, le D'' Gerlier
en a observé une dizaine de cas nouveaux. Il s'agirait là, d'après
lui, d'une névrose particulière, d'origine infectieuse, qui serait due
à un microbe spécial ayant les étables pour habitat.
Cette hypothèse a été combattue par M. Ladame qui tend plutôt
à croire qu'il s'agit là d'une psycho-névrose développée sous l'in-
fluence de la peur et de la superstition. (Reo. méd. de la Suisse
Romande, 1891.) G. DENY.
IX. Paralysies hystériques provoquées par la crainte
DES examens ; par le D'' KRAFFT.
Histoire d'une jeune fille de treize ans, qui a des nerveux dans
sa famille, qui est timide et craintive, et qui par crainte de ses
examens a eu, en cinq accès, quatre crises de paralysie hystérique
de l'un ou de l'autre bras, directement avant ses examens, et plu-
sieurs autres crises dans le courant de l'année, survenues pour la
plupart en classe pendant les leçons. Guérison par suggestion aidée
de l'électricité. (Rev. méd. Suisse Romande, 1891.) G. D.
X. Paralysie hystérique CHEZ UN garçon de treize ANS. SUGGES-
TION. Guérison; par le Dr Eugène REVILLIOD. (Rev. méd. delà
Suisse Romande, 1891.)
XI. IIÉMIATROPIIIE faciale expérimentale; par le D1' GIRARD.
D'un certain nombre d'expériences, dont la priorité appartient
à Schiff, il résulte que la destruction de la grosse racine du triju-
meau détermine chez le chien une atrophie des muscles correspon-
dants de la face, notamment des muscles masticateurs. L'auteur
en conclut que les fibres trophiques du trijumeau ne sont pas
situées dans la petite racine motrice de ce nerf, mais dans sa
grosse racine sensitive et que le nerf de la septième paire ne joue
aucun rôle dans l'évolution de l'hémiatrophie faciale typique.
(Rev. med. delà Suisse Romande, 1891.) G. D.
XII. Deux observations CLINIQUES relatives A l'aphasie; par le
D L. de Rode. (l3ull. de la Soc. dc tlled. ment. de Belgique, 1891.) .)
XIII. D'UNE FORME rare DE neurasthénie SEXUELLE avec obsessions;
par de KRAFFT-EBING,. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVIII, 11.)
Quatre observations. Tares héréditaires. Neurasthénie généra-
lisée. Faiblesse irritable, surtout des organes sexuels. Obsessions
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 265 5
érotiques ou obscènes relatives à des personnes et à des objets d'un
usage quotidien. Pas de sensations de plaisir, au contraire, éré-
thisme pénible. Idées de suicide. Traitement. Continence, hydrothé-
rapie, préparations bromurées; traitement moral. Morphine, dans
les cas graves, quand même on devrait produire du morphinisme.
P. K.
XIV. Trois CENT cinquante séances DE SUSPENSION chez UN ataxique ;
par le D' Ducamp. (Montp. mi., 1891, t. IL)
L'ataxique qui fait le sujet de cette observation était malade de-
puis dix ans. Son affection se traduisait surtout par d'atroces et
continuelles douleurs fulgurantes et par une incoordination mo-
trice ne permettant la marche qu'à condition d'être aidé.
La suspension amena dès les premières séances la disparition
complète des douleurs fulgurantes, disparition qui persiste depuis
vingt mois. Le traitement fut continué, bien qu'il semblât ne devoir
donner aucun autre résultat, quand vers la cinquantième séance,
une amélioration légère se produisit dans la marche; cette amé-
lioration s'accentua progressivement jusqu'à la deux cent quatre-
vingtième séance et put alors être considérée comme définitive,
car la continuation du traitement jusqu'à trois cent cinquante
séances ne donna aucun résultat nouveau.
La suspension a été faite au moyen de l'appareil de Sayre,
d'abord tous les deux jours, ensuite tous les jours. La durée mini-
mum des séances a été de quinze secondes; leur durée maximum
de cinq minutes, mais cette durée n'a pu être supportée qu'une
seule fois. La disparition des douleurs s'est produite avant que la
durée de la suspension ait dépassé une minute et quinze secondes;
la diminution des troubles moteurs a été obtenue avec des séances
n'excédant pas trois minutes. G. D.
XV. Dermographie CHEZ un hystérique; par le Dr DUCAMP.
(Montpellier méd., 1891, t. II.)
La dermographie présentait chez le sujet de cette observation les
caractères suivants :
Immédiatement après le passage du stylet sur un point quelcon-
que du corps, apparition d'une raie blanche fugace, en rapport
avec la pression plus ou moins énergique du stylet;
Cinq secondes après et parfois moins, teinte rosée suivant le tra-
jet du stylet;
Trente-cinq secondes après le début de l'expérience la teinte
rosée devient d'un rouge foncé;
Une minute et parfois deux minutes après le début, on constate
un bourrelet blanc rosé faisant une saillie de 2 millimètres et en-
tourée d'une bordure rouge érythémateuse ;
266 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
A la sixième ou à la septième minute, le bourrelet commence à
s'atténuer ; à la vingtième minute environ, le bourrelet a complè-
tement disparu. A partir de ce moment, le tracé est seulement
constitué par une ligne très rouge, il persiste généralement ainsi
pendant cinq ou six heures, d'autres fois pendant huit et même qua-
torze heures. G. D.
XVI. LE SYNDROME DE FNIEDREICII ET DE DIORV.1N MYOCLONIE; par le
Dr FARGE (d'Angers). (Gaz. hebd. de méd. et de chir., 1890.)
D'un fait de myoclonie qu'il a observé et de divers autres
rapportés par les auteurs, M. le Dr Farge tire les conclusions sui-
vantes : 1° la paromyoclonie de [Friedreich n'est point une mala-
die essentielle ni une véritable entité clinique; 2° c'est un syn-
drome commun à plusieurs classes de maladies ; 3° les cas les plus
nombreux pourront être rangés dans les manifestations variées
de l'hystérie ou de la neurasthénie; 4° des formes plus rebelles et
d'une localisation spéciale se rapprochent de la maladie des tics de
Marie ou de la chorée électrique qui tend elle-même à s'absorber
dans la première; 5° enfin le paramyoclonus peut s'associer, en
ajoutant un syndrome de plus aux myélites chroniques graves,
comme la myélite diffuse, l'atrophie musculaire progressive et la
sclérose en plaques disséminées. Dans ces derniers cas, il dénote
l'altération des cornes grises antérieures de la moelle. L'ordre de
son apparition et de son évolution presque toujours ascendante peut
servir à déterminer le point de départ de la lésion anatomique, et
son extension de dedans en dehors ou de dehors en dedans aux
cordons blancs de la moelle. G. D.
XVII. SYNDROME DE Friedreich et DE MORVAN devant la CHORÉE; par le
Dl' COLLEVILLE (de Reims). (Gaz. hebd. de méd. et de chir" 1890.)
L'auteur relate un cas de myoclonie qui s'est transformé au
bout de peu de temps en chorée ordinaire et conclut en disant
« qu'on ne peut alléger le cadre des affections nerveuses du syn-
drome de Friedreich et de Morvan qui n'est pour lui qu'une mani-
festation clinique particulière d'une perturbation dynamique ou
d'une altération dans le fonctionnement des cellules des cornes
antérieures et plus généralement des cellules motrices dans tout
l'appareil cérébro-spinal D. G. D.
ŸVIII. Vaste épanchement sanguin INTRA-CR.\NIEN, consécutif A UNE
RUPTURE DE L'ARTÈRE MÉNINGÉE MOYENNE. HÉMIPLÉGIE COMPLÈTE DU
côté OPPOS.É. Trépanation HATIVE. Guérison complète; par le
D' RocHET (de Lyon). (Gaz. hebd. de méd. et de chir., 1890.)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 267
XIX. QUELQUES cas DE TREMBLEMENT chez LES vieillards;
par J. SACAZE. (Alontpelliel' méd., 1890.)
De l'ensemble des faits consignés dans ce travail, l'auteur a cru
pouvoir dégager les conclusions suivantes : 1° Le tremblement chez
le vieillard est la conséquence de plusieurs causes différentes, telles
que l'hérédité, l'hystérie, les excès de tabac, etc.; 2° par contre, le
tremblement dit sénile, ne paraît pas exister; 3° le rôle do l'arté-
rio-sclérose dans l'étiologie de ce trouble est loin d'être encore
bien défini ; 4° il n'est guère possible, au point de vue du diagnos-
tic, de trop insister soit sur l'allure des tracés, soit sur les nombres
d'oscillations par seconde; 5° l'apparition de tous ces tremble-
ments semble exiger, entre autres conditions indispensables, une
certaine contraction musculaire plus marquée que l'état de tonicité
ordinaire. G. D.
XX. DE LA PACHYMÉNING1TK INTERNE III3DtOBBH.1GIQUE ;
par le Dr Wiglesworth.
Dans toutes les hémorrhagies du système nerveux, se pose la ques-
tion des rapports de l'hémorrhagie avec l'inflammation.
Pour les hémorrhagies méningées, en particulier pour l'hémor-
rhagie sus-arachnoïdienne, il s'agit de savoir si les néo-membranes
qui entourent le foyer sanguin le précèdent ou le suivent. On sait
que pour Virchow il n'y a que rarement des hémorrhagies primi-
tives ; le premier phénomène est une inflammation chronique de
la dure-mère, une pachyméningite, d'où formation de néo-mem-
branes vasculaires, rupture consécutive de ces nouveaux vaisseaux
et hémorrhagie. '
L'auteur pense au contraire que les apparences morbides décrites
sous le terme de pachyméningite ne sont pas le résultat d'une inflam-
matiou mais sont uniquement dues à une effusion de sang sous la dure-
mère. Ce n'est que postérieurement que des adhérences vasculaires
s'établissent entre la nouvelle membrane organisée et la dure-mère
et que cette dernière s'épaissit. Dans plusieurs autopsies faites peu
de temps après l'apparition de l'hémorrhagie, M. Wiglesworth a pu
constater que la face interne de la dure-mère avait conservé son
aspect uni, brillant; il n'existait ni injection, ni épaississement, ni
ramollissement de la dure-mère.
D'où provient alors l'hémorrhagie ? Elle peut provenir des grosses
veines qui s'ouvrent dans le sinus longitudinal, mais il est plus pro-
bable que, dans la majorité des cas, elle provient des petits vaisseaux
de la pie-mère qui occupent les sommets des circonvolutions. Ces
vaisseaux ainsi situés pourront se rompre directement et à travers
l'arachnoïde s'épancher dans l'espace sous-jacent à la dure-mère
268 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
sans répandre leur contenu dans l'espace sous-arachnoïdien : en
effet, dans quelques cas d'aliénation mentale, comme la paralysie
générale, cas dans lesquels se rencontrent le plus fréquemment les
hémorrhagies méningées, il existe, au sommet des circonvolutions,
une union si intime entre la pie-mère et l'arachnoïde que les deux
constituent en réalité une seule et même membrane et que, en
s'épanchant à travers elle dans la cavité arachnoïdienne, le sang
ne fait que suivre la voie où la résistance est moindre. Dans ces
conditions, si l'épanchement de sang sous-arachnoïdien arrive seul
sans pénétrer dans la cavité sous-arachnoïdienne, cet épanche-
ment sera peu marqué et ses traces pourront disparaître rapide-
ment. (Américanjoumal of insanity, 1891.) . B.
XXI. Deux cas DE LÉSION traumatique du cerveau;
par le Dr DEWRY.
Dans le premier cas, il s'agit d'un homme de vingt ans admis à
l'asile de Kankakee le Il décembre 1889. Cet homme, fermier,
vivant seul, ne présentait pas d'antécédents héréditaires, pas d'al-
coolisme. Quatre semaines avant son admission, il s'était heurté
violemment la tête contre le linteau d'une porte. Quelques jours
après, il tombait dans un état mélancolique avec périodes d'exci-
tation par intervalles, état qui nécessita son placement dans un asile
d'aliénés. A l'asile, alternatives de dépression et d'excitation.
Quelques jours après l'entrée, le médecin, au cours d'un examen,
remarque fortuitement un point douloureux au niveau du vertex,
il examine déplus près et constate, à un millimètre et demi de la
ligne médiane, à 31 millimètres en avant de la suture lambdoïde
et 75 millimètres en arrière de la suture coronale, la tête d'un
clou galvanisé' fortement implanté dans la paroi osseuse. Le clou,
retiré à l'aide d'un davier, mesure 75 millimètres de longueur,
3 millimètres de diamètre, la tête présente un diamètre de G milli-
mètres. Le trajet du clou était oblique en bas et en avant sous un
angle de 40 degrés. Immédiatement après l'extraction du clou, em-
barras dans les mouvements du bras droit et quelques symptômes
d'aphasie. Ces phénomènes de paralysie s'accentuent et le lende-
main le malade présente une paralysie complète du côté droit.
Deux jours après l'extraction du clou, apparition de phénomènes
d'inflammation méningée : trépanation au niveau de la perfora-
tion. - Mort au bout de quatre jours. A l'autopsie, on constata que
le clou avait pénétré dans la circonvolution pariétale ascendante,
suivant une direction oblique en bas, en avant et un peu en de-
hors, presque parallèle à la scissure de Romande.
Sa présence avait détruit la substance cérébrale formant une
cavité irrégulière de 55 millimètres de long sur 15 millimètres de
large.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 269
En somme, le clou entré au niveau du centre moteur de la
jambe, avait probablement lésé sur un point sous-jacent le centre
moteur du bras et et de l'épaule.
Une question se posait : Quand et comment le clou a-t-il été
enfoncé ? Il est probable que c'est le malade qui l'a enfoncé lui-
même sous l'influence de ses idées mélancoliques.
Un autre point intéressant de l'observation, ce sont les troubles
moteurs ne se déclarant qu'au moment de l'extraction du corps
étranger, lequel avait été toléré jusque-là.
La seconde observation a trait au boucher de l'asile de Kan-
kakee, qui reçut d'un malade un coup de couperet de boucher. Le
couperet frappa à quelques millimètres au-dessus de la protubé-
rance occipitale, tranchant sur la partie postérieure du crâne une
portion d'os de 75 millimètres de large et de 55 millimètres de
hauteur. Heureusement, la dure-mère resta intacte, complètement
mise à nu. L'os et le cuir chevelu furent remis en place et la plaie
guérit très vite sans que le malade ait jamais présenté aucun
trouble moteur ou sensoriel. (Ame1'iean journal of insccnity, 1890.)
E. B.
XXII. Essai d'une théorie DE la tétanie; par H. Schlesinger.
(Neurolog. Centralbl., 1892.)
Revue critique.
Conclusion. - La tétanie est une affection de tout le système
nerveux dont quelques symptômes peuvent être expliqués par une
atteinte des nerfs périphériques, tandis que les phénomènes con-
vulsifs et le phénomène de Trousseau se rattachent à l'hyperexcita-
bililé du système nerveux central (cerveau -bulbe - moelle). Les
troubles vaso-moteurs sont peut-être le rouage intermédiaire.
P. K.
XXIII. DE la paralysie spinale SYPHILITIQUE; par W. Erb.
(Neurolog. Centralbl., 1892.)
L'auteur tendrait à admettre comme type l'existence d'une sclé-
rose latérale (paralysie 'spinale spasmodique), presque toujours
liée à de légers troubles de la sensibilité et de la vessie (J. Ross
Seeligmuller Rumpf). Mais il fait les réserves suivantes :
1° Le nombre des myélites dorsales se rattachant à la syphilis
est-il assez grand pour pouvoir être séparé des autres cas en tant
que forme séparée. Ses observations personnelles durant ces dix
dernières années (myélite chronique ou dorsale) montrent que
35 à 40 p. 100 de ces malades avaient eu la syphilis. 2° Cette
forme syphilitique de la myélite dorsale a-t-elle des caractères
différentiels qui la distinguent ? Il faudra l'observer. - 3° Parmi
les formes nombreuses des affections spinales syphilitiques, cette
270 REVUE DU PATHOLOGIE NERVEUSE.
paralysie spasmodique peut-elle être considérée comme un type
symptomatique concret. C'est à voir. D'après l'auteur, c'est pro-
bable. 4° Ce complexus symptomatique a-t-il comme substra-
tum une altération à localisation invariable, en rapport avec des
territoires vasculaires précis ? C'est une question d'autopsies.
- P. K.
XXIV. UN CAS DE PARALYSIE BULBAIRE SANS LÉSIONS ANATOMIQUES;
par H. SÉN : 1TOR. (Neurolog. Centralbl., 1892.)
L'auteur croit qu'il faut rattacher ces accidents à une affection
du cerveau; mais le cerveau ne présentait pas de lésions macrosco-
piques, et il n'a pas été soumis à l'examen microscopique. P. K.
XXV. ! UN cas DE CONVULSIONS CLONIQUES du bras A la SUITE DE trau-
MATISME, constituant EN même TEMPS la réponse A la QUESTION : LA
NARCOSE CHLOROFORM1QUE PEUT-ELLE ÊTRE EMPLOYÉE A DÉMASQUER LA
SIMULATION DE LA NÉVROSE TRAUMATIQUE; par M. FRIEDMANN. (NeU-
rolog. Centralbl., 1892.)
De cette observation se dégagent : 1° l'occurrence de convulsions
cloniques affectant la forme de névrose généralisée consécutive au
traumatisme et associée à la parésie ; - 2° la proche parenté des
convulsions cloniques et toniques; 3° la localisation centrale des
premières; 4° la disparition de ces convulsions, dès la phase
d'excitation de la narcose chloroformique. P. K.
XXVI. DEUX cas DE MYOCLONUS multiple (PARAMYOCLONUS MULTIPLE DE
Friedreich; par S. GOLDFLA31. (Neurolog. Centralbl., 1892.)
Diagnostic par exclusion. P. K.
XXVII. UN cas DE paralysie traumatique bilatérale dans LE domaine
du plexus brachial; par M. Bernhardt. (Neurolog. Centralbl.,
1892.) .
Type- Erb. La bilatéralité en constitue la nouveauté. Il s'agit
d'une femme de vingt-neuf ans, chez laquelle on pratiquait une
oophorectomie pour une salpingite double. Pendant plus d'une
heure, elle resta sur la chaise de Veit le bassin élevé, tandis qu'un
assistant lui tenait fortement les deux bras en haut et en arrière.
Quand elle se réveilla du sommeil chloroformique, elle avait les
deux bras paralysés. Par cette traction en haut et en arrière des
bras, les deux clavicules sont venues heurter les plexus brachiaux
comprimés contre les apophyses transverses des vertèbres cervi-
' cales. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 271
XXVIII. UN CAS DE PARALYSIE ISOLÉE DU NERF MUSCULO-CUTANÉ AVEC
REMARQUES SUR LA RÉACTION TRAUMATIQUE DES MUSCLES DE RUMPF ;
par VINDSCIIEID. Complément A CETTE communication; par BERN-
IIARDT. (Neurolog. Centralbl., 1892.)
Paralysie isolée du biceps droit par compression du nerf mus-
culo-cutané sur l'angle d'une plaque de marbre. Ce qui est anor-
mal, c'est que le plexus brachial soit resté indemne. 11 se peut
qu'il y ait une anomalie, ou que la plaque de marbre ait, dans
l'aisselle, atteint isolément les fibres du musculo-cutané dans le
plexus avant dissociation.
La réaction traumatique de Rumpf, c'est l'onde contractile con-
sécutive à la cessation de l'excitation indirecte. Elle ressemble au
tétanos de Ritler (au moment de l'ouverture du courant) qui sur-
vient quand, après avoir longtemps fait passer un courant galva-
nique à travers un nerf, on ouvre le courant, et qu'on explique par
ce fait que l'ouverture d'un courant dans le même sens, provoque
de l'hyperirritabilité. Mais cela n'explique rien. Le traumatisme
a augmenté l'excitabilité du nerf, d'où la réaction anormale du
muscle.
M. Bernhardt rappelle qu'il a publié deux observations sem-
blables, en 1877 et 1884. Il les reproduit en abrégé. P. K.
XXIX. Contribution A l'étude DU tétanos céphalique;
par P. NERLICII. (Archiv. f. Psychiat., XXIII, 3.)
F. de quarante-six ans, accident traumatique du dos du nez, perte de
connaissance, épistaxis. Huit jours plus tard, déviation de la bouche
adroite. Deux jours après, trismus, convulsions cloniques du masséter
gauche, paralysie du facial gauche entier, contracture du masséter
gauche, hyperexcitabilité faradique des muscles animés par le
facial gauche, hypéresthésie de la moitié gauche de la face, pas
de fièvre, mais pouls fréquent. Puis, convulsions de la branche
buccale du facial à gauche, hyperexcitabilité faradique des muscles
de la moitié droite de la face, de la nuque, du cou. Les courants
faradiques faibles déterminent des deux côtés des convulsions.
Hyperexcitabilité mécanique à gauche, exagération des réflexes.
Convulsions pharyngées, dysphagie, dyspnée, phénomènes inten-
sifs à l'occasion de toute excitation optique ou auditive. Convul-
sions toniques adroite, du masséter, du peaucier, du sterno-cléido-
mastoïdien. Pupilles étroites ne réagissant plus. Violents accès d'é-
touffement. Mort quinze jours après le début de l'affection. Autopsie.
Léger oedème de la pie-mère. Anémie cérébrale. Vacuolisation des
cellules nerveuses du noyau du facial et des deux trijumeaux. Inté-
grité de la moelle cervicale. P. KERAvaL
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ lirDICO-PSYCIIOLOGIQUI;.
Séance du 30 janvier 1893.
Présidence de Tu. ROUSSEL ET CHRISTIAN.
M. Th. ROUSSI·;L passe en revue l'oeuvre scientifique de la Société
et rappelle, en termes émus, les pertes qu'elle a éprouvées dans
le courant de l'année qui vient de s'écouler. Il procède ensuite à
l'installation de son successeur.
M. CHRISTIAN prend possession du fauteuil de la présidence en
exprimant, au Président surtout, l'honneur qui rejaillit sur la
société médico-psychologique d'avoir été présidée par un philan-
thrope éclairé dont l'oeuvre sociale est considérable, par l'auteur de
la loi Roussel et du rapport, an Sénat, sur le Régime des aliénés.
Délire des négations. M. 1'ouLOUZS communique l'observation
d'une femme atteinte du délire des négations et dont la mère,
ainsi qu'a pu le constater Morel, présentait déjà le même délire.
Après quelques accès de délire mélancolique, la malade de M. Tou-
louze a été prise d'idées de négations, d'abord mal liées qu'elle
finit ensuite par formuler, en se donnant comme morte depuis
plusieurs années. Aujourd'hui, elle s'étonne de ne pas être en-
terrée ; son corps est vide; elle n'a plus ni nerfs, ni muscles, ni os.
Ce délire, actuellement stable, est véritablement systématisé.
L'observation, des plus complètes, est exposée avec beaucoup de
clarté par l'auteur.
Délire polymorphe. M. ARNAUD rapporte en son nom per-
sonnel et au nom de M. FALRET, l'histoire d'une mélancolique
persécutée et érotique avec penchant au suicide, qui a conçu tout
un système théologique dans lequel elle joue tout à la fois le rôle
de mère et de fille du Créateur. M. ARNAUD déclare ne pas retrouver
dans les classifications la place qui conviendrait à sa malade.
M. FALRET voit dans cette observation la preuve qu'il est néces-
saire d'étudier les variétés cliniques du délire de la persécution
dont plusieurs sont encore observées.
sociétés savantes. <2ï3
M. Charpentier donne actuellement ses soins il trois malades
analogues. Ils se plaignent tantôt d'être persécutés, tantôt d'être
morts. Parfois ils se prétendent ressuscités. Ils ressemblent à des
délirants chroniques; mais leur délire n'a suivi aucune évolution
régulière. A certains moments, ils ont eu de l'excitation maniaque
au cours de laquelle les idées de persécutions s'exagéraient.
M. GnR : mER s'étonne que les idées de persécution aient persisté
pendant les périodes d'excitation.
M. Séglas a observé une persécutée alternativement déprimée
ou excitée mais qui se disait toujours empoisonnée par son mari ;
elle interprétait différemment la chose suivant son état d'esprit.
Un jour, elle s'accusait d'avoir mérité ce que lui faisait son mari ;
un autre jour, elle protestait et le menaçait de représailles.
Marcel Briand.
XV1F CONGHKS DES NEUROLOGUES ET ALIÉNÂTES
DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST
SESSION DE BADE-LES-BAINS
Séance du 28 mai 18921. - Présidence DE : \1, LEBER.
M. LEBER. - Des affections périphériques des nerfs optiques chez
les hystériques. L'orateur a, dans un groupe de cas, observé chez
des hystériques une amblyopie ou une amaurose très prononcée
qu'il fallait imputer à une névrite rétro-bulbaire du nerf optique.
La régression rapide et presque complète du trouble visuel et l'ab-
sence, au début, de toute altération ophthalmoscopique; la cons-
tatation chez les malades d'autres troubles nerveux et des Stig-
mates de l'hystérie, tels étaient les éléments à l'appui de la nature
hystérique des perturbations. Et cependant, malgré la rapidité du
rétablissement des fonctions de la vue, on constatait une décolora-
tion marquée de la papille; en rapprochant cette altération de la
forme du truuble visuel, de l'existence d'un scotome central, d'un
scotome pour les couleurs, de l'unilatéralité des accidents, on pou-
vait conclure que la.lésion siégeait à la périphérie, c'est-à-dire
dans le bout du nerf optique antérieur au chiasma. La cécité, sur-
venue brusquement, permettait, de concert avec l'existence dans la
papille de légères altérations névritiques, d'admettre une névrite en
arrière du globe' de l'oeil, terminée par une atrophie partielle. Mal-
' Voy. Archives de Neurologie, session de 1891. "
Archives, t. XXV. lis
274 SOCIÉTÉS savantes.
gré l'intensité de l'amblyopie, celle-ci rétrocédait presque complè-
tement en huit ou quatorze jours, ou bien sans aucun traitement,
ou bien sous l'influence d'injections hypodermiques de strychnine,
de bromure de potassium, de salicylate de soude. Cinq malades
ont été observés avec soin; parmi eux, on compte quatre femmes
présentant des troubles hystériques plus ou moins marqués; l'autre
cas concerne un homme qui, peu après la rétrocession de l'am-
blyopie (unilatérale), se plaignit de paresthésie et d'anesthésie de
l'autre moitié du corps, qui disparut elle-même bientôt.
En plusieurs cas, l'amblyopie fut précédée de malaises et de fièvre
passagers. Il est probable que la névrite rétro-oculaire, qui, ainsi
que le montrent ces exemples, pent rétrograder rapidement sans
traitement, laisse après elle un trouble de la conductibilité des
fibres nerveuses cédant elle-même à la strychnine ou à une
influence morale; mais il est des cas dans lesquels, le processus
anatomique étant plus actif ou plus prolongé, un certain nombre
de fibres succombent à l'atrophie. Il y a par conséquent des cas où
les troubles soi-disant fonctionnels de la vue chez les hystériques,
tout en rétrocédant du reste, se rattachent à des lésions occupant
les centres nerveux.
L'amblyopie chronique de l'hystérie ou anesthésie rétinienne
tient probablement aussi à une lésion. M. Leber a, dans un cas
d'hystérie grave chez la femme, pu pratiquer l'examen microsco-
pique ; il constata des altérations atrophiques du nerf optique
remontant à plusieurs années; elles occupaient, immédiatement en
avant du chiasma, les trousseaux superficiels des nerfs.
M. D1N&LER. Tabès dorsal syphilitique au début; méningite syphi-
litique; avec présentation de pièces microscopiques. Il s'agit d'un
homme de quarante-deux ans entaché de tares névropathiques.
Syphilitique avéré depuis l'âge de vingt-sept ans. A trente-six ans
(1885), douleurs lancinantes dans les deux jambes, douleurs en
ceinture; en 1889 fourmillements dans les jambes, parésie vésicale,
diminution de la virilité, fatigue rapide au plus petit effort. On cons-
tate à cette époque : cicatrice pénienne, paralysie réflexe despupilles
avec myosis, hypoalgésie et ralentissement dans la conductibilité
des sensations douloureuses dans les jambes, hypéresthésie au ni-
veau du dos; réflexes cutanés normaux, absence complète des
réflexes du tendon d'Achille, réflexes patellaires moindres à droite
qu'à gauche, mais normaux. Sous l'influence des onctions hydrar-
gyriques, de la station thermale de Nauheim et du séjour dans les
montagnes, du nitrate d'argent associé à la noix vomique, le malade
s'améliore. Au bout de six mois, les douleurs lancinantes reparais-
sent sans aucune autre altération appréciable. Une semaine plus
tard, mort subite. On constate au microscope un. tabès dorsal au
début, de la méningite spinale syphilitique avec arachnoïdite gom-
meuse, de l'arthrite gommeuse des basilaires, des artères spinales
sociétés savantes. 27S
et cérébrales moyenne et antérieures des deux côtés. Un ané-
vrysme disséquant de la sylvienne droite s'étant rompu, il y a eu
hémorrhagie cérébro-spinale diffuse.
M. GoLTZ a, en commun avec M. Ewer.n excisé de gros segments
de moelle épinière chez les chiens. 'Ces animaux ont survécu long-
temps. Voici par exemple une chienne à laquelle le 28 mai 1891 on
a sectionné transversalement la moelle cervicale au niveau de la
cinquième vertèbre. En deux séances ultérieures dont la dernière
remonte au 5 janvier 1892, on lui a réséqué 13 centimètres de
moelle à partir de la queue de cheval, d'arrière en avant. Il y a
donc cinq mois que l'animal a subi ces mutilations. Le train pos-
térieur est paralysé, mais la peau ne présente aucun trouble de
nutrition ; les ulcérations qui se sont produites à la suite de la pre-
mière opération se sont guéries. Quant aux muscles des pattes pos-
térieures, ils ont dégénéré; ce ne sont plus que des cordesfibreuses.
Intégrité, par contre, du tube digestif, de la vessie, des vaisseaux
sanguins. Digestion normale, matières fécales solides. Rien dans
le gros intestin, rien à l'anus. La miction doit être mise en train
par une douce pression sur le, ventre; urines normales; conserva-
tion de la tonicité des vaisseaux. Une excitation des tissus cicatri-
ciels au niveau des escarres gangreneuses produit de la rougeur qui
disparaît au bout de quelque temps. En soumettant l'animal à des
alternatives de froid et de chaleur, on voit persister les fonctions
régulatrices de la température somatique. Ces expériences donnent
un démenti aux théories classiques. Il faut aussi noter que les os
du rachis qui ont une première fois subi la section se montrent
d'une remarquable friabilité dans les interventions ultérieures.
M. EnB. - Une tumeur cérébrale enlevée par deux fois avec succès .
Il s'agit d'un malade de quarante-quatre ans atteint d'épilepsie
Jaksonienne caractéristique, d'origine nettement corticale, suivie
d'hémiparésie; d'autres symptômes tels que : accès de céphalalgie,
vomissements, inflammation de la papille au début, permirent
simultanément d'étabiir sûrement l'existence d'une lésion des
régions corticales motrices du côté droit : ou diagnostiqua une
tumeur probable. Le 21 novembre 1890, M. Czerny enleva un
glio-sarcome hémorrhagique. Tout se passa bien; la guérison eut
lieu. Récidive huit ou neuf mois plus tard, nouvelles attaques de
convulsions cloniques monoplégiques, augmentation de la parésie.
On opérait il nouveau le 23 décembre 1891;. cette fois, outre la
tumeur, on enlevait un kyste produisant dans l'hémisphère droit
une perte de substance plus étendue. Actuellement, six mois après
la dernière opération, l'hémiparésie est revenue avec les convul-
sions, mais les facultés mentales n'ont pas subi d'atteinte et le ma-
lade peut encore se livrer à ses occupations. Au niveau de la perte
de substance, on sent sur le crâne une tumeur pulsalile fluctuante,
molle, de la grosseur d'un oeuf.
276 6 SOCIÉTÉS savantes.
" Trois enseignements découlent de cette histoire. Ce malade, évi-
demment perdu si l'on n'eût rien fait, a pu, pendant dix-huit
mois, reprendre son travail et- en tirer profit; il a sans encombre
supporté les frais de deux opérations graves.
Discussion : M. Fuerstner. Chez une femme de trente-cinq ans,
j'ai diagnostiqué une tumeur de la région motrice gauche; l'opé-
ration confirma le diagnostic, mais il ne fut pas possible d'enlever
toute la tumeur; la femme succomba plus tard; à l'autopsie, on
trouva un glio-sarcome étendu de l'hémisphère gauche. En pareil
cas il faut ouvrir largement la paroi cranienne pour voir ce qu'il il
y a et savoir ce que l'on fait.
M. Erb partage complètement cette manière de voir.
M. THOMAS. - De la néphrite choréique. Il s'agit d'un garçon de
quatorze ans et demi n'ayant jamais eu auparavant ni chorée ni
néphrite, chez lequel, trois semaines après le début des symptômes
choréiques, il se montra de l'anasarque généralisée. On pense aune
néphrite; on institue le traitement convenable; l'anasarque et les
symptômes de néphrite disparaissent et, avec eux, les mouvements
choréiques. Il est donc à penser qu'il y avait un rapport étiologique
entre la chorée et la néphrite; l'intoxication produite par le dé-
faut d'élimination des éléments chimiques de l'urine a provoqué
des troubles dans les centres coordinateurs. C'est l'histoire de la
chorée rhumatismale et de la chorée consécutive à des maladies
infectieuses.
M. Moos. Des troubles de l'équilibre consécutifs ci une affection
organique des canaux semi-circulaires. Ces lésions portent sur les
canaux semi-circulaires horizontaux et transversaux d'une fillette
de douze ans ayant succombé à une méningite par staphylococcus
de la base des hémisphères; elle avait, trois ans avant sa mort, été
atteinte de diphtérie scarlatineuse. C'est au moment de la con-
valescence de cette dernière affection que se produisirent : une
surdité complète avec douleurs d'oreilles violentes et profondes,
principalement nocturnes, et de la titubation en marchant. Aucune
autre espèce de symptômes cérébraux. Voici les lésions histolo-
giques : 1° Dans les deux caisses tympaniques, les couches épider-
miques du bord du manche du marteau détruit avaient immigré;
2° la spire de base des deux limaçons présentait une végétation
osseuse qui avait détruit les filets nerveux; le bourgeon osseux
hyperplasié se prolongeait vers le centre jusque dans le ganglion
spiral (d'où la surdité absolue); 3° dans les canaux semi-circulaires
il y avait eu une nécrose des éléments osseux qui s'était guérie. La
nécrose doit être attribuée aux bactéries. M. Moos a jadis montré
que tous les micro-organismes en arrivant dans le labyrinthe peu-
vent coaguler la lymphe; des cellules lymphatiques, par division des
noyaux, se forment des cellules géantes dont proviennent du tissu
SOCIÉTÉS SAVANTES. 277
fibreux ostéoïde ou du tissu osseux capable d'oblitérer la lu-
mière des canaux semi-circulaires, ces cellules géantes peuvent
également jouer le rôle d'angioblastes. Les troubles de l'équilibre
émanent dans l'espèce de la lésion des canaux semi-circulaires.
M. FUEasTivEa. De la faiblesse irritable d'origine psycho-motrice .
L'agoraphobie peut être tenue pour un exemple particulièrement
caractéristique d'un état de faiblesse psychomotrice. Or voici
trois faits dans lesquels, par le concours des mêmes éléments psy-
chiques que ceux qui interviennent dans l'agoraphobie, d'autres
groupes de muscles, ceux surtout qui servent aux occupations
journalières, ont subi un arrêt de conductibilité fonctionnelle; ce
trouble passager a transformé les mouvements voulus combinés
en mouvements incoordonnés. Les trois observations ont trait à
des barbiers chez lesquels, sous l'influence de perceptions senso-
rielles déterminées, le bras droit était périodiquement atteint de
faiblesse avec tremblement et oscillations dissociées. Une quatrième
concerne un maître de chapelle, momentanément incapable, par
ce fait, de diriger les exercices; un cinquième cas porte sur un
médecin devenu par moments inhabile à signer.
)I. Fuerstner a également observé l'aphonie périodique et un
trouble spécial de la parole non paralytique se rattachant à la
résultante intellectuelle pathologique du travail d'élucubration
cérébrale des sensations. Il est évident qu'il y avait par suite
trouble fonctionnel des centres moteurs, le sentiment en modifiant
l'activité. Ce sont des faits à rapprocher des paralysies psychiques.
Chez l'homme arrivé à l'âge mûr, M. Fuerstner a vu spontané-
ment, sans aucun accident, extérieur, se produire une parésie
totale du bras droit; incapacité d'effectuer sans peine certains
mouvements, avec secousses de l'avant-bras etde la main, secousses
exagérées par les mouvements intentionnels. Il y avait aussi anes-
thésie de la main allant en diminuant jusque vers le coude. Affai-
blissement peu accentué de la jambe droite. L'anesthésie peut
même occuper tout le bras ; dans ce cas, il y a hémianesthésie pas-
sagère du même côté, mais sans les organes des sens. (Deux obser-
vations.)
Plusieurs faits rappellent la pseudo-paralysie agitante d'Oppen-
heim. L'orateur les rapproche de la faiblesse irritable limitée des
cas précédents et de la paralysie agitante typique.
M. Edinger. Moelle épinière artificielle. Sur ses indications,
M. Loew a fait fabriquer par la maison Jung (d'Heidelberg) une
moelle épinière avec son bulbe. Cette pièce se distingue des autres
qui ont été faites jusqu'ici en ce que l'on y voit non seulement les
faisceaux et leurs émanations avec les divers centres microsco-
piques, mais aussi deux coupes transverses qui permettent de
s'orienter. -
278 . SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du 29 mai 1892. Présidence de 1)1. SCFIULTZL.
M. Ascii. Présentation d'un jeune garçon de onze ans porteur
d'alté1'ations particulières aux phalangettes des doigts et des orteils.
Hérédité très chargée au point de vue de la phtisie pulmonaire,
mais ni syphilis, ni alcoolisme, ni maladies nerveuses dans sa
famille. Aucun accident pendant l'accouchement. La tête du jeune
homme est grosse; le corps très maigre; les extrémités digitales
présentent dès la naissance une forme étrange qui est due à ce
que le corps de l'organe est effilé tandis que les phalangettes sont
épaisses. A l'âge de deux ans, plusieurs accès de laryngite stridu-
Leuse ; l'enfant apprit correctement à parler, mais il ne marcha
qu'à six ans ; sa mémoire était bonne, mais il était original et
pleurait facilement, se fatiguant au moindre effort. Les dents de lait,
en scie, friables tombèrent tout d'un coup; il perdit également
les dents de la seconde dentition ou les arracha de leurs alvéoles
dans lesquelles elles n'étaient pas solidement implantées. L'exa-
men actuel démontre qu'il s'agit d'un hydrocéphale avec rétrécis-
sement congénital de l'artère pulmonaire et dystrophie musculaire
progressive infantile. Le volume des phalangettes, rapproché des
fissures de la langue, permet de penser à l'acromégalie mais, comme
il manque beaucoup de symptômes appartenant à cette maladie,
il vaut mieux attribuer l'état des phalangettes à une stase produite
par des lésions artérielles et à l'hydrocéphalie congénitale, tout en
tenant compte de l'hérédité tuberculeuse. Cette opinion ne'permet-
trait pas d'expliquer l'allongement de la charpente osseuse des pha-
langettes qui du reste se retrouve dans l'acromégalie.
M. Laquer. - Présentation d'une batterie t1'Ctl1spol'table de trente
petits accumulateurs pour l'électrisation galvanique. Les accumula-
teurs sont composés de trente cellules; ils sont contenus dans un
coffre en gutta-percha, par séries de dix cellules. Chaque cellule
ou chambre se compose d'une lame positive et de deux plaques
négatives et à la tension de 2 volts, ce qui donne à l'accumula-
teur entier une tension de 60 volts. Cette tension s'obtient à l'aide
de 50 éléments de Leclanché ou de 90 à 100 éléments de Siemens
et Resali. A la batterie est adjointe un milliampèremètre absolu
(modèle Edelmann) à l'échelle de 550 à 500 milliampères. Le dis-
positif intérieur permet d'associer ou de disjoindre les uns des
autres les compartiments cellulaires en série de 5, 15, 30. Au
moyen de deux appareils de résistance régulatrice au fil de
nickel, on peut doser le courant; le régulateur en question peut
faire intervenir 62,000 ohms ; chacun de ces appareils possède
50 contacts; par exemple quand on emploie cinq chambres on
peut diviser 10 volts en 100 fractions. Les accumulateurs peuvent
SOCIÉTÉS SAVANTES. 279
emmagasiner 1,500 milliampères-heures, c'est-à-dire qu'on peut
leur demander trois cents heures de 5 milliampères-cent cinquante
heures de 10 milliampères. On les charge en les mettant en com-
munication avec n'importe quel appareil d'éclairage électrique à
courant constant. L'usage quotidien ordinaire permet d'employer
cette batterie pendant plusieurs mois.
M. ScuuLTZE rapporte une observation de spasmes dans les deux
tenseurs du fascia lata avec hypertrophie consécutive de ces mus-
cles, chez un jeune homme ; il en relate une autre concernant une
contracture des muscles épicondyliens avec hypertrophie extrême de
l'éminence hypothénar et des muscles épicondyliens de l'avant-
bras droit.
L'orateur raconte enfin que chez un homme vigoureux qui n'é-
tait ni hystérique, ni hypochondriaque, un traumatisme avait déter-
miné une plaie sur le côté externe du tibia, qui occupait la face
antérieure de la jambe gauche. Lorsqu'il marchait, ce membre se
cyanosait, devenait douloureux et oedémateux; puis, la sensibilité
du membre diminuait, et le triceps fémoral était pris de convul-
sions cloniques ressemblant à du tremblement; la cicatrice était
excessivement douloureuse. Il s'agit probablement d'une lésion de
la tibiale, car, outre l'oedème bleu, on constate que l'artère dor-
sale du pied ne bat presque plus. Le tremblement du triceps crural
peut être rapproché du tic convulsif consécutif aux cicatrices et aux
blessures de la face.
M. KnOEPEUK. De l'action de quelques médicaments sur les
centres nerveux. Etudiant les effets de ces médicaments sur l'activité
mentale, par la méthode des mensurations psychophysiques,
l'expérimentateur est parvenu à établir le rôle de ces agents et
leur influence sur chacun des éléments composants d'un méca-
nisme intellectuel complexe. Ainsi, d'une façon générale, on peut
dire qu'il y a antagonisme entre la réception et la manifestation
psychique des impressions extérieures d'une part, et la production
des mouvements d'autre part, car les médicaments en question,
agissent différemment sur chacune de ces opérations. Leur dose
joue d'ailleurs aussi un grand rôle.
L'alcool ralentit les opérations intellectuelles; cette aclion se fait
très rapidement et ne cesse que lentement, c'est-à-dire que le
ralentissement obtenu subsiste ; mais il exagère le pouvoir excito-
moteur et cela pendant vingt à trente minutes; au bout de ce
temps, cette fonction devient plus difficile. Si l'on en fait ingérer de
hautes doses, on provoque des phénomènes paralytiques précoces,
autant que complets. Ainsi s'expliquent les intoxications alcooliques
aiguës; l'association des idées se trouble, il se produit des concep-
tions clichées, pour ainsi dire, des associations d'idées par asso-
nances, une idéogénèse exagérée et accélérée (volubilité), tous
80 SOCIÉTÉS SAVANTES. -
phénomènes qui doivent être considérés comme des phénomènes
d'excitation d'ordre moleur.
Au point de vue qui nous occupe, l'éther, le chloroforme et le
nitrite d'amyle sont de proches parents de l'alcool, comme l'indique
Je tracé graphique de résultats expérimentaux. A petites doses,
en tous ces cas, il y a en même temps, paralysie sensorielle et in-
tellectuelle, conjointement avec l'hyperexcitabilité motrice ; quand
l'intoxication progresse, il y a paralysie du système locomoteur.
C'est avec le nitrite d'amyle que l'excitomotricité est le plus exas-
pérée et qu'il y a le moins d'obnubilation de la connaissance. L'effet
psychique de la paraldéhyde se rapproche encore davantage de
celui de l'alcool, mais le trouble de la connaissance se montre des
plus rapides et des plus intenses. En revanche, l'hyd1'ate de chloral
paralyse déjà à petites doses l'élément intellectuel et excitomoteur
de l'activité psychique.
L'intoxication par le thé est toute différente. Il facilite nettement
et pour longtemps les opérations sensorielles et intellectuelles,
sans produire après d'accidents paralytiques. Suivant toute appa-
rence, il gêne un peu le centre générateur des mouvements,
mais active la contraction des muscles par action périphérique.
La morphine aussi excite les fonctions sensorielles et intellectuelles,
mais en même temps se développe une paralysie motrice centrale
progressive.
La genèse des paralysies du système moteur est propre à tous
lespoisons qui modifient le caractère lorsqu'on en fait abus d'une
façon chronique. Alcool, éther, chloroforme, hydrate de chloral,
paraldéhyde et morphine engendrent, à des degrés divers, cet
affaiblissement permanent de l'activité volontaire, ainsi que la
paralysie motrice aiguë, d'origine centrale. Le thé, au contraire,
agit peu sur l'activité du système moteur, il l'entrave un peu sans
la paralyser, par suite il peut produire des troubles neurasthéni-
ques, mais jamais il ne détermine la dégénérescence morale qui
est un caractère effrayant des intoxications que nous venons de
passer en revue.
M. A. Hoche. De la réaction galvanique de l'appareil visuel.
Etablir : 10 si chez les aliénés et notamment leshallucinés de la vue,
il existe des modifications des réactions galvaniques de l'oeil (comme
il en existe dans l'auditif chez les hallucinés de l'ouïe) ; 2° quelle est
la réaction galvanique du nerf optique dans les cas de lésions
organiques et d'altérations fonctionnelles de l'oeil, conformément
aux principes de Erb ?
Tel était le projet primitif de l'orateur.
Mais il fallait, avant tout, déterminer la valeur de la réaction
normale et les oscillations physiologiques de cette valeur, en un
mot la formule normale de la réaction lumineuse galvanique.
En procédant avec méthode, tant en ce qui concerne la préci-
SOCIÉTÉS SAVANTES. ? 8 1
sion de l'appareil instrumental qui ne doit pas varier une fois qu'on
en a rationnellement déterminé les conditions, qu'en ce qui a trait
à l'examen des individus, M. Hoche a trouvé ce qui suit :
Le minimum de la sensibilité lumineuse galvanique se montre
dans les yeux sains (acuité visuelle = 1, aucune anomalie de la
réfraction ni du fond de l'oeil) quand on fait agir un courant dont
l'intensité varie entre 1/50 et 1/5 de milliampère; la plupart des
yeux réagissent sous l'influence de 1/20 à 1/10 de milliampère.
La réaction se montre à un courant minimum chez les neurasthé-
niques, les hystériques, les individus très sensibles, ce qui prouve
qu'il y a chez eux exagération de la sensibilité des surfaces senso-
rielles centrales et non des organes périphériques.
L'exercice n'influence aucunement les valeurs minima, quand
elles ont atteint une certaine limite.
Des deux yeux d'un individu ayant 1 pour acuité visuelle, il
arrive que l'un des deux réagisse à une intensité moindre du cou-
rant que l'autre. C'est celui qui a acquis une activité profession-
nelle (exercice du microscope) ou qui s'est exercé à des observations
entoptiques, ou qui par rapport à l'autre est plus vigoureux,
l'autre, par exemple, étant atteint d'anomalies de la réfraction.
L'âge parait diminuer la sensibilité galvanique.
Chez la plupart des sujets, la première sensation lumineuse gal-
vanique se montre à la fermeture de l'anode parfois même simul-
tanément à la fermeture de l'anode et à l'ouverture de la cathode;
la dernière sensation qui apparaisse apparaît à l'ouverture de
l'anode, mais c'est la fermeture de l'anode qui, quelle que soit
1 intensité du courant, provoque l'intensité lumineuse la plus péné-
trante. La formule des phases du courant suit donc en ordre inverse -
de celle que montre l'examen galvanique d'autres nerfs; la ferme-
ture de l'anode est l'agent d'excitation de zip, la fermeture de la £ z
cathode celui des nerfs moteurs (étude des valeurs absolues, échelle
des chiffres). La raison la plus plausible de cette interversion, il
faut la chercher dans l'existence d'électrodes virtuelles au pôle
postérieur de l'oeil. Quant à la durée de la sensation dans ses rap-
ports avec chacune des électrodes, on n'a pu établir de valeurs
absolues.
A raison de la multiplicité et de l'iiitrication des réseaux cons-
titués par la disposition des éléments rétiniens, nous n'espérons
guère poser de formule normale aussi exacte que celle qui régit les
nerfs sensibles de la peau.
M. J. HOFFMANN. De l'atrophie musculaire spinale progressive
dans une même famille. Il s'agit de deux familles non parentes;
chez l'une d'elles, sur quatorze enfants, six présentaient l'ensemble
symptomatique qui suit ; chez l'autre, sur six enfants, il y en eut
deux d'atteints. L'affection débute à la première année de la vie,
par une paralysie, à marche subaiguë ou chronique, des muscles
282 SOCIÉTÉS SAVANTES.
du bassin, du rachis, des cuisses. Puis, au bout d'un temps plus ou
moins long, vient le tour des muscles du cou, de l'épaule, des
bras, des avant-bras, des mains. Atrophie dégénérative progressive
du système musculaire, avec réaction dégénérative ; en aucun cas
il n'y eut de pseudo-hypertrophie. Disparition des réflexes tendi-
neux et des réflexes cutanés; les nerfs ne sont, pas plus que des
masses musculaires, sensibles à la pression. Intégrité constante des
sphincters. Intégrité de la sensibilité. Toujours chez tous les malades,
marche symétrique, chronique, progressive. Sans exception, la
mort avait lieu de un à quatre ans après le début de la maladie.
Aucun des enfants ne dépassa l'âge de cinq ans ; ils furent tués
par une paralysie des muscles du tronc avec lésion secondaire des
poumons. Furent épargnés les muscles de la face, de la langue, du
larynx, du pharynx, ainsi que les organes des sens. Pas d'acci-
dents cérébraux. L'autopsie d'un des sujets a jusqu'ici démontré
l'existence de l'atrophie dégénérative des muscles (état graisseux),
de la dégénérescence des racines antérieures de la moelle, et des
cellules des cornes antérieures. L'examen complet n'a pas été
achevé. Ce mémoire sera publié plus tard in extenso.
M. G. Aschaffenburg. Contribution à l'étude du délire du col-
lapsus. Ce délire est la conséquence de lésions profondes de l'or-
ganisme ; il succède à des maladies aiguës, à des maladies puerpé-
rales. En très peu de temps, les accidents atteignent une acuité
extrême ; ils revêtent la forme de la manie aiguë (agitation, volu-
bilité du langage, rimes, assonances, allitlérations, parole rylh-
mée et saccadée, désordre extrême dans les idées) avec alternatives
de gaîté et de dépression, pouvant aller jusqu'à l'angoisse, selon
la forme des hallucinations. 11 existe, en effet, de nombreuses
hallucinations de tous les sens et des ilusions de la vue et de l'ouïe.
L'insomnie complète et l'irrégularité de l'alimentation entraînent
un affaissement progressif. Mais il est rare de voir la mort survenir
dans le collapsus le plus profond. Généralement, le collapsus, qui
paraît si grave, cesse soudain, après avoir duré quelques jours,
deux semaines au plus. Tout à coup les malades reprennent leur
lucidité et tout est fini. Mais, dans quelques cas, il se produit un
stade de réaction, constitué par de l'irritabilité, une tendance au
mécontentement, à se plaindre de tout, qui juge définitivement la
maladie. Il peut enfin aussi arriver que la guérison n'ait lieu qu'à
la suite du syndrome de la démence aiguë. En tout cas, la gué-
rison reste complète sans laisser de traces.
La maladie à laquelle le délire de collapsus ressemble le plus,
c'est le delirium tremens, mais, dans le delirium tremens, le trouble
de la connaissance est moins profond. L'alcoolique peut comprendre
ce qu'on lui dit, ce qu'on-lui demande, il n'a pas un désordre des
idées aussi intense. il est moins obtus ; la volubilité des idées
n'existe pas chez lui. L'humeur des deux espèces de malades porte
SOCIÉTÉS SAVANTES. 283
la teinte du genre de leurs hallucinations, mais le tremblement
de l'alcoolique est plus ordonné, il obéit à un délire qui rappelle
la nature de ses occupations ordinaires.
La manie furieuse de l'épileptique est brutale; l'obtusion men-
tale est plus profonde, il n'existe pas chez lui cette volubilité que
nous avons décrite, cette volubilité manque aussi dans le délire
raisonnant post-épileptique. L'accès de manie aiguë du dément
paralytique reflète les idées de grandeur de ce malade ; les hallu-
cinations sont chez lui moins nombreuses et moins actives; il pré-
sente, par moments, l'embarras de la parole caractéristique même
lorsqu'il n'est qu'esquissé, et l'inégalité pupillaire.
Le traitement consiste à soutenir le malade par tous les moyens
dont nous disposons. L'alcool est notamment un bon médicament
parce qu'il agit en même temps comme hypnotique, la paral-
déhyde, la morphine, le chloral et l'opium, pouvant agir défavo-
rablement sur l'organe central de la circulation; excellence des
bains chauds prolongés. ·
L'évolution du délire de collapsus étant courte, ces malades ne
sont guère observés dans les asiles d'aliénés. C'est pourquoi l'on en
connaît peu l'histoire. - ,
M. GIERLICH, De la névroglie et de son inflammation dans le
ramollissement du cerveau. Il s'agit d'un cas d'encéphalomalacie,
dans lequel on trouva des altérations spéciales de la névroglie. Le
foyer de ramollissement occupait la base du lobe occipital et du
lobe temporal du côté gauche ; il existait, en outre, de petits foyers
dans les ganglions de la base. L'examen microscopique révéla dans
les parties ramollies deux espèces de tissus. 4° Sur les limites du
tissu normal, les cellules de la névroglie étaient augmentées de
volume; le protoplasma y était plus abondant, ainsi que les noyaux
(on en trouvait deux et plus); elles émettaient de nombreux prolon-
gements qui s'entre-croisaient. Entre ces éléments, il n'y avait que
de rares fibres nerveuses. 2° A la périphérie, un tissu très riche en
cellules : cellules rondes, ovales, anguleuses, contenant de un à
quatre' noyaux contre la paroi des éléments, avec un protoplasma
granuleux. Les unes étaient grosses comme une cellule migratrice,
les autres quatre fois plus volumineuses que celle-ci.
C'est, somme toute, ce que l'on voit dans le gliosarcome. Mais ce
n'en est pas un, car nous savons que les petits foyers séparés du foyer
principal par un pont de tissu sain présentent les mêmes altéra-
tions, et, d'autre part, en examinant attentivement les nombreux
foyers minuscules des ganglions de la base, nous y retrouvons les
mêmes caractères. Il s'agit donc bien d'un foyer de ramollissement
sur les bords duquel la névroglie a proliféré à un degré extrême.
On a déjà décrit cet état anatomique sous le nom de gliose.
M. J. STEINER. Des lésions de plusieurs nerfs crâniens par un
z84 SOCIÉTÉS SAVANTES. ,
traumatisme chimique. Chez une dame de vingt ans, présentant des
ganglions tuberculeux du cou, à droite ; on injecte, dans la masse
de ces tumeurs, un mélange d'iodoforme, de glycérine et de
formiate de soude. A la sixième séance, la malade est soudain
prise d'angoisse. La dyspnée passée, huitjours après cet accident ;
on constate une paralysie de la branche supérieure et de la branche
moyenne du facial, une'déviation de la langue à droite avec diffi-
culté de la mastication et de la déglutition ; une paralysie de la
corde vocale droite. Le nerf laryngé est lui-même atteint. Il est
probable que les branches respiratoires du pneumogastrique et sa
branche cardiaque sont aussi prises. Réaction dégénérative des
muscles accessibles à l'examen. En résumé, l'accident a porté sur
les deux rameaux supérieurs du facial, l'hypoglosse, le laryngé supé-
rieur et le laryngé inférieur, du côté droit. Sous l'influence de l'élec-
tricité galvanique, en quelques mois les laryngés supérieurs et
inférieurs ont récupéré leurs fonctions; le facial et le lingual sont
partiellement reconstitués.
M. Gilbert décrit deux cas de polynévrite. L'un est de nature
infectieuse. Dans ce cas, il s'agissait d'un homme de cinquante-
cinq ans pris à la suite d'une émotion violente, excessivement vio-
lente, des accidents d'une névrite aiguë multiloculaire revêtant
l'aspect de lapéliose rhumatismale et de l'infection aiguë. Atrophie
excessive avec diminution colossale de poids, exacerbation apyré-
tique à la suite d'un coryza, amenant la mort en quelques heures
par paralysie des centres respiratoires. - L'autre observation con-
cerne une dame qui après avoir tenté de s'empoisonner avec du
vert de Schweinfurt fut atteinte d'une polynévrite extrêmement
violente, limitée à un côté du corps.
M. THOMSEN. Contribution ci la casuistique du traumatisme cépha-
lique. Un mélancolique se tire dans la moitié droite du front une
balle de revolver de 7 millimètres. Ni fracture, ni phénomène
local ; le soir, délire. Puis plus aucun accident. Le cinquième jour
brusquement une série d'accès d'épilepsie francs; puis plus aucun
accident. Le onzième jour coma grave avec 42 pulsations, acci-
dents de paralysie et d'excitation de tout le côté gauche du corps.
Le douzième jour les mêmes symptômes subsistent. Le treizième,
somnolence, puis tout revient à la normale et la guérison complète
a lieu. La santé ne s'est pas démentie depuis.
M. L. Laquer. D'une forme particulière de paresthésie des
extrémités. Série d'observations caractérisées par des accès d'en-
gourdissement et de rigidité des deux mains et des deux avant-
bras. Les sensations de brûlure et de piqûre insupportables sont
diffuses, elles s'étendent à. toute la surface du corps et dégénèrent
la nuit en une violente douleur qui prive très souvent le malade de
sommeil. Elles surviennent spontanément ou à la suite d'un travail
SOCIÉTÉS SAVANTES. 285
pénible ou encore après certaines excitations thermiques. Pas
d'autres accidents. Il s'agit très probablement d'une névrose pro-
fessionnelle, survenant chez des femmes anémiques à la suite de
travaux manuels. En tout cas, c'est une maladie des plus opiniâtres :
quelques malades ont cependant pu être améliorées ou guéries par
la galvanisation, les bains, des pulvérisations d'élher le long de la
colonne vertébrale.
Dicussion : M. SCIIULTZE. - C'est là Yacroparesthésie que j'ai déjà
décrite et que l'on trouvera dans la thèse de Mohr.
M. V1NDSCIIGIU1'. Chez une fillette de douze ans il survenait la
nuit par accès de très violents fourmillements qui débutaient par
la pulpe des doigts. L'eau froide arrêtait le mal. (Archiv f. Psych. u.
ru6H/;)'anA., XXIV, 2) P. Keraval.
CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE
CINQUANTE-SEPTIÈME SESSION A BRESLAU .
Séance du 5 décembre 1891.
M. KURELLA. - De l'assistance publique des idiots. La loi prus-
sienne du 11 juillet 1891 charge les bureaux de bienfaisance ré-
gionaux (Landal'menvel'boende) de placer les idiots et épileptiques
indigents dans des asiles appropriés. C'est entrer dans la voie de
l'assistance officielle et substituer à l'initiative et à la bienfaisance
privées le traitement médical. Il importe que nous nous en occu-
pions, car les religieux qui conduisent actuellement un grand
nombre d'asiles privés de ce genre et qui tendent à rejeter l'assis-
tance médicale, se remuent pour obtenir l'autorisation d'en fonder
de nouveaux et pour être titularisés.
Combien y a-t-il d'idiots indigents ? On ne le sait en Prusse, mais
les statistiques du Wurtemberg, du canton de Zurich, des pro-
vinces baltiques, et du Danemark (1888-1889), permettent d'éta-
blir la proportion d'un idiot par 5 à 600 habitants. Ce qui don-
nerait pour la Silésie plus de 8,000 idiots et imbéciles.
On ne saurait penser à hospitaliser tous ces malheureux. En
Wurtemberg (asiles de Stetten et Mariaberg) et en Hanovre (Lan-
genhagen), où l'on hosptialise la plupart des idiots indigents, on
compte un idiot par 3 ou 4000 habitants. Ce qui donnerait pour
la Silésie un total de 1400 idiots.
'Voy. Arcldves de Neurologie, LVI" session.
28G SOCIÉTÉS SAVANTES.
S'il est possible dans un petit centre de réunir en un même
asile, sous une même direction, idiots et épileptiques, il vaut mieux,
pour les provinces étendues, fonder un asile pour chaque catégorie
de ces malades. Mais, l'idiotie s'accompagnant fréquemment d'épi-
lepsie, il est indiqué de confier les enfants épileptiques à un asile
d'éducation pour les idiots. On commencerait par fonder un asile
public destiné à l'éducation des enfants atteints d'arrêt de dévelop-
pement des facultés, puis, peu à peu, on recevrait dans une annexe
les idiots adultes, et l'asile public prendrait ainsi son extension
naturelle.
Il est aisé de comprendre que les idiots dangereux et indi-
gents arrivés à l'âge adulte, peuvent aujourd'hui, comme avant,
continuer à être reçus dans une section de chroniques d'un asile
d'aliénés, car ce sont des infirmes, tout comme les déments. Mais
il n'en est pas de même des idiots perfectibles. Il faut organiser
pour eux un établissement d'instruction et d'éducation. Le médecin-
directeur peut seul remplir ces indications; il suffit, pour s'en con-
vaincre de lire les comptes rendus et les publications quelconques
sur ce sujet des religieux ou de leurs agents actuellement à la tête
d'asiles privés d'idiots. La psychologie de l'idiot, qui n'est autre
qu'un malade .atteint d'une affection chronique du cerveau, fait
partie de la pathologie cérébrale. Elle emprunte ses particularités
spéciales à ce fait que le processus morbide a frappé un organe
avant que le développement en fût suffisamment avancé; de là les
lacunes psychiques. Mais c'est justement par suite de ces considé-
rations qu'il faut confier cette mission à un pathologiste.
Pour connaître et traiter les affections intercurrentes qui hantent.
les enfants et les adultes affectés d'idiotie, il faut que le médecin
s'occupe journellement et exclusivement de ces malades-là. On ne
traite pas une otorrhée par des prières et des invocations. L'étude
de l'idiotie est une introduction naturelle il celle de la pathologie
du cerveau, puisque cette affection représente la vivisection à telle
ou telle phase du développement cérébral, à celle de la craniologie,
car le système osseux joue un grand rôle dans sa genèse, à celle de
la criminologie, car les facultés morales sont également mutilées.
On peut du reste très bien installer un institut médico-pédago-
gique près d'un asile quelconque, tout en laissant au médecin qui
en sera chargé la plus complète liberté. L'administration de l'asile
effectuera les prescriptions de toute nature du médecin, suivant
l'exemple de Dalldorf, Bicêtre, la Salpêtrière : les idiots adultes
ou adolescents, incapables de développement, seront ainsi reçus sans
difficultés dans la section des incurables.
Du reste, il est bien simple de nommer une commission qui dans
la prochaine séance nous fasse des propositions fermes et qui, con-
formément au souhait de M. Gûrich, nous donne une bonne défi-
nition de l'idiotie et nous apporte une statistique.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 287
A la suite d'une discussion à laquelle prennent part MM. Wernicke,
DORNHLUETH, ALTER, sont nommés membres de la commission :
MM. ALTER, GUIIICH, KARCZEWSKt, IvURELLA VVER111ChE.
M. CL. NEISSER. Critique de laparanoïa au point de vue clinique.
(Publié hl-extenso dans le Centralbl. f. Ne1'venheil/¡wule 1.) .)
M. H. Sachs. - Des images commémoratives des impressions vi-
suelles. (Voy. le Centralbl. f. Ne1'vl'nheilk 2.)
M. Wernicke. Bases d'une symptomatologie psychiatrique. (Voy.
Berl. ]Wn, IVocherzsclcrift., n° 23. Allg.) (Zeitsch. f. Psychiat.,
XLIX, 1,2.) P. KERAVAL.
cinquante-huitième session A llItEzLAU
Séance du 12 mars 1892 3.
M. Altier. - Contribution ci l'assistance provinciale des idiots et
des épileptiques. Rapport. - On désigne sous le nom d'idiots
tous les aliénés qui dès leur naissance ou dans leur plus tendre
enfance sont atteints de débilité mentale, d'imbécillité, de dé-
mence.
Sous l'influence de M. Gûrich, l'administration provinciale, avec
l'aide des conseillers régionaux (Landreetlie) et des magistrats, a
entrepris une statistique. Nous y voyons qu'en Silésie, il y a
962 idiots et 503 épileptiques qui, indigents, devraient être assistés
et qui ne sont pas encore admis dans un asile approprié. Mais cette
statistique ne comprend point la ville de Breslau qui forme à elle
seule un district, au point de vue de l'assistance, et l'on n'a pas
encore résolu la question de savoir si l'on doit lui recevoir ses
idiots et ses épileptiques ou les lui laisser assister. D'autre part,
M. Kurella raconte que, par ordonnance royale datant de 1888, les
professeurs sont tenus de signaler aux inspecteurs scolaires, les
enfants atteints d'infirmités et de lacunes psychiques et physiques.
Il est, en consultant ces listes, aisé de trouver les idiots et les épi-
leptiques. Or, dans le cercle régional de Kreuzbourg, il y a actuel-
lement 22 idiots de moins de onze ans; la statistique de l'adminis-
tration provinciale n'en indique que 12 dans cette même zone.
Une enquête de M. Gübitz sur la ville de Breslau n'a pas été plus
sérieuse au point de vue des résultats.
11 nous paraît donc impossible de dresser une statistique fidèle
' Voy. Archives de Neurologie, Revues analytiques.
5 Id., Reyues analytiques. ,
3 Id., séance de décembre 1891.
288 sociétés savantes.
de tous les idiots et épileptiques. On se bornera par suite à mettre
l'assistance de ces malheureux en harmonie avec une approxima-
tion donnée, tout en ménageant à l'institution la ressource d'agran-
dissements selon les besoins.
Comment organiser l'assistance des idiots et épileptiques ? Il y a
unanimité sur ce point. L'administration provinciale devra fonder
des asiles publics spéciaux qu'elle conservera sous son autorité ; tout
en reconnaissant les services rendus par la bienfaisance indivi-
duelle, les asiles privés fondés par elle, ne sont point organisés
comme il conviendrait. L'assistance de l'idiot doit reposer sur
l'éducation; on doit s'efforcer d'instruire et de donner une profes-
sion afin de décharger d'autant les établissements. L'idiot perfec-
tible sera donc surtout éduqué, exercé, développé au point de vue
d'une activité utilisable. C'est pourquoi le médecin d'un asile public
d'idiots devra avoir une situation toute différente de celle que lui
font les asiles privés.
Idiots et épileptiques sont des malades dont l'hygiène doit être
réglée par le médecin. Les exercices, leur mode, leur adaptation
à tel ou tel individu, et, inversement, l'entraînement des divers
sujets, tout cela appartient au médecin. Ces asiles seront donc
dirigés par des médecins qui formeront et surveilleront les institu-
teurs et les infirmiers. Il faut pour arriver à son but que le mé-
decin ait une autorité complète; il doit être le directeur et non le
conseil, non le médecin en chef. C'est pour cela que l'administra-
tion provinciale.aura sous son autorité les asiles d'idiots, de même
que les asiles d'aliénés '. '
Logique avec elle-même, la commission a également exprimé le
voeu que l'action demeure entière à l'administration provinciale et
que les asiles d'idiots et épileptiques n'aient rien à faire avec le
bureau d'assistance, puisqu'il s'agit d'aliénés. En Silésie, en effet,
ce bureau est autonome et ne relève pas de l'administration pro-
vinciale. Il est évident que, les aliénâtes ayant toute compétence
en ce qui concerne le traitement et l'éducation des idiots, il n'y a
pas de raison pour qu'ils se heurtent un jour ou l'autre à une fin
de non-recevoir, sous prétexte que le bureau d'assistance est
chargé de placer ce genre de malades. Ce n'est pas tout; si l'assis-
tance publique des pauvres idiots et épileptiques réussit, il faut
s'attendre à la constitution de pensionnats; or, le bureau d'assis-
tance n'a à connaître que de l'indigence.
