(1892) Archives de neurologie [Tome 23, n° 67-69] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1892) Archives de neurologie [Tome 23, n° 67-69] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HÉRISSE Y

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

REVUE ruz,

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE

.J.-lU. CHARCOT

"-

AVEC LA COLLABOIUT1 OH DE

MM. BAB1NSKI, BALLET, BAUDOIN (MAncEL), BITOT (P.-A.), BLANCHARD,

BLIN (E.), BLOCQ, BONNA1RE (E.), BOUCHEREAU,

LIIIAND (M.), BRISSAUD (E.), BROUAMDEL (P.), CAMUSET, CATSARAS,

CHARPENTIER, CHASLIN, CHRISTIAN, DEBOVE (M.),

UET.ASIAUVE, UENY, UUTIL, DUYAL (Mrrmne), FERRIER, FRANCOTTE,

GILLES DE LA TOURETTE, GOMBAULT, GRASSET, P. JANET, JOFFROY (A.),

KERAVAL (P.), LANDOUZY, LEJARS, LONDE, MAGNAN, MARIE,

MESNET, blIE11ZEJEWSKY, âlUSGRAVE-CIIY, ONANOFF, IARINAU17, PILLIET,

PIERRET, PITRES, POPOFF, QLÉNU, RAOLLT. RAYMOND (F.), RÉGNARD(A.),

REGNARD (P.), RICHER (P.), ROUBINOVITCH, ROTE (V.),

ROUSSELET (A.), SÉGLAS, SEGUIN (E.-C.), SOLLIER, SOXEL. SOUQUES,

SOURY (J.), TEINTURIER (E.), THUL1É (H.), TROISfEII (E.),

VIGOUROUX (R.), VOISIN (J.), WEILL, P. YVON.

Rédacteur en chef : BOU11NEVILLK

Secrétaires de la rédaction : J.-B. CHARCOT FILS et G. GUINON

Dessinateur : LEUBA

Tome XXIII. 1892.

Avec 19 figures dans le texte.

PARIS

BURGAUX DU PIWGI1ÈS MÉDICAL

14, rue des Carmes.

1892

Vol. XXIII. Janvier 1892. N" 67.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ANATOMIE

ÉTUDE ANATOMIQUE SUR LES VAISSI ? ILJX SANGUINS

DES NERFS

Par MM. QUÉNU et LEJARS.

Jusqu'ici, l'histoire précise des vasa nervorum n'a-

vait pas été faite. A part quelques artérioles, telles que

l'artère du nerf médian, de plus gros calibre et de

dissection plus aisée, .ou ne savait rien de l'irrigation

sanguine du système nerveux périphérique, et jamais

on n'avait recherché à quelles lois elle était soumise.

« Les nerfs sont peu riches en vaisseaux, écrivait, en

1866, dans sa thèse d'agrégation, M. Tillaux1, résu-

mant les connaissances de l'époque; aussi résistent-ils

fortement à l'inflammation. » Et encore : « Les nerfs

reçoivent leurs vaisseaux des branches artérielles voi-

sines, et si les troncs sont volumineux, une artère spé-

ciale leur est destinée, ainsi que le médian, le sciatique,

l'optique nous enoffrentdesexemples. Lesartèress'épui-

sent dans le névrilemme et les cloisons intérieures qui

en partent, elles forment un réseau de capillaires d'où

naissent les veines. Celles-ci peuvent devenir vari-

1 Des affections cltil,lt1'yicales des nerfs. Th. agrég., 1866.

Archives, L. XXIII. 1

? 2 \ ' ANATOMIE,

queuses dans l'épaisseur des gros troncs nerveux, ainsi

que Bichat l'a vu le premier sur le nerf sciatique, et

que M. Verneuil ` l'a signalé depuis Bichat. »

Plus récemment, M. Ranvier avait bien décrit, dans

le sciatique du cobaye, le mode de ramescence et de

terminaison des artérioles et des veinules.

Enfin la pathologie avait fourni son appoint, et

toute une série de faits avaient laissé entrevoir quel

rôle peut être dévolu aux vasa nervorum. En 1885,

M. Otto Zuckerkandl 2, à propos de deux observations,

analysait les conditions et les voies de la circulation

collatérale, et faisait ressortir la part que doivent y

prendre les vaisseaux des nerfs. Déjà, Ilyrtl émettait

l'opinion que la circulation collatérale ne se fait que

peu par les artères musculaires, mais qu'elle prend

surtout la voie des vasa nervorum ? Chaque nerf pos-

sède une artère propre, qui reçoit, de place en place,

une série d'anastomoses des vaisseaux voisins : de là

des voies collatérales toutes prêtes. » De son côté,

Porta avait trouvé les vaisseaux des nerfs largement

dilatés par le sang, dévié de sa route normale, et deux

faits de Holl, un autre de Gruber, confirmèrent encore

cette importance des vasa nervorum, lors d'oblitéra-

tion d'une grosse artère. Aussi de ces observations et

- de son expérience propre, M. Zuckerkandl concluait-il

que la circulation collatérale est assurée par une triple

voie : par les artères musculaires, par les artères cuta-

nées, par les vasa nervorum.

. D'autre part, l'un de nous avait découvert et décrit

1 Probablement dans ses cours, car nous n'avons rien trouve dans les

crits de M. Verneuil.

' Medicin..Jahrb.. Wien., 18&5, p. 272.

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 3

les varices des nerfs et démontré quelle part leur

revient dans la pathogénie des douleurs et des trou-

bles trophiques qui compliquent si souvent les varices

du membre inférieur; sur une série de coupes du scia-

tique, il avait fait voir la dilatation progressive et l'ec-

tasie variqueuse des veinules inter-fasciculaires.

Il devenait donc d'un grand intérêt de soumettre à

une étude complète les vaisseaux des nerfs chez

l'homme. La méthode de la double injection succes-

sive nous permettrait d'obtenir, dans son intégralité,

le système des vasa nervorum. Le sciatique, ainsi

injecté, nous donna un premier aperçu de la richesse

de cette circulation, et l'étude du pneumogastrique

et du grand sympathique au cou nous en révéla la

régularité. Ce sont ces traits essentiels et ces carac-

tères généraux que nous avons cherché à mettre en

lumière, en appuyant d'exemples et de figures tout ce

que nous décrivions.

Artères des NERFS. - La circulation artérielle des

nerfs est la fois très riche et très régulière; l'origine

des vasa nervorum, leur mode d'incidence et de péné-

tration, leur division dans l'épaisseur du tronc ner-

veux, obéissent à certaines lois que l'on retrouve

partout.

I. Découvrez un nerf sous-cutané ou un nerf pro-

fond : vous ne pourrez le suivre sur un segment de

quelque longueur, qu'il ne soit côtoyé par une artériole;

plus loin celle-ci se bifurque pour s'unir en anse à une

branchiole voisine, d'où une série d'arcades accolées au

nerf et qui correspondent à la série des artérioles affé-

rentes.

4 . ANATOMIE.

Cette disposition est frappante sur le plexus cervical

superficiel, qui peut servir d'exemple. A côté des bran-

ches nerveuses on voit émerger de la région sous-

musculaire et contourner le bord postérieur du sterno-

mastoïdien un nombre égal de longs ramuscules arté-

riels, qui adoptent et suivent fidèlement leur trajet.

Sur un cou d'enfant injecté, il est curieux de sui-

vre les minces filets rouges, qui soulignent chaque

ramuscule nerveux. Aux membres, la répartition est

la même : un nerf sous-cutané ne marche jamais sans

une artériole satellite, et l'on peut tout aussi bien

décrire l'artère du musculo-cutané ou du saphène

interne que celle du médian ou du sciatique. Il y a

plus : c'est autour des nerfs que se groupent les divi-

sions principales du système artériel sous-cutané ; ils

en constituent les grandes voies directrices en quelque

sorte, ce qui revient à dire qu'ils représentent les

grandes voies anastomotiques.

II. Ce qui vient d'être dit des nerfs sous-cutanés

s'applique de tout point aux nerfs profonds ; mais il

faut préciser les sources de cette irrigation multiple.'

Or, à ce point de vue, on peut poser une double loi :

1° chaque tronc nerveux tire ses artères d'une origine

constante; 2° elles ne lui viennent jamais d'un seul

tronc artériel, mais toujours de sources multiples.

Quelques exemples mettront en lumière cette double

particularité. -

Le pneumogastrique et le grand sympathique, au

cou, et le récurrent nous fournissent d'abord un très

bel exemple. Nous avons déjà étudié leur circulation

artérielle et veineuse, dans une note que M. le profes-

seur Verneuil nous fit l'honneur de présenter à l'Aca-

Fig. I, Arloi des nerfs grand sympathique et pneumogastrique.

6 ANATOMIE.

démie des sciences l'an dernier. La figure I en dira

plus, à elle seule, qu'une longue description.

L'artère thyroïdienne inférieure se détache de la

sous-clavière et croise les deux nerfs sur leur face pos-

térieure pour gagner le corps thyroïde. C'est à peu de

distance de sa terminaison, que de ses branches irra-

diées émanent une série de ramuscules récurrents des-

tinés au pneumogastrique et au sympathique : chacune

de ces artérioles afférentes décrit donc une anse à con-

vexité interne, et le sang que charrie la sous-clavière

n'aborde les troncs nerveux qu'après un double détour.

Poursuivant leur trajet, les dernières divisions de la

thyroïdienne inférieure vont se jeter dans le nerf récur-

rent, qui reste lui aussi dans le même territoire vascu-

laire.

Plus haut, la thyroïdienne supérieure donne, à son

tour, plusieurs branches au segment supérieur des

deux nerfs, au ganglion cervical supérieur du sympa-

thique et au plexus gangliforme : branches obliques

en dehors, souvent incurvées en anse, et,«pour quel-

ques-unes, ascendantes. A leur extrémité supérieure,

.les deux ganglions recoivent des filets des pharyn-

giennes, et entre eux glisse toujours une longue arté-

riole qui procède de l'une d'elles; l'anastomose de ces

rameaux forme à 1,a surface des deux renflements un

réseau à mailles serrées immédiatement appliqué au

tissu nerveux et que recouvre, en dehors, le plexus

veineux péri-ganglionnaire dont nous parlerons plus

loin.

L'irrigation artérielle du récurrent du pneumogas-

trique et du sympathique, dans leur portion cervicale,

est donc commune : elle est fournie par le système des

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 7

thyroïdiennes, et nous verrons quelles déductions patho-

logiques il est possible d'en

tirer.

Prenons un autre exem-

ple, le sciatique (fig. 2).

L'ordonnance vasculaire est

ici d'observation aisée : une

dissection fort simple suffit

à en rendre compte. Les

longues arcades artérielles

qui règnent sur tout le tra- z

jet du tronc nerveux et se

continuent sur ses deux

branches de bifurcation,

naissent d'une série d'af-

fluents, tous obliques en bas

et en arrière, qui émanent

de l'ischiatique et des per-

forantes. De la troisième

perforante part un gros ra-

meau, qui croise en avant

le sciatique poplité externe,

et descend entre les deux

sciatiques poplités, en se

distribuant à l'un et à l'au-

tre ; ses terminaisons s'anas-

tomosent avec les vasa ner-

vorum artériels du tibial

postérieur et du tibial antérieur, et ainsi se trouve

constitué, le long du sciatique et de ses branches, une

chaîne ininterrompue de la fesse à la jambe; nul

doute* qu'elle ne soit utilisée par la circulation colla-

Fig. 2. - Nerf sciatique.

8 ANATOMIE.

térale, dans les cas d'oblitération de la fémorale.

L'examen des autres

nerfs témoigne du même

fait, de la constance et de

la multiplicité desaffluents

artériels. La figure 3 re-

présente le médian sur tout

son trajet, jusqu'à ses ter-

minaisons palmaires : au

bras, l'humérale qu'il ac-

compagne en satellite lui

abandonne une série de

branches; plus bas, c'est

la collatérale interne et la

récurrente cubitale anté-

rieure qui lui donnent

d'autres filets ; plus bas

encore, à l'avant-bras, la

longue artériole, qui est

devenue classique sous le

nom d'artère du nerf mé-

dian, se détache, d'ordi-

naire, de l'interosseuse an-

térieure et aborde le nerf

dans le tiers supérieur de

son segment antibrachial; -,

d'autres ramuscules lui

viennent de l'artère ra-

diale ; à la paume de la

» ? ™ ? « ? ? r- muni, e est i aruuue uat-

tèrcraJinle ? C ? nrtcrecollnlér,lcinté- Iliaiti, u Ubb 1 ai-cauu pal-

tere radiale. C, artère collatérale inté- ' *

rieure. C\ artèrecubitalc. R', récurrente moira cnnprfir'ÎAlla mii

rieure. -C', artérecubitalc.-Il',récurrente maire superficielle e qui

cubitale antérieure. - P, arcade palmaire lu^11^ bUptil UOIBIIB qui

tinés aux nerfs. fournit un ramuscule as-

hnes aux ncrfs.

Fig. 3. Artères du nerf médian.

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 9

cendant à chacune de ses divisions terminales. En

somme, il y a là autant de chaînons, qui créent, sur

toute la longueur du nerf, une réelle continuité vas-

culaire.

Les plexus offrent une disposition du même genre :

sur le plexus lombaire, par exemple (Feg. 4), des

rameaux des artères lombaires, de l'iléo-lombaire, de

l'iliaque externe, dessinent une série d'anses entre les

cordons nerveux, s'insinuent dans leurs interstices et

jusque dans leur épaisseur, et constituent ainsi de mul-

tiples voies collatérales.

Ces faits anatomiques ont une double importance :

Figez. - Artères du nerf crural.

1t, nerf crural. - 0, nerf obturateur. - F, artère fémorale. - C, couturier. - L, L,

artères lombaires. - II, artère hypogastrique. - K, artère iléo-lombaire. -- I, artère

circonflexe iliaque.-h1, petite musculaire supéiieurc. M', grande musculaire supérieure.

10 O ANATOMIE.

ils assurent l'irrigation artérielle des troncs nerveux

par la multiplicité des sources et des voies d'apport ;

ils préparent les suppléances vasculaires et la circula-

tion collatérale. On avait entrevu déjà, nous l'avons

dit plus haut, ce rôle des vasa nervorum, mais mérite

mieux que le silence qui règne encore sur lui; et dans

les cas d'oblitération des grosses artères, après une

ligature, par exemple, il serait fort intéressant de

rechercher les traces de cette circulation collatérale par

voie nerveuse ou les signes cliniques qui pourraient la

révéler. Mais, dans ce champ d'expériences, il y a

encore tout à faire 1.

III. Arrivons au mode d'incidence des vasa ner-

vorum, à leur division intra-tronculaire ; ici, les ana-

logies deviendront très étroites avec la circulation

artérielle des centres nerveux.

On sait que les artères cérébrales se coudent et s'in-

fléchissent à plusieurs reprises, qu'elles rampent à la

surface de l'organe, et que jamais une incidence per-

pendiculaire ne permet au flot sanguin de faire subir

un choc direct à la masse encéphalique. Pour les

nerfs, il en est de même : les précautions sont aussi

bien prises. Lorsqu'un tronc nerveux reçoit ses arté-

rioles d'une grosse artère dont il est satellite, les

vaisseaux ne l'abordent jamais normalement à sa

surface, ils pénètrent toujours dans son épaisseur sous

une incidence plus ou moins oblique, après avoirdes-

siné des anses ou fourni un trajet récurrent. Les exem-

ples ne manquent pas. Voyez le médian au bras (lïq. 3),

les branchioles qui lui viennent de l'humérale sont

' Peut-être est-ce là la cause des douleurs qu'on observe à la suite

'des' oblitérations voulues ou accidentelles des grosses artères.

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 11

toutes ascendantes, et le courant sanguin doit se briser

et remonter avant de se jeter dans le réseau artériel

intra-nerveux; à l'avant-bras, les artérioles deviennent

descendantes et parallèles au tronc principal qui les

donne, mais elles fournissent un long trajet, à la sur-

face du nerf, avant de s'y engager, et, près de leur

terminaison, elles se recourbent, elles aussi, avant de

plonger dans le cordon nerveux.

Au cou, la direction des vasa nervorum artériels est

encore plus frappante. N'avons-nous pas vu, sur la

figure 1, que tous ils sont récurrents, qu'après s'être

détachés des thyroïdiennes, ils doivent décrire un assez

long trajet et se recourber en dehors pour gagner les

troncs du pneumogastrique et du sympathique.

Trajet récurrent ou incidence oblique : voilà un

premier caractère; ce n'est pas tout. Une artériole ne

plonge jamais d'emblée dans un tronc nerveux ; elle

se divise et se bifurque, avant d'y pénétrer. La circu-

lation des nerfs est essentiellement une circulation par

grandes arcades anastomotiques. Au contact ou près

du tronc nerveux, chaque rameau qui l'aborde se

sépare en deux ramuscules largement divergents, qui,

plus haut et plus bas, se relient en arcades aux ramus-

cules voisins : de là, une suite de chaînons, qui se

continuent le long du nerf, en s'accolant à sa gaine

externe.

De cette dichotomie en arcades, on retrouve plu-

sieurs types : tantôt l'artériole se bifurque, à quelque

distance du nerf, et les deux branches, s'écartant à

angle aigu, le rejoignent un peu plus loin et s'appli-

quent à sa gaine, ailleurs, c'est au contact même du

nerf, sur lui, que la séparation a lieu et que les deux

z2 ANATOMIE.

divisions s'écartent à angle presque droit; ou bien

encore, le vaisseau afférent ne se dichotomise pas, il

s'irradie en éventail, et, si les deux rameaux princi-

paux suivent en long la face externe du nerf, d'autres

branchioles le croisent obliquement, pour devenir le

point de départ d'une autre série d'arcades.

Ainsi divisés, les vasa nervorum rampent à la sur-

face du tronc nerveux, presque toujours parallèles à

son grand axe, reliés pourtant par quelques rares

anastomoses; ils se prolongent plus ou moins loin,

suivant leur volume, et ce n'est qu'après s'être bifur-

qués encore, après avoir beaucoup perdu de leur ca-

libre primitif, qu'ils traversent enfin la gaine fibreuse

du nerf et se perdent dans son épaisseur. N'y a-t-il

pas là une analogie étroite avec ce que l'on trouve à

la surface de l'encéphale, et ce mode de division

des vasa nervorum dans la gaine névrilemmatique

externe ne rappelle-t-il pas les irradiations artérielles

dans la pie-mère ? 2

Il n'est pas rare, en examinant la surface d'un nerf,

de voir une artériole d'assez gros calibre, après un court

trajet, disparaître brusquement entre les faisceaux du

nerf et s'y perdre, semble-t-il. La suit-on dans son trajet

de pénétration, on constate sans peine qu'elle ne

s'irradie pas, en conservant ce gros calibre, dans

l'épaisseur du nerf : par le plus court chemin, elle

gagne le centre, l'axe celluleux du nerf, et c'est là

seulement qu'elle se dichotomise et qu'elle s'épuise

en longues arcades, avant de s'insinuer entre les fasci-

cules nerveux, de dedans en dehors, et de s'y ter-

miner (g. 5).

C'est, du reste, dans cet axe cellulo-graisseux du

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 1,

nerf, dans les grands

espaces du névri-

lemme interne, que

l'on trouve le réseau

de division des vasa

nervorum. Il suffit

d'inciser en long la

gaine fibreuse d'un

nerf et d'en dissocier

les faisceaux, pour

se rendre compte

du fait : les arté-

rioles afférentes pé-

nètrent jusqu'à cette

colonne celluleuse

centrale, et là elles

se divisent en gran-

des mailles, d'où

émanent les divi-

sions plus fines des-

tinées aux fascicules

eux-mêmes. Le nerf,

imprégné de tissu

cellulo-adipeux, est

ainsi parsemé d'un

riche réseau vascu-

laire et comme bai-

gné dans le sang;

aussi, quand la dé-

rivation collatérale

se porte sur un nerf,

la congestion doit-

Fig. 5

Distribution artérielle inler-fasciculaire.

14 ANATOMIE.

elle s'y faire vivement sentir et l'affecter tout entier.

Il résulte de ces irradiations successives, et nous insis-

tons sur ce fait, que les derniers ramuscules artériels

n'abordent les troncules nerveux qu'à un état de

finesse très grande, ce qui constitue une analogie de

plus avec la circulation des centres nerveux.

Voici, en somme, résumés en quelques formules, les

caractères principaux de la circulation artérielle des

nerfs :

1° Les nerfs superficiels sont tous accompagnés,

sur toute leur longueur, d'une artériole, qui leur reste

accolée, et qui se prolonge grâce' à une série d'ar-

cades. Ils forment ainsi les principales voies direc-

trices du système artériel sous-cutané ;

2° Chaque tronc nerveux reçoit ses artères d'ori-

gines constantes, et il en résulte souvent des con-

nexions physiologiques ou morbides de grande impor-

tance (pneumogastrique et sympathique au cou) ;

3° Un tronc nerveux ne reçoit jamais toutes ses

artères d'un seul tronc artériel : la multiplicité des

voies d'apport prépare la multiplicité des suppléances;

4° Toutes les conditions, qui, dans les centres ner-

veux, empêchent l'afflux direct et brusque du sang

artériel, se retrouvent pour les nerfs.

a. Quand un tronc nerveux reçoit ses artères

du tronc artériel satellite, ces vaisseaux ne l'abordent

jamais perpendiculairement, mais toujours suivant

une incidence oblique, ou après avoir décrit un trajet

récurrent ; "

b. Une artère ne plonge jamais d'emblée dans

l'épaisseur d'un cordon nerveux; elle se divise avant

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 15 5

d'y pénétrer, suivant l'un des modes que nous avons

décrits ;

c. Les branchioles, nées de cette bifurcation des

artères afférentes, rampent, à la surface du nerf, se

prolongent plus ou moins loin, suivant leur volume,

et ne plongent définitivement dans l'épaisseur du tronc

nerveux, qu'après une nouvelle division et une nou-

velle réduction de volume. Parfois, une artériole

arrive relativement volumineuse, se perd brusquement

dans le nerf après l'avoir suivi sur une certaine lon-

gueur; mais il suffit de la suivre, pour constater

qu'elle ne fait, en réalité, que traverser l'organe jusqu'à

son centre, par le plus court chemin, et qu'une fois

arrivée dans l'axe cellulo-graisseux du nerf, elle s'y

ramifie, avant de s'immiscer et de finir entre les fas-

cicules ;

d.-Dans l'épaisseur du nerf,les branchioles les plus

grosses se trouvent, en effet, dans les grands espaces

névrilemmatiques et les artérioles ne s'enroulent au-

tour des fascicules qu'à un état de ténuité très grande.'

Veines DES nerfs. Ce que nous venons de dire

des dispositions et de l'ordonnance des vasa nervorum

artériels s'applique de tout point aux vasa nervorum

veineux : eux aussi se divisent en arcades, se prolon-

gent en rampant à la surface du nerf, s'irradient en

plexus dans son axe névrilemmatique; d'ordinaire, on

ne rencontre qu'une veinule par artériole. Mais leur

étude anatomique exige de plus longs développements,

et ici, une fois de plus, l'on reconnaîtra combien il

est insuffisant d'écrire, comme on le fait partout, que

les veines suivent le trajet des artères.

16 U ANATOMIE.

Nous étudierons successivement : '1 les veines des

nerfs superficiels; 2° les veines des nerfs profonds :

plexus, tissus nerveux satellites des gros vaisseaux,

nerfs musculaires.

I. Les nerfs superficiels sont presque tous

accolés à une grosse veine du système sous-cutané,

dont ils portent le nom et dont ils restent satellites sur

tout leur parcours : tels la veine et le nerf saphènes

internes, la veine et le nerf saphènes externes, le bra-

chial cutané interne et la veine médiane basilique, etc.

Les autres, le musculo-cutané, à la jambe, etc., sui-

vent des branches veineuses de second ordre.

Les veines de ces nerfs superficiels devraient se

jeter, semble-t-il, dans les grosses veines qu'ils accom-

pagnent : il n'en est rien. Les veines des nerfs super-

liciels se jettent constamment dans les veines profondes.

Ce fait inattendu, il est aisé de le vérifier dans toutes

les régions, au cou, aux membres, etc. Nous pren-

drons pour types le saphène interne et le musculo-

cutané à la jambe.

Le nerf saphène interne, dans sa portion jambière

(lig. 6), devient sous-cutané à la hauteur du condyle

interne du tibia, et presque aussitôt il s'unit à la veine

saphène interne, qu'il suivra jusqu'au pied; en dépit

de ces étroites connexions, le gros tronc veineux ne

lui fournit aucune branche. Richement vascularisé, le

saphène reçoit ses vaisseaux, en haut de la terminaison

de la grande anastomotique, plus loin, de rameaux

émanés des vaisseaux tibiaux postérieurs, et qui con-

tournent le bord interne du tibia. L'artère grande

anastomotique se prolonge derrière les tendons de la

patte d'oie, en un long ramuscule qui suit le côté

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 17

interne du nerf, et que deux veinules accompagnent;

ces veinules sont reliées à la saphène interne, très

voisine, par quelques

rares et fines anasto-

moses ; d'autre part,

elles donnent au nerf

jusqu'à quatre et cinq

rameaux très peu dis-

tants, et qui s'insinuent

en arcades dans son

épaisseur. Plus bas il

est aisé de retrouver la

série des rameaux qui se

détachent des vaisseaux

tibiaux postérieurs,

émergent de l'aponé-

vrose le long du bord

postérieur du tibia, glis-

sent au-dessous du tronc

de la saphène, en lui

abandonnant une mince

anastomose, et se bi-

furquent, pour plonger

dans le nerf. La figure 6

représente très exacte-

ment ces dispositions

constantes.

Sur l'autre face de la jambe, et au pied, le nerf

musculo-cutané reproduit aussi fort. nettement ce

mode de circulation veineuse, et nulle description

n'en saurait donner de meilleure idée que la figure 7,

dessinée d'après nature. Le nerf est représenté près

Archives, t. XXIII. 2

Fi,y. G. - Serf suphènc interne

à la face interne du genou.

NSI, nerf saphène. - A, grande anastomo

tique et veines qui l'accompagnent. B. 13, vais-

seaux du [ici saphène interne. C. C', anas-

tomose des \ cines grandes, anastomotiques avec

une branche voisine de la saphène interne V.

18 ANATOMIE.

du cou-de-pied, peu après sa division en deux bran-

ches ; disséquée et relevée, la peau laisse voir à sa

face profonde une grosse veine superficielle, branche

fit. 7. Nerf )712LSC2ll(J-CilEd7tC à la jambe.

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 19

de la saphène externe (VV). Les veinules qui émanent

des deux nerfs, très nombreuses et très'riches, se ren-

dent toutes dans une série de veines perforantes

(A. A. A.), qui traver-

sent l'aponévrose jam-

bière et aboutissent

aux veines tibiales an-

térieures. Or, chacune

de ces veines perfo-

rantes se relie par une

anastomose (BBB) à la

grosse veine sous-cuta-

née, branche de la sa-

phène : telles sont les

seules connexions du

système veineux sous-

cutané proprement dit

avec le réseau veineux

des nerfs ; aucun ra-

meau direct ne s'étend

des troncs veineux su-

perficiels aux nerfs qui

cheminent près d'eux.

On retrouve encore

cette disposition, très

nette et très typique,

sur la figure o qui montre une des branches du mus-

culo-cutané, au pied; aucune branchiole directe ne

relie le nerf à la grosse veine sous-cutanée (V) qui le

recouvre; les vasa nervorum veineux aboutissent à un

troncule qui perfore l'aponévrose et gagne la profon-

deur (V') ; c'est de lui que se détachent deux fines anasto-

Fig. S. ? ? ? nt'o-( ? c pied.

V, grosse veine sous-cutanée. V, reines du

nerf se rendant aux veines profondes. - N, bran-

che du niusculo-cutane. B, fines anastomoses

de la veine du nerf avec la grosse \ ci ne sous-

cutanée.

20 ' ANATOMIE.

moses (BB) destinées au tronc veineux superficiel voisin.

Il faudrait nous répéter, si nous voulions mettre en

lumière les mêmes particularités dans toutes les

régions ; mais il sera facile d'en vérifier l'exactitude.

Au membre supérieur, le long du brachial cutané

interne, le long du musculo-cutané, on voit émerger

de l'aponévrose une série de veinules, ou plutôt de

petits groupes artério-veineux, qui s'épanouissent, à

leur sortie, en un bouquet de ramuscules ; de ceux-ci

les plus gros plongent dans l'épaisseur des nerfs voi-

sins, ou, pour mieux dire, se bifurquent à leur contact,

et les suivent sur une longueur variable, avant d'y

pénétrer; les autres se perdent dans le réseau veineux

sous-cutané et dans le derme; quelques-uns, toujours

grêles, poursuivent leur trajet jusqu'aux troncs veineux

superficiels, et figurent autant d'anastomoses.

Ce mode de terminaison profonde des veines des

nerfs superficiels constitue un fait tellement général,

que, même aux doigts, les fines veinules qui émanent

des nerfs collatéraux ne sont pas tributaires du riche

plexus veineux sous-cutané; elles se jettent dans les

veines collatérales, veines d'ordinaire très petites et

qu'on a souvent niées, mais qu'on retrouve constam-

ment, après injection, à côté des artères collatérales

(fi ! }. 9).

Au cou, la veine jugulaire externe, qui longe ou

croise en écharpe la plupart des branches du plexus

cervical superficiel, ne reçoit pas non plus les veines

qui en émanent. Très fines, mais très nombreuses, ces

veinules, qu'une injection fine remplit seule, et qui se

voient bien aussi, simplement injectées par le sang,

sur les cadavres frais d'enfants, convergent vers le

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 21

bord postérieur du sterno-mastoïdien, et là, à la hau-

teur de sa partie

moyenne, elles re-

joignent, à travers

l'aponévrose, les vei-

nes profondes tribu-

taires des cervicales

ascendantes.

La loi ne souffre

donc pas d'excep-

tion : les veines des

nerfs superficiels se

jettent dans les vei-

nes profondes sous-

aponévrotiques, et,

nous pouvons ajou-

ter dès maintenant,

dans les veines qui

sont immédiatement

soumises à l'action

musculaire : il ne

sera pas difficile de

faire ressortir l'im-

portance physiologi-

que d'un pareil fait.

Sur les nerfs pro-

fonds, nous allons

trouver des dispositions protectrices du même genre'.

1 On peut supposer que primitivement, chez l'embryon, la distribution

vasculaire des nerfs était tout autre, et que la facilité plus grande du

courant sanguin vers les veines musculaires a déterminé l'atrophie des

autres vaisseaux, de même que le développement de la deuxième circu-

lation embryonnaire amène la disparition de la première. '

Fig. 9. Nerfs collatéraux des doigts.

N, N, nerfs collatéraux. V, V, vaisseaux colla-

téraux. A, A, A, veines des nerfs collatéraux se

jetant dans les veines collatérales.

22 ANATOMIE.

II. Prenons pour type, ici encore, le pneumo-

gastrique et le grand sympathique, au cou (/%'. 10).

Tous les deux ils sont accolés à la jugulaire in-

terne : or des veinules qui rampent à leur surface ou

qui s'anastomosent en arcades dans leur épaisseur,

aucune n'aboutit à la jugulaire interne. -

Il faut remarquer d'abord l'extrême abondance de

ces vasa nervorum veineux : avec une masse bien

pénétrante, il est assez facile de les injecter, car ils

sont très peu valvulaires, comme toutes les veines du

cou, et se laissent remplir par une injection rétrograde,

poussée dans la jugulaire. Sur une pièce bien

réussie, on trouve le ganglion cervical supérieur et le

plexus gauliforme du pneumogastrique couverts d'un

réseau très serré, à mailles allongées, dont nous dirons

dans un instant les terminaisons; plus bas, le long des

deux cordons nerveux, ce sont de longues arcades,

souvent doubles, qui se succèdent à courte distance :

presque toutes ces branches sont communes aux deux

nerfs, elles se divisent à la surface du premier d'entre

eux, puis se prolongent jusqu'au second, pour s'y

ramifier encore. Où se terminent-elles ?

Celles de la moitié inférieure des deux nerfs gagnent

les veines thyroïdiennes inférieures, au niveau de leur

portion coudée, mais un certain nombre se terminent

aussi dans le réseau des vasa vasorum de la carotide

primitive. Ce réseau péri-carotidien est d'une richesse

inouïe; bien rempli, il dessine autour de l'artère un

lacis de mailles des plus élégants ; d'ordinaire, un

ramuscule longitudinal chemine de chaque côté de

l'artère, et reçoit toute la série de ces branchioles

transversales; de loin en loin, il s'abouche par un

Fig. 10. Veines de* nerfv grand sympathique et pneumogastrique.

24 ANATOMIE.

petit troncule, dans la jugulaire interne. Nous retrou-

verons, sur toutes les grosses artères, ce rete mirabile

des vasa vasorum, dont l'étude précise semble avoir

été négligée. C'est à ce réseau que se rendent, pour

une part, les veines des nerfs satellites des grosses

artères, de là d'étroites connexions sur lesquelles il

nous faudra insister. -

Au cou, le rete mirabile péri-carotidien est donc

l'aboutissant d'une assez grande partie des vasa ner-

vorum veineux du pneumogastrique et du sympathique;

plus haut, les veinules nerveuses se rendent aux veines

thyroïdiennes supérieures; plus haut encore au niveau

des deux ganglions, la circulation en retour suit une

triple voie; en dedans, trois ou quatre ramuscules

gagnent le plexus latéro-pharyngien, c'est-à-dire le

groupe de veines, tributaires à la fois de la thyroïdienne

supérieure et de la pharyngienne inférieure, qui ram-

pent sur les côtés des constricteurs supérieur et

moyen, et se continuent en arrière, avec le plexus

rétro-pharyngé; ce sont là des veines musculaires, à

proprement parler, dont les branches originelles se

détachent toutes de l'épaisseur même de la paroi mus-

culaire du pharynx. Voilà un premier groupe. En

haut, un troncule veineux, qui s'intercale entre les

deux ganglions, et reçoit, à droite et à gauche, une

série de ramuscules émanés des plexus péri-ganglion-

naires, remonte aussi jusqu'à la pharyngienne infé-

rieure ; en dehors, d'autres branchioles, et parmi elles,

une veinule plus grosse, qui glisse obliquement sous

le plexus gangliforme et s'anastomose plus loin avec

la veine inter-ganglionnaire signalée tout à l'heure, se

portent au-devant des muscles profonds du cou, ram-

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 25

pent à la surface, et, sur le bord externe du grand droit

antérieur, rejoignent les plexus rachidiens antérieurs.

De par cette description, qui ne souffre que de

légères variantes, les

veines des ganglions du

pneumogastrique et du

sympathique sont toutes

tributaires de veines

musculaires, veines du

pharynx, ou veines des

muscles pré-vertébraux.

. Il en sera ainsi pour

les autres nerfs pro-

fonds : très rarement

leurs veines se rendent

aux gros troncs, où la

voie est large, mais sou-

vent obstruée, jamais

toutes celles d'un nerf

satellite n'aboutissent

au tronc veineux voi-

sin : une grande part va

toujours rejoindre un

plexus de veines mus-

culaires ou le rete des

vasa vasorum des gros

vaisseaux adjacents. Ce-

ci demande une courte

explication et quelques

exemples.

Qu'on veuille bien jeter les yeux. sur la figure 11,

qui représente le nerf, l'artère, et l'une des veines

Fig. il. - Veines du nerf tibial

postérieur.

A, artère tibiale postérieure. B, B, nffiucul

musculaires. - C, C, veines ncrveuses cub

taires des affluents musculaires. - nf , J, I

muscle jambier postérieur. - V, T, P, vein

tibiale postérieure. - N, nerf tibial postérieu

26 ANATOMIE.

tibiales postérieures, encore accolées à l'un des muscles

entre lesquels elles glissent. Les troncules veineux,

qui émergent du nerf, ne se jettent pas d'emblée dans

la veine tibiale postérieure; ils passent au-devant d'elle,

au-devant de l'artère, et ils vont rejoindre les rameaux

veineux d'origine musculaire. Et le fait se reproduit

sur toute la longueur du tronc nerveux : c'est toujours

par la voie d'un affluent musculaire que les veines

d'origine nerveuse se rendent à la veine principale.

Si, de loin. en loin, quelques veinules échappent à la

loi, et, directement, s'abouchent dans l'une des tibiales

postérieures, c'est encore à la hauteur d'un affluent

musculaire qu'elles l'abordent, et, par suite, elles

bénéficient, comme nous le disons plus loin, de l'im-

pulsion locale due à la contraction du muscle.

En réalité, il existe une association intime des veines

des muscles et des veines des nerfs, et, dans la pro-

fondeur des membres, les unes et les autres se réunis-

sent en une série de petits troncs, qu'on pourrait

qualifier de veines névro-musculaires, et dont la

figure 12 représente le type général. Sans insister

longuement, cet appareil veineux devient aisé à com-

prendre, et l'on saisit bien comment l'expulsion mus-

culaire, en accélérant le cours du sang dans le tron-

cule commun, active aussi la circulation veineuse

dans le nerf lui-même. Voilà donc un premier débou-

ché, le plus important, ouvert aux veines des nerfs;

il en est un second : les vasa vasorum de l'artère voi-

sine.

La circulation des parois artérielles n'a été, semble-

t-il, que peu étudiée; il existe là, pourtant, un sys-

tème tout spécial, d'une richesse toujours extrême, et

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 27

qui n'est pas sans avoir son rôle pathologique. Une

bonne injection dessine, autour des grosses artères,

de l'humérale, de la fémorale, des carotides, un lacis

à mailles étroites, surtout transversales, qui enserre

le tube vasculaire et se loge dans sa tunique adventice.

La double injection colorée permet de reconnaître,

dans ce réseau, des artérioles et des veinules, celles-

ci surtout sont abondantes. Sur les côtés de l'artère,

on voit, de place en place, se détacher de petites

branches, qui résument un territoire de vasa vasorum,

Fig. 12. Typa semi-schématique d'une veine névro-nausculaia·e.

A, affluent musculaire. A', affluent nerveux. R, veine néno-musculaire nais-

sant de la convergence de ces deux afflucnts. C, artère profonde et ses dcw veines,

l'une reçoit la veine névro-musculaire. M, muscle. N, nerf.

28 - - - ANATOMIE.

et, transversalement, se jettent dans l'une ou l'autre

des deux veines satellites.

. Or, c'est à ce rete péri-artériel que se rend une

assez grande partie des veinules émanées du nerf

voisin. La figure 13 mon-

tre ainsi le médian, au

bras, émettant une série

de ramuscules qui se

jettent dans le réseau

péri-huméral : de là naît

une dépendance étroite

entre la circulation du

nerf et celle de l'artère

elle-même. Mais ce

réseau veineux péri-arté-

riel reçoit lui-même, le

plus souvent, l'afflux des

rameaux musculaires voi-

sins ; nous n'en prendrons

pour exemple que ce qui

se passe dans le canal de

Hunter ( feg. 14). La fé-

morale, enlacée d'un

riche réseau de vasa vei-

nules, est côtoyée encore,

sur sa face antérieure.

par cette longue branche, à peu près constante, qu'on

décrit sous le nom de canal collatéral. C'est à ce canal

collatéral que se rendent les troncules terminaux du

rete des vasa vasorum, et lui-même n'est, en réalité,

qu'une veine musculaire; il naît, en bas, dans l'épais-

seur même du vaste interne, dont il se détache au

Pig. 13. - Réseau de vasa vasorum

de l'artère numérale (au bras) rece-

vant les veines d'un tronc nerveux

satellite (nerf médian).

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 29

niveau de l'anneau, pour s'accoler à l'artère. A la

même hauteur, le nerf saphène interne satellite de

l'artère suit sa face externe, et les veinules qui eu

partent aboutissent au réseau des vasa vasorum, dont

le canal collatéral est le centre et le confluent. L'in-

fluence musculaire intervient donc, ici encore, pour

Fzg. Il. - Serf saphène interne au niveau du canal de Hunier.

,\'1nerf saphène interne. M, muscle vaste interne. A, artère fémorale. Il, réseau

des vasa vasorum de l'artère. - V, V, veines du nerf se jetant dans Je réseau des vasa

vasorum. - C, origine du canal collatéral préfémoral, confluent des vasa vasorum, et

qui naît dans l'épaisseur du vaste interne. -

30 ' ANATOMIE.

actionner à la fois la circulation de la paroi artérielle

et celle du nerf satellite.

Nous ne nous arrêterons pas sur les nerfs muscu-

laires : les connexions de leurs vaisseaux avec ceux

du muscle lui-même semblaient toutes naturelles, leurs

veinules se jettent dans les veines du muscle; ils en .

partagent toutes les conditions circulatoires.

Arrivons aux nerfs des plexus. Ici, la complexité est

grande, à première vue. Le plexus brachial constitue

un bon sujet d'étude; une dissection soignée, après

injection complète, permet de constater ce qui suit

( ? i5) :

Des nerfs du plexus, richement vascularisés, émanent

une série de troncules, dont la direction semble, de

prime abord, sans ordre : de ces troncules veineux,

les uns, et ils occupent, en général, la face antérieure

du plexus, descendent, plus ou moins obliquement,

vers la grosse veine axillaire qui les reçoit; mais,

chemin faisant, chacun d'eux émet un ou deux ra-

meaux, qui s'insinuent entre les cordons voisins,

devant ou derrière l'artère, et plus loin, s'unissent à

d'autres ramuscules de même origine et de même

type, pour former, tout le long du plexus, une longue

voie collatérale, souvent dédoublée ou multiple : c'est

à ces voies collatérales que se rendent, pour la plus

grande part, les veinules des cordons du plexus. Or,

elles s'anastomosent, en bas, avec les veines circon-

flexes et, sur tout leur trajet, reçoivent toute la série

des veines qui se détachent des muscles ambiants. On

retrouve donc, là encore, associées les veines des nerfs

et les yeines musculaires. '

Nous n'insisterons pas plus longuement, et nous

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 31

ne cherchons qu'à marquer les grandes lignes de celle

circulation veineuse des nerfs. Quant au mode de

division des affluents veineux dans ¡épaisseur des

nerfs, il leur mode d'émergence, à leurs arcades, nous

renverrons à la description que nous avons donnée

plus haut des vasa nervorum artériels ; nous ne pour-

rions que la répéter. Il suffit, d'ailleurs, d'ouvrir un

grand sciatique bien injecté, pour trouver ces anses

veineuses inter-fasciculaires, qui le parcourent sur

toute sa longueur. Il n'existe, ordinairement, qu'une

veinule par artériole, dans l'épaisseur du nerf. - Assez

souvent, même en dehors de tout état variqueux, ces

Fig. 1j. Vaisseaux du plexus brachial.

32 ANATOMIE.

veinules sont flexueuses, et cela surtout au niveau des

articulations, aux points où les cordons nerveux sont

soumis à des alternatives fréquentes d'extension et de

flexion : le nerf tibial postérieur, derrière la mal-

léole interne, en fournit un très bon exemple (1îq. 11).

Nous pouvons maintenant, comme nous l'avons

fait pour les vasa nervorum artériels, résumer en

quelques mots les caractères généraux des vasa ner-

vorum veineux :

1° Les veines des nerfs superficiels se jettent toutes

dans les veines profondes; quand elles communiquent

avec les veines superficielles, ce n'est que par une

anastomose de petit calibre, et l'aboutissant profond

n'en existe pas moins;

2° Les veines des nerfs satellites d'un paquet arté-

rio-veineux se rendent, soit à la grosse veine voisine,

soit au réseau des vasa vasorum qui entourent

l'artère soit aux collatérales musculaires près de

leur embouchure. Mais elles ne se rendent jamais

toutes à la grosse veine, et la plupart gagnent les

veines musculaires;

3° Les veines des plexus se rendent aux canaux

collatéraux, qui ont une origine musculaire (plexus

brachial);

4° Le mode d'émergence, de division intra-troncu-

laire, des veines des nerfs est le même que celui

des artères.

L'étude qui vient d'être faite nous a révélé toute

une série d'analogies entre la circulation des nerfs péri-

phériques et celle des centres nerveux : en réalité,

si l'on tient compte des différences de masse, de struc-

ture et d'activité, le rapprochement se justifie de tout

ÉTUDE SUR LES VAISSEAUX SANGUINS DES NERFS. 33

point. C'est la même richesse vasculaire, ce sont les

mêmes dispositions, les mêmes procédés de ramescence

et de terminaison, destinés tous à préserver les élé-

ments nerveux du choc de l'ondée artérielle ou de la

stase du sang veineux.

Le nombre des artérioles qui s'échelonnent à courte

distance sur chaque segment d'un cordon nerveux,

leur volume relatif, leurs origines multiples et les voies'

collatérales toutes prêtes qui en résultent suffisent à'

démontrer combien est assurée l'irrigation artérielle des

nerfs. L'incidence oblique, la dichotomie régulière des

vaisseaux afférents et le long trajet que chaque bran-

chiole parcourt à la surface du nerf avant son immer-

gence, les arcades interfasciculaires, etc., arrêtent

toute irruption brusque du sang, du reste, réduit à

des colonnes très fines. Mais la circulation veineuse

est surtout remarquable. '

Nous trouvons ici un nouvel et frappant exemple

du rôle qui est dévolu au jeu musculaire dans la marche

du sang veineux. Les veines des nerfs superficiels se

rendent toutes aux veines profondes, c'est-à-dire à

celles qui sont directement actionnées par la contrac-

tion musculaire ; les veines des nerfs profonds s'anas-

tomosent- constamment et largement avec les veines

musculaires, et, de là, naissent une série d'appareils

névro-musculaires, analogues à celui qui est représenté

figure 2 : le sang, qui se précipite, chassé par le muscle,

entraîne celui qui sort du nerf. Ainsi, tout concourt

à assurer la régularité de la circulation en retour et à

prévenir la stase '. De ces faits, on peut tirer de nom-

' On peut admettre, d'autre part, que la dilatation des artères à

chaque systole cardiaque exerce une action évacuatrice, sinon sur les

Archives, t. XXIII. 3

34 fi. ANATOMIE.

breuses déductions. Nous avons vu déjà quel rôle

était légitimement attribuable au système des vasa ner-

vorum dans l'établissement des circulations collaté-

rales ? -

Il est, dans la pathologie des nerfs périphériques,

tout un groupe d'accidents, essentiellement passagers

et superficiels, qui relèvent, sans doute, d'influences

circulatoires. Certaines formes de névralgies, certains

troubles fonctionnels, s'expliquent par des variations

circulatoires, par des alternatives d'hyperhémie et de

stase ou d'anémie. En veut-on un exemple ? Nous

avons vu que le pneumogastrique et le sympathique

au cou reçoivent toutes leurs artères du système des

thyroïdiennes : n'est-il pas légitime d'admettre que

certains accidents , consécutifs à la thyroïdectomie

(aphonie, accès dyspnéiques, etc.), relèvent de cette

anémie passagère des deux nerfs, brusquement privés

de leur principale source d'irrigation artérielle ? Ce

sont surtout les phénomènes de stase qui se prêtent à

pareille explication, et il y a là toute une théorie vas-

culaire des névralgies.

Existe-t-il une réelle lésion des vasa nervorum, les

désordres seront plus étendus et plus durables : c'est

ce qui arrive dans les varices, quand le processus

d'ectasie s'étend jusqu'aux vaisseaux des nerfs, en

créant autour de lui une véritable névrite interstitielle

chronique. Telle est encore l'origine fort probable des

phénomènes douloureux qui compliquent certains

veines collatérales, comme l'a dit Tigri, au moins sur le collier veineux

qui les entourent : les vasa nervorum qui se jettent dans les lacis vei-

neux périartériels trouveraient ainsi des conditions favorables à leur cir-, ¡

culation.

DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 35

varicocèles et se perpétuent avec une ténacité toute

, .,

particulière 1. : , - - Il 1 c , 1 11 n

Enfin, nous avons signalé les connexions étroites

qui relient les vaisseaux des nerfs aux vasa vasorum de

l'artère voisine : la nutrition des parois vasculaires et

- ,\ - . . t

celle des nerfs voisins sont, par suite, intimenent

associées , et, dans l'athérome , un grand nombre

d'accidents nerveux, reconnaissent, sans doute, une

telle pathogénie. 1

CLINIQUE MENTALE

DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS»;

Par M. le D' J. CHRISTIAN,

Médecin de la Maison nationale de Charenton.

. 1 !

b). IDÉES DE grandeur alternant avec LES IDÉES DE PERSE-

CUTION. A première vue, les malades de cette catégorie ne

diffèrent pas de ceux dont je viens de parler : leurs idées de

grandeur sont de même nature. m'a semblé cependant qu'elles

. n'acquièrent pas la même fixité, ni la même ténacité : elles

alternent simplement avec les idées de persécution.

Chez ces malades, on ne voit pas non plus survenir la qua-

trième période, celle de pseudo-démence. Tant qu'ils vivent,.et

je parle de ceux qui atteignent un âge avancé, leur délire ne se

modifie pas. Tel était notamment l'officier de marine à propos

duquel nous avons si longuement discuté, M. Dontrebente et

moi. Il avait assurément des idées ambitieuses', et je ne l'ai

1 L'un de nous a observé l'altération des nerfs du cordon sur un paquet

de veines variqueuses, il en fera l'objet d'une communication prochaine.

s Voirleol}o 66, p."32. " , , ? J j^

, Je les avais, déjà signalées en 1881, quand je publiai, à un tout autre

point de vue, l'observation de cet intéressant persécuté. Voir Ann., jan-

vier 1882.

36 CLINIQUE MENTALE.

jamais nié; mais ces idées venaient et disparaissaient. Jusqu'à

la fin de sa vie (il est mort à soixante-douze ans d'un érysipèle

de la face), il était resté le même, et il n'était jamais

tombé dans la pseudo-démence si caractéristique des observa-

tions 12-15. Voici du reste quelques exemples choisis parmi

'd'anciens aliénés :

Observation XVI. L..., négociant, né en 1836, interné depuis

1872. Antécédents héréditaires probables; a fait quelques excès

alcooliques. Depuis son entrée se plaint continuellement d'être

électrisé, brillé, empoisonné, mécanisé; il demande « la liberté ou la

mort», car ce n'est'pas une existence de vivre au milieu de

« coquins et de maboules ». A fait même il y a quelques années une

tentative de suicide. Tel est le thème des incessantes réclamations

de L... Mais ce qu'il y a de curieux, c'est que, tantôt il signe ses

écrits de son véritable nom, et demande simplement à retourner

auprès de sa femme et de son fils, pour reprendre son commerce ;

tantôt il signe Henri de Bourbon, fils du comte de Chambord, héri-

tier du trône de France. Il saura faire valoir ses droits, « fût-ce

même, dit-il, au prix d'une révolution».

Depuis douze ans que j'observe ce malade, il ne s'est produit

chez lui aucun changement. Je sais chaque matin à l'avance ce

qu'il me dira à la visite; mais je ne sais j amais si c'est L... qui me

parlera, ou si au contraire ce ne sera pas Henri de Bourbon. Le ton

se modifie sensiblement selon le cas.

Observation XVIL-V..., néon 1850, entré en 1874. Grand-père

maternel aliéné. Enfant unique, a perdu très jeune son père, a été

élevé par sa mère qui n'avait aucune autorité sur lui. Peu intelli-

gent et peu travailleur, V... a échoué deux fois au baccalauréat; il

a fait un an de service militaire, puis on a essayé de le mettre

dans le commerce. Il n'est arrivé à rien, est devenu de plus en

plus difficile pour sa mère, qu'il a prise en aversion, et à laquelle

il ne pardonnait pas de vouloir régler ses dépenses. Il s'imagine

en effet qu'il possède une fortune énorme et qu'il est allié à toutes

les familles nobles du pays. Les parents de V... possédaient une

petite campagne dans un pays où un grand nombre de châteaux

et de propriétés appartenaient à des nobles de marque. V... cher-

chait à entrer en relations avec ces personnages titrés; il leur

écrivait, leur envoyait des chèques sur Rothschild, rédigeait des

testaments en leur faveur. En même temps, il faisait à sa mère des

scènes violentes, la menaçait, allait même aux voies de fait.

Il a conservé ses idées ambitieuses; il se croit toujours riche

à millions, mais les troubles de la sensibilité générale dominent.

Tout le monde cherche à l'empoisonner, même sa mère, ou du

DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 37

moins la « femme » qui se dit sa mère. Ses vêtements, son

linge, sa literie, l'eau du bain, les aliments, le vin, tout est

rempli de poisons violents qu'on jette sur lui, ou même qu'on

lui respire. Ces idées rendent le malade très difficile pour son

entourage.

Observation XVIII. - Ch..., au moment de son admission (1884),

se disait chargé d'une haute mission; il devait inspecter les maisons

d'aliénés et faire un rapport secret au préfet de police. Il croit

qu'on veut l'empoisonner; il a quelquefois refusé de manger, sous

prétexte qu'il y avait du mercure dans le pain et dans le vin. On

le couvre de Humes, on lui inspire son souffle. Ses idées de gran-

deur sont toujours restées vagues ; le malade est du reste peu intel-

ligent.

c). PERSÉCUTÉS avec IDÉES d'orgueil, DE satisfaction

vagues, non FORMULÉES. -Dans les observations qui précèdent,

les quinze premières sont certainement des exemples de délire

chronique systématique : à la rigueur, on pourrait encore y

comprendre les trois observations suivantes (16-18). J'arrive

maintenant à une catégorie de persécutés chez qui on trouve

seulement « une opinion exagérée d'eux-mêmes, un certain

optimisme, et la conviction qu'ils sont doués de certains pou-

voirs ou de certaines qualités propres à eux seuls » . Camus et

pense que ce sont également des délirants chroniques; Maran-

don de Montyel aussi, en faisant remarquer cependant que l'or-

gueil et la haute idée d'eux-mêmes existaient chez ces malades,

bien avant l'éclosion du délire : cela les différencierait en un

point seulement, puisque les délirants chroniques sont des

sujets normaux jusqu'au début de l'affection mentale (Magnan).

Les persécutés de ce type ne sont pas rares. Je citerai comme

exemple le capitaine A..., ce malade qui s'est attiré une si

triste notoriété en assassinant le docteur Marchand. Depuis

dix ans que je l'observe, j'ai entendu tous les jours les mêmes

récriminations, les mêmes menaces, accompagnées des mêmes

déclamations vagues sur son « honneur, sa dignité d'homme

libre, de citoyen, sa vertu sans tache ». Jamais il n'est arrivé

à une idée de grandeur concrète. L'observation suivante est

plus caractéristique encore : .

Observation XIX. Ce malade, dans un accès de délire, a tué

sa maîtresse, avec laquelle il allait se marier. Reconnu aliéné, il

est, depuis 188C, séquestré à Charenlon. Déjà, avant le crime, il

38 CLINIQUE MENTALE. ,

avait été, pendant plusieurs mois, traité dans une maison de santé.

Fils unique, ayant perdu de bonne heure sa"mère,' II..., qui est

âgé d'environ quarante ans aujourd'hui, vint à Paris, sous pré-

texte de faire son droit; l'héritage maternel fut rapidement dissipé.

Pendant ce temps le père, retiré à la campagne, -dans un de ses

domaines, terminait ses jours en s'alcoolisant. J'ai lieu' de croire

= qu'il y a eu des aliénés dans la famille de X..., et que lui-même

faisait des excès alcooliques.

D'un esprit médiocre, X... a toujours été très fier de la fortune

considérable que'lui avaient laissée se's'parents, etils'en exagérait

singulièrement le chiffre. Cette fortune devait lui ouvrir toutes les

portes. « La place de député de son arrondissement lui revenait de

droit; s'il s'était présenté, son succès était certain. » De tout

temps/le grand bonheur de X... a été de frayer avec les personnages

titrés de son département : se montrer en public à côté de M. de...',

aller à la chasse avec le baron de..., s'habiller chez le tailleur et à

la mode du marquis de..., a toujours été pour lui la suprême féli-

cité. Il est encore tout glorieux d'avoir dépensé de grosses sommes

pour faire réussir l'élection du comte de... Au 10 Mai, il avait

essayé de jouer un rôle ; mais on eut vite pris la mesure du person-

nage, et si on lui permit de s'endetter pour la bonne cause, on

avait dû reconnaître qu'il ne serait jamais possible de l'utiliser

dans un poste quelconque.

MaisX... a conservé le souvenir des services qu'il a rendus, et il

attend la récompense. Ce sera une place dans une ambassade, u.ie

grande ambassade; « il s'est toujours senti une vocation pour

la diplomatie ». Aussi bien ne discute-t-il jamais pour savoir ce

qu'il demandera au gouvernement, mais uniquement pour dire

ce qu'il acceptera. Il ne tarit pas quand il parle de ses talents, de sa

finesse, de sa perspicacité, de son éloquence, de sa facilité de rédac-

tion (il a des caisses remplies de ses écrits); ou bien encore quand

il énumère ses propriétés, la valeur de ses terres. Mais jamais

d'idées de grandeur concrètes, tandis qu'au contraire, le délire de

persécutions est très nettement systématisé.

X... a des collatéraux qui convoitent son immense fortune. Ils

ont pour complice la haute police, dirigée par une ancienne mai-

tresse de X... la marquise. Nous tous, médecins, surveillants, infir-

miers, ne sommes que les agents stipendiés de cette haute police.

Ainsi il sait très bien que je suis chargé de le rendre fou en lui

rétrécissant le crâne, et en diminuent la quantité de sa matière

cérébrale. J'ai déjà notablement diminué son angle facial. Par mes

ordres, et sur les instigations de la « marquise », on met des poi-

sons dans ses aliments (strychnine, opium, nitrate acide de mer-

cure) ; des stupéfiants dans son tabac (stramoine, belladone,

jusquiame). On fait pénétrer des gaz délétères dans sa chambre,

on suscite des provocations pour qu'il attrape un mauvais coup... Sa

\ ...... -... 1 .

DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 39

maîtresse n'est pas morte, elle est tout près d'ici, il l'entend, elle

vient la nuit, mais on l'empêche d'approcher.

' Ce malade est évidemment un persécuté, mais, quoiqu'il ait

de lui-même la plus haute idée, ce n'est pas un mégalo-

maniaque véritable, et je ne pense pas qu'il doive être rangé

parmi les délirants chroniques. Ce serait plutôt un dégénéré

héréditaire.

'Observation XX. -J'ai lu l'observation de ce malade à la Société

de médecine légale, et elle a été publiée dans un des derniers nu-

méros des Ann. d'hyg. et de méd. lég. (juin 1891). P... présente en

effet une particularité curieuse : il s'est pratiqué sur le corps, sur les

bras, une foule de tatouages symbolisant ses idées délirantes. Ici je

ne veux parler que de la forme même de son délire : il présente en

effet à un haut degré l'infatuation de lui-même, et il la traduit

dans un verbiage ampoulé, pompeux, rempli de mots prétentieux

dont je doute qu'il connaisse le sens exact. Veut-il, par exemple,

exprimer cette idée très simple que, s'étant marié, il ne rêvait

qu'une chose, vivre tranquillement avec sa femme, s'occuper de son

art, élever son enfant, il dira : Le sujet d'études (c'est lui) acquiert

par de nombreuses études théoriques et pratiques toute l'expérience

d'un homme de trente ans, il a du raisonnement, du sang-froid,

delà force confiante; son jugement, sa juridiction, sa prudence,

son honneur, sa loyauté, en font un homme redoutable. Cet

homme, ce prétendu propriétaire, cet artiste, cet athlète qui lutte

pour vivre, trouve dans la simplicité de ses moeurs tranquilles tout

le bonheur que la civilisation moderne peut lui offrir, etc. »

Mais il a des ennemis, des jaloux, des envieux : c L'un a dit : je te

ruinerai ; l'autre, je prendrai ta femme; un d'entre eux lui a craché

au visage, l'autre l'a excité pour le rendre criminel, le dernier va

pourrir son enfant, etc. » Mais < on a cru fabriquer un criminel,

faire une veuve, ruiner un pauvre, faire d'un gentilhomme une

espèce de brute, on a fait Minerve. »

P... a écrit des volumes de ce style. Il est généralement calme,

mais je l'ai vu entrer dans des accès de colère terrible, quand on

lui parle de sa femme, ou du médecin qui l'a soigné dans l'asile ou

il a été d'abord enfermé. '

Observation XXI. Le malade de l'observation précédente n'est

à Charenton que depuis six mois, il n'y a que dtx-huillllois eu tout

qu'il est interné. Enfin il n'a encore que trente ans. Je ne voudrais

donc pas affirmer que son délire ne changera pas, qu'il ne sortira

pas du vague et des généralités pour arriver à une conception

ambitieuse nette et définie; cependant cela me semble peu pro-

bable. ,

40 CLINIQUE MENTALE.

· Il en est autrement du malade dont je parle maintenant, et qui

est ici depuis 1867; il avait alors trente-huit ans. Or, si je compare

ses écrits de cette époque avec ceux qu'il me remet journellement,

je suis obligé de convenir qu'il n'existe absolument aucune diffé-

rence entre eux. Ce sont les mêmes plaintes formulées dans les

mêmes termes, les mêmes hallucinations décrites dans le même

style imagé, et enfin et par-dessus tout l'éternelle protestation de

l'homme a tel que lui qui est traité indignement, qui n'est pas à

sa place, pour lequel sa famille paie une pension considérable, et

cependant on le laisse manquer de tout. -

- Ce qui donne une saveur toute spéciale aux écrits de D..., c'est

son style, ce sont les mots qu'il invente, et dont quelques-uns sont

tout à fait pittoresques. Ainsi on le va-nu-pièle indignement; on ne

lui fait que va-nu-piétades. Des femmes s'acharnent après lui; les

unes, les hargneuses de nuit, lui glacent le sang, lui empêchent le

sommeil; les autres, les hargneuses de lieux d'aisances, les l'uffia-

niseuses, vont jusqu'à le polluer. C'est ici une maison à piratages

et à souffre-dolorisades. On voudrait même le pousser à des couteau-

lisades.

Je ne sais rien des antécédents de ce curieux persécuté. 11 a dû

avoir une jeunesse mouvementée, car sa famille, a bout d'expé-

dients, l'avait engagé comme matelot sur un bateau marchand.

Après quelques années de navigation, il était revenu, avait fait des

dettes, et essayé de se suicider. Il prétend s'être tiré un coup de

pistolet dans la bouche; deux balles auraient pénétré dans le crâne

et n'auraient pu être extraites ( ? ). J'ignore ce qu'il en est; il n'existe

rien, aucun symptôme quelconque, qui autorise à ce sujet une

supposition plausible.

d). PERSÉCUTÉS sans IDÉES DE grandeur. Tous les persé-

. cutés finissent-ils par être atteints de délire ambitieux ? Morel

ne le pensait pas. Cependant, dans la discussion à la Société

médico-psychologique, nous avons entendu quelques-uns de

nos collègues affirmer nettement que l'apparition des idées

ambitieuses est de règle, qu'aucun persécuté n'y échappe. S'il

n'y a pas d'idées de grandeur maintenant, il y en aura dans

un mois, dans un an, dans dix ans... Il est bien difficile de

. répondre à une objection de ce genre. Cependant, quand un

délire a duré quinze, vingt ans et davantage, on peut supposer

qu'il s'est constitué définitivement, et si, jusqu'à ce moment,

il n'y a pas eu d'idées ambitieuses, il est permis de croire qu'il

n'y en aura pas. J'ai connu des persécutés qui sont morts dans

la vieillesse, après avoir déliré pendant les deux tiers de leur

existence, pendant trente ou quarante ans au moins; jamais

DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 41

on ne les a surpris..en flagrant délit de mégalomanie. Il y a

mieux : quelques-uns de ces malades, quand je les interrogeais

et que je m'efforçais de les mener sur un terrain ambitieux, se

rebiffaient, et me disaient nettement : « Ah ! çà, docteur,

est-ce que vous me prenez pour un fou, comme MM. X... et

Y... C'est bon pour eux de dire qu'ils sont fils de Napoléon III

ou du comte de Chambord, mais moi, je sais ce que je dis, et je

n'ai jamais eu de ces sottes imaginations ? ... »

On objecte encore que certains persécutés dissimulent soi-

gneusement leur délire de grandeur : M. Falret, si je ne me

trompe, en a connu un, qui avait su le cacher pendant vingt

ans. Il doit exister des faits de ce genre; mais sont-ils fré-

quents ? Le délire ambitieux est de sa nature expansif; les alié-

nés qui sont rois, empereurs, millionnaires, ont plutôt une

tendance à le crier sur les toits qu'à le tenir secret.

Que l'on fasse aussi large que l'on voudra la part des per- -

sécutés qui ne deviendront ambitieux que très tard, ou qui

cachent avec soin leurs idées de grandeur; que l'on admette

encore que chez beaucoup de malades je n'aie pas su démêler

ces idées de grandeur qui existaient réellement, je persiste à

croire cependant que certains pprsécutés ne deviennent pas

ambitieux. -

Dans la discussion, j'étais même allé plus loin; j'avais dit

qu'il « existe une catégorie de persécutés chez lesquels on peut

affirmer que jamais, à aucun moment, il ne surviendra de

délire des grandeurs ; ce sont ceux dont le délire s'alimente

exclusivement dans les troubles de la sensibilité génitale. Ces

malades n'arrivent jamais à la mégalomanie 1 n.

En parlant ainsi, je ne croyais vraiment pas avoir fait une

découverte; je me figurais simplement avoir signalé un fait

d'observation banale, journalière. Mal m'en a pris. J'avais bel

et bien dit une hérésie, et deux ans après, deux de mes distin-

gués confrères sont rentrés en campagne pour attaquer ma

proposition et me démontrer que je m'étais absolument

trompé 2.

Il est assurément flatteur pour moi d'avoir été critiqué avec

tant de science et d'esprit, et je ne manquerai pas de faire mon

profit des sages paroles par lesquelles M. Doutrebente a clos

1 Ann. médic. psychol., sept. 1887, p. 29G.

. Marandon de Montyel, Des Persécutés génitaux à idées de gran-

deur, in Ann., mars 1890. Doutrebente, Id., mai 1890.

42 , .. CLINIQUE MENTALE. > '

son argumentation. J'éviterai à l'avenir les.» affirmations trop

catégoriques », et je ne me risquerai plus à dire « ni jamais,

ni toujours ». Mais me suis-je bien fait comprendre ? Je voulais

soutenir en effet, non pas que les persécutés génitaux ne sau-

raient avoir d'idées de grandeur, mais que chez eux ces idées

ne sont qu'accessoires, qu'elles ne constituent pas le véritable

délire mégalomaniaque. Ce n'est qu'une question de hiérar-

chie de symptômes, mais nécessaire si l'on veut éviter toute

confusion.

Admettons si l'on veut,' que j'aie été trop absolu; admettons

qu'il convienne de ranger parmi les délirants' chroniques les

persécutés génitaux qui ont quelques idées accessoires de gran-

deur, - je resterai en droit de dire que certains persécutés ne

deviennent pas ambitieux, et parmi eux, est-ce un effet du

hasard ? se trouvent précisément des persécutés génitaux.

Je laisse de côté les malades dont l'affection est récente; et

je prends seulement, parmi mes anciens aliénés, ceux qui,

étant persécutés depuis de longues années, sont restés néan-

moins sans aucune velléité ambitieuse. En première ligne, j'en

citerai un, qui rentre dans la catégorie des pel'sécutés-persécu-

teurs, que Magnan range parmi les héréditaires dégénérés.

Observation XXII. M..., cinquante ans, propriétaire. N'a

jamais pu s'entendre avec son père, qui était du reste un homme

singulier. Quand celui-ci mourut, il fit un testament par lequel il

avantageait son frère, auquel il léguait notamment un domaine

important. 111... n'a jamais voulu reconnaître la validité de ce tes-

tament : il a plaidé, a été condamné à toutes les juridictions, mais

persiste à dire qu'il a été volé, et que le domaine est à lui. Un jour

il prend son fusil et va chez son frère, déclarant hautement qu'il

allait se faire justice lui-même et rentrer dans ses droits. On par-

vint à le désarmer, et depuis cette époque, il est séquestré.

M... s'est marié en 1883; mais sa manière d'être avec sa femme

était bizarre; souvent, sans motifs, il la quittait, et pendant plu-

sieurs semaines, on n'entendait plus parler de lui. Puis il revenait

comme si de rien n'était.

M..., entré en 1888, mais traité auparavant dans un asile de

province, est un malade sombre, peu communicatif. Il se plaint

souvent des misères qu'on lui fait, accuse son domestique de

l'espionner. S'anime dès qu'on lui parle de son frère. ·

Je crois que ce serait forcer les analogies que de considérer

comme une idée ambitieuse la revendication du domaine légué

à son frère. C'est là simplement une idée de persécuté qui pré-

DES IDÉES DE ,GRANDEUR' CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 43

tend qu'on lui a fait tort, qu'on l'a lésé. Les malades de cette

espèce deviennent facilement dangereux ; j'en ai connu un qui,

à deux reprises différentes, chercha à jeter du vitriol à la figure

d'un notaire, qu'il accusait, sans aucune raison, de lui

avoir fait tort dans une succession. M... aurait, sans aucun

scrupule, tué son frère. , . , ..

L'observation suivante me paraît offrir un intérêt particulier;

il s'agit d'un persécuté, qui a soixante-quatre ans maintenant,

dont'le délire remonte certainement à plus de vingt-cinq ans,

et qui pourtant, jusqu'à présent, n'a manifesté aucune idée de

grandeur : ! ..., , r ? , .

Observation 'XXIII. --Jusqu'en'1879,1 5 ? occupait'une haute

situation dans un ministère. C'est un homme très intelligent, d'un

esprit très cultivé, poète à ses heures. Depuis longtemps sa famille

avait remarqué ses originalités, mais on n'y attachait pas grande

importance, on n'y voyait que des manies de vieux garçon. Il fut

très affecté par les événements de la guerre de 1870; son caractère

devint plus difficile. 11 voyagea beaucoup, et, comme on le sut plus

tard, c'était surtout pour dépister ses ennemis. Il n'y réussissait

pas toujours : à Palerme, il se prit de dispute dans un hôtel, parce

qu'on lui servait de l'eau empoisonnée; la police dut intervenir.

A Dublin, au moment de débarquer, il aperçut, sur le quai, l'émis-

saire déguisé chargé de l'espionner; il n'eut que le temps de se

rembarquer. Depuis quelques années, il changeait sans cesse de

restaurant, allait prendre ses repas dans les quartiers les plus

excentriques, ne manquait jamais de prélever une portion des

aliments et des boissons, qu'il faisait analyser au laboratoire muni-

cipal. Finalement il ne sortit plus qu'armé, et il déclara nettement

qu'il tuerait le collègue dont le bureau était au-dessus du sien,

parce qu'il profitait de ce voisinage pour lui envoyer des décharges

électriques. C'est alors qu'il fut placé à Charenton.

Le délire de S... est parfaitement systématisé : il est poursuivi

par la Camorra (lisez les Jésuites) à la tête de laquelle est un sien

neveu, qui n'a jamais été pour lui que plein d'affection et de défé-

rence. Ce neveu s'est affilié à l'ordre, il en est devenu le « Grand-

Inquisiteur » et il ne lui laisse aucun moment de repos. Tantôt il se

borne à des espiègleries,- comme de lui casser son lorgnon, de lui

déchirer son parapluie, ou la doublure de ses vêtements, tantôt il

intervient d'une façon plus incommodante en mettant du poison

dans ses aliments, en remplissant le tabac que l'on fume ici de

drogues stupéfiantes, et en dirigeant la fumée sur notre malade,

qu'on ne voit jamais qu'avec un mouchoir sous le nez. S... ne

mange pas de viande; il se nourrit surtout de lait et de pain. Été

comme hiver, il couche la fenêtre ouverte; je n'en finirais pas

44 CLINIQUE MENTALE.

d'énumérer ses bizarreries; cependant il est toujours de bonne

humeur. Ce malade est un type de persécuté halluciné (il a même

quelquefois des hallucinations de la vue) ; jamais ni dans ses écrits,

ni dans ses conversations, je n'ai pu surprendre aucune idée ambi-

tieuse.

Une autre observation que je pourrais citer est' celle d'un

capitaine invalide, entré en 1882 et âgé de soixante-quatorze

ans. Le délire de persécution doit être fort ancien chez lui;

car, étant sergent-major, il fut cassé de son grade à la suite

d'une altercation avec son capitaine. Les campagnes de Crimée

et d'Italie lui fournirent l'occasion de se réhabiliter et d'arri-

ver lui-même au grade d'officier. Il se maria une première fois ;

mais, après quelques mois, il renvoya sa femme, sans motif

sérieux; la malheureuse mourut de chagrin. Plus tard B...

devint aveugle, et c'est, paraît-il, de cette époque surtout que

datent les hallucinations multiples dont il est assailli. Depuis

que je le connais, ce malade, chaque matin, quand il m'en-

tend entrer dans la salle, me poursuit des mêmes récrimina-

tions, des mêmes réclamations ; « il veut retourner aux Inva-

lides, au milieu des officiers de la catégorie « Espagne ( ? ) . Sa

place n'est pas ici, on lui met du poison dans le vin, on

lui fait avaler des drogues malfaisantes, etc. Jamais aucune

idée ambitieuse quelconque.

Enfin je viens de perdre d'une affection organique du coeur,

un vieux malade, notre pensionnaire depuis treize ans. Jus-

qu'au dernier souffle il s'est plaint des mêmes tourments, il a

accusé les mêmes individus. « On l'a pris au milieu de son

commerce, sans qu'il sache pourquoi, il n'a jamais manqué à

ses devoirs; on a voulu le forcer de vendre son établissement;

on lui fait des misères de toutes sortes ; on lui met toutes sortes

de saletés dans le corps pour faire croire qu'il est malade. »

Il aurait pu sembler que P... eût des velléités ambitieuses, car il

estimait son fonds de commerce à plus d'un million. Mais des

renseignements précis que j'ai pu me procurer, il résulte que

telle en était la valeur réelle.

Mais de tous les persécutés, ce sont les génitaux qui m'ont

fourni le plus grand nombre de malades réfractaires au délire

des grandeurs '. C'est au moins une concordance avec ce que

1 Voir quelques Observations de mon Etude sur la mélancolie : Obs. 8,

27, 28, 29, etc. Elles ont été publiées en 1876, à une époque où il n'était

pas question de délire chronique.

DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 45 5

je disais dans la discussion, et une preuve nouvelle que, si je

me trompe, mon erreur est pardonnable. 1

Observation XXIV. - B..., né en 1836, mène depuis de longues

années une existence bizarre. Brouillé avec les siens, il s'était retiré

sur une barque où il s'était installé avec une femme; il se faisait

remarquer non seulement par l'étrangeté de ses discours, mais

encore par la bizarrerie de son costume, la singularité de tous ses

faits et gestes. La femme avec laquelle il vivait vint à mourir :

B... prétendit qu'on l'avait assassinée par les ordres de la police;

il divagua de plus en plus, commit des actes répréhensibles; il

fallut l'interner. Dans le premier asile où il fut placé, B... se

montra comme un aliéné extrêmement violent et agressif, et à à

suite de voies de fait graves sur le médecin, il fut transféré à Cha-

renton(1883). -

B... est poursuivi par une bande d'individus policiers, qui ont

machiné le sous-sol de sa chambre, y ont installé des appareils

électriques, et lui lancent dans les bourses des décharges répétées;

quelquefois même, quand les décharges sont trop fortes, ils lui

font perdre. B... est toujours en mouvement; il se compare lui-

même dans son langage imagé, à un « dindon qu'on placerait sur

une plaque de fer rouge ». Il s'ingénie de mille manières pour

échapper à ses persécuteurs; il s'enveloppe les testicules de papier,

de feuilles d'arbres, d'écorces d'oranges, pour empêcher le fluide

d'y arriver. Il raconte en riant, car autant il était violent il y a

quelques années, autant il est devenu gai et sociable, tout ce

qu'on lui fait supporter ; et il s'en étonne d'autant plus qu'il n'a

jamais éprouvé, dit-il, le moindre désir d'un rapprochement sexuel.

Il affirme qu'il n'a jamais eu aucun rapport avec la femme qui a

été pendant des années sa compagne. Il suppose qu'il est mal con-

formé (en apparence les organes sexuels sont normaux), et il

s'étonne tout le premier des manoeuvres qu'on pratique sur lui.

Le délire reste cantonné dans ces limites.

Observation XXV. S..., né en 1833, a une soeur folle, enfer-

mée dans un asile. Un frère est mort alcoolique; la grand'mère a

été aliénée. Ancien restaurateur, S... a quitté les affaires depuis

quelques années, et s'était retiré à la campagne. C'est alors qu'on

lui a fait toutes sortes de misères. Comme il demeurait à côté du

Dépôt des Omnibus, il était en butte aux vexations des employés

qui l'insultaient, qui grimpaient sur le toit pour lui faire descendre

des injures par la cheminée ; enfin ils cherchaient à le monter. Sou-

vent on lui mettait quelque chose dans le vin qui le rendait rouge

et lui coupait bras et jambes. Pourquoi faisaient-ils tout cela ?

C'était pour le rendre sère, par le moyen du Marquis de la Rampe.

Il finit par m'expliquer que être sère, c'est être pris par der-

46 CLINIQUE MENTALE.

rière (pédérastie) : c'est là ce qu'on attend de lui, ou veut le désho-

norer. Ici (depuis 1887) on ne cesse de lui faire des misères ; il est

entouré de gens qui en veulent à son honneur. La nuit, pour l'em-

pêcher de dormir, médecin et surveillant font passer toutes sortes

d'imaginations devant son lit, on le pique, on lui chauffe les pieds,

on remue son matelas, on cherche surtout à le mettre en l'air (c'est-

à-dire à provoquer des érections).Dans la journée, c'est une autre'

affaire : on lui tourne le dos d'un air provocant, on tousse avec

affectation sur son passage. Un jour il se jette à coups de pied et à

coups de poing sur un pensionnaire qui s'était penché pour cueillir

une fleur : « il lui tendait son derrière comme qui dirait à un

enc... ! » Une autre fois il interpelle violemment un garçon qui se

dirigeait du côté des lieux d'aisance : « il donnait à entendre que

c'était bon pour lui, que c'était sa place ».

Observation XXVI. S..., lieutenant d'infanterie, quitte le

poste qu'il commandait au Louvre, et va se jeter dans la Seine.

Aussitôt repêché, il est conduit au Val-de-Grâce et de là à Cha-

renton. Il parait que depuis longtemps S... était triste, sombre,

taciturne; il avait des dettes, et l'on supposait que c'était la cause

de son humeur fantasque. En réalité, S... était tourmenté par les

hallucinations les plus variées; on l'électrisait, puis on agissait sur

lui par le contre-magnétisme. On chuchotait et on sifflotait quand il

passait dans la cour de la caserne; on faisait comprendre qu'il

était impuissant. Il y a quelques années S... a eu la syphilis ( ? )

dont il ne se croit pas guéri : autre source de préoccupations. Il

est généralement tranquille, se montre très réservé dans ses

plaintes. Mais j'ai été obligé de le placer dans la section de sûreté,

parce que, chaque fois que S... voit une femme, il se croit obligé de

se découvrir. Il ne peut pas faire autrement, dit-il, on le pousse à

montrer ses parties sexuelles, afin de prouver qu'il n'a pas cessé

d'être un homme.

Observation XXVII. G ? cultivateur, homme vigoureux et

robuste, dans la force de l'âge. Il y a quelques années, il fut atteint

d'une insolation, à la suite de laquelle se développa une otite :

commencement de surdité. Les hallucinations de l'ouïe datent de

cette époque. Aucune hérédité. Avant d'être placé à Charenton, le

malade a fait un séjour d'un au dans une maison de santé. C'est

dans les caves de cette maison de santé qu'est placé un puissant

appareil électrique, à l'aide duquel le Dry... lui envoie des déchar-

ges, et toujours dans le canal de l'urèthre : il provoque ainsi des

érections, quelquefois même des éjaculations. G... me supplie de

dire au Dru ? de cesser ces mauvaises farces; mais il est le pre-

mier à en rire, et il se borne à dire : « C'est-il pas malheureux dé

faire de pareilles misères à un homme comme moi qui n'a jamais

fait de mail »

DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 47

IY. Il me paraît inutile de poursuivre cette revue, de

nouvelles observations n'ajouteraient rien à celles qui précè-

dent ; je puis conclure et je le ferai en peu de mots. Dans mon

travail j'ai envisagé d'une façon générale tous les aliénés que

nous appelons des persécutés; ils forment, à mon sens, une

grande famille; ils délirent tous de la même façon, par le

même mécanisme, chez tous il est permis d'admettre le même

trouble fondamental de l'intelligence.

Dans cette famille d'aliénés, il convient d'établir des groupes

distincts; chez tous le délire n'évolue pas de la même façon.

Et notamment, les uns deviennent ambitieux, les autres parais-

sent réfractaires aux idées de grandeur.

A l'époque de la fameuse discussion à la Société médico-

psychologique, j'étais persuadé que les idées ambitieuses ne

surviennent qu'exceptionnellement. J'étais dans l'erreur; c'est

le contraire qui semble être la vérité. Sur les quarante persé-

cutés, dont je viens de réunir les observations, j'en trouve

trente et un avec idées de grandeur plus ou moins développées,

soit plus des trois quarts. Je ne veux pas faire dire à ces chif-

fres plus qu'ils ne disent en réalité; les hasards des admissions

peuvent demain changer les proportions. Mais comme mes

observations n'ont pas été choisies arbitrairement, que je les

ai prises telles que je les ai rencontrées actuellement dans mon

service, je suis obligé de leur accorder une valeur non discu-

table au point de vue spécial qui m'occupe.

Il semble que la forme classique, complète, du délire de per-

sécution soit la forme délire chronique systématisé (Magnan) '.

Et, d'après mon observation personnelle, l'évolution du délire

serait généralement rapide. Chez la plupart de mes malades,

les idées de grandeur sont apparues peu après les idées de per-

sécution ; dans certains cas, on aurait pu les croire presque

contemporaines. En dehors des délirants chroniques, d'autres

persécutés présentent également des idées ambitieuses, mais

moins fixes, moins dominantes. '

Enfin il en restera toujours un certain nombre, qui, je le

répète, paraissent réfractaires au délire ambitieux, et, parmi

ceux-ci je trouve en majorité les persécutés génitaux. Pourquoi

en est-il ainsi ? Je ne me hasarderai pas à donner une explica-

tion. Le terrain sur lequel évolue le délire a certainement une

grande importance. Mais, dans la genèse des idées délirantes,

' Toutes réserves faites sur la quatrième période, dite de démence.

48 PATHOLOGIE NERVEUSE.

le rôle principal ne revient-il pas aux troubles si variés de la

sensibilité organique ? En portant nos recherches de ce côté,

nous trouverons peut-être une explication plausible des diffé-

rences d'aspect que la clinique nous fait découvrir chez les

persécutés. -

PATHOLOGIE NERVEUSE

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE

DIABÈTE SUCRÉ';

(TRAVAIL DE LI CLINIQUE DE M. LE PROFESSEUR CHARCOT)

PAR R

Georges GUINON, A. SOUQUES,

Chef de clinique. Interne (médaille d'or) des hôpitaux.

III.

Nous venons de voir jusqu'ici le diabète alterner

avec le tabes chez divers membres d'une même famille.

Nous avons hâte de démontrer que ces deux entités

morbides peuvent s'associer chez un seul individu et

évoluer pour leur compte personnel, sans qu'on ait le

droit de songer au pseudo-tabes diabétique ou à la

glycosurie tabétique.

C'est la partie à laquelle nous avions primitivement

limité notre étude; elle en constitue le chapitre le

plus important en raison de l'oubli dans lequel on

avait paru la laisser jusqu'ici. Les observations que

nous allons rapporter ont été recueillies par nous soit

1 Voir n 66, p. 305.

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 49

à la clinique, soit dans la clientèle privée de M. le pro-

fesseur Charcot.

Observation III.

A. Lem..., cinquante-neuf ans, maçon, entre le 10 juin 1800,

salle Prus, dans le service de M. le professeur Charcot.

Antécédents HÉRÉDITAIRES.- Son père, très obèse et très alcoo-

lique, est mort subitement. Sa mère, atteinte d'asthme avec em-

physème depuis de longues années, est morte à soixante-trois ans

d'étranglement herniaire. Il a eu cinq frères ou soeurs qui sont

tous morts jeunes d'affections inconnues de notre malade.

Il ne peut donner de renseignement sur ses grands parents ma-

ternels ni sur un certain nombre de membres de sa famille. Il sait

cependant que son grand-père paternel était un grand buveur et

un noceur. Il sait aussi qu'une de ses tantes, une soeur de son père

avait des crises de somnambulisme. En somme, son hérédité

pathologique peut se résumer dans le tableau suivant :

TABLEAU XXI

Antécédents personnels. Lem... n'a fait aucune maladie dans

son enfance. A quinze ans, il a appris le métier de maçon, qu'il a

exercé depuis lors. A dix-huit ans, blennorrhagie avec orchite. A

dix-neuf ans il se marie; de ce mariage naissent treize enfants, qui

sont tous morts à l'exception d'un seul.

A vingt-neuf ans, fracture malléolaire du pied gauche. Pendant

dix ans, de trente-neuf à quarante-neuf ans, il a eu tous les ans

au printemps une attaque de rhumatisme articulaire aigu. Presque

toutes les articulations étaient prises et chaque attaque durait de

Ancmves, t. XXIII. 4

80 PATHOLOGIE NERVEUSE.

deux à quatre- mois. Il a été soigné soit à Neckcr, soit à Saint-

Antoine et traité par le salicylate de soude.

Début du diabète. A cinquante-un ans, en 1882, il a eu une

balano-posthite avec paraphimosis qui l'amena dans le semé de

M. Teirier. L'interne aurait pratiqué une incision d'urgence et

trois semaines après notre malade aurait quitté l'hôpital Saint-

' Antoine, non complètement guéri cependant. En effet, deux mois

après il rentrait de nouveau. On lui fit une nouvelle opération sur

le prépuce et comme la plaie ne se cicatrisait point on analysa les

urines et on trouva du sucre. Une analyse faite à cette époque

aurait révélé 80 grammes de sucre par litre, glycosurie énorme

accompagnée de polyurie (8 à 0 litres par vingt-quatre heures),

polyphagie et polydepsie. Le malade fut alors envoyé à Cusset,

ayant toujours sa posthite qui mit encore un an à guérir. A la fin

de sa cure minérale ses urines ne renfermaient plus, dit-il, que

60 grammes de glycose par litre. A son retour de Vichy, il revint

à l'hôpital Saint-Antoine où il fut soumis à un régime approprié

' et d'où il put sortir quelque temps après, très sensiblement amé-

lioré. '

L'année suivante, en 1883, il rentra à l'hôpital Andral pour son

diabète. 11 avait encore, dit-il, 80 grammes de sucre par litre, pis-

sait, mangeait et buvait beaucoup. Apres sept mois de traitement

(viande crue), le sucre ayant notablement diminué, il sortait.

Depuis lors sa maladie ne l'a pas autrement incommodé; il

n'est resté qu'une fois il l'hôpital pour le taenia en 1884. Lorsqu'il

s'est présenté à la Salpêtrière il ne se doutait point qu'il pissait

encore du sucre. Il venait consulter pour des douleurs névralgi-

ques, pour des troubles oculaires, avec une ordonnance des

Quinze-Vingts où on lui avait dit de venir à la consultation de

M. Charcot.

Début du tabès. En juin 1889 il a été pris de diplopie très ma-

nifeste qui a duré un à deux mois; il voyait dans la rue les

hommes, les chevaux, les fiacres en double. Cette diplopie a dis-

paru pour ne plus revenir.

Il y a un mois, sa vue a baissé surtout dans l'oeil droit ; des dou-'

leurs névralgiques se sont montrées dans la région mastoïdienne

gauche. C'est pour cette amblyopie qu'il s'est présenté aux Quinze-

Vingts et ensuite à la Salpêtrière.

Etat actuel (juin 1890).- L'examen des urines révèle la pré-

sence d'une quantité notable de sucre. Le malade a de la poly-

depsie et de la polyphagie modérées cependant. Une analyse

pratiquée le 24 juin par M. Grenouillet, interne en pharmacie du

service, -donne les résultats suivants : urine de vingt-quatre

heures : trois litres, d'aspect louche, de couleur jaune pâle, am-

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 51

moniacale, alcaline, densité 1,020, contenant en totalité 35 grammes

d'urée, 27 grammes de chlorure et G gr. 3 de sulfate, sans albu-

mine, sans peptone, ni acétone, contenant enfin 122 gr. 83 de

glycose par vingt-quatre heures (40 gr. 94 par litre).

Homme obèse. Dents en bon état; pas de gingivite. Pas d'érup-

- tiens cutanées. La peau est de couleur normale sans sécheresse

manifeste. Pas de signe de Romberg. Absence totale des réflexes

rotuliens. La force musculaire générale est affaiblie; le malade se

fatigue plus vite que d'habitude et il se sent incapable de faire les

courses qu'il faisait l'an dernier. Cependant la force musculaire

dans les membres inférieurs est normale; il oppose aux mouvements

passifs une résistance énergique. Au reste, la démarche est à peine

troublée, si ce n'est que les jambes se dérobent de temps à autre

sous lui. La démarche est un peu gênée, mais sans caractère

spécial, et cette gêne semble tenir soit à la fracture ancienne

vicieusement consolidée, soit aux troubles de la vue.

Les troubles delà sensibilité sont multiples. Le malade se plaint

d'engourdissement dans les deux jambes, de la sensation impar-

faite du sol (il lui semble qu'il marche sur un tapis) avec hypéres-

tbésie assez marquée au niveau de la face dorsale des mains et

des pieds, bypérestbésie qui l'oblige parfois à enlever ses couver-

tures.

Pas d'anesthésie. Il n'a pas do douleurs fulgurantes bien nettes

ni dans les membres, ni au niveau de la ceinture. Il accuse sim-

plement quelques douleurs rapides (comme de l'eau qui coulerait)

qui ne sont du reste pas très vives et attirent peu son attention. Il

ressent en outre une sensation de lourdeur. S'il appuie un instant,

ses bras restent pendant quelques minutes « comme morts ».

Il se plaint surtout d'une névralgie caractérisée par des douleurs

vives, continuelles, aussi fortes le jour que la nuit, lancinantes

par moments, exagérées par les mouvements de la tête et l'obli-

geant à tenir sans cesse sa main appliquée contre l'oreille. Cette

douleur siège dans la région mastoïdienne du côté gauche. Elle a

un foyer maximum au niveau de l'apophyse masloïde, un second

à deux centimètres au-dessous de celle apophyse. La zone doulou-

reuse est limitée en arrière à trois ou quatre travers de doigt

du pavillon de l'oreille. Il n'y a en avant de l'oreille, ni en

d'autres points de la tête et du cou, aucun point douloureux. Cette

douleur est parfois sourde, tolérable, mais s'exagère par la pres-

sion, par la marche, par les mouvements.

Du côté de la sensibilité viscérale il nous faut signaler l'impuis-

sance remontant à de longues années et parfois de la sperma-

torrl1e sans érection, la paresse vésicale, qui l'ob ! ige à pousser,

avec arrêt momentané du jet de temps en temps.

l'as de crises vésicales, ni laryngées, ni stomacales, ni rectales,

etc.. -

tJ2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Du côté des sens spéciaux, le goût et l'odorat sont normaux.

L'ouïe est très affaiblie, surtout à gauche où le malade n'entend

pas le"tic tac d'une montre appliquée sur son oreille. A droite le

tic tac n'est pas entendu au delà de trois centimètres.

L'oeil est franchement tabétique. Myosis bilatéral. Signe d'Ar-

yll-Robertson avec absence complète de réaction des pupilles.

Rétrécissement irrégulier du champ visuel (v. fig. 13). Dyschroma-

topsie prononcée. Atrophie nacrée des papilles. Amblyopie encore

peu accusée, le malade voit assez nettement, joue aux cartes, etc...

L'état général est satisfaisant. Lem... est obèse, plutôt vigou-

reux d'aspect. L'appétit est exagéré, la soif augmentée, sans

troubles stomacaux ou intestinaux. Il porte au niveau de la verge

les vestiges cicatriciels de son ancienne baiano-posthite, une

hydrocèle vaginale du côté gauche, avec induration épididymairc

et hydrocèle vaginale du côté droit. Le pouls est normal et les

viscères ne présentent aucune altération appréciable.

Depuis son entrée dans le service delà clinique, le malade a été

soumis au régime et au traitement. Dans les deux premiers mois

la glycosurie a diminué alors que les manifestations oculaires ont

pris une intensité remarquable. En quelques mois l'atrophie est

devenue complète, la cécité absolue.

Dans ces derniers temps le traitement ayant été négligé par

Lem..., le sucre a atteint le même taux qu'à l'entrée. Les chiffres

ci-dessous montreront que le chiffre total de la glycose, sous l'in-

fluence d'une médication appropriée, avait baissé d'un tiers et que

l'abandon presque complet de la médication et du régime s'est

traduit par le retour au taux originel.

Fig. 13.-Rélrécissenzent irrégulier du champ visuel d'origine tabétique

chez un diabétique.

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 53

54 PATHOLOGIE NERVEUSE.

que nous voulons établir l'existence du tabes vrai.

Les troubles vésicaux plaident bien pour l'ataxie

locomotrice progressive : paresse vésicale avec arrêt

momentané du jet, mais ils ne sont pas ici suffisamment

caractéristiques et on pourrait objecter que de pareils

troubles urinaires ont été observés dans le diabète.

Par contre, les troubles oculaires nous semblent lever

ici toute espèce de difficulté; il s'agit d'amblyopie ta-

bétique, d'oeil tabétique au grand complet : myosis

bilatéral, signe d'Argyll Robertson, rétrécissement

irrégulier du champ visuel, dyschromatopsie et atro-

phie nacrée des papilles. Ce sont là incontestablement

des phénomènes qu'on ne trouve point chez les diabé-

tiques. Non pas qu'on ne rencontre point dans le dia-

bète des troubles et des lésions oculaires; mais combien

différents ! On y observe, d'après de Wecker et Landolt,

par ordre de fréquence, les altérations suivantes : 1° la

cataracte; 2° la paralysie de l'accommodation et des

muscles extrinsèques; 3° les troubles hémorrhagiques

du corps vitré; 4° des rétinites et des hémorrhagies

rétiniennes; 5° l'atrophie du nerf optique.

Les quatre premiers n'existent pas chez notre

malade. Quant à l'atrophie du nerf optique,- inutile

de faire remarquer qu'elle est exceptionnelle dans le

diabète. Elle ne ressemble du reste point à celle du

tabes. 111. Parinaud, qui a fait à diverses reprises

l'examen du fond de l'oeil chez Lem... est catégo-

rique sur l'existence, dans notre cas, d'une atro-

phie tabétique. Il n'est, du reste, pas éloigné de croire

que l'atrophie de la papille n'appartient jamais au

diabète. Quoi qu'il en soit, cette atrophie relève ici

du tabes. En outre, le myosis bilatéral, le signe

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABETE SUCRÉ. 55

d'Argyll, la diplopiequi a duré deux-mois ne relèvent

point du diabète sucré. En' somme, nous trouvons

d'une part absence des signes oculaires classiques du

diabète et d'autre part présence des lésions et des

symptômes franchement tabétiques. L'hésitation n'est

point permise. Nous ferons enfin remarquer que le;

développement de l'amblyopie a coïncidé, chez notre

malade, avec l'institution d'un régime et d'un traite-

ment antidiabétique et avec l'amélioration du diabète,

ce qui n'aurait pas dû arriver, sans doute, si cette

amblyopie avait été sous la dépendance de celui-ci.

En résumé, si quelques accidents nerveux : perte

du réflexe rotalien, troubles de la sensibilité, frigidité

génitale, troubles vésicaux même ne peuvent être

équitablement partagés- et peuvent à la rigueur dé-

pendre du diabète aussi bien que du tabes, les trou-

bles oculaires relèvent incontestablement de l'ataxie

locomotrice progressive. Nous ne sommes donc pas

ici en présence d'un cas de pseudo-tabes diabétique

mais bien d'un cas d'association du véritable tabes

avec le vrai diabèle sucré. Et ce tabes à début ocu-

laire semble rester isolé et se cantonner aux yeux. Cet

arrêt du tabes qui débute par les yeux est la règle,

dans l'espèce. Le fait a été signalé par M. Charcot,

par Benedikt et tout récemment étudié par M. Martien.

Joannès '. - .

Observation IV.

E.Kat..., isréalite,. cinquante-six ans, courtier en assurances, se

présente à la consultation externe de la Salpêtrière, le 21 août 1890.

1 Jlartin Joannès. De l'atrophie du nerf optique et de sa valeur pro-,

nostique dans la sclérose des cordons postérieurs de la moelle épiniére

(Th. de Paris, 1890.) - . . ? ....

56 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Antécédents héréditaires. Le malade ne peut donner aucun

renseignement précis sur ses grands parents. Son père est mort

dans la démence sénile; il avait des hématuries. Sa mère est

morte âgée; elle était, parait-il, coléreuse et emportée. Il a eu

six frères ou soeurs; trois sont morts d'affections n'ayant rien de

- : -spécial à noter. Parmi les trois qui lui restent, se trouve une de ses

soeurs qui a eu la danse de Saint-Guy, et dont une fille a également

eu la chorée de Sydenham.

Un oncle maternel est goutteux, un autre du côté paternel est

aliéné. Il y a en outre un certain nombre de membres de sa famille

qu'il ne fréquente pas et qu'il ne connaît presque pas. La généa-

logie peut être représentée par le tableau suivant :

TABLEAU XXIII

FAMILLE ISRAÉLITE

Antécédents PERSONNELS.K... n'a jamais été malade, ni dans son

enfance, ni dans son adolescence. A dix-neuf ans, en 1870, il s'est

engagé et a reçu quatre blessures sans gravité dont on voit encore

les cicatrices à l'épaule, au bras et au cou Deux blcnnorihagies, à

vingt-cinq et à trente-cinq ans. Pas de syphilis. Excès alcooliques

durant une quinzaine d'années.

Il s'est marié à vingt-neuf ans. Sa femme a eu neuf grossesses

(cinq fausses couches, quatre grossesses à terme; il reste aujour-

d'hui trois enfants bien portants). Deux ans avant son mariage, il

a eu un eczéma .variqueux à la jambe gauche où on voit actuelle-

ment des varices et une pigmentation accusée.

Début du labes. A vingt-huit ans, six mois avant son mariage,

il a éprouvé les premières douleurs au niveau de la cuisse gauche.

Celte crise douloureuse a duré vingt-quatre heures sous forme de

fulgurations rapides et courtes avec des intervalles de calme de

cinq à six minutes.

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 87 lui

Depuis cette époque ces crises de douleur se sont reproduites

avec des caractères identiques tous les deux ou trois mois environ,

et duraient quarante-huit heures en moyenne. Les douleurs surve-

naient brusquement, siégeant dans les orteils, à la malléole externe,

aux mollets, autour de la ceinture et parfois au niveau de l'épi-

gastre. Il n'en a jamais ressenti dans la face, dans le cou, ni

dans les membres inférieurs. Elles laissaient après elles une hypé-

resthésie cutanée très vive qui rendait la pression du pantalon

et le poids des couvertures intolérables. Elles le forçaient à

crier, à sauter en bas du lit et l'empêchaient complètement de

dormir. « Ce sont, dit-il, des douleurs atroces, intolérables, qui

m'empêchaient de dormir. » 11 a usé contre elles do toutes les

médications, bromure, iodure... morphine.

Il y a vingt ans s'est montrée une incoordination motrice; il

faisait des écarts et menaçait de tomber. Depuis vingt ans il marche

avec une canne.

C'est à la même époque que se sont montrés des troubles uri-

naires caractérisés par une paresse vésicale. Il était obligé de pous-

ser fortement, de se tirailler la verge et de pisser accroupi. Ces

troubles n'ont pas cessé depuis lors; s'il veut résister au besoin

d'uriner, l'urine sort toute seule brusquemenl. Parfois il pisse

involontairement quelques gouttes dans son pantalon.

Depuis une dizaine d'années, les troubles moteurs se sont nota-

blement accrus; fréquemment dans la marche ses jambes se

dérobent sous lui. Il marche, dit-il, comme un homme ivre, et il

est connu dans son quartier sous le sobriquet de a jambe de

laine ».

Début du diabète. En 1883, il y a sept ans, il avait à la jambe

un ulcère variqueux qu'on ne parvenait pas à guérir. On examina

ses urines et on y découvrit du sucre. Deux ans après, une analyse

méthodique indiquait 40 grammes de glycose par litre. Du reste,

à cette époque, il avait toute la symptomatologie du diabète con-

firmé ; il urinait souvent et beaucoup, sans qu'il ait jamais songé à

recueillir la totalité des urines. Il se levait la nuit cinq à six fois

pour pisser. Il buvait en proportion, ayant sans cesse la bouche

sèche et pâteuse. Il se levait la nuit pour pisser et pour boire. Sa

femme, qui l'accompagne, raconte qu'elle a remarqué, il y a dix ans,

une augmentation de la soif et de l'appétit. Son mari faisait six

repas par jour et se relevait même la nuit pour manger. Il avait

des somnolences invincibles, deux ou trois parjour.

K... est impuissant; depuis six ans il n'a eu aucune érection ; il

accuse cependant des désirs et même des éjaculdtions,

Depuis un an ses symptômes se seraient amendés. Lapolyphagie

n'est pas très accusée; il boit aux repas une quantité normale de

liquide; il n'a de polydipsie que la nuit.

00 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Dans ces derniers mois son caractère s'est modifié : il est devenu

irritable et impatient. Depuis trois mois il n'a pas eu de crise de

douleurs fulgurantes, mais il éprouve des agacements, des four-

millements permanents dans les jambes, sensations qui n'ont, dit-il,

rien d'analogue aux crises douloureuses qu'il connaît bien; les

fourmillements sont soulagés par la position croisée des membres

inférieurs; aussi ne tient-il presque jamais ceux-ci dans la position

normale. Il accuse encore des crampes douloureuses que le port de

bas à varices ont fait disparaître.

Rien de particulier à noter dans les membres inférieurs si ce

n'est un « énervement» qu'il fait remonter à six mois.

Etat actuel (21 août 1890). K... est un homme de corpulence

moyenne, sans obésité. Il porte aux membres inférieurs des varices

très apparentes compliquées de cicatrices ulcéreuses et de pigmen-

tation brunâtre. Il présente des placards de psoriasis aux deux

mains (dos et paume de la main, pelit doigt et annulaire gauches).

Il est porteur de psoriasis depuis trente ans et en a eu dans dilfé-

rentes régions. "

Pollakiurie et polyurie modérées avec polyphagie etpolydipsiepeu

marquées. Les urines renferment, d'après un examen fait séance te-

nante par M. Oliuéro, interne en pharmacie du service, 15 grammes

de sucre, 8 gr. 15 d'urée, 5 grammes de chlorure, 0 gr. 9 de phos-

phate et 0 gr. 21 d'acide urique, le tout par litre, sans aucune trace

d'albumine. L'urine est trouble, acide, d'une densité normale, et

laisse déposer des phosphates ammoniaco magnésiens.

La bouche ez;t sèche, complètement dégarnie de dents qui sont

toutes tombées depuis une dizaine d'années. La langue est quadrillée

en gaufre, avec quelques plaques blanches, sans contractions fibril-

laires, sans atrophie appréciable.

Pas de troubles de la sensibilité autre que les engourdissements

et les crises de douleurs fulgurantes. Pas d'anesthésie, plutôt un

peu d'hypéresthésie et un peu de retard dans la perception des

sensations. Pas de crises laryngées ni gastriques. Le goût, l'odorat,

l'ouie, sont normaux. La vue est bonne, mais les pupilles sont

inégales et le signe d'Argyll Robertson est très net. Absence des

réflexes rotuliens. Signe de Romberg. L'incoordination motrice

est absolument typique. Le malade appuyé sur une canne progresse

en déviant de la ligné droite, en jetant ses jambes à droite el à

gauche. Cette démarcha qui n'a rien de celle de stepper est encore

plus incoordonnée et même impossible dans l'obscurité.

Le coeur est normal, le pouls a 76. Pas de troubles digestifs.

Troubles urinaires dejà signalés. Rien au foie ni dans les divers

organes. L'état général est très satisfaisant, le caractère gai et

l'humeur joviale.

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 59

Ici encore nous avons à relever la double héré-

dité arthritique et nerveuse. Nous soulignerons en

outre ce fait qu'il s'agit d'un israélite. La race juive

semble plus prédisposée au diabète et aux névropathies

que les autres races. C'est l'opinion de nombreux

médecins, de 11111. Charcot, Bouchard, etc.. et cette

opinion contre laquelle s'est élevé récemment M. Ger-

main Sée ' semble parfaitement établie. Elle repose

du reste sur ce fait d'observation clinique que les

juifs sont particulièrement atteints de maladies arthri-

tiques et névropathiques.

K... a éprouvé les premières douleurs fulgurantes,

il y a près de trente ans. Depuis lors, ces douleurs ont

reparu sous forme de crises absolument classiques

dans les membres inférieurs et autour de la ceinture.

Puis, huit ans plus tard, est survenue une incoordina-

tion motrice, avec des troubles urinaires bien spéciaux.

Ce n'est que vingt ans après, en plein tabes confirmé,

que la présence du sucre a été notée dans les urines

(40 grammes par litre) à propos d'un ulcère qui ne

guérissait point. Du reste cette glycosurie n'était pas

isolée; elle s'accompagnait de tout le cortège classi-

que du diabète : pollakiurie nocturne, polyurie, poly-

dipsie, polyphagie. Sous l'influence d'un traitement

approprié, les symptômes diabétiques s'amendent con-

sidérablement, sans modification parallèle des mani-

festations tabétiques.

En présence de ces divers symptômes, de leur

mode d'apparition, de leur caractère, de leur évolu-

tion, nous pensons qu'il s'agit ici d'une association

' Bullet. de l'Académie de Aféd., septembre 1891.

60 PATHOLOGIE NERVEUSE.

du tabes avec le diabète sucré. Et d'abord le tabes

est avéré, indiscutable, suffisamment établi par les

crises de douleur fulgurantes typiques, la constriction

en ceinture, l'incoordination motrice particulière, l'iné-

galité pupillaire, le signe d'Argyll, les signes de Rom-

berg et de Westphal, les troubles urinaires. Notre

malade est en outre un véritable diabétique.

Deux objections pourraient être opposées à celte

manière de voir :

1° Il s'agit d'un cas de pseudo-tabes diabétique dans

lequel les phénomènes nerveux ont précédé la gly-

cosurie pendant vingt ans.

2° Il s'agit d'une glycosurie tabétique. La première

objection n'est pas soutenable, car, si parmi les acci-

dents nerveux quelques-uns sont communs au tabes

et au diabète, il en est d'autres, comme l'inégalité

pupillaire, lesignedeRobertson, la démarche ataxique,

les troubles vésicaux, qui ne peuvent être mis sur le

compte de la maladie diabétique. Nous nous sommes

déjà expliqués sur la plupart d'entre eux. Quant aux

troubles moteurs, nous ferons remarquer en pas-

sant, qu'il y a loin de la démarche de stepper à l'in-

coordination typique du tabes.

La seconde objection est beaucoup plus sérieuse. Et

pourtant, dans notre cas, la glycosurie ne saurait être

symptomatique d'une lésion tabétique propagée au

quatrième ventricule, comme dans les observations de

Oppenheim, Reumont et Fischer, et cela pour plu-

sieurs bonnes raisons. D'abord, parce que cette glyco-

surie au lieu d'être isolée, s'est accompagnée de la

symptomatologie habituelle du diabète, ensuite parce

qu'elle s'est amendée sous l'influence d'un traitement

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 61

antidiabétique, enfin, et surtout parce qu'elle ne s'ac.

compagne point de cerlains signes habituels, concomi-

tants : fréquence du pouls, troubles sensitifs dans le

domaine du trijumeau, etc., qui, ainsi que nous le

verrons plus loin, semblent être les compagnons ordi-

naires de la glycosurie d'origine tabétique'.

Bref, comme dans l'observation III, il s'agit d'un

cas d'association du tabes vrai avec le véritable dia-

bète sucré. Mais, contrairement au cas précédent,

c'est ici le tabes qui a débuté et le diabète qui a suivi,

soit que celui-là ait servi d'agent provocateur, soit

qu'au contraire cette association soit simplement le

^fait de la prédisposition héréditaire.

Observation V (personnelle).

M. C..., soixante ans, rentier, vu par M. Charcot.

Pas d'antécédents héréditaires.

Syphilis dans la première jeunesse (vingt-deux ans ? ). Obèse.

Début du- tabes à l'âge de quarante-neuf ans par les douleurs

fulgurantes.

ETVT actuel (mai 1889). Signe de Westphal.

Signe de Romberg très accentué.

Myosis avec signe d'Argyll Robertson. Pas de cataracte.

Douleurs fulgurantes autrefois très violentes, maintenant plus

fréquentes mais beaucoup moins sévères.

Troubles vésicaux, rétention d'urine; ne peut uriner qu'à l'aide

de la sonde.

Démarche nettement ataxique. Talonnement, seulement le pied

est un peu mou, mais sans steppage véritable, à cause d'un degré

assez accentué d'atrophie des muscles des jambes avec prédomi-

nance sur les extenseurs du pied.

Diabète constaté il y a au moins trois ans. Le malade a toujours

été et est encore gros mangeur et boit beaucoup. Il y a eu une période

de polyurie, mais ce fait est assez difficile à préciser à cause de la

présence des troubles vésicaux tabéliques qui existaient déjà à

cette époque.

Octobre 1889. La suspension a quelque peu amélioré certains

symptômes tabétiques, les douleurs fulgurantes en particulier et

62 pathologie NERVEUSE.

la démarche. Mais celle-ci reste encore assez ataxique pour que

l'atrophie des extenseurs ne donne pas lieu à la démarche franche

du steppe1', Cependant le genou est toujours fortement élevé dans

l'action de porter le pied en avant. Le sucre a été tout le temps

constaté dans l'urine, examinée une fois par semaine.

Cette observation est à peu près calquée sur la

précédente; elle est justiciable de la même argumen-

tation et des mêmes conclusions : elle a trait à un cas

d'association du tabes avec le diabète sucré. -

Observation VI.

F. de la P..., soixante ans, journaliste, se présente à la consulta-

tion externe de la Salpêtrière, le 2 septembre 189t.

Antécédents héréditaires. Nos recherches sur une tare

névropathique ou arthritique sont restées infructueuses. Jamais

D... n'a entendu parler de maladie dans sa famille. Tous les mem-

bres qu'il connaît n'ont ou n'ont eu ni affection nerveuse, ni

goutle, ni diabète, ni rhumatisme, ni obésité, ni manifestations

arthritiques.

Antécédents personnels. Lui-même est sobre mais s'est pen-

dant de longues années, livré à des travaux intellectuels excessifs;

il a été rédacteur de plusieurs journaux politiques et travaillé céré-

bralement douze heures par jour durant quinze ans. C'est à ce

surmenage intellectuel qu'il attribue sa maladie.

A dix-sept ans, en 18S, après être resté trois heures sur la

glace, il a été pris d'un rhumatisme articulaire aigu qui l'a retenu

trois mois au lit. Depuis cette époque, il a eu deux crises sembla-

bles qui ont duré moins longtemps et enfin depuis 1889 il n'a plus

eu de douleurs rhumatismales.

Début du diabète. Il s'est aperçu qu'il avait du sucre dans

les urines en 1888. Mais le début réel du diabète remonte pro-

bablement au delà. Depuis au moins cinq ans il buvait et urinait

beaucoup, et il avait « un bel appétit ». c Mes deux meubles

essentiels, dit-il, étaient une carafe d'eau et un pot de cham-

bre. Je n'osais plus dîner en ville. » Enfin, il accuse une impuis-

sance qui remonterait à une quinzaine d'années.

Quoi qu'il en soit, en 1888, un examen méthodique des urines

fut fait. On trouva 45 grammes de sucre par litre avec une polyurie

de 10 à 12 litres par jour. Une gingivite se produisit avec expul-

sion de deux dents. Il fut mis tout d'abord au régime sans médi-

action. Deux mois après la polyurie diminuait et l'urine ne conte-

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 63

nait plus que 5 grammes de glycose par litre. Enfin, quatre mois

plus tard la quantité de sucre n'était plus dosable. La soif avait

disparu et la quantité d'urine émise était sensiblement normale.

Définis cette époque, six mois après, le malade a repris son régime

habituel.

En 1889, il eut une bronchopneumonie; on fit examiner et

doser ses urines et on trouva 3 grammes de sucre par litre. Il se

remit au régime et le sucre disparut rapidement. Une analyse

pratiquée en avril 1890 ne révélait aucune trace de glycose.

Début du tabès. - En novembre 1889, alors qu'il n'y avait déjà

plus de sucre dans l'urine, D... fut pris d'engourdissements et de

fourmillements dans les pieds, en même temps que de faiblesse

dans les genoux et do gêne dans la marche. Cette gêne s'accusa

rapidement et en quelques mois l'incoordination était com-

plète.

En juin 1890 se montrèrent des douleurs fulgurantes survenant

par crises, lancinantes ou térébrantes, siégeant dans les membres

inférieurs au niveau des articulations, des cuisses et des mollets.

Ces douleurs sont vives et courtes, quotidiennes, sous forme d'accès

qui durent une heure environ et se répèlent deux ou trois fois par

jour; ces accès n'ont pas cessé depuis lors. Le malade les distingue

très explicitement d'un endolorissement, d'un engourdissement

tolérable qui est continuel. « Sur ce fond d'engourdissement,

.dit-il, se greffent les crises douloureuses. » En outre, il se plaint

de dérobements brusques des jambes, d'effondrements qui joints à

l'incoordination occasionnent des chutes fréquentes.

Depuis le mois de juin et pendant six mois, il « a été tour-

menté par des anthrax dans le dos; le premier qui a duré environ

deux mois avait quarante centimètres ( ? ) de tour. Il en est venu

un second de dimension moindre suivi d'un abcès, puis un troi-

sième. «Pendant ces six mois, ['infirmité de mes jambes, écrit-il,

n'a cessé de s'accroître, et maintenant il m'est à peu près impos- '-

sible de marcher seul. » La recherche du sucre n'a pas été faite

durant cette période.

Etat actuel (2 septembre 1891). Homme d'aspect assez

robuste, d'embonpoint ordinaire. 1

Comme troubles de la sensibilité, il se plaint des douleurs à type

fulgurant que nous avons signalées et d'engourdissement dans les

pieds, les jambes et les mains, qui le gênent pour s'habiller. Il a la

sensation subjective de la perle, de l'absence de ses pieds. a J'ai

conscience d'un corps au bout de mes jambes, mais je ne puis

rien dire de sa forme ni de ses limites. C'est une chose indéter-

minée douloureuse. » Aux mains, l'engourdissement occupe les

deux premières phalanges des doigts. Enfin il accuse une sensa-

tion de gonflement et d'engourdissement dans la moitié inférieure

64 -il PATHOLOGIE NERVEUSE.

du visage. Toutes ces sensations sont purement subjectives et ne

correspondent à aucune anesthésie ou hypéresthésie objectives. Sa

bouche n'est ni sèche ni amère; deux dénis font défaut. Pas de

troubles appréciables de la sensibilité objective, générale ou sen-

sorielle.

Les troubles génito-urinaires sont une impuissance absolue et

une légère incontinence d'urine de temps à autre.

Comme troubles moteurs, incoordination absolument tabétique.

Le malade ne peut marcher sans aide; il jette follement ses

jambes en dehors et talonne fortement. Et cependant il n'y a au-

cune espèce de parésie ; la force musculaire est intacte et le ma-

lade résiste vigoureusement, normalement aux mouvements pas-

sifs effectués dans les divers segments des membres inférieurs. Il

suffit de le voir marcher pour reconnaître la démarche classique

du tabes.

Les réflexes rotuliens sont abolis totalement, même par le pro-

cédé de Jendrassik. Le signe de Romberg est poussé à l'extrême;

le malade est incapable de se tenir debout, les yeux ouverts,

sans osciller et sans menacer de tomber.

Il n'accuse aucun trouble oculaire ; aucun trouble gas-

trique ou laryngé. Le coeur est sain, le pouls bat régulièrement à

80°. Les divers viscères sont normaux. L'état général est bon,

l'intelligence remarquablement lucide. Il n'a rien de l'état mental

des diabétiques.

L'examen des urines n'a révélé aucune trace de sucre ni d'albu-

mine à quinze jours de dislance. La soif, l'urination, l'appétit sont

normaux.

Nous voyons dans l'observation que nous venons

de résumer un homme, sans hérédité connue, sur-

mené infellectuellement, devenir diabétique et rester

- la chose est fréquente plusieurs années sans

s'en douter. Le seul régime suffit en quelques mois à

guérir les accidents. L'analyse du mois d'avril 1890

que nous avons eue sous les yeux et deux examens

pratiqués à la Salpêtrière en septembre 1891, confir-

ment la guérison de la glycosurie diabétique et l'in-

terrogatoire ne révèle plus aucun des signes habituels

au diabète.

Mais, par une coïncidence bizarre à priori et qui,

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 65

en réalité, pourrait bien avoir joué un certain rôle

dans cette guérison, la disparition du sucre et des

symptômes diabétiques coïncide précisément avec l'ap-

parition de phénomènes tabétiques; troubles de la sen-

sibilité, incoordination motrice à évolution rapide, signe

de Westphal et de Romberg. Ces phénomènes s'ins-

tallent rapidement et dominent actuellement la scène.

Que peut-on conclure de cette succession morbide ?

Les accidents nerveux actuels ressortissent-ils au

tabes vrai ? Ne pourraient-ils pas être mis sur le compte

du diabète et ne s'agirait-il pas en vérité de pseudo-

tabes d'ordre diabétique ? Cette dernière hypothèse

est bien difficile à défendre; il est presque impossible

de concevoir l'évolution d'un pseudo-tabes diabétique,

durant depuis deux ans, avec aggravation des phéno-

mènes nerveux, en l'absence de la glycosurie et des

autres signes du diabète. Au surplus, un certain

nombre de signes, entre autres l'incoordination typi-

que, ne sauraient appartenir au diabète sucré.

L'existence actuelle du tabes vrai ne semble donc

pas niable. La coïncidence de son apparition avec la

disparition apparente sinon réelle du diabète est un

fait d'observation intéressant à souligner. Ne sait-on

. ZD

pas que le sucre disparaît des urines dans le cours

d'une affection inflammatoire ? Trousseau ne signale-

t-il pas cette disparition chez un diabétique dont la

glycosurie qui durait depuis dix ans « cessa, dit-il,

subitement et définitivement le jour où le malade fut

frappé d'accidents cérébraux, dus probablement à une

hémorrhagie du cerveau, suivie de ramollissement 1 )) ?

. Trousseau. Clinique médicale, 5° édit., t. II, p. 812.

Archives, t. XXIII. 5

66 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Sauvage', ne déclare-t-il pas que lorsqu'un diabétique

devient fou le sucre disparaît parfois de l'urine ? Du

reste, dans les affections du système nerveux, l'atté-

nuation, l'arrêt ou la disparition de la maladie la

première en date, lorsque survient la seconde, n'est

pas chose exceptionnelle. Notre maître, M. Charcot,

nous a dit avoir vu plusieurs fois des faits de ce

genre.

Point n'est besoin, pour interpréter la succession,

chez un même individu, de deux états morbides, de res-

susciter la théorie oubliée de Lony De -Mutationibus

morborum. Il ne s'agit point de mutation dans l'es-

pèce. La parenté héréditaire du diabète avec le tabes

suffit à expliquer cette succession, chez le même

individu, d'affections pathologiques distinctes quoique

unies par des liens de famille 2,

' Soc. de méd. de Goudres, 28 octobre 1889.

1 Les liens de parenté entre le diabète et le tabes ou plus généra-

lement entre l'arthritisme et les névropathies diverses par transformation

héréditaire avaient déjà été notés par Morel (Ai-eh. de méd, 1869, t. I,

p. 589).

« Sans doute, dit-il, il est difficile d'admettre, au premier aspect, que

beaucoup d'arrêts de développement, que diverses infirmités physiques,

que des affections dites organiques du système nerveux, voire même

certaines monstruosités soient le résultat de l'hérédité progressive ou

accumulée. '

«Mais il est impossible de ne pas se rendre à l'évidence lorsqu'il est

possible de prouver qu'une foule d'individus strabiques, porteurs de

pieds bots, affligés de telles ou telles maladies organiques du système

nerveux (ramollissement cérébral, ataxie locomotrice), victimes en outre

de certaines affections diathésiques (goutte, diabète) présentent enfin

certains arrêts de développement, dont quelques-uns constituent des

monstruosités caractérisées; il est impossible, dis-je, de ne pas se rendre

à l'évidence, lorsque l'observation consciencieuse des faits nous apprend

que tous ces êtres pathologiques sont les descendants d'individus qui

souvent n'ont oliert à nos recherches que l'état rudimentaire, pour ainsi

dire, d'une perturbation dans leurs fonctions nerveuses.

« L'étude des phénomènes de l'hérédité morbide progressive a préci-

sément pour objet de formuler les lois en vertu desquelles s'opèrent les

transformations maladives dans la descendance des névropathes. »

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 67

En somme, il s'agit encore ici d'association du tabes

vrai avec le diabète, chez un même sujet. Mais les

deux maladies se sont succédées au lieu de coexister.

Ou, du moins, si elles coexistent, l'une d'elles est à

l'état latent n'attendant peut-être qu'une occasion

pour reparaître.

Ce n'est donc pas seulement dans une même

famille qu'on rencontre la coexistence .du tabes'et du

diabète. Les quatre observations que nous venons de

résumer montrent que cette association existe aussi

chez un seul individu. Et très vraisemblablement ces

cas d'association tabético-diabétique sont plus fréquents

qu'on ne pense. Il est probable qu'un certain nombre

d'entre eux ont été méconnus par les cliniciens, qui

semblent s'être uniquement préoccupés de rattacher

tout le complexus morbide soit au diabète soit au

tabes seuls. Encore une fois, nous ne nions en aucune

manière les cas de pseudo-tabes diabétique ni ceux de

glycosurie tabétique; nous pourrions même en citer

des exemples personnels. Mais nous voulons faire une

place clinique aux cas d'association, qui la méritent

bien. '

Dans les recherches que nous avons faites, nous

n'avons pas trouvé de cas analogue. Nous devons faire

une exception en faveur de Fischer qui mentionne

trois observations intéressantes, malheureusement in-

complètes et incapables d'entraîner la conviction abso-

lue. Sans être catégoriquement affirmatif, l'auteur fait

de prudentes réserves, que nous partageons entière-

ment. Voici comme spécimen le résumé d'un de ces

trois cas : z

L

68 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Observation VII. (FiscHER Centralb. fùr Nervenheilk., 1886,

p. 545.)

X..., soixante-dix ans, probablement syphilitique, se plaint de-

puis de longues années de faiblesse dans la jambe droite qui l'em-

pêche de marcher longtemps. Depuis trois ans on a constaté beau-

coup de sucre dans l'urine, sans polyurie ni polydipsie, et depuis

de longues années il présente des dépôts goutteux articulaires.

Il éprouve dans les jambes des douleurs qui ne revêtent point le

caractère lancinant, avec paresthésies dans les orteils et dans les

doigts surtout au pouce. Démarche talonnante, incertaine dans

l'obscurité. Douleurs en ceinture pas très nettes dans la région

abdominale inférieure ainsi que dans la région dorsale. Les urines

et les selles sont si impérieuses parfois que le malade a à peine le

temps de sortir de chez lui. Diminution de l'acuité visuelle consé-

cutive à une cataracte commençante.

En juin 1885, à la suite d'un traumatisme (chute dans l'escalier)

l'état s'aggrave. Furonculose à Wiesbaden.

Etat actuel 1886. Amaurose commençante. Les pupilles sont

étroites mais réagissent à la lumière. Absence de dents. La station

debout, les yeux fermés, est très incertaine. Incoordination mo-

trice très nette. Perte des réflexes aux bras et aux genoux. Anes-

thésie de la plante des pieds. Troubles du tact.

L'urine a une densité de 1,028 et renferme de 10 à 25 grammes

de sucre par litre. L'auteur a souvent vu le malade depuis celte

époque et constata la persistance des signes spéciaux. Le sucre di-

minua sans disparaître.

Pour notre compte, nous admettons très volon-

tiers, dans ce cas, l'association du tabes vrai avec le

véritable diabète sucré. C'est du reste l'opinion à

laquelle semble se rattacher l'auteur, lorsque, sans

affirmer catégoriquement, il écrit : « Dans tous les

cas, rien ne prouve qu'il se soit uniquement agi du

diabète. Malheureusement je n'ai pu ni suivre l'évolu-

tion de la maladie, ni faire l'autopsie. Cependant,

quoique le diagnostic de ces cas ne soit pas ferme, je

pense qu'on ne peut sûrement, dans aucun d'eux,

éliminer le diagnostic de tabes. » (A suivre.)

CLINIQUE NERVEUSE

HOSPICE DE la Salpêtrière. SERVICE DE M. CHARCOT

TOUX ET BRUITS LARYNGÉS CHEZ LES HYSTÉRIQUES, LES

CHORÉIQUES, LES TIQUEUX ET DANS QUELQUES AUTRES

MALADIES DES CENTRES NERVEUX ' ;

MESSIEURS, .

Les hasards de la clinique ont réuni dans le service

un certain nombre de faits intéressants, cohérents

entre eux qui me conduiront à appeler votre attention

sur quelques épisodes encore assez peu connus et

assez insuffisamment étudiés de l'hystérie; je veux

parler de l'émission plus ou moins répétée de sons

laryngés plus ou moins bruyants, qui paraît quel-

quefois constituer à elle seule toute la maladie.

1. J'appelle ces bruits « laryngés » parce que le

larynx prend part nécessairement à leur production,

mais il va sans dire que les muscles d'expiration et

d'inspiration entrent également en jeu, en même

temps parfois que les voies aériennes supérieures, voile-

' Leçon du 22 mars 1886.

La présente leçon a été omise par erreur dans le III' volume des Mala-

dies du système nerveux. Il en a paru un extrait dans la Semaine médi-

cale du 15 septembre 1886. -

70 CLINIQUE NERVEUSE.

du palais, pharynx, etc. Au point de vue du méca-

nisme qui préside de leur production, ces bruits ou sons

peuvent être ramenés à deux chefs. Les uns sont expi-

ratoires et faits sur le modèle de la toux. La toux

consiste, vous- le savez, en une série d'expirations

brusques produisant un bruit particulier par suite du

passage violent de l'air expiré à travers la glotte. La

toux hystérique d'ailleurs, représente un type fonda-

mental dans ce premier groupe. Les autres bruits sont

au contraire inspiratoires et faits sur le modèle du

hoquet, lequel consiste essentiellement, vous le savez,

en une contraction subite du diaphragme suivie d'un

bruit laryngé rauque. '

Mais quel que soit le mécanisme inspiratoire ou

expiratoire du bruit produit, celui-ci, toujours inar-

ticulé, peut, sans changer de caractère nosographique

et de signification clinique, se présenter sous des

formes très variées, très diverses, s'éloignant quelque-

fois beaucoup, en apparence du moins, du type toux

(tussis) ou du type hoquet (sin.qultus). Ces formes sont

désignées communément d'après la ressemblance plus

ou moins exacte qu'elles présentent, avec les bruits,

sons, cris qui servent de moyens d'expression à divers

animaux. C'est ainsi que vous entendrez parler chez les

hystériques : 1°' des aboiements et des hurlements ;

2° des miaulements ; 3° des grognements, des mugisse-

ments, etc., etc., en souvenir des bruits correspon-

dants qui se produisent à l'état physiologique chez les

chiens, chats, porcs, boeufs ou vaches, etc., etc.

Ce rapprochement entre les bruits ou cris physiolo-

giques émis par divers animaux, et les bruits laryngés

pathologiques des hystériques, est, sans doute, le plus

TOUX ET BRUITS LARYNGÉS CHEZ LES HYSTÉRIQUES, ETC. 71

souvent un peu forcé. Quelquefois cependant la res-

seinblance est vraiment frappante et il y a même quel-

ques bonnes raisons de croire que les cris d'animaux

transportés chez l'homme, sont, dans certains cas au

moins, la conséquence d'une imitation involontaire,

automatique, le fait en un mot, de la contagion ner-

veuse, comme on l'appelle. C'est un point sur lequel

d'ailleurs, nous aurons l'occasion de revenir dans un

instant.

Est-ce encore de cette façon, c'est-à-dire par un

phénomène d'imitation inconscient, de suggestion,

' qu'il faut interpréter les faits analogues à celui rap-

porté par M. Blachez dans son travail sur ce qu'il

appelle la chorée du larynx, et où il s'agit d'un enfant

âgé de six ans ? A la suite d'une bronchite légère il avait

été pris tout à coup d'un cri grave, éclatant, tout à

fait analogue au bêlement d'une de ces chèvres méca-

niques avec lesquelles les enfants aiment à jouer. Ici

il s'agirait de l'imitation d'un objet inanimé, ou animé

seulement par un ingénieux mécanisme '.

II. Quelle que soit la forme qu'affectent les bruits

laryngés des hystériques, ils présentent un certain

nombre de caractères communs sur lesquels, en manière

de préambule, je veux appeler votre attention. Ces

caractères les rattachent les uns aux autres et permet-

tent de les considérer comme constituant un groupe

naturel.

Les caractères suivants, empruntés pour la plupart

à la très remarquable description que Lasègue a

' Blachez. Chorée du larynx (Gazette hebdomadaire, n 42, p. 692,

1883). -

12 CLINIQUE NERVEUSE.

donnée en 1854, de

la toux hystérique,

peuvent être appli-

qués aux cas de bê-

lement, de mugisse-

ment, d'aboiement

hystérique enfin, à

peu près sans res-

triction'. -

l°La toux, comme

les autres bruits la-

ryngés hystériques,

se présente souvent

sous forme d'accès

plus ou moins pro-

longés, se montrant

en général à de cer-

taines heures du

jour, surtout le soir,

- toujours les mêmes ;.

mais le plus com-

munément c'est un

symptôme en quel-

que sorte perma-

nent, toujours pré-

sent aux diverses

heures du jour et

ne cessant ,que la

nuit pendant le

1 Lasègue, - Arcla. de

méd. 1851 et Etudes méd"

t. II, p. I.

TOUX HT BRUITS LARYNGÉS CHEZ LES HYSTÉRIQUES, ETC. 73

sommeil qui n'en est habituellement pas interrompu.-

2° Les secousses de toux ou les bruits restent isolés

les uns des autres, ou au contraire ils se groupent en

se répétant successivement au nombre de' trois ou

quatre, par exemple, c'est-à-dire suivant un rythme

tertiaire ou quaternaire. Les secousses isolées d'ailleurs,

comme les groupes de secousses, sont séparées les uns

des autres, comme le montre bien l'emploi de la mé-

thode graphique, par des intervalles sensiblement

égaux. (Voir le tracé ci-contre fig. 16.)

3° Malgré la fréquente répétition de ces bruits ou

leur intensité, le malade, chose remarquable, ne souffre

pas de dyspnée bien marquée, ni de suffocation : il en

est quitte pour un peu de fatigue. D'ailleurs avec les

bruits, pas d'autres phénomènes laryngés concomitants;

pas de secrétion laryngée ou bronchique ; pas de signes

particuliers à l'auscultation. Il ne faut pas oublier

toutefois, à ce propos, que la toux ou les bruits hysté-

riques se développent quelquefois pendant le cours ou

à la suite d'un rhume, qui se traduira de son côté par.

des signes stéthoscopiques plus ou moins accentués ;

4° Ce que ditLasègue, à savoir que la toux, comme

les autres bruits laryngés hystériques, ne se développe

pas après vingt-cinq ans et qu'on la voit habituellement

chez les jeunes filles est parfaitement exact. Mais

il n'est pas exact qu'on ne la voie pas chez les jeunes

garçons; je vais, dans un instant, vous en fournir la

preuve, par la présentation d'un exemple approprié ;

5° Un caractère fort remarquable et dont la connais-

sance est d'importance en pratique, c'est que la toux

et les autres bruits laryngés, sont dans l'acception

la plus étroite du mot des phénomènes d'hystérie

74 CLINIQUE NERVEUSE.

locale. Ils ont, en d'autres termes, une tendance remar-

quée à subsister chez l'hystérique à l'état d'isolement,

sans accompagnement d'autre stigmate ; si bien que

l'hystérie dans laquelle ces accidents existent repré-

sente en quelque sorte une forme anormale, un groupe

à part ; ainsi les attaques convulsives en pareil cas

sont vraiment rares ; rares aussi les autres accidents

d'hystérie locale tels que clou, contractures, para-

lysies, etc. Il semble en somme qu'il y ait une sorte

d'antagonisme entre cette forme et les autres. Et

c'est là une circonstance qui, incontestablement, est

bien faite pour rendre parfois le diagnostic difficile,

en masquant la véritable nature du mal. Je dois dire

cependant que, d'après mon expérience personnelle,

dans un grand nombre de cas de ce genre la recherche

des stigmates sensitivo-sensoriels permanents, anes-

thésie, rétrécissement du champ visuel, lorsqu'elle

est poursuivie très attentivement, permet de recueillir

des indices significatifs ne laissant aucun doute sur la

présence de la diathèse hystérique ;

GO Quoi qu'il en soit, comme des bruits laryngés plus

ou moins analogues à ceux qui se produisent dans

l'hystérie, peuvent se manifester en dehors d'elle,

dans d'autres affections du système nerveux, sans

lésions organiques appréciales, en particulier dans la

chorée de Sydenham, le paramyoclonus multiplex, la

maladie des tics, etc., il y aura lieu d'insister sur les

difficultés que le diagnostic peut présenter;

7° Il nous reste à vous présenter encore quelques

considérations générales relatives à l'évolution, au pro-

nostic des bruits laryngés hystériques. Ils se dévelop-

pent le plus souvent tout à coup, inopinément, et

TOUX ET BRUITS LARYNGÉS CHEZ LES HYSTÉRIQUES, ETC. 75

peuvent cesser de même brusquement, soit spontané-

ment,' soit à la suite encore d'une attaque hystérique

qui aura pu, peut-être, être provoquée à dessein. Mais

c'est, en tous cas, une affection généralement très

tenace, très rebelle, qui peut durer des semaines, des

mois, des années même, et dont un des caractères, on

peut le dire, est de résister de la façon la plus obstinée

à l'emploi le plus énergiquement dirigé des moyens

en apparence les plus rationnels, opium, bromure de

potassium, extrait de belladone, etc., etc. C'est doue

en dehors de ces agents-là qu'il faudra chercher nos

moyens d'action. Un dernier caractère : les récidives

sont fréquentes.

