ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES IIÉR1SSEY
ARCHIVES
Dh n.
NEUROLOGIE
REVUE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
.1.-1\1. CHAllCOT
AVEC LA COLLABORATION DE
MM. BÀBINSKI, BALLET, BU.D01N (MAncaL), BITOT P.-A.),
BLANCHACtO, BLOCQ, BONNAIRE (C.), BOUGHBREAU,
BRIGAND (M.), BRISSAUD (E.), BMOU4RML (P.), CAMUSET, CATSAItAS,
CHARPENTIER, CIiASLIN, CURISTIAN, DEBOVE (M.),
DELASIAUVE, DENY, DU\'AL (\fArnms), FERRIER, l'RANGOTTE, GALIPPE (V.),
GILLES DE LA TOU1 ! ETTE, GO)IBIULT, GRASSET, JOt'MOY (A.),
KCRA\'AL (P.), LANDOLZY, MAGIÎVN, MARIE, JIIERZEJEWSKY,
MUSGRAVE-CLAY , ONA\OII, l'ARINAUl), PILLET, PIEIIIICT, PITRES,
POI'OFF, RAOULT, HAYHO)) (F.), 11ÉGNARD (A.),
REGARD (P.), RICHER (P.), Ii0UBINQVITCIi, W. ROTH, A. ROUSSELET,
SÉGLAS. SEGUIN (C.-C.), SÉRIEUX (P.), SOLLIER, SOLRY (J.), SOREL,
TEINTURIER (E.), TIIIJSSEN, THULIÉ (il.), TROISIER (E.), TROLARD,
VIGO1ROU\ (R ), VOISIN (J.), P. YVON.
Rédacteur en chef : BOUliN l, VILLE
Secrétaires de la rédaction : J.-B. CF1AUCOT Fil et G. GUINOIV
Dessinateur : LEUBA
Tome XXI. - 1891.
Avec 37 ligures dans le texte.
PARIS S
BUHKAUX UU PROGRÈS MÉDICAL 1,
1 rue des Carmes.
1891
Vol. XXI. Janvier 1891. N" 61.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE NERVEUSE
DE L'OBSESSION DENTAIRE;
Par le D' V. GALIPPE
Chapitre premier. - Des ulcérations imaginaires de
. la langue considérées comme des phénomènes d'ordre
1lellro-patlwlogique.
A plusieurs reprises j'ai insisté dans mes publica-
tions sur le point suivant : il n'y a pas à proprement
parler, de maladies de la bouche il n'y a que des lésions
locales, en connexion étroite avec un état patholo-
gique d'ordre général, héréditaire ou acquis. La con-
clusion de cette manière d'envisager les manifestations
pathologiques diverses, dont la bouche est le siège',
est, qu'il ne saurait y avoir deux palhologies : une
pour les organes renfermés dans la cavité buccale et
une seconde pour les autres parties du corps ; qu'a-
border la pathologie buccale, sans études médicales
sérieuses préalables est chose anormale, qu'elle
expose celui qui tente cette aventure à de sévères mé-
comptes et les malades à de douloureuses et à d'irré-
parables conséquences. ,
Archives, t. XXI. 1
2 ' PATHOLOGIE NERVEUSE.
Les faits qui vont suivre apportent aux idées que
je défends un appui considérable. Non seulement ils
parlent assez haut par eux-mêmes, mais, ce qui leur
donnera une autorité considérable, c'est qu'ils ont été
contrôlés et mis en lumière par M. le Pr Charcot dont
l'opinion fait loi en pathologie nerveuse, aussi bien
dans notre pays qu'à l'étranger.
Grâce à la bienveillance dont m'honore ce savant
clinicien, mon attention a été appelée par lui sur les
faits qui vont suivre; il m'en a montré toute l'impor-
tance. C'est ainsi que je puis ajouter un nouveau cha-
pitre à l'histoire déjà si riche des manifestations
locales déterminées par les troubles du système céré-
bro-spinal.
Comme les faits que nous rapportons ci-après ont
trait seulement à des manifestations ayant l'appareil
masticateur pour siège, nous ne ferons que résumer
brièvement les travaux qui ont été publiés pendant ces
dernières années sur les phénomènes psycho-patholo-'
giques observés sur la langue et dont l'origine parait
devoir être principalement rapportée à des troubles
préexistants du système nerveux. Ces faits avaient
certainement été observés plus d'une fois par les méde-
cins qui s'occupent de stomatologie, mais ils n'avaient
été ni publiés ni rattachés à leur véritable origine. En
effet, cette catégorie de malades obsédés par leurs
souffrances souvent réelles, mais qu'ils rapportent à
des causes inexactes, sont extrêmement infidèles ; ils
ne guérissent pas, consultent beaucoup de médecins
successivement, de telle sorte qu'il est très difficile de
les suivre et de compléter leur observation.
Ces faits nous ont paru devoir rentrer dans le cadre
DE L'OBSESSION DENTAIRE. ' 3
de notre travail. Que ces malades soient des arthri-
tiques ou non, ce sont surtout des névropathes, qui
amplifient leurs sensations, les détournent de leur
véritable signification, les systématisent, et une fois
fixés sur une interprétation, presque toujours la même
(crainte du cancer), se cramponnent à cette idée, la
retournent dans tous les sens, en font le pivot de leurs
perpétuelles préoccupations, et leurs angoisses même,
restent sourds à tous les conseils, et vont souvent
s'échouer dans la vésanie, dont cet état mental spé-
cial n'a été qu'une période préparatoire.
En 1883, Albert, cité par Bernhardt, parle d'une
névrose particulière de la langue, dans la première
édition de la Eulenburgsche Real Encyclopédie, « Artikel
Zeinge ». Mais cet auteur, dans les cas observés par
lui, avait noté l'existence à la base de la langue d'une
sorte de condylome. Nous faisons cette citation,
seulement pour l'éliminer de la catégorie de malades
que nous considérons comme des obsédés.
M. Verneuil a appelé récemment l'attention (voir
Bulletin de l'Académie de médecine, 27 sepembre 1887)
sur une classe de malades présentant ce qu'il a appelé
des ulcérations imaginaires de la langue. Pour cet
auteur, ce symptôme serait déterminé par une né-
vralgie et quant à l'état mental particulier que ces
ulcérations imaginaires occasionneraient, il faudrait
les attribuer à l'ennui bien naturel qu'on éprouve
quand on souffre en un point quelconque du corps;
toutefois un des malades de M. Verneuil serait mort
d'une paralysie générale, ce qui indiquerait plutôt une
prédisposition morbide, ayant déterminé l'affection
imaginaire de la langue.
4 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Comme M. Verneuil, M. Fournier fait jouer un
certain rôle à la diathèse arthritique dans la production
des névralgies de la langue ; mais un de ces malades
serait devenu tabétique. C'est la thérapeutique morale
qui lui paraît la plus efficace. Pour M. Laborde, les
individus qui présentent ces sortes de névralgies lin-
guales seraient souvent des candidats à l'aliénation v
mentale. '
M. Hardy a surtout constaté ces manifestations dou-
loureuses de la langue sans lésion chez des
névropathes. M. Luys a observé les mêmes faits chez
les nerveux et chez les hypocondriaques. Pour cet
aliéniste, ces manifestations seraient fréquemment les
prodromes de la paralysie générale.
Cette opinion est partagée par M. Besnier, qui rap-
pelle que cette affection a été décrite sous le nom de
glossodynie, qu'elle est généralement considérée comme
se produisant sous l'influence de troubles nerveux.
Ce serait donc à juste titre qu'on l'aurait représentée
comme le prodrome d'un état pathologique des centres
nerveux, devant se révéler plus tard. Enfin M. Pitres,
sous le nom de préoccupations hypocondriaques loca-
lisées à la langue a communiqué l'observation d'une
dame, évidemmentdélirante,'chez laquelle ces accidents
avaient éclaté subitement, après avoir bu un sirop qui,
suivant elle, avait été contenu dans une bouteille ayant
renfermé autrefois du mercure.
En octobre 1887, le Dr Magitot a lu à l'Académie de
médecine un mémoire sur la glossodynie (Glossodynia
exfoliativa, in Wiener, mes. Presse, 1885, n° 12,
Kaposi).
M. Magitot, après avoir montré que l'affection
DE L'OBSESSION dentaire. §
décrite par Verneuil avait déjà été étudiée par un cer-
tain nombre d'auteurs, donne surtout l'arthritisme
comme étiogénie à cette affection, et considère comme
trop absolue l'opinion qui fait de ces malades exclu-
sivement des nerveux. En lisant attentivement les
observations publiées par M. Magitot, il est difficile
d'accepter l'étiogénie unique qu'il propose et si ses
malades étaient des arthritiques,' c'étaient aussi des
nerveux, pour ne pas dire des hypocondriaques. Que
ces malades souffrent, que ces souffrances puissent
affecter la forme névralgique, cela n'est pas douteux,
mais nous pensons que c'est surtout à la névropathie
qu'il faut rapporter ces phénomènes douloureux.
Le 16 décembre 1889, 112 : Magitot a repris cette
question à la Société de stomatologie et apporté deux
nouvelles observations de glossodynie. Si intéressants
que soient ces deux nouveaux faits, ils n'apportent
point d'argument décisif à l'opinion étiogénique sou-
tenue par notre excellent maître.
Depuis, le P'' Bernhardt a fait à la Société de psy-
chiatrie à Berlin (2 juin 1890), une communication sur
une névrose peu connue de la langue et de la cavité
buccale 1. Sur les quatre observations de l'auteur,
trois concernent des femmes. Il décrit ainsi les sensa-
tions éprouvées par les malades : picotement désa-
gréable, sensation de brûlure, ayant son siège de pré-
dilection dans la langue, se montrant soit par accès
isolés, soit d'une manière continue, avec une inten-
sité variable, troublant le sommeil et parfois gênant
l'articulation de la parole. M. Bernhardt a observé que
1 Mendel neurologiache Centralblatt, p. 389, 1890.
6 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ces sensations se localisaient parfois à la pointe et le
plus souvent sur le bord gauche de la langue, en se
rapprochant de la base; dans deux cas ces sensations
n'étaient pas seulement localisées à la langue, mais
s'étendaient au reste de la muqueuse buccale, au
plancher de la bouche, aux gencives, et aux mâchoires.
On ne constatait sur la muqueuse ni ulcération, ni
tuméfaction, ni épaississement. Dans un cas seulement,
la muqueuse de la langue offrait un aspect plus plissé,
c'était surtout la crainte d'un cancer qui amenait ces
malades chez le médecin et assombrissait leur exis-
tence. Comme on le voit, c'est un trait commun à
tous ces malades.
En 1888 Lefferts {Médical News, 17 novembre),
sous le titre : lmaginary lingual ulcération, a publié
une note sur ce sujet et a trouvé cette affection aussi
fréquente dans un sexe que dans l'autre.
Hadden (Lance 1890, vol. I, n° 4), On a subjec-
tive sensation on the mouth in women, a également
étudié ces manifestations pathologiques. Il a noté la
conservation du goût pour les choses salées et sucrées,
des sensations anormales déterminées par la mastica-
tion de la viande. La majorité de ses malades était
des nerveuses. Chez une de celles-ci, les sensations
douloureuses de la langue s'étaient surtout accentuées
après qn'elle eut vu son frère succomber à un cancer
de la langue.
J'ai été persécuté pendant plusieurs années par la
mère d'un de mes anciens élèves qui vivait dans la
terreur perpétuelle, d'un cancer à la lèvre inférieure.
Voici dans quelles conditions cette obsession s'était
emparée de son esprit. Appelée près d'une de ses
DE L'OBSESSION DENTAIRE. 7
amies sur le point de succomber à un cancer de la
langue, elle était arrivée après la mort de celle-ci et
l'avait embrassée sur le front. Immédiatement après,
elle avait procédé à des ablutions, mais à partir de ce
moment, son esprit avait été hanté par la crainte d'avoir
contracté à son tour un cancer, par ce simple con-
tact. Depuis, elle passait une partie de ses journées à
épier dans une glace l'apparition de la maladie redou-
tée. Comme la face interne de la lèvre inférieure pré-
sentait une dilatation veineuse assez considérable, pro-
duisant une sorte de marbrure, existant certainement
depuis longtemps, mais non remarquée jusqu'ici par
la malade, elle attribuait cette particularité assez
commune et sans importance pathologique, à l'éclo-
sion prochaine de la maladie. Elle avait fini par in-
quiéter sa famille et lui faire partager ses craintes.
Cette femme, déjà âgée, présentait un certain degré
d'affaissement intellectuel.
Ma thérapeutique fut d'ordre purement moral.
Chaque fois que cette malade venait me voir, je m'ef-
forçais de la persuader qu'elle ne pouvait avoir con-
tracté un cancer, qu'elle u'avait aucune manifestation
de cette maladie, et partant rien à craindre. Quelques
soins d'hygiène, joints à cette thérapeutique persua-
sive, suffisaient pour rendre la tranquillité à cette
malade pendant quinze jours ou trois semaines. Après
ce laps de temps, il fallait recommencer. Cela dura
environ deux années, au bout desquelles la malade
succomba je crois, à une pneumonie.
En mars 1890, j'ai reçu la visite d'une de mes clien-
tes, très éplorée. Elle était venue à Paris avec ,l'in-
tention bien arrêtée de se faire opérer d'un cancer
8 PATHOLOGIE NERVEUSE.
de la langue dont elle se croyait atteinte. ,Toutefois,
avant d'aller consulter un chirurgien, elle était venue
me demander avis et surtout me faire part de sa triste
situation. Elle se plaignait d'un gonflement considé-
rable de la langue, de douleurs très vives et d'une
sensation désagréable dans la bouche. Cette malade
est très impressionnable, très vive, loquace, exagérée
dans la description de ses sensations. Depuis deux
ans elle n'était plus réglée et avait éprouvé à diverses
reprises quelques troubles dans sa santé. Je l'exami-
nai attentivement : la langue n'était pas gonflée, n'é-
tait le siège d'aucune ulcération, les papilles étaient
normales. A la base de la langue il y avait une dila-
tation assez considérable des veines. Il n'y avait pas
de douleur à la pression qui ne permettait de perce-
voir aucune néoformation. Les ganglions sous-maxil-
laires n'étaient nullement engorgés. Cette malade avait
de l'embarras gastrique habituel et de la constipation,
et la langue était saburrale. Atteinte de pyorrhée al-
véolaire intense, elle faisait des lavages antiseptiques,
mais d'une façon insuffisante. Je fus assez heureux
pour persuader à cette dame qu'elle n'avait pas de
cancer de la langue. Je lui prescrivis des lavages an-
tiseptiques et un régime alimentaire spécial, et depuis
je ne l'ai plus revue. -
Je soigne en ce moment (août 90) une jeune femme
présentant toutes les apparences de la santé, mais
fort impressionnable et rentrant dans la catégorie des
névropathes, mariée à l'un de mes confrères. Récem-
ment un vieil ami de sa famille a succombé à un cancer
de la langue. Cette dame a été très frappée par les
souffrances qui ont précédé la mort du malade et dès
DE L'OBSESSION DENTAIRE. r 9
ce moment son esprit a été hanté par la crainte de
succomber au même mal. De là à s'observer avec une
attention maladive, il n'y avait qu'un pas. Elle avait
remarqué alors que le côté droit de la langue était
plus rouge, plus sensible que le côté gauche; que les
papilles étaient plus saillantes, ce qu'un examen des
plus minutieux et répété ne m'a pas permis de con-
firmer. De plus, cette jeune femme éprouve ou croit
éprouver, de ce côté de la langue, un sentiment
anormal de chaleur et de picotement, analogue à la
sensation produite par le poivre.
Hygiène buccale, résection de quelques racines,
extraction de l'une d'elles, thérapeutique morale.
L'effet purement psychique de cette médication ne
dura tout d'abord qu'une quinzaine de jours. Cette
période écoulée, la malade venait de nouveau se faire
rassurer par moi et me répéter la confidence de ses
craintes. J'espère qu'en raison de l'intelligence de
cette jeune femme, qui commence à plaisanter elle-
même de l'inanité de ses inquiétudes, et que par
suite de l'action du temps qui émoussera la vivacité
du souvenir des impressions subies, cette obsession
finira par s'éteindre, quitte peut-être à être remplacée
ultérieurement par une autre. \
J'ai eu l'occasion d'observer une série de malades
très préoccupés de la saillie que fait, chez beaucoup
de personnes, l'orifice du canal de Stenon, saillie
parfois assez considérable. Je ne pus convaincre une
dame de mes clientes qu'en lui montrant que sa mère,
sa tille et sa petite-fille présentaient toutes la même
particularité. Ma cliente, qui a des varicosités de
la muqueuse buccale, était absolument convaincue
40 PATHOLOGIE NERVEUSE.
qu'elle allait avoir un cancer. Depuis, son inquiétude
renaît de temps en temps, mais elle se porte sur un
autre point de la bouche ; il s'agit cette fois d'une
petite saillie osseuse, déterminée par l'alvéole en voie
de résorption, à la suite de l'extraction d'une racine.
Ces faits suffiront pour montrer l'étroite relation qui
existe entre eux et ceux qui vont suivre.
Le point d'application des idées obsédantes peut
varier, mais la qualité pathologique des malades est
la même; que ces idées se portent sur la langue, sur
les dents, sur les appareils prothétiques, nous avons
toujours affaire à des névropathes plus ou moins
invétérés, sur lesquels la thérapeutique locale a peu
de prise et qu'il faut traiter en s'adressant à la fois à
leur raison (thérapeutique morale) et à leur système
nerveux (bromure, hydrothérapie, etc.).
Chapitre Il. De l'obsession dentaire.
Certaines femmes névropathes, lorsqu'elles sont
contraintes à porter des fausses dents, en éprouvent
une émotion fort vive et souvent durable. La pré-
sence d'un corps étranger dans la bouche les met
dans, un état d'agitation considérable. filles sont
prises soit de nausées incoercibles, ou éprouvent
les sensations les plus variées et les plus bizarres;
salivation abondante ou sentiment de sécheresse ex-
trême de la bouche. Généralement, avec beaucoup
de patience, on finit par se rendre maître de ces mani-
festations anormales, et l'habitude aidant, la pièce
prothétique finit par être acceptée et oubliée. D'autres
DE L'OBSESSION DENTAIRE. '1'1
fois, au contraire, il est impossible de faire garder à-
certaines malades des pièces dentaires. On peut en
faire varier la forme, les matières constituantes, user
de tous les moyens que l'expérience peut suggérer, on
échoue fatalement. J'ai conservé le souvenir pénible
d'une dame, morte depuis dans une maison de santé,
qui, dès qu'elle avait une pièce;dentaire dans la bouche,
disait éprouver un sentiment de chaleur intolérable,
des douleurs de tête très vives, en un mot, toute une
série de phénomènes tellement imprévus, qu'il était
impossible de rapporter ces divers effets à la cause
unique qu'elle invoquait. La muqueuse buccale était
parfaitement saine et n'offrait ni rougeurs ni exco-
riations. Tantôt elle incriminait l'or, tantôt le platine,
affirmam sentir des phénomènes électriques se pro-
duire dès qu'elle portait sa pièce. J'échouai comme
ceux qui m'avaient précédé dans cette tâche difficile et
cette malade ne put jamais s'habituer aux fausses
dents.
M. le professeur Charcot m'a dit avoir été appelé en
consultation par M. le D1' Fernet, auprès d'une malade
qui, subitement, avait été prise d'idées mélancoliques.
Après avoir longtemps et vainement cherché la cause
de ce trouble cérébral, on finit par apprendre, par une
femme de chambre, que cette dame portait de fausses
dents depuis peu. Elle avait été tellement impressionnée
par ce qu'elle considérait comme un amoindrissement
de sa personne, qu'elle était devenue mélancolique.
Gràce aux représentations qui lui furent faites et aux
encouragements qui lui furent prodigués, cette malade
finit par prendre son parti et s'habituer à ses fausses
dents. Elle guérit complètement.
12 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Au mois de juillet 1880, M. le Pr Charcot m'adressa
une malade présentant au plus haut point ce trouble
mental qu'il a caractérisé du nom d'obsession den-
taire.
Mme E..., âgée de 36 ans israélite, résidant à Calcutta, d'origine
névropathique, présente les apparences extérieures d'une bonne
santé ; elle est de petite taille, très brune et maigre. Elle s'est mariée
en 181O et a eu sept enfants; l'aîné a dix-huit ans et le plus jeune
quatie ans et demi.
Ce qui frappe tout d'abord dans cette malade, c'est sa mobilité,
sa vivacité de gestes et d'expressions, la volubilité avec laquelle elle
parle de ses souffrances, le peu d'attention qu'elle porte aux ques-
tions ou aux objections qui lui sont faites. 11 semble qu'elle récite
un rôle, ou mieux qu'elle converse avec elle-même, obéissant au
besoin de peindre ou d'exprimer ce qui se passe en elle, sans autre-
ment se préoccuper des contradictions ou des invraisemblances de
son récit. Dans sa jeunesse, cette malade avait eu vraisemblable-
ment des accès de mélancolie qu'elle appelle des attaques de pros-
tration morale. Elle comptait des nerveux, voire même des aliénés
dans ses ascendants.
La dernière de ces crises morales, caractérisée du nom d'attaque
par la malade, eut lieu il y a vingt-deux ans, c'est-à-dire avant son
mariage ; jusqu'au mois de février 1880, elles ne s'étaient plus
montrées.
A cette époque, Mme IL. subit un choc moral violent; son mari
mourut. Revenue dans le pays où elle avait vécu avec lui, le milieu
lamilial fut pour elle un sujet incessant de tristesses, tous les objets
l'entourant lui rappelaient l'époux qu'elle avait perdu. Elle fut prise
alors d'une dise d'abattement moral qui dura quarante-cinq jours.
Elle pleurait presque constamment. Ses yeux devinrent malades et
guérirent sous l'influence d'un traitement approprié.
Toutefois, la sensation vertigineuse qui accompagnait l'état moral
particulier dont soutirait la malade dura encore une dizaine de
jours et s'accompagna de violents maux de tête. Peu il peu, elle fut
prise d'insomnies. Les médecins lui conseillèrent de changer de
pays et elle alla à quelque distance de la ville qu'elle habitait.
Son état s'améliora rapidement, elle retrouva le sommeil. Elle
faisait de longues marches et montait fréquemment à cheval.
Au bout de cinq semaines, cette dame retourna chez elle. C'est
alors que se produisit un incident futile en apparence, mais qui,
étant donnée l'aptitude pathologique de la malade, fit sur son
esprit une impression profonde. Elle avait conduit ses enfants chez
un dentiste; celui-ci examina également ses dents, et, en ayant
trouvé une cariée, paiait-il, lui conseilla de la faire obturer. Elle
DE L'OBSESSION dentaire. 13
y consentit, bien que n'ayant jamais souffert des dents qu'elle,a fort
belles. Pendant que le dentiste préparait la cavité de la dent en
question, elle ressentit une douleurvive. L'opérateur s'en excusa en
disant, parait-il, qu'il avait touché la pulpe.
A partir de ce jour, affirme la malade, les insomnies se repro-
duisirent et ne la quittèrent plus. Ce qu'elle appelle son abattement
moral la reprit de plus belle, mais cette fois avec un caractère
d'obsession que nous avons pu constater. La malade songeait cons
tanunent à sa dent, et, depuis, cette pensée persécutrice ne l'a plus
quittée. Trois semaines après cet incident, elle alla dans une autre
vil ! e de la possession anglaise qu'elle habitait, afin de consulter un
autre dentiste. Celui-ci, comme cela se pratique assez généralement
dans cette catégorie spéciale de praticiens, blâma son confrère,
désobtura la dent, prétendit qu'il se formait un abcès, la soigna
de nouveau et la réobtura. ,
Pendant quatre mois la malade continua à souffrir et de la dent
et du maxillaire, si bien qu'elle prit le parti de ne plus mastiquer
ses aliments et de se contenter pour toute nourriture de riz et de
pain trempé dans du lait. A cette époque, dit la malade, la saliva-
tion commença à diminuer et elle éprouva un sentiment de séche-
resse dans la bouche. Elle se décida alors à quitter le pays qu'elle
habitait pour se faire soigner en Europe et arriva à Paris en dé-
cembre 1889.
Je n'ai nullement l'intention de jeter le blâme sur la conduite
des dentistes que cette malade a consultés; je veux croire qu'ils
n'ont agi que par ignorance de l'état mental de la malade. 11 me
sera toutefois permis d'exprimer le regret que leur instruction mé-
dicale n'ait pas été suffisante pour leur montrer que leur interven-
tion ne pouvait avoir que des conséquences fâcheuses pour cette
malheureuse femme.