Enfin la commission, après avoir examiné les avantages et les
inconvénients : a. des grands'asiles communs à tous les genres de
l'idiotie et de l'épilepsie; - b. des asiles spéciaux aux enfants idiots
et épileptiques, spéciaux aussi aux adultes idiots et épileptiques;
1 Grave affaire que nous signalons à nos confrères, qui préconisent la
séparation des fonctions. (il. K.)
sociétés savantes. 289
c. des annexes agencées près d'un asile public d'aliénés pour
traiter et éduquer les idiots et épileptiques jeunes, tandis que l'éta-
blissement proprement dit continuerait à recevoir les malades
adultes, la commission a pensé que ce qu'il y avait de mieux à
faire en Silésie, c'était de construire de grands asiles communs iL
tous les genres de l'idiotie et de l'épilepsie; mais, naturellement, en
ménageant, dans ces établissements, des quartiers séparés à ces
genres de malades, et en précisant que l'on s'y occuperait surtout
d'éducation. Elle a donc rédigé la proposition suivante :
u Il n'y a aucun inconvénient à réunir toutes les catégories de malades
« idiots et épileptiques en de grands asiles communs pourvu que le but
« poursuivi soit l'instruction et l'éducation représentées, sous la conduite
« du médecin, par un institut médico-pédagogique bien et complètement
« aménagé qui en constitue le foyer principal. »
A la suite de la discussion à laquelle prennent part 11111. GUBITZ,
GURICH, WERNICKE, DORNBLUETII, ALTEft, Kurella, cette proposition
est adoptée.
M. TREPINSKI. Contribution à la connaissance du développement
des manchons de myéline dans les cordons postérieurs de la moelle,
avec présentation de préparations. Examen par la méthode de Pal et
Weigert de la moelle lombaire, dorsale, cervicale inférieure, de
foetus mesurant 27 à 47 centimètres. L'auteur a trouvé que les pre-
mières fibres nerveuses à myéline apparaissent dans les cordons
postérieurs de foetus ayant atteint 24 centimètres de longueur. Sur
une coupe transverse de la moelle lombaire, on n'en trouve pas
une seule dans une zone postéro-latérale de ce cordon; mais on
les rencontre assez uniformément disséminées sur tout le reste de
cet organe. Dans la moelle dorsale et cervicale inférieure, ces
fibres myéliniques n'occupent qu'une bande étroite avoisinant la
cloison postérieure et les zones externes du même cordon et encore,
pas jusqu'à la périphérie postérieure; entre ces fibres internes et
externes, des deux côtés, il existe, dans le cordon postérieur, une
partie veuve de fibres myéliniques qui a la forme d'un coin à
sommet dirigé en avant. Celte zone cunéiforme non organisée
commence au niveau de la partie inférieure de la moelle dorsale,
elle monte dans la partie supérieure de la même région jusqu'à la
partie inférieure de la moelle cervicale et, dans ces deux segments,
son sommet se dirige peu à peu en avant sans toucher nulle part
à la commissure postérieure.
Chez les foetus de 28 centimètres de long, les segmeuts·postéro-
latéraux du cordon postérieur de la moelle lombaire sont égale-
ment occupés par des fibres myéliniques. Mais déjà. le reste du
cordon est pourvu de nouvelles fibres ou du moins leurs gaines
myéliniques commencent à se former à cette époque; en effet,
outre que le nombre des fibres à myéline y est infiniment plus
Archives, t. XXV. 19
290 SOCIÉTÉS savantes.
grand, les zones glabres ont diminué de volume, quoique l'ensemble,
du cordon postérieur ait considérablement augmenté. Dans les
régions dorsale et cervicale inférieure, abondance de fibres myéli-
niques, aussi pressées dans les segments internes du cordon posté-
rieur que dans ses segments externes, notamment au niveau de la
partie inférieure et moyenne de la moelle dorsale ; à cette époque,
il n'est guère possible de distinguer le segment externe du segment
interne à moins de bien remarquer une petite bande, moins riche
en fibres myéliniques, et, par suite, plus claire, qui constitue la
limite entre le regment interne et le segment externe du cordon.
En s'élevant dans la partie supérieure de la moelle dorsale on
retrouve la bande claire qui s'est étendue.
Chez les foetus de 35 centimètres, la partie moyenne du cordon
postérieur se développe, c'est-à-dire qu'entre les fibres nerveuses
myéliniques déjà développées, de nouvelles fibres reçoivent leur
myéline (région lombaire). Dans la moelle dorsale et cervicale infé-
rieure, les fibres myéliniques s'accroissent dans les segments
externes ainsi que dans une partie interne voisine de la cloison
postérieure.
Chez les foetus de 42 centimètres, il n'y a plus de parties claires
et de parties obscures quelle que soit la région de la moelle. A
cette époque, les fibres du cordon postérieur ont toutes reçu leurs
gaines de myéline. A cette époque aussi, on voit dans la zone
marginale de Lissauer des fibres myéliniques, mais il y existe
encore des espaces clairs assez étendus.
Par conséquent, les fibres des cordons postérieurs sont pourvues
de leurs manchons de myéline en quatre temps, par stades de déve-
loppement correspondant aux dimensions foetales de 24, 28, 35,
42 centimètres. Il faut cependant faire une exception pour la zone
marginale de Lissauer qui n'est pas invariablement pourvue de
fibres myéliniques chez tous les foetus de 42 centimètres de long.
Quant aux relations qui existent à cet égard entre les fibres du
segment interne (faisceau de Goll) et du segment externe (faisceau
de Burdach) du cordon postérieur dans la moelle dorsale et cervi-
cale inférieure, les fibres du faisceau de Goll sont pourvues de leurs
gaines myéliniques, aux mêmes époques et aux mêmes intervalles
que celles du faisceau de Burdach. Or, dans le faisceau de Goll, il
y a des fibres à long trajet; dans le faisceau de Burdach existent
des fibres à court trajet; il n'y a donc au point de vue du mode de
développement qui nous occupe, aucune différence entre ces or-
ganes et leurs éléments constitutifs.
- Que montre maintenant la dégénérescence des cordons postérieurs
dans le tabès ? En quelques cas (stades de début du labes), c'est la
partie moyenne du cordon postérieur qui est surtout lésée ; or, cette
partie est occupée par des fibres nerveuses relevant du troisième
stade du développement. L'extension de la dégénérescence corres-
sociétés savantes. ? 91
pond donc exactement aux fibres de ce troisième stade. Cette opi-
nion est renforcée par celte constatation que, dans les régions
dorsale et cervicale inférieure, la lésion occupe, dans le faisceau
de Goll, un segment situé près de la cloison postérieure tandis
qu'elle respecte le segment postérieur du faisceau de Burdach.
Il est d'autres observations de tabès dans lesquelles les fibres dégé-
nérées appartiennent au troisième et au quatrième stade de déve-
loppement, tandis que celles du premier et du deuxième stade
demeurent intactes. Le cordon postérieur affecté de cette façon a
le même aspect que le cordon postérieur arrivé au deuxième
stade de son développement, puisqu'on n'y trouve pas de fibres
relevant des stades trois et quatre; cette ressemblance s'applique
aussi bien aux régions lombaires qu'aux régions dorsale et cervi-
cale inférieure. Il est des cas dans lesquels la lésion porte sur
les fibres des deuxième et troisième stades de développement. La
lésion est alors surtout accusée dans la partie moyenne du cordon
postérieur; déchéance des fibres des deuxième et troisième stades
de développement; intégrité de celles relevant du premier stade;
dégénérescence moyenne du segment postérieur du cordon, dans
lequel les fibres du quatrième stade demeurent intactes. La moelle
dorsale et cervicale inférieure est surtout, à raison de la réparti-
tion des fibres des deuxième et troisième stades, lésée dans la
partie moyenne du faisceau de Goll; il y a altération des segments
postérieurs du faisceau de Burdach. Le tabès est donc aussi au
point de vue embryogénique, une affection systématique, et, le
plus habituellement, une affection systématique combinée.
Discussion : M. H. Sacs. M. Flechsig, au dernier congrès des
naturalistes, a présenté des préparations d'embryons sur lesquelles
on constatait la présence des fibres du troisième stade de déve-
loppement. Il a également présenté des préparations empruntées
à un tabétique dans lesquelles les fibres en question avaient dégé-
néré exactement à la même place. '
M. PicK. De l'association des troubles oculaires d'origine hysté-
j'ique avec des troubles oculaires d'origine organique. (Publié in
extenso '.)
M. FREUND présente des schémas destinés à enregistrer l'état de la
sensibilité. On les trouve chez Hirschwald, de Berlin.
M. H.\IIN présente des. photographies de coupes transverscs et per-
pendiculaires à travers un hémisphère cérébral grossi deux à trois
fois. On les trouvera dans le récent ouvrage de Saclls, sur la suús--
tance blanche du cerveau colorée par la méthode de Pal.
M. Il. Sacs, en présentant des préparations d'écorce du cerveau,
signale la modification apportée à la coloration myélinique de Weigert,
' Voir Archives de Neurologie, Revues analytiques.
292 SOCIÉTÉS SAVANTES.
par Lissauer. Les coupés, aussi minces que possible, de l'organe
durci 'dans' le liquide de Muller, non traitées par le cuivre, sont
chauffées avec prudence dans une solution d'acide chromique à
1 p. 100 jusqu'à ce que les premières bulles se dégagent, puis on
les lave rapidement à l'eau, et on les chauffe à nouveau avec la
même prudence jusqu'à formation de bulles, dans la solution
d'hématoxyline de Weigert. Puis, à l'exemple de Pal, on les déco-
lore à l'hypermanganate de potasse et à l'acide sulfureux. (Allg.
Zeitsch. f. Psycla. XLIX, 4, 2.) P. KERAVAL.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN.
Séance du 15 mars 18921. - Présidence de M. ZINN, aîné.
M. P. NOEcKE. - Crime et folie chez la femme. - Après avoir exa-
miné cette question au point de vue de l'anthropologie biologique
(séance du 15 décembre 1890), l'auteur la traite aujourd'hui au
point de vue clinique et pratique. Voici 100 femmes aliénées qui se
décomposent en deux groupes. Un groupe de 53 comprend des
malades provenant de divers établissements pénitentiaires. L'autre
série, de 47, embrasse des aliénées ayant déjà subi une condamna-
tion ou ayant été examinées par un magistrat instructeur.
Les 53 aliénées qui subissaient leur condamnation, de la première
catégorie, pour la plupart d'un âge mûr, étaient soit domestiques
(la moitié d'entre elles), soit ouvrières. Pour la plupart prostituées
ou ivrognes, elles ne sont cependant pas désignées dans les dossiers
comme telles ; pour 7 seulement on trouve la mention de filles
publiques, une seule est désignée comme buveuse. Les délits com-
mis se répartissent ainsi ; 53 p. 100 ont volé, 15 ont incendié,
9 ont vagabondé et mendié, 7,5 ont tué ou essayé de tuer. La
passion ne joue, dans leurs actes aucun rôle; elles sont presque
toutes des délinquantes par habitude, aussi en trouve-t-on
23,4 p. 100 qui ont subi plusieurs condamnations et il n'est pas
rare d'enregistrer 48,1 p. 100 de récidives. Les pénalités pronon-
cées sont surtout graves et longues. Dans 17 p. 100 des cas, l'alié-
nation mentale était indéniable à l'époque du dernier crime ou
délit; elle était extrêmement probable en 24,5 p. 100; chiures
évidemment fantastiques par leur énormité.
Examinons maintenant le groupe des 47 aliénées ayant subi des
' Voyez Archives de Neurologie, séance de décembre 1891.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 293
condamnations antérieures. Le.vagabondage domine ici; l'assassi-
nat y est très fréquent. Il y en a près de 20 p. 100 qui à l'époque
de leur dernier crime ou délit étaient sûrement affectées de vésa-
nies, la proportion des folles probables atteint 23,4. Cette propor-
tion s'accroît encore si l'on note le nombre des délinquantes que le
juge instructeur a reconnues malades et en faveur desquelles il a
rendu une ordonnance de non-lieu. Les aliénées que nous dési-
gnons dans ce groupe présentaient au moment de leur admis-
sion dans l'asile les psychopathies les plus variées, mais la folie
systématique tenait le premier rang. La folie' morale était fré-
quente. Quelques-unes appartenaient au type criminel pur. L'hé-
rédité n'existait que chez 20 p. 100 de ces malheureuses; les dos-
siers ne mentionnent pas la syphilis; l'alcoolisme est rarement
signalé, il n'y est pas non plus fait mention de condamnations
antérieures.
Quoi qu'il en soit,c'est la folie systématique qui grève ces cerveaux-
là (79 p. 100) et la folie systématique avec hallucinations; l'auteur y
fait rentrer le type de Meynert (désordre aigu dans les idées avec
hallucinations et agitation maniaque). Il note également la dégé-
nérescence mentale préalable et dans ce cas la terminaison de la
maladie par la démence. La guérison constitue une fin rare. En tout
cas, la psychose des prisons, causée par l'isolement et la détention,
est un mythe, cela n'existe pas. Les particularités symptomatiques
observées, telles que la rapidité du début en rapport avec l'explosion
des hallucinations ou leur impériosité, le désordre dans les idées, la
fréquence d'épisodes plus aigus venant compliquer le délire chro-
nique, et, finalement la démence prompte, l'ensemble de ces carac-
tèlres'doit êlre mis sur le compte de la tare dégénérative déjà
signalée. Rareté de la paralysie générale. ' . -
Comment faut-il assister et traiter les délinquantes ou criminelles
aliénées ? Celles qui sont difficiles à conduire doivent demeurer dans
une annexe de l'établissement pénitentiaire, organisée comme un
asile d'aliénées. Celles qui sont inoffensives, on peut sans inconvé-
nient les transférer dans un véritable asile, à la condition de les y
répartir avec discernement. Faire intervenir en pareil cas la ques-
tion de l'honorabilité et de l'infamie est un peu exagéré; en effet
ce sont toujours à des maladies organiques de l'espèce humaine
que l'on a affaire, et, de même que dans les hôpitaux ordinaires,
il n'est pas étonnant qu'il y ait des malades ayant eu maille à par-
tir avec la justice. Puis, puisqu'à l'époque du dernier délit la plu-
part étaient aliénées, on les a condamnées à tort; par conséquent,
ce sont des aliénées criminelles et non des criminelles aliénées.
Quel rapport y a-t-il entre le crime et la folie ! Ces deux acci-
dents germent sur un terrain préparé par les géniteurs. Ce qui le
prouve c'est la fréquence de la dégénérescence mentale congéni-
tale chez les criminelles. Sans doute le crime, ne se produit pas
294 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tout seul, il ne s'effectue que par une occasion; eh bien ! mais la
folie aussi, bien que la cause déterminante soit difficile, souvent
impossible à mettre en évidence. Pour produire le crime, la syphi-
lis, les excès alcooliques, les rigueurs de la vie, la mauvaise éduca-
tion, les mauvais exemples, une hygiène défectueuse, les privations
les traumatismes, les grossesses, la réceptivité morbide déterminée
par le vagabondage et autres causes de déchéance physique, vien-
nent s'ajouter à la débilité mentale et au vice d'organisation céré-
brale du prédestiné. C'est précisément le même ensemble de causes
morbigènes qui vise le candidat à la folie : il peut donc débuter par
la prison où il trouvera un nouvel élément en soi minime qui fai-
sant déborder le vase provoquera l'aliénation mentale par laquelle
un hasard différent eût pu le faire débuter avant qu'il ne versât
dans le crime.
La responsabilité et la liberté volontaire ne sont donc en somme
que de vains mots, l'atténuation de la responsabilité, voilà le salut.
La transformation dés établissements pénitentiaires en agents d'a-
mélioration pour les condamnés à de courtes peines, en agents de
préservation pour les condamnés à peines prolongées, voilà ce à
quoi il faut tendre. Mais il ne faut pas se faire illusion, le criminel
par habitude est incurable.
L'examen des délinquants par un psychiatre est de rigueur, il
conviendrait également que le médecin ordinaire de la prison fût
un aliéniste. On arriverait ainsi à décharger le ministère de la jus-
tice.
Discussion : M. lltraN. La fréquence de l'épilepsie chez
les criminelles aliénées m'a frappé. 11. Noecke n'en parle pas.
M. 1RNDEL. Je ne vois pas sur quels éléments scientifiques on
pourrait s'appuyer pour s'occuper des modalités des pénalités. Ces
questions n'ont rien à faire avec le fonctionnement organique du
cerveau. La responsabilité ne regarde pas davantage le médecin;
se maintenant dans son rôle, il doit simplement décider si l'individu
soumis à son examen est malade ou non.
M. LEPPMANN. Oui, parmi les criminels, prédomine la folie systé-
matique et la dégénérescence mentale. Mais on constate aussi
souvent la mélancolie stupide, qui affecte assez fréquemment la
forme de la démence aiguë. L'isolement n'a pas d'influence nocive.
M. CRAMER, - Etat de la pression du sang dans les anomalies pl'imi-
tives de l'humeur. Voici un fait des plus instructifs. Chez un malade
atteint de folie circulaire, M. Cramer a constaté que la pression du
sang diminue quand le stade de gaité survient (dans le cas parti-
culier le stade maniaque ne se manifestait pas par de l'agitation),
et que cette pression augmente pendant le stade de dépression
(anxieux). Ce fait est unique en son genre, parce qu'il permet
d'éliminer deux facteurs qui peuvent à eux seuls entacher d'erreur
SOCIÉTÉS SAVANTES. 398
l'observation de la pression artérielle. Il n'y avait ni exagération
de la fonction du muscle, puisque l'agitation faisait défaut, ni ces
troubles de la nutrition qui se montrent dans la mélancolie chro-
nique : M. Cramer s'est servi du sphygmomanomètre de Basch.
11 appert également de trois cents examens comparatifs que l'an-
goisse s'accompagne d'une élévation de la colonne mercurielle de
20 à 50 millimètres, suivant le degré de l'anxiété. Si l'on en rap-
proche la pâleur des muqueuses et des téguments externes cons-
tatée en même temps que ce symptôme, et l'état du pouls (petit et
contracté), on peut en conclure que dans des territoires vasculaires
relativement étendus, il se produit une contracture des vaisseaux
pendant l'angoisse des mélancoliques. D'autre part, les recherches
de la thérapeutique ont montré que le nitrite d'amyle dilate les
vaisseaux et fait baisser la pression du sang ; la clinique a permis
de constater que ce médicament faisait, au moins passagèrement,
disparaître l'angoisse. Il est donc rationnel d'attribuer l'anxiété à
la contracture des vaisseaux qui se traduit par l'augmentation de
la pression sanguine.
Discussion : 111. 11\ECnT. Le sphygmographe confirme les résultats
du sphymomanomètre. Le jeune maniaque a un pouls subdicrote ;
ce qui permet de supposer un relâchement de la paroi vasculaire
et une diminution de la pression sanguine. Chez les anxieux
mélancoliques, surtout dans la pseudo-stupeur, on trouve un pouls
hyperlricrote ; il provient d'une extrême tension de la paroi
vasculaire, le vaisseau n'admettant plus qu'une petite ondée san-
guine et ne se laissant distendre que par force, sur une toute
petite étendue : en d'autres termes, la pression est considéra-
blement augmentée. 11 en résulte une sorte de reflux du sang
vers le coeur, la circulation de l'artère étant morcelée et comme
forcée ; de là la sensation d'oppression épigastrique des mélanco-
liques, exactement comme chez les cardiaques.
M. MOELI complète oralement les explications fourniespar M. STIEDA
sur les lJ1'épul'ations sèches d'eneéphale (Nell1'olog. Centrnlbl.,1892) t. En
soumettant des fragments de cerveaux, durcis préalablement dans
l'alcool, à l'action successive de solutions de chlorure de calcium et
de sulfate de soude, il les a pétrifiés. Mais on ne peut obtenir de
résultats qu'en agissant sur de petites pièces : tubercules quadriju-
meaux, ou cerveaux de petits animaux, antérieurement revêtus
d'un vernis. Cette méthode échoue quand on a affaire à des encé-
phales ou à des hémisphères entiers. Depuis longtemps, M. Moeli
applique à ces grosses pièces le procédé suivant. Généralement
elles ont d'abord subi un durcissement, au moins partiel, dans la
liqueur de Muller; on les met dans l'alcool, puis on les recouvre à
plusieurs reprises d'un vernis à bon marché, en solution faible dans
' Voy. Revues analytiques. f - '
296 6 THÉRAPEUTIQUE CHIRURGICALE.
la térébenthine. On peut se servir de ces préparations pendant
longtemps.
. Voici, par exemple, trois hémisphères qui à l'époque où on lésa a
extraits des cadavres, pesaient à peu près le même poids. L'un a
.été' soumis à l'esprit de bois (procédé de Richter), le second à la
paraffine, le troisième au vernis. L'hémisphère le moins rétracté
est celui qui a été traité par la paraffine ; il cube 270 centimètres
cubes. Puis vient celui qui, durci dans l'acide phénique, a ensuite
été verni (250 centimètres cubes). Celui qui a été traité par l'esprit
de bois cube 205 centimètres. Le procédé au chlorure de zinc (pro-
cédé Stieda) donne un excellent durcissement.
Discussion : M. MINDEL. Les encéphales que lui a présentés Stieda
sont encore moins rétractés que celui-ci. (Allg. Zeitschr. f. Psy-
chiat., XLIX, 1, 2.) ' P. KKRAVAL.
DU TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'IDIOTIE ' 1
Nous continuons l'exposé résumé des travaux publiés
sur le traitement chirurgical de l'idiotie en le faisant précéder
d'une courte note de M. Giacomo sur la microcéphalie.
§ VIII. LE cerveau dans la microcéphalie ; par le
. Dr Giacomo. (The N.-Y. Médical Record, 1892, p. 139.)
Le Dr Giacomo a récemment publié des observations sur ce
sujet. En voici le résumé. Le processus morbide déterminant la
microcéphalie dépend essentiellement du système nerveux central,
et la déformation (ou malformation) crânienne résulte du manque
de développement cérébral. Il n'est pas de microcéphalie qui
dépende, à l'origine, des os.' Glle se rattache toujours au système
nerveux. Cette condition n'est pas seulement limitée au cerveau.
11 y a aussi la micromyélie.
Le système nerveux dans la microcéphalie ne présente aucune
altération pathologique susceptible d'être produite par un
arrêt de développement. Les cerveaux appartiennent tous au type
humain, variant suivant, la période de la vie embryonnaire, où se
produit l'arrêt de développement, rangés par degré, depuis le
* Voir Archives de Neurologie, 1892, p. 131, 316 et 330. 1
DU TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'IDIOTIE. 297
cerveau qui est au-dessous de celui d'un adulte normal jusqu'à la
limite de l'anencéphalie.
La formation de la substance corticale dans les cas extraordi-
naires, en dehors de l'arrêt manifeste de développement, a beau-
coup de ressemblance avec celle de certains animaux, et peut être
considérée comme un exemple d'atavisme par les évolutionisles,
car cette formation n'a jamais existé pendant la période historique
de l'espèce humaine.
§ IX. Note SUR la CRANIECT01111E linéaire; par le
Dr TuHOLSKE. (Weekly Médical Reviezo, 21 novembre 1891,
p. 415.) )
M. le Dr IRY dit qu'il était certain que plusieurs cas ont été
opérés d'une manière inexcusable. Ceci était une déduction géné-
rale tirée de son examen de la littérature sur le sujet, et non
par rapport au cas rapporté par le Dr Tuholske. La description de
son cas se rapproche d'une grande catégorie de cas de « cerebritis »
infantile, dans laquelle le progrès de l'inflammation enveloppe la
substance corticale, et à laquelle on a donné le nom de Polio-encé-
phalite. L'enfant est paralysé des extrémités, et il existe des trou-
bles généraux de la nutrition. Le diagnostic, ainsi fait, contre-indi-
querait la craniectomie. L'examen, fait à l'autopsie dans de pareils
cas, révèle des processus inflammatoires étendus ou leurs résultats i
dans d'autres circonstances, la dégénération des cellules nerveuses
dans des portions particulières du cerveau, les suites d'une maladie
étendue. Shrimple a donné à cette catégorie d'affections le nom
de polio-encéphalite, à cause de sa ressemblance avec la polio-
myélite de la corne antérieure de la moelle. Si un tel diagnostic
pouvait être fait dans un cas donné, une opération ne serait pas
justifiable.
Le Dr J.-K. BAUDUY dit que le cas en discussion ne pourrait avoir
été un cas de polio-encéphalite. En premier lieu, H n'y avait pas la
plus légère manifestation de paralysie; l'intellect de l'enfant n'était
pas fortement altéré, arrêté quelque peu seulement et diminué.
Pourquoi était-il arrêté ? pour la meilleure raison du monde; la
fontanelle antérieure était complètement fermée, et de là, l'arrêt
de développement du cerveau.
M. le D'' Broome dit qu'il croyait que l'opération n'aurait jamais
de succès tant qu'on n'aurait pas agi sur la dure-mère comme sur
.l'os. Les opérations faites antérieurement ne l'ont été que sur l'os ;
la dure-mère n'offrant pas assez d'élasticité pour rendre heureuse
l'opération, il sera nécessaire de remédier à l'obstacle de la dure-
mère aussi bien qu'à celui de l'os. ,Aucun succès cependant n'a
accompagné l'opération. Keen a fait six opérations jusqu'ici et il ne
298 thérapeutique CHIRURGICALE.
.rapporte aucun résultat. L'orateur ne savait pas que l'on eût
jamais conçu celle opération, mais c'était la solution de l'insuccès
de l'opération, car on n'avait rien fait pour combattre la pression
exercée par la dure-mère aussi bien que par l'os.
M. le Dr BREMEIt. Conseilleriez-vous de couper la dure-mère en
même temps que l'os ?
M. le Dr Broome réplique qu'il ne le conseillerait pas, mais que
l'opération ne peut réussir tant qu'on ne trouvera pas un remède.
M. le D'' BARCLAY dit que dans ce cas l'opération aurait pu être
très avantageuse si elle avait été faite sans percussion, ce qui était
inévitable avec la méthode employée. Il y a plusieurs années, il fut
fait une recommandation aux chirurgiens opérateurs de cette
Société, d'employer l'instrument chirurgical à dents pour opérer
sur l'os, pour lequel la contusion était un danger, car le caractère
de l'os est tel que le danger peut résulter du glissement de l'ins-
trument. Celui en question peut s'employer avec la plus grande
justesse et très facilement. Il a été à plusieurs reprises rappelé à
l'attention des chirurgiens par des médecins otologisles, comme
étant souvent employé par eux et d'autres pour l'ablation d'exos-
toses du canal auditif. C'est la plus dure de toutes les tumeurs
connues, et si l'on pense au danger de ciseler, la possibilité de
briser la base du crâne, la percussion qu'il faut exercer, et la diffi-
culté qu'on rencontre à travailler sur un endroit semblable, on
finira par comprendre le grand avantage d'un tel instrument;
l'opération se fera plus rapidement, avec plus de sûreté et sans
danger pour le cerveau du malade.
M. le Dr BAUDUY dit que son ami, le Dr Broome, avait fait quel-
ques erreurs. Keen a opéré deux fois avec succès, et Lannelongue
a accompli vingt-cinq fois l'opération de la craniectomie et n'a eu
que deux décès. Ce n'est pas seulement une question de la sûreté
de l'opération; celle-ci est naturellement chose essentielle pour le
chirurgien, mais c'est une question des résultats définitifs de l'opé-
ration. Il est prématuré de faire aucune prédiction positive quant
au résultat de cette opération. Il faut attendre; il faudra probable-
ment plusieurs années pour les développer. Nous espérons pouvoir
à une certaine époque rendre compte du résultat de la Société et
nous avons confiance en son issue favorable. Physiquement, cet
enfant était presque un Adonis, il avait un beau développement
physique.
Si on consulte ce que dit le Dr Broome au sujet de la dure-mère,
il dit qu'elle s'accommodera d'elle-même à l'accroissement du cer-
veau, mais si elle ne peut se développer, l'hémisphère cérébral ne
le peut non plus, parce qu'il est renfermé dans une cavité osseuse;
mais si on en enlève l'os, ça permettra le développement de la
dure-mère, et elle se développera.
DU TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'IDIOTIE. 299
Les injonctions du Dr Barclay au sujet de l'emploi du ciseau et
du maillet sont certainement excellentes. Elles constituent une
sourco de danger, celui provenant de la concussion, de la vibration
ou du contre-coup ; mais il n'est pas nécessaire d'employer l'outil
chirurgical ou le ciseau et le maillet, parce que au moyen de
la pince que Keen emploie presque exclusivement, nous avons
un moyen sûr qui exclut l'usage du ciseau, du maillet ou du
trépan. Dans des conditions aseptiques et antiseptiques le malade
est bien certain de guérir de l'opération; mais ce qu'il faut le plus
considérer, ce sont les conséquences futures, l'amélioration de
l'intelligence de l'enfant. Après l'opération, le cerveau aura la
facilité de se développer, et nous connaissons d'après des opéra-
tions de Lannelongue, celles faites par des chirurgiens de cette
ville, et par Keen, que l'amélioration mentale s'en est suivie.
M. le Dr HURT dit : le D'' Bauduy a parfaitement établi que la
dure-mère se fait elle-même au développement du cerveau; et le
crâne ne fait-il pas de même ? Est-ce que d'ordinaire les crânes
humains ne croissent pas après la fermeture des sutures et des
fontanelles ? La question est celle-ci : pourquoi chez quelques
enfants les sutures se ferment-elles dans l'enfance ? Est-ce par ce
que l'activité du système osseux l'emporte sur celle du système
cérébral ? S'il nous était possible de connaître que le cerveau de
l'enfant croissait d'une façon normale, et qu'il était réellement
arrêté, parce que les fontanelles s'étaient fermées, et qu'il ne lui
était pas facile de se développer, il y aurait là un point qui nous
indiquerait la nécessité d'une opération. Mais si la réunion des
sutures est la conséquence de l'arrêt du développement, ou bien le
défaut de développement des organes cérébraux, l'opération sera
un insuccès. Si la nutrition du cerveau est normale, ainsi que son
développement, comment les sutures peuvent-elles se fermer d'une
façon anormale et prématurée ? Et même fussent-elles fermées, le
cerveau ne devrait-il pas trouver un moyen de se faire lui-même à
ce défaut ? le crâne se familiarise généralement à la croissance
du cerveau. C'est ainsi que le fait se produit pour les carapaces des
tortues; la tortue ne s'arrête pas dans son développement lors
même que son corps a rempli complètement sou enveloppe; de
même la carapace ne cesse de croître jusqu'à ce qu'elle ait atteint
son complet développement. '
M. le Dr BRUMER dit : « Cette discussion montre de nouveau
combien peuvent être contradictoires les témoignages de témoins
oculaires. Il y a ici des hommes dignes de foi qui ont vu le même
cas, et cependant leur témoignage est de beaucoup différent. Le
témoignage se rapporte cependant aux résultats de l'opération. Un
passage des remarques du Dr Tuholske donna la note de la situation
qui était celle-ci : « Le docteur ne vit aucune amélioration, mais
OU . THÉRAPEUTIQUE CHIRURGICALE.
la mère, elle,' la vit. » Rien de plus naturel n'a été accompli dans
des cas aussi désespérés après une opération, la mère qui aime, la
mère ou le père qui espèrent, tous les parents, en un mot, verraient
quelque amélioration. L'orateur craint que les améliorations rap-
portées ne soient de ce caractère.
Naturellement, avec le temps, le mieux se produira; les enfants
.microcéphales ne restent pas toujours à un degré inférieur d'intel-
ligence, mais elle se développe jusqu'à un certain point, .et il est
assez naturel que cette amélioration, qui aurait lieu à un degré
quelconque, soit attribuée à l'opération. Quoique l'orateur n'ait
pas une entière confiance dans cette opération, il a pensé que,
lorsqu'elle est légitime, elle devrait être essayée. Il s'était exprimé
dans sa note d'une manière plutôt obscure au point de vue des
résultats définitifs, mais ceci est, en grande partie, une marque du
caractère, propre de chacun; d'aucuns sont optimistes, d'autres
pessimistes; les uns voient de l'amélioration là où d'autres cons-
tatent un mouvement rétrograde, et par conséquent, certains vou-
dront qu'il soit fait une opération, d'autres ne l'appuieront pas;
ceci dépend d'une opinion toute personnelle. On lui apprit qu'il
avait vu ce cas un an auparavant et avait dit qu'il n'y avait rien à
faire à cette époque. 11 est de fait qu'alors on ne savait que peu de
chose sur la craniotomie linéaire; des cas semblables avaient été
trépanés avec un certain succès, mais il n'avait pas grande con-
fiance dans cette opération, et conseilla aux parents de ne rien
faire pour leur enfant. Cependant, en face du pronostic : absolu-
ment mauvais et de l'avenir malheureux réservé à de tels enfants,
il est juste qu'on cherche à se raccrocher aux branches et qu'on
fasse l'opération.
M. le Dr Tuholske termine la discussion en disant que le sujet
n'était pas de son choix ; il ne se sentait pas d'enthousiasme pour
la craniectomie linéaire; il a essayé de présenter ce sujet avec
impartialité, montrant les bons résultats obtenus et les mauvais
déjà connus. 11 est impossible jusqu'à présent de dire si on tirera
on non un avantage, il est prématuré de rapporter ce cas mainte-
nant ; et il se passera probablement huit mois ou un an avant qu'on
en connaisse le résultat. Il n'aurait pas, dit-il, rapporté ce cas
aujourd'hui, cinq semaines après l'opération, si on ne lui avait pas
demandé d'écrire sur ce sujet. Il a pensé qu'il n'est pas question
du diagnostic. Le Dr Fry a mal compris le rapport du cas, parce
qu'il n'y avait pas de symptômes de paralysie; il y avait quelques
contractures des muscles; l'enfant remuait les bras, et il n'y avait
pas de perte de sensibilité ni rien de ce genre.
Le cas avait été examiné par les Drs Bauduy et Bremer, et si l'o-
rateur avait eu quelque doute au sujet du.diagnostic, il l'aurait
exposé et se serait considéré simplement comme un instrument en
faisant le travail mécanique indiqué. Le D1' Bremer se fait à lui-
DU TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'IDIOTIE 301 L
même une légère injustice, si le malade me l'a fidèlement répété.
Le Dr Bremer aurait dit que : c Actuellement il n'y avait rien à
faire dans ces cas, mais qu'il croyait que l'époque n'était pas bien
éloignée où l'on arriverait à opérer pour tâcher d'apporter quelques
soulagements à ces malades. » Il y a de cela plus d'un an. Il ne
faut pas perdre de vue le danger du ciseau et du maillet. L'opinion
de l'orateur était qu'on ne devrait pas en faire usage. La chose la
plus heureuse du monde serait que le petit malade ne mourût pas.
M. le Dr BREMER expliqua que le Dr Tuholske avait été choisi pour
lire un travail sur ce sujet, parce qu'il était le seul chirurgien de.
cette ville qui eût accompli l'opération, et on désirait obtenir
l'expérience personnelle de ceux qui ont lu ces notes.
X. Craniectomie dans la MICROCÉPIIALIE.
M. Victor HORSLEY rapporte le cas suivant. Le malade était un
garçon âgé de trois ans, qui, dit-on, avait eu une attaque à qua-
torze jours, mais plus rien ensuite. Cet enfant avait des colères
bruyantes, n'était jamais tranquille, et avait parfois une expres-
sion idiote de la physionomie. Quand il prenait la nourriture, on
était obligé de la pousser;au fond de la bouche, ou bien il ne l'ava-
lait pas, et il faisait tout sous lui. Sa tête décelait un microcéphalie
bien marqué; les sutures étaient ossifiées, et les bases des os
étaient bien marquées. Pas d'asymétrie de la tête ou de la face.
Les pupilles inégales, la gauche plus petite, toutes deux réagissant
bien à la lumière. Le fond des deux yeux était normal. Les ré-
flexes profonds, bien marqués, mais pas exagérés. Une opération
ayant été décidée, la peau et le périoste furent découverts. Un mor-
ceau d'os de quatre pouces de long et d'un demi-pouce à sa partie
la plus large, terminé en fuseau vers les extrémités, fut alors enlevé
du côté gauche du crâne, près de la ligne médiane; le morceau
enlevé étant légèrement arqué vers le bas à chaque extrémité. On
n'employa pas de drains; et en huit jours la plaie était parfaitement
cicatrisée. Pas d'élévation de la température. Ou constata une
amélioration distincte dans l'expression du malade, au bout du
troisième jour. Ensuite, on vit que les mouvements de la tête étaient
beaucoup moins fréquents et que l'expression idiote avait disparu
en grande partie, et les parents et le médecin furent frappés de
l'amélioration produite chez l'enfant.Dans un second cas, le résultat
fut moins heureux. Le malade était un garçon, âgé de sept ans, et
on lui enleva un grand morceau d'os; mais l'enfant mourut de
pyrexie, que M. Horsley croit être due à la trop grande extension
de l'opération et à la basse organisation des centres thermotaxi-
ques, étant incapables de résister aux influences traumatiques dé-
favorables amenées par l'opération. (Brit. Aled. Journal, 12 sep-
tembre 1891 et The Practilioncr, novembre 1891, p. 365 : )- :
30 BIBLIOGRAPHIE.
§ XI. CRANIOTOSI(E POUR NÉVRITE OPTIQUE DOUBLE AVEC MlCROCÉPHAL1E;
. par MILLER.
Millier (British Médical Journal, n° 1647, p. 176) a rapporté le
cas d'un enfant mâle âgé de huit mois, présentant de la microcé-
phalie et une névrite optique double. L'épine et les extrémités
étaient presque constamment étendues et rigides. Les pouces
étaient susceptibles d'adduction et les doigts se fléchissaient; les
jambes, adduction normale et croisement. Les parties génitales
étaient mal développées. Il existait du nystagmus et du strabisme
interne. Les. globes de l'oeil étaient profondément enfoncés dans
les orbites. Les os de la face étaient bien développés. Les incisives
centrales inférieures étaient bien plantées dans les gencives ;
toutes les sutures crâniennes étaient complètement ossifiées et les
fontanelles oblitérées. On a délivré la mère avec le forceps. Les
éminences osseuses du crâne étaient,peu marquées; le front en
arrière et étroit; circonférence de la tête au-dessous de la nor-
male. L'enfant était bien bâti, mais agité, il criait beaucoup et
était habituellement constipé. Son activité intellectuelle était peu
déployée. On lui fit l'opération de la craniectomie ; on lui enleva
un demi-pouce d'os sur une étendue de 3 pouces. L'améliora-
tion se fit sentir immédiatement, bien marquée et progressive.
(Anal, du Médical Nelas, 24 septembre 1892.)
BIBLIOGRAPHIE
VI. Les troubles du langage chez les aliénés; par J. Séglas, 1 vol.
in. (Bill, médicale, CuaAcoT-DEnovr.) Ruefi", éditeur, Paris,
1892.
La question des troubles du langage chez les aliénés ne laisse
pas d'être fort étendue et complexe. Les éléments épars de divers
côtés ont été groupés par M. Séglas qui a ajouté de nombreux do-
cuments personnels et a apporté à l'examen des faits connus l'in-
géniosité de sa critique et de ses interprétations. Pour mettre un
peu de clarté dans un sujet si vaste il a commencé par dresser un
tableau synoptique des troubles du langage parlé, qui tiennent à
trois choses : 1° des troubles intellectuels avec intégrité de la foncez
tion langage; ce sont les dyslogies qu'il examine au point de vue
des modifications de la rapidité, de la forme, de la syntaxe et du
contenu; 2° à des troubles de la fonction du langage; ce sont
BIBLIOGRAPHIE. 303
les dysphasies, qui sont tantôt organiques, tantôt fonctionnelles
(amnésies verbales transitoires, hallucinations verbales, impulsions
verbales) ; 3° enfin à des troubles de la parole; ce sont les dys-
lalies, qui résultent d'une éducation défectueuse de la parole, de
malformations congénitales ou accidentelles, de maladies du
système nerveux central ou périphérique, ou de laloneuroses
spasmodiques. '
Il est difficile d'analyser un travail aussi touffu, et où l'auteur a
jeté presque à chaque page quelque idée neuve et personnelle.
Quoique le mieux que nous puissions faire est d'en recommander
la lecture, nous signalerons les chapitres les plus intéressants et les
plus originaux.
Le mutisme vésanique est analysé avec grand soin. Il peut être
absolu ou relatif, continu ou intermittent; mais ce qui est plus
important, c'est qu'il peut être involontaire ou volontaire. Tantôt
il s'agit d'un fait d'aboulie; il résulte de la difficulté que les malades
ont à exprimer leur pensée parce qu'ils sont incapables de l'effort
d'attention nécessaire pour faire la synthèse indispensable à la
construction de la phrase. Tantôt le mutisme résulte d'un arrêt
total de la pensée. Dans certains cas, c'est une hallucination qui
interdit au malade de parler; ou bien le malade se tait en vertu
d'une idée délirante, mélancolique ou de persécution. Il est enfin
des cas où le mutisme est de nature hystérique.
Signalons en passant les pages sur le langage émotionnel et le
langage réflexe, pour en arriver à un chapitre des plus intéres-
sants, celui des hallucinations verbales. M. Séglas, dont les tra-
vaux sur les rapports des hallucinations avec la fonction langage
sont trop connus pour que nous les rappelions ici, ne pouvait
manquer de traiter celte question de main de maître. Il étudie
successivement les hallucinations verbales auditives, visuelles et
psycho-motrices. Ces dernières sont l'objet d'une étude approfondie.
Il les distingue avec soin de l'impulsion verbale et de la parole
involontaire et inconsciente.
Il passe ensuite en revue les hallucinations verbales en clinique
mentale. Il montre que contrairement à ce qu'on croyait jusqu'ici,
il fallait admettre des obsessions hallucinatoires, et distinguer
deux cas : 1° ou bien l'idée obsédante s'accompagne d'une hallu--
cination qu'elle provoque (obsession hallucinatoire); 2° nu bien
l'hallucination a une existence indépendante, avec tous les carac-
tères communs aux obsessions en général (hallucination obsé-
dante).
Les troubles du langage écrit sont traités avec même méthode
et la même clarté. M. Séglas examine d'abord les modifications de
la façon d'écrire, puis le nombre et l'aspect général des écrits,
dont il donne des exemples caractéristiques et originaux, puis la
valeur qu'il faut attacher aux- écrits, leur forme et leur contenu
304 BIBLIOGLAPHIE.
en général, la logique qui s'y rencontre, et les particularités, sou-
vent typiques, qu'on observe dans leur rédaction, enfin les modifi-
cations de la syntaxe et des signes graphiques eux-mêmes. De
nombreuses reproductions d'autographes d'aliénés illustrent cette
seconde partie. Tous ces troubles sont les résultats de troubles in-
tellectuels avec intégrité de la fonction langage. A côté d'eux se
placent ceux qui tiennent à des troubles de cette fonction; ce sont
les disgraphies, qui se distinguent en organiques et fonctionnelles,
les hallucinations verbales motrices graphiques et les impulsions
graphiques, l'écriture involontaire et inconsciente. Enfin les der-
niers troubles du langage écrit sont les troubles de l'écriture elle
même, qui tiennent à une éducation défectueuse, ou à des mal-
formations congénitales ou accidentelles, ou encore à des maladies
organiques ou fonctionnelles du système nerveux, ou enfin .consti-
tuent une névrose spéciale, la crampe des écrivains. Un appendice
consacré aux dessins des aliénés termine la seconde partie. z
La troisième partie comprend l'étude des troubles du langage
mimique. C'est là un sujet encore bien vague et où les recherches
sont très délicates à poursuivre. Il serait intéressant, pour arriver à
quelques données plus précises, d'employer la photographie instan-
tanée.
Si nous avions une critique à formuler, ce serait d'avoir peut-être
un peu trop négligé, à propos des différents troubles examinés
dans le langage, leur valeur séméiologique au point de vue du
diagnostic et du pronostic des affections mentales où ils se rencon-
trent. En tout ce qui touche au contraire l'aspect clinique et la
pathogénie de ces différents troubles, nous ne pouvons que signaler
tout l'intérêt qu'il peut offrir non seulement aux aliénistes, mais
encore aux psychologues. P. S.
VII. Paralysies et contractures hystériques; par Paul RICHER, 9 vol.
in-8° de 222 pages. Paris, 1892, 0. Doin, éditeur.
Il y a une dizaine d'années que M. Richer avait présenté ce tra-
vail à l'Académie de médecine, qui lui avait décerné le prix
Civrieux. Les progrès faits sur cette question depuis lors ont forcé
l'auteur à le revoir pour le mettre au courant de l'état actuel de
nos connaissances. Mais le fond est resté le même, et il est essen-
tiellement clinique. Les faits bien observés gardent toujours leur
yaleur propre. M. Richer ne s'occupe que des paralysies et des
contractures permanentes, et laisse de côté celles qui se montrent
dans l'attaque d'hystérie. Son ouvrage est divisé en deux parties :
dans la première, il étudie les paralysies et les contractures hysté-
riques en général; dans la sconde, il les examine en particulier.
Au point de vue étiologique, il relève l'influence des attaques con-
vulsives et de leurs diverses variétés, l'influence de la disparition
BIBLIOGRAPHIE. 305
d'un autre symptôme hystérique, celle de divers états morbides,
tels que les fièvres graves, celle du traumatisme et enfin des im-
pressions morales.
La symptomatologie des paralysies est exposée avec de grands
détails. M. Richer distingue : 1° l'amyosthénie, qui n'est qu'un
léger degré de la 'paralysie; 2° la paralysie vulgaire qui répond
aux cas les plus communément observés; 3° la paralysie par sup-
pression des mouvements coordonnés (astasie-abasie). Il analyse
leurs caractères : rarement complètes, elles atteignent également
les muscles antagonistes; les troubles de nutrition y sont rares,
la contractilité électrique est conservée, caractere diagnostique
important; les troubles de la sensibilité sont très fréquents; tandis
que les réflexes cutanés sont abolis, les réflexes tendineux sont
ordinairement exaltés.
Comme transition à l'étude des contractures, un chapitre est
consacré à la diathèse de contracture. D'intéressants graphiques
rendent compte de l'influence produite par des courants élec-
triques sur les muscles contracturés.
Quant aux contractures proprement dites, M. Richer en dis-
tingue deux formes : 1° contracture hystérique permanente se
subdivisant en deux variétés suivant l'état d'anesthésie ou d'hy-
péresthésie de la peau; 2° contracture hystérique de forme psy-
chique. Il insiste sur la différence symptomatique, plus apparente
que réelle, croyons-nous, de ces deux formes. La contracture vul-
gaire aurait un caractère d'intensité invariable, tandis que la con-
tracture psychique serait moins marquée et plus modifiable. La
première ne disparaît pas pendant le sommeil, tandis que la
- seconde disparait. L'attitude des mémbres dans la première serait
la flexion pour le membre supérieur, l'extension pour l'inférieur;
dans la seconde les attitudes n'obéiraient à aucune loi. Les trou-
bles de la sensibilité presque constants dans la première et modi-
fiables par les sesthésiogènes sont rares dans la seconde, et
sont rebelles ces agents.
M. Richer, passant ensuite à la physiologie pathologique des con-
tractures et des paralysies hystériques, défend l'opinion que la
contracture n'est qu'une forme de l'activité musculaire, et n'est
qu'une exagération du tonus musculaire. Quant aux preuves du
siège cérébral de quelques formes de la contracture hystérique, il
les range en deux ordres, les unes tirées de l'expérimentation, les
autres de la clinique.
Après quelques pages judicieuses consacrées au traitement,
M. Richer aborde l'étude des contractures et paralysies localisées,
monoplégies, hémiplégies, paraplégies, quadriplégies, puis celle
des paralysies et contractures partielles proprement dites, telles que
le blépharospasme, l'hémispasme glosso-labié, le trismus, la para-
lysie faciale hystérique, le torticolis paralytique et par contrac-
Archives, l. XXV. 20
306 BIBLIOGRAPHIE.
ture, la coxalgie hystérique, les paralysies et contractures du dia-
phragme, celles du larynx, le mutisme (hystérique, les spasmes
laryngés, la dyspnée hystérique, la dysphasie, les vomissements,
la tympanitc, le spasme anal, et enfin, les paralysies à contractures
des organes génito-urinaires.
De nombreuses observations apportent leur témoignage clinique
aux assertions de l'auteur, qui, avec son talent ordinaire, a illustré
le texte d'un assez grand nombre de figures, qui donnent plus de
vie aux descriptions. P. SOLFIER.
VIII. Les troubles de la marche dans les maladies nerveuses, par
le Dr P. BLOCQ. (Bibliothèque CHARCOT-DEBOVE.; Paris, Rueff, édit.
1892.
On sait toute la valeur qu'ont au point de vue séméiologique les
troubles de la marche dans les maladies du système nerveux. En
faisant une étude d'ensemble de ces troubles, M. Blocq, tout dé-
signé déjà par son mémoire aujourd'hui classique sur l'astasie-
abasie, ne pouvait manquer de faire une oeuvre intéressante.
Il rappelle d'abord les principes de la marche normale. tant au
point de vue physiologique qu'à celui de la psychologie physiolo-
gique, et montre combien la multiplicité des associations néces-
saire; à la fonction de la marche, associations qui peuvent être
atteintes isolément, rend compte de la grande variété des troubles
qu'on peut observer dans cette fonction.
Il expose rapidement dans quelles affections du système nerveux
on rencontre des troubles de la marche, puis aborde un des cha-
pitres les plus importants, celui de leur pathogénie. Il désigne
d'une façon générale les troubles de la marche sous le nom de
dysbasie. Les fonctions du système nerveux se réduisent en der-
nière analyse : motilité, sensibilité, intelligence et trophicité; on
a les dysbasies motrices, sensitives, psychiques et trophiques. Suivant
que la fonction est abolie, troublée ou exagérée, on a trois sous-
groupes dans chaque variété. Les dysbasies motrices peuvent être
akinétiques (paralysies), parakinétiques (convulsions), hyperkiné-
tiques (contractures, spasmes). Les dysbasies sensitives sont tantôt
anesthésiques (marche ataxique), tantôt presthésiques (titubation),
tantôt enfin hypéresthésiques. M. Blocq insiste sur les dysbasies
psychiques dont l'intérêt est en effet considérable. Il les distingue
en afonctionnelles, parafonctionnelles et hyperfonctionnelles.
L'astasie-abasie, qui peut être regardée comme une akinésie psy-
chique systématisée, forme le premier groupe. Dans les dysbasies
parafonctionnelles, l'auteur place les dysbasies amnésiques (Séglas
et Sollier), les dysbasies émotives (Binswauger, Séglas), les dys-
basies abouliques et l'ananabasie de M. Régis. Il range enfin les
automatismes ambulatoires dans les dysbasies hyperfonction-
.BIBLIOGRAPHIE. 307
nelles. Mais, outre que la question de la pathogénie de ces accident
est loin d'être élucidée, on ne peut guère, à mon avis, les faire
rentrer dans les troubles de la marche. Les dysbasies trophiques se
distinguent de même en atrophiques (atrophies musculaires), para-
trophiques (dystrophies musculaires, arthropathies, paralysie agi-
tante), et hypertrophiques (maladie de Thomsen).
Les différents troubles de la marche étant ainsi clairement
classés, l'auteur consacre quelques pages à la technique à em-
ployer pour les examiner, puis arrive à leur description dans les
différentes affections du système nerveux, en n'entrant, bien en-
tendu, dans les détails que pour les types principaux. A cet égard,
il divise d'abord la marche pathologique en unilatérale et bilaté-
rale, suivant que l'un ou les deux membres inférieurs sont pris.
La démarche bilatérale peut, à son tour, être rectiligne ou titu-
bante. Enfin, dans chacun de ces trois cas, la démarche est ou non
spasmodique, ce qui donne lieu à sous-division.
La marche unilatérale non spasmodique peut être douloureuse,
comme dans la sciatique, ou paralytique comme dans certaines
paralysies partielles, dans la paralysie infantile, dans l'hémiplégie
flasque hystérique avec démarche hélicopode. La marche unilaté-
rale spasmodique (marche hélicopode ou en fauchant) se rencontre
dans les dégénérations descendantes du faisceau pyramidal.
La marche bilatérale, rectiligne, non spasmodique peut affecter
trois types. Le type paraplétique (chorée molle, polynévrites,
myélite diffuse); le type de flexion ou du stepper (pseudo-tabes,
myopathies); le type ataxique (ataxie locomotrice). - La marche
bilatérale spasmodique se divise en deux classes selon qu'il s'agit
d'un spasme tonique ou clonique. La variété tonique revêt trois
types : paralytique, myotonique (maladie de Thomsen), et parkin-
sonnien. La variété clonique revêt trois types également : saltatoire,
choréique et orthétosique.
La marche abasique forme un groupe intermédiaire et peut être
paralytique (ou parétique), ou ataxique et alors tantôt choréi-
forme, tantôt trépidante. La marche titubante non spasmodique se
rencontre dans les affections du cerveau et du cervelet, dans la
maladie deMénière; spasmodique elle s'observe dans la sclérose en
plaques.
Mais ces différents types peuvent se combiner dans une certaine
mesure, et donner alors lieu à un groupe que M. Blocq appelle :
marches mixtes. C'est ainsi que les scléroses combinées offrent
une démarche à la fois ataxique et paraplégiqu e, que la démarche
de la maladie de Friedreich est à la fois titubante et ataxique, que
celle de la paralysie générale est titubante et paralytique, etc.
Les types cliniques de la démarche étant ainsi connus, M. Blocq
en résume le diagnostic et la sémeiologie, implicitement contenus
dans leur exposé, et il termine par quelques considérations sur le
308 BIBLIOGRAPHIE.
traitement, qui n'a guère d'ailleurs d'intérêt en lui-même que
dans les cas de dysbasies fonctionnelles.
Une grande clareté d'exposition est une des qualités maitresses
de ce petit livre. La classification de l'auteur est très simple, très
naturelle aussi, et ne contribue pas peu à apporter de la lumière
dans une question en apparence complexe. Bien des points sont
encore dignes d'être repris et étudiés. Les mettre en évidence et
appeler l'attention sur eux constitue encore un mérite de ce travail
d'ensemble, le plus complet qui ait été encore fait, à notre con-
naissance. P. S.
IX. Syphilis du système nerveux (Syphilis and the nel'VQUS sslems) ;
par W.-R. GOVERS. London, 1892. J. et A. Churchill., édit.
Ce volume renferme les conférences faites en 1890 par l'auteur à
la Société médicale de Londres; elles sont au nombre de trois. La
première est consacrée à la pathologie de la syphilis ; l'auteur y
passe en revue les caractères des néoformations syphilitiques qu'il
divise en spécifiques et non spéciales, celles étant représentées par
-les gommes et les artérites, celles-ci par des lésions inflammatoires
- et y établit l'apparente analogie qui existe entre l'effet de certains
poisons organiques et chimiques, et l'action de la vérole. La seconde
leçon a trait aux symptômes nerveux attribuables à la syphilis;
leur diagnostic est souvent possible d'après les caractères de siège
et d'évolutions des lésions. L'auteur y passe en revue les symp-
tômes et le diagnostic de nombreux processus syphilitiques du sys-
tème nerveux, gommes, méningites chroniques cérébrales locali-
sées, artérites et leurs conséquences, thromboses et ramollissement
- névrosique du cerveau. Il insiste en particulier sur les paralysies
des yeux, et sur leur valeur sémeiologique dans le diagnostic des
neuropalhies syphilitiques. Dans la dernière seclion M. Gowers a
surtout en vue d'en poser le pronostic des affections nerveuses
d'origine syphilitique. Nombre de symptômes dépendent non pas
de processus spécifiques, mais d'altérations banales; or, le traite-
ment exerce un effet direct sur les processus spécifiques, de sorte
que la persistance des troubles, malgré le traitement montre que
ceux-ci se rapportent à des lésions non spécifiques. L'ouvrage se
termine par des considérations pratiques d'un très grand intérêt
sur l'action propre du mercure et de l'iodure de potassium dans le
traitement, et sur le mode d'administration de ces médicaments, le
plus propre à prévenir ou à guérir les accidents. P. BLOCQ.
VARIA
ASSISTANCE DES ENFANTS NERVEUX ET ARRIÉRÉS.
La Commission inter-départementale, réunie à Avignon, le 2 fé-
vrier, a été à l'unanimité, favorable au projet de création d'une
colonie régionale pour les enfants arriérés. Elle a adopté les
conclusions suivantes : 1° l'utilité d'un établissement inter-dépar-
temental pour les enfants arriérés, est reconnue ; 2° le principe
de sa création a été adopté; 3° le département sur lequel l'éta-
blissement sera construit aura à fournir le terrain, les constructions.
L'ameublement et le matériel seront à frais communs. La dépense
sera couverte au moyen d'un emprunt amortissable en trente ans.
Pour l'amortissement de cet emprunt, les départements auront à
payer le même nombre de centimes. Le prix de journée sera le
même pour tous les départements syndiqués.
La Commission invite l'Administration à faire établir le nombre
d'enfants arriérés dans chaque département syndiqué, et à auto-
riser l'architecte départemental à se mettre en rapport avec le
Dr Rey, membre de la Commission, rapporteur, pour dresser sur
ses indications un avant-projet de l'établissement. Il y a lieu de
renouveler les propositions déjà faites aux départements des Bou-
ches-du-Rhône, des Alpes-Maritimes et de la Drôme.
La Commission se compose de MM. le D1' Cunéo, directeur du
service de santé de la marine, à Toulon, conseiller général du Var,
président; Dr Segalas, conseiller général du Var; D'' Allemand
(Basses-Alpes); Martin (Hautes-Alpes); Dr Lemoine (Vaucluse);
D" Rey, médecin en chef de l'Asile d'aliénés de Marseille, etc., etc.
LES TRANSFERTS DES ENFANTS ALIÉNÉS.
Le 16 mars 1891, le père de l'enfant March..., que nous préve-
nions officieusement du transfert de son enfant à.l'asile de Bourg,
nous supplie en pleurant de conserver son enfant à Bicêtre. Le
père est né à Marseille de parents lorrains et la mère est de
Meurthe-et-Moselle. Le père du père de l'enfant étant douanier fut
envoyé à Marseille, d'où sa naissance, à lui Lorrain, dans cette
ville. Il a acheté plus tard une étude de notaire dans un canton de
l'Ain, puis est venu habiter Paris. D'où il suit que l'enfant n'a
aucun parent dans l'Ain. Et c'est ce département qui le réclame;
c'est là qu'est son domicile de secours. ·
3'jo faits DIVERS.
L'INSTRUCTION professionnelle DU PERSONNEL DE surveillance chez
les aliénés, par le De PEETERS. B2Lll. de la Soc. de méd. ment,
de Belg., 1892.)
Courte note destinée, dans l'esprit de son auteur, à servir d'in-
troduction à une discussion approfondie sur les moyens à mettre
en oeuvre pour généraliser et compléter l'instruction profession-
nelle du personnel de surveillance des asiles belges. G. D.
Mesures législatives ayant COURS dans LE canton DE SAINT-GALL,
(EN SUISSE), pour 'combattre LES excès DE BOISSONS spiritueuses.
(Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVIII, 4.)
Une loi en vigueur depuis juillet 1891 permet la séquestration c
d'un buveur dans un asile spécial. La séquestration prévue est de
neuf à dix-huit mois, soit par placements volontaires soit par pla-
cements d'offices. Nécessité d'un certificat médical émanant d'un
médecin fonctionnaire, de demandes de placements officieuses ou
o fficielles adressées au conseil communal et sanctionnées ensuite ou
non par le conseil du gouvernement. Les dépenses sont à la charge
des intéressés ou, en cas d'indigence, de l'assistance publique.
L'Etat, au besoin, participe à ces charges et, en des cas excep-
tionnels, fait parvenir des subsides à la famille du malade. Un
mois avant l'époque présumée de la sortie de l'alcoolique, l'asile
adresse un rapport sur l'état du malade aux fonctionnaires qui l'ont
fait séquestrer; si la guérison n'est pas complète, on prolonge la
séquestration. Un tuteur sera nommé au séquestré ou même avant
la séquestration, pourvu qu'un rapport d'un médecin fonctionnaire
constate l'affaiblissement intellectuel ou l'énervement de la volonté
causé par l'usage immodéré des boissons alcooliques. P. K.
FAITS DIVERS
Asiles D'ALIÉNÉS, - Nominations et promotions. -111, leur DUPAIN,
médecin-adjoint de l'asile public de Bailleul, est nommé à l'asile
public d'Alençon et maintenu dans la 2° classe du cadre (14 dé-
cembre 1892; M. Bresson, directeur de l'asile public d'aliénés de
Montdevergucs, est promu à la 1re classe du cadre, 7,000 fr. (16 dé-
cembre 1892); M. le Dr Dubief, directeur de l'asile public de Saint-
Pierre de Marseille, est nommé aux mêmes fonctions à l'asile de
Bron (Rhône) et maintenu à la 1re classe du cadre (19 décembre
faits DIVERS. 311
1892); M. JOSSERAND, directeur de l'asile public du Mans (Sarthe),
élevé à la 2e classe, 6,000 fr. par an, effet du 1er janvier 1893
(24 janvier 1893); M. le Dr Dupain, médecin-adjoint à Alençon,
promu à la Ira classe à dater du 1er mars 1893 (4 février 1893);
M. le D'' ALLAMAN (concours 15 décembre 1891, Montpellier), est
nommé médecin-adjoint à l'asile de Bailleul (Nord) en remplace-
ment du docteur Dupain nommé à Alençon (8 février 1893).
CONCOURS POUR l'internat dans LES asiles d'aliénés DE la SEINE.
(Asile clinique, asiles de Vaucluse, Ville-Evrard et Villejuif et
l'infirmerie spéciale des aliénés à la préfecture de police).-
Le lundi 12 décembre 1892, à midi précis, il a été ouvert à la
Préfecture de la Seine, annexe de l'Hôtel de Ville, rue Lobau, n° 2,
à Paris, un concours pour la nomination aux places d'interne titu-
laire en médecine qui seront vacantes dans lesdits établissements
au 1 ? janvier 1893.
Les questions orales ont été les suivantes : l^8 Séance : Symp-
tômes et diagnostic de la pneumonie franche aiguë; hernie cru-
rale. z2" Séance : Hémoptysie; fractures de l'extrémité inférieure
du radius. 3e Séance : Insuffisance mitrale : fracture de côtes.
- 4° Séance : Pleurésie purulente; luxation de la mâchoire. -
Les candidats ont été classés dans l'ordre suivant : MM. Ecart
(47 points); Trénel (47 p.); Le Maître (45 p.); Baruk (45 p.); Bour-
din (43 p.); Coulon et Leroy (ex xquo) (42 p.); Bresson (42 p.);
Couillaud (41 p.); Barbary (40 p.); Thibaud (40 p.); Darin (40 p.);
Autheaume (30 p.); Moundlic (39 p.); Tsakiris (38 p.); de Fon-
tréaulx (39 p.); Wintrebert (37 p.); Iscovesco (35 p.); Ponsard
(32 p.). MM. Ecart, Trénel, Le Maître, Baruk, Bourdin, Coulon
et Leroy ont été désignés par le jury pour être nommés internes
titulaires. MM. Bresson, Couillaud, Barbary, Thibaud, Darin,
Antheaume et Moundlic ont été désignés pour être nommés in-
ternes provisoires.
Répartition DU SERVICE médical DES asiles PUBLICS d'aliénés DE
la Seine pour l'année 1893. Infirmerie spéciale du Dépôt, pré-
fecture de la Seine. Service de M. Garnier; médecin-adjoint :
M. Legras; internes : MM. Pécharmant et Pribat. Asile clinique
(Sainte-Anne), 1, rue Cabanis. 914 lits. - Service de M. Bail, sup-
pléé par M. Ballet; chef de clinique : M. Pactet; interne : M. Han-
nion. Laboratoire de la clinique : M. Klippel, service de M. Ma-
gnan (admission); internes : MM. Boissier et Lachaux. Service
de M. Bouchereau (femmes); internes : Mai. Fseart et Le Filliatre.
- Service de M. Dubuisson (hommes); interne : M. Le Maître.
Service hydrothérapique externe : M. Dagonet. - Asile DE VILLE-
juif. 1,128 lits : Service de M. Briand (femmes); médecin-adjoint :
M. Sérieux; internes : MM. Trénel et Baruc. - Service de M. Val-
lon (hommes); médecin-adjoint : M. Rouillard; internes : MM. La-
3'1'2 faits divers.
vergne et Ecart. Asile de' VILLE-EVI1111D (Neuilly-sur-Marne).
1,015 lits. Service de M. Marandon de Montyel (hommes); in-
ternes : MM. Laroussinée et Lepatré. - Service de M. Febré
(femmes); interne : M. Mooundjick. - Service de li. Legrain (Pen-
sionnat) ; interne : M. Bourdin. Asile de VAUCLUSE, prèsEpinay-
sur-Orge. 855 lits. Service *de M. Keraval (hommes); interne :
M. Croustel. Service de M. Boudrie (femmes); interne : M. Cou-
)on. Service de M. Blin (colonie des idiots); interne : M. Leroy.
Nous rappellerons que les quartiers d'hospice de Bicêtre et de la
Salpêtrière ont un personnel médical recruté de la même façon
que les autres hôpitaux de Paris.
Prix DE l'Académie DE médecine. -Parmi les prix décernés, nous
.relevons ceux qui ont été accordés à des travaux sur la pathologie
mentale et nerveuse.
Pria; Alvarenga de Piarchy (Brésil) (800 fr.), 400 fr. à M. le
D'' COURMONT pour son ouvrage : Le cervelet et ses fonctions. Mention
honorable à MM. ARTiIAUD et BUTTE : Du nerf pneumogastrique
(anatomie et physiologie).
. Pria; Barbier (2,500 fr.). Mention honorable et 1,000 fr. à
MM. CADÉAC et Meunier : Recherches sur les essences, sur l'eau de
mélisse .des carmes; contribution à l'étude de l'alcoolisme.
- Prix Henri Buiquet (1,500 fr.). MM. Deuierre et Doumer :
Album stéréoscopique des centres nerveux.
Prix Adrien Buisson (10,500 fr.). 4,500 fr. à ml. LONDE et
BLOCQ : Anatomie pathologique de la moelle.
Prix Civrieux (900 fr.). M. de Vallon, médecin de l'asile de
Ville,juif; mention honorable à AI. A. Paris, médecin de l'asile de
Mareville. La question posée était : Etablir, par des recherches cli-
niques et anatomo-pathologiques, la nature des pscudo-1Ja1'alysics
t'xtumine et alcoolique.
Prix Falret (1,000 fr.). Question : Accidents nerveux (le l'urémie,
M. BERNARD (de Ducard-les-Bains); mention honorable à M. Cour-
TADE (de Thiers). -
Prix Vernis (700 fr.). Mentions honorables à M. Yillahd (de
Marseille) : Leçons sur l'alcoolisme. M. Albin Rousselet : Les secours
publics en cas d'accidents.
Prix pour 1895. Pria; Civrieux (800 fr.) : Des obsessions en
pathologie mentale. Prix Baillarger (2,000 fr., 4894). Au meilleur
mémoire sur la thérapeutique des maladies mentales et sur l'or-
ganisation des asiles publics ou privés consacrés aux aliénés.
Les concours des prix de l'Académie de médecine sont clos tous
les ans fin février. Les ouvrages adressés à ces concours doivent
être écrits lisiblement, en français ou en latin et accompagnés d'un
pli cacheté avec devise indiquant les noms et adresses des auteurs.
Prix DE l'Académie des sciences. - Parmi les récompenses accor.
dées, nous relevons les suivantes : '
FAITS DIVERS. 313 là
. Prix Monlyon (médecine et chirurgie). Mention honorable à
M. Pitres (de Bordeaux) : Leçons cliniques sur l'hystérie et l'hypno-
tisme.
Prix Barbier (2,000 fr.), Partagé entre : 1° M. L9BORDE : du me-
canisme physiologique des accidents et de la mort par le chloroforme;
et 2° MM. C\DÉAC et Meunier : Contribution à l'étude de l'alcoolisme;
étude sur l'eau d'arquebuse ou vulnéraire ; recherches physiologiques
sur l'eau de mélisse des Carmes.
, Prix Bellion (1,400 fr.), M. CoTIr.LE (d'Angers) : Education du sens;
éducation de la vue chez le soldat.
Prix Allemand (1,000 fr). Partagé entre : 1° M. BINET : Les
altérations de la personnalité ; 2° M. DURAND (de Gros) : publications
diverses sur les fonctions du système nerveux chez les animaux et
l'homme.
Pria; Pourat (1,800 fr.), M. A. RoGER. La question posée était :
Recherches expérimentales et cliniques sur les phénomènes inhibiloires
du système nerveux.