III. Tels sont, Messieurs, les grands traits com-

muns au groupe tout entier des bruits laryngés hysté-

riques. Je bornerai là ces préliminaires et actuellement

je vais passer à l'examen des divers cas que j'ai sous

la main et à propos desquels je vous présenterai, che-

min faisant, quelques remarques complémentaires rela-

tives à l'histoire de ces bruits laryngés.

- 1 ? Cas. Voici d'abord une jeune fille nommée

S..., âgée de dix-huit ans et chez laquelle nous n'avons

pu reconnaître ni antécédents personnels, ni antécé-

dents héréditaires dignes d'être notés. Il y a environ

six mois, elle eut, dans la maison qu'elle habite, avec

quelques voisins mal élevés, mal embouchés, des désa-

gréments qui se reproduisirent fréquemment pendant

plusieurs semaines; des querelles graves, des menaces

s'en suivirent et à un moment donné les choses furent

au pis. Alors survinrent de l'insomnie, de l'inappé-

76 CLINIQUE NERVEUSE,

tence, des crises convulsives et délirantes dans les-

quelles l'attitude en arc de cercle s'est, paraît-il, plu-

sieurs fois manifestée de la façon la plus classique. En ce

temps-là, c'est-à-dire il y a quatre mois, elle commença

à fréquenter le service électrothérapique de la Salpê-

trière, où elle rencontrait fréquemment une jeune fille

nommée Guel..., âgée de vingt et un ans, que je

regrette de n'avoir pas sous la main aujourd'hui, et qui

présente depuis longtemps un bruit laryngé tout à fait

comparable, tant pour le timbre que pour le rythme,

à celui que nous observons aujourd'hui chez la jeune

S... Y a-t-il eu là un phénomène de contagion ? Je

suis fort disposé à le croire. Toujours est-il que bien-

tôt survinrent une extinction de voix, suivie d'un

mutisme qui dura seulement quelques heures, et fit

place au bruit, au murmure spécial qui s'offre aujour-

d'hui à notre étude. Il est à noter que les crises con-

vulsives et délirantes ne se sont pas reproduites depuis

que le bruit laryngé s'est établi.

Ce bruit consiste, vous le constatez, en petites

secousses respiratoires qui se groupent par séries de

quatre (rythme quaternaire). Les séries en question

sont séparées les unes des autres par des intervalles sen-

siblement tous de même durée. Nous en avons compté

environ 140 à la minute, soit 24.000 en 12 heures.

Cela constitue, vous le voyez, dans l'ensemble comme

uu murmure saccadé rappelant assez bien le bavar-

dage discret et presque incessant que font entendre

les oiseaux 'de basse-cour. Cela ne s'arrête que la

nuit quand la malade s'est endormie, ou encore durant

le jour pendant que la malade est occupée à lire à

haute voix ; mais à peine a-t-elle fini que la série

TOUX ET BRUITS LARYNGÉS CHEZ LES HYSTÉRIQUES, ETC. 77

reprend comme de plus belle. Un effort de volonté

paraît n'avoir aucun effet intribitoire.

Cependant la respiration est précipitée, peu pro-

fonde : on compte environ 56 respirations par

minute. Mais cette précipitation n'entraîne aucune

gêne sensible, aucun malaise, à moins que la malade

ne veuille courir. Pas de douleur, pas de chatouille-

ment à la gorge.

Ici le fonds hystérique est représenté non seulement

par les attaques convulsives et délirantes aujourd'hui

disparues; mais qui ont inauguré la série morbide ; il

est représenté encore par la présence de stigmates

permanents caractéristiques, à savoir : 1° hémianes-

thésie gauche sensitive et sensorielle avec perte du

sens musculaire ; 2° anesthésie pharyngée à droite. Il

n'y a pas de rétrécissement du champ visuel.

Dans ce cas, je l'ai fait remarquer, le bruit laryngé

se produit au moment de l'expiration et appartient

par conséquent au type « toux ». Il est inspiratoire,

au contraire et, par ce côté, se rapproche du hoquet,

chez le jeune garçon que voici.

2C Cas. - Il est âgé de quinze ans, un peu adipeux,

joufflu et pas mal empâté pour le moment. On ne

relève chez lui ni antécédents héréditaires, ni antécé-

dents personnels relatifs à la catégorie nerveuse. Il

vit depuis quelques années dans un collège de frères

religieux, où il prétend n'avoir eu à se plaindre ni de

ses maîtres, ni de ses camarades. II y a dix semaines

environ, sans cause connue, il a été pris de maux de

tête, puis d'inappétence et de divers accidents qui ont

été caractérisés, paraît-il, par le médecin, sous le nom

78 CLINIQUE NERVEUSE.

d'embarras gastrique et c'est huit jours après qu'il a

commencé à ressentir les accidents nerveux qui ont

persisté jusqu'aujourd'hui. Vous l'entendez, à des.in-

tervalles à peu près égaux, donner un bruit aigu qui

rappelle assez bien le jappement, le glapissement

d'un petit chien, avec cette différence toutefois, rela-

tive au mécanisme, qu'il s'agit ici d'un phénomène

d'inspiration brusque. Vous pouvez, en effet, recon-

naître qu'à chaque émission du bruit l'abdomen se

soulève, et en même temps les épaules. Quelques

petits mouvements concomittants de la tète et du tronc

en arrière démontrent que certains muscles autres que

ceux du larynx et de la respiration sont en jeu pen-

dant la production du bruit.

,Pas de chatouillement laryngé; aucun malaise; bon

sommeil,- bon appétit. Rien qui ressemble à des atta-

ques, pas d'aura. Il s'agit donc bien là, si hystérie il

y a, d'hystérie locale, au premier chef, d'après la

définition que j'en donnais tantôt. Cependant la recher-

che des stigmates, tant s'en faut, n'est pas stérile. Il y

a hémianalgésie gauche, et rétrécissement du champ

visuel prononcé surtout à gauche. Aucune anomalie

à signaler du côté des organes génitaux.

- 3° Cas. Voici maintenant un cas comparable au

précédent, mais plus accentué dans sa symptoma-

tologie et à quelques égards plus complexe.

Il s'agit d'une jeune fille de vingt-trois ans, nommée

B. M..., que je vous ai présentée déjà, dans le temps,

comme offrant un exemple de mutisme hystérique,

suivi de bégaiement. Le mutisme a disparu depuis plu-

sieurs mois, mais le bégaiement persiste encore. Il n'y

TOUX ET BRUITS LARYNGÉS CHEZ LES HYSTÉRIQUES. ETC. 79

a pas à signaler, à proprement parler, chez cette jeune

'fille, d'antécédents nerveux héréditaires; mais elle

appartient cependant à une famille de musiciens en-

diablés et pour la plupart sans doute un peu toqués.

Son grand-père était violoncelliste à Valenciennes et

exerçait en même la profession de marchand de

chaussures ; un de ses oncles, établi à Paris, cumule

également; il est à la fois violoncelliste et épicier; son

père, également musicien, avait monté un magasin

d'instruments de musique ; mais il fit de mauvaises

affaires et fut saisi. C'est à la suite de cet événement

au moment où les huissiers pénétraient dans la bou-

tique, que B. M... fut prise de ce mutisme dont je

parlais tout à l'heure et qui fit place au bégaiement

que vous pouvez constater encore aujourd'hui.

La malade a dans son enfance été atteinte de rhu-

matisme articulaire, et elle a été choréique (chorée de

Sydenham). Le bruit laryngé, l'aboiement, comme vous

voudrez dire, que nous avons à étudier avec vous,

date de dix-huit mois; il est survenu sans cause

connue six mois après l'apparition du mutisme.

Le bruit laryngé se répète chez elle, ainsi que vous

pouvez le constater, deux ou trois fois de suite, et il

se reproduit environ trente fois par minute, toutes les

deux secondes. Il rappelle assez bien par le timbre et

la soudaineté de l'émission, l'aboiement d'un petit

chien; et d'ailleurs toutes les fois que dans la cour

de l'hospice elle rencontre un chien, elle le met invo-

lontairement en émoi et le fait aboyer. Ici encore

comme dans le cas précédent, malgré la ressemblance

avec un aboiement, il s'agit d'un bruit inspiratoire et

non expiratoire. Le bruit se répète à toute heure du

80 CLINIQUE NERVEUSE.

jour, sans cesse et sans trêve ; il ne disparaît que la

nuit au moment du sommeil. Remarquez au moment

de chaque* aboiement une légère grimace dans laquelle

les commissures -labiales s'abaissent, en même temps

que les paupières supérieures se ferment un instant.

La malade n'a jamais eu d'attaques convulsives;

' mais la présence des stigmates permanents est très

accentuée : hémianesthésie gauche sensitive et sen-

sorielle avec perte du sens musculaire ; champ visuel

très rétréci des deux côtés. Remarquez cette longue

durée du bruit laryngé; dix-huit mois, et rien ne fait

prévoir qu'on en verra bientôt la fin.

Ces exemples, les seuls que j'aie pour le moment

sous la main, suffiront amplement, je pense, pour

vous donner une idée de ce que l'on doit entendre

sous cette dénomination de bruits laryngés hystériques

que je vous propose d'adopter. Maintenant, pour légi-

timer les généralités que je vous ai présentées au

début de cette étude, je voudrais entrer dans quelques

détails, à propos de la question du diagnostic. Il peut

en réalité, je vous l'ai fait pressentir, présenter des

difficultés; mais celles-ci seront presque toujours

aplanies par la présence bien constatée des stigmates.

Toutefois, ne l'oubliez pas, ceux-ci peuvent souvent

faire complètement défaut.

Voici d'ailleurs l'indication des points qui,, à cet

égard, me paraissent surtout intéressants à signaler.

On peut dire d'une façon générale qu'un bruit laryngé

explosif, un éclat de voix, un cri, peuvent se produire

dans les névroses convulsives les plùs diverses, pour

peu que les muscles du thorax et de l'abdomen soient

TOUX ET BRUITS LARYNGÉS CHEZ LES HYSTÉRIQUES, ETC. 81

intéressés dans l'action spasmodique. C'est ce qui arrive e

par exemple dans la chorée vulgaire, chorée de Syden-

ham, comme je l'appelle volontiers, ce mot paraît

avoir fait fortune, et aussi dans le paramyoclonus

multiplex, dont mon chef de clinique M. Marie vous pré-

sentait naguère un beau spécimen que j'ai fait replacer

sous vos yeux. Vous voyez que chez ce malade, le

nommé Gaub...t, en frappant à l'aide du marteau de

Skoda, sur certaines apophyses épineuses de.la région

cervicale et lombaire mises à nu, .je provoque non

seulement dans les membres, mais encore un peu par-

tout de brusques secousses, qui, si elles sont très

intenses et très généralisées, ne manquent pas d'être

accompagnées d'une expiration sonore. C'est par un

mécanisme analogue que se produisent les éclats de

voix, les cris, les bruits divers que l'on entend quel-

quefois dans la chorée vulgaire intense. On a parfois

désigné ces-bruits-là sous le nom de chorée laryngée;

c'est bien à tort, et il n'y a certainement aucun avan-

tage a employer cette dénomination. Il importe de

savoir en tout cas,' qu'il n'existe en réalité pas de

chorée de Sydenham partielle, limitée au larynx, sans

accompagnement de gesticulations choréiformes dans

les membres; et tous les exemples publiés sous cette

rubrique, il faut bien le savoir, y compris ceux de

M. Blachez, quand on les examine d'un peu près,

échappent à la caractéristique de la chorée vulgaire

et rentrent au contraire très naturellement, dans la

catégorie des bruits laryngés hystériques'. ' .

Les difficultés sont plus grandes quand il s'agit de

* Voir sur ce sujet, Sturges, On Chorea, p. 16, et Ziemssen's Hand-

61(c/i,XXI,Bd. 2, p. 408. , .

Archives, t. XXIII. 6

82 CLINIQUE NERVEUSE.

ne pas confondre les exclamations, cris, aboiements

hystériques avec les phénomènes correspondants

qui s'observent quelquefois dans la maladie des tics.

Et ici, remarquez-le bien, le diagnostic est d'un grand

intérêt pratique, car, les accidents de la maladie des

tics, bien qu'ils paraissent subir des amendements tem-

poraires, ne sont que rarement susceptibles d'une

guérison proprement dite, tandis que les bruits hysté-

riques, quoique persistant parfois des semaines, des

années, finissent toujours par guérir, en fin de

compte.

Je vous présente une jeune fille de vingt ans et

demi, nommée Juli..., dans l'histoire de laquelle

nous n'avons pas pu trouver la marque évidente d'anté-

cédents héréditaires nerveux ou arthritiques; seulement

elle a été élevée par un père brutal qui souvent la

battait et la maltraitait au point qu'elle a dû être

recueillie par des personnes charitables; vous l'en-

tendez donner de temps en temps, à des intervalles

irréguliers, un bruit laryngé aspiratif, assez semblable

a celui que donne, à la vérité d'une façon rythmée,

notre dernière malade de tout à l'heure (Bill...).

Mais veuillez remarquer qu'au moment de l'émission

de chaque bruit et un peu auparavant, il se fait une

série de mouvements, toujours systématiquement les

mêmes, qui consistent en une brusque élévation des

membres du côté droit en même temps que la tête

s'incline vivement sur la droite. Ajoutez que ces tics,

comme l'aboiement, datent de huit années et que

-jamais ils n'ont changé de caractère; que dès l'âge

de quatre ans, c'est-à-dire à une époque de la vie ou

l'hystérie ne se montre guère, existaient des cligne-

TOUX ET BRUITS LARYNGÉS CHEZ LES HYSTÉRIQUES, ETC. 83

ments d'yeux, des grimaces qui ont fait place aux

tics spasmodiques d'aujourd'hui. D'ailleurs pas de

stigmates sensitivo-sensoriels, pas d'attaques. C'est

de la maladie des tics qu'il s'agit chez cette petite

malade, tandis que Bill..., qui lui ressemble à tant

d'égards, est hystérique et guérira très certainement;

je n'oserais pas en dire autant de 11 première.

Le diagnostic serait plus facile s'il s'agissait chez

.Tul... d'exclamations d'un autre ordre, qu'on n'ob-

serve jamais autant que je sache dans l'hystérie et qui

au contraire, se montrent assez fréquemment dans la

maladie des tics. Je veux parler des exclamations dites

éClwlaliques. Je vous rappelle en deux mots en quoi

cela consiste. Le sujet, pourvu qu'il soit surpris, non

préparé, répète malgré lui, automatiquement, les

exclamations qu'il entend proférer près de lui : «Jette-

le, » disait Beard à un sujet atteint de -cette maladie

qui tenait un couteau à la main « Jette-le, » répond

aussitôt le malade et en même temps il jette le cou-

teau, car les-actes en pareil'cas suivent involontaire-

ment les paroles involontairement produites. Remar-

quez qu'il ne s'agit pas ici de bruits simples, mais

bien de sons articulés, de paroles ; rien de tout cela,

je le répète n'appartient à l'hystérie.

On peut en dire autant des , phénomènes que

M. Giiles de la Tourette a ingénieusement groupés

sous le nom de « coprolalie». Ici, sans provocation

aucune, il y a émission plus ou moins brusque et

absolument involontaire, convulsive, automatique, de

paroles souvent grossières, obscènes, proférées à haute

et intelligible voix, alors même qu'il s'agit de per-

sonnes, éduquées, bien élevées. Le nommé Bont...che,

84 CLINIQUE NERVEUSE. : que je vous présente, à ce propos, comme un copro-

- l'alique, n'a pas été peut-être très bien élevé, mais

c'est bien involontairement, je vous assure, qu'il pro-

fère devant vous des jurons, des paroles grossières qui

offensent vos oreilles, et qu'il voudrait retenir. Mais

je le répète à dessein', la coprolalie peut se voir dans

la meilleure société. Témoin le cas communiqué par

'le professeur Pitres, d'une jeune fille de Bordeaux,

âgée de quinze ans, ayant eu une tante aliénée, un

père- tiqueux, . tiqueuse elle-même et qui dans les

paroxysmes émettait les paroles les plus ordurières :

n.. de D..., f..tre, et aussi le mot de Cambronne;

dit venia verbis : Témoin encore le cas de la marquise

de-D..., que j'ai entendue de mes propres oreilles

prononcer hautement en public des paroles du même

genre.' La maladie chez elle a duré plus de soixante

ans. Quelques auteurs, Briquet lui-même, ont mis la

coprolalie sur le compte de l'hystérie. A mon avis,

c'est là une erreur qu'il, importe de relever. Nous

devons nous efforcer de dégager l'hystérie d'une foule

tle matériaux étrangers qu'on voudrait y introduire et

qui -ne font qu'encombrer un domaine nosographique

déjà si chargé. L'hystérie et la maladie des tics,

peuvent coexister, mais celle-ci ne dérive pas de celle-

'là ou inversement.

' Avant d'en finir je voudrais insister encore sur un

point, relatif à l'étiologie des bruits laryngés hysté-

riques. Il existe dans cette catégorie un bon nombre

'd'exemples qui démontrent que ces bruits peuvent se

transmettre d'un. sujet à un autre par une sorte de

contagion nerveuse. On pourrait citer plusieurs épi-

TOUX ET BRUITS LARYNGÉS CHEZ LES HYSTÉRIQUES, ETC. 85

démies d'aboiement, de miaulement produites par ce^

mécanisme, qui ont été observées dans des asiles, desj

couvents, des écoles et ont affecté non seulement des >

filles mais encore des garçons.. Briquet cite plusieurs;

exemples du genre '. Je vous disais en commençant'

que la première malade que je vous ai montrée âl1jour ?

d'hui avait très vraisemblablement contracté ce,syâ-'

drôme hystérique au contact d'une autre hystérique ?

affectée de la même façon. Je sais, par expérience, que :

dans les services ou de nombreux névropathes se trou- :

vent en promiscuité, les bruits laryngés soit hystériques,

soit appartenant à la maladie des tics figurent au prie-

mier rang parmi ceux qui le plus facilement se trans-

mettent par voie de contagion. Je puis citer un cas

de ma pratique où l'origine contagieuse d'un bruit»

laryngé hystérique n'est pas douteuse. 11 s'agit d'un

jeune garçon russe, âgé d'une douzaine d'années, qui :

présent au moment où sa mère, s'étant pris un doigt

dans une porte, poussa un cri de surprise et de dou-

leur, se mit immédiatement à proférer ce même cri;

et à partir de cette époque il a continué à le proférer

involontairement, presque incessamment, pendant le-

jour, à des intervalles à peu près. égaux, s'arrêtant

seulement la nuit, pendant le sommeil ; cela a duré

plusieurs mois.

Je suis en mesure, messieurs, de vous montrer expé-

rimentalement l'une au moins des circonstances ou

cette contagion nerveuse peut s'opérer dans conditions

particulièrement favorables à l'analyse. Voici une

jeune fille hystérique qui, artificiellement endormie,

t Traité de l'hystérie, 1). 317. -

86 CLINIQUE NERVEUSE.

présente les phénomènes du grand hypnotisme avec

trois états classiques. Elle vient d'être placée dans

l'état somnambulique, je la fais asseoir face à face

devant la nommée Bill..., qui pousse son cri rythmé

comme de plus belle : à l'état de veille, remarquez le

bien, Gr...ard a entendu maintes et maintes fois,

Bill... qui vit dans la même salle qu'elle, proférer

son bruit du matin au soir, sans en être particulière-

ment impressionnée; mais dans l'état somnambulique

cela sera, vous allez le constater, tout autre chose.

La représentation mentale d'un acte, a dit H. Spen-

cer, c'est déjà l'acte en puissance, l'acte sous une

forme affaiblie, l'acte en germe. La pensée, a dit Bain,

est une parole ou un acte contenus. Cela est vrai sur-

tout dans les cas particuliers où cette collection d'idées

associées qu'on appelle le moi est obnubilée. Or juste-

ment ce cas se présente à un haut degré dans l'état

somnambulique hypnotique où le jugement est affaibli,

la volonté à peu près impuissante. Les idées suggérées

en pareille circonstance et en particulier les représen-

tations mentales d'un acte, se développent à l'abri de

l'influence de la volonté, de la critique du moi et par ce

fait même elles acquièrent, on le comprend, une inten-

sité énorme, avec une tendance pour ainsi dire invin-

cible à s'extérioriser, à se réaliser par l'acte même.

Notre sujet Gr...rd, placée justement dans les condi-

tions mentales que nous venons d'indiquer, entend les

bruits laryngés proférés par Bill... et en même temps,

elle se remet en mémoire par association d'idées, bien

qu'elle ne la regarde pas en ce moment, les grimaces

que fait cette malade chaque fois qu'elle poussée son

cri. Ces représentations auditives et visuelles acquiè-

TOUX ET BRUITS LARYNGÉS CHEZ LES HYSTÉRIQUES, ETC. 87

rent en ces conditions une puissance de réalisation en

quelque sorte invincible. Elles se réalisent, en effet,

après une légère résistance, bientôt vaincue, du sujet,

et l'imitation, vous le voyez, est à peu près parfaite. Il

en serait de même, ne l'oubliez pas, si notre somnam-

bule se fut trouvée en présence, non plus d'une hysté-

rique, mais bien d'une tiqueuse, d'une coprolalique.

Et ce cas-là est bien intéressant considérer car la

coprolalie, le tic spasmodique ainsi acquis par imi-

tation hystérique, n'auront évidemment pas le même

caractère, le même pronostic que ceux qui se dévelop-

pent spontanément, en dehors de l'hystérie. Ces der-

nières résisteront, hélas ! le plus souvent aux traite-

ments les mieux dirigés, tandis qu'on peut affirmer 'r

que les tics imités, les tics de simulation hystérique

comme on pourrait les appeler, guériront facilement

par la mise en jeu des moyens appropriés. Il y a donc

a établir ici une importante distinction nosographique

et clinique sur laquelle j'appelle toute votre attention.

La démonstration dont je viens de vous rendre

témoins, peut se passer de longs commentaires. Il est

facile d'imaginer que sans intervention d'hypnotisme,

il puisse se produire dans une institution, dans un cou-

vent, sous l'influence de certaines préoccupations reli-

gieuses, ou du récit d'un événement propre à frapper

fortement de jeunes esprits, un état psychique analogue

à celui qui s'observe, sous une forme typique, dans le

somnambulisme artificiel. Et dans ces conditions-là, on

le comprend aisément, l'apparition, chez un des mem-

bres du groupe, d'uae affection reproduisant un aboie-

ment, un miaulement, pourra être l'occasion, d'une

88 RECUEIL DE FAITS.

épidémie d'imitations menaçant d'envahir le groupe

tout entier. Il est clair que la dispersion, la d;ssémi-

nation du groupe est le plus sûr moyen qui, en

pareil cas, devra être opposé à la propagation du mal ;

c'est d'ailleurs là un point sur lequel tous les méde-

cins s'entendent depuis longtemps d'un commun

accord, et l'intervention récente du mot de « sugges-

tion », auquel on semble aujourd'hui conférer un

pouvoir explicatif, magique, à l'interprétation des

phénomènes' de ce genre, ne me semble pas avoir

changé grand'chose à ce qu'on en savait déjà.

RECUEIL DE FAITS

ASTASIE-ABASIE A TYPE CHORË1QUË. ARRÊT INSTANTANÉ

.DE L'ASTASIE-ABASIE PAR LA PRESSION DE CERTAINES

REGIONS,

Parle Dr E. WEILL,

'0 Médecin des hôpitaux, agrégé à la Faculté de Ljon,

Les cas d'astasie-abasie se multiplient de jour en jour. Le

syndrome est déjà suffisamment dégagé pour qu'il soit inulile

de publier des observations qui fassent nombre. Si nous jugeons

convenable de présenter un fait nouveau, c'est pour appeler

l'attention sur un phénomène qui jusqu'à présent n'a été

signalé par aucun auteur.

OBSERVATION. -Lamb., vingt-huit ans, lingère, célibataire, hôpi-

tal Sainl-Polhin, salle Sainte-Marthe, 1. Entrée le 6 juin 1891.

. Antécédents héréditaires. Père mort aliéné dans un asile de

Lausanne. Mère morte à quarante-sept ans d'une tuberculose pull

monaire, n'ajamais eu de crises de nerfs.

Un frère mort à un an de convulsions.

ASTASIE-ABASIE A TYPE CHORÉIQUE. 89

Trois soeurs, ayant une santé délicate, mais sans signes de ner-'

vosisme.. -- '

Antécédents personnels. Rougeole dans l'enfance. Réglée à

dix-sept'ans, irrégulièrement avec leucorrhée intermittente. A été

élevée dans un orphelinat, n'a subi ni privations ni fatigues.

S'est bien portée jusqu'à l'âge de vingt et un ans, malgré des

chagrins et des préoccupations continuels. A vingt et un ans, elle

contracte la variole et pendant la convalescence de celle-ci fut

prise d'un hoquet convulsif, bigéminé, procédant par deux

secousses successives, accompagné d'une sensation de gêne au cou

et à la partie supérieure du sternum. Ce hoquet revenait réguliè-

rement toutes les cinq ou dix minutes. Il persista pendant trois

ans, sans s'accompagner d'aucune autre manifestation nerveuse.

Cela résulte des notes que m'a obligeamment remises mon collègue,

M. Carrier, qui eut l'occasion de l'observer à cette période. Cer-

taines influences cependant le suspendaient momentanément, t,

l'application d'un courant faradique, un pôle au cou, l'autre à la

région épigastriqne, la compression d'un des ovaires qui présentait

d'ailleurs de l'ovarie, et les injections de morphine.

Au bout de trois ans, le hoquet disparut et de vingt-quatre à

vingt-sept ans, Lamb. complètement guérie séjourna dans un

autre orphelinat où sa santé fut assez bonne.

Au mois d'avril 1891, elle prend une fièvre typhoïde, et dans la

convalescence de celle-ci, on voit éclater trois catégories d'acci-

dents : 1° des crises d'hystérie convulsive au nombre de trois, en

l'espace d'un mois, avec conservation de sa connaissance. Ce sont

les seules qu'elle ait jamais présentées; 2° des accès de hoquet

bruyant analogue à celui qu'elle avait eu antérieurement, s'en

distinguant cependant par ce fait que les accès au lieu de com-

prendre deux secousses, comprenaient de vingt à cent secousses, et

qu'au lieu de revenir régulièrement toutes les cinq ou six minules,

ils ne se montraient que quatre ou cinq fois par jour. De plus le

hoquet s'accompagnait de mouvements convulsifs synchrones,

affectant le même rythme, des deux membres supérieurs; 3° Dans

le même temps se sont montrés du côlé des membres inférieurs

des phénomènes d'incoordination motrice, qui ne se surgissaient

qu'à l'occasion de la station debout et de la marche, et sur les-

quels nous allons revenir. 1

Actuellement, novembre 1891, Lamb. présente un teint pâle,

une certaine maigreur. On ne constate rien d'anormal du côté du

coeur, du poumon, du tube digestif ou de l'urine. On ne trouve ni

ovarie, ni zone hystérogène en aucun point du corps. Le réflexe

pharyngien persiste ainsi que la sensibilité cornéenne. La vision-

des couleurs se fait parfaitement. Mais la vue a baissé depuis un

mois au point que la malade no peut plus faire de travaux à l'ai-'

90' . RECUEIL DE FAITS.

guille. Il existe des deux côtés un rétrécissement concentrique très

notable du champ visuel.

La pression est douloureuse à l'épigastre et au niveau de la

colonne, lombaire, sans déterminer de sensation à distance.

Il existe une anesthésie au contact et à la douleur sur les deux

pieds et les deux jambes, s'élevant plus haut en avant qu'en arrière

de façon à dessiner une botte à l'écuyère.

Les réflexes cutanés sont normaux.

Les réflexes du genou et du coude sont très exagérés, de même

l'abaissement brusque de la rotule détermine une trépidation du

triceps; mais il n'y a pas de trépidation plantaire. La percussion

des tendons des fléchisseurs de la jambe et des extenseurs des

doigts n'est pas suivie d'effet.

Au lit, Lamb. présente l'intégrité complète des mouvements de

ses membres inférieurs. Elle résiste aux mouvements communi-

qués et accomplit les mouvements commandés. Lorsqu'on soulève,

au-dessus du lit le membre inférieur droit, il se produit une légère

raideur des muscles postérieurs de la cuisse, raideur qui disparait

si on insiste. La notion de position des membres est conservée.

Si on la fait tenir debout, Lamb. présente immédiatement un

grand désordre musculaire. Les cuisses fléchissent brusquement sur

les jambes (mouvement d'accroupissement), les orteils s'étendent,

quittent le sol et le corps ne repose plus que sur les talons. Très

rapidement il y a un mouvement brusque de redressement du

corps qui se jette en arrière, et la malade tomberait avec force si

on ne la maintenait. Ces phénomènes, si Lamb. est soutenue sous

les deux bras, se répètent sans s'arrêter avec une rapidité singu-

lière, jusqu'à ce qu'elle demande grâce et qu'on la recouche.

La marche est absolument impossible, soit la marche à quatre

pattes, soit le saut, soit la marcue à cloche-pied. L'occlusion des

yeux ne modifie pas ces phénomènes.

Jusqu'ici le syndrome présenté par Lamb. est analogue à ce

que M. Charcot a décrit sous le nom d'astasie choréique et ne

présente rien de particulier, si ce n'est son intensité même, et

aussi son apparition constante dans tous les modes de loco-

motion. Mais ce qui fait son intérêt, c'est qu'on peut par cer-

tains artifices, permettre à Lamb. de se tenir debout et même

de marcher. Pour cela, il suffit de presser sur les épaules, la

partie postérieure du tronc et les régions fessières. Dans ces

conditions, les secousses convulsives des muscles s'arrêtent, la

station et la locomotion s'effectuent avec leurs caractères habi-

tuels. L'effet est instantané, et dure autant que la pression

des zones mentionnées, mais qu'on suspende la pression, ins-

tantanément le trouble de l'équilibre renait.

ASTASIE-ABYS1E A TYPE CHORÉIQUE. 91

Remarquons qu'en aucun des points d'inhibition, on ne

trouve de zones hystérogènes.

Les symptômes que nous venons de décrire ne se sont pas

toujours montrés avec ce développement. Au début de son

séjour, Lamb. faisait quelques pas en chancelant, en oscillant,

mais gardait néanmoins son équilibre. Quand elle avait fait

cinq ou six pas, elle pliait sur ses genoux, puis se redressait et

recommençait à marcher. Ce n'est que depuis un mois et à la

suite d'un embarras gastrique fébrile, que le trouble s'est ac-

centué et est arrivé à son apogée.

Depuis qu'elle est dans le service, Lamb. est sujette aussi à

ses accès de hoquet, accompagnés de mouvements rythmiques

des membres supérieurs, qui tantôt s'écartent et se rappro-

chent du tronc, rappelant un battement d'ailes, tantôt oscil-

lent d'avant en arrière, comme pour prendre un élan. La ma-

lade use de la morphine quotidiennementàladose de centigr.

par jour, et espace ainsi ses accès qui autrement seraient à peu

près continus.

Nous l'avons privée de morphine à plusieurs reprises, et le

hoquet a persisté dix-huit heures de suite par accès espacés

de cinq minutes. La température rectale ne s'était pas élevée

dans ces conditions.

Je dois signaler que l'embarras gastrique fébrile qu'elle pré-

senta au mois de septembre suspendit son hoquet, mais n'exerça

aucune influence sur l'astasie. De plus la pression des zones

postérieures du tronc qui supprime les troubles musculaires

relatifs à la station debout n'exerce aucune influence sur le

hoquet.

Ce phénomène si singulier de la restitution de l'harmonie

musculaire par la simple compression des épaules ou du tronc,

conduisait à supposer qu'il s'agissait là d'une sorte d'arrêt

exercé sur la moelle en état d'hypérexcitabilité. On pouvait

penser que si des spasmes musculaires étaient provoqués par

la station debout, c'est qu'une excitation très vive s'en suivait

dont le point de départ pouvait être rapporté à la région plan-

taire ou aux tendons des muscles. Or les piqûres, les pince-

ments, les pressions sur la plante, n'ont aucun effet. La malade

étant assise, on peut vigoureusement appuyer sur le genou,

sans rien déterminer. D'autre part, si on pince le tendon rotu-

lien et tous les tendons accessibles, ou qu'on agisse plus phy-

siologiquement encore sur eux par une électrisation intense

92 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

des muscles qui s'y relient, on ne constate toujours que des

phénomènes négatifs. ,

C'est donc véritablement d'astasie qu'il s'agit dans notre

cas, c'est le centre automatique spinal de la marche qui est

seul en jeu. Certaines cellules de ce centre présentent une

activité exagérée par rapport aux autres, et la pression du tronc

arrête cet excès d'activité. ,

Y aurait-il des relations physiologiques entre le centre auto-

matique de la marche et les régions cutanées que nous avons

vu être des zones d'inhibition pour les mouvements convulsifs

astasiques, la question ne peut qu'être posée.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. HÉIIIATROPHIE faciale PROGRESSIVE, par M. le professeur POPOFF.

. (Revue médicale de Moscou, 1890, na 22.)

M. le professeur N. Popoff (de Varsovie) décrit un cas d'hémia-

trophie faciale progressive chez une jeune fille de vingt-cinq ans,

sortant d'une famille complètement indemne d'antécédents neuro

ou psychopathiques. Elle n'était réglée qu'à vingt-deux ans, et à

partir de cette époque, avant chaque période menstruelle, elle

éprouve un malaise général, de la céphalalgie, des bouffées de cha-

leur à la tête, des vertiges. Depuis l'âge de dix-sept ans, la moitié

droite de sa face était toujours plus pâle que la gauche. A vingt et

un ans, la région temporale droite commence à présenter un en-

foncement qui devient de plus en plus marqué, de sorte que, vers

l'âge de vingt-quatre ans, toute la moitié droite de la face parait

manifestement amaigrie; cet amaigrissement était accompagné

d'une forte odontalgie de la moitié droite de la mâchoire inférieure.

A part cette hémialropl11e faciale, la malade est d'une constitution

très forte et sa nutrition générale paraît parfaite. Déjà un coup

d'oeil superficiel suffit pour constater combien son visage est défi-

guré ; la fosse caniné est littéralement creusée à droite; le tissu

cellulaire sous-cutané et tes muscles ont complètement disparu à ce

niveau et le fond osseux est recouvert immédiatement par une

peau très amincie, glabre, sèche, dépourvue de poils. La face pré-

sente une grande asymétrie qui est encore plus manifeste dans les

mouvements mimiques. Les parties profondes ne sont pas épar-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 93

gnées : la moitié droite de la langue est atrophiée, la carie den-

taire est beaucoup plus prononcée du côté droit, la moitié droite

du voile du palais est plus mince que la moitié gauche. La réaction

électro-musculaire de la moitié droite de la face est nettement exa-

gérée aussi bien avec le courant interrompu, qu'avec le courant

continu. L'excitation de la peau avec le courant interrompu pro-

voque une rougeur beaucoup plus faible sur le côté atrophié de la

face que sur le côté sain. Les deux pupilles sont égales, moyenne-

ment dilatées et réagissent régulièrement à la lumière et à là dis-

tance. Du côté des grands vaisseaux de la face et du cou, on n'ob-

serve pas des modifications notables. La sensibilité cutanée est

normale. Tous les organes sensoriels fonctionnent très régulière-

ment.

Cet ensemble clinique met l'hémiatrophie faciale progressive,

dans ce cas particulier, en rapport avec une lésion probable du

grand sympathique : le début de l'affection par une pâleur d'une

moitié de la face, l'apparition des phénomènes atrophiques deux

ans après ce début, la différence' qui existe encore actuellement

dans la coloration des deux moitiés de la face, sous l'influence d'une

excitation avec un courant interrompu, l'apparition des règles à

une époque tardive, malgré l'état parfait de la nutrition générale

de la malade,- tous ces signes militent en faveur d'une lésion du

sympathique dans le cas de M. Popoff. On sait que l'hémiatrophie

faciale progressive n'a pas toujours pour cause cette lésion; une

névrite périphérique du trijumeau une lésion profonde du même

nerf (comme, par exemple, tumeur de la dure-mère comprimant

le ganglion de Gosser et les branches du trijumeau dans l'observa-

tion de Homen) peuvent également déterminer le même syndrome

clinique. Il est probable qu'une analyse détaillée pourrait permettre

de trouver encore d'autres causes anatomo-pathologiques de l'hé-

miatrophie faciale progressive. J. Roubinovitch.

Il. Contribution A la connaissance DE L'HÉMIATROPHIE faciale et

DE l'origine du trijumeau; par E.-A. HOMERS. (Neurol. CenLrcaLGl.,

1890.)

. Observation montrant que le trijumeau a dégénéré dans son

trajet protubérantiel et qu'il était surtout lésé dans sa portion

sensitive ou grande portion que la racine ascendante du nerf

est surtout sensitive que sa racine cérébelleuse contient princi-

palement des fibres sensitives que sa racine descendante est, au

moins partiellement, motrice, ou, peut-être, trophique, du moins

que la racine issue de la substance ferrugineuse. Le facial et quel-

1 Cas publiés par Virchow et Mendel dans Berl. Klin. Wochensch., 1888,

n° 19.

94 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ques-unes de ses branches présentaient quelques fibres dégétérées,

probablement parce qu'il reçoit un apport du grand nerf pétreux

superficiel ; ce dernier nerf élait, dans son trajet intercrânien, lésé

'par la tumeur comme le trijumeau, aussi y avait-il un léger

trouble de la motilité et de la moitié gauche de la face et une

diminution considérable des mouvements de l'oeil gauche. P. K.

III. Hémiplégie basale; par E. REMAK. (Nezcnol. Centralbl., 1890.)

Blépharoptose droite avec une parésie du droit supérieur. Hé-

mianopsie gauche avec rotation habituelle de la tête à gauche

- sous la réaction pupillaire de l'hémianopsie. Atrophie partielle du

nerf optique. Légère parésie spasmodique de l'extrémité inférieure

gauche. Tels sont les signes d'un processus chronique progressif

qui dure depuis six ans chez un jeune garçon do treize ans. Dia-

gnostic de la nature de la lésion impossible.. l'. K.

IV. Paralysie isolée du long fléchisseur du pouce par SURMENAGE

(paralysie des tambours); par BRUNN, (Nelll'oi. Centralbl., 1890.)

Début par des douleurs dans l'avant-bras et l'éminence thénar

gauche. Tout à coup, paralysie, immobilité complète du pouce de

ce côté (mouvements voulus de la dernière phalange impossibles,

mouvements passifs subis sans résistance). Impossibilité de main-

tenir la baguette. Le long fléchisseur du pouce reste réfractaire à

toute excitation; tous les muscles innervés par le médian, se con-

tractent excepté lui. Diagnostic : névrite périphérique par excès de

travail. Amélioration par l'électricité et le massage. P. K.

V. Contribution A la question du MYXOEDÈME ; par E. KpOEPELI.

(Nell1'ol. Centralb., 1890.)

Observation de myxoedème au début offrant ceci de saillant :

absence de troubles de la parole et de la voix, de troubles trophi-

ques des cheveux et des dents (à cause de la période initiale de la

maladie). Infiltration sous-cutanée, mais sans sécheresse ni rudesse

de la peau, fréquentes sudations. Démence à peine marquée, mais

anxiété très prononcée. Tremblement rappelant celui de l'alcoo-

lisme, mais en différant (voyez les tracés). Hypérexcitabibté méca-

nique du facial inférieur, comme dans la tétanie. P. K.

VI. Contribution A la THÉORIE DE l'aphasie; par K. Cramer.

(arc. f. Psych., XXII, 1.)

Observation complète (au point de vue clinique et analomo-pa-

thologique) d'aphasie sensorielle. Surdité verbale et paraphasie.

Le malade ne peut parler spontanément, répéter les mols, lire à

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 98

haute- voix, il ne peut écrire spontanément ni à la dictée; il lui

est impossible d'énoncer les nombres complexes mais il opère sur

les nombres dans leur ensemble. Il existe un foyer dans le lobe

temporal gauche ; l'écorce et la substance blanche des deux tiers

postérieurs de la 1 re et de la 2° temporale sont détruits; la partie

profonde de la substance blanche du lobule pariétal inférieur est

sclérosée jusqu'à l'épendyme du prolongement occipital et sphé-

noïdal du ventricule latéral. - P. K. ,

VII. Contribution A la connaissance DE l'ataxie héréditaire ET DE

l'atrophie cérébelleuse; par P. MENZEL. (Arch. f. Psychiat., XXII, 1.)

Observation avec autopsie constituant le tabes de Friedreich; en

sus, lésions des centres de coordination (cervelet, tubercules qua-

drijumeaux, protubérance; pédoncules cérébelleux) et des zones

radiculaires postérieures/ Il est probable que le type se compose

d'une affection systématique de la moelle entée sur un arrêt de

développement (ataxie héréditaire) et d'une lésion coexistante éga-

lement congéniale (7° à 8° mois embryonnaire) du cervelet, de la

protubérance, du bulbe. Le premier facteur anatomique est le plus

important : il entraîne d'une façon immédiate, mais lente et con-

tinue, les phénomènes morbides; l'affection cérébelleuse, joue le

rôle d'un élément pathogénétique adjuvant. P. K.

VIII. Hydrocéphalie : ponctions DES ventricules; par ILUNGWORTH,

(British med. Joum" 4 avril 1891, p. ' ? 5a.)

Les notes du Dr Lowson sur l'importance du drainage après la

ponction m'ont conduit à rapporter le cas suivant :

A. H..., garçon, âgé de trois ans, était hydrocéphale depuis

l'âge de neuf mois, son état s'aggravait lentement, mais n'empê-

chait pas le développement intellectuel. Les parents vinrent me

consulter au mois de mai 1890. Je trouvai que la tête était atteinte

d'une façon marquée, d'une circonférence de 24 pouces; la fonta-

nelle antérieure ouverte et à pulsations visibles.

J'essayai l'effet dérivatif de préparations mercurielles, du chloral

et du bromure contre l'insomnie et les douleurs dont l'enfant

souffrait; ce traitement réussit pendant quelque temps; mais sa

situation s'aggrava tellement que je conseillait aux parents de

lui faire faire la ponction des ventricules.

Le 29 juin, je passai un trocard de Sonthey dans l'angle anté-

rieur et extérieur de la fontanelle antérieure, en bas et en dedans

profondément; l'enfant avait d'abord été anesthésié. Quand j'eus

atteint le ventricule, un jet de liquide clair et séreux jaillit à deux

pieds de la canule. J'en relirai deux onces, et j'introduisis ensuite

une canule à collet à laquelle on pouvait attacher des rubans. 1

96 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Le pansement employé était une solution de bi-iodure de mer-

cure à 1/2000 dans laquelle on trempait des compresses de toile,

recouvertes de gutta-percha, et changées de temps en temps par

la mère du malade. ' ' , , '

On continua l'usage du drain pendant quelques jours, mais au

bout d'une semaine environ, la canule soitit de la plaie, chassée

- par les progrès de la- cicatrisation. La proéminence de la fonta-

nelle, antérieure fut. remplacée par une dépression marquée, et

l'enfant guérit sans aucun mauvais symptôme. M. D.

IX. LE CHAMP VISUEL DES HYSTÉRIQUES A L'ÉTAT DE VEILLE ET PENDANT

l'état hypnotique; par E. E. Moravcsik. (Neurol. Centt·albl.,l890.)

- Il s'agit d'une jeune fille de vingt-trois ans, hémianesthésique à

gauche, qui présente un rétrécissement concentrique du champ

visuel et des couleurs des deux yeux, mais surtout à gauche. 1

A l'état de veille, les excitants périphériques augmentent le

champ visuel, surtout quand on sollicite l'olfactif (éther), et

l'auditif; cet agrandissement du champ visuel est plus marqué à

gauche; la perception du blanc provoque dans les extrémités supé-

rieures une sorte de convulsion fulgurante. Ce dernier phénomène

se produit également pendant l'hypnose. L'état hypnotique agran-

dit le.champ visuel; les excitants périphériques provoquent dans

cet état les mêmes effets qu'à l'état de veille; une suggestion triste

se traduit par le rétrécissement du champ visuel qui se dilate sous

l'influence d'une suggestion gaie; le champ visuel disparaît du côté

où l'on suggère à la malade qu'elle a perdu la vue. P. K.

- , .

X. NOTES sur QUELQUES cas d'atrophie ET d'hypertrophie du z

cervelet; par BOURSOUT. (Ann. méd.-psychol., mai 1891.) '

Les fonctions du cervelet sont encore aujourd'hui loin d'être

précises.

- Pour servir de documents à l'étude de cet organe, M. Boursout

apporte une série d'observations comprenant quatre cas d'atrophie

du cervelet ét huit cas d'hypertrophie.

Les cas d'atrophie sont pris sur des idiots. Dans l'une des obser-

vations le malade, d'une constitution robuste en apparence, ne

peut en réalité se tenir debout et décrit des zigzags comme un

homme ivre. Deux autres idiots à cervelet atrophiés présentent un

affaiblissement musculaire rendant la locomotion impossible.

Enfin un débile, dont le cervelet ne pesait que 80 grammes, pré-

sentait des accès d'intempérance générique extraordinaire, ce qui

démontre une fois de plus l'inanité de la théorie de Gall, admet-

tant une corrélation entre le développement du cervelet et le pen-

chant à l'amour physique. '

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 97

Contrairement encore au système de Gall, la petitesse de, l'or-

gane cérébelleux n'était pas liée à une altération des parties

sexuelles, car le pénis et les testicules ne laissaient rien à désirer

sous le rapport de la conformation et du développement.

Les observations d'hypertrophie du cervelet, dans lesquelles le

poids de cet organe a varié de 200 à 256 grammes, présentent

aussi plusieurs particularités intéressantes. Tout d'abord, dans

aucun des huit cas, on ne rencontre d'excitation du sens génital,

ce qui vient confirmer les objections faites à la théorie de Gall.

Mais un fait plus curieux est que chez trois des huit malades

ayant présenté de l'hypertrophie du cervelet, il existait un défaut

d'énergie musculaire des plus manifestes avec affaiblissement des

membres inférieurs.

Conclusions : 1° l'influence génitale du cervelet fait totalement

défaut dans ces observations d'atrophie et d'hypertrophie sauf

dans un cas d'exaltation de la sphère génitale chez un individu

dont le cervelet pesait seulement 80 grammes. '

2° Des faits cliniques et anatomo-pathologiques recueillis dans

ce travail, on peut déduire que le cervelet peut créer et équilibrer

les mouvements; mais l'augmentafion du volume du cervelet n'est

pas toujours et nécessairement une garantie pour l'équilibration

des mouvements puisque dans les observations citées, l'hypertro-

phie et l'atrophie entraînent, l'une comme l'autre, une insuffisance

locomotrice. E. B.

'XI. LE mécanisme DE l'ictus apoplectique : l'embolie; par R. GEIGEL,

(Centralbl. f. Nervenheilk . , 1890.) -

L'obturation subite d'une artère cérébrale produit-elle, par suite

des modifications qui se produisent dans le territoire vasculaire

envisagé, un effet mécanique capable d'agir à distance sur les pro-

vinces cérébrales non directement atteintes et d'amener, par suite,

l'ictus apoplectique d'ailleurs transitoire ? La réponse est affirma-

tive, suivant des schémas d'hydrodynamique avec formules mathé-

matiques. P. KERAVAL.

XII. Contribution A la THÉORIE DE L'HYPNOTISME; par A. LEHMANN.

. (Centralbl. f. Nervenheilk., 1890.)

L'hypnotisation, quel qu'en soit le procédé (suggestion, fixation

d'un objet brillant, impression d'un corps sonore, impressions

magnétiques) concentrent sur un point l'attention du sujet. Or que

l'attention soit involontaire (sollicitation extérieur) ou volontaire'

elle est un réflexe vasomoteur qui entraine l'afflux du courant san-

o guin dans l'encéphale et provoque ainsi un excès de travail de

. l'élément pensant du sensorium d'où l'espèce de concentration

. du moi. P. K.

Archives, t. XXIII. 7

vs REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

i. ' *

XIII. Contribution LA pathologie DES TUMEURS cérébrales;

, , par II. OPPENREIM. (Archiv. f. Pschini., XXII, 1.)

Fin du mémoire déjà analysé dans les' Archives de Neurologie.

Cette dernière partie est l'étude analytique des 23 observa-

tions présentées avec entreprise. Dans 20 cas (soit 86 p. 100) on

peut diagnostiquer la- tumeur avec certitude, dans 3 cas le

diagnostic ne put en être établi, surtout parce que l'on ne trouva

la- pupille étranglée. Malheureusement, elle est loin de constituer

un signe du début, il n'est pas rare qu'elle ne se manifeste que

-dans les derniers stades. A cet égard, les conclusions suivantes

sont bonnes à méditer.

1. Les cas dans lesquels le fond de l'oeil est resté normal jusqu'à la

mort sont très rares; et alors on ne trouve pas d'autres signes d'exagé-

ration de la pression intra-cérébrale. 2. Dans l'immense majorité des

cas, il y a névrite optique de pupille étranglée; celle-ci est la plus fré-

quente des deux, elle se développe à la suite de la première et indique

que l'excès de pression intra-cérébrale est déjà ancien.

La pupille étranglée est le signe le plus important d'une

'tumeur cérébrale, après lui viennent l'obtusion intellectuelle et le

'sopor. Les aphasies, les troubles de la motilité, les troubles de la

sensibilité, les paralysies des muscles de l'oeil, la démence sarcas-

tique avec propos triviaux, la sensibilité du crâne à la percussion

permettent de localiser le néoplasme autant que possible.

M. Oppenheim étudie avec soin ces différents éléments morbides.

Il essaie d'asseoir les bases d'une intervention chirurgicale et rap-

porte les cas d'extirpation pratiquée par les auteurs. Il conclut en

.ces termes :

Pour diagnostiquer une tumeur cérébrale, il faut qu'il existe des symp-

* tomes de pression cérébrale, mais ces symptômes n'assurent pas la loca-

'¡¡station. En revanche les cas dans lesquels on constate nettement des

' symptômes de lésions un foyer tandis que les phénomènes généraux

d'origine cérébrale sont peu développés, permettent d'espérer un résultat

d'une opération chirurgicale, mais aussi dans ces cas il peut arriver que

le diagnostic tumeur soit inadmissible ou simplement hypothétique.

P. KERAVAL.

'XIV. Monoplégie HYSTÉRIQUE; par H. DETERMANN. (Neurol. CGIlL>'4lGl.,

c , ' 1890.)

Observation de monoplégie du membre inférieur gauche chez

- -un homme de quarante-deux ans. Paralysie de la motilité avec ? contracture, anesthésie, mais conservation partielle de la sensibi-

lité à la douleur. Zone d'anesthésie nettement délimitée, rétré-

cissement concentrique du champ visuel des deux côtés. Diplopie

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 99

monoculaire de l'oeil droit. Amblyopie, surtout à droite. Traitement

efficace au pinceau galvano-faradique (24 éléments,' très fort cou-

rant faradique).. P. K.

XV. D'UNE paralysie congénitale unilatérale DU trijumeau, DE

L'OCULO-MOTEUR externe ET du facial; par M. BERNHARDT. (Neurol,

Cezztralbl., 1890.) ;

Accouchement normal. Aussitôt après, paralysie de la moitié

droite de la face; impossibilité de téter. Puis l'enfant tette bien :

cinq à six semaines plus tard, kératite neuro-paralytique de l'oeil

droit, anesthésie des trois branches de trijumeau de ce côté, dé-

viation du même oeil en dedans, contracture secondaire en dedans

de l'oeil gauche. C'est tout. Une tante maternelle est atteinte de

paralysie cérébrale spasmodique et d'épilepsie, depuis sa jeunesse.

Un traitement électrique méthodique et prudent ne produit pas de

résultat. L'enfant meurt de bronchite à l'age de huit mois et demi.

On trouve : un ramollissement superficiel de la moitié droite de la

protubérance; un ramollissement profond de tout le tubercule

quadrijumeau inférieur droit et de la plus grande partie des cou-

ches supérieures du tubercule supérieur du même côté. Intégrité

des moyennes des nerfs. P. K. ' '

XVI. D'UNE paralysie isolée du NERF sus-scapulaire gauche; par

SPERLING. (NC ! l1'ol. Ccnt1'albl., 1890.)

Une femme de cinquante ans, sans avoir subi de traumatismes,

indemne de rhumatismes, ressent soudain une violente douleur

dans l'épaule gauche, qui se propage au bras et au coude; il lui

semble qu'elle a une plaie dans les os. Le bras gauche paralysé-ne

peut être levé. Cet état s'améliore en huit jours, mais trois semai-

nes après on constate encore que le membre se porte difficilement

en haut, en avant, et latéralement. Cinq mois de galvanisation

améliorent singulièrement la motilité; des troubles trophiques, qui

s'étaient produits dans l'épaule gauche, cèdent aussi. Réaction

dégénérative partielle du sous-épineux. En somme, trois stades :

1° Paralysie complète du bras gauche;

2° Paralysie du sus-épineux et du sous-épineux;

3° Paralysie avec atrophie du sous-épineux seul, ayant passé ina-

perçue à cause de la fonction compensative du petit rond.

La première période est due à une paralysie (par névrite) du

brachial entier, puis, pour des causes inconnues, la névrite se loca-

lise dans une branche, dans le nerf sus-scapulaire. P. K.

100 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XVII. D'UNE NÉVROSE PEU commune DE la langue ET DE la cavité

buccale; par M. BERNHARDT. (Neurol. Centralbl., 1890.)

Chez trois femmes et deux hommes âgés de plus de trente ans,

sensation désagréable de picotement et de brûlure dans la langue

(de la pointe à la base) qui s'étend à toute la muqueuse buccale

tantôt sous forme d'accès, tantôt à l'état permanent. Sommeil et

souvent paroles impossibles. Intégrité des organes, excepté dans

un cas (muqueuse buccale plissée et fissurée). Obsessions hypochon-

driaques ; craintes d'un cancer. Le traitement le plus efficace fut

l'électrisation de la langue et du palais à l'aide des courants inter-

millants et continus. P. K.

XVIII. Sur UN cas d'athétose spasmodique; par S.-H. SCHEIBER.

(Arela. f. Psch., XLXII, 1.)

Cas d'athétose spasmodique chez un jeune garçon de seize ans;

hémiplégie consécutive à une hémorrhagie du tiers postérieur de

la capsule interne du côté droit. 11 n'est pas habituel de voir le

facial supérieur pris. Cette complication provient de l'altération

du faisceau pyramidal entier. Action favorable des courants con-

tinus du bromure et de l'iodure de potassium. P. K.

XIX. GONFLEMENT DES phalangettes DES DOIGTS. TROUBLE trophique

encore inconnu; par 0. ROSENBACH. (Centralb. f. Ne1'venheilk.,

1890.)

Augmentation de volume de l'extrémité articulaire de ces

organes des troisième et quatrième doigts (consistance de l'exos-

tose), chez des femmes de trente à quarante ans, aisées, de consti-

tution nerveuse au moment de la ménopause. Douleurs, pares-

thésies, dans l'avant-bras et les doigts, sur le trajet et la sphère

d'évolution du cubital, voire du radial et du médian. Intégrité du

tact. Affection symétrique mais inégalement symétrique quant à

l'intensité. Diagnostic différentiel d'avec les arthrites goutteuses

ou non. C'est une périostose probable mais non une périostite;

d'origine presque certainement nerveuse (prolification du périoste

et des ligaments par trouble trophique). P. K.

XX. Contribution A la casuistique de la SYRINGOMYÉLIE; par P. Ro-

senbach et A. SCliTTSCIIEIIBAC11. (Xeurol. Centralbl., 1890.)

Nouvelle observation caractérisée par l'explosion sourde de l'af-

fection. Il est probable que la maladie existait à l'état latent jus-

qu'au jour où un léger traumatisme lui a donné le coup de fouet

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 101

(parésie subite des extrémités droites), il s'agit dans l'espèce vrai-

semblablement d'une myélite péri-épendymaire procédant par

poussées. · P. K. ,

XXI. Atrophie musculaire ET altération de l'excitabilité ÉLEC-

· TRIQUE DANS LES CAS DE FOYERS CÉRÉBRAUX; pal' C. EISENLOHR.

(Neurol. Ces<)'( ! ;6 ? 1890.)

Voici deux obervations avec autopsie. A une époque peu éloi-

gnée de la paralysie d'origine cérébrale, on constate de l'atrophie

musculaire des membres atteints, de concert avec des anomalies

qualitatives et l'excitabilité galvanique (contraction électrique

lente avec prédominance de an S Z). Les accidents sont particu-

lièrement marqués sur l'éminence thénar et hypothénar. Intégrité

des nerfs et des muscles. C'est à l'altération des faisceaux pyra-

midaux qu'il faut attribuer ces phénomènes. Quant à la région

cérébrale trophique, il est jusqu'à nouvel ordre impossible de la

préciser. P. K.

XXII. DE L4 paraplégie sénile; par W.-R. GowEns. (central. f.

Nervenheilk., 1890.) ,

Mémoire écrit en anglais.

Affection sévissant chez des hommes et des femmes de plus de

cinquante ans.

Elle est caractérisée par une faiblesse graduelle des jambes avec'

rigidité sans spasme paroxystique.

La force musculaire a diminué. Aucun trouble de la sensibilité

ni des réflexes. C'est une affection de même nature que la paralysie

agitante; très souvent on constate la même attitude et un léger

tremblement des mains avec altération de la voix. P. K.

XXIII. LE TABES DORSAL EST-IL UNE AFFECTION SYSTÉMATIQUE ? '

par P. Flechsig. (Neurol. Centralbl., 1890.)

Les altérations du tabes suivent, dans la majorité des cas, l'or-

ganisation foetale et non la marche de la dégénérescence secon-

daire des cordons postérieurs.

Voici d'après l'auteur, suivant l'ordre de développement des

manchons de myéline, l'origine et la terminaison des fibres ner-

veuses dans les diverses zones foetales.

1. La zone des racines antérieures reçoit beaucoup de fibres directement

des racines postérieures, mais il est impossible de constater sûrement

cette origine pour toutes les fibres. Les fibres en question s'infléchissent

après un trajet plus ou moins long dans les cordons postérieurs et gagnent

les cordes postérieures dans la partie antérieure desquelles elles se

terminent, sans qu'on en puisse préciser la terminaison. Elles se détour-

102 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

nent pour la plupart des colonnes de Clarke avec lesquelles elles n'ont

rien à faire. Les libres les plus antérieures paraissent avoir-leur plus

long trajet dans les cordons postérieurs. - 2. Les fibres du premier sys-

tème de la zone radiculaire moyenne émanent, dans leur ensemble, des

fibres radiculaires postérieures; après avoir fourni généralement un court

trajet dans les cordes postérieures, elles aboutissent en grande partie au

réseau des fibres des colonnes de Clarke. Là où il n'y a pas de colonnes

de Clarke, notamment dans les renflements, les fibres se dirigent vers la

zone limitrophe des cordes antérieures et postérieures; impossible de

savoir où elles se terminent. Il est probable qu'elles ont pour équivalents

des trousseaux de fibres qui entrent directement des racines postérieures

dans les cornes postérieures et, après avoir traversé ces dernières, s'inflé-

chissent longitudinalement en avant de la substance gélatineuse, soit en

montant, soit en descendant. - 3. Quant aux fibres placées dans la zone

médiane, impossible d'en savoir plus long. - 4. En ce qui concerne les

cordons de Goll chez le foetus, on n'a pas de preuve qu'ils viennent

directement des racines postérieures. On les voit nettement à l'état de

trousseaux compacts dans la région de la dixième paire dorsale. Puis,

bien plus bas, ils sont disséminés sur toute la surface de la coupe trans-

verse de la zone radiculaire moyenne. Mais il est impossible de savoir par

quelle voie les fibres des cordons de Goll arrivent dans la zone radiculaire

moyenne. Je n'ai pu constater l'assertion de Bechterew d'après laquelle

les cordons de Goll rayonnent de la substance grise ou des colonnes de

Clarke dans les cordons postérieurs. 5. Les fibres de la zone radi-

culaire postérieure médiane proviennent toutes des racines postérieures

qui passent directement dans cette zone. Elles abandonnent les cordons

postérieurs par trois chemins. Les fibres médianes vont en partie dans

le raphé (cloison postérieure), se ^dirigent en avant vers la commissure

postérieure et s'infléchissent en dedans dans les cornes postérieures. Les

libres externes de la zone radiculaire postéro-médiane sortent latéralement

des cordons postérieurs, s'y entre-croisent à angle aigu avec les racines

postérieures qui entrent dans la corne postérieure d'où elles se dirigent t

en avant. La masse principale de la zone radiculaire postéro-médiane

court à travers la. zone radiculaire moyenne et arrive dans les cornes

postérieures à peu près au milieu (entre la commissure postérieure et la

périphérie de la substance blanche). Ces derniers trousseaux pénètrent

dans la substance grise jusqu'à la périphérie des cornes antérieures et

se perdent là entre les racines antérieures qui rayonnent et les grandes

cellules nerveuses. Les fibres de la zone radiculaire postéro-médiane ne

montent donc pas dans les cordons postérieurs jusqu'aux bulbes et pré-

sentent une tout autre allure que les éléments des cordons de Goll

quoique le développcment de ces deux espèces d'organes soit le même.

6. En ce qui regarde la zone radiculaire postéro-latérale, les fibres se

perdent dans le fin réseau placé en avant de la substance gélatineuse

d'où partent les fibres qui se rendent à la commissure postérieure; à la

couche limitante latérale de la substance grise des cordons latéraux,

elles se confondent directement avec les fibres radiculaires postérieures.

Donc, les fibres de la zone radiculaire moyenne entrent princi-

palement en rapport avec les colonnes de Clarke; les fibres de. la

zone postéromédiane s'unissent surtout aux cornes antérieures;

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. '103

celles de la zonepostéro-latéralese perdent dans le réseau défibres

des cornes postérieurs; les cordons de Goll s'unissent aux noyaux

des cordons grêles. Les zones foetales contiennent chacune les élé- :

ments d'un localisation topographiquement systématique,, mais iL

est impossible d'attribuer à chacune d'elle la fonction systématique..

Comment se localise le processus, dégénératif du tabès par rap-

port aux groupes organisés dont nous venons de parler. Sont atteintes : '.

des premières : les zones radiculaires moyennes - les zones,

médianes des cordons postérieurs (dont l'évolution est parallèle).'

Puis, d'habitude, les zones radiculaires postéro-latérales, les cor-;

dons de Goll. Plus tard, les zones radiculaires postéro-médianes

Finalement les zones radiculaires antérieurs. Au sur et à mesure de

la dégénérescence de zones des cordons postérieurs marche la lésion

des fibres radiculaires postérieures correspondantes et des fibres

des cornes postérieures (le réseau des colonnes de Clarke est pris le

première, les fibres les plus fines sont finalement atteintes). '

Tel est l'ordinaire dans la moelle dorsale et dans la moelle lom-

baire : la moelle cervicale présente des variations individuelles.. z

' P. Keraval. '

XXIV. UN cas DE tabès dorsal avec méningite cérébro-spinale SYPHI-.

LITIQUE ; par SIDNEY Kob. (Arch. f. Psych., XXII, 3.) 1

Un homme ayant présenté les accidents primitifs de la syphilis

est affecté de tabes; impotence, absence de douleurs, intégrité des

sphincters et des viscères, réaction lente des pupilles, état normal

de l'intelligence et de la parole, disparition des réflexes patellaires,'

signe de Romberg peu marqué ; hypalgésie des orteils. Améliora-

tion à la suite de soixante-dix-sept séances d'électrothérapie, mais'

accroissement de l'analgésie. Une cure à Nauheim aggrave son

état qui bientôt cependant s'améliore. Puis, soudain, rougeur et'

tuméfaction de la jambe droite depuis le milieu de la cuisse jus-

qu'en bas ; pas de fièvre. Les mouvements des genoux, limités,

provoquent des craquements. K. I. Pendant quelques mois, le

malade se remet à marcher. On essaie de la suspension qui semble

déterminer vertiges et battements de coeur. Mort subite avec sen-

sation d'oppression. L'autopsie décèle : dégénérescence des cordons

postérieurs et de la zone d'entrée des faisceaux radiculaires, épais-

sissement des os du crâne. Sclérose des extrémités articulaires qui

supportent le genou, avec usure des cartilages, épaississement- des

capsules et ligaments. Dans la moelle, les vaisseaux sont épaissis

ou oblitérés, la dure-mère et les méninges ont proliféré, le bulbe

est congestionné et parsemé d'hémorrhagies. Réplétion des -vais-

seaux du cerveau et épaississement des méninges; parois vasculaires

épaissies et infiltrées; accumulation de cellules rondesjusque dans :

la substance corticale. Conclusion : Tabes classique avec arthropa--

104 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

thie tabétique, méningite cérébro-spinale, d'origine syphilitique.

L'auteur croit que le virus syphilitique a agi simultanément sur la

moelle et les méninges. Pour lui, la méningite, plus récente que le

tabes, a passé inaperçue parce que ses symptômes, en ce qui con-

cerne la moelle, se sont confondus avec ceux du second et que,

dans le cerveau elle a atteint surtout la convexité (Oppenheim).

Sans doute, d'autre part, les altérations tabétiques n'ont pas déter-

miné le tableau clinique du tabes syphilitique, mais la présence,

au voisinage de la moelle, de lésions syphilitiques implique, sui-

vant toutes probabilités, l'idée d'une origine commune.

P. Keraval.

XXV. DE certaines attaques DE paralysies prodromiques dans LE

RAMOLLISSEMENT DU CERVEAU NON SYPHILITIQUE; par L. LOEWENFELD.

(Centralbl. f. Nervenheilk., 1890, N. F. I.)

. Il s'agit de ces attaques de paralysie successives et passagères

(quelques minutes) qui précèdent l'installation de l'hémiplégie. Un

cas de l'auteur ; un cas de Pitres (Revue de médecine, 10 avril 1888).

L'observation de Loevenfeld se résume ainsi :

Un foyer de ramollissement par thrombose (artério-sclérose)

localisée, suivant toutes probabilités (pas d'autopsie), aux régions

corticales motrices (intégrité du facial; contracture secondaire).

L'hémiplégie permanente procéda d'une attaque d'hémiparésie qui

n'aboutit à l'hémiplégie grave qu'au bout de plusieurs heures,

tandis que les autres attaques de paralysie transitoires antérieures

n'eurent pas ce caractère. Il est probable que ces dernières pro-

viennent de troubles de nutrition qui déterminent de l'irritabilité

de certaines zones corticales; cette irritabilité, impuissante d'abord,

à raison de conditions spéciales, à produire des convulsions parce

qu'elle n'irradie pas sur les centres sous-jacents, est cependant

suffisante pour suspendre momentanément les fonctions de ces

centres. Puis, les troubles de nutrition progressent et finalement

interrompent les tractus cortico-musculaires ; c'est alors que se pro-

duit l'hémiplégie permanente. P. KERAVAL.

XXVI. DE L'ASTASIE-ABASIE dans la maladie DE BASEDOW;

par A. Eulenbourg. (Neurol. Centralbl., 1890.)

On sait que ce syndrome a pour caractère de ne se manifester

qu'à l'occasion de la station debout et de la marche, tandis que les

autres modes de progression sont intacts (saut, bond) : dansl'ataxie

locomotrice, au contraire, toutes les fonctions de déplacementsont

atteintes. M. Eulenbourg donne un exemple d'astasie-abasie hysté-

riforme chez une jeune fille anémique affectée de goitre exophthal-

mique. P.$ER.1V.1L.

' REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 105

XXVII. Contribution A L'ÉTIOLOGIE du tabès; par M. BERNHARDT.

(Neurol. Centralbl., 1890.)

Dans l'observation présentée, l'auteur invoque les excès de

machine à coudre. Il fait remarquer l'influence de la grossesse sur

la marche du tabes. Sans doute, elle exagère les symptômes dou-

loureux du tabès ? Mais est-il nécessaire, comme on l'a fait ici, de

pratiquer l'avortement ? En effet, dans l'espèce, l'atténuation con-

sécutive des douleurs et autres symptômes pénibles ne fut que

temporaire ; en tout cas, l'avortement ne fit pas cesser la maladie.

De plus, la même malade devient grosse pour la seconde fois ;

comme elle a cessé de travailler à la machine, et qu'elle garde le

repos, elle ne pense plus à accuser la gravidité. Espérons que la

grossesse pourra suivre son cours normal. P. IERAVAL.

XXVIII. CONTRIBUTION A la question DES TROUBLES DE la SENSIBILITÉ

dans les affections EN foyer du CERVEAU; par L. D.1BESCHEIVITSCH.

(Neurol. Centralbl., 1890.)

La sensibilité est troublée quand il y a lésion du segment pos-

térieur de la branche postérieure de la capsule interne. Il est donc

évident que ce segment livre passage à des fibres sensitives qui

unissent l'écorce aux nerfs cérébro-spinaux. Que deviennent ces fibres

plus haut, vers l'écorce ; où s'y terminent-elles ? Les expériences

de physiologie étant contradictoires, interrogeons la méthode ana-

tomo-clinique. Voici, à cet égard, une observation instructive.

Monoplégie brachiale droite; dans le même membre et surtout à

la périphérie, la sensibilité est diminuée dans tous ses modes. La

marche de la maladie et l'ensemble clinique militent en faveur

d'une lésion centt'.1le.A l'autopsie, nous trouvons une.bouillie tuber-

culeuse qui occupe le centre ovale de l'hémisphère gauche, et sur-

tout le territoire de la partie moyenne de la pariétale ascendante.

Comme au microscope il n'y a aucune anomalie de la moelle ni du

tronc du cerveau, pas plus qu'ailleurs dans l'hémisphère en ques-

tion, il appert que la paralysie delà sensibilité et de la motilité du

membre droit est imputable à cette lésion tuberculeuse.

P.KERAVAL.

XXIX. Contribution ,1 L'I.TUDE DES TROUBLES trophiques DES ongles dans

L\ névrite multiloculure ; par 131ELSCIIOWSKY. (Neurol. Ceut1'<1lbl.,

1890.)

On sait que, dans les névrites des nerfs des extrémités, les ongles

sont friables, perdent leur éclat, deviennent inégaux et cannelés,

se rabougrissent ou s'atrophient complètement. Voici un cas chez

un cigarier atteint de névrite, caractérisé par l'apparition sur

106 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'ongle de points blancs laiteux qui se réunissent en raies. Au

microscope, on constate que cet aspect est dû à des amas d'air.

P. KERAVAL.

XXX. D'UNE modalité morbide singulière DU SYSTÈME NERVEUX CEN-

TRAL PROPRE A une même famille; par M. Nonne. (Arch. f. Psych.,

XXII, 2.)

Trois frères, actuellement âgés [de quarante-six, quarante-neuf,

quarante ans, sont, depuis l'âge de trente, quatorze, dix ans atteints

d'un complexus symptomatique progressif. Dans la famille, on note

toutes sortes d'anomalies, notamment de nombreux arrêts de

développement; chez l'un de ces malades, le complexus morbide

s'est montré à la suite d'une émotion violente; chez les autres,

sans cause appréciable. Ce complexus comprend : débilité men-

tale avec irritabilité - ataxie des extrémités et de la langue ou

des organes d'articulation ataxie des muscles de la physio-

nomie champ limité des mouvements des yeux, en haut, en

haut et en dehors, en haut et en dedans ataxie statique et loco-

motrice - atrophie des N. 0. absence du signe de Romberg, de

parésies, de contractures, de troubles de la sensibilité, de troubles

des réflexes.

Le frère le plus atteint (quarante ans), ayant succombé à la

tuberculose, on rencontra à l'autopsie, une incontestable atrophie

du cervelet sans lésion inflammatoire, c'est donc un arrêt de déve-

loppement. Le microscope révèle, dans la moelle : une exagération

des fibres fines aux dépens des grosses (racines postérieures et

antérieures, nerfs périphériques).

Comme il est impossible d'établir le diagnostic d'ataxie de Fried-

reich, de sclérose en plaques, d'atrophie cérébelleuse, on ne peut

s'empêcher de reconnaître que le cas ne soit original.

. P. KERAVAL.

XXXI. DE L'OCCURRENCE DES TROUBLES DE la SENSIBILITÉ dans la SCLÉ-

rose EN plaques disséminées; par C. S. fREUND. (Arch. f. Psych.,

XXII, 2-3.)

Trente-trois observations dont trois avec autopsie. Vingt-neuf,

soit 88 p. 10o, dénotent des troubles indéniables de la sensibilité.

Dans 48 p. 100, trente sont temporaires, fugaces.

Généralement, la sensibilité reste normale des mois, voire des

années; puis, tout à coup, comme dans une attaque apoplectique,

arrivent ces troubles qui, quelle que soit la progression dans l'en-

semble de la maladie, disparaissent à leur tour et ne reviennent

plus (Obs. I; XIII) ; ou bien ils reviennent encore au bout de quel-

que temps, soit au même endroit, comme avant (Obs. Il; VII), soit

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 107

à un autre (Obs. X). Ce sont des sensations -d'obtusion du tact

avec fourmillements, de frissons, de douleurs en ceinture, de

velouté; des douleurs lancinantes, aux pieds, aux mains, aux doigts,

aux orteils, aux phalangettes, quelquefois à toute une moitié du

corps; ou bien des anomalies qualitatives ou quantitatives de la

sensibilité tactile, du sens de la pression, de la sensibilité doulou-

reuse (analgésie, hypalgésie, hypéralgésies, perversions), du sens

thermique (mêmes espèces), du sens musculaire, des sensations sté-

réognosiques, le malade prenant un couteau pour une cuiller et

inversement, l'impossibilité d'apprécier les mouvements avec ataxie.

Etude de l'hémianesthésie en pareil cas. Ce qui caractérise la sclé-

rose en plaques, c'est le caractère passager, temporaire de ces

troubles. Il en est ainsi pour des troubles de la vue, et de la motilité

(hémiparésie, paraparésie, paralysie du péronier, de la vessie, du

rectum).

Quelle est la genèse de ces accidents ? Il est probable qu'ils déri-

vent de l'épaississement et de la tuméfaction des cylindraxes

englobés dans les foyers scléreux; ces altérations sont susceptibles

de réparation; elles siègent dans les organes des nerfs sensibles,

surtout dans les cordons postérieurs (intégrité du reste de ces

organes et de la substance grise). Il ne s'établit pas de dégénéres-

cences. Quelquefois, cependant, le cylindraxe reste altéré et perd

sa fonction; les troubles de la sensibilité deviennent alors irrémé-

diablement permanents. P. K.

DES hallucinations du souvenir (PSEUDO-RÉMI,41,CENCES) dans

la psychose l'OLYnF VRITIQUE; par S.-S. 110PS : 1KON. (Allg. Zeitsch.

f. Psych., XLVII., 3-r.) .

Les troubles intellectuels qui accompagnent la polynévrite se

traduisent souvent par des hallucinations du souvenir avec délire

basé sur cet élément morbide. Il s'agit d'espèces d'obsessions déli-

rantes mobiles ou de préoccupations univoques stables. Hanté par

exemple par la mort d'une personne, par le souvenir d'un mort,

par des apparitions cadavériques, le malade est tellement affligé

par l'importunité de ces pseudo-réminiscences et leur intensité que

des idées délirantes prennent corps et fournissent une systémati-

sation partielle, par la création de toutes pièces d'une scène fantas-

tique. Presque toujours ces pseudo-réminiscences émanent de sou-

venirs de choses réelles. Les éléments nerveux fournissent les

lueurs d'impressions antérieures dont l'intensité n'est cependant

plus aussi forte. Et ces phosphorescences suffisent pour entraîner

des groupes d'associations d'idées et d'impressions. Ou plutôt, ces

lueurs qui voltigent dans la sphère inconsciente du psukê provo-

quent des associations d'idées fixes qui, à leur tour, font irruption

dans le champ de la connaissance et déterminent l'illusion, l'hallu-

108 REVUE DE PATHOLOIGE NERVEUSE.

cination de souvenirs qui acquièrent les caractères de la réalité.

Ainsi se forment de faux souvenirs, des souvenirs erronés. Cette

genèse suppose très probablement des lacunes dans les trames de

l'association des idées; ainsi les fibres qui nous avertissent de la

réalité de nos perceptions ou de nos souvenirs ne doivent pas, dans

l'espèce, entrer en jeu. C'est pour cela que les pseudo-réminis-

cences se montrent le plus souvent dans les psychoses qui pro-

cèdent d'une altération fonctionnelle des rouages de l'association

des idées. P. K.

XXXIII. NOTE sur les paralysies dans la maladie de Parkinson; par

le Dr Moucorgé (du Mont-Dore). (Lyon méd., 1891, t. LXVI.)

Les conclusions de ce travail basées sur une observation person-

nelle et quelques autres faits déjà publiés sont les suivantes : 1° en

dehors de la cachexie, on peut observer des paralysies avec ou

sans atrophie à la période préterminale de la maladie de Par-

kinson; 2° des paralysies compliquées ou non d'atrophies peu-

vent être également notées au début ou dans le cours de cette

affection ; - 3° la rigidité musculaire indiquant un premier

degré d'altération dans le muscle, il est légitime de rapporter les

accidents parétiques, paralytiques et atrophiques au génie même

de la maladie de Parkinson, et non à des complications étran-

gères à l'affection ; 4° sans pouvoir actuellement se prononcer

sur la nature intime de la maladie (névrites, myopathies, dystro-

phies musculaires, phosphaturie cérébro-spinale de Chéron, phos-

phaturie musculaire de Gauthier, sclérose myélilique de Teissier),

on doit tendre dé plus en plus à rayer la maladie de Parkinson du

cadre des névroses. ' G. DENY.

XXXIV. SUR UN cas DE NÉVRITE périphérique consécutive AL'INFLUENZA

- par le Dr 13ROSSET. (Lyon méd., 1891, t. LXVI.)

Dix jours après le début d'une attaque d'influenza, la malade

qui fait le sujet de cette observation présenta, comme troubles

sensitifs, des névralgies des parties molles de la paume des mains

et de la plante des pieds, sous forme de douleurs térébrantes et

une diminution des réflexes; comme troubles moteurs, une dimi-

nution notable de la force musculaire et des phénomènes de rigi-

dité tendineuse; comme troubles trophiques et vaso-moteurs, des

sueurs, de l'atrophie musculaire et de l'amincissement de la

peau.

La coexistence de tous ces symptômes, siégeant à la périphérie

des quatre membres, semble suffisante pour établir le diagnostic

de névrite périphérique, et, pour écarter toute idée d'une affection

médullaire. La grippe doit donc être rangée au nombre des

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 109

maladies infectieuses (variole, fièvre typhoïde, dipthérie, etc.)

susceptibles de déterminer dans certaines conditions des névrites

périphériques. G. D.

XXXV. UN cas d'hystérie traumatique; par le Dr L. BONAMAISON.

. (Lyon méd., 1891, t. LXVI.)

On sait que des divergences d'opinion se sont produites sur la

place qu'on devait assigner dans les cadres neurologiques, aux

accidents nerveux d'origine traumatique. Tandis que l'école alle-

mande avec Oppenheim, Thompson, Strümpell, etc., voulait en

faire une névrose traumatique spéciale, l'école de la Salpêtrière a

démontré que parmi les névroses qui succèdent aux traumatismes,

l'hystérie est la plus fréquente.

A l'appui de cette dernière opinion, le Dr Bonamaison rapporte

l'observation d'un jeune homme de dix-neuf ans, héréditaire, qui

à la suite d'un coup de boule de croquet sur la nuque fut atteint

de grandes attaques convulsives et d'attaques de catalepsie avec

plaque d'hyperesthésie au niveau de la nuque, hémianesthésie

droite, rétrécissement du champ visuel, etc. Un traitement hydro-

thérapique prolongé amena la disparition de tous ces accidents.

G. D.

XXXVI. UN cas DE MYOCLONIE (CHORÉE ÉLECTRIQUE DE BERGERON), RAPI-

DEMENT améliorée par l'antipyrine; par L. BOUVERET et L. CUR-

TILLET. (Lyon méd., 1890, t. LXV.)

XXXVII. SUR UN cas D'HÉMIPLÉGIE CROISÉE DE la face ET DES membres

par lésion limitée DE la protubérance; par MM. LANNOIS et

E. REGNAULT.

Le tableau symptomatique dans ce cas, a été absolument celui

d'une hémorrhagie cérébrale ordinaire : ictus apoplectique chez

un sujet jeune et sans lésions cardiaques, hémiplégie de la face et

des membres du côté droit, déviation conjuguée de la tête et des

yeux du côté sain. La lésion était située à la partie supérieure du

pont de.Varole et dans sa moitié gauche; il s'agissait d'un ramol-

lissement récent.

Aucun des signes qu'on a donnés comme pouvant faire recon-

naître une lésion de la protubérance - contractures primitives,

symptômes pupillaires, etc. - n'étaient présents. La seule conclu-

sion à tirer de ce fait, c'est que les lésions du tiers supérieur de la

protubérance peuvent se traduire, au point de vue clinique, par

les mêmes symptômes que les lésions de la capsule interne.

G. D.

110 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXXVIII. Sur un cas d'aphasie motrice ET sensorielle; par

, M. E. LACROIX. (Lyon méd., 1890, t. LXV.) z

On sait que les lésions du faisceau pédiculo-frontal inférieur du

côté gauche déterminent l'aphasie tout aussi sûrement que la des-

truction de l'écorce de la partie postérieure de la troisième circon-

volution frontale gauche. Si la lésion est très exactement limitée

à ce premier faisceau, l'aphasie est le seul symptôme appréciable,

mais le plus souvent la lésion s'étend dans le faisceau voisin, et

l'aphasie est accompagnée d'hémiplégie (Pitres).

L'observation de M. Lacroix est la confirmation de cette donnée :

il s'agit d'un malade atteint d'hémiplégie droite avec aphasie

motrice, surdité et cécité verbales, à l'autopsie duquel on trouva '

trois petits foyers de ramollissement siégeant l'un dans le centre

ovale de Vienssens (aphasie motrice), l'autre, au milieu de la

deuxième circonvolution pariétale (cécité verbale), et le troisième,

à la partie postérieure de la première circonvolution temporale

(surdité verbale). La troisième circonvolution frontale était indemne

de toute altération. G. D.

XXXIX. Remarques complémentaires relatives A l'étude DE

l'atrophie musculaire; par DOEHNH,RDT. (Neurol. Central6l., 1890.)

Il n'est pas toujours possible d'établir un diagnostic différentiel

réellement certain entre la forme névropathique (spinale) et la

forme myopathique de l'atrophie musculaire. Nous ne trouvons de

points de repère précis ni dans les allures des groupes musculaires,

isolés en ce qui concerne l'atrophie, ni dans les douleurs, ni dans

les convulsions fibrillaires, ni dans la réaction dégénérative; l'exa-

men anatomique lui-même ne paraît pas démonstratif. Que de

fois, alors que le type clinique semblait être myopathique, ne

trouve-t-on pas d'altérations de la moelle ? Enfin, souvent on néglige

l'examen des muscles dans la forme spinale et cependant, on y

trouverait des altérations semblables à celles de la forme myopa-

thique. Voici, par exemple, dans une famille jusqu'alors indemne

d'atrophie musculaire, un jeune homme de vingt et un ans affecté

du type Charcot-Marie (Revue de médecine, 1886), tandis que sa soeur

"âgée de dix-neuf ans et demi présente la forme spinale : il existe

dans la famille une tare héréditaire névro et psychopathique ; par

'conséquent la forme myopathique émane aussi du système ner-

veux central. Une autre observation à l'appui de cette assertion,

nous est fournie par un homme de quarante ans; à la suite de

fatigues exagérées, il est porteur du complexus symptomatique de

l'atrophie musculaire myopathique, dans les deux cuisses; la vio-

lence et la persistance des douleurs et la disparition des réflexes

crématériens et abdominaux indiquent qu'il s'agit là d'une lésion

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. H'1

centrale. Si l'on épluche avec soin les anammestiques, on trouve,

qu'il s'agisse déformes spinales ou non, que les premiers indices

de l'atrophie remontent à la première enfance ; ce qui permet de

supposer que l'origine doit en être rapportée à un trouble médul-

laire datant de la vie foetale ou du travail de l'accouchement.

P. K.

XL. CONTRIBUTION A la syphilis DU système NERVEUX central,

par E. SIEUERLING. (Archiv f. Psychiat., XXII, 1-2.)

Etude clinique et anatomo-pathologique de trois observations de

syphilis du système nerveux central, qui se résument brièvement

ainsi. La première observation s'est présentée cliniquement sous la

forme d'une affection spinale, dans la seconde il semblait qu'on

eût affaire à une affection cérébrale, la troisième paraissait être

une combinaison des deux premières. Mais l'anatomie pathologique

et l'étude microscopique sont venues montrer la dissémination des

lésions syphilitiques, tant en ce qui concerne le système nerveux

qu'en ce qui a trait aux autres organes. Les altérations des artères

et des méninges jouent le rôle principal dans le mécanisme des

lésions viscérales; l'endartérite, la périartérite, la phlébite oblité-

rante syphilitique et les hyperplasies de la pie-mère, provoquent

des ramollissements et des hémorrhagies dans les diverses régions

du cerveau et de la moelle (encéphalite interstitielle de Juergens,

myélites de la substance blanche) ; les dégénérescences descendantes

et ascendantes compliquent le tableau symptomatique, sans déro-

ger aux lois anatomiques que l'on connait.

M. Siemerling insiste, en ce qui concerne le diagnostic d'une

affection syphilitique de la moelle, sur la simultanéité des

symptômes cérébraux, l'évolution par poussées, les oscillations

étant dues à ce que le processus anatomique n'est pas uniforme

en étendue, en intensité, la répartition topographique en est elle-

même inégale ; la réaction pupillaire à la lumière est très variable

suivant les moments où on la détruit, le phénomène du genou est

également loin d'être identique à lui-même; enfin, on constate,

signe important, des phénomènes bulbaires passagers.

P. KERAVAL.

XLI. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE la nature DE la neurasthénie; par

P. J. KOR'ALEVaHY. (Centralbl. f. Ne1'venheilk' N. F. L, septembre-

octobre 1890.)

Etude d'ensemble dont voici les conclusions. Les conditions

modernes de la vie produisent la neurasthénie par un mécanisme

purement chimique, les éléments nerveux sont empoisonnés^ par

les produits de la métamorphose régressive qui, fatiguant le pro-

112 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

.toplasma, provoquent une inanition générale du système et encom-

brent la substance nutritive, dont ils prennent finalement la place,

de substances impropres à la nutrition. Tel est le mécanisme

le plus net de la neurasthénie acquise chez des gens jusqu'alors

bien portants, à système nerveux indemne. La genèse de la neu-

rasthénie héréditaire est plus difficile à comprendre; quel est

le vice primordial du germe de l'embryon qui préside aux ano-

malies anatomiques ou fonctionnelles des éléments nerveux ? Il est

des cas où ces anomalies se révèlent par des perturbations macros-

copiques ou microscopiques; mais il est d'autres cas où l'on est

obligé de supposer une déviation chimique, moléculaire, qui aboutit

à l'intoxication par les ptomaïnes ou leucomaïnes. L'avenir préci-

sera peut-être la composition chimique des tissus, la fonction

correspondante de chaque élément chimique et anatomique, la fonc-

tion des leucomaïnes dans l'économie, l'action physiologique

de celles-ci sur les organes, la constitution physique et physiologique

des ptomaïnes ainsi que leur action. La thérapeutique dérivera de

ces découvertes. P. K.

XLII. DE l'hypérexcitabilité généralisée DES réflexes produite

PAR la QUININE; par A. ERLENMEYER. (Cent1'alb. f.Nel'venheilkl., 1890.)

Cette hypérexcitabililé est un phénomène exceptionnel qui,

dans l'observation en question, a simulé les convulsions de la troi-

sième période du quinisme ordinaire. En effet le malurien en ques-

tion prend le 20 mars 1 gramme de chlorhydrate de quinine et le

21, 2 grammes. La percussion du tendon putellaire produit non

seulement l'élévation brusque de la jambe au niveau de l'hori-

zontal, mais une secousse convulsive généralisée du corps entier

qui le projette en haut et le renverse en arrière. Qu'on pratique la

percussion des deux côtés, on arrive au même résultat. Tous les

réflexes sont exagérés. On administre 1 gr. 50 de chloral, le ma-

' Jade dort; le lendemain tous les accidents ont cessé. Chose parti-

culière, la même provision de quinine n'a rien produit de sem-

blable sur les autres malades. Le cerveau a dû subir seul dans

l'espèce l'action quinine; on sait que la suppression de l'action

cérébrale se traduit par une exagération des réflexes. Mais pour-

quoi le cerveau seul a-t-il été touché par le médicament, peut-être

parce qu'il s'agissait d'un morphinomane qui depuis quatorze ans

s'injectait de la morphine et qui en était encore à 30 centigrammes

par jour. Ces indications ne donnent pas la solution du problème.

P. KERAVAL.

XLIII. Les progrès RÉCENTS DE L'ATIIROPOGIE criminelle; par

C. Lombroso. (Centralbl. f. NervenheiLk, 1890.)

Mémoire écrit en français. Il s'agit de nouvelles observations

sur : A. Les épileptiques et les criminels. B. Les anomalies mor-

REVUE DE pathologie nerveuse. US

phologiques du cerveau, du crâne, du squelette des vivants. C. Les

fonctions de ces individus. M. Lombroso insiste sur les ressem-

blances du crime et de l'épilepsie, du génie et de l'épilepsie. Il

consigne à cet égard les conclusions de Virgile (G. Passanante, la

natura morbosa deI de/itto. Rome, 1888.)

La transmission héréditaire des tendances criminelles prouve qu'elle

procédait d'une organisation particulière, organisation anormale puis-

qu'elle porte l'empreinte de tous les signes dégénératifs. La criminalité

fleurit sur, un terrain héréditaire plus ou moins voisin de la folie; les

criminels deviennent fréquemment aliénés, et inversement, dans les

diverses maladies mentales apparaissent souvent des tendances crimi-

nelles. P. K.

XLIV. Sur L'DÎ30fE hystérique.

Une jeune juive, R..., âgée de dix-sept ans, se plaint d'un oedème

de l'avant-bras droit. Il y a un an, sans aucun motif appréciable,

elle ressentit au même endroit une douleur d'ailleurs tolérable qui

persista plusieurs mois. Puis, subitement, l'avant-bras et la main

ont enflé, cet oedème dura plusieurs semaines, puis disparut, puis

revint, ces alternatives continuèrent. Enfin, l'oedème ayant duré

plus longtemps que de coutume, la jeune R... entra à l'hôpital

juif de Varsovie, dans le service du D1' Gajkiewicz..

Pas d'antécédents personnels, ni héréditaires, le coeur, les pou-

mons sont sains ; pas d'anémie ; pas d'albumine dans l'urine. La

malade ne peut pas circonscrire le siège de la douleur qui est

continue, augmentant par moment d'intensité ; il n'y a pas de

points douloureux. La peau de l'endroit malade est rose rouge,

luisante, égale, plus chaude que celle du côté opposé (0°,9 de diffé-

rence). Tous les organes du côté droit sont affaiblis; les mou-

vements du bras droit sont plus lents que ceux du bras gauche ; le

froid, la chaleur, la piqûre, sont plus faiblement sentis ; l'électri-

cité réagit moins à droite qu'à gauche De même la sensibilité de

la face et du membre inférieur est affaiblie à droite. Tous les sens

sont affaiblis à droite, la vue est plus basse, le champ visuel est

plus rétréci pour la lumière et pour les couleurs. La pupille droite

est dilatée. La montre est entendue à 19 pas à gauche, et seu-

lement à 15 pas à droite. La quinine, la saccharine, l'acide acé-

tique, l'assa foetida et l'essence de rose sont faiblement perçus à

droite.

En un mot, la malade avait outre la douleur, de l'oedème et la

monoparésie brachiale du côté droit, elle avait aussi une hémia-

nesthésie sensitive et sensorielle.

La malade est restée pendant six mois dans mon service, et on

a vu pendant tout ce temps que l'état de l'avant-bras n'était pas

stable, et que quelques-uns des phénomènes pathologiques chan-

archives, t. XXII. 8

114 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

geaient sans cesse et quelquefois si souvent qu'ils changeaient

toutes les heures. La douleur était le symptôme le moins variable.

L'oedème était plus accentué le matin que le soir; tantôt il siégeait

à l'avant-bras et à la main, à l'un ou à l'autre et rarement à la face.

La peau variait aussi, tantôt rose rouge, bleue ou violette, ou'mar-

brée quelquefois pâle, rarement de couleur normale. Tantôt la

température était très élevée et la malade sentait une vive douleur

du côté droit; au bout de quelques heures tout disparaissait et la

malade se servait de son bras pour différents mouvements.

Cet état alternatif de mieux et de pis dura plusieurs mois; au bout

de cinq mois de séjour dans mon service, la malade ressentant un

mieux sensible, la disparition de la douleur et de l'oedème était

de plus longue durée qu'au commencement. La dilatation de

pupille est restée rebelle à tous les traitements.

Tout l'arsenal thérapeutique, bromure, quinine, morphine, com-

pression, massage, électricité, hydrothérapie, cautérisation avec

le thermocautère de Paquelin ont été employés sans succès. Les

pointes de feu le long de la colonne vertébrale ont paru plus

efficaces, on les a répétées cinq fois. Mme C. Bertillon.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

I. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE QUELQUES formes aiguës d'aliénation

mentale ET DE leurs rapports avec la paranoïa, par M. le

Dl' ROSENB.1CFI.

Les caractères reconnus dès le principe comme constituant la

paranoïa dans le sens de Snell, et qui sont restés essentiels dans

la doctrine contemporaine de la paranoïa typique sont : une

période prodomique très longue; le développement latent du

délire, puis la lucidité de la conscience et la conservation presque

entière de l'intelligence; avec cela l'absence des troubles des sen-

timents, d'excitation motrice et de stupeur, ou du moins l'appa-

rition seulement épisodique et fortuite de complications pareilles;

enfin une durée illimitée sans aucune chance de guérison - West-

phal, en 1876, en examinant les- différents modes du dévelop-

pement de la paronoïa avait indiqué des cas aigus de cette forme

d'aliénation mentale.

A l'assemblée annuelle des aliénistes allemands tenue il Nurem-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 115

berg, en 1877, sur la proposition du professeur Meynert, la folie

primaire (p1'imoe1'e Verrùcktheit, respective primoere Wahnsinu)

autrement dit la paranoïa, fut reconnue à l'unanimité comme une

forme distincte, tandis que de sa modification aiguë, notée par

Westphal, il ne fut même pas question.

Plus tard, la catégorie de la folie primaire servit presque uni-

quement pour indiquer la forme chronique et de la forme aiguë il

ne fut plus question dans les écoles allemandes, russes et ita-

liennes. - Il en fut de même en France où M. Magnan et ses

élèves démontrèrent l'existence d'une forme d'aliénation mentale,

le délire chronique, caractérisée justement par les mêmes symp-

tômes qui font l'essence de la forme typique de la paranoïa chro-

nique des auteurs allemands.

Cependant l'étude de la forme aiguë a été reprise au cours de

ces dernières années, et, dans la psychiatrie clinique de Schüle,

nous retrouvons de nouveau deux formes de délire systématisé

primitif ou paranoïa, la forme aiguë et la forme chronique, réunies

dans le même chapitre, comme un groupe des psychoses du cer-

veau valide. Mais Schùle montre la nécessité de bien distinguer

les formes aiguë et chronique, la paranoïa chronique rentrant

plutôt dans le cadre de la folie dégénérative alors que la para-

noïa aiguë appartient au groupe des psycho-névroses, cette der-

nière forme étant considérée comme un état hallucinatoire, de

rêve, avec perte du moi comme faculté directrice, provoquée par

des erreurs des sens l'accablant soudainement.

Il ne les réunit qu'à cause des formes intermédiaires qui ne sont,

pour ainsi dire, que la répétition abrégée de la forme chronique et

dans lesquelles la maladie débute par le délire typique de persé-

cution, suivi d'un état expansif, avec un délire religieux, mystique

ou érotique, et la conscience reste assez lucide pour que le délire

puisse se systématiser. En outre, la paranoïa chronique nous offre

dans sa marche des exacerbations qui, en résumé, ne sont pas

autre chose que la folie hallucinatoire aiguë, c'est-à-dire la forme

aiguë de la « Wahsinn ».

L'école française n'est pas tombée dans l'erreur de confondre

les foi mes aiguë et chronique du délire primitif dans une seule

forme moi bide. Mais, d'autre part, la forme aiguë n'a pas été bien

longtemps reconnue comme une psychose spéciale, indépendante,

et les malades qui en étaient atteints furent placés dans divers

autres cadres nosologiques comme la mélancolie, la manie, la

démence, etc.

En dernier lieu, ces formes ont été bien connues sous le nom de

délire d'emblée. Quant à ce dernier, il a été considéré par M. Magnan

comme un des syndromes psychiques de la dégénérescence men-

tale.

Ce point de vue parait trop exclusif à M. Rosenbacli qui fait

116 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

remarquer que ni Kralft, Ebing ni Schüle ne prennent la forme

aiguë de la paranoïa pour une manifestation de dégénérescence

mentale et qu'enfin le délire d'emblée de M. Magnan n'embrasse

pas toutes les variétés de la forme aiguë.

En résumé, à mesure que les observations cliniques se sont accu-

mulées, on a vu se produire la tendance à reconnaître les formes

aiguës comme un groupe indépendant d'aliénation mentale, mais

cette question n'est pas encore suffisamment élucidée pour qu'on

ait pu se former sur elle une opinion admise de tous, de même

que sur le rapport des formes aiguës avec la forme chronique du

délire chronique, du délire systématisé. - C'est pour reprendre

l'étude de ces rapports que l'auteur nous présente une série

d'observations de la forme aiguë prises dans la clinique du pro-

fesseur Mierzejewski.

Le caractère général des observations se présente sous l'aspect

suivant : hérédité dans tous les cas, sauf un. La maladie a été pré-

cédée de secousses morales, de suractivité intellectuelle, -anémie,

fièvre, couches. Le début est aigu : de nombreuses idées délirantes

de grandeur, de persécution ou de culpabilité, ou hypochon-

driaques n'ayant aucun rapport entre elles, surgissent en même

temps : elles se rattachent, paraît-il, à des erreurs des sens dont

une production énorme accable le malade; les idées délirantes

surgissent et se multiplient, à ce qu'il paraît, primitivement, d'elles-

mêmes : l'attention est absorbée par les divers phénomènes psy-

chiques qui remplissent tout à coup la conscience, si bien que celle-

ci devient peu capable de percevoir régulièrement les impressions

du dehors ; le malade s'oriente mal dans ce qui l'entoure et devient

confus dans ses sensations internes. A cet état s'ajoute l'influence

des affections, tantôt sous forme de dépression, de peur ou de déses-

poir, tantôt, au contraire, d'excitation active atteignant la fureur.

La marche est rémittante et même intermittente et la maladie

se compose pour ainsi dire de paroxysmes réitérés très impé-

tueux entre lesquels la réaction de la conscience sur les idées déli-

rantes est moins forte.

Le souvenir de ce que le malade éprouve pendant ces accès est

le plus souvent très confus et parfois se perd entièrement. La plu-

part des cas finissent par la guérison. Dans les cas à durée pro-

longée, il n'existe aucune tendance du délire à la fixation ou à la

systématisation. '

Dans la plupart des cas, la maladie dure des semaines et des

mois.

On voit par ce court résumé des symptômes que les cas décrits

appartiennent bien au groupe qui a été désigné par différents

auteurs sous les termes de paranoïa aiguë, Verrucktheit, confusion

hallucinatoire Wahnsinn, délire d'emblée, etc., et ils appar-

tiennent bien à une catégorie distincte et caractéristique d'alié-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 117 7

nation, d'où la nécessité de les séparer de toutes les autres, formes

d'affections psychiques.

Dans la mélancolie et la manie, en effet, on voit que le moment

définitif est le changement d'humeur, du sentiment; confor-

mément à cela se modifient les autres manifestations de la vie

psychique, la marche des idées, la sphère motrice; si la mélan-

colie ou la manie se compliquent par de fausses sensations, elles

s'harmonisent avec l'élément fondamental de l'affection psychique,

avec la dépression ou avec l'exaltation.

Quant à la différence entre les formes aiguës étudiées dans ce

travail, avec le délire chronique, elle ressort du précédent exposé

symptomatique respectif des deux affections. 1

Rappelons que la caractéristique du délire chronique consiste

dans la systématisation des idés délirantes, le caractère partiel de

la folie, la lucidité de la conscience et l'absence de la réaction

affective.

Ces formes aiguës ont donc le droit d'être classées dans un

groupe à part, en dehors de la mélancolie, de la manie ou du

délire chronique (paranoïa en Allemagne). On les désigne à

présent par le nom de « Wahnsinn » eu laissant le terme de « Ver-

rucktheit * au délire chronique.- L'auteur préférerait l'appellation

de « folie générale ».

Reste à savoir dans quel groupe des affections psychiques placer

la forme mentionnée ? Doit-on la classer parmi les psycho-névroses

ou parmi les formes de dégénérescence psychique ? La plupart des

auteurs qui ont écrit sur cette forme se prononcent contre le carac-

tère dégônératif de sujets atteints de cette affection mentale. Con-

formément à cette idée, étant donné ce fait que la maladie se pré-

sente le plus souvent chez des gens qui n'ont présenté auparavant,

pour la plupart, aucune anomalie ni du système nerveux en géné-

ral, ni de la sphère psychique en particulier, et qu'elle fait son

apparition immédiatement après l'action de troubles moraux, de

surexcitavité intellectuelle ou d'une maladie générale, il y aurait

lieu de considérer cette forme d'aliénation mentale comme un des

modes de réaction du cerveau valide contre une série d'influences

défavorables et de la placer avec Krafft-Ebing parmi les formes

primitives de l'alfection psychique, telles que la mélancolie et la

manie. ·

Enfin, malgré là nécessité de séparer le délire primitif aigu de la

paranoïa, on ne peut nier qu'il existe quelquefois, soit au début,

soit au milieu de l'évolution de cette dernière un complexus de

symptômes rappelant le délire primitif aigu. Au lieu du délire par-

tiel systématisé, au lieu de la lucidité de conscience et la conser-

vation des opérations logiques, au iieu d'une conduite calme et

égale propre aux paranoïques, on voit chez ces malades un état

épisodique d'une grande excitation, avec un trouble de sentiment

118 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

tres prononcé, une grande production d'hallucinations dans toutes

les sphères et différentes idées délirantes, n'ayant rien de systé-

matisé. Si cet épisode arrive quand la maladie est bien développée,

le délire partiel qui existait avant subit des modifications; si, au

contraire, la paranoïa a débuté de la sorte, le caractère de la

maladie ne se découvre que quand l'impétueux accès des idées

délirantes et des erreurs des sens se calme, et, de leurs restes, se

forme l'un ou l'autre délire stationnaire. Mais puisque les cas de

délire primitif aigu, qui restent incurables, ne se transforment pas

en paranoïa avec délire systématisé et comme d'un autre côté les

complexus de symptômes caractérisés par la confusion, l'excitation,

les erreurs des sens et le délire d'emblée sont propres encore à

d'autres formes psychopathiques, qui n'ont rien de commun avec la

paranoïa, comme l'épilepsie, l'hystérie, une telle marche de la

paranoïa ne peut servir d'appui à l'idée que le délire primitif aigu

et le délire primitif chronique appartiennent au même groupe.

Du reste, ces cas particuliers de paranoïa se distinguent de la paro-

noïa classique, même quand les phénomènes aigus ont passé, par

un délire plus vaste et moins systématisé et par une plus grande

tendance à se changer en démence.

. E. BLIN.

II. D'UN groupe déterminé d'hallucinations SENSORIELLES dans LES

anomalies primitives DE l'humeur; par A. Cramer. (Allg. Zeitsch.

f. Psych., XLVII, 3, 4.) -

Obsessions, articulation irrésistible de la pensée (écholalie),

logorrhée irrésistible par accès (echokinésie, logokinésie), surve-

nant sous la forme d'épisodes avec mouvements impulsifs, dans la

mélancolie simple et la mélancolie anxieuse périodique. Six obser-

vations. '

Théorie. - Si l'on admet que la mélancolie émane de la con-

tracture des fibres lisses des vaisseaux, tandis que la manie résulte

de l'inertie des mêmes tuniques, dans les régions antérieures du

cerveau, on conçoit quelle modification subit de ce fait la chasse

d'irrigation sanguine suivant tel ou tel mécanisme et comment se

forment les symptômes locomoteurs respiratoires et conceptuels

dans les deux formes morbides. D'autre part, il n'y a pas de pensée

sans genèse, au moins silencieuse, des mots (parole intérieure); si

donc le processus des rouages de l'idéation est modifié de telle ou

telle façon par la mélancolie et la manie on conçoit qu'il s'engendre

des conceptions morbides issues de l'appareil locomoteur propre à

l'appareil d'articulation des mots, c'est-à-dire des hallucinations

du sens musculaire de cet appareil. De là des conceptions irrésis-

tibles, des logorrhées automatiques dans la mélancolie.

P. Keraval.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 119

III. Observations CLINIQUES DE l'asile provincial d'aliénés DE

KREUZ80URG ¡par 0. DORNDLUETH. (Allg. Zeilsch. f. Psych., XLVII,

3,4.)

Etude médicale de trente-six aliénés classés sous les rubriques

de : mélancolie, - folie neurasthénique, démence aiguë (qua-

torze observations) ; folie systématique (paranoïa) chronique

(huit observations) ; imbécillité avec folie systématique (obser-

vation n° 25); folie périodique (observations nos 26-28);

manie périodique (observations n° 29 de folie systématique pério-

dique) ; paralysie générale (quatre observations); folie épi-

leptique (observations n°s 34, 35, 36). Etude analytique; discus-

sion du diagnostic. P. KERAVAL.

IV. Contribution A la' casuistique d'états mentaux DOUTEUX au

POINT DE vue IIsDICO-L1.GAL j par J. PIEUM.\NN. (Alla. Zeitsch. f.

Psych., XLVII, 3, 4.)

Premier cas. On relève : hérédité, tendance à poussées cépha-

liques congestives, surémotivité, intolérance à l'égard de l'alcool,

lacunes de la mémoire, impulsions à des actes délictueux malgré

les plus sévères répressions. Délits commis dans des buts stupides

mal déterminés, souvent sous l'influence de la bière et de l'eau-

de-vie ; attaque d'épilepsie. Second cas. - Emotivité exagérée,

intolérance à l'égard de l'alcool. Dipsomanie probable. Tare héré-

ditaire. Lésion organique acquise du coeur.

Ce sont donc plutôt des dégénérés que des aliénés. La propen-

sion à boire procède elle-même d'une suractivité morbide. L'alcool

devient alors un facteur aggravant qui les conduit sur les confins

de la folie. C'est la répétition des actes délictueux qui a donné

l'éveil de la psychopathie. P. KERAVAL.

V. Des MALADIES mentales dans les U USONS de correction;

par A. Kuehn. (Arch. f. Psych., XXII, 2-3.)

Si la population des prisons et des bagnes donne une propor-

tion d'aliénés bien supérieure à celle de la population ordinaire,

cette proportion est de beaucoup plus fréquente encore dans les

maisons de correction. Et ici la séquestration n'a rien à voir puis-

qu'il y a travail et travail à l'air libre. En excluant les individus à

excitabilité morbide et à neurasthénie, on obtient 8 p. 100 de psy-

choses, c'est-à-dire le double des psychopathies des prisons et des

bagnes ; proportion elle-même vingt fois supérieure à celle de

l'aliénation mentale chez les honnêtes gens non nomades.

120 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Voici 144 aliénés de ce genre (l'auteur a examiné plus de

10 000 sujets) se décomposant en :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 121

VI. De l'aliénation mentale, SUITE d'influenza; par A. SCIIUITZ.

(Allg. Zeitsch. f. Psych., XLVII, 3, 4.)

Sept observations sous le diagnostic : mélancolie aiguë. Il n'y

avait tare héréditaire que dans deux cas. Conclusion. L'influenza

est au premier chef une affection nerveuse épidémique. Pronostic

d'ailleurs favorable à la condition qu'on prescrive des toniques.

· - P. KERAVAL.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 27 juillet 1891. Présidence de M. 13oucfiEnnsau.

Revision de la loi sur les aliénés. M. Garnier après avoir examiné

attentivement la proposition de loi de M. Reinach n'hésite pas à

dire qu'elle lui parait illogique et impraticable en certaines de ses

parties. La base du nouveau système est la substitution de l'au-

torité judiciaire à l'autorité administrative : on veut faire d'un

malade un justiciable ; on veut prononcer contre lui un jugement de

collocation Mais après comme avant il faudra toujours recourir à

la science aliéniste.

En principe comme en fait, la loi de 1838 ne mérite aucun des

reproches formulés contre elle par ses adversaires. Les enquêtes

entreprises au sujet des affaires dont M. Reinach s'est fait l'écho

ont démontré que les Sandon, Monastério et Sellières étaient bien

des malades dûment séquestrés. M. Garnier termine son exposé

en demandant que la société intervienne en votant un ordre du

jour par lequel elle déclarerait qu'éclairée par des documents

indiscutables, elle ne saurait admettre comme autant d'exemples

de séquestrations arbitraires les affaires citées dans le projet de loi

de M. Reinach.

. La Société s'associe aux idées émises par M. Garnier et décide

qu'elle nommera une commission pour préparer un rapport sur la

proposition.

M. Charpentier fait remarquer que, pour l'affaire llfonastério, il

y a peut-être des doutes sur la manière dont les faits se sont

passés.

122 sociétés savantes.

M. GARNIER répond que, si dans cette affaire il y a eu certains

incidents spéciaux qui l'ont compliquée, il n'en reste pas moins

un fait acquis à savoir que la personne internée était atteinte de

troubles intellectuels justifiant son placement. La loi de 1838

ne peut donc être incriminée.

M. A. Voisin rappelle que, dans l'affaire Sandon, l'autopsie est

venue donner raison aux conclusions des experts.

M. BOUCUEItREAU croit savoir que la Chambre des députés s'est

déjà inquiétée de l'énorme quantité de jugements que les magis-

trats auraient à rendre si l'on substituait l'autorité judiciaire à l'au-

torité administrative pour le placement des aliénés. M. BRIAND.

Séance du 26 octobre 1891. Présidence DE M. BOUCIIERREAU.

M. Régis écrit qu'il y a plusieurs années il avait aussi préconisé

l'emploi d'une sonde oesophagienne analogue à [celle présentée

par M. Targoula.

Essai d'un plan d'observations. M. MARANDON de IIIONTZEL propose

à la société un plan schématique qu'elle devra adopter. Ce plan,

destiné à faciliter le travail des débutants qui veulent recueillir des

observations, encouragerait les intrus à communiquer les obser-

vations les plus intéressantes de leurs services respectifs. Celles-ci,

comme récompense devraient être publiées dans les An,nalesmédico-

psychologiques.

M. CHRISTIAN ne croit pas qu'il soit nécessaire de faire ces nou-

veaux tableaux. Il y en a dans tous les asiles qui ne servent à rien.

Les internes qui veulent travailler n'ont nullement besoin d'un

plan qui, devant répondre à tous les cas, n'est spécial à aucun et

devient encombrant.

MM. Briand, Christian et Seglas sont chargés d'examiner la pro-

position de M. Marandon.

Curieuse observation de suicide d'un paralytique général. -

M. ROUJLLARD rapporte, au nom de M. Sizaret, l'observation de

du paralytique général qui s'est suicidé en se déchirant l'un des

espaces intercostaux àl'aide d'une croûte de pain desséchée et laiHée

en biseau. Par l'ouverture ainsi pratiquée il s'est introduit sous le

péricarde des petits morceaux de bois pointu qui ont déterminé

des accidents mortels. M. B.

Séance du lunli 30 novembre 1891. PRÉSIDENCE DE M. BOUCHEREaU.

M. SÉGLAS, rapporteur de la proposition de M. Marandon de Mon-

tyel tendant à faire adopter par la Société un plan schématique d'ob-

BIBLIOGRAPHIE. 123 3

vations qui seraient publiées ensuite dans les Annales médico-psycho»

logiques, rend hommage aux intentions de M. Marandon de Mont-

gel, tout en n'adoptant pas sa proposition. La Société, conclut-il,

n'a aucune qualité pour s'immiscer dans la rédaction des Annales.

Les conclusions du rapport sont adoptées.

De l'obsession hallucinatoire et de l'hallucination obsédante.

M. SÉGLAS communique quelques observations de malades qui

l'amènent à formuler les conclusions suivantes : 1° l'hallucination

ne doit pas être exclue du cadre des obsessions; 2° l'hallucination

peut être secondaire à l'idée obsédante (obsession hallucinatoire)

ou être primitive (hallucination obsédante); mais, dans tous les

cas, elle participe des caractères généraux des obsessions; 3° l'hallu-

cination peut alors n'intéresser que les centres perceptifs communs;

4° elle peut intéresser aussi les centres de la fonction du langage

et être verbale, auditive, visuelle, motrice d'articulation, ou même

motrice graphique; 5° toutes ces hallucinations verbales, obsé-

dantes et conscientes doivent prendre place à côté des autres

variétés décrites d'onomatomanie.

M. FaLnET. Dans mon rapport au Congrès de médecine mentale,

j'avais établi que les obsessions n'étaient jamais accompagnées

d'hallucinations. Celte opinion n'est dans ma pensée qu'une for-

mule générale qui comporte quelques exceptions. ' M. -B.

BIBLIOGRAPHIE

1. Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, d'après l'enseigne-

ment de la Salpêtrière; par M. le Dr Gilles de n TUUnE'l'TC. Pré-

face de M. le professeur CHaRCOT. T. ICI', Hystérie normale ou

itzterparnxystique. Paris, 1891, librairie Pion.

« Le présent traité, dit M. le professeur Charcot, dans la préface

qu'il a écrite pour l'ouvrage de M. Gilles de la Tourette, a été fait

en quelque sorte sous mon immédiate direction. Il reproduit aussi

fidèlement que possible mon enseignement et les travaux que

celui-ci a inspirés à mes élèves... M. Gilles de la Tourette l'a de

plus entouré des discussions qu'il a pu faire naître, des travaux

qui, à l'étranger comme en France, ont contribué singulièrement

à élargir le cadre de l'hystérie... C'est, si je ne me trompe, un

124 ' BIBLIOGRAPHIE.

travail complet qu'il nous présente, résumant parfaitement, en

tout cas, l'état actuel de la science... » Cette appréciation de

M. Charcot vaut certes mieux que tous les éloges que l'on pourrait

faire du livre de M. Gilles de la Tourette qui vient, en outre,

combler une lacune importante. En effet, depuis 1859, date de

l'apparition de l'ouvrage de Briquet, nous n'avions aucun traité

didactique complet de l'hystérie.

M. Gilles de la Tourette s'appuie sur les intéressantes recherches

qu'il a faites sur la nutrition dans l'hystérie pour diviser le traité

de l'hystérie en deux parties, qui font l'objet de deux volumes.

C'est le tome premier qui vient de paraitre, traitant^de l'hystérie

normale ou interparoxystique.

Le livre débute par un intéressant chapitre d'historique. Puis, à

propos de l'étiologie, l'auteur étudie avec grand soin le rôle de

l'hérédité et des agents provocateurs dans la genèse de l'hystérie.

A ce propos il met au point l'état actuel de la question de la névrose

traumatique, qui n'existe pas en tant qu'entité morbide et doit

rentrer pour une bonne part dans l'hystérie. ·

Suivent des chapitres très nourris de faits sur les stigmates per-

manents : anesthésie, hyperesthésie, zones hystérogènes, sur la

diathèse de contracture, l'amoysthénie, le tremblement. Chemin

faisant on trouve des considérations fort importantes sur les arthral-

gies, l'angine de poitrine, la pseudo-méningite, le 'mal de Pott,

les névralgies faciales d'origine hystérique. Il est bon d'ajouter en

passant, que cet exposé n'est pas exclusivement dogmatique, mais

aussi clinique ; les méthodes d'investigation s'y trouvent décrites

avec assez de détails.

A signaler particulièrement les deux chapitres qui ont trait aux

troubles oculaires dans l'hystérie. On y trouvera minutieusement

décrites l'amblyopsie hystérique, les modifications du champ visuel,

le dyschromatopsie et traitée à fond autant qu'elle peut l'être

dans l'état actuel de la science la question si difficile de para-

lysies et des contractures des muscles des yeux dans l'hystérie.

L'ouvrage se termine par un exposé sur la contraction dans

l'hystérie anormale ou interparoxystique et par un chapitre fort

intéressant sur l'état mental des hystériques, dans lequel, par

l'étude de la suggestibilité spéciale à ce genre de maladies, l'auteur

donne la clef de la plupart des phénomènes hystériques

Ce premier volume, illustré de figures dues à M. Paul Richer,

forme un ensemble bien complet. En deux mots c'est l'histoire

naturelle des stigmates permanents de la névrose, de ce fonds

hystérique qu'il est si important de connaître, si l'on veut éviter,

tous les jours, de grossières erreurs de diagnostic.

. Geoacis Guinon.

BIBLIOGRAPHIE. 125

II. L'athétose double et les chorées chroniques de l'enfance; par

AUDITS, médecin des hôpitaux de Lyon. 1 vol. in-81 de 400 pages,

chez J.-B. Baillière, 4892.

Depuis quelques années les observations d'athétose double ont

fait l'objet de plusieurs travaux. M. Andry a rassemblé dans une

monographie très complète et très consciencieuse, tous les docu-

ments relatifs à celte question. Quoique l'auteur y ajoute trois

nouvelles observations, on peut regretter qu'il se soit borné à une

simple compilation où la critique tient très peu de place, et où la

note personnelle manque presque complètement. Il se rattache au

point de vue pathogénique à la théorie suivante. L'athétose double

n'est qu'un syndrome, et ce syndrome peut s'observer dans les

affections cérébrales, dans les maladies de la moelle, dans les

névrites périphériques, dans les névroses. Aussi distingue-t-il l'athé-

tose double d'origine cérébrale, et l'athétose double d'origine

extra-cérébrale. Je crois la distinction au moins discutable. Il

reconnaît lui-même d'ailleurs que les faits d'athétose double dans

les névrites périphériques prêtent à discussion. Quant à l'athétose

chez les ataxiques,il est permis de la rattacher à des lésions céré-

brales, ignorées encore sans doute, mais d'autant plus vraisem-

blables que dans les cas d'athétose double congénitale on en est

encore à être fixé sur ses lésions. Reste l'athétose double d'origine

hystérique, mais qu'a-t-elle de commun avec l'athétose double

décrite par Clay Shaw, et à quel titre peut-on bien la classer dans

les troubles d'origine extra-cérébraux ? Les phénomènes hystériques

ne sont-ils pas essentiellement liés au dynamisme cérébral.

L'auteur repousse l'opinion de l'entité clinique de l'athétose

double, qu'il considère comme une double hémiathétose. Il est

difficile de le contredire et de le suivre dans cette voie, car per-

sonne ne possède encore les éléments du procès, à savoir l'ana-

tomie pathologique. Quoi qu'il en soit, l'athétose double congénitale

conserve une physionomie bien spéciale que, malgré ses efforts,

M. Audry ne parvient pas à lui enlever en rapprochant et confon-

dant avec les mouvements athétosiques qu'on peut rencontrer dans

d'autres affections. L'athétose double d'origine extra-cérébrale n'est

pas plus de l'athélose double que les mouvements choréiformes ne

sont de la chorée, et ces cas-là ne devaient trouver place qu'au

diagnostic.

Il n'en reste pas moins que c'est un livre à consulter pour tous

ceux qui étudieront désormais l'athétose double, car ils y trouve-

ront tous les faits et toutes les opinions qui s'y rattachent. C'est

une excellente mise au point de cette intéressante question, encore

bien obscure. P. S.

126 BIBLIOGRAPHIE.

III. Des folies diathésiqucs; par le De H. MABILLE, médecin en chef

directeur, et le Dr E. LALLEMANT, médecin-adjoint de l'asile de

Lafond.

En proposant pour programme du prix Falret : les folies diathé-

siques, l'Académie de médecine n'entendait assurément pas

demander aux concurrents de décrire une à une des folies diathé-

siques à une époque qui a vu les diathèses succomber l'une après

l'autre devant les progrès incessants de la microbiologie. C'est ce

qu'ont bien compris les lauréats du concours, MM. Mabille et Lal-

lemant. En fait de maladie diathésique, il ne nous reste guère que

l'arthritisme, c'est-à-dire le groupe de ces affections parentes qui,

selon le professeur Bouchard, relèvent d'une cause commune, la

nutrition retardante. L'étude très savante de nos distingués con-

frères envisage donc principalement les troubles mentaux dans

leurs rapports avec l'arthritisme et ses manifestations principales.

Une partie importante du mémoire est consacrée aux folies rhu-

matismales. Le rhumatisme articulaire aigu est-il une manifesta-

tion diathésique ? Ne serait-ce pas plutôt une maladie infectieuse ?

Sans rejeter absolument cette opinion, qui a bien des chances

d'être vraie, les auteurs pensent qu'il n'y a pas lieu, au point de

vue qui les occupe, de distraire le rhumatisme aigu du groupe

arthritique, le terrain spécial préparé par la diathèse étant, quelle

que soit l'hypothèse pathogénique adoptée, nécessaire à son déve-

loppement. Ils nous montrent la folie se développant en même

temps que les accidents articulaires, alternant avec eux, leur suc-

cédant ; variant de forme selon les circonstances, ce qui ne permet

pas d'admettre l'existence d'une forme déterminée de folie rhuma-

tismale, mais présentant, cependant, dans la plupart des cas

quelques traits communs prédominants tels que la dépression

mélancolique et les hallucinations terrifiantes de la vue. Ce dernier

phénomène a une importance que les auteurs ont bien mise en

lumière; il est le signe d'une intoxication générale de l'organisme,

ce qui permet de rapprocher le délire du rhumatisme du délire

alcoolique : d'en faire, en un mot, une folie toxique.

Les folies goutteuses, diabétiques, etc., ne sont que des curiosités

médicales, tant elles sont rares; aussi les auteurs ne s'y sont-ils

guère arrêtés. Ils ont insisté au contraire, sur l'étude des troubles

intellectuels des arthritiques chez lesquels on ne rencontre que les

manifestations fugaces et protéiformes de la diathèse. Ce qui carac-

térise ces manifestations, c'est la périodicité, l'intermittence; et

c'est précisément la périodicité qui paraît à MM. Mabille et Lalle-

mant, le caractère le plus saillant de la folie chez les arthritiques.

Des recherches irrologiques importantes, dont ils fournissent les

résultats, viennent à l'appui de leur opinion; ils ont constaté, en

particulier, que la fin de l'accès de mélancolie, chez les arthri-

VARIA. 127

tiques, était souvent annoncée par de véritables décharges d'acide

urique.

Je reprocherais peut-être aux auteurs d'abonder un peu trop

dans leur sens, de trop grossir le rôle de l'arthritisme, si leur

mémoire ne se terminait par une sorte de profession de foi qui me

donne entière satisfaction; ils déclarent en effet qu'il est souvent

impossible de distinguer dans leurs effets, tant les déterminations

causales tendent à se confondre, la part qui revient au système

nerveux ou au trouble de la nutrition, comme cause première;

mais que pourtant, ils ont une grande tendance à croire à l'action

primordiale du système nerveux dans la production des troubles

de la nutrition.

En résumé, MM. Mabille et Lallemant ont su rajeunir à souhait

cette vieille question des folies diathésiques et leur mémoire est de

tous points digne de la haute récompense que lui a décernée l'Aca-

démie de médecine. A. CULLEItIIE.

VARIA

LES MÉDECINS ADJOINTS.

Si les médecins adjoints, du dernier concours de l'adjuvat des

asiles sont aujourd'hui pourvus d'un poste leur faisant à tous une

situation équivalente en apparence, on peut dire que, dans la

réalité, rien n'est moins comparable que la réception faite à chacun

d'eux.

Tandis que dans la plupart des asiles, les adjoints ont été traités

par leurs chefs de service en véritables confrères, il en est d'autres

où les choses se sont passées tout différemment : croirait-on, par

exemple, qu'un directeur, surtout connu par ses sympathies pour

les communautés religieuses , veut remettre en vigueur une

ancienne coutume, repoussée partout, en réinstallant les fameuses

tables administratives, de si triste mémoire, pour obliger son

médecin adjoint à prendre ses repas en commun avec les sous-

économe, commis de direction, sous-employés, garçons de bureau

célibataires, etc. ? 11 y a lieu d'espérer que la table administrative

sera au moins présidée par le directeur qui donnera le bon exem-

ple en y prenant ses repas !

Nous serions désireux de connaitre l'avis de la commission de

surveillance sur la proposition qui lui sera sans doute soumise,

avant l'exécution de la mesure en question. Si le fait qui nous est

signalé est exact, ce singulier fonctionnaire dont il s'agit a une

façon bizarre de comprendre son rôle et de faciliter le recrutement

des médecins adjoints ! ! ! i

128 VARIA.

Les asiles d'aliénés EN France ; par M. le Dr TIMOFEEFF. Bro-

chure in-8° de 67 pages, avec deux plans des asiles de Villejuif

et de Saint- Yon. Saint-Pétersbourg, 1892.

La brochure de M. le Dr Timofeëff présente une revue critique

des asiles d'aliénés de la Seine, de l'Eure et de la Seine-Inférieure.

Une description moins détaillée est consacrée aux quartiers d'alié-

nés de Bicêtre et de la Salpêtrière. Exacte dans son ensemble,

cette publication, tout en indiquant dans son auteur un observa-

teur scrupuleux et sincère, nous a semblé avoir été composée d'une

manière un peu hâtive, relativement à quelques questions de détail.

Parmi ces dernières deux surtout méritent d'être signalées.

A la page 44, l'auteur condamne le système de la direction de

nos asiles de la Seine par des directeurs qui ne sont pas en même

temps médecins en chef. Il trouve que cette division des pouvoirs

administratif et médical apporte un trouble profond dans le fonc-

tionnement de la maison, affaiblit la discipline du personnel infé-

rieur et donne lieu à des rapports excessivement tendus entre le

directeur et les médecins-chefs. Son désir serait de voir à la tête

de chaque asile un médecin en chef ayant sous ses ordres immé-

diats tout le personnel médical et administratif...

M. Timofeëff oublie probablement que le règlement desasiles tel

qu'il est en vigueur actuellement dans le département de la Seine

a parfaitement bien délimité les attributions respectives de chacun

de ces fonctionnaires et tant que chacun d'eux reste dans la stricte

observation des statuts réglementaires aucun conflit n'est possible.

Une quantité d'inconvénients importants résulterait au contraire

de l'application du système qui consisterait à charger un médecin

en chef de la direction générale d'un asile. Déjà, avec le système,

actuel, un chef de service d'un asile d'aliénés est positivement

encombré d'une paperasserie administrative tellement abondante

qu'à elle seule elle l'oblige quelquefois de négliger les intérêts

médicaux du service, ses intérêts scientifiques personnels et les

intérêts des élèves qui viennent apprendre chez lui la pathologie

mentale ; qu'arrivera-t-il s'il est chargé en plus de la surveillance

générale d'un nombreux personnel inférieur et delà direction éco-

nomique d'une grande maison dont il serait entièrement respon-

sable ? M. Timofeëff nous engage d'imiter les asiles de province.

Malheureusement, les exemples de certains de ces asiles ne sont

que trop démonstratifs à ce sujet en prouvant qu'un médecin en

chef fonctionnant comme directeur, est tellement absorbé par des

questions de ménage de son asile, qu'au bout d'un certain nombre

d'années il ne lui reste de ses qualités d'aliéniste que le nom... z

Mais passons à la seconde question qui doit être relevée dans la

brochure de M. Timofeëff. A la page 59, nous lisons les lignes sui-;

vantes à propos de Bicêtre :

varia. 129

« Le service de M. le Dr Bourneville présente un contraste frap-

pant avec les autres sections de Bicêtre; ce service est destiné pour

les enfants au-dessous de dix-huit ans ; ils sont logés dans des

beaux pavillons nouvellement construits, munis de dortoirs coquet-

tement installés, riches en espace et en lumière, ayant en outre

des salles de jeu, de gymnastique, etc.; l'école, les différents

ateliers sont construits richement; partout règne une propreté

rigoureuse et même un certain luxe dans l'installation inté-

rieure (tables et lavabos couverts de marbre, etc...) ; en un

mot, on voit qu'on n'a pas marchandé les millions pour cette

entreprise ridicule. Aussi, l'impression générale est excessivement

fausse. Il est vrai que tout ici témoigne des soins que l'organisa-

teur a apportés à cette oeuvre, de son désir d'installer tout le

mieux possible; mais il est permis de douter si une dépense si

furieuse des deniers publics est utile, est admissible et dans quel

but ? Pour l'assistance des idiots ! ... Est-il permis de les entourer de

marbre et les loger presque dans des palais lorsque les enfants

bien portants du peuple qui paie tous ces millions meurent par-

tout de faim et de misère ? »

Ainsi s'exprime l'auteur et nous devons avouer que nous

sommes étonnés de voir dans notre ami le Dr Timofeëff cette belle

indignation, derrière laquelle se cache tout simplement une con-

naissance inexacte de l'histoire de l'assistance des idiots en France.

Eh bien, à cette appréciation un peu hasardée, nous allons répondre

par un exposé résumé de toutes les raisons qui militenten faveurde

l'hospitalisation aussi large que possible des enfants idiots et épilepti-

ques. Sans parler des essais de l'assistance et du traitement des enfants

idiots par Itard (1801), par Félix Voisin, par Belhomme, par Esqui-

rol (1838), il faut surtout nous rappeler que c'est à Edouard Seguin,

à un Français que l'humanité est redevable de la méthode de

traitement et d'éducation de ces petits déshérités sous le rapport

de l'intelligence. Nous ne voulons pas reprendre l'histoire de cet

homme célèbre. Disons seulement que ses mémoires de 1838,

1839 et 1841 avaient presque aussitôt attiré l'attention des médecins

étrangers, et en 1842, le Dr Guggenbuhl, en Suisse, et M. Saegert,

en Allemagne, ont appliqué sa méthode. Lorsque, plus tard, en

1846, Seguin publiait son admirable livre intitulé : Traitement

moral, hygiène et éducation des idiots, un véritable mouvement se

produisit en Allemagne, en Angleterre et en Amérique en faveur

du traitement des enfants idiots, et dans ces différents pays, le

nombre d'institutions pour ces malheureux augmentait chaque

année. En France, malheureusement, l'hospitalisation des idiots

est encore assez restreinte, et partout, soit dans les asiles, soit

dans les hospices, leur traitement se borne à des soins purement

matériels, et ceci dans la patrie de l'homme qui a créé le traitement

et l'éducation des idiots... Ce n'est que depuis dix ans que la ques-

Archives, t. XX1U. 9

130 VARIA.

tion de l'assistance et du traitement des enfants idiots a été

reprise en France par le Conseil général de la Seine et le Conseil

municipal de Paris. Dans le quartier des enfants de la Salpêtrière,

on a créé une école, à l'asile de Vaucluse on a fondé une colonie

annexe pour l'éducation des idiots; enfin, on a construit la

section de Bicêtre, grâce à l'initiative énergique et à l'admirable

dévouement du Dr Bourneville.

M. Timofeëff parle des millions dépensés pour la création à

Bicêtre d'une section pour des enfants réputés incurables. Il ne

sait probablement pas que le Conseil municipal a consacré en tout

pour cette oeuvre 2 millions 100.000 francs. A l'exemple de bien

d'autres personnes, il va même jusqu'à poser la question de savoir

s'il est bien nécessaire d'assister ou d'hospitaliser cette catégorie

d'enfants. Cette question aurait été naturelle dans la bouche des

gens peu au courant des choses de l'Assistance et ignorants des

résultats qu'on peut obtenir d'un traitement et d'une éducation

bien compris, mais dans la bouche de M. Timofeëff, un médecin

instruit, possédant une connaissance approfondie de l'organi-

sation des établissements similaires en Allemagne, Autriche,

Italie et Suisse, cette question nous étonne au dernier degré.