Celle-ci s'adressa d'abord à un dentiste américain en renom, qui
lui déclara que, sous l'influence du manque d'exercice, ses dents
s'étaient un peu dérangées ( ? ), et il se mit en devoir de limer les
tubercules de quelques grosses molaires, probablement pour rec-
tifier l'articulation ( ? ).
Pendant quinze jours ou trois semaines il parut à la malade
qu'elle dormait mieux, mais au bout de ce temps, elle alla con-
sulter un autre dentiste qui, prétendant avoir découvert l'endroit
douloureux, proposa à la malade de lui enlever la dent coupable
(non point celle qui avait été obturée), d'en retrancher la partie
malade et de la réimplanter ensuite.
La malade accepta cette proposition. L'opération eut lieu, une
dent parfaitement saine, de l'avis même de l'opérateur, fut enlevée.
puis réimplantée avec succès. Mme L... continua à souffrir de plus
belle. En outre, à ses souffrances imaginaires ou non, s'ajoutèrent
pour elle les conséquences vraies ou fausses des interventions ma-
1 ! t PATHOLOGIE NERVEUSE.
lencontreuses qu'elle avait subies. D'après elle, ses dents ne repo-
saient plus les unes sur les autres, comme elles le faisaient à l'état
normal, de telle sorte qu'en fermant la bouche les rapports de ses
dents entre elles étaient complètement changés. Comme compli-
cation de cet état de choses, la malade avait contracté le tic d'en-
gager sa lèvre inférieure entre ses arcades dentaires, et de la
mordre de façon à la couper. Cet accident était pour elle la consé-
quence du trouble apporté dans son articulation dentaire. De plus,
disait-elle, elle éprouvait de la difficulté à parler (nous avons pu
constater le contraire) et à lire à voix basse. Le maxillaire inférieur,
disait 111°1° L..., était projeté de côté.
Non seulement ces idées s'étaient impérieusement installées dans
son esprit et, l'occupant tout entier, formaient l'objet de ses cons-
tantes préoccupations, de sa conversation, de ses plaintes, mais
encore, un miroir à la main, elle cherchait pendant des heures
zntlères à en vérifier la matérialité, se refusant à toute distraction,
fermant l'oreille aux avis. et revenait obstinément il l'obsession qui
la dominait. Cette malade en était arrivée à ne plus dormir, et la
nuit comme le jour elle était poursuivie par les craintes que lui
inspirait l'état de sa bouche et les sensations diverses qu'elle pré-
tendait ressentir.
, Le praticien qui lui avait arraché, pour la réimplanter, une dent
saine, voyant que la thérapeutique locale avait échoué, ne se décou-
ragea point et eut recours à l'électricité, sans plus de succès, du
reste. La malade prétendait souffrir plus le matin que dans la jour-
née, mais sa préoccupation et son abattement étaient le soir, au
maximum.
Tel était l'état de Mme L... la première fois que je la vis. C'était
une femme instruite, intelligente et possédant une mémoire excel-
lente. Depuis qu'elie est en proie à ces obsessions, ses facultés in-
tellectuelles paraissent n'avoir subi aucune atteinte. La malade me
raconta tout ce qui précède et je l'examinai à deux reprises avec le
plus grand soin.
Je constatai tout d'abord qu'elle avait des dents superbes, admi-
rablement rangées, s'articulant d'une façon normale, sauf au mveau
des grosses molaires qui avaient été limées '.
La dent obturée n'était le siège d'aucune douleur, la couleur
était normale; il en était de même de la dent réimplantée. La ma-
lade accusait de l'anesthésie des lèvres; cette anesthésie était pure-
ment imaginaire. Il en était de même de la non-sécrétion de la
salive; il suffisait de maintenir la bouche ouverte un certain temps
pour la voir s'accumuler dans la cavité buccale. Il y a un peu de
' Les dents supérieures aussi bien que les inférieures sont implantées
un peu obliquement. Ce caractère est probablement héréditaire.
DE L'OBSESSION DENTAIRE. 15
gingivite. L'action du chaud et du froid, des substances salées ou
sucrées, ne produit sur les dents aucune sensation particulière.
Comme je l'ai dit plus haut, cette malade était extrêmement
loquace, revenait obstinément à son point de départ, se montrait
sourde aux démonstrations les plus évidentes, aux conseils, aux
exhortations. Son idée fixe était qu'elle était atteinte d'une maladie
de la bouche et des dents et qu'une intervention locale était seule
capable de la guérir. Tout ce que je pus dire à cette malade fut
inutile. J'eus beau lui représenter, en atténuant comme il conve-
nait, que les sensations dont elle se plaignait, avaient une origine
cérébrale, qu'il était à la fois de son devoir et de son intérêt de se
soumettre au traitement hydrothérapique qui lui avait été prescrit
et d'accepter même son internement momentané dans une maison
de santé, tout échoua. En refusant d'intervenir, j'essayai vainement
de lui faite comprendre que s'il y avait quelque chose à tenter, il
était de mon devoir de le faire; tout fut inutile. Cette malade me
déclara que puisqu'il en était ainsi, elle irait consulter tous les
dentistes de Paris, puis tous les dentistes de Londres, puis tous ceux
de Vienne !
L'expérience avait montré que 111 E... était exposée à rencontrer
des dentistes capables d'intervenir, et la famille fut avertie du
danger qu'elle pouvait courir.
A quelque temps de là, j'appris que cette malade avait été con-
sulter un dentiste très en renom qui, pour ne pas rester court,
n'a\ait trouvé rien de mieux que d'arracher à 11 ? E... la dent qui
lui avait été réimplantée !
La situation s'aggra\ait. la malade avait déclaré qu'elle se jette-
rait sous les roues d une voiture pour en finir avec ses souffrances.
Echappant à la surveillance dont elle était l'objet, elle s'enfuit à
Londrès, où elle consulta encore quelques dentistes, cette fois sans
grands dommages.
Enfin, la famille se décida à lui faire suivre le traitementprescrit
par M. Charcot et son état s'améliora rapidement. En même temps
disparurent les sensations bizarres dont elle se plaignait et elle a
pu retourner chez elle, momentanément débarrassée de son
obsession dentaire; mais l'avenir mental de cette malade n'en reste
pas moins sombre. '
La seconde observation d'obsession dentaire m'a été
communiquée par M. le Pr Charcot. M. le D'' Keller,
chez lequel ce malade recevait des soins, a bien voulu
également me donner quelques renseignements qui
m'ont servi à compléter cette observation.
16 - PATHOLOGIE NERVEUSE.
Le malade dont il s'agit est un Américain plus instruit et plus
affiné que ceux qu'on rencontre habituellement. C'est ainsi que
M. a ? lisait tous nos poètes dans le texte original et professait en
particulier pour Lamartme une admiration particulière. Il était t
venu en Europe pour se -faire soigner et s'était fait accompagner
d'un dentiste de son pays; celui-ci, instruit paraît-il, et dans tous
les cas se rendant un compte exact de l'état mental de son client,
ne le soignait pas, mais le protégeait efficacement, en l'empêchant
d'aller chez d'autres dentistes. Voici l'histoire de ce malade telle
qu'il nous a été permis de la constituer avec les renseignements
qu'il a lui-même fournis. Depuis le mois de janvier 1886, il était
atteint de cet état mental particulier que ces malades appellent
prostration nerveuse; il avait subi différents traitements et com-
mençait à se rétablir lorsqu'au mois de janvier 1889, il se fit ob-
turer une petite molaire inférieure droite par son dentiste habi-
tuel ; celle-ci ne tarda pas à le faire souffrir, le lendemain il alla
chez un autre dentiste et le pria d'extraire la dent douloureuse.
L'opérateur ne fut pas heureux, et, dans ses efforts d'extraction,
il brisa, parait-il, le rebord alvéolaire, et après une heure et sept
minutes d'efforts infructueux, il laissa la racine dans l'alvéole et
renonça à faire de nouvelles tentatives. Le malade avait été anes-
thésié trois fois avec le protoxyde d'azote.
Le maxillaire inférieur droit, il la suite de ce traumatisme,
s'enflamma etdevint douloureux, la dent de sagesse du même côté
présenta également les symptômes de périostite et faisait souffrir
le malade chaque fois que celui-ci essayait de s'en servir. Cet état
dura avec des alternatives d'amélioration pendant six semaines
environ. Après ce temps, une douleur se déclara subitement au
niveau de la dent de sagesse inférieure gauche et continua depuis
cette époque, se portant quelquefois sur les deux petites molaires
du même côté. Par moment cette douleur s'arrêtait complètement
et reparaissait lorsqu'on exerçait une -pression extérieure sur le
maxillaire. D'autres fois, le malade accusait aussi des sensations
douloureuses localisées à la racine qui lui avait été brisée du côté
droit. M. X... insistait particulièrement sur ce point que la douleur
se localisait au niveau de la troisième grosse molaire et de la
seconde petite molaire inférieure yauclie. Douze semaines après
l'opération malheureuse relatée plus haut, un médecin auriste de
Chicago enleva la racine brisée, avec des fragments d'alvéole. La
petite molaire voisine fut, on le pense bien, ébranlée, comme elle
l'avait été à la première opération.
Depuis que M. X... a passé par ces différentes épreuves, il a,
dit-il, constamment souffert des douleurs que nous avons décrites
plus haut; de plus, et, c'est cela qui constitue sa maladie actuelle
il a l'esprit constamment tourmenté par cette idée fixe, que d'au-
tres opérations pourront être tentées sur sa bouche et qu'il en
DE L'OBSESSION DENTAIRE. 1 17
éprouvera un grand dommage. Cependant, ajoute-t-il, avant le
trouble apporté dans son esprit par ces opérations il n'avait aucune
crainte. D'après le propre aveu de ce malade, depuis plus d'une
année il a soufferu mille fois plus moralement, en raison des ap-
préhensions continuelles dont son esprit est obsédé, que des dou-
leurs physiques qu'il peut avoir éprouvées au niveau de ses dents
inférieures. Il a remarqué lui-même que les médicaments dé-
pressifs le rendaient plus triste et plus mélancolique encore et
semblaient augmenter et réveiller les douleurs qui se produisaient
dans son maxillaire. Les distractions et les voyages lui produisent
un excellent eu'et en détournant son esprit de l'objet de ses cons-
tantes appréhensions. Il a consulté un trè, grand nombre de den-
tistes et d'auristes. et tous ont été unanimes à le rassurer et à lui
affirmer que, ni du côté des dents, ni du côté des oreilles, ils ne
voyaient rien qui fût capable de justifier ses craintes. Malgré tout
cela, le malade restait anxieux, se préoccupant constamment de
sa santé, épiant l'apparition des symptômes douloureux dans les
maxillaires ou dans les dents, les analysant longuement, s'elforçant
d'en découvrir la cause, qu'il rattachait indifféremment à son etat
ou aux médicaments qu'il prenait. Toujours à la piste de moyens
nouveaux qu'il estimait devoir lui apporter quelque soulagement,
il accablait les médecins qui le soignaient de renseignements sur
son état et sur les traitements qui lui avaient été prescrits. De
temps en temps, il continuait à aller voir des dentistes, mais grâce
à celui qui s'était constitué son défenseur, aucun traitement local
ne fut institué.
Si le malade convenait parfois que sa maladie résidait dans les
centres nerveux, il n'en analysait qu'avec une anxiété plus grande
les relations, inconnues pour lui, qui reliaient ses douleurs à la
cause qui lui avaitété signalée. Après trois mois de traitement, son
état ne s'était pas amélioré et il s'était mis en quête de nouvelles
médications il tenter, sans compter qu'il lisait des livres de mé-
decine et s'efforçait, suivant ce qu'il croyait être de son intérêt, de
prouver les erreurs de diagnostic qu'il pensait avoir été commises.
On juge par là les nombreusesdiscussions qu'eurent à soutenir les
médecins qui le soignaient. Toutefois et de son propre aveu, les
douleurs qu'il éprouvait étaient beaucoup moins vives. La douleur
que je ressens, disait-il, n'est pas aiguë, mais elle est suffisante
pour entretenir dans mon esprit une constante préoccupation;
jamais cette douleur ne m'a empêché de dormir, bien que l'état
nerveux dans lequel je me trouve ait rendu mon sommeil très
léger; il m'arrive même de me réveiller après mon premier somme
et de me sentir complètement débarrassé; mais, dès que mon
espritest essalsi par son habituelle appréhension, les douleurs se
réveillent. Quand ma pensée, ajoute-l-il, est distraite par une oc-
cupation sérieuse, je ne sens plus rien du tout, mais cette même
ARCHIVES, t. WI. 1. 2
18 PATHOLOGIE NERVEUSE.
douleur revient lorsque j'y songe, ou que je comprime légère-
ment le maxillaire inférieur avec l'extrémité des doigts. Il analyse
ainsi les douleurs qu'il éprouve dans les dents, il lui semble que
quelque chose est collé à sa dent de sagesse, que ses deux petites
molaires sont séparées l'une de l'autre, et, a de certains moments,
que les nerfs des gencives sont très sensibles. Ces douleurs se font
sentir également le long de l'épaule et par instants jusqu'à l'oreille :
quelquefois même, elles se localisent au niveau de la dent- de
sagesse inférieure gauche, qui est le point de départ des sensa-
tions dont le malade se plaint.
Cependant, il peut très bien se servir de ses dents pour manger
et n'éprouve aucune peine. Plus il est triste et préoccupé, plus il
lui semble que ses dents sont douloureuses, et puisqu'on lui assure
que celles-ci n'offrent aucune lésion, il en conclut que c'est le nerf
dentaire lui-même qui a dû être lésé pendant l'opération qu'il a
subie. C'est en vain qu'on lui fait observer que les douleurs vasueb
qu'il ressent sont surtout localisées à l'autre maxillaire. De temps
en temps, ce malade était pris de crises de tristesse et de découra-
gement; grâce au traitement hydrothérapique et psychothéra-
pique qu'il a suivi, son état s'est amélioré petit à petit et il a pu
retourner dans son pays à peu près débarrassé de son obsession
et de ses douleurs. D'après les nouvelles qu'il a adressées à M. le
Dr Keller, son état serait des plus satisfaisants.
Ma troisième observation a trait à une malade qui
me fut adressée par M. le Pl' Charcot et dont l'histoire
est des plus instructives.
Mme de X..., sujet de cette observation, a des névropathes, peut-
être même des aliénés dans ses ascendants. Pendant une tren-
taine d'années, en raison de sa beauté et de son élégance, elle
avait occupé, dans une grande capitale une haute situation parmi
la société mondaine. Ses succès étaient nombreux, sa vie était une
succession perpétuelle de fêtes; si l'on ajoute à cette existence, déjà
fatigante par elle-même, les luttes sans nombre qu'elle avait dû sou-
tenir pour conserver sa suprématie féminine, les chagrins, les
soucis, les déceptions qui forment le cortège obligé d'une vie aussi
agitée, on comprendra facilement que les germes héréditaires qui
sommeillaient dans un organisme soumis à tant de secousses mo-
rales et de fatigues physiques devaient LÔL ou tard se réveiller.
Quand vint l'heure si redoutée des femmes coquettes, où, l'abdi-
cation s'impose, où malgré les artifices les plus savants, la lutte la
plus acharnée, il faut renoncer aux privilèges dont on a si long-
temps joui, abdiquer la royauté féminine et prendre une retraite
'désormais fatale, Mme de X... ne sut pas se résigner et manqua
1 DE L'OBSESSION dentaire. 19
de cette philosophie pratique, qui seule, peut faire accepter les
plus dures nécessités. Son chagrin fut profond, ses regrets amers,
Le parallèle entre la vie brillante qu'elle avait menée et où elle
avait reçu tant d'hommages et la retraite forcée qu'elle devait
prendre, produisit sur son esprit une impression profonde et triste.
Au nombre des traces visibles laissées par cette vie brillante et
agitée, que t'age avait encore plus profondément creusées, Mme de
X... s'aperçut que ses dents s'étaient considérablement allongées,
qu'elles s'étaient déplacés. Deux ou trois étaient déjà tombées
spontanément et avaient été remplacées; toutes les autres étaient
plus ou moins atteintes.
Mime de X... avait les symptômes de la pyorrhée alvéolaire. Cette
preuve, si facile à constater par tous, de sa déchéance physique,
devint un sujet constant des préoccupations de Mme de X... Cette
préoccupation ne tarda pas à régner en mailresse dans son esprit
et prit le caractère d'une obsession. La prothèse n'était dans ce cas
que d'un faible secours, parce que les dents artificielles étaient
forcées de suivre, dans leur direction et dans leur allongement, les
dents malades restantes. Mme de X... commença par se faire une
véritable collection de pièces prothétiques, sortant des ateliers des
dentistes à la mode dans la colonie étrangère. Aucun de ces appa-
reils ne rendait à sa physionomie l'expression qu'elle avait autre-
fois.
Tant d'empreintes prises, tant d'appareils portés et essayés,
retouchés sans succès, avaient joué vis-à-vis de sa bouche le rôle
d'un véritable traumatisme. Mra0 de X... passait une partie de son
existence chez le dentiste et en visitait fréquemment deux ou trois
dans une même journée.
Insensiblement, elle fut prise d'un '.besoin aussi inconscient
qu'impérieux de contracter ses maxillaires sur la pièce prothétique
qu'elle portait.
Ce tic s'accentua de plus en plus et se réveillait avec une inten-
sité d'autant plus grande que la pièce prothétique était d'un
volume plus considérable ou d'une forme différente de celle que la
malade était habituée de porter. La contracture devint de plus en
plus énergique. La malade se promenait à grands pas dans son
appartement, poussant des exclamations saccadées et introduisant
les doigts ou un corps étranger entre les arcades dentaires dans le
but de les empêcher de se rapprocher. Ces manoeuvres ne faisaient
qu'augmenter la contracture.
M ? de X... entra alors dans une nouvelle période; sa pensée
dominante fut d'empêcher ses maxillaires de se rapprocher, à l'aide
d'un appareil prothétique. Elle recommença ses périgrénations
chez les dentistes les plus renommés et augmenta sa collection,
déjàsiriche, de pièces prothétiques, d'appareils bizarres, témoignant
pour la plupart de l'unique désir de plaire à la malade. La diffa.
20 PATHOLOGIE NERVEUSE.
culte de prendre les empreintes des arcades dentaires devenait de
plus en plus grande; dès qu'un corps étranger était en contact
avec la bouche, immédiatement, les masséters se contractaient
avec violence. Cette même contracture s'excerçait encore lorsqu'un
appareil prothétique quelconque était placé dans la bouche.
- En présence de ce cercle vicieux dont elle ne voyait pas l'issue,
l'esprit de la malade s'exaltait de plus en plus. Sa situation, si
cruelle en réalité, était pour elle l'objet de ses constantes préoc-
cupations, préoccupations troublant son sommeil. Plus elle songeait
à sa bouche, plus étroitement se rapprochaient ses maxillaires.-
Son caractère s'était profondément altéré, passant d'une tristesse
profonde à de véritables accès de révolte; elle s'enfermait dans sa
chambre, les persiennes fermées, elle consignait sa porte à tout le
monde, même à ses domestiques, et dans cette solitude volontaire,
exhalait encore son excitabilité nerveuse. Tel était l'état de
Mmo de X... lorsque, sur la désignation de M. Charcot, je fus ap-
pelé à l'examiner et à donner mon avis. C'était au moi» d'octobre
1889. Je n'avais aucun renseignement sur Mme de X... que je ne
connaissais pas, et après l'avoir écoutée avec la plus scrupuleuse
patience, je l'examinai avec la plus grande attention.
Tout d'abord, et cela me parut caractéristique, Mue de X... étala
sous mes yeux une douzaine d'écrins renfermant des pièces pro-
thétiques de formes variées. Elle en avait autant chez elle dont
elle ne servait pas davantage. Aime de X... me demandait avec une
insistance véritablement touchante, faisant ressortir tout ce que
sa situation actuelle avait de douloureux, un appareil destiné à
empêcher ses maxillaires de se rapprocher l'un de l'autre. Un
examen minutieux de la situation me permit de constater que le
contact des dents de la malade soit avec les dents artificielles, soit
avec la plaque destinée à les porter, se traduisait immédiatement
par de la contracture des maxillaires. La conclusion que j'en tirai
lut : pas d'appareil ou tout au moins l'appareil le plus réduit
qu'il sera possible de faire, uniquement pour remplacer les dents
absentes et porté seulement lorsque la malade sera exposée à se
trouver en présence d'étrangers.
Je fis les plus grands efforts pour persuader à Mme de X.. que la
contracture spasmodique dont elle se plaignait n'avait pas une
origine dentaire, qu'il fallait la mettre sur le compte des troubles
généraux dont elle se plaignait et soigner ceux-ci d'abord, avant
de tenter quoi que ce soit sur la bouche. Toutefois, en raison de
l'existence de la pyorrhée alvéolaire, je prescrivis des lavages anti-
septiques, m'abstenant de toute autre intervention. En me quit-
tant, M ? de X..., que je croyais avoir persuadée, me déclara
qu'elle allait chez un dentiste prendre livraison d'un appareil
qu'elle avait récemment commandé. Le lendemain, elle vint me
voir avec cet appareil qu'elle n'avait pu conserver que quelques
DE L'OBSESSION DENTAIRE. 21
minutes. Elle insista de nouveau pour que je fisse une nouvelle
tentative et je m'y refusai obstinément, lui représentant qu'elle
devait d'autant plus croire que dans ce cas particulier, le conseil
que je lui donnais allait à rencontre de mes intérêts.
Je revis plusieurs fois 111 ? de X..., toujours poursuivie par son
idée fixe et par sa contracture. Celle-ci était devenue tellement
énergique, que les articulations temporo-maxillaires en étaient
douloureuses. Inutile d'ajouter que Mme de X... continuait à de-
mander aux appareils de prothèse un remède à son infirmité et
qu'en outre, elle voyait au moins un médecin par jour, quand elle
n'allait pas consulter les pires empiriques.
On avait essayé de placer entre les arcades dentaires de
Mme de X... des disques en caoutchouc mou, sans aucun résultat;
on avait revêtu ses dents avec des coiffes en vulcanite, de façon à
ouvrir légèrement la bouche, mais plus l'effort était considérable,
plus la réaction, c'est-à-dire la contracture, était violente.
M. Charcot qui m'a appris à connaître ce genre de malades et
auquel j'avais fait part du résultat de mon examen, avait bien voulu
approuver ma conduite. La suite prouva combien il avait raison.
Mmo de X... appartenait tout entière à la pathologie nerveuse et
mentale, c'est pour avoir méconnu la véritable cause des troubles
qu'elle présentait qu'on a fait subir ultérieurement à cette malheu-
reuse malade une mutilation aussi irréparable qu'inutile. Comme
je l'ai dit, Mme de X..., qui abondait dans mon sens, lorsque je cau-
sais avec elle, a peine sortie de chez moi, oubliait ses promesses
et se mettait, en quête de médecins ou plus habiles ou plus com-
plaisants.
Un médecin distingué, dont je n'incrimine nullement la conduite,
parce que je suis convaincu de son entière bonne foi, mais dont je
combats nettement la manière de voir, ayant été appelé à donner
des soins a de X... après bien d'autres, crut à une contraction
réflexe des masséters produite par l'affection alvéolaire qu'elle pré-
sentait. Il proposa donc de lui enlever toutes ses dents et de les
remplacer par un dentier complet. La proposition fut acceptée, la
malade chloroformée, et un dentiste procéda dans une séance à
cette hécatombe. Il 1 estait encore une vingtaine de dents à la ma-
lade, et la plupart étaient encore susceptibles de rendre de longs
services. Tout d'abord, et pendant quelques jours, le succès parut
devoir légitimer le parti si radical qu'on avait cru devoir prendre;
la malade ouvrait un peu mieux la bouche.
Mais on fut obligé de la chloroformer de nouveau pour prendre
l'empreinte de la bouche. On avait espéré habituer petit à petit la
malade à porter son dentier. Cet espoir ne se réalisa pas et, comme
jet l'avais annoncé, dès que la malade avait dans la bouche ce volu-
mineux appareil, elle était pi ise de violentes contractions qui ren-
daient douloureuses les arcades alvéolaires.
M PATHOLOGIE NERVEUSE.
La situation était cruelle ; Mme de X... n'avait plus une seule dent,
elle ne pouvait en supporter 'd'artificielles, d'où impossibilité de
manger autre chose que des aliments mous et grande difficulté de
parler. Depuis longtemps Mme de X... ne recevait plus personne et
ne pouvait se résoudre à sortir.
Cet état de choses ne fit qu'aggraver le trouble mental de la ma-
lade ; sa contracture ou plutôt la contraction automatique ins-
tinctive, reprit de plus belle, et cette fois, c'étaient les arcades
alvéolaires qu'elle pressait l'une contre l'autre. De guerre lasse, on
essaya de faire masser les masséters par un spécialiste étranger
en renom, sans plus de succès.