LES CONCOURS POUR LES places DE médecins aliénistes EN ITALIE.
Nous citons dans les Annales médico-psychologiques : Nous trou-
vons dans le dernier numéro de la Cronaca del Regio manicomio
di Alexandria, l'annonce d'un concours pour les places de méde-
cins-adjoints de l'asile de Santa Maria délia Puta à Rome. Il nous
parait intéressant de reproduire le programme, afin qu'on puisse
te comparer avec les concours de Bicêtre et ceux des médecins-
adjoints des asiles.
A la place de médecins (medico primario) est attribué le traite-
ment de 2,000 francs, outre le logement et la nourriture. Le con-
cours est sur titres ou sur épreuves, suivant la loi du 13 novembre
1839 sur l'instruction publique. (En Italie, pour les nominations des
professeurs, cette façon de procéder est adoptée. Si le concours
sur titres seul ne donne pas de résultats, c'est-à-dire si personne
ne s'impose par ses travaux, on ouvre un concours avec épreuves.
Ce système a l'avantage d'encourager le travail personnel et d'éviter
que des hommes de valeur ne soient éliminés parce qu'ils ne savent
pas concourir.) La durée des fonctions est de dix ans ; au bout de ce
temps le médecin peut être nommé de cinq en cinq ans, avec l'ap-
probation obligatoire de l'administration.
Tous les candidats doivent présenter leur acte de naissance, afin
de montrer qu'ils n'ont pas dépassé quarante-cinq ans ; en outre,
ils doivent faire la preuve qu'ils ont passé deux ans en qualité de
médecin dans un des asiles publics ou privés du royaume. On doit
joindre à ces pièces un certificat de moralité, délivré par le maire.
Le concours sur titres consiste en la production de documents et
de publications qui prouvent la compétence scientifique et pratique
du candidat en médecine mentale, et dans la pratique des asiles.
314 FAITS DIVERS.
Le concours sur épreuves se compose : 1° de l'examen clinique
d'un malade à propos duquel on doit faire le diagnostic, le pro-
nostic et le traitement; 2° de l'examen anatomique et anatomo-
pathologique d'organes appartenant au système nerveux.
Les candidats peuvent choisir entre les deux modes du concours,
ou bien se présenter à la fois pour les deux. Lejury est composé
du commissaire royal, président sans droit de vote, de deux pro-
fesseurs de la Faculté de médecine de Rome et de trois médecins
(professori) choisi parmi les aliénistes. La forme du concours est
soumise aux prescriptions du règlement pour la nomination du
personnel médical des hôpitaux de Home,'du 19 juillet 1892.
Quant aux postes de médecins assistants, il y en a deux de va-
cants. Le traitement est de 960 fr. avec la nourriture les jours de
garde. Le médecin assistant est nommé pour trois ans, et il peut
être renommé de nouveau pour la même période. Le candidat
doit être docteur, n'avoir pas dépassé trente-cinq ans et présenter
un certificat de moralité.
Le concours consiste en épreuves : 1° examen d'un malade et
exposé du diagnostic; 2° description d'une pièce du laboratoire
servant à établir un diagnostic.
A mérite égal, il sera donné la préférence à ceux qui prouveront
avoir servi dans un asile public ou privé. La composition du jury
est la même que pour celui de médecins.
Dénonciations calomnieuses ET faux témoignages d'une PERSÉCU-
TtE. - On écrit de Londres au Temps (19 septembre 1891). La Cour
des divorces vient de rendre son jugement sur une demande en
séparation intentée par Lady Abdy contre son mari, sir William
Abdy, qu'elle accusait d'adultère avec Mm° de Benitez, riche sud-
américaine dont la résidence est Buenos-Ayres, mais qui a long-
temps habité Paris. C'est à Paris que les faits incriminés se sont
passés, et Lady Abdy a fait défiler devant les tribunaux une série
de témoins, tailleurs, coiffeurs, cuisinières et concierges, 'qui ont
déposé en français. Ils ont prétendu reconnaître en sir William
Abdy un visiteur assidu de Mm° de Benitez, à l'époque où celle-ci
venait de perdre son mari. Il se présentait comme médecin, s'en-
fermait.sous ce prétexte avec elle dans un boudoir et affectait une
légère claudication ils n'ont pas dit qu'il eût des lunettes bleues.
Enfin Mme de Benitez, qui n'avait pas l'air très riche, s'est trouvée
tout à coup dans l'opulence, ce qui ne leur a pas paru naturel.
Sir William Abdy a démontré qu'aux différents moments où on
prétendait l'avoir vu à Paris, il était à Spa ou à Londres. Quant à
Alm° de Benitez, devenue riche par l'héritage d'un proche parent,
et qui a fait expressément pour se défendre le voyage de Buenos-
Ayres, elle a déclaré qu'elle était depuis huit ans, en butte aux
attaques de Lady Abdy, attaques auxquelles elle n'avait jamais rien
faits DIVERS. 315
compris; elle n'avait jamais vu sir William avant d'avoir le coû-
teux honneur de le rencontrer à la barre du tribunal. Elle a fait
donner par son avocat, lecture d'une lettre de lady Abdy, qui
semble prouver que celle-ci est possédée du délire de la persécu-
tion. Lady Abdy lui reproche en effet « d'avoir rendu son mari
malade, de s'être fait donner par lui tous les bijoux à elle appar-
tenant, et aussi sa belle dentelle noire de Chantilly, unique au
monde, ses tableaux de vieux maîtres, son velours de Gênes, ses
meubles et ses tapisseries des Gobelins, plus de 800,000 fr. de bel
argent vivant. De ce, non contente, Mmo de Benitez, qui a fait des
études de toxicologie approfondies, a essayé à plusieurs reprises
de le faire empoisonner ».
Le juge Barnes a repoussé la demande en séparation et con-
damné lady Abdy à tous les frais du procès.
Asile d'aliénés D'ÂRMENTIËRES. Un gardien brutal . - Le tri-
bunal correctionnel de Lille a jugé un ancien gardien de l'asile
d'aliénés d'Armentières, H. S..a, âgé de vingt-deux ans, prévenu
de coups et blessures sur un vieillard de soixante-quinze ans, pen-
sionnaire de l'établissement. Quand ce malheureux quittait le par-
loir, où ses parents venaient- le voir, S... exigeait qu'il lui remît
la totalité'des friandises qu'on lui apportait d'habitude. S'il refu-
sait, il le frappait ou lui mettait la camisole de force. Les juges
correctionnels ont condamné S..., aujourd'hui soldat au 110° de
ligne, à six mois de prison. (Progr. méd.)
Asile d'aliénés DE Bron. - Grossesse et accouchement chez une
folle. A la dernière session du conseil général du Rhône, M. le
Dr Masson a demandé au préfet s'il était en mesure de fournir des
explications sur un fait très grave qui se serait produit à l'asile
départemental de Bron. Il s'agit d'une des pensionnaires de l'asile,
internée depuis cinq ans, qui aurait accouché, il y a quelques
jours, d'un enfant placé aujourd'hui dans une maternité. M. Ri-
VAUD a répondu que ce fait était exact et que la justice était au-
jourd'hui saisie de l'affaire. Il a regretté que l'administration n'ait
été avertie du fait qu'après l'accouchement; mais, en l'état actuel
des choses, il croit qu'il n'y a qu'à laisser l'enquête poursuivre son
cours. L'opinion et la moralité publique recevront satisfaction.
Drame DE la superstition. On mande de Bordeaux, 4 sep-
tembre : Le village de la Chappe, commune de Queyrac, vient
d'être le théâtre d'un assassinat accompli dans de singulières cir-
constances. Une vieille femme de soixante-huit ans, Mélanie Fort,
laitière, a été trouvée ce matin, sur la route de Laruac, gisant dans
une mare de sang, la tête affreusement fracassée et détachée du
tronc. Non loin du cadavre, on a trouvé la crosse d'un fusil por-
tant des éclats de cervelle et des taches de sang.
31G faits DIVERS.
- 'Un nommé Fort, homonyme de la victime, mais n'étant nulle-
ment son parent, a été arrêté. Interrogé, il a fait des aveux com-
plets. Il prétend que sa victime était sorcière et lui avait jeté un
sort. C'est pour se venger qu'il s'est jeté sur elle et l'a abattue d'un
coup de crosse. Puis il a détaché la tête, qu'il a mise en bouillie
en la frappant avec la crosse de son fusil. (Petit Troyen, sept.)
La consommation DE l'alcool EN France. -En 1870, on ne con-
sommait en France que 585,000 hectolitres d'alcool ou 1 litre 46
par habitant. Aujourd'hui , la population française absorbe
1,669,184 hectolitres, soit 4 litres 40 par habitant. Si l'on consi-
dère que les alcools actuels sont infiniment plus toxiques que ceux
que l'on consommait avant 1870, on ne s'étonnera plus des énor-
mes progrès qu'a fait l'alcoolisme depuis vingt ans.
Nécessité DE l'assistance DES enfants IDIOTS. Un fait odieux
encore, s'est passé à Genneviliers. Un jeune homme, qu'on croit
être le neveu d'une blanchisseuse de la localité, avait entraîné dans
un champ, pour la violer, une fillette de treize ans, sourde et
presque idiote. L'innocente se défendit cependant, et son père et
son frère accoururent à son secours. Ils engagèrent une lutte
terrible avec l'individu qu'ils voulaient arrêter. Mais, plus fort
qu'eux, il les roua de coups et prit la fuite.
L'alcoolisme EN Suisse. D'après les relevés officiels du bureau
fédéral de statistique pour l'année 1891, sur un total de 6,885 décès
de personnes âgées de plus de vingt ans, dans les quinze villes les
plus populeuses de la Suisse, on en compte 425 dus à l'alcoolisme
(59 femmes et 366 hommes), soit 6,1 p. 100. Sur les 366 individus
ayant succombé à l'alcoolisme, 188 appartenaient à la classe ou-
vrière et 178 à la classe supérieure, ce qui prouve, en tenant
compte du nombre des individus qui composent chacune de ces
deux classes sociales, que l'alcoolisme est plus fréquent dans la
société cultivée. Les quinze villes qui font l'objet de cette statis-
tique ne forment que la sixième partie de la population suisse; si
donc, l'on multiplie par 6 le chiffre des décès alcooliques ci-dessus
donné, on trouve que le total des décès alcooliques serait pour tout
le pays de 2,550 en 1891. (Sem. méd.)
Nouvelle maison de santé pour LE traitement DES affections MEII-
tales ET nerveuses. 11. le D'' PACHOUD, ancien médecin directeur
de l'asile cantonal de Cery (Lausanne), vient d'ouvrir une nouvelle
maison de santé au château de Greng, près Alorat (Suisse).
Le bacille DE l'épilepsie. - On annonce, dit le Médical Record
du 28 mai 1892 (p. 610), que le D1' GARDES, premier aide à l'institut
pathologique de l'université de Halle, a découvert un grand nombre
de bacilles particuliers dans le foie, les reins et le sang des per-
FAITS DIVERS. 317 Î
sonnes mortes de l'épilepsie. Il a fait des expériences avec ces
bacilles sur des souris et des rats et partout le même effet mortel
s'est produit invariablement ( ! ? ). ,
Faculté DE médecine D'IF : NA. M. le Dr ZICIIEN est nommé
professeur extraordinaire de psychiatrie. ,
Epidémie. de suicides. - On mande de Trieste qu'une véritable
épidémie de suicides a sévi dans cette ville pendant la. dernière
semaine : seize personnes ont attenté à leurs jours, les unes par
suite d'affaires d'amour, les autres, à ce que l'on croit, dans un
état de démence momentanée causée par la chaleur.
LE jeûne condamné. Le verdict du juge coroner de New-York
dans le cas de la mort de Stratton, le jeûneur, est digne d'être
signalé. Cette décision déclare que « les exhibitions de jeûneurs
doivent être considérées comme immorales et criminelles ' et
devraient être défendues par la loi P. La durée du jeûne de
Stratton mort de faim a été, dit-on, de quarante et un jours.
Suicides de médecins aux États-Unis. Le Boston médical and
surgical Journal nous apprend que ce sont les médecins qui se
suicident le plus en Amérique depuis dix ans. Et cette vérité sera
encore confirmée cette année, puisque dans les douze premiers
jours de janvier il n'y a pas moins de sept médecins qui se sont
donné la mort.
UN FOU assassin. M. Follet, originaire du département de
l'Aisne, était arrivé depuis trois jours à Paris avec sa famille. Il
était atteint d'aliénation mentale. Sa folie cependant n'avait jus-
qu'alors présenté rien de dangereux. Ses proches néanmoins vou-
laient le faire interner et l'avaient déjà soumis à l'examen de mé-
decins aliénistes. Toute la famille, le fou compris, habitait un hôtel
de la cité Bergère.
Hier soir, M. Follet, qui avait dîné avec un docteur en médecine,
chargé de l'examiner d'une façon toute particulière, revint à l'hôtel
et pénétra dans une chambre qui n'était pas la sienne. 11 y trouva
une canne à épée et s'en empara, puis, redescendant, il dit aux
siens qu'il se rendait, 6, rue Gaudot-de-Mauroy. A cette adresse, il
prétendait connaître une femme; il désirait la voir. Un cousin de
M. Follet le suivit en voiture.
Le concierge du 6 de la rue Gaudot-de-Mauroy, voyant l'air sin-
gulier du visiteur, lui demanda où il allait, et n'en recevant pas de
réponse, voulut l'empêcher de monter l'escalier.
Laissez, dit le cousin qui le suivait. Il a le cerveau faible mais
je réponds de tout.
M. Follet gravit l'escalier, suivi du concierge qui, au deuxième,
l'interpella, décidément inquiet. L'aliéné, brusquement, après
318 FAITS DIVERS.
quelques paroles violentes, frappa le concierge d'un coup de canne
à la tête, qui ne le blessa point. Il redescendit, suivi du concierge
qui criait qu'on l'arrêtât. Dans le vestibule, l'altercation recom-
mença entre les deux hommes.
Le concierge, M. Levavasseur, décidé à en finir, poussait la vic-
time vers la porte. Le fou leva sa canne pour frapper une seconde
fois. Le cousin saisit la canne, mais le fourreau lui resta dans les
mains, et l'épée, dégagée, resta nue entre les mains de l'aliéné,
qui la plongea dans la poitrine du concierge. Le coeur fut traversé
et la mort immédiate.
Le fou ne s'enfuit pas. On put s'emparer de lui et le conduire
chez M. Cornette, commissaire de police. Le cousin, aussi peu brave
que maladroit, s'était éclipsé. On le retrouva à l'hôtel de la cité
Bergère. Il conta les faits tels qu'ils s'étaient passés.
M. Follet, gardé à vue au poste de la rue de Larochefoucauld, a
demandé, à plusieurs reprises, à se retirer, en s'informant de l'heure
à laquelle il devrait se représenter le lendemain. Il était absolument
inconscient du crime qu'il venait de commettre. (L'Éclair.)
- - Un terrible drame vient de se dérouler à Ramiliées, près de Cam-
brai. Un nommé Théodore Moreau, âgé de quarante-trois ans, a été
trouvé pendu chez lui; sa femme, âgée de quarante-cinq ans gisait,
ensanglantée sur son lit, dans la chambre voisine. Moreau, atteint
d'une maladie de cerveau, a profité de l'absence de ses six enfants
pour accomplir le crime qu'il méditait depuis longtemps. Pendant
que sa femme dormait, il lui porta sur la tête et sur différentes par-
ties du corps plusieurs coups de fer à repasser quilui ont fait depro-
fondes blessures; les mains meurtries de la malheureuse, dontl'état
est très grave, indiquent qu'elle a cherché à parer les coups. Mo-
reau, croyant sa femme morte, se pendit. (Radical, : 1. or juillet 1891.)
UNE séance d'hypnotisme. Une curieuse expérience a été faite
au tribunal de Santa-Rosa, aux Etats-Unis. On jugeait le nommé
Edward Livernash, accusé d'avoir fait boire à un homme un verre
d'eau contenant une dose d'acide prussique suffisante pour tuer
douze individus et d'avoir ensuite tiré plusieurs coups de revolver
sur sa victime.
La défense soutenait que Livernash était sensible à l'influence
hypnotique et que, se trouvant endormi d'un sommeil magnétique,
l'accusé était sujet à une sorte de manie homicide. Le docteur
Gardner, appelé à donner son avis devant le tribunal, a hypnotisé
Livernash et, pour prouver l'insensibilité absolue du sujet, a planté
une longue épingle, successivement, dans les mains, les joues et
les oreilles de l'assassin. -
Néanmoins, l'expert, représentant l'accusation, restait incrédule.
Il s'est mis à frapper violemment Livernash, mais celui-ci a con-
servé son immobilité.
FAITS DIVERS. 319
L'accusé, toutefois, a répondu à toutes les questions qu'on lui a
adressées; mais il a raconté les détails du crime d'une façon inco-
hérente, et tout son récit avait, en effet, l'air d'être dit par un
homme pris de boisson. Livernash a souffert lorsque, réveillé par
le docteur Gardner, on lui a arraché les épingles de sa chair. Les
manières et l'attitude de l'accusé ont alors changé immédiatement.
Le procès n'est pas encore terminé. Détail curieux : l'accusé est l'un
des plus habiles journalistes de San-Francisco. (L'Intransigeant.)
Somnambule extra-lucide. Une grrrande somnambule, seule
élève et successeur de Mlle Lenormand, vient d'être cueillie par la
police dans son superbe appartement du quartier de l'Europe. Elle
ne se contentait pas, paraît-il, de dire le passé, le présent et
l'avenir; mais ayant, disaient ses prospectus, un médecin et une-
sage-femme attachés à son établissement, elle était toute disposée
à conseiller utilement et même à aider les jeunes personnes dans
l'embarras. C'est pour cela et pour bien d'autres méfaits que la
police a cru utile de lui demander quelques renseignements sur
son passé; après cela, on pourra à coup sûr lui prédire l'avenir.
- (Progrès médical.) .
SCAPULAIIiE anticholérique. Nous considérons comme un devoir
de reproduire la réclame suivante que signale l'Echo de Paris : « Ces
scapulaires, sur lesquels est brodée l'image de la sainte Vierge, et
qui ont été Dénis par notre Saint-Père le Pape, ont pour effet mer-
veilleux de protéger les fidèles contre toute indisposition ou affec-
tion cholériforme. -Nota 6ene. La longueur des rubans permet de
faire descendre les scapulaires jusque sur le ventre. Placés sur cette
partie du corps, ils arrêtent immédiatement la diarrhée. On peut se
procurer, moyennant l'envoi de 4 fr. 50 par la poste, les scapulaires
anticholériques chez M. l'abbé G..., ancien aumônier de la marine
à Toulon (Var). » Ce moyen de combattre le choléra et même la
simple diarrhée sera, nous n'en doutons pas, soumis à l'appro-
bation du conseil d'hygiène. (Progr. méd.)
Assistance DES épileptiques. Une dépêche d'AfenÇOt7, eI1 date
du 7 novembre, dit que : « dans la forêt de la Ferrière, un char-
bonnier nommé Louvel, pris d'une attaque d'épilepsie est tombé
dans le feu et a été horriblement brûlé ».
J.-B. CUIRCOT et Georges (,UINO,4.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Prime exceptionnelle à non lecteurs.
LES
LI ? O\S i)U -ll,%,RDI A LA SiLPÈTR11 : R1;
De M. le Professeur CHIRCOT
Policlinique (1887-88, t. I, 21 édit. et 1888-80, t. II), notes de cours re-
cueillies par MM. Blin, Charcot, il. Colin, élèves du service. Deux beaux
volumes in-l' couronne de plus de 600 pages chacun. Prix des deux
volumes : 40 fr. Pour nos abonnés : 25 fr. Pour la France et l'étran-
ger. Prix : 27 fr.
BREMER und FREU\D. Ueber den psychischen Mechanismus hysteris-
cher Phazomen. Brochure in-8° de 11 pages. - Leipzig, 1893 : - Neuro-
logisc7zez Centralblatt.
GOWERS (W,-R.). - Syphilis and the nervous System. Volume in-8"
cartonné de 131 pages. London, 1892. J. et A. Churchill.
Grasset (J.). Thérapeutique appliquée. Consultations médicales
sur quelques maladies fréquentes. Volume in-12 cartonné de 185 pages.
Prix : 3 fr. Paris, 1893. - G. Masson.
HOLIfES (Ch.). A case of llémianopsic (The Boston aud Sure.
Jours" 1863, p. 162.)
Index-Catalogue of the Library of the surgeon -gênerai' Office.
United States Army. Vol. XIII (Siaiagigues-Sutugin). Volume in-4° car-
tonné 1005 pages. Washington, 1892. Government printing Office.
JA/OE1" (P.). - Etat mental des hystériques. - Les stigmates mentaux.
Volume in-12 cartonné de 234 pages. Prix 3 fr. 50. - Rueff et C ?
Knoctos. - Arthropathies tabétiques (Finska Lalsaresallskapels
Ilandlingar, fev. 1893.) ,
Magnan (V.) ? yVach'M mentales. Leçons faites à l'asile clinique (Sainte-
Anne), recueillies et publiées par Briand (M.), Legrain, Journiac et Sé-
rieux. Deuxième édition augmentée. Un beau volume in-8° de 435 pages,
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MASSALOXGû (R.). Atelosi successiva a morbillo. Brochure in-8° de
8 pages. - Napoli, 1892. Tipografia della Riforma Medica.
Maurel (E.). Recherches expérimentales sur les leucocytes. -
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corps inanimés, des microbes non pathogènes et de la bactéridie char-
bonneuse sur les leucocytes. Volume in-8» de 116 pages, avec 17 figures.
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I ? '"PII' f.1, lltptqsrv lmp - 8p3
Vol. XXV. Mai 1893. N, 75.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
SUR TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE;
Par le D' KLNNOSUKE MIURA (du Japon).
Au commencement du mois de mars de cette année, M. le
professeur Charcot a présenté dans ses leçons du mardi quel-
ques cas de monoplégie hystérique. C'est l'histoire de ces cas
qu'il a eu l'extrême obligeance de me communiquer que je
viens rapporter ici. Outre le grand intérêt qu'ils présentent au
point de vue de l'évolution, de la symptomatologie et du trai-
tement de cette paralysie, ils viennent encore confirmer ce que
notre illustre maître avait déjà démontré en 1885 1.
Nous passerons d'abord en revue nos observations en les
faisant suivre des remarques qu'elles comportent. Nous cher-
. cherons ensuite, dans les observations de monoplégie hysté-
rique publiées jusqu'ici, quels sont les caractères communs à
tous ces différents cas, tant au point de vue de l'hérédité, que
de la cause provocatrice, de la symptomatologie, etc.
Observation 1. - Le nommé Roug... (Fort...), âgé de trente-
sept ans, charretier, entré le ii février 1892 à la Salpêtrière (ser-
vice de M. le professeur CHARCOT), salle Prus, lit n° 2î ?
1 Charcot. Sur deux cas de monoplégie brachiale hystérique, de
cause traumatique chez l'homme. (Progrès méd., n° 3F, 37, 39, 40. 1885.)
GEuvrescon : plètes : Leçons sur les maladies du système nerveux, t. III,'
p. 299-3G9.
- Cette observation a été de la part de M. Charcot l'objet d'une leçon
publiée dans la Semaine médicale du 8 juin 1892, n° 29, Sur un cas de
monoplégie brachiale hystérique chez l'homme, présentant des difficultés
de diagnostic. ,
An : anws, t. XXV. 21 1
322 1), CLINIQUE NERVEUSE.
Antécédents héréditaires. -Père, aubergiste, buveur, querelleur,
maltraitait souvent sa femme, mort à quatre-vingt-deux ans,
d'une bronchite qu'il avait depuis une vingtaine d'années. Une de
ses soeurs était bizarre, maltraitait sans motif ses enfants. Mère
encore vivante, soixante-quatre ans, a eu des attaques de nerfs
dans sa jeunesse; actuellement elle a des douleurs dans les mem-
bres qui l'empêchent de marcher. Huit enfants, dont sept encore
vivants; un mort de la poitrine. Le malade est le cinquième. Tous
les enfants sont bien portants, sauf la dernière qui est souffrante.
Les deux dernières ont eu des convulsions dans l'enfance.
Antécédents personnels. Jamais de maladie grave. Pas d'in-
continence nocturne. Il ne peut pas dire s'il a eu des convulsions.
Boit environ deux litres de vin par jour et de l'eau-de-vie pour
trois sous tous les matins. Pas de signes d'alcoolisme, pas de syphi-
lis. Soldat pendant cinq ans à Paris.
Histoire actuelle. - Il y a deux ans, le malade s'est fait une
fracture de la clavicule droite en portant un madrier. Son compa-
gnon, qui le portait avec lui, est tombé, et le choc du madrier
contre le sol a produit la fracture par contre-coup.
Il n'a pas consulté tout de suite; et malgré la douleur qu'il res-
sentait dans l'épaule droite, il a continué à travailler pendant trois
mois et demi. Il avait beaucoup de mal à s'habiller; il était obligé
de manier son fouet avec la main gauche et il ne pouvait plus
porter des fardeaux sur l'épaule droite. Mais enfin, il pouvait se
servir de sa main droite pour manger. Les mouvements de l'épaule
seuls était impossibles à cause de la douleur.
Son bras n'a pas maigri à cette époque, et les douleurs occu-
paient seulement le moignon de l'épaule. Il est allé alors consulter
M. Terrillon qui a constaté une fracture ancienne de la clavicule
sans consolidation et qui lui a extirpé un fragment d'os (fragment
externe), séjour d'un mois et demi dans le service; en sortant,
amélioration, mais il souffrait encore dans l'épaule seulement et
il existait une fistule par laquelle s'écoulait du pus.
Quelques jours après sa sortie de chez M. Terrillon, il est entré
chez M. Charcot, salle Prus, pour se faire électriser l'épaule (sur
le conseil de M. Terrillon). Il est resté sept à huit jours et est sorti
très amélioré, il ne souffrait plus du tout de l'épaule. L'écoule-
ment s'est bientôt tari, et il est resté deux ans sans rien remarquer,
se servant de sa main droite comme de sa gauche pour fouetter,
de ses deux épaules indifféremment pour charger.
Il y a eu avant-hier trois semaines (le 24 janvier 1891), étant à
table à une heure après midi, il sentit le couteau lui échapper de
la main droite, et celle-ci resta inerte, tombante. Il demanda au
marchand de vin de l'alcool camphré pour se frictionner; mais le
résultat fut nul.
TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 323
Il ne trouve aucune raison à invoquer pour expliquer cette para-
lysie. Il n'avait pas fait d'effort violent, n'avait pas fouetté plus
que d'habitude. Du reste, il n'avait rien ressenti de particulier dans
la main, l'avant-bras ou le bras. C'était le dimanche; le jeudi pré-
cédent, il avait assisté à l'enterrement d'un de ses neveux qui avait t
eu quelques jours auparavant le bras broyé dans une fabrique. Il
avait été le voir à l'hôpital Lariboisière quelques jours auparavant
et cet événement l'avait vivement impressionné. C'est la seule
émotion qu'on trouve chez lui dans les jours qui ont précédé son
accident. Aucune dispute, aucune contrariété.
Au moment même de l'accident, quand il a lâché le couteau, il
a senti des fourmillements dans tous les doigts, comme lorsqu'on se
fait une contusion de cubital. Cela a duré trois jours et ne s'est
pas reproduit depuis lors. C'est depuis cet accident qu'il a remarqué
que l'avant-bras et le bras droit maigrissaient. Il ne saurait dire
s'il y avait une différence de volume auparavant. Au dire du malade,
la paralysie aurait augmenté depuis son apparition. Le premier
jour, il pouvait encore exécuter quelques mouvements des doigts,
tandis qu'aujourd'hui, il en est totalement incapable.
Il convient d'ajouter qu'au moment de l'apparition de sa para-
lysie de la main, il n'a point ressenti le moindre malaise, le
moindre étourdissement. Depuis trois semaines, il a travaillé de
temps en temps, toujours sans se servir de la main droite.
Etat actuel. Malade d'apparence vigoureuse, fortement mus-
clé. d'excellent état général. Intelligent, renseigne bien sur les
divers événements de sa maladie.
Examen du membre supérieur droit. Motilité. La paralysie
atteint tous les muscles de la main, de l'avant-bras et du bras. A
la main et à l'avant-bras, elle est absolue. Le malade est incapable
de faire le moindre mouvement de la main et des doigts. Quand la
main est en pronation,"elle est tombante comme dans la paralysie
radiale; quand elle est en supination, les doigts sont dans une très
légère flexion. Il n'y a pas de résistance à l'extension passive com-
plète, mais elle ne peut être obtenue par la volonté du malade.
L'extension des doigts, la flexion des doigts, le relèvement du
poignet, l'écartement des doigts ou leur rapprochement sont tout
à fait impossibles. Il n'y a pas même une ébauche de ces mouve-
ments. Les mouvements de pronation et de supination de même.
Pour mettre sa main dans l'une ou l'autre de ces positions, le ma-
lade la saisit avec la main gauche.
Flexion. - Quand on lui commande de fléchir son avant-bras, il
peut le faire, le mouvement est très faible, et l'on s'y oppose facile-
ment (tandis que du côté opposé il faut déployer une force très
grande); de plus il ne peut pas se produire de supination. Dès le
début de la flexion, la main se met en supination. Ce n'est donc
324 CLINIQUE NERVEUSE.
pas le biceps qui produit ce mouvement. D'ailleurs, le biceps, pen-
dant ce mouvement, reste flasque, Le mouvement de flexion est
vraisemblablement obtenu par le brachial antérieur, et la position
de pronation n'est autre chose qu'une chute passive de la main,
en vertu de la pesanteur. Dans tous les cas, le malade est capable
de porter ainsi la main à la bouche. Une fois l'avant-bras fléchi,
quand on lui commande de résister aux efforts d'extension, cette
résistance est absolument insignifiante. C'est à peine si l'on sent la
consistance du biceps augmenter légèrement.
Extension. - Le triceps brachial se contracte un petit peu; et la
résistance aux efforts de flexion existe un peu, quoique très facile
à vaincre. Du côté opposé, elle est absolument invincible.
A la palpation, tous les muscles sont flasques, mous : ils ne don-
nent pas une sensation des masses fermes comme du côté gauche.
Mouvement de l'épaule. Le deltoïde et le grand pectoral se con-
tractent faiblement il est vrai, mais enfin, il y a là une contraction
réelle. Le bras est élevé à l'horizontale sans que l'omoplate bas-
cule. On voit les faisceaux du deltoïde se contracter. De même on
sent le grand pectoral se durcir dansl'adduction. Les muscles rota-
teurs de l'épaule (sus et sous-épineux, sous-scapulaire, petit rond)
ne se contractent pas; car le malade ne peut exécuter aucun mou-
vement de rotation de l'épaule. Le trapèze se contracte bien dans
les mouvements d'extension de la tête et dans l'élévation de l'épaule.
Sens musculaire. Tout à fait intact. Le malade sait indiquer
parfaitement où est son bras. Il peut reproduire avec le membre
gauche toutes les positions imprimées au membre droit.
Atrophie musculaire. Elle est incontestable quoique peu accen-
tuée. C'est à l'avant-bras (partie moyenne) qu'elle semble le plus
marquée (un centimètre de différence).
Dimension en circonférence :
TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTERIQUE. 325 5
gauche, mais elle est due à une augmentation de résistance du
côté malade (accusée au galvanomètre, peut-être due au spasme
vasculaire). C'est ce que l'on voit dans la paralysie radiale vulgaire.
Seulement ici, c'est total.
Sensibilité. Elle est intacte dans tous ses modes. Le contact est
perçu parfaitement; il localise avec une grande précision. Le froid,
le chaud sont sentis ainsi que les piqûres d'épingle, aussi bien que
du côté gauche. Cette recherche, faite à plusieurs reprises, montre
qu'il n'y a pas une seule région dans le membre supérieur malade
ou dans l'épaule, où la sensibilité présente une altération quel-
conque. Le malade ne sent plus de fourmillements comme au début.
Aspect de la région claviculcziz·e (siège de l'ancienne fracture).
Il existe dans le quart externe de la clavicule une cicatrice cutanée
avec enfoncement de la région. C'est là qu'était le fragment os-
seux enlevé. L'os s'est reformé et il est soudé à l'acromion. Pas de
sensibilité spéciale de cette région. La sensibilité y est normale
comme partout ailleurs. i , 1
Réflexes. Les réflexes du coude de ce malade (tendon du tri-
ceps) sont un peu plus forts qu'à l'état normal, mais égaux des deux
côtés, sans qu'on puisse en trouver la raison. Pas de -trépidation
épileptoïde du pied. La marche est parfaite. , ,
17 février. Nouvel examen : de la sensibilité, elle est intacte
partout et en particulier dans tous les doigts de la main.
Rien d'anormal dans le creux axillaire, pas de points loulou-
reux. L'artère sus-claviculaire est sentie dans le creux, l'artère
axillaire, l'artère humérale, les artères radiales et cubitales abso-
lument comme du côté sain, sans différence de l'intensité de la
pulsation. Le malade ne présente aucun point hystérogène, pas de
sensibilité testiculaire. ?
Sens spéciaux. C»il. Pas de différence dans les pupilles.
326 CLINIQUE NERVEUSE.
Réactions normales. Pas de différence dans la grandeur de la
fente palpébrale.
Oreille. Pas de différence entre les deux côtés. Le tir, 1 a
d'une montre est entendu à 15 centimètres du pavillon de l'oreille
à droite comme à gauche.
Goût. - Le sucre, le-sel, l'amertume du sulfate de quinine sont
reconnus aussi bien sur la moitié droite que sur la moitié gauche
de la langue.
Odorat. - L'éther est reconnu à droite comme à gauche. L'am-
moniaque produit un réflexe énergique avec larmoiement des
deux côtés aussi. Rien dans les autres organes.
Traitement du malade et résultat. Il a été d'abord soumis pen-
dant huit jours exclusivement à la faradisation. Au bout de ce
temps, résultat absolument nul.
A partir du mercredi 25 février, l'électrisation est supprimée. Le
malade est mis aux douches et au traitement psychique, c'est-à-
dire qu'on essaie l'éducation du membre paralysé. Voici les résul-
tats notés jour par jour, avec le modus faciendi.
24. Séance de trois quarts d'heure. On lui commande de faire
des mouvements alternatifs de flexion et d'extension des doigts de
la main gauche en regardant bien, puis de les reproduire à droite
en fixant à son tour la main droite et se représentant bien le mou-
vement. Le résultat est tout à fait nul. Les doigts sont complète-
ment inertes. Le résultat est également uul pour les mouvements
associés (par exemple : pression du dynamomètre, écriture de la
main gauche).
25. - Séance d'une heure. Même exercice. Pendant que le ma-
lade fait tous ses efforts pour fléchir tous les doigts, on remarque
une très légère flexion de la phalangette du pouce. C'est le premier
mouvement volontaire qu'on obtient. Le malade est enchanté, et
sa bonne volonté se met de la partie. Dans la même séance, une
légère flexion des deux dernières phalanges de l'index est obtenue
vers la fin, et les mouvements du pouce se produisent à différentes
reprises. On n'obtient pas de flexion d'ensemble de tous les doigts.
Il a fallu procéder isolément pour l'index et toujours par imitation
de la main saine. '
26. Séance d'une heure. Les mouvements de flexion du pouce
et de l'index se conservent, les deux doigts arrivent presque à se
mettre en contact. Les quatrième et cinquième doigts se fléchis-
sent dans leurs deux dernières phalanges à la fin de la séance, le
troisième reste en arrière.
27. Séance de trois quarts d'heure. Pour la première fois, on
obtient un mouvement de flexion d'ensemble des quatre derniers
TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 327
doigts de la main. Le troisième est plus paresseux, mais il arrive
à suivre les autres. Ce mouvement de flexion est beaucoup plus
étendu qu'au début, il a lieu dans les trois phalanges. L'index et
le pouce arrivent au contact par leur pulpe. Les mouvements sont
lents, faibles et la flexion se fait souvent par saccades.
Pour la première fois aussi, on obtient de légers mouvements d'ex-
tension dans l'index et le cinquième doigt surtout. Le pouce fait
maintenant de petits mouvements d'abduction, mais l'adduction
est toujours plus facile.
Le malade est encore incapable d'écrire ou de presser le dynamo-
mètre de la main droite. Poignet toujours tombant. En résumé, les
mouvements volontaires sont apparus dans l'ordre suivant :
Flexion du pouce;
- de l'index.
- des deux derniers doigts;
simultanée de tous les doigts;
Extension de l'index et du cinquième doigt et légère abduc-
tion du pouce.
Il semble que le malade exécute plus facilement les mouve-
ments qu'on lui commande quand on les a fait exécuter passive-
ment à ses doigts d'abord. Le massage de la région, qui fait dis-
paraître l'oedème bleu semble être une circonstance adjuvante.
Après avoir été ainsi améliorée, il sort au moins de mars de la
Salpêtrière, mais cet état ne dura pas longtemps, car d'après une
lettre qu'il a écrite à un malade de sa salle, la paralysie est rede-
venue complète.
Il s'agit ici d'un individu, entaché d'hérédité névropathique,
chez lequel une émotion vive semble avoir provoqué le déve-
loppement d'une monoplégie brachiale flasque. Il a vu son
neveu se broyer le bras, subir l'amputation de ce bras et suc-
comber enfin aux suites de cet accident. Or, quatre jours après,
il présente lui-même une monoplégie brachiale du côté où deux
ans auparavant il avait eu la clavicule fracturée (fracture
longue à guérir, mal soignée au début, compliquée de suppura-
tion, d'esquilles, d'intervention chirurgicale...). Il est vraisem-
blable que l'accident arrivé à son neveu a éveillé, consciemment
ou inconsciemment, dans son cerveau, l'idée de paralysie bra-
chiale. Cette idée a germé pendant trois ou quatre jours, puis
s'est traduite extérieurement par une monoplégie du membre
supérieur. Il devait fatalement en être ainsi : l'amputation
du bras chez son neveu devait, chez cet homme traumatisé
au niveau de l'épaule droite, logiquement éveiller cette idée de
monoplégie brachiale et localiser cette monoplégie dans le côté
328 - CLINIQUE NERVEUSE.
droit. Il a dû dans sa personnalité consciente ou inconsciente,
peut-être dans ses rêves, comparer l'accident de son neveu à
l'accident qu'il avait jadis éprouvé lui-même au niveau de l'é-
paule droite et sur lequel son métier de charretier avait attiré
son attention pendant de longs mois. De cette comparaison a
dû naître l'idée de paralysie.
Tout à fait singulier chez notre malade est l'absence de
troubles de la sensibilité dans le membre paralysé. C'est un
fait extraordinaire qu'on n'a pas encore'observé jusqu'à pré-
sent du moins à notre connaissance dans les cas semblables de
monoplégie hystérique '. Non seulement la sensibilité de la
peau est conservée dans tous ses modes, mais aussi le sens
musculaire est resté intact.
Cette monoplégie ressemble, à ce point de vue, beaucoup à
la paralysie spinale par lésion de la corne antérieure; mais
dans notre cas les réflexes tendineux ne'sont pas abolis, la
réaction de dégénérescence manque totalement et l'atrophie
musculaire est très peu prononcée. Une lésion organique de
"l'écorce du cerveau (centre du bras) est encore plus improbable
'parce que cet homme n'a eu ni attaque apoplectiforme, ni
étourdissements, ni vertiges, ni céphalalgie, etc., au moment
où s'est produite la paralysie. Du reste, ce qui lève tous les
doutes, c'est le résultat du traitement purement psychique qui
a été institué. Déjà le deuxième jour de ce traitement, le ma-
'lade était capable de faire quelques légères flexions du pouce et
de l'index; dans des séances suivantes, les autres doigts ont
commencé également à se mouvoir, de sorte que M. Charcot a
pu montrer le malade, dans une leçon, en état complet de pa-
ralysie, et dans la leçon suivante en état d'amélioration très
considérable. C'est là un fait positif qui démontre avec le rétré-
cissement du champ visuel et l'oedème bleu, la vraie nature de
la maladie, à savoir l'existence d'une monoplégie purement
fonctionnelle, d'une monoplégie hystérique, sans anesthésie
concomitante.
Expérimentalement chez les hypnotiques, M. le professeur
Charcot a pu réaliser des monoplégies sans troubles de la sen-
sibilité, mais en suggérant au sujet l'absence de ces troubles *.
1 . , '
1 Nous parlons de monoplégie flasque sans contracture.
' Charcot. OEuvres complètes : Leçons sur la maladie du système
nerveux, t. III, p. 353.
TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 329 9
On peut cependant, dit-il, je tiens à le faire remarquer, même
chez les hystériques hémianesthésiques, obtenir la paralysie
motrice, sans accompagnement aucun de troubles de la sensi-
bilité ; il suffit, pour cela, ainsi que nous l'avons vu plusieurs
fois, de persuader au sujet, au moment même où a lieu la
suggestion, que le mouvement seul sera paralysé et que la sen-
sibilité restera intacte. Je ne voudrais pas généraliser hâtive-
ment à propos d'expériences encore relativement peu nom-
breuses, mais je dois relever toutefois, que jusqu'ici, je n'ai
pas encore observé cette variante sur les hystériques hémianes-
thésiques, auxquelles j'ai suggéré purement et simplement, la
paralysie motrice du membre sans rien dire de la sensibilité.
J'ignore, quant à présent, ce qui adviendrait en pareil cas,
chez les hystériques non anesthésiques.
C'est ce que nous avons recherché chez une hystérique non
anesthésique. Mais les hystériques de ce genre sont relative-
ment exceptionnelles; nous avons cependant pu, avec le con-
cours de notre ami, M. Souques, examiner, à la Salpêtrière,
une femme atteinte d'amnésie ' manifestement hystérique et
hypnotisable; nous avons provoqué chez elle une paralysie
brachiale, par suggestion, sans lui suggérer l'absence de trou-
bles sensitifs. Dans ces conditions, nous avons obtenu la perte
du mouvement mais aussi la perte de la sensibilité. Il s'agis-
sait'd'une femme chez laquelle on n'avait encore fait aucune
expérience de ce genre. Mais, en somme, nous n'avons pu exa-
miner encore qu'un seul sujet et nous ne voulons et ne pou-
vons rien conclure de cette expérience négative. Tout en
croyant à la possibilité des monoplégies expérimentales pure-
ment motrices, nous pensons qu'il faut encore s'en tenir à la
remarque de M. le professeur Charcot et ne pas préjuger, quant
à présent, ce qui adviendrait en pareil cas, chez les hystériques
non anesthésiques.
Quant à l'oedème bleu que nous trouvons chez notre malade,
il a bien le caractère de l'oedème hystérique tel qu'il a été dé-
crit par M. le professeur Charcot 2. Généralement associé tan-
' f ,
' L'histoire de cette malade, au point de vue amnésique a été rapportée
par )[. Charcot : Sur un cas d'amnésie rétro- antérograde. Revue de
méd., t. XII, février 1892, et M. Souques] : Essai sur l'amnésie 1'éll'o-allté-
rograde. (Rev. de méd.) . 1
' Charcot. - Leçons du mardi, t. II, juin 1889. (Progrès Médical, 1890,
2' s., t. XII, 1103 41, 42, p. 259, 275.) 1
330 CLINIQUE NERVEUSE.
tôt à des altérations de la sensibilité, anesthésie ou hyperesthésie,
tantôt à des troubles du mouvement (paralysies et contrac-
tions) cet oedème bleu des hystériques se caractérise, on le sait :
1° par une infiltration ferme des téguments ne gardant pas
l'empreinte du doigt; 2° par un abaissement de la température
locale qui peut aller jusqu'à deux, trois, quatre et même cinq
degrés centigrades ; 3° par une coloration bleue violacée, quel-
quefois très foncée, quelquefois simplement lilas.
Nous rappelons à ce propos que M. Charcot a pu reproduire
le symptôme par suggestion somnambulique chez une grande
hystérique (nommée Pauline Schey...) un oedème bleu abso-
lument identique à l'oedème spontané de ses malades.
Observation II. Monoplégie brachiale droite. Hystéro-salurnisme.
(Observation recueillie par M. Garnie, interne des hôpitaux.)
' Le nommé Cherb..., âgé de cinquante-trois ans, peintre, est
entré le 16 février 1892, à la Salpêtrière (service de M. CHARC9T),
salle Parmentier, lit n° 10.
Antécédents héréditaires. Rien à noter dans les antécédents,
sinon que son père était emporté.
Antécédents personnels. Peintre depuis trente-cinq ans (depuis
l'âge de dix-huit ans, il fait des enduits à la céruse). En 1888, puis
en 1889, attaques des coliques saturnines. Pas alcoolique; caractère
emporté, émotif; marié, il a cinq enfants dont quatre sont morts
des convulsions en bas âge.
Début. Dans les premiers jours de mars 1890 (il y a deux ans),
après avoir éprouvé des chagrins et travaillé six nuits de suite, en
plein travail, le malade est pris, sur son échelle (il peignait un
plafond), d'une sensation de vertige c'était vers une heure du
matin puis d'un tremblement général qui dura un quart d'heure
environ. Son bras pris de faiblesse était tombé à plusieurs reprises
pendant, le travail. Aucune cause immédiate; on peut noter cepen-
dant dans la journée un véritable surmenage et aussi un excès de
boisson. Rentré à pied chez lui, le malade se déshabille sans diffi-
culté ; jusque là pas de paralysie. Le lendemain, en se réveillant,
son bras droit pend inerte le long de son corps et il éprouve dans
la main droite une sensation de fourmillement qu'il compare à celle
que donnerait du sable tombant sur la main. Cette sensation a
persisté un mois environ.
Le lendemain, il entra à Saint-Antoine (service de M. Gingeot);
on constate une paralysie absolue des doigts, du poignet, du coude
TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 331 L
et de l'épaule pour l'extension et la flexion. La sensibilité est abolie
dans tous les modes, depuis l'extrémité des doigts jusqu'au moi-
gnon de l'épaule. Pas d'hémianesthésie. On constate en même
temps la perte du réflexe pharyngien, de la dyschromatopsie et
de l'anosmie. Au bout de quatre mois de traitement (électricité,
bains sulfureux), lemalade sortit de l'hôpital. Il pouvait mouvoir
le coude et l'épaule, mais le poignet et les doigts restaient para-
lysés. Il se remit à travailler mais d'un travail facile, il mélangeait
les couleurs. De temps en temps il venait reprendre son traitement
à Saint-Antoine (service de M. T..PaET; séjours de trois mois
chaque fois).
Etat actuel. La main droite est tombante en flexion et pro-
nation, les doigts en demi-flexion. Les mouvements de l'épaule et
du coude sont conservés, mais beaucoup moins puissantes que du
côté sain. Impossibilité absolue de relever le poignet et d'étendre
les doigts, même impossibilité pour les fléchir ; cependant si l'on a
soin de relever la main sur l'avant-bras, les doigts peuvent exécu-
ter un très léger mouvement de flexion, et les premières phalanges
étant maintenues sur la- main, les deux derniers peuvent être
relevés par le malade, de même aussi la main étant étendue sur
une surface plane, il peut faire quelques mouvements de latéralité
des doigts. Tous ces mouvements ont été récupérés depuis une
quinzaine de jours.
Le long supinateur est paralysé et il n'y a pas de mouvement de
supination, même dans la flexion du coude.
L'anesthésie depuis l'extrémité des doigts remonte à la manière
d'un gant jusqu'à deux travers des doigts au-dessus du poignet.
Hypéresthésie en manche de veste de la partie supérieure du
membre.
Réflexes tendineux normaux, pas de tremblement de la main
droite. Pas d'atrophie du membre paralysé. La main gauche éten-
due présente un tremblement oscillatoire rapide. Spasme : il y
existe un spasme intermittent des muscles orbiculaires et signo-
matique du côté gauche de la face. Ce spasme serait apparu en
même temps que la monoplégie.- Les secousses seraient beaucoup
moins accentuées et beaucoup moins fréquentes qu'au début de
l'affection. La langue présente un tremblement fibrillaire très ma-
nifeste, elle. est tirée à gauche.
Il y a un mois, lors de son entrée dans le service, le malade pré-
sentait encore une notable diminution de la sensibilité dans le
membre paralysé, aujourd'hui il y a peu de troubles manifestes
de la sensibilité.
Absence du réflexe pharyngien. Perte de l'odorat des deux côtés.
Goût très émoussé. Dyschromatopsie monoculaire gauche etachro-
332 CLINIQUE NERVEUSE.
matopsie même pour le rouge. Le champ visuel notablement rétréci
à gauche, normal à droite. Acuité visuelle diminuée, V = 5/10.
Aucune altération du fond de l'oeiL
L'ouïe normale des deux côtés. Pas de points hystérogènes.
Note de M. Vigouroux sur l'examen électrique des muscles para-
lysés (le 10 février 1892) : simple diminution de l'excitabilité fara-
dique et galvanique des muscles paralysés. "
Traitement et évolution. - Le malade a été traité comme le
malade précédent (Obs. I), d'abord par la faradisation, puis par
une éducation psychique et enfin par des exercices sur le dyna-
momètre.
Les premiers mouvements acquis ont été les mouvements de
flexion des doigts, sans participation du pouce, puis quelques mou-
vements d'écartement des doigts, la main étant posée à plat sur
une table, c'est surtout l'extension du petit doigt et de l'index qui
était bien exécutée.
Enfin le malade a pu serrer le dynamomètre. A ce moment, la
sensibilité revient sur la main et les doigts, il reste seulement une
"zone d'anesthésie en bracelet au niveau du poignet. Depuis, pro-
grès continus dans la flexion des doigts, constatés au dynamomètre
(voy. la courbe). Enfin le pouce peut fléchir et étendre sa dernière
phalange et atteindre dans le mouvement d'opposition la pulpe de
l'index.
Le poignet reste encore immobile. Le malade remarque qu'il
' peut mettre beaucoup plus d'énergie dans les mouvements du coude
et de l'épaule. 1
TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 333
10 mars. - Le mouvement du poignet est commencé, mais la
sensibilité n'est pas encore tout à fait rétablie.
18. Il a pu écrire aujourd'hui, pour la première fois, depuis
deux ans, une lettre. Dynamomètre il droite 40, à.'gauche 50. Le
spasme sous-orbitaire persiste, chaque secousse spasmodique s'ac-
compagne dans l'oeil droit d'une sensation visuelle tout à fait t
analogue à celle du scotome scintillant de la migraine ophthal-
mique.
21. Attaque de migraine ophthalmique avec injection con-
jonctivale, scotome scintillant qui d'abord plus petit, pendant l'at-
taque s'agrandit. La douleur siège au fond de l'oeil et s'irradie
aux nerfs sus et sous-orbitaires, la sécrétion des larmes est exces-
sive. Le scotome est de couleur violette ou verte, bordé de lignes
brisées et entouré de taches rouges qui voltigent. Cette attaque de
migraine se répète quatre ou cinq fois par jour.
Traitement : bromure de potassium.
3 avril. - Les attaques de migraine ophthalmique vont s'atté-
nuant peu à peu, l'injection conjonctivale est moins intense. Les
mouvements du membre supérieur droit sont tout à fait libres.
6 mai. Le malade quitte l'hospice. Le spasme glosso-labié et le
scotome scintillant persistent encore. La dyschromatopsie de l'oeil
gauche est atténuée. Pas d'attaque de migraine ophthalmique.
Les mouvements du membre supérieur droit sont tout à fait libres.
Fig. 42.
334 CLINIQUE NERVEUSE.
L'hypoesthésie au niveau du poignet a disparu. Le champ visuel
s'est agrandi.
Voilà un cas de monoplégie brachiale hystérique qui s'est
développé chez un saturnin. On sait maintenant, depuis que
M. Charcot 1 a fait connaître la véritable nature des anesthé-
r sies saturnines ou soi-disant saturnines, que le plomb joue un
rôle important comme agent provocateur de l'hystérie. Chez
notre malade, le terrain était merveilleusement préparé à cet
égard pour le développement de l'hystérie. La tristesse, le
chagrin et le surmenage subi par le patient ont provoqué l'éclo-
sion.
Le diagnostic dans ce cas ne présentait aucune difficulté;
car en même temps que la monoplégie doublée d'anesthésie
classiquement limitee, on observait un rétrécissement perma-
nent du champ visuel, de la dyschromatopsie, l'absence de
réflexe pharyngien, ta perte de l'odorat, le spasme glosso-
labié, etc
Quatre mois environ après le début de la monoplégie, le
malade peut faire mouvoir son épaule et l'anesthésie disparaît
peu à peu de la partie supérieure du bras jusqu'au-dessous du
coude. C'est trois mois après soit sept mois après le début
des accidents que les mouvements du coude reparaissent pres-
que subitement. Il est à noter que l'anesthésie ne s'est effacée
qu'après le retour de sa motilité et beaucoup plus lentement
que la paralysie motrice. L'électrisation, la balnéation sul-
fureuse prescrite dès le début et mise en pratique régulière
pendant plus de six mois n'ont produit aucun changement dans
l'état du malade. Les mouvements de l'articulation du poignet
et ses doigts restaient toujours paralysés ; ils n'ont commencé
à reparaître que par la mise en oeuvre du traitement psy-
chique.
Une autre particularité qui mérite d'être soulignée dans l'his-
toire de ce malade est la suivante : Il avait dès le début de sa
paralysie un hémispasme facial du côté gauche, accompagné
d'un scotome scintillant de l'oeil correspondant. Or dans le
temps que la monoplégie brachiale s'améliorait, on voit se
développer des accès quotidiens de migraine ophthalmique qui
' Charcot,. - Leçons du mardi, 26 juin 1886. (Bulletin médical, 1888,
p. 387.)
TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 335
ont duré plus de six semaines; après quoi, les accès de migraine
ont disparu, mais le scotome a persisté, isolé comme il était
tout d'abord.
Le scotome dans ce cas semble bien avoir été le signe pré-
curseur de la migraine, ou plutôt comme une ébauche du syn-
drome lui-même. M. Charcot, en 1888, dans ses Leçons du
mardi et M. Babinski' ont montré que la migraine ophthal-
miquepeut être une manifestation de l'hystérie, et plus récem-
ment, M. Fink3, dans sa thèse, en a rapporté deux nouvelles
observations dues l'une à M. Raymond et l'autre à M. Souques.
Il nous semble inutile de chercher à prouver par une analyse
minutieuse que dans notre cas la migraine n'est autre chose
qu'une manifestation de l'hystérie.
Observation III. - Monoplégie brachiale gmche hystéro-trauma-
tique, sclérose en plaques. Lésion organique des nerfs des muscles
deltoïde et sous-épineux.
Le nommé Math... J.-P., quarante-trois ans, ajusteur-mécanicien,
puis manouvrier, entré le 27 février 1892, à la Salpêtrière (service
de M. CHaRcoT), salle Prus, lit n° 21.
Antécédents héréditaires . Issu d'une famille de laboureurs, de
paysans robustes et bien portants. Aucun antécédent névropa-
thique.
Antécédents personnels. - Sa maladie actuelle est sa première
maladie. Il avait toujours eu une santé parfaite. Il n'est pas alcoo-
lique. Il n'a jamais fait d'excès d'aucune sorte. Il n'est pas syphili-
tique. Soldat en 1870. Son métier, celui dans lequel il a travaillé
la majeure partie de la vie, est celui d'ajusteur-mécanicien. En
1884, dans un moment de chômage, il s'embaucha dans une grande
raffinerie comme mécanicien ; mais on l'employa comme enfou r-
neur et la besogne étant bien rétribuée, il accepta de la remplir.
Cette besogne consistait à enfourner des briques préparées - la
température des pièces de chauffe est de 60 à 80°. Douze heures
de travail par jour. Ce métier très pénible altéra un peu sa santé.
Au bout de deux ans, en 1886, il avait un peu perdu de fo rces, il
mangeait peu, mais travaillait encore régulièrement.
1 Charcot. - Leçons du mardi. 1887-1888. Policlinique du 10 jan-
vier 1888, p. 10.
' Babinsbi. - De la migraine ophthaliiiique hystérique. (Archives de
Neurologie, vol. XX, nov. 1890, n° 60, p. 305 et suiv.)
' Fink. - Des rapports de la migraine ophthalmique avec l'hystérie.
Thèse de Paris, juillet 1891.
336 CLINIQUE NERVEUSE.
Début. A quelque temps de là (1886), il tomba malade. Un jour,
il se sentit t trop faible », dit-il, et il dut cesser de travailler. Il n'a-
vait plus d'appétit, il restait une partie du jour dans sa chambre
ou sur son lit, faisait quelques promenades au dehors. Cet état de
faiblesse dura trente jours environ. Eut-il de la fièvre à cette
époque ? impossible de s'en rendre compte. Ses réponses sont va-
. gués quand on l'interroge sûr cette période initiale de la maladie.
11 raconte cependant qu'il eut à cette époque deux grosseurs ayant
chacun le volume d'un oeuf et siégeant au niveau des deux seins
qui étaient gros et douloureux ; les mamelons étaient rétractés
(probablement mammite). Une de ces grosseurs se vida et il en
sortit un liquide séreux presque clair. Au bout de trente jours de
cet état de malaise et de faiblesse générale, il voulut essayer de tra-
vailler ; mais il ne peut faire sa besogne que pendant une huitaine
de jours, et à grand'peine. Il n'était cependant paralysé, ni des
jambes ni des bras. Il ne tremblait pas encore. 11 n'avait pas de
troubles de la parole. Il était seulement très abattu, débilité. Il
essaya encore de s'embaucher (à plusieur reprises), après des pé-
riodes de repos, mais chaque fois il dut cesser son travail au bout
de quelques jours. C'est il y a quatre ans, en 1888, que semblent
s'être manifestés chez lui, les premiers symptômes de sclérose en
plaque. Cela commença par de la titubation; ses jambes n'étaient
pas et n'ont jamais été raides, mais faibles et comme maladroites.
Sa démarche vacillante le faisait quelquefois prendre pour un
ivrogne. Puis la parole s'est embarrassée, enfin le tremblement
des mains est apparu plusieurs mois après. Le malade s'est présenté
à la consultation de la Salpêtrière en 1887, puis de nouveau en
1890. Diagnostic : sclérose en plaques.
Depuis deux ans, il gagnait sa vie en distribuant des prospectus
sur la voie publique. Il était donc atteint de sclérose en plaques et
suivait le traitement qui lui avait été prescrit à la Salpêtrière,
le 14 octobre dernier (1891), en suivant le trottoir de la rue Jeanne-
d'Arc, il reçut le choc violant sur l'épaule gauche d'une persienne
qui s'était détachée d'une fenêtre au troisième étage. Sur le coup
il tomba sans connaissance. Relevé quelques instants après et con-
duit par un agent de police dans une pharmacie, il disait à l'agent
qui le soutenait par son bras droit : mais où est mon bras gauche ?
- Donnez-moi mon bras ! Ce bras était complètement paralysé;
il pendait inerte. Et quand le malade prit sa main gauche avec sa
droite il remarqua que sa main gauche était insensible. Après
quelques soins, il fut reconduit à pied à son domicile. La paralysie
du membre supérieur gauche n'a pas cessé d'exister depuis ce jour.
Seulement, il y a trois semaines, le malade a recouvré petit à petit
quelques mouvements de flexion et d'extension des doigts, des poi-
gnets et de l'avant-bras. Ces derniers sont très difficiles, très
faibles, très restreints.
TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 337 î
Après l'accident, pendant un mois et demi au moins, le bras pa-
ralysé a été le siège de douleurs sourdes, profondes, vagues, ne
correspondant pas à tel ou tel trajet nerveux. Il en souffre encore
quand on presse fortement à pleine main l'épaule gauche. Pas de
cauchemars, pas de crise d'aucune sorte. Le 26 février le malade
se présente à la consultation externe et est admis dans le service
le lendemain.
Etat actuel. A. Les symptômes qui permettent d'affirmer
l'existence de la sclérose en plaques chez cet homme sont les sui-
vantes : 1° titubation, démarche vacillante ; 2° parole scandée et
lenle; 3° tremblement intentionnel de deux mains; 4° nystagmus;
atrophie blanche de la papille; 5° troubles urinaires, miction dif-
ficile ; 6° réflexe rotulien un peu brusque, mais pas de trépidation,
pas de paralysie spasmodique.
B. Quant à la paralysie post-traumatique du membre supérieur
gauche, elle présente les caractères suivants :
Paralysie complète des mouvements, dont l'épaule est le centre;
paralysie incomplète des mouvements d'extension et de flexion de
l'avant-bras, du poignet et des doigts, sans prédominance de tel
ou tel muscle ou groupe des muscles.
Atrophie des muscles pectoraux, sous et sus-épineux et tous les
muscles du bras et un peu aussi de l'avant-bras, pas d'atrophie de
muscle de la Ira,in. Voici la mesure des circonférences du bras :
338 CLINIQUE NERVEUSE.
La sensibilité pharyngée est abolie.
L'ouïe, l'odorat et le goût sont intacts.
Vision (note de M. Parinaud, du 2 mars 1892). Nystagmus avec
parésie de tous les mouvements associés. Les pupilles réagissent
normalement.
OEil droit : acuité visuelle diminuée (V = 1/8). pas de rétrécis-
sement du champ visuel. Un 'peu de dyschromatopsie pour le vert.
Atrophie blanche de la papille.
Fig. 43. - Distribution de l'anesthésie et de l'hypoesthésie
dans la monoplégie brachiale hystéro-traumatique.
Partie quadrillée : anesthésie. - Partie à lignes verticales : hypoesthésie.
TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 3 9
OEil gauche : rétrécissement irrégulièrement concentrique. Achro-
nMtopsie complète. Compte seulement les doigts à deux mètres.
Atrophie de la papille plus accusée que du côté droit.
Traitement. - Douches toniques, électrisation et exercices quo-
tidiens dans lesquels le malade s'efforce d'exécuter des mouvements
divers des doigts de la main et des autres segments du membre
supérieur gauche.
Depuis 21. /4. Le malade est capable de fléchir sans aide son
avant-bras, mais à la condition que l'avant-bras s'appuie en
s'élevant contre le thorax. Ce mouvement gagne par l'exercice
chaque jour et on voit très bien maintenant la contraction du bi-
ceps.
Le malade, le 19 mai 1892, sans qu'un notable changement
se fut produit dans son état, a quitté le service. Les limites de
la zone anesthésique n'avaient pas changé, l'atrophie et la para-
lysie'étaient stationnaires en ce qui concerne les mouvements de
l'épaule. '
Ce cas est complexe, on ne saurait l'interpréter sans dis-
cussion. L'hystérie et la sclérose en plaque sont les deux
maladies du système nerveux qu'on voit coexister le plus
souvent chez un même sujet, et il est parfois difficile de sé-
parer dans les cas où ces deux affections se trouvent asso-
ciées les symptômes appartenant à chacune d'elles (M. Char-
cot) ' .
Charcot. - Leçons du mardi, policlinique, Il décembre 1888.
340 CLINIQUE NERVEUSE.
En ce qui concerne l'existence chez notre malade d'une sclé-
rose en plaques, le doute n'est guère possible.
Il a été reconnu dans le service même de la clinique qu'il
était bien réellement atteint de cette affection bien longtemps
avant l'accident dont il a été récemment victime et qui a déter-
miné la monoplégie brachiale sur la nature et les caractères
de laquelle nous allons revenir; la démarche titubante, la dy-
sarthie très particulière, le tremblement intentionnel, le nys-
tagmus, l'atrophie blanche de la papille, relèvent incontesta-
blement de cette maladie, et le diagnostic sur ce point est bien
assuré.
Mais comment interpréter la paralysie du bras qui est sur-
venue sous l'influence du choc violent que le malade a reçu
sur l'épaule gauche ? S'agit-il d'une lésion du plexus ou de ses
racines L'apparition immédiatement après le choc de la para-
lysie et une anesthésie complète de tout le membre, l'existence
de la réaction de dégénérescence dans certains muscles atro-
phiés (sous-épineux et deltoïde) sont autant de particularités
bien conformes à cette hypothèse. Mais il n'en est pas de même
de l'anesthésie très particulière qui accompagne ces différents
troubles moteurs. Cette anesthésie s'étend à la moitié corres-
pondante de la tête, du cou et du thorax. Elle dépasse par
conséquent et de beaucoup les limites que peut atteindre l'anes-
thésie dans le cas de lésion du plexus ou de ses racines. Par sa
topographie, par la forme arrondie de ses contours, elle est
toutàfait pareille aux anesthésies hystériques etl'on ne saurait
guère imaginer une lésion organique centrale ou périphérique
susceptible de réaliser une semblable anesthésie. On est donc
conduit à admettre que cette monoplégie avec ses caractères
complexes et en apparence contradictoires est due en partie au
choc traumatique et aux lésions organiques qu'il a produites
dans le plexus brachial et en partie aux troubles hystériques
locaux que le traumatisme a fait naître. A la lésion du plexus
doivent être rapportées la paralysie du mouvement et la sen-
sibilité qui ont suivi immédiatement le choc et l'atrophie mus-
culaire dégénérative nerveuse par la suite. A l'hystérie seule
doit être attribuée l'anesthésie très spéciale qui double la mo-
noplégie et peut-être aussi la paresse des mouvements de
flexion de l'avant-bras. Cette interprétation étant acceptée, on
comprendra aisément pourquoi le mouvement du coude a re-
paru rapidement sous l'influence d'un traitement psychique
TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 341
(exercices et suggestions) auquel le malade a été soumis, tandis
que l'épaule est restée immobile en raison de la nature orga-
nique des lésions auxquelles se rattachait la paralysie de ses
muscles.
1
342 CLINIQUE NERVEUSE.
3S2 CLINIQUE NERVEUSE.
REFLEXIONS SUR LES CAS DE MONOPLÉGIE HYSTÉRIQUE.
Nombre. - Nous avons donc trouvé dans la littérature de-
depuis l'année 1885 jusqu'à 1890 vingt-huit cas de monoplégie
hystérique, auquel j'ajoute trois cas de même genre, c'est en
somme trente-un cas de monoplégie hystérique flasque.
Sexe. Sur ces 31 cas, 23 ont trait à des sujets du sexe
masculin et 8 à des féminins.
Age. L'âge des malades varie entre douze et cinquante-
quatre ans : voici la distribution dans chaque cinq ans :
TROIS CAS. DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 353
D'autre part, on retrouve dans l'enfance de la plupart des
malades des convulsions, de l'incontinence d'urine, des perver-
sions d'ordre moral, etc. Dans trois cas, il s'agissait d'alcooliques
avérés, dans quatre cas, nous avons noté une récidive de paraly-
sie et dans plusieurs cas, des crises hystériques plus ou moins
nettes. Chez trois personnes, nous n'avons pu connaître les an-
técédents personnels. Deux malades seulement n'avaient jamais
été malades.
Ageats provocate2crs. - Parmi les agents provocateurs, le trau-
matisme se place au 'premier rang. Ainsi nous rencontrons
dans quinze cas un choc quelconque, léger ou grave, depuis le
simple coup d'épingle jusqu'à la fracture, comme cause provo-
catrice de la monoplégie.
Dans six cas, nous avons noté le saturnisme, où la paralysie
se développait soit après surmenage soit après vertige, douleur
articulaire, lourdeur, etc. Chez les individus qui ont eu déjà
quelques symptômes d'hystérie, elle se manifeste soit après un
accès hystérique, soit à la suite de fourmillements, d'engour-
dissements ou de troubles vasomoteurs, etc., dans le membre
intéressé (cinq cas). Dans trois cas une émotion morale, une cause
provocatrice avait été la cause occasionnelle du développement
de la paralysie. Deux malades avaient déjà été atteints de para-
lysie après s'être couchés une nuit dans un endroit humide et
froid. La fixation et l'immobilisation du membre semble avoir
quelque influence sur le développement de la paralysie, car
nous avons vu chez deux malades après un traumatisme qui
avait nécessité l'immobilisation du membre dans un appareil
de fracture se développer une paralysie; chez qui la simple
immobilisation sans trauma préalable avait été suffisante po ur
provoquer une paralysie brachiale.
Période de méditation. On entend par ces mots la période
qui s'étend depuis l'apparition de la cause accidentelle jusqu'à
la réalisation de la paralysie psychique. Dans seize cas, il nous
a été impossible de préciser la durée de cette période; dans les
autres cas, les choses, ont été comme il suit :
384 CLINIQUE NERVEUSE.
de la paralysie brachiale un autre membre du même côté est
plus ou moins affaibli, toujours une hémianesthésie du même
côté ; mais il y a des cas où l'hémianesthésie existe avec une
monoplégie pure (9 cas). D'autres fois, l'anesthésie est limitée
autour de la racine du membre paralysé par une ligne perpen-
diculaire au grand axe de-l'extrémité à la manière bien connue
(15 cas), ou bien s'étend à la moitié correspondante de la tête
et à la partie supérieure du corps, descendant jusqu'au niveau
de l'épigastre ou de l'ombilic (4 cas). Le cas de monoplégie
flasque sans aucune anesthésie que nous avons relaté est jus-
qu'à présent le premier exemple de cette espèce (observ. I).
