(1891) Archives de neurologie [Tome 21, n° 61-63] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1891) Archives de neurologie [Tome 21, n° 61-63] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES IIÉR1SSEY

ARCHIVES

Dh n.

NEUROLOGIE

REVUE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE

.1.-1\1. CHAllCOT

AVEC LA COLLABORATION DE

MM. BÀBINSKI, BALLET, BU.D01N (MAncaL), BITOT P.-A.),

BLANCHACtO, BLOCQ, BONNAIRE (C.), BOUGHBREAU,

BRIGAND (M.), BRISSAUD (E.), BMOU4RML (P.), CAMUSET, CATSAItAS,

CHARPENTIER, CIiASLIN, CURISTIAN, DEBOVE (M.),

DELASIAUVE, DENY, DU\'AL (\fArnms), FERRIER, l'RANGOTTE, GALIPPE (V.),

GILLES DE LA TOU1 ! ETTE, GO)IBIULT, GRASSET, JOt'MOY (A.),

KCRA\'AL (P.), LANDOLZY, MAGIÎVN, MARIE, JIIERZEJEWSKY,

MUSGRAVE-CLAY , ONA\OII, l'ARINAUl), PILLET, PIEIIIICT, PITRES,

POI'OFF, RAOULT, HAYHO)) (F.), 11ÉGNARD (A.),

REGARD (P.), RICHER (P.), Ii0UBINQVITCIi, W. ROTH, A. ROUSSELET,

SÉGLAS. SEGUIN (C.-C.), SÉRIEUX (P.), SOLLIER, SOLRY (J.), SOREL,

TEINTURIER (E.), TIIIJSSEN, THULIÉ (il.), TROISIER (E.), TROLARD,

VIGO1ROU\ (R ), VOISIN (J.), P. YVON.

Rédacteur en chef : BOUliN l, VILLE

Secrétaires de la rédaction : J.-B. CF1AUCOT Fil et G. GUINOIV

Dessinateur : LEUBA

Tome XXI. - 1891.

Avec 37 ligures dans le texte.

PARIS S

BUHKAUX UU PROGRÈS MÉDICAL 1,

1 rue des Carmes.

1891

Vol. XXI. Janvier 1891. N" 61.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NERVEUSE

DE L'OBSESSION DENTAIRE;

Par le D' V. GALIPPE

Chapitre premier. - Des ulcérations imaginaires de

. la langue considérées comme des phénomènes d'ordre

1lellro-patlwlogique.

A plusieurs reprises j'ai insisté dans mes publica-

tions sur le point suivant : il n'y a pas à proprement

parler, de maladies de la bouche il n'y a que des lésions

locales, en connexion étroite avec un état patholo-

gique d'ordre général, héréditaire ou acquis. La con-

clusion de cette manière d'envisager les manifestations

pathologiques diverses, dont la bouche est le siège',

est, qu'il ne saurait y avoir deux palhologies : une

pour les organes renfermés dans la cavité buccale et

une seconde pour les autres parties du corps ; qu'a-

border la pathologie buccale, sans études médicales

sérieuses préalables est chose anormale, qu'elle

expose celui qui tente cette aventure à de sévères mé-

comptes et les malades à de douloureuses et à d'irré-

parables conséquences. ,

Archives, t. XXI. 1

2 ' PATHOLOGIE NERVEUSE.

Les faits qui vont suivre apportent aux idées que

je défends un appui considérable. Non seulement ils

parlent assez haut par eux-mêmes, mais, ce qui leur

donnera une autorité considérable, c'est qu'ils ont été

contrôlés et mis en lumière par M. le Pr Charcot dont

l'opinion fait loi en pathologie nerveuse, aussi bien

dans notre pays qu'à l'étranger.

Grâce à la bienveillance dont m'honore ce savant

clinicien, mon attention a été appelée par lui sur les

faits qui vont suivre; il m'en a montré toute l'impor-

tance. C'est ainsi que je puis ajouter un nouveau cha-

pitre à l'histoire déjà si riche des manifestations

locales déterminées par les troubles du système céré-

bro-spinal.

Comme les faits que nous rapportons ci-après ont

trait seulement à des manifestations ayant l'appareil

masticateur pour siège, nous ne ferons que résumer

brièvement les travaux qui ont été publiés pendant ces

dernières années sur les phénomènes psycho-patholo-'

giques observés sur la langue et dont l'origine parait

devoir être principalement rapportée à des troubles

préexistants du système nerveux. Ces faits avaient

certainement été observés plus d'une fois par les méde-

cins qui s'occupent de stomatologie, mais ils n'avaient

été ni publiés ni rattachés à leur véritable origine. En

effet, cette catégorie de malades obsédés par leurs

souffrances souvent réelles, mais qu'ils rapportent à

des causes inexactes, sont extrêmement infidèles ; ils

ne guérissent pas, consultent beaucoup de médecins

successivement, de telle sorte qu'il est très difficile de

les suivre et de compléter leur observation.

Ces faits nous ont paru devoir rentrer dans le cadre

DE L'OBSESSION DENTAIRE. ' 3

de notre travail. Que ces malades soient des arthri-

tiques ou non, ce sont surtout des névropathes, qui

amplifient leurs sensations, les détournent de leur

véritable signification, les systématisent, et une fois

fixés sur une interprétation, presque toujours la même

(crainte du cancer), se cramponnent à cette idée, la

retournent dans tous les sens, en font le pivot de leurs

perpétuelles préoccupations, et leurs angoisses même,

restent sourds à tous les conseils, et vont souvent

s'échouer dans la vésanie, dont cet état mental spé-

cial n'a été qu'une période préparatoire.

En 1883, Albert, cité par Bernhardt, parle d'une

névrose particulière de la langue, dans la première

édition de la Eulenburgsche Real Encyclopédie, « Artikel

Zeinge ». Mais cet auteur, dans les cas observés par

lui, avait noté l'existence à la base de la langue d'une

sorte de condylome. Nous faisons cette citation,

seulement pour l'éliminer de la catégorie de malades

que nous considérons comme des obsédés.

M. Verneuil a appelé récemment l'attention (voir

Bulletin de l'Académie de médecine, 27 sepembre 1887)

sur une classe de malades présentant ce qu'il a appelé

des ulcérations imaginaires de la langue. Pour cet

auteur, ce symptôme serait déterminé par une né-

vralgie et quant à l'état mental particulier que ces

ulcérations imaginaires occasionneraient, il faudrait

les attribuer à l'ennui bien naturel qu'on éprouve

quand on souffre en un point quelconque du corps;

toutefois un des malades de M. Verneuil serait mort

d'une paralysie générale, ce qui indiquerait plutôt une

prédisposition morbide, ayant déterminé l'affection

imaginaire de la langue.

4 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Comme M. Verneuil, M. Fournier fait jouer un

certain rôle à la diathèse arthritique dans la production

des névralgies de la langue ; mais un de ces malades

serait devenu tabétique. C'est la thérapeutique morale

qui lui paraît la plus efficace. Pour M. Laborde, les

individus qui présentent ces sortes de névralgies lin-

guales seraient souvent des candidats à l'aliénation v

mentale. '

M. Hardy a surtout constaté ces manifestations dou-

loureuses de la langue sans lésion chez des

névropathes. M. Luys a observé les mêmes faits chez

les nerveux et chez les hypocondriaques. Pour cet

aliéniste, ces manifestations seraient fréquemment les

prodromes de la paralysie générale.

Cette opinion est partagée par M. Besnier, qui rap-

pelle que cette affection a été décrite sous le nom de

glossodynie, qu'elle est généralement considérée comme

se produisant sous l'influence de troubles nerveux.

Ce serait donc à juste titre qu'on l'aurait représentée

comme le prodrome d'un état pathologique des centres

nerveux, devant se révéler plus tard. Enfin M. Pitres,

sous le nom de préoccupations hypocondriaques loca-

lisées à la langue a communiqué l'observation d'une

dame, évidemmentdélirante,'chez laquelle ces accidents

avaient éclaté subitement, après avoir bu un sirop qui,

suivant elle, avait été contenu dans une bouteille ayant

renfermé autrefois du mercure.

En octobre 1887, le Dr Magitot a lu à l'Académie de

médecine un mémoire sur la glossodynie (Glossodynia

exfoliativa, in Wiener, mes. Presse, 1885, n° 12,

Kaposi).

M. Magitot, après avoir montré que l'affection

DE L'OBSESSION dentaire. §

décrite par Verneuil avait déjà été étudiée par un cer-

tain nombre d'auteurs, donne surtout l'arthritisme

comme étiogénie à cette affection, et considère comme

trop absolue l'opinion qui fait de ces malades exclu-

sivement des nerveux. En lisant attentivement les

observations publiées par M. Magitot, il est difficile

d'accepter l'étiogénie unique qu'il propose et si ses

malades étaient des arthritiques,' c'étaient aussi des

nerveux, pour ne pas dire des hypocondriaques. Que

ces malades souffrent, que ces souffrances puissent

affecter la forme névralgique, cela n'est pas douteux,

mais nous pensons que c'est surtout à la névropathie

qu'il faut rapporter ces phénomènes douloureux.

Le 16 décembre 1889, 112 : Magitot a repris cette

question à la Société de stomatologie et apporté deux

nouvelles observations de glossodynie. Si intéressants

que soient ces deux nouveaux faits, ils n'apportent

point d'argument décisif à l'opinion étiogénique sou-

tenue par notre excellent maître.

Depuis, le P'' Bernhardt a fait à la Société de psy-

chiatrie à Berlin (2 juin 1890), une communication sur

une névrose peu connue de la langue et de la cavité

buccale 1. Sur les quatre observations de l'auteur,

trois concernent des femmes. Il décrit ainsi les sensa-

tions éprouvées par les malades : picotement désa-

gréable, sensation de brûlure, ayant son siège de pré-

dilection dans la langue, se montrant soit par accès

isolés, soit d'une manière continue, avec une inten-

sité variable, troublant le sommeil et parfois gênant

l'articulation de la parole. M. Bernhardt a observé que

1 Mendel neurologiache Centralblatt, p. 389, 1890.

6 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ces sensations se localisaient parfois à la pointe et le

plus souvent sur le bord gauche de la langue, en se

rapprochant de la base; dans deux cas ces sensations

n'étaient pas seulement localisées à la langue, mais

s'étendaient au reste de la muqueuse buccale, au

plancher de la bouche, aux gencives, et aux mâchoires.

On ne constatait sur la muqueuse ni ulcération, ni

tuméfaction, ni épaississement. Dans un cas seulement,

la muqueuse de la langue offrait un aspect plus plissé,

c'était surtout la crainte d'un cancer qui amenait ces

malades chez le médecin et assombrissait leur exis-

tence. Comme on le voit, c'est un trait commun à

tous ces malades.

En 1888 Lefferts {Médical News, 17 novembre),

sous le titre : lmaginary lingual ulcération, a publié

une note sur ce sujet et a trouvé cette affection aussi

fréquente dans un sexe que dans l'autre.

Hadden (Lance 1890, vol. I, n° 4), On a subjec-

tive sensation on the mouth in women, a également

étudié ces manifestations pathologiques. Il a noté la

conservation du goût pour les choses salées et sucrées,

des sensations anormales déterminées par la mastica-

tion de la viande. La majorité de ses malades était

des nerveuses. Chez une de celles-ci, les sensations

douloureuses de la langue s'étaient surtout accentuées

après qn'elle eut vu son frère succomber à un cancer

de la langue.

J'ai été persécuté pendant plusieurs années par la

mère d'un de mes anciens élèves qui vivait dans la

terreur perpétuelle, d'un cancer à la lèvre inférieure.

Voici dans quelles conditions cette obsession s'était

emparée de son esprit. Appelée près d'une de ses

DE L'OBSESSION DENTAIRE. 7

amies sur le point de succomber à un cancer de la

langue, elle était arrivée après la mort de celle-ci et

l'avait embrassée sur le front. Immédiatement après,

elle avait procédé à des ablutions, mais à partir de ce

moment, son esprit avait été hanté par la crainte d'avoir

contracté à son tour un cancer, par ce simple con-

tact. Depuis, elle passait une partie de ses journées à

épier dans une glace l'apparition de la maladie redou-

tée. Comme la face interne de la lèvre inférieure pré-

sentait une dilatation veineuse assez considérable, pro-

duisant une sorte de marbrure, existant certainement

depuis longtemps, mais non remarquée jusqu'ici par

la malade, elle attribuait cette particularité assez

commune et sans importance pathologique, à l'éclo-

sion prochaine de la maladie. Elle avait fini par in-

quiéter sa famille et lui faire partager ses craintes.

Cette femme, déjà âgée, présentait un certain degré

d'affaissement intellectuel.

Ma thérapeutique fut d'ordre purement moral.

Chaque fois que cette malade venait me voir, je m'ef-

forçais de la persuader qu'elle ne pouvait avoir con-

tracté un cancer, qu'elle u'avait aucune manifestation

de cette maladie, et partant rien à craindre. Quelques

soins d'hygiène, joints à cette thérapeutique persua-

sive, suffisaient pour rendre la tranquillité à cette

malade pendant quinze jours ou trois semaines. Après

ce laps de temps, il fallait recommencer. Cela dura

environ deux années, au bout desquelles la malade

succomba je crois, à une pneumonie.

En mars 1890, j'ai reçu la visite d'une de mes clien-

tes, très éplorée. Elle était venue à Paris avec ,l'in-

tention bien arrêtée de se faire opérer d'un cancer

8 PATHOLOGIE NERVEUSE.

de la langue dont elle se croyait atteinte. ,Toutefois,

avant d'aller consulter un chirurgien, elle était venue

me demander avis et surtout me faire part de sa triste

situation. Elle se plaignait d'un gonflement considé-

rable de la langue, de douleurs très vives et d'une

sensation désagréable dans la bouche. Cette malade

est très impressionnable, très vive, loquace, exagérée

dans la description de ses sensations. Depuis deux

ans elle n'était plus réglée et avait éprouvé à diverses

reprises quelques troubles dans sa santé. Je l'exami-

nai attentivement : la langue n'était pas gonflée, n'é-

tait le siège d'aucune ulcération, les papilles étaient

normales. A la base de la langue il y avait une dila-

tation assez considérable des veines. Il n'y avait pas

de douleur à la pression qui ne permettait de perce-

voir aucune néoformation. Les ganglions sous-maxil-

laires n'étaient nullement engorgés. Cette malade avait

de l'embarras gastrique habituel et de la constipation,

et la langue était saburrale. Atteinte de pyorrhée al-

véolaire intense, elle faisait des lavages antiseptiques,

mais d'une façon insuffisante. Je fus assez heureux

pour persuader à cette dame qu'elle n'avait pas de

cancer de la langue. Je lui prescrivis des lavages an-

tiseptiques et un régime alimentaire spécial, et depuis

je ne l'ai plus revue. -

Je soigne en ce moment (août 90) une jeune femme

présentant toutes les apparences de la santé, mais

fort impressionnable et rentrant dans la catégorie des

névropathes, mariée à l'un de mes confrères. Récem-

ment un vieil ami de sa famille a succombé à un cancer

de la langue. Cette dame a été très frappée par les

souffrances qui ont précédé la mort du malade et dès

DE L'OBSESSION DENTAIRE. r 9

ce moment son esprit a été hanté par la crainte de

succomber au même mal. De là à s'observer avec une

attention maladive, il n'y avait qu'un pas. Elle avait

remarqué alors que le côté droit de la langue était

plus rouge, plus sensible que le côté gauche; que les

papilles étaient plus saillantes, ce qu'un examen des

plus minutieux et répété ne m'a pas permis de con-

firmer. De plus, cette jeune femme éprouve ou croit

éprouver, de ce côté de la langue, un sentiment

anormal de chaleur et de picotement, analogue à la

sensation produite par le poivre.

Hygiène buccale, résection de quelques racines,

extraction de l'une d'elles, thérapeutique morale.

L'effet purement psychique de cette médication ne

dura tout d'abord qu'une quinzaine de jours. Cette

période écoulée, la malade venait de nouveau se faire

rassurer par moi et me répéter la confidence de ses

craintes. J'espère qu'en raison de l'intelligence de

cette jeune femme, qui commence à plaisanter elle-

même de l'inanité de ses inquiétudes, et que par

suite de l'action du temps qui émoussera la vivacité

du souvenir des impressions subies, cette obsession

finira par s'éteindre, quitte peut-être à être remplacée

ultérieurement par une autre. \

J'ai eu l'occasion d'observer une série de malades

très préoccupés de la saillie que fait, chez beaucoup

de personnes, l'orifice du canal de Stenon, saillie

parfois assez considérable. Je ne pus convaincre une

dame de mes clientes qu'en lui montrant que sa mère,

sa tille et sa petite-fille présentaient toutes la même

particularité. Ma cliente, qui a des varicosités de

la muqueuse buccale, était absolument convaincue

40 PATHOLOGIE NERVEUSE.

qu'elle allait avoir un cancer. Depuis, son inquiétude

renaît de temps en temps, mais elle se porte sur un

autre point de la bouche ; il s'agit cette fois d'une

petite saillie osseuse, déterminée par l'alvéole en voie

de résorption, à la suite de l'extraction d'une racine.

Ces faits suffiront pour montrer l'étroite relation qui

existe entre eux et ceux qui vont suivre.

Le point d'application des idées obsédantes peut

varier, mais la qualité pathologique des malades est

la même; que ces idées se portent sur la langue, sur

les dents, sur les appareils prothétiques, nous avons

toujours affaire à des névropathes plus ou moins

invétérés, sur lesquels la thérapeutique locale a peu

de prise et qu'il faut traiter en s'adressant à la fois à

leur raison (thérapeutique morale) et à leur système

nerveux (bromure, hydrothérapie, etc.).

Chapitre Il. De l'obsession dentaire.

Certaines femmes névropathes, lorsqu'elles sont

contraintes à porter des fausses dents, en éprouvent

une émotion fort vive et souvent durable. La pré-

sence d'un corps étranger dans la bouche les met

dans, un état d'agitation considérable. filles sont

prises soit de nausées incoercibles, ou éprouvent

les sensations les plus variées et les plus bizarres;

salivation abondante ou sentiment de sécheresse ex-

trême de la bouche. Généralement, avec beaucoup

de patience, on finit par se rendre maître de ces mani-

festations anormales, et l'habitude aidant, la pièce

prothétique finit par être acceptée et oubliée. D'autres

DE L'OBSESSION DENTAIRE. '1'1

fois, au contraire, il est impossible de faire garder à-

certaines malades des pièces dentaires. On peut en

faire varier la forme, les matières constituantes, user

de tous les moyens que l'expérience peut suggérer, on

échoue fatalement. J'ai conservé le souvenir pénible

d'une dame, morte depuis dans une maison de santé,

qui, dès qu'elle avait une pièce;dentaire dans la bouche,

disait éprouver un sentiment de chaleur intolérable,

des douleurs de tête très vives, en un mot, toute une

série de phénomènes tellement imprévus, qu'il était

impossible de rapporter ces divers effets à la cause

unique qu'elle invoquait. La muqueuse buccale était

parfaitement saine et n'offrait ni rougeurs ni exco-

riations. Tantôt elle incriminait l'or, tantôt le platine,

affirmam sentir des phénomènes électriques se pro-

duire dès qu'elle portait sa pièce. J'échouai comme

ceux qui m'avaient précédé dans cette tâche difficile et

cette malade ne put jamais s'habituer aux fausses

dents.

M. le professeur Charcot m'a dit avoir été appelé en

consultation par M. le D1' Fernet, auprès d'une malade

qui, subitement, avait été prise d'idées mélancoliques.

Après avoir longtemps et vainement cherché la cause

de ce trouble cérébral, on finit par apprendre, par une

femme de chambre, que cette dame portait de fausses

dents depuis peu. Elle avait été tellement impressionnée

par ce qu'elle considérait comme un amoindrissement

de sa personne, qu'elle était devenue mélancolique.

Gràce aux représentations qui lui furent faites et aux

encouragements qui lui furent prodigués, cette malade

finit par prendre son parti et s'habituer à ses fausses

dents. Elle guérit complètement.

12 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Au mois de juillet 1880, M. le Pr Charcot m'adressa

une malade présentant au plus haut point ce trouble

mental qu'il a caractérisé du nom d'obsession den-

taire.

Mme E..., âgée de 36 ans israélite, résidant à Calcutta, d'origine

névropathique, présente les apparences extérieures d'une bonne

santé ; elle est de petite taille, très brune et maigre. Elle s'est mariée

en 181O et a eu sept enfants; l'aîné a dix-huit ans et le plus jeune

quatie ans et demi.

Ce qui frappe tout d'abord dans cette malade, c'est sa mobilité,

sa vivacité de gestes et d'expressions, la volubilité avec laquelle elle

parle de ses souffrances, le peu d'attention qu'elle porte aux ques-

tions ou aux objections qui lui sont faites. 11 semble qu'elle récite

un rôle, ou mieux qu'elle converse avec elle-même, obéissant au

besoin de peindre ou d'exprimer ce qui se passe en elle, sans autre-

ment se préoccuper des contradictions ou des invraisemblances de

son récit. Dans sa jeunesse, cette malade avait eu vraisemblable-

ment des accès de mélancolie qu'elle appelle des attaques de pros-

tration morale. Elle comptait des nerveux, voire même des aliénés

dans ses ascendants.

La dernière de ces crises morales, caractérisée du nom d'attaque

par la malade, eut lieu il y a vingt-deux ans, c'est-à-dire avant son

mariage ; jusqu'au mois de février 1880, elles ne s'étaient plus

montrées.

A cette époque, Mme IL. subit un choc moral violent; son mari

mourut. Revenue dans le pays où elle avait vécu avec lui, le milieu

lamilial fut pour elle un sujet incessant de tristesses, tous les objets

l'entourant lui rappelaient l'époux qu'elle avait perdu. Elle fut prise

alors d'une dise d'abattement moral qui dura quarante-cinq jours.

Elle pleurait presque constamment. Ses yeux devinrent malades et

guérirent sous l'influence d'un traitement approprié.

Toutefois, la sensation vertigineuse qui accompagnait l'état moral

particulier dont soutirait la malade dura encore une dizaine de

jours et s'accompagna de violents maux de tête. Peu il peu, elle fut

prise d'insomnies. Les médecins lui conseillèrent de changer de

pays et elle alla à quelque distance de la ville qu'elle habitait.

Son état s'améliora rapidement, elle retrouva le sommeil. Elle

faisait de longues marches et montait fréquemment à cheval.

Au bout de cinq semaines, cette dame retourna chez elle. C'est

alors que se produisit un incident futile en apparence, mais qui,

étant donnée l'aptitude pathologique de la malade, fit sur son

esprit une impression profonde. Elle avait conduit ses enfants chez

un dentiste; celui-ci examina également ses dents, et, en ayant

trouvé une cariée, paiait-il, lui conseilla de la faire obturer. Elle

DE L'OBSESSION dentaire. 13

y consentit, bien que n'ayant jamais souffert des dents qu'elle,a fort

belles. Pendant que le dentiste préparait la cavité de la dent en

question, elle ressentit une douleurvive. L'opérateur s'en excusa en

disant, parait-il, qu'il avait touché la pulpe.

A partir de ce jour, affirme la malade, les insomnies se repro-

duisirent et ne la quittèrent plus. Ce qu'elle appelle son abattement

moral la reprit de plus belle, mais cette fois avec un caractère

d'obsession que nous avons pu constater. La malade songeait cons

tanunent à sa dent, et, depuis, cette pensée persécutrice ne l'a plus

quittée. Trois semaines après cet incident, elle alla dans une autre

vil ! e de la possession anglaise qu'elle habitait, afin de consulter un

autre dentiste. Celui-ci, comme cela se pratique assez généralement

dans cette catégorie spéciale de praticiens, blâma son confrère,

désobtura la dent, prétendit qu'il se formait un abcès, la soigna

de nouveau et la réobtura. ,

Pendant quatre mois la malade continua à souffrir et de la dent

et du maxillaire, si bien qu'elle prit le parti de ne plus mastiquer

ses aliments et de se contenter pour toute nourriture de riz et de

pain trempé dans du lait. A cette époque, dit la malade, la saliva-

tion commença à diminuer et elle éprouva un sentiment de séche-

resse dans la bouche. Elle se décida alors à quitter le pays qu'elle

habitait pour se faire soigner en Europe et arriva à Paris en dé-

cembre 1889.

Je n'ai nullement l'intention de jeter le blâme sur la conduite

des dentistes que cette malade a consultés; je veux croire qu'ils

n'ont agi que par ignorance de l'état mental de la malade. 11 me

sera toutefois permis d'exprimer le regret que leur instruction mé-

dicale n'ait pas été suffisante pour leur montrer que leur interven-

tion ne pouvait avoir que des conséquences fâcheuses pour cette

malheureuse femme.

Celle-ci s'adressa d'abord à un dentiste américain en renom, qui

lui déclara que, sous l'influence du manque d'exercice, ses dents

s'étaient un peu dérangées ( ? ), et il se mit en devoir de limer les

tubercules de quelques grosses molaires, probablement pour rec-

tifier l'articulation ( ? ).

Pendant quinze jours ou trois semaines il parut à la malade

qu'elle dormait mieux, mais au bout de ce temps, elle alla con-

sulter un autre dentiste qui, prétendant avoir découvert l'endroit

douloureux, proposa à la malade de lui enlever la dent coupable

(non point celle qui avait été obturée), d'en retrancher la partie

malade et de la réimplanter ensuite.

La malade accepta cette proposition. L'opération eut lieu, une

dent parfaitement saine, de l'avis même de l'opérateur, fut enlevée.

puis réimplantée avec succès. Mme L... continua à souffrir de plus

belle. En outre, à ses souffrances imaginaires ou non, s'ajoutèrent

pour elle les conséquences vraies ou fausses des interventions ma-

1 ! t PATHOLOGIE NERVEUSE.

lencontreuses qu'elle avait subies. D'après elle, ses dents ne repo-

saient plus les unes sur les autres, comme elles le faisaient à l'état

normal, de telle sorte qu'en fermant la bouche les rapports de ses

dents entre elles étaient complètement changés. Comme compli-

cation de cet état de choses, la malade avait contracté le tic d'en-

gager sa lèvre inférieure entre ses arcades dentaires, et de la

mordre de façon à la couper. Cet accident était pour elle la consé-

quence du trouble apporté dans son articulation dentaire. De plus,

disait-elle, elle éprouvait de la difficulté à parler (nous avons pu

constater le contraire) et à lire à voix basse. Le maxillaire inférieur,

disait 111°1° L..., était projeté de côté.

Non seulement ces idées s'étaient impérieusement installées dans

son esprit et, l'occupant tout entier, formaient l'objet de ses cons-

tantes préoccupations, de sa conversation, de ses plaintes, mais

encore, un miroir à la main, elle cherchait pendant des heures

zntlères à en vérifier la matérialité, se refusant à toute distraction,

fermant l'oreille aux avis. et revenait obstinément il l'obsession qui

la dominait. Cette malade en était arrivée à ne plus dormir, et la

nuit comme le jour elle était poursuivie par les craintes que lui

inspirait l'état de sa bouche et les sensations diverses qu'elle pré-

tendait ressentir.

, Le praticien qui lui avait arraché, pour la réimplanter, une dent

saine, voyant que la thérapeutique locale avait échoué, ne se décou-

ragea point et eut recours à l'électricité, sans plus de succès, du

reste. La malade prétendait souffrir plus le matin que dans la jour-

née, mais sa préoccupation et son abattement étaient le soir, au

maximum.

Tel était l'état de Mme L... la première fois que je la vis. C'était

une femme instruite, intelligente et possédant une mémoire excel-

lente. Depuis qu'elie est en proie à ces obsessions, ses facultés in-

tellectuelles paraissent n'avoir subi aucune atteinte. La malade me

raconta tout ce qui précède et je l'examinai à deux reprises avec le

plus grand soin.

Je constatai tout d'abord qu'elle avait des dents superbes, admi-

rablement rangées, s'articulant d'une façon normale, sauf au mveau

des grosses molaires qui avaient été limées '.

La dent obturée n'était le siège d'aucune douleur, la couleur

était normale; il en était de même de la dent réimplantée. La ma-

lade accusait de l'anesthésie des lèvres; cette anesthésie était pure-

ment imaginaire. Il en était de même de la non-sécrétion de la

salive; il suffisait de maintenir la bouche ouverte un certain temps

pour la voir s'accumuler dans la cavité buccale. Il y a un peu de

' Les dents supérieures aussi bien que les inférieures sont implantées

un peu obliquement. Ce caractère est probablement héréditaire.

DE L'OBSESSION DENTAIRE. 15

gingivite. L'action du chaud et du froid, des substances salées ou

sucrées, ne produit sur les dents aucune sensation particulière.

Comme je l'ai dit plus haut, cette malade était extrêmement

loquace, revenait obstinément à son point de départ, se montrait

sourde aux démonstrations les plus évidentes, aux conseils, aux

exhortations. Son idée fixe était qu'elle était atteinte d'une maladie

de la bouche et des dents et qu'une intervention locale était seule

capable de la guérir. Tout ce que je pus dire à cette malade fut

inutile. J'eus beau lui représenter, en atténuant comme il conve-

nait, que les sensations dont elle se plaignait, avaient une origine

cérébrale, qu'il était à la fois de son devoir et de son intérêt de se

soumettre au traitement hydrothérapique qui lui avait été prescrit

et d'accepter même son internement momentané dans une maison

de santé, tout échoua. En refusant d'intervenir, j'essayai vainement

de lui faite comprendre que s'il y avait quelque chose à tenter, il

était de mon devoir de le faire; tout fut inutile. Cette malade me

déclara que puisqu'il en était ainsi, elle irait consulter tous les

dentistes de Paris, puis tous les dentistes de Londres, puis tous ceux

de Vienne !

L'expérience avait montré que 111 E... était exposée à rencontrer

des dentistes capables d'intervenir, et la famille fut avertie du

danger qu'elle pouvait courir.

A quelque temps de là, j'appris que cette malade avait été con-

sulter un dentiste très en renom qui, pour ne pas rester court,

n'a\ait trouvé rien de mieux que d'arracher à 11 ? E... la dent qui

lui avait été réimplantée !

La situation s'aggra\ait. la malade avait déclaré qu'elle se jette-

rait sous les roues d une voiture pour en finir avec ses souffrances.

Echappant à la surveillance dont elle était l'objet, elle s'enfuit à

Londrès, où elle consulta encore quelques dentistes, cette fois sans

grands dommages.

Enfin, la famille se décida à lui faire suivre le traitementprescrit

par M. Charcot et son état s'améliora rapidement. En même temps

disparurent les sensations bizarres dont elle se plaignait et elle a

pu retourner chez elle, momentanément débarrassée de son

obsession dentaire; mais l'avenir mental de cette malade n'en reste

pas moins sombre. '

La seconde observation d'obsession dentaire m'a été

communiquée par M. le Pr Charcot. M. le D'' Keller,

chez lequel ce malade recevait des soins, a bien voulu

également me donner quelques renseignements qui

m'ont servi à compléter cette observation.

16 - PATHOLOGIE NERVEUSE.

Le malade dont il s'agit est un Américain plus instruit et plus

affiné que ceux qu'on rencontre habituellement. C'est ainsi que

M. a ? lisait tous nos poètes dans le texte original et professait en

particulier pour Lamartme une admiration particulière. Il était t

venu en Europe pour se -faire soigner et s'était fait accompagner

d'un dentiste de son pays; celui-ci, instruit paraît-il, et dans tous

les cas se rendant un compte exact de l'état mental de son client,

ne le soignait pas, mais le protégeait efficacement, en l'empêchant

d'aller chez d'autres dentistes. Voici l'histoire de ce malade telle

qu'il nous a été permis de la constituer avec les renseignements

qu'il a lui-même fournis. Depuis le mois de janvier 1886, il était

atteint de cet état mental particulier que ces malades appellent

prostration nerveuse; il avait subi différents traitements et com-

mençait à se rétablir lorsqu'au mois de janvier 1889, il se fit ob-

turer une petite molaire inférieure droite par son dentiste habi-

tuel ; celle-ci ne tarda pas à le faire souffrir, le lendemain il alla

chez un autre dentiste et le pria d'extraire la dent douloureuse.

L'opérateur ne fut pas heureux, et, dans ses efforts d'extraction,

il brisa, parait-il, le rebord alvéolaire, et après une heure et sept

minutes d'efforts infructueux, il laissa la racine dans l'alvéole et

renonça à faire de nouvelles tentatives. Le malade avait été anes-

thésié trois fois avec le protoxyde d'azote.

Le maxillaire inférieur droit, il la suite de ce traumatisme,

s'enflamma etdevint douloureux, la dent de sagesse du même côté

présenta également les symptômes de périostite et faisait souffrir

le malade chaque fois que celui-ci essayait de s'en servir. Cet état

dura avec des alternatives d'amélioration pendant six semaines

environ. Après ce temps, une douleur se déclara subitement au

niveau de la dent de sagesse inférieure gauche et continua depuis

cette époque, se portant quelquefois sur les deux petites molaires

du même côté. Par moment cette douleur s'arrêtait complètement

et reparaissait lorsqu'on exerçait une -pression extérieure sur le

maxillaire. D'autres fois, le malade accusait aussi des sensations

douloureuses localisées à la racine qui lui avait été brisée du côté

droit. M. X... insistait particulièrement sur ce point que la douleur

se localisait au niveau de la troisième grosse molaire et de la

seconde petite molaire inférieure yauclie. Douze semaines après

l'opération malheureuse relatée plus haut, un médecin auriste de

Chicago enleva la racine brisée, avec des fragments d'alvéole. La

petite molaire voisine fut, on le pense bien, ébranlée, comme elle

l'avait été à la première opération.

Depuis que M. X... a passé par ces différentes épreuves, il a,

dit-il, constamment souffert des douleurs que nous avons décrites

plus haut; de plus, et, c'est cela qui constitue sa maladie actuelle

il a l'esprit constamment tourmenté par cette idée fixe, que d'au-

tres opérations pourront être tentées sur sa bouche et qu'il en

DE L'OBSESSION DENTAIRE. 1 17

éprouvera un grand dommage. Cependant, ajoute-t-il, avant le

trouble apporté dans son esprit par ces opérations il n'avait aucune

crainte. D'après le propre aveu de ce malade, depuis plus d'une

année il a soufferu mille fois plus moralement, en raison des ap-

préhensions continuelles dont son esprit est obsédé, que des dou-

leurs physiques qu'il peut avoir éprouvées au niveau de ses dents

inférieures. Il a remarqué lui-même que les médicaments dé-

pressifs le rendaient plus triste et plus mélancolique encore et

semblaient augmenter et réveiller les douleurs qui se produisaient

dans son maxillaire. Les distractions et les voyages lui produisent

un excellent eu'et en détournant son esprit de l'objet de ses cons-

tantes appréhensions. Il a consulté un trè, grand nombre de den-

tistes et d'auristes. et tous ont été unanimes à le rassurer et à lui

affirmer que, ni du côté des dents, ni du côté des oreilles, ils ne

voyaient rien qui fût capable de justifier ses craintes. Malgré tout

cela, le malade restait anxieux, se préoccupant constamment de

sa santé, épiant l'apparition des symptômes douloureux dans les

maxillaires ou dans les dents, les analysant longuement, s'elforçant

d'en découvrir la cause, qu'il rattachait indifféremment à son etat

ou aux médicaments qu'il prenait. Toujours à la piste de moyens

nouveaux qu'il estimait devoir lui apporter quelque soulagement,

il accablait les médecins qui le soignaient de renseignements sur

son état et sur les traitements qui lui avaient été prescrits. De

temps en temps, il continuait à aller voir des dentistes, mais grâce

à celui qui s'était constitué son défenseur, aucun traitement local

ne fut institué.

Si le malade convenait parfois que sa maladie résidait dans les

centres nerveux, il n'en analysait qu'avec une anxiété plus grande

les relations, inconnues pour lui, qui reliaient ses douleurs à la

cause qui lui avaitété signalée. Après trois mois de traitement, son

état ne s'était pas amélioré et il s'était mis en quête de nouvelles

médications il tenter, sans compter qu'il lisait des livres de mé-

decine et s'efforçait, suivant ce qu'il croyait être de son intérêt, de

prouver les erreurs de diagnostic qu'il pensait avoir été commises.

On juge par là les nombreusesdiscussions qu'eurent à soutenir les

médecins qui le soignaient. Toutefois et de son propre aveu, les

douleurs qu'il éprouvait étaient beaucoup moins vives. La douleur

que je ressens, disait-il, n'est pas aiguë, mais elle est suffisante

pour entretenir dans mon esprit une constante préoccupation;

jamais cette douleur ne m'a empêché de dormir, bien que l'état

nerveux dans lequel je me trouve ait rendu mon sommeil très

léger; il m'arrive même de me réveiller après mon premier somme

et de me sentir complètement débarrassé; mais, dès que mon

espritest essalsi par son habituelle appréhension, les douleurs se

réveillent. Quand ma pensée, ajoute-l-il, est distraite par une oc-

cupation sérieuse, je ne sens plus rien du tout, mais cette même

ARCHIVES, t. WI. 1. 2

18 PATHOLOGIE NERVEUSE.

douleur revient lorsque j'y songe, ou que je comprime légère-

ment le maxillaire inférieur avec l'extrémité des doigts. Il analyse

ainsi les douleurs qu'il éprouve dans les dents, il lui semble que

quelque chose est collé à sa dent de sagesse, que ses deux petites

molaires sont séparées l'une de l'autre, et, a de certains moments,

que les nerfs des gencives sont très sensibles. Ces douleurs se font

sentir également le long de l'épaule et par instants jusqu'à l'oreille :

quelquefois même, elles se localisent au niveau de la dent- de

sagesse inférieure gauche, qui est le point de départ des sensa-

tions dont le malade se plaint.

Cependant, il peut très bien se servir de ses dents pour manger

et n'éprouve aucune peine. Plus il est triste et préoccupé, plus il

lui semble que ses dents sont douloureuses, et puisqu'on lui assure

que celles-ci n'offrent aucune lésion, il en conclut que c'est le nerf

dentaire lui-même qui a dû être lésé pendant l'opération qu'il a

subie. C'est en vain qu'on lui fait observer que les douleurs vasueb

qu'il ressent sont surtout localisées à l'autre maxillaire. De temps

en temps, ce malade était pris de crises de tristesse et de découra-

gement; grâce au traitement hydrothérapique et psychothéra-

pique qu'il a suivi, son état s'est amélioré petit à petit et il a pu

retourner dans son pays à peu près débarrassé de son obsession

et de ses douleurs. D'après les nouvelles qu'il a adressées à M. le

Dr Keller, son état serait des plus satisfaisants.

Ma troisième observation a trait à une malade qui

me fut adressée par M. le Pl' Charcot et dont l'histoire

est des plus instructives.

Mme de X..., sujet de cette observation, a des névropathes, peut-

être même des aliénés dans ses ascendants. Pendant une tren-

taine d'années, en raison de sa beauté et de son élégance, elle

avait occupé, dans une grande capitale une haute situation parmi

la société mondaine. Ses succès étaient nombreux, sa vie était une

succession perpétuelle de fêtes; si l'on ajoute à cette existence, déjà

fatigante par elle-même, les luttes sans nombre qu'elle avait dû sou-

tenir pour conserver sa suprématie féminine, les chagrins, les

soucis, les déceptions qui forment le cortège obligé d'une vie aussi

agitée, on comprendra facilement que les germes héréditaires qui

sommeillaient dans un organisme soumis à tant de secousses mo-

rales et de fatigues physiques devaient LÔL ou tard se réveiller.

Quand vint l'heure si redoutée des femmes coquettes, où, l'abdi-

cation s'impose, où malgré les artifices les plus savants, la lutte la

plus acharnée, il faut renoncer aux privilèges dont on a si long-

temps joui, abdiquer la royauté féminine et prendre une retraite

'désormais fatale, Mme de X... ne sut pas se résigner et manqua

1 DE L'OBSESSION dentaire. 19

de cette philosophie pratique, qui seule, peut faire accepter les

plus dures nécessités. Son chagrin fut profond, ses regrets amers,

Le parallèle entre la vie brillante qu'elle avait menée et où elle

avait reçu tant d'hommages et la retraite forcée qu'elle devait

prendre, produisit sur son esprit une impression profonde et triste.

Au nombre des traces visibles laissées par cette vie brillante et

agitée, que t'age avait encore plus profondément creusées, Mme de

X... s'aperçut que ses dents s'étaient considérablement allongées,

qu'elles s'étaient déplacés. Deux ou trois étaient déjà tombées

spontanément et avaient été remplacées; toutes les autres étaient

plus ou moins atteintes.

Mime de X... avait les symptômes de la pyorrhée alvéolaire. Cette

preuve, si facile à constater par tous, de sa déchéance physique,

devint un sujet constant des préoccupations de Mme de X... Cette

préoccupation ne tarda pas à régner en mailresse dans son esprit

et prit le caractère d'une obsession. La prothèse n'était dans ce cas

que d'un faible secours, parce que les dents artificielles étaient

forcées de suivre, dans leur direction et dans leur allongement, les

dents malades restantes. Mme de X... commença par se faire une

véritable collection de pièces prothétiques, sortant des ateliers des

dentistes à la mode dans la colonie étrangère. Aucun de ces appa-

reils ne rendait à sa physionomie l'expression qu'elle avait autre-

fois.

Tant d'empreintes prises, tant d'appareils portés et essayés,

retouchés sans succès, avaient joué vis-à-vis de sa bouche le rôle

d'un véritable traumatisme. Mra0 de X... passait une partie de son

existence chez le dentiste et en visitait fréquemment deux ou trois

dans une même journée.

Insensiblement, elle fut prise d'un '.besoin aussi inconscient

qu'impérieux de contracter ses maxillaires sur la pièce prothétique

qu'elle portait.

Ce tic s'accentua de plus en plus et se réveillait avec une inten-

sité d'autant plus grande que la pièce prothétique était d'un

volume plus considérable ou d'une forme différente de celle que la

malade était habituée de porter. La contracture devint de plus en

plus énergique. La malade se promenait à grands pas dans son

appartement, poussant des exclamations saccadées et introduisant

les doigts ou un corps étranger entre les arcades dentaires dans le

but de les empêcher de se rapprocher. Ces manoeuvres ne faisaient

qu'augmenter la contracture.

M ? de X... entra alors dans une nouvelle période; sa pensée

dominante fut d'empêcher ses maxillaires de se rapprocher, à l'aide

d'un appareil prothétique. Elle recommença ses périgrénations

chez les dentistes les plus renommés et augmenta sa collection,

déjàsiriche, de pièces prothétiques, d'appareils bizarres, témoignant

pour la plupart de l'unique désir de plaire à la malade. La diffa.

20 PATHOLOGIE NERVEUSE.

culte de prendre les empreintes des arcades dentaires devenait de

plus en plus grande; dès qu'un corps étranger était en contact

avec la bouche, immédiatement, les masséters se contractaient

avec violence. Cette même contracture s'excerçait encore lorsqu'un

appareil prothétique quelconque était placé dans la bouche.

- En présence de ce cercle vicieux dont elle ne voyait pas l'issue,

l'esprit de la malade s'exaltait de plus en plus. Sa situation, si

cruelle en réalité, était pour elle l'objet de ses constantes préoc-

cupations, préoccupations troublant son sommeil. Plus elle songeait

à sa bouche, plus étroitement se rapprochaient ses maxillaires.-

Son caractère s'était profondément altéré, passant d'une tristesse

profonde à de véritables accès de révolte; elle s'enfermait dans sa

chambre, les persiennes fermées, elle consignait sa porte à tout le

monde, même à ses domestiques, et dans cette solitude volontaire,

exhalait encore son excitabilité nerveuse. Tel était l'état de

Mmo de X... lorsque, sur la désignation de M. Charcot, je fus ap-

pelé à l'examiner et à donner mon avis. C'était au moi» d'octobre

1889. Je n'avais aucun renseignement sur Mme de X... que je ne

connaissais pas, et après l'avoir écoutée avec la plus scrupuleuse

patience, je l'examinai avec la plus grande attention.

Tout d'abord, et cela me parut caractéristique, Mue de X... étala

sous mes yeux une douzaine d'écrins renfermant des pièces pro-

thétiques de formes variées. Elle en avait autant chez elle dont

elle ne servait pas davantage. Aime de X... me demandait avec une

insistance véritablement touchante, faisant ressortir tout ce que

sa situation actuelle avait de douloureux, un appareil destiné à

empêcher ses maxillaires de se rapprocher l'un de l'autre. Un

examen minutieux de la situation me permit de constater que le

contact des dents de la malade soit avec les dents artificielles, soit

avec la plaque destinée à les porter, se traduisait immédiatement

par de la contracture des maxillaires. La conclusion que j'en tirai

lut : pas d'appareil ou tout au moins l'appareil le plus réduit

qu'il sera possible de faire, uniquement pour remplacer les dents

absentes et porté seulement lorsque la malade sera exposée à se

trouver en présence d'étrangers.

Je fis les plus grands efforts pour persuader à Mme de X.. que la

contracture spasmodique dont elle se plaignait n'avait pas une

origine dentaire, qu'il fallait la mettre sur le compte des troubles

généraux dont elle se plaignait et soigner ceux-ci d'abord, avant

de tenter quoi que ce soit sur la bouche. Toutefois, en raison de

l'existence de la pyorrhée alvéolaire, je prescrivis des lavages anti-

septiques, m'abstenant de toute autre intervention. En me quit-

tant, M ? de X..., que je croyais avoir persuadée, me déclara

qu'elle allait chez un dentiste prendre livraison d'un appareil

qu'elle avait récemment commandé. Le lendemain, elle vint me

voir avec cet appareil qu'elle n'avait pu conserver que quelques

DE L'OBSESSION DENTAIRE. 21

minutes. Elle insista de nouveau pour que je fisse une nouvelle

tentative et je m'y refusai obstinément, lui représentant qu'elle

devait d'autant plus croire que dans ce cas particulier, le conseil

que je lui donnais allait à rencontre de mes intérêts.

Je revis plusieurs fois 111 ? de X..., toujours poursuivie par son

idée fixe et par sa contracture. Celle-ci était devenue tellement

énergique, que les articulations temporo-maxillaires en étaient

douloureuses. Inutile d'ajouter que Mme de X... continuait à de-

mander aux appareils de prothèse un remède à son infirmité et

qu'en outre, elle voyait au moins un médecin par jour, quand elle

n'allait pas consulter les pires empiriques.

On avait essayé de placer entre les arcades dentaires de

Mme de X... des disques en caoutchouc mou, sans aucun résultat;

on avait revêtu ses dents avec des coiffes en vulcanite, de façon à

ouvrir légèrement la bouche, mais plus l'effort était considérable,

plus la réaction, c'est-à-dire la contracture, était violente.

M. Charcot qui m'a appris à connaître ce genre de malades et

auquel j'avais fait part du résultat de mon examen, avait bien voulu

approuver ma conduite. La suite prouva combien il avait raison.

Mmo de X... appartenait tout entière à la pathologie nerveuse et

mentale, c'est pour avoir méconnu la véritable cause des troubles

qu'elle présentait qu'on a fait subir ultérieurement à cette malheu-

reuse malade une mutilation aussi irréparable qu'inutile. Comme

je l'ai dit, Mme de X..., qui abondait dans mon sens, lorsque je cau-

sais avec elle, a peine sortie de chez moi, oubliait ses promesses

et se mettait, en quête de médecins ou plus habiles ou plus com-

plaisants.

Un médecin distingué, dont je n'incrimine nullement la conduite,

parce que je suis convaincu de son entière bonne foi, mais dont je

combats nettement la manière de voir, ayant été appelé à donner

des soins a de X... après bien d'autres, crut à une contraction

réflexe des masséters produite par l'affection alvéolaire qu'elle pré-

sentait. Il proposa donc de lui enlever toutes ses dents et de les

remplacer par un dentier complet. La proposition fut acceptée, la

malade chloroformée, et un dentiste procéda dans une séance à

cette hécatombe. Il 1 estait encore une vingtaine de dents à la ma-

lade, et la plupart étaient encore susceptibles de rendre de longs

services. Tout d'abord, et pendant quelques jours, le succès parut

devoir légitimer le parti si radical qu'on avait cru devoir prendre;

la malade ouvrait un peu mieux la bouche.

Mais on fut obligé de la chloroformer de nouveau pour prendre

l'empreinte de la bouche. On avait espéré habituer petit à petit la

malade à porter son dentier. Cet espoir ne se réalisa pas et, comme

jet l'avais annoncé, dès que la malade avait dans la bouche ce volu-

mineux appareil, elle était pi ise de violentes contractions qui ren-

daient douloureuses les arcades alvéolaires.

M PATHOLOGIE NERVEUSE.

La situation était cruelle ; Mme de X... n'avait plus une seule dent,

elle ne pouvait en supporter 'd'artificielles, d'où impossibilité de

manger autre chose que des aliments mous et grande difficulté de

parler. Depuis longtemps Mme de X... ne recevait plus personne et

ne pouvait se résoudre à sortir.

Cet état de choses ne fit qu'aggraver le trouble mental de la ma-

lade ; sa contracture ou plutôt la contraction automatique ins-

tinctive, reprit de plus belle, et cette fois, c'étaient les arcades

alvéolaires qu'elle pressait l'une contre l'autre. De guerre lasse, on

essaya de faire masser les masséters par un spécialiste étranger

en renom, sans plus de succès.

' Mm0 de X... glissait de plus eu plus sur la pente de la vésanie et

essaya de se suicider dans des circonstances tellement étranges et

rendues publiques, qu'elle fut, je crois internée pendant un certain

temps, puis rendue à sa famille. Peu de temps après, Mm. de X...

me fit rappeler. J'eus peine à la reconnaître. Je ne retrouvai

qu'une femme vieillie, amaigrie, le visage transformé et comme

ratatiné. L'extraction des dents, la contracture des masséters

avait diminué la hauteur de la face et en avait en quelque sorte

exagéré la largeur. Cette pauvre femme me demanda, comme elle

l'avait fait maintes fois, de réparer le dommage qui lui avait été

causé. J'essayai vainement de lui faire comprendre combien cette

tentative serait prématurée. Je l'engageai à se soigner tout d'abord,

l'assurant que tout nouvel appareil prothétique échouerait encore.

Je tentai vainement de lui faire porter pendant quelques instants

le dentier qui lui avait été fait, elle ne put y réussir. L'écartement

des arcades dentaires permettait à peine l'introduction du petit

doigt. J'appris que, quelques jours après, un dentiste avait pris

l'empreinte de la bouche après avoir fait chloroformer la ma-

lade. Le dentier qu'il fit ne put être porté et alla rejoindre le plein

tiroir où était renfermée la collection d'appareils de l'infortunée

Mm0 de.X...

J'ai eu assez récemment des nouvelles de cette malade. Son état

ne s'est nullement amélioré ; elle ne peut porter de dentier et

s'alimente difficilement.

- Cette malade guérira-t-elle ? Il est permis d'en

douter. Dans tous les cas, ou ne pourra intervenir uti-

lement qu'après la disparition des troubles nerveux et

mentaux qu'elle présente. Il est certain, en outre, que

si Mme de X... avait encore les dents qu'on lui a si

inutilement arrachées, elle pourrait mastiquer ses

aliments, sortir et ne point rester confinée à la

1

DE L'OBSESSION DENTAIRE. 23

chambre, -minée par l'ennui, et nourrissant en quel-

que sorte son obsession. - ,

On voit que pour ces malades, les dents n'ont été

qu'un prétexte, qu'une cause occasionnelle de l'ex-

plosion des phénomènes nerveux. Lorsque ces malades

sont au point, s'il est permis de s'exprimer ainsi, un

choc moral ou physique suffit à déterminer l'apparition

des accidents. C'est au médecin à ne pas se laisser

tromper par les affirmations des malades, à les pro-

téger contre eux, contre les interventions impru-

dentes ou dangereuses. Nos observations montrent

combien il est préjudiciable à ces malheureux de les

abandonner à leurs obsessions. Nous n'ajouterons rien

de plus.

C'est vraisemblablement dans cette catégorie 'de

malades qu'il faut faire rentrer ces cas de manie con-

sécutive à des inhalations d'éther, publiés par

MM. Gordon (AmericanJoumal ofinsanity, avril 1890,

p. 451, et Journal des connaissances médicales, no-

vembre 1890, p. 354). L'éther avait été employé pour

l'extraction des dents. Tout en acceptant la prédis-

position, l'auteur attribue à l'éther lui-même le déve-

loppement du trouble mental observé. Il est délicat

de faire la part de chacun de ces éléments, mais par

le fait que l'éther est administré souvent sans produire

de conséqnences semblables, on est bien forcé d'ad-

mettre que les sujets étaient des candidats sérieux

aux accidents cérébraux.

Les troubles nerveux et mentaux ayant succédé

pendant un temps plus ou moins considérable à des

injections sous-gingivales de chlorhydrate de cocaïne,

ont peut-être une origine commune, la part réelle de

24 PHYSIOLOGIE.

l'intoxication et du choc opératoire, restant à fixer.

On a publié des cas de guérison d'hystéro-épilepsie

par l'extraction d'une dent et tiré cette conséquence

qu'une dent cariée pouvait produire des accidents

- d'hystéro-épilepsie, ce qui ne nous paraît pas exact.

Un choc opératoire peut modifier dans un sens ou

dans un autre la statique d'un système nerveux patho-

logique, et, de même que l'extraction d'une dent

jouant le rôle d'une épine, peut arrêter des crises

d'hystéro-épilepsie, la même opération, et il y en a

des exemples, peut donner à ces crises un surcroît

d'intensité.

PHYSIOLOGIE

LES FONCTIONS DU CERVEAU' 1

DOCTRINES DE L'ÉCOLE 1T4LIEN : 11',

Par JULES SOURY.

Maître de conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.

LES FONCTIONS DE L'INTELLIGENCE

L'étude des fonctions supérieures du système ner-

veux, j'entends celles de l'intelligence, est en Italie ce

qu'elle est dans le reste de l'Europe. Les racines delà

jeune plante s'enfoncent et se ramifient chaque jour

plus avant dans les sciences biologiques, d'où elle tire

t Voy. Arch. de Neurologie, n" 51, p. 337; n" 52, p. 28; n" G'r, p. 360,

n" 5p, p. 78 et 167.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. ' 25

tout ce qui lui est nécessaire pour croître et s'élever;

la tige et les rameaux, déjà couverts de feuilles, s'é-

lancent vigoureusement dans l'air, mais, loin de por-

ter encore des fruits, on peut dire que ses fleurs ne

sont pas même épanouies.

Toutes les théories, tous les essais de synthèse sur

l'intelligence, voire sur ses éléments constitutifs, tels

que les représentations, les émotions, les tendances

motrices ou inhibitoires, sont à cetîe heure prématu-

rés. Il faut louer les Italiens de n'avoir pas eu encore

l'ambition naïve d'écrire une psychologie physiolo-

gique '. Les niatériaux du grand oeuvre, on les trouve,

en Italie, chez les anatomistes, les physiologistes et

les cliniciens dont nous avons rappelé les expé-

riences et les observations, exposé les méthodes et

soumis les doctrines à un examen critique. Aux noms

que nous avons cités, il faut ajouter ceux de Buccola,

de Herzen, de Corso et de Tanzi. Je n'écris pas ici le

nom de Roberto Ardigo '; je ne parle pas, en effet,

des philosophes : mais l'on peut dire de ce grand es-

prit, comme de Herbert Spencer, que, d'une façon

consciente ou inconsciente, il a inspiré la plupart des

théories sur la nature et sur la vie des savants italiens

contemporains.

Entendue surtout comme elle l'est en Italie, la doc-

trine des localisations cérébrales aura plus contribué

qu'aucune autre à éclairer les processus de formation

1 Les Eléments de psychologie, de Sergi, qu'on a baptisés, on France,

du nom de Psychologie physiologique, ne sont qu'un manuel destiné à

la jeunesse des écoles italiennes. Pour ne palier que de la doctrine (les

localisations cérébrales, telle qu'elle est exposée clans cet ouvrage, cette

jeunesse fera bien de sauter les feuillets où il en est traité.

'V. Opère filosofiche. - MaIilol'a et 13a(lova, 1882-1886, 4 N-ol. in-8°.

26 PHYSIOLOGIE.

et de manifestation des idées. L'existence de centres

sensoriels et sensitivo-moteurs distincts, en même temps

que l'absence de toute délimitation absolue entre ces

aires différentes de l'écorce cérébrale, montrent assez

comment, presque toujours, « tous les sens concou-

rent à l'élaboration d'une idée » '. Dès que l'idée ou

l'image exige, pour apparaître avec une intensité plus

ou moins grande, le concours synergique de toutes ou

de presque toutes les activités élémentaires du cerveau,

on n'est plus tenté de la localiser dans une région dé-

terminée de l'encéphale comme un produit stable et in-

variable. Les idées n'existent que durant leur évocation

de l'inconscient : avant comme après ces apparitions,

rien d'elles ne persiste que les possibilités de leur rap-

pel, que les conditions de leur renaissance. Mais on

conçoit que ces conditions, je veux dire l'état de tex-

ture et de structure des éléments nerveux, variant

continuellement, comme tous les autres phénomènes

naturels, la qualité, la quantité et les rapports des

idées doivent nécessairement changer d'une façon cor-

respondante. '

De ouvre de Gabriel Buccola, interrompue par

une mort prématurée, je ne puis parler ici que des

parties qui ont trait aux localisations' cérébrales.

J'omets donc à dessein toutes ces admirables études de

psychophysique et de psychométrie qu'il a réunies

dans un livre. La legge del tempo nei fenonaeni del

pensie7'o (Milan, 1883). Le problème des conditions de

la conscience, chez l'homme sain d'esprit et chez l'a-

' Albertoni. - Le localizz. cereGrali, I. 1. Cf. L. Hianchi. Gli ori : -

zonti delta psichialria. l'relezione. Napoh, 1889, 12. - C. Poggi, Le

amnésie, studio clinico. Archiv. Val, per le mal. nerv., 1886, 355.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 27

liéné, me paraît avoir été bien étudié par Buccola. Il

rencontrait sur ce domaine un précurseur de marque,

Alexandre Herzen, dont il a souvent reproduit la doc-

trine et adopté les théories générales 2.

Ces thèses de Herzen, qu'il nous faut rappeler,

quoique l'auteur les ait plusieurs fois présentées lui-

même au public instruit de l'Europe, ont été, dès 1879,

exposées dans un mémoire intitulé : Il moto siclaico ' /

e la coscienza (Firenze, 18T9) 3. L'élève bien connu du

professeur Schiff, dont il fut le propagateur au labo.

ratoire de physiologie de Florence, est parti des con-

clusions auxquelles était arrivé son maître sur les rap-

ports de réchauffement des centres nerveux avec

l'activité psychique, et qui peuvent être formulées

ainsi

1. « Chez un animal jouissant de l'intégrité des cen-

tres nerveux, toutes les impressions sensibles sont con-

duites jusqu'aux hémisphères cérébraux et y produisent

une élévation de température par le seul fait de leur

transmission,

II. « L'activité psychique, indépendamment des im- `

pressions sensitives qui la mettent en jeu, est liée à

une production de chaleur dans les centres nerveux,

chaleur quantitativement supérieure à celle qu'engen-

drent les simples impressions des sens. »

1 Buccola. La legge fesica della coscienza nell'uomo sano e nell'uomo

alienato. - Archau. ital. per le mal. net., 1881, 82 sq.

' Al. Herzen. - Journal of mental seience, 1884 ; Revus philosophique,

1879 et passim ; Revue scientifique, etc. Les conditions physiques de la

conscience, Genèse; 1886. Grisndlinien enter allgem. Psychophysiologie

(Leipzig, 1889), 89-19.

3 Ce livre est composé d'articles et de communications faites à diverses

sociétés sa\antes.

28 PHYSIOLOGIE.

Rappelant ses expériences, qui ont porté sur des

chiens et sur des oiseaux, Schifiajoutait : « De toutes

nos conclusions, la plus importante, à notre sens, est

celle qui établit un rapport direct entre le développe-

ment de chaleur dans le cerveau et l'activité intellec-

tuelle '. »

Herzen aperçut très nettement, dans ces recherches,

la preuve que les actions réflexes suscitées par les im-

pressions des sens dans la substance grise du cerveau,

et qui constituent l'activité psychique, ne sont que

l'irradiation intercellulaire d'un mouvement molécu-

laire né de ces impressions, partant d'origine externe.

Les phénomènes psychiques, comme tout autre phé-

nomène de la nature, se réduisent donc à une 'forme

spéciale du mouvement. A cette époque, Herzen

croyait encore avoir à se défendrede confondre l'esprit

et la matière, perte de temps à laquelle bien peu d'en-

tre nous peuvent se vanter d'avoir échappé : mais cet

esprit délié s'en tirait en disant que la matière, subs-

tratum nécessaire, mais inconnu, des manifestations

psychiques, - que, seules, nous connaissons, - est

une abstraction de l'esprit, un noumène qui ne se ré-

vèle à nos sens que dans les phénomènes. L'esprit est

d'ailleurs aussi inséparable de la matière que la cha-

leur, la lumière et l'électricité. Suivaient, dans le même

chapitre, quelques remarques critiques excellentes, et

qui sont restées, sur le concept de spontanéité psychi-

que, considérée par Bain comme une énergie créée

ex nihilo, sans antécédents d'aucune sorte. Herzen

1 Moritz Schiff. - Recherches sur Réchauffement des nerfs et des cen-

lre.s nerveux à la suite des 2rritalioas sensorielles et sensitives. (Rédi-

;;les par E. Levier.) - Archives de physiologie normale et pathol., 18(i9-

70 : - 1870, 451. 1.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 29

montra fort bien que les faits allégués par Bain s'ex-

pliquent soit par un état de la nutrition, soit par de

simples réflexes. Point d'action spontanée des cen-

tres nerveux, mais irradiation d'impressions, toujours

périphériques à l'origine, transmises par les nerfs au

névraxe. Bref, scientifiquement parlant, spontanéité ne

peut signifier qu'un complexus de conditions organi-

ques favorables à l'activité des centres nerveux. Chez

les êtres vivants, il n'y a pas plus de spontanéité que

de libre arbitre '. Poussant jusqu'à ses dernières con-

séquences logiques la conception purement mécanique

des fonctions du système nerveux, Herzen démontre

que les différentes formes de l'activité psychique, sen-

timents, pensées, volitions \ aboutissent toujours finale-

ment à une réaction motrice, volontaire ou automatique,

consciente ou inconsciente, par les muscles lisses ou

par les muscles striés, dans les membres, les viscères

ou les vaisseaux, « retournant ainsi, sous des formes

plus élémentaires, en général comme travail mécani-

que, au sein du monde extérieur ».

Voici les thèses de Herzen, dont la portée m'a tou-

jours paru très grande, et que Buccola avait admises :

1° La conscience, - qui n'est rien de plus, natu-

rellement, qu'un état des centres nerveux, un phéno-

mène d'accompagnement de certains processus ner-

' V. Herzen. Fisiologia del libero arbitriez umano. M. Charles Le-

tourneau a donné de cet opuscule une excellente traduction française

sous ce titre : Physiologie de la volonté. Pans, 1874.

2 Mantegazza, litre cite Ileizen, admet nenf formes élémentaires de ces

transformations du , mouvement psychique » : Les sensations peuvent

se transformer en d'autres sensations, en sentiments ou en pensées- les

sentiments peuvent se changer en d'autres sentiments, en sensations et

eu pensées; les pensées, enfin, en d'autres pensées, en sensations ou

en sentiments. » Il moto psichico c la coscienza, p. 62.

30 PH\'51otOGrJ ?

veux, apparaissant et disparaissant avec l'intensité et

la durée de ces processus, bref, un épiphénomène, -

est liée exclusivement à la période de désintégration

fonctionnelle des centres nerveux.

2° L'intensité de la conscience est en raison directe

de la désintégration fonctionnelle.

3° L'intensité de la conscience est en raison inverse

de la facilité et de la rapidité de la transmission des

impressions dans les centres nerveux. Le système ner-

veux tout entier, et non pas seulement l'écorce céré-

brale, considéré comme le siège de l'activité réflexe,

fonction fondamentale de toute vie de relation, est

susceptible d'états conscients, subconscients ou incons-

cients, plus ou moins transitoires, et correspondant à

l'intensité de la désintégration fonctionnelle de ses

éléments nerveux '.

4° Les activités psychiques accompagnées de la

conscience la plus vive déterminent, avec une désin-

tégration fonctionnelle portée au maximum, réchauffe-

ment le plus considérable des centres nerveux. Les

fonctions psychiques accompagnées de la conscience

la moins vive, subconscientes ou inconscientes, se dis-

tinguent par une transmission très rapide, une désin-

tégration fonctionnelle très abaissée et une thermoge-

1 Dès 1858, Scliiff a reconnu que l'on n'a aucun droit de refuser toute

espèce de conscience à la moelle épinière, et Herzen abonde dans le

même sens, avec toute raison, selon nous. Mais ce qu'on peut refuser

aux réactions spinales, c'est la qualité d'être intentionnelles ou volon-

taires. En effet, nous appelons ainsi les mouvements dont nous avons

une représentation anticipée, dont nous prévoyons la forme, l'énergie, la

inaiclie et l'effet; mais la moelle épinière d'un animal décapité ne peut

posséder ces représentations, puisque la destruction de tout centre sen-

soriel entraîne l'abolition des représentations correspondantes, et que la

décapitation est la destruction simultanée «le tous ces centres.» Les con-

disions physiques de la conscience, p. 19.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. ' 3t.

nèse centrale réduite au minimum. La répétition,

l'exercice, l'habitude héréditaire ou acquise, de cer-

tains actes, diminuent le temps physiologique de réac-

tion. Ainsi, l'équation personnelle est à son maximum

quand l'acte est nouveau, elle diminue, s'il devientha-

bituel, et tombe au minimum lorsqu'il est devenu au-

tomatique et inconscient. Bref, « la somme de cons-

cience manifestée en un moment donné par un centre

nerveux, quel qu'il soit, ou par un groupe d'éléments

nerveux, est toujours le produit, ou plutôt la somme

algébrique, des processus multiples de désintégration

et de réintégration impliqués dans tout acte du système

nerveux central. »

Ces lois, comme l'a fait remarquer Buccola, s'appli-

quent à tout phénomène psychique, de quelque nature

qu'il soit, à la veille, au sommeil, aux rêves, à la

perte et au retour de la conscience dans la syncope,

etc. : elles dominent également l'activité des centres de

la moelle épinière, du mésocéphale et du cerveau.

Ajoutons que, depuis les récents travaux de Steiner,

elles expliquent l'évolution de la conscience, et, par

suite, de l'intelligence, chez les poissons, les reptiles,

les oiseaux et les mammifères.

La conscience, et l'intelligence, « expression sub-

jective de l'une des phases du travail d'acquisition et

d'organisation des êtres vivants », ont émigré, au

cours des âges, des ganglions de la moelle épinière,

dans le mésocéphale et l'écorce des hémisphères céré-

braux. La conscience spinale s'est ainsi peu à peu éva-

nouie dans le rayonnement toujours plus intense de la

conscience cérébrale. Les centres spinaux, devenus

inconscients, automatiques, chez les vertébrés supé-

32 ' PHYSIOLOGIE.

rieurs, ne servent plus guère que de voies de transmis-

sion, et ne sont plus que le siège de quelques actes

réflexes définitivement organisés. Mais, outre que ces

, réflexes spinaux sont les plus anciens titres de noblesse

de l'intelligence, - qui n'est qu'une « complexité

croissante de sensations réflexes corticales », - il est

permis de voir, dans cette histoire de la lente évolu-

tion des activités médullaires vers l'équilibre stable de

l'automatisme, l'histoire même des destinées des fonc-

tions les plus hautes du cerveau lui-même.

L'homme serait-il, sans la conscience, une moins

bonne machine intellectuelle ? avait demandé Mauds-

ley. Herzen répond qu'en effet « le processus mental

conscient trahit une imperfection de l'organisation cé-

rébrale ». Le musicien, dont les ajustements muscu-

laires, les plus fins et les plus délicats, n'ont été len-

tement acquis qu'avec le déploiement de la plus vive

conscience, ne devient un artiste de talent, un virtuose,

que lorsque le mécanisme de ces ajustements innom-

brables, définitivement organisés, s'exécute incons-

ciemment et comme à son insu. Il en est de même de

l'apprentissage du langage, de l'écriture, du dessin,

du calcul, bref, de l'acquisition de toutes les connais-

sances. Si elles ne sont pas héréditaires, si elles ne

trouvent pas un mécanisme préformé, elles ne sont

acquises avec conscience que pour rentrer bientôt dans

l'inconscience. « La réduction d'un processus psychi-

que simple à l'automatisme est la condition du déve-

loppement mental, qui serait impossible sans cela :

le naturaliste ne reconnaîtrait jamais une plante ou

un animal au premier coup d'oeil, s'il devait chaque

fois avoir la vive conscience de chaque caractère iso-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. - 33

lément; le mathématicien ne concevrait même pas

l'existence des problèmes les plus élevés, s'il devait

chaque fois avoir une conscience nette de la table de

multiplication. Et il en est ainsi dans toute notre vie

psychique. De sorte que, au fond, le processus cons-

cient est la phase transition d'une organisation cérébrale

inférieure à une o ? 'a/;M6 ? e cérébrale supérieure 1 ».

Les processus psychiques qui nous semblent aujoud'hui i

les plus compliqués et qui s'accompagnent de la cons-

cience la plus intense, paraîtront un jour fort sim-

ples à nos descendants et deviendront automatiques.

L'organisation de ces processus psychiques permettra

de naître à d'autres processus plus complexes, d'ordre

toujours plus abstrait et plus élevé. Telle est la loi du

progrès de l'intelligence.

Quelles limites est-il permis d'assigner à ce progrès ?

Ce progrès n'a d'autres limites que celles de la plas-

ticité évolutive des races humaines. Il s'arrêtera quand

manqueront les conditions d'évolution. « Voilà pour-

quoi, dit Herzen, les animaux que nous nommons

inférieurs restent au point où ils en sont : ils ont par-

couru toute l'étendue du développement compatible

avec leur organisation particulière. » Ainsi, la cons-

cience et l'intelligence seraient à l'origine, l'instinct et

l'automatisme au terme de toute évolution mentale 2.

1 Herzen. - Les conditions physiques de la conscience, p. 31.

1 Inutile d'indiquer ce qu'il y aurait d'arbitraire dans l'hypothèse qui

projetterait, en quelque sorte, la conscience et l'intelligence aux origines

mêmes delà vie. La deuxième partie de l'I1jpothèse de Herzen, qui nous

semble vraisemblable, n'implique nécessairement la première que si l'on

a en vue des organismes déjà assez hautement différenciés pour qu'un

système nerveux central, condition de la conscience, ait apparn. V. Juies

Soury. La psychologie physiologique des Protozoaires, llevuc phtloso-

plnqllc, janvier 1891.

Archives, t. XXI. ~ a

34 Il PIIYSIOLOGIE.

Il n'y a pas d'apparence que l'homme échappe- à cette

sorte de cristallisation finale de l'intelligence. Si la

réduction de toute activité psychique à un automatisme

inconscient est la loi universelle, l'homme ne saurait

s'y soustraire dans un avenir que l'on peut rêver aussi

éloigné qu'on voudra. Deux causes, selon Herzen

pourraient mettre un terme « à l'orgueilleux excelsior

de l'espèce humaine : » 1° l'existence d'une limite

absolue entre le connaissable et l'inconnaissable ;

2° une limite, également absolue, posée à la perfecti-

bilité du cerveau humain. Dans les deux cas, la

conscience finirait sans aucun doute par abandonner

l'activité cérébrale; celle-ci prendrait peu à peu « le

caractère instinctif, réflexe, automatique, mécanique; »

elle arriverait ainsi à cet équilibre relativement stable,

à celte sorte de paix profonde de l'activité médullaire,

si rarement sillonnée par les éclairs d'une conscience

obscure.

En dépit des longs espoirs etdes étroites pensées de

certains savants, qui imaginent pour notre espèce je

ne sais quelle éternité, comme s'ils n'imaginaient même

pas qu'un temps puisse venir où ils n'auront plus de

lecteurs, Herzen nous prédit qu'avant que l'esprit

humain ait atteint le terme de son évolution, « le

refroidissement graduel du système solaire aura mis

fin à la possibilité de la vie sur la surface du globe

terrestre ». Voilà une vue des fins dernières et des

destinées de l'esprit de l'homme que nous avons nous-

même trop souvent esquissée pour ne la point trouver

au moins vraisemblable sous cette forme d'hypo-

thèse scientifique. En tout cas, cela repose de cet opti-

misme béat, vulgaire et sot, si fort du goût des foules

LES FOAC'ru0N5 DU CERVEAU. 3§

et de ceux qui vivent de leurs applaudissements,

qu'on rencontre avec surprise chez nombre de savants

et de philosophes italiens, chez les plus grands eux-

mêmes, tels que Robert Ardigo.

Buccola avait appliqué les lois de Herzen à lapatho-

génie de l'hypnose et à celle des maladies mentales.

Ainsi, dans l'hypnose, la répétition de sensations sim-

ples, homogènes, continues, diminuerait ou abolirait la

conscience en suspendant le mouvement de désintégra-

tion fonctionnelle des cellules nerveuses de l'écorce;

le sentiment de la cénesthésie, dont l'intensité est en

raison de la variété des impressions perçues, s'évanoui-

rait dans l'espèce de catalepsie où tomberaient les élé-

ments des centres nerveux. Dans la démence et dans

les formes d'affaiblissement profond de l'intelligence,

l'obscurcissement ou l'éclipse de la conscience dérive-

rait de la lenteur ou de la cessation des processus

d'oxydation dans les éléments nerveux de l'écorce.

« Dans les cerveaux atrophiés de ces malades, qui ne

vivent plus que d'une vie végétative, sans se rendre

compte de ce qui se passe autour d'eux ni en eux-mêmes,

écrivait Buccola, la désintégration fonctionnelle de

l'écorce doit être réduite pour ainsi dire à zéro. » Dans

la manie et le délire, où les courants nerveux sont

trop rapides et trop diffus, où les images se transfor-

ment aussitôt en réactions motrices, la désintégration

des centres nerveux a lieu, mais avec une durée et une

intensité insuffisantes pour produire un état de cons-

cience. Entré en convalescence, « le malade ne se rap-

pelle pas, si ce n'est quelquefois comme dans un songe,

ce qui a eu lieu. » Avec la puissance inhibitrice de l'at-

tention, les conditions de la persistance et du rappel

36 PHYSIOLOGIE.

des images, partant de la mémoire, ont fait défaut. Au

contraire, dans la mélancolie, dans la lypémanie avec

stupeur, où la vie de relation semble suspendue et même

anéantie, la' cénesthésie persiste, et le travail de l'idéa-

tion délirante, sans se traduire au dehors par des actes,

continue : c'est que, suivant Buccola, les impressions

et les images ont une durée et une intensité suffisantes

pour désintégrer le tissu nerveux. L'attention subsiste;

le malade a conscience des événements internes et ex-

ternes, et, dans son cerveau, se fixent des représenta-

tions mentales correspondantes. Aussi le malade con-

valescent se rappelle-t-il, jusque dans ses moindres

détails, sa vie psychique antérieure. -

La conception purement mécanique des processus

de la vie de l'intelligence était, chez Buccola, la même

que chez Herzen et chez Ardigo'. Dans un mémoire

sur les Idées fixes et leurs conditions physiopathologiques ,

cet éminent psychologue voyait dans ce qu'il appelle

« la convulsion des idées » ce que (Esquirol avait ap-

pelé une sorte de catalepsie de l'intelligence) l'équiva-

lent de la convulsion des mouvements.

La volonté ne saurait réfréner le tumulte des con-

tractions musculaires : elle ne réussit pas mieux à maî-

triser une image obsédante, une idée morbide qui

s'exalte et tend à passer à l'action avec une force irré-

sistible. L'individu assiste à ce déchaînement de ses

réflexes psychiques avec la conscience de son impuis-

sance à les modérer. Là aussi éclate la lutte pour l'exis-

1 Le cours des événements psychiques est absolument fatal, ni plus

ni moins que celui des événements physiologiques, ni plus ni moins

que celui de tous les événements de la nature. Il Ardigo. - La

science expérimentale de la pensée. Leçon faite dans l'aida de l'Uni-

versité de Padoue (1888). - lteu. scieittif., 27 avril 1889.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 37

tence entre les représentations de l'intelligence, dont

les forces inégales, antagonistes, s'opposent, se neu-

tralisent ou assurent le triomphe final de l'image la

plus intense. C'est là une loi psychologique tout au-

tant que physiologique ou cosmique : « Dans ce conflit

sans trève, dit Buccola, la forme mentale douée de

l'énergie la plus grande survit. Mais, lorsqu'il s'agit

du processus morbide des idées fixes, toute lutte est

vaine et inutile, et toute résistance contre la pensée

dominante ne laisse aucun espoir de vaincre '. »

On retrouve ces idées dans une étude récente, et

qui nous semble de premier ordre, de Raffaele Brugia

et Scip. Marzocchi. Sur les mouvements systématisés

danz quelques formes d'alfaiblissent mental'. Par

mouvements systématisés ou fixes, ces auteurs enten-

dent les mouvements qu'on appelle d'ordinaire forcés

ou incoercibles (Zwal1gsbewegungel1), mais ils trouvent

cette dernière désignation trop étendue pour exprimer

la nature clinique des phénomènes qu'ils étudient.

Ceux-ci sont toujours liés à une altération de l'in-

telligence, contrairement à ce qu'on observe dans les

convulsions partielles ou générales de l'épilepsie, dans

l'hystérie, dans un grand, nombre d'affections spasmo-

diques ou choréiques, le latah, le miryachit, les tics

convulsifs avec ou sans échokinésie et coprolalie, les

' Buccola. .e ! <<ee se e <e <0 ! 'o MMmon ! ? opa<o)cAe. ]tiv.

speriment - Le idee fisse e le C'est dans fzsiopatologiche. Iliv.

speriment di freniatria, 1880, 155. C'est dans cette Revue que Buccola

avait publié, en 188l-1882, ses Eludes de psychologie expérimentale : I.

La misura degli atti psichici elementari; II. La durata del discerni-

mento e della determinazione volitiva; III. Nuove ricerche sulla durata

della loealizzazione taltile. - La riprocluzione delle percezioni di moui-

mento nello spazio visivo. 1882-1883 : La menxoria or,ganica nel meca-

nisnzo della scriltura; Sulla durata délie percezioni ol/atlive.

' Dei znovimenti sistemalizzati in alcune forme di indeGolimenlo men-

tale. - Arclnvio ital. perle mal. nerv., 1887, 42a.

38 PHYSIOLOGIE.

suggestions'd'actes etc. « Par mouvements fixes ou

systématisés, nous entendons ces mouvements circons-

crits, stéréotypés, rhythmiques et coordonnés, qui

s'accomplissent involontairement, bien que la volonté

puisse jusqu'à un certain point les dominer; qui ne

correspondent à aucun but, en dépit de leur appa-

rence de mouvements intentionnels, et qui, en l'absence

de toute activité volitive propre de l'individu, servent

d'issue aux états d'excitation, aux décharges motrices

du cerveau. » Ces mouvements peuvent être acquis ou

congénitaux : parmi ceux-ci, sont les tics et mouve-

ments automatiques des idiots; parmi ceux-là, les tics

convulsifs des névropathes non aliénés. L'association

automatique, partant involontaire et inconsciente, des

idées, des sentiments et des mouvements, est fréquente

chez les personnes d'une intelligence inférieure et

chez les névropathes. La sobriété des gestes et des

mouvements, le pouvoir de les maîtriser et de les con-

tenir, bref, le pouvoir d'inhibition motrice, est, on le

sait, un caractère d'organisation supérieure : l'inten-

sité de la conscience est en raison inverse de la

diffusion des mouvements, a dit Ferrier.

Les mouvements systématisés étudiés par Brugia

et Marzocchi sont donc des réactions automatiques

provoquées par des stimuli internes résultant, d'un en-

semble de mouvements inconscients, organiquement

ou dynamiquement coordonnés en vue d'une fin, et

qui se reproduisent toujours les mêmes, consécutive-

ment à l'excitation de leurs centres respectifs. On

peut les répartir sous quatre chefs, selon qu'ils ont

lieu : 1° par irritation locale des centres corticaux du

mouvement, comme dans l'agitation maniaque et les

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 39

affections convulsives de certaines phrénopathies;

2° par irritation retentissant directement des ganglions

de la base et du bulbe sur les centres moteurs pour

y provoquer une réaction automatique cérébrale,

phénomène d'autant plus fréquent que l'intensité des

représentations, et partant celle de la conscience, est

plus faible, que les associations psychiques sont moins

complexes et que les excitations peuvent suivre sans

encombre les voies de moindre résistance; 3° par exci-

tations transmises des zones « sensitivo-idéatives » aux

centres moteurs corticaux : les cas de tics convulsifs,

sur lesquels Charcot et ses élèves ont récemment-

appelé l'attention, et les idées fixes, si bien étu-

diées par Buccola, font comprendre la pathogénie de

ces troubles ; 4° par excitations fonctionnelles des

résidus moteurs (résidui di moto). '

Il n'est pas rare d'observer, dans les asiles d'aliénés,

chez les déments, certains mouvements uniformes et

rhythmiques, qui sont l'expression dernière de gestes,

d'attitudes et d'habitudes corporelles en rapport avec les

professions ou les occupations anciennes de ces malades.

Ces résidus organiques de l'activité psycho-motrice sont

les derniers vestiges d'énergies intellectuelles éteintes.-

Ces mouvements systématisés et fixes, toujours les

mêmes chez le même individu, sont tout ce qui reste

de la mémoire organique qui présidait à l'automa-

tisme des centres nerveux cérébro-spinaux. Les élé-

ments moteurs de ces régions conservent encore la

trace des réactions par lesquelles ils répondaient aux

diverses incitations : les résidus de mouvements que

présentent ces déments sont donc analogues aux rési-

dus d'idées, et, de fait, ce sont des résidus d'images

40 PHYSIOLOGIE.

motrices. La faible énergie musculaire que déploient

encore ces malades est inconsciente; les décharges

nerveuses de ces centres ont lieu avec une fatalité

d'autant plus assurée que toute fonction supérieure

d'inhibition est éteinte dans ces cerveaux en ruines.

Dans cet ordre de recherches encore, Bianchi vient

de publier, sur le tremblement des paralytiques géné-

raux', une étude où cette altération de la moti'.ité est

constamment rapprochée des troubles psychiques du

même genre des idées et des émotions chez ces ma-

lades. Bianchi a d'abord trouvé que, dans les deux

tiers des cas, les mains participent au tremblement de

la face et de la langue. La méthode graphique dé-

montre que les stimulations successives d'où résulte

la contraction des muscles volontaires, ce « tétanos

physiologique », comme l'a appelé Morse]) ! z, - font

très ralenties chez ces malades ; que la fusion des éner-

gies dirigées sur un groupe musculaire fait défaut;

que la force psycho-motrice se diffuse et se perd par

des voies collatérales, même lointaines. Or, les phéno-

mènes psychiques sont ici frappés au même coin que

ces phénomènes moteurs élémentaires : diffusion, in-

cohérence, arhythmie, épuisement rapide des pro-

cessus nerveux, voilà ce qui les caractérise.

Bianchi compare aux oscillations irrégulières du

' L. blanchi. - Conlribuzione alla nozione semiolica del 1,'emOI'e

della paralisi progressica. Napoli, 1889.

E. Morselli. - sella diraamo,9rnrta e sue applicazioni al diagnostics

dei disordini motorii nelle ntalallie neruose. Iliv. speriment. di fren,

'1884, 265; 188,ï, 2` ? I. Cf., p. 223, l'ii-nl)oitaiit paragraphe consacré 1 la

paralysie générale progressive des aliénés, et les tiacés djnamographi-

ques d'aliénés paralytiques. La courbe de contraction volontaire se pré-

sente comme une ligne brisée; l'innervation motrice est désordonnée et

affaiblie eu même temps; les efforts, assez intenses, sont sums (l'une

prompte résolution musculaire.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 41

sommet des courbes de ses tracés, la mobilité extrême

du plateau des ondes psychiques, qui sans cesse se sou-

lèvent et s'abaissent pour disparaître dans l'océan de

l'inconscient. L'apparition fréquente, même à l'état de

repos, de contractions fugaces, représente, dit-il, chez

ces malades, dans le domaine de la motilité, ce qu'est

dans celui de l'intelligence l'apparition subite d'idées

et d'émotions sans liens d'association évidents', sica-

ractéristiques dans certaines formes d'excitation de

la paralysie générale. La diffusion des impulsions vo-

lontaires sur un grand nombre de groupes musculaires,

souvent fort éloignés, le défaut de fusion et de direc-

tion des courants nerveux psycho-moteurs, correspon-

dent, selon lui, au soulèvement tumultueux des repré-

sentations mentales, dont quelques-unes seulement at-

teignent à peine le seuil de la conscience, pour re-

tomber bientôt, incohérentes et désordonnées. Bianchi

rapproche de la faiblesse dynamométrique du groupe

musculaire sur lequel un courant nerveux est primitive-

ment dirigé, l'affaiblissement des notions du plus vul-

gaire bon sens, de toute raison et de tout jugement chez

ces malades. La forme convulsive que revêt ici, au début,

tout, mouvement volontaire, lequel s'épuise avant d'a-

voir atteint son but, répondrait à l'extrême vivacité

avec laquelle surgissent les représentations mentales.

Par exemple, si, chez un paralytique, la représenta-

tion mentale d'une pièce d'or vient à surgir, le concept

abstrait de cet objet, tel qu'il résulte d'innombrables

1 Eug. Tanzi a remarqué avec finesse qu'avant de juger incohérentes

des suites en apparence inextricables de pensées, comme dans la dé-

mence, on de\rait bien chercher s'il n'existe pas quelque fil invisible ou

très subtil d'association entre ces idées. lnlomo alla assoaazion délie

idee. liev. di filos. scieillif., 1888.

Il. PHYSIOLOGIE.

-associations, lui fait défaut : il ne voit que l'or, dont

l'éclatante vision éblouit en quelque sorte, momen-

tanément, sa conscience, et qui, jusqu'à ce que

l'image pâlisse et s'éteigne, empêche de naître tout

autre représentation mentale. Ces rapports si étroits

d'analogie entre le tremblement et les autres phéno-

mènes mentaux des paralytiques généraux indiquent

quelle part doivent prendre à la pathogénie de ce phé-

nomène les centres nerveux de l'écorce cérébrale dont

la désorganisation s'exprime, fonctionnellement, par

les processus que nous venons de rappeler, et qui se

résument tous dans un seul, l'affaiblissement pro-

gressif.

Mais le travail le plus profond, et d'une très gran-

de portée pour l'explication scientifique des idées et

des impulsions incoercibles, est dû à Tamburini '.

Dans son mémoire sur les hallucinations motrices, ce

savant n'a eu qu'à rappeler les idées vraiment géné-

rales de son hypothèse des centres mixtes de l'écorce

cérébrale, hypothèse présentée en 1876, et que nous

avons exposée plus haut, pour édifier une théorie

complète, et peut-être définitive, non seulement des

hallucinations, mais de toutes les réactions motrices

qui, à quelque degré que ce soit, accompagnent tou-

jours les processus psychiques. La nature mixte des

centres fonctionnels de l'écorce cérébrale étant ad-

mise, (et les recherches postérieures des physiologis-

tes, des cliniciens et des histologistes (Golgi) sont

décidément favorables à l'hypothèse de Tamburini,

1 A. 1'unLurini.- Sulli allllcinazioni mnto1'Ïp. - Rlv. spérlment. di

fren. vol. XV, 1889. Communie, al VI Coiii. frenlutr. itnl. In novara.

Set t. 1889.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 43

l'excitation d'un centre quelconque de l'écorce doit

provoquer à la fois, s'il s'agit par exemple d'un centre

« moteur » : 1° le réveil des images de sensibilité tac-

tile et musculaire qui accompagnent le mouvement

considéré, et dont le complexus constitue la repré-

sentation idéale de ce mouvement; 2°l'impulsus cen-

trifuge vers les nerfs et les muscles qui doivent être mis

enjeu pour la production du mouvement. La sensation

d'innertion motrice, c'est la conscience de l'excitation

fonctionnelle des éléments nerveux sensitifs d'un cen-

tre de l'écorce cérébrale, excitation qui a lieu en

même temps que celle des éléments « moteurs » de

ce centre. La représentation d'un mouvement, qu'elle

soit physiologique ou pathologique, c'est le réveil des

images sensitives, tactiles et musculaires, qui ac-

compagnent la phase centrifuge d'une idée motrice

quoiqu'il n'y ait point de mouvement effectué, les

nerfs moteurs et les muscles sont affectés, à l'état

faible, comme ils l'ont été et comme ils le seraient,

à l'état fort, si un mouvement véritable se produi-

sait.

Trois phases caractérisent, selon Tamburini, les

processus des représentations motrices : 1° la phase

centrale est constituée par le réveil, dans un centre

cortical, des images sensitives du mouvement; il, La

phase centrifuge est constituée par l'impulsion motrice

qui, du même centre, va vers les nerfs et les muscles

destinés au mouvement; 3° la phase centripète est

constituée par la perception centrale des modifications

survenues dans les appareils périphériques du mou-

vement (muscles, tendons, aponévroses, etc.) consé-

cutivement à l'arrivée de l'impulsion motrice. Cette

44 PHYSIOLOGIE.

dernière phase est la plus importante pour l'organi-

sation des représentations idéales du mouvement. Mais

une fois ces représentations organisées dans les cen-

tres correspondants de l'écorce cérébrale, les parties

périphériques du corps peuvent manquer, ainsi qu'on

le voit dans les hallucinations des amputés, sans que

les images motrices et la conscience du mouvement

accompli fassent défaut. La phase centrale et la phase

centrifuge du processus suffisent pour produire

l'illusion, non seulement de l'existence, mais du

déplacement et du mouvement des parties absentes

ou frappées d'anesthésie tactile et musculaire : l'éveil

des images motrices et la projection de ces états

internes au dehors par le canal de l'impulsus cen-

trifuge, toujours simultané, créent de toutes pièces les

hallucinations du mouvement.

Cette genèse des hallucinations motrices vaut pour

toutes les hallucinations en général, puisque tous les

centres de l'écorce cérébrale, et non pas seulement

les centres dits moteurs, sont mixtes. et sont par con-

séquent, à la fois, des centres de perception des im-

pressions de la sensibilité générale ou de la sensibilité

spécifique de chaque partie correspondante du corps,

et des points de départ des impulsions motrices en

rapport avec ces parties. Le mécanisme des halluci-

nations motrices des membres et de la face ne diffère

donc point de celui des hallucinations de la vision,

par exemple, tel qu'il a déjà été expliqué. L'excitation,

normale ou pathologique, du centre cortical de la

vision déterminera, selon Tamburini, outre une per-

ception visuelle, une sensation des mouvements de

l'oeil, une représentation motrice, consciente ou in-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 45

consciente, constituée par des images tactiles et mus-

culaires des mouvements de l'oeil, représentation

nécessairement liée à cet acte fonctionnel, et qui en

constitue la phase centrifuge. Ce sentiment d'inner-

vation des muscles de l'oeil, accompagnant la per-

ception visuelle, expliquerait même le fait de la pro-

jection et de la localisation dans l'espace des hallu-

sinations, en particnlier de celle de la vue.

Les hallucinations de la sensibilité et celle de la a

motilité doivent donc être ramenées à des processus

au fond identiques. J'ajoute qu'il n'y a point lieu d'en

être surpris, puisque les unes et les autres ne sont,

en dépit des apparenses et surtout des mots, que

l'expression d'une seule et unique propriété des cel-

lules nerveuses de l'écorse cérébrale, j'entends de la

propriété d'être impressionnées ou sensibles. Les réac-

tions motrices sont le fait des appareils périphériques

des mouvements avec lesquels toutes les régions de

l'écorce sont en rapport anatomique et fonctionnel.

Mais, quelle que soit la propriété spécifique, acquise

au cours de l'évolution phylogénique, des cellules

nerveuses de telle ou telle aire corticale, elle est

toujours réductible à un mode de sensibilité.

« C'est particulièrement dans la sphère motrice du

langage articulé que les hallucinations de la motilité

ont été étudiées dans ces derniers temps. Après,Séglas,

dont il cite les beaux travaux sur les hallucinations

verbales (motrices', Tamburini rapporte un cas tout à

fait pur du même genre, caractérisé par la percep-

Séglas, L'hallvcination dans ses rapports avec la fonction du langage :

les hallucinations psycho-motrices. Progrès médical, août, 1888; 10 aoùt

1889. Del'antagonisme des idees délirantes chez les aliénés. Ann. médico-

psycol, janv. 1889.

46 1 PHYSIOLOGIE.

lion nette de mots que la malade sent dans sa bouche»,

c'est-à-dire par des sensations de très légers mouve-

ments de la langue, et cela alors même que la malade

exécute en parlant des mouvements volontaires avec sa

langue, ou que celle-ci est fortement immobilisée hors de

la bouche. D'ailleurs aucune hallucination verbale de la

vue ni de l'audition, et point d'idée délirante de persé-

cution. Il s'agit donc bien d'images motrices morbide-

ment intenses, telles que le sont celles des hallucina-

tions; ,la parole n'est prs perçue comme un processus

central : elle est projetée aux parties où va l'impulsus

centrifuge. La malade éprouve donc une sensation

aussi nette que celle qui se produirait si la parole était

réellement prononcée. C'est ainsi que dans une hallu-

cination de la la vue, l'image représentative équivaut

à celle de la vision réelle. Au lieu d'être situé dans le

lobe occipital, comme ce serait le cas dans une hallu-

cination de cette nature, le siège de l'hallucination ver-

bale motrice est localisé dans la région inférieure de

la FA et dans le pied de la F3; voilà tout.

La condition nécessaire et suffisante d'une halluci-

nation motrice verbale pure est la production simul-

tanée dans le centre cortical irrité : Il, d'images sen-

sitives des mouvements correspondant à la projection

des représentations verbales motrices; 2° d'un cou-

rant nerveux centrifuge qui, suivant le degré d'irrita-

tion pathologique du centre considéré, déterminera

dans les nerfs et dans les muscles destinés à l'articula-

tion, ou des états faibles d'innervation périphériquequi,

sans qu'il y ait d'articulation véritable, provoqueront

une sensation analogue pour la conscience, ou des ru-

diments d'articulation perceptibles seulement pour le

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 4<

malade, ou des mouvements réels, mais toujours sans

qn'aucune parole soit prononcée en réalité. Toute-

fois, avec ! a durée et l'intensité de l'excitation du cen-

tre cortical, une émission de mots pourra se produire :

ce sera un cas d'impulsion incoercible, qui constitue

pour Tamburini une sorte d'épilepsie.

Or si une irritation pathologique d'un centre fonc-

tionnel du cerveau, tel que celui de l'articulation, ou

de l'hypoglosse, ou du larynx, est capable de produire

isolément une hallucination motrice corrélative, il n'y

a pas de raison pour qu'une irritation du même genre

siégeant sur d'autres aires corticales, n'y détermine

des hallucinations motrices de n'importe quelle région

correspondante du corps. Et il en est bien ainsi. A ce

propos, Tamburini a rappelé les hallucinations mo-

trices graphiques des médiums écrivant, les halluci-

nations motrices que nous éprouvons tous eu rêve

lorsque, sans nous mouvoir, nous avons la sensation

d'une chute du haut d'une tour ou dans un précipice,

etc., enfin les hallucinations motrices de tant d'aliénés

et de spirites qui croient voler. et celles en particulier

des sorcières, qui témoignaient, jusque sur le bûcher,

de s'être senties emportées dans les airs sur le manche

d'un balai.

Les travaux des physiologistes et des cliniciens ita-

liens sur les rapports de la circulation du sang avec

les fonctions du cerveau comptent, on le sait, parmi

les plus solides et les plus originaux de notre siècle.

Les expériences fameuses, depuis longtemps classi-

ques, de Mosso, exécutées, à l'aide du ptéthysmographe,

sur deux hommes et une femme qui présentaient une

perte considérable des os frontaux, en démontrant que,

48 - PHYSIOLOGIE.

pendant l'activité cérébrale, ou sous l'influence de sen-

sations et d'émotions, l'avant-bras, dont le pouls de-

vient plus fréquent et plus petit, diminue de volume,

tandis qu'augmente le volume du cerveau, par suite

d'un afflux de sang plus considérable, ont établi

qu'il n'en va pas autrement pour le cerveau qui tra-

vaille que pour le muscle qui se contracte ou pour la

glande qui fonctionne : la circulation y est plus rapide

et le sang y afflue en plus grande quantité'. Et l'aug-

mentation de volume du cerveau dans ces circonstances

ne dépend ni des modifications de l'activité cardiaque

ni de celles de la respiration, ainsi que Gley, se ran-

geant à l'opinion de Mosso, l'a établi contre Franck, 1

quoique le nombre des battements du coeur soit en

raison directe de l'intensité de l'attention 2 : cette

suractivité de la circulation cérébrale est due, selon

Gley, à une influence vaso-motrice. Les cellules céré-

brales, excitées, réagissent à leur tour sur les fibres

vaso-motrices des artères carotides et les dilatent; ces

artères, recevant alors une plus grande quantité de

sang, déterminent, par le canal des artérioles et des

capillaires, également dilatés, une irrigation sanguine

plus active et plus abondante de la substance grise du

cerveau.

La circulation éveille et entretient l'activité du cer-

veau, mais les fonctions de cet organe, les sensations,

' losso. - La circolazione del sangue nel cervello deU'uomo; ri-

cerche sfignwflmfiche. Atti della U. Accad. dei Lincei, 1880. Influenza

del sistema nervoso sutla temperatura animale, - Arclov. per le scipiize

mecliclie.'l'ormo, 1886. - La doctrine de la fièvre et les centres thoraciques

cérébraux. Etude sur l'action des antip)t'iuues. - Gcorm. d. R. Accad.

d. méd. di Toriiio, 1889, et Aieli. ital. d. de biol., XIII, 1890, 451.

' Gley. - Etude expérimentale sur l'élat du pouls carotidien pendant

le travail intellectuel Paris, 1881. Cf. De l'influence du travail t' ? tHe(;-

tuel sur la température générale. C. IL de la Soc. de biol., 1884, 265.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 49

les poussées et les émotions, modifiant à chaque ins-

tant la vitesse et l'ampleur du courant sanguin.

Les expériences de Mosso, appliquées à l'étude de

la circulation cérébrale pendant le sommeil ont aussi

démontré l'existence des perceptions inconscientes. Une

voix, un bruit, toute espèce d'impression sensible pro-

voquent une contraction des vaisseaux de l'avant-bras

et une augmentation d'afflux du sang dans le cerveau

de l'individu endormi ; au réveil, il n'a aucune cons-

cience des processus psychiques, très réels pourtant,

qui ont accompagné ces modifications de la circulation

cérébrale déterminées par des excitations extérieures.

Seppilli et Tamburini, dans leurs études sur les phé-

nomènes de l'hypnose ', ont rapproché de ces faits ce

qui s'observe lorsque, dans le somnambulisme pro-

voqué, une impression des sens suscite un certain ordre

didées et d'actes correspondants sans que l'individu,

une fois réveillé, en conserve le plus léger souvenir.

Ainsi, chez une hystérique en léthargie, l'ouverture

des yeux, la vibration d'un diapason, une piqûre d'é-

pingle, l'articulation du nom de la malade, détermi-

nent une diminution du volume de l'avant-bras. L'ana-

logie nepermet-elle pas d'admettre que, dans l'hypnose

comme dans le sommeil normal, les stimuli externes,

en réveillant l'activité du cerveau, provoquent un

afflux plus considérable du sang dans cet organe ? En

tout cas, les observations et les expériences de Masso

démontraient une fois de plus que l'activité cérébrale

1 Tamburini et Seppilli. Recherche sui feuonxeni di moto, di senso, del

respira e del circollo nelle cosi dette fasi (letargica, catalettica, somnam-

bolica) de l'imposi. - Speriment. di fren., 1882. - Seppilli. La circola-

zione del sangua nel cervello in relazione di fenomini psichia. - Riv.

di filosofla scientif., 1882.

Archives, t. XXI. 4

f

50 PHYSIOLOGIE. ,

existe et persiste sans que la conscience en ait la

moindre notion'.

Quelle influence les diverses perceptions simples

exercent-elles sur l'état de la circulation cérébrale ? Les

variations de la circulation cérébrale sont-elles une con-

dition déterminante de ces perceptions ou ne font-elles

que les accompagner ou les suivre ? Pour le savoir,

Morselli et Bordoni-Uffreduzzi ont exécuté- une cen-

taine d'expériences, au moyen de stimuli tactiles, élec-

triques, olfactifs, acoustiques, lumineux, etc., et à

l'aide d'instruments enregistreurs, sur un homme qui

présentait une large perte de substance du crâne dans

la région temporo-pariétale gauche 2. En général, toute

perception est suivie d'une augmentation du volume

du cerveau : celle-ci est en raison directe de l'inten-

sité du stimulus et en raison inverse de ce que ces

auteurs appellent le degré d'élévation psychique des

perceptions. Le temps où se manifestent les,variations

de la circulation cérébrale, consécutives à l'action des

stimuli, est beaucoup plus long que celui du processus

physiologique des perceptions. On en doit conclure que

ces modifications de la circulation sont l'effet, et non

la cause déterminante, des actions réflexes cérébrales

provoquées par les perceptions. Bianchi, depuis, a

aussi écrit que, à l'état normal comme à l'état patho-

logique, ces variations dans la circulation et la pres-

sion sanguines doivent plutôt être considérées comme

t Cf. Tito Vigwoli. - Psicofisica. Intorno ad alcuni intervalle incos-

cienti in una serie coordinata di alti psichici. Ricerche lette al R. Istit.

Lombardo, 1886.

= Morselli et Bordoni-Uffreduzzi. Sui cangiamenti della circo-

lazione cerebrale prodotti dalle diverse percezioni simplici. - Archiv.

di psychiatria, 1884.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 51

des effets que comme des causes de l'activité psychique.

« Qui pourrait affirmer, dit-il, que l'hyperhémie soit

la cause de la manie ? De même pour l'anémie céré-

brale dans la mélancolie'. Citons encore les Recherches

sur la circulation cérébrale de G. Rummo et Ferrannini 2,

de Naples, qui ont étudié le pouls cérébral chez deux

individus présentant une ouverture du crâne : les va-

riations de la circulation cérébrale pendant le sommeil

leur paraissent également être l'effet, et non la cause

du sommeil.

Les recherches thermo-électriques de Tanzi sur les

variations thermiques du cerveau pendant les états

émotifs, ne continuent pas seulement avec éclat celles

de Schiff : elles mènent plus loin et, entre voies nou-

velles, elles paraissent bien avoir ouvert celle qui re-

lie directement la psychologie, la science des fonctions

du système nerveux, aux sciences physico-chimiques.

On se rappelle, en France, la discussion, si élevée

et si belle, qui eut lieu naguère, dans la Revue scien-

tifique, sur la nature de la pensée. Un éminent chi-

miste, M. Armand Gautier, avait soutenu que les diffé-

rents processus psychiques, sensations, perceptions,

images, concepts, etc., seraient de « pures formes

perçues dans les organes mêmes qui en sont le siège. » )1

Pourquoi les physiologistes affirment-ils que la pensée

est une transformation de l'énergie, c'est-à-dire une

1 L. Bianchi. Gli orrizonti della psichialria, p. 22.

' Archives italiennes de biologie, IX, 1887, 57. Cf. Cappelli et Brugia.

Sulle variazioni locali del polso nell' avanlbraccio e nel cervelto dell'

uomo per effetto di alcuni agenti terapeutici. Archiv. di psichiatria,

188G. -

' Rev. scientifique, 11 et 18 déc. 1886; l"janv. 1887. La pensée n'est

pas une forme de l'énergie, c'est la perception des états intérieurs et de

leurs relations.

52 PHYSIOLOGIE.

forme spéciale de l'énergie, comme le mouvement, la

chaleur et l'électricité ? 2 - Les phénomènes psychiques,

disent-ils, ont un équivalent mécanique, thermique,

chimique; l'animal qui pense perd une partie de son

énergie. - Voilà ce qu'il faudrait prouver, objectait

Gautier : il faudrait montrer, ou bien que les phéno-

mènes psychiques ne peuvent apparaître qu'en faisant

disparaître une quantité proportionnelle de l'énergie,

cinétique ou potentielle, ou, tout au moins, qu'ils se

transforment en mouvement, chaleur, électricité, etc.

L'observation, continuait Gautier, a justement établi

le contraire : témoin les expériences de Schiff sur

réchauffement des nerfs et des centres nerveux à la

suite des irritations sensitives, sensorielles et psychi-

ques. Les expériences de Schiff prouvent que le cer-

veau s'échauffe lorsqu'il reçoit et élabore les impres-

sions d'origine externe qui suscitent la pensée, Or,

dans l'hypothèse d'une transformation d'une partie de

l'énergie calorique ou électrique en pensée, « le ser-

veau devrait se refroidir, ou son potentiel électrique

baisser, ou bien la consommation de ses réserves pro-

duire une moindre température qu'à l'état normal. »

C'est donc une erreur de donner précisément comme

une preuve indirecte de l'équivalence mécanique de la

pensée, l'élévation de la température et l'augmenta-

tion des déchets chimiques qui accompagent le travail

cérébral. Ainsi, il faut admettre, concluait A. Gautier,

et c'était pour lui l'évidence même, que « la sensation,

la pensée, le travail d'esprit n'ont point d'équivalent

mécanique, c'est-à-dire qu'ils ne dépensent point d'é-

nergie. Ils ne sont point, à proprement parler, un tra-

vail, un produit de l'énergie mécanique ou chimique.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 53

Ils sont encore moins une force, car s'ils ne font point

disparaître d'énergie en se produisant, ils n'en font

point aussi apparaître. »

Les réponses que les physiologistes ont faites à cette

argumentation d'Armand Gautier sont à coup sûr vic-

torieuses. Charles Richet, avec sa simplicité et sa pré-

cision ordinaires, qui n'excluent pas l'éloquence, a

rappelé, comme il aime à le faire, que depuis Lavoi- "'

sier l'être vivant est une « machine à force chimique ».

« Les phénomènes de la vie sont des phénomènes phy-

chiques et chimiques; Lavosier l'a établi; Magendie,

W. Edwards, Jean Muller, Helmholtz, Cl. Bernard l'ont

répété après Lavoisier. La physiologie est un chapitre

de la physique et de la chimie » '. Comment, seules,

les fonctions du système nerveux se manifesteraient-

elles sans résulter d'une énergie quelconque, sans

avoir un équivalent thermique ou mécanique ? Le tra-

vail psychique doit être, autant que possible, assimilé

au travail musculaire; l'équation est la même pour le

muscle que pour le cerveau. « On pourrait évaluer,

avait écrit Lavoisier, ce qu'il y a de mécanique dans

le travail du philosophe qui réfléchit, de l'homme de

lettres qui écrit, du musicien qui compose. Ces ef-

ci. Richet ? Le travail psychique et la force chimique. Rev. sciee2tif.,

1886, XII, 788. La pensée et le travail chimique, XII, 83. Cf. La physio-

logie et la médecine. Leçon d'ouverture du cours de physiologie, Paris,

1888, p. 16. V. aussi E. Lambhng. Des origines de la chaleur et de la

force chez les êtres vivants , Paris, 1856. « L'application des lois physico-

chimiques aux phénomènes biologiques est sans restriction. Le domame

des sciences physico-chimiques aujourd'hui comprend la biologie. »

(P. IX.) Rappelons encore ces paroles de Bianchi, fort en accord avec

les idées de l'école expérimentale des physiologistes et des cliniciens ita-

liens : « Ce sont les lois physiques mêmes que l'on rencontre partout

comme fondement de l'organisme mental. » Sur la polarisation psychique

dans la phase somnambulique de l'hypnotisme, par L. Bianchi et Guelfo

von Sommer. Reu. philos., XXIII, 149.

54 PHYSIOLOGIE.

forts considérés comme purement moraux, ont quelque

chose de physique et de matériel qui permet, sous ce

rapport, de les comparer à ce que' fait l'homme de

peine. » La pensée, comme le mouvement musculaire,

sont des effets de l'action chimique. La pensée est

donc un phénomène chimique, et, si elle est un

phénomène chimique, elle est soumise au principe

de la conservation de l'énergie. En outre, A. Gau-

tier ayant dit que la sensation, la mémoire, l'intel-

ligence, ne pouvaient avoir d'équivalent mécanique

parce qu'elles ne sont que des « phénomènes de vision

intérieure, » Charles Richet, avec toute raison, témoi-

gnait ne pouvoir comprendre pourquoi une pareille vi-

sion, la perception d'une forme, celle d'états intérieurs

et de leurs rapports, ne représentent pas un certain tra-

vail ?

De même, Herzen a fait la remarque, absolument

juste, que cette « perception des états internes » est

une définition de la conscience, et non de l'activité psy-

chique en général, qui peut être consciente ou incons-

ciente '. La pensée, travail intellectuel, a certainement

été confondue par A.-G. Gautier avec un état essentiel-

lement variable et transitoire de la pensée, la cons-

cience : « L'animal qui pense, c'est l'organisme obser-

vant lui-même ses modifications et percevant leurs

rapports. » Non, répond Herzen, cette vue intérieure,

c'est l'état de conscience, comme l'a dit d'ailleurs ex-

pressément Spinoza, dans la proposition de {'Ethique

'qu'a citée A. Gautier lui-même.

Mais, et c'est là que j'en veux venir, pour montrer

1 A. Herzen. - L'activité musculaire et l'équivalence des forces. Rev.

scientif., 19 févr. 1887, XIII, 237.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 55

toute la portée des recherches thermo-électriques de

Tanzi sur le cerveau, les physiologistes français ne se

sont pas bornés à ces questions de définition : ils ont

très bien compris l'objection, en effet capitale, d'A. Gau-

tier, j'entends ce qui a trait aurefroidissement du mus-

cle ou du cerveau actif, et ilsy ont répondu. Mais quel-

ques mots encore sur les Remarques anatomiques à

l'occasion de la nature de la pensée qu'à publiées

G. Pouchet. Nous citerons la Lettre de Golgi que ces

Remarques ont value au savant professeur du Muséum

d'histoire naturelle. G. Pouchet estime qu'il n'existe

pas plus de preuves en faveur du sentiment de Richet

et de Herzen qu'à l'appui de celui de Gautier, et que,

de longtemps sans doute, on ne les pourra fournir.

« Quel est, demande-t-il, le calorimètre assez sensible

pour accuser réchauffement ou le refroidissement d'une

masse aussi petite (les myélocytes de Robin), et y re-

trouver, en fraction de calorie, l'équivalent d'un tra-

vail intime quelconque ? » Et l'équivalent chimique de

la pensée serait aussi impossible à trouver que l'équi-

valent thermique : alors même, en effet, qu'on par-

viendrait à isoler, dans les résidus de l'organisme, ce

qui provient du muscle et ce qui provient de la subs-

tance nerveuse, le moyen de ne tenir compte que des

produits de désassimilation de l'élément nerveux vrai-

ment actif ? Cette « partie de la substance nerveuse où

l'activité s'exerce sous la forme propre de volition est

infime, comparée à celle où doit s'exercer l'activité

motrice inconsciente, mise en jeu consécutivement, et

qu'on doit supposer adéquate à la modification molé-

culaire "survenant dans les muscles. » Pour G. Pou-

' Rev. scientif., 5 févr. 1887.

56 PHYSIOLOGIE.

chet, « c'est se faire une idée très fausse du siège des

facultés intellectuelles ou psychiques proprement dites,

que de le placer dans les éléments anatomiques dési-

gnés habituellement sous le nom de cellules nerveuses.

Celles-ci, toujours d'un volume notable, toujours ré-

liées à un grand nombre de conducteurs élémentaires, -

ne jouent, selon toute apparence, qu'un rôle acces-

soire comme collecteurs, accumulateurs, diffuseurs d'é-

nergie nerveuse. Tout porte à penser qu'elles ne sont

jamais le siège d'actes psychiques proprement dits,

d'actes conscients, tels qu'une perception, une voli-

tion... Tout indique, au contraire, que le véritable

siège des facultés conscientes est dans les petits élé-

ments nerveux déterminés, pour la première fois,

comme tels, par Ch. Robin, et qu'il a nommés myélo-

cytes. » Les myélocytes ont de 5 à 6 u de diamètre,

rarement 8, d'après Robin. Encore ia plus grande

partie du « myélocyte conscient » est-elle occupée par

un noyau; or, « tout ce que nous savons en anatomie

générale autorise à penser què ce noyau, quoique né-

cessaire peut-être au maintien de la substance cellu-

laire, n'en partage point les qualités fonctionnelles

propres. Il faudrait réduire, en ce cas, de 9/10, tout

au moins, la quantité de substance cérébrale pensante.

On peut admettre que les facultés propres qui font

l'homme de génie, sont toujours immanentes à un

poids très faible de substance cellulaire nerveuse. Les

Principes de Newton, V Enfer de Dante n'ont peut-être

pas éte [élaborés dans plus d'un millimètre cube de

substance vivante. » ,

Les physiologistes et les anatomistes italiens parais-

sent avoir été beaucoup plus émus qu'on ne l'a été, de

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 57

ce côté-ci des Alpes, par cette conception étrange de

M. G. Pouchet. Herzen en particulier témoigna ne

pouvoir découvrir sur quoi G. Pouchet se fonde pour

localiser ainsi les fonctions psychiques proprement

dite ? dans les myélocytes. Je ne le vois pas non plus;

ce n'est point, à coup sûr, la considération de quan-

tité ou de volume de l'élément anatomique que G. Pou-

chet considère comme nerveux, qui me ferait reculer ;

car on ne saurait imaginer de rapport nécessaire d'au-

cune sorte entre la forme d'un élément nerveux et sa

fonction. En ce domaine, si obscur encore, de la con-

naissance, tout est possible. Je n'ai pas non plus d'ob-

jection contre la déchéance fonctionnelle dont sont

encore frappées ici les cellules nerveuses : nous avons

assisté déjà à d'autres verdicts du même genre. Je

voudrais seulement quelque preuve à l'appui de la

nature des fonctions attribuées à ces myélocytes. Je le

voudrais, comme Lombroso qui, fort étonné et rendu

perplexe par l'article de G. Pouchet, écrivit au célèbre

professeur d'histologie de Pavie, à Golgi lui-même,

pour avoir son sentiment sur ce travail. Voici, sans

commentaire, la lettre par laquelle Golgi a répondu

à Lombroso :

« Pavie, 15 mars 1887.

CI Dans l'article de G. Pouchet : Remarques anatomiques l'occasion

de la nature de la pensée, je ne vois d'anatomique que le titre.

Tout l'écrit, je le jugerai plutôt une fantaisie anatomo-physiolo-

gique (un fantasia anatomo-fisiologica) . Avant tout, pour m'assurer

une base anatomique, je demanderai : Où sont et quels sont ces

éléments du tissu cérébral que Robin a voulu baptiser du nom de

myélocytes ? Vraisemblablement il ne s'agit point d'éléments ner-

veux. S'ils le sont, certes Robin n'apule dire, parce qu'il manquait

du critérium indispensable pour juger de la nature nerveuse des

diverses catégories d'éléments constituant le tissu cérébral.

CI Cela suffirait pour qualifier de fantaisiste un raisonnemelltlen-

S8 CLINIQUE NERVEUSE.

dant à démontrer qu'à ces éléments incombe l'une ou l'autre des

fonctions spécifiques relatives au système nerveux.

« Mais il y à plus. A mesure que progressent nos connaissances

sur l'anatomie fine des organes nerveux centraux, il apparaît tou-

jours pius clairement que, comme il existe anatomiquement, il doit

aussi exister fonctionnellement un lien étroit entre les diverses

catégories d'éléments nerveux, et qu'une délimitation rigoureuse

de groupes cellulaires ou de zones nerveuses est impossible. Aussi,

vouloir localiser avec précision une fonction dans un élément ou

dans un groupe plus ou moins étendu de ces éléments, c'est un pur

artifice.

«De catégories cellulaires qui aient une indépendance anatomique

quelconque, je n'en connais pas. Cela étant, de quel droit localiser

une des fonctious spécifiques, des organes merveux (les facultés

intellectuelles ! ) dans tel ou tel groupe de cellules ?

« Si jedisaisque les fonctions dites intellectuelles représentent^

somme des activités coordonnees de tous les éléments nerveux -

aucune catégorie exclue, - je pourrais bien faire, à l'appui de

cette idée, un raisonnement a base anatomique, mais je m'en gar-

derai bien, car, sans l'apparatus nécessaire des détails techniques

d'histologie, qui ne seraient pas ici à leur place, à mon tour, je

pourrais être taxé de faire de la fantaisie. C. GOLGI'. »

(La fin prochainement .)

CLINIQUE NERVEUSE

SUR L'ASTASIE-ABASIEI;

Par le D' TIlYSSE : ï

I. - Je me propose d'attirer l'attention sur un syndrome

nouveau tout récemment décrit « l'astasie-abasie » dont il m'a

été donné de recueillir quelques observations. Ces faits sont

déjà intéressants par eux-mêmes, en raison de leur rareté rela-

tive, mais de plus, ils m'offriront l'occasion de revenir sur la

description encore assez peu connue de ce syndrome, et de

prendre position dans la discussion qu'à soulevée dans ces der-

niers temps sa pathogénie.

II. - Pour la clarté de mon exposé, je rappellerai briève-

ment l'historique de cette question. La première publication

où ce syndrome soit mentionné est un livre du professeur

1 Communication faite en allemand au Congrès international de

Berlin, 1890. -

SUR l'astasie-abasie. 1\9

Jaccoud, de Paris, datant de 1864, et la description se rapporte

à l'ataxie par défaut de coordination automatique '. Nous avons

retrouvé également dans la thèse de Lebreton 2, consacrée à la

paralysie hystérique, les lignes suivantes, qui montrent que

l'abasie existait en réalité à cette époque, quoiqu'elle ne fut

pas mentionnée par l'auteur d'une façon spéciale. « Il arrive

souvent, dit Lebreton, que la malade étant couchée, peut im-

primer des mouvements étendus à ses membres inférieurs. On

croirait alors qu'il y a paresse ou simulation chez elle, mais

tente-t-on de lui faire faire quelques pas, tout d'abord, la pro-

gression quoique lente s'effectue aussi bien, mais bientôt les

jambes commencent à faiblir, elles plient sous le poids du

corps; on dirait qu'à un moment donné l'influx nerveux, dont

la malade a fait provision, est épuisé. » Près de quinze ans

plus tard, en 1883, nous trouvons l'existence de ce syndroma

affirmée dans un travail de MM. Charcot et Richer, sous le titre

c Sur une forme spéciale d'impuissance motrice des membres

inférieurs par défaut de coordination relative à la station et à

la marche 3. » L'année suivante M. Charcot revient dans plu-

sieurs de ses leçons sur le même sujet, à propos d'une malade

de son service. atteinte de cette « forme spéciale d'impotence

motrice des membres inférieurs 1. » Weir Mittchell décrit égale-

ment les mêmes troubles sous le nom d'Ataxie motrice hysté-

risque 5. Erlenmeyer dans son traité « Ueber statische Reflex-

kmmpf6 », et Henoch, dans son travail «.Hystérie des enfants 7 »,

Romei, dans une observation nommée * Paralysie infantile du

seul acte de la marche 8 », exposent les mêmes symptômes

en 1885.

' Jaccoud. - Paraplégie et ataxie du mouvement, page 653, Paris,

1864. ! Thèse de Paris, 1868.

3 Charcot et Richer. - Sudi una forma d'impolenza motrice degli arti

inferiori per diffetto de coordinazione (Medecina contemporanea, 1883,

p. 6, n° 1.)

* Lezioni cliniche dello anno schotestico, 83-84, relatte del dotr Millotti,

Milano, 1885.

1 Weir Mitchell. - Lect. of diseuses of the ner vous systenz especial in

nomes. (Philadelphia, 1885, p. 39).

. Erlenmeyer. - Ueber statische tieJlexkranzpf, 1886, Leipzig.

7 Henoch. Hystérie des enfants, Paris, 1885. (Traduction.)

1 Dl Serafino Romei. - Paraplegia infantile nel solo alto délia am-

bulatisne. (Gazetta degli ospitali, n° 76, p. 605.)

60 CLINIQUE NERVEUSE

Mais jusque-là toutes ces observations étaient pour ainsi

éparses dans la littérature, et ce syndrome manquait encore

d'une description qui affirma son autonomie.

Ce fut là l'objet d'un mémoire de PaulBlocql, qui, en 1888,

publia un travail d'ensemble où ce syndrome fut nettement

différentié et complètement étudié. Il réunit les observations

de ce genre auxquelles il joint celles qui lui sont personnelles,

et à l'aide de ces documents il décrit un véritable type mor-

bide, qu'il propose de désigner sous le nom d'astasie-abasie.

Ces noms furent adoptés parla plupart des auteurs ultérieu-

rement. C'est donc dès à présent sous les termes « astasie-

abasie « que nous trouverons mentionnés les derniers travaux.

Depuis, Blocq est revenu à plusieurs reprises sur le même

sujet en 1888 et en 1889.

Peu de temps après, M. Charcot traitait de nouveau ce

sujet en 1888, à l'occasion d'une fille de onze ans qui se pré-

senta à la policlinique de la Salpêtrière, et dont nous relatons

plus loin l'observation ; et il y ajoutait l'histoire d'un petit garçon

à type d'astasie-abasie, sa première observation de ce genre 2.

Souza-Leite publia bientôt après, deux faits d'astasie-abasie,

observés dans la ville de Salvador qui furent suivis de près

par une revue très intéressante de PaulBerbez4 intitulée « Du

syndrome astasie-abasie. J. Grasset lui consacra ensuite trois

leçons « D'un cas d'hystérie mâle avec astasie-abasie** , Berthet

observe ce même syndrome chez une fille hystérique', °,

Salenni Pace publie à la même époque un mémoire très inté-

ressant, sous le titre « Amnése parriale spinale'. Brunon en

relate également une observation 1. M. Charcot consacre une

' Paul Blocq. - Sur une affection caractérisée pnr de l'astasie et de

l'abasie, Paris, 1888. Archives de Neurologie, n° 43-44.

1 Charcot. - Leçons du Mardi, 24 janvier 1888.

3 Souza Leite. - Réflexions à propos de certaines maladies nerveuses

observées dans la ville de Salvador : faits d'ataxie et d'abasie. Progrès

médical, XVI, Paris, 1888.

4 Paul Berbez. - Gazette hebdomadaire, 30 novembre 1888.

° J. Grasset. - Lecons sur un cas d'hystérie mâle avec astasze-abasie.

Montpellier méd., mars 1889.

· Berthet. - Sur un cas d'astasie et d'abasic. (Lyon méd., juillet

.1889).

' Salemi Pace. - .4MtnM ! OEptM')' ! a/e] : ;ta<e.. GazettaSicula, Anno IX,

p. 182.

1 Brunon. - Normandie médicale, 1889. -

SUR l'astasie-abasie. 61

de ses leçons en 1884 à un cas < d'Abasie forme trépidante à

la suite d'une intoxication par la vapeur de charbon 1 n .

Cette année même la littérature s'est encore augmentée.

Fr. Helfer a étudié un cas d'astasie-abasie, survenant après

l'influenza2. Ladame décrit un cas de cette affection sous forme

d'accès3 et le professeur Binswanger vient de publier un travail

très remarquable sur ce syndrome, sous le titre « Ueber psy-

chischz bedingte Stcerungen des stehen und des Gehen 4 » .

Nous devons enfin à M. Moebius une communication sur le

même sujet', et, pour ne rien omettre, ajoutons que le D" Bris-

saud vient de parler devant les auditeurs du cours de M. Charcot

de cette même affection.

III. Nous exposons d'abord un court résumé des observa-

tions qui nous sont personnelles.

Le premier fait que nous ayons observé date de janvier 1888. Il

a trait à une fillette de onze ans, qui souffrait depuis 3 ans d'atta-

ques d'épilepsie; les troubles de la marche dataient de la même

époque. La marche devient impossibleen novembre 1889, à la suite

d'une fièvre typhoïde, pour revenir en partie. Au moment où la

malade se présente à notre observation, la station debout et la

marche ne se faisaient qu'avec une sorte de tibulation très pro-

noncée (non accompagnée de sensations vertigineuses). D'autre

part l'enfant, très régulièrement, marchaità cloche-pied et à quatre

pattes, sautant parfaitement à la corde. Les membres inférieurs,

examinés dans la station assise, ne présentaient pas le moindre

trouble. ni anesthésie, ni incoordination. Différentes crises d'épi-

lepsie ont été observées chez elle, et on a remarqué qu'il existait

un rétrécissement notable du champ visuel après chaque crise,

ainsi qu'une amélioration considérable de la marche. Cette amé-

lioration était notée par les parents et durant deux jours, puis la

malade redevenait ce qu'elle était avant. Au 22 février, à un nouvel

examen pratiqué quelques heures après un accès, nous remar-

quons, en effet, que la marche est presque régulière. L'enfant t

marche bien et ne trébuche un peu qu'en faisant la manoeuvre du

demi-tour. L'occlusion des yeux ne provoque pas de chutes. Elle

1 Charcot. Leçons du Mardi à la Salpétrière, 1888-1889, 5 mars.

'Fr. Helfer. - Jahrb. CCXXVI, p. 112. Med. Gesellschafft zu

Lerpzig.

'Ladame. Arch. de Neurologie, XIX, p. 40, 1890.

'Prof. D'Otto Binswanger. Berl. klin Wochenscrift, 1890 n° 21.

Aus der psycliiatrisehen Klinik zu Jhia.

'' Moebius. Ueber Astasie-abasie, 1889.

62 clinique NERVEUSE

continue à marcher très bien à cloche-pied, mais garde de l'incer-

titude dans la station. La malade a été perdue de vue ultérieure-

ment. t.

La seconde observation*, prise aussi en 1888, regarde de même

une petite fille de douze ans et demi, sortant d'une famille névro-

pathique *, L'enfant fut prise, en 1887, de vertiges, de vomisse-

ments, de douleurs de tête ; on rencontre à ce moment, une telle

hypéresthésie du long du rachis qu'on croit à une méningite

cérébro-spinale. En juillet 1888, sa mère remarqua des mouve-

ments désordonnés des jambes, lorsqu'on essaya de la mettre de-

bout. Dans les mêmes jours, on constata des crises convulsives

précédées d'une aura céphalique, avec tendance à la contracture

générale, persistant depuis quelques minutes. Octobre suivant, l'en-

fant perd connaissance, aussitôt qu'elle détache la région dorso-

lombaire du dossier de son siège ou qu'on essaye de la faire tenir

sur ses jambes. Il suffit d'asseoir l'enfant, le dos appuyé, ou de la

coucher sur le dos, pour que cet état cesse à l'instant, et elle se

réveille en redressant la tête. La malade, assise et consciente, meut

ses jambes les yeux ouverts, et sans incoordination, elle ne peut

les mouvoir les yeux fermés. Sans perdre connaissance, elle a pu

entrer dans l'eau et nager sur le ventre, comme il lui est arrivé

pendant plusieurs semaines de séjour aux bains de mer. Elle passe

la journée dans une sorte de fauteuil à roues, qu'elle fait avancer

avec ses jambes et qu'elle deplace avec une grande agilité. 11

existe des points hystérogènes douloureux à la pression : ovarique

et mammaire gauches, des points spinaux, de la face et du vertex.

Grâce aux douches et à l'isolement. l'état de la malade a com-

mencé à se modifier en 1889, et l'enfant se remit à marcher après

six mois d'impotence fonctionnelle, d'un pas mal assuré d'abord,

puis sans aucune hésitation.

Troisième observation. M"" Gabrielle C... a dix-neuf ans, et se

présente à la Salpêtrière le 28 octobre 1888. Elle descend d'une fa-

' Nous remercions le D" G. Waller, de Paris, de son très aimable et

très utile concours pour cette observation.

SUR l'astasie-abasie. 63

mille de névropathes 1, et était sujette à ce qu'elle nomme des fai-

blesses à l'occasion decontrariétés. Depuissix mois, elle a remarque

une faiblesse dans les jambes, qui a augmenté beaucoup dans le

dernier mois; elle ne peut plus se tenir debout sans appui. Depuis

huit jours, mouvements choréiques de la face et du bras droit. Les

membres inférieurs donnent une résistance normale [aux mouve-

mentsdeflexion etd'extension. Du côté gauche, la force musculaire

est un peu diminuée. Le tronc étant adossé au fauteuil, la malade

ne peut se redresser sans l'appui de ses bras; étant assisse, elle ne

peut se redresser ni se mettre debout. Une fois debout, elle ne peut

se tenir sans aide, elle oscille d'avant en arrière, même soutenue,

de droite à gauche. Elle se renverse sur les talons et la station est

gênée par des mouvements contradictoires, empêchée par la cho-

rée paralytique droite. En marchant elle traîne le pied droit

(mouvement type de l'hémiplégie hystérique). Depuis les attaques

ont cessé, et la malade s'est soustraite au traitement.

La quatrième observation est l'histoire d'un homme de vingt-six

ans, qui après un séjour de 4 ans au Tonkin, où il fut affecté de

dyssenterie, en est revenu en octobre 1889, pour entrer à l'hôpital,

à Paris, souffrant de crampes dans les reins. Ce malade, traité par

le Dr Brissaud, à l'hôpital Saint-Antoine, fut présenté le 23 juin

dernier par M. Charcot à la Salpêtrière.

On avait constaté, le 6 novembre 1889 :

Douleur au niveau de la région lombaire ; parésie ; dysesthésie

du membre inférieur jusqu'aux genoux ; crampes [fréquentes dans

les membres inférieurs ; presque de l'incontinence d'urine; exagé-

ration des réflexes rotuliens ; trépidation épileptoïde.

La marche devenait depuis cette date moins facile, et si on lui

ordonne de marcher, il saute absolument comme s'il voulait

danser la scottish.

En février de cette année, la marche devient tout à fait impos-

sible, ; dès que le malade pose le pied par terre, il rebondit sur la

pointe, le talon revient aussitôt frapper le sol, comme si le malade

était soulevé par un ressort,

En mars,;le malade ne marchait plus. En avril, il survient une

amélioration notable, et en mai, la station et la marche sont re-

64 CLINIQUE NERVEUSE

devenues possibles, quoique toujours sautillantes ; en juillet, les

mouvements saltatoires diminuent d'amplitude tous les jours.

Voilà, du reste, ce que le D1' Brissaud a bien voulu nous commu-

niquer au sujet de ce malade :

«Le malade L..., lorsqu'il a été présenté par M. le professeur

Charcot à la clinique de la Salpêtrière, n'était plus atteint, que

d'abasie saltatoire rythmée. Mais il avait présenté à une époque an-

térieure, au mois de janvier, des troubles également spasmodiques,

indépendants toutefois de l'abasie. Le malade, quand il était

couché, était pris parfois d'un tremblement rythmé, identique à

celui qu'il avait pendant la marche. Tantôt spontané, tantôt pro-

voqué par l'extension énergique des jambes ou par la percussion

du membre ou le relèvement brusque du pied, ce tremblement

affectait une grande analogie avec la trépidation épileptoïde. Il

suffisait parfois de découvrir tout d'un coup le malade en relevant

ses couvertures, pour que les deux membres fussent pris de ce

tremblement. »

Sous ce rapport, L... était donc semblable aux malades atteints

de spasme saltatoire, chez lesquels une excitation, même légère,

des membres, détermine le spasme sautillant. Il n'était, par con-

séquent, abasique et astasique, que parce que la pression du corps

sur les plantes déterminait ce spasme ; mais en réalité, ses mou-

vements de marche et son attitude debout n'avaient rien d'incoor-

donné. Tout, au contraire, s'exécutait à sa volonté, et le tremble-

ment épileptoïde ne l'empêchait pas de se tenir debout et de

marcher. Peu à peu, le spasme saltatoire a disparu. Aujourd'hui,

il n'est plus qu'un abasique rythmé. va d'ailleurs beaucoup mieux.

et quittera prochainement complètement guéri.

IV. - Après un exposé de onze observations, M. Blocq dit

dans son travail ' : « Le début est assez brusque, dans la plu-

part des cas; à la suite d'une émotion vive ou d'un léger trau-

matisme, le trouble s'établit soit d'emblée, soit progressive-

ment en l'espace de vingt-quatre heures. Il n'est pas rare, à ce

moment, qu'il soit précédé ou accompagné de quelques phéno-

mènes douloureux, tels que céphalalgie ou rachialgie. »

Dans l'étude que M. Charcot a publié, en 1883, avec M. Ri-

cher», nous lisons aussi : « Cette affection survient tout à

coup à l'occasion d'une émotion ou d'un traumatisme; » mais

à propos du malade présenté par lui, l'année passée dans sa

Leçon à la Salpêtrière 1, M. Charcot dit : « Les troubles neu-

1 Loco citato. ,

' Loco citato.

' Charcot. Leçons du Mardi, 89, 5 mars.

sur l'astasie-abasie. 05

vrasthéniques se manifestent quelquefois tout à coup, en consé-

quence d'une cause provocatrice, telle qu'un rhumatisme sou-

vent fort léger, dans lequel l'ébranlement psysique l'emporte

de beaucoup sur l'ébranlement phychique ; ou encore dans la

convalescence d'une maladie aiguë, qui a profondément débi-

lité l'organisme, d'une fièvre typhoïde, par exemple, des

suites de couches' difficiles, ou encore de l'intoxication par

l'oxyde de carbone, comme cela s'est fait justement chez le

malade présent. D - Chez ce dernier, la marche trépidante

débutait vingt-deux jours après son intoxication, en se heur-

tant contre un passant sur le trottoir.

Dans l'observation du Dr l3oméi', l'effet d'une frayeur se fit

sentir, dans les vingt-quatre heures, sur un enfant de onze

ans, lequel fut astasique et abasique le lendemain. Dans ses

observations, Souza Leirte parle de cinq cas du même genre,

une petite épidémie d'astacie-abasie D ; trois jeunes filles

blanches, une mulâtresse et une négresse auraient été prises.

- Chez la dernière, la maladie ne survint que lentement. Les

indications manquent pour les autres sur ce point.

Le professeur Henoch 2 parle du même syndrome survenu

lentement chez un enfant de sept ans, après des excès d'ona-

nisme. Le malade, dont Grasset publia l'histoire 3, éprouva

des difficultés de marcher, d'abord par crises intermittentes

pendant huit mois ; le trouble s'installa d'une façon perma-

nente après.

Une dame de vingt-sept ans, traitée par B. Salemi Pace*, fut

prise subitement par l'astasie-abasie,après une promenade, sans

autre motif apparent qu'une santé délicate depuis les dernières

années. La fille de 23 ans, étudiée par Berthet fut atteinte

de cette affection après des crises d'hystérie. Le malade, âgé de

55 ans, un négociant, dont le professeur Binswanger nous re-

late l'histoire, fut pris d'astasie abasie, tout d'un coup, au

moment où il voulait se mettre à table; délivré après quelque

temps, il ne tarda pas à être repris par intermittences. Le

même début d'emblée se rencontre chez le second malade, âgé

de 58 ans, du même auteur; et son troisième malade, un

' Loco citato.

'Loco citato.

' Loco citato. - ? Loco citato.

Loco citato.

ARCHERS, t. XaI. 5

66 CLINIQUE nerveuse.

maître de musique et compositeur de 35 ans, s'est affaissé subi-

tement en marchant, pour rester astasique-abasique, dès ce

moment. Comme antécédents personnels, on note un surme-

nage intellectuel.

- Ladame a publié un cas de malaise, se produisant chez un

homme de 30 ans, qui voulait faire la haute voltige sur un

cheval. Quatre jours plus tard, perte subite de la faculté de

marcher pendant quelques minutes, puis absence d'astasie-

abasie pendant quatre ans, lesquels phénomènes sont revenus

pendant maintenant vingt ans,chaque fois que cet individu essaie

marcher plus de cent pas ; la marche est revenue en 1876 et

en 1883, disparaissant de nouveau sans cause. Comme anté-

cédents personnels : beaucoup de privations, de la fatigue

extraordinaire, du surmenage physique. La fille de dix ans,

observée par F. Helfer", fut prise d'astasie-abasie, quand elle

voulait se lever du lit, après une maladie d'influenza, commen-

cée au mois de janvier; l'enfant fut guérie en mai.

Dans nos observations personnelles, le début du syndrome

se montre lent, chez l'enfant de z ans ; les fautes de la

marche débutent en même temps que l'épilepsie en 1886, la

marche devient impossible en 1887, après une fièvre typhoïde,

pour revenir en partie plus tard. Dans la seconde observation,

une petite fille est prise de vertiges, de vomissements et de

douleurs de tête, pendant un an, avant qu'on remarque les

mouvements désordonnés des jambes ; il s'agit donc encore

d'un début lent. Dans la troisième observation, une demoiselle

a remarqué une faiblesse dans les jambes pendant cinq mois,

qui, seulement le sixième mois, augmenta de taçon à rendre la

station impossible sans soutien. Donc, encore cette fois, début

plutôt lent.

L'homme de vingt-six ans (4e observation) est pris d'asta-

sie et d'abasie à l'hôpital, où il se trouvait déjà depuis trois

semaines à cause des douleurs dans les reins. Le début ne s'est

pas fait d'emblée. Dans les onze observations de P. Blocq,

nous rencontrons le début brusque cinq fois (1 ? 2e, 4e, 8e et

9° obs.) ; pour les autres cas, l'affection se produit moins vite,

et quatre cas même lentement.

En tenant compte de ces remarques, nous pouvons établir

que si l'astasie-abasie survient souvent d'emblée, ou dans

' Loc. cit.

' Loc. cît.

SUR l'astasie-abasie. 67

les vingt-quatre heures, à la suite d'une émotion vive ou d'un

léger tramatisme, il arrive aussi fréquemment que cette affec-

tion offre un début lent; elle se rapproche en cela du début de

l'hystérie traumatique.

V. De même la lecture des observations nous apprend

que tous les âges peuvent être sujets à ce syndrome, bien que

les personnes atteintes fussent plutôt jeunes; toutefois, nous

connaissons du moins trois cas se rapportant à des personnes

âgées. L'un est l'observation XI de Blocq 1, puis deux cas de

vieillards, dont l'un a été vu par M. Charcot et un cas du

professeur Binswanger. De plus, cinq à six cas se sont pré-

sentés à la Salpêtrière, au cours de l'an dernier, ayant tous

trait à des hommes adultes. Aussi il n'y aurait pas de diffé-

rence pour le sexe, ni pour les races; c'est ce que Souza Leite a

voulu du moins établir dans son travail 3.

La tare héréditaire est un des éléments étiologiques les

plus constants ; en analysant les observations, on trouve le

plus souvent des affections nerveuses chez les parents; on n'a

pas à s'étonner de voir souvent le rhumatisme figurer dans les

antécédents héréditaires, et cette notion est fréquemment men-

tionnée (Salemi-Pace)'. Mais, en réalité, la majorité des

sujets atteints, qu'ils soient jeunes ou vieux, comptent parmi

les prédisposés à contracter des maladies nerveuses. M. Char-

cot le faisait remarquer, du reste, l'an dernier, et le malade

qu'il présentait à ce moment offrait précisément un arbre

généalogique très curieux sous ce rapport L'hérédité se ren-

contre dans six des observations de Blocq. La petite fille dont

parle Souza-Leite sort de famille nerveuse du côté de la mère.

Chez la malade deB. Salemi Pace on retrouve les mêmes anté-

cédents héréditaires. Le père de la malade, de Berthet, fut un

ivrogne, et M. Binswanger dite que son premier malade des-

' Loco citato, p. 201.

* Charcot. - Leçons du Mardi à la Salpêtrière, 1889, 5 mars.

* Lofa citato.

°B. Salemi Pace. - Il padre ha solferto diversi attachi reumatici; la

madré giovane fu neuropatica e soffri convulsioni - ebbe sei flgh - di

essi due maschi soffrono di quando in quando delle coliche ne fritiche

per calcoli ; lo stesso una sorella ch'è - reumatalgica; un altra sorella è

reumatalgica e neuiopatica, loc. cit., p. 189.

a Binswanger. - Loc. cit. Separatabdruck, p. 4. Stammit aus gering-

erblich belastete Familie der Vater, Hemorrhoidarier war lungenlei-

dend, liatteviele sorgen, starb fruh. - Elue neffe des kranken starb

68 'PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

cend d'une famille avec antécédents héréditaires nerveux légè-

rement accusés ; plusieurs membres de cette famille sont des

névropathes ; son troisième malade fut né de mère nerveuse'.

Deux des quatre observations que nous apportons offrent

des antecédents héréditaires (seconde et troisième malade).

Nous pouvons donc conclure, que dans la majorité des cas,

l'hérédité nerveuse a été constatée chez des sujets atteints

d'abasie et d'astasie. (A suivre).

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

« THE CROON1AN LECTURES » SUR LES LOCALISATIONS

CÉUÉB1ULES 2,

Faites devant le collège royal des médecins du Londres,

Par 0-, VlD FLIIRIER,

Médecin du King's collège Hospital et du National hospitai for the parallsed

and the epileptie Queen Square.

TRADUIT PAR RODEnT SOItEI.

Interne des Hôpitaux.

LECTURE II

Messieurs,je vais maintenant attirer votre attention sur les phé-

nomènes produits par l'excitation électrique du cerveau des singes

et plus spécialement observés dans mes propres expériences et

dans celles dellorsley, Schdfer etBeevor; qui ont abouti aux mêmes

fruh (suicidium).- Die )lutter starb in Wochenbett nicht nervos.- Eine

Schwester der mutter « nervos erregt') ; elne andere Schwesterderselben

in hohenalter « sehr nervoes ».

LES localisations cérébrales. 69

conclusions mais qui ont été faites avec plus de soins et de dé-

tails 1. ·

En commençant par la partie antérieure; nous trouvons que ce

- qu'on appelle généralement le lobe préfontal (tout ce qui est en

avant d'une ligne tirée à angles droits de l'extrémité antérieure

du sillon précentral) ne répond pas ou d'une façon très douteuse

à l'excitation électrique.

Entre cette ligne et celle du sillon précentral, continuée jusqu'à

la scissure longitudinale, se trouve une ré' : ion ou un centre Ci. 2.

fig. 1 ; fig. % et 3, tête) dont l'excitation produit l'ouverture des

yeux, la dilatation de la pupille, et des mouvements de la tête et

des yeux du côté opposé.

Ce centre a été différencié plus complètement par Beevor et Hors-

ley, suivant les mouvements primaires qui résultent des excitations

minima des points indiqués dans leur diagramme (fig. 4).

La région correspondante sur le cerveau du chien se trouve au

numéro 12 (fig. 5. On ne trouve pas un centre ainsi différencié

chez le chat (fig. 6), ni chez le lapin (fig. 7).

A l'extrémité supérieure des circonvolutions centrales (frontale

1 Horsley et Schasfer, Phil. Trains. Bd. XX, 1888 - Beevor et Hors-

ley, Phil. n'ans, Bd., 1890.

rig. 1. - iiemispiiere gaUChe ou singe.

1, le membre postérieur est avancé comme dans la marche. - 2, flexion avec rota-

tion en dehors de la cuisse, rotation en dedans de la hanche, flexion des orteils. - 3, la

queue. - 4, le bras opposé est dans l'adduction étendu et retracté, la main eu prona-

tion. - 5, extension en avant du bras opposé. - a, bc c, ci, mouvement des doigts et

du poignet. - 6, flexion et supination de l'avant-bras. - 7, rétraction et élévation de

l'angle de la bouche. - 8, élévation de l'aile du nez et de la lèvre supérieure. - 9 et 10,

owerture de la bouche, avec protrusion (9) et retraction (10) delà langue. - il, re-

traction de l'angle de la bouche. - 12, les yeux ouverts largement, les pupilles dila-

tées, la tète et le yeux tournés du côté opposé. - 13, 13', les yeux dirigée du côté

oppose. - 14, Picotement de l'oreille opposée, tête et yeux tournes du côté opposé,

pupilles largement dilatées.