' Mm0 de X... glissait de plus eu plus sur la pente de la vésanie et
essaya de se suicider dans des circonstances tellement étranges et
rendues publiques, qu'elle fut, je crois internée pendant un certain
temps, puis rendue à sa famille. Peu de temps après, Mm. de X...
me fit rappeler. J'eus peine à la reconnaître. Je ne retrouvai
qu'une femme vieillie, amaigrie, le visage transformé et comme
ratatiné. L'extraction des dents, la contracture des masséters
avait diminué la hauteur de la face et en avait en quelque sorte
exagéré la largeur. Cette pauvre femme me demanda, comme elle
l'avait fait maintes fois, de réparer le dommage qui lui avait été
causé. J'essayai vainement de lui faire comprendre combien cette
tentative serait prématurée. Je l'engageai à se soigner tout d'abord,
l'assurant que tout nouvel appareil prothétique échouerait encore.
Je tentai vainement de lui faire porter pendant quelques instants
le dentier qui lui avait été fait, elle ne put y réussir. L'écartement
des arcades dentaires permettait à peine l'introduction du petit
doigt. J'appris que, quelques jours après, un dentiste avait pris
l'empreinte de la bouche après avoir fait chloroformer la ma-
lade. Le dentier qu'il fit ne put être porté et alla rejoindre le plein
tiroir où était renfermée la collection d'appareils de l'infortunée
Mm0 de.X...
J'ai eu assez récemment des nouvelles de cette malade. Son état
ne s'est nullement amélioré ; elle ne peut porter de dentier et
s'alimente difficilement.
- Cette malade guérira-t-elle ? Il est permis d'en
douter. Dans tous les cas, ou ne pourra intervenir uti-
lement qu'après la disparition des troubles nerveux et
mentaux qu'elle présente. Il est certain, en outre, que
si Mme de X... avait encore les dents qu'on lui a si
inutilement arrachées, elle pourrait mastiquer ses
aliments, sortir et ne point rester confinée à la
1
DE L'OBSESSION DENTAIRE. 23
chambre, -minée par l'ennui, et nourrissant en quel-
que sorte son obsession. - ,
On voit que pour ces malades, les dents n'ont été
qu'un prétexte, qu'une cause occasionnelle de l'ex-
plosion des phénomènes nerveux. Lorsque ces malades
sont au point, s'il est permis de s'exprimer ainsi, un
choc moral ou physique suffit à déterminer l'apparition
des accidents. C'est au médecin à ne pas se laisser
tromper par les affirmations des malades, à les pro-
téger contre eux, contre les interventions impru-
dentes ou dangereuses. Nos observations montrent
combien il est préjudiciable à ces malheureux de les
abandonner à leurs obsessions. Nous n'ajouterons rien
de plus.
C'est vraisemblablement dans cette catégorie 'de
malades qu'il faut faire rentrer ces cas de manie con-
sécutive à des inhalations d'éther, publiés par
MM. Gordon (AmericanJoumal ofinsanity, avril 1890,
p. 451, et Journal des connaissances médicales, no-
vembre 1890, p. 354). L'éther avait été employé pour
l'extraction des dents. Tout en acceptant la prédis-
position, l'auteur attribue à l'éther lui-même le déve-
loppement du trouble mental observé. Il est délicat
de faire la part de chacun de ces éléments, mais par
le fait que l'éther est administré souvent sans produire
de conséqnences semblables, on est bien forcé d'ad-
mettre que les sujets étaient des candidats sérieux
aux accidents cérébraux.
Les troubles nerveux et mentaux ayant succédé
pendant un temps plus ou moins considérable à des
injections sous-gingivales de chlorhydrate de cocaïne,
ont peut-être une origine commune, la part réelle de
24 PHYSIOLOGIE.
l'intoxication et du choc opératoire, restant à fixer.
On a publié des cas de guérison d'hystéro-épilepsie
par l'extraction d'une dent et tiré cette conséquence
qu'une dent cariée pouvait produire des accidents
- d'hystéro-épilepsie, ce qui ne nous paraît pas exact.
Un choc opératoire peut modifier dans un sens ou
dans un autre la statique d'un système nerveux patho-
logique, et, de même que l'extraction d'une dent
jouant le rôle d'une épine, peut arrêter des crises
d'hystéro-épilepsie, la même opération, et il y en a
des exemples, peut donner à ces crises un surcroît
d'intensité.
PHYSIOLOGIE
LES FONCTIONS DU CERVEAU' 1
DOCTRINES DE L'ÉCOLE 1T4LIEN : 11',
Par JULES SOURY.
Maître de conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.
LES FONCTIONS DE L'INTELLIGENCE
L'étude des fonctions supérieures du système ner-
veux, j'entends celles de l'intelligence, est en Italie ce
qu'elle est dans le reste de l'Europe. Les racines delà
jeune plante s'enfoncent et se ramifient chaque jour
plus avant dans les sciences biologiques, d'où elle tire
t Voy. Arch. de Neurologie, n" 51, p. 337; n" 52, p. 28; n" G'r, p. 360,
n" 5p, p. 78 et 167.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. ' 25
tout ce qui lui est nécessaire pour croître et s'élever;
la tige et les rameaux, déjà couverts de feuilles, s'é-
lancent vigoureusement dans l'air, mais, loin de por-
ter encore des fruits, on peut dire que ses fleurs ne
sont pas même épanouies.
Toutes les théories, tous les essais de synthèse sur
l'intelligence, voire sur ses éléments constitutifs, tels
que les représentations, les émotions, les tendances
motrices ou inhibitoires, sont à cetîe heure prématu-
rés. Il faut louer les Italiens de n'avoir pas eu encore
l'ambition naïve d'écrire une psychologie physiolo-
gique '. Les niatériaux du grand oeuvre, on les trouve,
en Italie, chez les anatomistes, les physiologistes et
les cliniciens dont nous avons rappelé les expé-
riences et les observations, exposé les méthodes et
soumis les doctrines à un examen critique. Aux noms
que nous avons cités, il faut ajouter ceux de Buccola,
de Herzen, de Corso et de Tanzi. Je n'écris pas ici le
nom de Roberto Ardigo '; je ne parle pas, en effet,
des philosophes : mais l'on peut dire de ce grand es-
prit, comme de Herbert Spencer, que, d'une façon
consciente ou inconsciente, il a inspiré la plupart des
théories sur la nature et sur la vie des savants italiens
contemporains.
Entendue surtout comme elle l'est en Italie, la doc-
trine des localisations cérébrales aura plus contribué
qu'aucune autre à éclairer les processus de formation
1 Les Eléments de psychologie, de Sergi, qu'on a baptisés, on France,
du nom de Psychologie physiologique, ne sont qu'un manuel destiné à
la jeunesse des écoles italiennes. Pour ne palier que de la doctrine (les
localisations cérébrales, telle qu'elle est exposée clans cet ouvrage, cette
jeunesse fera bien de sauter les feuillets où il en est traité.
'V. Opère filosofiche. - MaIilol'a et 13a(lova, 1882-1886, 4 N-ol. in-8°.
26 PHYSIOLOGIE.
et de manifestation des idées. L'existence de centres
sensoriels et sensitivo-moteurs distincts, en même temps
que l'absence de toute délimitation absolue entre ces
aires différentes de l'écorce cérébrale, montrent assez
comment, presque toujours, « tous les sens concou-
rent à l'élaboration d'une idée » '. Dès que l'idée ou
l'image exige, pour apparaître avec une intensité plus
ou moins grande, le concours synergique de toutes ou
de presque toutes les activités élémentaires du cerveau,
on n'est plus tenté de la localiser dans une région dé-
terminée de l'encéphale comme un produit stable et in-
variable. Les idées n'existent que durant leur évocation
de l'inconscient : avant comme après ces apparitions,
rien d'elles ne persiste que les possibilités de leur rap-
pel, que les conditions de leur renaissance. Mais on
conçoit que ces conditions, je veux dire l'état de tex-
ture et de structure des éléments nerveux, variant
continuellement, comme tous les autres phénomènes
naturels, la qualité, la quantité et les rapports des
idées doivent nécessairement changer d'une façon cor-
respondante. '
De ouvre de Gabriel Buccola, interrompue par
une mort prématurée, je ne puis parler ici que des
parties qui ont trait aux localisations' cérébrales.
J'omets donc à dessein toutes ces admirables études de
psychophysique et de psychométrie qu'il a réunies
dans un livre. La legge del tempo nei fenonaeni del
pensie7'o (Milan, 1883). Le problème des conditions de
la conscience, chez l'homme sain d'esprit et chez l'a-
' Albertoni. - Le localizz. cereGrali, I. 1. Cf. L. Hianchi. Gli ori : -
zonti delta psichialria. l'relezione. Napoh, 1889, 12. - C. Poggi, Le
amnésie, studio clinico. Archiv. Val, per le mal. nerv., 1886, 355.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 27
liéné, me paraît avoir été bien étudié par Buccola. Il
rencontrait sur ce domaine un précurseur de marque,
Alexandre Herzen, dont il a souvent reproduit la doc-
trine et adopté les théories générales 2.
Ces thèses de Herzen, qu'il nous faut rappeler,
quoique l'auteur les ait plusieurs fois présentées lui-
même au public instruit de l'Europe, ont été, dès 1879,
exposées dans un mémoire intitulé : Il moto siclaico ' /
e la coscienza (Firenze, 18T9) 3. L'élève bien connu du
professeur Schiff, dont il fut le propagateur au labo.
ratoire de physiologie de Florence, est parti des con-
clusions auxquelles était arrivé son maître sur les rap-
ports de réchauffement des centres nerveux avec
l'activité psychique, et qui peuvent être formulées
ainsi
1. « Chez un animal jouissant de l'intégrité des cen-
tres nerveux, toutes les impressions sensibles sont con-
duites jusqu'aux hémisphères cérébraux et y produisent
une élévation de température par le seul fait de leur
transmission,
II. « L'activité psychique, indépendamment des im- `
pressions sensitives qui la mettent en jeu, est liée à
une production de chaleur dans les centres nerveux,
chaleur quantitativement supérieure à celle qu'engen-
drent les simples impressions des sens. »
1 Buccola. La legge fesica della coscienza nell'uomo sano e nell'uomo
alienato. - Archau. ital. per le mal. net., 1881, 82 sq.
' Al. Herzen. - Journal of mental seience, 1884 ; Revus philosophique,
1879 et passim ; Revue scientifique, etc. Les conditions physiques de la
conscience, Genèse; 1886. Grisndlinien enter allgem. Psychophysiologie
(Leipzig, 1889), 89-19.
3 Ce livre est composé d'articles et de communications faites à diverses
sociétés sa\antes.
28 PHYSIOLOGIE.
Rappelant ses expériences, qui ont porté sur des
chiens et sur des oiseaux, Schifiajoutait : « De toutes
nos conclusions, la plus importante, à notre sens, est
celle qui établit un rapport direct entre le développe-
ment de chaleur dans le cerveau et l'activité intellec-
tuelle '. »
Herzen aperçut très nettement, dans ces recherches,
la preuve que les actions réflexes suscitées par les im-
pressions des sens dans la substance grise du cerveau,
et qui constituent l'activité psychique, ne sont que
l'irradiation intercellulaire d'un mouvement molécu-
laire né de ces impressions, partant d'origine externe.
Les phénomènes psychiques, comme tout autre phé-
nomène de la nature, se réduisent donc à une 'forme
spéciale du mouvement. A cette époque, Herzen
croyait encore avoir à se défendrede confondre l'esprit
et la matière, perte de temps à laquelle bien peu d'en-
tre nous peuvent se vanter d'avoir échappé : mais cet
esprit délié s'en tirait en disant que la matière, subs-
tratum nécessaire, mais inconnu, des manifestations
psychiques, - que, seules, nous connaissons, - est
une abstraction de l'esprit, un noumène qui ne se ré-
vèle à nos sens que dans les phénomènes. L'esprit est
d'ailleurs aussi inséparable de la matière que la cha-
leur, la lumière et l'électricité. Suivaient, dans le même
chapitre, quelques remarques critiques excellentes, et
qui sont restées, sur le concept de spontanéité psychi-
que, considérée par Bain comme une énergie créée
ex nihilo, sans antécédents d'aucune sorte. Herzen
1 Moritz Schiff. - Recherches sur Réchauffement des nerfs et des cen-
lre.s nerveux à la suite des 2rritalioas sensorielles et sensitives. (Rédi-
;;les par E. Levier.) - Archives de physiologie normale et pathol., 18(i9-
70 : - 1870, 451. 1.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 29
montra fort bien que les faits allégués par Bain s'ex-
pliquent soit par un état de la nutrition, soit par de
simples réflexes. Point d'action spontanée des cen-
tres nerveux, mais irradiation d'impressions, toujours
périphériques à l'origine, transmises par les nerfs au
névraxe. Bref, scientifiquement parlant, spontanéité ne
peut signifier qu'un complexus de conditions organi-
ques favorables à l'activité des centres nerveux. Chez
les êtres vivants, il n'y a pas plus de spontanéité que
de libre arbitre '. Poussant jusqu'à ses dernières con-
séquences logiques la conception purement mécanique
des fonctions du système nerveux, Herzen démontre
que les différentes formes de l'activité psychique, sen-
timents, pensées, volitions \ aboutissent toujours finale-
ment à une réaction motrice, volontaire ou automatique,
consciente ou inconsciente, par les muscles lisses ou
par les muscles striés, dans les membres, les viscères
ou les vaisseaux, « retournant ainsi, sous des formes
plus élémentaires, en général comme travail mécani-
que, au sein du monde extérieur ».
Voici les thèses de Herzen, dont la portée m'a tou-
jours paru très grande, et que Buccola avait admises :
1° La conscience, - qui n'est rien de plus, natu-
rellement, qu'un état des centres nerveux, un phéno-
mène d'accompagnement de certains processus ner-
' V. Herzen. Fisiologia del libero arbitriez umano. M. Charles Le-
tourneau a donné de cet opuscule une excellente traduction française
sous ce titre : Physiologie de la volonté. Pans, 1874.
2 Mantegazza, litre cite Ileizen, admet nenf formes élémentaires de ces
transformations du , mouvement psychique » : Les sensations peuvent
se transformer en d'autres sensations, en sentiments ou en pensées- les
sentiments peuvent se changer en d'autres sentiments, en sensations et
eu pensées; les pensées, enfin, en d'autres pensées, en sensations ou
en sentiments. » Il moto psichico c la coscienza, p. 62.
30 PH\'51otOGrJ ?
veux, apparaissant et disparaissant avec l'intensité et
la durée de ces processus, bref, un épiphénomène, -
est liée exclusivement à la période de désintégration
fonctionnelle des centres nerveux.
2° L'intensité de la conscience est en raison directe
de la désintégration fonctionnelle.
3° L'intensité de la conscience est en raison inverse
de la facilité et de la rapidité de la transmission des
impressions dans les centres nerveux. Le système ner-
veux tout entier, et non pas seulement l'écorce céré-
brale, considéré comme le siège de l'activité réflexe,
fonction fondamentale de toute vie de relation, est
susceptible d'états conscients, subconscients ou incons-
cients, plus ou moins transitoires, et correspondant à
l'intensité de la désintégration fonctionnelle de ses
éléments nerveux '.
4° Les activités psychiques accompagnées de la
conscience la plus vive déterminent, avec une désin-
tégration fonctionnelle portée au maximum, réchauffe-
ment le plus considérable des centres nerveux. Les
fonctions psychiques accompagnées de la conscience
la moins vive, subconscientes ou inconscientes, se dis-
tinguent par une transmission très rapide, une désin-
tégration fonctionnelle très abaissée et une thermoge-
1 Dès 1858, Scliiff a reconnu que l'on n'a aucun droit de refuser toute
espèce de conscience à la moelle épinière, et Herzen abonde dans le
même sens, avec toute raison, selon nous. Mais ce qu'on peut refuser
aux réactions spinales, c'est la qualité d'être intentionnelles ou volon-
taires. En effet, nous appelons ainsi les mouvements dont nous avons
une représentation anticipée, dont nous prévoyons la forme, l'énergie, la
inaiclie et l'effet; mais la moelle épinière d'un animal décapité ne peut
posséder ces représentations, puisque la destruction de tout centre sen-
soriel entraîne l'abolition des représentations correspondantes, et que la
décapitation est la destruction simultanée «le tous ces centres.» Les con-
disions physiques de la conscience, p. 19.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. ' 3t.
nèse centrale réduite au minimum. La répétition,
l'exercice, l'habitude héréditaire ou acquise, de cer-
tains actes, diminuent le temps physiologique de réac-
tion. Ainsi, l'équation personnelle est à son maximum
quand l'acte est nouveau, elle diminue, s'il devientha-
bituel, et tombe au minimum lorsqu'il est devenu au-
tomatique et inconscient. Bref, « la somme de cons-
cience manifestée en un moment donné par un centre
nerveux, quel qu'il soit, ou par un groupe d'éléments
nerveux, est toujours le produit, ou plutôt la somme
algébrique, des processus multiples de désintégration
et de réintégration impliqués dans tout acte du système
nerveux central. »
Ces lois, comme l'a fait remarquer Buccola, s'appli-
quent à tout phénomène psychique, de quelque nature
qu'il soit, à la veille, au sommeil, aux rêves, à la
perte et au retour de la conscience dans la syncope,
etc. : elles dominent également l'activité des centres de
la moelle épinière, du mésocéphale et du cerveau.
Ajoutons que, depuis les récents travaux de Steiner,
elles expliquent l'évolution de la conscience, et, par
suite, de l'intelligence, chez les poissons, les reptiles,
les oiseaux et les mammifères.
La conscience, et l'intelligence, « expression sub-
jective de l'une des phases du travail d'acquisition et
d'organisation des êtres vivants », ont émigré, au
cours des âges, des ganglions de la moelle épinière,
dans le mésocéphale et l'écorce des hémisphères céré-
braux. La conscience spinale s'est ainsi peu à peu éva-
nouie dans le rayonnement toujours plus intense de la
conscience cérébrale. Les centres spinaux, devenus
inconscients, automatiques, chez les vertébrés supé-
32 ' PHYSIOLOGIE.
rieurs, ne servent plus guère que de voies de transmis-
sion, et ne sont plus que le siège de quelques actes
réflexes définitivement organisés. Mais, outre que ces
, réflexes spinaux sont les plus anciens titres de noblesse
de l'intelligence, - qui n'est qu'une « complexité
croissante de sensations réflexes corticales », - il est
permis de voir, dans cette histoire de la lente évolu-
tion des activités médullaires vers l'équilibre stable de
l'automatisme, l'histoire même des destinées des fonc-
tions les plus hautes du cerveau lui-même.
L'homme serait-il, sans la conscience, une moins
bonne machine intellectuelle ? avait demandé Mauds-
ley. Herzen répond qu'en effet « le processus mental
conscient trahit une imperfection de l'organisation cé-
rébrale ». Le musicien, dont les ajustements muscu-
laires, les plus fins et les plus délicats, n'ont été len-
tement acquis qu'avec le déploiement de la plus vive
conscience, ne devient un artiste de talent, un virtuose,
que lorsque le mécanisme de ces ajustements innom-
brables, définitivement organisés, s'exécute incons-
ciemment et comme à son insu. Il en est de même de
l'apprentissage du langage, de l'écriture, du dessin,
du calcul, bref, de l'acquisition de toutes les connais-
sances. Si elles ne sont pas héréditaires, si elles ne
trouvent pas un mécanisme préformé, elles ne sont
acquises avec conscience que pour rentrer bientôt dans
l'inconscience. « La réduction d'un processus psychi-
que simple à l'automatisme est la condition du déve-
loppement mental, qui serait impossible sans cela :
le naturaliste ne reconnaîtrait jamais une plante ou
un animal au premier coup d'oeil, s'il devait chaque
fois avoir la vive conscience de chaque caractère iso-
LES FONCTIONS DU CERVEAU. - 33
lément; le mathématicien ne concevrait même pas
l'existence des problèmes les plus élevés, s'il devait
chaque fois avoir une conscience nette de la table de
multiplication. Et il en est ainsi dans toute notre vie
psychique. De sorte que, au fond, le processus cons-
cient est la phase transition d'une organisation cérébrale
inférieure à une o ? 'a/;M6 ? e cérébrale supérieure 1 ».
Les processus psychiques qui nous semblent aujoud'hui i
les plus compliqués et qui s'accompagnent de la cons-
cience la plus intense, paraîtront un jour fort sim-
ples à nos descendants et deviendront automatiques.
L'organisation de ces processus psychiques permettra
de naître à d'autres processus plus complexes, d'ordre
toujours plus abstrait et plus élevé. Telle est la loi du
progrès de l'intelligence.
Quelles limites est-il permis d'assigner à ce progrès ?
Ce progrès n'a d'autres limites que celles de la plas-
ticité évolutive des races humaines. Il s'arrêtera quand
manqueront les conditions d'évolution. « Voilà pour-
quoi, dit Herzen, les animaux que nous nommons
inférieurs restent au point où ils en sont : ils ont par-
couru toute l'étendue du développement compatible
avec leur organisation particulière. » Ainsi, la cons-
cience et l'intelligence seraient à l'origine, l'instinct et
l'automatisme au terme de toute évolution mentale 2.
1 Herzen. - Les conditions physiques de la conscience, p. 31.
1 Inutile d'indiquer ce qu'il y aurait d'arbitraire dans l'hypothèse qui
projetterait, en quelque sorte, la conscience et l'intelligence aux origines
mêmes delà vie. La deuxième partie de l'I1jpothèse de Herzen, qui nous
semble vraisemblable, n'implique nécessairement la première que si l'on
a en vue des organismes déjà assez hautement différenciés pour qu'un
système nerveux central, condition de la conscience, ait apparn. V. Juies
Soury. La psychologie physiologique des Protozoaires, llevuc phtloso-
plnqllc, janvier 1891.
Archives, t. XXI. ~ a
34 Il PIIYSIOLOGIE.
Il n'y a pas d'apparence que l'homme échappe- à cette
sorte de cristallisation finale de l'intelligence. Si la
réduction de toute activité psychique à un automatisme
inconscient est la loi universelle, l'homme ne saurait
s'y soustraire dans un avenir que l'on peut rêver aussi
éloigné qu'on voudra. Deux causes, selon Herzen
pourraient mettre un terme « à l'orgueilleux excelsior
de l'espèce humaine : » 1° l'existence d'une limite
absolue entre le connaissable et l'inconnaissable ;
2° une limite, également absolue, posée à la perfecti-
bilité du cerveau humain. Dans les deux cas, la
conscience finirait sans aucun doute par abandonner
l'activité cérébrale; celle-ci prendrait peu à peu « le
caractère instinctif, réflexe, automatique, mécanique; »
elle arriverait ainsi à cet équilibre relativement stable,
à celte sorte de paix profonde de l'activité médullaire,
si rarement sillonnée par les éclairs d'une conscience
obscure.
En dépit des longs espoirs etdes étroites pensées de
certains savants, qui imaginent pour notre espèce je
ne sais quelle éternité, comme s'ils n'imaginaient même
pas qu'un temps puisse venir où ils n'auront plus de
lecteurs, Herzen nous prédit qu'avant que l'esprit
humain ait atteint le terme de son évolution, « le
refroidissement graduel du système solaire aura mis
fin à la possibilité de la vie sur la surface du globe
terrestre ». Voilà une vue des fins dernières et des
destinées de l'esprit de l'homme que nous avons nous-
même trop souvent esquissée pour ne la point trouver
au moins vraisemblable sous cette forme d'hypo-
thèse scientifique. En tout cas, cela repose de cet opti-
misme béat, vulgaire et sot, si fort du goût des foules
LES FOAC'ru0N5 DU CERVEAU. 3§
et de ceux qui vivent de leurs applaudissements,
qu'on rencontre avec surprise chez nombre de savants
et de philosophes italiens, chez les plus grands eux-
mêmes, tels que Robert Ardigo.
Buccola avait appliqué les lois de Herzen à lapatho-
génie de l'hypnose et à celle des maladies mentales.
Ainsi, dans l'hypnose, la répétition de sensations sim-
ples, homogènes, continues, diminuerait ou abolirait la
conscience en suspendant le mouvement de désintégra-
tion fonctionnelle des cellules nerveuses de l'écorce;
le sentiment de la cénesthésie, dont l'intensité est en
raison de la variété des impressions perçues, s'évanoui-
rait dans l'espèce de catalepsie où tomberaient les élé-
ments des centres nerveux. Dans la démence et dans
les formes d'affaiblissement profond de l'intelligence,
l'obscurcissement ou l'éclipse de la conscience dérive-
rait de la lenteur ou de la cessation des processus
d'oxydation dans les éléments nerveux de l'écorce.