Troubles trophiques. - Nous avons noté dans neuf cas l'atro-
phie musculaire du membre paralysé, dont deux cas en même
temps avec atrophie osseuse, un avec élévation de la tempéra-
ture et deux autres avec abaissement de la température. Un
simple abaissement avec ou sans coloration bleue a été trouvé
chez quatre malades. Les dix-huit autres sont sans troubles
tropiques.
Réflexes tendineux.
TROIS CAS DE MONOPLÉGIE BRACHIALE HYSTÉRIQUE. 355
Autres stigmates d'hystérie. Parmi les stigmates d'hystérie
que nous n'avons pas encore mentionnés, nous relèverons :
10 fois l'insensibilité de pharynx;
9 des points douloureux et hystérogènes;
7 des attaques d'hystérie;
4 l'ovarie.
Résultat du traitement. La paralysie hystérique peut dis-
paraître spontanément sans aucun traitement, mais plus sou-
vent, on est obligé d'employer soit un traitement psychique,
soit l'électricité ou l'hydrothérapie ou encore d'autres procédés.
Dans la majorité des cas, la paralysie motrice et sensitive se
dissipe ou s'améliore parles moyens qu'on a employé (22 cas),
quelquefois cependant, elle est très tenace et rebelle, résistant
contre une série des moyens qu'on applique et reste sans chan-
gement (4 cas), cinq récidives, vingt-deux améliorations ou
guérisons et quatre cas sans changement de la paralysie.
Tels sont les résultats observés dans les diverses observations
que nous avons pu réunir ici.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE.
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cause traumatique, chez l'homme. (Progr. méd., nos 34, 39, 40,
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9. Debove. - Bulletin de la Soc. méd. des )zdp., 1885, n° 19, p. 386.
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11. Dito.n'chel. Gazette des hôpitaux, 1886, 16 octobre.
12. CHAUFFARD. - Gaz. hebd. de rnéd. et dechir, 1886, n° 21, p. 341.
13. Lombroso. Lo sperimentale, 1886, nov. et déc. (cité par Rendu,
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tériques. (Archives de Neurologie, t. XII, 1886.)
17-18. RENDU. - Contribution à l'histoire des monoplégies part, du
membre sup. d'origine hystéro-traumalique. (Archives de Ne¡¡-
rl),lce, l. Xl V, 1337, p. 1;' 7.)
356 CLINIQUE NERVEUSE.
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21. Determann llystérisc ! ec Monoplégie. (Neul'ologisches Oci2tî,alblatt,
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26. Ballet. - Sur un cas de monoplégie brachiale hystérique
avec atrophie. (Bulletin et Mém. de la Soc. méd. de Paris, 1890,
p. 407.)
27. SÉRIEUX. - Choc nerveux local et hystél'o-tl'Humatique. (Archives
de Neurologie, t. XX, 1890, p. 231.)
28. Charcot. Clinique des maladies du système nerveux, t. 1, Pa-
ris, 1892, p. 29.
UN CAS DE SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE
ATROPHIQUE;
. Par le D' J. SACAZE,
Chef de clinique médicale à la Faculté de Montpellier.
Des travaux récents viennent d'établir la présence assez fré-
quente de la scoliose dans les névropathies, et bien qu'encore
cette question demande de nouvelles recherches pour éclairer
de nombreux points obscurs, on connaît cependant déjà un
peu les caractères de cette déviation dans la sciatique, dans la
syringomyélie, le tabès, la sclérose en plaques. Ce chapitre est
au contraire à faire entièrement pour les diverses atrophies
musculaires progressives familiales. « Les myopathiques at-
teints d'atrophie des muscles des gouttières vertébrales et de
la masse sacro-lombaire sont affectés de la lordose paralytique
avec cyphose dorsale que Duchenne a décrite comme consé-
quence de ces insuffisances musculaires. Chez eux, pas de sco-
liose, ou scoliose insignifiante 1. » Telle est la conclusion émise
par M. Hallion, après avoir examiné un certain nombre de
malades et parcouru beaucoup de faits connus. Nous avons
1 II,tllion. Les déviations vertébrales acuropalleiynes, Thèse Paris,
juillet 1892.
SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE ATROPHIQUE. 357
nous-même tenté quelques recherches, et dans aucune des
observations qui sont tombées sous notre main, nous n'avons
trouvé cette déformation signalée. Il semble donc que notre
cas, où il s'agit d'une scoliose très nette, est le premier fait de
ce genre connu. Cette particularité, qui déjà lui communique
une très grande valeur, ajoutée à quelques autres considéra-
tions que nous tâcherons de mettre en relief, le rendent,
comme on va le voir, plein d'intérêt et digne d'être étudié avec
soin.'
F... (J.), âgé de seize ans, habite avec ses parents une petite
maison située sur les montagnes.
Antécédents héréditaires. Le grand-père maternel appartient
à une famille où le tempérament névropathique s'est révélé chez
plusieurs membres, sous diverses formes. Il est lui-même mort,
vers l'âge de soixante ans, dans la démence. Quant à la grand'mère
maternelle, elle a toujours eu une santé très forte; mais une de
ses soeurs vient de mourir, présentant depuis quelques années des
arthrites rhumatismales chroniques.
Père. Caractère vif. Hère. Sa santé a été toujours bonne. Il
n'en a pas été de même pour tous ses frères ou sceurs. D'aboril, un
de ses frères a présenté une atrophie musculaire progressive, qui
débuta à l'âge de trois ou quatre ans; au début il eût de l'hy-
pertrophie des mollets : puis peu à peu l'émaciation survint, n'é-
pargnant dans sa marche que la face; c'est dans cet état que
ce jeune garçon succomba à seize ans, La plupart de ses soeurs ont
montré une grande vivacité de caractère; en outre, elles ont
éprouvé de temps en temps des névralgies dans divers points du
corps, et chez leurs enfants, nous avons trouvé enfin des manifes-
tations non seulement névropathiques, mais aussi herpétiques.
Notre patient n'est pas le seul enfant de sa famille qui a dû sup-
porter les atteintes de la maladie. Il a déjà vu mourir un de ses
frères d'atrophie musculaire. Celle-ci, d'après les renseignements
que les parents nous ont fournis, commença par de la faiblesse dans
les jambes, à l'âge de sept ans; on se souvient que les mollets, à ce
moment, étaient très gros; ce n'est que plus tard que les mem-
bres inférieurs diminuèrent de volume. A une période assez rap-
prochée du début, la faiblesse et l'atrophie s'emparèrent également
des bras; la face ne montra jamais aucun trouble. Durant les quel-
ques mois qui précédèrent la mort survenue à seize ans, cet enfant t
se plaignit plusieurs fois d'une douleur dans la hanche droite ;
celle-ci devint progressivement, bien plus émaciée que la gauche >
à tel point, nous a-t-il été répété, que les os semblaient avoir dis-
paru en grande partie.
Une de ses soeurs, sans enfants, présente tantôt des névralgies
358 CLINIQUE NERVEUSE.
et tantôt des manifestations herpétiques. Une autre soeur, d'une
bonne santé habituelle, possède un jeune garçon âgé de neuf ans,
qui, depuis deux ans, a quelques symptômes de la myopathie pri-
mitive ; il est, en effet, vite fatigué, ressent de la peine à monter
les escaliers, et offre de l'hypertrophie des jambes. Le tableau
suivant permet de bien saisir les particularités que nous venons ? de donner sur l'hérédité.
1,
Histoire antérieure de la maladie. Elle aurait débuté à l'âge de
sept ans. Jusqu'à ce moment, la santé n'avait offert aucun trouble
bien manifeste. On aurait tout d'abord constaté de la faiblesse
dans les membres inférieurs, et une certaine hypertrophie des
mollets. Vers cette époque, l'enfant serait tombé, en s'amusant,
dans une flaque d'eau, et pendant quelque temps, aurait supporté
l'humidité.
Les membres supérieurs ne tardent pas à être pris; mais ici, la
difficulté des mouvements coïncide avec une diminution considé-
rable des masses musculaires entourant l'épaule. Nous le voyons
pour la première fois le 10 septembre 1888. Ce qui nous frappe
alors, c'est la faiblesse, assez grande ,dans les bras, mais surtout
manifeste dans les membres inférieurs. La marche n'est guère
possible qu'avec deux béquilles; ainsi soutenu, il lui est permis de
parcourir une certaine distance. Sans cet appui la fatigue survient
très vite, et, de plus, il montre une peine considérable à se tenir sur
ses jambes. On le voit alors porter son tronc fortement en arrière,
ne toucher le sol qu'avec la partie antérieure des pieds, et écarter
ses jambes; puis il se met à marcher très lentement, à petits pas,
n'avançant ses pieds qu'au prix d'un effort considérable; son tronc
décrit en même temps des oscillations latérales, et reste porté en
arrière. Il a donc, comme tous les malades de ce genre, du vrai
dandinement.
Il montre de la difficulté pour se remuer dans le lit, et une fonib
SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE ATROPHIQUE. 359
couché par terre, s'il veut se relever, il est obligé de se servir beau-
coup de ses bras, et n'arrive à donner à son corps la position ver-
ticale qu'en prenant sur ses jambes une série de points d'appui
avec ses mains, ce qui lui permet de hisser en quelque sorte le haut
du tronc et la tête jusqu'à la situation cherchée.
Il ne peut pas s'habiller, à cause de la gêne des divers mouve-
ments dans les membres supérieurs.
Les mollets sont un peu hypertrophiés. L'atrophie des bras,
quoique manifeste, n'offre pas encore un degré extrême. La région
lombaire, sauf l'ensellure, a un aspect normal. Les pieds montrent
un léger équinisme. Les diverses fonctions s'accomplissent régu-
lièrement. Etat général bon.
Dès que l'affection a commencé à s'établir, divers traitements
ont été tentés. On a employé successivement des vésicatoires placés
le long de l'épine dorsale, des toniques, des frictions sur les mem-
bres, des bains chauds, des bains sulfureux, etc. L'électricité est
un des rares moyens qui n'ont pas été essayés, à cause du défaut
d'appareil.
Dans le co urant de l'année 1889, l'atrophie apparaît aux jambes,
aux cuisses, au tronc et s'accentue un peu plus aux membres su-
périeurs. La marche devient alors complètement impossible, même
avec le secours dès béquilles. A certains moments, éclatentdans les
genoux'quelques douleurs assez légères; signalons aussi des épis-
taxis fréquentes et abondantes. Cet état continue à s'aggraver
durant l'année 1890, et au mois d'avril 1891 nous revoyons le ma-
lade.
L'atrophie des jambes, des cuisses, du tronc et des bras est très
évidente; les fesses possèdent encore un volume presque normal
Les mouvem'ents sont des plus limités; le malade remue un peu
ses pieds, et continue à se servir assez bien de ses mains
pour fabriquer avec beaucoup d'art de petits jouets. Les doigts
n'offrent pas de griffe. Par suite de la rétraction de certains
muscles, il n'est déjà plus possible de remettre les membres dans
une position rectiligne.
Il passe la plus grande partie de la journée au plein air, assis
sur un siège très peu élevé, ce qui lui permet d'appuyer son tronc
sur la face antérieure des cuisses et sur les genoux, de venir ainsi
en aide aux muscles du dos. Celui-ci ne présente aucune déforma-
tion. Rien d'anormal également à noter du côté de la tête,
sauf quelques manifestations acnéiques.
Cet enfant se plaint parfois de légers fourmillements dans les
pieds, et d'un peu de trépidation du côté des membres pendant
son séjour au lit. Il y a une certaine diminution de l'appétit.
1892. 23 avril. - A part la tête qui continue à rester à peu près
indemne, les autres parties du;corps sont atrophiées; en outre, la
jambe gauche paraît légèrement plus amaigrie. De chaque côté
360 CLINIQUE NERVEUSE.
des creux poplités, on sent une saillie formée par les tendons des
muscles fléchisseurs qui sont rétractés.
A l'examen du dos, nous trouvons une scoliose déjà fort accen-
tuée, et dont la convexité est tournée à gauche. Cette scoliose s'est
montrée il y a cinq à six mois, et a pris un degré très marqué en
un court espace de temps. Les dernières côtes gauches forment une
- saillie considérable en arrière, tandis que celles du côté droit sont
enfoncées, au niveau du flanc et de l'hypochondre et portent en
avant et en bas cette portion du thorax. Il survient assez souvent
des sueurs abondantes pendant la nuit, bien qu'on ait soin de
mettre peu de couvertures. Epistaxis. Les diverses fonctions s'accom-
plissent régulièrement.
1893. 14 février. - Etat actuel. Les divers détails que nous
allons fournir sont représentés en grande partie sur les dessins ci-
joints, qui ont été faits d'après des photographies tirées ce
jour-là (fig. 45 et 46).
Un simple coup d'oeil suffit pour constater l'état d'amaigrisse-
ment considérable que montrent les quatre membres; les masses
musculaires ne masquent plus les saillies des os. La face seule
échappe à'l'atrophie. Quant aux mouvements, ils ont presque en-
tièrement disparu ; le malade peut remuer un peu lés pieds, plier
les genoux. Il continue à se servir de ses doigts, de ses mains, et
parvient à plier légèrement l'avant-bras sur le bras. Néanmoins,
tous ces mouvements sont accomplis avec très peu de force. Pour
s'en convaincre il n'y a qu'à lui donner ses mains à serrer; à peine
sent-on une faible pression, La tête a conservé la plupart de ses
mouvements.
Par lui-même, il est incapable, non seulement de relever son
tronc en avant, tandis qu'il est assis, mais encore de garder la
position verticale : un soutien est toujours nécessaire. Aussi est-il
à peu près constamment le jour, dans une chaise à bras, où il
peut appuyer ses coudes, de manière à mieux maintenir le haut
du tronc et l'empêcher de s'effondrer davantage. Pour faire la pho-
tographie la mère a dû le soutenir. La mastication, et les autres
actes de la digestion ne paraissent pas troublés.
Au niveau du dos, nous trouvons la scoliose qui semble s'être
un peu plus accentuée depuis le mois d'avril 1892. La colonne ver-
tébrale décrit une courbure très grande, appartenant à vrai dire
à la variété dorsale principale, bien qu'elle soit peut-être légère-
ment dorso-lombaire. Sa convexité est tournée à gauche.
A la région cervicale, le rachis semble se porter dans une direc-
tion opposée; mais cette déviation est si faible qu'elle ne nous
paraît pas bien mériter qu'on s'y attache, et qu'on trouve là une
véritable courbure de compensation.
Les six à sept dernières côtes gauches constituent une saillie
postéro-latérale très marquée. A droite, elles sont plutôt enfoncées
SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE ATROPHIQUE 361
dans ces mêmes points, atteignent presque la crête iliaque, et
en avant, les cartilages costaux proéminent et descendent plus
bas que du côté opposé. Le sternum est porté de droite à gauche.
Fig. 45.
362 CLINIQUE NERVEUSE. ,
L'extrémité du sacrum et le coccyx soulèvent modérément la
peau en arrière En outre, le sacrum a décrit un petit mouvement
de rotation, de manière que sa face antérieure s'est tournée légère-
ment à gauche. Ceci nous explique en même temps la position
particulière de la hanche droite qui occupe un plan plus antérieur
que celle du côté opposé.
' La lordose lombaire que nous avions notée dans des examens
antérieurs, loin de s'accentuer, a fait place au contraire à un cer-
tain degré de cyphose qui s'est combinée à la scoliose. Il est impos-
sible de faire disparaître ces déviations par le redressement;
lorsqu'on cherche à soulever le malade, en le saisissant sous les
aisselles, à peine arrive-t-on à les diminuer. Autant que nous avons
pu en juger par la palpation que nous avons faite à travers les
parties molles, les os de la colonne vertébrale, du bassin, et de la
cage thoracique ne nous ont pas paru offrir des altérations pro-
fondes comme cela a été rencontré dans certaines affections ner-
veuses (syringomyélie, tabès, etc.). A part les déformations entraî-
nées par la scoliose, il nous a semblé qu'il n'y avait ni atrophie ni
ramollissement très manifestes. Pas d'exostose.
Nous avons examiné de la même manière les os des membres,
et nous n'y avons décélé aucun détail intéressant à retenir.
L'épaule gauche occupe, comme le montre notre dessin, une po-
sition bien plus élevée que celle du côté droit. Cette différence ne
dépend nullement d'une forme particulière de la cage thoracique
en ce point; les côtes n'ont pas changé là leur aspect, ni leur di-
rection ordinaires. A notre avis, elle doit étre mise sur l'habitude
contractée par le malade dans la station assise, en raison de la
scoliose, de s'appuyer assez fortement sur le membre supérieur de
ce côté. Et si maintenant elle persiste, c'est que la clavicule et les
tissus voisins se sont fixés dans cette situation irrégulière.
Malgré la déformation vertébrale, la respiration ne paraît pas
trop gênée. Il en est de même de la digestion.
La sensibilité ne présente aucun trouble. Quant à l'intelligence,
elle est assez développée; ainsi, nous avons été frappé par l'habi-
leté avec laquelle il avait fabriqué certains jouets; en outre, bien
qu'il n'ait point fréquenté l'école, il arrive à faire des opérations
compliquées et longues, grâce aux quelques éléments de calcul
qu'il a puisés auprès de ses parents; il fait ces opérations entière-
ment de tête. Il ne sait pas écrire.
La peau des jambes est un peu froide et violacée.
Voix faible et rauque. Mort le 24 février.
D'après l'ensemble des détails que nous venons de donner,
soit sur l'hérédité, soit sur l'évolution de la maladie, il n'est
pas douteux que nous sommes en présence ici d'une atrophie
SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE ATROPHIQUE. 363
musculaire progressive familiale. Et afin de spécifier un peu
plus, nous pouvons rapprocher ce cas du type Leydea-illcebiics-
à cause de l'hérédité d'abord, et puis à cause du cachet spécia
Fig. 16.
364 ' CLINIQUE NERVEUSE
de l'atrophie qui n'a été précédée que d'une hypertrophie assez
légère aux membres inférieurs, tandis qu'aux bras, elle s'est
montrée immédiatement. Cette observation, intéressante, en
raison de la scoliose, renferme encore quelques autres parti-
cularités qui ne doiventpas être passées sous silence et que nous
allons indiquer dès maintenant.
Au point de vue héréditaire, il n'est pas banal de voir la
maladie frapper trois générations successives et conserver à
peu près la même forme, le même type. Nous trouvons encore
là une preuve de la prédisposition bien plus grande du sexe
masculin, fait qui, d'ailleurs, a été noté par quelques auteurs.
Il nous a paru nécessaire de rechercher du côté des ascendants
ou des collatéraux les causes de cette affection familiale.
Les renseignements que nous avons pris à diverses sources
indiquent d'une manière évidente l'existence à la fois du ner-
vosisme et de l'arthritisme, l'un chez le grand-père maternel
de notre malade, l'autre chez la grand'mère maternelle. Cette
hérédité ressemble donc beaucoup à celle que l'on rencontre
dans la plupart des maladies nerveuses, et peut-être joue-t-elle
à l'égard des myopathies le même rôle important qu'on lui
attribue très fréquemment dans l'hystérie, l'épilepsie et les
autres manifestations névrosiques, rôle sur lequel insistent
plusieurs auteurs ', et en particulier l'Ecole de Montpellier 2.
Nous devons encore signaler l'analogie très grande qu'a
présentée l'affection comme évolution chez les trois sujets qui
ont déjà succombé. Elle a commencé à peu près au même âge,
et par des troubles fonctionnels identiques, et dans la suite,
l'atrophie musculaire, progressant de plus en plus, a entraîné
la mort chez tous, à l'âge de seize ans.
Enfin, parmi les points importants que cette observation
renferme, il y a la déviation vertébrale poussée à un très haut
degré. Il n'est pas nécessaire, en effet, afin de la constater.
d'avoir recours aux divers moyens indiqués par les auteurs
pour les cas où elle est à peine dessinée. Cette scoliose se
montre au premier coup d'oeil est accompagnée des autres dé-
' Déjerine. Hérédité dans les maladies du système nerveux. Thèse
agrég., 1886. lérv. Famille névropathique. (Arch. de Neurologie,
1884, etc.)
2 Grasset. - Art. Dialhèse, in Dicl. encyclop. des sciences médicales,
p. 252. - Rapports de l'hystérie avec les diathèses en général, et spé-
cialement avec dia thèses scrofuleuse et tuberculeuse. (Montpellier méd"
mars-août 1881.
SCOLIOSE DANS UNE MYOPATHIE PRIMITIVE ATROPHIQUE. 365
formations, qui se produisent le plus souvent on pareil cas,
soit du côté de la cage thoracique, soit du côté du bassin.
Son existence étant admise, il convient de se demander
qu'elle a pu être sa pathogénie, il convient d'examiner à laquelle
des nombreuses théories qui ont été données pour expliquer
le mécanisme de la scoliose, nous devons rattacher celle que
nous a présentée ce malade.
Nous éliminerons immédiatement les théories physiolo-
gique, ligamenteuse et costrale. Il s'agit surtout de savoir, à
notre avis, si c'est à l'altération musculaire, ou bien à un
trouble trophique des vertèbres, ou encore à ces deux causes
réunies que cette déviation mérite d'être attribuée. A vrai dire,
la théorie musculaire possède quelques arguments en sa faveur.
On conçoit, en effet, sans peine que la colonne vertébrale
n'ayant plus pour maintenir sa position verticale les mêmes
liens dont elle jouit à l'état normal, puisse se déformer, et cette
déformation sera encore plus facile à comprendre, si on l'ad-
met que l'atrophie se trouve plus marquée d'un seul côté.
Néanmoins, tout en reconnaissant que l'altération muscu-
laire a dû avoir une certaine action dans notre cas, il nous
semble nécessaire de faire intervenir d'autres éléments, et sur-
tout, de tenir compte d'un trouble trophique osseux ayant pour
siège les vertèbres. On connaît des cas de paralysie trophique
de l'enfance où les muscles du dos avaient été profondément
touchés, où même la lésion avait frappé spécialement un côté,
et où on ne constatait pas cependant une scoliose aussi mar-
quée que celle qui existe chez notre malade; elle était au
contraire très légère. La théorie musculaire n'est donc pas à
même d'expliquer complètement le mécanisme de cette dispo-
sition du rachis ; nous sommes ainsi amené à faire entrer en
ligne de compte pour une grande part l'altération osseuse.
La scoliose ne s'est produite, et surtout n'est devenue aussi
considérable que parce que la myopathie, dans sa dernière
période, s'est compliquée d'une lésion de vertèbres. Mais pour-
quoi cette lésion, à quelle cause la rattacher ? Telle est la
question que nous allons maintenant aborder.
On pourrait penser, en premier lieu, au rachitisme. Néan-
moins, cette hypothèse nous paraît susceptible d'être écartée,
d'abord, parce que notre malade a dépassé l'âge où cette affec-
tion se montre le plus fréquemment, et puis parce que nous
ne découvrons aucun des autres signes habituels (déformations
366 CLINIQUE NERVEUSE.
du thorax, nouures épiphysaires, incurvation). La discussion
avec l'ostéomalacie est encore moins possible.
Il reste donc deux explications qui demandent d'être exa-
minés avec bien plus de soin. La scoliose, chez ce myopa-
thique, ou bien n'est que la conséquence du mauvais état de
nutrition que la maladie a peu à peu entraîné, ou bien mérite
d'être rapprochée comme origine de l'atrophie musculaire.
Depuis bien longtemps, c'est une notion courante que la
misère physiologique, l'alimentation défectueuse, la sédenta-
rité, etc., ont une influencé considérable sur les déviations
vertébrales. De telles conditions se sont trouvées réalisées jus-
qu'à un certain point chez ce jeune garçon, et il y a lieu de
croire qu'elles ont eu un rôle. C'est même à elles, presque ex-
clusivement, que nous rattacherions la scoliose si quelques
considérations que nous allons indiquer ne nous faisait pres-
sentir un rapport étroit comme cause entre cette déformation
et l'atrophie musculaire.
En traçant l'histoire héréditaire de notre patient, nous avons
eu soin de dire qu'un de ses frères frappé par cette même ma-
ladie avait présenté une atrophie de la racine du membre infé-
rieur droit; les parents, qui avaient été surpris de cette dimi-
nution considérable, nous ont donné des détails permettant de
croire à une réelle altération osseuse de cette portion du sque-
lette.
D'ailleurs, ce cas n'est pas le premier où soient signalés des
troubles trophiques. M. Hallion' a déjàpublié un cas semblable,
où il s'agissait d'un enfant de treize ans et demi, atteint d'une
atrophie musculaire, à peu près générale, et qui présentait au
niveau du fémur droit des traces probables d'une fracture
spontanée.
Voilà donc deux faits qui semblent établir l'existence de
lésions osseuses dans les myopathies, et nous portent un peu
à penser que la scoliose, chez notre malade, doit reconnaître
la même pathogénie. Nous aurions, par conséquent, affaire à
une altération atrophique analogue à celle qui envahit le
système musculaire et semblant se produire vers la phase ul-
time. Et alors, étant donnée cette pathogénie, on conçoit fort
bien pourquoi il est légitime de considérer les divers types
1 HaUion.J ? oct</Ke primitive avec lésions osseuses; fracture spon-
tanée probable. (France médicale, 1S91, n" 11.)
UN CAS SINGULIER DE L'HYSTÉRIE MALE. 367 Î
d'atrophie musculaire progressive familiale comme des affec-
tions névropathiques, de les mettre un peu en parallèle avec
le tabès, la maladie de Friedreich, la sclérose en plaques, etc.
L'hérédité d'abord, les troubles trophiques ensuite, cons-
tituent des arguments d'une grande valeur à ce point de vue,
et notre observation en fournit un excellent exemple.
La théorie osseuse, soutenue par Bouvier 1, Dubreuil2 et plu-
sieurs autres auteurs pour la scoliose idiopathique, nous semble
devoir être encore ici adoptée. Mais tout en attribuant le
principal rôle à cette cause, nous sommes prêt à reconnaître
que la paralysie des muscles spinaux a eu aussi une certaine
action qu'elle n'a pas manqué de rendre la déformation plus
accentuée; cette paralysie a même peut-être fait qu'il ne s'est
pas produit de courbure de compensation très évidente. Nous
aurions désiré pouvoir donner à ces considérations une base
anatomique, rechercher l'état des rachis et des centres ner-
veux ; des circonstances particulières nous ont rendu l'autopsie
impossible. ,
Les détails importants à retenir dans le fait que nous venons
d'étudier sont donc :
1° Des antécédents héréditaires névropathiques et arthri-
tiques ;
2° Une atrophie musculaire familiale ayant déjà frappé des
membres dans trois générations successives ;
3° Une scoliose très marquée attribuée à une altération tro-
phique des vertèbres de même nature probablement que la
lésion musculaire.
RECUEIL DE FAITS
UN CAS SINGULIER DE L'HYSTÉHIE MALE;
Par le professeur N. 11. PoroFr (de Varsovie).
Ce n'est pas depuis longtemps que le tremblement comme
un symptôme d'hystérie ait attiré l'attention des cliniciens.
' Bouvier. Art. Rachis, du Dictionnaire encyclopédique.
2 Dubreuil. Eléments d'orthopédie.
368 RECUEIL DE FAITS.
Ce n'est que dès le moment où on a reconnu l'énorme impor
tance des maladies hystériques chez l'homme et que beaucoup
de névropathologues contemporains ont consacré toute une
série d'études à ces maladies et nous ont donné leur précision
caractéristique, c'est alors qu'on a appris que parmi les symp-
tômes de la grande névrose le tremblement n'occupe pas la
dernière place.
Les travaux de Charcot, de Pitres et de leurs élèves, parmi
lesquels se font distinguer ceux de Dutil et de Bitot, sont trop
connus, pour qu'on eût besoin de donner ici une description
exacte du tremblement hystérique. Ils nous ont démontré que
ce tremblement peut présenter toutes les formes différentes
du tremblement, qui ont été jamais observé dans les maladies
nerveuses, et ne possède aucune particularité qui, d'elle-même,
nous donnerait le droit de le considérer catégoriquement
comme une variété à part. Dans ce cas, ni le rapport du trem-
blement aux mouvements volontaires, ni l'amplitude des oscil-
lations, ni leur nombre n'ont pas une importance absolue. Ce
n'est que le rapport de ce phénomène à tout l'ensemble symp-
tomatique qui fait la diagnosc.
Constituant un des symptômes de la névrose, le tremblement
hystérique peut présenter des degrés différents, mais le plus
souvent il joue un rôle très subordonné et dans cette conclusion
tous les observateurs de tous les pays sont d'accord.
Ainsi le Dr Oseretzkowsky (De l'hystérie chez les militaires.
Thèse de Moscou, 1891. Russe), se fondant sur de riches ma-
tériaux, affirme d'une manière catégorique, que dans ses
cas, le tremblement comme un symptôme principal était
observé bien rarement ; cependant, les cliniciens français ont
démontré que ce phénomène est plus propre aux affections
hystériques chez l'homme que chez la femme. Relativement
rares se trouvent ces observations, où le tremblement a prévalu
longtemps dans le cours de la névrose, mais plus rarement
encore on rencontre des cas, où le tremblement en gardant le
caractère dominant dans le tableau clinique de la maladie
apparaissait périodiquement comme des attaques. Nous avions
eu l'occasion d'observer un pareil cas il y a deux ans.
P. S..., paysan, vingt et un an, est passé de l'hôpital d'Ujordow
à ma clinique pour être démontré aux étudiants; comme un cons-
crit il était sujet à l'épreuve.
L'individu d'une taille moyenne, d'une bonne et robuste consti-
UN CAS SINGULIER DE L'HYSTÉRIE MALE. 369
tution, un peu anémique. Quand aux organes intérieurs, ils ne
présentent rien de pathologique. Lorsqu'il est couché tranquille-
ment, ses membres inférieurs sont dans un tremblement continu,
régulier et rythmique, auxquels prennent une part principale les
muscles extenseurs et fléchisseurs du pied. Ce tremblement, très
rapide, a des amplitudes courtes, s'accroît sensiblement quand on
observe la malade et atteint un haut degré lorsque P. S... s'ef-
force de faire un mouvement volontaire ou d'être debout, davan-
tage encore quandil essaie de marcher. Le malade ne peut rester
debout que lorsqu'il se tient ferme à quelque chose et il ne marche
Archives, t. XXV. 21
Fig.
Fi ? 11.
370 RECUEIL DE FAITS.
qu'en s'appuyant sur deux hommes, en trépignant et perdant
facilement l'équilibre. Chaque émotion augmente à l'instant
même son tremblement. On observe la môme chose quand on
demande au malade de faire un effort de la volonté pour suppri-
mer ce tremblement. Mais le plus fort devient ce phénomène si
l'observateur tâche d'arrêter avec ses propres mains les mouve-
- ments des membres du malade et les troubles moteurs deviennent
plus accusés, plus on veut leur opposer.
L'examen objectif de P. S... nous a permis de constater encore
d'autres troubles non seulement moteurs, mais aussi sensitifs.
L'irritabilité mécanique des muscles du tronc et des membres,
ainsi que les réflexes tendineux sont augmentés; la force muscu-
laire diminuée d'une manière considérable : la main droite porte
le dynamomètre à 10 et la gauche jusqu'à 3. Une diminution évi-
dente de la force musculaire peut être aussi observée sur les mouve-
ments des membres inférieurs. Toutes les espèces de la sensibilité
cutanée sur la tête, les extrémités supérieures et sur le tronc
demeuraient intactes, tandis que sur les extrémités inférieures le
sens du toucher était émoussé et celui de la douleur, de la tempéra-
ture et la sensibilité faradique manquaient complètement. Les
limites supérieures de la zone anesthésique passaient les plis ingui-
naux en avant et en arrière, elles atteignaient les bords supérieurs
des muscles fessiers. (Voir fig. 47 et 48.)
L'examen périmétrique a démontré dans l'un et dans l'autre
oeil un rétrécissement concentrique du champ visuel pour lacouleur
blanche (voir fig. 49 et 50). Les centres visuels des autres couleurs
ne pouvaient être déterminés d'une manière exacte, parce que le
malade (un homme assez borné et peu développé) se fatiguait bien
vite.
Suivant son propre récit, nous avons appris qu'il était malade
dès son enfance et que sa maladie s'est déclarée comme une série
d'attaques d'un caractère assez uniforme : sans une cause évidente
tout d'un coup apparaît un tremblement des extrémités inférieures
et persiste pendant deux semaines pour disparaître brusquement.
Pendant l'accès, le malade n'éprouve la douleur si par accident il
s'est frappé aux pieds et sans recours de la vue il ne peut distin-
guer s'il est chaussé ou non.
Chaque accès laisse une sensation de fatigue habituellement
durant quelques jours et immédiatement après l'attaque, le ma-
lade ne peut s'occuper de ses travaux agricoles. Des accès se sui-
vent toujours à certains intervalles à peu près d'un mois, mais ils
peuvent aussi éclater plus souvent étant, en ce cas, provoqués par
quejque.émotion, par exemple, par l'effroi et alors ils ne durent
plus que deux à trois jours et n'exercent aucune influence sur l'at-
taque successive. · '
Le malade ne peut pas indiquer la cause de sa maladie, ni don-
UN CAS SINGULIER DE L HYSTERIE %IAIE. 1,; -11 t
ner un renseignement s'il y avait dans sa feuille une hérédité névro
ou psychopathique.
Depuis le premier examen, j'ai eu encore plusieurs fois l'occasion
de voir le malade et de me faire certain que le tremblement per-
sistait chez lui durant deux semaines avec des interruptions seule-
ment pendant le sommeil. Après ce temps, le trouble moteur dispa-
raît tout'd'un coup : le malade se réveille un matin sans éprouver
le tremblement, la sensibilité se rétablit; il n'éprouve qu'une sen-
sation d'écrasement et des douleurs aux muscles des extrémités
inférieures; il ressent une telle fatigue qu'il peut à peine marcher
appuyé sur un bâton. L'examen périmétrique démontre cependant
que son champ visuel reste comme auparavant rétréci.
L'état d'une santé relative dure jusqu'à trois semaines et, sans
incidents, on voit soudainement éclater avec une exactitude remar-
quable tout l'ensemble symptomatique déjà décrit.
En considérant le caractère singulier du tableau clinique de
la maladie, on peut aisément conclure que nous avons un cas
d'hystérie.
En effet, le rétrécissement concentrique et persistant du
champ visuel, l'exagération des réflexes tendineux, le caractère
et la localisation particulière des troubles sensitifs, leur appa-
rition périodique, enfin, le tremblement, tout cela nous donne
bien à conclure que le dernier symptôme est aussi dû à la né-
vrose hystérique.
Fig. "n,
I' j. : 0.
37'3 RECUEIL DE FAITS. CAS SINGULIER D'HYSTÉRIE MALE.
Par ses propriétés essentielles, le tremblement chez notre
malade peut être rapporté à la première forme du groupe
moyen, suivant la classification de Dutil ou au second type
.de Charcot. Mais un caractère tout à fait singulier acquiert
"notre cas par l'apparition périodique du tremblement présen-
tant le plus éclatant symptôme de l'accès hystérique.
Quoique Dutil mentionne que le tremblement hystérique
peut quelquefois présenter des attaques, mais il a observé que
de telles attaques étaient toujours amenées par une émotion
et précédé par des prodromes habituels : sentiment de serre-
ment de la gorge, de pesanteur dans l'épigastre, bourdonne-
ment, etc. Ce n'est qu'après de semblables accidents pré-
monitoires que se développait, chez les malades de Dutil, le
tremblement qui ne durait que quelques heures et disparaissait
après tout à fait jusqu'à une nouvelle éclosion. Après une ou
plusieurs attaques, ajoute l'auteur, le tremblement peut de-
venir stationnaire et durer des semaines et mois entiers. De ces
mots, on doit conclure que les accès du tremblement, observés
par Dutil, présentaient seulement une phase dans l'évolution
de la grande névrose. M. Pitres en décrivant une forme du
tremblement qu'il a nommée trépidatoire, cite un cas, où le
tremblement hystérique se bornait, comme chez notre malade,
au membre inférieur et durait plus de dix ans. Cependant son
cas ne présentait guère des périodes.
L'observation de Nomolle (hémianesthésie hystérique anor-
male avec contracture et tremblement du membre inférieur.
Prog. Méd., -1879, p. 518) concerne aussi un accès chronique
où le tremblement s'augmentait par les émotions et les mou-
vements et ne s'étendait qu'au membre inférieur, où par con-
séquence le tableau clinique rappelait notre cas sous plusieurs
rapports. ,
Parmi les nombreuses observations d'Ozeretzkowsky, c'est
seulement dans nOS 8S et 56 que sont décrites les attaques du
tremblement, lesquelles du reste n'étaient pas fréquentes et
ne présentaient aucun type régulier ; ils interrompaient comme
une phase le cours de la maladie. Le même caractère porte le
tremblement dans un cas très enseignant de Greidenberg
(W1'atch., 1888, n° 44, Russe).
Plus rapproché à notre observation que toutes celles qui
ont été jusqu'à présent cité, parait être le cas de Chambard.
(Hémichorée et tremblement hystérique. L'Encéphale, 1881.)
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 373
La névrose hystérique chez la malade de cet auteur s'est
développée à l'âge de huit ans et s'est manifestée comme un
tremblement du membre inférieur droit, apparu soudainement
après l'effroi.
Le premier accès de la maladie ne durait que quelques jours,
mais il était suivi par toute une série d'accès semblables qui
duraient cependant plus longtemps. Quelquefois, le trem-
blement ne s'observait pas' des années entières, quelquefois
aussi, les attaques se suivaient rapidement, de temps en temps
s'étendant sur toute la musculature volontaire et, comme
l'auteur en a fait l'expérience, disparaissant pour un moment
à la suite de la pression sur la région ovarienne pour céder à
une contracture généralisée après laquelle suivait un état d'af-
faiblissement et perte de conscience. Souvent dans les inter-
valles des accès du tremblement étaient observées des attaques,
typiques de la grande hystérie.
Ainsi chez la malade de Chambard, le tremblement était le
plus éminent symptôme de la névrose et se déclarait par des
accès : mais ce symptôme avec son uniformité ne présentait
aucune périodicité régulière dans son apparition et' était entre-
mêlé d'attaques hystériques d'une autre forme ; en un mot,
il était dépourvu de toutes les particularités cssentielles obser-
vées dans notre cas.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XXXI. Suit CERTAINS CAS D'ABOULIE AVEC OBSESSIONS 1NTERROGATIVES ET
TROUBLE DES MOUVEMENTS (FOLIE DU DOUTE AVEC DÉLIRE DU TOUCHER) ;
par MM. Raymond et Arnaud.
A propos de trois observations des plus intéressantes, MM. Ray-'
mond et Arnaud reprennent l'histoire de l'affection dénommée par
le plus grand nombre des auteurs : folie du doute avec délire du
toucher. Cette appellation claire sans doute autantque brève, et réu-'
nissant dans son énoncé deux ordres de symptômes qui coexistent
souvent, a cependant le défaut de trop restreindre et de dénaturer
les faits ; car d'une part le mot douté n'est pas applicable à tous les
cas, et, d'autre part, le mot toucher pourrait laisser croire à tort
qu'il s'agit d'un trouble du sens du toucher.
g74 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Les divergences qui existent encore sur cette affection tiennent
à ce que chaque auteur a presque exclusivement étudié quel-
ques-unes des manifestations les plus saillantes de ce trouble
mental.
Deux ordres de faits ont été presque entièrement passés sous
silence qui cependant paraissent expliquer la plupart des autre phé-
nomènes et conduisent à une conception d'ensemble du sujet, ce
sont : 1° le fonctionnement général des facultés, autrement dit le
dynamisme mental; 2° l'état des mouvements volontaires.
Tout d'abord s'impose la distinction de l'état mental général et
des symptômes plus en relief qui pourraient masquer son impor-
tance. Ces symptômes essentiels et fondamentaux de la maladie,
dont ils fournissent la caractéristique véritable, ont été réunis par
MM. Raymond et Arnaud en différents groupes, suivant qu'ils dé-
pendent : 1° de {'inactivité (instabilité, irritabilité mentales; pano-
phobie, arrêt en présence de ce qui est inconnu ou imprévu) ; 2° de
{'hésitation psycho-motrice (hésitation de la volonté, incertitude des
mouvements, malades incapables par eux-mêmes d'une volonté
efticace et ayant conscience de leur faiblesse, éprouvant le besoin
de s'abriler sous une tutelle) ; 3° de la neurasthénie (tendances by-
pochondriaques et mélancoliques, névralgies diverses, sensations
pénibles, troubles digestifs et vaso-moteurs).
Ces groupes qui se pénètrent plus ou moins sans se confondre
trahissent dans sa généralité le manque de pondération, le défaut du
stabilité des fonctions nerveuses, en un mot le trouble profond du
dynamisme mental. Ce trouble primitif et général qui porte sur les
éléments moteurs communs à l'intelligence et à la volonté, déter-
mine, dans chacune des opérations mentales, des symptômes de
même ordre : hésitation intellectuelle produisant le doute et la né-
cessité des répétitions intérieures et des affirmations de la part des
personnes présentes; - hésitation de la volonté, aboulie, avec
toutes ses conséquences; - hésitation et difficulté des mouvements
musculaires et des actes, qui ne peuvent, plus s'exécuter avec les
procédés normaux, et qui exigent l'emploi de moyens accessoires.
Au-dessus de l'état général, qui est à peu près fixe et constant,
apparaissent des symptômes plus variables qui ne sont que l'exa-
gération de l'instabilité psycho-motrice. En première ligne, se ren-
contrent les obsessions conscientes à forme interrogative ou dubita-
tive et qu'on peut distinguer en deux grandes classes : dans l'une
les malades se préoccupent des questions insolubles de leur nature
comme la vie, la nature, la création, etc., c'est le doute métaphy-
sique; dans l'autre, les interrogations se rapportent à des pro-
blèmes suscptibles d'une vérification immédiate. En fait toutes ces
obsessions sont liées à un état émotif, s'accompagnent des mêmes
phénomènes d'anxiété et aboutissent au bout d'un certain temps au
même trouble des actes correspondant au délire du toucher (lavage
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 375
des mains, craintes des contacts, gestes anormaux, répétitions etc.).
Bien que les tendances impulsives soient à peu près constantes,
les impulsions franches, véritablement irrésistibles manquent sou-
vent.
Pas plus que les impulsions, les idées tardives de suicide ne font partie
intégrante de cet état morbide, les tentatives de suicide de ces ma-
lades ont le caractère d'hésitation de tous leurs actes et restent habi-
tuellement puériles et saus résultat.
- Tous ces symptômes surajoutés à l'état général fondamental va-
riant avec chaque malade, varient aussi chez un même malade,
selon les périodes de l'affection et sans qu'il soit possible, le plus
souvent, de trouver un prétexte satisfaisant à ces variations; mais
de l'analogie de ces divers symptômes, on peut conclure à leur
identité de nature. Si les symptômes les plus saillants, obsessions
et impulsions, quand ils existent, subissent des variations d'inten-
sité aux diverses périodes de l'affection, les troubles' moteurs qui
correspondent au délire du, toucher sont beaucoup plus, fixes.
Quant aux phénomènes fondamentaux, on peut dire qu'ils restent
à peu près invariables à toutes les périodes. Les sujets sont tou-
jours des émotifs, des hésitants, des maladroits, des neurasthé-
niques, en un mot des malades. C'est dire que les guérisons ne
sont que relatives. La lésion de l'activité psycho-motrice persiste,
puisqu'elle dépend d'une disposition originelle du système net-
veux. Elle peut toutefois s'atténuer dans une certaine mesure et ce
bénéfice s'ajoute à l'amélioration produite par la disparition plus
ou moins complète des obsessions, des impulsions et des idées
fixes, ainsi qu'à la diminution qui peut être notable, de l'émotivité
et des symptômes neurasthéniques.
Un des moyens de traitement sera précisément tiré de la tendance
que présentent les malades à se placer sous la tutelle d'une volonté
plus forte que la leur : le point capital consiste à inspirer confiance
au malade qui se laisse guider et peut récupérer une partie de son
activité spontanée.
En somme, il s'agit là d'un trouble primordial et très général
de l'activité mentale considérée surtout dans ses manifestations
volontaires. . 1
L'intelligence n'est altérée que dans son pouvoir de coordina-
tion et de fixation des idées, c'est-à-dire dans son mode actif et sur-
tout dans son mode actif par excellence, dans l'attention volontaire.
C'est la volonté qui est, sans conteste, la plus diminuée des facul-
tés mentales. Elle est diminuée dans sa double action : et comme
force impulsive d'où l'hésitation et l'incertitude des mouvements et
comme puissance d'arrêt, d'où les obsessions et les impulsions.
En résumé, les altérations réunies sous le nom de folie du doute
et de délire dzc.touclcer ou crainte des contacts seraientles deux faces,
l'une intellectuelle et interne, l'autre motrice et externe, d'une
376 () REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
seule et même lésion des centres idéo-moteurs. (Annules médico-
psychologiques, octobre 1892.) E. BLIN.
XXII. SUR LE délire DES NÉGATlO1';S; par le D'ARNAUD,
L'histoire du délire des négations est de date récente : c'est eu
effet dans une série de travaux publiés de 1880 à 1888 que Cotard
à décrit un type de mélancolie anxieuse dans lequel, aux symptômes
habituels de la mélancolie anxieuse, viennent s'ajouter, à une pé-
riode généralement avancée de la maladie, des idées de négation
généralisée portant d'abord sur la réalité des choses extérieures,
organisme, qualités morales, existence même du malade, pour
atteindre enfin le domaine métaphysique et englober dans la néga-
tion l'âme, la nature et Dieu. Ces idées de négation se distinguent
facilement de celles qui surviennent chez les paralytiques généraux
et aussi des tendances négatives qui se retrouvent fréquemment
dans toutes les variétés de délires dépressifs par leur cohésion
logique, leur systématisation, leur longue durée et, en outre, par
leur évolution également systématique.
« Par un enchaînement logique » (Cotard), de ces idées de néga-
tion se déduisent des idées de damnation, d'immortalité, de véri-
tables idées de grandeur conservant le cachet de tristesse qui
marque les conceptions délirantes habituelles de ces malades et
pouvant aller jusqu'au délire d'énormité. Cette mégalomanie
triste, morose, allant parfois jusqu'à l'énormité, reste infamante,
inavouable, généralement inavouée, et quand le malade en parle,
c'est pour en gémir et se lamenter.
Après Cotard, M. Séglas a étudié cette forme psycho-pathétique
et a mis en lumière l'altération de la personnalité qu'elle suppose
et qui en est la lésion profonde.
Comme le disait M. Faire ! au Congrès de Blois, ce délire de né-
gation est peu connu mais on le constatera de plus en plus fré-
quemment à mesure qu'on examinera plus attentivement les
aliénés dans ce sens : en effet, pour mettre en évidence ce trouble
mental, il faut le rechercher avec soin, interroger les malades dans
ce sens, triompher de leur mutisme et de feurs réticences. M. Ar-
naud rapporte une observation des plus instructives, de tous points
conforme à la description de Cotard et dont l'intérêt est d'autant
plus grand qu'une série de lettres écrites par la malade non seule-
ment mettent en retief les conceptions délirantes de cette malade,
mais font encore saisir sur le vif cette altération de la personnalité
décrite par M. Séglas.
De la comparaison des observations publiées sur le délire des
négations, M. Arnaud dégage provisoirement, pour servir de
jalons d'étude, les propositions générales suivantes : le délire des
négations systématisé, à évolution progressive (type Cotard), plus
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE . ON 1
fréquent chez la femme, peut être considéré comme une psychose
tardive, ne se montrant souvent qu'après cinquante-cinq ans, ap-
paraissant dans un grand nombre de cas après un ou plusieurs
accès de mélancolie commune et ne se développant, dans les cas
typiques, qu'après une période plus ou moins longue de mélancolie
anxieuse.
Sa signification est grave, même lorsqu'il doit guérir, car, d'or-
dinaire, l'accès dure alors très longtemps. (Annales médico-psycholo-
giques, décembre 1892.) E. B.
XXXIII. La confusion mentale primitive; par le Dr CHASLIN.
Il est un groupe particulier de folies aiguës parfaitement distinct
des autres formes reconnues généralement en France et dont on
ne trouve la description dans aucun des traités classiques d'alié-
nation français, bien que ce soit en France où ce mode particulier
de la folie ait été tout d'abord délimité avant d'être admis défini-
tivement à l'étranger : c'est la confusion mentale primitive.
Après un historique aussi complet qu'intéressant dans lequel il
nous montre la part prise par les auteurs français, en particulier
par Delasiauve, dans la création de ce type mental, l'auteur donne
une esquisse précise de l'aspect clinique de la confusion mentale
primitive.
Après un stade prémonitoire qui peut durer de quelques heures
à quelques mois (irritabilité, perte desommeil, anxiété), la maladie
débute en général brusquement par une agitation extrême qui
rappelle la manie aiguë, avec perte complète de l'orientation ;
d'autres fois, le début est graduel et le malade entre d'emblée dans
un état qui ressemble à celui du délire alcoolique subaigu. Il peut
y avoir aussi un état de stupeur très marqué avec ou sans phéno-
mènes cataleptiformes. Le plus souvent, la marche de la maladie
consiste en un mélange déréglé de stades d'agitation, de calme,
de stupidité et de stupeur, de durée absolument variable et qui
peuvent être entrecoupés par des intervalles de lucidité relative.
La durée varie de quelques jours à plusieurs mois et même plu-
sieurs années.
La terminaison est : 1° guérison, précédée constamment d'un
stade d'affaiblissement psychique, avec amnésie complète sur le
temps et l'existence de la maladie; 2° guérison avec léger airai-
blissement des facultés; 3° état chronique de démence; 4° mort
après marche aiguë ou chronique, le plus souvent par pneumonie,
phtisie, marasme ou état de délire aigu. Au point de vue de l'aaa-
tomie pathologique, on trouverait des états d'anémie, d'oedème céré-
bral avec trouble des méninges, en sorte que la confusion mentale
primitive serait une psychose constituant une forme intermédiaire
entre les folies purement fonctionnelles comme la manie, la
Bit) REVUE DE rATHOLOGlE MENTALE.
mélancolie, la paranoïa et les folies à base anatomique comme le»
intoxications et la paralysie générale (\Ville). En somme, le fond
de la maladie est la confusion des idées par suite de l'affaiblisse-
ment et de l'incoordination du processus de l'association des
idées, de la perception ; les hallucinations ne sont qu'accessoires
et l'aspect extérieur, les actes du malade varient d'un moment à
l'autre ; le patient a la figure sans expression; il marmotte des
paroles sans suite et se livre à des actes souvent incompréhensibles
qui paraissent reliés plus ou moins aux hallucinations. Sur cet état
de stupidité viennent se greffer des accès d'agitation qui ressem-
blent à la manie, ou des accès de stupeur. Quelquefois les malades
présentent des phénomènes catalepliformes.
Souvent la confusion mentale primitive revêt le caractère d'une
véritable maladie par les phénomènes somatiques qui l'accompa-
gnent : épuisement, dénutrition, troubles vaso-moteurs, affaiblis-
sement du pouls et du coeur, souvent fièvre mode) ée ou. au contraire,
hypothermie ; souvent troubles oeulo-moleurs, crampes, névralgies,
mouvements automatiques, troubles des voies digestives, gâtisme
irrégulier. Quelquefois albumine et sucre dans l'urine.
Etiologie. La femme y est particulièrement prédisposée. Le
maximum de fréquence est de vingt à quarante ans.
Tous les auteurs s'accordent pour reconnaitre que cette maladie
csttaconséqucnced'un état d'épuisement cérébral qui amène un état
de faiblesse irritable du système nerveux central ; toutes les causes
dépressives pourront donc avoir un rôle étiologique. Les auteurs
les plus récents attribuent cet état au résultat intime d'une infection
ou auto-intoxication par les produits des microbes ou la résorption
des poisons de l'économie.
Diagnostic. Dans la manie, quoique par moment le malade
puisse avoir complètement perdu l'orientation et le sentiment du
monde extérieur, il y a d'abord toujours un parallélisme entre
l'état d'agitation motrice et l'idéorrhée ; les hallucinations sont
rares ; l'aspect du malade est particulier.
La paralysie générale, même à marche aiguë, s'accompagne de
troubles somatiques plus prononcés et présente une marche spé-
ciale.
Dans le délire des dégénérés, il n'y a pas un trouble aussi profond
de la conscience ni de perturbation dans l'état somatique ; le
délire d'emblée est le plus souvent l'exagération du déséquilibre
mental plus ou moins latent ; le diagnostic avec le délire alcoolique
sera fondé sur les antécédents, la durée et la marche de la ma-
ladie. Pour la mélancolie avec stupeur, la marche lente et la présence
de symptômes réellement mélancoliques serviront à établir le
diagnostic.
Pour le délire aigu, le moment de son apparition, l'état grave,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 379
la température, serviront à tenter d'établir la différence qui sera
surtout jugée par la terminaison ordinairement fatale.
Le diagnostic avec la paranoïa aiguë est d'autant plus difficile
que l'existence de cette dernière, sa place dans la classification,
ses formes sont loin d'être établies; l'apparition rapide d'une ccr-
taine systématisation des idées délirantes avec actes coordonnés,
est indiquée par Wille, comme un caractère diagnostique.
Pronostic. La confusion mentale est plus grave que la mélan-
colie ou la manie. D'après les statistiques, du reste assez variables,
il y aurait plus de non guérisons que de guérisons.
La guérison peut survenir même après une durée de plusieurs
aimées. (Annales mé(lico-2)sychologiqïics, oct. 1892.) E. B.
XXXIV. Les maladies DE L1 volonté chez les criminels ;
par le Dl' E. LOURENT.
Il existe chez certains criminels, à côté d'un état de débilité intel-
lectuelle, un état de débilité volitiouuclle qui les met dans un état
d'infériorité notoire, lequel ne leur permet pas de lutter contre la
paresse et les mauvais instincts.
A côté de ces criminels inertes, où manque l'impulsion volontaire,
il en est d'autres chez qui c'est, au contraire, la puissance de coordi-
nation et d'arrêt qui fait défaut et c'est l'impulsion qui se dépense
tout entière au profit de l'automatisme. C'est le règne de l'impul-
sion régie par l'instinct; la défaite de la volonté par l'impulsion.
Donc, chez les uns, défaut d'impulsion; excès d'impulsion chez
les autres. Partant de là, l'auteur propose une classification des
criminels en deux grandes catégories, d'après l'état de leur vo-
lonté : les inertes et les impulsifs.
Passant en revue chaque genre de délit et de crime, il constate
que cette idée s'adapte aux faits d'une façon exacte.
Examinant ensuite l'influence des agents stupéfiants de la
volonlé, et le rôle de la suggestion soit hypnotique, soit à l'état de
veille, l'auteur reste persuadé qu'on peut, à l'état de veille, aveugler
la raison et abuser la volonté d'un individu et en particulier d'un
enfant, de façon à l'amener à accuser des innocents d'un crime
imaginaire et même à s'accuser lui-même, sauvant ainsi le cou-
pable. Peut-être même la volonté et les facultés de raisonnement
sont-elles parfois abolies au point de laisser le champ libre à l'au-
tomatisme, et de rendre possible à l'état de veille de véritables
auto-suggestions criminelles. (Annales médico - ]Jsyc/wloair¡IlC8 ,
déc. 1892.) E, B.
XXXV. Modifications 013SERN iES dans l'état mental DE certains
ALIÉNÉS ATTEINTS DE CHOLÉRA; par le I)l C\MUSEr.
L'épidémie cholérique qui a sévi à l'asile de Donneval,a permis à
380 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
M. le D1' Camuset de faire plusieurs observations intéressantes sur
l'état mental des aliénés atteints.
1° Etats maniaques. - L'attaque cholérique a toujours fait dis-
paraître l'état maniaque quelle que fût l'intensité, quelle que fût
l'ancienneté de celui-ci. Mais aucune de ces guérisons ne s'est main-
tenue. Le choléra agit en somme comme agissent les autres ma-
ladies graves intercurrentes.
Sur vingt-deux cas, il n'y a pas eu une seule exception : le choléra
a toujours fait disparaître temporairement l'état maniaque ainsi
que les délires non systématisés variables et peu profonds de cette
forme vésanique. Quand il y avait manie chronique simple et non
démence maniaque, le sujet se montrait, pendant un certain temps,
normal au point de vue intellectuel.
Quand il y avait démence maniaque, il était momentanément
dément simple.
On a remarqué aussi que la plupart des malades, sauf les idiots
et les imbéciles, ont eu, pendant les périodes graves du choléra, la
notion exacte de leur situation et que tous envisageaient la mort
sans angoisse.
2° Etats mélancoliques. - L'influence de l'attaque de choléra sur
les états mélancoliques, n'a été ni aussi profonde, ni surtout aussi
générale que sur les états maniaques. Dans un cas de mélancolie
chronique, la maladie intercurrente a produit un effet semblable
à celui qu'elle produit toujours dans les états maniaques. Mais, en
général, la maladie tendait plutôt à accroître encore l'état de
dépression. Les malades tombaient vite en prostration et les idées
délirantes habituelles persistaient jusqu'à la fin.
3° Délire de persécution. Tous les aliénés à délire partiel
n'éprouvèrent aucune modification psychique. L'excitation, quand
il y en avait, se dissipait, mais le délire systématisé persistait.
4° Démence organique, paralysie générale, etc. - Un seul para-
lytique général fut atteint du choléra et son état mental, déjàtrès
mauvais, ne fut nullement modifié. Plusieurs déments organiques
ne présentèrent non plus rien de notable. 11 faut noter en plus un
alcoolique chronique qui cessa de délirer dès le début de l'at-
taque, et mourut avec une grande frayeur de la mort.
5° Idiotie, débilité mentale, - Les idiots ne paraissent pas avoir une
grande sensibilité, mais deux débiles hystériques reconnurent très
bien leur situation désespérée.
En résumé, l'influence du choléra est analogue il celle des autres
maladies graves intercurrentes, mais elle présente des particula-
rités spéciales. L'attaque cholérique fait disparaître temporaire-
ment tous les états maniaques, modifie peu les états mélanco-
liques, fait disparaître les délires vagues non systématisés, peu
profonds, mais n'a aucune action sur les délires systématisés.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 381
Presque tous les malades, sauf les idiots et les déments avancés,
se rendaient compte de la gravité de leur état et envisageaient la
mort avec résignation, sauf de rares exceptions. (Annales médico-
psychologiques, déc. 1892.) E. B.
XXXVI. Un cas DE folie sans DÉLIRE; par le Dr Marandon
DE MONTYEL.
L'existence de la folie sans délire est aujourd'hui démontrée,
mais de tels malades placent les spécialistes dans une situation
embarrassante. Le médecin aliéniste peut seul, en effet, porter un
jugement exact, et dans ce cas, doit-il s'offrir à la mise en liberté ?
C'est la solution que discute M. le Dr Marandon de llontyel dans
cet article.
Une jeune institutrice ayant présenté des phénomènes hysté-
riques, entre dans une famille pour s'occuper de l'éducation des
enfants; à la suite d'un amour contrarié, elle est prise d'une crise
violente de lypémanie avec hallucinations et idées de persécution.
Elle est alors admise à l'asile public de Marseille où, au bout de
quelque temps, les conceptions délirantes cessent. Mais la cessation
du délire et l'excellent état de ses facultés intellectuelles, n'empê-
chent pas une perversion profonde des sentiments affectifs et mo-
raux. Ses conversations paraissent raisonnables, mais la vie quoti-
dienne la montre égoïste, violente et sans pudeur. '
Elle recherche des propos obscènes, fait des ouvertures à un
membre du service médical et simule des maladies pour se faire
examiner.
La jeune fille, réclamée par son père, devait sortir de l'asile de
Marseille malgré un rapport défavorable de M. Marandon de Mon-
tyel lorsque, le père étant mort, elle fut transférée à Saint-Yon.
(Annales médico-psychologiques, juin 1892.) E. B.
XXXVII. Considérations sur L catalepsie; par le D'' Hospital.
Dans un article intéressant, M. le D1' Hospital rapporte deux obser-
vations de catalepsie à propos desquelles il cite les opinions des
auteurs. Ily a, dit-il, deux catalepsies, l'une accompagnée d'hyp-
nose et formant une entité définie, l'autre éveillée qui accompagne
d'autres maladies. L'invasion de cette dernière est parfois si
prompte qu'elle surprend le malade au milieu de ses occupations.
Ses causes déterminantes sont nombreuses : frayeur, émotion,
- attaques d'hystérie, expériences d'hypnotisme; ses causes prédis-
posantes sont l'hérédité et l'existence d'une maladie nerveuse.
Quelle est la nature de la catalepsie ? Marcé la regarde comme
un épiphénomène de l'hystérie ; Georget et Lieutaud font de ces
deux névroses deux formes symptomatiques de la même maladie :
38.-) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
« la facilité de production des phénomènes cataleptiques chez les
hystériques est une preuve en faveur des liens de leur parenté D.
Mais l'hypnotisme est aussi étroitement uni à la catalepsie, de
sorte qu'hystérie, catalepsie et hypnotisme seraient une trilogie
inséparable. On l'a rencontrée encore dans l'éclampsie infantile,
dans les fièvres graves, dans te'tétanos. Elle est une complication
si fréquente de la folie, que Cavalier et Gérard affirment n'avoir
jamais vu un cataleptique qui ne fut aliéné.
L'accès cataleptique peut être tétanique ou souple. Chez les uns,
tous les muscles sont cataleptiques, chez d'autres, c'est seulement la
moitié longitudinale du corps- l'insensibilité aux piqûres et aux
brûlures est complète l'exercice intellectuel est suspendu et on
en a vu achever au réveil une phrase interrompue par l'invasion
de l'accès. Exceptionnellement, cependant, le jugement et la
volonté peuvent intervenir; des cataleptiques ont versé des larmes
sous l'influence d'une émotion.
L'attaque survient presque toujours brusquement ; le malade,
immobilisé par la contracture qui envahit tous ses membres, ne
peut plus bouger. Les bras obéissent si vite qu'ils en paraissent
légers, il semble qu'il y a aide de la part du patient et il gardera
longtemps cependant une attitude gênante et pénible. L'accès peut
durer de quelques secondes à plusieurs mois; il peut être inter-
rompu ou entremêlé de phénomènes névropathiques.
Parfois, en touchant un cataleptique éveillé, on provoque im-
médiatement la contracture des muscles; un souffle, un bruit, une
lumière suffisent même à déterminer le spasme tétanique. On pré-
tend que le réveil est brusque; pareil phénomène s'observe égale-
ment dans l'épilepsie. larvée, le petit mal et même le grand mal.
Il n'est quelquefois que transitoire et dans beaucoup de cas il s'ac-
compagne de troubles intellectuels, de mémoire chancelante.
Le diagnostic de la catalepsie pure est facile, grâce aux deux
symptômes : sommeil et automatisme passif. Il est difficile dans
les cas nombreux où elle n'apparaît qu'à l'état d'intervention; on
a pu la confondre avec la léthargie, mais dans la léthargie, il y a
souplesse sans automatisme, résolution complète, sommeil bien
moins réel qu'en catalepsie.
Les accidents cataleptoïdes de la stupeur mélancolique sont assez
différents. Les malades redressent leurs membres sur ordre; le
phénomène est variable et transitoire et ils avouent qu'ils ont agi
sous l'influence d'une idée et qu'ils ont maintenu cette attitude il
l'aide d'un effort très énergique.
Quant à l'épilepsie, on se rappellera que la catalepsie ne s'accom-
pagne pas de convulsions hideuses, mais d'une immobilité rigide.
Les somnambules sont beaucoup plus réveillés que les cataleptiques
endormis; ils peuvent aller, obéir; le cataleptique ne peut ni agir
ni être suggestionné.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 383
Dans la dernière partie de son article, M. le Dr Hospital aborde
la question intéressante des inhumations prématurées; la conclu-
sion est faite pour rassurer les esprits timorés. « La mésaventure
de l'illustre Vésale et celle plus pénible encore de l'abbé Prévost
sont heureusement de rarissimes exceptions. » (Annales méclico-
psychologiques, juin 1892.)
XXXVIII. Maladie DE Friedreich accompagnée DE troubles trophiques
chez un imbécile épileptique; par le Dr SZCZI'PIORSKI.
L'ataxie locomotrice de Friedreich se distingue assez nettement
des deux affections voisines : la sclérose en plaques et l'ataxie de
Duchenne (de Boulogne). C'est une maladie de longue durée, sou-
vent héréditaire, caractérisée par l'incoordination des mouvements
avec conservation de la force musculaire, par le nystagmus, l'em-
barras de la parole, l'absence de la douleur, de troubles de la sen-
sibilité, de troubles trophiques et par l'intégrité de l'intelligence.
M. le Dr Szczypiorski rapporte l'observation d'un malade atteint
de cette maladie chez lequel il a trouvé des troubles trophiques el
un degré marqué de déchéance mentale.
Un homme de trente-sept ans, avec de bons antécédents hérédi-
taires, a présenté dans son enfance des attaques d'épilepsie et s'est
toujours fait remarquer par la faiblesse de son intelligence. A
\ingt-trois ans, apparition d'ulcères à la partie antérieure des
jambes, ulcères qui ont persisté. Un an plus tard, apparaît l'ataxie
qui ne s'est jamais accompagnée de douleurs.
En ce moment (mai 1891), la parole est traînante et empâtée.
Les extrémités supérieures ne sont presque jamais en repos, et
l'incoordination motrice est assez accentuée. La station deboutsans
appui est impossible. Sa démarche ressemble à celle d'un ivrogne;
elle est parfois propulsive. Les pieds présentent une cambrure très
exagérée et, par suite, le creux plantaire est excavé, disposition qui
parait constante dans la maladie de Friedreich. Les réflexes son nor-
maux. La sensibilité est partout conservée sauf aux membres infé-
rieurs, où la sensibilité au chaud et au froid paraissent se confondre.
Les troubles trophiques qui sont le point intéressant de cette
observation, siègent depuis quatorze ans aux membres inférieurs
sous forme d'ulcères inguérissables, symétriquement disposés. A
ce niveau, la peau est épaisse, mais lisse. Par places, croûtes épaisses
recouvrant des ulcérations arrondies. Tous les traitements ont
échoué contre ces ulcères chroniques. (Annales médico-psycholo-
giques, juin 1892). E, B.
XXXIX. Un cas d'asphyxie locale symétrique intermittente des
extrémités chez un LS'l'1 : 31A\LAQUEj par le Dr T.wcowLV.
Les troubles vaso-moteurs des mélancolique* sont décrits par
384 4 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
tous les auteurs; l'auteur nous en fait connaître un exemple peu
commun : l'asphyxie locale symétrique intermittente des extrémités.
Un homme atteint de délire mélancolique avec préoccupations
hypochondriaques, découragements, dégoût de la vie, présente les
troubles vaso-moteurs suivants : sous l'influence d'une impression
quelconque, sous l'impression du froid ou même sans cause, les
deuxième et troisième phalanges de l'index, médius, auriculaire et
annulaire de chaque main deviennent livides et, au bout d'un temps
variable, passent à la coloration blanche. Les extrémités des doigts
sont froides, insensibles à la douleur et au toucher; les mouvements
sont faibles et sans vigueur.
Les accès ont lieu deux à trois fois par jour, le plus souvent au
lever, rarement après le repas. Ils ne ne s'accompagnent d'aucune
sensation douloureuse ; les deux mains sont atteintes simultané-
ment, en commençant par la main gauche; le pouce n'est jamais
pris. La durée de l'accès est variable : de quelques minutes à une
demi-heure. En dehors de l'accès, les doigts ont un aspect normal.
Ce malade a des antécédents héréditaires assez chargés au point
de vue mental et, comme antécédents personnels, on note deux
attaques de rhumatisme et la syphilis. Cette affection vaso-motrice
a-t-elle un rapport avec l'affection mentale du malade ? Ces deux
affections se sont développées parallèlement sans paraître s'in-
fluencer mutuellement. Peut-être pourrait-on ramener les deux
affections à une même cause : trouble vaso-moteur survenant, soit
dans la circulation encéphalique, soit aux extrémités. (Annales
méctico-psyclwlogiques, juin 1892.) E. B.