70 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. ' ,

et pariétale ascendante) et lobule postero pariétal (1, 2, fig. 1 ;

fig. 2 et 3), et s'étendant au delà de la marge de l'hémisphère

dans la partie postérieure de la circonvolution marginale ou du

lobule paracentral, se trouve une région dont l'excitation pro-

duit des mouvements de l'exlrémité inférieure. Les mouvements

varient suivant la position des électrodes dans le centre. Derrière

la scissure de Rolando, les mouvements sont principalement ou

exclusivement dans les pieds et les orteils. En avant de la scissure

de Rolando, ils sont combinés avec la flexion de la jambe et de

la cuisse. Avec des excitations minima, on peut encore différencier

davantage les mouvements (fig. 4) et en particulier, on peut pro-

duire des mouvements du gros orteil seul par une excitation de

l'extrémité supérieure de la scissure de Rolando. Le centre cor-

respondant chez le chien, le chat et le lapin est indiqué par I,

figures 5, 6, 7.

Au-dessous du centre de la jambe, et en partie au-devant de lui,

occupant le tiers moyen ou plutôt les deux quarts des circonvolu-

tions centrales, se trouve une région dont l'excitation produit les

mouvements du membre supérieur (3. 4, 5, 6, a, 6, c. d, fig. 1, et

arm. fig. 2). Dans ce centre, il est possible de différencier plus ou

moins complètement les mouvements du bras (flexion et exten-

sion), les mouvements de l'avant-bras (flexion, supination, etc.).

ceux du poignet, des doigts, du pouce.

Les mouvements « proximaux » sont représentés dans la partie,

supérieure de la région, les mouvements « distants » c'est-à-dire

ceux de l'extrémité du membre, doigts et pouces. dans la partie

inférieure.

Une excitation minima à l'extrémité inférieure du sillon intra-

pariétal peut mettre individuellement en mouvement le pouce

(fig. 4). La région correspondante du cerveau du chien est celle

indiquée par les numéros 4 et 5 situés sur la division post-cruciale

du gyrus sigmoïde (fig. 5), et par les mêmes nombres sur le cer-

veau du chat (fig. 6) et en a situé sur l'extrémité antérieure de la

seconde circonvolution interne.

L'excitation de ce dernier point produit la sortie des griffes,

action comparable aux mouvements du poignet et des doigts par

l'excitation de la partie inférieure de la circonvolution pariétale

ascendante chez le singe. La région correspondante chez le lapin

est indiquée par les mêmes nombres (4, 5, fig. 7).

Au-dessous du centre du bras, et occupant le tiers inférieur des

circonvolutions centrales, se trouve une région dont l'excitation

produit des mouvements de la face, de la bouche, de la langue.

Dans la partie supérieure de cette région, on peut différencier des

centres pour les muscles faciaux supérieurs (fit. 1, 2, 3) en avant,

et pour les inférieurs, en arrière du sillon de Roiando (fig..7). La

région correspondante dans le cerveau du chien, relativement plus

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 71

large que chez le singe est indiquée pat les numéros 9, 8, fig. 5,

par les mêmes numéros chez le chat (fig. 6) chez le lapin (fig. 7).

L'excitation de la partie inférieure a produit ! des mouvements de

la bouche et de la langue, la propulsion de la langue étant géné-

ralement produite par l'excitation de la partie antérieure (9, fig. i)

et la réaction, par l'excitation de la partie postérieure (10,

fig. 1).

Semon et Horsley' ontdémontréde plus que l'excitation de l'extré-

mité inférieure de la frontale ascencendante produit la fermeture

des cordes vocales (glotte phonatoire).

Ce phénomène a d'abord été démontré chez le chien par l'exci-

tation de la région présigmoïde, d'une façon visuelle par Krause 1 ;

' On the central motor innervation of the larynx, journal, 21 dé-

cembre 1889.

' l'fiuger's Arehiu., 1883.

Fig. 2.

Arm bras ; - Head, tète ; - Leg, jambe ; - Mouth, bouche ; Fool, pied ; Toes,

orteils; - Thigh, cuisse ; - Trunk, tronc; Upper, supérieur ; Lower, inférieur;

Wrist, poignet. '

73 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

cependant, j'ai donné il y a plusieurs années déjà', une démonstra.

tion (par l'ouïe) du même fait, montrant que l'excitation dans ce

voisinage cause assez souvent 1 aboiement et des effets semblables

par l'excitation de la région homologue chez le chat (miaulement).

J'ai aussi montré que les mouvements produits par l'excitation de

cette région étaient dislinctementbilatéraux, ce que Krause,Semon,

et Horsley, ont retrouvé être vrai dans les mouvements des cordes

vocales.

Les centres pour la tête et les yeux, le bras et la jambe, s'éten-

dent au delà de la marge de l'hémisphère dans la circonvolution

marginale. J'avais noté ce fait jusqu'a un certain point dans mes

premières expériences, mais une exploration plus méthodique de

cette région a été faite pour la première fois par llorsley et Schæ-

fer'. 2.

L'excitation de cette circonvolution d'avant en arrière (voir

1 lVest Riling Asylum Reports, 1873.

l'hit. 7'rüres., vul. 179, 1888.

hg. 3. - Aires motrices d'après Horsley et SchifTer.

Ifamstrl11U ! tendon , J/ip, hanche ; Taist, queue.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. z

fig. 7), produit des mouvements du dos, de la queue, du pelvis ; en

arrière, l'extension de la hanche, la flexion de la jambe et enfin,

les mouvements du pied et des orteils. Ces mouvements ne sont

pas cependant toujours bien différenciés ; ils peuvent se changer

les uns en les autres et sont souvent compliqués de mouvements

secondaires des différents segments du membre.

L'excitation du gyrus angulaire, pli courbe (13', 13, fig. 1), pro-

duit des mouvements du globe des yeux, et parfois de la tête vers

le côté opposé, généralement combiné avec une direction en haut

ou en bas, suivant que les électrodes sont sur la partie antérieure

ou postérieure de ce pli. L'état des pupilles n'est pas constant; par-

fois, elles sont contractées.

La région correspondante dans le cerveau du chien est indi-

quée par 13 (fig. 5) sur la deuxième circonvolution externe et la

région homologue chez le chat (fig. 6) et chez le lapin (fig. 7),

sont indiquées par les mêmes chiffres.

Dans mes premières expériences, l'excitation du lobe occipital

ne m'a donné aucun résultat. Mais Luciani et Tamburini ont

parfois obtenu des mouvements des yeux semblables à ceux

obtenus par l'excitation du pli courbe, quoique moins marqués. Et

Schmfer 2 décrit des mouvements semblables se produisant après

l'excitation des différentes parties du lobe occipital et des régions

avoisinantes. Mes expériences sur plusieurs singes, sans être oppo-

sées à celles de Schaifer, sont plus conformes à celles de Luciani et

de Tamburini, et montrent que quoique les mouvements du globe

oculaire, puissent être obtenus par l'excitation du lobe occipital,

ils sont, en règle générale, moins constants et moins facilement

obtenus que par l'excitation du pli courbe.

L'excitation de la circonvolution temporale supérieure (14, fig. 1)

produit un redressement de l'oreille du côté opposé, avec ouver-

ture de l'oeil, dilatation de la pupille, et la direction de la tête et

des yeux du côté opposé. Précisément on obtient le même résultat

par l'excitation postérieure de la troisième circonvolution externe

du cerveau du chien (14 fig. 5) et aussi chez le chat (fig. 6) et chez

le lapin (fig. 7).,Quelquefois, on obtient seulement les mouvements

de l'oreille, et quelquefois, l'animal essaie de bondir de la table,

comme soudainement effrayé.

L'excitation du lobule de l'hippocampe ou de l'extrémité anté-

rieure de la circonvolution de l'flypocarnpe chez les singes, les

chats, les chiens et les lapins produit les mêmes résultats, c'est-

à-dire, la torsion des narines du même côté, comme si l'excitation

était placée sur la narine elle-même. Parfois l'excitation de la

circonvolution de l'hippocampe donne des mouvements sembla-

' Sui ceralri psico-sensori corlicali, 1879.

1 Proc. lioy. Soc., 1888.

74 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

,

bles à ceux produits par une excitation directe des membres

opposés. A part cela, je n'ai pas pu obtenir une réaction constante

a l'excitation du reste du lobe temporal et des autres portions de

l'écorce.

Telles sont brièvement les phénomènes observés après l'excita-

tion électrique des différentes parties de l'écorce cérébrale. Ces

résultats, à part leur interprétation, indiquent une certaine forme

de différenciation fonctionnelle, et il est évident, en comparant

les centres correspondants sur le cerveau du singe, du chien, du

chat, du lapin, qu'il y a entre eux une très grande différence

quant à leur étendue et au caractère des mouvements avec les-

quels ils sont en relation. Existe-t-il un complet parallélisme entre

le cerveau du singe et celui de l'homme ? c'est là une question à

laquelle on n'a pu répondre jusqu'à maintenant qu'en se rapportant

aux faits des lésions localisées. Bartholow' et Sciamanna 2 ont

observé des mouvements du côté opposé du corps en excitant

l'écorce à travers la dure-mère, le premier dans un cas .d'ulcéra-

tion cancéreuse, le second, dans un cas de trépanation. Mais leurs

résultats, quoique semblables à ceux obtenus chez les singes, man-

quaient de précision. Récemment cependant, des chirurgiens ont

eu plusieurs occasions de faradiser l'écorce pour définir avec soin

les régions qu'ils désiraient enlever pour guérir l'épilepsie focale.

Un de ces cas a été observé par Ilorsley et plusieurs autres ont été

notés par Mills dans son excellent mémoire sur les localisations

cérébrales et ses conséquences pratiques 3. Dans un de ces cas, la

moitié inférieure des deux circonvolutions centrales, l'extrémité

postérieure de la deuxième frontale, le coin postérieur et supé-

rieur de la troisième frontale furent découverts du côté gauche.

« On fit un examen soigneux avec le courant faradique pour les

recherches des centres à extirper. Après plusieurs essais, on obtint

quatre réponses différentes, quatre mouvements définis : 1° dans

la position la plus antérieure qui a donné des mouvements, on a

eu une déviation conjuguée de la tête du côté opposé; 2° un peu

au-dessous et derrière ce point, la bouche était attirée en haut et

en dehors; 3° au-dessous du point pour les mouvements de l'angle

de la bouche, à à peu près douze millimètres, on a obtenu l'ex-

tension du poignet et des doigts, derrière et au-dessus de ce der-

nier point, une flexion distincte des doigts et dit poignet. En con-

tinuant et en forçant l'excitation à ce dernier point, les doigts, le

pouce, le poignet, fléchissent successivement. L'ordre des phéno-

mènes, suivant trois personnes qui étaient présentes et qui obser-

1 American Journ. Dled. Sciences. April, 1874. /

' Archiv.. di. Psychiatrie, 1882.

Lu devant le Congrès de Washington, 1887. (Brain, 1889.)

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 75

vaient les convulsions du malade, était exactement celui noté au

commencement de ses attaques. »

Dans un second cas publié par Keen a « en touchant l'écorce

avec les électrodes dans une position qui, apparemment, corres-

pondait à la portion antérieure de la circonvolution prérolandique.

juste derrière la scissure précentrale, on obtint des mouvements

du poignet et des doigts. La main se mit en extension sur la ligne

médiane et du côté cubital ; à différentes reprises, les doigts étaient-

étendus et séparés. Au-dessus de la région dans laquelle ces mou-

vements furent obtenus, l'application du courant produisit un

mouvement du coude gauche, extension et flexion de l'épaule qui

fut portée en haut et en adduction. Au-dessous de la région, où

les mouvements de la main avaient été obtenus, l'application du

courant produisit un mouvement en avant, en bloc, de tout le côté

gauche de la face. » Ces résultats correspondent avec différents

centres déjà définis.

Dans un autre cas de Lloyd et Deaver 2, on mit à nu une région

de l'hémisphère droit, correspondant à l'union du tiers moyen et

du tiers inférieur des circonvolutions centrales. En appliquant les

électrodes sur un point,juste en arrière de la scissure de Rolando,

on a observé des mouvements dans l'ordre suivant : flexion du

pouce sur la paume, flexion des doigts, flexion du poignet et

flexion du coude. Sur un point, un peu en avant et au-dessous,

l'application des électrodes a donné une contraction des muscles

de la face du côté opposé.

Dans quatre cas de Nancréde , on obtint des mouvements du

pouce par l'excitation d'une région correspondant au second quart

inférieur de la pariétale ascendante. Tous ces résultats sont en

parfaite harmonie avec ceux obtenus par l'excitation de l'écorce

cérébrale des singes, et nous avons donc toute raison de croire.'

que coeteris pansus, les relations fonctionnelles de l'écorce humaine

sont identiques à celles des animaux inférieurs.

Par la méthode de l'excitation, nous pouvons dire que si des

segments individuels d'un membre sont localisés séparément ou

sont représentés plus ou moins dans un centre commun, les cen-

tres dans leur ensemble sont complètement séparés les uns des

autres. Aucun mouvement de la jambe ne provient de l'excitation

du centre de la face ni les mouvements de la face de l'excitation

du centre de la jambe. Les centres de la jambe et de la face sont

ainsi entièrement différenciés l'un de l'autre et du centre de

l'oculo-moteur. Ce qui est vrai des centres éloignés, est sans doute

vrai des centres près l'un de l'autre. Le fait que l'excitation du bord

' Am. Journ. nled. Sciences, nov. 1888. '

lin. Journ. j1M. Sciences, nov. 1888,

lied. Neu's" 24 nov. 1888.

76 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

d'un centre donné puisse produire des mouvements combinés de

ce centre et du centre voisin ne peut amener cette conclusion que

cette portion contient des fonctions unies, c'est-à-dire la fonction

des mouvements du bras et de la jambe ou du bras et de la face.

La véritable explication me semble être que la méthode de

l'excitation est incapable de différencier complètement les limites

des centres respectifs. Les régions qui sont le plus près les unes

des autres anatomiquement et physiologiquement peuvent être

excitées ensemble par diffusion de l'excitant. Même si nous

sommes capables de dissocier les centres les uns des autres par la

méthode de destruction. Nous ne sommes pas non plus sur ce terrain

autorisés à conclure qu'il n'y a aucune fusion entre les deux cen-

tres, car une lésion destructive, même petite, située sur le bord

d'un centre donné, affectera les fonctions de plus d'un centre. Des

faits seront relatés, qui, dans mon esprit, justifient la conclusion

que les centres comme un tout sont aussi complètement différen-

ciés les uns des autres que les membres eux-mêmes ou qu'un or-

gane des sens d'un autre.

Nous avons vu cependant pour les mouvements individuels d'un

membre que, quoiqu'on puisse fréquemment isoler un mouvement

particulier, par une excitation minime d'un point défini dans le

centre général, cependant, le même mouvement peut se produire

avec d'autres quand une partie du centre est excitée. On peut in-

terpréter ce fait soit en supposant que le mouvement particulier,

du pouce par exemple, est représenté dans tout le centre du bras,

ou bien que c'est un cas de diffusion de l'excitant. Il est difficile de

dire laquelle de ces deux opinions est la bonne, peut-être même,

ni l'une ni l'autre représente la vérité. Car les réactions des mem-

bres qui résultent de l'excitation de l'écorce ne sont pas seulement

des contractions musculaires, mais des mouvements synergiques

coordonnés pour des actes ; et commel'ont démontré le professeur

Yeo et moi-même 1, les mêmes muscles ou les mêmes groupes

musculaires entrent dans la composition des différents mouvements

innervés par les racines réspectives motrices des plexus brachial

et crural, de telle sorte que le même groupe musculaire peut avoir

une représentation multiplie dans les subdivisions variées du ceu-

tre général. Et il paraîtra qu'il y a une beaucoup plus grande

différenciation dans les centres corticaux que dans les segments

respectifs des renflements brachial et lombaires de la moelle.

Mais, à mon avis, toute autre représentation^en dehors du centre

général d'un membre est contraire aux faits de localisation mis

en lumière, soit par la méthode de la destruction, soit par la

méthode de l'excitation, soit par les deux.

' The functionnal relations of the neator rooth of the brachial and

Lumbo saa al plexuses. (Proc. Roy. Soc., 1881.)

Fig. L - Aires motrices de Beevor et Horsley.

Aukte, cheville du pied ; Hlbow, coude : Eyes, yeux (a) ; Eyelids, paupières ; Halluæ. gros orteil ; Hip, hanche ; Knec,

genou ; Mouth, bouche ; Shoulder, épaule ; Side, cote ; Small toes, petits orteils ; 1'ait, queue ; Thumb, pouce ; Tongue (a),

langue; Wrest, poignet. "' ?

(a) A la page 423, du t. XX, dans la légende de la fig. 39, il faut lire Eyes et non Yes, et Tangue au lieu de longue.

78 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Maintenant, nous avons à nous occuper de la question importante

et très discutée de la signification des, réactions motrices qui ré-

sultent de l'excitation électrique des différentes régions corticales.

Quelle que soit l'évidence de certains mouvements, il ne s'ensuit pas

forcément qu'ils soient la preuve de l'excitabilité directe des ré-

gions motrices dans le sens propre du mot, car ces mouvements

peuvent être le résultat de quelque état psychique incapable d'être

exprimé en termes physiologiques, ou bien être de nature réflexe

et alors ne différer nullement des mouvements produits par l'exci-

tation périphérique, ou bien ils peuvent être moteurs dans le sens

qu'ils sont dus à une excitation de parties en rapport direct avec les

tractus moteurs ou les'nerfs moteurs, ou bien ils peuvent être l'un

ou l'autre. La méthode de l'excitation ne peutelle-même résoudre

le problème et demande comme complément une destruction

strictement localisée de ces centres dont l'excitation donne lieu à

des réactions motrices définies.

Une observation attentive des réactions dans les différents or-

dres d'animaux, et ce fait que l'on peut obtenir des mouvements

semblables par l'excitation de différentes régions corticales en

certains cas, m'ont conduit à croire que ces mouvements peuvent

avoir une signification différente, et, je forme cette hypothèse, que

quelques-uns peuvent être dus à l'excitation des régions motrices

proprement dites, tandis que d'autres doivent, être considérées

comme une expression associée d'une sensation subjective. Dans

cette hypothèse, j'ai institué des expériences de destruction loca--

lisée et j'ai ainsi déterminé l'existence de centres sensoriels ou

de perception en rapport avec les différentes formes de sensibilité

aussi bien que les centres moteurs, principalement sinon exclusi-

vement. L'existence de centres sensoriels distincts a été depuis

confirmée par des recherches physiologiques et cliniques, et j'ai

la satisfaction de penser que les erreurs que j'ai commises dans la

délimitation des centres sensitifs sont plutôt des erreurs d'omission

que d'exagération, et que les régions où j'avais d'abord,, placé les

centres sensitifs respectifs correspondent en partie à la situation

assignée à ces centres par les méthodes cliniques et expérimentales

les plus dignes de confiance.

Centres visuels. - Je vais d'abord appeler votre attention sur les

réactions produites par l'excitation de la région occipito-angulaire

chez les singes et de son homologue dans les différents animaux

inférieurs. Les réactions, comme nous l'avons déjà vu, sont des

mouvements des globes oculaires, et parfois de la tête du coté

opposé; et fréquemment aussi des mouvements des pupilles, pas

toujours de même caractère, parfois la contraction, parfois la

dilatation. J'ai trouvé que ces mouvements se produisaient plus

facilement et d'une façon plus uniforme par l'excitation de la

partie antérieure et postérieure du pli courbe. Règle générale,

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 79

avec les mouvements latéraux, on obtient des mouvements en haut

quand le segment antérieur du pli courbe est excité, et des mou-

vements en bas quand c'est le segment postérieur.

On peut aussi obtenir, comme l'ont démontré les premiers Luc-

cani et Tamburini, les mouvements des yeux par l'excitation du

lobe occipital. Schæfer, qui oublie le segment antérieur du pli

courbe, que j'ai trouvé aussi excitable que le reste, obtient des

mouvements en bas des yeux par l'excitation, non seulement du

segment postérieur, du pli courbe, mais aussi de l'extrémité supé-

rieure de la circonvolution temporale moyenne, cette partie du

lobe occipital immédiatement derrière la scissure occipito-pariétale

externe et de chaque côté de la scissure pariélo occipitale interne.

Il obtient des mouvements en haut par l'excitation de la surface

sous-jacente du lobe occipital, la partie la plus inférieure de ce

lobe, et de la marge inférieure de la surface convexe. Il obtient

un simple mouvement latéral des yeux en excitant le reste de la

convexité du lobe occipital et une étroite bande le long de la

marge de la grande scissure longitudinale. La portion moyenne

de la surface médiane ne parait pas être comprise dans ce schéma.

Mon hypothèse que ces mouvements de la tête et des yeux sont

les signes d'une sensation visuelle subjective et dus à une action

associée des centres frontaux et oculo-moteur sous-cortical, a reçu

une confirmation des expériences de Schoefer sur la période latente

des mouvements oculaires suivant l'excitation respectivement des

Fig. 5. - Hémisphère gauche du cerveau d'un chien.

1, Le membre posé ou wuacé. -.t, 3. Mouvement latéral ou agitation de la queue. -

4, Rétraction avec adduction du membre antérieur opposé. - a, Elévation de l'épaule et

extension en avant du membre antérieur opposé, flexion de la patte. -7, 7, Action des

orbicul.ures des yeux et des 7.vgoinatiqties. - 8, Rétraction et élévation de l'angle opposé

de la bouche. 9. Omcrture de la bouche et mot1\ements de la langue. - 1 1, Retrac-

tion de l'angle de la bouche, - 12, Les yeux largement ouverts avec dilatation des pu.

pilles. mouvements des globes oculaires et de la tête du côlé opposé. - 14, Picotement

ou soudaine rétraction de l'oreille opposée. - 15, Torsion de la narine du même côté.

80 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

régions frontale et occipito-temporale 1. Le résultat de cette com-

paraison obtenu sur un certain nombre de singes, montrait que la

période latente est plus longue de quelques centièmes de seconde

dans le cas d'excitation du lobe occipital que dans le cas d'excita-

tion du centre frontal de l'oculo-moteur ; indiquantainsi que dans

le premier cas, l'impulsion nerveuse doit être transmise à travers

au moins un centre nerveux de plus que dans le dernier cas. Ceci

concorde avec l'hypothèse que dans un cas les mouvements étaient

réflexes et dans l'autre directs. Le fait qu'on obtient toujours les

» mouvements des yeux par l'excitation de la région occipito-angu-

laire, après l'ablation complète des régions frontales, montrent

qu'ils n'indiquent pas nécessairement une action associée de ces

centres corticaux, mais peuvent être dus, sinon toujours, à l'exci-

tation des centres oculo-moteurs des tubercules quadrijumeaux.

Danillo 2 a trouvé que la section des fibres d'association des ré-

gions frontales et occipitales n'empêchent pas les mouvements

oculaires; tandis que Becliterew' et Munck'' ont trouvé que les

mouvements sont entièrement annihilés par la section des fibres

médullaires sous-jacentes. Danillo et Bechterew soutiennent que

les mouvements ne peuvent donc pas être considérés comme l'in-

dice d'une sensation visuelle subjective; mais cela ne serait pas

réfuté, même si les mouvements continuaient toujours après l'abla-

tion de la substance grise, car l'excitation des fibres médullaires

serait équivalente à l'excitation de l'écorce elle-même. Nous pou-

vons supposer avec Munk qu'il y a des fibres radiales ou centrifuges

entre l'écorce occipitale et les centres oculo-moteurs, et l'excitation

de l'expansion centrale de ces tractus produira pratiquement le

même effet que l'excitation des centres avec lesquels ils sont en

relation.

La région occipito-angulaire est la zone visuelle de l'écorce. La

destruction complète de cette zone dans un hémisphère produit

- l'hémiopie permanente du côté opposé par la paralysie des moitiés

correspondantes des deux rétines, tandis que la destruction bila-

térale produit une cécité complète et durable des deux yeux. A

part la perte de la vision, il n'y aucune autre perte ni motrice, ni

sensitive. La sensibilité des globes oculaires est intacte et les mou-

vements des globes sont absolument libres. Il n'y a aucun trouble

de la sensibilité ni de la motricité des membres. Les autres sens

spéciaux sont intacts. Si la destruction de la région angulaire oc-

cipitale est incomplète, unie ou bilatérale, l'hémiopie résultante

dans un cas, ne dure pas, ni la cécité permanente dans l'autre.

. Proc. Roy. Soc., 13 février 1888.

Archiv.. Neurol., vol. XVIII, 1889, p. 145.

3 Neurol. Cenlralbl., 15 septembre 1889.

' Silzüngsbericltle der Akad, d. Wiss zii flel'fin V, 16 janvier 1889.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. Si

Il n'y a cependant à peine un point de la doctrine ci-dessus qui

n'ait été controversé ; mais je pense que chaque point a été con-

firmé jusqu'à l'évidence par des lésions de cette région, observées

avec som etstriclemeut focalisées.

Dans mes premières recherches, je pensai que les plis courbes

formaient seuls des centres visuels, conclusion fondée sur les effets

positifs des lésions des plis courbes et sur les résultats uniformé-

ment négatifs de la destruction des deux lobes occipitaux, excepté

lorsque la lésion empiétait sur la scissure occipito-pariétale. Dans

ces derniers cas, il m'avait semblé que les défauts de la vision ou

parfois la cécité complète étaient dus à la lésion des fonctions des

plis courbes eux-mêmes. Je vous ai montré ici une photographie

d'un cerveau de mes premieis animaux en expériences Les deux

lobes occipitaux lurent enlevés en même temps. Il survient un peu

d'encéphalite qui étendit la lésion. Vous verrez, que sur le côté

droit, non seulement tout le lobe occipital, mais aussi une partie

du segment postérieur du pli courbe ont été enlevés. A gauche, le

pli courbe est intact superficiellement, mais les fibres médullaires

de la partie coupée bombaient considérablement par suite d'une

hernie inflammatoire. Malgré cette lésion étendue bilatérale, l'a-

nimal, pendant une heure après l'opération, donna une preuve de

la conservation de la vision, car il faisait des grimaces et se sau-

vait quand on l'effrayait. Un examen ultérieur montra que la vi-

sion quoique bonne, était atteinte; il y avait un manque de préci-

sion pour prendre les objets qu'on lui tendait. A part ce léger

défaut de la vision, l'animal ne présentait aucun autre trouble dans

ces facultés et se porta bien jusqu'à sa mort qui suivit une seconde

opération trois semaines après, pendant laquelle on lui avait en-

levé la plus grande partie des deux lobes frontaux. Cette seconde

opération n'a causé aucun autre trouble de la vision, faits d'une

grande importance pour la question des rapports des lobes fron-

taux avec le sens de la vue.

Vu que chez cet animal comme chez d'autres chez lesquels on

observait les mêmes symptômes, les lésions occupaient la région

de la scissure pariéto-occipitale et le pli courbe, je pense que le

trouble de la vision est dû à cette cause ; car, lorsque la ligne de

. section des lobes occipitaux était bien séparée de cette scissure, on

ne percevait aucun trouble de la vision. Ainsi on a mis à nu les

lobes occipitaux, des deux côtés. chez un singe, et on détruisit la

surface au cautère qu'on passa assez profondément dans l'intérieur

des lobes pour détruire les f11}] e;; médullaires. ,

L'opération fut achevée à 3 h. 30 de l'après-midi. Voici les notes

sur l'état de l'animal :

lui 4 h. 10. - L'animal, après être resté dans un état de stupeur

' Ë.\péruneuL XXIV. Phil. 75ans., vol CLXV, p. 2, 1S75.

Archives, t. X\1. 1. 6

82 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

jusqu'à maintenant, commence à se mouvoir, mais chancelle assez.

Les yeux sont ouverts et les pupilles dilatées. Il montre son état de

conscience en tournant la tête quand on l'appelle.

« 5 h. 45. - Donne une preuve évidente de la vue. Il court quand

je l'approche en évitant avec soin les obstacles. Voyant sa cage

ouverte, il entre et monte sur sa perche, en évitant avec soin le

chat. Il essaye d'éviter ma main quand je la lui présente pour le

prendre, mais il saisit un raisin que j'ai laissé sur sa perche t. »

Malgré la destruction étendue des deux lobes occipitaux dans ce

cas, l'animal, un peu plus de deux heures après l'opération, a

donné une preuve évidente de la conservation de sa vision précise.

Dans un autre cas où les lobes occipitaux furent enlevés par une

section à six millimètres en arrière de la scissure pariétale occipi-

tale l'animal, malgré l'ablation d'au moins les deux tiers des

deux lobes occipitaux, prouva la netteté de sa vision, une demi-

heure après l'opération. Chez un autre singe, auquel mon collègue,

le professeur G. F. Yeo, enleva les deux tiers des deux lobes occi-

pitaux, l'animal, deux heures après l'opération, était capable de

ramasser des objets menus sur le parquet ?

Je vous montre ici aussi la photographie du cerveau d'un singe

chez lequel le lobe occipital gauche fut enlevé par une incision

immédiatement postérieure à la scissure occipito-paiiétale. Dans

ce cas, le pansement ayant été arraché, la plaie devint sceptique

et l'animal mourut le cinquième jour. Le lendemain de l'opéra-

tion, aucun trouble de la vision ne put être noté, car l'animal pre-

nait les choses qu'on lui présentait à droite et à gauche et pouvait

courir dans le laboratoire dans toutes les directions, passant au

milieu des chaises et des autres meubles sans jamais cogner sa

tête d'un côté ou de l'autre, action qui eût été incompatible avec

une hémiopie.

Vous verrez que le bord du plan de section qui saillit considéra-

blement par hernie, correspond à peu près à la scissure pariéto-

occipitale externe 4.

Ces expériences ont mis en lumière les résultats négatifs des

lésions uni ou bilatérales du lobe occipital. J'ai cependant trouvé

dans mes premières expériences, que les lésions destructives de

l'écorce de gyrus angulaire d'un côté, produisait une perte com-

plète temporaire de la vision de luit opposé, tel que l'animal ne

répondait à aucun excitant lumineux, et que, pressé de se mouvoir, il

courait en aveugle contre tous les obstacles sur son passage", et

' Expériment. 1X11. Plail. T1'Glls" vol. CLXV, part. II, p. 25.

' Expériment. XXIII. Phil. Trans. sup. cit.

' Expériment. IX. Pli. Trans., 1881.

' Voir fig. 1, planche 20. Phil. 7Sans, pan. II, 1881.

» Voir expériment. VII, VIII, Six. Phil, Trans, \01. CLXV, l81a,

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 83

que, lorsque' les deux plis combes furent semblablement détruits,

il y eut une cécité complète des deux yeux 1.

Les observations suivantes furent prises sur un singe dont les

plis courbes furent détruits des deux côtés avec le galvano-cautère.

Il fut aussitôt laissé détaché, mais il paraissait effarouché et ne

voulait pas quitter sa place. Il fut donc impossible, pour quelque

temps, de prendre aucune observation sur sa vision. Les pupilles

étaient contractiles à la lumière, et une vive lumière projetée

devant ses yeux produisit un clignotement. Quand un morceau de

pomme était jeté auprès de lui, au point de venir en contact avec

sa main. 'il le prenait, le sentait et le mangeait avec plaisir. L'ouïe

était fine, et il tournait sa tête et répondait quand on l'appelait

par son nom. Excepté cette répugnance pour bouger, provenant

évidemment d'un sentiment de manque de sécurité, il n'y avait

rien qui indiquât qu'il était aveugle. Mais j'ai trouvé que l'animal

aimait beaucoup le thé doux et aurait couru après n'importe où.

J'apporte donc une tasse de thé doux et je la place à ses lèvres, il

but avec empressement. Je retirai alors la tasse et la plaçai devant

lui à une petite distance, mais l'animal, malgré que ses gestes

démontraient son désir de boire, ne pouvait trouver la tassé,

quoique ses yeux regardassent droit sur elle. Cette épreuve fut

répétée plusieurs fois et avec le même résultai. Enfin, on place la

tasse sur ses lèvres, il plonge sa tête dedans, il boit jusqu'à la

dernière goutte, pendant qu'on entraîne la ta<se à moitié de la

chambre. Le jour suivant, l'animal était toujours aveugle et n'ac-

cordait aucune attention aux menaces, aux grimaces et autres

signes pour fixer sa vue. On le tua alors pour pouvoir déterminer

exactement le siège et l'étendue des lésions avant le développe-

ment de lésions inflammatoires secondaires. Elles avaient déjà

commencées et s'étaient limitées aux plis courbes qui étaient oedé-

matiés et au bord antérieur des lobes occipitaux, comprenant un

léger empiétement du bord postérieur de la circonvolution parié-

tale ascendante gauche; la substance grise seulement était désor-

ganisée et sur le pli courbe exclusivement. '

Ces faits semblent justifier l'opinion que les plis courbes sont

des centres visuels, chacun étant en relation avec tout l'oeil du côté

opposé, puisque l'effet d'une ablation unilatérale était la cécité

totale passagère de l'oeil opposé et non une hémiopie. Et il semble

que la rapide guérison d'une lésion unilatérale est due à l'action

compensatrice de l'autre circonvolution, d'autant que la destruc-

tion bilatérale produit une cécité complète des deux yeux plus

durable et que je suppose même permanente. Mais d'autres recher-

ches sur des animaux qu'on a pu garder en vie pondant une

période plus longue que ne le permettait les vieilles méthodes

,

1 £ 'p, X. Jp. cil.

84 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

chirurgicales, ont montré que les résultats de l'extirpation uni ou

bilatérale du pli courbe, quoique entièrement en harmonie avec

mes premières recherches, étaient plus passagers que je ne l'avais

d'abord trouvé et que la destruction bilatérale ne produit pas

une perte totale permanente de la vision 1.

Comme preuve, je vais'citer les détails des expériences sui-

vantes.

Sur un animal, on cautérisa, avec le thermo-cautère le pli courbe

gauche. L'oeil gauche fut fermé et l'animal sortit de la stupeur. Au

bout d'une demi-heure, il était évidemment éveillé et ne voulait

pas bouger sans qu'on le touche. Alors on le retira de sa cage et

on le mit sur le plancher, il commença à marcher à tâtons en se

vautrant, cognant sa tête sur tous les obstacles. Après quelques

minutes, il se calma et refusa de marcher. Il ne manifestait aucun

signe de crainte aux menaces, et il ne clignait pas lorsqu'on poin-

lait un doigt contre son aeil jusqu'a ce que le doigt touchât presque

la conjonctive, alors, par le réflexe ordinaire, l'oeil se fermait. Une

demi-heure plus fard on répéta les mêmes expériences avec les

mêmes résultats indiquant la perte de la vue. Une demi-heure

encore après, pendant qu'il élail couché lramluillementdans sa cage,

il fut doucement saisi sans bruit pour ne pas attirer son attention;

alors il bondit avec une expression de crainte et de surprise et

courut tête baissée contre le pied de la table où il resta quelques

' Voir Expériences 111, IV, V, VI. l'lt. Trans., vol. Il, 1881.

Fig. 6. - Hémisphère gauche du cerveau d'un chat.

t. avancement du membre antérieur opposé. - 4, 1 éti-.tetiori et adduction de la

jambe du côte opposé. - i, élesatlon de 1 ? ce flexion de et et de la

patte. - A, action de fermer et de 'mi ? .1 \CC la patte, avec protr,l ? loH gt-iff. s. -

i, Ic\atioll tic l'angle de la bouche et de la loue, ? ce occlusion de l'oed. -6. nétr.ne-

tion accompagnée (1 un cellalll dcglé delevation de l'angle de la bouche et IIIOU\C-

ment en et et en ,maut de l'nrctlle. - 9, QU\Clturc de la bouche et lIIou\clIH'nl tic

la langue - 13, les veux tournés du côté opposé. - 1 1, picotement de l'oreille, tête et

jeux tournes du côté opposé. - 15, éte%atioii de la lèvre et torsion ce la natine du

même cité; divergence des lèvres.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 8»

minutes se trainant à tâtons. Alors il repartit et. cette fois, courut

contre le mur contre lequel il se traîna.

De pareils faits se répétèrent. il ne montrait aucun signe de

perception lorsqu'on l'approchait avec soin, sans bruit, mais si on

faisait auprès de lui le moindre bruit avec les lèvres, il partait

comme un trait contre le mur où il se couchait. Une demi-heure '

plus tard, pendant qu'il restait tranquillement dans un coin avec

les veux ouverts, on projeta sur ses yeux la lumière d'une lan-

terne, mais il ne fit aucun signe. En rampant avec précaution vers

lui sans exciter son attention, l'observateur fit un léger sifflement

contre sa figure, il jeta un regard de colère, mais se souvenant

sans doute des résultats de sa course, il se blottit par terre sans

bouger. Une demi-heure plus tard, pendant qu'il était tranquille

dans sa cage, il partit tout à coup, après avoir été touché, et courut

dans un coin où il se blottit.

« Le jour suivant, son oeil étant toujours fermé, il fit preuve,

sans aucun doute, de la possession de la vision de son oeil droit. Il

saisissait les choses comme d'habitude, courait dans le laboratoire

de tous côtés, évitant les obstacles à droite et à gauche avec une

précision parfaite, baissant sa tête pour passer sous les tuyaux

d'eaux du laboratoire. On ne put observer aucun trouble de la

vision, ni amblyopie ni hémiopie,. , »

Chez un autre animal, le pli combe gauche fut cautérisé jusqu'à

la scissure occipito-pariétale, la partie postérieure du corps cal-

leux fut aussi divisé en même temps2. 2.

« L'oeil gauche fut aussi soigneusement bouché, et on laissa

l'animal se réveiller de la stupeur du narcotique. Au bout d'une

demi-heure, il commença à se mouvoir spontanément, quoiqu'un

peu en chancelant. Une demi-heure après l'opération, il marchait

dans le laboratoire, cognant sa tête contre les pieds des chaises et

les autres obstacles sur son passage. Si on mettait un morceau de

pomme sous son nez, il la saisissait et la mangeait. Il continua de

marcher çà et là , de temps en temps, courant tête baissée contre le

mur. Trois heures après l'opération, en courant dans le labora-

toire, il vint tête baissée cogner son museau contre le mur où il

resta. Pendant qu'il se reposait, nous rampâmes vers lui, mais

l'animal, quoique les yeux grands ouverts et tournés vers nous, ne

fit aucun signe de perception. Des grimaces effiavaiites furent

également sans effet, mais si on faisait du bruit avec nos lèvres,

l'animal semblait alarmé, regardait en avant, et quoiqu'il vint

tout près de nos figures, ne semblait rien voir. On essaya à

droite et à gauche de même, mais on ne trouva aucun signe de

vision ni d'un côté ni de l'autre. Le jour suivant, l'oeil gauche

' Exp. V. Phil. Trairas., vol. Il, 1881.

Exp. VII, Op. cil.

86 ' PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

étant toujours fermé, l'animal courait dans toutes les directions,

baissant sa fête sous les barreaux, évitant les obstacles à droite et

a gauche avec la plu» grande précision et ne se cognant jamais ni

d'un côté ni de l'autre. -On ne pouvait alors trouver le plus petit

trouble de la vision, et il pouvait ramasser les plus petits objets

autour de sa cage ou qu'on lui jetait. »

Munck ' 1 a le premier montré que l'effet permanent d'une extir-

pation unilatérale complète de la sphère visuelle, n'était pas la

cécité complète de l'oeil opposé, mais 1 hémiopie homonyme par

la paralysie des côféscorrespondants desdeux rétines. Il l'a obl'11lle

par une section dans la ligne de scissure occipito-pariétale, et il

localise la sphère visuelle, uniquement dans le lobe occipital et re-

garde le pli courbe comme la sphère sensorielle de l'oeil. Cependant,

d'après ce fait qu'il admet lui-même, de l'inflammation secondaire

et de l'extension des lésions primaires qui suivent ses opérations gé-

néralement, sinon toujours, on ne peut pas compter sur les expé-

riences de Munck quand il s'agit de déterminer l'exacte délimita-

tion d'un centre donné. Il est raisonnable de supposer que les

opérations de Munck, pour enlever les lobes occipitales, atteignent

secondairement le pli courbe et ses rapports. Cette question de la

délimitation exacte de la sphère visuelle, soit aux lobes occipitaux

comme le veut Munck, soit comprenant aussi le ph courbe, sui-

vant mon opinion, et celle des rapports respectifs entre le pli

courbe et les lobes occipitaux et les yeux out été l'objet de recher-

ches par de nombreux physiologistes : Luciani et Tamburini2,

Luciani3, Horsley et Sclioefet-1, Sanaer-L3rowu et SeliLfet5, Lan-

negrâce 6, Gilman, Thompson et San;·er-l3rowtt', et c'est encore

un sujet sur lequel on est loin d'être d'accord.

Luciani et Tamburini et Luciani sont arrivés à cette conclusion

que les centres visuels ne sont pas limités aux lobes occipitaux,

mais embrassent aussi le pli courbe, quoique le premier pense que

l'effet de la destruction unilatérale du pli courbe est l'hémiopie

' UeGer die funclionen der Grosslairnrinde, 1881.

1 suri centri psico sensori contrcali, 1879.

3 On the sensory Localisations ol the cortex cerebri. (Brain, Jury,

1884.)

* Rapport des expériences sur les fonctions de l'écorce céréurale, Phil,

Trains., vol. CLXXIX, 1888. Bd. XX.

5 Functions of the occipital and temporal lobes of the illoitkey's (Brain

Phil. Trapus., vol. CLXXIX, 1888. Bd. XXX.)

' Influences des lésions corticales sur la vue. (Archives de médecine

expérimentale, 1889.) ,

' The centre for vision, liesearclaes ol the Loomis laboralory of

the médical département ol the 1171 iveisity of' City 0 ? 1'eu'-l'ork; n° 1,

1890.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 87

plulôt que l'amblyopie. Les expériences d'Horsley et Seliafer, et de

San2ei--Bi-own et Scllaefer sont d'une grande valeur, parce que

grâce aux précautions antiseptiqnes et a tous les détails et aux

finies qui accompagnent leurs expériences, les faits peuvent être

utilisés par tous les chercheurs. liorsley et Scha;fer rapportent

plusieurs expériences sur les lobes occipitaux, sur un seul ou sur

les deux. L'expérience suivante (XXIV) que je donne, d'après leurs

propres ternies, est spécialement digne de remarque. c Tout le

lobe occipital gauche fut enlevé par une incision oblique le long

de la scissure pariéto-occipitale. La pièce enlevée comprenait l'ex-

trémité de la corne postérieure du ventricule latéral qui se trou-

vait ainsi ouvert . Aucune fâcheuse conséquence n'en résulta

cependant, et quand le cinquième jour, on enleva le pansement, la

plaie était entièrement guérie.

Résultat. - Aucune paralysie musculaire. L'animal semble avoir

un trouble de la conscience visuelle des images, des objets qui

tombent sur le côté gauche de la rétine; car un objet, un raisin

par exemple, qu'on présente sur le côté droit de la ligne visuelle,

ou n'est pas remarqué, ou sa nature n'est pas aussitôt reconnue.

Ce trouble, d'abord très marqué au début, s'améliora progressi-

vement, et trois mois après l'opération, on ne pouvait plus le déter-

miner. »

Comme le montrent les figures, on enleva d'autres portions de

l'hémisphère, mais il est inutile pour moi ici de citer les résultats.

L'état du cerveau est donné dans les figures 24 a et 24 b. une

représente la face inférieure, et comme les auteurs disent eux-

mêmes « ces figures sont d'un grand intérêt, puisqu'elles montrent

l'ablation complète des lobes occipitaux et frontaux et les limites

de la lésion de la face inférieure de l'hémisphère (p. 35). »

Fig. 7. - Hémisphère gauche du cerveau d'un lapin.

1, avancement de la jambe antvicure ou opposée -4, 4, rétraction avec adduction

du membre antérieur opposée. - 5, élévation de l'épaule et extension en avant du

membre antérieur. i, 7, rétraction et élévation de l'angle de la bouche. - fi. occlusion

de l'mil opposé. - 9. ouverture de la bouche, aiec mouvements de la langue. -

iJ, mouvement en avant de l'oeil opposé, pwfois torsion de la tète du côté oppose. -

14, rétraction soudaine et élévation ou picotement de l'oreille du côté oppposë. -

15, lorsion ou fermeture de la iiaiine, ..

88 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

On a rapporté beaucoup d'autres expériences dans lesquelles les

lésions unilatérales ou bilatérales empiétaient sur la scissure

panéto-occipitale et la région du pli courbe, et dans aucun cas, on

n'a eu ni hémiopie ni cécité complète permanente.

Dans un cas' (Expérience XXVI), dans laquelle on enleva les

deux lobes occipitaux (surface externe et postérieure et une partie

de la surface inférieure) avec un intervalle de quatorze jours entre

les deux opérations, il n'y eut aucun trouble général de la percep-

tion visuelle, sans, autant qu'on peut l'affirmer, une cécité absolue

dans aucune partie du champ visuel ; mais les auteuis ne peuvent

pas parler de ce fait avec certitude. En enlevant le pli courbe

droit, on obtint une hémiopie complète gauche qui dura, sans

aucun signe d'amélioration, jusqu'à la mort de l'animal, tiois

mois après. Les expériences de Ilorsley et Schoefer, dans lesquelles

les lésions des lobes occipitaux sont plus considérables que dans

celles de Yéo et les miennes, sauf mes premières, toutefois, mon-

trent que les troubles hémiopiques sont transitoires, tandis que

dans le cas cité plus haut, il parait y avoir eu une extirpation com-

plète du lobe occipital, et cependant, l'hémiopie ne fut pas perma-

nente. La destruction du pli courbe avec le lobe occipital fut la

lésion qui a produit un résultat permanent. Leurs conclusions,

d'après leurs propres termes sont les suivantes : « Nos expériences

sur la région occipitale, quoique peu nombreuses, semblent com-

porter les conclusions auxquelles sont déjà arrivés Munck, Tessier

et Yéo. Elles montrent que les lobes occipitaux et les plis courbes

ont des fonctions en rapport avec les perceptions visuelles de telle

manière que chaque région occipitale est en rapport avec la

moitié latérale correspondante de chaque rétine et qu'une partie

seulement de l'écorce de la région peut prendre en grande partie

(comment déterminer la quantité chez des animaux) les fonctions

du tout. Ceci est aussi conforme aux résultats de Luciani. Autant

que le lobe occipital seul est intéressé, nos observations confir-

ment l'opinion de Munck que cette lésion produit un trouble

hémiopique de la conscience visuelle. Mais la vision imparfaite

qui reste après l'ablation des deux lobes occipitaux (voir cas 25 et

et 26) fait penser que le centre en rapport avec la conscience

visuelle n'est pas limité à ces lobes, comme le pensait Munck,

mais s'étend sur les plis courbes, l'hémiopie permanente n'étant

produite que par l'ablation de cetle circonvolution. Il serait cepen-

dant nécessaire que d'autres expériences fussent entreprises pour

déterminer avec plus de précision, non seulement l'étendue, mais

aussi l'importance relative de la portion antérieure, postérieure et

médiane du centre visuel de l'écorce '. » >

. Op. cit., p. 19

LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 89

LEÇON III.

Messieurs,

De nouvelles recherches de Schafer. en collaboration avec Sanger-

Brown, l'ont amené à penser d'accord avec Munk que l'extirpation

complète unilatérale d'un lobe occipital seule produit une hémiopie

persistante et que l'extirpation bilatérale produit une cécité totale

et durable. Tout en admettant que les lésions décrites par eux

soient la cause de l'héuliopie et de la cécité, il ne s'ensuit pas que

les résultats soient dus à l'ablation du lobe occipital tel quel. -

Schoefer ' lui-même admet que' le centre visuel n'embrasse pas

seulement le lobe occipital mais aussi une partie ou la totalité du

ph courbe. Les rapports des différentes portions des centres visuels

avec la rétine d'après les phénomènes produits par l'excitation

électrique et d'autres faits nécessitent une participation du pli

courbe (ou tout au moins de son fragment postérieur d'après

Schoefer), plus grande même que celle du lobe occipital. Donc si

une cécité totale suit l'ablation des lobes occipitaux suivant la

direction de la scissure pariéto-occipitale, il faut supposer que par

l'opération les connections médullaires du centre visuel entier sont

impliquées. - Schrcfer lui-même a supposé que les fibres unies à

l'écorce des parties environnantes du cerveau et spécialement du

pli courbe peuvent être coupées avec le lobe occipital et que cette

hypothèse s'appuie sur de nombreuses considérations3. 3.

Les lésions de la temporo-occipitale seules peuvent produire

l'hémiopie ou la cécité complète, suivant qu'elles sont unies ou

bilatérales, sans participation du pli courbe ou d'aucune autre por-

tion du lube occipital. J'at moi-même rapporté des cas l où on

note de l'hémiopie temporaire il la suite de lésions de la région

' Eleclrical excitation of the fMKa ! area. (Brain, april 1888.)

, Brain, vol. X, p. 372. '

3 Ceci cependant ne s'accorde pas très bien avec le schéma de Schilffer

qui est le suivant : t° tout le centre visuel d'un hémisphère est en rap-

port avec la moitié latérale correspondante des deux rétines; 2° la zone

du centre visuel d'un hémisphère est en rapport avec la moitié supé-

rieure des deux rétines; 3° la zone inférieure du centre usuel est en rap-

port avec la partie inférieure de la moitié correspondante des deux

rétines; îo la zone intermédiaire du centre \isuel est en rapport avec

la partie moyenne de la moitié latérale correspondante des deux rétines

(loc. cIl., p. 5). Les réactions cependant seraient complètement empli-

quées par la supposition que le pli courbe a des relations avec tout l'oeil

opposé.

' Ph. Traus, vol. II, 1881. Experiments XXVII et XXVIII.

90 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

occipito-temporale et ce sont plobablernent dé pareils faits qui

ont conduit Luciani à étendre le centre visuel jusqu'au lobe tem-

ppral. Non seulement' on peut trouver alors de l'hémiopie mais

aussi l'hémiopie peut être persistante.

Voici une représentation d'un cerveau dans les expériences de

Btown et Schfefer. L'opération a consisté dans l'ab ! ation du lobe

temporal droit. Plus tard, la lésion s'est étendue en partie sur la

surface inférieure du lobe occipital. A l'exception de cette lésion

du lobe occipital, tout le reste de la zone visuelle était intact, cepen-

dant cet animal était complètement hémiopique. La conclusion

est que la lésion a atteint toutes les radiations optiques car autre-

ment, d'après l'hypothèse de Schiifer, elle aurait causé une cécité

seulement des portions inférieures de la rétine.

Il semble donc que l'incision de l'ablation du lobe occipital

racée le long de la scissure pariéto-occipilale externe est destinée

à léser toutes les radiations optiques de la région occipito-angu-

aire qui émergent des noyaux primaires à ce niveau environ (voir

Fys la h Phil. Il-ails, 1888. B. 30, plate 49.

Fig. 8 et 9. - Section horizontale de l'hémisphère gauche du

1 singe au niveau de la coinmisstire antétteure (giandeur naturelle).

'te' commi"sul'c antérieure. - c.-1, corne ul'.lmmon - cl. avant-mur. - cq, coips

q,1(ii-ijti[uttix. - ec, capsule exteme. - 1 C, capsule interne. - 111, mania de .Vieil. -

f. pilier antenieur ou descendant (\Ieyncl't) du tnngone. - f', fibres ascendantes, ou de

\ cq d'Azr. - f m. fascicule de 1\Ienert - fs, scissure de S1% itis. - ne, lIoau

coudé. -'711, noyau lenticulaire. - or, 1 ddi.J.lions optiques (Giatiolet). -- P, puhinar,

- p. comnllssure poste[ ieuie.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 91

fig. 8). l'appui de ce que j'avance, je rapporte l'expérience sui-

vante : j'expose l'extrémité inférieure de scissure pariéto-occipitale

fauche, en plantaut un conducteur à ce point entre la surface 1l1fé-

rieure du lobe occipital et la tente , et je passe un stylet courbé

le long de la rainure pour faire une incision transverse de peu de

millimètres de profondeur à travers la région occipitu-temporale.

Comme résultat on eut une hémiopie qui, cependant se dissipa

très rapidement au point qu'elle n'était plus nettement perceptible

le troisième jour. Quinze jours après, on opéra de même la région

occipito-temporale droite, l'incision, cette foi=, fut faite juste devant

l'extrémité inférieure de la scissure panéto-occipitale. L'animal

mourut un mois après la première opération. Pendant tout le

temps qu'il survécut il resta absolument hémiopique vers la gauche

dans toutes les parties du champ visuel. On trouva après la mort

que l'incision était superficielle et non continue, interrompue dans

la région du lobule lingual. Du côté droit, l'incision s'étendait à

travers toute la région occipito-temporale et pénétrait de plusieurs

millimètres dans la substance cérébrale divisant les fibres médul-

laires qui émergent de la région des centres optiques primaires.

Brown elTbompson 2 pensent que l'ablation du lobe occipital d'un

côté produit de l'hémiopie du côté opposé toujours sans lésion du

gyrus angulaire qu'ils excluent entièrement de la sphère visuelle.

Ils donnent des détails sur un singe chez lequel on constate après

ablation du lobe occipital gauche, une hémiopie droite, avec une

hémianesthésie droite qui persistait encore le vingt-sixième jour

après l'opération. Cent jours après la première opération. on enleva

aussi le lobe occipital droit. Il s'ensuivit une cécité complète mais

ils disent qu'après trois semaines l'animal recouvra la vision sur

une certaine étendue vers la gauche. Ils pensent, mais ils ne

donnent aucune preuve du fait, que probablement quelques fibres

occipitales avaient été épaignées pendant la seconde opération.

L'animal mourut de phthisie le deux cent trente-unième jour. A

l'autopsie, on trouva que le lobe occipital entier avait été enlevé

de chaque côte derrière les plis courbes, laissant une surface cou-

pée nette. A quelque distance de cette surface, la pie-mère était

adhérente aux circonvolutions, mais on a noté qu'il n'y avait pas

d'epaississemeut. Il est certain cependant que cette première lésion

a dû s'étendre au delà du lobe occipital, à cause de l'hénllanestéoie

qui ne se produit pas quand les lésions sortent localisées au lobe

occipital ; et ce fait que l'ablation des lobes occipitaux, tels mêmes

qu'ils ont été trouvés complètement extirpés, ne produit pas une

perte totale de la vision, est démontré par le fait qu'ils rapportent

eux-mêmes que l'animal pouvait toujours voir quoique imparfaite-

ment, d'un côté. Dans une autre expérience, ils trouvent que la

' Op. cit.

92 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUES.

destruction du pli courbe gauche ne produit aucun résultat avec

l'exception d'une ]¡émianelhe,ie droite avec un peu de paralysie

du bras droit ( ! ). Le dix-neuvième jour on fit une seconde opéra-

tion, consistant dans l'incision de tout le lobe occipital droit. Elle

fut suivie d'une hémiopie gauche qui persistait toujours quand leur

- mémoire fut écrit, dix-sept mois après l'opération. Ce sont là les

seules opérations sur les singes que les auteurs ont rapportées. Lan-

negrace (Op. cit.), d'un autre côté, qui a fait de nombreuses expérien-

sur les lobes occipitaux et les gyri angulaires chez les singes, dit,

d'accord avec mes résultats et ceux de Yeo, que la des uction du

lobe occipital ne produit aucun trouble appréciable de la vision

tandis que la destruction des plis courbes produit une amblyopie

croisée temporaire. Il rapporte deux cas de lésions successives des

plis courbes. Dans un, la première lésion produit une amblyopie

croisée qui dura quatre jours. La seconde lésion, cependant, ne

produisit aucune altération appréciable. Dans l'autre, la première

lésion produisit de nouveau de l'amblyopie croisée qui disparut en

deux jours, tandis que la seconde donna lieu à une amblyopie

durable. Ces résultats, semblables à ceux obtenus par Yeo et moi,

dépendent sans aucun doute du degré de l'extirpation des plis

courbes.

J'ai déjà dit que mes premières expériences, comme celles du

professeur Yeo, montrent qu'une lésion destructive unilatérale de

ce gyrus produit une cécité temporaire de l'oeil opposé, et que la

destruction bilatérale produit une cécilé complète et durable dans

les deux yeux. Comme ces résultats ont été beaucoup mis en doute,

je dois insister sur leur précision. J'ai vérifié la présence d'une

cécilé complète de l'oeil du côté opposé par la destruction du pli

courbe gauche chez un animal qui a été dernièrement le sujetd expé-

rience. Chez cet animal j'ai d'abord énudé l'cril gauche, pour

exclure toute complication de ce côté. Après avoir on levé le pli courbe

gauche, l'animal, quoique en toute possession de tous ses sens et de

sa puissance musculaire et d'autre part bien portant, était de toute

évidence ab-olumentaveugle. II ne répondait à aucune des épreuves

de la vision : il n'aurait bougé de son coin, mais poussé, il rampait

aveuglément et misérablement. Cet état dura plusieurs heures, pen-

dant lesquelles il était en observation. Lejour suivant, il y a des

marques de vision, mais 1 animal était devenu si prostré, le temps

étant très froid qu'il mourut avant qu'aucune autre observation

exacte fût possible. Que des lésions du pli courbe puissent com-

prendre des radiations optiques, la chose est possible, mais ce

résultat n'est point nécessaire et il ne pouvait pas entrer en ligne

de compte pour la perte complète de la vision de l'oeil du côté

opposé. Les connexions entre les deux plis courbes rendent compte

de la nature transitoire de l'amblyopie qui résulte de l'extirpation

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 93

unilatérale et de ce fait que, comme dans un petit nombre de mes

expériences où la destruction de ce lobe était complète d'un côté

ou de l'autre, l'ablation ultérieure de l'autre lobe ne semble pas

atteindre la vision ni d'un côlé ni de l'autre. Quand, cependant,

les plis courbes sont complètement détruits des deux côtés, l'ani-

mal. quoique complètement aveugle les trois ou quatre premiers

jours, ne reste pas dans cet état d'une façon permanente sans

jamais toutefois récupérer sa wsion normale. Ce fait a été aussi

confirmé par les recherches de Lannegrâce. A part les troubles d

la vision, la destruction des plis courbes ne produit aucun autre

symptôme ni moteur ni sensitif, il n'y a ni ptosis ni paralysie ocu-

laire et la sensibilité de la conjonction est absolument normale.

Ces résultat1 ! , confirmés par les recherches de Ilorsley et de

Scba·fer, contredisent l'opinion de Munk que le pli courbe est le

centre sensitif du globe oculaire, et on trouvera en examinant les

données de Munk que les phénomènes qu'il regarde comme indi-

quant une perte de la sensibilité de l'oeil sont en réalité dus à une

perte de la vision. Ainsi il dit qu'après la destruction du pli courbe

gauche l'approche du doigt de foeil gauche produit invariablement

un clignotement, tandis que la même menace à droite produit'

seulement le clignotement quand les paupières sont touchées. Ceci

me semble une preuve de la sensibilité de l'mit et la non-percep-

tion du danger a distance. Il admet aussi l'absence de clignote-

ment comme caractéristique de cécité, mais il dit que vu que l'am-

mal ne pouvait pas être aveugle, le lobe occipital étant probable-

ment intact, l'absence de clignotement pouvait être dû seulement

à l'impuissance de l'écorce d'agir le sphincter palpébral ! De plus

il dit que lorsque le pli courbe a été détruit d'un côté et lait de

ce côté fermé, l'animal manque les objets qu'on lui offre ou ceux

qu'on jette devant lui surtout quand ils sont petits. C'est pour moi

une preuve évidente d'amblyopie. Il dit aussi qu'après l'extirpation

bilatérale du pli courbe chez les singes, « après une restitution

incomplète» - phrase qui n'est pas très intelligible - ils sont

incapables comme les singes normaux, de prendre, avec leurs doigts,

délicatement les choses qu'on leur présente, mais les saisissent

avev la main entière. C'est une preuve de plus de l'imperfection de

la vision que j'ai décrite, : manque de précision dans la préhen-

sion et tendance continuelle à mettre la main au delà des objets

visés au lieu de les saisir de suite.. ,.

Seliteferl a aussi décrit les symptômes présentés par un singe chez

lequel les deux plis courbes étaient détruits. Les premiers jours,

ranimai paraissait tout à fait aveugle, mais la vision revint gra-

duellement et avant peu elle fut assez bonne ponr les objets éloi-

gnés. L'animal pouvait apparemment voir les petits objets, comme

1 1J1'alll, July, 88, p, 159.

94 PIIYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

un raisin, à distance; mais en se précipitant dessus, il présentait

une ceitaine difficulté pour le prendre. Schoefer pense que ce der-

nier fait est dû à l'absence de la vision dans les portions antéro-

supérieures et lalérales de la rétine. J'ai dernierement cherché

avec soin l'état de la vision chez un singe chez lequel j'avais

détruit complètement les deux plis courbes. Il n'y avait aucun

ptosis, les mouvements des yeux étaient normaux, les réflexes cun-

jouctivaux conservés, la sensibilité était intacte partout, la force

musculaire conservée, mais pendant quatre jours enfin l'animal

fut absolument aveugle. Quand poussé à bouger, il courait contre

tous les obstacles sur son passage, ne faisait pas attention aux me-

naces, ne pouvait pas trouver sa nourriture, excepté en tâtonnant,

et paraissait insensible à un jet de lumière projeté à ses yeux. Le

cinquième jour on trouva des preuves du retour de la vision. Il ne

frappait plus sa tête contre les obstacles maintenant, il ne mar-

chait pas au delà du bord de la table, il montrait des signes de

perception quand on lui projetait de la lumière sur les yeux, et

parfois il semblait clignoter quand on le menaçait. La vision

s'améliora graduellement, mais elle resta imparfaite, surtout pour

les petits objets qu'il saisissait rarement avec précision, les saisis-

Fig. 10. - Centres corticaux du chien d'après Munk.

,1, 7.ne w.uelle. - B, zone uuuitiw, c'est-a-dire la zone de sensibilité tactile (Illilils-

phure) - D. l1l(mbl'e O1nterlCUt. - C, iiienibie postérieur. - E, zone de la tête -

F, région de l'oeil. - C, région de l'oreille. - H, légion du cou. - S. région du

tronc.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 0))

saut avec toute la m'ain et tombant en deçà ou au delà ou de côté. Il

paraissait voir les objets tenus en haut, en bas et de chaque côté

mieux que ceux placés en face de ses yeux. Six semaines après

l'opération, mon collègue, le professeur Mac Hardy, examina ]'alll-

mal qui était très docile avec moi, essayant toutes les portions du

champ visuel avec des morceaux de pommes suspendus à des fils

délicats. On en conclut que la vision était meilleure sur toute la

périphérie que sur le centre. Les objets tenus directement devant

les yeux et à une petite distance, n'étaient pas bien vus et ne

furent jamais saisis avec précision. Même état pendant trois mois

après l'opération; on fit de temps à autre les mêmes essais avec

les mêmes resultats. J'ai remarqué que l'animal quand il exami-

nait un objet le tenait toujours le bras allongé, éloigné de ses yeux.

Les faits observés chez cet animal auraient été mieux expliqués

par un trouble ou une perte de la vision centrale ; car on sait bien

que lorsque la vision centrale est perdue ou affaiblie chez un

homme les objets sont mieux vus à distance que de près et moins

distinclement lorsque les yeux sont tournés directement vers eux.

C'est précisément ce que l'on observe chez cet animal. La perte de

la vision centrale rendait compte de ce fait, noté par Sch¡pfer chez

son animal, que les objets étaient^ mieux vus à distance que de

près et que l'animal de Munk ne pouvait jamais placer ses doigts

avec précision sur les petits objets placés directement devant ses

yeux. Il n'y avait aucune preuve, au contraire, que les portions

supérieures de la rétine étaient moins sensibles que les portions

latérales et inférieures, il me semblait donc que les symptômes

résultant de la destruction bilatérale du pli courbe, que nous avons

décrits moi, Munk et Schiefer sont mieux expliqués par la supposi-

tion que les plis combes sont plus particulièrement en relations

avec le centre de la vision distincte et par suite avec les macula1

fate. Les faits pathologiques chez l'homme nous obligent à sup-

poser que la région de la tache jaune est représentée dans chaque

hémisphère quoiqne plus dans l'hémisphère opposé que dans

l'hémisphère du même côté et probablement le centre de la vision

claire est représenté principalement dans le pli courbe de l'hémis-

phère opposé.

Les relations rétiniennes des centres visuels ne peuventpas être ex-

pliquées par une simple division du champ rétinien en moitiés corres-

pondantesprojetéessur le côté correspondant dechaquehémisphère

par une lésion unilatérale du pli courbe,produit une cécité temporaire

ou une amblyopie du côté opposé, tandis qu'une lésion bilatérale

produit un affaiblissement durable de l'acuité usuelle des deux

yeux 1. Des résultats de mes expériences semblent démontrer que

' Ceci s'accorde avec l'hypothèse de Gowers que sur la surface exté-

rieure au-devant du lobe occipital, il y avait un centre visuel plus élevé

96 " PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

chaque pli courbe a des rapports avec les deux yeux - 1.'action

croisée est cependant la seule qui soit démontrable chez les ani-

maux inférieurs, mais cela n'exclut pas la possibilité de quelques

trouble de la vision du même côté non perceptible avec les

moyens d'investigation qui leur sont applicables. Il est ceitain que,

chez l'homme, les affections des centres visuels produisent parfois

l'amblyopie croisée et non de l'hémiopie homonyme Non seu-

lement c'est la caratéristique des troubles visuels notés daris l'heiiiia-

nesthésie hystérique, dont la pathologie est obscure mais on l'a

aussi noté dans des cas de maladie organique, - Ordinairement

avec la cécité ou un grand affaiblissement de la vue du côté op-

posé, il y a eu un certain degré de contraction du champ visuel

du même côté. - J'ai moi-même relaté plusieurs cas semblables' 1

etGuwers 2 en a vu aussi; Sbarkey a a publié un cas semblable

très bien observé. L'autopsie a montré un ramollissement avec

résorption d'une zone considérable de l'hémisphère opposé com-

prenant le pli courbé. Le lobe occipital était intact et nullement t

diminué de volume par rapport au premier

Un signe distinctif entre l'hémiopie d'origine centrale et celle d'ori-

gine périphérique a été supposé par Wilbrand (Op. cit.) et démontré

par Weinick et Seguin qui consiste à déterminer si un pinceau

de lumière jeté sur le coté aveugle de la retine produit la con-

traction de la pupille ou non. Comme le tractus optique est le

passage des fibres qui excitent la contraction pupillaire à travers

les centres oculo-moteurs comme celles qui excitent les sensations

visuelles dans l'écorce, et delà lésion du tractus optique causera non

seulement l'hémiopie mais aussi la paralysie de la réaction re-

flexe de la pupille à la lumière ; tandis que la lésion des centres

corticaux cause l'hémiopie mais laisse intacte la réaction pupillaire.

Mais ce signe demande un grand soin dans son application, car

il est difficile de projeter des rayons lumineux eutiérement sur le'

côté aveugle. Dans un cas, récemment dans mon service, au Kinr

Collège Ilospital· , dans lequel la ligne de séparation passait par

dans lequel la moitié des champs usuels sont combinés et tout champ

opposé est représenté. » Diseases of 'leI'VOUS sys(enz., vol. II, p. 19.

' CPrebralunablyopia and leemiopta. Bmin, vol. III, p. 156.

, Medico-clti1'w'gical Transactions, \01, 1XVI1, 1884.

2 Diseases of the nervoiss System, p. 19.

' Le malade était un homme de tlellte-neuf ans. Deux ans auparavant

il avait contracté la syphilis et au moment de son eiiiiée il avait un

ulcère tertiaire du voile du palais. Il avait îles tressaillements du côté

(huit de la face avec uu affaiblissement et un engourdissement du côté

gauche. Le serrement de la main gauche était faible et il y avait une

pêne delà Iluaion dorsale du pied gauche. Il se déviait à droite. On le

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 97

le point central qui fut examiné avec grand soin à ce point de

vue par le professeur Mac Hardy et moi-même, on n'obtint pas la

trouva absolument hémiopique vers le côté gauche et un examen péri-

métrique fait avec soin par le professeur -Mac Hardy démontra que la

ligne de division passait exactement par le point de fiation.

Archives, t. XXI 7

Fig. 11. - Rapports des yeux avec la zone visuelle chez

le chien (d'après Munk).

i)8 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

réactionpupillaire, commed'habitude,quandle pinceaude lumière

futprojeté vers le côté droit de la rétine, tandis qu'on l'obtenait par

la projection sur le côté gauche de la rétine. Ces faits pourraient

confirmer l'hypothèse que c'était un fait d'hémiopie dû à une lé-

sion du tractus.

. J'ai 1 écemment vérifié la réaction pupillaire hémiopique chez

deux singes chez lesquels j'ai accidentellement blessé le tractus

optique en faisant des lésions du lobe temporal. Le résultat dans

les deux cas fut une hémiopie du côté opposé. Dans les deux cas

le tractus optique gauche fut divisé et dans les deux, avec une

hémiopie droite, il y avait une absence de réaction pupillaire

quand un fin réseau de lumière électrique était projeté sur la

moitié gauche de chaque rétme tandis que la réaction avait lieu

quand la lumière était projetée sur la moitié droite. Chez le singe

et dans plusieurs cas chez l'homme d'hémiopie dépendant des lé-

sions de l'hémisphère, j'ai vu la réaction pupillaire égale quel-

que fut le côté éclairé. Il n'y a aucun ! doute que chez le singe

comme chez l'homme, il y a décursation dans le chiasma. Michel,

dans sa monographie assez récente * maintient toujours le con-

traire, en se basant sur des recherches microscopiques; mais ses

résultats ont été attribués par Singer et Munzer à à l'imperfection

des méthodes d'examens.

Quant à la pathologie de l'amblyopie croisée par lésion du pli

courbe chez le singe, comme les cas semblables chez l'homme, je

ferai allusion à l'hypnothèse émise par Lannegrâce. Lannegrâce

regarde globe oculaire comme innervé par deux faisceaux de

fibres, sensorielles ou optiques propres, et sensitives dans la dépen-

dance desquelles se trouve la nutrition de l'oeil. Les sensorielles ou

optiques subissent la décussation dans le chiasma et se rendent

au lobe occipital ; les sensitives subissent la décussation dans le

pont et s'appliquent aux fibres postérieures de la capsule interne;

elles se distribuent principalement au pli courbe. Les lésions des

fibres sensorielles produisent l'amblyopie et des troubles sensitifs

dans l'oeil. Un pareil résultat se produit dans les lésions du pli

courbe et tient sous sa dépense les changements qui se produisent

dans la nutrition de l'oeil. Cette hypothèse demanderait que dans

tous les cas d'amblyopie par lésion cérébrale il y ait intégrité de

la sensibilité du globe de l'oeil. Mais ce n'est certainement pas le cas;

car, quoique l'amblyopie hystérique est aussi bien une affection de

la sensibilité que sensorielle, il n'en est pas ainsi dans l'amblyopie

consécutive à la destruction du gyrus angulaire. Quoique les affec-

tions de la cinquième paire, qui cause la perte ou un trouble de la

sensibilité de l'oeil, fréquemment amène aussi des désordlcs fo-

' Ueben Sehnerven Degeneration unel ICreu4ztag, 1887.

Beili-age zî41, kenntuiss Seluwrvenkrenzung, 1889. -

LES 'LOCALISATIONS CEREBRALES. 99

phiques de l'oeil, cependant ce n'est pas une chose nécessaire; et

même quand l'oeil est absolument anesthésique, si aucun trouble

trophique ne survient, la vision n'est nullement atteinte. Comme

preuve je m'en rapporterai à deux cas (cas I et cas III) cités par

Hutchinson dans les Ophthalmic Ilospital Reports, vol. IV, 1863-63.

La sensibilité produite par la cocaïne n'atteint pas non plus l'acuité

visuelle de l'oeil.

Ces faits me semblent des objections fatales pour l'hypothèse

de Lannegrâce, et je dis que la seule hypothèse qui semble con-

corder avec tous les faits est que les plis courbes sont plus particu-

lièrement les centres de la vision claire, chacun surtout pour l'oeil

du côté opposé. Que les autres régions de la rétine supérieure,

inférieure externe et interne soient spécialement représentés dans

des régions correspondantes du lobe occipital, suivant les hypo-

thèses de Munk et de Scbafer. On saurait ne dire aujourd'hui quela

chose soit bien prouvée; car même après la destruction la plus

grande des lobes occipitaux, aucune partie de la rétine ne parait

absolument aveugle ; d'où, même si nous admettons que les faits

de l'irritation indiquent probablement une relation spéciale des

différentes portions du champ visuel avec certaines portions de

l'écorce occipitale, cette relation, autant que nous pouvons le

juger par les faits pathologiques et expérimentaux ne parait pas

être exclusive.

Il est vrai que chez l'homme, nous trouvons quelquefois, au lieu

d'une hémiopie générale, des défauts de la vision partielle en qua-

drant, en secteur dans les moitiés supérieures ou inférieures du

champ visuel. Cependant, ce sont des cas d'hémiopie très incom-

plète et peu durable comme dans le cas que je vous montre dans

lequel on peut voir un îlot d'acuité visuelle subnormale dans la

moitié affectée. La pathogénie de ces troubles visuels en forme de

secteurs est un sujet de conjectures. On n'a pas trouvé d'une façon

concluante leur rapport avec des lésions d'une portion particulière

de l'écorce, et l'hypothèse la plus probable est qu'ils dépendent t

plutôt des lésions partielles des radiations optiques plutôt que des

centres eux-mêmes. C'était sans aucun doute là la pathologie dans

le cas auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, car ce trouble arriva

chez un malade qui a eu une soudaine attaque d'hémiplégie avec

hémianesthésie et quelque trouble de la parole.

Il est douteux qu'on ait publié des cas strictement de lésions

corticales du lobe occipital accompagé d'hémiopie sans participation

directe ou indirecte des radiations optiques. Dans la plupart des

cas d'hémiopie qui ont été examinés après la mort, dans lesquels

les tractus optiques, les optic thalami ou les corps gémculés n'ont

pas été évidemment lésés ; on a trouvé des lésions dans les fibres

médullaires de la région postérieure vaguement ou sans raison

dénommes lobe occipital; or. si l'écorce a été grav emen atteinte, les

100 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

lésions ont été multiples et diffuses et non confinées dans la région

occipitale. Et en plus de l'hémiopie, il y a eu de l'hémianesthésie.

de l'hémiplégie, de l'aphasie et d'aulres symptômes dus aux lésions

des tractus cérébraux et des centres dépassent la région occipitale.

Sous ma direction, mon ami et élève le Urlvvens a réuni et analysé

la majorité des cas sinon tous d'hémiopie avec autopsies, avec

lésions cérébrales telles qu'elles n'ont pas certainement compris

d'autres régions. De ces 41 cas d'hémiopie, 13 étaient dus à des

lésions de la région occipito-angulaire, 2 à des lésions des circon-

volutions angulaires et supra-marginale seulement, Ici décrits

comme lésions du lobe occipital seul. De ces 15 il n'y en avait

que 2 (cas de Hun1 et de Doyne 2) dans lesquels il n'y avait ni

tumeur, ni kyste, ni abcès, ni ramollissement de la substance

médullaire de la région occipitale ni une autre lésion atteignant le

thalamus optique; et dans un de ces cas, celui de Doyne, le siège

de la lésion n'est pas décrit avec grand soin.

Dans les autres cas, les lésions étaient diffuses, 6 des lésions

de la région occipito-temporale, 3 des lésions des circonvolutions

occipitales, temporales et pariétales ensemble, le pli courbe étant

atteint dans tous ces cas.

Par suite de la fréquence relative avec laquelle on a trouvé l'hé-

miopie associée avec des lésions du coin et de son voisinage,

Segttin et Nothnagel pense que cette portion du lobe occipital a

une relation spéciale avec la perception visuelle ; tandis que Wil-

brand pense que le centre visuel est plus spécialement dans la

pointe occipitale. Ces hypothèses s'appuient sur des recherches

, expérimentales. Il est probable que l'apparente relation entre les

lésions du coin et l'hémiopie est due à la tendance spéciale de cette

région à être affectée par les troubles vasculaires coïncident avec

des lésions, des radiations optiques de la région temporo-occlpitale.

Dans le cas de Sé¡ ! l1Ïn', qu'il cite à l'appui de son hypothèse, non

seulement le coin était atteint mais aussi la quatrième et la cin-

quième circonvolution temporale et une partie du gyrus de l'hypo-

campe ? On a aussi publié des cas où des lésions non seulement

unilatérales mais bilatérales ont eté trouvées dans les lobes occi-

pitaux sans aucun trouble visuel d'aucune sorte. -

' Amer. Jourt. Med. Science) : , 1887, cas I.

' Ophthal. Soc. Nov. z, 1889.

' '-Tite journal of Nervous and Mental Diseases, vol. XIII, jawier 86.

. Neural, CevlralGlatt., 1887, p. 213.

, Op. cit.

' Depuis la rédaction de cette leçon, un cas a été publié par Dulepine

(Tians. Patle. Soc. Land, May., 20-90) dans lequel une hémiopie droite

était associée à un ramollissement du coin gauche. Dans ce cas, cepen-

dant. il y avait une lésion artérielle généralisée et il y avait beaucoup de

LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 101

Des lésions irritatives du pli courbe donnent parfois lieu à des

illusions optiques ou à des éclairs suivis d'amblyopie temporaire,

comme dans le cas de Hughes Cbennette 1, pendant que des lésions

destructives du pli courbe plus particulièrement dans l'hémisphère

gauche sont généralement associés avec la forme spéciale d'aphasie

sensorielle appelée « cécité verbale » (Kussmaul). La cécité verbale

ne s'accompagne pas forcément de trouble notable des sensations

visuelles, quoique dans quelques cas où la lésion de la région oc-

cipito-angulaire était plus étendus il y avait un degré plus ou

moins grand d'hémiopie droite.

D'un autre côté, l'hémiopie droite pure ne s'accompagne pas

forcément de troubles dans l'idéation visuelle. Ce serait là un argu-

ment contre sa nature corticale. Ce fait, que l'idéation visuelle pus

particulièrement en rapport avec l'association des symboles écrits

et de leur signification est capable de recevoir plus qu'une simple

perception, me semble être un exemple des lois de l'évolution et

de la dissolution des centres nerveux qui ont été si habilement

exposées par Hughlings Jackson dans ses " Croonian Lectures »

faites ici même il y a quelques années (1884). De même que l'évo-

lution se fait du plus simple et du plus stable au plus complexe et

au moins stable, de même le processus destructif annihile d'abord

les manifestations fonctionnelles les plus élevées et en dernier lieu

les manifestations fonctionnelles les moins élevées. Les fonctions

des centres visuels, en rapport avec la simple sensation visuelle

ou la simple représentation, sont plus stables que celles qui com-

prennent l'idéation visuelle ou la représentation, et en particu-

lier que Jes processus si habilement spécialisés et si complexes de

l'association entre les symboles visuels et les choses signifiées.

Donc, une lésion de la zone de la vision la plus claire peut paralyser

l'idéation visuelle, tandis que la simple représentation visuelle peut

être intacte. Pour qu'elle soit aussi abolie entièrement, il faut que

toutes traces du centre donné soit enlevée. En d'autres termes, on

rencontrera plus souvent la cécité de l'idéation que la cécité de

représentation, et la première plus souvent dans ces modes de ma-

nifestation plus spécialisées.

Pour les centres visuels des vertèbres inférieurs, je ne puis pas

citer beaucoup de mes observations et de mes expériences. Le centre

visuel des chiens a été l'objet principal des recherches physiolo-

points circonscrits de ramollissement dans le cerveau. En particulier, il

y avait une petite zone qui avait détruit la plus grande partie de la cir-

convolution occipitale moyenne. Ce cas est donc trop complexe pour

peimettre des conclusions exactes sur les rapports de l'hémiopie et les

lésions du coin en particulier.

' Excessive Sensory, Cortical Discharges and their Effects. (Lancet,

30 mars et 16 avril 1889.)

102 ) PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

giques. Hilzig1, le premier, a noté la cécité de l'oeil opposé par la

destruction do la région occipitale chez les chiens, et en 1881 Goltz

décrivit un trouble de la vision à la suite de lésions destructives de

l'hémisphère cérébral opposé, qu'il ne rapporte pas cependant

spécialement au lobe occipital, rapport qu'il a admis plus récem-

ment. Le trouble en question était, à son avis, non pas une cécité

complète, mais une impossibilité pour l'animal à comprendre et à

interpréter ce qu'il voyait. Il a donné à cet état le nom de hirnseh-

scl1wJche ou amblyopie cérébrale. Elle était entièrement croisée

et affectait seulement l'oeil du côté opposé à la lésion. Munk, dans

ses premières expériences, arrivait essentiellement à la même con-

clusion : que le trouble de la vision, résultant d'une lésion au

point A, fig. 14, n'avait lieu seulement dans lot ! opposé. Dation 2

a aussi trouvé l'oeil opposé aveugle, et d'après toute apparence

d'une façon permanente quand l'écorce était détruite dans la région

de la division postérieure de la seconde circonvolution externe qu'il

appelle la circonvolution angulaire. Luciani et Tamburini, d'un

autie côté, trouvent que la destruction de la seconde circonvolution

externe, plus particulièrement sa portion médiane ou pariétale,

produit une cécité de l'oeil opposé et un certain degré d'amblyopie

de l'oeil du même côté. Les autres expériences de Munk cependant,

comme celles de Loeb3 et de Goltzl, et aussi les dernières expé-

1 ieuces de Luciani, semblent démontrer que, quoique chez les

chiens le centre visuel est principalement en relations avec l'oeil

opposé, il est aussi en relation avec le quart externe de l'oeil du

même côté. Donc, la destruction du centre visuel dans un hémis-

phère paralyse les trois quarts internes de la rétine opposée et le

quart externe de la rétine du même côté. Cet état, après tout sup-

portable, est celui d'un hémiopique homonyme vers le côté opposé :

le trouble dans l'oeil opposé étant beaucoup plus considérable que

dans l'oeil du même côté. Mais les faits rapportés par Luciani et

Tamburini indiquent que, pour un peu de temps seulement, après

la destruction de la portion moyenne de la deuxième circonvolution

externe, il y a une cécité dans l'oeil opposé 6. Et Goltz remarque

qu'il ne pense pas que ces premières conclusions étaient dues il un

défaut d'observation, mais qu'il y avait probablement une diffé-

rence dans ses procédés d'opération. Il parait cependant que nous

avons ici les mêmes rapports que chez les singes, et que, pour un

'Centralblatt f. med. Il'issenscha/'ten, 187î.

' Centres 0/ Vision in the cérébral hémisphères. (Med. Record,,1881.)

3 P/luger's Archiv., 1881.

. Pflüger's Archiv., p. 459.

'Sensv1'ial Localisations in the Cortex cerebri. (BI'ain, vol. VII, 1885,

p. 145.)

' Op. cit.

LES LOCALISATIONS CEREBRALES. M03

moment au moins, après la complète extirpation de la sphère

visuelle, il ya une cécité complète de toit opposé, c'est ce que con-

firment les expériences récentes de llechterew 1, Il trouve que chez

les chiens et les chats il y a deux centres dans l'écorce en rapport

avec la vision : l'un dans la région occipito-pariétate, en rapport

avec les deux moitiés correspondantes des deux rétines, et l'autre

plus spécialement dans la région pariétale, en rapport avec l'oeil du

côté opposé seul. La lésion du premier produit l'hémiopie homo-

nyme ; la lésion du dernier, généralement se produisant avec celle

du premier, produit avec l'hémiopie l'amblyopie de l'oeil opposé

par la paralysie du centre de la vision claire. Cette affection com-

binée fait généralement place après un certain temps à de l'hé-

miopie homonyme; or, au contraire, l'hémiopie disparaît et l'am-

blyopie croisée reste. Les conclusions de l3ecliterew expliquent

entre autres les résultats obtenus par Gilman, Thompson et Sanger-

Brown 2, qui paraissent tout à fait en désaccord avec ceux de Munk,

Goltz et beaucoup d'autres physiologistes. Car ils trouvèrent que les

lésions, d'une étendue et d'une profondeur suffisantes, dans la

partie postérieure de la région occipitale chez les chats et les

chiens, produisent invariablement uni) cécité de l'oeil opposé, sans

aucun trouble de la vision de l'oeil du même côté. Ces auteurs,

cependant, semblent penser que l'étendue de la sphère visuelle est

plutôt une affaire de capacité que de localisation minutieuse ana-

lomique, car ils disent que, pour que la cécité soit permanente, il

faut enlever chez les chats entre 3",5 et 3 centimètres cubes de

substance cérébrale et entre 4",5 et 6 centimètres cubes chez les

chiens. Pour rendre la cécité permanente, l'incision doit avoir au

moins 3 millimètres de profondeur et 2 centimètres de diamètre

chez les chats, et 1 centimètre de profondeur et 3 centimètres de

diamètre chez les chiens, et doit embrasser au moins deux circon-

volutions. De petites lésions produisent une cécité complète de l'oeil

opposé durant d'un à deux jours à six semaines. Ils concluent de

leurs expériences que chez les chats et les chiens, il y a une décur-

sation complote des nerfs optiques dans le chiasma. Ceci est, au

contraire, aux recherches de Von Gudden 3, qui montrent que chez

les chats et les chiens il y a une décursation partielle des tractu-

optiques, et Nicati ° trouvé expérimentalement que la division du

chiasma dans le diamètre antéro-posterieur ou sagittal ne produi-

sait une perte complète de la vision dans aucun oeil. Les récentes

recherches de Singer et Munger, auquel nous avons déjà fait allu-

' Extrait du Neurol. Centralisait. April 1890.

2 Researches of the Lqomis Labaratony 1890.

3 Archives f. Opltthalmologie, 1874. Band. 20.

eli-chiv. de physiologie, 2* séiie, t. V, 1878.

104 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

sion, indiquent qu'il n'y a qu'une décursation partielle dans le

chiasma des chats, des chiens et des lapins.

La limite exacte de la sphère visuelle chez les chiens est toujours

controversée, mais toutes les expériences sont d'accord pour com-

prendre dans cette zone la moitié postérieure de la seconde cir-

convolution externe. = C'est cette circonvolution q*ui par sesréac-

tions électriques correspond chez le singe au pli courbe et au lobe

occipital. Le centre visuel décrit par Munk est représenté dans

la /«</ ! <)*< : 11. Au point 4 situé principalement dans la portion posté-

rieure de la deuxième circonvolution externe de l'oeil il place le

centre de la vision claire (macula lutea) du côté opposé. La portion

moyenne de la zone visuelle avoisinant la faux est le centre de la

moitié interne, la portion antérieure le centre de la moitié supé-

rieure et la portion postérieure, la moitié postérieure, de la rétine

opposée. Il considère la portion latérale comme le centre pour le

quart externe de l'oeml du même côté, il établit que la destruction

de chaque portion produit la cécité dans la région correspondante

de luit du côté opposé ou du même côté, et que c'est seulement

par une fixation anormale de l'oeil ou par l'habitude que l'animal

peut éviter les troubles qui en résultent.

Munk décrit comme les effets de l'extirpation d'une zone circu-

laire de l'écorce dans la région A, mesurant à peu près 1 milli-

mètres de diamètre et 2 millimètres d'épaisseur, un état de la vue

ou de la perception visuelle semblable à celui déjà décrit par Goltz,

L'animal n'est pas aveugle, puisqu'il peut éviter les obstacles,

mais il semble avoir perdu toute idéation visuelle. A cette affec-

tion, il donne le nom de Seenelblinellieit, ou cécité physique, en

opposition à la Rindenblindbeit ou cécité corticale, qui comprend

la perte totale de la vision et de l'idéation visuelle. Comme ex-

plication il dit; ce qui me parait être une hypothèse un peu in-

forme, que l'extirpation delà région en question a enlevé toutes

les images visuelles qui sont emmagasinées dans ce lieu et autour

et que c'est seulement par éducation que l'animal peut de nouveau

réemmagasiner des figures visuelles, nouvelles dans la partie du

centre non détruite. Quelques images cependant moins fragiles que

d'autres peuvent échapper à la destruction générale de cette lésion

iconoclastique. Dans un cas c'est celle du plat dans lequel l'ani-

mal a été habitué à boire, dans un autre, c'est le signe de donner

la patte auquel l'animal à été habitué à obéir.

Goltz a critiqué cette hypothèse dans ces termes amusants :

« Une portion considérable de l'écorce du lobe occipital, est

décrite comme centre visuel par Munk. Mais de beaucoup la plus

grande partie de ce centre est pour lui du luxe. Les « images de

la mémoire (Erinnerzungs biJder) de la perception visuelle sont

pressées ensemble comme les moutons dans un orage dans un

petit endroit qui occupe seulement les deux septièmes de tout le

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 105

centre'visuel. Quand ce petit endroit qui, correspondant à la ma-

cula lutea de la rétine humaine est détruit des deux côtés, l'atii-

mal est d'abord aveugle, et apprend seulement graduellement à

voir comme un petit chien à l'aide du resté de sa sphère visuelle.

Cinq septièmes de la sphère visuelle, une large portion de l'écorce,

semblent placés là pour que si un chien tombé dans les mains

d'un physiologiste il puisse de nouveau apprendre avoir, quand on lui

a coupé toutes les images visuelles. Tous les chiens qui échappent

à ce sort, et depuis la création ils doivent être nombreux, por-

tent toute leur vie les cinq septièmes de leur sphère visuelle,

comme un champ inculte. Quelle chose étonnante que les hypo-

thèses 1 ! »

Même si les différentes portions de la rétine étaient représen-

tées dans les régions indiquées du centre visuel, il est peu proba-

ble qu'elles pourraient être déterminées avec certitude, excepté

par des recherches périmétriques exactes, qui sont naturellement

impossibles chez les animaux inférieurs. La difficulté de pareilles

recherches chez les animaux, est démontrée par l'histoire des ex-

périences de Munk, chez les lapins '. c J'ai enfin pensé que je

pourrais déterminer avec quel oeil le lapin voit mieux et avec

lequel il voit moins bien. En cela cependant, je me suis trompé,

parce qu'il m'est arrivé parfois, que là où par mes essais j'avais

pensé que le trouble le plus grand de la vision était dans l'oeil

gauche, l'autopsie révèle le fait que le tractus gauche et le nerf

optique droit étaient plus atrophés que le tractus droit, et le

nerf optique gauche. »

Loeh, après une série d'expériences soigneuses, dit qu'il n'y a

aucun fondement pour admettre les idées de Munk, que les seg-

ments de la rétine sont en rapport avec des points spéciaux du

centre visuel. Quand un trouble de la vision se produit par lésion

du lobe postérieur, il y a toujours la même hémiopie ou semiam-

blyopie, quelle que soit la portion du centre atteint. La portion la-

térale du lobe n'est pas en relation spécialeavec le centre extrême

de l'oeil du même côté, ni aucune partie n'est pas plus en rapport

avec une portion delà rétine qu'une autre. Eu particulier la vi-

sion centrale est celle qui est la moins affectée dans tous les cas

que la lésion du centre.visuel, soit uni ou bi-latérale. II n'y a

jamais aucune situation excentrique ou anormale du globe oculaire,

quand les régions spéciales indiquées par Munk sont détruites,

comme cela se produirait nécessairement si les portions correspon-

dantes étaient paralysés et le retour de la vision, après des lésions

partielles du centre visuel, n'est pas dû à la pratiqne, nia l'acqui-

' Op. cit., p. 175. `

5 Sitzungsberichte Aked d. ll'issenoch. : Il Berlin, vol. XXXI. 20 juin

1889, p. 631.

106 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

sition d'une nouvelle expérience visuelle, car la guérison se pro-

duit quand l'animal est placé absolument dans l'obscurité et ainsi

mis dans l'impossibilité d'exercer ses facultés visuelles.

Chez les lapins, le centre visuel, suivant l'homologie des réactions

électriques, occuperait la région pai iéto-occipilale, de l'hémisphère.

Les limites exactes de la sphère visuelle chez ces animaux ne pa-

raissent pas avoir été déterminées exactement par aucun observa-

teur; quoique certaines expériences de Moeli' indiquent les lésions

de la région indiquée comme produisant au moins la cécité tem-

poraire de l'oeil opposé. On a supposé que chez cet animal, il y

avait une décussation complète des tractus optiques dans le chiasma

d'autant que les expériences de Brown-Séquard ont montré que la

section sagillaie du chiasma produit une perte complète de la vision

des deux yeux. La décussation totale dans le chiasma du lapin

élait,encore suppoable dans les récentes recherches de Van Gud-

den qui trouva qu'après l'énucléation d'un oeil le tractus optique

opposé était seulement atrophié Mais dans ses dernières recher-

ches il conclut qu'un petit faisceau de fibres non croisées ou di-

rectes existe aussi dans le tractus optique de cet animal, comme

chez les vertébrés plus élevés. Singer et Munzer pensent aussi

qu'il y a une décussation partielle chez le lapin, mais le faisceau

non croisé ne se présente pas comme une bande séparée, mais les

fibres sont plus ou moins éparpillées dans le tractus optique. Chez

la souris et le cochon d'Inde, cependant, la décussation est com-

plète. La décussation partielle du tractus optique dans le chiasma

est en faveur de cette opinion que chez le lapin aussi les deux yeux

sont plus on moins en rapport avec chaque centre visuel; certaines

expériences de Munk viennent à l'appui. Ce point demande

cependant d'autres recherches.

Chez les pigeons et les oiseaux en général, la région homologue

au centre \isuel des animaux supérieurs occupe la partie pari(·lo-

posténeure de l'hémisphère où elle forme une petite bande au-

dessus du corps strié. Me Kendrick 3 a trouvé que la destruction

de cetle région produit la cécité dans l'oeil opposé; tandis que

l'ablation de la partie antérieure ni fabulation de l'extrémité

postérieure de l'hémisphère n'ont aucun effet sur la vision. De

pareils résultats ont été obtenus par Jastrowilz et llisecliold 1.

Blascko, cependant a trouvé que la vision ne semblait pas en-

tièrement abolie dans l'oeil opposé par la destruction de l'écorce

' Irchiu. de physiologie, 1871-72 : Sur les communications de la rétine

avec l'encéphale. ! Archiv. f. Ophthalmologie. Bd. 20, 1874.

3 Traits, roy. Soc. Edinbll1'gh, janvier 1873.

1 Archiu. ? Psychiatrie. Bd. VI, 187G.

Das Sehcentrum bei 7'SM<'f)[,August., 1878.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 107

dans la région indiquée, et Munk conclut que quoique la vision

semble d'abord abolie entièrement dans l'oeil opposé, cependant

ap ès un certain temps. elle réapparaît dans les portions extrêmes

latérales ou externes de la rétine.

On dit généralement qu'il y a une complète décussation des

tractus optiques dans le chiasma chez les pigeons, mais von Gudden

exprime quelque doute sur ce sujet. Singer et Munzer cependant

croient qu'il y a une- décussation complète chez le pigeon Munk

cite en faveur de ses conclusions certaines observations de lliüller

qui montrent que dans la rétine du pigeon il y a en plus de la

fovea cenlrdlis, une autre fovea située plus près de la région tem-

porale de la rétine. Ces foveas externes servent à la vision bino-

culaire, les centrales a la vision monoculaire. Des recherches oph-

thalnloscoplqne3 de Ilirschl)ei ? confirment ces faits.

Il m'a semblé que si aucun oiseau possède une vision binoculaire

c'était le hibou dont les yeux sont placés presque sur le même

plan. Pourélucider cette question, j'ai récemment extirpé complè-

tement l'hémisphère droit d'un hibou. L'oeil droit fut alors fermé.

Le hibou réagit très bien à tous les excitants visuels, et se tient en

éveil à tous les mouvements qui viennent dans son champ visuel.

Cet oiseau cependant, dix jours au moins, restait parfaitement

indifférent à la lumière électrique projetée sur son oeil, à toutes

les menaces, et mis en mouvement il volait en aveugle contre tous

les obstacles sur sa route. Au bout de ce temps, il y eut des signes

de vision mais qu'on trouva dus à une fermeture incomplète de

l'oeil droit. Pour s'assurer si le centre visuel de l'hémisphère gauche

était intact, l'oeil droit fut complètement ouvert. Ceci a eu pour

résultat le retour de la vision de l'animal pour ce qui etait de l'oeil

droit, mais aucune indication de vision ne peut être obtenue de

l'aeil gauche. L'oiseau put poursuivre et enfin atteindre une souris

introduite dans sa cage, quoique la souris s'échappât de temps à

autre en gagnant la gauche du hibou. On enleva l'aeil droit. Alors

il devint rapidement' évident que l'animal n'était pas entièrement

aveugle mais il pouvait voir vers la droite avec la porlion externe

de son oeil gauche. Il clignait aux menaces faites sur sa droite, il

venait au-devant et prenait les morceaux de viande qu'on lui ten-

dait de ce côté, mais il ne visait pas toujours exactement. Cepen-

dant il. poursuivit à travers sa cage et finalement, après beaucoup

de peine, attrapa une souris qu'il dévora en entier. Il n'existe donc

aucun doute sur les rapports binoculaires de chaque hémisphère

chez le hibou. Cependant Michel, comme Singer et Munzer dit qu'il

y a une totale décussation des tractus optiques dans cet oiseau. Si

le fait est exact il s'ensuit que la décussation totale n'est pas in-

compatible avec la représentation binoculaire dans chaque hémis-

phère.

108 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Mes propres expériences comme celles de Munk, IIorsley et

Schufer. montrent que quand les lésions sont strictement limitées

à la sphère visuelle, la vision seule est affectée ou abolie sans au-

cune complication des autres formes de sensibilité spéciale ou gé-

néiale et absolument sans aucune paralysie motrice. Les résultats

contraires obtenus par quelques auteurs sont sous la dépendance

de lésions primaires ou secondaires des autres centres ou tractus

sensoriels ou moteurs. Dans les expériences de Goltz, les troubles

de la vision à la suite de lésions des régions occipitales paraissent

avoir été presque invariablement associés avec d'autres formes de

troubles sensitifs, mais la façon dont il produisait ses lésions n'a pas

été suffisamment définie pour pouvoir exclure toute participation

des tractus sensitifs de la capsule interne ou d'autres régions sen-

sorielles de l'écorce. La question de savoir si, après la destruction

de toute la sphère visuelle chez les animaux supérieurs, homme

ou singe, aucune réaction des impressions rétiniennes excepté celle

de la pupille ne se produit, comme cela a été contesté par Goltz

chez les chiens et par Luciani et Tamburini et Lannegrâce même

chez les singes, n'a pu être contrôlée cliniquement ni par mes pro-

pres expériences ni par celles de Munk sur les singes.

Quoique le singe rendu aveugle par l'extirpation de ces centres

visuels acquiert le pouvoir d'éviter les obstacles, les choses qui l'en-

vironnent habituellement, cependant cela paraît dû plutôt à un

affiuement de ses autres facultés ou à une appréciation plus at-

tentive des impressions faites sur lui par les objets dont il est en-

touré qu'à une sensation visuelle. C'est une question qui deman-

derait de nouvelles recherches, car si les impressions rétiniennes

sont coordonnées avec des actions adoptées à un but dans les

centres subordonnés des vertèbres inférieurs, comme les poissons,

les reptiles et les oiseaux, il est lies possible que des réactions sem-

blables puissent être découveites chez les animaux supérieurs,

même quoique à un moindre degré. 11 est certain cependant que

le centre visuel de l'écorce n'est pas seulement une région ditfé-

renciée fonctionnellement capable de remplacer ou d'être rem-

placée par d'autres régions corticales d'autant que la destruction

des cenlres visuels amène une atiophio des centres optiques pri-

maires, des tractus optiques et des nerfs optiques : et de même la

destruction des réactions optiques amène une atrophie strictement

confinée aux régions comprises dans la zone visuelle. La différen-

ciation d'un centre exclusivement, autant qu'on en peut juger par

les expériences et les observations cliniques, esten faveur de l'hy-

pothèse que les autres facultés sensorielles sont aussi séparément

localisées dans des régions corticales définies.

(A suivre.)

REVUE PHARMACOLOGIQUE

ACÉTAN1L1 DC,

Par M. YVON.

L'acétazzilide ou phénylacétamide a été découverte par Ger-

liardt, en 1835. Ce chimiste l'a obtenue en faisant agir le chlorure

d'acétyle ou l'acide acétique anhydre sur la phenylamine (ani-

line). Mais ce ne sont pas les seules réactions qui puissent

donner naissance à ce corps; il se forme également par l'ac-

tion de la chaleur sur l'acétate d'aniline. L'acide acétique cris-

tallisable peut également être employé à la place de l'acide

acétique anhydre et c'est même le mode de préparation le plus

simple et le plus avantageux au point de vue pharmaceutique.

Voici le mode opératoire que j'ai adopté et décrit antérieure-

ment :

Préparation. Dans un ballon en verre, placé au bain de

sable et en communication avec un réfrigérant ascendant, on

introduit :

HO REVUE PHARMACOLOGIqUE.

de 260 degrés. A ce moment, l'excès d'acide acétique et d'ani-

line est passé dans le récipient : on laisse refroidir et l'on

obtient une masse compacte constituée par de l'acétanilide

impure. Avec les proportions indiquées plus haut, on

obtient 400 grammes de produit.

Avant d'employer l'acétanilide pour l'usage médical, il faut

la purifier par sublimation ou par des cristallisations succes-

sives dans l'eau bouillante, jusqu'à ce que l'eau mère ne pré-

sente plus de réaction acide et ne contienne plus de traces

d'aniline. On s'en assure au moyen de la réaction suivante

que j'ai fait connaître : on opère, soit sur l'eau mère de la

dernière cristallisation, soit sur l'acétanilide que l'on triture

avec de l'eau distillée; on verse dans le mélange une petite

quantité de la solution d'hypobromite de soude qui sert au

dosage de l'urée. Si l'acétanilide est bien purifiée le mélange

reste limpide et coloré en jaune. Pour peu qu'il y ait des

traces d'aniline il se produit un précipité rouge orangé très

abondant et le liquide prend la même couleur. Cette réaction

est d'une sensibilité telle qu'elle se produit encore avec de

l'eau renfermant une demi-goutte d'aniline par litre.

Pour l'usage médical, on devra rejeter toute acétanilide odo-

rante, colorée, ne se transformant pas en un liquide incolore -

lorsqu'on la chauffe sur une lame de platine, non entièrement

volatile, et donnant enfin, avec l'hypobromite de soude, la

réaction que je viens d'indiquer. -

Propriétés chimiques.- L'acétanilide répond à la formule

CI H9 Az ; elle se présente sous forme de paillettes cristallines

blanches, d'un aspect nacré, criant sous la dent, sans odeur;

la saveur est chaude et piquante. L'acétanilide est très peu

soluble dans l'eau; une partie exige 160 parties d'eau pour se

dissoudre. Elle est très soluble dans l'eau bouillante; soluble

dans 3 parties et demi d'alcool, 6 d'éther et 7 de chloroforme.

Elle fond en un liquide incolore à 112 degrés d'après Ger-

hardt. Elle entre en ébullition et distille vers 295 degrés.

Propriétés lhémpeuliques.- L'acétanilide a été introduite

dans la thérapeutique en 1886 par MM. A. Cahn et E. IIeppe,

assistants à la clinique de Kusmaiil, ils l'ont désignée sous le

nom d'aatifébrize qui met en relief une de ses propriétés, et

préconisée comme antithermique puissant dont l'action serait

environ quatre fois plus énergique que celle de l'antipyrinc ; il

en résulterait qu'avec Ogr. 25 centigr. d'antiféhiine on obtien-

drait la même action qu'avec un gramme de ce dernier pro-

ACÉTANILIbE. 111 1

duit; la dose maxima ne doit pas dépasser 2 grammes en

vingt-quatre heures. Les faits annoncés ont été contrôlés par

Fraenkel, puis en France par le professeur Lépine, de Lyon,

qui a étudié en outre l'action de l'acétanilide sur l'homme

sain et sur l'animal. Voici le résumé de son travail et de celui

de ses collaborateurs.

Chez l'homme bien portant, une dose de 0 gr. 25 cent. d'acé-

tanilide ne produit pas d'action sensible; si l'on élève la dose

jusqu'à 0 gr. 75 par jour, on observe le plus souvent une dimi-

nution dans la quantité d'urine et très rarement de la cépha-

lalgie et quelques nausées. A doses beaucoup plus élevées

(4 grammes) et continuées pendant quelques jours, on observe

de la cyanose du visage et des extrémités : cette action dis-

paraît aussitôt que l'on supprime l'administration du médica-

ment, et résulte de l'action que l'acétanilide exerce sur le sang

dont elle transforme l'oxyhémoglobine en methemoglobine,

ainsi que cela résulte des travaux de M. Aubert.

Le sang artériel des animaux soumis à l'action d'une dose

toxique d'acétanilide offre en effet une coloration brun sale, et

l'examen spectroscopique montre l'existence de la bande d'ab-

sorption caractéristique de la methemoglobine. On observe ce

même fait dans les cas d'intoxication par l'aniline. Les glo-

bules sanguins ne sont pas altérés et leur nombre n'est pas

diminué, ce qui autorise à croire que la production de la me-

themoglobine ne résulte pas de la destruction de ces globules.

Lorsque la couleur brune est bien accentuée la diminution de

l'oxygène dans le sang artériel est considérable; elle peut de-

venir inférieure à la moitié de la quantité normale; la fibrine

parait également diminuée.

L'action de l'acétanilide (à la dose de 0 gr. 40 par kilog.) sur

le système nerveux est très nette. Le chien présente du trem-

blement et de la parésie du train postérieur; à dose double,

l'inertie devient complète, l'animal ne bouge plus et ne réagit

presque pas lorsqu'on l'excite. L'excitabilité des troncs ner-

veux périphériques est diminuée. Il résulte de ceci que l'acé-

tanilide possède deux propriétés bien tranchées : une action

antithermique et une action sur le système nerveux; toutes

deux utilisables en thérapeutique.

D'après Moi. Cahn et Heppe, l'acétanilide administrée par

doses de Ogr. 23 (à 0,50) en ne dépassant pas 2 grammes dans

les vingt-quatre heures abaisse énergiquement la température.

L'action se manifeste une heure environ après l'absorption,

112 REVUE PHARMACOLOGIQUE.

atteint son maximum au bout de quatre heures environ et

persiste de trois à dix heures suivant la dose. En même temps

que la température baisse, la fréquence du pouls diminue et la

tension artérielle augmente i.

Le D'' Lépine a également obtenu de bons effets de l'acéta-

nilide dans la fièvre typhoïde et dans un cas de fièvre palu-

déenne grave. Son action doit être surveillée avec soin chez

les typhiques.

Comme médicament nervin, l'acétanilide peut rendre de

grands services. Chez les individus qui n'ont pas de fièvre, elle

ne détermine pas de refroidissement et dans certains cas elle

suspend la douleur et amène le sommeil. Elle exerce une

action marquée sur le système nerveux et principalement

sur la moelle. Le D'' Lépine l'a employée avec succès pour

combattre les douleurs fulgurantes des tabétiques et dit les

avoir vues toujours se calmer comme par enchantement à la

suite de l'administration de une ou deux doses de 0 gr. 50 cen-

tigrammes. Le même auteur l'a employée avec succès dans deux

cas de névralgies, et dans un cas de sclérose en plaques, elle

a diminué le tremblement et augmenté la force du malade.

Tiller a essayé l'antifébrine dans neuf cas d'épilepsie à la

dose de 0 gr. 75 centigrammes par jour en trois fois. Le trai-

tement fut continué pendant quatre mois consécutifs : le mé-

dicament est bien toléré, mais son action ne parait favorable

que dans les cas où les accès sont peu nombreux et encore est-

elle bien moins nette que celle des bromures.

L'acétanilide est en. général bien supportée et son élimina-

tion se fait par l'urine. On peut la retrouver assez facilement

dans ce liquide. Pour cela on agite, ainsi que je l'ai indiqué,

l'urine avec du chloroforme; ce dissolvant s'empare de l'acéta-

nilide; il est séparé et évaporé dans une petite capsule et le

résidu chauffé avec du protonitrate de mercure prend une

coloration verte caractéristique.

On peut encore mélanger l'urine avec un quart de son vo-

lume d'acide sulfurique concentré et faire bouillir quelques

instants : Après refroidissement, on ajoute une petite quantité

d'acide phénique et quelques gouttes de solution de chlorure

' L'on observe parfois de la cyanose lorsque la dose est tiop élevée,

mais ce phénomène déparait aussitôt que l'on cesse l'administration du

médicament.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. Il : 1

de chaux. Il se produit une belle coloration rouge qui passe

au bleu par l'addition d'ammoniaque.

Préparation pharmaceutique. On administre l'acétanilide

finement pulvérisée en paquets ou en cachets dosés à 0 gr. z5 ou

à 0, 50 centigrammes. On peut également l'administrer en so-

lution d'après la formule suivante :

- Acétanilide....... 5 gr.

Ehxir de Garus..... 110

Chaque cuillerée à bouche contient Ogr. 50 de médicament.

REVUE DE PATHOTOGIE MENTALE

I. DE la CIIORLE ET d'autres phénomènes moteurs chez les

aliénés ; par M. KOEPPE : -I, (A1'Ch, f. Psych., XIX, 3.)

Analyse très minutieuse de six observations. M. Kceppen dis-

tingue trois espèces de mouvements chez les aliénés. I. Ceux qui,

quoique paraissant conscients et volontaires, sont purement auto-

matiques. II. Ceux qui tiennent à l'agitation (excitation des centres

sus-corticaux par irradiation corticale). Il[. Ceux qui véritablement

convulsifs peuvent être même épileptoides voire épileptiques. Le

mouvement choréique a pour caractères : de se produire sans

cause spontanément et d'agir au hasard sans coordination :

considérée sous ce jour l'agitation de l'aliéné est parfois très voisine

de la chorée. Les vrais mouvements choréiques des psychoses sont

un élément surajouté à l'aliénation mentale qui émane souvent,

comme celle-ci, d'un même facteur (arthritisme, lactation) : ils

entrent dans leur troisième catégorie. P. K.

Il. Trois cas DE paralysie PROGRESSIVE avec lésion en FOYER dans

H capsule interne ; par Ta. Zacher. (A1'ch, f. P.,ych., alX,3.)

De trois observations décrites avec le plus grand soin, M. Zacher

met en évidence que tous les trousseaux défibres qui partant des

régions antérieures du cerveau traversent toute la capsule interne

occupent le tiers supérieur du genou de celle-ci.

Il en et de même des fibres qui descendent du noyau caudé.

Archives, t. XXI. 8

114 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '

L'auteur insiste sur le peu de,durée de ces hémiplégies malgré les

destructions étendues de la capsule interne; il pense que les lésions

diffuses préalables de l'écorce produisent chez le paralytique

général des conditions qui facilitent le rétablissement de l'équi-

libre fonctionnel d'un hémisphère par le remplacement de l'autre,

ce qui n'a pas lieu pour des cerveaux ordinaires. II invoque aussi

une disposition particulière, -de son observation III, chaque

moitié du pédoncule contenant ici, selon lui, des fibres anato-

miques destinées aux deux moitiés du corps. Enfin la syphilis se

trouve relevée chez deux de ces malades : mais il n'existe, dit

M. Zacher, aucun signe clinique qui caractérise la paralysie géné-

rale syphilitique ; les altérations des parois vasculaires (hyperpla-

sie de leurs éléments, hémorrhagies capillaires) sont insuffisantes

pour permettre de constituer une forme car, outre-qu'elles ne sau-

raient être accusées de tous les désordres de l'écorce, elles se sont

montrées, en l'espèce, très peu accusées dans la région la plus atro-

phiée, celle des ascendantes; de plus, la question des troubles de

nutrition ne saurait être agitée puisque les cellules sont demeurées

intactes. P. 1C ·

III. DE CE QU'ON désigne SOUS LE NOM DE contagion PSYCHIQUE;

parC.WERNER. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLIV, 405.)

Est-ce bien du conl.age comme celui du poison de la rougeole ?

Reprenant les faits publiés et les particularités qui s'en dégagent,

M. Werner obtient un dossier clinique de 45 observations soigneu-

sement analysées. Il y joint un fait qui lui est personnel. Il for-

mule les conclusions que voici :

Il C'est généralement dans la prédisposition héréditaire du contaminé

qu'il faut chercher et que l'on trouve la cause de l'affection psychique;

la psychose du contaminant n'a été que la goutte d'eau qui, à l'instar

d'une émotion terrifiante, a fait déborder le verre. - 2°,Quand on ne cons-

tate pas d'hérédité on note l'existence d'affaiblissement physique et d'un

surmenage quelconque. 3° Un homme bien portant, à cerveau robuste,

demeurera toujours indemne. La preuve en est dans le personnel des

gardiens d'asiles. P. K.

IV. DES traumatismes, DE l'épilepsie ET DE l'aliénation mentale,

' par J. Wagner. (Jahrbttch. . Psych., VIII, 1, 2.)

D'une analyse éminemment clinique des faits connus rapprochés

de cinq observations originales, l'auteur conclut que les équivalents'

psychiques de l'épilepsie, ou l'épilepsie psychique est bien souvent

le résultat du traumatisme et que le mécanisme en est alors ré-

tlexe. Il se pourrait aussi que les accidents psychiques de l'épilep-

sie soient l'effet d'une chute occasionnée par l'épilepsie convulsive

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 'lI7

antécédente. Le vertige épileptique, dont la genèse psychique est

incontestée, parait être réflexe et traumatique; ainsi, parmi les

invalides allemands de la guerre de 1870-71, on comptait 138 in-

dividus qui, après avoir été blessés au crâne accusaient des ver-

tiges périodiqnes d'intensités variables et beaucoup d'entre eux fu-

rent des années plus tard, atteints : de paroxysmes convulsifs ; en

tout cas, il n'en guéritque très peu. Le traumatisme crânien parait L

également influencer les psychoses alcooliques en déterminant des

attaques épileptoïdes et des psychopathies semblables à celles que

l'on rattache d'ordinaire à l'épilepsie; il y aurait peut-être lieu

d'admettre le groupe des psychoses traumatico-alcooliques (une

observation personnelle à l'appui). P. K.

V. DES psychoses intentionnelles, par L. 111EYEB.

(Arch. f. Psych., XX, 1.)

L'émotivité exagérée et l'appréhension déterminent souvent la

folie, soit que le sujet, trop impressionnable, se préoccupe trop

vivement de faits qui se passent autour de lui et le frappent, parce

qu'il redoute d'être à son tour atteint, soit qu'il passe son temps à

examiner ce qui se passe en lui et attribue une trop grande impor-

tance aux idées qui lui trottent par la tête et aux perceptions dont

il est l'objet, par crainte de devenir aliéné; se montrant toujours

inquiet de ce qu'il appelle une anomalie de sa cervelle, il finit jus-

tement, pour ces motifs, par déraisonner. C'est ce que IL Meyer

appelle l'origine intentionnelle de l'aliénation mentale. Le méca-

nisme serait à peu près celui de l'excès de tremblement de la sclé-

rose en plaques, de par l'attention, et des maladresses des jeunes

gens à leur entrée dans le monde. P. K.

DE l'infection psychique; par R. V·OLLE\BEItG.

(Arch. f. Psych., XX, 1.)

La véritable infection psychique se reconnaît aux deux carac-

tères suivants. Il y a réellement transmission à une personne saine

en tous points d'idées délirantes; cette dernière les accepte et les '

fait siennes ; si l'autorité du délirant-contage impose ses idées dé-

lirantes, son départ coincide avec la disparition de celles-ci chez

le délirant contaminé. Mais celte infection ne s'effectue qu'à la

condition qu'il y ait parfait commensalisme des deux parties et

que toutes deux soient positivement séquestrées du monde extérieur.

Le surmenage psychique et somatique, la communauté d'intérêts

et de tendances, d'espérances et de craintes, d'impressions et de

' Voy. Société psychiatrique de Berlin, 10 juillet 1888.

118 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

facteurs nocifs de tous genres jouent ici le plus grand rôle. Ce

concours défectueux n'est nulle part mieux réalisé qu'au -sein de

la famille. P. K.

VII. DE L1 confusion DES PERSONNES dans ses rapports avec la cécité

psychique; par J ,-1. HOPPE. (Alla, Zeitsch. f. Psych., XLIV, fi.)

D'après M. Hoppe, la confusion des'personnes n'est souvent qu'un

mode de la cécité psychique; elle provient en un mot d'un trouble

fonctionnel de l'imprégnation cellulaire, la cellule ne reprodui-

sant plus l'image visuelle de la personne. C'est un phénomène pas-

sager qui se voit fréquemment chez les gens sains d'esprit et bien

portants. "

Définitif chez le dément, ses cellules ne fonctionnant plus, il est

complexe chez l'aliéné, surtout quand la psychose dont il est atteint

n'a pas encore accompli son évolution, parce que la physiologie des

éléments corticaux est loin d'être assise. Néanmoins, toutes les fois

que l'illusion ou le délire n'interviennent pas, il y a lieu de le rat-

tacher à un défaut ou à une excès d'activité de l'écorce, c'est-à-dire

à la cécité mnémonique ou psychique. Après avoir analysé la con-

fusion des personnes au point de vue psychologique, après avoir

envisagé la perception et sa genèse, la sensibilité, la connaissance,

l'auteur passe en revue la confusion psychique, et la confusion

fonctionnelle des personnes. Il examine les faits dans l'ordre des

idées que nous venons de relater. Enfin il consacre quelques pages

à la cécité psychique dans les maladies de l'enfance et les mala-

dies cérébrales. P. K.

V111. Les voix QUI devancent, accompagnent OU SUIVENT la pensée DU

- SUJET chez LEQUEL ELLES SE produisent, ET LE mémoire DE il. Mu

SALOION sur la double pensée ; par HOPPE. (Ally. Zeitsch. ?

Psych., XLIV, 4-5.)

Etude critique de la théorie de Salomon, d'après laquelle la

double pensée consiste en ce que toute conception forme deux

images, dont l'une reste sur le foyer de l'idéation, tandis que

l'autre va se graver sur le centre d'un des organes des sens quel-

conque et revient au siège de l'idéation retrouver celle qui s'est

d'emblée fixée : cette répercussion explique comment le malade

voit un objet auquel il pense revêtir une forme tangible. M. Hoppe

propose la théorie suivante : '

A l'état normal, les léflexions ou la lecture provoque dans les cellules

du cerveau chargées des images verbales, la genèse des mots qui maté-

rialisent les notions éveillées dans l'esprit. Mais nous ne les articu-

lons pas Si la cellule en question est atteinte d'un état de faiblesse ou

d'irritabilité, la sollicitation physiologique se communique aux fibres et

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 117

aux organes de l'articulation. Dans ces conditions nous parlons à haute

voix sans nous en apercevoir. Suivant la modalité de ces irritations, le

phénomène de la décharge va plus ou moins vite. La conscience participe

à ces formes de résonance simultanée involontaire; elle perçoit le son

sollicitateur de l'articulation à la manière des bruits transmis ou des

bruits vagues ou encore des bruits intracraniens. En résumé, la dériva-

tion de la décharge que nous conduisons à notre guise d'ordinaire, peut-

être grâce à l'entrée en scène voulue de fibres d'arrêt, se produit ici

malgré nous. Nous parlons sans le vouloir et en même temps nous per-

cevons les voix cérébrales qui témoignent de la résonance des cellules

imprégnées à tort. P. KERAVAL.

IX. Guérison D'UNE manie SOUS l'influence DE LA diphtérie

pharyngienne; par E. Schuetze. (Arch. f. Psych., XX, 1.)

L'observation ne nous apprend rien de nouveau. C'est à l'in-

fluence de la fièvre et non à l'intoxication miasmatique que

l'auteur attribue la guérison de la psychopathie. P. K.

X. DES TROUBLES DE la connaissance ET DE LEURS rapports avec la

folie systématique ET la démence; par J. ORSCRA,-iSKY. (Archivr

f. Psychiat., XX, 2,)

L'auteur réunit dans un seul groupe les états psychopathiques,

qui ont reçu les dénominations de : désordre avec confusion dans

les idées (\Ville); - démence (Esquirol); - folie systématique

hallucinatoire aiguë (Meynert); folie systématique aiguë primitive

(Westphal); folie sensorielle systématique aiguë (Schùle);

somniation. Ces dénominations doivent leur origine à ce qu'on a

pris pour base de l'appellation les hallucinations (Meynert) ; les

illusions (Schuele), les éléments du délire plus ou moins organisé

(verruektheit; wahnsinn), ou l'affaiblissement général des facultés

(Esquirol). Or elles ont toutes, d'après M. Orschansky, pour base

une profonde obnubilation de la connaissance; aussi la meilleure

expression est-elle celle de somniation qui correspond bien à l'a-

symbolie préexistante. Tandis que les conclusions de l'auteur sont

peu intelligibles, les quatre observations qu'il donne sont ex-

trêmement intéressantes; elles ne démontrent d'ailleurs nullement

la justesse de son opinion. P. K.

XI. Un cas d'hydrocéphalie d'un volume INSOLITE; par F. Tuczek

et A. Cramer. (Arehiv. f. Psychitit., XX, 2.)

Observation concernant un imbécile de quarante-deux ans, il-

lettré, travailleur habile, dontles membres inférieurs, arrêtés dans

leur développement, étaient contractures en flexion. La circonfé-

rence horizontale de la tête mesurait 75 centimètres. Il mourut

d'accidents du décubitus. Type du cerveau hydrocéphale à l'excès.

- 118 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Le microscope révèle que les fibres intrci corticales sont excessive-

ment fines surtout dans la couche zonulaire, et que, des deux

côtés, les faisceaux pyramidaux ont dégénéré. Planche à l'appui.

P. K.

XII. Des TROUBLES MOTEURS QUI présentent CHEZ LES aliénés un CA-

RACTÈRE stéréotypé, ET, en particulier, DE la catatonie; par BIN-

DER. (Arch. f. Psychiat., XX, 3.)

L'auteur étudie la stupidité et les actes cataleptoïdes, empha-

tiques, baroques, monotones des vésaniques et des déments. Il

classe ces accidents automatiques en deux espèces : 1° la catatonie

proprement dite de Kahlbaum dont M. Séglas a fait le procès' ;

2° les attitudes délirantes. Ces deux espèces ont un lien commun,'

car elles apparaissent'de préférence chez les individus imprégnés

de tares héréditaires; elles sont l'expression de l'hérédité. P. K.

XIII. DE l'altération DE l'excitabilité galvanique normale dans la

démence paralytique, par F. GERL.1CH. (Arch. f. Psychiat., XX, 3.)

Examen minutieux de dix-sept paralytiques généraux. Conclusion.

Dans bien des cas, la paralysie générale modifie l'excitabilité gal-

vanique normale des nerfs périphériques, mais cette modification

n'a de valeur diagnostique que dans un petit nombre de cas. P. K.

XIV. La connaissance ET la PERTE DE connaissance. Explication

PSYCHOLOGIQUE; par HOPPE. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLV, 4.)

Revue des différentes théories et des faits de Koch, Wundt,

Leibnitz. P. K.

XV. Contribution L'ÉTUDE DES SIGNES DE la dégénérescence;

par J. METZGER. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLV, 5.)

Il s'agit dans ce mémoire des signes de dégénérescence phy-

sique. Examen du palais, des dents, de l'oreille de 157 aliénés et

de 223 enfants de neuf à seize ans. L'auteur montre que 90, p. 109

des aliénés indemnes de tares héréditaires présentaient des signes

de dégénérescence physique quelconque, tandis que, parmi les

enfants du même genre, 40 p. 100 en étaient porteurs. L'étude

analytique et statistique des divers signes démontre que l'associa-

tion et l'accumulation des signes de dégénérescence physique sont

bien plus fréquentes et bien plus intenses chez les aliénés que chez

les individus psychiquement sains. Il ne faut considérer comme

i

1 Voyez Archives de Neurologie.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 119

vrais stigmates de dégénérescence que les concours de plusieurs de

ces anomalies chez un seul et même individu. P. K.

XVI. DE la théorie DE la folie morale; par H. SCHLOESS.

(Jularbicch. f. Psych. VIII, 3.)

Dix observations personnelles. C'est la débilité mentale qui

constitue le terrain sur lequel évolue la folie morale; cette maladie

est une idiotie morale ou une démence morale suivant que la dé-

bilité mentale est congénitale, héréditaire, ou acquise. Il existe

donc une folie morale symptomatique de la sénilité, de l'épilepsie,

de l'alcoolisme, de la paralysie générale, des psychoses périodiques

et une folie morale symptomatique de la débilité congéniale.

P. K.

XVII. Névralgie ET PSYCHOSE; parJ. WAGNER.

(Jahrbüch. f. Psych. VIII, 3.) -

I. Observation d'aliénation mentale provoquée et entretenue par

une névralgie frontale obsédante; cette femme se croit un animal

dans la tête, le diable dans le corps. II Observation de dys-

thymie névralgique transitoire; accès de névralgie du trijumeau

avec perte de connaissance, hallucinations, couvulsions. P. K.

XVIII. Deux cas DE simulation DE TROUBLE mental;

par DE Krafft KBING. (Juhrbitch. f. Psych., VIII, 3 )

Observation 1. - Simulation de démence et de surdi-mutité. La

supercherie fut découverte parce que l'infirmité était soi-disant

survenue brusquement; puis, au lieu d'écrire les mots qu'on lui

proposait, le 'patient traçait des lettres dépourvues de sens.

Observation IL Simulation de désordre dans les idées avec délire.

Les allures du sujet changent quand il ne se croit pas observé.

P. K.

XIX. Sur la pathologie DE la FOLIE avec délusions (Monomanie) ;

par Joseph Wigldsworth. (The Journal of Mental Science, Octobre

1888.)

L'auteur résume lui-même très sommairement son travail dans

les considérations qui suivent : -

Dans la maladie connue sous le nom de monomanie ou folie

avec délusions, les hallucinations (ou les illusions) sont primitives,

et les délusions sont secondaires, la formation pathologique des

idées suivant dans ce cas la même marche que le processus physio-

logique normal. Ceci semble indiquer que le point de départ de

la maladie doit se trouver dans les tissus nerveux dont les modifi-

- 10 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

cations sont susceptibles de donner naissance à des hallucinations

simples, non compliquées; c'est-à-dire dans le système nerveux

périphérique et dans les centres cérébraux inférieurs. L'entière

conservation de la faculté de raisonner vient aussi combattre

l'idée que la maladie ait pu débuter par les centres supérieurs de

la mentalité.

Certains cas d'ataxie locomotrice, dans lesquels la relation de

cause à effet est claire et incontestable nous montrent avec

évidence qu'une altération du système nerveux périphérique est

parfaitement capable de déterminer la folie avec délusions. Il n'y

a rien d'illogique, a supposer que dans d'autres cas, où le rapport

de causalité est à la vérité moins manifeste, le processus patho-

logique puisse néanmoins être essentiellement le même.

R. M. C.

XX. Aperçus rétrospectifs sur les VINGT-TROIS ANS de MA pratique

psychiatrique; par KOEIlLBR, (Allg. Zeitsch. f. Psychiat. XLVI, 2, 3.)

Série d'améliorations, d'actes d'héroïsme, d'incidents médico-

administratifs dont l'auteur à été le promoteur ou le patient du

milieu de 1865 à 1888. P. K.

XXI. UN cas DE paralysie alcoolique avec lésion centrale;

par K. ScnAFFER. (Ncurol. Cenlralbl., 1889.)

Type de paralysie semblable à celui qu'a décrit DrescIlfeld ;

atrophie des cellules des cornes antérieures ; concrétions amyloides

disséminées dans toute la moelle. P. K.

XXII. Inconscience. Considérations MÉDICO-LliG4LES;

par A. Leppmann- (Ccnt1' £ llbl. f. Nervenheilk. 1889.)

Il s'agit d'un vol commis par un dégénéré, jadis atteint d'agita-

tion maniaque avec désordre dans les idées (deux accès), à la suite

de séjour prolongé dans une chambre imprégnée de vapeur d'al-

cool. Il y alieu,d'aprésl'auteur, d'admettre non l'inconscience mais

l'absence de discernement. P. K.

XXIII. DES FONCTIONS sexuelles ET DE REPRODUCTION, SOIT A l'état NOR-

MAL, SOIT A l'état DE PERVERSION, considérées dans leurs rapport*

avec l'aliénation mentale. I. MENSTRUATION : SES DÉBUTS, ses

irrégularités, sa cessation. Il. instinct sexuel : ses ABUS.

111. Grossesse, parturition, etc. ; par CAMPBBLL CLUtE. (The Jour-

2zal of Mental Science, Octobre 1888.)

L'auteur rappelle d'abord que, de toutes les fonctions organiques,

celles-qui réagissent le plus facilement sur le cerveau sont les

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 121

fonctions de reproduction. Il examine ensuite quels sont les rap-

ports de la menstruation avec les affections mentales; on peut

remarquer tout d'abord qu'il y a toute une évolution mentale qui coin-

cide avec l'évolution organique qui constitue la puberté ; et il faut

noter ensuite que chaque retour de l'époque menstruelle s'accom-

pagne de modifications nerveuses et mentales, variables dans leur

nature et leur intensité suivant les sujets, mais constantes dans

leur existence. '

Il faut rechercher dans quelle mesure le retard ou la non-appa-

rition de la fonction menstruelle peut expliquer le développement

au moment de la puberté, - d'une affection nerveuse ou men-

tale ; l'auteur rappelle les principales maladies observées à ce mo-

ment, mais il ne précise pas les rapports qui existent entre elles

et la puberté, et il passe à l'examen des relations qui existent entre

les irrégularités de la menstruation (aménorrhée, dysménorrhée,

ménorrhagie) et les troubles mentaux. L'aménorrhée peut précéder

de quelques mois l'apparition de la folie, mais elle peutaussi ne se

montrer que plusieurs mois après;[celle-ci. En somme, l'auteur ici

encore ne fait qu'indiquer le sujet sans le traiter.

Passant à l'étude de l'instinct sexuel et de ses abus, l'auteur,

après quelques considérations sur l'influence»du régime alimen-

taire sur la masturbation, et sur l'élévation de température à

laquelle donnent lieu les pratiques solitaires, résume en quelques

mots son opinion, sur les rapports de la masturbation avec la

folie, et il conclut qu'on ne peut rien généraliser en pareille ma-

tière et que si ce vice a certainement contribué à troubler de belles

intelligences, il y a d'autre part un grand nombre d'individus qui

ont pu s'y livrer impunément. Il ajoute que l'on a décrit autrefois

les symptômes d'une folie dite folie des masturbateurs; mais il

estime que ces symptômes n'ont rien de caractéristique. 11 croit

toutefois devoir signaler la remarque qu'il a faite, à savoir que les

actes solitaires sont fréquemment suivis, chez les aliénés, de vio-

lences, d'agitation, ou de tentatives d'évasion.

Dans la dernière partie de son travail, il étudie la folie puerpé-

rale ; mais ici encore, il s'attache plutôt à poser et à préciser les

questions qu'à les résoudre, espérant que l'appel fait àl'expérience

de ses confrères sera entendu. - R. M. C.

XXIV. Folie chronique : quatre cas DE guérison; parS.-A.-K. STR\-

han. (The Journal of Mental Science, juillet 1888.)

Les cas où la folie chronique se termine par la guérison sont

loin d'être communs; c'est pourquoi l'auteur a pensé qu'il y aurait

quelque intérêt à publier les quatre cas qu'il a observés.

Dans trois de ces cas la guérison s'est produite à la suite d'un

transfert du malade d'un asile à un autre. Or, en recherchant dans

122 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

la littérature médicale les cas analogues qui ont été publiés, l'au-

teur a été très frappé que dans deux cas rapportés par le Dr Franci

(The journal of Mental Science, janvier 1887), la guérison avait pa-

reillement été consécutive au transfert des deux malades. Peut-

être y a-t-il là une indication bonne à retenir; on connaît les

modifications favorables qu'apporte quelque fois dans l'état d'un

malade le simple changement de salle dans le même asile; le chan-

gement plus complet encore de milieu qu'implique le transfert ne

serait peut-être pas toujours sans utilité comme moyen de traiter

ment 1, - Dans un autre cas, c'est un autre agent perturbateur,

(la ménopause) qui était intervenu. R. M. C.

XXV. Sur les troubles mentaux liés aux fiançailles; par Geo.-H. z

SivAGP. (The Journal of Mental Science. Octobre 1888.)

M. Savage a été fréquemment consulté pour des jeunes gens des

deux sexes chez lesquels les fiançailles avaient été l'occasion de

l'apparition de troubles mentaux. Ces troubles sont variables ;

cependant, la forme qu'ils revêtent le plus souvent est celle de la

mélancolie, et il n'est pas très rare que celle-ci soit accompagnée

d'idées de suicide. Ils se rencontrent le plus souvent chez des

sujets à antécédents névropathiques. On a quelquefois invoqué la

masturbation comme cause de leur développement ; mais l'auteur

les a observés chez des sujets qui avaient certainement observé

la continence et ne s'étaient nullement livrés à ces pratiques ; il a

même remarqué leur fréquence chez des personnes qui pendant

plus ou moins longtemps s'étaient abstenues des plaisirs sexuels.

La partie de ce travail que l'auteur consacre ri la psychologie

physiologique des jeunes fiancés est traitée avec une très délicate

sagacité; mais elle est faite tout entière de détails ingénieux qu'il

faudrait reproduire entièrement, et qui ne s'analysent pas.

En terminant, M. Savage exprime la conviction que ces troubles

mentaux, pourvu qu'ils soient diagnostiqués en temps utile et

convenablement traités, sont éminemment curables. -

R. M. C.

XXVI. Paralysie générale simulant une tumeur cérébrale , par

G.-Il. SAVAGE. (The Journal of Mental Science. Juillet 1888.)

Il s'agit d'un cas d'autant plus intéressant qu'on rencontre le

plus ordinairement la simulation inverse : la malade était une

1 La pratique si grande des transports des aliénés de la Seine dans les

asiles des autres départements ne nous a fait connaître aucun cas de

guérison. Bien au contraire, on nous a signalé une exacerbation des

symptômes, par suite des chagrins occasionnés aux malades par l'éloi-

gnement de leur tamille et de leurs amis. (B.)

'REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 123

jeune femme de dix-sept ans et demi, chez laquelle le groupement

des symptômes était tel que parmi les nombreux médecins qui l'ont

examinée, il n'y a eu qu'une voix pour admettre l'existence d'une

tumeur cérébrale, laquelle devait être presque certainement située

sur la ligne médiane, au voisinage du plancher du quatrième ven-

tricule. Les antécédents tuberculeux de la malade, l'existence an-

térieure d'un écoulement par l'oreille faisaient penser à une tumeur

ou à un abcès de nature tuberculeuse. L'état pathologique précoce

des deux papilles, la surdité bilatérale, enfin, les vomissements,

étaient autant de preuves à l'appui du diagnostic adopté.

Cependant, à l'autopsie, on constata une adhérence généralisée

des méninges à la couche corticale et une atrophie du cerveau

avec accompagnement des lésions que l'on rencontre communé-

ment dans la paralysie générale. Il est possible toutefois qu'une

méningiteclironique ait été la cause primitive de la maladie, cequi

ajouterait encore à 1 importance de cette observation. \I. C

R. M. C-

XXVII. Un singulier cas DE SUICIDE; par W.-B. TATE. (The Journal of

Mental Science. Juillet, 1888.)

La malade dont il s'agit était âgée de trente et un ans, était

atteinte de mélancolie et avait déjà tenté à plusieurs reprises de

se suicider ; admise à l'asile, elle fut l'objet d'une surveillance

toute spéciale : un malin cependant, en se brossant les dents, elle

réussit à s'introduire dans la gorge le manche de sa brosse à

dents : le corps étranger fut immédiatement retiré de la gorge ;

mais le traumatisme avait suffi pour déterminer une amygdalite

assez intense : au cours de cette affection, la malade fit un jour

spontanément l'aveu qu'elle avait aiguisé une épingle à cheveux

et se l'était introduite dans le nombril; des examens réitérés et

attentifs ne firent découvrir aucune trace de ce prétendu trauma-

tisme, et la malade fut soupçou : ée de mensonge ; la fièvre cons-

tatée chez elle s'expliquait aisément par l'amygdalite ; elle mourut

cependant et l'autopsie révéla que le traumatisme indiqué par la

malade était bien réel : l'épingle avait traversé le mésentère, l'une

de ses branches avait pénétré dans le colon, l'autre dans le psoas ;

l'intestin grêle et une partie du gros intestin étaient le siège d'une

inflammation considérable ; les lésions de la péritonite étaient

nettement accusés, bien que cette affection ne se fût traduite pen-

dant la vie par rien de nettement caractéristique ; on n'avait en

effet constaté que l'accélération du pouls et l'élévation de la tem-

pérature, et l'amygdalite justifiait amplement ces deux signes.

L'examen de l'abdomen pratiqué quotidiennement à la suite de

son aveu, n'avait rien révélé, et tous les symptômes d'ordre intes-

tinal ou péritonéal avaient fait défaut. R. 11. C.

14 REVUE DE THERAPEUT IQ1'E,

XXVIII. La di.athèse névropathique, ou D1 : 1THÈSE DES dégénérés ; par

G,-T, REvi.GTO. (Thejolll'1 ! nl of Mental Science. Janvier, avril et

juillet 1888.) .

Nous ne pouvons qu'indiquer ici cet important travail qui repose

sur deux cent cinquante-huit observations ; il est divisé en quinze

sections, et constitue une étude de détail, bien plutôt qu'une

étude d'ensemble ; aussi l'analyse n'en donnerait-elle qu'une idée

fort imparfaite. R. blUSGRAVE CL.&Y.

R, Mus GRAVE CLAY,

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

I. QUELQUES essais DE thérapeutique A l'aide DE l'hypnotisme;

par SPERLTNG. (NFZl1'JL. Central6l., 188S.)

Résultats tous marquants, et souvent remarquables, chez'huit hys-

tériques des deux sexes, tous jeunes; quatre observations sont

particulièrement intéressantes, les observations 1 et IV (hystéro-

épilopsie traumatique chez des jeunes gens), et les observa-

tions VU et VU¡ (hystérie consécutive à la malaria et à la fièvre

typhoïde). Conclusions :

Pratiquez l'hypnotisme comme remède ultime. Mais ne le confiez pas à

des mains étrangères. Prohibez-en la pratique extra-médicale. Il a d'ail-

leurs ses indications, ses méthodes, et sa réussite dépend encore de

l'opérateur et de la personne en expérience. Une saine application évi-

tera tous les inconvénients malfaisants de l'hypnotisme. P. K.

II. NOTE SUR l'accumulation DU bromure DE potassium dans

l'organisme; par M. DOYON.

Un enfant épileptique qui prenait de 4 à 8 grammes de bromure

de potassium, étant mort à la suite d'une maladie intercurrente,

on rechercha la quantité de ce sel contenue dans le cerveau et

dans le foie. Dans le cerveau, on en trouva lsr, 934, et dans le

foie 0 ,72. Le bromure de potassium s'accumule donc de préfé-

rence dans le système nerveux central, mais c'est tout ce qui

ressort de cette observation et on ne peut rien en conclure relati-

vement à la toxicité du médicament. (Lyon méd., 1889, t. LX.)

G. D.

REVUE DE thérapeutique. '125

111. Recherches SUR l'influence exercée par LE SOMMEIL SUR LES

échanges interstitiels; par H. LOEHR, (Allg. Zeitsch. f. Psych.

XLVI., 2, 3.)

Série de recherches analytiques avec tableaux et observations.

Conclusions :

Il Le sommeil diminue la quantité de l'urine et des parties constitu-

tives fixes de cette humeur, principalement des chlorures, il ne diminue

que très faiblement l'excrétion de l'urée et de l'acide sulfurique, tandis

que la réaction acide augmente dans des proportions considérables ;

2° le repos au lit exagère la quantité de l'urine émise et, peut-être par

contre-coup, l'excrétion de l'urée, de l'acide sulfurique, de l'acide phos-

phorique, du chlore ; z 3° l'excrétion de l'acide phosphorique, de la

chaux, de la magnésie paraît ne pas être influencée par le sommeil.

P. K.

IV. Contribution A la symptomatologie et A la thérapeutique DE

LA MIGRAINE. MÉTHODE DE TRAITEMENT PHYSIOLOGIQUE DE QUELQUES

névroses ET psychoses chroniques ; par W.-13. NEFTEL. (Arch. f.

Psychiat., XXI, 1.)

La migraine est une névrose vaso-motrice de l'écorce tantôt idio-

pathique, tantôt symptomatique. On en traitera les causes. On

fera surtout subir au malade un entraînement qui aura pour but la

sollicitation des éliminations (exercices, eaux minérales, laxatifs,

courants d'induction, thé chaud). Contre l'accès, on emploiera

l'électricité galvanique à petites doses et, au besoin, la faradisa-

tion ; soyez prudents et procédez par tâtonnements; employez aussi

l'ergotine, le salicylate de soude, la quinine. P. K.

V. Du CHLOR.1LAMIDE COMME NOUVEL HYPNOTIQUE ; pal' S. RADOW. -

DE l'action HYPNOTIQUE DU'CHLORALAMIDE ; par K. SCHAFFER. (Cen-

tralbl. f. Nervenheilk. 1889.)

Cette combinaison de chloral et d'amide formique (C2 H CI' 0,

CHO Az H2), constituée par des cristaux incolores, inodores, de

saveur faiblement amère, est hypnotique, à la dose moyenne de

1 à 4 grammes. Il faut l'administrer dans du pain azyme, du vin,

de la bière, du thé, du vin chaud à la condition qu'il ne soit pas

bouillant. Le sommeil se produit 25 à 30 minutes après; il dure de

6 à 8 heures. Le chloralamide convient surtout à l'insomnie des

alcooliques, des neurasthéniques, des hystériques, mais il n'est pas

sédatif. P. K.

VI. Du BnOMOaIIONIUnI : DE rubidium comme nouvel ANT ! - ÉPILEP-

tique; par H. ROTTENBILLI : n. (iEl2t9'llbl. f. Nervenheilk., 1889.)

C'est un anti-épileptique actif. On en donne successivement

120 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

2 grammes, 3 grammes, 4 grammes, 6 grammes. Il diminue le

nombre des accès et en éloigne les répétitions. Mais il n'en faut pas

suspendre l'administration sous peine de voir revenir les attaques.

- P. K.

VII. Du SULFON.1L; par R. OTTO. (Allg. Zeilsch. f. Psych. XLV, 4.)

Dix-neuf observations.

Ce médicament, d'après l'auteur, calme l'agitation à la condi-

tion qu'on l'administre à petites doses de 50 centigr. (dose totale :

2g ? 50 par jour.) Le sommeil provoqué est réparateur; il est par-

fois suivi d'une légère somnolence qui disparait sans laisser de

traces. On administre le sulfonal pendant quelques jours, puis on

en diminue graduellement la dose. Ce procédé convient surtout à

la démence sénile, à la paralysie générale, à l'épilepsie, à la manie

périodique; il est moins indiqué quand il existe des hallucinations.

P. K.

VIII. Contribution A l'administration ET A l'action DU SULFONAL,

par H. RUSCIIENEYH. (neural. Centralbl., 1888.)

Le sulfonal est un hypnotique qui, administré aux repas, suivant

la méthode de Kast, aux doses de 2 à 3 grammes, exerce une ac-

tion certaine et ne détermine que très rarement des phénomènes

consécutifs désagréables, notamment du côté de l'appareil diges-

tif. P. K.