« Dans les cerveaux atrophiés de ces malades, qui ne
vivent plus que d'une vie végétative, sans se rendre
compte de ce qui se passe autour d'eux ni en eux-mêmes,
écrivait Buccola, la désintégration fonctionnelle de
l'écorce doit être réduite pour ainsi dire à zéro. » Dans
la manie et le délire, où les courants nerveux sont
trop rapides et trop diffus, où les images se transfor-
ment aussitôt en réactions motrices, la désintégration
des centres nerveux a lieu, mais avec une durée et une
intensité insuffisantes pour produire un état de cons-
cience. Entré en convalescence, « le malade ne se rap-
pelle pas, si ce n'est quelquefois comme dans un songe,
ce qui a eu lieu. » Avec la puissance inhibitrice de l'at-
tention, les conditions de la persistance et du rappel
36 PHYSIOLOGIE.
des images, partant de la mémoire, ont fait défaut. Au
contraire, dans la mélancolie, dans la lypémanie avec
stupeur, où la vie de relation semble suspendue et même
anéantie, la' cénesthésie persiste, et le travail de l'idéa-
tion délirante, sans se traduire au dehors par des actes,
continue : c'est que, suivant Buccola, les impressions
et les images ont une durée et une intensité suffisantes
pour désintégrer le tissu nerveux. L'attention subsiste;
le malade a conscience des événements internes et ex-
ternes, et, dans son cerveau, se fixent des représenta-
tions mentales correspondantes. Aussi le malade con-
valescent se rappelle-t-il, jusque dans ses moindres
détails, sa vie psychique antérieure. -
La conception purement mécanique des processus
de la vie de l'intelligence était, chez Buccola, la même
que chez Herzen et chez Ardigo'. Dans un mémoire
sur les Idées fixes et leurs conditions physiopathologiques ,
cet éminent psychologue voyait dans ce qu'il appelle
« la convulsion des idées » ce que (Esquirol avait ap-
pelé une sorte de catalepsie de l'intelligence) l'équiva-
lent de la convulsion des mouvements.
La volonté ne saurait réfréner le tumulte des con-
tractions musculaires : elle ne réussit pas mieux à maî-
triser une image obsédante, une idée morbide qui
s'exalte et tend à passer à l'action avec une force irré-
sistible. L'individu assiste à ce déchaînement de ses
réflexes psychiques avec la conscience de son impuis-
sance à les modérer. Là aussi éclate la lutte pour l'exis-
1 Le cours des événements psychiques est absolument fatal, ni plus
ni moins que celui des événements physiologiques, ni plus ni moins
que celui de tous les événements de la nature. Il Ardigo. - La
science expérimentale de la pensée. Leçon faite dans l'aida de l'Uni-
versité de Padoue (1888). - lteu. scieittif., 27 avril 1889.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 37
tence entre les représentations de l'intelligence, dont
les forces inégales, antagonistes, s'opposent, se neu-
tralisent ou assurent le triomphe final de l'image la
plus intense. C'est là une loi psychologique tout au-
tant que physiologique ou cosmique : « Dans ce conflit
sans trève, dit Buccola, la forme mentale douée de
l'énergie la plus grande survit. Mais, lorsqu'il s'agit
du processus morbide des idées fixes, toute lutte est
vaine et inutile, et toute résistance contre la pensée
dominante ne laisse aucun espoir de vaincre '. »
On retrouve ces idées dans une étude récente, et
qui nous semble de premier ordre, de Raffaele Brugia
et Scip. Marzocchi. Sur les mouvements systématisés
danz quelques formes d'alfaiblissent mental'. Par
mouvements systématisés ou fixes, ces auteurs enten-
dent les mouvements qu'on appelle d'ordinaire forcés
ou incoercibles (Zwal1gsbewegungel1), mais ils trouvent
cette dernière désignation trop étendue pour exprimer
la nature clinique des phénomènes qu'ils étudient.
Ceux-ci sont toujours liés à une altération de l'in-
telligence, contrairement à ce qu'on observe dans les
convulsions partielles ou générales de l'épilepsie, dans
l'hystérie, dans un grand, nombre d'affections spasmo-
diques ou choréiques, le latah, le miryachit, les tics
convulsifs avec ou sans échokinésie et coprolalie, les
' Buccola. .e ! <<ee se e <e <0 ! 'o MMmon ! ? opa<o)cAe. ]tiv.
speriment - Le idee fisse e le C'est dans fzsiopatologiche. Iliv.
speriment di freniatria, 1880, 155. C'est dans cette Revue que Buccola
avait publié, en 188l-1882, ses Eludes de psychologie expérimentale : I.
La misura degli atti psichici elementari; II. La durata del discerni-
mento e della determinazione volitiva; III. Nuove ricerche sulla durata
della loealizzazione taltile. - La riprocluzione delle percezioni di moui-
mento nello spazio visivo. 1882-1883 : La menxoria or,ganica nel meca-
nisnzo della scriltura; Sulla durata délie percezioni ol/atlive.
' Dei znovimenti sistemalizzati in alcune forme di indeGolimenlo men-
tale. - Arclnvio ital. perle mal. nerv., 1887, 42a.
38 PHYSIOLOGIE.
suggestions'd'actes etc. « Par mouvements fixes ou
systématisés, nous entendons ces mouvements circons-
crits, stéréotypés, rhythmiques et coordonnés, qui
s'accomplissent involontairement, bien que la volonté
puisse jusqu'à un certain point les dominer; qui ne
correspondent à aucun but, en dépit de leur appa-
rence de mouvements intentionnels, et qui, en l'absence
de toute activité volitive propre de l'individu, servent
d'issue aux états d'excitation, aux décharges motrices
du cerveau. » Ces mouvements peuvent être acquis ou
congénitaux : parmi ceux-ci, sont les tics et mouve-
ments automatiques des idiots; parmi ceux-là, les tics
convulsifs des névropathes non aliénés. L'association
automatique, partant involontaire et inconsciente, des
idées, des sentiments et des mouvements, est fréquente
chez les personnes d'une intelligence inférieure et
chez les névropathes. La sobriété des gestes et des
mouvements, le pouvoir de les maîtriser et de les con-
tenir, bref, le pouvoir d'inhibition motrice, est, on le
sait, un caractère d'organisation supérieure : l'inten-
sité de la conscience est en raison inverse de la
diffusion des mouvements, a dit Ferrier.
Les mouvements systématisés étudiés par Brugia
et Marzocchi sont donc des réactions automatiques
provoquées par des stimuli internes résultant, d'un en-
semble de mouvements inconscients, organiquement
ou dynamiquement coordonnés en vue d'une fin, et
qui se reproduisent toujours les mêmes, consécutive-
ment à l'excitation de leurs centres respectifs. On
peut les répartir sous quatre chefs, selon qu'ils ont
lieu : 1° par irritation locale des centres corticaux du
mouvement, comme dans l'agitation maniaque et les
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 39
affections convulsives de certaines phrénopathies;
2° par irritation retentissant directement des ganglions
de la base et du bulbe sur les centres moteurs pour
y provoquer une réaction automatique cérébrale,
phénomène d'autant plus fréquent que l'intensité des
représentations, et partant celle de la conscience, est
plus faible, que les associations psychiques sont moins
complexes et que les excitations peuvent suivre sans
encombre les voies de moindre résistance; 3° par exci-
tations transmises des zones « sensitivo-idéatives » aux
centres moteurs corticaux : les cas de tics convulsifs,
sur lesquels Charcot et ses élèves ont récemment-
appelé l'attention, et les idées fixes, si bien étu-
diées par Buccola, font comprendre la pathogénie de
ces troubles ; 4° par excitations fonctionnelles des
résidus moteurs (résidui di moto). '
Il n'est pas rare d'observer, dans les asiles d'aliénés,
chez les déments, certains mouvements uniformes et
rhythmiques, qui sont l'expression dernière de gestes,
d'attitudes et d'habitudes corporelles en rapport avec les
professions ou les occupations anciennes de ces malades.
Ces résidus organiques de l'activité psycho-motrice sont
les derniers vestiges d'énergies intellectuelles éteintes.-
Ces mouvements systématisés et fixes, toujours les
mêmes chez le même individu, sont tout ce qui reste
de la mémoire organique qui présidait à l'automa-
tisme des centres nerveux cérébro-spinaux. Les élé-
ments moteurs de ces régions conservent encore la
trace des réactions par lesquelles ils répondaient aux
diverses incitations : les résidus de mouvements que
présentent ces déments sont donc analogues aux rési-
dus d'idées, et, de fait, ce sont des résidus d'images
40 PHYSIOLOGIE.
motrices. La faible énergie musculaire que déploient
encore ces malades est inconsciente; les décharges
nerveuses de ces centres ont lieu avec une fatalité
d'autant plus assurée que toute fonction supérieure
d'inhibition est éteinte dans ces cerveaux en ruines.
Dans cet ordre de recherches encore, Bianchi vient
de publier, sur le tremblement des paralytiques géné-
raux', une étude où cette altération de la moti'.ité est
constamment rapprochée des troubles psychiques du
même genre des idées et des émotions chez ces ma-
lades. Bianchi a d'abord trouvé que, dans les deux
tiers des cas, les mains participent au tremblement de
la face et de la langue. La méthode graphique dé-
montre que les stimulations successives d'où résulte
la contraction des muscles volontaires, ce « tétanos
physiologique », comme l'a appelé Morse]) ! z, - font
très ralenties chez ces malades ; que la fusion des éner-
gies dirigées sur un groupe musculaire fait défaut;
que la force psycho-motrice se diffuse et se perd par
des voies collatérales, même lointaines. Or, les phéno-
mènes psychiques sont ici frappés au même coin que
ces phénomènes moteurs élémentaires : diffusion, in-
cohérence, arhythmie, épuisement rapide des pro-
cessus nerveux, voilà ce qui les caractérise.
Bianchi compare aux oscillations irrégulières du
' L. blanchi. - Conlribuzione alla nozione semiolica del 1,'emOI'e
della paralisi progressica. Napoli, 1889.
E. Morselli. - sella diraamo,9rnrta e sue applicazioni al diagnostics
dei disordini motorii nelle ntalallie neruose. Iliv. speriment. di fren,
'1884, 265; 188,ï, 2` ? I. Cf., p. 223, l'ii-nl)oitaiit paragraphe consacré 1 la
paralysie générale progressive des aliénés, et les tiacés djnamographi-
ques d'aliénés paralytiques. La courbe de contraction volontaire se pré-
sente comme une ligne brisée; l'innervation motrice est désordonnée et
affaiblie eu même temps; les efforts, assez intenses, sont sums (l'une
prompte résolution musculaire.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 41
sommet des courbes de ses tracés, la mobilité extrême
du plateau des ondes psychiques, qui sans cesse se sou-
lèvent et s'abaissent pour disparaître dans l'océan de
l'inconscient. L'apparition fréquente, même à l'état de
repos, de contractions fugaces, représente, dit-il, chez
ces malades, dans le domaine de la motilité, ce qu'est
dans celui de l'intelligence l'apparition subite d'idées
et d'émotions sans liens d'association évidents', sica-
ractéristiques dans certaines formes d'excitation de
la paralysie générale. La diffusion des impulsions vo-
lontaires sur un grand nombre de groupes musculaires,
souvent fort éloignés, le défaut de fusion et de direc-
tion des courants nerveux psycho-moteurs, correspon-
dent, selon lui, au soulèvement tumultueux des repré-
sentations mentales, dont quelques-unes seulement at-
teignent à peine le seuil de la conscience, pour re-
tomber bientôt, incohérentes et désordonnées. Bianchi
rapproche de la faiblesse dynamométrique du groupe
musculaire sur lequel un courant nerveux est primitive-
ment dirigé, l'affaiblissement des notions du plus vul-
gaire bon sens, de toute raison et de tout jugement chez
ces malades. La forme convulsive que revêt ici, au début,
tout, mouvement volontaire, lequel s'épuise avant d'a-
voir atteint son but, répondrait à l'extrême vivacité
avec laquelle surgissent les représentations mentales.
Par exemple, si, chez un paralytique, la représenta-
tion mentale d'une pièce d'or vient à surgir, le concept
abstrait de cet objet, tel qu'il résulte d'innombrables
1 Eug. Tanzi a remarqué avec finesse qu'avant de juger incohérentes
des suites en apparence inextricables de pensées, comme dans la dé-
mence, on de\rait bien chercher s'il n'existe pas quelque fil invisible ou
très subtil d'association entre ces idées. lnlomo alla assoaazion délie
idee. liev. di filos. scieillif., 1888.
Il. PHYSIOLOGIE.
-associations, lui fait défaut : il ne voit que l'or, dont
l'éclatante vision éblouit en quelque sorte, momen-
tanément, sa conscience, et qui, jusqu'à ce que
l'image pâlisse et s'éteigne, empêche de naître tout
autre représentation mentale. Ces rapports si étroits
d'analogie entre le tremblement et les autres phéno-
mènes mentaux des paralytiques généraux indiquent
quelle part doivent prendre à la pathogénie de ce phé-
nomène les centres nerveux de l'écorce cérébrale dont
la désorganisation s'exprime, fonctionnellement, par
les processus que nous venons de rappeler, et qui se
résument tous dans un seul, l'affaiblissement pro-
gressif.
Mais le travail le plus profond, et d'une très gran-
de portée pour l'explication scientifique des idées et
des impulsions incoercibles, est dû à Tamburini '.
Dans son mémoire sur les hallucinations motrices, ce
savant n'a eu qu'à rappeler les idées vraiment géné-
rales de son hypothèse des centres mixtes de l'écorce
cérébrale, hypothèse présentée en 1876, et que nous
avons exposée plus haut, pour édifier une théorie
complète, et peut-être définitive, non seulement des
hallucinations, mais de toutes les réactions motrices
qui, à quelque degré que ce soit, accompagnent tou-
jours les processus psychiques. La nature mixte des
centres fonctionnels de l'écorce cérébrale étant ad-
mise, (et les recherches postérieures des physiologis-
tes, des cliniciens et des histologistes (Golgi) sont
décidément favorables à l'hypothèse de Tamburini,
1 A. 1'unLurini.- Sulli allllcinazioni mnto1'Ïp. - Rlv. spérlment. di
fren. vol. XV, 1889. Communie, al VI Coiii. frenlutr. itnl. In novara.
Set t. 1889.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 43
l'excitation d'un centre quelconque de l'écorce doit
provoquer à la fois, s'il s'agit par exemple d'un centre
« moteur » : 1° le réveil des images de sensibilité tac-
tile et musculaire qui accompagnent le mouvement
considéré, et dont le complexus constitue la repré-
sentation idéale de ce mouvement; 2°l'impulsus cen-
trifuge vers les nerfs et les muscles qui doivent être mis
enjeu pour la production du mouvement. La sensation
d'innertion motrice, c'est la conscience de l'excitation
fonctionnelle des éléments nerveux sensitifs d'un cen-
tre de l'écorce cérébrale, excitation qui a lieu en
même temps que celle des éléments « moteurs » de
ce centre. La représentation d'un mouvement, qu'elle
soit physiologique ou pathologique, c'est le réveil des
images sensitives, tactiles et musculaires, qui ac-
compagnent la phase centrifuge d'une idée motrice
quoiqu'il n'y ait point de mouvement effectué, les
nerfs moteurs et les muscles sont affectés, à l'état
faible, comme ils l'ont été et comme ils le seraient,
à l'état fort, si un mouvement véritable se produi-
sait.
Trois phases caractérisent, selon Tamburini, les
processus des représentations motrices : 1° la phase
centrale est constituée par le réveil, dans un centre
cortical, des images sensitives du mouvement; il, La
phase centrifuge est constituée par l'impulsion motrice
qui, du même centre, va vers les nerfs et les muscles
destinés au mouvement; 3° la phase centripète est
constituée par la perception centrale des modifications
survenues dans les appareils périphériques du mou-
vement (muscles, tendons, aponévroses, etc.) consé-
cutivement à l'arrivée de l'impulsion motrice. Cette
44 PHYSIOLOGIE.
dernière phase est la plus importante pour l'organi-
sation des représentations idéales du mouvement. Mais
une fois ces représentations organisées dans les cen-
tres correspondants de l'écorce cérébrale, les parties
périphériques du corps peuvent manquer, ainsi qu'on
le voit dans les hallucinations des amputés, sans que
les images motrices et la conscience du mouvement
accompli fassent défaut. La phase centrale et la phase
centrifuge du processus suffisent pour produire
l'illusion, non seulement de l'existence, mais du
déplacement et du mouvement des parties absentes
ou frappées d'anesthésie tactile et musculaire : l'éveil
des images motrices et la projection de ces états
internes au dehors par le canal de l'impulsus cen-
trifuge, toujours simultané, créent de toutes pièces les
hallucinations du mouvement.
Cette genèse des hallucinations motrices vaut pour
toutes les hallucinations en général, puisque tous les
centres de l'écorce cérébrale, et non pas seulement
les centres dits moteurs, sont mixtes. et sont par con-
séquent, à la fois, des centres de perception des im-
pressions de la sensibilité générale ou de la sensibilité
spécifique de chaque partie correspondante du corps,
et des points de départ des impulsions motrices en
rapport avec ces parties. Le mécanisme des halluci-
nations motrices des membres et de la face ne diffère
donc point de celui des hallucinations de la vision,
par exemple, tel qu'il a déjà été expliqué. L'excitation,
normale ou pathologique, du centre cortical de la
vision déterminera, selon Tamburini, outre une per-
ception visuelle, une sensation des mouvements de
l'oeil, une représentation motrice, consciente ou in-
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 45
consciente, constituée par des images tactiles et mus-
culaires des mouvements de l'oeil, représentation
nécessairement liée à cet acte fonctionnel, et qui en
constitue la phase centrifuge. Ce sentiment d'inner-
vation des muscles de l'oeil, accompagnant la per-
ception visuelle, expliquerait même le fait de la pro-
jection et de la localisation dans l'espace des hallu-
sinations, en particnlier de celle de la vue.
Les hallucinations de la sensibilité et celle de la a
motilité doivent donc être ramenées à des processus
au fond identiques. J'ajoute qu'il n'y a point lieu d'en
être surpris, puisque les unes et les autres ne sont,
en dépit des apparenses et surtout des mots, que
l'expression d'une seule et unique propriété des cel-
lules nerveuses de l'écorse cérébrale, j'entends de la
propriété d'être impressionnées ou sensibles. Les réac-
tions motrices sont le fait des appareils périphériques
des mouvements avec lesquels toutes les régions de
l'écorce sont en rapport anatomique et fonctionnel.
Mais, quelle que soit la propriété spécifique, acquise
au cours de l'évolution phylogénique, des cellules
nerveuses de telle ou telle aire corticale, elle est
toujours réductible à un mode de sensibilité.
« C'est particulièrement dans la sphère motrice du
langage articulé que les hallucinations de la motilité
ont été étudiées dans ces derniers temps. Après,Séglas,
dont il cite les beaux travaux sur les hallucinations
verbales (motrices', Tamburini rapporte un cas tout à
fait pur du même genre, caractérisé par la percep-
Séglas, L'hallvcination dans ses rapports avec la fonction du langage :
les hallucinations psycho-motrices. Progrès médical, août, 1888; 10 aoùt
1889. Del'antagonisme des idees délirantes chez les aliénés. Ann. médico-
psycol, janv. 1889.
46 1 PHYSIOLOGIE.
lion nette de mots que la malade sent dans sa bouche»,
c'est-à-dire par des sensations de très légers mouve-
ments de la langue, et cela alors même que la malade
exécute en parlant des mouvements volontaires avec sa
langue, ou que celle-ci est fortement immobilisée hors de
la bouche. D'ailleurs aucune hallucination verbale de la
vue ni de l'audition, et point d'idée délirante de persé-
cution. Il s'agit donc bien d'images motrices morbide-
ment intenses, telles que le sont celles des hallucina-
tions; ,la parole n'est prs perçue comme un processus
central : elle est projetée aux parties où va l'impulsus
centrifuge. La malade éprouve donc une sensation
aussi nette que celle qui se produirait si la parole était
réellement prononcée. C'est ainsi que dans une hallu-
cination de la la vue, l'image représentative équivaut
à celle de la vision réelle. Au lieu d'être situé dans le
lobe occipital, comme ce serait le cas dans une hallu-
cination de cette nature, le siège de l'hallucination ver-
bale motrice est localisé dans la région inférieure de
la FA et dans le pied de la F3; voilà tout.
La condition nécessaire et suffisante d'une halluci-
nation motrice verbale pure est la production simul-
tanée dans le centre cortical irrité : Il, d'images sen-
sitives des mouvements correspondant à la projection
des représentations verbales motrices; 2° d'un cou-
rant nerveux centrifuge qui, suivant le degré d'irrita-
tion pathologique du centre considéré, déterminera
dans les nerfs et dans les muscles destinés à l'articula-
tion, ou des états faibles d'innervation périphériquequi,
sans qu'il y ait d'articulation véritable, provoqueront
une sensation analogue pour la conscience, ou des ru-
diments d'articulation perceptibles seulement pour le
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 4<
malade, ou des mouvements réels, mais toujours sans
qn'aucune parole soit prononcée en réalité. Toute-
fois, avec ! a durée et l'intensité de l'excitation du cen-
tre cortical, une émission de mots pourra se produire :
ce sera un cas d'impulsion incoercible, qui constitue
pour Tamburini une sorte d'épilepsie.
Or si une irritation pathologique d'un centre fonc-
tionnel du cerveau, tel que celui de l'articulation, ou
de l'hypoglosse, ou du larynx, est capable de produire
isolément une hallucination motrice corrélative, il n'y
a pas de raison pour qu'une irritation du même genre
siégeant sur d'autres aires corticales, n'y détermine
des hallucinations motrices de n'importe quelle région
correspondante du corps. Et il en est bien ainsi. A ce
propos, Tamburini a rappelé les hallucinations mo-
trices graphiques des médiums écrivant, les halluci-
nations motrices que nous éprouvons tous eu rêve
lorsque, sans nous mouvoir, nous avons la sensation
d'une chute du haut d'une tour ou dans un précipice,
etc., enfin les hallucinations motrices de tant d'aliénés
et de spirites qui croient voler. et celles en particulier
des sorcières, qui témoignaient, jusque sur le bûcher,
de s'être senties emportées dans les airs sur le manche
d'un balai.
Les travaux des physiologistes et des cliniciens ita-
liens sur les rapports de la circulation du sang avec
les fonctions du cerveau comptent, on le sait, parmi
les plus solides et les plus originaux de notre siècle.
Les expériences fameuses, depuis longtemps classi-
ques, de Mosso, exécutées, à l'aide du ptéthysmographe,
sur deux hommes et une femme qui présentaient une
perte considérable des os frontaux, en démontrant que,
48 - PHYSIOLOGIE.
pendant l'activité cérébrale, ou sous l'influence de sen-
sations et d'émotions, l'avant-bras, dont le pouls de-
vient plus fréquent et plus petit, diminue de volume,
tandis qu'augmente le volume du cerveau, par suite
d'un afflux de sang plus considérable, ont établi
qu'il n'en va pas autrement pour le cerveau qui tra-
vaille que pour le muscle qui se contracte ou pour la
glande qui fonctionne : la circulation y est plus rapide
et le sang y afflue en plus grande quantité'. Et l'aug-
mentation de volume du cerveau dans ces circonstances
ne dépend ni des modifications de l'activité cardiaque
ni de celles de la respiration, ainsi que Gley, se ran-
geant à l'opinion de Mosso, l'a établi contre Franck, 1
quoique le nombre des battements du coeur soit en
raison directe de l'intensité de l'attention 2 : cette
suractivité de la circulation cérébrale est due, selon
Gley, à une influence vaso-motrice. Les cellules céré-
brales, excitées, réagissent à leur tour sur les fibres
vaso-motrices des artères carotides et les dilatent; ces
artères, recevant alors une plus grande quantité de
sang, déterminent, par le canal des artérioles et des
capillaires, également dilatés, une irrigation sanguine
plus active et plus abondante de la substance grise du
cerveau.
La circulation éveille et entretient l'activité du cer-
veau, mais les fonctions de cet organe, les sensations,
' losso. - La circolazione del sangue nel cervello deU'uomo; ri-
cerche sfignwflmfiche. Atti della U. Accad. dei Lincei, 1880. Influenza
del sistema nervoso sutla temperatura animale, - Arclov. per le scipiize
mecliclie.'l'ormo, 1886. - La doctrine de la fièvre et les centres thoraciques
cérébraux. Etude sur l'action des antip)t'iuues. - Gcorm. d. R. Accad.
d. méd. di Toriiio, 1889, et Aieli. ital. d. de biol., XIII, 1890, 451.