XL. DISCOURS PRÉSIDENTIEL PRONONCÉ A la cinquante ET UNIÈME
RÉUNION ANNUELLE DE L'ASSOCIATION MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE, A LA
Maison de retraite (The Retreat) de York, le 21 juillet 1892;
par ROBERT BAKER. (The Journal of Mental Science, octobre 1892.)
Discours très bref où sont sommairement rappelés les services
rendus par les asiles, et en particulier par la Maison de Retraite
de York, aux aliénés et à la société en général. R. M.-C.
XLI. LE « Local GOVERNMENT ACT » de 1888; SON action probable
SUR LE TRAITEMENT DE LA FOLIE EN ANGLETERRE; par J.-A. CAMPBELL.
(The Journal of Mental Science, janvier 1892.)
Nous nous bornons à signaler ce mémoire à ceux de nos lecteurs
qui s'intéressent à la législation comparée de l'aliénation mentale.
R. M.-C.
XLII. UN cas DE la maladie appelée KATATONIE; par Percy-Smitu.
(The Journal of Mental Science, juillet 1892.)
Observation intéressante et détaillée, recueillie avec soin et que
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 385
l'auteur a fait suivre de quelques commentaires sur la malade
dont il s'agit et sur la katatonie en général. R. M.-C.
XLIII. Les rapports DE la paralysie générale DES aliénés avec la
SYPllILIS; par Jacobson. (The Journal of Mental Science, avril 1892.)
Les recherches poursuivies par M..Tacobson sur l'étiologie de la
paralysie générale l'ont amené à conclure que la syphilis est
l'agent le plus commun et le plus puissant dans la genèse de cette
maladie; il ne conteste pas le rôle de certains autres facteurs
(alcool, plomb, tabac, etc.), mais il ne leur attribue qu'un rôle
tout à fait secondaire et les considère simplement comme des
auxiliaires de la syphilis. R. M.-C.
XLIV. La parotidite chez les aliénés; par Th.-B. HYSLOP. (The
Journal of Mental Science, octobre 1890.)
Les trois observations rapportées par l'auteur sont à rapprocher
des autres cas où une affection aiguë intercurrente a provoqué la
rémission ou la disparition momentanée du trouble mental chez
les aliénés; les cas de ce genre sont assez nombreux. R. M.-C.
XLV. Guérison DE la folie chez UNE femme, après l'ablation DE Le
barbe; par George rINDL.11. (The Journal of Mental Science,
juillet 1890.)
Observation curieuse, qu'il est intéressant de rapprocher d'un
fait semblable publié par M. Savage dans le Journal of Mental Science
de juillet 1886. R. M.-C.
XL VI. Notes sur quelques points concernant les criminels; par
John BAYER. The Journal of Mental Science, juillet 1892.)
Etude intéressante, faite par un homme compétent (l'auteur est
médecin de la prison de Portsmouth) et dans laquelle les carac-
tères psychologiques et quelques-uns des caractères physiques
des diverses catégories de malfaiteurs sont analysés avec sagacité.
R. M.-C.
ALVIN. Folie et divorce ; par A. WooD-RENTON. (Th/ ? Journal ofMental
Science, juillet 1892.)
On ne peut que signaler ici ce court mais judicieux travail, qui
contient des appréciations justement amères et quelque peu iro-
niques sur la manière dont certains magistrats anglais entendent
les questions médico-légales relatives à la responsabilité et à l'alié-
nation mentale; on y remarquera le peu de cas que font certains
juges des affirmations des experts, alors même qu'elles ne sont
Archives, t. XXV. 25
386 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
pas contestées, et qu'elles sont l'exprcssioe de vérités scientifiques
universellement acceptées. R. M.-C.
XLVIII. UN cas DE rupture du CCEUR chez une mélancolique; par
Vincent Nash. (The Journal of Mental Science, janvier 1892.)
L'auteur a cru devoir publier cette observation moins à cause de
-la rareté même de la lésion qu'à cause du temps relativement
long qui s'est écoulé entre le moment où la lésion s'est produite
et celui où la malade a succombé. R. M.-C.
XLIX. Observations sur la « katatonie i ; par Edwin GOOD.1LL.
(The Journal of Mental Science, avril 189.)
L'auteur a résumé ou rappelé dans ce mémoire une série de
documents intéressants sur l'histoire et l'anatomie pathologique de
cette affection. R. M.-C.
L. Sur l'affection dite « Paranoïa » ; par E. L. DUNN.
(The journal of mental science, janvier 1893.)
La première question qui se pose dans l'étude de l'affection men-
tale désignée sous le nom de Paranoïa consiste à rechercher s'il
existe réellement une forme aiguë de cette maladie. Bien que cette
forme aiguë ait été décrite par Westphal et admise par Meynert,
elle est si mal caractérisée que plusieurs autres aliénistes, parmi
lesques M. Dunn est disposé à se ranger, renoncent à l'admettre.
Sous la forme chronique, elle peut ou être' primitive, c'est-à-
dire apparaître d'emblée, et c'est là sa forme la plus typique et la
mieux caractérisée, ou bien succéder, pour le terminer, à un état
mental pathologique antérieur. Parmi les formes les plus usuelles
et les plus généralement admises, la plus importante est la para-
noia persecuteria qui correspond assez bien au délire chronique de
Magnan et des auteurs français. C'est celle que l'auteur se propose
d'étudier ici, et dont il trace d'ahord un historique assez étendu.
Sous cette forme, la maladie apparait généralement entre
trente-cinq et quarante-cinq ans; elle est plus fréquente chez la
femme, où elle paraît pouvoir peut-être se rattacher à la méno-
pause. La période d'incubation est longue, souvent inobservée,
et les symptômes y sont mal définis : malaise inexpliqué, mau-
vaise humeur non motivée, troubles du sommeil et de l'appétit,
inaptitude du travail, modifications du caractère qui devient soup-
çonneux, tels sont les prodromes assez peu précis qui aboutiront
bientôt, sous l'influence d'une cause presque toujours insignifiante
et négligeable à l'apparition du délire, d'abord caractérisé par des
illusions et des hallucinations assez vagues. Mais celles-ci, bientôt
se précisent, se généralisent (sauf pour la vue dont les hallucina-
tions sont rares, et, quand elles existent, ne se rapportent presque
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 387
jamais au délire) et se systématisent : le délire de persécution est
établi. Après avoir' attribué d'abord les persécutions dont il souffre
à des causes générales ou occultes, le malade en vient à préciser
leur source : il les attribue nettement à telle ou telle personne et
devient dangereux; à ce moment les hallucinations de la sensi-
bilité générale se multiplient à l'infini; la langue usuelle ne suffit
plus à décrire de pareilles sensations, et c'est alors que l'aliéné
invente de curieux néologismes dont quelques-uns sont véritable-
ment pittoresques. Ici intervient l'apparition des idées de gran-
deur ; leur genèse la plus commune et aussi la plus logique a été
souvent décrite et se résume ainsi : des persécutions aussi variées,
aussi constantes et compliquées ne peuvent avoir été dirigées
contre un personnage ordinaire et obscur il n'y a pour l'aliéné
qu'un pas bien vile franchi. - Les idées de grandeur peuvent
encore apparaître subitement sous l'influence d'une hallucination.
Après une durée plus ou moins longue, cette période aboutit,
pour quelques auteurs à la démence vraie, pour d'autres à l'évolu-
tion d'un affaiblissement intellectuel très accusé. La durée de la
maladie est habituellement de vingt à trente ans, le pronostic est
des plus graves, puisque la paranoïa est généralement consideiée
comme incurable. Sur 700 cas, Kraft-Hbbing n'a pas vu .une seule
guérison.
Au point de vue anatomo-pathologique, on se trouve en pré-
sence d'hypothèses ou de conceptions plus ou moins théoriques,
dont aucune même n'a jusqu'ici acquis de prééminence sur les
autres.
La paranoïa secondaire, qui succède presque toujours à la mé-
lancolie, est surtout caractérisée par un profond affaiblissement
des facultés intellectuelles, du jugement et de la mémoire, elle
aboutit à la démence complète.
Il est enfin une autre forme, à caractères un peu spéciaux, et
que Krafl,-Ebing considère comme rare, c'est la paranoïa alcoo-
lique ; suivant cet auteur, les Iiallucinalions en ce cas seraient sou-
vent d'ordre génital, elles affecteraient plus souvent la vue que
dans les autres formes, les malades seraient exceptionnellement
irritables et brutaux, et l'affaiblissement intellectuel serait très
précoce.
L'auteur termine cet intéressant travail par quelques considéra-
tions sur le diagnostic différentiel de cette maladie.
. R. DE lUSGB.1VE-CL1Y..
LI. Les calculs biliaires chez les aliénés; par CECIL F. BEADLE.
(The Journal of Mental Science, juillet 1892.)
Etude très documentée sur la fréquence et les causes possibles de
la lithiase biliaire chez les aliénés : en terminant, l'auteur rappelle
388 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
.
que la cholestérine qui entre pour une si grande part dans la cons-
titution des calculs biliaires figure également pour une part im-
portante dans la composition du tissu nerveux normal : il serait
intéressant de rechercher si, dans le cerveau des aliénés, la propor-
tion de cholestérine est augmentée ou diminuée; si on constatait la
.diminution, la fréquence des calculs biliaires dans l'aliénation
'mentale s'expliquerait par une sorte de compensation. R. M.-C.
LII. Note sur l'hématome DE la dure-mère; par Edwin GOODALL.
(The Journal of Mental Science, juillet 1892.)
Note intéressante sur l'analogie et les différences qui existent
entre l'hématome de la dure-mère ou la pachyméningite interne et
les lésions artificiellement créées par l'injection pratiquée à tra-
vers une ouverture de la dure-mère, de liquides irritants. R. M.-C.
LUI. Observation clinique DE deux cas DE paraplégie ataxique; par
F.-S.-John BULLEN. (The Journal of Mental Science, avril 1892.)
Deux observations recueillies avec soin et intéressantes. R.-M.-C.
LIV. LE DÉLIRE SENSORIEL dans SES rapports avec LES DIFFÉRENTES
formes DE Paranoïa; par Del GtEco. (Il manicomio, fasc. 2-3,
1892.)
L'auteur cherche dans ce mémoire à élucider deux points, d'a-
bord établir les différences qui existent entre la mélancolie, la
manie et le délire sensoriel, puis examiner ce dernier dans ses
rapports avec la paranoia et cela, en faisant l'analyse d'une série de
formes intermédiaires entre le délire sensoriel typique et la para-
noia chronique.
Le délire sensoriel typique, bien que ressemblant par certains
côtés à la manie ou à la mélancolie, forme cependant une classe à
part. Il lui faut pour se développer un état d'invalidité cérébrale,
résultant d'un épuisement fonctionnel, et une anomalie plus ou
moins grave du caractère. Celte invalidité cérébrale augmente par
le fait des facteurs d'apaisement (puerpéralité, infections, intoxica-
tions, etc....) L'opinion soutenue par quelques-uns que le délire
sensoriel peut se développer à la suite d'intoxications sans invali-
dité cérébrale préexistante ne semble pas prouvée à l'auteur. Si
une intoxication peut dans un esprit robuste occasionner un trou-
ble mental de très courte durée, elle ne déterminera certainement
pas un véritable accès psychopathique comme on en voit chez les
prédisposés vésaniques. Le délire sensoriel ne résulte pas seule-
ment d'un désordre dans les représentations et mouvements,
mais comporte aussi d'autres symptômes. ,
La symptomatologie du délire sensoriel comporte un rétrécisse-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 389
ment et une obnubilation du champ de la conscience, en même
temps que l'explosion d'images, d'hallucinations, d'idées délirantes
qui malgré la confusion grave, laissent entrevoir, çà et là, une cer-
taine cohérence dans leurs associations réciproques, Ou dans leurs
connexions avec quelque acte ou quelque disposition quoique peu pré-
cise de l'esprit du malade. Les idées et les réactions dérivent du fonds
du caractère et en portentl'empreinte. Quelques-unes d'entre elles
sont comme lesmarques d'une nouvellepersonnalité rudimentaire,
toutefois et changeante, qui fait son apparition au milieu de la con-
fusion des phénomènes conscients. Ces faits sont mis en lumière
par les cas intermédiaires entre le délire sensoriel le plus chao-
tique, le plus asystématique et celui, dans lequel, par suite de
l'augmentation des conditions dégénératives, se rencontre un cer-
tain degré de systématisation dans les hallucinations et les idées
délirantes.
Bien qu'on puisse rencontrer dans le cadre du délire senso-
riel, les conditions essentielles des mélancolies ou manies (accé-
lération ou arrêt dans le cours des représentations...), il y a tou-
jours comme base fondamentale une altération de l'intelligence et
de toute la personnalité.
Dans le processus de dégénérescence mentale qui constitue la
paranoia chronique, on distingue deux facteurs psychologiques,
d'un côté l'obnubilation de la conscience et l'éclosion des idées
délirantes, de l'autre la plénitude de l'activité consciente, la sys-
tématisation délirante.
Le facteur, obnubilation de la conscience se complique dans
beaucoup de cas de phénomènes d'excitation, de dépression, de stu-
peur, d'impulsion etc... et n'est autre qu'un délire sensoriel ou
paranoia aiguë.
Entre le délire sensoriel vrai et la paranoia chronique, il y a une
multitude de formes dans lesquelles la personnalité morbide, plus
ou moins cohérente, se dessine dans un temps relativement court.
Dans ces formes, la modification de la personnalité se révèle au
début non seulement par un trouble de l'aperception, mais aussi
par un état émotionnel (peur) qui petit à petit envahit tout l'esprit
et que l'on retrouve en germe dans les vagues appréhensions de la
période prodomique de la paranoia chronique. C'est à ces formes
que doit s'appliquer exactement le nom de paranoia aiguë.
Malgré la grande variété de formes cliniques intermédiaires entre
le délire sensoriel et la paranoia chronique, elles ont des carac-
tères communs dans quelques points essentiels; ce sont des para-
noia. En général la paranoia est un processus de dégénérescence
mentale. Selon le fonds du caractère, elle prend des formes et des
allures diverses : dans quelques formes aiguës, on peut observer
une rémission, presque même une guérison sans déchéance no-
table. J. SÉGLAS.
390 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
LV. UN cas d'imbécillité associé A UN arrêt de développement D'UN
MEMBRE ; par ANGIOLELLA. (Il manicomio, fasc. 2, 3, 1892.)
L'auteur discute la question de savoir s'il y a entre l'imbécillité
et l'arrêt de développement un rapport de concomitance, à l'ar-
rêt de développement du cerveau en totalité s'étant associé un ar-
-rêtplus marqué dans une région limitée, ou un rapport, de causa-
lité, action sur toute l'écorce cérébrale d'une poliencéphalite de la
première enfance. Question presque insoluble dans le cas actuel par
suite du manque de précision des renseignements anamnestiques
et de l'absence de l'examen nécroscopique. J. Séglas.
LVI. Contribution A l'étude du délire chronique; par R. Fronda.
(Il manicomio, fasc. 2-3, 1892.)
L'auteur commence par rapporter sept observations dont voici
le résumé. I : Aucun fait héréditaire notable; début de la ma-
ladie à l'âge adulte; période d'inquiétude; période du délire de
persécution systématisé ; délire mixte de persécution et de gran-
deur ; affaiblissement mental; durée de huit ans environ. II : Hé-
rédité légère; excentricités, émotivité, idées fixes; début de la
maladie à l'âge adulte; période d'inquiétude ; délire de persécution
systématisé, idées de grandeur; désagrégation mentale; durée
cinq ans. III : Hérédité légère, début à l'âge adulte; longue
période d'incubation; délire de persécution systématisé de plus -
en plus actif; affaiblissement intellectuel; jamais d'idées de gran-
deur ; durée sept ans. IV : Hérédité inconnue; début il y a cinq
ans, à l'âge de trente-six ans; première période inconnue; délire
de persécution systématisé; depuis un an mélange d'idées de gran-
deur. - V : Hérédité inconnue, époque et mode de début incon-
nus ; délire intense de persécution systématisé auquel s'adjoignent t
par la suite quelques idées de grandeur et un certain degré d'affai-
blissement intellectuel. VI : Hérédité légère, début de la maladie
à l'âge adulte, il y a quatre ans ; période d'incubation assez longue;
période de persécution; période de grandeur; confusion mentale.
VII : pas d'hérédité ; développement de la maladie à l'âge
adulte (novembre 1885), période d'incubation ; période de gran-
deur suivie par une longue période de rémission, réelle ou appa-
rente ; période de persécution; mélange d'idées de grandeur; dé-
mence consécutive.
De ces observations, l'auteur tire les conclusions suivantes :
I. La forme du délire chronique décrit par M. Magnan existe
bien cliniquement. - II. On rencontre presque toujours comme
facteur étiologique une légère hérédité, qui peut aussi d'ailleurs
faire totalement défaut. - III. L'évolution du délire chronique
n'est pas constamment identique ; mais, outre qu'il y a des cas
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 391
dans lesquels manque une des périodes, spécialement celle de
grandeur (obs. III), quelquefois cette dernière précède celle de
persécution (obs. IV). -1V. La note prédominante de cette tourne,
laissant de coté le mode de début et la période terminale, est le délire
de persécution, qui même dans la phase des idées de grandeur, ne
leur cède pas totalement la place, mais encore prédomine le plus
souvent. V. Etant donné certains des caractères essentiels du
délire chronique, il n'est pas difficile de le différencier du délire
des dégénérés héréditaires. VI. Ce diagnostic différentiel est
pratiquement utile, au moins pour le pronostic à faire dans chaque
cas.
Comme on le voit, l'auteur en est resté aux premières idées de
M. Gérente et ne s'est pas assimilé parfaitement les doctrines suc-
cessives plus récentes de M. Magnan sur le délire chronique; bien
qu'il trouve que ce ne soit pas difficile de le différencier du délire
des dégénérés héréditaires, il nous parait parfaitement, à en juger
par ses observations, l'avoir confondu avec lui. Pour notre part
nous n'y voyons pas théoriquement un grave inconvénient; mais
les défenseurs du délire chrunique seront sans doute plus difficiles,
ou les temps seraient bien changés. J. SÉGLAS.
I.VII. L'EXCES PSYCHOLOGIQUE DES PRISONNIERS ; par le Dr J. M01\EL
(de Gand). (The Journal of Mental Science, janvier 1893.)
Tous ceux qui sont au courant de l'administration intérieure des
prisons savent que les actes d'insubordination sont presque toujours
commis par les mêmes prisonniers : les rapports adressés à l'ad-
ministration centrale en font foi. Ces rapports ont attiré l'attention
du ministre de la justice en Belgique, qui a voulu savoir si la répé-
tition de ces actes d'indiscipline ne pouvait pas, dans un certain
nombre de cas, être attribuée à un trouble mental, et qui a pres-
crit une enquête médico-psychologique dans une des prisons de
Belgique. Cette enquête a démontré que sur quatorze prisonniers
qui, dans cet établissement, paraissaient absolument réfractaires
à toute obéissance aux règlements, il y en a avait huit qui présen-
taient des symptômes d'aliénalion mentale tels que leur interne-
ment immédiat dans un asile s'imposait d'une manière évidente.
En présence de ce résultat, le ministre n'hésita pas à créer,
spécialement pour les prisons, un service de médecine mentale.
L'auteur pense évidemment avec raison, que les faits cons-
tatés en Belgique pourraient l'être également dans les autres pays
si l'on prenait la peine de les rechercher, et que toutes les prisons
renferment une certaine proportion d'aliénés. Il va plus loin, et se
demande si ce genre d'enquête ne. devrait pas être étendu et appli-
qué à tous les récidivistes, ainsi qu'aux grands criminels : on
pourrait ainsi reconnaître et classer les défectuosités psychiques
392 ) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
des divers délinquants, et faire en outre, dans les prisons le triage
des simples indisciplinés, des simulateurs, et des aliénés véritables;
ces renseignements seraient très utiles au personnel de la prison
au point de vue de l'administrationintérieure de l'établissement, et
de la nature des mesures, disciplinaires ou autres, à prendre à
.l'égard des divers prisonniers. De plus, en ce qui touche les réci-
divistes, les notes ainsi recueillies et jointes au casier judiciaire des
inculpés éclaireraient singulièrement les magistrats appelés à ins-
truire l'affaire ou à juger l'accusé.
L'auteur a eu l'occasion du le,' juin 1891 au 30 mai 1892, d'exa-
miner un grand nombre de prisonniers, et il résume de la façon
suivante les conclusions qui lui ont été dictées par l'observation
des faits. Toutes les grandes prisons devraient posséder une salle
spéciale, réservée aux criminels devenus aliénés pendant leur dé-
tention, et paraissant susceptibles de guérison : les asiles spéciaux
d'aliénés criminels ne recevraient que les malades dont l'incura-
bilité serait plus ou moins établie. La création dans les prisons
d'une salle spéciale pour les aliénés exigerait naturellement un
personnel ad hoc. Tous les prisonniers appartenant à la catégo-
rie mentale des imbéciles devraient être l'objet de soins particuliers
tant au point de vue physique qu'au point de vue mental; leur peine
en outre, ne devrait jamais être abrégée, car ce sont eux qui four-
nissent le plus fort contingent de récidivistes.
Dans les asiles, il y a de nombreux malades (les dégénérés atteints
de folie morale et les faibles d'esprit par exemple) qui ne sont
autre chose que des criminels éventuels. On les traite, cependant,
et on les met en état de jouir, sans inconvénient pour personne,
d'une assez grande liberté. Pourquoi ne pourrait-on pas espérer et
obtenir le même succès, chez certains prisonniers qui ne sont eux
aussi, que des faibles d'esprit ou des dégénérés. C'est le tort de
l'école de Lombroso de ne voir dans le criminel qu'une modalité
anatomo-physiologique, et, par là, de méconnaître ce que l'on peut
faire pour le moraliser pendant sa détention, et surtout pour le
protéger contre les autres et contre lui-même, lorsque, sa peine
subie, il rentre dans la société. R. DE nIUSGRAVE-CL.1Y.
LVIII. Remarques sur l'influence DE la désinfection intestinale
, sur QUELQUES formes DE folie aiguë; par John MACPHERSON.
(The Journal of Mental Science, janvier 1893.)
L'auteur résume dans les termes suivants les résultats de ses
essais et de ses observations sur la naphtaline : j
1° La naphthaline s'est montrée fidèle et inoffensive dans tous
le-- cas où elle a été employée ; une dose de 8 à 9 grammes a pu
êlie administrée à un malade dans l'espace de douze heures.
2° Le médicament a échoué dans un certain nombre de cas,
REVUE DE pathologie mentale. 393
mais à l'heure actuelle, l'auteur attribue ces échecs, ou du moins
quelques-uns d'entre eux, à l'insuffisance des doses prescrites.
3° L'action du médicament sur l'état général somatique a con-
sisté dans le relèvement de la nutrition et la production du som-
meil normal.
4° Sur l'état mental, le médicament a agi en modifiant et en
atténuant les symptômes pénibles ou violents et en hâtant le
retour à un état analogue à un commencement de convalescence.
5° Les troubles cérébraux d'ordre purement psychique n'ont été
aucunement modifiés. R. AI.-C.
LIX. Du la sensation DE PRESSION sur la tète ET DE LOURDEUR DE la
tète; CAREBARIA, pesanteur DE tète, KOPFDRUCK; par HARRY
CAMPBELL. (The Journal of Mental Science, janvier 1893.)
On sait avec quel luxe d'expressions les malades s'attachent à
décrire les sensations pénibles qu'ils éprouvent du côté de la tête.
M. Campbell les rattache à trois groupes principaux : 1° sensations
de pression sur la tête; 2° sensations de pesanteur de la tête;
3° sensations plus vagues, mais analogues, et participant probable-
ment des deux premières variétés. A ces trois groupes, il faut
ajouter certaines sensations de pesanteur ayant pour siège les
yeux ou les paupières.
Après avoir décrit les diverses variétés et les localisations parti-
culières de ces sensations, et avoir rappelé qu'elles ne s'accom-
pagnent ordinairement pas de phénomènes douloureux propre-
ment dits, l'auteur remonte à leurs causes : la plus commune, et
de beaucoup, c'est la neurasthénie; mais il y en a quelques autres,
qu'il convient de 1 rechercher en pareil cas, par exemple le catarrhe
des sinus frontaux, certaines affections oculaires et plus spécia-
lement les anomalies de la réfraction; les maladies des oreilles, et
peut-être la syphilis.
La position du malade a quelquefois une influence assez marquée
sur l'apparition ou la disparition de ces sensations, que quelques
auteurs ont placées sous la dépendance du sens musculaire. Leur
persistance quand la tête est soutenue (quand le malade est cou-
ché par exemple), semblerait indiquer que cette hypothèse n'est
pas exacte; mais il faut faire ici une réserve, car nous ne savons
pas si le sens musculaire n'est pas lui-même indépendant de
l'action musculaire. R. M.-C.
LX. Observations DE chorée héréditaire (maladie de Huntizzgtolz);
par \ ? h. MENZIES. (The Journal of Mental Science, octobre 1892
et janvier 1893.) .
Les travaux qui ont été consacrés à la maladie de Huntington
montrent que cette affection est loin d'être aussi rare que l'avaient
394 SOCIÉTÉS savantes.
pensé les premiers observateurs : si elle n'est pas, à proprement
parler, endémique, elle se rencontre, tout au moins dans certaines
régions, avec une fréquence toute particulière, et le vulgaire la
connaît si bien dans ses symptômes et dans sa marche constam-
ment fatale, que les membres des familles atteintes doivent le plus
souvent- renoncer au mariage. - lI. Menzies a pu observer deux
de ces familles, dont il annexe à son mémoire l'arbre généalo-
gique. 11 décrit avec soin et dans des relations détaillées, impos-
sibles à reproduire ou à analyser ici, les symptômes observés chez
les divers membres de ces deux familles. Les pi incipales remarques
qui lui ont été suggérées par cette étude peuvent se résumer de la
façon suivante : la chorée de Huntington paraît être une des mala-
dies les plus héréditaires que l'on connaisse ; elle paraît frapper les
hommes plus fréquemment que les femmes; aucune diathèse n'a
été constatée dans les deux familles observées, pas même le rhu-
matisme ; les symptômes cliniques sont tellement identiques à
ceux de la choree rhumatismale que, quelle que soit la nature de
la lésion, on est amené à lui attribuer le même siège; les types
cliniques varient suivant les familles observées; la question de
savoir si les secousses choréiques peisistent durant le sommeil
dépend beaucoup de la période de la maladie sur laquelle porte
l'observation.
En somme, voici les principaux éléments de la maladie : tout
d'abord, il n'y a que des secousses accompagnant un état émotif;
puis le malade passe à la manie ou il la mélancolie; ensuite se pro-
duisent des altérations descendantes sous l'influence desquelles on
voit apparaître l'exagération du réflexe rotulien et l'affaiblisse-
ment musculaire généralisé; puis la sclérose générale aboutit géné-
ralement àla démence vraie, et le malade meurt, le plus souvent,
d'une affection intercurrente à laquelle l'a singulièrement prédis-
posé son état de paralysie : la plus commune de ces maladies ter-
minales est la tuberculose.
On trouve à la fin de ce mémoire une bonne bibliographie du
sujets R. 11.-C.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCIIOLOGIQUE.
Séance du 27 février 1893. Présidence de M. Christian.
M. le Président annonce la mort de M. le professeur Ball et
celle du Dr Picnox. Il donne lecture du discours qu'il a prononcé
SOCIÉTÉS savantes. 39o
aux obsèques de M. Pichon. M. Vallon au nom de l'Association
des internes et anciens internes des asiles de la Seine, dont il est
le vice-président, a, aussi, dit un dernier adieu à son ancien maître
et ami. Suivant le désir exprimé par M. Bail, aucun discours n'a
été prononcé sur sa tombe. Le président rappelle en quelques
mots la vie du'professeur Ball et lève ensuite la séance en signe de
deuil.
Séance du 27 mars 1893. Présidence de M. ClILiISTI1N.
Buste de l3aillcwge·. - M. Blanche, au nom de la Commission,
demande l'avis. de la société sur le choix de l'emplacement où
sera installé le buste de Baillarger. Il est décidé que la Commission
se transportera à la Salpêtrière pour examiner sur place s'il ne
serait pas possible de l'ériger provisoirement sous le péristyle de la
chapelle, en attendant qu'il figure dans l'allée des bustes projetée.
Délire des persécutions. Variété psycho-motrice. Démonopathie.
Systématisation d'emblée et dédoublement de la personnalité . Hallu-
cinations motrices et hallucinations psycho-motrices du langage. Ten-
tative de suicide. -- M. J. Voisin communique l'observation d'une
femme dont le délire s'est systématisé très rapidement. Elle se croit
possédée du démon, ce qui constitue une forme rare de nos jours.
Les malades accusent plus généralement la police, l'électricité, les
jésuites, le téléphone, le magnétisme, l'hypnotisme, etc. L'affection
a débuté sans prodromes prémonitoires. Du jour au lendemain sa
personnalité s'est dédoublée. Depuis deux ans il ne s'est produit
aucun changement dans son état. Cette jeune femme n'a pourtant
que vingt-cinq ans. Son hérédité il est vrai est très chargée.
L'élément moteur joue chez elle le rôle principal. C'est lorsque
le mouvement est accompli qu'elle en déduit des conséquences.
Son délire est bien différent du délire de Lasègue ou du délire
chronique de Magnan. Il diffère aussi du délire des dégénérés de
ce même auteur, aussi bien que du délire des persécutés-persécu-
teurs de Falret malgré l'absence d'hallucinations de l'ouïe. La ma-
lade n'a que des hallucinations psycho-motrices du langage.
Elle a tenté de se suicider pour se soustraire à la puissance do-
minatrice qui la possède.
M. SÉGLAS. M. Régis a rapporté une observation semblable
sous le nom de délire systématisé religieux.
M. DupAlK a observé à l'asile de Bailleul une malade se rappro-
chant beaucoup de celle de M. Voisin qu'il considère comme une
dégénérée. Son délire n'est qu'un des syndromes épisodiques
décrits par Magnan. On trouve encore assez souvent dans les asiles
de province des malades atteints de possession démoniaque.
M. l' ALRET. - La malade diffère surtout des persécutés ordi-
396 sociétés savantes.
naires par l'invasion rapide du délire et sa systématisation d'em-
blée. Ces cas ne sont pas communs.
Des antécédents syphilitiques dans la paralysie générale. M. LE-
FIr.InTaE donne lecture d'un travail statistique d'où il résulte que
sur 40 paralytiques qu'il a examinés, 21 auraient eu la syphilis de
dix à trente ans avant leur entrée à l'asile.
M. Charpentier fait remarquer que, dans les autopsies de para-
lytiques généraux, on ne rencontre que très accidentellement les
lésions osseuses si communes dans la syphilis; on fait entrer dans
la syphilis beaucoup de cas qui ne devraient pas y figurer. Tous les
gens qui prennent du mercure ou qui ont des chancres ou des rou-
geurs sur le corps ne sont pas des syphilitiques, même si vers la
quarantaine ils perdent leurs cheveux.
M. A. Voisin considère aussi la syphilis comme une cause peu
fréquente de paralysie générale. (Voir l'opinion de Jacobson, p. 385.)
M. Vallon. Si la syphilis joue un rôle dans l'étiologie de la
paralysie générale, ce rôle n'est que très secondaire. Il ne vient en
ligne qu'après l'alcoolisme, le principal facteur de la maladie.
M. Roubinovitch. Je rappellerai à l'occasion de la communication
de M. Lefiliâtre le travail de M. Liondimov paru dernièrement dans
le Messager de Psychiatrie, de Saint-Pétersbourg. L'auteur s'est atta-
ché à étudier l'état des fibres d'associalion dans l'écorce cérébrale
des paralytiques généraux, et au cours de son travail il a cherché
à établir d'une façon aussi précise que possible et avec toute l'im-
partialité nécessaire, l'étiologie de l'encéphalite interstitielle dif-
fuse. Dans les recherches de cet ordre, ce n'est pas le nombre d'ob-
servations qui importe, mais surtout, je crois, la qualité, la richesse
en détails importants de chacune d'elles. Aussi est-on frappé de
constater que sur toutes les observations de M. Lionbimov, au
nombre de douze, il n'en existe aucune avec une seule et unique
cause dans les antécédents. Ainsi, l'alcoolisme a été retrouvé sept
fois, mais jamais seul et toujours associé ou à la syphilis ou à l'hé-
rédité, ou à un traumatisme crânien. De même, dans cinq obser-
vations, on voit mentionner la syphilis, mais également jamais
seule et combinée tantôt au surmenage intellectuel, aux excès
vénériens, à l'alcoolisme, tantôt à plusieurs de ces facteurs réunis.
11 résulterait de ces recherches que ni la syphilis seule, ni l'alcoo-
lisme seul, ni l'hérédité seule ne peuvent déterminer la para-
lysie générale, qu'aux maladies aussi complexes que cette dernière
il faut des causes complexes et que la recherche d'une cause
unique de la paralysie générale sera probablement en palhologie
m entale un pioblème semblable à celui de la pierre philosophale e
de la quadrature du cercle. carcel Briand.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 397
CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE
DE LAPROVINCE DU RHIN
QUARANTE-NEUVIÈME SESSION
Séance du 6 juillet 1892. Présidence de M. Pelmin.
Cette séance est une séance anniversaire de la vingt-cinquième
année d'existence de la Société.
M. OEbeke fait à ce propos une communication sur la vie, les tra-
vaux et les membres de la Société durant ces vingt-cinq années, à
partir du jour de sa fondation. -- C'est le 18 juin 1867 que se sont
réunis les aliénistes de la province du Rhin à Prolandseck pour,
sur la motion de M. RICH.1RZ, fonder la Société psychiatrique en
question. A cette première séance assistaient MM. Besser, Brosuis.
Dichl, Festh, Focke, Hertz, Hoestemann, Meyer aîné,Neisse, OEbeke,
Obermer, Pelman, Peters, Roechling, Sewaes, Wahl, Wiebecke.
Actuellement la Société compte 73 membres. L'ensemble des com-
munications qui y ont été faites portent sur toutes les questions
scientifiques et pratiques de la psychiatrie.
A l'époque où la Société se fondait il n'y avait dans la province
du Rhin qu'un seul asile public de traitement ; les autres établis-
sement étaient ou des hospices ressortissant à l'assistance non de
toute la province mais de quelques districts, ou des asiles privés.
Les temps sont changés. Aujourd'hui, au lieu de l'asile de Siagburg,
la province compte cinq grands asiles publics d'aliénés ; les 230 lits
dont nous pouvions disposer pour assister nos malades se sont
presque décluplés si bien que les indigents bénéficient de 2,400 lits
et sont soignés non plus comme jadis par les 3 à 5 médecins de
Siegburg mais par 21 à 23 aliénistes.
M. PELMAN. Du développement de la psychiatrie au cours des vingt-
cinq dernières années. Parallèlemen l à l'expansion des méthodes
positives et libérales de l'assistance en général, de la médecine et
de la chirurgie courantes, l'assistance des aliénés et les principes
scientifiques en matière de psychopathologie ont fait des progrès
étonnants.
Les jalons plantés dans cette voie fructueuse sont représentés par
les livres de Griesinger (1845), Schuele, Krafft Ebing, Kropelin,
Kischlolf, les découvertes de Heitzig et Fritsch (les crises internes
cérébrales), Morel (la dégénérescence), Fechner (la psychophy-
sique). Mais il est bon de remarquer que- les enseignements restent
398 SOCIÉTÉS SAVANTES.
limités pendant longtemps à l'asile et que Griesinger lui-même
était un professeur de pathologie interne, il en était de même pour
les cliniciens Nasse et Wachssnuth, car ce n'est qu'en 1866, que
Ludwig Meyer est nommé à Goettingue à la première chaire de
pathologie mentale.
En réalité il n'y a plus maintenant de différences entre un psy-
chiatre et un médecin ordinaire. Tous deux cultivent par les mêmes
méthodes de science positive la pathologie une et indivisible.
(Allg. Zeilschrift. f. Psychiat., XLIX, 3.) P. KERAVAL.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN.
Séance du 15 juin 1892. - Présidence de 11. ZIXN, aîné.
M. Zirrrr explique què l'état de santé de M. Loehr aîné a engagé
le bureau à remettre à la prochaine séance la fête du jubilé de la
vingt-cinquième année d'existence de la Société.
M. Kronthal. De l'hétérotopie de la substance grise de la moelle de
l'homme. - L'orateur présente une série de préparations emprun-
tées à divers individus. Rapprochant ces constatations des obser-
vations publiées par d'autres savants, il pense que ces anomalies
prédisposent au plus haut degré à la genèse d'affections spinales.
De plus, pour lui, ces hétérotopies sont loin d'être aussi rares qu'on
l'a dit, mais elles échappent à la recherche à cause du mode habi-
tuel d'examen de la moelle.
Discussion : M. Cramer présente des coupes de bulbe empruntées à
un idiot, dans lesquelles, le noyau arciforme occupe le plan corres-
pondant au bord médian et inférieur des pyramides. Intégrité de
l'insula gauche. Quelques autres arrêts de développement peu mar-
qués d'ailleurs.
M. Weber. Présentation d'un encéphale d'un enfant avec lésions
por encéphaliques symétriques dans les hémisphères cérébraux.
Sera publié in extenso.
M. f3orur;. Expérimentation à Dtlldo2,f de l'assistance familiale des
aliénés. Sera publié in extenso.
A ce propos M. Mali insiste sur les qualités que l'on doit cher-
cher en pareil cas dans la population qui consent à recevoir les
aliénés. Ce sont : l'intelligence, l'initiative, la sociabilité au point
de vue des rapports à entretenir entre les nourriciers et les gens
des environs et le médecin de l'établissement. Il est notamment
SOCIÉTÉS SAVANTES. 399
très important que les gens qui reçoivent les aliénés (nourriciers et
habitants) se laissent guider par le médecin et comprennent les
indications qu'on leur donne pour la conduite des malades. C'est
le seul moyen d'éviter des incidents ou des accidents.
Cette assistance sous la surveillance médicale peut décharger
d'autant l'asile; sans compter qu'on peut arriver par ce mode de
traitement à consolider certaines améliorations. De là à rendre
aux aliénés la liberté et leur permettre en leur donnant une cer-
taine somme d'argent, ou en leur payant une petite pension, de
reprendre l'existence ordinaire, il n'y a souvent qu'un pas.
M. Zm aîné. Nos collègues de Dalldo,-f ont fait oeuvre pie en
essayant dans les environs de Berlin l'assistance familiale. Cette
tentative doit être imitée. Ce mode de traitement est le complé-
ment naturel de l'assistance publique à la condition que le médecin
aliéniste surveille assidûment nourriciers et pensionnaires et qu'ils
puissent, en guidant les bonnes volontés, faire réintégrer l'asile
aux aliénés dès qu'il le juge convenable. (Allg. Zeitsch. f. Psych.,
XLIX, 3.) . P. KERAVAL.
NÉCROLOGIE
BENJAMIN BALL
M. le professeur BALL est mort, le jeudi 23 février, des suites de
la longue et douloureuse maladie qui le tenait éloigné de son
enseignement depuis plus d'une année. Il Ball (Benjamin) est né à
Naples, le 20 avril 1833. 11 a fait ses études médicales à la Faculté
de Pari=, a été nommé interne des hôpitaux en 1835 et reçu doc-
teur en médecine en 1862. Sa thèse avait pour titre : Des embolies
pulmonaires. Il a été nommé médecin des hôpitaux le 12 août 1870,
agrégé de la Faculté en 1866 (Du rhumatisme viscéral), et membre
de l'Académie de médecine en 1883.
Après avoir fait, pendant deux ans (1875-1876), le cours complé-
mentaire de maladies mentales, il fut nommé, le 18 avril 1877, à
la chaire de pathologie mentale et des maladies de l'encéphale,
(lui venait d'être créée à la faculté de médecine de Paris. Le titre
donné à cette chaire était ambigu, puisqu'elle comprenait, d'une
part, les maladies mentales et, en même temps, non pas les ma-
ladies nerveuses mais les maladies de l'encéphale.
Il chercha alors à obtenir le Bureau d'admission de l'Asile
400 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Sainte-Anne. La raison finit par l'emporter et M. Ball prit posses-
sion d'une partie des deux bâtiments nouveaux qui venaient d'être
érigés dans cet établissement. Ce fut seulement le 16 novembre 1879
que M. Ball fit sa première leçon ', c'est-à-dire plus de deux ans et
demi après sa nomination.
M. Ball était un conférencier très agréable ; il avait l'élocution
facile et élégante. C'était également un écrivain de talent. Malheu-
reusement, ainsi que nous l'avons fait remarquer autrefois, il avait
gardé le souvenir des difficultés qu'il avait créées lui-même pour
arriver à prendre possession de sa chaire et, dans son enseigne-
ment, contrairement à l'obligation qu'a tout auteur ou professeur
« de tenir compte - c'est lui-même qui parle - des progrès inces-
sants de la science », il évitait de citer les travaux de ceux qui
avaient protesté contre ses prétentions ou qui n'avaient pas craint
de dire toute la vérité. Tel n'est pas, à notre avis, le devoir d'un
' Voir Progrès médical, 1879, p. 220. '
" Benjamin Ball.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 401
homme qui a l'honneur de professer dans une chaire de la Faculté
de Médecine de Paris. Ces vérités, nous les avons dites du vivant
de M. Bail ; nous avons cru utile de les rappeler. Puissent-elles
servir d'enseignement !
Voici la liste des principaux travaux de M. le professeur Ball :
Leçons sur les maladies mentales, 1883; 2e édition en 1890; La
morphinomanie, 1888; La Folie protéique, 1887; - La claustro-
phobie (Annales médico-psychologiques, 1879); La médecine men-
tale à travers les siècles, 1879 ; - Ischémie cérébrale fonctionnelle
(Encéphale. 25 mars 1881) ; Impulsions intellectuelles (Ibid.); -
Phtisie et folie (Ibid., 25 juin 1881); - Torpeur cérébrale (Ibid.,
25 septembre 1881); La stigmatisée de S... (Ibid.) ; L'insanité
dans la paralysie agitante (Congrès de Londres, 1881 (en anglais) et
Ibid., 1882); Le crétin des Batignolles (Ibid., 1883); La folie
du doute (Ibid., 1882); - La dipsomanie (Ibid., 1882) ; - Halluci-
nations de l'ouïe consécutives à une inflammation de l'oreille
moyenne (Ibid., 1882); L'aliéné devant la Société (Ibid., 1881);
Les frontières de la folie (Ibid., 1883) ; Les familles des aliénés
(Ibid., 1883); - La folie gémellaire (Ibid., 1884); La folie à deux
(Ibid., 1884); - Epilepsie avec conscience (Ibid., 1884) ; - La folie
consécutive au choléra (Ibid., 1885); La responsabilité partielle des
aliénés (Bulletin de l'Académie de médecine, 1886, et Encéphale);
Polie de la puberté ou hébéphrénie (Encéphale, 1884); Hérédité
dans la paralysie générale (Congrès de Copenhague, 1884) ; -- Ar-
ticles publiés dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médi-
cales : Délire (en collaboration avec M. RITTI); Délire aigu, Démence,
Delirium tremens, Dlélanémie, Somnambulisme, Délire des persécu-
tions (en collaboration avec M. CHAMBARD); Leçons professées à la
Clinique des maladies mentales; Erythème symptomatique des tu-
meurs cérébrales (Encéphale, 1881); - Mal perforant du pied dans
l'ataxie locomotrice (Congrès de Londres, 1881; en anglais); - Tu-
meurs et abcès du cerveau, en collaboration avec le Dr KRISIIABE]T
(llict. encyc. des se. méd..) ; Argent, emploi médical, avec M. le
professeur Ga,RCOT (ibis,) ; Maladie bronzée (Ibid.) ; Maladies
de l'aorte (Ibid.) ; Sclérodermie (Ibid.) ; Angor pectoris (Bulletin
de la Société médicale des Hôpitaux, 1887); Considérations sur le
traitement de la morphinomanie, en collaboration avec 0. J\11NGS
(Bulletin de l'Acad. de méd., 1887) ; Des arthropathies liées à
l'ataxie locomotrice progressive (1868- 1869) 1 ; - De la législation
comparée sur le placement des aliénés dans les établissements publics
et privés (avec M. Rouillard), 1889; - De 1882 à 1889, AI. Ball a
' Ce travail a été fait en partie avec des observations recueillies par
nous, à la Saipêtrièie, dans le service de notre maître commun,
SI. Charcot.
Archives, XXV. 26
402 BIBLIOGRAPHIE.
publié (avec M. Luys) un recueil intitulé {'Encéphale, etc. Il a
également fait paraître les Leçons de M. Charcot sur les maladies
des vieillards (1866). B.
BIBLIOGRAPHIE
X. Leçons cliniques sur les maladies mentales; par le Dr Magnan
Les leçons cliniques sur l'épilepsie, sur la dipsomanie, sur la folie
des héréditaires dégénérés, sur le délire chronique, sur la folie in-
termiltente, contenues dans cette seconde édition, sont trop con-
nues pour qu'il soit nécessaire d'y revenir : elles constituent, à
l'heure actuelle, la base de l'enseignement classique de l'aliénation
mentale en France.
Dans un nouveau chapitre, M. Magnan, avec l'autorité qui carac-
térise sa méthode d'analyse rigoureuse et essentiellement clinique,
présente l'histoire de la manie et des états maniaques dans les di-
verses formes mentales.
Tout le monde est d'accord pour admettre une manie type,
franche, essentielle, véritable entité morbide et clinique, la manie
simple. Ce qui domine dans la manie, c'est une suractivité céré-
brale extrême, c'est l'exaltation de tous les centres corticaux, y
compris ceux de la zone psycho-molrice. Toutes les portes sont ou-
vertes pour projeter au dehors les images, les souvenirs, les mou-
vements, qu'ils répondent à des appétits ou à des sentiments;
qu'ils soient les manifestations des idées ou le résultat d'un besoin
purement automatique. Tout au dehors : telle est la formule du
maniaque. L'évolution de la maladie présente trois stades succes-
sifs : 10 le début est parfois brusque et consécutif à une vive émo-
tion, mais le plus souvent il existe une période prémonitoire très
tranchée, indiquant nettement que l'on a affaire à une maladie
somatique et non pas seulement à un simple trouble des idées :
lassitude, impuissance, abattement, céphalée, insomnie, troubles
digestifs. Peu à peu, la dépression disparaît et l'excitation intellec-
tuelle s'accroit; le malade, sans cesse en mouvement, se montre
loquace, exubérant, l'exaltation augmente de proche en proche et
l'accès éclate; 2° au moment où l'accès éclate, tout malaise dispa-
raît, l'appétit renaît..
Les facultés intellectuelles productives, la mémoire, l'association
des idées, l'imagination sont démesurément surexcitées aux dépens
des facultés de jugement et de réflexion; les pensées sont enchai-
BIBLIOGRAPHIE. 403
nées naturellement, logiquement, bien qu'énoncées avec une exal-
tation et une volubilité maladives. Ce travail de la pensée, caracté-
risé par des associations extrêmement rapides des idées est, sui-
vant le degré d'excitation intellectuelle, parfois plus rapide que sa
manifestation extérieure, d'où l'incohérence du maniaque, incohé-
rence qui n'a rien d'absolu et n'est qu'apparente.
L'aspect et les allures du maniaque sont en rapport avec l'exci-
tation intellectuelle : loquacité intarissable; regard brillant; mou-
vements brusques, désordonnés, incessants; la force musculaire
parait accrue : en tout cas, jamais la fatigue n'apparaît. Les hallu-
cinations de la vue sont fréquentes. La sensibilité générale est altérée.
La fonction génitale est exagérée.
Malgré la suractivité de toutes les fonctions, il n'y a jamais de
fièvre, à moins de complication organique. L'état de fureur
maniaque, signalé parles auteurs comme phénomène paroxystique,
paraît être directement en rapport avec le traitement, car M. Ma-
gnan n'en observe jamais dans son service où les moyens de con-
tention sont radicalement supprimés.
3° Le stade de déclin s'annonce par l'apparition d'intervalles
lucides qui deviennent de plus en plus fréquents et de plus en plus
prolongés.
Outre la guérison, qui est très fréquente, la manie peut passer à
l'état chronique qui se termine par la démence. Rarement elle se
termine par la mort : celle-ci est due toujours à une complication,
soit affection organique quelconque, soit délire aigu, chez les
malades profondément débilités.
Telle est la manie dans sa simplicité clinique. Or, les vrais ma-
niaques sont assez rares. Il est bien plus fréquent d'observer des
malades ayant tout l'extérieur des maniaques, chez lesquels la
manie n'est que l'indice révélateur d'un autre désordre intellec-
tuel, le signe extérieur par lequel ce trouble se manifeste : c'est à
ces états qu'il faut attacher la dénomination d'état maniaque : ces
manies secondaires sont à la manie franche aiguë ce que sont les
états symptomaliques aux états idiopathiques.
Les états maniaques, dont le tableau rappelle de plus ou moins
loin celui de la manie vraie, sont très communs au cours de l'alié-
nation mentale. Le paralytique général s'agite souvent au point de
ressembler à s'y méprendre à un maniaque; les malades à lésions
circonscrites offrent aussi le même aspect. D'autre part, l'alcoolique,
l'épileptique, l'hystérique, le dégénéré, l'intermittent se révèlent
parfois sous les dehors de la manie. Le diagnostic est souvent diffi-
cile, en particulier chez les dégénérés : chez ces derniers, toutefois,
au milieu de l'accès maniaque, on voit poindre des idées hypochon-
driaques, mystiques, ambitieuses qui ne font pas partie du cortège
habituel des symptômes de la manie franche, laquelle est constituée
essentiellement par un chaos des idées et des actes, sans dérange-
404 BIBLIOGRAPHIE.
ment intellectuel proprement dit. L'accès maniaque qui éclate chez
un épileptique est extrêmement violent, dure peu et est toujours
suivi d'une amnésie complète : il se produit une attaque ou un ver-
tige qui sont suivis d'un accès délirant inconscient. Dans l'alcoolisme
où l'aspect maniaque se rencontre communément, il existe cepen-
dant des caractères si tranchés que la confusion avec la manie vraie
n'est guère possible. La manie aiguë franche guérit d'elle-même
après une évolution régulière.
Le point capital du traitement de la manie réside dans la suppres-
sion absolue de la camisole de force et de tout autre moyen de
contention : c'est là la véritable prophylaxie à opposer aux compli-
cations de cette maladie. On peut presque dire que tout maniaque
fébricitant qne l'on camisole est un homme mort.
Le traitement consistera ensuite dans l'administration simul-
tanée de bains tièdes prolongés, de bromure de potassium, associé
ou non au chloral. Un traitement qui donne parfois de bons
effets est l'administration du laudanum à doses progressives, de
quinze gouttes, en augmentant chaque jour d'une goutte, jusqu'à
5 et même 10 grammes par jour ; le chlorhydrate d'hyoscine, en
injection sous-cutanée à la dose d'un demi à un milligramme, peut
rendre des services pour calmer l'agitation.
Enfin, il faut surveiller l'état général et par suite l'alimentation
du malade. E. BLIN.
ll. La thérapeutique suggestive et ses applications; par le
Dr CUALLERRE; 1 vol. de la Bibl. scientif. contemp. J.-B. Baillière.
Paris, 1893.
Nous ne dirons que quelques mots de cet ouvrage qui vient
grossir la liste de ceux que la manie hypnotique a fait naître de-
puis quelques années. Le principal mérite de ce nouveau livre est,
outre sa clarté, son impartialité. Il se borne le plus souvent d'ail-
leurs à enregistrer les faits sans en faire la critique. Il y a une
chose cependant sur laquelle il serait bon d'insister et qu'on né-
glige presque totalement, c'est que la suggestion hypnotique ou
non n'est pas un moyen de traitement d'une maladie, mais ne peut
guère servir qu'à combattre un symptôme. Cette considération ré-
duit singulièrement le rôle de la suggestion en thérapeutique, et
le ramène à celui de beaucoup de médicaments qui dans la méde-
cine ordinaire amènent momentanément une accalmie, mais n'em-
pêche en aucune façon la maladie d'évoluer. Et si, comme nous le
croyons, la suggestion, dirigée un peu à la légère, comme le font
forcément ceux qui s'en servent sans données psychologiques dif-
férentes et sans s'inquiéter de l'état mental provoquant la sugges-
tibilité, peut aggraver cet état mental tout en semblant modifier
avantageusement telle ou telle de ses manitestations, on voit qu'elle
BIBLIOGRAPHIE. 405
a plus d'inconvénients que d'avantages et qu'il peut être dangereux
de laisser croire, même aux médecins, que sa pratique peut être
courante et facile. p, S,
XII. L'inversion sensuelle; par le DrJ. Chevalier. Préface du D1' L ?
CASSAGNE, Storck et Masson. Paris, 1 vol. de la Bibliothèque scion-
tifi'1llC judicÍllil'c, 1893.
Ce livre qui met au point la question des anomalies, perversions
et aberrations sexuelles, ne se contente pas de l'exposer clinique-
mont. Le problème anthropologique et l'étude médico-légale y sont
bien approfondis. L'ouvrage est divisé en cinq parties. La pre-
mière traite de l'instinct sexuel en tant qu'effet et fonction régu-
lière de la sensualité. Cet examen permet de mieux comprendre
l'inversion et d'indiquer sa place au milieu des autres anomalies
génésiques. La seconde énumère les faits historiques et passe en
revue les divers travaux des savants et des médecins sur cette ques-
tion. L'auteur traite successivement l'inversion dans l'histoire,
d'une manière fort intéressante, puis l'inversion dans la science,
où apparaissent toutes les phases par lesquelles a passé ce pro -
blême, enfin l'inversion dans la littérature, où il a su ne pas tom-
ber dans des considérations extra-scientifiques auxquelles ce sujet
aurait pu le mener.
La troisième partie, la plus étendue, décrit et développe les
diverses formes de l'inversion considérées dans leurs causes directes,
leurs manifestations symptomatiques, leur nature et leurs carac-
tères. On passe successivement en revue lns dépravés, les malformés,
les aliénés, les dégénérés. C'est le côté social psychologique et,
pour tout dire, la partie clinique.
La quatrième partie aborde le problème des origines profondes
et lointaines de l'aberration. C'est le côté purement spéculatif, la
partie anthropologique. L'inversion sexuelle ne représente pas une
espèce morbide, mais constitue simplement un symptôme de la
dégénérescence. Les invertis sont des malades et non des vicieux.
La cinquième partie enfin traite la question au point de vue mé-
dico-légal, et s'occupe de la conduite à tenir devant les manifes-
tations délictueuses ou criminelles de l'inversion. Elle agite la
question de la prophylaxie et de la thérapeutique sociales, comme
celle de la responsabilité individuelle.
Nous ne pouvons entrer dans les détails de cet ouvrage, mais
nous en recommandons vivement la lecture il ceux qui désirent se
mettre au courant de cette importante question. P. S.
VARIA
LES TRANSFERTS DES ENFANTS ALIÉNÉS
Le 16 mars 1891, le père de l'enfant March..., que nous préve-
nions officieusement du transfert de son enfant à l'asile de Bourg,
nous supplie en pleurant de conserver son enfant à Bicêtre. Le
père est né à Marseille de parents lorrains et la mère est de
Meurthe-et-Moselle. Le père du père de l'enfant étant douanier fut
envoyé à Marseille, d'où sa naissance, à lui Lorrain, dans cette
ville. Il a acheté plus tard une étude de notaire dans un canton de
l'Ain, puis est venu habiter Paris. D'où il suit que l'enfant n'a
aucun parent dans l'Ain. Et c'est ce département qui le réclame;
c'est là qu'est son domicile de secours.
L'humanité veut que l'on ne transfère pas des enfants loin de
leurs parents; c'est pour cela que le Conseil général de la Seine
sur notre proposition consent à maintenir dans les quartiers
d'asiles du département de la Seine, consacrés aux enfants,
ceux d'entre eux dont les parents habitent Paris depuis deux
ans au moins. Des difficultés étant survenues, nous avons
insisté de nouveau. en 1891, pour que l'administration préfec-
torale de la Seine se conforme à la délibération du Conseil
général. L'administration s'est alors décidée à élaborer un
projet de règlement pour le placement des enfants aliénés ou
idiots, âgés de moins de dix-huit ans. Ce projet a été adopté
en décembre dernier, par le Conseil général, après un avis
favorable émis sur notre rapport, par la commission de sur-
veillance en z.
L'article qui concerne les enfants nés en province est ainsi
conçu :
Art. 8. Les enfants aliénés ou idiots, âgés de moins de dix-
huit ans, qui, par le fait de leur naissance en dehors du départe-
ment de la Seine, ont leur domicile de secours dans un autre
département, peuvent néanmoins être admis dans les asiles de la
Seine, lorsque les parents sont domiciliés à Paris ou dans une
commune de la Seine, depuis trois ans, au moment de la demande
d'admission et qu'ils habitent avec eux.
VARIA. 407
Le département de la Seine ne réclame au département
d'origine que le prix de journée que ce département paie dans
son propre asile, avec une générosité qui mériterait d'être
imitée, faisant ainsi passer les intérêts des enfants et des fa-
milles au-dessus des intérêts financiers. B.
Coup D'OEIL rétrospectif SUR l'histoire DE la création DE la
maison DE retraite (The Reti-eat) de York. Ses différents buts;
son influence; par D. Hack Tuke. (The Journal of mental Science,
juillet 1892.)
La maison de retraite pour les aliénés de York a été fondée par
les ancêtres du Dr Tuke; elle a été le premier asile où les méthodes
de douceur que Pinel allait faire prévaloir en France ont été mises
en pratique à l'égard des aliénés. Pinet d'ailleurs ignorait le fait
et sa gloire de novateur humanitaire n'en est pas diminuée. La
maison de retraite de York (The Retreat) a été fondée en 1792, et
pour célébrer le centenaire de cette fondation l'Association médico-
psychologique britannique y a tenu en 1892 sa grande session
annuelle, après avoir élu pour son président cette même année le
médecin-directeur de la retraite. C'est à cette occasion que M. Hack
Tuke a cru devoir retracer l'histoire de cet asile, en insistant
surtout sur le côté rétrospectif de cette histoire. R. M.-C.
DESCRIPTION DES ailes DU NOUVEL hôpital DE l'asile royal JAMES
Murray; par A.-R. UnQeR.aRT et A. IIEITON. (The Journal of
mental Science, avril 1890.)
Ce mémoire, très intéressant dans ses détails et accompagné
d'une planche, est dû à la collaboration du directeur-médecin de
l'asile et de l'architecte qui a exécuté les travaux. 11 contient tou-
tefois des données trop techniques pour pouvoir être utilement
analysé à cette place. R. M.-C.
LES médecins-adjoints DES asiles, leur situation dans CETTE carriers
spéciale; par les docteurs DODDS, STR : 111AM et GREENLEES. (The
Journal of mental Science, janvier 1890.)
Nous reproduisons ici, bien que les quatre dernières ne soient
évidemment applicables qu'à l'Angleterre, les conclusions des au-
teurs de ce mémoire : .
1° Il est contraire à l'intérêt bien entendu des malades et de la
médecine mentale de laisser augmenter la population de nos asiles
au delà par exemple du chiffre de sept ou huit cents lits;
2° Le personnel médical des asiles devrait être renforcé par la
408 VARIA.
nomination de médecins-adjoints et d'internes en plus grand
nombre ;
3° Le plus ancien des médecins-adjoints devrait avoir une situa-
tion officielle reconnue de médecin responsable, sous la direction
du surintendant (superintendant) de l'asile;
.. 4° Dans tous les grands asiles, il y aurait lieu de prendre des
dispositions telles que le plus ancien des médecins-adjoints ne fût
pas forcé de rester célibataire;
50 Au lieu de rester invariablemen fixes, comme ils le sont trop
souvent à l'heure actuelle, les appointements du plus ancien des
médecins-adjoints, devraient augmenter proportionnellement à la
durée de ses services, et l'échelle de cette augmentation pourrait
se rapprocher de celles dont bénéficient actuellement les officiers.
R. M.-C.
NOTES SUR QUELQUES dispositions spéciales observées dans DIVERS
asiles; par ROBERT BAKER. (The Journal of mental Science, janvier
1890.)
Les différents appareil ou les dispositions spéciales sur lesquelles
l'auteur attire l'attention de ses collègues ne sauraient être exposés
ici en détail, nous les indiquerons seulement ici, à titre de rensei-
gnement pour les intéressés, ce sont : 1° un urinal perfectionné,
doublé de verre, et absolument inodore; -2° un pavage spécial,
non glissant, pour les salles de bains et de douches ; 3° un
garde-feu à fermeture automatique; 4° un guichet de surveil-
lance perfectionné; 5° enfin des revêtements de caoutchouc
pour les pieds des chaises ou fauteuils ; ces « bottes * de gutta-
percha, très usités dans les asiles américains, empêchen t les alié-
nés agités de troubler, par les mouvements continuels de leurs
sièges, la tranquillité de toute une salle. R. M.-C.
Economie des constructions hospitalières; par le Dr BLACKFORD.
Le nombre toujours croissant des aliénés dans l'Etat de Virginie
nécessite la construction de nouveaux asiles .
Au lieu de bâtisses coûteuses, longues à construire, du genre de
celles que l'on édifiait autrefois, les nouveaux asiles seront consti-
tués par la réunion de bâtiments isolés, de 14 mètres sur 30 envi-
ron, chaque bâtiment comportant quatre étages et installé pour
recevoir une centaine de malades. Ils seront construits en briques,
aménagés avec le plus grand confortable, mais sans luxe, ce qui
permettra une édification rapide et économique.
Les hommes seront répartis dans des dortoirs de seize lits cha-
cun ; pour les femmes, il existera plusieurs chambres séparées dans
chaque bâtiment et les dortoirs contiendront onze lits au plus.
(American Journal of insanity, 1892.) E. B.
varia. 409
De la surveillance des asiles publics d'aliénés par l'État; par
ASCHER. DE la surveillance des asiles privés; par KASCHER.
(Centralbl. f. Ne1'venheilk" NF, III, 1892.)
L'auteur détaille la multiplicité des formalités médico-adminis-
tratives qui lorsqu'elles sont appliquées à la lettre nuisent au trai-
tement rapide des psychoses. Quant aux asiles privés, combattus
par Reil qui les déclare dangereux pour la sécurité publique, et
Jacobi, il est bon, dit-il, qu'on les soumette à un contrôle de tous
les instants, mais est-il bon qu'à force de rouages on finisse
par divulguer le secret des familles ? Le prochain article de
M. Ascher nous intéressera par le menu, plus que les dispositifs
d'un pays qui n'est pas le nôtre; dans cet article il étudiera les
modifications qu'on peut faire subir au contrôle de l'Etat dans les
asiles publics et privés afin qu'il demeure utile, sans devenir nui-
sible, sans soulever mille malédictions ! P. K.
LE RÉGIME alimentaire dans LES asiles d'aliénés. NE devrait-il pas
être plus varié; par J.-A. Campbell. (The Journal of mental
Science, juillet 1892.)
Après l'exposé de quelques considérations générales, M. Camp-
bell fait remarquer que le régime des asiles présente une unifor-
mité qu'il y aurait certainement avantage à modifier ; il est clair
par exemple que le régime alimentaire ne devrait pas être le même
l'été que l'hiver; instinctivement pour ainsi dire nous chan-
geons, suivant les saisons, la proportion de nos diverses sortes
d'aliments; pourquoi ne pas introduire des changements analogues
dans le régime des asiles ?
Il est évident, d'autre part, que le même régime alimentaire ne
saurait convenir indistinctement à tous les pensionnaires d'un
asile; le régime qui est normalement réparateur pour un aliéné
qui travaille régulièrement à des ouvrages de force, à la terre par
exemple, devient excessif pour l'aliéné qui ne fait rien ou qui n'a
qu'une occupation sédentaire.
Le choix du régime et son adaptation au malade ont encore un
autre avantage, celui d'exercer une influence presque thérapeu-
tique ; les aliénés violents, excitables, se calmen t d'une façon appré-
ciable quand on supprime pendant quelque temps la viande de
leur alimentation ou quand on les met au régime lacté. L'auteur
pense que dans les asiles anglais, et il ajoute que volontiers il
généraliserait et dirait, en Angleterre, on fait un usage trop
restreint du bouillon et de la soupe.
Il voudrait, la question à son sens en vaut la peine, que l'As-
sociation médico-psychologique nommât une commission pour exa-
miner le régime alimentaire actuel des asiles, et même pour dres-
410 0 VARIA.
ser des projets de menus hebdomadaires; ces menus ne seraient
naturellement pas obligatoires pour les directeurs et les médecins,
mais ils leur serviraient de guides et de modèles, et M. Campbell
ne dédaigne pas de préciser à l'avance les questions sur lesquelles
il voudrait avoir l'avis de ses confrères et d'une commission ; se
sont les suivantes; nous les.reproduisons ici parce que le sujet, en
-traversant la Manche, ne perd rien de son importance :
1° Combien de fois par semaine doit-on donner de la viande de
boucherie en hiver ? 2° Même question pour l'été ? 3° Quelle est la
quantité de viande cuite, sans os, nécessaire pour maintenir en
bonne santé les chroniques d'un asile ? 4° La soupe et le bouillon
occupent-ils dans le régime alimentaire des asiles la place qu'ils
devraient y occuper ? 5° Les aliments farineux et le laitage sont-ils
suffisamment appréciés en tant qu'aliments utiles aux aliénés ?
6° Par suite de leur commodité, de leur bas prix, et aussi par habi-
tude, l'usage des pommes de terre ne tend-il pas à exclure l'usage
des autres légumes, au détriment de la saine hygiène alimentaire ?
7° Ne devrait-on pas attacher plus d'importance à l'usage des fruits
cuits maintenant que leur prix les rend plus abordables ? 8° Quelle
est la forme la plus avantageuse et la moins dangereuse sous la-
quelle on peut faire figurer le poisson dans les repas des aliénés ?
M. Campbell ne voudrait pas toutefois que l'on pût penser qu'il
poursuit un but d'économie; s'il cite des chiffres, c'est pour fixer
les idées; et si ces chiffres sont avantageux pour les finances de
l'asile, c'est tant mieux, mais si la variété dans le régime alimen-
taire devait être plus onéreuse, il la préconiserait néanmoins.
Enfin, il est un dernier point sur lequel il est impossible de ne
pas être d'accord avec M. Campbell, c'est qu'il faut compter au
nombre des misères de l'internement, et non des moindres, l'éter-
nel retour du même et invariable menu pour chacun des jours de
la semaine, et cette misère-là est de celles auxquelles on peut re-
médier. R. de i\IUSGRHE-CLAY.
D'UN SALAIRE A DONNER aux malades DES asiles EN échange DU travail
fourni par eux ; par CHARLES Mercier. (The Journal of mental
Science, janvier 1893.)
Tout le monde sait qu'il y a un double avantage à obtenir des
aliénés internés dans les asiles un travail régulier : avantage pour
l'aliéné que le travail distrait plus ou moins de ses conceptions
délirantes et dont il améliore le sommeil, avantage pour l'asile,
dont on diminue ainsi les charges, lorsque le travail obtenu est un
travail utile. Mais beaucoup d'aliénés sont réfractaires au travail
proposé ou imposé ; les plus raisonneurs, sinon les plus raisonna-
bles, objectent qu'ils sont à l'asile contre leur gré, qu'ils ne doi-
vent rien à ceux qui les y détiennent, et que même l'acceptation
.VARIA. -111
d'une lâche serait comme la sanction de leur internement; d'au-
tres ne sont que très médiocrement tentés par les menues faveurs
obtenues en échange de leurs services. M. Mercier propose de sup-
primer ces objections et de réveiller ces bonnes volontés en payant
- le travail des aliénés, et en le payant d'une façon qui tout en res-
tant très inférieure à la valeur commerciale de ce travail, lui serait
cependant proportionnelle. Il est toutefois évident que ce paie-
- ment ne saurait être fait en argent ; mais rien n'est plus facile
que de créer pour chaque asile des valeurs conventionnelles (bons
ou jetons) que les malades pourraient échanger contre certaines
marchandises très diverses, dont l'assortiment serait naturellement
fixé et autorisé par le directeur. Quant aux rémunérations en na-
ture, elles seraient entièrement supprimées. Cette manière de pro-
céder présenterait plusieurs avantages; par exemple elle permet-
trait de remplacer, chez les malades difficiles, certaines peines
disciplinaires : un malade à qui une promenade, une réunion
peuvent-être utiles comme moyen de distraction et par conséquent,
de traitement, ne devrait jamais en être privé à titre de punition ;
mais une amende pourrait lui être infligée. Enfin en cas de
guérison, l'aliéné, au sortir de l'asile, pourrait toucher le petit pé-
cule ainsi amassé, qui l'aiderait à vivre pendant les quelques jours
qui suivraient sa sortie : ce cas serait d'ailleurs le seul où les va-
leurs conventionnelles ayant cours dans l'asile pourraient être con-
verties en argent. /
M. Mercier ajoute d'ailleurs que cette idée, qu'il croyait neuve,
lorsqu'il a annoncé son intention de la soumettre à l'Association,
avait déjà été mise en pratique par le Dr Orange à l'asile des
aliénés criminels de Broadmoor, où elle avait donné les résultats
les plus heureux tant au point de vue du bien-être des malades
qu'à celui de la prospérité et des finances de l'asile. Toutefois à
Broadmoor, le malade ne touche aucune valeur conventionnelle ;
il il a sur des livres semblables aux livres de banque, son feuillet de
Doit et Avoir, dont un extrait reste en sa possession, et sur lequel
sont inscrites toutes ses petites transactions commerciales.