Eh bien ! oui, l'hospitalisation de ces enfants est indispensable et

cela par la nature même de leurs maladies et de leurs infirmités

qui, pour être convenablement traitées, exigent la présence cons-

tante de l'un des membres de la famille, lequel se trouve ainsi

immobilisé et dans l'impossibilité de travailler, de contribuer aux

charges de la famille. Les idiots, les imbéciles, les paralytiques,

les hystériques, les épileptiques, les dégénérés avec perversion des

instincts sont dans ce cas. Leur présence dans la famille est une

source de graves inconvénients pour leur entourage qui, d'ailleurs,

est dans l'impossibilité de leur faire suivre un traitement rationnel

leur donner une instruction appropriée. Sans parler des idiots

au dernier degré qui sont une gêne évidente pour leur famille,

il en est un grand nombre d'autres, imbéciles ou arriérés ou hys-

tériques, ou épileptiques qu'on ne peut garder dans les écoles,

parce qu'ils sont incapables de suivre les exercices de leurs cama-

rades et que leurs tics, leurs crises convulsives troublent la disci-

pline de la classe. Beaucoup d'autres ont des fugues qui les font

condamner pour vagabondage ou pour d'autres actes répréhen-

sibles qui remplissent d'inquiétude et de douleurs leurs malheu-

reuses familles. Et la grande classe des enfants dégénérés avec

leur perversion des instincts, leurs impulsions au vol, au men-

songe, à l'onanisme, à la pédérastie, à l'incendie, au suicide. à

l'homicide, à l'empoisonnement, à la destruction, etc., qu'en

faites-vous, M. Timofeë(i2 Et toutes ces raisons ne vous paraissent-

elles pas démontrer d'une façon irréfutable la nécessité du trai-

ement et de l'hospitalisation aussi large que possible de tous ces

VARIA. '131

enfants ? Quant à nous, nous dirons que ce qu'on a fait jusqu'à

présent pour ces enfants en France est encore peu : la section de

Bicêlre est belle, mais elle doit engager le gouvernement de la

République à organiser dans toute la France des sections sembla-

bles en créant des asiles départementaux pour l'assistance publique

de ces petits déshérités. On sait que notre rédacteur en chef a fait

introduire dans la nouvelle loi sur les aliénés, un article qui rendra

obligatoire la création de ces asiles pour les enfants déshérités de

l'intelligence.

Dr J. ROUBINOVITCII.

Asile d'aliénés DE Villejuif : LES enlèvements d'aliénées.

a Un enlèvement a été accompli dimanche dernier, 22 novembre,

à l'Asile d'aliénés de Villejuif, dans des circonstances tout à fait

étranges. Tandis qu'une division de soixante-quatre femmes et

enfants était conduite à la messe par quatorze gardiennes, quatre

individus se présentaient tout à coup, s'emparaient d'une des pen-

sionnaires, M"° Dourches, âgée de vingt-six ans, et tentaient de

s'enfuir avec elle. Les gardiennes aussitôt se jetèrent sur les agres-

seurs et essayèrent de reprendre MIle Dourches. Il y eut, à ce mo-

ment, une mêlée indescriptible, car les soixante-quatre malades,

prêtant main forte à leurs gardiennes, s'efforçaient, de leur côté,

de reprendre leur compagne. Mais' les quatre ravisseurs, quatre

hercules, dont le chef était le propre frère de Ml'e Dourches, tinrent

bon. Ce fut, pendant quelques minutes, une mêlée indescriptible.

Enfin les quatre agresseurs parvinrent à s'éloigner. Ils firent mon-

ter 51 ? Dourches dans une voiture qui attendait près de là et dis-

parurent rapidement. L'enquête a établi que c'était la famille qui

avait fait procéder à cet enlèvement par le frère' de la pensionnaire

de Villejuif. Il y a eu dimanche quinze jours, un premier enlève-

ment d'aliénée avait eu lieu dans les mêmes circonstances. Cette

fois, c'était un père de famille qui avait enlevé sa fille, âgée de

dix-sept ans. Cet homme était très connu des gardiennes, car il se

rendait souvent à l'asile. Il y a huit jours, il se présentait à l'une

d'elles au moment où elle accompagnait les malades à l'église. Il

causa amicalement avec elle, fit venir sa fille qu'il voulait, disait-il,

accompagner à la messe ; puis, en passant devant une voiture qui

stationnait à un coin de la rue, il y fit brusquement entrer sa fille.

La voiture partit aussitôt, et la jeune fille était enlevée sans lutte

et sans même que les surveillantes eussent eu le temps de s'en

apercevoir. A la suite de ce premier enlèvement, le directeur de

l'asile prévint les malades que, si pareil fait se renouvelait, il serait

forcé d'interdire les promenades hors de l'établissement ; ce qui

mit les malades dans la désolation. Or, dimanche, lorsqu'elles

132 varia.

aperçurent la voiture qui devait emmener l\1l1e Dourches, une des

aliénées s'écria : « Tiens, une voiture arrêtée, encore un enlève-

ment ! » Cette réflexion avait éveillé l'attention des surveillantes,

qui se tinrent sur leurs gardes, d'où la difficulté du deuxième enlè-

vement et la lutte qui s'ensuivit. Dans cette lutte homérique, douze

infirmières et cinq malades furent blessées ou contusionnées plus

ou moins grièvement. -. (Journaux politiques.)

D'après nos renseignements, il s'agit d'une malade atteinte du

délire de persécution, désignant ses prétendus persécuteurs et

partant dangereuse pour eux : un certain Lucien et des armuriers

la font électriser par une cartomancienne ; les armuriers lui

piquent le coeur. Elle se promenait la nuit dans le dortoir, afin

d'empêcher qu'on ne la dépeçât, demandant de l'eau pour calmer

les brûlures qu'elle ressentait dans certaines parties du corps;

souvent elle couchait sur le parquet, couverte d'un drap, pour

conjurer les sortilèges ; elle passait une partie de la journée à inju-

rier des agents de la préfecture de police cachés dans la bouche

du calorifère, etc. 1

Le préfet de police d'une part (il s'agissait d'un placement d'of-

fice) et le préfet de la Seine, d'autre part, ont saisi le parquet de

l'affaire. Jusqu'ici, parait-il, on n'a pas retrouvé la demoiselle

Dourches, cachée sans doute dans un des nombreux couvents de

Paris et des environs, où l'on détient des aliénés, sans qu'aucune

des formalités exigées par la loi soient remplies, au su et vu de

la police et de la magistrature.

Tous nos efforts et ceux de nos amis ont tendu à accorder aux

malades la plus grande somme de liberté possible en leur donnant

des congés dans leur famille, en leur faisant faire des promenades,

en les occupant à l'extérieur à des travaux d'agriculture. Tout cela

a été organisé un peu malgré l'administration, surtout celle de la

préfecture de police. Si des faits aussi scandaleux et accompagnés

de brutalités aussi révoltantes se reproduisaient, il serait à craindre

qu'on ne revint sur les excellentes mesures qui ont été prises et

pour lesquelles, personnellement, nous avons si souvent combattu.

Concours pour les PUCES DE Médecins-adjoints des Asiles d'aliénés.

Pour la circonscription de Paris, le concours s'est ouvert le

15 décembre. Le jury était ainsi composé : Président, Dr Droui-

neau, inspecteur général; D''S Féré, médecin de Bicêtre; Brunet,

médecin-directeur de l'asile d'Evreux ; Camuset, médecin-directeur

de l'asile de Bonneval; G. Ballet, professeur agrégea la Faculté de

médecine ; suppléant, M. Schils, médecin de l'asile de Lesvellec.

Pour la circonscription de Lyon, le concours s'est ouvert le

10 décembre. Le jury était ainsi composé : Président, Dr A. Re-

varia. 133

gnard, inspecteur général ; MM. Lapointe, médecin de l'asile

d'Auxerre; Dufour, médecin de l'asile de Sainl-Robert; Faucher,

médecin de l'asile de la Charité; Pierrot, professeur de clinique

mentale; suppléant, Dr Fabre, médecin de l'asile de Saint-Dizier.

Pour la circonscription de Lille, le concours s'est ouvert le

10 décembre. Le jury était ainsi composé : Président, Dr Droui-

neau ; Dre Pilleyre, médecin de l'asile de Prémontré; Martinencq,

médecin de l'asile de Clermont; Taguet, médecin de l'asile d'Ar-

mentières ; M. Castiaux, professeur à la Faculté de médecine, sup-

pléant, M. Cortyl, médecin, directeur de l'asile de Saint-Venant.

Pour la circonscription de Bordeaux, le concours s'est ouvert le

10 décembre. Le jury était ainsi composé : Président, M. le

D1' Napias, inspecteur général; Drs Reverchon, médecin de Saint-

Luc ; Bessières, médecin de l'asile de Saint-Alban; Pons, médecin

de l'asile de Bordeaux ; Picot, délégué de la Faculté de médecine;

suppléant, Dr Larrieu, médecin de l'asile de Cadillac.

Pour la circonscription de Montpellier, le concours s'est ouvert

le 15 décembre. Voici la composition du jury : Président, Dr Napias;

Drs Campagne, médecin de l'asile de lIlontdevergues j Dauby,

médecin de l'asile d'Aix; Boubila, médecin de l'asile de llfarseille;

Jaumes, professeur à la Facullé; suppléant, D'' 111auuier, médecin

de l'asile de Pierrefeu.

Le concours s'est terminé à Lyon par la nomination de MM. les

Des 1. Bonnet; 2. Paret. Il n'y avait que ces deux candidats pour

deux places. Les épreuves ont été bonnes, quelques-unes excel-

lentes. Le dernier candidat reçu a obtenu plus des deux tiers des

points (le maximum est de 90).

Question écrite traitée : 1. Plancher du 4me ventricule. Les deux

autres, restées dans l'urne : 2. Circonvolutions occipitales; 3. Corps

opto-strié.

Question orale portant sur la pathologie (non spéciale). 1. Trai-

tU1'e du col du fémur; les deux autres questions étaient : 2. Dia-

gnostic et prophylaxie de la fièvre typhoïde; 3. Insuffisance mi-

trale.

Ont été nommés : 1° pour la circonscription de Pans : MM. les

Dra Toulouse, Vigoureux, Livoff; - 2° pour la circonscription de

Lille : 111 : 11. les Des Charon et Chardon; 3° pour la circonscrip-

tion de Bordeaux : M. le Dr Anglade ; 4° et pour la circonscrip-

tion de AloattPellica· : MM. les Drus Campagne (Norbert), et Allaman.

Certains s'étonnent du petit nombre de concurrents qui se pré-

sente pour le concours aux places de médecins-adjoints dans

les asiles d'aliénés. Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, le

coucours pour premier résultat d'éliminer les candidats, qui,

n'ayant pas suffisamment travaillé, ne se sentent pas en mesure

134 varia.

de soutenir des épreuves publiques. Cela tient aussi à l'insuffi-

sance des traitements. (Voir t. XXII, page430 et 432, en notes.)

Cela tient enfin à ce que, trop souvent, les]postes avantageux, au

lieu d'être réservés aux médecins des asiles, sont donnés à des

hommes qui n'ont aucune expérience des asiles, aussi bien au

point de vue médical-qu'au point de vue administratif. Les

nominations de ce genre sèment le découragement parmi le

personnel médical et a pour conséquence de faire hésiter les

jeunes médecins à se présenter au concours. Il est certain que la

plupartdesasilespourraientétredirigéspar des médecins, comme

ils le sont dans tous les autres pays, et cela au plus grand

bénéfice des malades et des établissements. Il en résulterait

cerlainement une proportion plus considérable des guérisons.

; B.

L'assistance DES aliénés.

« La préfecture de la Seine va soumettre au conseil général un

nouveau mode d'hospitalisation des aliénés, destiné à dégager les

asiles d'une catégorie de malades n'exigeant pas des soins spé-

ciaux. 11 s'agit d'appliquer le système d'assistance familiale des

aliénés déjà en usage dans certains pays étrangers et qui consiste

à placer les aliénés non dangereux dans des familles de cultiva-

teurs. Les cultivateurs qui recevront des aliénés seront surveillés

par les agents de l'administration pénitentiaire. Le premier pla-

cement de celle nature sera fait dans une commune du départe-

ment du Cher dont les conditions climatériques ont semblé les

plus favorables à cette expérience. Cet esrai portera sur cent alié-

nés. Les frais d'entretien s'élèveront à 61,000 fr. par an d'entretien

et les frais de premier établissement à 15,000 fr. » (L'Eclair.)

Le département de la Seine n'ayant pas les asiles qu'il devrait

avoir transférant en province environ 5,000 aliénés, et ne trouvant

plus assez de place dans les asiles, doit chercher les moyens de

faire face à ses besoins. Celui qu'on indique plus haut est-il le

meilleur ? Nous en doutons fort. Il ne remédie pas à celte mesure

barbare des transferts; il la maintient,'ce qui viole ce grand prin-

cipe qui veut que l'assistance soit faite le plus près possible du

domicile du malade afin de ne pas le priver complètement des

visites de sa famille et de ses amis.

En mettant les aliénés placés chez des cultivateurs sous la sur-

veillance de l'administration pénitentiaire si le dire de ['Eclair

est exact loin d'avancer en assistance dans le sens humain, ou

recule de plus d'un demi-siècle et on rétablit ce que la loi du

30 juin 1838 a voulu supprimer. C'est assez déjà de la triste expé-

rience qui se fait au dépôt de mendicité de Nanterre. B.

faits divers 138

UN transfert d'aliénés.

Sous ce titre, la Lanterne du 28 août a publié l'entrefilet sui-

vant : « Les voyageurs prenant le train à la gare Saint-Lazare, hier

soir, vers 10 heures, ont assisté à un spectacle bien pénible.

« Dans la salle d'attente située du côté de la rue d'Amsterdam,

180 aliénes des deux sexes, surveillés par 45 gardiens et gendarmes, .

attendaient le train de Il h. 15, à destination de Caen et Pont-

l'Abbé (Manche,). Ce convoi était dirigé par M. Charles Lefèvre,

interne de l'asile de Villejuif. Ce transfert était ainsi composé : -.

70 femmes venant de Villejuif et 110 hommes de l'asile de Sainte-

Anne. »

Nous reproduisons cette appréciation avec plaisir, car elle

vient fournir un appui à la thèse des médecins qui ont toujours-

protesté contre la pratique barbare des transferts L'auteur

n'en a vu qu'une scène, l'une des moins attristantes : il n'a

pas vu la scène du départ de l'asile même, ni la scène qui suit

l'internement dans l'asile destinataire. Nous souhaiterions que

des journalistes, un peu compétents, puissent assister à la

première scène et à l'embarquement des aliénés. Leurs articles

auraient pour résultat d'émouvoir l'opinion publique et de

montrer la nécessité de la construction d'un certain nombre

d'asiles en nombre suffisant pour supprimer les transferts. B.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. - Nominations et promotions. - Arrêté du 23 oc-

tobre 1891. Le D1' Jules Sizaret, médecin-adjoint, nommé de l'asile

public de Châlons à la l2oclie-Gondon (Mayenne), est maintenu

à la 4° classe. Arrêté du 4 novembre. M. Denizet, directeur, est

nommé de l'asile public de Cadillac à l'asile public de Maréville

(M.-et-M.), en remplacement de M. Mirepoix, décédé, et maintenu à

la 2° classe. Arrêlé du 16 novembre. Le Dr Journiac, médecin-

adjoint, nommé de l'asile public de Blois à l'asile de Châlons, est

maintenu à la ire classe. Arrêté du 25 novembre. Le D' Thivet,

ancien interne des asiles de la Seine, interne'à la Maison nationale

de Cbarenton, déclaré admissible aux emplois de médecins-adjoints

des asiles publics (concours de Paris, 25 novembre 1890), nommé

136 FAITS DIVERS.

médecin-adjoint à l'asile public de Blois, est compris dans la

2e classe. - Arrêté du 26 novembre. M. Gauchler, secrétaire géné-

ral de la préfecture de llleurthe-et-llloselle, est nommé directeur de

'asile public de Cadillac et compris dans la 4° classe.

Maison nationale de Charenton. - Le concours pour l'internat de

Charenton a eu lieu les 22 et 23 décembre. Le jury était composé

de M. l'inspecteur général Regnard, président, de M. le D Laburthe,

médecin du Ministère de l'Intérieur, de MM. Christian, Ritti et

Damalix, médecins et chirurgien delaMaison de Charenton. 5 can-

didats étaient inscrits; 4 ont subi les épreuves.

Composition écrite. Bulbe rachidien. Les questions restées dans

l'urne étaient : nerf de la langue; ;nerf spinal. L'épreuve orale

a été : diagnostic de la pneumonie; signes et diagnostic de l'étran-

glement herniaire. Sontrestées dans l'urne les questions suivantes :

insuffisance mitrale, entorse; coliques hépatiques, fracture du col

du fémur. Les 4 candidats ont fait de brillantes épreuves, et ont

été déclarés admissibles dans l'ordre suivant : MM. Berbez, Hamel,

Escat et Lavergne. Ils prendront place au sur et à mesure des

vacances qui se produiront à la Maison nationale de Charenton.

Asiles d'aliénés DE la SEINE. Concours pour l'internat en méde-

cine. - Ce concours a commencé le 7 décembre. Le jury était ainsi

composé : MM. les Dre Deny, Dreyfus-Brissac, médecins des hôpi-

taux ; Picque, chirurgien des hôpitaux ; Boudrié, Briand, Marandon

de Montyel et A. Voisin. 28 candidats se sontfait inscrire. 23 ont

pris part à la composition écrite : Lobes frontaux et pariétaux du

cerveau (anatomie et physiologie). Les questions restées dans

l'urne étaient : portion intra-cr8nienne du facial ; innervation

du coeur. - 6 candidats ont été éliminés. Il en reste 17 à subir

l'épreuve orale. '

Concours pour l'internat en pharmacie. - Ce concours s'est ouvert

le 9 novembre 1881. - Composition du jury : MM. Villejean, Chas-

taing, Prunier, pharmaciens des hôpitaux; Quesneville, pharma-

cien de l'Asile clinique, et Thibault. 19 candidats se sont fait ins-

crire, 6 seulementont déposéune copie.

Sujet de la composition écrite : chimie : sulfates minéraux em-

ployés en pharmacie; - pharmacie : généralités sur la préparation

des sirops;-matières médicales : produits fournis par la famille

des strychnées. - Les questions restées dans l'urne étaient :

1° chimie : carbonates employés en pharmacie; - pharmacie : Exci-

pients employés pour la préparation des pommades; matières

médicales : produits fournis à la pharmacie par la famille des

laurinées. 2° Chimie : phosphates employés en pharmacie;

pharmacie : vins médicinaux ; - matières médicales ; - produits

fournis par la famille des solanées.

FAITS DIVERS. 137

L'épreuve définitive du concours a donné les résultats suivants :

MM. Blouin, 68 points 25; Leduc, 67 p. 25; de Brody de Lamotte,

65 p. 50 ; Henry, 65 p. 50 ; Vallet, 56 p. ; Robin, 54 p.

... t

Asile D'HANWELL. La Commission des Asiles du comté de

Londres, dans son assemblée de mardi dernier, a fait savoir qu'elle

avait reçu avec regret la démission de M. Joseph Peeke Richards,

directeur-médecin de la division des femmes de l'asile de Hanwell,

et qu'il quitterait le service le 31 décembre prochain. 111. Peelie-

Richards a cinquante et un ans, il aété pendant quatre ans médecin-

adjoint dans un service de l'asile, et ensuite médecin-directeur,

pendant plus de dix-neuf années. La Commission, en présence de

ces faits, et suivant les pouvoirs que lui concèdent les statuts, lui a

accordé une pension de retraite annuelle, à partir du 1er janvier sui-

vant, de 633 livres 6 sh. 8 d., soit 15,833 francs par an. (The Lancet,

14 novembre 1891, p. 1095.)

Relevons le chiffre de la pension de retraite : 15.833 fr. pour

vingt-trois années de service ! C'est en donnant des avantages

de cette nature aux médecins qui s'acquittent sérieusement de

leurs fonctions, qu'on assure un bon recrutement, qu'on main-

tient dans les asiles anglais des aliénistes de valeur et qu'on

obtient une proportion de guérisons plus d'un tiers supérieure

à celle des asiles français. (B.)

Tètes ET Chapeaux. - On lit dans le Progrès médical : On se rap-

pelle l'entrefilet que nous avons consacré, le 26 septembre dernier

à la... géniale idée du chapelier Léon. La Revue mensuelle de

l'Ecole d'Anthropologie nous rappelle que cette idée avait déjà

germé sous des crânes plus ou moins savants (ce que nous savions

d'ailleurs) avant de venir en la cervelle dudit industriel. Elle

rappelle, à ce propos, une communication de Broca à la Société

d'Anthropologie (Bulletins, 1879, p. 101) démontrant la fausseté des

résultats céphalometriques obtenus à l'aide du conformateur des

chapeliers. Il nous semble que les critiques lancées contre ce ma-

lencontreux instrument sont bien acerbes ; mais, du moment que

c'est l'Anthropologie qui se plaint, nous n'avons qu'à nous incliner

et nous reconnaissons sans peine qu'il vaut mieux, en effet, laisser

le conformateur à la boutique que l'emporter au laboratoire.

iV'a-t-on pas tenté cependant de mesurer le thorax par un procédé

analogue ? La méthode a-t-elle d'aussi grands inconvénients pour

la poitrine que pour la tête ? Il importerait d'être fixé sur ce second

point.

Les drames de la FOLIE. - Nancy, 16 décembre. Après de

longues recherches, on a enfin retrouve aujourd'hui, à 4 heures,

138 faits divers.

le corps de la fille de M. Tourdes, doyen honoraire de la Faculté

de médecine de Nancy. La fille de M. Tourdes, qui était âgée de

vingt-cinq ans, s'était récemment mariée avec un lieutenant du

8° d'artillerie. C'est dans un accès de folie qu'elle s'était jetée dans

le canal. (L'Eclair.) - Ce fait montre une fois de plus combien il

est difficile de soigner les aliénés à domicile et la nécessité de

leur internement dans l'immense majorité des cas.

- Une famille de fous. Un gamin de onze ans, Jules B..., était

amené hier matin par sa mère au bureau de M. Girard, commis-

saire de police. Ce précoce gamin avait tenté le matin de scier le

cou de sa soeur, âgée de huit mois. Quelques jours auparavant,

profitant du sommeil de sa cousine, âgée de treize ans, il s'était

levé au milieu de la nuit et avait tenté de l'étrangler. Ce malheu-

reux ne rêve que meurtre. A la moindre observation, il entre dans

des colères épouvantables, saisit un couteau ou une hachette et

essaie d'en frapper ceux qui se trouvent à sa portée. Son père est

mort fou il y a un an, sa grand'mère est morte folle, ses oncles et

ses tantes, côté paternel, sont internés dans diverses maisons de

santé comme fous. (L'Eclair.) D'où la preuve qu'il faut hospita-

liser les enfants dégénérés, idiots, imbéciles, pervers, instables, etc.

Nous signalons ce cas à M. Timofeëfl'.

Les drames des asiles d'aliénés. - Assassinat d'un gardien.

La maison de santé dite du Castel d'Andorte, située au Bouscat,

près Bordeaux, vient d'être le théâtre d'un drame sanglant. Un des

aliénés, ancien entrepreneur de travaux publics très connu, depuis

longtemps pensionnaire de l'asile, a réussi à tromper la vigilance

de ses gardiens en pleine nuit. Il a quitté son dortoir, est descendu

dans une cour, où il s'est armé d'une hachette, puis, remontant

dans un couloir où dormait un des gardiens, la gorge nue, il se

précipita sur le malheureux et, le frappant au cou, lui trancha

l'artère carotide. Ce gardien mort, le fou en appela un autre, avec

l'intention visible de lui faire subir le même sort. Mais celui-ci

réussit à le saisir par derrière au moment où il tentait d'enfoncer

une porte et parvint à le maîtriser. (Progrès médical.) -

Meurtre D'UN aliéné par des gardiens. - Un drame s'est

c

* Voir sur la question de l'assistance de ces enfants l'opinion des alié-

nistes de 1792 à 1840 dans le tome I" du Recueil de mémoires sur l'idiotie,

que nous avons publié cette année; notre lettre à M. Poubelle, préfet

de la Seine et au Conseil de surveillance de l'assistance publique :

De l'assistance des enfants dits incurables; nos Comptes rendus du

service de Bicêtre de 1880 à 1890; nos Rapports sur la révision de la

loi du 30 juin 1838 sur les aliénés à la Chambre des députés (1889) et au

Conseil supérieur de l'assistance publique (1891) et divers articles dans le

Progrès médical et les Archivés de Neurologie (B.).

faits DIVERS. 139

déroulé, lundi dernier, à l'asile de Saint-Méen, près de Rennes.

Un fou, devenu subitement furieux a été tué par les gardiens qui

étaient, dit-on, en état d'ivresse. L'autopsie a démontré que le

malheureux fou a succombé à des violences nombreuses ; le corps

portait la trace de plus de quarante coups de pieds ou de bâton.

Les deux gardiens, auteurs'présumés de cet acte de sauvagerie, ont

été mis à la disposition de la justice. (Prog. méd.) Ce qui montre

la nécessité de mieux recruter le personnel secondaire des asiles,

ce qui n'est possible qu'à la condition de les mieux payer, de les

instruire et de leur accorder une pension de repos. C'est là une

réforme qui devrait tenter le directeur de l'assistance publique

en France. Ce que nous demandons existe en Angleterre.

Tentative d'assassinat contre un médecin. - Le Dr Gircourt,

conseiller général de Neuville-aux-Bois (Loiret), revenait la

semaine dernière de la chasse, quand il fut assailli-près de chez

lui par un individu armé d'un énorme bâton. Grâce à son sang-

froid, le Dr Gircourt, quoique ayant reçu de la part de son adver-

saire des coups assez violents, put le tenir en respect et finalement le

mettre en joue. Devant cette menace, l'mdividu, un nommé Amiard,

marchand de miel à Neuville, se retira, promettant de recommen-

cer à la prochaine occasion, Cet homme atteint de la folie de la

persécution est, pour tous les habitants de la contrée, un sujet de

terreur. (Républicain Orléanais.) Cet Amiard est le parent d'un

enfant du service de M. Bourneville, à Bicêtre.

Le LIT A deux. Un argument pour les ménages qui aiment

faire chambre à part : c'est The Lancet qui le leur fournit : a Rien,

dit ce journal, ne détraque autant le système nerveux d'une per-

sonne qui élimine de la force nerveuse, comme de coucher toute

une nuit avec une autre personne, qui absorbe cette même force ner-

veuse. Celle-ci dormira profondément toute la nuit, et se lèvera le

matin allègre et bien reposée, tandis que l'autre passera une nuit

abominable, et se réveillera sans forces, découragée, abattue,

bourrue et irritable. Deux personnes ne devraient jamais coucher

ensemble d'une manière habituelle. L'une gagne ce que l'autre

perd. C'est la loi. * On se demande où 1'he Lancet a découvert

cette loi, et à quoi se reconnaissent les personnes qui éliminent et

celles qui absorbent de la force nerveuse ? Il y a bien quelque

chose d'analogue dans l'histoire du roi David, à qui les médecins

de l'époque conseillèrent de mettre dans sa couche une «jeunesse» »

pour réconforter ses forces défaillantes. Mais cette histoire manque

d'autorité scientifique. Cependant un journal, non moins sérieux

que The Lancet, les Annals of Hygiène, partage l'opinion du jour-

nal : Un grand nombre, dit-il, des malaises nerveux dont on se

plaint souvent le matin au lever sont dus à l'habitude de coucher

à deux. Il se fait pendant la nuit des échanges électriques entre

140 FAITS DIVERS.

les deux organismes en présence et la répartition inégale de ces

forces électriques dégagées finit par amener des résultats fâcheux. »

A la bonne heure ! Et voilà peut-être l'explication de bien des

brouilles domestiques et de ruptures conjugales, l'incompatibilité

nocturne électrique ! Et quelle belle cause à plaider pour les avo-

cats de divorce : la puissance absorbante de madame épuisant les

courants électriques de monsieur ! (La Médecine moderne.)

La MORPHINOMANIE A deux. Il y a déjà longtemps que dans ce

journal nous avons insisté sur la morphinomanie à deux. Un scan-

dale récent en est un nouvel exemple et l'un des plus typiques.

Bien que tous les journaux politiques aient cité des noms, nous nous

en garderons. Qu'on se rappelle seulement qu'un morphinomane

connu, M. G..., à peine marié, enseigna à sa jeune femme

l'agréable façon de se servir de la seringue à morphine. Ce qui

n'empêche pas le ménage d'être des plus unis, malgré la sépara-

tion temporaire ordonnée par la police. En ce moment même, il y

a à la Salpêtrière, dans le service de M. le professeur Charcot, un

ménage de morphinomanes, dans lequel c'est également le mari

qui est le premier coupable.

UNE expérience A faire sur l'hérédité. M. Alexandre Dumas

fils, dans la préface d'un livre intitulé : Le Palais de Justice à Paris,

parle d'une expérience à faire pour résoudre chez l'homme le pro-

blème de l'Hérédité d'une façon vraiment scientifique :

« Nous avons les oreilles rebattues des questions d'hérédité, do

libre arbitre, de responsabilité ; pourquoi ne pas essayer de résou-

dre ces questions in anima vili Au lieu de couper la tête à ce

misérable (le condamné à mort), ce qui ne sert absolument à rien

et ne prouve rien, si nous l'utilisions ? Expédions-le dans une de

nos colonies pénitentiaires, accouplons-le avec une coquine de son

espèce et voyons un peu quel produit ils nous donneront ou plutôt

ce que nous pourrons tirer de leur produit, non pas en le laissant

dans le milieu où il est né, sous l'influence immédiate de ses géné-

rateurs et sous l'autorité de gardes-chiourme qui le traiteront de

fils d'assassin et d'empoisonneuse, mais en le transportant dès sa

naissance dans un milieu sain où rien ne lui révèlera ni ne lui impo-

sera jamais ses origines. Mettons-la aux prises avec la nature et

l'empirisme. C'est une expérience de laboratoire comme une autre ;

c'est de la sélection supérieure. Donnons à cet enfant l'éducation

et l'instruction que nous donnerions à nos propres enfants et

voyons ce que deviendra cette implacable hérédité, objet de tant

de discussions, purement théoriques jusqu'à présent. Si nous

allions obtenir un individu intelligent, moral, utile, quelle décou-

verte, quel pas en avant, quelle réfutation du péché originel de la

religion et des fatalités de la science ! »

FAITS DIVERS. 141

Exercice illégal de la MÉDECINE. L'Institut dynamodermique

du Havre. - Il y a quelque temps, la goélette Marguerite, venant

de Rouen, débarquait au Havre trois messieurs qui s'installèrent

dans le meilleur hôtel et annoncèrent qu'ils possédaient une

méthode spéciale pour la guérison radicale de la plupart des mala-

dies abandonnées par les médecins. Bien entendu, nombreux

furent bientôt les clients, et le « docteur Moron, directeur de

l'Institut dynamodermique c'est sous ce qualificatif qu'il exer-

çait disait gravement aux malades : Appliquez -vous sur la peau

tant de plaques dynamodermiques, et vous guérirez. Moron remet-

tait les plaques avec la manière de s'en servir, signant ses consul-

tations du nom de c docteur de Monplaisir ». Les malades s'aper-

çurent bientôt que les plaques ne produisaient aucun effet. Ils por-

tèrent plainte. Moron, qui avait déjà prudemment levé l'ancre et

pris le large sur la Marguerite, était cité à comparaître hier, devant

le tribunal correctionnel du Havre, qui l'a condamné à 1,000 fr.

d'amende pour exercice illégal de la médecine. Ce n'est pas la

première fois que le directeur de l'Institut dynamodermique a

maille à partir avec la justice. Plusieurs fois déjà, les tribunaux

belges l'ont condamné, toujours pour le même motif. Ses deux

complices n'ont pas été inquiétés (Temps).

INCENDIE DE l'hospice-asile DE Saint-Venant (Pas-de-Calais).

Dans la soirée du 5 novembre, vers 9 heures, l'ancien asile des

aliénés de Saint-Venant, qui avait été transformé depuis 1885 en

hospice départemental, a été presque entièrement détruit par un

incendie. Des passants, ayant remarqué au sommet du bâtiment

central quelques points incandescents, prévinrent immédiatement

le préposé responsable qui, aidé des infirmiers et des employés du

nouvel asile rapidement accourus sur le lieu du sinistre, procéda

immédiatement au sauvetage des malades. Cette opération ne fut

pas exempte de difficultés, car nombre d'entre eux, affolés par la

peur, durent être emportés à bras le corps et non sans résistance

dans les maisons voisines. On les conduisit, pendant une nuit très

froide, à l'asile des aliénés où un logement provisoire et tous les

soins nécessaires leur ont été donnés, en attendant leur réparti-

tion dans les divers hospices de la région. Cet établissement, com-

prenant une population de 137 malades et administré par le direc-

teur et le personnel de l'asile des aliénés, était consacré aux

vieillards et principalement aux jeunes idiots et épileptiques des

deux sexes. L'avenir important qui pouvait lui être réservé et la

rareté, en France, d'établissements de ce genre feront doublement

regretter sa perte. Malgré la rapidité des premiers secours et

l'arrivée successive des pompiers d'Haverskerque, Robecq, Lillers,

Béthune et Aire, tous les bâtiments, sauf quelques annexes, ont été

complètement détruits. On n'a eu à déplorer aucun accident. Tous

142 faits DIVERS.

les malades ont pu être sauvés. Les causes du sinistre sont incon-

nues. L'incendie de cet hospice, celui de l'hôpital de Lorient,

montrent une fois de plus la nécessité d'un large approvisionne-

ment d'eau et d'installations de postes d'incendie dans les hôpi-

taux. A Paris, il est des établissements mal pourvus à cet égard :

nous pouvons citer en tête l'hospice de Bicêtre, qui manque d'eau

(Progrès médical.) <

Accès DE folie furieuse. - Un jeune homme de vingt. ans a

frappé de quatre coups de couteau sa maltresse. Il a agi sous l'em-

pire de la démence. C'était un fou récemment sorti de Sainte-Anne

et qu'à tort on avait cru guéri. Ce meurtre inconscient a été com-

mis hier, 1, rue Poncelet. Le meurtrier, M. Maxime Brouillet,

vivait maritalement avec une jeune femme, Jeanne Gervais, plus

âgée que lui de deux ans. Ils menaient une existence très paisible,

et paraissaient s'aimer beaucoup.

Mais ces temps derniers, le jeune homme donna des signes de

dérangement d'esprit, qui inquiétèrent ceux qui savaient ses anté-

cédents. Il s'irritait hors de propos, à tel point que les intimes

conseillaient à la jeune femme de ne pas demeurer plus longtemps

avec lui. Elle ne tint pas compte de ces avis...

Ce fut au cours d'une querelle extrêmement futile qu'il lui porta

soudain, dans un accès de folie furieuse, quatre coups de couteau

à la tête. Mais l'acte accompli, à la vue du sang, le sentiment de

la réalité lui revint et, redevenu maître de sa raison, il alla, en

pleurant, se constituer prisonnier entre les mains des premiers

agents qu'il rencontra. L'élat do 1111° Gervais est grave. On l'a

transporlée à Beaujon. (Eclair, 2 novembre 1891.) ,

Samedi 4° août, à Saint-Christophe-sur-Condé, on a trouvé

noyée dans une mare la veuve Beulard, une vieille femme de

quatre-vingt-dix ans, qui habitait chez sa nièce, bi ? C... Celle-ci

lui avait apporté au lit son déjeuner, qu'elle avait mangé de bon

appétit, et elle fut très étonnée, quand elle revint une heure

après, pour faire la chambre, de ne pas y trouver sa tante. Presque

au même. instant, les voisins retiraient de l'eau le corps de la

pauvre femme, qu'on essaya en vain de rappeler à la vie. La veuve

Beulard ne jouissait plus, depuis quelque temps, de toute sa raison.

Elle craignait toujours mourir de faim.

Une dépêche de Saint-Etienne en date du 18 avril, annonce

que la femme Bazin, habitant Grand-Croix, qui est atteinte d'épi-

lepsie, tenait son enfant à la fenêtre lorsque, prise subitement d'un

accès, elle le laissa'échapper. L'enfant tomba dans la rue et expira

quelques instants après.

Ces faits, qu'il serait facile de multiplier beaucoup, montrent la

nécessité de traiter dès le début l'aliénation mentale. Ils viennent - =

faits DIVERS. 143

à l'appui d'un prompt internement. Ils devraient faire comprendre

aux administrateurs, et en particulier aux préfets, qu'ils ne

doivent pas attendre qu'un crime ait été commis, qu'un accident

grave soit survenu pour autoriser l'admission dans un asile, mais

qu'ils doivent donner des instructions pour que l'hospitalisation

se passe sans délai, dès que la folie est constatée. Malheureuse-

ment, la plupart de* préfets ont peu de connaissance des questions

d'assistance et considèrent, bien à tort, la loi du 30 juin 1838

comme une loi de police et non comme une loi d'assistance.

Epilepsie ET Mariage. Faut-il permettre le mariage à un ou

une épileptique ? C'est une question à laquelle nous ne voulons pas

répondre aujourd'hui. Mais le document suivant nous parait avoir

une certaine saveur et nous ne résistons pas au plaisir de le mettre

sous les yeux de nos lecteurs. C'est la traduction d'un procès-verbal

original rédigé, en latin, conservé aux Archives de la ville de

Luçon (Vendée). Cette traduction a été publiée par M. P. Marche-

gay. /

Rupture de fiançailles, entre paysans, la fiancée étant atteinte

. de mal caduc (17 mars 1533) : .

... Par-devant nous, officiai et visiteur de l'Evêché de Luçon, ont

comparu Nicolas... lequel nous a exposé que depuis un an, ou environ,

entre les mains d'un prêtre et par paroles de futur, il a contracté avec

Belutelle des fiançailles dont les bans ont été publiés; mais depuis il est

venu à sa connaissance que ladite, sa fiancée, est atteinte de mal caduc.

- L'exposant s'est donc parce motif présenté devant nous pour demander

et requérir la rupture des fiançailles et obtenir la permission de se marier

ailleurs;... et il affirme en outre par serment qu'il n'y a jamais eu entre

sa fiancée et lui aucune copulation charnelle... Lesquelles choses vues

par nous et parties ouïes, nous avons cassé les fiançailles susdites.

Ainsi, dès 1533, la religion catholique considérait l'épilepsie

comme une raison suffisante de nullité pour les fiançailles. Mais,

pour ce obtenir, le fiancé avait dû payer à son ex-fiancée « six

boisseaux de méture, un lit de plume avec traversin, avec une

berne et deux aunes de drap gris ». (Progrès médical.)

Hypnotisme; truc DE SALTIMBANQUE. - Dernièrement, un individu

annonçait, à Arromanches, qu'il donnerait le soir une séance de

prestidigitation sur la place de la Mairie. Cet individu demanda

une personne de bonne volonté pour servir à des expériences.

Un nommé C... fut désigné par l'assistance. Le prestidigitateur le

fit entrer sous une tente, lui passa un cordon rouge autour du cou

et lui maquilla la figure au point de le rendre méconnaissable.

Puis, il lui donna par écrit les instructions nécessaires pour la

séance en lui recommandant d'être sérieux, afin de ne pas lui faire

rater sa représentation. C... affirme qu'il ne dormait pas. Le len-

144 BULLETIN bibliographique.

demain, à la mairie, même séance. (Bonhomme normand du

28 août.)

Désespoir d'un incurable. La nuit dernière, un cocher d'une

voiture de cercle, qui passait sur la place de la Concorde, aperçut

adossé contre la grille du jardin des Tuileries, un homme qui ve-

nait de se tirer un coup de revolver dans la tempe droite. Il prévint t

immédiatement le. commissaire de police du quartier, qui vintpro-

céder aux constations légales. Celui-ci trouva dans les vêtements du

mort, une lettre adressée èiM. Lucien Faucher, juge de paix à Li-

moges. Dans cette lettre, M. Léonce Faucher, son frère, lui annon-

çait que les médecins qu'il était venu consulter à Paris lui ayant

déclaré que la maladie dont il était atteint ne pouvait être guérie,

il était décidé à se tuer. Lecorps de M. Léonce Faucher a été trans-

porté à la Morgue. (Journ. des Débats.)

Société 3fÉDICO-PSYCIiOLOGIQUN. - Cette société a procédé à la

nomination de son, bureau dans sa séance du 28 décembre. Ont

été nommé : Président, M. Th. RoussEL, sénateur ; - Vice-président,

M. CHRISTIAN; - Secrétaire général, M. RITTI ; Secrétaires,

MM. René SEMELAIGNE et P. SOLLIER. ·

Georges GUINON et J.-B CHARCOT.

RITTI (A.). - Congrès international de médecine mentale tenu à Paris

du 5 au 10 août 1889 (Comptes rendus). Volume in-8° de 502 pages, avec

9 planches hors texte. - Paris, 1891. - Librairie G. Masson.

Avis A NOS abonnés. - L'échéance du 1" Janvier étant l'une des plus .

importantes de l'année, nous prions instamment nos souscripteurs, dont

l'abonnement expire à cette date, de nous envoyer le plus tôt possible

le montant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce mon-

tant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur localité, qui leur

remettra un reçu de la somme versée. Nous prenons à notre charge les

frais de 3 p. 100 prélevés par la poste et nos abonnés n'ont rien à payer

en sus du prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la quittance de

réabonnement leur sera présentée le 25 Janvier, augmentée de un franc

pour frais de recouvrement. Nous les engageons donc à nous envoyer de

suite leur renouvellement par un mandat-poste.

Le rédacteur-gérant, BOURNEVILLE.

Evreux, Ch. Hérissey, imp. - 1291

Vol. XXIII. Mars 1892. -. N" 68.

1 s 1 .. , 1

ARCHIVES DE NEUROLOGIE '.

CLINIQUE NERVEUSE

SUR UN CAS DE PARALYSIE GENERALE PROGRESSIVE

A DÉBUT TRÈS PRÉCOCE

(Paralysie générale juvénile1) ;

Pac 111nr. J.-M. CHARCOT et A. DUTIL.

La paralysie générale progressive est une maladie

de l'âge mûr. Tous les auteurs qui depuis Bayle et

Calmeil ont publié les relevés statistiques de leur pra-

tique personnelle, s'accordent à le reconnaître. C'est

entre trente-cinq et cinquante ans qu'elle apparaît en

général. Après cinquante ans elle devient plus rare et

l'on appelle tardifs les cas exceptionnels où on la voit t

se produire après soixante ans. Exceptionnels égale-

ment sont ceux où la maladie fait son apparition

avant la trentième année ; plus rares encore et bien

précoces ceux où elle se développe entre vingt et vingt-

cinq ans. A la vérité les faits de cette dernière caté-

gorie sont si peu communs que quelques médecins,

M. Luys notamment, en ont, mais bien tort, nié

l'existence. C'est donc, a fortiori, un fait remarquable,

étrange, dirions-nous, s'il était absolument sans exem-

' Voir à ce sujet la leçon de M. le professeur Charcot parue dans le

n" G du Mercredi Médical.

Archives, t. XXIII. 10

146 CLINIQUE NERVEUSE.

pie, que de pouvoir constater la paralysie générale

bien caractérisée chez un sujet à peine adolescent.

Tel est le cas d'un jeune garçon de seize ans que

nous avons récemment observé et chez lequel les pre-.

miers signes de la maladie se sont manifestés, il y a

au moins deux années, c'est-à-dire à l'âge de quatorze

ans. Voici le fait.

Observation. Paralysie générale progressive ayant débuté ci l'dge

de quatorze ans chez un jeune garçon actuellement Qgé de seize ans.

Signes somatiques bien caractérisés. Démence simple, sans concep-

tions délirantes.

Edouard G..., âgé de seize ans, a été admis à la Salpêtrière dans

le service de la clinique, le 20 décembre 1891.

Antécédents héréditaires. Côté paternel. Le grand-père était

âgé de cinquante-deux ans à la naissance du père du malade. Il

est mort à soixante-huit ans hémiplégique et aphasique.

La grand'mé1'e est décédée à l'âge de soixante-neuf ans après

avoir été paralysée des quatre membres ( ? ) pendant onze mois.

Un cousin germain est sujet à « des dérangements du cerveau »

qui durent deux ou trois mois, pendant lesquels il s'enferme chez

lui et ne veut voir personne.

Le père du malade est maintenant en parfaite santé, mais il s'est

autrefois, adonné à la boisson ; il aurait eu un accès de délire al-

coolique quelque temps après la naissance du malade. Il n'a jamais

eu d'accidents syphilitiques.

Côté maternel. La mère est morte d'une fluxion de poitrine à

l'âge de quarante-neuf ans ; elle était d'un naturel calme, n'avait

présenté aucun trouble d'ordre névropathique.

Elle a eu quatorze garçons et quatre filles. Sur ces dix-huit en-

fants, quinze sont morts en bas âge de maladies indéterminées.

Tous sont nés à terme. Trois sont encore vivants : notre malade et

deux frères, ses aînés, âgés de 25 à 30 ans, bien développés et

jouissant d'une santé parfaite. Tels sont les renseignements que

nous avons pu obtenir sur les antécédents de famille du sujet.

Antécédents personnels. Dans son enfance, à l'âge de trois

ans, il a eu une rougeole bénigne qui guérit sans complications.

Pas d'autre maladie antérieure à l'affection actuelle.

Il n'a pas eu de convulsions dans le cours de ses premières an-

nées. Il a marché et parlé de bonne heure ; il n'a pas uriné tard

dans son lit. Il n'a présenté aucune anomalie dans son développe-

ment physique, aucun accident névropathique.

CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE PROGRESSIVE. 147 -1

Au dire de ses parents il était gai, vif, jouait et courait avec

les enfants de son âge. A l'école primaire, il apprit aisément à

lire et à écrire. Doué d'une bonne mémoire, studieux et docile, il

était un des mieux notés de sa classe. Ses cahiers d'école témoi-

gnent, en effet, qu'il avait acquis un certain degré d'instruction

primaire et de fait il obtint en juin 1889, après examen, son cer-

tificat d'études ». Jusque-là rien de particulier.

En sortant de l'école primaire, il entra comme apprenti-commis

chez un marchand de cravates en gros (décembre 1889). Il avait

alors quatorze ans. Tout alla bien pendant le premier mois, mais

.en février 1890 son patron écrivit à son père que son fils était inca-

pable de faire du commerce ; que son intelligence baissait, qu'à

de certains jours il était comme abruti, qu'il n'avait pas du tout

d'initiative, qu'il fallait le commander à tout propos, qu'enfin il

écrivait très mal et ne pouvait pas tenir la comptabilité. Le patron

consentit néanmoins à garder l'enfant dans sa maison. Mais il fut,

dès cette époque, considéré comme incapable et son travail consista

à ranger, à épousseter les marchandises dans le magasin et à faire

quelques commissions en ville. Quand on lui donnait une course à

faire il se rappelait assez bien les noms et adresses des personnes

chez lesquelles il devait déposer des paquets. Cependant il lui arriva

à plusieurs reprises de s'égarer, de rentrer très en retard sans qu'il

pût raconter clairement ce qui lui était arrivé, ni par quelles rues

il avait passé.

A la même époque (février et mars 1890), son père et son frère

remarquèrent, en se promenant avec lui, qu'il étaii « tout changé ».

Il se montrait taciturne, ou bien il tenait des propos bizarres,

sans intérêt; il racontait en détail des événements insignifiantes.

Il lui arrivait de temps en temps Je bredouiller, de ne pas pouvoir

finir une phrase, c Quand il était fatigué il tremblait des mains. »

En août 1890, il alla passer la saison des vacances à la campagne,

chez une de ses tantes. Là il eut, un jour, une attaque à laquelle

sa tante a assisté et qu'elle nous a décrite ainsi : Tout à coup il

est devenu très rouge, il titubait comme s'il allait tomber, il était

tout tremblant ; il balbutiait des mots incompréhensibles. On le fit

asseoir, on lui donna de l'éther à respirer et au bout de quelques

minutes la crise était passée. Au sortir de cet ictus, il se plaignit de

sa jambe droite qui lui paraissait lourde ; sa parole était aussi

plus embarrassée qu'à l'ordinaire. Mais cet affaiblissement du

membre inférieur droit, ce trouble de la parole disparurent le soir

du même jour.

Pendant l'année 1891, l'état du malade ne s'améliora nullement.

Tous les troubles que nous avons déjà mentionnés persistèrent.

Mais depuis trois mois les parents ont remarqué que la maladie

fait de rapides progrès, que l'intelligence s'affaiblit de plus en

plus.

148 clinique NERVEUSE.

Il y a deux mois environ, on s'est aperçu pour la première fois

qu'il laissait échapper ses urines dans son lit.

Etat actuel. G... est de taille petite, ses membres sont grêles

de forme. Il n'est point amaigri cependant et son visage est assez

coloré. Il n'a pas l'apparence infantile, mais il est dans sa dix-sep-

tième année, et les marques de la puberté sont chez lui peu appa-

rentes. Il paraît a plus jeune que son âge ». Sa croissance, son

développement physique ont certainement subi un arrêt ou tout

au moins un ralentissement marqué.

Il a l'air hébété. est vrai qu'il se montre attentif aux questions

qu'on lui pose, mais son visage reste morne et jamais sa physio-

nomie ne s'anime, ni ne s'émeut.

Son maintien et sa démarche sont assez particuliers. Il a le dos

voûté; il porte la tête basse, et il tient ses bras arrondis et éloi-

gnés du corps. Il s'avance dans cette posture, d'un pas mal assuré,

les pieds fortement tournés en dehors, en écartant les jambes, avec

un balancement du corps qui rappelle la démarche classique du

matelot. Parfois, il manque de tomber si on le fait se retourner

brusquement. t.

Tous ses gestes sont empreints de gaucherie.

Il est facile de constater chez ce malade l'existence des symptômes

suivants :

Dans l'ordre psychique : .'

1° Un affaiblissement intellectuel très prononcé, sans délire carac-

térisé, et se traduisant par un état d'apathie, d'inertie et d'indiffé-

rence complètes. Il est habituellement triste, silencieux. Jamais il

ne rit, ni ne joue. 1

Sa principale occupation dans la salle est de copier et de façon

bien incorrecte les pages d'un livre d'histoire. Parfois, il répète ce

qu'il a vu ou fait dans la journée, comme le ferait un bébé qui

raconterait sa promenade, avec des « et puis..., et puis..., et

puis... » ;

2° Sa mémoire est notablement affaiblie. L'amnésie porte princi-

palement sur les événements récents.

. Ainsi, le plus souvent, il ne peut répéter correctement une phrase

qu'on vient de lire en sa présence. Il la reproduit en oubliant un

ou plusieurs mots. Par contre, il récite certaine poésie qu'il avait

apprise à l'école primaire. Il serait incapable d'accomplir n'importe

quelle fonction exigeant de sa part un peu d'initiative;

3° Ses qualités affectives sont à peu près anéanties.

Dans l'ordre physique, voici ce que l'on observe chez ce malade :

1° Un tremblement de la langue et des lèvres, entrecoupé de

secousses fibrillaires qui s'étendent parfois aux muscles des joues

et même des parties supérieures du visage, quand le malade ouvre

la bouche ou se dispose à parler;

2° Un embarras de la parole très marqué lorsque le sujet est un

CAS DE PARALYSIE GENERALE PROGRESSIVE. 1119

peu fatigué, lorsqu'on lui fait prononcer une phrase où les con-

sonnes l et r abondent, telle que celle-ci : « Je suis maréchal au

33° régiment d'artillerie. »

Alors l'élocution est hésitante, trémulante, les syllabes semblent

empiéter les unes sur les aulres. Le malade oublie et passe cer-

laines lettres ou syllabes et parfois des mots entiers. C'est le parler

typique de la paralysie générale progressive. Quand il répond sim-

plement aux questions qu'on lui pose, il parle lentement, d'une

voix faible, avec des arrêts brefs qui coupent de temps à autre

l'élocution, mais sans cette trémulation qui, toujours, apparait

dans les conditions sus-indiquées;

3° Un tremblement menu, vibratoire, très prononcé, des deux mains.

Ce tremblement n'existe pas toujours au repos. Il suffit pour le

faire apparaitre de placer les bras du sujet dans l'attitude du ser-

ment, la main ouverte et les doigts écartés.

L'écriture est troublée. Si on la compare à l'écriture du sujet

antérieure au début de sa maladie, on voit que le malade trace

actuellement des caractères plus grands, d'un trait plus gros et

finement tremblé. Dans une page de copie, on constate presque il

chaque ligne des mots, des syllabes oubliés, des lettres mises à la

place d'autres lettres. La main et la mémoire sont en défaut;

4° De l'inégalité des pupilles.

La droite est plus dilatée.

Elles réagissent à l'accommodation, mais le réflexe est aboli pour

la lumière (signe de A. Robertson). Pas de lésions du fond de

l'oeil. Pas de diplopie. Pas de nystagmus ;

5° Des fourmillements qui se montrent de temps à autre en

maintes régions du corps (mains, cuisses, etc.), mais qui, parfois,

se produisent sous forme d'attaque d'épilepsie sensitive. En pareil

cas, la sensation de fourmillement apparaît dans le pied droit,

remonte le long du membre inférieur et du côté correspondant dn

tronc, puis s'étend à la face droite et à la moitié droite de la

langue, en même temps qu'elle descend de l'épaule jusqu'aux extré-

mités des doigts du même côté.

Une fois, cette épilepsie sensitive s'est accompagnée d'une impos-

sibilité de parler qui a duré quelques instants encore après que

l'attaque était passée. Jamais de scotome;

6° Depuis deux mois environ, le malade de temps en temps laisse

échapper ses urines dans son lit;

7° Des accès de céphalées frontales, courtes de durée, sans carac-

tères particuliers.

Tels sont les principaux symptômes que présente G...

Il n'existe chez lui ni parésie, ni paralysie localisée. Seulement

une débilité musculaire générale et une exagération notable des

réilexes rotuliens, sans trépidation spinale.

150 CLINIQUE NERVEUSE.

- On ne constate pas de troubles de la sensibilité autres que les

fourmillements sus-indiqués.

Pas de vertiges Pas de troubles lrophiques. On a recherché

avec soin, et sans en constater un seul, les stigmates de la syphilis

héréditaire.

On le voit, c'est bien la paralysie générale progres-

sive qui est en jeu chez le jeune malade dont nous

venons de relater l'observation. En dépit de l'âge du

patient le diagnostic s'impose véritablement. Rien ne

manque au tableau : Une déchéance profonde de la

mémoire et de l'intelligence, l'embarras de la parole

si spécial, si caractéristique, l'inégalité de pupilles, le

signe d'Argyl Robertson, le tremblement des mains,

et traversant de temps à autre ce syndrome permanent

mais à évolution progressive des ictus congestifs et

des attaques d'épilepsie sensitive. Tous les symptômes

essentiels par lesquels s'affirme chez l'adulte la dé-

mence paralytique se retrouvent en somme chez cet

enfant.

Il y a dans l'histoire pathologique de notre malade

quelques particularités qui méritent d'être soulignées.

Notons, en premier lieu, le ralentissement, et même

l'arrêt qu'a subi son développement physique sous l'in-

fluence de la périencéphalite diffuse qui le tient. Il est

évidemment de taille plus petite, d'apparence plus

chétive, que la plupart des enfants de son âge. Ses

parents sont très affirmatifs à cet égard.

Jusqu'à l'âge de quatorze ans il s'est bien développé

tant au point de vue physique qu'au point de vue in-

tellectuel. Mais depuis qu'il est malade, c'est-àdire

depuis deux ans, il a cessé de grandir, « et il s'est

déformé », suivant l'expression dont s'est servi le frère

aîné du sujet. Cette dernière locution vise l'attitude et

CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE PROGRESSIVE. 151

la démarche très particulières qu'on remarque dès l'a-

bord chez notre malade et que nous avons déjà indi-

quées. Ces modifications dans l'habitude extérieure,

ces troubles de la marche ne sont points étrangers au

tableau de la paralysie générale. Ils s'observent même

assez communément chez les paralytiques généraux.

Marcé les a dépeints de façon très exacte dans ce pas-

sage que nous empruntons à son Traité pratique des

maladies mentales : « En marchant ils écartent les

jambes, se tiennent courbés comme s'ils avaient un

tour de rein, tombent pesamment d'un pied sur l'autre

et les lèvent à peine. Aussi trébuchent-ils facilement

sur un terrain inégal. Si au milieu de leur course on

les appelle pour les faire retourner brusquement, ils

s'arrêtent en chancelant et oscillent quelques secondes

avant de pouvoir changer de direction. »

Une autre particularité que présente notre malade

et qui mérite d'être mise en relief est celle-ci : Parfois

il éprouve tout à coup une sensation d'engourdisse -

ment, de fourmillements dans la jambe droite. Ces four-

millements monlent rapidement le long du membre

inférieur, de la moitié droite du tronc, gagnent l'é-

paule et de là descendent en suivant le membre infé-

rieur du même côté jusque dans la main et les doigts.

C'est là, bien que sous une forme atténuée, un véri-

table accès d'épilepsie sensitive-. On sait que l'un de

nous, en décrivant ce syndrome, a précisément signalé

sa fréquence dans la paralysie générale progressive

dont il est souvent (associé ou non à la migraine oph-

thalmique) un des signes avant-coureurs.

Remarquons enfin, que ni la syphilis, soit hérédi-

taire soit acquise, ni une autre maladie infectieuse ne

152 CLINIQUE NERVEUSE.

sauraient être invoqués dans le cas particulier pour

expliquer l'éclosion si prématurée d'une maladie qui

jusqu'à ces derniers temps semblait appartenir exclu-

sivement à la pathologie des adultes. ,

Une hérédité neuropathique, non pas très accentuée

mais certaine, l'alcoolisme du père, tels sont les seuls

éléments étiologiques auxquels puisse être rattachée,

croyons-nous, cette paralysie générale si précoce.

Ce fait n'est pas sans précédent. Des cas de ce genre

dans lesquels la paralysie générale est apparue avant

la vingtième année, soit au moment de la puberté, soit

dans le cours de l'adolescence, existent déjà; mais ils

sont en bien petit nombre. On en compte à peine une

dizaine parfaitement avérés et authentiques. Ils ont été

publiés en Angleterre par Turnbull1, Wiglesworlh2,

. Clouston3 ; en. France par M. Régis \ par M. Vrain5 5

et tout récemment par M. Ballet.

Peut-on en groupant ces faits et en les comparant

arriver à quelques conclusions permettant de recon-

naître à la paralysie générale très précoce, juvénile;

quelques caractères qui la distinguent de la paralysie

générale venant à son heure, dans des conditions pour

ainsi dire normales ?

Il serait imprudent en présence d'un petit nombre

de faits de chercher à s'arrêter à des formules rigou-

reuses. Voici cependant quelques remarques qui très

' Turnbull. Journ. of mental sciences, oct. 1881.

z \\'iâles\vorth. Ibid., juillet 1883.

'Clouston. - Journal of mental sci., 1877, p. 119, et Edinaburgk med.

journal, 1891, page 1,011 et suivantes.

. * Régis. - Encéphale, 1883 et 1885.

"Vrain. Contribue. à l'élude de la paralysie générale à début pré-

coce, th. doct., Paris, 1887.

M/f CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE PROGRESSIVE. 153

^probablement, autant qu'on en puisse juger recevront

la sanction des observations ultérieures.

C'est le plus souvent (8 fois sur 10) à l'époque cri-

tique de la puberté, entre douze et seize ans qu'appa-

raissent les premiers indices de la maladie. Jusque-là

aucun trouble nerveux, aucun incident particulier.

L'on peut dire que dans le plus grand nombre des cas

le développement physique et intellectuel des sujets

avait suivi pendant leurs années d'enfance, son cours

régulier.

Ce sont les troubles psychiques qui ouvrent la

scène. Les malades perdent leur gaîté, leur entrain,

ils sont apathiques, taciturnes. L'activité mentale s'é-

teint, la mémoire et l'intelligence vont s'affaiblissant

par degré et le malade devient un incapable et bientôt

un dément. Pendant ce temps les signes somatiques

apparaissent et s'accusent à un haut degré. C'est ici le

lieu de noter l'arrêt que subit la croissance, le déve-

loppement physique des jeunes sujets que la maladie

saisitàl'époquede la puberté. Il en été ainsi chez notre

malade. Dans deux cas de Clouston relatifs à des fem-

mes, les règles ne parurent pas, les seins et le système

pileux restèrent à l'état rudimentaire. Dans la période

d'état, quand la maladie est bien confirmée les symp-

tômes physiques l'emportent par leur netteté sur les

signes d'ordre psychique qui restent au second plan.

Le côté mental n'est représenté, en effet, dans la majo-

rité des cas que par de la débilité mentale, un état de

démence simple, tranquille, sans conceptions déli-

rantes, sans excitation maniaque, sans délire ambi-

tieux. Les choses, à cet égard, semblent se passer

comme dans la paralysie générale des femmes. Il en a

154 CLINIQUE NERVEUSE.

été ainsi dans des observations précitées. C'est là, en

ce qui concerne l'évolution de la paralysie générale

juvénile, la seule particularité qu'on puisse relever. La

durée de la maladie varie de deux à cinq ans. Quatre

fois au moins (faits de Turnbull, de Clouston, de

Wiglesworth, de Ballet), l'autopsie a révélé les lésions

caractéristiques de la périencéphalite diffuse.

Au point de vue étiologique, il y a lieu de remar-

quer l'exclusion des causes occasionnelles auxquelles

d'ailleurs on attache trop d'importance, peut-être, dans

l'étiologie de la paralysie générale : les excès alcoo-

liques ou vénériens, le surmenage intellectuel, les

traumatismes, les chutes sur la tête. Nous n'avons a

noter ici rien de tout cela.

Ces éléments contingents et d'ordre banal, étant

écartés, il est facile de constater que, seuls, deux

agents pathogéniques dominent l'étiologie de la para-

lysie générale juvénile comme ils dominent aussi celle

de la paralysie générale des adultes : l'hérédité et la

syphilis.

La syphilis est signalée, mais d'une façon douteuse

dans les deux cas de Régis; elle est certaine dans une

des observations rapportées par Clouston : enfin, chez

le sujet observé par M. Ballet, les stigmates de la

syphilis héréditaire tardive se retrouvaient au complet.

Mais dans tous ces cas, comme toujours, la médication

mercurielle et iodurée mise en oeuvre est restée ineffi-

cace. Et dans l'observation de Clouston comme dans

celle de M. Ballet, l'autopsie n'a révélé que des altéra-

tions anatomiques caractéristiques de la paralysie géné-

rale sans immixtion d'aucune lésion de nature.nette-

ment spécifique. En somme, la syphilis semble agir ici

CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE PROGRESSIVE. 155

comme une cause adjuvante et puissante, mais elle

n'est pas la cause foncière. La paralysie générale des

adolescents non plus que celle des adultes n'est jamais

une maladie syphilitique.

Par contre, l'hérédité névropathique est présente dans

presque tous ces faits, à des degrés divers sans doute,

tantôt discrète, tantôt massive. Associée ou non à

l'alcoolisme du père ou à l'hérédité arthritique, elle

figure d'une façon indéniable dans sept des faits cli-

niques que nous avons pu rassembler. Elle tient le rôle

prépondérant, notamment, dans les cas de Vrain, dans

les deux cas de Régis, les deux cas de Clouston et

dans celui qui nous est personnel. Elle est incontesta-

blement le principal facteur pathogénique.

« Parmi les causes prédisposantes (de la paralysie

générale), l'hérédité, disait Marcé joue un grand rôle

et M. Calmeil est peut-être encore au-dessous de la

vérité en disant qu'on la rencontre dans un tiers des

cas. La folie et la paralysie générale sont bien d'ail-

leurs deux rameaux d'une même famille, car parmi les

parents de paralytiques on rencontre non seulement

des paralytiques, mais encore des maniaques, des mé-

lancoliques, des monomaniaques ou des épileptiques

qui se succèdent d'une génération à l'autre en se trans-

mettant des affections au fond identiques. Il est cu-

rieux néanmoins de voir ces dispositions se traduire

chez les uns par de simples névroses, chez les autres

par une lésion organique constante du système ner-

veux. » -

Nous croyons que cette opinion de Marcé est bien

1 Marcé. - Traité pratique des maladies mentales, 1862, p. 469.

156 CLINIQUE NERVEUSE.

conforme à la réalité des choses, qu'on peut encore

aujourd'hui, et quoi qu'oilen ait dit, la tenir pour juste

et s'y rallier sans réserves. En tout cas, l'examen com-

paratif des exemples de paralysie générale à début

très précoce que nous avons cités n'est- certes pas

pour la démentir.

. L'apparition de la paralysie générale à l'époque de

la puberté ou dans le cours de l'adolescence était jusque

dans ces derniers temps une anomalie à peu près in-

connue dans l'histoire de cette maladie. Depuis que

l'attention des cliniciens s'est fixée sur ce sujet, les cas

vont se multipliant et leur nombre s'accroîtra encore,

selon toute vraisemblance, nous ne saurions prévoir

dans quelle proportion. On s'est demandé à ce propos,

quelles étaient les causes qui font ainsi, depuis quelques

années, éclore si prématurément une maladie jusqu'a-

lors réservée à l'âge adulte, à l'âge mûr.

- J. l'Iicklel estime que l'âge, auquel se développe la

paralysie générale, est aujourd'hui inférieur à ce qu'il

était jadis, au temps de Bayle et de Calmeil et que

c'est là l'effet d'une tendance à la sénélité précoce

chez les individus, indice avant-coureur de la déca-

dence des races.

L'hypothèse est un peu bien pessimiste. Nous serions

plutôt portés à croire que nous sommes mieux prépa-

rés et plus habiles que nos prédécesseurs à diagnos-

tiquer la paralysie générale.

1 1111ckle. - On gênerai paralysis of the insane.

MÉDECINE LÉGALE

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE;

Par le D' C131USET,

Médecin-directeur de l'asile de Bombai.

1. L'homicide n'est malheureusement pas rare

dans la folie, et si la Folie homicide n'existe pas en

tant que entité morbide spéciale, dans nombre de

circonstances cliniques, l'aliéné est poussé au meurtre.

Ces circonstances cliniques, on est arrivé à les bien

limiter, on a reconnu aussi que, selon le genre de

maladie mentale dont il était atteint, l'aliéné meur-

trier procédait selon un mode particulier. C'est ainsi

qu'on peut, dans certains cas, sur le simple récit cir-

constancié d'un homicide commis par un fou, prévoir

l'espèce de maladie mentale qu'on constatera chez

lui après un examen direct.

Prétendre que seuls les aliénés, atteints de cer-

taines psychoses, sont susceptibles de devenir homi-

cides, serait cependant dépasser la réalité. On a dit

liés justement que tout aliéné pouvait, à un moment

donné, devenir dangereux. Mais dans ces cas excep-

tionnels, les malades n'ont même pas parfois conscience

de la gravité des conséquences de leur acte. On sait

l'histoire de ce vieux dément, inoffensif jusqu'alors,

qui, une nuit, assomma son voisin de dortoir, 'parce

qu'il l'empêchait de dormir en ronflant trop bruyam-

158 MÉDECINE LÉGALE.

ment. Il existe aussi d'autres cas analogues, dans

lesquels des vésaniques chroniques, et aux facultés

affaiblies, agissent bien, en tuant, sous l'influence

d'une conception délirante, mais sans comprendre

non'plus la portée de leur action.

Tous ces cas ne constituent, en réalité, que des

accidents, et ils n'empêchent pas qu'on reconnaisse

comme légitime ce principe, dont l'importance en

médecine légale est considérable, à savoir : que la

tendance à l'homicide n'est pas un symptôme banal

qu'on peut observer dans toutes sortes d'affections

mentales, mais au contraire, qu'elle est un symptôme

propre à certaines psychoses et qu'elle ne se manifeste

que dans des circonstances cliniques bien détermi-

nées. ,

Quelles sont maintenant les conditions pathologi-

ques dans lesquelles on observe l'homicide ? Pour

répondre à cette question d'une façon complète, il

faudrait exposer méthodiquement toute la seméiologie

du meurtre dans la folie, ce qui constituerait une

étude très intéressante mais très complexe, et que je

n'ai pas la prétention d'entreprendre. Il suffit d'indi-

quer rapidement ici les divers états psychopathiques

dans lesquels la tendance à l'homicide figure comme

élément.

C'est dans le Délire de persécution qu'on rencontre le

plus souvent des cas d'homicide. Mais ou désigne

en France, sous ce nom, deux entités morbides diffé-

rentes : le délire de persécution de Lasègue (délire

chronique, psychose systématisée à évolution progres-

sive), et le délire de persécution de Falret, qui, lui, ne

s'accompagne pas d'hallucinations.

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. IS9

C'est du premier, du délire de persécution de La-

sègue qu'il s'agit d'abord. Cette entité nosologique est

une des mieux caractérisées qui soient, au point de

vue symptomatique, eu médecine mentale. Elle com-

prend trois périodes. La seconde période se signale

par des idées systématisées de persécution et par des

hallucinations, principalement par des hallucinations

de l'ouïe et de la cénesthésie. Dans la troisième

période, qui manque parfois, aux troubles précé-

dents s'ajoutent des idées de grandeur.

C'est pendant le cours des deuxième et troisième

périodes, particulièrement pendant le cours de la

deuxième, qu'on observe l'homicide. Le malade a

trouvé l'auteur principal des tourments qu'il endure,

des injures dont il est abreuvé. Il connaît son ennemi

et il s'en débarrasse en le tuant. Sa détermination est

guidée par la logique. Du reste, ses facultés mentales

sont conservées, et en dehors de ses idées délirantes,

il raisonne sainement. Il arrive même quelquefois que

l'acte homicide est la première manifestation déli-

rante qui attire l'attention sur le sujet. Jusque-là, on

ne le savait pas aliéné, il dissimulait son état et il se

livrait régulièrement à ses occupations habituelles.

Mais en l'étudiant, on reconnaît vite que la folie, chez

lui, est déjà ancienne ; ses parents, ses amis, s'aper-

cevaient depuis longtemps de ses préoccupations et de

ses idées étranges. - Il faut le bien noter, jamais

dans le délire de persécution de Lasègue les ten-

dances homicides ne se déclarent au début de l'affec-

tion. Elles apparaissent tardivement et comme les

déductions logiques de conceptions délirantes longue-

ment pesées et commentées.

160 MÉDECINE LÉGALE.

Certains persécutés sont plus portés au meurtre

que les autres. Peut-être est-ce là un effet de leur

caractère naturellement violent ( ? ). Alors qu'un grand

nombre de ces malades qui se contentent d'inju-

rier, de menacer ou de frapper leurs ennemis ima-

ginaires, d'autres ne pensent qu'à les tuer. J'ai dans

mon service un persécuté de ce genre, maintenant

âgé et un peu dément, et chez lequel les idées de

persécution ont beaucoup perdu de leur intensité

ancienne. Ce malade a autrefois tué sept personnes

sous l'influence de son délire. Il en voulait spéciale-

ment aux curés, qu'il accusait de le persécuter. Encore

maintenant, quand on le remet sur la voie de son

délire et qu'on lui parle de prêtres, le délire assez

vague et effacé redevient pour un instant net et vio-

lent, sa ligure exprime la colère et il profère des

menaces de mort.

Eu résumé, dans le délire de persécution, l'homi-

cide est relativement fréquent, il ne se manifeste

jamais au début de l'affection, mais bien dans une

période assez avancée et lorsque le délire est nette-

ment systématisé. Enfin il est la conséquence logique

des conceptions délirantes.

Beaucoup de persécutés ont immolé, sous l'influence

de leur maladie, des personnages en vue et ils ont ainsi

acquis une triste célébrité. Bien des régicides n'étaient

que des persécutés, et parmi eux Ravaillac peut-être.

C'est du moins ce qui semble résulter de documents

récemment recueillis et commentés par un médecin

érudit.

Quant aux persécutés du type Falret, qui n'ont pas

d'hallucinations, ce sont des dégénérés intellectuels;

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 161

ce qui ne signifie pas qu'ils soient forcément des

débiles ou des imbéciles, ce qui signifie seulement

qu'ils sont des déséquilibrés. On rencontre aussi

parmi eux des homicides, mais moins souvent que

parmi les persécutés du type Lasègue.

Ces sujets sont naturellement envieux, soupçon-

neux, orgueilleux. Ils arrivent à la folie progressive-

ment et par suite, pour ainsi dire, de l'exagération

excessive de leurs défauts de caractère. A un moment

donné, ils interprètent tout ce qui leur arrive dans le

sens des persécutions, le délire est alors établi. De

persécutés ils ne tardent pas à devenir persécuteurs.

Ils choisissent le personnage qui, selon eux, leur a

fait le plus de mat, et ce choix est souvent guidé par

quelque incident réel dont ils dénaturent la portée. Ils

en font l'objet de leur haine, s'acharnent sur lui et ne

lui laissent ni trêve ni repos. Ces malades qui arrivent

parfois à recourir à l'homicide, sont avant tout des

processifs'. Ils dénoncent, injurient, calomnient; ils

ourdissent des accusations fausses mais très ingénieu-

sement combinées, ou bien ils dirigent de ces sortes

d'entreprises qu'on désigne vulgairement sous le

nom d'entreprises de chantage. Un type remar-

quable de ce genre d'aliénés est fourni par le fameux

Sandon qui parvint, sous l'Empire, à intéresser à son

sort presque toute la presse, et qu'on cite encore

aujourd'hui comme une victime de la loi de 1838.

Comme je l'ai déjà dit, ces persécutés persécuteurs

en arrivent parfois à l'homicide. Il est nécessaire de

noter que chez eux, comme chez les persécutés de

1 Les qucrulents des Allemand».

ARCIILYCS, t. XXIII. 1 1

'J6 . MÉDECINE LÉGALE.' 1

Lasègue, la tendance au 'meurtre n'apparaît que dans

les périodes avancées de l'affection ? i - j i v ' l,

'' Les malades précédents, les persécutés,1 commet-

tent le meurtre, non pas'sous l'influence d'une impul-.

sion brusque, mais sous l'influence d'un raisonne-

ment Jogique. Chez d'autres aliénés homicides, il y a

impulsion dans le sens qu'on donne habituellement à

ce mot, c'est-à-dire que, chez eux, la tendance à tuer

n'est pas raisonnée mais que l'idée du meurtre s'im-

pose à leur esprit; soit sous l'influence de la passion,

soit spontanément et ' sans raison autre qu'un état

pathologique : spécial' du' fonctionnement du cerveau. Il

peut arriver que 'l'impulsion et l'acte soient incons-

cients, ce dernier accompli, les -sujets n'en conser-

vent pas le moindre souvenir. Tels sont, entre autres,

les meurtres accomplis par certains épileptiques. 1 1/

' Après les persécutés,' ce sont très probablement les

épileptiques, les imbéciles et les 'demi-idiots qui four-;

nissent le plus d'aliénés homicides. n I .

' Les épileptiques deviennent homicides dans deux

conditions différentes. D'abord, ils peuvent avoir des

accès délirants à forme maniaque et d'une intensité

extrême pendant le cours desquels ils sont entraînés

au meurtre. Ces accès éclatent 'presque subitement,

mais ils sont transitoires et se dissipent vite. Caractère

essentiel : ils sont complètement inconscients. Ce

n'est pas le lieu de rechercher les rapports qui exis-

tent entre ces accès de folie fui ieuse (fureur épilép-

tique) et la névrose ' épileptique elle-même. Nous

devons nous : naintenir absolument dans le domaine

de la clinique, et nous n'aborderons aucun problème

d'ordre spéculatif, notre but étant seulement d'ès-

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 1631

quisser une1 courte ,étude' médico-légale. > Que ces

1 1 rll1"Jr.IJ Il « )1' If ? 1 , .13, .1".1 . l, 1'11..... .,1 . ".t <'II"

accès maniaques ^transitoires , ,etuaxqJufu soient ou

non des : attaques d'épilepsie, non plus motrices,' mais,

purement intellectuelles,'1'' il importe peu en pratique"'

Ce qui est certain, c'est qu'on les, observe soit avant,

soit plus fréquemment' après les attaques' convulsives, '

i -' ') <'1 lu'| 'JI il 1]- 0 " 'u', ' 1(1. X'IH si "II- 1'( ., ,,

et parfois . dans leur, intervalle ? comme s'ils s'étaient,

substitués' à quelques-unes d'entre elles;' '' ' ' ' ">

Or LI l '.1.") 1 1;1 ')d 'HV-'F 1 ""lli'l "l'

Or, pendant ces accès de ur, m n aque, les épi- i 1

Or, pendant ces accès de fureur, maniaque, les épi ?

leptiques ne commettent que trop souvent 'des' meur-

q. '1 r I¡fH()..J ,fI 1., 1.. "')'fI. ""Ô il 't) 1. t 1 ? .

tres" et alors, ]],s 'r tuent 0 ] ! lop.s¡e.r : nmet, sans raison,

aucune, la première' personne qui seLtrouve à' leur

portée. Tantôt Ils accomplissent leur homicide froide-

ment et sans bruit,- tantôt, et c'est le plus ordinaire,

ils procèdent àvec"fu'reur,'s'acharnànt sur leurs vic- 'j

times et les frappant encore, alors que déjà elles ont

expiré. Des épileptiques ont. ainsi flué'successivement

deux, trois, quatre personnes, qu'ils ne connaissaient

même pas. Les cadavres, des victimes couverts , de

plaies et défigurés ont quelque chose de' caractéris-

tique. A la vue de cadavres ainsi mutilés, Legrand

du Saulle disait : « L'épilepsie les a marqués de son

sceau. » Ces épileptiques calmés,et revenus à eux-

mêmes ne conservent jamais le, souvenir, des actes

qu'ils viennent d'accomplir. . ! .

Voici, relatée en quelques mots, une observation

typique de manie homicide chez un épileptique..

1 ' ' . , · .. ..

Le nommé L..., quarante ans, entré à l'asile de Cadillac en 1886,'

avec le diagnostic : Manie, et sans aucun renseignement sur ses

antécédents. ' i , ,

A son entrée, le malade semble être arrivé à la période finale

d'un accès de manie, ses idées sont troublées, pas de conceptions

délirantes prédominantes. Il.se remet complètement et bientôt il

164 MÉDECINE LÉGALE.

est calme et raisonnant. On l'envoie au travail, c'est-à-dire qu'on

l'occupe à la culture avec les malades tranquilles.- Quelqne temps

après, justement-pendant qu'il est au travail, il se montre par

exception surexcité et colère. Il menace ses camarades. On le fait

rentrer à sa division. Arrivé dans la cour, il devient tout à fait

furieux, et tirant de sa poche un vieux couteau qu'il avait sans

doute trouvé dans les jardins, il se précipite en criant sur le malade

le plus près de lui. Il le frappe avec tant de violence que, malgré

que son couteau ne soit pas très aigu, il lui perfore le coeur; la

mort est instantanée. Ce meurtre accompli, il tourne sa fureur

contre les autres malades qui fuient devant lui et il en blesse un.

. Enfin, les infirmiers parviennent à le maîtriser et à le désarmer,

mais l'un d'eux est sérieusement blessé pendant la lutte.

I,olé en cellule, L... se calme rapidement. Le lendemain l'accès

était tout à fait dissipé et il n'en gardait pas le moindre souvenir.

Par la suite, des accès semblables, mais qui n'eurent pas les terri-

bles conséquences du premier, se reproduisirent à des intervalles

irréguliers. On en compta quatre en six mois. Enfin, un jour L...

eut une violente attaque convulsive d'épilepsie. Depuis, les attaques

convulsives se renouvelèrent de temps en temps et les accès mania-

ques devinrent de plus en plus rares. Le diagnostic était dès lors

fixé.

A la suite des homicides accomplis pendant les

accès de manie épileptique, il convient de citer ceux

commis également par des comitiaux, mais sous l'in-

fluence de la passion plutôt que de la folie dite épi-

leptique. '

L'état mental habituel des épileptiques est bien

connu. On sait d'abord qu'en général, chez ces ma-

lades, les facultés intellectuelles s'affaiblissent pro-

gressivement, et qu'avec le temps, une véritable

démence, la démence épileptique, finit par s'établir.

Mais en plus, le caractère des comitiaux se modifie,

petit à petit, progressivement, sous l'influence des

attaques convulsives et des vertiges qui se répètent

sans cesse. Ces malades deviennent irritables et em-

portés, mauvais, ce qui ne les empêche pas d'affecter

en toute circonstance, une grande sensibilité, ou

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 165

plutôt une grande sensiblerie. La contradiction les

exaspère. Us se montrent pour des motifs futiles d'une

violence extrême, sauf à afficher ensuite un repentir

exagéré. Chez eux, l'acte suit rapidement la menace,

souvent même, acte et menace sont simultanés. Ce

sont des impulsifs. II est évident qu'ils ne possèdent

pas une puissance d'arrêt suffisante sur leurs ten-

dances instinctives et passionnelles. C'est là une véri-

table lésion de la volonté.

Or, il arrive parfois que leur violence les entraîne

jusqu'à l'homicide. Il n'y a pas, dans ces cas, folie

proprement dite, mais cependant le fonctionnement

cérébral n'est pas normal, il est pathologique.

Dans' des circonstances pareilles, les médecins appelés

à examiner l'état mental des accusés concluent sou-

vent à la responsabilité proportionnelle. Pour ma part,

je considère les malades de cette espèce comme étant

réellement irresponsables. Toutefois, il serait impru-

dent de formuler une loi générale à cet égard. En

pratique, tous les cas qu'on rencontre exigent une

étude particulière, car ils peuvent bien se ressembler

mais ils ne sont que très rarement identiques les uns

avec les autres. Ce qui rend parfois l'examen spé-

cialement délicat, c'est que le même malade peut pré-

senter les* deux sortes d'accès furieux; tantôt il a des

accèe de manie épileptique absolument inconscients,

et tantôt il se laisse entraîner à des crises de fureur

qui, elles, sont conscientes et dont il se souvient.

J'observe actuellement un malade de ce genre qu'on

considère, à juste raison, comme un des plus dange-

reux aliénés de l'asile.

166 . M ' MÉDECINE LÉGALE. (

C... (Louis), âgé de trente-trois ans, épileptique depuis l'âge de

dix-sept ans ; antécédents héréditaires à peu près inconnus ; en

traitement à l'asile de Bonneval depuis huit ans. '

Avant son entrée C.- avait subi plusieurs condamnations pour

coups et blessures. Dans son pays, tous le redoutaient, ses parents

plus, encore que les autres. - Aujourd'hui, il présente des ver-

tiges fréquents et des grandes attaques convulsives, ces dernières

moins souvent qu'autrefois,¡ à cause du traitement auquel il est

'. ,. 1 t' · . (

soumis. ' ' t '

' Deux' ou' trois fois par an, à la suite ordinairement d'une série

d'attaques convulsives, il est pris brusquement d'un accès de manie

dont la durée ne dépasse pas quarante-huit heures. Toujours alors

il se livre à des actes dangereux pour son entourage, surtout au

début de l'accès. Il brise les meubles, les fenêtres, il lutte avec les

infirmiers. On doit au plus tôt l'isoler, en cellule. La crise se ter-

mine par un sommeil semi-comateux, et au réveil, le malade ne

se souvient plus.de rien., ' , t 1(. '.ri z

En outre de ces accès qui sont inconscients, C... en présente

d'autres bien'plus nombreux, mais1 ceux-là : tout à fait conscients.

Son' caractère est toujours irritable, mais plus encore à certains

moments, alors pour un motif .léger et même sans motif aucun,

parce qu'un camarade l'a heurté en passant, parce' qu'il croit

que l'infirmier' l'a mal servi au repas,'ou parce qu'il s'imagine

qu'on l'a regardé en riant, il entre en fureur. Ces accès de fureur

présentent bien des degrés, mais quelques-uns ressemblent parfois

tout à fait aux accès de manie inconscients, l'état de conscience

seul les en distingue. Il est très robuste, je l'ai vu une fois briser,

dans la cour de sa division, un jeune arbre déjà assez gros, s'en

faire une arme et se jeter sur les gardiens. Quand sa fureur est

passée, il est repentant, il promet de. ne plus recommencer, mais

il soutient quand même que rien ne serait arrivé si on l'avait laissé

tranquille. - C... n'a, il faut le- dire, jamais commis d'homicide,

mais uniquement parce que les circonstances ne l'ont pas voulu.

.. III r i

. Pour tout ce qui précède; on voit en somme que

quand un meurtre est commis par un aliéné sous

l'influence de l'épilepsie, il existe des signes spéciaux

qui permettent ordinairement de diagnostiquer, sans

beaucoup de difficulté, l'état mental du sujet. , ,

. '" ' ? ' ' , ? ? ' z

. Les imbéciles et les semi-idiots comptent aussi parmi

. ,j, J . t'' tf'i'' 1 1 ( ? ¡ ' ' i Il. ! ' rl . L

les aliénés homicides. Ces sujets sont le plus, souvent

, , '.'< 1 f-dl ? l''t' .i

entraînes au meurtre pendant le cours d'un de ces

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. mu

accès délirants, ordinairement passagers, auxquels ils

sont particulièrement sujets. - Leur cas se confond

-alors avec celui d'autres aliénés à accès ! de folie sou-

' vent brusques et transitoires;, dont il sera question

plus loin. Mais il arrive aussi que des imbéciles et

des semi-idiots non délirants commettent des meur-

tres. Ils sont, ,dans celte circonstance, entraînés par

June impulsion d'ordre passionnel. La haine, la ja-

jalousie, l'instinct génésique, sont les mobiles ordinaires

qui les font agir, car, par suite du peu de développe-

ment de leur sens moral et de l'imperfection de leur

fonctionnement cérébral-, ces mobiles ne sont pas suf-

fisamment contre-balancés. 1 , . t , ?

Les. recueils, spéciaux renferment de, nombreux

exemples d'imbéciles et d'idiots non délirants, auteurs

r ..j 1 1 1 1 1 - , . '

des actes les,plus graves, comme , viols ? incendies; et ! même, meurtres. Les observations se, rapportent, sou-

vent à des enfants ou à des adolescents. , , ; ,

,(1 Voici l'histoire d'un semi-idiot qui a commis un ,viol

et une tentative de, meurtre. Son cas est, un peu com-

plexe, mais, il, eS,t ` assez , ^intéressant pour, 1 être rap-

Porté : - 1 f v r ? t : i < j 1 r ? i : .

,"i \ , 'l ' 1 .'1 J 1 l - i " , , , l ' ri si 1 ? ? i f ,-

H... (Louis), trente-cinq.ans, entre à l'asile de Bonneval en 1888,

atteint de semi-idiotie. Antécédents héréditaires inconnus; riial-

formation crânienne prononcée; asymétrie i faciale ; vice de, pro-

nonciation tel qu'on comprend difficilement, ce qu'il dit. Avec ces

signes physiques de dégénérescence, développement très incomplet

des facultés intellectuelles. Il ne peut répondre qu'aux questions

les plus simples et il est incapable de compter au delà des premiers

- nombres. Mais il a le caractère'gai, il joue avec ses camarades,

.enfin il est docile. On arrive à l'occuper à la ferme aux travaux les

, plus simples. , '" 1 ' ' ' ? 1 ; j

Cet idiot a vécu libre jusqu'à l'âge de trente-cinq ans, et il ne

passait nullement pour être dangereux, il était'même un peu le

bouffon de son village. Mais un jour, rencontrant dans les champs

. ! <,. J 1 i'

168 MÉDECINE LÉGALE.

une fillette de treize ans, il la viola et ensuite lui porta trois coups

de couteau dans le ventre. Les blessures quoique graves guéri-

rent. Reconnu irresponsable, il fut plaoé à l'asile. Depuis plus de

trois ans qu'on l'y maintient, on n'a observé chez lui aucune mani-

festation de nature épileptique, ni non plus aucune impulsion

morbide dangereuse d'aucune sorte. L'impulsion combinée, éroti-

que et homicide (de 1888) constitue donc un fait isolé dans sa vie.

Ce qui prouve, entre parenthèses, qu'il faut toujours surveiller les

imbéciles et les idiots, même ceux qui paraissent inoffensifs.

Quand aujourd'hui on interroge H... sur son attentat, on s'aper-

çoit qu'il n'en a conservé qu'un souvenir confus. Autrefois sa

mémoire le servait mieux, et il racontait, en riant, ce qu'il avait

fait, mais sans en donner les raisons ni sans en comprendre la

gravité.

Le viol s'explique naturellement par une impulsion

érotique, mais la tentative de meurtre ne s'explique

pas facilement. C'est là un cas de sadisme véritable,

puisque la victime n'a été frappée qu'après avoir été

violée. Il ne s'agissait donc pas pour H... de vaincre

sà résistance. 11 ne s'agissait pas davantage pour lui

d'aller au-devant d'une dénonciation. Outre que cet

idiot ne comprenait pas qu'il commettait un crime,

son intelligence n'allait pas jusqu'à lui faire prévoir

les conséquences de son acte. - On pourrait peut-être

faire intervenir là, à l'exemple de certains anthro-

apologistes dans des circonstances analogues, l'hypo-

thèse au moins ingénieuse du réveil atavistique, chez

un dégénéré, d'un état mental antrefois habituel à

l'homme antéhistorique. Les hommes primitifs com-

battaient avec acharnement entre eux pour la posses-

sion des femmes : . satisfactions génésiques et scènes

sanglantes constituaient, par suite, des images inti-

mement unies et associées dans leur constitution

psychique. Mais des considérations de cet ordre

sont étrangères à notre sujet, qui doit rester absolu-

ment pratique, puisqu'il s'agit de médecine légale.

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 169

En résumé, les imbéciles et les idiots peuvent com-

mettre des meurtres en dehors de tout accès délirant

véritable, et par le fait seul d'une impulsion passion-

nelle ou instinctive, déterminée par la haine, la

jalousie, la colère, la surexcitation génésique, etc.,

et quelquefois déterminée seulement par le simple

besoin d'imitation. Quand des cas de ce genre se

présentent, l'analyse des circonstances du meurtre et

l'étude psychologique (et aussi physique, en raison

des stigmates physiques de dégénérescence) des sujets

permet de déterminer l'état mental de ces derniers tel

qu'il était au moment de la perpétration de l'attentat.

Il est certain que la responsabilité légale de beau-

coup de ces individus est tout à fait nulle. D'autres

fois, le médecin expert n'ose pas poser une conclu-

sion aussi absolue. L'imbécillité, en effet, a de

nombreux degrés, et en réalité, de l'homme peu

intelligent à l'imbécile type, il existe une grada-

tion insensible. Le médecin expert se trouve, par

suite, dans certains- cas, amené, presque malgré lui

peut-on dire, à admettre une responsabilité atténuée.

Et cependant, rien ne semble plus en désaccord avec

les principes de la psychologie positive qu'une sem-

blable conclusion, car l'idée de la responsabilité

atténuée est basée sur l'état de défectuosité d'une

entité métaphysique, dont on ne peut plus guère, à

notre époque, soutenir l'existence réelle, le libre

arbitre. J'indique seulement ce point de contro-

verse philosophique pour faire ressortir, en passant,

combien sont délicats et difficiles ces problèmes de

responsabilité, qu'il s'agisse d'aliénés ou même de

normaux.

170 ... . MÉDECINE LÉGALE.

- ,.On.cherche toujours à les résoudre par le moyen de

données métaphysiques, et l'on fait avant tout' inter-

.venir, lanliberté morale, le libre-arbitre,1 l'idée' innée

.du. bien [et- du, mai etc. - Il serait- à souhaiter qu'on

abandonnât définitivement cette méthode métaphysique

ancienne, et qu'on s'en tint» à la méthode' positive.

Dans toutes les. questions dites de. responsabilité

morale, il n'y a qu'uni élément qui soit réel, tangible

et .mesurable, c'est la ¡nuisance. ^'est; donc la .nui-

sance seule qu'il est possible- d'étudier scientifique;

1 ment. Il faut surtout tâcher d'en établir la genèse. En

luttant, en effet, contre les causes réelles dei la' nui-

sance, ce que la science a déjà appris affaire dans

bien des circonstances, on arrive à l'atténuer,' et par-

fois à la faire, disparaître,, ce qui est le. véritable but à

.attendre : < i i 1 1 ->il '.1 Í8'1LL ri'" "

Nous arrivons maintenant à l'homicide- dans les

, r

folies pa11l,intoxication.. " L'homicide n'est..pas rare

dans la folie alcoolique, on' l'a observé aussi dans d'au-

Itrs ,folies, -par <. intoxication,. dans la morphinomanie,

par exemple (quelques cas rares seulement). Il, paraît

aussi',que, les fumeurs d'opium, ;dans ,les1 périodes

.avancées de l'empoisonnement, ,sont,,sujets;-parfois, à

des accès de fureur homicide.; Mais ! nous nous borne-

rons à tracer, en quelques lignes,, les caractères, de

d'homicide dans, la folie .alcoolique, qui est si,fréquente

et qui peut ! servir, de type aux psychoses par empoi-

sonnement chronique.. ,, : il ' 'J .1111 " ." \"1'\ ,

,I(I..Ç'S dans, cette,, forme d'aliénation .appelée . folie

«alcoolique , subaiguë', ,ou' plutôt, alcoolisme,, subaigu

.(Lasègue), qu'on, rencontre surtout l'homicide. Cette

psychose est essentiellement caractérisée par des ter-

. NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 171

reurs, de la, panophobie, des hallucinations et des

illusions de la vue,, et;par des troubles deikisensibi-

lité générale. Je, néglige rémunération des symp-

itômes physiques. -, L'accès débute assez . brusque-

ment, mais il est ordinairement précédé de prodromes

qui, l'annoncent, comme l'insomnie, les cauchemars,

les, (hallucinations nocturnes, le tremblement ' des

extrémités, etc. L'accès établi, le malade tremblant et

terrifié voit des animaux repoussants qui grimpent sur

lui,, des fantômes, des gens qui le menacent et qui le

poursuivent le poignard à la main. Il peut' arriver, il

arrive même souvent, qu'il ne demeure'pas passif et

qu'il réagisse contre les fantômes qui le menacent, et ,

parfois alors il devient, meurtrier.' II tue pour se dé-

fendre,, pour, sauver sa vie qu'il sent menacée. Le

.meurtre n'est donc pas, dans ce. cas, le résultat de la

;fureur,"il est le résultat de, la peur, de la terreur. Il

est, dans le fait, la conséquence d'une erreur intellec-

tuelle et sensorielle, ou pour mieux dire, du délire et

de l'hallucination. ,>... ? 1.. ¡<n" cmj,| - , - i ? ,

i De même; le suicide,, qui, n'est,pas rare non plus

dans,cette, forme, d'alcoolisme, -n'est pas ,le résultat

d'une impulsion, du désir.d'eu.finir,avec la vie, de

s'annihiler, mais¡il est seulement la conséquence d'une

.erreur. pLe¡ malae¡.se', précipite par la ! fenêtre qu'il

.prend pour" la . porte, ou ! bien;Ï1 se jette dans uneiri-

- vière pour échapper aux êtres fantastiques qui le pour-

suivent,1; pour 1, éteindre les=, flammes (qui l'entourent'.

Quand l'accès de délire est dissipé, le souvenir du

JI'l n 1,9Hfr)j(j "t ! jJl Il i -11 -il ('II'} ! il ? t'If p il ? Il 114 9 r ? ". Il

, l' Ce n'est qu'incidemment que je suis amené à parler du suicide dans

- l'alcoolisme et seulement pour signaler une analogie qui se présente ici.

Le suicide est bien. l'aboutissant ? dans certains cas' d'alcoolisme, du

172 MÉDECINE LÉGALE. '

meurtre accompli pendant son cours persiste, mais

souvent d'une façon un peu confuse. Le malade a

parfois comme l'impression d'avoir rêvé. En tout cas,

il n'y a jamais d'inconscience véritable, comme quand

il s'agit de la manie épileptique.

Voilà le processus pathologique cérébral qui aboutit

à l'homicide, chez les. alcoolisés, dans la moitié peut-

être des cas, mais ces malades peuvent encore arriver

à devenir meurtriers selon un autre mode on pour-

rait, à leur égard, établir une division analogue à celle

indiquée plus haut à propos des épileptiques meurtriers.

Sous l'influence de l'empoisonnement chronique

par l'alcool, les facultés mentales s'affaiblissent pro-

gressivement, et le dernier terme de cet affaiblisse-

ment est la démence dite alcoolique. Dans le cours de

l'intoxication surviennent encore chez beaucoup de

malades, non chez tous cependant, des accidents

divers, comme les accès de folie qui viennent d'être

décrits, comme des crises de delirium tremens fébrile,

comme des attaques convulsives épileptiformes et

même épileptiques, des attaques d'apoplexie, etc. Il

résulte, de ces secousses répétées imprimées au sys-

tème nerveux, ainsi que des lésions anatomiques de ce

même système nerveux dues aussi à l'alcool, il résulte,

dis-je, outre la démence alcoolique, certaines modifi-

cations morbides du fonctionnement cérébral. L'alcoo-

lisé qui, avant qu'il ne se fut intoxiqué, avait le carac-

tère doux et tranquille, ie jugement sain, est devenu

processus pathologique que j'indique, mais à d'autres moments de la *

folie alcoolique, il a une genèse toute différente. Ainsi il peut résulter

d'une obsession véritable, du besoin de disparaître ; il peut aussi s'effec-

tuer sous l'empire de la fureur, du remords, etc..

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 173

depuis irascible, emporté, incohérent dans ses entre-

prises. Il était bon, il est maintenant mauvais. A tout

propos il s'emporte, les discussions avec lui dégénè-

rent de suite en querelles. Enfin, surtout quand il a

puisé dans un excès récent une excitation passagère

nouvelle, il peut se laisser entraîner par la colère

jusqu'à l'homicide. La plupart de ces histoires qui

remplissent les faits-divers des journaux, où des

ivrognes ont frappé, blessé, ou même tué, se rap-

portent à des alcooliques chroniques qui ont agi

sous l'influence d'une colère furieuse et irraisonnée.

Un fait assez intéressant pour être signalé en

médecine légale : Dans les grandes villes, dans les

classes ouvrières surtout, le point de départ de ces

drames est fort souvent la jalousie, la jalousie d'un

mari à l'égard de sa femme, jalousie qui se réveille à

chaque excès nouveau, qui est réellement morbide,

qui n'a ordinairement aucun fondement sérieux.

Il est, en somme, certain que l'homicide dans

l'alcoolisme est, dans un nombre important de cas, le

résultat, non d'un vrai délire, mais d'un état mental

pathologique particulier dû à l'empoisonnement chro-

nique. On comprend, sans qu'il soit besoin d'in-

sister, combien il est difficile de s'entendre sur la

responsabilité légale des sujets de cette catégorie.

Ont-ils leur libre-arbitre, ne l'ont-ils pas, ou bien

l'oiit-ils seulement dans une mesure restreinte ?

Alors on discute sur l'intensité de l'accès de colère,

cause immédiate de la catastrophe. La colère (insania

brevis, comme ne manque pas de l'appeler le défen-

seur de l'accusé), a-t-elle été assez violente pour

qu'on puisse admettre que la volonté ait été, par son

174* MÉDECINE LÉGALE. ,

fait, annihiléa momentanément ? ' On évalue aussi la'

gravité du' mobile qui' a' déterminé' la' fureur'. -Il nei 1

faut pas oublier non plus 'que si/pour les uns, l'ivresse ! 1

constitue ' une circonstance atténuante, elle est envi-'

sagée par. les' autres comme une circonstance aggra-'

vante. En .vérité, ces problèmes ne'seront jamais'

résolus d'mie façon satisfaisante, et on finira' par ne 1

plus les poser. On ne' cherchera' plus 1 à savoir si;

l'alcoolique meurtrier a son libre arbitré, ou s'il ne l'a' 1

pas. On ! se contentera d'établir 'qu'il est' nuisible au !

premier chef, et on s'efforcera de le mettre dans ¡'im-)

possibilité d'exercer sa nuisance'. On s'efforcera aussi-

de rendre plus rares les cas semblables au sien ? '

Nous venons de passer eii revue un certain nombre

de maladies mentales qui présentent, comme symp-

tôme plus ou moins fréquent; la tendancé au meurtre.'1

Dans chacune d'elles,' nous 'avons essayé d'établir le

processus psychologique qui avait cette tendance pour

aboutissant : Mais il existe encore d'autres états. psy-

chopathiques qui , peuvent, à un moment donné, se

compliquer d'impulsions homicides. Je dit : qui peuvent

se compliquer, parce que dans ces'cas, l'homicide est

une'complication plutôt qu'un symptôme de la maladie.'

Les aliénés' peuvent se diviser en deux grandes

classes, ceux qui avant l'invasion de l'affection men-

tale; étaient normaux au point de vue psychique, et'

ceux qui présentaient déjà, à ce moment, quelques

irrégularités, quelques troubles'dans leur fonctionne-

ment psychique. Les allemands disent : aliénés à cer-

veau valide, et aliénés à cerveau invalide. En France,'

on dit des seconds qu'ils sont entachés de dégénéres-

cence intellectuelle. Dans toutes- les écoles psychia7

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 175'' i

triques, quelles que soient les divergences des opinions' 1

en '-certains points;, on- retrouvé cettè même' idée son : . r'

dameiitale, 1 la'distinction ide's aliénés en deux grandes

classes. ! t-< ) 'l' ., .1, " foi ? t .fIl il -' 1 fil 1\" Il

Sans entrer, dans aucune discussion dogmatique, on

doit reconnaître comme bien établie cette notion, que

les sujets qui sont entachés, de dégénérescence intël-

lectuelle ne réagissent pas, sous l'influence de' là folie,

de la ! même ! façon qu'elles autres. 'L'irrégularité et

l'imprévu sont les' caractéristiques 'de 'la plupart des

maladies mentales dont ils' sont atteints.* ' ' Il - r '

Il est inutile de rappeler que dégénérescence intel-

lectuelle n'est pas le synonyme de 'débilité mentale.

Les imbéciles, les débiles mentaux rentrent bien dans

la classe des dégénérés,, mais» on 1 trouve dans cette

classe- desthommes à > intelligence 'normale et même

supérieure. Les hommes' de, génie n'y sont pas rares,

et certains veulent même qu'on ne les' rencontre que

là. C'est l'état de déséquilibration des facultés mentales

qui est le' critère de la dégénérescence intellectuelle,

et non l'imperfection en bloc de leur, développement.

En France^ on rattache surtout la dégénérescence

à l'hérédité neuropathique,- ce qui est' exact, mais on'

est porté à faire de l'hérédité morbide la causé unique

de la dégénérescence, ce qui est exagéré. C'est contre

cette exagération que Cotard s'est élevé '. Il a démon-

tré que la dégénérescence était souvent acquise, et

qu'elle pouvait s'établir au moment de la conception,

pendant, la vie intra-utérine, pendant l'enfance et

même pendant l'adolescence. En réalité, des hérédi-

, I ' . 1 \ . .11 . J ', 1 rI ,') l w

1 Société nuJdico-psychologique, séance du 25 janvier 1886. ,

176 ' MÉDECINE LÉGALE.

taires à lourde hérédité quelquefois, ne sont pas tou-

jours des dégénérés, et des sujets nettement dégénérés

ne comptent parfois, parmi leurs ascendants, ni fou,

ni névropathe. Les deux termes, dégénéré et hérédi-

taire, ne doivent donc pas être confondus l'un avec

l'autre, comme il arrive trop souvent.

Un des principaux caractères que la dégénéres-

cence intellectuelle imprime à la folie, le seul qui

doive nous préoccuper ici, consiste dans la manifesta-

tion d'obsessions et d'impulsions diverses. C'est sous

leur influence que la tendance au meurtre complique

irop souvent chez les dégénérés certains accès d'alié-

nation mentale. Mais, chez eux, les circonstances qui

précèdent, accompagnent et suivent le meurtre ne sont

plus celles qu'on observe chez les malades dont nous

venons de parler plus haut. Ainsi, nous avons vu des

persécutés arrivés à une période déterminée de leur

affection, tuer après mûre délibération. Nous avons vu

des alcooliques devenir homicides en cherchant à échap-

per à des ennemis fantastiques. Chez les dégénérés

délirants, l'impulsion homicide n'est provoquée par

rien d'analogue, elle éclate brusquement, à des époques

très diverses de l'affection, sans règle précise, avec ou

sans hallucination ou idée délirante préalables.

La mélancolie chez les dégénérés occupe un des pre-

miers rangs parmi les états vésaniques susceptibles de

se compliquer d'homicide. Cependant, les mélancoliques

sont encore plus souvent entraînés au suicide qu'à

l'homicide. Mais, suicide ou homicide, l'acte, chez ces

sujets, est pour ainsi dire réflexe, qu'il s'accompagne

ou non de l'état de conscience. C'est pendant les pa-

roxysmes de l'angoisse, alors que la souffrance n'est

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 177

plus supportable, que pour s'y soustraire, le malade

se tue, ou bien tue quelqu'un de son entourage. Sou-

vent l'être qui lui est le plus cher devient ainsi sa

victime. Aussi, l'acte accompli, le désespoir qu'il en

éprouve ajoute encore aux souffrances qu'il endurait

déjà. D'autres fois, c'est sous l'empire d'une halluci-

nation ou d'une idée délirante que l'homicide s'accom-

plit, mais il s'accomplit toujours quand même dans

les mêmes conditions d'angoisse, et avec la spontanéité

qui lui conserve le caractère d'un véritable réflexe.

Chez les dégénérés, en outre de la mélancolie vraie,

on observe encore de nombreux états délirants, plus

ou moins partiels, plus ou moins bien systématisés.

Irréguliers dans leur évolution, ces états psychopa-

thiques succèdent parfois à un accès de mélancolie or-

dinaire, parfois à un accès de manie, parfois enfin, ils

s'établissent d'emblée avec leurs caractères définitifs.

Beaucoup d'entre eux se rattachent à la Paranoïa

des allemands, mais en général, en France, on les

englobe tous sous l'appellation de délires mélanco-

liques. Ces délires mélancoliques se compliquent quel-

quefois, à un moment donné, d'actes homicides, les-

quels s'accomplissent toujours avec les caractères

impulsifs précités.

Parmi ces délires mélancoliques, il convient de signa-

ler particulièrement les délires mystiques, dans les-

quels le meurtre peut être la résultante de conceptions

délirantes déduites les unes des autres.

Enfin, certains débiles, imbéciles, et semi-idiots

délirent avec une facilité extrême; la moindre cause

est, pour eux, sujet à hallucinations et à conceptions

délirantes. Ces accès vésaniques, ordinairement Iran-

ARCHIVES, t. XXIII. 12

178 MÉDECINE LÉGALE.

sitoires (auxquels il a déjà été fait allusion à propos de

l'homicide chez les imbéciles), se compliquent aussi

d'impulsions diverses, parmi lesquelles l'impulsion

homicide.

En résumé, tous les homicides exécutés par les

aliénés dégénérés intellectuels, dans le cours d'états

psychopathiques très variables, ont, eux, des carac-

tères invariables qui leur donnent un aspect spécial

et commun, ce qui permet, en médecine légale, de les

réunir et d'en faire une vraie classe bien déterminée.

11 reste à signaler une dernière catégorie de faits

très rares et très remarquables. Des sujets dégénérés

intellectuels, non débiles mentaux, c'est-à-dire d'une

intelligence normale, sont tourmentés par des obses-

sions homicides des plus violentes. Ils n'ont ni hallu-

cination, ni conception délirante vraie, mais ils sont

poursuivis par le désir irrésistible, le besoin impérieux

de tuer. Ils résistent ordinairement autant qu'ils

peuvent, car ils ont la notion exacte de la gravité du

.crime qu'ils sont entraînés à commettre. L'objet de

leur obsession est très souvent un être qu'ils aiment,

.un enfant, un parent, et cependant, si les circonstances

ne s'y opposent pas, malgré l'horreur que l'acte leur

inspire, ils finissent par succomber.

A cette obsession qui procède par accès intermit-

tents, ou qui est au moins paroxystique, se joint tou-

jours l'angoisse. Ces caractères, et d'autres encore

qu'il est inutile.de mentionner, rapprochent ce phéno-

mène d'obsession homicide d'autres phénomènes mor-

bides également étranges, comme l'obsession du sui-

cide, commes certaines perversions du sens génésique

la nécrophilie, par exemple, etc.

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 179

On a beaucoup étudié, surtout dans ces derniers

temps, ces phénomènes bizarres, et on a reconnu

qu'ils étaient unis ensemble par le lien d'une parenté

intime. Ils constituent un des termes supérieurs de la

dégénérescence intellectuelle, et on en trouve presque

toujours l'origine dans l'hérédité morbide. Cependant,

je crois que, même dans ces cas où l'hérédité est la

règle, la dégénérescence peut aussi parfois être acquise.

Je ne pense pas devoir mentionner l'homicide com-

mis parles sujets désignés sous la nom de fous moraux .

La folie morale, malgré le nom qu'on lui donne, est

à mon avis chose étrangère à la folie. Il faut, en effet

en exclure (de la folie morale) les malades dont il

vient d'être question, et qui agissent sous l'influence

de l'obsession ou de l'impulsion ? deux phénomènes

d'ordre foncièrement pathologique. Quels sont alors

les sujets qui restent dans cette folie morale qu'on

veut rattacher, à l'aliénation mentale ? Des individus

qui n'ont pas la notion de l'honneur ni de la probité,

pour qui la vie humaine compte pour peu, dont les

actes sont régis seulement par la passion, par l'ins-

tinct, par l'intérêt, qui, souvent, tirent leur orgueil de

leurs méfaits et qui alors font le mal pour le mal.

Eh bien, de tels individus ne sont pas des aliénés, ce

sont des criminels. Ils appartiennent à la classe des

criminels-nés de Lombroso, et ce savant a lui-même

signalé l'identité qui existait entre son criminel-né et

le fou moral de certains auteurs. , 1

Parmi les raisons qui ont conduit à assimiler le fou

moral à l'aliéné, les unes sont sans grande valeur, ce

sont celles qui reposent sur l'ancienne conception

métaphysique du libre arbitre, les autres sont d'ordre

180 MÉDECINE LÉGALE. NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE.

scientifique. Ainsi, on a observé que les fous moraux

présentaient bien plus souvent que les sujets normaux,

des stigmates. physiques et psychiques de dégénéres-

cence. On a noté aussi que, chez eux, l'hérédité était

fréquente, aussi bien l'hérédité neuropathique que

l'hérédité du crime. Ces deux conditions, on doit le

reconnaître, les rapprochent bien réellement des alié-

nés, mais elles ne suffisent pas pour les identifier à

eux. Elles indiquent seulement que les fous moraux

et les aliénés véritables ont une origine commune.

Cette origine est la dégénérescence qui aboutit,' soit

à la folie, soit à la criminalité.

Nous ne devons donc pas nous occuper de l'homi-

cide dans la folie morale, ce serait quitter le domaine

de la médecine et entrer da'ns celui de la criminologie.

Le fou moral n'est pas un aliéné, il est un criminel-né.

Loin de nous l'idée qu'il soit, par suite, considéré

comme étant responsable de ses actes. Du reste, la

responsabilité comme l'entendent les moralistes, est

une question connexe à celle du libre-arbitre, et la

nuisance seule, comme il a déjà été dit, est suscep-

tible d'être étudiée, mesurée et enfin prévue.

En terminant cet exposé sommaire des circons-

tances et des conditions diverses, dans lesquelles on

observe le meurtre pendant le cours de la folie, j'appel-

lerai l'attention sur un point qui n'est pas sans impor-

tance.

On a pu voir que certains malades non dégénérés -

primitivement, mais arrivés à une période avancée

d'une- affection chronique du cerveau, procédaient

parfois, quand ils devenaient meurtriers, à la façon

de véritables dégénérés intellectuels délirants. Ainsi,

ASSOCIATION DU TABÈS AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 181

les vieux alcooliques quand ils tuent, non pas sous

l'influence du délire, mais sous l'influence de la fureur.

Ainsi encore les épileptiques anciens, quand ils de-

viennent homicides en dehors de leurs accès de manie

dite épileptique. Ces sujets agissent par suite d'une

impulsion, d'unesorte de réflexe; chez eux, les centres

instinctifs ne sont pas suffisamment inhibés par les

centres antérieurs. C'est précisément ainsi que les

choses se passent chez les dégénérés délirants. Il

semble donc que leur cerveau primitivement valide

soit devenu déséquilibré, inférieur, par suite des mo-

difications apportées à la longue dans son fonctionne-

ment par l'affection dont il est le siège. Cette obser-

vation a déjà été faite par Billod. (A suivre.)

PATHOLOGIE NERVEUSE

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE

DIABÈTE SUCRÉ 1 ;

(TRAVAIL DE LA CLINIQUE DE M.' LE PROFESSEUR CHARCOT)

PAR

GEORGES GUI\0, A. SOUQUES,

Cher de clinique. Interne (médaille d'or) des hôpitaux.

IV.

Il' ne nous reste maintenant qu'à signaler et à dis-

cuter les symptômes qui, permettent, à notre avis,

de se prononcer pour l'existence d'une seule espèce

1 Voir no 66, p. 305; n° 67, p. 48.

182 PATHOLOGIE NERVEUSE.

morbide : pseudo-tabes diabétique ou glycosurie tabé-

tique, ou bien-au contraire d'affirmer la présence de

deux espèces distinctes; tabes et diabète, associées

chez un même individu. Sans doute il pourra se pré-

senter des cas où le diagnostic devra rester en suspens, z

mais, le plus souvent une analyse rigoureuse donnera

la solution du problème. Cette solution ressort, nous

semble-t-il, de l'étude que nous venons de faire et

des réflexions qui accompagnent chacune de nos obser-

vations.

- Deux cas peuvent se présenter en clinique : tantôt,

au cours d'un diabète authentique, surviennent des

accidents nerveux tabétiformes; tantôt, chez un tabé-

tique avéré, on constate, à un moment donné, la pré-

sence du sucre dans les urines. Il s'agit, dans le pre-

mier cas, de déterminer si l'on a affaire au vrai ou

au faux tabes, dans le second si l'on se trouve en face

d'une glycosurie symptomatique du tabes ou d'un

véritable diabète, dans les deux cas de savoir, en un

mot, si deux entités distinctes sont en jeu, ou bien une

seule. C'est là un problème clinique dont la solution

exacte intéresse à la fois le pronostic et le traitement.

On sait aujourd'hui que le diabète et le tabes offrent

un certain nombre de signes communs sur lesquels il

est impossible de tabler pour établir le diagnostic

différentiel des deux affections. C'est évidemment sur

les symptômes propres à chacune d'elles qu'il faudra

se baser. Parmi les signes communs, il faut citer :

. 1° Les douleurs fulgurantes. - Elles ont été men-

tionnées dans le diabète par M. Charcot, par MM. Ray-

mond et Oulmont, Bernard et Féré, etc. C'est actuel-

lement un fait bien établi. Tout ce que l'on peut dire

ASSOCIATION DU TABÈS AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 183

c'est que les crises de douleurs fulgurantes semblent

plus courtes et plus rapprochées dans le diabète que

dans l'ataxie locomotrice progressive, mais c'est là un

caractère différentiel de peu de valeur.

2° Les anesthésies, hyperesthésies, dysesthésies de toute

sorte : fourmillements, engourdissements.

3° La perte du réflexe rotalien. Ce symptôme

signalé dans le diabète par M. Bouchard, dès 1881,

est fréquent, très fréquent dans le diabète sucré, et

sa constatation est bien capable d'induire en erreur.

4° Les troubles trophiques : maux perforants (Kir-

misson), chute des dents et des ongles, perte des

sueurs locales.

5° La frigidité et l'impuissance.

G° Le signe de Romberg.

Si tous ces symptômes se trouvaient réunis chez un

diabétique, ils pourraient assurément faire songer au

tabes. Sans doute, ces divers signes offrent bien, dans

les deux maladies, quelques traits différentiels, mais

ce sont le plus souvent de simples nuances incapables

d'entraîner la conviction. Dans ces conditions, le

meilleur caractère distinctif se tirerait de l'influence

produite par le traitement antidiabétique. Si ce traite-

ment faisait disparaître ou amendait notablement les

symptômes classiques du diabète sans influencer paral-

lèlement les signes tabétiformes, on aurait, sinon la

certitude, au moins de fortes probabilités pour l'exis-

tence d'un vrai tabes associé à la maladie diabétique.

Si par contre l'amendement portait aussi sur ces der-

niers symptômes, la question serait résolue en faveur

du pseudo-tabes. ' ,.

184 PATHOLOGIE NERVEUSE.

A côté de cette première catégorie de signes com-

muns aux deux maladies diabète et tabès, il en est

une seconde où les dissemblances l'emportent sur les

ressemblances. Sans parler des névralgies rebelles

souvent bilatérales signalées d'abord par Worms et

ensuite par Buzzard, Drasche, Liemmssen, Rosenein,

etc., il faut souligner :

1° Les crises laryngées. Ces crises sont assez fré-

quentes dans le tabes où elles se présentent avec des

caractères très remarquables. Elles sont exception-

nelles, si toutefois elles existent, dans le diabète vrai.

2° L'incoordination motrice. Les troubles de la

démarche n'ont rien de commun dans les deux affec-

tions. Là il s'agit de la démarche de stepper, ici d'une

incoordination tout à fait spéciale qui, quand elle est

typique, permet de faire le diagnostic à distance.

M. Charcot, dans une leçon déjà citée sur un cas de

paraplégie diabétique, en a tracé, un parallèle

magistral auquel nous renvoyons. Dans le diabète

c'est le steppage que l'on rencontre, « comme dans la

paraplégie alcoolique, tout comme dans les prétcndues

ataxies saturnines, béribériques, arsénicales, dans la

majorité des cas de pseudo-tabes jusqu'ici observés ' i » ;

3° Les troubles vésicaux. Si la rétention d'urine peut

survenir accidentellement, dans le diabète, par surdis-

tension de la vessie (Bouchard, Congrès de Blois, 1884),

si quelques accidents vésicaux peuvent s'y montrer 2,

ils n'ont rien de commun avec les troubles uiinaires

du tabes; il est inutile d'insister sur ce point;

' Charcot, loc. cit., p. 315.

* Bazy. Troubles urinaires chez les glycosuriques, Congrès français

e chirurgie. Paris, 1890.

ASSOCIATION DU TABÈS AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 185

4° Les troubles oculaires. Les différences sont ici ti ès

accentuées et la fréquence de ces troubles dans le.

tabes comme dans le diabète leur donne une impor-.

tance de premier ordre. Appartiennent à l'ataxie loco-

motrice progressive le myosis bilatéral, le signe

d'Argyll Robertson. Fischer signale bien le myosis

chez deux de ses malades mais outre que cet auteur

les met sous la dépendance d'une intoxication taba-

gique, nous avons vu que dans ces cas il s'agissait

probablement d'association tabetico-diabétique.

Pour ce qui concerne les paralysies des muscles des

yeux d'origine- diabétique, Althaus dit : « Actuel-

lement on ne possède pas d'observations très con-

cluantes sur les paralysies des muscles oculaires,

quoique Kiwatkowski en ait rapporté un cas ; on a

relaté une paralysie du muscle droit externe dans des

conditions analogues'. » D'après de Wecker et Landolt,

ces paralysies seraient probablement due à des trou-

bles circulatoires et reconnaîtraient des lésions peu

profondes des noyaux bulbaires des nerfs moteurs de

l'oeil, car, ajoutent-ils, elles ont un caractère générale-

ment bénin et guérissent facilement même sans inter-

vention. M. Lecorché pense également que ces para-

lysies sont par essence mobiles et passagères.

Quant à l'amblyopie et à l'atrophie du nerf optique

dans le diabète, nous avons vu plus haut, à propos des

commentaires de l'observation III, ce qu'il fallait en

penser. Cette atrophie diffère, si toutefois elle existe (Pa-

rinaud),de l'atrophie nacrée du tabès. M. Galezowsky 2

' Althaus. Maladies de la moelle épinière. Traduction française de

J. Morin, 1885.

Galezowsky. Traité des maladies des yeux, 1875.

186 PATHOLOGIE NERVEUSE.

déclare que l'amblyopie diabétique grave est due

tantôt à des hémorrhagies, tantôt à une atrophie

simple, générale ou partielle du nerf optique ou de la

rétine, tantôt à une atrophie avec iridochoroïdite

(Liebreich). Sur ce même sujet, MM. de Wecker et

Landolt s'expriment ainsi : « Reste une troisième

catégorie d'amblyopies (en dehors de l'amblyopie sans

lésion et de l'amblyopie avec scotome), avec rétrécis-

sement plus ou moins considérable du champ visuel et

avec atrophie du nerf optique. Les auteurs signalent

à peu près tous une atrophie simple, sans trouble bien

manifeste de la papille. L'atrophie était assez avancée

dans quelques cas, au point que les artères rétiniennes

étaient filiformes. Dans les cas de cette espèce, on a

trouvé des troubles de l'achromatopsie en somme de

même nature que dans l'atrophie du nerf optique en

général. » Pour Althaus « le renseignement le plus

important est fourni dans ce cas par l'examen ophthal-

moscopique... Mais on n'oubliera pas qu'au début de

la maladie le disque optique n'offre pas la moindre

altération pathologique et que l'amblyopie du tabes

peut par conséquent être confondue à cette période

avec celle du diabète et de l'alcoolisme chronique. On

distingue néanmoins l'atrophie optique du tabes de

l'amblyopie de ces deux dernière maladies, en ce que

l'atrophie commence toujours dans un seul oeil, et dans

le cours ultérieur de la maladie, un oeil est toujours

plus affecté, excepté lorsque le malade est' devenu

complètement aveugle, tandis que dans le diabète et

l'alcoolisme chronique l'atrophie optique est toujours

bilatérale d'emblée ». Et Dreyfous en parle en ces'

termes : « Plus exceptionnellement on voit se déve-

ASSOCIATION DU TABÈS AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 187 I

lopper une atrophie progressive de la papille qui n'a

guère le temps de se compléter et de produire une

amaurose absolue, le malade succombant avant cette

terminaison (Lecorché, Testelin-Piéchaud) '. »

En résumé, les troubles oculaires du diabète n'offrent

qu'une analogie superficielle avec ceux du tabes.

Nous rappellerons pour la seconde fois que, dans le

diabète, ceux que l'on rencontre sont : la cataracte,

les paralysies de l'accommodation et celles des mus-

cles extrinsèques, les troubles hémorrhagiques du-

corps vitré, des rétinites, des hémorrbagies rétiniennes

et peut-être l'atrophie du nerf optique. Or l'oeil tabé-

tique se présente avec des lésions toutes différentes.

Le parallèle que nous venons de tracer peut donc

permettre de répondre à cette première question :

Etant donné un diabétique chez lequel surviennent

des accidents nerveux tabétiformes, déterminer si ces

accidents relèvent du vrai tabes ou du pseudo-tabes

diabétique. Mais le problème clinique se présente

en outre sous cette seconde face : Etant donné un

tabétique chez lequel survient de la glycosurie, déter-

miner si cette glycosurie dépend du tabes ou d'un

diabète vrai surajouté.

La solution repose ici et sur les caractères propres

de la glycosurie en elle-même et ensuite et surtout

sur les symptômes concomitants. Dans la glycosurie

tabétique le chiffre du sucre est en général peu élevé ;

les diverses observations publiées jusqu'ici parlent

toutes en ce sens. Dans le cas d'Oppenheim, la malade

' Dreyfous. PathQ[jénilJ et accidents nerveux du diabète sacré.

Th. agréa., 1883, p. 89. · '

188 PATHOLOGIE NERVEUSE.

rendait de 7 à 13 grammes de sucre par litre, soit de

21 à 39 grammes dans les vingt-quatre heures. Le

malade de Reumont dont la quantité d'urine était

normale rendait 6 à 10 grammes de glycose par litre.

Enfin, celui de Fischer, .non polyurique, éliminait

9 grammes de sucre par litre.

On voit par ces chiffres que la glycosurie d'origine

tabétique, expression du processus scléreux propagé

au bulbe, se comporte comme les différentes glyco-

suries symptomatiques, c'est-à-dire qu'elle est repré-

sentée par un taux assez faible comparativement au

chiffre généralement élevé de la glycosurie des diabé-

tiques. Celle-ci en effet est d'ordinaire abondante.

« Toutes les fois qu'un malade rendra dans les vingt-

quatre heures une quantité de sucre égale ou supé-

rieure à celle que le foie forme journellement à l'état

normal, soit 200 grammes approximativement, d'après

les recherches les plus récentes, on pourra affirmer

que ce malade est atteint de diabète vrai et non de

glycosurie symptomatique '. » Il est vrai d'ajouter que,

chez des diabétiques avérés, le sucre peut momentané-

ment faire défaut ou être représenté par un chiffre

très médiocre. Ce sont les « petits diabétiques ». Il

ne faudrait donc pas se baser sur ce taux peu élevé

pour affirmer l'existence d'une glycosurie tabétique.

Ce caractère n'a donc qu'une valeur relative. Il en est

de même de la constance de la glycosurie dans le

diabète vrai, de son inconstance dans le tabes. Ce

caractère n'a encore rien d'absolu.

La densité des urines tabétiques glycosuriques sem-

' Le Gendre. - Traité de médecine, t. I, p. 407. Paris, 1891.

. ASSOCIATION DU TABÈS AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. t 189

ble moins élevée que dans le diabète. Les chiffres

donnés par Oppenheim, Reumont, dans leurs obser-

vations sont 1.012, 1.015, 1.019, mais ceci n'a pas

grande valeur car, d'une manière générale, la densité

est en rapport direct de la quantité de glycose con-

tenue dans l'urine. Le chiffre de l'azoturie n'a pas plus

de valeur différentielle. Quand il y a azoturie on peut

affirmer la légitimité du diabète, mais son absence n'a

aucune signification pour ou contre, car, M. Bouchard,

sur 100 diabétiques, en a trouvé 46 éliminant une

quantité normale d'urée, 41 azoturiques et 13 anazo-

turiques. ;

De même, en général, la polyurie semble être l'apa-

nage du diabète et cependant le diabète chronique des

arthritiques ne s'accompagne très souvent que d'une

polyurie modérée (2, 3, 4 litres dans les vingt-quatre

heures). '

En somme, la valeur comparative de ce parallèle est

purement relative. Elle est encore amoindrie par ce

fait que les cas de glycosurie tabétique sont encore

trop peu nombreux pour qu'on puisse en déduire des-

règles générales. En vérité, les caractères différentiels

tirés de l'examen des urines n'ont qu'une valeur

limitée, surtout si on les considère isolément; pris en

groupe et réunis chez un même individu, ils permettent

des présomptions. Mais, c'est à la catégorie des phé-

nomènes concomitants qu'il faut s'adresser pour arri-

ver à la probabilité, sinon à la certitude clinique.

La glycosurie diabétique s'accompagne généralement

de polydipsie et de polyphagie, phénomènes qui sem-

blent faire défaut dans la glycosurie' des tabétiques.

Il faut pourtant ajouter que ces phénomènes dépendent

190 PATHOLOGIE NERVEUSE.

soit de la polyurie, soit de la déperdition énorme de

l'organisme en sucre, c'est-à-dire de la quantité de

sucre éliminée, quantité variable dans le diabète vrai,

ce qui enlève à ces phénomènes concomitants une

importance diagnostique. Ils ont pourtant, unis aux

caractères précédents, une certaine valeur. Ajoutez

aux divers symptômes du diabète constitutionnel, à ses

complications ordinaires : anthrax, furonculose, gin-

givite expulsive, etc...'; aux résultats d'un traitement

approprié, ils éclairent le diagnostic et entraînent la

conviction. Mais, en définitive, ces symptômes, ces

complications ordinaires peuvent faire défaut et force

est bien de s'appuyer sur d'autres phénomènes pour

séparer la glycosurie des diabétiques de celle des tabé-

tiques.

Le moment est venu de mettre en relief une série

de symptômes qui semblent propres à la glycosurie de

l'ataxie locomotrice progressive. C'est une série de

phénomènes bulbaires, et cela devait être, étant donné

le siège du niveau du plancher du quatrième ventri-

cule, de la lésion qui entraîne la glycosurie tabétique.

Les phénomènes bulbaires observés jusqu'ici sont :

1° L'anesthésie dans le domaine du trijumeau ; 2° la

fréquence du pouls ; ' .;

. Ce sont là deux symptômes qui semblent constants;

ils existent dans les trois observations de glycosurie

d'origine tabétiques connues de nous (Oppenheim,

Reumont, Fischer). Ils ont donc une importance de

premier ordre et ils doivent toujours être recherchés.

Dans le cas d'Oppenheim, le pouls battait de 100 à

120; dans celui de Reumont, à 100 et il était cons-

tamment accéléré dans l'observation de Fischer.

ASSOCIATION DU TABÈS AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 191 1

Viennent en second ordre les signes suivants :

3° Crises gastriques et laryngées; 4° Troubles dans

les fonctions des cordes vocales; o° Toux convulsive,

éternuement et accès de suffocation.-

Ces trois derniers symptômes concomitants ne sont

mentionnés que dans le cas d'Oppenheim.

La constatation chez un tabétique glycosurique de

ces symptômes plaidera donc pour l'origine tabétique;

leur absence pour l'existence d'un diabète vrai, c'est-

à-dire, dans l'espèce, pour une association tabético-

diabétique. Inutile de faire remarquer que ces divers

- symptômes faisaient défaut dans les observations iné-

dites que nous avons rapportées plus haut.

Nous voici en mesure de répondre aux diverses

exigences de la clinique et du problème qui doit être

posé et résolu de la manière suivante :

A. Etant donné un diabète sucré au cours duquel

surviennent des accidents nerveux tabétiformes, dire si

on se trouve en présence d'un vrai ou d'un faux tabès.

Si les accidents nerveux se bornent à des signes tels

que : pertes des reflxes rotuliens, douleurs fulgurantes,

troubles divers de la sensibilité objective... signes de

la première catégorie, le tabes vrai peut être soup-

çonné mais non démontré. On peut en effet songer

au faux tabes du diabète sucré. Le résultat du trai-

tement anti-diabétique sur ces symptômes nerveux

donnera certaines présomptions pour ou contre le

tabes, mais rien que des présomptions, car, il faut

savoir que le signe de Westphal relevant du diabète,

n'est pas toujours influencé parallèlement aux autres

signes spinaux. Si, par contre, l'amendement de ces

192 PATHOLOGIE NERVEUSE.

accidents est notable et général, il plaidera pour l'exis-

tence d'un faux tabès.

S'il survient au cours d'un diabète des signes de la

seconde catégorie : troubles oculaires, vésicaux, mo-

teurs... le diabète véritable coexiste incontestablement

avec l'affection la première en date. Dans ces cas

d'association, il ne s'agira plus que de départager

entre le diabète et le tabes les symptômes observés.

Aisé pour les signes de la seconde catégorie, ce par-

tage sera très délicat pour ceux de la première : signe

de Westphal, troubles de la sensibilité... L'influence

du traitement pourra fournir des renseignements inté-

ressants dans quelques cas, mais non dans tous.

B. Etant donné un tabes authentique, au cours

duquel l'examen des urines décèle la présence du

sucre, dire si cette glycosurie est symptomatique de

l'ataxie locomotrice ou du diabète vrai.

Si les caractères de cette glycosurie considérée en

elle-même, si les phénomènes qui forment le cortège

habituel des glycosuries symptomatiques coexistent

chez le malade : inconstance, petite quantité du sucre,

densité faible, absence de polyurie, de polyphagie, de

polydipsie, etc., les présomptions seront en faveur

de l'origine tabétique. Ces présomptions se change-

ront en quasi-certitude si on constate en même temps :

l'anesthésie dans la sphère du trijumeau, la fréquence

du pouls et des crises laryngées respiratoires.

Si, au contraire, ces symptômes, presque pathogno-

moniques - nous voulons parler des deux premiers

sont absents, de fortes probabilités s'ensuivent, par le

fait même, en faveur du diabète sucré. Et ces proba-

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 193

bilités deviendront certitude si vient à se montrer le

cortège classique du diabète constitutionnel.

Telle est, nous semble-t-il, la marche à suivre pour

arriver à la solution de ce double problème clinique.

Nous nous croyons, en conséquence, pleinement auto-,

risés, en attendant la confirmation d'une autopsie qui

serait péremptoire et irréfragable, à tirer de cette

étude les conclusions suivantes :

1° Il existe des cas d'associations du tabes vrai avec

le véritable diabète sucré ;

, 2° Cette association du tabes avec le diabète, chez

un même individu comme dans une même famille,

n'est pas une coïncidence fortuite; elle est la consé-

quence des liens étroits de parenté qui unissent les

deux grandes familles arthritique et névropathique en

général, le diabète et l'ataxie locomotrice progressive

en particulier ;

3° Pour établir le diagnostic de ces cas d'association

et les séparer du pseudo-tabes diabétique et de la gly-

cosurie tabétique avec lesquels on pourrait les con-

fondre, il faut procéder de la manière suivante :

a. Il s'agit d'un diabétique avéré avec signes

nerveux tabétiformes. Si le traitement antidiabétique

amende ces signes nerveux en même temps que les

symptômes habituels du diabète, on peut affirmer le

pseudo-tabes. Dans le cas contraire, on aura des pré-

somptions en faveur du vrai tabes. Et l'existence ou

l'apparition ultérieure de certains signes tabétiques :

incoordination spéciale, troubles vésicaux, oculaires,

transformeront ces présomptions en certitude. On sera

alors en présence d'un véritable tabes associé au dia-,

bète sucré.

Archives, t. XXIII. 1 13

194 PATHOLOGIE NERVEUSE.

b. Il s'agit d'un tabétique avéré dont les urines

oontiennent du sucre. Si cette glycosurie s'accompagne

d'anesthésie dans le domaine du trijumeau, de fré-

quence du pouls, de crises laryngées, respiratoires,

elle est sous la dépendance de l'ataxie locomotrice

progressive. Si, au contraire, ces signes concomitants

manquent, il y aura de fortes probabilités le nombre

restreint des cas de glycosurie tabétique empêche d'être

plus affirmatif en faveur de l'origine diabétique de

cette glycosurie, sans parler de l'existence à un moment

ou l'autre des symptômes classiques du diabète sucré.

On se trouvera alors en présence du diabète vrai asso-

cié au tabès.

APPENDICE

Notre travail était déjà sous presse lorsque M. le Dr Latil

(d'Aix) fit au Congrès de Marseille une intéressante communi-

cation sur une famille dont presque tous les membres étaient

atteints de maladie de Friedreich. L'un d'eux était diabé-

tique. M. Latil, avec une grande obligeance, dont nous le

remercions ici, voulut bien nous envoyer quelques notes con-

cernant cette famille et son tableau généalogique. On trou-

vera également plus loin un autre tableau qu'il nous envoya

dans la suite et qui n'est pas moins intéressant.

Observation DE la famille A... (Maladie de Friedreich.)