' Gley. - Etude expérimentale sur l'élat du pouls carotidien pendant
le travail intellectuel Paris, 1881. Cf. De l'influence du travail t' ? tHe(;-
tuel sur la température générale. C. IL de la Soc. de biol., 1884, 265.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 49
les poussées et les émotions, modifiant à chaque ins-
tant la vitesse et l'ampleur du courant sanguin.
Les expériences de Mosso, appliquées à l'étude de
la circulation cérébrale pendant le sommeil ont aussi
démontré l'existence des perceptions inconscientes. Une
voix, un bruit, toute espèce d'impression sensible pro-
voquent une contraction des vaisseaux de l'avant-bras
et une augmentation d'afflux du sang dans le cerveau
de l'individu endormi ; au réveil, il n'a aucune cons-
cience des processus psychiques, très réels pourtant,
qui ont accompagné ces modifications de la circulation
cérébrale déterminées par des excitations extérieures.
Seppilli et Tamburini, dans leurs études sur les phé-
nomènes de l'hypnose ', ont rapproché de ces faits ce
qui s'observe lorsque, dans le somnambulisme pro-
voqué, une impression des sens suscite un certain ordre
didées et d'actes correspondants sans que l'individu,
une fois réveillé, en conserve le plus léger souvenir.
Ainsi, chez une hystérique en léthargie, l'ouverture
des yeux, la vibration d'un diapason, une piqûre d'é-
pingle, l'articulation du nom de la malade, détermi-
nent une diminution du volume de l'avant-bras. L'ana-
logie nepermet-elle pas d'admettre que, dans l'hypnose
comme dans le sommeil normal, les stimuli externes,
en réveillant l'activité du cerveau, provoquent un
afflux plus considérable du sang dans cet organe ? En
tout cas, les observations et les expériences de Masso
démontraient une fois de plus que l'activité cérébrale
1 Tamburini et Seppilli. Recherche sui feuonxeni di moto, di senso, del
respira e del circollo nelle cosi dette fasi (letargica, catalettica, somnam-
bolica) de l'imposi. - Speriment. di fren., 1882. - Seppilli. La circola-
zione del sangua nel cervello in relazione di fenomini psichia. - Riv.
di filosofla scientif., 1882.
Archives, t. XXI. 4
f
50 PHYSIOLOGIE. ,
existe et persiste sans que la conscience en ait la
moindre notion'.
Quelle influence les diverses perceptions simples
exercent-elles sur l'état de la circulation cérébrale ? Les
variations de la circulation cérébrale sont-elles une con-
dition déterminante de ces perceptions ou ne font-elles
que les accompagner ou les suivre ? Pour le savoir,
Morselli et Bordoni-Uffreduzzi ont exécuté- une cen-
taine d'expériences, au moyen de stimuli tactiles, élec-
triques, olfactifs, acoustiques, lumineux, etc., et à
l'aide d'instruments enregistreurs, sur un homme qui
présentait une large perte de substance du crâne dans
la région temporo-pariétale gauche 2. En général, toute
perception est suivie d'une augmentation du volume
du cerveau : celle-ci est en raison directe de l'inten-
sité du stimulus et en raison inverse de ce que ces
auteurs appellent le degré d'élévation psychique des
perceptions. Le temps où se manifestent les,variations
de la circulation cérébrale, consécutives à l'action des
stimuli, est beaucoup plus long que celui du processus
physiologique des perceptions. On en doit conclure que
ces modifications de la circulation sont l'effet, et non
la cause déterminante, des actions réflexes cérébrales
provoquées par les perceptions. Bianchi, depuis, a
aussi écrit que, à l'état normal comme à l'état patho-
logique, ces variations dans la circulation et la pres-
sion sanguines doivent plutôt être considérées comme
t Cf. Tito Vigwoli. - Psicofisica. Intorno ad alcuni intervalle incos-
cienti in una serie coordinata di alti psichici. Ricerche lette al R. Istit.
Lombardo, 1886.
= Morselli et Bordoni-Uffreduzzi. Sui cangiamenti della circo-
lazione cerebrale prodotti dalle diverse percezioni simplici. - Archiv.
di psychiatria, 1884.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 51
des effets que comme des causes de l'activité psychique.
« Qui pourrait affirmer, dit-il, que l'hyperhémie soit
la cause de la manie ? De même pour l'anémie céré-
brale dans la mélancolie'. Citons encore les Recherches
sur la circulation cérébrale de G. Rummo et Ferrannini 2,
de Naples, qui ont étudié le pouls cérébral chez deux
individus présentant une ouverture du crâne : les va-
riations de la circulation cérébrale pendant le sommeil
leur paraissent également être l'effet, et non la cause
du sommeil.
Les recherches thermo-électriques de Tanzi sur les
variations thermiques du cerveau pendant les états
émotifs, ne continuent pas seulement avec éclat celles
de Schiff : elles mènent plus loin et, entre voies nou-
velles, elles paraissent bien avoir ouvert celle qui re-
lie directement la psychologie, la science des fonctions
du système nerveux, aux sciences physico-chimiques.
On se rappelle, en France, la discussion, si élevée
et si belle, qui eut lieu naguère, dans la Revue scien-
tifique, sur la nature de la pensée. Un éminent chi-
miste, M. Armand Gautier, avait soutenu que les diffé-
rents processus psychiques, sensations, perceptions,
images, concepts, etc., seraient de « pures formes
perçues dans les organes mêmes qui en sont le siège. » )1
Pourquoi les physiologistes affirment-ils que la pensée
est une transformation de l'énergie, c'est-à-dire une
1 L. Bianchi. Gli orrizonti della psichialria, p. 22.
' Archives italiennes de biologie, IX, 1887, 57. Cf. Cappelli et Brugia.
Sulle variazioni locali del polso nell' avanlbraccio e nel cervelto dell'
uomo per effetto di alcuni agenti terapeutici. Archiv. di psichiatria,
188G. -
' Rev. scientifique, 11 et 18 déc. 1886; l"janv. 1887. La pensée n'est
pas une forme de l'énergie, c'est la perception des états intérieurs et de
leurs relations.
52 PHYSIOLOGIE.
forme spéciale de l'énergie, comme le mouvement, la
chaleur et l'électricité ? 2 - Les phénomènes psychiques,
disent-ils, ont un équivalent mécanique, thermique,
chimique; l'animal qui pense perd une partie de son
énergie. - Voilà ce qu'il faudrait prouver, objectait
Gautier : il faudrait montrer, ou bien que les phéno-
mènes psychiques ne peuvent apparaître qu'en faisant
disparaître une quantité proportionnelle de l'énergie,
cinétique ou potentielle, ou, tout au moins, qu'ils se
transforment en mouvement, chaleur, électricité, etc.
L'observation, continuait Gautier, a justement établi
le contraire : témoin les expériences de Schiff sur
réchauffement des nerfs et des centres nerveux à la
suite des irritations sensitives, sensorielles et psychi-
ques. Les expériences de Schiff prouvent que le cer-
veau s'échauffe lorsqu'il reçoit et élabore les impres-
sions d'origine externe qui suscitent la pensée, Or,
dans l'hypothèse d'une transformation d'une partie de
l'énergie calorique ou électrique en pensée, « le ser-
veau devrait se refroidir, ou son potentiel électrique
baisser, ou bien la consommation de ses réserves pro-
duire une moindre température qu'à l'état normal. »
C'est donc une erreur de donner précisément comme
une preuve indirecte de l'équivalence mécanique de la
pensée, l'élévation de la température et l'augmenta-
tion des déchets chimiques qui accompagent le travail
cérébral. Ainsi, il faut admettre, concluait A. Gautier,
et c'était pour lui l'évidence même, que « la sensation,
la pensée, le travail d'esprit n'ont point d'équivalent
mécanique, c'est-à-dire qu'ils ne dépensent point d'é-
nergie. Ils ne sont point, à proprement parler, un tra-
vail, un produit de l'énergie mécanique ou chimique.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 53
Ils sont encore moins une force, car s'ils ne font point
disparaître d'énergie en se produisant, ils n'en font
point aussi apparaître. »
Les réponses que les physiologistes ont faites à cette
argumentation d'Armand Gautier sont à coup sûr vic-
torieuses. Charles Richet, avec sa simplicité et sa pré-
cision ordinaires, qui n'excluent pas l'éloquence, a
rappelé, comme il aime à le faire, que depuis Lavoi- "'
sier l'être vivant est une « machine à force chimique ».
« Les phénomènes de la vie sont des phénomènes phy-
chiques et chimiques; Lavosier l'a établi; Magendie,
W. Edwards, Jean Muller, Helmholtz, Cl. Bernard l'ont
répété après Lavoisier. La physiologie est un chapitre
de la physique et de la chimie » '. Comment, seules,
les fonctions du système nerveux se manifesteraient-
elles sans résulter d'une énergie quelconque, sans
avoir un équivalent thermique ou mécanique ? Le tra-
vail psychique doit être, autant que possible, assimilé
au travail musculaire; l'équation est la même pour le
muscle que pour le cerveau. « On pourrait évaluer,
avait écrit Lavoisier, ce qu'il y a de mécanique dans
le travail du philosophe qui réfléchit, de l'homme de
lettres qui écrit, du musicien qui compose. Ces ef-
ci. Richet ? Le travail psychique et la force chimique. Rev. sciee2tif.,
1886, XII, 788. La pensée et le travail chimique, XII, 83. Cf. La physio-
logie et la médecine. Leçon d'ouverture du cours de physiologie, Paris,
1888, p. 16. V. aussi E. Lambhng. Des origines de la chaleur et de la
force chez les êtres vivants , Paris, 1856. « L'application des lois physico-
chimiques aux phénomènes biologiques est sans restriction. Le domame
des sciences physico-chimiques aujourd'hui comprend la biologie. »
(P. IX.) Rappelons encore ces paroles de Bianchi, fort en accord avec
les idées de l'école expérimentale des physiologistes et des cliniciens ita-
liens : « Ce sont les lois physiques mêmes que l'on rencontre partout
comme fondement de l'organisme mental. » Sur la polarisation psychique
dans la phase somnambulique de l'hypnotisme, par L. Bianchi et Guelfo
von Sommer. Reu. philos., XXIII, 149.
54 PHYSIOLOGIE.
forts considérés comme purement moraux, ont quelque
chose de physique et de matériel qui permet, sous ce
rapport, de les comparer à ce que' fait l'homme de
peine. » La pensée, comme le mouvement musculaire,
sont des effets de l'action chimique. La pensée est
donc un phénomène chimique, et, si elle est un
phénomène chimique, elle est soumise au principe
de la conservation de l'énergie. En outre, A. Gau-
tier ayant dit que la sensation, la mémoire, l'intel-
ligence, ne pouvaient avoir d'équivalent mécanique
parce qu'elles ne sont que des « phénomènes de vision
intérieure, » Charles Richet, avec toute raison, témoi-
gnait ne pouvoir comprendre pourquoi une pareille vi-
sion, la perception d'une forme, celle d'états intérieurs
et de leurs rapports, ne représentent pas un certain tra-
vail ?
De même, Herzen a fait la remarque, absolument
juste, que cette « perception des états internes » est
une définition de la conscience, et non de l'activité psy-
chique en général, qui peut être consciente ou incons-
ciente '. La pensée, travail intellectuel, a certainement
été confondue par A.-G. Gautier avec un état essentiel-
lement variable et transitoire de la pensée, la cons-
cience : « L'animal qui pense, c'est l'organisme obser-
vant lui-même ses modifications et percevant leurs
rapports. » Non, répond Herzen, cette vue intérieure,
c'est l'état de conscience, comme l'a dit d'ailleurs ex-
pressément Spinoza, dans la proposition de {'Ethique
'qu'a citée A. Gautier lui-même.
Mais, et c'est là que j'en veux venir, pour montrer
1 A. Herzen. - L'activité musculaire et l'équivalence des forces. Rev.
scientif., 19 févr. 1887, XIII, 237.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 55
toute la portée des recherches thermo-électriques de
Tanzi sur le cerveau, les physiologistes français ne se
sont pas bornés à ces questions de définition : ils ont
très bien compris l'objection, en effet capitale, d'A. Gau-
tier, j'entends ce qui a trait aurefroidissement du mus-
cle ou du cerveau actif, et ilsy ont répondu. Mais quel-
ques mots encore sur les Remarques anatomiques à
l'occasion de la nature de la pensée qu'à publiées
G. Pouchet. Nous citerons la Lettre de Golgi que ces
Remarques ont value au savant professeur du Muséum
d'histoire naturelle. G. Pouchet estime qu'il n'existe
pas plus de preuves en faveur du sentiment de Richet
et de Herzen qu'à l'appui de celui de Gautier, et que,
de longtemps sans doute, on ne les pourra fournir.
« Quel est, demande-t-il, le calorimètre assez sensible
pour accuser réchauffement ou le refroidissement d'une
masse aussi petite (les myélocytes de Robin), et y re-
trouver, en fraction de calorie, l'équivalent d'un tra-
vail intime quelconque ? » Et l'équivalent chimique de
la pensée serait aussi impossible à trouver que l'équi-
valent thermique : alors même, en effet, qu'on par-
viendrait à isoler, dans les résidus de l'organisme, ce
qui provient du muscle et ce qui provient de la subs-
tance nerveuse, le moyen de ne tenir compte que des
produits de désassimilation de l'élément nerveux vrai-
ment actif ? Cette « partie de la substance nerveuse où
l'activité s'exerce sous la forme propre de volition est
infime, comparée à celle où doit s'exercer l'activité
motrice inconsciente, mise en jeu consécutivement, et
qu'on doit supposer adéquate à la modification molé-
culaire "survenant dans les muscles. » Pour G. Pou-
' Rev. scientif., 5 févr. 1887.
56 PHYSIOLOGIE.
chet, « c'est se faire une idée très fausse du siège des
facultés intellectuelles ou psychiques proprement dites,
que de le placer dans les éléments anatomiques dési-
gnés habituellement sous le nom de cellules nerveuses.
Celles-ci, toujours d'un volume notable, toujours ré-
liées à un grand nombre de conducteurs élémentaires, -
ne jouent, selon toute apparence, qu'un rôle acces-
soire comme collecteurs, accumulateurs, diffuseurs d'é-
nergie nerveuse. Tout porte à penser qu'elles ne sont
jamais le siège d'actes psychiques proprement dits,
d'actes conscients, tels qu'une perception, une voli-
tion... Tout indique, au contraire, que le véritable
siège des facultés conscientes est dans les petits élé-
ments nerveux déterminés, pour la première fois,
comme tels, par Ch. Robin, et qu'il a nommés myélo-
cytes. » Les myélocytes ont de 5 à 6 u de diamètre,
rarement 8, d'après Robin. Encore ia plus grande
partie du « myélocyte conscient » est-elle occupée par
un noyau; or, « tout ce que nous savons en anatomie
générale autorise à penser què ce noyau, quoique né-
cessaire peut-être au maintien de la substance cellu-
laire, n'en partage point les qualités fonctionnelles
propres. Il faudrait réduire, en ce cas, de 9/10, tout
au moins, la quantité de substance cérébrale pensante.
On peut admettre que les facultés propres qui font
l'homme de génie, sont toujours immanentes à un
poids très faible de substance cellulaire nerveuse. Les
Principes de Newton, V Enfer de Dante n'ont peut-être
pas éte [élaborés dans plus d'un millimètre cube de
substance vivante. » ,
Les physiologistes et les anatomistes italiens parais-
sent avoir été beaucoup plus émus qu'on ne l'a été, de
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 57
ce côté-ci des Alpes, par cette conception étrange de
M. G. Pouchet. Herzen en particulier témoigna ne
pouvoir découvrir sur quoi G. Pouchet se fonde pour
localiser ainsi les fonctions psychiques proprement
dite ? dans les myélocytes. Je ne le vois pas non plus;
ce n'est point, à coup sûr, la considération de quan-
tité ou de volume de l'élément anatomique que G. Pou-
chet considère comme nerveux, qui me ferait reculer ;
car on ne saurait imaginer de rapport nécessaire d'au-
cune sorte entre la forme d'un élément nerveux et sa
fonction. En ce domaine, si obscur encore, de la con-
naissance, tout est possible. Je n'ai pas non plus d'ob-
jection contre la déchéance fonctionnelle dont sont
encore frappées ici les cellules nerveuses : nous avons
assisté déjà à d'autres verdicts du même genre. Je
voudrais seulement quelque preuve à l'appui de la
nature des fonctions attribuées à ces myélocytes. Je le
voudrais, comme Lombroso qui, fort étonné et rendu
perplexe par l'article de G. Pouchet, écrivit au célèbre
professeur d'histologie de Pavie, à Golgi lui-même,
pour avoir son sentiment sur ce travail. Voici, sans
commentaire, la lettre par laquelle Golgi a répondu
à Lombroso :
« Pavie, 15 mars 1887.
CI Dans l'article de G. Pouchet : Remarques anatomiques l'occasion
de la nature de la pensée, je ne vois d'anatomique que le titre.
Tout l'écrit, je le jugerai plutôt une fantaisie anatomo-physiolo-
gique (un fantasia anatomo-fisiologica) . Avant tout, pour m'assurer
une base anatomique, je demanderai : Où sont et quels sont ces
éléments du tissu cérébral que Robin a voulu baptiser du nom de
myélocytes ? Vraisemblablement il ne s'agit point d'éléments ner-
veux. S'ils le sont, certes Robin n'apule dire, parce qu'il manquait
du critérium indispensable pour juger de la nature nerveuse des
diverses catégories d'éléments constituant le tissu cérébral.
CI Cela suffirait pour qualifier de fantaisiste un raisonnemelltlen-
S8 CLINIQUE NERVEUSE.
dant à démontrer qu'à ces éléments incombe l'une ou l'autre des
fonctions spécifiques relatives au système nerveux.
« Mais il y à plus. A mesure que progressent nos connaissances
sur l'anatomie fine des organes nerveux centraux, il apparaît tou-
jours pius clairement que, comme il existe anatomiquement, il doit
aussi exister fonctionnellement un lien étroit entre les diverses
catégories d'éléments nerveux, et qu'une délimitation rigoureuse
de groupes cellulaires ou de zones nerveuses est impossible. Aussi,
vouloir localiser avec précision une fonction dans un élément ou
dans un groupe plus ou moins étendu de ces éléments, c'est un pur
artifice.
«De catégories cellulaires qui aient une indépendance anatomique
quelconque, je n'en connais pas. Cela étant, de quel droit localiser
une des fonctious spécifiques, des organes merveux (les facultés
intellectuelles ! ) dans tel ou tel groupe de cellules ?
« Si jedisaisque les fonctions dites intellectuelles représentent^
somme des activités coordonnees de tous les éléments nerveux -
aucune catégorie exclue, - je pourrais bien faire, à l'appui de
cette idée, un raisonnement a base anatomique, mais je m'en gar-
derai bien, car, sans l'apparatus nécessaire des détails techniques
d'histologie, qui ne seraient pas ici à leur place, à mon tour, je
pourrais être taxé de faire de la fantaisie. C. GOLGI'. »
(La fin prochainement .)
CLINIQUE NERVEUSE
SUR L'ASTASIE-ABASIEI;
Par le D' TIlYSSE : ï
I. - Je me propose d'attirer l'attention sur un syndrome
nouveau tout récemment décrit « l'astasie-abasie » dont il m'a
été donné de recueillir quelques observations. Ces faits sont
déjà intéressants par eux-mêmes, en raison de leur rareté rela-
tive, mais de plus, ils m'offriront l'occasion de revenir sur la
description encore assez peu connue de ce syndrome, et de
prendre position dans la discussion qu'à soulevée dans ces der-
niers temps sa pathogénie.
II. - Pour la clarté de mon exposé, je rappellerai briève-
ment l'historique de cette question. La première publication
où ce syndrome soit mentionné est un livre du professeur
1 Communication faite en allemand au Congrès international de
Berlin, 1890. -
SUR l'astasie-abasie. 1\9
Jaccoud, de Paris, datant de 1864, et la description se rapporte
à l'ataxie par défaut de coordination automatique '. Nous avons
retrouvé également dans la thèse de Lebreton 2, consacrée à la
paralysie hystérique, les lignes suivantes, qui montrent que
l'abasie existait en réalité à cette époque, quoiqu'elle ne fut
pas mentionnée par l'auteur d'une façon spéciale. « Il arrive
souvent, dit Lebreton, que la malade étant couchée, peut im-
primer des mouvements étendus à ses membres inférieurs. On
croirait alors qu'il y a paresse ou simulation chez elle, mais
tente-t-on de lui faire faire quelques pas, tout d'abord, la pro-
gression quoique lente s'effectue aussi bien, mais bientôt les
jambes commencent à faiblir, elles plient sous le poids du
corps; on dirait qu'à un moment donné l'influx nerveux, dont
la malade a fait provision, est épuisé. » Près de quinze ans
plus tard, en 1883, nous trouvons l'existence de ce syndroma
affirmée dans un travail de MM. Charcot et Richer, sous le titre
c Sur une forme spéciale d'impuissance motrice des membres
inférieurs par défaut de coordination relative à la station et à
la marche 3. » L'année suivante M. Charcot revient dans plu-
sieurs de ses leçons sur le même sujet, à propos d'une malade
de son service. atteinte de cette « forme spéciale d'impotence
motrice des membres inférieurs 1. » Weir Mittchell décrit égale-
ment les mêmes troubles sous le nom d'Ataxie motrice hysté-
risque 5. Erlenmeyer dans son traité « Ueber statische Reflex-
kmmpf6 », et Henoch, dans son travail «.Hystérie des enfants 7 »,
Romei, dans une observation nommée * Paralysie infantile du
seul acte de la marche 8 », exposent les mêmes symptômes
en 1885.
' Jaccoud. - Paraplégie et ataxie du mouvement, page 653, Paris,
1864. ! Thèse de Paris, 1868.
3 Charcot et Richer. - Sudi una forma d'impolenza motrice degli arti
inferiori per diffetto de coordinazione (Medecina contemporanea, 1883,
p. 6, n° 1.)
* Lezioni cliniche dello anno schotestico, 83-84, relatte del dotr Millotti,
Milano, 1885.
1 Weir Mitchell. - Lect. of diseuses of the ner vous systenz especial in
nomes. (Philadelphia, 1885, p. 39).
. Erlenmeyer. - Ueber statische tieJlexkranzpf, 1886, Leipzig.
7 Henoch. Hystérie des enfants, Paris, 1885. (Traduction.)
1 Dl Serafino Romei. - Paraplegia infantile nel solo alto délia am-
bulatisne. (Gazetta degli ospitali, n° 76, p. 605.)
60 CLINIQUE NERVEUSE
Mais jusque-là toutes ces observations étaient pour ainsi
éparses dans la littérature, et ce syndrome manquait encore
d'une description qui affirma son autonomie.
Ce fut là l'objet d'un mémoire de PaulBlocql, qui, en 1888,
publia un travail d'ensemble où ce syndrome fut nettement
différentié et complètement étudié. Il réunit les observations
de ce genre auxquelles il joint celles qui lui sont personnelles,
et à l'aide de ces documents il décrit un véritable type mor-
bide, qu'il propose de désigner sous le nom d'astasie-abasie.
Ces noms furent adoptés parla plupart des auteurs ultérieu-
rement. C'est donc dès à présent sous les termes « astasie-
abasie « que nous trouverons mentionnés les derniers travaux.
Depuis, Blocq est revenu à plusieurs reprises sur le même
sujet en 1888 et en 1889.
Peu de temps après, M. Charcot traitait de nouveau ce
sujet en 1888, à l'occasion d'une fille de onze ans qui se pré-
senta à la policlinique de la Salpêtrière, et dont nous relatons
plus loin l'observation ; et il y ajoutait l'histoire d'un petit garçon
à type d'astasie-abasie, sa première observation de ce genre 2.
Souza-Leite publia bientôt après, deux faits d'astasie-abasie,
observés dans la ville de Salvador qui furent suivis de près
par une revue très intéressante de PaulBerbez4 intitulée « Du
syndrome astasie-abasie. J. Grasset lui consacra ensuite trois
leçons « D'un cas d'hystérie mâle avec astasie-abasie** , Berthet
observe ce même syndrome chez une fille hystérique', °,
Salenni Pace publie à la même époque un mémoire très inté-
ressant, sous le titre « Amnése parriale spinale'. Brunon en
relate également une observation 1. M. Charcot consacre une
' Paul Blocq. - Sur une affection caractérisée pnr de l'astasie et de
l'abasie, Paris, 1888. Archives de Neurologie, n° 43-44.