IX. Communication SUR LES effets DE l'hydrate d'amylène

chez LES aliénés; par H. ScHLOESS. (Jahrbiaclc, f. Psych. XIII, 1, 2.)

En administrant le soir, d'un seul coup en potion 36, 50

de ce médicament, on provoque chez l'aliéné, dans les deux heures

qui suivent, à coup sûr un sommeil de cinq à sept heures; quel-

quefois l'amylène n'agit qu'après l'ingestion continuée de cette dose

pendant deux à trois jours. Il ne faut pas, sous peine de provoquer

du collapsus, en prolonger l'administration plus longtemps; on

alternera alors avec d'autres hypnotiques. Ce sont encore les dé-

ments paralytiques qui le supportent le mieux, à la condition

qu'il ne s'agisse que de combattre leur insomnie. Action sédative

complète dans ces conditions chez un alcoolique, délirant, agrip-

nique, agité. Ni nausées, ni vomissements, ni anorexie. Chez l'é-

pileptique, il n'exerce sur les accès aucune influence à petites

doses (1 gramme). On aura recours à 3 grammes 50 pour combattre

l'état de mal effectué ou en voie de développement. P. KERAVAL.

REVUE DE thérapeutique. '121

X. La méthode DE traitement par l'hypnotisme ET LES NÉVROSES

communiquées; par G. ANTON. (Jah6rïvch. f. Psych., XIII, 1, 2.)

Observation d'une hystérique débarrassée de ses céphalalgies par

l'hypnotisme. Mais elle en arrive à s'hypnotiser elle-même spon-

tanément, de sorte qu'elle présente bientôt des accidents d'épui-

sement nerveux. Par l'eau froide, la tranquillité, la réclusion, on

la ramène à l'état normal au double point de vue mental et soma-

tique. La sensibilité à l'égard des agents hypnogènes, qui était de-

venue extraordinaire, disparaît; l'angoisse, qui s'était montrée,

s'évanouit ; les troubles de la connaissance avec hallucinations

et cauchemar ? , qui faisaient craindre l'installation d'une folie

systématique, cèdent à leur tour. Elle considéraitson magnétiseur

comme un démon puissant et sombre et frémissait d'horreur (sic)

quand elle approchait de personnes le lui rappelant même de loin;

aujourd'hui elle a repris possession de son jugement et de ses allu-

res. M. Anton termine par deux observations remarquables de

grande hystérie communiquée; il insiste sur la surémotivité extrême

de ces malades, et la rapide conductibilité des impressions visuelles

et auditives dont la réflexion sous-corticale et bulbaire (en ce qui

concerne l'acoustique, et les racines motrices de l'appareil d'arti-

culation) ou simplement corticale (en ce qui regarde le nerf op-

lique) expliquent le faculté d'imitation constatée dans l'espèce.

P. K.

XI. DE l'hyoscine chez LES aliénés ; par 0. KLINEE.

(Centralbl. f. Nervenheilk, 1889.)

Soit en injections hypodermiques, soit par l'estomac, l'iodhy-

drate d'hyoscine calme (injections hypodermiques) ou endort (voie

gastrique). Il convient dans tous les cas de procéder par doses gra-

duelles et de ne pas dépasser 3 milligrammes. Ce médicament

paralyse les centres moteurs et sécrétoires, ralentit le pouls et la

respiration, dessèche la gorge, agit comme mydriatrique, paralysé

l'acommodalion et finit par déterminer inappétence et vomisse-

ments. II estindiqué quand il existe : agitation, loquacité, désordre

des actes. Il est contre-indiqué quand il existe une dépression ou

une psychose quelconque récente avec hallucinations sensorielles;

si cependant la dépression est extrême, il en faut donner de hautes

doses. P. KERAVAL.

XII. DE L'EFFET DES doses excessives DE SULFONAL; par F. Fischer.

(Neurol. Cenlral6l., 1889.)

Hébétude, engouement céphalique, somnolence continuelle, las-

situde, vertiges, nausées, vomissements sous l'influence de 10 à

15 grammes par jour du médicament, telles furent les consé-

128 revue DE thérapeutique. i

quences chez un morphinomane, de l'excès de sulfonal, exacte-

ment comme chez les animaux intoxiqués (karst). La suppression

de sulfonal fit disparaître tous les phénomènes. M. Fischer croit

que le sulfonal agit dans l'écorce grise. P. K.

IIII. DE l'action DU courant CONTINU SUR L'OEIL normal ;

par 0. SCHWARZ, (Arc1t. f. Psychiat., XXI, 2.)

Etude. A. De l'excitation galvanique de l'oeil; B. Du courant

continu sur l'impressionnabilité de la rétine par la lumière nor-

male. Il nous est impossible de ne pas résumer les conclusions

techniques de l'auteur.

Le courant continu agit directement sur la rétine ; il agit sur les

cônes de deux façons. On les électrise négativement quand on provoque

un courant ascendant qui va des cellules de la rétine aux cônes corres-

pondants (tonicité catélectrique) ; au moment où l'on change la direction

du courant, ils sont électnsés positivement (tonicité anélectrique) : c'est

pendant la première opération que se produit le phosphène. La tonicité

catélectrique augmente l'acuité du sens lumineux et le sens chroma-

tique ; la seconde diminue ou affaiblit ces deux fonctions. P. K.

XIV. DE l'hydrate d'amylène contre l'épilepsie; par H.-A. WILDER-

- Mura. (Neurol. Cettral6l., 1889.)

Ce médicament est indiqué : 1° dans les états de mat;2° quand

il y a intoxication bromique, pour remplacer K Br.; 3° dans

l'épilepsie nocturne, en l'alternant avec le bromure, ou en l'asso-

ciant à l'atropine; dans Ce dernier cas, on le donnera surtout

quand l'épilepsie est franchement et uniquement nocturne. Il

réussit du reste aussi dans l'épilepsie symptomatique, notamment

dans la poltocencéphalite infantile, et dans l'épilepsie type.

Doses : 2, 4, 5, 8 grammes par jour dans l'eau, chez l'adulte.

P. KERAVAL.

XV. RÉSULTATS DU TRAITEMENT PAR LA SUSPENSION DU TABES DORSAL

ET D'AUTRES MALADIES NERVEUSES CHRONIQUES ; par EULEVDUISG et

Mendel. (Neural. Centralbl., 1889.)

Le traitement a été appliqué sur 40 malades, se décomposant

en : 34 tabétiques (29 hommes, 5 femmes); 1 sclérose en plaque

(femme); 1 myélite chronique (homme); 1 névrose traumatique

(homme); 3 paralysies agitantes (femmes).

' Nombreux tableaux; étude critique complète. Il est impossible,

concluent les auteurs, de se prononcer; le temps d'observation est

encore trop court, et l'expérience trop peu touffue. La suspension

est un procédé de valeur, mais ce n'est pas une panacée. Il faut,

en ce qui concerne le tabes, le ranger à côté des autres agents

SOCIÉTÉS SAVANTES. 111)9

thérapeutiques. Beaucoup de nos malades se croyaient plus amé-

];ores par l'électothérapie que par la suspension et s'empressaient

de revenir à l'électricité. Il est évident qu'elle agit par l'élonga-

tion totale de la colonne vertébrale et de son contenu, mais il est

certain qu'elle n'exerce pas d'action psychique. P. Keraval.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ IiLDICO-YSYCIiOLOGIQUU

Séance du 27 octobre 1890, Présidence DE M. BALL.

Sur la proposition de M. Falret, la Société décide de mettre à

l'ordre du jour de ses séances la question si complexe des aliénés

dits criminels.

M. CHARLII donne lecture de l'analyse d'un travail de M. Mégalhès

Lémos.

De la mélancolie (suite de la discussion). M. Charpentier

fait une communication sur une forme de mélancolie particulière

aux prévenus et condamnés. Il y a lieu d'admettre, selon lui, chez

certains prévenus ou condamnés une mélancolie, spéciale, non anté-

rieure au délit, sans rapport avec lui, mais liée entièrement à la

crainte des effets de la condamnation. Cette mélancolie consiste dans

un mélange d'éléments vrais (tristesse, crainte, désespoir) et d'élé-

ments surajoutés (excitation etconfusion intellectuelle). Elle peut ten-

dre a la mélancolie suicide. Elles' associe d'ordinaire aune faiblesse du

sens moral et à de la fourberie. Les malades qui guérissent tom-

beut quelquefois dans la manie raisonnante, conservent toujours

de la haine contre les institutions sociales de leur pays et ont une

grande tendance aux idées révolutionnaires.

Cette mélancolie disparaît rapidement dès que le sujet a des

raisons d'espérer sa mise en liberté. Les liaisons intimes entre son

amélioration et l'espoir de la liberté, entre son aggravation et la

perte de cet espoir expliquent les rechutes et rendent compte des

contradictions apparentes qui existent entre le médecin qui exa-

mine le malade en prison et celui qui le soigne dans un asile. : lncuw.·, t. \Xf. 9

130 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Suicides multiples ; Responsabilité du survivant. M. P. Garnier.

Aujourd'hui, nos lois criminelles absolvent le suicide, maislajuris-

prudence punit la complicité. Ayant été plusieurs fois commis il

l'effet d'examiner l'état mental de sujets ayant survécu à un double

suicide auquel ils avaient collaboré, je me suis demandé si cette sur-

vie, qui n'est en général que le fait du hasard, entraîne réellement

la responsabilité du survivant et si l'on ne se trouve pas plutôt en

présence d'un désarroi moral, d'un véritable état mélancolique.

Une femme est accusée d'avoir tenté de donner la mort à son

enfant avec lequel elle a cherché à se suicider. Avant l'acte qui

lui est reproché, elle n'a jamais manifesté l'intention de se suici-

der ; elle se plaignait seulement de troubles névropathiques et était

sujette à des accès de découragement au cours desquels elle éprou-

vait un entraînement incurable à boire. Son enfant lui ayant dit.

qu'il aimait mieux mourir que de vivre avec son père, elle accepte

cette résolution, absorbe une certaine quantité d'alcool et depuis

lors n'entrevoit plus qu'a travers un épais brouillard la nuit passée

au bord de la Marne, son entrée simultanée dans l'eau avec son

fils et son sauvetage. Dans de semblables conditions, il ne me

semble pas que cette femme ait pu apporter dans l'accomplisse-

ment des actes qui lui sont reprochés cette lucidité et cette volonté

que comporte lasanction pénale. Au moment où elle a agi, c'était

une malade régie pour des impulsions morbides, non consciente

d'elle-même et par conséquent irresponsable. Nos conclusions

furent acceptées et il y eut une ordonnance de non-lieu.

M. Garnier rapporte une seconde observation ayant trait à une

autre femme inculpée d'homicide sur la personne de son fils de

dix ans, avec lequel elle a voulu aussi se suicider. Les renseigne-

ments obtenus sur son compte la représentent comme une per-

sonne indolente, apathique, intempérante, d'un caractere suscep-

tible, ombrageux, irritable. Au moment de l'examen médico-

légal, tout en elle traduisait un sentiment de torpeur physique et

morale. Elle n'avait pu, disait-elle, supporter les difficultés de la

vie. Incapable de supporter l'ostracisme dont elle était l'objet de la

part de ses parents, elle accepta avec empressement l'offre que lui i

laisait son fils de mourir avec elle. C'est dans ces conditions qu'elle

faisait une tentative d'asphyxie par le charbon. M. Garnier a cru

pouvoir conclure qu'au moment du suicide, la malade était sous

l'empire d'un trouble mental réel. Les conclusions furent confir-

mées par la mort de cette femme, qui a succombé quelques mois

plus tard à l'asile de Sainte-Anne, dans le marasme mélancolique.

M. 8.

Séance du 23 novembre 1890.

Les intoxications cl la paralysie générale (suite). M. A. Voisin

reproche M. Charpentier d'employer l'expression paralysie gêné-

SOCIETES SAVANTES. d31

v z

raie sans le faire suivre du qualificatif des aliénés, ce qui peut

causer une confusion dans laquelle tombent tant de médecins, en

donnant le nom de paralysie générale à des états qui ne rentrent

pas dans le cadre de la paralysie générale des aliénés. Notre

collègue, ajoute M. Voisin, admet comme paralysies générales des

états morbides liés à la pellagre, à l'alcoolisme, au saturnisme, à

J'hydrargirisme, à la syphilis et il des auto-intoxications issues du

diabète, de la goutte, de l'artLrUis, etc., et, rejelant pour ces para-

lysies la lésion sclérosique interstitielle caractéristique de la para-

lysie générale des aliénés, il déclare que dans son groupe c'est la

cellule cérébrale intoxiquée qui détermine l'irritabilité du tissu

interstitiel et le fait proliférer.

M. Charpentier s'attache à montrer que la paralysie générale ne

se développe pas d'ordinaire chez les anémiques d311s les folies

chroniques, dans l'hystérie, mais ces faits négatifs viennent il l'ap-

pui de ce que nous savons, c'est-à-dire du lôle important de l'élé-

ment congestif dans la paralysie générale des aliénés. Les fous

chroniques sont tous plus ou moins débilités; l'hystérie n'est-elle

pas liée à la chloro-anémie ? Enfin, je ne reconnais pas dans le tra-

vail de notre collègue, la paralysie générale que nous voyons tous

les jours et,de plus, je reproche de laisser systématiquement de côté

l'anatomie pathologique, l'histologie et les recherches de labo ra-

toire.

M. Charpentier répond que, parlant à des aliénistes, il ne saurait

y avoir confusion dans l'esprit de personne sur la paralysie géné-

rale des aliénés qu'il décrit; il n'a pas fait intervenir l'histologie

dans la discussion, parce qu'il n'est pas histologiste. Pour lui, la

cellule cérébrale doit flotter dans une atmosphère de vaisseaux. les

uns allérents et les autres efférents. Quand le fonctionnement de

ceux-ci est tloublé, il peut y avoir dans la cellule encombrement de

matériaux toxiques qui vicient à leur tour son fonctionnement.

M. ]<'AL1U,T, Il peut se faire que la paralysie générale survienne

chez des rhumatisants ou des typhiques; la question n'est pas là.

Il s'agit de savoir s'il existe une relation de cause à effet entre les

maladies infectieuses et la paralysie générale. Rien ne le

prouve.

M. MARANDON DE nIONTYEL pense que les paralytiques généraux

par intoxication de M. Charpentier sont des congestifs chez les-

quels une maladie infectieuse a pu mettre en activité une ten

dance jusqu'alors latente.

M. Charpentier réplique qu'il n'est pas à même, dans l'état

actuel de la question, de renverser les objections qui lui sont

opposées, mais cela n'entralne pas la négation des faits qu'il a a

avancés.

M. 13RIANo ne \ oit au premier abord aucun rapport entre une

maladie infectieuse quelconque et la paralysie générale, mais il ne

132 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nie pas systématiquement l'étiologie de\L.Charpentier. Une statis-

tique bien conduite résoudrait seule la question : si elle établit

que la plupart des paralytiques généraux ont des antécédents infec-

tieux, l'opinion de M. Charpentier pouira être défendue; si, au

contraire, elle prouve que les paralytiques généraux ne sont ni

plus, ni moins diathésiques que les autres aliénés, l'opinion de

M. Charpentier ne devra être considérée que comme très ingénieuse.

M. Cnmsrmn ne serait pas convaincu par la statistique. On sait

en effet que la paralysie générale se développe surtout entre trente

à trente-cinq ans. Or, à cet âge qui est-ce qui n'a pas eu l'une ou

l'autre désaffections étiologiques de M. Charpentier ?

M. Bouchereau ne veut pas intervenir dans la discussion; il se

borne à faire remarquer que, si l'on a souvent observé des pilla-

greux présentant des phénomènes paralytiques, on ne rencontre

pas chez eux la paralysie générale des aliénés, mais une forme

spéciale de paralysie. M. B.

xv. CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET AL1G\IS'CI : S

DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST

SESSION DE IIADE-LES-B.\I\S

Séance du 7 juin 1890. - Présidence DE M. Erb.

La séance est ouverte par les paroles de bienvenue de M. SCIIUELE

(d'Illenau), curateur-organisateur.

M. )JnD fait une communication sur ¡'ataxie héréditaire. Il pré-

sente au Congrès deux enfants, deux fillettes, de onze et douze ans,

atteintes depuisquatre et cinq ans d'ataxie des membres inférieurs

avec titubation (absence du signe de Romberg), d'ataxie des mains

(difl'érenciable du tremblement intentionnel ; d'alaxie linguale

caractérisée par de la lenteur dans l'émission des mots et du

bégaiement avec mouvements associés et tremblements convulsifs

des muscles de la bouche et de la face (la parole n'est pas scandée),

d'ataxie laryngée (voix bitonale). Absence de nystagmus; intégrité

despupilles et des muscles des yeux; conservation des réflexes ten-

dineux fort actifs, persistance normale de tous les modes de la

sensibilité, de la force musculaire, de l'excitabilité électrique, des

fonctions spninctéiiennes. Pas de symptômes cérébraux. Jusqu'à

nouvel ordre, il y a lieu de ranger ces deux observations dans le

cadre de l'ataxie de Friedreich.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 133

M. BOEU\1LER (de Fribourg). Présentation d'un cas d'affection

chronique de la moelle avec ataxie inhérente ci des troubles très pro-

noncés de la sensibilité.- Il s'agit d'un homme de quarante-quatre

ans qui auraitété paralysé des quatre membres à la suite de contu-

sions duhcorps entier (sous la roue d'un moulin). La sensibilité est

actuellement diminuée dans tous ses modes; c'est à cette anomalie

qu'il faut attribuer l'ataxie. Cette incoordination sensorielle fait

penser à une syringomyélie ; mais. comme il n'y a pas d'atrophie,

il y a lieu d'admettre une affection des cordons postérieurs et laté-

1 aux de la moitié droite de la moelle.

Discussion. M. EnD. Ce cas constitue un excellent document

contre la théorie de l'ataxie sensorielle. En effet ce malade, malgré

les troubles prononcés de la sensibilité cutanée et du sens muscu-

laire, présente, qu'il ait les yeux ouverts ou fermés, une parfaite

certitude dans les mouvements. Or, un véritable ataxique serait

incapable, dans ces conditions, de tracer un cercle parfait, de former

lisiblement les lettres de son nom. Qu'il n'ait pas toute l'assurance

voulue, qu'il ne jouisse pas exactement de toutes les facultés de

localisation quand il a les yeux fermés, cela est évident, mais ce

sont justement ces éléments qui sont imputables aux troubles de

la sensibilité. Duchenne les a décrits; ce n'est pas de l'ataxie. Ils

n'ont d'ailleurs rien à faire avec l'ataxie spinale du tabes et ne sau-

raient servir d'arguments à la théorie sensorielle de l'ataxie tabé-

tique ; pourquoi qualifierait-on d'ataxique toute incertitude, tout

trouble de coordination des mouvements volontaires ?

M. Laquer (de Francfort).-De l'athélose dans le tabes. L'orateur

communique deux observations. La première a trait à une femme

de cinquante-un ans présentant depuis huit à dix ans les accidents

suivants : névralgies spinales douleurs en ceinture crises gas-

triques dysurie ralentissement de la sensibilité à la douleur

- signe de Homberg - atrophie du nerf optique droit. C'est le

pied et l'orteil qui furent plis de mouvements d'extension et de

flexions incoercibles même pendant le sommeil, présentant tous les

caractères de J'athétose, Depuis trois ans, la malade est impotente

en raison des progrès de l'ataxie.

Le second ca., concerne un fonctionnaire de trente-six ans.

Atteint de syphilis il y a huit ans, il présente, depuis cinq années,

de l'ataxie, de la paralysie de la vessie et du rectum, des douleurs

fulgurantes, de l'analgésie, de l'impotence génitale, la disparition

des réflexes tendineux. Intégrité de l'intelligence, delà parole, des

nerfs crâniens, des nerfs optiques : sensibilité bilatérale des pupilles.

On constate depuis six mois des mouvements lents, monotones,

presque grotesques des pieds et des orteils, mouvements continus,

nuit et jour. Il ne s'agit pas là de chorée, car les mouvements sont

-rythmiques et spasmodiques.

134 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Dinkler (d'Heidelberg). Contribution Ii l'étude de la scléro-

dermie. Les trois observations dont il s'agit portent sur la scléro-

dermie diffuse, la sclérodermie circonscrite et la sclérodermie

circonscrite en train de devenir diffuse. Intégrité macroscopique,

clinique, et microscopique du système nerveux, artérite des artères

de la peau. Ce sont les vaisseaux qui jouent le rôle principal; ce

sont eux qui sont les premiers atteints; enfin il n'y a que cer-

taines branches artérielles qui soient affectées. Préparations micros-

copiques et photographies à l'appui.

M.Moos (d'Heidelberg). De lu néoplasic vasculaire dans le laby-

l'inthe memb1'allcuxpl'oduite par les bactéries.- Les bactéries exercent t

sur le liquide du labyrinthe et ses éléments une action mécanique;

il le coagulent. Si les conditions sont favorables, la coagulation

peut cesser; mais il peut aussi arriver que la masse se transforme

en tissu ostéoide ou en véritable tissu osseux, d'où l'oblitération

ossiforme du conduit, notamment d'un des canaux semi-circulaires.

C'est que l'on trouve à la suite des maladies infectieuses, dans GO

à 70 p. 100 des nécropsies. L'orateur présente à l'appui de cette

assertion trois préparations provenant du cadavre d'un enfant mort

de diphthérite scarlalineuse. La division des noyaux des éléments

du liquide coagulé peut aboutir à la formation de cellules géantes

qui, à leur tour, engendrent des vaisseaux de nouvelle formation.

On sait, en effet, que l'espace cndol) mphatique en question ne

contient normalement pas de vaisseaux. Quand les microorga-

nismes arrivent en masse dans l'organe, des éléments de ce dernier

se nécrobiosent ou se nécrosent et le canal semi-circulaire subit

une déchéance irrémédiable. S'ils n'envahissent que lentement

l'oreille interne et si le nombre n'en est que faible, la néoplasie

vasculaire eudolymphatique engendre une néoplasie vasculaire

périlympliatique. L'orateur en montre un exemple emprunté à un

enfant mort de diphthérite scarlatineuse.

M. SCHUELE (d'Illenau). De l'influence de l'onde menstruelle sur

l'évolution des affections psychiques du cerveau. L'orateur rapporte

une série d'observations de folie circulaire et périodique qui ont

paru subir une influence de certaines lacunes dans l'onde mens-

truelle et intermenstruelle. Ce travail est intégralement publié

dans I*Allgc711. Zeilsch. f. Psychiat 1,

' On en trouvera l'analyse aux Revues analytiques.

SOCIÉTÉS SAVANTES. z135

Séance du 8 juin 1890. Présidence de M. last.

Bade-les-Bains est de nouveau choisi comme lieu de prochaine

réunion. Sont nommés curateurs-organisateurs MM. Bir;UVL6R et

F. FISCHER.

M. FREY (de Bade-les-Bains). - De l'importance des bains de su-

dation dans le traitement des névralgies dues à l'influenza. Il est

évident que le bain de sudation provoque un complexus physio-

logique, analogue à celui de la fièvre (élévation de la température

accélération des échanges nutritifs modification de la pres-

sion du sang) (A. Frey); d'autre part, Fodor a constaté que l'hy-

perthermie accroit le pouvoir bacillécide du sang artériel. Or,

l'influenza est une maladie infectieuse, produite par des microorga-

nismes ; il est en outre très probable que les névralgies consécutives

à l'influenza tiennent à des altérations des gaines du nerf irritées

par les micro-organismes eux-mêmes ou par leurs produits de dé-

composition. De là, le succès dû aux bains de sudation dans l'im-

mense majorité des cas.

M. Manz (de Fribourg) communique au Congrès l'état anatomique

d'un oeil de lapin et d'un oeil humain affectés d'un coloboma du nerf

optique. Voici les particularités des plus importantes que l'on cons-

tate sur une section perpendiculaire du nerf optique à son point

d'entrée dans le globe oculaire. La lame criblée étant demeurée

normale, le nerf occupe la région externe et supérieure de l'infun-

dibulum, son diamètre est un peu inférieur à la moitié de l'exca-

vation en question, sa structure est restée normale, aussi normale

qu'en arrière de la région qui nous occupe, mais on n'y trouve ni

artère ni veine centrale, c'est dans lesegmentinférieur de l'insertion

oplico-pupillaire que l'on trouve de nombreux vaisseaux à parois

plus ou moins épaisses dont la lumière est généralement large.

Leurs branches projetées en plein coloboma, au-dessous du nerf

optique, gagnent la rétine en haut ou en bas. Les fibres nerveuses,

après avoir traversé la lame criblée, se placent presque toutes dans

la partie supérieure de la membrane nerveuse, de sorte que le

bord inférieur du coloboma, formé par la sclérotique, est séparé du

nerf optique, sans intermédiaire d'éléments nerveux, par un collet

tranchant. Il existe par suite entre le nerf optique et le coloboma

un entonnoir très large constitué par des mailles de tissu conjonctif

qui communiquent avec la gaine de la dure-mère ainsi qu'avec la

lame criblée ; d'autres communiquent entre elles. Il s'agit donc, en

l'espèce, d'un coloboma de la gaine du nerf optique, produit par

le défaut d'oblitération de la lente foetale de l'oeil à sa partie pos-

térieure.

L'orateur traite aussi de la persistance de fibres nerveuses à myé-

line dans la rétine chez des névropathes et des aliénés. C'est une

136 SOCIÉTÉS SAVANTES.

anomalie excessivement rare, car si l'on fait le recensement de

600,000 individus affectés de maladies des yeux, on ne.la voit men-

tionnée que 154 fois. M. Manz a personnellement examiné à

l'ophlhalmoscope les malades de l'asile de Fribourg; sur 113 hommes,

il a trouvé des fibres à myéline dans la rétine, chez 4 d'entre eux

tantôt sur un oeil, tantôt sur les deux yeux. Or, ces quatre individus

étaient des psychopathes et des aliénés héréditaires. Remarquez ce-

pendant que cette anomalie est plutôt une hyperplasie qu'une

malformation; du moins c'est ce qu'il est permis de supposer en

l'absence d'autopsies. Wollenberg dit l'avoir surtout rencontrée

chez des alcooliques. Mais elle se rencontre également chez des

sujets indemnes de toute névrose ou psychose.

M. Edinger (de Francfort). De quelques systèmes de fibres du

cerveau moyen.-En cherchant, il y a deux ans, les systèmes de fibres

du cerveau antérieur communs à tous les vertébrés, M. Edinger

s'est heurté à de grandes difficultés, à cause de la complexité de

cet organe chez les reptiles et chez les oiseaux, notamment en ce

qui concerne les couches optiques et leurs relations avec le cer-

veau antérieur. 11 s'est efforcé de résoudre les questions pen-

dantes, en comparant les éléments en question chez l'embryon et

chez l'adulte. Les mêmes matériaux lui ont révélé des faits intéres-

sants à l'égard du cerveau moyen. Ces faits, les voici :

Le toit du cerveau moyen est partout représenté par une lame

épaisse qui forme une voûte sphéroidale chez les amphibies, les

reptiles et même les sélaciens; chez les poissons osseux et les oi-

seaux, elle entoure des deux côtés la base du cerveau d'une sorte

de coupe qui s'étend jusqu'à la base du crâne. Presque toujours,

un sillon supérieur antéro-postérieur divise le toit en deux moitiés :

tubercules bijumeaux, lobes optiques, etc.

La partie antérieure du toit forme chez tous les animaux une

lame transversale, creusée d'une gouttière dans laquelle est cou-

chée la commissure postérieure. Celle-ci est commune à tous les

vertébrés. Ses fibres sont partout myéhniques, et la myéline y ap-

paraît plus tôt que dans la plupart des autres systèmes. Chez les

jeunes poissons osseux, chez les larves d'amphibies, chez les jeunes

torpilles, il apparaît nettement qu'une petite partie de la com-

missure provient des fibres entre-croisées des territoires cérébraux

immédiatement adjacents au cerveau moyen. Mais la plus grande

partie de la commissure est foimée de fibres commissurales que

l'on peut suivre sans aucun doute à cet égard chez les vertébrés

inférieurs, jusqu'aux derniers noyaux du bulbe. 11 est probable

qu'elles descendent dans la moelle, car, dans les points mêmes des

coupes antéro-poslérieures, où l'on eu constate la ramification, des

faisceaux qui subsistent ont encolle une certaine épaisseur.

Seule la commissure occupe le toit du cerveau moyen; ses

SOCIÉTÉS SAVANTES. 137 "

branches latérales descendent dans la base de cet organe. En

dedans d'elles sont des faisceaux longitudinaux postérieurs, des

fibres commissurales avoisinent ces derniers; en dehors des fibres

commissurales, on trouve des fibres blanches de la couche nndul-

laire profonde. Ces dernières proviennent du toit.

Pratiquons une coupe antéro-postérieure à travers le cerveau

d'une larve d'amphibie, de celle de l'axolott, par-exemple, qui

est la plus grande de toutes. Les diverses douches de cellules ner-

veuses et de la névroglie qui sont contenues dans le cerveau moyen

donnent surtout naissance à deux systèmes différents de fibres. Le

- plan supérieur contient les racines du nerf optique; le plan infé-

rieur, les fibres de la substance blanche profonde; les libres des

nerfs optiques viennent d'arrière en avant gagner la région anté-

rieure du cerveau moyen et descendent à la base dans le chiasma

Les décrire plus à fond serait répéter les travaux de Bellonci.

Tous les vertébrés possèdent une substance blanche profonde du

cerveau moyen ; chez tous, c'est le premier système de fibres qui

soit pourvu de fibres myéliniques, si l'on excepte les fibres origi-

nelles des nerfs crâniens et spinaux et quelques systèmes de la

moelle elle-même, ce n'est que chez les mammifères que la myé-

line vient revêtir d'autres systèmes avant celui qui nous occupe.

L'étude du développement des manchons myétmiques vient, de

concert avec la méthode des atrophies, montrer qu'il s'agit là

d'un système tout différent de celui du nerf optique.

D'une manière générale, on peut dire que la substance blanche

profonde émane de la substance grise du toit; elle forme des tractus

transversaux par rapport a l'axe et gagne, il la base, les fibres arci-

formesqui entament l'aqueduc du Sylvius. Les fibres latérales se di-

rigent en arrière pour descendre sous la forme de ruban de Reil

dans le bulbe latéral. Dans le point où elles se détournent existe un

ganglion, le ganglion profond du mésocéphale, noyau du ruban de

Reil. Une seconde partie de fibres, lui-même divisé en un segment

latéral et en un segment médian, passe de l'autre côté; ce faisceau

entre-croisé descend en s'entre-croisant avec le ruban de Reil. Le

rapport numérique des fibres non entre-croisées et des fibres entre-

croisées varie selon les divers animaux. Près de la ligne médiane, de

chaque côté, au milieu même des fibres qui s'entre-croisent existe

un autre ganglion, le ganglion profond médian du mésocéphale.

Existe-t-il des fibres commissurales directes faisant communiquer

la moitié droite et la moitié gauche du ceneau moyen ? La chose

est incertaine.

Chez les poissons osseux et chez les sélaciens, les fibres entre-

croisées de la substance blanche profonde sont côtoyées par des

fibres dont on ignore l'origine; elles ne gagnent pas le ruban de

Reil, elles occupent un plan inférieur tout près de la ligne mé-

diane et descendent on ne sait où.

138 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Le toit du cerveau moyen contient aussi une commissure de

fibres fines appartenant a la substance blanche profonde. On l'a

souvent confondue avec la commissure postérieure, mais l'époque

à laquelle elle se développe etle calibre de ses fibres la difféiencient

de cette dernière.

On s'est souvent demandé ce que deviennent les fibres entre-

croisées de la substance blanche profonde du toit du cerveau moyen

chez l'homme (entre-croisements de la calotte de Meynert et Forel).

Il est évident, certain, que, chez les vertébrés inférieurs, elles vont

dans le ruban de Reil de l'autre côté. Le ruban de Reil des tuber-

cules quadrijumeaux se compose donc d'un fai-ceau homolatéral et

d'un faisceau croisé.

Discussion. M. STCINER. Les résultats de M. Edinger concor-

dent avec ceux de mes recherches chez les poissons et les reptiles.

M. I\OEPPN a constaté exactement les mêmes rapports que ceux

que vient de décrire M. Edinger, chez les lézards.

M. Jolly (de Strasbourg). Des allures électriques des nerfs et des

muscles dans la maladie de Thomsen. - L'orateur a constaté la

réaction myotonique de Erb chez un de ces malades. Si l'on répète

plusieurs fois l'excitation cette réaction diminue. Que l'on provo-

que la tétanisation du nerf (contraction allongée) ou que l'on con-

vulsive le muscle en déterminant la persistance de la contraction

musculaire par t'excitation directe de ce dernier, le résultat reste

le même. Le muscle réagit donc sous l'influence de ces excitations

comme sous l'influence de l'excitation volontaire. Celle-ci, en effet,

se traduit d'abord par des contractions persistantes, puis par des

contractions normales. C'est donc plutôt dans un trouble des

échanges chimiques intramusculaires que dans des modifications

anatomiques qu'il convient de chercher la cause de ce phénomène.

M. Koeppen (de Strasbourg). Du sens de la force. Voici les

résultats obtenus chez les hémiplégiques à l'aide du kinesthésio-

mètre 011 leur met les sphères dans la main paralysée ;

les uus qualifient de lourde une sphère légère, les autres taxent de

légère une sphère lourde. La première estimation est celle de la

grande majorité des malades, elle parait être en rapport avec des

troubles du sens de la pression et de la faculté d'appréciation pon-

dérale dans la main paralysée. Un degré tiès accentué de ces

troubles entraine la seconde erreur d'estimation; chez quelques-

uns de ces derniers malades, il n'y avait que des troubles insigni-

fiants de la sensibilité. Il est impossible de trouver duplication.

Un troisième groupe de malades est constitué par ceux qui, pré-

sentant des troubles de la sensibilité et de la motilité d'un côté,

croyaient tenir dans la main paralysée une sphère lourde alors

qu'elle était légère. En examinant le sens de la pression dans les

SOCIÉTÉS SAVANTES. '139

deux mains à la fois les mêmes malades qualifiaient de légère la

sphère lourde que l'on plaçait dans la main paralysée. Quelques

hémiplégiques conservent l'estimation pondérale exacte. La plupart

des malades s'éduquent par des exercices répétés; ils ne se trom-

pent plus ou se trompent moins. L'inverse se produit chez les hys-

tériques et les individus atteints de névroses traumatiques, plus on

les exerce, plus ilsse trompent. On constate aussi chez ces derniers

un paradoxe, la sphère légère leur parait lourde dans la main pa-

ralysée, du côté où existent des troubles considérables de la sensi-

bilité ; chez eux l'examen simultané, concomitant, bilatéral, du

sens de la force et du sens de la pression donne les mêmes résul-

tats ; la main paralysée continue à tenir pour lourde la sphère

légère. Il faut croire dans l'espèce ou bien que l'activité musculaire

intervenant provoque une estimation inconsciente de cette fonction,

ou bien que la peau qui revêt les muscles paralysés, moins tendue,

est plus exposée à la pression des objets. L'examen isolé des extré-

mités décèle que, dans la pluralité des cas, tout trouble du sens

de la pression marche de pair avec un trouble minime du sens de' `

la force. Ce qui prouve que l'estimation pondérale de la main

libre se fait par l'intermédiaire du sens de la pression. Il est donc

impossible d'apprécier le rôle des facteurs qui entrent enjeu dans

l'estimation de la force quand il existe en même temps des troubles

du sens de la pression; ceci s'applique naturellement aussi aux

affections corticales. L'examen de tableaux dans lesquels sont con-

signés l'analyse du sens de la pression (à l'aide des sphères de

Hilzig), et du sens de la force (à l'aide du dynamomètre) vient à

l'appui des précédentes assertions.

M. ZACHER (d'Ahnveiler). Des systèmes de fibres du pied dupédon-

cule et des relations corticales du corps genouillé interne. D'après

sept nouvelles pièces examinées à la lumière des faits déjà acquis,

contrôlés eux-mêmes par celte dernière analyse, voici comment

sont répartis les systèmes de fibres qui occupent le pied du pédon-

cule cérébral. Pratiquons, à l'exemple de Flechsig, une section

transverse de cet organe au-dessus de la protubérance, et divisons

cette sphère irrégulière en quatre secteurs à peu près égaux. Le

secteur le plus externe contient deux systèmes différents, un sys-

tème périphérique qui vient du lobe occipital, un système médian

par rapport au premier qui est en relation avec le lobe ^temporal;

il n'est pas démontré que ce secteur latéral contienne des fibres

pariétales. Plus en dedans est le second secteur par lequel passe

tout le faisceau pyramidal. Dans le troisième secteur se trouvent

des trousseaux de fibres qui se rendent en bataillons compactes

aux régions supérieures et antérieures; on les retrouve dans la

capsule interne. Pour cela, il faut pratiquer une coupe transverse

de la région du genou ; ces trousseaux y occupent le segment le

140 SOCIÉTÉS SAVANTES. -

plus supérieur à peu près au niveau du quart supérieur de la

capsule. Ils proviennent en partie du noyau lenticulaire, en partie

de certains territoires de la frontale ascendante et des parties les

plus reculées des circonvolutions frontales ; ces derniers trousseaux

contiennent très probablement des fibres qui descendent du centre

de l'hypoglosse et du facial. 11 est extrêmement difficile de se

rendre compte de la nature des trousseaux de fibres qui occupent

le secteur médian du pédoncule central, parce que les fibres s'y

entrelacent en un treillis inextricable. Contrairement à ce que

professe Flechsig, il n'y aurait que quelques fibres, si tant est qu'il

y en ait, émanées du lobe frontal; en revanche on y trouverait des

fibres provenant du noyau lenticulaire, et des fibres originaires de

l'insula. A l'exception du faisceau pyramidal, toutes les fibres du

pied du pédoncule ne dépassent pas l'étage supérieur de la protu-

bérance ; c'est là qu'elles se terminent provisoirement dans les

noyaux qu'on y rencontre. Il y existe aussi des fibres qui vont au

pied du pédoncule; elles viennent de la calotte ou de la substance

noire et descendent dans le pied pédonculaire.

En recherchant les dégénérescences du pied du pédoncule céré-

bral, M. Zacher a observé la dégénération secondaire du corps

genouillé interne. Elle dépendrait, selon lui, de la destruction du

lobe temporal ou de l'interruption des fibres blanches émanées des

deux premières temporales. Comme dans ces cas il y avait aussi

des altérations secondaires dans la partie inférieure des bras con-

jonctifs des tubercules quadrijumeaux inférieurs et dans les tuber-

cules quadrijumeaux inférieurs ceux-mêmes, comme d'autre part

il paraît établi que le lobe temporal gauche préside à l'intelligence

des sons, tandis que le tubercule quadrijumeau inférieur est un

ganglion de l'acoustique, il en résulte que le corps genouillé

interne joue dans le processus psychique de l'audition un rôle

analogue à celui que joue dans la vision le corps genouillé externe.

M. J. Hoffmann (d'Heidelberg) communique sa manière de voir

sur la névrose traumatique. Il en a observé 24 cas à la clinique du

professeur Erb. 11 les divise en trois groupes.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 1 T 1

d'Oppenheim, mais il croit plus exact de se rattacher à la manière

de voir de Jolly et d'Eisenlohr qui revenant aux vieilles dénomina-

tions, parlent, suivant l'élément morbide prédominant, d'affection

nerveuse organique traumatique, de commotion cérébro-spinale,

de psychose traumatique, d'hystérie traumatique.

M. Kast (de Hambourg). Contribution ci la symptomatologie de la ! Kttad : edeBasedott).C esta à l'école deCharcot que revient le mérite

d'avoir rajeuni la symptomatologie de la maladie de Basedow, d'a-

voir constitué la triade symptomatique de cette affection, d'en

avoir découvert les formes frustes. On a essayé de rattacher à cer-

taines altérations fonctionnelles de l'écorce certains troubles psy-

chiques (faiblesse irritable) et Naso-moteurs (byperthermie immo-

tivée) que l'on rencontre dans cette maladie. Les troubles visuels

ont été étudiés par Kast et Willerand dans 20 cas de maladie de

Basedow. Aux symptômes déjà connus ils ajoutent le rétrécisse-

ment plus ou moins accentué du champ visuel. Il n'y avait pas

dans les cas en question de stigmates de l'hystécie. De même que

les palpitations de coeur, l'irritabilité générale, les troubles thermi-

ques et vaso-moteurs, le rétrécissement du champ visuel est soumis

à des fluctuations; il constitue lui aussi un phénomène cortical.

Discussion. M..Manz. Y a-t-il dans l'espèce, des modifications

de la circulation de la rétine ? 2

M. Kast. Nos recherches ne sont pas encore terminées.

M. Thomas (de Fribourg). Une observation de méningite chez un

petit enfant. - Dans la méningite, la fièvre varie suivant le mode

d'évolution. La forme la plus lréquente de l'enfance, la méningite

tuberculeuse est caractérisée par un stade fébrile (lièvre modérée)

de peu de jours, suivi d'un stade d'une semaine pendant lequel, le

pouls étant très peu fréquent, ce qui est anormal, la température

est tantôt normale, tantôt subnormale, ou ne s'élève que le soir;

pendant le stade terminal, l'hyperthermie devient rapidement

extrême. Dans la méningite de la connexité, l'hyperthermie est géné-

ralement excessive; il est exceptionnel, si ce n'est quand l'évolution

mortelle est moins rapide, d'assister à une ascension modérée.

Voici un petit enfant de quatre mois qui présente d'abord des acci-

dents thoraciques; on reconnaît plus tard une pneumonie du lobe

inférieur gauche, ainsi qu'une pneumonie moms étendue du pou-

mon droit aboutissant à un empyème. Au bout de huit jours de

maladie, se montrent des phénomènes cérébraux ; pendant neuf

jours, la fièvre tombe, tandis que le pouls s'accélère; puis, pendant

quelques jours, la fièvre reparait modérée et l'enfant succombe.

On tiouve a l'autopsie une nappe cxtlaordlnaire de pus envelop-

pant des deux côtés la base et la convexité du cerveau et du cer-

velet ; la suppuration provenait d'ailleurs de la migration des

143 ) BIBLIOGRAPHIE,

pneumo-cocci (de lialilden). ta méningite Supp1l1'ée a en réalité

évolué exactement comme une méningite tuberculeuse, quant à la

fièvre. La raison en est que la nutrition avait auparavant souffert

de par une entérite catarrhale antécédente.

M. SCIIOETIL\L (d'Heidelberg). Contribution à la symptomatolo-

aie.des tumeurs cérébrales. -Un jeune homme de dix-neuf ans,

présentant une tare héréditaire considérable, est, à la suite d'une

forte émotion, en proie à des hallucinations, à de l'angoisse, à

des convulsions généralisées; ces dernières ressemblent traits pour

traits à des convulsions hystériques ; la réaction des pupilles sub-

siste, la connaissance est conservée, les allusions froides en arrê-

tent momentanément le cours ; crises de larmes et de rires inex-

tinguibles. Et cependant, seize jours plus tard, le malade meurt

de pneumonie. L'autopsie révèle dans la couronne rayonnante du

lobe frontal gauche l'existence d'un gliome très vasculaire, gros

comme une noisette, mal délimité. Conclusion : l'hystérie convul-

sive peut être symptomatique de lésions anatomiques du système

nerveux central. (Archio fùr Psychiat, Xllf, 2.) P. Keraval.

BIBLIOGRAPHIE

1. Recherches sur les maladies mentales; par M. B\iLnnGEn,

membre de l'Académie de médecine. Deux volumes de 700

pages. Masson, éditeur.

Arrivé à la fin d'une glorieuse carrière médicale, M. Baillarger

a eu l'heureuse idée de réunir en deux volumes les mémoires qui

établirent sa réputation et répandirent son nom dans tout le

monde savant. Rares ont été les médecins qui eurent, comme l'il-

lustre aliémsle de la Salpêlrière, le bonheur de découvrir un

nombre aussi considérable de vérités scientifiques ; plus rares en-

core ont été ceux qui ont su, comme lui, les entourer d'une dé-

monstration telle, que leurs contemporains ont dû s'incliner et en

reconnaître l'exactitude. C'est que M. Baillarger fut toute sa vie,

et avant tout, un clinicien. Jamais il ne sacrifia aux généralisations

brillantes et aux théories hardies : l'hypothèse n'eut pas en lui un

fidèle. Il resta toujours observateur aussi scrupuleux que sagace.

De là sa force et sa grandeur.

Je ne saurais avoir la prétention, dans ces courtes pages, d'ana-

lyser en détail l'oeuvre si considérable de M. Baillarger. Je désire

seulement signaler les progrès considérables réalisés par ce mé-

decin si remarquablement doué pour l'observation clinique. Du

BIBLIOGRAPHIE. 143

premier volume, je détacherai tout d'abord trois mémoires qui, à

eux seuls, suffiraient à garantir de l'oubli le nom de celui qui les

a écrits, car ils ont porté du premier jet une lumière complète sur

trois points importants et pourtant restés inaperçus jusqu'alors de

la pathologie mentale. En 1843, parut le travail sur la stupidité.

On croyait alors que cet état consistait dans une suspension des

opérations intellectuelles, témoin la dénomination de démence

aiguë. M. Baillarger fournit les preuves que les aliénés pendant la

stupeur sont en proie à un délire intérieur triste, accompagné

d'hallucinations nombreuses et que leur état a beaucoup d'analogie

avec le rêve ; sous le masque de la stupeur, il avait su découvrir un

état morbide des plus actifs de l'intellect et la stupidité devenait

ainsi le plus haut degré de la lypémanie. En 1854, vint le mémoire

sur la folie a double forme qui établit l'existence d'une variété

morbide nouvelle. Toujours à l'aide de faits scrupuleusement ob-

servés. M, Baillarger établit qu'en dehors de la monomanie et de

la manie, il existe un genre spécial de folie caractérisée par deux

périodes régulières, 1 une de dépression et l'autre d'excitation, et

il donna soit sur ces périodes soit sur le passage de l'une à l'autre

des détails précis que tous par la suite vérifièrent. Ces deux publi-

cations eurent un énorme retentissement; il n'en fut pas de

même de la troisième, qui passa à ce point inaperçue que quand,

en 1873, Lasègue et M. Falret appelèrent l'attention sur la folie à

deux périodes, on crut, et moi comme les autres dans mes écrits

sur ce sujet, qu'à ces auteurs revenait le mérite de l'avoir décou-

verte. l'ourlant, depuis 1SG0, c'esl-u-dcre treize ans auparavant.

M. Baillarger, dans la Gazette des Hôpitaux, non seulement avait

décrit le phénomène, mais encore lui avait trouvé sa vraie déno-

mination, puisque l'article était intitulé : Quelques exemples de

folie communiquée.

Aussi, le nom de 11. Baillarger doit rester individuellement lié à

ces trois grandes conquête de la psychiatrie : la lypémanie slu-

pide, la folie à double forme et la folie communiquée. En outre,

la science lui est encore redevable de deux autres progrès consi-

gnés en ce premier volume. En 18o3, M. avant tout

autre, dans son essai sur une classification des différents genres de

folie, démontra que sous le nom de mélancolie, on confondait deux

(' tats de nature différente, car il y a des mélancoliques qui n'offrent

d'autres lésions de l'intelligence qu'un délireparliel de nature triste

et qui, en dehors de lui, ont toutes les apparences de l'état normal,

tandis que d'autres, outre le délire triste, sont plus ou moins complè-

tement déprimés, ont les idées embarrassées et la conception lente,

tombent dans l'inertie et le mutisme; il en conclut, avec raison,

qu'il y a chez ces derniers une lésion générale de l'intelligence qui

n'existe pas chez les premiers, lésion générale qui sépare la mélan-

colie des délires partiels pour la rapprocher de la manie, d'où'

144 BIBLIOGRAPHIE.

l'existence de deux délires généraux, le délire maniaque et le

délire mélancolique. L'autre progrès encore réalisé par M. Baillar-

ger et que je tiendrais à mettre en relief, est la distinction de

l'hallucination psychique de l'hallucination psycho-sensorielle,

celle-là consistant en une perception purement intellectuelle ayant

son point de départ dans l'exercice involontaire de la mémoire et

de l'imagination, quoique souvent assimilée, à tort, par le malade,

à une perception sensorielle.

A côté de ces grandes choses, il serait injuste de ne pas accorder

une mention spéciale au très original mémoire : Recherches statis-

tiques sur l'hérédité de la folie, qui a fixé pour la première fois la

part revenant au père et à la mère dans la transmission morbide

des vésanies et ceux non moins nouveaux pour l'époque dans lesquels

M. Baillarger a traité de la structuie de la couche corticale des

circonvolutions cérébrales, avec leur superposition de six couches

alternativement blanches et grises, rappelant la disposition d'une

pile galvanique ; de l'étendue de la superficie du cerveau, qui serait

plutôt en rapport inverse du développement de l'intelligence ; du

mode de développement de cet organe dont la substance grise,

loin de se former après la blanche, centrale, aurait, dès le qua-

trième ou cinquième mois, l'organisation qu'elle présente après

la naissance ; enfin, de l'ossification prématurée du crâne chez les

idiots microcéphales.

Et ce n'est pas tout. Il y a encore dans ce premier volume, en

plus d'une longue et minutieuse étude des hallucinations qui fixa,

lors de son apparition, plus d'un point douteux ou inconnu, un

article confirmatif des idées de Sydenham sur la folie consécutive

aux fièvres intermittentes, et des mémoires bourrés de faits obser-

vés, comme sait observer l'auteur, relatifs à l'influence de l'état

intermédiaire à la veille et au sommeil sur la production et la

marche des hallucinations; de la puberté sur la production de la

monomanie avec conscience; et de la menstruation sur la trans-

formation de la manie en délire aigu, ainsi que sur la folie des

accouchées. Si nous ajoutons à cet ensemble, déjà vaste de décou-

vertes et de recherches, une étude sur la monomauie, deux autres

sur l'automatisme et l'aphasie, en fin, la description, précédée de

judicieuses considérations sur l'alimentation forcée, de la sonde

oesophagienne à double mandrin, connue dans tous les services

d'aliénés sous le nom de sonde de Baillarger, nous aurons une idée

de ce qu'est ce livre considérable, véritable monument de gloire

qui suffirait à plusieurs renommées. Eh bien ! le second volume ne

le cède en rien au premier.

A part le mémoire, point de départ de tant de cotitrove ? S, sur

le siège de quelques hémorrhagies méningées que l'auteur dé-

montra être situées, non, comme on le cioyait entre la dure-mère

et l'arachnoïde pariétale, mais dans la grande cavité de celle-ci, et

BIIiI,I0GRIFiIIE. \ 148

être l'origine des fausses membranes arachnoïdiennes, attribuées

jusqu'alors à une phlegmasie antérieure, tout ce second volume

est consacré il la paralysie générale et au crétinisme, à la paralysie

générale, surtout, que M. Baillarger a fouillée dans ses moindres

recoins, tant et si bien, qu'il est juste de dire que, s'il ne l'a pas

découverte, c'est lui qui l'a décrite.

Les travaux de M. Baillarger sur cette dernière affection sont

les uns d'ordre analytique, les autres d'ordre synthétique. Les

premiers comprennent ses recherches cliniques et anatomo-patho-

logiques, les seconds ses vigoureux plaidoyers en faveur de sa con-

ception dualiste de la maladie. De ces trois partie ? la plus belle

comme la plus incontestée, est la partie clinique. Elle embrasse

treize mémoires dont six réalisèrent cinq grandes découvertes. En

tête, le travail de 1860 sur la relation qui existe entre le délire

hypochondnaque d'obstruction ou de destruction d'organes et la

paralysie générale, de telle sorte que les conceptions délirantes de

celte nature peuvent faire prévoir l'invasion de la redoutable ma-

ladie au môme titre que les conceptions délirantes mégalo-

maniaques. De ce jour, il y eut ainsi deux délires spéciaux de

la périencéphahte chronique, le délire spécial ambitieux de la

forme expansive et le délire spécial hypochondriaque de la forme

dépressive, et M. Baillarger trouva plus tard la confirmation écla-

tante de cette féconde vérité qu'il découvrait dans la succession ou

la simultanéité de ces deux délires chez les mêmes paralytiques.

Ensuite, le mémoire, antérieur de dix ans, dans lequel M. Bail-

larger appela pour la première fois, l'attention sur l'inégalité des

pupilles comme symptôme et comme signe précurseur de la para-

lysie générale. Et tous, à cette époque, de vérifier l'exactitude de

l'assertion, de la fréquence du phénomène, et de s'étonner, avec

lui, qu'il soit resté si longtemps méconnu. Puis le travail de 1860,

où le savant aliéniste publia les premiers faits démontrant que

l'association de l'ataxie locomotrice et de la periencéphalile chro-

nique qui n'avait pas encore été observée ne devait pas être très

rare, et, cette fois encore, nombreuses furent les publications con-

firmatives. Et aussi les recherches sur les rapports delà pellagre et

de la paralysie générale. Les auteurs qui avaient étudié la folie

pellagreuse avaient mentionné, sans en donner la signification,

sous les noms les plus divers, un ensemble de symptômes que

M. Baillarger-'eut mérite d'avoir recodnu comme caractéristique

de la paralysie générale, opinion que confirma l'anatomie patho-

logique et la pellagre eut désormais sa place dans l'étiologie de

l'affection paralytique. Enfin, l'important mémoire pratique, de

1858, consacré à l'influence heureuse des suppurations, quelle

qu'en fut l'origine, abcès, plaies, anthrax, eschanes ou amputa-

tions, sur la guérison de la folie paralytique, et, comme toujours,

les cliniciens eurent, depuis, des centaines et des centaines de

Archives, t. XXI. 10

146 BIBLIOGRAPHIE.

fois l'occasion de s'assurer du fait, partant de s'en inspirer dans

leur thérapeutique.

Des sept autres publications cliniques qui enrichissent ce second

volume, une a trait au délire ambitieux dans les affections orga-

niques locales du cerveau et les maladies de la moelle, lequel est

rattaché, par l'auteur, à l'irritation et aux mouvements fluxiou-

naires que provoquent les lésions cérébrales ou médullaires, six

sont consacrées aux particularités de symptomatologie et d'évo-

lution sur lesquelles M. Baillarger tablera sa théorie dualiste de

la paralysie générale, que nous retrouverons dans la partie syn-

thétique de l'oeuvre du célèbre médecin de la Salpêtrière. Ces six

mémoires mettent bien en relief l'existence : 1° d'une paralysie

générale sans délire, caractérisée, seulement au point de vue men-

tal, par de l'affaiblissement intellectuel progressif, bien différent

de la pseudo-démence due à la stupeur ou à l'obtusion psychique

et capable de se dissiper; 2° de deux manies, l'une simple, qui

peut se terminer par la démence simple, l'autre, congestive, qui,

le plus souvent, se terminera par la démence paralytique ; 30 des

rémissions fréquentes dans la forme maniaque de la paralysie

générale en rapport avec la fréquence des guérisons de la manie

simple, d'où la probabilité d'une complication de l'affection para-

lytique par les diverses formes de la folie, susceptibles de dispa-

raître, tandis que resteraient un peu d'affaiblissement intellectuel

et quelques troubles de la motililé, signes révélateurs de la dé-

mence paralytique persistante ; 4° de guérisons dans certains cas

deparalysie générale àforme vésanique, guérison s'expliquant sans

difficulté si on sépare complètement la manie avec délire des

grandeurs, de la véritable paralysie générale, qui reste une dé-

mence paralytique tantôt primitive et simple, tantôt primitive et

compliquée de manie paralytique, tantôt, enfin, consécutive à la

manie paralytique.

Passant à l'anatomie pathologique, nous devons sans retard

signaler la découverte des rapports entre la coloration ardoisée

du cerveau dans la paralysie générale et les escharres du sacrum,

puis la description, datant de 1858, d'une induration speciale, non

encore connue, de la substance blanche des circonvolutions comme

l'une des lésions principales de la démence paralytique. Cette par-

tie anatomo-pathologique du volume renferme en sus trois écrits

importants : l'un constatant que les hémisphères peuvent perdre

dans la paralysie générale plus d'un quart de leur poids, alors que

le cervelet, au contraire, conserve son volume et perd à peine

quelques grammes; un second rattachant à des atrophies céré-

brales, déterminées par des congestions locales répétées, les hémi-

plégies incomplètes des déments paralytiques; un troisième, relatif

à une altération du cerveau, caractérisée par la séparation de la suhs-

tance grise et de la substance blanche dans la paralysie générale.

BIBLIOGRAPHIE. 147 Î

Nous arrivons à la partie la plus contestée de toute l'oeuvre de

M. Baillarger, je veux parler de sa théorie dualiste de la paralysie

générale. Cette affection, chacun le reconnaît, se présente sous

deux syndromes très différents, le syndrome démentiel ou d'abo-

lition fonctionnelle et le syndrome délirant ou de perversion fonc-

tionnelle. Or, là où on avait vu deux formes de la même maladie,

M. Baillarger voit, lui, deux maladies différentes, la démence para-

lytique et la folie paralytique. Pour démontrer que la seconde a

une existence indépendante de la première, il invoque, sans

compter les faits indéniables de paralysie générale sans délire où

existe la seule abolition fonctionnelle, quatre ordres de faits :

malades chez lesquels les symptômes psychiques et somatiques,

de la paralysie générale persistent une année et plus sans être liés

aux lésions de la périencéphalite chronique et peuvent s'expliquer

alors par de simples troubles circulatoires; cas où la paralysie

générale ayant été plus ou moins caractérisée par ses deux

ordres de symptômes psychiques et somatiques, on voit les

troubles musculaires disparaître pour ne plus revenir et la

maladie se terminer par la démence simple sans paralysie;

pseudo-paralysies générales alcooliques constituées par plusieurs

accès de paralysie générale se terminant par la guérison ; enfin,

période maniaque de certaines folies à double forme, vieilles de

beaucoup d'années, offrant à chaque retour tous les symptômes

de la forme maniaque de la paralysie générale.

Je ne saurais, dans cet article bibliographique, engager une dis-

cussion minutieuse et approfondie de cette très importante ques-

tion ; qu'il me soit seulement permis, après avoir résumé l'opinion

et les arguments de M. Baillarger, de manifester en toute fran-

chise, et en quelques mots, mon sentiment. Il y a douze ans, j'écri-

vais : Qui sait si la démence paralytique n'est pas aux folies

congestives ce qu'est la démence simple aux folies névrosiques ? »

A cette question, que je me posais en 1878, je réponds aujourd'hui :

« Oui ! »

La dernière partie du second volume renferme, sous six numéros

d'ordre, onze mémoires relatifs au crétinisme et au goitre.

M. Baillarger invoque cinq séries de faits en faveur de l'identité

d'origine de ces deux états, et ses arguments n'ont pas peu contri-

bué à imposer celte manière de voir, généralement acceptée de

nos jours. De même, il a triomphé contre l'Ecole de Lyon, sur la

question du goitre des mulets et des chevaux, qu'il fut le premier

à décrire dans les contrées atteintes par l'endémie. Mais après avoir

indiqué le travail sur la fréquence du goitre dans les deux sexes et

les recherches qui ont trait à la géographie, tant de l'hypertrophie

de la glande thyroïde que du crétinisme, force nous sera de nous

arrêter, car il nous faudrait encore des pages et des pages pour

noter tout ce qui in«tiuit, donne à réfléchir, ou charme dans ces

148 BIBLIOGRAPHIE.

deux volumes que, d'ailleurs, les savants du monde entier consul-

teront aussi bien pour l'instruction que pour le plaisir de leur

esprit et desquels il est plus vrai de dire ce que le vainqueur d'Aus-

terlitz disait de sa victoire : « Ceci est du granit, la dent du temps

et de l'envie s'y brisera car les découvertes scientifiques, nom-

breuses et importantes, qu'ils renferment, contrôlées acceptées,

sont à l'abri de tout revers. Que M. Baillarger en ait la certitude

absolue, les lauriers qui entourent sa glorieuse vieillesse ne seront

jamais, dans la suite des temps, ni flétris ni coupés ! 1

Dr E. 1·I411 : INDON de liI.ONTYEL.

II. Anatomie artistique. Description des formes extérieures du corps

humain au repos et dans les principaux mouuemen ts, par le D Paul

BICHER, chef de laboratoire à la Faculté, avec 1 10 planches ren-

fermant plus de 300 figures dessinées par l'auteur. In-folio,

Paris, 1890. Pion, Nourrit et Ci-, éditeurs.

Les médecins qui suivent les cours de M. Charcot à la Salpêtrière

ont tous remarqué ces grands tableaux si largement traités qui

représentent les diverses phases de l'attaque hystérique. et dont

notre maître se sert souvent pour ses démonstrations. Ils savent qu'ils

sont dus à M. Paul tâcher et sont pour la plupart extraits de son

admirable ouvrage sur l'hystéro-épilepsie où l'artiste et le clinicien

luttent de talent et de savoir.

Depuis cette première publication, M. Paul Richer a associé avec

un bonheur de plus en plus croissant les qualités si précieuses qu'il

possède. En collaboration avec M. Charcot il a publié des études

d'esthétique rétrospective appliquées à la médecine : nous ne rap-

pellerons pas le succès qui a accueilli les Malades et les Difformes,

les Démoniaques dans l'art. Enfin, celte année même, l'Etat récolll-

pensait de sou infatigable labeur en admettant aux honneurs du

bronze, pour les galeries du Muséum, le Premier artiste que nous

avions admiré au Salon des Champs-Elysées.

Clinicien, anatomiste, sculpteur de talent et dessinateur impec-

cable, M. Paul Richer eut l'idée, il y a plusieurs années, de mettte e

ces qualités si diverses au service de l'art et de la science en com-

blant une lacune que lui avaient révélée ses études historiques,.

Frappé de l'extrême insuffisance des ouvrages anatomiques qui

étaient entre les mains des sculpteurs et des peintres, il conçut le

plan d'une anatomie artistique a la fois analytique et synthétique

dans laquelle la représentation figurée jouerait un rôle très pre-

pondérant. L'artiste, peintre ou sculpteur, est un visuel; il juge

par les yeux et la planche, plus que le texte, est pour lui compré-

hensive. Toutefois, un pur allas est insuffisant, commentaires et ex-

plications sont souvent nécessaires dans l'interprétation des formes.

Nous disons commentaires, car M. Paul Richer n'a jamais eu la

BIBLIOGRAPHIE. " 149

prétention de donner des leçons aux artistes. Il sait parfaitement,

et pour cause, que la science n'a rien à apprendre à J'artiste sur la

direction d'une ligne, sur l'aspect extérieur d'une surface. L'artiste

digne de ce nom est particulièrement doué pour saisir d'emblée

et sans intermédiaire la forme elle-même, pour la voir, la juger et

ensuite l'interpréter. Du reste, il en est de la forme comme des

couleurs. Elle est loin d'être une et la même pour tous ; chaque ar-

tiste selon son tempérament en a une vision qui lui est propre.

Aussi M. P. Richer se défend-il d'avoir eu la pensée d'offrir

aux artistes rien qui puisse ressembler à un modèle des formes ex-

térieures du corps humain. « La question de la forme, nous dit-il,

est entièrement réservée et je désire nettement définir le rôle que

je me suis imposé, véritable et simple rôle d'informateur. Les

dessins ont été exécutés d'après nature et après bien des recher-

ches sur divers modèles qui ont été choisis, non d'après une for-

mule d'esthétique quelconque, mais pour raison de clarté et de mé-

thode. A cause de la finesse de la peau, de la puissance de la mus-

culature et de l'absence aussi complète que possible du tissu

graisseux, ils offraient des formes non pas simples, mais claires, et

faites pour ainsi dire pour la démonstration. Lorsqu'on aura appris

à les voir, on retrouvera ces formes chez les sujets plus jaunes, plus

gras, plus simples en un mot, mais d'une lecture plus difficile.

q En résumé, dit-il en terminant, mon but a été de mettre entre

les mains des artistes un livre exclusivement technique qu'ils puis-

sent sans efforts lire ou consulter et dans lequel ils trouvent

l'aide nécessaire non pas pour choisir un modèle, mais pour lire

et comprendre le modèle qu'ils auront choisi. »

Voilà pour l'idée générale qui a présidé à l'oeuvre : nous ne sau-

rions passer sous silence les détails de l'exécution pour laquelle

l'auteur a dû dépenser une somme de travail extraordinaire. Son

anatomie ne comprend pas moins en effet de 109 planches aux-

quelles sont jointes près de 300 pages de texte explicatif. Et quel-

ques-unes de ces planches renferment jusqu'à dix dessins.

M. Paul Richer a suivi une méthode extraordinairement rigou-

reuse. Il a pris un type d'homme, d'Européen établi d'après lesder-

nières données anthropométriques et a ramené tous ses dessins à ce

modèle donné. Et ces dessins comprennent en totalité les os vus sous

leurs diverses faces, tous les muscles, toutes les articulations, toutes

les veines superficielles. Peu à peu il construit son modèle, le recou-

vre de peau, note alors les saillies, les dépressions en rapport avec

les tissus sous-jacents et, dans une synthèse admirable qui ne com-

prend pas moins de 34 planches aux deux crayons, il nous montre

l'homme dans toutes les attitudes. Vis-à-vis de chacune de ces

planches magistrales se trouve un écorché permettant de noter les

muscles qui entrent en fonctions dans le mouvement que l'artiste a

voulu représenter.

150 BIBLIOGRAPHIE.

Croit-on, pa"r exemple, qu'un semblable travail ne soit pas utile

au médecin, et le livre de M. Richer ne sera-t-il lu et utilisé que

par les sculpteurs et les peintres. Nous espérons bien que les mé-

decins sentiront que de pareilles études ne doivent pas leur rester

étrangères. La connaissance des formes extérieures s'impose non

seulement au chirurgien qui doit imperturbablement savoir à quoi

correspond la saillie dans laquelle il va plonger son bistouri, mais

aussi aux médecins.

c Je ne saurais trop, Messieurs, disait avec sa haute autorité

M. le professeur Charcot dans une de ses lumineuses leçons de la

Salpêtrière, vous engager à examiner les malades nus, surtout

lorsqu'il s'agit de neuropathologie, toutes les fois que des circons-

tances d'ordre moral ne s'y opposeront pas.

« En réalité, nous autres médecins, nous devrions connaître le

nu aussi bien et même mieux que les peintres ne le connaissent.

Un défaut de dessin chez le peintre et le sculpteur, c'est grave

sans doute au point de vue de l'art, mais, en somme, cela n'a

pas au point de vue pratique de conséquences majeures. Mais

que diriez-vous d'un médecin ou d'un chirurgien, qui prendrait,

ainsi que celaarrive trop souvent, une saillie, un relief normal, pour

une déformation, ou inversement ? Pardonnez-moi cette digres-

sion, qui suffira peut-être pour faire ressortir une fois de plus la

nécessité pour lemédecin commepourle chirurgien d'attacher une

grande importance à l'étude médico-clllrurgicaie du nu. »

Enfin nous dirons encore que M. Paul Bicher s'est souvenu qu'il

était sculpteur. Après avoir dessiné son modèle, il l'amoulé pour

en faire un « canon qui sera bientôt dans tous les ateliers et aussi

dans tous les amphithéâtres d'anatomie. Continuant à employer

la méthode précise des anthropologistes, il a pu rendre l'usage

de sa statue extrêmement facile et la clarté de sa conception

ne contribuera pas peu à son succès.

. M. Paul Richervient de produire une oeuvre magnifique, superbe

fleuron de cette Ecole de la Salpêtrière, que son illustre fondateur

a voulu aussi riche d'art que de science. Elle restera comme une

preuve de ce que peuvent combinés la science et le talent : de ce

fait elle est unique, car le savant a pu traduire lui-même sa pen-

sée. Elle léguera son nom à la postérité : l'Anatomie artistique et le

« Canon de Paul Bicher resteront éternellement jeunes, car ils sont

l'expression de l'immuable réalité.

Il nous est agréable en terminant d'adresser à M. Pion nos com-

pliments les plus sincères pour la parfaite exécution de cet ouvrage,

qui est à la hauteur de la pensée qui l'a dicté.

Gilles DE la TOULtETTE.

BIBLIOGRAPHIE.. 151

III. Leçons de clinique médicale faites à l'hôpital de la Pitié; par

LANCERE\ux. Paris, Lecrosnier et Babé, édit. 1890.

Les leçons rassemblées dans ce volume ont été faites à l'hôpital

de la Pitié, et publiées déjà dans l'Union médicale. Elles font suite

à celles qui ont paru en 1881 dans la Gazette hebdomadaire de

médecine et chirurgie; puis à d'autres qui ont été publiées en 1883.

Elles donnent l'histoire d'un certain nombre d'affections très im-

portantes, de maladies chroniques en général jdont l'auteur a sur-

tout cherché à rapprocher les manifestations et à mettre en lumière

l'évolution, pour faire valoir l'idée originale qui domine ce livre,

et qui consiste à considérer comme parties d'un même tout' mor-

bide des affections souvent regardées comme distinctes. L'herpé-

tisme, par exemple, selon la conception de l'auteur, engendre

l'endartérite généralisée, dont les néphrites interstitielles, le

ramollissement et l'hémorrhagie cérébrale, l'insuffisanceaortique,

la sclérose et la stéatosedu coeur, représentent les localisations sur

le rein, le cerveau et le coeur. On lira avec intérêt, dans le même

livre, les chapitres consacrés aux cirrhoses, à l'urémie, au rhu-

matisme chronique et surtout au diabète. L'auteur décrit trois

types de diabète : le diabète par lésions nerveuses (diabète de

Claude Bernard), le diabète maigre ou diabète pancréatique, le

diabète gras ou diabète constitutionnel ressortissant à l'herpé-

tisme. -Si l'on peut discuter les conceptions théoriques qui ont

guidé l'auteur, on ne saurait ne pas reconnaître les grandes qua-

lités d'observation clinique qui font de ce volume un recueil de

faits des plus intéressants. Paul BLOCS.

IV. Compte rendu de l'asile d'aliénés de Bile (Suisse). -

L'asile d'aliénés de Bâle publie chaque année un compte rendu

médical et administratif. Le nombre des malades traités pendant

l'année 1889-1890 s'élève à 395 avec la proportion de 179 hommes

pour 216 femmes. Voici le chiffre des guérisons ou améliorations :

VARIA

SUR LES DIVERS MODES D'ASSISTANCE A L'ÉGARD DES ALIÉNÉS ET

DES IDIOTS; par D. 13ACx KurE. (TlteJow ¡¡al o f dlenlal Science,

juillet 1888.)

Ce travail porte sur la répartition des aliénés et des idiots

et sur les divers modes d'assistance dont ils sont l'objet aux

États-Unis et dans la Grande-Bretagne. L'auteur a pris soin

de le résumer dans les termes suivants :

« 1° En Angleterre, la grande majorité de ces malades est

placée dans les asiles des Comtés. Tout en regrettant les propor-

tions prises par quelques-uns de ces asiles, je crois qu'ils cons-

tituent le meilleur mode d'assistance pour ),1 masse des aliénés

pauvres, à la condition que toutes les mesures utiles soient prises

en faveur des aliénés curables. Quelques-uns d'entre eux, pour ne

pas dire la plupart, comportent une dépense inutilement élevée

en ce qui louche la catégorie des déments tranquilles et des imbé-

ciles, catégorie pour laquelle les dispositions moins onéreuses des

asiles de districts métropolitains ont donné des résultats qui,

somme toute, sont satisfaisants.

2° En Ecosse, le système de pension au dehors est le point qui

frappe le plus : ce système donne, aux Etats-Unis, des résultats

suffisamment encourageants pour qu'on puisse chercher à l'imiter

dans les localités qui s'y prêtent ; mais la plus grande prudence

est nécessaire dans son application, si l'on ne \eut qu'il n'en résulte

aucun dommage moral pour les familles chez lesquelles les aliénés

sont placés comme pensionnaires.

3° Les fonds nécessaires à l'entretien des malades payants et de

ceux qui bien qu'occupant un rang élevé dans l'échelle sociale sont

dans l'impossibilité de payer, sont fournis en Angleterre et en

Ecosse, par des institutions de Charité, et pour ce qui concerne la

première de ces deux catégories, par l'entreprise privée. Le senti-

ment populaire, aussi bien que les efforts de la législation, dans

notre pays, tendent à encourager le système des institutions chari-

tables, à pourvoir les asiles des Comtés des dispositions nécessaires,

au traitement des Iualades riches, et à limiter, sinon éventuelle-

ment à supprimer, les asiles privés.

4° En Amérique, ce que l'on remarque tout d'abord, c'est que

les divers Etats disposent leurs asiles.de manière à y recevoir

- varia. 138

les malades de toutes les catégories sociales. Mais on peut se de-

mander si les catégories payantes n'ont pas été indûment favorisées

au détriment des catégories indigentes, souvent reléguées dans

des asiles inférieurs ou dans les Almshouses l.

5° Aux Etats-Unis, on place beaucoup plus d'aliénés et d'idiots

dans les Almshouses, qu'en Angleterre; et nous devons nous féli-

citer de ce que, à aucune époque, on n'a fait plus d'efforts qu'à

l'époque actuelle pour diminuer les inconvénients qui résultent

de l'appropriation illégitime de ces établissements : il faut noter,

pourtant que dans le Wilconsin, où la direction des Almshouses

sous le contrôle de l'Etat vient d'être expérimentée, ce système a

été ainsi considérablement amélioré, et continuera probablement

à se perfectionner tant qu'il restera entre les mains d'une com-

mission intelligente.

6° Le mouvement d'opinion qui se produit en faveur de la va-

riété dans la construction, la disposition et la situation des divers

bâtiments des asiles, variété qui permet de catégoriser effective-

ment les malades, mérite d'être imité, à la condition formelle,

toutefois, que les aliénés violents, malpropres ou malades ne

soient pas isolés de façon à risquer d'être privés de la surveillance

efficace du médecin. R. M. C. »

NÉCESSITÉ DE L'HOSPITALISATION DES IDIOTS ET DES ÉPILEPTIQUES.

Un incendie s'est déclaré samedi dernier à fourgues dans des

circonstancesparticulièrement dramatiques. Le sieur Julien-Laurent

Alexandre, âgé de 65 ans, qui etait à peu près idiot, demeurait

depuis vingt ans avec son frère qui, lorsqu'il sortait, fermait la

porte de la cour pour le préserver de toute visite suspecte. Le vieil-

lard étant resté seul pendant que son frère vaquait à ses occupa-

tions, s'approcha trop du feu de la cheminée et enflamma ses vê-

tements.'La souffrance qu'il éprouva fut telle qu'il se mit à courir

au hasard et qu'il vint se blottit- contre un hangar rempli de paille

auquel il mit le feu. On accourut au secours et l'incendie fut vite

éteint mais on trouva près du hangar le cadavre du pauvre vieux

à demi carbonisé. (Le Rappel de l'Eure.)

DES hôpitaux d'asiles; par Richard GRi : ENE. (The Journal of

Mental Science, juillet 1888.)

Travail intéressant dans lequel l'auteur étudie les dispositions

qu'il convient de donner aux petits hôpitaux d'isolement dont la

construction a été récemment recommandée pour le traitement des

maladies infectieuses dans les asiles publics d'aliénés. il. M. C.

' Les Almshouses des Etats-Unis ressemblent aux Workouses d'Angle-

terre : ce sont des sortes d'asiles ou de refuges pour les vieillards, les

infirmes et les indigents. \

FAITS DIVERS

Asile d'aliénés de la SE1VE. - Le lundi 8 décembre 1890. à une

heure précise, s'est ou vert à l'Asile cl inique (Sainte-Anne), rue Cabanis

n° 9, it Paris, un concours pour la nomination dans lesdits établis-

sements à quatre places d'internes titulaires en pharmacie.

Le concours de la médaille d'or des internes des asiles

d'aliénés de la Seine vient de se terminer par la nomination de

M. Marie, interne de deuxième année.

Asiles d'aliénés. -Nominations et mutations. M. le Dr DUI3c \U,

directeur-médecin de l'asile public d'Armentières (Nord), est

admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite il

partir du ICI' décembre, et nommé directeur-médecin honoraire.

Arrèté-du 8 novembre 1890. M. le Dr lII,IUNIb.H, médecin en chef

de l'asile public de Pierrefeu (Var), est promu à la 2° classe, à

partir du 1er janvier 1891 (25 novembre). VI. le Dr ROUSSET,

médecin-adjoint à l'asile public de Saint-Robert (Isère), nommé

aux mêmes fonctions à l'asile public de Bron (Rhône), est maintenu

dans la 1° classe ( ? 4 novembre). M. le Dr Dur.m, ancien

interne des asiles publics d'aliénés de la Seine, déclaré admissible

aux emplois de médecin-adjoint des asiles publics d'aliénés, à la

suite du concours ouvert à Lille le 20 novembre 1890, nommé

médecin-adjoint à l'asile public de l3ailleul(Nord), est compris dans

la 2e classe (11 décembre). M. le Dr iNIAU.4[ER, médecin en chef

à l'asile public de Pierrefeu (Var) est nommé directeur-médecin du

même établissement à partir du 9 ? janvier 1891 (12 décembre).

M. le D1' TAGUET, directeur-médecin de l'asile public de Lesvellec

(Morbihan), est nommé aux mêmes fonctions à l'asile public d'Ar-

mentières (Nord), en remplacement du Dr Dddiau, et maintenu

dans la classe exceptionnelle (19 décemhre).-11. le D' Chambard,

médecin en chef de l'asile publie de Cadillac (Gironde), est nommé

directeur-médecin de l'asile public de Lesvellec (llorbihan), en rem-

placement de D" TAGUET, et maintenu dans la 3° classe (20 de-

cembre). ).

Asile DE BRON. Le Conseil général du Rhône a voté dans une

de ses séances la liquidation de la pension de M. le Dr Max-

Simon, médecin en chef du service des hommes à l'asile de Bron

En émettant ce vote, le Conseil général a adressé à M. Max-Simon

toutes ses félicitations pour le dévouement, le zèle et la compé-

faits DIVERS. Hum

tence dont il n'a cessé de faire preuve pendant les treize années

qu'il a passées à l'asile de Bron et ses regrets de le voir quitter son

service. Le public médical de notre ville s'associera au sentiment

qu'à exprimé le Conseil général, et se félicitera de voir M. le Dr

Max-Simon conserver le poste de médecin-inspecteur des aliénés

du département, qu'il exerce avec tant d'autorité et de compétence.

(Lyon médical.)

Asile Clinique (Sainte-Anne) M. Magnan a repris dans l'Am-

phithéâtre de l'admission, ses leçons cliniques, les dimanches et

mercredis, à la même heure. Les conférences du mercredi sont

consacrées il. l'étude pratique du diagnostic delà folie. Les leçons

ont pour objet cette année, l'étude de l'alcoolisme et plus particu-

lièrement de son influence sur les maladies mentales.

Concours d'admissibilité aux emplois DE médecins adjoints DES

asiles publics d'aliénés (Région de Paris). Ce concours s'est ter-

miné par l'admissibilité de quatre candidats qui ont été classés

dans l'ordre suivant : 1 ? Vi Blin, avec 77 points; -- 2° M. Marie,

avec 76 points; 30 31. Colin, avec 75 points; - 4° M.'l'Invet,

avec 62 points.

Congrès DE médecine mentale DE LyoN.Lesmédecins aliénistes

de Lyon viennent de se réunir en une commission ayant pour but

l'organisation locale du prochain Congrès français de médecine

mentale qui doit se tenir en 4891, dans cette ville. Ils ont chargé

cinq d'entre eux : MM. Max-Simon, Albert Carrier, Henri Contaglle,

Brun et Chaumier de centraliser dès à présent la correspondance

et les autres documents relatifs â ce congrès.

Hospice delà Salpêtrière. MM. Joffroy et Jules Voisin, mé-

decins de la Salpêtrière, ont commencé des conférences sur les

maladies nerveuses et mentales, le jeudi, 4 décembre à 9 heures 3/t,

au petit amphithéâtre de l'infirmerie, et les continuerontles jeudis

suivants à la même heure.

L'hypnotisme devant la chambre. - Le Bulletin médical publie le

passage suivant du rapport de M. Lockroy sur les projets de loi

relatifs à l'exercice de la médecine; ce passage a traità la pratique

de l'hypnotisme par des personnes étrangères à la médecine :

« Notre.collègue M. David considère l'hypnotisation comme un

procédé d'exercice illégal de la médecine et dirige contre celui qui,

sans être muni d'un diplôme de docteur, se livre à cette pratique,

l'article 12 de sa proposition portant une amende de 100 à 500 fr.

« Le temps n'est pas loin où tout docteur en médecine qui osait

parler de magnétisme animal était gourmandé par ses confrères.

Déconsidéré par les exhibitions publiques, le magnétisme a failli

succomber sons le mépris des savants.

1S6 faits DIVERS.

« Aujourd'hui que, sous les noms de suggestion ou d'hypnotisme,

la science accueille les faits, les contrôle, en recherche la loi, est-

il juste et sage d'en tarir la source et d'en décerner le monopole à

ceux-là mêmes qui, obligés de se défendre par une critique rigou-

reuse contre les effrontés et les charlatans, se montrèrent hostiles

aux manifestations physiologiques nouvelles dans In crainte d'être

dupes de faits mal observés ou falsifiés ? Nous ne l'avons pas

pènsé, laissant à chacun la liberté et la responsabilité de ses actes.

« Quant aux conséquences physiques et morales de l'hypnotisme,

on les a beaucoup exagérées. Sans doute, il serait désirable que

nul ne se livrât à ces procédés que dans l'intérêt de la science ou

de la santé du sujet. Mais où commencera le délit ? Frappera-t-on

ceux qui souvent, par le seul sentiment de curiosité, essaient sur

le premier venu, dans une maison particulière, une pratique dont

ils ont constaté les effets ? Se retournera-t-on contre les exhibitions

publiques ? Pour constater les premières, il faudrait se départir du

respect du domicile; les secondes peuvent si souvent être doublées

de supercherie qu'on s'exposerait à frapper l'expérimentateur con-

vaincu, alors que le saltimbanque ne pourrait être atteint par la

loi. Enfin, pour revenir à notre première question, où commen-

cera le délit ? Nous croyons que le moment n'est pas venu d'en-

lever ces expériences aux profanes et de les confier exclusivement

aux médecins. »

Le Bulletin médical se demande, non sans quelque ironie, si l'o-

pinion de M. Lockroy ralliera les suffrages des médecins membres

de la commission. Espérons que non ! si M. Lockroy peut ne pas

avoir lu les aiticles spéciaux relatifs àce sujet et en particulier

les nombreux exemples des méfaits de l'hypnotisme que nous

relatons à dessein dans chaque numéro des Archives de Neurologie,

il est vraisemblable qu'il n'en est pas de même des membres de

la commission appartenant au corps médical, lesquels n'ignorent

pas combien l'hypnotisme peut être un instrument dangereux

entre les mains des ignorants ou des charlatans.

La prédiction d'une somnambule. Nous trouvons dans l'Echo de

Paris du 26 novembre le fait suivant : « Une jeune artiste désirant

connaître l'avenir qui lui était réservé va trouver une somnambule;

celle-ci lui déclare que les beaux projets sont inutiles, car sa mort

est proche. La consultante s'en retourne chez elle très impression-

née; depuis lors son caractère s'altère, elle devient sombre et au

bout de quelques jours tente de se jeter par la fenêtre. Voilà un

exemple d'auto-suggestion qui de\rait ouvrir les yeux des pouvoirs

publics sur l'urgence extrême qu'il y a de supprimer ces sortes

d'industrie. »

Martyrologe de la psychiatrie. - Huit jours après l'accident

faits DIVERS. 137

arrivé à notre distingué confrère M. ItiLti, dont nous parlions dans

notre dernier numero,lt. le Dr Mordret, médecin en chef de

l'asil6 d'aliénés du Mans, a été frappé à sa visite du matin par un

aliéné, de deux coups de tranchet de cordonnier bien emmanché;

2 a 3 centimètres de fer dans les muscles du dos et externes de la

cuisse. Heureusement aucun organe important n'a été touché, et,

après quatre jours de repos, notre confrère a pu reprendre son

service.

Quant à l'aliéné, auteur de l'agression, c'était un malade fort

tranquille. un peu sombre depuis une dizaine de jours; il était,

sans qu'on le sût, obsédé par la pensée de faire un acte qui obli-

geât a le traduire en cour d'assises; il n'a rien trouvé de mieux,

pour cela que de frapper son médecin de deux coups de tranchet.

Ce nouveau fait prouve une fois de plus que les médecins aliénistes

courent journellement de grands périls dans l'exercice de leur

délicate profession. (France médicale.)

RËVH,\TtON d'un crime tendant l'hypnose. - Le fait suivant, dit

le Bulletin médical du 12 novembre, s'est passé tout récemment

dans un service hospitalier de Paris. Une jeune femme est prise

d'une crise hystérique tellement violente, que ne pouvant y mettre

fin, on se décide à endormir la malade. Pendant son sommeil elle

raconte avec toute sorte de détails, un assassinat auquel elle

aurait été mêlée. Après son réveil, on lui raconte ce qu'elle

a dit" Elle se trouble, mais finalement affirme que son récit

est exact. Et elle précise. Tout en tenant compte de ce fait '

que la malade était hystérique, on a cru devoir après consen-

tement préalable de la malade prévenir la police. Ajoutons que

cette femme était une détenue.

Traitement DES morphinomanes A l'étranger. Depuis quelques

années il s'est fondé à l'étranger des asiles spéciaux pour les morphi-

nomanes. Le premier a été installé à Schoenberg-Berlin par le doc-

teur Edouard Levinstein. Peu de temps après, il en a surgi un

second à hratz, en Styrie. En 1889, ce dernier renfermait trois

cents malades, sans compter ceux qui n'avaient pas pu y trouver

place et qui se faisaient soigner en ville, Le traitement est basé

sur la suppression immédiate et absolue de la morphine. Plusieurs

établissements semblables se sont fondés en Amérique. On n'y est

admis qu'après avoir signé l'engagement de se soumettre aveuglé-

ment au régime de la maison, quelles que puissent en être les

conséquences. Or, ce régime consiste, comme à Gratz, dans la pri-

vation brusque et complète du poison. On enferme les malades

dans des cellules semblables à celles des asiles d'aliénés, et on les

y laisse crier et se débattre à leur aise. S'il survient des accidents

compromettants pour l'existence, en les traite, mais sans recourir

à la morphine. Malheureusement en France, nous n'avons rien de

1M FAITS DIVERS.

semblable, et tous les médecins qui ont eu des morphinomanes

dans leur clientèle savent combien cette lacune est regrettable.

(Bull, médical.) .

Faculté de médecine DE Gènes. M. le D1' E. TkuRi est nommé

privât docent de psychiatrie..

Faculté DE médecine DE STRASBOURG. M. le D1'. Cari FÜRSTNER,

professeur à la faculté de médecine de Heildelberg, est nommé

professeur ordinaire de psychiatrie, en remplacement de M. Jolly.

Faculté DE médecine DE LAUSANNE. M. le Dr Rabow est nommé

professeur extraordinaire de psychiatrie et clinique psychiatrique

à Lausanne. Il existait autrefois dans cette ville une simple école

prnpédeutique, qui vient d'être érigée en faculté à la suile du legs

de Rumine.

Faculté DE médecine DE GAND. M. J. v.aN 131ERN'LIET est chargé

du cours de psychologie. (Cours nouveau institué par la loi du

10 avril 1890.)

Nouvelle-Zélande. Statistique de l'aliénation mentale.

Au 31 décembre 1889, on comptait dans celte colonie anglaise

176 aliénés, c'est-à-dire une augmentation de 80 alienés sur la

statistique de l'année 1888. Le nombre des cas de guérison a été

en moyenne de 57,5 pour cent et celui de la mortalité 4,5 pour

cent. On doit remarquer la proportion relativement considérable

du nombre des aliénés par rapport au chiffre modeste de la popu-

lation de cette colonie anglaise.

Nécrologie. Le Dr SANDEUET DE VALONNE (Joseph-Edouard),

professeur honoraire à l'école de médecine de Besançon, médecin

en chef de l'Asile départemental du Doubs, membre honoraire de

l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, prési-

dent honoraire de l'Association des médecins du Doubs, est décédé

le 10 septembre, à l'âge de 79 ans.

Une ILE pour LES ivrognes. Au congrès de Berlin, le Dr Karl

Kahlbaum a établi qu'une erreur très sérieuse avait souvent été

faite dans le traitement de l'ivrognerie, savoir, que l'on n'observait

pas assez longtemps le malade pour être sûr de sa guérison. Il est

souvent arrivé qu'une amélioration était prise pour une cure.

Le D' K. Kahlbaum a proposé que le Gouvernement choisisse une

ile isolée pour y envoyer les ivrognes seulement. (New-Yo ! '1. Me-

dical Journal, du 8 novembre 1890, p. 518.)

Précautions .4 prendre contre LES - Il est à espérer que

la mort du D1' Lloyd servira à quelque chose. Le grand jury du

comté de Kings a blâmé la commission des asiles d'aliéués de

1 Etat pour le fait d'avoir favorisé la pratique qui consiste à enre-

gistrer les malades évadés comme ceux mis en liberté (c'est-à-dire

considérer les évadés comme des mis en liberté), Le jury a égale-

Bulletin bibliographique. 159

ment a blâmé les agents officiels de l'asile d'aliénés du comté de

Kings de leur relâchement vis-à vis du meurtrier du D 1-lyod, et a

recommandé l'emploi d'une force de police dans l'asile. (New-Y01'k

Médical Journal, samedi 8 novembre 1890, p. 518.) D1' G. GuInoN.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Année Mcdic\le (L'), résumé des pi ogres réalisés dans les sciences

médicales pendant l'année, publiée sous la direction du Dr Bourneville

avec la collaboration des rédacteurs du Progrès Médical et des Archives

de Neurologie. Parait tous les ans. Douze volumes sont en vente (1878-

1889) ; format in-18 Charpentier. Pour nos abonnés, par la poste, 3 fr. 50.

Dans nos bureaux 3 fr.

BERXAttD. De l'aphasie et de ses diverses formes. 2° édition avec une

preface et des notes, par le D' Ch. Féré. Volume in-8° de 260 pages, avec

25 figures dans le texte. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés . 4 fr.

lB.ocn. - Des contractures . Contractures en général, la contracture

spasmodique, les pseudo-contractures. Volume in-8° de 216 pages, avec

8 figures dans le texte, 1 planche lithographique et 3 phototypies.

Prix : 5 fr. - Pour nos abonnés ' 4 fr.

Bourneville, SOLLIER et Pilliet (A.). Recherches cliniques et thera-

peutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. - Compte rendu du ser-

vice des enfants idiots, épiléptiques et arriérés de Bicètre pendant l'année

1889. (Volume X de la collection.) Volume in-8° de LVI-188 pages, avec

22 figures. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 4 fr. - Bureaux du Pro-

grès Médical.

Bourm.vili.il Rapport fait au nom de la commission chargée d'exa-

miner le projet de loi adopte parle Sénat, tendant à la révision de la

loi du 30 juin 1838 sur les aliénés, - Volume in-8° de 129 pages. Prix : -.

lE fr. Pour nos abonnés ............ 3 fr.

Bru (P.). Histoire de Bicètre (Ilospice-PL-ison-Asile), d'après les do-

cuments historiques, avec une préface de M. le Dr Bourneville. Un beau

volume In-4' carré d'enuron 500 pages, oiné de 22 planches hors texte

et d'un plan général de l'hospice de Bicètre actuel (1891). Prix : 15 fr.-

Pour nos abonnés 10 fr.

Bulletins de la Société d'anatomie et de physiologie normales et pa-

thologiques de Bordeaux. Vient de paraître le tome X, rédigé sous la

direction et par les soins de MM. Arnozan, Chabuly et H. Lamarque.

Vol. il]-81 de 2O pages. Bordeaux. 1889. Imprimerie G. Gounouilhou.

Charcot (J.-M-). Hémorrhagie et ramollissement du cerveau, métal-

loscopie et veétallolhérapie, tome IX des OEuvres Complètes, in-8° de : ,70 pages, avee 13 planches en chromo-lithographie et phototypie, et

3< ! figures dans le texte. Prix : 15 fi'. Pour nos abonnes : 10 fr.

Encaisse (G.). Essai de physiologie synthétique. Volume in-8° de

130 pages. Paris, 1890. Librairie G. Carré.

]<0\ EAU DE COUIt\fl : LI.ES. L'hypnotisme. Vol. In-8' de 327 pages,

avec 42 gravures de Laurent Gsell, renferme des vues scientifiques sinon

160 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

entièrement nouvelles, du moins défendues avec des arguments et des

faits nouveaux. La conservation du libre arbitre est démontrée d'une

façon irréfutable avec l'expérience et l'autorité de l'auteur, appuyées s'il

en était besoin de celles du professeur Charcot et de l'Ecole de la Sal-

pêtrière. Les chapitres de Simulation et de l'Imagination montrent com-

bien sont difficiles, même impossibles à trouver les caractères d'un li-

goureux et scientifique contrôle ; tout critérium absolu n'existant pas,

Ennemi des expériences publiques, non fanatique de l'hypnotisme où il

ne voit pas une panacée mais une source de fréquents dangers pour

quelques guérisons, partisan du magnétisme humain qu'il (lillérelitie de

l'hypnotisme, le D' FOvEAU DE COURMELLES écrit une oeuvre utile, en même

temps que vivante, mouvementée et élégamment écrite. Pans, 1890.

Librairie Hachette et C ? .

GEl'l'ART (J.). Sur les agents et les méthodes de désinfection. Vol.

in-8' de 96 pages. Paris, 1891. W. Hiurischen.

Gilles de la TOURETTE et CAT)tr.I,I\EAU. La nutrition dans l'hystérie.

Volume de 116 pages. Pria : 3 fr. 50. Pour nos abonnés. 2 fr. 75

Gul,,o ? (G.). Les agents provocateurs de l'hystérie. Volume in-8° de

392 pages. Prix : 8 fr. Pour nos abonnés 6 fr.

Grasset (J.). Leçons de clinique médicale faites a l'hôpital Saint-Eloi

de Montpellier, (novembre 1886, juillet 1890). Volume in-8° de 758 pages.

Prix : 12 fr. - Paris, 1890, G. Masson.

Huer (E.). De la chorée chronique. Volume in-8° de 262 pages, avec

10 ligures dans'.e texte. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés.. 4 fr.

LAD\ME. Procès criminel de la dernière sorcière bl1Îlée Ii Genève le

6 avril 1652. Publié d'après les documents inédits et originaux conservés

aux Archives de Genève (N° 3465). Brochure m-8° de pli-52 pages.

Papier vélin, prix : 2 fr. 50. Pour nos abonnés : 2 fr. Papier Japon

(N°s 1 à 50). Pnx : 5 fr. Pour nos abonnés : 4 fr. Papier parcheminé

(N°s 51 à 100). Prix : 3 fr. Pour nos abonnés 2 fr.

Peterson (f'.). elinical Sludy of Forlyseven cases of paralysies agi-

tans. Brocbuie in-8° de 18 pages. New-l'otl : , 1890. New-York Medical

Journal.

Pitres (A.) et BIT01' (E.). Des tremblements /t<e'r ! ? : <M. Brochure

in-8° de 26 pages. Prix : 1 fr. Pour nos abonnés... 0 fr. 70

Régnier (L.-R.). L'intoxication chronique par la morphine. -Vo-

lume in-8° de 171 pages. Prix : 3 fr. 50, - Pour nos abonnés. 2 fr. 75

SOLLIER (P.). Du rôle de l'hérédité dans l'alcoolisme. Volume in-18

jésus de 215 pages. - Prix : 2 fr. 50. Pour nos abonnés.. 1 fr. 75

TAROWSIi7 (T.). - Elude anthropométrique sur les prostituées et les

voleuses. Volume in-8° de 226 pages. Prix : 5 fr. Pour nos abon-

nés .................. 4 fr.

Ventra (D.) et Fronda (IL). Tniezioni Sollocula ? iee di succo dei

testicoli di mammiferi nella tel't1pia delle mallalie mentali. Brochure

in-8° de 36 pages avec deux tableaux hors texte. Nocera Inf., 1890.

Tipografia del àJal1lcomio,

ZIcnE" (Ta.). Leiftaden de;' P¡ ! 1lsiologischen Psychologie in 14 1'01'-

leslt11gen, avec 21 figures dans le texte. Prix : 5 fr. ; Jena, 1891.

G. Ficher,

Le rédacteur-gérant, Bourkeville.

Evreux, Ch. Htalssn, trop. - lit 1

Vol. XXI. Mars 1891. Nu 62

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

DE L'INFLUENCE DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE

SUR LA DISTRIBUTION TOPOGRAPHIQUE DE CERTAINES

NÉVRITES TOXIQUES' ;

Par M. E. BRISSAUD.

Médecin de l'hôpital Saint-Antoine, agrégé de la Faculté.

Messieurs,

Vous savez en quoi consistent, le plus souvent, les paralysies

alcooliques, et en particulier, la variété paraplégique de ces

paralysies, dont nous devons la connaissance à Wilks, Lockart,

Clarke et Lancereaux.

Cette année même, l'occasion vous a été fournie plusieurs

fois d'étudier dans notre service, la paralysie alcoolique

pseudo-tabétique, dont M. Charcot a établi d'une façon décisive

le diagnostic différentiel, et sur les caractères de laquelle j'ai ap-

pelé votre attention : paralysie affectant à peu près également

les deux membres inférieurs, et précédéeou accompaunéede dou-

leurs, quelquefois fulgurantes et spontanées, mais presque

toujours localisées aux masses musculaires, particulièrement

aux mollets ; intéressant d'une façon prépondérante les

extenseurs de la jambe, du pied et des orteils; rarement assez

prononcées pour que tout mouvement soit impossible, enfin

compliquées de troubles trophiques musculaires, fibreux, tendi-

neux, cutanés, etc., et de troubles vaso-moteurs ou sécrétoires.

' Leçon du 8 août 1890.

Archives, t. XXI. 11

'162 CLINIQUE NERVEUSE.

Vous avez constaté chez un de nos malades, paraplégique et

alcoolique, cette variété d'incoordination motrice que M. le

professeur Charcot appelle le steppage et qui, malgré son ana-

logie apparente avec l'ataxie proprement dite, en diffère autant

par sa nature que par son mécanisme.

En dehors de ces faits conformes au type le plus répandu,

il en est d'autres où l'affection se localise à un territoire ner-

veux bien nettement circonscrit, à un nerf ou à une branche

nerveuse.

C'est un de ces cas que nous allons étudier ensemble et

vous verrez quelles conclusions il nous sera permis d'en tirer

touchant l'origine du processus névritique, auquel sont liées par-

fois les paralysies amyotrophiques de l'alcoolisme chronique.

Vous connaissez, pour l'avoir vu venir plusieurs fois à la

consultation de l'hôpital, le malade dont il s'agit. Vous l'avez

vu s'avancer péniblement, appuyé sur deux cannes, boitant

de la jambe gauche, il ne peut la détacher du sol qu'en se

renversant en arrière d'un mouvement brusque, et qu'il ne

peut replacer à terre qu'en la laissant tomber, la pointe la

première.

Cette façon d'élever le membre tout d'un coup en se cam-

brant, appartient à toutes les paralysies ou parésies des exten-

seurs de la jambe. Mais vous avez constaté aussi que notre

malade regarde toujours ses pieds en marchant, parce qu'il

sent malle sol; il combine, autant qu'il en est le maître, les

mouvements de son membre gauche en vue de l'acte de la

marche, qui n'est plus chez lui un acte automatique, mais un

acte voulu et calculé pour chaque pas qu'il fait. Le membre

droit est relativement fort et supporte presque à lui seul le

poids du corps; cependant, il n'est pas absolument épargné,

il est un peu tremblant, indécis; la marche est donc très

difficile, puisqu'une jambe est à demi paralysée et que l'autre

est hésitante.

Au premier abord, vous vous êtes crus en présence d'un

ataxique; la constatation du steppage vous a fait revenir sur

cette première impression, et vous avez pu vous convaincre en

examinant de plus près le malade et en écoutant son histoire,

que nous avions affaire à une paralysie alcoolique.

Cette histoire peut être résumée en quelques mots. Notre

.homme est un employé de bureau âgé de cinquante-cinq ans,

bien constitué, n'ayant jamais été « malade de coeur »; vous

savez ce qu'il faut entendre par là.

DES CENTRES TROPHIQUES DE la MOELLE 163

Cependant il a eu la syphilis, il y a vingt-cinq ans.

Il prétend s'être bien soigné : il affirme qu'il a absorbé

une quantité énorme de mercure et d'iodure de potassium, et

que, grâce à cela, il ne s'est jamais ressenti de rien. Toutefois,

il déclare que depuis ce traitement très énergique et, selon

lui, trop énergique, il se fatigue beaucoup plus vite et plus

facilement qu'avant sa maladie. Ce qu'il ne nous a pas dit

d'abord et que nous avons su par la suite, c'est qu'il est grand

buveur de vin, de bière, de liqueurs, enfin de tout ce qui se

boit en fait de spiritueux. Nous avons eu sur ce point, les

détails les plus circonstanciés par un de ses complices d'esta-

minet, qui, vous vous en souvenez, est mort de cirrhose

alcoolique il y a peu de temps.

C'est au mois de septembre 1887 que la maladie s'est décla-

rée, et son début a été en quelque sorte instantané. Une

certaine nuit, notre malade a été réveillé par une douleur

atroce, occupant la face interne du pied gauche dans une

région parfaitement délimitée, représentée par des hachures

.transversales sur la figure que vous avez sous les yeux, et

qui correspond, comme vous pouvez en juger, aux branches

terminales du nerf saphène interne, (fig. 12, A). La douleur

en question était à la fois superficielle et profonde, aiguë,

déchirante, se calmant par instant pour revenir ensuite, bref,

affectant tous les caractères intermittents ou paroxystiques des

grandes névralgies.

Dès maintenant, je vous rappellerai que depuis le moment

où elle s'est manifestée pour la première fois, elle n'a jamais

complètement disparu; elle se reproduit encore très fréquem-

ment la nuit, moins intense qu'elle ne l'avait été au début,

ou le matin avant le premier déjeuner. Elle se calme, lorsque

le malade a mangé, et, en général, la journée se passe bien,

pourvu qu'il ne se force pas à marcher, car, dans ce dernier

cas, elle se fait de nouveau sentir avec une grande intensité.

Alors, la station verticale elle-même est très pénible, si

pénible que le malade ne peut s'empêcher [de pleurer. Je

ne chercherai pas à vous expliquer l'heureuse influence du

repas matinal ; c'est encore un mystère, à moins qu'on

n'admette l'effet dérivatif de la congestion physiologique de

l'estomac.

Peu de jours après l'apparition de cette douleur, il s'en

manifesta une autre, non moins bien localisée, occupant trois

plaques du tégument, très voisines les unes des autres, super-

164 CLINIQUE NERVEUSE. N 1

posées, à la face interne du tibia gauche, au dessus de la mal-

léole interne.

Le caractère de cette douleur était à peu de chose près le

même que celui de la première ; mais si elle était moins vive,

elle était plus tenace. Vous pouvez vous rendre facilement

compte des trois foyers qu'elle occupait; ils sont représentés

sur la figure par trois plaques de stries

verticales (fig. 12, B). Il y a quelques

mois, on voyait à cette place trois carrés

ecchymotiques; aujourd'hui ce sont trois

carrés de vitiligo. Un médecin avait

conseillé deposertroispetitsvésicatoires

carrés sur les points douloureux. La

guérison de ces vésicatoires fut très lente,

et il se développa à leur niveau un réseau

vasculaire superficiel, de coloration

violacée, d'apparence ecchymotique ,

comme à la suite d'une application de

ventouses; puis, dans l'espace de quel-

ques mois, ces taches vineuses se sont

effacées, mais l'épiderme a perdu sa pig-

mentation. C'est l'inverse de ce qu'on

observe habituellement, puisque le

vésicatoire a pour effet d'augmenter la

pigmentation épidermique. Le vitiligo

est le résultat d'une dépigmentation ; il

constitue dans l'immense majorité des

cas, sinon toujours, une manifestation

dystrophique d'origine nerveuse. Il suc-

cède quelquefois à des névralgies in-

tenses, et apparaît alors au niveau

même des points les plus endoloris. Il

n a donc rien de surprenant qu'il ait lait suite, chez notre

malade, à une névralgie circonscrite, et qu'il occupe les trois

points où la douleur présentait son maximum d'acuité. Mais

il est intéressant de constater ici, d'une part, que ce vitiligo

affecte, exactement la forme et les dimensions des vésicatoires

appliqués il y a trois ans, et, d'autre part, qu'il ait succédé

à une sorte d'ecchymose persistante, qui, elle aussi, était bien

un trouble trophique. On n'en est plus à compter aujourd'hui

les exemples d'ecchymose ou de purpura survenus au cours

des affections nerveuses, particulièrement des névrites péri-

Fig. 12.

DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 165

riphériques (protopathiques ou deutéropathiques). Ce qu'il y a

de particulier dans le cas actuel, c'est la parfaite limitation de

l'ecchymose ou du purpura - je ne sais lequel de ces deux

mots convient le mieux, aux points d'application de la

substance vésicante. Actuellement, les trois plaques de vitiligo

ne sont plus douloureuses, elles sont insensibles, ou peu s'en

faut, au toucher, à la piqûre, au froid et à la chaleur.

Continuons l'histoire de notre malade. Presque en même

temps que les douleurs apparurent des troubles de la marche ;

il y a donc de cela trois ans environ. D'abord ce fut une sorte

d'incertitude avec maladresse dans les mouvements, quelque-

fois même avec un tremblement léger, surtout dans la jambe

gauche. Mais, au lieu de survenir brusquement comme les

douleurs, ces phénomènes moteurs se manifestèrent peu à peu,

augmentèrent d'intensité de jour en jour à la jambe gauche et

bientôt disparurent à peu près complètement à la jambe droite.

L'incertitude des mouvements était rapportée par le malade

à une faiblesse du membre, qu'il ne s'expliquait pas du reste,

car elle n'était pas influencée par les douleurs circonscrites

dont il vient d'être question.

Au bout de quelques semaines, ou peut-être seulement de

quelques mois (je ne me rappelle pas au juste), l'usage de

deux cannes devint indispensable. Ainsi la marche était déjà,

il y a deux ans, fort troublée, et voici les renseignements que

le malade nous fournit à cet égard : « Tantôt je levais la

jambe gauche comme si je marchais sur des oeufs, et je ne

pouvais pas fair autrement ; tantôt je ne poeuvais plus la

détacher du sol et je la tirais derrière moi, en la laissant trainer

par terre, comme si elle ne m'avait pas appartenu. C'était

comme une jambe paralysée. »

Ces caractères, Messieurs, vous avez pu vous en assurer,

subsistent aujourd'hui. Lorsque le malade lève la jambe gau-

che (comme s'il marchait sur des oeufs), il steppe; et lorsqu'il

traîne sa jambe, il a, comme il le suppose avec raison, une

impotence musculaire complète, une vraie paralysie flaccide ;

son membre pend inerte, comme dans la paralysie hystérique

limitée à une seule jambe, et il est assez remarquable que la

paralysie motrice soit, comme la douleur, plus prononcée le

matin. C'est le plus mauvais moment de la journée.

Y a-t-il, toutefois, entre ces deux manières de marcher,

une différence essentielle ? Nullement, et la différence n'est

qu'apparente ; du moins elle ne répond qu'à une variation

166 CLINIQUE NERVEUSE.

d'intensité des phénomènes rparétiques. Lorsque le malade

steppe, il élève la jambe en contractant le triceps crural,

le pied restant vertical et inerte ; il n'élève sa jambe d'ail-

leurs que pour empêcher le pied (dont les muscles exten-

seurs sont paralysés) de buter contre le sol au moment où il

s'agit de le ramener d'arrière en avant. Et lorsqu'il traine sa

jambe derrière lui, c'est tout simplement parce que les mus-

cles du steppage, c'est-à-dire les muscles antérieurs de la cuisse,

sont impuissants eux-mêmes à exécuter le mouvement d'éléva-

tion de la jambe. Ainsi, tantôt l'impuissance est limitée aux

seuls extenseurs du pied, en d'autres termes, aux muscles de la

jambe, et alors le malade steppe; tantôt elle intéresse simul-

tanément ces muscles et les extenseurs delà jambe, c'est-à-dire

les muscles de la cuisse. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler, à

proprement parler, un phénomène intermittent; c'est toujours

le même phénomène avec des variations de l'impotence fonc-

tionnelle des muscles cruraux. La fatigue y intervient pour

une certaine part. Lorsque le malade a marché déjà depuis

quelque temps, les muscles de la cuisse ne peuvent plus élever

la jambe, le steppage devient impossible, le membre traîne à

terre. Quant àl'impuissance des extenseurs du pied, elle est per-

manente. En dehors de la fatigue, il existe encore sans doute

d'autres influences qui exagèrentles phénomènes paralytiques;

mais celles-là nous échappent. Ainsi le malade a ses bons et

ses mauvais jours, comme il a ses bonnes et ses mauvaises

heures. Peut-être trouverions-nous la cause de ces variations

dans l'influence immédiate de l'alcool, suivantla dose absorbée

tel ou tel jour. Mais il faudrait avoir, sur ce point, des rensei-

gnements précis, que le plus intéressé est le dernier à nous

fournir.

Voilà, tels qu'ils se sont présentés et tels que vous pouvez

les constater encore aujourd'hui, les troubles de la sensibilité

et de la locomotion qui ramènent périodiquement ce malade

à notre consultation. J'ajouterai simplement que s'ils sont

sujets « à des hauts et à des bas D, ils n'ont fait qu'empirer

pendant deux ans. Au bout de ce temps, grâce à un repos pro-

longé, à un régime sévère et à l'usage presque exclusif du lait

pour boisson, une amélioration notable s'est produite. Mais

les mauvais penchants ont repris le dessus, et notre malade

nous revient, aussi éclopé, aussi impotent que l'année der-

nière.

Vous l'avez vu déshabillé, et vous avez pu constater que la

DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 161

jambe gauche, dans son ensemble, a diminué de volume. Il est

cependant certains groupes musculaires où l'atrophie est très

prononcée, tandis que d'autres groupes ont conservé, avec leur

relief, leur puissance contractile à peu près normale. On se

rend compte de cette différence en jetant un coup d'oeil sur la

figure que je vous ai montrée, figure dessinée d'après nature

(fig. 12), et représentant le sujet se tenant debout sur ses

jambes raides. Les saillies du triceps crural, des jambiers an-

térieurs et du jumeau interne sont parfaitement conservées

au membre droit. Elles ont totalement disparu au membre

gauche. Ici les muscles où la diminution de volume est le plus

considérable, sont, notez-le bien, les adducteurs de la cuisse,

le vaste interne, le vaste externe, le droit antérieur, les exten-

seurs du pied et des orteils et le jumeau interne.

Vous voyez que le sommet de la rotule est situé sur un plan

horizontal inférieur à celui de la rotule droite. En d'autres

termes, quoique le malade se tienne raide sur ses jambes, sa

rotule tombe en quelque sorte, parce que le triceps crural est

atrophié. De ce côté d'ailleurs, le reflexe rotulien est totale-

ment aboli, tandis qu'il persiste, quoique dépourvu d'ampli-

tude, du côté droit.

Mais il faut s'arrêter ici à un petit fait qui, sans avoir une

grande importance diagnostique, mérite quelqueconsidération.

Vous apercevez, au-dessus de la rotule gauche, une saillie

musculaire allongée, oblique en bas et eh dedans et proémi-

nant à la face interne de la cuisse. Avons nons affaire ici à

un relief anormal car il n'existe pas du côté sain ?

Voilà le moment de faire appel non pas à vos souvenirs anato-

miques, ils seraient déjà trop anciens pour ce dont il s'agit,

mais à des notions anatomiques toutes nouvelles pour vous.

Je veux parler de l'anatomie des formes extérieures ; il

faut entendre par là l'anatomie du corps vivant et non

l'anatomie du cadavre, celle qui se voit ou qui se devine

au travers du tégument lorsque les muscles se contrac-

tent, et non pas celle qui nous enseigne, par la dissection, les

rapports réciproques et invariables des muscles inertes. Ce

n'est pas une anatomie seulement faite pour les artistes ;

vous en avez sous les yeux la preuve, puisque nous nous de-

mandons ce que peut bien être ce relief musculaire situé au-

dessus de la rotule. M. Richer, qui a consacré récemment

à l'étude des formes extérieures du corps humain un remar-

quable ouvrage, va nous renseigner sur ce point. -

168 CLINIQUE NERVEUSE. ,

Le relief en question s'appelle le repli sus-rotulien de Gerdy.

C'est la partie la plus inférieure du corps charnu du vaste

interne « faisant une saillie distincte du reste du muscle

dans de certaines conditions et sous l'influence d'une dis-

position anatomique' n. Il apparaît dans le relâchement

musculaire, et il est d'autant plus accusé que

le relâchement est plus complet. Lorsque le

muscle se contracte (le muscle étant toujours

en extension), la saillie s'atténue, et même

chez certains sujets disparaît totalement.

La raison anatomique du repli sus-rotulien

de Gerdy réside dans la présence, à la partie

inférieure de l'aponévrose fémorale, d'une vé-

ritablebride aponévrotique (fixe. 13, A), termi-

nant en quelque sorte par en bas le four-

reau aponévrotique résistant qui maintient

les muscles de la partie antérieure de la cuisse.

Dans le relâchement du quadriceps, l'extré-

mité charnue du vaste interne vient faire

hernie au-dessous d'elle (fig. 13). Par l'étran-

glement que ses fibres exercent sur la masse

charnue de ce muscle, elle détermine le sillon

qui limite supérieurement le relief inférieur

et le sépare de celui que forme, au-dessus,

le corps même du vaste interne.

« L'intérêt qui s'attache à l'étude de ce sil-

lon, dit M. Richer, est assez grand, car il est, au

même titre que le relief, dù à la contraction

musculaire, mais dans un sens opposé, un signe

révélateur de l'état physiologique dans lequel

se trouve le vaste interne, et il appartient es-

sentiellement à l'anatomie du vivant. »

Nous ajouterons que cette petite particularité n'a pas seule-

ment une valeur physiologique. Le repli sus-rotulien de Gerdy

est, chez notre malade, le signe révélateur d'un état patholo-

gique. Sa présence est l'indice du relâchement du vaste in-

terne, En comparant le côté gauche avec le côté droit, vous

vous rendez compte de la nullité fonctionnelle du vaste interne

gauche. Le repli n'existe pas à droite, parce que le malade

peut raidir la jambe, c'est-à-dire contracter .on triceps. Il

' P. Richer. Description des formes extérieures du corps humain,

p. 231.

Fiy, 13, .

DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 169

existe à gauche, parce que la contractilité du triceps de ce côté

est abolie et que la partie la plus inférieure du vaste interne ne

peut s'élever au-dessus et en arrière de la bride fibreuse. En

d'autres termes, lorsque notre malade se tient debout, raide

sur ses jambes, les muscles de sa cuisse droite sont contractés,

ceux de sa cuisse gauche restent flasques; et c'est aussi ce qui

fait que, de ce côté, la rotule est abaissée (fil. '12).

Les muscles de la partie postérieure ont subi également un

commencement d'atrophie : mais, chose remarquable et sur

laquelle nous allons revenir dans un instant, les fessiers ont

conservé leur intégrité entière, sous le rapport et du volume et

de la fonction.

Rappelez-vous maintenant, le petit incident qui amena

récemment le malade à notre consultation. Au cours d'une

crise assez intense et, j'entends par là la recrudescence

transitoire des phénomènes moteurs et sensitifs il se pro-

duisit, sur la partie postérieure dn tronc et sur la région anté-

rieure de l'abdomen une éruption dont la nature ne pouvait

être douteuse. C'était un zona, représenté par deux groupes

Fig. 1 i.

170 CLINIQUE nerveuse : r

importants de vésicules, dont l'un siégeait aux lombes, l'autre

au voisinage de l'ombilic. Les douleurs qui accompagnent ou

précèdent le zona d'une manière constante, quelle que soit

l'origine de cette éruption, n'avaient pas fait défaut; elles

avaient même présenté un caractère d'intensité particulière-

ment remarquable. Mais il n'y a pas à en tirer, dans notre cas,

une conclusion spéciale, moins quel'influence del'alcoolisme

n'ajoute quelque chose à l'élément douleur dans les névralgies

superficielles. Il est bien vraisemblable aussi que l'affection s'est

montrée plus violente, parce que le sujet avait dépassé la cin-

quantaine. Retenez ce fait (il est bien.établi) : le zona est

d'autant plus douloureux qu'il se produit chez des sujets plus

âgés.

Restait à déterminer le tronc nerveux sur le trajet ou les

ramifications duquel l'éruption était apparue. En arrière, les

vésicules, très confluentes et disposées sous la forme d'une

plaque allongée, suivent la direction générale do la crête

iliaque, sur laquelle elles empiètent légèrement; quelques

Fig. 15,

DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 171

vésicules isolées occupent la région de l'articulation sacro-

vertébrale. En avant, on voit deux groupes, moins importants

que ceux de la partie postérieure,- siégeant en-dessous et à

gauche de l'ombilic. Un seul nerf répond à cette distribution;

c'est le grand nerf abdomino-génital, première branche collaté-

rale du plexus lombaire (fig. 14 et 18).

Faut-il admettre que ce zona soit survenu comme un phéno-

nomène fortuit et sans aucune corrélation avec les manifesta-

tions nerveuses ? La chose est possible à la rigueur. Mais con-

venez que l'autre hypothèse est bien plus séduisante. D'une

part, en effet, le zona, a coïncidé chez notre malade avec une

exaspération de ses douleurs et de sa paralysie. D'autre part, ce

n'est pas le premier trouble trophique dont il avait été atteint.

Déjà il avait présenté ces altérations du tégument qui, d'abord

caractérisés par des plaques purpuriques, avaient abouti aune

dépigmentation vitiligineuse.

Enfin le nerf sous la dépendance duquel l'éruption se mani-

festait, n'est pas bien loin des origines des nerfs dont la lésion

périphérique était, déjà depuis longtemps, évidente.

Si nous considérons le territoire cutané et musculaire où les

symptômes de névrite se sont affirmés dès le début, nous

voyons que l'ensemble des nerfs correspondants émerge du

plexus lombo-sacré, entre la première branche lombaire et la

première branche sacrée. Les douleurs ont eu pour localisation

initiale une partie restreinte de la sphère du saphène interne.

Puis les phénomènes paralytiques et atrophiques ont apparu

dans la sphère du crural, du sciatique poplité externe et

de l'obturateur. Les muscles fessiers, innervés par le petit

nerf sciatique, ont été respectés. Or, vous savez que le petit

nerf sciatique tire surtout ses origines, des deuxième et troi-

sième paires sacrées, c'est-à-dire d'une région du plexus sacré,

située au-dessous de l'origine des nerfs précédents. Par con-

séquent, tous les phénomènes observés, y compris le zona, ont

eu pour localisation anatomique, dans le système nerveux

périphérique, une certaine portion des branches du plexus

lombo-sacré à laquelle on peut attribuer pour limite supé-

rieure la première branche lombaire et pour limite inférieure

la première branche sacrée inclusivement. Encore faut-il

remarquer que les symptômes avaient leur maximum d'inten-

sité dans les territoires des nerfs crural, obturateur et scia-

tique poplité externe, c'est-à-dire dans des territoires nerveux

dont les origines radiculaires peuvent être encore plus étroite-

172 CLINIQUE NERVEUSE.

ment circonscrites entre la deuxième paire lombaire et la

première paire sacrée.

En résumé, nous avions affaire à une névrite, diffuse si l'on

veut, en ce sens qu'elle affectait un assez grand nombre de

branches et de rameaux périphériques, mais diffuse seulement

en apparence, puisque toutes ces localisations partielles pou-

vaient être ramenées à une localisation unique, située beau-

coup plus haut, dans une partie bien limitée du plexus, peut-

être même encore plus haut, dans la région de la moelle d'où

cette partie de plexus tire son origine.

C'est ce dernier point qu'il nous reste à étudier.

Mais avant d'en venir là, je désirerais lever les doutes que

vous pourriez conserver encore sur le nom qu'il convient de

donner à la maladie en question. En effet, si au premier abord

la démarche du malade et les troubles de la sensibilité qu'il

accuse ont pu vous faire supposer qu'il était atteint de tabès

ataxique, il faut rechercher avec tout le soin possible les élé-

ments d'un diagnostic différentiel. A vrai dire, je le répète, il

n'y a que les apparences qui plaident en faveur de l'ataxie

tabétique.

Sans doute, la démarche est incoordonnée; le malade lève

les pieds heaucoup plus haut qu'il ne ferait s'il était indemne

de tout trouble musculaire ; il regarde avec attention où il

marche, sa jambe gauche est brusquement élevée par un ren-

versement volontaire et calculé du tronc, et elle retombe non

moins brusquement sur le sol ; enfin, la jambe droite, qui ne

présente aucun de ces phénomènes, n'en est pas moins affectée

elle-même de certains troubles fonctionnels ; elle est indécise,

un peu faible et surtout tremblante. Le réflexe rotulien fait

défaut du côté gauche; il persiste, mais il a perdu de son ampli-

tude du côté droit. D'autre part, l'incoordination dont il s'agit

a été précédée de douleurs superficielles à l'extrémité inférieure

du membre gauche sur le trajet du nerf saphène interne, dou-

leurs aiguës déchirantes, apparaissant spontanément, dispa-

raissant de même, comme les douleurs fulgurantes du tabès

vrai. Joignez à cela que le malade a eu jadis la syphilis et

nul ne conteste l'influence prédisposante de cette maladie

constitutionnelle sur le développement de l'ataxie. Il y a dans

tout cela, plus qu'il ne faut pour justifier au moins l'hypo-

thèse d'un tabès confirmé. A coup sûr, aucun clinicien n'eût

hésité il y a dix ans à porter ce diagnostic sans réserves.

Cependant, il ne s'agit point ici de tabès, mais de pseudo-

DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 173

tabès ou, pour mieux dire, de névrite périphérique pseudo-

tabétique. A n'en juger que par la variété d'incoordination

dont notre malade est atteint, vous avez déjà pu faire la diffé-

rence. Il ne lance pas la jambe en avant et il ne talonne pas :

il steppe. Le réflexe rotulien manque à gauche ; mais, il per-

siste à droite (dans le tabès, les deux réflexes sont en général

abolis simultanément, bien avant même que l'incoordination

motrice n'ait commencé à se manifester). Cette absence du

réflexe du côté gauche, est liée, selon toute vraisemblance, non

pas à une diminution du pouvoir réflexe lui-même, comme

dans le tabès, c'est-à-dire, à une altération profonde des centres

médullaires, mais à l'atrophie du muscle triceps crural. C'est

aussi à cette atrophie, ainsi qu'à celles des muscles extenseurs

du pied, qu'est dû le steppage. Le soin avec lequel le malade

suit des yeux les mouvements de ses jambes n'appartient pas

non plus en propre au-tabès. L'insécurité de sa démarche,

dont il a parfaitement conscience en est seule la cause.

J'en dirai de même des douleurs spontanées qui ont inau-

guré la maladie. Elles se produisent dans le pseudo-tabès

alcoolique, avec des caractères à peu près identiques à ceux

des douleurs fulgurantes. Veuillez toutefois remarquer qu'elles

ont présenté chez notre malade le caractère d'exaspération

matinale que tous les auteurs ont signalé dans les observations

de névrites alcooliques. Les douleurs de l'ataxie ne sont pas

soumises à cette sorte de périodicité ; elles surviennent à toute

heure du jour et de la nuit.

Si d'autre part, le tabès proprement dit peut être parfois

constitué par un très petit nombre de phénomènes morbides,

il est bien rare qu'on ne constate pas, même dans les cas les

plus frustes, certains signes, auxquels on a attribué une

valeur pathognomonique précoce. Au nomhre de ces signes

figurent, en première ligne, les paralysies oculaires transi-

toires, puis le signe d'Argyll Robertson, le myosis unilatéral

ou bilatéral ou la mydriase et plus souvent l'inégalité pupil-

laire, le signe de Romberg, etc.. Rien de tout cela n'a jamais

existé chez notre malade, Or, il est bien peu d'ataxiques, j'en-

tendsdeceux quiontdéjàdel'incoordination motrice, quinepré-

sentent ou n'aient présenté, àun moment donné, l'un quelconque

de ces symptômes. En revanche, il faut attribuer ici une impor-

tance de premier ordre à certains troubles psychiques sur-

venus presque dès le début, et qui ne manquent presque

jamais, ainsi que l'a fait remarquer M. Charcot, au cours de

174 CLINIQUE NERVEUSE.

la paralysie alcoolique. C'est d'abord une tristesse profonde,

un complet découragement. C'est l'idée fixe que le mal est

sans remède, véritable obsession, aboutissant parfois à des

velléités de suicide; c'est enfin l'insomnie ou l'excitation céré-

brale pendant le sommeil. Notre malade, vous vous le rap-

pelez, est employé de bureau. Cela explique le rêve profes-

sionnel qui le hante : « Je rédige, je rédige..., j'ai des liasses

de dossiers entassés sur ma table. Je passe les nuits à les com-

pulser, à les annoter, à les transcrire, je ne peux jamais en

venir à bout. C'est plus fatigant que mon véritable travail. »

Enfin, il y a encore à tenir compte de ce fait que l'ataxie

locomotrice est une'maladie essentiellement progressive, tandis

que la paralysie alcoolique est sujette, ainsi que nous le disait

spontanément notre employé, « à des hauts et à des bas ». Ses

recrudescences paraissent avoir pour origine la recrudescence

du vice alcoolique ; ses accalmies coïncident avec l'observance

du régime. Ainsi, tout concourt à justifier notre diagnostic de

paralysie alcoolique.

Il n'y a pas lieu de s'arrêter aux objections qu'on pourrait

tirer de Zunilatéralité de la paralysie, ni même de sa limita-

tion à un territoire nerveux nettement circonscrit. Si, en effet,

le type paraplégique est le plus répandu parmi tous ceux que

peuvent affecter les névrites alcooliques, il n'en est pas moins

vrai que le nombre des paralysies partielles augmente de jour

en jour, à mesure qu'on sait mieux reconnaître l'origine de la

maladie 1. Vous trouverez, dans les recueils, des observations de

paralysie radiale, de paralysie cubitale, de paralysie du circon-

flexe, voire même de paralysie faciale2. Vous savez, d'autre part,

qu'il existe des paralysies généralisées, affectant une allure

rapide, aussi bien dans l'alcoolisme que dans le saturnisme

et pouvant donner le change pour une maladie de Landry.

Il n'est donc pas surprenant qu'entre ces types extrêmes

de paralysies partielles et de paralysies généralisées, figure

un type intermédiaire de paralysies limitées à un plexus ou à

une portion de plexus.

L'éruption de zona elle-même, survenue incidemment chez

notre malade, confirme l'origine névritique du processus. La

plupart des névrites chroniques ou subaiguës dont les symp-

' Consultera ce sujet une bonne thèse de Boisvert : Elude clinique des

formes atténuées de la paralysie alcoolique ; Paris, 1888, n° 369.

1 P. Strubing. Deutsches Arch. f. klin. Mes. XXXVII, S. 513.

DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 178

tômes fondamentaux consistent, comme vous le savez, dans une

atrophie musculaire, liée ou non à divers troubles de la sensibi-

lité, se compliquent à un moment donné d'une dystrophie

cutanée, scléreuse, érythématheuse, vésiculeuse, ulcéreuse,

suivant les cas. L'herpès zoster figure au nombre de

ces dystrophies. Lorsque le nerf malade est une branche

intercostale ou abdominale, les vésicules sont disposées en

groupes plus ou moin confluents, affectant la forme d'une demi-

ceinture complète ou incomplète, comme c'était le cas de notre

malade. Sur le trajet des nerfs des membres ou même de la

face, le groupement des vésicules présente une forme moins

régulière, puisqu'elle est en rapport avec la distribution ner-

veuse. '

Il nous reste maintenant à rechercher comment la névrite

s'est cantonnée dans les branches de ramification du seul

plexus lombo-sacré et même, ainsi que vous avez pu en juger,

dans la partie supérieure de ce plexus. Nous touchons ici à un

point des plus intéressant et, il faut bien l'avouer, des plus

problématique de l'histoire des névrites.

Toutes les névrites toxiques ont entre elles d'étroites analo-

gies,aussi bien par leurs symptômes que par leur pathogénie.

La plus anciennement connue est celle qui se traduit chez les

saturnins par la paralysie radiale. Longtemps on a admis que

le plomb, aussi bien d'ailleurs que toute autre substance

toxique, agissait sur les éléments nerveux - il n'y a pas à pré-

ciser davantage - pour en troubler ou en abolir les fonctions.

La constatation du processus névritique à l'autopsie de quel-

ques saturnins, et surtout la production expérimentale des

névrites saturnines, firent penser que les sels de plomb

exerçaient leur action nocive sur les tubes nerveux directement,

c'est-à-dire sans l'intervention ou la participation patholo-

gique des centres trophiques de la moelle épinière. L'absence

de toute lésion apparente de la substance grise, dans le plus

grand nombre des cas observés, justifiait cette hypothèse ; et il

faut ajouter qu'elle la justifie encore, attendu que les docu-

ments relatifs à la coexistence d'une myélopathie dans les faits

dont il s'agit, ne sont que de maigre importance à côté des

grandes altérations névritiques signalées dans toutes les nécro-

psies complétées par un examen histologique.

Il n'en est pas moins vrai qu'une myélopathie semblait, à

tous les auteurs, devoir exister et préexister chez les saturnins

atteints de'paralysie radiale, comment, en effet, expliquer l'in-

176 CLINIQUE NERVEUSE.

tégrité presque constante du muscle long supinateur dans cette

paralysie, si elle était d'origine exclusivement périphérique ?

Dans le cas où le poison apporté par la circulation aurait agi

directement sur les fibres terminales du radial, pourquoi

aurait-il épargné celles du long supinateur ? Dans le cas où il se

serait fixé sur le tronc du nerf ou sur ses origines dans le plexus

brachial, pourquoi la même immunité ? Si l'on admet que cer-

taines parties du système nerveux sont plus ou moins sensibles

que d'autres à l'influence des diverses substances médicamen-

teuses ou toxiques, encore faut-il que ces parties soient des

centres, au sens que l'on accorde habituellement à ce mot,

c'est-à-dire de petits organes nerveux différenciés, tant par

leur siège que par leurs propriétés respectives.

Mais admettre que les filets, rameaux, branches ou tronc d'un

même nerf ne ressentent pas au même titre et au même degré

les effets locaux du poison, c'est aller contre toutes les notions

anatomiques et physiologiques qui, jusqu'à cejour, ont repré-

senté les tubes nerveux, sensitifs ou moteurs, comme des con-

ducteurs indifférents. -

D'autre part, pour expliquer l'origine périphérique de la

névrite saturnine, on se heurtait encore à cette difficulté, que

la paralysie des saturnins, étant presque exclusivement

motrice, du moins dans l'immense majorité des cas, il fallait

d'abord et de toute nécessité, supposer que le plomb n'est

nuisible qu'aux nerfs moteurs, et nullement ou faiblement aux

nerfs sensitifs.

La découverte des téphromyélites antérieures, dont le carac-

tère clinique fondamental est la paralysie amyotrophique permit

un instant de supposer que la paralysie saturnine était, elle

aussi, la conséquence d'une sorte de myélite antérieure subaiguë.

Cette hypothèse était d'autant plus plausible que les troubles

de la sensibilité font défaut aussi bien dans la paralysie satur-

nine que dans la myélite antérieure. L'origine spinale de la

paralysie saturnine, admise en principe par Andral, Aber-

crombie, Tanquerel des Planches, sembla donc, ultérieurement,

trouver une confirmation suffisante dans ses ressemblances

ou ses analogies avec les myélopathies antérieures.

Mais la démonstration objective manquait. Chacun se mit

en quête de la lésion spinale. Friedlaender, OEller, Hallopeau,

J. Renaut publièrent des observations où la lésion des cornes

antérieures semblait assez caractéristique (quoique variable

selon les cas), pour expliquer une névrite secondaire,

DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE. 177

circonscrite à un territoire nerveux. Vulpian, qui poursuivit

longtemps des recherches sur ce pointsi obscur, crut un moment

l'avoir élucidé. Non seulement il avait constaté l'état colloïde

des cellules antérieures, mais il avait pu produire expérimen-

talementchez le chien une téphromyéhte chronique saturnine :

« L'examen de la moelleavait montré des lésions incontestables

et très considérables de myélite; dans un grand nombre de ré-

gions de la moelle (il s'agissait d'une paralysie des quatre mem-

bres), les cellules nerveuses étaient en voie de destruction. »

Dans une observation relativement récente, Oppenheim men-

tionne des altérations de la substance grise, sur l'importance des-

quelles on peut discuter, sans doute, mais auxquelles on nedoit

pourtant pas refuser toute valeur. Les lésions, en effet, occu--

paient dans la moelle une étendue correspondant assez exacte-

ment aux origines nerveuses des territoires musculaires para-

lysés.

A côté de ces faits, il est juste de signaler ceux dans les-

quels aucune modification n'a pu être constatée, ni dans la

forme ni dans la constitution de la substance grise, ni dans le

nombre des grandes cellules, ni dans l'état des vaisseaux. Sous

ce rapport, l'autopsie si remarquablement complète qui figure

dans la thèse de Me Déjerine Klumpke parait absolument

démonstrative. Mais les cas négatifs ne valent jamais les

cas positifs, et, si, comme l'enseignait depuis longtemps déjà

M. Charcot, la paralysie saturnine ne résulte pas du processus

de myélite antérieure subaiguë auquel on l'avait prématurément

attribuée, il n'est pas impossible que le rôle de la moelle, dans

la pathogénie des névrites en question, subsiste en grande

partie, quoique non assimilable à celui qu'elle joue dans les

téphromyélites proprement dites.

Cette digression dans le domaine du saturnisme était néces-

saire pour vous faire mieux saisir l'état de la question en ce

qui touche l'alcoolisme. Ici encore, la constatation de névrites

parenchymateuses, survenues en dehors de toute participation

spinale, entrainait la conclusion que l'alcool exerce une in-

fluence directe sur les nerfs périphériques.

Assurément la névrite joue un grand rôle dans les paralysies

alcooliques ; cela est incontestable. C'est d'elle, selon toute

vraisemblance, que résultent les troubles sensitifs et moteurs.

Mais peut-être serait-ce aller trop loin que de prétendre que

l'alcool agit localement sur les ramifications nerveuses, du

moins dans tous les cas. Lorsqu'on se trouve en présence d'un

Archives, t. XXI. 12 2

178 CLINIQUE NERVEUSE.

de ces faits singuliers de polynévrite, où l'on voit apparaître

simultanément ou successivement des phénomènes sensitifs et

moteurs dans des territoires nerveux absolument indépen-

dants les uns des autres, par exemple dans le domaine de

l'hypoglosse, du saphène interne gauche, de l'obturateur droit,

d'un intercostal, du nerf optique, etc., il est logique de supposer

que le poison a éparpillé ses effets et provoqué, en quelque

sorte au hasard, l'apparition de la névrite. Mais lorsqu'on

assiste à l'évolution d'une névrite étroitement circonscrite dans

le domaine d'un plexus ou même dans le territoire d'un seul

nerf, il est tout aussi logique d'admettre que l'influence

toxique à laquelle est due cette névrite, s'est exercée sur l'ori-

gine commune de tous les rameaux malades. Leudet, par

exemple, signale, le premier, un cas de névrite alcoolique

limitée aux seules branches musculaires du cubital. N'est-il

pas vraisemblable que les noyaux médullaires auxquels le

noyau cubital emprunte ses fibres radiculaires, ont été la loca-

lisation primitive du processus ? Dans les formes paraplégiques

où les muscles homologues des deux côtés sont simultanément

affectés^ n'est-il pas probable que le même étage de l'axe mé-

dullaire, irrité par la substance toxique, commande la réparti-

tion symétrique des lésions périphériques ? Enfin, dans notre

cas, la limitation des phénomènes moteurs, sensitifs et tro-

phiques dans une partie restreinte du plexus lombo-sciatique,

ne suggère-t-elle pas l'hypothèse - je ne dis pas davantage -

que tous les centres spinaux, d'où émerge cette partie du

plexus, ont subi au même moment et au même degré l'action

nocive de l'alcool.

D'ailleurs, il ne faudrait pas croire que, dans les paralysies

alcooliques, la moelle épinière soit toujours absolument res-

pectée. Si les autopsies sont rares, du moins la plupartmention-

nent quelques altérations spinales. Dans un cas d'OEttinger 1,

la lésion vacuolaire des cellules de la corne antérieure était

très prononcée. Dans deux observations de Finlay 2, on trouve

mentionnées des lésions médullaires, caractérisées par la dimi-

nution de la substance grise et un état trouble des cellules.

Sharkey Korsakoff 3 signalent des modifications analogues.

1 Thèse inaugurale, Paris, 1885.

' Davul W. Finlay. - iS9edico-r/ci·u·gical transactions, mai 1887.

3 J. Sharkey. Transactions of the palhological Society ofloitdon, 1888,

t. XXXIX. Korsakoff. De la paralysie alcoolique, Moscou, 1887.

DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE. li9

Tout cela est encore, il faut l'avouer, bien peu de chose ;

mais on ne peut rester indifférent à de telles constatations.

Et puis, et c'est là que j'en veux venir est-il bien

nécessaire que les éléments nobles de'la substance grise pré-

sentent des lésions grossières pour qu'on soit en droit de

faire remonter jusqu'à eux le processus irritatif ou dégénératif

de la névrite périphérique toxique ? Vous allez en juger vous-

mêmes.

Depuis quelque temps on est porté à reconnaître l'influence

des altérations dites dynamiques des centres nerveux sur l'ap-

parition de troubles trophiques divers. On qualifie ainsi les

modifications plus ou moins profondes de structure des centres

trophiques, que la technique actuelle est encore insuffisante à

nous démontrer.

Vous avez tous lu, je suppose, les leçons de M. Charcot sur

les atrophies musculaires des hystériques, et vous savez que

l'hystérie est, par excellence, la maladie des phénomènes dyna-

miques. Mais, pour ne pas sortir du domaine des myélopathies,

laissez-moi vous signaler un cas, vulgaire s'il en fut, où ces

modifications « dynamiques » de la substance grise exercent

sur l'apparition des névrites périphériques une influence indé-

niable.

S'il est un fait universellement admis et incontesté, c'est

l'action trophique permanente des grandes cellules motrices

des cornes antérieures sur les fibres nerveuses, auxquelles elles

donnnet naissance, et corollairement, sur les muscles auxquels

se distribuent ces fibres nerveuses. Le symptôme capital de la

téphromyélite antérieure est l'atrophie musculaire; c'est même,

si l'on peut dire, un symptôme obligé. La téphromyélite est

tantôt primitive, tantôt secondaire ; mais quels que soient son

mode de développement et son [origine, toujours elle détermine

l'atrophie dés muscles tributaires des cellules nerveuses altérées.

La forme primitive n'a rien à voir avec ce. que j'ai àvous dire.Il

me semble utile seulement de vous signaler certains faits curieux

qui appartiennent à la forme secondaire. Celle ci s'observe

(d'une façon exceptionnelle, il faut le reconnaître), au cours d'un

certain nombre de maladies spinales systématiques, parmi les-

quelles je me bornerai à vous signaler le tabes ataxique et la

dégénération hémiplégique du faisceau pyramidal.

Donc chez les ataxiques comme chez les hémiplégiques, on

voit se produire parfois des atrophies musculaires circons-

crites, et l'autopsie démontre, dans un certain nombre de cas,

180 1 CLINIQUE NERVEUSE.

que les cellules des cornes antérieures ont subi des altérations

profondes. Pour abréger, ne nous occupons, si vous le voulez,

que de l'atrophie musculaire des hémiplégiques. Celle-ci appa-

raît à une période variable, mais toujours assez tardivement,

et, notez-le bien, elle est surtout accusée dans les muscles où

la contracture est à son maximum. M. Pitres a eu l'occasion

d'examiner la moelle de qnelques hémiplégiques qui avaient

présenté cette atrophie, et il a constaté l'existence de lésions

très caractérisées dans les cornes antérieures. J'ai aussi, pour

ma part, étudié des faits analogues et j'ai observé, comme

M. Pitres, la disparition des cellules motrices dans les

différents étages de la moelle correspondant aux muscles

atrophiés. La logique (on est bien excusable d'y recourir

quelquefois) nous invite à admettre que si les cellules

antérieures sont malades, et s'il s'ensuit une atrophie mus-

culaire, c'est que la dégénération descendante du faisceau

pyramidal a pénétré en quelque sorte, jusque dans la subs-

tance grise où elle a provoqué des altérations comparables

à celles de la téphromyélite. Eu d'autres termes, les lésions de

la substance grise sont absolument subordonnés à la lésion

dégénérative du faisceau pyramidal.

Mais voici où les faits semblent vouloir contrarer la

logique.

Dans ces derniers temps, mon collègue et ami, M. Deje-

rine, a publié des observations fort intéressantes d'atrophie

musculaire, chez des hémiplégiques à l'autopsie desquels la

téphromyélite manquait totalement. Par contre, les nerfs des

muscles atrophiés présentaient tous les caractères de la névrite

parenchymateuse. Que faut-il conclure de ces faits ? Evidem-

ment que l'atrophie avait succédé à la névrite. Mais quel avait

été le point de départ de la névrite ? Evidemment la lésion qui

avait déterminé la contracture, puisque l'atrophie 'et la névrite

présentaient leur maximum d'intensité dans les muscles con-

tracturés. Or la lésion qui engendre la contracture c'est la

sclérose dégénérative du faisceau pyramidal. Mais, je vous l'ai

déjà dit dans une autre occasion, le faisceau pyramidal ne

renferme pas la vingtième partie des fibres nerveuses repré-

sentées à la périphériepar les branches et rameaux musculaires

issus de la moelle. Pour s'expliquer l'influence de la dégénéra-

tion descendante sur la névrite périphérique des hémiplégi-

ques, il faut donc, coûte que coûte, invoquer l'influence de la

substance grise interposée entre le faisceau pyramidal et les

DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE. 181

nerfs périphériques. Et si nous ne constatons pas d'altération

de cette substance grise, de deux choses l'une : ou bien nos

procédés techniques sont insuffisants pour déceler la lésion des

cellules antérieures ; ou bien cette lésion est purementfonc-

tionnelle, comme je viens de vous le dire, et rentre dans la

catégorie de celles qu'on a qualifiées de dynamiques.

Laquelle de ces deux hypothèses prévaudra ? Nousn'en savons

absolument rien. En Allemagne, Erb et Eisenlohr proclament

que les altérations des nerfs périphériques peuvent provenir

d'un trouble exclusivement fonctionnel des centres trophiques.