(Dr Latil, d'Aix.)

La famille A... offre un intéressant exemple d'ataxie héréditaire.

Huit de ses membres ont été atteints successivement en l'espace

de quatre générations.

Tous ceux que nous avons pu étudier réunissaient les symptômes

cardinaux décrits par Friedreich : caractère familial de l'affection,

incoordination motrice se manifestant dans les jambes et les bras,

d'abord sous forme d'incertitude, puis avec les caractères ataxi-

formes ; trouble de la parole; absence de douleurs fulgurantes, de

ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 19J'

crises viscérales, de troubles de la sensibilité. Cependant quelques-

uns des symptômes de l'ataxie héréditaire font défaut chez nos z

malades : c'est le nystagmus et la déviation vertébrale, qui ont été

consignés chez cinq des 9 malades du mémoire de Friedreich. De

plus, contrairement à ce qui a été observé par cet auteur, le con-

trôle de la vue chez deux sujets de notre famille corrige nettement

l'incoordination motrice. Chez l'un d'eux, fait signalé par Mendel,

il existait dès le jeune âge du tremblement de l'écriture. Chez le

même, les réflexes rotuliens sont notablement exagérés.

Examinons maintenant comment s'est faite l'évolution de la

maladie dans la famille A.... L'aïeul, ataxique depuis plus de

vingt ans, est mort à un âge avancé..

La deuxième génération se compose de trois filles et d'un fils.

Parmi ces quatre membres, trois sont ataxiques et le troisième, la

seconde fille, est diabétique.

Actuellement âgée de soixante-deux ans, en 18S4, elle consulta

son médecin pour un prurit vulvaire, c'est ce qui mit sur la trace

du diabète; elle avait alors 40 grammes de sucre par litre; elle a

suivi depuis cette époque le régime classique plus ou moins atté-

nué, et des traitements alcalins ou arsenicaux divers; le sucre

varie de 4 à 10 grammes par litre, mais n'a jamais entièrement

disparu; elle a un assez fort embonpoint et ne présente aucun

autre trouble de santé générale. Sa descendance est particulière-

ment intéressante à étudier. Sa fille ainée, névropathe simple, boit,

aucun phénomène morbide, a une fille unique de dix-neuf ans,

hystérique et astasique-abatique depuis un an (diagnostic porté par

le Dr Grasset). La seconde fille, actuellement bien portante, a eu

à l'àge de dix-sept ans, une chorée grave de longue durée avec

troubles intellectuels.

La troisième génération compte 17 personnes, dont quatre seu-

lement ataxiques, mais parmi elles figurent les trois fils de la

branche ainée. Nous y relevons encore une choréique dont nous

venons de parler.

La quatrième génération se compose de douze enfants dont les

âges varies de vingt à cinq ans, chez aucun.d'eux on ne peut devi-

ner encore l'ataxie : un seul a les doigts en massue et une fille

de dix-neuf ans est hystérique avec astasie-abasie; nous l'avons

citée.

Nous n'avons pu trouver dans la famille A... les traces d'au-

cune diathèse : syphilis, arthritisme, etc., pouvan-t jouer un rôle

étiologique. La goutte et la tuberculose y ont été introduites par

des croisements étrangers et ne peuvent entrer en ligne de compte.

. Toute l'histoire de cetle famille 'se trouve consignée dans le

tableau suivant.

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'1 : 1

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M

ASSOCIATION DU TABÈS AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 197

Dans la suite nous avons pu encore, grâce à l'obligeance

extrême de notre maître, M. le professeur Charcot, qui s'est

livré à des recherches de ce genre systématiquement chez

presque tous les malades de sa consultation, recueillir un cer-

tain nombre de tableaux généalogiques. Ils peuvent, comme

les précédents, se grouper sous deux chefs : d'une part ceux

qui montrent la parenté, au point de vue héréditaire, du

diabète et des maladies du système nerveux ; d'autre part ceux

qui ont trait principalement à celle du tabes et du diabète.

198 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ASSOCIATION DU TABÈS -AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 199

200 PATHOLOGIE NERVEUSE. TABÈS ET DIABÈTE.

Si tout ce que nous avons déjà dit n'est pas-assez, peut être

cette longue accumulation de généalogies suffira-t-elle par

elle-même à entraîner la conviction.. ,

RECUEIL DE FAITS

SUR LES HALLUCINATIONS, ET EN PARTICULIER LES HALLU-

CINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES, DANS LA MÉLAN-

COLIE ;

Par J. SÉGLAS, médecin suppléant de la Salpétrière,

. et PAUL LONGE, interne des hôpitaux.

Dans son remarquable mémoire sur les hallucinations,

Baillarger a nettement distingué des hallucinations qu'il

appelle psycho-sensorielles une variété d'hallucinations dites

par lui psychiques. L'un de nous, dans un précédent travail',

s'est attaché il étudier le mécanisme de cette dernière variété é

d'hallucinations qui seraient en fait des hallucinations verbales

psycho-motrices. En deux mots, nous rappellerons ce qu'on

doit entendre par hallucination psycho-motrice. Se fondant

« sur la théorie qui fait de l'hallucination en général un

trouble fonctionnel des centres corticaux 2 », il est aisé de se

rendre compte que chacun des centres de la fonction du

langage pouvait être le siège de ce trouble fonctionnel, de cet

état d'éréthisme qui provoque l'hallucination. Suivant le

centre excité il y a hallucination verbale visuelle, verbale au-

ditive, verbale motrice et même verbale graphique. L'excita-

tion des centres moteurs du langage produira, suivant le degré

d'excitation : l'impulsion verbale, l'hallucination verbale mo-

trice simple ou enfin à l'état plus faible, la représentation

mentale motrice. Cette manière de voir est acceptée aujour-

d'hui par un certain nombre d'aliénistes (Uann, Cullerre, Tam-

burini, P.Janet, Soury, Ballet).

Ces hallucinations verbales psycho-motrices sont connues

chez les persécutés chez lesquels elles s'ajoutent aux halluci-

nations verbales auditives 3. Nous croyons qu'à ses degrés

' J. Séglas; in Progrès médical, 1888, et Archives de Neu-ologie, 1891.

1 J. Séôlas et P. Bezançon. Annales nrédico-psyclaodogiques, 1889,

note de la page 29. ,

3 Ballet. - Sem. médicale, 1891.

202 RECUEIL DE FAITS.

divers, elles sont fréquentes aussi chez les mélancoliques, et

si on y a peu insisté jusqu'ici, c'est peut-être parce qu'elles

restent souvent chez eux à l'état faible. Mais chez ces malades,

quelle que soit leur intensité, elles semblent avoir beaucoup

plus d'importance que les autres hallucinations et contraire-

ment à ce qui se passe dans le délire des persécutions hal-

lucinatoires à marche progressive, elles précèdent ici l'hallu-

cination auditive qui n'est que secondaire quand elle existe,

que « confirmative du délire ». Nous laissons de côté et à des-

sein la mélancolie avec stupeur dans laquelle les hallucina-

tions visuelles et auditives sont souvent, au contraire, prédo-

minantes. En effet, les cas de stupeur hallucinatoire nous

paraissent devoir être mis à part, ainsi qu'on tend d'ailleurs à

le faire aujourd'hui de plus en plus. : z

Voici tout d'abord une observation de délire mélancolique

déjà publiée par l'un de nous'. Non seulement l'hallucination

verbale psychomotrice y est signalée, mais la malade elle-

même décrit très nettement ce qu'elle ressent.

111 ? P..., née Ch..., trente-huit ans est entrée à la Salpêtrière,

le 22 décembre 1887. 1

Père buvait à l'occasion; mère un peu nerveuse. Développement

tardif, niveau mental faible. 11 y dix ansaccès de mélancolie, ayant

duré deux ans.- L'accès actuel a débuté au cours d'un allaitement

durant déjà depuis dix mois. Son enfant eut alors des convulsions

qui l'effrayèrent beaucoup. Au début, période de tristesse, d'apa-

thie, perte de sommeil; puis au bout de quelques jours, hallucina-

tions de l'ouïe, de la vue, troubles de la sensibilité générale, délire

mélancolique, interprétations délirantes. Elle croit avoir fait le

malheur de sa famille, elle se reproche des fautes imaginaires;

les gestes qu'elle voit faire signifient qu'elle paiera pour tout le

monde. Idées de suicide parce que la religion a dit : si ton pied

est cause de quelque chose de mauvais, il faut l'éloigner. Or elle

. qui cause le malheur de l'humanité doit être- supprimée. Plus tard

la malade a présenté des hallucinations dites psychiques, qu'elle

distingue parfaitement des autres, parce qu'elle ne les entend pas

par l'oreille; « mais ce sont, dit-elle, des mouvements qui se font

en moi qui me disent tout cela. » Quand les voix intérieures par-

lent, on la voit remuer les lèvres et prononcer des mots indis-

tincts qu'elle répète ensuite tout haut. Depuis qu'elle éprouve

ces phénomènes, « elle est obligée de parler sa pensée et de

causer seule tout le temps; auparavant elle pensait sans parler. D r

i i t .

' J. Séglas et P. Bezançon, toc. cil. \

DES HALLUCINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES. 203

.

. Un jour, elle a senti quelque chose lui entrer par les sens, comme

un air dans la bouche : c'est son enfant (qu'elle croit mort) qui

s'est emparé d'elle : pendant quelque temps son âme était entrée

dans la sienne et lui parlait intérieurement. Elle a toujours une

voix intérieure qui rappelle des faits passés pour elle ou d'autres

personnes et une autre qui la gronde : c'est celle du bien qu'elle

n'a pas fait. c D'ailleurs, ajoute-t-elle, il y a toujours en moi deux

' idées qui se contredisent. » Une voix intérieure lui dit de me dire :

« Vous avez aimé une femme qui est le diable ; » une autre lui dit

qu'elle a mal fait de le dire c Je suis Jésus en vous, » lui dit

une voix au coeur, et un autre répond à la même place : « Tu es

ironique. » ' '

Voilà donc une mélancolique qui nous offre réunis diffé-

rents degrés de l'hallucination verbale motrice. «Elle est

obligée de parler sa pensée, » ou bien elle remue simple-

ment les lèvres ou bien elle sent une voix au coeur. La

coexistence chez le même individu de ces différentes manifes-

tations des voix intérieures est une preuve qu'elles ont le

même point de départ, et si l'expression de la malade varie, si

elle localise différemment ses voix, si elle établit entre elles

des nuances il y a une chose qui ne varie pas, c'est le point de

départ intérieur de- ces voix. Il faudrait avoir à faire à un

malade bien intelligent et particulièrement conscient pour

préciser les particularités qui peuvent indiquer la nature

psycho-motrice de ces hallucinations.

Cela n'est pas rare cependant et il en est, comme le témoi-

gnent nos observations antérieures, qui rapportent leurs voix

intérieures aux mouvements d'articulation de la langue, d'une

façon précise. Par contre, il peut ne pas y avoir de localisation ;

c'est la simple conversation mentale; c'est ce que les malades

appellent la voix de la conscience, la pensée intérieure. On

conçoit que les malades expriment différemment leurs sensa-

tions suivant leur éducation, leur intelligence, leurs croyances

aussi bien que suivant l'intensité du phénomène hallucina-

toire.

Nous suivrons le développement de l'hallucination psycho-

motrice successivement chez les mélancoliques avec cons-

cience, chez les mélancoliques déprimés et chez les mélanco-

liques anxieux, suivant la division de notre maître, M. Falret.

Nous verrons ainsi en quelque sorte comment se constitue la

voix intérieure chez des malades et nous chercherons à mon-

204 RECUEIL DE FAITS. '

trer comment, chez les anxieux surtout, elle devient si indé-

pendante et si inconsciente pour le sujet, qu'elle peut facile-

ment passer à un examen superficiel pour une véritable voix

' -extérieure. -

Observation Il 1f ? 13..., âgée de cinquante-neuf ans, se pré-

sente à la consultation externe de la Salpêtrière le 10 novembre

1891.

Elle a des idées noires. Il y a deux ans, son mari s'aperçut déjà

de quelque chose. Elle s'ennuyait, ne se plaisait plus chez elle. Elle

avait eu son retour d'âge à cinquante-quatre ans. Elle sortait pour

trouver de la société; mais elle se fatiguait très vite. Elle se plai-

gnait, n'était pas dans son état normal. Elle avait un mouvement

dans les yeux. Elle se sentait faible sur ses jambes.

Ils achètent une maison il y a quinze mois. Ce fut un mauvais

marché, ils y perdirent de l'argent. Et puis elle s'aperçut que le

voisinage ne lui plaisait plus. De là des inquiétudes, des angoisses

même. Elle y p ensait la nuit et « ruminait » cela le matin. On faisait

-des remarques sur sa maison. Elle-même lui trouvait de nouveaux

inconvénients tous les jours. Elle, qui avait l'habitude de voir beau-

coup de connaissances tous les jours, ne voyait plus personne là où

elle se trouvait maintenant. Un jour, visitant une amie, elle vit le

papier de la chambre autrement qu'il était.

A l'église elle trouvait le temps long, s'impatientait. Se sentant

absorbée elle ne pouvait rester en place. Elle se sentait obligée

d'aller voir un voisin malade; elle cherchait un prétexte pour y

-aller.

Alors elle pensait à ses enfants. « Quel mal vqis-je leur faire, se

disait-elle; il n'y a pas deux malades comme moi sur la terre; les

-autres guérissent et moi non. Elle ne voulait plus qu'ils s'occu-

passent d'elle.

Elle éprouva en outre, il y a neuf mois, une contrariété brusque

.et depuis ce moment son état a empiré.

Elle a été prise de crises qui survenaient vers deux heures du

matin. Elle avait une sensation de boule à l'estomac, une douleur

vive au vertex et des battements dans les tempes. Puis elle s'agi-

tait et se raidissait. Ces crises ont duré six semaines à deux mois.

. Elles étaient quotidiennes. Nous n'avons pas d'ailleurs trouvé chez

elle autre chose qui puisse confirmer l'hystérie.

Elle a maigri de trente-cinq livres quoique ayant bon appétit.

L'estomac était bon, mais depuis quelques jours, elle a des renvois

le matin. -

Actuellement elle n'a plus de volonté, plus de goût au travail.

Elle se préoccupe toujours de la peine qu'elle fait à ses enfants en

ne pouvant pas surmonter son mal. Il y a trois semaines, elle se

DES HALLUCINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES. 205

frappait l'estomac tant elle s'en voulait à elle-même. « Je ne suis

pas digne de voir le jour ; je suis une mauvaise mère, dit-elle.

Mes enfants ont des attentions pour moi, mais je n'en suis pas

digne. » -

Conversation mentale. - Le matin, quand elle se réveille, elle est

assaillie d'idées. Elle se répète qu'elle aurait dû réfléchir avant

d'acheter sa maison ? qu'elle a été bête. Elle ne peut penser à

'autre chose. A propos de n'importe quoi elle se dit souvent : j'au-

rais mieux fait d'agir autrement, je ferais mieux de changer

d'idée. Il lui arrive de parler toute seule; elle se sent alors réelle-

ment forcée de parler. « Si je reste comme ça, je ne pourrai plus

servir à rien; on sera obligé de me mettre dans une maison. » Si

elle n'avait pas de religion, elle se donnerait la mort. Elle ne

trouve pas à redire à ceux qui le font. Elle souhaite seulement

qu'une bonne congestion vienne la prendre. Pas d'impulsions au

suicide.

Pas d'hallucinations de la vue ni de l'ouïe. Rien au coeur;

artères souples.

Antécédents personnels. - Réglée à quinze ans, elle n'a jamais

été malade. Elle fut facile à élever, elle apprenait bien. '

Etant jeune, elle était très scrupuleuse, avait toujours peur de

mal faire. Après s'être confessée, elle avait peur de n'avoir pas tout

dit. Pourtant elle était gaie et avait du caractère.

Antécédents héréditaires. Son père est mort du choléra à

soixante-seize ans. Sa mère qui a quatre-vingts ans est encore d'un

bon conseil. '

Une soeur morte d'apoplexie à soixante-dix ans. Un frère mort

d'une maladie cérébrale; cela lui était venu quatre ans après un

incendie.

Cette malade est un type de mélancolie avec conscience.

Son caractère l'y prédisposait peut-être un peu. Elle se por-

tait médiocrement lorsque survient une contrariété. Elle s'y

attache, la rumine, devient aboulique, se voit incapable,

indigne et est prise de craintes pour l'avenir, et son état d'in-

décision est tel qu'elle désire la mort sans penser à se la

donner. Elle présente de la conversation mentale très nette et

la preuve que chez elle cette conversation mentale se fait sur-

tout à l'aide de représentations mentales motrices c'est qu'elle

arrive ainsi à se parler à elle-même à haute voix.

Observation Il. - La nommée Marie Fuzer... est entrée à la

Salpêtrière le 5 décembre 1889 (service de M. Falret). Le certificat

206 RECUEIL DE FAITS.

portait le diagnostic de dégénérescence mentale, dépression mélan-

colique. Elle est décédée dans le service le 14 février 1890. '

Cette malade se fait remarquer par une phraséologie préten-

tieuse. Elle aspire à l'idéal. Elle a, dit-elle, une maladie de l'âme.

-(Elle distingue l'âme et le coeur). Son chagrin lui vient de ce qu'elle

n'a pu élever ses enfants comme elle aurait voulu. Et puis son

mari voulait toujours l'enc... Elle avait une passion pour la méca-

nique et a fait de son fils un mécanicien.

Elle est tombée dans la dépression mélancolique et dans une

inertie progressive, par paralysie delà volonté, dit-elle.

Voix intérieure. Une voix de sa conscience lui disait : « Tra-

vaille et prie. » Elle ne fut articulée qu'une fois.

Pas de mauvais génie. Pas d'idées délirantes.

Idées de suicides particulières, Elle voulait donner dix francs à

un mauvais sujet pour qu'il la jette à l'eau. Elle voulait aussi que

ses enfants mourussent avec elle, parce que leur avenir ne lui

semblait pas être ce qu'il aurait dû être.

Antécédents. Mère aliénée.

Cette mélancolique avait donc une voix de la conscience

qui pouvait être articulée, ce qui prouve que c'est bien le

centre moteur d'articulation qui était excité. La façon dont

elle voulait se suicider en se faisant tuer est bien digne d'une

malade qui se disait elle-même paralysée de la volonté.

Observation III. - Mélanie Bac..., veuve Paq..., âgée de cin-

quante-cinq ans, fleuriste, est entrée dans le service de M. Falret,

le 23 août 1890.

Début. La maladie semble avoir débuté il y a deux mois.

Mélanie B... s'est affaiblie à la suite des grandes fatigues que lui

causa son travail et peut-être d'une contrariété qu'elle éprouva à

l'atelier. Au lieu de rester à l'atelier, elle revint travailler chez

elle, et à partir de ce moment, elle se porta plus mal. Déjà depuis

an an, elle n'allait pas très bien. Elle avait éprouvé une déception

à l'occasion de l'héritage d'une cousine qui ne lui a laissé qu'une

rente de 600 francs.

Il y a cinq ans, à la suite d'une période de surmenage, elle parait

avoir eu une première atteinte avec état neurasthénique, idées

noires, préoccupations pour son travail. C'est sans doute ce que sa

famille appelle une crise nerveuse, car elle n'a jamais eu d'attaques

de nerfs. C'est après cette crise que sa faiblesse de caractère s'est

surtout accentuée. Elle était devenue comme une enfant. Ces

mêmes préoccupations l'ont repris peu à peu depuis un an. Elle se

tourmente parce que sa patronne est emportée. Ces deux derniers

DES HALLUCINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES. 207

mois elle a vieilli beaucoup, s'est amaigrie, a perdu le sommeil et

l'énergie. Elle était au contraire travailleuse, active, tout en étant

triste. Elle avait mal dans le dos et voulait rester couchée. Il fallait

la faire manger comme un enfant.

Depuis un mois environ, elle a des interprétations délirantes.

Mais elle était déjà malade quand elle a commencé à se faire des

idées. Elle se forçait à manger; elle sentait ses jambes molles

comme des chiffes le matin. Puis elle s'est préoccupée de son fils,

craignant qu'il ne marche pas droit. Enfin, elle a peur, la nuit

surtout. Cette peur lui est venue insensiblement. Elle avait surtout

peur du feu, et cependant elle passait des nuits sans dormir, la

bougie allumée. Elle était comme électrisée. Elle disait à une

petite voisine : Sauve-toi, sauve-toi, je vais te faire du mal. »

c La peur, dit-elle, est venue après la faiblesse, et les mauvaises

pensées après la peur. » En même temps que la peur, elle éprou-

vait déjà des impressions contraires (humeur négative de Grie-

singer). Elle souffrait de voir des lumières, de voir parler un

enfant; tout lui faisait mal, etc.

Il y a quinze jours, elle est venue habiter chez son fils, le plus

jeune, qui est horloger. Elle a vu la situation plus difficile qu'elle

ne croyait. Elle craint de le voir passer pour voleur. Tout lui

déplaît. C'est une sensation de vide qu'elle a dans le gosier qui lui

donne ces mauvaises pensées. Zigzags de feu dans l'estomac. « Mon

Dieu, dit-elle, vaudrait mieux que je meure que de supporter

cela. »

Enfin elle a eu l'idée de se tuer et de se jeter à l'eau. Elle s'est

échappée un soir de chez son fils, mais elle n'a pas eu le courage

de se suicider.

Etat actuel. - Elle aurait désiré mourir.

c Tout le monde me regarde, dit-elle, je fais frayeur à tout le

monde, tellement la terreur est en moi. J'ai peur de penser des

choses qui ne sont pas bien. »

Elle a conscience de son état et ne peut plus pleurer.

Pas d'hallucinations de la vue ni de l'ouïe.

Examen physique. Pas de troubles vaso-moteurs. Dédouble-

ment du deuxième bruit à la base. Un certain degré d'athérome.

Peau froide, sèche, flasque. Etouffements quand elle réfléchit à ses

idées tristes. Champ visuel normal. Fosse iliaque droite très légè-

rement sensible. Lobule de l'oreille adhérent. Voûte palatine ogi-

vale.

Antécédents personnels. Elle n'a pas eu dans sa jeunesse

d'autre maladie qu'une fièvre typhoïde à l'âge de dix-sept ans.

Mais elle se rappelle qu'en pension, où elle fût mise à l'âge de

trois ans, quand on chuchotait près d'elle, elle pensait qu'il y avait

un mystère dans sa famille. Elle voit aujourd'hui qu'elle avait une

208 RECUEIL DE FAITS.

destinée. Elle avait un caractère difficile. On l'enviait aulrefois,

maintenant on a pitié d'elle. j

Réglée à quinze ans. Elle ne voit plus depuis dix-huit mois envi-

ron. Mariée à dix-sept ans et demie.

Elle avait, dit-elle, une santé de fer. Cependant, elle avait des

migraines qui ont disparu depuis longtemps. Elle passait pour

intelligente, mais était peu sympathique. Quand on jouait en

famille, elle aimait mieux prendre sa tapisserie. Elle ne causait

pas beaucoup devant le monde ou bien elle disait tout d'un coup

quelque chose que l'on n'attendait pas. Elle élait un peu préten-

tieuse. Plus tard, elle se laissait traiter comme une enfant, no

connaissant que son métier et ne pouvant s'occuper d'affaires.

Antécédents héréditaires. Son père est mort à trente-cinq ans

d'un refroidissement. Sa mère n'était pas nerveuse. Elle est morte à

quatre-vingt-trois ans à la Salpêtrière. Elle ne l'aimait pas, dit-elle.

Elle avait été surveillante à la Maternité.

Sa grand'mère était surveillante à la Salpêtrière.

Elle a perdu un frère à trente ans de la poitrine et une soeur qui

avait huit ans (elle avait la jaunisse).

Famille personnelle. Son mari est mort à trente-cinq ans de

phtisie pulmonaire. Elle a perdu deux filles l'une à huit mois,

l'autre à deux mois. Il lui reste deux frères dont l'aîné est nerveux

et ressemble à sa mère, avec laquelle il avait de la peine à s'en-

tendre. Aussi aimait-elle davantage le plus jeune qui ressemblait

à son mari. '

1890. 25 août. Elle revient sur son fils. « On ne fera pas impri-

mer les choses que j'ai dites; on punirait mon fils. c Les per-

sonnes qui sont dans la cour sont affolées de voir une physionomie

comme la mienne. »

« Hier j'ai pensé, à propos de ma tristesse, que mon fils m'avait

vendu une montre d'occasion. Je l'ai jugé et je lui ai dit : c Pour

que cela soit régulier, il faut que tu me donnes un reçu. - Cela

« va sans dire, répondit-il. » Et cependant il ne me l'a pas donné.

Vous voyez bien que j'ai lieu de m'inquiéter à son sujet. 11 n'est

pas honnête, » .

27. Voici comment elle expose ses idées de culpabilité, d'hu-

milité ; et comment elle manifeste le phénomène de la conversa-

tion mentale.

« Aujourd'hui, j'ai encore la tête plus lourde. Mon fils est un

vaurien, la pire des choses quand on vend des choses comme celles

qu'il vend (il est horloger). Je crains qu'il n'emprunte et ne couvre

pas ses emprunts. » Mais elle avoue qu'en somme elle n'en sait rien. : Du moment que je lui ai pris celte montre, s'il n'a pas rempli

ses engagements, ni lui ni moi ne méritons de considération. »

Elle se sent changée intérieurement et extérieurement. « je ne

DES HALLUCINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES. 209

suis plus rien, je suis écrasée. Je ne vous regarde pas en face,

parce qu'en effet je n'en suis pas digne. Ne vous approchez pas,

mon haleine sent mauvais. Si vous saviez comme dans cette mala-

die on ressent tout péniblement. 1 . '

«Quand je suis couchée, j'ai mal partout; c'est comme une

pesanteur. J'ai dans la gorge comme une respiration aiguë, et c'est z

elle qui me donne des idées mélangées. Le mélange des idées con-

siste à avoir toute espèce de contrariétés et à combattre les ennuis. »

En s'en allant elle se cache la figure pour traverser la cour. Ne

voyant personne, elle dit qu'on a éloigné tout le monde à cause

d'elle. ·

28. Elle a eu de la diarrhée hier et se sent abasourdie. Elle

explique sa diarrhée en disant qu'on a peut-être mis quelque chose

dans ses aliments. Ainsi craintes vagues -d'empoisonnement. Elle

n'a pas d'hallucinations du goût.

- « Il y a du pour et du contre dans tout. Je suis résignée. On fera

de moi ce qu'on voudra. Je suis comme une bûche, je suis un âne,

Je suis le ridicule, je suis une saleté. Je suis une incapable, une

paresseuse. Je suis une bête de somme, je suis rien du tout. On ne

me le dit pas, je le comprends. Je ne suis pas au niveau des

autres; je suis au-dessous des autres. Je devrais être seule et me

traiter comme une bêle. J'aimerais mieux être enfermée que d'être

avec tout le monde. Maintenant, je ne ressens rien, tout me laisse

indifférente. Qu'on fasse c'e qu'on voudra de moi.. Faut croire que

je suis un être inutile.

« Je ne me reproche rien. J'ai été dès mon enfance préparée

comme cela. Je ne sais rien, l'histoire de la montre était une ima-

gination. Je me suis mariée à faux. C'étaient de faux papiers. Mais

on ne voulait pas me faire de mal, j'ai été très heureuse. Je crois

que ma mère n'était pas ma mère. Mon nom n'est pas mon nom.

Je suis comme un monstre physique et moral. Je suis changée du

tout au tout. Mon mari ne devait pas s'appeler P... Je trouve

tout drôle. Je ne sais pas d'où je sors, d'où je pars. Quand je tou-

chais ma rente, je ne sais pas si c'était vrai; ça doit être faux; ça

devait être préparé par tout le monde. C'est peut-être joué contre

moi. Ma mère n'est peut-être pas morte. J'y ai été franchement

parce que je suis un âne.. ,

Conversation mentale. J'étais un sujet préparé contre les idées.

Une voix dit pour, l'autre contre. Je ne les entends pas, je les -coin-

prends. Je cause en moi-méme sans parler cependant. Il m'a fallu

arriver jusqu'à aujourd'hui pour cela. C'est comme des voix inté-

rieures. » (Elle n'a pas remarqué l'articulation mentale.)

Elle n'a pas d'écho de la pensée non plus. c On devrait me

découper; je sais que je serai coupée en- morceaux; d'ailleurs, je

ne sais et je n'ai pas peur. On suit ma pensée, on peut suivre ma

lecture. Je le vois par les réflexions qu'on fait.... ' 1

Archives, t. XXIII. 14

210 RECUEIL DE FAITS.

« Si je fais un rêve agréable, on fait du bruit exprès pour que je

ne repose pas. Les autres ne doivent pas entrer dans ces bruits.

Autrefois, j'avais des cauchemars la nuit. » Mais elle n'a pas de

visions. Elle sembleavoir de la tendance aux idées de négations.

« Je croyais vivre comme tout le monde, mais il faut croire que

ce n'était pas cela. J'ai donc été mal élevée. Je n'étais pas moi-

même, il fallait que je sois guidée. C'est la faute de ma mère.

Alors elle ne m'aimait pas, elle n'était pas ma mère, je ne sais

plus. Mes parents ne sont plus mes parents. Tout mon corps me

semble étrange. J'ai une sensation de vide dans le côté. Tout a été

faux dans ma vie. Rien n'était vrai. Je ne sais pas mon âge, je ne

sais rien. »

Elle est frappée aujourd'hui de bizarreries de noms qui ne la

frappaient pas autrefois.

c Ainsi, dit-elle : ,

Eau bourriquée : c'est pour une bourrique; et ces noms de ma-

lades ou de personnes que je connaissais : Soulier, Desoye, Mantelet,

ça n'est pas des noms ; Grenat, Cramoisi, ça n'est pas des noms,

c'est des couleurs. * z

1891. 9 novembre. Toute son histoire est écrite. Elle voit au-

jourd'hui qu'elle avait une destinée. Elle est indifférente à tout

maintenant contrairement à ce qu'elle était autrefois très heu-

reuse. Tout ce qui s'est passé a été même pour ça. Tout est men-

songe, archi-mensonge. Elle croit que tout est faux. Elle ne parle

que de ce qu'elle sait faussement. Ainsi autrefois elle était bien

accueillie partout, mais faussement. Aujourd'hui elle voit que tout

le passé était faux. Car elle n'est pas traitée comme les autres. Elle

n'a pas d'affection autour d'elle. On devrait faire d'elle une victime.

Elle est tellement âne qu'elle n'ose plus ouvrir la bouche pour

parler.

On devine sa pensée et elle ne devine pas la pensée des autres.

Quand elle réfléchit, les personnes qui sont autour d'elle lui font voir

qu'elles devinent sa pensée par les actes qu'elles font. Il y a eu des

moments où elle prenait tout pour elle, mais maintenant elle les

laisse dire. Elle a entendu murmurer que sa mère l'avait eue avant

son mariage, mais elle n'en sait rien. Elle suppose que ses deux

filles ne sont pas mortes; cependant elle les a crues mortes autre-

fois. Elle semble aussi depuis avoir reconnu sa soeur morte à huit

ans. Nille Dupont (l'ancienne surveillante) est morte dans ses fonc-

tions, mais elle n'est pas morte. Ses fils sont mariés, elle ne sait

pas comment. Les malades du service ne sont pas malddes. Une

chose qui la frappe, c est que les gens ont plusieurs rôles, ainsi

M"°Dupont. Elle est aussi : Bourdon, Toursechoppe (une tante ma-

ternelle), Uelleville... '

Elle est persuadée que les internes sont là pour la brûler.

Ce qui l'a beaucoup tourmentée, c'est l'incertitude de l'existence.

DES HALLUCINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES. 211

Elle disait cet hiver à sa bru qu'elle la voyait dans la maison,

ou du moins qu'elle la voyait passer. Elle a dit aussi avoir vu le

père de sa bru, et avoir entendu son amie Amélie. Mais elle avoue

que c'était peut-être des personnes qui leur ressemblaient. « Je me

fais souvent une idée qui s'abat tout de suite, c'est plutôt dans

mes réflexions à moi toute seule. » Elle n'a jamais eu de voix

extérieures. C'est tout ce qu'on peut noter comme interprétation

délirante ressemblant à une hallucination de la vue ou de l'ouïe.

- Elle voit quelquefois double à la lumière. Cela tient sans doute à

la divergence variable de son regard. Quand on lui fait fixer quel-

que chose ses yeux ne divergent pas, ils peuvent même converger

dans une certaine mesure. Mais quand la fixation est difficile par

exemple, quand on porte l'objet très en haut ou très en bas, ou

bien quand elle regarde devant elle sans fixer son attention, on voit

l'oeil droit entraîné en dehors. L'acuité visuelle de cet oeil droit est

moindre que celle de l'oeil gauche. Ces troubles de la vision parais-

sent remonter à l'enfance. Ses amis l'ont toujours connu ainsi.

20. - « On a sans doute besoin de moi, je dois servir à la société

pour un procès. Je suis bonne à tuer. Vous devez savoir. Tout le

monde connaît mes pensées et je ne connais pas celles des

autres. » Quand on l'interroge, elle ne finit presque jamais sa

pensée.

En somme, pour résumer cette longue observation qui à nos

yeux représente un type de mélancolie, Mél. Paq. semble avoir

dès l'enfance donné des preuves d'un état mental spécial.

Du côté affectif, elle trouvait le monde bizarre, elle avait de

la tendance à critiquer ses semblables et à s'isoler d'eux.

Elle avait besoin d'affection et la repoussait : Du côté intellec-

tuel, elle était travailleuse mais bornée, elle manquait de

souplesse. Enfin, elle a toujours montré une volonté au-

dessous de son âge. Cependant mariée, elle fut heureuse jus-

qu'au jour où elle perdit son mari et la mère de celui-ci qui

l'aimaient beaucoup tous deux. A partir de ce moment, sauf

une amie, elle retomba dans son isolement. Elle travaillait

beaucoup et c'est dans un état de dépression physique mar-

quée qu'elle commença à perdre l'esprit. Elle se nourrissait

mal. Elle devint complètement aboulique et indifférente d'où

ses idées de désespoir, d'humilité et de culpabilité. Elle se

fixe dans un scepticisme vague doutant de ses sentiments et

de ses idées noires, de ses actes même, incapable de. faire de

nouvelles synthèses mentales à l'aide de ses nouvelles im-.

pressions.

Au point de vue qui nous occupe, mes. Paq... présente à un

'1 RECUEIL DE FAITS.

très haut degré le phénomène de la conversation mentale à

l'aide des images motrices, puisque la malade « cause en elle-

même » comme si elle parlait « mais sans parler réellement ».

Chez elle il y a une dissociation nette de la personnalité du

dédoublement. Il s'agite' dans son esprit un a mélange »

d'idées contradictoires qui l'empêche de conclure à quoi que .

ce soit. Cette incertitude même rend impossible la produc-

tion d'hallucinations. Il ' ne se produit pas en elle d'ima-

.ges assez vives ni assez durables pour qu'elles puissent être

projetées au dehors. Au contraire, elle semble rapporter ses i

impressions extérieures à ce qui se passe en elle puisqu'il

lui parait qu'on lit dans sa pensée comme si tout ce qu'elle ,

voit, tout ce qu'elle entend était la conséquence de ses

réflexions. Pourtant nous avons vu que ses illusions et ses ;

interprétations délirantes auraient pu être prises aussi pour

des hallucinations. `

Observation IV. La nommée Marie-Anne Tauq..., vingt-neuf

ans, entra à la Salpêtrière le 7 novembre 1888, service de M. Falret, .i

dans un état de dépression mélancolique très accentué avec idées'

bypochondriaques spéciales. : Le début de la maladie actuelle remonte à deux ans et demi.j i

Elle sentait comme une poupée en caoutchouc, monter et des-¡,¡

cendre en elle. Elle a été vingt-sept ans sans savoir qu'elle était

double. Elle avait bien déjà la « France en elle, mais sans le ,

savoir. Elles furent enchaînées toutes deux, dit-elle, par deux vers ' 1

solitaires qui les empêchait de remuer.

Elle n'a su qu'elle était double que quand elle a senti la petite

Marianne remuer en elle, surtout dans l'estomac. Son corps était

creux et la petite Marianne se promenait dedans. Elle venait de

sa bouche sur sa langue pour chercher la nourriture. z

« Quand on a des personnes en soi on subit l'impression de ces

personnes sans le savoir, on s'ennuie. »

Par moments, quand elle était au couvent, la petite Marianne,

en se remuant, la jetait du haut en bas de son lit. Elle ne savait

pas encore que Marianne était en elle.

Aujourd'hui, quand la petite Marianne souffre en elle, elle prédit

à' ses ennemis leur sort futur. Elle devient méchante. La petite

Marianne va toujours du côté droit. La France était du côté gauche.

Voix intérieure. Elle a eu des hallucinations psychomotrices

très nettes. Il était question de lui faire une opération à la jambe.

Alors elle a entendu comme une petite voix. La France disait en

elle : Ce sera moi qui souffrirai et pas toi. Il lui semblait que quel-

que chose d'elle parlait.. ·

DES HALLUCINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES. 213

Sa mère était, dit-elle, possédée du démon, mais elle-même ne

l'est pas.

Les hallucinations qui sont signalées sur certains certi-

ficats concernant cette malade, nous semblent ne pas être

autre chose que ces voix intérieures que la malade désigne

d'une façon si bizarre. Car elle a toujours dit qu'elle n'avait

jamais entendu d'autres voix, venant de l'extérieur frapper

son oreille.

Observation V. Jeanne-Marie Cresp..., âgée de quarante ans,

née à Alcigné (Ille-et-Vilaine), entra à la Salpêtrière, fin 1889,

service de M. Falret, avec un certificat de dépression mélancolique

signé de M. Magnan. Elle présente ensuite dans Je service de

M. Falret des alternatives, d'anxiété et de dépression.

Elle avait eu un premier accès de mélancolie en 1885 et fut placée

à Vaucluse. La cause de cet accès semble avoir été la perte de la

' fortune de son amant. Elle s'imaginait qu'elle était enceinte et d'un

autre que son amant. Des gens voulaient lui faire du mal. Elle

croyait que tout le monde parlait d'elle, sans pouvoir désigner

qui. On la méprisait. Elle resta trois mois à Vaucluse et en sortit

sans idées délirantes.

Le deuxième accès a débuté en octobre 1889. Se sentant malade,

fatiguée, elle demanda à son atelier une permission de quinze

jours et s'alita. Elle était toujours aussi très jalouse de son amant.

Elle ne pouvait plus rien faire, ni travail à l'aiguille, ni commis-

sions, ni même sa cuisine. Elle se reprit à délirer : on doit la mé-

priser ; ses voisins parlent d'elle en arrière.

Elle avait de l'insomnie.

Pas d'idées d'empoisonnement.

Pas d'auto-accusation.

Interrogée dans le service, elle présente une certaine anxiété,

du tremblement des mains, surtout à gauche.

Elle ne sait pas où elle est ni ce qui lui est arrivée. Elle a élé

malade et va mieux.

Voix intérieures. Elle dit entendre des voix (mais des voix bien

spéciales) qui lui disent qu'il faut mourir, qu'on va la tuer. Ces

voix sont très loin, elles ne ressemblent ni à la voix d'une per-

sonne parlant haut ni à une personne parlant bas à l'oreille : Elles

partent de dessous le sein gauche. Cela remonte, elle ne sait d'où,

et elle comprend des voix, dit-elle. D'ailleurs, elle saisit mal ce

qu'elles disent.

Antécédents personnels. « Etant toute petite, dit-elle, j'ai su

souffrir par jalousie. »

214 - RECUEIL DE FAITS. '

Vers 1875, on note une maladie d'épuisement, après avoir soigné

un ami.

Elle était très nerveuse sans jamais avoir eu d'attaques. Elle se

mettait en colère pour peu de chose ; elle était vive et laborieuse.

Aimait à se disputer. 'Froid aux pieds, maux de tête, mal réglée.

Elle était orgueilleuse, aimant la discussion et s'occupant tou-

jours de ce qu'on disait d'elle. Elle avait de l'initiative, et voulait

qu'on lui obéisse.

Antécédents héréditaires. Son père était maniaque. Sa mère

avait une maladie de cour. Elle fut élevée chez sa grand'mère. Un

oncle paternel a eu la tête dérangée. Une tante aliénée et en-

fermée.

1891. 19 novembre. Elle présente une certaine incertitude

inquiète dans le regard. Elle parle vite, avec volubilité, en articulant

à peine. Elle porte un paquet de croûtes de pain, soi-disant pour

manger dans le cas où elle aurait faim dans la journée. Voici le

résumé de sa conversation. Elle ne se rappelle pas la date même

approximative de son entrée, ni l'année où nous sommes. Elle s'ap-

pelle Cresp... ne pas confondre avec Crép... Il y a bien des per-

sonnes qui prennent de faux noms. Il y en a bien aussi qui sous

prétexte de faire du bien font du mal. Elle est ici prisonnière d'État

et de guerre, ce n'est prisonnière d'hier ni prisonnière d'Hyères.

Elle a été commencée (conçue en 1848), mais elle n'est née qu'en

1849. Il faut passer par où elle a passé pour savoir ce que c'est que

la souffrance, Quand on lui demande si elle a eu des chagrins, elle

répond : « Mourir d'amour ! Il y a bien des façons de mourir d'a-

mour. Faire vivre quelqu'un par caractère, c'est le faire mourir à

petit feu. On peut faire des canailleries en aimant. » Quant à elle,

elle ne sait pas aimer.

Elle vivait avec le fils du notaire. On disait qu'elle était sa maî-

tresse ; mais elle n'a jamais été maîtresse, toujours dcniestique.

Un médecin lui a dit qu'elle était poitrinaire. Toute sa vie pour-

tant elle s'est bien portée tout en souffrant. « Je souffre pour rien,

dit-elle; c'est-à-dire pour tous. Je ne sais pas ce qui se passe et je

n'ignore pas ce qui se passe. Qu'est-ce qui n'a pas vu ma pensée ? i*

Vous ne savez pas ce que j'ai enduré. Je suis un chiffon, une

putain, une crapule, une canaille. Je n'avais pas su comprendre

mon nom. Je suis Mademoiselle Sans-Gêne. J'ai du poil au cul.

Je ne changerai pas mes idées. Parce que Monsieur a des con-

naissances, je n'aurais pas le droit de discuter. Je ne suis pas

une femme, je suis une demoiselle. Ne m'appelez pas bonne dame,

j'ai toujours fait le mal, je ne vaux sept fois rien. C'est à tort pour-

tant qu'on me prend pour une folle. » Pendant qu'elle expliquait

comment elle avait fait écrire par son amant au contremaître à l'a-

telier pour lui expliquer son absence, elle dit « a parte » après avoir

prononcé le nom de son amant : « Ce n'est pas la peine de cacher

DES HALLUCINATIONS VERBALES PYSCHO-MOTRICES. 215

les choses, » puis s'adressant à nous : « Ce n'est pas à vous que je

parle; est-ce qu'on peut cacher ça, » en montrant sa poitrine.

Elle semble avoir répondu à ce moment à une voix qui lui aurait

reproché d'avoir parlé de son amant, et en frappant sa poitrine,

elle semblait indiquer que la voix partait de là.

On voit que Jeanne-Marie Cresp... tourne vers la démence tout

en conservant des traces très nettes de son délire. Elle dit très bien

qu'autrefois elle avait des voix intérieures, parlant en elle, mais

que cela venait de sa faiblesse, ,

c Vous rappelez-vous si vous entendiez des voix autrefois par

l'oreille, lui demande-t-on. a « Je vous dirai oui que je menti-

rais, » répond-elle. Mais il y a dans ce bavardage diffus, de l'incohé-

rence, des contradictions. Il ya dissociation des facultés et démence.

Elle répète souvent les mêmes phrases en les retournant.

Le fait le plus intéressant de cette observation est l'exis-

tence des voix intérieures auxquelles la malade donne bien'

le nom de voix en leur assignant une origine absolument

intérieure. Mais il faut l'interroger avec soin pour obtenir cet

aveu d'elle-même. Aussi l'on comprend que sur plusieurs

certificats on lui ait attribué des hallucinations de l'ouïe. Aux

yeux de son entourage elle passe aussi pour avoir eu des hal-

lucinations de la vue. Mais voici le fait.

Lors de son premier accès, elle se lève un matin à S heures,

se croyant poursuivie, persuadée qu'il y avait quelqu'un à la

porte et voulant se jeter par la fenêtre. Elle tenait le bouton

de la porte et semblait écouter. Or, son amant nous dit qu'une

fois guérie de son accès, elle se souvenait de tout ce qui s'était

passé et reconnaissait qu'elle n'avait eu que des idées imagi-

naires. Elle n'avait rien vu, ni entendu. Ainsi la malade

guérie momentanément disait d'une façon très précise qu'elle

n'avait pas eu de visions, ni de voix par l'oreille.

Nous-croyons devoir insister sur ce détail parce que dans

les observations de stupeur que rapporte Baillarger en les rat-

tachant à la mélancolie, les malades qui avaient eu de vérita-

bles hallucinations se rappelaient, une fois sortis de leur état de

rêve, les visions qu'ils avaient eues pendant leur maladie. Or,

chez notre malade rien de semblable. Ses craintes ont pu faire

croire qu'elle était hallucinée mais elle n'a eu que des craintes

peut-être exagérées par des illusions. C'était une anxiété dont

la cause était en elle-même, c'était des « imaginations »,

comme elle le disait. Mais elle reconnaissait n'avoir rien vu,

ni entendu qui expliquât son inquiétude.

216 . RECUEIL DE FAITS.

Observation VI. La nommée Victoire Lam..., veuve Pasq...,

femme de ménage, âgée de quarante-sept ans, service de M. Falret.

Entrée à la Salpêtrière le 20 mars 1888 avec le diagnostic : Délire

mélancolique. -

Voix intérieures. - Elle entend des voix depuis un mois. 11

y a deux voix qui causent ensemble. Cela n'est pas agréable de les

entendre, dit-elle, parce qu'il faut qu'elle parle. Ces deux voix

se disputent ensemble, mais c'est pour son bien. L'une est celle

du « bon », l'autre celle du « méchant ». Ils disent qu'ils sont dans

son coeur et qu'il faut qu'ils la soignent. Ils répètent tout le temps

la même chose et la force à répéter ce qu'elles disent avec sa bouche

ou sa pensée. Le méchant dit qu'on va la tuer, la mettre à la cave,

lui tirer les pieds, lui tirer l'âme. Le bon dit de bonnes et mauvaises

choses; cela change. Une voix lui a dit : Fais attention qu'on ne

t'empoisonne pas.

Ces voix intérieures se répercutent parfois jusque dans l'oreille,

'et alors c'est, dit-elle, comme une voix « Pincharde». Mais elles

sont toujours en elle.

Etat anxieux ; affaiblissement intellectuel. Crachotement. Elle

sera perdue si elle crache dans son crachoir.

Tout ce qu'elle fait est mal fait. C'est une gémisseuse perpé-

tuelle.

Ainsi cette mélancolique qu'on peut ranger parmi les

anxieuses présente avec des hallucinations psycho-motrices

du dédoublement de la personnalité. Elle offre aussi un

phénomène très curieux, c'est d'entendre ses voix inté-

rieures en même temps par l'oreille. Sans insister sur le néo-

logisme dont la malade se sert pour désigner cette manifesta-

tion particulière de ses voix, nous ferons remarquer qu'il est

une preuve de plus que ces voix ne ressemblent nullement

aux paroles humaines ordinaires. Si elles étaient compara-

bles au langage habituel, elle n'inventerait pas de mot pour les

caractériser. D'ailleurs, elle dit bien qu'elles sont surtout dans

son coeur. Si le centre auditif est excité chez elle ce n'est que

secondairement et par l'intermédiaire du centre moteur d'ar-

ticulation où se produit primitivement l'hallucination.

11 n'est pas rare d'ailleurs de voir les hallucinations ver-

bales motrices s'accompagner d'une sensation auditive spé-

ciale que les malades distinguent nettement de celles que

produisent les voix extérieures 1. Mais le phénomène auditif

surajouté est bien fait pour tromper et le malade et le mé-

il. Séglas, loc. cit. .

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 217

decin sur le point de départ réel de l'hallucination. Quant à la

voix qui lui disait : « fais attention qu'on ne t'empoisonne pas »,

il est à présumer que c'est bien une voix intérieure puisqu'elle

est tout à fait en rapport avec le sujet de sa conversation

mentale. Cette malade a été considérée comme ayant des'

hallucinations de l'ouïe, de la vue et du goût. Nous avons vu

ce qu'étaient ses voix. Nous pensons que les hallucinations de

la vue et de l'ouïe n'étaient que des illusions ou des interpré-

tations délirantes, car elle n'a jamais accusé à l'interrogatoire

à ce sujet aucune sensation précise. ' (A suivre.)

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

VII. LE MYXOEDÈME ET sa FOLIE; par J. Cumming MACKENZIE.

(The Journal of mental Science, juillet 1889.)

Le myxoedème est de description récente et il n'est encore

qu'imparfaitement connu; c'est pourquoi l'auteur a pensé

qu'il y aurait quelque intérêt à donner de ce cas la relation

détaillée que nous résumons ici :

Femme de quarante ans, mariée, entrée à l'asile en juin 1884.

Pas d'hérédité névropathique. Elle a eu plusieurs enfants; en 1884,

après avoir nourri le dernier elle a eu une crise d'agitation, et a

été placée dans une maison de santé particulière d'où elle est

sortie au bout de trois mois; mais l'agitation survenue et ses

bizarreries ont nécessité l'internement actuel. Diagnostic :

mélancolie avec agitation. Son état mental, après des hauts et

des bas sans grande importance s'aggrave en novembre. Enjanvier

elle augmente de poids, et cependant sa faiblesse augmente et les

troubles mentaux restent très accusés. Eu avril la peau est froide

et sèche, lisse à la face, mais dure et d'une teinte sale sur le reste

du corps. Les ailes du nez, les lèvres et les paupières sont épaissies :

à la paume des mains la peau est épaissie, sèche, mais lisse. Un

peu d'oedème péri-malléolaire. Les gencives sont atrophiées et

pâles. La langue est pâle, charnue, comme bouillie. Mastication

218 revue DE pathologie mentale.

imparfaite; déglutition difficile surtout pour les liquides, qui res-

sortent facilement par le nez. Pas de vomissements; pas de cons-

tipation. - Matité splénique. Pas de dilatation de l'estomac.

Les lymphatiques superficiels ne sont pas apparents. Il n'y a pas

d'engorgements ganglionnaires. Par moments, douleur à la région

précordiale; palpitations à la moindre fatigue. Syncopes avant

l'entrée à l'asile, 'mais qui ne se sont pas reproduites depuis. Pas

de pouls carotidien. - Jugulaires bleues et saillantes. L'appareil

respiratoire est à peu près sain : la malade se plaint que son nez

grossit et qu'il lui faut un effort pour parler au laryngoscope, les

piliers sont presque réunis par une bandelette rose et mince, et à

gauche par un tissu strié qui ressemble à du tissu cicatriciel. Cordes

vocales épaissies, de couleur gris rougeâlre. Le larynx dans son

ensemble est d'un rose pâle et sale ; l'épiglotte est d'un gris sale.

Le thorax tout entier concourt à l'effort respiratoire. - Pas

d'éruption à la peau, qui est sèche et rude, avec de minces écailles

surtout à l'abdomgn et au-dessous des genoux et des fissures aux

talons et aux bords externes des pieds. L'urine ne présente rien

de particulier. Pas de céphalalgie, de névralgies, d'engourdis-

sement ou de fourmillements; en somme aucune altération sen-

sorielle sauf la sensation d'eau froide le long de la colonne ver-

tébrale. Conservation parfaite du sens de la pression de la

température et du point sur lequel s'exercent ces actions. - Le

sens musculaire est moyennement développé et exact. La vue est

bonne, la perception des couleurs est correcte. Pupilles un peu

dilatées, pas toujours égales, réagissant bien. Le fond de l'oeil est

d'un rose sale. L'ouïe, le goût, l'odorat sont normaux. Les

mouvements volontaires sont faibles, mais nullement entravés.

L'excitabilité électrique des nerfs et des muscles est normale. Les

réflexes plantaire et scapulaire sont les seuls réflexes superficiels

que l'on puisse provoquer. Ils paraissent normaux, mais les autres

ne se produisent pas sous l'influence du stimulus habituelle. On n

provoque facilement le réflexe du genou, qui paraît normal. La

coordination musculaire générale est normale. Pas d'incurvation

spinale, pas de sensibilité à la pression sauf au niveau des dernières

lombaires. Etat normal des articulations et du système musculaire :

mais grande sensation de fatigue, et facilité à se fatiguer..

Au point de vue mental, on pourrait réunir les symptômes

en trois groupes, qui paraissent se succéder périodiquement :

1° Etat soupçonneux et agressif, avec inactivité; - 2° Vanité,'

contentement de soi, rappelant la paralysie générale;

3° Etat de stupeur et d'effarement, avec un peu d'activité. Tou-

tefois ce qui paraît être le substratum de ces diverses phases

c'est l'affaiblissement intellectuel et l'hébétude mentale.-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 219

Enfin il est intéressant de remarquer que la malade a eu la z

syphilis, et cela au moment de l'apparition des premiers

troubles intellectuels.

Au point de vue de l'état d'anémie de la malade, il faut

signaler non seulement l'augmentation des leucocytes, mais la

diminution de l'hémoglobine qui est proportionnellement bien

plus accusée que'la diminution des globules rouges. La

lenteur des réponses parait due à l'hébétude mentale plutôt

qu'au retard des sensations.

La température est un peu au-dessous de la normale.

La mémoire est bonne, mais lente, comme toutes les autres '

fonctions cérébrales. R. M. C.

VIII. UNE observation d'état CONVULSIF ou d'état épileptique; par

IIAIIRINGTON SAINSDUIIG. (The Journal of mental Science, octobre

1889). ,

Discussion intéressante d'un cas dans lequel la véritable nature

des accidents convulsifs n'a pu, malgré l'autopsie, être déterminé

avec précision. R. M. C.

IX. NOTE SUR UNE atrophie DU nerf OPTIQUE QUI précède LES SYMP-

TÔMES MENTAUX DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE DES ALIÉNÉS; par Joseph

Wiglesworth. (The Journal of mental Science, octobre 1889.)

D'après les faits qu'il a pu observer l'auteur conclut que lorsqu'on

se trouve en présence d'une atrophie primitive du nerf optique,

sans cause appréciable, et qu'à cette lésion se joignent des symp-

tômes mentaux plus ou moins obscurs, il y a probabilité de para-

lysie générale. Il y a une autre maladie à la vérité dont le début

ou l'imminence peuvent devenir une cause d'erreur, c'est l'ataxie

locomotrice; mais dans cette dernière, les troubles intellectuels

sont ordinairement tout à fait caractéristiques. Il y a lieu de

remarquer d'ailleurs que la paralysie générale et l'axie locomo-

trice sont assez communément associées. R. M. C.

X. Une observation DE maladie DE RAYNAUD, consécutive A la

manie aiguë; recueillie par Malhan RAW, dans le service de

W.-C. BLAND. (The Journal of mental Science, octobre 1889.)

Dans le cas dont il s'agit, l'asphyxie locale des extrémités a été

consécutive à une attaque grave de manie aiguë; le froid en avait

élé la cause locale déterminante; l'existence concomitante d'nne

hématurie paroxystique, d'un trouble de la vision et de fortes dou-

1220 REVUE DE pathologie mentale.

leurs lombaires conduit à penser que la maladie reconnaissait pour

cause une lésion nerveuse centrale. L'état général du malade s'est

amélioré. R. M. C.

XI.' Sur la difficulté d'établir UN diagnostic précis chez LES

aliénés ; par llal7at1 RAN.(The Journal of Mental Science, octobre

1889.)

Il s'agit d'uu cas d'étranglement intestinal méconnu pendant la

\ie, chez une femme atteinte de manie chronique et de démence

complète. Les seuls symptômes observés avaient été des vomisse-

menls, mais ceux-ci avaient pu légitimement être rattachés à une

autre cause; la malade en effet souffrait depuis quelque temps

d'un état cachectique déterminé par un cancer du sein avec engor-

gement des ganglions axillaires. R. M. C.

XII. LE cas DE MALTER TAYNTON, accusé DU MEURTRE DE sa SOEUR;

par Geo. H. SAVAGE. (The Journal of Mental Science, octobre

1889.)

Le crime commis par ce jeune garcon de quinze ans sur la per-

sonne de sa soeur âgée de dix ans, sans provocation ou du moins

sans provocation suffisante (elle s'était peut-être un peu moquée

de son frère) a embarrassé à la fois les médecins experts et les

magistrats. Il n'y avait chez l'accusé d'autres antécédents hérédi-

taires que la folie d'un grand-oncle du côté paternel. D'autre part,

le jeune garçon était assez ordinaire à tous égards, seulement un

peu sournois, aimant la solitude (on n'a pas découvert chez lui

d'habitude de masturbation); il lisait beaucoup, sans toutefois

rien retenir de ce qu'il avait lu, et il avait été impossible de lui

apprendre les premiers éléments de l'arithmétique. Il a brisé le

crâne de sa petite soeur à coups de marteau, après quoi il est sorti,

a lavé son gilet, parce qu'il était souillé de sang, et est rentré parce

qu'il pleuvait. Pas une seule fois, ni immédiatement après le

crime, ni plus tard pendant les interrogatoires judiciaires ou les

examens médicaux, il n'a paru se rendre compte du caractère cri-

minel de l'acte qu'il avait commis. Il a été condamné à dix ans

de servitude pénale. L'auteur estime qu'on aurait mieux fait de

l'interner dans un asile, et il a probablement raison. R. M. C.

XIII. Etude sur la STUPEUR; par James K. 'VHITwELL. (The Journal

of Mental Science, octobre 1889.)

Nous devons nous borner à indiquer ici cet intéressant travail,

qui comprend beaucoup plus de choses que ne l'indique son titre, et

que l'analyse ne saurait suivre d'assez près pour en donner une

idée satisfaisante. R. M. C.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 221 1

XIV. Sur L'ÉTUDE DES conditions DE DÉVELOPPEMENT et.de l'activité

cérébrale CHEZ LES enfants ; par Francis W,\R ! OER. (Tite Journal

of Mental Science, octobre 1889.)

L'auteur s'est proposé dans ce court travail de montrer l'impor-

tance qu'il y aurait à mieux connaître les conditions de dévelop-

pement des enfants, ainsi que leur puissance cérébrale tant phy-

sique que mentale, et l'avantage qu'il y aurait à répandre parmi

ceux qui ont pour mission d'instruire la jeunesse, la connaissance

des méthodes scientifiques d'enseignement et d'étude. R. M. C.

XV. Tentative DE SUICIDE; par URQUIIaRT. (The Journal of Mental

Science, juillet 1889.)

Il s'agit d'un homme de cinquante-neuf ans, ayant dans sa

famille des antécédents névropalhiques, qui entra volontairement

à l'asile en présentant les signes du délire de la persécution : on

ne lui connaissait à son entrée et on ne constata chez lui durant

son séjour aucune tendance au suicide. Profitant un soir d'un relâ-

chement de surveillance que son calme rendait légitime, il se fit,

à l'aide d'un instrument tranchant, cinq blessures plus ou moins

profondes, mais dont aucune n'était mortelle. Il mourut quelques

jours après et l'autopsie démontra qu'il avait succombé à une

pneumonie. On apprit seulement alors qu'il avait, avant son

entrée à l'asile, manifesté l'intention de se suicider. R. M. C.

XVI. DISCOURS présidentiel PRONONCÉ A la réunion annuelle DE

l'Association ? tf : DICO-PS7CHOLOGIQUE, le 25 juillet 1889 ; par

H. H.1YES NEwINGTON. (The Journal of Mental Science, octobre.

1889.) , ,

Comme la plupart des harangues analogues, ce discours échappe

à l'analyse par la multiplicité des sujets auxquels il touche et des

questions de détail qu'il aborde, et dont la plupart se rapportent

à l'hospitalisation des cas récents et curables d'aliénation mentale.

R. M. C,

XV11. Cas DE FOLIE associée DES états pathologiques intéressants ;

par James RORIE. (The Journal of Mental Science, juillet 1889.)

Dans le premier cas, il s'agissait d'un aliéné chez lequel on avait

reconnu une lésion valvulaire du coeur, mais chez lequel on n'avait

découvert aucun signe d'anévrysmes, et qui avait seulement eu

plusieurs syncopes; la dernière de ces syncopes fut suivie de mort,

et l'autopsie révéla un anévrysme disséquant de l'aorte thoracique

et abdominale.

Le second cas était celui d'un malade atteint de manie aiguë qui

222 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

ne tarda pas à devenir chronique : il succomba à une carie des

vertèbres cervicales avec méningo-myélite consécutive. R. M. C.

XVIII. SUR un cas DE manie -AIGUE avec gangrène SYMÉTRIQUE DES

- ORTEILS (maladie de Raynaud) ; par J. M.1CPHERSON. (The Journal

of Mental Science, avril 1889.)

Chez ce malade, atteint de manie aiguë, la gangrène symétrique

des extrémités a présenté très exactement le tableau clinique

décrit jadis par Maurice Raynaud ; il est à remarquer toutefois

que la douleur, qui est un des symptômes à peu près constants de

la maladie, a fait totalement défaut. Les modifications de l'état

mental (substitution d'un calme relatif accompagné d'un léger

degré de stupeur à l'agitation des jours précédents) sont intéres-

santes à noter pour l'aliéniste; ces modifications. d'ailleurs ne sont

pas rares, et elles ont été déjà signalées; Raynaud avait lui-même

insisté sur les modifications mentales que l'on observe en pareil

cas, et avait indiqué les rapports de celte affection avec les états

névropathiques en général. R. M. Q.

XIX. Cinquante ANS A l'asile DE BETHLEM : observation de c a10 ;

par R. PERcY-SMITH. (The Journal of Mental Science, octobre 1889.)

Observation curieuse d'un homme qui, après avoir passé dix ans

dans divers asiles et cinquante ans à l'asile de Bethlem, est mort

dans ce dernier établissement à l'âge de quatre-vingt-deux ans. Ce

malade s'était acquis une certaine notoriété en 1838, en arrêtant

à Hyde-Park le cheval de la reine Victoria, qui venait de monter

sur le trône, et en proposant à la jeune souveraine de l'épouser

pour régénérer l'Angleterre.. R. M. C.

XX. Un cas DE STUPEUR mentale ou DE démence aiguë POST-FÉBRILE ;

par John TUHNER. (The Journal of Mental Science, octobre 1888.)

' Ce cas est celui d'un jeune garçon de seize ans, né de parents

aliénés, ou du moins ayant été tous deux internés dans un asile

(ils s'étaient mariés à leur sortie) qui, à la suite d'une fièvre typhoïde,

a présenté des signes de stupeur ou de démence aiguë : il a été

admis à son tour à l'asile, où il a promptement succombé. L'auteur

n'ignore pas que la valeur du mot «démence aiguë » est très

contestée, aussi bien en Angleterre qu'à l'étranger ; il ne saurait

toutefois, pour désigner l'état de son malade, se contenter du terme

lorsque le cerveau présente des altérations organiques. Or, ici, la

stupeur n'a été que l'un des symptômes observés, et à l'autopsie, on

a constaté les lésions suivantes : 1° adhérence de la pie-mère à la

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 223

couche corticale, au' niveau de la région frontale gauche et de la

région motrice du même côté ; 2° épaississement des parois de

quelques-uns des petits vaisseaux corticaux ; 3° présence de granu-

lations à la surface des tubercules quadrijumeaux. Ces lésions

accompagnent communément les diverses formes de démence,

quelle qu'en soit l'origine. R. M. C.

XXI. Observation D'UN cas DE FOLIE A deux chez CINQ MEMBRES

D'UNE MÊME famille; par Oscar-T. WooDS. (The Journal of Mental

Science, janvier 1889.) .

Il s'agit d'une famille de dix personnes ainsi composée au point t

de vue névropathique : le père, la mère et six enfants étaient

aliénés ou idiots; les deux seuls membres qui aient échappé à

l'aliénation sont, à l'heure actuelle, âgés de moins de douze ans :

la mère et les quatre aînés des enfants sont internés à l'asile pour

avoir assassiné le cinquième enfant qui était idiot et épileptique :

ils ont commis ce crime parce que cet enfant a était une fée et

une mauvaise fée », après le crime ils sont.» allés au ciel » ; les

uns et les autres ont trouvé ce crime tout naturel, l'ont commis

ou regardé commettre froidement sous l'influence de la même

idée délirante et sont également et respectivement convaincus

d'avoir réalisé leur voyage au ciel. Le père, qui paraît surtout

faible d'esprit, et qui est demeuré calme, a été laissé en liberté (il

n'avait pas pris part à l'assassinat); lorsqu'on l'interroge, il demeure

à peu près silencieux et répond seulement qu'il vaut mieux

s'adresser à sa femme et à ses enfants, qui sont plus savants que

lui puisqu'ils ont été au ciel. A l'asile, quatre de ces aliénés se sont

calmés peu de temps après leur internement ; la fille aînée reste

seule agitée ; mais les convictions déliranles persistent chez tous à

un degré plus ou moins accusé. C'est là un curieux et assez rare

exemple de folie communiquée ou de folie collective : notons en

passant que l'auteur aurait pu préférer l'un de ces deux termes à

celui de « folie à deux a, qu'il a employé, puisqu'il s'agit de cinq

personnes. R. M. C.

XXII. NOTES SUR l'urine ET la température dans la paralysie

générale DES aliénés; par John TURNER. (The Journal of Mental

Science, octobre 1889.)

Ce travail, accompagné de tableaux, porte sur un nombre assez

considérable de cas; ce nombre, toutefois, n'est pas assez grand

pour que l'auteur ait la prétention de tirer de ses recherches des

conclusions générales. '

La quantité d'urine émise dans les vingt-quatre heures par les

malades observés a été un peu supérieure à la normale; ou n'a

224 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

trouvé d'albumine que dans un très petit nombre de cas,'et même

alors, en très faible quantité.

- Sur quarante analyses, la quantité d'acide phosphorique éliminée

n'est descendue que deux fois au-dessous de la normale. Les

phosphates alcalins sont éliminés en quantité à peu près normale ;

il n'en est pas de même des phosphates terreux dont la proportion

reste au-dessous de la normale.

11 a été fait fi5 dosages de l'urée, dont 14 à la première période,

42 à la seconde période, et 9 à la troisième période de la paralysie

générale. Chez 8 sur 10 des malades à la première période, l'urée

n'atteignait pas la limite inférieure normale qui est de 30 grammes :

il en a été de même chez 10 sur 14 des malades à la seconde

période, et chez 4 sur 6 des malades à la troisième période.

- C'est un fait généralement reconnu que dans la paralysie

générale, indépendamment de toute complication inflammatoire,

il existe généralement une élévation de la température; mais, en

admettant que ce soit là une règle, elle comporte d'assez nom-

breuses exceptions. L'auteur a constaté que, dans la première

période, la température rectale était à peu près normale. Dans les

deux périodes suivantes, elle n'est pas seulement plus élevée, elle

est en outre instable et susceptible d'être modifiée par les circons-

tances les plus insignifiantes.

L'auteur recherche et discute les causes de cette instabilité, et

termine en disant qu'il est, non pas prouvé, mais vraisemblable

que les bizarreries de la température, dans la paralysie générale,

reconnaissent pour cause la dissolution des centres nerveux supé-

rieurs, dissolution qui atteint un mécanisme régulateur dont la

perturbation rompt l'équilibre thermique, sans toutefois augmenter

la somme de chaleur; il ajoute que cette interprétation est plus

satisfaisante que celle qui invoque un état inflammatoire chro-

nique. R. 111. C.

XXIII. UN cas DE corps étranger DE L'OESOPHAGE; par E. Maziere

COUIITENAY. (The Journal of Mental Science, janvier 1889.)

Ce cas est intéressant à plusieurs litres : 1° il montre la facilité

avec laquelle on peut être trompé et se tromper lorsque l'on a

affaire à des hypocondriaques; en effet, lorsqu'un incident extraor-

dinaire survient, on est toujours tenté d'attribuer à leur imagina-

tion délirante le récit qu'ils en font; 2° il est remarquable par ce

fait que, durant toute une année, la malade a vu sa santé s'amé-

liorer, a engraissé et a vu disparaître toute difficulté de la déglu-

tition, alors qu'elle portait un corps étranger à la partie supérieure

de l'oesophage; 3° il est remarquable aussi par la situation qu'occu-

pait le corps étranger; on'ne conçoit guère, en effet, comment un

corps lisse et arrondi comme une châtaigne a pu s'arrêter et se

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. - 225 5

fixer dans la situation qu'il occupait; 4° il esl remarquable, enfin,

par l'état de conservation de la châtaigne; en effet, bien que les

vertèbres eussent été érodées au point d'être dépouillées de leur

périoste, on ne constatait aucun signe de décomposition, ni d'une

action chimique quelconque sur l'écorce de la châtaigne, bien

qu'elle eût élé fatalement soumise à l'action de la salive et des

liquides de l'estomac. R. M. C.

XXIV. UN cas d'embarras de la parole; par HARRINGTON SAINSI3URd. -

(Tlee Journal of Mental Science, janvier 1889.)

Courte, mais intéressante étude d'une forme un peu spéciale

d'aphasie (peut-être serait-il plusjuste de dire de dysphasie). Le

trouble du langage, reposant ici surtout sur des perversions de

prononciation, ne peut pas être expliqué dans une autre langue

que celle que parlait l'enfant. R. M. C.

XXV. UN cas de chorée associée A la folie; par George P. COPE.

(The Journal of Mental Science, octobre 1888.)

L'auteur relate longuement l'observation d'un cas de folie chez

un jeune homme de dix-neuf ans atteint de chorée; les points les

plus intéressants à retenir dans cette observation sont les suivants :

la chorée était unilatérale gauche, taudis que, dans la plupart des

observations similaires qui ont été publiées, elle est générale; les

antécédents du malade ne révélaient l'existence d'aucune tare rhu-

matismale ou névropathique; l'accès de manie aiguë, associé à la

chorée, a été très intense; la guérison a été rapide; elle a coincidé

avec l'emploi de l'alimentation artificielle; enfin, l'auteur attribue

l'accès de manie et la chorée à l'état de débilité générale et d'ané-

mie du sujet, doublement affaibli par l'habitude invétérée de la

masturbation et par l'insurfisance de son alimentation. R. M. C.

XXVI. Quelques cas DE maladies du cerveau CHEZ LES imbéciles; par

Fletciier Geacu. (The Journal of Mental Science, janvier 1889.)

Ce travail repose sur six observations recueillies et relatées avec

soin, dont l'analyse ne donnerait qu'une idée insuffisante, mais

dont la lecture, jointe à celle des réflexions qui les accompagnent,

ne manque pas d'intérêt. R. M. C.

XXVII. L'Asile des aliénés au CAIRE EN 1888 ; par F.-M. SAXDWITU-

(The Journal of Mental Science, janvier 1880.)

Ce travail donne des renseignements sur le fonctionnement et

le personnel de l'asile des aliénés du Caire, ainsi que sur les prin-

ARCmvES, t. XXIII. 15

226 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

cipales maladies mentales qui y sont traitées et les divers person-

nages qui y ont été admis; il est précédé d'une étude historique

intéressante sur les vicissitudes par lesquelles cet établissement a

passé depuis sa création jusqu'à l'époque actuelle. R. M. C.

XXVIII. DE la FOLIE CONSÉCUTIVE aux opérations CH1RURGICALES; par

C.-T. DENT. (The Journal of Mental science, avril 1889.)

L'auteur pense que la folie consécutive aux opérations chirurgi-

cales, bien que certainement rare, est peut-être plus fréquente

qu'on ne l'admet communément : il n'y a pas de raison en effet

pour qu'une opération n'agisse pas à la manière de tout autre

trouble physique ; or l'intervention chirurgicale agit au point de

vue physique de trois manières : 1° par anticipation; 2° par l'opé-

ration en elle-même ; 3° par ses effets consécutifs. Enfin il existe

un dernier facteur, encore plus important, des troubles physiques,

c'est la réaction mentale, trop souvent méconnue ou passée sous

silence. La raison de cette omission est simple ; c'est que souvent,-

et c'est là le point sur lequel l'auteur insiste et qu'il se propose de

démontrer, les troubles intellectuels ne se manifestent pas

immédiatement après l'opération, mais seulement au bout d'un

temps plus ou moins long. Ainsi, dans l'un des cas rapportés, chez

une dame qui avait subi deux opérations assez graves, les troubles

mentaux ne firent leur apparition qu'au bout de deux mois. Chez

un enfant de dix ans auquel on avait pratiqué la résection du

genou, ils ne se montrèrent qu'après une semaine, sous la forme

d'un accès subaigu de manie, avec mélancolie et hallucinations.

Chez une femme affaiblie, après une amputation de cuisse, motivée

par un épithélioma de la jambe, ils n'apparurent que le onzième

jour et aboutirent à la démence sénile (la malade était âgée de

soixante-cinq ans). L'auteur rapporte plusieurs autres cas ana-

logues, tout en reconnaissant que leur nombre est trop restreint

pour qu'il se croie autorisé à en tirer des conclusions générales. Il

fait remarquer toutefois que dans les cas rapportés, l'hérédité ne

pouvait être mise en cause. Mais dans les opérations pratiquées sur

l'appareil génital, par exemple, que l'on suspecte d'être plus favo-

rables que les autres à la production de la folie, il y aurait lieu de

tenir rigoureusement compte de l'état mental antérieur à l'opéra-

tion. On peut accuser, - et on a accusé, l'anesthésie de jouer

un rôle dans l'apparition des troubles intellectuels; elle ne saurait

cependant être mise en cause, lorsque, comme dans les cas cités

par l'auteur, celte apparition ne se produit que tardivement. On a

aussi accusé l'iodoforme, la morphine, etc. N'est-il pas plus naturel

et plus logique de chercher moins loin et d'incriminer l'opération

elle-même. Un point important à noter, c'est que le pronostic - au

point de vue de la vie est sensiblement plus grave lorsque la

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 227

manie consécutive à l'opération revêt la forme aiguë, que lors-

qu'elle prend la forme chronique. L'auteur souhaite en terminant

que de nouvelles observations de folie post-opératoire soient recueil-

lies avec soin, et puissent servir de base à des conclusions plus pré-

cises que celles qu'il a pu tirer du petit nombre de cas observés

par lui. R. M. C.

XXIX. SUR UNE forme rare d'affection mentale (G)'M6et<C/t<) ; par

CoIVOLLY NORMAN. (The Journal of Mental Science, octobre 1888.)

Il s'agit d'une affection que Griesinger a le premier décrite dans

les Archives de Psychiatrie de 1868 et dont l'auteur rapporte avec

soin et avec détail une observation intéressante. Ce trouble men-

tal a été considéré par quelques auteurs français comme une des

formes de la folie du doute; elle s'en distingue pourlant par quel-

ques caractères importants ; elle a en effet pour trait principal une

véritable obsession mentale, qui se traduit par la manie de ques-

tionner et d'interroger sur toutes choses ; en même temps, on

remarque que les malades qui en sont atteints posent habituelle-

ment des questions qui n'ont aucun caractère pratique et que les

réponses qui leur sont faites conformément à l'étiologie commune

et couramment admise des faits les plus ordinaires ne les satisfont

aucunement; dans l'observation. rapportée, toutefois, les interro-

gations du malade avaient un caractère plus pratique et mieux

fondé, et l'auteur estime, probablement avec raison, que le carac-

tère des questions posées se ressent notablement des habitudes et

des acquisitions intellectuelles antérieures du sujet.

On pourra noter en passant que cette habitude de poser des

questions sans souci de l'utilité ou de la difficulté de la réponse

s'observe chez les jeunes enfants, en sorte que l'on pourrait à la

rigueur voir dans ce trouble cérébral un phénomène de physiologie

régressive des fonctions du cerveau.

Dans le cas rapporté, la maladie avait pris naissance à l'occasion

d'une grossesse. R. M. C.

XXX. LSDYSl01lPII0PII0BIE ET la TAPIIÉPliOBIE dans LEURS rapports avec

LES formes analogues DE folie du DOUTE (Paranoïa 1'tldimentail'e),- /

par le professeur E. Morselli. (La informa medica, 1891, n° 185.)

La dysmorphophobie est caractérisée par l'apparition subite et

persistante de la crainte d'être devenu difforme, déterminant à

sa suite une angoisse indicible. Assailli par ces craintes morbides,

le malade recourt continuellement à son miroir, mesure les diffé-

rentes parties de son corps, examine la direction de ses membres,

leurs proportions, les taches de la peau. Et ce n'est qu'au bout

d'un certain temps, que la crise se termine et que le calme renaît,

238 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

lorsque la conviction d'être toujours bien conformé est désormais

acquise pour l'individu.

. La iaphéphobie consiste dans la crainte subite et angoissante,

- revenant également par accès, de pouvoir être enterré vivant. Le

doute est encore plus intense que dans l'autre cas, parce que le

contrôle est impossible. Le malade n'a d'autre moyen de se ras-

surer que de régler minutieusement tous les détails de sa sépul-

ture : d'où souvent une série de testaments d'un aspect tout

particulier, et dont parfois le malade porte sur lui un exemplaire

dans la prévision de mort accidentelle ou subite sur la voie

publique.

Ainsi que le fait justement remarquer l'auteur, ce ne sont pas là

des maladies spéciales, mais de simples variétés de folie du doute,

devant prendre place dans le cadre des idées obsédantes, dont elles

partagent tous les caractères. Notons à ce propos que l'auteur n'a 1-

met pas que ces troubles psychiques soient toujours et fatalement

des stigmates de dégénérescence mentale. Cela est exact pour bien

des cas ; mais il en est d'autres, plus bénins, dans lesquels ils peu-

vent être considérés comme justiciables d'un état de neurasthénie

acquis. C'est à ceux-là qu'on pourrait appliquer la conception de

la psychasténie aiguë de I. Bénédik l. J. S>JGL.1S.

XXXI. Les épilepsies PSYCHIQUES; par OTTOLENGH1.

(Riv. sp. di /' ? -en., t. XVII, fasc. I-u.)

L'auteur rapporte douze observations qu'il fait suivre de consi-

dérations générales que nous résumons brièvement. Tous ces ma-

lades présentent des caractères communs, anatomiques, fonction-

nels, psychiques.

Les caractères anatomiques sont les différentes' malformations

de caractère dégénératif; le plus particulier est dû à la présence de

cicatrices résultant de chutes au cours des accès, de blessures dues

à des luttes ou à des lentatives de suicide.

Parmi les caractères fonctionnels, citons des altérations variées

de la sensibilité, la précocité du sens génésique, le développement

exagéré de la force musculaire, certains troubles de la iiiotilité

(tremblement, blépharospasme), l'exagération des réflexes 1'01 u-

liens, etc. De plus, l'auteur a pu constater chez les malades

qu'à l'état normal, l'élimination de l'urée était au minimum, et

celle des phosphates un peu plus élevée, dans la journée de l'accès

psychique au contraire, l'élimination de l'urée et de l'acide phos-

phorique atteignait un chiffre beaucoup plus élevé.

Les caractères psychiques consistent parfois dans la présence

d'illusions ou d'hallucinations, surtout au début de l'accès. Mais ce

sont les troubles de la conscience qui sont les plus importants, sur-

tout au point de vue médico-légal. Telles sont ces absences de cons-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 229 9

cience qui caractérisent l'état désigné sous le nom de « petit

mal », 'et qui, par suite de leur peu de durée, peuvent passer

inaperçues à un examen incomplet, ou être prises pour de la simu-

lation. L'équivalent psychique, le grand accès psychique est celui

qui caractérise l'épilepsie psychique : il se manifeste surtout par

des actes impulsifs, marqués d'une sorte d'empreinte de férocité,

et dirigés soit contre autrui, soit contre les malades eux-mêmes.

La violence extraordinaire de ces actes, l'amnésie plus ou moins

complète qui les suit, le sommeil par lequel ils se terminent, l'ab-

sence de mobiles, ou la disproportion des effets et des causes en

feront souvent reconnaître la nature. « L'état crépusculaire »

qui passe beaucoup plus souvent inaperçu peut être en quelque

sorte interprété comme un état de petit mal, une série de petits

accès psychiques. Il peut précéder le grand accès, le suivre ou être

indépendant; il peut durer quelques heures, quelques jours, des

mois, des années, et constituer alors une sorte d'état second. La

conscience peut n'être pas totalement abolie, et l'on peut voir alors

des individus commettre les crimes les plus variés avec l'appa-

rence d'un homme sain. C'est alors que se rencontre cet automa- z

tisme ambulatoire, cette tendance à voyager qui sont presque,

caractéristiques. Cet état est souvent très difficile à distinguer de

l'état somnambulique. Lorsqu'il dure un certain temps, il peut être

conscient : c'est une sorte d'état second épileptique dans lequel

l'individu a conscience de ce qu'il fait, s'en souvient, mais agit

tout autrement qu'à l'état normal. Le caractère de ces malade-'

est semblable à celui des autres épileptiques (égoïsme, irritabilité

imbécillité). - L'examen de la mémoire peut fournir des rensei-

gnements très précieux. On désigne ordinairement sous le nom

d'amnésies l'oubli des faits qui se sont passés pendant l'état d'in-

conscience. Eu réalité, ce sont des pseudo-amnésies résultant de

l'obnubilation plus ou moins complète de la conscience. Les actes

inconscients ne peuvent évidemment être rappelés à la mémoire.

Lorsqu'elles sont partielles, incomplètes, ces pseudo-amnésies pour-

raient faire croire à de la simulation. On rencontre encore chez ces

épileptiques des amnésies tardives ou posthumes, souvent inaper-

çues et très importantes à connaître pour le médecin légiste. Il

arrive alors ce que l'on observe souvent dans les rêves dont on se

rappelle dans les premiers moments du réveil et qui sont plus tard

totalement oubliés : un épileptique peut de même se rappeler ses

actes immédiatement après l'accès et les oublier ensuite. D'aulres

fois la mémoire subsiste, mais très confuse et pouvant donner lieu

à des contradictions au cours d'interrogatoires différents. - Il est

bon de noter encore chez ces malades les tendances alcooliques,

l'exagération fréquente des sentiments religieux, l'affaiblissement

des sentiments affectifs, la perte du sens moral; cependant les

actes criminels ne sont pas de règle chez les malades et ne seren-

230 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

contrent que chez ceux qui présentent le plus accentués les carac-

tères dégénératifs. ·

Le diagnostic de ces manifestations épileptiques doit se faire

avec l'alcoolisme, qui peut provoquer la crise; mais l'attitude de

l'individu après l'accès,~et un examen attentif de son histoire

pathologique, pourront mettre sur la trace de l'élément épilep-

tique. Dans le cas de raptus mélancolique, outre les données

générales fournies par l'état vésanique, les actes qui précèdent le

ruptus ne sont pas accomplis avec la tranquillité parfaite qui

marque ceux qui précèdent l'accès d'épilepsie psychique. D'un

aulre côté, il suffit que l'accès se répèle, et qu'il y ait eu dans toute

la vie de l'individu un seul phénomène épileptique pour exclure

la possibilité d'un cas de manie transitoire.- Les états de som-

nambulismes, souventdifficiles à différencier, se distinguent surtout

par l'absence de cette violence, de celte impétuosité presque de

règle dans les actes des épileptiques. - Quant aux rapports de

l'épilepsie psychique avec la criminalité, l'auteur trouve une

similitude, une identité même entre ces désordres épileptiques et

la délinquence congénitale.

Quant à la responsabilité de ces malades, elle n'est pas toujours

facile à déterminer. A divers degrés de conscience devraient cor-

respondre divers degrés de responsabilité. Mais en pratique, com-

ment délimiter les divers degrés de conscience ? En règle générale,

un individu qui présente dans sa vie des accès d'épilepsie psy-

chique, ou même des étals d'inconscience très courts, même si

l'on a à juger des actes accomplis dans l'état conscient, ne peut pas

être considéré comme parfaitement sain et doit bénéficier d'une

atténuation de la responsabilité. Il n'y a aucune difficulté dans la

détermination de la responsabilité lorsqu'il s'agit d'actes commis

durant un accès complet, pleinement inconscient, entraînant l'ir-

responsabilité totale. Pour les « états crépusculaires », et « l'état

second épileptique», ils entraînent aussi l'irresponsabilité absolue.

Dans les autres cas, la responsabilité doit être pour le moins nota-

blement atténuée. J. Séglas.

XXXII. Analgésie dans la folie ; par le Dr KENISTON. (American

journal of insanity, octobre 1890.)

L'analgésie, comme symptôme transitoire ou permanent, peut

se rencontrer souvent dans des cas d'aliénation mentale confirmée

et peut même exister dès le début.

Elle peut être générale ou locale, circonscrite ou diffuse, uni ou

bilatérale. En général, ses limites ne sont pas nettement définies

et correspondent rarement à la distribution d'un nerf particulier.

L'analgésie étant -un symptôme négatif qu'il faut rechercher,

peut facilement être méconnue, en particulier chez les aliénés,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 231

sujets de la part desquels on ne peut trouver que peu ou point d'aide-

La meilleure preuve de son existence consiste dans l'absence de

contractions musculaires, de résistance, de spasmes et de signes de

détresse, lorsqu'on irrite telle ou telle partie du corps avec les

moyens ordinaires. Il est à noter que, dans certains cas, le passage

du stimulus dans le cerveau est retardé et il est quelquefois néces-

saire d'attendre depuis dix secondes jusqu'à une minute avant que

l'on puisse positivement décider si le sens de la douleurfait défaut.

Un des exemples les plus fréquents d'analgésie chez les aliénés

se rencontre dans ces cas de phthisie qui suivent leur cours sans

douleur ni toux, souvent sans expectoration, avec peu ou point de

dyspnée, l'émaciation et l'asthénie étant les seuls symptômes mar-

qués. Il en est de même de certains cas de pleurésie, de pneumo-

nie, de péritonite aiguë, de certaines fractures, luxations, etc.,

dans lesquels l'élément douleur peut faire défaut.

Il est difficile d'établir les relations exactes de l'analgésie avec

chacune des variétés de maladies mentales : tout au moins peut-on

dire qu'on la rencontre à titre transitoire chez les épileptiques au

moment de la crise et un peu après; elle est fréquente dans les

dernières phases de la paralysie générale, et Spitzka cite un cas

dans lequel une remarquable anesthésie du larynx existait plu-

sieurs années avant la découverte de la paralysie générale ; chez les

alcooliques, les anesthésies sont fréquentes ; on peut constater de

''l'anesthésie dans les différentes formes de folie chronique, ainsi que

dans l'imbécillité et l'idiotisme : elle est relativement rare chez les

déments.

Dans certains cas, l'anesthésie est évidemment liée à des lésions

nerveuses périphériques ou centrales, mais dans la plupart des cas

on peut la considérer comme une perversion de la sensibilité sans

lésion nerveuse.

Le diagnostic de l'anesthésie n'est pas ordinairement difficile ;

souvent, du reste, on se trouve aidé par la présence de troubles

trophiques.

La recherche de ce symptôme est importante, car sa présence

est une menace pour le bien-être physique du malade, chez lequel

elle peut masquer des maladies organiques graves. De plus, s'il est

prouvé qu'elle est fréquente dans les premières phases de l'aliéna-

tion, il y aurait là un élément nouveau et précieux de diagnostic.

Les malades chez lesquels l'analgésie existe devront être entourés

de sauvegardes spéciales, dans le but de prévenir les accidents qui

peuvent les atteindre. P. BLIV,

XXXIII. L'activité psychique inconsciente EN pathologie mentale;

par F. de Sarlo (Riu. sp. difren., t. XVII, fasc. i-mn).

Cet intéressant travail, complète en quelque sorte les études

232 1-) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

récentes de M. Piene Janet sur l'automatisme psychologique, dont

l'auteur examine les manifestations dans les différentes formes

vésaniques. Nous ne pouvons entrer ici dans une analyse détaillée

de ce long et curieux mémoire, qui demande à être là dans son

-entier. J. SÉGL.2S.

XXXIV. ILLUSIONS subjectives ou signification DE certains symptômes

dans LES maladies mentales; par J. Draper. (Amel'ican jou1'11al

of insanity, octobre 1890.)

La folie prend naissance soit dans le système cérébro-spinal, soit

dans le système ganglionnaire, quoique, dans la majorité des cas,

les deux systèmes soient envahis simultanément. t.

Or, dans tous les cas d'illusions subjectives, c'est de prime abord

sur le système ganglionnaire que doit se porter l'attention et, en

général, on n'a pas assez insisté sur le rôle joué par le système

ganglionnaire dans les phases initiales de la folie.

' Le début de beaucoup de troubles mentaux est dû à des épui-

sements locaux de force nerveuse qui produisent tout d'abord une

irritation de l'activité fonctionnelle et dégénèrent par la suite en

activité involontaire.

L'auteur nous montre par quelle transition le neurasthénique,

après avoir négligé son estomac, en arrive, sous l'influence des

troubles de nutrition des nerfs spéciaux ganglionnaires, à ressentir

des sensations morbides contre nature, si bien que peu à peu des

chocs multiples frappant des centres plus élevés, le malade en

arrive à croire réellement à ces sensations anormales et à devenir

la victime d'une illusion subjective. De même chez l'onaniste,

sous l'influence de l'épuisement de la nutrition ganglionnaire sur-

vient l'hyperexcitabilité de la fonction, puis des pollutions invo-

lontaires ; puis, avec une continuelle anxiété qui se concentre sur

les organes génitaux, commence la lutte de l'individu avec lui-

même. En même temps que la fonction primaire, d'autres

fonctions sont envahies par l'intermédiaire du grand plexus, et

les nerfs eux-mêmes, sous le coup d'une stimulation spéciale, s'hy-

péresthésient et donnent naissance à des sensations morbides. Pas

à pas, tout le système sympathique est soumis à des impulsions

et des sensations qu'il n'éprouve pas à l'état sain : ce sont des phé-

nomènes morbides, et quand le malade en devient conscient, son

attention est augmentée et il commence à s'imaginer qu'il est

malade d'une façon particulière. A partir de ce point, ses illu-

sions sont subjectives : elles se rapportent à lui-même. En .dernier

lieu viennent les causes extérieures, les influences occultes, etc.

Les maladies des organes spéciaux, qui amènent la déplétion du

système ganglionnaire peuvent produire à peu près les mêmes

accidents- telle la fièvre typhoïde qui épuise l'alimentation des

. REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 33

nerfs intestinaux et peut donner naissance, après la-convalescence

de la fièvre, à des sensations illusoires, mal comprises par le cer-

veau. En général, la dépression est la première preuve évidente

de complications mentales, et plus tard les illusions marchent de

concert avec elle, dans les cas qui prennent leur origine dans le

systène ganglionnaire. La douleur est un puissant agent d'épui-

sement des forces nerveuses de la vie animale, surtout lorsqu'elle

est en connexion avec les organes viscéraux et il faut en particulier

considérer chez la femme tout trouble, quelque bénin qu'il soit,

des organes de reproduction, comme pathogénique de la folie.

E. B.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

I. La PARALDÉHYDE considérée comme hypnotique, avec PLUSIEURS

observations; par Morgan FjNuc,iE. (The Journal of Mental

Science, octobre 1889.) "

Le premier mérite de ce médicament, c'est la sécurité parfaite

avec laquelle on peut l'administrer dans les cas les plus divers.

Chez les aliénés, il calme la douleur, provoque un sommeil paisible

et diminue l'agitation. Son action ne parait pas être atténuée par

l'accoutumance. Enfin, c'est un médicament qui agit vite. Son

plus grand inconvénient est d'avoir un mauvais goût et une odeur

désagréable. R. M. C.

Il. Quatre cas DE guérison DE folie chronique, avec UN RELEVÉ DE

QUATORZE AUTRES CAS DANS LESQUELS L GUÉRISON EST SURVENUE DANS

un délai DE plus DE TROIS ANS; par P. Pope. (The Journal of men-

tal Science, janvier 1880.) ,

Ces dix-huit cas, dont quatre sont publiés avec détail, présen-

tent un réel intérêt; ils sont trop dissemblables pour qu'on en

puisse tirer des conclusions générales ; mais ils montrent du moins

que la guérison de la folie chronique n'est pas aussi rare qu'on le

pense et qu'on l'enseigne généralement. R. M. C.

234 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. '

III. SUR l'emploi DU bain TURC dans LE traitement DES TROUBLES

mentaux. (Notes fournies par une expérience de dix années); par

Robert BAKER. (The Journal of mental Science, juillet 1889.) ? L'auteur préconise l'emploi du bain turc :

1° Comme agent curatif : A, dans les différentes formes de folie

alcoolique et dans les autres folies toxiques ; B, dans les cas de

démence partielle que l'on observe fréquemment chez les goutteux

d'un âge mûr ou avancé; C, dans les formes de mélancolie qui

s'accompagnent de sécheresse de la peau et de troubles de la fonc-

tion hépatique; D, dans la folie puerpérale.

2° Comme agent palliatif : A, dans la folie épileptique ; B, dans

la paralysie générale des aliénés, surtout à la première période ;

C, dans la folie chronique. R. M. C.

IV. Notes sur L'EMPLOI du SULFONAL; par W.-R. WATSON.

(The Journal of mental Science, juillet 1889.)

Le sulfonal n'est certainement pas un analgésique absolument

infaillible ; mais il est capable de rendre des services importants.

Il est presque dépourvu de saveur, mais il est insoluble; de là

quelques difficultés d'administration. Son action narcotique est

assez prompte (environ deux heures, en moyenne); elle est durable.

Il ne parait influencer ni la respiration, ni la circulation, ni la

digestion : il n'a jamais donné lieu à aucun accident. C'est en

somme un bon analgésique, un bon narcotique, que son prix peu

élevé rend particulièrement avantageux dans les asiles d'aliénés.

R. M. C.

V. DE L'ANTICIBRINE comme antipyrétique; par W. Julius MICELLE.

(The Journal of mental Science, janvier 1889.)

Les recherches de l'auteur ont porté principalement sur l'action.

de l'antifibrine. dans la phthisie pulmonaire chez les aliénés ; mais

il a étudié aussi son action dans le catarrhe vésical, l'hémiplégie,

les affections organiques du cerveau, la sclérose médullaire, la

méningite, les troubles hallucinatoires, la paralysie générale, la

pneumonie. Il a constaté, sauf des différences qu'il indique

avec soin, que d'une façon générale, l'antifibrine est un bon et

fidèle abaisseur de la température, que ses effets se produisent

assez rapidement et persistent pendant un temps assez long (huit

à neuf heures); il conseille l'emploi des doses faibles ou tout au

moins modérées, et repousse dans presque tous les cas, comme

inutile et parfois nuisible, l'emploi des doses fortes d'emblée.

R. DE MUSGIIAVE-CLAY.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 235

VI. DE la GUÉRISON DE la morphiuomanie ET DES habitudes ALCOOLI-

QUES ; par W. S. PLAYFAIR, (The Journal of mental Science, juil-

let 1889. .

Le traitement préconisé par l'auteur est fort simple et il ne lui

a jusqu'ici donné que des succès, soit qu'il s'agît de combattre la

morphiomanie et la chloralomanie, soit qu'il eût à remédier à des

habitudes invétérées d'alcoolisme : ce traitement ne comporte

aucun médicament; il consiste purement et simplement, en même

temps qu'on diminue progressivement les doses de l'agent d'intoxi-

cation, à imposer au malade le repos complet et l'isolement et à le

soumettre au massage et à la suralimentation. R. M. C.

VII. La CUICHOIDINE : contribution A l'étude DE la pathogénie DE

l'épilepsie; par G. GALLEHANI et F. Lussana. (Riv. sp. di (l'en.,

t. XVII, fasce. i-ii.)

Les causes qui peuvent déterminer un accès d'épilepsie sont

d'origine périphérique ou d'origine centrale. Les premières seront

dues à des impressions morales, des excitations physiques; les

secondes consistent directement dans des désordres organiques ou

fonctionnels des centres nerveux moteurs. L'épilepsie provoquée

par lacuichonidine, analysée au point de vue de son mécanisme,

de sa nature, démontre clairement la possibilité du développe-

ment direct d'un accès épileptique sous l'action exclusive des centres

de mouvement, et sans aucune intervention, sinon secondaire, des

autres centres. L'accès épileptique, considéré sous son aspect le

plus abstrait et le plus large, serait l'expression d'un bouleverse-

ment fonctionnel, partiel ou général, du système nerveux central,

sous le conp d'une excitation auormale, et proportionnée pour l'in-

tensité au degré actuel des mêmes centres. C'est, en un mot, pour

les centres nerveux psychiques et moteurs l'analogue de l'accès de

délire aigre pour les centres psychiques et sensoriels. J. SÉ6LAS.

VIII. Contribution A l'étude DE l'action DU BROMURE DE potassium

dans LE traitement DE l'épilepsie; par le Dr CESARE AGOSTINI.

(Riv. sp. di fren., t. XVII, fasc. 1-11,)

. Le bromure de potassium reste toujours pour l'auteur le médica-

ment le plus efficace dans le traitement de l'épilepsie. Il est néces-

saire de l'administrer à doses plutôt élevées et pendant longtemps :

et un tel traitement est parfaitement compatible avec un état floris-

sant de la nutrition générale. Dans la plus grande partie des cas (85

p. 100), la dose moyenne est de 10 à 14 grammes (avec un jour de

suspension pour trois d'administration du médicament), dose cor-

respondant à 20 ou 25 centigrammes par kilogramme du poids de

l'individu. Cette dose, que des expériences physiologiques ont

236 REVUE DE THéRAPEUTIQUE. -

prouves inoffensive, fait cesser ou diminue notablement les accès

convulsifs. On peut au besoin élever la dose à 20 grammes et plus

par jour, et la continuer longtemps sans danger, pourvu que le sel z

soit pur et le filtre rénal parfaitement sain. Les désordres ordi-

- naires qui peuvent se produire durant le traitement bromure,

sont le plus souvent transitoires et facilement curables. Et même

les manifestations les plus sérieuses de l'intoxication bromique

disparaissent assez vite en suspendant l'usage du médicament..

L'usage méthodique et rationnel du bromure de potassium pro-

longe la vie des épileptiques. J. Séglas.

IX. DE l'entraînement physique COMME MOYEN d'amélioration mentale;

par le Dr Dey. (American journal of insanity, janvier 1891.)

Dans toute institution correctionnelle, on rencontre une classe

d'individus paresseux et illettrés qui, par suite d'un développe-

ment nul ou partiel des facultés et d'habitudes vicieuses corpo-

relles ou morales, sont incapables d'application menlale prolongée

et d'action physique, à cause du manque d'empire sur eux-mêmes.

Avec une classe d'individus de celte sorte, les mesures éducation-

nelles ordinaires sont sans valeur et ne peuvent qu'échouer parce

qu'il y a là un défaut de pouvoir réceptif aux impressions du

dehors, et un système nerveux non développé, chargé de ses défec-

tuosités propres.

Or, on peut considérer l'esprit et la morale comme un édifice

d'éducation dont le corps est la fondation. La stabilité de l'édifice

dépend du pouvoir d'endurance et de résistance de sa fondation

qui s'appuie sur l'excellence corporelle , l'intégrité des divers

organes du corps, leur mutuelle adaptation aux diverses conditions

des uns et des autres, et le maintien de leurs rapports réciproques.

Maint jeune criminel est un arriéré corporellement, comme

il l'est mentalemement et moralement; dans ces conditions, un

entraînement physique régulier consistant en mouvements libres

ou avec appareils, en bains fréquents avec massage, en un régime

diététique reconstituant, aura comme résultat un réveil partiel et

une stimulation du pouvoir mental et moral endormi.

Après quelques variations sur le vieil adage : mens sana in

colore sano, l'auteur reconnaît qu'il ne faudrait pas voir dans

l'entraînement physique une panacée pour toutes les maladies du

corps, de l'esprit et du moral. Le point sur lequel il insiste est

que, pour le rétablissement des arriérés et des illettrés, toute ten-

tative d'action primitive sur l'esprit est une erreur : une saison

d'éducation physique, avec la discipline qui force chaque homme

au travail, qui exige qu'il le fasse bien, développe des qualités

d'attention, d'activité et d'obéissance, et marque un acheminement L.

vers l'inteligence. E. l3Lirr.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MED 1CO-PSVCHO LOGIQUE.

Séance du lundi 28 décembre 1891. PRÉSIDENCE DE M. Bouciieiieau.

Elections. - Sont élus pour 1892 : Vice-président : M. Clllt15TIAN;

secrétaire général : M. RITTI ; trésorier : M. A. Voisin; secrétaires

annuels : 11DI. SÉJIELAIGUE et SOLDER, en remplacement de MM. Char-

pentier et Garnier, démissionnaires.

Commission des finances : MM. raLnET el IIIIVIÉ,

Conseil de faculté : 1\DI. BALL et BOUCJOERE,\U, auxquels sont

adjoints les membres du Bureau.

Comité des publications : " l\D1. Falret, Briand et DAGOrOEl'. 11. B.

Séance du lundi 25 janvier 1892.

PRÉSIDENCE DE MM. Bouciiereau ET TH. ROr : 3SEL.

M. Boucuereau, président sortant, énumère dans un éloquent

discours les travaux auxquels la Société a pris part dans le cou-

rant de 1891. Il invite ensuite M. Th. Roussel, qu'il se félicite de

voir lui succéder, à prendre place au fauleuil de la présidence et

lui souhaite la bienvenue.

M. Tu. ROUSSEL remercie la Société de l'honneur qu'elle lui a

fait en le conviant à diriger ses discussions et promet de faire son

possible, malgré ses très nombreuses occupations, pour ne pas

manquer d'assister à toutes les séances. Il est ensuite procédé au

tirage au sort des commissions de Prix. Le scrutin donne les

résultats suivanls :

Prix A ubancl " MM. AI\N,\UD, Falret, Garnier, Seglas et Sollier.

Prix Tsquirol : \111. BoocDEncno, Falret, Mitivié, ItITTI et Séme-

LAIGNE.

Prix Moreau (de Tours) : MM. Cuaslln, Luys, Moreau (de Tours),

Saury el Vallon. M. ]3111 ? ïD.

238 sociétés savantes.

- XVIe CONGHËS-DES NEUROLOGUES

- ET AL1ÉN1STES DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST

SESSION DE BADE-LES-BAINS

Séance du 6 juin 1891 '. Présidence DE M. JOLLY.

M. SCIIULTZE. Encore un mot sur les affections nerveuses consécu-

tives au traumatisme. - Depuis le congrès international de Berlin

le professeur a examiné douze malades de ce genre. Onze d'entre

eux ne présentaient aucune anomalie du champ visuel pour le

blanc ou les couleurs, bien qu'ils fussent atteints (pour la plu-

part d'altérations organiques) fonctionnelles du système nerveux.

Un seul d'entre eux présentait un rétrécissement du champ

visuel pour les couleurs dans un ordre insolite et inégal. C'est

donc un signe qui n'a dans l'espèce aucune valeur. Du reste, quel-

ques-unes des personnes examinées racontaient que leur vision

périphérique était également mauvaise pour la vue de près ou de

loin. Par conséquent, il faut se garder d'accuser ci priori de simula-

tion ceux qui, et ils sont nombreux, sont incapables en peu de

temps de fournir des indications précises, exigeant une certaine

attention. Il se peut en effet d'autre part, que les troubles que l'on

croit décéler aient précédé l'accident sans qu'il existe de psychose

proprement dite. N'allez pas non plus imputer à une psychopathic

absente l'inexactitude des indications fournies, car nous n'avons

constaté d'anesthésie qu'en un seul cas.

En revanche, la méthode d'investigation pe ut suggérer au patient l

l'idée de certaines anesthésies ou inversement. Le public s'imagine

par exemple que le côté lésé doit être le siège de troubles de la

sensibilité. Quand il accuse un trouble de la sensibilité, il se peul

par conséquent qu'il n'existe que dans son imagination mais il

n'en faut pas inférer qu'il y a psychose pour cela.

Quant aux réflexes tendineux, leur intensité présente de très

grandes oscillations, selon que l'on examine les malades à la cli-

nique devant les assistants ou seuls; l'anxiété ou l'émotion exagère

ces réflexes. C'est ainsi qu'on provoquera d'une façon passagère

un clonus intense de la patte d'oie ou du pied, et cela, surtout pour

le premier, en excitant des zones qui d'ordinaire ne le provoquent

point. Il en est de même de l'exagération soi-disant pathologique

des réflexes que l'on constate chez les individus affaiblis par des

1 Voy. Archives de Neurologie, Xi Congrès, t. XXI, p. 132.

sociétés savantes. 239

maladies n'ayant rien de commun avec le traumatisme, par

exemple chez les convalescents de pneumonie et les phthisiques,

sans qu'on soit autorisé à admettre que Jes faisceaux pyramidaux

sont affectés.

Quatre fois, M. Schultze a noté, après le traumatisme, le com-

plexus symptomatique de Ménière (vertiges, bourdonnements

d'oreilles, dysacousie, titubation). L'un des malades avait eu une

fracture du crâne. Chez un autre, il y avait rétrécissement consi-

dérable des fosses nasales et le premier accès avait précédé l'acci-

dent. Un homme était atteint de chorée minor ; sa main droite

était mutilée; on ne constatait chez lui aucun trouble du champ

visuel ni de la sensibilité. Une des observations principalement

caractérisées par le syndrôme de Ménière, révélait une lenteur

marquée de la réaction lumineuse qu'il était difficile de considérer

comme un trouble purement fonctionnel.

Le traumatisme peut donc produire des troubles nerveux très

variés. La névrose traumatique n'est pas une maladie autonome.

Il ne la faut regarder que comme un schéma artificiel. On y peut

tout ranger; mais il est tout aussi difficile d'en débrouiller les élé-

ments que de déterminer les perturbations préexistant à l'accident

traumatique. La simulation n'a pu être établie par M. Schultze

qu'en un cas; en trois autres cas; il dut prononcer le diagnostic

d'aggravation par le traumatisme de troubles antérieurs à lui.

Quant aux nuances et à la quotité le tracé en est impossible.

M. J. Steiner. Du sommeil hystérique. En voici deux observa-

tions :

Observation I. Jeune dame de vingt et un ans se plaignant d'an-

goisse et de pleurs nerveux ; céphalalgies ; tremblements convulsifs de la

face et dans les deux bras pendant lesquels les objets lui échappent

des mains. Hérédité. On ne constate pas d'autre anomalie, qu'une zone

hyperesthésique au niveau du bregma. Les tremblements convulsifs sont

de nature choréique. Quelques mois plus tard, à la suite d'une vive ter-

reur (crainte d'incendie), ces symptômes qui avaient rétrocédé repren-

nent une nouvelle intensité; un traitement convenable améliore une

seconde fois la maladie. Enfin, à la suite d'une scène de famille, et aux

approches de la menstruation, attaque de sommeil. Les yeux sont her-

métiquemant feimés, les paupières supérieures sont animées de petites

vibrations continues; les globes oculaires sont tournés en haut et en

dedans. La bouche est immobilisée par les masticateurs fortement con-

tracturés. Les doigts de la main droite sont convulsivement fléchis dans

la paume, l'articulation du genou du même côté est rigide. En compri-

mant la zone hystérogène, on provoque l'entre-bâillement des paupières;

on aperçoit alors un regard dépourvu d'expression ; on cesse la compres-

sion, les yeux se referment. Quelques heures plus tard, elle pousse un

long soupir, et se réveille. La menstruation s'est établie, la malade se

sent bien, elle se plaint de somnolence et de lassitude générales; elle ne

se rappelle plus du tout ce qui s'est passé pendant la crise de sommeil.

Nous constatons une anesthésie presque complète, de tout le côté droit

240 SOCIÉTÉS SAVANTES.

y compris la langue et le nez; la face seule est indemne, champ visuel

normal. Depuis lors, la santé se rétablit complètement, les mouvements

clioréiques disparurent, il ne se produisit plus d'attaques de sommeil.

Observation II. Femme de quarante et un ans, réglée à vingt et un

- ans et ayant depuis cette époque éprouvé quelques troubles nerveux, de

la rétention d'urine, de la dysurie. Mariée à vingt-six ans, grosse au bout

de dix-huit mois, elle éprouve dès les premiers mois de cette grossesse

sa première attaque de sommeil qui depuis s'est renouvelée plus ou

moins souvent. C'est une femme qui ne présente aucune de ces anoma-

lies particulières aux hystériques. Le champ vi,uel est rétréci, surtout à

gauche; la sensibilité générale et spéciale de la langue est diminuée, sur-

tout à gauche; il en est de même pour le pharynx; hémi'hypo-esthésie du

côté gauche du corps. Zones d'hyperesthésie sur la tète, au niveau de la

colonne vertébrale entre les épaules, et dans la région de l'hypochondre

gauche. Aucune lésion organique si ce n'est des foyers de paramétrite

anciens à gauche. La suggestion fait cesser la rétention d'urine. Appelé

sur notre désir pendant une attaque de sommeil, nous constatons les

mêmes phénomènes que chez la première malade; la pression sur la

zone ovarique n'interrompt pas plus le sommeil que dans le premier cas,

mais elle provoque des mouvements d'ensemble. En un mot, ses carac-

tères sont ceux du premier cas.

La malade raconte que l'attaque de sommeil s'annonce quelquefois par

une bouffée de chaleur céphalique et faciale, par des bourdonnements

d'oreilles. En d'autres circonstances, elle ' la surprend subitement,

voire dans la rue. Une fois, dans les premiers temps, elle dormit

deux jours, à telle enseigne qu'un médecin la tint pour morte, son mari

s'opposa aux préparatifs de l'inhumation. Or, pendant cette phase, elle

entendait tout ce qu'on disait dans les deux chambres voisines, bien

qu'on parlât à voix basse, par respect pour ses dépouilles mortelles. Que

d'angoisses n'endura-t-elle pas, elle voulait appeler et ne le pouvait.

Ultérieurement, les attaques de sommeil s'accompagnèrent de perte totale

de connaissance; c'est ainsi qu'elles se manifestent aujourd'hui.

M. JOLLY. Des troubles trophiques dans les maladies de la moelle. -

Voici un jeune hemme qui, à l'âge de vingt ans, est atteint d'un

panaris grave nécessitant l'amputation de l'indicateur de la main

droite; six mois plus tard, l'articulation radiocubitale gauche est

prbe, il se produit même un trouble de la motilité des articulations

de la main qui se subluxe. D'autres panaris apparaissent à la main

droite; ils sont incisés et guérissent; actuellement on constate une

rétraction de l'aponévrose palmaire et des craquements indolores

dans l'articulation radiocubitale jadis atteinte. Sur les deux mains,

on observe entre les doigts des rudiments de membranes inlerdiâi-

tales (palmures). Finalement, scoliose de la colonne dorsale à

droite. La sensibilité est émoussée, même pour la chaleur, le long

du membre supérieur droit, surtout au niveau des doigts de la

main, et, sur le tronc, jusqu'à la sixième côte; mais les fins contacts

sont perçus. La sensibilité est reslée normale, à la partie inférieure

SOCIÉTÉS SAVANTES. 241

du corps et du côté gauche. Intégrité du champ visuel et des fonc-

tions de l'oeil. Le bras droit est dénué de vigueur; le malade accuse

des douleurs dans l'épaule droite. L'examen électrique révèle une

simple diminution de l'excitabilité dans les muscles de la main;

aucune modification qualitative. Il doit y avoir syringomyélie ou

gliomatose de la moelle; en un mot c'est une maladie de Morvan,

car les distinctions établies entre la syringomyélie et ce dernier

type sont bien subtiles; ce sont en tout cas deux affections soeurs.

Peut-être les processus de destruction périphériques qui caractéri-

sent la maladie de Morvan dépendent-ils de la localisation spéciale

des altérations médullaires. Quoi qu'il en soit, on est en droit d'ad-

mettre, en de semblables cas, l'étiologie d'une névrite ascendante

procédant de la blessure préalable d'un membre qui jouerait le

rôle d'agent névropathique.

Passons maintenant à une dame de cinquante-cinq ans, malade

depuis dix-huit mois consécutivement à l'influenza. Elle a succes-

sivement éprouvé des quintes de toux paroxystiques avec étouffe-

ments par accès, des douleurs dans les membres, une immobilité fixe

des pupilles, des douleurs lancinantes dans les extrémités, la tête,

l'oeil gauche. Les éléments du tabès dorsal apparurent avec le signe

de Romberg et de Westphal, les symptômes précédents, la para-

lysie des dilatateurs de la glotte, les anesthésies. Finalement

hémiatrophie faciale gauche, enfoncement de l'oeil gauche, affais-

sement et pigmentation anormale de la joue du même côté.

Mendel et Homen ayant en pareil cas constaté des altérations

névritiques des racines du trijumeau, M. Jolly croit que le tabes

est la cause de l'hémiatrophie ; l'influenza a agi simplement comme

un coup de fouet; il est en effet très rare d'observer la simultanéité

indépendante du tabes et de l'hémiatrophie.

M. MINKOWSKI (de Strasbourg). Contribution à l'anatomie patholo-

gique de la paralysie faciale rhumatismale. - Il s'agit d'un homme

de vingt-sept ans, pris subitement, à la suite d'un refroidissement,

de paralysie faciale complète; les segments antérieurs de la

langue ne perçoivent plus les saveurs; il existe passagèrement de

l'hyperaconsie et de la paralysie du voile du palais; réaction dégé-

nérative d'abord partielle, puis complète. Huit semaines après le

début de la paralysie, le patient s'empoisonne en avalant de l'acide

chlorhydrique. On constate à l'autopsie une dégénérescence très

avancée des nerfs, elle est des plus marquées dans la partie la

plus inférieure de l'aqueduc de Fallope, et se retrouve en s'atté-

nuant jusqu'au ganglion géniculé. Au-dessus du ganglion, le nerf

est tout à fait normal; le ganglion lui-même est intact. Le névri-

lemne ne présente aucune trace d'altérations inflammatoires;

intégrité des part'es qui entourent le nerf, pas trace de compres-

sion. C'est donc une névrite purement dégénérative sans cause

matérielle.

Archives, t. XXIII.. 16

242 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. KNOBHUCH communique les recherches faites par lui en com-

mun avec M. FUERSTNER, sur les phénomènes de la division des noyaux

dans la moelle des chiens et des lapins à la suite de piqûres. Travail

publié in extenso 1.

M. Hoche (de Strasbourg). Des cellules nerveuses des racines

~ antérieures de la moelle de l'homme. C'est le développement de

la note publiée dans la Neurolog. Centralblatt de 1891 2 sur le

groupe, jusqu'alors inconnu, de cellules que l'on trouve dans les

parties lombaire et sacrée de la moelle et qui est en relation intime

avec les fibres des racines antérieures. Mémoire qui sera publié.

M. SCHR.1DER (de Strasbourg). Des foyers d'inflammation expéri-

mentale dans le cerveau des chiens et des pigeons. En inoculant

à ces animaux des microorganismes pathogènes et notamment un

bacille emprunté au sang du coeur d'un jeune homme mort de

noma, l'orateur a, de concert avec M. Kuemmel, provoqué des

foyers d'inflammation'cérébrale. ' ,.

Les expériences avaient pour but d'élucider deux questions. '

¡ t 1" . l ! t ' ' " -

1° Un foyer d'inflammation dans le territoire du faisceau pyramidal

provoque-t-il une hémiplégie chez le chien comme chez l'homme ?

2° Est-il possible de diagnostiquer la localisation d'un foyer d'inflam-

mation cérébrale chez le chien aussi bien que chez l'homme ?

Voici les conclusions de ces recherches. '

1° Un foyer d'inflammation de la zone motrice du cerveau peut

déterminer chez le chien une paralysie croisée complète ; on

observe aussi sur la moitié du corps atteinte des convulsions clo-

niques ; la connaissance n'est pas abolie. Il peut se produire simul-

tanément un trouble de la vue qui occupe la moitié du champ

visuel opposé à la lésion. Si l'on extirpe la partie du cerveau

atteinte avec le foyer inflammatoire qu'elle contient, il est possible

de faire disparaître la paralysie (de lfalinowsky). - 2° Un foyer

inflammatoire identique peut se développer dans la région inter-

médiaire du cerveau et tuer l'animal sans qu'on observe ni para-

lysie, ni trouble visuel. 3° Le même foyer inflammatoire, déve-

loppé dans le lobe occipital du chien, engendre une amaurose

croisée sans troubles moleurs.

Tous ces phénomènes ont terminé leur parfaite évolution avant

que se produise la dégénérescence descendante du bulbe et de la

moelle, bien qu'évidemment le système des faisceaux pyramidaux

soit l'intermédiaire obligé de la paralysie motrice et des phéno-

mènes d'excilation. Cette opinion parait corroborée par l'étude

des pigeons.

' Voyez Archives de Neurologie. Revues analytiques. ! Id.

' Id,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 243

Voici, par exemple, l'encéphale d'un pigeon chez lequel un foyer

d'inflammation bacillaire (emprunté au noma) a en vingt-cinq

jours totalement détruit l'hémisphère gauche. On a, à partir du

septième jour, observé chez cet animal les mêmes accidents que si

on lui avait extirpé cet hémisphère. Il n'y a eu à aucun moment

ni paralysie motrice, ni phénomène d'excitation. Or le système

nerveux central du pigeon ne possède pas de système qui, au

point de vue anatomique ou physiologique, soit l'homologue du

faisceau pyramidal de l'homme et des autres vertébrés. Il serait

donc possible que l'absence de tout accident moteur, malgré la

destruction étendue du cerveau, tienne à l'absence de faisceau

pyramidal. '

Il y a en somme analogie entre la clinique humaine et l'expéri-

mentation animale. Il n'est pas possible d'appliquer l'extirpation

cérébrale du chien à la pathologie humaine, parce que ces mutila-

tions manquent chez l'homme, mais la chirurgie du cerveau pourra

nous éclairer dans l'avenir sur cette question. En attendant, il est

intéressant de nous reporter à l'observation d'atrophie complète

d'un système pyramidal communiqué par Zacher; l'homme qui en

était porteur ne fut point paralysé.

M. Friedmann. Contribution à l'étude des conséquences de la com-

motion cérébrale. -11 s'agit de deux observations avec autopsie et

même avec examen microscopique. L'évolution clinique, d'une gra-

vité exceptionnelle, permettait de ranger la maladie sous l'étiquette

de : foyers d'encéphalite ou de méningite occasionnés par un éclat

osseux, ou tout au moins de : complexus symptomatique analogue

à la maladie de Ménière. Eu effet, chez des individus encore jeunes

à la suite d'un traumatisme céphalique de gravité moyenne, cé-

phalalgie localisée, vertiges, paralysie de différents nerfs crâniens,

mydriase unilatérale, puis tout cesse. Puis, des semaines ou des

mois plus tard, les mêmes symptômes reviennent revêtant une forme

grave, à des intervalles périodiques, s'accompagnant de fièvre ou

de paralysie des extrémités. Les facullés mentales disparaissent gra-

duellement ; finalement la mort a lieu dans le coma ; les accidents

ont duré un à trois ans ; on aurait même pratiqué préalablement

la trépanation chez l'un des malades. - Autopsie. Dans ces deux

cas, on ne constate qu'une hypérémie prononcée ; il n'existe pas de 1

lésion du crâne et du cerveau. Le microscope décèle (dans la pre-

mière observation) une lésion disséminée des petits vaisseaux ; leurs

lumières et leurs gaines sont dilatées; ces dernières sont remplies

de cellules migratrices et de pigment sanguin à profusion, la paroi

est atteinte de dégénérescence hyaline. M. Friedmann croit que la

commotion cérébrale a affaibli les centres vaso-moteurs ; de là

les poussées hypérémiques paroxystiques; la dégénérescence des

parois vasculaires se serait produite consécutivement. Quand le.

cerveau a été suffisamment attété, l'hypérémie a provoqué la mort.

244 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Si l'on rapproche ces faits de l'observation de Sperling et Kronthai,

il appert que la commotion cérébrale porte avant tout son action

sur le système vasculaire de l'encéphale. L'absence, dans l'espèce,

de troubles sensitifs et moteurs montre qu'ils ne sont pas la con-

séquence d'altérations vasculaires, qu'ils dépendent d'un autre

facteur et qu'ils constituent un groupe nosologique distinct.

Discussion sur les troubles nerveux consécutifs au traumatisme.

M. Ef8E1VL011n. *La diminution du champ visuel n'a aucune valeur

dans le diagnostic de la névrose traumatique. Sans doute, chez

l'hystérique, on la constate de temps à autre, mais elle est si mi-

nime, qu'il est impossible, comme le voudrait Oppenheim, de l'élever

à la dignité de symptôme de valeur. Parmi les troubles nerveux

qui survivent aux traumatismes, il en est beaucoup d'insignifiants

qui, par suite, doivent être rayés du cadre des éléments entraî-

nant l'incapacité de travail. Voici par exemple, un malade présen-

tant dans la jambe blessée une zone d'anesthésie circonscrite; il

en fait son cheval de bataille et s'installe à demeure à l'hôpital.

Mais àl'li0pital même on l'emploie, il y travaille ; de retour chez lui,

il continue à travailler alors qu'il se prétendait impotent. En le

remontant, en le soumettant à l'hydrothérapie et à l'électrothérapie

on est arrivé aie guérir, à.guérirdes troubles traumatiques graves

et légers.

M. SCHULTZE est surpris de la théorie de Friedmann. La mort

n'aurait-elle pas élé plutôt le fait d'une intoxication, notamment

par la morphine.

M. Friedmann. Les malades n'avaient aucune -raison pour s'em-

poisonner, ils n'avaient ni le dégoût de la vie, ni les préoccupations

mélancoliques. Le dénoûment a été brusque. Chez l'un des ma-

lades, c'est en pleine influenza qu'il est survenu; les altérations

anatomiques préalables ont pu constituer un élément auxiliaire de

l'influenza. -

M. HOFFMANN. Le pronostic des troubles nerveux post-trauma-

tiques n'est pas aussi fâcheux qu'on l'a prétendu; on ne peut for-

muler de jugement sur un malade qu'en l'examinant de temps à

autre et même à de longues années d'intervalle. En ce qui re-

garde la simulation du rétrécissement du champ visuel, récemment

l'orateur l'a vu essayer par un ouvrier ; un oculiste avait noté une

cécité à 5o pour le blanc, puis une complète achromatopsie ; on

découvrit la supercherie et patient avoua. Il promit même de

raconter plus tard comment lui était venue l'idée de cette simula-

tion ; il n'a pas tenu parole, ce qui n'a rien d'étonnant.

- 51. 13oEayr;r.n. Le traumatisme est simplement la cause occasion-

nelle des troubles nerveux. Leur persistance tient à certaines in-

fluences extérieures, notamment à l'entourage du malade, à l'exa-

men des médecins, aux débats judiciaires et administratifs. Il faut

- - ? ? 1."

SOCIÉTÉS savantes. 245

observer et examiner les patients qui laissent un doute dans l'esprit

en des établissements spéciaux.

M. Laquer. M. Boeumler a raison sur bien des points. C'est ce

que m'a appris ma pratique comme médecin de la Société contre

les accidents la Zurich. Mais, dans les petits villages, on a moins à

redouter la parenté et les agissements des agents d'affaires à la

recherche de procès des avocats marrons de l'Allemagne du Sud.

Dans une petite ville voisine de Francfort vivaient quatre ma-

çons. Victimes de la chute d'un mur d'une brasserie de la grande

ville, ils avaient eu à souffrir de légères contusions; pendant deux

ans ils maintinrent auprès des tribunaux leur requête d'impotence

permanente, disant qu'ils ne pouvaient même point se rendre à

Francfort pour y être examinés tant ils étaient tourmentés par

l'asthme, la paralysie et d'autres infirmités qui en. faisaient des

invalides. Les certificats médicaux ne manquaient point, mais ils

n'appportaient pas la lumière. M. Laquer se transporta sur les

lieux et mit à néant leurs prétentions. Or, ces quatre maçons

avaient un conseil qui les poussait à réclamer.

nf. JOLLY. Sans doute la névrose traumatique est polymorphe.

Mais on s'explique très bien le rétrécissement du champ visuel.

S'il est rare de constater une abolition de la vision dans les parties

externes du champ visuel rétréci, on comprend qu'il y ait unlcer-

tain émoussement de l'acuité visuelle. Le champ visuel'peut;.du

reste, être rétréci de par une cause matérielle et cependant'les

renseignements fournis par le patient varient d'un jour à l'autre;

ainsi en est-il pour les hystériques et les malades atteints de

névrose traumatique. Il n'est em tout ; cas point facile de'simuler

un rétrécissement typique pour le. blanc et. les couleurs. On con-

naît ce malade de Berlin qui savait tout' simuler, anesthésie,

transfert, épilepsie, etc., à son gré, mais il ne réussit pas à si-

muler un tel phénomène. Le champ visuel que l'on traçait d'après

ses indications présentait des contours bizarres, inaccoutumés.

M. LEBËR. Dans les fractures du crâne, on observe des troubles

nerveux avec diminution de l'acuité visuelle et rétrécissement du

champ visuel : Au bout d'un temps relativement court, la papille

apparaît décolorée. Or jamais on ne voit cela dans la névrose

traumatique. Peut-être celle décoloration papillaire est-elle plus

tardive dans les troubles fonctionnels. Quand à différents éloigne-

ments, le champ visuel présente le même rétrécissement en sur-

face, il y a lieu de soupçonner la simulation : Le rélrécissement

est-il aussi considérable que l'a trouvé Hoffmann, il est très pro-

bable qu'il est simulé. A cet égard tous les ophthalmologistes sont

unanimes.

M. Schultze. Nous sommes en réalité d'accord sur le rétrécisse-

ment du champ visuel dans la névrose traumatique. Que les

246 sociétés savantes.

ophthalmologisles veuillent bien se joindre à nous pour en pré-

ciser les caractères. Les modifications psychiques ne sont point

toujours un point de repère qui permette d'admettre une névrose

.traumatique. L'humeur fantasque et chagrine des malades ne

éprouve point une altération des facultés. ,

Séance du 7 juin 1891. - Présidence DE M. SCHULTZE.

M. Weigert. Modification de sa méthode de coloration des man-

chons de myéline. Elle a pour but d'éviter les précipités qui se

produisent au traitement par le cuivre, précipités qui abîment le

couteau. Elle a l'avanlage d'éviter une différenciation subsidiaire

avec les coupes minces (au quarantième de millim.). Après avoir

donné aux pièces le mordant convenable par l'acide chromique, on

traite comme d'habitude par- la celloïdine et on les colle sur un

liège. On les plonge alors dans un mélange d'une solution d'acé-

tate d'oxyde de cuivre neutralisée et filtrée à froid et d'une solution

de 10 p. 100 de sel de seignette (on fait le mélange des deux solu-

tions à parties égales). Les pièces baigneront dans ce mélange au

bain-marie pendant vingt-quatre heures ; puis on les place vingt-

quatre heures encore dans une solution simple d'acétate de cuivre

(dans l'eau). Si l'on veut éviter la différenciation, on les soumet

à l'action d'un mélange récent d'une partie de solution alcoolique

ordinaire d'hématoxyline (1 : 10) et de neuf parties de solution

faible de lithine (plus fortement alcaline que celles qu'on a jusqu'ici

employées), qui contient pour 100 parties non plus un centimètre

cube de solution aqueuse filtrée de carbonate de lithine mais bien

sept parties de ce sel pour 100. Pour obtenir une clarté parfaite

des plans inférieurs, on peut, après avoir lavé les coupes à l'eau, les

trailer par l'acide acétique à un tiers. voire à un demi pour cent,

mais cette pratique n'est pasindispensable; le simple lavage àl'eau

suffit. Si l'on a affaire à des coupes épaisses et à des séries incluses

dans la celloïdine, ce traitement produit une surcoloration, il faut l

alors avoir recours à la différenciation par la méthode habituelle.

On éclaircit en Irailant à l'alcool à 90, puis au mélange d'hu,le

d'aniline et de xylol (2 : 1) puis au xylolpur, et finalement aubaume

de xylol. ,

M. Thomas (de Fribourg). Un cas d'hémiplégie fonctionnelle. -

Femme mûre ayant élé seize ans auparavant atteinte de rhuma-

tisme articulaire avec insuffisance mitrale, et ayant eu 13 enfants.

Thrombose puerpérale de quelques varices de la jambe droite;

troubles de la respiration soit du fait du coeur soit de par une em-

bolie pulmonaire. Dilatation cardiaque notable; à la base des pou-

mons surtout à droite et en bas, au siège de l'infarctus, et aussi

SOCIÉTÉS savantes. 247 7

ailleurs, râles abondants. Hypertrophie colossale du foie. Deux

cents battements de coeur à la minute, accès d'angoisse avec tachy-

cardie, à plusieurs reprises; la digitale à hautes doses met fin à

ces accidents. La malade se serait levée dans les premiers jours de

cette année, si la douleur de ses thromboses ne l'en eût empêchée.

Le pouls redevenant plus fréquent, on reprend l'usage de la digitale.

Dans la nuit du 7 au 8 janvier elle est agitée; le 8 au matin, sa

parole est inintelligible, on constate une paralysie complète de la

partie inférieure du facial gauche, du bras gauche, de la jambe

gauche; intégrité de la connaissance et de la sensibilité; elle laisse

aller ses urines et ses matières. Le soir la parole est plus distincte;

elle remue plus facilement la main gauche qui redevient tout à fait

immobile le lendemain. Ce jour-là il existe une anesthésie complète

des membres paralysés. Il se produit de nouveaux troubles respira-

toires ; nouveaux infarctus pulmonaires. L'hémiplégie avec l'hé-

mianesthésie subsiste totale jusqu'à la mort qui a lieu le 13 janvier.

- Autopsie. Pas d'embolie des artères cérébrales ;, nulle cause orga-

nique d'hémiplégie ; l'encéphale est simplement un peumdématié.

Infarctus pulmonaires anciens et récents, dilatation considérable

du coeur avec insuffisance mitrale ancienne, endocardite valvulaire

proliférative de daté récente. Intégrité de la moelle et des mé-

ninges. L'hystérie et l'urémie étant exclus, au même titre que l'em-

bolie et l'apoplexie, c'est bien une hémiplégie fonctionnelle ?

Discussion. - M. EOINGER. La préparation a-t-elle été durcie et

examinée au microscope ? 1 N'y' a-t-il pas de prolifération de la

névroglie ? N'était-ce point une encéphalite septique ? ' '. \

M. Kahlden. Ou peutrépondre non à la dernière question. On peut

affirmer qu'il n'y avait pas d'embolie. La pièce est dans le liquide

de Muller; on l'examinera au microscope. '' .

M. J. HOFRMANN (d'Heidelberg). Etat anatomique des muscles dans

un cas d'hypertrophie congénitale. - Il y a deux ans, il y avait à la

'clinique chirurgicale d'Heidelberg une paysanne de dix-sept ans

qui présentait un développement gigantesque du système d'attache de

la ceinture des épaules et des deux membres supérieurs, avec anoma-

lies du squelette, lipomes,'télangiectasies,' petits angiomes thora-

ciques ; elle était atteinte en outre de strabisme convergent, légère

asymétrie faciale ; la langue et les oreilles étaient intactes. Lacein-

ture du bassin et les jambes ne prenaientpas part à l'hypertrophie.

L'examen complet des organes internes, de la sensibilité, des

réflexes cutanés et tendineux, de la tonicité musculaire, etc.,

permet d'affirmer l'intégrité fonctionnelle absolue. On lui excisa

un petit morceau du gastrocnémien normal et du deltoïde hyper-

trophié ; après les avoir fait durcir identiquement dans le liquide

de Muller, on procéda à l'examen microscopique.

Les fibres musculaires du gastrocnémien sont normales; elles

248 SOCIÉTÉS savantes.

ont un diamètre de 33 à 66 jjL et contiennent 2 à 6 noyaux, celles

du deltoïde ont un diamètre moyen de 60 à 100 et. 5 à 12 noyaux;

ie tissu conjonctif de ce dernier un peu plus abondant que norma-

=lement, contient aussi plus de noyaux que d'ordinaire. Quelques

fibres du deltoïde présentent aussi des vacuoles. La multiplication

des noyaux du muscle gigantesque n'est qu'apparente, car, si l'on

compare deux volumes égaux des deux substances musculaires

normales et hypertrophiées, ou des proportions correspondantes,

on voit qu'il n'y a pas plus de noyaux dans le muscle normal que

dans le muscle géant; le même résultat émane de la comparaison

rationnelle des dimensions des fibres et de leur coupe trans-

verse. C'est donc une production gigantesque pure et physiolo-

gique.

M. J. HOFFMANN. Contribution à l'étude de la tétanie. - On cons-

tate parfois (et l'auteur passe brièvement en revue des observa-

tions rares de ce genre) dans la tétanie, l'hypéresthésie galvanique

de l'acoustique (Chvostek jeune). La tétanie peut suivre l'extirpa-

tion du goitre : en un cas, de ce genre une cataracte se développa

également ; un autre cas non moins intéressant a trait à une troi-

sième opération d'extirpation de goitre; la tétanie se produisit,

puis plus tard le syndrome de la myotonie, compliqué de l'hyper-

excitabilité mécanique et électrique des nerfs (phénomène de

Trousseau). Il est du reste inadmissible de croire que, comme le

prétend de Frankl-Hochvart, le phénomène de Trousseau est le

produit, et le produit unique, de l'excitation des nerfs. La réaction

myotomique tient à une modification chimique de la substance

contractile du muscle, elle-même provoquée, dans l'espèce, par des

anomalies de la nutrition consécutives à la perte de fonction de la

glande thyroïde, il en est de cela comme du myxoedème, de la

cachexie pachydermique, de la tétanie, et de l'épilepsie des malades

atteints de lésions de la thyroïde. La cataracte survenue aussi en

pareils cas doit être rattachée à un trouble fonctionnel des nerfs

trophiques. Le mémoire sera publié in extenso'. *

Discussion. - à. KROEPELIN. Dans trois cas de myxoedème obser-

vés par lui, il a constaté des altérations constantes du sang qui

pourraient bien tenir à la suppression de fonction de la glande

typhoïde. Les hématies présentaient partout une augmentation

considérable de diamètre; ce doit être l'altération primordiale.