R. M.-C.
Protection contre L'1NDENDIE dans LES hôpitaux d'aliénés; par le
Dr L.-H. PmNCH., médecin résident, place Bellevue, à Batavia, 3.
- chicano, C.-II. BLAKELf et C°, 1891. (American Journal of
insazzity, octobre 1891, p. 2Î5.)
On ne peut trop estimer l'importance qu'il y a de prendre des
mesures contre le feu dans les hôpitaux affectés aux aliénés; à la
vérité, à cette époque de progrès, négliger de pourvoir les hôpi-
taux d'appareils d'incendie, ne peut être taxée que comme une
. grosse négligence de la part de l'administration. Dans une période
412 VARIA.
relativement courte plusieurs grands incendies se sont déclarés
dans des hôpitaux de ce pays où ils firent de nombreuses victimes
parmi les aliénés. La citation de pareilles catastrophes devrait
suffire pour assurer l'existence d'une législation utile pour pro-
curer les moyens d'organisation et de maintien d'un système com-
plet d'appareils et de manoeuvres indispensables pour se protéger
contre ce danger.
Le livre qu'a écrit le Dr Prince sur ce sujet est à propos et con-
tient des conseils de grande valeur. Il établit bien que les pertes
pécuniaires occasionnées par le feu sont souvent plus grandes qu'il
n'aurait fallu d'argent pour rendre l'établissement complet à l'abri
du danger, car nous sommes fermement convaincus qu'on ne peut
commettre de plus grandes fautes que celles qui consistent à faire
des économies dans ce cas. L'auteur expose d'une façon brève les
méthodes modernes de chauffage et d'éclairage des bâtiments, et
déclare que l'opinion générale est que l'électricité est, « sans
aucun doute le système le plus sûr et le meilleur de tous ceux
employés jusqu'ici » pour l'éclairage.
Les dépôts de chiffons gras, de barils de frêne, etc., sont autant
de dangers qui couvent; il décrit et illustre une grande variété
d'appareils d'extinction en cas d'incendie. L'auteur repousse l'usage
de tuyaux fixes dans les bâtiments et présente de puissants argu-
ments contre leur emploi, disant qu'il arrive que par la forte pres-
sion de l'eau une conduite peut se crever ou être brisée par la
chute d'un mur ou par d'autres causes. La meilleure protection
contre le feu se trouve dans un système de pompes et de grands
conduits d'eau reliés par des jointures en caoutchouc, par l'usage
de seaux placés dans toutes les parties des bâtiments, de grenades
à main et d'extincteurs chimiques. L'auteur a une grande confiance
dans l'extincteur chimique de Babcock. Les expériences faites à
plusieurs reprises, à Utique, ont été couronnées du plus grand
succès. On pourrait également mentionner l'extincteur Miller.
Plusieurs systèmes d'alarme électriques sont également mention-
nés, mais le c système rapide Garnewell », tel qu'il est uti-
lisé à Kankakee, « semble être, pour l'auteur, l'appareil qui répond
le mieux aux exigences des établissements publics ».
Le Dr Prince démontre justement que « après qu'un établisse-
ment aura été pourvu des moyens nécessaires à l'extinction des
incendies, et qu'il possédera un système d'alarme convenable, on
ne peut pas encore le considérer comme parfaitement protégé tant
qu'on n'y aura pas annexé un système d'organisation et de
manoeuvres dans lesquelles l'appareil, quand la nécessité s'en fera
sentir, pourra être manié d'une façon intelligente.
Le Dr Prince lut une fois mis en relation avec la Compagnie
d'assurances Putrol, de Chicago, contre l'incendie, et fut plus tard
médecin assistant à l'hôpital de Kankakee, 111., où il organisa
FAITS DIVERS. 413
une excellente brigade d'incendie, il en élabora les statuts et la
gouverna. Son livre contient l'impression d'une expérience pra-
tique, il mérite un examen attentif et une étude sérieuse. Tous les
établissements d'aliénés devraient avoir dans leur bibliothèque un
exemplaire de ce livre.
Incendie d'un asile d'aliénés A i\EN-HA1LPSHIRE
L'asile d'aliénés du comté de Strasford, situé à 4 milles de
Douvres, N. H, a été rasé par un incendie dans la nuit du 9 février
1893, dans lequel périrent 44 aliénés. Le bâtiment est une cons-
truction de deux étages en bois, de 330 sur 35 pieds de largeur,
entouré par de hautes murailles et une grande cour de chaque
côté. Ce bâtiment contenait cinquante petites cellules, fermées à
clef la nuit. Quand on découvrit le feu, on enfonça les portes,
mais l'incendie s'étendit si rapidement et la disposition des cons-
tructions est telle que quatre aliénés seulement ont pu se sauver.
La hauteur des murs environnant l'asile a empêché qu'un au
moins de ces infortunés s'évadât. La plupart étaient des femmes,
qui étaient totalement affolées et incapables de reconnaître leur
chemin. La construction avait vingt ans d'existence et avait coûté
10,000 dollars. 11 avait été construit pour remplacer celui qui avait
été brûlé, et où périrent huit personnes dans les flammes. Il est
peu probable qu'on ait à redouter un nouveau sinistre de ce genre
pour les asiles qui ont été récemment construits, mais il y a là un
devoir évident pour les autorités qui devront considérer comme
un avertissement ces morts inutiles, et faire en sorte qu'on n'uti-
lise plus de bâtimencs qui offrent des dangers de ce genre.
(Boston med. and surg. Joum., 16 février 1893.)
FAITS DIVERS
Aliénés ; NOUVEL exemple des dangers d'ajourner l'internement.
La nuit dernière, vers quatre heures, M. Gaillard, capitaine du
4e génie, détaché à l'état-major, et qu'on dit atteint de la manie
de la persécution, sortait de sa chambre, 62, rue Victor-Hugo. En-
tendant du bruit dans l'allée dont la porte était ouverte, il tira au
jugé trois coups de revolver.
Un des projectiles atteignit un nommé Paul Lamure, qui satis-
faisait un besoin naturel.
Le blessé tomba et n'eut que la force de se réfugier dans la cave
où il expira.
414 faits DIVERS.
M. Gaillard a fait sa déclaration au commissariat de police. (Ra-
dical, 26 mars.)
Maison pour épileptiques. La commission législative de l'Etat
de Massachusetts s'est occupée de la question de l'établissement
d'une maison d'épileptiques. L'année dernière un comité avait été
nommé par la Société médicale de cet Etat, à l'effet d'étudier et
de presser cette question qui a été l'objet d'une circulaire du gou-
verneur. La législation pendante pour le nouvel asile d'aliénés de
Medfield peut encore retarder l'action jusqu'à l'hiver prochain.
(Thc Boston Med. and SU7'g, Jour" 1893, p. 248.)
Nécrologie. M. le Dr Georges PICEION est mort le 13 février 1893
à l'âge de trente-trois ans; il avait été successivement interne des
Asiles et chef de clinique des maladies mentales et médecin du
bureau de bienfaisance du XIV° arrondissement. On lui doit : De
l'épilepsie dans ses rapports avec les fonctions visuelles (thèse) ;.
Des délires multiples (Prix Esquirol) ; Des maladies de l'esprit
(1888); La morphinomanie et les morphinomanes (1891).
M. Chrestion au nom de la Société médico-psychologique et M. Val-
lon au nom de l'Association des internes et anciens internes des
asiles de la Seine ont rendu hommage à ses qualités intellectuelles
et morales.
Un paysan FOU 4 L'ÉLYSÉE. Paris, 20 février. Un paysan du
Gard, Samuel Peyronauge, ancien sacristain, âgé de quarante ans,
est arrivé, dimanche matin, à Paris. Il s'est rendu directement au
palais de l'Élysée pour s'entretenir avec M. Carnot. Il avait sus-
pendu à un bâton qu'il portait sur l'épaule un paquet assez volu-
mineux contenant des vêtements.
Le concierge du palais arrêta cet homme au passage. Celui-ci
lui expliqua qu'il venait demander au chef de l'État la croix de la
Légion d'honneur et trois millions de francs, en récompense des
miracles qu'il avait accomplis.
Le concierge le fit conduire au bureau du commissaire de police.
Celui-ci envoya Peyronauge à l'infirmerie du dépôt. (Petit Va ? ,,
21 février 1893.)
Le cadavre DE la sorcière. La superstition humaine. Tua-
gique exhumation. - Coupée en morceaux. On mande de Vienne,
6 février : Une lettre adressée de Temesvar au Lloyd, de Pesth,
signale un cas de superstition rare :
c Dans la commune de Spatla, est morte ces jours-ci une vieille
paysanne qui avait une certaine connaissance des simples, qui
mettait ces connaissances à profit pour entreprendre la cure des
villageois malades, et qui avait été entourée peu à peu du respect
que l'on accorde aux sorcières et aux êtres doués de facultés sur-
naturelles.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 415
« Après sa mort il advint que plusieurs bestiaux furent enlevés
dans la commune par des maladies diverses, et, après avoir cher-
ché en vain les causes naturelles de cette catastrophe, les paysans
finirent par penser qu'elle était due au fait que la sorcière défunte
était apparue dans les rues et dans les étables du village.
« Résolus à mettre fin à cette influence néfaste, ils attendirent la
,nuit, se rendirent en foule au cimetière, exhumèrent le cercueil.
l'ouvrirent et coupèrent le cadavre en morceaux pour l'empêcher
de recommencer ses courses à travers la campagne.
«Puis, après avoir rejeté dans la tombe les membres déchiquetés,
ils s'en retournèrent chez eux en donnant le signe d'une satisfac-
tion profonde. La gendarmerie a ouvert une enquête, et plu-
sieurs paysans ont déjà été mis en état d'arrestation. (Petit TroyenT
8 février 1893.)
Enfants idiots. Acceptation de la donation de 100 francs de
rente, 3 p. 100, que 11 ! .\ ! . Gallois se proposent de faire au profit des
enfants idiots ou épileptiques soignés à l'hospice de Bicétre, ou tl'in-
fermiers ou infirmières du même établissement.
Sur le rapport de M. Bonthoux, le conseil émet l'avis suivant : Le
conseil, vu le mémoire par lequel M. le directeur de l'administra-
tion lui fait connaître l'offre faite par MM. Gallois de faire donation
à l'Assistance publique de Paris du capital nécessaire pour former
une rente de 100 francs, dont les arrérages seront employés
chaque année à l'acquisition de deux livrets de caisse d'épargne :
L'un de 30 francs qui sera remis à l'enfant faisant partie de la
section des enfants idiots et épileptiques à l'hospice de Bicêtrequi,
pendant le cours de l'année, se sera fait remarquer par la meil-
leure conduite' et son application au travail ;
L'autre de 70 francs, qui sera remis à l'infirmier ou l'infirmière
de la susdite section de Bicêtre, qui se sera le plus fait remarquer
par sa bonne conduite et son dévouement à soigner les enfants de
la susdite section à eux confiés. (Procès-verbal du conseil de surveil-
lance de l'Assistance publique, 1892-93, p. 298.)
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11loBlus (P.-J.). Nervenknankheiten. Volume in-12 cartonné de
188 pages. Leipzig, 1893. - Vorlag. von Ambr. Abel.
MOELLER. Du traitement des maladies du coeur par la méthode des
D" Schott et De Nauhain. Brochure in-8°, de 17 p. Prix : 18 fr.
Bruxelles, 1893. A. Manceaux.
MoftCORW. Quelques réflexions sur l'éliologie et le traitement de la
sclérose en plaques a propos des leçons sur les maladies de la moelle.
Brochure in-8° de 16 p. Paris, 1892. Librairie 0. Berthier.
MucHix. Paralysis spinalis sypTzylilica (Erb), aus der Poliklinik
von prof. Koualewsky in charkow. Brochure in-8° de 7 pages. Sone
derabdruck aus dem Centralblatt füi- Nervenheilkunde und Psychiatrie.
Rosekthal. (E.). Les diplégies cérébrales de l'enfance. Vol. in-8° de
160 pages. Prix 4 fr. Paris, 1893. J.-B. Baillière et fils.
Avis A NOS lecteurs. Avec ce numéro nous commen-
çons la. série des numéros mensuels des Archives DE NEU-
ROLOGIE .
Le rédacteur-gérant, BOliI1\E\'ILLE.
wren : , C6. HÉRIS8EY, mp. 19' -
Vol. XXV.. Juin 1893. Nu 76.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
REVUE GÉNÉRALE
QUELQUES DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HISTi;I;II;;
Par M. Pierre JAKET.
Les définitions de l'hystérie étaient autrefois 'très nom-
breuses et tout auteur était obligé de passer en revue une
cinquantaine de formules présentées par ses devanciers avant
d'exprimer à son tour sa propre pensée 1. Mais quand une
étude plus précise eût montré la variété de ces phénomènes
« plus nombreux que les formes de Protée et que les couleurs
du caméléon », on n'osa plus les réunir dans une même for-
mule. Lasègue qui était cependant bien convaincu de l'exis-
tence de lois rigoureuses dans les manifestations hystériques
n'essaye plus de définir cette maladie. « On désigne provisoi-
1'ement, dit-il, sous le nom d'hystérie un ensemble de manifes-
tations nerveuses se produisant de préférence chez les jeunes
femmes, se rencontrant chez les jeunes gens par une rare excep-
tion, et ne relevant pas d'une lésion connue des centres ner-
veux=. Une se fait pas d'illusions «sur la valeur singulièrement
contestable de cette définition», car il déclare un peu plus tard
que « la définition de l'hystérie n'a jamais été donnée et ne le
sera jamais. Les symptômes ne sont ni assez constants, ni
assez conformes, ni assez égaux en durée et en intensité pour
qu'un type même descriptif puisse les comprendre tous 3. »
1 Voir la longue préface, intéressante d'ailleurs, de Brachet, Traité de
l'hystérie, 1847 et son chapitre sur les Définitions, p. 202. ! Lasègue. Catalepsies partielles,18G5. (L`ludes nzédicates, t.I, p. 898.)
3 Lasègue. Hystéries périphériques, 1878. (Études médicales, t. II,
p. 78.) .
Archives, t. XXV. 27
418 REVUE générale.
Il préfère se borner « à étudier isolément chacun des groupes
symptomatiques; après ce travail préalable, on réunira les
fragments et on recomposera le tout de la maladie ' ».
Le conseil donné par Lasègue a été suivi et les auteurs les
plus compétents ont évité de se prononcer sur la définition
générale de cette maladie. Ils se bornent pour la plupart à
montrer un certain nombre de caractères qui permettent de
reconnaître la nature hystérique d'un phénomène. M. Ba-
binski, par exemple, montre que l'on peut faire ce diagnostic
en étudiant : 1° l'aspect symptomatique; 2° l'évolution; : 3° l'étio-
logie ; 4° l'influence que peut avoir tel ou tel traitement; 50 les
J'ense¡'gnements fournis pm'l' expérimentationsUJ' les lzypnotiqlles2 .
Tout récemment M. Pitres, au début de ses leçons, montrait
les défauts des diverses définitions et refusait d'en donner une
autre; il se bornait à énumérer certains caractères communs
qui permettent de reconnaître « la spécialité nosologique des
accidents... Ces caractères, dit-il, ne sont pas nombreux, tout
compte fait on peut les résumer dans les cinq propositions
suivantes : 1° les accidents hystériques sont la conséquence de
troubles purement fonctionnels du système nerveux; 2° ils peu-
vent être brusquement provoqués, modifiés, ou supprimés par
des influences psychiques ou par des causes physiques qui
n'ont aucune action sur les accidents similaires dépendant de
lésions organiques ; 3° ils se montrent très rarement isolés,
dans l'immense majorité des cas, certains stigmates latents
coexistent avec les manifestations éclatantes de la névrose ; ,.
4° ils n'ont pas d'évolution régulière ; ils surviennent sans 'ordre
préétabli et se succèdent sous différentes formes et à différentes
époques chez les mêmes sujets; 50 ils n'ont habituellement pas
sur la santé générale et sur l'état mental des sujets qui en
sont atteints le retentissement profond qu'auraient des accidents
similaires mais dépendant d'une autre cause 3. » Ces divers
caractères sont justes et intéressants, ils peuvent; dans la
plupart des cas, permettre le diagnostic de l'hystérie. De
même M. Gilles delaTourettedansun ouvrage très important*
1 Lasègue. De l'anorexie hystérique, 1873. (Éludes médicales, t. II,
p. 45.)
, Babinski. De la migraine ophtalmique hystérique. (Archives de
Neurologie, 1891. Extrait p. 8.)
3 Pitres. Leçons cliniques sur l'hystérie, 1891, t. I, p. 4.
4 Gilles de la Tourette. Traité clinique et thérapeutique de l'hys-
lérie, 1891.
DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 419
réunissait la plus riche collection de documents relatifs^ l'hys-
térie, mais considérait comme plus scientifique de ne pas donner,
au moins dans ce premier volume, une définition générale de la
maladie.
Cette résolution de s'abstenir de définition générale a eu
sans doute des résultats utiles; elle a permis aux observateurs
de concentrer leur attention sur les observations isolées sans
tenir compte des contradictions, sans se préoccuper des théo-
ries ; elle a permis de recueillir ce nombre énorme de docu-
ments précieux dont nous disposons aujourd'hui. Mais il est
facile de voir qu'elle n'a pas été sans inconvénients. On a ainsi
une idée très précise d'un caractère isolé et une idée très
vague de la maladie à laquelle on rattache ce caractère ; il n'y
a plus beaucoup d'accord entre les différents auteurs qui
croient cependant parler de la même question. Sans doute, les
élèves d'une même école qui ont les mêmes habitudes d'exa-
men et de langage s'entendent à peu près sur le diagnostic de
l'hystérie, mais les auteurs qui ont reçu une éducation diffé-
rente ne désignent plus toujours sous ce nom les mêmes ma-
lades. Il est impossible de nier que bien des discussions sur les
troubles de la sensibilité, sur les suggestions, sur les som-
nambulismcs ne soient nées de cette confusion et il est évi-
demment désirable que chaque auteur dise avec quelque
netteté ce qu'il entend par un hystérique afin que l'on puisse
contrôler ses observations.
Peut-être, quand on déclare impossible la définition de
l'hystérie, s'est-on fait de la définition une idée trop ambi-
tieuse. Nous sommes évidemment incapables dans ce cas
comme dans tous les autres de faire connaitre la nature véri-
table, l'essence d'une chose, ni l'explication dernière d'aucun
phénomène. Mais une définition, sauf dans les sciences pure-
ment rationnelles, comme les mathématiques, n'a jamais
donné ni essence, ni explication. Nos définitions ne sont que
des idées générales, des résumés qui doivent seulement con-
tenir le plus grand nombre de faits possibles. Une définition
serait parfaite si elle embrassait dans une même formule
absolument tous les faits que l'on peut observer à propos d'un
même objet. Elle est irréalisable, puisque nous ne connaissons
pas tous ces faits. Une définition serait excellente si elle résu-
mait seulement tous les faits connus, mais cela est encore un
idéal difficilement accessible. Une définition est suffisante
420 0 REVUE GÉNÉRALE.
quand elle exprime dans une seule phrase la majorité des
faits connus. Sans doute une pareille formule, comme toute
théorie scientifique, est provisoire puisque les faits connus
augmentent incessamment et la rendent bientôt trop. étroite.
Mais on ne supprime pas une semblable définition en mon-
=triant simplement que tel ou tel fait de détail n'y est pas com-
pris, il faut, pour la rendre inutile lui opposer une autre défi-
ntion plus simple et plus générale embrassant non seulement
les faits compris dans la première mais d'autres encore. Si
l'on s'en tient à cette conception modeste de la définition,
a-t-on le droit de dire qu'une définition suffisante de l'hys-
térie est aujourd'hui impossible ? N'y a-t-il aucun caractère
commun qui rapproche la majorité des faits qui ont été
recueillis de tous côtés ? S'il en était ainsi l'hystérie n'existerait
pas et ne mériterait pas d'être étudiée comme une maladie
distincte.
C'est ce qu'ont pensé quelques auteurs contemporains ; ils
ont cru que le moment était venu de s'arrêter un peu dans
l'énumération des faits et de résumer autant que possible les
connaissances acquises. Voici que de nouveau on propose
diverses définitions de l'hystérie. Ces tentatives ne nous sem-
blent pas entièrement blâmables et nous croyons être utile en
résument les travaux qui ont été récemment publiés sur ce
sujet par MM. Moebius', Oppenheim2, StrumpeIl3,Jolly",
Donhin s, Laurent6, A. Piek7, Breuer et Freud e. Cette revue
1 Moebius. lieber den Begriff der Hystérie (aus dem Centralblalt
sur nervezheilkcczde, von d. Erlenmayer, XI, 1888, n" 3.
2 H. Oppenlieim ? lus de2- nervenkliîile der charité. Thatsuchliches
und hypothelisches uber des IV(tseii der Hystérie, octobre 1S89.)
3 A. Strumpell. Ueber die Entsteleuzg und die Ileiluz,7 voz I%7rank-
leeitez durch Vorslellungen. Rede beim antrUt des protectorats der Kgl.
universitat Erlangen, 4 nov. 1892.)
4 F. Jolly. - Ueber hystérie bei kindern. (Sonder abdruck aus der
berliner klinischer Wochenschrifl, 1892, n^ 31.)
° Donkin. Article Hysleria, dans le Diclionary ol psyclological
medicine de Hack Tuke, 1892.
si L. Laurent. -Des états secozds, Variations pathologiques du champ
de la conscience, 1892.
7 A. Pick. Ueber die soqenanule «conscience musculaire » (Duchenne).
(Zeitsclwi{l fii, psych. und physiol. der Sinnesorgene, heransgegeben,
von H. Ebbinghans rend A. Konig, t. IV, 1892).
" J. Breuer et S. Freud in Vien. Ueber den psycltischen mechanismus
hyslericher phénomène. (Aus neurologischen Centralblalt, E. 111endal,
1893, n"' 1 et 2.)
DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 421
générale n'a pas la prétention d'être complète, beaucoup de
travaux sans doute nous sont restés inconnus, en outre, pour
donner quelque unité à cette étude, nous considérons surtout
les auteurs qui ont examiné le côté mental, psychologique de
l'hystérie. C'est donc simplement un groupe de définitions que
nous désirons présenter : elles ont des caractères communs et
ont été exposées simultanément de divers cotés, aussi nous
semblent elles, au moins au point de vue historique, offrir
quelque intérêt. Comme quelques-unes de ces études font
allusion à nos propres travaux et même adoptent les idées
générales que nous avons autrefois exprimées sur la nature
de l'hystérie, nous demandons la permission de les reprendre
en peu de mots, peut-être pourrons-nous, en réunissant
ces diverses recherches, exprimer une définition provisoire
qui pourra résumer un assez grand nombre des faits connus.
I.-L'HYSTÉRIE, maladie par représentation.
Une définition, comme on sait, ne peut résumer des faits
qu'en les groupant autour d'un phénomène « dominateur ,
c'est-à-dire en mettant au premier rang un caractère déclaré
par hypothèse le plus important et en montrant aussi claire-
ment que possible que tous les autres faits dépendent de ce
caractère. Dans les définitions anciennes, le caractère choisi le
plus souvent comme essentiel était un caractère physique,
une modification réelle ou supposée des phénomènes physio-
logiques élémentaires. Pendant très longtemps les promenades
de l'utérus à travers le corps, ses altérations, ses douleurs ont
été le centre autour duquel gravitaient tous les autres symp-
tômes. Ces définitions ne réunissaient qu'un nombre très
restreint de phénomènes, c'est le seul reproche que nous leur
adresserons. Plus tard un autre phénomène, que l'on consi-
dérait aussi comme un fait uniquement physique, l'attaque,
devint prédominant et l'hystérie fut essentiellement une ma-
ladie convulsivante. « L'hystérie, disait Brachet, est une né-
vrose du système nerveux cérébral, qui se manifeste plus ou
moins brusquement par des crises de convulsions cloniques géné- ? ,ales et par la sensation d'un globe ascendant dans le trajet de
l'casophage, à l'extrémité supérieure duquel il vient se fixer
pour y causer une menace de suffocation » » Ces définitions
1 Brachet. Traité de l'hystérie, 18F7, p. 204.
432 REVUE GÉNÉRALE.
étaient un peu plus compréhensives que les précédentes, les
phénomènes qui se rattachent à l'attaque étant certainement
plus nombreux que ceux qui dépendent des modifications uté-
rines. Mais elles présentaient une grande lacune, elles
laissaient à peu près complètement de côté les caractères et
les accidents interparoxystiques qui sont si nombreux. Puisque
un grand nombre d'auteurs n'avaient pu réussir à grouper les
symptômes autour d'un phénomène physique, on a peu à
peu changé de point de vue et on a cherché si parmi les phé-
nomènes cérébraux, psychiques, que l'on avait observés depuis
longtemps dans cette maladie ne se trouvait pas un symp-
tôme plus important, capable de coordonner un grand nombre
de faits. Les définitions de l'hystérie se sont transformées et
sont devenues psychologiques.
Le livre de Briquet, 18a9, est ce point de vue très impor-
tant, il constitue pour ainsi dire un intermédiaire entre les
conceptions purement physiques et les interprétations morales
de l'hystérie. «-L'hystérie, dit-il, est une néurose de l'encéphale
dont les phénomènes apparents consistent principalement dans
la perturbation des actes vitaux qui servent à la manifestation
des sensations affectives et des passions 1. » L'hystérie devient
une maladie émotionnelle et sans doute on peut facilement
rattacher un très grand nombre de symptômes à des phéno-
mènes d'émotion. Malheureusement, l'émotion est assez peu
analysée par Briquet et l'explication des principaux symp-
tômes est fort vague. Un point surtout, entre beaucoup d'au :
tres restait embarrassant : l'émotion est un phénomène en
apparence accidentel et momentané, comment lui rattacher
des phénomènes permanents qui durent pendant des mois et
des années ? Et comment supposer la permanence de l'émotion,
quand le malade paraît tout à rait calme et indifférent ? Néan-
moins, l'étude de Briquet peut être considérée comme le
point de départ des recherches psychologiques sur les hysté-
riques.
Celte étude n'a commencé d'une manière précise qu'avec
les travaux de M. le professeur Charcot, à la Salpètrière, sur
les accidents traumatiques des hystériques. Reprenant pour
les compléter et les expliquer d'anciens travaux de Brodie 2 et
1 Briquet. - Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, 18.ï9, p. 3.
= B. Iirodie. Lectures illuslraling of certain local nervous affections.
London, 1837.
DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 423
de Reynolds', M. Charcot a montré que certains troubles
graves du mouvement ne pouvaient être expliqués par aucune
lésion grossière et déterminée des centres nerveux. Dans ses
leçons de 18811-1885, il a expliqué comment on pouvait par une
analyse minutieuse faire le diagnostic entre une paralysie
organique et une paralysie proprement hystérique 2. Les com-
mémoratifs, l'absence de la fièvre, des troubles trophiques et
de la réaction de dégénérescence, la conservation des réflexes
tendineux, la répartition de l'anesthésie, etc., ont permis
d'éliminer l'une après l'autre toutes les suppositions relatives
à des lésions matérielles des nerfs, de la moelle ou de l'encé-
phale. Ces études de diagnostic ont été et sont encore'capi-
tales, il est très évident qu'il serait ridicule d'interpréter
psychologiquement une paralysie avant d'avoir démontré par
les analyses précédentes l'insuffisance des explications banales.
Ayant donc assuré son point de départ clinique, M. Charcot
a pu montrer, en étudiant l'origine de l'accident, ses carac-
tères, son évolution et sa guérison, qu'il s'agissait de phéno-
mènes moraux, c'est-à-dire, bien entendu, de phénomènes
psycho-physiologiques. Enfin, il a confirmé cette explication en
introduisant les procédés de la suggestion comme une méthode
scientifique de diagnostic et d'analyse des maladies nerveuses.
Il a montré que cette paralysie pouvait se reproduire par sug-
gestion soit chez le malade lui-même, soit chez d'autres hysté-
riques : l'affirmation verbale, ou bien unsimple choc qui éveillait
dans l'esprit du sujet une idée et une émotion analogues produi-
saient des paralysies tout à fait identiques dans leurs carac-
tères aux accidents naturels'. « Bans certaines circonstances,
disait-il, une paralysie pourra être produite par 'Une idée"'... En
raison de l'obnubilation du moi produite dans un cas par l'hypno-
tisme, dans l'autre cas, ainsi qu on l'a imaginé, par lechocnerveux,
cette idée une fois installée, fixée dans l'esprit et y régnant sans
contrôle, s'y serait développée et y aurait acquis assez de force
pour se réaliser objectivement sous la forme de paralysies11'... »
Plus tard, M. Charcot applique les mêmes réflexions à des
' Reynolds. - Remarlcs on paralysis and others disol'de7's of motion
and sensation dépendant of idea, 1869.
, Charcot. - Maladies du système nerveux, t. III, p. 288 et sq.
3 Charcot. Maladies du système nerveux, t. III, p, 351.
Id., ibid., t. III, p. 335.
- Id., ibid., t. III, p. 355.
424 REVUE GÉNÉRALE.
contractures 1, des hyperesthésies plus ou moins intenses ?
et même à des accidents hystériques en apparence tout à fait
différents, à des vomissements, à des anorexies', à des mu-
tismes 1. Partout, il montrait l'importance de l'idée fixe qui
, produisait et entretenait- l'accident, la reproduction do faits
identiques par la suggestion, le traitement par l'isolement et
les influences morales qui modifiaient non l'état physique
mais l'état mental pathologique de l'hystérique.
Cette conception des maladies par suggestion était loin d'être
admise à cette époque comme elle l'est aujourd'hui, aussi
rencontra-t-elle beaucoup de résistances. M. Georges Guinon
a résumé l'histoire de ces discussions 5 et il nous a montré aussi
comment cette doctrine a fini par triompher. Le mécanisme
psycho-physiologique par lequel l'accident se réalise est encore
discuté et discutable, mais il n'y aplus guère d'auteur qui nie
complètement l'existence des accidents hystériques par
imitation, par suggestion, par idée. Dans son ouvrage sur
les agents provocateurs de l'hystérie, M. Guinon montre
aussi comment, dans certains cas, on peut constater
l'idée fixe qui détermine l'accident hystérique. Le malade
rêve de son accident, il y pense sans cesse, et cette pensée
obsédante peut s'interpréter ainsi : « Je ne sens plus ma main,
je ne peux plus la remuer, mon bras est lourd 6, etc. » Ces
idées ont la plus grande importance et déterminent non seu-
lement la maladie hystérique en général mais encore la forme
très particulière que prend l'accident. A la même époque,
M. Dutil montrait par plusieurs observations l'importance des
idées fixes et des rêves dans la formation des accidents de l'hys-
térie traumatique Quel que soit le mécanisme par lequel ces
idées amèuent le trouble moteur, chorée ou contracture, etc.,
c'est la répétition constante, la persistance du rêve qui est pro-
prement hystérique et qui caractérise la maladie.
M. Charcot a toujours exprimé ces théories avec beau-
1 Charcot, ibid., t. III, p. 375, 394.
2 Id., ibid., t. III, p. 453.
3 Id., ibid., t. III, p. 241.
4 Id., ibid., t. III, p. 506.
" Georges Guinon. Les agents provocateurs de l'hystérie, 1889, p. 42.
6 Id., ibid., p. 360.
7 Dutli. Hystérie et neurasthénie associées. (Gazette. médicale de
Paris, 1889. Extrait n° 10.)
DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 425
coup de modération, bornant leur rôle à l'explication de
quelques cas cliniques bien déterminés. Il restait à géné-
raliser un peu plus cette conception et à l'appliquer à
l'hystérie tout entière, ce fut, croyons-nous, le rôle de M. Moe-
bius. Cet auteur rend hommage de la façon la plus courtoise
aux travaux de M. Charcot; il les a, croyons-nous, complétés
d'une façon intéressante. « Une opinion, dit-il, tend de plus
en plus à s'établir, c'est que l'hystérie est une psychose et que la
modification qui la caractérise est un état maladif de l'esprit'. »
Mais ces modifications mentales ne se manifestent pas seule-
ment par des délires et des altérations des caractères, elles se
manifestent surtout par des accidents d'apparence physique.
Ce sont des mouvements involontaires, des spasmes, des para-
lysies aussi bien que des pleurs, des rires, des vomisse-
ments, etc. Il en est ainsi, semble-t-il, dans toutes les aliéna-
tions où des mouvements bizarres sont aussi la conséquence de
certaines idées fausses. Non, dit M. Moebius, les mouvements
de l'aliéné ne sont qu'indirectement en rapport avec son délire;
c'est le malade lui-même qui remue et qui veut remuer pour
obéir à un ordre imaginaire. Dans l'hystérie, le rapport est
plus immédiat, la pensée se transforme en mouvement sans
l'intermédiaire de la volonté du sujet. Ce fait est caractéris-
tique et il a servi à M. Moebius pour formuler une défini-
tion de cette maladie : « On peut considérer, dit-il 2, comme
hystériques toutes les modifications maladives du corps qui sont
causées par des représentations. »
Le discours de M. Strumpell exprime des idées analogues :
« Ce qu'on appelle la nervosité est, au point de vue scien-
tifique, une disposition surtout spirituelle et non corps-
relle... certaines représentations trop fortes, certaines asso-
ciations d'idées trop faciles deviennent le point de départ
d'une grande série d'accidents en apparence corporels3. D
M. Strumpell s'accorde avec les auteurs précédents pour
expliquer ces accidents név2,olathiqttes par des représentations,
(durch Vorslellungen). Aux définitions purement physiques de
l'hystérie se substitue donc une définition nouvelle qui cherche
à grouper les symptômes autour d'un phénomène moral,
« l'hystérie est un ensemble de maladies par représentation. »
' Moebius, op. cil., p. 1.
- Moebius, op. cil., p. 2.
' Strumpel, op. cil., p. 8.
426 REVUE GÉNÉRALE.
II. LE DÉDOUBLEMENT DE LA PERSONNALITÉ.
Un grand nombre d'accidents hystériques paraissent dé-
pendre de certaines idées fixes, de certaines suggestions ; mais
Peut-on, comme l'a essayé M. \Ieebius étendre cette explica-
tion à tous les accidents et la transformer en une définition de
l'hystérie ? C'est ce qui a semblé très contestable à plusieurs
auteurs et c'est ce qui a été justement critiqué par M. Oppen-
heim, puis par M. Jolly, 1. Essayons de préciser ces critiques
un peu vagues en suivant la méthode que nous avons proposée
pour examiner les définitions.
'1° Un grand nombre d'accidents hystériques, nettement
localisés comme les précédents, des hyperesthésies, des tics,
des paralysies, des spasmes ne semblent en relation avec au-
cune idée, aucune imagination du sujet. Le malade, de quelque
manière qu'on l'interroge, et malgré sa bonne volonté, affirme
qu'il ne pense pas à remuer son bras, à serrer sa main, à faire
une grimace; bien mieux, il n'a aucune idée de ce spasme, il
ne le sent même pas, il constate avec étonnement ses propres
accidents sans savoir comment ils se produisent 2. Il y a, en
effet, deux catégories d'accidents hystériques que l'on dis-
tingue surtout facilement en examinant des tics ou des spasmes.
Les uns ont lieu quand le sujet y pense, ils disparaissent quand
le sujet est distrait ou qu'il s'endort, ceux-là peuvent
facilement être rattachés à une idée. Mais les autres se
produisent même quand le sujet n'y pense pas ; le spasme
persiste malgré la distraction, quelquefois malgré le som-
meil. Ce ne sont plus là, au moins en apparence, des
accidents qui dépendent d'une représentation mentale. Au
début, peut-être, le sujet a eu conscience d'une émotion, d'une
idée plus ou moins vague, mais il est évident que ces phéno-
mènes de conscience ont disparu très vite et que, actuellement
ils n'existent plus.
2° L'hystérique ne présente pas uniquement des accidents
permanents de ce genre, elle présente un phénomène beau-
coup plus fréquent et beaucoup plus connu, c'est l'attaque.
Or cette attaque n'est pas un acte simple comme une contrac-
tion de la main, c'est un ensemble très complexe de convul-
1 H. Oppeinheim, op. cil., p. 3. Jolly, op. cif., p. 12.
` Breuer et Freud, op. cil., p. 1.
DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 427
sions, de cris, de paroles. Le sujet n'a pas dans l'esprit la repré-
sentation de toute cette série de phénomènes, il les ignore
même puisque, dans la majorité des cas, il se réveille de l'at-
taque sans bien savoir ce qui vient de se passer. Ces attaques,
qui se reproduisent avec une régularité monotone, semblent
dépendre de quelque phénomène physique, car elles sont indé-
pendantes de la pensée du sujet et il suffit quelquefois pour les
provoquer non pas d'éveiller les idées, mais de presser
un point du corps, l'ovaire ou l'épigastre pour que la décharge
se produise.
3° Considérons des accidents plus précisément moraux, des
délires, des somnambulismes qui appartiennent incontesta-
blement à l'hystérie; nous ne nous trouvons pas davantage en
présence d'une idée fixe, claire et simple. Le sujet ne sait pas
ce qui se passe pendant son somnambulisme ou son délire et
il n'y pense pas. Quand l'accident arrive, il est composé par
toute une longue suite de sensations et de pensées très variées
qui n'avaient aucunement été prévue par le malade.
En un mot, même en laissant de côté les stigmates, en ne
considérant que les accidents il est impossible de les ramener
tous à des modifications corporelles produites par des repré-
sentations conscientes.
Essayons donc de changer de point de vue et de prendre un
autre phénomène comme centre de la définition. Ce sont en-
core les éludes de M. Charcot et de ses élèves qui ont montré
combien le somnambulisme jouait un grand rôle dans l'hystérie.
Ce phénomène se présente d'abord spontanément chez ces
malades dans bien des circonstances différentes. Tantôt il
existe sous forme de somnambulisme nocturne, tantôt il se
développe en plein jour sous forme d'attaque précédée ou non
de convulsions. Quelquefois, il grandit d'une manière éton-
nante de manière à occuper des journées ou même des mois
entiers : il donne naissance à ces périodes de seconde exis-
tence dont M. Azam a montré l'un des premiers et des plus
curieux exemples et qui ont été depuis constatées si fréquem-
ment 1. Enfin, le somnambulisme peut être provoqué sinon
chez toutes au moins chez la plupart des hystériques, et ces
états artificiels peuvent présenter tous les caractères et toutes
1 Voir un résumé de ces observations dans la thèse de M. Laurent,
op. cit., p. 13.
428 8 REVUE GÉNÉRALE.
les variétés qui ont été remarqués dans les somnambulismes
naturels'. 1.
Il n'est pas facile de se rendre compte du phénomène essentiel
qui caractérise les somnambulismes; comme ces états sont
extrêmement nombreux et variés, on constate dans l'un des
modifications physiques et morales qui ne se retrouvent pas
dans l'autre. Nous avons essayé de montrer autrefois que
« l'état somnambulique ne présente pas de caractères qui lui
soient propres, qui soient en quelque sorte spécifiques... Il n'a
que des caractères relatifs et ne peut être déterminé que par
rapport à un autre moment de la vie du sujet, à l'état normal
ou l'état de veille ». L'oubli de tout ce qui s'est passé pendant
le somnambulisme quand le sujet revient à l'état normal,
malgré toutes les complications que ce symptôme peut pré-
senter, nous a paru le seul caractère constant et essentiel du
somnambulisme. Le plus souvent, les souvenirs perdus réap-
paraissent quand le sujet se retrouve de nouveau dans l'état
anormal et cette amnésie, suivie d'un retour périodique des
souvenirs, établit une sorte de scission entre les deux états.
Un individu qui est vraiment somnambule vit de deux manières,
différentes, il a « deux existences psychologiques alternant suc-
cessivement2 » ; il a dans l'une des sensations, des souvenirs,
des mouvements qu'il n'a pas dans l'autre et, par conséquent,
il présente d'une manière plus ou moins nette suivant les cas,
deux caractères et en quelque sorte deux personnalités. Le
somnambulisme le plus simple doit être considéré comme
identique à ces grands phénomènes de double existence qui
sont quelquefois si manifestes, il est toujours le résultat, la
manifestation d'un dédoublement de la personnalité.
Cet état est provoqué de diverses manières : quelquefois, la
première personnalité, le premier groupement des phénomènes
psychologiques disparaît par le sommeil, par la fatigue de
l'attention et le second groupe se développe facilement. Dans
d'autres cas, une sorte d'alternance périodique s'établit par
l'habitude et le second système se reproduit régulièrement
quand le premier a duré un certain temps. Plus souvent en-
core, à notre avis, un petit fait quelconque, une sensation dé-
' Les actes inconscients et la mémoire pendant le somnambulisme.
Revue philosophique, 1888, t. I, p. 258, et Automatisme psychologique,
1889, 73, p. 125. ! Automatisme psychologique,. 1889, p. 448.
DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE 429
terminée, par exemple, se trouve associée avec le groupe de
phénomènes qui constitue le somnambulisme, et quand cette
sensation est provoquée elle amène automatiquement à sa suite
tout le système dont elle fait partie. C'est pour cela qu'il
suffira de tel ou tel signal pour déterminer le somnambulisme
de tel ou tel malade : l'une entrera rapidement dans cet état
parce que je lui touche le front, une seconde parce que je
lui presse le pouce, une troisième parce que je lui montre mon
doigt. Ces signaux sont tout-puissants non pour créer le dé-
doublement et former la seconde personnalité, mais pour l'évo-
quer quand elle existe déjà'.
Si l'on comprend de cette manière le somnambulisme, il est
facile de remarquer qu'un grand nombre d'accidents hysté-
riques peuvent s'y rattacher. Non seulement les longues pé-
riodes de la double existence, mais des états de durée très
courte pendant lesquels le malade paraît marcher ou agir au-
tomatiquement, ces fugues dont il ne se rend pas compte quand
il semble se réveiller, ces rêveries interminables dont on ne
peut que difficilement le tirer et qu'il ne peut expliquera ces
extases, ces catalepsies plus ou moins complètes, etc., ne sont
que des degrés ou des formes variées du somnambulisme, des
réapparitions plus ou moins complètes de la seconde existence.
Certains délires même dans lesquels le sujet crie, injurie,
semble jouer un rôle, ne sont également pour nous que des
somnambulismes modifiés par des influences particulières.
Mais on peut aller beaucoup plus loin, et M. Charcot a établi
depuis longtemps une notion que nous considérons comme
essentielle pour l'interprétation de l'hystérie, ce sont les rap-
ports étroits qui existent entre l'état somnambulique et l'at-
taque hystérique proprement dite. M. Charcot a montré que
d'un côté l'attaque renfermait très souvent des phénomènes
de nature somnambulique et que de l'autre les somnambu-
lismes naturels ou provoqués étaient souvent précédés ou
même accompagnés d'un grand nombre de symptômes appar-
tenant à l'attaque. Le sujet continuait dans une attaque sui-
vante les actes ou les rêves commencés dans la précédente, il
' Autam, psycho., p. 455.
= Les rêveries et les extases nous paraissent plus fréquentes et plus
importantes dans l'hystérie qu'on ne le croit généralement, elles forment
des attaques spéciales qui seront étudiées avec plus de détails dans
notre travail sur Les accidents mentaux de l'hystérie.
430 REVUE GÉNÉRALE.
avait dans le somnambulisme les mêmes strangulations, les
mêmes contractures que dans l'attaque, enfin les procédés qui
terminaient ou modifiaient l'une réussissaient également à ter-
miner ou à modifier l'autre 1. Nous croyons avoir ajouté
quelques notions à cette étude faite a la Salpêtrière. Les
sujets, disions-nous, passent très facilement d'un état à l'autre,
de la crise au somnambulisme ou réciproquement =. La mé-
moire qui est ici si importante présente dans ces deux états un
caractère essentiel, elle est réciproque : le malade pendant
l'attaque se souvient bien du somnambulisme, et ce n'est que
pendant le somnambulisme qu'il retrouve nettement les sou-
venirs de l'attaquer Ce sont deux états dont les caractères
généraux sont tout à fait comparables.
Cette comparaison de l'attaque et du somnambulisme peut
se poursuivre jusque dans les détails. Considérons, en effet, le
début de l'attaque ou les procédés qui réussissent à la provo-
quer. L'attaque est quelquefois spontanée au moins en appa-
rence surtout quand elle se produit régulièrement au bout d'un
certain temps de vie normale, ainsi que cela a lieu également
pour les somnambulismes. Mais le plus souvent, l'attaque est
provoquée par un phénomène psychologique qui est associé
avec l'état émotif, l'idée fixe, le rêve constitutif de la seconde
existence. Une hystérique qui dans ses attaques est en proie
au désespoir causé par la mort de son enfant, ou à la terreur
déterminée par un incendie, n'a qu'à penser à son enfant ou
même à un enfant quelconque, n'a qu'à regarder une petite
flamme ou simplement du papier rouge pour avoir une attaque.
Ces sensations provocatrices qui jouent le rôle de signal peuvent
être déterminées dans certains cas par l'attouchement d'un
point du corps. Un enfant court dans les rues poursuivi par un
ivrogne, il trébuche et tombe en avant sur le ventre. Depuis,
il suffit de le toucher au ventre pour qu'il ait une attaque de
terreur dans laquelle il voit l'ivrogne se jeter sur lui, essaye
de se sauver et appelle au secours. Un point du corps aura été
douloureux au moment d'une émotion, l'attention du sujet
1 Charcot. Maul, du syst. nerveux, t. I, p. 417. Paul Richer, La
grande hystérie, 1885, p. 301. Pitres, Leçons cliniques sur l'hystérie,
1891, t. 11, p. 235. '
* Aulom. psysch., p. j2,
3 Actes inconscients et dédoublement de la personnalité. (Revue philo-
sophique, 1886, t. II, 590. Autom. psych., p. 87, 1 : 0, 'r-'r8.)
DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE 431 1
aura été attirée sur ce point accidentellement ou même par
des investigations médicales et cette sensation bien spéciale
sera dorénavant associée avec l'attaque et en deviendra le signal.
« Il suffit, disions-nous autrefois, de presser des points hystéro-
gènes, c'est-à-dire de provoquer une sensation déterminée
appartenant au groupe des phénomènes psychologiques de la
crise pour amener l'attaque de convulsions, de même qu'il
suffit d'appeler quelques-uns des sujets qui ont été décrits du
nom que je leur ai donné pendant le somnambulisme pour
amener l'état de somnambulisme complet 1. On pourrait faire
les mêmes remarques sur les phénomènes qui caractérisent la
fin de l'attaque ou la fin du somnambulisme.
Passons à l'étude du développement même de l'attaque : ce
qui a frappé tous les observateurs c'est la régularité absolue
pour ainsi dire mathématique des attaques chez le même malade.
Ce sont toujours les mêmes gestes, les mêmes mouvements, les
mêmes cris, les mêmes paroles : on peut prévoir minute par
minute ce qui va se passer. On a beaucoup discuté pour savoir
s'il y avait un type général d'attaque hystérique, il est du
moins incontestable qu'il y a un type individuel et que chaque
malade conserve le sien pendant des années. Il en est exac-
tement de même pour les somnambulismes naturels : l'un
emporte un oreiller dans ses bras comme si c'était un enfant
et parcourt toujours le même chemin sur les toits, l'autre pré-
pare toujours un empoisonnement en mettant des allumettes
dans un verre. Que le somnambulisme se répète dix fois ou
cent fois, ce sont toujours à peu près les mêmes actes chez les
mêmes sujets. Enfin, on constate encore le même caractère
dans les somnambulismes artificiels : le sujet a les mêmes
aptitudes, les mêmes paroles, il obéit aux mêmes signes,
change d'état suivant qu'on le touche ici ou là. Si l'opérateur
se trompe, le sujet ne se trompe jamais et il fonctionne très
mal quand il n'est pas régulièrement dirigé, quand on n'ob-
serve pas minutieusement tous les procédés auxquels il est
habitué. La régularité automatique caractérise également tous
ces étas et ce fait peut, à notre avis, s'expliquer facilement. La
seconde existence est souvent une existence psychologique
rudimentaire dans laquelle les sensations et les idées peu nom-
breuses ne se contrôlent pas et ne se modifient pas les unes
' Automatisme psych., 1889, p. 456. Même remarque, Breuer et
Freud, op. cit., 1893, t. II.
432 REVUE GÉNÉRALE.
les autres. Les idées fixes que nous avons vu jouer un si grand
rôle pendant la veille des hystériques sont ici bien plus puis-
santes encore et se développent avec plus de régularité.
Enfin examinons le contenu des attaques, les actes et les
paroles qui les remplissent. Certaines attaques sont à ce
point de vue très simples, elles sont évidemment la reproduc-
tion minutieuse d'un événement de la vie du sujet, identiques
entièrement à la plupart des somnambulismes spontanés.
D'autres ne semblent pas être de cette nature : ce sont de
simples convulsions, des cris, des efforts respiratoires sans
signification précise. Il nous semble que l'on peut considérer
ces attitudes et ces contorsions comme des manifestations, des
expressions émotionnelles. Nous sommes loin du savoir exacte-
ment quels sont les mouvements des membres, les contorsions
de la face, les troubles circulatoires et respiratoires qui accom-
pagnent ou mieux qui constituent chaque émotion. Nous
savons seulement que l'émotion n'est pas autre chose qu'un
système de phénomènes de ce genre. Nous ignorons aussi de
quelle manière toutes ces manifestations s'exaspèrent et se mo-
difient quand l'émotion est très violente, très répétée, quand
elle se développe automatiquement sans être modérée par la
perception consciente des autres phénomènes. Nous ne pou-
vons donc pas expliquer par les lois de l'émotion chaque atti-
tude et chaque geste du sujet, mais nous pouvons supposer
d'après bien des signes que l'attaque d'hystérie vulgaire est la
reproduction automatique d'un état émotionnel ancien. On
peut le constater en examinant avec soin les idées et les sen-
timents qui envahissent régulièrement l'esprit du sujet avant
l'attaque et qui le remplissent pendant la crise. Et mettant le
sujet en somnambulisme, en profitant du souvenir qu'il a à
ce moment et seulement à ce moment des émotions éprou-
vées pendant l'attaque, on constate qu'une émotion ini-
tiale, terreur chez l'une, colère chez l'autre, désespoir chez
une troisième se répètent régulièrement à chacune de ces
crises 1. Vraisemblablement, toutes ces crises hystériques sont
de même nature, elles consistent dans la reproduction plus ou
moins complète d'une émotion, d'une aventure, d'une idée
ancienne dans une seconde existence qui est analogue à un
somnambulisme plus ou moins rudimentaire.
' Actes inconscients et dédoublement de la personnalité. (Revue philo-
sophique, lS86, t. II, p. 590. Même remarque, Jolly, op. cit., 1892,
p. 5, et Breuer et Freud, op. cit., 1893, p. 9.)
DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 433
Ces études sur les attaques et les somnambulismes sem-
blaient rapprocher et réunir une catégorie importante de
symptômes hystériques, les accidents périodiques, mais pa-
raissaient laisser de côté les accidents permanents, ces troubles
du mouvement si bien résumés d'autre part par les théories
de M. Charcot et de M. Moebius. Cette séparation de ces deux
groupes de faits est-elle aussi absolue ? C'est ce que nous
n'avons pas pensé; nous avons cherché leur réunion en étu-
diant les manifestations de la seconde personnalité dans l'in-
tervalle des somnambulismes et des attaques.
Cette recherche a été commencée par l'étude des sugges-
tions à effet posthypnotique. Dans certains cas, ces suggestions
ne peuvent être exécutées avec exactitude que grâce à certains
calculs et à certaines réflexions. On a dit au sujet de faire un
acte dans huit jours, il faut bien que, après le réveil, il se
souvienne du commandement et compte les jours qui le
séparent de l'instant de l'exécution. Or il semble après le
réveil n'avoir aucun souvenir de la suggestion et n'a cons-
cience d'aucun calcul, d'aucune réflexion 1. Nous avons été
conduits à admettre dans ce cas et dans beaucoup d'autres
semblables qu'il y avait une certaine intelligence subsistant
dans l'esprit du sujet à son insu, en dehors pour ainsi dire de
sa conscience et de sa personnalité. Des actes de ce genre sont
très nombreux; on les constate facilement quand le sujet est
distrait et qu'on lui fait accomplir à son insu des actes assez
compliqués; on les constate également en étudiant les mou-
vements complexes et intelligents que l'on peut provoquer
dans des membres anesthésiques. Il existe un phénomène
tout à fait caractéristique où de telles actions se manifestent
d'une manière absolument nette, ce sont les actes inconscients
spontanés et l'écriture automatique des médiums =. Ces écri-
tures sont non seulement involontaires, elles sont encore dans
les cas les plus nets totalement inconscientes, c'est-à-dire tout
à fait ignorées par la personnalité normale du médium; mais
elles sont cependant intelligentes et démontrent l'existence de
sensations, de souvenirs, de jugements parfaitement réels.
1 Revue philosophique, 1886, t. II, p. 582.
- Anesthésie systématisée et dissociation des phénomènes psycholo-
giques. (Revue philosophique, 1887, t. I, p. 450 et 1888, t. I, p. 254.)
Pour l'historique de ces études sur l'écriture automatique, cf., Autom.
psych., p, 376.
Archives, t. XXV. 28
434 REVUE GÉNÉRALE.
Enfin, dans quelques expériences étudiées surtout par les
auteurs anglais et dont nous avons pu vérifier l'exactitude, on
peut provoquer chez le sujet non plus des mouvements, mais
des hallucinations visuelles qui ont également leur origine
dans des pensées subconscientes '. Le sujet, en fixant un mor-
ceau de cristal, y verra des images, des lettres correspondantes
à des idées, à des souvenirs qu'il croyait sincèrement ne pas
posséder et qui lui apparaîtront soudainement comme des révé-
lations surnaturelles.
Cette seconde pensée existant au-dessous et en dehors de la
première n'est pas pour nous un phénomène nouveau. Il est
facile de démontrer qu'elle est étroitement liée avec la seconde
existence qui caractérisait le somnambulisme. On constate
pendant le somnambulisme le souvenir de tous ces actes en
apparence insconscients, ces actes eux-mêmes et l'écriture
automatique en particulier manifestent le souvenir complet
du somnambulisme, enfin le passage d'un de ces phénomènes
à l'autre est extrêmement facile et fréquent. On peut résumer
les faits en disant « ces actes en apparence subsconscients ne
sont pas quelque chose de distinct du somnambulisme; ils
sont le somnambulisme lui-même non plus isolé, alternant
avec la veille, mais se prolongeant sous la veille sans inter-
ruption 2. » Bien entendu, il n'est pas question ici des va-
riétés, ni des difficultés de détail, « de ces états de somnam-
bulisme variés dont chacun amène le souvenir d'un certain
nombre d'actes subconscients 3 ». Nous nous bornons à cons-
tater que cet « hémisomnambulisme », comme l'a très bien
appelé M. Ch. Richet4, est exactement de la même nature
que le somnambulisme lui-même; qu'il résulte comme lui
d'un dédoublement de la personnalité. Tous les phénomènes
psychologiques qui se produisent dans le cerveau ne sont pas
réunis dans une même perception personnelle, une partie
reste indépendante sous forme de sensation ou d'images élé-
1 Revue philosophique, 1888, t. I, p. 267. F. Myers, The subliminal
consciousness, sensory automatisrn and induced hallucinations. (Procee-
dinys of the Society forpsychical research, 1892, p. 436.)
1 Les actes inconscients et la mémoire pendant le somnambulisme.
(Revue philosophique, 1888, t. I, p, 265. Autom. psych., p. 410.)
3 Automatisme psychologique, p. 332.
` Ch. Richet. Les mouvements inconscients dans l'hommage ci Che-
vreul, 1880, p. 93.
DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 435
mentaires, ou bien s'agrège plus ou moins complètement et
tend à former un nouveau système, une personnalité indé-
pendante de la première. Ces deux personnalités ne se
bornent pas à alterner, à se succéder l'une à l'autre, elles
peuvent coexister d'une façon plus ou moins complète.
Un grand nombre d'accidents hystériques se rattachent à
ce type de l'hémisomnambulisme comme les attaques se
rattachent au type du somnambulisme. Nous avons été forcé
de reconnaître que dans beaucoup d'accidents, l'idée fixe qui
devait les provoquer et les entretenir d'après la théorie de
M. Charcot ne pouvait être exprimée par le malade, car il
l'ignorait complètement. Nous comprenons maintenant que
ces idées peuvent exister en lui bien qu'il n'en ait pas cons-
cience, et ce n'est pas là une simple supposition vraisem-
blable, c'est un fait que l'on peut démontrer cliniquement.
Combien de fois n'avons-nous pas montré que le sujet par
l'écriture automatique pendant la veille pouvait exprimer ces
idées fixes ? Plus souvent encore, nous avons constaté que le
sujet dans tel ou tel état hypnotique retrouvait complète-
ment la mémoire de ces idées fixes subsconscientes.
De semblables idées fixes, existant en dehors de la percep-
tion personnelle, jouent dans l'hystérie un rôle capital; elles
peuvent déterminer des troubles du mouvement les plus
variés, elles donnent lieu à des hypéresthésies, elles amènent
môme des hallucinations car la séparation des deux cons-
ciences est loin d'être absolue et un phénomène qui a été pro-
voqué dans l'une par toute une série d'associations d'idées peut
apparaître brusquement dans l'autre; elles peuvent troubler
et obscurcir l'esprit, provoquer les oublis les plus étranges et
même des sortes de délires. Nous avons analysé il y a quelques
années un cas de ce genre dans lequel un grand nombre
d'accidents se rattachaient à des idées fixes subconscientes.
z Il faudrait, disions-nous à ce propos, passer en revue toute
la pathologie mentale et une partie importante de la patho-
logie physique pour montrer tous les désordres psycholo-
giques et corporels que peut produire une pensée persistant
ainsi en dehors de la conscience personnelle '. » La puissance
de ces idées dépend précisément de leur isolement. Les idées
' Automatisme psychologique, 1889, p. 436. Mêmes remarques à
propos d'une autre malade sur un cas d'abolie et d'idées fixes. (Rev. phi-
losophique, 1891, t. I, p. 280.)
436 .. REVUE GÉNÉRALE.
d'un homme normal sont nombreuses et se font obstacle réci-
proquement parce qu'elles font partie de la même conscience;
mais chez les hystériques il n'en est pas ainsi, en raison de
la dissociation facile de leur unité mentale, disait M. Charcot,
^certains centres peuvent-être mis en jeu sans que les autres
régions de l'organe psychique en soient averties et prennent
part au processus D. Ces idées grandissent, a s'installent dans
l'esprit à la manière d'un parasite » et ne peuvent être arrê-
tées dans leur développement par les efforts du sujet, parce
qu'elles sont ignorées, qu'elles existent à part dans une
seconde pensée séparée de la première. Ces remarques nous
avaient conduit autrefois à considérer ces dissociations des
phénomènes psychologiques comme un caractère essentiel de
l'hystérie : « Ce fait, disions-nous, doit jouer dans cette ma-
ladie un rôle aussi capital que celui de l'association dans la
psychologie normale 2. » Un peu plus tard, nous expliquions
divers accidents de l'hystérie et en particulier les contractures
par une activité véritable du second groupe d'images séparé
de la conscience normale3 ». « Le caractère essentiel de celte
maladie de la désagrégation était la formation dans l'esprit de
deux groupes de phénomènes, l'un constituant la personnalité
ordinaire, l'autre susceptible d'ailleurs de se subdiviser formait
une personnalité anormale différente de la première et complè-
tement ignorée par elle 4. »
A la même époque, M. -Jules Janet, pour résumer les re-
cherches que nous avions faites, a publié une observation
des plus intéressantes, et il a cherché à exprimer cette nou-
velle conception de l'hystérie 5. On peut peut-être reprocher
à ce travail d'être un peu trop schématique, mais il a le grand
mérite de résumer d'une manière très nette une conception
psychologique assez délicate qui était alors très peu comprise.
« L'état incomplet de la personnalité première, dit-il, cons-
litue les tares hystériques, il permet l'action désordonnée de la
personnalité seconde, c'est-à-dire les accidents hystériques... la
1 Charcot. JIal. du syst. ner., III, p. 455.
. L'anesthésie systématisée et la dissociation des phénomènes spycho-
logiques. (Revue philosophique, 1887, t. I, 472.)
' Automatisme psychologique, 1889, p. 362.
' Ibid., 1889, p. 367.
s Jules Janet. Hystérie et hypnotisme d'après la théorie de la
double personnalité. (Revue scientifique, 1888, t. I, p. 616.)
DÉFINITIONS RÉCENTES DE L'HYSTÉRIE. 437
seconde personnalité toujours cachée derrière la première, d'au-
tant plus forte que celle-ci est plus affaiblie, profite de la moindre
occasion pour la terrasser et paraître au grand jour'. »
Un grand nombre d'études psychologiques furent faites en-
suite sur ce dédoublement mais nous ne résumons ici que les
conceptions médicales de l'hystérie. M. Laurent, dans un tra-
vail paru d'abord dans les Archives cliniques de Bordeaux 2, et
reproduit plus tard avec développement dans sa thèse de doc-
toral 3, montre le grand rôle que jouent chez l'hystérique les
états secondaires et les phénomènes subconscients, et les con-
sidère comme caractéristiques de cette maladie. Mais le travail
le plus important qui soit venu confirmer nos anciennes études
est sans contredit l'article de MM. Brener et Frend récemment
paru dans le Neurologisches centmlblatt 4. Nous sommes
très heureux que ces auteurs dans leurs recherches indé-
pendantes aient pu' avec autant de précision vérifier les
nôtres et nous les remercions de leur aimable citation. Ils
montrent par de nombreux exemples que les divers symp-
tômes de l'hystérie ne sont pas des manifestations spontanées,
idiopathiques de la maladie, mais sont en étroite connexion
avec le trauma provocateur. Les accidents les plus ordinaires
de l'hystérie, même l'hypéresthésie, les douleurs, les attaques
banales doivent être interprétés de la même manière que les
accidents de l'hystérie traumatique par la persistance d'une
idée, d'un rêve ? Le rapport entre l'idée provocatrice et l'acci-
dent peut être plus ou moins direct, mais il existe toujours. Il
faut cependant constater que souvent le malade dans son état
normal ignore cette idée provocatrice qui ne se retrouve net-
tement que pendant les périodes d'état second naturelles ou
provoquées et c'est précisément à leur isolement que ces idées
doivent leur pouvoir. Le malade est guéri, disent ces auteurs,
quand il parvient à retrouver la conscience claire de son idée
' Jules Janet, op. cil., p. 622.
s L. Laurent. De l'état mental des hystériques d'après les théories
psychologiques actuelles. (Archives cliniques de Bordeaux, septembre
1892.)
3 L. Laurent. Des états seconds, variations pathologiques du champ
de la conscience, 1892.
1 Josef Brener et Sigm. Frend in Wien. Ueber den psycheen mecha-
nismus hyslerischer Phiinornene, (Neurologisches ceratralblatt, 1893, nos 1
et 2.)
6 Brener et Frend, op. cit., Séparât abdruck, 3.
438 RECUEIL DE FAITS.
fixe. « Celte division de la conscience que l'on a constatée avec
netteté dans quelques cas célèbres de double existence existe
d'une façon rudiment aire chez toute hystérique, la disposition
à cette dissociation et en même temps à la formation d'étals de
conscience anormaux qucnous proposons de réunir sous le nom
^d'états hypnoïdes constitue le phénomène fondamental de cette
névrose 1. » Cette définition vient confirmer celles que nous
avons déjà données et qui cherchent à grouper tous les symp-
tômes de la maladie autour d'un phénomène principal le dé-
doublement de la personnalité. (A suivre.)
RECUEIL DE FAITS.
PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE.
Par le D' CHABIlERT, de Toulouse.
71édecin-consullant à Bagneres-de-Bigorrc.
Dans l'étude sur les tremblements hystériques, après avoir
analysé un certain nombre de cas de tremblements vibratoires
survenus brusquement à l'occasion d'une cause bien déter-
minée, comme une attaque convulsive, une frayeur, un trau-
matisme, etc., et avoir signalé leur persistance parfois indé-
finie, M. le professeur Pitres conclut en ces termes : « En
présence de ces faits, on peut légitimement se demander si
l'hystérie ne joue pas un rôle beaucoup plus considérable qu'on
ne l'a cru jusqu'à ce jour dans la pathogénie des tremblements
chroniques qui succèdent aux grands ébranlements psychiques.
Les auteurs classiques affirment que la paralysie agitante et le
tremblement sénile débutent quelquefois brusquement à la
suite de fortes émotions morales. Ils ont peut-être raison, mais
il ne serait pas mauvais que leur opinion fut étayée sur des
observations nouvelles, dans lesquelles l'intervention possible
de l'hystérie serait l'objet d'une attention spéciale 2. »
1 Ibid. Les auteurs ajoutent, p. 4, sans préciser que ces idées se
rapprochent aussi de celles de Benedikt. Nous regrettons de ne pas
connaître ce travail.
' A. Pitres.- Leçons cliniques sur l'hystérie et l'hypnotisme, t. I, p. 300.
PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 439
Le cas de paralysie agitante que nous publions répond, dans
une certaine mesure, aux desiderata formulés par M. Pitres.
Il établit : 1" que la paralysie agitante peut s'observer chez un
individu ayant présenté des manifestations convulsives de nature
hystérique; 2° que la paralysie agitante peut coexister avec des
stigmates hystériques parfaitement caractérisés.
Observation. Jean M...re, cinquante-six ans'.
Antécédents héréditaires. Père, cultivateur, mort à soixante-
douze ans d'une fluxion de poitrine. Homme doux, rangé, n'ayant
jamais fait de maladie sérieuse. 11 avait trois frères qui sont morts
également à un âge assez avancé.
Mère décédée à soixante-quatorze ans d'une fluxion de poitrine !
bonne santé habituelle, ni migraineuse ni coléreuse. Elle a eu six
enfants; deux sont morts, l'un à soixante ans, d'un refroidis-
sement ( ? ), l'autre à quarante-quatre ans, des suites de couches ; les
quatre survivants ont soixante-quatorze, soixante-quatre, cin-
quante-neuf et cinquante-six ans ; les trois plus âgés sont bien por-
tants, le quatrième fait l'objet de cette observation.
Les grands parents ont vécu jusqu'à quatre-vingts, quatre-vingt-
deux ans. Chez eux, comme chez les collatéraux, on ne trouve pas
trace d'affection nerveuse ou diathésique quelconque. Mention-
nons, toutefois, que l'un des frères du malade a eu un de ses
fils réformé pour accès de C[ haut mal », survenus à la suite d'une
peur.
Antécédents personnels et histoire de la maladie. M... n'a pré-
senté dans son jeune âge ni convulsions, ni fièvre éruptive; fré-
quentant très peu l'école, il sait à peine lire et écrire; son enfance
s'est écoulée à garder les bestiaux ou aux travaux des champs. Mis
en apprentissage à quinze ans, chez un menuisier, sa jeunesse a
été paisible, sans excès d'aucune sorte; il a été exempt du service
militaire pour varicocèle, s'est établi à vingt-trois ans et marié à
trente-trois. Il a eu cinq enfants : trois garçons et deux filles, tous
en bonne santé, âgés actuellement de vingt-trois, dix-neuf, seize,
quatorze et cinq ans et demi. Au point de vue moral, il s'est
montré toujours bon, affectueux, mais très impressionnable;
la moindre réprimande, même de ses parents, le mettait en pleurs.