Strümpell soutient le contraire. En France, l'opinion d'Erb

semble l'emporter, D'ailleurs, depuis longtemps déjà, bien

avant que la question ne fût posée dans ces termes, Vulpian

avait démontré expérimentalement l'influence dynamique de

la moelle sur l'apparition des lésions trophiques périphériques :

« Lorsqu'on sectionne, chez les cobayes, le grand nerf scia-

tique à la partie supérieure de la cuisse, le petit nerf sciatique

qui n,a point été lésé ne tarde pas à subir un certain degré

d'atrophie, et il est probable que les muscles correspondants

sont atteints de la même façon. Dans ce cas, la section du

grand nerf sciatique détermine un trouble de l'influence 12,o-

phique des cellules motrices de la substance grise dans la ré-

gion d'où ce nerf tire son origine, et ce trouble sans altéra-

tion reconnaissable, est suffisant pour que les fibres nerveuses

du petit sciatique, qui naissent dans la même région, subissent

un faible degré d'atrophie simple » » La même démonstration

ressort, au point de vue purement clinique, des notions qui

nous ont été fournies par M. Charcot sur l'atrophie muscu-

laire des hystériques. Enfin une autre expérience, qui par

bien des côtés est assimilable à un fait clinique, plaide dans

le même sens : « Lorsque, dit M. Raymond, on détermine

chez les animaux une myélite légère, superficielle, celle-ci

guérit plus ou moins rapidement, parfois complètement. Si

au bout d'un an, dix-huit mois, on'sacrifie les animaux opérés

l'examen histologique montre qu'il n'y a plus trace de myélite;

et dans ces cas, souvent les nerfs périphériques en rapport

avec le segment dé moelle lésé, sont encore profondément

altérés 1. »

' Vulpian. - Maladies du système nerveux, t. II, p. 536.

'F. Raymond. - Atrophies musculaire et maladies amyotrophiques'

p. 381, et Déroche. - Tu. Paris, 1870 (Des amyotrophies réflexes).

182 CLINIQUE NERVEUSE. CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE.

Quoi qu'il en soit, un fait subsiste, c'est que l'atrophie mus-

culaire des hémiplégiques, indépendante de toute lésion appré-

ciable de la moelle, n'existe ou ne présente une certaine inten-

sité que dans les territoires nerveux paralysés.

Pour ma part j'incline à croire que, dès l'instant où quelques

sujets sont porteurs de lésions bien caractérisées des cornes anté-

rieures, les autres sont également porteurs d'une lésion ana-

logue, il est vrai, encore invisible, rudimentaire, mais suffisante

en tout cas pour engendrer une névrite dégénérative. Cette

opinion, pour ce qui a trait à l'atrophie musculaire saturnine,

me paraît pouvoir s'appliquer, non seulement à la névrite péri-

phérique des hémiplégiques et des ataxiques, mais encore à cer-

taines paralysies alcooliques circonscrites telles que celle dont

jeviensdevousentretenir. Etalors, ilva sansdirequeletrouble

trophique se manifeste d'abord à l'extrémité du trajet nerveux,

c'est-à-dire à la partie laplus éloignée du centre spinal, comme

il arrive le plus souvent, lorsqu'un nerf, en connexion avec son

centre trophique est irrité sur un point quelconque de son

trajet. Cela expliquerait les faits encore plus singuliers d'atro-

phie musculaire constatée chez des hémiplégiques, en dehors

même de toute lésion névritique. Quincke et Babinsky en ont

signalé des exemples. Rien ne prouve d'ailleurs que les plaques

terminales ne fussent pas altérées, dans les muscles d'hémi-

plégiques ainsi atrophiés. Ce qui est indéniable, en tous cas,

c'est que l'atrophie en question, liée ou non à une névrite,

est, quant àsa disribution, commandée par une lésion spinale.

Chaque jour, du reste, de nouvelles observations nous font

voir l'influence des troubles dynamiques des centres nerveux

sur la nutrition des tissus, et particulièrement du tissu muscu-

laire. Dans l'hystérie, pas plus que dans l'hémiplégie de cause

cérébrale, l'atrophie n'est chose fatale. Elle peut survenir

cependant à l'improviste, et ce n'est certes pas l'intensité de

la contracture ni la durée de l'impotence fonctionnelle qui

en sont la cause. La meilleure preuve en est que telle hémi-

plégie hystérique spasmodique, existant depuis des années,

peut ne pas se compliquer d'atrophie musculaire, tandis que

telle hémiplégie de cause cérébrale, où l'impotence fonctionnelle

et la contracture sont beaucoup moins prononcées, se compli-

quera d'une atrophie musculaire marche relativement rapide.

Il est enfin un dernier ordre de faits sur lequel je tiens à

attirer votre attention. Vous connaissez cette atrophie muscu-

laire,. dite réflexe, qui succède à certains traumatismes, plus.

DE L'APPAREIL NERVAUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 183

spécialement'aux traumatismes articulaires. Celle-ci évolue

avec une rapidité surprenante, et elle frappe des muscles que

le traumatisme n'a pas atteints, mais qui ont avec le siège du

traumatisme des connexions relativement assez directes par le

chemin nerveux de l'arc réflexe. Aucune névrite n'est capable

de produire des amyotrophies aussi précoces, dans un terri-

toire aussi étendu, si l'on ne fait intervenir une répercussion

spinale. Et cependant, ici encore, il n'y a pas à invoquer une

lésion grossière de la moelle '.

Bref, si beaucoup de uévrites parmi lesquelles figurent celles

de l'alcoolisme chronique, peuvent et doivent être légitime-

ment rapportées à l'influence directe de la substance toxique

sur les conducteurs nerveux, il en est d'autres où la distribu-

tion des phénomènes paralytiques et trophiques, est, au point

de vue purement topographique, sous la dépendance d'une

portion circonscrite du névraxe. De là à admettre l'influence

des centres nerveux sur la production des lésions périphériques,

il n'y a pas bien loin, convenez- en; et à ce point de vue, l'ob-

servation que nous venons de commenter ensemble me parait

présenter, en soi, un intérêt indiscutable.

ANATOMIE

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION 2

Par M. P. TROLARD,

Professeur d'anatomie à l'Ecole de médecine d'Alger 3.

iI CENTRE CORTICAL DE L'OLFACTION.

C'est dans le corps godronné, ou plutôt dans la for-

mation godronnée, que je place le centre de Polection.

1 Voir : Vulpian, loc. cit. p. 537.

Voy. Arch. de Neurologie, n° 60, p. 335. Sur la demande de l'au-

teur, nous déclarons que ce mémoire a été déposé dans nos bureaux le

15 juillet 1889. (N. D. R.)

3 Voir le volume, p. 335.. -

184 ANATOMIE.

Je n'apporte pas la preuve du fait, mais j'espère arri-

ver à établir que les plus grandes probabilités existent

à l'appui de cette opinion. Qu'est-ce que cette forma-

tion godronnée ?

Sans prendre parti pour l'un ou l'autre des nom-

breux histologistes qui ont écrit sur la corne d'Am-

mon, le corps godronné et la circonvolution de l'hip-

pocampe, je ne décrirai la partie godronnée de cette

région qu'au point de vue macroscopique.

Je crains bien que dans les descriptions assurément

très complètes, mais peu concordantes pour quelques-

unes, on soit allé comme tant de fois, d'abord au

compliqué sans voir le côté simple du sujet.

Lorsqu'on fait une coupe transversale de la région,

au niveau de la partie moyenne de la corne d'Am-

mon, et intéressant le corps bordant, le corps godronné

et le lobule de l'hippocampe, on constate :

1° Que la lame grise du lobule de l'hippocampe se

continue avec celle de la corne d'Ammon de façon

à former une gouttière concave ouverte en dedans ;

2° Que cette gouttière est occupée par un amas

de substance grise de teinte foncée, dont une partie,

passant entre le corps bordant et la face correspon-

dante du lobule, va former une bandelette libre, plus

ou moins bosselée (corps godronné) ;

3° Que l'amas de substance grise compris dans la

gouttière est entouré de substance médullaire, sauf

dans sa partie libre ou godronnée; et que cette subs-

tance médullaire se comporte différemment en haut et

en dehors, en bas et en dedans;

4° Qu'en haut et en dehors, la lame médullaire

commence par un crochet, dont la partie effilée sé-

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 185

pare en partie la portion libre du restant de la masse

grise ; que ce crochet donne naissance à une lame qui

va s'étaler sur l'écorce de la corne d'Ammon, après

avoir fourni le corps bordant. Fréquemment on peut

distinguer cet étalement, qui mesure 3 ou 4 milli-

mètres de largeur, grâce à sa couleur plus blanche et

au relief qu'il présente. Sur la coupe, il y a du reste

le plus souvent un épaississement sensible qui indique

la superposition des deux plans de tissu blanc;

5e Qu'en dedans et en bas, l'écorce commence aussi

par un crochet effilé qui va à la rencontre du premier

sans aller jusqu'à son contact; puis, se recourbant, se

dirige en dedans pour recouvrir la face supéro-interne

du lobule hippocampique et se terminer en s'amincis-

sant au bord inférieur de ce lobule.

En somme, il y a là une circonvolution complète,

avec sa substance grise et sa substance blanche. En

raison de la forme particulière de la première, la se-

conde a également pris une forme peu ordinaire. La

masse de la substance grise peut être comparée, en effet,

à deux virgules d'inégal volume accolées par leur

Fig. 16.

C. g. Corps godronné.- C. b., Corps bordant. - C. A. Corps d'.lmmon. - L IL, Lo-

bule de l'hippocampe. - L. b. A. Lame bordante ammoiiique. - L. b. Lame bor-

dante hippocampique. - L. Lame claire.

186 ANATOMIE.

base dans l'intervalle des crochets, et se perdant, par

leurs extrémités effilées et dirigées en sens contraire,

l'une en dehors dans la substance grise de la corne

d'Ammon; l'autre en dedans sur la face supérieure

du lobule. (Voir la ng. 16.)

La forme de la substance blanche qui provient de

la substance grise s'explique dès lors. L'écorce qui

borde la face inférieure de la grande virgule sera

d'abord-concave pour recevoir la convexité du tissu

gris godronné : puis convexe pour s'adapter au lo-

bule de l'hippocampe. L'écorce qui borde la petite vir-

gule ou virgule supérieure sera concave par sa partie

adhérente, convexe par sa partie libre.

En définitive, la masse grise a deux écorces, pour

ses deux parties qui se dirigent en sens contraire, une

qui se dirige en dehors : ce sera la lame bordante am-

monique ; une autre qui se dirige en dedans; ce sera

la lame bordante hippocampique. Le rattachement de

ces lames à la substance grise godronnée est évident ;

il ne fait pas de doute pour la lamé bordante ammo-

nique, car, comme je viens de le dire, la superposi-

tion apparaît très nette soit par la différence de cou-

leur ou le relief en dehors, soit par l'épaississement

du tissu. Quant à la lame bordante hippocampique,

elle ne peut appartenir à la substance grise du lobule,

car celui-ci ne saurait avoir deux écorces blanches,

une à sa face supéro-interne et une autre à sa face

inférieure; sur des pièces ayant un peu séjourné dans

l'alcool, la lame hippocampique se détache pour ainsi

dire toute seule.

Je mentionne une lamelle triangulaire, située dans

l'épaisseur de la corne d'Ammon, à base dirigée en

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 187

bas, à sommet allant à la rencontre du crochet hippo-

campique. Cette lamelle, qui tranche par sa couleur

plus claire sur le tissu gris de la circonvolution, sé-

pare, peut-être ? dans la corne d'Ammon, ce qui ap-

partient à la formation godronnée de ce qui appar-

tient à la corne d'Ammon.

Cette description ne concordera probablement pas

avec celle que donnent les histologistes. J'ai pensé

cependant qu'il n'était pas inutile de décrire la région

telle qu'on la voit à l'oeil nu ou aidé d'une simple

loupe : peut-être, pourra-t-on cependant concilier ma

description avec celle des histologistes.

Nous avons donc dans le sillon qui sépare la corne

d'Ammon du lobule hippocampique, une circonvolu-

tion constituée de toutes pièces. Voyons comment se

comportent les différents éléments qui la composent.

Commençons par la substance médullaire.

Portion interne de la substance médullaire. Subi-

culllm j Substance blanche réticulée; Laine bordante

hippocampique, La partie interne de l'écorce est

désignée actuellement sous le nom de szebiculum,

quand elle revêt le lobule à sa partie moyenne. Nous

avons vu qu'elle s'arrête en s'amincissant au bord

inférieur du lobule, là où Broca plaçait la limite de

la substance grise des circonvolutions, et l'ouverture

de son limbe. Mais elle ne recouvre pas que la

portion moyenne du lobule, elle la revêt dans toute

son étendue. En avant, on peut la suivre jusqu'au

crochet. Là, elle a un autre nom : c'est la subs-

tantia reticularis alba.

Il ne s'agit, en fait, que d'une seule et même pro-

duction que l'ou pourrait appeler lame bordante hip-

188 ANATOMIE.

pocampique. Au niveau de l'anfractuosité de l'uncus,

elle tapisse le fond de cette anfractuosité, puis toute

la partie libre de l'uncus, en passant par la scissure

de l'uncus, et remonte plus ou moins en avant au-de-

vant du carrefour dans la direction de la scissure de

Sylvius. En arrière, elle va jusqu'à l'enroulement du

lobule autour du genou calleux pour aller former ce

que j'appellerai tout à l'heure la lame bordante crétée.

Portion externe et supérieure de la substance médul-

laire. Lame bordante ammonique, Cette portion,

que j'appellerai lame bordante ammonique, com-

mence aussi au fond du cul-de-sac sphénoïdal, en

même temps que le corps bordant. Mince d'abord,

sa largeur va en augmentant d'avant en arrière ; là

elle s'effile de nouveau, pour accompagner le corps

bordant qui est devenu pilier postérieur, et finit par

se confondre avec ce dernier. Mais avant de dispa-

raître, elle fournit de nombreuses fibres blanches à

direction transversale, qui vont se placer dans l'inter-

valle compris entre l'écartement des piliers posté-

rieurs, s'entre-croisent avec des fibres semblables ve-

nues du côté opposé, et contribuent ainsi à former,

avec d'autres filets dont nous aurons à parler, les

véritables cordes transversales de la lyre. Je revien-

drai sur ce-point à propos de l'arc cérébral.

Le plus ordinairement, la portion ammonique se

comporte en arrière comme je viens de le dire; mais

je l'ai vue, rarement il est vrai, conserver sa largeur,

doubler en arrière le pilier postérieur et venir se ter-

miner en fuseau à la jonction des piliers, disposition

qui rappelle celle des animaux dite osmotiques. Voyons

maintenant la substance grise de la circonvolution.

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE r.'01,FAÔ'PION. 189

Extrémité antérieure de la substance grise. En

avant où on peut reconnaître sa partie libre jusqu'au

fond de la cavité uniforme, on voit une languette gri-

sâtre se détacher de son extrémité antérieure, con-

tourner le crochet, se placer sur la face juxta-pé-

donculaire de ce dernier, par-dessus la substance

blanche réticulée, et venir se terminer sur la partie

externe du carrefour pour se continuer avec la subs-

tance grise de cet espace. Cette -languette est très

tenue, quelquefois à peine perceptible. Comme elle

s'arrache facilement avec la pie-mère, je crois que

c'est au manque de précaution ou aux difficultés de

l'opération, que l'on doit de constater son absence.

Extrémité postérieure de la substance grise. - En ar-

rière, la substance grise de la formation godronnée,

au point où le corps bordant se recourbant devient

pilier postérieur, se divise en deux branches distinc-

tes, une supéro-externe et une inféro-interne. La

première, bosselée à son origine, présentant même

quelquefois de véritables éminences, continue ou du

moins semble continuer la partie profonde de la cir-

convolution ; la seconde, lisse, continue ou semble en

continuer la partie libre.

Branche interne de l'extrémité postérieure.- La bran-

che interne se dirige en dedans sous la face inférieure

du corps calleux, s'effile et ne tarde pas à émettre

1° des filets blaucs transversaux qui vont se mêler à

ceux émanés du prolongement de l'écorce de la corne

d'Ammon et dont je viens de parler, pour former les

cordes de la lyre; 2° des filets obliques, dirigés en

arrière de chaque côté du plan médian du corps calleux

et qui vont constituer l'origine des nerfs de Lancisi.

190 ANATOMIE. ' ' t

Quelquefois cette branche interne se poursuit jus-

qu'à la face supérieure du bourrelet pour disparaître

ensuite; mais elle ne disparaît pas complètement, car

c'est elle qui fournit la substance grise qui est signa-

lée par quelques auteurs comme accompagnant les

tractus longitudinaux. Que la branche interne s'arrête

sous la face inférieure du corps calleux ou qu'elle se

continue plus haut, je dirai, en passant, que la subs-

tance grise des nerfs de Laucisi doit être considérée

comme en étant une émanation.

D'autres fois, la branche interne s'arrête net sous la

face inférieure du corps calleux, présentant une ex-

trémité arrondie; et de cette extrémité part une véri-

table gerbe de filets blancs, les bords de la gerbe dé-

crivant une courbe à concavité externe. Les antérieurs

et les moyens vont contribuer à former les cordes du

psaltérium ; les postérieurs vont aux nerfs de Lancisi.

Il faut enfin noter que, dans quelques cas, les nerfs

de Lancisi n'apparaissent pas au niveau du bourrelet

du corps calleux; il faut alors les chercher dans

l'épaisseur du bourrelet où ils s'engagent pendant un

certain trajet avant de devenir sus-calleux.

Branche externe de l'extrémité postérieure. - La bran-

che externe s'engage dans le fond du sillon compris

entre le bourrelet calleux et la circonvolution de

l'hippocampe. Ainsi placée dans ce sillon, elle con-

tourne le bourrelet en même temps que cette circon-

volution, qui change de nom à ce point, pour devenir

la circonvolution du corps calleux; elle vient enfin

se loger dans le fond du sinus calleux. Dès son

origine, elle est rejointe et accompagnée par l'extré-

milé postérieure de la lame réticulée, que nous

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 191

avons vue diminuer de largeur, se condenser, au

niveau de la terminaison de la circonvolution de l'hip-

pocampe.

Parvenue au fond du ventricule calleux, notre

moitié de circonvolution godronnée, ainsi constituée,

va se comporter, par rapport à la circonvolution cré-

tée, comme elle s'est comportée par rapport à celle

de l'hippocampe dans le ventricule latéral. Sa lame

réticulée, ou plutôt son ruban réticulé, recouvre la -

substance grise de la circonvolution crétée dans toute

la longueur de celle-ci; seulement le ruban réticulé

sera en dehors et la substance grise en dedans.

Il y a donc au-dessus du corps calleux, et dans le

fond du ventricule, un prolongement du corps go-

dronné, avec substance grise et substance blanche,

cette dernière prolongement de la lame bordante hip-

pocampique et qu'on pourrait appeler la lame bor-

dante crétée.

La demi-circonvolution godronnée parcourt toute

l'étendue du ventricule calleux, appliquée à la face

inférieure de la circonvolution crétée, laissant voir,

lorsque cette dernière est relevée, la lame réticulée

blanche dans le fond même du sillon, et sa substance

grise tranchant par sa couleur différente sur la subs-

tance nerveuse de la circonvolution. Elle se distingue

non seulement par sa couleur, mais encore par son bord

libre, nettement dentelé quelquefois et presque toujours

séparé de sa voisine par un pli de pie-mère.

Parvenue au genou du corps calleux, elle le con-

tourne ; et arrivée sur la portion réfléchie de ce genou,

nous la voyons se continuer avec la bande diagonale

de l'espace perforé.

192 ANATOMIE.

Cette disposition typique est rare, je dois le recon-

naître. S'il m'a été donné de la voir telle que je viens

de la décrire, je dois dire que souvent je n'ài ren-

contré que. la partie médullaire de la circonvolution.

Entre la première disposition et la dernière, les

variétés sont pour ainsi dire infinies. Je n'en citerai

que quelques-unes :

La circonvolution godronnée n'existe qu'en arrière,

et est continuée dans le restant de son étendue par

la lame réticulée. Elle existe en avant et en

arrière, et les deux tronçons sont réunis par deux

petits rubans placés parallèlement l'un à côté de

l'autre. Il existe plusieurs tronçons réunis de la

même façon.- En arrière, c'est une véritable circonvo-

lution arrondie qui se termine en avant par les tractus

blancs. En avant, sur la portion réfléchie du corps

calleux, de chaque côté du bec de ce corps, ou trouve

deux lamelles grises rubanées bordées par les nerfs

de Laucisi; elles vont de l'un à l'autre et remplissent

l'espace compris entre les tractus longitudinaux et le

fond du sinus calleux d'une part, et l'extrémité de la

bande diagonale d'une autre part. A ce niveau, leur

substance grise va se confondre avec celle de l'espace

perforé. Dans la même région, on trouve d'un seul

côté seulement une large lame de substance grise se

continuant du même côté avec le tissus gris du carre-

four et envoyant une petite expansion à celui du

carrefour du côte opposé. En se redressant en avant,

cette lame de tissu gris se ramasse et forme une circon-

volution arrondie qui se place au-dessous de l'origine

de la circonvolution du corps calleux, contoure navec

cette dernière le genou calleux et semble se confondre

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 193

après un trajet plus ou moins longavecla circonvolution

sus-jacente. Mais, lorqu'on relève entièrement celle-ci,

on les voit toutes deux se détacher l'une de l'autre, et

la petite circonvolution se continue en arrière par le

ruban réticulé Il n'est pas rare de voir la demi-

circonvolution godronnée rester accolée à la face supé-

rieure du corps calleux sur une plus ou moins grande

étendue, quand on relève la circonvolution crétée; puis

reprendre ensuite sa place sous cette dernière. Dans

les cas où la susbtance grise est accolée à la face

supérieure du corps calleux, le ruban réticulé est

très faible et semble être remplacé par les tractus les

plus externes de la formation des nerfs de Lancisi. La

lame réticulée elle-même peut rester accolée au corps

calleux; c'est qu'alors des tractus transversaux de la

commissure ont passé à, travers ses fibres. En effet,

quand on soulève la circonvolution crétée, on voit,

dans ce cas, la lame réticulé se présenter sous forme

de petits arcs à concavité inférieure dans les points où

elle adhère à la circonvolution, tandis que sur les autres

points, les tractus transversaux la maintiennent appli-

quée sur le corps calleux'. Je dirai enfin que toutes les

dispositions indiquées peuvent varier d'un côté à

l'autre.

Nerfs de Lancisi.-A la demi-circonvolution godro-

née sus-calleuse, il faut ajouter la formation des nerfs

de Lancisi, qui vient la complèter pour ainsi dire. Il

s'agit bien en réalité d'une veritable formation, dont

les tractus longitudinaux ne sont qu'une partie appas-

1 Dans la description j'ai employé l'expression «demi-circonvolution go-

dronné supérieure ; » comme souvent elle est incomplète, il vaut mieux,

pour être plus exact, dire prolongement supérieur ou sus-calleux du

corps goudronné ».

ARCHIVES, t. XXI. 13

194 ANATOMIE.

rente. La formation peut même exister sans qu'on aper-

çoive le relief des tractus.

Nous savons déjà que ces nerfs sont une émanation de

la branche interne de la bifurcation postérieure du corps

godronné, c'est-à-dire de la partie libre de celui-ci.

Ils sont donc en quelque sorte les analogues des corps

bordants et lorsqu'ils sont accompagnés de tissu ner-

veux, ce qui est assez fréquent, ils représentent sur le

corps calleux la portion supérieure de la formation go-

dronnée dans le ventricule.

Ce qui me paraît devoir être invoqué en faveur de

cette anologie, c'est qu'au moins en arrière, où ils

forment assez souvent une large lamelle, isolable du

corps calleux, de 5 à 6 millimètres de largeur, ils se

mettent alors en contact avec la bande grise du corps

godronné, laquelle, dans ces cas, est fixée au corps

calleux, comme je l'ai dit plus haut.

Quoi qu'il en soit, et sans insister davantage sur cette

analogie, il y a lieu de remarquer qu'il y a balance-

ment entre le volume de la formation de Lancisi et celle

du corps godronné sus-calleux; leur développement est

en raison inverse l'une de l'autre'. Il me paraît cer-

tain, en tous cas, que ces deux éléments ont entre eux

une grande comnexité, car, comme on le verra plus

loin, ils viennent tous deux aboutir au même point,

à la bande diagonale du carrefour.

Nerfs de Lancisi inférieurs Aux nerfs de Lancisi

' J'ai eu occasion de voir une fois sur le milieu de la face supérieure

du corps calleux une traînée de substance grise, longue de 4 centimètres

et appliquée sur le côté externe des bandelettes de Lancisi. Son extré-

mité postérieure reposait sur le bourrelet calleux. Elle contournait ce

bourrelet et se continuait avec la branche interne de division du corps

godronné. La branche externe était bien moins développée que d'ordt-

naire.

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 195

il faut ajouter de petits tractus longitudinaux, ordi-

nairement au nombre de deux qui, ceux-là, sont situés

sous le corps calleux.

Ils prennent naissance dans la lyre, et proviennent

des fibres les plus obliques c'est-à-dire les plus externes.

Ils se placent, très rapprochés l'un de l'autre, sur le plan

médian de la voûte à sa partie supérieure, parcourent

ainsi tout le corps calleux jusqu'au septum. Là ils se

divisent le plus souvent. Une branche va s'anastomo-

ser avec le toenia. L'autre, qui continue le trajet, suit

le bord supérieur du septum et arrive enfin à rejoindre

les nerfs de Lancisi devenus inférieurs.

Ce ne sont en somme que des filets du groupe Lan-

cisi, qui se sont séparés de ce groupe, pour passer au-

dessous du corps calleux. Ce sont des tractus longitu-

dinaux inférieurs.

Tels sont les détails des prolongements postérieurs de

la circonvolution godronnée, détails faciles à voir à l'oeil

nu. Seulement, il importe d'être prévenu que pour cons-

tater la présence de prolongements gris à leur ori-

gine, il faut user de beaucoup de précautions en enle-

vant les membranes. Comme à ce niveau celles-ci sont

très multipliées, très denses et très solidement fixées,

si l'on ne redouble pas d'attention, on risque fort d'en-

lever avec elles ces deux prolongements, surtout l'in-

terne. Puis-je dire maintenant que la circonvolution

godronnée constitue à elle seule le centre cortical de

l'olfaction ? La corne d'Ammon et le lobule de l'hippo-

campe, la circonvolution crétée en font-ils aussi par-

tie ? On comprendra que je ne puisse me pronon-

cer, .

La circonvolution godronnée empiétant un peu dans la

196 ANATOMIE.

corne d'Ammon par sa couche granulée me semble suffire

au sens de l'olfaction. Pour le restant de la substance

grise ammonique, comme pour la substance grise des

autres circonvolutions juxtaposées, peut-être n'apportent

elles que le concours de leurs cellules de l'intellect ?

Mais je ne puis faire que des hypothèses. Il faut

attendre. Ce qui est certain, c'est que beaucoup de

physiologistes ont une grande tendance à localiser

l'olfaction du côté de la corne d'Ammon, dans la région

de cette circonvolution. Si je me suis cru autorisé à

fixer mon choix sur la circonvolution godronnée, c'est

d'abord parce qu'elle constitue une formation bien

tranchée par sa configuration à part et par son isole-

ment, et bien caractérisée par sa structure histolo-

gique ; c'est ensuite parce que ses émanations, grise et

blanche, qui me paraissent indéniables, ont les relations

les plus intimes avec le carrefour olfactif, lequel, cela

n'est pas discutable, appartient à l'appareil de l'olfac-

tion. C'est dans les chapitres suivants que j'établirai ces

relations.

En raison de l'importance que comporte le point que

je viens de traiter, j'ai donné une grande extension à

mes notes bibliographiques. De leur lecture, il résultera,

je crois, que si je n'ai pas atteint le but, je m'en suis du

moins très approché.

D'après les faits, les arguments et les aperçus des

auteurs que je mets en lumière, on verra que je n'ai eu

qu'à aller un peu plus loin que ceux-ci, et à préciser

les rattachements que quelques-uns ontmêmepressentis.

Au point de vue embryologique, je me bornerai à

faire remarquer le développement précoce du corps

godronné et de ses annexes, notamment le trigone

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 191

chez le foetus à une époque où le lobe olfactif acquiert

son plus grand développement relatif.

NOTES bibliographiques. Centre olfactif cortical. TREVI-

RANUS, d'après Pressât '. « La corne d'Ammon est en relation

intime avec les corps olfactifs et les corps striés. Son volume

n'est en rapport direct qu'avec le volume des nerfs olfactifs;

et la substance médullaire de son extrémité inférieure se con-

fond avec le noyau médullaire duquel naissent les racines

externes du nerf olfactif... L'hippocampe coopère donc vrai-

semblablement à une fonction de la vie intellectuelle supé-

rieure, peut-être à la réminiscence, qui est si bien réveillée

par des impressions exercées sur le sens de l'olfaction... »

SERRES. - * L'appareil olfactif considéré à la base de l'en-

céphale se compose donc (dans de certaines familles de mam-

mifères) de quatre parties distinctes, non compris le lobule

olfactif ? dupédicule olfactif; 2° de ses racines interne et

externe ; 3° du champ olfactif; 4° du lobule de l'hippocampe.»

LELUT, d'après Pressât, insiste sur les relations du lobule

de l'hippocampe avec les racines des nerfs olfactifs, et sur « la

disposition alvéolée de la face ventriculaire du lobule de l'hip-

pocampe, surtout à sa partie inférieure » .

Pressât cite aussi des observations de TIEDEMANN relatives

à des absences de nerfs olfactifs dans des cas de malformation

du cerveau (cyclopes particulièrement). « L'absence des nerfs

olfactifs était généralement accompagnée d'un moindre volume

des corps striés et de l'absence ou d'un développement incomplet

de la voûte et des cornes d'Ammon. Ce fait est donc favorable

à l'opinion de Treviranus, qui pense que la voûte et les cornes

d'Ammon sont en rapport immédiat avec les nerfs olfactifs. »

MILNE-EDWARDS. « Proportionnellement aux parties voi-

sines des hémisphères, la corne d'Ammon est beaucoup plus

grosse chez les marsupiaux et les rongeurs que chez les autres

animaux de la même classe dont l'encéphale est plus perfec-

tionné. »

Luys. « Les caractères topographiques de cette circonvo-

lution (d'Ammon), qui est elle-même en dehors de la masse

commune, hors rang, s'accommodent assez bien avec le carac-

' Thèses de Pans, 1837.

198 ANATOMIE.

tère de ses points de convergence centraux qui pareillement

sont hors rang, les tubercules mamillaires et la conarium. »

CRUVEILHIER. - «... Chez les rongeurs, la portion réfléchie

de l'hémisphère qui constitue la corne d'Ammon est presque

aussi considérable que l'hémisphère lui-même, et l'on voit de

la manière la plus manifeste les connexions de la corne d'Am-

mon avec la voûte à trois pilliers. Il est bien évident que la

voûte, la corne d'Ammon et le corps bordé ne forment qu'un

seul et même système et sont continues. » '

Milne-Edwards incline àpenser, en s'appuyant sur les expé-

riences de Fermer, que le centre de l'olfaction est dans la

corne d'Ammon ou dans une région avoisinante.

FERRÉ. - c La dysosmie qui figure dans l'aura de quelques

épileptiques, les hallucinations olfactives, l'hémianosmie des

hystériques coïncidant avec l'hémianesthésie générale plaident

en faveur du centre cortical. >

Malgré cette tendance qu'ont de nombreux auteurs

à voir dans la région de la corne d'Ammon un centre

olfactif, rien n'est encore précisé : cette tendance

est, du reste, combattue par les auteurs, Huguenin

entre autres, mais certainement moins nombreux que

les premiers.

Les travaux de BROCA, ont contribué à enrayer les

recherches du côté de l'existence d'un centre nerveux

cortical. Le bulbe olfactif ayant été considéré par cet

auteur comme « une expansion cérébrale projetée à

une distance variable de l'hémisphère » et ayant été

doué par ce même auteur de propriétés motrices en

plus de ses propriétés sensitives, cela a suffi pour

qu'on attribue à ce bulbe une véritable autonomie,

lui permettant de jouer le rôle de centre nerveux.

Tout en accordant au bulbe ce rôle prédominant,

Broca a néamoins admis trois centres nerveux secon-

daires, un supérieur, un postérieur, et un antérieur.

Le centre olfactif supérieur est situé sur la face in-

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAI. DE L'OLFACTION. 199

terne de l'hémisphère. Il comprend le carrefour de

l'hémisphère et la première portion du lobe du corps

calleux (ou circonvolution du corps calleux)... -

Plus loin, il dit : « Il (le centre) va se perdre dans

la couche de la substance grise qui revêt l'origine du

corps calleux... u

Sous le nom de carrefour interne de l'hémisphère,

il décrit : « Une région plane qui communique en

avant avec la face interne du lobe frontal, en haut

avec le lobe du corps calleux, en bas avec la partie

interne de l'espace quadrilatère, et sur laquelle vient

se terminer insensiblement, en bas et en arrière

l'extrémité effilée ou bec du corps calleux. Ajoutons

enfin que c'est là que viennent aboutir, en bas et en

avant, la racine olfactive interne, en bas et en arrière

la bandelette diagonale de l'espace quadrilatère. »

... « Le centre olfactif postérieur est le lobe de

l'hippocampe où va se rendre la racine olfactive ex-

terne. L'anatomie comparée nous montre, en effet,

que le lobe de l'hippocampe croît et décroît en même

temps que cette racine... Le centre antérieur com-

prend la partie postérieure des deux premières cir-

convolutions orbitaires... Il comprend en moyenne

le tiers postérieur des deux premières circonvolutions

orbitaires. »

C'est en s'appuyant sur des probabilités que Broca

édifie ce centre qui a à recevoir les fibres blanches

émanées de la racine grise et qui vont « après un trajet

extrêmement court se rendre sur le bord postérieur

des circonvolutions orbitaires ». Cette insertion des

fibres blanches de la racine serait très apparente chez

les osmatiques; « il paraît probable dès lors qu'elles

200 ANATOMIE. z

sont olfactives l'une et l'autre, au moins dans leur

partie postérieure, sans qu'on puisse savoir jusqu'où

s'étend, d'arrière et avant, la zone affectée à cette

fonction ». L'observation du « désert olfactif » chez

les cétacés delphiniens dont l'appareil olfactif n'exis-

terait pas, le confirme dans son opinion.

Sans insister sur ce qu'a d'anormal ou d'exception-

nel le siège d'un centre sensitif dans le lobe frontal,

je ferai remarquer que ce n'est que par analogie avec

ce qui existe chez les animaux que Broca, a construit

son centre antérieur.

Il faut remarquer ensuite que Broca, qui range

l'homme parmi les anosmatiques, lui accorde cepen-

dant quatre centres nerveux olfactifs, un principal et

trois secondaire. C'est beaucoup pour des anosmatiques;

et il est au moins singulier, d'une autre part, qu'une

fonction, qui a son importance mais cependant est moins

importante que d'autres, soit mieux partagée que celles-

ci. Tout ce qui, au point de vue de ma thèse, peut-

être retenu dans les idées de Broca, c'est qu'il fait

un centre olfactif du lobe de l'hippocampe « qui

croît et décroît en même temps que la racine externe

olfactive. » Etant données les dispositions que présen-

tent, au niveau de l'uncus, la circonvolution godron-

née et ses annexes, il y a en effet beaucoup de probabi-

lités pour que le lobe de l'hippocampe, au moins dans

sa portion corticale, fasse partie de l'appareil olfac-

tif. Les auteurs modernes semblent abandonner les

idées de Broca; et l'on revient à tourner les yeux du

côté de la région de la corne d'Ammon.

MATHIAS DUVAL (Al'chiveg de Neul'ologie, 1881) appelle

l'attention sur les rapports de la formation ammonique

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 201

avec le trigone chez le mouton et le chien. Chez certains

rongeurslissencéphales, il montre qu'il reste cependant

un « gyrus cérébral, la circonvolution godronnée, recon-

naissable aux traits particuliers de sa structure, et qui,

par suite, est évidemment désignée comme un centre

cortical d'une nature toute particulière ».

Plus loin, il est très précis : « Si donc la région de

l'écorce conserve chez tous les mammifères une

délimitation si exacte, avec une particularité de struc-

ture si caractéristique, elle mérite plus que toute autre,

au point de vue anatomique, le nomd'orOEKe cortical,

et il n'est guère possible de douter qu'une fonction

ne soit localisée dans cet organe.

Reste donc à savoir la signification physiologique.

C'est une question que nous n'aborderons pas ici et

qui doit être résolue par l'anatomie comparée et par

l'expérimentation. Nous ferons seulement remarquer

que l'anatomie a déjà désigné cette partie comme cor-

respondant très probablement aux fonctions olfactives. »

Il termine ainsi : « Comment se comporte la formation

ammonique à son extrémité toute antérieure, c'est-à-

dire au niveau de ce qu'on appelle le crochet de la

circonvolution de l'hippocampe ? Avec quoi se continue

la branche interne de ce crochet ? Avec le corps bordant

ou le corps godronné ? Quelles sont, dans leurs détails,

les connexions exactes des tractus olfactifs avec la

formation ammonique 7... »

Giacomini [Archives italiennes de biologie, 1881).

«.... Par cette continuité, nous avons, tout le long de

l'île des hémisphères, une production qui prend une

forme, un volume et des rapports différents selon les

modifications du bord de l'île, mais que nous pouvons

202 ANATOMIE.

considérer comme un tout continu. La bandelette de

l'uncus, le fascia dentata, le fascia cinerea, les nerfs

de Lancisi, les pédoncules du corps calleux ne seraient

que des sections diverses -du même appareil. Prises

isolément, ces parties présenteraient des difficultés à

l'intelligence de leur signification morphologique; con-

sidérées dans leur ensemble, la connaissance de

leurs connexions devient plus facile. Et nous pouvons

démontrer qu'elles ne sont que les parties d'un tout,

en étudiant leur mode de développement et leur

manière de se comporter chez les animaux. »

«... Si nous voulions employer le langage figuré

adopté par les anciens anatomistes pour indiquer les

parties de la région que nous étudions, nous pourrions

vraiment dire que la fascia dentata nous représente le

véritable ourlet du manteau cérébral...» » -

Giacomini, rapportant son appareil ainsi constitué à

l'ourlet du manteau cérébral, semble se rapprocher des

idées de FOVILLE, lequel dit à ce sujet :

. « Il (le prolongement radiculaire de l'olfactif) com-

munique encore avec le ruban fibreux de l'ourlet, avec

les parties antérieures de la marge du quadrilatère per-

foré, avec le cotylédon extra-ventriculaire du corps

strié, avec les parties extérieures et le noyau gris de

la tubérosité temporale, c'est-à-dire avec cet ensemble

que nous avons décrit comme la terminaison du cercle

fibreux de l'orifice ventriculaire. Et il est remarquable

que les connexions qu'il présente aussi par ses racines

internes avec certaines parties ventriculaires ont lieu

précisément entre lui et l'ensemble de faisceaux et de

membranes que nous avons présentés comme formant

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 203

l'origine de ce même cercle fibreux de l'origine du

ventricule latéral. »

Prolongement antérieur de la circonvolution godron-

née.- Ce prolongement serait constitué, comme on l'a

vu, par la continuation de la lame blanche reticulée

jusque sur l'uncus, pour la substance blanche ; et pour la

substance grise, par une languette émanant de la partie

antérieure de la partie libre du corps godronné et pas-

sant par-dessus l'uncus, recouvert de sa lame dente-

lée. Est-ce cette languette, en forme de virgule, que

Giacomini désigne sous le nom de « bandelette de

l'uncus » ? N'ayant pu me procurer la communication

relative à cette bandelette et à laquelle il fait allusion

dans son travail des « Archives », je ne puis dire si

c'est la même production que je signale après lui.

Prolongements postérieurs de la circonvolution godron-

née. La lame blanche réticulée. (FOVILLE)- «... Nulle part

ailleurs, elle (la lame blanche) n'est plus sensible que

sur le concavité de la tubérosité terminale. » Il ajoute

qu'en se continuant sur la circonvolution elle présente

des espèces de mailles qui le rapprochent quelque peu

d'une dentelle.

GIACOMINI [Archives italiennes de biologie, 1884).-

«La substantia reticularis alba que plusieurs anatomistes

ont négligée ou simplement mentionnée sans rechercher

la signification qu'elle peut avoir, et qui est même niée

par quelques-uns, parce qu'elle est considérée comme

la conséquence de l'enlèvement brusque delà pie-mère

et par conséquent comme un produit artificiel, la subs-

tantia reticularis alba, disons-nous, constitue une

dépendance réelle du grand pied d'hippocampe, car

elle se trouve dans toute son étendue, et indique

204 ANATOMIE.

les profondes modifications que l'écorce subit dans sa

constitution intime en passant de la circonvolution de

l'hippocampe à cette formation. »

Prolongements du corps godronné. VICQ-D'AzYR a

fait représenter dans sa planche XVI « l'origine de la

portion grise et interne ou godronnée de la corne d'Am-

mon... Cette disposition est très importante à connaître,

parce qu'elle distingue le cerveau de l'homme d'avec

celui des quadrupèdes en général, dans lesquels cette

portion grise ou corticale de la corne d'Ammon est d'un

grand volume et se montre sous la forme d'un arron-

dissement ou tête située entre la voûte à trois piliers

et les couches optiques. Les singes sont les seuls dans

lesquels la structure de cette portion grise sont à peu

près la même que dans l'homme. » C'est la partie interne

de la terminaison du corps godronné au niveau du bour-

relet du corps calleux, que Vicq-d'Azyr a fait représen-

ter. Pour lui, elle se fixe sur le bourrelet. Quant à

la portion interne, celle qui se continue avec les nerfs

de Lancisi, il n'en parle pas.

FOVILLE.-« « Aminci par son bord libre, il (le corps

godronné d'Ammon) est plus épais par sa base. Arrivé

au contact du corps calleux, il se soude à son bord posté-

rieur et se prolonge au-dessus de ce corps dans l'inter-

valle de la circonvolution de l'ourlet et du corps calleux

lui-même. On en retrouve la trace dans presque toute

l'étendue de l'anfractuosité bâtarde par laquelle la

circonvolution de l'ourlet correspond au corps calleux. »

Foville, comme on le voit, avait entrevu le corps

godronné supérieur; mais il n'en parle plus à partir

de ce moment, pour ne s'occuper que du ruban de

l'ourlet.

DE- L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 05

GIACOMINI est le seul des modernes, à ma connais-

sance du moins, qui ait vu une partie du corps go-

dronné supérieur. «... La fascia dentata, au contraire,

tourne autour du bord postérieur du corps calleux

pour aller à sa face supérieure et se continuer'avec

cette petite couche de substance grise qui la recouvre

ou avec les nerfs de Lancisi. Lorsque la fascia dentata

commence à s'éloigner de la fimbria, elle devient

unie, souvent perd l'aspect dentelé et de ce point, elle

prend le nom de fascia cinerea. Son parcours n'est

pas bien régulier, mais un peu ondulé en forme d'S,

et se fléchissant un peu en dedans au-dessous du

psaltérium, avant d'entourer son bord postérieur et

de finir sous la circonvolution du corps calleux. »

Giacomini n'a pas vu la terminaison complète de

cette dépendance du corps godronné, du moins si

j'en juge par les deux passages suivants : ,

« Si nous mettons à découvert la face inférieure du

splénium du corps calleux, dans le cerveau de diffé-

rents animaux, comme : chien, chat, renard, veau,

agneau, etc., on trouve que cette partie est occupée

par une circonvolution sinueuse bien prononcée, avec

la convexité dirigée vers la ligne médiane... D'un côté,

cette circonvolution se continue avec le fascia dentata

qui, chez quelques animaux, présente une surface li-

bre et non recouverte par la fimbria ; et, d'un autre

côté, elle va finir dans le gyrus fornicatus en tournant

autour de l'extrémité du splenium. C'est-à-dire que

nous trouvons ici le même fait que chez l'homme,

avec cette différence que chez les animaux il a pris

des proportions plus grandes. .

Giacomini arrête donc la fin de sa fascia dentata au

206 ANATOMrE.

gyrus fonnicatus. Plus loin : « Il me suffit d'avoir seu-

lement démontré que toutes les parties essentielles du

grand pied de l'hippocampe ne s'arrêtent pas à la partie

postérieure de cette région, mais qu'elles se conti-

nuent toutes plus ou moins modifiées sur la surface

supérieure du corps calleux, à l'exception de la fim-

bria qui se continue sur sa face inférieure.

Après avoir ainsi constaté la terminaison ou mieux

la continuation de la couche granuleuse, qui, comme

nous l'avons dit, représente la fascia dentata, j'ai

voulu revenir sur son extrémité antérieure, afin de

voir si la terminaison de la bandelette de l'uncus ne

pourrait pas s'unir à d'autres parties, et en particu-

lier, si l'on ne pourrait pas retrouver quelque rapport

avec la terminaison antérieure du nerfs de Lancisi.

Mais, dans tous les examens de cette région, que

j'ai faits sur des cerveaux frais, j'ai toujours vu la

terminaison de la bandelette au point où commence

la paroi ventriculaire, qui ferme l'appendice sphé-

noïdal des ventricules latéraux, et il ne m'a pas été

possible de la suivre plus loin. »

Pourtant dans un autre passage où il invoque l'em-

bryogénie, il dit, à propos d'un cerveau 'de foetus de

4 mois : « On voit la fascia dentata déjà bien distincte

être en arrière un peu plus grosse; s'éloigner de la

fimbria, entourer l'extrémité postérieure du corps cal-

leux, qui est développé à moitié; atteindre sa face

supérieure, sur laquelle on peut l'accompagner avec

une grande facilité jusqu'à correspondance de son

genou, où elle ne se terminerait pas encore. Mais

dans quelques cerveaux convenablement préparés, on

pourrait la suivre au-dessous de celui-ci jusque dans

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE 1,'OLFACTION. 207

les petites lames grises des nerfs optiques et dans les

bandelettes optiques, »

On voit que Giacomini et moi, nous différons sur

la terminaison de la circonvolution godronnée, puis-

qu'il la fait abouter, à l'appareil optique. Il a bien vu

chez les animaux, la circonvolution godronnée dans

le ventricule calleux, mais il ne l'a pas rattachée au

' carrefour olfactif.

Pour moi, je m'explique les dissidences des auteurs

ou leurs descriptions incomplètes par les nombreuses

variétés que présente, dans le ventricule du corps cal-

leux, le prolongement supérieur du corps godronné.

Je crois que, prévenus maintenant, les anatomistes re-

trouveront, avec ses modifications, cette circonvolu-

tion ou plutôt chez l'homme cette demi-circonvolu-

tion.

Lame bordante du prolongement supérieur du corps

yodronné FOVILLE, sous le nom de ruban de l'ourlet,

la décrit ainsi : « Si l'on prend comme lieu d'origine

du ruban fibreux de l'ourlet l'endroit où il est atta-

ché à la partie antérieure interne du quadrilatère

perforé, on le voit, dans ce lieu, se prolonger en avant

du corps calleux, contourner sa courbure antérieure,

le suivre encore au dessus de cette courbure jusqu'au

bourrelet postérieur, derrière lequel il s'accole à la

région correspondante du cercle fibreux de l'orifice

ventriculaire. Une fois uni à ce cercle fibreux, il des-

cend avec lui dans la tubérosité temporale de la cir-

convolution de l'ourlet. »

« Ce ruban fibreux offre, dit-il plus loin, quelque

ressemblance avec ces replis marginaux que nous

appelons ourlets dans nos linges. C'est en raison de

208 ANATOMIE.

cette analogie que nous l'avons nommé l'ourlet fibreux

de l'hémisphère, et que nous avons donné le nom de

circonvolution de l'ourlet ou d'ourlet cortical au re-

pli de couche corticale qui l'enveloppe. » L'ourlet de

Foville n'est autre, comme on le voit, que la partie

médullaire de la circonvolution godronnée sus-cal-

leuse, ce que j'appelle la lame bordante crétée.

BROCA n'accepte pas l'ourlet de Foville. « L'ourlet,

suivant Foville, était une bandelette de fibres blanches

qui longeait toute la base de la circonvolution et qu'il

comparait à la lisière ou à l'ourlet de l'entrée d'une

bourse. Quant au nom de circonvolution de l'ourlet, il est

tout à fait défectueux, car l'ourlet, auquel ce nom est

emprunté, n'est pas une partie distincte ; c'est le pro-

duit artificiel d'une dissection dirigée par une idée

préconçue. » HUGUENIN admet le système de l'ourlet de

Foville qu'il appelle « système de fibres longitudi-

nales » et qu'il rattache à ses systèmes d'association'.

Nerfs de Lancisi. F. FRANK. « Valentin dit avoir

vu au niveau du raphé (du corps calleux) une traînée

grise nerveuse qui serait en continuité avec l'origine

du corps godronné. Il lui a donné le nom de bande-

lette cendrée. M. Longet n'a pu le retrouver; néan-

moins Meynert en admet l'existence, mais d'une façon

peu explicite, et seulement vers le bourrelet du corps

calleux. »

GRATIOLET. « Si nous considérons avec attention

l'origine et la marche de^ ces fibres, il sera difficile de

méconnaître leur analogie avec celle du ruban fibreux

' Ce que quelques auteuis décrivent aujourd'hui sous le nom de

cingulum me paraît être l'ourlet de Foville. Mais, en raison des descrip-

tions différentes qui en sont données, je ne saurais l'affirmer.

DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 20H

de l'ourlet. Elles nous paraissent en conséquence

appartenir au système des commissures propres. Nous

n'insisterons pas davantage sur ces fibres que les ana-

tomistes et les physiologistes ont négligées à l'envi. »

«... La base de ce plan est un anneau fibreux qui

borde la grande ouverture de l'hémisphère. Si nous

prenons pour point de départ le point de cette ouver-

ture qui correspond à la partie interne du champ

olfactif, nous le verrons suivre la courbe du corps

calleux, dont il embrasse le bord ou genou postérieur,

et revenir à son point de départ, en doublant exac-

tement la circonvolution du pli cruciforme. »

De cet anneau, auquel il conserve le nom d'ourlet

donné par Foville, il fait partir tout un système de

fibres qui s'irradient « dans les plis de la face interne

des hémisphères » .

HUGUENIN fait descendre ce tractus « jusque sur la

circonvolution en crochet (szibstantia reticularis alba) et

entrer en connexion intime avec la corne d'Ammon ».

MEYNERT, d'après F. Frank. « Les nerfs de Lancisi

établissent une voie d'association entre l'extrémité

antérieure de la circonvolution de l'ourlet et la corne

d'Ammon, ce qui revient à dire que les nerfs de Lan-

cisi rattachent l'un à l'autre les points d'implantation

cérébraux des deux racines olfactive externe (corne

d'Ammon) et olfactive interne (partie frontale de la

circonvolution de l'ourlet).

FOVILLE et MEYNERT, ce dernier d'après F. Frank,

font continuer la racine olfactive interne avec les nerfs

de Lancisi, et par l'intermédiaire de ceux-ci, la met-

tent en communication avec la corne d'Ammon.

D'après un passage de Huguenin, il semble que

Archives, t. XXI. 14

210 ANATOMIE. APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION.

Lancisi n'ait pas limité sa description aux seuls

tractus longitudinaux qui portent aujourd'hui son

nom. « ... Il est à remarquer en outre que le long du

bord où l'écorce cérébrale se termine sur le corps cal-

- leux par un bord tranchant, se trouve un cordon blan-

châtre [stria longitudinatis, seu tecta nervus Lancisi)

qui s'étend en arrière et en bas sur la partie descen-

dante de la circonvolution de l'ourlet, et double

l'écorce grise d'une traînée blanche de substance mé-

dullaire. »

IiIACOMINI. « Les limbi medullares de Lancisi cons-

tituent un caractère propre de la circonvolution du

corps calleux, et sont connus sous le nom de stria

tecta et obtecta, et ils seraient formés par ces fibres,

que nous avons vues se continuer sur la substantia

alba reticularis.

Le stria tecta ne forme aucune saillie, mais dans les

coupes elle se présente sous forme semi-lunaire, avec

sa concavité en dedans limitant le foud du ventricule

du corps calleux, et sa convexité externe correspon-

dant au point où existent les petites cellules pyrami-

dales. Elle peut être bien distinguée sur les coupes

sans l'aide d'aucun instrument, étant moins fortement

colorée que le reste de l'écorce, et elle peut être suivie

jusqu'à sa terminaison.

Mais je n'insiste pas davantage sur ce point, attendu

que mes observations n'ont pas été assez répétées pour

pouvoir établir exactement la manière différente de

. se présenter de cette région, qui mériterait d'être

, examinée plus attentivement. »

(A suivre.)

PATHOLOGIE NERVEUSE

SUR L'ASTASIE-ABASIE1 1

Par le D' THYSSEN

VI. - Au point de vue symptomatique, tous les auteurs

mettent en relief que le trouble porte exclusivement sur les

actes associés pour la station et pour la marche, qui sont em-

pêchés à des degrés variés, et que d'un autre côté, comme

M. Charcot l'indique déjà en L883 2, le sujet couché a con-

servé l'intégrité de la force musculaire et la précision des

mouvements des membres. La justification du terme astasie-

abasie < se trouve dans le fait capital de cette intégrité

dans le décubitus, et de là, non appréciation des forces mus-

culaires aux fonctions spéciales de la station et de la marche.

Ces anomalies se déclarent quand on invite le malade à se

tenir debout ou à marcher; alors on peut observer des'va-

riétés dans celles-ci. La station debout et la marche peuvent

être absolument impossibles ; la personne mise sur ses pieds

s'affaise complètement, ses jambes sedérobent sous lui, comme

dans le « Giving way of the legs » des Anglais, observé dans

le tabes. Ce même individu se mettant à genoux, pourra mar-

cher à a quatre pattes », grimper sur un arbre, avancer à

cloche-pied, et nager, comme c'est démontré dans notre

deuxième observation. La personne soutenue pourra encore

avancer ses jambes, en rappelant les mouvements que font les

enfants qui commencent à apprendre à marcher (Blocq). Enfin,

la station et la marche tout en étant possibles, peuvent toutes

les deux offrir les plus grandes difficultés.

Les sujets atteints d'abasie imaginent toutes sortes de pro-

cédés pour se déplacer. Certains se mettent à sauter comme

des pies, ou en faisant progresser la chaise sur laquelle ils sont

'Voir Archives de Neurologie, n° 61, p. 58.

' Charcot. - Loco citato.

212 PATHOLOGIE NERVEUSE.

assis. Il en est même, ainsi que nous en avons vu un remar-

quable exemple à la Salpêtrière, phénomène plus curieux, qui,

peuvent marcher à très grands pas [marche dramatique,), et ne

peuvent marcher normalement. De même que dans la plupart

des cas de Blocq, des stigmates d'hystérie coexistent très sou-

vent avec ces désordres du mouvement, indiquant la nature du

trouble; mais il n'est pas impossible que le syndrome astasie-

abasie accompagne une maladie spinale organique.

Blocq suscite l'étonnement du professeur Binswanger, quand

il distingue trois formes de cette affection, selon que les fonc-

tions de la station et de la marche sont abolies, amoindries ou

troublées. Ce dernier auteur suppose que trois catégories en face

de onze observations est un nombre exagéré, car il n'accorde

qu'à trois des cas de Blocq (obs. 3,4, 5) le droit d'entrer dans le

cadre tracé par la définition de M. Charcot; les mêmes troubles

de la station et de la marche des autres observations seraient

secondaires à des anesthésies et à des hyperesthésies '. Nous

discuterons plus loin cette opinion, Grasset 2, considérant de

son côté moins l'intensité du désordre des mouvements, que

la qualité des troubles, ramène les cas à trois types distincts,

troubles occasionnés par la faiblesse, par l'incoordination ou

par les mouvements cadencés (forme chorée rythmée).

M. Charcot adopte dans sa leçon de '1889 la division sui-

vante 3 :

SUR l'astasie-abasie. 213

accès, de plus le malade de M. Brissaud ' ne se range pas non

plus dans cette catégorie. Aussi proposons-nous le cadre sui

vant :

214 PATHOLOGIE NERVEUSE.

hystériques, mais ne déterminent pas en réalité le trouble

abasique. '

Nous serons très court sur le diagnostic; la confusion ^pour-

rait se faire avec le tabes ou avec la maladie deFriedreich;

mais alors l'incoordination porte sur tous les mouvements des

membres inférieurs. L'ataxie hystérique de Briquet' et de

Lassègue n'existe que lorsque les yeux sont fermés. Les

paraplégies hystériques flasques avec impotence absolue se

reconnaissent à cela, que tous les mouvements sont abolis,

dans le décubitus. Dans la chorée rythmée on observe la

cadence et la régularité des secousses musculaires. La con-

vulsion réflexe saltatoire de Bamberger, se traduit par de la

paralysie spasmodique, des réflexes exaltés de la trépidation

épileptoïde.

VII. - Le Pr Charcot et Blocq ont proposé une ingénieuse

théorie psychologique pour expliquer ce phénomène, théorie

qui a été combattue par M. Binswanger., et critiquée parM.Mo-

bius. La pathogénie des auteurs français est basée sur ce que

nous savons de l'organisation des mouvements acquis. Le plus

grand nombre des centres fonctionnels (marche, station, course

natation, saut, jeu de divers instruments) s'organisent dans le

cerveau et dans la moelle. M. Charcot compare volontiers ce

mécanisme à celui de l'orgue de Barbarie. Il compare les cen-

tres médullaires à ces rouleaux de cuivre heurtés de pointes

dont la disposition variable correspond à des airs différents et

qui sont enfermés dans la caisse de l'instrument3. Le centre

spinal posséderait ainsi le matériel d'exécution et serait dirigé,

par le centre cortical, «par la mémoire psychologiques qui in-

diquerait le genre d'impulsion qu'il faut donner pour dé-

terminer le fonctionnement. Blocq admet pour la station et la

marche, dont l'apprentissage est long, des groupes cellulaires

différenciés dans l'écorce, qui par des commissures spéciales,

entrent en relation avec les groupes cellulaires correspondants

dans les centres spinaux. Des groupes cellulaires corticaux

part le stimulus à l'occasion duquel ces centres spinaux en-

trent automatiquement en action. Ces hypothèses sont con-

firmées par un certain nombre d'expériences, notamment par

' Briquet. Traité de l'hystérie, p. 477.

. Lasèôue. - Anesthésie et ataxie hystériques, t. II, p. 25.

' Charcot. - Leçons du mardi, 1889, p. 359. ·

SUR l'astasie-abasie 2H¡ S

l'observation des mouvements automatiques que font les ani-

maux (battre les ailes, marcher, nager) après la décapitation.

B. Salemi Pace pense que le rôle joué par la moelle est pré-

pondérant, aussi conclut-il, à l'occasion du cas observé par

lui, à une modification fonctionnelle spéciale et partielle de la

moelle épinière avec perte de la mémoire motrice dynamique

et statique '. Nous nous rangeons plus volontiers à l'avis de

Blocq, qui du reste ne fait que développer des considérations

présentées par M. Charcot à plusieurs reprises dans son en-

seignement. En théorie, il dit : Nous n'aurons à vous offrir

que des vues hypothétiques plus ou moins vraisemblables.

Je me bornerai ici à relever que, suivant toute probabilité, les

divers appareils relatifs à l'exécution des mouvements de la

station, de la marche, du saut, etc., comportent chacun deux

centres ou groupes cellulaires différenciés, dont l'un siège

dans l'écorce cérébrale, tandis que l'autre réside dans la moelle

épinière; ces deux centres étant reliés l'un à l'autre, bien

entendu, par des fibres commissurales. Le groupe spinal, le

plus compliqué des deux, sans aucun doute, est chargé de

l'exécution automatique, inconsciente des actes coordonnés

pour l'accomplissement de chaque fonction ; tandis que le

rôle relativement beaucoup plus simple du groupe cortical,

consiste dans l'émission volontaire des ordres, prescrivant

tantôt la mise en jeu, tantôt l'accélération ou le ralentis-

sement, tantôt enfin l'arrêt définitif des actes exécutés par le

groupe spinal correspondant. Dans celui-ci, en d'autres

termes/réside la mémoire psychologique des actes sommaires

qu'il faut prescriresoit pour mettre en jeul'appareil, soit pour en

arrêter le fonctionnement, tandis que la mémoire organique,

qui préside à l'exécution, dans tous leurs détails, des mou-

vements prescrits réside dans celui-là. Vous voyez par là que

dans chaque cas particulier, il y aura à se demander si l'affec-

' Considcrando el caso della mia osservazione personale, ove ho potuto

nettamente persuadermi della integrita completa delle funzioni cerebrali,

et perlui nell' ammalata non era menoma mente a dubitarsi d'un yin ! 0

nella det erminatione dell'ordine voliliuo pcr poter starein piedi e cam-

minare : ... Non puo farsia menodi concludere, che soltanto il midollo

spinale soffriva una speciale et parziale modificazione funzionale col per-

dere la memoria dinamica anziche la Statica. Loc. cit., p. 196. L'au-

teur finit par intituler son observation n Amuesia parziale (parziale : '

parce que les mouvements sont libres dans le lit) spinale per neuropthia

reumatica.

216 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tion qui vient troubler l'accomplissement du fonctionnement

.normal doit être cherchée dans l'encéphale ou, au contraire,

dans la moelle'. M. Charcot a observé que le cerveau n'a

besoin que de peu de fibres pour mettre en jeu le groupe

cellulaire où résiderait le mécanisme d'exécution 2.

- On sait généralement que la peur peut paralyser les jambes

(schrecklaehmung).-Or, justement la peur est une des causes

provocatrices de l'astasie-abasie ; çe serait une « paralysie

émotive * suivie d'une auto-suggestion d'impuissance motrice.

On peut s'imaginer le mécanisme par une influence d'arrêt

portant son action sur le centre cortical de la station et de la

marche ou sur le centre spinal. Blocq conclut (loc. cit.), que

l'altération est purement dynamique, mais toute dynamique

qu'elle soit, l'affection n'en occuperait pas moins certaines

régions dans les centres nerveux, qui détermineraient clini-

- quement le même ensemble symptomatique, dans un cas de

lésion organique. Nous regrettons de ne pouvoir analyser

plus profondément, sans être entraîné trop loin, ces hypo-

thèses si pleines d'attrait par leur simplicité pour expliquer le

désordre dont Blocq a pu trouver la vérification expérimen-

talement par suggestion.

Cette simplicité théorique a l'avantage, dit Binswanger à

propos de la pathogénie proposée par Blocq, qu'elle tâche

d'expliquer par des désordres simples et faciles à contrôler,

avec des limites nettement tranchées,' des'procès extraordi-

nairement difficiles et embrouillés de nature psychologique

et pathologique 3. Mais quand Blocq trouve une analogie avec

l'agraphie, Binswanger est d'avis qu'il n'est pas question

ici d'une non activité (Ausfall) de centres fonctionnels bien

' déterminés, mais que cette perte d'une fonction entière dé-

montre plutôt des troubles spécifiques de l'association ?

En séparant de l'astasie-abasie tous les cas, comme nous le

disions plus haut, où il existe des contractions des muscles,

1 Charcot. Leçons du mardi, 89, 5 mars, p. 367.

* L'autopsie d'un cas de mal de Pott, où après paraplégie la faculté de

marcher était revenue pendant un an, avant la mort, montrait la moelle

réduite è un tuyau de plume, sur la longue étendue du siège de com-

pression. (Observation en thèse Michaux.)

3 Binswanger. - Loco citato. Séparât Abdr., p. 21. Dassie Ausseror-

dentlich schwierige und verwickelte Vorgoenge psycho-physiologischer

art. auf einfache, leicht ùbersehbare und scharf localisarte Stôrungen

zuruckrufuhren versucht.

SUR l'astasie-abasie 217

de la trépidation, des contractures cloniques des muscles pou-

vant occasionner des troubles de la station et de la marche,

ainsi les cas où les mouvements peuvent être plus ou moins

empêchés par des douleurs, Binswanger préfère ranger le peu

de cas qui restent dans le grand domaine des obsessions

iZwangvorstellungenu et parmi les affections hypochondriques2.

En somme, d'après Binswanger à l'encontre des théories de

M. Charcot et de Blocq, il s'agirait dans l'astasie abasie d'une

affection dans laquelle les sentiments pathologiques des or-

ganes entretiennent l'idée hypocondrique, ou bien des causes

bien définies forcent la pensée de s'occuper exclusivement et

subitement de l'impotence figurée, motrice et statique.

On peut se représenter cette dernière partie selon le « Pathe-

ma p (Lerdenschaft, passion). de Spinoza, et à la manière des

c Intentions psychos en ., de L. Mayer, par un procès patho-

logique assez compliqué ( complex Krankhaft gesteigerte

Organempfindungen) se démontrant par des faiblesses, par

des vertiges, etc. Binswanger revient à Spinoza pour expliquer

l'obsession dont souffriraient ceux qui sont atteints ; la façon

de penser chez ces malades subirait l'influence décidée de leurs

idées mélancoliques, entretenues parleurs organes souffrants 3.

L'auteur prétend qu'on ne peut s'opposer à ce qu'il fasse en-

trer « l'obsession D (hypochondrische Vosrtellungs kreise) dans

la catégorie des symptômes de l'hystérie, parce que dans les

deux affections, l'imagination a une grande influence sur les

actes du corps, et vice versai

Nous pensons, au contraire, qu'il existe une ligne de démar-

1 Le même, p. 23.

* Binswanger. Loco citato, p. 26. Es handelt sich hierbei psychopa-

thologisch betrachtet um Krankheits Zustânde, bei welchen der hippo-

chondrisch zusammengedrdngte Vorstellungsinhalt, entweder vorwaltend

und dauernd aus pathologischen Organempfindungen des locomotori-

schen Apparates gespeist wird; oder aber ganz bestimmte Gelegenheits

ursachen das Senken einseitig und plôtzich auf sie Vorstellung des loco-

motorischen oder statischen Unvermogens hindrangen.

3 Idem., p. 27. Indem bei diesem Kranken die Aaufmerksamkeit

durch die das Bewusstsein beherrschenden Organempfindungen, Gefuhle

und Vorstellungen aufdie Selbstvernichtung gerichtet ist, ge winnen

diese letzteren in der Folgezeit ein bestimmenden Eillfiuss auf die Rich-

tung ihres Denken.

* Binswanger. Loco citato, sep. abdr., p. 29. Wir sehen also, dass

auch Charcot sich zu einer verwandten Erklarung dieser psachopatholo-

gischen Vorgilnge hinneigt.

218 pathologie NERVEUSE.

cation entre la « paralysie émotive », dont parle Blocq, entre

les paralysies psychiques « dependent on idea ', » dont parle

M. Charcot 2, qui, chez les sujets doués'des aptitudes morbides

que confère la diathèse hystérique, se produisent en consé-

quence d'un ébranlement traumatique, d'une émotion vive ou

encore d'une préoccupation obsédante , et l'obsession toute

pure dont souffrent des gens d'une autre catégorie de ma-

ladies nerveuses que l'hystérie. Le seul rapport qu'on puisse

établir ici, est qu'il s'agit dans les deux cas de troubles psy-

chopathiques. Toutefois, sans même insister sur les diffé-

rences considérables qui existent entre ces deux modalités, au

point de vue clinique pur, je me contenterai de faire remar-

quer, au seul point de vue psychologique, puisque aussi bien

c'est celui-là qui est indiqué par M. Binswanger,'que les désor-

dres mentaux diffèrent essentiellement dans les deux cas. Si

l'hypocondriaque est attentif jusqu'à l'obsession, l'hystérique,

lui, est surtout un distrait. L'un concentre toutes ses facultés

sur son état morbide, et c'est pourquoi la suggestion est im-

puissante chez lui. - L'autre ne se préoccupe en rien de ses

troubles pathologiques, et c'est pour ce motif qu'il présente (de

l'avis de tous les auteurs) une si grande aptitude suggestive.

L'astasie-abasie se crée inconsciemment, l'obsession s'impose

à la conscience.

Moebius reconnaît du reste qu'il faut différencier entre le

«non pouvoir vouloir rester debout» d'un hystérique, et la peur

de tomber d'un malade atteint d'obsession 3. Ce non pouvoir VOll-

loir, nous y avons insisté en parlant de l'hystérie traumatique= 2

et en répétant avec Page « Les malades disent dans ces con-

ditions Je ne peux pas ». C'est comme s'ils disaient « Je ne

veux pas », mais c'est t Je ne peux pas vouloir ». Quand Blocq

disait d'un sujet hypnotisé « Tu ne peux plus marcher », il

rencontrait une impuissance motrice complète, après l'injonc-

tion « Tu ne sais plus marcher », il y avait seulement une im-

puissance relative, une incoordination, ce qui prouve l'effet de

la perte de volonté. Il existe du reste à un autre point de vue,

à l'appui de la théorie adoptée par Blocq, une sorte de réali-

sation expérimentale de l'abasie. Steiner a vu que si l'on fait

l'ablation de l'un des hémisphères cérébraux du squale, celui-

' Russe) Reynolcio. - Brit. med. jours., nov. 1869.

* Charcot. - Leçons du mardi, 1889, p. 376.

3 Moebius. Séparât ,4bdr., p. 5.

SUR l'astasie-abasie. 219

ci nage « en cercle ». Pour peu qu'on le laisse suivre ce mode

anormal (abasique) de progression, pendant quelque temps,

ses centres inférieurs s'organisent en conséquence, de telle

sorte que, après l'ablation du second hémisphère cérébral, le

même animal continue à nager en cercle.

J'ajoute, que d'après M. Moebius ' (loc. cit.) l'hystérique ob-

serve lui-même qu'il ne peut pas aller et n'en comprend pas

la raison, tandis que l'hypochondriaque ne comprend pas pour-

quoi la marche lui fait peur; d'autre part, on devient agora-

phobique en même temps que neurasthénique, et l'on sait que

féquemment la neurasthésie s'associe à l'hystérie; elles peuvent

donc être présentes chez le même sujet. Il pourrait arriver

alors, que l'astasie-abasie disparaisse tout d'un coup, pour

laisser l'agoraphobie seule, qui est toujours plus lente à s'en

aller. Mais nous ne discuterons pas plus l'étude si remarquable

du professeur Binswanger; car le Dr Moebius en a fait la criti-

que, avec le même talent qu'à employé M. Binswanger lui-

même, pour discuter les théories de Blocq, et nous avons dit

pour quelles raisons nous avons cru devoir adopter cette der-

nière opinion.

VIII. Je terminerai par ces quelques remarques. On sait

qu'il existe une séparation très nette entre les facultés intel-

lectuelles ou apprises, et entre les fonctions, qui ne relèvent

d'aucune éducation; c'est-à-dire que l'individu possède dès sa

naissance des fonctions instinctives, si on veut. Or étant donné

que brusquement, du jour au lendemain, on peut voir un cer-

tain nombre de ces facultés arrêtées ou supprimées, revenir

intégralement ensuite, il ne peut être alors question, dans ces

cas, de lésion organique. Si toutes ces notions acquises ve-

naient à disparaître chez un individu, nous n'aurions pas af-

faire à un malade au propre sens du mot, mais à un être ré-

trograde en quelque sorte, et étant resté à la période de son

enfance. Quand Haeclcel dit 2, que par le langage articulé et

que par la marche à deux pieds, nous avons commencé à nous

distinguer des singes, que l'humanité s'est créée à l'aide de ces

deux facultés, il n'a pas fait attention à l'inconstance de ces

' Thyssen. Thèse de Paris, 1888.

" Uoeckel, loco citato. - Gebardensprache, Zeichenspracbe Tast

sprache, Beruhrungsprache, Lautspraclie, Tonsprache findtman bei vielen

Thieren.

220 PHYSIOLOGIE.

deux fonctions. Un'certain langage, qui se rencontre chez

beaucoup d'animaux (langage par des mines, des signes, des

attouchements, des cris et des sons) reste aussi dans le pou-

voir d'un aphasique, de même que toute une série de mouve-

ments, plutôt animaux, ne quitte pas l'individu atteint d'astasie-

abasie.

On peut conclure donc à ce dernier point de vue par analo-

gie, que la marche à deux pieds n'est pas plus naturelle aux

hommes, que ne le sont l'écriture ou le langage articulé. Pour-

tant Castelnau 2 nous assure, que les « Lagotriches » (espèce

de singes faciles à apprivoiser), attachés avec les mains der-

rière leur dos, marchent sans gêne des heures sur leurs extré-

mités postérieures, n'ayant pas besoin d'appui; ce qui prouve

que ces singes ont pu apprendre à marcher à deux pieds, par

esprit d'imitation, et on ne saurait dire où leur faculté d'imi-

ter et d'apprendre s'arrêterait.

PHYSIOLOGIE

LES FONCTIONS DU CERVEAU3

DOCTRINES DE L'ÉCOLE ITALIENNE,

Par Jules SOURY,

Maître de conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.

LES FONCTIONS DE L'INTELLIGENCE {suite.)

Revenons à l'étude des variations thermiques, et,

en particulier, à celle du refroidissement du muscle,

' Haeckel. Die aufreehte gang. und die gegliederte Sprache sind

diejenigen Entwickelungs-Varg11nge, welche zuniwht die Entstehung

des Allenahnlichen llenschen, aus den menschen 11hniIchsten Affen

veranlassten. Sie waren die Hebel der lliensclmverdung. - Naturliche

Schûpfungsgeschichte, 1868, p. 507.

. Buchner. - Conférences sur la théorie darwinienne, 1869, p. 135.

3 Voy. Arch. de Neurologie, n° 51, p. 337; n° 52, p. 28; n° 51, p. 360;

n° 58, p. 78 et 167 : n° 61, p. 24. ,

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 2Ë1

telle qu'elle existait avant les recherches thermo-élec-

triques des physiologistes italiens sur la température

des centres nerveux durant le travail psychique. Dans

sa réponse à A. Gautier, Ch. Richet a rappelé que

Béclard avait établi que, en outre du phénomène

résultant de toute contraction musculaire, c'est-à-dire

de la production de chaleur, un phénomène inverse

accompagnait le travail positif du muscle : la chaleur

diminuait. Des expériences faites par Béclard sur lui-

même, à l'aide de thermomètres gradués en 50° de

degré centigrade, prenant la température au travers

des téguments, il résultait que la contraction muscu-

laire statique, c'est-à-dire celle du muscle dont la

puissance est maintenue en équilibre par une résis-

tance qui n'est pas surmontée, développe toujours une

quantité de chaleur supérieure à celle de la contrac-

tion musculaire dynamique, c'est-à-dire accompagnée

d'effets mécaniques extérieurs, de travail utile ou

positif. Béclard en tirait dès lors cette conclusion,

que « la contraction musculaire n'est pas une source

de chaleur à la manière dont les physiologistes le

pensent, mais qu'il n'y a que la partie de la force

musculaire non .utilisée comme travail mécanique qui

apparaisse sous forme de chaleur. » Ailleurs, Bé-

clard note expressément que « la quantité de cha-

leur qui disparaît du muscle quand il produit un tra-

vail mécanique extérieur, correspond à l'effet mécani-

que produit. La chaleur musculaire n'est que compté.

mentaire du travail mécanique utile produit par la

1 J. Béclard. De lu chaleur produite pendant le travail de la con-

traction musculaire. C. R. de l'Acad. des sciences, 1860, I, 471. Cf. Ar-

chives générales de médecine, XVII, 1861.

252 PHYSIOLOGIE.

contraction. Quand l'animal est en mouvement, une

partie des actions chimiques qui s'accomplissent dans

les muscles a pour équivalent le travail effectué par ce

mouvement; le reste seul apparait sous forme de cha-

leur. Par conséquent, aune même somme d'action chi-

mique produite dans l'intérieur des muscles, répond

un dégagement de chaleur moindre dans l'état de mou-

vement que dans l'état de repos'. » Et l'éminent phy-

siologiste, voyant clairement, dans une sorte de vision

prophétique, toute la portée de sa découverte, écrivait

ces paroles, qui en résument la haute philosophie, et

auxquelles l'avenir le plus lointain n'aura sans doute

rien à changer : « Il s'agit de la transformation et de

la corrélation des forces, l'une des plus grandes ques-

tions de la science moderne, et ces faits rattachent l'ani-

mal, par un nouvel anneau, à l'ensemble de l'univers.» »

Comparé au phénomène de thermogenèse qui, par

son intensité, le masquait presque, le phénomène

d'absorption de chaleur résultant du travail positif du

muscle se trouvait sans doute de valeur numérique

minime; mais il existait d'une façon appréciable :

Béclard l'avait constaté dès 1860. Si l'on appliquait à

l'activité musculaire le raisonnement que A. Gautier

applique à l'activité psychique, on pourrait dire,

comme le fait remarquer Ch. Richet : le muscle

s'échauffe, donc il ne produit pas de travail. Or on

sait déjà que, dans la « phase dynamique » de la con-

traction musculaire, dans la phase du travail positif,

le muscle se refroidit. Le postulat d'Armand Gautier

est donc déjà en partie vérifié par les faits.

1 J. Béclard. Traité élémentaire de physiologie, T édit., Paris,

1880, I, p. 550-551. Cf. Il,69 sq.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 223

Dans leurs observations thermo-galvanométriques sur

l'activité musculaire, Solger, Mayerstein, Thiry, Mosso,

sont va, au début de la contraction, une légère déviation

dans le sens du refroidissement. Les expériences de

Fick, Marc Dufour et Herzen, ont aussi accusé un léger

refroidissement au début du travail positif du muscle*.

« En 1883, écrivait Herzen, ayant à ma disposition

un homme et un chien, tous deux munis de fistules

gastriques de trois centimètres de diamètre, j'en pro-

fitai pour fixer un thermomètre dans l'estomac, de

façon à pouvoir l'observer à chaque instant. Or, pen-

dant l'ascension rapide d'un très long escalier, repré-

sentant un dénivellement d'environ cinquante mètres,

l'homme m'a plusieurs fois donné, le matin* à jeun,

un abaissement de 2 à 3 dixièmes de degré, une fois de

0°4, au commencement de la montée, mais qui dispa-

raissait déjà et était remplacée par une élévation avant

l'achèvement de la montée. C'est là évidemment l'excès

de chaleur dû aux réactions chimiques. Mais, on le voit,

il est précédé par un déficit, dû sans doute au travail

mécanique considérable. » Chez le chien, l'abaisse-

ment de la température a paru plus marqué encore;

il a une fois atteint huit à neuf dixièmes de degré,

pendant une ascension très rapide. « Je crois donc,

conclut Herzen, que, dans certaines conditions, on

peut observer nn abaissement bien réel au début d'un

travail positif. » Seulement l'exercice provoque bien-

tôt le dégagement d'un excès de chaleur. Ainsi, toute

contraction musculaire manifeste deux phénomènes de

1 Rev. scientif., 20 juin 1885, 796. Cf. Herzen. Le refroidissement du

muscle actif. Réponse à Chauveau sur l'équivalence du travail physio-

logique. Ibid. 1888, p. 188.

224 PHYSIOLOGIE.

sens contraire : 1° un phénomène physique, absorbant

de la chaleur et déterminant un refroidissement du

muscle actif ; 2° un phénomène chimique, produisant

de la chaleur et déterminant un échauffement du

muscle.

Mais une démonstration éclatante de ce phénomène

a été donnée par ,Labordes. Ce physiologiste étudiait

les variations de la température dans le muscle actif;

il avait établi que la fibre musculaire, séparée de ses

connexions nerveuses et circulatoires, possède un pou-

voir propre de calorification, dont la source ne peut

être que dans les processus chimiques du tissu muscu-

laire, lorsqu'il assista, dit-il, à un fait des plus remar-

quables :

Cinq minutes après la section du bulbe (chien), la mort générale

étant réalisée, nous provoquons, à la façon de M. Ch. Richet, le

tétanos électrique, en faisant passer le courant maximum dans

toute la longueur de la moelle : tout le corps de l'animal est vio-

lemment soulevé, ne tenant que par les attaches qui fixent l'extré-

mité des pattes, dont les muscles sont en tétanisation, de même

que tous les muscles du corps. Pendant ce temps, la colonne du

thermomètre intra-musculaire qui, avant l'expérience, marquait

39°13 descend progressivement, et, vers la quarante-cinquième mi-

nute, a baissé de sept vingtièmes de degré. On cesse l'électri-

salion et nous voyons aussitôt la colonne remonter à 39°16, et

dépasser le chiffre initial. Après quelques minutes de repos, répé-'

tion de l'expérience ; provocation d'un violent tétanos généralisé ;

mêmes effets de projection et de soulèvement du corps, et, cette

fois encore, abaissement immédiat et progressif de la température

à 39°11 39°7. L'électricité et ses effets cessent, et la température

remonte à 39°8 - 39° 18.

Or, cet abaissement initial de la température, qui

correspond exactement au mouvement de soulève-

' Laborde. Modifications de la température liées au travail muscu-

laire. L'échauffement primitif du muscle en travail est indépendant de la

circulation. C. Il. de la Soc. de biologie, 14 mai 1887.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 22S

ment du corps de l'animal, par l'effet de la contrac-

tion tétanique des muscles, représente la phase du

travail utile, la phase dynamique, comme s'exprime

Laborde après Béclard; la phase statique , au contraire,

ou d'énergie perdue, a toujours fait réapparaître la

chaleur dans le muscle.

Il restait à démontrer que, pour le cerveau qui tra-,

vaille, il n'en va pas autrement que pour le muscle

actif, en d'autres termes, que le travail cèrébral, psy-

chique, ne détermine pas seulement une élévation de

la température des centres nerveux dans la phase sta-

tique de leur activité, comme l'a établi Schiff, mais

manifeste bien, au début de cette activité, dans la

phase de travail, un refroidissement apprécidble,

ainsi que le postulait Armand Gautier.

Une première démonstration de ce fait fut donnée

par Corso, qui, expérimentant sur des animaux narco-

tisés avec l'éther (chiens, chats), les soumettait à

l'observation aussitôt après l'ouverture du crâne,

avant l'apparition des processus inflammatoires :

Corso n'implantait qu'une aiguille thermo-électrique

(soudure) dans la masse cérébrale, au lieu de deux

.(Schiff), qu'il réunissait au galvanomètre 1. Les criti-

ques que Tanzi a adressées aux expériences de Schiff

atteignent donc aussi celles de Corso : la présence

d'une aiguille thermo-électrique dans la pulpe céré-

brale détermine nécessairement un trouble local plus

ou moins grave de la région explorée, si bien que la

déviation galvanomélrique révèle plutôt les phéno-

mènes pathologiques d'un tissu altéré que l'état des

1 Corso. S'aumento-e la diminuzione del calore ned ceruello péril il

lavorointellettuale. Firenze, 1881.

Archives, t. XXI. la -

226 PHYSIOLOGIE.

fonctions physiologiques de l'organe. Quoiqu'il en soit,

il résultait des expériences de Corso, que les excita-

tions provoquées, quelle que fût leur nature, détermi-

naient bien moins, la plupart du temps, une éléva-

tion de la température cérébrale, qu'un refroidissement

de l'organe. Ainsi, en face des observations d'hyper-

thermie du cerveau actif, si bien étudiées par Schiff,

se dressaient en quelque sorte les observations d'hypo-

thermie notées par Corso à peu près dans les mêmes

conditions.

Tanzi devait concilier ces résultats expérimentaux,

en apparence opposés, mais également vrais. Il mon-

tra qu'en accordant une plus grande attention aux

variations successives de la température durant le

travail cérébral, on constatait l'existence de vérita-

bles oscillations thermiques alternantes de refroidis-

sement et d'échauffement'.

Dans les expériences dé Tanzi, une extrémité de

la pile thermo-électrique plongeait dans la glace fon-

dante, ce qui assurait une source constante de chaleur,

l'autre pôle venait, dans la cavité cranienne, en contact

avec les méninges, par conséquent à la surface du

cerveau, sans pénétrer dans la substance cérébrale

elle-même, ainsi que dans les expériences de Schiff

et de Corso. Comme les variations thermiqnes du

cerveau actif ne dépendaient, pas plus que dans les

expériences de Schiff, de la circulation générale ou

locale du cerveau, il ne restait qu'une hypothèse à

' Tanzi. - Ricerche termo-elettriche sulla coreccia cérébrale in rela-

zione con gli stati enzotivi. Reggio-Emilia, 1889. Dal Laboratorio di fisio-

logia del R. Ist. di studi super... in Firenze. Ces expériences, on le

voit, ont été faites dans le laboratoire de physiologie de Florence et sous

la direction du professeur Luciani, avec l'aide de Dario Baldi.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. z21-

faire : .ces oscillations alternatives de refroidissement

et d'échauffement ont pour siège l'écorce cérébrale "

elle-même et pour condition immédiate le travail fonc-

tionnel qui s'y effectue. Ces variations thermiques sont

les corrélatifs physiques des processus chimiques de

désintégration et d'intégration qui se succèdent rapi-

dement, à la manière d'une suite d'explosions ner-

veuses.

Que le travail positif du cerveau repose, comme

celui du muscle, sur des processus de désagrégation

moléculaire, ce n'est plus un postulat : c'est un fait.

Que la désagrégation, c'est-à-dire l'augmentation des

distances intermoléculaires, ou la décomposition de

molécules plus complexes en molécules plus simples,

s'accompagne d'une perte de chaleur, c'est là une loi

de la thermo-chimie. Nous savons que la chaleur ab-

sorbée dans la décomposition d'un corps-est précisé-

ment égale à la chaleur développée pour sa formation

(Berthelot). « Si nous admettons qu'à ce travail de

dissociation succède immédiatement le retour de l'agré-

gat à l'état d'équilibre primitif, et que cette alterna-

tive puisse se renouveler plusieurs fois de suite dans

le même groupe moléculaire, ou se répète successive-

ment dans un certain nombre de groupes voisins, on

comprendra comment notre galvanomètre, outre un

refroidissement, signale uu réchauffement d'égale

quantité à peu près ». Les refroidissements sont dus à

des processus de désintégration des centres nerveux,

les échauffements à des processus d'intégration. L'hypo-

thermie représente le travail positif du cerveau, la mise

en liberté de l'énergie actuelle; l'hyperthermie, la

reconstitution organique en rapport avec la phase de

228 8 PHYSIOLOGIE.

repos, la réaccumulation compensatrice d'une nou-

velle énergie potentielle. Ces expériences sur la tem-

pérature du cerveau actif sont donc en parfait accord

avec celles des physiologistes sur les oscillations ther-

miques du muscle en travail : le refroidissement du

cerveau, pendant la phase de travail positif, corres-

pond à l'oscillation négative de la température qui

accompagne le début de la contraction musculaire.

C'est ce qu'a très bien écrit Tanzi lui-même dans les

paroles suivantes :

« Les résultats de nos expériences sont en harmonie

avec les théories que la physiologie postule pour expli-

quer le mécanisme des fonctions du système nerveux.

A un point de vue plus général encore, le fait qu'à

la production du travail fonctionnel correspond un re-

froidissement du cerveau, suivi d'une élévation de tem-

pérature enrapport avec le repos, confirme avec éclat

l'idée suivant laquelle il y a équivalence et convertibi-

lité réciproque entre l'énergie psychique et les autres

formes de l'énergie, celle de la chaleur eu parlier '. »

De quelle nature étaient les phénomènes subjectifs

correspondant à ces oscillations thermiques du cer-

veau ? Etaient-ce des sensations ou des émotions ? Les

excitations auxquelles étaient soumis les animaux en

expérience, étaient des menaces, des caresses, etc.

Or, il n'est point douteux pour Tanzi, que les oscil-

lations thermiques observées au galvanomètre résul-

taient, non d'une simple transmission des excitations

sous forme sensitive ou sensorielle, mais de leur dif-

fusion dans l'écorce sons forme d'émotion. Ainsi, les

t Tanzi. - Ricerche lermo elettriche sulla corteccia cérébrale, p. 32

et 38.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 229 9

phénomènes observés étaient de nature émotionnelle,

et les oscillations thermiques du cerveau étaient « le

substratum physique d'une émotion, et non d'une sen-

sation. » Ajoutez que, quel que fût le point du cerveau

directement exploré,- lobes frontaux, pariétaux ou oc-

cipitaux, soit de l'hémisphère droit, soit de l'hémisphère

gauche, partout et toujours, on constatait ces réac-

tions thermiques, ce qui implique que le processus

fonctionnel provoqué par l'excitation se propageait à

toute la substance corticale. Le manteau tout entier

peut donc prendre part au développement d'une émo-

tion intense et d'une certaine durée. Cela ne veut pas

dire qu'une sensation simple ne puisse aussi provo-

quer un changement dans l'équilibre chimique et ther-

mique de l'écorce. En somme, les excitations les plus

variées, pourvu qu'elles soient capables de réveiller

des passions ou des émotions assez intenses, provo-

quent des modifications étendues de la température

de l'écorce, ayant un caractère d'alternance ou d'oscil-

lation positive et négative. Ces oscillations thermiques

peuvent être très considérables, puisque Tanzi a noté,

dans quelques cas, jusqu'à 3° centigrade. Si l'on songe

que, dans ces expériences, cette température étant

celle des méninges, celle du cerveau devrait être plus

élevée encore, on ne peut s'empêcher de trouver ce fait

bien extraordinaire. De nouvelles expériences nous

paraissent nécessaires à cet égard '.

'Dans une critique des travaux de Corso et de Tanzi, présentée par

Dorta. {Etude critique et expérimentale sur la température cérebrale à

la suite d'irritations sensitives et sensorielles, th. de Genève, 1889), mais

évidemment inspirée par le professeur Schiff, dans le laboratoire duquel

ces recherches ont été faites, il est dit expressément que « M. Schiff n'a

jamais observé de telles oscillations .. Voici comment le phénomène des

230 PHYSIOLOGIE.

Ne dépendant ni du rhythme respiratoire, ni du

rhythme artériel , ces oscillations thermiques ne seraient

en rapport qu'avec le rhythme de l'alternance de pro-

cessus de désintégration et de réintégration. Cerhythme

se répéterait plusieurs fois dans chaque point actif de

l'écorce, ou se propagerait rapidement d'un groupe

moléculaire aux groupes contigus. La rapidité avec

laquelle les deux séries de phénomènes endother-

miques et exothermiques se succèdent expliquerait

pourquoi, en dépit de leur intensité considérable, ils

échappent à l'exploration thermométrique. Au point

de vue psychologique, ces expériences démontrent

encore, ce qui était admis depuis longtemps (Meynert),

que « les émotions et les pensées sont constituées par

un grand nombre de processus élémentaires plus sim-

ples, qu'un examen attentif peut révéler à notre con-

science, et que l'expérimentation peut surprendre,

dans leur manifestation diffuse, sur les différents

points de l'écorce, où ils déterminent des abaissements

et des élévations de température'. »

Cette étude capitale de Tanzi avait été précédée

d'un autre travail, de Tanzi et Musso, sur les varia-

tions thermiques de la tête durant les émotions ". Dans

oscillations thermiques observé par Tanzi est interprété dans ce tra-

vail : Tanzi introduit sa soudure dans le crâne jusqu'au contact des

méninges et la fixe aux os du crâne par un bouchon. Il est clair que s'il

a réussi dans sa manipulation, le cerveau, en s'abaissant dans le crâne,

doit s'éloigner de l'aiguille, et, dans l'élévation produite soit par la res-

piration, soit par la circulation, s'en rapprocher », p. 29. Ainsi, d'après

cette interprétation, que nous devions signaler, les mouvements du cer-

veau seraient la cause des oscillations thermiques.

' Tanzi. L. e., b. 37.

' Tanzi et Musso. Le variazioni terrniche del capo durante le

emozioni. Ricerche termo-elellriche supra individui ipnotizzati, - Riv.

di filos. scienlif., 1888.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 231

ces nouvelles recherches thermo-électriques sur l'équi-

valent thermique de l'activité cérébrale, ces auteurs

avaient des précurseurs : Lombard, de Boston (1866),

Schiff (1867), Paul Bert (1879) et Corso (1881). Quant

aux physiologistes qui pour ces recherches s'étaient

servis du thermomètre à mercure, il nous suffira de

citer Broca, Seppilli et Maragliano1, Amidon, Ed. Mara-

guano, Bianchi, avec Montefusco et Bifulco Z. Tous ces

auteurs avaient noté que la température de la tête

augmente avec le travail cérébral (travail intellectuel,

émotions, mouvements volontaires). Malheureusement

l'accord est loin d'exister parmi les physiologistes sur

la signification qu'il convient d'attribuer à cette élé-

vation de température de la tête. Ces variations de la

température épicranienne correspondent-elles en

réalité avec celles du cerveau, et dans quelle me-

sure ? 7

Suivant Schiff, qui n'a plus vu se produire d'élévation

thermique à la suite d'excitations psychiques et senso-

rielles, lorsque les nerfs vasculaires de la peau avaient

été préalablement coupés dans les régions considérées,

ce phénomène aurait une origine locale dans le tissu

cellulaire sous-cutané : il ne s'agirait pas d'une élé-

vation de température du cerveau, mais d'un phéno-

mène vaso-moteur dû à des influences psychiques.

Selon Seppilli', on ne saurait nier qu'il existe quelque

rapport entre la température externe du crâne et la

1 Seppilli et Maragliano. Sludi di termometria cérébrale ltiv.

speriment. di fren., 1879.

' Contributo alla doltrina della temperatura cefalica. La Psi-

chiatria, 1885.

' Seppilli. / nautavaenli fisico-chemici dei nervi e centri neruosi

nelVattivilà del yensiero. Jlilano-Torino, 1886, p. 7.

232 PHYSIOLOGIE. ,

température interne du cerveau : ce phénomène est

dû non seulement à- la conductibilité physique des

parois du crâne pour la chaleur, mais aussi à une

action vaso-motrice, produisant simultanément des

variations de la circulation à la fois dans la tête et

dans le cerveau.

Quoi qu'il en soit, Tanzi et Musso ont institué leurs

recherches thermo-électriques sur deux sujets hypno-

tysés, deux jeunes femmes de constitution physique et

de caractère moral différents : l'une blonde, anémique,

- douce et sensible; l'autre brune, robuste, expansive,

capable d'émotions fortes. Dans l'hypnose, les sujets

sont sous la puissance absolue de l'expérimentateur,

qui évoque à son gré les sentiments, déchaîne ou tem-

père les émotions, colère, frayeur, joie, douleur, pu-

deur, tristesse, etc. De tous les états subjectifs qui

accompagnent le travail cérébral, les émotions, nous

l'avons dit, sont certainement les plus intenses; elles

se distinguent encore par leur durée et par leur ten-

dance envahissante. Si faible quelle soit, une émotion

est toujours un processus de diffusion (Bain). Que l'on

songe au nombre et à la variété des processus centri-

fuges par lesquelles elles se manifestent au dehors :

tonicité vaso-motrice, sécrétions, modifications du

rhythme de la respiration, mimique, etc. C'est que,

comme l'a noté Meynert, dont les auteurs italiens citent

les paroles au début de leur étude, l'intensité de la

réaction émotive dépend, non de la sensation simple

qui la provoque, mais de la nature et du nombre des

.associations qu'elle réveille. L'image rétinienne d'une

personne indifférente ou d'un ennemi détermine des

émotions bien différentes. Les émotions offrent donc le

LES FONCTONS DU CERVEAU. 33

meilleur terrain d'expériences pour l'étude de la trier-

mogénèse cérébrale.

La pile de Tanzi et Musso était formée de deux

couples en communication avec un galvanomètre :

une soudure de la pile plongeait dans la glace fon-

dante, l'autre extrémité était fixée sur la peau du

sujet,, soit sur la région occipitale, pariétale ou fron-

tale, soit sur les joues. Les expériences furent répétées

sur chacun des deux côtés de la tête, et toujours en

des points d'application homologue chez les deux,

sujets. Or un premier résultat, assez inattendu, c'est

que les variations thermiques de la tête observées

durant les émotions ne se sont manifestées que sur la

région frontale (17 expériences). Dans 25 expériences

où une extrémité de la pile était appliquée sur les

régions pariétale, occipitale, etc., de la tête, le galva-

nomètre est demeuré immobile. Trois fois seulement,

sous l'influence d'une émotion intense et de longue

durée, on nota de légères variations de température

à l'occiput. Les diverses émotions donnent lieu aux

mêmes oscillations thermiques ; seule, la peur se dis-

tingue des autres émotions par l'intensité plus grande

de ces oscillations.

Il reste à expliquer pourquoi ces variations thermi-

ques se sont trouvées localisées dans la région frontale

de la tête. Voici l'interprétation de Tanzi et Musso :

« Si l'on réfléchit, disent-ils, à la complexité et à la

tendance envahissante des émotions, même de médiocre

intensité, on doit admettre que des foyers corticaux

variés et disséminés concourent à leur production; plus

nombreux encore et plus disséminés sont ceux qui,

pris dans l'engrenage associatif, maintiennent pour

34 PHYSIOLOGIE.

quelque temps l'émotion. » Dans de pareilles condi-

tions, il n'est pas absurde de croire que des régions

étendues de l'écorce participent au développement des

états émotifs, non pas tant par l'effet de leurs fonctions

spécifiques, que par l'éveil successif ou simultané de

leurs représentations. Or, le travail nerveux de ces

régions de l'écorce s'accompagne certainement d'un

accroissement local d'échanges organiques et de varia-

tions thermiques correspondantes. Eh bien, si dans la

production expérimentale des émotions, ces phéno-

mènes sont surtout sensibles sur la région frontale, la

raison en serait que, faites sous forme verbale, les sug-

gestions exigeaient que les sujets traduisissent d'abord

les pensées en paroles; ces pensées résinaient à leur

tour des souvenirs et des concepts qui, très probable-

ment, se représentaient encore à' l'esprit des sujets

sous forme verbale. Bref, « les processus élémentaires

qui servent de substratum aux émotions seraient des

représentations et des sensations d'un caractère essen-

tiellement idéatif et abstrait ». Rien d'étonnant, par

conséquent, dans cette hypothèse, s'il se développe,

dans les lobes frontaux, un travail plus intense que

dans les autres parties du cerveau, et si les variations

de la température y sont plus accusées. Chez les ani-

maux, il n'existe à cet égard aucune différence entre

les différentes régions du cerveau : c'est que des émo-

tions provoquées par des moyens grossiers (bruit,

contact, piqûre, etc.) ne sont point comparables aux

processus d'association, si complexes et si délicats, et

où les représentations l'emportent sur les sensations,

des sujets hypnotisés.

Un second résultat, déjà très nettement indiqué ici,

LES FONCTONS DU CERVEAU. 235

c'est que les variations de la température de la tête

ont constamment présenté un caractère décidé d'oscil-

lation successive et alternante de refroidissement et

d'échauffement. « Ainsi, concluent Tanzi et Musso,

sous l'empire des émotions, nous avons vu qu'il se

produit des oscillations de température, surtout au

front, sinon uniquement dans cette région de la tête ;

ces oscillations thermiques du crâne, qui ne sont que

des signes atténués des oscillations thermiques corres-

pondantes du cerveau, démontrent que, dans l'activité

cérébrale aussi, agit cette loi du rhythme qui semble

présider à la production de tout phénomène biologique,

et qui a été élevée, par Herbert Spencer, à la dignité

de principe universel de l'énergie. »

Ces résultats, Béclard les avait entrevus et prédits ;

l'oeuvre des Italiens a été de les faire sortir des faits,

et d'en présenter une démonstration expérimentale.

Que l'on réfléchisse à la portée de la découverte de

Corso et de Tanzi, et l'on reconnaîtra sans doute que,

après celle des localisations fonctionnelles du cerveau,

dont l'importance théorique et pratique demeure in-

comparable, il n'en a pas été faite de plus féconde ni

de plus grande dans le domaine entier de la psychologie

physiologique. En dépit des objections que l'on a pu

faire aux expériences de Tanzi, objections que nous

n'avons ni dissimulées ni affaiblies, il reste que le tra-

vail cérébral, comme celui du muscle, est une forme

de l'énergie cosmique, et que la pensée a des équi-

valents chimiques, thermiques, mécaniques.

La psychologie, la science des fonctions psychiques de

la matière vivante, depuis celles du protoplasma indif-

férencié de certains protozoaires jusqu'aux plus hautes

236 PHYSIOLOGIE.

activités du système nerveux de l'homme, n'est donc,

en dernière analyse, comme la physiologie, qu'un cha-

pitre de la physique et de la chimie. Ces larges assises

de la science future de l'esprit survivront sans doute à

bien des constructions plus ambitieuses, bâties sur le

sable mouvant des systèmes, non sur le roc inébran-

lable de l'observation et de l'expérience.

CONCLUSION

1. La doctrine des localisations fonctionnelles dn

cerveau, telle qu'elle résulte de l'ensemble des travaux

italiens, est de nature essentiellement éclectique :

préoccupée avant tout et uniquement des faits dus à

la méthode expérimentale et à l'observation anatomo-

clinique, elle s'est maintenue à égale distance des doc-

trines extrêmes, s'efforçant de concilier la part de

vérité que contiennent les théories contraires. 1

II. - Les différentes aires fonctionnelles de l'écorce

cérébrale, outre un territoire propre, un foyer cen-

tral, possèdent aussi des territoires communs, des

zones d'irradiation, où ces centres « s'engrènent », se

confondent, se pénètrent en partie, et passent insensi-

blement les uns dans les autres. Il suit que les diverses

fonctions du cerveau sont si intimement reliées entre

elles, qu'il est impossible d'en léser une seule sans

que les autres soient plus ou moins troublées.

Ces zones d'irradiations, ces territoires communs,

sont bien mieux étendus chez l'homme que chez les

animaux inférieurs : les centres fonctionnels du cer-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 237

veau humain ont des limites bien mieux définies et

plus fixes.

Toutes les zones d'innervation sensitivo-sensorielles

convergeraient, chez le chien, vers un « territoire

neutre », commun, situé sur le lobe pariétal inférieur :

les lésions de ce « centre des centres », entraînant à la

fois des troubles de la vision, de l'audition, de l'olfac-

tion et de la sensibilité générale, retentiraient sur toute

la vie psychique de l'animal et modifieraient profondé-

ment son caractère (Luciani).

111. L'écorce du cerveau est le siège des fonctions

psychiques les plus élevées (perception, idéation, im-

pulsion volontaire, attention), mais non des sensations

simples et des impulsions motrices organisées : les gan-

glions de la base, les corps opto-striés, appartenant au

système cortical, peuvent suppléer en partie, comme

centres de perception et d'idéation, les fonctions de

l'écorce cérébrale.

IV. Les différents points de chaque sphère fonc-

tionnelle de l'écorce soutiennent, avec les organes des

sens correspondants, des rapports presque équivalents :

la suppléance est donc possible entre les diverses par-

ties d'un même centre, ce qui serait impossible s'il

existait des rapports isolés entre les déments nerveux

périphériques d'un organe des sens et les éléments

nerveux du centre cortical correspondant.

V. Les rapports de chaque centre fonctionnel de

l'écorce cérébrale avec les organes périphériques cor-

respondants sont bilatéraux pour la vue, l'ouïe, l'ol-

faction, unilatéraux pour la sphère sensitivo-motrice.

J38 PHYSIOLOGIE.

Il faut toutefois tenir compte, pour ce dernier centre,

des recherches anatomo-pathologiques sur les dégéné-

rations descendantes des faisceaux pyramidaux consé-

cutives aux lésions en foyer de l'aire sensitivo-motrice.

VI. Les variétés morphologiques des éléments

nerveux de l'écorce cérébrale n'apprennent rien sur

leurs fonctions : c'est dans la nature des prolongements

nerveux et dans celle de leurs connexions anatomiques,

non dans la forme de la cellule, que se trouve à cet

égard le seul critérium.

VII. Dans les différentes zones de l'écorce céré-

brale, les deux types de cellules du mouvement et de

la sensibilité sont réunis et confondus en proportions

diverses, et, par conséquent, les fonctions de la sensi-

bilité et de la motilité, loin d'être distinctes, coïnci-

dent et ont un siège anatomique commun.

VIII. La spécificité fonctionnelle des différentes

aires de l'écorce cérébrale dépend, non d'une diversité

spécifique des éléments nerveux de ces centres, mais

de la nature des sensations de l'organe périphérique

avec lequel ces aires sont reliées par les nerfs.

IX. Il n'existe pas de transmission nerveuse di-

recte, isolée, soit centripète, soit centrifuge, entre

deux cellules ou deux groupes de cellules nerveuses

centrales et périphériques. La communication des fibres

nerveuses entre elles a lieu, dans le système nerveux

central, non par l'anastomose des prolongements di-

rects des cellules nerveuses, mais au moyen d'un vaste

réseau diffus, constitué par les ramifications ultimes

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 239 9

des cylindres-axes des deux espèces de fibres dé la sen-

sibilité et du mouvement. ,

X. Les organes nerveux masculo-tendineux de

Golgi sont les organes périphériques du sens muscu-

laire.

XI. - L'activité cérébrale, comme l'activité mus-

culaire, détermine, au début de cette activité, dans la

phase dynamique ou de travail positif, un refroidis-

sement appréciable de la substance du cerveau comme

de celle du muscle, suivi, dans la phase statique ou de

repos, d'une élévation de la température.

XII. Ces variations successives de la température

du cerveau en travail constituent de véritables oscilla-

tions thermiques de refroidissement et d'échauffement.

Ces oscillations thermiques correspondent au rhythme

du processus de désintégration et de réintégration fonc-

tionnelle des centres nerveux. Le travail cérébral est

une forme de l'énergie. L'intelligence a des équivalents

chimiques, thermiques, mécaniques.

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

« THE CROONIAN LECTURES SUR LES LOCALISATIONS

CÉRÉBRALES '

Par DAVID FERRIER

Médecin du King's Collège Hospital et de l'Hôpital National pour les épileptiques et les

paralysés, Queen-Square

Traduites par ROBERT SOREL, interne des hôpitaux

Leçon IV. LE CENTRE DE l'audition

Monsieur le président,

Messieurs,

Parmi les réactions que produit l'excitation électrique de l'écorce

il en est une ou plutôt il est une série de réactions qu'on peut

presque considérer comme indiquant une sensation auditive sub-

jective, réactions qui m'ont guidé dans mes premiers essais pour

délimiter la sphère auditive par la méthode destructive. La réac-

tion en question est celle que produit l'excitation de la première

circonvolution temporale supérieure et ses homologues chez les

vertébrés inférieurs : c'est-à-dire, la rétraction rapide ou le e-

dressement de l'oreille opposée, associé souvent avec l'ouverture

des yeux, la dilatation de la pupille et la déviation de la tête et

des yeux du côté opposé. Ce sont là justement les phénomènes que

l'on observe lorsqu'on produit soudainement un son aigu contre

l'oreille d'un singe, comme je l'ai vu dans des expériences actuelles.

Cependant la réaction ne reste pas toujours aussi complète, après

la première surprise, l'expérience produit toujours le redressement

et la rétraction de l'oreille, mais généralement les autres phéno-

mènes manquent; le regard étonné, la déviation de la tête et des

yeux du côté d'où est supposé venir le son. Les lésultats sont tou-

jours' plus caractéristiques après l'excitation de la région liomolo-

i Voy. Arei. de Neurolog., n° 60, p. 405; n° 61, p. 68.

LES localisations cérébrales. 241

gue (fg. 14) chez les animaux dont la sécurité dépend habituelle-

ment de l'acuité de l'ouie. La région en question est la division

postérieure de la troisième circonvolution externe ou supra-syl-

vienne. La réaction commune à tous est le redressement de l'o-

reille opposée, mais les autres facteurs varient en intensité. Chez

le lapin oreillard l'excitation de cette région produit une élévation

soudaine de l'oreille, et une rétraction et une ouverture de l'oreille

du côté supposé du son. Parfois l'animal fait un écart et un mou-

vement comme pour sauter hors de la table. Chez le chacal sau-

vage, j'ai observé une ou deux fois que l'application des électrodes

sur cette région fait bondir l'animal, dresser ses deux oreilles

comme s'il était effrayé. Si on peut considérer les mouvements des

yeux à la suite de l'excitation de la région occipito-angulaire

comme un indice d'une sensation visuelle subjective, nous avons,

je pense, dans ces réactions des signes plus caractéristiques d'une

sensation auditive subjective. La détermination, cependant, des

troubles de l'oreille n'est pas si facile que celle des troubles de la

vue chez les animaux inférieurs. Il est difficile de discerner le sim-

ple tressaillement réflexe de l'audition propre. Il n'est pas non plus

facile d'éviter la simple coïncidence, ni d'éviter entièrement d'atti-

rer l'attention de l'animal par d'autres sens, comme la vue, l'odorat,

ou la sensation que quelqu'un s'approche produite par la vibra-

tion, la chaleur, l'agitation, de l'air et ainsi de suite. La manière

d'être actuelle de l'animal doit être comparée à sa manière d'être

passée, et avec la conduite des animaux normaux, lorsqu'on pro-

duit des sons auprès d'eux, toutes choses restant égales d'ailleurs.

Même quand toutes ces précautions sont prises, il est extrême-

ment difficile d'éviter toute cause d'erreur. D'où il peut arriver,

comme c'est le cas actuel, que les différents observateurs peuvent

arriver des conclusions différentes, et on peut prendre pour sourds

des animaux qui ne le sont pas en réalité, simplement parce qu'ils

ne répondent pas à l'épreuve employée, ou vice versa.

Dans une de mes premières expériences dans laquelle les deux

tiers supérieurs de la circonvolution temporale supérieure furent

détruits des deux côtés, on prit les notes suivantes sur l'état du

singe le jour qui suivit l'opération 1 : « La vue et la sensibilité tac-

tile conservées. Plusieurs expériences furent faites pour s'assurer

de la conservation ou non de l'ouie, mais il ne fut pas facile d'i-

maginer une épreuve, l'animal étant toujours en éveil et il ne fut

pas commode de produire unson sans attirer son attention par la

vue. On a essayé la méthode suivante : pendant que l'animal était

assis tranquillement près du feu, je me retirai dans l'autre pièce

et regardant par la fente de la porte entrouverte, j'appelai très

haut, je sifflai, cognai à la porte, fis résonner les carreaux, et sans

Expérience XV. Phil. Trans. ; vol. 265, part. II, 1875.

Archives, t. XXI. 10

242 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

jamais attirer son regard ni obtenir une preuve qu'il ait entendu.

Alors j'approchai l'animal avec précaution et jusqu'au moment où

il me vit, il ne donna aucun signe indiquant qu'il eût conscience

de ma présence. Quand je répétai la même expérience pendant que

le singe et son compagnon étaient tranquillement assis près du

feu, il ne fit aucun geste qui indiqua qu'il ait entendu, son com-

pagnon au contraire fut mis en éveil et vint avec curiosité

s'assurer de la cause du bruit. Dix heures après, en présence du

Dr Burdon Sanderson, je répétai les mêmes épreuves. A toutes ces

épreuves il ne répondit pas, il ne semblait pas avoir conscience de

ma présence quand je parlais à son oreille et seulement se mon-

trait effrayé quand il me voyait. » »

J'ai aussi publié quatre autres expériences' dans lesquelles, avec la'

destruction des autres portions du lobe temporal, la circonvolution

temporale supérieure fut atteinte uni ou bilatéralement. Dans

deux de ces cas (XI et XII) dans lesquels le lobe temporal était dé-

truit seulement d'un côté, on a trouvé une diminution ou une abo-

lition totale de la réaction auditive, quand l'oreille du même côté

était bouchée ; et dans les deux autres casdanslesquels la destruc-

tion fut bilatérale, on ne pouvait observer aucune preuve qu'ils

entendissent pendant la courte période que les animaux ont sur-

vécu, quoiqu'ils puissent autrement être mis en éveil. Dans ces expé-

riences cependant, le temps entre la lésion et la mort des animaux

fut trop court pour établir des données sérieuses sur la persistance

de la perte de l'ouïe qui fut sans aucun doute gravement atteinte

pendant tout le temps. Dans mes recherches ultérieures avec le

professeur Yeo, nous avons établi d'abord dans une longue série

d'expériences sur le lobe temporal 2 qu'on ne pouvait trouver au-

cun signe de trouble de l'ouie, quand tout le lobe temporal était

détruit excepté la circonvolution temporale supérieure. Avec la

plupart deceux qui l'ont vu, nousavons tiré comme conclusion qu'il 1

y avait un rapport évident entre le sens de l'ouïe et la circonvolu-

tion temporale supérieure, de la conduite d'un singe chez lequel

les deux circonvolutions temporales supérieures étaient effective-

ment ou potentiellement détruites par le cautère. Où l'écorce n'é-

tait pas absolument enlevée, la substance grise fut détruite avec les

fibres médullaires par l'action de la chaleur rayonnante.

Ce singe fut montré aux physiologistes réunis au Congrès inter-

national de médecine à Londres en août 1881, et tous admirent

qu'il était sourd autant qu'on pouvait le déterminer en comparant

sa conduite à celle d'un animal normal à l'explosion d'une capsule

dans la salle.

Comme les expéiietices du professeur Scoehfer, auquel je vais

, Expériences XI, XII, XIII, XIV; 0 ? cil., p. 462. ! Philosophical Transactions, Part. II, 1884. ,

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 243

faire allusion, soulevèrent des questions sur l'état de cet animal

avant et après l'opération, j'ai publié en entier mes notes et mes

observations sur lui Les voici brièvement : A tous les rapports

excepté l'ouie il était dans un état normal. Pendant les quatre

premiers jours après l'opération, aucun signe de l'ouïe ne put

être obtenu par des bruits faits dans son voisinage qui attiraient

invariablement l'attention des autres singes normaux. Pendant

que les autres animaux écoutaient avec soin les pas, cet animal ne

prêtait aucune attention jusqu'à ce qu'on arrive devant ses yeux.

On observa aussi, au moins tout d'abord, que les oreilles de cet

animal ne se contractaient pas comme elles le font chez les singes

qui possèdent le sens de l'ouïe ; mais on ne saurait affirmer que

l'absence de réaction des oreilles persiste pendant tout le temps

que l'animal survécut. Presque tous les jours on l'examina pen-

dant les treize mois qu'on le laissa vivre. Cet animal ne prêta

aucune attention aux sons de différentes sortes, tels que de l'ap-

peler par son nom, auquel il avait toujours l'habitude de répondre,

de taper, de siffler, de sonner les sonnettes, de frapper du pied

sur le parquet (bruit auquel les singes normaux prêtent très vive-

ment l'oreille). Parfois cependant, il semblait tressaillir aux sons

bruyants faits dans son voisinage, de sorte qu'on était dans le

doute constamment pour savoir s'il était complètement sourd ou

non. On considéra ces réactions comme de simples coincidences,

car, en général, il ne tressaillait même pas quand on faisait partir

près de lui une capsule. Six semaines après l'opération, pendant

que l'animal jouait devant l'assemblée des physiologistes au Con-

grès médical, il ne fit aucune attention à l'explosion d'une capsule

tandis qu'un autre singe qu'on montrait en même temps, tres-

saillit visiblement, comme le fit au fait toute l'assistance. Depuis

lors les épreuves furent constamment répétées et ont varié de

toutes les manières, mais les résultats étaient constamment les

mêmes et semblaient justifier cette conclusion que l'animal était

essentiellement sourd et que les tressaillements occasionnels aux

sons bruyants étaient ou une simple coïncidence, ou simplement

de la nature des réflexes qui peuvent arriver chez les animaux,

même après l'ablation totale des hémisphères cérébraux.

Schoeff er, dans ses premières expériences avec Horsley, n'est pas

arrivé à des conclusions très fermes, en ce qui concerne le sens de

l'ouïe, quoique dans une de ces expériences 2 dans laquelle ils

avaient enlevé le lobe temporo-sphénoïdal, l'animal ne semblait

pas entendre les bruits légers quand l'oreille du même côté que

la lésion était bouchée. Mais dans ses travaux avec Sanger-Brown,

il réussit il lever tous les doutes qu'il pouvait avoir eus sur la ques-

. bain, avril 1888, p. 13.

* Expérience XXX, Phil. Trans.; 1880.

244 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. -

tion et à se convaincre que l'ouïe n'est pas le moins du monde

affectée après l'ablation complète, non seulement des circonvolu-

tions temporales supérieures, mais de tout le lobe lui-même des

deux côtés. Il décrit ainsi les résultats de leurs expériences ' :

« Chez six singes, nous avons plus ou moins complètement détruit

la circonvolution temporale supérieure des deux côtés. Je dis

plus ou moins complètement, parce que dans un ou deux cas, un

petit lambeau de substance grise appartenant à cette circonvolu-

tion, a été retrouvé à l'autopsie, mais pratiquement la lésion fut

complète dans les six cas, quelques morceaux de substance grise

dans les sillons avoisinants, étant tout ce qui pouvait représenter

la circonvolution ; même ces morceaux étaient séparés de leur

centre médullaire. Mais pour avoir un résultat doublement sur,

chez un singe, une grande femelle de Rhoesus, nous avons séparé

les sillons qui bordent la circonvolution, et nous avons coupé

entièrement la circonvolution du fond de ces sillons, de sorte

qu'aucune trace de la circonvolution ne pouvait rester. Dans

tous les six cas, le résultat fut le même. L'ouïe ne fut pas seule-

ment abolie d'une façon permanente, mais elle ne fut pas atteinte

d'une façon perceptible. Les animaux, même immédiatement

après être sortis du sommeil anesthésique, réagissaient aux plus

légers sons d'un caractère inusité, tels que le claquement des

lèvres ou le bruissement d'un journal chiffonné. On observa quel :

ques singes pendant plusieurs mois, et il n'y eut jamais de doute

dans notre esprit quant à la possession entière de leur faculté

auditive. Et leurs réactions aux sons ne pouvaient être interpré-

tées, en supposant qu'ils répondaient d'une façon réllexe, car ils

donnaient la preuve évidente qu'ils comprenaient la nature de

différents sons, tels que de tourner la poignée d'une porte, ou la

différence entre les pas de différentes personnes, changeant leur

expression suivant les suppositions (de nourriture, etc.) que pou-

vaient faire naître le bruit ».

Deux de ces animaux, dans lesquels la destruction de la circon-

volution temporale supérieure semble avoir été la plus complète,

furent examinés par plusieurs membres de la Société de Neurologie.

Deux de ces membres qui, cependant, n'ont pas publié les épreuves

qu'ils ont employées, étaient d'avis que l'animal entendait; un autre

pensa une fois qu'un des animaux pouvait entendre, une autre fois

qu'il paraissait sourd du côté gauche, et une autre fois encore

qu'il ne paraissait pas réagir aux sons aussi rapidement et aussi

complètement qu'un animal normale

Comme pour montrer la difficulté d'arriver à des conclusions

fermes sur ce sujet, un membre de la Société pensa qu'un singe

4 Brain, vol. 10, p. 373.

Bi,ain, juillet 1889, p. 164.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 245

parfaitement normal était tout à fait sourd et un autre qu'un ani-

mal, auquel on avait enlevé les deux circonvolutions temporales

supérieures était aussi sourd. Scbxlîer pense que moi aussi je n'ai

pas douté de l'existence de la perception auditive chez ses animaux.

Un examen tel que je l'ai fait ne donne lieu, je pense, à une évi-

dence non équivoque sur ce point. Ainsi, une contradiction inex-

plicable entre les résultats de Schaefer et ceux de Yeo et les miens

paraît exister. Si chez ces animaux l'ouie n'était pas atteinte d'une

façon évidente par une double lésion, ce n'était certes pas le cas

chez les nôtres, et il n'y avait pas de doute possible sur la très

grande différence entre l'animal en expérience et l'animal sain, la

seule question qu'on pouvait se poser était de savoir s'il n'avait pas

du tout de réel sens de l'ouïe.

Pour mettre de la clarté dans ce sujet, si possible, j'ai de nouveau

rcétudié la question. Sur un singe, j'ai enlevé d'abord toute la con-

vexité apparente du lobe temporal gauche, comprenant la circonvo-

lution temporale supérieure. L'animal guérit rapidement de son opé-

ration unilatérale, et dans les premiers jours, quoique indubitable-

ment il entendit, il semblait entendre moins distinctement à droite

qu'à gauche. Quinze jours après, on fit la même opération sur le

côté droit, mais quoique l'animal ait vécu cinq jours, il resta tout

le temps apathique. Il ne faisait attention à rien de ce qui se pas-

sait autour de lui et était indifférent aux plus grands bruits faits

dans son voisinage. L'expérience cependant à cause du peu de sur-

vie ne fut pas très satisfaisante. Un autre singe, chez lequel j'ai fait

l'extirpation bilatérale de la circonvolution temporale supérieure,

avec un intervalle d'un mois entre les deux opérations, fut spéciale-

ment préparé pour l'expérimentation sur son sens de l'ouie. C'était

un singe à gueule de chien très remarquablement apprivoisé, et

son caractère et ses différentes manières de réagir sous différentes

circonstances furent l'objet d'une observation attentive avant l'opé-

ration. C'était un singe bruyant et turbulent. Il répondait invaria-

blement quand on l'appelaitpar son nom et venait immédiatement

à vous. Il imitait le claquement des lèvres et les autres sons de

caresse. Il criait toujours vigoureusement et avec force quand quel-

qu'un approchait ou ouvrait la porte du laboratoire où il était t

enfermé. -Le bruissement d'un sac de papier dans lequel se trou-

vaient des noix et des friandises était le signal de vocifération, de

même que le mouvement de la poignée d'un tiroir où étaient enfer-

més des pommes et des fruits. Il était d'un appétit insatiable etcriait

toujours après la nourriture dont il semblait ne jamais avoir assez.

Il était aussi d'une soif insatiable et le clapotement de l'eau, lors-

qu'on ouvrait le robinet, lui faisait pousser un cri pour qu'on laisse

aller et il mettait sa bouche sous le robinet. Aucun bruit,, ni aucun

1 Phil. Transat., 1888 ; vol. 30, p. 325.

'246 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

mouvement des autres singes dans leur cage ne pouvait être fait

dans son voisinage, sans exciter son attention. Il était plein de

malice et à tous les points de vue un animal adapté pour déter-

miner aucune altération qui pourrait se produire dans le sens de

l'ouïe et dans les autres facultés. La circonvolution temporale

supérieure gauche fut enlevée le 8 octobre. (Comme on peut le voir

dans la photographie.) Une petite portion aussi delà circonvolution

temporale moyenne fut détruite (fig. 17).

Le jour suivant, à cause de la production, comme on le prouva

plus tard, d'une hémorrhagie récurrente et d'une tension dans la

blessure, il y eut une ou deux attaques épileptiformes affectant le

côté droit. Elles cessèrent complètement après le pansement de la

blessure et l'animal devint rapidement actif.

Le deuxième jour, il tourna sa tête au bruit de clefs tenues

contre son oreille gauche, mais il ne le fit pas, ou d'une façon fort

douteuse, lorsqu'on les agite à droite. Le jour suivant et progressi-

vement à partir de ce moment, il paraissait quant à l'ouie à tous

égards pareil comme avant l'opération. On note cependant qu'il

était devenu complètement hémiopique vers la droite, état qui per-

siste plus ou moins complètement jusqu'à sa mort cinq mois après.

Après la mort, on trouva que cette hémiopie était due, selon toute

probabilité, à l'hémorrhagie récurrente survenue le lendemain de

l'opération, détruisant les radiations optiques dans la région occipito-

angulaire.

Le 5 novembre, on découvrit et coupa de même la circonvolution

temporale supérieure droite. Celle fois, l'extrémité inférieure de la

circonvolution fut presque entièrement épargnée (fig. 18). Le jour

suivant, l'animal ne répondit pas aux sons produits dans son voisi-

rig. 17.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 247

nage, ni quand on frappait la porte du laboratoire, ni aux bruits

de pas sur les marches, ce qui déterminait auparavant de vives

démonstrations.

Le troisième jour, quoique autrement actif et vif, il ne réagit

nullement aux sons de toute sorte, ne répondit pas aux appels, ne

fit aucun geste quand on ouvrit le robinet, quoiqu'il eut tiès soif,

puisqu'il but avec plaisir quand on lui présenta i'eau; il ne fit

aucun attention aux cris des deux autres animaux placés dans la

cage voisine, et en général ne répondit à aucun des réactifs de

l'ouie qui excitaient auparavant vivement son intérêt.

Le septième jour essentiellement le même état. 11 ne faisait pas

attention quand on l'appelait ou qu'on frappait la porte du labo-

ratoire. Il ne remarqua pas le bruit du tiroir dans lequel on gardait

la nourriture, ni le froissement du sac de papier dans lequel on

mettait les friandises, il ne remarqua pas le clapotement de l'eau.

Et il continua ses occupations tranquillement, mangeant ou cher-

chant sa nourriture sur le parquet de sa cage, pendant que diffé-

rents bruits, tels que de tourner une crécelle, d'aboyer, de siffler,

etc., se produisaient en effrayant les autres animaux dans les cages

voisines. Le dixième jour, même état. Aucune réaction aux appels,

aux frottements des pieds, etc., bruits qui faisaient regarder avec

curiosité les deux autres singes normaux dans la cage voisine.

Ce jour-là on employa une épreuve à laquelle il répondait toujours

auparavant. 11 était tard le soir, j'enlevai la lumière du laboratoire,

montai les marches et fermai la porte. Plusieurs fois, j'ai ouvert la

porte et appelé l'animal par son nom. Un autre singe répondit et

je n'ai obtenu aucune réponse de lui. Autrefois, de pareils actes

étaient le signal de cris perçants. Le jour suivant, les mêmes

Fig. 18.

248 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

épreuves furent répétées avec les mêmes résultats. Il aimait beau-

coup le garçon de laboratoire et allait à lui invariablement quand

il l'appelait. Ce jour-là, pendant qu'il était sur la table et guettait

mes mouvements, le garçon de laboratoire descendit l'escalier et

se tenant derrière lui, l'appela plusieurs fois. L'animal ne fit au-

cune attention et ne tourna pas la tête de son côté.

Le 20 novembre (15 jours après l'opération), on a pris les notes

suivantes : « L'animal est bien et actif, parfois il pousse des gro-

gnements de satisfaction quand il est assis auprès du feu tranquille-

ment. Il crie aussi quand il a besoin de nourriture, mais il ne ré-

pond jamais quand on l'appelle; il ne prête aucune attention aux

bruits familiers, tels que d'ouvrir le tiroir qui contient les pommes

ou le robinet d'eau, ce qui produisait chez lui auparavant une vive

émotion. - Aujourd'hui on plaça dans sa cage une boîte conte-

nant un sifflet qu'on pouvait mettre en mouvement par un long

tube de caoutchouc pour ne pas attirer le regard de l'animal, et à

plusieurs reprises on siffla, mais il resta sans bouger. La même

expérience chez les trois autres singes a produit des signes d'alarme

et de perturbation. »

A peu près à cette époque, on commença à se demander si l'a-

nimal ne semblait pas être averti, par un sens de vibration ou

autrement, de l'approche des pas descendant l'escalier en spirale

conduisant au laboratoire. Il était absolument sûr cependant que

pendant qu'on le veillait et que son attention était ainsi occupée,

il paraissait tout à fait inconscient des sons qu'on faisait pour le

distraire. Le 30 novembre, c'est-à-dire trois semaines après l'opé-

ration, ces observations furent confirmées après une étude attentive

de plusieurs heures par moi-même. Mais quand tout était tranquille,

il semblait être averti, comme le prouvaient ses cris, de l'approche

de quelqu'un marchant au-dessus de sa tête ou ouvrant la porte

conduisant dans le laboratoire. Ceci fut surtout noté le matin quand

lui et les autres singes regardaient attentivement l'escalier, atten-

dant leur déjeuner. Des observations répétées pendant le cours de

la semaine suivante montrèrent l'irrégularité apparente de ses

réactions. Il devint évident que lorsqu'on laissait l'animal tout seul,

il savait qu'on l'appelait, il était averti du bruit de l'ouverture et de

la fermeture de la porte conduisant dans l'endroit où il était;

mais quand quelqu'un était dans le laboratoire et que l'animal fai-

sait attention à lui, il ne montrait nullement qu'il entendait et ne

regardait pas autour de lui comme les autres singes quand on l'ap-

pelait ou qu'on faisait d'autres bruits auprès de lui. Si je restais

dans le laboratoire dans son champ visuel, et que mon garçon vint

au haut de l'escalier et l'appelât, il ne prenait garde à rien de ce

qu'il pouvait faire pour attirer son attention. Quoique parfois il

tressaillait quand on tirait une capsule dans son voisinage, il ne le

faisait pas ni ne regardait autour de lui, si au même moment il

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 249

était occupé à quelque chose, tandis que les autres singes auraient

invariablement tressailli et regardé du côté d'où venait le bruit, et

cet état ne changea pas jusqu'à la mort de l'animal. Seulement,

dans la direction de la porte du laboratoire, vers laquelle il regar-

dait constamment, il semblait pouvoir rapporter les bruits, mais

autrement, surtout quand son attention était fixée ailleurs, il ne

reconnaissait pas l'origine et il ne tournait pas la tête du côté du

bruit. Il n'entendait pas ou négligeait complètement lesbruits, tels

que gratter, toucher, secouer des clés et ainsi de suite, tandis que

les autres singes regardaient avec attention à travers les barreaux

de leurs cages. Le clapotement de l'eau, le frottement du papier,

l'ouverture du tiroir dans lesquel se trouvaient les friandises n'ont

jamais produit ni un mouvement, ni aucun des signes animés de

vif intérêt qui étaient si caractéristique auparavant. Je n'ai pas

observé chez cet animal, au moins pendant la dernière période

d'observation, l'absence de contraction des oreilles que j'avais notée

dans une expérience précédente.

On peut ainsi brièvement définir l'état de cet. animal. D'abord,

il ne répond à aucune des épreuves qui auparavant produisaient

une vive réaction et qui invariablement attiraient l'attention des

singes normaux. A la fin, en exceptant seulement peut-être la

porte du laboratoire d'où il attendait toujours quelque chose, il

ne put jamais trouver la provenance d'un bruit; il était ainsi in-

différent aux sons qui avaient pour lui auparavant une significa-

tion et tout ce qu'on peut dire c'est que lorsqu'il n'était pas occupé.

à quelque chose, il n'était pas insensible aux vibrations sonores.

Et il aurait été difficile de le prouver avec un certain degré de cer-

titude, n'eût été que l'animal pût donner un témoignage oral du

fait. Je ne suis pas encore en mesure de décider si cette forme de

sensibilité auditive doit être attribuée aux portions non détruites

par les lésions décrites, du centre cortical auditif ou aux centres

subcorticaux ou mésencéphaliques. Je n'ai pas encore pu avec

succès continuer des observations sur des animaux chez lesquels

les lobes temporaux avaient été détruits des deux côtés : mais si,

comme les observations de Schefer semblent l'indiquer, la totalité

des lobes temporaux comme les autres lobes cérébraux, peut être

enlevée sans abolir complètement les réactions aux sons, nous

avons quelques raisons de penser avec Longet, Goltz, etc., que

chez les singes, comme chez les animaux inférieurs, une sensation

auditive simple et grossière est toujours possible par l'entremise

des centres inférieurs.

Munk, d'après ses expériences sur les chiens, déclare qu'une lé-

sion destructive au point B (fig. 10), situé vers l'extrémité infé-

rieure de la circonvolution supra-sylvienne et l'extrémité adjacente

de la seconde circonvolution externe produit un état pour l'audi-

tion, semblable à celui qui résulte de la destruction de A (fig. 14)

1150 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

pour la vision; état qu'il définit a surdité psychique». (Seelenlauh-

heit.) Le chien semblait entendre, mais il était incapable d'inter-

préter les sons qu'il entendait. Cet état, cependant, dura quelques

semaines au plus. L'animal a repris les sens des sons et revint à

son état normal. Dans cette région, suivant lui, des images audi-

tives comme les images visuelles dans la région A (fig. 19), sont

emmagasinées. Fréquemment, cependant, avant que les troubles

secondaires créés par la lésion primaire aient diminué, l'animal

parait totalement sourd, il ne se montre aucune réaction aux

bruits d'aucune sorte, même les plus grands. Parfois, quand toute

l'écorce des deux lobes temporaux a été détruite, il a été observé

une persistante surdité corticale (Rindentaubheit), comme il l'ap-

pelle, mais aucun des animaux sur lesquels il a fait cette opéra-

tion n'a vécu au delà de quelques jours; ces observations n'appor-

tent aucune donnée pour la détermination de la durée de la

surdité complète. Cependant il suppose que le centre auditif de

l'écorce embrasse une plus gande étendue que B et comprend,

d'après ses figures, la totalité de la moitié postérieure dé la troi-

sième et aussi lés parties postérieures et inférieures de la première

et de la seconde circonvolutions externes. Quant à la sphère audi-

tive dans le cerveau du singe, il suppose - car il ne parait n'avoir

fait aucune expérience portant sur ce point - qu'elle est située à

l'extrémité inférieure de la circouvolution temporale moyenne

(B, fig. 19), région que j'ai complètement extirpée sans causer le

Fig. 19.

Centres cervicaux du singe d'après blunk. - A. Centre visuel. - C. à J. Centre de

sensibilité tactile (Fiihlsphrcre) de Iunk. centres psychomoteurs des autres auteurs. - z

D. Région du membre antérieur. C. Région du membre postérieur. - E. Région de la

tète. - F. Région de l'oeil. - G, Région de l'oieille. -Il. Région du cou. - J. Région

du tronc. - B est placé sur cette portion de l'écorce qui, d'après les expériences faites

sur les chicns, coirespond à la égion auditive .

' LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 2SI ).

plus léger trouble de l'ouïe. Et il considère que la portion supé-

rieure de la circonvolution temporale supérieure (G, /t< ? .18) est la

sphère sensitive de l'oreille; je n'ai pu en obtenir aucune preuve,

car après l'extirpation uni ou bilatérale de cette région je n'ai pu

trouver aucun trouble de la sensibilité de l'oreille.

Luciani et Tamburmil ont trouvé que la destruction unilatérale

de la partie postérieure et supérieure de la troisième circuuvolu-

tion externe chez les chiens a produit de la surdité dans les deux

oreilles, mais à un plus haut degré dans l'oreille du côté opposé.

La différence dans la sensation auditive des deux côtés a diminué

beaucoup et a disparu tout à fait en peu de jours, quoiqu'on n'ait t

pu affirmer que la guérison complète n'ait jamais eu lieu. Après

que la puissance auditive des deux côtés fut revenue la même,

l'ablation de la région correspondante de l'autre hémisphère a

produit une surdité presque totale, à peu près égale des deux côtés.

Cette surdité bilatérale se passa petit à petit, mais il n'y a pas de

données, suivant eux, pour déterminer si une guérison parfaite a

eu lieu. Quand les lésions destructives sont limitées à la partio

postérieure de la seconde circonvolution externe et ne comprennent

aucune partie de la troisième, il ne survient aucun trouble de

l'ouïe, qui paraît en effet quelquefois plus fine que d'habitude. Ces

auteurs pensent que la semi-décussation des nerfs auditifs existe

comme celles des nerfs optiques et que les deux oreilles sont repré-

sentées dans chaque hémisphère cérébrale. C'est indubitablement

le cas; car l'extirpation unilatérale n'a jamais donné lieu à une

surdité permanente d'une oreille; mais quoique plusieurs fois après

l'extirpation du centre auditif d'un hémisphère j'ai observé la perte

ou un trouble de l'ouïe de l'oreille opposée, je n'ai jamais pu décou-

vlir le plus léger trouble de l'ouïe de l'oreille du même côté. Lu-

ciani dit : « Les effets de l'extirpation dans la région du lobe pa-

riétal confirment ce qui avait été reconnu par Ferrier et après par

Tamburini et moi-même que le coude de la troisième circonvolu-

tion externe fait certainement partie de la sphère auditive chez le

chien, mais ils démontrent aussi que cette sphère s'irradie de son

point central dans le lobe temporal en haut vers la région parié-

tale, en avant vers la région frontale, en arrière vers la région de

l'hippocampe, en dedans vers la corne d'Ammon. » Il comprend

ainsi dans sa sphère auditive une -rai de portion de l'écorce qui

a aussi d'autres fonctions. Cependant, quant à celui-ci et aux

autres centres sentitifs, Luciani paraît combattre pour une forme

de localisation qui n'est pas du tout de la localisation, car chaque

centre parait remplir jusqu'à un certain point les fonctions d'un

1 suri centri psico-sensori Corticali, 1879.

' Sur les localisations sensorielles dans l'écorce du cerveau (bain,

1885, p. 154).

252 ) PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

autre centre, résultats que je considère comme absolument opposés

aux faits des lésions strictement localisées.

On remarquera, pour la position du centre auditif chez le chien,

qu'il n'a pas les mêmes rapports avec la scissure de Sylvius que la

circonvolution temporale supérieure chez le singe, mais qu'il en est

séparé par la branche postérieure de la circonvolution sylvienne.

Meynert a supposé que la division postérieure de la circonvolution

sylvienne est l'homologue de la circonvolution temporo-sphénoi-

dale supérieure Cependant j'ose dire que la ressemblance entre la

division postérieure de la circonvolution sylvienne et la circonvo-

lution temporale supérieure est seulement superficielle, due au

défaut de profondeur de la scissure de Sylvius. Sir William Turner

a conclu d'après ses recherches que la circonvolution sylvienne

chez le chien est en réalité l'homologue de la circonvolution de Reil

visible à la surface à cause du défaut de profondeur de la scissure

de Sylvius2. Dans ce cas, la division postérieure de la circonvolu-

tion supra-sylvienne correspondrait exactement avec la circonvo-

lution temporale supérieure.

La surdité par maladie cérébrale chez l'homme est rare, vu l'ex-

trême rareté de lésions bilatérales affectant simultanément les

deux circonvolutions temporales supérieures. Il y a cependant deux

' De Windungen der convexen Obel'flache des Vonder-Hirns, (Arch.

für Psychiatrie, vol. VII, 1877).

' Report on the Seals, Challenger Expédition, Part. LXVIII, p. 124.

Fig. 20.

. LES LOCALISATIONS CEREBRALES. : il515

cas importante dans lesquels cette double lésion s'est rencontrée.

Shaw ' a rapporté le cas d'une femme âgée de trente-quatre ans,

qui deux mois avant son admission dans l'asile, avait perdu la

force dans le bras droit, et bientôt après, avait eu une attaque

apoplectique, avec perte du langage et surdité. La perte du

mouvement de la main droite se passa vite. Elle devint excitée,

incohérente, sujette aux hallucinations. A l'admission, après les

expériences répétées, on la trouva sourde et aveugle. La sensibilité

tactile et l'odorat étaient intacts. Elle eut quelques attaques et en

dernier, mourut de pneumonie une année après son entrée.

L'autopsie montra une atrophie complète des plis courbes et des

premières circonvolutions temporo-sphénoidales des deux hémis-

phères. (Voir fig. 20 et 21). La substance grise des régions atro-

phiées avait entièrement disparu, laisant la couche externe

adhérer à la pie-mère avec une cavité au-dessous aux dépens de

la substance grise. Les autres nerfs crâniens étaient normaux en

apparence, mais les nerfs optiques avaient une augmentation du

tissu conjonctif, une atrophie des fibres nerveuses et avec des

espaces remplis de matière comme colloïde. La cécité était-elle due

à la lésion des plis courbes seulement ou à la dégénérescence des

nerfs optiques ? Mais l'attaque soudaine de surdité dans ce cas

coïncidant avec des symptômes de lésion cérébrale, et l'état du

1 Archives of médecine, février 1882.

Fig. 21.

254 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

cerveau à l'autopsie, font penser que les destructions des premières

circonvolutions temporoles sont la cause. Un cas semblable a été

publié par Wernicke et Friedloender1 « Une femme âgée de qua-

rante-trois ans, qui avait souflertde surdité et de trouble de la vi-

sion, eut une attaque le 22 juin 1880 avec hémiplégie droite et apha-

sie. Elle restaà l'hôpital jusqu'au 4 août l'époque à laquelle elle fut

congédiée. A cette époque la malade pouvait parler, mais elle

parlait d'une façon inintelligible et on la croyait quelques fois ivre.

Non seulement elle ne pouvait pas se faire comprendre mais elle

ne pouvait pas comprendre ce qu'on lui disait. Elle fut reçue de

nouveau dans un hôpital le 10 septembre avec une légère parésie

du bras gauche. L'hémiplégie droite avait entièrement disparu.

On regardait la malade comme aliénée. Elle était absolument

sourde, de sorte qu'on ne pouvait pas communiquer avec elle. Elle

mourut d'une hématémèse le 21 octobre. On trouva une lésion

extensive dans chaque lobe temporal, envahissant la circonvolu-

tion temporale des deux côtés. (Voir fit. 22 et 23.) Le reste du cer-

veau ne présenta rien d'anormal, et il n'y avait aucune cause pour

augmenter la pression cranienne, ni d'affection secondaire des nerfs

crâniens.

On a prouvé que la malade entendait très bien auparavant. Sa

surdité survint subitement avec les autres symptômes de maladie

' Portschritte der Médecin, vol. I, n" 6, 15 mars, 1883 (Brain, avril

1888, p. 19). 1

Fig. 22.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 255

cérébrale. Pour exclure toute possibilité de lésions locales de

l'oreille, le malade fut soumis à l'examen du professeur Lucae. Le

résultat de cet examen fut négatif. On trouva seulement un léger

catarrlie sec et rien localement pour expliquer la surdité. Ces

auteurs concluent : « que les nerfs auditifs; se terminent dans le

lobe temporal et que la lésion bilatérale de ces lobes produit une

surdité complète. On peut donc dire avec une entière certitude que

es lobes temporaux sont les centres cérébraux de l'audition. »

Quoique les lésions n'étaient pas limitées à la première circonvo-

lution temporale, cependant leur substance grise et leurs fibres

médullaires étaient atteintes. L'observation confirme donc, si elle

ne suffit à elle seule à le démontrer, le siège que j'ai désigné au

centre auditif dans ces lobes.

Les affections de l'ouie d'origine cérébrale avec lesquelles nous

sommes plus familiarisés sont les formes variées de ce qu'on appelle

« surdité verbale t, état dans lequel l'idéation auditive est atteinte

plus particulièrement en ce qui concerne l'association de sous

articulés avec les actes d'articulation et les choses signifiées. Celui

qui est atteint de surdité verbale n'est pas privé de toute sensation

auditive, car il peut entendre le tic tac d'une montre, recon-

naître et fredonner un air, mais les sous articulés, à l'exceplion

peut être de son nom ou d'une combinaison très simple de mots,

n'ont pour lui aucune signification et il ne peut les répéter. On a

trouvé associée la surdité verbale avec une lésion de la première

circonvolution temporale supérieure dans l'hémisphère gauche.

Fio. 23.

3S6 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

Seppili a trouvé que sur 17 cas avec autopsies, dans tous la circon-

volution temporo-spliénoïdale supérieure était atteinte et que dans

12 cas, la seconde et la troisième étaient aussi atteintes.

Sur 25 cas de surdité verbale rassemblée par le Dr Ewens sur

lesquels j'ai des notes, dix ne présentaient qu'une lésion du lobe

temporale. Dans 7 de ces cas, la première temporale était parti-

culièrement prise, et dans les trois autres les limites exactes de la

lésion ne furent pas établies. Dans huit cas, la lésion comprenait

aussi bien le pli courbe que la circonvolution temporale supérieure;

dans six cas les lésions avaient envahi la circonvolution temporale

supérieure et les parties avoisinantes des lobes occipitaux et parié-

taux et un cas est rapporté comme dû à une lésion du pli courbe

seulement. Dans ce cas, il parait y avoir eu à la fois de la cécité et de

la surdité verbale. Dans tous les cas, sauf un, il y avait une lésion

évidente de la circonvolution temporale supérieure.

Les cas de décharges auditives, ou de sensations auditives subjec-

tives avec lésions irritatives de la première circonvolution tem-

porale apportent encore une preuve pour la localisation du centre

auditif dans cette circonvolution. Gowers a rapporté deux cas de

cette nature2. Dans l'un une tumeur, dont la plus ancienne partie

était au-dessous de la circonvolution temporale supérieure, déter-

minait des convulsions qui débutaient par une aura auditive rap-

portée à l'oreille opposée. Dans l'autre, une tumeur atteignant la

première circonvolution temporale produisait des convulsions

unilatérales qui débutaient par un grand bruit comme celui que

ferait une machine. Et Hughes Bennett' a rapporté plusieurs cas

de décharges de sensations auditives suivies d'une perte tempo-

raires de l'ouïe dans l'oreille opposée ou dans les deux. Ainsi une

femme sujette à des attaques épileptiques précédées par un grand

bruit comme la sonnerie d'une cloche dans l'oreille gauche, devenait

temporairement sourde de chaque oreille après. chaque attaque.