1 Charcot. - Leçons du Mardi, 24 janvier 1888.
3 Souza Leite. - Réflexions à propos de certaines maladies nerveuses
observées dans la ville de Salvador : faits d'ataxie et d'abasie. Progrès
médical, XVI, Paris, 1888.
4 Paul Berbez. - Gazette hebdomadaire, 30 novembre 1888.
° J. Grasset. - Lecons sur un cas d'hystérie mâle avec astasze-abasie.
Montpellier méd., mars 1889.
· Berthet. - Sur un cas d'astasie et d'abasic. (Lyon méd., juillet
.1889).
' Salemi Pace. - .4MtnM ! OEptM')' ! a/e] : ;ta<e.. GazettaSicula, Anno IX,
p. 182.
1 Brunon. - Normandie médicale, 1889. -
SUR l'astasie-abasie. 61
de ses leçons en 1884 à un cas < d'Abasie forme trépidante à
la suite d'une intoxication par la vapeur de charbon 1 n .
Cette année même la littérature s'est encore augmentée.
Fr. Helfer a étudié un cas d'astasie-abasie, survenant après
l'influenza2. Ladame décrit un cas de cette affection sous forme
d'accès3 et le professeur Binswanger vient de publier un travail
très remarquable sur ce syndrome, sous le titre « Ueber psy-
chischz bedingte Stcerungen des stehen und des Gehen 4 » .
Nous devons enfin à M. Moebius une communication sur le
même sujet', et, pour ne rien omettre, ajoutons que le D" Bris-
saud vient de parler devant les auditeurs du cours de M. Charcot
de cette même affection.
III. Nous exposons d'abord un court résumé des observa-
tions qui nous sont personnelles.
Le premier fait que nous ayons observé date de janvier 1888. Il
a trait à une fillette de onze ans, qui souffrait depuis 3 ans d'atta-
ques d'épilepsie; les troubles de la marche dataient de la même
époque. La marche devient impossibleen novembre 1889, à la suite
d'une fièvre typhoïde, pour revenir en partie. Au moment où la
malade se présente à notre observation, la station debout et la
marche ne se faisaient qu'avec une sorte de tibulation très pro-
noncée (non accompagnée de sensations vertigineuses). D'autre
part l'enfant, très régulièrement, marchaità cloche-pied et à quatre
pattes, sautant parfaitement à la corde. Les membres inférieurs,
examinés dans la station assise, ne présentaient pas le moindre
trouble. ni anesthésie, ni incoordination. Différentes crises d'épi-
lepsie ont été observées chez elle, et on a remarqué qu'il existait
un rétrécissement notable du champ visuel après chaque crise,
ainsi qu'une amélioration considérable de la marche. Cette amé-
lioration était notée par les parents et durant deux jours, puis la
malade redevenait ce qu'elle était avant. Au 22 février, à un nouvel
examen pratiqué quelques heures après un accès, nous remar-
quons, en effet, que la marche est presque régulière. L'enfant t
marche bien et ne trébuche un peu qu'en faisant la manoeuvre du
demi-tour. L'occlusion des yeux ne provoque pas de chutes. Elle
1 Charcot. Leçons du Mardi à la Salpétrière, 1888-1889, 5 mars.
'Fr. Helfer. - Jahrb. CCXXVI, p. 112. Med. Gesellschafft zu
Lerpzig.
'Ladame. Arch. de Neurologie, XIX, p. 40, 1890.
'Prof. D'Otto Binswanger. Berl. klin Wochenscrift, 1890 n° 21.
Aus der psycliiatrisehen Klinik zu Jhia.
'' Moebius. Ueber Astasie-abasie, 1889.
62 clinique NERVEUSE
continue à marcher très bien à cloche-pied, mais garde de l'incer-
titude dans la station. La malade a été perdue de vue ultérieure-
ment. t.
La seconde observation*, prise aussi en 1888, regarde de même
une petite fille de douze ans et demi, sortant d'une famille névro-
pathique *, L'enfant fut prise, en 1887, de vertiges, de vomisse-
ments, de douleurs de tête ; on rencontre à ce moment, une telle
hypéresthésie du long du rachis qu'on croit à une méningite
cérébro-spinale. En juillet 1888, sa mère remarqua des mouve-
ments désordonnés des jambes, lorsqu'on essaya de la mettre de-
bout. Dans les mêmes jours, on constata des crises convulsives
précédées d'une aura céphalique, avec tendance à la contracture
générale, persistant depuis quelques minutes. Octobre suivant, l'en-
fant perd connaissance, aussitôt qu'elle détache la région dorso-
lombaire du dossier de son siège ou qu'on essaye de la faire tenir
sur ses jambes. Il suffit d'asseoir l'enfant, le dos appuyé, ou de la
coucher sur le dos, pour que cet état cesse à l'instant, et elle se
réveille en redressant la tête. La malade, assise et consciente, meut
ses jambes les yeux ouverts, et sans incoordination, elle ne peut
les mouvoir les yeux fermés. Sans perdre connaissance, elle a pu
entrer dans l'eau et nager sur le ventre, comme il lui est arrivé
pendant plusieurs semaines de séjour aux bains de mer. Elle passe
la journée dans une sorte de fauteuil à roues, qu'elle fait avancer
avec ses jambes et qu'elle deplace avec une grande agilité. 11
existe des points hystérogènes douloureux à la pression : ovarique
et mammaire gauches, des points spinaux, de la face et du vertex.
Grâce aux douches et à l'isolement. l'état de la malade a com-
mencé à se modifier en 1889, et l'enfant se remit à marcher après
six mois d'impotence fonctionnelle, d'un pas mal assuré d'abord,
puis sans aucune hésitation.
Troisième observation. M"" Gabrielle C... a dix-neuf ans, et se
présente à la Salpêtrière le 28 octobre 1888. Elle descend d'une fa-
' Nous remercions le D" G. Waller, de Paris, de son très aimable et
très utile concours pour cette observation.
SUR l'astasie-abasie. 63
mille de névropathes 1, et était sujette à ce qu'elle nomme des fai-
blesses à l'occasion decontrariétés. Depuissix mois, elle a remarque
une faiblesse dans les jambes, qui a augmenté beaucoup dans le
dernier mois; elle ne peut plus se tenir debout sans appui. Depuis
huit jours, mouvements choréiques de la face et du bras droit. Les
membres inférieurs donnent une résistance normale [aux mouve-
mentsdeflexion etd'extension. Du côté gauche, la force musculaire
est un peu diminuée. Le tronc étant adossé au fauteuil, la malade
ne peut se redresser sans l'appui de ses bras; étant assisse, elle ne
peut se redresser ni se mettre debout. Une fois debout, elle ne peut
se tenir sans aide, elle oscille d'avant en arrière, même soutenue,
de droite à gauche. Elle se renverse sur les talons et la station est
gênée par des mouvements contradictoires, empêchée par la cho-
rée paralytique droite. En marchant elle traîne le pied droit
(mouvement type de l'hémiplégie hystérique). Depuis les attaques
ont cessé, et la malade s'est soustraite au traitement.
La quatrième observation est l'histoire d'un homme de vingt-six
ans, qui après un séjour de 4 ans au Tonkin, où il fut affecté de
dyssenterie, en est revenu en octobre 1889, pour entrer à l'hôpital,
à Paris, souffrant de crampes dans les reins. Ce malade, traité par
le Dr Brissaud, à l'hôpital Saint-Antoine, fut présenté le 23 juin
dernier par M. Charcot à la Salpêtrière.
On avait constaté, le 6 novembre 1889 :
Douleur au niveau de la région lombaire ; parésie ; dysesthésie
du membre inférieur jusqu'aux genoux ; crampes [fréquentes dans
les membres inférieurs ; presque de l'incontinence d'urine; exagé-
ration des réflexes rotuliens ; trépidation épileptoïde.
La marche devenait depuis cette date moins facile, et si on lui
ordonne de marcher, il saute absolument comme s'il voulait
danser la scottish.
En février de cette année, la marche devient tout à fait impos-
sible, ; dès que le malade pose le pied par terre, il rebondit sur la
pointe, le talon revient aussitôt frapper le sol, comme si le malade
était soulevé par un ressort,
En mars,;le malade ne marchait plus. En avril, il survient une
amélioration notable, et en mai, la station et la marche sont re-
64 CLINIQUE NERVEUSE
devenues possibles, quoique toujours sautillantes ; en juillet, les
mouvements saltatoires diminuent d'amplitude tous les jours.
Voilà, du reste, ce que le D1' Brissaud a bien voulu nous commu-
niquer au sujet de ce malade :
«Le malade L..., lorsqu'il a été présenté par M. le professeur
Charcot à la clinique de la Salpêtrière, n'était plus atteint, que
d'abasie saltatoire rythmée. Mais il avait présenté à une époque an-
térieure, au mois de janvier, des troubles également spasmodiques,
indépendants toutefois de l'abasie. Le malade, quand il était
couché, était pris parfois d'un tremblement rythmé, identique à
celui qu'il avait pendant la marche. Tantôt spontané, tantôt pro-
voqué par l'extension énergique des jambes ou par la percussion
du membre ou le relèvement brusque du pied, ce tremblement
affectait une grande analogie avec la trépidation épileptoïde. Il
suffisait parfois de découvrir tout d'un coup le malade en relevant
ses couvertures, pour que les deux membres fussent pris de ce
tremblement. »
Sous ce rapport, L... était donc semblable aux malades atteints
de spasme saltatoire, chez lesquels une excitation, même légère,
des membres, détermine le spasme sautillant. Il n'était, par con-
séquent, abasique et astasique, que parce que la pression du corps
sur les plantes déterminait ce spasme ; mais en réalité, ses mou-
vements de marche et son attitude debout n'avaient rien d'incoor-
donné. Tout, au contraire, s'exécutait à sa volonté, et le tremble-
ment épileptoïde ne l'empêchait pas de se tenir debout et de
marcher. Peu à peu, le spasme saltatoire a disparu. Aujourd'hui,
il n'est plus qu'un abasique rythmé. va d'ailleurs beaucoup mieux.
et quittera prochainement complètement guéri.
IV. - Après un exposé de onze observations, M. Blocq dit
dans son travail ' : « Le début est assez brusque, dans la plu-
part des cas; à la suite d'une émotion vive ou d'un léger trau-
matisme, le trouble s'établit soit d'emblée, soit progressive-
ment en l'espace de vingt-quatre heures. Il n'est pas rare, à ce
moment, qu'il soit précédé ou accompagné de quelques phéno-
mènes douloureux, tels que céphalalgie ou rachialgie. »
Dans l'étude que M. Charcot a publié, en 1883, avec M. Ri-
cher», nous lisons aussi : « Cette affection survient tout à
coup à l'occasion d'une émotion ou d'un traumatisme; » mais
à propos du malade présenté par lui, l'année passée dans sa
Leçon à la Salpêtrière 1, M. Charcot dit : « Les troubles neu-
1 Loco citato. ,
' Loco citato.
' Charcot. Leçons du Mardi, 89, 5 mars.
sur l'astasie-abasie. 05
vrasthéniques se manifestent quelquefois tout à coup, en consé-
quence d'une cause provocatrice, telle qu'un rhumatisme sou-
vent fort léger, dans lequel l'ébranlement psysique l'emporte
de beaucoup sur l'ébranlement phychique ; ou encore dans la
convalescence d'une maladie aiguë, qui a profondément débi-
lité l'organisme, d'une fièvre typhoïde, par exemple, des
suites de couches' difficiles, ou encore de l'intoxication par
l'oxyde de carbone, comme cela s'est fait justement chez le
malade présent. D - Chez ce dernier, la marche trépidante
débutait vingt-deux jours après son intoxication, en se heur-
tant contre un passant sur le trottoir.
Dans l'observation du Dr l3oméi', l'effet d'une frayeur se fit
sentir, dans les vingt-quatre heures, sur un enfant de onze
ans, lequel fut astasique et abasique le lendemain. Dans ses
observations, Souza Leirte parle de cinq cas du même genre,
une petite épidémie d'astacie-abasie D ; trois jeunes filles
blanches, une mulâtresse et une négresse auraient été prises.
- Chez la dernière, la maladie ne survint que lentement. Les
indications manquent pour les autres sur ce point.
Le professeur Henoch 2 parle du même syndrome survenu
lentement chez un enfant de sept ans, après des excès d'ona-
nisme. Le malade, dont Grasset publia l'histoire 3, éprouva
des difficultés de marcher, d'abord par crises intermittentes
pendant huit mois ; le trouble s'installa d'une façon perma-
nente après.
Une dame de vingt-sept ans, traitée par B. Salemi Pace*, fut
prise subitement par l'astasie-abasie,après une promenade, sans
autre motif apparent qu'une santé délicate depuis les dernières
années. La fille de 23 ans, étudiée par Berthet fut atteinte
de cette affection après des crises d'hystérie. Le malade, âgé de
55 ans, un négociant, dont le professeur Binswanger nous re-
late l'histoire, fut pris d'astasie abasie, tout d'un coup, au
moment où il voulait se mettre à table; délivré après quelque
temps, il ne tarda pas à être repris par intermittences. Le
même début d'emblée se rencontre chez le second malade, âgé
de 58 ans, du même auteur; et son troisième malade, un
' Loco citato.
'Loco citato.
' Loco citato. - ? Loco citato.
Loco citato.
ARCHERS, t. XaI. 5
66 CLINIQUE nerveuse.
maître de musique et compositeur de 35 ans, s'est affaissé subi-
tement en marchant, pour rester astasique-abasique, dès ce
moment. Comme antécédents personnels, on note un surme-
nage intellectuel.
- Ladame a publié un cas de malaise, se produisant chez un
homme de 30 ans, qui voulait faire la haute voltige sur un
cheval. Quatre jours plus tard, perte subite de la faculté de
marcher pendant quelques minutes, puis absence d'astasie-
abasie pendant quatre ans, lesquels phénomènes sont revenus
pendant maintenant vingt ans,chaque fois que cet individu essaie
marcher plus de cent pas ; la marche est revenue en 1876 et
en 1883, disparaissant de nouveau sans cause. Comme anté-
cédents personnels : beaucoup de privations, de la fatigue
extraordinaire, du surmenage physique. La fille de dix ans,
observée par F. Helfer", fut prise d'astasie-abasie, quand elle
voulait se lever du lit, après une maladie d'influenza, commen-
cée au mois de janvier; l'enfant fut guérie en mai.
Dans nos observations personnelles, le début du syndrome
se montre lent, chez l'enfant de z ans ; les fautes de la
marche débutent en même temps que l'épilepsie en 1886, la
marche devient impossible en 1887, après une fièvre typhoïde,
pour revenir en partie plus tard. Dans la seconde observation,
une petite fille est prise de vertiges, de vomissements et de
douleurs de tête, pendant un an, avant qu'on remarque les
mouvements désordonnés des jambes ; il s'agit donc encore
d'un début lent. Dans la troisième observation, une demoiselle
a remarqué une faiblesse dans les jambes pendant cinq mois,
qui, seulement le sixième mois, augmenta de taçon à rendre la
station impossible sans soutien. Donc, encore cette fois, début
plutôt lent.
L'homme de vingt-six ans (4e observation) est pris d'asta-
sie et d'abasie à l'hôpital, où il se trouvait déjà depuis trois
semaines à cause des douleurs dans les reins. Le début ne s'est
pas fait d'emblée. Dans les onze observations de P. Blocq,
nous rencontrons le début brusque cinq fois (1 ? 2e, 4e, 8e et
9° obs.) ; pour les autres cas, l'affection se produit moins vite,
et quatre cas même lentement.
En tenant compte de ces remarques, nous pouvons établir
que si l'astasie-abasie survient souvent d'emblée, ou dans
' Loc. cit.
' Loc. cît.
SUR l'astasie-abasie. 67
les vingt-quatre heures, à la suite d'une émotion vive ou d'un
léger tramatisme, il arrive aussi fréquemment que cette affec-
tion offre un début lent; elle se rapproche en cela du début de
l'hystérie traumatique.
V. De même la lecture des observations nous apprend
que tous les âges peuvent être sujets à ce syndrome, bien que
les personnes atteintes fussent plutôt jeunes; toutefois, nous
connaissons du moins trois cas se rapportant à des personnes
âgées. L'un est l'observation XI de Blocq 1, puis deux cas de
vieillards, dont l'un a été vu par M. Charcot et un cas du
professeur Binswanger. De plus, cinq à six cas se sont pré-
sentés à la Salpêtrière, au cours de l'an dernier, ayant tous
trait à des hommes adultes. Aussi il n'y aurait pas de diffé-
rence pour le sexe, ni pour les races; c'est ce que Souza Leite a
voulu du moins établir dans son travail 3.
La tare héréditaire est un des éléments étiologiques les
plus constants ; en analysant les observations, on trouve le
plus souvent des affections nerveuses chez les parents; on n'a
pas à s'étonner de voir souvent le rhumatisme figurer dans les
antécédents héréditaires, et cette notion est fréquemment men-
tionnée (Salemi-Pace)'. Mais, en réalité, la majorité des
sujets atteints, qu'ils soient jeunes ou vieux, comptent parmi
les prédisposés à contracter des maladies nerveuses. M. Char-
cot le faisait remarquer, du reste, l'an dernier, et le malade
qu'il présentait à ce moment offrait précisément un arbre
généalogique très curieux sous ce rapport L'hérédité se ren-
contre dans six des observations de Blocq. La petite fille dont
parle Souza-Leite sort de famille nerveuse du côté de la mère.
Chez la malade deB. Salemi Pace on retrouve les mêmes anté-
cédents héréditaires. Le père de la malade, de Berthet, fut un
ivrogne, et M. Binswanger dite que son premier malade des-
' Loco citato, p. 201.
* Charcot. - Leçons du Mardi à la Salpêtrière, 1889, 5 mars.
* Lofa citato.
°B. Salemi Pace. - Il padre ha solferto diversi attachi reumatici; la
madré giovane fu neuropatica e soffri convulsioni - ebbe sei flgh - di
essi due maschi soffrono di quando in quando delle coliche ne fritiche
per calcoli ; lo stesso una sorella ch'è - reumatalgica; un altra sorella è
reumatalgica e neuiopatica, loc. cit., p. 189.
a Binswanger. - Loc. cit. Separatabdruck, p. 4. Stammit aus gering-
erblich belastete Familie der Vater, Hemorrhoidarier war lungenlei-
dend, liatteviele sorgen, starb fruh. - Elue neffe des kranken starb
68 'PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
cend d'une famille avec antécédents héréditaires nerveux légè-
rement accusés ; plusieurs membres de cette famille sont des
névropathes ; son troisième malade fut né de mère nerveuse'.
Deux des quatre observations que nous apportons offrent
des antecédents héréditaires (seconde et troisième malade).
Nous pouvons donc conclure, que dans la majorité des cas,
l'hérédité nerveuse a été constatée chez des sujets atteints
d'abasie et d'astasie. (A suivre).
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
« THE CROON1AN LECTURES » SUR LES LOCALISATIONS
CÉUÉB1ULES 2,
Faites devant le collège royal des médecins du Londres,
Par 0-, VlD FLIIRIER,
Médecin du King's collège Hospital et du National hospitai for the parallsed
and the epileptie Queen Square.
TRADUIT PAR RODEnT SOItEI.
Interne des Hôpitaux.
LECTURE II
Messieurs,je vais maintenant attirer votre attention sur les phé-
nomènes produits par l'excitation électrique du cerveau des singes
et plus spécialement observés dans mes propres expériences et
dans celles dellorsley, Schdfer etBeevor; qui ont abouti aux mêmes
fruh (suicidium).- Die )lutter starb in Wochenbett nicht nervos.- Eine
Schwester der mutter « nervos erregt') ; elne andere Schwesterderselben
in hohenalter « sehr nervoes ».
LES localisations cérébrales. 69
conclusions mais qui ont été faites avec plus de soins et de dé-
tails 1. ·
En commençant par la partie antérieure; nous trouvons que ce
- qu'on appelle généralement le lobe préfontal (tout ce qui est en
avant d'une ligne tirée à angles droits de l'extrémité antérieure
du sillon précentral) ne répond pas ou d'une façon très douteuse
à l'excitation électrique.
Entre cette ligne et celle du sillon précentral, continuée jusqu'à
la scissure longitudinale, se trouve une ré' : ion ou un centre Ci. 2.
fig. 1 ; fig. % et 3, tête) dont l'excitation produit l'ouverture des
yeux, la dilatation de la pupille, et des mouvements de la tête et
des yeux du côté opposé.
Ce centre a été différencié plus complètement par Beevor et Hors-
ley, suivant les mouvements primaires qui résultent des excitations
minima des points indiqués dans leur diagramme (fig. 4).
La région correspondante sur le cerveau du chien se trouve au
numéro 12 (fig. 5. On ne trouve pas un centre ainsi différencié
chez le chat (fig. 6), ni chez le lapin (fig. 7).
A l'extrémité supérieure des circonvolutions centrales (frontale
1 Horsley et Schasfer, Phil. Trains. Bd. XX, 1888 - Beevor et Hors-
ley, Phil. n'ans, Bd., 1890.
rig. 1. - iiemispiiere gaUChe ou singe.
1, le membre postérieur est avancé comme dans la marche. - 2, flexion avec rota-
tion en dehors de la cuisse, rotation en dedans de la hanche, flexion des orteils. - 3, la
queue. - 4, le bras opposé est dans l'adduction étendu et retracté, la main eu prona-
tion. - 5, extension en avant du bras opposé. - a, bc c, ci, mouvement des doigts et
du poignet. - 6, flexion et supination de l'avant-bras. - 7, rétraction et élévation de
l'angle de la bouche. - 8, élévation de l'aile du nez et de la lèvre supérieure. - 9 et 10,
owerture de la bouche, avec protrusion (9) et retraction (10) delà langue. - il, re-
traction de l'angle de la bouche. - 12, les yeux ouverts largement, les pupilles dila-
tées, la tète et le yeux tournés du côté opposé. - 13, 13', les yeux dirigée du côté
oppose. - 14, Picotement de l'oreille opposée, tête et yeux tournes du côté opposé,
pupilles largement dilatées.
70 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. ' ,
et pariétale ascendante) et lobule postero pariétal (1, 2, fig. 1 ;
fig. 2 et 3), et s'étendant au delà de la marge de l'hémisphère
dans la partie postérieure de la circonvolution marginale ou du
lobule paracentral, se trouve une région dont l'excitation pro-
duit des mouvements de l'exlrémité inférieure. Les mouvements
varient suivant la position des électrodes dans le centre. Derrière
la scissure de Rolando, les mouvements sont principalement ou
exclusivement dans les pieds et les orteils. En avant de la scissure
de Rolando, ils sont combinés avec la flexion de la jambe et de
la cuisse. Avec des excitations minima, on peut encore différencier
davantage les mouvements (fig. 4) et en particulier, on peut pro-
duire des mouvements du gros orteil seul par une excitation de
l'extrémité supérieure de la scissure de Rolando. Le centre cor-
respondant chez le chien, le chat et le lapin est indiqué par I,
figures 5, 6, 7.
Au-dessous du centre de la jambe, et en partie au-devant de lui,
occupant le tiers moyen ou plutôt les deux quarts des circonvolu-
tions centrales, se trouve une région dont l'excitation produit les
mouvements du membre supérieur (3. 4, 5, 6, a, 6, c. d, fig. 1, et
arm. fig. 2). Dans ce centre, il est possible de différencier plus ou
moins complètement les mouvements du bras (flexion et exten-
sion), les mouvements de l'avant-bras (flexion, supination, etc.).
ceux du poignet, des doigts, du pouce.
Les mouvements « proximaux » sont représentés dans la partie,
supérieure de la région, les mouvements « distants » c'est-à-dire
ceux de l'extrémité du membre, doigts et pouces. dans la partie
inférieure.
Une excitation minima à l'extrémité inférieure du sillon intra-
pariétal peut mettre individuellement en mouvement le pouce
(fig. 4). La région correspondante du cerveau du chien est celle
indiquée par les numéros 4 et 5 situés sur la division post-cruciale
du gyrus sigmoïde (fig. 5), et par les mêmes nombres sur le cer-
veau du chat (fig. 6) et en a situé sur l'extrémité antérieure de la
seconde circonvolution interne.
L'excitation de ce dernier point produit la sortie des griffes,
action comparable aux mouvements du poignet et des doigts par
l'excitation de la partie inférieure de la circonvolution pariétale
ascendante chez le singe. La région correspondante chez le lapin
est indiquée par les mêmes nombres (4, 5, fig. 7).
Au-dessous du centre du bras, et occupant le tiers inférieur des
circonvolutions centrales, se trouve une région dont l'excitation
produit des mouvements de la face, de la bouche, de la langue.