Dans les antécédents, on relève une attaque convulsive à vingt
ans et une fièvre typhoïde à vingt-deux ans. L'attaque convulsive
se serait produite dans les circonstances suivantes : M... avait passé
la soirée dans une maison amie, à quelques kilomètres de l'habi-
' Qu'il nous soit permis d'adresser ici nos remerciements à notre ex-
cellent confrère et am, M. le Dr Lairorue, de Bagnères-de-Bigorre, grâce
à l'obligeance duquel nous avons pu observer cet intéressant malade.
440 RECUEIL DE FAITS.
tation de sa famille, où il avait beaucoup chanté; il possédait,
dit-il, une très belle voix; -rentrant chez lui vers minuit et demi,
par une nuit très froide, il continue à chanter de plus belle, et
avec tant de coeur, qu'en vue de son domicile, n'ayant pas ter-
miné sa romance, il s'assied au bord de la route, sur une borne,
pour en dire les derniers couplets. Enfin, il franchit le seuil de la
' porte, monte à sa chambre, se couche. Il était au lit depuis un
moment, lorsqu'il se sent mal à l'aise, ressent quelque chose qui
le presse au cou, l'étouffe, devient raide et se met à se débattre.
Un de ses frères, couché dans la même pièce, accourt, appelle la
famille et, difficilement, quatre personnes le peuvent contenir. La
crise dura environ un quart d'heure. Malgré le temps écoule de-
puis, M... affirme qu'il ne perdit pas connaissance : il voyait tout
ce qui se passait autour de lui, entendait tout ce qui se disait, mais
il ne pouvait parler. A deux reprises, il put s'écrier seulement :
a Laissez-moi ! laissez-moi ! » car, fait-il observer, ses parents en le
maintenant et le frictionnant, lui faisaient plus de mal que de
bien. Il affirme encore qu'il n'avait pas pris la moindre boisson,
que, durant la crise, il n'a pas uriné sous lui ni ne s'est mordu la
langue. Après l'attaque, il s'endormit facilement ; le lendemain, au
lever, se trouvant tout courbaturé, on fit appeler le médecin qui
lui pratiqua une saignée.
Au sujet de sa fièvre typhoïde, M... raconte qu'il fut très grave-
ment malade et très long à se rétablir : il serait resté près de quatre
mois ne pouvant marcher sans l'aide de bâtons.
De 1859 à 1880, santé parfaite. A cette dernière date, possédant
quelques économies, M... se rend acquéreur d'une petite propriété
qu'il ne paie qu'en partie, mais avec l'espoir de se libérer bientôt,
escomptant à l'avance les bénéfices que lui donnait sa profession.
Malheureusement, le travail se ralentit, et de ce côté, il est complè-
tement déçu. Préoccupé par les engagement qu'il a contractés,
son caractère alors se modifie ; il devient triste, taciturne, les di-
gestions se font mal, les nuits sont mauvaises. Ce que voyant, sa
femme et ses deux fils aînés prennent le parti de se rendre en Amé-
rique tenter fortune (octobre 1887). Il consent à cette séparation,
non sans une vive douleur; mais, une fois accomplie, le découra-
gement s'empare de lui; il est sans le moindre entrain, et les nou-
velles peu rassurantes qu'il reçoit ne font qu'aggraver son état;
aussi souvent « se trouvet-il à pleurer ».
C'est dans cette situation d'esprit (mars 1889) qu'il est pris d'un
refroidissement ( ? ) qui lui tient la tête et le membre supérieur
gauche. Il ne peut incliner la tête de ce côté, se sert très difficile-
ment de son bras. Au bout de deux mois de souffrances, il semble
se produire une légère amélioration ; néanmoins, les mouvements
du bras sont toujours très gênés; il existe un peu d'endolorissement
et la fatigue arrive de suite.
PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 441
Jusqu'en septembre, alternatives de bien et de mal, quand, à
cette date un nouveau malheur le frappe; une nuit il est réveillé
par les cris : « au feu A, voit sa maison en flammes et réussit à
grand'peine à se sauver. Le malheur était d'autant plus considé-
rable que nulle assurance ne couvrait le sinistre. Quelques jours
après, M... s'aperçoit qu'il tremble de lamain gauche. Dans la suite, z
le tremblement a envahi le bras, puis lajambe du même côté ; le
tronc s'est infléchi en avant; la tête est devenue immobile, la face a
revêtu un aspect tout spécial.
La thérapeutique suivie a consisté dans l'emploi des prépara-
tions bromurées, dans l'application de vésicatoires et de pointes de
feu le long de la colonne vertébrale. Une première fois, on a fait
quatre-vingt-douze cautérisations ; une autre fois, soixante-douze.
Particularité à noter; après chaque application des pointes de feu,
la gêne des mouvements s'est accusée davantage.
Fig. 51.
Reproduction d'un crcquis dû il I hulule crayon de notre confrère
AI. le D' Lalïorâue.
442 RECUEIL DE FAITS.
Etat actuel. Ce qui frappe tout d'abord chez le malade, c'est son
faciès, son attitude et les mouvements dont le bras gauche est agité.
Les yeux fixes, grands ouverts, les sourcils relevés, le front par-
couru de rides, les lèvres pincées, les sillons naso-géniens en
partie effacés, on croirait voir un masque où serait peint l'étonne-
ment (fig. 1). A un examen plus attentif, on reconnaît cependant
que l'harmonie des traits n'est pas absolue ; l'oeil gauche est un
peu'plus ouvert que le droit; le pincement des lèvres n'est pas uni-
forme ; tandis qu'à droite elles sont fortement appliquées l'une
contre l'autre, à gauche, elles sont légèrement entr'ouvertes. En
outre, soit au repos, soit pendant le parler, on note par moments
de légères contractions en rapport avec le muscle grand zygo-
matique. Mais ces détails ne modifient nullement la physionomie
du malade, qui reste impénétrable et que le rire ne parvient pas à
dérider.
L'altitude est non moins caractéristique : le haut du tronc infléchi
enrayant, la tête comme soudée sur les épaules, on dirait un auto-
Fig. 52.
Reproduction d'un croquis fait par M. le D' Lafforâue.
PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 443
mate. La tête, néanmoins, peut exécuter encore quelques légers
mouvements de latéralité ; très limités à droite, ils sont à peu près
nuls à gauche. Dans la position assise (fig. 2), les bras légèrement
fléchis, les coudes un peu déjetés en dehors, reposent le plus habi-
tuellement sur les cuisses par la face palmaire des mains dont le
bord interne est incliné sur le cubilus. Les membres inférieurs
fléchis à angle droit, modérément écartés, appuient sur le sol par
toute la surface plantaire. Debout, les membres supérieurs occu-
pent la même position que précédemment, mais les mains repo-
sent sur les parties latérales du tronc ou bien sont appliquées l'une
sur l'autre contre l'épigastre. Quelle que soit la position occupée, les
doigts en extension sont légèrement fléchis, rapprochés les uns des
autres, le pouce en opposition, soit sur le bord externe de l'indica-
teur, soit contre sa face palmaire. Cette disposition des mains de
reposer constamment par leur face palmaire, est cause de la diffé-
Fig. 53.
Instantané. - Le malade en marche.
444 Il. RECUEIL DE FAITS.
rence de coloration que l'on observe : tandis que la face dor-
sale est fortement hâlée le malade passe sa vie au grand air
la face palmaire est d'un blanc livide. Les membres inférieurs pré-
sentent une légère flexion de la cuisse sur le bassin et de la
jambe sur la cuisse ; par rapport à leur écartement, ils sont dans
une situation à peu près normale. Pendant la marche, on ne relève
aucune modification ; elle s'accomplit lentement, tout d'une pièce
(fig. 3), mais avec une grande régularité, les yeux ouverts ou fer-
més, et le changement de direction s'effectue sans hésitation ni
perte d'équilibre. Elle n'est pas plus précipitée à un moment qu'à
un autre : si on tire le malade par derrière ou sur les côtés, il n'y
a pas de rétropulsion ou de latéropulsion : d'ailleurs M... descend et
gravit les marches de l'escalier avec la plus grande facilité, sans le
secours de la rampe.
Le tremblement occupe principalement le membre supérieur
gauche, où il est surtout prononcé à la main; pour les autres
membres, on ne l'observe que lorsque le malade est fatigué ou
émotionné. Même dans ces conditions il reste beaucoup plus mar-
qué à gauche (fig. 4, 5, 6), car c'est à peine s'il est dessiné pour la
Fac-similé de l'écriture tracée de la main droite. Le tremblement
en est peu marqué, c'est plutôt de l'hésitation dans la formation des
lettres.
Fac-similé de l'écriture tracée de la main gauche. Le tremblement est
ici très net. La figure 5, répond à l'état du malade, lors de son arrivée
à Bigorre, la ligure 6 au moment du départ. De la main gauche, le
malade écrit de droite à gauche.
main droite et fait défaut dans le membre inférieur du même côté.
Etudié à la main, il consiste en des mouvements alternatifs de
flexion et d'extension combinés avec de légers mouvements de laté-
ralité. Les premiers portent sur les doigts qui semblent « filer la
laine »; les seconds occupent la main dans son ensemble. Ce sont
des oscillations peu étendues, parfaitement rythmées dont le
nombre varie de 5 à 8 par seconde. Augmentant d'amplitude avec
l'émotion, ils persistent le plus souvent au repos. Dans l'accomplis-
sement des actes intentionnels, ils diminuent sensiblement d'éten-
due et paraissent cesser complètement si, par exemple, le maladu
Fig. 51. .
Fig. 55.
Fig, 56.
PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 445
tient sa main fortement appliquée contre le genou. La langue
prend part aussi au tremblement; retirée hors de la bouche, comme
à l'intérieur de la cavité buccale, elle est agitée d'oscillations.
En outre de ces phénomènes qui attirent l'attention, M... signale
les particularités suivantes : depuis quelque temps, ses jointures ne
jouent plus comme parle passé; actuellement, il lui est impossible
de porter la main gauche sur la tète; il éprouve une grande diffi-
culté pour se vêtir; assis, il a de la peine à se mettre dans la station
debout. Néanmoins, les différentes articulations ne présentent pas
signe d'une lésion quelconque; seulement si on cherche à les mou-
voir, on constate une certaine résistance.
Comme troubles subjectifs il y a lieu de relever une sensation de
froid très caractérisée, car le malade, malgré la température élevée
est chaudement vêtu; elle est limitée exclusivement au côté droit;
de ce même côté, il accuse de l'endolorissement qui est très prononcé
à la partie postéro-latérale du cou et au membre supérieur. Il se
plaint encore d'une fatigue générale, de bruits dans la tête qu'il
compare au a cri-cri » non interrompu du grillon', de tiraillements
dans tout le corps, mais plus particulièrement au niveau des pau-
pières et de l'orifice buccal. On croirait, dit-il que quelqu'un me
tire les paupières par-dessus la tête et me tient le poing appliqué
sous le menton. Les paupières, en effet, se ferment à de longs in-
tervalles : il s'écoule plus d'une minute entre deux occlusions con-
sécutives; si on veut maintenir leurs bords appliqués l'un contre
l'autre, on éprouve la sensation d'une résistance à vaincre ; de
même, si le malade, par un effort de volonté, les tient quelques
secondes abaissées, on voit leurs bords libres animés de mouve-
ments convulsifs. Pour l'orifice buccal, le resserrement est tel qu'il
imprime à la parole un cachet spécial : les mots sont prononcés
entre les dents et sur un timbre pleurard qui rappelle les pate-
nôtres de certains mendiants. En raison de cette gêne, il s'écoule
toujours un temps appréciable entre la demande la plus naturelle
et la réponse la plus simple ; en second lieu, taudis que les pre-
miers mots sont émis lentement, les suivants le sont avec volubi-
lité, au point que l'oreille les saisit difficilement. Mais il convient
' Le terme cri-cri employé par le malade pour qualifier le bruit qu'il
ressent dans la tête, mérite d'être retenu, car il dépeint, sous une forme
très juste et très pittoresque, le phénomène auquel il est lié. Les recherches
microphoniques de Boude,. de Pans, Brissaud et Regnard ont établi
que le muscle qui se contracte normalement donne lieu à un bruit de
roulement régulier (bruit rotatoire), tandis que le muscle contracture pro-
duit un bruit irrégulier, scandé. Or, chez M..., le sterno-mastoidien et le
trapèze se trouvant contractures, il est tout naturel que le bruit scandé,
irrégulier, fût transmis et perçu par les organes centraux de l'audition,
étant donné les insertions supérieures de ces muscles à l'apophyse mastoïde
et à la ligne occipitale supérieure.
446 RECUEIL DE FAITS.
de faire observer que le débit précipité est volontaire et motivé pour
obvier à la fatigue qu'entraîne J'écartement des lèvres; car, si on
dit au malade de parler lentement et d'articuler nettement, il le
peut très bien. Enfin, le sommeil est long à venir et de courte durée.
Cependant M... voit arriver la nuit avec plaisir; dès que ses yeux
sont soustraits à l'action-de la lumière, il ressent un bien-être indé-
finissable. Du reste, tous les phénomènes sont quelque peu amen-
dés par le repos. Ainsi, le matin, dans les premières heures qui sui-
vent le lever,le tremblement est moins accusé,la paroleplus facile,
les mouvements plus libres.
Examen du malade. - Homme de taille moyenne, mise soigneuse,
presque coquette, d'une propreté irréprochable, ce qui frappe chez
un campagnard. Mémoire conservée, idées lucides, compréhen-
sion facile. Absence de tissu adipeux, musculature normalement t
développée. Force musculaire sensiblement diminuée; à droite,
l'aiguille du dynamomètre marque 33 ; à gauche, 35. La mensura-
tion fournit les résultats suivants : -.
PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 447
mais il y a de la dyschromatopsie pour le violet, le vert, et le champ
visuel est rétréci dans les différents méridiens. Le goût est conservé,
l'odorat est obnubilé des deux côtés : les odeurs comme le benjoin,
l'eau de Cologne, ne sont pas perçues ; l'éther impressionne quel-
que peu la membrane pituitaire, mais n'est pas reconnu; l'ammo-
niaque ne produit pas de sensation désagréable. Le chatouille-
ment de la muqueuse nasale provoque l'éternuement. L'ouie présente
les particularités suivantes : à droite, le tic tac de la montre est
perçu à la distance de 8 à 10 centimètres; à gauche, c'est à peine
s'il est entendu à 2 centimètres. Le diapason en vibration, appliqué
sur l'apophyse mastoïde, impressionne l'oreille, et, alors que les
vibrations ne sont plus perçues, elles sont entendues à nouveau si
l'instrument est mis en regard du pavillon.
Le coeur, lespoumons fonctionnent régulièrement; pouls,80. Tem-
pérature prise sous la langue, 37°3. Placé sur les diverses régions du
corps le thermomètre accuse de^ différences très minimes, mais qui
dénotent une légère diminution de température du côté droit,
bien que la coloration du tégument soit la même des deux côtés.
L'examen des urines n'a révélé ni sucre, ni albumine; leur ana-
lyse' a donné pour 1,000 centimètres cuhes :
448 RECUEIL DE FAITS.
fatigue de tous les instants; les seuls absents sont la sensation
de chaleur qui n'a jamais existé et se trouve remplacée par
une sensation de froid, et les phénomènes de propulsion, de
rétropulsion. Par rapport à l'âge, aux causes, l'affection s'est
déclarée à cinquante-trois ans, à la suite de chagrins, d'une
' émotion vive; son début a été marqué par des douleurs consi-
dérées rhumatismales, mais qui, selon toute vraisemblance,
doivent être rapportées à la contracture déjà en voie de déve-
loppement ; chez le malade, en effet, la rigidité a précédé le
tremblement. Donc, au point de vue des symptômes réputés
propres à la paralysie agitante, le cas est des plus classiques,
l'on est en présence de la forme vulgaire de la maladie où
sont représentées, à des degrés divers, les deux variétés trépi-
dante et convulsive, avec envahissement progressif.
Mais, à côté de ces symptômes d'observation courante, il en
est d'insolites sur lesquels doit porter maintenant notre exa-
men. D'une part, nous relevons des phénomènes de réflectibi-
lité accrue que trahissent l'exagération du réflexe rotulien, du
réflexe massétérin et la trépidation épileptoide ; d'autre part,
ce sont des stigmates hystériques bien définis : le rétrécisse-
ment concentrique du champ visuel =, la dyschromatopsie,
' Le réflexe massétérin aurait été seulement constaté jusqu'ici dans la
sclérose latérale amyotrophique, dans un cas de lésion organique bulbo-
protubérantielle et dans le spasme hystérique. (De Wateville, in Archives
de Neurologie, vol. XX, p. 72.)
- Le rétrécissement du champ visuel est un stigmate d'une très grande
Fig. 57.
Rétrécissement. Champ visuel de Joseph G...
PARALYSIE AGITANTE ET HYSTÉRIE. 449
l'obnubilation de l'odorat, de l'ouïe. Les premiers accom-
pagnent la lésion du faisceau pyramidal ou manifestent l'alté-
ration dynamique des éléments ganglionnaires de l'axe céré-
bro-spinal, tandis que les seconds appartiennent uniquement
à ce dernier ordre de causes. L'hypothèse d'une lésion des
cordons latéraux doit être écartée d'emblée, car on n'a cons-
taté ni ictus apoplectique, ni paralysie motrice ; aussi, pouvons-
nous considérer les uns et les autres comme l'expression d'une
altération purement fonctionnelle, et les rattacher bien plus
naturellement à l'hystérie dans laquelle l'hyperexcitabilité
spinale joue un rôle si considérable. Du reste, l'hystérie est
ici confirmée par les antécédents du malade, car on ne saurait
rapporter à aucune autre affection la crise convulsive qu'il a
valeur dans le diagnostic de l'hystérie. Nous aurions voulu reproduire
celui de M..., mais, à l'époque où a porté notré examen, il ne nous était
pas possible de recourir à un spécialiste; aussi, le rétrécissement a été
constaté par les moyens usités en clinique. Toutefois, dans le moment,
grâce à l'obligeance de notre confrère et ami, M. le Dr Olivier, nous obser-
vons un autre cas de paralysie agitante où l'examen campimétrique pra-
tiqué par M. le D Rolland, médecin-oculiste, très compétent en ces ma-
tières, a révélé les modifications suivantes : 0. D. V. =2/3; 0. G.V. = 1/2,
rétrécissement concentrique surtout prononcé à gauche (fig. VII), dys-
chromatopsie pour le violet, le vert; le rouge est reconnu avant le bleu.
Voici, du reste, résumée en quelques mots, l'observation de ce malade :
Joseph G...., soixante-quatre ans, ouvrier cordonnier. Depuis un an et
demi, se plaint d'une grande fatigue et d'une gêne très marquée dans les
mouvements; il y a quelques mois, s'est aperçu que la main droite trem-
blait lorsqu'il était,émotionné. Pas d'antécédents héréditaires, n'ajamais fait
de maladie, ni présenté d'accidents de nature convulsive, a habité long-
temps un rez-de-chaussée humide. Comme cause dépressive, accuse la
misère dans laquelle il se trouve depuis quatre à cinq ans, par suite du
manque de travail.
Exanien du malade. - Tète quelque peu soudée aux épaules; facies
Parkinsimnien et attitude en flexion encore peu marqués; parole, mouve-
ments lents; pas de propulsion ou de rétropulsion, mais, en marche,
G.... se sent comme entraîné en avant. Assis, les membres supérieurs
reposent sur les cuisses, les mains en pronation. Le tremblement est
limité au côté droit; manifeste pour le pied, il est très peu accusé à la
main et ne se produit que si le malade est émotionné. En plus des
troubles de la fonction visuelle, on note : réflexe pharyngien aboli; dimi-
nution de l'acuité auditive et du sens de l'olfaction, surtout prononcée à
gauche; le goût est obnubilé; réflexes rotuliens et des fléchisseurs de la
main exagérés. En somme, cas vulgaire de paralysie agitante en voie de
développement, dont tout l'intérêt réside dans l'âge auquel l'affection a
débuté, dans la manifestation du tremblement tout d'abord au pied
droit, bien qup, le malade ne s'en soit pas aperçu,, dans la présence de
troubles sensoriels et dans l'exagération des réflexes^ tendineux...
Archives, t. XXV. 29
450 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
présentée dans sa jeunesse; les circonstances qui l'ont précé-
dée, les particularités qu'elle a offertes plaident en ce sens.
Par suite, on est amené à se demander si, dans ce complexus
symptomatique, il y a simplement superposition de deux
névroses, ou bien si l'hystérie et la paralysie agitante ne sont ? en réalité qu'une seule et même maladie.
La coexistence de deux névroses n'est pas chose exception-
nelle, aussi, une conception de cette nature ne sortirait pas
des idées reçues en pathologie nerveuse. Toutefois, on ne peut
s'empêcher de reconnaitre que les symptômes ressortissant à
l'hystérie et à la paralysie agitante, si l'on en excepte la rigi-
dité musculaire, sont loin d'offrir entre eux des caractères bien
tranchés ; que les deux névroses se réclament des mêmes
causes, débutent assez souvent brusquement; que, dans notre
cas, l'hystérie a précédé l'explosion des symptômes parking
sonniens ; de plus, que quelques-uns de ses stigmates habi-
tuels ont coexisté avec les signes essentiels de la paralysie
agitante. Or, toutes ces particularités ne signifient-elles pas
que les deux névroses sont très voisines l'une de l'autre, sinon
des manifestations d'une même névrose primordiale dont les
modalités sont régies par l'âge des malades ? En l'état de nos
connaissances, il serait téméraire de conclure ; ce n'est pas
d'ailleurs sur un cas isolé qu'il est permis d'asseoir une opi-
nion ; rappelons simplement que l'étude de l'hystérie sénile
est à peine ébauchée, mais qu'elle se complétera sans doute
dans un avenir prochain par l'analyse de nouveaux cas.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
I. SUR l'action sédative ET HYPNOTIQUE DE ! la DUBOISINE dans LES
maladies mentales; parle Dr BELMONDO. (Riv. p. di (l'en.) t. XVIII,
fasc 1, 1892.)
Le sulfate de duboisine, administré par la voie hypodermique,
est un excellent sédatif, recommandable surtout chez les femmes,
dans tous les états d'excitation psychique ou motrice accompagnant
diverses- formes de maladies mentales. Comme telle, on doit la pré-
REVUE DE thérapeutique. 451
férer de beaucoup à J'hyosciamine et à l'hyoscine dont elle n'a pas
les inconvénients lorsqu'on l'emploie à doses peu élevées. De plus,
c'est un excellent hypnotique, supérieur dans beaucoup de cas au
chloral et à ses succédanés sur lequel il a l'avantage de ne rester
presque jamais sans effet. Dans beaucoup de cas, la duboisine
semble calmer immédiatement le désordre des idées et des actes
comme dans.la manie aiguë. Dans les formes de manie chronique,
dans les états d'agitation, aux arrêts de développement ou à la
démence secondaire, elle a le grand avantage de pouvoir être ad-
ministrée assez longtemps sans accoutumance et aussi sans danger.
La dose suffisante pour obtenir le maximum d'action est pour l'au-
teur au-de ? sous de celle qui a été indiquée parles observateurs des
pays du Nord. La dose maxima pour les premières injections est de
1 milligramme que l'on élève progressivement à mesure que le ma-
lade s'y habitue, jusqu'à 15 uu 16 décimilligrammes, dose qu'il est
périlleux de dépasser; sinon l'on provoque des accidents du côté de
l'estomac et sans avoir d'un autre côté des résultats plus favorables
au point de vue de la sédation ou du sommeil. Dans la majeure
partie des cas, la dose minima de 5 à 6 décimilligrarnmes surtout
les premières fois, suffit pour provoquer un effet sédatif suffi-
sant. J. Séglas.
II. DE la trépanation dans la paralysie générale;
par le Dr MAGNER.
11 existe, dans la paralysie générale une quantité anormale de
liquide dans l'espace sous-arachnoïdien et cela dès les premières
phases de la maladie. Il est permis de se demander si le processus
morbide et les troubles fonctionnels ne sont pas aggravés par la
pression du liquide sur les circonvolutions sous-jacentes.
Allant plus loin, le Dr Schaw admet que l'enlèvement d'une
partie du liquide ne doit être suivi que d'une expansion de la matière
cérébrale telle que l'afflux sanguin se faisant librement, la nutri-
tion puisse être modifiée, améliorée, de telle sorte que les progrès
de cette terrible maladie soient arrêtés en tout ou en partie.
Dans les trois cas de trépanation, dont un personnel, relatés par
l'auteur, l'opération indiquée dans ces cas par des troubles de la
motilité des membres, a été suivie d'une amélioration sensible
presque immédiate. Chez un des malades, dément, gâteux, paraly-
tique général à la troisième période, il y eut pendant deux mois
une amélioration très marquée de l'état mental en même temps
que les troubles de la motilité avaient disparu.
Un autre des malades sortit de l'asile quelques mois après l'opé-
ration avec la mention guéri : les troubles de la parole, de la mé-
moire et des céphalalgies violentes avaient complètement dis-
paru.
452 revue DE thérapeutique.
De ces trois cas heureux, l'auteur conclut à l'opportunité de la
trépanation dans la paralysie générale, et pense qu'au moyen de
cette méthode de traitement, si elle est employée de bonne heure,
on pourra dans quelques cas arrêter les progrès de la maladie et
donner aux malades des mois et peut-être des années d'une vie
utile. (American journal of insanity, 1890-91.) 1;. B.
III. Traitement de l'hématome DE L'OREILLE; parle
Dr SMITH Williams.
L'opinion la plus courante sur le mode de production de l'héma-
tome de l'oreille est que cet épanchement de sang est consécutif à
un traumatisme, quelquefois fort léger, mais ce traumatisme n'a
déterminé l'épanchement sanguin que grâce à une modification
des tissus de l'oreille. 1
Abandonné à lui-même, l'hématome guérit la plupart du temps,
soit que la peau distendue ait subi un nouveau traumatisme qui dé-
termine l'évacuation du contenu de la tumeur, soit que l'épanche-
ment se résorbe de lui-même; mais, dans tous les cas, il persiste
une déformation considérable'de l'oreille grâce à la formation d'un
tissu cicatriciel fibreux ou cartilagineux.
Les différents traitements appliqués à l'hématome de l'oreille,
lorsque ce dernier est arrivé à tout son développement (vésica-
toires, ouverture), n'ont pas donné de résultat satisfaisant; aussi,
beaucoup de médecins sont arrivés à cette conclusion à laquelle se
rattache pleinement l'auteur, que la non-intervention est la meil-
leure conduite à tenir en face d'un hématome de l'oreille arrivé à
son développement. Mais un traitement appliqué au début, en
empêchant l'hématome de se développer, empêche aussi la for-
mation de la cicatrice vicieuse. Le traitement préconisé par l'au-
teur est donc une sorte de traitement abortif : si l'épanchement se
produit, c'est grâce à une pression s'exerçant de dedans en dehors
(pression sanguine) ; le traitement rationnel de l'auteur consiste à
combattre cette pression par une autre pression contraire s'exer-
çant de dehors en dedans et pour arriver à ce but, il suffit d'étendre
sur toute la surface interne de l'oreille plusieurs couches de collo-
dion élastique. Après dix ou quinze jours d'une telle compression,
non seulement l'hématome a disparu, mais encore il ne se repro-
duit pas.
L'auteur, avec cette méthode bien appliquée, n'aurait pas encore
rencontré d'insuccès. (American journal of insanily, 1892.) E. B.
IV. La contrainte corporelle dans le traitement DE la folie ;
. par le Dr W. 1'oncesTEn.
Les aliénistes, les neurologistes et en général les praticiens, ne
s'entendent pas sur le traitement de la folie. Dans un article du
REVUE DE thérapeutique. 453
Médico-légal journal, Charles Bell relève ce fait que d'une part un
grand nombre de directeurs d'asiles condamnent absolument l'em-
ploi des moyens de coercition, et d'autre part quelques aliénistes
croient ces moyens non seulement recommandables, mais néces-
saires. L'auteur de cet article, le Dr Worcester, nous fait connaître les
conclusions auxquelles l'a amené une pratique de quatorze années :
1° Les maisons d'aliénés peuvent obtenir de grands succès mé-
dicaux sans employer aucune contrainte corporelle; 2° dans la
grande majorité des cas où cette contrainte était regardée unani-
mement comme nécessaire, l'expérience a montré qu'elle pouvait
être remplacée par bien d'autres moyens : l'occupation, la dis-
traction, l'éloignement des causes d'excitation associés à la pa-
tience et à la prudence des gardiens, peuvent donner de meilleurs
résultats contre la violence des malades que les courroies et les
camisoles de force; 3° dans un petit nombre de cas cependant, les
mesures de douceur sont infructueuses, tel est l'épileptique atteint
de fureur et dans ces cas, il faut employer la contrainte corporelle,
la réclusion et les sédatifs.
En 1882, les premiers. effets dans cette voie étaient tentés, les
actes de violence, loin de devenir plus fréquents, sont [devenus
plus rares et on a vu des malades, rangés parmi les plus violents,
devenir de bons travailleurs. Pourtant, dans quelques cas, cette
règle de conduite n'a amené aucun résultat et l'auteur nous fait
passer en revue les cas où il a échoué.
Actes de violence et de destruction. Une femme âgée ayant des
instincts de destruction est restée absolument indifférente à tous
moyens de coercition. Mais d'autres malades ont été calmés. C'est
ainsi qu'une jeune femme ayant des instincts homicides fut ra-
menée à la douceur par l'emploi d'un manchon, qu'un épilep-
tique menacé d'une pareille mesure céda à cette discipline, et
qu'une malade refusant de s'habiller ne recommença plus jamais,
après quelques jours de camisole.
Habitudes malpropres. Tous les aliénistes ont eu des malades
ayant le passion de barbouiller leurs personnes ou leurs chambres
avec leurs excréments. L'auteur cite le cas d'un homme auquel nul
moyen n'avait réussi et qui se corrigea après sa mise en cellule.
Une femme atteinte de manie chronique changea ses habitudes de
malpropreté après une semaine de camisole. Nulle autre méthode
.qne la force n'aurait amené un pareil résultat.
La coercition dans la sécurité des malades. Dans l'article de
M. Bell, que nous citons plus haut, se trouve une lettre du Dl' Tour-
tellot, disant que « les plus grands abus existant dans les asiles,
sont les mauvais traitements infligés aux malades par leurs gar-
diens pour assurer leur tranquillité ». Il y a là, assurément, une
part de vérité.
454 REVUE DE thérapeutique.
Mais quand la patience a été inutile et que les gardiens sont
soumis chaque jour à des brutalités, les punitions corporelles, tout
en étant un mal défendu, sont un mal nécessaire. Beaucoup d'a-
gités n'ont pu être calmés ni par la patience, ni par le changement
de leurs gardiens, et ont dû être l'objet de mesures coercitives.
Avantages comparés de l'emploi ou du non-emploi des moyens de
contrainte. Il y a des cas, rares cependant, où la folie ne peul
ètre réprimée que par la coercition, c'est-à-dire la contrainte
physique, la réclusion et l'administration de sédatifs. Tous ces
moyens ont leur valeur propre et présentent comparativement les
uns aux autres des avantages et des inconvénients. La réclusion a
l'avantage d'éloigner le malade des causes extérieures d'agitation,
mais elle a le grand inconvénient de le laisser tout entier à ses
idées morbides. Les malades qui sont continuellement renfermés
sont portés à la méchanceté et à la violence. L'emploi des narco-
tiques est peu recommandable pour l'auteur, car il n'a pu obtenir
de succès sans constater, en même temps, des phénomènes d'in-
toxication. (Ame1'Ïcun journal of insanity, 1892.) E. B.
V. LE BICHLORURE D'OR dans LE traitement DE l'ivrognerie ,
. par le Dr Bannister.
Un praticien, jusqu'ici [inconnu, acquiert, en ce moment, une
grande renommée dans l'Iliiiiois en se donnant comme l'inven-
teur d'un remède infaillible contre l'ivrognerie. Le remède, tenu
secret, doit contenir du chlorure d'or et de soude, du nitrate de
strychnine et quelques médicaments mydriatiques, comme l'atro-
pine ou l'hyoscine. Le nombre des malades traités est considérable,
et l'effet du remède sur le syslème nerveux consiste en une dimi-
nution de la vision, la perte de la mémoire et une abolition tem-
poraire du pouvoir sexuel.
L'auteur ne doute pas qu'il y ait de réels succès, mais il les attri-
bue en grande partie à la suggestion. Les malades s'influencent,
en effet, les uns les autres, et le plus grand nombre viennent se
faire traiter avec l'espérance de perdre leurs mauvaises habitudes.
Ils éprouvent une excitation mentale très marquée, comparable il
celle que produit l'intoxication par le bicblorure d'or. L'inventeur
prétend qu'il guérit 95 p. 100 des ivrognes, mais, comme la période
de traitement dure quatre semaines et que les malades viennent
de différents pays et y retournent ensuite, il est difficile, pour ne
pas uire impossible, de les suivre et de constater la guérison
radicale.
l'our s'enquérir de l'efficacité du remède, il faudrait comparer
les résultais obtenus par le bichlorure d'or avec ceux obtenus par
tous les cliniciens, car le monde est plein d'ivrognes qui ont perdu
leurs mauvais défauts par la seule force de leur volonté. Le bon
REVUE DE thérapeutique. 455
résultat qu'obtient l'inventeur est dû au secret dont il entoure sa
méthode.
Le traitement a un fort mauvais côté, pour l'auteur, celui de
diminuer dans l'esprit public la valeur de l'influence morale, en
faisant croire que l'ivrognerie peut céder à la thérapeutique.
La force de volonté est, cependant, le plus important facteur du
traitement, et c'est là le seul remède de l'intempérance. (American
journal of insanity, 1892.) E. B.
VI. Observation D'UN cas d'épilepsie avec ligature DE l'artère
vertébrale; par Telford-Smitu. (The Journal of Mental Science,
octobre 1890.)
On se souvient qu'il y a quelques années, la ligature de l'artère
vertébrale fut préconisée dans le traitement de l'épilepsie et parut
d'abord donner quelques résultats heureux ; mais on ne tarda pas
à s'apercevoir que les améliorations ainsi obtenues étaient de courte
durée, et que le bénéfice acquis n'était pas proportionnel à la gra-
vité de l'opération. Le cas dont il s'agit ici est un de ceux où cette
amélioration a été particulièrement longue, car les attaques sont res-
tées sans se produire pendant près de quatre ans : ces quatre années
avaient été utilement employées au relèvementinlellectuel du ma-
lade ; malheureusement la réapparition des attaques a renversé l'é-
difice mental et intellectuel si laborieusement restauré. R. M.-C.
VII. Usage ET abus de l'hyoscine, par Lionel Weatiierly. (The
Journal of Mental Science. Juillet 1891.)
L'auteur conclut de ses expériences que l'hyoscine est un médi-
cament dangereux, dont le maniement, soit par la voie stomacale,
soit par la voie hypodermique, demande une prudence attentive,
mais qui peut, dans certains cas d'aliénation mentale ou d'affec-
tions nerveuses, rendre des services signalés. Il faut surtout redou-
bler de prudence chez les cardiaques. Mais dans l'agitation nerveuse,
dans l'excitation surtout motrice, dans l'insomnie, dans la période
d'exaltation de la folie circulaire, dans la paralysie générale,
l'hyoscine rend, lorsqu'elle est bien maniée, 'd'incomparables ser-
vices, ainsi que dans le delirium tremens et dans les cas de sclé-
rose disséminée avec tremblement très accusé. Dans les cas d'hys-
térie avec hallucinations, elle a paru plutôt nuisible; dans la
dépression mentale, elle est sans effet. On la trouvera utile, au
contraire, dans le tremblement de la paralysie agitante et dans
l'alcoolisme chronique.
L'abus du médicament commencerait dansle cas où l'on emploie-
raitsans précautions suffisantes un médicament aussi dangereux,
et surtout dans le cas où on l'emploierait hors de propos, car il faut
bien savoir que, dans certains cas, le danger est réel. R. M.-C.
456 REVUE DE thérapeutique.
VIII, QUELQUES remarques SUR l'emploi DU SULFONAL comme agent
sédatif ET hypnotique; par J. CAIILYLE-JOIiNSTOVE. (The Journal of
Mental Science, janvier 1892.)
- Les conclusions de ce travail sont les suivantes : .
1° A doses convenablement réglées, le sulfonal est un hypnotique
efficace, et par comparaison avec les autres narcotiques, son action
est assez certaine et assez constante; le sommeil qu'il provoque est
naturel, calme et non accompagné de rêves. Le médicament
n'exerce aucune influence fâcheuse sur la circulation, la respira-
tion, l'appétit, la digestion, la température, la santé générale. Au
bout d'un certain temps, on peut en cesser ou en restreindre
l'usage, et le malade continue à bien dormir.
2° Il exerce une influence sédative très nette dans le cas d'agita-
tion ou d'angoisse mentale, particulièrement dans les cas récents
et aigus.
3° Ses principaux inconvénients sont : la lenteur de ses effets, -
la tendance qu'ont ces effets à se prolonger jusqu'au jour suivant
et à s'accompagner de somnolence, de confusion des idées, d'étour-
dissements et de fatigue; enfin les symptômes cérébraux ou
moteurs plus ou moins sérieux qui peuvent se manifester consécu-
tivement à l'emploi de doses réitérées. R. M.-C.
IX. NOTES DE thérapeutique CLINIQUE dans LES maladies mentales ; » ?
par AKGnisANi. (Il ilianicomio, fasc. 2-3, 1892.)
Recherches sur la noix de Kola, le borate de soude, le bromo-
forme, l'azotate de soude. Signalons en particulier ces deux derniers
médicaments. Le bromoforme a donné des résultats favorables et
rapides dans les cas d'excitation maniaque. Le médicament n'a
jamais dû être donné plus de quinze jours de suite, quitte à le
reprendre en cas de retour de l'agitation. Voici la formule
employée :
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 457
l'influence de ce médicament, la circulation, la diurèse sont
activées et, par suite, l'élimination des produits toxiques ; l'état
général de la nutrition s'améliore notablement. J. SÉGLAS.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
LXI. UN cas DE folie DU doute avec délire DU toucher ;
par MASS.\UT. (Bull. de la Soc. de JIéd. ment. de Belgique, 1892.)
La malade qui fait l'objet de cette observation était atteinte de
folie du doute; elle se demandait cent fois par jour si elle avait
bien fait son ouvrage et le recommençait fréquemment. Elle était
en outre obsédée nuit et jour par la crainte de se salir. L'auteur
insiste surtout sur ce fait que cette femme ne présentait aucun
signe de dégénérescence, aucun antécédent héréditaire. Il croit
pouvoir rattacher son état pathologique à un affaiblissement gé-
néral résultant de pertes sanguines considérables et d'un allaite-
ment prolongé. G. DENY.
LXII. Hystérie A deux. Vols A l'étalage ; par le Dr L. DE Rode.
(Bull. de la Soc. de lIIéd. ment, de Belg., 1892.)
Observation médico-légale tendant à prouver que l'inculpée n'a
pas été poussée à commettre ses vols par des obsessions ou des
inspirations irrésistibles, mais qu'elle est atteinte d'une maladie
nerveuse, l'hysthérie, qui a pu contribuer à développer ses ins-
tincts vicieux et à altérer dans une certaine mesure le libre exer-
cice de sa volonté. Acquittement. G. D.
LXIII- Névroses convulsives ET affaiblissement intellectuel;
par le Dr X. Francotte. (Bull, de la Soc. de Méd. ment, de Bel-
gique, 1892.)
L'attention étant la condition du développement de l'intelli-
gence, on peut admettre que les états convulsifs, en entravant
l'attention, favorisent la déchéance intellectuelle. A l'appui de
cette théorie, M. Francotte rapporte les observations de trois ma-
lades atteints de chorée chronique, chez lesquels l'affaiblissement
des facultés intellectuelles s'est terminé assez rapidement par un
véritable état de démence. G. D.
458 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
LXIV. BOULIMIE hystérique par accès s'accompagnant DE TROUBLES
DE la régularité THERMIQUE; par STEFANI. (Riv. sp. di frein.,
fasc. lII-IV, 1892.)
L'auteur conclut de -différentes observations faites sur son
malade, qu'il existe chez lui un trouble profond des fonctions
régulatrices du calorique; que tandis que le malade réagit bien
contre les causes qui tendent à élever sa température, il réagit au
contraire insuffisamment contre les causes qui tendent à la dimi-
nuer ; que la diminution de la température observée à la suite du
jeûne ou d'un bain froid ne tient pas le moins du monde à un
affaiblissement général de l'organisme. Un fait qui le prouve est
que la température se relève rapidement en augmentant la pro-
duction, ou en s'opposant à la dispersion du calorique, tandis que
au contraire les excitants simples (alcool) restent sans action.
D'ailleurs la question de savoir s'il s'agit d'un trouble dans la
production ou la dispersion du calorique ne pourrait être résolue
d'une façon absolue que par l'examen des échanges respiratoires,
que l'auteur n'a pas été à même de pouvoir pratiquer. J. SEGLAs.
- LXV. UN cas d'amnésie rétrograde ; par le D1' R. BARONCINI.
(Riv. sp. di fren., fasc. 111-IV, 1892.)
Observation d'un malade, ayant des antécédents personnels
épileptiques, et qui fut pris subitement d'un accès maniaque
furieux, avec troubles psycho-sensoriels, d'une durée très courte,
ayant disparu brusquement pour faire place à un état d'automa-
tisme mental, avec amnésie complète de l'accès et amnésie rétro-
grade comprenant une période de trois mois et demi avant le
jour où éclata l'accès d'aliénation. J. Séglas.
LXVI. SUR l'origine infectieuse DE l'othématome DES aliénés;.
par le Dr PELLIZZI. (Rio. sp. di fren., fasc. Ill-IV, 1892.)
Les faits cliniques et anatomiques, les observations bactério-
logiques et expérimentales conduisent l'auteur à admettre pour
l'othématome des aliénés une origine infectieuse. Dans cinq cas
qu'il a pu étudier, il était déterminé par un microcoque en chai-
nette, constitué par 4 à 10 éléments, très semblables au strepto-
coque de l'érysipèle et au streptocoque pyogène. Il n'y a aucune
importance à rechercher dans quelles formes mentales se déve-
loppe de préférence l'otématome et cela n'a aucune valeur certaine
pour le pronostic de l'affection. L'ouverture de la cavité de l'othé-
matome et les lavages antiseptiques abondants constituent un
mode de traitement rationnel et nécessaire. L'ouverture doit être
pratiquée au début de l'othématome; les lavages doivent être
REVUE DE pathologie mentale. 489*
répétés, abondants et doivent être poussés avec assez de force
contre les parois de la cavité. Il est nécessaire, lorsque l'on cons-
tate un cas d'othématome dans une section de malades, d'user des
plus grandes précautions antiseptiques, surtout quand l'othéma-
tome s'ouvre à l'extérieur et se vide de son contenu, afin de ne
pas transporter à d'autres malades le germe de la maladie.
J. Séglas.
LXVII. Biographie d'un crimimel simulateur; par James MURRAY.
(The Journal of Mental Science, juillet 1890.)
L'histoire de ce prisonnier est d'autant plus intéressante qu'il a
passé successivement par plusieurs prisons, où il a été examiné
par des médecins différents. R. M.-C.
LXVIII. UN CASDE TUMEUR CÉRDITALF (r[13110-KY--TIQUE); parJamesRoRIE.
(The Journal of Mental Science, juillet 1890.)
Observation détaillée, suivie d'autopsie. R. M.-C.
LXIX. Un cas DE folie homicide ET suicide; par Frank ASIIB1 1;LKINS.
(The Journal of Mental Science, janvier 1891.)
Observation détaillée, poursuivie pendant plusieurs années, et
accompagnée d'un portrait du malade. R. M.-C.
LXX. Les VICES DE fonctionnement DE la LOI sur LES aliénés DE 1890
en ANGLETERRE; par Percy Smith. (The Journal of Mental Science,
janvier 1891.)
Travail impossible à analyser, puisqu'il serait indispensable de le
faire précéder d'un exposé de la loi dont il s'agit. R. M.-C.
LXXI. La mélancolie étudiée au point DE VUE DE sa physiologie ET DE
son évolution ; par George M. Robertson. (The Journal of Mental
Science, janvier 1890.)
Après avoir étudié physiologiquement la mélancolie active, la
mélancolie passive et la mélancolie avec stupeur, l'auteur reprend
l'étude de cette maladie à un autre point de vue, celui de l'évolu-
tion, pour remonter à l'origine primitive des symptômes : cette
deuxième partie de son travail surtout renferme des vues très
ingénieuses. R. M.-C.
LXXII. Insolation ET folie; par Théo. B. IIYSLOP.
(The Journal of Mental Science, octobre 1890.)
L'auteur pense que l'on s'est jusqu'ici trop peu préoccupé de
l'influence de l'insolation (sous la double forme de coup de soleil
460 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
et de coup de chaleur) dans l'étiologie des affections mentales,
surfout dans les pays chauds. Mais son mémoire est plutôt une
intéressante revue du sujet qu'un exposé de ses vues personnelles.
R. M.-C.
LŸXIII, Quelques cas anormaux de paralysie générale ; par BOVVILLE
BRADLEY Fox. (The Journal of Mental Science, juillet 1891.)
Il s'agit de quatre. cas de paralysie générale remarquables à
divers titres; le premier est intéressant par une rémission très
accusée, le second par son étiologie peu ordinaire (traumatisme);
le troisième attire l'attention par son début, par sa terminaison,
ou du moins par ce que l'on sait de cette terminaison, et par l'as-
sociation de la maladie mentadie avec le tabès dorsal ; enfin le
dernier cas était accompagné d'hallucinations d'ordre mélanco-
lique. ' R.M.-C.
LXXIV. Une observation DE manie POST-ÉCLAMPTIQUE j par E.-A.
ALExANDER. (The Journal of Mental Science, juillet 1891.)
L'éclampsie a probablement eu pour cause primitive une né-
phrite gravidique avec phénomènes 'd'auto-intoxication et crises
épileptiformes consécutives. La maladie subissait d'ailleurs une
hérédité névropathique manifeste (père alcoolique et mère hysté-
rique) : elle-même présentait une certaine puérilité de caractère et
une extrême émotivité. L'accès de manie parait avoir eu pour
cause prédisposante l'instabilité mentale congénitale, et pour
cause déterminante les crises épileptiformes. La malade a guéri.
R. M.-C.
LXXV. Discours présidentiel prononcé A la cinquantième réunion
annuelle DE l'association 31ÉDICO-PSYCIIOLOGIQU1. A BIRMINGHAM, le
23 juillet l891, par E.-B. `1'DITCOJIBE. (The Journal of Mental
Science, octobre 1891.)
Dans ce discours, le Président de l'Association s'est attaché à
préciser les progrès réalisés ou proposés pendant les dix dernières
années en manière d'aliénation mentale, tant au point de vue
administratif ou légal qu'au point de vue médico-thérapeutique.
R.M.-C.
LXXVI. UN cas DE pachyméningite B1.MORRIL1GIQUE INTERNE CONSÉCU-
TIVE A une insolation; par E.-B. WHITCOHBE. (The Journal of
Mental Science, octobre 1891.)
Observation d'un cas intéressant, suivie de la relation détaillée de
l'autopsie. R. M.-C.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 461
LXXVII. Hystérie mâle D'ORIGINE TOXIQUE ET FOLIE DES actes;
parR. Brugia. (Il Manicomio, fasc. 2-3, 1892.)
LXXVIII. Influenza ET névrose; par Geo.-H. Savage. (The Journal
, of Mental Science, juillet 1892.)
On sait que l'influenza a eu pour caractère spécial de frapper
chacun de ceux qu'elle atteignait sur le locus minoris resistentia; ;
aussi M. Savage constate-t-il au début de son travail que les con-
séquences névropathiques de l'influenza ont été surtout apparentes
et manifestes chez les prédisposés, c'est-à-dire chez les individus
en puissance de névropathie actuelle ou latente, chez les alcooli-
ques, les syphilitiques, les surmenés. Ces conséquences ont été
directes ou indirectes, c'est-à-dire que les unes ont succédé direc-
tement à l'atteinte morbide, tandis que les autres procédaient plu-
tôt du trouble de la santé générale déterminé par cette atteinte.
Le symptôme nerveux que l'auteur a constaté le plus souvent
pendant ou après l'influenza est l'insomnie; la névralgie vient en
seconde ligne, puis la diminution du pouvoir musculaire.
Plusieurs formes d'aliénation mentale se sont montrées à l'état
de conséquence de la grippe épidémique, et il est à remarquer
qu'il ne parait y avoir eu aucun rapport entre la gravité de la
maladie primordiale et les troubles mentaux dont elle a provoqué
l'éclosion ; ce qu'il y a de plus net c'est que, dans ces cas, il s'agis-
sait toujours de sujets prédisposés.
On a dit que l'influenza pouvait modifier le trouble mental chez
un aliéné; l'auteur n'a constaté ce fait que dans un très petit
nombre de cas, et l'amélioration ainsi obtenue a toujours été très
temporaire; en revanche dans quelques névroses anciennes, sans
trouble mental, dans la surdité nerveuse par exemple, il a pu ob-
server des améliorations plus durables; il est vrai qu'il a vu des
cas plus nombreux dans lesquels cette même surdité nerveuse
avait été au contraire la conséquence de l'influenza.
L'auteur ajoute en terminant que s'il a publié ces faits, c'est moins
en raison de leur intérêt propre, que pour provoquer de la part de
ses confrères la communication de nouveaux faits. R. M.-C.
LXXIX. DES états asymétriques QUI SE RENCONTRENT dans la face
DES aliénés, avec quelques remarques SUR la DISSOLUTION DE L'Ex-
pression; par John TURNER. (The Journal of Mental Science, jan-
vier et avril 1892.)
Dans ce travail étendu et accompagné de planches, M. Turner
s'efforce d'expliquer le mécanisme de l'asymétrie; il a été conduit
à cette étude par la pensée que si l'on étudiait avec soin, et paral-
462 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
lèlement, les symptômes de paralysie du mouvement qui produi-
sent l'asymétrie et les états pathologiques cérébraux qui, dans cer-
tains cas, leur correspondent, on arriverait peut-être à déterminer
avec précision les régions corticales dont l'intégrité est nécessaire à
l'accomplissement des modifications physiques qui accompagnent
certains états émotifs et qui peuvent éventuellement se manifester
sous forme de contraction musculaire. R. M.-C.
LXXX. Un cas DE cocaïnisme; par PERCY Smith. (The Journal of
Mental Science, juillet 1892.)
Ce cas s'écarte du type ordinaire en ce que l'habitude de la
cocaïne n'avait pas été consécutive, comme elle l'est souvent, à
une tentative de substitution, de la cocaïne à la morphine chez une
morphinomane ; ici la malade avait débuté par l'emploi modéré et
thérapeutique de la cocaïne; mais le remède a été pire que le
mal, et la malade est arrivée jusqu'à l'extrême frontière de la
folie. Elle avait d'ailleurs été autrefois morphinomane, et le fait
même qu'elle avait réussi à se corriger d'une première intoxication
habituelle n'a sans doute pas été sans influence sur la possibilité
de sa seconde guérison. La cocaïne cependant paraissait avoir pour
elle encore plus de séductions que la morphine. Les hallucinations
n'ont eu chez cette malade ni le caractère terrifiant qu'on leur
attribue quelquefois, ni le caractère génital signalé par le Dr Co-
nolly Norman, bien que la malade après avoir débuté par des
doses de 4 à 5 centigrammes fût arrivée à prendre 1 gr. 50 de co-
caine en une seule fois. La malade a été traitée dans un établis-
sement spécial; il est probable que malgré sa force de volonté,
elle n'aurait pas réussi à se guérir chez elle. R. M. C.
LXXXI. GÉNIE ET folie; par Arthur i·1.1CD0\.1LD. (The Journal of
Mental Science, avril 1892.)
L'auteur termine son étude, basée sur des documents historiques
et biographiques par les conclusions suivantes : .
« Alors même que les faits rapportés plus haut, et auxquels on
« en pourrait joindre beaucoup d'autres, ne démontreraient pas
« gorie, ils indiquent du moins qu'il y a entre ces deux états de
« nombreux points de contact. C'est ainsi que la fréquence du
« délire, les nombreux signes de dégénérescence, la fréquence de
« l'épilepsie, de la précocité et de la mélancolie, la tendance au
« suicide et le caractère spécial de l'inspiration, viennent à l'appui
« de l'opinion suivant laquelle le génie serait une maladie men-
« taie, une maladie de dégénérescence. »
« Si l'on admet cette conclusion, il n'y a pas lieu de supposer
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 463
« que la valeur de ce qu'il y a d'élevé et de noble dans le génie eu
soit diminuée. Il n'appartient pas à une analyse, montrât-elle
« une étroite relation entre le génie et la folie, ou même le crime,
« de changer le génie lui-même. »
Remarquons que les directeurs scientifiques du Mental Science,
MM. Hack Tuke et Geo. Savage ont cru devoir dégager, dans une
note, leur responsabilité en rappelantque les auteurs des mémoires
publiés sont seuls responsables de leurs assertions et de leurs opi-
nions. R. M.-C.
LXXXII. La KATATONIE EST-ELLE UNE forme particulière DE TROUBLE
mental; par M. J. NOLAN. (The Journal of Mental Science, octobre
1892.)
LYŸlIII. QUELQUES observations DE la maladie appelée KATATONIE,
par M. J. NOLAN. (Ibid.)
Le premier de ces deux mémoires, assez étendu, est con-
sacré à une étude générale du syndrome habituellement désigné
sous le nom de katatonie; le second est constitué par la relation
détaillée de l'observation de cinq malades qui ont paru à l'auteur
d'autant plus intéressants qu'on a pu constater chez eux les traits
principaux des trois formes de katatonie décrites par Schüle, à
savoir : la forme religieuse expansive, la forme démonoma-
niaque, la forme hystérique. R. M.-C.
L1YYI\'. UN cas DE tumeur cérébrale; par James RORIE. (The Journal
of Mental Science, juillet 1892.)
Observation intéressante, suivie d'autopsie; on trouva dans le
centre ovale du côté droit un ramollissement gélatineux, et au ni-
veau des ganglions de la base, une tumeur qui avait pris leur
place des deux côtés ainsi que celle du corps calleux, et qui n'épar*
gnait qu'une faible portion de la partie postérieure de la couche
optique droite. Ce qu'il y a surtout de remarquable dans le cas
dont il s'agit, c'est l'insignifiance des symptômes observés pendant la
vie; parmi les symptômes caractéristiques, ceux dont l'absence est
surtout remarquable sont la céphalalgie, les vomissements, les
troubles du langage, les convulsions et les lésions de la sensibilité.
It faut-remarquer toutefois que l'état de démence de la malade a
pu faire passer inaperçus quelques phénomènes qui, dans d'autres
circonstances, auraient nécessairement attiré l'attention. R. M.-C.
LXXXV. Un cas de rupture du ventricule GAUCHE du COEUR; par
Jolin BRUCE. (The Journal of Mental Science, janvier 1892.)
Observation d'un homme de soixante-dix ans, mort subitement
464 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
au déclin d'une période d'excitation; le coeur était hypertrophié,
gras, le myocarde en état de dégénérescence. La rupture occupait
la paroi antérieure du ventricule gauche. R. M.-C.
LXXXVI. LES cas DE folie dans la pratique médicale ordinaire;
par A.-II. NEWTH. (The Journal of Mental Science, janvier et
avril 1892.) -
A l'aide de plusieurs observations, qu'il ne s'est d'ailleurs pas
efforcé de grouper systématiquement, l'auteur cherche à montrer
que, dans la pratique médicale ordinaire, certains cas d'aliénation
peuvent être utilement traités sans que l'on ait recours à l'interne-
ment, ni aux agents médicamenteux usités dans le traitement de
la folie; il signale notamment certains cas où le trouble mental est
sous la dépendance d'une lésion organique qu'il s'agit alors de re-
chercher et de traiter. Mais il s'empresse de reconnaître que si le
milieu ambiant paraît agir défavorablement sur l'état mental, si les
ressources du traitement à domicile sont insuffisantes, si enfin le
malade a la moindre tendance au suicide ou a l'homicide, il faut se
garder d'apporter le moindre retard à l'internement. R. M.-C.
L11VIII. L'hypnotisme A Paris ET A NANCY : NOTES d'un visiteur ;
par M. George ROBEIiTSON. (The Journal of Mental Science, octo-
bre 1892.)
L'auteur a visité successivement à Paris les services de MM. Char-
cot, Voisin et Luys, et à Nancy, celui de M. Bernheim. Après avoir
assisté à de nombreuses séances d'hypnotisme, et avoir entendu
formuler les conclusions les plus contradictoires, il a résumé son
opinion d'une façon très intéressante dans les termes suivants, que
nous reproduisons presque textuellement : 1
Tout d'abord comment peut-on accorder les contradictions qui
paraissent exister entre l'école de la Salpêtrière et l'école de Nancy ?
M. Charcot enseigne que l'hypnotisme vrai s'accompagne de cer-
tains phénomènes physiques remarquables, que l'on peut étudier
avec précision, ct qui apparaissent indépendamment de toute sug-
gestion, si bien que l'effort conscient ne suffit pasà les reproduire.
M. Bernheim, d'autre part, enseigne que des malades sont réelle-
ment hypnotisés, et cependant il n'obtient chez eux en dehors de
la suggestion, aucun des phénomènes sur lesquels insiste M. Char-
cot. L'auteur pense que la différence provient ici, non de l'hypno-
tisme lui-même, mais bien des malades que l'on hypnotise. M. Char-
cot choisit des cas d'hystérie intense ou de grande hystérie et
d'hystéro-épilepsie, et même, dans ces conditions, il admet que
tous les sujets ne sont pas propres à la démonstration du grand
hypnotisme. Ceux qui y sont propres sont en très petit nombre,
soit absolument, soit relativement. Lorsque, chez ces malades on
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 465
provoque l'hypnose, ils manifestent les divers phénomènes phy-
siques indiqués dans la description classique de Charcot, phéno-
mènes qui se perfectionnent par la pratique et la répétition des
expériences. Mais on peut se demander, avec Tamburini, si ces
phénomènes ne sont pas ceux de l'hystérie aiguë. M. Charcot, dit
l'auteur, m'a signalé les relations étroites qui existent entre l'hys-
térie et l'hypnotisme et il m'a montré comment on peut provoquer
brusquement l'état cataleptique au moyen d'un bruit violent et
soudain ; un éclat soudain de lumière aurait d'ailleurs le même
résultat. Mais on a vu des cas où le même phénomène s'observait
à l'état de veille, sans intervention hypnotique. Aussi Tamburini
pense-t-il que, dans ces états hystériques très accusés, l'hypno-
tisme détermine des modifications nerveuses qui rendent subite-
ment manifestes les phénomènes pathologiques latents propres à
la maladie, phénomènes qui peuvent toutefois, dans d'autres cas,
apparaître spontanément en dehors de l'hypnotisme. L'auteur ne
saurait se prononcer dans ce débat, mais il pense que les phéno-
mènes hypnotiques varient beaucoup suivant le sujet sur lequel on
opère. Il pense qu'en hypnotisant une personne bien portante, en
général on obtiendra l'une des premières phases du petit hypno-
tisme de Nancy. Il est probable aussi que chez des types différents
de personnes, par suite de dispositions nerveuses encore inexacte-
ment connues, l'hypnose devient de plus en plus profonde et s'ac-
compagne de phénomènes de plus en plus marqués; aussi M. Bern-
heim ne lui reconnaît-il pas moins de neuf phases progressives.
Enfin, dans les cas rares d'hystérie grave et d'hystéro-épilepsie, on
atteint le maximum de complexité et de perfectionnement des phé-
nomènes qui accompagnent l'état hypnotique. En partant de ce
point de vue, on voit s'évanouir les plus importantes des difficultés
qui séparent les deux écoles : quant aux difficultés d'ordre secon-
daire, elles tiennent surtout à ce que de chaque côté on connaît
mal ou l'on méconnaît les vues exactes de l'école opposée.
L'auteur n'admet pas que la non-manifestation des phénomènes
physiques suffise à prouver que les malades de M. Bernheim ne
sont pas réellement hypnotisés ; il pense que la forme légère de
l'hypnotisme, telle qu'on l'observe chez les sujets sains, constitue
un phénomène purement psychique, et qui, pour ne pas s'accom-
pagner de phénomènes physiques, n'est ni moins intéressant ni
moins important. Il est assurément plus difficile, il est peut-être
impossible, dans ces cas psychiques, de donner de la réalité de
l'hypnose des preuves aussi convaincantes que celles que fournit
M. Charcot ; mais il n'est guère possible de ne pas admettre la réa-
lité d'un état psychique provoqué lorsqu'on voit les succès que
M. Bernheim obtient contre la douleur.
D'autre part, M. Robertson ne saurait accepter l'opinion soutenue
par M. Bernheim, que tous les phénomènes dits psychiques ou
Archives, t. XXV. 30
466 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
somatiques de l'hypnotisme; tels que les décrit M. Charcot, sont le
résultat de suggestions et ne sauraient apparaître spontanément.
M. Charcot enseigne nettement qu'il ne s'attend à rencontrer les
phénomènes de cet ordre, et à un degré élevé, que chez le petit
nombre des malades qui présentent d'autre part les symptômes
^ de la grande hystérie, et-quand M. Bernheim a essayé de donner
à l'auteur la démonstration de la production de ces phénomènes
par la simple suggestion, les expériences n'ont pas été convain-
cantes. Sa catalepsie suggérée, par exemple, au moins dans les
cas observés par M. Robertson, ne résisterait pas au contrôle scien-
tifique de l'école de la Salpêtrière, et mériterait plutôt le nom
d'état cataleptoïde ; et quant à l'action de l'aimant, la reproduc-
tion par la suggestion de quelques-uns des phénomènes qui lui
sont attribuables ne prouve nullement que ces phénomènes, et
même plusieurs autres, ne puissent être produits par l'aimant, lui-
même. M. Bernheim a si complètement étudié la suggestion, elle lui
a fourni l'explication de tant de faits, qu'il est tout naturel que son
esprit incline à l'invoquer comme explication de tous les phéno-
mènes.
Celte explication, toutefois, M. Robertson est tout disposé à l'ac-
cepter sans grande hésitation, en supposant, bien entendu, la sug-
gestion inconsciente, en ce qui touche les phénomènes de transfert
et autres faits surnaturels observés dans le service de M. Luys, à la
Charité.
Enfin, il est hors de doute que l'hypnotisme a déjà rendu et
rendra encore des services importants à la psychologie expé-
rimentale. Au point de vue thérapeutique, il est incontestable
que son emploi est très utile pour soulager la douleur, et que l'on
pourra probablement l'étendre à des affections nerveuses très
diverses. Dans l'aliénation mentale, l'hypnotisme pourra certaine-
ment être employé avec succès dans quelques cas, mais les obser-
vations faites par l'auteur dans le service de M. Voisin l'ont con-
duit à penser que cette méthode n'a que des avantages très res-
treints.
Quant aux dangers de l'hypnotisme, ils paraissent négligeables,
pourvu que l'emploi de ce moyen reste entre les mains de l'homme
de l'art. M. Robertson ne croit pas qu'on ait relaté un seul cas où
l'hypnotisation ait été suivie de conséquences fâcheuses quand elle
avait été pratiquée par des médecins dans un but thérapeutique.
R. DE Musgrave-Clay.
LXXXVIII. L'ÉTAT DE RÊVE ET LES FAITS PSYCHIQUES QUI L'ACCOMPAGNENT ;
- - par le Henry SlIfITH-`V1LLIAM.
11 faut distinguer trois états d'âme : l'état de veille, l'état de som-
meil profond et l'état de rêve intermédiaire entre les deux autres.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 467
- Dans l'état de sommeil profond, les vibrations du cerveau qui
n'est jamais inactif sont assez faibles pour ne pas affecter la mé-
moire.
- Dans l'état de veille, au contraire, les vibrations sont conscientes
et peuvent être rappelées à notre esprit.
L'état de rêve ne diffère de l'état de veille que par le faiblesse de
certaines vibrations. Le rêve se compose de quelques concepts ou
images saillant sur un fond d'idées vagues et ternes; sorte d'arrière-
plan à peine conscient pendant la vie, totalement oublié au réveil.
Si le rêve, à première vue, diffère des opérations de l'esprit à l'état
de veille, ce n'est pas que l'esprit manque d'unité; c'est que les
idées intermédiaires dont nous sommes conscients à l'état de veille
nous échappent pendant le rêve. Si nous avons rêvé qu'un homme
devenait cheval, puis oiseau, c'est que par une association natu-
relle d'idées nous avons passé do l'idée d'homme à celle de
cheval puis à celle d'oiseau, mais que, les intermédiaires nous échap-
pant, nous attribuons à cet homme les caractères du cheval puis de
l'oiseau.
Une autre différence de l'état de rêve et de l'état de veille, c'est
que, pendant celui-ci, certaines idées, celles de personnalité, de
temps, d'espace, etc., sont très présentes à notre espritet que, pen-
dant le rêve au contraire, elles s'affaiblissent au point de n'être plus
conscientes. De là le fait que nous pouvons en rêve perdre notre
personnalité.
En somme, l'état de rêve est en tous points comparable à l'état de
veille sauf que certaines vibrations du cerveau et les idées qui leur
conespondent sont moins fortes, par suite d'une diminution de
l'afflux du sang au cerveau.
Il en résulte une rupture d'équilibre entre nos idées pendaut
le rêve; certaines d'entre elles dominent et éclipsent toutes les
autres.
Certaines folies ne sont autre chose que l'état de rêve prolongé
pendant la veille; telles sont l'idée fixe etla mélancolie. Dansée cas,
l'aliéné est absorbé par la contemplation d'une seule idée ou d'un
seul objet.
. Toutes les autres perceptions s'affaiblissent et comme il manque
des points de comparaison, le malade a une tout autre vue des
choses que l'esprit normal. Imaginons qu'en regardant au micros-
cope une pétale de fleur, nous fassions abstraction de tous nos sou-
venirs, que nous l'isolions de la fleur et du reste du monde; nous
serons dans la situation d'esprit de l'aliéné.
Ce manque de coordination des perceptions et des idées chez le
mélancolique ou l'halluciné vient d'une anémie du cerveau. Réta-
blissez la santé physique du malade et la santé morale suivra
comme une conséquence nécessaire.
Il ne faut pas conclure que partout où il y a illusion, il y a folie;
468 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
mais partout où il y a folie, il y a illusion. Le génie est une rup-
ture partielle d'équilibre, c'est un état anormal.
La tendance de la race doit être vers le juste équilibre des fa-
cultés et pour ainsi dire, vers la stabilité de l'esprit. (American jour-
nal of insanity, 18J2.) . E. B.
LXXXIX. LES ORIGINES de la folie ; par le Dl' TUCKE.
Les conclusions de l'auteur sont les suivantes :
1° Toutes les facultés mentales se sont manifestées chacune à
son époque; elles sont de tous les âges, mais beaucoup sont mo-
dernes.
2° La date de l'apparition d'une faculté dans la race peut être
appréciée par l'âge auquel elle apparaît chez l'individu et sa gé-
néralisation plus ou moins grande dans la race.
3° La stabilité d'une faculté chez l'individu dépend de l'époque
de son apparition dans la race; plus elle est ancienne, plus la
faculté est stable.
4° 'En conséquence la race dont l'évolution est la plus rapide
aura la plus hâtive déchéance.
5° Dans une race donnée, les fonctions dont l'évolution est le plus
rapide seront celles qui seront le plus sujettes à déchoir.
6° Dans les familles les plus progressives de la race aryenne, les
facultés mentales depuis quelques milliers d'années, se sont déve-
loppées avec une grande rapidité.
7° Dans celte race, le grand nombre des déchéances mentales,
communément appelées folie, sont dues à la rapide et récente évo-
lution de ces facultés mentales dans la race. Aussi dans la race
Aryenne américaine trouve-t-on un aliéné pour cinq cents indivi-
dus, alors que dans la race nègre il n'y a qu'un aliéné pour onze
cents individus. (1mericanjoumal of insanity, 1892.) E. B.
XC. Les maladies rénales et la folie; par le Dr Georges Tulle.
L'opinion générale des auteurs est que les maladies des reins
sont rarement un facteur important dans l'étiologie de la folie.
C'est ainsi que Griesinger, Buchnill et Tuke disent que le mal de
.Bright peut amener la folie mais qu'ils ne l'ont jamais observée.
Il est cependant probable que nombre de personnes ne doivent
leurs troubles mentaux qu'à l'épuisement produit par la rétention
de poisons de l'organisme. Les cas cités par l'auteur viennent à
l'appui de cette hypothèse.