M. A. Schmidt a noté d'autres anomalies indiquant un trouble

profond dans la constitution chimique du sang chez les mêmes

malades; il les décrira. Quelles que soient les espèces morbides

qui paraissent dépendre d'altérations de la glande thyroïde (trem-

blement, hyperexcitabilité neuro-musculaire, troubles mentaux) il est

' Voir Archives de Neurologie, Revue analytique.

sociétés savantes. 249

certains symptômes qui reparaissent invariablement ; il y a donc

lieu de croire qu'à l'état normal de la glande thyroïde rend inof-

fensifs certains produits de décomposition de l'organisme dont la

toxicité indéniable provoque quand ils subsistent tels quels dans le

sang, une perturbation chronique dans la composition de ce

liquide et entraîne, de ce fait, les symptômes sus-mentionnés.

M..J{AHLDEN (de Fribourg). De la maladie d'Addison. Deux

questions nous intéressent au point de vue anatomo-pathologique,

dans la maladie d'Addison. Ce sont : 1° celle de la genèse et de la

fonction du pigment ; 2° celle des relations des symptômes avec

l'altération si fréquente des capsules surrénales. La maladie

dépend-elle directement de cette altération, ou bien émane-t-elle

de la propagation de l'inflammation des capsules surrénales aux

tissus du voisinage, et notamment au. grand sympathique et au

ganglion semi-lunaire.

La première question parait, provisoirement au moins, résolue.

Sur la seconde question, les opinions sont encore très partagées.

Il y a trois ans, M. Kahlden (Yirchow's Archiv., t. CXIV) a publié

deux observations dans lesquelles les ganglions étaient fortement

altérés. L'un des cas était caractérisé par la dégénérescence du

ganglion entier ; de nombreux vaisseaux y étaient atteints de dé-

générescence hyaline de leur paroi ; on y trouvait des foyers

inflammatoires à petites cellules; les parois vasculaires étaient à ce

point épaissies que la lumière des conduits était obturée et que les

ganglions étaient parsemées d'hémorrhagies. Depuis cette époque

nombre d'examens ont été publiés; dans la plupart de ces faits,

le ganglion semi-lunaire était intact.

M. KAHLDEN n'a cessé de poursuivre ses recherches. Sur huit cas

de caséification des capsules surrénales qu'il a examinés, il a enre-

gistré deux faits de maladie d'Addison typique. Dans ces deux faits,

il n'y avait pas de lésion des ganglions semi-lunaires, ni d'autres

ganglions sus-jacents du grand sympathique. En revanche, dans

quelques-uns des cas de caséification des capsules surrénales, sans

maladie.d'Addison, il existait des altérations marquées des gan-

glions.

L'orateur ne peut donc conclure que la maladie d'Addison soit

produite par des altérations des ganglions semi-lunaires et du

grand sympathique, quoi qu'il ne puisse nier que l'un ou l'autre

des symptômes ne soit influencé par ces altérations.

On a récemment essayé de rattacher la maladie d'Addison à des

altérations de la moelle. On se rappelle les expériences de Tittoni

qui, après avoir extirpé les capsules surrénales, a observé des

troubles de circulation de la moelle, des hémorrhagies et des phé-

nomènes inflammatoires suivis de la dégénérescence des fibres

nerveuses. M. Kalilden n'a, dans l'ensemble de ses observations,

250 SOCIÉTÉS savantes.

constaté que des dégénérescences insignifiantes de la moelle; il

- n'a pu en faire un élément spécifique de la maladie d'Addison, il

les a plus volontiers rapprochées des altérations rencontrées par

Licli ! heim dans les affections générales chroniques (anémie per-

nicieuse, etc.).

Ces altérations existent-elles chez les tuberculeux ? Huit cadavres

de phthisiques ont été successivement examinés à ce point de vue.

On a pris à leur moelle des segmenls de diverses parties de cet

organe; on les a durcis. Chez six d'entre eux, on a trouvé en effet

des dégénérescences de la moelle; elles étaient surtout marquées

dans les racines postérieures, mais se rencontraient également dans

la substance grise, et se manifestaient au niveau des cloisons et

des espaces péri-vasculaires sous la forme de cellules granulo-

graisseuses accumulées; les cellules nerveuses des cornes antérieures

contenaient des granulations noires de diverses sortes.

Discussion : M. FLEINER. - Les altérations décrites par l'orateur

dans les ganglions semi-lunaires, il les a trouvées, mais l'interpré-

tation en est délicate. On est aussi frappé de la dégénérescence

des fibres myéliniques et des altérations des ganglions spinaux

(infiltration de cellules rondes, pigmentation accusée). Il n'a pu

constater que l'altération se propage aux racines de la moelle.

M. SCHULTZE. Les lésions du système nerveux central, chez les

phlhisiques ne sont pas encore suffisamment élucidées; gardons-

nous donc encore d'une interprétation anatomo-pathologique.

M. EDINGER (de Francfort). Contribution la théorie de la douleur.

- Nous savons, à n'en pas douter, que la douleur peut être engen-

drée par l'application d'excitants appropriés sur l'appareil terminal

de la sensibilité, sur le nerf lui-même, et probablement aussi sur

les ganglions et les racines spinaux. Mais, y a-t-il une douleur

centrale, c'est-à-dire une douleur qui, prenant naissance dans

l'organe central, soit ressentie à la périphérie. Il est évident que

l'animal ne peut nous renseigner. 11 n'y a que peu de faits qui

puissent nous éclairer sur l'existence de douleurs vraiment cen-

trales. Et cependant, la question est importante, puisque nous

connaissons des douleurs chez les hypochondriaques, les hystériques

et les épileptiques (état préépileplique) dont la nature est pro-

bable, mais incertaine. Voici une observation suggestive. Une

femme de 48 ans est atteinte d'un ictus apoplectique très léger,

qui ne laisse que pour très peu de temps une perte de connaissance.

Dès le jour suivant, il existe une hyperesthésie du côté droit. Dès

les semaines ultérieures se développent en cet endroit des douleurs

très vives. Parésie passagère du côté droit. Les douleurs persistent

à un haut degré dans tout le côté droit jusqu'à la mort qui a lieu

deux ans après. La malade s'est tuée pour échapper à ces douleurs

redoutables que rien ne pouvait calmer. On avait constaté longtemps

SOCIÉTÉS SAVANTES. 2S1

après l'attaque une légère athétose du bras et de la jambe affectés,

Plus tard encore il se produisit de l'hémianopsie, absente dans la

première année qui suivit l'attaque. Autopsie : Examen attentif du

cerveau par des coupes en série. On trouve un ancien foyer de

ramollissement occupant la partie la plus supérieure du noyau

externe de la couche optique gauche; il s'était étendu en arrière

jusque dans le pulvinar. La localisation exacte porte directement sur

les fibres sensorielles de la capsule interne. Par places, il empiète

très peu sur les systèmes voisins. Au milieu de la partie supérieure

du ruban de Reil, du même côté, il existe une atrophie des fibres,

que l'on constate en descendant jusque dans la région des olives.

Toutes les autres parties de l'encéphale sont normales.

Telle était la cause des douleurs prenant naissance dans l'organe

central, et réfléchies, senties à la périphérie. Remarquons que le

complexus symptomatique (hyperesthésie-douleur) remonte au

début de la maladie et que, par suite, il n'a rien à voir avec les

douleurs des vieux apoplectiques, qui sont toujours la conséquence

de processus anatomiques secondaires se produisant à la périphérie.

M. Edingeh présente un nouvel appareil à dessiner pour les gros-

sissements faibles (2 à 15 diam.) dont on se sert le plus souvent

quand on veut dessiner les préparations cérébro-spinales en séries

des coupes embryogéniques. L'appareil à projection en question,

envoie l'image sur une feuille de papier sous-jacente, où l'on n'a

qu'à en suivre les contours. Avec lui on n'éprouve pas la fatigue que

cause l'action du prisme sur lequel repose le principe des autres

appareils à dessiner. Un tube métallique dont l'orifice antérieur

est muni d'une lentille, concentre la lumière d'une lampe à pétrole

sur un miroir qui en occupe le fond à une inclinaison de 45°.

Ce miroir renvoie la lumière, à travers une ouverture pratiquée

sur la paroi inférieure du tube, à la platine du microscope qui porte

la préparation. Une ou plusieurs loupes disposées au-dessous de la

platine projettent sur la table de travail une image des plus nettes,

au pied même du microscope. En variant la hauteur de l'appareil

et en combinant avec cette manoeuvre l'orientation et le foyer des

loupes, on obtient les différents grossissements de 2 à 15. M. Lez

de Wetzlar, fabrique cet instrument au prix de 50 marks (muni

de 2 lentilles), ou de 60 marks (muni de 3 lentilles).

M. I\hNZ. Examen anatomiques d'un cas d'embolie de l'artère cen-

trale de larétine. -Il s'agit d'une dame âgée, atteinte d'une lésion

organique du coeur, qui en se réveillant, sans prodromes, s'aperçoit

qu'elle n'y voit plus de l'oeil gauche. Le jour même on l'examine a

l'ophthalmoscope, on constate, en outre de quelques altérations

tenant à une myopie ancienne, la vacuité des artères, la pâleur de

la papille, un très léger trouble de la rétine autour de la papille et

de la macula qui se présente ici sous la forme d'une plaque d'un

Touge cerise. La perception lumineuse a disparu dans cet oeil; tou-

252 SOCIÉTÉS savantes.

tefois sur une petite zone du côté de la tempe le champ visuel est

conservé mais l'acuité n'y est que faible. Dix mois plus tard la

cécité y était devenue totale; un glaucome aigu était développé. La

malade mourait un an après l'embolie, des suites de son affection

cardiaque (oedème, congestion pulmonaire, cachexie).

Le globe oculaire présente au voisinage de l'équateur, plusieurs

bosses ainsi qu'un ulcère cornéen superficiel récent, en voie de gué-

rison. Surla paroi postérieure on constate une excavation profonde

et irrégulière de la papille ; derrière elle, dans l'artère centrale ou-

verte existe un bouchon rond. Il parait avoir une consistance solide

et ferme partout la lumière du vaisseau, sans toutefois adhérer

à ses parois. L'artère présente en arrière de l'embolus un rétrécis-

sement accentué mais sans cesser d'être perméable ; elle n'est guère

altérée dans sa structure, et contient, derrière ce bouchon, un

thrombus hyalin allongé très délicat.

De chaque côté de l'artère obturée et de la veine affaissée, le

nerf optique est atrophié ; cette atrophie très marquée prend vers

la macula de telles proportiùns qu'il n'en reste plus que la char-

pente. Les vaisseaux qui gagnent cette région sont les uns per-

méables, les autres thromboses.

L'atrophie de la rétine se limite aux couches profondes de la

membrane; les cellules y sont notamment en très petit nombre; il

en est de même des granulations internes; la couche des fibres du

nerf optique est très amincie; néanmoins, au voisinage de la pa-

pille, on reconnaîtencore beaucoup de fibres. Les vaisseaux rétiniens

sont ici gorgés de sang, là tout à fait vides. -

Dans la choroïde au niveau des bosses déjà signalées (ectasies)

atrophié très marquée, çà et là hémorrhagies. Ces altérations, de

même que celles que l'on trouve dans le segment antérieur du

globe, sont imputables à la myopie et au glaucome. Quant à l'atro-

phie très incomplète de la rétine, elle est en contradiction avec les

hypothèses jusqu'ici émises sur des conditions de nutrition de cette

membrane, mais elle s'explique par des expérimentations toutes

récentes. En revanche l'atrophie si prononcée du nerf optique tient

à l'obstruction par thrombose des petits vaisseaux qui siègent en

arrière de l'embolie.

M. GILBEItT (de Bude). Du sulfonalisae. Il s'agit de quatre ma.

lades qui présentaient, en outre des accidents toxiques que l'on con-

naît, cette particularité de former en écrivant une ligne ascendante;

de gauche à droite les caractères étaient tracés d'une main mal

assurée et le corps en était anguleux ! C'est donc un médicament

dangereux. Il y a cependant un moyen d'empêcher l'accumulation

et la fatigue qui suit son ingestion. C'est de verser sur la dose que

l'on prescrit de l'eau bouillante; on remue jusqu'à ce que le

liquide soit un peu refroidi, mais il faut que le malade le boive

aussi chaud que possible. De cette manière il ne se forme que peu

SOCIÉTÉS savantes. 253

de précipité et l'absorption s'effectue immédiatement par l'esto-

mac. Le sommeil a lieu d'ordinaire en quinze à vingt minutes.

M. EisNLOUR. Contribution à l'anatomie pathologique du tabes

syphilitique. - Il s'agit d'un syphilitique (période tertiaire) atteint

simultanément de lésion syslématique typique des cordons posté-

rieurs, leptoméningite spinalepostérieureclirunique, syringomyélie

Voici comment l'orateur explique la pathogénie de la syringomyélie.

La lésion systématique des cordons postérieurs tient naturellement

à une prolifération du tissu conjonctif, celte prolifération a poussé

une pointe dans la substance grise postérieure et dans les cornes

postérieures; c'est alors qu'il s'est formé une cavité ou, si l'on veut,

la syringomyélie, par le mécanisme habituel. Il y a donc pas eu de

combinaison accidentelle du tabesà nnesyringomyélie préexistante.

(Archiv. f. Psychi(tt., XXIII, 2.) P. KERAVAL.

SOCIÉTÉ DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES

DE MOSCOU.

Séance du 15 février 1891.

MM. les Drs TscuEnNicHEFF et 11;O¡OR présentent deux malades

adultes atteints de tétanie, chez lesquels, outre les symptômes habi-

tuels, il y avait abolition des réflexes patellaires. Ces observateurs

ont dans leur service, deux autres malades également atteints de

tétanie; au début de la maladie, on constatait l'abolition des

réflexes patellaires, et, l'amélioration étant survenue, leur réap-

parition.

L'apparition simultanée de quatre cas de tétanie, tandis qu'on

n'en avait pas vu se manifester pendant un long espace de temps,

prouverait l'influence du genius épidémicus sur la genèse de la

maladie.

M. le Dr Minor, dans sa communication sur la sciatique el les

tumeurs de la moelle épinière, appelle l'attention sur des cas d'affec-

tions de la cauda equina, au début desquelles la maladie ne se

manifeste que par une sciatique unilatérale. Comme exemples, il

cite les faits suivants : ' -

a). Une paysanne, âgée de soixante-six ans, souffre depuis plus

d'un an et demi d'une sciatique gauche sans complication ; les der-

niers temps seulement, elle prend le caractère de la névrite du

nerf sciatique. Plus tard, surviennent des symptômes de para-

plégie avec lésion de la vessie, et ensuite une hémiplégie droite

254 SOCIÉTÉS SAVANTES.

avec surdité verbale. L'autopsie a constaté une abondante hémor-

rhagie au lobe temporal gauche; la pie-mère spinale présentait

trois tumeurs de la grosseur d'un pois : l'une à la sortie de la

douzième racine spinale, la seconde à gauche, au renflement lom-

- baire, la troisième au cône médullaire du même côté. Une qua-

trième tumeur de la grosseur d'une noisette, pendait librement à

l'une des racines de la cauda equina, dont le bout plongeait dans

une tumeur en voie de désorganisation et parlant de la prostate et

du rectum. L'examen microscopique a démontré la nature cancé-

reuse de ces tumeurs. '

b). Une malade de vingt-un ans est depnis un mois et demi

atteinte d'une sciatique gauche. Dans ce cas, on avait constaté un

ostéosarcome du bassin, qui atteint bientôt des dimensions énormes ;

elle se propage à travers l'os ilei en comprimant le nerf sciatique,

et, après avoir pénétré dans le canal sacré, comprime également

la cauda equina.

Outre cela, M. le D' Minor a présenté une préparation anato-

mique de la partie inférieure de la moelle qu'il avait reçue soi-

disant normale, mais dans laquelle il avait trouvé de petites tumeurs

de la grosseur d'un grain de chanvre, ayant pour siège les racines

antérieures de la cauda. L'examen microscopique a prouvé que ces

tumeurs étaient des myofibromes.

Pour conclusion, M. Minor revient sur la conviction qu'il a que

la sciatique est, plus souvent qu'on ne le suppose, soit le symptôme

d'une maladie constitutionnelle générale, soit celui d'affections

locales de la cauda, ou bien encore d'une hypérémie ou d'une

inflammation circonscrite des enveloppes de la moelle.

M. le Dr Econow : Cas de paralysie spinale spnslique. - Il s'agit

d'un syphilitique de vingt-huit ans, atteint d'une sclérose combinée

des faisceaux pyramidaux, des faisceaux de Goll et, en partie, des

faisceaux de Burdach. Il y avait en outre de petits foyers de sclérose

disséminés et une altération des vaisseaux, symptômes propres à la

syphilis du système nerveux. Le rapporteur considère la sclérose

combinée de son cas, comme une lésion systématique primitive.

MM. les Drs KOJEV1\JKOFF, D.ItFSCIII : 1'ITSCH, ROTH et AIOURATOFF

voient plutôt dans ce cas un exemple de sclérose pseudo-systé-

matique.

Séance du 15 mars 1891.

M. le Dr P. PRÊOBRAJENSKY. Cas d'lzémiatrophie faciale. La

malade présentée à la société est une paysanne de vingt ans, sans

prédisposition héréditaire. A l'âge de quatorze ans, il s'était formé

un abcès derrière l'oreille gauche, après l'opération duquel la joue

gauche avait bientôt commencé à maigrir. Chaque année, amai-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 255

grissement progressif. Etat actuel : Côté gauche de la face d'un

aspect sénil et plissé, peau amincie, disparition complète de la

couche graisseuse sous-cutanée, tous les os apparents de la face

plus ou moins atrophiés à la tempe gauche, où le cuir chevelu

commence plus en arrière qu'à la tempe droite.

Les muscles masticateurs et mimiques du côté atteint fonc-

tionnent normalement, et leur contractilité est normale. Tous les

modes de la sensibilité intacts. Les sécrétions salivaires, lacrymales

et sudorales, égales des deux côtés. La langue dévie à gauche, et

le côté gauche en est considérablement atrophié; contractilité élec-

trique normale. Aucune lésion des autres nerfs cérébraux. Pupilles

égales; à la lumière leur réaction est conservée; point d'exophthal-

mie. Léger souffle à la pointe du coeur. Derrière l'oreille gauche,

une cicatrice résultant de l'acès mentionné.

L'auteur considère ce fait comme un cas d'hémiatrophie faciale

proprement dite, sans aucune complication de la part du nerf sym-

pathique, et rattache les cas de ce genre il une affection du triju-

meau et spécialement des fibres trophiques qu'il contient.

MM. les Drs KOJEVNIKOFF' et Minor sont d'avis que la marche

progressive de la maladie ne peut être déterminée qu'en continuant

à observer la patiente, et, qu'en attendant, tous les symptômes

peuvent être considérés comme un arrêt du développement du côté

gauche de la face. ' 1 ,

M. le Dr KORNILOFF n'admet pas que l'hémiatrophie faciale soit

provoquée par une lésion des nerfs trophiques, leur existence n'étant

pas prouvée.

Al.`le D1' llooisnTOrr.. Cas d'hémiatrophie faciale, accompagnée de

sclérodermie. Il présente une malade de trente-quatre ans, sur

la face et le dos de laquelle, dix-sept ans auparavant, il était apparu

des taches blanches qui, plus tard s'étaient pigmentées. Dans la

région occupée par les taches, la peau s'était durcie et raidie, les

veines étaient fortement injectées. Cinq ans auparavant, des

spasmes tantôt cloniques, tantôt toniques, s'étaient parfois mani-

festés, d'abord dans le muscle masséter droit, puis dans celui de

gauche. Il y a quatre ans, la malade s'aperçoit que sa joue droite

maigrit, et, une année après, que sa langue diminue de plus en

plus de volume. La sensibilité de la face est normale. Contractilité

électrique un peu exagérée du côté droit. Pupilles égales. Les

particularités du fait cité consistent dansla combinaison de l'hémia-

trophie faciale avec la sclérodermie et le trisme.

L'auteur admet dans ce cas l'existence d'une hypertonie des vaso-

moteurs, liée à une excitation des centres de la cinquième paire de

nerfs. La cause excitante pourrait agir soit directement sur le

centre, soit par l'intermédiaire des nerfs centripètes.

M. le Dr D : IItKSCIIEVITSCII. En admettant la dépendance d'une

256 SOCIÉTÉS SAVANTES.

affection du nerf trijumeau, il serait plus exact de localiser la

lésion à la périphérie et non au centre, à en juger d'après les

données anatomiques et expérimentales (Tséléritziey).

M. le Dr Rorx supposeune altération dynamique des centres'

moteurs et vaso-moteurs, dépendante d'une lésion périphérique du

trijumeau. ' >** ^ .

M. le Dr KORNILOFF. Il est impossible d'attribuer il une certaine

partie du centre nerveux une influence trophique simultanée sur

le tissu, les muscles et les os d'une certaine partie du corps.-

MM. les Drs DARKSCBEVITSCH et PMBYTKOFF..Z)M systèmes des fibres

au fond du troisième ventricule du cerveau. Ils distinguent trois '

systèmes de fibres : la commissure de Gudden, celle de Meynert et

l'entre-croisement de Forel. La commissure de Gudden consiste en

fibres réunissant les noyaux lenticulaires avec les corps géniculés

internes des côtés opposés.... , z

La commissure de Meynert est formée de deux systèmes de fibres : ♦

a). Des fibres du ruban de Reil médians, qui se dirigent vers le

noyau de Luys et vers le noyau lenticulaire du côté opposé; b). De

fibres reliant les noyaux de Luys avec les noyaux lenticulaires des

côtés opposés, , .

L'entre-croisemenl de Forel consiste en fibres reliant le noyau

rouge du legmentum avec le noyau lenticulaire du côté opposé.

Séance du 12 avril 1891.

M. le Dr PRÉOBRAJENSKY communique deux cas de paralysie

saturnine observés par lui à l'hôpital Catherine. Les deux malades

(seize et vingt-trois ans) sont ouvriers lapidaires dans le même

atelier. Ils ont eu des coliques, et les gencives présentent le liseré

caractéristique. A une certaine période, dans l'un et l'autre cas,

le tableau symplomatique rappelait plutôt celui de la sclérose

latérale amyotrophique. Cependant, l'anamnèse et la marche ulté-

rieure de la maladie ont mis hors de doute l'exactitude du diagnostic

porté par l'auleur. Chez le premier malade, outre la paralysie

(incomplète) et l'atrophie des extenseurs des doigts et de la main

des deux côtés, on observait que les muscles du ténar et de l'bypo-

ténar, ainsi que le biceps, étaient atteints du côté gauche. La

contractilité galvanique et faradique n'était que diminuée. Tous

les réflexes des muscles atrophiés et sains des extrémités supérieures,

ainsi que les réflexes rotuliens sont exagérés; celui du tendon

d'Achille est normal.

Dans le second cas, presque tous les muscles de l'extrémité supé-

rieure droite étaient parétiques et atrophiés. A gauche, la paralysie

est moins marquée; les muscles de la main sont intacts. Contrac-

tilité faradique et galvanique considérablement diminuée. Exagé-

SOCIÉTÉS SAVANTES. · 257

ration des réflexes tendineux, périostiques et aponévrotiques dans

les extrémités supérieure»; réflexes plantaires, patellaires et du

tendon d'Achille exagérés.

Dans les deux cas, le réflexe de la mâchoire inférieure était assez

prononcé. Pas d'autres symptômes du côté du système nerveux.

L'exagération des réflexes tendineux serait, d'après la pathogénie

généralement admise de ce symptôme, en contradiction avec les

altérations anatomiques de la paralysie saturnine.

1\I1. les professeurs KOJEVNIKOFF et KORSAKOFF. L'existence de

l'exagération des réflexes tendineux dans des cas de névrites mul-

tiples, est prouvée. Elle s'explique facilement par l'irritation des

centres réfléchissants.

M. le Dr DARKSCHÉVITSCH l'attribue à l'irritation exagérée des nerfs

sensitifs si, en même temps, la fonction des nerfs moteurs n'est pas

complètement abolie.

M. le Dr MOUR.ATOFF présente une étude clinique et anatomique

détaillée d'un cas de paralysie atrophique subaiguë des extrémités

inférieures et supérieures, chez une femme de cinquante ans,

morte de dysenterie, une demi-année après le début de la mala-

die. A son entrée à la clinique : nerfs douloureux à la pression et

oedème des pieds. Sensibilité et sphincters normaux, réflexes tendi-

neux abolis, atroph'e et faiblesse des muscles du tronc, et de

préférence des parties centrales des extrémités. Plus tard, l'atro-

phie envahit aussi les parties périphériques et le diaphragme.

Contractilité faradique des muscles, directe, surtout aflaiblie.

NFC=FFC. C. '

A l'autopsie, moelle et racines normales; altération parenchy-

mateuse peu prononcée des nerfs périphériques. Atrophie à un

haut degré et dégénérescence granuleuse des faisceaux musculaires

avec prolifération des noyaux. '

L'auteur suppose que les altérations musculaires et nerveuses

sont indépendantes les unes des autres.

Toutes les paralysies atrophiques aiguës et subaiguës de nature

périphérique sont, selon le degré de l'affection du système muscu-

laire, divisés par M. Mouratoff en cinq groupes : 1). polyneuritis

acutissima (paralysie de Landry); 2). Polyneuritis subacuta et

chronica cum myositide consecutiva; 3). Polyneuritis acuta et

subacuta cum atrophia muscularis primaria; 4). Polyneuritis et

polymyosilis interstitialis acuta ; 5), Polymyositis acutissima pro-

gressiva.

M. le Dr RORSAK(1FF trouve que, pour compléter cette classifica-

tion anatomique, il faudrait encore y ajouter la classe des polymyé-

lites. En général, il ne s'attache pas à la classification anatomique

car, dans la plupart des cas, il arrive que l'agent toxique agitsimul-'

tanémentsur les divers éléments du système neuro-musculaire. En

Archives, t. XXIII. 17

258 bibliographie.

clinique, il importe avant tout de déterminer le locus morbi de

chaque symptôme. L'oedème, par exemple, n'est pas dans tous les

cas en rapport direct avec la névrite. Dans plusieurs cas de para-

lysie atrophique, l'oedème dépend d'une altération directe du

système lymphatique cutané par l'agent toxique.

M. le Dr Rota. L'altération primitive du système musculaire,

dans le cas rapporté, n'est pas prouvée, l'état des dernières ramifi-

cations et des terminaisons nerveuses n'étant pas indiqué. M. Roth

ne voit non plus aucun avantage dans la classification anatomique

du Dr Mouratoff. Un certain ensemble de symptômes cliniques

caractérise mieux l'action d'un agent morbide que le plus ou

moins d'extension de la lésion le long de l'appareil neuro-muscu-

laire, et pourrait mieux nous guider dans la classification des cas

dont la pathogénie est obscure.

MM. les Drs ROSSOLIMO et KORNILOFF partagent l'avis de MM. Kor-

sakoff et Roth.

M. le Dr D,\RKSCHÉVITSCII insiste sur l'importance de la classifi-

cation anatomique pour une appréciation clinique plus exacte de

différents cas. P. KËRAVAL.

BIBLIOGRAPHIE

IV. Etude sur les syndromes hystériques «.simulateurs» des maladies

organiques de la moelle épinière (sclérose en plaques, paraplégie,

tabes, amyotrophie, et syringomyélie) ; par A. Souques. Thèse,

de Paris, 1891. - Lecrosnier et Babé, éditeurs.

Dans ce travail, fait à la Salpêtrière, sous l'inspiration de M. le

professeur Charcot, l'auteur s'est proposé d'étudier certaines formes

rares de l'hystérie dont l'ignorance pourrait conduire à de regretta-

bles erreurs de diagnostic. En guise de préambule il examine

comment l'association de certains troubles moteurs, sensitifs et

trophiques de l'hystérie peut simuler la symptomatologie de quel-

ques malades organiques de la moelle. Ces associations, ces « syn-

dromes simulateurs » peuvent reproduire, avec une fidélité parfois

très frappante, les traits de la sclérose en plaque, du tabès, etc.

L'auteur a pu réunir 80 faits de ce genre : une trentaine sont

inédits, les autres ont été recueillis par lui dans la littérature médi-

cale où la plupart avaient été classés par erreur sous des rubriques

très différentes.

Cet intéressant travail est divisé en cinq parties, d'après un plan

BIBLIOGRAPHIE. 259

uniforme. La première a trait aux syndromes hystériques « simu-

laveurs de la sclérose en plaques; après avoir exposé les analo-

gies que le tremblement, les vertiges, les attaques apoplectiformes

offrent dans l'hystérie et dans la sclérose multiple, l'auteur met en

relief leurs différences. Dans la deuxième il étudie de même les

ressemblances et les dissemblances qui caractérisent la paraplégie

spinale et la paraplégie hystérique spontanée ou traumatique. Les

trois dernières parties sont consacrées à l'hystérie simulatrice du

tabes, de l'atrophie musculaire, et de la syringomyélie.

Dans chacune de ces parties, l'auteur réserve une place impor-

tante aux associations hystéro-organiques (Charcot). Cette asso-

ciation est chose fréquente ; aussi est-il nécessaire de démontrer

que le malade est hystérique et rien qu'hystérique. Des erreurs

commises par des cliniciens distingués montrent que la solution

du problème offre parfois des difficultés quasi insurmontables. Il

est vrai de dire qu'à l'heure actuelle, la connaissance de l'hystérie

mâle, de plus en plus approfondie par M. le professeur Charcot, est

venue faciliter la tâche. En tous cas, c'est pour avoir méconnu ou

mal interprété les stigmates de l'hystérie que des médecins ont été

conduits à créer un groupe d'affections dites : pseudo-sclérose en

plaques, pseudo-tabes, etc., qui, d'après ces données, doivent en

majeure partie rentrer dans le cadre de l'hystérie.

En résumé, il ressort de cette étude les notions suivantes : 1° Il

existe des syndromes hystériques qui peuvent simuler les maladies

organiques de la moelle ; 2° ces syndromes simulent de toutes

pièces la sclérose en plaques, les paraplégies traumatiques ou spon-

tanées, le tabes, l'amyotrophie spinale et la syringomyélie ; 3° il

est souvent difficile, mais toujours possible de dépister la simula-

tion par l'examen méthodique, systématique et plusieurs fois répété

des antécédents, des commémoralifs, des signes actuels et de

l'évolution, et par suite de faire la part, dans les cas complexes

d'associations hystéro-organiques, des symptômes qui appartien-

nent à la névrose et de ceux qui relèvent de l'affection spinale;

4° le pronostic et le traitement sont intimement liés à la solution

exacle de ces problèmes cliniques.

Cette question des syndromes hystériques « simulateurs ne

fera évidemment que s'élargir à mesure que le diagnostic de l'hys-

térie deviendra plus facile et plus sûr. L'ouvrage de M. Souques

tient une bonne place dans ce point particulier de l'histoire de

l'hystérie et ne fait pas moins d'honneur à son auteur qu'à l'école

de la Salpêtrière à laquelle il appartient. Georges Guinon.

V. Psychologie de l'idiot et de l'imbécile; par Paul Sollier.

1891. Bibliothèque de philosophie contemporaine, F. Alcan,

éditeur. '

M. Sollier définit l'idiotie : « une affection cérébrale chronique

260 BIBLIOGRAPHIE.

à lésions variées, caractérisée par des troubles des fonctions intel-

lectuelles, sensitives et motrices, pouvant aller jusqu'à leur abo-

lition presque complète, et qui n'emprunte son caractère spécial

particulièrement en ce qui concerne les troubles intellectuels, qu'au

~ jeune âge des sujets qu'elle frappe * Pour l'auteur, la clef de voûte

du développement intellectuel; c'est l'attention; d'où, on le com-

prend tout de suite, diverses catégories d'idiotie : l'idiotie absolue :

absence complète et impossibilité de l'attention ; idiotie simple :

faiblesse et difficulté de l'attention; imbécillité : instabilité de

l'attention.

Partant de cette idée directrice, qu'il développe d'ailleurs parti-

culièrement dans un chapitre spécial où il traite également de

l'éducabilité des idiots et des imbéciles, presque aussi difficile chez

ceux-ci que chez ceux-là, l'auteur passe en revue toutes les mani-

festations morales et intellectuelles de l'idiot et de l'imbécile. Dans

le domaine de la sensibilité, il étudie les troubles de la vision, depuis

le simple regard vague, qui ne fixe rien, jusqu'à la cécité absolue,

la surdité vraie et la pseudo-surdité par défaut d'attention, les

troubles et perversions du goût, la voracité si fréquente chez ces

malades. Pour lui l'anesthésie tactile plus ou moins profonde que l'on

observe chez eux tient surtout au défaut d'attention, parce qu'elle

disparait dans bien des cas où « ils sont susceptibles d'éducation,

''est-à-dire d'attention . Grande est la différence à ce point de vue

wec les imbéciles, chez qui les troubles de la sensibilité « sont sous

la dépendance d'une complication nerveuse, telle que l'hystérie

surtout, et ne prennent aucune part à l'arrêt du développement

intellectuel ). A propos du sens musculaire, l'auteur parle des tics

et des mouvements involontaires et sans but que l'on rencontre

si fréquemment chez l'idiot.

Dans le chapitre qui traite des instincts, l'auteur passe en revue

l'instinct de conservation, le besoin de sommeil et d'activité mus-

culaire, l'instinct génésique et ses perversions (onanisme, sodo-

mie, etc.). Puis vient l'étude des sentiments : plaisir, douleur, atta-

chement à la personne qui les soigne, sentiments filiaux, sociabilité,

commisération, courage, amour de la propriété, amour du travail.

L'auteur fait ressortir les différences notables qui existent à ces

différents points de vue entre l'idiot et l'imbécile et qui ne sont pas

en général en faveur de ce dernier, qui est paresseux, voleur,

égoïste, dangereux en un mot la plupart du temps. Mais s'il est

menteur, il est aussi d'une crédulité invraisemblable. A côté de cela,

il est plus susceptible que l'idiot de sentiments esthétiques. A la fin

de ce chapitre se trouve un intéressant parallèle entre le caractère

des idiots, des crétins et des imbéciles.

Un chapitre tout entier est consacré au langage et ce n'est pas le

moins intéressant. Langage parlé et écrit, dessin, sont étudiés dans

leur rapport avec le développement intellectuel et illustrés par des

BIBLIOGRAPHIE. 261

fac-similés placés à la fin du volume et reproduisant des pages d'écri-

ture, de calcul, de dessin recueillies par l'auteur et qui sont bien

instructifs. En ce qui concerne l'intelligence proprement dite, le

rôle que joue l'attention dans l'acquisition des idées, et dans-la

mémoire est tel quel'auteur a pu faire du degré de trouble de cette

faculté la base de sa classification. Ce trouble se manifeste bien

nettement dans les degrés divers de la mémoire chez les divers

idiots et chez l'imbécile, dans le rappel des émotions, l'appréciation

des ressemblances, la faculté de généralisation, d'abstraction,

l'association des idées, l'imagination, etc., tous phénomènes qui

sont minutieusement étudiés par l'auteur. Enfin, dans un dernier

chapitre, M. Sollier s'occupe spécialement de la volonté, de la sug-

gestibilité, de la conscience et de la responsabilité morale et civile

des idiots et des imbéciles.

° Il est difficile de donner en quelques lignes une idée exacte de

cet ouvrage, fait à Bicêtre dans le service de M. Bourneville, qui

. renferme la synthèse de plusieurs années de pratique et d'obser-

vation. Il intéresse les philosophes aussi bien que les médecins à

plus d'un titre et il a de plus le mérite d'être le premier de ce

genre qui ait été publié. Georges GUINON.

VI. Recueil de mémoires, notes et observations sur l'idiotie; par

BOURNEVILLE. T.I. (Bibliothèque d'éducation spéciale.) Bureaux

du Progrès médical, Paris, 1891.

Ce livre, le premier d'une série qui promet d'être intéressante,

comprend un certain nombre de travaux sur l'idiotie publiés de

1770 à 1840 dans divers recueils par divers auteurs qui se sont

occupés de cette question. Il n'entre pas dans notre intention de

donner un résumé de chacun de ces articles empruntés à Sau-

vages, Pinel, Fodéré, Esquirol, Belhomme, Foville, Calmeil, F.

Voisin, etc., etc... Pris à part, chacun d'eux n'a évidemment qu'un

intérêt historique, qui, à vrai dire, n'est pas sans importance pour

les spécialistes. Mais, en les réunissant, M. Bourneville n'a pas

voulu se borner à faire une sorte de compilation, d'index bibliogra-

phique de l'idiotie. Son but a été tout autre.

Depuis qu'il est à la tête de la section des enfants idiots et épi-

leptiques à Bicêtre, dans ce service qu'il dirige de main de maître,

et dont la chronique est chaque année publiée par lui et- ses

élèves, M. Bourneville s'est attaché à montrer quels sont les devoirs

de la société vis-à-vis de ces pauvres êtres, dangereux pour eux-

mêmes, dangereux pour les autres lorsqu'ils sont livrés à eux-

mêmes, susceptibles d'éducation et d'instruction jusqu'à un certain

point lorsqu'on s'occupe d'eux. D'où nécessité absolue de l'hospita-

lisation des enfants idiots et imbéciles, comme mesure de protection

générale et individuelle, et comme moyen d'éducation dans la

262 . varia.

mesure du possible. Or, la collection de ces vieux travaux sur

l'idiotie et les idiots (sans parler de l'intérêt qu'ils présentent ainsi

réunis, au point de vue de la pathologie, de la clinique, de l'ana-

tomie pathologique, etc.) contribue pour une large part à la justi-

fication des idées de l'auteur.

Au point de vue de la protection et de l'hospitalisation des idiots,

on trouve à chaque page des faits qui en démontrent clairement

la nécessité : attentats commis par des idiots sur eux-mêmes, sur

les autres, ou sur d'autres imbéciles; leur entière irresponsabilité,

qui fait que des malfaiteurs se servent d'eux, en les séduisant par

la satisfaction de leurs sens ou de leurs appétits, pour commettre

quelque action coupable, etc... Autant d'exemples qui viennent à

l'appui des idées de l'auteur et qui contribueront, espère-t-il, à

vaincre la résistance qu'a toujours rencontrée auprès des autorités

cette question de l'assistance des idiots.

Cette résistance vient aussi en partie de ce que l'on ne croit pas

possible une amélioration sérieuse de l'état de ces pauvres êtres.

Telle n'est pas l'opinion des spécialistes en la matière, ainsi qu'on

le voit sans peine par la lecture des travaux publiés dans ce livre. '

Telle n'est pas non plus l'opinion de M. Bourneville, et pour con-

vaincre le lecteur, il lui suffira de regarder à la première page du

volume où il verra qu'il a été imprimé à Bicêtre même par ces

enfants imbéciles et arriérés, que le traitement a rendus ainsi

aptes à fournir au monde scientifique la preuve de leur éducabilité.

Georges GUINON.

VARIA

CRÉATION DE SOCIÉTÉS DE PATRONAGE POUR LES ALIÉNÉS

SORTANT DES ASILES

L'an dernier, nous avons présenté au conseil supérieur de

l'Assistance publique un rapport sur la création de sociétés de

patronage pour les aliénés sortant des asiles, guéris ou amé-

liorés. Les conclusions de ce rapport, après quelques modifi-

cations, ont été adoptées par ce conseil. Le ministère de

l'intérieur qui avait provoqué l'étude de cette réforme, alors

qu'il était occupé par M. Ch. Floquet, a décidé d'en poursuivre

la réalisation et, dans ce but, a adressé aux préfets la circu-

laire suivante dont nous devons la communication à M. Monod.

varia. 263

Paris, le 9 février 1892.

Monsieur le Préfet, Il arrive assez fréquemment que les médecins

des asiles d'aliénés hésitent à provoquer la mise en liberté d'indi-

vidus dont l'état mental leur parait suffisamment amélioré pour

rendre inutile leur maintien en traitement, ou qu'ils considèrent

même comme guéris, dans la crainte que ces malheureux, livrés

brusquement à eux-mêmes sans surveillance et souvent sans

ressources, reprennent les habitudes d'existence qui ont été par-

fois la cause déterminante de leur maladie, et se trouvent, d'autre

part, dans l'impossibilité de se procurer du travail par suite des

préventions trop répandues, auxquelles sont en butte les personnes

ayant passé par un établissement d'aliénés.

Mon administration, qui se préoccupe depuis longtemps des

moyens de remédier à cette situation, a toujours été portée à les

chercher dans l'intervention de sociétés de patronage, dont l'oeuvre

consisterait à surveiller et à aider l'aliéné pendant les premières

phases de son retour à la vie commune. Saisi de la question, à

l'occasion de l'examen du projet de loi portant revision de la légis-

lation sur les aliénés, le Conseil supérieur de l'Assistance publique

a formulé, dans sa seconde session de 1891, une série de proposi-

tions dont voici le texte : ,

Sociétés de patronage.

Résolutions votées par le Conseil supérieur, au sujet de la création

des Sociétés de patronage pour les aliénés sortant des asiles.

I. - Le Conseil émet le voeu qu'il existe dans chaque départe-

ment une ou plusieurs sociétés de patronage, chargées de seconder

les malades à leur sortie des établissements d'aliénés publics ou

privés, et que M. le Ministre de l'Intérieur, dans une circulaire aux

préfets, invite ceux-ci à favoriser, par tous les moyens, la création

de ces sociétés.

II. Les sociétés de patronage viendront en aide aux aliénés

convalescents ou guéris, par les moyens suivants : secours en

argent, en linge, en vêlements, outils (ces secours peuvent être

hebdomadaires, mensuels, trimestriels); dégagement des objets

mis au Mont-de-Piété; paiement du loyer, placement des malades

dans des asiles de convalescence, dans des cottages intermédiaires

entre l'internement complet et la vie libre, ou encore, s'il y a lieu,

dans les hospices; placement définitifs dans les ateliers et les mai-

sons de commerce, d'agriculture, etc., surveillance de l'aliéné

guéri dans la place où il est occupé.

111. Il y a intérêt à établir un lien entre les différentes sociétés

de patronage.

: 264 varia.

IV. Les sociétés de patronage pourront être autorisées à

toucher le pécule de sortie de l'aliéné, de façon à le lui remettre

en temps utile et au besoin par fractions.

- , ..

En émettant ces résolutions, le Conseil était assuré de me trouver

prêt à seconder la réalisation de vues qui répondent absolument

aux miennes, et touchent à un des plus intéressants parmi les

problèmes que l'Assistance publique doit se donner mission de

résoudre.

Je n'hésite donc pas à me conformer à un des voeux du Conseil,

en appelant toute votre sollicitude sur la question de l'organisation

de sociétés de patronage pour la protection des aliénés sortant des

asiles. *- , ·

Comme l'établissait le rapport présenté au Conseil supérieur et

que vous trouverez reproduit dans le fascicule 36 des travaux de

cette Assemblée, ces sociétés sont bien peu nombreuses en France

malgré certaines initiatives généreuses. Il y a là un progrès très

désirable à poursuivre. J'attache la plus sérieuse importance à ce

que vous recherchiez quels éléments d'organisation, quelles res-

sources particulières peut présenter à cet égard votre département,

comme aussi quelles causes spéciales d'insuccès, la tentative pourrait

être exposée à y rencontrer.. , , 1 ,

Je prendrai connaissance avec un grand intérêt des résultats de

cette étude que je vous prie de me communiquer le plus prompte-

ment possible, en y joignant les observations personnelles que

pourra vous suggérer la question.

Recevez, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma considération la

plus distinguée.

Le Ministre de <'7n<e')' : eM ?

CONSTANS.

CONGRÈS ANNUEL DES MÉDECINS ALIÉNISTES DE FRANCE

ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE

. Session de Blois, 1892.

, Blois, le 1" mars 1892.

Monsieur et très honoré Confrère,

Le Congrès annuel des Médecins aliénistes de France et des pays

de langue française devant se réunir en 1892 à Blois, le Comité

d'organisation de cette Session, composé du bureau du Congrès de

Lyon auquel ont été adjoints les Médecins aliénistes de Blois, a

l'honneur de vous demander votre adhésion. La date de la réunion

est fixée au Lundi 1er août.

Le programme comprendra : 1° La mise à l'ordre du jour des

VARIA. 265

questions suivantes : Du Délire des négations, sa valeur diagnostique

et pronostique; Le Secret Médical en médecine mentale; Les colonies

d'aliénés. Un rapport sera fait sur chacune de ces questions et sera

envoyé à chaque Membre adhérent dans le mois de juillet ;

"2° La lecture des mémoires ou les communications orales des

Membre du Congrès sur des questions diverses touchant la méde-

cine mentale; 3° Les visites aux hôpitaux de Blois, à l'ancien

hospices des aliénés et à l'asile départemental actuel. Inaugu-

ration d'une infirmerie et du nouveau service des épileptiques non

aliénés.

Ce programme sera rempli d'après le règlement ci-joint : La

cotisation est de 20 francs. Vous voudrez bien nous faire connaître

dans le plus bref délai le titre des travaux ou des communications

que vous avez l'intention de nous présenter pour nous permettre

de préparer le programme définitif. Veuillez agréer, etc.

. Le Président du Comité d'organisation,

Dr BOUCHEREAU.

Le Secrétaire de la Commission locale,

Dr DOUTREBENTE.

Le Règlement du Congrès est le même que celui des Congrès

de Rouen (1890) et de Lyon (1891). Nous ne doutons pas que ce

Congrès n'ait un succès égal aux deux précédents.

LES EXPLOITS D'UN FOU

' : r

Vers 2 heures de l'après-midi, avant-hier, l'un des inspecteurs

d'un magasin de la rue du Pont-Neuf, apercevait un passant glisser

dans sa poche un paquet de mouchoirs qu'il venait de dérober à

l'étalage. Le voleur s'enfuit etl'inspecteur s'élança naturellement àsa

poursuite. Avec l'agilité d'un acrobate consommé, le filou franchit

d'un bond deux personnes qui tentaient de l'arrêter.

Les cris de : » Au voleur ! » poussés par deux agents de la

sûreté, éveillèrent sur la place Dauphine, l'attention d'un agent

de ce service qui se jeta sur l'indélicat personnage.

D'un formidable coup de pied dans le ventre, le malfaiteur le

renversa et, lui passant sur le corps, il poursuivit sa roule. Arrêté

enfin par plusieurs agents, sur le quai des Orfèvres, l'individu fut

conduit au commissariat de M. Dhers.

Interrogé par ce magistrat, il déclara se nommer Antoine Ferrés,

Age de vingt-cinq ans, évadé depuis quinze jours de l'asile de Ville-

Evrard, où il avait été interné comme fou.

1 Immédiatement conduit à l'infirmerie du dépôt, Ferrés, profi-

tant d'un moment où ses gardiens le laissaient seul, gagna une

cour intérieure, escalada le mur et, s'aidant des pieds et des mains,

266 varia. -

atteignit le toit, d'où il redescendit dans la cour de la Perma-

nence. En deux bonds, malgré le garde qui voulait s'opposer à son

passage, Ferrés avait franchi la pote du quai de l'Horloge, et s'en-

fuyait à toutes jambes.

Plusieurs agents se mirent Il sa poursuite, mais ce n'est que place

Dauphine qu'ils rejoignirent le fuyard. Le fou opposa une résis-

tance désespérée aux agents; cependant ceux-ci parvinrent à le

maîtriser et à le ramener dans la cellule, préparée à son intention

à l'infirmerie. (Radical, 9 janvier 1892.)

Il s'agit, dans ce cas, d'un aliéné dangereux, évadé de l'asile

de Ville-Evrard depuis quinze jours. En pareil cas, c'est-à-dire

lorsque des aliénés se sont sauvés des asiles, il serait néces-

saire que la police s'occupât de les retrouver avec plus d'acti-

vité. Le plus souvent, ce n'est qu'au bout d'un temps assez

long que les malades sont réintégrés, après avoir commis des

actes plus ou moins analogues à celui dont il est question plus

haut.

impulsions génitales précoces

Sous le titre « Un satyre de treize ans », l'Eclair du 12 fé-

vrier a publié le récit suivant :

A treize ans et demi, Don Juan lui-même n'en avait certes pas

fait aulaut que le petit Léon, de la rue Séguin. Ce précoce subor-

neur en conte aux fillettes qu'il voit sur sa route et ne trouve que

peu de cruelles. Il a obtenu, à des prix variant entre deux sous et

un bonbon, les faveurs de onze candides créatures dont les noms

sont connus et qui ont fait des aveux, mais combien d'autres que

les parents contraignent à se taire, pour s'éviter d'avoir à faire

publiquement des déclarations humiliantes.

Léon est le fils d'un brave homme qui cumule : allumeur de gaz

et à la fois cordonnier. Il est souvent absent de la maison, et le

jeune Léon - dont la mère a déserté le foyer conjugal reste

seul et en abuse. Il attire dans l'atelier les petites filles des envi-

rons, une à une, et polissonne. Qui s'imaginerait à quel degré de

perversité est descendu cet être malingre, souffreteux, dont les

treize ans en paraissent neuf ? 2

Un jour, il rencontra la petite Marie L..., une fillette de cinq ans,

qui, accompagnée de son frère Georges, de deux ans plus vieux,

allait faire une commission.

Laisse-moi ta soeur, dit Léon à Georges. Je vais l'emmener

chez nous et lui donner du chocolat pendant que tu iras faire ta

course.

VARIA. 267 Î

Georges accepta, mais, pris de scrupule, il voulut voir ce que

faisait Léon. Il pénétra daus la cour, se hissa jusqu'à une fenêtre

d'où il pouvait tout apercevoir, et voici ce qu'il vit : Léon, désha-

billé devant Marie, posait pour le torse. Georges ayant révélé sa

présence, il se vêtit à la hâte et remit la fillette à son frère en lui

disant : Surtout, tais-toi ! ...

Il y a deux jours, le frère et la soeur eurent une querelle au sujet

d'un jouet. La discussion s'envenima. Georges menaça de raconter

à sa mère ce qui s'était passé. La mère entendit le propos, ques-

tionna ses enfants et apprit tout.

Une autre fillette de neuf ans, Marie R..., avoua également à sa

mère avoir visité fréquemment la maison de Léon. Ce dernier rému-

nérait la visiteuse, lui octroyant dix centimes ou quelques bonbons.

Marie R... a dû être l'objet de quelques soins médicaux.

Le commissaire de police du quartier, M. Douçot, fut informé de

ces faits et son enquête a révélé que l'ignoble gamin avait aussi

abusé, au sens adulte du mot, d'une dizaine de petites filles du

quartier. 11 réunissait même quelques vauriens de sa trempe chez

lui, et Casanova en herbe, il organisait des parties de plaisirs à

son âge d'ordinaire interdites. Malgré son jeune âge, ce précoce

passionné a été mis à la disposition de la justice.

Les cas de ce genre sont moins rares qu'on ne le suppose,

peut-être moins encore à la campagne qu'à la ville. Nous avons

publié dans le Progrès médical et reproduit dans le compte

rendu de Bicêtre, pour 1884, l'observation d'un malade atteint

d'instabilité et de débilité mentales avec perversion des ins-

tincts, qui avait des rapports sexuels avec six petites filles de

la même famille, dont l'ainée avait treize ans et la plus jeune

quatre. Alors il n'avait que douze ans.

Mort dramatique D'UN aliéné.

Un tragique événement vient d'avoir lieu à l'hospice du village

de La-Tour-de-France. Depuis le 8 décembre dernier, un malheu-

reux aliéné, âgé de trente-cinq ans, François Cros, était enfermé

dans un des cabanons d'aliénés de cet établissement.

Hier soir, après un accès de folie furieuse, il dut être mis en

cellule. La porte n'était fermée sur lui que depuis un moment,

que l'on entendit le malheureux pousser des cris affreux, qui ne

cessèrent que vers minuit.

Ce matin, les gardiens en venant lui rendre visite, aperçurent le

corps de l'aliéné accroché à la grille à air de la cellule, une moitié

du cadavre pendait en dehors.

268 VARIA.

Pour tenter de s'enfuir, Cros avait hier soir-grimpé jusqu'au

grillage de la petite fenêtre de la cellule. Il passa d'abord les

jambes et les cuisses, le bassin et une partie du corps à travers les

' barreaux qui n'avaient que douze centimètres de largeur, puis il

voulut passer la poitrine, la tête et les bras. Mais les barreaux trop

étroits l'en empêchèrent et il ne put plus avancer. Il voulut rétro-

grader et ne le put davantage.

Se voyant emprisonné entre les barreaux de la fenêtre, le fou fit t

des efforts désespérés; à chaque mouvement, les tringles de fer

entraient plus profondément dans ses chairs. Finalement, il se dé-

mena de si malheureuse façon que sa poitrine fut défoncée et le

coeur atteint par les fers du grillage.

Cette affaire a causé à Perpignan le plus vif émoi. Le gardien,

qui avait manqué à son devoir en n'allant pas surveiller le fou com-

mis à sa garde, a été renvoyé. ,*

Le procureur de la République veut donner suite à cette affaire

et il a l'intention de poursuivre correctionnellement le surveillant

et peut-être les administrateurs de l'hospice Saint-Jean comme

coupables d'homicide par imprudence. M. le maire de Perpignan,

président de la commission de surveillance, et deux administra-

teurs de service ont été mandés hier au parquet et très longue-

ment interrogés.

On ne sait si, après instruction, les poursuites seront définitive-

ment décidées, mais vu la condition des personnes mises en jeu,

l'opinion publique est vivement surexcitée. (Bataille, 10 jan-

vier 1892.)

Cette affaire s'est terminée par l'acquittement de l'infirmier.

Personne autre que nous sachions, n'a été poursuivi. Cet infir-

mier n'étant qu'un agent subalterne. Il doit y avoir, dans cet

hospice quelqu'un au-dessus de lui; la religieuse de sa salle et

la supérieure de la communauté de la maison, à défaut d'agent t

administratif laïc. Nous ne voyons figurer ni l'un ni l'autre

au procès. Il n'en a pas été de même à Paris dans une affaire

où une infirmière avait administré un lavement d'acide phé-

nique qui a eu des conséquences graves : non seulement l'in-

firmière a été poursuivie et condamnée, mais encore la sous-

surveillante, qui n'y était pour rien et celle-ci même à une

peine plus grave que celle-là. Si nous rappelons ces condam-

nations ce n'est pas pour demander des poursuites contre qui

que ce soit, mais pour montrer combien la justice est parfois

injuste et que l'égalité est souvent un vain mot.

D'ailleurs la responsabilité de ce fait tient-elle à la mauvaise

organisation de l'hôpital de la Tour-de-France. Il est pro-

VARIA. 269

bable que là, comme dans un très grand nombre d'hôpitaux

de province, les cabanons destinés aux malheureux aliénés

sont écartés loin de toute surveillance. Si de tels faits, ou des

faits analogues, ne sont pas plus fréquents, c'est pur hasard.

Nous avons autrefois rapporté dans les Archives (1887,

p. 172, 1888, p. 137), puis dans le Progrès médical (1889,

p. 31), le résultat à ce point de vue, de nos visites dans un

grand nombre d'hôpitaux et montré la situation abominable

qui était faite aux aliénés, en attendant leur envoi dans les

asiles. Nos" assertions ont été confil'mées par M. Napias, puis

par M. Monod. Une circulaire a été adressée par M. Fallières

aux préfets le 1er août 1887. L'année suivante, dans d'autres

hôpitaux, nous constations la même situation indigne. Nous

l'avons signalée dans nos rapports sur la revision de la loi sur

les aliénés. Depuis lors nous n'avons pas eu l'occasion de

visiter les hôpitaux de province. La situation a-t-elle changé ?

Nous l'ignorons car, contrairement à ce qui devrait être, l'ad

ministration ne publie pas chaque année un rapport sur l'état

de nos établissements de bienfaisance, et en particulier sur les

asiles. '

BOURNEVILLE.

SERVICE DES aliénés DE la SEINE

Personnel médical et administratif.

Sous-directeur des affaires départementales : M. LE Roux (Annexe

Est de l'Hôtel de Ville, caserne Lobau). Infirmerie spéciale du

Dépôt de la Préfecture de police : M. GARNIER (P.) ; Médecin-

adjoint : M. Legras; Internes : Lutas et ViGouRoux.

Asile clinique (Sainte-Anne), Directeur : M. le DT TAULE ; -

Service de M. Magnan. Internes : MM. PÉCIIARYAN et TARGOWLA. -

Service de M. le P BALL (clinique). Chef de clinique : M. P.\CTET;

Chef de clinique adjoint : M. SOLDER ; Interne : M. BOETEAU.

Service de M. BOUCiIEREAU. Internes : MM. LEFÈvRE et TOULOUSE. -

Service de M. Duduisson. Interne : M. PRIBAT. Service hydro-

, thérapique externe : M. DAGONET, médecin-adjoint de l'Asile. -

Laboratoire de la clinique. Chef : M. le Dr BLIPPEL ; Aides :

MM. BOETTAU et Champion.

Asile de Villejuif. Directeur : M. BAnnOUx. - Service de

M. BItIAND. Médecin-adjoint : M. Sérieux; Internes : MM. Bois-

sTEn et LACE(AUX. Service de M. Vallon. Médecin-adjoint :

M. ROUILLARD; - Internes : MM. HANNION et LEFILIATRE.

270 VARIA.

Asile de Vaucluse. Directeur-médecin en chef : M. Boudrie ;

- Division des hommes M. RAMADIER, médecin-adjoint j Interne :

M. CROUSTEL; Division des femmes ; M. BLIN, médecin-adjoint;

- Interne : M. Laroussime. Service de M. LEGRAIN (Colonie d'en-

fants idiots). Interne : 111.-111.1Ue.lTÉ. '

Asile de Ville-Evrard. - Directeur : M. Balet. Service de

M. MARANDON DE MUNTYEL. Internes : MM. ESCAT et LAVERGNE.Ser-

vice de M. KÉHAVAL. Interne : M. DESFossE. Service de M. FEBVRÈ.

Interne : M. j[OUNIC.

Discours SUR la médecine psychologique PRONONCÉ au CONGRÈS

INTERCOLONL1L DE iIIELBOUBNEi par F. N. iILINNING. (The Journal of

mental Science, juillet 1889.) 1

On trouve dans ce discours, que complètent de nombreux ta-

bleaux statistiques, des renseignements intéressants sur l'aliéna-

tion mentale et la psychiatrie dans les colonies anglaises. Nous

retiendrons seulement ce fait que, dans les asiles d'Australie, la

paralysie générale est beaucoup plus rare que dans les asiles

d'Angleterre (1,8 p. 1U0 du chiffre total des malades au lieu de

8,6 p. 100). Dans les asiles de la Nouvelle-Galles du Sud, cette

même proportion est de 3,4 p. 100, tandis que, pour la période

quinquennale correspondante elle était en Angleterre de 8,4 p. 100.

Il est à remarquer aussi que la paralysie générale paraît plus

commune dans les vieilles que dans les jeunes colonies : il sera

intéressant de rechercher si elle augmente de fréquence dans ces

dernières. Enfin on notera que l'épilepsie est beaucoup moins

fréquente dans les asiles australiens que dans les asiles anglais.

R. AI. C.

Description DU NOUVEL hôpital DE l'asile royal DES aliénés

DE h10\TROSE; par James C. IIowDEN. (The Journal of Mental

Science, janvier 1889.) ,

Ce court mémoire, accompagné d'un plan, donne une idée

exacte de la disposition que présente la nouvelle infirmerie de

l'asile des aliénés de Montrose : dans cette création, dont le besoin

se faisait vivement sentir dans l'asile, les règles de l'hygiène pa-

raissent avoir été intelligemment observées, la facilité du net-

toyage, du chauffage et de la ventilation a été l'objet d'une atten-

tion toute particulière; il est à noter toutefois que le prix de revient

de cette infirmerie est très élevé, puisqu'il s'élève au chiffre de

13,000 livres sterling pour 100 malades (soit 3,250 francs par lit),

sans compter les peintures et l'ameublement. R. M. C.

varia. 271 1

DE l'assistance DES aliénés pauvres dans l'avenir ; par D. HACK-

TUKE. (The Journal of mental Science, octobre 1889.)

Etude intéressante et consciencieuse comme toutes celles que

l'auteur a consacrées à ce sujet ou à des sujets analogues; nous ne

saurions toutefois l'analyser ici, parce qu'elle concerne surtout le

comté de York, et que d'ailleurs le mode d'assistance et de place-

ment des aliénés pauvres en Angleterre est trop différent de ce

qu'il est en France pour qu'on rencontre en pareille matière des

analogies instructives ou des exemples suggestifs. R. M. C.

SUR la MISE EN PENSION DES aliénés pauvres EN DEHORS DES asiles

EN Ecosse; par D. HACK-TuKE. (The Journal of Mental Science,

janvier 1889.) -

Nous résumons ici, en les abrégeant un peu, les conclusions de

cette très consciencieuse étude sur un mode d'assistance qui est

sérieusement expérimenté en Ecosse :

Le succès dépend entièrement du soin avec lequel on choisit les

malades qui peuvent bénéficier de ce genre d'assistance, et du soin

non moins grand avec lequel on choisit les personnes ainsi prépo-

sées à la garde des aliénés; on doit tenir compte de la disposition

des locaux, des facilités qu'ils offrent pour recevoir le malade, et

enfin, suivant le sexe et l'âge de celui-ci, de la composition de la

famille où il entre; de fréquentes visites d'inspection sont en outre

indispensables.

Ce serait une grande erreur de croire que le mode d'assistance

soit indistinctement applicable à tous les déments et à tous les

idiots; il en est beaucoup au contraire dont la place est exclusi-

vement à l'asile.

Les qualités qu'il faut exiger des personnes ainsi préposées à la

surveillance des aliénés sont assez rares pour qu'on ne puisse guère

compter que l'on rencontrera beaucoup de personnes capables de

les réunir dans le périmètre assez restreint où l'on peut disséminer

les aliénés ainsi assistés; la même observation s'applique aux con-

ditions de logement, etc., ci-dessus indiquée^.

La nécessité de fréquentes visites d'inspection pour éviter de la

part des gardiens volontaires toute négligence et toute cruauté à

l'égard de leurs pensionnaires, est manifeste; il faut reconnaître

que, malgré ces visites, l'application de ce système a eu dans quel-

ques circonstances de très fâcheux résultats, et il faut peut-être

s'étonner que ces fâcheux résultais ne soient pas plus fréquents.

La composition de la famille où entre un aliéné a une impor-

tance évidente ; il est manifeste par exemple qu'un ménage âgé

peut sans inconvénient héberger un malade dont la présence dans

une maison où il y aurait des enfants ou de jeunes femmes serait

loin d'être sans inconvénient. A côté des intérêts de l'aliéné, et au

272 varia.

même rang, on doit placer la sécurité physique et morale de la

famille qui le reçoit.

Si ces préceptes sont rigoureusement observés, il résultera de

l'application (d'ailleurs toujours et forcément limitée) du système

dont il s'agit, une augmentation de bien-être pour les malades et

-~un dégrèvement considérable, pour le budget de l'asile; mais si

elles ne devaient pas l'être intégralement, l'aliéné devrait sans

hésitation être maintenue à l'asile. R. M. C.

QUI doit prendre soin DES aliénés indigents ? par le Dr MOULTON

(American journal of insanity, octobre 1890.)

L'auteur, après un historique intéressant des différents procé-

dés de thérapeutique de la folie employés depuis l'antiquité jus-

qu'à nos jours, en arrive à cette conclusion, que l'Etat doit pren-

dre à sa charge les soins à donner aux aliénés indigents et les

dépenses à faire dans ce but. Les aliénés seront mieux traités et les

guérisons plus fréquentes que dans les cas où il ne sont soumis à

aucune surveillance professionnelle, comme cela se passe dans les

petits hospices. E. B.

NOUVELLE législation POUR LES aliénés dans l'Etat DE NEW-YORK;

par le Der MACDONALD. (American journal of insanity,janvier 1891.)

De toutes paris les gouvernements se préoccupent, à juste titre,

de la législation des aliénés et des modifications à apporter à la

condition et au traitement de cette classe intéressante de malades.

L'Etat de New-York, où sont traités 16,000 aliénés plus 1,500

idiots, a promulgué en 1889-90 une récente législation mise en

vigueur depuis plus d'un an. Les principales réformes ont été les

suivantes :

1° Augmentation du nombre des hôpitaux d'Etat, et, en parti-

culier, création d'un nouvel asile pour les aliénés criminels, pou-.

vant contenir 450 malades.

2° Création d'une commission d'Etat pour la folie, destinée à

exercer une surveillance gouvernementale, indépendante, sur les

aliénés et toutes les institutions tant publiques que privées des-

tinées à leur garde : l'Etat ayant pourvu à l'internement des aliénés,

il est de son devoir de maintenir une surveillance systématique sur

la direction des institutions qu'il a établies, dans le double but de

prévenir les abus qui pourraient s'y commettre et d'assurer au

public que leurs hôtes sont traités humainement et convenablement.

Cette commission est composée de trois membres, un médecin, un

homme de loi et un citoyen, nommés par le gouvernement avec

l'avis et le consentement du sénat. Le médecin président est

nommé pour six ans, le magistrat pour quatre, et le citoyen pour

VARIA. 273

deux, chacun pouvant être renommé pour des périodes subsé-

quentes de six ans. 1 ' , ,

Cette commission, logée dans le capitule d'Etat, à Albany, est

assistée d'un secrétaire, d'un sténographe, d'un agent télégraphi-

que et de tous employés nécessaires.

Au siège de la commission' est un bureau d'enregistrement

où sont collectés les certificats, les renseignements et notes indivi-

duelles concernant tous les aliénés de l'Etat. C'est à ce bureau que

tout directeur d'asile ou surveillant d'une institution soit publi-

que, soit privée, devra, dans le délai de dix jours après l'admission

d'un malade, produire une copie du certificat médical ou de l'ordre

en vertu duquel cette personne doit être reçue, en même temps

que tous autres détails requis par la commission.

La commission possède les pouvoirs les plus étendus pour exa-

miner l'état des asiles tant publics que privés, pour se rensei-

gner sur les méthodes de direction, de surveillance etde traitement

de leurs hôtes. ,

Les membres de la commission d'Etat réunissent de temps en

temps en conférence les directeurs, administrateurs ou autres

autorités responsables de chaque institution, pour examiner en

détail toutes les questions relatives à ces institutions.

C'est de la commission d'Etat que dépend toute autorisation

d'établir ou de diriger une institution destinée au traitement des

aliénés.

En cas de séquestration arbitraire, de mauvais traitements ou de

négligence d'un ordre quelconque, la commission désigne un de ses

membres pour faire une enquête, et ce membre exerce alors des

pouvoirs analogues à ceux des rapporteurs nommés par la cour

suprême. Si les faits sont prouvés, la commission est autorisée à

publier, au nom du peuple de l'Etat, et revêtu de son sceau, un

ordre adressé au directeur de l'institution en cause, le requérant de

modifier tel traitement ou d'appliquer tel remède, suivant le cas

spécifié : cet ordre, avant d'être publié, doit être approuvé par un

juge de la cour suprême. La commission prescrit des formules don-

nées, nécessaires à la délivrance des certificats d'aliénation men-

tale. Ces formules, à l'occasion, ont force de loi, et l'internement

d'un aliéné par des formules de certificats médicaux autres que

celles prescrites par la commission, sera regardé comme illégal.

En résumé, la surveillance et les pouvoirs de la commission en

ce qui regarde les aliénés et la direction dés institutions, au point de

vue des soins à leur donner et de leur traitement, sont en pratique

illimités, car cette commission détermine, à sa discrétion, le type

des soins médicaux, le nombre des assistants, le régime, les vête-

ments, la discipline les formules des archives et des comptes ren-

dus, articles et règlements de toute institution pour les aliénés, en

même temps qu'elle règle, avec l'approbation du gouverneur, la

Archives, t. XXIIL . ls

274 VARIA.

-nomination et la promotion d'officiers médicaux dans les hôpitaux

de l'Etat. La commission, qui fonctionne depuis dix-huit mois, a

élaboré dé nombreux règlements relatifs au transfert des malades

d'une institution à une autre, sans renouvellement des certificats ;

à l'établissement d'un tarif uniforme de paiement hebdomadaire

(4 dollars 25) à effectuer par les Comtés pour le maintien de leurs

malades ; au transfert des malades ; à l'abolition des distinctions

entre malades privés et publics sous le rapport de l'installation et

des soins, aux sorties temporaires et aux évasions.

3° Une des réformes les plus belles de la nouvelle législation est

de déclarer les ^malades pupilles de l'État et de pourvoir au trans-

fert des aliénés dépendant des refuges des Comtés dans les hôpitaux

de l'Etat, mettant ainsi un terme aux abus et scènes scandaleuses

que la fausse économie, la parcimonie, la cupidité et l'intérêt

personnel avaient pu déterminer dans certains refuges de Comtés.

Afin de placer dans le plus bref délai ces malades indigents des

refuges de Comtés, des corps de bâtiments séparés, d'étendue mo-

'dérée, seront construits sur les terrains des hôpitaux d'Etat déjà

existants : on n'installera dans ces constructions pas moins de 10,

et pas plus de 150 malades, et le coût de ces constructions avec

l'installation complète, mobilier et matériel, ne devra pas excéder

550 dollars par tête.

L'État est divisé en districts ayant chacun un hôpital d'Etat où

seront traités tous les aliénés du district.

4° Une dernière réforme de la nouvelle législation est de pour-

voir à la création, dans chaque hôpital d'Etat, d'une femme mé-

decin ayant qualité d'adjointe au corps médical régulier. E. BLIN.

Obligations DE la PROFESSION médicale ENVERS la société ET LES

aliénés ; par le Dr EVERTS. (American journal of insanity,

octobre 1890.) \ '

Le devoir du médecin est de protéger la société contre l'invasion

- des causes qui peuvent amener la maladie, d'en arrêter les progrès ;

' il y a pour lui obligation générale de connaître tout ce qui doit être

évité, et, dans la limite des capacités personnelles, tout ce qui

doit être connu.

' Ces conditions sont-elles appliquées en ce qui concerne l'étude

de l'aliénation mentale 2 - Sans nier qu'il y ait, pour un praticien,

; dans ses relations journalières et officielles avec la société, des

branches de connaissances médicales plus importantes que celles

qui portent directement sur l'aliénation mentale, cette dernière

* présente cependant un intérêt pratique assez grand pour condam-

- ner l'état actuel non seulement d'ignorance, mais encore d'indiffé-

rence, avec laquelle elle est traitée par le plus grand nombre des

' praticiens. ' '

VARIA. 378

Il est permis de se demander en effet, si des connaissances plus

approfondies qu'elles ne le sont d'ordinaire sur ce point particulier

de la pathologie ne permettraient pas aux médecins des familles,

en les mettant sur leurs gardes, en leur donnant les qualités

suffisantes pour découvrir, dans certains cas, les premiers indices

,d'un désordre cérébral, d'entraver dès son origine le 'processus

morbide avant qu'il ait atteint tout son développement, et avant

qu'il se soit définitivement installé en maître. E.'B.

Confession D'UNE JEUNE buveuse de laudanum (dose quotidienne

quatre onces, en deux fois). (The journal of mental Science, jan-

vier 1889.)

Autobiographie intéressante d'une jeune fille qui absorbait quatre

onces de laudanum par jour et qui, sans avoir recours à l'interne-

ment dans un asile qui avait été conseillé, a réussi, avec le concours

intelligent et dévoué de sa mère, à se guérir de son redoutable

penchant pour l'opium : la jeune malade décrit, d'une façon très

imagée, les états douloureux et pénibles par lesquels elle a passé

au moment de la suppression du poison habituel; elle signale ce

fait intéressant que, à un certain moment de la cure, elle aurait

pu aisément se procurer du laudanum, en raison du relâchement

de la surveillance dont elle était l'objet; mais déjà elle avait recou-

vré une force de volonté suffisante pour vouloir gnérir, et elle s'est

abstenue. Un point à noter : durant la période d'intoxication chro-

nique par l'opium, elle avait perdu toutes les mémoires, sauf la

mémoire musicale : elle parait, il est vrai, avoir été excellente mu-

sicienne.. R. M. C.

LES Asiles d'aliénés DE NEW-YORK.

La Commission nommée par le Maire d'York pour visiter les pa-

villons des aliénés dans les îles de Ward et Blackwell, a trouvé que

dans les onze constructions aménagées pour les malades atteints de

folie à des degrés différents, on peut y loger au plus 1,091 pension-

naires, bien qu'actuellement 1,817 aliénés y soient entassés. Chaque

pièce particulière de l'asile principal contient de 4 à lits, alors

qu'elle ne devrait en contenir qu'un seul. Les corridors eux-mêmes

qui étaient pourvus, dès l'origine d'alcôves destinées à- servir de

lieu d'attente, sont garnies de lits rangés le long des murs, ils sont

si près les uns des autres que les malades sont obligés de se servir

d'escabeaux pour grimper dans leur lit.

Dans le pavillon, désigné sous le nom de (Pavillon des fous dan-

gereux », environ 280 infortunés sont entassés dans des chambres

qui ont élé à l'origine aménagées pour 190 personnes. (The Boston

med. and Surg. Journal, 4 fév. 1892, 1). 128.)

276 varia.

. Comme on le voit ce n'est pas seulement en France, en par-

ticulier dans le département de la Seine, que les asiles sont

encombrés. -

'1 ..

DE l'aliénation mentale CHEZ LES GENS de. COULEUR aux états-unis;

par A.-H. VITUEa. (Allg. Zeitsch. f. Psychiiat., XLVII, 5.)

Avant la guerre de 1861-1865, il n'y avait si l'on en croit les allé-

. gâtions de ceux qui possédaient des esclaves, parmi les gens de

couleur, que des idiots et des épileptiques, mais pas d'aliénés. Et,

en effet le recensement général de 1860 donne 760 aliénés de cou-

leur, sur une population totale de 4,441,830. Celui de 1870 fournit

sur 4,880,009 individus de couleur, 1822 aliénés. En 1880 sur une

- population de couleur de 6,580,793, on note, 6,157 aliénés. L'alié-

nation mentale a donc continuellement progressé chez les gens de

couleur depuis l'abolition de l'esclavage; la proportion s'en rap-

proche de celle des blancs qui d'après le recensement de 1880 est

de 1 : 500. On conçoit du reste que, devenus libres, les nègres aient

surtout au début, eu plus à souffrir que les blancs ou, tout au moins,

autant qu'eux, des éléments psychoperturbateurs de la lutte pour

la vie et de la civilisation. Les formes psychopathiques sont à peu

près les mêmes chez les gens de couleur et les blancs. Les tenta-

tives de suicide sont rares chez eux.

Statistique du Government Hospital for the Insane

Du 1" janvier 1855 au 30 juin 1889.

VARIA. 277 Î

Voyage DE psychiatrie agricole EN Suisse ; par FLAMM. (Jahrbiich.

f. Psychiat., X, 1.) - ..

Narration toujours poétique et souvent humoristique. Parti de

Pfullingen dans les derniers jours de mai, l'auteur gagne Gattin-

gen et Waldburg d'où il visite l'asile de Weissenau en reconstruc-

tion pour 500 aliénés chroniques, passe à Saint-Pirmnisberg où il

étudie la colonie alpine de Saint-Margurethenbesq, annexe de l'as

sile de curables et d'incurables de Saint-Gall, et le voilà à Zurich.

Il loue fort l'asile de Moenigsfelden, à Langenthal; il consacre une

journée à l'asile de Saint-Urbain (du canton de Lucerne) ainsi qu'à'

sa colonie d'aliénés près Berne, c'est l'asile de traitement et d'hos-

pitalisation de Waldau qu'il l'occupe. Il s'arrête encore à l'asile de

Soloshurn et présente comme un modèle le nouvel asile cantonal

de Bâle. Puis il se dirige sur Fribourg-en-Brisgau et consacre de

longues pages à l'asile agricole de traitement et d'hospitalisation

d'Emmendingen construit et organisé, dit-il, sur le modèle de

celui d'Alt. Scherbitz. On peut écrire un livre sur cet établissement

sans arriver à le décrire. Tous les organes d'hygiène médicale rela-

tifs à l'air, à l'eau, au sol, à la destruction des germes morbides, le

choix de l'emplacement, le système de construction, des pavillons

des malades, le chauffage, la ventilation, l'alimentation d'eau et la

canalisation sont conformes aux indications les plus modernes.

Tout y est grand et scientifique, c'est un institut mis au service de

l'humanité dans lequel on a mis en pratique les grandes idées

médicales, hygiéniques,[sociales, administratives. On lui a consacré

bien des peines; on y a dépensé beaucoup d'argent; ces sacrifices

sont amplement récompensés. Les badois peuvent s'en enorgueillir

Citons : deux pavillons d'isolement pour maladies contagieuses, les

ateliers d'hommes et de femmes, des habitations à rez-de-chaussée

pour épileptiques, des habitations de malades tranquilles, bien

séparées des agités et du va-et-vient de l'établissement, enfin l'ins-

tallation d'une étuve de désinfection. Une colonie séparée est reliée

à l'asile par un téléphone et des moyens de transport, dans la-

quelle une bonne discipline facilite le fonctionnement des rouages

administratifs; la même largeur de vues, la même précision scien-

tifique a présidé à son organisation et à son agencement. Levoyage

se termine par l'étape de Fribourg et l'arrêt de M. Flamm à Stras-

bourg où se tient du 5 au 11 juin l'exposition agricole. Il ne quitte

pas l'Alsace sans examiner l'annexe de Stephansfeld, l'asile de

Hardt, qu'il admire. P. KERAVAL.

ALIÉNÉ ASSASSIN.

Un assassinat a été commis, en septembre 1891, à l'asile d'aliénés

de Kieil (Russie). Un nommé Tichansky, ancien étudiant en méde-

278 varia.

cine de la Faculté de Wladimir, interné depuis cinq ans dans la

section des agités, a tué un autre pensionnaire de cette section, un

nommé Gontscharoff, âgé de cinquante-trois ans. La veille du crime

rune vive discussion, accompagnée de coups, s'est élevée entre les

deux malades, mais ils ont été aussitôt séparés. Calmes en appa-

rence, ils se sont couchés comme d'habitude. Le lendemain matin,

les deux malades sont sortis au jardin, mais, quelques minutes

après, Gontscharoff est rentré au dortoir et s'est couché dans son

lit. Lorsque, pendant la visite, le médecin du service s'est approché

de Gontscharoff, celui-ci n'était plus qu'un cadavre. L'examen du

corps a démontré l'existence de plusieurs blessures sur la tête et

la fracture de toules les côtes du côté droit. Il paraissait évident

que le malade avait succombé à la suite des coups qui lui ont été

portés parTichanski. Ce dernier est sequestré, comme nous l'avons

dit, depuis cinq ans, et on n'a aucun espoir pour sa guérison. Il ne

supporte pas la moindre contradiction, il s'irrite aussitôt et se

jette comme un impulsif sur son interlocuteur. Il manifeste d'ail-

leurs la plus grande indifférence pour le crime qu'il a commis.

J. ROUBINOVITCH.

- L AFFAIRE DOURCHES : Hier, devant la dixième chambre correctionnelle du tribu-

nal civil de la Seine, comparaissaient deux des personnes qui

ont pris part, le 22 novembre dernier, à l'enlèvement de Ville-

juif : Achille Dourches, dix-neuf ans, frère de Louiez Dour-

ches, et Eugène Dourches, trente-cinq ans, son cousin. Ils

étaient poursuivis pour violences et voies de fait.

La prévention leur reproche d'avoir, en procédant à l'enlèvement

de 11111e Dourches, malmené onze surveillantes ou infirmières de

l'asile de Villejuif, dont quelques-unes auraient été assez griève-

ment blessées, et trois pensionnaires de l'asile. Voici, d'après la

procédure-, les faits qui sont reprochés aux prévenus : . ·

Le 22 novembre, à neuf heures du matin, au moment où

soixante-quatre pensionnaires, surveillées par quatorze infirmières,

se rendaient à l'église de l'asile de Villejuif, la femme Dourches.

son fils Achille, âgé de dix-neuf ans, Eugène Dourches, son parent,

Vincent Ardizon, camarade de celui-ci, et Wallinger, loueur de

voitures, se tenaient au coin de la rue Moustier, attendant le

moment favorable. Toutes les dispositions étaient prises, une voi-

ture attendait, préparée pour recevoir la fugitive et la ramener

rapidement à Paris. - - - 1 -

VARIA 279

Puis le document judiciaire montre la scène de l'enlèvement que

nos lecteurs connaissent déjà (voir n° 67, p. 131) et continue en

ces termes :

Eugène Dourches s'est montré si violent qu'il a atteint et blessé

onze infirmières : la dame Piquet a eu la lèvre coupée, la dame

Laget une contusion au front, la femme Rouvray a été atteinte

dans la région dorsale et a subi une hémoptysie assez abondante;

quant aux femmes Bastien, Course, Guillemot, Pougelard, Eon,

Enaux, Ledeur et Liourne, elles ont des contusions sans gravité.

Trois pensionnaires ont été blessées dans la bagarre. Eugène

Dourches a joué le rôle le plus actif dans cette inqualifiable agres-

sion. , - z

Quinze témoins, neuf infirmières, une ancienne pensionnaire de

l'asile, quatre médecins-aliénistes et le directeur de l'asile de Ville-

juif, sont assignés à la requête du ministère public.

141° Maupoix et Me Fontaine de Rambouillet sont au banc de la

défense. M. le substitut Trouard-Riolle occupe le siège du ministère

public. Les débats sont présidés par M. Richard. '

M. et Mmo Dourches, le père et la mère de Louise, n'ont pas été

compris dans les poursuites. Ils vont, paraît-il, introduire, devant

le tribunal civil, une requête en autorisation d'assigner le préfet

de la Seine, et, en tant que besoin, le directeur de l'asile Sainte.

Anne, où leur fille se trouve en ce moment enfermée, aux fins

d'obtenir la mise en liberté de la prisonnière. Sous réserve de

dommages-intérêts à l'égard de qui de droit.

A une heure et demie, l'affaire est appelée. Tout d'abord,

M. Eugène Dourches reconnaît différentes condamnations pour vol

et violences.

J'étais un enfant à cette époque, dit-il, et, depuis, j'ai bien

racheté ce triste passé ! - -

C'est vrai, réplique M. le président; mais cela prouve une cer-

taine violence de caractère. Saviez-vous dans quelles circonstances

M ? Dourches mère avait fait interner sa fille ?

R. Je les ignorais. Je ne savais qu'une chose, c'est qu'elle l'avait

fait enfermer pour maladie.

D. Etiez-vous allé voir votre cousine à l'asile ? i

R. Oui, et elle ne m'avait point semblé folle.

D. Mime Dourches vous a-t-elle parlé des démarches qu'elle avait

faites pour reprendre sa fille ?

R. Oui, et comme on la lui avait refusée, elle me dit : «Nous

pourrons la prendre facilement, à Villejuif même, au sortir de

l'asile, quand elle va à l'église. Tu te présenteras pour l'embrasser

dans la rue, comme font journellement les parents, et comme tu

8 0 VARIA.

es.grand, tu la prendras facilement d'ans tes bras et tu l'en-

lèveras. » ' .

D. Et qu'avez-vous fait ? , :

R. Tout ce que ma cousine' m'avait dit. A peine ai-je eu embrassé

Louise, toutes les surveillantes se sont jetées sur moi pour m'étran-

gler. Bref, je n'ai plus pu bouger. ,

; D. Vous avez frappé les infirmières ?

R. Ma foi, je ne sais pas ce que j'ai.fait, tant j'étais suffoqué par

cette multitude d'au moins quatre-vingts femmes ! ... Bref, je n'ai

eu d'autre ressource que la fuite ! (Hilarité prolongée.)-

D. Vous avez entraîné MUe Dourches dans cette fuite ?

R. Ce n'est pas moi, car j'étais mort aux trois quarts. (Nouveaux

rires.) . .

. D. Et qui donc ?

R. Son frère, venu à mon secours.

D. Vous auriez dû savoir que les actes de l'autorité sont respec-

tables quand ils sont éclairés. , , ,

. Achille Dourches reconnaît à son tour avoir été condamné pour

vol à l'étalage, en 1890.

J'ai rachelé cette faute, dit-il. '

, M. LE Président. - En abandonnant votre famille et en com-

paraissant aujourd'hui pour la seconde fois en policé correction-

nelle.

R. Cette fois, je ne crois pas avoir commis de délit. Ma mère m'a

dit : « Ta soeur est guérie, on refuse de me la rendre, allons la

chercher ! » J'y suis allé. Je ne crois pas avoir mal fait.

. Achille -Dourches n'est d'ailleurs intervenu dans l'enlèvement

qu'au moment où il a vu son cousin entouré par les-infirmières.

Je n'ai pas cogné, dit-il. C'est moi qui ai reçu des coups telle-

ment violents qu'il m'en est résulté des abcès.

;. M. LE Président. Ma foi, les infirmières se sont défendues.

.' .Le premier témoin entendu est Mm0 Dourches, la mère de Louise.

M. LE PRÉSIDENT ? En 1890, votre fille s'est éprise d'un chanteur

de café-concert, nommé Lucien, qui était, la première fois qu'elle

l'a vu, affublé d'un magnifique costume de mousquetaire. Ce cos-

tume a produit sur elle une grande impression. Bien qu'elle n'eût

jamais parlé à ce chanteur qui ignorait la passion qu'il avait ins-

pirée, elle se mit en tête de devenir sa femme.

' -Lorsqu'elle apprit qu'il était marié, il se manifesta chez elle des

troubles cérébraux. Elle n'eut plus conscience de ses actes. Elle

s'imagina être victime d'une cartomancienne qui lui transperçait

'VARIA. 281 1

le coeur à coups d'épingles et qui tenait sequestré l'homme qu'elle

aimait.

Dans la journée, elle poussait des cris : « On tue Lucien Il faut

prévenir la police, » disait-elle. Elle s'imaginait que des voisins

l'électrisaient de loin et la magnétisaient pour la dominer. Alors,

sur le conseil de M. Robin, votre propriétaire, et de M. Jaillard, un

de vos amis, vous avez, à l'insu de votre mari, qui travaille à

Puteaux, sollicité au mois de novembre l'internement de votre fille

à l'Asile clinique. Est-ce exact ? .

R. Oui, monsieur. -

111 ? Dourches, en compagnie de M. Robin et de M. Jaillard, se

présenta, le 19 novembre, chez le commissaire de police du quar-

tier du Père-Lachaise. Elle raconta au magistrat que sa fille tenait

depuis quelque temps des propos tout à fait déraisonnables. Aussi

sollicitait-elle le placement de Louise dans un asile d'aliénés.

Sur le certificat du Dr Arduin, la jeune fille fut conduite au Dépôt.

Là, elle fut aussitôt l'objet de l'examen du Dr Legras, qui recon-

nut que la malade était atteinte tout à la fois d'hallucinations très

vives et du délire de la persécution. Le rapport du Dr Legras

parvint le 20 novembre entre les mains de M. Lozé qui, immédiate-

ment, prit un arrêté ordonnant le transfert de 1\plue Louise Dourches

à l'Asile clinique où elle fnt examinée par le D'' Magnan, puis

envoyée à l'Asile de Villejuif. Aussitôt arrivée dans cet établisse-

ment, la malade y fut examinée par M. le Dr Briand qui, comme

les autres médecins, conclut à la folie de la jeune fille. *

Mm° Dourches déclare qu'à la suite de l'internement de sa fille et

de son transfèrement de Sainte-Anne à Villejuif, il y eut des scènes

violentes entre son mari et elle.

M. LE PRÉSIDENT. Vous avez dit à votre mari que la guérison

serait une affaire de peu de temps ?

R. Oui monsieur. Je croyais que, dans un mois, ce serait fini.

J'attendis. Au bout d'un an on ne m'avait pas rendu ma fille,

malgré plusieurs demandes. Un jour, j'ai appris qu'un enlèvement

avait eu lieu à Villejuif. Ça m'a donné l'idée d'en faire autant.

M. le PRÉSIDENT constate que le témoin s'est adressé non pas à son

mari, mais à son-cousin et à son jeune fils. Il ajoute :

Le fait d'avoir détourné un malade d'un asile ne constitue

pas un acte contraire au code pénal. Vous êtes citée ici comme

témoin seulement et non comme prévenue, parce que, personnelle-

ment, vous n'avez pas usé de violences.

Mu. Dourches raconte la scène de l'enlèvement. Elle est connue

de nos lecteurs (V. p. 131). , , ,

282 9 VARIA.

' M. LE président. Ce n'est pas la préoccupation absolue de la

santé de votre fille qui vous a guidée. Vous vouliez surtout rame-

ner le calme dans votre ménage.

zoo Dourches affirme que du jour de l'enlèvement au jour où

on lui a repris sa fille, Louise n'a donné aucun signe de dérange-

ment mental... ' '

Elle travaillait comme une négresse. '

Sur interpellation de ! \le Fontaine de Rambouillet : ..

Ma plus jeune fille m'a fait remarquer qu'Eugène et Achille

étaient enveloppés par les infirmières et les malades. Alors je me

suis approchée ; il y avait un tas de femmes, une trentaine au

moins, accrochées après Louise; je leur ai dit : « C'est ma fille !

Donnez-moi ma fille. s de la leur ai arrachée.

Le témoin se plaint des procédés employés par la police, le 7 jan-

vier dernier, lorsque l'administration a remis la main sur la jeune

fille.

Le matin, à cinq heures et demie, on a frappé à ma porte.

Il y avait là six hommes. Un d'eux m'a dit : « Nous sommes de la

police. Ouvrez votre porte; si vous ne l'ouvrez pas, nous l'enfon-

çons. » J'ai ouvert. Ils ont ordonné à mon fils Achille et à Louise

de s'habiller.

Le président donne lecture du rapport des agents qui déclarent

qu'après les avoir menacés d'aller se plaindre au Petit Journal,

Mme Dourches les remerciés « du tact et du ménagement » apportés

par eux en cette circonstance.

Les deux cloches n'ont pas le même son.

M. Barroux, directeur de l'asile de Villejuif, déclare qu'aussitôt

que l'enlèvement a été connu de lui, il a télégraphié à la préfec-

ture de police en signalant Louise Dourches comme une malade à

réintégrer. - '

C'est ensuite le défilé des surveillantes et infirmières auxquelles

Eugène et Achille Dourches ont fait des blessures plus ou moins

gravés. Une ancienne pensionnaire de Villejuif, sortie depuis peu

de l'asile, raconte les faits du 22 novembre. Elle a, dit-elle, été

frappée à la tête.

Tenez ! dit Eugène Dourches en la montrant ça lui a donné

une commotion telle qu'elle a été guérie. (Hilarité.)

Le pr ésident rappelle le prévenu aux convenances. On entend le

brigadier de gendarmerie de Villejuif, M. Dietrich, qui a maintenu

14Lme Dourches à sa disposition toute la journée. Enfin M. Robin,

un de ceux qui, en 1890, ont assisté la mère dans la demande d'in-

ternement, déclare qu'il a entendu dire -que- pendant les sept

. VARIA. 283

semaines qu'elle a passées dans sa famille, après l'enlèvement,

Louise était très calme, très travailleuse et n'avait aucunement

l'esprit dérangé. , .

Aux médecins, maintenant. Le Dr Briand, après quelque temps

de séjour à l'hospice a constaté chez la malade une certaine amé-

lioration.

Le Dr Vallon. Vers le mois de septembre 1891, M ? Dourches

mère, prétendant que sa fille était guérie, sollicita de l'administra-

lion la mise en liberté de Louise. Le préfet de la Seine prescrivit

immédiatement un examen des facultés mentales de la jeune fille.

Le 14 septembre 1891, j'ai rédigé un rapport aux termes duquel

M110 Louise Dourches était déclarée toujours atteinte d'hallucina-

tions et du délire de la persécution. En conséquence, la demande

de mise en liberté formée par la mère de la malade fut repoussée.

Le Dr Garnier. Aujourd'hui Louise Dourches se tient conve-

nablement. Mais, à mon. avis, ce n'est que par suite d'une illusion

que certaines personnes déclarent qu'elle est guérie. C'est là une

illusion dangereuse à la fois pour la malade elle-même et la sécu-

rité des personnes, car rien n'est fait pour la traiter et la surveiller,

alors qu'il s'agit de troubles intellectuels qui, par leur nature,

peuvent provoquer des actes dont MUe Dourches ne pourrait être

déclarée responsable. J'estime que, soustraite par la violence à un

traitement et à une surveillance que le désordre de ses facultés

mentales rendait absolument nécessaires, elle devait être réinté-

grée dans un asile d'aliénés.

Le Dr MAGNAN. - Louise Dourches va mieux, mais elle conserve

des idées délirantes, il faut donc qu'on la laisse tranquille. C'est

pourquoi je me suis énergiquement opposé, par crainte de pro-

voquer chez elle une excitation dangereuse, aux visites de la mère

et à celles de l'avocat (Hilarité.) ,

111 Fontaine DE Rambouillet. M. le Dr Magnan pense-t-il qu'il

soit salutaire pour la malade d'aller l'arracher de sa famille à cinq

heures du matin ?

M. MAGNAN. - En agissant ainsi, on a commis une faute égale à

celle qu'on avait commise en procédant à son enlèvement. Si on

n'avait pas surexcité cette pauvre fille, il est probable qu'elle serait

aujourd'hui guérie et en liberté.

M. Dourches père travaille à Puteaux. Il va chez sa femme tuus

les huit ou quinze jours. Le témoin déclare qu'il n'a pas connu, au

mois de novembre 1890, la demande d'internement adressée par

'sa femme.

Je n'ai, dit-il, jamais rien remarqué dans l'état meutal de ma

fille. A ma connaissance elle n'a commis aucune sottise. Elle a

284 FAITg DIVERS.

voulu se marier avec un homme qui lui plaisait. Que voulez-vous ?

Ce n'est pas une raison de folie.

De nombreux voisins ou amis de la famille Dourches, des per-

sonnes qui ont employé Louise pendant ses sept semaines de liberté,

affirment qu'elle ne leur paraissait pas folle. '

M. le substitut Trouard-Riolle demande au tribunal de' faire un

exemple. Les infirmières et les surveillantes chargées d'un service

public ont été brutalement maltraitées pour avoir courageusement

accompli leur devoir. Un châtiment s'impose.

L'honorable organe du ministère public estime qu'Eugène

Dourches, en raison de son âge et du rôle prépondérant qu'il a

joué en cette affaire, doit être plus sévèrement puni que son cou-

sin. Ce dernier a d'ailleurs été influencé par sa mère.

, ! \le Fontaine de Rambouillet, dans sa défense d'Eugène Dourches,

tombe à bras raccourcis sur les procédés employés par la police

pour s'emparer de nouveau de Louise Dourches. Il donne lecture

d'un arrêt de la cour de Besançon qui dit :

Lorsqu'une personne est sortie ou s'est évadée d'une maison

d'aliénés et qu'il s'est écoulé quelque temps depuis lors, la liberté

reconquise devient pour cette personne un droit auquel on ne peut

porter atteinte sans remplir toutes les conditions et formalités

requises par la loi pour un internement.

. ! \le Maupoix présente ensuite la défense d'Achille.

Le tribunal condamne Eugène Dourches à trois mois et Achille

Dourches à quinze jours d'emprisonnement. -

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. Nominations et mutations. - Arrêté du

30 décembre 189 1. -Le Dl BONNRT (Joseph), interne de l'asile public

de Villejuif, déclaré admissible aux emplois de médecins-adjoints

des asiles publics (concours de Lyon du 10 décembre 1891), nommé

médecin-adjoint à l'asile public de Saint-Robert (Isère), est com-

pris dans la 2° classe. - Arrêté du 10 janvier 1892. M. le Dr Charon,

interne à l'asile public de Bonneval (Eure-et-Loir), déclaré admis-

sible aux emplois de médecins-adjoints des asiles publics (concours

de Lille du 10 décembre 1891), nommé médecin-adjoint à l'asile

faits DIVERS. 285

public de Bailleul (Nord), est compris dans la 2° classe. Arrêté

du 19 janvier. M. le Dr Chardon, ancien interne à l'asile public

d'Armentières, déclaré admissible aux emplois de médecins-

adjoints des asiles publics (concours de Lille du 10 décembre 1891),

nommé médecin-adjoint.à l'asile public de Saint-Venant (Pas-de-

Calais), est compris dans la 2° classe. Arrêté du 19 janvier. Sont

promus à partir du 1er janvier 1892 : à la 1 ? classe : M. BAnRoux,

directeur de l'asile public de Villejuif; M. le Dr Camuse, direc-

teur-médecin à l'asile public dé Bonneval (Eure-et-Loir). A la

classe exceptionnelle : M. le D1' VERNET, médecin-adjoint à l'asile

public de Saint-Luc (Basses-Pyrénées). Arrêté du 22 janvier.

Sont promus à la 1e classe : M. le Dr ROUILLART, médecin-adjoint

à l'asile public de Villejuif, à partir du 1er janvier 1892; M. le

D'' SÉRIEOx, médecin-adjoint à l'asile public de Villejuif à partir du

1er avril 1892.

Asile d'aliénés DE la SEINE. Le concours pour la nomination

à huit places d'internes eu médecine dans les asiles d'aliénés de la

Seine s'est terminé par les nominations suivantes. Internas titu-

laires, MM. : 1. Lachaud ; 2. Escat; 3. Lefilliâtre; 4. Mounlie;'

5. Croustel; 6. Lersergne; .7. Maupâté ; 8. Desfaise. - Internes

provisoires, MM. : 1. Gosselin ; 2. Ecart; 3. Nollet; 4. Lemaitre.

CONGRÈS international DE PSYCHOLOGIE expérimentale. La

deuxième session du Congrès international de psychologie expéri-

mentale se tiendra du 2 au 5 août prochain, à Londres, sous la

présidence de M. Henry Sigdwick.

ONZIÈME CONGRÈS allemand de MÉDECINE INTERNE. Dans ce Con-

grès, qui se tiendra à Leipzig du 20 au 23 avril 1892, les questions

intéressant la neuropathologie seront les suivantes : Thérapeutique

suggestive (M. Binswanger). Suites de l'excision de gros fragments

de la moelle épinière (MM. Goltz et Ewald). Traitement de l'alcoolisme

(M. Vucetic). Diabète pancréatique expérimental (M. Minkowski).

Académie royale DE MÉDECINE DE BELGIQUE. Parmi les sujets

proposés aux concours se trouve : Histoire, indications et contre-in-

dications, technique et résultats de la trépanation crânienne, prix,

800 francs; clôture du concours : 15 septembre 1892. Faire l'étude

des fonctions du corps thyroïde, prix 500 francs; clôture du concours :

1er février 1893. Elucider par des faits cliniques et au besoin par des

expériences, la pathogénie et la thérapeutique de l'épilepsie, prix,

4.000 francs; clôture du concours : leur février 1894. Des encoura-

gements de 300 à 1 000 pourront être décernés à des auteurs qui

n'auraient pas mérité ce prix, mais dont les travaux seraieut jugés

dignes de récompense. Une somme de 25 000 francs pourra être

donnée, en outre du prix de 4 000 francs, à l'auteur qui aurait réa-

lisé un progrès capital dans la thérapeutique des maladies des cen-

286 FAITS DIVERS.

tres nerveux, telle que serait, par exemple; la découverte d'un

remède curatif de l'épilepsie.

Délire alcoolique. -La nuit dernière, à minuit, les passants

fuyaient affolés devant un individu qui, installé place Voltaire et

tenant un revolver il la main, déchargeait son arme à tort et à tra-

vers. Tournant ensuite sa fureur contre la statue de Ledru-Rollin,

installée à cet endroit, l'homme se mit à tirer sur le bronze. Des

agents s'emparèrent du forcené. C'est un nommé Gustave L...,

âgé de vingt-six ans, demeurant à Charonne. 11 était ivre et a

allégué pour sa défense que Ledru-Rullin l'avait insulté.

Asiles pour aliénés CRIMINELS EN ITALIE. La semaine dernière,

le Sénat a voté la loi sur les aliénés, aux termes de laquelle

(art. 38) il est établi des asiles pour criminels (manicomi giudizia1'i)

(Sem. méd.).

Musée d'anthropologie ET d'ethnologie DE Florence. Sur l'ini-

tiative de M. Mantegazza, il vient d'être annexé au Musée d'anthro-

pologie et d'ethnologie de Florence une section psychologique dans

laquelle seront réunis tous les objets, documents et appareils rela-

tifs aux divers sentiments humains : amour, cruauté, esprit reli-

gieux, luxure, orgueil, etc. (Sem. méd.) -

LES Bègues. - M. le Dr Chervin, dont les travaux sur le bégaie-

'ment sont bien connus, a fait récemment, dans le service de

M. Raymond à Lariboisière, une très intéressante leçon sur les

symptômes caractéristiques de cette affection spéciale. M. Chervin

.s'est efforcé d'apporter de la précision dans l'expression de bégaie-

ment qui a des acceptions aussi élastiques que possible, puisqu'elles

vont depuis les premières hésitations du langage de l'enfant jus-

qu'à la parole embarrassée des paralytiques généraux.

Pour M. Chervin, les symptômes caractéristiques du bégaiement

proprement dit sont au nombre de cinq, savoir : 1° début dans

l'enfance; 2° troubles respiratoires plus ou moins marqués; 3° inter-

mittence; 4° disparition totale dans le chant; 5° indépendance

absolue avec les troubles quelconques des organes sensitivo-

moteurs. ZD

En terminant, M. Chervin a rappelé la méthode suivie à l'Insti-

tution des bègues de Paris pour la guérison du bégaiement.

(Fr. méd.)

L'interdiction DES séances publiques d'hypnotisme. Nous lisons

dans l'Eclair du 25 janvier : Le docteur Bérillon a donné hier

matin, à neuf heures, à la clinique de la rue Saint-André-des-Arls

une très curieuse séance d'hypnotisme. Nous avons reconnu dans

l'assistance l'infante dona Eulalia de Bourbon, le marquis de llijar

-et plusieurs personnes de la suite'de la princesse. L'infante dona

FAITS DIVERS. ' '287

Eulalia a paru prendre un vif intérêt à cette séance. - Sans com-

mentaires.

UNE fâcheuse expérience d'hypnotisme. M. X... dort depuis

trois jours, depuis' que le professeur Z... l'a endormi dans une

séance d'hypnotisme qu'il donnait dans un café. Cette séance eut

lieu au cours de laquelle le professeur Z... hypnotisa plusieurs con-

sommateurs avec des fortunes plus ou moins heureuses. M. X... se

montrait sceptique; ce magnétiseur se piqua au jeu, il lui fit les

passes traditionnelles, et le patron vaincu tomba dans un sommeil

dont le professeur lui-même n'a pu encore le tirer. Les médecins,

qui ont été appelés, n'ont pu avoir raison de ce dormeur qui

inquiète son entourage, car il a des crises nerveuses qui semblent

le faire beaucoup souffrir. Voilà un incident qui va renforcer les

arguments des médecins qui demandent l'interdiction des séances

publiques d'hypnotisme. (L'Eclair.)

Crime ET FOLIE. - On se rappelle le drame de Chantelle, à la

suite duquel Delphine Prévost, femme Achet, née à Paris en 1857,

accusée d'assassinat commis le 17 octobre 1890 sur la personne du

notaire Lépine, avait été condamnée par la Cour d'assises de l'Al-

l'ier, à douze ans de travaux forcés. Elle avait été envoyée, le

27 juin 1891, à la maison centrale de Montpellier. Elle y tomba

malade à plusieurs reprises. Depuis quelque temps, elle donnait

des signes de dérangement d'esprit. Après examen médical, il fut

constaté qu'elle était atteinte d'aliénation mentale. En consé-

quence, elle a été conduite à l'Hôpital général, quartier des folles.

(Progr. méd.)

Hôpital pour épileptiques. Le Gouverneur du Massachusetts a

envoyé un message au parlement dans lequel il demande la cons-

truction d'un hôpital de l'État pour les épileptiques adultes, en y

joignant le rapport du comité de la société médicale du Massachu-

setts, nommé pour étudier la question. Le bureau du Conseil d'É-

tat chargé des établissements d'aliénés et de charité a tenu compte

de la recommandation. Le Gouverneur dit en concluant : « Selon

moi, les faits établis et les raisons données dans la communication

de la commission donnent droit à une action favorable et prochaine.

Je recommanderais surtout que l'établissement, s'il est fondé, fût

érigé sous forme de Cottage Hospilals. » (The Boston med. and surg.

Journ., 4 fév. 1892. p. 129.)

Nécrologie. M. le D'' Despine (de Marseille), à qui l'on doit de

nombreuses et intéressantes études de psycho-physiologie et de

pathologie nerveuse (la psychologie naturelle; étude scientifique sur

le somnambulisme; de la contagion morale; de l'imitation, etc., etc.).

M. Ar.FnEU l41aunY, ancien professeur d'histoire et de morale au

Collège de France, directeur général des Archives nationales,

88 BULLETIN bibliographique.

membre de la Société médico-psyc)oloyique, et auteur de nombreux

travaux interprétant les sciences et la médecine, entre autres :

le sommeil et les rêves; la magie et l'astrologie dans l'antiquité et au

moyen âge; croyances et légendes de l'antiquité; légendes pieuses au

moyen âge; responsabilité partielle; c1'étinisme,. écrits des aliénés,

etc., etc..

Asile d'aliénés. Le tribunal civil d'Avignon vient de con-

damner M. Bresson directeur de l'asile d'aliénés de Mont-de-Ver-

gues, et M. Bret, préfet de Vaucluse, à 400 francs d'amende pour

une méprise administrative des plus regrettables. Il y a quelque

temps, la famille Réboul, de Roquemaure, était informée de la

mort d'un de ses membres qui y était interné. Les obsèques eurent

lieu et les parents prirent le deuil. Or, on s'aperçut quelques jours

après l'enterrement, que Réboul, de Roquemaure, était vivant;

c'était un autre aliéné du même nom qui était mort ! De là plainte

de la famille et condamnation. GEOnGES Guinon et J.-B. CHARCOT.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

BLOCQ (P.) et ONANOFF (J.). - Maladies nerveuses (séméiologie et dia-

,qnostic). Volume in-12 cartonné de 531 pages, avec 88 figures. - Prix :

5 fr. Paris, 1892. Librairie G. Masson.

BuzzARD (Th.). On lhe simulation of hysteria by organic diseuse of

the nervous system. Volume in-12 cartonné de 113 pages. London,

1891. J. et A. Churchill.

Index-Catalogue of the library of the surqeon-general's office Uni-

ted States Army. Vient de paraître le volume XII : REGER SHUTTLEWOA711.

Volume in-4° cartonné de 1004 pages. Washington, 1891. Gover-

nment printing office. c

Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idio-

tie. Compte rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés

de Bicêtre pendant l'année 1890, par Bourneville, médecin de Bicêtre,

avec la collaboration de 11lllL Camescasse, Isch.Vall,Dlorax, Baoult, Semlas,

et Sollier. Un fort volume de Lx-240 pages avec 16 figures et 10 plan-

ches. Prix : G fr. ; pour nos abonnés, prix : 4 fr.

VIZIOLI (R.). Conlribuzione alla neuropatologia del diabète. La clau-

dicazione intermittente corne mezzo diagnostico nei casi di diabète deci-

pions. Brochure in-8° de 8 pages. Napoli, 1891. Stabiimento Tip.

A. Tocco et C.

Le rédacteur-gérant, BOURNEVILLR.

vreux,C6. IlFmsssv, imp.- 32.

Vol. XXIII. Mai 1892. Nu 69,

ARCHIVES DE NEUROLOGIE-

CLINIQUE MENTALE.

SOMNAMBULISME SPONTANÉ DANS SES RAPPORTS .

AVEC L7[IYI,;TÉItIE;

Par' D' Ernest MESNET,

Membre de l'Acadéiiiie de médecine, Médecin honoraire de l'Hôtel-Dieu.

En 1872, il y a vingt ans, alors que les troubles

nerveux du somnambulisme, loin d'être acceptés

comme une réalité, étaient considérés comme fan-

taisies de malade, et illusion du médecin, j'avais dans

mon service à l'hôpital Saint-Antoine quelques malades,

qui par la singularité des phénomènes nerveux qu'elles

présentaient, ne furent tout d'abord, pour mes col-

lègues, qu'un objet de curiosité, jusqu'au jour où une

observation plus attentive leur démontra la vérité des

faits pathologiques qu'ils avaient sous les yeux. Con-

vaincu que la démonstration scientifique reposait tout

entière sur l'étude clinique, je cherchais de nou-

veaux malades pour multiplier mes observations, quand

un médecin du voisinage, qui suivait ma visite, fut

frappé de l'analogie des phénomènes que je signalais

à son attention, avec les accidents que présentait une

jeune malade de sa clientèle dont il voyait l'état s'ag-

ARCU1VES, t. XXIII. 19

290 CLINIQUE mentale.

graver chaque jour; et me demanda de la prendre

dans mon service pour lui donner mes soins.

r- Quelques renseignements, pris à la volée, me don-

nèrent à penser qu'il s'agissait d'un cas de somnam-

bulisme spontané dont les crises intercalées entre

deux accès d'hystérie ressemblaient à celles de la

malade 111me B... que j'avais observée en 1855, dont

j'avais publié l'histoire eu 1860 '.

Je pressai l'entrée de cette malade dont l'étude me

semblait devoir être d'une importance de premier

ordre dans la question si controversée des névroses,

à savoir : s'il existe quelques rapports de famille

entre le somnambulisme spontané et l'hystérie ? et

quels sont ces rapports ? Elle me vint quelques jours

après en juillet 1872.

C'est une jeune fille de dix-sept ans, d'une constitution délicate,

lymphatico-scrofuleuse, décolorée, anémiée, toujours souffrante ;

- dans sa première jeunesse, elle a eu une coxalgie, suivie de luxa-

.tion, qui la laisse boiteuse avec un raccourcissement du membre.

En mars 1872, âgée alors de seize ans et demi elle a pré-

senté pour la première fois quelques troubles nerveux, assuré-

ment de nature hystérique, bien qu'elle n'ait point de convulsions,

tels que : .

Affaiblissement de la sensibilité dans les membres inférieurs,

avec un certain degré de faiblesse musculaire;

Sensibilité excessive (hyperesthésie) le long de la colonne verté-

brale vers le milieu de la région dorsale, au point que le plus

léger contact lui donne une sensation si pénible qu'elle se dérobe

au toucher, et pousse des cris de douleur;

Elle a depuis longtemps une légère toux nerveuse, sans troubles

appréciables à l'auscultation. Sa menstruation pauvre, mais assez

régulière, est établie depuis deux ans.

Vers le mois d'avril, on remarque que le caractère de mule F...,

habituellement triste et peu communicative, se modifie brusque-

ment ; elle se trouve mieux, se dit très heureuse, est d'une gaité

exagérée, fait mille projets de fêtes, de plaisirs, de parties de

- ' Archives générales de médecine, février 1860.

somnambulisme spontané ET hystérie. 291

campagne; en un mot se montre si différente d'elle-même qu'on

peut croire à un léger degré d'excitation cérébrale. Le 24 avril

apparaît la première crise. '

J'extrais d'une note fort détaillée, et fort bien faite du Dr Aubrun,

son médecin ordinaire, les renseignements qui vont suivre :

Le 24 avril, après avoir déjeuné en famille avec beaucoup

d'entrain, avec une grande gaité et un fort bon appétit, elle est

prise brusquement, en sortant de table, de perte absolue de con-

naissance avec résolution complète des membres, et semble tombée

dans un profond sommeil - sa respiration à 27 - son poulsà66-

sa température normale. Elle n'a aucun signe de souffrance;

l'expression de sa physionomie est calme, les yeux sont fermés

avec un léger mouvement vibratoire des paupières, on lui parle,

elle n'entend, ni ne répond; si on la pince, elle a un léger dépla-

cement du membre qui semble indiquer une certaine sensibilité

obtuse.

L'application des sinapismes des inspirations d'étlier des

lotions d'eau froide sur la face ne produisent aucun effet, l'immo-

bilité persiste.

Après une heure de durée de ce sommeil léthargique, cette

jeune fille porte la main à ses yeux, se frotte les paupières, fait un

grand et profond soupir, ouvre les yeux, sourit à ses parents qui

l'entourent, et demande avec un accent de surprise : pourquoi elle

est couchée sur son lit ? Elle n'a aucun souvenir de ce qui s'est

passé, ni de ce qu'on lui a dit, ni de ce qu'on lui a fait ; elle se

lève sans ressentir ni fatigue, ni malaise, et passe le reste de la

journée avec sa gaité habituelle.

25. La nuit a été bonne, le sommeil calme. Elle se lève le

matin avec son entrain de tous les jours; à midi, elle se met à

table, déjeune bien, et ci une heure est brusquement reprise, comme

la veille, de perte subite de connaissance avec résolution complète

des membres, abolition des sens, apparence d'un sommeil calme

et profond qui dure une heure comme la veille. Après quoi, elle

se réveille en se frottant les yeux, sans souvenir de sa crise, et en

manifestant le même étonnement de se voir étendue sur son lit.

26, 27. La crise se répète à la même heure, dans les mêmes

conditions, invariablement semblable à elle-même.

28. - Même crise à une heure de l'après-midi, en sortant de

déjeuner. Mais, ce même jour, le soir, à 8 heures, après son

dîner, elle est reprise d'une seconde crise léthargique avec l'en-

semble symptomatique des accès précédents, caractérisés par la

résolution des membres et l'obtusion momentanée de toutes les

expressions de la vie de relation.

La solution de cet accès, loin de ressembler aux précédents, fut

la transition de la crise léthargique à une crise somnambulique

dont nous allons retracer les caractères les plus manifestes.

292 ' ' clinique mentale.

Après une demi-heure de sommeil, la jeune fille fait plusieurs

grandes inspirations, se frotte les yeux comme d'habitude; on crut

qu'elle allait s'éveiller. Mais non... elle entre dans un tout autre

-ordre de phénomènes; à l'immobilité succède le mouvement, à

l'inertie l'activité physique et intellectuelle, à l'obtusion des sensi-

bilités et des sens, des hypéresthésies partielles.

Elle se plaint de souffrir; elle porte les mains sur le sternum en

disant ressentir de ce côté des douleurs très aiguës; elle demande un

couteau pour ouvrir son estomac; elle se plaint de la tête à laquelle

elle s'est faite une légère contusion dans une chule au moment de

la crise; elle se tord les bras, en répétant qu'elle souffre cruelle-

ment ; elle a, dit-elle, une boule de feu dans la tête, un fer rouge

dans l'estomac. -

Sa famille et les personnes qui l'assistent essaient de la consoler,

lui prodiguent les plus affectueuses paroles, mais elle ne les entend

pas, on lui crie dans les oreilles, son ouïe est fermée; elle n'a

aucune communication avec son entourage.

La sensibilité de la peau est à ce moment fort exagérée; lors-

qu'on la touche, elle se retire brusquement, disant qu'on lui fait

mal.

Les paupières sont fermées, et les yeux convulsés en dedans, ce

qui semble lui être douloureux, car à chaque instant elle cherche

à ouvrir ses paupières avec ses doigts, et, impatientée de ne pou-

voir réussir, elle dit avec aigreur : 4 Je ne pourrai donc pas les

ouvrir ! C'est triste, je ne vois que du rouge ! »

Elle ne voit pas ses parents qui entourent son lit; elle es

mécontente de leur absence, et se plaint de ce que personne ne

lui parle, 4 Vous êtes donc tous devenus muets ! ... Pourquoi ne

me parlez-vous pas ? »

Elle ne sait avoir quelqu'un près d'elle qu'à la condition de tou-

cher de sa main la personne, mais elle ne la reconnaît pas lors

même qu'elle l'interpelle ; elle porte prestement les mains sur les

habits, sur la figure, et dit : Cela ressemble à mon frère, cela à tel

ou tel..., mais elle ne désigne jamais nominativement la personne.

Après vingt minutes de plaintes et de gémissements, elle s'est

btusquement assise sur son lit en disant :

» C'est ennuyeux de toujours s'occuper de ses souffrances; je

vais aller me promener pour les faire cesser. » .

Aussitôt elle descend de son lit, se vêtit à la légère, et toujours

les yeux fermés, se dirige vers la porte pour sortir. Ses parents lui

faisant obstacle, elle les bouscule avec force, avec rage, et leur

dit en riant : «Vous voulez m'empêcher de sortir ! Nous allons bien

voir, je serai la plus forte ! » Et alors commence une lutte violente

dans laquelle cette jeune fille grêle et délicate aux prises avec trois

ou quatre personnes, les bousculait avec une énergie dont elle ne

semblait pas capable.

SOMNAMBULISME SPONTANÉ ET HYSTERIE. 293

Après avoir lutté en vain, elle leur dit : « Ah ! vous voulez m'en-

pêcher de sortir par la porte, eh bien, je vais m'en aller par la

fenêtre, » Et sans plus tarder, d'un pas rapide, elle se dirige de

ce côté.

Un de ses parents arrive en toute hâte près de la croisée, s'assure

qu'elle est bien fermée, et laisse agir librement la jeune fille. Elle

prend l'espagnolette, et, la tirant de toutes ses forces, produit un

léger entre-bâillement de la fenêtre, bien qu'une main appliquée

sur la tige de fer, la maintint vigoureusement. En sentant ce faible

mouvement de va-et-vient, elle redouble ses efforts en disant :

« Allons ! courage, elle va s'ouvrir ! » et tout en insistant, elle ne

senlait ni ne voyait la personne qui lui faisait obstacle. Après dix

minutes de tentatives infructueuses, elle eut l'idée qu'on pouvait

avoir barricadé la croisée; elle en fit l'inspection avec ses mains

qu'elle promenait du haut en bas; elle rencontra la main qui

tenait la tige de fer : a Encore de grosses mains', dit-elle, qui

me dérangent, c'est ennuyeux ! mais j'en viendrai à bout tout de

même;» et elle recommença à tirer avec plus de violence que

jamais.

Vers 10 heures, elle abandonne son idée de sortir. «Puisqu'on

ne veut pas que j'aille me promener, je vais aller me coucher, dit-

elle. » Elle vient à son lit, enlève brusquement les couvertures, les

draps, qu'elle jette sur le parquet, et tire son lit en avant. Puis,

reprenant successivement draps, couvertures, elle refait son lit

avec méthode, bien qu'elle ait les paupières closes, les yeux con-

vulsés ; elle étendait légèrement ses mains sur chaque objet, recon-

naissant par le toucher l'endroit de l'envers des draps; la marque

lui indiquait le côté de la tête et le côté des pieds, elle avait en ce

moment une finesse du toucher qui suppléait à la vue, complète-

ment absente.

Quelqu'un à ce moment sort de la chambre, elle saute d'un bond

vers la porte, l'ouvre, se sauve en simple jupon; on la rapporte

sur son lit, elle rit aux éclats de sa tentative avortée, en déclarant

que c'est fini, qu'elle ne veut plus sortir ! Elle parte de mille choses

en rapport avec ses habitudes et ses goûts, la parole est rapide,

sur un ton qui n'est pas le sien. Elle monte sa voix et dit : Je

vais dormir ! » ,

Aussitôt elle tombe dans le sommeil profond du début de la

crise, avec résolution des membres, calme parfait des traits, ralen-

tissement du pouls et de la respiration. Après cinq minutes de

cet état léthargique, elle se frotte les paupières, fait un grand

soupir, s'assied sur son lit, bien éveillée, très surprise du désordre

de sa chambre, demandant ce qui s'était passé, sans avoir la plus

légère impression, le moindre souvenir de cette longue crise d'agi-

tation et de violences. Le désordre de sa chambre lui est désa-

gréable,.elle se lève pour tout remettre en place, puis se couche à

294 CLINIQUE MENTALE. ,

côté de sa mère, et passe une excellente nuit dans le sommeille

plus calme. -

- 29. - Le lendemain matin, elle insiste près de sa mère pour

savoir ce qui s'est passé la veille, on le lui raconte, et en appre-

nant le désordre de ses actes) elle se désole, fond en larmes, et

demande pardon à toute sa famille d'avoir été aussi déraison-

nable.

Jusqu'à 1 heure, tout est bien. A 1 heure, crise de sommeil

léthargique copiée sur les précédentes, d'une durée de vingt

minutes; puis agitation, bavardage délirant dans lequel elle

exprime les idées les plus grotesques, besoin de mouvements

excentriques, elle veut faire de la gymnaslique sur son ! il; elle

veut faire comme au cirque de l'équilibre sur une chaise, elle

bouscule tout ce qui la touche, et jette à terre tout ce qui lui

tombe sous la main ; debout sur son lit, elle veut se jeter la tête

en avant comme ferait un baigneur pour plonger; le besoin im-

pulsif de locomotion est tel qu'on ne peut la quitter un instant.

A 2 h. 50, elle dit qu'elle veut se coucher, s'étend sur son lit, est

reprise de son sommeil léthargique, et à 3 heures, se réveille après

s'être frotté les yeux, ignorant tout. Le reste de la journée se passe

dans le calme parfait, elle s'occupe raisonnablement, dîne en

famille, mange d'un bon appétit.

- A 8 heures du soir, deuxième crise comme le jour précédent.

Après vingt minutes de sommeil léthargique, période d'agitation

avec déclamations incohérentes, et luttes incessantes contre tout

- obstacle opposé à ses volontés déraisonnables ; à 10 heures et demie,

- retour du sommeil léthargique, réveil cinq minutes après dans

^un état d'inconscience parfaite. ' : dater de ce jour, la périodicité - caractère essentiel des

grandes névroses - est définitivement établie. Pendant deux mois

'consécutifs, du mois de mai à juillet, notre jeune malade présente

- chaque après-midi, deux crises régulières de somnambulisme, la

première à 1 heure, la deuxième à 8 heures, toutes crises semblables

à elles-mêmes, et invariablement intercalées entre deux accès de

sommeil léthargique. Il n'y aurait donc nul intérêt à continuer au

jour le-jour cette intéressante observation dont les conditions élé-

mentaires restent les mêmes. Les seules variantes' à signaler, et

vraiment importantes se rapportent : '

- 1° A la durée plus ou moins longue des crises;

2° A l'intensité plus ou moins grande de l'agitation dans quel-

ques-unes d'entre elles; - '

3v Et surtout à l'influence que les impressions de la malade à

l'état de veille, avaient sur le mouvement de son esprit en état de

-somnambulisme.

- Le médecin de ma jeune malade, pensant-qu'il pouvait exister un

-'rapport de cause à effet, entre les- heures des repas et la répéti-

SOMNAMBULISME SPONTANÉ ET HYSTERIE. 295

tion de ses crises, changea les heures de ses repas, en même temps

qu'il modifia son régime alimentaire; il avança de plusieurs

heures le déjeuner ainsi que le dîner. Aucune modification ne se

produisit; la périodicité se maintint telle qu'elle était depuis le

début, aux- mêmes heures les mêmes accès.

C'est en vain qu'il fit appel à tous les médicaments anti-pério-

diques, anti-spasmodiques employés en pareille circonstance :

Inspirations de chloroforme pendant les accès; sulfate de qui-

nine, polybromures, valérianates d'ammoniaque, de quinine, de

zinc, dans la période d'accalmie... la série des crises ne fut point

interrompue, peut-être la durée de quelques-unes fut légèrement

abrégée, mais il se produisit alors une crise supplémentaire, je

dirais volontiers compensatrice, sous forme de sommeil somnam-

bulique, qui survint pendant la nuit, aux dépens du sommeil

normal.

C'est ainsi que le 6 mai, l'accès de 8 heures terminé depuis

quelque temps, elle se, réveilla à 1 heure du matin et dit à sa

mère : .

« Je sens que je m'en vais... » ce qui signifiaitje sens que je perds

la direction de mes idées, que je n'ai plus la libre disposition de

mon esprit. ' ,

En effet, elle se remet au lit, y reste calme, sans agitation, sans

mouvement, parlant sans cesse, bavardant à demi-voix, mais avec

la demi-conscience que c'était la nuit, que sa mère dormait près

d'elle, qu'elle ne devait pas la réveiller. Elle disait à voix basse :

« C'est l'heure du sommeil de maman... Je ne dois pas faire

de bruit... » .

Elle n'avait aucune idée de sortir, tout au plus quelques mouve-

ments des bras, quelques déplacements de la tête, mais elle ne

cessait de parler de choses incohérentes et déraisonnables parmi

lesquelles la pensée de sa mère était l'idée dominante. Cette crise

surajoutée s'est répétée pendant les trois ou quatre jours suivants,

différant des crises régulières par l'absence de période léthargique,

par l'état de demi-conscience dans lequel elle était et par l'obtu-

sion moins grande des sensibilités et des sens, qui restaient, dans

une certaine mesure, accessibles aux impressions du dehors,

comme en témoigne le fait suivant.

Tel jour, lui ayant présenté un morceau de pain pendant un de

ces accès supplémentaires, elle le touche de sa main/ s'assure par

le contact de sa réalité et le mord à belles dents ; une assiette con-

tenant un morceau de viande rôtie étant mise au contact de sa

main, elle prend connaissance par le toucher de l'assiette et de

ce qu'elle contient, et dit avec une voix de satisfaction : « Quelle

chance ! ... je ne mangerai pas mon pain sec... je vais me

mettre à table... vite un couteau, une fourchelte ? -

. Sur ce, elle se lève rapidement, se couvre d'un jupon, approche

296 CLINIQUE MENTALE.

une chaise de sa table, et mange avec toutes les apparences d'une

personne éveillée, tout en bavardant de mille choses, et sans con-

naitre ceux qui l'entourent.

Son père met à son insu un peu de vin dans son verre, elle le

porte à ses lèvres en faisant une horrible grimace et dit : « On veut

doncm'empoisonner... mais je ne le boirai pas ! ... »

Elle devient aussitôt soupçonneuse, tourmentée, et cette idée

d'empoisonnement qui l'avait vivement préoccupée, n'existe pas

dans les périodes calmes, mais reparait avec intensité dans les

crises des quelques jours suivants.

Ces manifestations si évidentes de la sensibilité tac-

tile et du sens du goût sont la règle générale dans

toutes les attaques de somnambulisme superficiel.

- Dans ses grandes attaques, au contraire, dans les-

quelles l'obtusion des sensibilités et des sens étaient

complètes, elle dépensait UDe activité, une force de

volonté et de résistance incroyables, au moment des

luttes qu'elle engageait avec les personnes qui s'op-

posaient à ses idées déraisonnables; et -malgré ces

scènes de violences et d'efforts elle conservait son

teint ordinaire, une expression le plus souvent sou-

riante, la coloration de ses joues ne variait pas, sa

respiration restait calme, sa peau fraîche, jamais

- de transpiration, alors que les personnes qui lui

résistaient étaient haletantes, ruisselaient de sueurs,

fatiguées, endolories de tous leurs membres. Elle

semblait, elle, ne rien sentir de cette violente dépense

de forces musculaires ; toujours en mouvement, et prête

à l'action, elle ne se plaignait jamais, n'accusait de

fatigues qu'après la crise terminée.

Découragée de l'insuccès de toutes ces tentatives

thérapeutiques qui n'avaient eu aucun résultat satisfai-

sant, qui peut-être avaient allongé la durée, peut-être

augmenté l'intensité de quelques-uns de ses accès, son

SOMNAMBULISME SPONTANÉ ET HYSTÉRIE. 297'

médecin eut la pensée d'essayer l'action hypnotique

comme agent perturbateur du système nerveux, et de

substituer aux crises périodiquement établies des crises

artificiellement provoquées, dont le médecin aurait

la direction, et dont il disposerait à sa volonté.

C'était, dans sa pensée, Ja substitution du somnam-

bulisme provoqué au somnambulisme spontané, faite

dans un but thérapeutique.

Il demanda donc à M. le Dl' Puel qui était à cette

époque, à Paris un des rares médecins qui s'occu-

paient de ces questions de venir voir sa malade.

Pendant six jours consécutifs, M. Puel mit en oeuvre

toutes ses ressources et toute son activité pratique pour

modifier l'état de la jeune malade, soit qu'il essayât de

l'endormir à l'état de veille en cherchant à la con-

vaincre qu'il la guérirait si elle lui donnait sa confiance,

soit que pendant ses crises il s'efforçât d'agir directe-

ment sur l'accès en le transformant, toutes ses tenta-

tives furent inutiles, et, après six jours d'essais infruc-

tueux, il dut se retirer.

Un autre médecin vint après lui sans être plus

heureux; et la jeune fille, fatiguée, agacée de toutes

ces épreuves, ne tarda pas à lui signifier elle-même

qu'elle ne voulait plus le revoir, ni se soumettre à ses

expériences.

Cette nouvelle tentative thérapeutique eut un résul-

tat tout opposé au but qu'on s'était proposé, car elle

apporta un élément nouveau aux préoccupatious qu'elle

avait dans la période active de ses crises. Elle décla-

mait contre l'intervention de ces deux nouveaux méde-

cins dont elle critiquait là science et la pratique; elle

se riait de leurs efforts, et ridiculisait très spirituelle-

298 CLINIQUE MENTALE.

ment leurs personnes. Son médecin lui-même,- qu'elle

affectionnait tout particulièrement, y perdit quelque

-peu de sa confiance, elle déclarait qu'elle ne croirait

plus en lui, puisqu'il lui jouait d'aussi mauvais

tours.

Tel est l'ensemble des faits qui se sont succédé du

1er au 15 juin.

A partir de cette époque, une aggravation notable se

produisit dans l'ensemble de tous les symptômes, la

périodicité des crises étant d'ailleurs toujours la

même.

Le sommeil léthargique du début qui durait d'or-

dinaire de quinze à vingt minutes, est maintenant

d'une heure un quart à une heure et demie de durée.

La crise d'une heure se prolonge jusqu'à 6 heures

du soir; celles de 8 heures jusqu'à 6 heures du matin.

La durée des accès s'est donc étendue au point

qu'il n'y a plus que neuf heures de calme contre quinze

de désordre somnambulique , sur les vingt-quatre

heures de la journée.

Le délire des crises prend lui aussi un autre caractère ;

une nouvelle idée domine l'esprit de la malade; pro-

fondément troublée par l'impuissance des médecins

appelés près d'elle, découragée par l'aggravation de

son mal dont elle se rend très bien compte elle

veut s'étrangler ! ...

Ace sujet, elle discute avec calme, dans son som-

meil somnambulique les questions de droit et de devoir.

Elle ne reconnaît qu'à son médecin le droit de disposer

de sa vie; quant à elle, elle n'en a pas le droit. Aussi

répète-t-elle à chaque instant dans ses crises : quand

SOMNAMBULISME SPONTANÉ ET HYSTÉRIE. 299

mon médecin voudra m'étrangler, laissez-le faire

personne-ne peut s'y opposer..... lui seul en a le

droit ! ... -

Du 15 au 20 juin, cette idée a dominé toutes ses

crises, pendant toute leur durée.

La situation devenue de plus en plus critique, le

médecin crut devoir proposer à la famille l'entrée soit

à l'hôpital, soit dans une maison de santé; cette pro-

position entendue par la jeune fille la troubla au point

qu'abandonnant le jour même l'idée du suicide, elle

n'eut plus d'autre préoccupation que celle de départ

dont elle parlait sans cesse. Dans ses crises, elle récri-

minait contre sa mère qui avait consenti, disait-elle, et

peut-être sollicité cette mesure; contre son médecin

qui n'avait pas de coeur, et dont elle ne voulait pas

suivre les ordonnances; que, du reste, elle ne voulait

aller ni dans un hôpital, ni dans une maison de

santé ! -

Mon nom ayant été prononcé devant elle, dans sa

période calme, elle le chercha dans l'almanach de

Paris, et le trouva accolé au mot de maison de santé.

Elle en ressentit une si violente impression qu'un phé-.

iiomèné nouveau vint s'ajouter à ses crises bi-quoti-

diennes.

Trois et quatre fois par jour, à dater du 23 juin,

elle fut prise d'un accès subit de perte de connaissance,

dans l'intervalle de ses crises régulières; elle tombait

sans mouvement, sans trace de sensibilité, n'ayant

-aucun signe de souffrance, point d'altération des traits,

ni oppression, ni bavardage, eu un mot dans un état

tout semblable à la période léthargique qui précédait

les crises, à cette différence près que ce sommeil ne

300 CLINIQUE MENTALE.

durait jamais plus de cinq minutes, puis elle en sor-

tait instantanément, sans en avoir le souvenir.

Il en fu ainsi jusqu'au 1er juillet.

C'est à cette époque-que son médecin, de plus en

plus inquiet, vint me voir, me parler de cet état, et me

demander si je ne craignais pas qu'en insistant sur

la nécessité du déplacement nous provoquions de nou-

veaux troubles, comme il était arrivé à chaque contra-

riété. Depuis le jour où il a été question de son départ,

et d'entrer dans votre service, me disait-il, ses accès

sont plus violents, et de plus en plus longs; ne suc-

çombera-t-elle pas à la violence de ses crises ! ...

Ne partageant pas cette inquiétude, j'insistai sur

l'opportunité de la mesure, et sur l'urgence de cette

détermination que je considérais comme la seule indi-

cation rationnelle, étant donné les mutations qui

s'étaient produites dans l'état mental de cette jeune

fille, chaque fois qu'un événement nouveau l'avait

préoccupée. Et, en effet, je savais par expérience per-

sonnelle, que le déplacement, que le changement de

milieu et de direction, que l'influence d'autres soins,

d'un autre entourage, ont parfois une action perturba-

trice assez puissante, pour interrompre la continuité

des accès, et rompre le cercle vicieux dans lequel

tourne fatalement l'esprit des malades.

J'avais vu, dans des circonstances plus ou moins

semblables, des guérisons rapides, quelques-unes

subites, se produire ainsi, par substitution.