Les deux oreilles étaient défectueuses, mais incontestablement la

gauche davantage. On a trouvé la circonvolution supérieure atro-

phiée dans des cas de surdité de longue date ou de sourds-muets

congénitaux. Milles4 rapporte le cas d'un homme sourd depuis

trente ans ; le cerveau, autrement normal, présentait une atrophie

extensive des deux circonvolutions temporales supérieures. Broad-

bent 5 décrit le cerveau d'une femme sourde-muette chez laquelle,

en plus de quelque lésion du lobule supramarginal, il y avait une

atrophie de deux circonvolutions temporales plus marquée à gauche.

Il

4 Revisla speriment di Freniat, vol. X, 1884.

Diseases of Neroous sstenr, vol. II, p. 21.

s Sensory cortical discharges, (Lancet 1889).

' Un/v81'Syty médical magazine, nov. 1889.

" Journal of Anatomy, 1870.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. lSi -1

Les faits tirés de la pathologie humaine viennent encore à l'appui

de la localisation de l'ouïe dans le lobe temporal et plus spéciale-

ment dans la circonvolution supérieure de ce lobe.

Les expériences de Baginsky', comme les recherches microsco-

piques de Flechsig et Leehterew2, montrent que le nerf auditif est

en rapport avec le centre auditif de l'écorce par la bandelette infé-

rieure du côté opposé, et de là par le tubercule postérieur des

tubercules quadrijumeaux et le corps géniculé interne avec les

fibres médullaires de l'écorce. Les expériences de L. Baginsky con-

sistent à détruire le labyrinthe chez les lapins et à suivre le trajet

de la dégénérescence. Il a trouvé une disparition marquée des

fibres de la bandelette du côté opposé et un certain degré d'atro-

phie dans le tubercule postérieur des tubercules quadrijumeaux et

dans le corps géniculé interne. Von Monakow dit aussi qu'après

l'extirpation du lobe temporal chez les lapins nouveau-nés, on

trouve une atrophie dans les fibres médullaires correspondantes de

la capsule interne et dans le corps géniculé interne du même côté;

il confirme ainsi les idées de Baginsky et Fleschsig. -

Nous avons donc sujet de croire que les fibres centrales des nerfs

auditifs ne passent pas toutes, comme le veut Meynert, à travers le

cervelet dans leur trajet vers les hémisphères cérébraux, hypothèse

qui, d'ailleurs, ne concorde pas avec les résultats de la destruction

du cervelet lui-même. Quelques-unes des fibres du huitième nerf

passent indubitablement dans le cervelet, mais il semble que ce

sont les fibres vestibulaires des canaux semi-circulaire et non les

fibres cochléeimes ou vrai nerf de l'audition.

CENTRES DE LA SENSIBILITE TACTILE

Je vais maintenant considérer la localisation des centres de la

sensibilité ordinaire et tactile.

Il y a encore beaucoup d'incertitudes sur le trajet et les centres

des formes variées de sensibilité. On admet universellement depuis

les expériences classiques de Brown-Séquard que, à l'exception peut» z

être du sens musculaire, le trajet de toutes les autres formes de

sensibilité, se porte en haut du côté opposé de la moelle. Mais ni

des recherches expérimentales, ni pathologiques, ni microscopiques

n'ont déterminé d'une façon certaine, dans quelles parties particu-

lières du côté opposé de la moelle, les tractus sensitifs montent vers

le cerveau. Les expériences de Ludwig et Woroschilotf3 paraissent

1 Sitzungsb. Acad. d. 1 Visse iiscibafie)z zu Berlin, 1886, 12.

. Neurolog. Centmlblatt, déc. 1886 ?

* De;' Vertauf notorischen und sensibles Bltanen durcie das Lenden

mark des Kaiiincliens, 1874.

Archives, t. XXI. 17

25H PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

démontrer que les impressions oeuslllveo peuvent se transmettre en

haut, sans trouble apparent des rapports normaux, quand la tota-

lité de la colonne antérieure et postérieure, aussi bien que la subs-

tance grise a été séparée, quand toutefois les colonnes latérales de

la moelle restent intactes. Ils ont trouvé que lorsque la colonne

latérale restait, les mouvements des bras et de la partie antérieure

du corps pouvaient être excités de suite par l'irritation de la jambe

opposée en arrière de la section, mais seulement avec difficulté par

l'irritation de la jambe du même côté. Pour que les impressions de

la jambe opposée puissent produire facilement des mouvements

dans la partie antérieure du corps, ils ont trouvé qu'il fallait que

cette portion de la colonne latérale restât intacte, qui est située

dans cette zone limitée par la prolongation en dehors des commis-

sures antérieure et postérieure, c'est-à-dire le tiers moyen. Ludwig

et Worosciiiioff n'ont pas pu différencier les tractus sensitifs des

tractus moteurs de la colonne latérale, et concluent que les deux

sont plus ou moins mélangés; mais les faits de la pathologie hu-

maine et expérimentale indiquent qu'ils sont au moins sur une

grande étendue, distinctement séparés les uns des autres, et on

peut douter que leurs expériences indiquent les trajets d'une sen-

sation véritable comme distincte de ces réactions simplement

d'ordre réflexe plus ou moins générales. Il ne semble pas que les

trajets d'une sensation propre dégénèrent en haut à une grande

distance après la séparation complète de la moelle à n'importe

quelle partie. Des trajets qui subissent la dégénérescence ascen-

dante, les principaux sont les colonnes postérieures ou colonnes de

Goll qui subissent la dégénérescence ascendante dans une certaine

mesure au moins, aussi loin que les noyaux graciles ou noyaux

post-pyramidaux de la moelle allongée. Les colonnes externes pos-

térieures ou colonnes de Burdach subissent la dégénérescence ascen-

dante au plus sur la hauteur de quelques racines. En plus, la dégé-

nérescence ascendante se présente dans les tractus cérébelleux

directs qu'on peut suivre d'une façon continue jusqu'aux corps rec-

tiformes, et de là dans le processus vermiforme supérieur du cer-

velvet. En avant du cordon cérébelleux direct, mais plus ou moins

distinct de lui, il y a un autre cordon dans lequel on remarque

souventla dégénérescence ascendante, comme l'a le premier montré

Gowers, cordon qui, comme Bechterew' l'a vu, diffère dans sa

période de développement des autres cordons delà moelle. Celui-ci

constitue le cordon antéro-latéral. Aucun de ces cordons n'a cepen-

dant été démontré d'une façon décisive, être le trajet d'aucune

forme de sensation propre (employant cette expression pour dis-

tinguer le trajet des sensations conscientes de celui des impressions,

plutôt afférentes et centripètes).

' Neurol. Centmlblatt, 1885.

LES LÙCALIsATloNS CÉRÉBRALES. 289

Comme le cordon cérébelleux airect finit sans aucun doute dans

le cervelet et, comme les observations de Tootli semblent le mon-

trer, provient'surtout des racines postérieures de régions dorsales

supérieure et cervicale et non de celles des extrémités inférieures,

nous pouvons l'éliminer des chemins parcourus par les sensations

propres. Le cordon autéro-latéral où Gowers placerait volontiers le

passage des impressions douloureuses, parait, d'après les recherches

de Tooth, consister principalement en fibres fines et provenir des

cellules de la colonne de Clarke. Il monte jusqu'au noyau latéral

qui est en haut la continuation de la corne latérale de la moelle

cervicale, aussi appelée corne viscérale. Le trajet plus élevé de ce

cordon est incertain quoique la majorité des fibres atteignent, d'a-

près Tooth, en derniei lieu le cervelet. Gowers rapporte un cas do

lésion unilatérale de la moelle qui semblerait être à l'appui de

cette hypothèse et Bechterew dit qu'à la suite d'une section trans-

versale de la moitié antérieure de la moelle, on observe de l'anal-

gésie. Dans aucune de ces observations cependant, comme le

remarque Tootb, nous pouvons éliminer une affection de la subs-

tance grise elle-même.

J'ai autrefois fait cette expérience sur un singe chez lequel j'ai

divisé la moitié convexe ou externe de la colonne latérale vers le

milieu de la région dorsale (fig. 24). Malgré une légère paralysie

dans le même côté, il n'y avait aucun trouble de la sensibilité

tactile ou douloureuse dans la jambe opposée le jour après l'opé-

ration. Le plus léger contactsur un membre attirait immédiatement

l'attention de l'animal. Un autre singe, chez lequel j'avais sectionné

la plus grande portion d'une moitié de la moelle (excepté le cordon

postérieur), une partie du cordon antérieur, et celte portion du

cordon latéral situé dans l'angle formé par les deux cornes anté-

rieure et postérieure (fig. 25), il y avait une paralysie motrice *

presque complète dans la jambe du même côté, mais la sensibilité

n'était pas abolie du côté opposé. On ne pouvait déterminer avec

certitude si quelques sensations n'étaient pas atteintes, mais

sûrement la sensibilité à la douleur a été conservée. Les expé-

riences sont donc opposées à l'hypothèse que le cordon antéro-

latéral est la voie de la sensibilité tactile et douloureuse.

Dans une autre expérience que j'ai faite sur un singe, dont les

détails ont été publiés ailleurs3, j'ai coupé tout le côté gauche de

la moelle, à l'exception du cordon médian antérieur et postérieur.

Quoique la plus grande portion du cordon médian postérieur

gauche et tout le cordon médian postérieur droit, de même que

la substance grise à droite, et celle qui entoure le canal central du

Secondary degeneration of the spinal cored, 1889.

, Clinicat : iociety's, s, Transactions, vol. XI, 1877.

3 Hemiseclion of Vie spinal cord., Brain, vol. VII, p. 1.

260 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

côté gauche fussent intactes, il y avait une anesthésie complète et

une analgésie du côté opposé du corps. Cette expérience donc

infirme celle hypothèse que les cordons postérieurs sont la voie de

conductibilité de la sensibilité tactile. Elle est aussi contraire à

l'hypothèse que la colonne postérieure médiane est la voie du

sens musculaire du même côté. Car la conduite de cetanimal indi-

quait, aussi loin qu'on peut juger de l'observation d'animaux infé-

rieurs, qu'il avait entièrement perdu le sens musculaire du mem-

bre opposé; car s'il était capable de mouvoir sa jambe droite

intentionnellement dans toutes les directions et pour tous les

usages sans aucune apparence d'incertitude ou d'ataxie, et pouvait

serrer fortement avec son pied, il ne le faisait seulement que

quand la vision était libre. Quand les yeux étaient fermés, l'animal

était tout à fait incapable de tirer sa jambe d'aucune position dans

un but déterminé.

Dans une autre expérience, j'ai essayé de diviser avec soin les

cordons postérieurs dans le milieu de la région dorsale; j'ai fait

la section en plongeant un kératome triangulaire dans la scissure

postérieure médiane à une telle prolondeur, que j'avais calculée,

par des expériences répétées sur des moelles, que les cordons mé

dians postérieurs soient divisés jusqu'à la commissure postérieure.

Quoiqu'il me sembla que tous les cordons postérieurs étaient divi-

sés, je n'ai pu après la mort vérifier une plus grande destruction

que celle des parties avoisinant immédiatement la scissure mé-

diane (fig. 26). Quoique l'animal fût pour quelques heures comme

faible et maladroit dans ses extrémités postérieures le jour suivant,

on n'a pu découvrir le plus léger trouble de la sensibilité tactile

ni du sens musculaire. Il courait sans le moindre signe d'ataxie,

il grimpait avec son aisance habituelle sur les barreaux de sa cage,

il plaçait ses pieds avec précision sans l'aide de la vision et s'aper-

cevait aussitôt quand il touchait terre. Le plus léger contact sur ses

pieds ou n'importe quelle portion de la partie inférieure de son

corps attirait aussitôt son attention.

Bechterew a aussi trouvé que la section des cordons postérieurs

4 Neurolog. Cealral6lalt, février I, 1890. -

1,'îg. 24, 25, 26.

LES LOCALISATIONS 'CÉRÉBRALES. 261

dans la région cervicale chez les chiens ne produit aucune perle

de la sensibilité musculaire et tactile, quoique certains désordres

de l'équilibre suivent l'opération. Ceux-ci cependant tendent à dis-

paraître avec le temps. Les expériences de Bechterew sont donc

opposées à la théorie qui fait suivre les cordons postérieurs à toutes

de la sensibilité propre.

Brown-Séquard a aussi montré, et c'est généralement accepté

par tous les physiologistes et les pathologistes, que la voie du sens

musculaire ne se croise pas avec les autres tractus sensitifs, mais

monte dans ja moelle du même côté; de sorte que dans une demi-

section ou une maladie unilatérale de la moelle, le sens musculaire

est atteint ou aboli du même côté que la lésion et intact dans le

membre opposé anesthésique. Les faits d'hémisection de la moelle

chez le singe sont à mon avis opposés à cette hypothèse, mais je

suis prêt à admettre que les expériences sur les animaux inférieurs,

chez lesquels nous ne pouvons que supposer les états de conscience,

ne sont pas aussi satisfaisantes à ce point de vue que les observa-

tions prises chez l'homme. Cependant, en étudiant les cas qui ont

été présentés à l'appui de la théorie de Brown-Séquard, j'ai trouvé

que l'évidence de la conservation du sens musculaire dans le

membre d'autre part anesthésique, et son atteinte ou sa perte dans

le membre du côté de la lésion n'était pas toujours satisfaisante.

Des quarante-trois cas1 de lésion apparemment unilatérale de la

moelle, desquels il n'y a cependant que deux autopsies, dans vingt-

quatre seulement il est fait mention de l'état du sens musculaire

dans les mémoires originaux. Dans six, la seule preuve donnée de

la conservation du sens musculaire, était la possibilité de percevoir

une forte pression et de diriger les mouvements avec précision :

faculté qu'on a trouvée possible avec l'absence complète d'aucune

sensation de mouvement. Dans quatre, on ne dit pas la méthode

employée. Dans un cas, on dit que le sens musculaire paraît être

normal des deux côtés, sans autres détails. Dans un autre, on dit

seulement que le membre paralysé nejugeait pas aussi exactement

que l'autre la différence des poids. Dans trois cas, le. sens muscu-

laire était intact dans le membre d'autre part anesthésique, mais

dans ces trois cas il y avait conservation de la sensibilité tactile.

Dans un cas3, le sens musculaire paraissait perdu dans la jambe

paralysée, mais dans ce cas il y avait une anesthésie du bras du

même côté et probablement aussi par suite de la jambe. Dans un,

il semblerait qu'on n'ait fait aucune recherche du sens musculaire,

, La plupart de ces cas ont été rapportés par Brown-Séquard dans les

Archives de Physiologie, vol. I et II.

' Perroud. - Journ. de méd. de Lyon, vol. II, 1868 ; Gilbert, Archives

Neurolog., t. III, p. 275 ; Bayne, Lancet, vol. II, 1865, p. 117.

' Brown-Séquard, Lancet, vol. II, 1868, p. 689, cas 2.

'262 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

pendant que le membre était paralysé; après on dit qu'il y avait

un certain degré d'incoordination et perte de la notion de position.

Dans un autre 1, la seule note qu'on lisait était que le malade avait

conservé la faculté d'estimer les poids et la consistance des corps

sur le membre anesthésie. L'état de l'autre membre n'était pas

mentionné et aucun détail-exact n'est donné sur les autres formes

de la sensibilité. Des autres cas, dans un le sens musculaire était

perdu dans le côté anesthésié on ne parle pas de l'étatde l'autre

membre. Dans un autre 3, les conditions varient avec les progrès de

la maladie, mais le sens musculaire fut toujours intact sur le

membre anesthésié aussi longtemps que la sensibilité tactile et la

faculté de localisation furent conservées. Dans le troisième 4, le sens

paralysé et son état sur le membre anesthésie n'est pas mentionné.

C'était le seul cas avec autopsie.-Dans un autre, le cas de Koebner5,

on a trouvé, en examinant le membre paralysé, que le malade avait

une parfaite connaissance des mouvements qui lui étaient commu-

niqués passivement, et Jaccoud G a publié un autre cas semblable.

Donc, quoiqu'il semble y avoir quelques faits à l'appui de la théorie

de Brown-Séquard, d'autres lui sont complètement opposés. De

sorle que l'on ne peut pas dire que l'observation clinique donne un

appui absolu à la théorie qui veut que le sens musculaire reste

intact quand les autres formes de la sensibilité sont perdues. Tel

est l'état de la question; les détails du cas suivant que j'ai observé

récemment ont quelque importance.

W. S..., âgé de vingt-cinq ans, est admis comme malade externe

à l'hôpital national, et for the paralysed and the epileptic », le

21 mars 1890. Santé antérieure bonne jusqu'à il y a trois ans,

époque à laquelle il contracta la syphilis. A Noël 1883, il observa

qu'il avait une certaine difficulté à vider sa vessie. Peu après, il eut

une paralysie temporaire des sphincters, et de la vessie et du rectum.

En avril 1889, il se plaignit d'une faiblesse de la jambe gauche qui

se dissipa après quelques mois; à cette époque, la jambe droite fut

prise et est restée atteinte, devenant jusqu'à maintenant de plus

en plus raide. A l'examen, il y avait de la douleur à la percussion,

entre la dixième et la douzième vertèbre dorsale, et à un moindre

degré un peu au-dessus de ce point. Le malade se plaignait de

constriction autour du ventre, juste au-dessus de l'ombilic. Il n'y

avait ni réflexe abdominal, ni crémastérien du côté gauche, mais

à droite ils existaient même bien marqués. Etat des membres : la

' Dundas, Edin. Med.journ., 1885, p. 301.

' Sir Charles Bell's. - Case, Ne/'vous system, p. 245.

chariot et Gombault. Archiv.\de Pmjsiol. vol. V, p. 141.

. Mackenzie's. Case. (Lancet, 1883, vol. I, p. 995.)

0 Archiv. f. Klin. med., 1877, p. 208.

' Leçons de Clin, méd ? 1867, p. 45.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 263

jambe droite est parétique et raide. Le réflexe patellaire est très,

exagéré et il y a une contracture marquée du pied. Dans cette

jambe, toutes les genres de sensibilité sont normales. Quand ses

yeux sont fermés, il peut indiquer avec une précision parfaite tous

les mouvements qu'on communique à son membre. Il y a de la

faiblesse de la jambe gauche et le réflexe patellaire est augmenté.

Il n'y a pas une analgésie complète, mais il y a une anesthésie

tactile complète depuis le pied jusqu'au genou et affaiblissement

de cette sensibilité du genou jusqu'au niveau de l'ombilic. La sen-

sibilité à la chaleur et au froid est très atteinte. Les jeux fermés,

il est absolument incapable de dire où est son membre ou une

partie de ce membre, mais il peut diriger ses mouvements avec

assez de précision. Dans un autre cas, le malade devient subitement

paralysé de la jambe gauche et anesthésique à droite. Il a décou-

vert ce fait par l'insensibilité de sa jambe gauche à l'eau chaude,

que son autre jambe ne pouvait supporter. - A l'époque de mon

examen, un mois après l'attaque, il avait guéri de sa paralysie de

la jambe gauche, mais à droite il était toujours insensible à la cha-

leur et à la douleur. La sensibilité tactile était également bonne

des deux côtés, ainsi que le sens musculaire. A mon avis, l'évidence,

d'après tous les nombreux faits mentionnés, est en faveur de cette

idée que tout le trajet de la sensibilité remonte du côté opposé de

la moelle et qu'il n'est pas contenu ni dans la colonne postérieure

médiane, ni dans le cordon cérébelleux direct, ni dans le cordon

antéro-latéral, et comme le cordon pyramidal peut être entière-

ment sclérosé sans trouble de la sensibilité, nous sommes amenés

en procédant par exclusion à admettre que le trajet de la sensibi-

lité est en relation immédiate avec la substance grise. Si le trajet

sensitif entre en relation continuelle avec la substance grise, cela

rendrait compte de la non dégénéfescence ascendante comme les

autres cordons afférents de la moelle.

(La fin au prochain numéro.)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. Paralysie DISSOCIÉE du NERF SCI1TIQUE poplité extfrne. (Paralisi

dissociata del nervo sciatico popliteo externe),. part. 11LSSALO;vGO.

- (Extrait de la Ritorzna Medica, août 1890.)

La récente épidémie d'influenza a occasionné de nombreux

troubles du système nerveux central et périphérique. L'auteur a

264 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

observé à la suite de la grippe, chez un employé de commerce, âgé

de trente-quatre ans, une paralysie dissociée au nerf péronier, des

muscles péroniers, de l'extenseur commun des doigts, de l'exten-

seur propre du pouce avec atrophie musculaire consécutive, avec

intégrité du muscle tibial antérieur. Il pense qu'il s'est agi là d'une

névrite périphérique qu'on peut rapprocher des mêmes névrites

observées, comme on sait, au cours d'autres maladies infectieuses

Est-ce l'action directe du microbe sur le nerf, ou celle d'un produit

soluble dece dernier qu'il faut incriminer ? Cette dernière explica-

tion, d'après les recherches de Charria, Roux et Yersin, Biager et

Frankel, semble la plus plausible, d'autant plus que les véritables

intoxications (plomb, arsenic, mercure, sulfure et. oxyde de car-

bone) produisent des paralysies analogues. P. B.

11.UN cas DE chorée chronique héréditaire AVEC autopsie, par

L. GREPPIN. (Compte rendu de l'asile d'aliénés de Bâle. 1889.)

Il s'agit d'un homme de cinquante-cinq ans, dont le grand-père

paternel, le père, un frère et une soeur sont devenus choréiques vers

Je milieu de leur existence. Un second frère est aliéné. Plusieurs

enfants ont eu des convulsions. - Les mouvements choréiques

ont débuté à l'âge de cinquante ans progressivement. Puis à cin-

quante-cinq ans, apparurent des troubles mentaux, dépression

mentale, mélancolie avec agitation nocturne qui nécessitèrent son

internement.

A son entrée, il présente des mouvements choréiques intenses

dans les différents groupes musculaires. La marche en est rendue

difficile. Cependant, dans les mouvements intentionnels, les phéno-

mènes choréiques s'arrêtent. La démence complète survient pro-

gressivement et Je malade meurt avec des phénomènes comateux

et du ralentissement du pouls.

A l'autopsie, on trouve du côté des viscères thoraciques une

pleurésie séreuse gauche, del'endocardite et delà myocardite chro-

nique.

Le cerveau ne présente pas de lésions macroscopiques manifestes

Les méninges ne sont pas adhérentes. L'examen microscopique,

par contre, a fait constater dans toutes les circonvolutions, dans

le cervelet, le pont de varole et le bulbe des foyers plus ou moins

développés, constitués par des amas de cellules rondes avec un noyau

très développé. Ces cellules, un peu plus volumineuses que les glo-

bules blancs, et ressemblant plutôt aux cellules du cerveau d'un

embryon de cinq à six mois, siègent de préférence dans les gaines

périvsaculaires et dans les espaces péricellulaires de la substance

grise. On constate, en outre, l'atrophie ou la destruction de nom-

breuses cellules nerveuses et une diminution du nombre des fibres

nerveuses. L'auteur pense que ces lésions répondent à l'encéphalite

parenchymateuse.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. '205

Il est intéressant de rapprocher ce fait'de celui de Klebs. Dans

ces deux cas d'autopsie de chorée avec examen microscopique des

hémisphères cérébraux, les lésions constatées sont absolument com-

parables. 1\Ionnx.

III. Du béribéri; par JELGERSMA. (Centralbl. f. Nervenheilk, 1889.)

Synthèse nosographique. Cette maladie est une névrite périphé-

rique multiloculaire septique, mais par contact prolongé. Le corps

du délit est constitué par des bâtonnets et des micrococci qui

probablement sont des formes d'une seule espèce encore indéter-

minée. La désinfection radicale a déjà produit de précieux résul-

tats ; malheureusement il est impossible de désinfecter le sol.

P. K.

IV. Hystérie anesthésique ; par M. CoURMONT.

Observation d'une jeune fille de vingt-deux ans qui a eu des

crises d'hystérie jusqu'à l'âge de dix-huit ans et qui actuellement

est atteinte : 1° d'une anesthésie complète; 2° d'une abolition ab-

solue du sens musculaire; et 3° d'une paralysie des muscles exten-

seurs de la main gauche consécutive à une chute sur le poignet.

(Lyon Méd., 1889, t. LXI.) G. D.

V. IIYSTIî.RO-ÉPILEPSIE; hémichorée RYTHMIQUE CROISÉE PÉRIODIQUE,

, P.1TIIOGLNIE; par M. J. COURMONT.

Histoire d'une malade âgée de vingt ans chez laquelle l'hystérie

se traduisait alternativement par des crises ordinaires et par des

accès d'hémichorée rythmique croisée accompagnés ou non d'hé-

moptisies, de vomissements, de mutisme, de rétention d'urine, etc.

L'auteur en conclut que chez cette malade, la névrose hystérie

affectait successivement le système nerveux de la vie de relation

et le grand sympathique et que la chorée rythmique hystérique

provenait d'un trouble vaso-moteur et devait reconnaître pour

cause une névrose du grand sympathique. (Lyon hléd.,1889,t.LVL)

1 G. D.

VI. Amnésie traumatique ET paralysie DE 1 OCULO-3fOTEUR commun;

par le Dr SCHNELL.

Un homme de cinquante-six ans fait une chute dans un escalier,

il perd connaissance et présente à son réveil : 1° une paralysie de

l'oculomoteur commun ; 2° une amnésie à la fois rétrograde et

consécutive. Le malade a perdu le souvenir de l'accident et des

circonstances qui l'ont terminé, il a également oublié tout ce qui

s'est passé pendant une période de temps, de douze heures environ,

266 REVUE DE pathologie nerveuse.

antérieure à l'accident et n'a repris réellement conscience de ses

actes que six heures après l'accident. (Echo méd. de Toulouse, 1889.)

G. D.

VII. Méningite spinale ASCENDANTE aiguë ; par M. L. D'ARDENNE.

Un homme de soixante-sept ans, jardinier, est pris, à la suite

d'un refroidissement, d'une rigidité absolue des membres infé-

rieurs et de la partie inférieure du tronc, de fièvres et de douleurs

intolérables quandon exerce une pression au niveau des apophyses

épineuses lombaires. Mort par asphyxie. Pas d'autopsie.

(Echo méd. de Toulouse, 1889.) G. D.

VIII. SUR un cas d'astasie ET d'adasie ; par M. BERTIIET.

Observation d'une hystérique qui ne pouvait ni marcher, ni se

tenir debout, ni rester assise dans son lit. L'auteur croit que l'obs-

tacle à la station provenait non pas delà faiblesse des membres

inférieurs, mais bien plutôt de] l'instabilité du tronc. Cette instabi-

lité paraissait elle-même être la conséquence de la perte du sens

musculaire ou de la sensibilité interne du tronc : ce qui semble

confirmer cette interprétation c'est qu'en portant un corset

rigide descendant très bas la malade réussissait à maintenir l'é-

quilibre de son tronc en l'étayant avec ses deux avant-bras, les

coudes reposant sur les genoux à demi-fléchis. (Lyon dléd., 188G,

t LXI et LXII.) G. D.

IX. DE L'ENCI;I'HALOP.1TIIIE saturnine; par M. A. WESTPHAL

(Arch. f. Psych., XIX, 3.)

Treize observations analysées avec le plus grand soin, d'après les-

quelles c'est par l'intermédiaire d'artérites et de périartérite, des

vaisseaux, surtout des petits capillaires de l'encéphale, que le plomb

intoxique le système nerveux central. La diminution de l'élasticité

et de la résistance de la paroi artérielle explique la production

d'hémorrhagies cérébrales , de thromboses oblitérantes, et les

troubles de nutrition de l'organe. Un seul fait témoigna dans cette

série, d'une néphrite saturnine (encéphalopathie urémique). En

résumé :

1° Le plomb agit directement comme agent toxique sur le cerveau;

dans ce cas on observe : des symptômes généraux ou des symptômes en

foyer. On doit à ce groupe rattacher les névroses hémianesthésiques et

psychopathiques du saturnisme et les altérations des nerfs, notamment

du nerf optique ;

2° Le plomb agit sur les vaisseaux de l'encéphale (artérites avec leurs

conséquences) ;

3" Le plomb agit sur les reins urémie ;

4° Ces trois sortes de facteurs peuvent se combiner.

P. KCRAV.1L. ·

revue DE pathologie NERVEUSE. 267

X. Du DÉBUT DE la SCLÉROSE EN plaques ET DE L1 myélite aiguë ;

par A. CRIMER. (Arch. f. Psych., XIX, 3.)

Histoire d'une sclérose mulliloculaire en rémission. Cette rémis-

sion, qui donna l'illusion d'une guérison, s'explique à l'autopsie

par l'intégrité des fibres myéliniques et la conservation des cy-

lindres-axes. En effet, pendant près d'un an, aucun accident ne se

montra, puis des troubles psychiques apparurent, mais sans symp-

tômes sensitifs ni [moteurs. Le seul phénomène qui pût dès lors

être rattaché à une affection grave de la moelle fut, un mois

ayant la mort, des manifestations gangréneuses intenses. Une

méningite infectieuse s'en mêla et enleva, de concert avec une

myélite aiguë de la substance blanche, le malade en quinze jours.

- - P. Ti.

Xi. Du PARAMYOCLONUS MULTIPLE ET DES CONVULSIONS MUSCULAIRES

idiopathiques ; par A.-R. Marina. (Arch. f. Psych., XIX, 3.)

Revue critique présentant un tableau de vingt-deux faits, y com-

pris deux observations personnelles. L'auteur conclut que le carac-

tère fondamental seul immuable du paramyoclonus multiple,c'est

la non-coordination des convulsions, et leur dissémination en plu-

sieuis muscles du corps. Toutes les autres particularités symptoma-

tiques sont sous la dépendance de l'état du système nerveux cen-

tral lui-même émané de la prédisposition (nervosisme) ou d'autres

maladies antérieures. Ces éléments l'auteur les étudie. Ils lui ser-

vent à diviser les convulsions musculaires idiopathiques en trois

grands groupes.

1" Les myospasies simples.

Tic-paramyoclonus multiple - chorée électrique - chorée la-

ryngée - chorée diaphragmatique - convulsions du spinal.

2° Les myospasies impulsives, c'est-à-dire avec déplacement d'organes.

Chorée rhj Il 11111 que (Charcot ou grande-chorée - maladie de

tics convulsifs Obsessions par imitations (myriachit, co-

polalie).

3° La petite chorée ou chorée de Sydenham, danse de Saint Guy.

P. KERAVAL.

XII. Contribution A l'étude DE la SYPHILIS CÉRÉBRO-SPINALE

congénitale; par E. SIElIERLI1'G. (Arch. f. Psych., XX, 1.)

Chez une fillette de quatre ans apparaissent sucessivement : une

hémiplégie droite avec perte de la parole qui guérit en un an -

une atrophie bilatérale du nerf optiquequi la rend aveugle en sept

années - de l'ataxie des quatre extrémités - des céphalalgies-

des vertiges des vomissements des attaques épileptiformes -

une surdité complète. ,

268 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Elle devient hydrocéphale, et meurt dans un état de mal. On

porte le diagnostic de tumeur cérébrale avec hydrocéphalie et lé-

sion de la moelle. L'autopsie révèle une énorme gomme a la base,

. ainsi qu'une gomme volumineuse de la pie-mère au niveau du seg-

ment moyen de la moelle. Nombreuses figures à l'appui.

XIII. Nouvelles CONTRIBUTIONS A la pathologie DU tabès DORSALIS;

1 par H. Oppeniieim. (Arch. f. Psych., XX, 1.)

Trois observations avec autopsie.

L'Observation II, est un exemple de tabes avec paralysie bilaté-

rale de la partie postérieure du tronc; dégénérescence des muscles

sans lésion des noyaux, des racines, des nerfs périphériques.

L'Observation lit, et l'Observation I, offrent de nombreux ensei-

gnements au point de vue de l'altération des trijumeaux. Nous ne

pouvons que renvoyer sur ce sujet au mémoire original. P. K.

XIV. Affection EN FOYER DU LOBULE PARIÉT IL INFÉRIEUR;

par C. Wernicke (Arch. f. Psych., XX, 1.)

Observation très intéressante entraînant le diagnostic de : lésions

du lobule pariétal inférieur ou de la substance blanche correspon-

dante. L'autopsie révèle : une lésion (ramollissement) de cette

région qui atteint surtout le pli courbe. La discussion clinique

est particulièrement à lire. L'auteur groupe ensuite quarante-

deux cas tirés de la bibliographie dont il tire ce qui suit :

Quand «ne déviation conjuguée des yeux peut être tenue pour le symp-

tôme direct d'une lésion en foyer, il y a lésion du lobule pariétal infé-

rieur (Classification d'Ecker) ou de ses irradiations blanches. Tout foyer

du lobule pariétal inférieur s'accompagne toujours, au moins passagère-

ment, de déviation conjuguée des yeux ; elle est on rapport avec lui,

pourvu qu'on l'observe peu de temps après l'accident. Toute lésion bilaté-

rale'du lobule pariétal inférieur se traduit par une ophthalmopiégie to-

tale d'un type obscur (sorte de paralysie pseudo-nucléaire).

P. K.

XV. DE l'aphasie optique ET DE la cécité psychique ;

par C.-S. FREUND. (Arch. f. Psych., XX, 1 et 2.)

Nous passons sur les trois observations personnelles suivies d'au-

topsie qui constituent les faits du mémoire. Il existe, d'après

M. Freund, trois espèces cliniques 1° une aphasie optiqne avec

hémianopsie concomitante (Ons. I) ; 2° une aphasie optique accom-

pagnée de cécité psychique (observations empruntées aux auteurs,

iill" VI et VII ; 3° une aphasie optique avec cécité psychique et grave

aphasie sensorielle et acoustique (Ons. Il de l'auteur; OBs. VIII,

tirée de la bibliographie).

- REVUE DE pathologie nerveuse. 269

Au point de vue de l'interprétation, l'aphasie optique est caracté-

risée par ce fait que le malade, incapable de trouver le nom des

objets en les voyant, ne les désigne qu'en les touchant. C'est ce

qu'on peut appeler un trouble de la vision psychique. Il résulte ou

de la lésion du centre des images commémératives des impressions

optiques (cécité psychique), ou d'une altération des fibres nerveuses

d'association qui unissent le centre visuel au centre de la parole

(aphasie optique), ou enfin d'une destruction des fibres d'associa-

tion qui joignent plusieurs centres sensoriels, dans la couche

blanche sous-corticale. P. K.

XVI. Remarques A ajouter au mémoire DE ZIEHEN SUR LE MYOCLONUS

ET la MYOCLONIE (Arr.hiv. f. Psychiat., XIX, 2; par UNVERRIcUT).

(Archiv. f. Psychiat. XX, 1.)

L'auteur prétend faire une rectification à la citation que Ziehen

a donnée de son travail. Il conclut que : les contractions musculai-

res toniques sont la résultante de l'exagération du 'clonisme : mais

en principe, il n'y a pas de contradiction entre le tonisme et le

clonisme. P. K.

XVII. Du SYMPTÔME verbigération ; par CL. NEISSER.

(Allg. Zcitsch.f. Psych. XLVI, 2,3.)

Elle consiste soit en un pathos inextricable de mots et de

phrases, de tournures ampoulées, soit en la répétition opiniâtre de

termes et de propositions inexplicables, automatiquement émises.

Ce symptôme tient à une perturbation toute spéciale du mécanisme

de la conception ou à un trouble dans la faculté d'exprimer ses

conceptions parla parole. Ony distingue l'état d'agitation, l'affecta-

tion des manières, le boursouflement du style, la phraséologie;

puis viennent les attitudes cataleptoïdes et la verbigération gra-

phique (le malade écrirait en caractères pressés des volumes). Elle

existe surtout, à son maximum de développement, dans la cata-

tonie. P. K.

XVIII. Recherches SUR LES TROUBLES oculaires QUI SURVIENNENT dans

la sclérose EN plaques (sclérose en foyers multiloculaires) ; par

W. Uhtiioff. (Arch. f. Psych., XXI. 1 et 2.)

I. Etude complète des altérations microscopiques des nerfs opti-

ques, avec planches. Délail de cinq autopsies choisies comme types.-

II. Résultats de l'examen oplatlwlmoscopique. - Tableau statistique

de cent observations et neuf descriptions cliniques. Planches à

l'appui. III. Allure clinique des troubles de la vue. Champ visuel.

Vingt-quatre observations. IV. Accidents pathologiques dans les

270 REVUE DE PAl'HOf.OGIE NERVEUSE.

muscles des yeux. V. Allures des pupilles sur 100 cas. Il est

impossible d'analyser un mémoire de 168 pages pleines de docu-

ments, de rapprochements bibliographiques , d'enseignements

anatomo-pathologiques et cliniques. Nous en résumons l'essen-

tiel.

Les altérations anatomiques des nerfs optiques tiennent, dans la

sclérose en plaques, le milieu entre l'atrophie tabétique primitive,

l'atrophie consécutive à l'interruption des conducteurs, et l'atrophie

inflammatoire interstitielle. L'atrophie grisâtre et blanche de la papille

a une grande valeur diagnostique, mais il est généralement impossible

de conctute du degré et de l'étendue de la décoloration il l'intensité, au

siège, à l'étendue des altérations scléreuses du nerf. La même réflexion

s'applique au trouble de la vue et au champ visuel. Les troubles de la

vue sont constitués par le scotome central (Cas. XV à XXIII). -le rétré-

cissement plus ou moins régulier du champ visuel (Oss. XXIV à XXVII)

ou son rétrécissement concentrique régulier (OBs. XXVIII). La fréquence

du nystagmus est ici caractéristique; malheureusement, il est loin d'être

constant; le nystagmus y affecte la forme convulsive. On ne constate

d'anomalies pupillaires (paralysie complète myosis - modification

de l'excitabilité) que dans 11 p. 100 des cas. P. K.

XIX. Sur la maladie DE THO¡¡SE1'I. (On Thomsens diseuses) ; par Hale

, WII1TE (Gztys hospital Reports), vol. XL VI, 1889.

Sujet âgé de dix-neuf ans, à antécédents familiaux, présentant

les signes classiques de celte affection ; mode spécial de la con-

traction volontaire, réaction myotonique de la contraction élec-

trique, lésions d'hypertrophie fibrillaire des muscles examinés

histologiquemenl. A cette occasion, l'histoire de la maladie de

Thomsen est très complètement retracée, et le résumé de ses phé-

nomènes capitaux exposé avec beaucoup de clarté. P. B.

XX. Pathologie du SYSTÈME nerveux sympathique (The pathology of

the human syrnpctthetic system of nerves) ; par Hale Wclrrt : (Guys

hospital Reports), vol. XLVI, 1889.

A plusieurs reprises, l'auteur a déjà publié le résultat des

recherches entreprises sur le système sympathique comparative-

ment chez les animaux et sur l'homme. Dans le présent mémoire,

l'auteur considère le rôle que joue le même système dans la patho-

logie humaine, en se basant principalement sur les résultats des

très nombreux examens anatomiques qu'il a pratiqués sur ce nerf

lui-même et sur ses ganglions. 11 décrit tout d'abord les lésions his-

tologiques générales qu'il a rencontrées. Il montre ensuite quelles

sont les fonctions que l'on peut attribuer au nerf et à ses ganglions,

puis, au point de vue pathologique, les symptômes qui dérivent de

ses altérations, et il examine enfin le rôle qu'il joue dans la patllo-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 71

génie de différents états morbides : la migraine, l'angine de poi-

trine, l'hémiatrophie de la face, le goitre exophtalmique. Le même

plan est ensuite suivi en ce qui concerne les ganglions, et surtout

les ganglions extrinsèques que constitueraient le corps thyroïde, les

capsulessurrénales, le corps pituitaire et la glande pinéale, et aux-

quels une certaine influence est attribuée dans le diabète, la ma-

ladie d'Addison, le goitre exophtalmique, la maladie de Bright, le

myxoedème, l'épilepsie, le tabes, la paralysie générale, l'acromé-

galie, le saturnisme, la syphilis. P. B.

XXI. Observation DE CÉCIfÉ psychique. - THÉORIE DE ce,symptôme;

par H. LISSA UER. - Observation DE CÉCITÉ PSYCHIQUE ENTRE autres

symptômes cérébraux ; par Siemerling. (A7CIL. f. Psychiat., XXI, 1.)

M. Lissauer établit principalement qu'il existe deux sortes de

cécité psychique : l'une corticale, l'autre transcorticale. Dans les

deux formes, les images commémoratives des impressions optiques

sont atteintes en raison directe du degré de la cécité psychique.

Quand les malades éprouvent une très grande difficulté à retrouver

le nom des objets, à les reconnaître, tandis qu'ils en ont une per-

ception consciente nette, une mémoire optique fidèle, pensez à la

forme'transcorticale. M. Siemerling montre qu'il est possible de

restituer sépai ément le sens de l'espace, le sens lumineux, le sens

des couleurs aux malades affectes de cécité psychique, ce qui

prouve que chacune de ces facultés occupe un point distinct de

l'écorce occipitale ; il rappelle les expériences de Siemerling et

Koemg qui ont, en diminuant l'acuité visuelle par l'interposition

de verres gras et par l'intervention d'un éclairage monochroma-

tique provoqué une soi te de cécilé psychique. Le malade dont il

décrit l'observation (sans autopsie) est, dit-il, un aveugle cortical

partiel; par suite d'un défaut d'acuité et de sa monochromasie, il

lui manquait les images de perception optique nécessaires à

reconnaître les objets dont il accusait la présence. P. K.

XXII. De la rage humaine, par C LaUFENAUER.

(Centralbl. f. Nervenheilk., 1889.)

Ce mémoire est le rapport de la commission nommée par la

Société médicale de Budapesth : 17 novembre 1888. Il-est à lire en

entier. Nous en extrayons ce qui suit :

En 1886, sur 150 individus mordus par des chiens douteux ou non, il

y a eu 3 cas de rage 1,8 p. 100.

En 1887, sur 101 il y a eu zéro - 0. '

En 1888, sur 60 il y a eu 5 - 8 p. 100.

L'enfant est plus sensible à l'action du virus rabique que l'adulte.

On sait, comparativement, que, chez l'animal, Vincubatton est bien

21 : 2 REVUE de pathologie nerveuse'.

plus courte sur les jeunes que sur les adultes. Voici, par exemple,

la durée des incubations en jours avec les âges en exposants :

REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques. 273

destruction des fibres vaso-moteurs et trophiques par l'atteinte pri-

mitive des racines et des nerfs : ? Cette opinion est bien séduisante.

P. K.

XXV. Examen anatomique d'un cas DE sclérose latérale AIIYOTRO-

PULQUE; parO. UORNBLUETH. (Neurol. Centralbl., 1889.)

L'observation, qui laisse à désirer au point de vue clinique, n'en

impose pas moins le diagnostic sus-désigné. L'autopsie est très dé-

taillée et très claire, accompagnée de schémas des plus nets

(lésions de la moelle, du bulbe, de la protubérance). P. K.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES

T. EFFET DES lésions DU CORPS strié ET DES couches OPTIQUES

SUR la température du corps (The effect upon the Godily tempéra-

ture of lésions of the corpus striatum and optic thalamus); par

W. Hale WHITE. (Journal of physiology, vol. XI, n° 1, 1890).

Recueil d'expériences entreprises sur des lapins, et desquelles il

résulte que les lésions du corps strié entraînent au bout de cinq à

sept heures une élévation de température de 5° (Fahrenheit) qui

dure jusqu'à soixante-deux heures. Les lésions de la couche optique

ont moins d'influence à cet égard. Il existe de plus une différence

de température des deux côtés du corps en faveur de celui de ces

côtés qui est en rapport avec l'hémisphère opéré. A. B.

IL CONTRIBUTION A l'anatomie pathologique DE la. paralysie INFAN-

TILE CliRi3BBALE; par TH. HOVE1/. (Arch. f. Psych., XIX, 3.)

Observation prise chez un jeune homme de vingt-huit ans, para-

lyse dès les premières années de la vie du bras droit (impotence

absolue avec atrophie) et de la jambe du même côté (atrophie,

simple parésie), à la suite de convulsions. Autopsie : Intégrité de

l'écorce (l'intelligence n'avait subi aucune atteinte); kystes fibreux

particulièrement accusés duns l'éventail de la couronne rayon-

nante au point où il se dirige à travers la capsule interne.

Archives, t. XXI. 18

274 REVUE d'anatomie et DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

Il est probable que, dans la première enfance, il s'est, pour des

raisons inconnues, produit des hémorrhagies ou des foyers de

ramollissement qui ont déduit les fibres centripètes et centri-

fuges cortico-médullaires puis, que, comme toujours, d'autres

fibres ont remplacé fonctionnellement les éléments détruits. L'an-

cienneté de la lésion est démontrée par son aspect.

P. KERAVAL.

III. D'UN COMPLEXUS symptomatique TRÈS VOISIN DU PARAMYOCLONUS

MULTIPLE DE Friedreich ; par E. Fins. (Arch. f. Psych., XIX, 3.)

Deux observations caractérisées par des convulsions fibrillaires,

sans aucun symptôme qui témoigne d'une altération anatomique.

Ces contractions fasciculaires n'envahissent jamais tous les élé-

ments du même muscle en même temps, quoique, dans l'une des

observations décrites, il existe une contraction tonique des mollets,

en revanche, elles sont continues et se traduisent par une alternative

de convulsions faibles et fortes, elles ne modifient guère les mem-

bres atteints (c'est à peine si l'on constate un léger tremblement

des orteils). La maladie, un peu plus accentuée à droite, se répar-

tit irrégulièrement sur les muscles des extrémités et du tronc.

Intégrité du facial. Exagération très marquée des réflexespatellaires

Hyperexcitabilité légère des muscles atteints à l'égard des deux

espèces de courants électriques. L'auteur propose la dénomination

de myoclonus fibrillairemultiloculaire. Marche rapide : guérison.

P. K.

IV. Contribution A l'anatomie pathologique DE la GLIOSE DE

l'écorce du cerveau ; par M. BUCHHOLZ (Arch. f. Psych., XIX 3.)

Description très complète de l'encéphalite tubéreuse (Bourneville),

communiquée au Congrès des aliénistes de l'Allemagne du Sud-Ouest

(30 octobre 1887) K ^ P. K.

V. Examen anatomique DES NERFS MOTEURS, DES NERFS mixtes ET DES

RACINES ANTÉRIEURES DANS UN CAS DE TABES DORSAL; par NONNE

(Arch. f. Psych., XIX, 3.)

Le malade Grottkopp dont il a été question dans le tome XIX, 2,

ayant succombé, on trouva les lésions de la moelle mises en relief

par Struempell, Krauss, Lissauer, et une dégénérescence paren-

chymateuse chronique des fibres des nerfs périphériques avec dégé-

nérescence musculaire au début (comme dans les cas de Oppenheim

et Siemerling). Cette dégénérescence des nerfs moteurs périphériques

et des racines antérieures de la moelle explique, en l'absence de lé-

' Voy. Archives de Neurol., t. XVII, p. 131

REVUE d'\NATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 275

sions de la substance grise et de ses cellules, l'amyotrophie constatée

pendant la vie, sur les extrémités supérieures et inférieures. Clini-

quement, le processus spinal a ouvert la marche; les lésions de l'ap-

pareil périphérique moteur se sont plus tard surajoutées.

P. K.

VI. Observation DE brièveté anormale DU CORPS calleux ;

par R. SCHROE1'ER (Allg. Zeitsch. f. Psych., XL1V, 4,5.

Deux observations témoignent, dans ce mémoire, d'une réduction

considérable de la cloison transparente, de l'atrophie des circon-

volutions du corps calleux et de la brièveté du corps calleux sur-

tout en arrière : le plafond du troisième ventricule présente un

défaut d'étoffe, surtout en avant. De l'examen analytique desdivers

organes, M. Scliroeter conclut que c'est la soudure anormale de la

laux du cerveau de l'embryon avec les éléments conjonctifs de la

fame tectale du même organe (lame terminale embryonnaire), qui

arrêtera et le développement normal de la cloison transparente de

la commissure antérieure du corps calleux. L'arrêt de développe-

ment de ce grand système d'association transverse est proportion-

nel à l'arrêt fonctiojinel de l'intelligence (imbécillité, idiotie). Nous

appellerons également l'attention sur le tableau comparatif de 119

autopsies propres à déterminer les mesures de l'organe en question

et sur les considérations embryogéniques. P. K.

VII. LE POIDS DE l'encéphale ET DE SES DIVERSES parties CONSTI-

tuantes chez les aliénés; par TIGGES. (Allg. Zeitsch. f. Psych.

XLV. 12.) .

D'après le système des pesées locales de Meynert, l'auteur cons-

tate que les différences de poids de l'encéphale trouvées chez les

aliénés tiennent à celles du manteau, que c'est lui qui est le plus

affecté par les folies secondaires, que les parties du manteau plus

développées que les autres dans les folies primitives souffrent au

contraire le plus dans les folies secondaires. Nombreux tableaux.

P. K.

VIII. Examen DE 453 encéphales d'aliénés appartenant A L'EST DE la

PRUSSE, DIVISÉS ET pesés d'après la méthode DE Meynert; par

J. JENSEN. (Arch. f. Psych., XX, 1.)

L'auteur pèse successivement l'encéphale entier avec ses ménin-

ges; le manteau, le cervelet, le tronc cérébral, avec et sans leurs

membranes respectives. Il dit que, chez le paralytique général,

chaque année de maladie enlève 20 grammes environ au cerveau ;

celte diminution de poids commence par le lobe frontal, puis s

s'étend au manteau entier et finalement intéresse le tronc. La

276 revue d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

même atrophie des organes du manteau se retrouve chez les mé-

lancoliques, mais elle n'est que de 5 g ? 81 chez les hommes

et de 6 gr, 51 chez la femme, et respecte le lobe frontal. Dans

tous ces cas, la moitié droite du cerveau continue à peser davan-

tage que la moitié gauche. Tableaux nombreux. P. K.

IX. Sur LE CERVEAU d'un aphasique : par H. Schlass.

- (Jahrbùch. f. Psych., VIII, 1,2.)

Un homme de cinquante-six ans tombe de voiture et va donner

de l'occiput sur une pierre angulaire : il perd connaissance pen-

dant une heure. Dès lors, il devient buveur, paresseux, commet des

actes inconscients. Huit mois après l'accident, il est aphasique :

pupilles étroites, égales, réagissant bien àla lumière; hlépharoptose

droite. Tremblement de la langue déviée à droite. Démence avec

agitation. Il meurt, réduit à l'état végétatif, de phtisie pulmonaire

avec eschare, un an après l'accident. Atrophie de toute la région

antérieure des deux hémisphères cérébraux jusqu'au niveau de la

frontale ascendante. M. Schloess croit que la chute a produit un

raccourcissement du diamètre occipito-frontal et la compression

du cerveau dans le même sens. Il en est résulté une contusion

juste à l'opposite du lieu d'application de la force; l'atrophie bila-

térale en a été la conséquence. Les ascendantes ont limité les lé-

sions à raison de la direction de leurs fibres qui brisent en quelque

sorte l'action de la puissance. P. K.

X. Observation DE TROIS PERTES de substance trouvées dans LES LOBES

PARIÉTAL ET FRONTAL DE L'HÉMISPHÈRE CÉRÉBRAL GAUCHE CHEZ UN DÉ-

MENT, SANS QUE PENDANT La VIE L'ON AIT CONSTATÉ DE TROUBLES lVfO-

TEURS OU SENSORIELS, par J. JENSEN (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLV,

1, 2.) Voy. Société psychiatrique de Berlin, 10 juillet 1888. Ar-

chives de Neurol., t. XV111, p. 303. P. K.

XI. QUELQUES MOTS SUR l'asymétrie crânienne ET la SUTURE FRON-

tale; par 0. FROENKEL (Neurol. Cent1'albl., 1888).

Si l'on prend la suture frontale comme directrice propre à l'ap-

préciation du degré de l'asymétrie antéro-postérieure ou extéro-

interne des deux moitiés du crâne, on remarque que la symétrie

est l'exception chez les gens normaux. Cependant il y a à cela des

limites, et ce sont ces limites qui sont incontestablement dépassées

chez les criminels. Mais le cerveau ne suit aucunement la marche

du développement du crâne ; il ne saurait donc y avoir correspon-

dance entre l'asymétrie de celui-ci et l'asymétrie du premier.

P. K.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 277

XII. Nouveau cathétomètre OPTIQUE craniométrique; par M. CENE-

DIKT. - RÉSULTATS CLINIQUES DE LA CRANIOMÉTRIE ET DE LA CÉPHA-

LOMÉTRIE; par M. BENEDIET (Neurol. Centralbl, 1888. Cent1'albl. f.

Nervenheilk, 1888.)

Cette analyse ferait double emploi avec celle du livre publié en

français, intitulé : Manuel technique et pratique d'anthropométrie

crâniocéphalique, Paris, in-8°, 1889. Lecrosnier et Babé, éditeurs.

P. K.

XIII. Rapport DU NERF accessoire (spinal) avec LE pneumogastrique ET

L'HYPOGLOSSE ; par 0. DEES (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLIV, 6.)

Jusqu'au voisinage de l'extrémité supérieure de l'entrecroise-

ment des pyramides, le noyau du spinal témoigne d'un parfait déve-

loppement ; il se compose de huit à dix cellules méthodiquement

groupées. Puis, les cellules qui constituent le résidu des cornes

grises antérieures deviennent de plus en plus rares, de sorte qu'il est

impossible de déterminer lesquelles d'entre elles appartiennent au

spinal ou à la racine motrice de la première paire cervicale, ou

même à l'hypoglosse. Il n'y a du reste pas d'interruption entre la

substance grise des cornes antérieures représentée par les cel-

lules et celle du noyau de l'hypoglosse, de sorte qu'on est en droit

d'affirmer la continuité de la corne antérieure avec le spinal

tout au voisinage de l'hypoglosse. La racine supérieure du spinal

quitte cependant le bulbe à la même hauteur que les radicelles

inférieures de l'hypoglosse. P. K.

XIV. Rectification relative au TRAVAIL PUBLIÉ dans LE T. V. DES

Archiv. fùi- Psychiatrie, intitulé : Recherches sur LES relations

ENTRE LE CERVEAU ET L'ALIÉNATION MENTALE A LA LUMIÈRE DE SIX

encéphales d'aliénés; par J. JENSEN. (A1'CIL. f. Psych., XX, 1.)

L'auteur a refait les tableaux et les publie à nouveau; les nom-

bres précédemment donnés sont erronés. P. K.

XV. UN cas DE myélite transverse avec syringomyélie, SCLÉROSE

multiloculaire ET dégénérescence secondaire; par M. KIEWLICZ.

(Arch. f. Psych., XX, 1.)

Trois mois après la chute d'un endroit 'extrêmement élevé, il se

produit de l'incontinence des matières et des urines ; la mort a lieu

deux ans et demi après les accidents premiers. On trouve de mul

tiples foyers scléreux cérébro-spinaux et les lésions de la syringo-

myélie. L'auteur pense que le traumatisme a produit la syringo-

myélie qui a débuté par la moelle cervicale; trois mois plus lard,

278 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

s'est installée une myélite transverse avec ses dégénérescences

secondaires; ces lésions se sont compliquées dans les derniers mois

de la vie de sclérose multiloculaire. P. KERAVAL.

XVI. CONTRIBUTION A l'anatomie ET A la PHYSIOLOGIE DU nerf vague;

par 0. DEES. (Arch. f. Psych., XX, 1.)

La section du pneumogastrique au milieu du cou entraina chez

deux lapins, du côté lésé, la disparition de toutes les cellules ner-

veuses du noyau supérieur (dorsal) et inférieur (ventral) commun

' au pneumogastrique et au glossophary;ien ; les fibres du faisceau

solitaire avaient considérablement diminué. Nous enregistrons les

conclusions :

1° Le noyau supérieur ou dorsal vagoglossopharyngien (plan supérieur

du bulbe) anime le pneumogastrique du même côté. - 2° Les fibres qui

forment le pneumogastrique se réunissent dans la cavité thoracique.-

3° Ce noyau ne donne naissance ni à des fibres gustatives ni aux fibres

sensitives du pneumogastrique ; sans quoi l'on eût, dans le corps

du noyau, retrouvé intactes les cellules qui correspondent aux fibres

nerveuses en question, non touchées par la section. - 4° Le nerf inter-

médiaire de Wrisberg n'en provient pas non plus. En réalité, le noyau sus-

désigné est vaso-constricteur. - 5° Le noyau inférieur ou ventral, qui

occupe la formation réticulaire, entie l'olive et le noyau originaire du

cordon latéral, innerve les muscles du larynx. - 6° Le faisceau solitaire

doit être considéré comme une racine sensitive ascendante des nerfs

pneumogastrique et glosso-pharygien. - 7° Le raphé ne préside pas le

moins du monde à l'entre-croisement d'aucune des fibres émanées des

noyaux du pneumogastrique. - 8° Les cellulesdes faisceaux originels des

cordons grêles ne donnent pas de fibres au pneumogastrique. Le mé-

moire est complété par de nombreuses figures. P. Keraval.

XVII. CONTRIBUTION A la méthode DE coloration DES CENTRES NER-

veux de GoLCI ; par L. Greppin. (Arch. f. Psych. XX, 1.)

L'auteur exalte l'emploi du microtome à congélation au chlo-

rure de méthyle qui supprime le durcissement l'alcool, l'inclusion

dans la celloïdine ou photoxylline, et permet d'obtenir des pré-

parations utilisables ou conservables.

On imbibe les morceaux congelés dans la solution de nitrate

d'argent, on pratique les coupes, on les plonge dans l'eau distillée

où elles se recoquillent, on fait alors intervenir la méthode de Golgi.

Les préparations sont terminées huit à dix jours après la né-

cropsie. Ces procédés ont montré nettement à M. Greppin :

1° Les cellules nerveuses de l'écorce (1" et 2° catégorie de Golgi);

2° Les cellules cérébelleuses de PurMnje;

3" Les cellules nerveuses de la 2' catégorie et lesfibies nerveuses des

couches granuleuses et moléculaires du cervelet ;

REVUE D'ANATOmE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 279

i° Les cylindres-axes des couches zonulaire et mierocelltilaire de l'é-

corce ; .

5° Les cellules nerveuses de la 2- catégorie dans le corps strié;

G° Les cellules (fusiformes et stellaires) de la névroglie et leurs rap-

ports intimes avec les vaisseaux ;

7° La névroglie et les vaisseaux du bulbe et de la moelle.

En anatomie pathologique, il faut s'en défier. Suivent quelques

notes prises sur les circonvolutions du cervelet dans la manie pério-

dique à la période de démence (sénilité). -l'idiotie compliquée de

démence sènile; -le délirium tremens-chez des individus sains

psychiql1ement mais affectés de tuberculose pulmonaire - chez un

enfant diphtéritique de 22 mois. P. K.

XVIII. D'une lésion TRAUMATIQUE limitée au CÔNE terminal DE la moelle

épinière; par H. Oppenheim. (Archiv f. Psychiat., XX, 1.)

Observation de lésions de la colonne vertébrale à la suite d'une

chute sur le sacrum. Incontinence de l'urine et des matières ;

anesthésie des régions innervées par le plexus honteux et hémor-

rhoïdal ; impuissance. Autopsie avec examen microscopique Lésion

des centres spinaux et surtout des troisième et quatrième paires sa-

crées, ce qui explique que le sciatique soit resté indemne. P. K.

XIX. DE l'allure DES corpuscules nerveux dans LES NERFS malades ;

par A. ADAM61EWICZ. (Arch. f. Psych., XXI, 2.)

L'inflammation proliférative des méninges spinales provoque,

dans les tractus nerveux des racines spinales, un processus

analomo-pathologique qui comprend deux actes parallèles dont

il est impossible de déterminer l'ordre de succession : la dé-

chéance de la substance nerveuse - 1 hyperplasie du tissu con-

jonctif. Quoi qu'il en soit, le sort des corpuscules nerveux est tou-

jours lié à celui des fibres nerveuses ; les premiers sont les

éléments trophiques des manchons de myéline, et, par suite, des

organites dont la vitalité dépend de celle de la fibre nerveuse, ou,

plus exactement, de la gaine myétinitique de cette dernière.

P. K.

XX. D'un trousseau anormal de l'JORE5 existant dans LE bulbe

de l'homme; par A. PICE. (Arch. f. Psych., XXI, 2.)

Ilenle, dans sa Neurologie (1871), signalait sur une coupe trans-

verse du bulbe à la hauteur du segment le plus inférieur de l'olive

(fig. 124) l'existence a d'un ou de deux cordons cylindriques nervi-

formes, nettement circonscrits, mesurant de Omm,25 à omm,50, et

composés de fibres fines et fortes ; ces cordons unilatéraux occu-

paient la limite postérieure de la substance réticulaire et la région

280 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

antérieure de la tête des cornes postérieures, au milieu de la région

moins tassée des faisceaux longitudinaux postérieurs. n M. Pick a

retrouvé c un trousseau de fibres nerveuses qui commencent dans

le segment supérieur de l'entre-croisement des pyramides, se

sépare de ce qui reste des cordons latéraux, pour se perdre, au

niveau de l'extrémité supérieure du bulbe, dans le corps restiforme.

Ce faisceau unilatéral, qui n'est pas identique au faisceau respi-

ratoire de Krause, établit une connexion anormale entre le cordon

latéral et le corps restiforme, peut-être aussi avec le cervelet. P. K.

XXI. LÉSIONS cérébrales intéressantes CHEZ UNE IDIOTE ÉPILEPTIQUE.

- CONTRIBUTION A l'anatomie pathologique DE la paralysie

infantile cérébrale; par TH. ZACHER. (Archiv. f. Psych., XXI, 1.)

Observation complétée par l'anatomie et l'histologie pathologi-

ques. Ce qui la rend plus particulièrement intéressante, c'est

l'existence d'un ostéome au milieu du lobe frontal gauche, en

pleine substance blanche, ostéome constitué par la névroglie

modifiée et entourée de gli8me. La pièce montre en outre qu'il

existe des systèmes de fibres d'association. P. K.

XXII. DE l'atrophie DES FIBRES DE l'écorce DU cervelet ;

par A. MEYER. (Arch. f. Psychiat., XXI, 1.)

Ces fibres s'atrophient et disparaissent dans la paralysie géné-

rale, la mélancolie avec stupeur, la folie systématique chronique,

la démence sénile, l'idiotie, c'est-à-dire dans toutes les affections

où il existe des lacunes considérables de l'intelligence; elles dispa-

raissent par atrophie dégénératrice primitive. On en constate trois

types : 10 Une atrophie généralisée uniforme des fibres profondes;

2° une atrophie uniforme diffuse des fibres péricellulaires ,

3° un effritement des fibres. P. KERA V AL.

XXIII. Contribution A la connaissance ET A la signification CLINIQUE

DE la réaction IDIOMUSCULAIRE EN bourrelet ou contraction IDIO-

musculaire DE SCHIFF; par G. Rudolpuson. (Arch. f. Psychiat.,

XX,-2.)

Il faut distinguer entre le renflement idiomusculaire vrai, qui

tient à la contraction du muscle entier et à la tuméfaction qui

tient aux oudes émanées du renflement lui-même. Frappons le

grand pectoral avec l'extrémité du doigt ou avec le marteau de

Skoda, le muscle réagira sur 300 personnes quelconques cent cin-

quante-cinq fois. Sur 5\1 phthisiques, on obtiendra cinquante réac-

tions. Quand on constate la propagation des ondes contractiles,

c'est un signe d'excès de prédisposition, elle n'a lieu chez l'adulte

REVUE L'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 281

sain que sous l'influence de très fortes excitations mécaniques.

C'est un phénomène en tout comparable à celui de la maladie de

Thomsen. P. K.

XXIV. LÉSIONS MULTIPLES DES NERFS CRANIENS A LA SUITE D'UNE FRAC-

TURE DE la base du crâne (contribution à la question du trajet

des nerfs gustatifs) ; par L. BRUNS. (Arch. f. Psychiat., XX, 2.)

D'après cette observation, qui témoigne en effet d'une lésion des

deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième paires, les

théories de Schiff, Erb, Gowers, Dana, Vulpian, sur l'innervation

sensorielle de la langue ne seraient pas exactes. L'auteur ajoute

qu'il est impossible d'édifier une théorie basée sur ce cas, car il

entraînerait à croire que les fibres destinées à la moitié postérieure

de la langue, contenues d'abord dans la neuvième paire, passent t

par le nerf intermédiaire de Wrisberg et à y localiser le trauma-

tisme, ce qui, dans l'espèce, est impossible. Il s'agitausurplusd'un

fait sans autopsie. , P. K.

XXV. QUELQUES MOTS D'ANATOMIE pathologique ET DE CLINIQUE SUR LES

TRACTUS CONDUCTEURS DES IMAGES VISUELLES DANS L'ENCÉPHALE HU-

mun; par A. RICaTER. (Arch. f. Psychi'lt., XX, 2.)

L'atrophie unilatérale ou bilatérale du nerf optique peut s'y lo-

caliser de longues années chez l'adulte sans monter, et, inversement

après être restée localisée longtemps, l'altération peut se propa-

ger le long des fibres conductrices. L'auteur en donne deux obser-

vations qui n'offrent rien de particulier. P. K.

XXVI. L'OREILLE DE MoREL;par BINDER (Arch. f. Psychiat., XX, 2.)-

Remarques additionnelles ; par L. lierez. Ibid., XX, 3.)

Etude très consciencieuse de la forme de l'oreille. M. Binder dis-

tingue quatre types de pavillons normaux et vingt-deux espèces de

dégénérescences morphologiques. Sur 354 aliénés, 128 présentaient

un lobule anormal, 205 étaient porteurs de formes dégénératives,

ce qui donne les proportions respectives de 36 et de 58 p. 100,

tandis que sur 730 conscrits, les proportions étaientde 8 et 15 p. 100.

Il faut faire son deuil de l'idée de la rétrogradation atavique ; la

dégénérescence est une déviation pathologique du type normal.

M. Meyer ajoute qu'en 1871, dans les archives de Virchow, il a pu-

blié un travail sur l'oreille bestiale de Darwin (Darwinischcs Spit-

zohr) où il montre qu'il s'agit là d'une lacune, d'un arrêt de for-

mation. On comparera avec fruit ces deux travaux à la communi-

cation de Schwalbe au XI Vo congrès des neurologues et aliénistes

de l'Allemagne du sud-ouest'. 1. P. K.

1 Voy. Archives de Neurologie, t. XIX, p. 257.

282 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XXVII. NOUVELLES communications sur les MOUVEMENTS des VAISSSEAUS.

ETUDES théoriques ET pratiques; par G. Burckhardt. (Arch. f.

Psychiat., XX, 3.)

Le pouls est la résultante de l'impulsion du coeur, delà contrac-

tion des muscles du corps, de l'élasticité et de la contractilité des

tuyau\ artériels. Il existe dans la moelle, suivant le segment con-

sidéré, des centres vasculaires indépendants les uns des autres. Le

centre vasculaire du bulbe en est le régulateur physiologique. Il

existe d'autre part un centre respiratoire thoracique et un centre

respiratoire abdominal indépendants l'un de l'autre. C'est ce qui

résulte des tracés pris chez l'homme normal qui dort, chez un

paralytique général affecté d'embolie pulmonaire, chez des ma-

lades affectés du phénomène de Cheyne-Stokes. En ce qui con-

cerne le centre abdominal, l'origine vasculaire de ses oscillations

est, d'après M. Burckhardt, évidente (nous renvoyons aux tracés et

aux courbes du mémoire). Enfin, en matière de pathologie men-

tale, il n'y a pas de pouls spécifique d'aucune forme de psychose.

On constate simplement que, dans la folie circulaire on ne trouve

pas la compensation vasculaire ordinaire, d'origine bulbaire,

parce que l'altération de l'ecorce cérébrale empêche l'action com-

pensatrice des centres vasculaires sous-jacents à elle. C'est pour-

quoi l'acétate de plomb et la strychnine à des doses minimes réta-

blissent l'équilibre. P. K.

XXVIII. LÉSIONS ANATOMIQUES CHEZ UN MALADE PRÉSENTANT L'ABSENCE

UNILATÉRALE DU PHÉNOMÈNE DU GENOU ; par A. PICK. (Archiv. f.

Psychiat., XX, 3.) ' .

D'après cette observation, les fibres qui président à la genèse du

réflexe tendineux patellaire ne sont pas réunies en trousseau dans

la zone d'entrée ladiculaire postérieure. P. K.

XXIX. Contribution au connaissance DE la fine anatomie

pathologique DE L'IDIOTIE; par H. KOESTEI\ (Neurol. Centralbl., 188'J.)

L'intégrité macroscopique était frappante dans le cas particulier.

Le microscope révéla des lésions diffuses de la névroglie, des

espaces lymphatiques 'périvasculaires et péricellulaires, la dégé-

nérescence pigmentaire et l'atrophie des cellules pyramidales et

des autres cellules nerveuses de la substance grise des frontales y

compris la frontale ascendante, du lobe occipital et des tempo-

rales des deux côtés. Vaisseaux à parois épaissies, irrégulières, en

zigzags. P. K.

XXX. De l'atrophie musculaire névritique PROGRESSIVE;

par J. IIOFFMANN. (Arch. f. Psychint., XX, 3.)

Monographie de la maladie décrite par Charcot et Marie, sous le

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 283

nom de forme parlicullèl d'atrophie musculaire. Quatre obser-

vations, dont une personnelle (atrophie); trois observations dé

Schultze; autopsies de Virchow et Friedreich. De ces documents,

l'auteur conclut : qu'il s'agit d'une névrite chronique ascendante

(altération musculaire correspondante) due à la dégénérescence

primitive des cellules nerveuses des cornes antérieures. La dégéné-

rescence des cellules de la moelle entraîne la dégénérescence des

nerfs périphériques qui marche ensuite de la périphérie au centre.

On en a une preuve dans la réaction dégénérative. Cette affection,

généralement héréditaire, se poursuit pendant six générations.

P.K.

XXXI. Recherches expérimentales ET ANAT01f0-PATIfOLOGIQUES SUR LES

CENTRES OPTIQUES ET LEUR TRAJET; par C. l'ON MONAKOW. (Arch. f.

Psychiat., XX, 3.)

Continuation des recherches déjà commencées, sous l'inspiration

et d'après la méthode de de Gudden. Après avoir résumé les ac-

cidents anatomiques consécutifs à l'ablation des globes oculaires

d'animaux nouveau-nés - la section d'une des bandelettes op-

tiques du lapin - à l'extirpation des zones visuelles du lobe occi-

pital - à la section transverse de la partie postérieure de la cap-

sule interne - à l'ablation d'un des tubercules quadrijumeaux

antérieurs - à la résection d'un hémisphère entier avec section

simultanée de la bandelette optique du même côté, M. de Mona-

kow conclut que la section des divers systèmes de fibres produit

une dégénérescence dans les deux sens, qu'en un mot tout système

optique donne naissance à des fibres centrifuges et reçoit des

fibres centripètes. Les divers systèmes de projection sont reliés les

uns aux autres par des cellules intercalaires. Les grosses cellules

de la rétine établissent une communication entre le nerf optique

et le réseau de la zone latérale du corps genouillé externe ; ce ré-

seau aboutit en dernière analyse aux troisième et cinquième cou-

ches de l'écorce du lobe occipital. La troisième couche corticale du

même lobe contient de grosses cellules pyramidales qui projettent

leurs fibres dans le tubercule quadrijumeau antérieur et le corps

genouillé externe (nombreuses figures à l'appui). P. K.

XXXII. Etudes REL\TIVES a l'anatomie pathologique DE l'encéphalite

\IGUE - pdr M. l' RIEDM : 1NN. (Arch. f.'PSiJCIL., XXI, 2.) - Histologie

et formes de l'encéphalite vraie non suppurée ; par FRIEDUANN.

(Neural. Centralbl., 1889 1.)

Expériences sur les animaux. Planches à l'appui.

4 Voyez aussi XIV" congrès des neurologues et aliénistes de l'Allemagne

du sud-ouest. Session de Bade-les-Bains, mai 1889. Archives de Neuro-

logie.

284 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Chaque genre d'irritants provoque une espèce à part d'encépha-

lite. Tout agent infectieux détermine une encéphalite suppurée.

Les caustiques ordinaires, dans de bonnes conditions d'asepsie,

engendreront une encéphalite aiguë prolifératrice (grosses cellules

granuleuses) ; l'avivement ordinaire aseptique se traduit par une

encéphalite lente interstitielle avec nécrobiose (prolifération de

cellules-araignées, émigration de cellules rondes). -L'encéphalite

aiguë non suppurée aboutit, par l'irritation des cellules de la né-

vroglie et des éléments anatomiques des parois des vaisseaux, à

l'organisation d'un tissu conjonctif; à cette organisation partici-

pent les grosses cellules granuleuses qui ne sont autre chose que

des cellules ou des éléments anatomiques transformés. Ces cellules

granuleuses actives diffèrent des cellules granuleuses dégénéra-

tives du ramollissement cérébral, cellules qui ont principalement

pour origine des leucocytes; les premières prolifèrent par caryo-

kinèse de leur noyau. P. K.

XXXIII. Examen HISTOLOGIQUE D'UN cas DE pseudo-hypertrophie

musculaire; par H. PREISZ. (Archiv f. Psychiat., XX, 2.)

Figures dessinées d'après des microphotographies de prépara-

tions soumises à l'élection double (hématoxyline et éosine, héma-

toxyline et safranine). Atrophie généralement simple des fibres

musculaires; quelques fibres variqueuses contiennent, au niveau

des points dilatés, des noyaux en grand nombre qui proviennent

de l'hyperplasie des éléments primitifs. Névrite interstitielle intra-

musculaire, névrite des gros troncs nerveux et des racines spinales

antérieures. Dans les cornes antérieures de la moelle thoracique

moyenne et du segment lombaire supérieur, foyers hémorrhagi-

ques ayant détruit la substance nerveuse jusques et y compris le

tiers antérieur des cordons postérieurs et des cordons antérieurs.

Infiltration des parois des vaisseaux; recoquillement des grosses

cellules nerveuses. Epaississement des cylindres-axes dans les

trousseaux pyramidaux des cordons latéraux. Conclusion. Atrophie

névrotique constituant une variété de l'atrophie musculaire spinale

de l'enfance. P. K.

XXXIV. L'EXCRÉTION DE l'urée A la suite DES bains faradiques

110NOPOLAIBES ET dipolaires; par Leur. (Archiv f. Psychiat. XX, 2.)

Le bain monopolaire est un bain chaud de 34°; l'anode tient à

une perche métallique que le malade saisit, au-dessus de la bai-

gnoire, avec les mains; la cathode aboutit à une lame volumineuse

placée dans l'eau à l'extrémité podalique. Le courant fourni par

une pile bouteille àl'acide chromique anime un appareil faradique.

Dans le bain dipolaire, les deux pôles plongent à la tête et aux

REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 285

pieds de la baignoire. Pour le bain lrpolaire on intercale une

troisième électrode entre les cuisses du patient. Le bain dipolaire

augmente l'excrétion de l'urée de 5 gr. 20. Les deux espèces

de bain chassent les parties solides constitutives de l'urine. Le di-

polaire, plus diurétique que le monopolaire, augmente en outre

la sensibilité cutanée (sensibilité farado-cutanée) et élargit le sens

de l'espace. P. K.

XXXV. NOUVELLE communication SUR LES rapports DU tubercule

QUADRIJUMEAU inférieur avec LE nerf auditif ; par P. FLECflsIG.

(Neurol. Centralb., 1890.)

Est-il vrai que la paire inférieure des tubercules quadrijumeaux

soit le centre du nerf auditif et, en particulier, du nerf cochléaire

(Flechsig, Bechterew) ?

M. Hold a repris ces recherches sur le chat nouveau-né. Le cer-

veau de cet animal est, quant au développement des masses de

fibres centrales, à peu près dans les mêmes conditions que celui

du foetus humain viable (septième mois intra-utérin). Le nerf

vestibulaire est déjà complètement pourvu de myéline, tandis que

le nerf cochléaire n'en possède que peu (portion intermédiaire ? ).

Si l'on poursuit dans les masses de fibres encore non développés, la

formation des manchons de myéline, qui s'effectue en peu de

semaines, on voit que les trousseaux centraux qui, sont en relations

d'une part, avec le tubercule acoustique et d'autre, part avec le

noyau auditif antérieur, se développent les uns après les autres, de

sorte qu'ils se distinguent franchement les uns des autres. -

On voit ainsi que les centres primaires du nerf cochléaire donnent

naissance à quatre systèmes de fibres : deux inférieurs, ou ven-

traux ; deux supérieurs ou dorsaux. Trois d'entre eux participent

à la formation du corps trapézoïde ; un des systèmes supérieurs

s'entre-croise avec son homologue partiellement en arrière de cet

organe et n'en va gagner la partie postérieure qu'après entre-

croisement dans le voisinage des olives supérieures. Le ruban de

Reil du tubercule quadrijumeau inférieur (ruban de Reil latéral)

affecte une double connexion avec le nerf cochléaire, d'abord au

moyen des éléments constituants du corps trapézoïde (les premiers

formés), puis à l'aide des fibres qui s'entre-croisent dans le raphé,

derrière le corps trapézoïde. - L'olive supérieure contient des

fibres issues des deux noyaux du nerf cochléaire, et s'unit au ruban

de Reil inférieur.

Chez le foetus humain, on voit nettement le trousseau qui va du

noyau acoustique antérieur au corps trapézoïde. Chez le nouveau-

né, le tubercule acoustique est médiocre, il n'est pas divisé en

couches. Les stries acoustiques de Monakow (fibres allant du tuber-

cnle auditif au raphé) ne se voient que longtemps après la nais-

286 revue d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

sance ; il est impossible de croire qu'elles se réunissent au tuber-

cule quadrijumeau inférieur : la plupart d'eutre elles vont, dans

le raphé, jusqu'à la périphérie du bulbe, et passent dans les fibres

arciformes externes, s'entre-croisant en avant ou au-dessous du

corps trapézoïde, tandis qu'une petite partie (variable) de ces

mêmes fibres s'entre-croise immédiatement au-dessous du plan-

cher gris du quatrième ventricule et pénètre dans la partie laté-

rale du bulbe. On voit aussi chez le chat nouveau né un trousseau,

qui représente les derniers vestiges du cordon latéral, passer dans

le ruban de Reil inférieur; ce faisceau, chez l'homme, va jusqu'à

l'olive supérieure et se rattache aux fibres du corps trapézoïde qui

gagnent le ruban de Reil inférieur.

Quant au nerf vestibulaire, il se réunit aux masses grises qui

sont en rapport avec le cervelet. Il est probable qu'il est aussi en

relation avec le cerveau par le noyau interne de l'acoustique, à

l'aide des fibres arciformes, et, par suite, de la couche intermé-

diaire des olives, et que, de là, il se rattache à la substance fonda-

mentale de la couche de Reil dans la protubérance. Impossible de

constater ses relations avec le tubercule quadrijumeau inférieur.

- Nerf cochléaire et nerf vestibulaire se comportent différemment

quant à leurs connexions centrales. P. K.

XXXVI. Altérations des noyaux D'ORIGINE DES NERFS crâniens SUR LE

plancher DU quatrième ventricule, dans UN cas DE rage canine;

par N. Popow. (Neurol. Centralbl, 1890.)

Les conclusions sont intéressantes : 1° les cellules nerveuses du

bulbe et du pont de Varole prennent, dans la rage canine, une

part très active, très énergique, au processus pathologique du sys-

tème nerveux central ; - 2° leurs altérations paraissent être ho-

mologues à celles qui ont été observées dans les cellules de la

moelle et décrites par Charcot, Leyden, Erb (myélite parenchy-

mateuse de Charcot);- 3° ces altérations atteignent presque sans

exception toutes les cellules nerveuses de la région; elles acquièrent

leur plus haute intensité dans les noyaux originaires des nerfs

crâniens. Ce sont les noyaux des nerfs moteurs qui paraissent le

plus éprouvés. P. K.

XXXVII. DE la genèse DE la CARYOKINÈSE dans LES CELLULES DU SYSTÈME

nerveux central DES CHIENS ET DES lapins jeunes ou NOUVEAU-NÉS;

par l3occllol.z. (Neurol. Cenlralb., 1890.)

Après avoir établi une synthèse bibliographique, l'auteur signale

qu'il a, dans le cerveau et la moelle des animaux précités, trouvé

quantité vai iable de caryokinèses, soit dans les cellules qui appartien-

nent aux parois vascnlaires,soit dans celles qui reasortissentauxéié-

REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques. 38' !

ments nerveux ou au tissu de soutènement du système nerveux

central. La caryocinèse se produit surtout dans les cellules épen-

dymaires du ventricule ou du canal central de la moelle; on y

voit une 11 ? pergéiièse de jeunes cellules qui bouchent le conduit.

Moins luxuriante est la caryocinèse dans les cellules nerveuses de

l'écorce et des gros ganglions. Encore moins abondante est celle

des cellules de la substance blanche du cerveau, qui sont évidem-

ment de nature conjonctive. En tout cas, jamais il ne se fait de

scission du noyau dans les cellules nerveuses arrivées à leur par-

fait développement. La caryokinèse est, en somme, en raison

inverse de l'âge des individus. Le procédé de préparation est basé

sur l'emploi : 1° de l'acide chromique destiné à fixer ; -

2° de l'alcool graduellement saturé destiné à durcir; - 3° de

l'hématoxyline qui donne le meilleur aspect d'ensemble ;

4° de la safranine qui montre le mieux la division du noyau (on

l'associe à l'eau d'aniline). P. IiÉHavaL.

XXXVIII. ENCÉPHALE sans CORPS calleux; contribution A la théorie

SPIROÎDE; par G. JELGERSM.1. (Neurol. Centralbl., 1890.)

La substance grise, à la surface du cerveau, affecte une épaisseur

constante suivant l'espèce animale, variable avec les espèces diffé-

rentes. Les trousseaux de fibres qui, comme autant de rayons, éta-

blissent entre les divers points de la surface, la continuité, occupent

le noyau du solide envisagé. Or, quand un solide s'accroît, ce qui est

le cas du cerveau, sa surface augmente comme le 'carré du rayon,

et son volume, comme le cube du même rayon. Si, par suite, l'é-

corce grise n'augmente pas continuellement d'épaisseur, il y aura

bientôt disproportion entre la-surface et le volume. C'est alors

qu'il faudra trouver une compensation. Cette compensation a été

obtenue au moyen de l'augmentation de la surface et de la dimi-

nution du volume par la genèse de plis. Les circonvolutions céré-

brales et cérébelleuses n'ont pas d'autre origine. Plus la surface du

cerveau est grande et plus le volume est petit, plus nombreuses et

plus compliquées sont les circonvolutions. C'est alfaire d'espèces.

Eh bien ! la grandeur de la superficie est déterminée par deux

facteurs : 1° la quantité absolue de la substance grise; 2° l'épaisseur

qu'acquiert la substance grise à la surface (épaisseur de l'écorce).

La première dépend de l'intensité du développement des facultés

de l'espèce et de sa taille. La seconde, assez constante dans une

même espèce, varie suivant les espèces. Plus l'écorce est mince,

plus nombreuses sont les circonvolutions, c'est pourquoi le cerveau

des cétacés est si riche en volutes; c'est aussi pourquoi le cervelet

est si plissé et plissé plus tôt que le cerveau. Les animaux à cerveau

lisse présentent les mêmes considérations.

La quantité de substance blanche joue, elle aussi, un rôle dans

la genèse des circonvolutions. Pour une quantité de substance grise

288 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

donnée, ayant, à la surface, une épaisseur déterminée, le type des

circonvolutions est d'autant plus compliqué- que la quantité de subs-

tance blanche est plus faible. Normalement, il est fort probable

que la quantité de substance blanche est égale à celle de substance

grise ; en anatomie comparée, cette équation ne se réalise pas, mais

il n'en est pas de même dans les cas pathologiques.

L'absence de corps calleux, dont on ignore d'ailleurs la cause

et la genèse, en déterminant la disparition des fibres rayons

de la surface des hémisphères, produit une diminution du volume.

Il faut donc que la quantité à peu près normale de substance grise

s'accommode à cette nouvelle condition. Cette accommodation a

heu par l'expansion des ventricules latéraux et l'hyperformation de

circonvolutions d'ailleurs plus petites (microgyrie). P. K.

XXXIX. - La fonction du cervelet; par W. R. GOWERS.

(Neurol. Centralbl., 1890.)

Le lobe moyen du cervelet préside à la coordination des mouve-

ments, mais en agissant sur l'écorce motrice de l'hémisphère céré-

belleux, puisque les deux tractus qui mettent en communication la

moelle avec le cervelet sont centripètes; ce sont : les cordons

latéro-cérébelleux qui vont au cervelet - le cordon postérieur qui

se termine dans la substance grise du noyau postérieur d'origine

des faisceaux pyramidaux, noyau relié lui-même au cervelet. Les

impressions vont aux cellules cérébelleuses, et, de là, aux cellules

de l'écorce motrice du cerveau, avec lesquelles elles sont en rela-

tions. Les tractus qui vont agir directement ou indirectement sur

la substance grise de la couche optique ou du corps strié sont

connus. De sorte que le concept de la situation est transmis au

cerveau et réglé par le lobe cérébelleux moyen. Le lobe moyen

est un centre régulateur des impulsions centripètes; elles sont en

relation avec les processus moteurs dépendants de l'entretien de

l'équilibre et des autres mouvements; ceux-ci sont la résultante

non des impressions cutanées, mais, de l'état des muscles. Il est

probable que les impulsions émanées du cervelet qui règlent aussi

l'écorce motrice sont également celles qui provoquent les sensa-

tions. L'écorce motrice arrête le centre des réflexes musculaires

dont dépend le phénomène tendineux, et c'est le cervelet qui pré-

side à l'arrêt de l'activité des cellules cérébrales. Il est même pro-

bable que, dans le système nerveux central, chaque groupe de cel-

lules en état d'activité continue est doublé d'un groupe de cellules

d'arrêt. P. K.

XL. Contribution A la QUESTION de l'innervation DE l'estomac;

par W. Bechterew et N. IIIISSLAWSH1.(lVeuroG. Centralbl. 1890.)

Les auteurs enregistrent les mouvements :

1° De la région cardiaque, par un ballon assujetti à l'extrémité

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 289

d'une sonde oesophagienne en gutta-percha, résistante; - 2° de la

région pylorique, par un ballon assujetti à un tuyau de verre in-

troduit parla ligne blanche à travers le duodénum; - 3° de la

partie moyenne de l'estomac, par un ballon adapté à un tuyau de

verre introduit à travers la grosse tubérosité. Chaque ballon et

chaque tuyau sont'remplis d'eau, et la communication en est éta-

blie avec des manomètres à eau; les oscillations sont inscrites sur

des tambours en rotation.

A l'état de repos, en dehors de la digestion, tous ces organes

sont calmes. Pendant la digestion, il se produit des mouvements

rhythmiques successifs, surtout accentués au pylore, qui entraînent

parfois l'oesophage (ici les mouvements sont périodiques), des

ondes contractiles généralisées assez fortes qui vont du cardia au

pylore. Les mouvements pyloriques sont commandés par les

nerfs périphériques, entretenus et même produits par le pneumo-

gastrique ; les nerfs splanchniques arrêtent les mouvements py-

loriques : il en est de même pour la partie supérieure de lamoelle,

le bulbe, les pédoncules cérébraux, les segments supérieurs des

couches optiques (centres d'arrêt). L'excitation du gyrus sigmoide

(principalement de son segment postéro-externe et de son segment

antérieur) renforce les rhythmes pyloriques et provoque assez

souvent des contractions généralisées de l'anneau en question.

L'excitation de la séreuse intestino-péntonéale arrête les rhythmes

pyloriques, il en est ainsi des diverses excitations cutanées (dou-

leur - piqûre eau chaude). L'irritation du bout central du

pneumogastrique, d'un seul 'côté, arrête aussi ces rhythmes pylo-

riques et provoque simultanément des contractions généralisées

de l'estomac en en dilatant l'anneau oesophagien. La même action

d'arrêt est exercée par l'excitation péritonéale et cutanée sur les

mouvements de l'intestin grêle. P. K.

XLI. DE L1 FOLIE consécutive A l'intluenza, par P1CK.- Influence

DE L INPLUENZ1 SUR L'ALIÉNATION MENTALE, par B1RTELS.- CAS

D'ALIÉNATION MENTALE A LA SU11E DE L'INJ1LUENZA, par C. BECKER.

Guérison D'UNE folie systématique (paranoia) par l'action DE

l'influenza, par M. mets. Deux cas DE DEUTÉROI'\THCONSÉ-

cutives L'INFLUENZA guérie, par KRAOSE. (.Mettrai CMtraM., 1890.)

Nous diviserons ces mémoires en trois groupes. Le premier

groupe (cas de Pick, Becker, Bartels) a pour formule l'influence

psychopathogénétique immédiate de l'influenza; ce sont trois faits dans

lesquels la maladie a déterminé, pendant sa période fébrile, du

désordre dans les idées, des hallucinations, de l'agitation sous

forme d'un délire général cédant à la médication antispasmo-

dique et antipyrétique; un des malades a cependant succombé

(sorte de méningite aiguë surajoutée à la folie systématique).

Le second groupe pourrait être dénommé : les suites psychop(¡thogé-

ARCHIVES, t. XXI. 19

290 revue d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

nétiques à longue échéance de l'influenza; les deux observations de

Krause témoignent d'un délire général avec insomnie, et d'oedèmes

locaux par paralysie des vaso-constricteurs; un entraînement spé-

cial en vient à bout de concert avec la thérapeutique interne con-

venable. Dans le troisième groupe, ils'agitde l'action curative de

l'influenza sur la~folie (M. Metz, Bartels) ; l'observation de Metz

montre une folie systématique qui, durant depuis le milieu de l'été

de 1888, cède définitivement au bout de quatre jours d'influenza

fébrile. P. K.

XLII. LES CELLULES NERVEUSES SONT-ELLES amiboïdes ? hypothèse A

l'appui du mécanisme DES processus psychiques ; par RABL-

RUCKHARD. (Neurol. Centralbl., 1890.)

Un grand nombre de cellules nerveuses (cellules multipolaires

de la substance grise de la moelle- cellules pyramidales de l'é-

corce cérébrale - cellules de Purkinje du cervelet- ganglions

du nerf optique) possèdent un prolongement cylmdraxile, ou de

Deiters, à myéline, ne se divisant pas, ainsi que d'autres prolon-

gements protoplasmiques formant un réseau fin d'éléments ner-

reux ou neurosponge de Waldeyer. Ces cellules nerveuses multi-

polaires sont le siège de mouvements moléculaires qui s'écoulent

par le neurosponge. Ainsi chaque cellule pyramidale contient dans

son protoplasma une quantité et une espèce déterminées de con-

ceptions, d'images représentatives, d'images commémoratives,

dont la somme constitue la mémoire. L'activité psychique consiste

à associer, à troquer continuellement les molécules cellulaires

qui sont les vectrices de ces images. Il est probable que ces molé-

cules sont pendant la vie animées de modifications amiboïdes qui

en produisent le mouvement, et qu'ainsi, du cenlreau neurosponge

et des fins ramuscules des prolongements réticulaires glisse, va-et-

vient une sorte de reptation qui provoque des interruptions ou au

contraire des adhésions plus ou moins prolongées des fils co-

gitatifs ; à chaque contact ou à chaque interruption dans le réseau

correspond dans des groupes d'autres cellules un arrêt ou une ac-

célération des mouvements amiboïdes, selon les besoins : de là la

multiplicité et la variété des associations, et la transformation

continuelle de l'activité mentale. P. KERAVAL.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du lundi 29 décembre 1890. - Présidence de M. BALL.

Le chloralamide chez les aliénés.-Ni. MARANDON DE MOYTYEL litune

note d'où il résulte que le chloralamide administré aux paralytiques

généraux imprime une marche suraiguë à la maladie. Le médi-

cament n'a point d'action nocive sur les globules du sang, mais il

active la circulation, augmente le nombre des pulsations et dé-

termine la congestion du système nerveux et du cerveau.

Elections pour 1891. Sont élus : Vice-Président : M. Th. ROUSSEL;

Secrétaire général; M. Rl1ïEj Trésorier : M. A. Voisin; Secrétaires

annuels : MM. Garnieu et Charpentier. M. B.

Séance du lundi 26 janvier 1891. - PRÉSIDENCE DE M. BOUCHEREAU.

Le Secrétaire général donne lecture du discours que M. le

professeur 13aLL, indisposé, devait prononcer. Dans ce discours, le

président sortant rappelle les principaux travaux de la Société et

indique quel a été son rôle au Congrès de médecine mentale

de Rouen. ,

M. Bouchereau, prenant le fauteuil de la présidence, remercie

la Société des témoignages d'estime qu'elle lui a conférés. Il

rappelle l'évolution actuelle des idées qui porte toutes les sciences

vers l'amélioration du sort des indigents.

Commission des prix. PRIX AUnaNEL. De la folie chez les vieil-

lards. Un seul mémoire a été déposé. La commission se com-

pose de MM. Christian Garnier, Saury, Falret, et Collineau, rap-

porteur.

Prix Belhomme. De la vision chez les idiots et les imbéciles.

Deux mémoires. Commissaires : MM. Vallon, Pichou, J. Voisin,

Ballet, et Semelaigne, rapporteur.

Prix EsQuinoL. - Contribution à l'étude étiologique de la para-

292 sociétés savantes.

lysie générale. Un seul mémoire. Commissaires : MM. Métivié,

Falret, Bouclier et Armand, rapporteur.

Le Président donne lecture du discours qu'il a prononcé sur la

tombe du regretté M. Baillarger, l'un des fondateurs delà Société,

et lève la séance en signe de deuil. Marcel DAIAND.

XXIX- CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE LA BASSE-SAXE ET DE

VES'l'PHAL1E

SESSION DE HANOVRE

Séance du 1er mai 18901. - Présidence DE M. SNELL.

M. Bruns (de Hanovre) présente à la Société une malade atteinte

de paralysie du médian et du cubital. Le 12 novembre 1889, tandis

qu'elle lavait le parquet, un couteau, tombant ouvert d'une table,

pénétra dans le bras droit. L'hémorrhagie fut vive et fut arrêtée

par compression. Trente-deux jours plus tard, on constatait une

cicatrice d'un centimètre etdemi, occupant le bord interne du biceps

entre le tiers supérieur et le tiers moyen du bras, il existait aussi

un anévrisme traumatique de l'artère humérale. Toute la région

innervée par le médian et le cubital du côté était paralysée inté-

gralement ; il y avait réaction dégénératrice complète; l'anes-

thésie occupait les mêmes zones, elle portait uniquement sur la

sensibilité tactile et thermique, la sensibilité à la douleur per-

sistant. On posa le diagnostic de : section du nerf médian et du

nerf cubital, blessure de l'artère humérale. On se résolut à enlever

l'anévrisme et pratiquer la section des nerfs. M. Kredel trouva, en

effet, que la partie antérieure et postérieure de l'artère avait été

perforée; il réséqua le morceau correspondant du vaisseau. Les

nerfs en question étaient intacts, sauf à l'endroit de la blessure où

ils avaient subi un amincissement sur une étendue de deux centi-

mètres; ils ne répondaient plus aux courants électriques, mais il

n'y avait pas de solution de continuité. La plaie guérit sans inci-

dents ; on soumit ensuite la malade à l'électrisation, si bien qu'ac-

tuellement, c'est-à-dire quatre mois et demi après l'opération, les

fonctions se.sont rétablies dans tous les muscles jadis paralysés ;

l'excito-bilico galvanique et faradique est revenue, sauf dans des

muscles qui ne réagissent encore qu'aux courants galvaniques.

4 Vo\ez, Archio. de Neurologie, XXIII' congrès.

sociétés savantes. 293

M. BRUNS présente encore à la Société la moelle épinière enlevée

à un malade atteint de sclérose en plaques. Les foyers scléreux

siègent surtout dans les cordons latéraux et postérieurs; il en

existe aussi dans d'antres systèmes, notamment dans la substance

grise; au niveau de la région supérieure de la moelle dorsale,

toute la coupe transverse est prise. Le bulbe, le cerveau tout

entier et les nerfs optiques sont aussi fortement atteints. M. Bruns

a pu observer le malade pendant trois ans; on trouvera l'obser-

vation sous le n° 4 dans la Berlin Klin. Wochenschalt, 1885, 5; elle

est remarquable par des remissions multiples de paraplégie

épaisses (guérison complète apparente), l'apparition et la dispa-

rition successives de la sensibilité, perte de la motion de posi-

tion), de paralysie sphinctérienne, de paralysies flasques de la

main. Nystagmus dès le début; tremblement intentionnel très

net à la fin, envahissant en dernier lieu les deux régions

faciales; démarche ataxospasmodique; à aucun moment de la

maladie la parole ne fut'scandée. Ces faits, au début, peuvent être

confondus avec l'hystérie ; mais, ce qui permit.le diagnostic en

l'espèce, ce fut une atrophie bilatérale des nerfs optiques.

M. ROLLER (de Brake) présente une tumeur du crâne et de la dure-

mère. Cette pièce provient du cadavre d'une dame célibataire, née

en 1824, morte le 30 juin 1889, qui était atteinte de délire chro-

nique des persécutions. La tumeur était pendant la vie [saillante,

sous la forme d'un corps mou, au niveau du vertex. En effet, elle

occupait les deux pariétaux et se prolongeait vers le frontal comme

vers le temporal; elle allait même jusqu'à l'occipital. Son diamètre

longitudinal était de 10 centimètres, sa plus grande largeur

comportait 14 centimètres. C'est un sarcome à cellules géantes,

originaire du déplacement des os du crâne (Fuergensen). Bien

qu'elle eût comprimé les ascendants, elle n'avait pas occasionné

d'accidents cérébraux.

M. SNELL. ;L'ep : dmfe d'influenza à l'asile d'IIildesheim. -Sur

une population de 765 aliénés, la grippe épidémique en question a

atteint, du 29 décembre 1889 au mois de février 1890, 82 malades,

soit 10.7 p. 100. Elle en a tué î : 4 hommes, 3 femmes, dont 5 de

pneumonie, et 2 (2 hommes) de bronchite catarrhale. Les alié-

nés hommes qui ont succombé étaient âgés de trente, soixante-

dix, soixante-dix-ncuf, quatre-vingt-un ans; les femmes avaient

soixante-et-un, soixante-six, soixante-douze ans. Nombre d'infir-

miers et de domestiques furent également affectés; mais on

n'eut parmi eux à déplorer aucune mort. Il n'y eut que deux

fois des complications psychiques ressortissant à l'influenza : 1

l'un des cas concerne un jeune homme de vingt-deux ans, qui fut

pris de pneumonie, puis d'idées d'empoisonnement et de folie

religieuse (hallucination de l'ouie); ce malade guérit ; l'autre obser-.

29 SOCIÉTÉS savantes.

vation a trait à une fillette de dix-huit ans qui présenta immé-

diatement après l'influenza de la mélancolie; elle se perdit.

En aucun cas l'influenza n'améliora ni ne guérit une psychose

préexistante. Bien au contraire, chez un jeune homme affecté de

délire des persécutions en voie d'amélioration, l'influenza déter-

mina de l'angoisse avec agitation et désordre des idées; en moins

de vingt jours, il était mort; on trouva, à l'autopsie, une ménin-

gite chronique avec granulations épeudymaires. Chez une mélan-

colique de dix-sept ans, en convalescence, l'influenza provoqua un

accès de manie qui dure encore. -

Discussion ? 11. Schmalfus (deIlanovre). L'influenza développa

chez une femme des idées délirantes hypocondriaques, notam-

ment des idées d'empoisonnement et des craintes de phthisie

pulmonaire.

M. WOGEItTfANN. A l'asile de Lengerich, il a été reçu huit aliénés

dont cinq étaient devenus maniaques et trois mélancoliques à la

suite de l'influenza. D'autre part, deux anciens malades renvoyés-

guéris durent être réintégrés à cause de troubles psychiques con-

sécutifs à-fa grippe épidémique. Al'établissement même, on a

observé plus de quatre-vingts cas d'influenza.

M. HEIIKES. A l'asile de Wehnen, l'influenza atteignit 16 aliénés,

6 infirmières, 2 infirmiers.

M. ROLLER (de Brake) raconte un cas de guérison par l'influenza.

11 s'agit d'un délire chronique datant d'une année.

M, ENGELKEN, Sur 20 aliénés qu'il traite, il n'est survenu aucun

cas d'influenza. Il l'a eue personnellement ainsi que sa famille,

mais sous une forme atténuée.

M. MESSE (d'lllken). Tout le personnel secondaire et 3 médecins

ont eu l'influenza. Ont été de préférence atteints les aliénés vivant

en liberté et travaillant. Quelques maniaques sont, sous l'influence

de l'influenza, devenus mélancoliques et stupides.

M. WoLrr·. A Langenhagen, 16 ont été grippés, ceux surtout qui

ne sortent presque jamais. La maladie a été très violente sur le

personnel secondaire. Une infirmière éprouve des troubles intel-

lectuels passagers. ,

AI. GELSTENBERG. A l'hospice et à la maison correctionnelle

d'Huminselsthur, le personnel des infirmiers fut le premier affecté;

puis la maladie sévit surtout sur les sujets isolés. Mais l'influenza

fut légère.

M. Bruns a vu l'influenza déterminer une névrite multitoculaire,

et chez un soldat, une paralysie soudaine du bras droit. Pendant

l'épidémie, on a reçu à l'hôpital beaucoup de délirants. (Allg.

Zeitsch. f. Psycleiat., VLVII, 3. 4.) P. KERAVAL.,

La prochaine séance aura lieu à Hanovre, Kasters hôtel, le

1er mai 1891.

SOCIÉTÉS SAVANTES. e

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN

Séance du 28 juin 1889'.

11. 111oELI (de Daldorf).-Quelguesnaomnlies crâniennes avec pré-

sentation de pièces et de malades. Il s'agit : 1° d'un microcéphale de

quatre ans; 2° d'une hydrocéphale de dix-sept ans dont le crâne et

le cerveau sont soumis à l'examen de la Société. Ce dernier enfant

pesait401nlor. et mesurait 1 m. 38. Le crâne, qui pour diamètre

horizontal 59 centim., est un ultrabrachycéphale et hyps icéphale, il

cube 2,290; 1,450 centimètres cubes sont occupés par les méninges

et le liquide céphalo-rachidien. L'examen microscopique de l'écorce

montre l'absence de toute structure; il n'existe plus que quelques

cellules disséminées, mais elles sont intactes; on constate encore

des fibres tangentielles, la substance blanche est atrophiée; vais-

seaux en nombre modéré, non épaissis. Du côté où la région de ?

ascendants a subi le maximum d'amincissement, il existe une dé-

générescence descendante.

M. Wolff (de Berlin) présente une malade atteinte d'astasie-

abasie. C'est une hystérique chargée d'une tare héréditaire très

lourde ayant passé par toute espèce d'émotions, qui a beaucoup

sou0'ert matériellement. Elle en est au moins à sa quatrième réci-

dive depuis six mois. Toutes les fois qu'on la soumet à l'électricité,

à l'hypnotisme, à l'aimant, à la suggestion, on l'améliore pour un

temps; mais le moindre choc moral la fait rechuter.

Le 29 juin, réunion à Garlitz de la Société psychiatrique de

Berlin et de la Société des aliénés de l'Est de l'Allemagne, pour y

visiter l'asile privé de M. KABLDAUM. On se rappelle que la maquette

de cet asile était exposée à l'Exposition d'hygiène de Berlin et

qu'elle avait attiré l'attention des visiteurs. Son établissement

constitue en eil'et un progrès non seulement par la disposition

des locaux, -mais par le matériel technique de l'enseignement

pédagogique et le concours des maîtres spéciaux qui soignent

l'enfance. (Allg. Zeitsch. f., Psych., XLVII, 3. 4.) P. Keraval.

' Voyez Archives de Neurologie, t. XX, p. 282.

BIBLIOGRAPHIE.

V. Contribution à l'étude de la pathologie des. hémisphères céré-

6 ? '< ! : M;; par V.-K. RoTT et V.-A. Mouratoff. Moscou 1890. Br. in-80,

47 pages.

Dans ce travail, les auteurs publient deux cas présentant une

particularité commune : une amyotrophie qui s'est développée

dans les extrémités paralysées consécutivement à une lésion céré-

brale.

I. Dans le premier cas, il s'agit d'une femme atteinte d'aphasie

avec hémiplégie gauche et atrophie du bras du même côté. A l'au-

topsie on a trouvé : une destruction considérable de l'hémisphère

droit particulièrement dans le domaine de la troisième circonvo-

lution frontale et de l'insula de Reil, une intégrité complète gau-

che, une sclérose descendante du faisceau pyramidal gauche. Pas

de lésions de la substance grise de la moelle épinière; les auteurs

disent qu'ils ont trouvé des cellules de petite dimension dont le

nombre était égal dans les deux cornes; quelques-unes de ces

petites cellules étaient dépourvues de prolongements et présen-

taient une pigmentation assez marquée; mais toutes ces particu-

larités histologiques se trouvaient également réparties dans les

deux moitiés de la moelle épinière, de sorte qu'il paraîtrait irra-

tionnel de rattacher l'atrophie des muscles d'un côté du corps à

une modification morphologique des cellules que l'on observe

dans les deux cornes antérieures; du reste, tout le monde sait

qu'on trouve assez souvent des déviations de la forme ordinaire

- des cellules encore plus prononcées que celles observées par

11111. Rott et llfouratoff sans que, pendant la lie, on se trouve cn

présence de phénomènes cérébraux et médullaires quelconques;

il faut aussi remarquer que les racines antérieures et les fibres

radiculaires intra-médullaires sont absolument normales des deux

côtés. '

Les lésions constatées dans le bulbe consistent en une sclérose

de la pyramide droite antérieure et une asymétrie des deux moi-

tiés du bulbe sous l'influence de la diminution du diamètre trans-

versal du corps restiforme. Les pédoncules cérébraux n'ont pas été

examinés. La sclérose de la pyramide résulte naturellement de la

destruction de l'hémisphère gauche. Un intérêt plus grand se

trouve du côté des corps restiformes; en effet, celui du côté droit

- bibliographie. 297

est beaucoup plus petit que celui du côté gauche. Déjà au niveau

de l'hypoglosse, on observe des territoires sclérosés appartenant au

corps restiforme et séparés de la pyramide par les fibres arci-

formes internes. Cette altération ne porte nullement les carac-

tères d'une lésion généralisée, car parmi les territoires sclé-

rosés, on trouve beaucoup de fibres normales disposées par des

groupes isolés; en outre, entre la pyramide sclérosée et les terri-

toires notés comme altérés, derrière les fibres arciformes internes,

on trouve des solutions de continuité manifestes. On voit ainsi que

l'atrophie ou la diminution du diamètre transversal du corps resti-

forme s'observe du côté de la lésion cérébrale. Les nerfs périphé-

riques ne présentent aucune modification destructive ni dans la

gaine de myéline, ni dans les cylindres-axes; en somme, aucun

phénomène de névrite parenchymateuse ou interstitielle. Dans les

muscles du côté lésé, on constate une atrophie la plus classique.

En résumé, à côté de l'atrophie musculaire consécutive à une

lésion cérébrale, cette observation présente une coïncidence cu-

rieuse de l'aphasie avec hémiplégie gauche et lésion de l'hémis-

sphère droit. Naturellement, on se demande : la malade était-elle

gauchère ? C'est ce que l'observation clinique laisse dans l'ombre.

II. - Dans le second cas, il s'agit d'un homme de trente-cinq

ans, entré à l'hôpital pour une paralysie du bras gauche, une pa-

resie du membre inférieur du même côté avec secousses convul-

sives survenant de temps en temps dans ces extrémités; dans l'état

psychique on constate une dépression considérable. Céphalalgie

continuelle. Léger exophtalmus du globe oculaire gauche. Ptosis

intermittente de la paupière droite durant de quelques minutes à

deux heures et survenant le plus souvent le matin au réveil. Les

mouvements des globes oculaires à gauche sont légèrement dimi-

nués. Les muscles du bras gauche sont fortement atrophiés; ceux

du membre inférieur paraissent sains à la simple inspection. Cécité

presque complète de l'oeil droit; à gauche, vue affaiblie. Pupille

droite plus large que la gauche. Ouie affaiblie des deux côtés.

Hémianesthésie gauche généralisée pour les sensations tactiles,

disposées par plaques pour les sensations douloureuses. Parole et

voix normales. Les réflexes cutanés paraissent intacts; les réflexes

patellaires sont exagérés ; le phénomène du pied existerait seule-

ment du côté gauche.

Au bout d'un mois de séjour à l'hôpital l'état physique et mental,

s'est rapidement aggravé et sans ictus, sans élévation de la

température, la prostration augmentait avec une vitesse inaccou-

ttimée; à la fin, la formation d'un eschare au sacrum a provoqué

un mouvement fébrile avec dyspnée et palpitation et trois jours

après l'apparition de l'eschare, le malade est mort.

A l'autopsie, on a trouvé sur la partie la plus convexe de l'hémi-

sphère droit une tumeur occupant les deux tiers des circonvolu-

298 BIBLIOGRAPHIE.

tions centrales sans atteindre la scissure de Sylvius. Cette tumeur

présentait une surface bosselée, de couleur grise; elle paraissait

légèrement congestionnée et adhérait à la dure-mère dans l'espace

d'un centimètre carré; de forme allongée d'avant en arrière,

q'uadrangu)aire avec des angles arrondis, elle mesurait dans le

sens de sa diagonale de six centimètres à six centimètres et demi.

La surface interne de l'hémisphère gauche fait saillie dans son

tiers postérieur. Les circonvolutions cérébrales sont aplaties et-

effacées. La glande pituitaire est injectée et augmentée de volume;

elle a la forme d'un haricot long de deux centimètres et haut de

un centimètre; à la coupe, sa structure apparaît normale. L'infun-

dibulum est dilaté et fait saillie sous forme d'une tumeur située

entre les tubercules mamillaires et le chiasma des nerfs optiques;

sous l'iufluence de cette dilatation infundibulaire, ie chiasma est

fortement aplati, mais non atrophié.

La pie-mère n'est adhérente qu'au niveau de la tumeur. Les

vaisseaux de la base ne présentent rien de particulier. Les pédon-

cules cérébraux, la protubérance, le bulbe et la moelle épinière

sont sains à l'inspection; sur les coupes, on ne trouve aucune trace

de dégénérescence descendante du faisceau pyramidal. Les racines

médullaires présentent un volume égal des deux côtés et ne sont

pas atrophiées. Rien d'anormal du côté des nerfs périphériques.

Dans les muscles du côté gauche, on constate une atrophie des

plus évidentes.

L'examen histologique a permis de rattacher la tumeur aux glio-

sarcomes. Sur la coupe de Flechsig de l'hémisphère droit examinée

d'après la méthode employée déjà par MM. Kojevnikoff dans un cas

de sclérose amyotrophique latérale ', on a pu trouver une quan-

tité considérable de granulations conglomérées dans le domaine

du faisceau pyramidal seulement.

Dans la moelle épinière, la configuration des cornes grises paraît

très régulière; de même, rien d'anormal dans les cordons blancs

et on ne constate aucun signe de sclérose descendante. Les racines

antérieures et postérieures sont normales. On constate dans la

pie-mère médullaire une légère stase sanguine avec oedème.

L'examen histologique des nerfs périphériques n'a permis de cons-

tater aucune altération.

Les muscles ont été examinés sur le fléchisseur sublime des

doigts, le premier intérosseux et le biceps du côté gauche; on a

pu constater une atrophie des fibres dont le caractère est d'être

diffuse, généralisée presque sans aucune prolifération du tissu

conjonctif interstitiel.

A côté du symptôme commun avec le cas précédent, c'est-à-dire

1 Cas de sclérose latérale amyotrophique. (Archives de Neurologie,

1883, n° 18.)

BIBLIOGRAPHIE. 299

de l'amyotrophie de cause cérébrale, ce cas présente aussi un

intérêt spécial.

En effet, il est évident que dès le début de la maladie le dia-

gnostic de tumeur était facile; la question d'intervention opéra-

toire était plus délicate à résoudre, il cause de la dificulté de loca-

liser d'une façon exacte le siège de la tumeur d'après les données

cliniques, qui, il faut bien le reconnaître, harmonisaient peu avec

une localisation aussi précise que celle constatée par l'autopsie ;

ainsi, la faiblesse du muscle élévateur de la paupière du côté

sain, la faiblesse relative des extrémités droites de même que la

cécité survenue avec une rapidité si grande faisaient croire à

l'existence d'autres foyers pathologiques dans les régions telles

que la base du cerveau, par exemple, où le diagnostic est incer-

tain et les opérations chirurgicales impossibles. Aussi a-t-on jugé

l'intervention inutile.

Telles, sont en résumé, les deux observations d'amyotrophie d'o-

rigine cérébrale dont la signification physiologico-pathologique

reste encore assez obscure. Jusqu'aux recherches anatomiques

faites au laboratoire de M. Charcot par M. Babinski1 , on admet-

tait que l'atrophie musculaire, dans les scléroses descendantes,

était toujours provoquée par l'atrophie des cornes antérieures.

Cette manière de voir a perdu sa signification exclusive depuis

que M. Babinski a démontré que l'atrophie musculaire de cause

cérébrale est possible avec des cornes antérieures intactes. Dans

une observation de Bouchard et Cornil de 1864,1e même fait était

déjà constaté. Les conditions dans lesquelles se développent les

amyotrophies d'origine cérébrale, sont variables : tantôt on trouve

une lésion très profonde des trajets moteurs une hémiplégie avec

contractures et un développement relativement tardif de l'atrophie

musculaire; tantôt cette dernière se développe rapidement dans

les cas qui ne s'accompagnent pas d'une destruction complète du

faisceau pyramidal; enlise ces cas extrêmes, il faut admettre tous

les cas intermédiaires. '

Quel est le pronostic de ces atrophies ? Il est évident que leur

curabilité dépend exclusivement de la lésion cérébrale fonda-

mentale.

Il parait donc établi actuellement que l'atrophie musculaire

peut se développer consécutivement à des lésions cérébrales sans

aucune modification du côté des ganglions spinaux, que cette atro-

phie peut coïncider avec une sclérose descendante du faisceau py-

hamidal ou exister sans la moindre lésion médullaire. Jusqu'à pré-

sent, la localisation exacte des centres trophiques des muscles sur

l'écorce cérébrale est inconnue et encore moins la localisation du

1 Babinski. Atrophie musculaire d'origine cérébrale, (Comptes rendus

de la Société de biologie, 1886.)

300 BIBLIOGRAPHIE.

trajet des impulsions trophiques; de sorte qu'actuellement, on ne

peut encore considérer l'amyotrophie comme un symptôme immé-

diat d'une lésion corticale en foyer, de même que la destruction

d'une partie de l'écorce n'entraîne pas nécessairement un trouble e

dans la nutrition des muscles qui se trouvent sous sa dépendance.

- En passant ensuite à l'explication de l'origine de ces amyotro-

phies les auteurs reconnaissent que les nouvelles recherches tout

en détruisant la théorie ancienne, ne nous ont encore donné en

échange aucune autre théorie bien satisfaisante. La théorie né-

vrotique, la théorie de la modification fonctionnelle des cellules

des cornes antérieures (Vulpian), celle des centres trophiques

particuliers (Quincke Hirt), toutes ces théories semblent faibles

et insuffisantes pour interpréter les atrophies musculaires d'origine

cérébrale; les auteurs pensent qu'au point de vue anatomique les

atrophies en question se rappiochent plutôt de l'amyotrophie

chronique cachectique par afflux insuffisant du sang artériel vers

les muscles paralysés. Cet afflux insuffisant ne peut dépendre que

du rétrécissement de la lumière des vaisseaux, c'est-à-dire du

spasme primitif des vaso-constricteurs ou du spasme arrivant

consécutivement à la paralysie des vaso-dilatateurs. Ce qui confir-

merait cette manière de voir, c'est la localisation qui, d'après les

recherches de Landois et Eulenburg, est identiquement la même

pour les centres vaso-moteurs et les centres psycho-moteurs.

D'accord avec ces recherches, il y a tout lieu de supposer que

chaque impulsion psychomotrice partant de l'écorce cérébrale est

accompagnée d'une impulsion vaso-motrice ayant pour but d'ap-

porter une certaine quantité de sang au muscle correspondant.

La lésion anatomique de ces centres créerait donc simultanément

et les conditions nécessaires pour la production de la paralysie et

les conditions indispensables pour déterminer un rétrécissement

des vaisseaux et consécutivement, une diminution de la nutrition

du muscle. L'influence do l'innervation vaso-motrice'ainsi modifiée

sur l'état trophique des muscles paralysés parait très rationnelle

et demanderait des nouvelles recherches pour être très nettement t

vérifiée. J. Rounlrovrrcu.

VI. L'indication chronique par la morphine et ses diverses formes, par

le B.-P. Régnier. Paris, 1890, aux Bureaux du Progrès médical.

L'usage prolongé de l'opium ou de ses dérivés à certaines doses

entraine une intoxication chronique désignée sous le nom de mor-

phinisme, intoxication qui peut dépendre d'une nécessité théra-

peutique ou d'une passion pathologique du sujet. Il y a lieu à ce

point de vue causal de distinguer ces intoxiqués en morpieinisés et

morphinomanes. Les premiers se différencient des seconds par l'ab-

sence de phénomènes psycho-sensoriel dans les manifestations de

BIBLIOGRAPHIE. 301

l'intoxication, et l'absence des symptômes graves consécutif à la

suppression du toxique. La morphinomanie est caractérisée par la

sensation de besoin, la présence d'un état nerveux héréditaire ou

acquis, l'existence des stigmates de dégénérescence, l'apparition

enfin des phénomènes spéciaux dits d'abstinence, lors de la sup-

pression de la morphine. Tandis que l'ivresse morphinique ne peut

être invoquée à décharge par un accusé, l'état mental du mor-

phinomane doit au contraire entrer en ligne de compte dans l'a-

préciation du degré de responsabilité.

Au point de vue thérapeutique, on doit chercher à supprimer le

remède, par une exclusive surveillance, sans que toutefois on puisse

admettre l'internement du malade dans un asile contre sa volonté;

la guérison complète et définitive est du reste rare. Il est donc à

désirer qu'une législation sévère intervienne pour interdire la vente

frauduleuse de la morphine, - Nous ne ferons qu'un reproche à

cette monographie très complète, c'est le manque de précision

dans les chapitres consacrés à la symptomatologie, les signes

sont plutôt énumérés qu'étudiés, nous ne trouvons guère que quel-

ques lignes en particulier sur le tremblement, l'état du coeur, des

urines, etc..... Le travail dans son ensemble constitue toutefois

une excellente mise au point de cette intéressante question.

Paul BCocQ.

VII. Etude de psycho-physiologie (Echomatisme, zoandrie, eelloki-

nésie, écholalie); par C. Stcaau (thèse de doctorat Lyon, 1890).

L'auteur, àl'occasioii d'un fait très intéressant de zoandriequ'il lui

a été donné d'observer, s'est proposé d'interpréter psychologique-

ment les cas analogues. Procédant par déduction, il étudie succes-

sivement le réflexe élémentaire pour passer de là à l'analyse du

mouvement volontaire comparé à l'activité inconsciente. Les diverses

périodes de formation de l'automatisme cérébral qui en dérive,

sont distinguées ensuite, et c'est à elles que correspondent en réa-

lité les manifestations motrices, pathologiques. Il s'agirait donc

chez les tiqueux, écholaliques, échokinésiques et autres, de désa-

grégation mentale en vertu de laquelle ils répondent immédiate-

tement par des mouvements à toute excitation qui les a frappés,

sans l'intervention intermédiaire d'une cérébration directrice.

Paul BLOCQ.

VIII. Etudes cliniques et bactériologiques; par St. Radziszewski.

(Paris, 1890. Ollier-Henry, édit.)

Cet opuscule se compose de deux parties tout à fait distinctes.

La première ne contient guère que des considérations philoso-

phiques sur la pathologie générale : la maladie, ses formes et son

traitement. La seconde a trait à l'étiologie du tétanos rhumatique

302 BIBLIOGRAPHIE.

dont l'auteur rapporte deux observations. Les recherches bactério-

logiques entreprises dans ces deux cas ont montré que le sang ne

contenait ni bactéries spécifiques, ni bactéries de Nicolaier; par

contre, le sang paraissait avoir subi des altérations chimiques.

Paul Blocq.

IX. Lavage de l'organisme humain, et méthode d'injections d'eau

dans les maladies (Uebe1' aus Waschung des me nschichen Organis-

mus und icbe· den Werlh un die Methoden der Wasser zufuhr in

Krankeiten); par le ûr Sahli (de Berne). Tir. à part de la COI'1'eS-

pondenz-Blatt fisr Schweitz. Aerzte, 1890.

Le lavage de l'organisme préconisé par l'auteur se ferait à l'aide

de l'injection hypodermique de grandes quantités d'eau, et serait

indiqué dans les états morbides dans lesquels l'auto-intoxication

joue un rôle. La technique recommandée consiste dans l'intro-

duction d'une canule sous la peau de la cuisse ou de la fesse,

canule reliée par un tube en caoutchouc à un réservoir plein d'eau

chlorurée et stérilisée d'une température de 37°, et situé à une

certaine hauteur. De la sorte on injecte un litre en une fois, et

on peut répéter l'injection deux fois par jour. Par l'emploi de ce

procédé, M. failli aurait obtenu de bons résultats dans l'urémie et

dans la fièvre typhoïde. Paul BLOCQ.

X. Leçons de clinique médicale; par H. Rendu. Paris, 1890.

0. Doin, édit.

Bien que le tome premier des leçons de M. Rendu soit extrê-

mement intéressant à plusieurs égards, nous ne ferons guère que

le mentionner, car il a trait aux maladies générales et aux maladies

du poumon, de la plèvre du coeur et des vaisseaux, et nous tenons

surtout à insister ici sur les parties du tome second, qui sont

consacrées aux maladies du système nerveux.

L'analyse d'un cas de paralysie radiculaire du plexus cervical est

particulièrement remarquable. Nous citerons aussi la série de

leçons consacrées aux paralysies, diphtériqueset alcooliques. L'au-

teur rapporte aussi un cas de méningite tuberculeuse, avec locali-

sations aux deux lobes paracentraux ayant déterminé une para-

plégie tout à fait curieuse. Bien que le malade ait donné lieu

pendant sa vie à une erreur de diagnostic, M. Rendu, avec un sen-

timent de franchise scientifique, qui lui fait le plus grand honneur,

n'éprouve aucun embarras à avouer une confusion, qui du reste,

aiusi qu'il l'observe, comporte un enseignement précieux. Les der-

nières leçons comportent des notions éminemment originales, au

sujet des hystéries saturnine et mercurielle, et, de plus, établis-

sent sur le tremblement hystérique un certain nombre de points

absolument nouveaux.

. VARIA. 303

A l'occasion d'un cas de tremblement chronique généralisé,

intermittent et, surtout, exagéré par les mouvements volontaires,

une discussion clinique du diagnostic montre que l'hystérie est en

jeu. L'auteur a étudié à ce propos les diverses espèces de trem-

blement liés à la neuropathie; et conclut qu'il en existe deux va-

riétés principales : ceux qui ressemblent à la paralysie agitante, et

ceux qui ressemblent à la sclérose en plaque. On reconnaîtra l'ori-

gine hystérique de ces tremblements à leur mode de début, à leur

marche, et aux symptômes concomitants.

En résumé, les leçons cliniques de M. Rendu tiennent amplement

les promesses de leur titre, et nous savons particulièrement gré à

leur auteur de cette excellente publication à une époque où les

études de laboratoire semblent accaparer les efforts des travailleurs

au détriment de la clinique. Paul BLOcQ.

XI. Hypnotisme et Croyances anciennes; par L.-R. Régnier. Paris, 1891.

Aux Bureaux du Progrès médical.

L'auteur s'est imposé la tâche de rechercher le rôle qu'aurait pu

jouer l'hypnotisme dans les anciennes pratiques médicales. Il exa-

mine successivement à ce point de vue les croyances des Indous,

des Chaldéens, des Egyptiens, des Juifs et des Grecs. Il étudie en-

suite l'historique du magnétisme depuis les origines du christia-

nisme jusqu'à nos jours.

Toute cette partie de l'ouvrage, qui en est du restela plus impor-

tante, est extrêmement intéressante, et nous la louerons sans

réserve.

Nous avons le regret de n'en pouvoir dire autant des idées em-

pruntées par l'auteur sur sa conception actuelle de l'hypnotisme,

où figurent plus ou moins mal amalgamées et sans sélection les

opinions des meilleurs comme des pires parmi les observateurs qui

se sont occupés de la question. Paul BLOCQ.

VARIA

Des hôpitaux d'asiles ; par Richard GREENE. (In Journal of

Mental Science, juillet 1888.)

Travail intéressant dans lequel l'auteur étudie les dispositions

qu'il convient de donner aux petits hôpitaux d'isolement dont la

construction a été récemment recommandée pour le traitement des

maladies infectieuses dans les asiles publics d'aliénés. R. M. C.

304 VARIA.

Quelques remarques SUR la mise EN PENSION HORS DES asiles,

CONSIDÉRÉE COMME MODE D'ASSISTANCE A L'ÉGARD DES ALIÉNÉS INDI-

GENTS ; par A.-R. TURNBULL. (The Journal of Mental science. Oc-

tobre 1888.)

L'auteur étudie successivement :

1° Le but de ce mode d'assistance : il consiste à placer les ma-

lades pauvres, auxquels par suite soit de la forme, soit de la pé-

riode de leur affection mentale, les soins particuliers donnés dans

un asile ne sont plus nécessaires, dans des conditions analogues

à celles où se trouvent les malades plus favorisés par la fortune

qui peuvent recevoir des soins chez eux;

2° Le point de vue financier : si l'on veut bien tenir compte de

tous les éléments de la question, on s'aperçoit que ce mode d'assis-

tance est sensiblement moins onéreux que celui de l'internement

dans l'asile;

3° Ses avantages : ils sont nombreux, et peuvent se résumer

ainsi : ce mode d'assistance met un certain nombre de malades

dans d'excellentes conditions de confortable et de salubrité; il est

avantageux au point de vue du traitement; il est économique;

enfin il décharge l'asile d'un surcroît de travail, et lui permet de

mieux remplir son rôle qui est celui d'un hôpital destiné au trai-

tement et à la guérison des malades et non celui d'un hospice spé-

cial affecté simplement au logement des aliénés pauvres; e

- 4" Les conditions à observer dans l'application de ce mode d'assis-

tance : elles se résument sous trois chefs : 1° le choix attentif des

malades; 2° le choix des personnes à qui on les confie; 3° l'éta-

- bllssement d'une inspection officielle bien faite;

, 5° Les catégories de malades auxquels ce système peut être appliqué.

Ces catégories comprennent, d'une façon générale, les affections

mentales congénitales dans leurs formes les moins graves, et les

maladies mentales qui, après avoir été traitées à l'asile pendant la

période aiguë, sont passées à l'état chronique : ces dernières

formes sont le plus souvent, mais non toujours incurables. Il y a

trois questions auxquelles il faut pouvoir répondre négativement

avant de mettre un aliéné en pension hors de l'asile : 1° Est-il

dangereux pour lui-même ou pour les autres ? Est-il capable de

commettre des actes contraires à la décence publique ? Est-il dan-

gereux au point de vue sexuel ?

6° La proportion de malades qui peut être soumise à ce système.

Cette question est importante, car si cette proportion était trop

faible, elle ne motiverait pas l'organisation d'un système spécial.

En Ecosse elle est de près de 23 p. 100 ; mais elle varie beaucoup

(de 8,4 à 54,) suivant les districts. L'auteur, après avoir conscien-

cieusement étudié les chiffres comparatifs, estime que la propor-

tion des aliénés indigents qui peut être appelée à bénéficier de ce

mode d'assistance est, en moyenne, de 28 p. 100. R. M. C.

Varia. 305

EXEMPLE ANTIQUE DE SUGGESTION; MUTISME PROVOQUÉ.

11. Alors un ange du Seigneur lui apparut se tenant debout au

côté droit de l'autel des parfums.

12. Et Zacharie, le voyant en fut troublé, et la frayeur le saisit.

13. Mais l'ange lui dit : Zacharie, ne crains point; car ta prière

est exaucée, et Elisabeth, ta femme, t'enfantera un fils, et tu lui

donneras le nom de Jean.

18. Et Zacharie dit à l'ange : A quoi connailrai-je cela ? car je

suis vieux, et ma femme est avancée en âge.

19. Et l'ange lui répor.dit : Je suis Gabriel, qui assiste devant

Dieu, etj'ai été envoyé pour te parler et t'annoncer ces bonnes

nouvelles.

20. Et voici, tu vas devenir muet, et tu ne pourras parler jusqu'au

jour que ces choses arriveront, parce que tu n'as pas cru à mes

paroles qui s'accompliront en leur temps.

21. Cependant, le peuple attendait Zacharie et s'étonnait de ce

qu'il tardait si longtemps dans le temple.

22. Et quand il fut sorti, il ne pouvait leur parler; et ils con-

nurent qu'il avait eu quetque vision dans le temple, parce qu'il le

leur faisait entendre par des signes; et il demeura muet.

23. Et lorsque les jours de son ministère furent achevés, il s'en

alla en sa maison.....

59. Et étant venus le huitième jour pour circoncire le petit

enfant, ils voulaient l'appeler Zacharie, du nom de son père.

60. Mais sa mère prit la parole, et dit : Non; mais il sera nommé

Jean. 1

61. Ils lui dirent : Il n'y a personne dans ta parenté qui soit

appelé de ce nom.

62. Alors ils firent signe à son père de marquer comment il vou-

lait qu'il fut nommé.

63. Et Zacharie, ayant demandé des tablettes, écrivit : Jean est

son nom; et ils en furent tous surpris.

64. A l'instant sa bouche s'ouvrit, sa langue fut déliée, et il

parlait en bénissant Dieu

(Evangile de J.-C. selon saint Luc.)

LE CINQUANTENAIRE DE iLLB BOTTARD.

Une intéressante cérémonie a eu lieu le 12 janvier à la Salpê-

trière, sous la présidence de M. Peyron, directeur de l'Assistance

publique, pour fêter le cinquantenaire des services hospitaliers de

111D° Bottard, surveillante de cet établissement, où elle a débuté

comme infirmière le 12 janvier 1841. Le grand amphithéâtre de la

Salpêtrière, élégamment décoré, contenait une foule nombreuse

Archives, t. XXI. 20

306 VARIA.

d'invités. Après M. Peyron, M. Félix Voisin, président du conseil

de surveillance de l'assistance publique, et M. le professeur Char-

cot ont successivement rendu hommage à la vie de dévouement

de Mil. Boltard. M. Louis Gallet, directeur de l'hôpital Lariboisière

et librettiste bien connu, a lu une pièce de vers adressée à

Allie Bottard ; M. Le Bas, directeur de la Salpêtrière, lui a offert

un magnifique bronze au nom de tout le personnel de l'hospice;

enfin, M. Peyron a lu une lettre de M. Demagny, chef de cabinet

du Ministre de l'Intérieur, annonçant que M. Constans décernait

une médaille d'or à M"° Bottard. Voici le discours prononcé par

M. Charcot :

« Je suis heureux, mademoiselle, de pouvoir ajouter aux éloges

si mérités que vient do vous adresser M. le directeur de l'Assistance

publique, quelques paroles qui me permettront de vous faire con-

naître, à mon tour, les sentiments d'estime que je professe à votre

égard depuis longtemps.

« Il y a une trentaine d'années, un peu plus peut-être, que vous

et moi nous marchons chaque jour côte à côte ici, dans ce grand

asile des misères humaines que l'on appelle l'hospice de la Salpê-

trière, traitant ou consolant de notre mieux les malades, chacun

suivant ses attributions spéciales.

a Je puis donc avoir la prétention de vous bien connaître, et de

pouvoir apprécier votre longue et laborieuse carrière, puisque je

l'ai suivie en quelque sorte pas à pas.

« Eh bien ! Je n'hésite pas à dire, et même je tiens à déclarer

hautement, à proclamer publiquement, après vous avoir connue

comme je vous connais,-qu'à mon avis, ceux qui viennent pré-

tendre que les surveillantes laïques des hôpitaux sont incapables

de montrer, dans l'exercice de leurs fonctions, ce désintéressement

absolu, ce dévouement sans bornes, ces qualités morales, quinles-

senciées en un mot, dont le monopole appartiendiait, suivant eux,

aux surveillantes de l'autre système; ceux-là, dis-je, se trompent ou

ils trompent les autres.

« Simple laique, en effet, laique selon la tradition de l'hospice

qui remonte a 1656 (fondation saint Vincent de Paul), sans autre

stimulant par conséquent que le sentiment impérieux du devoir et

de la dignité personnelle, aiguisés, il est vrai, chez vous, par une

sympathie profonde pour les déshérités, les incurables, les difformes

au physique comme au moral, les malheureux de tout genre en un

mot; n'avez-vous pas pendant plus de cinquante ans, sans bruit,

modestement, sans visées autres que la satisfaction de votre cons-

cience, sans autre soutien que votre coeur ardent pour le bien ;

n'avez-vous pas, dis-je, mené cette vie d'abnégation et de sacrifice

que commandait le poste d'honneui qui vous était confié ? 2

« Ah ! je sais bien ce que vous voudriez nous dire en ce moment :

je vous entends : Tout cela vous a paru bien naturel et bien simple

FAITS DIVERS. 307

à accomplir. Vous vous sentez confuse de tant d'éloges, de tant de

solennité; vous n'y comprenez rien, vous ne croyiez pas avoir tant

mérité; bien d'autres choses encore.

« Entre nous, taisez-vous, laissez-nous parler et faire. Vous êtes

trop modeste pour être bon juge en la matière. Oui, certainement

tout cela est simple, sans aucun doute. Mais, sachez-le bien, cela

n'en est que plus grand et plus beau, et c'est pouiquoi nous venons

aujourd'hui, quoique vous en puissiez dire, vous offrir le tribut de

notre admiration et de notre gratitude.

« Oui, au nom des médecins de cet hospice, que vous avez si

intelligemment, si généreusement secondés dans l'accomplissement

de leur tâche; au nom des malades innombrables dont vous avez

adouci la peine, que vous avez aimés, moralises même, et plus

d'une fois, qui ne le sait ? sans autre mission que celle que vous

confère l'amour de l'humanité, ramenés dans le bon chemin; au

nom d'eux tous, je vous remercie.

K Voilà, mademoiselle, ce que je tenais à vous dire. »

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. Nominations, mutations. -(Arrêtés du 15 dé

cembre 1890). M. le Dr (3LlN, interne des asiles publics d'aliénés de

la Seine, classé le premier des candidats déclarés admissibles aux

emplois de médecins adjoints, à la suite du concours ouvert à Paris

le 15 novembre 1890, nommé médecin-adjoint à l'asile public

d'livreux, est compris dans la 2° classe. M. le D'' Marie, interne

des asiles publics d'aliénés de la Seine, classé le second, nommé

médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés de La lloche-Gandon

(Mayenne), est compris dans la 2° classe. (Arrêtés du 15 janvier

1891). M. le U'' L : vame : v, médecin-adjoint à l'asile public de Sainte-

Gemmes (Mame-et-Loire), nommé médecin en chef à l'asile public

deCadillac(Gironde), est compris dans la 3° classe. M. le D'' SCUlLS,

directeur-médecin, est nommé de l'asile public de Bourges à l'asile

de Lesvellec (Morbihan), en remplacement du D'' Chambard, non

installé, et est maintenu dans la 2° classe. M. le Dr Chambard, ),

précédemment nommé directeur-médecin de l'asile public de

Lesvellec et non installé, est nommé en la même qualité à l'asile

public de Bourges, maintenu à la 3° classe. (Arrêtés du 19 jan-

vier 1891). -Sont promus à partir du lar février 1891 : à la classe

exceptionnelle, M. le Dr Dumaz, directeur-médecin do l'asile public

de Bassens (Savoie) ; à la 2e classe, M. le Dr REY, médecin en chef

308 FAITS DIVERS.

de l'asile public de Saint-Pierre, à 111arsellle : M. le Dr MAMMENQ,

médecin en chef de l'asile public d'aliénés de Clermont (Oise); à la

classe exceptionnelle, M. le Dr BELLETRUD, médecin-adjoint de l'asile

public de Saint-Méen (lle-et-Vilaine) ; à la 1° classe, M. le Dr Jour-

NlAC, médecin-adjoint de l'asile public de Blois (Loir-et-Cher).

(Arrêté du 6 février). Sont promus, à paitir du 10, janvier 1891 :

a la classe exceptionnelle, M. le Dr Taule, directeur de l'asile

clinique (Sainte-Anne) ; à la 1 '° classe, M. je Dr Briand, médecin en

chef de l'asile de Villejuif; à la 2° classe, M. le D1' BooDRIE, direc-

teur-médecin de l'asile de Vaucluse ; à partir du le, février 1891, à

la 2° M. le D1' FEBVRË, médecin en chef de l'asile de Ville-Evrard.

(Arrêté du 15 février). M. le Dr Colin, Henri, ancien interne des

asiles publics d'aliénés de la Seine, classé le troisième des candi-

dats admissibles aux emplois de médecins-adjoints des asiles pu-

blics, à la suite du concours ouvert à Paris le 25 novembre 1890,

nommé médecin-adjoint à l'asile public de Sainte-Gemmes (Maine-

et-Loire, est compris dans la 2° classe.

Travaux A l'asile clinique (Sainte-Anne). -Dans sa séance du

29 décembre dernier, le conseil général de la Seine a ouvert les

crédits suivants pour dépenses hospitalières : 1° 79,266 francs pour

travaux à exécuter en 1891 à l'asile Sainte-Anne (création de nou-

velles chambres d'isolement, agrandissement des bains, construc-

tion d'une salle de consultation gratuite pour les malades);

2° 5,200 francs pour établissement dans cet asile d'une étuve fixe à

vapeur humide sous pression, pour la désinfection des linges et

vêtements.

- Une proposition a été déposée au conseil général, par M. le

Dr Dubois, à l'effet d'aliéner les terrains appartenant à l'asile dont

ils ne sont séparés que par la rue d'Alésia. La vente de ces terrains

serait tres regrettable, 11 s'y construirait des maisons qui dimi-

nueraient le service de la clinique et seraient une source inces-

sante de désagréments pour les malades, de réclamations justifiées

de la part des médecins. Le département a déjà fait des sacrifices

pour empêcher la vue des aliénés par les voyageurs du chemin de

fer-de Sceaux. Ces dépenses seraient rendues inutiles. D'autre

part ces terrains peuvent à un moment donné être utilisés pour la

création d'une annexe de l'asile. En attendant, ils servent au tra-

vail des malades, ce qui constitue un élément des plus précieux

pour leur traitement.

Faculté DE médecine DE PALERME. M. le D1' Guis. BRANCALEONE

est nommé privat-docent de psychiatrie.

Faculté DE médecine DE HEIDELBERG. M. le Dr KRAEPELIN, pro-

fesseur àla Faculté de médecine de Dorpat, est nommé professeur

ordinaire de psychiatrie, en remplacement de M. Furstner.

Faculté DE médecine DE BRESLAI1. M. le Dr WERN1CHE, profcs-

FAITS DIVERS. 309

seur extraordinaire de psychiatrie et de neurologie, est nommé

professeur ordinaire.

Asile d'aliénés de BRON. - Le concours pour l'internat de cet

asile s'est terminé par la nomination de M. Deray, interne titu-

laire, et de M. Vialon, interne suppléant.

Le conseil général des Sociétés médicales du département de la

Seine est composé comme il suit pour l'année 1891 : Président :

M. Putrel. Secrétaire général : M. Philbert. Secrétaire général ad-

joint : M. Cayla. - Membres honoraires : MM. Brouardel, Lanne-

longue, Cornil, Théophile Roussel, Goujon, Chevandier (de la

Drôme), David. - Membres titulaires : MM. Morin, Gautier, Avezou,

Chevallereau, Guillié, Dauchez, Gouraud, Tolédano, de Cours.

Bonnot, A. Miot, Vétault, Cellière, Naulin, Leboucq, Michel, Thorel,

Larcher, Chouppe, Putrel, Cayla.

Projet DE LOI sur les asiles d'aliénés en ITALIE. - Le gouver-

nement vient de déposer sur le bureau du Sénat un projet de loi

sur les asiles d'aliénés et sur la création d'asiles pour les aliénés

criminels. En ce qui concerne cette dernière question, nous

rappellerons que le Congrès des aliénistes français dans sa session

de Rouen (août 1890) s'est prononcé à la presque unanimité contre

une telle création. Les aliénés criminels sont des malades qui, sous

l'influence de leur délire, ont commis un délit ou un crime ; ils ne

sont pas plus dangereux que beaucoup d'autres aliénés internés

dans les asiles. Ce qu'il faut créer, ce sont des asiles ou des quar-

tiers spéciaux pour les criminels devenus aliénés qu'il n'est pas

convenable au point de vue social de mettre dans les asiles ordi-

naires, pas plus qu'on ne met les vieillards qui ont eu des condam-

nations dans les hospices consacrés à la vieillesse. (B.) -

Le teskéré de la LYMPHE. D'après un article de notre ami le

Dr B. Narich, publié dans le Journal de Smyrrze : a La direction de

l'Ecole impériale de médecine de Constantinople a adressé au

ministre de l'intérieur un teskéré l'informant que le gouvernement

ne devrait pas autoriser le traitement de Koe/t en ville. » (D' B. Na-

rich, Journal de Smyrne, numéro du 20 janvier 1891.)

, Hypnotisme : Interdiction des séances publiques. - Le maire de

Lyon vient de faire afficher l'arrêté suivant : « Considérant que

les séances d'hypnotisme et de suggestion, données dans les cafés-

concerts de Lyon, sont parfois indécentes, provoquent des incidents

scandaleux et jettent la perturbation dans une partie des specta-

teurs : arrêtons :

« Article premier. -Il est interdit aux directeurs ou propriétaires

de café-concert de donner des séances d'hypnotisme, de suggestion

ou autres spectacles analogues. »

Asile d'aliénés A BLOCKLEY. Le comité de secours et de sur-

310 FAITS DIVERS.

veillance dos maisons de correction de Philadelphie a décidé der-

nièrement de conseiller l'emploi de 75.000 souverains, en supplé-

ment, -[pour l'érection de bâtiments sur la propriété de l'hospice

des pauvres, afin d'y placer des aliénés; on avait d'abord attribué

150.000 souverains à cet effet, mais la somme ne fut pas jugée

suffisante, c'est pourquoi on y a ajouté une nouvelle subvention de

75.000 souverains. (Médical Record, 18 octobre 1890.)

Asile d'aliénés DE BELFAST. Encombrement. Les inspecteurs

des asiles d'aliénés rapportent que cet établissement renferme un

nombre trop grand de malades, surtout dans les quartiers d'hommes

et dans ceux de femmes atteints de folie aiguë. Ils recommandent

l'acquisition d'un terrain qui ne soit pas inférieur à 100 acres, et

où on construirait un nouvel asile pouvant contenir au moins

400 malades. Ils conseillent également dans leur rapport la cons-

truction d'un hôpital détaché destiné au traitement des infirmes,

malades et de cas aigus. De cette façon, les malades seraient sous

le contrôle particulier du médecin, et jouiraient de tous les avan-

tages que peuvent procurer de bons soins et une bonne surveil-

lance. (British médical journal, du 25 octobre 1890.)