1° Femme de trente-cinq ans sans antécédents héréditaires,
entre à l'asile de Mehean avec des symptômes de néphrite intersti-
tielle : oedème considérable, coeur très hypertrophié. Comme état
mental : stupidité avec des périodes d'excitation caractérisées par
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 469
des idés de persécution. Son urine contenait de l'albumine et une
grande quatité de cylindres hyalins et granuleux.
2° Femme de soixante-sept ans, mélancolique, périodes de dé-
pression alternant avec des périodes de gaieté exhubérante. Urine
pâle, acide, avec traces d'albumine et important dépôt de cylin-
dres. Pas d'oedème. Quatre mois après sa sortie de l'asile, les cy-
lindres épithéliaux avaient disparu de son urine et son état phy-
sique et mental était excellent.
3° Mélancolique, trace d'albumine, un petit nombre de cylindres
hyalins. Pas d'cedème.
Un an après, état mental très amélioré et plus de signes de
néphrite.
4° Maniaque avec idées de persécution, excitation considérable et
tendance au suicide. Traces d'albumine dans l'urine. Amélioration
rapide.
5° Maniaque avec hypochondrie. OEdème des chevilles, albumine,
cylindres hyalins. Coeur normal. En quelques mois, l'oedème dis-
paraît et l'état mental se guérit.
6° Mélancolie avec idées de suicide. Albumine et dépôt de cris-
taux d'oxalate et de phosphate de chaux. OEdème des jambes. En
quelques mois la mélancolie avait disparu, l'oedème, l'albumine et
les cristaux n'existaient plus.
L'auteur a analysé les urines des malades de son service et il a
trouvé de l'albumine un grand nombre de fois, 32 p. 100. Il en con-
clut que l'élimination des toxines est moins active et qu'il se pro-
duit une auto-intoxication. C'est surtout chez les mélancoliques
que les symptômes de néphrite sont fréquents et on ne trouve
guère de mélancoliques agités sans albumine et sans cylindres
dans les urines.
Les maladies rénales sont donc beaucoup plus communes chez
les aliénés que ne l'admettent les auteurs et les conclusions que
l'on peut tirer de cette étude sont les suivantes :
10 La néphrite chronique est une cause fréquente de folie. 2° La
mélancolie persistante peut donner de l'albumine et [des cylindres
épithéliaux dans l'urine avec de l'oedème dans quelques cas.
3° Cette affection rénale peut être temporaire, disparaissant avec la
cause. Si la cause persiste, l'affection rénale peut devenir chronique.
4° Contrairement à l'opinion de beaucoup d'observateurs, la néphrite
est très commune chez les aliénés. (American journal of insa-
nity, 1892.) E. B.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance du 24 avril 1893.
Distribution des récompenses. Prix Moreau (de Tours). M. An-
NAUD, au nom d'une commission composée de MM. Ballet, Moreau
(de Tours) et Wallon, donne lecture de son rapport décernant le
prix à M. Najotte, interne des hôpitaux, pour sa thèse sur les
Ropports de la paralysie générale avec le tabes. Une mention hono-
rable est accordée à M. Berbès et Iiamel internes, à Charenton.
Prix Esquirol. - M. SOLLIElt, rapporteur de la commission formeé
de MM. Bouchereau, Falret, Mitivié et Ritti, passe en revue les cinq
mémoires qui ont été déposés. Le prix Esquirol est remis à M. La-
chaud, interne des asiles de la Seine, pour un travail fait à Ville-
juif, et intitulé : Dissimulation des idées de grandeur dans le délire
chronique des persécutions. Une mention honorable est aussi décernée
à M. Séfiliâtre, interne du même asile, pour son Élude du trem-
blement de la langue dans la paralysie générale.
Prix Bel.homme.-111. Séglas, rapporteur de la Commission formée
de MM. Dagonet, Garnier, Magnan et A. Voisin, expose qu'un seul
mémoire a été présenté pour le prix, qu'il n'y a pas lieu de décerner
cette année. Une mention très honorable, accompagnée des deux
tiers de la valeur du prix, est néanmoins votée à MM. Bounet et Marie,
médecins adjoints des asiles et co-auteurs du mémoire. Le sujet
choisi pour Je prochain concours est le suivant : Du traitement hygié-
nique et pédagogique de l'idiotie (arriérés, débiles, imbéciles, idiots).
Prix Aubanel. M. SliSI1·,LAIGNE, rapporteur de la commission,
expose qu'il n'y a pas lieu de décerner le prix Aubanel, mais que
deux mentions honorables accompagnées d'une somme de 1,200 fr.
seront accordées à MM. Berbès, ancien interne des asiles de la
Seine, actuellement interne à Charenton, et Samuel Garnier, mé-
decin-directeur de l'asile de Dijon.
La Commission propose pour le prochain prix, qui sera dis-
tribué, en 1895 : Etude des variétés cliniques du délire des persé-
cutions. Marcel BRIAND.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 1Î1 1
SOCIÉTÉ DES MÉDECINS NEUROLOGISTES ET ALIÉNISTES
DE MOSCOU.
Séance du 25 septembre 1892.
I. Darkchévitch et Fikhonof. - Des affections consécutives du sys-
tème nerveux central. Après avoir présenté deux malades atteints
d'atrophies' musculaires arthropathiques et offrant des symptômes
spinaux caractéristiques, tels que parésie avec sensibilité normale
exagération des réflexes tendineux, augmentation de l'excitabilité
directe des muscles sans phénomènes de rigidité, es auteurs
retracent l'histoire de la maladie d'une emme cnez laquelle on
avait observé des symptômes identiques, à la suite d'un phlegmon
de la surface dorsale du poignet. CI
Des phénomènes semblables ont été décrits par d'autres auteurs
dans les premiers stades des névrites. Les rapporteurs se croient
en droit de réunir tous ces complexes de symptômes sous la déno-
mination générale d'affections consécutives du système nerveux cen-
tral survenant après des lésions périphériques.
Suivant les rapporteurs, le point de départ de ces lésions péri-
phériques n'est pas l'arthrite ou le phlegmon, mais, dans tous les
cas, la névrite à son premier stade de développement. En faveur
de cette théorie, on peut citer les expériences de Debove et Itay-
mond et celles de Darkchévitch lui-même, expériences qui l'ont
amené à conclure que les lésions des troncs nerveux périphériques
entraînent non seulement des modifications allant jusqu'au centre,
mais encore une altération du noyau lui-même.
Pour prouver cette thèse, les rapporteurs citent le cas patholo-
gique suivant : chez une malade atteinte d'une paralysie faciale
périphérique ex otitide, l'examen microscopique fait après l'au-
topsie a démontré des modifications destructives dans le noyau
correspondant.
Considérant comme prouvées les modifications des centres de la
moelle épinière consécutives aux affections périphériqueslesauteurs
croient que, dans les arthrites, les phlegmons et les stades initiaux
des névrites, ces modifications ne sont que dynamiques, mais que,
dans certaines conditions, il est possible qu'elles deviennent des-
tructives.
Discussion. M. le professeur Iioaevrrmor. croit que beaucoup de
symptômes qu'on pourrait considérer comme centraux, dans les
névrites aiguës, dépendent en réalité de névrites atteignant des
472 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nerfs très importants, tels que le vagues et le ph1'cnicus. Quant aux
modifications destructives, M. Kojevnikof les considère comme
possibles, quoique peu fréquentes. Dans neuf cas de névrites, par
suite d'alcoolisme, observées au microscope, on n'a trouvé que
dans quatre cas seulement des modifications parenchymateuses.
M. W. HOTU est également opposé à une généralisation trop
- complète de l'influence de la périphérie sur les centres. Les expé-
riences de Gudden ont démontré que ce qui arrive aux jeunes ani-
maux ne se présente pas chez les animaux adultes. Les expériences
récentes de Marinesco aboutissent aux mêmes conclusions. Les
observations cliniques prouvent que les névrites les plus graves ne
sont pas suivies de modifications des centres moteurs. D'un autre
côté, dans les'amyotrophies arthropathiques, le mécanisme amenant
l'atrophie est différent; elle se produit d'une manière réflexe par
l'entremise des racines postérieures.
M. S. lCoasnror démontre l'importance de l'influence simultanée
d'une seule et même cause sur le centre et la périphérie. Il est dis-
posé à expliquer beaucoup de phénomènes cliniques par cette
influence simultanée, plutôt que par la lésion consécutive du
centre.
M. L. Miner suppose qu'il existe des symptômes survenant après
une lésion périphérique qui ne sont pas de nature spinale, comme
on serait porté à le croire d'après la théorie des rapporteurs, mais
qui se produisent par l'entremise du cerveau et sont de nature
hystérique.
II. M. W. l\IOURATOF. Les dégénérescences consécutives à la sec-
tion du corps calleux. L'examen microscopique a été fait d'après
la méthode de Marchi. Les conclusions basées sur les expériences
faites, dans certains cas, au moyen de la destruction de l'écorce et,
dans d'autres cas, au moyen de la section du corps calleux, dans
le sens de la suture sagittale, sont les suivantes : 1° Quand on
détruit l'écorce, on observe une dégénérescence des fibres du corpus
callosum jusqu'à l'écorce de l'hémisphère opposé ; 2° la section
du corpus callosum donne lieu à des dégénérescences complètement
identiques deux des côtés; 3° la lésion de l'écorce et la section du
corpus callosum simultanées produisent une dégénérescence sem-
blable, mais plus intense. Dans tous les cas, les dégénérescences
occupent un champ strictement limité, correspondant à la quan-
tité et à l'emplacement des fibres sectionnées dans le corpus callo-
sum ; 4° le corpus callosum est une commissure composée de fibres
dont une partie a pour centre l'hémisphère gauche et l'autre l'hé-
misphère droit. C'est par là qu'il convient d'expliquer le fait men-
tionné plus haut que la section du corpus callosum et l'ablation de
l'écorce d'un seul hémisphère, combinées ensemble, produisent
une dégénérescence plus intense; ici, en effet, grâce à l'ablation,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 473
les fibres de l'hémisphère correspondant dégénèrent, tandis que
dans la section, cela a lieu pour les fibres provenant de l'hémis-
phère opposé, ce qui entraîne une double dégénérescence dans
l'hémisphère où l'ablation a été pratiquée; 5° la capsule interne
ne prend aucune part à ce processus; 6° le faisceau d'association
fronto-occipital, découvert par Onufrowic et Kaufmann et désigné
par le rapporteur sous le nom de fasciculus subcallosus, est une
longue voie d'association qui dégénère dans l'hémisphère ou l'ex-
tirpation a été pratiquée. Le cingulum joue un rôle tout à fait sem-
blable.
Cette communication a donné lieu à des débats auxquels ont
pris part MM. G. Rossolimo, L. Darkchévitch et A. Kojevnikof.
XXV" CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ DES ALIÉNISTES DE BASSE-SAXE
ET DE WESTPHAL1E.
SESSION DE HANOVRE.
Séance du 2 mai 1892 '. Présidence de M. GERSTENBERG.
M. ROLLER. Lésions du crâne et du cerveau chez les aliénés. Il
s'agit d'un certain nombre d'autopsies dans lesquelles on trouva
la calotte cranienne épaissie et la dure-mère adhérente aux os du
crâne. M. Roller trouva aussi des régions cérébrales atrophiées,
c'est-à-dire des circonvolutions atteintes en même temps qu'en
certains cas il constatait des anomalies des sillons et des circon-
volutions cérébrales. Le mémoire sera publié in extenso.
A ce propos, M. DERaBaN fait observer que son maître ERLEN-
MAYER avait prétendu que la calvitie était en rapport avec des adhé-
rences cranio-durmérienens. Cela n'est pas toujours exact, car ces
adhérences se rencontrent aussi chez les aliénés qui ne sont point
chauves. M. Magnan dans de ses leçons exposé des études très remar-
quables sur les altérations pathologiques crânio-cérébrales des
aliénés.
M. \Vor.Fr propose au Congrès d'adopter les décisions sui-
vantes :
1° Les asiles pour idiots et épileptiques doivent, dans l'intérêt
de l'humanité et de la science être, de même que les asiles d'alié-
1 Voir Archives de Neurologie, séance de 1891.
474 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nés, confiées des médecins-directeurs, ils seront organisés comme
ces derniers. '
2° L'Etat seul, c'est-à-dire l'administration provinciale, est ca7
pable d'organiser, de développer, de surveiller de semblables
établissements; le congrès intervient donc auprès des autorités
compétentes pour les prier d'activer la création et la mise en
- fonctions de l'assistance des idiots et des épileptiques, conformé-
ment la teneur de la loi du 11 juillet 4891.
L'orateur rappelle les conclusions adoptées par le congrès des
aliénistes et deWeimar (septembre 1891). (Voy. Archives de Neu-
i-ologie.) Afin de rédiger un projet de délibération, le congrès
nomme une commission dont feront partie MM. Gerstenberg, Lut-
tich, et Wulff.
M. VaLr.r· traite de la conduite à tenir en présence des aliénés
atteints de tuberculose; des règles sont posées à ce sujet par
JMM. GERLACH, 13essE et autres.
La prochaine séance de la société aura lieu le ]or mai 1893 au
Kastew's Ilotel.
(Allg. Zeitsch. f. Pschiat., 1LI1, 3.) P. Keraval
CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE
CINQUANTE-NEUVIÈME SESSION A LEUBUS.
Séance du 19 juin 1802'. Présidence DE M. Vermiche.
M. le président lit à la société l'éloge de Meynert qu'il a fait pa-
raître dans la Deutsche mediz Wochenschrift, n° 28. L'assistance se
lève en l'honneur de l'illustre défunt.
M. Vernicke fait passer sous les yeux de la société des photogra-
phies qui représentent des coupes transverses du cerveau grossies
à la loupe.
M. KAIIL]3.IUM. Un cas de paranoïa. L'orateur rappelle que,
dans sa précédente communication sur la paranoïa (folie systéma-
tique), il a démontré que conformément à l'idée nosographique
que l'on doit se faire de l'entité morbide en question, il faut ou
bien limiter à cette modalité clinique l'emploi du mot paranoïa,
c'est-à-dire réserver le mot paranoïa pour une forme clinique
' Voy. Archives de Neurologie, séance de 1891.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 475
déterminée, ou bien lui appliquer un mot nouveau. C'est à cette
dernière décision que s'en tient M. Kahlbaum. Il propose d'appeler
paraphrénie, en allemand Wahnsucht, la maladie mentale qui se
manifeste par la prédominance et la permanence d'idées délirantes
systématisées, et de conserver le mot paranoïa, en allemand Ver-
2,ücktheit, à tous les cas indistinctement dans lesquels il y a des idées
délirantes quelconques. Il s'ensuit que paranoïa, c'est-à-dire Ver-
rückliteit, est non point une espèce clinique, mais un complexus
symptomatique qui se rencontre en diverses espèces morbides.
Voici maintenant une observation caractérisée par l'existence
d'un complexus symptomatique du dernier genre qui en effet ne
correspond pas à la paranoïa, c'est-à-dire d'après la nouvelle ter-
minologie à la paraphrénie. 11 s'agit d'un malade d'un asile de la
Silésie, qui depuis plusieurs années est interdit et a tenté de faire
lever son interdiction en actionnant l'administration. De l'examen
du malade et de ses assertions, il appert que le personnage en
question est un homme qui est tourmenté par une seule pensée et
que ce tourment l'a mis en lutte contre les personnes qui l'entou-
raient et contre le monde entier. Cetle pensée est l'amour qu'il
éprouve pour une jeune fille; il croit qu'il a sur elle un droit légi-
time et légal, parce que pendant quelque temps, il a été en rela-
tions amicales avec elle, encore que le père de la jeune fille, à cette
époque mineure, lui à refusé son consentement. Son idée fixe l'a
amené à considérer le père de la jeune fille comme son ennemi
et à voir des ennemis dans toutes les personnes qui se sont pro-
noncées contre ses relations avec la jeune fille, notamment dans le
lireisphysiken qui a fait un premier rapport médical sur lui. Il y a
donc dans l'espèce idée fixe, puis délire des persécutions, et con-
curremment, mégalomanie sous forme de délire orgueilleux, tous
symptômes qui caractérisent la paranoïa dans son sens le plus
étroit. Mais si nous tenons compte de ce fait qu'il s'agit d'un indi-
vidu qui dès l'enfance a été très excentrique, très original, que
lors d'un voyage qu'il fit à Londres, il a dû être séquestré dans un
asile d'aliénés, que sa tête est depuis plusieurs années aliénée
(délire de chicane), nous sommes obligés de reconnaître que nous
avons affaire à une Verrucktheit. C'est d'ailleurs ce que fait remar-
quer le Kreisphsiken dans son rapport. Il conclut à la dégénères-,
cence mentale, c'est-à-dire à l'existence d'un état psychopathique
qui doit être considéré non comme une affection psychique
acquise par un cerveau bien développé, mais comme une sorte de
malformation congénitale originelle sur laquelle ont germé des
idées morbides. En un mot, c'est un pseudoparanoïa. ,
Discussion : '
M. 6tiRicii. Que serait-il advenu du malade s'il eût possédé la
jeune fille ?
476 SOCIÉTÉS SAVANTES.'
M. KAHLLAMM. - Évidemment la construction imaginaire de son
amour philosophique n'eût pas tardé à s'écrouler en présence de
la réalité.
Sur la demande de M. Wernicke, M. Kahlbaum esquisse encore
quelques observations. Il allègue que chez ces malades, les troubles
fondamentaux ne sont point uniformément, sans discontinuité,
- rattachés à un système organisé, que chez eux, il se montre d'abord
des perturbations dans la sphère affective, intellectuelle et volon-
taire, et que ce n'est que secondairement qu'ils s'accompagnent de
troubles amalgamés. Ils se distinguent des cas de Verucktheit
proprement dits ou de paraphrénie, dans lesquels tous les symptô-
mes procèdent d'un mécanisme morbide de la vie conceptuelle,
d'une manière de sentir morbide au sujet des personnes et de la
propre personne du sujet. 11 en est ainsi de la plupart des malades
qui constituent les observations détaillées par Sandet dans son
mémoire sur la Verrucktbeit originelle, qui presque tous échap-
pent à cette étiquette.
M. VERNICKE ne partage pas l'opinion de M. Kahlbaum. Le cas
précédemment observé par M. Kahlbaum (il a eu l'occasion de
l'étudier lui aussi pendant quelque temps) est pour lui un exemple
frappant d'idée fixe (obsession) qu'il serait plus exact d'appeler
idée présomptueuse (obsession présomptueuse).
De cette obsession, le malade a tiré un délire logique auquel il
a conformé ses sentiments et ses actes. Du reste, il n'est pas rare
de voir ces hommes de cet âge se forger un penchant quelconque
pour une jeune fille et je ne sache pas qu'on puisse considérer ces
passions comme morbides.
Quant à la Verrùcktheit originelle de Sander, en effet, elle ne tient
pas debout ; n'étant point du tout étayée par ses observations.
M. KAHLBAUM. Il y a cependant des cas qui correspondent à la
description de Sander et qui méritent la démonstration de Ver-
ruclaheit originelle. Mais les observations de Sander représentent
où la folie systématique (Verrùcktheit) ordinaire ou l'héléphrein.
M. 1VEISSER. Le mémoire sur la Yerrucktheit originelle (Sander) a
été souvent mal compris. Aujourd'hui il y a confusion dans le
mode d'emploi de l'expression originaire l'e2-2-uch*lheit. Sander n'a
entendu traiter sous ce nom qu'un groupe, et il le dit expressément
un petit groupe, celui de la folie systématique primitive (premier
Ver1'ucktheit), Au contraire, MEYNERT et ses élèves, FRITSCH par
exemple, ont souvent employé comme synonyme des expressions
de primaire et originaire Verrùcktheit. SCHULLG, d'autre part, sous ce
nom désigne un autre type morbide.
Enfin, plus tard SANDER a lui-même avoué que le terme des
originaire Ve7·rucktheit n'était pas d'un heureux choix pour ses
observations. Les auteurs quand ils parlent de ceux qu'ils désignent
sociétés savantes. 477
sous le nom adopté par SANDER et qu'ils croient correspondre à cette
appellation, ne puissent pas envisager les mêmes observations;
ils les ont perdus de vue, c'est ce qui est notamment arrivé à Roll
dans son travail intitulé : (De la coexistence de la paranoïa origi-
nelle et de l'épilepsie).
M. Wernicke. J'ai publié des observations dans lesquelles il y
avait des idées fixes présomptueuses qui entraînent tout naturelle-
ment, malgré l'intégrité du mécanisme de l'intelligence sur tout
autre point un délire logique, par exemple un délire de persécu-
tion. Puis quand les choses durent ainsi depuis un certain temps,
la connaissance se modifie, la personnalité s'exagère subsidiaire-
ment ; il survient des illusions de la mémoire, et l'individu forge
de toutes pièces une histoire généralement positive, plus rarement
négative.
M. NEISSER. L'isolement des idées fixes est un fait général et géné-
ralement reconnu. Les cas de M. Wernicke sont des exceptions. On
n'a guère vu d'idées délirantes fixes isolées prendre le caractère
d'idées de persécution. *
Quant aux traits symptomatiques caractéristiques de la para-
noïa, il y a lieu d'admettre des symptômes primitifs directs, et des
symptômes secondaires ou consécutifs. J'insiste sur ce point en
tenant compte de la valeur diagnostique de l'idée fixe deM. Wernicke,
et en même temps de la définition que M. Halbaum donne de sa
paraphémie qu'il appelle paranoïa au sens rigoureux du mot, ayant
pour caractères la permanence et la prédominance d'idées déli-
rantes systématisées.
Je dirai tout à l'heure en traitant d'une forme spéciale des néo-
formations délirantes ce que je pense de la symptomatologie spé-
ciale de cette maladie et à son diagnostic différentiel. Pour le mo-
ment, je m'en tiendrai à des aperçus de pathologie générale.
Un grand nombre de malades, des malades d'âges différents
ayant des degrés différents d'éducation, appartenant à des natio-
nalités différentes sont conduits par une maladie identique, tout à
fait par des procédés analogues, à développer des idées délirantes
systématisées de persécution ou de grandeur; il faut donc que nous
reconnaissions une loi dans ces phénomènes, et que nous rassem-
blions ces faits en un faisceau, en un groupe séparé, spécial. Mais
ce n'est là que les prémisses d'une considération scientifique. Les
idées délirantes, surtout quand elles sont systématisées, procèdent
en tous les cas de rouages psychiques très compliqués, elles ne sont
que les produits ultimes d'un moteur morbide qui doit être l'objet
réel des investigations du diagnostic. Il se pourrait très bien que
le même moteur pathologique, considéré, dans son action physio-
logique, dans des conditions déterminées, prenne une tout autre
marche ou n'arrive pas au même degré de développement et que
478 sociétés savantes.
finalement, il n'engendre pas un système de délire à enchaînement
logique. Au surplus, on remarquera que pendant le stade initial de
la maladie, qui peut durer des mois, voire parfois des années, il
n'existe pas forcément des idées délirantes fixes et systématiques.
On serait donc en droit, tant dans l'intérêt de la théorie que de la
pratique, d'exiger que l'on formule son diagnostic en le tirant du
^mécanisme même de la formation du délire et de la façon dont
il évolue, et que l'on analyse l'activité morbide de la pensée en
travail, qu'on en saisisse les éléments aptes à procréer un délire
organisé, cohérent, solide. Certes ce ne seront pas des ratiocina-
tions théoriques qui décideront du genre de trouble intellectuel
qui forge et ajuste ce délire, ce ne peut être que l'expérience cli-
nique. J'ai personnellement lu au sein de la société un travail sur
la paranoïa dans lequel j'attribuais une importance cardinale à un
symptôme spécial que je tiens pour un des rouages générateurs
du délire, je veux parler de l'exagération pathologique des rapports
du moi.
Il n'y a selon moi d'exemple de folie systématique chronique
(chroniscke paranoïa) ou pour nous servir du terme proposé par
M. Kahlbaum de chronische Wahnsucht dans lequel on ne constate
pas d'exagération de la personnalité, il y a en revanche des cas dans
lesquels il n'y a pas d'hallucinations et où le seul symptôme est
constitué par une erreur d'interprétation des rapports du moi. Les
symptômes secondaires varient. Le plus fréquent est le délire de
suspicion et de persécution. Assez souvent, on voit consécutivement
survenir une perplexité toute spéciale. Et c'est justement parce
qu'il s'observe que le malade croit souvent que ses pensées sont
connues des personnes qui l'entourent ; c'est l'exagération qui lui
suggère cette idée.
Puisviennentles hallucinations de la parole intérieure de Cramer,
les hallucinations de l'ouïe avec les néologismes, les sensations
somatiques anormales du corps. Lors même que des malades
affirment avoir devant les yeux le tableau des scènes empruntées
à leur vie, c'est l'exagération de leur personnalité qui, agissant sur
leur imagination, produit ce phénomène. Tel est encore le méca-
nisme des mouvements, des actes, des propos que les fous systé-
matiques prétendent leur être imposés.
M. Wernicke. L'exagération de la personnalité sans substratum
hypochondriaque est une trouvaille de M. Neisser. Toute idée pré-
somptueuse se rattache à une exagération correspondante de la
personnalité ; ainsi s'explique son isolement dans maints cas.
M. Schubert. Communication casuistique. Il s'agit d'une obser-
vation de folie alternante chez une femme de quarante ans; d'abord
atteinte de mélancolie avec agitation pendant dix-huit mois, elle
présenta au bout de ce temps des alternatives de dépression et de
BIBLIOGRAPHIE. 479'
lucidité se succédant alternativement chaque jour; un jour, elle
était déprimée, un autre jour, elle était en parfait état. L'ensemble
de la maladie dura ainsi deux ans et demi; elle guérit alors, et
cette guérison s'annonça par le retour des règles qui avaient cessé
au début de l'affection mentale.
M. NEISSER présente un malade affecté de paralysie progressive
avec complications d'atrophie musculaire spinale 1l1'ooressive. 11 pré-
sente ensuite un homme de quarante-trois ans tourmenté pas des
idées de persécution mais sans dépression, sans que ces idées
l'empêchassent de sentir normalement, de participer à la conversa-
tion, de s'occuper. Ceci prouve que la persistance d'idées délirantes
fixes, sans trouble du côté de la sensibilité morale, ne constitue
pas le fond même de la folie systématique (paranoïa). Dans le cas
particulier, elles sont le résidu d'une maladie aiguë dont l'évolu-
tion a aujourd'hui achevé son cycle, maladie qui était représentée
par les symptômes suivants : trouble de la connaissance; 'délire;
paralysie plusieurs nerfs crâniens ; aphasie, et qui n'était
autre chose qu'une affection organique du cerveau d'origine proba-
blement syphilitique. (Allg. Zeitch. f. Psychiat., XLIX, 3.)
. P. KERAVAL.
BIBLIOGRAPHIE.
XIII. Les diplégies cérébrales de l'enfance; par le Dr Rosenthal de
Vienne (Autriche). J.-B. Boillier.
Sous ce nom, l'auteur a réuni des affections déjà décrites sous le
nom de rigidité généralisée de rigidité paraplégique, de tabes
dorsal spasmodique, d'hémiplégie spasmodique bilatérale et de
chorée congénitale; il pense que ces atfections, quoique différentes
entre elles, appartiennent à un faisceau commun. Ce sont des ma-
ladies de la première enfance, et parfois de la vie intra-utérine
dues à des hémorragies méningées, souvent d'origine traumatique
et siégeant de préférence sur le bord médian de l'hémisphère cé-
rébral dans ses couches superficielles; des paralysies flasques mais
surtout avec rigidité, des rigidités spasmodiques avec parésies.
musculaires, des mouvements choréiques ou athétosiques, en sont
les manifestations; tantôt la forme en est paraplégique sur les
membres inférieurs, tantôt hémiplégique, tantôt généralisée; les
paralysies, les chorées peuvent manquer, et c'est cette variété dans
480 BIBLIOGRAPHIE.
la distribution et l'évolution des symptômes qui a causé la variété
des dénominations et la pluralité des types pris à tort pour autant
de maladies distinctes; l'intelligence est toujours frappée plus ou
moins de la légère imbécillité à l'idiotie complète. Les convulsions
sont aussi très fréquentes au début de l'affection. Les conditions
de la chorée et de l'athétose ne sont pas élucidées.
r Ce travail sérieux ét clair Repose sur un grand nombre d'obser-
vations personnelles groupées en tableaux statistiques des plus in-
téressants à constater au point de vue étiologique et symptol>la-
tique. CH.
XIV. RLINISCHE UND NaTOiISCHP : BEITR1GE ZUR Pathologie DES GEHIRNS.
Contributions cliniques et anatomiques à la pathologie cérébrale) ;
par von S.-E. HENSCHEN. (Upsala, 1892. Deuxième volume, 232 pages
' in-4°, avec 20 planches et 6 cartes.)
Voilà déjà bientôt trois ans qu'a paru la première partie de cet
ouvrage considérable d'un savant suédois, M. Henschen, professeur
à Upsal, déjà avantageusement connu par des travaux antérieurs.
De préférence à sa langue maternelle, l'auteur s'est servi de l'alle-
mand qu'il connaît bien, pour être compris d'un plus grand cercle
de lecteurs. Cette première partie a été l'objet d'éloges unanimes
et mérités de la part de la critique dans les revues spéciales des
différents pays. Dans ce volume, l'auteur avait exposé des obser-
vations cliniques exactes suivies de recherches macroscopiques et
microscopiques avec le plus grand soin, réunissant ainsi des maté-
riaux nombreux et très précieux (trente-six cas, dont trente avec
autopsie) pour l'élucidation des questions de pathologie cérébrale
les plus discutés, surtout celle des localisations, consacrant cepen-
dant son étude principale au centre et aux trajets visuels.
Disons tout de suite de la deuxième partie, parue l'été dernier,
qu'elle continue dignement la première. Elle devait originairement
être consacrée surtout à une analyse critique détaillée des cas dé-
crits dans le premier volume, et à une comparaison avec les résul-
tats obtenus par d'autres. Cependant, les matériaux s'étaient ac-
cumulés dans l'intervalle; aussi l'auteur nous donne-t-il dans un
chapitre spécial sous le titre de : e Hermiochropsie Kasuistih »
neuf cas nouveaux, suivis d'autopsie et d'examen microscopique
et où nous trouvons les mêmes qualités d'exactitude et de soin,
dans l'observation que nous avons eu-à louer dans la première
partie. Parmi ces cas, il en est d'un intérêt tout particulier; citons,
par exemple, celui d'un enfant atteint d'hémianopsie, cas qui,
ayant -abouti à l'autopsie suivie d'un examen au microscope, est
ainsi unique en son genre; ce cas s'est trouvé être une hémia-
nopsie indirecte.
Se basant sur l'analyse critique de ses propres observations et de
BIBLIOGRAPHIE. 481
celles qu'il a recueillies dans la littérature médicale, M. Hensens
suit les trajets visuels depuis la papillè'jusqu'au centre visuel,
complétant sur un grand nombre de points et souvent rectifiant
nos connaissances à cet égard. Ainsi il établit plus exactement le
trajet de ces fibres croisées et non croisées, spécialement'des macu-
laires, d'abord dans le nerf optique même; il montre ainsi, par
exemple, que la partie non croisée des fibres ne forme pas un fais-
ceau compact sur tout leur parcours, comme on le croyait géné-
ralement jusqu'ici, mais qu'elle se partage dans la partie anté-
rieure, orbitale, en deux faisceaux à peu près égaux, l'un plus
(latéro-) ventral, l'autre plus (latéro-) dorsal, et qu'entre eux s'in-
tercalent les fibres maculaires. L'auteur suit ces trajets à travers
le chiasma, la bandelette optique, etc., et arrive sur bien des points
à des conclusions différentes de celles de ses devanciers.
11 faut reconnaître une importance capitale à l'étude aussi appro-
fondie que peu précaire à laquelle l'auteur soumet les centres
visuels eux-mêmes. Il passe en revue les principales localisations
attribuées à ce sens par les différents auteurs; il fait voir d'abord
que le centre visuel ne peut pas être situé dans le lobe pariétal
,inférieur, comme cela résulte des cas où ce lieu était affecté sans
qu'il en fut résulté ni hémianopsie, ni aucun autre trouble visuel,
et il explique comment l'erreur a pu se procuire, en démontrant
que dans les cas accompagnés de troubles visuels, la lésion n'avait
pas seulement détruit la couche corticale de ce lobe, mais avait
pénétré si profondément dans la substance médullaire qu'elle avait
rompu les trajets eux-mêmes (Sehstrahlung). L'auteur montre de
la même manière que le centre de la perception lumineuse ne
peut pas se trouver dans la partie ventrale du lobe temporal, ni
sur la surface latérale ou ventrale du lobe occipital; procédantsur-
tout par exclusion en s'appuyant, sur des cas négatifs, l'auteur
ramène successivement le lieu de ce centre à la partie médiane du
lobe occipital, et finit par le placer sur les bords et au fond de la
scissure calcarine; il apporte aussi à l'appui de cette opinion des
preuves directes, en particulier un cas observé par lui et par
M. Nordenson [n° 142 (40)], une hémianopsie gauche, où la section
révéla un ramollissement exclusivement cortical à droite au fond
de la fissura Hippocampi et de la scissure calcarine, alors qu'il
avait déjà démontré par des cas précédents que la première de ces
parties ne joue aucun rôle dans les troubles visuels; la surface du
cuneus et du lobulus lingualis n'offrait aucun ramollissement, ex-
cepté la pointe antérieure du coin.
En se fondant sur ses observatious, l'auteur croit pouvoir avec
quelque probabilité déterminer plus spécialement le rôle des diffé-
rentes parties de la fissure calcarine pour la perception de la lu-
mière ; il pense en effet que ce rôle est affecté principalement au
tiers médian et postérieur (3 à 4 centimètres) et que les fibres ma-
Archives, t. XXV. 31
ri : .1 .BIBLIOGRAPHIE.
¡ culD;iJ'e doivent être localisées plutôt dans les parties antérieures
et celles pour le champ visuel périphérique dans les' parties posté-
rieures et de telle façon que la lèvre supérieure de la fissure, c'est-
à-dire la partie inférieure du coin, correspondrait à la moitié su-
périeure de la rétine et la lèvre inférieure, c'est-à-dire la partie
supérieure du lobulus lingualis, à la moitié supérieure de la rétine;
enfin que la région rriaculaire est innervée par les deux hémisphères.
" L'auteur cherche encore à déterminer la position du centre
visuel en suivant les phénomènes de dégénérescence occasionnés
par des lésions- périphériques, ainsi que les dégénérescences cen-
trifuges; il trouve- dans ces altérations dégénérescentes ou plutôt
;atrophiques la confirmation de, ses opinions, et il y trouve une
.preuve du fait que les cellules des trajets croisés et des non croisés
des parties homologues de chaque rétine ne sont pas séparés, mais
au contraire mêlés et confondus; enfin, plusieurs des cas observés
portent l'auteur à admettre que les éléments percepteurs des cou-
leurs sont disséminés parmi les éléments percepteurs de la lu-
,mière.. ? Quant à ces altérations dégénérescentes. surtout à la suite d'une
..lésion du corps genouillé externe, et aux recherches histologiques
de l'auteur sur la fine structure des bords de la scissure calcarine,
si intéressantes que sont ces parties de l'ouvrage, nous ne pouvons
nous y arrêter et renvoyons le lecteur à l'original; elles témoignent
de la manière approfondie et complète, dont l'auteur a traité son
sujet. .
. Vingt planches très bien exécutées, six'cartes et une impression
,soignée contribuent à rendre ce bel ouvrage d'un accès agréable
et facile.
. La troisième' partie que l'auteur nous promet sera sans doute
aussi d'un haut. intérêt : il y apportera de nouveaux matériaux
entre autres pour l'étude spéciale du rôle que jouent dans les con-
duits visuels les ganglions optiques subcorticaux : le corps genouillé
externe, le pulvinar et les tubercules quadrijumeaux antérieurs, et
il y abordera aussi la question des centres visuels supérieurs.
...... . ' . E.-A. HOMES. ? Nous venons de recevoir le premier fascicule du Messager neill'o-
.logiste, journal de la société des neuropatliologues et des psy-
chiâtres- de l'université de Kazan, paraissant sous la direction de
- DI, le. professeur V : M. Bechterev, l'un des représentants les plus
éminents de la neuropathologie russe et fondateur de cette société
.savante. Ce premier fascicule est rempli de travaux originaux très
-intéressants.. Pour le moment, nous nous contenterons d'énumérer
leurs titres nous réservant de donner une analyse aussi détaillée
que. possible des plus importante : Tout d'abord, nous trouvons un
article, de M. le professeur- N; 0. Kovalevski qui a été un des
VARIA. 483 i
membres les plus influents de l'Université de Kazan. Vient ensuite
un discours prononcé par M. Bechterev à l'ouverture de la so-
ciété. Ce discours est intitulé : « Sur l'état actuel des connais-
sances neurologiques et sur l'importance des sociétés scientifiques
dans leur développement. » Les autres travaux sont : « Un cas de
pychose consécutive au choléra », par M. le D' V. J. Vassiliev ;
c Sur la valeur thérapeutique de l'hypnotisme », par M. le pro-
fesseur Bechterev; « De l'influence de la suspension sur les troubles
oculaires des malades atteints des lésions médullaires », par le
Dr Vorotinski; a Sur les altérations des nerfs optiques dans le
tabes », par M. le professeur N. M. Popov; « Sur les centres corti-
caux des sphincters vésical et rectal », par M. le Dr K. Meyer; c Sur
l'innervation de la peau de la surface plantaire des extrémités infé-
rieures D, par M. le D 1 : . Smirnov; « Sur les appareils terminaux
du nerf gustatif », par M. le professeur K. A. Arnstein; « Sur les
bases physiologiques et psychologiques de l'esthétique contempo-
raine », par M. le professeur A. J. Smirnov.
Nous souhaitons le plus grand succès à notre nouveau confrère.
J. R.
VARIA
ÂFFAtRVALROFF.
La cour d'assises des Alpes-Maritimes a eu à juger, le 25 avril
dernier, le jeune Valroff dont les journaux politiques ont raconté
la double tentative d'assassinat commise, le 13 mai 1892, sur sa
patronne, 111"'e Oarin de Coccomato, femme du consul du Portugal
et la bonne de celle-ci, 111u Bracco.
On sait combien la lutte a été chaude entre les médecins experts
de Nlce et de Paris, d'une part, et d'autre part, les médecins ayant
donué à la défense leurs consultations : tandis que les premiers
affirmaient que Valroff a commis sa double tentative et qu'il est
par conséquent partiellement responsable, les autres en s'appuyant
sur les documents de l'expertise, prétendaient que l'inculpé a agi
en état de somnambulisme hystérique ou épileptique, ce qui plai-
dait en faveur de son irresponsabilité complète. Le jury a rapporté
un verdict affirmatif sur les deux questions de tentative de meurtre,
mais tenant compte des opinions médicales alléguées par la défense,
il a écarté la préméditation et a accordé les circonstances atté-
nuantes. La cour, après avoir délibéré et par application des
484 faits divers.
articles 295 et 304 du code pénal, a condamné Léon Valroff à
cinq ans de réclusion. D'après les journaux de Nice, il paraît que
Valroff va se pourvoir en cassation. ,
FAITS DIVERS
Asiles D·ALI6N);S.-ilItlGCfi20)tS.- 26 avril 1893. M. le D1' DuBuis-
son, directeur médecin de l'asile de Dury (Somme) est nommé en
la même qualité à l'asile de Braqueville (Haute-Garonne), en rem-
placement de M. le D1' Bouteille, admis à faire valoir ses droits à
la retraite. 24 mai 4893. - M. le D'' ! \IARTI : '<II' : NQ, médecin en
chef de l'asile public d'alinés de Clermont (Oise), est nommé direc-
teur médecin de l'asile de Dury en remplacement de M. le Dr Du-
buisson, appelé à d'autres fonctions.
Faculté de médecine de >110NTPELLIE(l. M. Bosc, chef de clinique
médicale, est institué chef de clinique des maladies mentales, en
remplacement de M. LAPON, dont le temps d'exercice est expiré.
Colonie familiale DE Dun-sur-Auron (Cher). Par décret en
date du 3 octobre, il est créé, en plus du cadre réglementaire un
nouvel emploi de médecin adjoint du service des aliénés du dépar-
tement de la Seine, dont le titulaire sera chargé d'organiser et de
surveiller la colonie familiale établie, à titre d'essai, par le dépar-
tement de la Seine, à Dun-sur-Auron (Char). M. le D1' Marie (Ar-
mand-Victor-Auguste), médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés
d'Evreux (Eure), est nommé médecin-adjoint à l'emploi créé à la
colonie fumiliale du Dun-sur-Auron (Cher). M. le Dr Marié est
maintenu dans la 2 classe du cadre et continuera à jouir dans son
nouveau poste, en dehors des avantages en nature, du traitement
de deux mille cinq cents francs (2,500 fr.) déterminé par le décret
sus-visé du 11 février 1875.
Aliéné meurtrier. Une dépêche de Lyon, du 13 mars, annonce
qu'un assassinat a été commis ce matin à l'asile de Brou. A neuf
heures, un aliéné du nom de Bonnier, ordinairement très calme,
est entré précipitamment dans les cuisines et a porté au chef cuisi-
nier Perrin, un violent coup de couteau qui a atteint le malheureux
dans la région du coeur. La mort a été instantanée. (L'Eclair.)
Incendie d'un asile D'ALI); : NÉS.- Une dépêche de Moulins, du
15 mars apprend qu'un gèand incendie s'est déclaré ce matin, à.
sept heures, à l'asile des aliénés de Sainte-Catherine, distant de
faits DIVERS. 485
deux kilomètres de Moulins. Le feu a pris dans la sallé de bains,
dans la cinquième section, occupée par les agités. En un instant,
le feu se communiquait à tout le pavillon d'une longueur de cent'
mètres. '
L'alarme fut donnée et une foule nombreuse accourut sur les lieux,
ainsi que le régiment du 10° chasseurs à cheval, le 18e escadron du
train des équipages, la gendarmerie et la police. Le feu a pu être
circonscrit. Les dégâts s'élèvent à cent mille francs environ. Il n'y
a pas eu d'accident de personne, les pensionnaires de l'établisse-
ment ayant évacué sans difficulté le pavillon où l'incendie s'était
déclaré. (L'Eclair.) D'où nécessité de pourvoir les asiles d'eau en
abondance, d'uue bonne canalisation, débouches d'incendie et de
- dresser une partie du personnel à l'exercice des pompes.
\
Incendie d'un asile d'aliénés. Le 7 avril dernier, l'asile de
Comté situé à Delaware (0) ; a été incendié; tous les aliénés ont été
sauvés. (The médical Record, zz 15, 1893.)
Société contre l'abus du T.1R1C.- La Société contre l'abus du
tabac vient de constituer son bureau pour 1893. Ont été élus : Pré-
sident : M. Decroix; vice-présidents : MM. le D1' Dujardin-Beaumetz,
de Gasté, le Dr Hache etLeyssenne; secrétaire général : M. Petit-
bon ; secrétaire général adjoint : M. L. Bertheraud ; secrétaire pour
l'étranger : M. Milne; secrétaires des séances : 11111. Habrard :
Mailles, le docteur Laurent, Vivez; trésorier : M. Palut; archiviste,
M. Rassat. l.
La Société contre l'abus du tabac vient d'ouvrir un nouveau
concours. Voici les questions qui intéressent nos lecteurs :
Prix de médecine. Rapporter au moins quatre observations
inédites, bien circonstanciées (étiologie, symptomatologie, termi-
naison, etc.), d'affections exclusivement attribuables à l'abus du
tabac. Le prix consistera en un lot de livres, d'une valeur de
200 francs environ, et d'une médaille de vermeil.
Prix du docteur Gruby (100 francs). Dans l'intérêt des fumeurs
incommodés par le tabac et qui disent ne pouvoir vaincre leur
passion, faire connaître un moyen pratique et peu coûteux de dé-
truire le plus possible les principes délétères de la fumée du tabac.
Le programme détaillé du concours sera envoyé gratuitement aux
personnes qui en feront la demande au Président, 20 bis, rue
Saint-Benoît, Paris.
Une voleuse en léthargie. Une jeune fenime, vêtue d'un am- "
ple manteau couvrant entièrement une élégante toilette de ville,
avait attiré jeudi soir l'attention d'un des surveillants d'un grand
magasin de nouveautés de la rive droite.
Soupçonnant cette élégante personne d'être une voleuse, l'em-
486 BULLETIN bibliographique
ployé la fila. Bien lui en prit, car, au bout de quelques instants, la
jeune femme mettait la main sur trois écrins contenant des cachets
en vieil argent. Continuant sa promenade, elle se rendit à un rayon
du premier étage, à peu près désert à cette heure-là, et s'empara
d'un bronze d'art. -
Se Retour du marché, mesurant 75 centimètres de hauteur, pesant
environ cinq kilos, qu'elle cacha sous son manteau. Comme elle se
disposait à sortir, l'employé la pria de vouloir l'accompagner au
salon des fouilles, où elle perdit connaissance, sans qu'il fût pos-
sible de lui faire reprendre ses sens. Transportée à l'hôpital de la
Charité par les soins de M. de la Londe, commissaire de police,
immédiatement prévenu, on ne put parvenir à la faire sortir de son
état léthargique qui a duré pendant toute la journée d'hier. Ce
malin, seulement, elle est revenue à elle, mais elle a refusé énergi-
quement de fournir aucun renseignement sur son indentité et son
domicile. J.-B. CHARCOT ET GEORGES GUiNON.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Bourneville. - Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,
l'hystérie et l'idiotie. Publié avec la collabotation de MM. Dauriac, Ferrier,
Noir. Vol. in-8° de cxx-368 pages, avec 37 figures dans le texte et 15 plan-
ches hors texte. Prix 6 fr.; pour nos abonnés, 4 fr.
Bourneville. - Du traitement chirurgical et du traitement médico-
pédagogique de l'idiotie. In-8° de pages. Extrait du compte rendu
du Congrès de Blois.
Mairet (A.). Aliénation mentale syphilitique. Volume in-8° de
182 pages. Paris, 1893. Librairie G. Masson.
Moncorvo. Quelques réflexions sur l'étiologie et le traitement de la
sclérose en plaques à propos des leçons sur les maladies de la moelle par
P. Marie. Paris, 1892. Librairie 0. Berthier.
vloaconvo. Sur un cas d'acromégalie chez un enfant de lf mois,
compliqué de microcéplzalie. Brochure in-8°, de 13 pages. - Paris, 1893.
Librairie G. Steinheil.
Pieraccixi (A,). Mutismo accusuale in donna alienala da sialo allu-
cinalorio delcenlro verbale Brochure in-8° de 11 pages. --
Reggio nell'Emilia, 1893. Tipografia Calderini c Figlio.
Sanson (B.). L'Hérédité normale et pathologique. Volume in-8' de
430 pages. Prix 8 fr.
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
TABLE DES MATIÈRES
Aboulie avec obsessions, par Ray-
mond et Arnaud, 373.
Acétonurie chez les aliénés, par de
Bocke et Slasse, 93; Sailler, 9.
Aliénation mentale par troubles de
la nutrition, par Mairet et Bosc,
101.
Aliénés, action bactéricide et toxique
du sang des -, par d'Abundo,
252 ; salaire des , par Mercier,
110. -
Amnésie rétrograde, par Baroncini,
458.
Asiles d'aliénés, 149, 150, 151;
nominations et promotions, 158,
310, 484; -de Toldo, par Hasimé
Sakaki, 259; concours des mé-
decins d'-en Italie, 313; - sur-
veillance des -, par Ascher, 409 ;
régime alimentaire des -, par
Campbell, 409.
Asphyxie locale chez un hvpéma-
niaque, par Targowla, 383.
Assistance des épileptiques, loi,
414; - (les idiots. t55,la6, 285,
415; par Allier, 287, 309.
Ataxiques, vertige des, par Gras-
set, 1, 179 : -suspension chez un
- , par Ducamp, 265.
Attention, rôle de l'- dans l'hyp-
nose, par Page, 256.
Atrophie musculaire spinale fami-
liale, par Hoffmann, 281.
Automatisme comitial ambulatoite,
par Grandjean, 91; - somnam-
bulique avec dédoublement de la
personnalité, par Boëteau, 33.
B1'f'fEIiIli électrique transportable,
par Laquer, 278.
Bibliographie des folies diathésiques,
par habille et Lallemant, 140;
poliomyélite antérieure et névrite
multiple, par Gowers, 1 il ; ma-
nuel pratique des maladies men-
tales, par Régis, 141 ; atlas de
pathologie du système nerveux,
par Babès ei Blocq, 142 ; pa-
thologie des émotions, par Féré,
142; troubles du langage chez
les aliénés, par Séglas, 302; z
paralysies et contractures hystéri-
ques, par Richer, 304; - troubles
de la marche dans les maladies
nerveuses, par Blocq, 306;
syphilis du système nerveux, par
Gowers, 308; leçons cliniques
sur les maladies mentales, par
Iagnan, 40 ? ;-thérapeutique sug-
gestive, par Cullerre, 404 ; in-
version sexuelle, par Chevalier,
405 ; - diplégies cérébrales de
l'enfance, par Rosenthal, 479;
contributions cliniques et anato-
miques à la pathologie cérébrale,
par Henschen, 480. 0
Biliaires, calculs chez les aliénés,
par Beadles, 387.
Boulimie hystérique, par Stéfani,
458.
Bradycardie, par Lunz, 137.
Bulletin bibliographique, 159, 415.
Caractère, les vices du et les
folies qui s'y rattachent, par Char-
pentier, 117.
Catalepsie, par Hospital, 381.
CÉPHALIQUE, traumatisme par
Thomsen, 281.
Cerveau, fibres d'association de
l'écorce du -, par Bechterew,
105; fibres de l'écorce du -, 1
par Kaes, 109; fibres de la
substance grise des cavités du ,
par Schuetz, 109; lésions trau-
matiques du , par Dewey, 268 :
action de quelques médica-
ments snr le -, par Kroepelin,
279; lésions du crâne et du
dans la folie, par Roller, 473.
Choléra, influence du sur les
aliénés, par Camuset, 379..
488 table des matières.
CIlOm;¡;, anatomie pathologique de
la - par Wollenberg, 113; --
électrique d'origine gastrique, par ! \Iassalongo, 253; - héréditaire,
par îlenzies, 393. ,
Coc \ÏJ\15JIE, par Percy-Smith, 462.
Coeur, rupture du -, Par Bruce,
î63.
Collapsus, délire du -, par Aschaf-
fenburg, 282.
Commotion cérébrale, parFriedmann,
262.
Confusion mentale primitive, par
Chaslin, 377.
Congrès des médecins aliénistes et
des pays de langue française, 149;
- de la Société psychiatrique de
l'.lllemaque du Sud-Ouest, 1 2,
273; - des médecins aliénistes
et neurologistes de Moscou, 129,
171 ; des aliénistps de l'Est de
l'Allemagne, 285, 474; psychia-
trique de. la province du'Rhin,
3971 - XXV.' - de la Société des
aliénistes de Basse-Saxp et de
Westphahe, 173,
Contrainte corporelle dans le trai-
tement de la folie, par Worcester,
452.
Corps calleux, dégénérescences
consécutives il la section du -,
par Motiratof, 472.
Cnumn.s, maladie de la volonté
chez les -, par Laurent, 379.
Dégénérescences secondaires de
l'encéphale après l'ablation des
zones motrices, par Jlouratof, 136.
Délire chronique, par Sérieux, 92 :
par l'rondor, 390; polymorphe,
par Arnaud, 272.
Démence, formes aiguës de la -,
par Serbslci, 103. .
Dermomiaphie chez un hystérique,
par Dueamp, 205.
Désimection intestinale dans la fo-
lie, par llacpherson, 392.
DUB01SIJ\E dans les maladies men-
tales, par Belmundo, 450.
Epilepsie, toxicité urinaire dans l ?
parJ. Voisin et Péron,65; -jack-
sounienne, par Isramer, z
symptomatique, par Bellat, ! 1S;-
température dans l ? par I)éiié-
dickt, 95; circulation du sang
dans l'encéphale pendant les accès
d' , par 10(i; - trai-
tée par la méthode cltirurgicale,
par Wild0l'IlILILII 12; - révolu-
tion consécutive aux accès d'-
par Pick, 260; - procursive, par
Buttner, 260 ; avec ligature de
l'artère vertébrale, par 'l'elforcl
Smith, 1·JJ.
Equilibre, troubles de 1' consécu-
tifs à une affection des canaux
semi-circulaires, par Ioos, 276.
Esprit, état sain de l'- par Bucke,
25 f.
Face, asymétrie de la-, chez les
aliénés, par Turner, 461.
Faiblesse il ritable d'origine psvcltu-
motrice, par Fuerstner, 277.
Faisceau cunéiforme, noyau externe
du -, par Blumenau, 106.
Foi qui guérit, par Charcot, 72.
Folie, en Famélique, par Godding,
`35;- diathésique, par Mabille
et Lallemant, 140 ; - sans délire,
par Marandon de Montyel, 381 z
du doute avec délire du toucher,
par Massant, 457; dans la pra-
tique médicale ordinaire, par
Newth, 46; origine de la -,
par Bucke, 468 ; et maladies
rénales, par Tulle, 468.
FH1EDHEICn, svndrome de -, par
Farge, 266; 268 : -avec
troubles trophiques,par Szcypiors-
l,i,383.
Génie et folie, par Macdonald. 162.
Génital (sens), inversion ei perver-
sion du -, par Lewis, 91.
Glotte, occlusion de la , par bol
alimentaire chez un aliéné, par
Hospital, 98.
IIALLUCI\.1't'IU\S, par'l'igjes, 103;-
verbales psyclvo-motrices, par
lioubinovitch, 120 ; désordre
des idées dans les aiguës, par
Schoenthal, 124- phénomène non
décrit dans les - visuelles, par
Piéraccini, 252.
Hématome de l'oreille, traitement t
de l' -, par williams
origine de l ? chez les aliénés,
par Pellizzi, 458.
11¡;111.\THOPlIIE faciale expérimentale,
par Girard, 261.
HÉ)11,%,NESTIIISIE cérébrale, par Vors-
tel, 126.
111;'1 h1\OTOPU : de la substance grise
de la moelle, par Krontlial, '3US.
table DES matières. /e8l)
Hvoscm, usage et abus de l ? par
Wealherley, 455.
Hypnose, rôle de l'attention dans l'
, par Page, 258.
Hypnotisme à Paris et à Nancy par
Robertson, 464.
Hystérie , diagnostic différentiel
avec les maladies organiques du
cerveau, par Ghilarducci, il ; -
simulant la gliomatose médul-
laire, par Rossolimo, 133 : défi-
nitions récentes del ? par Ja-
net, p. 17; -paralysie agitante
et -, par Chabbertï 'r81 ; - à
deux, par de Rode, 457.
IDIOTIE, avec cachexie pachyder-
mique, par Cousot, 93; congé-
nitale, avec tics nombreux, par
Bourneville et Noir, 228; - trai-
tement chirurgical de l' -, par
Giacomo, Tuholske, Miller, 292.
Imbécillité avec arrêt de développe
ment d'un membre, par Angio-
lella, 390.
hrLUENzA et névrose, par Savage,
461.
Insolation et folie, par Hyslop, r : 9.
Ivrognerie, bichlorure d'or danô
l ? par Bannister, 454.
Katatonie, par Percy Smith, 381 ;
Noyau, 403.
Logorrhée, par Klinke, S9.
Manie, post éclamptique, par Alexan-
der, 460.
Mélancolie, anxieuse chronique, par
Dagonet, 9 ? ;- au point de vue
physiologique et évolutif, par lio-
bertson, 459.
Mémoire visuelle et mouvements ré-
ilexes, par Ivoizewshi, 115.
Mensonge et aliénation, par Mielo,
103.
-Microgyrie, par Otto, 112.
Moelle, élongation de la -, cn
Orient, par Rastonil. 88 ; - alté-
ration des cellules nerveuses de
la -, par Schaffer, 107 ; atro-
phie des fibres de la substance
grise de la -, par llinor et Kuo-
blauch, 111; - lésions trauma-
tiques de la-, par Minor, 131 ;
développement de la myéline dans
les cordons postérieurs de la
par Trepinslu, 289.
Monoplégie brachiale hystérique .
par Kimosuke lliura, 321.
11o·etts merfb), action de la cha-
leur -sur les -, par Gortinsky,
117; altération de la partie cen-
trale d'un -, après lésion de la
partie phéiiphérique, par Dark-
chevitch, 129.
Mort snbite et hérédité névropa-
thique, par Cullerre, 100.
Musculaire (conscience), de Du- ! chenne, par Pick, 115.
Myopathie primitive, type Landouzy
Dejerine, par Blocq et Marinesco,
189; - scoliose dans une , atro-
phique primitive, par Sacaz, 3 : G.
Nécrologie : Bail, 399; - Piclion,
41F.
Négations, délire des -, par Tou-
louse, 272; Arnaud, 370.
Néphrite choréique, par Thomas,
276.
Nerfs, lésions de plusieurs crâ-
niens par un traumatisme chi-
mique, par Stenier, 283.
Névrite périphérique dans la para-
lysie générale, pal' Fuerslner, 123.
Névroses convulsives et affaiblisse-
ment intellectuel, par Francotte,
4 : 57. '
Obsession avec conscience, par Ber-
bez, 253.
Optique, trajet des fibres dans le
nerf -, par Hebold, 105; par Pri-
bytkow, 135.
Otologique, service de la Salpè-
trière, par Gellé, 210.
hacuruéwscme, pathogénie de la
interne hémorrhagique, par Wi-
glesworth, 267; par Whitcombe.
260. '
1'.%IESTII,Slr des extrémités, par La-
quer, 28 Í.
Paralysie, agitante et hystérie, par
Chabbert, 438; ascendante de
Landry, par Mouratof. 132; - bul-
baire sans lésions, par Senator,
270 ; troubles sensitifs dans
la t\n'iaie rhumatismale, par
Frankl lIochwarth 1113; dégé-
nerescence secondaire dans la`-
infantile cérébrale, par Gierlich,
113; - hystériques par ceinte,
par KrafTt, 264 ; hystérique chez
un jeune garçon, par llévilliod,
26t; spinale syphilitique, par
Erb, 269; isolée du musculo-
clltaup, par Bumpf. 271.
si \)0 TAULE DES MATIÈRES.
1.\R.4LSS11 : générale, rémission dans
la -, par Guillemin, 97; ana-
tomie pathologique, par Binswan-
ger, 114 ; altérations de la
couche optique, par Zagari, 114;
névrite périphérique dans la -,
par Fuerstner, 125; et syphilis,
par Jacobson, 385; par Lefilliatre,
-39G; trépanatlon dans la , par
\Vaner, 450, cas anormaux de
, par Bonville, 460; avec
atrophie musculaire spinale pro-
gressive, par Neisser, 479.
Paralytique général, gangrène de la
lèvre par succion chez un , par
Vallon, 224.
Paranoïa, par Dunn, 380; Kalhbaum,
474; etidélire sensoriel, par del
Greco, 388.
Persécution (délire de) par Falret,
118; J. Voisin, 395.
Plexus brachial, paralysie limitée
du -, par Bernhardt, 270.
Pliomyélite antérieure et névrite
multiple, par Gowers, 141.
Polynévrite, par Gilbert, 284.
POLIURIE chez une cérébrale, par
Wiedemeister, 258.
Porencéphalie du lobe frontal droit,
par Salgo, 92; acquise, par
Kreutzer, 110.
Prisonniers, examen psychologique
des , par Morel, 391.
Psychique, contagion terminée
par guérison, par Kuhne, 90.
Psychologie individuelle, par111uens-
terberg, 104.
Psychonévrose, symptomatologie
des, par Egarow, 129,
Psychose, chez un saturnin, par
Mayer, 91; puerpérale, par
Idnow, 131 ; rapport du pouls
du corps avec un certain nombre
de , par Stern, 261.
Ramollissement cérébral, inflamma-
tion de la névroglie dans le, par
Gierlich, 283.
Réflexe anal, par Rossolimo, 107.
Résistance éleotrique du corps, par
Frey et Windscheid, 108.
RÉI E, état de-, par Smith William,
466.
Rumination chez les aliénés, par
Christiani, 25.
Sang, pression du - dans les ano-
malies primitives de l'humeur-,
par Cramer, 291.
Saturnine, psychose, 1)al' \Iayer, 91.
Sclérose latérale amyotrophique ou
amyotrophie hystérique ? par
Charcot, 161. »
Scoliose dans une myopathie atro-
phique primitive, par Sacaze, 356.
Sociétés, médico-psychologique,
117, 372, 394, 470 (prix); psy-
chiatrique de Berlin, 292, 398;
contre l'abus du tabac, 485 (prix).
Sommeil, paradoxal chez un aliéné,
par Szcypiorski, 96.
Suggestion, gymnastique de la ,
par Lehmann, 103.
Suicide chez tiois soeurs, par Ma-
bille, 97.
SULFOX IL comme sédatif, par Carlyle
Johnstone, 456.
Sutures crâniennes, sensibilité des
, par Kreuser, 127.
Syphilis du système nerveux, par
Schultz, Brasch, 263.
Syringomyélie avec atrophie de la
langue, par Fambourère, 104.
Système nerveux, corpuscules amy-
loïdes du -, par Redlich, 114;
affections consécutives du
central, par Darkchévitch et Fik-
lionof, 471. ' -
Tares dorsal, par Dinlcler, 274.
T IX.\TOPHOI31E et suicide, parNicou-'
I;tti, 91.
Tète, sensation de lourdeur de -,
par Campbell, 393.
Tétante, par Schlesinger, 2G9. xi,,271.
TFTwos céphalique, par Nerlich,271.
Thérapeutique dans les maladies
mentales, par Anarisani, 456.
Tics, maladie des, par Chabbert, 10
- , par Bourneville et Noir. 228.
Transferts des enfants aliénés, 406.
Tremblements chez les vieillards, par
Sacaze, 267.
Trépanation dans la paralysie géné-
rale, par Wagner, 451.
Trijumeau, racines du , par de
Gudden, 111.
Tumeur cérébrale, par Erb, 275 ;
Rorie, 463.
Urines, chez les épileptiques, par
Voisin et Péron, gaz; chez les
aliénés, par de Boecke et Slasse,
92 ; acétone dans l'urine des
i aliénés, par de Boecke et Slasse,
. 93.
Urique (acide) dans la dépression
mentale, par Marzocchi, 253.
table des -auteurs ET DES collaborateurs. 491
Vertige des ataxiques, par Grasset,
1, 179.
Visuel (appareil), réaction galva-
nique de l ? par Hoche, 280.
Yeux, paralysie chronique des
muscles des -, par Siemerling,
262.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Abundo, 252.
Alexander, 460.
Alter, 287.
Angiolella, 390.
Angrisani, 456.
Arnaud, 373, 376. : lscli, 278.
Aschaffenburg, 282.
Babès, 142.
Baker, 408.
liaunister, 451.
Baroncini, 458.
Beagles, 387.
Bechtere\v,105,106,258.
Bellat, 94.
I;elinondo, 450.
lDénédikt, 98.
Berbez, 253.
Bernhardt, 270, 271.
ltiuswanrter, 114.
illaclifori, 408.
Blin, 94 à 100, 102, 154,
255 iL 258, 268, 269,
373 à 384, 404, 452 il
455, 468, 469.
Blocq, 142, 189, 306,
308.
Blumenau, 106.
Bcecke, 92.
Boeteau, 99.
Bonville, 460.
Bosc, 101.
Bourneville, 228.
Bradlev Fox, 459.
Brasch, 263.
Briand, 123, 272, 396,
470.
Bruce, 463.
Bucke, 254, 468.
Campbell, 393, 409.
Camuset, 379.
Cmlyle Johnstone, 456.
Chabbert, 10, 438.
Charcot, 41, 72, 161.
Charpentier, 17, 141.
Chaslin, 377.
Chevalier, 405.
Colleville, 266.
Cousot, 93.
Cramer, 295.
Cristiani, 251.
Cullerre, 117, HI, 404.
Dagonet, 92.
Darkchewitch, 129, 139.
471.
Deny, 91 à 93, 117. 254.
26 à 267, 457.
Dewey, 268.
Dinckler, 2î-1.
Ducamp, 265.
Djinn, 386.
Edinger, 277.
Egarow, 129, 138.
Erb, 279, 275.
Falret, 118.
Fambourère. 134.
Féré, 143..
Fiklionof, 471.
Francotte, 457.
Frankl Hochwart, 108.
Frey, 108,
Friedmann, 262, 270.
Fronda, 90.
Fuerstner, 11L, 123,277.
Gellé, 210.
Ghilarducci, É1.
Giacomo, 296.
Gierlich, 113, 283.
Gilhert, 284.
Godding, 255.
Golcltlam, 270.
Goltz, 275.
Gorkillski, 117.
Gowers, 141, 308,
Grandjean, 91.
Grasset, 1, 179.
Greco, 388.
Gudden, 111.
Guillemin. 97.
Hebold, 105.
Henschen, 480.
Hoche, 280.
Hoffmann, 98, 387.
Hospital, 281.
Hyslop, 459.
Idnow, 131.
Jacobson, 38 : : i,
Janet, 417.
Kas, 109.
ICalhbaum, 474.
Kéraval, 90, 91, 103 Il
117, 124 à 140, 1M à
156, 258 à 263, 269 à
271, 277 à 296, 399,
474, 479.
Kinnosuke Miura, 321.
Klinke, 89.
Kuoblauch, 111.
Krafft, 264.
Kramer, 90.
Kronthal, 398.
Kroepelin, 279.
Kuhne, 90.
Kurella, 285.
Ladame, 263..
Lallemant, 140.
Laquer, 278, 284.
Laurent, 379.
Leber, 2î3.
Lefilliâtre, 396.
Lehmann, 103.
Lewin, 91.
Lunz, 137.
I lfabille, 97, 140.
Macdonald, 462.
Macpherson, 392.
Magnan, 402.
492 . TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Mairet, 101.
Marandon de llontyel,
381.
Marinesco, 189.
Marzocchi, 253.
Massalongo, 253.
Massant, 457.
Mayer, 91.
Menzies, 393.
Mercier, 419. ,. v
Minor, 131, 139.
Ioeli, 103, 295.
motos, 276.
imorel, 391. ,
Alouratow, 132, 1 : Hi,
472.
Muensterberg, 101,
llusrrave-Clav. 381 à
388. 392 à 394, 407 i di
408, HO à 412, 455,
159 it 467.
Neisser,479.
Nerlich, 271.
Newth, 464.
inicoulati, 91.
Noecke, 292.
Noir, 228.
N ovzewski, 111.
Nolau, 463.
Ostermaver, 104.
Otto, 112..
Paire, 256.
Peilizzi, 458.
Hetman,397.
Percy Smith, 462
Péron, 65.
Pick, 115, 2G0.
Pleraccini, 252.
l'opoff. 36 î . *
Pribvtkow, 135.
Rastonil, 88.
Raymond, 373.
Redlich, 114.
Régis, 142.
Révilliod, 264.
Richer, 301.
Robertson. 459, 4G4.
.Hochet. 266.
Rode, 2G, 457.
Roller, 473.
Itorie, 463. ,
Rosenthal, 479.
Itossolimo,10 i,133, 137.
Itonbinovitch, 120.
Sacaze, 1, 1 î9, 26î, 356.
Smiller, 95.
Salzo, 92.
Savane,461.
Schaffer, 106. '
Schlesinger, 269.
Schoenthal, 124.
Schnetz, 109.
Sctultze, 279.' z
Schultz, 263.
Séglas, 142,' 149. 252,
253, 302, 389 à 391,
451,457.407.
Senator, 270.
Serbsl : i, 103.
Sérieux, 92.
Siemeiiing, 202.
Slasse, 92.
Smith Williams, 452,
466.
Sollier, 304, 305, 30S
405.
Stet'ani, 458.
Steiner. 283.
Stern, 261.
SzCZypiOI'ski, 96, 383.
Tarowla, 383.
Telt'ord Smith, 455.
Thomas, 276.
Thomsen, 284.
Tigg-es, 103.
Toulouse, 272
'l'repinski, 289. '
Tultoll¡e, 297.
Tulle, 468.
Turner, 461.
Vallon, 120.
Voisin (.1.), 65, 3m ?
Vorster, 126.
Wagner, 454.
Weatherley, 455.
\\'eiclenhammer, 139.
Westphal, 262.
Witcombe, 460.
\\ïedem'eisteil', 258.
Wiglesworth, 267.
Wildermuth, 12 : ï.
Winscltpid, 108.
\\'ollenberg, 113.
Worcester.
Zagari. 1 14.
Evreux. Ch. Héiiissey, top. 693.
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