J'insistai donc près du médecin, je le gagnai à mon

opinion, et la jeune fille entra dans mon service à

l'hôpital Saint-Antoine, salle Sainte-Cécile, n° 14, le

1er juillet 1872.

SOMNAMBULISME SPONTANÉ ET HYSTÉRIE. 30'1

Son départ de chez elle se fit sans difficultés; elle monta d'elle-

même dans la voiture qui devait la conduire, elle était à ce

moment très pâle, la face couverte d'une sueur froide, à ce point

qu'elle semblait prête à s'évanouir sous le coup de l'émotion.

Depuis son lever elle avait eu trois petites crises de sommeil

léthargique de cinq minutes.

Pendant le voyage, elle fut calme et silencieuse, protestant par

son mutisme et par sa mauvaise humeur, contre son enlèvement.

Arrivée à l'hôpital, elle témoigna d'un grand mécontentement en

voyant les malades de la salle venir près d'elle, l'interroger, et la

regarder avec curiosité.

A 10 heures et demie, on lui présenta son déjeuner qu'elle refusa

avec aigreur, en disant : « Que tout cela était de la comédie...

qu'elle ne mangerait pas ! »

Mais, encouragée par les attentions et les bonnes paroles de ses

voisines, elle consentit à déjeuner, et mangea une partie des ali-

ments qu'on lui avait servis.

Sa première grande 'crise du matin vint comme d'habitude,

précédée de sa période léthargique, et ne différa en rien de celles

que nous avons précédemment décrites, à cela près qu'elle se ter-

mina à 4 heures au lieu de 6, elle avait donc été abrégée de

deux heures.

Dans la soirée, une heure après son dîner, elle eut sa crise habi-

tuelle, semblable aux précédentes, mais pendant la période de

loquacité et de bavardage elle ne cessa de protester contre son

entrée à l'hôpital, se révoltant contre ses parents, contre son

médecin, et disant avec énergie :

« »Non, je ne veux pas rester !

« Je me trouve mal ici !

« Je ne suis pas à ma place dans cette salle ! »

Cette deuxième crise fut moins longue; elle se termina à

10 heures et demie, au lieu de durer jusqu'à 6 heures du matin,

comme celles des jours précédents.

La nuit fut bonne; le sommeil calme. J'avais, le matin, ordonné

un bain sulfureux qu'elle ne put prendre, ses règles ayant paru

quelques heures avant. '

Encouragé par ce premier résultat, conforme à mes espérances,

je pris à part ses voisines, et leur demandai de m'aider dans la

guérison de cette jeune fille, en l'assistant, en lui donnant de

bonnes paroles, en se montrant affectueuses pour elle.

D'autre part, je donnai mes instructions à la religieuse de la

salle, femme intelligente, habituée aux maladies nerveuses que

j'avais toujours en assez grand nombre dans mon service, je lu

recommandai de s'occuper activement de cette jeune fille, de la

prendre avec elle dans son cabinet, de la contredire si elle lui par-

lait de la singularité de sa maladie; de lui répondre si elle lui

302 CLINIQUE MENTALE.

disait qu'elle ne guérirait pas - qu'elle avait vu souvent, bien

souvent, des crises comme les siennes, que toutes avaient guéri, et

rapidement guéri, à la condition que les malades soient dociles,

confiantes, et ne se torturent pas l'esprit de mille idées déraison-

nables ; qu'elle m'avait entendu dire à mes élèves, en quittant

l'hôpital, qu'il en serait de même pour elle, que j'en avais la cer-

titude.

J'ajoutai à ces recommandations une prescription sans valeur,

dans le but d'occuper la malade : une cuillerée de sirop d'iodure

de fer... du vin de quinquina.

Le % juillet, je trouvai la jeune fille plus calme, dans de meil-

leures dispositions. Elle dit, en m'abordant le matin, qu'elle se

sentait plus rassurée 1... Je ne restai pas longtemps près d'elle dans

la crainte de quelque question troublante... Je la quittai en lui

disant : .

« Vous guérirez promptement... J'en ai la certitude ! »

Dans la journée elle eut ses deux crises; celle du matin dura

deux heures, celle du soir deux heures un quart.

A dater du lendemain, 3 juillet, les crises bi-quotidiennes qui,

depuis le 24 avril, se reproduisaient invariablement chaque jour,

ne reparurent plus. Elle était guérie.

Elle-même chantait sa guérison, en se riànt de quelques petits

accès léthargiques, qu'elle appelait son petit sommeil, qui lui

revinrent de temps en temps jusqu'au 8 juillet. Je la gardai dans

mes salles quelques jours encore pour confirmer cet heureux résul-

tat.

Elle quitta l'hôpital le 14 juillet et rentia dans sa famille, heu-

reuse de sa guérison, reconnaissante des soins qu'on lui avait

donnés.

Le lendemain de sa sortie, elle m'écrivit une lettre pleine de

gratitude, pour me remercier des soins assidus que je lui avais

prodigués, pour me dire combien elle me savait gré maintenant de

l'insistance que j'avais mise à demander son entrée à l'hôpital ;

que tout avait été, pour elle, une surprise, et que la cause de sa

guérison avait été l'assurance qu'on lui avait donnée qu'elle gué-

rirait promptement.

Pendant les mois qui suivirent, j'eus fréquemment de ses nou-

velles, toujours satisfaisantes. ' .

DÉDUCTIONS. L'étude et l'analyse de cette obser-

vation se prêteraient assurément à des considérations

intéressantes : '

Sur les troubles multiples des sensibilités et des

sens;

SOMNAMBULISME SPONTANÉ ET HYSTÉR IE. 303

Sur les troubles de la locomotion tantôt abolie,

tantôt surexcitée;

Sur l'éveil partiel de tel ou tel sens dans ses rap-

ports avec l'idée dominante qui captive la malade;

Sur la pathogénie du délire de la crise somnam-

bulique : soit qu'il vienne des impressions de l'état

de veille; soit qu'il ait pour origine l'excitation céré-

brale spontanée de la malade, pendant sa crise.

Il est entre tous ces faits un enseignement d'un

ordre supérieur, qui se déduit de l'ensemble de l'ob-

servation elle-même, et du mode d'être des accès.

Déjà en 1855, j'avais vu le somnambulisme se pro-

duire entre deux accès d'hystérie convulsive accom-

pagnés d'extase cataleptique, et se répéter ainsi pen-

dant plusieurs mois, côtoyant l'hystérie, marchant

parallèlement avec elle.

Aujourd'hui 1872, nous avons sous les yeux un

fait de même nature, dans lequel l'accès de somnam-

bulisme spontané commence et se termine invariable-

ment par une crise léthargique, dont il semble n'être

qu'un épiphénomène.

N'avons-nous pas là un trait d'union, un lien de

famille, qui nous conduit à l'unité, à la consanguinité

de ces manifestations multiples, d'allures si différentes,

que Cérise, dans son pittoresque langage, avait bap-

tisées du nom d'extraordinaires ! ! !

Basés sur ces études cliniques, sur ces observations

et sur quelques autres du service de Charcot à la Sal-

pêtrière, nous pouvons aujourd'hui, sans crainte de

l'avenir, affirmer l'idée, qu'il y a trente ans, nous

avions émise avec quelques réserves, à savoir : que

ces manifestations multiples dérivent de la grande

304 CLINIQUE MENTALE.

névrose; et dire que : quelle que soit leur forme : exta-

tique, cataleptique, - syncopale, léthargique,

somnambulique, elles doivent être considérées comme

l'expression de variétés morbides identiques par leur

nature et par leur origine, qui germent et se dévelop-

pent sur un fonds commun, l'hystérie.

Asile clinique (SAINTE-ANNE). M. Magnan

HÉRÉDITAIRES DEGENERES',

Messieurs,

Les héréditaires dégénérés constituent une grande

famille pathologique nettement définie, à caractères

propres qui la distinguent de toutes les autres espèces

morbides. De même que dans la paralysie générale,

nous avons trouvé comme fonds une démence géné-

ralisée tout à fait remarquable, de même chez les

dégénérés, tous les symptômes psychiques reposent

sur un fonds spécial, la déséquilibration mentale. Les

héréditaires dégénérés sont les seuls aliénés chez les-

quels se montre la déséquilibration mentale. Sur ce

terrain spécial, se développent des épisodes maladifs

ayant pour base l'obsession, l'impulsion ou l'inhibi-

tion ; épisodes tellement caractéristiques que j'ai pu

les désigner sous le nom de stigmates psychiques de la

1 Leçon recueillie par le Dr V1GOtTROUX, médecin-adjoint dps Asiles de

la Seine.

HÉRÉDITAIRES dégénérés. H05

folie héréditaire. Les délires, à leur tour, ont leur

physionomie particulière et, de même que dans la

paralysie générale, les délires empruntent au fonds de

démence leur principal caractère, de même chez les

héréditaires dégénérés, les délires ont tantôt l'insta-

bilité de la déséquilibration des héréditaires, tantôt au

contraire, la ténacité obsédante de certaines de leurs

tendances maladives.

On s'est élevé contre l'expression de folie hérédi-

taire, expression assurément impropre, puisque l'héré-

dité exerce son action, rayonne sur toutes les formes

vésaniques : qui dit. psychoses, dit maladies éminem-

ment héréditaires, mais cependant l'hérédité s'exerce

sur celle-ci à un degré beaucoup plus considérable.

Elle en est le facteur principal et je n'entends pas

parler simplement de l'apparition du dissemblable,

c'est-à-dire de la forme progressive ou transformée de

More), mais on trouve, plus souvent qu'on ne paraît

le croire, l'hérédité similaire et notamment l'hérédité

de ces phénomènes étranges, des syndromes épiso-

diques dont nous nous entretiendrons plus tard, qui

en sont, nous venons de le dire, les stigmates psy-

chiques. Lorsqu'on voit en effet, la recherche angois-

sante du mot poussée au point que le malade non

seulement veille lui-même anxieusement des nuits

entières, à la recherche du terme qu'il poursuit, mais

qu'il entraîne toute sa famille dans cette bizarre occu-

- pation, et lorsqu'on retrouve chez la fille du malade

la même préoccupation morbide, on peut dire que cette

dernière est bien et dûment la fille pathologique du

père. Et à ce propos je rappellerai l'histoire d'un de

nos malades, qui fut emprisonné pour avoir, poussé

Archives, t. XXIII. DU

30() CLINIQUE MENTALE.

par sa perversion sexuelle, volé des chemises blanches

et chez la mère duquel se retrouvait la singulière

tendance à saisir les~rubans rouges; si bien qu'elle

s'abstenait de sortir les'jours de tirage au sort pour

éviter de succomber au désir de prendre les rubans

rouges flottants sur le chapeau des conscrits. Nous

pourrions rapporter encore plusieurs autres exemples

et pour le délire du toucher en particulier, nous avons

vu récemment deux malades à hérédité similaire : la

mère de l'un d'eux ne pouvait pas toucher les mon-

naies de cuivre, le père de l'autre avait la crainte du

contact du chien.

Nous avons donc conservé l'expression de folie

héréditaire parce qu'elle comprend un groupe de

malades nettement défini et parce qu'un terme nou-

veau pourrait faire perdre de vue les descriptions pre-

mières qui, sous tous les rapports, méritent de fixer

l'attention.

D'autre part, si ces dégénérescences mentales sont

héréditaires, dans quelques circonstances elles peuvent

êtres acquises. En effet, à la suite d'affections aiguës

chez les jeunes sujets, on observe des cas d'arrêt de

l'intelligence et de dégradation mentale analogues à

l'idiotie, à l'imbécillité, à la débilité mentale et même

à la déséquilibration de l'héréditaire. Donc il suffit de

l'apparition d'une maladie aiguë et notamment d'une

fièvre typhoïde, d'une variole, d'une scarlatine; ce

sont là les facteurs habituellement en cause, pour

pervertir et anéantir à tout jamais l'intelligence d'un

enfant jusque-là bien pondéré. Que s'est-il donc passé ?

La réponse est facile si l'on veut se reporter aux tra-

vaux publiés depuis une trentaine d'années sur les

HÉRÉDITAIRES DÉGÉNÉRÉS. 307

troubles nerveux consécutifs aux maladies aiguës.

Fritz, Roger et Damaschino, Wesphal, Vulpian, Déje-

rine, Popoff, Marie, Landouzy, etc., qui ont étudié

l'état de la moelle et du cerveau à la suite de variole

et de fièvre typhoïde ont constaté des lacunes prove-

nant de petits foyers hémorrhagiques ou de ramollis-

sement. Ces lésions sont analogues à celles qui se

développent pendant l'évolution foetale chez les héré-

ditaires dégénérés et sur l'axe cérébro-spinal de jeunes

sujets en voie d'évolution, les résultats sont identiques.

On doit donc faire entrer dans le groupe des hérédi-

taires ces faits que la clinique désigne, quoique assu-

rément la dénomination d'héréditaires ne leur con-

vienne pas. Tous ces faits sont caractérisés d'ordinaire

par des stigmates physiques et les lésions dans l'en-

fance qui laissent, surtout après elles, des paralysies.

et de la faiblesse intellectuelle, ne. déterminent pas

habituellement ces stigmates psychiques si significatifs

qui, dès la première enfance, avant que toute éduca-

tion ait pu modifier ces jeunes sujets, se présentent

avec des obsessions, des impulsions, des perversions

sexuelles, un trouble fonctionnel en un mot, que

l'influence héréditaire seule peut bien expliquer. Il

n'est pas rare, en effet, de voir chez les héréditaires

dégénérés un stigmate très net dès l'âge de quatre ou

cinq ans. Chez un malade, à l'heure actuelle, profes-

seur de Faculté, l'inversion génitale s'était montrée

à six ans, déjà il éprouvait une voluptueuse curiosité

pour les nudités masculines, un attrait irrésistible pour

les garçons; à cinq ans, il présentait un entraînement

inexplicable au vol, un peu plus tard, il était irrésisti-

blement poussé à compter et à recompter les fleurs,

: 'iU8 CLINIQUE MENTALE.

les lignes d'une tapisserie, et il eut la recherche an-

goissante du mot.

Ces stigmates psychiques se développent bien avant

que le milieu ou une éducation vicieuse aient pu

exercer sur eux la moindre influence. L'expression

d'héréditaires dégénérés nous semble concilier toutes

les opinions.

Les caractères' symptomatiques de la folie des dégé-

nérés se divisent en trois groupes : les stigmates phy-

siques, les stigmates psychiques et les délires. Les

caractères physiques sont quelquefois très légers; un

faux trait de la vue, un strabisme peu apparent, la

division de la choroïde laissant à nu la sclérotique,

l'émergence irrégulière de l'artère centrale de la ré-

tine, unnoevus, quelques tics. Chez d'autres, on trouve

des troubles beaucoup plus accentués : c'est la con-

tracture des quatre extrémités avec porencéphatie, des

paralysies avec contracture, par sclérose ayant détruit

les zones psychomotrices; le bec-de-lièvre, la gueule

de loup, le strabisme divergent ou convergent, des

tics généralisés et persistants, des doigts palmés ou

même la réunion complète d'une main ou d'un pied.

Toutes ces anomalies sont la traduction de déviations

nutritives.

Je tiens à ce propos à vous présenter un malade

chez lequel on rencontre un grand nombre de ces

stigmates que je viens de vous énumérer.

Sa tête est complètement contournée, il semble que

l'extrémité céphalique soit tordue sur elle-même. Le

crâne dans son ensemble est plagiocéphale, il a la

forme d'une boule irrégulière asymétrique, aplatie

d'avant en arrière.

HÉRÉDITAIRES DÉGÉNÉRÉS. 309

310 CLINIQUE MENTALE.

Le front est plat sur toute son étendue sauf dans

le milieu où il présente une concavité. La. face est

aplatie, asymétrique; le nez gros, épaissi, fortement

déjeté à gauche. Les lignes des sourcils sont très

obliques en bas et en dehors. Les fentes palpébrales

prolongées se rencontreraient sous un angle de

120 degrés environ. Les yeux, très saillants, sont

comme pédiculés. Le cercle irien est visible dans son

entier : on aperçoit la sclérotique à une certaine dis-

tance de l'iris en haut et en bas.

La lèvre supérieure est dirigée en avant, la lèvre

inférieure très allongée aune direction en haut et en

avant, de sorte que les sinuosités de la bouche sontmal

dessinées. L'oreille gauche est implantée plus bas et

plus en avant que la droite. L'ourlet est interrompu

par places. Les lobules, courts et épais, sont adhé-

rents.

Quand le malade ouvre la bouche, on voit que les

dents de la mâchoire supérieure sont implantées irré-

gulièrement sur trois rangées, leur nombre est cepen-

dant normal. Les parties internes des bords alvéolaires

se réunissent en se soudant, ce qui donne lieu à la

production d'une voûte palatine garnie en quelque

sorte. d'une soupente. Derrière et en haut des arcades

dentaires, commence immédiatement le voile du palais

qui descend plus bas qu'à l'état normal et se termine

par .une luette bifide.

Les métacarpiens sont soudés entre eux : la forme

de la main rappelle celle que prendrait une main nor-

male dont les doigts seraient fortement serrés pour ne

pas laisser échapper un liquide déposé dans le creux.

Les métatarsiens sont également soudés et les orteils

HÉRÉDITAIRES DÉGÉNÉRÉS. 311

réunis et l'extrémité du membre inférieur ressemble à

un pied amputé de ses quatre orteils.

Les antécédents héréditaires nous montrent du côté

maternel un grand-père ivrogne, une grand'mère ner-

veuse, convulsivante, un oncle alcoolique, un autre

oncle onaniste, mort à dix-huit ans dans un état'com-

plet de démence traversée de temps à autre par de

l'excitation.

Les caractères intellectuels sont plus intéressants à

étudier. Le fond est la déséquilibration mentale. Pour

bien comprendre ce défaut d'équilibre des facultés, il

est bon de suivre le développement de l'intelligence,

depuis la dégradation complète de l'idiot, jusqu'aux

simples anomalies offertes par les héréditaires. Au plus

bas de l'échelle, les idiots sont réduits à la vie végéta-

tive, ils restent étrangers à la vie de relation, ils voient

mais ne regardent pas, entendent mais n'écoutent pas,

ont des appareils d'olfaction et de gustation, mais ne

flairent pas ni ne goûtent. Ils sont réduits à un tube

digestif qui reçoit les aliments et les digère. S'ils sont

ainsi oblitérés, c'est que sur la région antérieure et pos-

térieure de leur cerveau se trouvent des lésions diverses,

des foyers hémorrhagiques ou des foyers de ramollisse-

ment, des méningo-encéphalites, de l'épendymite.ven-

triculaire avec hydrocéphalie, des scléroses hypertro-

phiques ou tubéreuses, des scléroses atrophiques, des

tumeurs, etc. Ces lésions offrent, suivant les sujets, des

variétés infinies comme distribution et étendue et c'est

ce qui explique la multiplicité d'aspect de l'état mental

de l'idiot, dont les aptitudes s'étendent se complètent

à mesure que le territoire devient libre sur la zone

des centres sensoriels et des instincts.

3t2 CLINIQUE MENTALE.

Les physiologistes ne sont pas d'accord sur le siège

précis des différents centres perceptifs; mais la clinique

et l'anatomie pathologique ont fourni déjà de précieux

'renseignements dans l'étude de la cécité et de la sur-

dité verbales. Quand un individu qui n'est pas sourd

ne comprend plus ce qu'il entend, mais continue à

parler, à écrire, à exprimer par des signes ce qu'il

pense, on sait aujourd'hui que cet état correspond à

une lésion de la couche corticale située sur la première

temporale et que la région touchée est toujours la

même. A la partie moyenne de la première temporale

réside donc le centre sur lequel viennent se déposer

toutes les perceptions tonales.

Il en est de même pour le centre dépositaire des

images visuelles que la clinique permet de localiser

sur le pli courbe. Quand ce centre est lésé, le signe

représentatif de l'écriture ne peut plus être perçu, le

malade peut écrire, mais il lui est impossible de lire

même ce qu'il vient d'écrire. On est donc tenu d'ad-

mettre l'existence de ces centres perceptifs au même

titre que celle des centres psychomoteurs.

Tous les centres, qu'ils appartiennent à larégion'aiité-

rieure (idéation), à la région moyenne (psycho-mo-

trice), ou à la région postérieure (appétits et ins-

tincts), sont mis en communication les uns avec les

autres par le système de fibres d'association et de pro-

jection signalé déjà par Gratiolet, mais que les beaux

travaux de Meynert nous ont bien fait connaître et sur

lesquels je n'ai pas à insister.

C'est dans la région postérieure que se trouvent

déposées les images mnémoniques de toutes nos im-

pressions sensorielles, c'est-à-dire tous les matériaux

HÉRÉDITAIRES DÉGÉNÉRÉS. 3)3 i

nécessaires à l'élaboration intellectuelle, à la formation

de nos idées : ces images passant dans la région fron-

tale deviennent les schémas, les signes représentatifs

de la pensée. Toutes les fois qu'une détermination part

de la région postérieure, sans*le contrôle des centres

supérieurs, on a une détermination sensori-motrice, un

acte instinctif.' Quand le point de départ émane de la 0

région antérieure, il produit une détermination idéo-

motrice, un acte volitionnel.

Cette distinction va nous permettre d'établir une

ligne de démarcation entre les idiots d'une part, les

imbéciles, les débiles et les déséquilibrés de l'autre.

Voici une petite idiote, réduite à la vague perception

de quelques sensations : elle est étrangère presque à

tout ce qui l'environne, elle entend, mais ne comprend

rien, elle ne prête aucune attention aux personnes qui

l'entourent, toutefois elle remarque certains objets

dont elle s'empare et qu'elle rejette, elle perçoit aussi

la saveur de quelques aliments; elle est incapable de

marcher, mais, placée à terre, elle pousse des cris; s'agite

et brusquement elle se traîne en s'aidant des bras et

des jambes et parcourt, sans but, différentes parties de

la salle. Chez cette enfant, non seulement la région fron-

tale est annihilée, mais la région postérieure est en

grande partie compromise.

A mesure que la région postérieure devient libre,

l'intégrité successive des différents centres perceptifs

permet aux idiots d'entrer en relation plus intime avec

le monde extérieur; mais cette amélioration dans leur

état, cette perception plus étendue des diverses sensa-

tions, développent leurs appétits et leurs, instincts et

comme ils sont privés du contrôle et de l'action modé-

314 CLINIQUE MENTALE.

ratrice des centres -supérieurs, ils se montrent gour-

mands, voleurs, salaces et deviennent conséquemment

des êtres fort dangereux. '

Pour mieux comprendre les troubles fonctionnels

observés dans les différents groupes de dégénérés, il

est bon de rappeler ce qui se passe à l'état normal. Si

l'on examine, en effet, l'enfant qui commence à jouir

du contrôle distinct de ses mains, on surprend assez

vite des phénomènes d'attention. Un schéma de Mey-

nert montre bien les différents temps d'une opération

mentale très simple : l'image de la flamme d'une

bougie, déposée par l'appareil de la vision dans le

centre cortical postérieur, transmet sa représentation

dans la région frontale et provoque immédiatement un

mouvement volontaire du bras vers l'objet brillant,

l'impression douloureuse, à son tour, suivant un trajet

analogue, actionne en sens inverse la région psycho-

motrice, un mouvement de recul s'effectue, les deux

sensations agréable et douloureuse sont enregistrées,

comparées, et, à partir de ce moment, la flamme est

regardée, mais non touchée. C'est par des expériences

successives que se fait l'éducation des centres modéra-

teurs, que dans la conscience se développe l'attention

et que les actes volitionnels des enfants perdent peu

à peu leurs apparences impulsives pour acquérir l'as-

pect de la délibération.

Les divers modes d'activité cérébrale (sentiments,

volonté, attention, mémoire, jugement, raisonne-

ment, etc.), qui constituent les facultés des psycho-

logues, se développent, se perfectionnent successive-

ment par le concours harmonieux de toutes les parties

de l'encéphale; l'évolution progressive des facultés

HÉRÉDITAIRES DÉGÉNÉRÉS. 315

mentales aboutit à cet état de conscience qui nous

permet de discerner le vrai du faux, le bien du mal,

à ce témoignage intime qui donne l'approbation aux

actions bonnes et fait reproche des mauvaises, et qui

est, en définitive, la caractéristique du sens moral.

Par suite, on peut comprendre comment la rupture de

l'un de ces rouages, une lésion des agents de commu-

nication entre ces différents centres donne parfois

naissance chez nos héréditaires dégénérés à des perver-

sions morales et affectives et aux troubles fonctionnels

les plus étranges.

L'idiot chez lequel certains centres delà région anté-

rieure deviennent libres cesse d'être un idiot, s'élève

dans l'échelle intellectuelle et se range dans l'imbé-

cillité. Les déterminations ne sont plus exclusivement

sensori-motrices, elles reçoivent un certain contrôle de

la région antérieure, elles commencent à devenir idéo-

motrices.

L'intégrité de quelques-uns de ces centres chez

différents sujets explique comment certains idiots,

certains imbéciles peuvent avoir des aptitudes parti-

culières que mettent à profit leurs éducateurs. On a

même pu qualifier de génies partiels certains idiots. En

effet, ceux chez lesquels, par exemple, le centre de la

vision est intact ou même très développé, ont la notion

du coloris, deviennent peintres; avec l'intégrité du

centre auditif, nous avons les musiciens; avec l'inté-

grité des zones motrices, les sculpteurs, etc. A l'état

normal, la fonction ne fait pas l'organe, mais celui-ci,

étant intact, peut prendre de l'extension avec l'exercice

et le perfectionnement de la fonction. Chez Gambetta,

notre grand patriote, notre puissant orateur, quoique

316 ' CLINIQUE MENTALE.

le poids du cerveau ne dépassât pas la moyenne, la

troisième circonvolution gauche était très développée

et présentait trois plis à sa surface extérieure.

. L'étude des idiots nous amène à expliquer ce qui se

passe chez les dégénérés supérieurs. Les cerveaux des

débiles ne nous présentent déjà plus que des modifica-

tions morphologiques, des plis moins nombreux, des

anfractuosités moins profondes; chez les dégénérés

supérieurs, l'aspect extérieur du système cérébro-

spinal est normal et nous n'y trouvons aucune lésion

apparente, du moins avec nos moyens actuels d'inves-

tigation, car les troubles fonctionnels que la clinique

révèle sont tellement nets, ils ont un tel air de famille

chez les différents sujets, qu'il n'est pas possible qu'ils

ne se rattachent pas à une même modification patho-

logique de l'organe. .

Rappelons à ce propos une déséquilibrée de trente-

deux ans, chez laquelle aucune région de l'axe cérébro-

spinal ne fonctionnait d'une façon régulière. Tantôt

elle avait, en pleine conscience, des mouvements d'une

main, d'un pied que ne pouvait régler la volouté.

D'autres fois, se produisaient des phénomènes inhi-

bitoires : debout, la malade ne pouvait plus s'asseoir;

assise, elle ne pouvait plus se relever. La moelle

n'obéissait plus à l'influence psycho-motrice.

Dans d'autres circonstances, c'est toute la mimique

d'un état passionnel, rires ou pleurs, qui surgit, en

désaccord avec l'état cénesthésique du sujet. Elle riait

aux éclats à l'enterrement de son grand-père qu'elle

avait, cependant, beaucoup aimé. Chez elle, la protu-

bérance qui, d'après les expériences de Vulpian, est

l'organe des expressions émotionnelles,, échappait au

\

HÉRÉDITAIRES DÉGÉNÉRÉS.. 3'H j

contrôle de la région frontale. Par moments, elle'pro-

nonce des mots le plus souvent grossiers, qu'elle ne

voudrait pas dire; si elle essaye de résister, elle éprouve

du malaise, elle est angoissée; elle les prononce alors

à voix basse ou elle remue la langue sans les pronon-

cer ; d'autres fois, elle se retire dans un lieu écarté,

les prononce à haute voix et se sent soulagée. Le centre

auditif de l'écorce (première temporale) est dans un

tel état d'éréthisme, que l'image vient solliciter le

centre moteur d'articulation qui l'expulse au dehors.

Le centre auditif, le centre moteur d'articulation

agissent encore ici indépendamment des centres supé-

rieurs.

Parfois, enfin, ce n'est plus un mot, mais une série

de faits divers, tout un discours qu'elle devait répéter,

témoignant ainsi de la déséquilibration des centres

corticaux antérieurs. Ce n'est pas tout; parfois elle

est poussée à frapper un inconnu, un ami, un parent,

elle résiste, s'isole, demande à être enfermée dans une

chambre, restant parfois très longtemps sous le coup

d'une décharge de la région psycho-motrice.

Elle avait encore des perversions sexuelles : d'abord

elle se sent poussée à l'onanisme en dehors de toute

idée de rapprochement sexuel, c'est une spinale simple.

Plus tard, elle éprouve un besoin impérieux de rappro-

chements sexuels, et, se conduisant en spino-cérébrale

postérieure, elle se donne, sans choix, au premier

venu. Puis elle est prise d'une vive affection pour un

ouvrier avec qui elle voudrait se marier, et ce senti-

ment nouveau la rapproche de la normale et en fait

une spino-cérébrale antérieure. De plus, elle était

épileptique et avait des crises qui étaient suivies de

318 CLINIQUE MENTALE.

délire et d'actes inconscients. Enfin, pendant une

période de sa vie, s'étant adonnée aux abus de bois-

sons, elle a rapidement présenté un accès de délire

alcoolique. -

Cette femme, vous le voyez, était un type de déséqui-

libration cérébro-spinale; chez elle, en effet, des

troubles fonctionnels distincts, désignaient successive-

ment les différents segments de la moelle, du méso-

céphale et des hémisphères cérébraux qui étaient ainsi

mis en jeu de la façon la plus indépendante..

Tous les déséquilibrés appartiennent à la même

famille, on ne constate pas chez eux de lésions anato-

miques définies, mais des modifications fonctionnelles

de même nature : le phénomène saillant est la déséqui-

libration mentale. Chez des individus intelligents,

érudits, accomplissant des fonctions importantes dans

la société, on trouve souvent une absence complète de

sens moral, ce sont des génies au point de vue intel-

lectuel et des idiots au point de vue moral. Chez

d'autres, au contraire, de moralité élevée, l'intelligence

proprement dite offre de profondes lacunes, tantôt pour

le calcul, tantôt pour la musique, tantôt pour les

arts, etc. Leurs centres perceptifs sont inégalement

aptes à recueillir toutes les impressions, certaines ne

s'enregistrent pas d'une façon régulière et ne laissent

pas d'image durable.

En résumé, chez certains sujets dont l'intelligence

est parfaite, l'état moral est défectueux ;'Chez d'autres,

l'état moral est parfait, mais certaines aptitudes intel-

lectuelles, certaines facultés leur font entièrement

défaut. Enfin un troisième groupe comprend des indi-

vidus qui, à l'état ordinaire, sont bien pondérés, intel-

HÉRÉDITAIRES DÉGÉNÉRÉS. 319

ligents et moraux, mais chez lesquels, sous l'influence

de la moindre fatigue, la déséquilibration apparaît

avec ses défectuosités intellectuelles ou morales.

Pour compléter cette étude des héréditaires dégé-

nérés, nous examinerons ensemble un malade obsédé

et impulsif, en proie aux aberrations sexuelles les plus

étranges.

Il s'agit d'un garçon de vingt-un ans qui se fit un

jour arrêter sur un banc, pendant que, d'un coup de

ciseaux, il détachait de son bras gauche un large frag-

ment de peau. Interrogé sur les motifs de cette muti-

lation, il déclare que depuis plusieurs heures il était à

la poursuite d'une jeune fille à la peau blanche et fine,

avec l'ardent désir de lui tailler au cou un lambeau

de peau et de le manger.

Ses antécédents héréditaires sont très chargés : son

grand-père paternel était alcoolique. Son père est mort

d'apoplexie et pendant sa vie il avait été sujet à des

accidents épileptiques : c'étaient des accès de sommeil

qui survenaient subitement; quelquefois des absences

pendant lesquelles il ne savait plus ce qu'il faisait; il

pâlissait tout à coup et se laissait aller à terre; un jour,

il a été ramassé par un factionnaire devant lequel il

venait de s'affaisser. La première nuit de ses noces,

il aurait eu une attaque avec perte de connaissance et

secousses dans les membres; et le premier mois du

mariage s'est passé sans approches sexuelles qui, du

reste, ont toujours été fort rares.

Une soeur du malade a toujours été déséquilibrée,

n'a pu apprendre aucun métier, a mené une vie

déréglée et plus tard, changeant brusquement de con-

duite, elle est entrée dans uu' couvent. La mère est

320 CLINIQUE MENTALE.

bien portante. L... aurait eu le carreau dans son

enfance et il a uriné au lit jusqu'à l'âge de dix-sept

ans. - .

Dès son jeune il a été considéré comme un être

malfaisant : placé chez un boucher, il s'amuse à ouvrir

tous les becs de gaz, provoque une explosion qui

blesse une femme. L'abbé Roussel, dans la maison

duquel il était entré, a dû le renvoyer après une esca-

pade. Dans une maison de correction, il a failli tuer

un de ses jeunes camarades.

. A plusieurs reprises, il se fait arrêter pour vaga-

bondage ; toutes les fois que sa mère lui adresse quel-

ques reproches, il est poussé, dit-il, à la frapper, mais

ne l'a jamais fait. Il s'est adonné de très bonne heure

à l'onanisme et plus tard il s'est livré à la pédérastie.

Dès l'âge de six ans, la vue d'une jeune fille ou d'un

jeune garçon, à la peau fine et délicate, provoquait

chez lui une certaine excitation génitale et le désir de

mordre et de manger un morceau de leur peau. A

partir de treize ans les jeunes filles seules, à condition

qu'elles soient jolies, deviennent l'objet de ses con-

voitises. Cependant, un jour, en caressant la tête d'un

cheval, il ne put résister au besoin de mordre, après

l'avoir léchée, la peau fine des naseaux. Plus tard, les

souvenirs de la peau fine, léchée et mordue de ce

cheval, le poussait à l'onanisme.

Vers l'âge de quinze ans, il a commencé à se piquer

en se masturbant, la douleur augmentai ! l'érection et

hâtait l'éjaculation. Il se piquait le ventre avec une

épingle, un couteau, un sabre baïonnette et, au moment

de l'orgasme génital, il enfonçait l'instrument le plus

profondément possible.

HÉRÉDITAIRES DÉGÉNÉRÉS. 321

L'idée obsédante de mordre et de manger la peau

n'est pas provoquée seulement par la vue d'une jeune

fille, la vue des lames tranchantes et brillantes comme

les couteaux, les ciseaux -qui peuvent servir à couper

la peau font naître cette obsession ; cela lui porte sur

le système nerveux, suivant son expression. Quand il

résiste à cette force qui le pousse, il est énervé,

angoissé; il a une sensation de contraction dans la

région épigastrique, enfin il est couvert de sueurs

quand la lutte se prolonge.

Il a toujours résisté à cette obsession, et jamais il

n'a mordu la peau d'une jeune fille, mais il a dû

beaucoup lutter et, pour ne pas succomber, il n'a pas

hésité, dit-il, depuis huit mois, à tourner sa rage sur

lui-même et à se couper la peau; c'est au moment où

il allait sauter sur la jeune fille, qu'il a eu assez

d'énergie pour interrompre sa poursuite, s'asseoir sur

le banc où il a été arrêté, et tourner les ciseaux

contre lui-même. Un autre jour, son patron l'envoie

faire une commission avec une ouvrière qu'il trouvait

fort jolie, mais pour ne pas se livrer à un acte de muti-

lation sur cette jeune fille, il a répandu, au moment

de sortir, de l'essence de térébenthine sur une plaie

encore vive qu'il s'était faite au bras, espérant être

détourné par cette douleur aiguë de sa terrible ten-

tation.

Sur sa photographie, on remarque cinq plaies

récentes : (a) deux sur le bras gauche, une sur le ventre

et deux à la face interne du mollet gauche; huit autres

plaies (b) en voie de cicatrisation, quatre sur le bras

gauche et quatre sur le ventre; on aperçoit, en outre,

de petites cicatrices presque entièrement effacées.

Archives, t. XXIII. 21

322 CLINIQUE MENTALE. HÉRÉDITAIRES DÉGÉNÉRÉS.

Quelquefois, il ne se contente pas d'enlever la peau et

de la manger, il coupe ensuite les parties sous-jacentes

- et un jour même, il s'est fait une plaie très profonde

qui atteignait presque l'os.

La poursuite de la jeune fille choisie pour subir la

section cutanée provoque l'érection, mais ne s'accom-

pagne pas du désir de posséder la jeune fille, de coha-

biter avec elle; c'est l'appétit de la peau fine et blanche

qui pousse L... Dès qu'il tient le lambeau de peau

entre les dents et qu'il peut la mâcher, il a une éjacu-

lation. Celle-ci peut se produire aussi, en dehors de

la masturbation, au moment où une lame est enfoncée

dans la peau. Dans tous les cas, la mutilation est pré-

cédée d'angoisse et suivie d'un grand soulagement.

Le caractère de ce malade est d'une mobilité

extrême. Tantôt gai, heureux, travaillant avec bonne

humeur, tantôt, pour la raison la plus futile, déprimé,

triste, hanté par des idées de suicide. Il a même fait

dans le service une tentative très sérieuse de strangu-

lation à la suite d'une simple observation du sur-

veillant.

Il présente en même temps des idées mystiques, il

est dévot et superstitieux et parfois, la crainte salu-

taire de l'enfer suffit à mettre un frein à l'onanisme.

Examiné au point de vue physique, le malade ne

présente pas de stigmates physiques de dégénérescence,

on remarque seulement comme chez les onanistes la

forme en massue de la verge; ses autres organes ne

nous montrent rien d'anormal.

L'alcoolisme du grand-père, l'épilepsie du père ont

préparé chez L... le fond de dégénérescence sur

lequel nous voyons, dès l'âge de six ans, surgir l'ob-

l'anesthésie hystérique. 323

session bizarre de mordre et de manger la peau fine

et blanche. La résistance s'accompagne d'angoisse et

l'impulsion le pousse, en définitive, à se mutiler lui-

même ; l'acte accompli, même dans ces conditions

douloureuses, provoque l'éréthisme génital et est

suivi d'un grand soulagement. Ce sont bien là, on le

voit, tous les caractères du syndrome épisodique, tou-

jours les mêmes, quelle que soit l'étrangeté de ce syn-

drome.

CLINIQUE NERVEUSE.

Clinique DES Maladies DU système NERVEUX. M. CHARCOT.

L'ANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE;

CONFÉRENCE FAITE A LA SALPÊTRIÈRE LE VENDREDI 11 MARS 1892,

Par M. Pierre JANET,

Professeur agrégé de phitosophie, docteur ès lettres, élève du service.

MESSIEURS,

Vous êtes sans doute très surpris de voir un simple philoso-

phe prendre la parole dans ces conférences du vendredi, qui ont

été déjà illustrées par d'éminents cliniciens.il ne faut pas trop

m'en vouloir; c'est mon maître vénéré, ou plutôt c'est notre

maître à tous, M. Charcot, qui a pensé qu'une leçon de

psychologie pathologique ne serait pas ici entièrement dépla-

cée. Cette opinion de M. Charcot ne vous étonne pas : vous

savez qu'il n'a jamais.voulu séparer l'étude de l'esprit humain

de l'étude du système nerveux et que par son influence et ses

propres recherches il a fait faire des progrès à la psychologie

comme àla pathologie. Ily ades doctrines proprement psycho-

324 CLINIQUE NERVEUSE.

logiques qui sont passées dans l'enseignement officiel même

des lycées et qui lui appartiennent : voici bien des années que

tous les professeurs de philosophie parlent tous les ans à leurs

élèves des différents types de mémoire, des visuels, des audi-

tifs, des moteurs, des troubles du langage, et font au tableau

noir un schéma célèbre que vous connaissez bien. Pour ne

parler que du sujet qui doit nous occuper spécialement, vous

savez que M. Charcot a démontré la nature morale, psy-

chologique, des paralysies hystériques, qu'il a eu l'audace de

présenter certaines paralysies flasques d'apparence toute phy-'

sique comme de simples phénomènes de pensée. Par là, il a

indiqué le chemin que l'on devait suivre pour étudier de la

même manière d'autres symptômes de l'hystérie. Aussi est-il

tout naturel que M. Charcot ait désiré entendre exposer

dans l'amphithéâtre de la clinique des études nouvelles sur

l'état mental des hystériques qui venaient simplement conti-

nuer les siennes. Quant à moi, je suis très fier que M. Charcot

m'ait choisi pour vous exposer des questions qui l'intéressent

si fort, je suis fier surtout qu'il ait en moi assez de confiance

pour croire que mes analyses psychologiques ne s'écarteront

pas de la vérité médicale, de la vérité clinique, à laquelle tout

ici doit être subordonné. Je suis heureux aussi de cette occa-

sion de lui témoigner ma reconnaissance : il y a déjà dix ou

douze ans, quand j'étais professeur de philosophie en province,

je suis venu sans titre et sans raisons demander quelques con-

seils à M. Charcot pour les études de psychologie expérimentale

que je voulais aborder. M. Charcot l'a sans doute oublié, mais

je me souviens encore de la bienveillance avec laquelle il m'a

accueilli et des conseils précieux qu'il m'a donnés : je suis un

de ses élèves plus qu'il ne le croit lui-même. Quand plus tard

je suis venu travailler dans son service, la sympathie, l'amitié

de tous que j'ai rencontrées ici, m'a rendu cher le service de la

clinique, et si mes humbles travaux peuvent ajouter quelque

petit détail aux belles recherches qui ont été faites dans ce

service, je suis heureux de les lui offrir.

'Messieurs, j'ai l'intention de vous parler de l'état mental de

certains malades, mais il faut d'abord nous entendre sur ce

mot. Autrefois, dans les ouvrages de médecine,' on réunissait

sous ce titre « étal mental du malade » quelques remarques

plus ou moins générales et plus ou moins banales sur le carac-

tère et sur la conduite. On disait par exemple, en parlant des

l'anesthésie hystérique. 35

hystériques, qu'elles rient et qu'elles pleurent sans motifs suffi-

sants, qu'elles se fâchent à tout propos et sans propos, qu'elles

ont un caractère insupportable, ce' qui est assez vrai, ou bien

qu'elles sont toujours menteuses, ce qui est absurde. C'est là

.une description trop superficielle, c'est ce qu'on peut appeler

une psychologie de salons, ou, pour employer l'expression de

mon excellent maître M. J. Falret, c'est une psychologie d'infir-

mières. La servante de la salle sait mieux que vous combien les

hystériques ont le caractère insupportable; des médecins doi-

" vent étudier autre chose. Le mot état mental d'une malade »

.doit désigner aujourd'hui pour le savant toutes les modifica-

tions qui peuvent survenir dans tous les phénomènes psycho-

logiques, dans les sensations, les souvenirs, les perceptions, les

associations d'idées, etc. Plus tard, au vingtième siècle peut-

être, tous les malades, depuis le simple rhumatisant jusqu'au

paralytique général, auront leur psychologie minutieusement

.étudiée dans tous ses détails. Nous allons voir, malheureuse-

ment, par les difficultés que présente l'étude psychologique des

hystériques qu'un pareil idéal est encore loin d'être atteint.

I. Je vous propose de prendre comme point de départ de

notre étude des hystériques, l'analyse de leur anesthésie : ce

choix se justifie à la fois par des motifs pratiques et des raisons

théoriques. Ce qui rend souvent difficile l'examen des fonctions

intellectuelles, c'est que par leur nature même, elles sont ren-

fermées dans l'esprit du sujet et ne se manifestent guère à

l'extérieur par des symptômes palpables, accessibles à l'obser-

vation. Au contraire, la sensibilité et l'insensibilité sont des

phénomènes psychiques qui semblent posséder facilement des

manifestations extérieures. On peut assez bien vérifier du de-

hors par des opérations faciles si un membre est sensible ou ne

l'est pas et l'anesthésie est le fait psychologique le plus com-

mode à étudier expérimentalement. Au point de vue théorique

d'ailleurs, il suffit de vous rappeler le rôle immense que tous les

psychologues ont fait jouer aux sensations dans la formation

de l'intelligence, et vous' comprendrez l'importance de l'anes-

thésie dans la psychologie pathologique. C'est donc l'anes-

thésie hystérique qui doit être l'objet de notre première

étude psychologique. Je dis étude de psychologie, rassurez-vous

cependant, je tiens trop à suivre les exemples qui m'ont été

donnés ici même pour rester toujours dans la spéculation abs-

l'

326 ' CLINIQUE NERVEUSE.

traite. Je vous décrirai des faits et je vous en montrerai; ce

n'est que pour expliquer ces faits que nous nous permettrons

quelques hypothèses et d'ailleurs, nous reviendrons bien vite.

à l'expérience pour vérifier nos suppositions. Partir de la cli-

nique et revenir à la clinique en traversant pour un moment le

champ des hypothèses psychologiques, tel est le plan que nous

' suivrons ensemble dans l'étude de l'anesthésie hystérique.

Soyez certains, messieurs, que je n'ai pas la prétention de

vous décrire tous les caractères cliniques de cette anesthésie

que vous connaissez parfaitement; je me contente de vous rap-

peler certains faits dont nous aurons peut-être à nous servir.

Ainsi, vous savez que l'anesthésie est très fréquente chez les

hystériques et qu'il est rare de rencontrer les autres symptômes

de cette maladie sans qu'il y ait trace de celui-là. M. Pitres, dans

son ouvrage si précis et si utile, ne compte que p. 100 de

malades sans anesthésie' ; dans le service de M. Charcot, je

n'en connais en ce moment-ci qu'une seule qui soit de ce genre.

Peut-être aurons-nous à faire allusion à ces hystériques sans

anesthésie et à vous montrer qu'elles ont cependant un symp-

tôme moral à peu près équivalent à celui-là. Vous savez aussi

que cette insensibilité peut être plus ou moins complète, et

qu'elle peut atteindre toutes les parties de la peau, toutes les

muqueuses accessibles et tous les organes des sens. On pour-

rait dire sans exagération que, si les psychologues découvrent

- un jour un sens nouveau que l'on n'avait pas encore remarqué,

les.médecins verront le lendemain qu'il existait une forme

d'anesthésie hystérique non soupçonnée. Le sens tactile avec

toutes ses variétés, sens de la douleur, de la température, du

contact, le sens musculaire, le sens du goût, celui de l'odorat,

l'ouïe même et la vue peuvent être séparément ou simultané-

ment affectés. Je n'ai pas besoin non plus de vous rappeler

que certaines anesthésies, celles de la vue par exemple, peu-

vent amener des phénomènes complexes, la diminution de

l'acuité visuelle, la dyschromatopsie et le rétrécissement du

champ visuel. Ce dernier fait, pardonnez l'expression de ce sen-

timent naïf, me cause une certaine admiration; je trouve que

.c'est un beau phénomène psychologique. L'étendue de l'es-

pace qui est visible d'un seul coup d'oeil, pendant que l'oeil est

immobile, est rétrécie, c'est-à-dire que le nombre des phéno-

A. Pitres. - Lefolts climqueasur l'hystérie, 1891, t. 1, j). 125.

L'ANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE. 327

mènes visuels qui peuvent, pendant un instant donné, pénétrer

dans la conscience est considérablement diminué. Ce petit

schéma de champ visuel rétréci que je vous montre est peut-

être l'emblème de l'esprit tout entier des hystériques ,

Ces anesthésies, quelles qu'elles soient, peuvent se présenter

sous des formes innombrables que nous rangerons dans cer-

taines classes; la division n'est sans doute pas bien précise,

mais elle permettra de faire sur chaque catégorie quelques

remarques psychologiques. Les anesthésies peuvent être systé-

matisées, localisées ou générales.

Les anesthésies systématisées sont, à mon avis, plus fréquentes

qu'on ne croit généralement, car on ne les remarque pas tou-

jours. Elles ne portent pas sur toutes les sensations venant d'un

certain sens, mais sur un groupe de sensations formant un

système, en laissant parvenir à la conscience la connaissance

de tous les autres phénomènes fournis par ce même sens'. Ce

genre d'insensibilités, très intéressant, est facile à constater

pendant le sommeil hypnotique et à produire par des suggestions

appropriées. Le sujet, par exemple, verra toutes les personnes

de la salle, mais ne pourra plus voir ni entendre une certaine

personne qu'on lui aura désignée; il pourra voir des objets, des

papiers qu'on lui présente, mais ne pourra plus voir un certain

papier marqué d'une croix. L'analyse de ce phénomène a été

pour moi le point de départ de l'étude des anesthésies hysté-

riques, mais il n'y a pas lieu d'y insister ici, car je dois surtout

vous montrer des phénomènes produits naturellement par la

maladie. Cette anesthésie systématisée se rencontre aussi et

naturellement pendant les somnambulismes, quelle que soit

leur origine. Le somnambule ne peut voir qu'une certaine

categorie, un certain système d'objets en rapport avec son

rêve, et il semble absolument anesthésique pour tous les autres.

L'automate, si bien décrit par 'M. Mesnet, ne voyait que son

allumette et non celles qui étaient présentées par d'autres per-

sonnes 2. Une somnambule, que j'ai décrite, voyait fort bien

1 Sur les anesthésies systématisées, consulter deux études précédentes :

Pierre Janet. L'Anesthésie systématisée et la dissociation des phénomènes

psychologiques, in Revue philosophique, 1887, t. 1, p. 119, et l'Auto-

matisme psychologique, 1889, p. 271. Nous demandons la permission de

renvoyer quelquefois le lecteur à ce dernier ouvrage dans lequel cer-

taines questions psychologiques sont traitées avec plus de développe-

ment qu'il n'est possible de le faire dans une leçon.

'Mesnet. - Automatisme, 1871, p. 19.

32 CLINIQUE NERVEUSE. '

que la lampe apportée par elle avait besoin d'être remontée,

mais ne voyait pas les personnes présentes cherchant en vain

à attirer son attention '. Le même fait peut enfin se présenter

même pendant la veille des hystériques. Je viens de lire dans

l'ouvrage de M. Gilles de la Tourette une observation précise

de ce genre : des hystériques, nous dit-il, continuent à sentir

certains goûts quand elles semblent avoir perdu tous les autres;

une malade ne savait plus reconnaître que le goût du jus d'oi-

gnons 2. J'ai vu moi-même, autrefois, une malade qui m'avait

semblé fort singulière : elle avait les deux mains absolument

anesthésiques, mais elle reconnaissait toujours au contact deux

ou trois objets seulement, appartenant à sa toilette habituelle,

ses boucles d'oreille et ses épingles à cheveux en écaille. Tout

autre objet mis dans ses mains, une pièce d'or ou un crayon,

n'étaient absolument pas sentis. Une autre malade, ayant éga-

lement les mains absolument anesthésiques, savait toujours,

par le simple contact et sans miroir, si sa coiffure était bien ou

mal disposée, selon ses goûts. Il semble qu'ici la sensibilité et

l'insensibilité soient réparties, non pas d'après des causes phy-

siques, mais d'après certaines idées qui déterminent le choix

des impressions senties ou non senties.

Parmi les anesthésies localisées, nous insisterons surtout sur

celles qui ont été autrefois décrites par M. Charcot, sous le

nom d'anesthésies en segments géométriques 3. Des organes

entiers, ou des parties d'organes, un doigt, la main ou la cuisse,

deviennent anesthésiques dans toute leur superficie, et l'insen-

sibilité est limitée par des lignes assez régulières, perpendicu-

laires le plus souvent à l'axe du membre. Ces répartitions de

l'anesthésie ne correspondent évidemment pas à des régions

anatomiques, ce n'est pas le territoire innervé par le cubital ou

le médian qui est anesthésique, c'est la main ou le poignet.

Un malade actuellement dans le service a conservé, à la

suite d'une monoplégie hystérique envoie de guérison, un bra-

celet d'anesthésie occupant exactement la région du poignet,

tandis que la sensibilité est intacte à la main et à l'avant-bras.

- ' Electivité ou- esthésie systématisée , 111 Automatisme psychologique,

p. 287.

'Gilles de la Tourette. - Traité clinique et thérapeutique de l'hysté-

l'ie, 18 ! H, p. 183.

3 Leçons sur les maladies du système nerveux, 1887, t. III, p. 3411,

. L'ANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE. 329 9

Ce n'est pas là évidemment le territoire d'un nerf spécial. Ce

n'est pas non plus une aire vasculaire irriguée par une même

artère, ainsi que l'avait autrefois supposé Briquet, pour expli-

quer ces répartitions de l'anesthésie. Non, la localisation n'est

pas anatomique, elle est physiologique, comme le dit justement

M. Charcot. Mais je voudrais ajouter un mot, cette répartition

correspond à une physiologie bien grossière, bien populaire. \

Quand une hystérique a la main paralysée, où devrait être son 1

insensibilité ? Sur les muscles qui ne fonctionnent pas, c'est-

à-dire sur l'avant-bras. Et cependant, l'anesthésie est presque I

toujours limitée à la main elle-même et au poignet. Dans la ¡

cécité hystérique, l'anesthésie ne porte pas seulement' sur la/

rétine, mais sur la conjonctive et même sur les paupières :

l'hystérique amaurotique a une lunette d'anesthésie sur la face.

Elle a perdu l'oeil, non pas seulement dans le sens physiolo-

gique, mais dans le sens populaire du mot, c'est-à-dire tout ce

qui remplit l'orbite. Il semble donc que, même dans ces anes-

thésies localisées, les associations habituelles de nos sensations,

les idées que nous nous faisons de nos organes, jouent un rôle

important et déterminent ces répartitions.

En troisième lieu, les anesthésies peuvent être générales,

envahir toute la surface du corps et supprimer plus ou moins

complètement telle ou telle catégorie de sensations. Nous avons

ici encore une remarque importante à faire, qui s'appliquait

déjà aux faits précédents, mais qui maintenant devient bien

plus frappante. Les anesthésies hystériques ne sont ni dange-

reuses, ni gênantes. Elles ne s'accompagnent pas, du moins à

l'ordinaire, de troubles de la circulation, de la nutrition des

parties, elles semblent ne troubler aucunement les fonctions

normales. Cela est si vrai que le plus souvent, et c'est un point

capital, le sujet ignore ses propres anesthésies '. Peut-être ne

vous rendez-vous pas bien compte de ce caractère, quand vous

l'examinez ici dans le service. La plupart des malades qui

viennent ici ont déjà été examinées par des médecins suffi-

samment instruits pour rechercher les stigmates hystériques,

et elles vous avertissent elles-mêmes qu'elles ne sentent pas

du côté gauche. C'est qu'on le leur a appris ; quand on observe

une hystérique pour la première fois, ou bien quand on étudie

des malades venant de la campagne, on constate, comme je l'ai

t Gr, Pitres, op. cit., t. I, p. î 4, et Gilles de la Tourelle, op. cit.. p. 161.

330 CLINIQUE NERVEUSE.

fait souvent autrefois, qu'elles portent sans s'en douter et

sans en souffrir les anesthésies les plus profondes et les plus

étendues. Il est loin d'enêtre ainsi pour les anesthésies de

cause organique, et il suffit de vous rappeler quelques exemples

bien connus. Vous savez comment se présentent dans le ser-

vice, les malades atteints de cette affection intéressante et

nouvellement étudiée, la syringomyélie. Ils ont des traces de

brûlures aux doigts et ils se plaignent de se brûler à chaque

instant sans le sentir. Est-ce que les hystériques ont souvent

des brûlures aux mains ? Evidemment non, et cependant la

thermo-anesthésie est loin d'être rare dans l'hystérie. Vous

connaisse/, également ce symptôme particulier du tabes, que

M. Charcot a été l'un des premiers à décrire, et qu'il a appelé

le masque tabétique. Les malades perdent la sensibilité d'une

partie plus ou moins étendue de la face, mais ils s'en rendent

compte subjectivement, ils se plaignent qu'une partie de leur

figure a disparu et déclarent éprouver à ce propos une impres-

sion horrible. Demandez donc aux hystériques qui ont de

l'anesthésie de la face et qui sont légion, si elles éprouvent une

sensation horrible, et elles vous répondront toutes que cela

leur est bien égal.

A propos de cette différence entre les sensations subjectives

produites par l'anesthésie hystérique et celles qui accom-

pagnent l'anesthésie de cause organique, permettez-moi de

vous raconter une petite anecdote. Je ne l'ai pas recueillie

moi-même, mais elle m'a été rapportée par mon frère, le

Dr Jules Janet. Quand il était interne à la Pitié, chez M. le

Dr Polaillon, il eut l'occasion d'observer le cas suivant : Une

jeune fille d'une vingtaine d'années avait été victime d'un

accident assez grave; elle était tombée au travers d'une porte

vitrée et si malheureusement, qu'un fragment de verre lui fit

une profonde entaille à la face inférieure du poignet droit,

juste au-dessous de l'éminence thénar. On arrêta l'hémor-

rhagie et la plaie se cicatrisait tant bien que mal, quand la

jeune fille peu de jours après l'accident se présentait à la

consultation ; elle éprouvait un certain engourdissement dans

la main droite, mais la paralysie n'était pas manifeste. Elle

se plaignait surtout d'une insensibilité persistante et des plus

gênantes siégeant à la paume de la main : cette anesthésie

faible aux doigts était en effet complète au niveau de l'émi-

nence thénar. Il s'agissait évidemment d'une section plus ou

L'ANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE. 331

moins complète du médian et surtout de ses filets superficiels.

Mais en prenant l'observation de la malade, on fit une singulière

découverte : c'était une hystérique et elle avait surtout le côté

gauche, du haut en bas, une anesthésie complète dont elle

n'avait pas dit un mot. Le médecin se moqua d'elle et lui dit :

« Comment, mademoiselle, venez-vous gémir pour une insen-

sibilité qui occupe une toute petite région de la paume de la

main droite, tandis que vous ne vous apercevez même pas que

vous ne sentez absolument rien sur tout le côté gauche. » La

pauvre fille fut interloquée et très honteuse ; à mon avis, elle

aurait pu répondre avec plus d'assurance et dire au médecin :

« Que voulez-vous ? Je constate ce que j'éprouve, mon insen-

sibilité de la paume de la main droite me gêne et mon insensi-

bilité de tout le côté gauche ne m'a jamais gênée. Quant à vous,

médecin, expliquez cela comme vous pourrez. »

La même remarque peut se faire, je crois, pour tous les

sens, même pour le sens visuel. Il est une maladie bien connue

des oculistes, la rétinite pigmentaire, qui consiste en une sclé-

rose de la rétine, progressive et marchant de la périphérie

vers le centre. Naturellement, une lésion pareille produit un

rétrécissement progressif et concentrique du champ visuel.

Mais ces malades sont extrêmement malheureux ; ils arri-

vent à peine à se conduire dans la rue et font de perpétuels

efforts pour remuer dans tous les sens leur oeil dont le champ

visuel est rétréci. Ces efforts exagérés amènent des souffrances

et des troubles dans les mouvements des paupières et de l'oeil.

Est-ce que les hystériques ont des souffrances et compensent-

elles leur rétrécissement par des convulsions du globe oculaire ?

Dimanche dernier, en venant dans le service, j'ai rencontré

plusieurs des jeunes malades qui jouaient au ballon dans la

cour. Il ne faut jamais perdre une occasion de faire une obser-

vation psychologique et j'ai remarqué que, parmi les plus

animées au jeu et les plus habiles, se trouvait une jeune fille

que je vais d'ailleurs vous présenter tout à l'heure. Elle a aux

deux yeux un rétrécissement énorme, le champ visuel à droite

et à gauche n'est pas plus grand que 5°, c'est-à-dire qu'il est

réduit à un point. Comment se fait-il que les malades atteints

de rétinite pigmentaire aient peine à se conduire dans la rue,

quand ils ont un rétrécissement de 20 à 1b°, tandis qu'une

jeune hystérique court après un ballon et le rattrape en l'air

avec un rétrécissement double de 1° ? Est-ce que Messieurs les

332 ' CLINIQUE NERVEUSE.

.médecins oculistes ont suffisamment médité sur ce petit pro-

blème ? .

Les remarques précédentes sur la systématisation, la répar-

tition intelligente et le peu de gravité des anesthésies hysté-

'riques nous montre déjà que nous avons affaire à un phéno-

mène tout particulier qui ne ressemble pas aux autres lésions

nerveuses. Un certain nombre d'observations que nous avons

eu l'occasion de faire autrefois et que beaucoup d'entre vous

ont dû faire également de temps à autre vient confirmer sin-

gulièrement ces remarques et augmenter notre embarras.

' Il y a déjà quelques années, j'observais des malades hysté-

riques dans un service de l'hôpital du Havre que m'avait si

obligeamment ouvert mon excellent ami le Dr Powilewicz.

J'étudiais à peu près seul et sans guide et je m'embarrassais

à chaque instant d'une manière peut-être excessive : vous allez

en juger. Pour me rendre utile dans le service, je m'étais

chargé d'électriser les jambes d'une malade atteinte de para-

plégie hystérique. Elle était complètement anesthésique, ainsi

que je l'avais vérifié cent fois, elle avait un rétrécissement

considérable du champ visuel, une achromatopsie complète

des deux yeux, enfin tous les symptômes classiques. Dans ma

naïveté, je m'intéressais aux contractions musculaires provo-

quées par le contact de l'électrode négative et je promenais

mon tampon sur les cuisses et sur les jambes ; quand tout à

coup, une remarque accidentelle fit tomber tout mon enthou-

siasme. Les deux fils qui rattachaient les tampons à l'appareil

étaient tombés peut-être depuis longtemps et j'électrisais en

réalité avec de simples morceaux de bois. Mon premier mou-

vement fut de m'écrier et de rattacher les fils aux bornès ;

. mais je me souvins à temps du conseil que M. Charcot

m'avait donné peu de temps auparavant. « Avec les hysté-

riques ne vous étonnez jamais de rien : aail admirari, doit être

votre devise. » Eh bien, soit, ne soyons pas surpris et puisque,

après tout, les contractions musculaires se produisaient bien

tout à l'heure, continuons. Je pris seulement la précaution de

détourner la tête de la malade et de cacher les yeux par un

écran : les contractions se produisirent de plus belle au simple

contact du tampon. Ce n'est pas, direz-vous, une chose bien

merveilleuse; il y a là une sorte d'habitude, une suggestion

qui s'exécute. C'est bien aussi mon avis, mais je voudrais seule-

ment savoir comment cette malade qui avait toute la peau du

L'ANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE. 333

corps absolument insensible pouvait sentir le moment où mon'

tampon touchait ses jambes, pour produire un mouvement à

ce moment et seulement à ce moment.

A peu près, au même moment, je fis une autre observation

également embarrassante, mais il s'agissait cette fois des sen-

sations musculaires et non des sensations tactiles. J'étudiais

non plus à l'hôpital, mais chez, elle une jeune femme de vingt-

deux ans que j'ai souvent décrite sous le nom de Lucie. Elle

avait à peu près tous les jours dans la soirée une grande atta-

que hystérique qui se prolongeait plus de cinq heures. Per-

mettez-moi de vous décrire en deux mots cette attaque inté-

ressante à plusieurs points de vue. Après une aura assez

longue, la malade tombait brusquement à la renverse, immo-

bile, entièrement contracturée, elle paraissait respirer diffici-

lement et sa face devenait violette. Suivaient de grands mou-

vements, arcs de cercle, salutations, coups de pied, etc., et

brusquement la malade se dressait les yeux ouverts. Elle

regardait fixement les rideaux de sa fenêtre et gardait les bras

en l'air dans la position de la terreur. J'ai appris plus tard

qu'elle avait alors une hallucination terrifiante et croyait voir

des hommes cachés dans ces rideaux. Cette attitude, presque

sans modifications, se prolongeait sans exagération pendant

une heure. Puis la malade remuait de plus en plus et entrait

dans une sorte de délire somnambulique fort curieux, pendant

lequel elle avait la singulière habitude de descendre à la cui-

sine et de se faire un dîner sommaire qu'elle mangeait de bon

appétit, tandis qu'elle refusait de manger pendant la veille.

Cette crise est remarquable, commme vous le voyez, par son

caractère en quelque sorte classique ; n'oublions pas que cette

pauvre femme de vingt-deux ans habitait les faubourgs d'une

ville de province, qu'elle n'avait jamais été dans un hôpital et

que même elle n'avait été examinée par aucun médecin. Pour

le moment, nous n'avons à insister que sur un seul détail :

j'avais remarqué que pendant la veille la plus normale, il suffi-

rait de lui lever les deux bras et de les placer dans la posture

de terreur qu'ils prenaient pendant la crise pour provoquer

aussitôt une attaque. Rien de plus simple et de plus connu,

me direz-vous, vous éveillez par la notion de la position des

bras l'idée principale de l'attaque et le. reste se déroule. C'est

vrai, mais il y a un petit détail : Lucie était anesthésique de

tout le corps et ne présentait plus nulle part aucune trace du

334 CLINIQUE NERVEUSE.

sens musculaire. Comme une malade que l'on vous a présentée

ici dernièrement, elle tombait brusquement dès qu'on lui fer-

mait les yeux. Or, j'ai souvent pris la précaution de lui fermer

les yeux avant de placer les bras et la crise n'en commençait

'pas moins, dès que les membres avaient la position voulue.

Comment donc la notion de cette position a-t-elle été appréciée

par un sujet aussi insensible ?

Le procédé précédent qui consiste à provoquer la crise d'hys-

térie au moyen de ces sensations en apparence disparues de

l'esprit du sujet m'a permis de reproduire ici une expérience

analogue, non plus sur le sens musculaire, mais sur le sens

visuel. Il y avait dans le service, au mois d'octobre dernier, un

jeune homme de seize ans qui avait eu sa première attaque

d'hystérie à la suite d'une forte frayeur qu'il avait éprouvée

pendant un incendie. Comme vous le devinez, il reproduisait

cet épisode à chacune de ses attaques, criait 0[ au feu 1 »,

appelait les pompiers, se débattait dans les flammes. En outre

il suffisait, quand il était bien calme, de lui parler d'incendie

et surtout de lui montrer une petite flamme pour provoquer

aussitôt le retour de l'attaque. Un jour, je le plaçais en face du

périmètre, comme pour lui mesurer le champ visuel, je lui fis

fermer l'oeil droit et fixer avec l'autre oeil le point central. Il

s'attendait à voir avancer sur l'arc de cercle noirci un morceau

de papier comme il l'avait vu souvent. Mais je tenais soigneu-

sement cachée derrière son dos une allumette enflammée et

je l'approchai doucement de l'extrémité de l'arc. L'allumette

était à peine vers le degré 80, que le malade poussa un cri

0[ au feu ! » et se renversa en convulsions. Rien d'étonnant sans

doute, puisque vous savez que la vue d'une flamme amenait

la crise. Mais ici encore une question obscure, ce malade

avait du côté gauche, ainsi qu'on l'avait mesuré plusieurs fois,

le champ visuel rétréci à 30°, au maximum 33°, et mon allu-

mette étant à 80° se trouvait évidemment placée dans la partie

du champ visuel qui était invisible, son image se projetait sur

la partie anesthésique de la rétine. ,

Cette étude de l'anesthésie oculaire chez les hystériques

peut se faire d'une autre façon, qui a conduit déjà plusieurs

observateurs à faire des remarques analogues à celles que

nous venons d'exposer. Les hystériques présentent souvent,

quand on les examine, une amaurose complète d'un oeil. Mais

cette perte d'un oeil semble les gêner si peu, comme d'ailleurs

L'ANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE.. 335

les autres insensibilités, que l'on a été conduit à examiner ce

symptôme avec quelque sévérité. Les médecins majors dans

les régiments, très experts dans l'art de démasquer les super-

cheries médicales, ont appliqué aux hystériques amaurotiques

les procédés qui leur servaient dans les conseils de revision.

L'un de ces procédés consiste à faire regarder les sujets dans

la boîte de Fiées ; c'est un petit instrument, que vous voyez,

très ingénieux : grâce à un jeu de miroirs, le sujet qui regarde

dans la boîte en tenant les deux yeux ouverts voit à sa droite

un objet, un pain à cacheter rouge par exemple, qui est vu en

réalité uniquement par l'oeil gauche et il voit à sa gauche un

pain à cacheter blanc qui est vu uniquement par l'oeil droit.

Supposons un simulateur non prévenu prétendant n'y pas voir

de l'oeil gauche, il dira qu'il ne voit pas le point qui lui apparaît

à gauche, il supprimera le point blanc et ne parlera que du

point rouge qui lui apparaît à droite; or justement ce point

rouge ne peut être vu que par l'oeil gauche. Eh bien, montrons

cette boîte à une hystérique amaurotique de l'oeil gauche, elle

va tomber dans l'erreur des simulateurs, comme fait une

jeune fille que je vais vous montrer, ou bien elle verra plus

naïvement encore les deux pains à cacheter, comme faisait

une malade de M. Pitres '.

M. Charcot et M. Regnard ont constaté, il y a déjà long-

temps, un fait analogue à propos de la dyschromatopsie hys-

- térique. Une malade ne distinguait que le rouge et ne voyait

pas les autres couleurs, mais si on faisait tourner devant ses

yeux une roue de Newton sur laquelle étaient peintes les sept

couleurs du prisme, le sujet voyait se former une teinte blanc

grisâtre, comme si toutes les couleurs eussent produit sur elle

leur effet habituel 2. Plus tard M. Parinaud, l'éminent chef du

laboratoire d'oculistique, reprit cette étude de l'amaurose

unilatérale avec une grande précision 3. M. Bernheim a repris

et confirmé ces expériences en comparant l'amaurose hysté-

rique et l'amaurose suggestive *. M. Pitres a également pour-

' Pitres, op. cit., t. I, p. 102.

* Gilles de la Tourette, op. cit., 346.

3 Cf. Thèse d'agrégation de M. Grenier : Des localisations dans les

maladies nerveuses, 1886; M. Parinaud : Anesthésie de la rétine, etc., bulle-

tins de l'Académie royale de médecine de Belgique, 1886, et'du même

auteur : Sur une forme rare d'amblyopie hystéro-traumatique, bulletin

médical, 1889, p. 777.

1 Revue de l'hypnotisme, 1887, p. 68.

336 CLINIQUE NERVEUSE.

suivi des recherches dans le même sens et les résultats auxquels

il est parvenu ont été d'accord avec les conclusions des auteurs

précédents. Je ne parlerai pas de l'interprétation proposée par

- ces auteurs, elle me paraît sinon inexacte, au moins incom-

plète ; mais je retiens le fait que leurs travaux ont mis en

lumière. L'hystérique ne paraît aveugle que si on l'interroge

d'une certaine manière ; un grand nombre de recherches

prouvent que l'oeil en apparence aveugle voit parfaitement en

réalité.

J'étais parvenu moi-même en 1888 à un résultat identique par

des procédés moins précis. Une jeune fille de l'hôpital du Havre

semblait absolument aveugle de l'oeil gauche; elle prétendait

être dans l'obscurité absolue quand on lui fermait l'oeil droit.

Un jour,j'étais placé à sa droite et je luimontrais des images sur

lesquelles elle faisait des commentaires : je passai doucement

à sa gauche en continuant à causer et je pus retirer les images

fortement du côté gauche, sans qu'elle cessât de les voir. J'ai

même montré, ce qui est bien plus curieux, que le sujet garde

le souvenir d'un objet uniquement montré à l'oeil gauche pen-

dant que l'oeil droit était fermé ' , mais nous aurons à vous

parler plus tard de ce souvenir. Concluons seulement que les

malades amaurotiques continuent à, voir de leur oeil aveugle ;

cela est bizarre, mais certain. Mais ne nous figurons pas que ce

caractère n'existe que dans les anesthésies oculaires et doive

s'expliquer par la différence de la vision monoculaire ou bino- '

culaire. Ce caractère contradictoire, nous l'avons déjà rencontré

dans toutes les anesthésies hystériques ; c'est là un problème

général et non un problème propre au sens visuel. -

Avant d'entrer dans la discussion de ce problème, je vou-

drais, Messieurs, vous le rendre bien sensible et pour cela, je

vais vous présenter quelques-uns des phénomènes embarras-

sants que je vous ai signalés. Vous aurez ensuite plus de cou-

rage pour en chercher avec moi la solution. Voici, Messieurs,

une jeune fille de vingt ans, Isabelle, qui nous présente le type

de l'hystérie la plus banale : père alcoolique, accidents névro-

pathiques dans l'enfance, mouvements choréiques, puberté

retardée et pénible, chloro-anémie à seize ans et à la suite de

chagrins.et d'émotions, tristesse continue, petites crises d'hys-

térie, anorexie et petites contractures disséminées. Elle est

1 Automatisme psychologique, p. 295. · .

' L'ANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE. 337 -1

anesthésique du côté gauche, incomplètement à la jambe,

absolument au hras, au thorax et à la figure, elle a une dimi-

nution très marquée du goût et de l'odorat, et une amaurose

de l'oeil gauche. Je vérifie soigneusement et sévèrement devant

vous tous ces symptômes, vous voyez que l'aiguille traverse la

peau de son bras gauche sans qu'elle paraisse s'en apercevoir'.

Eh bien, nous allons lui proposer une petite convention, pour

vérifier rapidement son anesthésie. Nous la prions de répondre

« oui » toutes les fois qu'elle sera pincée dans une partie sen-

sible et « non quand elle sera pincée sur une partie insen-

sible. Comme elle est fort naïve, elle accepte sans sourciller.

Et vous voyez ce singulier spectacle, quoiqu'elle ait les yeux

soigneusement cachés par un écran, elle ne se trompe jamais

et crie toujours « oui» quand je pince la main droite et « non» p

quand je pince la main gauche. Elle est aveugle de l'oeil gauche

et se plaint de se trouver dans l'obscurité absolue quand je

ferme l'oeil droit : je la fais regarder dans la boîte de Fiées et

elle nous déclare gravement qu'elle a vu un pain à cacheter

rouge. Vous savez qu'il ne peut être vu que par l'oeil gauche.

Voici maintenant une autre jeune fille, Berthe, âgée de

dix-huit ans, qui présente une histoire à peu près semblable à

celle de son amie Isabelle : antécédents héréditaires, somnam-

bulisme nocturne dans l'enfance, contractures passagères aux

membres, attaques de diverses espèces, qui sont quelquefois

suivies d'une cécité complète des deux yeux heureusement

passagère. Elle est hémianesthésique gauche, mais je n'expé-

rimenterai que sur le bras, car c'est le seul endroit où l'anes-

thésie soit tout à fait complète et indiscutable, comme vous le

voyez. Elle a complètement perdu le goût et l'odorat et elle pré-

sente surtout un rétrécissement du champ visuel intéressant.

Il est le même pour les deux yeux et il est certainement

inférieurà 10°, nous disait M. Parinaud, qui l'a examinée der-

nièrement. Vous voyez qu'elle ne voit un papier que s'il est

tout près du point central du périmètre, à une distance de 5° au

plus.

Nous allons d'abord essayer de reproduire avec elle l'obser-

vation qui m'a tant frappé en 1887 et que l'on pourrait appeler

l'électrisation imaginaire. Je lui donne dans la main droite

1 Nous étudions l'anesthésie banale des hystériques, telle qu'on la cons-

tate et qu'on l'admet couramment dans les observations cliniques.

Archives, t. XXIII. 22

338 CLINIQUE NERVEUSE.

un tampon à tenir et avecl'autre tampon, je lui touche légère-

ment la peau de l'avant-bras gauche sans qu'elle puisse voir à

quel moment je touche. Voyez les belles secousses muscu-

laires, et comme la main se relève brusquement dès le plus

léger contact. Inutile de vous faire remarquer, messieurs, que

la pile ne marche pas, comme vous le voyez, le zinc n'est pas

baissé ' .

Je ne puis pas répéter devant vous l'expérience qui consis-

tait à provoquer la crise de ce jeune homme en lui montrant

une allumette dans la partie invisible du champ visuel, le

malade n'est plus dans le service. Mais je puis reproduire sur

cette jeune fille une expérience à mon avis'tout aussi démons-

trative. Je l'ai habituée à s'endormir quand elle voit mon doigt

levé devant elle, c'est une de ces suggestions à point de repère

que vous connaissez bien. Eh bien ! je la place au périmètre,

l'oeil droit fermé et l'oeil gauche fixé sur le point central,

j'avance lentement mon doigt sur l'arc de cercle, il n'est pas

encore au degré 80 que Berthe est déjà tombée en arrière hyp-

notisée.

n Que pensez-vous de ces observations ? Quel est votre avis

sur l'état de la sensibilité de ces deux jeunes filles ? Si vous

aviez un rapport à faire sur elles, quediriez-vous ? Sont-elles

sensibles du côté gauche ? On peut traverser leur peau avec

des épingles sans qu'elles le sachent. Sont-elles insensibles ?

Elles répondent dès qu'on les touche, même légèrement. Isa-

belle est-elle aveugle ou ne l'est-elle pas ? Berthe a-t-elle un

champ visuel rétréci ? Ce sont des questions cliniques que je

.vous pose et vous voyez que leur intérêt est très réel si l'on

veut comprendre l'hystérie. Vous n'hésiterez donc pas à me

suivre dans quelques études de psychologie bien simple qui

nous sortiront peut-être de cet embarras.

Il. L'esprit humain n'admet pas la contradiction absolue

dans les phénomènes qu'il étudie, il a besoin de comprendre

c'est-à-dire de rétablir l'unité en apparence compromise. Mais

pour mettre de l'unité au milieu de faits divers il faut une idée,

une théorie : les hypothèses peuvent avoir des défauts et des

1 On devine que ce fait n'est pas ici aussi naturel que dans mon

observation foi tuile de 1887 : il est obtenu ici par une suggestion dont

l'exécution est intéressante.

l'anesthésie HYSTÉRIQUE. 339

dangers; elles sont inévitables. Renoncer aux hypothèses,

c'est renoncer à comprendre et même à penser. C'est par elles

que la science ressemble à l'art et à la poésie, elles forment

cette partie de lui-même que l'esprit humain doit mettre dans

les faits pour les rendre intelligibles à des hommes. Il nous

faut donc une hypothèse pour comprendre l'anesthésie hysté-

rique.

Ce besoin est si réel que depuis longtemps, les observateurs

superficiels ont expliqué à leur façon et par un procédé com-

mode les contradictions présentées par ces malades. Elles pré-

tendent ne pas sentir et par des artifices on prouve qu'elles

sentent parfaitement. Donc leur insensibilité est simulée et vos

procédés ne sont que des moyens de tromper un trompeur et

de démasquer la supercherie. Il faut avouer que les hysté-

riques n'ont pas de chance : autrefois, on les brûlait comme

sorcières et on les accusait de cohabiter avec le diable ; puis

on leur a attribué toutes les débauches imaginables et pour

le peuple, elles sont encore le type de la passion érotique;

nous croyons être plus avancés et nous inventons la simula-

tion hystérique.

Peut-être serez-vous un jour convaincus que cette fameuse

simulation n'existe que dans l'esprit des médecins incapables

de comprendre un fait moral. Je me contente de vous montrer

en peu de mots combien cette explication est ici grossière et

insuffisante. Ont-elles un intérêt quelconque à simuler l'anes-

thésie pour le seul plaisir de se faire traverser le bras avec des

aiguilles ? Ces jeunes filles passent-elles au conseil de revi-

sion, pour simuler l'amaurose unilatérale ? Cette supercherie

compliquée est-elle d'accord avec la simplicité naïve de ces

deux petites jeunes filles que je viens de vous montrer ? Com-

ment dans tous les pays civilisés les hystériques se sont-ils

entendus pour simuler la même chose depuis le moyen âge

jusqu'à aujourd'hui ? Si les hystériques simulaient, se laisse-

raient-ils prendre à des pièges aussi grossiers que ceux qui

leur sont tendus ? Enfin est-ce qu'ils sont venus se vanter de

leurs anesthésies ? Mais je vous ai dit que ces malades les igno-

rent. C'est nous qui les leur révélons et ils pourraient nous

dire' : c Si vous n'êtes pas content de notre insensibilité, n'en

parlez pas, ce n'est pas nous qui vous l'avons signalée et nous

ne tenons pas à passer pour insensibles. »

Il faut sortir de ces explications grossières et puisque l'in-

340 ' CLINIQUE NERVEUSE.

sensibilité comme la sensibilité sont des faits psychologiques,

il faut demander à la psychologie quelques notions sur les sen-

sations. Ce phénomène de la sensation a été défini d'une

manière fort vague : la plùpart des psychologues admettent

d'une façon plus ou moins explicite des définitions analogues

à celles de Wundt : « les sensations sont des états de conscience

primitifs qu'il est impossible de décomposer en phénomènes

plus simples' ». En un mot, les sensations seraient en psycho-

logie ce que sont les atomes en chimie, et cette notion semble

d'une manière générale assez satisfaisante. Mais immédiate-

ment la plupart des psychologues ajoutent une autre formule

pour compléter et préciser la première. « La sensation, disent-

ils, c'est le phénomène qui se passe en moi quand je puis dire :

Je sens, je vois 2. » Cette seconde définition, loin d'éclaircir la

première, nous semble en complète contradiction avec elle. -

Les mots a je vois, je sens », loin de pouvoir s'appli-

quer à un phénomène simple, désignent au contraire un

phénomène fort complexe. L'un des deux mots que con-

tiennent ces expressions « sentir, voir », peut à la rigueur

s'appliquer à un phénomène simple, à un atome psychologique.

Un physiologiste, Herzen 3, disait que l'on peut comparer le

cerveau à une vaste salle remplie d'une quantité innombra-

ble de petits becs de gaz. De temps, en temps, certaines

petites lampes s'allumeraient de côté et d'autre, c'est ce que

désigne ce mot isolé a sentir, voir ». Mais il est loin d'en être

ainsi pour les mots « je, moi », ce sont des termes éuormé-

ment complexes. C'est l'idée de la personnalité, c'est-à-dire la

réunion des sensations présentes, le souvenir de toutes les

impressions passées, l'imagination des phénomènes futurs,

c'est la notion de mon corps, de mes capacités, de mon nom,

de ma situation sociale, de mon rôle, c'est un ensemble de

pensées morales, politiques, religieuses, etc., c'est un monde

d'idées, le plus considérable peut-être que nous puissions

jamais connaître, car nous sommes loin d'en avoir fait le tour.

Il y a donc dans le « je sens », deux choses en présence, un

' Wundt. - Psychologie physiologique. Traduct. 1886, t. I, p. 305.

'Sur ces discussions psychologiques, consulter Automatisme psycholo-

gique, p. 39 et p. 305.

' Herzen. - Le cerveau et l'activité cérébrale, 1887. Consulter tout le

chapitre excellent sur la conscience et la personnalité, p. 197.

L'ANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE. 341

petit fait psychologique nouveau, une petite lueur qui s'al-,

lume « sens » et une énorme masse de pensées déjà constituées

en système « je ». Ces deux choses se mélangent, se combinent,

et dire < je sens », c'est dire que la personnalité déjà énorme

a saisi et absorbé cette petite sensation nouvelle qui vient de

se produire. Si j'osais, et ce n'est pas tout à fait absurde, je

vous dirais que le « je » est un animal vivant extrêmement

vorace, une sorte d'amibe étalée sur le tableau qui envoie un

prolongement pour saisir et absorber un tout petit être, la

petite sensation qui vient de naître à côté de lui.

Cette opération d'assimilation et de synthèse se répète pour

chaque sensation qui naît en nous et il en naît à chaque

moment une quantité qui ont leur origine dans toutes ces

mille impressions que reçoivent incessamment tous nos sens.

Nous pouvons alors nous représenter ce qu'on appelle vulgai-

rement la sensibilité comme une opération à deux temps.' Pre-

mier temps : il se produit dans l'esprit, dans les cellules cor-

ticales du cerveau, si vous voulez, un très grand nombre de

petits phénomènes psychologiques élémentaires à la suite des

innombrables excitations extérieures : ce sont des phénomènes

dus au sens tactile TT'T", au sens musculaire MM'M", au sens

visuel VV'V", auditif AA'A", pour ne prendre que ceux-ci

comme exemple. Appelez ces phénomènes comme vous vou-

drez, des sensations élémentaires, des états affectifs, pour em-

ployer l'expression d'un célèbre psychologue français, Maine

de Biran, que les élèves de l'école de médecine auront quelque

jour à étudier, ou simplement des phénomènes subconscients;

rappelez-vous seulement que ce sont des faits psychologiques

simples sans l'intervention de l'idée de personnalité. Deuxième

temps : il s'opère une réunion, une synthèse de tous ces phéno-

mènes élémentaires qui sont combinés entre eux, et surtout

combinés avec la notion vaste et antérieure de la personnalité :

Fig. 1.

342 CLINIQUE NERVEUSE.

C'est seulement après cette opération que nous avons cons-

cience de sentir telle ou telle impression, que nous pouvons

dire : « Jesens ». Je vous propose de désigner cette nouvelle

opération sous le nom de perception personnelle PP c'est

bien une perception, c'est-à-dire une conscience plus com-

plète et plus claire; le mot personnelle vous empêchera de con-

fondre cette opération avec la perception extérieure, dont nous

n'avons pas à parler ici, et vous rappellera que son caractère

essentiel est l'adjonction de la notion de personnalité.

La description et le schéma que nous venons d'étudier sont

évidemment théoriques et ne peuvent s'appliquer qu'à un

homme idéal et non à un homme réel. Aucun homme en effet

n'est capable de réunir ainsi, à chaque instant, dans une même

perception personnelle, toutes les sensations élémentaires qui

naissent en lui de tous côtés. Chez l'homme le mieux constitué,

il doit y avoir une foule de sensations élémentaires produites

par la première opération et qui échappent à la seconde. Ces

phénomènes tels que T ou M dans la figure 2, restent ce qu'ils

sont, des sensations subconscientes; réelles sans donte, et pou-

vant jouer un rôle considérable dans la vie psychologique de

l'individu, mais ne sont pas transformées en perceptions per-

sonnelles et n'arrivent pas à faire partie de la personnalité. La

personne a je » dira donc : « Je sens » à propos des phéno-

Fig. 2.

l'anesthésie HYSTÉRIQUE. 343

mènes V ou A qu'il saisit et perçoit, mais n'appréciera pas

l'existence de ou de et dira à leur propos : « Je n'ai rien

senti. » Quel est le nombre normal des phénomènes de sensa-

tion élémentaire qu'un homme peut ainsi réunir dans une per-

ception personnelle ? Je n'en sais rien, mais je le crois très

variable suivant mille circonstances, et je vous propose d'ap-

peler étendue du champ de la conscience, le nombre maximum

de ces phénomènes dont un individu peut, àun moment donné,

avoir la perception personnelle.

Supposons que ce champ de conscience soit chez un indi-

vidu fortement rétréci, il ne pourra par exemple, à chaque

moment, percevoir plus de trois sensations élémentaires telles

que VV'A et il laissera le reste dans la subconscience. 11

semble que cela produise dans son esprit un vide considérable.

Non, pas forcément, car, l'instant suivant, il pourra facilement,

en dirigeant autrement son attention, avoir la perception de ces

sensations tactiles qu'il avait laissées de côté et, dans un troi-

sième moment, il pourra former une perception personnelle

même avec des sensations musculaires.M. Par exemple, au

premier moment, il regardera et écoutera une personne qui

lui parle, sans se préoccuper des impressions tactiles qui con-

Fig. 3. '

344 CLINIQUE NERVEUSE.

tinueront à l'assaillir; au deuxième moment, il regardera un

objet en le touchant et il appréciera le contact cette fois-ci sans

avoir conscience des bruits environnants. Au troisième mo-

ment, il écrira sous la dictée, ayant la perception du son de la

voix, de la vision des lettres et des mouvements musculaires.

Vous voyez donc que, dans ce cas, il n'y aura pas de véritables

anesthésies; si on examine successivement chaque sens en atti-

rant sur lui l'attention du sujet, on verra qu'il peut avoir la

perception de toutes les impressions. Cet individu qui a déjà

le champ de conscience très rétréci n'est pas un anesthésique,

c'est simplement un distrait..

Mais allons plus loin, et supposons que le champ de conscience

se rétrécisse encore; le malade ne peut plus percevoir à la fois

que deux sensations élémentaires. Par nécessité même, il réserve

cette petite perception pour les sensations qui lui semblent

à tort ou à raison les plus importantes, les sensations de la vue

et de l'ouïe. Il faut avoir conscience de ce que l'on voit et de

ce que l'on entend et il néglige de percevoir les sensations tac-

tiles et musculaires dont il croit pouvoir se passer. Au début,

il pourrait peut-être encor se tourner vers elles, les reprendre

dans le champ de la perception personnelle, au moins pour un

moment. Mais l'occasion ne s'en présente pas et lentement la

mauvaise habitude psychologique est prise. Mille circons-

tances, les exemples, les suggestions, les investigations médi-

cales mêmes peuvent avoir une grande influence pour déter-

miner, pour fixer de telles habitudes. Rien n'est plus grave,

plus résistant que ces habitudes morales, il y a une foule

de maladies qui ne sont que des tics psychologiques. Un

beau jour le malade, car vous devinez qu'il est devenu un

malade, est examiné par le médecin. On lui pince le bras

gauche, on lui demande s'il sent le pincement, et à sa grande

surprise, le patient constate qu'il ne sait plus sentir consciem-

ment, qu'il ne peut plus, si j'ose ainsi dire, rattraper dans sa

perception personnelle des sensations trop longtemps négli-

gées : il est devenu anesthésique'. 1.

Ce sont là, messieurs, des hypothèses, mais elles ont été

imaginées pour expliquer le plus simplement possible les faits

que nous avons constatés. Elles consistent à supposer un petit

' On trouvera la discussion plus précise de ces théories psychologiques

dans l'Automatisme psychologique, 1889, p. 30b.

L'ANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE. 345

nombre de choses importantes dont voici, je crois, les deux

principales : 1° les sensations existent dans l'esprit humain

sous deux formes différentes, sous forme de perceptions per-

sonnelles, caractérisées par la conscience complète et la notion

de personnalité et sous forme de sensations élémentaires, sub-

(*3nbui.entes, sans être rattachées à la personnalité; 2° la per-

ception personnelle peut disparaître, tandis que les sensations

élémentaires persistent; cette disparition de la perception per-

sonnelle se fait par un mécanisme analogue, ne me faites pas

dire identique, à celui qui est connu sous le nom de la distrac-

tion. -

III. - Une hypothèse doit toujours pouvoir être vérifiée par

ses conséquences, et il est facile de prévoir que les propositions

précédentes, si elles ont quelque vérité, doivent amener avec

elles des conséquences nombreuses, accessibles à l'observation.

La supposition principale que nous avons faite est celle de

l'existence permanente des phénomènes élémentaires, des sen-

sations subconscientes, malgré les distractions et les anesthésies

hystériques. Si de telles sensations existent, direz-vous, elles

doivent pouvoir se manifester, car des sensations mêmes élé-

mentaires jouent toujours un certain rôle. Cela est incontes-

table et nous devons chercher maintenant ces manifestations

sur les sujets que je vous ai présentés. '

Vous savez, sans que j'insiste sur la théorie de ce phéno-

mène, que les sensations amènent à leur suite des mouve-

ments ; eh bien, les sensations dont nous parlons même non

senties par le sujet se manifestent par des mouvements souvent

très visibles. D'abord vous n'ignorez pas que la plupart des

réflexes sont conservés dans l'anesthésie hystérique. M. Charcot

nous a montré dernièrement un homme absolument anesthé-

sique du côté gauche. Il suffisait d'elfleurer, même à son insu,

la peau insensible de la paroi abdominale du côté gauche pour

provoquer la contraction des muscles sous-jacents. C'est le

réflexe abdominal de Rosenbach dont la conservation était évi-

dente. Le réflexe crémastérien se manifestait aussi bien, quand

on touchait la face interne de la cuisse gauche insensible'. Les

réflexes circulatoires vaso-moteurs sont aussi parfaitement

intacts, ainsi que mon ami M. Hallion l'a démontré l'année

'Cf. Pitres, op. cit., t. I, p. 71. 1.

346 CLINIQUE NERVEUSE.

dernière au moyen d'un appareil fort ingénieux. Les réflexes

pupillaires à la lumière et à l'accommodation sont intacts,

comme vous pouvez le -voir, même pour l'oeil amaurotique

d'Isabelle et cependant ces réflexes dépendent de la sensibilité

rétinienne. Vous savez aussi que, dans l'état normal, la pupille

se dilate, quand on excite un organe sensible quelconque et,

sur ces deux jeunes filles vous pouvez constater ce fait curieux

signalé, si je ne me trompe, pour la première fois par M. Pitres.

Leur pupille se dilate quand on vient à pincer fortement même

leur bras gauche anesthésique 1.

Ce sont là des réflexes que vous considérez comme tout à

fait organiques, quoiqu'ils soient liés cependant à la sensibilité.

Je vais vous montrer des faits du même genre qui vous paraî-

tront peut-être plus curieux. Dans la main insensible de Berthe,

je mets un objet sans la prévenir et sans qu'elle le puisse voir.

Vous constatez ce qui s'est passé, elle a saisi et tâté la paire de

ciseaux que je lui avais mise dans la main, elle a glissé les doigts

dans les anneaux, et sa main se met à ouvrir et à fermer alter-

nativement les ciseaux. Dans les mêmes conditions, je lui place

dans la main un objet plus petit; vous voyez que la main fait

des mouvements de va et vient comme pour coudre une étoffe,

elle tient une aiguille. En un mot, ces sensations en apparence

non senties amènent régulièrement le mouvement qui les sui-

vrait dans les conditions normales.

Les sensations sont aussi, et très souvent même, le point de

départ de ce qu'on appelle en psychologie des associations

d'idées. Une sensation devient une sorte de signe, à propos

duquel naissent dans l'esprit des souvenirs ou des images

variées. C'est ce qui arrive, quand nous voyons un drapeau,

quand nous entendons la cloche qui nous fait penser à l'arrivée

du chef de service, ou simplement quand nous regardons des

lettres écrites sur un papier. Eh bien, j'établis dans l'esprit

de cette jeune fille une association de ce genre, je lui affirme

qu'au moment où je toucherai son pouce, elle verra devant

elle un papillon, et qu'au moment où je toucherai son polit

doigt, elle verra un oiseau bleu. C'est une suggestion évi-

demment, mais remarquez un peu la façon dont elle

s'exécute. Je détourne sa tête et la cache par un écran, et,

cela fait, je touche légèrement le petit doigt de la main

Cf. Pures, cil., 1. 1, p. 73.

L'ANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE. 347

gauche, la main anesthésique, ne l'oublions pas, et Berthe

s'écrie : «Oh ! le bel oiseau bleu ! » Sans la prévenir, j'ai

touché maintenant son pouce, et elle s'est écriée : « Ce n'est

plus un oiseau, c'est un papillon. » Elle ne se trompe jamais;

il faut donc que la sensation du contact au petit doigt ou au

pouce existe d'une façon quelconque, pour amener aussi régu-

lièrement l'image à laquelle elle est liée. Voulez-vous répéter

cette expérience d'une autre manière : Voici Isabelle qui est

aveugle de l'oeil gauche. Je lui fais une suggestion du même

genre : « Quand je te montrerai une couleur bleue, tu enten-

dras sonner des cloches. » Fermons-lui bien l'oeil droit et mon-

trons à son oeil gauche, aveugle, des laines de couleur. Aux

premières laines elle ne dit rien, sinon qu'elle est dans l'obscu-

rité complète. La voici qui s'écrie : « Ah ! j'entends des cloches ! »

Regardez, c'est que je lui ai mis une laine bleue devant l'oeil

aveugle. Cette expérience pourrait être répétée de cent manières

sur ces malades et sur d'autres, elle aurait toujours le même

résultat.

Enfin, messieurs, des sensations ont une autre consé-

quence encore, qui peut être bien plus importante, elles lais-

sent des souveuirs. J'ai démontré autrefois que les impressions

faites sur des organes anesthésiques laissent des souvenirs

que l'on peut plus ou moins facilement faire réapparaître 1.

Ces anciennes expériences n'étaient pas toujours simples à

reproduire rapidement, en voici une qui peut se faire assez

vite. Je cache la tête de Berthe par un écran, et je lui mets un

petit objet dans la main gauche; elle le tàte, mais ne peut

savoir ce que c'est, elle déclare ne rien sentir. Je fais passer

sous son nez un flacon d'odeurs, elle aspire et ne sent pas, vous

savez qu'elle est absolument anosmique. Cela fait, je la fais

entrer en somnambulisme. C'est chez elle un somnambulisme

tout particulier qui se produit, cela ne vous surprend pas, car

mon ami, M. Guinon, vous a dit ici dernièrement qu'il y avait

une quantité d'états somnambuliques différents. Vous me per-

. mettrez, aujourd'hui, de me servir de ce somnambulisme sans

vous expliquer sa nature. Maintenant qu'elle est bien endormie,

je lui demande ce qu'elle avait dans la main gauche tout à

l'heure, et ce qu'elle a senti sous son nez. Elle répond sans

hésiter : « Vous m'avez mis dans la main gauche un petit bou-

1 ri 1/1011/. l ? ych,, p, 295.

348 CLINIQUE NERVEUSE.

quet de fleurs, et vous m'avez fait sentir un flacon d'eau de

fleurs d'oranger. » Le souvenir est parfait, j'ai donc le droit de

supposer que la sensation avait existé.

Je m'aperçois, messieurs, que je vous ai montré des exemples

de sensations subconscientes empruntées à divers sens, et que

j'ai laissé* de côté un sens extrêmement important, le sens mus-

culaire. C'est peut-être parce que les deux jeunes filles que je

vous ai présentées n'ont pas d'anesthésie musculaire assez pro-

fonde pour que les expériences soient intéressantes. Nous

n'avons qu'à faire venir une autre malade qui présente une

anesthésie musculaire plus indiscutable. Voici Marguerite, une

jeune fille de vingt-trois ans dont je ne vous raconterai pas

l'histoire un peu compliquée. Je ne vous la présente que pour

un symptôme, elle est absolument anesthésique du côté droit,

et quand je remue son bras droit sans qu'elle le voie, elle ne

sait plus même son existence. Quand elle ne le regarde pas, elle

ne peut absolument plus remuer le bras droit; c'est là, à mon

avis, une sorte de paralysie hystérique, qui n'est pas apparente

à l'état normal, grâce à une suppléance psychologique, celle

des mouvements au moyen des images visuelles. Je n'insiste

pas sur ces faits si intéressants, je me contente de vous faire

remarquer qu'ils démontrent l'anesthésie musculaire absolue

de son bras droit.

Eh bien ! je prétends vous montrer qu'en réalité les sensa-

tions musculaires se produisent et qu'elles laissent même des

souvenirs capables de réapparaître. Pour vous le montrer avec

précision, nous pourrons nous servir d'un petit appareil aussi

simple qu'ingénieux. M. Jean Charcot, qui était interne l'année

dernière dans le service de son père, a construit ce petit ins-

trument pour étudier certains cas d'agraphie. C'est surtout,

comme vous voyez, une longue tige suspendue à la cardan et

mobile dans tous les sens. Le sujet tient la tige par son milieu

comme il tiendrait un porte-plume, et après lui avoir détourné

la tête, je prends cette même tige par la partie inférieure et je

suis avec la pointe un mot tracé sur le papier. La main du

sujet, si elle était sensible, aurait senti tous les mouvements

nécessaires pour écrire ce mot; l'appareil m'a permis de lui

faire éprouver avec précision toutes ces petites sensations déli-

cates, et d'en conserver pour ainsi dire le graphique dans le

mot que j'ai écrit. Mais Marguerite nous déclare qu'elle n'a rien

senti du tout. Nous savons ce que cela veut dire, elle n'a eu la

l'anesthésie HYSTÉRIQUE. 349

perception personnelle de rien; n'a-t-elle eu aucune sensation

élémentaire ? Pour le vérifier je mets un crayon dans la main

droite complètement.insensible et je détourne la tête du sujet.

Vous voyez d'abord les doigts, entourer le crayon et se placer

dans la position voulue pour écrire. C'est le même phénomène

que nous avions déjà remarqué quand Berthe tenait les ciseaux.

Mais voici la main droite qui se met à écrire. Comment ce

mouvement délicat peut-il se faire, tandis que tout à l'heure le

sujet ne pouvait pas remuer sans regarder ? Permettez-moi,

messieurs, de ne pas vous expliquer ce phénomène aujourd'hui,'

il est trop complexe : constatons seulement les résultats. La

main a écrit le nom de Jean, le nom de l'inventeur de l'appareil.

Constatez, messieurs, que j'avais écrit moi-même ce même mot

et avec les mêmes formes de lettres. N'est-ce pas une bonne

preuve de la persistance du souvenir, et ce souvenir lui-même

ne montre-t-iL pas que les sensations musculaires ont existé

d'une manière quelconque, bien que le sujet n'en ait eu aucu-

nement la perception personnelle ?

Notre hypothèse prétendait également que la perte de cette

perception personnelle était un phénomène analogue à la dis-

traction ; mais alors, me direz-vous, l'attention doit pouvoir

modifier les anesthésies hystériques. Parfaitement, messieurs,

je suis de votre avis et c'est encore une conséquence à vérifier;

seulement vous n'oubliez pas qu'e l'attention est très difficile à

fixer chez l'hystérique et que cette expérience peut ne pas

toujours réussir. Sur la main gauche anesthésique de Berthe,

je colle un pain à cacheter rouge : la voici étonnée, et en

contemplation devant sa main. Laissons-la un instant, puis

maintenant quand elle a la tête tournée, pinçons légèrement

cette main tout à l'heure si insensible. Voici Berthe qui crie

que je la pince et qui sent parfaitement. Il est vrai que cette

belle sensibilité ne durera pas longtemps : j'enlève le pain à

cacheter et un instant après elle ne sent déjà plus rien.

Si l'attention fait disparaître pour un instant des anesthé-

sies déjà existantes, la distraction devra produire momentané-

ment des insensibilités nouvelles, analogues aux anesthésies

hystériques. Cela ést encore exact. Je prends Berthe à part et

je lui cause d'un sujet qui l'émeut beaucoup en ce moment, du

bal de la mi-carême et du beau costume qu'on lui mettra.

Pendant ce temps, vous le voyez, je pince et je pique son bras

droit, qui était tout à l'heure sensible, et elle ne s'en aperçoit

350 clinique nerveuse.

aucunement. Son champ de conscience si petit a perdu momen-

tanément les sensations tactiles du côté droit qu'il contient d'or-

dinaire, quand il n'est pas rempli par d'autres images. Est-ce

que les principales conséquences que l'on pouvait déduire de

nos hypothèses ne viennent pas de se vérifier devant vous ?

Avant de conclure, messieurs, une seule réflexion générale.

Peut-on répéter facilement sur une hystérique quelconque

toutes les expériences que je viens de faire devant vous ? En

un mot, quel degré de généralité faut-il accorder aux hypo-

thèses précédentes sur l'anesthésie hystérique ? Je vous dirai

très sincèrement que j'ai observé à ce propos trois catégories

de malades différentes : 1° le groupe qui m'a le plus intéressé

formé par des malades comme ces deux jeunes filles, sur les-

quelles on peut répéter toutes ces expériences et bien d'autres

encore. J'en ai étudié et décrit autrefois, en 1887 et 1889,

cinq de ce genre que j'avais étudiées au Havre, j'en ai trouvé

quatre autres absolument semblables depuis que je suis à

Paris; mon frère le Dr Jules Janet a répété ces expériences sur

deux malades dont il m'a donné l'observation. M. A. Binet' les

a reproduites également sur plusieurs sujets avec des variantes

intéressantes. M. J. Onanoff 2 a étudié'indépendamment ces

1 M. A. Binet, dans son travail sur les altérations de la conscience chez

les hystériques {Revue philosophique, 1889, 1. p. 35), a montré un procédé

intéressant pour mettre en évidence les sensations subconscientes des

membres anesthésiques. Les associations anciennes et naturelles entre

ces sensations en apparence disparues et les autres pensées du sujet

subsistent toutes, dans certains cas, malgré l'anesthésie; il est possible,

par exemple, de provoquer dans l'esprit du sujet telle ou telle pensée,

rien que par les mouvements imprimés au membre insensible.

1 M. J. Onanoff, dans son étude sur la perception inconsciente (Archives

de Neurologie, 1890, p. 364), a cherché à déterminer le temps de réaction,

c'est-à-dire le temps qui s'écoule entre le moment d'une excitation

perçue inconsciemment et un acte inconscient qui peut être considéré

comme une réponse, dans les conditions de l'expérience à l'excitation

produite Il a trouve que ce temps était plus court qu'il ne serait

normalement, quand l'excitation est faite sur une partie sensible. Il y

aurait ainsi un moyen de reconnaître objectivement une réaction sub-

consciente d'une réaction consciente. Nous craignons seulement que le

temps de réaction des phénomènes subconscients ne soit fort variable

suivant mille conditions, mais nous sommes heureux de constater cette

nouvelle preuve de l'existence des sensations subconscientes dans les

anesthésies hystériques. Les mêmes études sont encore résumées dans le

dernier livre de Mil. P. Blocq et J. OnanolT, 5'èmeiologie et diagnostic

des maladies nerveuses, 1892, p. 199.

l'anesthésie hystérique. 351

phénomènes avec plus de précision encore, puisqu'il a fait

inscrire sur le cylindre enrégistreur ces mouvements sub-

conscients des hystériques provoqués par l'attouchement de

leurs membres anesthésiques. Enfin, plusieurs auteurs étran-

gers, Mil. Gurney et Myers en Angleterre, M. Max Dessoir à

Berlin, ont publié des observations tout à fait analogues.

Je crois qu'il ne serait pas difficile de réunir aujourd'hui

une trentaine d'observations d'anestbésie hystérique se com-

portant absolument de cette façon. Ce sont pour moi les cas

typiques de l'anesthésie hystérique, comme je la comprends.

Dans un deuxième groupe, je rangerai les malades fort nom-

breux qui, par certains caractères, sont analogues aux pré-

cédents, mais chez qui toutes ces expériences ne peuvent pas

être répétées avec le même résultat. Par exemple, on met

facilement en relief chez eux la persistance de la sensation

visuelle dans l'oeil amaurotique quand les deux yeux sont

ouverts, on ne réussit pas aussi bien à le manifester quand

l'oeil sain est fermé. Ce sont pour moi des malades frustes ou

mieux complexes qui pourront sans trop de difficulté se ratta-

cher au type précédent.

Mais il y a une troisième catégorie de malades dont je ne mets

pas en doute l'existence et chez qui on n'arrive jamais à mani-

fester aucune trace de la sensation subconsciente. Eh bien,

messieurs, je vous laisse libres d'adopter à propos de ces malades

la supposition que vous voudrez. Vous pouvez dire qu'ils sont

absolument différents des précédents et que chez eux l'anesthésie

n'est plus un trouble de la perception personnelle, mais une

.suppression de toute sensation. Mais réfléchissez bien aux con-

séquences de votre supposition : Vous allez créer une catégorie

d'hystériques tout à fait différentes des précédentes, vous allez

leur imaginer une anesthésie analogue à l'anesthésie organique

et alors je vous demanderai de m'expliquer, la répartition

intelligente de cette anesthésie, l'indifférence complète avec

laquelle le sujet la supporte, la conservation des réflexes, etc.

Je vous demanderai de quel droit vous séparez ces malades des

autres et vous créez deux maladies dans l'hystérie. Vous pou-

vez aussi supposer que ces malades nouvelles sont comme les

précédentes'et que pour une raison quelconque vous ne réus-

sissiez pas à manifester l'existence de la sensation subcons-

ciente. Il y a là mille conditions, le degré de suggestibilité, l'élec-

tivité, le groupement plus ou moins grand des phénomènes

3n2 CLINIQUE NERVEUSE.

subconscients qui peuvent faire varier les expériences. Vous

êtes libres de choisir, mais je ne vous dissimule pas ma préfé-

rence pour la dernière supposition.

Les hypothèses psychologiques que je vous ai présentées me

paraissent en effet avoir de sérieux avantages. Elles expliquent

les anesthésies systématisées, la répartition des anesthésies

localisées, l'indifférence des malades, puisque la maladie ne

trouble que la perception consciente et laisse intacts tous les

phénomènes automatiques de la vie courante. Elles expliquent

les bizarreries que l'on avait constatées depuis longtemps dans

l'étude des amauroses et des anesthésies, elles nous permettent

d'éliminer cette supposition absurde de la simulation hystérique

à laquelle on avait incessamment recours pour expliquer ce que

l'on ne comprenait pas.

Nous pouvons donc conclure : l'anesthésie hystérique n'est

pas pour nous une maladie organique, c'est une maladie men-

tale, une maladiepsychologique. Elle existe non dans les mem-

bres, ni dans la moelle, mais dans l'esprit représenté, si vous

voulez, par les régions corticales du cerveau. Dans l'esprit lui-

même, elle porte sur un phénomène tout particulier ; ce n'est

aucunement une altération des sensations élémentaires qui

restent ce qu'elles doivent être et qui conservent toutes leurs

propriétés. Elle porte sur une opération très spéciale, sur la

perception personnelle qui nous permet à chaque moment de

la vie de rattacher entre elles et de rattacher à la notion de la

personnalité les sensations nouvelles. Elle est due à une fai-

blesse de cette synthèse des éléments psychologiques que j'ai

appelée autrefois la désagrégation psychologique. L'anes-

thésie hystérique est une maladie de la personnalité.

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE,

RECHERCHES SUR L'ALBUMINURIE POST-PAROXYSTIQUE

' CHEZ LES ÉPILEPTIQUES;

Par Jules VOISIN, médecin de la Salpêtrière,

et A. PÉRON, interne des hôpitaux.

La question de l'albuminurie post-paroxystique, chez les

épileptiques est encore très discutée. Certains auteurs préten-

dent avoir trouvé constamment de l'albuminurie dans l'urine

à la suite des paroxysmes ; d'autres affirment n'avoir jamais

vu se produire ce trouble de sécrétion à la suite des manifesta-

tions comitiales.

Plus nombreuses encore sont les controverses, dès qu'il

s'agit de la quantité d'albuminurie, de son mode d'apparition,

des causes qui peuvent faire varier ce phénomène, etc.

Seyfert, (1854) dit qu'elle existe en très grande quantité

immédiatement après les attaques, mais non d'une manière

constante, ni chez tous les malades. Sievelcinh2, Revnolds3,

Sailly*, ce dernier d'après les recherches faites à la Salpêtrière

en 1861, refusent d'admettre son existence. Dans un travail

consciencieuxfait àBicêtre en 1868 dansle service de lI. J. Falret,

Bazin étudiant surtout l'albuminurie dans les accès en série,

la considère comme fréquente; il reconnaît sa variabilité, sa

fugacité, et présente des considérations intéressantes sur sa

pathogénie. Huppert6 de Witt7 la croient en rapport avec l'in-

1 Seyfert. - Dublin Qualerly Journal, 1854.

' Sieveking. -OnEpilepsy, 2*'édition, 1861.

' Reynold. - On Epilepsy, 1861.

' Sailly. - Th. de Paris. 1861.

8 Bazin. Th. de Paris, 1868.

0 Huppert. Virchows Archiv, Bd. Livet Ârchiv sur Psych., Bd. VII.

1 De Witt. Albuminurie as a symptom of the epilepsia paroxym.

(The Americ. Journal ot med. se, april 1875.)

Archives, t. XXIII. 23

334 physiologie pathologique.

tensité des accès. Nothnagel'au contraire, l'a vue très abon-

dante à la suite d'accès peu intenses; elle manquait par contre

après de grands accès chez le même malade.

- Furstner2, Rabow3, Ott04, Piori5, Hallager6, la- consi-

dèrent comme rare et irrégulière dans son apparition chez les

mêmes sujets. Richter7, Rabenau8, Karrer9, Christian'0,

Mabille ", Bovell 12, d'après 40 observations fournies par

M. Bourneville, Saundby 13 la nient. Kleudgen 14 qui regarde

l'albuminurie comme fréquente à l'état normal, ne l'a pas vue

plus souvent chez les épileptiques que chez les individus

sains. Feré 15 signale seulement ces opinions.

Les recherches qui suivent, encore incomplètes sur certains

points, ont été faites à la Salpêtrière dans le service de l'un

de nous. Voici dans quelles conditions :

- Dès qu'une malade, à la suite d'un grand accès, revenait à

elle, on la faisait uriner. Urine n° 1. Puis dans les quatre

heures consécutives, autant que possible, d'heure en heure, sans

qu'il ait pu y avoir, bien entendu, de régularité parfaite, on la

mettait sur le bassin. On parvenait à recueillir ainsi S urines

qui étaient examinées séparément. Les cas dans lesquels

l'urine a été fournie dans ces conditions entrent seuls dans notre

statistique. Nous n'avons fait qu'indiquer les analyses incom-

plètes sans en tirer aucune conclusion. Nous n'avons pas tenu

'Nothnagel. Ziernssen Handbuch, art. Epilepsie.

"Furstner. - Archiv. far Psych. Bd. YI.

3 Rabow. - Archio. für Psc)z., Bd. VII.

4 Otto. Berlin Klin iloch., 1876. -

. Fiori. Italia medica, 1881.

° t ! aUarger.Pos<epf<ep<M ? t/<'t<') : MM ? (Nord. Méd. Aïk, Stockholm,

1889.) . ,

' Richter. Archiv. sur Psych., Bd. VI.

" Rabenau. Archiv. {il}' Psych., Bd. VII.

'' Karrer. Beolin Klin 11'och, 1875.

'° Christian. - Gaz. méd. de Paris, 1881.

"Mabille. Ann. nzédico-psyck., nov. 1880. ? Bowell. TI. de Paris, 1877 : Di quelques accidents de l'épilepsie

et de l'hysté7'o-épilepsie.

11 Saundbv. On the alburninuria o/ epilepsy. (àled. Times and Gaz,

1882). '

" Kleudgen. )'e/t. sur Psych., 1881, Bd. XI.

"' Feré. Les Epilepsies et les Epileptiques, 1800.

albuminurie POST-PAROXYSTIQUE ET épileptique. 311t)

compte de la miction survenue pendant l'attaque. Outre ce fait

bien connu de savoir que la miction survient au début de

l'accès, nous ferons remarquer que l'urine rendue alors, est

exclusivement proe-paroxystique. Elle ne doit donc pas pré-

senter, et elle ne présente pas en réalité - nous renvoyons

pour ce fait à plusieurs de nos observations - de principes

anormaux.

La recherche de l'albuminurie a été faite parle procédé clas-

sique : l'urine est acidulée avec une goutte d'acide acétique;

on chauffe l'extrémité supérieure du liquide. Le moindre

trouble indique sûrement la présence de l'albumine. On peut

reprocher à ce procédé, avec M. Lecorché et Talamon, de ne

pas déceler des quantités d'albumine très faibles.

Sans doute il aurait mieux valu neutraliser d'abord l'urine

puis l'acidifier à l'acide acétique. Nous ferons remarquer qu'en

tout cas on ne pourra nous accuser que d'une seule chose ;

c'est d'avoir laissé passer des urines faiblement albumineuses,

la proportion que nous donnons plus loin serait donc encore

au-dessous de la réalité.

L'albuminurie doit être' étudiée : 1° Après l'attaque convul-

sive isolée; 2° Après le petit mal; 3° Le délire; 4° Pen-

dant et à la suite des accès en série; 5° Dans l'état de

mal. '

ALBUMINURIE POST-PAROXYSTIQUE CHEZ LES EPILEPTIQUES.

Après l'attaque convulsive. L'albuminurie est fré-

quente à la suite des accès convulsifs. 20 cas d'albuminurie sur

40 malades. C'est-à-dire dans la proportion de 50 p. 100 exac-

tement. Nous ne comptons dans cette statistique : a) que les

malades chez lesquelles les urines ont été recueillies à temps,

et en dehors de toute cause d'erreur; b) que les malades ayant

présenté un seul accès au maximum un second accès pendant

qu'on recueillait les 8 urines. Nous verrons plus loin les résul-

tats obtenus par l'examen d'une ou plusieurs urines recueillies

dans d'autres conditions. :

Cette albuminurie est très variable, comme quantité, suivant

les individus. Ne pouvant disposer d'un nombre de tubes d'Es-

bac suffisant pour doser l'albumine de toutes nos urines,

386 PHYSIOLOGIE pathologique.

nous nous sommes contentés du dosage approximatif que

donne l'opacité plus ou moins grande du nuage albumineux.

Ce procédé a d'ailleurs, autrefois, été considéré comme relati-

ment satisfaisant par le professeur Potain. Nous divisons ainsi

l'albuminurie en : 1° Albuminurie intense : nuage épais corres-

pondant approximativement à 1 gramme ou 2 grammes par

litre; 2° Albuminurie moyenne : de 50 centigrammes à

1 gramme ; 3° Albuminurie légère, traces : au-dessous de

50 centigrammes.

A. Sur 20 malades, S ont présenté une albuminurie intense

au moins dans l'une des cinq urines :

24 ans, Cib..., 1 accès : .

Nuage intense dans la lre urine;

Albumine moyenne dans la 2°;

Traces dans les 3 dernières.

42 ans, Duj...,1 accès : -.

Nuage épais dans les 2 premières;

Albumine moyenne dans la 3e;

Traces dans les 2 dernières.

49 ans, Roi..., 1 accès : -

Nuage épais dans les 2 premières;

Traces dans les 3 dernières.

16 ans, Fol..., 1 accès :

Albumine moyenne dans la 1 ?

Intense dans la 2e;

Traces dans les 3 dernières. '

28 ans, Saul..., 1 accès :

Albumine intense dans les 2 premières;

Traces dans la 3e;

Pas d'albumine dans les 2 dernières.

B. L'albuminurie est d'intensité moyenne dans 9 cas sur 21 :

24 ans, Gau..., 1 accès, 5 urines :

Nuage moyen dans la 110 urine;

Traces dans les 4 dernières.

45 ans, Barth..., i accès, 5 urines :

Nuage moyen dans la 1" urine;

Traces dans les 4 dernières.

37 ans, Bod..., 1 accès, 5 urines :

Albumine moyenne dans la ire urine;

Traces d'albumine dans la 2" et 3e;

Pas d'albumine dans les 2 dernières.

albuminurie POST-PAROXYSTIQUE ET ÉPILEPTIQUE. 3S7

20 ans, Tac..., 1 accès suivi d'excitation, 5 urines :

Albumine moyenne dans la l'° urine;

Traces dans la 2°;

Pas d'albumine dans les 2 dernières.

34 ans, Bern..., 1 accès. A eu un 2° accès pendant qu'on

recueillait l'urine n° 5 :

Albumine moyenne dans la ire urine;

Traces dans la 2e et 3°;

Pas d'albumine dans les 2 dernières.

33 ans, Diet..., 1 accès, 5 urines :

Traces d'albumine dans la 1 ro urine ;

Albumine moyenne dans la 2°;

Pas d'albumine dans les 3 dernières.

La première urine aurait été recueillie d'après les rensei-

gnements fournis par la fille de service, immédiatement

après l'attaque, quinze minutes au plus après le début des

convulsions; la période de trouble mental ayant été extra-

ordinairement courte, la malade n'avait pas uriné pendant

l'accès.

26 ans, Deman..., 1 accès d'épilepsie :

Dans les 3 premières urines, nuage moyen d'albumine;

Traces dans les 2 dernières.

36 ans, Leco..., 1 accès, 5 urines :

Albuminurie moyenne dans les 3 premières urines;

Traces dans les 2 dernières.

17 ans, Rous..., 1 accès, 5 urines :

Nuage moyen d'albumine dans les 5 urines.

C. Dans 6 cas, l'albumine était il l'état de traces :

49 ans, Vev..., 1 accès, 5 urines :

Traces d'albumine dans les 5 urines.

19 ans, Eud..., 1 accès, 5 urines. Un second accès pendant qu'on

recueillait les urines : 1

Traces d'albumine dans les 2 premières urines;

Rien dans les 3 dernières.

51 ans, Boul..., 1 accès, 5 urines :

Traces d'albumine dans les 3 premières urines;

Pas d'albumine dans les 2 dernières.

17 ans, Vaud..., 1 accès, 5 urines :

Traces d'albumiue dans la Ira urine seulement.

358 PHYSIOLOGIE pathologique.

23 ans, Gou..., 1 accès, 5 urines : : ' - -. '

Traces d'albumine dans la 1"° urine seulement.

14 ans, Viol..., 1 accès, 5 urines :

C~ Traces d'albumine dans les 5 urines.

Les malades n'ayant pas présenté d'albumine dans leur

urine sont t

albuminurie POST-PAROXYSTIQUE ET épileptique. 3M 9

Urines albumineuses : Cir..., 4 examens; Dur..., 2 examens;

Dict..., 2 examens.

Urines non albumineuses : Bieuv..., 3 examens; Goii ... 3 exa-

mens ; Chai ... , 2 examens.

Les restrictions que nous faisons au paragraphe précédent

visent en effet les cas dans lesquels deux examens faits à des

jours différents ont donné des résultats différents chez la même

malade. Exemples : Eud..., Lug..., Broch...

Il est donc habituel alors, de voir l'urine rester seulement à

l'état de traces chez les malades dont l'urine à un premier exa-

men ne contenait rien d'anormal.

De même la quantité d'albumine, qui d'ordinaire varie peu,

présente suivant les accès, dans certains cas, des modifications

appréciables. Telle malade, Diet..., qui avait, après un premier

accès, une urine notablement albumineuse, n'a présenté à la

suite d'un second, que des traces d'albumine.

L'albuminurie post-paroxystique est toujours plus intense

dans la première urine que dans celles qui suivent : très sou-

vent, elle a complètement disparu dans l'urine n° 5 ou dans

celles qui précèdent. 11 n'y a eu que deux exceptions à cette

règle. Ce sont les cas de Diet... et de Foll... Nous en avons eu

l'explication pour Diet... (voir plus haut); la première urine

était mélangée aune notable quantité d'urine proe-paroxystique.

Il en a été probablement de même pour Fol... Nous avons

recherché dans les périodes non convulsives, si nos malades

présentaient encore de l'albuminurie. Toutes nos recherches

ont été négatives, sauf pour Roi... et Cir... Chez ces deuxma-

lades, même après plusieurs jours de calme, les urines conte-

naient des traces d'albumine. Or, nous ferons remarquer que

Roll... et Cir... sont justement deux malades classées-parmi

celles dont l'albuminurie était très intense.

L'âge parait avoir peu d'importance. Bazin fait remarquer

que l'albuminurie est très rare avant seize ans; on ne l'aurait

jamais vue avant neuf ans; il y trouve une vérification de ce prin-

cipe établi par Gubler, à savoir que les albuminuries tempo-

raires sont beaucoup plus rares chez l'enfant que chez l'adulte.

Nous n'avons pas assez d'observations pour conclure sur ce

point : nous dirons seulement qu'une de nos malades auxquelles

on pourrait donner le nom'de « grandes albumineuses » est

360 physiologie pathologique.

âgée de seize ans. L'albumine manque d'ailleurs chez des sujets

d'âge mur, elle existe au contraire chez de robustes filles de

dix-huit à vingt-cinq ans. Nous croyons donc que ces questions

d'âge sont secondaires. ,

Il semble en effet que pour s'expliquer cette albuminurie

post-paroxystique il faille tenir compte de deux facteurs :

1° de l'intensité des phénomènes de vaso-dilatation qu'il est

possible d'évaluer approximativement en clinique par le cya-

nose de la face; - 20 d'idiosyncrasies rénales. ,

Voici le cas le plus frappant que nous ayons observé à

l'appui de notre première hypothèse.

Dem... présente à la suite de ses grands accès convulsifs une

albuminurie moyenne. Le 16 septembre, elle a sous nos yeux un

accès incomplet.

Elle tombe brusquement en avant et perd immédiatement con-

naissance. Après quelques secondes de calme commencent des

mouvements irréguliers des membres supérieurs, puis des membres

inférieurs. Les bras, sans raideur, balayent le sol; les mains s'ar-

rêtent surle tronc, et suivant l'expression consacrée, «chiffonnent n,

Les jambes se soulèvent alternativement et lentement non con-

tracturées. Pendant ce temps, les yeux sont mi-clos; les pupilles,

dilatées, sont convulsées en haut et en dehors. La malade se mord

la langue, écume un peu, pisse sous elle. Quelques secousses clo-

niques font tressauter la commissure labrale gauche et la jambe

droite. Le tout dure cinq minutes environ. Puis la malade se

réveille inconsciente, hébétée.

Pendant tout l'accès, il n'y a pas eu la moindre cyanose de la face.

L'urine recueillie à la suite de cet accès incomplet ne contenait

pas d'albumine.

Nous croyons en effet qu'ici, se trouve en partie, la solution

du problème sur les variations individuelles de l'albuminurie

chez les épileptiques. On est trop tenté d'admettre que les

accès sont toujours semblables à eux-mêmes. Les épilepti-

ques présentent souvent des accès incomplets, tels que celui

dont nous venons de relater l'observation. Un élément essen-

tiel du grand accès manque. Tantôt c'est la phase tonique,

tantôt la phase clonique. Non seulement les convulsions peu-

vent manquer dans ces accès avortés, mais encore les phéno-

mènes vaso-moteurs peuvent être plus ou moins atténués. Quelle

que soit l'explication donnée, qu'on admette avec Vulpian que

la cyanose de la face est due à une paralysie des vaso-constric-

ALBUMINURIE POST-PAROXYSTIQUE ET ÉPILEPTIQUE. 361

teurs, ou bien que, avec Claude Bernard on la considère

comme le résultat de l'excitation des nerfs vaso-dilatateurs. On

doit reconnaître que dans l'épilepsie les phénomènes vaso-

moteurs sont au premier plan. Il est impossible, en effet, de

regarder comme purement mécanique les phénomènes conges-

tifs de l'accès. Sans doute, la gêne des mouvements respira-

toires due aux convulsions les accentue; cela paraît indis-

cutable. Mais la rapidité de leur évolution, leur spontanéité

proteste contreleur origine exclusivement asphyxique. Or, nous

le répétons, chez la même malade, d'un accès à l'autre, l'inten-

sité de ces phénomènes congestifs peut varier. La cyanose de

la face permet en quelque sorte de mesurer le degré de la vaso-

dilatation générale. Il est probable, en effet, que les phéno-

mènes d'ordre congestif manquant au visage, ils manquent

aussi dans les autres parties de l'organisme, dans les reins en

particulier; la vaso-dilatation est alors insuffisante à laisser

filtrer l'albumine.

Donc, peu ou pas de cyanose de la face, peu ou pas de vaso-

dilatation rénale, pas d'albuminurie, et réciproquement vaso-

dilatation intense de la face, vaso-dilatation des reins, albumine

plus ou moins prononcée.

Nous croyons que ces considérations s'appliquent non seu-

lement à l'albuminurie qui suit l'accès isolé, mais à fortiori,

à l'albuminurie consécutive aux accès en série et à l'albumi-

nurie dans l'état de mal. Nous n'y reviendrons donc pas.

Les phénomènes vaso-moteurs doivent-ils cependant entrer

seuls en ligne de compte ? Nous ne le croyons pas. En effet,

telle malade a une période stertoreuse très accentuée qui n'a

pas d'albuminurie, telle autre a une période stertoreuse rela-

tivement courte et son albuminurie est considérable. Nous

croyons qu'il faut admettre ici des idiosyncrasies rénales dues

vraisemblablement aux résistances individuelles variables des

épithéliums.

L'albuminurie des épileptiques, tout en restant un fait insi-

gnifiant en apparence, quand les malades n'ont qu'un seul

accès, est peut-être une véritable complication dans l'état de

mal où, nous le verrons plus loin, elle paraît constante. Peut-

être joue-t-elle son rôle dans la terminaison fatale, si fréquente

au cours de cette « épilepsie aiguë ». Il serait intéressant de

savoir si les malades albuminuriques d'ordinaire meurent

plus facilement que les autres épileptiques d'état de mal.

362 ' PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Nous n'avons aucune observation sur ce point. Tout ce que

nous pouvons affirmer c'est que les épileptiques albuminuri-

ques sont loin d'être régulièrement des sérielles, bien que la

répétition des accès dans un laps de temps relativement court

amène l'albumine dans les urines ; c'est ce que nous étudierons

dans l'un des chapitres suivants.

II.

Petit-Mal. Nous possédons un nombre très restreint

d'examens d'urines recueillies à la suite des vertiges. Ces exa-

mens ne sont pas de nature à entraîner des convictions. Aussi

.nous nous proposons de reprendre cette question, de même que

celle de l'albuminurie dans les cas de délire épileptique. Il est

en outre, pour le vertige, un certain nombre de causes d'er-

reurs que nous tenons à signaler et dont il est difficile de se

débarrasser. Les épileptiques n'ont pas de manifestations

comitiales dans un ordre indéterminé, au hasard en quelque

sorte. Il suffit de jeter les yeux sur les cahiers tenus dans les

services spéciaux pour reconnaître que ces manifestations se

groupent toujours dans un certain ordre. Si l'on fait exception

de certaines malades démentes chez lesquelles les attaques se

répètent tous les jours et plusieurs fois par jour on voit que

chez les autres, et c'est la très grande majorité, les attaques

s'échelonnent de la façon suivante dans le courant d'un mois

par exemple : quatre à cinq jours pendant lesquels survien-

nent des manifestations accès ou vertiges suivant les sujets

puis une période de calme de quatre, sept, huit, quinze

jours. Une seconde période d'accidents, suivie elle-même d'une

seconde période de calme, etc., etc... Or, nous tenons à faire

remarquer que les vertiges surviennent eux aussi au moment

des périodes d'accidents, ils s'entremêlent plus ou moins aux

attaques, de sorte qu'il devient très difficile de faire la part de

ce qui revient aux uns et aux autres.

Il faut en outre, tenir compte de ce fait que forcément, dans

les services, avec un personnel restreint surtout la nuit, bon

nombre d'accès passent inaperçus ; on est exposé à chaque ins-

tant à regarder comme consécutive à un vertige une albumi-

nurie résultant d'une attaque antérieure.

Il faut avouer en outre, que presque tous des vertiges, cons-

tatés par les gens de service chargés de la tenue des cahiers,-

ALBUMINURIE POST-PAROXYSTIQUE ET ÉPILEPTIQUE. 363

ne sont autre chose que des accès véritables plus ou moins

incomplets. On comprend qu'il est impossible de surveiller

d'assez près des malades, quel que soit le zèle apporté, pour

reconnaître des manifestations aussi passagères, aussi fugaces

que le vertige épileptique. '

Aussi lorsqu'on cherche à se procurer des urines recueillies à

la suite de vertiges, s'expose-t-on le plus souvent à n'avoir que

des urines d'accès; ces considérations ont beaucoup plus d'im-

portance dans l'épilepsie que partout ailleurs, le médecin

n'assistant que rarement aux paroxysmes.

III.

- Les examens d'urines d'épileptiques présentant une période

délirante consécutive aux accès ou les précédant nous ont

donné des résultats variables.

2 aoÛt. Broch... a été excitée tout la nuit, elle a eu ce matin

un accès vers 8 heures et demie. A Il 1 heures, on recueille une

urine : traces d'albumine. '

Thé..., quarante-sept ans : excitation violente. On est obligé de

la camisoler et de la passer aux cellules. Pas d'attaques constatées.

Une urine, pas d'albumine. ,

Gon..., vingt-deux ans : ne présente pas d'albuminurie, post-

paroxystique. :

. Deux jours de trouble mental consécutif aux accès. Une urine

recueillie le 2° jour : pas d'albumine. , ' '

Le 12 août, Vill... est excitée toute la journée.

Pas d'attaques, pas d'albumine.

' ? 3. Vill... ert encore excitée. La surveillante affirme qu'elle

n'a pas eu d'accès depuis le matin; la veilleuse affirme d'autre part

qu'elle n'a pas eu d'accès la nuit.

2 urines : Iraces d'albumine dans les deux urines. Reste enfin

l'examen fait par M. Olivier, interne en pharmacie du service.

Vill..., pendant une période d'excitation violente, aui ait eu un jour

4 grammes d'albumine' par litre d'urine.

"Dans la thèse signalée plus haut, Bazin donne plusieurs

observations de malades atteints de délire ou même de fureur

épileptique chez lesquels il a constaté de l'albuminurie.

Nous renvoyons à sa thèse pour le détail des observations. Il

semble résulter des faits réunis par. cet auteur. que l'albumi-

364 - PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

nurie pourrait survenir chez des épileptiques en dehors des

paroxysmes convulsifs.

Cependant nous ferons remarquer que, dans la plupart de

ses observations, le délire a été précédé d'attaques plus ou

moins nombreuses; ce délire était un délire fébrile qui, dans

quelques cas même, s'est terminé par la mort. N'ayant pas eu

l'occasion d'observer des cas de ce genre, nous nous abstien-

drons de conclure, jugeant qu'un bien plus grand nombre

d'examens, est nécessaire.

IV.

Nous arrivons maintenant à l'étude de l'albuminurie chez

les épileptiques présentant des accès en série au sens classique

du mot série. Nous donnerons d'abord les observations des

malades chez lesquelles les urines ont été recueillies avec tout

le soin nécessaire :

Dans la nuit du 29 au 30 août, vers 5 heures du matin, KI... a

eu 3 attaques coup sur coup.

De 5 heures du matin à midi, elle a eu 10 autres accès espacés

d'une façon variable. Hier, la malade n'a rien présenté d'anormal,

disent les personnes du service. Ce matin, outre une hébétude

complète, la langue est jaunâtre, l'haleine fétide. La malade sue

abondamment. T R : 38°4.

Une première uriue, recueillie à 9 heures du matin, ne présente

pas traces d'albumine.

Ail heures, 2° urine : albuminurie moyenne.

A 2 heures de l'après-midi, 3° urine : traces d'albumine.

Deux autres urines ont été recueillies dans la nuit du 30 au 31.

Bien que la malade n'ait pas eu d'accès depuis le 30 à midi, ces

deux urines contiennent des traces d'albumine. Une dernière

urine, recueillie le 31 vers 9 heures du matin, ne présente rien

d'anormal.

Le même jour, 30 août, Lem..., quarante-deux ans, entre en série.