Dans la partie supérieure de cette région, on peut différencier des
centres pour les muscles faciaux supérieurs (fit. 1, 2, 3) en avant,
et pour les inférieurs, en arrière du sillon de Roiando (fig..7). La
région correspondante dans le cerveau du chien, relativement plus
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 71
large que chez le singe est indiquée pat les numéros 9, 8, fig. 5,
par les mêmes numéros chez le chat (fig. 6) chez le lapin (fig. 7).
L'excitation de la partie inférieure a produit ! des mouvements de
la bouche et de la langue, la propulsion de la langue étant géné-
ralement produite par l'excitation de la partie antérieure (9, fig. i)
et la réaction, par l'excitation de la partie postérieure (10,
fig. 1).
Semon et Horsley' ontdémontréde plus que l'excitation de l'extré-
mité inférieure de la frontale ascencendante produit la fermeture
des cordes vocales (glotte phonatoire).
Ce phénomène a d'abord été démontré chez le chien par l'exci-
tation de la région présigmoïde, d'une façon visuelle par Krause 1 ;
' On the central motor innervation of the larynx, journal, 21 dé-
cembre 1889.
' l'fiuger's Arehiu., 1883.
Fig. 2.
Arm bras ; - Head, tète ; - Leg, jambe ; - Mouth, bouche ; Fool, pied ; Toes,
orteils; - Thigh, cuisse ; - Trunk, tronc; Upper, supérieur ; Lower, inférieur;
Wrist, poignet. '
73 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
cependant, j'ai donné il y a plusieurs années déjà', une démonstra.
tion (par l'ouïe) du même fait, montrant que l'excitation dans ce
voisinage cause assez souvent 1 aboiement et des effets semblables
par l'excitation de la région homologue chez le chat (miaulement).
J'ai aussi montré que les mouvements produits par l'excitation de
cette région étaient dislinctementbilatéraux, ce que Krause,Semon,
et Horsley, ont retrouvé être vrai dans les mouvements des cordes
vocales.
Les centres pour la tête et les yeux, le bras et la jambe, s'éten-
dent au delà de la marge de l'hémisphère dans la circonvolution
marginale. J'avais noté ce fait jusqu'a un certain point dans mes
premières expériences, mais une exploration plus méthodique de
cette région a été faite pour la première fois par llorsley et Schæ-
fer'. 2.
L'excitation de cette circonvolution d'avant en arrière (voir
1 lVest Riling Asylum Reports, 1873.
l'hit. 7'rüres., vul. 179, 1888.
hg. 3. - Aires motrices d'après Horsley et SchifTer.
Ifamstrl11U ! tendon , J/ip, hanche ; Taist, queue.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. z
fig. 7), produit des mouvements du dos, de la queue, du pelvis ; en
arrière, l'extension de la hanche, la flexion de la jambe et enfin,
les mouvements du pied et des orteils. Ces mouvements ne sont
pas cependant toujours bien différenciés ; ils peuvent se changer
les uns en les autres et sont souvent compliqués de mouvements
secondaires des différents segments du membre.
L'excitation du gyrus angulaire, pli courbe (13', 13, fig. 1), pro-
duit des mouvements du globe des yeux, et parfois de la tête vers
le côté opposé, généralement combiné avec une direction en haut
ou en bas, suivant que les électrodes sont sur la partie antérieure
ou postérieure de ce pli. L'état des pupilles n'est pas constant; par-
fois, elles sont contractées.
La région correspondante dans le cerveau du chien est indi-
quée par 13 (fig. 5) sur la deuxième circonvolution externe et la
région homologue chez le chat (fig. 6) et chez le lapin (fig. 7),
sont indiquées par les mêmes chiffres.
Dans mes premières expériences, l'excitation du lobe occipital
ne m'a donné aucun résultat. Mais Luciani et Tamburini ont
parfois obtenu des mouvements des yeux semblables à ceux
obtenus par l'excitation du pli courbe, quoique moins marqués. Et
Schmfer 2 décrit des mouvements semblables se produisant après
l'excitation des différentes parties du lobe occipital et des régions
avoisinantes. Mes expériences sur plusieurs singes, sans être oppo-
sées à celles de Schaifer, sont plus conformes à celles de Luciani et
de Tamburini, et montrent que quoique les mouvements du globe
oculaire, puissent être obtenus par l'excitation du lobe occipital,
ils sont, en règle générale, moins constants et moins facilement
obtenus que par l'excitation du pli courbe.
L'excitation de la circonvolution temporale supérieure (14, fig. 1)
produit un redressement de l'oreille du côté opposé, avec ouver-
ture de l'oeil, dilatation de la pupille, et la direction de la tête et
des yeux du côté opposé. Précisément on obtient le même résultat
par l'excitation postérieure de la troisième circonvolution externe
du cerveau du chien (14 fig. 5) et aussi chez le chat (fig. 6) et chez
le lapin (fig. 7).,Quelquefois, on obtient seulement les mouvements
de l'oreille, et quelquefois, l'animal essaie de bondir de la table,
comme soudainement effrayé.
L'excitation du lobule de l'hippocampe ou de l'extrémité anté-
rieure de la circonvolution de l'flypocarnpe chez les singes, les
chats, les chiens et les lapins produit les mêmes résultats, c'est-
à-dire, la torsion des narines du même côté, comme si l'excitation
était placée sur la narine elle-même. Parfois l'excitation de la
circonvolution de l'hippocampe donne des mouvements sembla-
' Sui ceralri psico-sensori corlicali, 1879.
1 Proc. lioy. Soc., 1888.
74 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
,
bles à ceux produits par une excitation directe des membres
opposés. A part cela, je n'ai pas pu obtenir une réaction constante
a l'excitation du reste du lobe temporal et des autres portions de
l'écorce.
Telles sont brièvement les phénomènes observés après l'excita-
tion électrique des différentes parties de l'écorce cérébrale. Ces
résultats, à part leur interprétation, indiquent une certaine forme
de différenciation fonctionnelle, et il est évident, en comparant
les centres correspondants sur le cerveau du singe, du chien, du
chat, du lapin, qu'il y a entre eux une très grande différence
quant à leur étendue et au caractère des mouvements avec les-
quels ils sont en relation. Existe-t-il un complet parallélisme entre
le cerveau du singe et celui de l'homme ? c'est là une question à
laquelle on n'a pu répondre jusqu'à maintenant qu'en se rapportant
aux faits des lésions localisées. Bartholow' et Sciamanna 2 ont
observé des mouvements du côté opposé du corps en excitant
l'écorce à travers la dure-mère, le premier dans un cas .d'ulcéra-
tion cancéreuse, le second, dans un cas de trépanation. Mais leurs
résultats, quoique semblables à ceux obtenus chez les singes, man-
quaient de précision. Récemment cependant, des chirurgiens ont
eu plusieurs occasions de faradiser l'écorce pour définir avec soin
les régions qu'ils désiraient enlever pour guérir l'épilepsie focale.
Un de ces cas a été observé par Ilorsley et plusieurs autres ont été
notés par Mills dans son excellent mémoire sur les localisations
cérébrales et ses conséquences pratiques 3. Dans un de ces cas, la
moitié inférieure des deux circonvolutions centrales, l'extrémité
postérieure de la deuxième frontale, le coin postérieur et supé-
rieur de la troisième frontale furent découverts du côté gauche.
« On fit un examen soigneux avec le courant faradique pour les
recherches des centres à extirper. Après plusieurs essais, on obtint
quatre réponses différentes, quatre mouvements définis : 1° dans
la position la plus antérieure qui a donné des mouvements, on a
eu une déviation conjuguée de la tête du côté opposé; 2° un peu
au-dessous et derrière ce point, la bouche était attirée en haut et
en dehors; 3° au-dessous du point pour les mouvements de l'angle
de la bouche, à à peu près douze millimètres, on a obtenu l'ex-
tension du poignet et des doigts, derrière et au-dessus de ce der-
nier point, une flexion distincte des doigts et dit poignet. En con-
tinuant et en forçant l'excitation à ce dernier point, les doigts, le
pouce, le poignet, fléchissent successivement. L'ordre des phéno-
mènes, suivant trois personnes qui étaient présentes et qui obser-
1 American Journ. Dled. Sciences. April, 1874. /
' Archiv.. di. Psychiatrie, 1882.
Lu devant le Congrès de Washington, 1887. (Brain, 1889.)
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 75
vaient les convulsions du malade, était exactement celui noté au
commencement de ses attaques. »
Dans un second cas publié par Keen a « en touchant l'écorce
avec les électrodes dans une position qui, apparemment, corres-
pondait à la portion antérieure de la circonvolution prérolandique.
juste derrière la scissure précentrale, on obtint des mouvements
du poignet et des doigts. La main se mit en extension sur la ligne
médiane et du côté cubital ; à différentes reprises, les doigts étaient-
étendus et séparés. Au-dessus de la région dans laquelle ces mou-
vements furent obtenus, l'application du courant produisit un
mouvement du coude gauche, extension et flexion de l'épaule qui
fut portée en haut et en adduction. Au-dessous de la région, où
les mouvements de la main avaient été obtenus, l'application du
courant produisit un mouvement en avant, en bloc, de tout le côté
gauche de la face. » Ces résultats correspondent avec différents
centres déjà définis.
Dans un autre cas de Lloyd et Deaver 2, on mit à nu une région
de l'hémisphère droit, correspondant à l'union du tiers moyen et
du tiers inférieur des circonvolutions centrales. En appliquant les
électrodes sur un point,juste en arrière de la scissure de Rolando,
on a observé des mouvements dans l'ordre suivant : flexion du
pouce sur la paume, flexion des doigts, flexion du poignet et
flexion du coude. Sur un point, un peu en avant et au-dessous,
l'application des électrodes a donné une contraction des muscles
de la face du côté opposé.
Dans quatre cas de Nancréde , on obtint des mouvements du
pouce par l'excitation d'une région correspondant au second quart
inférieur de la pariétale ascendante. Tous ces résultats sont en
parfaite harmonie avec ceux obtenus par l'excitation de l'écorce
cérébrale des singes, et nous avons donc toute raison de croire.'
que coeteris pansus, les relations fonctionnelles de l'écorce humaine
sont identiques à celles des animaux inférieurs.
Par la méthode de l'excitation, nous pouvons dire que si des
segments individuels d'un membre sont localisés séparément ou
sont représentés plus ou moins dans un centre commun, les cen-
tres dans leur ensemble sont complètement séparés les uns des
autres. Aucun mouvement de la jambe ne provient de l'excitation
du centre de la face ni les mouvements de la face de l'excitation
du centre de la jambe. Les centres de la jambe et de la face sont
ainsi entièrement différenciés l'un de l'autre et du centre de
l'oculo-moteur. Ce qui est vrai des centres éloignés, est sans doute
vrai des centres près l'un de l'autre. Le fait que l'excitation du bord
' Am. Journ. nled. Sciences, nov. 1888. '
lin. Journ. j1M. Sciences, nov. 1888,
lied. Neu's" 24 nov. 1888.
76 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
d'un centre donné puisse produire des mouvements combinés de
ce centre et du centre voisin ne peut amener cette conclusion que
cette portion contient des fonctions unies, c'est-à-dire la fonction
des mouvements du bras et de la jambe ou du bras et de la face.
La véritable explication me semble être que la méthode de
l'excitation est incapable de différencier complètement les limites
des centres respectifs. Les régions qui sont le plus près les unes
des autres anatomiquement et physiologiquement peuvent être
excitées ensemble par diffusion de l'excitant. Même si nous
sommes capables de dissocier les centres les uns des autres par la
méthode de destruction. Nous ne sommes pas non plus sur ce terrain
autorisés à conclure qu'il n'y a aucune fusion entre les deux cen-
tres, car une lésion destructive, même petite, située sur le bord
d'un centre donné, affectera les fonctions de plus d'un centre. Des
faits seront relatés, qui, dans mon esprit, justifient la conclusion
que les centres comme un tout sont aussi complètement différen-
ciés les uns des autres que les membres eux-mêmes ou qu'un or-
gane des sens d'un autre.
Nous avons vu cependant pour les mouvements individuels d'un
membre que, quoiqu'on puisse fréquemment isoler un mouvement
particulier, par une excitation minime d'un point défini dans le
centre général, cependant, le même mouvement peut se produire
avec d'autres quand une partie du centre est excitée. On peut in-
terpréter ce fait soit en supposant que le mouvement particulier,
du pouce par exemple, est représenté dans tout le centre du bras,
ou bien que c'est un cas de diffusion de l'excitant. Il est difficile de
dire laquelle de ces deux opinions est la bonne, peut-être même,
ni l'une ni l'autre représente la vérité. Car les réactions des mem-
bres qui résultent de l'excitation de l'écorce ne sont pas seulement
des contractions musculaires, mais des mouvements synergiques
coordonnés pour des actes ; et commel'ont démontré le professeur
Yeo et moi-même 1, les mêmes muscles ou les mêmes groupes
musculaires entrent dans la composition des différents mouvements
innervés par les racines réspectives motrices des plexus brachial
et crural, de telle sorte que le même groupe musculaire peut avoir
une représentation multiplie dans les subdivisions variées du ceu-
tre général. Et il paraîtra qu'il y a une beaucoup plus grande
différenciation dans les centres corticaux que dans les segments
respectifs des renflements brachial et lombaires de la moelle.
Mais, à mon avis, toute autre représentation^en dehors du centre
général d'un membre est contraire aux faits de localisation mis
en lumière, soit par la méthode de la destruction, soit par la
méthode de l'excitation, soit par les deux.
' The functionnal relations of the neator rooth of the brachial and
Lumbo saa al plexuses. (Proc. Roy. Soc., 1881.)
Fig. L - Aires motrices de Beevor et Horsley.
Aukte, cheville du pied ; Hlbow, coude : Eyes, yeux (a) ; Eyelids, paupières ; Halluæ. gros orteil ; Hip, hanche ; Knec,
genou ; Mouth, bouche ; Shoulder, épaule ; Side, cote ; Small toes, petits orteils ; 1'ait, queue ; Thumb, pouce ; Tongue (a),
langue; Wrest, poignet. "' ?
(a) A la page 423, du t. XX, dans la légende de la fig. 39, il faut lire Eyes et non Yes, et Tangue au lieu de longue.
78 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Maintenant, nous avons à nous occuper de la question importante
et très discutée de la signification des, réactions motrices qui ré-
sultent de l'excitation électrique des différentes régions corticales.
Quelle que soit l'évidence de certains mouvements, il ne s'ensuit pas
forcément qu'ils soient la preuve de l'excitabilité directe des ré-
gions motrices dans le sens propre du mot, car ces mouvements
peuvent être le résultat de quelque état psychique incapable d'être
exprimé en termes physiologiques, ou bien être de nature réflexe
et alors ne différer nullement des mouvements produits par l'exci-
tation périphérique, ou bien ils peuvent être moteurs dans le sens
qu'ils sont dus à une excitation de parties en rapport direct avec les
tractus moteurs ou les'nerfs moteurs, ou bien ils peuvent être l'un
ou l'autre. La méthode de l'excitation ne peutelle-même résoudre
le problème et demande comme complément une destruction
strictement localisée de ces centres dont l'excitation donne lieu à
des réactions motrices définies.
Une observation attentive des réactions dans les différents or-
dres d'animaux, et ce fait que l'on peut obtenir des mouvements
semblables par l'excitation de différentes régions corticales en
certains cas, m'ont conduit à croire que ces mouvements peuvent
avoir une signification différente, et, je forme cette hypothèse, que
quelques-uns peuvent être dus à l'excitation des régions motrices
proprement dites, tandis que d'autres doivent, être considérées
comme une expression associée d'une sensation subjective. Dans
cette hypothèse, j'ai institué des expériences de destruction loca--
lisée et j'ai ainsi déterminé l'existence de centres sensoriels ou
de perception en rapport avec les différentes formes de sensibilité
aussi bien que les centres moteurs, principalement sinon exclusi-
vement. L'existence de centres sensoriels distincts a été depuis
confirmée par des recherches physiologiques et cliniques, et j'ai
la satisfaction de penser que les erreurs que j'ai commises dans la
délimitation des centres sensitifs sont plutôt des erreurs d'omission
que d'exagération, et que les régions où j'avais d'abord,, placé les
centres sensitifs respectifs correspondent en partie à la situation
assignée à ces centres par les méthodes cliniques et expérimentales
les plus dignes de confiance.
Centres visuels. - Je vais d'abord appeler votre attention sur les
réactions produites par l'excitation de la région occipito-angulaire
chez les singes et de son homologue dans les différents animaux
inférieurs. Les réactions, comme nous l'avons déjà vu, sont des
mouvements des globes oculaires, et parfois de la tête du coté
opposé; et fréquemment aussi des mouvements des pupilles, pas
toujours de même caractère, parfois la contraction, parfois la
dilatation. J'ai trouvé que ces mouvements se produisaient plus
facilement et d'une façon plus uniforme par l'excitation de la
partie antérieure et postérieure du pli courbe. Règle générale,
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 79
avec les mouvements latéraux, on obtient des mouvements en haut
quand le segment antérieur du pli courbe est excité, et des mou-
vements en bas quand c'est le segment postérieur.
On peut aussi obtenir, comme l'ont démontré les premiers Luc-
cani et Tamburini, les mouvements des yeux par l'excitation du
lobe occipital. Schæfer, qui oublie le segment antérieur du pli
courbe, que j'ai trouvé aussi excitable que le reste, obtient des
mouvements en bas des yeux par l'excitation, non seulement du
segment postérieur, du pli courbe, mais aussi de l'extrémité supé-
rieure de la circonvolution temporale moyenne, cette partie du
lobe occipital immédiatement derrière la scissure occipito-pariétale
externe et de chaque côté de la scissure pariélo occipitale interne.
Il obtient des mouvements en haut par l'excitation de la surface
sous-jacente du lobe occipital, la partie la plus inférieure de ce
lobe, et de la marge inférieure de la surface convexe. Il obtient
un simple mouvement latéral des yeux en excitant le reste de la
convexité du lobe occipital et une étroite bande le long de la
marge de la grande scissure longitudinale. La portion moyenne
de la surface médiane ne parait pas être comprise dans ce schéma.
Mon hypothèse que ces mouvements de la tête et des yeux sont
les signes d'une sensation visuelle subjective et dus à une action
associée des centres frontaux et oculo-moteur sous-cortical, a reçu
une confirmation des expériences de Schoefer sur la période latente
des mouvements oculaires suivant l'excitation respectivement des
Fig. 5. - Hémisphère gauche du cerveau d'un chien.
1, Le membre posé ou wuacé. -.t, 3. Mouvement latéral ou agitation de la queue. -
4, Rétraction avec adduction du membre antérieur opposé. - a, Elévation de l'épaule et
extension en avant du membre antérieur opposé, flexion de la patte. -7, 7, Action des
orbicul.ures des yeux et des 7.vgoinatiqties. - 8, Rétraction et élévation de l'angle opposé
de la bouche. 9. Omcrture de la bouche et mot1\ements de la langue. - 1 1, Retrac-
tion de l'angle de la bouche, - 12, Les yeux largement ouverts avec dilatation des pu.
pilles. mouvements des globes oculaires et de la tête du côlé opposé. - 14, Picotement
ou soudaine rétraction de l'oreille opposée. - 15, Torsion de la narine du même côté.
80 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
régions frontale et occipito-temporale 1. Le résultat de cette com-
paraison obtenu sur un certain nombre de singes, montrait que la
période latente est plus longue de quelques centièmes de seconde
dans le cas d'excitation du lobe occipital que dans le cas d'excita-
tion du centre frontal de l'oculo-moteur ; indiquantainsi que dans
le premier cas, l'impulsion nerveuse doit être transmise à travers
au moins un centre nerveux de plus que dans le dernier cas. Ceci
concorde avec l'hypothèse que dans un cas les mouvements étaient
réflexes et dans l'autre directs. Le fait qu'on obtient toujours les
» mouvements des yeux par l'excitation de la région occipito-angu-
laire, après l'ablation complète des régions frontales, montrent
qu'ils n'indiquent pas nécessairement une action associée de ces
centres corticaux, mais peuvent être dus, sinon toujours, à l'exci-
tation des centres oculo-moteurs des tubercules quadrijumeaux.
Danillo 2 a trouvé que la section des fibres d'association des ré-
gions frontales et occipitales n'empêchent pas les mouvements
oculaires; tandis que Becliterew' et Munck'' ont trouvé que les
mouvements sont entièrement annihilés par la section des fibres
médullaires sous-jacentes. Danillo et Bechterew soutiennent que
les mouvements ne peuvent donc pas être considérés comme l'in-
dice d'une sensation visuelle subjective; mais cela ne serait pas
réfuté, même si les mouvements continuaient toujours après l'abla-
tion de la substance grise, car l'excitation des fibres médullaires
serait équivalente à l'excitation de l'écorce elle-même. Nous pou-
vons supposer avec Munk qu'il y a des fibres radiales ou centrifuges
entre l'écorce occipitale et les centres oculo-moteurs, et l'excitation
de l'expansion centrale de ces tractus produira pratiquement le
même effet que l'excitation des centres avec lesquels ils sont en
relation.
La région occipito-angulaire est la zone visuelle de l'écorce. La
destruction complète de cette zone dans un hémisphère produit
- l'hémiopie permanente du côté opposé par la paralysie des moitiés
correspondantes des deux rétines, tandis que la destruction bila-
térale produit une cécité complète et durable des deux yeux. A
part la perte de la vision, il n'y aucune autre perte ni motrice, ni
sensitive. La sensibilité des globes oculaires est intacte et les mou-
vements des globes sont absolument libres. Il n'y a aucun trouble
de la sensibilité ni de la motricité des membres. Les autres sens
spéciaux sont intacts. Si la destruction de la région angulaire oc-
cipitale est incomplète, unie ou bilatérale, l'hémiopie résultante
dans un cas, ne dure pas, ni la cécité permanente dans l'autre.
. Proc. Roy. Soc., 13 février 1888.
Archiv.. Neurol., vol. XVIII, 1889, p. 145.
3 Neurol. Cenlralbl., 15 septembre 1889.
' Silzüngsbericltle der Akad, d. Wiss zii flel'fin V, 16 janvier 1889.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. Si
Il n'y a cependant à peine un point de la doctrine ci-dessus qui
n'ait été controversé ; mais je pense que chaque point a été con-
firmé jusqu'à l'évidence par des lésions de cette région, observées
avec som etstriclemeut focalisées.
Dans mes premières recherches, je pensai que les plis courbes
formaient seuls des centres visuels, conclusion fondée sur les effets
positifs des lésions des plis courbes et sur les résultats uniformé-
ment négatifs de la destruction des deux lobes occipitaux, excepté
lorsque la lésion empiétait sur la scissure occipito-pariétale. Dans
ces derniers cas, il m'avait semblé que les défauts de la vision ou
parfois la cécité complète étaient dus à la lésion des fonctions des
plis courbes eux-mêmes. Je vous ai montré ici une photographie
d'un cerveau de mes premieis animaux en expériences Les deux
lobes occipitaux lurent enlevés en même temps. Il survient un peu
d'encéphalite qui étendit la lésion. Vous verrez, que sur le côté
droit, non seulement tout le lobe occipital, mais aussi une partie
du segment postérieur du pli courbe ont été enlevés. A gauche, le
pli courbe est intact superficiellement, mais les fibres médullaires
de la partie coupée bombaient considérablement par suite d'une
hernie inflammatoire. Malgré cette lésion étendue bilatérale, l'a-
nimal, pendant une heure après l'opération, donna une preuve de
la conservation de la vision, car il faisait des grimaces et se sau-
vait quand on l'effrayait. Un examen ultérieur montra que la vi-
sion quoique bonne, était atteinte; il y avait un manque de préci-
sion pour prendre les objets qu'on lui tendait. A part ce léger
défaut de la vision, l'animal ne présentait aucun autre trouble dans
ces facultés et se porta bien jusqu'à sa mort qui suivit une seconde
opération trois semaines après, pendant laquelle on lui avait en-
levé la plus grande partie des deux lobes frontaux. Cette seconde
opération n'a causé aucun autre trouble de la vision, faits d'une
grande importance pour la question des rapports des lobes fron-
taux avec le sens de la vue.
Vu que chez cet animal comme chez d'autres chez lesquels on
observait les mêmes symptômes, les lésions occupaient la région
de la scissure pariéto-occipitale et le pli courbe, je pense que le
trouble de la vision est dû à cette cause ; car, lorsque la ligne de
. section des lobes occipitaux était bien séparée de cette scissure, on
ne percevait aucun trouble de la vision. Ainsi on a mis à nu les
lobes occipitaux, des deux côtés. chez un singe, et on détruisit la
surface au cautère qu'on passa assez profondément dans l'intérieur
des lobes pour détruire les f11}] e;; médullaires. ,
L'opération fut achevée à 3 h. 30 de l'après-midi. Voici les notes
sur l'état de l'animal :
lui 4 h. 10. - L'animal, après être resté dans un état de stupeur
' Ë.\péruneuL XXIV. Phil. 75ans., vol CLXV, p. 2, 1S75.