Soins donnés aux aliénés dans l'état de NER'-YORH.-L'111CIdeIlt

véritablement triste et encore récent du meurtre dn Dr LLOYD, par

un aliéné évadé, a amené la commisaion des médecins aliénistes

de l'Etat à prendre les nouvelles mesures suivantes : aucun malade

aliéné, eh traitement dans un établissement, ne pourra sortir sur

parole, si, de l'avis du directeur médical, il est dangereux pour

lui-même et pour les autres. En cas d'évasion du malade, on pren-

dra des mesures énergiques pour le faire réintégrer. Un autre

ordre a pour but d'assurer aux aliénés une correspondance assez

large avec leurs amis; et de leur donner toute liberté pour corres-

pondre avec l'Etat et les magislrats. (The ,New-York med. Jours.)

Influence DE l'alcool sur la dépopulation. Dans la séance du

2G décembre 1890, de l'Académie de Médecine, M. Lancereaux a

fait une communication sur ce sujet. 11 a montré que l'alcool tuait

les gens non seulement par les accidents de l'intoxication elle-

même, mais encore par la tuberculose résultant frequemment des

excès alcooliques. Il propose comme remède à l'état de choses en

France, la limitation des licences accordées aux débitants, et

l'élévation du prix de ces licences, en même temps que l'applica-

tion d'un impôt particulier sur tous les liquides alcooliques renfer-

mant des essences (absinthe, vermouths, etc.).

Les médecins ivrognes aux Etats-Unis. Un bill vient d'être

introduit au Parlement de l'Etat de Georgia, portant que les méde-

cins adonnés à l'usage du whiskcy ou de l'opium pourront être

privésdu droit d'exercer leur profession après une première condam-

nation pour l'un de ces chefs de prévention. 1

FAITS DIVERS. 311 1

Les buveurs d'éther en IRLtNDE, - Après avis conforme du

Collège royal des médecins de l'Irlande, le gouvernement, pour

restreindre l'abus de l'éther dans certains districts du nord de ce

pays, dit la Semaine Médicale, a décidé que ce produit devait être

compris parmi les poisons et que, par suite, les pharmaciens seuls

avaient le droit de le débiter en ayant soin d'apposer sur le flacon

une étiquette portant la mention poison.

Drames delà folie. Un nommé Verghes, annonce une dépêche

de Rodez en date du 6 février, demeurant à Colombie, pris subite-

ment d'un accès de folie, s'est levé hier au milieu de la nuit, et, se

dirigeant vers le lit où reposait son beau-père, a frappé celui-ci à

coups de bâton. La victime est morte quelques heures après.

Verghes a été arrêté et interné à l'asile d'aliénés de Rodez. On

annonce (dépêche de Nancy, 12 décembre), que Constantin, le

principal inculpé dans l'affaire de moeurs, vient d'êtie interné dans

l'asile d'aliénés do Maréville. - Un individu, qui passe pour fou, a

tiré trois coups de revolver sur M. Fossier, maire deBriosne. L'élat

de la victime est grave (dépêche du Mans, 12 décembre). Ce

soir, dit une dépêche de Bordeaux, du 12 décembre, vers 6 heures

et demie, un fou s'est précipité dans les bureaux de la France du

Sud-Ouest, à Bordeaux, frappant àl'aide d'un énorme bâton, indis-

Linctemeiit les rédacteurs qui s'y trouvaient. Un instant le secrétaire

delà rédaction est parvenu à le maîtriser, mais il a reçu à la main

une blessure assez grave. On a pris alors le parti de l'enfermer dans

la salle et d'aller chercher la police. Le fou a tout hrisé, les vitres,

les becs de gaz, etc., el il a fait un feu où il a jeté les cha-

peaux, les livres, les dépêches et les cahiers qu'il a trouvés

sur la table.'de rédaction. En se débuttans contre la police, ce fou

criait : e Je suis Eyraud et vous êtes Gabrielle Bompard ; puisque

vous la soutenez, vous aurez affaire à moi. » Le R.lJ1pel de l'Eure

du 14 février rapporte que, à Fleury-sur-Andelle, un carrossier du

nom de Normand, s'est pendu dans sa cave. Ce malheureux, par

suite d'une fièvre typhoïde, ne jouissait pas de l'entier exercice de

ses facultés.

Tous ces faits, consignés dans divers journaux, montrent la

nécessité d'interner les aliénés dès le début de leur maladie. au

point de vue de la sécurité publique et de l'intérêt même dcs-

malades, mais ils n'empêcheront pas les mêmes journaux de proles-

ter contre la loi du 30 juin 1838 qui a eu pour but d'organiser cette

assistance.

Exercice ILL1G1L de la médecine (Somnambules). L'affiche sui-

vante avait, dans ces derniers temps, été apposée à profusion sur

les murs : « Consultations pour recherches, maladies et renseigne-

ments données par nlma L..., 3, boulevard ... ? et par llme A...,

du même boulevard, tous les jours de neuf heures du matin à

312 FAITS DIVERS.

six heures du soir et par correspondance. Séances magnétiques

pour les malades aux heures convenues. » Or, ces dames ne sont

qu'une même personne, qui est... M. Fr... Ch..., qui, devant ses

naïfs clients, était censé endormir une fille L... F..., ex-cuisinière.

Celle-ci, pendant son sommeil, indiquait les ordonnancesàprescrire.

On a saisi chez Ch..., les trois remèdes qui constituent le fond de

sa médication. L' « elixir de santé » et « le vin tonique » sont des

liqueurs hygiéniques et non médicamenteuses. Mais la « pommade

des trois-curés » est un médicament. Le cabinet de cousultations

était, d'ailleurs, très achalandé. Le magnétiseur, qui était inculpé

d'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, reconnaît les

faits; la somnambule déclare ne pouvoir affirmer ce qu'elle ordon-

nait ou faisait dans son sommeil, et le tribunal condamne chacun

des inculpés à 15 fr. d'amende. Le magnétiseur est, de plus, con-

damné à 500 fr. d'amende.

Le remède d'une somnambule. Nous lisons dans l'Eclair :

Toulon, 15 janvier. D'un correspondant. Un affreux malheur,

dû à la crédulité publique, vient de so produire ici. Un jeune

homme de seize ans se trouvant souffrant, ses parents, au lieu

d'avoir recours à un médecin, se sont adressés à une somnambule,

qui leur a donné un spécifique de sa composition. Vingt-quatre

heures après son absorption, le jeune homme mourait dans d'hor-

ribles souffrances. L'autopsie a démontré que la mort avait été

causée par le médicament qui lui avait été administré. La som-

nambule, nommée Théodorine Garnero, a été arrêtée.

C'est un fait de plus à ajouter aux nombreux méfaits des indus-

triels de ce genre. Malheureusement cela n'empêchera pas le public

de retourner chez les autres somnambules et de leur demander

conseil en cas de maladie. -

La morphinomanie A deux. On a décrit jadis la Folie à deux.

Aujourd'hui c'est la Morphinomanie à deux. Un nouveau procès iL

sensation nous a valu la publication d'une observation très inté-

ressante à ce point de vue. Une jeune, riche, jolie femme, épouse

un médecin sur la moralité duquel, d'ailleurs, on n'a absolument

rien à dire. Notre confrère tombe malade, - ne peut supporter la

souffrance; il devient morphinomane. Rien d'étonnant à cela.

On sait depuis longlemps que les médecins, qui connaissent pour-

tant à fond les terribles effets de cet irrésistible poison, s'adonnent

sans vergogne à de tels abus.

Devenu impuissant et resté fort jaloux, craignant que sa femme

n'aille chercher ailleurs un plaisir qu'il se voit désormais incapable

de lui procurer, il la rend, de parti pris, morphinomane elle-même.

Cette morphinomanie à deux existe, qu'on l'appelle d'ailleurs

comme l'on voudra. Et l'exemple ci-dessus, que l'actualité nous

faisait un devoir de rapporter, est loin d'être isolé. On nous contait

FAITS DIVERS. 313

récemment encore une histoire analogue, et, par malheur, parfai-

tement authentique. Il serait intéressant de rechercher dans les

travaux modernes sur l'intoxication par la morphine, et de rap-

procher les observations, sérieusement prises, analogues à celles

que nous venons de citer. On en trouverait facilement quelques

cas, entre autres dans la thèse récente de M. L.-R. Régnier (ob-

servations 13, 17, 56, 57 et 62). Sans compter ce nouveau fait qui

vient d'être publié dans tous les journaux; il a trait encore à un

médecin et à sa maîtresse, femme d'un pharmacien. Nous faisons

allusion au procès récent de M. le Dr M.... (de Paris).

Les suites d'une tentative de meurtre. - Il y a un mois environ,

Mme Millel, âgée de soixante ans, concierge du numéro 31 de la

rue Poissonnière, à la suite d'une discussion avec une de ses loca-

taires, était frappée par celle-ci de plusieurs coups de couteau à la

tête et au cou. Ses blessures n'étaient pas graves, mais la peur

qu'elle avait éprouvée avait complètement détraqué la cervelle de

la pauvre femme. Bien que l'auteur de cette tentative de meurtre

eût été arrêtée, Mme Millet se croyait continuellement sous le coup

d'une attaque semblable et la pauvre femme donnait depuis quel-

que temps des signes évidents d'aliénation mentale. Hier soir elle

ne parut pas à l'heure du dîner et son mari la rechercha de tous

côtés. Quelques instants après un locataire trouvait le cadavre de la

dame Millet suspendu à un clou, au-dessus de la fontaine, dans la

cour de la maison. Un médecin appelé sur-le-champ n'a pu que

constater le décès de cette malheureuse.

Un cas U'.1MNÉSfE.- « Une dame, paraissant âgée d'une quaran-

taine d'années, vêtue d'une robe de soie gris-perle, dit l'Eclair du

28 décembre, se présentait hier au commissariat du faubourg Mont-

martre et demandait à parler à M. Mouquin. Mise en présence de

ce magistrat, cette dame déclara que, venant d'assister au mariage

de sa fille, elle avait eu avec des passants une discussion assez vive,

puis subitement avait perdu la mémoire. Au moment où le fait se

produisait, elle ne s'était aperçue de rien, mais sortant du restau-

rant, elle en avait oublié l'adresse, ainsi que celle de sa demeure

etson nom. M. Mouquin, n'ayant pu obtenir aucun renseignement

de cette dame, l'a envoyée à l'infirmerie du dépôt. »- Il s'agit

là vraisemblablement d'un cas d'amnésie par shock nerveux.

UN CRIME COMMIS SUR UN épileptique EN état d'automatisme AM-

BULATOIItE.- Nous lisons dans le Temps, du 2 février : « Un indi-

vidu, d'allure étrange, s'est présenté hier après midi, chez

M. Lanet, commissaire de police du quartier du Val-de-Grâce.

C'est un nommé Adrien D..., ouvrier relieur, âgé de trente-quatre

ans, et demeurant rue de la Harpe, 42. Il s'est plaint d'avoir été

dévalisé dans les circonstances suivantes :

« D... souffre depuis assez longtemps déjà d'une maladie nerveuse

314 FAITS DIVERS.

des plus singulières qui a été examinée parM. le docteur Charcot.

Tout à coup, il abandonne son travail, sort de'sa maison et marche

à travers les rues, toujours droit devant lui et répétant invariable-

ment le même mot, un terme scientifique. Il se promène ainsi du-

iant plusieurs heures, quelquefois même des journées entières.

Puis, lorsque sa mémoire oublie le mot que sa langue a si souvent

prononcé, D... s'arrête brusquement et tombe, saisi d'une crise

épileptique.

« Hier, sous l'empire de sa maladie, il était parti de chez lui, vers

huit heures du matin. Il n'avait pas cessé de marcher dans Paris

lorsque, vesquatre heures, il fit la rencontre de deux anciens ca-

marades d'hôpilal, qui l'emmenèrent chez un marchand de vin

de la place Alaubert. D... les suivit, toujours en prononçant son

mot scientifique. Mais, comme il était obligé de causer, il oublia

tout à coup-ce mot et tomba dans une crise violente. Ses cama-

rades en profitèrent pour saisir une somme d'argent qu'il portait

sur lui et pour s'emparer de sa montre. M. Lanet est parvenu à

mettre la main sur les voleurs de M. D... et les a envoyés au Dépôt.

« Si nous nous en tenons à l'initiale donnée par le Temps, on

pourrait reconnaître dans ce malheureux un ancien malade de la

Salpêtrière, atteint de cordes comitiales ambulatoires, auquel

M. Charcot avait donné le certificat ae maladie, qu'il recommande

aux malades de ce genre de toujours porter sur eux et qui leur peut

servir à se tirer des mauvais pas où ils se mettent souvent dans

leurs accès ambulatoires.

Un exploit d'ivrognes. On mande de Belfort au Petit Parisien : .'

Un accident vient d'arriver au dépôt des machines du chemin de

fer stratégique, situé au plateau des Chèvres. Deux machinistes

militaires qui étaient en état d'ivresse ont ouvert le régulateur

d'une locomotive sous pression. La machine, abandonnée à elle-

même, sans conducteur, descendit la rampe avec une vitesse

effrayante. Foit heureusement, elle dérailla à un tournant et alla

butter contre un mur qu'elle démolît. S'il n'en avait pas été ainsi,

la locomotive aurait parcouru la ville à une allure vertigineuse et

aurait occasionné de graves accidents. Les dégâts sont évalués à

plusieurs milliers de francs. Les soldats qui ont été cause de cet

accident ont été mis en prison. »

Dans notre avant-dernier numéro (novembre 1890), notre rédac-

teur en chef, M. 130ul'neville, revenait encore une fois sur la question

des asiles pour le traitement et l'internement des corompus et

des alcooliques. Voilà deux individus qui auraient leurs places toutes

marquées dans un pareil établissement, car ils sont réellement

dangereux.

Une (LE pour les ivrognes. - Au congrès de Berlin, le Dr Kar-

Kahlbaum a établi qu'une erreur très sérieuse avait souvent été

FAITS DIVERS. 315

faite dans le traitement de l'ivrognerie, savoir, que l'on n'observait

pas assez longtemps le malade pour être sûr de sa guérison. Il est

souvent arrivé qu'une amélioration était prise pour une cure.

Le Dr K. Kahlbaum a proposé que le Gouvernement choisisse une

île isolée pour y envoyer les ivrognes seulement. (New-Yorh Me-

dical Journal, du 8 novembre 1890, p. 518.)

Précautions A prendre contre les ALENES. Il est à espérer que

la mort du Dr Lloyd servira à quelque chose. Le grand jury du

comté de Kings a blâmé la commission des asiles d'aliénés de

Etat pour Je fait d'avoir favorisé la pratique qui consiste à enre-

gistrer les malades évadés comme ceux mis en liberté (c'est-à-dire

considérer les évadés comme des mis en liberté). Le jury a égale-

ment blâmé les agents officiels de l'asile d'aliénés du comté de

Kings de leur relâchement vis-à-vis du meurtrier du Dr Lloyd, et a

recommandé l'emploi d'une force de police dans l'asile. (New-

York Médical Journal, samedi 8 novembre 1890, p. 518.)

Un singulier traité d'hypnotisme. - On trouve parmi les an-

nonces de la quatrième page d'un journal politique, la singulière

réclame que voici :

CONTRE 2 FR. 50

adressés

il M. le Régisseur de la Villa des Roses

à Sens-ster-Yontae,

On reçoit franco :

Un traité (l'il Y P N 0 T 1 SilE pratique

et absolument utile à tous.

Dans ce nouveau traité,

sommairement approfondi,

On y rencontre

l'art d'endormir un sujet avec la plus grande facilité, ,

lui donner des suggestions,

le (aire parler, lui faire avouer ce qu'il pense,

ainsi que ses secrets et les choses les plus

délicates de sa vie.

On peut l'obliger à vous obéir en tout point.

Par l'lypnottsme :

Ou oblige une personne a vous aimer éternellement.

On peut lui faire passer

l'habitude de boire, de fumer, d'être méchant.

Par l'Hypnotisme :

On peut guérir un nombre incalculable de maladies,

les douleurs, les rhumatismes, les paralysies,

les névralgies, les migrâmes, les vertiges,

les gastralgies, les gastrites, etc, etc, etc.

Par l'Hypnotisme :

On guérit instantanément le défaut de débauche

chez l'homme comme cliez la femme.

' Ce t;aU6 vaut son poids d'or.

Prière 1 tons, lectrices, lecteurs, d'adresser 2 fr. 50

pour le 1 eceYOll' franco dans les 18 heures.

316 NÉCROLOGIE.

Nous avons eu la curiosité de demander ce Traité d'hypnotisme

« sommairement approfondi ». Nous avouons regretter nos 2 fr. 50.

Cela consiste en deux petites brochures contenant à elles deux

environ une vingtaine de pages. On y trouve deux ou trois pages

de considérations enfantines sur l'hypnotisme, mais surtout un

grand nombre de calembours, jeux de mots, martingales pour

gagner sûrement à la roulette, etc.... Au milieu de toutes ces ba-

livernes, nous relevons les lignes suivantes :

CONSEIL A SUIVRE

. LECTRICES, LECTEURS,

Je vous donne ici le moyen dont se servent Messieurs les professeurs de

Médecine, ainsi que certains artistes donnant des représentations sur les

scènes théâtrales ; mais, croyez-moi, n'usez pas de ces moyens, lesquels

rendent toujours le sujet plus ou moins malade et parfois même

attaquent le cerveau.

Ceci, Lectrices, Lecteurs, pour votre gouverne.

Voilà un charlatan qui entend bien mal la réclame !

Georges GuiNON.

NÉCROLOGIE

Ni. le Dr BAILLARGER

J.-G.-F. BAILLARGEIi, ancien interne d'Esquirol à l'Asile de Cha-

renton. vers 1830, était nommé médecin en chef de l'Hospice de

la Salpêtrière à la suite du concours spécial des aliénistes, dont on

connaît les fonctions diverses jusqu'à une époque récente. A partir

du jour où il exerça ces fonctions, son activité scientifique ne con-

nut plus de repos, car on peut dire que la veille même de sa mort,

survenue le 31 décembre 1890, il se préoccupait encore do tirer

parti des matériaux qu'il avait rassemblés. Cette assertion nous est

permise, à nous qui l'avons connu et qui avons admiré cette

vigueur intellectuelle peu commune chez un vieillard de quatre-

vingt-un ans.

Son talent d'investigation s'est successivement appliqué à l'ana-

tomie normale et pathologique du cerveau, à la physiologie des

syndromes de la folie, à l'analyse clinique des vésanies et à l'exa-

men judicieux des formes si variées de la paralysie générale. Nous

devons à sa mémoire de citer, en les divisant méthodiquement, ses

NECROLOGIE. 317

publications. Nous ferons ressortir les découvertes indiscutables du

maître.

Les recherches sur la structure de la couche corticale des circonvo-

lutions du cerveau (1840) sont classiques; c'est un travail auquel les

auteurs modernes ont certainement ajouté des détails intéressants,

sans en détruire le fond. On connaît aussi son mémoire sur le

déplissement (Etendue de la surface du cet veau et de ses rapports

avec le développement de l'intelligence) et sur le mode de formation

du cerveau (1848).

Baillarger a traité avec succès de la Classification des différents

genres de folie (18S3); de l'Etat désigné chez les aliénés sous le

nom de stupidité (1843), mais il s'est révélé clinicien de premier

ordre en créant la folie à double forme (1854), en étudiant les hal-

lucinations hypnagogiques (Etat intermédiaire à la veille et au som-

meil influant sur la production et la marche des hallucinations (1842),

les syndromes de dégénérescence (Influence de la puberté sur la

production de la monomanie avec conscience (1861); quelques consi-

dératisons sur monomanie (1847), en comparant le délire aigu

vésanique au délire aigu paralytique (1861), en décrivant l'ossification

prématurée des os du crâne chez les idiots microcéphales (1856), en

recherchant l'influence de la menstruation sur la transformation de

la manie en délire aigu (1861).

Au talent d'observateur, il associa les qualités précieuses du cri-

tique, dans la physiologie des hallucinations et leur nature. Il dégage

avec justesse l'élément intellectuel et l'élément sensoriel des hallu-

cinations des cinq sens et fait adopter sa formule des hallucinations

sensorielles et des hallucinations psychiques. Appliquant cette

notion exacte à la physiologie du délire, il montre l'importance de

l'automatisme dans la genèse des troubles conceptuels, dont il

attribue l'origine à l'exercice involontaire des facultés (la théorie

de l'automatisme étudiée dans le manuscrit d'un monomaniaque,

1856).

Si nous insistons à dessein sur les découvertes fondamentales du

savant aliéniste français, c'est que les auteurs allemands contem-

porains, qui du reste se plaisent à citer Baillarger, développent

des théories fort ingénieuses, n'oyant en réalité d'autre point de

départ que les études de ce dernier. Nous voulons parler, en parti-

culier, des centres d'arrêt et de leur action psycho-pathogène. La

multiplicité des travaux de Baillarger nous oblige à nous montrer

plus concis et à nous borner à transcrire les titres de ceux qui

suivent. Ce sont :

Alimentation forcée des aliénés et emploi d'une nouvelle sonde oeso-

phagienne (18r6). - Quelques exemples de folie communiquée (1860).

Hallucination reproduisant des sensations vives antérieures. Apha-

sie au point de vue psychologique (1865). Des faux jugements à l'oc-

casion des sensations (181'J). De la folie à la suite des fièvres inter-

318 ô NECROLOGIE.

mittentes. Influence de la première menstruation après l'accouche-

ment sur la production de la folie (1856). - De la diète lactée dans le

traitement de la manie et de la mélancolie aiguës. De la démence

incohérente et de la démence simple (démence agitée et démence apa-

thique de Griesinger). - Statistique appliquée l'étude des maladies

mentales : ce mémoire est l'exposé des motifs de la création de la

Société médlco-psjchologique, - Médecine légale : des circonstances

atténuantes des aliénés (1853) et des épileptiques (1861). Rapport

médico-légal sur une tentative d'assassinat commise par une monoma-

niaque sur la personne d'un magistrat (1863).

La paralysie générale, à laquelle nous arrivons maintenant, a

offert à M. Baillarger une riche moisson. Toutes les questions

modernes ont pour devancières des vues ou des découvertes de

l'ancien président de l'Académie de Médecine. Les modalités du

délire des paralytiques, et, d'une manière générale, la folie paraly-

tique l'ont eu pour initiateur. En trouvant, par l'anatomie patho-

logique, la sclérose de la lésion de la substance blanche, on peut

direqu'il a été le précurseur anatomique du faisceau d'association

sous-cortical deMeynert. Qu'on en juge d'après les titres :

Délire hypochondriaque comme symptôme et signe précurseur de la

paralysie générale (1860). De l'inégalité pupillaire comme symp-

tôme, etc... (1850). - De l'ataxie locomotrice dans ses rapports avec la

paralysie générale (1861). De la paralysie générale dans ses rapports

avec la pellagre. - Du siège de quelques hémorrhagies méningées (1837).

Sclérose de la substance blanche superficielle des circonvolutions du

cerveau dans la paralysie générale. Sur une altération du cerveau

caractérisée par la séparation de la substance grise et de la substance

blanche des circonvolutions de la paralysie générale. De la cause ana-

tomique de quelques hémiplégies incomplètes observées chez des

déments paralytiques (1858). - Du poids comparé du cerveau et du

cervelet dans les démences paralytiques (1886). - De la coloration ardoi-

sée du cerveau dans la paralysie générale et de ses rapports avec les

eschares du sacrum. - De la découverte de la paralysie générale et des

doctrines émises par les premiers auteurs. Notes sur la paralysie

générale (1849). Démence paralytique et manie avec délire ambi-

tieux (1858). Des rémissions de la forme maniaque de la paralysie

générale. De la guérison de la paralysie générale et de la théorie des

pseudo-folies paralytiques. Du délire ambitieux de ces affections

organiques locales du cerveau et des maladies de la moelle (1881). - De

la folie avec prédominance du délire des grandeurs dans ses rapports

avec la paralysie générale (1866). - Des rémissions et de la démence

dans certains cas de paralysie générale (1879). - Influence des suppu-

rations sur la guérison de la folie paralytique (1858). - Théorie de la

paralysie générale : théorie dualiste, théorie interne.

Enfin, il nous est impossible de passer sous silence les recherches

sur le crétinisme, sa constitution endémique, les rapports avec

le goitre, et les distributions géographiques de-, deux éléments mor-

bides.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 319

Ce qu'il y a de merveilleux dans l'ensemble des productions

scientifiques de Baillarger, c'est la méthode qui n'a cessé de guider

le savant. Qu'il s'agisse de descriptions ou d'opinions d'ailleurs

basées sur une observation attentive, en toutes circonstances

M. Baillarger suit un fil conducteur matértel. C'est ainsi seulement

qu'en médecine, on peut espérer aborder un jour le mécanisme

de manifestations dont la nature nous échappe. Aussi nous per-

mettra-t-on de dire, en terminant, que la sphère d'activité de

Baillarger, pour nous servir d'une expression chère aux étrangers,

était une sphère d'activité brillante. Par lui-même et par la fonda

lion des Annales médico-psychologiques (1842), ainsi que de la

Société du même nom (décembre 1847), il avait pu, en rayonnant,

grouper des travailleurs : il se survivra !

D1' P. KFRAVAL.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Année Médicale (L'), résumé des progrès réalisés dans les sciences

médicales pendant l'année, publiée sous la direction du D' Bourneville

avec la collaboration des rédacteurs du Progrès Médical et des Arclemes

de Neurologie. Parait tous les ans. Douze volumes sont en vente (1878-

1889); format in-18 Charpentier. Pour nos abonnés, par la poste, 3 fr. 50.

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préface et des notes, par le D' Ch. Féré. Volume in-8° de 260 pages, avec

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spasmodique, les pseudo-contractures. Volume in-8° de 21C pages, avec

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Bourneville, SOLLIEn et PILLiET (A.). Recherches cliniques et théra-

peutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. - Compte rendu du ser-

vice des enfants idiots, épileptiques et arriérés de BiuCti-e pendant l'année

1889. (Volume X de la collection.) Volume in-8° de LVI-188 pages, avec

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Bourneville. Rapport fait au nonz de la commission chargée d'exa-

miner le projet de loi adopte par le Sénat, tendant à la revision de la

loi du 30 juin 1838 sur les aliénés. Volume in-8° de 129 pages. Prix :

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cuments historiques, avec une préface de M. le D' Bourneville. Un beau

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320 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

CHARCOT (J.-M.). Hémorrlzagie et ramollissement du cerneau, métal-

loscopie et métallothérapie, tome IX des OEuvres Complètes, in-8° de

570 pages, avec 13 planches en chromo-lithographie et phototypie, et

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DUFOUR (E.). Asile public d'aliénés de Saint-Robert (Compte rendu

statistique et compte moral et administratif pour l'année 1889). Bro-

chure in-8° de 80 pages.-Grenoble, 1890.-Imprimerie Vallier.

Gilles DE la TOURET1'G et C.1THELINEA1J. - La nutrition dans l'hystérie.

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Guikon (G ? Les agents provocateurs de l'hystérie. Volume in-8° de

392 pages. - Prix : 8 fr. Pour nos abonnés 6 fr.

Huer (E.). - De la chorée chronique. Volume in-8° de 262 pages, avec

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Ladame. Procès criminel de la dernière sorcière bmilée à Genève le

6 avril 1652. Publié d'après les documents inédits et originaux conservés

aux Archives de Genève (iN0 3465). Brochure in-8° de xi-5 ? pages. -

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Pitres (A.) et BzroT (E.). - Des tremblements hystériques. - Brochure

in-8° de 26 pages. - Prix : 1 fr. Pour nos abonnés... 0 fr. 70

POIRIER (P.). - Topographie cranio-eiteéplialiqite. Trép(iiiatio2t.

Volume in 8° de 92 pages. Prix : 3 fr.-Paris, 1891.- Librairie Lecros-

mer et Babe.

Régis (E.).- Les régicides dans l'histoire et dans le présent. Volume

in 8° de 99 pages, avec 20 figures.- Pans, 1890. G. Masson.

Régnier (L.-R.). - Hypnotisme et croyances anciennes. -Volume in-8°

carré sur papier Japon, 223 pages, avec 44 ligures et 4 planches. Prix 6 fr.

Régnier (L.-R.). L'intoxication chronique par la morphine. -Vo-

lume in-8° de 171 pages.- Prix : 3 fr. 50. Pour nos abonnés : 2 fr. 75

Solfier (P.). Du rôle de l'hérédité dans l'alcoolisme. Volume in-18

jésus de 215 pages. - Prix : 2 fr. 50. - Pour nos abonnés.. 1 fr. 75

Tarnowski (P.). Etude anthropométrique sur les prostituées et les

voleuses. - Volume in-8° de 226 pages, avec 8 tableaux anthropomé-

triques et 20 dessins. Prix 5 fr.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

t,reul 1.6. Mekissbï. tmp. - 3 ! H.

Vol. XXI. Mai 1891. N" 63

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

Hospice DE la SALPÈ1RIÈRE. - M. LE PRorr : SÓEUR CHARCOT

SUR UN CAS D'HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME

DE WEBER1; I,

(Leçon recueillie par a. souques, interne, médaille d'or des hôpitaux.)

Messieurs,

Avec la névrose hystérique, cette simulatrice tou-

jours féconde des maladies organiques des centres

nerveux, il faut s'attendre chaque jour aux surprises

et aux révélations les plus inattendues. Cette assertion,

je puis vous la prouver, séance tenante, en vous

montrant une combinaison de manifestations morbides

fort singulière, non encore signalée, si je ne me

trompe, et faite en vérité pour égarer le diagnostic

d'un observateur non prévenu.

Il nous a été adressé à la consultation externe,

mardi dernier, une jeune fille de dix-huit ans dont le

cas m'a paru offrir un certain intérêt clinique. Vous

vous souvenez sans doute que cette jeune fille se

' Leçon du 24 février 1891.

Archives, t. XXI. 2l

322 ) CLINIQUE NERVEUSE.

plaignait d'avoir, depuis quelques années, la paupière

gauche tombante, et avait présenté simultanément une

parésie d'abord, puis une paralysie complète des mem-

bres du côté droit. En présence de la coexistence de

ces deux ordres de phénomènes : hémiplégie droite et

ptosis gauche, l'impression naissait tout naturellement

qu'il devait s'agir là d'un genre de paralysie alterne

sur lequel je donnerai tout à l'heure quelques déve-

loppements. Et s'il en était ainsi, vous disais-je, le cas

serait probablement fort sérieux, car le syndrôme en

question dénote nécessairement une lésion organique

de siège déterminé et toutes les vraisemblances

seraient, en raison de la localisation elle même, de

l'âge du sujet et de certaines circonstances de famille,

en faveur d'une néoplasie tuberculeuse.

Mais fallait-il s'arrêter à un diagnostic si mal

sonnant et entraînant avec lui un pronostic très

sombre ? Non, Messieurs, incontestablement non, il

ne fallait pas s'y arrêter avant un examen méthodique

et une discussion approfondie, et vous allez nvon-

naître dans un instant si nous avons eu raison ûc

temporiser.

Mardi dernier déjà, j'avais le pressentiment que

l'impression fâcheuse, qui semblait se dégager d'uu

premier interrogatoire forcément hâtif et incomplet,

n'était peut être pas l'expression de la vérité et que

nous étions peut-être' en présence d'accidents de

meilleur augure. Or, il résulte de notre examen ulté-

rieur qu'il n'existe chez cette malade aucune lésion

organique, que nous n'avons là qu'une apparence

d'un syndrome redoutable, la caricature de ce syn-

drome, passez moi le mot, non ce syndrome lui-même

HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 323

et qu'en fin de compte l'affection qui a donné lieu

à ce concours troublant de phénomènes morbides est

d'ordre dynamique et du genre de celles où la gué-

rison est certaine et parfaite.

Je tiens, avant de passer à l'examen et à la discus-

sion de ce cas, à vous exposer quelques considéra-

tions concernant ce que, pour plus de brièveté,

j'appelerai, si vous voulez bien, le syndrome de

Weber. Weber est un médecin allemand résidant en

Angleterre et auquel nous sommes redevables d'une

fort intéressante étude sur la pathologie du pédoncule

cérébral Si je vous propose cette dénomination,

c'est parce que l'observation qui sert de fondement au

travail de cet auteur est absolument typique. C'est en

effet pour la première fois qu'on publie un cas, à

localisation unique et très nette, montrant qu'une

lésion de la partie inférieure et interne du pédoncule

cérébral produit un syndrome caractérisé par une

paralysie alterne de l'oculo-moteur commun d'un

côté et des extrémités du côté opposé. Quinze ans

plus tard, Major rapportait une observation de tous

points comparable à la précédente. Avant ces deux

observateurs, Gubler' avait déjà, il est vrai, vu et

noté cette sorte de paralysie alterne, mais malheu-

reusement, son cas était complexe. Il y avait en effet

des lésions un peu dans toutes les parties de l'encé-

phale : non seulement le pédoncule mais encore la

couche optique, le lobe temporal et le lobe occipital

étaient touchés, de telle manière que, si en réalité

' Weber. - A Contribution to the Palliology of the Crura Cerebri.

Dled. chirury. Transact., 1863.)

' lfavor. Bitilet. delà Soc. NKa<., mars 1877.

3 Gubler. Gazette hebdom., n° 6, 1859.

324 CLINIQUE NERVEUSE.

l'observation de Gubler est la première en date, elle

est, je le répète, beaucoup trop complexe pour servir

de type aux paralysies pédonculo-protubérantielles.

Dans ie cas de Mayor, comme dans celui de Gubler,

il est question d'un foyer de ramollissement ayant

atteint le moteur oculaire commun dans son passage

à travers le pédoncule. Le cas de Weber, au contraire,

a trait à un foyer hémorrhagique siégeant dans la

partie inférieure du pédoncule gauche et ayant inté-

ressé le nerf de la troisième paire, soit dans son trajet

intra^pédonculaire, soit peut-être par simple com-

pression ; les relations de l'autopsie permettent l'une

ou l'autre interprétation. Durant la vie, on avait

constaté une hémiplégie du côté droit et une paralysie

de l'oculo-moteur commun du côté opposé.

Il est clair que le syndrome de Weber peut être

reproduit par des altérations autres que celles de

l'hémorrhagie et du ramollissement, et en particulier

par des abcès et des tumeurs de même siège. Je

pourrais, à ce propos, relever les faits de lliohr',

Marotte', @ Paget8, Freund", Rosenthalg, Suttons,

Fleichsmann \ Hammonde, Perroud9, etc., mais la

plupart de ces faits présentent certaines particularités

qui leur enlèvent la netteté désirable. 11 s'agit généra-

lement de tumeurs tuberculeuses et, à cet égard, 'le

1 Mohr. Dissert. inaug. Wurzbourg 1833.

* Marotte. - Union méd. 1853.

3 Pnget. - l11ed, Times, 1855.

Freund. Wien. med. Woch., 1856.

8 Rosentlial. 01st ? ,. med. Jalcrb., 1870.

Sutton. Brit. mecl. Joui2t., 1870. *

Fteic))smann. rien. med. Woch., 1871.

liarnmond. - r,'eatlse and disease of the nerv. silst. New-York, 1873.

9 Perroud. Lyon médical, n° 22, 1874.

HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. S23

cas de Mohr cité par Nothnagel est bien démonstratif :

un tubercule isolé siégeant dans le pédoncule cérébral

gauche avait amené le syndrome clinique en question.

11 va sans dire qu'une lésion située à la base du crâne,

une tumeur par exemple, qui agirait en comprimant

à la fois le moteur oculaire commun et le pédoncule

dans sa partie inférieure et interne, reproduirait aussi

le même syndrome par un autre mécanisme, mais il

faut que vous sachiez que certaines lésions du pédon-

cule, localisées dans un point donné, peuvent exister

sans produire le syndrome de Weber. Je n'en veux 1

pour preuve que le cas d'Andral , concernant une

femme, atteinte d'une vieille hémiplégie vulgaire, à

l'autopsie de laquelle on ne trouva pour toute alté-

ration encéphalique qu'une lésion ancienne du pédon-

cule cérébral. Dans ce cas très évidemment l'oculo-

moteur commun n'avait pas dû être touché. Gintrac 2

etDuchenne3 ont pareillement rapporté deux faits où

l'autopsie fit voir un tubercule dans un pédoncule

cérébral, alors que,, du vivant des malades, on n'avait

point constaté la paralysie alterne caractéristique.

Inutile de vous dire que le diagnostic d'une lésion

pédouculaire est jusqu'à présent impossible dans ces

conditions.

En somme, de toutes ces considérations vousretieu- j

drez ceci qu'il y a certaines lésions du pédoncule céré- f

bral (partie inférieure et interne) qui sont caractérisées 1

cliniquement par le syndrome de Weber, c'est-à-dire

1 Amiral. - Clinique méd., Paris, 1840, 4° édit., t. V, p. 320.

' Gintrac. Traité théorique et pratique des maladies de l'appareil

nerveux. Paris, 1869, t. IV, p. 860.

' Duchenne. Electrisation localisée. Paris, 1SG1, 2° édit., p. 376.

326 CLINIQUE NERVEUSE.

par une paralysie alterne de l'oculo moteur commun d'un

; côté (côté de la lésion) et des membres, du facial et de

l'hypoglosse de l'autre (côté opposé à la lésion).

Pour connaître, Messieurs, les raisons de ce syn-

drome clinique, il est nécessaire de faire intervenir

l'auatomie et d'étudier sommairement les rapports des

pédoncules cérébraux avec la protubérance et les or-

ganes adjacents. Vous savez que les deuxpédonculescéré-

braux émergent de la protubérance, s'écartent 'aussitôt

à angle aigu pour se porter chacun dans l'hémisphère

correspondant et que, dans l'angle formé par cet écar-

tement, on trouve, en allant de la base au sommet du

triangle : le chiasma des nerfs optiques, le tuber cine-

reum, les tubercules mamillaires, l'espace perforé pos-

térieur et enfin, tout à fait au sommet, accolés inti-

mement à la face interne du pédoncule correspondant,

les deux nerfs de la troisième paire. Vous concevez

déjà par ce simple rapport qu'une même lésion puisse

atteindre simultanément le moteur oculaire commun

et le pédoncule et produire en conséquence une para-

lysie alterne spéciale, et que les deux nerfs de la troi-

sième paire puissent, à la rigueur, être intéressés, à la

fois, ainsi que cela s'est vu dans certains cas de com-

pression.

Mais entrons plus avant dans l'étude de ces rapports,

c'est-à-dire dans l'étude des rapports intrinsèques du

pédoncule avec l'oculo-moteur commun. Le pédoncule

cérébral est, vous le savez, un tractus complexe dont

l'étage inférieur se divise en trois bandelettes que l'on

distingue d'après leur situation en interne, moyenne et

externe. La bandelette externe qui livre peut-être pas-

sage aux fibres sensitives ne nous intéresse point ici.

HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 327

Quant aux deuxbandelettes interne et moyenne, celle-ci

renferme les fibres du faisceau pyramidal, celle-là les

filets cortico-bulbaires de l'hypoglosse et du facial in-

férieur. Toute altération qui détruira ces deux bande-

lettes amènera fatalement une paralysie des membres,

du facial inférieur et de l'hypoglosse, du côté opposé I

à la lésion, et produira ainsi l'un des deux éléments

fondamentaux du syndrome de Weber. Si cette même

lésion détruit ou comprime le nerf oculo-moteur, le

second élément de ce syndrome, à savoir la paralysie

directe de la troisième paire, sera réalisé. Il faut donc

que les deux bandelettes interne et moyenne soient

touchées en même temps que le moteuroculaire commun

pour que le syndrome de Weber soit constitué. Déjà,

l'étude superficielle des rapports de contiguïté qu'af-

fectent entre eux le nerf de la troisième paire et le pé-

doncule vous avait fait concevoir la possibilité d'une

altération simultanée de ces deux organes. L'étude de

leurs rapports profonds; je veux dire des rapports in-

trapédonculaires des fibres de l'oculo-moteur commun

avec celles des bandelettes interne et moyenne, vient

nous en donner une seconde explication convaincante.

J'ajouterai que la connaissance de ces rapports intra-

pédonculaires est indispensable pour l'interprétation

des paralysies partielles de la troisième paire dans le

syndrome de Weber, et qu'à ce titre elle présente pour

nous un intérêt de premier ordre.

11 faut, pour bien comprendre l'existence de ces pa-

ralysies partielles, considérer, d'une part, le groupe-

ment des divers noyaux qui constituent l'origine réelle

du moteur oculaire commun et dont chacun parait

animer un des muscles de l'oeil, et, d'autre part, le

328 8 CLINIQUE NERVEUSE.

trajet intrapédonculaire des fibres qui émanent de ces

divers noyaux.

Les noyaux d'origine, échelonnés d'avant en arrière

/ sous le troisième ventricule et sous l'aqueduc de

Sylvius, donnent chacun naissance à un filet nerveux

indépendant. Cette indépendance originelle, le filet

nerveux la garde dans tout son trajet protubérantiel et

pédonculaire, de telle sorte que la totalité de ces filets

1. nerveux représente schématiquement autant de petits

nerfs distincts qui se rendent isolément l'un à l'iris,

l'autre au muscle ciliaire, le suivant au muscle rele-

veur de la paupière et les derniers enfin, toujours sé-

parément, aux muscles droit interne, droit supérieur,

droit inférieur et petit oblique. C'est dans cet état de

dissociation et d'indépendance, dis-je, que tous ces

filets traversent la protubérance et le pédoncule, affec-

tant ici des rapports très étroits avec les bandelettes

interne et moyenne, puis sortent de l'épaisseur de ce

dernier organe sous forme d'un tronc unique qui n'est

autre chose que l'oculo-moteur commun. Ils se grou-

pent donc bientôt, mais pas assez tôt pour que leur

asssociation soit complète avant leur sortie.

Retenez bien , Messieurs, cette disposition intra-

pédonculaire des fibres de l'oculo-moteur; elle donne

l'explication naturelle des paralysies incomplètes ou

partielles de la troisième paire, et nous allons avoir

tout à l'heure à l'invoquer.

Grâce à l'étude anatomique que nous venons de

faire, il est aisé de concevoir que la lésion de l'oculo-

moteur commun puisse être intra ou extrapédoncu- l

laire, dans le syndrome de Weber. Règle générale, i

dans l'un comme dans l'autre cas, le nerf de la troi-

HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 329

sième paire est paralysé dans toutes ses branches. Mais

1 il est tout aussi facile de comprendre que, dans le pre-

\ miel' cas, c'est-à-dire quand le nerf est lésé dans l'in-

térieur du pédoncule, quelques-unes de ses fibres, de

ses filets uon encore agrégés soient pris à l'exclusion

des autres. Dans ces conditions, c'est une paralysie

partielle que vous rencontrerez.

Quand elle est complète, l'altération du nerf com- I

porte : la chute de la paupière, le strabisme externe,

la limitation des mouvements oculaires dans tous les

sens, sauf en dehors, la paralysie de l'accommodation

et la dilatation de la pupille. La paralysie incomplète

varie suivant les cas; quoique plus rare, elle existe 1

néanmoins, témoin l'exemple d'Oyou' (Gaz. méd. 1870,

n° 47) où l'iris était respecté et la pupille même plus

étroite que celle du côté opposé. De même vous con-

cevez aisément que la paralysie, combinaison rare

mais possible, en somme, puisse porter exclusivement

sur le muscle releveur de la paupière. Je n'insiste sur

l'existence de ces paralysies incomplètes de l'oculo-

moteur que parce que nous allons avoir à discuter

tout à l'heure un cas de ce genre.

Telles sont, Messieurs, les conditions anatomiques

qui régissent les paralysies alternes pédonculo-protu-

bérantielles ou protubérantielles supérieures. En ma-

nière de contraste, je veux vous rappeler rapidement

ce qu'est la paralysie protubérantielle inférieure ou

bulbo-protubérantielle. Nous la désignerons, si vous 1

voulez, sous le nom de syndrome lJ11llal'd-Gublel', déuo-

' Oyon. Hémiplégie gauche avec paralysie alterne de la troisième

paire droite résultant d'un ramollissement du pédoncule cérébral droit.

Gazelte >néd. de Pars, n° 7, p. 555, 1870.

330 CLINIQUE NERVEUSE.

mination qui aura encore ici, comme dans le syndrome

de Weber, le double mérite d'être brève et de rappeler

en même temps les noms des deux auteurs qui l'ont

décrite pour la première fois. ^Incontestablement, la

communication ou plutôt le rapport de M. Milliard est

antérieur de quelques mois au travail de Gubler',

mais il faut reconnaître que Gubler a trouvé le nom

de paralysie alterne qui devait désormais lui servir

d'étiquette et fixé définitivement le syndrome par une

accumulation d'observations appropriées.

Ce syndrome de Millard-Gubler est caractérisé par

la coïncidence d'une paralysie faciale totale d'un côté

avec une paralysie des membres du côté opposé du corps.

Dans les, cas de ce genre, la paralysie du facial se

'comporte comme une paralysie périphérique au point

de vue de son étendue et de ses réactions électriques.

[Quelquefois cette hémiplégie faciale peut se compli-

quer d'une paralysie de l'abducens ou de la cinquième

paire.

L'anatomie nous donnera encore ici la clef de ce syn-

drome et de ces complications. L'abducens et le facial

prennent leur origine réelle dans deux noyaux presque

confondus et situés sous le plancher du quatrième ven-

tricule. Parties de ce point leurs fibres s'agrègent aus-

sitôt en deux nerfs distincts qui traversent la protubé-

rance dans toute sa largeur ens'écarlant l'un de l'autre,

mais constitués déjà, dans tout ce trajet, à l'état de

nerfs périphériques. Or, dans ce trajet iutraprotubé-

1 Milliard, - Bulletin de la Soc. anal. Mai et juin 1856, p. 206 et 217.

Rapport à propos d'une observation de Sénac. Voir en outre un rapport

précédent de M. bltllard à propos d'une communication de Poisson, eod.

toc., 1855.

. Gubler. Gazette heGcl., 24 octobre 1856.

HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 331 1

rantiel, ces deux nerfs affectent, avec le faisceau py-

ramidal, d'étroits rapports de voisinage qui expliquent

la solidarité pathologique de ces divers organes dans

les lésions intraprolubérantielles de quelque étendue.

Supposez en effet une tumeur, un tubercule placé dans

cette région de la protubérance, vous comprendrez

aisément comment la lésion peut atteindre simultané-

ment le nerf de la septième paire et le faisceau pyra-

midal, et vous aurez ainsi imaginé la paralysie alterne

vulgaire, autrement dit, le syndrome Millard-Gubler. Il

est tout aussi aisé de concevoir en même temps une.

lésion de l'abducens et, par suite, une paralysie de la

sixième paire, du même côté que la paralysie faciale,

venant compliquer le tableau classique. Vous pouvez

supposer encore telle localisation qui atteindra les

deux nerfs précédents sans léser le faisceau pyramidal^

et réalisera des accidents morbides analogues à ceux

que je vous faisais constater dans une de nos dernières

leçons. Eu réalité, qu'il s'agisse de paralysie pédon-

culo-protubérantielle ou de paralysie bulbo-protubé-

rantielle, c'est toujours le siège et l'étendue de la lésion

qui déterminent la nature et le nombre des manifesta-

tions cliniques. '

J'en ai fini, Messieurs, avec ces notions quelque peu

arides d'anatomie, mais elles me paraissaient indis-

pensables comme introduction à l'étude clinique qu'il

nous reste à entreprendre. Elles m'ont du reste fourni

l'occasion de vous esquisser deux des chapitres les plus

importants de la pathologie de la protubérance. Sans

aucun doute il est possible de rencontrer, en dehors

des syndromes de Weber et de Alillard-Gubler; d'au-

tres variétés cliniques, mais ce ne sont en général

332 CLINIQUE NERVEUSE.

que des variétés de ces deux types fondamentaux.

Nous voilà maintenant en mesure d'aborder ensemble

l'examen de notre jeune malade. Elle se trouve, vous

=- disais-je en commençant, placée dans la catégorie du

syndrome de Weber. Mais ne vous hâtez pas de loca-

liser la lésion qui a donné naissance à ce syndrome

dans la région pédonculo-protubérantielle. Je vous ai

déjà déclaré que nous n'étions point ici en présence de

lésions organiques et que nous nous trouvions au con-

traire en face d'une affection toute dynamique. L'hys-

térie serait-elle donc en cause ? Oui, très certainement,

quelque invraisemblable que paraisse cette hypothèse.

Je dis invraisemblable, parce que, si la simulation

hystérique d'un certain groupe d'affections organiques

cérébro-spinales nous est parfaitement connue aujour-

d'hui, j'avoue franchement que je n'avais encore ni vu,

ni entendu signaler d'exemple d'hystérie simulatrice

de l'hémiplégie alterne pédonculo-protubérantielle.

Et, cependant, je crois pouvoir affirmer d'ores et déjà

que l'hystérie est seule en jeu ici et vous en donner

une démonstration péremptoire.

Veuillez remarquer tout d'abord que l'hémiplégie

chez cette jeune fille a respecté la face. Or c'est là un

signe négatif qui acquiert, dans l'espèce, une grosse

importance. Dans le syndrome de Weber, comme dans

l'hémiplégie d'origine capsulaire, le facial inférieur et

l'hypoglosse sont habituellement intéressés et cette

lésion se traduit, comme vous le savez, par la paralysie

du facial inférieur et par la déviation de la langue du

\ même côté que l'hémiplégie des membres. Ajoutez à

ces caractères quelques légers troubles de la sensi-

bilité et vous aurez l'image de l'hémiplégie dans le

HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 333

syndrome en question. Voyons donc si nous retrou-

vons chez notre malade ces divers caractères. Chez

elle, le début de l'hémiplégie s'est fait, il y a quatre

ans, par une hémiparésie survenue sans cause appré-

ciable, insensiblement. Un an après le début de cette

hémiparésie du côté droit, se produit un incident assez

significatif sur lequel j'appelle votre attention. A cette

époque, se produit, dis-je, une hyperesthésie exquise

localisée au côté droit du corps et spécialement au

niveau des jointures. Au bout de quelques jours, ces

arthralgies douloureuses s'amendèrent et firent place

à une impotence motrice complète, c'est-à-dire à une

hémiplégie droite qui condamna la malade au lit pen-

dant dix mois. Est-il besoin de vous dire que ces

arthralgies furent attribuées à une attaque de rhuma-

tisme et que, durant cette longue période hémiplégique,

une thérapeutique variée : électricité, pointes de feu,

etc., fut mise en oeuvre, sans le moindre succès du

reste ? Cette paralysie qui avait respecté la face dis-

parut peu à peu, spontanément, après avoir duré plus

d'une année. Lorsque la malade put quitter le lit et

commencer à marcher, elle marchait d'une manière

« traînante » qu'elle n'a pas oubliée, et, dans cette

démarche traînante, lorsqu'elle nous l'a mimée très

naïvement, nous avons reconnu aisément la démarche

de Todd qui est, comme vous le savez, le propre de

l'hémiplégie hystérique. Et, phénomène qui aurait pu

donner à réfléchir à cette époque, la paralysie motrice

était, paraît-il, accompagnée d'une hémianesthésie

tellement profonde que la malade ne sentait ni le cou-.

rant électrique, ni les pointes de feu qu'on lui appli-

quait de ce côté. Cette hémiplégie droite, vous dis-je,

3H4 CLINIQUE NERVEUSE.

a guéri complètement sans laisser aucune trace. Seule

l'hémianesthésie a persisté et nous la retrouvons au-

jourd'hui complète, étendue à tout le côlé droit du

corps, coupée en haut en ligne droite du côté de la

face qu'elle respecte.- Messieurs, quand vous reucon-

trerez une anesthésie de ce genre, méfiez-vous, elle ne

relève très probablement pas d'une lésion organique.

l Cette réserve me semble suffisamment justifiée par les

divers caractères que je viens de relever devant vous.

Lorsque survint celte paralysie des membres, déjà,

depuis deux ans, cette jeune fille se plaignait d'avoir

la paupière gauche tombante. Or ce ptosis, qui s'était

montré progressivement, sans cause connue, a persisté

depuis lors, c'est-à-dire depuis six ans, sans modifica-

tions notables, et vous pouvez encore le constater

aujourd'hui. Serait-il donc sous la dépendance d'une

paralysie du moteur oculaire commun et réduirait-il à

néant la série d'arguments que je viens de vous pré-

senter ? Mais remarquez, je vous prie, que les autres

muscles de l'oeil sont épargnés et que ce ptosis est à

l'état d'isolément. Je sais bien que, quelque singulière

que paraisse tout d'abord cette dissociation, la para-

.ysie de la troisième paire peut en somme se borner au

muscle releveur de la paupière et que, quelque rare

que soit une pareille lésion, elle n'est pas impossible

organiquement. Mais alors la tuberculose- il ne faut

point songer ici à la syphilis serait-elle donc en

jeu ? Eh bien, non. Pour échapper à ce verdict, le mo-

ment est venu de vous montrer d'abord que, en dépit

des apparences contraires, cette jeune fille est hysté-

rique et de vous prouver ensuite que, chez elle, tout

relève de la névrose.

HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 335

Assurément nous n'avons trouvé ici, ni dans le passé

ni dans le présent, d'attaques convulsives d'hystérie

mais la malade nous a fait le récit de certaines « syn-

copes » qui, envisagées de très près, ne sont autre chose

que des attaques avortées. Ce n'est pas tout : elle pré-

sente encore des points douloureux, dans les régions

des lombes et des mamelles, dont la pression réveille

les phénomènes de l'aura; son champ visuel est rétréci

des deux côtés, et elle a de la diplopie monoculaire.

Voilà bien, ajoutés à l'hémianesthésie que je vous

signalais, il y a un instant, assez de stigmates, je pense,

pour affirmer que notre malade est hystérique et

dûment hystérique.

Sans doute le problème n'est pas pour cela complè- '

tement résolu. Il se pourrait assurément que l'hystérie

ne fût ici qu'un revêtement surajouté à une lésion orga-

nique ; on peut être hystérique et avoir un tubercule

dans la protubérance, d'où relèverait la paralysie de

la paupière, les paralysies du moteur oculaire com-

mun étant jusqu'ici inconnues dans la névrose ( ? ). Un

pareil raisonnement serait évidemment logique s'il y

avait ici paralysie de la paupière. Mais, s'il n'y a

pas paralysie, comment donc, m'objecterez-vous,

expliquer cette paupière tombante ? Eh bien, je crois

qu'il s'agit ici non de paralysie mais de spasme pur et

simple. Je sais bien que cette affirmation n'est pas

sans réplique et je reconnais avec vous que dans le

blépharospasme, qu'il soit tonique ou clonique, la

paupière d'habitude vibre quand on essaie de l'ouvrir,

qu'elle est fortement plissée par la contracture, animée

de frémissements convulsifs spontanés s'accentuant

lorsque le malade fait effort pour ouvrir son oeil et

336 CLINIQUE NERVEUSE.

que, quand on cherche à la relever de force, on trouve

une résistance plus ou moins considérable. Or tous ces

caractères du blépharospasme font ici défaut. Sou-

venez-vous cependant que ces caractères sont incons-

tants et que leur absence n'autorise nullement à rejeter

le diagnostic de spasme. Mais alors, médirez-vous, en

l'absence de ces caractères habituels, comment savoir

s'il s'agit d'un spasme ou d'une paralysie ? Question

délicate, s'il en fut, et difficile à résoudre. Interrogez

à ce sujet les oculistes, vous n'obtiendrez le plus sou-

vent qu'une réponse embarrassée et peu satisfaisante.

Laissez-moi vous rappeler, à ce propos, un fait qui me

revient à la mémoire. Il y a huit ans de cela, on m'a-

menait une jeune fille présentant depuis quelque temps

de violents maux de tête et une chute de la paupière.

Après avoir cherché sans pouvoir les découvrir les

stigmates officiels de l'hystérie, l'idée d'une lésion

organique pouvait venir à l'esprit. J'adressai cette ma-

lade à un oculiste très distingué qui me la renvoya

avec la note suivante : « Paralysie de la troisième paire,

un peu de décoloration de la papille. » Vous voyez d'ici

l'embarras du médecin chargé d'annoncer à la famille

un diagnostic et un pronostic de cet ordre. Fort heu-

reusement que je n'en fis rien; cet examen ophtalmos-

copique ne m'avait pas convaincu, et en me basant sur

l'état général, les antécédents, etc., je gardai par

devers moi cette idée que l'hystérie pouvait bien être

en cause. Et l'événement vint me donner raison :

quelque temps après cette jeune fille guérissait et de

son ptosis et de sa céphalalgie.

Ce n'est point pour vous mettre en garde contre les

défaillances possibles de l'oculistique que je vousrap-

. HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 337

pelle cesouvenir, c'est uniquement pour vous montrer

les difficultés du diagnostic entre le spasme et la para-

lysie de la paupière. Il serait vraiment utile, dans des

cas de ce genre, lorsque la paupière tombante n'offre

ni secousses ni résislance spéciale, de connaître un si-

gne qui permit d'établir ce diagnostic. Je sais bien

que le chloroforme serait décrétoire dans l'espèce,

mais c'est là un procédé qui n'est pas exempt de dan-

gers et auquel il n'est permis de recourir qu'en der-

nière ressource. D'autant que ce signe précieux et

désirable, ce caractère différentiel, je crois en vérité

que nous avons eu ces jours-ci l'heureuse fortune de le

découvrir. Examinez attentivement le visage de cette

jeune fille ; considérez le sourcil gauche, voyez comme

il est abaissé comparativement à celui du côté sain qui

occupe sa hauteur normale. Faites froncer les sourcils

à cette malade, vous verrez que cette asymétrie ne

disparaît point-elle s'accentue au contraire lorsqu'on

lui commande d'ouvrir les yeux démesurément et

vous constaterez en même temps que les plis transver-

saux du front sont beaucoup plus marqués du côté sain

que du côté intéressé. Et si maintenant vous y regardez

d'un peu plus près vous allez voir, au-dessus de ce

sourcil abaissé et vers son extrémité nasale, deux

ou trois plis verticaux dont l'un très apparent limite

en dedans une petite fossette arrondie- L'ensemble de

toutes ces contractions donne à la physionomie l'air

triste et chagrin que vous voyez.

Cet abaissement du sourcil du côté malade, nous l'a-

vons retrouvé, avec les mêmes caractères ', sur un certain

' Nouvelle Iconogr. de la Salpêtrière, 1889, p. 1 tO et 118.

Archives, t. XXI. ' il

338 CLINIQUE NERVEUSE. ,

nombre de photographies anciennes de blépharos-

pasme hystérique où il n'avait passé inaperçu que

parce que nous ne savions pas le voir. C'est là un signe

que je crois appelé à rendre de réels services dans

les cas où on hésite entre la nature spasmodique ou

paralytique de la chute de la paupière '.

Et, ce qui lui donne, Messieurs, une très grande

valeur, c'est qu'on ne le retrouve pas dans le ptosis

paralytique. Le hasard nous a amené, la semaine der-

nière, un tabétique avec chute complète de la paupière

due à une paralysie totale de la troisième paire. Or,

1 Ces jours derniers, M. le professeur Charcot demandait à M. le D'

Landolt s'il connaissait quelque caractère qui pût permettre, en l'absence

de signes habituels du blépharospasme, de diagnostiquer la nature spas-

modique ou paralytique d'un ptosis. M. Landolt lui répondait qu'il

avait cm remarquer un certain abaissement du sourcil dans les cas de

spasme palpébral.

Ptosis palpébral.

Dans la figure 27 (ptosis spasmodique), le sourcil gauche est plus abaissé que celui

du côté 1101111.11. Dans la figure 28 (ptosis paralytique), le souicil guuclie est plus élevé

que le sourcil (droit) du côte sain.

HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 339

chez cet homme, non seulement le sourcil n'était pas

abaissé du côté paralysé, mais il était encore notable-

ment plus élevé que du côté sain. En outre, les plis

verticaux du sourcilier, la petite fossette faisaient dé-

faut et les rides du frontal étaient plus accusées du

côté malade. Les deux schémas suivants vous donne-

ront par contraste une idée de la situation du sourcil

dans le spasme palpébral et dans la chute paralytique

de la paupière (fis. 27 et 28).

En l'absence des signes ordinaires du blépharo-

spasme, cet abaissement du sourcil accompagné des

autres caractères que je viens de vous montrer permet-

tra, je l'espère, d'établir l'origine véritable d'un ptosis.

Je ne parle pas ici des cas où il y a participation des

autres muscles de l'oeil; dans ces cas, l'origine paraly-

tique est évidente. Mais n'oubliez pas cependant que

le strabisme spasmodique peut se rencontrer dans

l'hystérie. Supposez-le associé au blépharospasme pré-

cédent et voyez, dans ce cas supposé mais possible,

quelle serait l'importance du caractère différentiel que

nous venons d'étudier. \

En définitive, nous pouvons, je crois, nous arrêter

chez notre malade au diagnostic de blépharospasme 1

tonique d'origine hystérique, A l'appui de cette affir-

mation, je puis encore vous faire valoir l'existence de

l'anesthésie de la cornée du côté intéressé. C'est là un

caractère que mon ancien chef de clinique, M. Gilles

de la Tourette', a parfaitement mis en évidence et qui

paraît particulier au blépharospasme hystérique'. Nous

' Gilles de la Tourelle - Superposition des troubles de la sensibilité

et des spasmes de la face et du cou chez les hystériques. [Nouvelle Ico-

nogr., 1889, p. 107.

340 CLINIQUE NERVEUSE.

sommes donc en possession de plus de signes qu'il

n'en faudrait pour asseoir notre diagnostic, mais il faut

^avouer que de prime abord la coexistence de symp-

tômes oculaires d'un côté, et de troubles moteurs des

membres du côté opposé, était si imprévue qu'elle fai-

sait naître dans l'esprit des déductions fâcheuses. Ac-

tuellement tous les nuages sont dissipés et nous pou-

vons affirmer que la guérison sera parfaite. Pour la

hâter cette guérison, nous appellerons à notre secours

l'hydrothérapie, l'électricité statique, les toniques, le

traitement moral, l'hypnotisme peut-être....; la gué-

rison se fera et ce sera la fin de cette longue histoire.

Vous voyez, Messieurs, quelle est en clinique gé-

nérale l'importance d'une connaissance approfondie

de l'hystérie et des diverses manifestations qu'elle peut

présenter pour simuler les lésions organiques ; vous

voyez quelle serait la situation d'un médecin qui, sur

la foi d'un diagnostic anatomique, eût ici déclaré

l'existence d'une lésion incurable, tandis qu'un autre

mieux avisé eût promis la guérison et t'eût obtenue.

Il ne me reste plus maintenant' qu'à vous mention-

ner le chapitre des antécédents héréditaires que je n'ai

pas voulu souligner en présence de cette malade. La

demoiselle que vous venez de voir est fille d'un réfugié

polonais, fort buveur et très alcoolique, paraît-il. L'al-

coolisme du père constitue le seul facteur névropa-

thique (du côté paternel) que nous ayons pu retrouver,

cette malade n'ayant pu nous donner aucun rensei-

gnement sur la branche paternelle de sa famille qui

vit en Pologne et qu'elle ne connaît pas. Cette tare du

1 La jeune fille venait de quitter la salle du cours.

HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 341

père nous suffirait à la rigueur, car vous n'ignorez

pas que l'alcool est un agent hystérogène de premier

ordre. Mais vous allez voir que, du côté maternel,

nous sommes en pleine névropathie : accidents hysté-

riformes chez la mère et chez une soeur de cette jeune

fille, vésanie chez ses grands parents. Son grand-père

en effet a été à deux reprises différentes enfermé raz

Bicêtre et à Charenton; il s'évada un beau jour, dis-

parut et, depuis vingt ans, on ignore ce qu'il est de-

venu. Sa grand'mère enfin est atteinte déjà depuis

longtemps de folie à double forme.

Voilà bien un tableau complet d'hérédité conver-

gente, et certes, notre malade peut jusqu'ici s'estimer ,

heureuse, avec des antécédents pareils, du lot relati-

vement bénin qui lui a été réservé. Cette recherche

des antécédents héréditaires vous a montré qu'une

manifestation hystérique n'est d'ordinaire qu'un épi-

sode, isolé en apparence, mais relié en vérité à d'autres

accidents névropathiques par les liens de l'hérédité et

que, en somme, dans l'hystérie on ne connaît rien ou

presque rien quand on ne connaît qu'un épisode. Dans

le cas présent, ces données héréditaires constituent un

argument de plus, qui viendrait, s'il en était besoin,

plaider en faveur de notre diagnostic.

Voici les détails de l'observation qui a servi de

thème à la leçon de M. le professeur Charcot :

OBSERVATION, - 1 ... Nov ? ka, âgée de dix-huit ans, fleuriste, vient

à la consultation du mardi, le 18 février 1891.

Antécédents héréditaires. La mère de la malade soutire de-

puis longtemps de « crises gastralgirlues e qui s'accompagnent de

342 CLINIQUE NERVEUSE.

sensation de strangulation et d'étouffement, durent deux heures

environ et se calment sous l'influence d'un peu d'éther. Jadis très

rapprochées (deux à trois par semaine), elles sont aujourd'hui

beaucoup plus rares. Le père est un émigré polonais qui, parait-il,

n'a jamais été malade. C'est un grand buveur qui boit beaucoup

d'absinthe, de cognac, etc., sans jamais se griser, et qui a des pi-

tuites matinales, des cauchemars nocturnes et des douleurs dans

l'hypochondre droit. Notre malade appartient à une famille de qua-

tre enfants dont l'un est mort en bas âge de rougeole ; un autre

âgé de onze ans a été amputé de la cuisse pour une tumeurblanche

du genou; l'aînée, jeune fille de dix-neuf ans, est chétive, délicate,

elle a eu des convulsions dans son enfance, et reste aujourd'hui

très émotionnable, très nerveuse.

Du côté des grands-parents, dans la branche paternelle, les ren-

seignements sont coupés, ceux-ci vivant en Pologne et étant incon-

nus de la malade. Dans la branche maternelle, l'hérédité névropa-

thique est très chargée : la grand'mère a été soignée autrefois pour

de la mélancolie ; elle est aujourd'hui atteinte de folie circulaire

(six mois d'excitation et six mois de dépression, dans le courant de

l'année). Le grand-père a été enfermé à deux reprises différentes,

la première fois à Charenton, la seconde à Bicêtre. Un jour de sor-

tie, il s'est échappé et depuis vingt ans on ne sait pas ce qu'il est

devenu. Quant aux collatéraux, oncles, tantes, cousins, etc., les

renseignements sont encore coupés du côté paternel ; du côté ma-

ternel, il n'y aurait rien de nerveux ou de mental.

Antécédents personnels. Lu' ..... est née à Paris; elle a eu dans

sa première enfance la rougeole et la variole sous une forme béni-

gne. A sept ans, elle a commencé à fréquenter l'école qu'elle a dû

cesser plus tard vers douze ans. A dix ans, première menstruation ;

depuis lors, règles assez régulières quoique peu colorées et peu

abondantes.

Début de la maladie actuelle. Vers l'âge de douze ou treize ans,

sa santé commence à s'altérer : épistaxis fréquentes et très abon-

dantes ; migraines caractérisées par une douleur frontale (sus-orbi-

taire), débutant à n'importe quelle heure de la journée, accompa-

gnées de vomissements et durant une journée entière. Ces migrai-

nes sans visions colorées revenaient à des intervalles variables, de

préférence à l'époque menstruelle. Outre ces migraines, la malade

présentait encore des douleurs assez singulières de la face qui s'ac-

cusaient quand elle baissait la tête, dit-elle, et un oedème du visage

très visible le matin au réveil et disparaissant dans la journée.

Enfin elle avait ce qu'elle appelle des a syncopes ». Ces syncopes

étaient très fréquentes (plusieurs fois dans le jour), duraient un

quart d'heure, une demi-heure, sans aller d'ordinaire jusqu'à la

perte de connaissance. Elles étaient précédées d'une sensation dou-

loureuse à l'épigastre, de palpitations, de bourdonnements dans

HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 343

les oreilles, d'éblouissements devant les yeux, puis survenait très

souvent une sensation de strangulation au cou et alors elle pâlissait

et se « trouvait mal », sans convulsions d'aucune sorte. On la met-

tait immédiatement sur son lit, mais, dès qu'elle se levait, ces phé-

nomènes avaient l'habitude de se reproduire avec des caractères

identiques. Toutes ces diverses manifestations se sont répétées depuis

le début, à des époques variables, plus ou moins intenses, et, ac-

tuellement encore, elles se montrent de temps il autre. Elles avaient

amené une altération marquée de l'état général et l'empêchaient

de se livrer à toute occupation suivie.

C'est au milieu de tous ces accidents, il y a cinq ou six ans, que

se produisit la chute de la paupière supérieure gauche. Ce ptosis

apparu', sans cause connue et peu à peu ; depuis cette époque, il n'a

jamais cessé, mais il est plus ou moins accusé suivant les jours.

Deux ans après, il y a par conséquent quatre au apparut sans

raison appréciable et insensiblement une hémiparésie du coté droit

accompagnée de phénomènes douloureux du même côté.

Un an après, en 1888, au mois de juillet, ces douleurs se trans-

formèrent en hyperesthésie exquise, localisée surtout au niveau des

articulations du coude, de l'épaule, du talon. Cette arthralgie dans

les articulations du côté droit était excessivement vive et fut consi-

dérée comme de nature rhumatismale ; il y aurait eu fièvre ( ? ) mais

pas de gonflement ni de rougeur. Au bout de huit jours, la parésie

fut transformée en hémiplégie droite complète et avec contracture.

Tout mouvement était impossible ; l'avant-bras était fléchi presque

à angle droit sur le bras et ne pouvait être étendu; la jambe était

en extension sur la cuisse et ne pouvait être fléchie. La face était

respectée. Cette hémiplégie motrice se serait accompagnée de perte

de la sensibilité. On aurait piqué la malade du côté droit sansqu'elle

le sentit ; sa mère et elle-même affirment que les courants élec-

triques et les pointes de feu qu'on appliquait sur la face externe du

membre inférieur (on y voit aujourd'hui de nombreuses cicatrices)

ne réveillaient aucune espèce de douleur; il y aurait donc eu

hé nu anesthésie douloureuse, car les douleurs subjectives persis-

taient toujours.

Cette hémiplégie a duré pendant dix mois sans amélioration ;

durant dix mois la malade est restée au lit sans pouvoir faire aucun

mouvement du côté droit, toujours tourmentée par son hémi-

hyperesthésie. Elle avait en outre un point très douloureux dans la

région sacro-lombaire, sur la ligne rachidienne. Au bout de ce

temps, la mobilité revint graduellement, d'abord dans le membre

supérieur, mais très lentement, et deux mois après seulement elle

put faire quelques pas hors de sa chambre. Elle « traînait » la

jambe encore en octobre 1889. Lorsqu'on lui dit de montrer com-

ment elle marchait à cette époque, elle mime assez bien la démar-

che des hémiplégiques hystériques (démarche de Todd).

344 CLINIQUE NERVEUSE.

Pendant cette longue période hémiplégique (deux ans), elle

présentait toujours les malaises divers que nous avons signalés

précédemment. Aussi dès qu'elle put marcher, l'envoya-t-on pour

se refaire à la campagne, à la Celle-Saint-Cloud. Elle en revint en

novembre 1889 un peu mieux portante. Mais les malaises repa-

rurent dès son arrivée à Paris et elle fut renvoyée par son médecin

à la campagne. C'était au mois de mai 1890. A cette époque, l'hémi-

plégie était complètement guérie, absolument comme aujourd'hui,

mais le ptosis n'avait pas bougé. Elle rentra dans sa famille, en

novembre 1890, avec un état général satisfaisant. Cependant elle

avait et a toujours encore quelque chose : un jour des migraines,

e lendemain des douleurs dans les reins, etc. Elle a depuis consulté

divers médecins et subi des traitements variés : électrisation, pointes

de feu le long du rachis, iodure de potassium, etc., et tout cela

sans amélioration.

Jamais elle n'auraiteu de crises convulsives. '

Etat actuel. - Jeune fille de taille moyenne, d'apparence vigou-

reuse et forte. L'état général eslbon, les digestions faciles, mais elle a

peu d'appétit. Les divers viscères sont sains; les urines ne renferment

ni sucre ni albumine. De temps en temps, elle se plaint de douleurs

dans les membres du côté droit, de migraines, de < : syncopes t.

La motilité dans le côté droit du corps est redevenue normale

ainsi que la force musculaire; les réflexes sont normaux et égaux

des deux côtés. Pas d'atrophie musculaire.

La sensibilité générale est abolie dans tout le côté droit. Cette

hémianeslhésie respecte la face et la tête; elle est complète et

totale dans le reste du corps pour tous les modes de sensi-

bilité (contact, douleur, température). Pas d'anesthésie pharyn-

gée. La sensibilité conjonctivale et corezérazze est abolie à gauche,

quoique les réflexes s'y produisent ; à droite elle est normale. Les

deux paupières et leurs bords sont également sensibles des deux côtés.

Il existe en outre cinq zones douloureuses : deux ovariennes, deux

sus-mammaires en des points symétriques et une médiane dans la

région lombaire; la pression au niveau de ces zones réveille les

phénomènes de l'aura sans provoquer d'attaque convulsive.

Au point de vue sensoriel, le goût, l'odorat, l'ouïe, ne sont tou-

chés d'aucun côté. L'examen des yeux, pratiqué le 17 février par

M. Pai inaud, donne les résultats suivants « 1° OEil gauche. -

Champ visuel rétréci à 55°; pas de dyschromatopsie. V = ? Pas

de lésions du fond de l'oeil. Contracture de l'accommodation; un

peu de diplopie monoculaire. 2° OEil droit. Champ visuel légè-

rement rétréci à 80° ; contracture de l'accommodation. - 3° Ptosis

de l'oeil gauche : la paupière couvre la moitié do la pupille.-4° Les

pupilles sont égales et réagissent normalement; les mouvements

des yeux sont normaux ; pas de diplopie, même avec l'emploi du

verre coloré. »

HYSTÉRIE simulatrice DU syndrome DE WEBER. 1t5

Ce qui frappe tout d'abord chez cette jeune fille, c'est le ptosis

de la paupière gauche et l'asymétrie des sourcils. Ce ptosis est,

parait-il, plus ou moins marqué suivant les jours; parfois l'ouver-

ture palpébrale est réduite, suivant sa propre expression, « aune

petite fente ». La commissure labiale n'est pas déviée et la

langue est tirée droite.- La paupière gauche n'est pas plus plissée

que celle du côté sain; on n'y voit aucune secousse convulsive et

la palpation n'y décèle aucune augmentation de résistance. Lors-

qu'on ordonne à la malade de fermer les yeux, elle le fait facile-

ment et avec énergie. Si on lui commande d'ouvrir ses paupières,

elle relève normalement celle du côté droit : la gauche reste im-

mobile ainsi que le sourcil correspondant, de telle sorte que l'asy-

métrie sourcilière s'accuse encore davantage. Dans ce mouvement

d'élévation volontaire des paupières, le frontal du côté sain fonc-

tionne plus énergiquement que son homonyme du côté malade,

de telle manière que la peau du front se ride transversalement à

droite, tandis qu'elle reste à peu près lisse et unie du côté gauche-

A l'état de repos, la peau du front n'est ridée ni d'un coté ni de

l'autre.

Le sourcil gauche est notablement abaissé ; il est dans toute sa

longueur situé à peu près sur la même ligue transversale au lieu de

décrire l'arc normal que décrit le sourcil droit. Au-dessus de ce

sourcil gauche, se voit très nettement sous une certaine incidence

une petite fossette située à huit millimètres environ au-dessus de

la ligne sourcilière et limitée en dedans par un pli vertical. Ce pli

vertical parallèle à deux ou trois autres plis moins saillants est

situé à deux centimètres à gauche de la ligne médiane du front.

Cet abaissement du sourcil, cette fossette sus-sourcilière et ces

plis verticaux qui semblent dus à une contracture du muscle

sourciller, contrastent étrangement avec l'état normal du côté

droit. Joints à la chute de la paupière, ils donnent à la physio-

nomie une expression de tristesse et de souffrance. Le reste du

visage est symétrique.

L'examen électrique pratiqué par M. Vigouroux n'a révélé aucune

anomalie de réaction.

PATHOLOGIE NERVEUSE

DE L'INFLUENCE DES EXCITATIONS DES ORGANES DES SENS

SUR LES HALLUCINATIONS DE LA PHASE PASSIONNELLE DE

L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE; .

Par Georges GUINON, chef de clinique des maladies nerveuses,

et SOPHIE WOLTKE (d'Odessa), docteur en médecine.

On sait que les attitudes passionnelles qui caracté-

risent, dans la nomenclature établie par M. Charcot,

la troisième phase de l'attaque hystéro-épileptique,

sont commandées en général par des hallucinations,

le plus souvent visuelles. On sait aussi que cette

troisième période de l'attaque peut dans certains cas

prendre un développement considérable aux dépens

des autres phases et même quelquefois s'isoler presque

complètement pour constituer le délire hystérique ou

le somnambulisme hystérique.

Différents auteurs avaient déjà signalé la possibilité

de modifier ce délire à l'aide de certaines suggestions.

Le premier, M. Mesnet, dans deux mémoires où il rela-

tait l'histoire de deux malades atteints de somnam-

bulisme, avait remarqué ce fait. Bien qu'il n'ait pas

rattaché le délire de ses malades à l'hystérie elle-même,

attendu qu'à cette époque (1860 et 1874) on considé-

rait encore le somnambulisme comme une névrose à

part, il a noté avec soin les caractères de ce délire,

qui devaient être dans la suite vérifiés par d'autres

DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 347

observateurs'. Mais un point nous intéresse surtoutau

point de vue des recherches que nous avons entre-

prises. Il avait vu, en effet, que chez ses deux malades

et en particulier chez le second, on pouvait jusqu'à un

certain point, sinon diriger le délire, du moins en modi-

fier la marche par des procédés divers. M. Mesnet

avait bien noté à quel point le malade dans cette

sorte de délire est concentré en lui-même. Il s'é-

tait aperçu qu'on ne pouvait entrer en communica-

tion avec lui qu'en s'incorporant pour ainsi dire dans

ses conceptions délirantes. Pour arriver à ce but, il

essaya tous les moyens et s'aperçut que chez l'un de

ses malades, en s'adressant au sens du toucher en

particulier, on arrivait à modifier ses hallucinations,

mais sans leur donner telle ou telle direction subor-

donnée à la volonté de l'opérateur. Le patient arran-

geait à sa guise l'impression perçue. Synthétisant pour

ainsi dire les nombreux exemples qu'il donne dans le

cours de son travail, M. Mesnet pouvait dire en par-

lant du sujet de son second mémoire : « On peut l'in-

fluencer, changer son rêve, lui donner une autre direc-

tion ; on peut, en piquant légèrement la peau avec

une épingle, lui faire rêver duel; on peut, en éclairant

sa chambre, lui faire rêver flammes, incendie;

l'action cérébrale provoquée chez lui est toujours en

rapport avec le sens sur lequel l'excitation aura été

portée. »

Ces quelques lignes contiennent en germe tous les

détails des recherches que nous avons entreprises à ce

1 Mesnet. Etude sur le somnambulisme envisagé au point de vue

pathologique. (Arch, gén, rie méd, 1860,1, 1, 1). 147.)-De l'automatisme de

la mémoire et du souvenir dans le somnambulisme pathologique. (Union

médicale, 21 et 23 juillet 1874.)

348 PATHOLOGIE NERVEUSE.

sujet dans le délire de la phase passionnelle de l'attaque

hystérique. Depuis les travaux de M. Mesnet, M. Pitres

(de Bordeaux) avait également signalé la possibilité de

donner des suggestions dans la phase passionnelle de

l'attaque d'hystérie, mais sans insister sur les carac-

tère spéciaux de ces suggestions'. Enfin M. le professeur

Charcot, faisant allusion aux cas de M. Pitres affirmait

que ce fait n'est pas très rare dans la phase des atti-

tudes passionnelles de l'attaque2.

Mais toutes les recherches faites jusqu'aujourd'hui

dans cet ordre d'idées, ne reposaient que sur des faits

isolés et n'avaient point été dirigées méthodiquement.

Les choses en étaient à ce point, lorsque M. le Dr Mot-

choutkowsky (d'Odessa) eut à son tour l'idée d'impres-

sionner les sens dans la phase des attitudes passionnelles

et s'aperçut que, par ce procédé, il pouvait influencer

le délire du sujet, le diriger jusqu'à un certain point et

y ajouter des tableaux nouveaux. Il commença aussitôt

avec l'un de nous des recherches méthodiques chez un

malade de son service, qui présentait une phase

passionnelle prolongée. Le résultat en a été publié en

résumé par M. Ségl, mais, paraît-il, sans l'autorisation

de leur véritable auteur 3. Nous donnons ici l'histoire

de ce malade, dont l'observation nous a conduits à

faire de plus complètes investigations, dans le sens de

l'idée de M. Motchoutkowsky, dans ce vaste champ

d'expériences qu'est la Salpêtrière.

1 Pitres. Des zones hystérogènes et hypnogènes; des attaques de

sommeil. Bordeaux, 1885.

' Charcot,. -Leçons du mardi, t. II, p. 326.

' Ségal. - Des hallucinations sous l'influence des excitations des

organes des sens dans les accès hystéro-epileptiques. (met, Obozr.

XXXIII.)

DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 349

Le nommé Constant..., juif de religion, âgé de cinquante-sept

ans, ouvrier, soldat libéré, entre à l'hôpital de la ville à Odessa,

le 22 janvier 1887. Pendant son service militaire il avait été musi-

cien. Il entre à l'hôpital pour de la toux et des étourdissements et

en l'auscultant ou trouve un souffle au sommet droit et des râles

sibilants dans tout le poumon. Rien au coeur, les bruits sont seu-

lement un peu sourds. La température axillaire est normale. Pouls

84. Appétit mauvais, constipation, douleurs dans le ventre.

Dans la suite survinrent des maux de tête et des douleurs

dans les extrémités, surtout à la jambe gauche, tellement violentes,

qu'elles empêchaient le malade de dormir.

Le 8 mars, il est transféré dans le service de 11. le Dr Vior-

cuoutkowsky et l'examen donne les résultats suivants :

C'est un homme de taille moyenne, bien bâti ; le pannicule

adipeux sous-cutané est assez bien développé. Les antécédents

héréditaires ne sont point connus. Pas de syphilis.

La démarche est celle d'un parétique. Les réflexes rotuliens sont

exagérés. La sensibilité cutanée est diminuée sur la presque tota-

lité du corps, sauf quelques points sur la poitrine, la face et la

tête.

Le 8 avril, en examinant le réflexe rotulien, on provoque une

attaque de nerfs qui commence par des mouvements épileptoïdes,

et continue par des grands mouvements désordonnés, arc de

cercle caractéristique, etc. Depuis cette époque, les mêmes atta-

ques se reproduisent presque tous les jours. Le malade ne peut

presque plus marcher à cause de douleurs dans les genoux, qu'il

ne peut fléchir. Les muscles des jambes sont contractures. Cette

contracture qui s'étend aux membres supérieurs persiste quelque

temps après l'attaque et résiste aux frictions et au massage. Les

douleurs de têtes sont très violentes. Il existe une insomnie opi-

niâtre.

Il existe un certain degré de dysurie et quelquefois on est

obligé de recourir aucathétérisme pour vider la vessie.

Les attaques peuvent se produire avec un aimant, l'examen des

réflexes palellaires, par des attouchements sur le vertex, par la

pression dans la région do la fosse iliaque des deux côtés. Au

début, on pouvait presque toujours les arrêter par une suggestion

énergique, mais seulement au moment où l'attaque commençait.

Chaque attaque est précédée d'une aura gastrique (boule qui re-

monte de l'estomac à la gorge).

Au début, l'attaque ne s'accompagnait pas d'attitudes passion-

nelles. Mais vers le 15 juin, on remarque qu'à la fin de chaque

crise survient une période d'hallucinations avec délire. Le sujet de

ce délire est toujours l'histoire de sa vie pendant son service mili-

taire ; il mime des scènes de knout. Il voit aussi son père, mort

aujourd'hui. Après son attaque il ne conserve aucun souvenir de

380 PATHOLOGIE nerveuse.

ses hallucinations, mais quand on le presse fortement, il les

raconte quelquefois.

Ouïe abolie à droite. Goût aboli presque totalement.

Odorat complètement perdu. L'anesthésie cutanée est telle que

nous l'avons décrite plus haut.

Relation des expériences instituées en novembre 1889, pendant la

phase passionnelle de l'attaque. En plaçant un verre vert devant

les yeux du malade, il sourit, puis se met à rire.

Verre bleu. - Hallucination donnant lieu à des mouvements de

tremblement dans tous les membres. Il crie, il pleure, il grince

des dents.

Verre orange. - Le malade parle indistinctement; il veut se

lever de son lit, tourne sa tête comme s'il fixait une personne ou

un objet.

Verre rouge. Il se lève effrayé et cherche à s'enfuir... L'attaque

survient qui clôt la scène.

Deuxième expérience. - Verre rouge. Le placement des divers

verres devant les yeux du malade à l'état normal ne produit pas

l'attaque et ne provoque aucune hallucination. Le verre rouge au

contraire, provoque instantanément une attaque du genre de

celles que nous avons décrites plus haut.

Sens de l'ouïe. - Diapason ci l'oreille droite. Hallucination très

agréable. Il salue, donne une poignée de mains, il rit, chuchote.

On note quelques mouvements du pavillon de l'oreille. A l'oreille

gauche, il ferme les poings et fait des mouvements d'escrime du

sabre. Transporté à l'oreille droite, de nouveau l'hallucination

précédente se reproduit.

Bruit de tambour. Il fait des mouvements comme s'il tenait un

fusil, arme, met en joue.

Orgue de Barbarie. - Chuchottements, il se met à danser et à

fredonner des airs.

A ce moment, le malade fatigué, couvert d'une sueur abondante

retourne à son lit.

Sens du goût. Sulfate de quinine. Il se jette de côté, parlant

tout bas à quelqu'un, fronçant Jes sourcils. Sa physionomie ex-

prime le dégoût, et il est pris de nausées. Le tout se termine par

un tremblement généralisé.

Sel de cuisine. - Sa face exprime le dégoût.

Acide chlorhydrique, Il est pris de tics de la joue droite

(l'acide avait été placé sur la moitié droite de lalangue). Il fait une

grimace en grinçant des dents.

Dans une seconde série d'expériences, quelques différences se

sont produites : le verre bleu amenait une expression de sévérité

sur la figure. Le verre vert provoque une expression de frayeur

et le malade cherche à s'enfuir. Le verre violet amène une séda-

DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 381

tion considérable, il fixe un point avec attention, remue les lèvres

et semble en prières.

Camphre. - Il devient rouge. Il fixe quelqu'un et veut se lever

de son lit où on le maintient de force.

Tabac. Il se lève de son lit, le regard fixe, mais se recouche.

Sa figure exprime la frayeur. Puis il pleure, tire sa langue ; la

face est animée de petits mouvements.

Le lendemain de cette seconde série d'expériences, on suggère

au malade pendant la période hallucinatoire de l'attaque, de

raconter les tableaux qui se sont déroulés devant ses yeux pen-

dant les expériences des jours précédents, et cela seulement le

lendemain matin. Il obéit en effet à cette suggestion, et, au jour

commandé, il raconte les histoires suivantes :

c Le matin, par un grand soleil, il était à l'exercice militaire.

sur un champ couvert de gazon. Les mouvements étaient exécutés

au commandement du tambour. C'étaient des uhlans eu uniforme

bleu, à brandebourgs oranges et jaunes. Il y avait aussi des hus-

sards rouges à galons jaunes. Il tirait des coups de fusil dans une

cible, mettait dans le noir et gagnait le prix, une chaîne et une

montre. Après cet exercice, on a distribué du vin; mais en y

goûtant, il s'aperçut que c'était du porter, qu'il a reconnu à son

goût amer et qui a provoqué chez lui une affreuse grimace dont ses

amis ont ri. Puis la troupe s'est mise en marche en chantant.

Plus tard la musique a joué et à ce moment il s'est mis à

danser. »

Le mois suivant, les mêmes expériences furent reprises et don-

nèrent les résultats suivants :

Odorat. Camphre. Hallucination effrayante. Il cherche quel-

qu'un, incline la tête. Puis sa figure manifeste le contentement, il

semble embrasser quelqu'un. Enfin il se défend contre un en-

nemi.

Verre bleu. Il se précipitesur quelqu'un. Ses poings sont serrés...

Puis il se croit à cheval, tire sur la bride comme pour arrêter sa

monture. Il crie.

Verre rouge. fixe quelqu'un, fait le salut militaire en disant :

« Zdravia zielaem 1 ! »

Verre vert. - Il quitte son lit, fait quelques mouvements des

lèvres, incline la tête et chuchote plusieurs fois le mot : i Oui. »

Verre oranges Il se jette sur quelqu'un et fait des mouvements

de jambe et de main comme s'il était à cheval. (Les hussards en

Russie ont des brandebourgs oranges.)

Goût. - Sucre. 11 sourit, semble content. Il salue quelqu'un, rit

et danse.

'Ilots russes qui signifient portez-vous bien », et que les soldats disent

en faisant le salut militaire, lorsqu'ils rencontrent un officier.

382 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Sulfate de quinine.-Il cherche, fait un geste de menace avec le

poing.

Sensibilité cutanée Vase plein d'eau chaude placé sur la cuisse

droite. Il fait le geste de se laver la figure et le corps, puis se

peigner, se fustiger le corps avec des verges (habitude populaire

russe après le bain). Puis, il fait de grandes inspirations comme

s'il avait chaud et éprouvait un grand bien-être. Il fait le geste de

s'éventer avec sa chemise. Le corps était complètement rouge et

la sueur perlait sur la peau.

Compresse d'eau froide sur la tête. -Il fait le geste de se laver de

nouveau, mais commence à avoir des frissons, claque des dents.

Puis il sourit, croise ses bras, fait la planche et exécute des mou-

vements de natation. Puis il prend la couverture et s'en enveloppe.

Enfin, il poite la main à sa bouche comme s'il mangeait, fait

marcher ses mâchoires, fait le geste de remuer du sucre dans une

tasse de thé, et recommence à manger. Puis, il se remet au lit en

donnant des signes de fatigue.

Essence de térébenthine.- II fixe quelqu'un, fait le mouvement de

tirer des cartouches de sa giberne, se met à l'affût et tire un coup

de fusil, puis ramasse quelque chose, comme s'il avait tué quelque

animal.

Ouïe. Sonnette. Il est agité, se fâche, fait des mouvements

comme s'il était à cheval au galop, il crie. (En Russie, les chevaux

de cavalerie ont des sonnettes au cou.)

Cette fois, le contrôle des hallucinations par le récit ultéiieur

suggéré n'est pas intervenu. La suggestion a été faite, mais le ma-

lade n'y a pas obéi.

Le 9 décembre, on reprend de nouveau :

Eau-de-vie sous le ne ? -11 tortille sa moustache; il fixe quelque

chose, se met au port d'armes. Il cherche à courir.

Poix liquide sous Le zze ? 11 regarde en haut, et fait très nettement

le geste de jouer aux cartes, chuchote ou dit en souriant : « Oui !

oui ! " Puis il crie, se dispute, montre le poing, finit par se battre

avec son partenaire imaginaire.

Oignon sous le nez. -Il fait le geste de déboucher une bouteille

avec un tire-bouchon '. Puis boit.

Verre rouge. - Il fait le mouvement d'enflammer une allumette,

allume une bougie, puis jette l'allumette.

Verre vert. - Il cueille des fleurs, sourit, salue quelqu'un, puis

fait le geste de semer du grain.

Verre bleu. Même hallucination et mêmes gestes que dans

l'expérience précédente avec le vert bleu. (Voir plus naut.)

' En Russie, le peuple en buvant de l'eau-de-vie, mange souvent du

pain frotté d'oignon.

DES hallucinations DE l'attaque hystérique. 333

Après ces expériences, le malade se couche - Son pouls est fré-

quent et il a quelques battements de coeur.

Verre orange. Sa figure exprime la pitié et se jette hors de son

lit, en exprimant par sa mimique qu'il éprouve de violentes

douleurs.

Verre bleu de nouveau. -Il Il fait des mouvements d'escrime du

sabre.

Le lendemain matin, le malade fait le récit suivant qui lui a été

commandé par suggestion :

« Le caporal lui a ordonné d'aller chercher du foin. Il a com-

mencé à le ramasser. Puis, il a vu un enterrement. Dans cet en-

terrement il y avait beaucoup de soldats, des uhlans, avec leur

uniforme bleu, des hussards jaunes, des fantassins en bleu, à pas-

sementerie noire. Il l'ut alors placé en faction et se mit au port

d'armes pour saluer l'enterrement. Puis il était ordonnance d'un

commandant. Une fois, quand celui-ci est venu, il faisait nuit ; il l'a

grondé, et il a allumé les lampes. Mais tout de même le com-

mandant l'a condamné au knout, et il a beaucoup crié. - Une

autre fois, il arrachait des pommes de terre et de l'herbe. Puis, il

a dîné avec les soldats, on lui a envoyé chercher du vin à la cave.

Il a bu beaucoup à la cave, et s'est grisé ; on l'a trouvé là, et il a

reçu une forte réprimande ».

Telles sont les expériences qui ont été instituées

chez Const.... Si on veut bien maintenant se reporter

d'une part aux détails des expériences et d'autre part

aux deux récits faits par le malade, on voit qu'il nous

raconte d'une façon à peu près rationnelle l'histoire

de ses hallucinations qu'il n'avait manifestées exté-

rieurement pendant chaque attaque que par une mi-

mique assez animée.

Dans son premier récit, le champ de manoeuvre

couvert de gazon, au grand soleil, correspond vrai-

semblablement aux hallucinations provoquées par les

verres vert et bleu. La description des uniformes des

uhlans brandebourgs oranges et jaunes, des hussards

rouges à galons jaunes, répond à l'application des

verres orange et rouge. Les mouvements qui s'exé-

cutent au son du tambour, ce sont ses exercices avec N

Archives, t. XXI. 23

334 -lit PATHOLOGIE NERVEUSE.

le fusil et le sabre qu'il a mimés lorsqu'on lui a joué

du tambour ou placé un diapason à l'oreille gauche.

Le tir à la cible et le prix qu'il obtient sont repré-

sentés par la mimique joyeuse déterminée par l'appli-

cation du diapason à droite. Le sulfate de quinine placé

sur la langue a provoqué une grimace qu'explique

son dégoût pour le porter que l'on avait, dans son

récit, substitué à son vin. Enfin à la danse qu'a pro-

voquée chez lui l'audition de l'orgue de Barbarie pen-

dant l'attaque répond la partie correspondante de

son récit.

Ainsi qu'on l'a vu, il n'a pas obéi à la seconde sug-

gestion et ne nous a pas raconté les deux scènes des

ablutions tièdes et du bain froid qu'il avait si parfai-

tement mimées. Mais dans son second récit, bien qu'un

peu moins nettement que dans le premier, on retrouve

encore de quoi expliquer ses gestes. Le port d'armes

qu'il a exécuté quand on lui a mis l'eau-de-vie sous le

nez répond à l'enterrement où il est en faction et où il

salue de son arme. Les divers uniformes des m ! d;¡l;;

présents à cet enterrement, correspondent aux dcis s

verres colorés. Quand il disait être ordonnance d'un

commandant qui, rentré tard, l'avait trouvé en faute,

et après lui avoir fait allumer la lampe, l'avait con-

damné au knout, il rendait un compte fort exact des

gestes d'allumer une bougie et de se coucher avec

l'air de souffrir beaucoup, qu'il avait exécutés avec

les verres rouge et orange. Ce que nous avons pris

pour cueillir des fleurs, avec le verre vert, c'était

arracher des pommes de terre. Enfin il nous parlait

d'aller chercher du vin à la cave, ce qui correspond

évidemment aux gestes de déboucher une bouteille

DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 333

et de boire qu'il avait faits lorsqu'on lui mettait de

l'oignon sous le nez.

De cette observation, bien qu'un peu incomplète en

ce sens que le malade ne parlait pas pendant qu'on

lui donnait des hallucinations par l'excitation des

sens, on peut cependant déduire quelques considé-

rations assez intéressantes. L'action des impressions

sensorielles est évidente, elle modifie la marche du

délire et ajoute des tableaux nouveaux à ceux que le

malade voyait spontanément pendant la phase pas-

sionnelle de l'attaque. Il est certain que toutes ces

hallucinations nouvelles ne sont pas toutes aussi nettes

et aussi déterminées les unes que les autres pour cha-

que impression sensorielle. On a vu que la même

impression ne produisait pas dans deux expériences

différentes toujours la même mimique. Cela est dû

peut-être à ce que cet homme, ouvrier grossier, dans

l'esprit duquel les scènes de la vie militaire avaient

laissé une impression plus profonde que tout le reste,

était moins sensible aux excitations un peu délicates

et que les hallucinations provoquées par celles-ci lui

étaient moins vives. Au contraire, en présence d'im-

pressions simples comme le contact de l'eau chaude

ou de l'eau froide, nous le voyons sous l'empire d'hal-

lucinations d'une netteté et d'une fixité remarquables.

Nous faisons allusion ici aux scènes des ablutions et

du bain froid dans lequel il s'ébattait en nageant,

scènes si merveilleusement mimées, produites évi-

demment par les impressions simples, assez in-

tenses pour donner naissance à un tableau de longue

durée. Quoi qu'il en soit, la modification apportée au

délire par les excitations sensorielles était évidente,

3j6 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ainsi que l'impossibilité dûment constatée de diriger

ce délire suivant la volonté de l'opérateur, le malade

interprétant à sa manière chaque sensation perçue.

Lorsque l'un de nous vint à Paris, muni de cette

observation et rendit compte à l'autre des résultats

nouveaux qu'elle contenait, nous vîmes tout de suite

combien il serait intéressant de poursuivre ces re-

cherches sur les nombreux malades qui étaient à

notre disposition à la Salpêtrière. Nous pouvions tout

d'abord contrôler les résultats obtenus chez le premier

sujet et combler ensuite les lacunes qui existaient

dans son observation, dont nous signalions à l'instant

les points faibles ou défectueux.

Nos premières investigations ont porté sur une jeune fille de

vingt-quatre ans, la nommée Schey... (Pauline). Cette malade est

depuis quatre ans dans le service de M. le professeur Charcot. C'est

une hystérique typique avec tous les stigmates permanents. hémi-

anesthésie sensitivo-sensorielle droite complète, double rétrécisse-

ment du champ visuel, point hystérogène au vertex, hystéro-phré-

nateurs dans les deux régions ovariennes. Elle a eu autrefois des

attaques de chorée rhythmée hystérique et à plusieurs reprises

des attaques de délire dont l'une en particulier a duré dix jours.

Elle a de plus des attaques d'hystérie classique avec période epi-

leploide, phase des grands mouvements et arcs de cercle, altitudes

passionnelles. Cette période des attitudes passionnelles est chez

elle développée au point qu'elle prédomine notablement sur les

deux autres phases. Elle dmerait à chaque attaque jusqu'à une et

deux heures, ainsi que nous l'avons plus d'une fois constaté, si, en

général, on ne l'arrêtait, soit par des inhalations d'éther, soit par

l'application du compresseur de l'ovaire.

La malade étant hypnotisable, nous profitons de cette circons-

tance pour provoquer l'attaque hystérique, en lui suggérant dans

la période somnambulique qu'elle va avoir une crise. Une fois

qu'elle a atteint la phase des attitudes passionnelles, nous la lais-

sons quelque temps livrée à elle-même pour nous rendre compte

DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 3151

de la nature de son délire. Elle parle beaucoup, mais ses jeux de

physionomie sont peu expressifs. Le fond de son délire n'est pas

gai, il est plutôt sombre et triste ou effrayant; la zoopsie y tient

une grande place. Le feu, le sang, des assassins, des hommes

ronges qui la poursuivent, des bêtes, rats, crapauds, araignées, sa

mère morte, telles sont les conceptions délirantes les plus com-

munes.

Nous excitons alors les organes des sens et nous obtenons les

résultats suivants :

Verre rouge. - Charles ! viens à mon secours... Quoi tu es en

sang... Mon Dieu, qu'est-ce que tu as ? Oh ! Charles, je ne veux

pas te voir comme cela ? Non, ne viens pas.

Verre jaune. Charles ! le soleil, un temps superbe ! ... Où vas-tu

par un beau temps comme cela. (Elle ferme les yeux.) Quel soleil !

Allons à l'ombre... Les beaux nuages 1

Verre vert foncé. Oh ! Charles, je m'ennuie, je suis toute seule...

où donc, à cette heure ? En pleine nuit ! ces hommes après moi 1

Toutes ces hallucinations persistent après le verre retiré, d'une

façon nette et constante.

Verre bleu foncé.-(Elle sourit, puis regarde avec attention.) Mon

père, je veux me retirer ces idées. Tu as toujours été bon. Ma

pauvre mère, je te vois. Bonjour, je te vois dans le ciel... oh !

maman, dis, tu m'aimes bien ? ... Aie pitié de ta fille, maman.

(Extase.)

Verre vert de vitre.-J'ai peur... j'ai toujours eu peur de tomber

à l'eau. Mélie, viens. Nini, viens, prends garde, ne marche pas au

bord. Ma petite soeur, j'ai toujours eu peur que tu tombes à l'eau.

Viens ici... Où en vois-tu ? je n'en vois pas du tout. Tu crois qu'ils

vont sortir de l'eau ; t'es bêbête L.. où est-il, papa ? ... Qu'est-ce

que tu veux ? j'ai toujours été nerveuse. Tu me gâtais, mon père,

tu avais un penchant pour moi... Je cours tout droit vers l'eau...

Verre jaune. Retour de l'hallucination ci-dessus : soleil, beau

temps, chaleur, etc...

Verre bleu. -Retour de l'hallucination ci-dessus : elle voit sa

mère dans le ciel.

Verre vert foncé. Tristesse, solitude, comme ci-dessus.

Ici, une reprise de mouvements convulsifs arrête le délire, qui

reprend ensuite spontané : rats, etc...

Camphre sous le ne ? Des habits... Monsieur Binet, j'ai un rhume

de cerveau... Non, écoutez, ça me porte à la tête... ça conserve

les habits... Holà ! ma tête ! 1

Eau de Co<o ? e.Beau jardin '.je vais aller me promener dans le

jardin... Quelle fleur est-ce ? je ne pourrais pas dire au juste... je

ne sais pas... Qu'est-ce que tu veux ? T'es aussi bête que moi...

J'en ai assez du jardin. Je sors un peu.

Sulfure de carbone. Oh ! c'est infect. (Mouvement de dégoût.) Où

358, PATHOLOGIE NERVEUSE.

sommes-nous, dis ? Il ne sent pas, lui. (Elle porte la main à son

nez.) Je me bouche le nez avec mon mouchoir, mais je sens tout de

même. Où sommes-nous donc ? (Nausées.) Ah ! j'ai un peu mal au

coeur. C'est mon déjeuner qui ne digère pas.

Ether. -Oli ! oui, les nerfs, les nerfs... Regarde la'pauvre fille là-

bas... Viens à son secours, viens vite. Regarde comme elle saute.

triste maladie ! je la plains de tout mon coeur... Je n'en ai plus,

moi, d'attaques, (à part) et puis je ne te le dirais pas, pour sûr.

Demande : 1 papa qui est derrière... et puis je ne m'en cacherais

pas... On dit que l'hystérique est passionnée, mais c'est pas ça du

tout. M. X..., je l'aimais bien... M. Y..., oh ! pas du tout... M. Z...,

je l'aime un peu, mais ce qu'il est taquin. Dans le fond, il me re-

vient, M. Z... (Il s'agit de divers internes ou chefs de clinique de

M. le professeur Charcot.) Ah ! là, là ! pourquoi sommes-nous venus,

je ne voulais pas y aller, à la Salpêtrière. On pouvait bien aller se

promener ailleurs. Tiens, si on allait voir la petite Léonie. (C'est

une petite malade du service.) Elle n'est pas grossière, elle. Ah !

ces personnages grossiers, je les ai en horreur... Léonie, viens nous

voir chez nous. Tu sais, je te le dis à toi, ici j'aurais pour d'être

malade... (Après la lecture de ce délire il est à peine besoin

d'ajouter que l'on se sert généralement d'éther a la Salpêtrière

pour arrêter les attaques d'hystérie.)

Ici, nous arrêtons le délire en appliquant à la malade un com-

presseur de l'ovaire. Une heure et demie après, nous enlevons

l'appareil, aussitôt le délire spontané reprend : Charles ! ... etc.

Chloroforme. - (De même que l'éther sert pour les attaques, le

chloroforme est employé généralement ici soit pour examiner des

malades atteints de contracture, soit pour obtenir la résolution

des contractures persistantes, résultat qui n'est d'ailleurs pas

toujours obtenu.) Pauvre fille, elle s'endort, regarde-là... C'est

pour voir les contractures... Je connais tout cà, parbleu ; j'ai été à

la Salpêtrière... Bien sûr que je n'en sais pas autant que toi, mais

enfin les petites choses... Tu vois ? elle s'endort, c'est pour voir si

la contracture va se défaire... Tu ris ? Quoi ? Je ne suis pas mé-

decin comme toi ! ... Quand on la réveillera, ça reprendra. On

devrait lui mettre deux bâtons pour tenir la jambe droite...

Ether. De nouveau, hallucinations d'attaques de nerfs, comme

dans la première expérience.

Sirop de groseilles sur la t; ! oue.Tu as soif ? moi aussi. Je vou-

drais boire quelque chose de bon, de sucré... une grenadine au

kirsch. Non, je n'en veux pas, papa sait que j'aime ça. - C'est

très bon, tu sais, très raffraichissant quand on asoif... Ecoute, ne

me parle pas beaucoup, je suis très énervée, très agacée, il vaut

mieux me laisser tranquille.

Sel de cuisine. J'ai avalé de l'eau de mer ! Ça me fait l'effet de

sel de Sedhtz, l'eau de mer. Ah 1 oui j'en ai avalé ! C'est si bon, les

DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. S

bains de met. 011 ! j'y pense encore... M. Emile nous regardait.

Marie-Jeanne n'avait pas de costume, elle n'avait qu'un fichu et un

jupon. (Elle rit.) Son jupon se relevait sur l'eau. Ce que nous

riions ! M. Emile la regardait avec... avec quoi ? Comment que ça

s'appelle ? ... Avec sa jumelle... c'est ça hein, Charles ? Et puis le

soir, il a dit : Elle n'avait pas de costume, Marie-Jeanne. -

Sulfate dcqtii2111e.-J'ai promis à mon père de ne pas me suicider,

(Elle a fait autrefois deux tentatives de suicide.) Je ne ferai pas

comme vous, je n'en prendrai pas... Oh ! il m'en fait prendre de

force. (Mouvements de vomissements, crachement de glaires.)

Pincements des bras, des jambes. (Quand on agit sur le rûtéanes-

tbésique, elle ne réagit pas.) Voyons, Charles, taquin ! Je ne vous

parle pas, Monsieur. J'aime pas ces manières-là.. J'appelle mon

père... Oh ! ce qu'il est taquin !

Caresses sur la joue. - Oui, ma petite soeur, oui, Mélie, je t'aime

bien...- Viens ici, tu es la plus gentille de toutes... Viens vite... Tu

sais que tu grandis beaucoup... T'es gentille.

Piqûres d'épingle Stf ! 'bajoue.Oh ! c'est partrop ! Oh ! cesbêtes...

Qu'est-ce que c'est que ces bêtes-)à ? ... Ce que c'est agaçant ! Oh !

mon Dieu ! (Il est remarquable qu'elle cherche à peine à se

défendre contre ces bêtes.) Quelles bêtes ? Oh ! des guêpes !

Piqûres sur la poitrine. - Un serpent qui me pique ! Un serpent,

oui ! Holà ! Holà !

Piqûres sur la jambe. - Un rat qui me grimpe aux jambes. (Il

remonte ou redescend suivant la direction despiqûres successive».)

Oh ! que j'ai peur des rats !

Piqûres sur le bras. - C'est un monsieur qui la coupe profitant

de ce qu'elle est toute seule. '

Piqûres la région p ! 'eco)'dtft<e.Monsieur, laissez-moi, s'il vous

plaît ! S'il ne vous plaît pas, c'est la même chose... Vous voulez me

percer le coeur... Je ne l'ai pas à droite comme les gendarmes...

Alors vous voulez me faire mourir ? ... Quelles souffrances, mon

Dieu ! Ah ! si Charles était là ! ...

Piqûres sur la paroi abdominale. - Monsieur, Messieurs le» mé-

decins ! Mais je n'ai pas de tumeur dans le ventre ! Laissez-le

donc tranquille, mon pauvre ventre ; vous n'allez pas me l'ouvrir...

Au moins endurmez-moi d'abord... Et puis je vous dis que je n'ai

rien dedans... Qui est-ce ? C'est 111. Tel'l'illon... Voyons, Monsieur,

je vous connais... je vous dis que je n'al jamais soulfert du ventre...

Quelle opération ! ... Qu'est-ce qu'ils me retirent ? Oh ! mes boyaux

sur un plat ! Oh ! non, vrai ! Seulement sans m'endormir... Mon-

sieur, je meurs, allez chercher mon père .. C'est long comme tout,

cette opération ! Oh ! les charcutiers ! (Elle détourne la tête avec

dégoût.) Il y a assez de gens qui ont des tumeurs. Pourquoi nie

prendre, moi qui n'ai rien ?

Compresse large, chaude, sur l'épaule. Où sommes-nous ? en

360 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Afrique... c'est comique. Ce que j'ai chaud ! Charles, je sue sur

la poitrine... Ça te paraît drôle ; c'est que je suis extraordinaire...

Ce qu'il fait chaud ! C'est l'Afrique. Jamais je n'avais vu l'Afrique...

C'est le pays d'nne petite que je connais... Tombouctou... le

désert... des chameaux... (Il y avait à ce moment dans le service

de M. Charcot une jeune négresse de Tombouctou, atteinte

d'hystérie.)

Compresse chaude sur la joue. - Quelles névralgies ! Je demanderai

de l'antipyrme... Charles, tu m'en donneras, de l'antipyrine... j'en n

prendrai deux grammes...

Fer froid sur la poit1'ine,- (Elle grelotte.) Quel froid ! Oh ! je suis

sur la neige ! Mon manteau, vite ! Comment que cela se fait ? ...

Nous sommes donc en Sibérie ? 7

Compresse froide sur la poitrine.-Alors nous allons nous baigner...

Au bord de la mer, je veux bien, mais ici, non... Nous voilà dans

l'eau... Ça me donne des douleurs... je crains même l'humidité.

Je ne sors pas quand il pleut, à moins d'y être obligée.

Bruit de tambour. - Des soldats... puis la foire de Saint-Denis.

Tum-tam doux et lent.-Qui est donc mort ? comme c'est triste ! 1

ça me fait un en'et ! j'en pleurerais... C'est les cloches. Cela me

rappelle me rappelle ma pauvre mère. (Elle pleure, la ligure dans

les mains.)

Chez cette malade, il est absolument impossible,

même en s'incorporant dans son délire, de donner par

la parole une suggestion quelconque ou de modifier les

hallucinations. Elle est totalement concentrée en elle-

même et absorbée dans ses conceptions délirantes. Elle

tourne les obstacles que l'on place devant elle, sans

s'en occuper, toujours conduite par son idée domi-

nante. La parole n'a aucune action. Elle ne paraît pas

entendre même les mots les plus simples, tels que

chien, chat, rat, que l'on prononce devant elle à haute

voix et qui pouraient éveiller des hallucinations.

C'est le degré le plus profond de la concentration.

Seules les impressions sensorielles sont capables d'in-

troduire un changement dans la succession des hallu-

cinations.

Cette concentration se manifeste aussi dans ce fait

DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 361

que la réaction(de la malade vis-à-vis d'une excitation

sensorielle donnée est toujours exactement la même.

Nous avons pu vérifier cette particularité à plusieurs

mois, comme à quelques jours de distance. Toujours le

verre bleu a éveillé l'image de sa mère dans le ciel, la

piqûre au ventre l'idée de laparatomie, l'éther le ta-

bleau d'attaques de nerfs, le chloroforme celui de

contractures, et ainsi pour toutes les excitations des

sens. Cette espèce de déterminisme est digne d'être

notée.

Quelle que soit l'explication qu'on en donne, et

c'est une tentative que nous n'essaierons pas de faire,

cette fixité des réactions est à rapprocher de celle

que nous avons constatée chez cette même malade

sous l'influence d'excitations sensorielles analogues

pendant la période cataleptique du grand hypnotisme'.

Chose remarquable, les excitations de même nature

produisent dans la catalepsie souvent les mêmes sug-

gestions que dans la phase passionnelle de l'attaque. Il

en est ainsi pour l'éther, le chloroforme, le verre bleu,

l'eau de Cologne. Si ces deux états sont comparables

à ce point de vue, ce qui n'est pas étonnant, étant

donné que la malade réagit surtout suivant ses sou-

venirs, qui ne varient point d'un état à l'autre, puisqu'ils

forment une partie de substratum psychique de son

être, ils sont aussi comparables l'un à l'autre au point

de vue du degré de concentration de l'individu que

l'on a désigné dans la catalepsie sous le nom de mo-

noïdéisme.

1 Georges Guinon et Sophie Woltke. De l'influence des impressions

sensorielles dans les phases cataleptique et somnambulique du grand

hypnotisme. (Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière,^ 1890. n° 6.)

362 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Arrivons maintenant à la description de nos expé-

riences sur notre troisième malade.

Il s'agit d'un jeune oumier, âné d'une vingtaine d'années, hys-

téro-traumatique typique avec stigmates permanents et attaques

classiques, mais dans lesquelles la phase passionnelle prend un dé-

veloppement exagéré. Dans une attaque provoquée, après avoir

laissé passer les périodes épileptoide et des grands mouvements, nous

abandonnons un instant le malade à son délire et constatons que

celui-ci consiste surtout en visions d'animaux (des cafards) ethallu-

cinations terrifiante» qui le font se précipiter sur un ennemi ima-

ginaire. Les hallucinations soit spontanées, soit provoquées par

l'excitation des organes des sens, sont accompagnées chez lui par

une mimique et un discours extrêmement animés. Après la rela-

tion presque littérale du délire denotre précédente malade, nous

nous contenterons pour celui-ci de décrire en quelques mots le-

scènes auxquelles il assiste ou prend part et qu'il mime tellement

bien que l'on croirait presque y assister avec lui.

Verre rouge. -Il voit un ami qui s'est coupé. Le sang ruisselle ; il

se baisse pour l'essuyer sur le sol.

Verre vert.-II voit des feux de Bengale, Si on met le verre devant

un seul oeil, lé feu de l3euâale est raté. Si on le met devant les

deux yeux, il est superbe.

Verre bleu,-II est juché sur quelque fenêtre d'église, admire les

vitraux et voit à l'intérieur de l'édifice le prêtre qui officie. Il fait

des farces, jette des pierres dans l'intérieur, se cache ensuite, etc.

Verre jaune,-Il cause avec une marchande d'oranges-ou bien

il voit une femme habillée en jaune et la raille sur la couleur de

sa toilette.

Verre vert clair (carreau de vitre). paraît regarder au travers

d'une fenêtre et assister à un spectacle qui l'irrite. Il grince des

dents et veut se précipiter.

Verre vert foncé, - Il cause avec une ouvrière qui peint en vert de

petites boites pour les parfumeurs. Il la plaint de gagner bien peu

d'argent en travaillant si durement et en risquant de se donner

des coliques en maniant les couleurs. 1

Camphre sous le ne=. -Il raille, puis invective un monsieur qui

prise du camphre.

Eau de Cologne. Il s'adresse à une femme qu'il rencontre et la

raille sur la bonne odeur qu'elle répand, lui en demande pour son

mouchoir. Comme cette dame l'appelle insolent, il l'accable d'in-

jures et d'ironiques compliments.

Sulfure de carbone. Il accuse un de ses amis de n'avoir pas su

commander à ses sphincters. Et comme celui-ci sans doute se

fiche, il parait ennuyé de lui avoir fait de la peine.

DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTERIQUE. 363

P/tOSpAot'e.fi voit un de ses amis dont le pantalon brûle, parce

qu'il avait des boites d'allumettes dans ses poches où elles ont

pris feu.

Alcool. - Il se dispute avec l'apprenti de son atelier (il est laye-

tier), qui s'est trompé en allant acheter du vernis. 11 prouve pérem-

toirement en mettant le feu au produit que l'apprenti a rapporté,

que ce n'est pas le vernis que le patron avait demandé.

Ether. -Nous lui voyons, sous l'influence de cette odeur, mimer

une scène des plus intéressantes, Une femme est là, dans la rue,

sur le trottoir, en proie à une attaque de nerfs. Il écarte la foule

pour qu'on lui laisse de l'air, raille ceux qui s'étaient approchés

trop près et ont reçu des coups de pieds. Il gourmande vigou-

reusement un spectateur qui regardait les jambes de la malade.

Il la prend dans ses bras, la porte dans l'allée d'une maison,

envoie avec de l'argent un ami chercher un cordial. La femme

revient à elle, il l'assied chez une dame, lui demande son adresse,

la plaint de demeurer si loin, etc.

Sulfate de quinine, -Il roule une cigarette, puis l'ayant portée à

ses lèvres, la rejette avec dégoût, en se plaignant qu'on lui fasse

d'aussi mauvaises farces. (.

Sel de cuisine,- Ce n'est pas du lard salé qu'on lui a vendu, c'est

du sel au lard. Il meurt de soif.

Sirop de groseilles est au café. Il rejette avec dégoût la bois-

son qu'on lui sert et gourmande le garçon de lui avoir apporté un

pareil sirop. Il demande de l'eau-de-vie de marc.

Légers attouchements sur la face. -il court après un papillon. Il

l'attrape, le trouve gros et fort beau. Il le donne à un personnage

imaginaire avec qui il cause, pour le piquer sur un bouchon.

Simulacre de baiser sur la joue (fait en touchant la joue du doigt

et en imitant le bruit du baiser).-Il s'adresse à une femme, une

ouvrière saus doute, lui dit bonjour, lui demande si elle va acheter

une machine à coudre.

Souffle sur la face. Le vent se lève. Il va pleuvoir. Puis il pleut.

Corps chaud sur la face. Il regarde en l'air. Il doit y avoir quel-

qu'un à un étage supérieur, qui nettoie sa chaufferette à la fenêtre.

11 a de la poussière dans les yeux. Un charbon est tombé sur son

pardessus qui brûle. Il injurie les locataires de la maison et accuse

la concierge d'avoir secoué sa chaufferette par la fenêtre.

Déjà avant nos recherches, M. le professeur Charcot

dans une leçon clinique avait montré qu'en s'adressant

au sens de l'ouïe on pouvait donner quelques sugges-

tions à ce malade, mais en se conformant à son délire

habituel, c'est-à-dire en essayant de lui rappeler soit

364 PATHOLOGIE NERVEUSE. DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE.

par la parole, soit par des bruits appropriés, des idées

délirantes qu'il avait spontanément manifestées anté-

rieurement. Aussi, ne mentionnerons-nous pas les

résultats des excitations portant sur le sens de l'ouïe 1.

Chez ce jeune homme le degré de concentration est

presque le même que dans la malade de l'observation

précédente. Comme elle, il est absolument indifférent

aux objets extérieurs. On sait que c'est là une carac-

téristique d'une des formes du délire hystérique. Il

présente, lui aussi, une grande fixité de réaction à une

excitation donnée. Toujours, même à de longs mois

de distance, le verre bleu a ramené la scène d'église,

le verre jaune la marchande d'orange ou la femme

habillée en jaune, le verre rouge la blessure san-

glante.

En un mot, ces malades sont tous identiques les

uns aux autres, non pas que la même impression sen-

' son' elle produise chez tous la même hallucination;

Chacun l'interprète à sa manière et agit ou parle selon

son interprétation. C'est là précisément un des phé-

nomènes caractéristiques de ce fait pathologique.

En outre, en dehors de toute interprétation psy-

chique, il est important de voir, ainsi que nous l'avons

fait remarquer dans le cours de ce travail, des phéno-

mènes analogues se manifester dans l'hystérie et dans

l'hypnotisme. Nous avons constaté, dans un travail 1

antérieur, l'influence des impressions sensorielles dans

la phase cataleptique du grand hypnotisme. Nous

' L'observation complète de ce malade sera d'ailleurs publiée avec une

série d'autres, par l'un de nous, dans un travail en préparation sur le

délire hystérique, d'après l'enseignement de M. le professeur Charcot.

G. G.

A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTÉRIQUE. 365

retrouvons aujourd'hui quelque chose d'analogue,

dans l'attaque délirante hystérique. C'est un point

de contact de plus entre ces deux névroses que nom-

bre d'observateurs tendent aujourd'hui à séparer l'une

de l'autre, malgré les rapports qui les unissent

si étroitement, ainsi que le soutient depuis si long-

temps M. Charcot.

En résumé, nous pouvons conclure des faits dési-

gnés que nous avons rapportés : 1° que dans le délire

de la phase passionnelle de l'attaque hystérique on

peut modifier la marche des hallucinations et en créer

de nouvelles à l'aide d'excitations diverses, mais tou-

jours simples, des organes des sens; 2° que ces hallu-

cinations sont toujours indépendantes de la volonté de

l'opérateur et laissées exclusivement à l'initiative du

malade qui s'approprie la sensation perçue et la trans-

forme à son gré en une hallucination correspondant à

ses habitudes, à son genre de vie, à ses souvenirs, en

un mot à sa propre personnalité.

A PROPOS DU BéGAIEMENT HYSTÉRIQUE

EXAMEN DES OBSERVATIONS DE MM. G. BALLET ET A. PITRES

Par le D' CHERV1N

Directeur de l'Institut des Bègues de Pans.

M. Ballet a communiqué à la Société médicale des Hôpitaux de

Paris quelques observations de troubles de la parole auquel il a

donné le nom de bégayement hystérique, et publié dans les Archives

' G. Ballet. Du Bégayement hystérique. In Bulletins et Mémoires de la

Société médicale des Hôpitaux ; séances du Il octobre 1889 et juillet

1890. G. Ballet et Paul Tissier, Du Bégayement hystérique. In JI1'chi-

chives de Neurologie. Juillet 1890.

366 PATHOLOGIE NERVEUSE. -

de Neurologie un mémoire complet sur la même question. D'un

autre côté, M. le professeur Pitres, de Bordeaux, vient de fane

tout récemment, à sa clinique de l'hôpital St-André, une leçon

sur le mustisme et le bégayement hystérique 1. Le cadre nosologique

des maladies vient donc de s'enrichir d'une appellation nouvelle.

Etant donné la notoriété scientifique des deux auteurs, il me paraît

indispensable d'examiner le bien fondé de celte dénomination,

d'autant plus qu'à la lecture des observations présentées par

MM. Ballet et Pitres, il est visible qu'ils ont donné le nom de bé-

gayement hystérique à des cas absolument dissemblables. Et d'abord,

qu'entend-on à l'heure actuelle par bégayement ? 2

« Lebégayement, dit lI. le le E. Aloutard-ilartin 2, est un état cho-

réique intermittent des appareils qui président à la phonation ar-

ticulée; l'acte respiratoire y étant compris. a A cette définition très

- simple et très exacte, j'ajouterai cependant quelques explications

dans le but de permettre un diagnostic différentiel facile entre

le bégayement hystérique de MM. Ballet et Pitres et le bégayement

ordinaire.

Il importe, en effet, d'une part, de beaucoup insisler sur le ca-

ractère intermittent présenté par le bégayement ; c'est en quelque

sorte un signe pathognomonique de cette affection. Tel qui lira et

parlera des heures entières sans bégayer ne pourra pas, tout d'un

coup, à quelques minutes d'intervalle, articuler la moindre syl-

labe sans la plus grande difficulté. Il y a des sujets qui ne bé-

gayent qu'avec les membres de leur famille et jamais avec des

étrangers ; pour d'autres, c'est l'inverse qui se produit. Mais, en

règle générale, l'intermittence est notoire chez tous.

D'un autre côté, il existe toujours des troubles respiratoires

plus ou moins importants, plus ou moins variés. Le rythme respi-

ratoire comprend trois temps parfaitement distincts : le repos,

l'inspiration, l'expiration. Faute de respecter ce rythme, dans

toute sa régularité, la phonation est troublée. Or, certains bègues

veulent parler pendant l'inspiration, à la manière des ventrilo-

ques, d'autres parlent pendant l'expiratiou, comme il convient.

Mais, tandis que ceux-ci laissent échapper une partie du courant

d'air expiré sans parler et ne sont prêts pour la parole que lors-

que leur provision d'air est épuisée ou à peu près, ceux-là expirent

une paitie de l'air dans les fosses nasales, si bien qu'il n'en reste

plus assez pour l'articulation normale par la bouche. D'autres,

enfin, parlent avec une telle précipitation, qu'ils suppriment le

1 A. Pitres. Du Mutisme et du Bégayement hystériques. In Revue du

laryngologie. 1" décembre 1890.

1 Rappel t sur la méthode de M. Clzeruzn pour le traitement du Bé-

gaiement, par M..Moutard-Martin. In Bulletin de l'Académie de Alécle-

cnze; séance du 25 août 1874.

A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTÉRIQUE. 367

temps si important du repos, de telle sorte, que, très rapidement,

ils sont placés dans les conditions d'un coureur inexpérimenté :

ils sont haletants, fatigués, à bout d'haleine et dans l'impossibilité

de continuer de parler.

J'ajoute encore qu il est essentiel de faire remarquer que le

bégayement ordinaire débute presque toujours de trois à sept an·,

rarement plus tard, mais, pour ainsi dire, jamais après la puberté.

Je me bâte de dire que si le bredouillemcnt suit habituellement

cette loi, certaines formes particulières du bredouillement appa-

raissent dans l'âge adulte et dans certaines conditions toutes

spéciales.

Quant aux causes du bégayement ordinaire, elles sont parfaite-

ment connues : des convulsions, l'imitation volontaire ou involon-

taire, des chutes, des coups, des émotions violentes, etc. Le

bégayement se développe, le plus souvent, peu à peu; quelque-

fois, il apparaît subitement, notamment à la suite de commotion

cérébrales vives. Je signalerai encore un symptôme caractéristique

dont l'importance est telle qu'il permet, quelquefois, à lui tout seul

de confondre un simulateur : le bégayement le plus accentué

dans la parole disparaît toujours complètement dans le chant.

Enfin, je terminerai en disant que le bègue est ni plus ni moins

intelligent que les autres et que le bégayement n'est lié a aucun

trouble des organes sensitifs ou moteurs.

Donc, voici quels sont les signes principaux du bégayement or-

dinaire : 1° début dans l'enfance, 2° troubles respiratoires plus

ou moins marqués; 3° intermittence; 4° disparition totale dans

le chant ; 5° indépendance absolue avec des troubles quelconques

des organes sensitmo-moteurs. Tels sont les principaux symptômes

caractéristiques du bégayemeut.

Passons maintenant à l'examen des faits apportés par M. Ballet.

Je dois dire, tout d'abord, que M. Ballet ne nous a pas gâté

sous le rapport de la description de cette l'orme nouvelle de

bégayement. Les raisons qu'il en donne ne sont pas très concor-

dantes. D'une part, en effet, il dit dans sa quatrième observation :

« A peine le malade avait-il ouvert la bouche que je n'hésitai pas à

reconnaître le bégayement hystérique, tant se ressemblent tous

les malades que j'ai vus. » D'autre part, il dit : « Autant il est

simple de reconnaître le bégayement hystérique lorsqu'on l'a en-

tendu une fois, autant il est difficile de le décrire exactement et

d'en bien faire ressortir les nuances. »

Que la chose fût difficile, soit ; mais elle ne dépassait pas très

certainement les forces d'un ohservateur aussi habile et aussi

instruit que 1\1. Ballet.

Faut-il ajouter que M. Ballet a complètement négligé d'établir

le diagnostic différentiel pas plus entre le bégayement hystérique

et le bégayement vulgaire d'une part (ce qui nous a laissé penser

368 PATHOLOGIE NERVEUSE.

que pour M. Ballet ces deux formes ne se différencient que par la

cause), qu'entre le bégayement hystérique et les troubles de la

parole, de la sclérose en plaques, de la paralysie glosso-labio-la-

ryngée et de l'aphasie d'autre part; ce qui n'eût pas été inutile,

après les critiques de MM.- Desnos et Gerin-Roze, lors de la présen-

tation de ses malades à la Société médicale des hôpitaux 1.

A défaut d'une définition dogmatique ou d'une description pré-

cise en tenant lieu, cherchons dans les observations très intéres-

santes et très circonstanciées, du leste, de M. Ballet si les carac-

tères généraux du bégayement ordinaire ou vulgaire se retrouvent

dans le bégayement hystérique.

J'ai indiqué quels étaient les cinq signes principaux du bégaye-

ment. Mais j'écarte tout de suite l'étiologie et l'indépendance ha-

bituelle du bégayement vulgaire pour borner mon examen aux

trois autres symptômes, savoir : les troubles respiratoires, 1 inter-

mittence et la disparition totale dans le chant.

Or nous sommes loin de trouver cette triade dans les observa-

tions de M. Ballet. Chez le n° 1, il n'e'=t pas fait mention ni de

l'intermittence ni de la disparition dans le chant. Il n'est parlé que

de troubles respiratoires : « Si on examine attentivement C. au

moment où il fait effort pour prononcer une syllabe ou un mot

difficile, on constate que la respiration cesse d'être régulière.

C. fait une inspiration quasi convulsive 2. j>

A s'en tenir à la lettre même, il semblerait que cette inspiration

quasi convulsive pourrait se rattacher au bégaiement ordinaire.

Mais les considérations qui précèdent nous montrent que le trouble

respiratoire de C. n'a rien de commun avec le trouble respiratoire

d'ordre purement fonctionnel que nous rencontrons commune-

ment chez les bègues. En effet, 1\1. Ballet a rangé ajuste titre

sous la rubrique troubles de motilité 3, les troubles respiratoires et

voici ce qu'il dit : « La difficulté de l'articulation coincide avec un

trouble manifeste de la motilité de la langue. En effet, lorsque le

malade cherche à tirer cet organe hors de la bouche, il conduit la

pointe jusqu'au niveau des lèvres sans pouvoir en dépasser lebord

libre. Au reste, la difficulté que C. éprouve à mouvoir la langue se

' Séance du 11 octobre 1889 (malade n° 3).-\I. Desnos. «Il me semble

que votre malade a un peu la façon de parler d'un individu atteint de

paralysie générale,» -11. Gehin-Roze. «Votre sujet est-il bien atteint de

bégayement ? On vient de comparer son trouble de la parole au tremble-

ment de la paralysie générale. Peut-être pourrait-on trouver également

des ressemblances avec le tremblement de la parole dans la sclelose en

plaques ou dans la paralysie losso-l abm-laryuée. Je ne crois pas que ce

soit un bègue. »

* Archiv. de Neural., page 7, loc. cit.

' Page 6, loc. cit.

A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTÉRIQUE. 369

manifeste non seulement a l'occasion de la parole, mais aussi pen-

dant la mastication et le premier temps de la déglutition qui est

devenue difficile. Elle contribue certainement pour une très large

part au bégaiement, mais d'autres troubles de la motilité concou-

rent aussi à le produire. En effet, si l'on examine attentivement t

C. au moment où il fait effort pour prononcer une syllabe ou un

mot difficile on constate, d'une part, que la respiration cesse d'être

régulière. C. fait une inspiration quasi convulsive. D'autre part,

les muscles de la langue, du pharynx et probablement du larynx

sont affectés de mouvements spasmodiques évidents et animés de

contractions irrégulières d'où dérive le bégaiement. A plusieurs

reprises pendant la déglutition les liquides seraient revenus par le

nez ce qui indique que les muscles du voile du palais à ce moment

ne se contractaient pas plus que les autres avec leur régularité

habituelle ».

,. Si j'ai insisté sur le cortège des troubles de motilité qui accom-

pagnent les troubles respiratoires, c'est pour m'éviter d'avoir à réfuter

l'assimilation entre les troubles respiratoires de C. et les troubles

respiratoires du bégaiement ordinaire; les faits parlent eux-mêmes

et il est bien certain que 1 inspiration quasi convulsive de C. est la

conséquence de l'effort considérable qu'il est obligé de faire pour

vaincre- disons le mot - la paralysie des différents organes et les

tics convulsifs dont sont atteints le larynx, la langue et le

pharynx.

Dans l'observation n° 1, non seulement nous ne trouvons pas

l'existence simultanée des trois symptômes en question, mais nous

n'en trouvons pas même un seul existant isolément.

Chez le ne 2, nous ne trouvons rien.

Chez le n° 3, nous ne trouvons pas grand'chose non plus. Rien en

ce qui concerne les troubles respiratoires; l'intermittence est indi-

quée à la vérité, mais il est facile de voir que dans la pensée de

M. Ballet cette intermittence signifie simplement qu'il ne bégaye

pas à chaque mot ni à chaque syllabe. Il ne s'agit pas là de cette

intermittence que nous constatons chez les bègues ordinaires et

qui s'accuse par l'absence du bégaiement pendant des heures, des

journées, des semaines des mois, suivant les cas.

Quant à ce qui concerne l'influence du chant, voici ce qu'en dit

M. Balletqui connaît parfaitement cette particularité : c On sait' que

chez les bègues vulgaires le vice de la prononciation peut dispa-

raître complètement lorsqu'ils chantent. Nons avons fait chanter

un de nos malades (Observ. 3) et constaté que les troubles de la

parole sans disparaître étaient beaucoup moins sensibles que dans

la conversation ou la lecture. »

De là à la disparition totale, il y a de la marge.

1 P. 22, loc. cit.

Archives, t. XXI. 24

370 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Chez le ho 4, il n'y a pas trace d'aucun des caractères cherchés.

En résumé, chez aucun des 4 malades de M. Ballet, nous n'avons

trouvé la triade dont nous avons parlé. Et, en vérité, plus nous

étudions ces cas et moins nous sommes surpris de ce résultat, car

il nous apparaît clairement que le bégaiement n'est pas, comme l'a

pensé M. Ballet, le phénomène dominant.

Mais si, sortant des grandes lignes que nous avons tracées, nous

entrons dans le détail, nous voyons que les troubles de la pronon-

ciation constatés chez les malades de M. Ballet ne présentent non

plus aucun des symptômes habituels chez les bègues.

« Le premier caractère important qui se trouve chez tous nos

sujets, dit M. Ballet ', c'est la lenteur de la parole. Ils traînent, ils

s'arrêtent, Ils hésitent et répètent certaines syllabes. Ils allongent

outre mesure certaines autres et, l'obstacle franchi, ils partent et

prononcent correctement les syllabes suivantes jusqu'à ce qu'une

nouvelle difficulté se présente. C'est là un point qui rapproche le bé-

gaiement hystérique du bégaiement vulgaire. »

C'est là une erreur absolue. La lenteur de la parole n'est pas le

caractère du bégaiement vulgaire. Je dirai presque que c'est tout

juste le contraire, tantilestcommunde rencontrer chez les bègues le

désir et l'habitude d'aller vite, plus vite que ceux qui parlent bien.

« Les malades dit encore M. Ballet 2 ne peuvent émettre les

sons simples qu'en les faisant précéder d'une consonne habituelle-

ment la même pour toutes voyelles (Observ. 2) » : A =ma, >; -mé,

I = mi, 0 = mo, U = mu.

C'est là encore une chose qu'on ne rencontre pas chez les

bègues ordinaires. Il y a bien des bègues qui ont l'habitude de

placer devant les mots qu'ils trouvent difficiles une lettre, une syllabe,

un mot, quelquefois même un membre de phrase croyant que cela

les facilite; j'en connais qui disent : a Ah bien oui, mais, » etc. etc.

Mais ces mauvaises habitudes, qui sont du reste fort rare», ne res-

semblent en rien aux façons de procéder du malade n° 2 ou du

malade n° 1 qui dit, par exemple : queun pour un, gueeu pour

deux, quoi pour trois, etc.

Enfin, il n'est pas jusqu'à la figuration du bégaiement des

malades de M. Ballet qui n'indique qu'il ne s'agitpas du bégaiement

habituel.. ,

Je m'arrête là dansmesobservations, car il me semble avoir clai-

rement démontré que les malades de M. Ballet ne sont pas atteints

de bégaiement.

C'est là le terrain sur lequel je me suis placé et dont je ne veux

pas sortir. Je n'examinerai pas si les troubles de la parole cons-

tatés par M. Ballet relèvent de la paralysie générale, de la sclérose

' P. 21, loc. cit.

2 P. 20, loc. cit.

A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTERIQUE. éi'1 1

en plaques ou de toute autre affection. Je ne veux pas faire ce

diagnostic différentiel. Mon ambition s'est bornée, je le répète, a

montrer que le bégaiement a une symptomatologie différente de celle

notée par AI. Ballet chez ses malades et que par suite la dénomination

de bégaiement hystérique n'est pas justifiée.

I

J'arrive maintenant à l'observation de M. Pitres et je déclare

immédiatement que le sujet de son observation rentre dans la

catégorie habituelle des bègues. Je possède des centaines d'observa-

tions du même genre et je suis certain qu'il ne s'agit pas là de

bégaiement hystérique. Qu'y a-t-il au fond de l'observation de

M. Pitres ? Un enfant de dix-neuf ans voit son père tué sous ses

yeux. A ce spectacle, assurément fait pour impressionner vivement,

il perd connaissance et reste au lit malade pendant vingt jours en

proie à un violent délire. Lorsque sa santé est rétablie, il s'aperçoit

qu'il bégaye.

Ce cas rentre évidemment dans la catégorie des bégaiements

causés par de fortes émotions qui, comme chacun sait, et comme le

dit M. Pitres lui-même, peuvent amener le bégaiement. Jusqu'ici

donc, rien d'extraordinaire. Mais M. Pitres a trouvé concurrem-

ment chez l'enfant des troubles de sensibilité qu'il rattache à l'hys-

térie, et il n'hésite pas à rapprocher son cas de la variété de

bégaiement décrite par M. Ballet sous le nom de bégaiement

hystérique.

J'ai déjà dit, dès les premières lignes de ce mémoire, que le cas

de M. Ballet ne ressemblait en rien à celui de M. Pitres. Le

moment est venu de le prouver. Or, tandis que les malades de

M. Ballet ne présentaient aucun des symptômes que j'ai indiqués

comme caractéristiques du bégaiement, celui de M. Pitres les pré-

sente tous, sauf celui de l'intermittence dont il n'est pas parlé dans

l'observation, mais qui devait très probablement exi-ter. Donc, 1° la

cause productrice du bégaiement rentre dans le cadre des causes

connues pour produire le bégaiement vulgaire; 2° les troubles res-

piratoires sont parfaitement indiqués par M. Pitres, cle diaphragme,

dit-il, se contracte spasmodiquemenl>; 3° le bégaiement, dit encore

M. Pitres, disparaît tout à fait dans le chant et dans les déclamations ;

4° le sujet n'a, au dire de M. Pitres, aucune autre infirmité que le

bégaiement. J'ajoute que la description donnée sous la rubrique

Etat actuel est un exposé très exact de ce que l'on rencontre chez

une foule de bègues.

Il n'y a pas à en douter; il s'agit du bégaiement vulgaire et j'es-

père avoir fait une démonstration complète que le cas de M. Pitres

ne ressemble en rien aux cas de M. Ballet. Aussi bien s'il ne s'agis-

372 PATHOLOGIE NERVEUSE.

sait que de l'observation même de M. Pitres, ma tâche serait

bientôt achevée. Mais, il l'a fait suivre de considérations qui m'obli-

gent à donner quelques explications sur l'étiologie et la pathologie

du bégaiement, qui ne sont pas entourées d'une obscurité aussi pro-

fonde que le dit le savant doyen de la faculté de médecine de

Bordeaux.

0 Le bégaiement', le bredouilloment, le zézaiement* et d'une

façon générale tous les vices de l'articulation qui dépendent de

contractions spasmodiques des muscles phonateurs se développent

fréquemment à l'occasion des émotions morales ». M. Pitres semble

s'étonner que l'émotion éprouvée par son sujet au moment où son

père a été tué sous ses yeux ait suffi pour provoquer le bégaie-

ment. Il fait appel à la faculté d'imitation si développée chez les

hystériques. Or comme le père de son malade était bègue, M. Pitres

dit 3 il il est possible d'ailleurs que le fait d'avoir cohabité long-

temps avec un bègue ait prédisposé le jeune T. à contracter le

bégaiement ».

Je crois pouvoir affirmer que le fait d'avoir cohabité avec son père

atteint de bégaiement n'est pour rien dans la production du bégaie-

ment du jeune T. Il est devenu bègue à la suite de l'émotion consi-

dérable qu'il a éprouvé, et l'imitation n'a joué aucun rôle dans ce

cas particulier. Car si elle avait dû se produire, elle se serait pro-

duite toute seule, avant l'accident du père.

M. Pitres pense que son malade est hystérique ; je ne le contre-

dirai pas sur ce point. Mais que le malade fût ou ne fût pas hysté-

rique, je néglige absolument ce fait, car le jeune T. présente tous

les symptômes habituels chez les bègues. Le jeune T. est donc devenu

bègue non parce qu'il était hystérique, mais, tout en étant hysté-

rique, parce qu'il s'est trouvé dans les conditions étiologiques

habituelles du bégaiement. Mais il est un point sur lequel je

demande à M. Pitres la permission de protester énergiquement.

* Dans le cas de M. Ballet aussi bien que dans le nôtre, dit

M. Pitres*, l'hystérie s'affirmait par le bégaiement et par des stig-

mates sensitivo-sensoriels d'une signification diagnostique très

précise. Mais, il se pourrait fort bien que chez d'autres malades, le

bégaiement existât seul. Je serais même très porté à penser que les

infirmités de la parole observées chez certains enfants ou jeunes gens

1 Revue de laryngologie, 1890, page 748.

2 Le zézaiement n'a aucun rapport avec le bégaiement ou le bredouille-

ment et ne peut être compris dans la catégorie des défauts de prononcia-

tion dépendant de contraction spasmodique. Le zézaiement est dû simple-

ment à une manoeuvre vicieuse de la langue dans la production des

consonnes soufflées z, s.

' P. 750, loc. cit.

' P. 752, loc. cit.

A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTÉRIQUE. 313

paraissant indemnes- de toute tare névropathique sont cependant

.de simples manifestations symptomatiques de l'hystérie. »

Donc, à entendre M, Pitres, tous les bègues seraient des hystériques

et le bégaiement hystérique ne serait plus une exception, comme

l'indique M. Ballet, mais au contraire il serait la règle. C'est ce

qu'on peut appeler un procès de tendance. ne suffit plus seule-

ment de rechercher les stigmates hystériques, mais de déclarer, a

priori, que le bégaiement est une manifestation symptomatique de

l'hystérie.

Je crois que je ne suis pas le seul à trouver excessive cette

manière de comprendre l'hystérie.

Je reconnais qu'il est surprenant qu'une émotion violente se

traduise quelquefois par une action réflexe, assez puissante pour

troubler la fonction de langage, non seulement d'une façon passa-

gère, mais d'une manière permanente. Mais, si l'on songe d'une

part à la délicatesse du mécanisme du langage articulé, à l'har-

monie nécessaire entre l'organe pensant, l'organe dirigeant et les

organes d'exécution et les perturbations causées dans l'encéphale

par des émotions aussi terrifiantes que celle, par exemple, éprouvée

par un fils qui voit son père écrasé sous ses yeux, on s'explique,

dans une certaine mesure, le désordre qui en résulte.