Ses règles sont terminées depuis deux jours.

La série actuelle a été précédée de troubles gastriques. Diminu-

tion de l'appétit, bouche pâteuse et amère, constipation opiniâtre

depuis quatre jours. Céphalalgie assez intense; myosis.

Lem... a eu, la nuit du 29 au 30, 5 accès. La veilleuse a recueilli

l'urine après chaque accès. Les 2 premières urines ne renferment

rien d'anormal. La 38 urine présente des traces d'albumine. Dans

la 4e et la 5°, pas d'albumine.

ALBUMINURIE POST-PAROXYSTIQUE ET ÉPILEPTIQUE. 365

Le 30 août, au matin, on recueille d'heure en heure, après un

accès de jour, 5 urines. Peu de temps avant la 3e urine, Lem... a

eu un second accès de jour.

Dans la ire et la 2° urine, pas d'albumine. A la 3e urine, traces

d'albumine. Dans la 4e et la 5° urine, pas d'albumine.

3 septembre. La série s'arrête. Le 4, on recueille, vers 9 heures

du matin, de l'urine de Lem... Pas d'albumine.

Le 1er septembre, Lei..., quatorze ans, a 5 attaques presque coup

sur coup dans l'après-midi. Uue 6e vers 8 heures du soir, l'autre

dans la nuit :

Après la ire attaque, on recueille de l'urine : pendant qu'on prend

d'heure en heure 5 urines, Lei... a 5 accès.

11 n'y a des traces d'albumine que dans la 4e urine. Les autres ne

présentent rien d'anormal.

5 septembre. La série de Lei... continuant, on recueille, après

une attaque de jour, une seule urine qui renferme des traces d'al-

bumine. Lei... a eu 2 attaques dans la nuit précédente.

L'examen de l'urine de Lei..., fait en dehors de ses séries, ne fait

pas constater d'albuminurie.

Le 3 septembre, Albruz..., quatorze ans, a 4 attaques presque

coup sur coup à deux heures d'intervalle. 5 urines sont recueillies :

albuminurie intense dans les 2 premières; albuminurie légère

dans les 2 suivantes; rien dans la 5e urine. Les urines d'Albruz...,

en dehors de ses séries, ne contiennent pas d'albumine.

Le 5 septembre, Pet..., quatorze ans, a 3 attaques coup sur coup.

Une heure après la dernière de ces attaques, on recueille l'urine.

Elle présente un nuage léger d'albumine.

D'autre part, voioi des observations dans lesquelles la présence

de l'albuminurie n'a pas été constatée :

Le 18 août, Vill..., vingt et un ans, a 11 accès dans la nuit.

4 urines sont recueillies, mais le matin seulement : pas d'albumine.

Le 5 août, Sept..., vingt ans, a 3 accès : à 7 heures du matin, à

1 heure, à 4 heures de l'après-midi. Une urine est recueillie après

chaque accès : pas d'albumine.

Le 25 août, Rong..., neuf ans, aurait eu 11 accès dans la nuit.

5 urines sont recueillies dans la matinée : pas d'albumine.

De ces recherches sur l'albuminurie chez les malades pré-

sentant des accès en série, nous croyons pouvoir conclure :

En même temps que le nombre des accès augmente; on voit

augmenter la fréquence de l'albuminurie. Au lieu d'avoir une

proportion de 50 p. 100 on trouverait probablement, avec un

nombre de faits plus considérable, une proportion beaucoup

366 . PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. z

plus forte, 75 à 80 p. 100 environ. Les trois exemples

de Vill..., de Rou... et de Sep... ne sont pas de nature à modi-

fier nos conclusions. En effet, pour Sép... les trois accès ont

été espacés sur neuf heures ; c'est à peine si l'on peut admettre

une série vraie pour cette malade. .

Quant aux deux autres, nous avons noté expressément que

l'urine avait été recueillie le matin seulement. Or nous voyons

par les exemples de Vill... et de Kl... combien peut être

transitoire l'albuminurie chez dés malades présentant un

nombre considérable d'accès.

Il est donc vraisemblable d'admettre que si les urines de

Vill... et de Rou..., avaient été recueillies la nuit immédiate-

ment après les accès on aurait pu y constater des traces d'albu-

mine. 11 est curieux en effet de noter que, à part Albruz ? la

quantité de l'albumine sécrétée par ces sérielles a toujours été

très minime. Ce sont toujours des traces d'albumine qu'on a

trouvées.

La pathogénie de l'albuminurie chez des malades présentant

des accès en série nous semble être absolument la même que

pour l'albuminurie qui suit les accès isolés. La répétition des

convulsions amène à la longue une congestion des reins qui

peut être insuffisante aux premiers accès pour laisser filtrer

l'albumine'mais qui finit par amener des troubles sécrétoires

suffisants pour que l'albumine apparaisse dans l'urine.

Nous voulons seulement retenir ce fait : à mesure que les

accès augmentent de nombre la fréquence de l'albuminurie

augmente.

Nous ne parlons pas de quantité. Il est curieux en effet de

voir que les malades auxquelles on pourrait donner le nom de

grandes albuminuriques ne sont point' forcément des sérielles.

17.. . .

Albuminurie dans l'état DE MAL épileptique. Les états

de mal épileptique étant assez rares, même dans un service

spécial comme celui de la Salpêtrière, le nombre de nos obser ?

vations est relativement restreint. Nous devons ajouter que

notre attenlion n'ayant été attirée sur l'albuminurie des épi-,

leptiques que récemment, nous n'avons pu trouver de rensei-

gnements dans bon nombre de nos observations antérieures,*

albuminurie POST-PAROXYSTIQUE ET épileptique. 367

l'examen des urines n'ayant pas été fait. Ce que nous pouvons

affirmer, c'est que depuis que nous recherchons systématique-

ment l'albuminurie chez des épileptiques en état de mal, nous

l'avons toujours rencontrée : nous ne prétendons pas cepen-

dant qu'il ne puisse y avoir des exceptions. Voici un exemple

typique :

Le 23 juillet 1891, Hemmer..., seize ans, entre en état de mal à

10 heures et demie du matin. Nous assistons au début des acci-

dents : elle tombe brusquement sans'pousser un cri. Perte immé-

diate de la conscience.

L'accès débute par des contorsions de la face dont la durée est

considérable : une minute et demie environ. Les muscles du facial

supérieur, les muscles des ailes du nez s'agitent les premiers, les

paupières battent avec force. Puis le facial inférieur se prend, les

commissures sont tiraillées soit ensemble, soit alternativement.

Pendant ce temps, phase tonique dans les membres.

Les bras présentent des mouvements de circumduction avec

flexion forcée du pouce dans la paume de la main. Les secousses

cloniques se généralisent enfin, prédominantes cependant, du côté

droit : stector, cyanose considérable de la face, écume très abon-

dante. Sueurs diffuses perlant en gouttelettes sur tout le corps et

particulièrement sur la face.

Les accès se répètent toutes les deux minutes environ. Perte

complète de la connaissance dans l'intervalle des accès. Nous pre-

nons la temp. rectale : 36° 6. - On sonde la malade : urines claires,

ne contenant pas d'albumine.

A midi et demi, nous voyons la malade pour la seconde fois.

Depuis une heure, les attaques sont devenues subintrantes; il est

presque impossible de les compter. La face est d'un bleu noirâtre,

elle est agitée presque sans interruption de secousses. Une écume

extrêmement abondante, teintée en rose, sort de la bouche, et

rend la respiration très difficile. La malade fait de bruyants mou-

vements de déglutition. Sueurs inondant le lit.

, On a donné, il y a une heure environ, un lavement purgatif à la

malade. Il a été rendu immédiatement sans garde-robe. T R, 40° 2.

Pouls très précipité et faible à 140.

Devant cet état général grave, on pratique une saignée de

350 grammes. Le sang est liés noir et rougit difficilement à l'air.

Dans les dix minutes qui suivent le pansement, les attaques rede-

viennent distinctes les unes des autres : un intervalle de deux à

trois minutes les sépare. La malade est sondée à une heure moins

le quart. Les urines contiennent un très léger nuage d'albumine.

A 4 heures, nous voyons de nouveau la malade. Les accès se sont

arrêtés vers deux heures de l'après-midi. La connaissance revient

368 PHYSIOLOGIE pathologique.

un peu. Les urines recueillies à ce moment contiennent une quan-

tité considérable d'albumine : T R = 39° 8". A 6 heures du soir,

4e urine. T, 38° 6. Nuage léger d'albumine.

26 juillet. La nuit a été bonne. Ce matin, 37° 6. Urines assez

abondantes : pas traces d'albumine.

Nous avons rapporté ce cas en détail, parce qu'il montre

bien l'évolution de l'albuminurie dans l'état de mal.

ALBUMINURIE POST-PAROXYSTIQUE ET ÉPILEPTIQUE. 369

Le 21 juillet, après 16 accès de nuit, traces d'albumine dans

l'urine. Le soir, après 8 accès de jour, plus d'albumine. T R, 37° 8'.

Tantôt les malades sont mortes : '

23 ans, Pet... Etat de mal de trois jours, 135 accès.

Albuminurie intense.

54 ans, Court... Etat de mal de trois jours, 228 accès.

Albuminurie intense.

16 ans, Thér... (1889). On trouve dans l'observation : « albumi-

nurie très abondante».

Peut-être l'albuminurie joue-t-elle un rôle dans la termi-

naison fatale; on connaît depuis longtemps l'influence heureuse

de la saignée dans certains cas. Quoi qu'il en soit, l'albuminurie

ne peut pas servir toujours à différencier, à elle seule, l'état

de mal épileptique de l'éclampsie. C'est une affinité de plus

entre ces deux affections dont la pathogénie est encore si obs-

cure, mais dont l'analogie paraît certaine.

RÉSUMÉ

De ces recherches, nous pouvons tirer les conclusions sui-

vantes :

L'albuminurie post-paroxystique se trouve dans la moitié des

cas des épileptiques.

Elle se rencontre dans tous les modes de l'épilepsie, aussi

bien après les accès rares qu'après les accès en série. A la suite

des vertiges et du délire, elle paraît exister également, mais

nos observations sur ce point ont besoin d'être multipliées et

étudiées à nouveau.

L'état de mal épileptique paraît toujours être accompagné

d'albuminurie. La présence de l'albumine dans certains cas,

pourrait être une cause d'erreur de diagnostic avec l'éclampsie.

L'albuminurie chez les épileptiques est constante chez les

mêmes malades, mais elle est très fugace et très variable en

quantité. Elle se montre surtout dans les deux premières

heures qui suivent l'accès convulsif et elle paraît avoir un

rapport constant avec la congestion de la face; d'où les consi-

dérations physiologiques que nous en avons déduites au point

de vue de la pathogénie de cette albuminurie. ♦

Archives, t. XXIII. 24

MÉDECINE LÉGALE.

.. NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE';

Par le D' CAMUSET,

Médecin-directeur de l'asile de Bonneval.

. II. - En médecine légale, il ne suffit pas d'affirmer

qu'un meurtre donné, a été commis sous l'influence

de la folie, il faut encore montrer que le meurtre en

question est un phénomène clinique, faisant partie

d'un état mental morbide connu, étudié et bien carac-

térisé, et qu'il n'a rien d'insolite au point de vue de

la pathologie mentale. Il faut aussi tacher d'établir sa

genèse, c'est-à-dire de suivre le processus psycholo-

gique qui l'a fait se manifester. J'ai essayé, dans

l'exposé sommaire qui précède, d'indiquer les princi-

pales circonstances pathologiques dans lesquelles il

est, pour ainsi dire normal, de constater la tendance

à l'homicide. Si donc, en pratique, l'homicide se ren-

contre en dehors des entités nosologiques et des états

morbides que j'ai signalés, on doit considérer le cas

comme anormal et rechercher s'il en existe d'autres

exemples dans la science. Mais le plus souvent, en étu-

diant plus attentivement le sujet, on reconnaît que

l'anomalie supposée n'existe pas et que le cas qui sem-

blait exceptionnel rentre dans la règle commune. En

,

' Voy. t. XXIII, n° 68, p. 157.

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 371 1

voici une preuve fournie par l'observation d'un aliéné

le nommé A... auteur de quatre homicides successifs.

Ce malade semblait de prime à bord n'appartenir à aucune des

classes psychopathiques dans lesquelles on observe le meurtre

comme symptôme ou comme complication. Mais après un examen

plus attentif, et avec l'aide de la connaissance de ses antécédents,

il devint facile d'établir qu'il était dans les mêmes conditions de

déséquilibration que les dégénérés intellectuels et, qu'en somme,

son cas n'avait rien d'anormal. C'était un cérébral, comme

Lasègue appelait cette sorte de malade. En d'autres termes, il était

atteint de dégénérescence intellectuelle non héréditaire, mais

acquise dans l'âge adulte. - Je fus chargé par le juge d'instruc-

tion de Châteaudun de l'examiner et de faire un rapport sur son

état mental. C'est ce rapport, légèrement modifié dans quelques-

unes de ses parties, que je transcris ici.

Je crois devoir exposer d'abord les antécédents de A..., puis les

meurtres par lui commis, avec les particularités qui les ont pré-

cédés et accompagnés, en insistant seulement sur les points

qui peuvent fournir des indications quant à l'étude de son état

mental. Ensuite, je décrirai les symptômes présentés par A...

depuis qu'il est en observation à l'asile; enfin les divers éléments

du problème de psychiatrie à résoudre se trouvant ainsi méthodi-

quement classés, je discuterai leur valeur, je ferai ressortir l'im-

portance de plusieurs d'entre eux, et j'établirai un diagnostic basé

sur leur ensemble, ce qui constituera la conclusion de mon rapport.

A... est un homme de trente-deux ans, d'une taille peu élevée,

mais fortement musclé et d'une force exceptionnelle. Il ne présente

pas le plus léger signe de dégénérescence physique. D'après les

renseignements les plus sérieux, il appartient à une famille dans

laquelle on n'a jamais observé ni folie, ni épilepsie. Son père et sa

mère sont morts assez jeunes et tous deux de fièvre typhoïde, les

parents qui lui restent : oncle, frères, etc., sont bien portants et ne

se font remarquer par aucune originalité de caractère, par aucune

tare intellectuelle. 11 a quatre enfants en bas âge, tous sains et

robustes, les aînés ont la physionomie intelligente.

Lui-même, jusqu'au mois de janvier de cette année (1891), n'a

jamais été malade. Depuis cette époque, il souffre beaucoup, je

reviendrai sur les symptômes qu'il présente. Il n'a pas eu de con-

vulsions pendant son enfance, il n'a jamais été atteint de fièvre

typhoïde, ni de fièvre maremmatique.

Il se peut cependant qu'il ait eu la syphilis avant son mariage,

c'est du moins ce qu'il prétend. Mais ses quatre enfants sont très

bien constitués, ils ne présentent aucun stigmate de syphilis héré-

ditaire et sa femme n'a jamais eu de fausse couche. On peut donc

372 MÉDECINE LÉGALE.

supposer que s'il a bien, comme il le dit, été atteint autrefois

d'une maladie des organes génitaux, il s'agissait seulement d'une

maladie vénérienne peu grave. Quoi qu'il en soit, on doit noter

l'existence, sinon probable au moins possible, de la syphilis dans

ses antécédents. - .

Au point de vue mental, A... a toujours été normal. C'est ce qui

ressort des renseignements recueillis auprès de sa femme, des

patrons qui l'ont employé, de ses voisins, du maire de sa commune,

etc. D'une intelligence moyenne, il avait les goûts et les habitudes

des gens de sa classe. Il buvait un peu quelquefois, mais il n'était

pas un ivrogne. Père de famille rangé, laborieux, doux et serviable,

il avait l'estime de tous. Pas querelleur, on ne lui connaissait pas

d'ennemis. ;

En résumé, A... était un homme robuste et exempt de toute tare

névropathique héréditaire ou acquise. Au moral, c'était un garçon

bien équilibré, d'une intelligence ordinaire, d'une bonne conduite,

vivant en bonne intelligence avec tout le monde.

Mais il y a neuf mois, en janvier 1891, sa santé jusqu'alors très

bonne, commença à s'altérer. Il fut pris d'accès de céphalalgie qui

devinrent de jour en jour plus fréquents et plus violents. 11 consulta

plusieurs médecins, mais aucune des médications qui lui furent

prescrites ne réussit. En même temps, sa vue s'affaiblissait, surtout

du côté droit, et il finit par ne plus pouvoir lire ni écrire. Les choses

en arrivèrent au point que tout travail lui devint impossible. Il

entreprenait une tâche, mais presque aussitôt il était obligé de

l'abandonner, ses maux de tête l'empêchaient de continuer. Pen-

dant les paroxysmes des accès, il avait, parait-il, des étourdisse-

ments et des vomissements.

Ces souffrances presque continuelles ne tardèrent pas à influer

sur son caractère, il devînt préoccupé, triste, sombre même. Il

parlait peu et ses réponses étaient sèches et brusques, il devenait

irritable. C'est sa femme qui m'a donné ces derniers rensei-

gnements ; en même temps, elle m'a fait connaître une particula-

rité importante : la mémoire de A... s'affaiblissait, la chose était

évidente pour les personnes qui vivaient dans son intimité. Un

exemple, entre autres, de cet affaiblissement de la mémoire : une

de ses parentes lui demandait le nom de son dernier enfant, cela

deux jours après qu'il l'avait fait baptiser. Il lui fut impossible de

répondre, il avait absolument oublié le nom de l'enfant, il ne se

souvenait même plus du nom de famille du parrain. Ce fait

m'a été rapporté par la parente même de A..., laquelle en avait

été très frappée.

On voit, en somme, que A... était atteint depuis environ neuf

mois d'une affection qui était toujours allée en s'aggravant, et qui,

à la fin, était caractérisée par les symptômes suivants : accès

violents et fréquents de céphalalgie frontale, avec étourdissements

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 373

et vomissements ; modification du caractère qui était devenu

sombre et irritable ; amblyopie double, mais surtout marquée à

droite ; enfin, troubles de la mémoire.

Nous arrivons maintenant à la relation des quatre meurtres

commis dans la matinée du 10 septembre 1891. La veille, A...

qui habite un petit hameau de la commune de Dampierre, dans le

département d'Eure-et-Loir, était allé voir un médecin dans une

ville voisine, il était aussi allé consulter un empirique qui a la

réputation, parait-il, « d'enlever les sorts ». - Cette idée, qu'il

pouvait bien être ensorcelé, avait donc, dès avant le jour de la

catastrophe, germé dans sa tête. Mais depuis quand ? - Je n'ai pu

le savoir, ni lui ni sa femme ne peuvent, ou ne veulent, répondre

catégoriquement à ce sujet.

1 Le soir, il rentrait chez lui. Plusieurs personnes qui le virent à

ce moment, qui lui parlèrent même, n'ont rien remarqué d'extra-

ordinaire, ni dans sa personne, ni dans ses allures; il n'était pas

ivre. Pourtant, il avait fait quelques libations dans la journée. Le

dossier de l'affaire renferme l'énumération de toutes les boissons

qu'il avait absorbées dans divers cabarets, et l'on voit qu'il n'avait

pas en tout bu une dose d'alcool bien considérable.

Rentré dans sa maison, il passa une nuit terrible, pendant

. laquelle il fut en proie à l'angoisse, aux hallucinations et au délire.

C'est ce qui ressort d'une façon évidente de l'interrogatoire de

sa femme. Lui-même se rappelle très bien, aujourd'hui encore, des

divers incidents de cette nuit, et il les raconte volontiers.

D'abord il se couche et s'endort, mais il ne tarde pas à se

réveiller tourmenté qu'il est par de violentes douleurs de têle, et

aussi par un sentiment d'angoisse. « On l'étouffe, on lui sert la

gorge, c'est horrible ce qu'il souffre. » Ces souffrances, il croit

en trouver l'explication daus ce fait qu'il a mal pris les médica-

ments qu'on lui a ordonnés. Alors il est perdu, il est empoisonné,

il va mourir. Il pense que peut-être, en priant, il sera délivré,

sauvé. Et alors il se met à faire une prière à haute voix, et il exige e

de sa femme qu'elle fasse comme lui. C'était là un acte en

dehors de ses habitudes, il ne se livrait d'ordinaire à aucune prati-

que religieuse, jamais il ne faisait de prières.

Après quelques instants, il se sent un peu soulagé ; alors, il se

recouche et se rendort, mais pour quelques minutes seulement.

La souffrance le réveille à nouveau. Cette fois, à la terreur et à

l'angoisse s'ajoutent des hallucinations de la vue et de l'ouïe, et

une idée délirante nait tout à coup dans son cerveau. Des voix

lui parlent, lui disent qu'il est perdu ; il étouffe, sa tête va éclater;

sa gorge est bouchée. Il voit près de lui un de ses voisins, M...

Puis cette idée surgit : C'est « son sort» qui l'étouffe, et c'est M ?

qui le lui a donné. 11 se mord les bras (on voyait encore la

marque de'la morsure quinze jours après), tâchant de diminuer

374 MÉDECINE LÉGALE.

ses souffrances internes, morales, en provoquant ainsi une autre

souffrance externe, physique. Mais l'angoisse persiste aussi forte,

les hallucinations continuent, il voit et entend toujours il se

lamente, il gesticule, il est couvert de sueur.

A ce moment survient une impulsion subite : Il faut qu'il tue

M... qui est là, sous sa main, M... qui lui a jeté un sort. Après, il

sera délivré, tranquille, il ne souffrira plus. - A partir de cet

instant, tout lui devient étranger, il n'a plus qu'un but, une

pensée, tuer M... Toute son activité psychique est dirigée dans ce

sens, cette impulsion homicide ne subit l'influence d'aucun con-

trôle. Il ne sait même plus, au bout de quelques secondes, pour-

quoi il faut qu'il tue. La conscience est tout entière remplie par

l'appétit de tuer, il n'y reste de place pour aucune autre idée.

Voici ce qui s'est passé ensuite. A..., à demi vêtu, prend son

fusil et tire, à travers la fenêtre, sur M..., qu'il croit voir dehors.

Plusieurs carreaux sont brisés. Ensuite, il sort et se met à la pour-

suite de son ennemi qu'il aperçoit fuyant devant lui. A plusieurs

reprises il fait feu, et enfin, son fusil en mauvais état et que dans

sa précipitation il charge mal, lui éclate entre les mains. il se

débarrasse de la crosse et ne garde que les canons, dont l'un,

celui qui a éclaté, présente au niveau de la déchirure des bords

tranchants et des aspérités aiguës.

C'est avec cette arme redoutable entre les mains d'un homme

de sa force que, dans une maison où il s'était introduit, courant

toujours à la poursuite de M..., il tue une femme et un jeune gar-

çon, la mère et le fils, une autre femme accourue au secours des

deux premières victimes, et un vieillard enfin qu'il trouve sur son

chemin en sortant de la maison.

Ce quatrième meurtre accompli, il cherche encore à s'introduire

dans une autre maison où deux femmes s'étaient réfugiées,

effrayées, refusant d'ouvrir. 11 ne fait, du reste, pas de grands

efforts pour forcer la porte, les femmes lui ayant, à sa demande,

donné leurs noms, ce qui semble le satisfaire. Enfin, il se calme,

et il rentre chez lui où il raconte à sa femme tout ce qui vient de

se passer.

Sa fureur était tombée, il était encore très ému, très tremblant,

la figure couverte de sueur, mais il parlait sans divaguer et il se

rendait très bien compte de ce qui venait d'arriver et des meurtres

qu'il avait commis. A ce moment, il répondait froidement : « Qu'il il

avait le regret d'avoir ainsi assassiné quatre personnes, qu'il les

avait prises pour M..., qu'il ne voulait tuer que M... »

Les quatre meurtres avaient été accomplis de la même façon,

A... s'acharnant sur ses victimes et les frappant à tour de bras

avec ses canons de fusil. Elles avaient toutes quatre la tête broyée.

Chose bizarre, il comptait à haute voix les coups qu'il leur don-

nait ; son idée était de leur en donner à chacune soixante.

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 375

Quand on lui demande la raison pour laquelle il a agi ainsi, il

répond qu'il n'en sait rien, « mais que ça lui disait de faire comme

cela ». '

Il parait aussi qu'après avoir tué sa première victime, il voulut

que le petit garçon de celle-ci, qu'il devait tuer également quel-

ques instants après, embrassât sa mère, et il le traîna vers le

cadavre de cette dernière. - Il se souvient très bien de ce fait,

mais il ne peut nous en donner l'explication. Ça lui disait de

faire comme cela. » - '

Le surlendemain, 12 septembre, A... fut envoyé en observation

à l'asile de Bonneval. Il avait, la veille, à la prison de Châteaudun,

cherché à s'étrangler avec son mouchoir. Je résume ici les notes

médicales prises chaque jour sur lui. ·

12 septembre. A... a l'aspect mélancolique, il est déprimé, il

s'exprime lentement et non sans difficulté, ses idées sont troublées,

et il lui faut un certain effort pour arriver à les fixer sur un point

quelconque et pour répondre aux questions. Aussitôt qu'on cesse

de l'interroger, abandonné à lui-même, il devient muet, il soupire

fortement, il gémit, ou bien il répète sans cesse cette phrase : « Je

veux mourir. » - Pourquoi ? « Pour échapper à la justice, il

faut que je meurs. »

On arrive pourtant à lui faire raconter les diverses circonstances

de son attentat, mais il le fait d'une façon diffuse et peu claire. Il

faut, pour maintenir son attention, répéter continuellement les

questions et sans cesse le remettre sur la voie; sinon, il s'arrête, il

recommence à geindre et il revient bientôt à son monotone : a Je

veux mourir, il faut que je meurs. »

Eu dehors de son quadruple assassinat, dont l'idée l'absorbe, il

est très difficile d'obtenir de lui des réponses à peu près satisfai-

santes. En réalité, ses facultés intellectuelles sont en partie obnu-

bilées. Le soir cependant, il se plaint du bruit que l'on fait

autour de lui, il prétend qu'on le regarde à travers les fentes de

la porte. Il a évidemment encore des hallucinations et surtout des

illusions de la vue et de l'ouïe, on s'aperçoit qu'il interprète d'une

façon délirante les bruits réels qu'il entend ou les objets qu'il voit

réellement. ·

La santé physique est bonne. I ! n'a pas de tremblement des

doigts ni de la langue. Il a peu mangé jusqu'à présent et il a abso-

lument refusé de boire du vin, il dit qu'on veut l'empoisonner.

13. Même état à peu près que hier. Je lui demande le

nom de sa femme, il ne peut d'abord le trouver et il n'arrive à le

donner qu'après un moment de recherches 11 n'y a là ni amné-

sie véritable, ni amnésie simulée. Le malade ne peut fixer rapide-

ment son attention sur ce que je lui demande, il lui faut d'abord

faire un effort qui exige un certain temps. Ce phénomène est dû

à ce qu'il est très absorbé par la pensée des meurtres qu'il. a-com-

376 IDLCI\L LÉGALE.

mis, par des craintes de toutes sortes, particulièrement par celle

qu'on veut lui faire du mal, et aussi par son désir d'en finir, d'être

débarrassé de la vie en même temps que de ses souffrances - Si

cet état se prononçait davantage, le malade entrerait dans une

période de stupeur.

14. 11 se plaint davantage encore que les jours précédents, il

est de plus en plus préoccupé par la crainte qu'on lui fasse

du mal, qu'on l'empoisonne. Il mange à peine. On ne peut tirer

de lui que ses paroles habituelles : « Je veux mourir, il faut que je

meure. On veutme faire du mal, on veut m'empoisonner ! a Impos-

sible de lui faire saisir l'illogisme qui existe entre ces deux concep-

tions. - Plus sombre encore qu'à l'habitude.

15. - Dans la matinée, sans que rien puisse faire prévoir cet

acte, A... se jette sur le gardien chargé de le surveiller et cherche

à l'étrangler. Mais le gardien aidé par ses camarades accourus

à son secours le maintient. A..., très agité, l'air hagard, crie

qu'on veut le tuer, l'empoisonner. On l'isole dans une cellule. A

peine enfermé, il se précipite de toutes ses forces, la tête en avant,

contre les murs qui sont recouverts de bois. Il ne s'en fait pas

moins une plaie grave à la tête et il tombe sur le plancher. La

plaie saigne abondamment, le mur de la cellule est ensanglanté et

il y a une mare de sang par terre.

On est obligé de le fixer solidement et on pans £ sa blessure. Il

devient pendant ce temps de plus en plus agité et incohérent, mais

on retrouve quand même, dans ses divagations, les mêmes craintes

d'empoisonnement, les mêmes idées de suicide, qui reviennent

toujours. Il devient impossible de lui rien faire prendre. Dans

la journée il parvient à rompre ses liens et à déchirer sa camisole.

On ne le quitte plus un instant de vue, trois infirmiers qui se

relaient à tour de rôle sont exclusivement préposés à sa garde.

16. La journée est mauvaise. L'agitation persiste aussi vio-

lente. Le malade ne prend en tout que quelques gorgées d'eau.

Je crains un accès de délire aigu, et malgré la résolutions.prise au

début d'abandonner le sujet à lui-même, sans aucun traitement,

afin de ne modifier en rien la forme des symptômes qu'il. pourrait

présenter, ni leur marche, ni leur succession, on est obligé d'in-

tervenir et de tâcher de calmer cette agitation excessive qui

menace d'aboutir au délire aigu. Je pratique donc quelques piqûres

de morphine et l'on administre de force un purgatif énergique.

17. L'agitation est beaucoup moins vive. L'état mental est

redevenu ce qu'il était avant la crise de surexilation des deux der-

niers jours.

48, 99 et 20.- Peu de changement, cependant, on constate une

certaine tendance à l'amélioration. Le malade commence à mieux

accepter la nourriture ? On cherche à se rendre compte de l'état

des sentiments affectifs. On lui parle de sa femme et de ses

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 377

enfants. Il dit qu'il voudrait bien les voir, que e c'est malheu-

reux, qu'il voudrait mourir, qu'on lui envoie un prêtre pour se

confesser ». Mais il ne se rend pas exactement compte de la triste

situation qu'il a faite aux siens.

On lui énumère les noms des quatre personnes qu'il a tuées. Il

répète encore que « c'est malheureux, qu'il faut qu'il meure, qu'il

était fou, qu'il croyait que c'était M..., qu'il ne voulait tuer que

M..., qu'il ne veut pas qu'on lui fassede mal, ni qu'on l'empoisonne».

Il s'apitoie évidemment bien davantage sur son sort, à lui, que

sur celui de ses victimes. - On observe, chez ce malade, cette

perversion des sentiments affectifs, habituelle dans la mélancolie.

Il ne se préoccupe pas beaucoup des souffrances des autres,

encore bien que lui-même en soit l'auteur. Il ne pense qu'à lui,

à ses chagrins, à ses douleurs, a ses craintes ; ses remords sont

légers.

A... présente un symptôme fréquent chez les mélancoliques, il

recherche, dans son passé, les faits répréhensifs qui peuvent s'y

trouver, et il les avoue, soit tels qu'ils ont existé, soit en les modi-

fiant. On sait que parfois, les mélancoliques inventent même des

fautes qu'ils n'ont pas commises et qu'ils finissent par mettre, de

bonne foi, à leur actif. (Sentiments de culpabilité imaginaire.)

A..., lui, dit avoir volé autrefois, à un camarade, une somme de

quatorze francs qu'il a jetée, quelques heures après, dans la rivière.

Que le fait soit vrai, ou qu'il soie faux, peu importe. Ce qui est à

noter, c'est que, comme gravité, il fait aller de pair le vol avec les

meurtres, et il n'a pas conscience de la différence qui existe entre

ces deux sortes d'actions. Le tout contribue seulement à satisfaire

ce véritable besoin de souffrance morale, de tristesse propre à la

mélancolie (qu'on appelle aussi très justement, pour cette raison :

hypémanie). C'est là un caractère psychologique intéressant au

point de vue du diagnostic, et qui peut être utile dans la recherche

de la simulation.

Enfin, toute la journée, sitôt qu'on s'approche de lui, A... vous

tient les mêmes discours, ou plutôt vous répète les mêmes phrases :

« J'étais fou quand j'ai assassiné quatre personnes. Je suis bien

malheureux. Ce n'était pas ma faute, puisque j'étais fou. Je vois

bien qu'on veut me faire du mal. Je ne veux pas qu'on m'em-

poisonne. - Je veux m'en aller d'ici. n .

On cherche à le faire s'expliquer sur le sort que M... lui a jeté.

Tantôt il est sûr qu'on lui a réellement donné un sort, tantôt il dit

qu'il le croyait, mais qu'il ne le croit plus. 11 est toutefois certain

que l'idée de sortilège ne l'a pas abandonné. Elle occupe toujours

sa pensée, elle est moins absorbante que ces jours derniers, elle

ne remplit pas toute la conscience, mais elle subsiste encore, et

elle se réveillerait il la première occasion, aussi intense que la

première fois. Et de fait, il lui arrive assez souvent de dire froide-

378 MÉDECINE LÉGALE.

ment « que c'est M... qu'il aurait dû tuer, qu'il recommencerait

. encore, quand il souffre, parce que c'est bien un sort qu'il a ».

21 septembre et jours suivants, - L'amélioration persiste, mais

sans se prononcer davantage. En somme, l'état reste stationnaire.

On retrouve encore des hallucinations, des illusions, et aussi des

idées délirantes, mais moins intenses. Il y a surtout beaucoup moins

d'excitation. On doit cependant toujours craindre de nouvelles

crises d'agitation et de nouvelles impulsions. Une fois même, parce

qu'un infirmier voulait l'obliger à prendre soin de sa personne, à

se laver, il s'est emporté, sa figure est devenue mauvaise, mais l'in-

cident n'a pas eu de suite, il est vite redevenu calme, la crise a

avorté.

On peut définir ainsi brièvement l'état mental actuel

de A... : Dépression mélancolique légère, trouble dans

les idées, préoccupations un peu vagues et mal systé-

matisées dans le sens des idées de persécution, et spé-

cialement crainte qu'on l'empoisonne ; quelques hallu-

cinations et illusions de la vue et de l'ouïe; en plus

sentiment de désespoir, préoccupation absorbante de

la pensée de l'acte qu'il a commis ; et enfin, désir de

mourir et tendance prononcée au suicide. Au-

jourd'hui, 1er février 1892, la situation est encore la

même.

Résumons maintenant l'histoire pathologique de A...

Jusqu'à l'âge de trente et un ans, A... est bien portant au phy-

sique et au moral, sans tare névropathique héréditaire ou acquise.

A cette époque de son existence, il tombe malade. Sa maladie est

caractérisée par de violentes douleurs de tête siégeant à la région

frontale, et survenant par accès, lesquels s'accompagnent parfois

d'étourdissements et de vomissements ; par l'affaiblissement rapide

de la vue ; par des troubles de la mémoire ; enfin par certaines

modifications du caractère.

L'affaiblissement de la vue est probablement dû à une atrophie.

de la papille. A l'examen à l'ophthalmoscope, on trouve la

papille droite avec des contours irréguliers et d'un blanc nacré,

que l'examen comparatif avee la pupille gauche rend évident. En

outre, il y a dilatation permanente de la pupille, également à

droite. ·

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 379

Il est important de rechercher quelle peut être cette

maladie qui va sans cesse en s'aggravant. Il est

certain qu'il s'agit d'une maladie du système nerveux

qui intéresse spécialement les parties antérieures du

cerveau, les symptômes l'indiquent. Mais c'est là tout

ce qu'on peut affirmer. En cherchant à préciser le dia-

gnostic, on ne fait que des suppositions plus ou moins

plausibles.

Y a-t-il une lésion, tumeur ou autre, développée

primitivement dans le cerveau, ou bien développée

dans son voisinage et n'ayant atteint cet organe que

consécutivement ? - Il se peut qu'il en soit ainsi, et

c'est ici que doit intervenir la pensée .de l'existence

possible de la syphilis dans les antécédents du malade.

Mais rien ne la démontre d'une façon certaine. On n'a

jamais observé ni attaque d'apoplexie, ni symptômes

paralytiques, et c'est ce qui contribue à rendre ainsi

obscure la question du diagnostic.

Y a-t-il seulement lésion profonde, élémentaire,

et ne se manifestant que par des troubles fonctionnels ?

C'est peu probable, mais on ne doit pas rejeter

absolument cette supposition.

La seule chose, encore une fois, qui soit cerlaine,

c'est que les divers symptômes observés chez le malade

ont leur raison d'être dans une modification morbide

des parties antérieures du cerveau, et cette donnée

pathogénique est suffisante dans le cas actuel.

Il en résulle, en effet, que A... qui n'est porteur

d'aucune tare héréditaire se trouve cependant, par le

fait de son affection cérébrale qui date de neuf mois,

dans les mêmes conditions qu'un névropathe hérédi-

taire, car, que 'la névropathie résulte de l'hérédité

380 MÉDECINE LÉGALE.

morbide, ce qui s'observe le plus généralement, ou

qu'elle soit acquise, les conséquences en sont les

mêmes. - Le cerveau de notre malade est devenu un

cerveau infirme, par accident, et sous l'influence de la

folie, il réagira à la façon des cerveaux infirmes par

hérédité morbide. On a parfois caractérisé les sujets de

cette sorte en disant qu'ils étaient héréditaires d'eux-

mêmes. ,

A..., parle fait de son affection cérébrale, est donc

devenu un dégénéré intellectuel, et je dois insister sur

ce point parce que là se trouve l'explication de l'im-

pulsion homicide qui éclate au début d'un simple accès

de mélancolie.

On peut comprendre maintenant ce qui s'est passé :

A... atteint de dégénérescence intellectuelle, suite

d'une maladie des parties antérieures du cerveau, a

tout à coup, pendant la nuit du 9 au 10 septembre un

accès de délire mélancolique, accès préparé depuis de

longs mois déjà, et caractérisé par de l'angoisse, de la

terreur, des troubles de la sensibilité générale, des

hallucinations et des illusions diverses, et par une idée

délirante de sortilège. Presque de suite, une impulsion

homicide surgit dans son esprit, et devant elle tout

disparaît; le malade devenu étranger à ce qui l'en-

toure s'y livre tout entier.

C'est là que se manifeste la réaction pathologique

du cerveau infirme dont je viens de parler, du cerveau

en dégénérescence.' La clinique apprend, en effet, que

les impulsions de ce genre ne naissent que dans les

conditions de dégénérescence cérébrale, dégénéres-

cence héréditaire le plus souvent, mais dégénérescence

acquise aussi parfois, comme dans le cas actuel.

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 381

Les parties antérieures du cerveau, momentanément

. au moins, perdent leur puissance de contrôle et d'ar-

rêt sur les parties postérieures, siège'des centres ins-

tinctifs. L'actuation devient alors, pour ainsi dire

automatique'. 1.

L'acte consommé, un équilibre relatif s'établit dans

le fonctionnement du cerveau, le délire peut persister,

mais l'impulsion a disparu de la conscience. - C'est

ce qui est arrivé chez A... qui, ses quatre meurtres

consommés, en a gardé le souvenir, les a expliqués,

et a même regretté de les avoir commis, tout en con-

servant cette idée, qui fut la cause originelle de l'im-

pulsion, que M...., son voisin, lui avait donné un sort.

Telle est l'explication médicale du quadruple assas-

sinat commis par l'accusé.

Quelques mots encore au sujet du diagnostic de

l'accès d'aliénation mentale présenté par A.... Tout

d'abord, mis en présence de ce quadruple assassinat

consommé dans les conditions que l'on connaît, il

était naturel de le supposer dû à la folie épileptique,

à la folie alcoolique ou au délire de persécution.

L'examen, même superficiel de A..., a de suite fait

reconnaître qu'il ne s'agissait, chez lui, d'aucune de

ces entités morbides. Il n'est pas même utile, tant la

chose est évidente, d'exposer un diagnostic différentiel

' Dans beaucoup de circonstances, ces phénomènes morbides d'inhibi-

tion, ou mieux, ces phénomènes morbides dépendant d'un défaut d'm-

Iiibitioii, sont peut-être dus à un arrêt de développement de certaines

parties de l'encéphale, ou a un développement défectueux de ces parties

(libres de conjonction, qui relient entre eux les différents territoires),

dans les cas congénitaux ; et à une désorganisation pathologique de ces

mêmes parties, dans les cas acquis. C'est là une vue théorique qui

concorde avec bien des données acquises aujourd'hui à la science, suries

localisations, mais qui n'a pas encore pu être contrôlée par l'observation

directe, par l'anatomie pathologique.

382 MÉDECINE LÉGALE.

et d'énumérer les caractères distinctifs qui existent

entre ces différentes maladies mentales et l'accès de

délire mélancolique dont notre malade a été atteint,

quelques heures seulement avant la scène des meurtres.

On a pu noter, pendant cette scène de meurtre,

deux particularités étranges. D'abord, pourquoi A...

a-t-il choisi, parmi ses autres voisins, M.... pour en

faire son ennemi, celui qui l'avait ensorcelé ?

Ensuite, pourquoi a-t-il cherché à donner, en les comp-

tant à haute voix, soixante coups de son arme à cha-

cune de ses victimes ? z

A... a pensé que c'était M... qui l'avait ensorcelé

par suite d'un travail intellectuel inconscient, d'une

cérébration inconsciente, comme on désigne ce phéno-

mène psychique. La mère de M... avait conseillé au-

trefois à A... d'aller consulter un empirique qui gué-

rissait les maladies inconnues et qui enlevait les

sorts. Ce simple fait est devenu, pour le malade, le

point de départ d'une association d'idées, qui s'est

déroulée plus ou moins à son insu, et sans que son

moi y prit peut-être la moindre part. Le dernier

terme de cette association d'idées a été cette concep-

tion absolument consciente, celle-là, que son sort lui

avait été donné par M... fils. Il est souvent facile

d'expliquer ainsi, à l'aide des cérébrations incons-

cientes, les conceptions et les actes les plus bizarres

des aliénés, on s'aperçoit alors que, conceptions et

actes, si anormaux qu'ils paraissent, n'en ont pas

moins une origine, un point de départ logique.

La circonstance des soixante coups donnés à chaque

victime est plus difficile à expliquer. On peut cher-

cher la raison de ce fait dans quelque hallucination

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 383

mpérative de l'ouïe. Il serait peut-être plus rationnel

de faire intervenir l'influence de quelque conception

délirante intimement combinée avec l'impulsion homi-

cide, née en même temps qu'elle dans l'esprit du

malade et lui restant associée jusqu'à la fin. L'idée

de faire embrasser le cadavre de la mère par l'en-

fant se rattacherait aussi à quelque sentiment mys-

tique contemporain également de l'impulsion. On a

vu que A..., peu avant la scène des meurtres, avait

prié à haute voix, il était donc sous une influence

mystique étrangère à sa vraie nature. - Mais il faut

reconnaître que ce sont là des considérations tout à

fait hypothétiques.

Je crois, en résumé, avoir démontré par tout ce qui

précède, que A... atteint d'un accès de délire mélan-

colique, dans la nuit du 9 au 10 septembre, a été

pris, dans la matinée du 10, d'une impulsion homi-

cide subite et irrésistible.

Aujourd'hui, 1er février 1892, l'accès de mélancolie

dure encore, mais il est moins intense. Cependant des

pensées de suicide et de meurtre continuent toujours

à hanter l'esprit du malade, lequel reste encore assez

déprimé, et, chez lui, des impulsions dangereuses

pourraient d'un moment à l'autre se réveiller aussi

violentes que celles du début de l'accès.

Quelle sera maintenant la marche ultérieure de

l'affection ? L'accès actuel guérira peut-être, la

guérison de la mélancolie n'est pas rare ; mais le cer-

veau du malade, outre qu'il est le siège de la psychose

actuelle, est dans un état pathologique particulier, sur

lequel nous avons à plusieurs reprises insisté, et cette

circonstance rend bien improbable la guérison réelle

384 MÉDECINE LÉGALE.

de la psychose.- On doit plutôt admettre que l'accès

vésanique se prolongera et qu'il deviendra chronique;

il subira sans doute alors des modifications, quant à

ses symptômes et à sa forme, il se systématisera peut-

être davantage et se transformera en un délire mélan-

colique avec idées de sortilège et de persécution. Mais

on doit prévoir que des impulsions irrésistibles, ana-

logues à celles qui se sont déjà produites, se produi-

ront encore dans l'avenir.

En conséquence, je suis amené à formuler ainsi les

conclusions de mon rapport :

1° A... est atteint d'aliénation mentale (délire mé-

lancolique). Il était déjà aliéné quand, sous l'influence

d'une impulsion irrésistible, il a commis quatre meur-

tres successifs ;

2° Il est, par conséquent, complètement irrespon-

sable de son action;

3° A... est un aliéné très dangereux qui doit être

maintenu dans un asile spécial.

Ces conclusions ayant été admises par le juge d'ins-

truction, A... bénéficia d'une ordonnance de non-lieu

et fut envoyé à l'asile de Bonneval, où il est en ce

moment. Son état mental (leur février 1892) n'a

encore subi aucune modification remarquable.

Les quelques principes de médecine légale des

aliénés, que j'ai rappelés dans cette note, y sont

exposés très succinctement, et il est, par conséquent,

inutile que je les reproduise en terminant sous forme

d'un résumé.

Mon but principal a été de relater un cas d'homi-

cide par un aliéné, consommé dans des circonstances

qui semblaient différentes de celles dans lesquelles

NOTE SUR UN ALIÉNÉ HOMICIDE. 385

les fous deviennent meurtriers, et de démontrer qu'il

n'en était rien. L'observation détaillée d'A..., jointe à

la connaissance de l'état mental réel de ce malade,

ne peut, au contraire, que corroborer les données

acquises aujourd'hui sur les impulsions homicides

dans l'aliénation mentale. La pathologie mentale

ne possède encore de bases anatomo-pathologiques

qu'en quelques-unes seulement de ses parties, elle

n'en est pas moins, dans son ensemble, constituée

d'après les règles d'une méthode rigoureusement

scientifique, qui s'appuie à la fois sur l'observation et

sur l'expérience, c'est-à-dire sur la clinique et sur la

physiologie cérébrale.

La forme de ce court travail m'obligeait à présenter

d'abord un aperçu de la sémeiologie de l'homicide

dans la folie, c'est ce que j'ai fait en m'efforçant de ne

retenir que les notions réellement acquises à la

science, et en laissant de côté toutes celles qui sont

encore controversées. J'ai même dû m'abstenir, pour

cette raison, de signaler l'homicide dans la paralysie

générale, quoiqu'il en existe des cas incontestables.

Mais ces cas sont peu nombreux, et ils sont surtout

trop insuffisamment étudiés pour qu'il soit, dès à pré-

sent, permis d'en déduire des conclusions cliniques.

.Archives, t. XXIII. 25

RECUEIL DE FAITS.

SUR LES HALLUCINATIONS, ET EN PARTICULIER LES HALLU-

CINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES, DANS LA MÉLAN-

COLIE (Suite) 1 ;

Par J. SÉGLAS, médecin suppléant de la Salpêtrière,

et PAUL LOKDE, interne des hôpitaux.

Observation Il[ ? La nommée Marthe Carr..., âgée de cin-

quante-six ans, est une mélancolique anxieuse, entrée dans le ser-

vice de M. Falpet le 3 octobre 1889.

Elle est très loquace et forte agitée. Elle ne peut rester en

place, « J'ai été une ignorante, dit-elle, je me suis perdue ; j'ai volé

le pain de tous les hôpitaux. Je suis devenue comme un monstre;

je l'ai vu en me regardant dans une. glace. J'ai des grouillements

dans le corps, ce doit être le diable. J'ai abandonné la grâce de

Dieu et Dieu m'a abandonnée... Il faut me purifier comme un

animal. Je voudrais ne pas manger. C'est cela qui m'a corrompue.

J'aurais dft ne pas manger le pain des autres malades des hôpi-

taux. Je suis pleine de vers, je les ai sentis grouiller et cela faisait

du bruit. Quand on est devenue un animal qu'est-ce qu'on peut

faire. Je suis stupide, je ne veux pas manger et je mange. Il n'y a

pas de grâce pour des horreurs comme moi. Je ne mérite rien. Dieu

ne me pardonnera jamais. Tuez-moi, ne me soignez pas. »

«J'ai livré le sanginnoceul; je suis Judas Iscariote. Dieu m'a ôté

le pouvoir de travailler et l'intelligence, je suis incapable de tout.

Je corromps tout lé monde.» Phraséologie mystique; parle comme

si elle prêchait. Rhumatisme déformant. Athérome généralisé.

Voix intérieures. Elle est malade depuis un an et demi. Elle se

dit possédée depuis un an. Elle ressent des voix intérieures. Ce sont

des inspirations mauvaises ou bonnes. Les premières les plus fré-

quentes partent à gauche de la région du coeur. Les bonnes inspi-

rations plus rares viennent du côté droit et ne durent pas.

Transférée en province le 30 novembre 1889.

' Voirn" 68, p. 201.

DES HALLUCINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES. 381

Nous retrouvons ici un dédoublement de la personnalité

caractérisée par la lutte entre l'idée de bien et l'idée de mal.

Ici chaque voix a sa localisation. Cela a sans doute peu d'im-

portance. Mais ce qui est plus intéressant, c'est que cette pos-

sédée mélancolique a été regardée comme ayant des halluci-

nations de l'ouïe. Or il est plus que probable qu'elle n'a jamais

eu d'autres voix que les voix intérieures. Au moins est-ce la

conclusion des recherches que nous avons faites à ce propos

dans son interrogatoire. ,

Observation IV. Mme X... entrée dans le service de M. A. Voi-

SIN comme atteinte de mélancolie anxieuse.

« Il y a quatre mois, j'étais gaie ; je suis tout à fait changée. Cela

m'a pris par une peur de mourir. Quelque chose me saisissait à la

poitrine et cela m'a donné peur de mourir.

Voyez ma figure comme elle est; voyez comme cela me travaille.

Je suis endurcie. Le coeur est dur au physique comme au moral. Le

bon Dieu manifeste cela par de la folie. On a l'air d'être folle. Je ne

suis plus rien. Je sens que je vais mourir bientôt. Je sens cela dans

mon corps. Le diable est dans mon âme.

Rien ne plaît aux endurcis; ni les parents, ni les amis.

Je vais jaunir; je jaunis déjà. Vous verrez mon coeur à l'autopsie.

Je suis un monstre. Je vais mourir comme une damnée et c'est

pour l'éternité.

On fait tout ce qui doit être à l'envers. Il faut que je mange avec

le poison; quelle contradiction ! si je crachais, vous verriez que

c'est du poison, à moins que le diable ne diminue pour faire croire

que c'est des crachats. Voyez comme ma figure est changée. Je

souffre du corps et du moral. »

Voix intérieures.- Voix la nuit : « Perdue pour l'éternité ; tou-

jours dans l'éternité malheureuse ! Je sentais cela dans mon âme et

je le disais. J'entendais comme si je parlais moi-même. C'étaient des

voix intérieures ; c'était de l'autre vie. »

Il n'y a pas chez elle de sensation auditives, car lorsqu'on

lui demande dans quelle direction venaient ces voix, si elle

les entendait par l'oreille ? - Mais je ne connaissais pas cela,

répond-elle.

En résumé, nos observations peuvent se répartir de façon

suivante : ,

Sur nos deux mélancoliques avec conscience, l'une a de la

conversation mentale, l'autre a une voix de la conscience.-Sur

nos deux mélancoliques avec dépression, l'une a une conver-

388 RECUEIL DE FAITS.

sation mentale si accentuée qu'elle parle elle-même de voix

intérieures qui se contredisent, l'autre a une voix intérieure

-très nette. - Sur nos quatre mélancoliques anxieuses, trois

ont [des voix intérieures qu'elles localisent 'dans la poitrine,

l'autre a une voix intérieure qu'elle ne localise pas.

Nous ne prétendons pas résoudre la question de savoir si les

mélancoliques ont toujours soit des voix intérieures, soit de la

conversation mentale. Nous ferons remarquer seulement que

l'état faible de l'hallucination psycho-motrice demande à être

recherché sous peine de passer inaperçu. Nous en donnerons

comme exemple l'observation suivante.

La nommée Julie-Lucie Lamb..., âgée de vingt-huit ans, exa-

minée le 30 mars 1888, dans le service de M. Falret, se présente

dans l'état suivant.

Début. Depuis six mois elle n'est pas réglée, après l'avoir été

assez mal plusieurs mois auparavant. Elle se plaint de leucorrhée

quoiqu'elle ait une conduite « régulière ». Elle a aussi de la dys-

pepsie flatulente; mais elle mange assez bien en se forçant un

peu.

Dans cet état de santé assez médiocre, elle se mit à commettre

quplques extravagances qu'elle qualifie maintenant de méchan-

cetés envers sa mère. Elle ne voulait pas manger à table disant

que cela la ferait mourir. Puis elle mangeait en cachette quantité

de pain « pour s'étouffer ' » et buvait de l'eau de vaisselle pour se

brûler la langue. Elle ramassait des croûtes de pain dans la rue

pour les manger. Elle feignait de vouloir se sauver de chez elle;

elle partait et revenait aussitôt.

Elle se mit à parler tout le temps en répétant des mêmes phrases.

Elle marmottait des prières à la sainte Vierge. La nuit, elle dor-

mait peu, ayant des cauchemars, mais ne causait pas. Elle avait des

envies de pleurer en s'accusant de ne pas écouter sa mère. Les

prières ne semblent qu'une conséquence des fautes qu'elle s'accuse

d'avoir commises. Elle a bien été religieuse de tout temps; mais

elle l'est devenue davantage. Elle demandait qu'on priât pour elle

en disant qu'elle n'aurait pas été coupable si elle avait prié davan-

tage.

Depuis la même époque, c'est-à-dire depuis environ six mois,

elle croyait qu'on la regardait dans la rue, mais non pas qu'on lui

parlait. r Je marche si bêtement, dit-elle, que les petites filles

riaient de moi. J'aurais dû verser des larmes de sang. »

Aujourd'hui elle se présente marmottant des prières. Elle a peur

d'être damnée.

Antécédents. - Voici quels sont ses antécédents personnels. Elle

DES HALLUCINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES. 389

a toujours été timide, émotive, sauvage, se cachant de ses beaux-

frères et des hommes en général. Son caractère était sérieux. Elle

apprenait assez facilement à l'école, dit-elle. Réglée à treize ans;

elle est devenue triste vers quinze ans. Elle ne voulait pas sortir

avec les autres.

Ses antécédents héréditaires sont les suivants : sa mère a soixante-

cinq ans et se porte assez bien. Son père mort à soixante-dix-huit

ans avait vingt-un ans de plus que.sa femme. Il avait cinquante ans

quand la malade est née. C'était un asthmatique et un alcoolique

avéré. Il a eu des idées de suicide répétées sans tentatives. Il

n'était jamais content, son caractère était difficile.

La malade a deux frères alcooliques et deux soeurs bien portantes.

Nouvel examen le 4 août de la même année. Elle se met à

pleurer en arrivant et ne cesse de sangloter pendant tout le temps

que dure l'interrogatoire. Elle se plaint qu'on'ne la laisse pas sortir.

C'est pour la punir des misères qu'elle a faites à sa mère qu'on l'a

enfermée ici. Elle trouve qu'elle a des bras de poitrinaire ; quel-

quefois le sang lui vient à la bouche. Et comme on lui fait remar-

quer qu'elle a engraissé, elle répond que c'est de la mauvaise

graisse, qu'elle est enflée. Si elle avait été pieuse elle ne serait pas

ici. Le bon Dieu l'a punie. Sans cela, on l'aurait laissée sortir.

Elle a quelquefois des cauchemars, mais elle n'a jamais vu le

diable. Elle e«t une misérable d'avoir fait des bêtises, sachant que

ça faisait de la peine à sa mère. Elle n'a jamais entendu de voix

qui lui causaient.

Elle est sortie le 24 septembre 1889 avec le certificat suivant :

niveau intellectuel peu élevé; délire mélancolique avec idées

mystiques prédominantes ; depuis plusieurs mois aucune trace de

son délire.

23 nov. 1891.- Aujourd'hui Julie Lamb... vit avec sa mère mais

elle est toujours mélancolique. Elle ne veut voir personne ; elle est

contrariante surtout au moment de ses époques et pourtant elle

aime bien sa mère. Elle fuit surtout les hommes; elle n'aime pas

les propos légers de l'atelier et se trouve malheureuse quoique elle

ait toujours été d'un caractère sauvage et triste. Elle est incer-

taine sur ce qu'elle doit faire. Voudrait bien mourir et en même

temps qu'elle craint l'avenir, elle revient quelquefois sur le passé

en disant : j'aurais dû ne pas faire ça ; ou j'ai eu tort de dire telle

chose. Elle se parle continuellement ainsi à elle-méme et tout haut en

se faisant de continuels reproches. Elle se sent forcée de se parler

ainsi. Elle a toujours ses idées religieuses. Elle n'aime pas le bruit,

le mouvement, ni les rires qui lui cassent la tête, dit-elle.

La malade elle-même dit seulement qu'elle a des craintes,

qu'elle se fait des reproches. Mais il faut insister au besoin,

390 RECUEIL DE FAITS.

questionner sa mère pour savoir qu'elle se parle continuelle-

ment à elle-même et qu'elle s'y sent forcée.

Si l'état faible de l'hallucination psycho-motrice peut passer

inaperçu, l'état fort, en quelque sorte l'hallucination confirmée,

peut être pris, nous le croyons du moins, pour des hallucina-

tions de l'ouïe. Souvent l'entourage ou les malades eux-mêmes

signalent simplement des voix. Il faut pousser minutieusement

l'interrogatoire pour reconnaître que ces voix ne sont que des

voix intérieures. Nous croyons avoir démontré que la méprise

était possible notamment chez les mélancoliques anxieux.

En effet, dans notre première observation de mélancolie

anxieuse, nous voyons que la malade elle-même dit n'avoir

pas eu les hallucinations qu'on lui supposait; dans la deuxième,

nous avons insisté sur ce qu'il fallait entendre par la

voix «Pincharde» ; dans la troisième, nous n'avons trouvé que

des voix intérieures chez une malade qui avait passé pour

avoir des hallucinations sensorielles. Il nous est arrivé aussi

souvent de croire à des hallucinations de l'ouïe chez des

malades que nous avons reconnu ensuite n'avoir que des

voix intérieures, des hallucinations verbales motrices.

. Nous avons été amenés ainsi à rechercher l'opinion des

auteurs sur les hallucinations de l'ouïe dans la mélancolie.

Elles nous ont paru très diverses. Dans les traités classiques

on voit seulement signalée la présence plus ou moins fré-

quente d'illusions et d'hallucinations dans la mélancolie, mais

sans qu'il y ait rien de spécifié à ce sujet. Cependant, parmi

les auteurs allemands Schuele parait avoir cherché à appro-

fondir la question. « Il faut noter, dit-il, que les hallucina-

tions véritables ne sont pas aussi fréquentes dans les mélan-

colies pures que les pseudo-hallucinations et les illusions. »

Nous pensons que les pseudo-hallucinations dont parle Schuele

ne sont autre chose que les voix intérieures, les hallucinations

verbales psycho-motrices. Peut-être la recherche constante de

celles-ci aurait-elle pour résultat la diminution du nombre

des mélancoliques qui passent pour hallucinés. Souvent d'ail-

leurs on signale pour des hallucinations des phénomènes qui

sont décrits dans les observations comme des illusions ou des

interprétations délirantes, comme l'une de celles que l'on peut

lire dans le traité de Krafft-Ebing.

Dans la récente discussion sur la mélancolie, ouverte à la

Société médico-psychologique, en 1890, MM. Legrain et Saury

DES HALLUCINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES. il

ont émis sur ce point particulier de la fréquence des halluci-

nations sensorielles dans la mélancolie, des opinions très

divergentes, le premier les regardant comme exceptionnelles,

le second pensant qu'elles sont au contraire fréquentes et que

les mélancoliques avec conscience sont les seuls à n'en pas

avoir. Nous inclinerions très volontiers vers l'opinion de

M. Legrain et si M. Saury a pu formuler un avis contraire,

c'est sans doute parce qu'il fait rentrer dans la mélancolie,

les cas de stupeur hallucinatoire, décrits jadis par Baillarger

et que l'on tend aujourd'hui à regarder comme des faits très

distincts de la mélancolie ordinaire.

En somme, les faits que nous rapportons ci-dessus sont en

faveur de l'opinion des auteurs qui regardent comme rares

les hallucinations dans la mélancolie « pure ». Cette opinion

d'ailleurs est bien en rapport avec l'idée que l'on se fait de

l'état cérébral des mélancoliques. Ce qui domine chez eux c'est

l'aboulie; c'est sans doute là le phénomène primitif. La

douleur, la tristesse semble n'être que la conséquence natu-

relle de l'inaction. « Les phénomènes douloureux, dit J.

Cotard', auxquels on est tenté d'assigner la première place,

font quelquefois défaut et il n'est nullement prouvé, quand

ils existent, que la dépression psycho-motrice leur soit subor-

donnée. » Il est vrai de dire que si la douleur morale succède

à l'aboulie, celle-ci est ordinairement sous la dépendance d'un

état physique défectueux et pénible. Si le mélancolique manque

de spontanéité, c'est qu'il manque de vitalité. Quoi qu'il en

soit, cet état de dépression conduit ce genre de malades au

doute et à l'incertitude. Le monde extérieur n'a plus d'in-

fluence sur eux, parce qu'ils ont perdu eux-mêmes l'influence

qu'ils avaient dans le monde extérieur. Ils s'isolent et leurs

centres psycho-moteurs, lorsqu'ils ne cessent pas de fonction-

ner, épuisent en quelque sorte leur activité sur place comme ces

ressorts qui se déroulent sans donner d'impulsion à la ma-

chine. Chez les déprimés comme chez les anxieux ce n'est

donc pas tant le travail cérébral qui fait défaut, qu'un travail

qui manque d'ensemble de cohésion.

Le mélancolique n'agissant plus utilement perd le sentiment

de sa personnalité qui se dérobe et se dissocie. Il assiste lui-

même à cette dissociation; il sent que le mal réside en lui, con-

1 Etudes sur les maladies cérébrales et mentales, p. 425.

392 RECUEIL DE FAITS. '

trairement aux persécutés qui, suivant l'expression de Cotard,

« objectivent l'automatisme dans le monde extérieur ». Aussi

comprend-on facilement que les mélancoliques soient peu sujets

à l'hallucination sensorielle; leurs préoccupations sont toujours

subjectives et incertaines ; et cette incertitude même s'oppose

à ce que leurs idées revêtent une intensité suffisante pour que

les images représentatives surtout verbales puissent passer à

l'état hallucinatoire. Il se passe chez eux l'inverse de ces phé-

nomènes que M. Chaslin a bien étudiés et mis en lumière

chez les persécutés.

D'un autre côté, on s'expliquerait aisément la présence des

hallucinations verbales motrices à l'état fort ou faible, véri-

tables phénomènes d'automatisme psychologique dans une

maladie comme la mélancolie où l'on trouve aussi accentués

des désordres du côté moteur de la vie psychique.

Loin de nous la pensée de dire qu'il n'y a pas d'halluci-

nations sensorielles dans la mélancolie ; nous croyons seule-

ment qu'il est nécessaire de bien préciser le phénomène hallu-

cinatoire quand il existe. On emploie peut-être trop volontiers

le terme d'hallucinations de l'ouïe pour désigner des faits qui

rentrent soit dans les hallucinations verbales psycho-motrices,

soit dans les illusions et les interprétations délirantes; et si la

confusion est possible pour les troubles de l'ouïe elle l'est aussi

pour la vue, le goût et l'odorat.

Pour les hallucinations auditives, lorsqu'elles existent, elles

sont en général passagères, reléguées au second plan vis-à-vis

des hallucinations motrices.

Dans les cas où elles prennent un plus grand développe-

ment chez les mélancoliques, et l'on doit se demander s'il n'y

a pas lieu de distinguer des mélancoliques ayant ces halluci-

nations de ceux.qui ne les ont pas. Dans certains cas en effet, on

ne peut pas dire que les hallucinations sensorielles en général

soient accessoires; elles peuvent alors modifier considérable-

ment le tableau clinique de la mélancolie. Peut-être bien qu'ici

il ne s'agit plus de mélancolie pure, comme dit Schuele. La

question s'éclaircirait si l'on pouvait mettre ces hallucinations

sur le compte d'une autre affection combinée à la mélancolie,

l'hystérie, par exemple.

C'est ainsi que nous avons pu observer une jeune femme

qui fut prise subitement à la suite d'une terreur violente

occasionnée .par une explosion de dynamite dans son voisinage.

DES HALLUCINATIONS VERBALES PSYCHO-MOTRICES. 393

d'hallucinations terrifiantes de la vue et de l'ouïe, d'idées

mélancoliques, crainte de la ruine, de la mort de ses enfants,

état d'inertie allant presque jusqu'à la stupeur ! Cette dame

allaitait à ce moment et de plus, elle présentait des signes

d'hystérie (boule, ovarie gauche, diminution de la sensibilité

de ce côté).

Sous l'influence d'un traitement approprié, une améliora-

tion se produisit; mais il persista un état de dépression mélan-

colique avec découragement général, et par paroxysme de

l'anxiété, des idées de désespoir et de suicide. A ce moment, il

n'y avait plus d'hallucinations, mais seulement des interpréta-

tions délirantes à, propos de phénomènes auditifs. Le mari de

la malade faisait même à ce propos la distinction avec les an-

ciennes hallucinations, et il assurait que les bruits divers exis-

taient réellement, mais revêtaient pour sa femme une signifi-

cation particulière, tandis qu'au début lorsque sa femme

prétendait entendre des bruits ou des voix, lui n'entendait

absolument rien. De plus, cette malade a maintenant de la

conversation mentale très nette et elle cause toute seule

« dans sa tête », parfois même, il lui arrive de parler haut

sans pouvoir s'en empêcher.

Il est évident qu'on a affaire ici à un accès de délire à forme

mélancolique non pure, mais enté sur un terrain spécial, de

nature hystérique et c'est à ce terrain qu'on pourrait, à notre

avis, rapporter le début rapide et la présence des hallucina-

tions sensorielles, auditives et visuelles.

Conclusions : -Les hallucinations verbales psycho-motrices

existent chez les mélancoliques ; elles semblent être chez eux

très fréquentes et constituer un des caractères importants de

leur état mental avec lequel elles cadrent bien.

- Elles peuvent être prises à un examen superficiel pour

des hallucinations verbales auditives et peut-être celles-ci

seraient-elles considérées comme plus rares si avant de les

admettre on éliminait la possibilité des voix intérieures, des

illusions et des interprétations délirantes.

D'une façon générale, l'état mental du mélancolique n'est

pas propre au développement de l'hallucination verbale au-

ditive ; quand celle-ci existe et imprime de même un caractère

spécial au tableau clinique, il y a lieu de rechercher si la

mélancolie n'est pas associée à une autre maladie mentale.

L'étude des hallucinations psycho-sensorielles chez les

394 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

mélancoliques conduirait peut-être à rejeter du groupe des

mélancolies pures celles qui sont accompagnées d'hallucina-

tions et c'est ainsi que l'on tend aujourd'hui à distinguer la

stupeur hallucinatoire de la stupeur proprement dite.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

I. CONTRIBUTION A l'histologie pathologique DE la paralysie PRO-

GRESSI%R ' par A. PicK. (Neurol. Cenlralbl., 1890.)

Cerveau d'un paralytique général durci dans l'alcool coloré par

la méthode de Nissl. On trouve dans l'écorce des espèces de vir-

gules dans l'axe longitudinal des cellules, formant des rayons par

rapport à la surface. Ces virgules n'ont rien à voir avec les vais-

seaux ; elles proviennent des fibres et correspondent à des tumé-

factions circonscrites du cylindre axe sclérosé. P. K.

. II. Des capillaires lymphatiques du cerveau ; par P. KpONTtIAL.

(Neurol. Cenlralbl., 1890.) .

Méthode d'étude des capillaires cérébraux en général.

A un cerveau frais, on prend un morcelet de la grosseur d'un

pois que l'on met dans 20 centimètres cubes d'une solution d'acide

lactique à 0,50 p. 100. Au bout de vingt-quatre heures ce morceau

gonflé et d'aspect velvétique permet de très bien distinguer la

substance grise de la substance blanche. Au bout de quarante-huit

heures on en retire gros comme une tête d'épingle que l'on place

sur le porte-objet ; de chaque côté de lui on place un couvre-objet

laissant un intervalle libre de 2 millimètres; on recouvre la pièce

d'un couvre-objet dont les bords portent sur ces deux lamelles.

Dans cette cellule on introduit une à deux gouttes de solution du

.picrocarmin; une légère compression par petits coups en déter-

mine la dissociation.

L'excès de liquide colorant est pompé à l'aide de papier-filtre ;

on instille alors parties égales de glycérine et d'eau distillée. On

monte par le procédé que l'on désire. Le microscope révèle alors

une substance jaune rouge dans laquelle les éléments nerveux sont

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 395

plus ou moins distincts ; des vaisseaux plus ou moins volumineux

apparaissent nettement colorés. Sur les limites de la masse tran-

chent des vaisseaux ténus.

Les plus nets sont les plus petits : rectilignes ou curvilignes, rarement

sinueux, ils ont des parois minces qui échappent à toute mensuration,

et ressemblent, à un grossissement de 400 à 500 diamètre, à de légers

voiles, non colorés ou d'un rose clair qui peuvent aussi tirer sur le

jaune. Cette paroi contient des noyaux nombreux, bien que l'on ne puisse

à cet égard donner des chiffres exacts, car leur nombre dépend en grande

partie du nombre des rameaux vasculaires; ainsi, dans l'un des angles

que forme une branche avec le tronc, il y a toujours un noyau, mais il

en existe aussi sur la conduite principale. Les noyaux sont ronds ou

ovoïdes; les premiers ont pour diamètre 8 à 5 fI-; les seconds mesurent

8 de large sur 15 de long. La lumière de la branche principale est

aussi grande que celle du conduit secondaire; elle est en moyenne de

2 [Jt; les noyaux de la paroi étant de deux à cinq fois plus gros que la

lumière du vaisseau, il faut que la paroi subisse une expansion capable

de loger le noyau sans diminuer le calibre intérieur du conduit; c'est en

effet ce qui a lieu; aux endroits où l'on constate une dichotomie, le

noyau se loge en dedans de l'ouverture et paraît souder à plein canal

la branchiole sur la branche. Les hématies ayant 1 à 7 fI-, et les leuco-

cystes, 4 à 14 F, il est évident que, quelles que soient l'élasticité des

parois, et la compressibilité des éléments figurés du sang, quelle que

soit aussi sous l'influence des réactifs la rétraction des parois qui aurait

pour effet de faire paraître sous le microscope les vaisseaux plus étroits

qu'ils ne le sont pendant la vie, ces conduits ne peuvent contenir du

sarig; d'ailleurs on n'y trouve aucun élément de ce dernier, le liquide

qu'ils renferment n'a rien à faire avec le sang; c'est de la lymphe.

Voilà, conclut M. Kronthal, un nouveau système formé de lym-

phatiques, inconnus jusqu'ici, à ajouter aux espaces lympha-

tiques adventices, périvasculaires et péricellulaires. Nous n'en con-

naissons point encore les modes de communication. P. K.

III. DÉGÉNÉRESCENCE DES VAISSEAUX CAPILLAIRES DANS LA PARALYSIE

progressive DES aliénés, par P. 11RONTIL1L. (Neu1'olog. Cent1'Ctlbl., : 1890.)

En examinant comparativement les capillaires sanguins par la

méthode sus-indiquée et un morceau voisin du cerveau durci dans

le bichromate de potasse, sectionné et coloré, M. Kronthal a trouvé

que toujours, où il y a dégénérescence des capillaires, il y a dispa-

rition des fibres nerveuses. Les capillaires lymphatiques restent

intacts. Ainsi, dans l'écorce du lohe frontal, les capillaires san-

guins sont toujours altérés; ils le sont le plus généralement dans

l'écorce du cervelet. Les altérations consistent en ; dilatation irré-

gulière et variable des vaisseaux, dont les parois sont épaissies ou

affectées d'hypergénèse des noyaux ; au degré le plus avancé, le

396 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

capillaire est devenu un tuyau rigide, sombre, dépourvu de struc-

ture, ou dont la paroi épaisse est farcie de noyaux. P. IERAVAL.

IV. DES accidents QUI SUCCÈDENT A la DESTRUCTION DES DIVERSES par-

TIES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ANIMAUX NOUVEAU-NÉS ET DU DÉVELOP-

PEMENT DES FONCTIONS CÉRÉBRALES DE CES ANIMAUX; par BECHTEREW.

(Netrol. Celzlralbl., 1890.)

Ce mémoire n'est que la synthèse des précédentes communica-

tions de l'auteur'. Il compare les phénomènes produits par la vivi-

section chez les animaux adultes et ceux que les mêmes mutilations

dans les mêmes régions déterminent chez les animaux nouveau-

nés. Ainsi la destruction ou la résection de la zone motrice corti-

cale qui se traduit chez l'adulte par une hémiplégie et une hémia-

nesthésie croisée, demeure impuissante chez le nouveau-né ; en

vain détruira-t-on chez ce dernier les parties externes des hémis-

phères cérébelleux, tandis que la lésion de ces organes provoquera

chez l'adulte des mouvements circulaires irrésistibles, du nyslag-

mus, de la titubation. En revanche, si le nouveau-né est doué à sa

naissance d'un développement bistolopique suffisant des organes

envisagés (exemple : le cochon d'Inde), on obtiendra les mêmes

phénomènes que chez l'adulte. Enfin, si l'on compare l'animal en

expérience à l'homme, pour qu'on obtienne les mêmes phéno-

mènes que chez celui-ci, il faut et il suffit que dans la région

tourmentée les fibres nerveuses soient revêtues de leur myéline.

Conclusion : - Le revêtement des fibres nerveuses par des manchons

de myéline correspond à peu près à la période de parfait développement

d'un organe, c'est-à-dire à la période où cet organe va se mettre à fonc-

tionner. Mais il est encore impossible de dire si la fonction dépend

réellement de la présence du manchon de myéline ou d'autres particu-

larités morphologiques se produisant dans les fibres au moment où elles

s'entourent de myéline. " P. KERAvAL.

V. Examen du cerveau d'un FOU systématique (paranoïker) ;

par B. FEIST. (Neurol. Centralbl., 1890.)

Il s'agit d'un hypochondriaque qui tenait les propos suivants :

« On lui a infecté la syphilis en lui en déposant le poison sur son

« mouchoir... On l'a rendu aveugle en l'électrisant...On l'a empoi-

z sonné par l'ordre des illuminés de Sicile... » Pas d'idées de gran-

deur apparente. Aliéné à cinquante ans il est mort à soixante-

quinze ans. L'autopsie révèle une artério-sclérose des vaisseaux de

la base. La seule altération des éléments nerveux est la suivante :

Tandis que le carmin ammoniacal colore normalement noyaux et corps

des cellules de l'écorce, l'hématoxyline ne prend que peu ou ne prend

1 ' Voyez Archives de Neurologie, t. XX, p. 431, 85.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 397

pas du tout sur le corps de l'élément même des grandes cellules pyrami-

dales et de leurs prolongements, tandis qu'elle en colore très nettement

le noyau et le nucléole. 11 en est de même de la nigrosine. Cette parti-

cularité est générale. Mais les ganglions du cerveau, le cervelet, les

régions les puis diverses du tronc du cerveau, qui du reste ne présentent

aucune anomalie pathologique, n'offrent rien de semblable.

L'auteur ayant examiné comparativement le cerveau d'un vieil-

lard de soixante-seize ans psychiquement sain, a constaté les

mêmes caractères. C'est par conséquent un effet de l'âge. P. K.

VI. CONTRIBUTION A l'anatomie pathologique DE la DÉMENCE PARALY-

TIQUE ; parL. MEYER. (Neural. Cenlralbl.. 1890.)

Il est une catégorie de faits caractéristiques dans lesquels la

paralysie générale évolue par exacerbations fébriles; c'est la mé-

ningo-encéphalite dont les lésions sont : une dégénérescence vas-

culaire par prolifération des noyaux et cellules de la paroi, - une

altération consécutive des cellules nerveuses, finalement, l'atro-

phie cérébrale. Or, c'est au début qu'il faut surprendre les lésions

sur le fait, afin d'en saisir le mécanisme. Ce sont les premières

altérations en rapport avec les premiers symptômes évidents de

paralysie générale qui sont palhognomoniques de cette affection.

Si l'on examine de bonne heure le cerveau hypérémié, à écorce

tuméfiée des paralytiques, on voit que les capillaires sont gorgés

de sang et que les cellules des parois vasculaires prolifèrent ; l'as-

pect en est flétri et anévrysmatique ; on conçoit que l'écore s'atro-

phie consécutivement. Telle est l'inflammation du début de la

paralysie générale.

La méningite chronique n'existe pas toujours nécessairement à

cette période; il n'y a pas encore d'altération de la substance céré-

brale ni des cellules nerveuses. P. K.

VII. DES différentes situations ET dimensions DES pyramides ET DE

LEURS organes CONSTITUTIFS CHEZ L'HOMME ET LES animaux ; DE LA

PRÉSENCE A L'INTÉRIEUR DE CES FAISCEAUX DE FIBRES QUI SONT CARAC-

TÉRISÉES PAR UN DÉVELOPPEMENT PRÉCOCE ; par W. BECHTEREW.

(Neurol. Centralbl., 1890.)

Chez l'homme, Flechsig a démontré qu'il y a un rapport de réci-

procité entre le faisceau direct des pyramides dans les cordons

antérieurs de la moelle et le faisceau croisé du cordon latéral ; de

sorte que, quand le faisceau pyramidal d'un cordon latéral est très

développé, le même faisceau pyramidal du cordon antérieur de

l'autre côté est moins développé et vice verset. On constate égale-

ment des variations de position quant au faisceau pyramidal du

cordon latéral, mais elles ne dépassent pas certaines limites.

398 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

Chez le nouveau-né (Bechterew,), il y a souvent irrégularité du

développement des pyramides ; le plus souvent c'est celle de gauche

qui présente le plus grand développement, si bien que lapyramide

gauche est d'un tiers plus volumineuse que la pyramide droite; ce

volume s'explique par celui du faisceau qui gagne le cordon laté-

ral du côté opposé et par celui du faisceau direct qui gagne le

cordon antérieur homonyme; tous deux correspondant à la pyra-

mide la plus grosse. Il existe aussi des différences de longueur, le

faisceau pyramidal s'en allant parfois jusqu'au milieu de la moelle

dorsale oubien s'arrêtant la partie supérieure du même segment,

tandis qu'en d'autres cas il cesse dans la moelle cervicale ; l'ana-

lyse des longueurs respectives des composantes croisées ou directes

des pyramides témoigne également de différences sans qu'il soit

possible de formuler une loi ni pour l'un ni pour l'autre.

Chez les animaux, les grandes différences de développement rela-

tif des pyramides sont en rapport, non pas avec le degré corres-

pondant du développement des extrémités, mais plutôt avec la

fonction spéciale de celles-ci (main) et avec l'activité des zones corti-

cales motrices. Nulles ou à peu près chez les cétacés, les pyramides

n'existent pas (dans le bulbe et la moelle) chez l'éléphant ; elles

constituent de minimes fascicules exclusivement localisés aux cor-

dons latéraux. Très faibles sous cette même disposition chez leslièvres

et les lapins, elles augmentent chez les souris blanches dont les

membres antérieurs servent à de fines appréciations et à d'ingé-

nieuses fonctions et sont de mieux eu. mieux développées chez les

chiens et les chats.

Situation. Chez les chiens et les chats, il n'existe pas de pyra-

mides antérieures; on ne les trouve que dans les cordons latéraux.

Chez le lapin, toute la pyramide, chétive, occupe exclusivement le

segment postérieur du cordon latéral. Chez quelques nègres, la pyra-

mide occupe non les cordons antérieurs ou latéraux, mais seulement t

le segment antérieur des cordons postérieurs de la moelle; elle est à

l'état de faisceau compact immédiatement en arrière de la com-

missure postérieure le long de l'adossement des cloisons longitu-

dinales. Chez les souris blanches et les cochons d'Inde, l'entre-croi·

sement des pyramides se fait non dans les cordons antérieurs et

latéraux, mais entre les cordons antérieurs et postérieurs. Chez

les cobayes, les pyramides, après s'être entre-croisées dans le bulbe,

forment, dans les cordons postérieurs, principalement au voisinage

de la substance grise, des fascicules .disséminés. On en a des

preuves anatomo-pathologiques et embryogéniques dans les dégé-

nérescences descendantes et l'analyse des diverses époques du déve-

loppement des manchons de myéline.

Embryons de cerveaux humains. Au commencement du milieu

du neuvième mois intra-utérin, dans la région où se devraient trou-

ver les pyramides, et où l'on rencontre des fibres amyéliniques, on

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 399

constate, au milieu de ces dernières, des fibres à myéline. On

trouve encore de celles-ci dans les prolongements cérébraux des

pyramides. Mais il ne faut pas les confondre avec les fibres des

trousseaux de la moelle qui traversent les pyramides. En effet, chez

les foetus moins âgés, à une époque où sont déjà revêtues de myé-

line les fibres du faisceau fondamental, du faisceau cérébello-

latéral direct de la moelle, du trousseau limitrophe de substance

grise, on constate, à la région qui sera plus tard occupée par les

pyramides encore dans les limbes, une absence totale de fibres

myéliniques ; toutefois, à la périphérie, on voit un plus ou moins

grand nombre de ces éléments appartenant à des systèmes voi-

sins. Dans les segments de moelle sous-jacents, plus bas (renfle-

ment lombaire) la région qui représentera plus tard la suite des

pyramides ou qui en émanera est occupée par quantité considérable

défibres appartenant, elles aussi, à des systèmes voisins, et situées

surtout, comme celles que nous venons de signaler, à la périphérie

des zones pyramidales supposées. Les fibres des systèmes pyrami-

daux ont au contraire, pour caractère, d'occuper assez uniformé-

ment toute la coupe de la zone pyramidate. Les autres fibres cons-

tituent-elles des trousseaux indépendants ? Leur intégrité dans la

dégénérescence descendante des pyramides, non seulement dans

la moelle et les pyramides, mais au niveau de la protubérance et

dans les pédoncules cérébraux, quels qu'aient été le volume et l'in-

tensité des lésions cérébrales ou spinales, est en faveur de cette opi-

nion. - P. KERAVAL.

VIII. Contribution A la connaissance DES TROUBLES fonctionnels

DE L'ÉCORCE du cerveau; par K.-O. DEES. (Allg. ZeitSCh. f. PSyCh.,

XLVII ; 3-4.)

Journal écrit par un fou systématique sur ses hallucinations. On

y trouve que sa sensibilité anormale provoque des hallucinations

de l'ouïe etque, réciproquement, celles-ci engendrent des sensations

psychiques (sentiments) anormales. En un mot, pour M. Dees, la

perversion de la sensibilité générale (alternatives d'byperesthésies,

de paresthésies, de dysesthésies, d'hypesthésies, d'anesthésies) qui,

naturellement, ressortit aux centres du cerveau provoque des hal-

lucinations ; les troubles de la connaissance qui, eux, sont insi-

gnifiants et secondaires, émanent d'irrégularités de l'innervation

vasomotrice, les troubles du jugement dérivant des hallucinations

sensorielles. P. K.

IX. DES TROUBLES vaso-moteurs DE la peau dans la NÉVROSE TBAU-

MAT1QUE; par H. KRIEGER. (Arch. f. Psych., XXII, 2.)

. L'hystérie traumatique de Charcot produit trois groupes d'acci-

dents de cette sorte :

400 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

1° Les congestions céphaliques avec hypéridrose d'origine arté-

rielle. C'est l'émotivité (examen du médecin) qui les engendre;

elles se produisent toutesjleux en même temps. Genèse : excitation

des centres vasomoteurs.

2° Exanthème ortié; rougeur avec exsudation et oedème local.

Au plus léger contact, à la plus minime excitation thermique ou

autre. Deux observations.

3° Cyanose locale, surtout aux mains et aux pieds.

Observation. III. Elle survient par accès, à la suite de

l'impression du froid, et se traduit successivement par : douleurs,

paresthésies, sensation de froid avec pâleur des doigts, puis, colo-

ration bleue envahissant toute la main. Elle se montre aussi sponte

quand il fait chaud. La température cutanée s'abaisse. Rien de la

gangrène symétrique. Dans le cas en question, c'est, à six mois de

distance, un traumatisme, puis une blessure qui provoque l'acci-

dent local et finalement le complexus de la névrose traumatique.

Pas de névrite. P. K.

X. CONTRIBUTION A la connaissance DU GLIOME cérébral ;

par BUC880LZ. (Arch. f. Psych., XXII, 2.)

Observation avec autopsie et examen histologique. Diagnostic

anatomique : gliosarcome diffus de la moitié antérieure des deux

hémisphères cérébraux. Hydrocéphalie interne. Compression céré-

brale. On y trouve : les cellules pauvres en noyaux de la subs-

tance fondamentale (Gierke) ou des cellules assez semblables ; de

gros éléments ronds analogues à ceux du sarcome. Les premières

ne sont pas encore corniflées parce que la tumeur était jeune; c'est

pour cela aussi que les prolongements n'eu sont ni fort brillants

ni fort résistants. En revanche, un assez grand nombre d'entre

elles ont chacune deux à trois prolongements assez vigoureux,

ondulés et même spiraloïdes. Mais il est impossible de décider si

ces prolongements vont s'unir aux cellules de la tunique adventice

des artères ou à des cellules de la névroglie accolées aux parois des

vaisseaux... Les cellules rondes en nids sont manifestement issues

des cellules araignées. En tout cas, nous avons certainement affaire

ici aux cellules desoutènement du système nerveux central. Comme

il existe en outre une prolifération vasculaire, il s'agit d'un gliome

télangiectoïde. Les éléments nerveux n'ont en rien pris part au pro-

cessus.

Au point de vue clinique, tare héréditaire, symptômes d'hyper-

pression cérébrale. Quoique la tumeur ait un certain volume, et que

ses éléments aient pénétré entre les fibres de la capsule interne, il

n'y a pas eu de symptômes somatiques accusés. Simplement quel-

ques mouvements convulsifs des bras qui différaient et de ceux du

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 401

tremblement alcoolique et de ceux de la paralysie agitante et de

ceux de la sclérose en plaques ou de l'athétose, sur le caractère et

la genèse desquels on ne peut rien dire de précis. P. KERAVAL..

XI. DEUX cas d'atrophie musculaire progressive infantile HÉRÉ-

DITAIRE PRÉCOCE A FORME DE DYSTROPHIE, MAIS OCCASIONNÉE PAR UNE

LÉSION DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL; par G. WERDNIG. (Archiv.

f. Psych., XXII, 2.)

Il s'agit de deux enfants pris à dix mois brusquement de faiblesse

dans les jambes, puis d'atrophie avec parésie des muscles de la

cuisse et du bassin, et, finalement, des muscles du tronc. Symp-

tômes symétriques. L'affection gagne les membres supérieurs, il

s'y joint du tremblement des mains. La seconde observation est

plus particulièrement caractérisée par des convulsions fibrillaires,

la réaction dégénérative et des symptômes bulbaires. Cette dystro-

phie musculaire à évolution rapide a pour lésion (autopsie du pre-

mier enfant) une dégénérescence systématique des cornes anté-

rieures avec atteinte légère des cordons antéro-latéraux, dégéné-

rescence des racines antérieures. P. K.

XII. CONTRIBUTION A la connaissance DE la marche DES FIBRES dans

LE PIED DU PÉDONCULE ET DES RELATIONS ENTRE L'ÉCORCE DU CER-

VEAU ET LE CORPS GENOUILLÉ INTERNE; par TH. ZACHER. (A1'ch, /.

Psychiat. , XXII, 3.) .

Quatre observations de dégénérescence descendante.

Si l'on divise la coupe transverse du pédoncule en quatre zones,

on voit que le quart externe renferme des fibres qui vont des lobes

temporal et occipital à la protubérance. Le quart voisin con-

tient les faisceaux des pyramides. Dans la troisième zone adja-

cente, c'est-à-dire en dedans de ce dernier, existent les fibres

du corps strié, des circonvolutions frontales (segment postérieur)

et de la frontale ascendante ; les fibres immédiatement en arrière

du genou de la capsule passent dans le tiers supérieur de la

capsule interne. Enfin, la zone la plus interné du pédoncule ne

contient ni les fibres du lobe frontal ni celles du noyau lenticu-

laire, mais l'on y trouve celles de la région de l'insula ou de la

base du noyau lenticulaire qui vont se terminer dans la couche

supérieure de la protubérance. Le corps genouillé interne affecte

avec l'écorce du lobe temporal les mêmes relations que le corps

genouillé externe avec le lobe occipital. Flechsig et d'autres ayant

signalé les connexions directes du tubercule quadrljumeau inférieur

avec l'auditif par l'intermédiaire du ruban de Reil latéral, le corps

genouillé interne joue un rôle dans l'audition.- Wernicke a dit que

le corps genouillé interne, est, par la couronne rayonnante, uni à

Archives, t. XXIII. 26

402 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

la première temporale et à la région de l'insula. Or, chez un

malade (Obs. Il), des coupes horizontales, qui comprennent à la

fois la première temporale et le corps genouillé interne, montrent

qu'un ruban dégénératif part de la première temporale ou des cir-

convolutions postérieures de l'insula pour aller au corps genouillé

interne et aux couches inférieures du pulvinar ; on trouve aussi des

tractus dégénératifs dans le bras inférieur gauche des tubercules

quadrijumeaux; comme ces fibres ne paraissent pas tirer leur ori-

gine du corps genouillé interne (les fibres d'origine de celui-ci

étant intactes), ce sont évidemment des fibres qui, suivant Meynert,

unissent les tubercules quadrijumeaux inférieurs avec l'écorce

(temporale du cerveau). Quant au corps genouillé externe, il

semble (Obs. I) que la lésion de certaines régions de l'écorce du

lobe occipital (coin première occipale) ou l'interruption des

fibres blanches antéro-postérieures qui correspondent à ces organes,

entraine la dégénérescence du corps genouillé externe, du pulvi-

nar, du tubercule quadrijumeau antérieur; en effet, dans l'obser-

vation II ces régions sont intactes de même que le corps genouillé

externe. (Opinion de Monakow.)

Au point de vue fonctionnel, étude de la surdité verbale (para-

lysie avec aphasie optique, hémianopsie droite (Obs. I). Aucun de

ces troubles n'existant dans l'observation II, il s'ensuit qu'il y avait

dans le premier cas interruption entre le centre de la vue et celui

de la parole, entre le lobe occipital et les première et deuxième

temporales; suppression du mélange des images commémoratives

d'ordre optique (lobe occipital) avec les images coordonnées d'arti-

culation (lobe temporal). P. KERAVAL.

XIII. La GENÈSE DES circonvolutions cérébrales ; par F. SCHNOPF-

HAGEN. (Jahrbuch. f. Psych £ at., IX, 3.)

Expliquer la forme de la surface externe du cerveau par la

texture de la couche blanche immédiatement sous-jacente à l'écorce

c'est-à-dire de la couche blanche, intermédiaire à l'écorce et aux

ganglions, qui rayonne dans le premier segment du système de

projection, telle est la tentative anatomique de l'auteur de ce

mémoire qui forme les neuf dixièmes du présent cahier. M. Schnopf-

hagen, après avoir coloré la matière cérébrale au chlorure d'or et

de potassium et au chlorure de palladium, procède à une dissec-

tion méthodique. Il enlève la substance grise et suit pas à pas les

faisceaux qui se présentent comme s'il s'agissait de groupes mus-

culaires ; il les distingue et les décrit avec une minutieuse précision.

On ne peut que donner une idée imparfaite d'un semblable tra-

vail qui doit être lu en entier. La lecture en est d'ailleurs agréable

et commode, grâce aux figures parfaites qui l'accompagnent. La

scissure de sylvius et la région de l'insula sont d'abord examinées.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 403

Les fibres blanches qui participent à l'édification des circonvolutions

de l'insula, appartiennent, dit M. Schnopfhagen, sans exception, au sys-

tème des fibres d'association; leur trajet et leur direction permettent

de les diviser en deux espèces : les fibres longues ou insulo-operculaires;

les fibres courtes ou insulaires. Quand on a ejilevé l'écorce, avec les

fibres courtes, il reste trois crêtes. La crête postérieure, substratum de

la circonvolution postérieure de l'insula, occupe l'angle postérieur du

triangle insulaire, composé de deux branches se dirigeant en avant et

en bas et dépassant les limites de la région pour gagner le lobe temporal.

La crête moyenne, parallèle à la crête postérieure, participe à la forma-

tion de la partie la plus élevée de l'insula (monticule) pour se réunir à

une crête antérieure au niveau de l'angle antérieur du triangle insulaire.

La crête inférieure ou basale, insignifiante, est constituée par des fibres

d'association de la troisième frontale. En résumé, les circonvolutions de

l'insula ne fournissent, par ces crêtes, qu'un très petit nombre de fibres

d'association qui, traversant l'avant mur, pénètrent le corps calleux...

Quant a la capsule externe, elle unit les deux territoires corticaux de

l'insula de chaque côté, à l'aide de son irradiation dans l'avant-mur; elle

unit aussi l'écorce de l'insula d'un côté avec les territoires voisins de

l'autre hémisphère par l'intermédiaire du faisceau arciforme sous-claus-

tral qui occupe le territoire de la capsule externe et appartient aussi au

corps calleux.

Vient ensuite l'analyse de la couronnne rayonnante dans ses

rapports avec le corps calleux les frontales - le noyau caudé -

le noyau lenticulaire la capsule externe. Voici comment

l'auteur résume l'anatomie du corps strié :

L'existence scientifique de cette masse grise uniforme est justifiée.

Elle se compose d'un noyau caudé et d'un article externe ou troisième

article du noyau lenticulaire, dont l'aspect strié est dû à la dissociation

de la capsule interne. Il est rationnel de conserver les expressions de

noyau caudé et de noyau lenticulaire pour les deux parties du corps strié

séparées par la capsule interne, mais il faut introduire cette restriction

que : sous le nom de noyau lenticulaire, il faut ne comprendre que l'ar-

ticle externe ou putamen, c'est-à-dire la coque du ganglion appelé jus-

qu'ici noyau lenticulaire; on réservera une place à part aux deux articles

internes de cet organe sous le nom de globzzs pallidus.

Après avoir traité des irradiations optiques de la capsule interne

vers l'écorce et des irradiations du corps strié, M. Schnopfhagen

montre que les fibres pédonculo-corticales directes participent à

la contexture de la couronne rayonnante autant que de la cap-

sule interne, et exercent, au même titre que les autres fibres de pro-

jection, une influence indéniable sur le développement des hémis-

phères. Il montre encore que les fibres du corps calleux rejoignent

non pas, comme on l'a cru jusqu'ici, des régions de même nom et

de même volume, mais des territoires des hémisphères différents

et comme situation et comme fonction. Il existe aussi des fibres

d'association unilatérales.

Quoi qu'il en soit de ces détails anatomiques, toutes les fibres de

404 REVUE D'ANATOMIE ET DE~ PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

projection précédemment décrites forment un éventail dont les tiges,

constituées par des trousseaux de fibres, poussent, en se dévelop-

pant, l'hémisphère et surtout l'écorce qui en émane, dans le sens et

sous la forme qui résulte de leur direction. Ainsi, les fibres de la

couronne rayonnante', considérées dans leur ensemble, tracent des

lignes droites dont la fonction est de s'allonger latéralement ;

celles qui viennent du corps calleux tracent des lignes circulaires

ayant leurs points fixes sur la ligne- médiane antéro-postérieure,

qui, par conséquent, brident au centre les lignes projetées laté-

ralement et se développent d'avant en arrière. Les premières sou-

lèvent l'écorce en bourrelets (circonvolutions) dont les courbes sont

subordonnées aux inégalités de longueurs des trousseaux. Les

secondes règlent en quelque sorte les actions périphériques et, en

les bridant, assurent la forme ovoïde des hémisphères. Les sillons

de l'écorce proviennent de ce que, en quelques points, la substance

blanche cesse de progresser (en ces points se forment des rainures);

tandis qu'elle continue à progresser en d'autres à des intervalles

variés; en d'autres termes, les sillons se produisent le long des

lignes dont l'énergie d'accroissement est la plus faible, c'est-à-dire

là où les points de la ligne des fibres d'association unilalérales

sont tangents aux lignes de projection périphériques ou radiaires

par rapport aux ganglions d'où elles elles rayonnent.

P. KERAVAL.

XIV. D'UN cas d'atrophie musculaire PRÉCOCE D'ORIGINE cérébrale ;

par A. BORGÜBRINI. (Neurol. Centi-(tlbl., 1890.)

Hémiplégie brusque de toute la moitié droite du corps, sans

autres phénomènes antécédents, atrophie assez notable de l'extré-

mité supérieure droite complètement paralysée, atrophie moindre

de l'extrémité inférieure du même côté d'ailleurs simplementparé-

siée ; atrophie extrême des muscles de l'épaule, moindre des

éminences thénar et hypothénar et des interosseux (mais égale à

' celle du bras et de l'avant-bras), qui ne présente du reste point le

type Duchenne-Aran ; atrophie des muscles du tronc (pectoraux,

sous et sus-épineux) ; atrophie de la peau de l'extrémité supérieure

et surtout du dos de la main (aspect de la pellagre). En somme, si

l'atrophie est adéquate au degré de la paralysie. suivant les

diverses régions examinées, elle n'estsûrementpas proportionnelle

au degré de l'atrophie des muscles; hyperalgésie, intégrité de la

sensibilité tactile et thermique. Diminution des réflexes superfi-

ciels du côté malade, exagération des réflexes tendineux contras-

tant avec la flaccidité des muscles paralysés. Rien de bien mar-

quant du côté de l'examen électrique. Notons encore que l'atrophie

est survenue juste deux mois après l'apparition de la paralysie, et

qu'elle a affecté une marche rapidement progressive.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 405

C'est à l'écorce des circonvolutions ascendantes de l'hémisphère

gauche qu'il faut imputer l'ensemble des accidents. A ce niveau,

il existe un sarcome du volume d'une noix qui a perforé la dure-

mère et les os, mais qui n'a pas pénétré dans la substance ner-

veuse de plus de un centimètre et demi à deux centimètres; en

revanche, il y a déterminé des troubles congestifs et de petiteshé-

l1Jorrhagies, Il s'agit d'un sarcome secondaire dont l'origine est le

rein droit. Dégénérescence descendante des faisceaux moteurs de

la moitié droite de la moelle. Et c'est tout. P. KERAVAL.

XV. Hémorrhagie cérébrale CONSÉCUTIVE A UNE EMBOLIE hydatique

des artères cérébrales; par DOEHNHARDT. (Neurol. CM<;'a/6 ?

1890.)

Une fillette de douze ans parait atteinte d'une indigestion; le len-

demain, elle est dans le plus profond coma; on constate les signes

d'une convulsion épileptiforme, des troubles vaso-moteurs, une tem-

pérature de 39°, la disparition du pouls radial gauche et 120 pulsa-

tions de la radiale droite. Elle meurt le soir. On pense à une hémor-

rhagie méningée. On trouve à l'autopsie une vésicule hydatiqueobli-

térantl'artère cérébrale postérieure gauche, et les artères sylviennes

du même côté sont, ainsi que la basilaire/remplies d'échinocoques.

Foyer hémorrhagique dans la couche optique droite avec irruption

dans le ventricule. Il est probable (on n'a pu ouvrir le thorax) que

le corps du délit occupait le coeur gauche; la vésicule hydatique

qui y siégeait s'est rompue ou a élé lancée dans le courant san-

guin. P. K.

XVI. UN TROUBLE DE l'innervation DE L'OESOPHAGE dû A UNE tumeur

cérébrale occupant l'espace postérieur du crâne ; par J. NEU-

MANN. (Neu1'ol, Centralbl., 1890.)

Il s'agit d'une sorte de mérycisme irrégulier, mais sans que le

malade arrive à faire redescendre, malgré tous ses efforts, les ali-

ments qui, malgré lui, remontent dans la cavité buccale. On cons-

tate à la sonde un rétrécissement fonctionnel du conduit oesopha-

gien au niveau, tantôt de la huitième vertèbre dorsale, tantôt de la

cinquième, tantôt de la quatrième, ce qui prouve l'ascension de la

crampe musculaire. Intégrité des muscles pharyngo-oesophagiens

supérieurs (sous la dépendance du glosso-pharyngien). Au début,

la digitale et le strophantus calment les accidents y compris la fré- .

quence du pouls qui les accompagne, ce qui prouve qu'ils dépen-

dent de la parésie du nerf vague et de l'accessoire. L'autopsie

révèle l'intégrité du système musculaire de l'oesophage; la tumeur

fibreuse dont il est question dans la suscription, en comprimant le

bulbe au-dessus de rentre-croisement des pyramides, avait aplati

406 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

les premières paires cervicales et les deux parties des racines de

l'accessoire qui affectent en cette région la forme d'une anse. On

sait que, chez la grenouille,- la destruction des deux pneumogas-

triques provoque une hyperexcitabilité de l'oesophage et de l'eslo-

mac. Le nerf vague et l'accessoire ont donc pour fonction de régu-

lariser les mouvements péristaltiques, de les coordonner en une

poussée de haut en bas qui coïncide avec l'ouverture du cardia.

, P. K.

XVII. TUMEUR INTRA-CBANIENPIE avec absence DE SYMPTÔMES DIAGNOS-

TIQUES ; par le Dr 13URR. (Amel'ican journal of insanily, avril

1891.) -

On a cité des cas de tumeurs intra-crâniennes d'un volume con-

sidérable, c'est-à-dire existant depuis des années, découvertes à

l'autopsie, sans avoir été soupçonnées du vivant du malade.

L'observation citée par le Dr Burr peut être rapprochée de ces

faits, rares du reste : il s'agit d'une démente alcoolique, âgée de

soixante-six ans. Elle était en traitement à l'asile depuis cinq ans

lorsque apparut chez elle, au niveau de la bosse frontale droite, un

léger gonflement ayant l'apparence d'une contusion.

Quoique démente, la malade pouvait rendre compte des troubles

subjectifs qu'elle ressentait; or, jusque-là elle n'avait accusé ni

vertiges, ni maux de tête, ni nausées, pas plusqu'on n'avait remar-

qué chez elle aucun trouble oculaire ni des sens spéciaux, aucun

signe de paralysie.

' L'apparition de ce gonflement fut le premier signe objectif d'une

tumeur qui grossit rapidement, se ramollit, fut enlevée jusqu'au

niveau des os que l'on trouva perforés, la tumeur pénétrant par

un pédicule à l'intérieur de la cavité crânienne. La récidive fut

rapide et l'autopsie permit de constater à l'intérieur de la cavité

crânienne, dans la dure-mère, une tumeur aplatie, de 10 centi-

mètres de diamètre, occupant la face externe du lobe frontal droit

envahi lui-même en partie, au niveau de la première frontale,

tumeur ayant détruit la lame criblée de l'ethnoïde et déterminé

sur le frontal, au niveau de la bosse frontale droite, une large

perforation.

Il s'agissait d'un carcinome de la dure-mère dont aucun des

symptômes présentés par la malade avant la perforation du frontal

et l'apparition de la tumeur à l'extérieur, n'avait pu indiquer la

présence. E. B.

XVIII. Recherches SUR la circulation cérébrale pendant l'hypnose;

par de SARLO et BERNARDIN). (Riv. sp. di f1'G11., t. IX-X11-XVIL)

- La circulation cérébrale diffère suivant les états hypnotiques :

il semble qu'il y ait hyperhémie dans l'état léthargique et anémie

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 407

dans l'état cataleptique. Tout mène à croire qu'il n'existe pas,

dans les états hypnotiques, d'antagonisme entre les circulations

cérébrale et périphérique. Le pouls augmente de fréquence et les

oscillations respiratoires sont à peine marquées. Les fonctions psy-

chiques, pendant l'hypnose, provoquent des réactions vasculaires,

identiques à celles qui se produisent dans l'état de veille, mais moins

marquées par suite de la constriction des vaisseaux. Les états hypno-

tiques ne doivent pas être considérés comme ayant une existence

indépendante, mais ils servent seulement à mettre en évidence

des phénomènes existant auparavant. Les manoeuvres hypnotiques,

de quelque espèce qu'elles soient, ont seulement pour effet d'aug-

menter l'excitabilité de certains centres nerveux qui sont comme

un locus minoris résistentiae, et de scinder, de désagréger quelques

éléments nerveux du complexus qui forme la base organique d'un

esprit sain. J. SÉGLAS.

XIX. CONTRIBUTION A l'étude DE l'activité fonctionnelle DU cervelet;

par BORGHERINI et Gallerani. (Riv. sp. di (l'en., t. XVII, fasc. 111.)

Le cervelet est un organe essentiel à la coordination des mouve-

ments volontaires; et toute lésion suffisamment profonde de cet

organe détermine le même cadre symptomatique que l'ataxie loco-

motrice. Ces phénomènes disparaissent lorsqu'il reste en place une

portion de l'organe, à condition que les rapports qui existent nor-

malement entre les différentes parties du cervelet soient con-

servées. Une lésion superficielle à la partie postéro-supérieure

donne comme fait constant le tremblement de la tête et du cou;

la destruction complète produit l'ataxie permanente de tous les

mouvements volontaires, surtout de la tête et du cou. La vue peut

remédier jusqu'à une certaine mesure à la défectuosité des mou-

vements volontaires. Les lésions du cervelet peuvent déterminer

des troubles trophiques, mais ne s'accompagnent ni de modifica-

tions de la force musculaire, ni d'altérations de la sensibilité géné-

rale ou spéciale. J. SCCLas.

XX. DE L'INDIDITION CARDIO-RESPIRATOIRE DE BROWN-SQUARD;

par A. TAIASTIa. (Iliv. sp. di (1'en., t. XVII, fasc. r,n.)

Chez les animaux supérieurs (lapins, chiens), l'action inliihitoire

sur le coeur et les poumons admise par Brown-Séquard comme con-

sécutive aux excitations de la peau et de la région cervicale anté-

rieure, ne provoque pas la mort instantanée ni des désordres per-

manents graves. Les cas de mort peuvent s'expliquer plutôt par

l'asphyxie, les troubles de la circulation encéphalique, les lésions

et les commotions des centres nerveux que par cette inhibition.

Des troubles fonctionnels transitoires très marqués comme la dimi-

408 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

nution de l'activité cardiaque et respiratoire, peuvent bien s'ob-

server à la suite d'excitations de la région antérieure du cou et

^des organes sous-jacents : mais ils ont leur origine dans l'ensemble

- de causes dues à cette compression ou à ces excitations. L'anal-

gésie peut aussi s'expliquer sans le secours de cette inhibition, et

doit être prise dans un sens très restreint. Chez l'homme, à la

suite de violences portant sur les mêmes régions, on peut voir

survenir des états de dépression psychique dus à une diminution

subite de l'activité cardio-respiratoire, et qui par eux-mêmes peu-

vent avoir une certaine importance en médecine légale, sans aller

cependaut jusqu'à déterminer à leur suite une mort immédiate.

J. Séglas.

XXI. NOTE SUR UN cas d'atrophie D'UN HÉMISPHÈRE AVFC PACHY3fÉNIN-

GITE consécutive; par J,. W, PLUTON. (The Journal of mental

Science, janvier 1889.)

Les renseignements recueillis sur ce malade (un nègre du

Congo), sont d'autant plus incomplets, qu'il parlait à peine quel-

ques mots d'anglais : il est entré à l'asile de la Jamaïque en 1874 ;

il avait de la manie chronique avec idées de grandeur. Douze ans

plus tard, en 1886, il commença à présenter les symptômes d'une

lésion corticale étendue de l'hémisphère droit (affaiblissement

musculaire unilatéral et mouvements convulsifs du même côté) ;

l'affaiblissement alla en augmentant, mais les convulsions ces-

sèrent. Trois mois après le début, survint de la contracture mar-

quée des extrémités à gauche, qui ne tarda pas à devenir perma-

nente ; il n'y eut jamais de perte de connaissance. Le malade

s'affaiblit et mourut sept mois après le début de ces accidents. A

l'autopsie, on constata diverses altérations intéressantes : - à la

région bregmatique du côté droit, la table interne du crâne était

poreuse et épaissie. La dure-mère se détachait facilement, mais

à droite, au niveau de la tente du cervelet, elle était revêtue d'une

masse épaisse, gélatineuse, de nouvelle formation, plus épaisse au

niveau de la convexité de l'hémisphère; la fausse membrane con-

tenait une quantité considérable de sérum sanguinolent, et entre

cetle fausse membrane et le feuillet viscéral de l'arachnoïde, on

trouvait un épanchement abondant de liquide séreux roussâtre.

L'hémisphère droit n'offrait, à vue d'oeil, guère plus de la moitié

du volume de l'hémisphère gauche; il était revêtu de ses mem-

branes propres, épaissies, résistantes et opaques, surtout au

niveau des lobes frontal et pariétal; plusieurs circonvolutions

étaient jaunes et ratatinées, dures et grenues au toucher;

c'étaient celles qui constituent le territoire cérébral irrigué par la

cérébrale moyenne droite. Le pédoncule droit, la moitié droite de

la protubérance et de la moelle allongée offraient un volume

REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 409

notablement moindre que celui des parties symétriques du côté

opposé. Les artères de la base étaient athéromateuses, et la

cérébrale moyenne droite, ainsi que ses branches, étaient infé-

rieures en volume aux artères similaires du côté gauche. Par

contraste, les membranes de l'hémisphère gauche paraissaient

minces, bien qu'elles fussent en réalité plus épaisses qu'à l'état

normal. Il n'y avait aucune trace de lésion de la dure-mère;

pas de pachyméningite de ce côté. L'auteur pense que ce

cas vient à l'appui de la théorie par laquelle Huguenin a contesté,

l'interprétation donnée, antérieurement à lui, des processus pa-

chyméningitiques. R. M. C.

XXII. LES MOUVEMENTS musculaires CHEZ L'HOMME ET LEUR

ÉVOLUTION DANS LA PREMIÈRE ENFANCE; ÉTUDE DU MOUVE-

MENT CHEZ L'HOMME ET DE SON ÉVOLUTION, AVEC QUELQUES

INDUCTIONS RELATIVES AUX PROPRIÉTÉS DES CENTRES NER-

VEUX ET A LEURS MODES D'ACTION DANS L'EXPRESSION DE

la PENSÉE; par Francis WARNER. (The Journal of Mental

Science, avril 1889.) -

Il est impossible de résumer ce très intéressant et très

important travail : nous n'avons d'autre ressource, pour ne

pas le laisser ignorer entièrement du lecteur, que d'en traduire

presque intégralement la troisième et dernière section, qui est

d'ailleurs la plus importante; mais comme elle repose sur les

données fournies par les deux premières sections, nous sommes

forcés de nous excuser d'avance auprès de l'auteur et du lec-

teur des quelques lacunes que cette manière de procéder rend

inévitables : nous conserverons aux paragraphes les numéros

qu'ils portent dans le texte original.

Les sections I et II ont été principalement consacrées à faire

connaitre la nature des observations sur lesquels reposent les

faits qui vont maintenant être exposés; les faits observés ont

été définis, classés, et en partie expliqués. On n'a guère tenté

qu'une simple description des faits physiques, en prenant

scrupuleusement soin dans cette description d'éviter l'emploi

du terme de métaphysique.

(68). Des propriétés des centres nerveux et de leurs modes d'action.

Des caractères que nous avons précédemment attribués aux

mouvements, nous pouvons tirer quelques inductions relatives aux

propriétés et aux modes d'action des centres nerveux.

(69). Impressionnabilité. Elle est un des caractères fondamen-

taux des centres nerveux; elle est en opposition avec la .-ponta-

4'10 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

néité, état dans lequel ces centres ne subissent que très faiblement

l'influence des impressions reçues par les organes des sens.

. (70). Imitation. La vue de certains mouvements chez une

autre personne paraît être suivie chez le sujet qui observe d'une

action sur les centres nerveux qui correspondent à ceux dont

l'action chez le sujet observé a produit les mouvements visibles

qui sont imités. -

- (71). Liberté des centres nerveux. Les centres nerveux, lors-

qu'ils ne sont que légèrement stimulés, paraissent être plus impres-

sionnables que lorsqu'ils le sont énergiquement.

(72). Conservât mité. C'est la tendance qu'ont les centres ner-

veux à la répétition d'actes semblables sous l'influence d'excitations

semblables aussi. Cette propriété parait comparable à l'inertie en

mécanique. '

(73). Retard dans l'expression. C'est le rapport qui existe, dans

l'ordre du temps, entre l'impression produite sur les centres et

l'expression visible que provoque cette impression. La conserva-

tivité conserve l'impression, jusqu'à ce qu'elle se traduise par un

mouvement visible.

(74). Double action dans les centres nerveux. Il semble que les

centres nerveux affectés par une impression puissent à la fois

subir certaines modifications moléculaires locales et envoyer aux

muscles des courants efférents, capables de produire des mouve-

ments visibles.

(75). Cérébration complexe. Une excitation primitive peut être

suivie de courants allant de certaines cellules à d'autres groupes

cellulaires, et finalement aboutir à des mouvements exactement

adaptés à la circonstance qui a déterminé l'excitation primitive.

(76). Renforcement. - Un centre nerveux, stimulé par une impul-

sion afférente peut transmettre son impulsion efférente à plus

d'un centre, de telle manière que les courants nerveux soient ren-

forcés à mesure qu'ils aboutissent aux muscles qui produisent les

mouvements visibles. Ce renforcement s'observe aux premières

périodes de l'existence tandis que la cérébration complexe appar-

tient à des périodes plus avancées du développement.

(77). Action diatactique. Nous entendons par là la mise en

préparation des cellules- nerveuses en vue d'une action com-

binée.

(78). Psychose. - Nuus désignons sous ce nom les modifications

physiques du cerveau qui correspondent à une « pensée » et que

nous ne connaissons qu'au moment où elles se traduisent ulté-

rieurement par un mouvement.

(79). Inhibition cérébrale. L'inhibition cérébrale et ses suites

nous conduisent à supposer qu'il se forme entre les cellules ner-

yeuses des groupements qui les préparent à des actions ou à des

séries d'actions combinées, lesquelles se' traduisent par des séries

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 411

définies de mouvements visibles. Des séries définies de mouvements,

non observées antérieurement, paraissent succéder aux impressions

capables de produire une période d'inhibition du mouvement; des

combinaisons et des séries de mouvements sont dues à des cou-

rants efférents émanant des centres. L'hypothèse, c'est que « durant

« la période d'inhibition, il se forme entre les cellules nerveuses

« des groupements fonctionnels » ; la preuve, c'est qu'il en résulte

de nouvelles combinaisons et de nouvelles séries de mouvements.

(80). Action diatactique et pensée. On peut déduire de cette

hypothèse qu'une « pensée » ou un acte psychique, qui ne nous

est connu que par une combinaison ou une série de mouvements,

est physiquement représenté, ou, si l'on veut, correspond physi-

quement à la formation d'un groupement de cellules (action dia-

tactique). Si le groupe ainsi formé décharge des courants efférents

vers les muscles, l'acte psychique se traduit par un mouvement.

Le passage des courants qui émanent d'un tel groupe peut ne se

produire que tardivement après sa formation. Le groupement

peut aussi donner lieu à des courants qui ne vont pas directement

aux muscles, mais bien à d'autres cellules parmi lesquelles ils déter-

minent de nouveaux groupements, et ainsi de suite, de série en

série, jusqu'à ce que, du dernier groupe, partent des courants qui

aboutissent aux muscles et provoquent des mouvements visibles.

(81). Théorie de la psychose. Dans l'expression de la psychose

ou acte psychique par les mouvements qui lui sont consécutifs,

nous distinguons une série d'actes dont les rapports sont complexes;

ces actions peuvent s'accomplir avec une très faible quantité de

travail mécanique, mais elles peuvent avoir des antécédents et

des suites d'un grand intérêt. Les mouvements qui indiquent

l'intelligence ne paraissent se distinguer par aucun caractère

intrinsèque particulier, mais bien par certains rapports de temps

et de quantité d'action à l'égard des antécédents, des circonstances

ambiantes, et de leurs conséquences.

(82). Intelligence. L'intelligence n'est pas une propriété du

cerveau p6 ! ' se : elle est un fait physique, accessible à l'observa-

tion, mais non susceptible de corrélation avec les modalités de la

force. D'après la manière de voir qui vient d'être exposée, les con-

ditions physiologiques du cerveau qui lui permettent de révéler

les signes de l'intelligence sont les suivantes : 1<* Une activité qui

s'exerce dans de nombreux petits territoires, sans qu'il soit néces-

saire que ceux-ci aient été directement stimulés par des forces

actuelles ou immédiatement antérieures; 2° La conservativité et le

pouvoir de retarder l'expression sous l'influence d'une stimulation

ultérieure; 3° L'aplitude à la formation, sous l'influence d'excita-

tions légères, de groupements capables d'envoyer avec précision,

sous l'influence d'un stimulus, des courants efférents à certains

centres ou à certains muscles.

412 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

(83). Remarque sur la quantité d'usure cérébrale dans l'action

mentale. Le déploiement de l'intelligence ne dépend pas de la

somme d'usure du cerveau, mais de la susceptibilité de cet organe

à l'égard des influences ambiantes et des impressions passées.

(84). Conclusion : - L'auteur espère avoir fourni de nouveaux

signes à l'observation physique : les postures et les mouvements

du corps sont des signes produits par l'action des centres nerveux

et l'auteur a tenté depuis plusieurs années d'en rendre la repro-

duction plus exacte à l'aide de la méthode graphique. Il a essayé

aussi, mais le succès n'a répondu qu'incomplètement à ses efforts,

d'énumérer ces mouvements ainsi que leurs combinaisons particu-

lières.

Dans l'étude de la microkinèse, on voit les manifestations

les plus précoces de la faculté d'expression de l'action mentale.

La sensibilité graduellement croissante des centres nerveux à

l'égard de l'action immédiate ou retardée, sous l'influence des

forces ambiantes, parait déterminer la production des signes

de l'intelligence active.

Enfin certaines propriétés et certains modes d'action des

centres nerveux paraissent être démontrés par l'observation et

l'analyse des mouvements R. M. C.

XXIII. TUMEUR DE la glande pituitaire; par James-B ? VHITwELL.

(The Journal of mental Science, juillet 1889.)

Ces tumeurs sont rares et les symptômes par lesquels elles se

traduisent sont ordinairement vagues et peu caractéristiques; aussi

l'auteur a-t-il jugé intéressant de publier in extenso l'observation

que nous résumons ici : -

Femme de trente ans, mariée, entrée à l'asile en 1888, avec de la

dépression, de l'anxiété, de l'incohérence, des hallucinations de la

vue et de l'ouïe : elle souffrait depuis longtemps de maux de tête.

Sa mère a été dix ans dans un asile. Pas de syphilis. A son entrée,

elle est calme, se tient volontiers à l'écart, manque de spontanéité.

Elle a de la peine à rassembler ses idées pour répondre aux ques-

tions, à moins qu'elles ne soient très simples et très précises. Elle

ne parait pas savoir où elle est. Cinq semaines après son entrée,

céphalalgie et vomissements de nature manifestement cérébrale,

rebelles à tout traitement; quatre jours plus tard, attaque convul-

sive de quelques minutes, avec prédominance des convulsions à

droite; léger strabisme; le tout suivi d'un état semi-comateux :

bouche légèrement déviée à gauche ; rigidité du bras droit ; exten-

sion tonique de la jambe gauche; exagération du réflexe rotulien

à gauche. Dans l'après-midi, la malade redevient consciente, et tire

la langue, qui n'est pas déviée, quand on le lui ordonne : elle

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 413

comprend ce qu'on lui dit, mais ne répond que par monosyllabes.

Tout rentre à peu près dans l'ordre. Le lendemain, convulsions

généralisées. La sensibilité est intacte sur le visage et sur tout le

corps. Grincement de dents. A la suite d'une nouvelle attaque con-

vulsive, la malade meurt dans le coma.

A l'autopsie, on a tout d'abord quelque peine à découvrir une

lésion; enfin on constate l'existence d'une tumeur de la glande

pituitaire s'étendant de chaque côté dans le sinus caverneux, sur-

tout à gauche où elle intéressait la carotide interne dont les parois

étaient amincies par la tumeur et le calibre un peu dilaté. Du

même côté le nerf de la sixième paire était atteint par la tumeur

avec laquelle il était intimement associé. A droite, il y avait sim-

plement contact avec le nerf et l'artère, et non continuité orga-

nique comme à gauche. Dans son grand diamètre, la tumeur

mesurait 29 millimètres, et 13 dans son petit diamètre : elle était

de consistance semi-gélatineuse et ne contenait aucune trace

d'hémorrhagie. Histologiquement, elle offrait les caractères d'un

myxosarcome à développement peu rapide.

Il eut été très difficile dans ce cas, alors même que la malade

aurait été soumise à une plus longue observation (elle n'a pu être

observée que durant cinq semaines). Il est à remarquer que l'acro-

mégalie, constatée dans deux des cas publiés de ce que l'on a appelé

l'hypertrophie de la glande pituitaire, faisait ici absolument défaut.

R. M. C.

XXIV. DES altérations DE la PIE-MÈRE cérébrale CHEZ LES aliénés;

par Francesco del GRECO. (Riv. sp. di fren., t. XVII, fasc. ni.)

A l'autopsie des paralytiques généraux, on rencontre de la péri-

artérite des plus petits vaisseaux de la pie-mère et de la substance

cérébrale, et une infiltration nucléaire diffuse de la pie-mère,

spécialement du côté qui est en rapport avec les circonvolutions :

en général, les signes de leptoméningite fibreuse chronique. -Par-

fois, dans les petits vaisseaux de ces mêmes régions, outre de la

péri-artérite, on trouve de l'endartérite oblitérante, et dans les

vaisseaux de moyenne grandeur, un épaississement ou une dégé-

nérescence graisseuse de la tunique musculaire. La régularité

avec laquelle on rencontre, chez les paralytiques généraux, la

péri-artérite des petits vaisseaux, même chez les individus morts

au début de la maladie, alors que la substance cérébrale ne pré-

sente pas de signe de sclérose et d'atrophie, porte à faire accepter

l'idée de Meyer, Rumpf, Mendel, que les lésions des vaisseaux, à la

suite d'hyperhémies persistantes, représentent le fait initial de la

série des lésions histologiques du cerveau, dans la paralysie géné-

rale, et que les altérations de la névroglie et des cellules nerveuses

ne sont que consécutives.

1

414 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Chez les aliénés pellagreux, on trouve à l'autopsie, des opacités

diffuses de la pie-mère, une hypertrophie de son tissu conjonctif,

souvent avec une légère infiltration nucléaire, diffuse ou localisée

autour des petits vaisseaux de la pie-mère ou de la substance céré-

brale. Dans certains cas de typhus pellagreux, et spécialement

dans ceux de délire aigu, on trouve, dans la pie-mère, des traces

d'hyperhémie récente. ,

Dans les autres formes d'aliénation mentale (folie périodique,

épileptique, démence consécutive, etc.), la pie-mère peut être légè-

rement épaissie, les parois des vaisseaux, rigides et tortueuses :

altérations semblables à celles que l'on trouve à l'autopsie d'indi-

vidus sains d'esprit, mais morts très âgés ou dans le marasme. Dans

des cas plus rares, l'épaississement s'accentue et la substance céré-

brale est atrophiée, indurée, les ventricules latéraux dilatés etrem-

plis de sérosité.

Dans toutes les formes d'aliénation, l'épaississement de la pie-mère

débute ordinairement par la face, qui est en rapport avec les cir-

convolutions cérébrales. J. SÉGLAS.

XXV. Les substances albuminoïdes phosphorées du cerveau ; par

MM. DANILEVSKi et Oumikoff. (Recueil de Physiologie, t. Il, 1891.)

. La chimie biologique contemporaine-a établi solidement le rôle

très important des substances albuminoïdes dans l'activité vitale

des éléments cellulaires. On doit conclure de ce fait que les divers

processus chimiques qui ont lieu dans les cellules existent, grâce à

la présence des substances albuminoïdes. Il est donc très naturel,

dans l'étude des rapports entre la composition chimique d'un tissu

et ses fonctions vitales, de porter l'attention principalement sur la

nature de ses formes albuminoïdes. Cette idée générale doit sans

doute trouver son application intégrale dans l'étude du tissu céré-

bral. MM. Danilevski et Oumikoff étudient surtout la substance

grise du cerveau. Cette substance présente une composition plus

compliquée que beaucoup d'autres tissus. Outre les substances

albuminoïdes elle contient une grande quantité de cholestérine,

de cérébrine et de leucithine. La cholestérine et surtout la lecithine

se rencontrent aussi dans les autres tissus; quant à la cérébrine,

elle constitue une propriété exclusive du tissu cérébral. Ces trois

substances présenlent une propriété caractéristique du proto-

plasme nerveux, et quoiqu'elles n'aient rien de commun avec les

albuminoïdes, elles jouent très probablement un certain rôle dans

les phénomènes de l'activité vitale. Cependant, il ne faudrait pas

conclure de là que ces substances non albuminoïdes de la masse

cérébrale présentent seules la base matérielle du protoplasme ner-

veux en état de fonction. Sans doute, la présence d'une grande

quantité de choleslérine, de cérébrine et de leucithine dans ce pro-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUES. 418

toplasma exerce une certaine influence sur l'apparition, la marche

et la terminaison des processus chimiques dans les éléments ner-

veux. Mais dans tous ces cas, ce sont des substances albuminoïdes

qui constituent la base matérielle nécessaire pour le développe-

ment de tous les processus physico-chimiques. Il importe donc de

porter les recherches non seulement sur les combinaisons chi-

miques non albuminoïdes de la substance grise, mais aussi et sur-

tout sur les combinaisons albuminoïdes. Tous les éléments consti-

tutifs de la substance cérébrale peuvent être divisés en plusieuis

groupes naturels, notamment en : substances azotées albumi-

noïdes, substances azotées non albuminoïdes et substances inor-

ganiques y compris H2o. La présence dans la substance cérébrale

des combinaisons organiques contenant du phosphore, donne lieu

à la formation d'un groupe spécial des substances phosphorées,

constituant des éléments constants dans cet organe. En se fondant

sur les faits entièrement établis, on considérait toutes les subs-

tances phosphorées du cerveau comme appartenant à des combi-

naisons non albuminoïdes, les unes azotées, les autres non azotées.

Parmi les substances albuminoïdes du tissu cérébral deux jusqu'à

présent ont été établies : la nucléine et la neurokératine. Le pro-

toplasma du corps de la cellule en général, contient au moins trois

formes albuminoïdes : l'albumine, la globuline et la stromine. Les

recherches très-détaillées sur la substance grise y ont démontré

d'une façon indiscutable la présence de toutes les formes albumi-

noïdes : globuline, stromine et nucléïne comme base matérielle

du protoplasma nerveux. En même temps, on a remarqué que les

substances albuminoïdes se trouvent non-seulement dans les cel-

lules nerveuses, mais aussi dans la névrogie, d'où les auteurs

tirent l'hypothèse que la névrogie est par essence une substance

purement nerveuse, un élément nerveux d'un ordre tout particu-

lier pour lequel il est encore impossible d'iudiquer le genre d'ac-

tivité qui lui soit propre. La globuline de la substance grise, qu'il

s'agisse des cellules nerveuses ou de la névrogie, tout en présen-

tant les mêmes propriétés physico-chimiques que la globuline des

autres tissus, en diffère cependant par la présence du phosphore

dans sa constitution. La globuline phosphorée est une propriété

exclusive de la substance grise du cerveau des vertébrés à sang'

froid ou à sang chaud et de l'homme. Les auteurs dénomment

celle globuline du terme de neuroglobuline. Ils pensent que les

neuroglobulines des différentes espèces animales se distinguent

par la richesse en phosphore, et à chaque espèce animale corres-

pond très probablement une neuroglobuline avec une quantité

déterminée de phosphore, La stromine cérébrale contient aussi du-

phosphore, et les auteurs l'appellent du nom de neurostromine.

Enfin, les auteurs ont pu obtenir la neurokératine qui, elle, est

totalement dépourvue de phosphore. J. ROUDINOVITCH.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDIl : O-PSYCHOLOGIQUG.

Séance du 29 février 1892. Présidence de M. ROUSSRL.

Les aliénés à séquestrations nombreuses. - M. Charpentier. Les

asiles sont souvent encombrés par une catégorie de pensionnaires

qui mettent le désordre dans les services, je veux parler de ces

alcooliques à séquestrations multiples et plus ou moins simula-

teurs : ces sujets ne commencent à apparaître à Bicêtre qu'en 1838 ;

avant 1825 les sujets à deux ou trois séquestrations sont très

rares. Leur nombre augmente d'autant que les ivrognes séquestrés

augmente; ils commettent tous les mêmes délits et souvent, leurs'

délits vont graduellement en augmentant de gravité. Leurs certi-

ficats de première séquestration mentionnent rarement le délit;

presque tous prétendent avoir oublié le délit commis; ils simulent

l'épilepsie, la stupeur, la mélancolie, l'excitation maniaque, les

idées vagues de persécution ou de grandeur. A l'asile, on ne peut

constater leurs attaques, les délires sont simulés pour échapper à

la culpabilité qui leur serait imputée; en prison, ils simulent la

folie; à l'asile l'honnêteté. Ils arrivent en évoluant à une période de

cynisme dans laquelle ils avouent leur simulation intérieure, la

modifient et s'en font gloire. A l'asile, ils se recherchent et com-

plotent, nuisent aux malades, se plaignent de tout et entassent les

calomnies les unes sur les autres; ce sont les sujets dont les éva-

sions sont les plus nombreuses et les plus fréquentes; ils ne devien-

nent pas déments et meurent rarement dans les asiles; ils finissent

toujours par être mis en liberié. Depuis 1840 jusqu'à nos jours, ils

'ont été désignés comme atteints de manie chronique, folie inter-

mittente, périodique, dipsomanie, épilepsie larvée, délire vertigi-

neux, délire d'accès, folie raisonnante, folie morale, folie hérédi-

saire, folie des dégénérés. Ils partagent leur existence en trois

états : liberté, prison, asile. Ils sont tous ivrognes et, chose bizarre,

ceux qui seraient épileptiques continuent à être alcooliques et

cessent d'être épileptiques, ce qui prouve bien la simulation. Ce

sont des ivrognes sans domicile connu, à faux nom et sans profes-

sion réelle.

Ces sujets doivent être considérés conflue des vicieux et non

SOCIÉTÉS SAVANTES. 417 Î

comme des aliénés. S'il n'est pas possible de faire mieux que de

les séquestrer dans un asile, il faut les assimiler aux aliénés dan-

gereux, et les garder toujours. Mais alors, il importe que le texte

de la nouvelle loi définisse les aliénés dangereux et les maladies

mentales ou à défaut de définition continue une énumération

équivalente. Si le vice finit par être considéré comme une mala-

die, il est à craindre de voir les sept péchés capitaux transformés

en autant de maladies mentales.

En un mot, pour M. Charpentier, les séquestrations nombreuses

d'un même individu par placement d'office dans un asile d'aliénés

doivent éveiller les soupçons de simulation; elles constituent

plutôt le signe du vice que l'indice de folie.

M. CHRISTIA1V. Si l'on voulait résumer la communication de

M. Charpentier, en exagérant sa pensée, on pourrait dire : Tout

aliéné, qui présente un grand nombre d'accès de courte durée,

cesse d'être un aliéné; c'est un simulateur. Je ne veux pas nier la

simulation de la folie, mais il faut reconnaître qu'elle est beau-

coup moins fréquente que ne semble le croire M. Charpentier.

Il ne nous donne pas d'ailleurs la preuve que les sujets dont il nous

entretient appartiennent à cette catégorie d'individus.

M. Charpentier leur reproche d'arriver dans un service avec des

certificats calqués les uns sur les autres, et de ne présenter à l'asile

aucun des symptômes annoncés. Comment pourrait-il en être

autrement s'ils sont arrêtés dans des conditions identiques ? Nous

savons d'autre part que tel épileptique, dont les attaques sont fré-

quentes quand il boit, n'en aura que peu ou pas s'il cesse ses

excès de boissons. Ce même malade sera considéré soit comme

alcoolique, soit comme épileptique suivant, que tels ou tels symp-

tômes prédomineront.

M. Charpentier reconnaît qu'il s'était fait les mêmes objections

au commencement de ses recherches; mais il a passé outre, parce

qu'en consultant les dossiers volumineux et caractéristiques des

fréquentes entrées, il n'a trouvé l'épilepsie signalée que dans les

premiers certificats, et encore ceux-ci ne donnaient-ils l'énuméra-

tion d'aucun symptôme.

M. GARNIER. M. Charpentier semble reprocher à certains de ses

collègues de considérer comme aliénés des gens dont l'étal mental

ne justifierait pas la séquestration. J'admets très volontiers que le

médecin soit accidentellement la dupe d'un simulateur; mais que

ce même simulateur le trompe dix ou quinze fois de suite, cela me

paraît difficile à accepter ! L'erreur de M. Charpentier provient de

ce qu'il ne voit pas les malades à la même période que nous les

voyons à l'infirmerie du Dépôt ou à l'admission de Sainte-Anne.

Un de nos confrères, que je ne nommerai pas, me demandait un

jour, pourquoi dans certains certificats relatifs à des alcooliques, je

Archives, t. XXIII. 27

1'18 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.

signalais l'existence de sueurs profuses qu'il n'avait jamais obser-

vées. Je lui fis la même réponse que je fais aujourd'hui à M. Char-

pentier. Les alcooliques n'ont de ces sueurs qu'au Dépôt et à Sainte-

Anne. Les jours suivants elles disparaissent. De ce que certains

épileptiques n'ont pas d'attaques à Bicêtre, il ne faut pas conclure

qu'ils n'en ont jamais eu. Beaucoup d'entre eux n'ont d'accès que

s'ils boivent. Enfin, je ne vois pas trop pourquoi ces individus-là

cesseraient à Bicêtre de simuler l'épilepsie, puisque, grâce à elle,

ils ont pu s'y faire placer et qu'on les renvoie dès qu'ils n'ont plus

d'attaques.

M. Voisin confirme l'opinion émise par M. Garnier en ce qui

concerne les sueurs de délirants alcooliques.

M. JOFFROY, A l'appui de ce qui vient d'être dit que tout excès

peut rappeler l'épilepsie latente. Je rapporterai une observation

personnelle. Il s'agit d'un fils et frère d'épileptique atteint lui-

même de la même affection et qui était resté pendant sept ans à

la campagne sans avoir aucune attaque. Un jour, à l'occasion

d'une élection, il but un peu, et fut repris tout à coup d'une série

de crises convulsives d'une très grande intensité.

M. Charpentier se défend d'avoir voulu adresser la moindre cri-

tique à ses collègues de l'infirmerie du Dépôt ou de l'Admission

de Sainte-Anne. Il reconnaît aussi que certains épileptiques n'ont

d'attaques qu'après avoir bu; mais à côté de ceux-ci, on doit

reconnaître qu'il en existe d'autres dont l'alcoolisme vient à point

pour les rendre irresponsables d'un délit. Si leur place n'est pas à

la prison, ils sont encore plus mal placés dans les asiles. La légis-

lation devrait prévoir la création d'établissements spéciaux pour

cette catégorie peu intéressante d'individus. '

M. CARNIER se rallie à cette proposition.

M. FALRET. La rigueur scientifique manque à la communication

de M. Charpentier qui s'est borné à compulser des dossiers. Pour

amener la conviction, il aurait fallu que le même observateur

ait pu suivre les malades depuis leur première jusqu'à leur der-

nière entrée et en prendre l'observation détaillée,

La superstition du renard au Japon. -1\1. Barre fait l'exposé

humoristique d'une histoire de possession très répandue, au Japon,

et qui consiste à se croire possédé par un renard. Cet animal,

d'après la croyance populaire, s'insinuerait par les ongles dans le

corps de toutes sortes de gens; mais plus habituellement des

jeunes filles. Ce sont surtout les convalescents de fièvre typhoïde

qui croient ainsi servir d'habitacle au rusé compagnon. La maladie

n'est pas mortelle et les patients arrivent assez facilement à se

débarrasser de leur parasite. L'idée de possession est tellement

anracinée chez les Japonaises qu'elle confine à la folie. M. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 419

Séance du 28 mars 1892. Présidence DE M. TE. ROUSSEL.

De la sortie des aliénés persécutés. - M. SOLLIER : A l'occasion des

prétendues séquestrations arbitraires qui reviennent périodique-

ment dans la presse politique, je demande à la société de discuter

la question de la sortie des aliénés persécutés. Si le délirant per-

sécuté peut guérir, à quels signes certains peut-on reconnaître sa

guérison ? S'il n'est qu'une rémission, dans quelles conditions sa

sortie peut-elle être accordée ? Ce sont les deux points qu'il serait

intéressant de discuter.

M. GARNIER ne croit pas que ces questions qui paraissent si sim-

ples puissent être résolues par une formule générale. Les condi-

tions de la sortie d'un persécuté sont particulières à chaque cas.

Elles dépendent autant du malade que du milieu dans lequel il se

trouvera en quittant l'Asile.

M. Sollier ne voudrait pas qu'on lui dictât une formule géné-

rale applicable à tous les cas ; il reconnaît qu'elle est impossible à

trouver ; mais il demande qu'on détermine les signes qui permet-

tent d'affirmer que tel malade peut être rendu à la liberté, alors

que tel autre doit être maintenu.

M. GARNIER répond que l'examen direct du malade peut seul

donner la certitude de sa guérison. Il reconnaît que le cas est sou-

vent très embarrassant. Le Rudelier, ajoute-t-il, m'a affirmé qu'il

n'avait jamais renoncé à sa prétendue dette de cinquante mille

francs et cependant, il a bien dû paraître très amélioré, puisque sa

sortie a été signée par M. Ritti.

M. RITTI se défend d'avoir pris seul la responsabilité de cette sor-

tie. Quand il a examiné Le Rudelier à Bicêtre, le malade lui a

déclaré avoir renoncé à l'indemnité qu'il réclamait autrefois. C'est

sur l'affirmation réitérée de sa guérison par le médecin traitant,

M. Deny, qu'il a proposé la sortie.

M. CHRISTIAN estime aussi qu'il est impossible d'établir une règle

fixe applicable à tous les persécutés.

M. Vallon. Le cas est surtout difficile quand il s'agit de malades

à délire partiel et limité. Us apprennent bien vite à dissimuler ce

qu'il ne faut pas avouer pour obtenir leur mise en liberté.

M. Brigand. S'il est impossible de déterminer à l'avance tous les

cas dans lesquels la sortie devra être accordée, on peut, au moins,

donner en partie satisfaction à M. Sollier en établissant quels sont

ceux en face desquels le médecin devra se montrer très réservé. On

pourrait m'objecter que je ne réponds pas à la question si je disais

qu'on ne doit pas rendre à la liberté un malade dangereux, aussi

420 sociétés savantes.

me hâterai-je d'ajouter que les aliénés sont dangereux tant qu'ils

désignent leurs persécuteurs. A côté de ceux-ci, je place les réti-

cents, qu'avec un peu d'habileté, l'aliéniste finit toujours pardémas-

. quer. Ces deux catégories d'aliénés ne doivent, à mon avis, quitter

l'Asile qu'après guérison confirmée. Pour les autres persécutés dont

le délire est diffus, il ne saurait y avoir de règle fixe.

. M. ROUILLARD serait désireux de voir nommer une commission

qui établirait un questionnaire auquel le médecin devrait répondre

par oui et par non avant que la sortie des aliénés ne soit accordée

par l'autorité publique. Ce questionnaire serait reproduit dans la

nouvelle loi en préparation.

M. CHRISTIAN ne pense pas qu'un semblable questionnaire puisse

trouver place dans un texte de loi.

M. JoFFRoy. M. Briand estime qu'un persécuté dangereux ne peut

pas être remis en liberté. Je suis de son avis ; mais je vais plus loin

et j'ajoute qu'avant de signer une sortie, le médecin doit avoir la

certitude que le persécuté actuellement inoffensif ne deviendra

jamais dangereux. Or quelqu'un de nous peut-il affirmer que tel

persécuté restera toujours calme ? Conclusion : un persécuté ne

devrait jamais quitter l'Asile. Sinon, dans le cas où il commettrait

un crime, le médecin pourra être rendu pécuniairement respon-

sable de la mise en liberté.

. M. GARNIER distingue le danger immédiat du danger futur. La

loi de 1838 est ainsi faite que tout malade guéri doit être rendu à

la liberté sans que le médecin ait à se préoccuper de l'avenir.

M. JOFFROY. Combien avez-vous vu guérir de persécutés ?

M. GARNIER. Cette question ramène à la discussion des guérisons

et des rémissions. Si la rémission dure dix ans, on dit : c'était une

guérison. Ce qu'il y aurait à faire, ce serait d'insérer dans la nou-

velle loi qu'aucun aliéné criminel ne pourrait sortir sans l'avis, non

plus d'un seul médecin, mais d'une commission médicale parta-

geant la responsabilité.

M. CHRISTIAP1. Cette innovation ne résoudrait pas la question. Que

la mise en liberté soit sollicitée par un ou plusieurs médecins cela

revient au même !

. Plusieurs MEMBRES. La loi devrait dire simplement : Tout indi-

vidu ayant commis un crime pour lequel il aura été reconnu irres-

ponsable, sera maintenu dans un asile d'aliénés.

M. Voisin cite des cas de guérison survenue chez des aliénés per-

sécutés très dangereux.

M.' JOFFROY. Si la place d'un persécuté guéri ou paraissant tel

n'est plus à l'Asile, il faut reconnaître qu'elle ne l'est pas davan-

tage au milieu de la société, à cause de la possibilité de rechutes.

SOCIÉTÉS savantes. 421

On devrait enfermer ces sortes d'individus dans des colonies où tout

en étant surveillés, ils jouiront d'une liberté relative.

M. TH. RoussEL. La conclusion qui découle naturellement de cette

discussion est que la législation actuelle est insuffisante à protéger

la société contre les aliénés. Dans le projet voté par le Sénat, nous

nous étions inspirés de la loi anglaise en ce qui concerne les alié-

nés criminels qui sont à la disposition du bon plaisir de la Reine.

Cette formule veut dire qu'ils restent enfermés jusqu'à ce que le

lord chancelier en décide autrement; comme la décision n'est

prise qu'à bon escient, les intérêts de la société sont sauvegardés.

MARTEL BRIAND.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE LA PROVINCE DU RHIN

XLVIle session A BONN.

Séance du 13 juin 1891 1. -PRÉSIDENCE DE M. Pelman.

M. JoLLx remercie par télégramme la Société de l'adresse de féli-

citations qu'elle lui a envoyée à l'occasion de sa nomination comme

professeur à Berlin. 11 l'invite à participer au Congrès des psychiâ-

tres allemands du mois de septembre (session de Weimar).

Sur la proposition de M. Oebeke, la Société décide d'activer la

publication de ses procès-verbaux.

M. SCHMIrz. Contribution à la législation anglaise sur les aliénés.

Il s'agit de l'ancienne loi entrée en vigueur à partir du

1er mai 1890, sous le titre de An actto consolidate certain of the Enact-

ments 1'especting Lunatics. L'orateur montre pièces en main que

le but poursuivi est d'empêcher les admissions dans les asiles privés

qui n'ont que deux ou trois pensionnaires. D'après lui, ainsi que

l'a montré la medico-psychological Association dans son mémoire

intitulé : Observations and suggestions on the Lunàcy acts. Amende-

ment Bill, de tels dispositifs sont plus propres à nuire aux aliénés

qu'à leur être utiles.

Discussion : M. PELMAN. En effet, partout actuellement, sous pré-

texte d'empêcher des séquestrations arbitraires, on multiplie les

difficultés dans les admissions. C'est une lutte continuelle entre

jurisconsultes et psychiatres.

M. ERLENMEYER. Sur une affection cérébrale produite par la syphilis

' Voy. Archives de Neurologie, XLVI" session de 1890, t. XXII, p. 416.

422 sociétés savantes.

congénitale. Chez cinq petits malades, trois garçons de douze

quinze et seize ans et deux fillettes de, 'quinze et seize années, l'au-

teur a constitué l'état clinique suivant. Epilepsie Jacksonnienne

unilatérale avec atrophie marquée des extrémités atteintes compa-

rées aux extrémités du côté indemne. Intégrité complète de la

motilité; ni parésie, ni phénomène spasmodique, ni modification

de l'excitabilité électrique ou de la réaction musculaire; on cons-

tate simplement qu'à raison de leur diminution de volume et de

longueur les membres malades sont moins vigoureux. Par contraste

il existe un affaiblissement de la sensibilité, et, en particulier, du

sens musculaire; les malades localisent mal les sensations, appré-

cient moins distinctement la position des extrémités, et jugent

difficilement des poids. Joignons à cet ensemble de l'hémiatrophie

de la langue et des muscles de la face correspondants aux extré-

mités affectées, ainsi que de la blépharoptose homonyme (deux

observations) et nous aurons esquissé le complexus morhide.

L'étude des anamnestiques décèle l'évolution que voici : les petits

sujets auraient été atteints dans la première ou dans les premières

années de la vie d'une maladie fébrile à la suite de laquelle se

seraient installées les attaques épileptoides; le médecin qui les

soignait prononça en un cas le diagnostic d'encéphalite, que semble

établir en effet l'existence à cette époque de grincements de dents,

strabisme, raideur de la nuque et la prescription de vessie de glace

emplâtre crânien à la cantharide.

Il y aurait donc lieu de penser qu'il s'est produit de la méningo-

encéphalite au niveau des centres corticaux, que ceux-ci ont subi

un arrêt de développement et que, par suite, parle mécanisme que

l'on connaît, se sont manifestées, convulsions unilatérales croisées

et localisées et trouble dans le développement des membres du côté

opposé. Seulement, on conçoit difficilement que, le corps du délit

subsistant qui détermine l'épilepsie Jacksonnienne, l'atrophie con-

tinue à évoluer de concert avec les phénomènes d'excitation, car,

atrophie centrale signifie, paralysie périphérique. Et d'autre part,

un syphilome, un tubercule solitaire, une esquille osseuse engendrent

des convulsions sur un membre normalement développé. De là à

penser qu'il s'agissait d'un exsudat méningitique qui, après avoir

atrophié les régions corticales, subsistait et continuait à irriter

ceux des éléments qui avaient échappé à l'atrophie, il n'y avait

qu'un pas. Nous l'avons franchi. Et aussitôt, nous avons conçu l'es-

poir de provoquer la résorption de la plaque exsudative par l'io-

dure de potassium, et les bains de salines. Ce traitement a déjà

réussi. Du reste peut-être se'ra-t-il indiqué d'intervenir chirurgica-

lement.

Quelle était maintenant la nature de l'encéphalite qui nous

occupe ? Dans trois de nos observations, le père avait eu la syphilis

avant son mariage. Deux de nos petits malades étaient des pre-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 423

miers nés, mais leur mère, avant cette grossesse normale, avait

fait une fausse couche. Enfin, tous trois avaient, sans aucun doute,

présenté dès la naissance ou dans les premières années de la vie,

des signes certains de syphilis congénitale. Par conséquent, il n'est

pas téméraire de croire, dans l'espèce, à une méningite ou à une

périencéphalite syphilitique.

Cette modalité morbide ressemble évidemment à la paralysie

infantile cérébrale, moins la paralysie et la contracture. Il se

pourrait du resle qu'elle n'en fût qu'une atténuation ; c'est affaire

d'extension des lésions et de localisation des foyers pathologiques.

Pourquoi n'y aurait-il pas une paralysie infantile syphilitique ? Il

ne faut pas oublier qu'une syphilis congénitale peut demeurer

latente et ne se manifester qu'à l'occasion d'une maladie fébrile

telle que scarlatine ou toute autre maladie infectieuse, et que, par

suite, c'est la syphilis, et non la scarlatine, qui devient responsable

de la méningite.

Discussion : M. THOMSEN appelle l'attention sur les lésions du

centre ovale (porencéphalie) dans la paralysie infantile d'origine

cérébrale. En des cas tout à fait semblables à ceux d'Erlenmeyer,

il a observé de la parésie, du moins à la suite des accès d'épilepsie

Jacksonnienne. Chez un de ces malades, les accès convulsifs légers

étaient suivis d'hémiparésie; les accès convulsifs graves, de parésie

bilatérale avec suppression de la connaissance; il n'y avait pas, en

ce cas, de lésions anatomiques.

M. Erlenmeyer. Vous n'avez pas observé non plus à la suite des

accès, des troubles de la motilité dans les extrémités atteintes.

M. OEBEKE se rappelle avoir observé un malade atteint d'épilepsie

Jacksonnienne avec parésie des extrémités du côté droit et aphasie;

intégrité du facial. On fit le diagnostic de syphilis héréditaire par

les indications du père, car il n'y avait aucun élément d'infection,

aucun symptôme de syphilis; en tout cas, l'iodure de potassium

et le mercure n'agirent pas favorablement. Ici aussi, il y avait atro-

phie du côté atteint. A l'autopsie, on trouva les méninges adhérentes

à l'écorce sur une étendue du diamètre d'une pièce de un franc, à

la base de la pariétale ascendante et du lobule pariétal supérieur

du côté gauche; l'écorce était amincie. Au-dessous de cette plaque,

la substance blanche présentait une cavité de la grosseur d'une

prune, communiquant par une ouverture ronde avec la corne

postérieure du ventricule latéral gauche dilaté.

. M. TiGGES. Contribution à la théorie des hallucinations.

1° Hallucinations dans le domaine des sens. Ce qui domine,

dans leur genèse, c'est l'hypérexcitabilité des centres sensoriels.

llfeynert localise ces hallucinations dans les centres sous-corticaux.

Mais Munk, par la physiologie, et les médecins, par la clinique

montrent que, lorsque les centres sous-corticaux sont séparés de

424 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'écorce du cerveau, c'est en vain qu'on sollicite les sens, on n'ob-

tient plus de perception, les mouvements ne sont plus modifiés

par la volonté. Et cependant, il se peut encore produire des hallu-

cinations sensorielles, des illusions conceptuelles (d'origine mné-

monique) ; il faut doncbien localiser les hallucinations dans l'écorce.

Les grosses lésions anatomiques de l'écorce ne favorisent géné-

ralement pas le développement des hallucinations. Elles paraissent

plutôt troubler l'organisme de la perception qu'influencer ces

processus moléculaires auxquels se rattachent les perceptions sen-

sorielles normales et les hallucinations. Toutefois, dans les cas de

foyers corticaux, il existe des hallucinations.

De même que la perception normale, l'hallucination ne peut être

comprise que par ses rapporls avec l'ensemble des phénomènes

de la conscience. D'un côté, nous voyons une excitation locale d'un

centre sensoriel, suivant les dispositions du sujet, produire l'hallu-

cination et provoquer de nombreuses associations d'idées, se fondre

avec tout un monde d'images commémoratives de telle ou telle

espèce de perceptions identiques ou semblables. D'autre part, l'hallu-

cination apparaît comme le résultat de processus cogitatifs inté-

rieurs, qui ne revêtent de couleur sensorielle que par l'hyperexci-

tabilité du centre sensoriel et, par suite, forment un tableau.

Enfin, c'est par l'élément de la conscience morbide et des concep-

tions provocatrices, que l'hallucination est imposée au moi et, par

suite, autonome.

Non seulement, dans l'hallucination, le centre sensoriel est excité,

mais les tractus sensoriels périphériques peuvent également être

sollicités. Ce qui le prouve, ce sont les signes pathologiques de

l'atteinte de l'organe sensoriel correspondant, et cette observation

que l'hallucination est précédée et accompagnée de sensations élé-

mentaires. Ne sait-on pas que l'hallucination peut survenir et

disparaître quand le patient ferme l'oeil, l'oreille, qu'il existe des

hallucinations unilatérales, et que, dans les hallucinations de l'ouïe,

l'oreille correspondante éprouve des sensations présentant tous les

caractères des sensations réelles ; de même il existe des hallucina-

tions centrales, à caractère fixe ou à caractère mobile, comme des

visions immobiles ou se déplaçant avec le champ visuel.

Quelques faits paraissent confirmer l'ébranlement centrifuge

des tractus sensoriels périphériques, y compris l'organe des sens,

au moment où se produit l'hallucination purement centrale.

2° Hallucinations motrices. Tout mouvement est normalement

provoqué par une sensation qui est l'expression d'un besoin, d'un

effort, celui de déterminer un sentiment de plaisir ou d'éloigner

un sentiment de peine. Dès que ce sentiment a atteint une suffi-

sante intensité, les cellules sensitives de l'écorce surmenées, trans-

mettent leur fatigue aux cellules motrices qui engendrent le

mouvement voulu. Cette volition et le mouvement commandé

SOCIÉTÉS SAVANTES. lf2ti 5

sont perçus; c'est là l'innervation motrice, l'impulsion volontaire.

Cette impulsion psychique affecte avec les autres fonctions de

l'appareil d'association, les mêmes rapports que la perception des

nerfs sensibles et sensoriels. Les actes qui procèdent de la coordi-

nation adaptée des innervations, correspondent aux perceptions

sensorielles complètes. De même que la perception sensorielle laisse

après elle des images commémoratives ou conceptions représen-

tatives, de même la perception motrice ou l'acte laisse après lui

la conception motrice ou image commémorative de l'acte; aucune

de ces espèces d'images n'a par elle-même la puissance de provo-

quer un mouvement.

Les sensations kinesthésiques sont la conséquence des mouve-

ments qui renseignent la connaissance sur le résultat de l'inner-

vation, exercent une action régulatrice sur elle et, d'accord avec

elle, organisent un système de sensibilité motrice. Qu'un centre

moteur soit, de par son hyperexcitabilité, sollicité, il s'en suivra,

sa fonction étant l'innervation, une impulsion motrice d'origine

pathologique; celle-ci en entraine d'autres, et provoque la mise en

jeu de conceptions conscientes et inconscientes, de sorte que, paral-

lèlement à son essence même, il s'effectue tout un monde d'asso-

ciations d'idées qui lui donnent sa couleur ou la complètent. Telles

sont les hallucinations des centres psycho-moteurs, dont le méca-

nisme est adoequat à celui des hallucinations sensorielles.

. Des mouvements anormaux peuvent, ainsi qu'on l'observe chez

les mélancoliques, émaner d'une anomalie du facteur sensible, des

conceptions représentatives et des sensations kinesthésiques.

On peut plus ou moins probablement accuser l'excitation anor-

male des centres moteurs, dans la manie, la folie systématique

aiguë, la folie impulsive, l'automatisme épileptique, la logorrhée

irrésistible de la folie systématique chronique, les impulsions, la

catatonie.

Cramer prétend que les voix intérieures, les conceptions irré-

sistibles ou obsessions, la logorrhée impulsive, la résonnance arti-

culée de la pensée, proviennent de modifications pathologiques

dans les tractus centripètes de la sensibilité musculaire de l'appa-

reil d'articulation. Voici ce qu'on pourrait objecter à cette façon

de voir. Les thèmes sur lesquels portent les sens supérieurs provo-

quant des conceptions représentatives qui sont souvent suffisam-

ment claires sans qu'elles se formulent sous forme de parole

intérieure. Dans le cas qui nous occupe des conceptions verbales, il

n'est pas besoin de donner le pas aux excitations pathologiques de

la sensibilité centripète des muscles du langage, sur les halluci-

nations centrifuges du même système; la preuve en est aux voix

intérieures et aux obsessions. Le centre verbal sensoriel a autant

d'importance que le centre verbal moteur, et chez les petits en-

fants, et dans l'aphasie corticale motrice. La perception et l'hallu-

426 SOCIÉTÉS SAVANTES.

cination du mot doit être'considérée comme une fonction auto-

nome du centre acoustique du langage.

Quand l'homme a atteint son parfait développement, c'est l'écorce

du cerveau qui doit être tenue pour le siège des innervations et des

impulsions volontaires.

M. ALZIIEIMER. Sur un cas d'atrophie musculaire spinale progressive

compliqué de lésion des noyaux bulbaires et de l'écorce. 11 s'agit

d'un négociant de trente-trois ans, indemne de tares héréditaires,

atteint de l'affection spinale en question en 1879. En 1881 il prend

un chancre induré. A la fin de l'année 1889, la maladie spinale

progresse très rapidement, en février 1890 le voilà vésanique; un

désordre extrême des idées et des actes se montre, et, huit jours

après le début de cette psychose aiguë, il meurt par épuisement

cérébral. A l'autopsie, on constate : d'abord des altérations médul-

laires, de l'atrophie musculaire progressive, puis une lésion des

noyaux du bulbe, enfin une atrophie étendue des cellules ner-

veuses de l'écorce. Dans le bulbe, les noyaux moteurs sont épar-

gnés ; la destruction porte sur les groupes cellulaires sous-jacents

au plancher du quatrième ventricule, c'est-à-dire sur le noyau

postérieur du pneumogastrique, les noyaux externes, internes et

antérieurs du nerf auditif, les cellules de l'éminence grêle (eminen-

tia teres); en même temps, tout autour, il existe une infitration de

petites cellules et de très graves altérations dans les vaisseaux. Dans

l'écorce, partout, notamment dans les ascendantes et le lobe fron-

tal, de très nombreuses cellules ont dégénéré, principalement au

niveau de la troisième couche; pas de lésions notables sur les

vaisseaux, ni dans la névroglie. Il serait possible que l'on fût en

droit d'incriminer la syphilis dans les altérations du bulbe. Les

altérations corticales se distinguent cliniquement et anatomique

ment de celles de la paralysie générale.

La prochaine séance est fixée au 14 novembre 1891. (Allg.

Zeitsch. sur Psychiat., XLVIII, 4.) P. IiER.1'AL.

XXVO CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE LA BASSE SAXE

. ET DE WESTPHALIE.

SESSION DE HANOVRE.

Séance du 1e'' Mai 1891 '. Présidence de M. SNELL

M. WAHRIVDOIIFF. De l'assistance familiale des aliénés 2. Ce

' Voyez Archives de Neurologie, XXIV session (notée par erreur typo-

graphique XXIX'), t. XXI, p. 292.

* Sujet à l'ordre du jour en Europe. Consulter à ce piopos Archives de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 427 Î

mémoire est le résultat d'une pratiqué de dix années à l'asile

d'Ilten. Que ce mode d'assistance soit possible dans des proportions

de plus en plus étendues, cela résulte de l'extension qui lui a été

donnée en Belgique et en Ecosse. Mais il est bon de faire remar-

quer qu'entre la colonie de Gheel, que la tradition a développée,

et l'assistance familiale telle que nous la pratiquons aujourd'hui, il

y a une grande différence. La première constitue un modèle gran-

diose dont il faut savoir se servir afin de n'en point imiter les fai-

blesses et les fautes; il faut en séparer ce qu'il y a de bien et d'inu-

tilisable pour en faire un système pratique, D'ailleurs, la Belgique

ne s'en est pas tenue à Gheel, elle a installé de toutes pièces une

seconde colonie d'aliénés plus étendue, à Lierneux.

L'assistance familiale des aliénés constitue, sous certains rap-

ports, une question sociale, car elle se propose, ou si vous aimez

mieux, nous nous proposons d'assister et d'hospitaliser, à l'aide

des ressources et de l'administration de l'Etat ou des départements,

une partie des malades affectés de psychopathies chroniques,

quel qu'en soit le nombre, qui, dépourvus de moyens, ont tout à

gagner de la systématisation de la bienfaisance, et qui, devenus

calmes ou étant améliorés, ne peuvent trouver, en dehors des asiles,

l'aide dont leur seraient redevables les communes ou leurs propres

familles. Voici un malade dont les facultés ont baissé, qui a subi

des hauts et des bas dans les symptômes morbides que décelait sa

vésanie, qui, après avoir été agité, halluciné, délirant, impulsif,

émotif, plus ou moins, peut jouir d'une existence relativement

libre, mais, pour qu'il échappe à la protection et à la surveillance

d'un asile fermé, il lui faut des conditions d'existence favorables,

jusqu'à ce qu'il soit en état de gagner sa vie, jusqu'à ce que ses

forces mentales, sa vitalité intellectuelle, sans doute rétablis, sor-

tent d'une léthargie à laquelle les condamne pour plusieurs années

l'assaut qu'elles ont subi, en attendant qu'elles récupèrent pleine-

ment leur vigueur définitive. Est-ce dans sa propre famille ou dans

un hospice ordinaire qu'il trouvera le confort moral qui lui est indis-

pensable ? recueilli par des gens incompétents, il sera le plus sou-

vent considéré comme une charge ou comme un ennemi. C'est ce

que démontre une expérience indéniable; c'est pourquoi il s'est

fondé en plusieurs endroits des Sociétés de patronage qui se propo-

sent d'assister les aliénés sortants. Eh bien, l'assistance familiale

des aliénés remplit une partie du but.

La question envisagée au regard des finances départementales, pro-

vinciales ou gouvernementales, mérite également qu'on s'y arrête,

Neurologie, t. IX, p. 414, t. V, p. 125 et 266, t. XIX, p. 411. Congtes

international d'assistance publique. Paris, 1889, t. II, p, 305 et procès-

verbaux, p. 61. - Année médicale de Bourneville, 1889-1890-1891. -

Conseil général de la Seine, 1891.

428 SOCIÉTÉS SAVANTES.

surtout, si comme à llten, l'assistance familiale se complète d'une

colonie d'aliénés capable d'être agrandie. Voici du reste ce que

disent les chiffres. -

- J'ai jusqu'à ce jour, avec l'assentiment des autorités provinciales

et régionales, assisté par l'existence libre, 536 aliénés, surtout des

hommes atteints de vésanies chroniques. Nos malades comprennent

aujourd'hui 326 hommes et 20 femmes.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 429

vation convenable, nous envoyons à la colonie d'Ilten ou à Koethen-

wald, les malades auxquels il est indiqué d'accorder une liberté et

une indépendance plus ou moins grandes. La troisième catégorie

d'aliénés, (et nos chiffres montrent que la proportion en est notable)

est dévolue à l'assistance familiale; nous leur assurons une exis-

tence qui se rapproche tout à fait de celle qu'ils menaient quand

ils n'étaient point malades 1.

Puisse-t-on ne pas m'accuser d'optimisme et, encore moins, d'é-

goïsme, si je me permets de qualifier notre procédé de parfait, c'est

certainement traitement le plus idéal. Sans doute, il comporte des

faiblesses, des erreurs, des tâtonnements, des fautes, mais les résul-

tats en sont encourageants, car, en dépit des imperfections inhé-

rentes à nos expériences premières, nous n'avons eu d'autres mal-

heurs à déplorer qu'un suicide. Aussi chacun s'y intéresse. Médecins

et fonctionnaires visitent à tout instant notre oeuvre, ou nous

demandent des renseignements. L'impression qu'en remportent les

visiteurs est toujours excellente. Les projets qu'ils forment relati-

vement à l'installation d'une assistance familiale dans leur pays,

m'ont amené à fixer mes idées sur les conditions générales à rem-

plir àcet effet en tels ou tels endroits. Nous les résumerons ici.

Une tentative de ce genre ne peut être faite que dans une région

habitée par une population aisée et sensée. De prime abord, on

écartera un pays pauvre; en effet nos malades sont habitués dans

nos établissements à un bien-être dont on ne saurait les priver.

Il ne faut pas que la population soit disséminée en des bourgs écar-

tés l'un de l'autre et de peu d'importance, sinon la surveillance

médicale et le contrôle des nourriciers sont impossibles ou inef-

ficaces. Il ne faut pas non plus choisir de gros districts ; on leur

confiera 150 ou 200 malades au plus. La Campine est une déplorable

localité pour cette raison, de plus, les colonies d'aliénés de Gheel

assistent toute espèce de formes vésaniques, même à leurs périodes

primitives : c'est un asile, ou pour être plus exact, vu son étendue,

une collection d'asiles agglomérés dans la Campine.

On préférera des territoires agricoles à une ville ou à une petite

ville. Il faudra qu'au centre du district, et pas trop loin de cha-

cune des localités (condition sine qua non) existe un asile plus

ou moins important dans lequel habite le directeur-médecin^ qui

doit en même temps être le directeur de l'assistance familiale. Il

vaut mieux que ce soit un asile de l'Etat parce qu'il est plus facile d'y

choisir les aliénés à confier aux nourriciers, et qu'entre cet asile et

les établissements provinciaux les rapports facilitent et activent

l'assistance familiale. S'il n'en est pas ainsi, on installera dans

l'endroit qui constituera le centre cherché une sorte de wurkhouse ;

1 C'est le plan que nous avons tracé nous-même dans notre mémoire au

Congrès d'assistance publique de Paris en 1889. Voir ces documents. P. K.

430 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ou l'on utilisera dans ce but des constructions déjà existantes. A

Ilten nous n'avons eu qu'à nous louer de l'affectation de construc-

tions anciennes. Il est toujours aisé, selon les besoins, de les agrandir

ou de les transformer.

Naturellement, la direction de l'asile central et de l'assistance

familiale annexe incombe à un psychiatre expérimenté. Rien n'em-

pêche, quand les circonstances s'y prêtent, d'utiliser la bonne

volonté d'un médecin établi dans la région qui s'intéresse à cette

assistance, par exemple du Ki-eisphysikus. La collaboration d'un

praticien qui connaît dès longtemps le pays est souvent précieuse,

en ce qu'il possède à fond la population et les familles propres à

faire des nourriciers. La même réflexion s'applique au pasteur de

l'endroit, à la condition qu'il soit intelligent, dévoué à l'humanité

et à la cause des aliénés et compétent en ces matières; il exercera

une surveillance précieuse et exercera sur le mode d'assistance une

influence favorable.

Nous n'avons rien eu à modifier dans les conditions d'agence-

ment de l'assistance familiale, non plus qu'à l'instruction donnée

aux nourriciers. La réglementation est demeurée ce qu'elle était

jusqu'ici.

Les malades ont de plus en plus gagné à ce mode de traitement.

Ils en apprécient le bien-être peu de temps après leur entrée dans

les familles et se défendent toujours de retourner à l'asile. Appré-

ciés bien vite du nourricier, ils se réjouissent de leurs nouvelles

conditions, se mettent aux soins du ménage de même qu'aux tra-

vaux agricoles, s'attachent aux enfants qu'ils gardent, et souvent,

plus tôt qu'on ne s'y serait attendu, acquièrent une habileté remar-

quable à la culture. Sous l'action de la vie de famille, leur aspect

extérieur se modifie; ils se refondent pour ainsi dire, reprennent de

la spontanéité et de l'énergie : leur attention s'éveille à la vie et ils

s'intéressent aux choses qui les entourent. 11 va de soi que cette

amélioration dépend de la forme, du degré, de la période de leur

perturbation mentale. La plupart d'entre eux augmentent de poids.

Cela ne veut pas dire que nous enregistrions beaucoup de guérisons

parmi les aliénés qu'on nous envoie et qui sont presque sans excep-

tion des incurables. Nous n'avons pas la prétention de guérir des

lésions cérébrales organiques dont l'évolution est irrévocablement

terminée. Mais il est certain que nous avons enregistré quelques

guérisons et des améliorations inattendues.

Quoi qu'il en soit, l'assistance familiale des aliénés consiste, tout

bien pesé, à débarrasser nos malades de l'existence monotone et

lugubre des asiles fermés et à leur créer une vie plus riante, se

rapprochant de celle qu'ils menaient quand ils étaient bien por-

tants. En cela nous avons pleinement réussi.

Nous compléterons cet exposé par quelques détails intimes.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 431

Quelles sont les professions de nos nourriciers ?

432 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Etude des formes morbides. Les aliénés actuellement en trai-

tement dans les familles sont atteints ou ont été affectés de :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 433

type très net du symptôme de de Groefe; quand le malade regarde

tout à fait en bas, la paupière supérieure reste encore bien au-

dessus du bord de la cornée.

Enfin, M. Bruns rapporte deux cas d'obsession par des mots,

notamment par des mots obscènes et par des blasphèmes, liée, dans

ces deux exemples, à des impulsions.

M. ROLLER. (Communications casuistiques). Ce sont : i°Un cas

de mérycisme; 2° Deux observations d'inversion des idées sexuelles

qu'il ne faut pas confondre avec l'inversion du sens génital ou des

sensations génitales. Il s'agit ici de délire, de conceptions déli-

rantes dans la folie systématique ou le désordre dans les idées

hallucinatoire et la démence. Dans l'espèce, il n'y a point de

recherche, de satisfaction génitale d'individus de même sexe

l'un pour l'autre. Sans doute, dans sa psychopathie sexuelle, de

Krafft-Ebing dit que, même dans l'inversion congénitale du sens

génital, l'anomalie se borne pendant longtemps à la simple per-

version de la sensation sexuelle et que l'occasion seule provoque

l'impulsion à la satisfaction immorale d'appétits jusque là pure-

ment psychiques, ou que celle-ci ne se montre qu'à la suite d'une

névrose complicatrice. Le professeur mentionne aussi des épisodes

caractérisés par la disparition de l'inversion des appétits sexuels

et le retour de la vie sexuelle normale.

Les présentes observations n'ont rien à voir avec l'inversion du

sens génital. Dans l'espèce, il s'agit de débiles, d'héréditaires dégé-

nérés à facultés affaiblies qui délirent. Ils croient appartenir à un

autre sexe que le leur; c'est plutôt une erreur de la sensibilité

physiologique malade que de la sensibilité psychologique. Ou bien

c'est un jeune homme qui se croit en état de grossesse, qui dit avoir

ses règles et autres allégations rappelant les délires viscéraux.

3° Hystérie chez un enfant. La névrose s'est développée isolément

che un petit garçon de dix- ans, dans un milieu très simple, à la

campagne, à la suite d'une affection fébrile. Les symptômes furent :

l'aphonie, des accès convulsifs, relativement longs, représentés

par des cris spasmodiques, avec troubles de la connaissance, tym-

panite, paralysie des jambes. En dehors des crises, intégrité de l'état

mental, l'enfant est rangé, affectueux, modeste. La guérison s'effec-

tue, mais cela ne préjuge aucunement de l'avenir chez un sujet

qui, à un âge si tendre, est affecté d'une si grave névrose, et encore

moins de sa postérité.

Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVIII, 4. P. Keraval.

Archives, t. XXIII. 28

434 SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE LEST

DE L'ALLEMAGNE.

LIVE SESSION A BRESLAU. -

Séance du 2 décembre 1890 '.

M. KAHLBAUM. Ce qu'on appelle la paranoïa. Ce mémoire qui

comporte encore des développements sera publié in extenso.

M. KIEFER communique une observation d'hébéphrénie (type Kahl-

baum-Hecker). Jeune homme jusque làbien portant, ne présentant

que de très faibles éléments d'hérédité, est, à l'âge de dix-huit ans,

atteint d'une affection mentale caractérisée par : débilité mentale

avec puérilité originale dans ses façons de parler et d'écrire, allures

extérieures et attitude bizarres et conceptions délirantes rappelant

le délit des persécutions et la mégalomanie. Mais il ne s'agit

point d'un système organisé ; il accuse son professeur , le-

médecin de la pension, l'inspecteur des études, de lui en vouloir,

ment à plaisir, et monte ses camarades contre le personnel ensei-

gnant, il essaie d'obtenir l'appui de ses parents et menace de l'in-

fluence puissante des siens, de sa force, de ses talents spéciaux (il

parle, dit-il, sept langues, a des connaissances philosophiques et

psychiatriques étendues). C'est, en somme, la caricature d'un délire

chronique systématique.

M. FIIEUND. Présentation de quelques malades atteints de névrose

traumatique. De cette étude clinique, M. Freund tire que, de

même que Charcot, il ne voit pas que la névrose traumatique soit

une entité morbide sui generis. Dans la majorité des cas, c'est une

hystérie traumatique qu'il convient de ranger dans le cadre de

l'hystérie mâle. Il propose d'en distinguer trois catégories princi-

pales.

1° Les faits dans lesquels il n'existe que des anomalies sensitives

ou sensorielles;

2° Ceux dans lesquels les anomalies sensitives et sensorielles

sont combinées à des troubles de la motilité;

3° Ceux où il n'y a que des troubles fonctionnels de la motilité.

(Irritabilité considérable du coeur et de l'appareil respiratoire,

1 Voy..4rchives de Neurologie, session de Leubus, juin 1890, t. XXII,

p. 277.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 435

diminution de la force motrice ou tremblements dans les extré-

mités qui, souvent, ne sont accusés que d'un côté.)

Cette troisième catégorie confine à la neurasthénie simple qui,

contrairement à l'hystérie mâle, a pour caractéristique l'absence

de tous symptômes objectifs. '

La majorité des cas relève de la seconde catégorie, toutefois,

sur 18 cas d'hystérie mâle qu'a personnellement observés M. Freund,

il en trouve deux de la première catégorie, et deux de la seconde.

Dans la monographie d'Oppenheim existent des exemples typiques

pour chacun des trois groupes.

M. Freund présente sept observations d'hystérie mâle,'se décom-

posant en deux de la première catégorie, une de la troisième,

quatre de la seconde. Il insiste sur la multiplicité des examens de

la sensibilité, à l'aide d'appareils précis inconnus du malade, et la

nécessité, par la répétition des recherches précises, de dresser la

géographie de la sensibilité du patient. Le rétrécissement concen-

trique du champ visuel exige pour qu'on puisse en affirmer l'exis-

tence, l'emploi du périmètre et l'épreuve de plusieurs séances.

Chose particulière, quelque réduit que soit le champ visuel de la

périphérie au centre, jamais les malades ne perdent la vision péri-

phérique au point de ne pouvoir s'orienter et se mouvoir. L'orateur

a également observé le type du déplacement du rétrécissement du

champ visuel signalé par Foerster. Enfin, il signale que l'hémia-

nosmie et l'hémiageusie locales s'accompagnent de l'impossibi-

lité totale de distinguer sur la langue et sous le nez, quelque soit

le côté exploré, les mets et les odeurs alimentaires.

La thérapeutique doit être basée sur l'électrisation au pinceau,

en employant de forts courants d'induction; mais il faut faire des

séances fréquentes et prolongées. Peu à peu, on arrive à rappeler

l'intégrité de la sensibilité, à faire disparaître presque toute la

parésie, à restituer de l'ampleur au champ visuel.

M. HAHN présente un malade atteint de folie chronique consécu-

tive à des excès prolongés d'alcool. Il s'agit d'une femme de trente-

six ans, adonnée continuellement à la boisson depuis sept années,

qui présenta successivement les phénomènes suivants :

4° Démence, impotence fonctionnelle, tremblements ataxiques,

anarthrie, troubles de la déglutition, sans accidents hémilatéraux.

2° Amélioration faisant espérer la guérison. 3° Irritabilité, mélan-

colie avec idées de persécution provoqués par des hallucinations de

l'ouie; tendances aggressives; mégalomanie fabuleuse.

M. FREUND montre un certain nombre de préparations obtenues

par la méthode de Golgi et de Ramon y Cajal, sur l'écorce du

cerveau et du cervelet, ainsi que la moelle d'embryons.

MM. Saclls et Lissauer projettent des coupes d'encéphale.

436 SOCIÉTÉS SAVANTES.

1.V° SESSION A BRESLAU.

Séance du 2 mars 1881.

M. Lissauer. Elude clinique et anatomique des symptômes de lésions

en foyer dans la paralysie générale. Comme il est rare que les

lésions en foyer du cerveau revêtent une allure aiguë et soient en

rapport avec les attaques congestives apoplectiformes ou épilepti-

formes, il est évident qu'en en étudiant les symptômes, on peut

éclairer la' pathogénie de l'ictus. Sous le nom de symptômes de

lésions en foyer, nous désignerons : l'hémiopie, qui se montre si

fréquente à la suite des attaques; la monoplégie brachiale, caracté-

risée non par une paralysie des mouvements en masse, mais par

la perte de la finesse dans l'exécution des mouvements, et l'oblité-

ration du toucher, est probablement due à un trouble du sens

musculaire. L'hémiopie accompagne souvent la monoplégie en

question, et l'on observe parfois pendant des mois ces deux symp-

tômes d'une façon continue, ce qui permet de les localiser.

. Les adhérences de la pie-mère à l'écorce n'en sont pas l'origine.

Ce sont des phénomènes auatomu-palhologiques infidèles, qui du

reste, peuvent être des produits artificiels. C'est au microscope qu'il

convient de s'adresser. Sur des coupes épaisses de préparations à

l'acide chromique, on rencontre des couches d'une transparence

insolite; cette transparence provient, comme le montrent des pré-

parations à l'alcool, d'une atrophie plus prononcée des cellules

nerveuses en des couches déterminées, notamment dans les seconde

et troisième couches de Meynert. Celles-ci peuvent même presque

totalement disparaître. L'altération atteint aussi les autres éléments

cellulaires, à l'exception de la couche granuleuse (externe) très

résistante, par places tout à fait indemne.

Cette dégénérescence par couches occupe le coin, le lobe occi-

pital et le lobe pariétal, jusqu'au voisinage de la pariétale ascen-

dante. Elle explique, d'une part, l'hémiopie observée pendant la

vie, d'autre part, la maladresse de la main qui, probablement,

doit.êlre rapportée au lobe pariétal. Elle se manifeste par plaques

irrégulièrement disséminées et irrégulières. C'est l'exagération du

processus de dégénérescence systématique propre à la paralysie

générale qui frappe, non pas seulement les fibres, mais aussi

(méthode de Nissl) les cellules de l'écorce. Qu'il sévisse avec une

intensité spéciale sur telle province d'ordinaire moins frappée,

comme le coin, et voici venir les symptômes de lésions en foyer du

cerveau dans le cours de la paralysie générale. Tantôt la poussée

dégénérative de certains territoires corticaux est brusque et violente.

Tantôt elle marche lentement; c'est ce qui arrive dans les endroits

qu'elle affectionne, comme le lobe frontal, la circonvolution du

SOCIÉTÉS SAVANTES 437

corps calleux, l'insula : dans ce dernier cas, nous avons affaire aux

symptômes classiques de la paralysie générale, sans symptômes de

lésions en foyer proprement dits. -

La même dégénérescence corticale engendre la dégénérescence

en plaques et en cordons de la couche blanche des hémisphères,

décrite par Friedmann, et les altérations de la couche optique

consécutives aux attaques congestives (Lissauer).

Enfin, il peut arriver que l'on observe des paralysies générales à

complexus ordinaire peu accusé, tandis que l'aspect clinique sera

celui de l'épilepsie Jacksonnienne, de l'aphasie sensorielle. Dans ce

cas, il y a prééminence de foyers d'altérations, comme celles que

nous venons de passer en revue, dans un lobe, par exemple le lobe

temporal, tandis que les lésions du lobe frontal sont très minimes.

On pourrait les appeler paralysies générales à localisation anor-

male.

M. HAHN présente un cas de folie aiguë chez un enfant. Il s'agit

d'un garçon de dix ans qui, à la suite d'un coup de canne sur la

tête (région temporo-pariétale gauche) est pris de violentes douleurs

(il lui semble qu'en cet endroit les os sont mous et qu'il lui roule une

balle dans le crâne), puis de mélancolie anxieuse avec quelques

convulsions cloniques dans les extrémités, hallucinations de l'ouie

et de la vue, délire anxieux. Alternatives d'agitation gaie ou triste

et d'angoisse extrême. Désordre dans les idées. Ces accidents

durent huit jours, puis graduellement, ils disparaissent. La maladie

ne dépasse pas deux mois.

M. HAHN présente aussi un cas de désordre aigu dans les idées,

qui est en somme un délire général avec agitation, désordre des

actes. L'orateur nie qu'on puisse affirmer l'existence d'hallucina-

tions ou de sensations physiques anormales, mais il reconnaît les

illusions. Il insiste sur l'élément, primordial d'après lui, caractérisé

par désordre et incohérence dans les idées et les actes et qui se

différencierait nettement du désordre maniaque et de l'hyperidéa-

tion manigène, en ce qu'il persiste sans interruption, sans rémis-

sion aucune, le malade englobant dans son délire les personnes,

les objets et les événements qui parviennent encore à sa connais-

sance (hypermétamorphose), De sorte que les impressions.senso-

rielles normales encore accessibles au moi, dérivent de l'idéation

dans un sens ou dans l'autre; ce mécanisme serait spécial.

LVI° SESSION A L'ASILE DE RYBNIK.

Séance du 21 juin 1891. -

M. Zander présente un cas d'anomalie crânienne consécutive à un

ostéome. 11 s'agit d'un homme de vingt-sept ans. La tumeur occupe

assez exactement le frontal droit. Elle s'étend surtout en haut et

438 SOCIÉTÉS SAVANTES.

latéralement. Dure et parsemée de sillons, elle n'est point sensible

à la pression. Elle repousse la voûte de l'orbite droite en bas; l'oeil

de ce côté parait plus enfoncé d'un centimètre que le gauche. Peut-

être cette tumeur remonte=t-elle à la naissance; en tout cas elle se

borne au frontal el proémine principalement en haut. Depuis que

le malade est à l'établissement, la circonférence horizontale du

crâne s'est accrue de deux centimètres.

L'état mental se résume ainsi : depuis l'âge de dix-huit ans seule-

ment, dégénérescence intellectuelle et morale, paresse, excès d'al-

cool, il est devenu incendiaire, voleur, violent et meurtrier. Actuel-

lement, grande excitabilité ; d'un abord difficile, il est maussade,

souvent violent et aime à détruire.

M. BUTTEèIBEIiG montre un corps étranger de l'oesophage trouvé à

l'autopsie. C'était un malade atteint de grande chorée et de

démence à allures étranges et désordonnées, qui avait coutume de

mettre danssa bouche et d'y conservertoute espèce de choses, voire

des grenouilles vivantes. Son appétit était demeuré excellent quand,

un beau soir, il refusa de manger. En l'examinant, on trouva une

élévation de température, avec tuméfaction et légère sensibilité de

la gorge. La tuméfaction progressa, la fièvre monta à 39, la bouche

ne peut plus s'ouvrir, on crut à un phlegmon du cou. Afin de pro-

céder à un examen plus complet, on résolut de lui donner le chlo-

roforme. Mais il mourut subitement le lendemain. Voici ce que

révéla l'autopsie.

Le péricarde, normal, contenait une quantité considérable d'un

]iquidejaunâLre paraissant être du pus. Coeur normal. Le médiastin

antérieur était en complète suppuration. Suppuration verdâtre,

sanieuse, de forte odeur dans la plèvre droite. Tuméfaction pro-

noncée des ganglions du cou, du reste non suppurés. Pas de suppu-

ration non plus dans le larynx ni dans le pharynx. L'oesophage

retient, au niveau du cartilage cricolde, un morceau de porcelaine

quadrangulaire, provenant d'une tasse qui mesure centimètres de

longueur, 2 centimètres et demi de large, 2 millimètres et demi

d'épaisseur; un des angles, fiché dans la paroi oesophagienne, y a

déterminé une perforation. Une seconde perforation, provoquée

par un autre angle, siège en arrière et en haut. Il existe encore

une troisième déchirure à 2 centimètres au-dessous du cartilage

cricoide, un peu à droite de la ligne médiane ; elle est déterminée

par un crochet du morceau en question qui n'est autre chose que

l'anse brisée de la tasse Tout autour de cette triple perforation, des

Ilots de pus odorants coulent jusque dans le médiastin postérieur

qu'ils remplissent; l'abcès par congestion inonde l'espace pleural

droit et le médiastin antérieur.

M. DICTER. Des troubles intellectuels d'origine épileptique. Dan

la Silésie supérieure; les psychoses évoluent autrement qu'en d'air

1 SOCIÉTÉS SAVANTES. 439

tres régions. L'orateur a examiné à ce point de vue la folie épilep-

tique, d'autant qu'à l'asile de Rybnik, il y a un grand nombre d'épi-

leptiques.

Il a trouvé que la folie transitoire des épileptiques ne présente,

quant à la marche, à Rybnik, aucune différence de la même moda-

lité morbide observée ailleurs. Il n'en est pas de même en ce qui

concerne la folie épileptique chronique. Par exemple, les épilepti-

ques travailleurs. Dans les autres régions, ils témoignent d'une

fougue, d'une résistance au labeur, remarquable. A Rybnik, dès

que vous constatez cette activité, vous pouvez dire qu'il ne s'agit pas

d'un malade de la Silésie supérieure : c'est un épileptique de

Breslau. La raison, c'est que les individus de la Silésie supérieure

sont dès l'enfance lents et nonchalants.

M. Kurella. Un cas de psychopathie relevant de la maladie de

Basedow. C'est un fait de médecine légale qui n'est pas commun.

Il s'agit d'un magistrat de trente-un ans arrêté au mois de sep-

tembre pour soustractions et falsifications des plus raffinées dans sa

caisse ; au mois de décembre il était pris d'une attaque d'épilepsie

et présentait, consécutivement, des troubles intellectuels. Le mé-

decin de la prison le tenait pour un simulateur ; mais quelques

semaines après, transféré dans une autre prison, il était, par un

autre médecin, déclaré épileptique, et atteint de débilité mentale

compliquée de dégénérescence morale. Une se produisit plus d'ac-

cidents psychiques aigus jusqu'à son transfert définitif, à la fin du

même mois, à l'asile de Kreuzbourg. C'est là que se manifesta

le complexus symptornatique du goitre exophthalmique; tachy-

cardie ; goitre; exophthalmie. On constata successivement : une

myopie rapidement progressive une diminution concentrique

du champ visuel un affaiblissement des muscles et des globes

oculaires (rigidité, fixité du regard) une parésie manifeste des

deux droits externes (divergence des axes oculaires) une béance

accusée des deux fentes palpébrales, une rétrartion des deux pau-

pières supérieures et inférieures- la disparition du clignottement

normal (épiphora, symptôme de de Groefe). Du côté de la motilité,

tremblement à ondes rapides, un accès d'épilepsie très court. De

temps à autre, tendance à la sudation, taches cérébrales, urti-

caire factice. En outre, violentes céphalalgies, insomnie, maintien

embarrassé et [dépourvu de souplesse. Pendant six semaines.

retour à l'état normal ; le malade a conscience de sa siluation, bien

plus, il expose des idées philosophiques d'un fatalisme des plus

cyniques et prétend avoir commis ses délits de propos délibéré et

en parfaite connaissance. Mais en même temps, on peut établir

qu'on a sous les yeux un individu irritable, un jouisseur qui, par

ses dissipations a été entraîné aux malversations dont il est coupable,

malversations commises en l'espace de cinq mois et habilement

dissimulées. Pendant cette période délictueuse, on ne trouve pas

440 SOCIÉTÉS SAVANTES.

trace de facteur pathologique. C'est pendant la détention cellulaire

de la période d'instruction que, sous l'influence d'hallucinations de

la vue et de l'ouïe survenues la nuit, se montrèrent les troubles intel-

lectuels ; ils disparurent après la suppression de la séquestration

cellulaire. Les attaques convulsives, précédemment notées, ne

paraissent pas tenir à l'épilepsie proprement dite ; il n'en a eu que

deux légères pendant la période, si défavorable pour lui, qui s'é-

tend de son arrestation à la fin de son observation à l'asile : en

tout huit mois; pendant tout le cours de son existence antécédente,

elles auraient été si rares que ses chefs et ses collègues les ignorent.

Il convient de mentionner que le père de l'accusé était un misan-

thrope original, que son enfance s'est écoulée monotone, sans plai-

sirs, sans amitiés, que sa soeur semble également être affectée de

maladie de Basedow.

En conséquence, M. Kurella conclut à la responsabilité. Les con-

vulsions, de même que la psychose due à la détention, doivent être

considérées comme des épisodes d'une névrose sympathique, d'une

dégénérescence héréditaire ; mais, ni à l'époque de l'acte incriminé,

ni pendant la période d'observation à laquelle il a été soumis, on

ne peut le tenir pour un aliéné ou pour un épileptique. Il s'agit

médicalement parlant, plutôt d'une névrose générale sous la dépen-

dance du goitre exophthalmique que d'une polio-encéphalite supé-

rieure. (Allg. Zeilsch. f. Pschiat., XLVIII, 4.) P. ICEa waL.

SOCIÉTÉ DES MÉDECINS NEUROLOGISTES ET AL1ÉNISTES

. DE MOSCOU.

Séance du 17 mai 1891.

M. le D' E. KAGAN. Contributions à l'élude de la pathologie des

nerfs du larynx. Le rapporteur présente un malade qui souffre

depuis deux ans d'une dyspnée inspiratoire et des accès de laryn-

gisme, tandis que la fonction phonétique des cordes vocales est

intacte. Les accès du laryngisme commencent par la toux et

sont accompagnés par des mouvements de déglutition et

renvois. Ils surviennent pour la plupart pendant la nuit, tantôt

spontanément, tantôt provoqués par des irritations minimes de la

muqueuse du larynx. Le rapporteur indique la possibilité de l'ori-

gine du laryngisme pareil à la suite d'une paralysie des muscles

postérieurs; il explique pourtant les phénomènes cliniques qui

BIBLIOGRAPHIE. 441

viennent d'être mentionnés plutôt par un spasme réflexe de tous

les muscles du larynx, spasme, qui pourrait être occasionné par

l'irritation des fibres sensitives du nerf vagus par deux tumeurs

symétriques, qu'on peut sentir dans les deux fosses rétromaxil-

laires du malade. Au cours de la discussion M. le professeur Kojew-

niltoff et les Drs Korniloff et Netschaeff ont pris la parole. Le pre-

mier suppose, que dans le cas en question, il ne s'agissait vrai- .

semblablement pas du spasme, mais plutôt d'une paralysie des

muscles postérieurs.

l1L- le Dr DAIICHENITCH. Sur les affections articulaires et muscu-

laires chez les hémiplégiques. Le rapporteur constate d'abord la

présence dans ces conditions des arthropathies et des amyotrophies.

L'affection articulaire aux extrémités supérieures dépend le plus

souvent directement de la lésion cérébrale. C'est une synovite qui

peut être aiguë ou subaiguë. L'atrophie musculaire précoce qui

apparaît pendant les premières dix à douze semaines, depuis le com-

mencement de la maladie, envahit lous les muscles de l'extrémité

atteinte ; son évolution n'a aucun rapport avec la présence ou l'ab-

sence de l'arthropathie et des troubles de la sensibilité. Il n'y a

qu'une modification quantitative de l'excitabilité électrique. Au

microscope, il y a un simple amincissement des fibres musculaires,

tandis que les nerfs périphériques aussi bien que les cellules

nerveuses de la, moelle sont complètement intactes. L'atrophie

musculaire est causée par la localisation spéciale de la lésion

cérébrale.

BIBLIOGRAPHIE.

VII. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie

et l'idiotie ; par Bourneville, avec la collaboration de MM. Cames-

casse, Isch-Wall, Morax, Raoult,Séglas, P. Sollier. Aux bureaux

du Progrès médical, Paris, 1891.

Ce volume est le onzième des comptes rendus des travaux de

M. Bourneville dans son service de Bicêtre. Il marque une étape.

En effet la première partie, sous la rubrique : Histoire du service

pendant l'année 1890, nous monlre l'achèvement de la section mo-

derne des idiots, et les débuts de l'installation de la fondation Val-

lée, affectée aux filles éducables.

Nous avons, entre temps, insisté sur les difficultés de tous ordres

442 BIBLIOGRAPHIE.

contre lesquelles notre maître a eu à lutter pour faire quelque

chose. Grâce à son infatigable persévérance, il a réussi et il a fait

grand au point de vue.technique. Il n'est pas douteux qu'entre ses

mains le nouvel institut médico-pédagogique Vallée ne prospère

comme a prospéré la nouvelle section, et que les idiotes éducables

ne profitent rapidement de ce legs. Nous recommandons la lec-

ture de l'historique de celle fondation, des plus instructives. Qu'on

ne vienne plus nous dire que nos efforts sont vains dans celte voie

thérapeutique.

La seconde partie du mémoire, intitulée : Clinique et anatomic

pathologique, fourmille d'observations complètes, intéressantes au

plus haut point. Telle, en particulier, l'observation IV, Idiotie

symptomatique d'une tumeur cérébrale. On y voit que, sous l'in-

flnence de tumeurs cérébelleuses, le quatrième ventricule s'est

oblitéré ; le troisième ventricule a subi une expansion modérée, et

les ventricules latéraux se sont considérablement dilatés. L'hydro-

céphalie était représentée à l'autopsie, par 600 grammes de liquide

céphalo-rachidien. C'est alors que s'est produit un phénomène qui

renverse complètement l'indication, par trop systématique des par-

tisans de la craniectomie. Alors que les fontanelles et les sutures

semblaient ossifiées, chez cet enfant de douze ans, les sutures fronto-

pariétales et intra-pariétales se sont écartées de 2 millimètres à

25 millimètres. Aussi les phénomènes de compression ont-ils

affecté une grande lenteur, et même des rémissions dans leur

marche. Qui sait si, l'affection n'aurait pas rétrocédé sans une

chute qu'il fit sur la tête et qui le tua en cinq jours. Avant, donc,

d'intervenir chirurgicalement, au hasard, et de risquer de préci-

piter les accidents par des complications expérimentales, il con-

viendrait, au préalable, de se rendre compte du mécanisme exact

des compensations intra-cérébrales. Ces réflexions s'appliquent

aussi à la craniectomie chez les microcéphales. Il ne faut pas croire

que le cerveau cesse invariablement de se développer, parce que la

boîte osseuse l'enclave ; avant de réséquer la calotte crânienne, il

faudrait faire la lumière sur cette question de pathogénie déjà

ancienne, mais encore irrésolue. (Voyez 3" partie, p. 133.)

Les autres observations sont intitulées :

Obs. I. Imbécillité ; syndactilie; hypospadias; tuberculose intesti-

nale. Obs. II. Idiotie et épilepsie symptomatique (atrophie, sclérose).

Obs. III. Idiotie symptomatique de sclérose cérébrale atrophique.

Obs. V. Idiotie symptomatique de méningo-encéphalite. Obs. VI. Idio-

tie complète, épilepsie, mal de Pott vertébral. Obs. VII. Cas d'hys-

térie chez l'homme. '

On voudra bien faire attention àla notation de l'idiotie. Il n'y a

pas qu'une idiotie. De même qu'il y a des paraplégies, il y a des

idioties. L'idiotie est le complexus clinique ultime qui succède à

BIBLIOGRAPHIE. 443

des lésions plus nettement définies que jadis, j'allais dire à des

mutilations de jour en jour mieux localisées. Voyez du reste la

troisième partie qui termine le volume (classification). Des travaux

non moins substantiels y trouvent place sur la microcéphalie, la

parencéphalie, l'idiotie myxoedémateuse, l'idiotie polysarcique.

L'analyse, trop imparfaite de ces travaux inédits jusqu'alors, ne

saurait remplacer la lecture attentive. Nous avons tenté le plus

brièvement possible, d'en exprimer le suc. P. Keraval.

VIII. Séméiologie et diagnostic des maladies nerveuses; par le

D'' Paul BLOCQ et J. ONANOFF,. 1 vol. avec 88 figures. Chez G.

Masson, 1892.

Cet ouvrage comble une lacune que l'extension qu'ont prise les

maladies nerveuses depuis un certain nombre d'années rendait

indispensable de remplir. Malgré la difficulté de ce travail prove-

nant de la complexite des symptômes d'ordres divers que présen-

tent les affections du système nerveux, les auteurs s'en sont tirés

à leur honneur, et leur ouvrage sera certainement accueilli avec

faveur par les nombreux médecins que les nombreuses monogra-

phies ou les traités didactiques spéciaux peuvent effrayer, et qui

seront heureux de trouver là sous une forme concise toutes les

méthodes d'examen et de diagnostic nécessaires.

Se basant exclusivement sur la clinique, MM. Blocq et Onanoff

ont suivi l'ordre dans lequel se présentent tout naturellement les

symptômes à l'examen du médecin. Dans la première partie, ils

étudient les signes présents, et dans la seconde les signes commé-

moratifs. Dans les signes présents, ce qui frappe d'abord, ce sont

les troubles de l'intelligence, puis ceux qu'accuse le malade, c'est-à-

dire les troubles de la sensibilité. Viennent ensuite ceux constatés

par le médecin, ceux de la motilité et des réflexes qui tous consti-

tuent les signes directs. L'étude des signes indirects, troubles tro-

phiques. signes généraux et anttliropologigues vient après. Quant à

la seconde partie, elle comprend l'étude des causes prédisposantes et

des causes déterminantes. Comme on le voit, les auteurs ont pro-

cédé cliniquement et logiquement.

Dans la plupart des chapitres, on trouvera, à côté de considéra-

tions purement cliniques, un examen critique des opinions pro-

fessées par les autres auteurs, qui relève singulièrement l'ouvrage

et d'un simple manuel le place au rang d'une oeuvre originale et

personnelle. Le point de vue psychologique qui prend de plus en

plus de place dans certaines affections nerveuses n'a pas été laissé

de côté par les auteurs et quelles que soient les opinions émises

par eux, quelle que soit la valeur qu'on leur accorde, il n'en reste

pas moins que c'est une excellente chose que d'avoir montré l'im-

portance réelle de ces considérations d'ordre philosophique, que

beaucoup regardent à tort comme inutiles à la clinique.

444 VARIA .

On trouvera tout particulièrement intéressants à cet égard les

chapitres consacrés aux sommeils pathologiques, à l'asymbolie qui

comprend tous les troubles du langage, et où l'aphasie est pré-

sentée sous un jour assez nouveau, srâce au rôle que les auteurs

font jouer au sens musculaire dans sa production. '

Une étude également intéressante est celle du faciès, de l'atti-

tude et de la marche qui est rendue plus vivante par l'adjonction

de nombreuses figures représentant les différents types en vue. Du

reste un grand nombre de figures illustrent cet ouvrage et facili-

tent ainsi la compréhension des procédés employés pour l'examen

des malades, car ces figures qui sont toutes originales ne se bor-

nent pas à représenter certains troubles objectifs ou à certains

schémas, mais encore certains instruments nécessaires pour

l'examen complet et la manière de s'en servir. Par là encore l'ou-

vrage de MM. P. Blocq et Onanoff rendra de véritables services

aux praticiens. P. S.

VARIA.

BANQUET OFFERT A M. LE PROFESSEUR CHARCOT.

Le samedi 5 mars, les élèves de M. le professeur Charcot,

réunis autour du Maître, au restaurant Durand, ont fêté sa

récente promotion au grade de commandeur dans l'ordre de la

Légion d'honneur. Les invitations avaient été strictement

limitées aux anciens internes et chefs de clinique de M. Charcot

et aux chefs de services auxiliaires de la clinique des maladies

nerveuses (électrothérapie, ophtalmologie, otologie, etc.).

Les convives étaient au nombre de 35. En voici la liste d'après

l'ordre chronologique (année d'internat chez M. Charcot) :

V. Cornil (1863); - Bouchard (1864 et 1866); - Bournevillc

(1868); -Joflroy (1869); Gombault (1871); Debove (1871);

Pierret (1874) ; F. Raymond (1875); Pitres (1876) ; -Oul-

mont(1877);-P. Richer (1878); - Brissaud (1870); - Ballet (1880);

Féré (1881) ; Marie (1882); - Gilles de la Tourette (1884) ;

G. Guinon (1885) et l3abinslci, chef de clinique; Berbez (1886);

Blocq (1887); - Huet (1888) - Dutil (1889); - Parmenlier et

Souques (1890); J.-B. Charcot et Hallion (1891); Gasne,

Guyon, Lamy (1892); Londe (1893); Collinet (189jr); --Lan-

VARIA . 441l

dowski (1895) 1. Voici maintenant les noms des chefs des ser-

vices auxiliaires : Vigouroux (électrothérapie); Parinaud (oph-

talmologie) ; - Gellé (otologie); ;- Galippe (odontologie) ; - Londe

(photographie).

A la fin du diner, M. le professeur Cornil, le plus ancien des

internes présents, se lève et adresse ainsi la parole à son

maître :

MON cher Maître ,

Messieurs, -

Je dois au triste privilège de l'âge l'honneur de porter en votre

nom la santé de notre illustre maître, M. Charcot. Le premier in-

terne de M. Charcot, en 1862, était mon camarade et ami M. Soulié,

professeur de thérapeutique à la Faculté de Lyon, retenu par une

affection douloureuse et heureusement peu grave. Je lui succédais

à la Salpétrière en 1863, il y aura bientôt trente ans. Ce fut assuré-

ment, de mes années d'apprentissage de la vie et de la science, la

plus féconde et la plus heureuse. M. Charcot avait ouvert et commen-

çait à exploiter cette mine inépuisable de recherches pathologique',

de la Salpêtrière, où s'entassent en couches pressées les maladies

chroniques incurables, les affections nerveuses et mentales, avant

de révéler leurs secrets. A cette époque, M. Charcot était le pré"

mier arrivé dans le service qui durait tard, qui se prolongeait indé-

finiment par les autopsies. Peu d'élèves suivaient alors ce travail

obstiné, si intéressant, si passionnant pour l'interne qui y était

associé; mais les externes nous abandonnaient et le service se fai-

sait presque toujours avec le chef de service et son interne tête à

tête. Il faut dire que, celte année là, M. Charcot et M. Vulpian

constituaient un répertoire des Archives de la Salpêtrière, en pre-

nant une à une les observations des administrées dans leurs dor-

toirs et que nous y passions des journées entières. On jetait les

larges assises de l'Ecole de la Salpêtrière avec un travail acharné.

On faisait de l'anatomie pathologique, en prenant comme sujet le.;

apoplexies et ramollissements du cerveau, l'ataxie locomotrice, les

myélites, la paralysie infantile; on prenait des observations d'at-

tente en vue de la localisation des fonctions cérébrales. On menait

de front, se completant, s'expliquant l'une par l'autre, la clinique

et l'anatomie pathologique. La pièce qui nous servait de laboratoire,

assainie après l'enlèvement des bocaux de votre prédécesseur,

'Pour compléter la liste des internes de M. Charcot, nous donnons les

noms de ceux qui, empêchés, se sont excusés : Soulier (186 ); Lépine

(1867); Pierret (1874); Oulmont (1877); et enfin la liste de ceut

qui sont décédés : Gotard (1865), Michaud (1870) et Bernard (1883).

4l6 VARIA.

Cazalis, voyait aussi avec étonnement des microscopes, chose rare,

et il en sortait des examens histologiques bien faits, ce qui était

encore plus extraordinaire, car notre outillage en France, notre

organisation scientifique, étaient à peu près nuls.

Permettez-moi de vous le rappeler, mon cher maître, cette année

' de 1863 a dû rester aussi profondément gravée dans votre coeur,

car c'est à cette date que vous avez lié votre destinée à la compagne,

dont l'esprit élevé, l'intelligence ouverte à tout ce qui est beau

dans les sciences et dans les arts, vous a donné le charme et les

joies de l'intérieur et de la famille.

Depuis lors, mon cher maître, votre maison a été le rendez-vous

de vos élèves qui y trouvaient le gracieux accueil et le réconfort

moral, presque une famille. Que nos paroles ailées portent à

Madame Charcot le profond témoignage de notre respect et de

notre gratitude !

Vous avez fondé à la Salpêtrière une école incomparable de cli-

nique des maladies nerveuses, comme il n'en existe nulle part ail-

leurs.

Et ce n'est pas seulement parce que tous les sujets intéressants

de la ville de Paris s'y donnent rendez-vous, non, c'est à vos ad-

mirables qualités propres de clinicien, d'observateur pénétrant,

clairvoyant, à qui rien n'échappe, que ce résultat est dû.

Vous personnifiez parmi nous le clinicien hors pair qui sait voir

et trouver, le successeur direct de nos grands médecins, et dont le

plus éminent est Laënnec.

La clinique pure est aussi, elle, une science, car elle possède ses

méthodes propres. Une méthode d'investigation des malades étant

donnée, une série de maladies nouvelles seront déterminées; mais

là, le plus souvent, nos méthodes cliniques n'ont pas la rigueur

des méthodes employées en géométrie ou en physique. Elles de-

mandent polir être poussées dans la voie du progrès que l'observa-

teur possède une sorte d'intuition, une rare perfection des sens et

du jugement unie à la ténacité qui surmonte tous les obstacles.

Vous avez ces dons mon cher maître, et c'est ce qu'en toute

langue, dans toutes les branches de la pensée humaine, on appelle

le génie, la faculté de trouver les faits cliniques nouveaux, de les

comparer entre eux et avec les lésions, d'en déduire un processus

morbide, de synthétiser et de créer ainsi un type pathologique.

C'est ce que vous avez réussi à faire pour un grand nombre de

maladies du système nerveux inconnues jusqu'a vous ou peu étu-

diées.

Pour celles qui étaient déjà connues, vous en avez si profondé-

ment remanié l'étude qu'on est tenté de croire que vous les avez

décrites le premier.

Aussi l'Ecole de la Salpêtrière, où tant de jeunes hommes, qui

vous entourent, sont venus se former, est-elle l'Ecole clinique par

VARIA. 447

excellence des maladies nerveuses, aussi connue, aussi estimée

dans tout le Monde qu'elle l'est parmi nous.

Et si l'on songe au peu de progrès que la médecine proprement

dite a faits par la clinique pure depuis cinquante ans, on admire

davantage encore ceux que vous avez réalisés.

A part la chirurgie et les branches spéciales qui se sont dévelop-

pées par l'application d'un instrument nouveau, comme laryn-

goscope ou l'ophtalmoscope, la médecine clinique proprement dite

est restée très stationnaire. Je ne parle pas, bien entendu, des pro-

grès de la pathologie générale résultant de l'application de l'histo-

logie ou de la bactériologie, mais j'entends la clinique proprement

dite. Eh bien ! quels progrès a-t-elle faits depuis trente ans ? je ne

vois guère d'acquisitions nouvelles que dans l'Ecole de la Salpê-

trière.

Vous n'attendez pas, Messieurs, que je vous énumère dans le dé-

tail ces découvertes; vous les connaissez mieux que moi. Si j'ai

assisté et pris part aux débuts, vous en avez suivi mieux que moi

l'évolution progressive.

Vous me dispenserez aussi, Messieurs, de vous dire quel clinicien

est M. Charcot ; si je hasardais sur ce point quelques paroles, vous

trouveriez tous qu'elles sont par trop au-dessous de ce que vous en

pensez vous-mêmes, car vous l'avez vu à l'oeuvre et cela suffit pour

en conserver le souvenir inoubliable.

Ce que je puis dire en votre nom à tous, Messieurs, c'est la libé-

ralité admirable avec laquelle M. Charcot nous a toujours associés

à ses travaux, à ses publications; c'est le soutien de tous les instants

qu'il nous a prodigué après nous avoir instruits par son exemple,

ses conseils, son enseignement journalier. Ce n'est pas seulement

en instruction médicale que nous avons tous gagné à son contact,

Messieurs, mais aussi en éducation intellectuelle, politique et philo-

sophique.

J'en juge par moi-même, Messieurs, car je lui dois ce que je

suis. Il est descendu de sa chaire d'anatomie pathologique en me

la donnant. Il est difficile de concevoir une transmission plus par-

faite d'héritage, car elle avait lieu enlre deux personnes vivantes

et bien portantes. C'est ainsi, Messieurs, que tous, nous pouvons

témoigner à M. Charcot notre profond dévouement, notre éternelle

reconnaissauce.

Mon cher Maître, tout vous a souri, parce que vous étiez labo-

rieux, autant qu'admirablement doué^ vos travaux ont déterminé

la fortune et les honneurs; votre étoile parcourt son orbe ascen-

dante ; vos disciples vous entourent d'une affection profonde et ils

sont heureux de votre gloire qui rayonne sur eux.

M. Cornil s'est à peine rassis que M. Charcot, très ému, lui

dit : Je suis trop ému pour vous répondre, mon cher Cornil,

448 VARIA.

laissez-moi vous embrasser. » Et ainsi le Maître donne l'ac-

colade à chacun des orateurs qui ont pris la parole au banquet.

Vient après M. Joffroy, qui parle au nom des élèves devenus

agrégés : -

MON CHER Maître,

Au dernier moment, mes camarades de l'Agrégation me deman-

dent de prendre la parole en leur nom. Je ne me dissimule pas

le danger d'une improvisation, mais c'est pour moi un tel hon-

neur et un si grand plaisir de lever mon verre dans cette circons-

tance, que je suis heureux de braver le danger pour avoir le plai-

sir. .

Je ne vous adresserai pas de longues félicitations pour une dis-

tinction que nous avons trop longtemps attendue et qui, du reste,

ne vous grandit pas à nos yeux. Ce que nous apprécions le plus en

elle, aujourd'hui, c'est qu'elle sert de prétexte à cette charmante

réunion et qu'elle nous permet de vous dire toute notre respectueuse

affection et toute notre vive reconnaissance. Si nous sommes

agrégés (puisque c'est au nom des agrégés que je parle), c'est à vous

que nous le devons. Quand nous étions vos internes, vous nous

avez appris à travailler, vous' nous avez inspiré l'amour de la

science, vous nous avez animés du feu sacré, et quand, pleins de

tristesse et de regrets, nous quittions la Salpêtrière, vous nous

suiviez d'un coeur vigilant sans jamais nous abandonner, tant que

nous n'avions pas atteint le but. Et, dans les moments de lassitude,

d'abattement, parfois de désespérance, survenant au cours de la

lutte, nous trouvions toujours, à votre foyer, la parole qui ranime,

qui réconforte, qui rend l'ardeur et entraîne au succès.

Ils sont déjà nombreux vos élèves qui sont ainsi arrivés, mais

ce n'est encore qu'un commencement. Derrière nous, voici toute

une phalange de jeunes dont les prochains triomphes contribueront

bientôt à glorifier encore davantage cette grande famille des élèves

de la Salpêtrière, dont vous êtes le patriarche aimé et vénéré.

Dans l'intérêt des jeunes, pour la satisfaction des aînés, restez

de longues années a la tête de cette famille, c'est le voeu fervent

que nous formons tous et pour la réalisation duquel nous buvons

de grand coeur.

Puis M. le professeur Pitres (de Bordeaux) prend la parole

au nom de ceux qui ont été chercher gloire et fortune hors

Paris et qui, bien qu'éloignés du Maître, sont toujours restés

ses élèves dévoués et reconnaissants. .

VARIA 449

CHER MAITRE,

Dans les familles nombreuses, il y a presque toujours des en-

fants que les hasards de l'existence obligent à s'éloigner du toit

paternel. Il y en a aussi dans votre famille scientifique. Plusieurs

de vos élèves, non des moins dévoués, ont été contraints d'aller

planter leur tente loin de Paris. Séparés de vous, ils n'oublient

cependant ni les services que vous leur avez rendus, ni la recon-

naissance qu'ils vous doivent. Et quand un événement heureux

réunit, comme cela a lieu aujourd'hui, l'Ecole autour de son Chef,

ils s'empressent de venir prendre part à la fête, afin de vous appor-

ter, eux aussi, l'expression de leur inaltérable affection. En leur

nom, je bois à votre santé et à celle de tous ceux qui vous sont

chers.

Après quelques mots de 111. Galippe et de M. Dutil,M. CHARCOT

prend la parole en ces termes :

« MES CHERS Amis,

« Je veux remercier tout d'abord ceux d'entre vous qui, à

l'occasion de ma promotion à un grade supérieur dans la

Légion d'honneur, ont eu l'heureuse idée d'organiser cette

fête.

« Ils. m'ont ainsi procuré la joie de me voir aujourd'hui

entouré de tous ces vaillants qui, à des titres divers internes,

chefs de clinique, chefs de laboratoire, etc. se sont, depuis

trente ans, groupés autour de moi pour travailler au succès de

ce que nous appelions la bonne cause.

« Il s'agissait, c'est encore presque une nouveauté, dans ce

temps-là, d'éclairer la clinique et de la transformer même, si

possible, sans jamais toutefois la violenter, sans mécon-

naître jamais sa prééminence pratique ; il s'agissait, dis-je,

de l'éclairer par l'intervention largement acceptée des sciences

anatomiques renouvelées par l'histologie et de l'expérimenta-

tion physio-pathologique dans les affaires de la médecine.

« Oui, c'était la bonne cause, et aujourd'hui que, depuis

longtemps, elle a triomphé sur toute la ligne, nous avons bien

quelque droit de nous féliciter de la part qui nous revient dans

le succès.

Archives, t. XXIII. 29

450 VARIA.

Il me semble, Messieurs, que nous célébrons aujourd'hui

le 30° anniversaire de la fondation de l'oeuvre. C'est en 1862,

en effet, que Soulier, aujourd'hui professeur de thérapeutique

à la Faculté de Lyon, a été, à la Salpêtrière, le premier de

mes internes. Puis cela été le tour de mon cher ami Cornil,

actuellement professeur à la Faculté de médecine de Paris,

président de la Société anatomique. Il a été mon maître en

histologie. : Ensuite vient un nom, illustre entre tous : celui du pro-

fesseur Bouchard, mon cher confrère à l'Institut de France,

fondateur à son tour d'une Ecole prospère, adonné pour l'ins-

tant surtout aux études pathogéniques, dont les travaux, d'une

originalité puissante, commandent l'admiration de tous, et qui

a grandement contribué déjà à rehausser, dans ces dernières

' années, l'éclat de la Médecine française.

« Après M. Bouchard, que j'ai eu l'insigne honneur de voir

à mes côté à titre 'd'interne, pendant deux ans, se sont succédé :

Cotard, hélas ! trop tôt enlevé à la science, comme devait l'être

plus tard le regretté Michaud, chirurgien, des hôpitaux de

Lyon ; Lépine, membre correspondant de l'Institut, l'une des

grandes illustrations de la Faculté lyonnaise, Bourneville,

Joffroy, Hanot, Gombault, médecins des hôpitaux ou agrégés :

Debove, mon collègue de la Faculté de Paris ; Pierret, profes-

seur à la Faculté de Lyon; Pit.res, enfin, doyen de la Faculté

de médecine de Bordeaux qui, malgré ses occupations pres-

santes, n'a pas hésité à venir se réunir à nous ; ce dont je lui

serai toujours reconnaissant.

c J'en passe, et des meilleurs, tels que Oulmont, médecin

des hôpitaux, Richer, chef de laboratoire dans mon service,

Brissaud, Ballet, médecins des hôpitaux et agrégés, Féré,

médecin de Bicêtre, Marie, médecin des hôpitaux et agrégé,

Babinski, médecin des hôpitaux, etc., car, malgré toute la joie

que je ressens à étaler nos richesses, je me vois obligé d'arrêter

cette énumération.

c Il est temps, en effet, maintenant, que je me tourne vers

les jeunes, les nouveaux venus, ceux de l'avenir, pour leur dire

en leur montrant les anciens, ceux d'hier et d'autrefois : suivez

leurs exemples; marchez sur leurs traces ; je retrouve en vous

l'enthousiasme et la foi qui les ont animés ; la méthode est

sûre et éprouvée; travaillez, soyez patients ; sachez attendre ;

le succès ne manquera pas tôt ou tard de couronner vos efforts.

wam. Hil 1

« En terminant, mes chers amis, permettez-moi de vous

témoigner toute ma gratitude pour l'incomparable plaisir que

vous m'avez fait en vous réunissant aujourd'hui autour de moi.

En vous voyant tous, les anciens comme les nouveaux, si

pleins de force et de vitalité, j'éprouve, à votre contact, comme

un rajeunissement, et je me sens plein d'espoir.

« C'est pourquoi, levant mon verre, je bois à la prospérité

passée, présente et future de l'Ecole de la Salpêtrière. »

Cette fête véritablement intime puisque, suivant le désir de

M. Charcot, elle ne comprenait que ses anciens internes et

chefs des services auxiliaires actuels, laissera un souvenir des

plus agréables dans la mémoire de tous ceux qui ont eu le plaisir

d'y assister. Tous se souviendront combien le Maître était heu-

reux de se trouver entouré de tous ses collaborateurs les plus

directs et les plus dévoués. Des fêtes comme celle-là sont de

nature, nous en'avons la conviction, à maintenir et à resserrer

les liens qui ont toujours uni les élèves de l'Ecole de la Salpê-

trière.

Les préfets ET l'assistance DES aliénés..

Dijon, le 25 novembre 1891.

Monsieur et cher Collègue,

Il résulte des renseignements recueillis que le jeune Duponn...

Alexis, qui a fait l'objet de votre communication du 9 novembre

courant, est effectivement né à Dijon. Mais, avant de reconnaître le

droit aux secours dans mon département pour un enfant âgé seule-

ment de sept ans, je désire avoir communication des documents

sur lesquels vous vous êtes appuyé pour prononcer sa séquestration

comme un aliéné dangereux. J'ajoute que le Conseil général de la

Côte-d'Or n'est pas disposé à prendre à sa charge des dépenses

d'entretien d'aliénés, s'il n'est pas démontré que ces aliénés pré-

sentent de réels dangers pour la sécurité publique.

Agréez, etc..

M. le préfet de la Côte-d'Or ne parcourt pas les faits divers

des journaux. Sans cela, il verrait à chaque instant citer des

accidents occasionnés'par des enfants idiots, aliénés ou épilep-

tiques, ou raconter des actes graves ou odieux commis sur eux,

et qui justifient l'hospitalisation de ces enfants. Nous ne vou

452 '. varia.

Ions pas faire ici un exposé de la question de l'Assistance de

cette catégorie de malheureux, nous nous bornerons à citer un

fragment d'une circulaire ministérielle, en date du 5 août 1839,

qui fera voir à M. le préfet de la Côte-d'Or qu'il n'a pas une

connaissance complète des obligations que lui impose la loi du

30 juin 1838' :

..... La loi du 30 juin 1838, dit le ministre, n'est pas seule-

ment uue loi de police, c'est aussi une LOI DE bienfaisance. Il est

des aliénés dont la condition est trop déplorable, quoi qu'ils ne

menacent point la sécurité des citoyens, pour que la société ne

leur vienne pas en aide. Tous ceux surtout qui sont en proie aux

premiers accès d'un mal que l'on peut dissiper, doivent être admis

à recevoir les secours de la science et de la charité. Lorsque, sur

tous les points de notre territoire, des hôpitaux sont ouverts aux

diverses maladies qui affligent l'humanité, la plus cruelle de toutes,

l'aliénation mentale, ne saurait être privée de ce bienfait. »

Dès que l'occasion s'en offrira, nous continuerons à placer,

sous les yeux des préfets, des documents officiels instructifs.

(Voir p.460.) B.

Distractions dans LES asiles d'aliénés, LES pupazzi A bicêtre.

M. Darthenay est venu le jeudi 31 mars à Bicêtre, donner aux

aliénés adultes et aux enfants de l'établissement une intéressante

matinée. Aux applaudissements enthousiastes de son auditoire

composé d'environ 300 adultes, 250 enfants, il a fait jouer à ses

pupazzi trois comédies enfantines du comique le plus bouffon.

La loterie des Bati,qnofles tel était le titre de la première pièce.

Lamarotte de M. Dupiton, en deux actes, a continué le spectacle,

qui s'est terminé par l'Avare et son trésor, comédie-bouffe en trois

tableaux.

Pendant les entr'actes, llfiie Darthenay s'est fait entendre dans

La véritable manola de E. Bourgeois et la Sérénade du Passant de

Fr. Coppée. Un charmant monologue de Bilhaud, l'Ane, poésie

d'une moralité enfantine, qui a provoqué l'admiration des petits a

encore mieux fait ressortir les talents d'artiste de Mille Darthenay.

Au commencement et à la fin de la matinée, la fanfare des

enfants a joué quelques morceaux de son répertoire. La fête,

commencée à 2 heures et demie, s'est terminée à 4 heures et demie.

Les enfants de la fondation Vallée sont venus, comme d'habi-

tude, assister à la représentation.

' Législation sur les Aliénés et les Enfants assistés, 1.1", p. 65.

VARIA. ' 4B3

Les aliénés EN LIBERTÉ

Une arrestation des plus dramatiques, dit le Rappel de l'Eure

(3 fév.), a été opérée, jeudi dernier, au hameau de la Troudière

(commune de Breux). A la suite d'un incendie qui avait détruit

une grange appartenant à M. Etienne Digard, cultivateur, et

estimée 800 fr., deux gendarmes de la brigade de Nonancourt

vinrent procéder à une enquête sur les causes de ce sinistre. Tout

le monde, dans le pays, désignait comme l'incendiaire le fils

Adrien Digard qui depuis quelque temps, donnait des signes

d'aliénation mentale et terrorisait les habitants en tirant des

coups de revolver.

Adrien Digard, interrogé par les gendarmes, protesta de son

innocence, et, après les avoir inutilement sommés de s'en aller au

plus vite, il s'arma d'un couteau et menaça de larder le premier

qui s'approcherait. Bientôt, joignant le geste à la menace, il

s'élança sur l'un d'eux et lui effleura le nez avec son couteau, qui

trancha presque une de ses aiguillettes. En présence de cette

attaque, les gendarmes se jetèrent sur le fou, qu'ils désarmèrent,

aidés par un voisin, et qu'ils confièrent au maire, après l'avoir

réduit à l'impuissance. Le pauvre insensé a été mis en lieu sûr en

attendant que les démarches faites pour obtenir son internement

aient abouti. On a trouvé dans ses poches un revolver, des balles,

une boite de poudre et des culots de cartouches qu'on a eu soin

de lui retirer.

Une brave femme, la dame Grandet, âgée de quarante-neuf

ans, qui tenait un débit de vins rue Amélie, avait cru bien faire

en plaçant ses économies une quinzaine de mille francs sur

le Panama. Mais, hélas ! son petit pécule, comme celui de tant

d'autres fut englouti dans un gouffre sans fond.

Depuis la catastrophe, la pauvre dame était en proie à d'ef-

frayantes hallucinations et atteinte du délire de la persécution :

elle se figurait n'être entourée que d'assassins. Or, hier, vers huit

heures du soir, à la suite d'un accès de folie furieuse, elle s'empara

d'une barre de fer et frappa à tort et à travers tous les consom-

mateurs qui se trouvaient dans son débit. Puis, tout en courant,

elle se dirigea vers le poste de police situé en face de chez elle, en

continuant toujours à manoeuvrer son redoutable instrument. Ce

. n'est qu'avec les plus grandes peines du monde qu'on parvint à se

saisir de la malheureuse, que le commissaire de police a dirigée

sur l'infirmerie du Dépôt. (Radical, 12 août 1891.) -

Une dame d'un certain âge, rue Fontaine-au-Roi, s'est

asphyxiée hier. Elle donnait des signes d'aliénation mentale. Elle

4â4 VARIA .

se prétendait sorcière et commettait de nombreux actes d'excen-

tricité. Ce sont ses enfants qui, inquiets de ne pas la voir depuis

-quelques jours, ont fait ouvrir sa porte et ont trouvé leur mère

morte. -

L'ancienne bonne du curé de l'hôpital du Perpétuel secours

à Levallois-Perret, une demoiselle Victoire Scheirer, âgée de cin-

quante ans, était depuis quelque temps en proie à une grande

exaltation mystique. Elle avait transformé en une véritable cha-

pelle ardente la chambre qu'elle occupait à Levallois, au numéro 70

de la rue Danton. En dernier lieu, la folie s'emparant d'elle peu

à peu, elle s'imaginait être sainte Victoire de Levallois ( ? ) une

sainte, parait-il, très en vogue dans la localité.

Avant-hier enfin, convaincue que les ailes lui étaient poussées,

elle ouvrit sa fenêtre et, étendant les bras, en extase, elle se lança

dans le vide, s'attendant sans doute à gagner le paradis d'un coup

d'aile ; elle ne réussit qu'à se faire des blessures assez graves, con-

séquences, comme on peut le croire, de la chute qu'elle fit du

premier élage...

Hier, elle pensait renouveler l'expérience, mais en l'entourant

cette fois d'une mise en scène plus complète et d'un luxe inusité

de bougies Les voisins commençaient à redouter qu'elle ne mît

le feu à la maison, c'est ce qui serait infailliblement arrivé si l'on

ne s'était introduit chez elle assez tôt pour éteindre les premières

flammes.

M. Guilhen, commissaire de police de Levallois-Perret, fut pré-

venu et, lorsqu'il se présenta pour adresser des remontrances à

notre illuminée, celle-ci le prit pour Dieu le père et se jeta à

genoux avec de grandes démonstrations de piété. Comme il vou-

lait l'emmener, craignant quelque nouvelle équipée, elle lui

opposa une résistance effarée, se cramponnant aux meubles, pous-

sant des cris épouvantables. M. Guilhen s'avisa alors d'un ingé-

nieux expédient : il lui promit de la présenter à saint Pierre

lequel, détenant, comme on le sait, les clefs du paradis, lui en

ouvrirait les portes à deux battants. Convaincue, la folle le suivit

alors de grand coeur et ce furent naturellement les portes de l'iii-

firmerie spéciale du Dépôt qui s'ouvrirent... et se refermèrent sur

elle. (Radical, 4 janvier 92.)

Tous ces faits, qu'il serait malheureusement très facile de

multiplier, montrent d'une façon évidente la nécessité de pro-

céder à l'internement des aliénés aussitôt que possible après le

début. C'est le seul moyen d'éviter des accidents graves, soit

pour les malades eux-mêmes, soit pour les autres citoyens.

Nous ajouterons que plus l'internement est fait vite, plus il y a

de chances de guérison.

VARIA . 455

Un \L1ÉNÉ mort dans UNE armoire.

a Un suicide qui ne manque vraiment pas d'originalité vient

d'être découvert dans la petite commune d'Ailleville, dit le Petit

Troyen (26 mars). Depuis quelques années, un pauvre vigneron,

Lutrat Arthur, donnait fréquemment des signes d'aliénation men-

tale. De plus, ce malheureux, persécuté sans cesse par la croyance

qu'on l'accusait d'être l'auteur d'un' incendie qui remonte à plus

de quinze ans, s'adonnait à la boisson et était presque continuelle-

ment ivre. Torturé enfin par la terrible maladie qui le minait lente-

ment et par toutes sortes de souvenirs fantasques et lugubres

qu'elle évoquait à son esprit, Lutrat chercha un refuge dans la

mort.

« Dans la nuit du 20 mars, le malheureux fou, s'étant muni de

toutes les choses nécessaires à l'exécution de son funeste dessein,

entra dans une armoire et s'y installa commodément, après avoir

mis le feu à un réchaud placé entre ses pieds.

« Fermant ensuite les deux panneaux, il les assujettit fortement

en dedans à l'aide de ficelles et de clous. De nombreuses, fissures

laissaient passer l'air et une partie du gaz acide carbonique aurait

pu se perdre, Lutrat trouva le moyen d'y remédier en calfeutrant

les issues avec des chiffons et du papier. Toutes les mesures pour

assurer son sinistre projet, le malheureux les avait prises et il s'é-

tait ensuite recroquevillé sur lui-même, attendant la mort.

« Le lendemain matin, le jeune Calle Albert, inquiet de ne pas

voir soitir son patron, un sinistre pressentiment lui vint. Il le

chercha paitout, mais vainement. L'idée lui étant venue plus tard

de forcer l'armoire, il exerça une forte pesée sur les portes et

recula terrifié. Il avait aperçu Lutrat ayant cessé de vivie et déjà

rigide. La nouvelle fut bientôt répandue et la gendarmerie appelée

vint faire son enquête. » (Petit Troyn, 26 mars )

Dans beaucoup de départements, les préfets ne veulent signer

l'admission des aliénés, que lorsqu'ils sont déclarés dangereux

pour la sécurité publique. Ils attendent souvent qu'il y ait un

accident. Au lieu de donner les places dont ils disposent dans

l'asile de leur département aux aliénés de ce département,

pour lesquels il faut payer; ils préfèrent réserver des places

aux aliénés des autres départements, en particulier de la Seine,

dont ils tirent bénéfice. Il y aurait tout intérêt de la part du

directeur de l'Assistance et de l'Hygiène publiques en France,

M. Monod, à leur apprendre quels sont leurs devoirs en fait

d'Assistance.

486 VARIA.

Assistance DES épileptiques.

Nous avons raconté, dans un de nos précédents numéros, dit le

Petit Provençal du 25 mars, et sous ce litre : A la Porte de nos

Hôpitaux, qu'un certain Gonzalès aurait été refusé à la Conception

et à l'Hôtel-Dieu. La commission des hospices nous informe que

cet individu, sans profession, â-é de dix-neuf ans, espagnol d'ori-

gine, a été admis, à quatre reprises différentes, à l'Hôtel-Dieu, et

deux fois à la Conception. Si on lui a refusé un lit tout récemment,

c'est que les lits vacants avaient été donnés à des malades plus

graves que lui ; d'autre part, ce malade, atteint d'épilepsie, est un

danger pour les aulres malades et compromet la sécurité des

salles. Néanmoins, Gonzalès se trouve actuellement à l'Hôtel-Dieu

jusqu'à ce que le médecin traitant signe son exeat. Nous regrettons,

avec la commission des hospices, que les malheureux de ce genre

ne puissent trouver des secours permanents dans un asile spécial.

Nous espérons que la question des épileptiques dans les hôpitaux

sera bientôt résolue dans un sens qui donne satisfaction à l'hu-

manité.

A une des dernières sessions des Assises des Bouches-du-

Rhône, comparaissait le nommé Truphème Paul, inculpé de vol

qualifié. A la suite d'un rapport de médecin qui concluait à l'irres-

ponsabilité, cet individu fut acquitté. Il était en proie à des atta-

ques d'épilepsie qui, d'après les hommes de l'art, avaient très

sérieusement oblitéré ses facultés mentales. A peine acquitté, il

recommence à voler. Arrêté, il comparaissait devant notre tribu-

nal correctionnel, qui l'acquitta. Interné à l'asile des aliénés, il

parvint à s'évader, et vole encore.

Hier, il était amené de nouveau devant les juges correctionnels

qui, en vertu des précédents, furent obligés de l'acquitter, bien dé-

fendu qu'il a été d'ailleurs par M. Weyl. Comme les deux premières

fois, il a eu une terrible attaque qui a nécessité sou transport en

cellule. Ce n'est pas tout. Truphème a commis antérieurement trois

autres vols pour lesquels il sera jugé de nouveau, et, détail curieux,

parmi les volés figure un des membres du jury qui l'acquittèrent

aux Assises. (Petit Provençal, 25 mars.)

Répartition DU SERVICE médical DES Asiles publics d'aliénés

DE la Seine POUR l'année 1892.

(Médecins en chefs. Médecins adjoints. Internes.)

po Infirmerie spéciale du dépôt de la Préfecture de police.

Service de M. GARNIE1\. Int. : MM. Lucas et Vigoureux.

faits DIVERS. 457

2,° Asile clinique (Sainte-Anne). Service de M. Magnan (admis-

sion). Int. : MM. Pécharman et Targowla. Service de M. le prof.

BALL (clinique;. Chef de clinique : M. Pactet. Chef de clin. adj.,

M. Sollier. Int. : M. Boëteau. - Service de M. DUBUISSON. Int. :

M. Pribat. Service de M. BOUCUEREAU. Int. : MM. Toulouse et

Lefèvre. - Service hydrothérapique externe. - Méd.-adj., M. DA-

GaN ET. Laboratoire de la clinique. Chef, M. KLIPPEL. Aides :

MM. Boëteau et Champion.

3° Asile de Villejuif.- Service de M. Briand. Méd-adj., M. Sé-

rieux. Int. : MM. Boissier et Lacliaux.-Service de M. Vallon. Méd.-

adj., M. ltouillard. Int. : MM. Hannion et Lefiliâtre.

4° Asile de Vaucluse. - Se ? -vice des femmes, médecin en chef,

M. BOUDRIE. Int. : M. Laroussinie. Service des hommes, médecin

en chef M. KERAVAL. Int., M. Croustel. Service de la colonie d'en-

fants idiots, M. BLIN. Int. : M. hiaupâté.

5° Asile de Ville-Evrard.- Service de M. IIIARANDON DE hi0.ITHYEL.

Int. : MM. Escat et Lavergne.. Service de M. LEGRAIN. Interne,

M. Desfosse. - Service de III, FEBVRE, Int. M. lioundlic.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. Nominations'' et promotions. Disjonction

des fonctions de directeur et de médecin en chef à l'asile public de

Vaucluse. Suppression des emplois de médecins-adjoints. Création

d'un emploi de directeur et de trois emplois de médecins en chef.

(Arrêté du 24 février 1892.) Sont nommés médecins en chef :

le D1' BOUDRIE, qui remplissait les fonctions de directeur-médecin,

maintenu à la 2° classe, et le Dr Keraval, précédemment médecin

en chef à l'asile de Ville-Evrard, maintenu à la 3° classe. Le

Dr Rauamen, médecin-adjoint à l'asile de Vaucluse, emploi sup-

primé, est nommé directeur-médecin de l'asile public de Rodez

(Aveyron), en remplacement du Dr Campan, décédé, et compris

dans la 3° classe. (Arrêté du 24 février.) Le Dr PACTET, chef de la

clinique des maladies mentales à l'asile Sainte-Anne (1er novembre

1891), est nommé médecin-adjoint et compris dans la 2° classe.

(Arrêté du 26 février.) M. BAUDABD, ancien directeur de l'institu-

tion nationale des sourds-muets de Chambéry, est nommé à l'em-

ploi de directeur de l'asile de Vaucluse créé par l'arrêté du 24 février,

et compris dans la 2° classe. (Arrêté du 26 mars.) Le Dr LEGRAIN,

458 FAITS DIVERS.

médecin-adjoint à l'asile de Vaucluse, emploi supprimé, est nommé

médecin en chef à l'asile de Ville-Evrard, en remplacement du

Dr Keraval, et compris dans la 3e classe. (Arrêté du 28 mars.)

CONGRÈS international d'anthropologie CRIMINELLE EN 1892.

La troisième session du Congrès international d'anthropologie

criminelle aura lieu à Bruxelles du 28 août au 3 septembre 1892.

Faculté DE médecine DE BERLIN. M. le Dr Karl Mueli, privat-

.docent de psychiatrie et de neurologie, est nommé professeur

extraordinaire.

UNE statue A DUCHENNE (de BOULOGNE).-Le Conseil municipal

de Paris a voté, sur la demande de M. le Dr Joffroy, une subven-

tion de 400 fr., en vue de l'érection, à la Salpêtrière, d'un monu-

ment au D1' Duchenne (DE BoULOGNE).

INSTITUT municipal DEL&CTROTHÉRAP1E.- MM, Dubois et Vaillant

avaient déposé sur le bureau du Conseil municipal, dans la séance

du 22 mars, un projet tendant à organiser, à Paris, un institut

municipal d'électrothérapie pour le traitement des malades et

l'enseignement de l'électrothérapie. Ils ont fait connaître depuis

les raisons qui militent en faveur de leur projet : c'est l'insuffi-

sance matérielle du service d'électrothérapie de la Salpêtrière, qui

y fonctionne pour tous les hôpitaux. Le local est, d'après eux, trop

exigu, les instruments sont altérés par l'humidité, les formalités

pour l'admission des malades sont compliquées et tracassières, les

deux élèves qui sont attachés au service ne peuvent pas suffire à

exécuter des traitements qui dépassent parfois 300 par séance.

Les auteurs de la proposition estiment, en outre, que le chef du

service devrait avoir l'obligation de faire des cours ou des confé-

rences. Aux termes, en effet, des règlements actuellement en

vigueur, le maître n'a, strictement, ni le droit de recevoir un

malade ni celui de faire une leçon. L'initiation des nombreux mé-

decins français et étrangers à l'électrothérapie constitue donc, à

la Salpêtrièle, une infraction au règlement. Il convient, d'après

MM. Vaillant et Dubois, de faire cesser cette hizarrerie et de doter

une science, fondée il y a quarante ans par Duchenne (de Bou-

logne) et, par conséquent, essentiellement française, d'un Institut

digne de son importance et des promesses qu'elle contient en

germe. La proposition a du bon, mais quelques-uns des motifs

sur lesquels elle s'appuie montre qne ses auteurs ne connaissent

pas très bien le service de la Salpêtrière.

Séance DE MAGNÉriSNE INTERDITE. Du Figaro (6 avril 1892) :

Grand émoi chez les adeptes du magnétisme ! La réunion men-

suelle de la Société mesmérienne a été interdite hier soir par la

préfecture. Cette réunion se tient d'ordinaire dans l'atelier d'un

faits DIVERS. f¡59

sculpteur connu, rue d'Amsterdam. Lundi soir, pour la première

fois, les sociétaires étaient convoqués dans la salle du petit théâtre

de la rue Vivienne, faute de place dans l'atelier hospitalier pour

contenir tous les adhérents dont le nombre augmente de mois en

mois. Le commissaire de police, dûment prévenu, n'avait pas

refusé son autorisation, mais quand la séance fut ouverte, il donna

lecture d'un arrêté du préfet de police interdisant aux assistants

toute expérience de magnétisme t vraie ou simulée » .

UN guérisseur. Nous lisons sous ce titre dans l'Eclair du

31 mars :

Le Havre, 29 mars.- Après deux audiences, le tribunal correc-

tionnel a prononcé son jugement dans l'affaire du cordonnier

havrais Philippe Bloche, devenu célèbre dans la région par les

guérisons soi-disant miraculeuses qu'il opérait. Il prétendait voir

dans l'intérieur du corps humain comme s'il eût été en verre; ses

mains, disait-il, étaient attirées par une force invincible vers la

partie malade et ses attouchements étaient souverains. Plusieurs

témoins ont déclaré au tribunal avoir été réellement guéris. Une

demoiselle Wolff, entre autres, atteinte de paralysie, raconte

qu'après avoir été soignée sans succès par le docteur Charcot, elle

est venue au Havre consulter Bloche et qu'elle est aujourd'hui

complètement guérie. Le tribunal a condanné Bloche à 10 francs

d'amende pour exercice illégal de la médecine.

Ce n'est pas cela qui empêchera Ville Wolff de croire que son

cordonnier est beaucoup plus fort que M. Charcot.

Consultations électriques GRATUITES, - M. N... fils, rhabilleur

à V... (Isère), prévient le public que son cabinet est ouvert tous

les dimanches, mercredis et vendredis. Il guérit aussi en quelques

minutes et sans rechute toutes sortes de névralgies et maux de

tête par son fluide électrique. Consultations et renseignements

gratuits. Commentaires inutiles.

Drame DE la FOLIE. - Lyon, 18 mars. - M. Porleret, âgé de

trente-deux ans, docteur en médecine, ancien chef de clinique

ophtalmologique, habitant Lyon, rue Saint-Joseph, avec sa femme,

qu'il avait épousée il y a deux ansàSaint-Etienne, était malade depuis

quelque temps. Il s'adonnait à la morphine, dont il absorbait de

fortes doses ainsi que des narcotiques violents. Son état s'était

beaucoup aggravé depuis quelques jours. Il était très surexcité et

avait des hallucinations. Hier il se donna trente injections de

chlorhydrate de morphine. Il prit aussi de la cocaïne. -il était très

surexcité et, en rentrant chez lui, à sept heures, il eut une discus-

sion avec sa femme. A une heure du matin, il en eut une nouvelle

plus violente, à la suite de laquelle il tira sur elle trois coups de

revolver. Une balle lui traversa le coeur. La mort fut instantanée.

460 FAITS DIVERS.

M. Porteret tourna alors l'arme contre lui et se tira une balle à la

tempe droite. Le malheureux a été transporté à l'Hôtel-Dieu dans

un état désespéré. (L'Eclair.)

UN enfant assassin. On mande de Saint-Etienne, 24 mars : Un

meurtre a été commis ce matin, dans le quartier Saint-François, à

Saint-Etienne. Deux enfants de quatorze ans, les nommés Faure et

Gagnière, qui se rendaient à lcur travail, se sont pris de querelle

dans un petit chemin désert et en sont venus aux mains.

Au cours de la rixe, Gagnière a tiré son couteau de sa poche eten

a porté deux coups dans le flanc gauche de Faure qui a pu faire

encore quelques pas et s'est affaissé en criant : « Au secours ! » Le

pauvre enfant a été transporté mourant à l'hôpital. Son meurtrier a

pris la fuite. La police est à sa recherche. (Petit Toyen, 26 mars.)

UN FOU QUI assassine son gardien. Un véritable drame s'est

déroulé hier à l'hospice des aliénés de Tours. Un fou avait prié un

gardien de lui dégager un bras. Aussitôt libre, l'aliéné se précipita

sur son gardien, le saisit au cou et le jeta contre un arbre. Quand

on vint au secours du gardien, il était mort. Les autorités prévenues

ont ordonné l'autopsie du cadavre. (Le Paris, 31 mars.)

LE comble du REPORTAGE, - Du Figaro : Un de nos confrères de

New-York, attaché à l'Evening Telegram, voulant se rendre compte

des procédés policiers et médicaux employés à l'égard des victimes

d'accidents, feignit de se trouver mal dans la rue. On le transporte

à l'hôpital, où une véritable torture commence. Les médecins,

diagnostiquant à vue de nez un cas d'hypnotisme hystérique,

pincent, giflent, le malheureux, lui enfoncent de longues aiguilles

dans les chairs, lui brûlent même la plante des pieds. L'héroïque

patient supporte tout et, une fois sorti des mains de ses tortion-

naires seulement, proteste contre le corps médical, en demandant

« qu'on n'expédie plus que des morts aux hôpitaux new-yorlcais» x

Veuves DE médecins. Le Ministre des finances vient de com-

muniquer à la Commission du budget, suivant l'usage annuel, la

liste de» bureaux de tabac concédés durant l'année 1891. Ces

bureaux sont donnés, sauf deux ou trois hommes, à des femmes,

veuves ou filles de fonctionnaires civils ou militaires. Nous relevons

dans cette liste le nom suivant : Mmo Ricordeau, veuve d'un méde-

cin tué par un aliéné. (Progr. méd.)

UN cas singulier. Un artiste peintre, M. D..., rentrait avant-

hier soir à son domicile, boulevard Richaid-Lenoir. Il s'étonna de

ne pas voir à sa rencontre venir sa femme, comme de coutume. Il

pénétra dans la chambre à coucher; il la trouva étendue à terre, à

demi déshabillée, évanouie. Les meubles étaient bouleversés, l'ar-

moire à glace forcée, le linge, sur le sol, épars; une impurtante

FAITS DIVERS. 461

somme d'agent manquait. Le peintre se porta au secours de sa

femme et appela à l'aide. Les voisins accoururent; on donna des

soins à Mm D.. ,, qui fit le récit de ce qui s'était passé.

- Je m'étais couchée dans la journée, me sentant indisposée-

111 D... est enceinte de six mois Vers quatre heures, j'entendis

ma porte s'entre-bâiller doucement. J'ouvris les yeux. Deux hommes

entraient : un grand et un petit. Le grand, me voyant éveillée,

jura; l'autre bondit sur moi, me serra à la gorge, puis m'étouffa

en quelque sorte avec l'oreiller. Je m'évanouis. C'est alors qu'ils

durent me poser à terre et voler.

M. D... courut chercher le commissaire de police, à qui ! lime D...

refit la même déclaration, précisant les faits, donnant un signale-

ment minutieux des deux agresseurs. Les voisins, le concierge

n'avaient rien vu ni rien entendu. L'enquête dura jusqu'à deux

heures du malin sans résultat. De guerre lasse, on se coucha.

M. D... dormait depuis quelques instants, lorsqu'il fut réveillé

parsa femme qui, endormie, elle aussi, disait :

Regarde dans le tiroir, là, à droite. L'argent y est.

M. D... se leva et regarda. En effet, la somme d'argent était là,

intacte. Plus de doute, cette histoire d'agression, de voleurs, n'é-

tait que le résultat d'un accès de somnambulisme. C'était M"" D...

qui avait bouleversé ses meubles, fracturé les serrures et caché

l'argent. On avait prévenu à tort M. Goron : l'affaire était du res-

sort de M. Charcot. (L'Éclair, 19 mars 1892.)

Ce cas n'est évidemment pas très clair, et aurait besoin de quel-

ques éclaircissements. Mais, tel qu'il est, il peut se rapprocher du

cas d'une jeune fille qui se trouvait en 1890 dans le service de M. le

professeur Charcot. Pendant des crises somnambuliques nocturnes

(hystériques, épileptiques ou noctambuliques simples ! on n'a

jamais pu savoir), elle allait prendre dans la maison de son père,

jusque dans les poches du pantalon de celui-ci, tout l'argent qu'elle

pouvait trouver, et le cachait. Le lendemain, il lui était impossible,

à elle comme aux autres, de retrouver la mystérieuse cachette.

Elle avait ainsi en quelque temps fait disparaître une somme de

300 fr. (et ses parents étaient de simples ouvriers ! ). Pendant le

séjour d'un mois environ qu'elle fit à la Salpêtrière, on essaya,

mais en vain, de l'hypnotiser. On employa alors la suggestion à

l'état de veille, mais sans connaître le résultat obtenu, car la ma-

lade, une fois sortie de l'hôpital, ne revint plus donner de ses nou-

velles. Pendant le temps de son séjour, les crises de somnambu-

lisme ne s'étaient pas produites une seule fois.

Nécrologie. M. le Dr CAYPAN, médecin de l'asile d'aliénés de

Rodez. M. le Dr James Ross, professeur adjoint de médecine à

Otten's College, Manchester.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

CHAHCOT (J.-\L). - Leçons dumardi à la Salpétrière. Notes de cours de

MM. Blin, CHARIOT et Colin, Seconde édition, 1 vol. in-4° de 502 pages

avec 101 figures. - Prix : 20 fr. - Paris, 1892. - Aux bureaux du

Progrès médical. Pour les abonnés des Archives, 16 fr.

CHARCOT (J.-M.). Clinique des maladies du système nerveux de la

Salpétrière. Leçons du professeur, mémoires, notes et observations des

années scolaires 1889-90 et 1890-91, publiés sous la direction de Georges

GUION, chef de clinique, avec la collaboration de MM. GILLES DE la

TOUHE1'TE, BLOCQ, HUET, PAR3fE\TIER, Souques, Hallion, J.-B. CIIARCOT et

MEIGE. Tome 111. Un beau volume de 468 pages avec 47 figures et

3 planches. Prix : 12 fr. Aux bureaux du Progrès médical. Pour

les abonnés des Archives, 8 fr.

Bourneville. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie

l'hystérie et l'idiotie, compte-rendu du service des enfants idiots épilep-

tiques et arrivés de Bicêtre pendant l'année 1890, avec la collaboration

de MM. CA11ESCASSE, ISCH-WALL, MORAX, RAOULT, SÉGLAS et SOLLIER,

9 fort volume de Lx-240 pages avec 16 figures et 10 planches. Prix :

6 fr.; pour nos abonnés, prix : 4 fr.

Souny (J.). Des fonctions du cerveau (doctrines de l'école italienne

et de l'école de Strasbourg), 2° édition, revue et corrigée. 1 volume

in-8° de 464 pages, avec figures dans le texte. Prix : 8 fr.; pour nos

abonnés : 6 fr.

DUCHESNEAU (G.). Contribution à l'étude anatomique et clinique de

l'acromégalie et en particulier d'une forme amyotrophique de cette

maladie. Volume in-8° de 208 pages, avec figures. Prix : 5 fr.

Paris, 1892 ? J.-B. Baillière et fils.

GAJKIEWICZ (W.) : Syphilis du système nerveux. Volume m-8° de

210 pages. Prix : 5 fr. Pans, 1892. J.-B. Baillière et fils.

VOULGRE (A.). De l'élimination des phosphates dans les maladies du

système nerveux et de l'inversion de leur formule dans l'hystérie. Bro-

chure in-8° de 75 pages. Prix : 2 fr. Pans, 1892. J.-B. Baillière

et fils.

CRESPIN (J.). Essai d'interprétation pathogénique de certaines

névroses post-infectieuses. Brochure in-8° de 87 pages. Lyon, 1891.

Imprimeme Pitrat.

DEBIERRE (CI).) et Doumer (E.). Album des centres nerveux. Brochure

in-12 oblong de 21 pages, avec zig figures. Prix de l'album : 1 fr. 50.

Prix des photographies avec l'album : 20 fr. Paris, 1892. Librairie

¡ ? Alcan,

Grasset. - Un cas de maladie de Moruan. Leçons recueillies par

GUIBERT (H.). Brochure in-8° de 26 pages, avec 3 planches hors texte.

Paris, 1892. - Librairie G. Chanon.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 463

Grasset. - Quelques cas d'hystérie mâle et de neurasthénie. Leçons

recueillies par Jeannel (S.). Brochure in-8° de 88 pages. Paris,

1892. - Librairie G. Chanon.

KRAUSS, Polio-myelitis acuta adultorunz. Brochure il-81 de 4 pages.

New-York, 1892. Journal o/' zieruous and mental disease.

KRAUSs. - Rhus aroznatica in the lreatment of incontinence of urine.

Brochure in-8° de 4 pages. New-York, 1892. Journal of nervous

ond mental disease.

KBAUSS. A neuro-topographical bust. Brochure in-8° de 3 pages.

New-York, 1892. Journal of nel'vous and mental disease. ·

L¡;FORT (A.). Le type criminel d'après les savants et les artistes.

Volume in-8°de 96 pages, avec 20 planches hors texte. Lyon, 1892.

A. Storclc.

Oliver (Ch.-A.). Analysais of the sensory changes and conditions of

lhe ocular apparatus as /ound in inzbecitily epilepsy, and gênerai para-

ilsis of the insane. Brochure in-8° de 12 pages. Chicago, 1891.

l'rinted lit the office of the association.

RosczoL (R.).- La pae-alisi progressiva uell'Italia méridionale. Studio

climco e stalistico. Brochure in-8° de 42 pages. Nocera-Inferiore, 1891.

Tipografia del Manicomio.

S.4\KA-SALAR ! S. Valore terapeutico dell'idroclorato d'iosrina nelle

malatlie mentali. Brochure in-8° de 45 pages. Torino, 1891. Tipo-

grafia Spandre a Lazzari.

Séglas (J.). De l'obsession hallucinatoire et de l'hallucination obsé-

dante. Brochure in-8° de 12 pages. Paris, 1892. Extrait des An-

nales médico-psychologiques. 0

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

TABLE DES MATIÈRES.

AnnISON (maladie d'), par Kahlden,

249.

Affaire DOURCHES, 278.

Albuminurie POST-PAROXYSTIQUE chez

les épileptiques, par J. Voisin et

Pércm, 353.

ALIFNATION, aiguë ET paranoïa, par

Rosenbach, 114 ; - chez les gens

de couleur aux Etats-Unis, 276.

aliénés, révision de la loi sur les-,

par Garnier, 121 ; enlèvement

d' -, 131; assistance des -, 13,

451; - transfert d' -, 135 ; -

homicide, par Camuset, 157,370;

par Savage, 220; difficutté du

diagnostic chez les -, par Raw,

220; -société de patronage des,

262 ; service des de la Seine,

269; - législation des - dans

l'Etat de 1\ew-Yorl : , 272 ; légis-

lation anglaise sur les -, par

Schmitz, 421 ; assistance fami-

liale des -, par Wahrendorf,

426 ; les en liberté, 452.

Anesthésie HYSTÉRIQUE, par Janet,

323.

Anomalie crânienne, par Zander,

437.

ANTIFÉBRINE, par Mickle, 234.

Anthropologie criminelle, par Lom-

broso, 112.

Aphasie, théorie de Il -, par Cra-

mer, 94 ; -motrice et sensorielle,

par Lacroix, 110.

Asiles d'aliénés, rie Kreuzbourg, par

Dornblueth, 119; - en France,

par Timoféeff, 128 ; nomina-

tions et promotions dans les -,

135, 284, 456 ; internat des ,

136 : du Caire, 275 ; de New-

York, 275 , distraction dans les

- , 431.

Astasie-abasie, à type choréique,

par Weill, 88 ; dans la mala-

die de Basedow, par Eulenburg,

104.

Ataxie héréditaire et atrophie cé-

rébelleuse, par Mené),95.

Athétose spasmodique, parScheiber,

100.

Atrophie musculaire, dans les foyers

cérébraux, par Eisenlohr, 101 ; -

par IJoenhaL'rlt, 110; - infantile

progressive héréditaire, par Wer-

ding, 40 ; précoce d'origine cé-

rébrale, par Borgherini, 404 ;

par Alzheimer, 426.

Bains turcs dans les troubles men-

taux, par Baker, 234.

Banquet à M. le professeur Charcot,

411. 1.

BASEDOw (maladie de), psychopa-

thie dans la , par Kurella, 439.

Bibliographie : traité clinique et

thérapeutique de l'hvstérie, par

Gilles de la Tourette, 123; -

ainétose double et chorées chro-

niques de l'enfance, par Audry,

125 ; folies diathésiques, par

Maxille, 126 ; syndromes hys-

tériques simulateurs des maladies

organiques de la moelle, par

Souques, 258 ; psychologie de

l'idiot et de l'imbécile, par P. Sol-

lier, 259; - recneil de notes, mé-

moires et observations sur l'idio- ! ie, par Bourneville, 261 ;

recherches cliniques et thérapeu-

tiques, sur l'épilepsie, l'hystérie

et l'idiotie, par Bourneville, 441 ;

séméiologie et diagnostic des

maladies nerveuses, par P. Blocq

et Onanoff, 443.

BULLETIN bibliographique, 288, 457.

CELLULES nerveuses des cornes an-

térieures de la moelle, par Hoche,

242.

CÉHÉBBOPATHIE, due à -la syphilis

congénitale, par Edenmever, 421.

Cerveau, foyer d'inflammation expé-

table DES matières. 465

rimentale du -, par Schrader,

242 ; - fibres du troisième ven-

tricule du-, par Dai-lsche%vitscli,

256; - capillaires lymphatiques

du -, par Kronthal, 39f;

troubles fonctionnels de l'écorce

du , par Dees, 399; -hydatides

du - avec hémorrhagie cérébrale,

par Doenhardt, 405 ; ;- substances

albuminoïdes phosphorées du -,

par Danilewski, 414.

Cervelet, atrophie et hypertrophie

du -, par Boursuut, 96; - acti-

vité fonctionnelle du -, parBor-

gherini et Gallerani, 't07.

Champ visuel des hystériques, par

Moravcsik, 96. '

CHORÉE et rOLIE, par Cape, 225.

Circonvolutions cérébrales, genèse

des -, par Schnopfhagen, 402.

Coloration de la myéline, par Wei-

gent, 216.

Commotion cérébrale, par Fried-

mann, 243.

Congrès ries neurologues et alié-

nistes de l'Allemagne du sud-

ouest, 238 ; - des médecins alié-

nistes de France et des pays de

langue française, 261 ; - des alié-

nistes de l'est de l'Allpmagne,

431;- des aliénistes de Basse-

Saxe et de Westphalie, 426.

Convulsions, par Sall1sburg, 219.

Diabète sucré ET tabès, par G. Gui-

non et Souques, 48, 181.

Douleur, par Edinger, 250.

DYSIIORPUOPIIODIE, par 31oL'seJli, 228.

Encéphale, destruction des diverses

parties de l' - chez les animaux

nouveau-nés, par Bechterew, 396.

Enfants, développement de l'intel-

ligence chez les -, par Warner,

22te *

Entraînement physique dans les ma-

ladies mentales, par Wey, 236.

Epilepsie, psychique, par Ottolen-

ghi, 229; pathogénie de 1' ,

par Gallerani et Lussana, 235; -

bromure de potassium dans 1 ?

par Agostini, 235; - troubles in-

tellectuels de l ? par DII1 ! er, 138.

Epileptiques, assistances des, - 155.

1 .

Faits divers, 135, 456.

Folie, associée à des états patholo-

giques divers, par Ilorie, 221; -

consécutive aux opérations chirur-

Archives, t. XXIII.

gicales, par Dent, 226; - à forme

rare, par Norman, 227; - à cinq,

par Woods, 223; - analgésie

dans la -, par Keniston, 230; -

guérison de la - chronique, par-

Pope, 233; - alcoolique chro-

nique, par Hahn, aiguë

chez un enfant, par Wahu, 437. - '

Glande pituitaire, tumeur de la-,

par Wliitweil, 412.

Gliome cérébral, par Buchholz, 400.

Hallucinations, du souvenir dans

la psychose polynévritique, par

Korsakow, 107; - sensorielles

dans les anomalies primitives de

l'humeur, par Cramer, 118 ; - et

obsessions, par Séglas, 123 ; -

verbales psyclo-motrices, par Sé-

glas et Londe, 201, 386; Tigges,

423.

IIÉ13ÉPIIRINIE, par Kiefer, 434.

IIÉ1(IlTROI'lIIE FACILE PROGRESSIVE,

par Popoff, 92; Homers 93; Préo-

prajenski; 251; Iouratoff, 255.

Hémiplégie basale, par Remak, 94;

croisée, par Lannois et Re-

gnault, 109; - fonctionnelle, par

Thomas, 246; affections articu-

laires dans l ? par Darkche-

witsch, 411.

Hémisphère, atrophie d'un - avec

pachymémngite consécutive, par

Plaxton, 408.

HÉRÉDITAIRES DÉGÉNÉRÉS, par Ma-

gnan, 304.

Hydrocéphalie, ponction des ventri-

cules dans 1 ? par Illingworth,

95.

Hypertrophie congénitale, par Hoff-

mann, 247.

Hypnose, circulation cérébrale pen-

dant l ? par Sarlo et Borgherini,

406.

Hypnotisme, par Lehmann, 97.

Hystérie traumatique, par Bonamai-

son, 109. ,

Ictus apoplectique, par Geigel, 97.

Illusions subjectives, par Draper,

232.

Imbéciles, maladies du cerveau chez

les-; par Fletcher Beach, 225.

Impulsions génitales PRÉCOCES, 266.

INFLUENZA ET ALIÉNATION, par Schmiz,

119. -

Inhibition CARDIO-HESPIRATOIRE, par

Tamastia, 107.

30

Mj6, TABLE DES MATIÈRES.

Langue, névrose peu commune de

la -, par Bernhardt, 100. -

Larynx, nerf du -, par Kagan,440.

Maladies mentales, dans les maisons

de correction, par Kuelm, 119.

Médecins adjoints des asiles, 127;

- concours des -, 132.

Mérycisme, par Roller, 433.

Moelle, troubles trophiques dans

les maladies de la -, par Jolly,

240.

Monoplégie hystérique, par Deter-

mann, 98.

l10liPHINO,IAN'IE, traitement de la, -

z par Playfair, 235.

Mouvements musculaires chez l'hom-

me, par Warner, 403.

DIYOCLONIE, par Bouveret et Cur-

tillet, 109.

Myxoedème, par Krepelin,'91; -et

sa folie, par Mackenzie, 217.

NÉCROLOGIE, 287.

Nerfs, vaisseaux sanguins des -,

par Quénu et Lejars, 1.

Neurasthénie, par Kowalewski, 111.

NÉVRITE, troubles trophiques des

ongles dans la- multi-loculaire,

par Bieechowsky, 105; périphé-

rique consécutive à l'influenza,

par Brosset, 108.

NÉVROSESTRAUMATIQUES,parSchultze,

238; - troubles trophiques de la

peau dans la-, par Krieger, 399;

Freund, 434.

Obsessions ET hallucinations , par

Séglas, 123.

OEDÈME hystérique, par Bertillon,

113.

OESOPHAGE, corps étranger de 1' -,

par Courtenay, 224; Buttemberg,

438.

Optique, atrophie du nerf -, par

Wiglesworth, 219.

PARALDÉHYDE, comme hypnotique,

par Finucane, 233.

Paralysie, du long fléchisseur du

pouce, par Bruns, 9î; - du tri-

jumeau, de l'oculo-moteur externe

et du lacial, par Bernhardt, 99;

du sus-scapulaire gauche, par

Sperling, 99; - anatomie patho-

logique de la faciale, par Min-

kowski, 241 ; spinale spastique,

Egorow, 25t ; - saturnine, par

Préobrajenski, 256; prodromi-

que dans le ramollissement céré-

bral, par Lôwenfeld, 104; gé-

némle à début très précoce, par

Charcot et Dutil, 145; - urine et

température dans la -, par Tur-

ner, 223; histologie pathologi-

que de la -, par Pick, 394;

dégénérescence des capillaires

dans la -, par Kronthal, 395;

anatomie pathologique de la -,

par Meyer, 397 ; symptômes des

lésions en foyer dans la -, par

Lissauer, 436. .

Paraplégie SG\ILr, par Gowers,

101.

Paranoïa, cerveau d'un fou atteint

de , par Feist, 396; Kalhbaum,

434.

Pabkinson (maladie de), paralysie

dans la - par Noncorgé, 108.

Parole, embarras de la -, par

Samsburg, 225.

PÉDONCULE, fibres du-, par Zacher,

401.

Persécutés, idées de grandeur chez

les -, par Christian, 35; sortie

des aliénés -, par Sollier, 419.

Phalangettes des doigts (gonfle-

ment des), par Rosenbach, 100.

Pie-mère, altérations de la , chez

les aliénés, par Del Greco, 413.

Prix de l'Académie de Belgique, 285;

de la Société médico-psycholo-

gique, 237.

Psychique, activité -, inconsciente

en pathologie mentale, par Sarlo,

231.

Pyramides, chez l'homme et les ani-

maux, par Bechterew, 397.

RAYNAUD (maladies de), par Raw,

219; Macpherson, 222

Réflexes, exagérés par la quinine,

par l : rlenmeyer, 112.

Rétine, embolie de l'artère centrale

de la par Manz, 251.

Sensibilité, troubles de la dans

les foyers cérébraux, par Darksche-

witsch, 105; dans la sclérose en

plaques, par Freund, 106.

SEXUELLE, inversion, par Roller, 433.

SOCIÉTÉ médico- psychologique, 121,

237 ; psychiatrique de la pro-

vince du Rlun, 421 ; des méde-

cins aliénistes et neurologistes de

Moscou, 253.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 467

Sommeil 111STÉflIQLE, par Steiner,

239.

Somnambulisme spontané et hystérie,

par ¡esnct, 289.

STUPEUR, par Whitwell, 220; Tur-

ner, 222.

Suicide, chez un paralytique géné-

ral, par liouillard ; - par Urqu-

hart, 221.

SBLFOE.1L, par Natson, 231.

SULFO\.1LISSIC, par Gilbert, 252.

Surdité verbale, par Bruns, 432.

Syringomyélie , par Rosenbach et

Schttscherbach, 100.

Système nerveux, modalité Inor-

bide familiale du -, par Nonne,

106.

Tabès et diabète sucré,' par G. Gui-

non et Souques, 48, 181 ; - le

est-il systématique, par Flech-

sig, 101 ; avec méningite céré-

bro-spinale syphilitique, par Syd-

ney Kuh, 103 ; - étiologie du,

par Bernhardt, 105; - anatomie

pathologique du , par Eisen- ! ohr,253.

TÉTANIE, par Hoffmann, 248; par

Tschernitcheff et Minor, 253.

Toux ET bruits laryngés des hysté-

riques, par Charcot, 69.

Tumeurs- cérébrales, par Oppen-

heim, 98; troubles de l'inner-

vation de l'oesophage dus à une

, par Neumann, 405 ; sans

symptôme, par Burr, 406.

Varia, 415.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Agostini, 235.

Alzheimer, 426.

Audry, 125.

Baker, 234.

Bechterew, 396, 397.

Berdardini, 406.

Bernhardt, 99, 100, 10ü.

Bertillon, 113.

Bilchowsky, 105.

Blin, 97, 118, 231, 233,

236,272,274,275,406.

Blocq, 443.

Bonamaison, 109.

Borgherini, 404, 107.

Bourneville, 131, 135,

261, 269, 441. '

Boursout, 96.

Bouveret, 109.

Briand,96,122,123,237,

418, 421.

Brosset, 108.

Bruns, 9;,432.

Buchholz, 100.

Brrr, 406.

Buttemberg, 438.

Camuset, 157, 370.

Charcot, 69, 145.

Christian, 35.

Cope, 275.

Courtenay, 224.

Cramer, 94, 118.

Cullerre, 126.

Curtillet, 109.

Danilewski, 414.

Darlcschevitsch , 105.

256,441.

Dees, 399.

Deny, 108, 109, 110.

Dent, 226.

Determann, 98.

Dinter, 138.

Doehnhardt, 110, 405.

Dornblueth, 119.

Draper, 232.

Dutil, 145.

Edinger, 250.

Egol'ow, 254.

Eisenlohr, 101, 253.

Erlenmeyer, 112, 121.

Eulenbourg, 104.

Feist, 396.

Finucane, 233.

Flechsig, 101.

Fletcher-Beach, 22b.

Friedmann, 243.

Freund, 106, 434.

Gallerani, 235, 407.

Garnier, 121.

Geigel, 97.

Gilbert, 252.

Gilles de la Tourette,

123.

Gowers, 101.

Greco(del), ils.

Guinon (G.), 48, 124,

181, 259, 260, 261.

Hahn, 435, 437.

Hoche, 242.

Hoffmann, 247, 248.

Homers, 93.

Ilhngworth, 95.

Janet, 323.

Jolly, 240.

Kagan, 440.

Kahlhaum, 431. i.

Kahlden, 249.

Kellistol1, 230.

468 .' table DES auteurs ET DES collaborateurs. -

Kéraval, 94 à 108,111,

112, 118 à 121, 253,

- 258, 277, 394 à 404,

- 426, 433, 440, 443.

Kiefer, 434. -

Korsakow, 107.

Kowale\vski, 111.

Krieer, 399.

Kroepehn, 94.

Kronthal, 391, 395.

Kuehn, 119;

Kurella, 439.

Lacroix, 110. i

Lallemant, 126.

Lannois, 109.

Lehmann, 97.

Lejars, 1.

Lissauer, 436,

Lombroso, 112.

Londe, 201, 386.

Lowel1fe1d, 104.

Lussana, 235.

Mabille, 126.

M âckenzie, 217.

Alackpherson, 222.

Magnan, 304.

Manz, 251.

Mené),95.

Mesnet, 289. -

Mever, 397.

Mickle, 234.

Minkowski, 241.

Minor, 253.

Moncorgé, 108.

lforavcsik, 96.

Morselli, 227.

llfouratoff, 255.

Musgrave-Clav, 219 à

227, 233, "234, 235,

270, 271, 272, 275,

409, 412, 413.

ineumaiiii, 119, 405.

-Nonne, 106

Norman, 227.

Onanoff, 443.

Oppenheim, 98.

Ottolenghi, 229.

Oumikoff, 111.

Péron, 353.

Pick, 394.

Plaæton, 408.

l'layfair, 235.

Pope, 233.

Popoff, 92.

Préobrajenski, 254, 256.

Haw, 219, 220.

Itegnault, 109.

Reniait, 9f. .

Baller, 433,

Itorie, 221.

Rosenbach, 100, 11 '¡,

Boubll1ovltch, 92, 131,

278. -

ltouillard, 122.

Sainsburg, 219, 225.

Sarlo, 231, 406.

Ravage, 220.

Scheiber, 100.

Schmiz, 119, 421.

Schnopfharen, 402.

Schrader, 212.

Schltscherbach, 100.

Schultze, 238.

Séglas, 123, 201, 228,

230, 232, 235, 236,

386, 406, 407, 408.

Siemerling, 111.

Sollier, 125, 259, 419.

Souques, 48, 181, 258.

sperling, 99.

Steiner, 239.

Sydney Kuh, 103.

Tamastia, 407.

Thomas, 246.

Ti"O"es 423.

'l'imoféefi. 128.

Tschernitcheff, 253.

Turner, 222.

Urlluhart, 221.

Voisin (J.). 353.

Warendorf, 426.

Warnel', 221, 409.

Watson, 234.

Wei¡(ert, 246.

Weill, 88.

Weriling, 401

\ver,236.

Whitwell, 219.

Wouds, 223.

7.acher, 10 1.

Zziii(lei-, 437.

Qvreux , Ch. tiEmsaeY, fmp. - on2.