Mais ce qui est le plus surprenant, c'est qu'une émotion vive ne

se traduit pas toujours de la même façon chez tout le monde. Tous

les enfants qui ont des frayeurs, des émotions violentes, ne devien-

nent pas bègues, fort heureusement. Pourquoi les uns sont-ils

atteints et les autres indemnes ? Il est évident que certains sujets

paraissent doués d'une prédisposition spéciale. A quoi cela tient-il ?

C'est là, jusqu'à présent, un mystère que j je ne me charge pas d'élu-

cider. M. Pitres pense que c'est de l'hystérie, alors je lui deman-

derai ce qu'il entend, au juste, par hystérie et pourquoi certains

sujets sont hystériques et d'autres ne le sont pas.

M. Pitres voit encore dans la rapidité avec laquelle le bégaye-

ment est guéri par des exercices de gymnastique vocale une preuve

de sa nature hystérique.

Je ne vois pas très bien le motif de ce rapprochement. Je dirais,

en effet, que loin de s'étonner qu'une gymnastique vocale bien

ordonnée, jussa et ordinata comme disait Récamier, eût une

action sur le bégayement, cela semble tout naturel, d'ordinaire.

« Nous avons établi, dit M. Moutard-Martin dans son Rapport à

l'Académie de médecine', que le trouble de la fonction respira-

toire, au moment de la phonation, constituait un des éléments

principaux du bégayement ainsi que l'état choréique de l'appareil

musculaire qui concourt à l'articulation des mots. C'est la gym-

nastique qui constitue la base du traitement de M. Chervin : gym-

1 Loc. cit.

374 PATHOLOGIE NERVEUSE.

nastique respiratoire d'abord, puis gymnastique musculaire; or, la

gymnastique est un des traitements les plus efficaces de la

chorée. »

Je rappellerai encore à M. Pitres que si le bégaiement cède à des

exercices rationnels de gymnastique vocale, c'est que ces exercices

ont précisément pour but de rétablir entre les organes phonato-

articulateurs l'harmonie détruite par l'émotion violente qui a

causé le bégaiement.

J'ai exposé dans un grand nombre de mémoires' comment on

parvenait à rétablir cette harmonie et j'ai indiqué, avec détail, le

mécanisme de la thérapeutique physiologique du même traitement.

Plus de quarante commissions officielles médicales et pédagogiques

ont examiné mes malades mais, jusqu'à présent personne ne s'était

avisé de faire intervenir l'hystérie dans tous les cas de bégaie-

ment.

NOTE A L'OCCASION DU MÉMOIRE DE M. CHER VIN

Par M. GILBERT BALLET.

Je répondrai brièvement aux objections qui me sont adres-

sées par M. Chervin. Je laisse à M. Pitres le soin de relever,

somme il ne manquera de le faire, les observations qui le vi-

sent plus spécialement.

J'ai tenu à établir, soit dans mes diverses communications à

la Société médicale des hôpitaux, soit dans le mémoire publié

en collaboration avec M. P. Tissier, qu'on rencontre chez les

hystériques un trouble spécial de la parole, se reliant étroite-

ment à l'hystérie, et consistant dans une difficulté très remar-

quable à articuler correctement les mots. Je n'ai pas à rap-

peler ici les arguments sur lesquels je me suis appuyé, pour

démontrer la relation non douteuse, suivant moi, qui existe

entre ce trouble et la névrose. M. Chervin ne conteste pas en

effet sérieusement cette relation, au moins en ce qui concerne

les faits qui me sont personnels, car on a vu qu'il a une opi-

nion différente sur le cas de M. Pitres. Il rappelle, il est vrai,

Roze et Féréol ». Mais, si j'ai bonne mémoire, ni M. Desnos, ni

M. Gérin-Roze n'ont mis en doute la nature hystérique du

trouble que j'ai décrit. Quant M. Féréol, si ses objections ont

1 Comment on guérit le bégayement. (In Journal de thérapeutique ,

de Gubler. Numéro du 10 juin 1882.) ,

A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTÉRIQUE. 375

été plus formelles, il me semble que j'y ai déjà répondu.

M. Chervin n'examinera pas, dit-il, « si les troubles de la pa-

role, constatés par M. Ballet, relevaient de la paralysie géné-

rale, de la sclérose en plaques ou de toute autre affection. II

ne veut pas faire ce diagnostic différentiel. » Je regrette la ré-

serve de M. Chervin, car je suis convaincu que, si au lieu d'ac-

cepter implicitement ma conclusion sur le point particulier que

j'envisage, il se fût livré à la discussion qu'il néglige, il eût été

amené à proclamer formellement avec moi la nature hysté-

rique des troubles indiqués. Je ne puis que prendre acte de

son adhésion et répéter une fois de plus qu'on observe dans

l'hystérie des troubles de la parole dont la physionomie est

très frappante.

M. Chervin s'étonne de me voir « donner aux troubles de la

parole une place plus large qu'elle ne mérite dans le cortège

nombreux des symptômes pathologiques notés chez mes ma-

lades. En réalité, la parole chez les sujets véritablement très

délabrés que j'ai montrés, ne lui parait pas beaucoup plus mal-

traitée que les autres fonctions. » Gela prouve que M. Chervin

et moi n'avons pas tout à fait les mêmes habitudes de procéder

dans l'observation clinique. M. Chervin voit un malade dé-

labré et cela lui suffit. Pousser plus loin l'analyse de ce qu'il

appelle, d'une façon pittoresque sans doute mais peu scienti-

fique, le délabrement, lui parait superflu et de peu d'impor-

tance. Je regrette de ne pas être de cet avis, qui, s'il eût pré-

valu, eût entravé tous les progrès qu'a faits depuis vingt ans

l'étude nosographique de l'hystérie. Il semblerait que M. Chervin

connaisse mal cette maladie et les aspects cliniques multiples

sous lesquels elle se présente ; sans quoi, il ne méconnaîtrait

pas l'importance qu'il y a, au point de vue du diagnostic notam-

ment, à en bien étudier les diverses manifestations.

Mais j'arrive à l'objection fondamentale, la seule, à la vé-

rité, que m'adresse l'auteur du mémoire que l'on vient de lire.

J'ai eu tort, d'après lui, d'appeler bégayement le trouble que

j'ai décrit. Je ne puis pas, dans une simple note, réfuter point

par point les objections que fait M. Chervin à la légitimité de

cette appellation. Au reste, toute l'argumentation consiste à

établir qu'il y a des différences entre le bégayement vulgaire

et ce que j'ai appelé le bégayement hystérique. Je ne conteste

pas la réalité de ces différences. Quand on aura recueilli un

plus grand nombre de faits, on pourra mieux qu'à l'heure ac-

376 PATHOLOGIE NERVEUSE. ,

tuelle en apprécier la nature et l'importance. La question, pour

moi, se ramène, en l'état actuel des choses, à savoir s'il est une

expression qui puisse caractériser plus exactement que le mot

bégayement le trouble que j'ai décrit. Or, Littré et Robin,

dans leur dictionnaire, définissent le bégayement de la façon

suivante : a Difficulté d'émettre la parole, qui consiste dans la

répétition saccadée de toutes les syllabes ou de quelques syl-

labes en particulier, etc. » C'est cette difficulté et cette répéti-

tion saccadée que j'ai, à des degrés divers, rencontrée chez

mes différents malades, qui, par ce côté, se ressemblaient tous,

bien que par d'autres ils différassent entre eux. Je tiens d'ail-

leurs fort peu au mot, comme je l'ai déclaré à la Société médi-

cale, lors d'une de mes communications. Je suis prêt à en ac-

cepter unmeilleur si M. Chervin veut bien me le fournir. Mais

comme je tiens beaucoup à la chose, c'est-à-dire à la notion du

trouble de l'articulation chez les hystériques et qu'il me faut

pour désigner ces troubles recourir à la dénomination qui, en

l'état de la nomenclature, donne le mieux l'idée du plus cons-

tant de leurs caractères, je crois ne pouvoir mieux faire que

d'employer, jusqu'à nouvel ordre, le terme bégayement. Sans

doute, le bégayement hystérique n'est pas identique au bé-

gayement vulgaire. Mais le mutisme hystérique de M. Charcot

n'est pas non plus le même que le mutisme congénital. L'ap-

pellation dont s'est servie mon maître n'en est pas moins en-

trée dans le langage courant. Ceux qui sont au fait des choses

de la clinique savent ce qu'elle signifie. Et c'est là la qualité

essentielle d'une dénomination en médecine.

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

« THE CROONIAN LECTURES » SUR LES LOCALISATIONS

CÉRÉBRALES «

Par DAVID FERRIER,

Médecin du King's Collège Uospital et de l'Hôpital National pour les épileptiques et les

paralysés, Qucen-Sql1are.

Traduites par ROBERT SOREL, interne des hôpitaux

Leçon V.

Monsieur LE Président,

Messieurs,

Les recherches cliniques et pathologiques semblent montrer

que dans leur trajet jusqu'au cerveau à travers la moelle et la

protubérance, les cordons sensitifs passent par la formation réti-

culaire. - Ces cordons, c'est-à-dire le postérieur externe et le

postérieur médian, qui ne subissent pas de décussation dans la

moelle, subissent la décussation dans les nucléi graciles et dans

les noyaux de la couche intéro livaire et de là dans la formation

réticulaire (Edinger). Plus haut, ils se continuent évidemment

dans le tegmentum du pédoncule cérébral et de là dans la partie

postérieure de la capsule interne où ils s'irradient en dehors, sui-

vant Flechsig, et se distribuent dans l'écorce, dans la région située

entre la scissure de Rolando et le lobe occipital. Meynert a sup-

posé que le tiers externe du pied du pédoncule est le passage des

tractus sensitifs de la moelle dans la capsule interne ; et en faveur

de cette hypothèse est le fait suivant que la dégénérescence des-

cendante, que l'on rencontre souvent dans les autres fibres du

pied du pédoncule, manque généralement dans cette partie. Rech-

terew et Ilossolymol cependant, ont publié des cas de dégénéres-

t Voy. Arch. de Neurolog., n° 60, p. 405; n° 61, p. 68; n° 62, p. 240.

' Neurol. Centralblatt., n° 7, 1886.

378 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

cence de cette partie du pédoncule évidemment en rapport avec

des lésions des lobes occipital et temporal, et Flechsig dit que ces

fibres n'entrent pas dans la capsule interne et s'infléchissent en

bas et en dehors pour s'irradier dans l'écorce des régions tempo-

rale et occipitale. On suppose qu'elles unissent ces régions au cer-

velet par l'intermédiaire de la substance grise de la protubérance,

mais c'est là un point qui, je pense, demande de nouvelles re-

cherches. Pour jeter autant que possible quelques lumières sur

les fonctions et les rapports de cette partie du pédoncule, je l'ai

récemment sectionné chez trois singes. Cette opération est assez

grave, mais on peut assez facilement voir le pédoncule après

l'ablation de la portion inférieure de la région temporale. - Chez

les trois animaux on créa d'une façon satisfaisante la lésion,

mais aucun d'eux ne se remit de l'opération assez pour me per-

mettre de faire des observations assez exactes. Mais chez aucun

d'eux il n'y avait une perte totale de la sensibilité ou un trouble

plus grand que celui Imputable à la lésion cérébrale. - Mais

telles que ces expériences sont opposées à l'hypothèse qui place

dans le tiers extérieur du pied du pédoncule le passage des fibres

sensitives.

Les expériences de Veyssière ' et les recherches de Charcot sur

],hémianesthé1C cérébrale chez l'homme ont' amplement dé-

montré que les tractus sensitifs se trouvent séparés des fibres mo-

trices dans la partie postérieure (ou plutôt dans le tiers postérieur

du segment postérieur) de la capsule interne. Les fibres sensithes

étant séparées des fibres motrices dans la capsule interne, on se

demande si ces fibres. jusque là distinctes, se fusionnent avec des

fibres motrices dans l'écorce (comme le pensent quelques-uns) ou

se distribuent à quelques régions spéciales.

Dans mes premières expériences, j'ai observé que la sensibilité

commune et tactile semble être complètement intacte quelle que

soit l'étendue des lésions de chaque portion de l'écorce des hémis-

phères, mais j'ai remarqué dans plusieurs cas, dans lesquels les

lésions s'étendaient profondément dans le lobe temporal que la

sensibilité était atteinte ou abolie dans le côté opposé du corps.

Une autopsie soigneuse a montré que dans tous les cas la région

de l'hippocampe (corne d'Ammon et circonvolution de l'hippo-

campe) était plus ou moins atteinte. Ces faits montrent la région

de l'hippocampe comme le centre do la sensibilité commune et j'ai

alurs cherché des expériences par lesquelles je pouvais atteindre

et détruire cette région. Cependant, à cause de sa situation pro-

fonde et cachée, cela est pratiquement impossible et on ne peut

les atteindre que par des méthodes qui entraînent une plus ou

1 Recherches cliniques et expérimentales sur l'hémianestésie de cause

cérébrale, 1874. '

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 379

moins grande destruction du lobe occipital ou de la région tem-

porale inférieure. - On peut cependant tenir compte et éliminer

les ellets des lésions de ces régions et tout symptôme en plus de

ceux que l'on peut leur attribuer peut être considéré comme dû

à la lésion de la région de l'hippocampe. La méthode que j'ai

suivie dans mes premières expériences consistait à enlever et dé-

truire la région de l'hippocampe par un cautère enfoncé a travers

le lobe occipital et dirigé en bas et en avant suivant le trajet de

corne descendante du ventricule latéral. De cette manière j'ai

réussi primitivement et secondairement à détruire la région de

l'hippocampe et ses connections médullaires sans blesser le pé-

doncule et les tissus voisins. La schéma devant vous est la repro-

duction de l'aspect superficiel de la lésion de l'un de ces cas et de

la trace du sillon du cautère'. Le résultat de cette opération fut un

anesthésie et une analgésie du côté opposé du corps, il y avait

une absence complète ou à peu près complète de réaction aux

excitations sensitives. Les membres n'avaient pas de paralysie

motrice, mais on aurait dit qu'ils étaient lourds et maladroits, et

les pieds constamment avaient une tendance à glisser de laperche,

quand l'animal fermait les yeux ou s'endormait. Dans aucune des

premières expériences, les animaux ne furent laissés en vie long-

temps, parce que je croyais nécessaire de les tuer dès que les

symptômes avaient apparu assez clairement, pour éviter les

complications par une extension secondaire de la lésion, la chirur-

gie antiseptique n'étant pas encore en vogue à cette époque. Les

lésions dans ce cas 2 étaient sirictement limitées aux régions de

l'hippocampe et occipito-temporale, et sans aucune atteinte de la

capsule interne du pédoncule. Ces expériences n'ont fourni aucune

donnée pour la permanence des symptôme ? mais elies ont suffi-

samment indiqué une région, sinon toute la région, en rapport

avec la sensibilé commune, tactile et musculaire du côlé opposé

du corps. 1

J'ai repris plus tard mes recherches 3 sur ce sujet avec le profes-

fesseur G.-F. Yeo. La méthode fut en partie celle que j'avais déjà

employée, c'est-à-dire la destruction, par le cautère et en partie

la section de la région de l'hippocampe par la partie convexe du

lohe temporo-sphénoldal. Nous avons fait dix expériences en tout,

dont cinq sur deux hémisphères. Les résultats de ces séries d'ex-

périences confirment entièrement ceux auxquels j'étais déjà arri-

vés et montrent que la sensibilité tactile était dans tous les cas

' Voir fig. 105. Flt7 ! cti07 ! S of the Brai7 ! , p. 329.

1 Voir flô. 107 et 108. Functions of the BI'ai7 ! , p. 331. -

1 Phil. Transact. Part. II, 1884. Expériences XXIV à XXXIII, fig. 103

à 181.

380 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

atteinte ou abolie en proportion de la destruction de la région de

l'hyppocampe et temporale inférieure. Malheureusement aucun

des animaux chez lesquels la destruction était complète et l'anes-

tésie absolue n'ont survécu assez de jours, en sorte que la ques-

tion de la durée est toujours irrésolue. Mais on a établi qu'on

pouvait produire une lésion assez étendue dans une ou dans les

deux régions de l'hippocampe sans produire une anesthésie per-

manente. Je n'ai pas besoin d'entrer dans les détails de ces expé-

riences. Les deux suivantes suffiront.

Dans une expérience l'hémisphère gauche fut exposé et toute la

circonvolution temporale inférieure et la région de l'hippocampe

furent grattés; la lésion ne laissait seulement que la marge interne

de la circonvolution de l'hippocampe avec le toenia semi-circulaires

intacte. Seulement une portion de la circonvolution de l'hippo-

campe comprise entre les scissmes calcanne et collatérale (lobule

linguale) reste en place. Le résultat de cette expérience fut plus

sérieux, il y avait adroite une insensibilité aux excitations thermi-

ques qui produisaient à gauche une vive douleur, et une insensi-

bilité totale du tact, quand on touchait l'animal, qu'on le piquait

légèrement, qu'on le frottait). L'animal pouvait bouger ses mem-

bres, mais avec une grande maladresse et incertitude. Pendant que

l'animal était au repos, les yeux fermés, j'ai tiré son bras droit

loin de son corps, ce dont il ne s'apercut que lorsqu'il tomba. Il

était très sensible à toutes les excitations même légères a gauche.

L'ouïe était intacte des deux côtés, la vue cependant paraissait un

peu obscure quoique peu abolie vers la droite (ceci est un point

important pour ce qui regarde la production de l'hémipiopie par

une lésion de la région temporo-occipitale discutée plus haut). Il

y avait une anesthésie de la narine droite. Les symptômes furent

les mêmes le second jour de l'opération, l'animal semblait être en

bon état d'autre part; le troisième jour, il mourut subitement

d'hémorrhagie secondaire. Une série de sections microscriques du

cerveau ont montré qu'à l'exception des blessures décrites ci-

dessus dans la région temporale inférieure et de l'hippocampe, les

ganglions de la base, les pédoncules et les autres parties étaient

parfaitement intactes.

Chez un autre animal, on fit une semblable opération, produi-

sant un arrachement presque compfet de la région de l'hippo-

campe et de la région temporale inférieure du reste de l'hémis-

phère. Chez cet animal, il y avait d'abord une analgésie presque,

sinon tout à fait totale, d'une anesthésie absolue à toutes les formes

d'excitation tactile sur tout le côté droit du corps. L'ouïe fut intacte,

mais la vue était quelque peu atteinte vers ce côté, l'animal sem-

blant avoir un certain degré d'incertitude sur la position des objets

. Expériences XXVII, fig. 125 à 132. Op. cit.

LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 381

qu'on lui offrait du côté droit. Même état le troisième jour, où

l'animal a eu une légère attaque à droite indiquant quelque irrita-

tion, qu'on a trouvé, due à l'autopsie à une légère hémorrhagie

récurrente. Après, l'analgésie devient absolue et toutes excitations

tactiles restaient sans réponse, Il y avait aussi une'insensibilité

totale au chatouillement de la narine droite ; la même épreuve

à gauche produisait des grimaces et des signes évidents de malaise.

L'animal pouvait bouger ses jambes librement et saisissait solide-

ment les objets avec la main droite, mais il tombait continuelle-

ment du côté droit à cause de la manière maladroite et quelque

peu incertaine avec laquelle il plaçait ses membres. La mort arriva

le quatrième jour. On trouva que les lésions étaient limitées

soigneusement au lobe temporal inférieur et à la région de l'hippo-

campe de l'hémisphère gauche sans la plus légère participation des

pédoncules ni de ganglions de la base. Ces expériences prouvent que

les formes variées de sensation comprises sous le nom de sensibilité

commune et tactile, comprenant la sensibilité cutanée, muco-

cutanée et musculaire peuvent être profondément atteintes ou abolis,

momentanément au moins, par des lésions destructives de la région

de l'hippocampe et le degré et la durée de l'anesthésie varient avec

l'étendue de la destruction des régions en question.

Ce sujet a été ensuite repris par Horsley et Schafer' qui, autant

que je le sache, sont les seuls physiologistes qui ont répété mes

expériences sur ce sujet.

Horsley et Schoefer ne purent d'abord corroborer mes observa-

tions, mais je pus leur démontrer que cela dépendait de l'imperfec-

tion de la section de l'hippocampe et je les ai assisté dans quelques-

unes de leurs expériences, qu'ils poursuivirent ensuite parfaitement.

Chez un animal chez lequel la région de l'hippocampe fut enlevée

il y avait le jour suivant une partielle analgésie et une insensibilité

complète au tact du côté npposé. La mort cependant arriva le

second jour, de sorte que dans ce cas on ne peut pas conclure quant t

à la durée.

Dans une seconde expérience, on enleva la région de l'hippo-

campe et les incisions furent faites aussi de façon à séparer la

marge de la scissure calcarine et l'hippocampus minor. Cet animal

était très anesthésique du côté opposé, mais il ne paraissait pas y

avoir une analgésie absolue. Cependant toutes les épreuves du tact

toucher, frôler, frotter, piquer doucement, n'étaient pas perçues,

tandis qu'elles attiraient l'attention aussitôt de l'autre côté.

L'anesthésie tactile dura plusieurs semaines sans changement

appréciable, mais une amélioration graduelle, seproduisit, de sorte

que l'examen à la fin de la sixième semaine révéla seulement un

certain degré d'altération, l'attention par la piqûre, etc., étant

1 Functions of the cérébral Cortex. B. XX Phil. trans. 1888. -

382 ' PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

altérée moins facilement du côté opposé à la lésion que do l'autre

côté. Un pincement, une piqûre plus forte, la chaleur cependant

semblaient être bien perçues. La diminution graduelle de l'anes-

thésie produite par une ablation de la région de l'hippocampe m'a

amené a suggérer de semblables expériences sur le gyrus forni-

catus pour vérifier si le centre tactil ne pourrait pas s'étendre dans

le reste du lobe falciforme dont la région de l'hippocampe n'est

qu'une partie. Telle est l'origine de leurs expériences sur le gyrus

fornicatus, qui prouvent la précision des idées anatomiques de

Rroca sur l'unité du lobe falciforme et démontrent que les lésions

du gyrus formicatus produisent des symptômes semblables a ceux

observés après la destruction de la région de l'hippocampe et peut-

être même plus intenses et plus durables. Dans une de ces expé-

riences auxquelles j'assistais, sur un animal chez lequel quelques

semaines auparavant on avait enlevé l'hippocampe et qui avait

complètement guéri de l'anesthésie qui avait immédiatement suivi

la première opération, on exposa le même hémisphère, et la région

de la scissure longitudinale et on excisa le gyrus fornicatus toute la

longueur du corps calleux. A la suite de cette opération on observa

une analgésie absolue du côté opposé, durant plusieurs jours après

l'opération et une complète insensibilité aux excitants légers du

tact. L'analgésie diminue avec le temps, mais six semaines après

l'opération elle était toujours manifeste à un certain degré. La sen-

sibilité tactile ne semblait pas améliorée, il ne percevait aucune

des excitations légères. L'animal etait en parfaite santé et sans

aucun trouble de la motricité; qnoique immédiatement après

l'opération, il y avait une certaine maladresse de lajambe opposée,

due à la blessure du lobule postero-pariétal et du voisinage pen-

dant les opérations nécessitées pour mettre au jour le gyrus

fornicatus.

Schaefer et Horsley ont fait beaucoup d'autres expériences qu'ils

ont publiées dans leur mémoire dans les Phil. Trans. et ils reéher-

chèrent aussi s'il y avait des parties du lobe falciforme spécialement

en relation avec des régions particulières du côté opposé. Ils con-

cluent de leurs expériences : a Nous avons trouvé que toute lésion

extensive du gyrus fornicatus est suivie d'une hémianesthésie

plus ou moins marquée et persistante. Dans quelques cas, l'anes-

thésie comprend presque tout le côté opposé du corps; dans

d'autres elle s'est localisée soit aux membres supérieurs ou infé-

rieurs, soit au tronc, mais nous n'avons pas pu établir une relation

entre telle partie du corps atteinte et telle partie détruite de la cir-

convolution. De plus, l'anesthésie était fréquemment très prononcée

et durait les trois ou quatre premiers jours après l'opération, et, en

effet, plusieurs fois il y avait une insensibilité complète, tactile et

douloureuse, au point qu'une piqûre très forte et qu'un fer chaud

ne produisait aucune sensation, mais après ce laps de temps une

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 383

amélioration se produisait, l'anesthésie graduellement guérissait

ou plutôt se localisait en des régions définies. - Dans tous les cas

cependant, dans lesquels l'insensibilité était bien marquée les pre-

miers jours, elle a persisté quoiqu'a un moindre degré pendant les

semaines dans les cas où les animaux ont été aussi longtemps con-

servés. Dans d'autres cas dans lesquels la lésion apparemment était

légère, la diminution de la sensibilité quoique d'abord très mar-

quée disparut ensuite entièrement. - Dans quelques cas, l'hémia-

nesthésie prit la forme d'une incapacité ou d'une diminution de

capacité de localiser le siège de l'irritation, tandis que dans un cas

où la diminution de la sensibilité était très frappante, l'animal

répondait à une excitation assez forte pour être perçue, en se grat-

tant une partie différente de celle d'où était partie l'excitation.

La figure 40, At, représente l'état de l'hémisphère droit d'un ani-

mal chez lequel les lésions indiquées ont produit d'abord une com-

plète analgésie, suivie d'une anesthésie partielle durant dix semai-

nes, alors l'animal est mort d'une opération sur l'hémisphère

gauche. - La figure 422 représente le cerveau d'un animal chez

lequel les deux tiers antérieurs du gyrus fornicatus furent enlevés.

Il y eut une complète anesthésie pendant peu de jours. Une se-

maine après l'opération, l'état était beaucoup amélioré, et à cetle

époque tout le côté droit répondait aux impressions douloureuses,

mais souvent il y avait un manque de localisation du siège de ces

impressions, l'animal se grattant une partie différente de celle tou-

chée.

L'amélioration se fit graduellement, de sorte qu'après un certain

temps il était difficile de percevoir une différence dans la sensibi-

lité des deux côtés excepté dans le bras, l'épaule et le pied. Onze

semaines après la première opération, le gyrus fornicatus droit

fut exposé et on grattasa surface avec une aiguille. Cette opération

ne donna aucun résultat perceptible, et quinze jours après l'ani-

mal fut tué. La figure 43 représente le cerveau d'un singe chez

lequel la partie postérieure de la circonvolution de l'hippocampe

gauche fut détruite. - Le résultat fut une crande diminution des

réactions tactiles et douloureuses sur la partie postérieure de côté

droit du corps, avec une légère diminution sur tout le côté droit.

Il est probable que, quoique représentant la sensibilité du côté

opposé en général, certaines parties du lobe falciforme peuvent

représenter plus spécialement la sensibilité de certaines régions.

Mais quoique j'ai à l'occasion noté dans mes expériences sur la

région de l'hippocampe, comme Seha3fer et Horsley dans leurs expé-

riences sur le gyrus fornicatus, qu'il semblait qu'une région avait

' Op. cil.

op. cit.

' ' Op. cit.

384 - PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

été affectée plus qu'une autre, cependant parfois la chose n'était

pas apparente et en général l'anesthésie affectait tout le côté

opposé, face, bras, jambe et tronc. Donc on ne peut pas conclure

à l'existence de centre spécialisé dans le centre général. Il est

probable cependant qu'un certain degré de localisation peut être

établi par les fibres associés qui unissent cette région aux contres

moteurs de l'écorce.

On n'a pas pu produire la perte totale et persistante de toutes

les formes de la sensibilité commune et tactile du côté opposé par

les lésions destructives du lobe falciforme, mais cela tient peut-être

à ce que ce lobe n'a pas été entièrement détruit. - Il est proba-

ble cependant que la sensibilité commune peut, jusqu'à un certain

point au moins, être représentée bilatéralement de sorte qu'une

certaine compensation se fait par le lobe falciforme de l'autre hé-

misphère. Le trajet des fibres qui unissent le lobe falciforme et la

partie sensitive de la capsule interne n'a pas encore été décrit par

les anatomistes, mais, à cause des preuves qui ont été données

plus haut, des rapports du lobe falciforme avec la sensibilité com-

mune et tactile, il est certain que l'hypothèse de Flechsig sur la

distribution des fibres sensitives dans le lobe pariétal doit être

modifiée. On ne peut admettre comme exact aucun des schémas

de la distribution corticale des fibres sensitives qui ne comprennent

pas la distribution de ces fibres à l'écorce des circonvolutions du

corps calleux et de l'hippocampe. Quoique le gyrus fornicatus paraît

être une région purement sensitive et que par suite sa destruction

ne devrait pas donner lieu à une dégénérescence centrifuge dans

la moelle, France' a trouvé, en rapport évident avec la destruction

du gyrus fornicatus, une dégénérescence secondaire des cordons

pyramidaux dans le pédoncule et la moelle. On doit remarquer l'

cependant que dans la plupart des cas, sinon dans tous, où le gyrus

fornicatus a été détruit, la circonvolution marginale et les autres

centres moteurs de voisinage et leurs fibres sont plus ou moins lésés

et on peut soupçonner que la dégénérescence descendante est due à

cette cause-France, cependant, croit que la dégénérescence occupe

une région différente du cordon pyramidal de celle résultant de la

région de la circonvolution marginale seule, la dégénérescence dans

ce dernier cas occupe la partie postérieure et externe du cordon

pyramidal croisé et dans le premier cas toute la même région.

Ces explications ne sont pas cependant suffisantes pour lever les

doutes : et ils sont appuyés sur ce fait, que les lésions de la sec-

tion de l'hippocampe du lobe falciforme, suffisamment éloignée

des centres moteurs et de leurs fibres conductrices, pour assurer

1 Dégénérescence descendante après les lésions de la circonvolution ·

marginale et du gyrus fornicatus chez les singes (Phil. Trans., B. YLVIII,

1889).

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 385

leur intégrité n'entraînent à leur suite aucune dégénérescence du

cordon pyramidal. La question demande encore de nouvelles re-

cherches.

CENTRE DU GOUT ET DE L'OLFACTION

La position du centre olfactif ou au moins sa principale situation

peut être avec une grand j probabilité déduite des rapports corticaux

Pp, pied du pédoncule. - Cm, corps mammillairea. - Tbc, tuber cinereum. -

Til, tractus opticils. - c/t, cln,\sm 1. - Il, nerf optique. T, lobe temporal. -

U. crochet. - Am, noyau am) gdahcn. - Spa, substaner penforée antérieure. --

Lt. lamina terminalis. - Coa, commissure antérieure. - Pspf, pédoncules epti pel-

lucndn. - Slm, sulcus médias, substance perforée antérieure. - Ree, rostre du corps

calleux. Gec, genou du corps calleux. - NI, nerf de Lancisi. dl, sissureloiigitu-

dinale. F, lobe frontal. - Bol, bulbe olfac4l. - Toi, tractus olfactif.

des fibres olfactives en dehors des expériences physiologiques. Le

principal rapport et chez l'homme le seul constant des fibres o ! -

archives, I. XXI. 2

Fiy. 29 (d'après Obersteiner).

386 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. '

factives avec l'hémisphère, est la racine externe qui se dirige au

dehors à travers l'espace perforé 'antérieur vers l'écorce du lobule

de l'hippocampe ou extiémité antérieure et inférieure de la circon-

volution de l'hippocampe (fig. 29 Trol.). A cause de la for-

mation originale du bulbe et du nerf olfactif, d'un diverticule de

la vésicule cérébrale antérieure, dont la cavité a été presqueentiè-

rement oblitérée, les restes de ces rapports primitifs avec la face

moyenne, externe, supérieure et inférieure de l'hémisphère

cérébral sont considérés comme racines du nerf olfactif. Quoique

chez l'homme et chez le singe toutes ces racines externes soient

pratiquement oblitérées, cependant chez d'autres animaux chez

lesquels le sens de l'odorat est très développé, on décrit habituel-

lement quatre racines, soit une externe passant dans le lobule

de l'hippocampe, une supérieure et une moyenne en rapport res-

pectivement avec la substance grise de la base du lobe frontal et

du irigonum olfactorium, ou substance grise de l'espace perforé

antérieur, et une interne qui parait se fusionner avec l'extrémité

antérieure de la circonvolution du corps calleux. Les rapports du

nerf olfactif par ses racines interne et externe avec les extrémités

antérieure et postérieure du lobe falciforme ont été comparés par

Broca à une raquette dont la circonférence est formée par le

lobe falciforme et le manche par le nerf optique et son bulbe

(fit.30),

Suivant le développement du sens de l'odorat chez les différents

animaux varie la structure de la totalité ou d'une partie de la région

ci-dessus déciile. Broca divise tous les animaux en deut classes,

rZg. so.

Surface interne de l'hémisphère droit de la loutre (Broca).

0, lobe olfactif. - Il. lobe de l'hippocampe. - C, commencement du lobe du co- «

calleux. - C, C' C", lobe du corps calleux. - F, lobe frontal. - PP, lobe pu- z

- 8, scissure Jimbjquc. -9, pli de passage retiolimbique. - 10, sillon subfrouL ? -

il, pli de passage fronlo-limbique. - 12, pli de passage inférieur fronto-limbique. -

iJ, scissure subp3riétale.

LES LOCALISATIONS CEREBRALES.. - 387

d'abord sie. osmatiques m, classe qui comprend la grande majo-

rité des mammifères, et secondement, les t anosmatiques », dans

lesquels le sens de l'odorat est relativement peu développé ( pri-

mates, carnivores, amphibies, ou rudimentaire (balanides), ou

absent (delphinidee). Chez les osmatiques, comme vous pouvez le

voir dans les exemplaires devant vous, le bulbe et le tractus ol-

factif sont grands et le lobule de l'hippocampe atteint en parti-

culier des proportions [extraordinaires et chez quelques animaux

il constitue la plus grande portion de l'hémisphère céré-

bral. Dans les anosmatiques, le lobule de l'hippocampe est relati-

vement petit chez eux, tel que l'homme et le singe, dont le

sens de l'odorat, quoique bon. est subordonné à d'autres facultés

sensorielles, tandis que chez les balanides il est très réduit, et

manque presque chez les delphinides. La limite postérieure du

lobule de l'hippocampe est nettement indiquée chez les omatiques

par une circonvolution de passage qui interrompt la continuité

de la scissure limbique et unit le lobule à la partie tempora-parié-

tale de l'hémisphère. C'est le pli de passage rétro-limbique de

Broca (fig. 30, 9).

Chez l'homme et chez le singe, on considère généralement

comme l'homologue de cette circonvolution, le pied du coin ou le

Fig. 31 (d'après Obersteiner).

Ccll, eorpsealleuc,-Gec, genou du corps calleux. -Coa, commissure antérieure

- Fcl, colonne du trigone. - Fer, croit du trigone. - CAm, corne d'Ammon. - z

Tf. tubercule du fascia denlata. - D'V, balken wlndung (circonvolution sphenique).-

l, isthme du gyrus fornicatus. - U, crochet. - Peu, pédoncule du coin. - Sbp, sels..

sure subparietale. - Cle, scissure calcarine. - Rec, rostre du corps calleux. -

Spa. bec du corps calleux. - Splc, septum lucidum - Fcp, corps du trigone. -

Fi, timbria. - Fd, corps dentelé. - Stlm, stria longitudinalis medt,ulis. - G, gyrus

cili.-ali. -Il, circonvolution de l'hippocampe. - Co, coin. - Ccll, sillon du corps cal-

lwz. -Poc, scissme pariêto-occipitale. - Oti, scissure occipito-temporale infzmeure.

388 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

pli de passage cunéo-limbique (fig. 31 P C u.) réunissant le coin

à la circonvolution de l'hippocampe.

Beauregard' le place dans le cerveau de la baleine à l'extré-

mité du lobe temporal immédiatement postérieur à Tuncus et

Zuckerkand 2 lui assigne une même position dans le cerveau du

dauphin.

Je suis porté à croire, au point de vue physiologique, que chez

l'homme et chez le singe la limite postérieure du lobule de l'hip-

pocampe est le pli de passage qui unit l'uncus à l'extrémité

antérieure du lobe tempora-phénoidal (+ fig. 31). C'est très net

dans le cerveau du chimpanzé que je vous montre ici. Ce qui fait,

que le lobule de l'hippocampe ou pyriforme correspond au gyrus

uncmatus et non au gyrus de l'hippocampe en entier, qui, comme

nous l'avons vu, est une portion du centre tactile.

La largeur relativement grande de la racine iuterne chez quel-

ques animaux, et son rapport apparent avec le gyrus fornicatus

avait amené Broca à croire qu'il y avait un rapport entre le déve-

Joppement de cette région et le sens de l'odorat, mais le fait qu'il

admet lui-même, que la portion antérieure de la circonvolution du

corps calleux, est particulièrement bien développée dans le cerveau

des cétacés, chez lesquels le sens du goût est très rudimentairc,

est opposé à cette hypothèse. Zuckerkand, cependant, prétend que

l'extrémité antérieure du corps calleux, chez le dauphin, est un

certain degré atrophiée, comparativement aux animaux osmati-

ques. Le rapport de la racine interne avec la circonvolution du

corps calleux me paraît être seulement superficiel et probablement

cette racine rejoint en réalité l'extrémité antérieure de ce que

Zuckerkand appelle la circonvolution marginale (Randwindung)

qui forme la limite du lobe falciforme, et se continue postérieu-

rement avec le fascia dental (fig. 31 f. cl). La portion dorsale et au-

dessus du corps calleux de cette ciiconvolution est, chez les ani-

maux anosmatiques presque entièrement effacée les restes atrophiés

constituant les nerfs de Lancisi (s. t. 1. ni. fig. 31) qui sont visibles

chez l'homme à la face supérieure du corps calleux. Il décrit aussi

comme particulier aux animaux osmatiques, un prolongement du

lobe falciforme qui se trouve au-dessous du splenium du corps

calleux et qu'il appelle « Balken windung >. Schwalbe cependant

le considère plutôt comme une portion du gyrus dentatus. - On

le rencontre souvent chez l'homme (B. W. fit. 31). Zuckerkand,

essaie aussi d'établir un rapport entre le développement des sens

de l'odorat et largeur de l'hippocampe ou la corne d'Ainmon. Il

soutient que chez le dauphin la corne d'Ammon est réduite à une

portion insignifiante et prétend, contrairement aux, autres analo-

1 Sur l'encephale des balanides.

Ueber das lüeclecee ! run : . 1887.

LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 389

mistes, que ce que l'on regarde comme l'hippocampe, et qui coi -

respond à sa structure sur ses autres rapports, n'est pas du tout

l'hippocampe, mais simplement une proéminence, dans la corne

descendante du ventricule latéral, correspondant aux éminences

collatérales de Meclrel. - N'ayant pas fait de recherches sur ce

point, je m'en rapporte à l'opinion de sir W. Turner. Il m'écrit

ce qui suit :

« Je vous décrirai une dissection que j'ai faite de la corne des-

cendante du ventricule latéral d'un cerveau de marsouiu. Cette

corne se continue avec l'extrémité postérieure des corps du ventri-

cule latéral et se dirige en arrière et en bas dans ce lobe de

l'hémisphère, que l'on peut, par sa position, appeler tempora-sphé-

noidal. 11 couienait une émmence bien nette sur son plancher qui

était indubitablement l'hippocampe major. Cette émmence de

23 millimètres de long, de la forme d'une massue, avait un dia-

mètre transverse de 4 à 5 millimètres.

a Le long du bord interne de l'hippocampe s'attachait le pilier

postérieur du trigone comme le toenia de l'hippocampe. Le

plcnus choroïde se plaçait dans la corne descendante immédiate-

ment à la partie interne du toenia de l'hippocampe. La circonvo-

lution de l'hippocampe était en rapport avec le bord interne con-

cave du toenia de l'hippocampe. Elle mesurait en largeur de 5 à

si millimètres et se terminait antérieurement dans un lobule de

^hippocampe dont la plus grande largeur était de 8 millimètres. »

La dissection de sir W. Turner est donc opposée aux idées de

Zuckerkand sur l'absence de l'hippocampe chez le marsouin.

Quoique l'hippocampe soit bien développée chez les animaux os-

matiques, on ne peut pas dire qu'il soit atrophié chez l'homme et

le singe ou qu'il subisse des variations de grandeur avec les autres

parties en rapport avec les tractus olfactifs. On peut se demander

si l'hippocampe chez l'homme est relativement plus petit que celui

des animaux inférieurs; mais quant à son volume absolu, sir W.

Turner dit : « Peut-être l'éléphant et lès plus grandes baleines

possèdent un hippocampe absolument aussi large que celui du

cerveau humain, mais je suis porté à croire que l'hippocampe

humain est absolument plus grand que celui des mammifères en

général. »

Le lobule de l'hippocampe est cependant relativement plus petit

chez l'homme que chez les animaux osmatiques et peut être aussi

plus petit d'une façon absolument que chez beaucoup d'entre eux.

On ne peut pas dire que les conditions' sous lesquelles varient la

grandeur de l'hippocampe soient très claires, mais, la grandeur du

' Dans mes expériences sur la région de l'hippocampe, je ne pouvais

distinguer des lésions de l'hippocampe de celles du gyrus de l'hippo-

campe.

390 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

gyrus de l'hippocampe et du gyrus fornicatus, semblent varier en

raison inverse. Il en est ainsi chez les cétacés et les delphinides,

chez lesquels le gyrus fornicatus est extraordinairement grand et

contient plus de circonvolutions que chez les animaux plus élevés.

Ainsi donc chez les animaux osmatiques en général, le gyrus for-

nicatus est relativement plus grand que le gyrus de l'hippocampe

(à part le lobule de l'hippocampe). Chez le kangouroo, le gyrus de

l'hippocampe et l'hippocampe se confondent avec le gyrus forni-

catus et l'hippocampe parait comme le bord enroulé de ce gyrus

(fig. 32). Ceci montre la communauté de fonctions entre l'hippo-

campe et le reste du lobe falciforme que nous avons vu en rap-

port avec la sensibilité générale du corps.

Par la commissure antérieure (division olfactive), les bulbes et

les tractus olfactifs sont mis en rapport. Ce rapport se voit bien

chez les animaux qui ont de grands bulbes olactifs (voir fig. 33.

PO), mais on peut aussi constater ce rapport chez le singe et

chez l'homme (fig. 34, a c). La commissure antérieure réunit aussi

les lobules de l'hippocampe entre eux (fig,33, p t). La portion de

la commissure antérieure (portion temporale) ne varie pas en

grandeur avec celle du lobule de l'hippocampe. Elie est probable-

menr en raison inverse du corps calleux, comme Flower l'a indiqué'.

Ainsi chez le chien, dont le lohule de l'hippocampe est sept

1 Phil. Trans. on the cérébral Commissiures of the marsupial and

Monotremata. 1885.

Fig. 32.

Section frontale du cerveau du kangurou (macropus major),

d'après Flower.

B, corps calleux réunissant les hippocampes. - F, commissure antérieure.

G, septum. - K, corps strié.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 391

fois plus grand que celui du lapin, la portion temporale de

la commissure antérieure est un tiers plus petit. La grandeur

relative des portions olfactive et temporale est contraire à la

théorie de Meynert qui veut que la commissure antérieure forme

un chiasma semblable au chiasma optique où les tractus olfactifs

subiraient une décussation. Et de plus, les recherches de Ganser et

de von Guddenl ont montré que lorsqu'on enlève une bulbe

olfactive toute la portion olfactive de la commissure antérieure

s'atrophie des deux côtés, tandis que la portion temporale reste

intacte. Nous pouvons donc dire que si le tractus olfactif est en

rapport avec l'hémisphère opposé, le rapport ne se fait pas par la

commissure antérieure. Anatomiquement le tractus olfactif paraît

Archiv. sur Psychiatrie, BanrlIIX. !

Fig. 33.

Section horizontale du cerveau de la taupe au niveau de la commissure

antérieure (X 4) d'après Ganser).

ne, commissure antérieure, divisée en po partie olfactive et pt pallie temporale. - z

ci, capsule interne. - f, 11mb. ia. - fa. pilier antérieur du trigone. - fd, raci3. den-

tata. - f.lf, fascicule de Meynert - gloi, glomérule olfactif. - hl, fascicule postérieur

tonptudinal. - k, couche granuleuse du bulbe olfactif. - mp, pédoncule moyen du

cervelet. - na, amygdales. - ne, noyau caudé. - ni, n 0 %.au lenticulaire. - P, tractus

pyramidal. - rn, noyau rouge. - ral, racines du nerf olfactf. - rs, région subtha-

lamique. - s, septum lucidum. - sa, substance blanche. - sp, pédoncules cérébel-

leux supérieurs. - st, stria terminalis. - toi, tractus olfactif.

392 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

en rapport non seulement avec l'hémisphère du même côté, mais

il y a des faits cliniques qui sont difficiles à expliquer autrement

qu'en supposant que quelques fibres au moins i étiiiissatil le trac-

tus olfactif à l'hémisphère passent dans la capsule interne du côté

opposé. Par le trigone, le tractus olfactif est indirectement en rap-

port avec le tubercule antérieur de la couche optique, mais il n'y

a pas de rapport entre la grosseur du tractus olfactif et le pilier

antérieur du trigone. Car chez le lapin les piliers antérieurs du

trigone ne sont pas plus grands que le tiers de la section du trac-

tus olfactif, et chez l'homme, tandis que le tractus olfactif n'a que

la grosseur d'un fil, le pilier antérieur du trigone à 3 millimètres

de diamètre.

Une partie des fibres du trigone sont pour Owen' des fibres com-

missnrales réunissant les hippocampes. C'est ce qu'on voit claire-

ment sur le cerveau du kangouroo, chez lequel les hippocampes,

sont une duplication du gyrus fornicatus, les fibules commisurales

entre eux formant ce qu'on appelle le corps calleux chez ces ani-

maux (B fig, 32). Chez l'homme aussi, la partie postérieure du tri-

rone est formé de fibres transverses formant le psalterium, lyre de

David. Le fait que les hippocampes sont réunis par un système

particuliers de fibies commissurales plaide aussi en faveur de la

différence des fonctions de ces corps et des lobules de l'hippo-

campe, qui sont reunis par la portion postérieure au temporal de

la commissure antérieure.

' Comparative analomy of the vertebral.

Fig. 3 ,

Section frontale du cerveau du singe il angle droit des pédoncules

cérébraux dans la région de la commissure antérieure (grandeur

naturelle).

ac, commissure antérieure. - ce, corps calleux. cl, claustrum. - ec, capsule externe.

- f, pilieis du trigone. - ir, capsule interne. - tR, 1TIsuia de Red. - ne, novau

caudé. - nl, nojau lenticulaire.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 393

L'excitation électrique du lobule de l'hippocampe chez les singes

et les autres animaux, donne des résultats qui peuvent être inter-

piétés comme l'indice d'une sensation olfactive subjective, torsion

de la lèvre et de la name du même côté. Parfois cependant la

réaction est biletérale etcela spécialement chezlelapin. La réaction

est la même que celle obtenue en plaçant directement sous la na-

rine une odeurforte. Je n'ai pas remarqué une réaction semblable

par l'excitation des hippocampes. Mais tandis que nous pouvons

être certains par les réactions extérieures de la sensation olfactive

subjective produite par l'excitation, c'est au contraire un problème

extrêmement difficile de déterminer si l'odorat est perdu par l'a-

blation de la même région. - Chez quelques animaux, c'est cepen-

dant plus facile que chez d'autres et les chiens dont le nez forme

le principal organe de perception intellectuelle, sont des animaux

plus adaptés aux expériences de ce genre que les singes. J'ai trouvé

très difficile de déterminer l'appréciation des odeurs chez les singes

par des signes extérieurs. L'odeur que nous considérions

comme la plus désagréable mêlée à leur nourriture leur était très

indifférente. J'ai essayé chez eux l'acide sulfhydrique, le bisulfure

de carbone, la valériane, l'asa foetida, l'iodoforme et différentes

autres substances, mais ils ont rarement alors refusé leur nourri-

ture. La seule odeur pour laquelle ils semblent uniformément

avoir du dégoût et peut-être plus à cause du goût que de l'odeur

est l'aloès. J'ai rarement ou plutôt jamais trouvé un singe qui

veuille manger des fruits ou d'autre nourriture saupoudres avec

celte substance. J'ai donc presque exclusivement employé l'aloès

pour vérifier le goût et l'odorat de ces animaux.

Dans mes premières expériences, j'ai trouvé que, dans plusieurs

cas où j'avais coupé ou détruit par une inflammation primitive ou

secondaire les régions temporales inférieures d'un côté'ou des

deux côtés, il y avait pour un temps au moins un affaiblissement

ou une abolition de réaction provoquée par les odeurs acres ou les

saveurs désagréables. Mes expériences sur ce sujet n'étaient, je

l'avoue, pas très exactes.

Schaefer et Sangerbrown' n'ont pu découvrir aucune indication

de l'atteinte ou de la perte des sens du goût ou de l'odorat par

la destruction de l'extrémité inférieure des lobes temporaux des

deux côtés. Ils disent page 324 : « Les animaux, avec la portion

antéro-inférieure du lobe complètement enlevée, sententleur nour-

riture, découvrent immédiatement une substance odoriférante

comme l'aloès ou l'asa foetida avec laquelle on l'a barbouillée et

(du raisin, par exemple) ils la rejettent sans la goûter. Ils avalent

un grain de raisin dans lequel on avait mis du sulfate de quinine,

puis le mordent et le rejettent immédiatement avec une expresiou

* Phil. Trans. B. XXX. 1888.

394 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

de dégoût, » En regardant- cependant les figures qui accompa-

gnent leur mémoire on peut n'en trouver qu'une (n° 2, planche 4)

où l'extrémité antérieure paraisse complètement enlevée. Dans

toutes on peut toujours voir des deux côtés les autres portions du

lobule de l'hippocampe'. Dans les notes de l'expérience n° 2, je

ne trouve aucune explication sur les épreuves du sens de l'odorat,

mais on dit que le second jour il donnait des preuves évidentes

qu'il avait conservé intact son sens de l'odorat. Mais pour les autres

expériences, je pense qu'on a laissé suffisamment de la région de

l'hippocampe des deux côtés, pour permettre la conservation du

sens de l'odorat, même dans le cas où il ne serait pas si intense

qu'auparavant. - J'ai donc pensé qu'il serait désirable de faire

quelques expériences nouvelles sur ce sujet.

J'ai enleve chez trois singes la portion antérieure des lobes

temporaux par des operations successives, mais un seul animal

survécut à la double opération suffisamment longtemps pour per-

mettre des observations convenables. Dans ce cas la portion anté-

rieure du lobe temporal gauche était entièrement enlevée excepté

un petit fragment du lobule de l'hippocampe entièrement détaché

du reste (fig. 35). En produisant la lésion, le cordon optique fut

désorganisé et également une légère détérioration du pédoncule

cérébral se produisit, de sorte que l'animal devint complètement

hémiopique vers la droite, hémiopie qui dura jusqu'à la mort. Il y

avait également une légère hémiplégie avec hémianesthésie du côté

droit qui disparut au bout de quinze jours. On produisit la seconde

lésion un mois après la première. L'ablation ne fut pas cepen-

dantsi complète, et on verra que la surface du lobule de l'hippo-

campe située immédiatement contre le pédoncule est toujours

intacte quoiqu'il soit presque entièrement détruit. Les cordons

olfactifs étaient absolument normaux ainsi que les autres nerfs

crâniens et le reste du cerveau. On laissa vivre l'animal trois mois;

alors on le tua avec du chloroforme. Les surfaces coupées des

lobes temporaux étaient adhérentes à la fosse moyenne du crâne et

les adhérences étaient infiltrées de liquide : ailleurs tout était nor-

mal. Les symptômes observés chez cet animal sont d'un grand

intérêt. Dans la semaine qui suivit la première opération, on fit de

nombreuses observations sur les sens du goût et de l'odorat qui

étaient pour le moins assez bons. Il fut impossible de dire avec

certitude s'il y avait un affaiblissement unilatéral, mais ils étaient

assez intacts pour permettre à l'animal de distinguer et de rejeter

les substances pour lesquelles il avait du dégoût auparavant. Ainsi

il refusait de manger les morceaux de pommes saupoudrés d'aloès,

les sentant et les rejetant aussitôt. Ainsi, il examinait attentivement

un morceau de pomme imprégné de sulfate de magnésie par l'o-

1 Fig. 15. 3 a, 6. c., op. cil.

LES LOCALISATIONS CEREBRALES. H95

i

dorât, le mettait dans sa bouche et le rejetait aussitôt. - Cepen-

dant, il dévorait avec plaisir un morceau, qui n'avait été en contact

avec aucune de ces substances, De même, il refusait de manger une e

pomme saupoudrée de sulfate de zinc et ne voulait pas toucher un

morceau couvert de coloquinte. De telles observations furent fré-

quemment faites et confirmées et il ne pouvait y avoir aucun

doute sur l'intégrité de son odorat et de son goût.

Le lendemain de la seconde opération et les jours suivants l'ani-

mal se trouva en bonne santé et assez vigoureux, quoique un peu

abruti; il paraissait avoir perdu toute tendance à manger sponta-

nément, mais il dévorait gloutonnement tout ce qu'on lui offrait et

ne manifestait aucun dégoût quand les morceaux étaient trempés

d'aloès et ne faisait aucune grimace quand on lui mettait dans la

bouche une pincée d'aloès et continuait à manger. Toujours même

état le cinquième jour après l'opération ; il ramassait sa nourriture

sur le plancher de sa cage et parfois il remplissait sa bouche de

sciure dont il ne semblait pas reconnaître la nature. Les sixième,

septième, huitième jours, mêmes expériences, mêmes résultats. Il

ne manifestait pas de dégoût quand les morceaux étaient imprégnés

d'aloès, de coloquinte et de quinine. Le onzième jour on place

dans sa bouche une pincée de coloquinte sans manifestations de

dégoût; la même pincée placée dans la bouche de son compagnon

produisit une violente nausée. Le dix-huitième jour, l'animal qui

était très apprivoisé, vous léchait les doigts plongés dans de la

Fig. 35.

39lia PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. ,

poudre d'aloès et il but une assiette de lait mélangée à la même

substance que ses compagnons n'auraient pas touchée. Un troisième'

animal, à qui on présenta l'assiette, prit une gorgée, et après un

examen douteux, se lécha les lèvres avec suspicion et ne voulut plus

en prendre. Pour associer le goût désagréable de l'aloes avec une

odeur forte et définie, j'ai -saupoudré l'aloès avec du musc pour

qu'il n'y ait pas de doute sur la qualité odoriférante de la substance

à l'essai. Cependant, il ne .se produisit aucune différence. Les mor-

ceaux de nourriture saupoudrés d'aloès et de musc étaient mangés

aussi facilement que les autres; il ne semblait pas soupçonner les

essais faits sur lui, car il venait lécher le musc et l'aloès sur lame

du couteau comme si c'était quelque chose debon. Ses compagnons

cependant nous regardaient de travers et se tenaient à distance

après une première expérience. A la fin du premier mois, l'animal

qui était en parfaite saule et très enjoué, continuait à manger les

raisins mélangés de musc et d'aloès que ses compagnons rejetaient

aussitôt après les avoir sentis. Six semaines après l'opération, on

plaça une pincée d'aloès dans sa bouche. 11 paraissait indifférent et

ne manifesta aucun signe de dégoût. La même substance placée dans

la bouche d'un de ses compagnons, produisit des haut-le-coeur, de

la salivation et des tentatives comiques qour enlever de ses lèvres

et de sa langue la substance désagréable. Un aulre animal, qu'on

n'avait pas auparavant expérimenté, vomit plusieurs fois, mais

notre singe en expérience, quelques minutes après, lécha la lame

du couteau couverte de poudre. Deux mois après l'opération, il ne

refusait toujours pas de lécher un doigt trempé dans le musc et

l'aloès et mangea plusieurs morceaux de pomme saupoudrés de

même, qu'aucun des trois autres animaux ne pouvait sentir. 11 lécha

aussi du sucre mélangé à l'aloès. La quantité qu'il mangeait pro-

duisait quelquefois l'effet médical habituel. Environ trois mois après

l'opération, le singe restait complètemement indifférent aux subs-

tances dont le goût et l'odorat provoquaient une répulsion chez les

autres animaux et ne faisait aucune grimace quand on les plaçait

dans sa bouche. Mais vers cette époque, il commença à manifester

qu'il ne les goûtait pas volontiers et quelquefois, il laissait tomber

les morceaux saupoudrés comme auparavant. Parfois il sentait les

objets avant de les manger et en jetait sans les goûter. Mais il

n'était pas très clairement indiqué que cesoit dû au sens de l'odorat

ou à une simple habitude, car il jetait des coquilles de noix, des

croûtes de pain etdes cosses qui n'ont aucune odeur, après les avoir

examinées. Il manifesta son goût et son dégoût pour la nourriture,

préférant, par exemple, les pommes aux pommes de terre bouillies

et il paraissait aimer le sucre et le riz, mais je ne pus déterminer

si ces goûts et dégoûts dépendaient seulement du caractère sapide

des substances. Les résultats généraux de mon expérience me por-

tent cependant à croire que les sens du goût et de l'odorat de l'ani-

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. x 397

mal, quoique sérieusement atteints,-n'étaient cependantpas abolis.

Pour un temps considérable après l'ablation bi-latérale de l'extré-

mité inférieure du lobe tempoial, il ne refusa pas de manger des

substances dont le goût et l'odeur répugnent aux animaux normaux

et je ne pense pas qu'il soit possible d'expliquer ceci autrement

que par l'hypothèse que les centres de la perception olfactive et du

goût étaient, sinon complètement, mais du moins, atteints dans

une grande partie. Il aurait fallu faire plusieurs observations sur

ce sujet mais - à cause de la grande mortalité de mes singes

pendant l'épidémie d'influenza je n'ai pas pu jusqu'ici poursuivre

mes recherches sur ce sujet.

Munk a raconté uue expérience accidentelle sur un chien qui

présente quelque intérêt. Munk observa qu'un chien qui avait été

rendu aveugle par la destruction de ses centres visuels semblait

incapable de découvrir par l'odorat les morceaux de viande qu'on

jetait devant lui. Un léger reniflement qu'il faisait quelquefois,

semblait être le seul indice qu'il possédât encore quelque traces de

la sensibilité olfactive. La chose dura quelques mois, époque à la-

quelle on le tue alors. On trouva après la mort que toute la circon-

volution de l'hippocampe avait été transformée en un kysteà mince

paroi rempli de liquide. A l'exception des cicatrices de l'ablation

des lobes occipitaux, le cerveau, les cordons olfactifs et les bulles

olfactives étaient normaux. Quoique Munk pense que ce cas montre

que la circonvolution de l'hippocampe est le centre de l'odorat,

cependant, vu que les lobulesdel'hippocampe étaient compris aussi

bien que le reste de la circonvolution de l'hippocampe dans la lésion,

nous pouvons considérer ce fait comme une preuve que le centre

de l'odorat est plus particulièrement localisé dans le lobule de

l'hippocampe.

Luciani* conclut de ses expériences sur les chiens que : « aucun u

affaiblissement évident de l'odorat succède à l'extirpation du lobe

temporal; mais si la lésion s'étend sur la circonvolution voisine

au-dessus de la scissure de Sylvius, on observe une diminution nota-

ble de ce sens. Enfin, un certain nombre d'expériences montrent

que la décortication des circonvolutions de l'hippocampe ainsi que

l'ablation partielle de la corne dAmmon produisent des troubles

de l'olfaction, d'abord une perte presque totale de l'odorat, fait

qui semble nous montrer que cette portion du cerveau est le centre

de la sphère olfactive. » Luciani pense également que chaque centre

est en rapport avec les deux narines, mais plus particulièrement

avec la narine du même côté. Dans le schéma qu'il nous donne des

limites de la sphère olfactive il l'étend cependant dans la région

pariétale jusqu'à la scissure longitudinale et en partie aussi vers le

lobe frontal. Quant au sens du goût, il dit qu'une fois, chez un chien,

, Sensorial Localisations in the Cortex cerebri (Drain, 1885) .

398 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

il a trouvé qu'après l'ablalion unilatérale de la quatrième circon-

volution externe et d'une portion de la circonvolution de l'hippo-

campe, l'animal semblait être moins sensible aux amers (digita-

line) du côté opposé de la langue. (Ceci a été décrit incorrectement

dans « Brain ». Si l'on se reporte à l'expérience originale ',on voit

que la lésion était dans l'hémisphère gauche; l'odorat était perdu

dans la narine gauche et le goût du côté droit de la langue.)

- Il y a peu de cas cliniques et pathologiques, relativement en faveur

de la localisation des sens du goût et de l'odorat. Nous avons vu

que, à un point de vue anatomique au moins, le centre olfactif est

en relation directe avec la narine, mais j'ai déjà mentionné que

les symptômes de l'hémianesthésie hystérique paraissent montrer

que l'olfaction comme les autres centres des sens spéciaux est en

relation avec le côté opposé. On peut se demander si l'anesthésie

générale coïncidente de la narine dans ce cas explique l'anosmie;

car j'ai trouvé que l'odorat n'est pas aboli quand la sensibilité[géné-

rale de la narine est atteinte à la suite d'une maladie de la cin-

quième paire. Il est cependant difficile, dans nos connaissances

actuelles, de tracer le rapport anatomique entre la narine et le

côté opposé du cerveau. Ce sujet demande donc de nouvelles recher-

ches. Il y a des cas cliniques qui sont en faveur du rapport direct

de la narine et des centres olfactifs. A ceux rapportés par Ogle,

Fletcher et Ransome' dans lesquels l'anosmie était associée à une

aphaxie et une hémiplégie droite, on peut objecter qu'il y avait

une lésion directe du tractus et du bulbe olfactif. Mais Churton et

Griffith 3 ont rapporté un cas dans lequel l'odorat était atteint du

même côté que la lésion, une tumeur du gyrus uncinatus qui ne

parait pas avoir produit directement au moins, une lésion du bulbe

olfactif.

On a publié plusieurs cas de sensations de goût ou d'odeurs dans

le cas des lésions du gyrus uncinatus. M. Lane Hamilton en a

puhlié un cas sans lésion des nerfs olfactifs; Vorcester en a publié

un second et Hughlings Jackson et Becvor 6 un troisième, dans

lequel toute l'extrémité anterieure du lobe temporo-sphénoidal

droit était le siège d'une tumeur comprenant le noyau de l'amyg-

dale et les fibres médullaires. L'odorat cependant n'était perdu ni

d'un côté ni de l'autre, ce dont on peut se rendre compte par la

destruction incomplète du centre par la tumeur.

Ce cas, comme les autres que nous avons cités, est, suivant la

Die Functions- Localisations auf der Grasshirnrinde, p. 117.

Brait, Octob. 1889. '

Amer. Journal of Insanily, July 1887.

New-York Merl. Journal, vol. XXXIV.

Journal, 28 Mai 1887.

See fanclions of the Brain, 2° édit., p. 321.

LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 390

remarque du Dr Jackson, d'une valeur considérable pour la déter-

mination deslocalisatious sensorielles, quoiqu'ils ne donnent natu-

rellement pas des indications assez précises sur la position et la

limite du centre que les ablations produisent une perte ou un affai-

blissement.Tels quels cependant ils sont d'accord avec les recherches

anatomiques et physiologiques. Le claquement des lèvres et les

mouvement ? de gurtation que l'on observe avec la sensation d'odo-

rat pendant a l'état de rêverie » des attaques épileptiques sont

probablement des décharges des centres de la gustation ; mais il

nous manque sur ce point encore plus d'observations que sur la

situation des centres olfactifs. Le docteur James Anderson 1 a cepen-

dant publié un cas d'une sensation d'odeur et de goût particulière

avec une tumeur du lobe temporo-sphénoidal gauche; mais les

lésions étaient trop étendues et trop indéfinies pour permettre une

conclusion précise sur la position du centre de la gustation.

LECTURE VI. MOTOR CENTRES

Monsieur LE Président,

Messieurs,

J'arrive maintenant à la signification physiologique de la zone de

Rolando du singe et de l'homme et de son homologie chez les ani-

maux inférieurs. J'ai déjà décrit avec assez de détails les mouvements

produits par l'électricité dans les différents points de cette région.

L'interprétation de ces mouvements, a donné lieu à différentes opi-

nions. Le caractère intentionnel de ces mouvements, leur rapport

avec les mouvements volontaires habituels aux animaux et surtout

leur uniformité qu'on peut toujours prévoir, s'accordent à mon avis

avec cette hypothèse qu'ils indiquent une excitation fonctionnelle

des centres directement intéressés dans les mouvements volontaires

et qu'ils font anatomiquement partie de l'appareil moteur.

On a établi par des expériences sur les singes et actuellement

la chose est si généralement admise qu'il est inutile d'entrer dans

de longs détails que la destruction des centres dont l'excitation

produit des mouvements définis, produit de la paralysie des mêmes

mouvements du côté opposé du corps variant en degré, en intensité

et en durée avec l'étendue de la destruction de ces centres. Quand

la destruction est complète la paralysie est permanente et entraîne

une dégénérescence descendante des cordons pyramidaux de la

moelle avec contracture secondaire des membresparalysés. Comme

' Emin, vol. IX, 1887, p.385.

400 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

exemple, je cite l'expérience suivante sur un singe montré au Con-

grès international médical à Londres en 1881, huit mois après

l'opération.

. On détruisit l'écorce comme le montre la figure (fig. 36) de l'hé-

misphère gauche sur une étendue comprenant les circonvolutions

frontale et pariétale ascendantes à l'exception de leur extrémité

supérieure et inférieure. La lésion envahissait aussi la base de la

circonvolution frontale supérieure et le membre [antérieur de la

circonvolution du pli courbe. Ainsi était détruite presque toute

la zone motrice de la convexité de l'hémisphère, les centres de la

jambe, du pied et du tronc étant seulement partiellement atteints;

ceux de la commissure buccale et de la langue étant presque entiè-

rement épargnés. Le résultat de cette destruction fut une hémiplégie

droite presque complète avec déviation con jugée de la tête et des

yeux du côté gauche, comme Jans les cas semblables chez l'homme,

la déviation conjugée de la tête et des yeux fut de courte durée

relativement et la paralysie faciale partielle, d'abord perceptible,

disparut au bout de quinze jours, mais l'état-paralytique des mem-

bres persista. A l'exception de légers mouvements de flexion de la

cuisse et de la jambe, le membre inférieur droit était faible, et ie

bras droit incapable d'aucun mouvement volontaire. Parfois, lorsque

l'animal se débattait on pouvait observer des mouvements associés

de la main droite, semblables à ceux de la main gauche, mais

seulement dans ces circonstance*. La puissance de préhension était

entièrement abolie. La sensibilité cutanée intacte. Le plus léger

contact attirait l'attention, et un pincement ou une excitation dou-

Fig. 36.

LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 401\

loure'use produisait une réaction aussi vive que celle du côté sain.

C'est dans cet état que l'animal fut montré au Congrès interna-

tional de médecine, et alors une contracture bien marquée s'est

établie dans les membres paralysés avec exagération des réactions

tendineuses, comme dans le cas d'hémiplégie incurable cérébrale

chez l'homme.

Les recherches sur l'état du cerveau de cet animal furent entre-

prises par un comité nommé par la section de physiologie, et la

position des lésions dans la zone motrice, et leur limitation furent

définitivement prouvées par eux. Des recherches microscopiques

ont aussi démontré l'existence de dégénérescence secondaire dans

les cordons pyramidaux du côté droit de la moelle jusqu'à la région

lombaire.

Dans le cas représenté fig. 37, la lésion faite à l'extrémité supé-

rieure de la scissure de Rolando de l'hémisphère gauche, produisit

une paralysie de la jambe droite, sans trouble de la sensibilité,

suivie de contraction dans les muscles paralysés. Cet état per-

sista huit mois; on tua alors l'animal. Dans ce cas aussi, on trouve

une dégénérescence secondaire de la couronne rayonnante et des

cordons pyramidaux du côté opposé de la moelle, jusqu'à la région

lombaire, ou émergeait les nerfs de l'extrémité inférieure.

Dans une autre expérience, l'écorce fut détruite au milieu de la

circonvolution pariétale ascendante et du bord adjacent de la cir-

Archives, t. XXI. 20

Fig. 37.

402 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

convolution frontale de l'hémisphère droit. Comme résultat, on

observa une.paralysie presque complète de la main gauche, avec

une grande faiblesse dans la flexion de l'avant-bras. Les mouve-

ments de l'épaule étaient intacts ; l'animal pouvait étendre son

bras, mais ne pouvait pas saisir ce qu'il voulait attraper. La sensi-

bilité tactile était absolumeat intacte dans le membre paralysé ;

le plus léger contact éveillait l'attention de l'animal et une exci-

tation douloureuse, comme de pincer ou d'approcher un fer chaud.

produisait des signes évidents de sensations comme de l'autre côté.

Cet état persista les deux mois que l'animal survécut à l'opération.

De pareilles observations, ont été publiées par Horsley etSchae-

fer' et leurs observations sur les fonctions de la circonvolution

marginale, méritent une mention spéciale. L'extirpation de la

circonvolution marginale, produit la paralysie des mouvements que

laisse intacts la destruction des centres de la concavité de l'hémi-

sphère : c'est-à-dire les mouvements du tronc, les muscles de la

hanche et quelques mouvements de la jambe. - Cependant, pour

que ces mouvements soient entièrement paralysés, il faut que la

circonvolution marginale soit détruite dans les deux hémisphères;

comme il semble que les mouvements du tronc sont bilittéralement

coordonnés dans la circonvolution marginale, l'ablation d'une

seule circonvolution est insuffisante pour produire un effet mar-

qué. A l'ablation bilatérale, succède la paralysie la plus absolue

des muscles du tronc..

« L'attitude d'un singe chez lequel on a fait la double ablation

est des plus remarquables. Au lieu de s'asseoir droit, le dos un peu

courbe comme les autres singes, un animal qui a subi l'opération

reste courbé, les jambes et les pieds étendus (ou au plus les han-

ches fléchies), le dos aplati, la queue droite et sans mouvemenst,

les bras étendus en avant pour s'accrocher à un objet. La tête

conserve son pouvoir de rotation, de flexion, d'extension et les

mouvements des yeux et de la face sont normaux. L'animal sou-

vent s'appuie sur les coudes, mais jamais il ne prend la situation

assise normale. Si le singe désire s'asseoir droit, il ne peut le

faire qu'en se tenant par les mains aux barreaux de la cage, ou à

un autre objet. Si on lui fait lâcher les mains, aussitôt l'animal

manque de tomber. La marche n'est presque effectuée que par

les mains, le singe s'avançant en s'aidant avec les mains, et par la

flexion des hanches, les jambes traînent à terre, la surface dor-

sale des orteils frotte contre le sols. »

En outre des mouvements du tronc, il y en a d'autres qui sont

représentés bilatéralement dans chaque hémisphère : ceux de la

région faciale supérieure et ceux du larynx. Donc une extirpation

i Ph. Trans. Bd. XX. 1888.

1 Voir figure : fig. 20, op. cit.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 408

unilatérale de ces centres ne produit aucun trouble et il est nécessai-

re que ces centres soient détruits des deux côtés, pour obtenir une

paralysie. Krause chez les chiens, Semon et liorsley chez les

singes, ont montré que l'extirpation unilatérale des centres du

larynx, ne trouble pas d'une façon perceptible l'adduction des

cordes vocales, tandis que la phonation volontaire est impossible;

lorsque les centres sont détruits dans les deux hémisphères.

II paraîtrait, d'après les recherches de Frank et Pitres', d'Ex-

ner', de Lewaschew3, de Sherrington *, que de tels mouvements

n'étant pas positivement représentés bilatéralement dans chaque

hémisphère, sont secondairement associés suivant l'hypothèse pre-

mièrement émise par Broadbent, par les fibres commissurales

réunissant ensemble les noyaux bulbaires et spinaux. Quoiqu'une

excitation modérée des centres corticaux des membres ne donne lieu

à des mouvements en général que du côté opposé; cependant, il ar-

rive assez souvent que si l'excitation est augmentée, par les mou-

vements se produisant des deux côtés. Ces mouvements sont

toutefois plus prononcés du côté opposé, que du même côté.

Chez le singe comme chez l'homme, il n'est pas rare de trouver de

la dégénérescence descendante dans les deux colonnes latérales,

comme résultat de lésions corticales unilatérales.

D'après les récentes recherches de Sherrington, si les lésions

corticales affectent seulement les centres des membres, la dégé-

nérescence bilatérale ne se produit pas au moins à un certain

degré, mais elle est très prononcée si les lésions atteignent la cir-

convolution marginale. La dégénérescence est confinée aux cordons

pyramidaux du même côté jusqu'à la décussation des pyramides,

mais devient bilatérale dans la moelle. Cependant, dans le cas du

centre laryngé qui est plus manifestement bilatéral, la dégéné-

rescence est bien marquée dans les pyramides des deux côtés. Ces

faits comme les observations cliniques chez l'homme montrent que,

même pour les membres, ehaque hémisphère réprésente les deux

côtés du corps, principalement le côté opposé, mais jusqu'à un

certain point aussi le même côté.

Le fait a d'abord été observé par Brown-Séquard, et ses obser-

vations ont été confirmées par Pitres5 et FriedlanderG que les

lésions qui produisent l'hémiplégie du côté opposé produisent

aussi une diminution dans l'énergie des mouvements des membres

' * Leçons sur les fonctions motrices du cerveau. 1887.

' Sitzung s b - d IViener Akad. 3 abth. - pp. 185-190. 1887.

1 Archiv sur Physiologie. Bd. 36.

Journ. of Physiologie, n° i 5 et 6, ébatte. 1890. Bnlish. Med. Journ.

» Archives de Neurologie n- 10-1882.

° Nelll'olog,sches Centralblatt, n" 11-1883.

404 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

du même côté. C'est un résultat auquel on doit s'attendre si

chaque hémisphère est eu relation avec les deux côtés du corps.

Les relations bilatérales de chaque hémisphère qui existent

jusqu'à un certain point chez l'homme et chez le singe, sont,

comme nous le verrons, plus prononcées chez le chien et les ani-

maux inférieurs; et chez le chien, comme l'a montré Sherrington,

on rencontre plus souvent la dégénérescence bilatérale après une

lésion corticale unilatérale. Cette représentation bilatérale nous

rend compte d'un certain degré d'amélioration, même quand on a

détruit entièrement les centres moteurs d'un hémisphère, et cette

amélioration est plus particulièrement marquée pour les mouve-

ments qui sont habituellement associés à ceux du côté opposé et

moins pour ceux qui sont indépendants et spécialement volon-

taires. D'où, dans la paralysie corticale, le bras est plus paralysé

que la jambe et les mouvements distants» » du bras plus que les

« proximaux ». Ces faits ont une grande importance pour l'hypo-

thèse de la compensation fonctionnelle pour les centres détruits

par les centres voisins ou par d'autres portions du même hémis-

phère. Aujourd'hui, il est hors de doute que les lésions corticales

de la zone motrice de l'homme telles qu'elles détruisent et non pas

compriment seulement la substance grise des centres respectifs,

. produisent invariablement une paralysie des mouvements volon-

taires dans les parties correspondantes. Un tel résultat se pro-

duit, non seulement après des lésions destructives d'une maladie,

mais aussi après l'excision chirurgicale des centres corticaux. Non

seulement des lésions de toute la région rolandique amènent une

hémiplégie, mais des lésions limitées produisent des paralysies

limitées ou une monoplégie de la face, du bras, de la jambes en

rapport précis avec les résultats obtenus par l'expérimentation

chez les singes.

Dans les c Gulstonian Lectures * sur les localisations cérébrales

que j'ai eu l'honneur de faire devant ce collège il y a douze ans,

je vous ai montré un certain nombre de cas rassemblés de diffé-

rentes sources qui venaient à l'appui de ces conclusions. Depuis

beaucoup ont été publiées, qui les confirment encore et on semble

considérer la chose comme si bien prouvée, que les cliniciens ont

cessé de publier leurs observations.

Des 483 cas de maladies corticale et sous-corticale rassemblés à

mon instigation par le Dr Ewens (en excluant en général les tu-

meurs et les autres lésions qui peuvent produire des affections in-

directes d'autres parties), j'ai 110 cas d'hémiplégie du côté opposé

par lésion générale de la zone rolaudrique; 90 cas de monoplégie

par lésions limitées de cette zone ; dont 11 cas de monoplégie

crurale par lésion du lobule paracentral, 15 de paralysie du bras

et de la jambe par lésion du lobule paracentral et du tiers supé-

rieur des circonvolutions ascendantes ; 33 cas de monoplégie bra-

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 40S

chiale, comprenant trois cas d'excision chirurgicale par lésion de

la partie moyenne des circonvolutions ascendantes, 19 cas de para-

lysie du bras et de la face par lésion de la moitié inférieure de la

zone rolandique et 10 cas de paralysie faciale par lésion du tiers

inférieur de cette lésion. En plus, j'ai des notes sur 20 cas d'a-

trophie de l'écorce de la région rolandique en rapport avec une

hémiplégie congétinale ou infantile ou par absence congétinale ou

une très ancienne amputation d'un membre.

Chez le singe et l'homme, il n'y a pas de preuve de compensa-

tion fonctionnelle des lésions paralytiques, excepté celle que l'on

peut mettre sur le compte des rapports bilatéraux de chaque hé-

misphère cérébrale. La théorie de la compensation par d'autres

portions du même hémisphère a été émise plus particulièrement

pour rendre compte de la guérison apparente chez des chiens et

les animaux inférieurs après une destruction unilatérale complète

des centres corticaux. C'est la une hypothèse incompatible avec

les principes de localisation qu'admettent les auteurs ; et qui de

plus est inutile. Quoique les chiens semblent guérir des troubles

de la motilité qui étaient manifestes après une extirpation unilaté-

rable de leurs centres moteurs, cependant en réalité la guérison

n'est jamais complète. -Seuls restent atteints d'une façon perma-

nente les mouvements les moins automatiques et les plus volon-

taires, tandis que les plus automatiques et les moins volontaires,

comme ceux nécessités pour la station et la marche coordonnée et

qui, comme nous l'avons vu dans la première leçon, peuvent per-

sister chez quelques animaux même après l'extirpation complète

des deux hémisphères, sont comparativement peu atteints.

Les mouvements qui sont le plus paralysés sont ceux des membres

qui servent comme main ou organe de préhension.

Il semble, d'après les premières expériences de Goltz sur les

chiens que l'usage de l'avant-bras comme une main, tels que dans

l'action de donner la patte, de tenir un os pour le ronger, était

paralysé d'une façon permanente par la destruction des centres

moteurs du côté opposé. Mais dans sa dernière intéressante com-

munication', il a montré que ce n'était pas tout fait exact. Il donne

des détails sur un chien chez lequel tout l'hémisphère gauche

fut détruit et qui survecut quinze mois. Chez cet animal, ,les mouve-

ments des membres droits, en ce qui concerne la station et la

locomotion étaient si peu atteints, quoique pas entièrement nor-

maux, que la lésion pouvait bien échapper à une observation super-

ficielle. 11 n'avait pas entièrement perdu l'usage de la patte droite

comme main pour tenir un os au moins en association avec la

gueule, quoiqu'il fût très imparfait à ce point de vue. On n'avait

pas appris à l'animal à donner la patte, de sorte qu'on ne put

* Arch. f. Physiologie, vol. XIII, 1888.

406 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

déterminer s'il pouvait toujours exécuter ce tour appris, quoique

GolLz pense que. dans des cas rares, un chien puisse exécuter cet

acte après une destruction profonde etétendue(mais probablement

incomplète) de la zone motrice de l'hémisphère opposé. La pos-

sibilité de l'usage des membres opposés à un certain degré indé-

pendant ou plutôt associé, dépend, comme le démontrent claire-

ment les expériences de Goltz, de l'intégrité des centres moteurs

de l'hémisphère intact; car quand ces centres sont détruits des

deux côtés, tout mouvement volontaire reste paralysé d'une façon

permanente. Il dit : « Un chien dont les centres moteurs des

deux hémisphères ont été détruits ne peut se nourrir lui-même, les

mouvements de la langue sont gravement atteints, quoique la

langue dans le cas d'extirpation unilatérale se meuve normale-

ment. L'animal peut, comme nous l'avons dit plus haut, tou-

jours marcher, mais d'une façon maladroite et chancelante.

Tous les mouvements des pattes comme mains sont entière-

ment impossibles* * ». L'impuissance dépend de la destruction sy-

métrique des centres moteurs dans les deux hémisphères; car si

les centres moteurs d'un côté et les régions occipitales de l'autre

côté sont détruits, le chien peut manger et boire et mouvoir sa

langue, marcher et courir à peu près bien et se servir de ses

deux pattes, jusqu'à un certain point, pour tenir un os en le ron-

geant. Ce qui est vrai de la représentation bilatérale des facultés

motrices dans chaque hémisphère, parait aussi s'appliquer aux

facultés en général et aux sens spéciaux. A part la paralysie

motrice, je n'ai jamais pu découvrir le moindre trouble de la

sensibilité tactile, spéciale ou genérale après la destruction des

centres moteurs. On peut observer l'absence ou le défaut de

réaction des membres paralysés à l'excitation sensitive ; mais cela

ne tient pas à un défaut de sensation, car l'attention de l'animal

est attirée aussitôt par le plus léger contact du côté paralysé, et il

manifeste sa mauvaise humeur si on le soumet à une excitation

douloureuse, comme la piqûre d'une épingle. Le contraste entre

les reactions aux excitations sensitives du singe dont on a enlevé

le lobe falciforme et de celui dont on a extirpé les centres moteurs

est si frappant qu'on ne peut douter que dans le dernier cas, lu

sensibilité est conservée tandis que dans l'autre elle est abolie ou

profondément atteinte. Horsley et Schæfer n'ont aussi pu obte-

nir aucune preuve de la sensibilité générale après la destruction

des centres moteurs.

« Nous avons vu, disent-ils, suffisamment pour nous convaincre

qu'une lésion de l'écorce qui produit une paralysie du mouvement

volontaire n'est pas nécessairement accompagnée par la perte de

1 Op. cil., p. 4,8.

- LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 407

la sensibilité générale de la partie paralysée' ». Pour vérifier l'hy-

pothèse qui a été avancée par quelques-uns que les cellules super-

ficielles de l'écorce motrice sont sensitives, ils ont detruit dans un

cas les couches superficielles de la substance grise au moyen du

cautère actuel. « Malgré l'oblitération complète des vaisseaux

superficiels, disent-ils, ainsi obtenue nous n'avons obtenu seule-

ment qu'une paralysie musculaire, incomplète comme résultat de

l'opération : mais, quoique les couches superficielles de l'écorce fus-

sent détruites, il n'y avait aucune diminution de la sensibilité dans

les parties atteintes de paralysie. Le ramollissement par les

thromboses produites par le cautère n'eut pour effet qu'un état

plus complet de paralysie musculaire, mais la sensibilité du côté

opposé reste toujours intacte jusqu'à la mort de l'animal 2 ». Une

des expériences de Goltz sur les chiens démontre aussi clai-

rement 3 que la destruction de la zone motrice corticale

n'altère pas la sensibilité du côté opposé. Se souvenant de ce

fait bien connu que les chiens grognent quand on les touche

quand ils mangent, il touchait le côté droit d'un chien, dont on

avait, quelque temps auparavant, détruit les rentres moteurs de

l'hémisphère gauche. L'animal répondait invariablement par des

signes de mécontentement au plus léger contact. Bechterew a dé-

montré le même fait chez les chats *. « C'est d'une observation

courante qu'un chat n'aime pas avoir les pattes mouillées, de

sorte que s'il tombe, par hasard, sur une place mouillée, il

s'arrête, secoue sa patte, pour la lécher, avant d'avancer plus loin ;

ou, si pendant qu'il sommeille paisiblement, une goutte d'eau

tombe dessus, il tressaille et rapidement s'en débarrasse, ou il

ferme les yeux et contracte ses oreilles si on touche sa patte dou-

cement sans qu'il vous voit ». Après avoir observé ces faits chez

un chat qu'il voulait opérer, Bachterew enleva l'ecorce de la ré-

gion du gyrus sigmoïde. Au réveil du sommeil narcotique, l'ani-

mal montra des désordres moteurs caractéristiques dans les mem-

bres droits, et il ne pouvait pas se servir de sa patte droite pour

un acte volontaire indépendant, mais, en touchant l'oreille ou

la plante droite comme le pied gauche, on provoquait la ferme-

ture des yeux et la rétraction des oreilles comme auparavant, et

quelques gouttes d'eau faisaient tressaillir l'animal et il faisait les

mêmes etiorts pour s'en débarrasser comme auparavant.

Cependant, de nombreux observateurs, comme Ilitzig, Nothna-

gel, Schilf, Munk, Tripier, Goltz, Luciani, etc., ont maintenu que

'Op. cit., p. 15.

Oo. cit, 17.

' Pflugers Archiv., Bd. XXXIV, 1884, p. 465.

` Op f P/tügeo·'s Archiv., Bd. XXXV, 1885, p. 137.

408 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

le trouble produit par la destructiou des centres soi-disant mo-

teurs s'accompagne au dépend de troubles de la sensibilité géné-

rale, musculaire ou tactile ou des trois ensemble dans les mem-

bres paralysés.

Mes propres expériences, comme celles de Horsley et Scha ? fer ont

montré qu'il n'y avait aucune altération ou perte observable de la

sensibilité tactile en général après les lésions de la zone motrice,

et je vais maintenant examiner en détail les données sur les-

quelles s'appuient les différents auteurs cités plus haut pour établir

leurs conclusions. Elles me semblent basées surtout sur le défaut

de réaction aux excitants sensitifs qui peut aussi bien s'expliquer

par l'incapacité motrice que par l'altération sensitive, ou bien ces

troubles sensitifs sont dus à la lésion d'autres parties que la zone

motrice de l'écorce. Ceci s'applique plus particulièrement aux ex-

périences de Goltz dans lesquelles les lésions de l'hémisphère ou

des hémisphères sont interminées ou vagues. Il est aussi incontes-

table que chez l'homme la paralysie par lésion de la zone motrice

est dans la majorité des cas essentiellement motrice et ne s'accom-

' pagne d'aucun désordre delà sensibilité tactile, musculaire ou géné-

rale.J'ai moi-même observé plusieurs cas et réuni beaucoup d'autres

lésions de la zone motrice certicale avec paralysie, dans les-

quelles les différents modes de sensibilité ont été recherchés avec

soin et trouvés normaux. Mais il est vrai aussi que dans un bon

nombre d'autres cas de lésions de la zone motrice, on a observé un

certain degré d'altération de la sensibilité tactile ou musculaire

généralisée ou localisée. Et plusieurs auteurs, Petrina a Exner 1,

Luciani et Seppili g, Starr *, Dana Lissa 6, ont essayé de mon-

trer, par l'examen des observations cliniques de maladie céré-

brale, que les centres moteurs et les centres de la sensibilité tactile

et génerale coïncidaient, de sorte que les troubles sensitifs, quel-

ques fois au moins sinon toujours, accompagnaient la paralysie

motrice. Les données sur lesquelles ces conclusions sont basées me

paraissent très peu satisfaitantes. Les lésions ont été ou des taches

microscopiques incapables de rien produire par elles-mêmes ou des

foyers multiples de maladies non limitées a l'écorce elle-même.

Une cause n'est prouvée que s'il y a un rapport constant et inva-

' Sensibilitcets stocrungen bei Hirnrin den Idsionen, Zeitseh f. Heilkunde

' Bd. II, p. 375,1881.

' Z.oes<Ma : <Mttder7''MKe< : OMe ! t : ' ? : der Grosshirnrinde des Menschen, 1881.

3 Die Functions - Localisation au/' der Grosslzirnrinde, 1886.

, Locatased cérébral disease. Anzer, Jomm. Med. Se. 1884.

» Cortical Localisation o f cutaneous sensations, 1888.

' ZMr Lehre von de)' Localisation des Gefuhls in. der Grosshirnzinde,

1882. ·

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 409

riable entre une lésion particulière et un symptôme particulier.

Dans le cas de la zone motrice, il a été démontré que des lésions

destructives produisent invariablement -une paralysie motrice,

locale ou généralisée suivant la position et l'étendue de la lésion.

Un seul cas de paralysie par lésion de la zone motrice corticale

sans trouble de la sensibilité est suffisant pour renverser une foule

de cas positifs dans lesquels les deux symptômes semblent avoir

été causés par la même lésion. De toutes ces considérations, il ré-

sulte qu'un examen des observations cliniques puisées indistincte-

ment à toutes les sources en acceptant les tumeurs et les lésions

capables de produire des troubles à distance n'est pas certaine-

ment en faveur des conclusions que les auteurs ci-dessus cités ont

tirées de cette espèce de preuve. Car des 110 cas de lésion géné-

rale de la zone de Rolando produisant une hémiplégie, dans

52 cas la sensibilité était intacte (dans un de ces cas une grande

partie de l'écorce motrice était excisée'). Dans 37 l'état de la sen-

sibilité n'est pas mentionné, dans 21, elle était quelque peu at-

teinte. De ces cas, dans un, la sensibilité était émoussée sur le

petit doigt ? dans d'autres il y avait une hyperesthésie générale,

plus marqué du côté paralysé. Dans un cas, toutes les sensibilités

étaient conservées, mais la localisation du contact était défec

tueuse 3.

Dans ce cas cependant, la table interne du crâne avait été en-

foncée dans la substance cérébrale, produisant ainsi une hémi-

plégie générale. Dans deux cas la lésion s'étendait profondément

dans la substance blanche. Dans un cas, la lésion corticale était

compliquée par la présence d'une large tumeur dans le centre

ovale 4. Dans un, on dit que la sensibilité était émoussée des deux

côtés du corps. Dans un autre °, la lésion était un large kyste hé-

morrhagique dans les deux circonvolutions centrales. Dans ce cas

et dans cinq autres, l'insula de Reil et la capsule externe étaient

atteintes. Dans un, l'hémiplégie était accompagnée d'un fourmil-

lement anesthésique du pied paralysé. Dans ce cas il y avait des

dépôts tuberculeux aussi bien dans le gyrus fornicatus que dans

les circonvolutions centrales. Dans 7 autres, il y avait une mé-

ningo-encéphahte ou méningite tuberculeuse diffuse. Dans 10 cas

de monoplégie crurale par lésion du lobule paracentral, la sensi-

bilité cutanée était intacte dans six, atteinte dans deux, et non

mentionnée dans deux. Dans un «, la sensibilité à la douleur était

' Cas. de S. H. Brain, vol. X, p. 95.

* Tripier. Rev. mens. 1880, Cas. 4.

5 Bramwell's Case journal, 28 août 1875.

. Séguin's case Trans. Amer. Neur. Ass. 1877, p. 115.

n Stai r's case 75. Amer. jour. Dled. Se. Juillet 1884.

° Gougenheim. Soc. Dléd. des hôpitaux, 1878, p. 48.

410 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

un peu diminuée dans le membre paralysé, mais cela disparut le

jour suivant. Dans l'autre ', la jambe se gangrena après avoir pré-

senté de l'anesthésie. Des 15 cas de paralysie du bras et de la

jambe par lésion du lobule paracentral et du tiers supérieur des

circonvolutions ascendantes, la sensibilité était intacte dans six,

non mentionnée dans cinq et affectée dans quatre cas. Dans trois

de ces cas, le lobule paracentral était profondément atteint, dans

un c'était une masse tuberculeuse et dans un seul l'anesthésie fut

marquée et permanente. Dans tous les quatre la lésion était à

proximité ou comprenait le gyrus fornicatus. Dans un cas de

mon service d'une cicatrice traumatique au tiers supérieur de la

circonvolution frontale ascendante, l'excision de la lésion fut sui-

vie d'une perte de la sensibilité tactile du dos des deux phalanges

distinctes et de l'incapacité d'indiquer la position des doigts de

cette main. Ce trouble de la sensibilité disparaît enfin pendant t

que persistait la paralysie motrice. Dans ce cas, la lésion atteignait

le gyrus fornicatus.

Des 35 cas de monoplégie brachiale, il y a 5 cas d'excision de

portions de l'écorce pour la cure de l'épilepsie focale. Dans 2 cas

de von Bergman 3 etKee,14 la sensibilité était intacte. Dans un autre

publié par Keen d'hémiplégie et d'épilepsie dû à une fracture, il y

eut après l'opération une légère altération de la sensibilité dans la

moitié de Pavant-bras et dans les deux doigts internes. Mais cet état

de la sensibilité étaitpareil avant l'opération. Dans un autre 'il il n'y

avait aucune altération notable de la sensibilité tactile ( ? ) ou mus-

culaire : Le malade ne pouvait distinguer la forme des objets parce

qu'il ne pouvait pas remuer les doigts. Dans un cinquième cas',

l'ablation d'une tumeur de la région pariétale inférieure droite qui

occasionnait des attaques d'épilepsie débutant par le pouce, donna

lieu à une anesthésie tactile de tout le côté gauche avec une perte

du sens musculaire dans le bras gauche. Dans ce cas, les cordons

sensitifs pour tout le côté opposé du corps étaient manifestement

atteints. Des 30 autres, la sensibilité était intacte dans 12, non

mentionnée dans 15 et atteinte dans 3. Dans l'un de ces cas on

avait à faire à une gomme 8. Dans le second 9, une compression de

1 Ballet. Arch. deNeur., t. V, p. 281. ·

° Case of. J. B. Brain, vol. X, p. 26.

s drchiu. f. hlin, Chirurg, p. 801, 1887.

1 Amer. Journ. Ved. Se. 1888, case 3.

Ibid., case 2.

Lloyd and Deaver's case, Amer. Jour. àled. Se. 1880, p. 477.

Jackson et llorsley (Brain, vol. X, p. 93).

' Martin. Chicano. Med. Jour., vol. XLVI, p. 21.

9 Wood, Ph. med. Trans., vol. V, p. 470.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 411

l'insula de Reil. Dans le troisième la sensibilité était abolie surtoute

la surface du corps '. Des 19 cas de lésions de la moitié inférieure

de la zone de Rolando produisant une paralysie de la face et du

bras, la sensibilité était intacte dans 11, non mentionnée dans 5,

atteinte dans 3. Dans l'un de ces cas un noyau sanguin de l'insula

de Reil confirmait les circonvolutions sous-jacentes. Dans un autre

du même auteur 3 un petit tubercule de la grosseur d'un grain de

chénetis situé dans la circonvolution de Broca auraitcausé ( ! ) une

paralysie du côté droit de la face et du bras et l'anesthésie du côté

droit du tronc. Le troisième cas, publié aussi par Petrina, est sem-

blable au second. Des dix cas de maladie du tiers inférieur de la

zone de Rolando produisant une simple paralysie faciale, la sensi-

bilité était intacte dans 4, non mentionnée dans 5, et altérée dans

1. Dans ce cas 4, il y avait une anesthésie non seulement de la face

mais aussi de la moitié du tronc.

11 semble donc que de 284 cas atteignant la zone de Rolando en

totalité ou en partie, dans 100, l'état de la sensibilité n'était pas

indiquée; dans 121 elle était intacte, et cela constaté par les clini-

ciens les plus dignes de foi, et dans beaucoup 5 de ces cas on déclare

avoir recherche spécialement les différents modes de sensibilité.

Dans les cas restant aucune note détaillée sur l'état des différents

modes de sensibilité ni sur la méthode employée pour cette vérifi-

cation. Dans 63, quelque altération dans la sensibilité est notée.

Riii,roseAlkins,joui,2z. 1878.

Pett,itia. - Zeitsch. f. lleilkunde, vol. XI, 1881, cas 1.

' lbrd., cas 6.

' Petrina. - Sup. cit. cas 3.

' Mins (Trans. Amer. Cong. of Phys., etc., 1888, p. 269) (analysé dans

Brais. oct. 1889); Délépine (Hans. Palh. Soc. 1889); Fermier (Brain,

avril 1883, p. 07), Montard-Martii) (Bull. Soc. Anat., 1876, p.7UU); Laquer

(Inaug. Dissert., Bresiau, p. 71, cas 10); Mills (Université de Aléd. Mag.,

nov. 1889); Ferner (Bruni, vol. X, p. 95); Bavmond et Derignac (Gaz.

Med., 1882, p. 665); von Bergman (Arch. f. Alm. Chirur, 1887, p. 86);

Davy et Beunett (Brain, vol. IX, p. 74); Ballet (Arch. de Neurologie, vol. V.

p. 275, cas 1); Lloyd et Deaver (Am. Jour. )léd. Se., vol. 96, p. 477);

Keen (Cérébral Sargery Am. Jour. Méd. Se, 1888, cas 3). On pourrait

ajouter à ces cas plusieurs cas d'hémiplégie avec aphasie (non suivis

d'autopsie) dans lesquels les symptômes indiquaient une lésion corticale.

Dans un cas récent de paralysie absolue du bras droit avec surdité ver-

bale et cécité verbale, dans mon service à l'hôpital du King's College,

la malade était prévenue du plus léger contact de sa main paralysée ou

d'une goutte d'eau chaude ou froide qu'on laissait tomber sur elle et les

yeux fermés elle pouvait placer sa main gauche partout où on avait placé

son bras paralysé. C'est là un moyen de vérifier le sens de la position

qu'on peut employer chez ceux qui ne peuvent comprendre ni parler, et

aussi applicable aux animaux.

412 -. PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Dans 28 de ces cas la lésion n'était pas confinée àla zone de Rolando,

mais englobait les lobes adjacents et particulièrement le pariétal.

Les 35 autres cas ont été déjà analysés et j'ai montré que les lésions

comprenaient soit les centres sensitifs dans le gyrus fornicatus, soit

les cordons sensitifs dans la capsule interne. Même dans les cas où

de pareilles lésions ne peuvent être démontrées, j'admets volontiers

que de pareils cas existent, il est plus logique de supposer qu'ils

peuvent avoir existé que de dire que chez certains individus les

centres moteurs et tactiles peuvent coïncider, tandis qu'ils sont

séparés chez d'autres. Je ne pense pas que l'aura sensitive qui

précède ou accompagne les spasmes épileptiformes localisés peut

être prise comme une preuve de la coïncidence des centres moteurs

et sensitifs. Elle peut prouver la contiguïté physiologique ou anato-

mique, mais non la coïncidence. Car les recherches les plus soi-

gneuses dans un grand nombre de cas n'ont pas réussi à decouvrir

la plus légère atteinte d'aucune des formes de la sensibilité géné-

rale, tandisque l'affection motrice était des plus prononcées. Il n'y

a aucun rapport aussi entre ledegre de l'altération de la sensibilité

et celui de la paralysie motrice. La paralysie motrice a éte absoule,

tandis que l'altération de la sensibilité était légère et confinée a un

ou au plus 2 à 3 doigts; ou la paralysie motrice a été limitée,

tandis que l'altération de la sensibilité tactile était générale. Et

dans les autres l'altération de la sensibilité tactile, d'abord obser-

vée a ensuite disparu, tandis que la paralysie motrice a persisté.

Et quand, en plus, nous considérons que la sensibilité musculaire

et tactile peut être abolie en l'absence de paralysie motrice, état que

l'on peut reproduire expérimentalement chez les singes, par lésions

du lobe falciforme nous avons une preuve de plus que les centres

moteurs et sensitifs de l'écorce sont anatomiquement dislaiitsl'uli

de l'autre et que nous ne pouvons attribuer la paralysie motrice

à aucune altération de la sensibilité tactile ou musculaire. La pro-

duction de légère altération de la sensibilité tactile ou musculaire,

plus particulièrement dans les doigts qui a été considerée par plu-

sieurs comme la caractéristique des lésions de la zone corticale

motrice doit être, à mon avis, regardée comme le commencement

ou les restes d'une hémianesthésie générale plutôt que comme

l'indication des centres spéciaux de la sensibilité tactile ou muscu-

laire des doigts dans l'écorce motrice.

Comme preuve à l'appui, je vous décrirai avec détails le cas sui-

vant. La malade est une daine âgée de 50 ans, souffrant de cécité

verbale et d'un léger degre d'hémiopie droite que j'ai diagnostiqué

comme due à une tumeur dans la région du pli courbe. Pas de

paralysie du mouvement, mais une très légère atteinte de la locali-

sation du contact et des sens de la localisation des doigts de la main

droite, la face et la jambe entièrement normales. M. Horsley entre-

prit une opération pour l'ablation de cette tumeur, mais il la trouva

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. H3

par la trépanation située au-dessous du pli courbe et ne put l'enle-

ver sans danger. C'était un cas où sans doute les cordons sensi-

tifs de la capsule interne étaients atteints, mais légèrement, d'où

la limitation de l'anesthésie aux doigts. Si la capsule interne avait

été plus atteinte il y aurait sans doute eu perte de la sensibilité

tactile et musculaire de tout le côté opposé du corps.

Ce cas a une certaine importance au point de vue de l'hypothèse

émise par quelques auteurs, Nothnagel' entre autres, que les centres

du sens musculaire sont sités dans le lobe pariétal. L'altéra-

tion de la sensibilité tactile et du sens de la position des membres

a été quelquefois observée dans le cas de lésions de cette région,

quelquefois compliquée d'hémiopie où la lésion envahit aussi la ré-

gion occipito-angulaire comme dans le cas ci-dessus et dans un cas

publié par Westphal '. Mais la cause réelle de ces symptômes est,

je crois, l'extension de la lésion aux cordons sensitifs de la capsule

interne qui est située au-dessous de cette région et non la lésion

de l'écorce elle-même ; car les lésions du lobe pariétal inférieur ne

produisent pas la plus légère altération de la sensibilité générale

du côté opposé du corps.

Les lésions corticales de la zone motrice causant une paralysie

complète peuvent se produire sans aucun trouble du sens muscu-

laire et la perte du sens musculaire sans aucune paralysie. Je suis

d'accord avec Bastian, James3 et d'autres et j'en ai produit des

preuves expérimentales qui soutiennent, contrairement à Bain,

Wundt et Hughlings Jackson, que le sens du mouvement, de son

étendue et de sa direction, dépend d'impressions centripètes pro-

duites par le mouvement lui-même et non par un courant centri-

fuge, naissant des centres moteurs.

Nous n'avons. je crois, aucun sens de l'innervation indépendam-

ment des impressions sensitives venant des parties en mouvement.

L'énergie des centres et de l'appareil moteur n'est révélé à la

conscience que par le fonctionnement des cordons et des centres

sensitifs correspondants. L'idée ou la conception d'un mouvement

est donc un réveil dans les centres sensitifs correspondants d'im-

pressions variées qui ont été associées avec ce mouvement parti-

culier. De ces impressions, les plus importantes sont les sensations

visuelles et les impressions comprises généralement sous le nom

de sens musculaire. - Pour apprendre un mouvement, la vue est

notre guide principal qui nous permet de placer nos membres

dans la position voulue pour tel effet et nous associons aussi avec

' VI Congress für inl1ere Médecin, Neurolog. Centralblatl 1887, vol. VI,

p. 213.

' Zor localisation des hémianopsies unddes Muskelgefiils beim .11ensehen

Charité Annalen 1882.

3 The feeling of effort, 1880.

414 . PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

ce mouvement particulier une série distincte d'impressions du sens

musculaire. - Le réveil de ces impressions, séparément ou con-

jointement, est l'idée du mouvement et ce qui nous permet de

produire la combinaison musculaire appropriée est l'acte volon-

taire luit-même. -

- Je prétends que les centres des sensations qui accompagnent l'ac-

tion musculaire et qui forment en partie la base de nos idées de

mouvement sont distinctes des centres corticaux par lesquels et

grâce auxquels les mouvements particuliers sont effectués. La

destruction des centres moteurs corticaux paralyse la puissance

d'exécution, mais non la conception idéale du mouvement lui-

même. Un chien qui a ses centres corticaux détruits a une notion

distincte des mouvements désirés lorsqu'on lui dit de donner la

patte, mais il fait d'inutiles efforts. Et aussi il n'est pas rare qu'un

malade qui est hémiplégique par embolie de son artère sylvienne

découvre son état par l'impossibilité d'exécuter les mouvements

qu'il a distinctement conçus.

Les mouvements volontaires peuvent être exécutés avec une

absence totale de tout sens de mouvement. Das le cas bien connu

décrit par Schùppel ', le malade anesthésique par maladie de la

moelle était capable de coordonner ses membres parfaitement et de

les remuer librement avec l'aide de la vue, et même sans l'aide de

la vision il les employait avec un certain degré de précision. Un

même état peut se rencontrer dans l'hémianesthésie par lésion

organique des conduits sensitifs dans la capsule interne et dans

les troubles fonctionnels décrits sous le nom d'hémianesthésie

hystérique. - Quoique le malade soit capable de remuer le

membre anesthésique volontairement, il n'a aucune notion de sa

position ni de la résistance qu'on peut opposer à son mouvement.

Bastian5 cependant soutient que « la règle a été avec les malades

hémianesthésiques observés par Charcot à la Salpêtrière que malgré

la perte complète de la sensibilité tactile et généralement une

absolue insensibilité à la douleur dans la peau et les organes sen-

sibles du côté atteint, avec une parésie des membres affectés, le

sens musculaire a été presque toujours intact ».

Sur cette question, j'en ai appelé à Charcot lui-même. Il m'a

avantagé d'une réponse dont je cite le passage suivant : « Les cas

d'hémianesthésie hystérique peuvent se rencontrer chez l'homme

et chez la femme affectant seulement les téguments superficiels

et sans comprendre le sens musculaire, mais l'obnubilisation ou la

disparition complète du sens musculaire-en particulier la perte du

sens de la position des membres-estaussi fréquente, on peut presque

dire habituelle dans l'hémianesthésie hystérique, spécialement

' Archiv d. Heilkunde, 1874 Bd. XV, p. 44.

2 The muscular Sensé (Brain, vol. X, 1889).

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 415

quand elle est accompagnée de parésie ou d'hémiplégie. Jusqu'à

présent je n'ai pas rencontré d'altération sérieuse, strictement

limitée au sens musculaire dans l'hystérie sans hémianesthésie

cutanée. Il semble donc que l'abolition du sens musculaire repré-

sente le plus haut dégré de l'échelle hémianesthésLque ». Je me

rappelle aussi les cas d'hémianesthésie' dans lesquels le sens de la

position des membres etait entièrement aboli et cependant, les

malades pouvaient remuer les membres affectés librement même

les yeux fermés. Cependant dans de telles conditions les mouve-

ments des membres privés de sens musculaire sont incertains et

hésitants ».

Ces faits et d'autres semblables montrent que le sens du mouve-

ment n'est nécessaire ni à la coordination, ni à la puissance

d'accomplir un mouvement. La vision peut entièrement remplacer

le sens musculaire, quoique, comme on doit s'y attendre, les mou-

vements volontaires effectués seulement avec l'aide de la vision

sont, lorsque les yeux sont fermés, moins précis et certains que

ceux exécutés avec l'aide du sens du mouvement. Cependant, ces

défauts peuvent être réparés par la pratique pour une large part ;

de telle sorte que, même lorsque les yeux sont fermés, la con-

ception visuelle du mouvement est capable de compenser presque

entièrement ou entièrement la perte du sens musculaire. On peut

admettre que cela n'arrive pas dans tous les cas, mais le point

essentiel est que cela peut arriver dans quelques cas, et un cas de

ce genre est suffisant pour démontrer que l'action volontaire n'est

pas nécessairement liée aux sensations actionnées par le mouve-

ment lui-même.

On peut concevoir que les idées de mouvement peuvent être for-

mées et les mouvements volontaires effectués par un cerveau

consistant seulement en centres visuels et moteurs. Dans ces cir-

constances, la vision serait principalement occupée à diriger les

mouvements et l'étendue de l'action musculaire et de l'adaptation

musculaire seraient infiniment moindres que si elles étaient gui-

dées aussi par les sensations nées des mouvements eux-mêmes.

Par le sens musculaire nous pouvons concevoir et exécuter des

mouvements que nous n'avons jamais vus, mais nous sommes inca-

pables de concevoir et d'exécuter des mouvement que nous n'avons

ni vus ni sentis. Mais quoique dans les conditions ordinaires les

sensations de mouvements sont l'accompagnement invariable de

l'action musculaire et sont répétées aussi souvent que l'action elle-

même, cette association constante n'implique pas que l'un est dépen-

dant de l'autre ou que les idées musculo-sensorielles de mouve-

ment soient les excitants nécessaires ou immédiats du mouvement.

1 Diseases of Nervous System (Sydenham Soeiéty), vol. III, p. 301, 14b,

463.

416 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. -

- Bastian soutient qu'en plus des impressions conscientes qui

accompagnent l'action musculaire qu'il localise principalement

au moins dans le lobefalciforme, ii y a un ensemble d'impressions

non senties qui guident l'activité motrice du cerveau en le mettant

en relation automatiquement avec les différents degrés de contrac-

tion de tous les muscles qui peuvent être en état d'action. - Il

J donne à ces impressions non senties le nom de « Kinesthésies » et

il considère que les centres moteurs sont le siège de ces kinesthésies

ou sens du mouvement. Les centres moteurs sont donc, suivant lui,

en réalité des centres sensitifs qui excitent les vrais centres de la

^ moelle par l'intermédiaire des cordons pyramidaux qui les unit.

Je ne puis, avec Bastian, comprendre dans le sens musculaire qui

est si essentiellement un'acte de discernement conscient, lesimpres-

sions inconscientes par l'intermédiaire desquelles la coordination

harmonieuse des différents segments de la moelle et des centres

inférieurs est assurée sans le concours des hémisphères cérébraux ;

et je ne pense pas non plus que les impressions, qui ne se répercu-

tent pas dans la conscience, puissent renaître idéalement et entrer

dans la composition des idées et des conceptions de mouvement.

Mais si, comme le prétend Bastian, le réveil idéal des impressions

kinesthésiques était l'excitant immédiat des vrais centres moteurs

dans la moelle, il en résulterait que les soi-disant centres moteurs

seraient des centres indépendants d'activité sans rapport avec les

- excitations des centres sensoriels de l'écorces. Des expériences

montrent cependant que les centres moteurs ne sont pas des

centres d'action indépendants, car Marique1, dont les expériences

ont été confirmées par Exner et Paneth2, a trouvé que lorsque les

centres ont été complètement isolés par la section des fibres qui

les réunissent aux centres sensitifs de l'ecorce, la paralysie pré-

sente les mêmes caractères que celle qui se produit quand ils sont

extirpés. Marique prouve que les mêmes contractions sont obte-

nues par l'excitation électrique des centres respectifs après comme

avant la séparation, montrant ainsi qu'ils conservent leur excrtdbi-

lité et leurs rapports avec les cordons pyramidaux. Ces expériences

indiquent donc que les centres moteurs de l'écorce ne sont pas des

centres d'action indépendants, mais q'uils agissent seulement en

réponse aux excitants que leur envoient les centres sensilifs au

moyen des fibres qui les unissent.

Si les vrais centres moteurs étaient seulement dans la moelle,

on s'attendrait à voir les centres de la moelle développés en cor-

- respondance avec les capacités motrices de l'animal. Dans pareil

cas, les centres moteurs de. la moelle de l'homme chez lequel les

* Centres psycho-moteurs du cerveau, 1885.

, ¡'e,'sllGhe ü¿el' ,he Folgen cle ? -Du-chsch7teicltitig von Association fasern

am Hundchirn. Archiv. f. d. ges. Phys. Bd. XVII, 1883.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 417

capacités motrices sont plus variées et plus parfaites, seraient dé-

veloppés beaucoup plus que ceux des autres animaux, c'est préci-

sément le contraire qui a lieu. Car relativement au cerveau, et re-

lativement à la taille de l'animal, les centres spinaux moteurs de

l'homme sont moins développés que ceux des animaux inférieurs,

et le sont moins d'une façon absolue que ceux de beaucoup d'ani-

maux dont les capacités motrices sont d'ordre inférieur. Le dé-

veloppement des centres moteurs de la moelle correspond à celui

des combinaisons musculaires synergiques purement réflexes des

différents segments du corps, tandis que le développement des

centres moteurs corticaux correspond à la multiplicité et la com-

plexité des facultés motrices volontaires.

De ces différentes considérations, je conclus que les centres mo-

teurs de l'écorce ne sont pas les centres de la sensibilité tactile ou

générale ni du sens musculaire, soit qu'on le regarde comme

venant d'impressions centripètes conscientes ou inconscientes, ou

comme un sens de l'innervation, mais qu'ils sont moteurs dans

le même sens précisément que les autres centres moteurs et que,

quoique unis fonctionnellement et organiquement, ils sont ana-

tomiquement différenciés des centres de sensation générale et

spéciale.

CENTRES FRONTAUX.

La région ducerveau qui estsituéeen al'il11tde IdlOue de ilolando et

limitée par le sillon précentral,estunerégtondont le fonctions sont

encore douteuses. Analomiquement, elle est reliée aux cordons

moteurs de la capsule interne. Ces cordons, suivant les recher-

ches de Flechsig, sont situés dans la portion interne du pied du

pédoncule et unissent le lobe frontal avec l'hémisphère cérébelleux

opposé indirectement par l'intermédiaire de la substance grise de

la plolubérance. - Les lésions destructives des centres frontaux,

des régions postfroutales et préfrontales, comme je l'ai démontré

expérimentalement, produisent une dégénérescence descendante

de ces cordons ', qu'on ne peut suivre au delà de la partie supé-

rieure du pont de V,trolle. La direction de la dégénérescence peut

être prise comme une preuve de la signification motrice de ces

régions. De semblables dégénérescences ont été décrites par

Brissaud2 comme résultat de lésions du lobe frontal chez l'homme.

Il n'a pas pu suivre la dégénérescence dans les pyramides, et

conclut que les cordons internes du pied du pédoncule réunissent

' Voir fig. 122, Fonctions of the Umin,

4 Contraction permanente des hémiplégiques, 1880.

Archives, t. XXI 27

418 ' PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

les régions frontales avec les noyaux moteurs de la moelle. Les

dégénérescences dans ces parties du pédoncule, d'après ses obser-

vations ont été toujours associées avec une altération psychique, à

part la paralysie de la face etdes membres. Les effets de l'excitation

électrique combinés avec ceux de la destruction, plus particuliè-

rement de la région postfrontale, indiquent que cette partie est

en rapport avec les mouvements latéraux de la tète et des yeux.

L'irritation produit, comme nous l'avons vu, l'ouverture des yeux,

la dilatation des pupilles et la déviation conjuguée de la tête et

des yeux du côté opposé. Au moment de la destruction de cette ré-

gion dans un des hémisphères, il y a toujours une déviation tem-

poraire de la tête et des yeux du côte de la lésion. Cependant

ce n'est que passager, même quand la lésion a été presque, sinon

tout à fait complète. Dans deux expériences que j'ai décrites' 1

après la destruction bilatérale de la zone postfrontale, les ani-

maux ne purent tourner ni d'un côté ni de l'autre la tête et les

yeux pendant un jour après l'opération. D'abord, ils ne pouvaient pas

regarder autour d'eux quand on faisait du bruit à proximité de

leurs oreilles, ou s'ils le faisaient, ils remuaient le tronc et la tête

en masse. L'ablation des régions préfrontales seules, ne produit au-

cun symptôme physiologique découvrable soit sensitif soit moteur.

Mais j'ai trouvé dans plusieurs cas, qu'après que les symptômes

qui suivent l'ablation de la zone postfrontale ont entièrement

disparus, la destruction ultérieure de la zone préfiontale produit

une paralysie de la tête et des yeux, exactement de la même na-

ture qu'auparavant. J'ai confirmé ces observations dans une expé-

rience récente, après la cautérisation la plus entière apparemment

de toute la zone frontale excitable, de la face médiane et convexe;

l'animal, qui présente d'abord une grande torsion de la tête et des

yeux du côté de la lésion, avec incapacité de les tourner du côté

opposé, guérit en trois jours, au point que ces altérations n'étaient

plus perceptibles.

Un mois après, l'extirpation de la région préfronlale en avant

de la précédente lésion, produisit le même état qu'auparavant,

c'est-à-dire la déviation de la tête et des yeux du côté de la lé-

sion, avec incapacité de les tourner du côté opposé. La déviation

conjugee des yeux persiste pendant quelque temps après le retour

des mouvements de la tête, mais au bout de trois jours, il fut

impossible de découvrir à nouveau ces altérations. Ces faits

indiquent que les régions préfrontales ont les mêmes relations

fonctionnelles que les postfrontales. La durée transitoire des

symptômes pourrait être expliquée par ce fait, que les centres

postfrontaux, n'étaient pas entièrement détruits. Il est difficile

d'enlever toute la zone frontale, sans blesser la tête du corps strié.

1 Expériences 19 et 20. l'hil. Traits. Part. II. 188î.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 419

Dans un cas où j'ai enlevé le lobe frontal des deux côtés par

une incision transverse immédiatement extérieure au sillon pré-

central, l'animal vécut seulement 24 heures. Il n'y avait aucune

paralysie des muscles de la face ni des membres, quoique les

membres droits déployaient un peu moins d'énergie que les gau-

ches. Quoique l'animal pût étendre sa tête et son tronc, il ne

pouvait les maintenir dans une position élevée, ni mouvoir sa tête

et ses yeux latéralement. Les yeux étaient fermés excepté

quand il était dérangé. La vue, l'ouïe, la sensibilité tactile étaient

intactes. Excepté l'incapacité de mouvoir la tête et les yeux,

il n'y avait aucun autre trouble, ni sensitif ni moteur. Dans ce

cas, les corps striés étaient aussi blessés plus à gauche qu'à

droite.

J'ai récemment extirpé toute la région frontale de l'hémisphère

gauche (voir fig. 38). Quand l'animal commença à bouger, peu

d'heures après l'opération, on le vit tourner de droite à gauche,

et la tête, quand il était au repos, avait une tendance vers le

côte gauche. La paupière droite tombait considérablement et la

pupille droite était distinctement plus petite que la gauche. Le

jour suivant, la déviation des yeux persista et il ne pouvait les

tourner vers la droite, mais la torsion latérale de la tête n'était

pas si prononcée. L'inclinaison de la tête vers la gauche diminua

progressivement, mais l'incapacité de tourner les yeux vers la

droite persista pendant toute la durée de la survie de l'animal.

Il mourut subitement d'hémorragie cérébrale, le dixième jour de

l'opération. Dans ce cas, la déviation conjurée des yeux, per-

sista plus longtemps que je ne l'avais observe dans aucune de mes

Fig. 38.

420 ' PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

expériences antérieures, et cela, sans aucun doute,, cause d'une

ablation plus complète, sinon totale, du lobe frontal.

Cette expérience montre que la destruction de la région fron-

tale produit non seulement la déviation conjuguée de la tête et

des yeux, mais aussi une paralysie temporaire des mouvements

~ qui se produisent par l'excitation électrique aussi, c'est-à-dire

l'élévation des paupières et la dilatation des pupilles. Ceci confir-

me une observation semblable que j'avais faite auparavant. C'est

une raison pour croire que les mouvements latéraux de la tête et

des yeux ne peuvent être paralysés d'une façon permanente, à

moins que toutes les parties de la région frontale ne soient com-

plètement détruites.

A l'exception de ces faits, je n'ai pu découvrir aucun autre

symptôme physiologique après l'ablation du lobe frontal. Je n'ai

observé aucune altération de la vision. Hitzigi, cependant dit qu'on

en observe après l'extirpation de la région préfrontale, chez les

chiens. Je ne puis corroborer ce fait par mes expériences chez les

singes. Ce qui paraît comme une altération de la vision du côté

opposé, après l'extirpation unilatérale de la région frontale, est

dû à la déviation conjuguée des yeux du côté opposé, de sorte

que l'animal, étant incapable de tourner ses yeux du côté opposé,

ne voit pas un objet, jusqu'au moment où il passe sur la ligne

médiane ; mais le champ visuel est autrement normal. Munk trouve

que la destruction de la région frontale chez les chiens produit

une paralysie des muscles du tronc et il appelle la région fron-

tale la sphère sensorielle du tronc, quoiqu'il dise très distincte-

ment qu'il n'a pu découvrir aucune preuve d'anesthésie. Mes

propres expériences comme celles de Horsley et Schiefer, Hitzig,

Kriworotow et Goltz, sont opposées aux conclusions de Munk à ce

point de vue : et Horsley et Scha;fer ont montré que les centres

pour les muscles du tronc sont dans la circonvolution marginale.

Il est probable cependant que 1 altération des mouvements du

tronc que Munk a pu observer, est due à une altération directe

ou indirecte des centres. En plus de la paralysie deces mouve-

ments de la tête et des yeux par la destruction des lobes frontaux,

j'ai aussi observé, et mes observations sont confirmées par Hitzig

et Gollz, une remarquable altération psychique que j'ai essayé

d'attribuer à l'incapacité de regarder ou diriger le regard vers les

objets qui ne tombent pas spontanément dans le champ de la

vision. C'est une forme de trouble mental qui me parait dépen-

dre de la perte de la faculté d'attention, etj'émets l'hypothèse

que la puissance d'attention est intimement reliée aux mouve-

ments volontaires de la tête et des yeux. Sur ce point, qui a

été discuté ailleurs, je ne veux aujourd'hui m'étendre plus long-

' Archiv. sur Psychiatrie, 1887 vol. 15. p. 270.

LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 421

temps. Les cas publiés de traumatismes ou de maladies des lobes

frontaux chez l'homme sont d'accord avec le caractère négatif

des lésions expérimentales, unilatérale ou bilatérale pour ce qui

est des facultés motrices ou sensitives en général ; et dans plusieurs

cas, on a observé un certain tiouble intellectuel et une instabilité

de caractère assez semblables à ceux rencontrés chez les chiens

et les singes. Des bî cas de lésions de la région frontale réunis

de différentes sources, dans deux il y avait une déviation conjuguée

de la tête et des yeux ; douze chez lesquels l'intelligence était spé-

cialement atteinte, et dans tous, une absence totale de paralysie

des membres.

Quoique j'aie pris tant de votre temps, je n'ai pu seulement traiter

et cela à beaucoup de points de vue, d'une façon incomplète

des fonctions des centres corticaux pour le mouvement et la sensi-

bilité. Il y a une autre question que je n'ai pas considérée, ce sont

les relations des hémisphères cérébraux et des fonctions de la vie

organique. C'est un sujet qui est toujours enveloppé d'une telle

obscurité et sur duquel il y a si peu de faits jusqu'a présent

qui ne soient susceptibles de différentes interprétations, que je crois

sage d'attendre une lumière plus grande avant de hasarder aucune

hypothèse de ma part. Et je pense qu'il est d'autant plus nécessaire

d'agir ainsi qu'une des parties les plus importantes de ce sujet,

c'est-à-dire les rapports des hémisphères avec les fonctions thermi-

ques du corps, a été exposée récemment avec talent par mon pré-

décesseur le Dr Mac Alister.

Je n'ai touché que d'une façon incidente au côté psychique des

localisations cérébrales. Ce point réclamerait à lui seul un volume

et principalement de spéculation. Pour les questions que j'ai trai-

tées plus complètement et sur lesquelles existent encore des opi-

nions si différentes qui persisteront encore quelque temps, je suis

satisfait si les faits et les considérations que j'ai portés devant vous

peuvent contribuer à leur solution; s'ils excitent le travail des

autres dans le but d'arriver à des conclusions également acceptables

par les physiologistes et les médecins. Car la vraie conception des

fonctions et des relations des hémisphères cérébraux et de leurs

centres n'est pas seulement du plus haut intérêt philosophique et

scientifique, mais d'un intérêt pratique important pour le diagnostic

et le traitement des maladies cérébrales.

ROBER SOREL.

REVUE DE PHARMACOLOGIE

EXALGINE;

Par P. YVON.

L'exalgine a été introduite dans la thérapeutique par

MM. Dujardin-Beaumetz et Bardet, qui à la suite d'expériences

nombreuses et concluantes ont présenté à son sujet une note à

l'Académie des sciences (18 mars 1889) et ont révélé les remar-

quables propriétés analgésiques de ce corps On a signalé

depuis que MM. Hoffmann, Hep et Cahn l'avaient déjà remar-

qué, mais sans arriver à des conclusions utiles. Les premiers

essais de fabrication industrielle sont dûs à MM. Brigonnet et

Naville.

L'exalgine est chimiquement l'o2-lbométhyl-acélai ? ilide et

a pour formule CI H" Az 0. Elle se présente à l'état cristallisé

sous formes d'aiguilles fines ou de larges tablettes prisma-

tiques suivant qu'on l'obtient par cristallisation d'un dissol-

vant, ou par fusion. Pour l'usage médical, il est préférable

d'employer l'exalgine cristallisée en aiguilles. Ce produit est

très peu soluble dans l'eau froide, un peu plus dans l'eau

chaude. Il se dissout très facilement dans l'alcool et même

dans l'eau légèrement alcoolisée. Il fond à 101°.

L'exalgine agit d'une façon énergique sur l'axe cérébro-

spinal : administrée à des lapins, elle provoque des phéno-

mènes d'impulsion, de tremblement, de paralysie des muscles

de l'appareil respiratoire et détermine la mort à la dose

de 0 gr. 45 par kilogramme du poids de l'animal. A doses

moindres et non mortelles (0 gr. 25 par kilogramme), l'exal-

gine fait disparaître la sensibilité à la douleur, bien que la

sensibilité tactile persiste. La température du corps diminue

progressivement. Les effets physiologiques de l'exalgine res-

semblent donc à ceux de l'antipyrine; cependant l'exalgine

agit plus nettement sur la sensibilité, tandis qu'elle abaisse la

température d'une façon moins marquée. Au point de vue

thérapeutique, on obtient facilement l'analgésie avec des doses

de 0 gr. 20 à 0 gr. 40, prises en un seule fois ; ou de 0 gr. 40 à

EXALGINE. 423

0 gr. 80 prises en deïkx fois dans les vingt-quatre heures

d'après MM. Dujardin-Beaumetz et Bardet. M. le Dr Desnos,

qui vient de publier un long et intéressant travail sur ce sujet,

considère ces doses comme étant parfois insuffisantes, et donne

jusqu'à 1 gramme et même 1 gr. 50 d'exalgine en vingt-quatre

heures, mais en fractionnant toujours par doses de 0 gr. 25.

Il met plusieurs heures entre l'administration de ces doses, de

manière à ne pas impressionner trop vivement l'organisme.

De leur premier travail, MM. Dujardin-Beaumetz et Bardet

tirent la conclusion que l'exalgine est un puissant analgésique

qui parait, à ce point de vue, supérieur à l'antipyrine. Elle

serait même plus active puisqu'elle agit à doses moitié moin-

dres..En comparant l'action des divers dérivés de la série aro-

matique aujourd'hui usités en thérapeutique, on voit que tous

sont antiseptiques, antithermiques et analgésiques, mais pour

un corps pris isolément, une de ces propriétés prédomine tou-

jours. Le pouvoir antiseptique est surtout remarquable dans

les dérivés hydratés (phénol, naphtol). C'est la propriété anti-

thermique qui prédomine dans les composés amidogenés, tels

que l'acétanilide, la lhalline, la lcai·ine. Enfin, les dérivés dans

lesquels un arome d'hydrogène est remplacé par une molécule

d'un radical gras ou de méthyle (antipyrine, acétphénétidine,

exalgine) sont, avant tout, des analgésiques puissants. Dans

les premiers essais thérapeutiques faits par MM. Dujardin-

Beaumetz et Bardet, qui ont formulé les conclusions qui précé-

dent, l'exalgine a été administrée aux doses que nous avons

indiquées, c'est-à-dire 0 gr. 25 à 0 gr. 40 en une seule fois, ou

à 0 gr. 40 à 0 gr. 80 en deux fois. On a pu constater que ce

médicament amène rapidement, en une demi-heure ou une

heure, la diminution de la douleur ou une cessation complète

dans tous les cas de névralgie congestive. Les effets obtenus

ont été surtout remarquables, dans les névralgies a frigore, à

forme congestive, ils sont beaucoup plus nets qu'avec l'anti-

pyrine et obtenus avec une dose moitié moindre. L'action de

l'exalgine a été beaucoup moins favorable dans les cas de

sciatiques chroniques, de rhumatismes et surtout de troubles

articulaires. Avec les doses indiquées les auteurs n'ont jamais

constaté ni rash ni cyanose; une seule fois, à la suite de l'ad-

ministration d'une dose massive, ils ont observé un léger éry-

thème. L'exalgine administrée aux diabétiques diminue, comme

tous les corps de la même série, la quantité de sucre et d'urine

424 Il REVUE DE PHARMACOLOGIE.

émise en vingt-quatre heures. Les résultats que nous venons

de signaler se trouvent confirmés dans la thèse du Dr Gaudi-

neau qui a pu réunir 75 observations portant sur des cas de

rhumatismes, gastralgies, migraines, névralgies.

M. le Dl' Desnos, qui s'est également livré à une étude appro-

fondie des propriétés de l'exalgine a vérifié l'exactitude des

faits annoncés par MM. Dujardin-Beaumetz etBardet. Pourlui,

l'action antithermique de l'exalgine est nulle ou à peu près ;

c'est à peine s'il a obtenu des abaissements de température de

1 à 2 dixièmes de degrés, si ce n'est dans les maladies aiguës

dans lesquelles, par suite de leur évolution, la température

tend spontanément à fléchir ou même à descendre au-dessous

de la normale. En dehors de l'action thérapeutique, M. le

Dr Desnos a jugé intéressant de rechercher les effets physio-

logiques produits par l'exalgine chez l'homme. Ils témoignent

presque tous de l'action spéciale que ce médicament exerce sur

le bulbe et le système cérébro-spinal. En tète de l'impression

produite sur le cerveau, il faut signaler le vertige dont les

nombreuses variétés sont curieuses à étudier. Le plus souvent,

et très rapidement après l'ingestion de l'exalgine, le malade

accuse un léger brouillard qui s'étend comme un voile devant

les yeux. La durée de cette sensation, qui peut être fugitive,

est très variable, elle oscille entre cinq minutes et une demi-

heure. Parfois, il existe une sensation de vertige beaucoup plus

accentuée, qui peut, par grande exception, être accompagnée

de vomissements, et plus rarement encore de frissons et de

refroidissement. On évite parfois ces accidents en administrant t

l'exalgine pendant le repas. Chez quelques malades, peu nom-

breux du reste, en même temps que le vertige, il se produit

des bourdonnements d'oreille, ou bien le vertige fait complè-

tement défaut et est remplacé par de la céphalalgie, ou de la

tendance au sommeil; cependant, l'exalgine n'est pas un hyp-

notique et si les malades dorment c'est parce que la douleur a

été supprimée.

D'autres phénomènes dus à l'exalgine indiquent une action

très marquée de médicament sur la moelle et l'innervation

vaso-motrice, par exemple des sueurs généralisées et profuses,

des fourmillements; quelques sujets accusent la sensation

d'éclairs devant les yeux. Lorsque ces phénomènes se produi-

sent c'est que l'on a genéralement atteint la dose de de 0 gr. 50

à 0 gr. 75 en vingt-quatre heures. Quand on dépasse cette

EXALGINE. Vio 5

dernière dose il peut se produire de la cyanose : ce phénomène

a été noté pour la première fois par le Dr Desnos. Cette cya-

nose est légère, et disparaîtrapidemant si l'on ne continue pas

l'administration du médicament.

M. Hénoque a pu s'assurer, par l'analyse spectrale, que l'al-

tération du sang n'allait pas jusqu'à la production de la méthe-

moglobine, circonstance rassurante pour l'administration du

médicament. Un des grands avantages de l'exalgine est la

facilité avec laquelle elle est tolérée par le tube digestif : c'est

là un point important ; et par son innocuité sous ce rapport

l'exalgine contraste avec d'autres nervins tels que l'antipy-

rine qui souvent irritent l'estomac ou les intestins. M. le

D Desnos a pu également vérifier l'action modératrice de l'exal-

gine sur la quantité de sucre et d'urine émise en vingt-quatre

heures. Ainsi que nous l'avons déjà dit, ce praticien considère

comme un peu faible les doses indiquées par MM. Beaumetz

et Bardet et les portejusqu'à 1 gr. 50 en vingt-quatre heures,

en fractionnant par prises de 0 gr. z)5.

D'autre part, le professeur Fraser d'Edimbourg, recommande

l'emploi de doses très faibles, soit 3 à 10 centigrammes répé-

tées de temps en temps en traitement prolongé.

En tête des affections essentiellement caractérisées par la

douleur, et traitées avec succès par l'exalgine, figurent les né-

vralgies, les névralgies faciales, et le plus souvent les névral-

gies congestives reconnaissant comme cause le froid ou un état

rhumatismal. Tous les sujets, atteints de ces affections et

soumis au traitement par l'exalgine en ont tiré bénéfice, soit

que la maladie ait éfé guérie rapidement, et d'une manière

définitive avec des doses moyennes, soit qu'il y ait eu des

rechutes et qu'il ait fallu continuer le médicament plus ou

moins longtemps et élever les doses. M. Desnos n'a rencontré

qu'un seul cas de névralgie absolument rebelle, même à une

dose de 1 gr. 25. Les malades atteints de névralgies d'origine

anémique ou syphilitique ont tiré un léger bénéfice de l'admi-

nistration de l'exalgine ; mais il y a eu de nombreuses rechutes,

il en est de même pour les névralgies sciatiques.

Suivant l'exemple de Fraser et de Ferreira, qui avaient

avantageusement combattu les douleurs fulgurantes de l'ataxie

locomotrice avec l'exalgine, M. Desnos a administré ce médi-

cament dans un cas de tabes fruste et a fait disparaître non

seulement les douleurs fulgurantes, mais aussi des douleurs

426 6 REVUE ANALYTIQUE.

violentes des talons et de la partie moyenne des pieds, dou-

leurs qui empêchaient le malade de s'appuyer sur le sol.

Enfin l'exalgine a, chez une malade, atténué d'une manière

très marquée les douleurs violentes qui accompagnent le début

des règles et qui avaient été inutilement traitées par d'autres

' moyens.

En résumé, malgré les critiques de M. Hepp, et d'après les

observations faites en France et à l'étranger, on peut avec

M. Desnos conclure que la thérapeutique s'est enrichie d'un

précieux analgésique qui n'est d'ailleurs ni hypnotique ni

antithermique. C'est un médicament énergique qui doit même

être manié avec prudence par le médecin.

Les accidents signalés à la suite de l'administration de

l'exalgine ont été de courte durée et n'ont jamais mis en dan-

ger la vie du malade ; et du reste si l'on veut bien se souvenir

qu'il faut d'après M. Gaudineau 0 gr. 45 d'exalgine par kilo-

gramme pour tuer un lapin, on verra que les doses les plus

élevées administrées à l'homme et suffisantes pour obtenir les

effets thérapeutiques sont loin d'atteindre cette proportion.

FORMULES.

L'exalgine peut être administrée en nature, finement pul-

vérisée, et divisée en paquels ou en cachets de 0 gr. 25.

On peut également prescrire la potion suivante :

A\N1LE5 MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 427

maladies mentales. Délire des persécutions. - Persécutés géni-

taux à idées de grandeur. Rapports du délire avec les hallucina-

tions. Obsessions émotives avec conscience. Obsessions

psycho-génitales. Délires du toucher et du doute. Epileptiques

ai itlamomanes. - Aptitude des idiots pour la musique. Psychoses

après l'injluenza.

L'opinion publique s'est toujours préoccupée, bien ajuste titre,

de la législation des aliénés. Il y a dans cette question un sujet

connexe au droit et à la médecine, et que de prochaines discus-

sions parlementaires vont remettre à l'ordre du jour.

M. Cottignies, avocat général 11 Besançon, dans son discours de

rentrée, aborde à nouveau ce point litigieux. Les appréciations sur

les opinions émises par les orateurs du congrès de médecine men-

tale à ce propos prouvent une fois déplus que, dans cette question,

il est deux points de vue différents, pour ne pas dire opposés, celui

du magistrat et celui du médecin : du médecin qui ne voit dans

l'aliéné qu'un malade à soigner, à qui l'accès de l'asile doit être

facilité; du magistrat qui n'envisage que l'atteinte portée à la

liberléde l'individu. Au congrès de médecine mentale, c'estle point

de vue médical qui a domine; M. Cottignies, lui, semble plutôt

pencher vers le second point de vue, c'est-à-dire l'intervention de

la magistrature dans la plus large acception du mot. « Grâce à elle,

pense-t-il, une erreur médicale ou une connivence ne seront plus

guère possibles. » Le nombre des « erreurs médicales e, ou même

« des connivences » a-t-il donc été si grand qu'on semble l'Insinuer,

depuis la promulgation de la loi de 1838 et à qui fera-t-on croire

que des erreurs médicales seront évitées parce que des médecins,

dont la compétence en pathologie mentale ne saurait être contestée,

auront été contrôlés par des magistrats qui, au dire de M. le pre-

mier président de la Cour de cassation, sont incompétents en cette

matière ? Cette tâche difficile que la nouvelle loi sur les aliénés

impose à la magistrature', M. Cottignies ne la récuse pas en ce qui

concerne le placement et la sortie des aliénés, afin de garantir leur

liberté individuelle. Mais en ce qui concerne cette garantie pendant

le traitement, le médecin pourra-t-il, sans autorisation de la magis-

tratuie, porter atteinte à la liberté du malade, l'enfe1'me,' dans une

cellule d'isolement lorsqu'il est furieux, le forcer à prendre des

' En regard des assertions de M. Cottignies, le défenseur convaincu de

l'intervention de la magistrature pour le placement des aliénés dans les

asiles, on pourrait placer quelques cas cités paru. leD·Gtraud, de Rouen,

de condamnations inl1lg-ées à des gens notoirement irresponsables, entre

autres celui d'un individu qui, après avoir été déclaré impropre au service

militaire pour cause d'idiotie, a été, trois ans après, traduit devant un

tribunal, puis condamné; et celui d'une femme atteinte de démence para-

lytique, condamnée pour le '01 d'un bouquet de quelques sous, alors

qu'elle avait dans son porte-monnaie une somme assez importante.

428 REVUE ANALYTIQUE.

bains ou de la nourriture ou à suivre Ici autre mode de traitement

auquel il veut se soustraire ? ou devra-t-il, au contraire, être ;soumis

à un contrôle en ce qui concerne sa manière de traiter les aliénés ?

et qui chargerait-on de ce contrôle ? La question ne laisse pas que

d'être délicate et difficile, et M. Cottignies n'a pas cru devoir la

discuter. Il se contente de consacrer quelques pages à l'amélioration

du service médical des aliénés et à la division des fonctions de direc-

teur et de médecin en chef, abordant ainsi un autre point de dis-

cussion fréquente, l'organisation 2nédico-adt>cinist·citive du service

des aliénés.

A ce sujet, M. le Dr Chambard dans un article finement écrit,

après avoir constaté l'incompétence relative de médecins attachés,

dès le début de leur carrière, à des fonctions auxquelles ne les ont t

préparés ni leurs études, ni leurs emplois antérieurs, nous montre

l'antinomie morale qui existe entre les fonctions du médecin et

celles du directeur, le devoir de l'un le poussant, pour ainsi dire,

à la dépense, celui de l'autre le forçant à l'économie. Représentant

dé la science, celui-ci doit exiger ce qui doit contribuer au déve-

loppement delà psychiatrie et concourir à la guérison des aliénes ;

gardien des deniers du département, celui-là doit résister à toute

innovation hâtive, à tout écart du régime commun qui ne semble

pas nécessaire. De ces deux hommes fondus en un seul, qui l'empor-

tera chez le directeur-médecin ? Comme c'est sur l'etat du budget

confié au directeur que l'administration juge son fonctionnaire, il

n'est que trop vrai que « le directeur arrive à tuer le médecin >,

et du reste, avec la diversité et la multiplicité de ses occupations,

le directeur-médecin peut-il avoir la liberté d'esprit nécessaire pour

mener des recherches scientifiques suivies ou même examiner à

fond et traiter méthodiquement les malades qui lui sont confiés.

M. Chambard ne pense pas que la division des fonctions médico-

administratives avec un directeur administratif et un médecin

théoriquement égaux et indépendants chacun dans la sphère de

ses attributions, soit un remède utile à cet état de choses.

Il craint que l'urigine et la nature de leurs attributions créant,

pour ainsi dire, entre le directeur et le médecin une antipathie

constitutionnelle, ne détermine une série de conflits où le directeur

a presque toujours le pas sur le médecin et, quelque puisse être du

reste le côté victorieux, il est à craindre que le temps se passe en

luttes stériles, les deux autorités se paralysant mutuellement en

même temps que peut s'introduire dans l'asile l'esprit d'indisci-

pline, de coterie et dedélation. Aussi, étantdonné que dans l'asile,

l'élément essentiel, la raison d'être de l'ensemble des services qui

le constituent, est l'hôpital, M. Chambard donne-t-il au médecin,

non la direction générale de l'établissement, formule vague, mais

la situation hiérarchique la plus élevée, le droit de surveillance sur

tous les services et l'indépendance la plus complète dans la sphère

ANNALES IiBDICO-PSICHOLOOIQU13S. 429

bien délimitée de ses attributions. Le pharmacien, les médecins-

adjoints, les internes lui seraient directement subordonnés.

A côté du médecin en chef, mais à un degré hiérarchique sensi-

blement inférieur, serait un administrateur choisi au concours,

chargé de la surveillance de l'économe, de la police générale de

l'établissement, de l'entretien du matériel, etc. Il aurait sous ses

ordres l'économe et les divers employés d'administration. Enfin,

pour la culture des domaines ruraux annexés souvent aux asiles, il

serait utile de demander aux écoles nationales d'agriculture des

jeunes gens auxquels on ferait une situation proportionnée aux ser-

vices qu'ils seraient capables de rendre.

Dans un article publié sur le même sujet, M. Samuel Garnier

(de Dijon) reprend et examine chacune des opinions émises par

M. Chambard.

Et tout d'abord, il rappelle qu'en conservant la réunion des fonc-

tions médico-administratives, la commission sénatoriale n'a fait

que sanctionner les voeux raisonnés de la majorité des membres du

corps médical aliéniste.

En ce qui concerne l'incompétence des médecins à diriger les asiles

conformément aux règlements en vigueur aujourd'hui, elle lui

parait singulièrement exagérée, car le médecin, dit-il, avant d'être

nommé médecin-directeur, étant resté médecin-adjoint un certain

nombre d'années, a subi de cette façon une sorte de préparation à

la direction médico-administrative.

Qui l'emportera de ces deux hommes fondus en un seul chez le

directeur-médecin demande I. Chambard ? Aucun, répond M. Sa-

muel Garnier, canine peut y avoir lutte en face d'un budget souvent

trop maigre.

Depuis que la loi de 1871 a donné aux conseils généraux le droit

de voler le budget de l'asile en recettes et en dépenses, y aurait-il

quelque chose de changé si des doléances émanées d'un directeur-

médecin étaient formulées d'un côté par un directeur, de l'autre

par un médecin en chef ? Et même lorsque, par hasard, le budget

estbien doté, s'il arrive que chez le directeur-médecin, le directeur

l'emporte sur le médecin, cela tient non à l'homme, c'est à dire au

système, mais à la législation par laquelle le conseil général fait

la loi au directeur-médecin et le force à entrer daifs ses vues en

matière d'assistance, s'il ne veut pas être déplacé. La formule « le

directeur tue le médecin parait froisser M. Garnier qui s'elforce

d'y répondre parunesérie d'arguments plus specieux que bien con-

vaincants; évidemment rien n'autol ise affirmer que chez les Esqui-

rol, les Fabre, les Morel, investis de fonctions iiiédico-adiiiitiisti'a-

tives, le directeur eût tué le médecin, mais en avançant le contraire,

M. Garnier ne fait qu'une hypothèse et ce qui est certain c'est que

ces maîtres de la pathologie mentale n'étaient que médecins en

chef; la critique serait peut-être mieux fondée en ce qui concerne

430 REVUE ANALYTIQUE.

la combinaison préconisée par M. Chambard pour obvier aux incon-

vénients de la réunion des fonctions et aux vices plus grands encore

de leur séparation.

En effet, il est permis de se demander si cet administrateur

nommé au concours, ayant la police générale de l'établissement,

la surveillance de l'économat, la préparation, même la défense du

budget économique, l'entretien du matériel, l'exécution des réso-

lutions prises, ne se parera pas du titre de directeur, si la haute

direction morale du médecin ne finira pas par devenir purement

nominale et si là où il n'y avait qu'un chef il n'y en aura pas forcé-

ment deux. Pour M. S. Garnier, il n'y a, en définitive, rien à changer

à l'organisation médico-administrative actuelle; le seul voeu qu'il

émette est d'étendre un peu les attributions actuelles et de modifier

pour l'avenir l'origine des secrétaires de direction en élevant le

niveau de leurs connaissances.

Dans ce but, la nomination du secrétaire devrait être faite par le

ministre lui-même, avec obligation pour lui, de le prendre dans un

corps de surnuméraires danslequel on n'aurait accès qu'en vertu de

certaines connaissances ou diplômes; de plus, l'avancementse ferait

sur l'ensemble des asiles pour éviter les inconvénients de l'inamo-

vibilité, et du recrutement local de ces fonctionnaires.

Or, dans ce projet, quelque complète que puisse être l'assistance

de son secrétaire amélioré, le directeur-médecin n'en restera pas

moins sujet aux occupations, aux soucis, aux responsabilités mul-

tiples de ses fonctions administratives, et c'est précisément dans cet

état de choses que réside le plus grand empêchement pour le méde-

cin de s'occuper d'une façon efficace de l'étude de la pathologie

mentale si bien que cet arrangement pourrait fort bien ne pas re-

soudre la question.

C'est encore de l'organisation médico-administral1ve des asiles

que s'occupe M. Marandon, de Montyel, dans un remarquable

article, où, prenant la question de plus haut, il commence par se

préoccuper du choix des futurs médecins d'asiles, c'est-à-dire des

internes et des médecins adjoints.

L'organisation du service médical des asiles devrait être consti-

tuée par un seul corps de médecins adjoints, recrutés a la suite d'un

concours public unique pour toute la Fiance, parmi les internes

nommés dans les diverses facultés par le même procédé et aussi

par un corps de médecins en chef choisis parmi ces médecins ad-

joints d'apies un concours sur titres scientifiques dont les juges

seraient les membres du comité supérieur des aliénés, à qui incom-

berait en outre la mission de désigner, toujours selon les travaux

de ces fonctionnaires, l'avancement par classes et résidences.

L'auteur nous montre combien était juste l'opinion de M. Cham-

bard, car non seulement le directeur tue le médecin en tant

qu'homme de science, en lui enlevant sa liberté d'esprit nécessaire

ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 431

pour mener à bien des recherches suivies, mais encore en tant que

praticien.

Puisqu'il en est ainsi, puisque la direction médico-administrative

a des conséquences aussi déplorables, d'où vient que la plupart des

aliénistes françaisla réclament ? Tout simplement, répond M. Maran-

don de Montyel, parce que la division des services, telle qu'elle

fonctionne, est inacceptable pour le médecin.

Et d'abord, constatons avec quelle négligence sont, pour la plu-

part, choisis les directeurs d'asile, parmi les rates de toutes les

professions, directeurs dont l'arrogance et les prétentions autori-

taires sont en raison inverse de leurs litres antérieurs et de leur

valeur personnelle. Dans ces conditions, ridiculisé par la supériorité

que cet insuffisant s'altribue, le médecin-chef est sans action et

sans autorité sur son personnel.

Des 1881, le cinquième groupe de lacommission des aliénés dont

M. Bourneville fut le rapporteur, a déjà trouvé la solution du pro-

blème en créant à la place du directeur un administrateur placé

sous le contrôle du service médical qui correspond directement

avec la préfecture. Il ne reste plus qu'à demander à des spécialistes

autorisés un règlement du service intérieur, enlevant l'ordonnan-

cement des dépenses à l'administrateur pour en charger la préfec-

ture. Déplus, pour la dignité et le bon fonctionnement du service,

il est de toute nécessité d'etablir une hiérarchie administrative à

trois degrés correspondant, maissubordonnée aux trois degrés delà

hiérarchie médicale. Al'instar des internes, lessecrélaires pourraient

êtie recrutés par des concours régionaux puis, comme pour les

médecins adjoints, un concours entre ces secrétaires désignerait

les receveurs et les économes, lesquels constitueraient, eux aussi,

un corps unique pour toute la France.

Enfin, de même que les médecins en chef seraient choisis parmi

les adjoints d'après les titres scientifiques, les administrateurs

seraient choisis parmi les receveurs et économes d'après les titres

administratifs.

Nous nous sommes un peu appesantis sur cette question de l'orga-

nisation médico-administrative, car il y a là, à notre avis, une ques-

tion des plus importantes pour l'avenir de la pathologie mentale.

11 est une question aussi qui revient fréquemment à l'ordre du

jour : c'est la question des aliénés dits criminels. Doit-on les consi-

dérer et les traiter comme des aliénés ordinaires, ou leur créer des

asiles spéciaux ?

L'académie de médecine de Bruxelles vient, à ce sujet, de voter

la nécessité « d'un asile unique dont les installations se prêteraient

d'ailleurs à tous les classements conseillés par la science médicale,

pouvant êtie allecté à la séquestration de tous les aliénés dange-

reux indistinctement. Quant aux individus à placer dans cet asile,

ils sont indiqués dans la proposition suivante :

432 REVUE ANALYTIQUE.

z Ces aliénés sont de trois catégories : 10 l'aliéné qui a commis

« un acte réputé crime (vol, viol, homicide, incendie, pédérastie,

.< etc.); 2° le condamné pour crime devenu aliéné apiès sa coudany

« nation; 3° l'aliéné déjà interné qui aura commis ou tenté de

« commettre un acte réputé crime.

« Il y a lieu d'inlerner aussi dans l'asile spécial tout aliéné chez

« lequel un examen aura révélé des instincts homicides, des impul-

« sions irrésistibles et violentes, des moeurs ou des habitudes per-

« verses qui justifieraient l'eloignement des autres malades eu

« égard à leur sécurité ou au respect moral qui leur est dû.

a De ce nombre sont certains épileptiques, alcooliques, fous

c moraux, instinctifs, etc. »

Cette même question de la création d'un asile spécial a été sou-

levée par M. Brunet(d'Evreu\) au dernier congrès de Houen etle5 con.

elusioiisdeladiseussioil diflèrentu«peudecelleclue l'académie de

Belgique a adoptées. En effet, une distinction a éléétahlie entre les

aliénés criminels et les criminels devenus aliénés, alors qu'on a

rejeté à l'unanimité la proposition que « les aliénés criminels soient

enfermés dans un asile spécial », il a eté adopte à l'unanimité que

.les criminels devenus aliénés doivent être enfermés dans un asile

spécial. »

Mais que faire des aliénés criminels guéris ? On sait quel est

l'embarras du médecin lorsqu'il s'agit d'eu rendre un à la liberté,

quelles sont ses craintes au sujet des récidives possibles.

M. leur Langlois croit que le danger est moindre quand l'aliéné

guéri doit rentrer dans une petite ville ou dans un village, parce

que l'entourage sait qu'un tel sort d'une maison de fous, et parce

qu'on le surveille sans qu rl s'eu doute. Il est permis de douter que

la perspicacité soit si grande dans les communes rurales et il nous

semble difficile de poser comme règle de traiter différemment les

aliénés des villes et ceux des campagnes

- L'élude des aliénés criminels se trouve intimement liée à celle

de la responsabilité légale des aliénés. A ce propos, M. Proal,

conseiller à la Cour d'appel d'Aix, se demande si, en dehors de l'a-

liénation mentale, il n'y a pas des cas où, par suite de faiblesse

d'esprit ou de toute autre cause, la responsabilité est diminuée,

sans être supprimée; s'il ne faut pas alors admettre une responsa-

bilité limitée, atténuée; et enfin, lorsque la responsabilité est dou-

teuse, s'il ne faut pas, comme vient de le décider le nouveau code

pénal italien, permettre aux juges de faire subir la peine dans un

asile ? telles sont les trois questions que, dans un savant article, il

examine au point de vue juridique.

'Tout d'abord, nous dit-il, il importe de bien préciser la portée

del'article 04 du code pénal qui règle la matière : a il n'y a ni eli-

« me ni délit lorsque le prévenu était en étal de démence au mo-

c ment de l'action... » En matière de crime et de delits de di oit

ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 433

commun, le fait le plus dommageable, l'acte le plus atroce, n'en-

traînent aucune responsabilité, s'il n'est accompagné d'une inten-

tion méchante.

« Il importe de rappeler que la maladie mentale n'est pas la seule

cause d'irresponsabilité. La loi attribue le même effet à la con-

trainte matérielle et morale, qui prive l'homme de son libre arbitre,

bien qu'on ait voulu faire jouer à la force irrésistible un trop grand

rôle devant les cours d'assises en la faisant résulter delà passion, de

l'ivresse, etc. ; il n'en est pas moins vrai que dans les cas où, par

suite d'une contrainte morale réellle, l'accusé n'a pu résister à la

pression exercée sur lui, il cesse d'être responsable.

c La question de folie ou de contrainte n'est point posée d'une

manière spéciale devant les cours d'assises ; elle est contenue im-

plicitement dans cette question : i L'accusé est-il coupable d'avoir

« commis tel ou tel crime ? »

« Mais puisque, sans imposer l'obligation de poser une question

spéciale relative à la folie, la loi ne la défend pas, peut-être serait-

il sage de la poser, afin d'éviter une erreur toujours possible du

jury.

« A quels signes reconnaitra-t-on que l'accusé a azi sciemment

et librement ou qu'il acessé d'être responsable par suite d'une ma-

ladie mentale ? » D

M. Proal reconnaît que la preuve de la folie ne peut être faite

que par un rapport médico-légal émanant d'un médecin aliéniste,

ce qui, du reste, n'empêchera pas le magistrat d'étudier le passé,

le caractère de l'accusé, ses antécédents héréditaires et enfin les

conditions dans lesquelles le crime a été commis.

Du reste, le médecin doit rester sur le terrain scientifique, pré-

parer la décision par son rapport et non l'imposer.

Si la folie est bien caractérisée, la tâche du médecin et du magis-

trat est facile. Mais dans les cas de délire partiel, faut-il avec

Delasiauve et Tardieu, admettre l'irresponsabilité pour les faits dé-

lictueux se rattachant au délire et reconnaître une responsabilité

partielle ponr les faits qui paraissent y être étrangers ? Il faut re-

connaître que cette dernière opinion est contraire à la loi qui ne

distingue pas entre les diverses formes et les divers degrés de la

folie, car aux termes de l'article 64, il u'y a ni crime ni délit si le

prévenu était aliéné au moment de l'action.- Aussi, les commen-

tateurs les plus autorisés du Code pénal reconnaissent-ils que l'a-

liénation partielle produit l'irresponsabilité. Pour déclarer un ac-

cusé responsable, il ne faut pas seulement s'attacher à la persis-

tance partielle de la raison : il importe de se rappeler que la con-

séquence la plus fâcheuse d'un trouble mental est la perte du libre

arbitre. Dès lors, qu'importe que le délire soit partiel, si la liberté

inorale n'est plus intacte. Pour être responsable aux yeux de la

loi, il ne suffit pas d'avoir le discernement du bien et du mal, mais

. -

Archives, t. XXI. 28

434 REVUE ANALYTIQUE.

il faut encore avoir le pouvoir de diriger ses actes, de résister aux

mauvais instincts. xi. Falret a aussi montré que la responsabilité

partielle ne peut se concilier avec l'unité, l'indivisibilité du moi,

avec la solidarité des facultés.

Il est possible, dit M. Proal, que l'irresponsabilité absolue de l'a-

liéné amène l'acquittement d'un homme qui ne serait pas à l'abri

de tout reproche, mais cet inconvénient ne peut être mis en paral-

lèle avec le danger de condamner des innocents, qui résulte de la

théorie de la responsabilité partielle.

Mais pour que la théorie de l'irresponsabilité absolue de l'aliéné

n'entrave pas l'action légitime de la justice, il faut que le médecin

expert, ne perdant jamais de vue la réalité, se tienne en garde con-

tre l'espllt de système qui tend aujourd'hui à nier en l'homme la

liberté morale ; les théories qui cessent de maintenir la distinction

fondamentale du crime et de la folie n'entraîneraient pas seule-

ment la négation de la justice, mais elles compromettraient encore

la science des maladies mentales.

Pour justifier la théorie de la responsabilité partielle des aliénés

dans quelques cas, Tardieu invoque l'exemple des alcooliques. D'a-

près notre Code pénal, l'ivresse n'est même pas une circonstance

atténuante. Le nouveau Code pénal italien distingue l'ivresse

accidentelle, l'ivresse volontaire, l'ivresse habituelle et l'ivresse con-

tractée pour faciliter l'exécution du délit. Dans les trois premiers

cas seulement, la peine est diminuée dans des proportions differen-

tes, suivant qu'elle est accidentelle, volontaire ou habituelle.

Mais elle n'est jamais une cause de justification : l'alcoolisme ne

peut être assimilé à la folie. De ce que le criminel présente quel-

quefois un état de dégradation intellectuelle et physique qui ne

laisse pas subsister une liberté morale entière, doit-il cesser d'être

responsable légalement ? Evidemment non, répond le législateur.

A-t-il cessé d'être responsable moralement de ses crimes ? Non

encore, parce que cet état d'abi utissement moral et intellectuel est

la conséquence logique d'une succession de fautes morales, le résul-

tat nécessaire d'habitudes vicieuses \olontairement contractées.

Du reste, si la justice ne doit accorder l'iriespoiisabilité qu'à la

maladie mentale, elle doit grandement tenir compte des différen-

ces que l'àge, le sexe, l'éducation, le milieu établissent entre les

accusés. Pour tous les cas en dehors de l'aliénation mentale, le

principe des circonstances atténuantes permet de tenir compte des

différents degres de responsabilité. Ainsi, dans le cas de faiblesse

d'esprit, l'on comprend que le médecin expert conclue à une res-

ponsabilité limitée, c'est-a-dire atténuée, et que la justice abaisse

la peine dans de fortes proportions.

L'atténuation de la peine, dans les cas où la responsabilité est

limitée, n'a pas paru suffisante au législateur italien qui ment d'é-

dicter que : « quand l'état d'esprit indiqué dans l'article précédent

ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 43ô

est de nature à diminuer grandement l'imputabilité, sans toutefois

l'exclure, la peine établie pour le délit commis est diminuée.

Mais, ajoute-t-il, si la peine prononcée est restrictive de la liberté

personnelle, le juge peut ordonner qu'elle soit subie dans une

maison de garde, tant que l'autorité compétente ne révoquera pas

celte mesure ».

Celte mesure parait contradictoire à M. Proal ; en effet, dit-il, il

y a une contradiction manifeste entre la déclaration de culpabilité

et l'internement dans une maison de santé. S'il y a doute sur

la responsabilité du prévenu, acquittez-le et placez-le dans un asile

spécial pour les aliénés dits criminels ; mais si vous le déclarez cou-

pable, ne le traitez pas en malade.

L'asile qui a été créé en Italie et qui le sera bientôt en France

pour les aliénés dits criminels, ne devrait être destiné qu'à ceux

qui ont été renvoyés des poursuites pour cause de maladie men-

tale, qui ont été l'objet d'une ordonnance de non-lieu, ou acquittés

connue irresponsables.

Dans une intéressante communication intitulée : Contributions

cliniques sur la mélancolie, faite à Berlin, le professeur Mendel

propose une classification des types cliniques de la mélancolie

fondée sur les considérations suivantes : le symptôme saillant et

essentiel des folies mélancoliques est le trouble morbide des sen-

timents. Or les sentiments accompagnent tantôt nos sensations et

sont alors appelés sentiments sensoriels ; tantôt ils accompagnent

les associations aperceptives de nos réprésentations et sont alors

appelés sentiments intellectuels, parmi lesquels les sentiments es-

thétiques, moraux, religieux ; d'où trois formes de mélancolie : la

première caractérisée par la prédominance presque exclusive des

troubles sensoriels (hallucinations des sens musculaires et surtout

du sens de l'organisme) : c'est la mélancolie hypocondriaque; dans

la deuxième, ce sont surtout les sentiments intellectuels qui sont

1 c e-t la mélancolie intellectuelle dans laquelle rentre pour

M. Mendel la mélancolie religieuse des auteurs ; enfin une troi-

sième forme dans laquelle les sentiments sensoriels ainsi que les

întellectuelssont troublés : c'est la mélancolie générale. La mélan-

colie avec stupeur n'est qu'une variété de la mélancolie générale,

et cette dernière évolue dans la plupart des cas à la suite d'une

mélancolie hypocondriaque antérieure ; la mélancolie intellec-

luelle est de beaucoup la forme la plus fréquente, et la mélancolie

hypocondriaque la plus rare.

La mélancolie prend chez les hommes beaucoup plus souven

que chez les femmes la forme hypocondriaque.

M. Mendel termine son intéressante étude par des recherches sur

les récidives chez les mélancoliques et il nous apprend que c'est

dans la mélancolie hypocondriaque qu'elle s'observe le plus sou-

vent, puis dans la mélancolie générale. En dehors de ces ques-

436 REVUE ANALYTIQUE.

tions de nosographie, l'étude de la mélancolie présente bien

d'autres problèmes à résoudre parmi lesquels se placent en pre-

mière ligne les troubles de la digestion et en particulier ceux de

l'estomac. On sait que chez les mélancoliques et les hypocon-

driaques l'anorexie et même la dyspepsie sont fréquentes. C'est

Carl Von Noorden (de Giesen), qui le premier a publié les pre-

mières expériences cliniques sur la digestion stomacale dans les

maladies mentales et en particulier dans la mélancolie.

M. le Dr Pachoud a repris les expériences de Charles Von Noor-

den et il a publié les résultats obtenus sur les malades mélancolique,

des formes les plus variées. Il arrive aux mêmes conclusions que

le médecin allemand : l'accélération de la digestion chez les mé-

lancoliques et l'hyperacidité du suc gastrique due à la présence de

l'acide chloryhdrique libre. L'hypersécrétion de l'acide chlorhy-

drique dans le suc gastrique devant, à la longue, produire un

certain désordre sur la muqueuse stomacale, il s'agit d'empêcher

cet excès d'acide de nuire.-Pour cela : 1° neutraliser l'acide par

les alcalins 3 ou 4 heures après le repas, c'est-à-dire au moment

ou la sécrétion d'H CI est la plus forte ; 2° employer cet acide à

digérer la plus grande quantité d'albumine possible, le faire servir

de cette façon il la nutrition de l'individu et contribuer ainsi di-

rectement à la guérison. M. Pachoud résume le régime dietétique

dans la formule suivante : diète lactée suivie d'une alimentation

albumineuse abondante et variée le plus possible.

Ce régime à employer chez les mélancoliques viendra se joindre

aux autres modes de traitement de cette affection, en particulier à

l'emploi de l'électricité.

Dans cet ordre d'idées, M. le DilMorel (de Gand) vient de publier

une excellente étude sur l'électricité dans les maladies mentales.

C'est précisément dans la mélancolie simple et dans la mélan-

colie avec stupeur que l'électrothérapie semble avoir le plus d'ef-

ficacité. Dans la manie, au contraire, l'électrothérapie donne

peu de succès; dans les délires partiels, elle agit surtout sur cer-

tains éléments symptomatiques, tels que les hallucinations de

l'ouïe. - Il n'y a naturellement que peu dechose à attendre de

cette méthode dans la démence et la paralysie générale. Enfin,

l'électricité peut rendre des services importants dans le traitement

des folies névrosiques ; mais dans ces affections, comme dans les

autres formes de maladies mentales, les indications morbides

ne sont pas encore nettement établies; on se trouve encore en

plein empirisme.

- côté de la mélancolie ou plutôt à côté des états mélancoliques,

se placent au point de vue nosographique d'autres manifestations

délirantes comme l'hypocondrie, comme les folies impulsives,

comme le délire de persécution, pour former un groupe sympto-

Illùluloglque qui repose sur un même fond morbide, la souffrance

ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 437

momie. - C'est l'un des facteurs de ce groupe symptomatologique

le délire de persécution que M. le D'Daniiet s'est proposé d'étudier

pour en tracer uue sorte de tableau clinique et pour montrer qu'il

n'est pas une espèce particulière ayant toujours les mêmes symp-

tômes et une même évolution, mais un état qui se manifeste au

contraire dans les conditions les plus variables et les plus opposées.

L'idée fixe est, on le sait, le symptôme essentiel du délire de per-

sécution. Elle est uue préoccupation incessante de l'individu

vers le même objet, qui lui fait rattacher à la même explication

tout ce qui se passe en lui et hors de lui ; elle lui donne la convic-

tion qu'il est placé sous l'influence d'un pouvoir occulte et myslé-

rieux dont il cherche surtout à se débarasser par tous les moyens

possibles.

L'idée fixe de persécution se retrouve du reste chez les aliénés

dans les conditions les plus diverses, ainsi que le délire ambitieux,

le délire religieux.

Pour peu quela force morale vienne à faire défaut, elle entraîne

la volonté; et le jugement qui peut, au début, réprouver l'idée fixe

cesse bientôt d'exercer son contrôle, ce qui ne l'empêche pas de

reprendre son action en dehors de l'idée fixe. Les idées obsédantes

décrites par Westphall chez quelques aliénés se rapprochent de

l'idée fixe qui caractérise le délire des persécutions : elles peuvent

consister dans des mots isolés ou des phrases entières qui appa-

raissant subitement, involontairement, interrompent ainsi la

marche des idées du malade, s'imposent à l'attention avec une

énergie plus ou moins grande et disparaissent d'elles-mêmes.

Elles peuvent être absolument étrangères au délire : un état an-

goissant précède en général le retour périodique des accès.

Les actes impulsifs sont, on le comprend, un phénomène réflexe

de l'idée obsédante, ils n'en sont que le développement régulier.

L'idée fixe dans le délire de persééution a, au début, un peu le

caractère d'une idée obsédante : elle est, en effet, d'abord isolée

fugace, mal définie ; le malade se croit l'objet d'une persécution

dont il ne peut à l'origne, comprendre la raison d'être, ni le mode

d'action : cette croyance ne tarde pas à prendre corps et à donner

lieu à un véritable délire systématisé.

Les interprétations fausses, délirantes sont inséparables des idées

fixes dont elles sont une résultante : elles se produisent à propos

des faits les plus ordinaires, toujours dans le sens de la même idée

fixe.

Les hallucinations de l'ouïe sont prédominantes dans le délire de

persécution vraie, lorsque celui-ci n'est pas associé à d'autres formes

mentales, telles que l'alcoolisme, la paralysie générale.

Les hallucinations de la vue se rencontrent exceptionnellement,

elles sont mal définies, et n'ont pas la netteté de celles de l'ouïe.

Les hallucinations sont très variables, elles ne sont pas toujours

438 REVUE ANALYTIQUE.

comme un écho de la ll1me pensée fixe, mais elles sont souvent

multiples, nombreuses comme les pensées qui traversent l'esprit

des malades et dont elles ne sont, après tout, que la manifestation

extérieure,

Les troubles de la sensibilité générale sont un des symptômes les

plus ordinaires.-Ils sont extrêmement marqués chez les alcooliques

persécutés. Les troubles de la sensibilité génitale se remarquent plus

fréquemment chez les femmes que chez les hommes. -

En dehors des troubles de la sensibilité générale, on observe

quelques autres symptômes d'ordre physique : il existe des maux

de tête, de l'insomnie, des étourdissements, la vue est fatiguée,

l'attitude est mystérieuse, le regard méfiant, l'expression est souvent

triste, découragée ; le langage est souvent caractéristique.

Ce qui caractérise l'état psychique chez le plus grand nombre,

c'est la dépression de la volonté, l'absence de toute initiative. Quel-

quefois cependant, ils cherchent à échapper par différents moyens

à cette force qui les domine.

La division des aliénés persécutés en deux catégories, les persé-

cutés passifs et les persécutés actifs, a sa raison d'être au point de

vue des actes commis par les malades, mais ne caractérise pas

absolument deux catégories distinctes de persécutés, carie même

individu après être resté passif pendaut un temps plus ou moins

long peut devenir actif et se transformer en persécuteur.

Sous le titre : « Les Persécutés en liberté», le professeur Bail décrit

toute une catégorie de persécutés qu'il a appelés les persécutés

migrateurs, parmi lesquels les uns sont voyageurs, les autres de-

ménageurs, d'autres enfin visiteurs.

Le délire par lui-même n'a qu'une influence secondaire sur l'or-

ganisme et n'apporte à l'exercice normal des fonctions d'autre

entrave que celle que peuvent produire les actes déraisonnables du

malade.

Le délire de persécution constitue un état stationnaire avec

périodes de calme et d'excitation qui peut durer longtemps, quel-

quefois toujours il détermine lentement l'affaiblissement des

facultés et un état plus ou moins marqué de démence.

Dans quelques cas exceptionnels, la guérison peut être obtenue

après une durée d'un ou deux ans, mais avec tendance à réci-

dives. Quelquefois aussi, on observe une évolution particulière

avec terminaison par la démence : c'est à cette catégorie de faits

que certains auteurs ont donné le nom de délire chronique.

Enfin, dans quelques cas rares, le délire existe sous forme in-

termittente.

Après ce résumé des principaux symptômes du délire de persé-

cution, M. Dagonet, dans une seconde partie de son travail, passe

successivement en revue les formes que peut présenter ce délire.

ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 439

1° Délire de persécution systématisé. Forme typique.

.Maladie de Lasègue.

L'idée fixe de persécution, les interprétations délirantes, les

hallucinations de l'ouïe et les troubles de la sensibilité générale en

sont les caractères principaux qui, souvent réunis, peuvent se

présenter aussi à l'état isolé et indépendants les uns des autres.

Le mode d'invasion est lent et se traduit par une inquiétude

mal définie que rien ne justifie et qui surprend même ceux qui en

sont atteints. Puis on voit se développer consécutivement à

l'idée délirante, dans la grande majorité des cas, les autres symp-

tômes, les hallucinations de l'ouïe et les troubles de la sensibilité

générale.

La systématisation ne tarde pas à se faire avec une logique

plus ou moins serrée : la plupart des malades finissent par

personnifier leur délire. Lasègue a remarqué que cette

personnification du délire tient le plus souvent à une circons-

tance accidentelle et est basée sur un fait vrai qui a motivé

chez le malade son inimitié pour une personne déterminée. Une

fois le point de départ établi, le persécuté ne l'abandonne jamais;

enfin les faits qui donnent naissance à la personnification du dé-

lire ne sontjamaisdes faits récents, mais remontent déjà aune date

ancienne que le malade retrouve dans sa mémoire, par suite d'un

travail rétrospectif qui est le résultat d'une rumination lente et

successive.

Le délire de persécution semble, dans quelques cas, reposer en-

tièrement sur des hallucinations de l'ouïe, souvent très intenses, en

dehors desquelles ou n'observe pas d'autres symptômes prédomi-

nants : c'est un délire hallucinatoire mais à forme de persécution.

2° Délire de persécution. Forme mégalomaniaque.

Le délire de persécution peut s'associer à des idées ambitieuses

pour constituer une forme complexe. - Dans quelques cas,'dit

M. Dagonet, on voit apparaître des idées ambitieuses en même

temps que se développe le délire de persécution et persister indéfi-

niment avec lui; mais, on observe plus souvent, comme modifi-

cation du délire des persécutions, l'adjonction du délire ambitieux

à la dépression : les sentiments dépressifs se transforment en sen-

timents expansifs et les idées d'oppression et de persécution de-

viennent des idées de grandeur. Ou bien, dit Scliûle, cité par

l'auteur, le délire ambitieux succède à un délire de persécution

plus ou moins prolongé, ce dernier disparaissant entièrement, et

dans ce cas les idées anciennes s'effacent et le malade abandonne

son ancienne personnalité; ou bien les douleurs anciennes et les

440 REVUE ANALYTIQUE.

joies nouvelles existent ensemble; dans certains cas enfin les deux

phases peuvent alterner : un délire de persécution périodique

alterne alors avec un délire de persécution également périodique.

- Quoi qu'il en soit, l'adjonction d'un délire ambitieux est le signe

d'une haute gravité, sinon de l'incurabilité.

Quelquefois, la période- ambitieuse revêt la forme d'un accès

maniaque intense avec troubles vaso-moteurs; on voit alors arriver

plus rapidement la déchéance intellectuelle.

Schüle a cité quelques cas rares où les deux ordres d'idées déli-

rantes, ambitieuses et de persécution se sont montrées simultané-

ment, dès le début.

Il cite encore deux observations où les idées ambitieuses s'étaient

produites au début de l'affection, avec les idées de persécutions,

puis [avaient disparu complètement pour reparaître plus tard avec

une intenssité plus grande, à coté des idées de persécution.

Des idées ambitieuses seules, sans idées de persécution, comme

on les voit dans la paralysie générale, n'ont jamais été observées

par Schüle dans la paranoia ou délire systématisé des Allemands.

3° Stupeur avec délire des persécutions.

Baillarger a montré que dans la stupeur, les facultés cérébrales

n'étaient pas toujours suspendues et qu'on conslatait dans le plus

grand nombre des cas des idées délirantes de nature triste et un

delire sensoriel plus ou moins en rapport avec des idées déli-

rantes. Une observation citée par M. Dagonet montre bien qu'un

délire systématisé de persécution intense est quelquefois au fond

de celte disposition d'esprit.

4° Hypochondrie et délire de persécution.

L'hypochondrie présente avec le délire de persécution de uom-

breux points de contact. On comprend donc cette association

que l'on rencontre chez un certain nombre de ces malades

d'idées hypochondriaques et de persécution.

Si dans le délire de persécution l'individu se croit d'emblée la

victime de telle ou telle personne, l'hypochondriaque ne sait, au

début, à quoi attribuer les symptômes qu'il éprouve; quelquefois

alors il personnifie son délire et il accuse les machinations de

ceux qu'il croit être ses ennemis.

5° Manie. Démence sénile. Paralysie générale. Alcoolisme

Le délire des persécutions accompagne, dans quelques cas, de

véritables accès maniaques : on observe alors les symptomes ha-

bituels de l'excitation maniaque, et au milieu de ce désordre, on

ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 441

remarque les idées prédominantes de persécution plus ou moins

accusées.

Chez quelques déments séniles, en même temps que des pé-

riodes d'excitation avec impulsions violentes, on observe souvent

des idées de persécution.

La paralysie générale présente, elle aussi, dans quelques cas

relativement rares, les manifestations délirantes habituelles asso-

ciées à des idées de persécution prédominantes. Ces idées de per-

sécution peuvent se présenter soit à la période prodromique, à

laquelle elles donnent alors une physionomie spéciale, soit dans le

cours de la maladie.

Le délire des persécutions présente dans l'alcoolisme diverses

particularités. Tantôt il est transitoire et suraigu ; il se montre alors

quelques heures après l'excès alcoolique. D'autres fois, il se déve-

loppe spontanément, ou à la suite de quelque contrariété ou d'un

accès de colère. Les troubles de la sensibilité générale sont plus

accusés : les hallucinations de la vue s'ajoutent fréquemment à

celles de l'ouie. Chez beaucoup de ces malades, il existe une prédis-

position hérédidaire. L'accès disparaît avec la cause occasionnelle.

Les persécutés génitaux, dont on a parlé incidemment tout à

l'heure, à propos des troubles de la sensibilité chez les persécutés,

présenteraient, pour le docteur Christian, certaines particularités

dans l'évolution de leur délire : « Suivant moi, dit M. Christian, il

existe une catégorie de persécutés chez lesquels on peut affirmer

que jamais ne surviendra le délire des grandeurs : ce sont ceux

dont le délire s'alimente exclusivement dans les troubles de la sen-

sibilité génitale. b

C'est contre cette assertion que s'élève M. le D' Marandon de

Montyel en apportant comme preuves à l'appui une série d'obser-

vations personnelles aussi complètes qu'intéressantes. Comme le

fait remarquer l'auteur, ce point particulier ne manque pas d'im-

portance, car s'il était vrai que jamais les persécutés génitaux ne

deviennent mégalomanes, la synthèse des quatre périodes de

M. Magnan se trouverait en défaut pour eux, et on ne serait plus

fondé à accepter l'unité de tous les délires systématisés. Les cinq

observations personnelles qu'il présente démontrent suffisamment

que les persécutés génitaux, y compris ceux dont le délire s'ali-

mente presque exclusivement d'hallucinations génésiques, devien-

nent, eux aussi, mégalomanes, même jusqu'à la transformation de

la personnalité. Quatre autres observations fournies par M. le

Dr Febvré sont tout aussi concluantes à cet égard.

Enfin, dans des travaux antérieurs à la discussion du point en

litige, M. Marandon de Montyel a pu recueillir cinq autres observa-

tions, apportant ainsi un ensemble de quatorze observations qui

paraissent établir nettement que, contrairement à l'assertion de

M. Christian, les persécutés génitaux, ceux-mêmes dont le délire

t42 -1 REVUE ANALYTIQUE.

s'alimente presque exclusivement dans leurs fausses sensations gé-

nésiques, aboutissent comme les autres à la mégalomanie et,

comme eux, parcourent successivement les quatre périodes cons-

titutives de la psychose systématique.

Après M. Marandon de Montyel. M. Doutrebente reprend la ques-

tion des persécutés génitaux à idées de grandeur, non pas qu'il

veuille apporter des arguments nouveaux dans la discussion, mais

pour établir qu'avant M. Marandon de Montyel il a pris la parole

pour signaler des idées de grandeur chez un persécuté génital.

M. Doutrebente profite de l'occasion pour refaire le procès du

délire chronique de M. Magnan et reprendre amsi la discussion

d'une question déja trop discutée et sur laquelle il ne nous parait

pas utile de revenir d'autant plus que l'auteur ne fournit aucun fait

ni aucun argument nouveau. La conclusion de son travail estqu'il ne

faut dire : « ni jamais, ni toujours » et qu'il n'est pas plus permis

de dire : « Jamais le persécuté ne devient mégalomane, qu'il n'est

possible d'affirmer que toujours il le deviendra. »

- Nous avons vu tout à l'heure à propos du délire de persécution,

quels sont les rapports étroits du délire avec les hallucinations.

M. le Dr Chaslin s'est proposé de rechercher, à propos de ces

rapports :

Pourquoi dans le délire de persécution type Lasègue, il y a tou-

jours des hallucinations de l'ouïe et pas de la vue ;

Pourquoi, chez les persécutés persécuteurs raisonnants, il n'y a

pas d'hallucination ;

Pourquoi, enfin, dans le délire religieux idiopathique il y a tou-

jours, entre autres, des hallucinations de la vue.

Il s'agit donc de chercher dans la nature psychologique de l'idée

délirante la raison d'être, la condition de l'hallucination.

Tamburim, dans sa « théorie des hallucinations » attribue leur

production à l'excitation de certaines partie de l'écorce grise du

cerveau. C'est, du reste, dans cette dernière partie du cerveau que

les derniers travauxsur les localisations psycho-motrices et psycho-

sensorielles placent le siège des phénomènes mentaux. Comme le

dit M. Binet : « Qu'on ait la sensation du rouge, ou qu'on ait le

souvenir du rouge, ou qu'on voie le rouge dans une hallucination,

c'est toujours la même cellule qui vibre. »

Nous savons aussi que l'hallucination, dans l'aliénation, est un

phénomène physiologique produit par des causes pathologiques;

il en est de même de l'idée délirante. La genèse spéciale empêche

l'idée de correspondre à la réalité des choses. Il est bien vrai que

l'aliéné qui est halluciné, ou qui délire, est un homme qui se

trompe; mais cette erreur est causée par une modification certai-

nement organique qui, malheureusement, nous est inconnue.

On pouvait, a priori, étant donné qu'il s'agit d'une forme de

délire systématisé, penser que le sens qui présente des halluci-

ANNALES IwfÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 443

nations prédominantes est déterminé par la nature même des

représentations mentales qui constituent l'idée délirante. En effet,

une idée déhranre ou non est un groupe d'images visuelles, audi-

tives, motrices, etc., et l'idée, quelque abstraite qu'elle soit, et pour

qu'elle soit comprise, contient, outre le mot, toujours une image,

quelquefois obscure, mais qui peut devenir nette dans certaines

conditions. Ceci posé, comment s'expliquer que dans le délire des

persécutions type Lasègue, il y ait des hallucinations de l'ouie et pas

de la vue ? J.-P. Falret a dit que la fréquence del'hallucinalion de

l'ouie dans la folie tient à la liaison étroite entre la pensee et son

expression par la parole. De même M. le professeur Bail dit que si

les hallucinations auditives jouent le premier rôle, c'est que le sens

de l'ouïe est le plus intellectuel de tous, le plus directement en

rapport avec les conceptions de l'esprit, et c'est à lui seul que nous

devons la connaissance des idées abstraites. Ces explications visent

le cas où l'idée délirante serait une idée abstraite; mais le méca-

nisme organique mystérieux qui fait apparaître les idéesdélirantes,

ne fait pas apparaître cette idée sous la forme exprimée par le

mot on me persécute (elle serait incompréhensible pour le malade),

mais bien sous la forme d'idées de faits : ces faits sont des mots

entendus, c'est-à-dire que le malade s'imagine que des mots ont été

prononcés, et il se les représente dans son centre auditif. C'est là

la véritable idée délirante, c'est cette idée auditive qui est le point

de départ de tout le reste. En effet, après une période d'inquié-

tude intellectuelle, les malades commencent à accuser tout le

monde de leur en vouloir : < Tout ce qu'ils entendent, tout ce

qu'ils voient s'adresse à eux ; ils s'imaginent qu'on parle d'eux,

qu'on les insulte... Ces mots indiquent évidemment qne pour le

malade il y a eu des phrases injurieuses et insultantes prononcées;

il ne les a pas entendues, mais il sait qu'elles l'ont été; il se les

imagine et il sait ce que l'on a dit, puisque c'est du mal qu'on a

dit sur son compte. Il n'y a là, on le voit, autre chose que des mots,

ou si l'on aime mieux, que des idées auditives verbales dans l'idée

du malade. De plus, cette expression du persécuté racontant par

exemple qu'il a vu un torchon pendu à une fenêtre voisine et que

certainement, cela voulaitdire quelque chose, indique bien aussi que

les faits les plus insignifiants sont interprétés par celui-ci dans le

sens de ses conceptions; et il ne comprend ce geste ou cet acte

qu'il a vu qu'en le rapportant à ses idées auditives. Ces faits ne

servent qu'à réveiller l'image des paroles qu'il croit avoir été pro-

noncées. Ainsi, non seulement ce qu'il croit qu'il aurait pu

entendre mais encore ce qu'il voit est représenté dans son

esprit par des images auditives de paroles. La base indispen-

sable qui permettra aux hallucinations (état fort) de se développer,

est l'existence préalable de l'état faible ; ce sont ces mêmes paroles

imaginées qui deviendront peu à peu les hallucinations sous l'in-

A4t REVUE ANALYTIQUE.

fluence du développement organique de la maladie. Ainsi, en un

mot, dans la forme étudiée, l'idée de persécution est une idée audi-

tive, et avec Lelut, on peut dire que l'hallucination est une idée

délirante elle-même devenue sensation.

Mais, pour que ce développement puisse s'effectuer, il faut deux

- conditions dont l'importance est capitale : 1° l'attention par suite

de laquelle le malade creuse ses idees, les rumine sans cesse et

arrive peu à peu, en vertu de la seconde condition, la croyance, à

constituer complètement son délire ; 2° la croyance, qui fait que le

malade porte sans cesse son attention sur son idée et en écarte,

par cela même, toutes les idées intermédiaires (Pariset), ou comme

le dit Taine, les réducteurs antagonistes, autrement dit les idées de

contrôle. Nous avons vu que les persécuteurs du malade, non seu-

lement parlent mal de lui, mais encore que leurs gestes lui font

comprendre leurs sentiments à son égard. Ces gestes, travestis par

l'interprétation délirante, ne sont pas le point de départ d'halluci-

nations visuelles, par la raison que ces gestes ne font que réveiller

les idées auditives, seul fondement du délire. Du reste, l'halluci-

nation de la vue, pour se produire, semble exiger des conditions

physiologiques spéciales comme dans l'état de rêve ou de délire

alcoolique ou de délire religieux; et puis, l'hallucination de la vue

comme celle, par exemple, de l'alcoolique, constituerait un phéno-

mène trop grossier, incompatible avec l'intelligence du malade.

Enfin, une dernière preuve que tout se passe au début dans le

sens de l'ouie, et plus particulièrement dans le sens des mots enten-

dus, c'est que si l'aliéné voyage en pays étranger, tant qu'il ne sait

pas la langue du pays où il se trouve, il n'est plus persécuté. Du

jour où il commence à la parler et à penser par son aide, les per-

sécutions se reproduisent dans ce nouveau langage.

M. Cliaslin, considérant ensuite le délire du persécuté persécu-

teur (forme mentale décrite en France par Falrel), remarque avec

de Krafft-Ebing que le fond de ce délire est un orgueil pathologique

et une fausse idée ou plutôt un sentiment du droit et de la justice

faussement appliqué. Le persécuté persécuteur est un persécuteur

bien plutôt qu'un persécuté ; c'est un redresseur de torts, un justi-

cier. Ordinairement, il y a un fait vrai au début de ses revendica-

tions. Ce qu'il y a dans son esprit, ce n'est pas un mot injurieux

ou révélant le désir de lui nuire, c'est le sentiment d'une injustice

commise, d'une attaque injustifiable. Il n'y a pas de concentra-

tion sur des idées délirantes, comme chez le persécuté à hallucina-

tions de l'ouïe, mais un sentiment de justice et d'orgueil qui est le

fond de la maladie - l'importance exagérée qu'il s'attribue et son

faux sentiment de l'éthique lui font interpréter pathologiquement

ses actes et ceux des autres la véritable conséquence de ces dis-

positions moi-bides est l'acte et non pas l'idée délirante ; l'hallucina-

tion ne peut donc apparaître puisque son degré inférieur (l'idée

ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 445

délirante) ne peut prendre naissance sur ce terrain. Le persécuteur

a bien une croyance pathologique dans son bon droit, mais cet état

d'esprit ne sert pas à transformer une idée sensorielle qui n'existe

pas en hallucination, mais à consommer un acte.

Pour ce qui a trait à la présence des hallucinations de la vue

dans la folie religieuse idiopathique, il devient facile de montrer,

après la savante analyse qu'a faite l'auteur du début du délire de

persécution, que le monomaniaque religieux a des hallucinations

de la vue (entre autres) parce qu'un état faible, une idée visuelle

a précédé l'hallucination, parce que la croyance à la possibilité de

la vision existe antérieurement à sa formation. L'halluciné reli-

gieux, fidèle aux recommandations des livres religieux, voit Dieu,

ou la Vierge, ou les Saints, ou Satan, parce qu'il les voit dans son

esprit, parce qu'il fait attention à ces images, parce qu'il croit qu'il

lui est possible de les voir, parce qu'il veut presque les voir. A

l'égard de la rareté des visions, peut-être pourrait-on dire que

l'hallucination est souvent le point de départ d'actes de prosély-

tisme ou leur redonne un nouvel élan, et qu'il est alors, pour ainsi

dire, inutile que cette vision se reproduise, car elle suffit à la satis-

faction du malade : le plus souvent, à la suite, l'aliéné est trans-

formé en prophète et il devient plutôt actif que contemplatif sor-

tant de cet état d'esprit spécial du malade qui se rapproche, au mo-

ment de la vision, de celui que M. Baillarger appelait état d'halluci-

nation, certainement analogue au rêve.

A côté de l'idée fixe que l'aliéné à délire systématisé s'assimile

pour en faire une idée délirante, on rencontre un trouble mental

analogue mais qui diffère cependant d'une façon catégorique de

l'idée fixe, en ce sens qu'elle ne devient jamais une idée délirante :

n'est l'obsession. En effet, l'obsession reste toujours étrangère

au moi du malade. Le fou systématisé se conforme logiquement

aux déductions de son idée fixe qui a pénétré comme telle dans la

conscience du malade et s'y est incorporée, tandis que l'obsédé re-

connaît le ridicule et l'absurdité de son action - témoin cette

malade, citée par M. le Dr Adam, pour laquelle la vue des étoffes

est une cause de douleurs dans les yeux et qu'elle est obligée de

regarder cependant, qui profère des injures contre les personnes

qui la soignent en leur en demandant pardon quelques instants

après et qui, pareille au vieux marin deColeridge, se trouve forcée

par une puissance invisible de raconter son histoire et ses ennuis

à toutes les personnes qui l'approchent, sous peine de ressentir une

profonde angoisse. M. le Dr Régis cite un cas d'obsession genito-

phrenatrice typique et d'autant plus intéresssant qu'il est ,tiré de

Montaigne : < Je scay par expérience que tel de qui je puis respon-

dre comme de moy-même, en qui il ne pouvait choir soupçon au-

cun de faiblesse, ayant uuy faire le conte à un sien compagnon

d'une défaillance extraordmoire, en quoy il estoit lombé sur le

446 REVUE ANALYTIQUE.

point qu'il avoit le moins besoin, se trouvant en pareille occasion,

l'horreur de ce conte lui vint à coup si rudement frapper l'imagi-

nation qu'il en courut une fortune pareille. Et de là en hors fut

subject a y rechoir : ce vilain souvenir de son inconvénient le gour-

mandant et le tyrannisant ' ».

- Westphal distingue quatre espèces d'obsessions] : 1° celles qui

demeurent purement théoriques parmi lesquelles la folie du doute

sous forme de questions; 2° celles qui produisent certaines actions

dans lesquelles rentre le délire du toucher, et 3° les obsessions im-

pulsives qui provoquent une action immédiate. Pour Wille, la folie

du doute et les obsessions en général forment le groupe des folies

avec conscience qui appartient à la grande famille de la folie héré-

ditaire.

La plupart des auteurs, depuis More], avaient tenu grand compte

de l'hérédité comme facteur essentiel des obsessions : M. Magnan,

dans ses études remarquables, considère ce trouble mental comme

un signe direct et immédiat de l'hérédité morbide en en faisant un

véritable stigmate psychique de l'hérédité, au même titre que les

stigmates physiques décrits par ! \lare ! .

M. Falret, tout en partageant au fond les mêmes idées que

M. Magnan, croit devoir admettre comme une variété clinique

méritant une description à part, la folie du doute.

lI. le Dr Ladame (de Genève) va plus loin et demande, avec obser-

vations à l'appui de sa' thèse, que l'on sépare en deux variétés cli-

niques distinctes la folie du doute et le délire du toucher qui s'asso-

cient souvent, cela est certain, comme la pleurésie et la pneumo-

nie dans la pleuro-pneumonie, mais qui évoluent plus souvent

encore isolément.

Chez les héréditaires, qui viennent de nous occuper, il est un

stigmate psychique qui se rencontre assez frequemment, c'est

l'aritlimomanie.

Or, cette anthmomanie, M. le Dr Cullerre l'a rencontrée et étu-

diée chez certains épileptiques, et il l'a trouvée dans ces condition-,

atec des caractères qui la différencient nettement de l'aritlimoma-

nie des héréditaires. Les épileptiques, comme le fait remarquer

l'auteur, sont souvent aussi des obsédés et des impulsifs conscients,

soit qu'une certaine prédisposition vésanique héréditaire s'ajoute

à l'affection nevropathique, comme chez ceux qui sont dipsoma-

nes, suicides, homicides, pyromanes, ou qui ont la folie du doute ;

soit que l'ébranlement périodique que font subir à leurs centres

nerveux les attaques convulsives contribue à provoquer une désé-

quillbration mentale de même nature.

C'est à cette dernière influence qu'il croit devoir attribuer

l'aritlimonlanie en raison de son allure uniforme chez les divers

1 Essais de Montaigne, t. I, chap. xx. De la force de l'Imagination.

ANNALES lIiBDICO-PSFCHOLOGIQUES. 447 7

épileptiques qui la présentent. Il s'agit d'une impulsion à compter,

à combiner d'une façon générale des nombres quelconques et plus

particulièrement à faire des calculs portant sur les divisions du

temps.

Ces calculs sont erronés, la plupart du temps, étant donné le

manque de culture intellectuelle de ces épileptiques, mais cette

fausseté même ne pruuve que mieux qu'en se livrant au calcul ils

ne font qu'obéir à une impulsion instinctive.

Or, tandis que chez les héréditaires, l'obsession du nombre,

comme les autres obsessions inconscientes, s'accompagne d'un

malaise intellectuel allant jusqu'à l'angoisse et à la lipothymie,

rien de semblable chez les épileptiques arithmomanes : l'obsession,

chez eux, garde toujours un caractère bénin. C'est un simple

besoin intellectuel n'ayant rien de pénible, dont les malades tirent

peut-être même l'avantage d'une distraction, par suite de leur allai-

blissement intellectuel, de leur désoeuvrement et du vide habituel

de leur pensée.

L'aptitude des idiots pour la musique a été constatée depuis

longtemps. D'après Esquirol, « presque Lous, même ceux qui sont

privés de la parole, chaulent et retiennent des airs. » Mais cette

capacité, tous la possèdent-ils au même degré ? Y a-t-il des caté-

gories à établir ?

M. le Dr Wildermuth (de Stettin) a essayé de la mesurer en pre-

nant cent quatre-vingts idiots à différents degrés et quatre-vingts

enfants sains et en recherchant chez eux la capacité vocale, le sens

de l'harmonie, la mémoire musicale, etc. Il les a classés, les uns et

les autres en quatre groupes différents, depuis ceux qui possèdent

ces qualités au plus haut degré, jusqu'à ceux où elles n'existent

nullement.

Dans le premier groupe, il y a 27 p. 100 d'idiots et 60 p. 100

d'enfants sains; dans le deuxième 36 p. 100 d'idiots et 26 p. 100

d'enfants sains; dans le troisième, 26 p. 100 d'idiots et 11 p. 100

d'enfants sains; et enfin dans le dernier, Il p. 100 d'idiots et

2 p. 100 d'enfants sains. Ces résultats constituent une preuve des

plus évidentes du développement relativement élevé du sens musi-

cal chez les idiots.

Une conséquence pratique de ce travail sur laquelle ne manque

pas d'insister l'auteur, c'est qu'il importe de cultiver avec soin chez

les idiots le chant et surtout le chant accompagné de mouvements

rythmiques. Ce sont là, du reste, des principes bien connus dans

les services d'idiots, en particulier à Gicètre, le modèle du genre.

- Tous les aliénistes formés : 1 la grande école d'Esquirol retran-

chaient du cadre des maladies mentales lé délire qui accompagne

ou suit les fièvres. Mais aujourd'hui l'on sait que la distinction

entre le délire fubiile et celui de la folie esL purement artificielle :

on considère les délires fébriles des maladies infectieuses pour ce

448 REVUE ANALYTIQUE. ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES.

qu'ils sont réellement, c'est-à-dire pour des aliénations aiguës, et

l'on distingue deux groupes de délires fébriles, qu'il n'est pas, du

reste, toujours facile de séparer dans la pratique : les psychoses

fébriles proprement dites, qui éclatent pendant la fièvre ou même

avant l'accès, et les psychoses asthéniques ou délires de la conva-

lescence.

Tandis que les psychoses fébriles offrent un tableau clinique assez

monotone, on voit les psychoses de la convalescence présenter une

grande variété d'aspects cliniques. Dans ces dernières, la prédispo-

sition individuelle, héréditaire ou acquise, joue le principal rôle et

l'on constate assez souvent que la maladie aiguë n'est que l'occa-

sion accidentelle de l'aliénation mentale qui aurait éclaté tôt ou

tard.

Les psychoses de la convalescence ont été observées dans de nom-

breuses maladies, mais elles avaient il peine été signalées dans leurs

rapports avec l'influenza avant la grande pandémie que nous avons

traversée récemment.

M. le Dr Ladame (de Genève) s'est proposé d'étudier les psy-

choses qui se déclarent après l'influenza, pendant la convalescence,

laissant de côté les psychoses fébriles de l'influenza, qui ont fait

l'objet d'un mémoire présenté récemment par M. le professeur

Revilhod à la Société médicale de Genève.

Chez un très grand nombre de malades, on a observé de l'insom-

nie pendant la convalescence de la grippe, insomnie toujours

accompagnée d'un état plus ou moins prononcé de dépression'psy-

chique d'indifférence, de mécontentement, d'inquiétude ou d'an-

goisse, de plaintes ou de récriminations, en un mot d'une légère

atteinte de mélancolie ou d'hypocondrie. Dans certains cas, les

idées mélancoliques et hypocondriaques ont été plus actives, se

sont compliquées de délire, et même on a signalé un cas de

suicide.

Dans un second groupe de psychoses consécutives à la grippe,

les psychoses asthéniques, on trouve plusieurs formes ayant pour

caractère commun l'affaiblissement rapide plus ou moins prononcé

des facultés mentales, affaiblissement ou démence primitive qui

s'accompagne habituellement, en général au début, de phéno-

mènes d'excitation cérébrale, surtout de nature sensorielle.

L'influenza devient aussi parfois, comme les autres maladies

aiguës, la cause occasionnelle de l'aliénation mentale. La nature

de l'aliénation mentale y est alors tout à fait indépendante de l'in-

Iluenza. Elle est directement le résultat des conditions individuelles

antérieures : ici un delirium tremens fait explosion chez un alcoo-

lique ; là un accès de manie aiguë, ailleurs un délire de persécu-

tion ; dans d'autres cas enfin éclate subitement une paralysie géné-

rale, latente lusque-là.

La conclusion des observations réunies par M. Ladame est que

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 449

l'influenza à elle seule ne suffit jamais à provoquer la folie ; lors-

que celle-ci éclate après la grippe, on trouve toujours d'autres

causes prédisposantes ou occasionnelles.

Les formes mélancoliques, les psychoses asthéniques simples, à

l'exception de cet tains cas de délire de colapsus, sont générale-

ment bénignes.

Les autres affections mentales, dont l'influenza n'a été qu'une

cause occasionelle, doivent être envisagées au point de vue de leur

pronostic propre. D'où l'importance, au point de vue du pronostic,

chaque fois qu'un cas de folie éclate après une affection fébrile

algue, de bien distinguer quelle est la forme clinique de la psy-

chose. D 13r.m.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

XXIX. L'INFLUENCE DE LA MÉNOPAUSE SUR LA GENÈSE ET LA FORME DES

troubles mentaux; par 1lLTUSCU. (alla. Zeitsch., f. Psych.,

XLVI, 4.)

Après une bibliographie et une statistique générale, personnelle

ou impersonnelle, l'auteur pose ce principe que « les deux phases

critiques de la vie sont l'époque choisie par les psychoses et les

névroses dégénératives et héréditaires pour se manifester : c'est la

constitution anormale du terrain qui se traduit par diverses né-

vroses et psychopathies, quelles qu'aient été les conditions de

bien-être de la vie.

Prenons, par exemple, les malades de l'asile de Sachsenberg,

tous malades de la campagne. L'hérédité s'y révèle dans 54 p. 100

des cas. Du 1 ? juillet 1884 au 31 décembre 1888, sur 551 aliénées

femmes, on a constaté Je plus souvent des psychopathies simples,

accompagnées souvent (30 p. 100) d'affections organiques du coeur.

60 cas de ménopause dans le cours des psychoses chroniques.

P. K.

XXX. Les IDLES DE présomption DE la folie systématique : par

L. SNLLL. (Alla. Zcitsch. f. Psych., XLVI, 4.)

Le .symptôme essentiel de la paranoïa (Wahnsinn, Verruecldheil)

c'est un délire organisé provoqué et entretenu par des hallucina-

tions, délire qui roule sur la crainte d'être persécuté, la conviction

que des ennemis font un tort constant au sujet. Ce symptôme

persiste même quand il existe simultanément des idées de pré-

somption. D'ailleurs, le délire de présomption sans délire de perse*

Archives, t. XXI. 29

It1JO REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

cution appartient exclusivement à des états d'affaiblissement intel-

lectuel, par exemple à la démence paralytique ; jamais il ne se

montre seul dans la paranoïa. Si l'on considère les idées de pre-

somption dans leurs rapports avec la folie systématique, on en doit

distinguer quatre formes :

- 10 Absence complète et permanente d'idées de présomption (Obs.

et II) ; 2o Idées de présomption survenant au début de la maladie en

même temps que des idées de persécution (Obs. III); 3° Idées de

présomption qui, après s'être montrées au début de la maladie en même

temps que des idées de peisécution, rétrocèdent pendant plusieurs mois

ou plusieurs années pour revenir plus tard plus intenses (Obs. IV. V);

4° Idées de présomption s'ajoutant (c'est l'allure ordinaire) après un

temps plus ou moins long (quelques mois ou quelques années) à des

idées de persécution, pour persister, devenir permanentes, et s'associer

définitivement a ces dernières. (Obs. VI à X.)

Evidemment, idées de présomption et idées de persécution

émanent d'un même tronc pathologique, car, tandis que le mé-

lancolique se reconnaît coupable et digne de toutes les persécutions

qu'il endure, le fou systématique se voit injustement frappé. Ce

dernier peut, sinon guérir, au moins s'accommoder de ses idées

délirantes qui palissent.

Quant au terme, paranoïa vaut mieux que Wahnsinn et VC1'l' ! Icl;

theit. Les vieux aliénistes allemands avec Jacobi désignent sous le

nom de Wa/UMOMt à peu près notre paranoïa, tandis qu'ils appli-

quent le mot Vcrriccktheit à la démence secondaire avec excitation

et désordre dans les idées; ce mot convient aussi aux malades qui

conçoivent mal les rapports entre eux et les objets du monde exté-

rieur. Ces rapports sont comme pervertis Ve1'1'1lCc/.t t u IVeggerueckf.

lVulensittta s'applique aux aliénés chez lesquels prédominent des

idées délirantes de toutes pièces. (Voy. Archives de Neurologie,

t. XIX, p. 418.) ' P. 11liR11'.1L.

XXXI. De L'nLDoiD01'IIRLi'i¡r.; par 1411LDAUA1. (Atlg. ZCisscl., f. Psych.,

L\'I, 4.)

Deux observations. Nous ne pouvons que consigner les conclu-

sions. 1° Il existe un groupe de cas morbides de la jeunesse qui ne

rentre pas dans les autres modalités pathologiques. - 2° Il a

pour caractères : une altération de la personnalité entière et no-

tamment des facultés par lesquelles se manifeste la vie. Il ne s'agit

plus ici de la folie partielle, mais d'un délire portant sur les actes.

3° En outre des symptômes généraux, il existe des symptômes

moraux, sans que ceux-ci représentent cependant toute la ma-

ladie. Ce n'est donc plus une folie morale. 4° C'est essentielle-

ment une maladie de l'enfance ou de la jeunesse; il faut, par suite,

la distraire des psychopathies de l'adulte dans lesquelles prédo-

minent des symptômes iiioi,aux.-50 Elle se rattache étroitement à

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 451

l'hébéphrénie ou folie de la jeunesse ; elle forme avec cette dernière

un grand groupe auquel convient le nom de folie hébétique et qui

comprend deux espèces : l'hébéphrénie, l'héboïdophrénie. P.K.

XXII. INI'LUENCE t'.11'OR1DLE DES MALADIES FÉBRILES SUR LES PSY-

CHOSES. Guérison d'une ll4NIE A la SUITE d'une pleurésie ; par

W. Willerding. (Allg. Zettsch. f. Psychiat., XLVI, 5.)

Manie consécutive à une fièvre typhoïde, suite de couches,

guérie à son tour par une pleurésie, L'anémie l'avait engendrée ;

la pleurésie, en stimulant la circulation encéphalique, guérit l'af-

tion mentale; c'est l'explication de l'auteur. P. K.

XXXIII. LA FOLIE A deux; par D. KROENER. (Allg. Zeitsch., f.

Psychiat., XLVI, 5.)

Nouvelles analyses de 146 cas empruntés aux auteurs.

Il Différence entre la folie imposée et la folie communiquée.

Cette distinction n'est pas heureuse, d'après M. Kroener;

2° différence entre la folie communiquée et la folie simultanée;

importance de ces deux types.

Conclusions : La folie communiquée se produit chez un grand nombre

d'individus indemnes d'hérédité; la folie imposée appartient à des sujets

talés. La folie simultanée est une (orme d'aliénation mentale que nous

comprenons bien moins que la transmission d'une psychose à un sujet

bien portant jusqu'alors. Dans la folie communiquée, le terrain de la

personne secondairement atteinte a seul de l'importance pour nous,

tandis que, dans la folie simultanée, les deux individus douent être

examinés. Dans la transmission d'une maladie mentale à un autre indi-

vidu, l'hérédité ne joue pas de plus grand lôle que lorsqu'il s'agit de

l'éclosion d'une psychopathie quelconque. Nous réhabiliterons la théorie

do la contagion psychique, c'est-à-dire l'influence directe nocive du pre-

mier Il1dl\iùu malade sur son camarade, mais il s'agit non d'une infec-

tion simple vraie, mais du concours d'une série de facteurs qui aboutis-

sent à la transmission; peut-être y a-t-il intoxication par l'action des

produits de dénutrition gazeux de l'aliéné, peut-être y a-t-il aussi sug-

gestion, La prophylaxie constitue le traitement de la folie à deux. Deux

observations personnelles. l'. K.

IMPORTANCE pratique DE L1 question DE La paralysie générale

SYPHILITIQUE,; par TuolSEN. (Allg. Zcitsch. f. Psychiat. XLIV, 5.)

Sur 416 paralysies générales appartenant à la population infé-

rieure de Berlin, on constate, dans un cinquième de cas, une

lésion certaine des cordons postérieurs; dans un tiers des cas, une

lésion probable des cordons latéraux. Sur 104 de ces malades,

sur lesquels on a eu des renseignements, SI ont eu sûrement la

483 U-) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

syphilis, 53 l'ont eue selon toutes probabilités. Sur 24 paralysies

générales empruntées à l'asile privé de Hertz, à Bonn, de 1886-

1889, 66 p. 100 ont éprouvé des symptômes tabétiques; 25 p. 100

présentaient des lésions des cordons latéraux; 9 p. 100 étaient

indemnes de lésions médullaires; 62 p. 100 avaient eu sûrement

- la syphilis : Ce nombre se décompose lui-même en : lésions conco-

mitantes des cordons postérieurs, 70 p. 100; lésions concomi-

tantes des cordons latéraux, 20 p. 100; les paralytiques généraux

à sclérose postérieure avaient été atteints à l'âge de quarante-et-un

ans, il s'était écoulé quatorze ans entre l'infection syphilitique et

le début de la paralysie générale; les paralytiques généraux à

sclérose latérale avaient été atteints à l'âge de trente ans, il s'était

écoulé sept ans entre l'infection syphilitique et le début de la pa-

ralysie générale. 70 p. 100 des paralytiques avec lésion des cor-

dons postérieurs avaient la syphilis sûrement; 50 p. 100 des para-

lytiques avec lésions des cordons latéraux ou à moelle saine

étaient des syphilitiques certains. Il faut donc désormais étudier à

part la paralysie genérale compliquée de lésions des cordons la-

téraux et la paralysie générale compliquée de lésions des cordons

postérieurs.

Quoi qu'il en soit, le traitement antisyphilitique n'agit pas quand

le symptôme de la démence confirme le diagnostic; il anémie et

excite. Les paralytiques généraux tahétiques doivent être internés

dans les asiles, à moins que l'intelligence et la parole ne soient pas

lésés; dans ce dernier cas, on peut recourir à des maisons d'hydro-

thérapie à la condition qu'il n'y ait pas de symptômes médullaires

ou qu'il n'y ait que des symptômes témoignant de la dégénéres-

cence des cordons latéraux. L'asile est indispensable lorsqu'il y a

tabes avec accidents cérébraux, notamment avec déchéance intel-

lectuelle, car généralement alors les accidents cérébraux sont ceux

de la paralysie générale. P. K.

XXXV. DE VINGT-SIX cas de paralysie PROGRESSIVE CHEZ la femme ;

par L. GnEPPIN. (Allg. Zcitsclr. f. Psych. XLVI, 5.)

Statistique confirmant les assertions des autres auteurs. P. K.

XXXVI. DE la paralysie DE la main par l'application DES MENOTTES;

, par EULENDU11G. (Neurol. Ce7aL'albl. 1889.)

Paralysie du médian comprimé dans son trajet superficiel au-

dessus de l'articulation radiocarpienne, entre les tendons du fléchis-

seur radial du carpe (premier radial externe) et du grand palmaire,

à l'endroit où le nerf émet son rameau cutané. L'électrisation

guérit les accidents moteurs et sensitifs. P. KERAVAL.

XXXVII. Casuistique des névroses traumatiques; par L. Bruns.

(NPi<TOI.G'C72LralGl. 1889.) Névrose RRAUMATIQUF avec autopsie;

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 453

par SpERLiNGet IiR07T1L1L (Ibid.) - Contribution A l'appréciation

CRITIQUE DE la névrose traumatique; par H. OPPENHEIM. (Ibid.)

CONTRIBUTION A la simulation DES affections NERVEUSES CONSÉCU-

TIVES au traumatisme; par A. SEELIGMUELLER. (Ibid.) Réponse;

par II, OPPENHEfAI. (Ibid.) - OBSERVA'110N DE névrose traumatique

avec autopsie; par BERNHARDT et KpONTnAL. (Neurol. Centralbl.,

1890.)

Les symptômes cardinaux qui permettent de déjouer la simu-

lation, ce sont les signes physiques tels que les anesthésies, le

rétrécissement du champ visuel pour les couleurs dans leur ordre

si particulier, les troubles cardiaques. Avec eux pas de simulation,

ni d'exagération possible. Ce n'est pas à dire cependant que le

traumatisme ait toujours créé de toutes pièces les phénomènes

morbides. Il est des cas dans lesquels il y avait lésion organique

préalable (sclérose du système artériel), mais l'équilibre fonctionnel

subsistait jusqu'au jour où le choc traumatique l'a rompu. P. K.

XXXVIII. Contributions cliniques A la mélancolie; par E. MENDFL

(Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVI, 4.)

C'est un exposé de principes nosographiques.

La mélancolie hypochondriaque se traduit par des lésions de la

sensibilité somatique (musculaire et viscérale). La mélancolie

religieuse, intellectuelle, ou simple, procède de lésions de la sen-

sibilité intellectuelle (auloculpabihté, etc). La mélancolie géné-

rale, qui peut succéder à l'une des deux formes précédentes, com-

prend les deux espèces de lésions précédentes ; la mélancolie stu-

pide n'est qu'une sous-classe.

La plus fréquente est la mélancolie intellectuelle; 116 observations

sur 206 mélancoliques ;

1¡ ? )/ Il REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XL. EPILEPS11 CLASOAIA SEU 110T.1TOltl.a; par le DI Cruier.

(Zeitschr. sur Heilkande, vol. XI, 18UO.)

Observation d'un malade qui avait des attaques d'épilepsie

- suivies parfois d'accès de fureur, des accès intermittents de rota-

tion à droite isolés ou se présentant comme un phénomène d'aura,

des mouvements de manège, quelquefois aussi de la rotation à

gauche et de la procursion. A l'autopsie, on a constaté de J'atro-

phie cérébrale. Notlinaâel faisait dépendre l'épilepsie procursive de

lésions cérébrales. Bourneville et Bricon ont confirmé cette manière

de voir, et dans une observation qu'ils ont publiée ils ont trouvé

une différence de poids entre les hémisphères cérébelleux. Le

D' Cramer combat cette opinion. Pour lui, il ne s'agit pas de

lésions cérébrales ou cérébelleuses, mais de phénomènes pure-

ment fonctionnels : la procursion doit être rattachée aux mouve-

ments impulsifs si fréquents dans l'épilepsie, au saut, par exemple.

Un autre malade de la clinique du professeur Pick présente ce

même type de curso-rotation, symptôme d'un processus diffus.

J. Dagonet.

XLI. SOPRA UNA PARTICOIARITi DEL MUTISME PER STUPRE; par le

D1' Gucci. (Archivio italiceno per le 1nalallie neovose, 1889.)

L'auteur expose une suite de longues considérations qui l'a-

mènent à séparer la démence aiguë de la mélancolie avec stupeur :

il considère la stupeur comme un état d'inhibition et n'admet pas

que le délire triste soit sa condition nécessaire, mais qu'elle peut

se développer au cours de bien des formes différentes de folie, soit

psychoneurotique, soit dégénérative. Puis il rapporte plusieurs

observations de mutisme avec stupeur et il a remarqué que dans

ces cas les malades, si on plaçait un livre devant eux, lisaient le

plus souvent en 'prononçant bien les mots. Dans ces cas, dit l'au-

teur, ce sont les images visuelles qui sont seules capables de pro-

voquer la parole : le champ de l'inhibition s'étendait au centre

auditif verbal et aux voies de conduction qui le relient au centre

moteur d'articulation, respectant au contraire celles qui relient ce

dernier centre au centre visuel des mots et le centre visuel lui-

même. J. S.

XLII. Les asymétries fronto-faciales chez les aliénés; par le

Dr Raffaele HOSCLOLI. (Il manicomio, 1589, n° 1.)

Voici le résumé de ce travail : les asymétries d'intensité mini-

mum, et dépendant de causes de peu de valeur, souvent méca-

niques, sont si fréquentes que bien peu d'individus en sont exempts;

elles n'ont aucune valeur en tant que causes prédisposantes de la

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 4SS

folie. Les asymétries fronto-faciales de moyenne et de grande in-

tensité, calculables, celles dont il a été tenu compte surtout dans

ce travail se rencontrent avec une certaine fréquence non seule-

ment chez les épileptiques, mais dans presque toutes les formes

de maladies mentales et même chez des individus sains d'esprit.

Pour cette raison, elles ne peuvent être considérées comme cause

spécifique d'une maladie mentale quelle qu'elle soit; mais encore

elles sont compatibles avec le plein développement et le fonction-

nement régulier des facultés intellectuelles. Comme elles sont pro-

duites par des anomalies de développement des os crâniens, elles

ne sont que des manifestations pathologiques simples, coïncidant

parfois avec la folie, l'épilepsie, mais sans avoir avec ces maladies

un rapport de cause à effet : tous ces symptômes dépendent d'une

seule et même cause, la dégénérescence. Au point de vue de la

fréquence, les asymétries fronto-faciales suivent chez les aliénés

une échelle ascendante, des formes élevées de la dégénérescence

mentale (folie circulaire, manie périodique, paranoia primitiva,

etc.), aux formes inférieures (démence consécutive, imbécilité,

idiotie, épilepsie, etc.). Il en est de même pour les différentes caté-

gories de délinquants (fripons, banqueroutiers, criminels d'occa-

sion, voleurs, assassins). Leur fréquence étant plus grande dans les

formes inférieures de la dégénérescence et dans la démence con-

sécutive, elles peuvent devenir un élément de pronostic d'une cer-

taine importance, alors qu'il est nécessaire de se prononcer sur

des cas de psycho-neuroses. Leur présence pourrait faire prévoir

que la maladie aigué aboutira plus facilement à la démence ter-

minale. J. S.

XLIII. Des variations DE LI sensibilité gêner \le, spéciale ET RÊ-

1-LF-,F, chez les épileptiques dans LI période 1NTEIlPdIlOxISTIQI : E

rr après l'accès ; par le 0'' Cesare AGOSTm. (Riv. sper. di fren.,

1890, vol. XVI, fasc. I-II.)

La sensibilité tactile, comme la sensibilité à la pression est chez

les épileptiques moindre que chez les individus normaux, la diffé-

rence augmentant après les accès surtout du côté qui est en rap-

port avec la plagiocéphatie et où prédominent les convulsions.

La sensibilité thermique, presque normale est bien peu altérée

après les accès intenses. La sensibilité gustative est moindre que

chez les individus sains et après les accès elle disparait fréquem-

ment ou diminue d'un côté.- La sensibilité olfactive, spécialement

chez les épileptiques soumis au traitement bromure, est diminuée

avec des phénomènes d'hyposmie et d'anosmie plus manifestes

après la convulsion. La sensibilité auditive est moindre que

chez les individus sains et surtout du coté opposé à la plagiocé-

phalie, la différence s'accentuant après l'accès. L'acuité visuelle

436 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

est presqu'intacte, peu troublée après les convulsions, avec des

symptômes de rétrécissement du champ visuel : peu fréquentes

sont les altérations du sens chromatique. Du côté de la sensibilité

générale organique, la sensibilité à la douleur est presque, normale

et peu modifiée par l'accès : on peut en dire autant du sens mus-

culaire. Le sens de l'équilibre est en général troublé surtout dans

l'épilepsie ancienne et l'est très fortement après l'accès. - La sen-

sibilite électrique est moindre que chez les individus sains, surtout

après l'accès et avec phénomènes de latéralité. Du coté des

réflexes l'ouverture de la pupille, durant le calme, est normale le

plus souvent, assez fréquemment dilatée : la pupille réagit plutôt

lentement ; mais après l'accès il y a, dans la plupart des cas, dila-

tation pupillaire et réaction plus prompte aux excitations. Les

réflexes de la conque auriculaire, des narines, du voile du palais,

de l'aisselle, de l'abdomen, crémastérien et plantaire sont générale-

ment moins prompts que chez les individus sains durant les pé-

riodes de calme, et plus énergiquee et plus rapides, surtout le

plantaire, après la phase convulsive. Le réflexe rotulien est en

général plus vif que chez les individus normaux et est notablement

augmenté après l'acces. Le clonus du pied manque le plus souvent

dans la période inlerparoxyslique et apparaît dans le plus grand

nombre des cas après la convulsion.- Du coté de la motilité, il y a

des troubles dans la marche, l'écriture, et la contractilité électro-

musculaire est moindre que chez les individus sains et se montre

encore plus diminuée après les accès. Sous le rapport de l'examen

aomatique et psychique, il y a des caractères suffisants pour con-

clure à la nature dégénérative de l'épilepsie et démontrer son

affinité avec la folie morale et la delinquence congénitale. J. S.

XLIV. LES NÉOLOGISMES DES ALIÉNÉS EN RAPPORT AVEC LES DÉLIRES CHRO-

NIQUES ; par le D1' Tanzi. (Riv. Sper. di (l'en., vol. XVI, fasc. 1-11,

1890.)

L'auteur a recueilli un grand nombre de ces néologismes dont

usent si fréquemment les aliénés chroniques. Il en étudie les diffé-

rentes espèces, les caractères, leur signification commune, qui se

réduit à condenser en un mot nouveau la partie essentielle et ca-

ractéristique du délire. Partant de là pour étudier l'idée délirante,

l'auteur conclut que le délire est déterminé par l'apparition et l'hé-

gémonie d'images données et de tendances, qui se résument dans

la superstition. Des images et des tendances semblables se retrou-

vent, comme manifestation unique de l'intelligence, chez l'homme

primitif; on les retrouve encore, affaiblies et à l'état latent, chez

l'homme bien développé. Entre ce groupe d'idées piimilives et

celui des idées plus récentes, il y a, chez l'homme complet et bien

développé, différence d'énergie et antagonisme de fonction tout

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 437

à l'avantage des dernières. La genèse clinique du délire, quel qu'il

soit, consiste dans la victoire des tendances superstitieuses qui

reprennent le premier rang. Cette suprématie des tendances supers-

titieuses s'effectue chez le paranoïaque par leur développement pré-

pondérant dès la naissance; chez l'aliéné non dégénéré. par une

paralysie occasionnelle des fonctions supérieures. J. S.

XLV. DE H NATURE DES PHÉNOMÈNES SOMATIQUES D ANS L'HYPNOTISME ;

par le professeur A. T.mi3uRiNi. (Riv. Sper. di /)'en., vol. XVI,

fasc. 1-11, 1890.)

Les phénomènes somatiques de l'hypnotisme décrits comme pro-

pres aux états dits léthargique, cataleptique et somnambulique

du grand hypnotisme (hyperexcitabilité neuro-musculaire, plasti-

cité cataleptique, hyperexcitabilité cutano-musculaire) se vérifient

dans un nombre restreint de cas appartenant à la grande histérie,

et indépendamment de toute suggestion. Ces phénomènes somati-

ques ne justifient cependant pas la division nosographique en trois

états distincts tout à fait différents les uns des autres et ayant cha-

cun une symptomatologie propre, car on peut les rencontrer mêlés

et confondus dans les états différents et ils ne représentent que

des manifestations diverses d'une excitabilité réflexe exagérée,

dont la variété est uniquement déterminée par la nature, l'inten-

sité et la durée des stimulus employés pour les mettre en évidence.

Ces mêmes phénomènes ne sont pas non plus caractéristiques du

grand hypnotisme, car on les retrouve (et indépendamment de

toute suggestion) à l'état de veille dans des cas de grande hystérie

où ils constituent autant de stigmates hystériques; donc dans les

quelques cas où on les rencontre dans l'hypnotisme, ils n'en sont

pas l'effet; mais ils ne représentent que des manifestations propres

à l'hystérie et qui sont mieux mises en évidence dans l'état hypno-

tique, soit par augmentation de l'excitabilité réflexe, soit par les

stimulus employés agissant alors à la façon des traumalismes et

des autres agents révélateurs de la diatlièe hystérique. L'hypno-

tisme n'est donc pas une névrose provoquée, puisque dans les quel-

ques cas où il apparaît comme tel, il ne fait que mettre au jour

des phénomènes pathologiques qui, existant déjà, ou à l'état la-

tent, appartiennent à la névrose hystérique dont il n'est en réalité

que l'agent révélateur. L'hypnotisme n'est qu'un simple état de som-

meil provoqué qui n'est nullement pathologique, mais a seulement

la double propriété de-produire une certaine augmentation de

l'excitabilité réflexe, et une augmentation notable de la suggesti-

bllité, fournissant la clef de tous les phénomènes somatiques et

psychiques de l'hypnotisme. Les phénomènes que l'on rencontre

dans l'hypnotisme peuventvarier à l'infini suivantque l'on a affaire

à des individus sains et robustes ou faibles, malades, névropathes,

488 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.

hystériques simples, hystériques graves, mais tout ce qui dans ces

cas complique le cadre symptomatique n'est pas dû à l'hypnotisme

par lui-même, mais bien aux conditions morbides préexistantes que

l'hypnotisme ne fait que mettre en lumière. Aussi les formes il-

nombrables en apparence d'hypnotisme qui ont donné lieu à la

distinction en crand, petit hypnotisme, etc., ne sont-elles dues

(en dehors des divers degrés possibles de someil) qu'à ce qu'ajou-

tent la suggestion artificielle ou les conditions pathologiques

préexistantes. J. S.

SOCIETES SAVANTES

SOCIÉTÉ AIÉDICO-PSYCIIOL.OfIQUE.

Séance du 23 février 1891. Présidence de M. BOUCIIERE\U.

Erection d'un buste à la mémoire de Baillarger. - Sur la propo-

sition de M. Vallon, une commission composée de MM. Blanche,

Bouchereau, Falret, Ritti et Vallon est chargée de jeter les bases

d'une souscription destinée à élever un buste à la mémoire de

M. Baillàrger.

M. Th. ROUSSEL remercie la Société qui l'a élu vice-président

dans l'une de ses dernieres séances. Toujours attiré par l'étude des

maladies mentales, il rappelle, qu'il y a cinquante ans, il a été

l'interne de Falret père et deMitivié et qu'à cette époque, il traité

dans un mémoire l'influence des maladies intercurrentes sur le

cours de la folie. Bien queles circonstances l'aient poussé dans une

autre voie, il n'ajamais oubllié ses débuts dans la médecine men-

tale et il croit en avoir donné la preuve dans son rapport au Sénat

sur la réforme de la loi de 1838 qui régit les aliénés. Son projet de

loi ne satisfait pas, il est vrai, les aliénistes.mais il faut savoir faire

des concessions aux préjugés des milieux législatifs ! L'intervention

de la magistrature dans le placement et la sortie des aliénés est

inutile, mais il faut cependantenprendresonparti,car on ne l'évi-

tera pas.

Le Parlement vient d'être saisi d'un nouveau projet de loi par

M. Reynach. Ce projet n'est pas, comme l'ont dit certains jour-

naux, celui de Gambetta et de M. Megnin. Il en diffère totalement

pour se rapprocher du texte adopté par : e Sénat. A cette occasion,

M. Roussel raconte l'anecdote suivante : Au moment de proposer

SOCIÉTÉS SAVANTES. 4M u

sa réforme au Sénat il crut devoir en parier Gambetta et lui

demander son avis. Comme Gambetta l'approuvait dans son en-

semble, M. Rousse) s'en montra surpris car il différait notablement

de celui du grand orateur. « Allez-y de votre projet, lui répondit

Gambetta, le mien avait sa raison d'être autrefois, avant le

déluge ! Gambetta sentait mieux que personne les exagérations

de son texte; en tout cas le système du jury qui en constituait la

caractéristique, donne de trop déplorables résultats dans les pays

d'Amérique qui l'ont adopté pour qu'on pense jamais à l'appliquer

en France.

Syndromes 'épisodiques de la folie héréditaire survenus Ii la suite

d'une hémorrhagie dans le noyau lenticulaire. M. SAURY donne

lecture d'une observation de M. Journiac : Il s'agit d'un homme

âgé de soixante-dix ans dont les antécédents héréditaires étaient

très chargés et qui, sans avoir jamais présenté de troubles intel-

lectuels, était tombé à la fin de sa vie dans un état de mélanco-

lique auquel il a succombé. Son délire mélancolique avait été

précéde d'impulsions homicides et suicides dont le malade avait

conscience et qu'il put réprimer. A l'autopsie on tronva un foyer

hémorrhagique dans le noyau lenticulaire qui n'avait donné lieu à

aucun trouble moteur ou sensitif.

M. Magnan fait remarquer qu'il est très rare de voir un délire

aussi net survenir chez un vieillard manifestement dégénéré sans

s'être manifesté à des époques antérieures de la vie. z

Les aliénés dits criminels. M. Marandon de Monthyel. La ques-

tion des aliénés criminels doit être étudiée à la lumière de l'anthro-

pologie criminelle sous son quadruple aspect : caractères spéciaux

asiles spéciaux et législation, responsabilité. L'anthropologie crimi-

nelle, considérant qu'elle est un fait déductif et non un fait d'in-

duction, en proclame l'inutilité en médecine légale de l'aliéné cri-

minel, d'autant plus qu'elle peut être avantageusement remplacée

par l'état mental au moment des actes incriminés. Ce critérium a

en outre l'avantage de maintenir l'expert sur un terrain exclusive-

ment scientifique et de lui permettre par là de parler avec la

même autorité que le médecin-légiste ordinaire. L'anthropologie

criminelle fixe les caractères spéciaux de l'aliéné criminel en

montrant qu'il est un dégénéré régressif, c'est-à-dire un aliéne

chez lequel on retrouve tout à la fois les stigmates physiques et

psychiques de la dégénérescence et les stigmates physiques et psy-

chiques de la régression. L'aliéné inoffensif ne présente, lui, que

les signes du dégénéré. En montrant que l'aliéné criminel est un

être à part différent de l'aliéné simple, l'anthropologie criminelle

a réduit à néant le principal argument contre les asiles spéciaux

qui consiste à dire que tous les internésétant susceptibles de deve-

nir criminels, il n'est pas nécessaire d'établir des catégories. L'asile

60 SOCIÉTÉS SAVANTES.

spécial est préférable au quartier spécial annexé il l'asile ordinaire,

car la jalousie excitée par les avantages dont jouissent les autres

malades sera une cause de rébellion parmi les aliénés criminels,

d'autant plus explicable que le voisinage des aliénés simples obligera

de les tenir enfermés. Enfin, l'anthropologie criminellefixelesl>ases

de la législation en montrant que l'aliéné criminel est en même

temps un dégénéré, c'est-à-dire un être qui relève de la médecine

et un régressif, c'est-à-dire un être qui relève de la justice. C'est

donc exclusivement aux médecins et aux magistrats à statuer sur

le sort de l'aliéné dit criminel, et comme il est sujet à récidive,

dans l'intérêt de la société, sa sortie, même après guérison, doit

être rendue à peu près impossible. MARTEL BRIaND.

IVe CONGRÈS DES MÉDECINS RUSSES

Réunis .1 Moscou le 15 janvier 1891.

SECTION DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES.

Cette section a eu trois séances dont deux, celles du 17 et du 20

janvier, étaient consacrées aux maladies nerveuses et une, celle du

19 janvier, aux maladies mentales.

Séance du 17 janvier (Maladies nerveuses).

Présidence de M. le professeur KOJEVNIKOFF.

Présidence d'honneur DE M. LE professeur Sikorski (de Kieff).

M RoTT (de Moscou) a fait une communication sur la « pathogé-

nie des atrophies musculaires ». Les atrophies musculaires se déve-

loppent sous l'influence de l'action séparée ou combinée des cau-

ses suivantes : insuffisance innée de l'énergie nutritive dans les

fibres musculaires, modification des conditions de leur nutrition

qualitative ou quantitative, trouble de l'innervation musculaire,

arrêt dans le fonctionnement des muscles, trouble dans les condi-

tions mécaniques normales de l'existence des fibres musculaires.

Chaque espèce d'atrophie musculaire a son tableau clinique et son

substratum anatomo-pathologique propre; mais étant donné qu'en

réalité on a presque toujours à faire avec des formes combinées,

il est impossible de présenter une classification définitive des amyo-

trophies. Aussi, est-on obligé de se tenir principalement à une

classification étiologique et dans chaque cas individuel, chercher

SOCIÉTÉS SAVANTES. 461

les conditions d'origine des amyotrophies. La pathogénie des atro-

phies musculaires reste inexpliquée dans beaucoup de cas, ce qui

dépend en partie de l'insuffisance de nos moyens habituels d'inves-

tigation.,

M. D \RKSCIIEVITSCH (de Moscou) a fait une communication sur

« les atrophies musculaires dans les arthropathies ». L'auteur distin-

gue deux formes d'atrophies musculaires qui diffèrent aussi bien

au point de vue clinique qu'au point de vue anatomopathologique.

La première forme, simple, se caractérise par l'absence des modi-

fications électriques dans les muscles et des changements anatomo-

pathologiques dans la moelle épinière et dans les nerfs périphéri-

ques. La seconde, de nature dégénérative, se caractérise par la

réaction de dégénérescence dans les muscles atrophiés et des modi-

fications très nettement prononcées de nature dégénérative dans

la moelle épinière et les nerfs périphériques. Pour expliquer la

pathogénie des atrophies musculaires dans les affections articulai-

res, on a proposé bien des théories parmi lesquelles la plus satis-

faisante serait, d'après l'auteur, la théorie dite réflexe. Les nerfs

centripètes qui se distribuent dans les articulations malades subis-

sent une irritation dans leurs parties terminales. Cette irritation

se transmet aux cellules de la corne antérieure de la moelle et

détermine ainsi un certain trouble dans leur activité nutritive nor-

male. Dans les irritations de longue durée, ce trouble aura une

action destructive sur les muscles correspondants.

M. ICottmtor a fait remarquer que l'auteur a oublié de noter un

des symptômes de l'amyotrophie arthropatique - l'hypertrophie

du pannicule adipeux. De plus, il ne croit pas que les deux formes

établies par l'auteur soient nosologiquement séparées ; il pense, au

contraire, que la forme dégénérative est une simple complication

de la première forme par un processus pathologique quelconque.

M. MOURaTOFF (de Moscou) a lu son travail a sur la pathogénie

des atrophies musculaires dans les affections cérébrales ». Voici les

conclusions de l'auteur : dans les affections cérébrales, on peut

observer des amyotrophies sans aucune modification du côté des

gauglions spéciaux ni des cellules. La sclérose descendante du tra-

jet pyramidal ne constitue pas une condition nécessaire pour le

développement de l'atrophie. Il est encore impossible de préciser

la localisation anatomique de la lésion cérébrale provoquant infail-

liblement l'atrophie, mais dans la majorité de cas il faut incrimi-

ner une lésion de la région motrice de l'écorce cérébrale. Au point de

vue clinique, les atrophies musculaires d'origine cérébrale peuvent

être divisées en deux classes : aiguës et chroniques; les pre-

mières sont curables à condition que la lésion primitive soit cura-

ble. Au point de we auatomopatholoique, les modifications mus-

culaires portent le caractère d'une atrophie simple. Les théories

462 ) SOCIÉTÉS SAVANTES.

de la modification anatomique ou dynamique des cellules des cornes

antérieures n'expliquent pas complètement la pathologie des amyo-

trophies cérébrales; la théorie vaso-motrice l'explique mieux jus-

qu'à un certain degré.

A propos de cette communication, M. PaÉoBaAJENSKI a fai t remar-

querque ses recherches sphygmographiques sur l'artère radiale chez

les hémiplégiques du côté sain et du côté malade ont montré une

différence dans la courbe du pouls des deux côtés : du côté malade

on observait des phénomènes d hypertonie et de dilatation des

vaisseaux, ce qui laisse incertaine la question de prédominance d'un

de ces phénomènes comme cause d'origine de l'atrophie.

\I. RoiT a fait une seconde communication sur la « pathogénie

de l'atrophie musculaire progressive ». Les modifications fondamen-

tales des fibles musculaires dans cette affection consistent en leur

atrophie longitudinale et transversale. L'hypertrophie des fibres

musculaires constitue un phénomène de compensation et quin'apas

de rapport direct avec le processus morbide. La dénomination

introduite par Erb la dystrophie musculaire - n'est pas justifiée

par l'étude comparée des modifications anatomiques propres à

cette maladie et à d'autres amyotrophies progressives. L'analyse

des particularités cliniques de l'atrophie musculaire progressive

jointes aux modifications anatomiques qu'on y observe et à l'héré-

dité qui joue le rôle éliologique principal, amène il cette conclu-

sion qu"il faut chercher la cause première de la maladie dans les

modifications des particules de la cellule embryonnaire qui servent

de source de développement du système musculaire de l'individu

malade.

M. le professeur KojEWMhon'- a lu un travail sur la paralysie

alcoolique fondé sur de nombreuses observations personnelles.

Le tableau clinique de la paralysie alcoolique se caractérise par

un trouble de l'activité psychique- obnubilation de la conscience,

affaiblissement très considérable de la mémoire et des phéno-

mènes paralytiques. Ces derniers sont habituellement plus pro-

noncés dans les extrémités inférieures ; les régions plus éloignées

des centres sont lésées avant et plus fortement que les régions

situées plus près de ces mêmes centres; les extenseurs.sont plus

touchés que les fléchisseurs. Les paralysies portent un caractère

périphérique et se développent graduellement. Dans ces para-

lysies, les modifications anatomiques s'observent dans le cerveau,

la moelle épinière et les nerfs péliphéliques, mais dans ces der-

niers les lésions sont les plus marquées. Le caractère de ces lé-

sions est une névrite parenchymateuse multiple. Dans la moelle

épinière, les lésions sont moins constantes et moins réguhèles-

elles sont tantôt de nature parenchymateuse, tantôt interstitielle.

Dans le cerveau, les modifications portent le plus souvent sur l'é-

corce, comme cela s'observe généralement dans l'alcoolisme

SOCIÉTÉS SAVANTES. 63

chronique. Toutes ces modifications du système non eux centrale

et périphériques sont complètement indépendantes l'une de

l'autre; elles n'ont de commun que la cause qui leur a donné nais-

sance : l'alcoolisme. Le substratum anatomique de la forme cli-

nique connue sous le nom de paralysie alcoolique est constitué par

la névrite multiple; le degré de la maladie et son danger dépen-

dent principalement du degré de lésion des organes profonds,

principalement du coeur.

A propos de cette communication, M. le professeur Sikorski a

demandé si dans les cas où on a trouvé des lésions dans le sys-

tème nerveux central et dans les nerfs périphériques, les modifi-

cations constatées dans ces derniers doivent-elles être mises sur le

compte exclusivement de 1 action toxique de l'alcool ou peut-on

les mettre en rapport avec d'autres causes (comme le froid, par

exemple) qui peuvent agir sur les alcooliques d'une façon bien

plus intense grâce aux parésies vaso-motrices existant chez eux ?

M. le professeur HojEWNmoi'F a répondu que dans l'origine des

névrites alcooliques l'intoxication par l'alcool occupe, d'après lui, la

première place. Parmi les malades qu'il a observés il y avait des

personnes de toutes les conditions sociales et économiques; or, les

alcooliques-mendiants qui certainement, subissent plus que les

autres des influences extérieures nuisibles et entre autres l'action

du froid, ne donnent pas le chiffre le plus fort parmi les malades

atteints de névrite alcoolique.

M. Eporr partage l'opinion de M. Kjewnikolf en se fondant sur

ses recherches expérimentales. En pratiquant chez les animaux des

injections hypodermiques de l'alcool faible dans les environs du

nerf sciatique, il a pu observer dans les nerfs des modifications

destructives considérables.

Séance du 19 janvier. (Maladies mentales.)

Présidence de ilI. Ronsar,orr.

Piésidence d'honneur de 111. LITI ? > : on.

M. Korsakoi-f fait une communication sur les formes aiguës de la

folie. Dans ces dernières années, la question des psychoses aiguës

a été mise en avant, au premier plan de la littérature aliéniste par

une série d'auteurs. Cependant, malgré le nombre assez considé-

rable de travaux consacrés à l'étude de ces formes, leurs limites

cliniques dans la série des autres psychoses n'ont pas encore été

suffisamment déterminées. La doctrine de Meynert relativement à

]'amentia provoque des doutes aussi bien au point de vue du dia-

gnostic qu'au point de vue du nom même de la maladie. Le terme

latin le mieux approprié serait dysnoia, ce qui en traduction si-

464 SOCIÉTÉS SAVANTES.

gnifie confusion, démence. Après avoir décrit brièvement le

tableau clinique de la folie aiguë M. Roasvxorr a proposé d'en

distinguer deux formes : l'une avec stupeur (dysnoia stuperosca),

l'autre délirante (dysnoia deliriosa). Cette dernière forme prend

souvent le caractère de la manie et peut dans ce cas être dé-

nommée dysnoia deliriosa maniacalis. Dans quelques cas, la folie

aiguë présente dès le début des phénomènes d'affaiblissement

intellectuel et peut être appelée dysnoia demenlica. Les observa-

tions démontrent qu'il existe des cas qui ressemblent d'après leurs

accès à la folie aiguë primaire, mais qui présentent un début assez

rapide et finissent par la guérison. Des cas semblables peuvent

également être rattachés aux formes aiguës de la folie. Comme

par les dénominations de paranoïa, dystxoicz et amentia on indique

non pas la maladie, mais le syndrome prédominant, il s'ensuit

qu'en réalité on peut souvent rencontrer des formes transitoires

entre les formes aiguës et la folie primaire. En étudiant la dé-

mence aiguë, il est nécessaire d'attirer l'attention sur les syn-

dromes somatiques; il existe des faits qui indiquent que cette

forme lésulte d'une autointoxication de l'organisme et les pallies

du syslème nerveux central qui ont le plus des rapports avec l'ati-

vité psychique se trouvent particulièrement lésées.

M. Serbski a fait une communication sur le même sujet : des

formes aiguës de la folie. Les formes aiguës de la folie peuvent être

divisées en deux grands groupes : confusion aiguë avec prédomi-

nance des troubles du côté de la conscience et folie aiguë pro-

prement dite (paranoia acuta) avec prédominance des troubles du

côté de l'intelligence. La confusion aiguë se caractérise par un

trouble de la conscience, un état affectif, un trouble dans l'asso-

ciation d'idées, un grand nombre de symptômes très variables

d'ordre physique qui donnent à l'ensemble du tableau clinique un

aspect multicolore. La marche de la confusion aiguë présente, dans

la plupart des cas, une succession de plusieurs périodes d'évolution

différant l'une de l'autre d'une façon très notable. Cette circons-

tance permettra probablement plus tard d'instituer plusieurs types

de la confusion aiguë. La confusion aiguë n'est pas une forme dé-

générative, l'hérédité ne joue pas dans son développement un rôle

plus grand que dans les autres psychonévroses. Les conditions

étiologiques les plus favorables sont formées par les influences dé-

bilitantes diverses et par les affections fébriles aiguës ; dans beau-

coup de cas on a le droit de supposer une intoxication par des subs-

tances venant du dehors ou se développant au sein de l'organisme

lui-même. La folie aiguë proprement dite se caractérise par

une clarté relative de la conscience, un développement subaigu

des idées délirantes qui ne se présentent jamais sous une forme

bien systématisée, l'existence simultanée d'un état affectif avec

une disposition tantôt à la dépression, tantôt à l'excitation. Sa

SOCIÉTÉS SAVANTES. 463

marche est remarquablement uniforme et ne présente pas de suc-

cession marquée des différents degrés d'évolution. La maladie a

une grande tendance à récidiver et se développe principalement

chez des sujets ayant une grande prédisposition héréditaire.

Ces deux communications ont donné lieu à plusieurs remarques

intéressantes.

M. KO-,\ST\NTI ? OWSK1 a dit que les faits anatomo-pathologiques ne

doivent être acceptés par les aliénistes qu'après avoir été vérifiés

par la clinique.

M. Dounaovmr considère le terme dysnoia comme mal choisi ;

il insiste tout particulièrement pour démontrer que les individus

non dégénérés peuvent également être atteints des psychoses

aiguës.

M. Sikorski déclare que les auteurs des communications sur la

folie aiguë ne font que passer en revue des anciennes formes ; il

leur accorde cependant le droit de donner à ces vieilles formes des

nouvelles dénominations, parce qu'ils groupent les symptômes un

peu autrement et établissent un autre point de vue. Mais il se de-

mande surtout, si nous devons considérer chaque forme nouvelle

comme une maladie à part ; nous avons des formes simples, mais

seulement chez des individus divers, toute la différence dépend de

l'individualité. M. le professeur Sikorski cite des exemples d'a-

phasie où. la lésion cérébrale étant absolument la même, les phé-

nomènes cliniques sont excessivement variables selon leur dépen-

dance de la manifestation de l'individualité, de l'habitude que le

malade avait avant sa maladie de se servir d'une quantité plus ou

moins considérable de ses appareils intellectuels. Pour lui, il im-

porte bien plus d'analyser l'individualité que de décrire les symp-

tômes et les formes nosologiques.

M. Litvinoff a fait remarquer qu'il était souvent embarrassé,

comme bien d'autres aliénistes, de faire le diagnostic des affections

aiguës se montrant chez des sujets jeunes âgés de seize à vingt

ans; pour le même malade le diagnostic était successivement- mé-

lancolie ou manie. Il a appris de Meynert que la mélancolie occupe

une place très restreinte dans le nombre des affections mentales.

Il arrive donc à cette conclusion que les jeunes sujets dont il vient

de parler présentaient le tableau clinique de la confusion aiguë,

d'amentia. Quant à la prédisposition héréditaire, il pense égale-

ment qu'elle n'a pas un rôle prépondérant; l'influence certaine est

celle de l'épuisement.

M. le professeur SITRORSKI insiste à démontrer que les aliénistes

contemporains s'occupent peu de l'individualité psychique du

malade. Un homme naturellement expansif sera plutôt atteint de

mélancolie anxieuse, tandis qu'un homme qui réagit à l'état nor-

mal par un arrêt des mouvements psychiques, sera plutôt atteint

ARCHIVES, l. XXI. 30

466 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de mélancolie avec stupeur. Pour lui, les formes telles que mélan-

colie anxieuse, melancholia attonita, etc.... ne sont qu'une même

.affection qui s'est développée chez des sujets dont les caractères

diffèrent. L'analyse soigneuse du caractère psychique du malade

avant la maladie aurait permis de simplifier nos classifications et

nos descriptions symptomatiques.

M. le professeur KojEVNiMFF trouve que l'exemple de l'aphasie

donné par M. Sikorski prouve, au contraire, la dépendance com-

plète des phénomènes cliniques de la localisation et de la propa-

gation du processus morbide dans le cerveau. La psychiatrie con-

temporaine doit ramener toutes les formes cliniques sur le terrain

anatomo-physiologique ; son succès est donc en rapport intime

avec les progrès de la neuropatlioloie, de l'anatomie et de la

physiologie du cerveau.

M. Greidenberg (Simpheropol) a lu un travail « sur le type 7-écui,-

rent dans la marche des certaines formes de la folie aiguë ». La mar-

che de certaines formes de la folie aigué (manie, folie primaire),

présente quelquefois un type récurrent, c'est-à-dire, consiste en

plusieurs accès séparés par des intervalles normaux ou presque

normaux. Pendant ces trois dernières années, sur trois cents cas

des formes aiguës de la folie, l'auteur en a observé sept à type

récurrent (2 1/3 p. 100). L'intensité des accès séparés est tantôt la

même, tantôt elle va en décroissant. Les intervalles entre les accès

ne portent pas de cachet des simples rémissions si profondes dans

les psychoses aiguës, mais présentent au contraire des périodes

absolument normales, libres de tout phénomène psychopatholo-

gique, pendant lesquelles des examens réitérés et attentifs ne pou-

vaient découvrir des signes déterminés d'un trouble mental quel-

conque. Sur sept malades, six n'avaient pas plus de vingt-cinq ans,

un seul avait plus de trente ans. Aucun d'eux n'avait de prédispo-

sition héréditaire. Parmi les causes de l'affection mentale, chez

six se trouvent accusées des grandes perturbations morales, un seul

est alcoolique. Tous ces malades ont guéri. Etant données les par-

ticularités singulières dans la marche de l'affection dans ces cas,

il est permis de les placer dans un groupe spécial des psychoses

récurrentes manie récurrente, paranoïa aiguë récurrente, etc.

Cependant, à l'heure qu'il est, il est encore difficile de formuler

des données solides pour le diagnostic de ces psychoses récur-

rentes.

A propos de cette communication, M. Jucovenko a proposé d'ins-

crire les formes aiguës de la folie dans la classification adoptée par

le premier congrès des aliénistes russes en 1887. Cette proposition

est renvoyée à une commission qui présentera ses conclusions à la

section des maladies mentales du prochain congrès. -

M. BamKOFF (Saint-Pétersbourg) a fait une communication « sur

SOCIÉTÉS SAVANTES. 467

l'influence des affections de l'organe de l'ouïe sur le développement et

la marche des maladies mentales ». L'auteur a recueilli vingt-quatre

observations de développement des troubles psychiques sous l'in-

fluence d'une inflammation suppurée de l'oreille moyenne et in :

terne; de ce nombre dix-sept ont été accompagnées d'autopsie.

Pour montrer la fréquence des otites chez les aliénés, M. Beliakoff

a cité les donnés suivantes :

468 SOCIÉTÉS SAVANTES.

rer principalement l'attention sur le degré d'ouverture des yeux et

des narines. Sur le côté parésié, l'oeil est habituellement plus

large, tandis que la narine est plus étroite que les parties corres-

pondantes de l'autre côté de face. Dans la plupart des cas, la

parésie s'observe sur le côté où commencent les phénomènes con-

vulsifs pendant l'attaque. On sait qu'avant on supposait que l'asy-

métrie fronto-labiale était propre aux épileptiques; plus tard, on

a trouvé que ce signe est plutôt général parmi les dégénérés. Fére

a indiqué l'hémiparésie comme signe caractéristique de l'épilepsie.

L'auteur insiste surtout sur l'hémiparésie faciale.

Cette communication a provoqué la discussion suivante :

M. SrRDsKi demande si le signe indiqué par M. Sikorski est exclu-

sivement propre à l'épilepsie ou s'il peut s'observer également dans

une foule d'autres maladies nerveuses et mentales comme une des

manifestations de la dégénérescence.

M. Sikorski a répondu que l'irrégularité dans la mimique de la

face ne constitue pas un signe exclusif de l'épilepsie; il peut servir

de signe général dans la dégénérescence, mais dans la dégénéres-

cence, l'asymétrie de la mimique n'embrasse pas toute la face,

mais une partie seulement.

M. Korniloff a remarqué que, dans les affections centrales, il est

très difficile de distinguer la parésie du spasme de l'autre côté de la

face.

M. Baar;iVOr·F (Moscou) émet le doute sur l'importance du nouveau

signe indiqué par M. Sikorski. D'après lui, ce n'est pas une hémi-

parésie que l'on observe dans ce cas, mais une différence dans l'in-

tensité de l'innervation. Tous les anthropologistes savent combien

sont difficiles les recherches de cet ordre de phénomènes; il est à

peu près impossible de trouver une face absolument symétrique;

la difficulté est encore plus grande en ce qui concerne les orifices.

Il attire également l'attention sur le nombre restreint d'observa-

tions et sur l'absence des recherches parallèles chez les sujets sains;

il conseille aussi de se méfier des indications du dynamomètre qui

varient en rapport avec les conditions les plus diverses...

M. DARKSCHEVITCH a pu constater que la parésie augmente avant

les accès; ce fait confirmerait la supposition de 11. Sikorski, qu'il

s'agit ici d'une hémiparésie réelle qui peut ainsi témoigner par sa

présence l'existence de l'épilepsie chez le malade.

M. Sikorski insiste sur le symptôme indiqué en démontrant qu'il

est la conclusion logique et naturelle des travaux antérieurs et qu'il

est analogue aux signes indiquées par Feré. Il demande à l'auditoire

de vérifier ce signe et non pas de l'accepter sans discussion.

M. SAWE ! -MoeufLE\iTscH termine la séance par la lecture de sa

communication intitulée : « Pourquoi et quand faut-il interner les

BIBLIOGRAPHIE. 469

aliénés dans les asiles spéciaux ? Le régime de ces asiles. » Ses con-

clusions peuvent se résumer ainsi : Seul le médecin-aliéniste peut

être juge des conditions et du moment de l'internement des aliénés

dans les asiles. Il faut interner les aliénés : parce qu'ils se trouvent

dans l'asile sous l'observation directe de médecins-spécialistes et

parce qu'ils y trouvent le régime et le traitement selon les règles

spéciales de l'hygiène et de la thérapeutique. L'asile doit être or-

ganisé selon les exigences du régime spécial; dans la distribution

des malades, il faut réaliser autant que possible le principe de

l'individualisation. (La fin au prochain numéro.)

BIBLIOGRAPHIE

XII. Traité élémentaire d'analomie médicale du système nerveux;

par CI ! , Féré. Paris, 1891. (Publication du Progrès médical.)

La nouvelle édition du traité de M. Féré n'est pas une simple

réimpression ; elle contient des additions assez importantes et de

nombreuses modification*. Deux parties de cet ouvrage ont été

principalement développées ; la topographie crânio-cérébrale d'une

part, la pathologie des nerfs périphériques d'autre part.

On sait que les interventions chirurgicales deviennent de jour

en jour plus audacieuses en ce qui concerne la cavité crânienne,

et c'est pourquoi M. Féré n'a pas hésité à s'étendre assez longue-

ment sur les localisations fonctionnelles de l'écorce et sur les rap-

ports des divers points de l'encéphale avec le crâne.

En ce qui concerne l'anatomie médicale de la moelle épinière,

les transformations qu'a subies l'ouvrage sont moins évidentes.

L'auteur y adopte, sans discussion, l'opinion de certains obser-

vateurs, bien que celle-ci ait été vivement combattue par divers

autres, tant en ce qui concerne la maladie de Friedreich que pour

ce qui a trait à la syringomyèlie. Les localisations bulbo-protubé-

rantielles devraient peut-être occuper, dans ce traité, une place

plus grande, surtout d'après les plus récents travaux sur les polio-

encéphalomyéliles.

La deuxième partie consacrée au système nerveux périphérique

est, par contre, extrêmement complète et d'une exposition très

claire. PAUL BLOCS.

Xlll. Leitfaden der physiologischen psychologie, par le Dr ZIaHEN.

Iéna, 1891.

Le Dr Ziehen, connu par plusieurs travaux de psychiatrie, publie

470 bibliographie.

en quatorze leçons un résumé de psychologie physiologique. Il faut

louer l'auteur d'avoir su rendre facile par une exposition claire et

intéressante la lecture de son livre. Ceux qui doivent aborder un

genre d'études pour lesquelles souvent-ils sont insuffisamment

préparés trouveront dans cet ouvrage un guide : aussi regrettons-

nous que l'auteur n'ait pas cru devoir donner une bibliographie un

peu plus détaillée et qu'il ait omis de citer des noms qu'il ne fallait

pas oublier, tel par exemple le nom de Baillarger dans la descrip-

tion des hallucinations hypnagogiques.

Ces leçons s'éloignent des doctrines de Wundt, dominantes en

Allemagne et se rapprochent de la psychologie dé l'école anglaise.

Si autrefois, E. Kant partageait ce doute, on ne croyait pas à la

possibilité d'établir une psychologie scientifique, aujourd'hui on

est arrivé à établir des lois psychophysiques. La psychologie

physiologique a pour objet l'étude des faits d'ordre psychique aux-

quels correspondent des processus physiologiques cérébraux, comme

par exemple le fait suivant : une impression visuelle ne peut être

produite s'il existe une lésion du lobe occipital, et inversement une

excitation de ce lobe produit des phénomènes analogues à des

perceptions visuelles, etc. Il faut entendre par acte psychique un

acte conscient : ces deux termes peuvent être confondus et il ne

faut admettre qu'avec une extrême méfiance l'existence de pro-

cessus psychiques inconscients. Les actes réflexes simples ne sont

pas des actes psychiques, pas plus que les actes automatiques,

puisqu'ils sont inconscients. Les actes automatiques peuvent être

des actes réflexes compliqués ou, au contraire, résulter d'actes vo-

lontaires ou psychiques. Les actes automatiques phylogénétiques

proviennent des générations qui se sont succédées; les actes onto-

génétiques sont le résultat de la vie de l'individu. Tous ces actes

sont le premier degré physiologique de l'acte volontaire : ils ne

sont pas psychologiques, mais serviront à l'étude des actes

psychiques, tels que les sensations, l'action, l'association des idées,

les souvenirs, l'attention, la volonté que l'auteur examine à l'état

normal et pathologique. J. Dagonet.

XIV. Des troubles trophiques dans l'hystérie; par Al. Athanassio.

(Publication du Progrès médical, Paris, 1890.)

La préface dont M. Charcot a honoré ce travail en exprime

mieux l'idée générale que ne pourrait le faire une courte analyse.

« Dans le domaine si vaste de l'hystérie, il sembla pendant long-

temps qu'il n'y avait place que pour des phénomènes que je qua-

lifierai volontiers de psychiques en les opposant aux phénomènes

organiques, résultant de l'altération des tissus et connus en neuro-

pathologie sous le terme générique de troubles trophiques. Le tra-

vail de M. Athanassio sapera dans ses fondements cette conception

varia. 471 Il

immatérielle qu'on s'est longtemps faite des névroses et en parti-

culier de l'bystérie. D L'auteur a classé les troubles trophiques

de l'hystérie en quatre catégories : troubles trophiques de la peau

et de ses dépendances, troubles vaso-moteurs et sécrétoires, troubles

du tissu cellulaire, atrophie musculaire. On pourrait critiquer cette

division à divers points de vue; les sueurs locales, par exemple,

rangées dans la classe des troubles vaso-moteurs et sécrétoires,

peuvent être considérées comme des troubles des dépendances de

la peau; de même les lésions des appareils ligamenteux compris

dans le chapitre consacré au tissu cellulaire sont plutôt des dépen-

dances des articulations. Mais cette classification n'a, en somme,

d'autre prétention que de mettre de l'ordre dans l'exposé, ainsi

pourra-t-on s'en contenter actuellement. Nous n'entrerons pas dans

le détail de cet exposé, car ce sont surtout des faits que l'auteur y

a rassemblés. Nous lui reprocherons peut-être de s'être étendu lon-

guement sur certains faits rares, les sueurs de sang, et, au con-

traire, de passer assez rapidement sur des cas plus ordinaires et

plus intéressants au point de vue pratique, les rétractions fibro-

tendineuses, par exemple. Mais, en considérant que ce volume

constitue le premier travail d'ensemble qu'on ait produit sur cette

question, nous sommes moins disposés à la critique, et concluerons

qu'il constitue unebonne mise nu point de cette véritable nouveauté

clinique. PAUL BLOC( ? .

VARIA

ASILE DES ALCOOLIQUES EN RUSSIE.

Il existe dans les environs d Helsingfors une maison spéciale-

ment consacrée au traitement des alcooliques et qui porte le nom

de Tourva. Le compte rendu de la seconde année d'existence de

cet établissement contient quelques faits dignes d'être notés. Le

nombre total des malades traités était de 38 qui, au point de vue

de leur âge, se distribuent de la façon suivante : l'un d'eux avait

moins de vingt ans, 4 de vingt à vind-cinq ans, 10 de vingt-cinq

à trente ans, Il de trente à trente-cinq ans, etc...; l'âge moyen

est de trente-trois ans. D'après leurs professions ces malades

contiennent 15 employés de commerce, 10 ouvriers, 8 étudiants ( ! ),

3 cultivateurs, 3 télégraphistes, etc.. Le traitement consiste sur-

tout à séjourner dans la maison, à s'abstenir d'une façon absolue

des boissons alcooliques et à travailler régulièrement (scier le bois,

cultiver les jardins, etc.). Dans 5 cas, on a appliqué la suggestion

hypnotique. Les résultats sont encourageantes. Parmi les malades

sortis l'année dernière, 9 refusent toute boisson alcoolique de la

472 VARIA.

façon la plus énergique, 2 présentent un résultat douteux, 6 vont

recommencé à boire comme auparavant. Le Dr Savitzki, qui a

visité cet établissement, l'a trouvé remarquablement bien organisé.

J. R.

LE SERVICE DES ALIÉNÉS EN FRANCE : RAPPORT GÉNÉRAL;

RAPPORTS SPÉCIAUX.

Dans son mémoire intitulé : Des établissements d'aliénés en

France, Esquirol écrivait ceci :

« Il sera formé, auprès du ministère de l'intérieur, un comité

central avec lequel correspondront les directeurs et les médecins

de tous les asiles, placés sous la surveillance immédiate et spéciale

du ministre de l'intérieur. Tous les ans, ce comité rendra un

compte général administratif et médical, qui sera envoyé aux ad-

ministrateurs, aux directeurs, aux médecins des asiles. »

Les inspecteurs généraux des établissements de bienfai-

faisance qui existent depuis longtemps au ministère de l'inté-

rieur ont fait d'innombrables et importants rapports sur leurs

visites aux asiles. Que deviennent ces rapports ? Quant au rap-

port général sur le service, il n'en a pas été fait depuis 1874,

alors qu'il devrait en être publié un tous les ans. il, cet égard,

nous sommes au-dessous de ce qui se fait en Angleterre, aux

Etats-Unis, en Allemagne, etc.

Aujourd'hui, qu'il existe au ministère de l'intérieur une

direction de l'assistance publique, on conçoit moins que par

le passé, qu'un rapport de ce genre ne soit pas publié. On le

conçoit d'autant moins que la question des aliénés est à l'ordre

du jour, qu'un projet de loi est soumis au Parlement.

Il y aurait aussi un réel intérêt, ainsi que nous l'avons dit

bien des fois, à faire publier une notice sur tous les asiles

d'aliénés, et chaque année, le rapport médico-administratif et

le budget. Déjà un certain nombre de départements ont com-

pris l'intérêt de ces publications peu coûteuses, puisqu'elles

paraissent'souvent dans les procès-verbaux des Conseils géné-

raux. Par l'intermédiaire des préfets et des inspecteurs géné-

raux, on pourrait certainement arriver en quelques années

à faire généraliser cette modeste réforme. B.

LES CRIMINELS : OPINION PSYCHOLOGIQUE

Le * Fr. Hon. Tissot, fondateur des hospices de Saint-Jean-de-

Dieu, à Lyon, à Lommelet (Nord), à Dinan, à Clermont-Ferrand, à

VARIA. 473

la Cellette (Corrèze), à Bourg-en-Bresse, etc., pour les aliénés les

plus pauvres et les plus délaissés», a adressé, en 189, une pétition

à l'Assemblée nationale en faveur des pauvres, qui se termine par

les passages suivants :

« Les codes sauvages et barbares que le despote corse a

imposés à la France, n'ont pas encore été abrogés. A la honte de

la France et de l'humanité, ils existent encore ! Citoyens repré-

sentants, il est temps de les fouler aux pieds et de les remplacer

par des codes républicains. C'est ce que je demande au nom de la

justice et de l'humanité souffrante.

« J'ai adressé, il y a quelque temps, à l'Assemblée nationale une

pétition pour l'abolition de la peine de mort, en toute matière

pénale, parce que la plupart des malheureux dont le sang coule

sur les échafauds, sont atteints d'aliénation mentale avec ou sans

délire. Depuis lors, l'abolition de la peine de mort a été adoptée,

en Prusse,'à la majorité de 257 voix (249 contre 37) ; et le même

jour ou le vote avait lieu à Berlin, le 4 août à Francfort, un vole

semblable à l'Assemblée constituante allemande, rendu à l'appel

nominal par 288 voix contre 146, inscrivait dans la Constitution

la déclaration suivante : « La peine capitale est abolie, excepté

les cas où les lois de la guerre en disposent autrement. »

« Serait-il vrai que la France, sous les rapports de l'humanité

et de la science, restât en arrière des autres nations ? Conti-

nuera-t-on à faire rouler les têtes des aliénés pauvres sur les

échafauds ? Vive la République ! » o

Il nous a paru intéressant de reproduire ce passage en raison de

son origine et aussi parce qu'il montre que l'opinion qui tend à se

répandre aujourdhui, qu'un grand nombre de criminels sont des

malades, est ancienne. Nous avons souvent rapporté des faits con-

rirniatifs et rappelé l'avis exprimé par notre maître Axenfeld dans

sa conférence sur Jean Wier et les sorciers'. Une affaire récente,

qui vient de se terminer aux assises de l'Eure par une condamna-

tion capitale et une condamnation aux travaux forcés, mériterait

d'attirer l'attention des médecins, des magistrats et des psycho-

logues. Le condamné à mort, Firotteau, abandonné sur l'avenue

de Cambolle, à Evreux, a été élevé à l'hospice de cette ville. C'est

dire qu'il a eu le sort de la plupart des enfants assistés, absence

d'affection, et surtout absence d'instruction. Plus tard, quelqueieffort

qu'il fit pour travailler (on le chassait dès que l'on connaissait son

passé), six condamnations à la prison ont achevé sa démoralisation.

Quant au condamné aux travaux forcés, Vatinel, vingt-cinq ans, il

a déjà subi cinq condamnations; c'est un épileptique ! B.

' Voir entre inities notre Compte rendu du service de Bicétre pour l'an-

née 1884, p. 174. - Voir aussi les Mémoires de Félix Voisin.

474 FAITS DIVERS.

FAITS DIVERS

Asile D'ALIÉNÉS ? .... Nominations et mise ri la retraite. Arrêté du

23 mars 1891. Le Dr VIRET, directeur-médecin de l'asile public

d'aliénés de Prémontré (Aisne), est admis, sur sa demande, à faire

valoir Ses droits à la retraite et nommé directeur-médecin hono-

raire. Le Dr VILLEGRE est nommé directeur-médecin de l'asile

public de PrémonU'é (Aisne), et compris dans la 2° classe du cadre.

Internat. Ont été nommés internes titulaires, à la suite du

dernier concours : MM. PÉCIIARY\N, PRIDAT, LARROUSSIXLE, DANNION

et Boissier; - internes provisoires : MM. GASSELIN, NOLLET, MONSAR-

H4T, CROUSTEL et D1GUILLON. \

Faculté DE médecine DE Paris. M. le D1' Marie, agrégé de la

Faculté, a commencé le 6 avril des conférences sur les maladies de

la moelle dans le petit amphithéâtre de la faculté, et les continue

les mardis, mercredis et vendredis, à 3 heures. Les leçons de notre

distingué collaborateur sont fort suivies et à juste titre. Son ensei-

gnement étant mis à la portée de tous ses auditeurs, bien qu'il

soit parfaitement au courant des dernières données de la science

neuropthologique, ne se borne pas à l'énoncé un peu aride de for-

mules de pathologie. Des malades sont mis sous les yeux des assis-

tants pour venir donner plus' de relief aux affirmations purement

théoriques, ainsi que de nombreuses projections.

Faculté DE médecine DE BUD.1-I'ESTH. -nI, ]e U,. S.\l.GO est nommé

prival-docent de psychiatrie.

QoEEV's Collège DE Cors. - le Dr Oscar Woons est nommé doc-

teur de médecine psychologique.

Société DE psychologie PHYSIOLOGIQUE. On sait que, dans cer-

tains cas, mal déterminés encore, il est arrivé qu'on ait cru voir ou

entendre une personne absente. La Société de psychologie physio-

logique a nommé récemment une commission pour s'occuper de

cette question. Cette commission est composée de M. Sully-Pru-

dhomme (de l'Académie française), président; G. Ballet, agrégé à

la Faculté de médecine de Paris; Beaunis, professeur à la Faculté

de médecine de Nancy; L. Marinier, maître de conférences à l'Ecole

pratique des Hautes Etudes; Ch. Richet, professeur à la Faculté de

médecine de Paris, et le colonel A. de Rochas, administrateur de

l'Ecole Polytechnique. Les personnes qui ont observé des faits pou-

vant intéresser cette commission d'étude sont priées d'en informer

un des membres de la commission, ou le secrétaire, M. L. Marillier,

7, rue Michelet. Il est bien entendu qu'aucun nom ne sera publié

sans une autorisation formelle. (Revue scientifique.)

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 478 la

L'HYPNOTISME d'après les avocats. La conférence des avocats

de Paris a discute lundi dernier la question ci-dessous : a L'indi-

vidu non médecin, qui se livre sur un tiers à des expériences

hypnotiques, peut-il être poursuivi pour exercice illégal de la mé-

decine ! » La conférence a adopté l'affirmative. (Progrès médical.)

Nécrologie. M. Auguste Labitte, ancien député de l'Oise,

l'un des propriétaires autrefois, de l'asile de Clermont, vient de

mourir.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Ciiamrard (E.). De la zone mitoyenne ntédico jttdiciaire. - Brochure

in-8° de 23 pages. -- Bordeaux, 1891. Imprimerie G. Gounouilhou.

Charcot (.T. -M.). - Leçons sur les maladies des vieillards ; goutte et

rhumatisme. Tome VII des oeuvres complètes. Un beau volume in-8° de

615 pages avec 19 figures dans le texte et quatre planches en chromoli-

thographie. Prix : 12 fr. Pour nos abonnés 9 fr.

lIoLT (E.) and Vax GIESEN (C.). A case of spina 61lida with suppura-

live spinal meninqitis and ependy>tzitis due to bacteria iiitei-iiig the

watt of the sae. Brochure in-8° de 9 pages, avec 2 planches hors texte.

New-York, 1890. Journal of nervous and mental diseuse.

liouws (J.) and Malte\ (G.-L.). - A case of successful Trephining

for saebdural hoemorrhagie produced by contre coup. Bruche ln-18 de

32 pages. - Boston 1891. Damrell and Wyham.

I\DH-CAfALOGUE of the library of the sw'geon-gene1Ytt's office, United

Slates Army. Vol. XI (Phoedronus-Règent). Volume in-4° cartonné de

1102 pages. Washington, 1890. Prmttun office.

JbTnosi\SM(R.). Ueberlzafluenzapscbosen.I3rochure in-8° de 13 pages

avec un tableau hors texte. - Leipsig, 1881. Verl(1g von G. Thieme.

Newton, M. Siiaffeii. fl,'Ital is orthopaedic surgery ? Read brfore the

orthopédie section of the tentlz international médical congress, Berlin,

August 1890. Brochure in-8" de 18 pages. New-York, 1891.

G. P. Putnam's sons.

PAL (J.). - Ueber multiple Neuritis. Brochure il-8" de 62 pages, avec

une planche hors texte, - Wien, 9891.- A. Hmlder.

Pmzzt (G.). Di un telltalo awelenamento per uralio in individuo

affetlo da psicosi successiva all'influenza. Brochure in-8° de 15 pages.

Manicomio Provinciali di Pesaro.

SzcxpiOHSKi. Des entozoaires de l'encéphale. Brochure in-8° de 106

pages. Paris, 1890. G. Steinheil.

THISTY. Eighth annual report of trie Pennsylvania Training

school, for feeble minded children, Elwyn, Uelawarre county. -Brochure

in-8° de 35 pages, avec une planche hors texte. West chester, 1890.

Hickman.

Le rédacteur-gérant, BOUnNF.VILLr..

TABLE DES MATIÈRES

ACÉTA\IL1DE, par Yvon, 109.

Alcooliques (asile d') en Itusie, 471.

Aliénation liée aux fiançailles, pai

Salage, 122.

Aliénés, dits criminels, par \Iaran-

don de Montyel, 459; - (interne-

ment des), par 1\IouilevUSCh, \68;

(service des) en France, 472.

Amnésie traumatiqueet paralysie du

moteur oculaire commun par

Sc'tnell, 265.

Annales tEDIco-pm f,lOLOGIQUES, par

Blin, 426.

Aphasie optique et cécité psychi-

ques par Freund, 268 ; - cerveau

d'un cas d' , par Schloes, 276.

ASILES D'ALIÉNÉS : nominations etpro-

motions, 154, 307, 474; - concours

des médecins-adjoints, 155, 309,

310; Internat, 474.

Assistance, divers modes d' 't Ilé-

gard des aliénés et des idiots, par

Piaclc'l'uhe,152; parTurnhu11,301.

AsTnsrE-nl;nsrE, par Thyssen, 58,

25t ; par Berthet, 2G6 ; par

Wolff, 295.

Asymétries fronto-faclales chez les

aliénés, par Roscioli, 4.°u.

Atixie, héréditaire, par Erb, 132;

- par troubles de la sensibilité,

par Baumler 132. '

Athétose dans le tabes, par Laquer,

133.

Atrophie MoscumnE névritique pro-

gressive, par Hoffmann, 282 ;

pathogénie de Il-, par Roth, 460;

dans les artropathies, par

Darkschevitz, 461, pathogénie

de l'- dans les affections céré-

brales, par Mouratoff, 471 ; - pa-

thogénie de Il-, par Roth, 472.

BASEDOW (Maladie de), parKast,141.

Bégaiement hystérique, par Chervin,

365; - par Ballet, 3H.

Béribéri, par Jelgersma, 2G5, '

Bibliographie : Recherches sur les

maladies mentales par Baillarger,

142; - Anatomie artistique, par

Paul Richer, 148 ; Leçons de eli-

nique médicale de l'hôpital de la

Pitié, par Lanceleaus, 151 ; -

Compte rendu de l'asile de Bâle,

151; - Contribution à l'étude de

la pathologie des hémisphères

cérébraux, par Roth et Mouratoff,

296, ; Intoxication chronique

par la morphine, par Régmer,

300; - Etude de psycho-physio-

logie par Slgaud, 301 ; - études

cliniques et bactériologiques, par

RadziszenskI, 301 ; - Lavage de

l'organisme humain, par Sahli,

302; - Leçons de clinique médi-

cale par Rendu 302 ; -Hypnotisme

et croyances anciennes par'Ré-

gnier, 303; Traité élémentaire d'a-

natomie du système nerveux, par

Féré, 5G9; - Psychologie physio-

logique, par Zicllen, 46'9; - Trou-

bles trophiques dans l'hystérie,

par Athanassio, 170.' v

Bromure DE potassium (accumulation

dans l'organisme du), par Doyon.

124.

Bulbe (truusseau anormal de fibres

dans le), par Pick, 276.

BLLLC1'I\ IIlBLI06RAPllIQUI : , 159, 319,

4.7r,.

CAnYOMfLSE dans les cellules du s's-

tème nerveux, par Buchholz, 286.

Cécité psychique et confusion des

personnes par Hoppe, l l6;- par

Lissauer, Siemerling, 271.

Cl7LLÜLES nerveuses, amibonles par

Huckhardt, 290.

Centres nerveux (méthode de colo-

ration des), par Golgi,278.

Cerveau (fonctions du) par Soury

24, 220; quelques systèmes de

si hres duo-moyen, par Edll1ger,136.

TABLE DES MATIERES . 47 -1

Cervelet (atrophie des fibres du)

- ), par Meyer, 280; fonction du

- , par Goweis 288.

Cin'Quamenaihe de W'" l3ottal'd,305.

Chloralamide, par Rabow, Schteler,

125; - padlal'andon de Montvel,

291.

Cuon> : c, chez les aliénés, par Koep-

pen, 113; - chronique avec au-

topsie, par Greppin, 264.

COLOI30MA (état du nerf optique dans

le), par Manz.

Congrès de médecine mentale de

Lyon, 155; - (les médecins rus-

ses, 460.

Contagion psychique, par Wcrner,

Il >.

COTRACII01\ ldio-muscullllle, par

ltutlolphson, 280.

Corps calleux, brièveté anormale

du -, par SchrOEler, 275; - ab-

sence de -- par Jelgersma, 287.

Coups oprO-S1H1ÉS (inlluence sur la

température du corps des), par

Haie White, 273. -

Courant continu (effet du sur

l'oeil normal), par Schvartz, 128.

Crâne, asymétrie du-, par Fraen-

kel, 276; - nouveau cathétomè-

tre optique du -, par Benedllit,

277 ; - anomahe du - parloeh,

29 ?

Crimini.ls, 172.

Di' c,Ud : ;HLSCI,1\t.L (signes de), par

Metzer, 118.

DUBi,1r. insipide guéri, par Zenner,

272.

(poids de l') chez lesalié-

nés, [)au Jensen, 27.

11(,UE (anatomtehathu-

logique de l'), par Friedmann, 283.

hM 1 : i'JI.\LOPAI'IllE saturnine, par

Westphal, 266.

EPILF.I'SIf : et traumatisme, par Wa-

âner, 114, - rubidium dans l'

- , par 1\0ttenbll1er, 125; - ré-

llexe, par Guder, 453 ; procur-

sue, par Cramer, 454; - (hémi-

parésie dans l'), par SIkorski, 467.

Epileptiques (variations de la sen-

sibilite générale, spéciale et ré-

lle-,e chez les), par .\osUni, 455.

Folie (troubles de la connaissance

dans la-) systématique, par Or-

chausl.y, 117; - théorie de la-

morale, parSchloess, 118; - clt1'O-

nique guérie, par Straham, 121;

- avec delusion, par Wigles-

woitli, 119 ; - à deux, par Kroe-

ner · - aiguë, par KorsahoB, 463,

Serbski, 464, Sikorski, 465; -

U pe récurrent de la; - aiguë, par

Grelsenberg, 4GG;-mBuencedes

maladies de l'oreille sur la,-par

Beliakoff, 467.

Galvanique, excitabilité - dans la

démence paralytique, par Gerlach,

118.

Gcnou (phénomènes du), absence des

- par Pick, 282.

GLiosc de l'écorce cérébrale, par

Buchholz, 274.

GUS7·A·IIF'S (nerfs), par Bruns, 281.

III'13011,OPI[IiÉNIE par Kalhbaum. 450.

IiLVIICIIOAI.n 1 ythnique hystérique

croisée périodique, par Cour-

mont, 265.

Hémisphère (lésions des lobes pa-

riétal et frontal d'un - sans

troubles moteurs ni sensoriels),

par Jensen, 276.

Hôpitaux d'asiles, 153; -, par

Greene, 303.

Hospitalisation des idiots et des

épileptiques, 153.

Ilnnnl·r u ? uxi.vc, chez les aliénés,

par Sclileess, 126 : - chez les épi-

luptiques, har \\'ildrrmutL, l21S.

H1DISOCI f'lLILII : \olull11nelle, par

l'uczelc et Cramer, 117.

H oscmc clez lesaliénés, par hlinke,

127.

Hypnotisme en thérapeutique, par

Sperlin ? 1` ? f; - par Auton, 127;

phénomènes somatiques dans

1' par Tamburmi, 47,

HYbfLHII : anesthésique, par Cour-

mont, 265; - simulation du S)I1-

drome de Weber, par Charcot,

321 ; - hallucinations de l'atta-

qued' -, pa rG. Guinon et Woltke

346.

II11om; (anatomie de l'), par Koes-

ter, 2S2.

Inconscience, par Leppman, 120. z

1'sï'ECTtos psychique, par Wollen-

berg, 115. à.

Iw.ewn et aliénation, par Pick,

Bai-tels, Becker, Metz, Krause,

289; à l'asile d'flIldrsheml, 293.

Labyrinthe membraneux (néoptasie

vasculaire dans le), par Igloos, 13 1 -

LOBULE pariétal inférieur (lésions en

foyer du), par Wernicke, 258.

478 TABLE DES MATIÈRES.

Localisations cérébrales, par Fer-

ner, 68, 248, 377.

MA ! .tE guérie par une dipthorle, par

Scbuetze, il7.

Mélancolie, chez les prévenus et

chez les condamnés, par Charpen-

tier, 429; - par Mendel, 453.

Méningite chez un petit enfant, paL

Thomas, 141; - spinale ascen-

dante aiguë, par Dardenne, 766.

Ménopause influence de la, - sur

la genèse et la forme des troubles

mentaux, par Nlattuscli, 119.

11 : SI'llU,\'IIO (influence de la-) sur

l'évolution des psychoses, par

Schule, 131-

Migraine (thérapeutique de la), par

Neftel, 125.

Moelle (influence des centres tto-

phiques de la -) sur la distribu-

tion topographique de certaines

névrites toxiques, par.Brissaud,

161; - lésIOn traumatique limitée

au cône terminal de la -, par

Oppenheim, 279.

Morphinomanes (traitement des -) à

l'étranger, 157.

lIIOTILtI'i : , trouble de la - chez les

aliénés, par Binder, 118.

Musculaire , pseudo-hypertrophie

examen histologique, par 1

Preisz, 284.

Mutisme provoqué, 305; - par stu-'

peur, par Gulli, 151.

Myélite AIGUE,.début de la - et de

la sclérose en plaques, par Cramer,

267.

par Unverricht, 269.

Nécrologie, 326, r75.

Néooctsnes chez les aliénés, par

Tanzi, 45G. Citez les aliéiiés, par

.NrlFS crâniens ( altération des

noyaux des -1 dans un cas de

rage canine, 28G.

Nerveux (corpuscules), allure des

- dans les nerfs malades, par

Adamlnevicz, 279.

Névralgies ducs il l'influenza, trai-

tement des - par les bains de

sudation, par Prey, 135.

Ncvturta roxururs, influence des

centres trophiques de la moelle

sur la distribution topographique

de certaines-, par Brissaud, 1(il. 1.

NÉVROI'A'lllIQU £ (diathèsc), par lie-

wnaton, 12.

i\'F.VI10SETnAUV.IrIfUC, par Hoffmann,.

110; - par BI uns, Sperling et

Kronthal, Oppenheim, Seelig-

mann, Bernhardt et krontha1,453.

Noyau lenticulaire, syndrome épi-

sodique de la folie héréditaire

survenue à la suite d'une hémor-

l'hagle du -, par Saury, 159.

Obsession dentaire, par Galippé, 1.

Olfaction (appareil nerveux central

de l'), par Trolard, 183.

Optiques (centres ! , par Monakow,

283.

Oreille de Morel, par Binder, 281.

Paralysie générale avec lésions de

la capsule interne, par Zacher.

113; - 2G cas de - chez la

femme, par Grelpin, 452 ;- sinru-

lant une tumeur cérébrale, par

Sa\'age, 122; - et intoxication,

par A. Voisin, J30; - syphili-

tique, par Thomsen, 451.

Paralysie alcoolique avec lésion

centrale, par Schaiffer, z

par fiojwvmlco0', 462; - de la

main par les menottes, par Eulen-

burg, 4)2; - du médian et du

cubital, par Bruns, 292; disso-

ciée du sciatique poplité, par

,\lussalongo, 263; du moteur

oculaire commun avec amnésie

traumatique, par Schnell, 265;

anatomie pathologique de la

cérébrale infantile, par Hoven,

237, Zacher, 280.

Paramyoclonus multiplex , par 1\la-

rina, 267; - complexes sympto-

matiquevoisin du, par Iiny, 274.

Pédoncule, système de fibres du

pied du -, par Zacher, 139.

Pensée double, par Hoppe, 116.

Pneumogastrique (anatomie et phy-

siologie), par Dees, 278.

Présomption (niées de-1 de la folle

systématique, par Snell, 1, H9.

Psychiatrie (pratique de la), par

ICcelUer, 120.

Pscnoscs, inlluence favurable de

la fiève sur les -, par Willcr-

ding, 451; - intentionnelle, par

\leycr, 115; - uéualgios et -,

par Wagner, 110.

Rage humaine, par Laufenauer,2ï1.

Iti.v m : analytique, par Blm, 'f2G.

1 ! 1.otno,1111lylotillit,e de -

dans l'épilepsie, par Rottenbiller,

125.

SI ? LNUtEit\Itt., par Dinkler, 134 ;

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS 479 z

maladie d'Addison, -et atrophie

musculaire, par Schulz, 273.

Sclérose, début de la - en plaques

et de la myélite aiguë, par Cra-

mer, 267; -troubles oculaires de

la -eu plaques, par Ulillioff, 269;

- latérale amyotrophlque, par

Dornblueth, 273.

Sens de la force, par Koeppen, 138.

Sexuelles (fonctions) et aliénation,

par Campbell Clark, 120.

Simulai-ion de trouble mental, par

Krafft-Ebing, 119.

Société médico-psychologique, 129,

291,458; - Prix'de la - médico-

psychologique, 291 ; - des Neii-

rologistes et Aliénistes de l'Alle-

magne du Sud-Ouest, 132; - des

Aliénistes de la Basse-Saxe et de

Westphahe, 292;-psychiatrique

de Berlin, 295.

Sommeil, influence du - sur les

échanges interstitiels, par H. Loehr,

125.

Spinal (nerf), rapports du - avec le

pneumogastrique et l'hypoglo%e,

par Uees, 277.

Slicide singulier, par Tate, 123; -

multiple, par Garnier, 130.

SULI aNAL, par Otto, 126 ; -par Rus-

chenwcyh, 126 ; - effets de doses

excessives de - par Fisclier, 127.

Suspension dans les maladies ner-

yeuses, pai Eulenburg et Mendel,

128.

SI%11'4TIIIQLI (pathologie du), par

Hale White, 270.

Swnonr nr\Vcuen, hystérie sinno-

latrice du- , par Cliarcot, 321.

Syphilis cérébro-spinale congénitale,

par Siemerliaô, 267.

Si Hl1\GO"\ÉLII;, clél'ose transverse

avec-, par hiewcz, 277.

TAi31s dorsal, pathologie du - , par

Oppenhein, 268 ; - état des nerfs

dans le - par Nonne, 274.

1'uousra (maladie de), allules elec-

triques des nerfs et des muscles

dans la -, par Joilv, 138 ; - par

Haie White, 21O. «

TCULHCLU; QL.\DHIJL"r : Aü, l'apport du

- inférieur avec le nerf auditif,

pir Flechsig, 285.

Tninjns cérébrales, symptomatolo-

gie des - , par SclJoenthal, 1 î2 ;

- du crâne et de la Jure-mère,

par HoUer, 293.

Urée, excrétion de l' - à la suite

de bains faradiques, par Loeln,

284. .

Vaisseaux (mouvements des) par

Buchl : liardt, 282.

Vehbiglhation, par Neisser, 269.

VISULLLLS (images), tractus conduc-

teurs des - , par Richtor, 281.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Ariainkievicz, 279.

Agostini, 455.

Ardcnne(d').266.

Atlianasio, 470.

Autan, 127.

Ballet, 374.

Cartels, 289.

Baumler, 133.

Beclitemw, 285.

Becker, 289.

Beliakoff, 167.

Beneriikt, 277.

Bernhardt, 453.

Berthe,266.

Binder, 117, 28F.

Brin, 426.

Blocq, 11, 951, 271.

301, 302, 303, 169. 170,

Bl'Iantl, 132, 292, hGU.

Brissauri, 161.

Bruns, 281, 292; 453.

Buchholz, 271, °8G.

Buchkanlt, 282.

Campbell Clark, 120.

Charcot, 321.

Charpentier, 129.

Cheroiu, 361>.

COlll'll10nt, 26,),

Cramer, 717, 267, Eâl.

Dagonet, 451, 169.

Darkschrvllsch. 461.

Dees, 277, 278.

Denv, 265, 266.

Dinkler, 131.

Dornblueth, '3 13.

Doyen, t2t.

Edinger, 136.

Erb,132.

Eulenburg, 1°S, Í'2.

renier, 68, 240, 377.

Fischer, 127.

Flechsig, 285.

Fraenkel, 276.

Freund, 268.

Friedmaiiii, 283.

Galippe, 1.

Garnier, 130.

480 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Gerlach, 118.

Gilles de la Tourette,

150.

Golgi, 278.

Gowers, 278..

Greene, 303.

Greidenberg, 466.

Greppin, 26., 452

Goder, 453.

Guinon (George,), 346.

Gulli, 454.

Hoffmann, 140, 282.

Hoppe, 116.

Haves, 273.

lelersma, 265, 281.

Jensen, 275, 276.

Jolly, 138.

liallibatitn, 150.

liast, l'rl.

ICéraval, 113 à 120 12.

à 128 ; 142, 265 à 290,

291, 29.ï, 1 : 1 : 9 à v 153.

Klerwicz, 277.

Klinke, 127.

Kny, 274.

Koehler, 120.

Koeppen, 113, 138.

Kmster 282.

Kojewmkoff, 462.

Korsakoff, 463.

Iiralît Ebnip, I ! 9. »

Krause, 289.

Kroener, 'f51.

Ki,onthal, 153.

Laquer, 133.

Laufenauer, 271,

Lepmann, 120.

Lissauei, 271.

Loehr, 125, 281

Manz, 135.

Jlarandon de Montvel,

118, 291, 559.

MaIÍna, 267.

Massalongo, 263. ? tJatt1sch, 149.

Mendel, 128, F53.

Metz. 289.

Metzer, 188.

Mever, 115, 280.

Misslawskv, 288.

Moeli, 295'.

Moguilevith, 468.

Moos,t3t.

Monakow, 283.

Mora\, 265.

Mouratoff, 296, 461.

Musgrave Clay, 120 u

124, 154,30t. 305.

Neftel, 125

ineisser, 269.

Sonne, 274.

Oppenlieiiii, 268, 219,

453.

Orchansky, 117.

Otto, 126.

Pick, 279, 282, 289.

Papa\\', 286.

Preisz, 281. Í.

Rabow, 125,

Radzlzensky, 301.

Régnier, 300, 303.

Rendu, 302.

Hevillgton, 124.

Richter, 281.

Roller, 293.

Roscioli, 251.

Roth, 296. 460, 162.

Rottenbiller, 125.

Roubinovitcli, 300.

Ituckhardt, 290.

Rudolphson, 280.

liusclreweyh, 126.

Sati, 302.

Saury, i : 9.

Savane, 122.

Schatler, 120, 1 ? a.

Schloess, 118, 126, 276.

Schnell, 265.

Sclroenthal, lî2.

Schuele, 131. Í.

Schuetze, 117.

Schulz, 273.

Scharwz, 128.

Seelimuller, 153.

Séglas, 451 à f57.

Serbski, 464.

Siemerling, 26 ï, 271.

Nigaud, 301.

Sikorski, 165, 167.

Siiell, '-)73. 149.

Sorel, 68, 240 377.

Souques, 321.

Soury, 24, 220

Sperhng, 124, 453.

Straham, 121,

Tamburini, r51.

Tanzi, 456.

Tate, 123.

Thomas, 141.

Thomsen, 451.

Thvssen,58,2 ! t. l.

Tigges, 275.

Ti,olai-d, 183.

Tnczek, 117. ï.

Tulce, 132.

'l'urnbull, 30+.

Uhtlioff, 269.

LJnverricht, 269.

Voisin (A.), 130.

Wagner, 114, 119.

\Verner, 114,

Werniclie, 268.

Westphal,266.

White, 270. 273.

\\ÏgleslVorth, 119.

\Vildermuth, 128.

Willerding, 451.

Wolff, 295.

Wollenberg, 115.

\Voltlce, 3SG.

I'von, 108.

Zacher, 113, 138, 280.

Zenner, 272.

Ziehen, 469.

g,reux, Cb n8f\1St, un ? . - b01