Archives, t. X\1. 1. 6
82 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
jusqu'à maintenant, commence à se mouvoir, mais chancelle assez.
Les yeux sont ouverts et les pupilles dilatées. Il montre son état de
conscience en tournant la tête quand on l'appelle.
« 5 h. 45. - Donne une preuve évidente de la vue. Il court quand
je l'approche en évitant avec soin les obstacles. Voyant sa cage
ouverte, il entre et monte sur sa perche, en évitant avec soin le
chat. Il essaye d'éviter ma main quand je la lui présente pour le
prendre, mais il saisit un raisin que j'ai laissé sur sa perche t. »
Malgré la destruction étendue des deux lobes occipitaux dans ce
cas, l'animal, un peu plus de deux heures après l'opération, a
donné une preuve évidente de la conservation de sa vision précise.
Dans un autre cas où les lobes occipitaux furent enlevés par une
section à six millimètres en arrière de la scissure pariétale occipi-
tale l'animal, malgré l'ablation d'au moins les deux tiers des
deux lobes occipitaux, prouva la netteté de sa vision, une demi-
heure après l'opération. Chez un autre singe, auquel mon collègue,
le professeur G. F. Yeo, enleva les deux tiers des deux lobes occi-
pitaux, l'animal, deux heures après l'opération, était capable de
ramasser des objets menus sur le parquet ?
Je vous montre ici aussi la photographie du cerveau d'un singe
chez lequel le lobe occipital gauche fut enlevé par une incision
immédiatement postérieure à la scissure occipito-paiiétale. Dans
ce cas, le pansement ayant été arraché, la plaie devint sceptique
et l'animal mourut le cinquième jour. Le lendemain de l'opéra-
tion, aucun trouble de la vision ne put être noté, car l'animal pre-
nait les choses qu'on lui présentait à droite et à gauche et pouvait
courir dans le laboratoire dans toutes les directions, passant au
milieu des chaises et des autres meubles sans jamais cogner sa
tête d'un côté ou de l'autre, action qui eût été incompatible avec
une hémiopie.
Vous verrez que le bord du plan de section qui saillit considéra-
blement par hernie, correspond à peu près à la scissure pariéto-
occipitale externe 4.
Ces expériences ont mis en lumière les résultats négatifs des
lésions uni ou bilatérales du lobe occipital. J'ai cependant trouvé
dans mes premières expériences, que les lésions destructives de
l'écorce de gyrus angulaire d'un côté, produisait une perte com-
plète temporaire de la vision de luit opposé, tel que l'animal ne
répondait à aucun excitant lumineux, et que, pressé de se mouvoir, il
courait en aveugle contre tous les obstacles sur son passage", et
' Expériment. 1X11. Plail. T1'Glls" vol. CLXV, part. II, p. 25.
' Expériment. XXIII. Phil. Trans. sup. cit.
' Expériment. IX. Pli. Trans., 1881.
' Voir fig. 1, planche 20. Phil. 7Sans, pan. II, 1881.
» Voir expériment. VII, VIII, Six. Phil, Trans, \01. CLXV, l81a,
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 83
que, lorsque' les deux plis combes furent semblablement détruits,
il y eut une cécité complète des deux yeux 1.
Les observations suivantes furent prises sur un singe dont les
plis courbes furent détruits des deux côtés avec le galvano-cautère.
Il fut aussitôt laissé détaché, mais il paraissait effarouché et ne
voulait pas quitter sa place. Il fut donc impossible, pour quelque
temps, de prendre aucune observation sur sa vision. Les pupilles
étaient contractiles à la lumière, et une vive lumière projetée
devant ses yeux produisit un clignotement. Quand un morceau de
pomme était jeté auprès de lui, au point de venir en contact avec
sa main. 'il le prenait, le sentait et le mangeait avec plaisir. L'ouïe
était fine, et il tournait sa tête et répondait quand on l'appelait
par son nom. Excepté cette répugnance pour bouger, provenant
évidemment d'un sentiment de manque de sécurité, il n'y avait
rien qui indiquât qu'il était aveugle. Mais j'ai trouvé que l'animal
aimait beaucoup le thé doux et aurait couru après n'importe où.
J'apporte donc une tasse de thé doux et je la place à ses lèvres, il
but avec empressement. Je retirai alors la tasse et la plaçai devant
lui à une petite distance, mais l'animal, malgré que ses gestes
démontraient son désir de boire, ne pouvait trouver la tassé,
quoique ses yeux regardassent droit sur elle. Cette épreuve fut
répétée plusieurs fois et avec le même résultai. Enfin, on place la
tasse sur ses lèvres, il plonge sa tête dedans, il boit jusqu'à la
dernière goutte, pendant qu'on entraîne la ta<se à moitié de la
chambre. Le jour suivant, l'animal était toujours aveugle et n'ac-
cordait aucune attention aux menaces, aux grimaces et autres
signes pour fixer sa vue. On le tua alors pour pouvoir déterminer
exactement le siège et l'étendue des lésions avant le développe-
ment de lésions inflammatoires secondaires. Elles avaient déjà
commencées et s'étaient limitées aux plis courbes qui étaient oedé-
matiés et au bord antérieur des lobes occipitaux, comprenant un
léger empiétement du bord postérieur de la circonvolution parié-
tale ascendante gauche; la substance grise seulement était désor-
ganisée et sur le pli courbe exclusivement. '
Ces faits semblent justifier l'opinion que les plis courbes sont
des centres visuels, chacun étant en relation avec tout l'oeil du côté
opposé, puisque l'effet d'une ablation unilatérale était la cécité
totale passagère de l'oeil opposé et non une hémiopie. Et il semble
que la rapide guérison d'une lésion unilatérale est due à l'action
compensatrice de l'autre circonvolution, d'autant que la destruc-
tion bilatérale produit une cécité complète des deux yeux plus
durable et que je suppose même permanente. Mais d'autres recher-
ches sur des animaux qu'on a pu garder en vie pondant une
période plus longue que ne le permettait les vieilles méthodes
,
1 £ 'p, X. Jp. cil.
84 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
chirurgicales, ont montré que les résultats de l'extirpation uni ou
bilatérale du pli courbe, quoique entièrement en harmonie avec
mes premières recherches, étaient plus passagers que je ne l'avais
d'abord trouvé et que la destruction bilatérale ne produit pas
une perte totale permanente de la vision 1.
Comme preuve, je vais'citer les détails des expériences sui-
vantes.
Sur un animal, on cautérisa, avec le thermo-cautère le pli courbe
gauche. L'oeil gauche fut fermé et l'animal sortit de la stupeur. Au
bout d'une demi-heure, il était évidemment éveillé et ne voulait
pas bouger sans qu'on le touche. Alors on le retira de sa cage et
on le mit sur le plancher, il commença à marcher à tâtons en se
vautrant, cognant sa tête sur tous les obstacles. Après quelques
minutes, il se calma et refusa de marcher. Il ne manifestait aucun
signe de crainte aux menaces, et il ne clignait pas lorsqu'on poin-
lait un doigt contre son aeil jusqu'a ce que le doigt touchât presque
la conjonctive, alors, par le réflexe ordinaire, l'oeil se fermait. Une
demi-heure plus fard on répéta les mêmes expériences avec les
mêmes résultats indiquant la perte de la vue. Une demi-heure
encore après, pendant qu'il élail couché lramluillementdans sa cage,
il fut doucement saisi sans bruit pour ne pas attirer son attention;
alors il bondit avec une expression de crainte et de surprise et
courut tête baissée contre le pied de la table où il resta quelques
' Voir Expériences 111, IV, V, VI. l'lt. Trans., vol. Il, 1881.
Fig. 6. - Hémisphère gauche du cerveau d'un chat.
t. avancement du membre antérieur opposé. - 4, 1 éti-.tetiori et adduction de la
jambe du côte opposé. - i, élesatlon de 1 ? ce flexion de et et de la
patte. - A, action de fermer et de 'mi ? .1 \CC la patte, avec protr,l ? loH gt-iff. s. -
i, Ic\atioll tic l'angle de la bouche et de la loue, ? ce occlusion de l'oed. -6. nétr.ne-
tion accompagnée (1 un cellalll dcglé delevation de l'angle de la bouche et IIIOU\C-
ment en et et en ,maut de l'nrctlle. - 9, QU\Clturc de la bouche et lIIou\clIH'nl tic
la langue - 13, les veux tournés du côté opposé. - 1 1, picotement de l'oreille, tête et
jeux tournes du côté opposé. - 15, éte%atioii de la lèvre et torsion ce la natine du
même cité; divergence des lèvres.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 8»
minutes se trainant à tâtons. Alors il repartit et. cette fois, courut
contre le mur contre lequel il se traîna.
De pareils faits se répétèrent. il ne montrait aucun signe de
perception lorsqu'on l'approchait avec soin, sans bruit, mais si on
faisait auprès de lui le moindre bruit avec les lèvres, il partait
comme un trait contre le mur où il se couchait. Une demi-heure '
plus tard, pendant qu'il restait tranquillement dans un coin avec
les veux ouverts, on projeta sur ses yeux la lumière d'une lan-
terne, mais il ne fit aucun signe. En rampant avec précaution vers
lui sans exciter son attention, l'observateur fit un léger sifflement
contre sa figure, il jeta un regard de colère, mais se souvenant
sans doute des résultats de sa course, il se blottit par terre sans
bouger. Une demi-heure plus tard, pendant qu'il était tranquille
dans sa cage, il partit tout à coup, après avoir été touché, et courut
dans un coin où il se blottit.
« Le jour suivant, son oeil étant toujours fermé, il fit preuve,
sans aucun doute, de la possession de la vision de son oeil droit. Il
saisissait les choses comme d'habitude, courait dans le laboratoire
de tous côtés, évitant les obstacles à droite et à gauche avec une
précision parfaite, baissant sa tête pour passer sous les tuyaux
d'eaux du laboratoire. On ne put observer aucun trouble de la
vision, ni amblyopie ni hémiopie,. , »
Chez un autre animal, le pli combe gauche fut cautérisé jusqu'à
la scissure occipito-pariétale, la partie postérieure du corps cal-
leux fut aussi divisé en même temps2. 2.
« L'oeil gauche fut aussi soigneusement bouché, et on laissa
l'animal se réveiller de la stupeur du narcotique. Au bout d'une
demi-heure, il commença à se mouvoir spontanément, quoiqu'un
peu en chancelant. Une demi-heure après l'opération, il marchait
dans le laboratoire, cognant sa tête contre les pieds des chaises et
les autres obstacles sur son passage. Si on mettait un morceau de
pomme sous son nez, il la saisissait et la mangeait. Il continua de
marcher çà et là , de temps en temps, courant tête baissée contre le
mur. Trois heures après l'opération, en courant dans le labora-
toire, il vint tête baissée cogner son museau contre le mur où il
resta. Pendant qu'il se reposait, nous rampâmes vers lui, mais
l'animal, quoique les yeux grands ouverts et tournés vers nous, ne
fit aucun signe de perception. Des grimaces effiavaiites furent
également sans effet, mais si on faisait du bruit avec nos lèvres,
l'animal semblait alarmé, regardait en avant, et quoiqu'il vint
tout près de nos figures, ne semblait rien voir. On essaya à
droite et à gauche de même, mais on ne trouva aucun signe de
vision ni d'un côté ni de l'autre. Le jour suivant, l'oeil gauche
' Exp. V. Phil. Trairas., vol. Il, 1881.
Exp. VII, Op. cil.
86 ' PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
étant toujours fermé, l'animal courait dans toutes les directions,
baissant sa fête sous les barreaux, évitant les obstacles à droite et
a gauche avec la plu» grande précision et ne se cognant jamais ni
d'un côté ni de l'autre. -On ne pouvait alors trouver le plus petit
trouble de la vision, et il pouvait ramasser les plus petits objets
autour de sa cage ou qu'on lui jetait. »
Munck ' 1 a le premier montré que l'effet permanent d'une extir-
pation unilatérale complète de la sphère visuelle, n'était pas la
cécité complète de l'oeil opposé, mais 1 hémiopie homonyme par
la paralysie des côféscorrespondants desdeux rétines. Il l'a obl'11lle
par une section dans la ligne de scissure occipito-pariétale, et il
localise la sphère visuelle, uniquement dans le lobe occipital et re-
garde le pli courbe comme la sphère sensorielle de l'oeil. Cependant,
d'après ce fait qu'il admet lui-même, de l'inflammation secondaire
et de l'extension des lésions primaires qui suivent ses opérations gé-
néralement, sinon toujours, on ne peut pas compter sur les expé-
riences de Munck quand il s'agit de déterminer l'exacte délimita-
tion d'un centre donné. Il est raisonnable de supposer que les
opérations de Munck, pour enlever les lobes occipitales, atteignent
secondairement le pli courbe et ses rapports. Cette question de la
délimitation exacte de la sphère visuelle, soit aux lobes occipitaux
comme le veut Munck, soit comprenant aussi le ph courbe, sui-
vant mon opinion, et celle des rapports respectifs entre le pli
courbe et les lobes occipitaux et les yeux out été l'objet de recher-
ches par de nombreux physiologistes : Luciani et Tamburini2,
Luciani3, Horsley et Sclioefet-1, Sanaer-L3rowu et SeliLfet5, Lan-
negrâce 6, Gilman, Thompson et San;·er-l3rowtt', et c'est encore
un sujet sur lequel on est loin d'être d'accord.
Luciani et Tamburini et Luciani sont arrivés à cette conclusion
que les centres visuels ne sont pas limités aux lobes occipitaux,
mais embrassent aussi le pli courbe, quoique le premier pense que
l'effet de la destruction unilatérale du pli courbe est l'hémiopie
' UeGer die funclionen der Grosslairnrinde, 1881.
1 suri centri psico sensori contrcali, 1879.
3 On the sensory Localisations ol the cortex cerebri. (Brain, Jury,
1884.)
* Rapport des expériences sur les fonctions de l'écorce céréurale, Phil,
Trains., vol. CLXXIX, 1888. Bd. XX.
5 Functions of the occipital and temporal lobes of the illoitkey's (Brain
Phil. Trapus., vol. CLXXIX, 1888. Bd. XXX.)
' Influences des lésions corticales sur la vue. (Archives de médecine
expérimentale, 1889.) ,
' The centre for vision, liesearclaes ol the Loomis laboralory of
the médical département ol the 1171 iveisity of' City 0 ? 1'eu'-l'ork; n° 1,
1890.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 87
plulôt que l'amblyopie. Les expériences d'Horsley et Seliafer, et de
San2ei--Bi-own et Scllaefer sont d'une grande valeur, parce que
grâce aux précautions antiseptiqnes et a tous les détails et aux
finies qui accompagnent leurs expériences, les faits peuvent être
utilisés par tous les chercheurs. liorsley et Scha;fer rapportent
plusieurs expériences sur les lobes occipitaux, sur un seul ou sur
les deux. L'expérience suivante (XXIV) que je donne, d'après leurs
propres ternies, est spécialement digne de remarque. c Tout le
lobe occipital gauche fut enlevé par une incision oblique le long
de la scissure pariéto-occipitale. La pièce enlevée comprenait l'ex-
trémité de la corne postérieure du ventricule latéral qui se trou-
vait ainsi ouvert . Aucune fâcheuse conséquence n'en résulta
cependant, et quand le cinquième jour, on enleva le pansement, la
plaie était entièrement guérie.
Résultat. - Aucune paralysie musculaire. L'animal semble avoir
un trouble de la conscience visuelle des images, des objets qui
tombent sur le côté gauche de la rétine; car un objet, un raisin
par exemple, qu'on présente sur le côté droit de la ligne visuelle,
ou n'est pas remarqué, ou sa nature n'est pas aussitôt reconnue.
Ce trouble, d'abord très marqué au début, s'améliora progressi-
vement, et trois mois après l'opération, on ne pouvait plus le déter-
miner. »
Comme le montrent les figures, on enleva d'autres portions de
l'hémisphère, mais il est inutile pour moi ici de citer les résultats.
L'état du cerveau est donné dans les figures 24 a et 24 b. une
représente la face inférieure, et comme les auteurs disent eux-
mêmes « ces figures sont d'un grand intérêt, puisqu'elles montrent
l'ablation complète des lobes occipitaux et frontaux et les limites
de la lésion de la face inférieure de l'hémisphère (p. 35). »
Fig. 7. - Hémisphère gauche du cerveau d'un lapin.
1, avancement de la jambe antvicure ou opposée -4, 4, rétraction avec adduction
du membre antérieur opposée. - 5, élévation de l'épaule et extension en avant du
membre antérieur. i, 7, rétraction et élévation de l'angle de la bouche. - fi. occlusion
de l'mil opposé. - 9. ouverture de la bouche, aiec mouvements de la langue. -
iJ, mouvement en avant de l'oeil opposé, pwfois torsion de la tète du côté oppose. -
14, rétraction soudaine et élévation ou picotement de l'oreille du côté oppposë. -
15, lorsion ou fermeture de la iiaiine, ..
88 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
On a rapporté beaucoup d'autres expériences dans lesquelles les
lésions unilatérales ou bilatérales empiétaient sur la scissure
panéto-occipitale et la région du pli courbe, et dans aucun cas, on
n'a eu ni hémiopie ni cécité complète permanente.
Dans un cas' (Expérience XXVI), dans laquelle on enleva les
deux lobes occipitaux (surface externe et postérieure et une partie
de la surface inférieure) avec un intervalle de quatorze jours entre
les deux opérations, il n'y eut aucun trouble général de la percep-
tion visuelle, sans, autant qu'on peut l'affirmer, une cécité absolue
dans aucune partie du champ visuel ; mais les auteuis ne peuvent
pas parler de ce fait avec certitude. En enlevant le pli courbe
droit, on obtint une hémiopie complète gauche qui dura, sans
aucun signe d'amélioration, jusqu'à la mort de l'animal, tiois
mois après. Les expériences de Ilorsley et Schoefer, dans lesquelles
les lésions des lobes occipitaux sont plus considérables que dans
celles de Yéo et les miennes, sauf mes premières, toutefois, mon-
trent que les troubles hémiopiques sont transitoires, tandis que
dans le cas cité plus haut, il parait y avoir eu une extirpation com-
plète du lobe occipital, et cependant, l'hémiopie ne fut pas perma-
nente. La destruction du pli courbe avec le lobe occipital fut la
lésion qui a produit un résultat permanent. Leurs conclusions,
d'après leurs propres termes sont les suivantes : « Nos expériences
sur la région occipitale, quoique peu nombreuses, semblent com-
porter les conclusions auxquelles sont déjà arrivés Munck, Tessier
et Yéo. Elles montrent que les lobes occipitaux et les plis courbes
ont des fonctions en rapport avec les perceptions visuelles de telle
manière que chaque région occipitale est en rapport avec la
moitié latérale correspondante de chaque rétine et qu'une partie
seulement de l'écorce de la région peut prendre en grande partie
(comment déterminer la quantité chez des animaux) les fonctions
du tout. Ceci est aussi conforme aux résultats de Luciani. Autant
que le lobe occipital seul est intéressé, nos observations confir-
ment l'opinion de Munck que cette lésion produit un trouble
hémiopique de la conscience visuelle. Mais la vision imparfaite
qui reste après l'ablation des deux lobes occipitaux (voir cas 25 et
et 26) fait penser que le centre en rapport avec la conscience
visuelle n'est pas limité à ces lobes, comme le pensait Munck,
mais s'étend sur les plis courbes, l'hémiopie permanente n'étant
produite que par l'ablation de cetle circonvolution. Il serait cepen-
dant nécessaire que d'autres expériences fussent entreprises pour
déterminer avec plus de précision, non seulement l'étendue, mais
aussi l'importance relative de la portion antérieure, postérieure et
médiane du centre visuel de l'écorce '. » >
. Op. cit., p. 19
LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 89
LEÇON III.
Messieurs,
De nouvelles recherches de Schafer. en collaboration avec Sanger-
Brown, l'ont amené à penser d'accord avec Munk que l'extirpation
complète unilatérale d'un lobe occipital seule produit une hémiopie
persistante et que l'extirpation bilatérale produit une cécité totale
et durable. Tout en admettant que les lésions décrites par eux
soient la cause de l'héuliopie et de la cécité, il ne s'ensuit pas que
les résultats soient dus à l'ablation du lobe occipital tel quel. -
Schoefer ' lui-même admet que' le centre visuel n'embrasse pas
seulement le lobe occipital mais aussi une partie ou la totalité du
ph courbe. Les rapports des différentes portions des centres visuels
avec la rétine d'après les phénomènes produits par l'excitation
électrique et d'autres faits nécessitent une participation du pli
courbe (ou tout au moins de son fragment postérieur d'après
Schoefer), plus grande même que celle du lobe occipital. Donc si
une cécité totale suit l'ablation des lobes occipitaux suivant la
direction de la scissure pariéto-occipitale, il faut supposer que par
l'opération les connections médullaires du centre visuel entier sont
impliquées. - Schrcfer lui-même a supposé que les fibres unies à
l'écorce des parties environnantes du cerveau et spécialement du
pli courbe peuvent être coupées avec le lobe occipital et que cette
hypothèse s'appuie sur de nombreuses considérations3. 3.
Les lésions de la temporo-occipitale seules peuvent produire
l'hémiopie ou la cécité complète, suivant qu'elles sont unies ou
bilatérales, sans participation du pli courbe ou d'aucune autre por-
tion du lube occipital. J'at moi-même rapporté des cas l où on
note de l'hémiopie temporaire il la suite de lésions de la région
' Eleclrical excitation of the fMKa ! area. (Brain, april 1888.)
, Brain, vol. X, p. 372. '
3 Ceci cependant ne s'accorde pas très bien avec le schéma de Schilffer
qui est le suivant : t° tout le centre visuel d'un hémisphère est en rap-
port avec la moitié latérale correspondante des deux rétines; 2° la zone
du centre visuel d'un hémisphère est en rapport avec la moitié supé-
rieure des deux rétines; 3° la zone inférieure du centre usuel est en rap-
port avec la partie inférieure de la moitié correspondante des deux
rétines; îo la zone intermédiaire du centre \isuel est en rapport avec
la partie moyenne de la moitié latérale correspondante des deux rétines
(loc. cIl., p. 5). Les réactions cependant seraient complètement empli-
quées par la supposition que le pli courbe a des relations avec tout l'oeil
opposé.
' Ph. Traus, vol. II, 1881. Experiments XXVII et XXVIII.
90 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
occipito-temporale et ce sont plobablernent dé pareils faits qui
ont conduit Luciani à étendre le centre visuel jusqu'au lobe tem-
ppral. Non seulement' on peut trouver alors de l'hémiopie mais
aussi l'hémiopie peut être persistante.
Voici une représentation d'un cerveau dans les expériences de
Btown et Schfefer. L'opération a consisté dans l'ab ! ation du lobe
temporal droit. Plus tard, la lésion s'est étendue en partie sur la
surface inférieure du lobe occipital. A l'exception de cette lésion
du lobe occipital, tout le reste de la zone visuelle était intact, cepen-
dant cet animal était complètement hémiopique. La conclusion
est que la lésion a atteint toutes les radiations optiques car autre-
ment, d'après l'hypothèse de Schiifer, elle aurait causé une cécité
seulement des portions inférieures de la rétine.
Il semble donc que l'incision de l'ablation du lobe occipital
racée le long de la scissure pariéto-occipilale externe est destinée
à léser toutes les radiations optiques de la région occipito-angu-
aire qui émergent des noyaux primaires à ce niveau environ (voir
Fys la h Phil. Il-ails, 1888. B. 30, plate 49.
Fig. 8 et 9. - Section horizontale de l'hémisphère gauche du
1 singe au niveau de la coinmisstire antétteure (giandeur naturelle).
'te' commi"sul'c antérieure. - c.-1, corne ul'.lmmon - cl. avant-mur. - cq, coips
q,1(ii-ijti[uttix. - ec, capsule exteme. - 1 C, capsule interne. - 111, mania de .Vieil. -
f. pilier antenieur ou descendant (\Ieyncl't) du tnngone. - f', fibres ascendantes, ou de
\ cq d'Azr. - f m. fascicule de 1\Ienert - fs, scissure de S1% itis. - ne, lIoau
coudé. -'711, noyau lenticulaire. - or, 1 ddi.J.lions optiques (Giatiolet). -- P, puhinar,
- p. comnllssure poste[ ieuie.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 91
fig. 8). l'appui de ce que j'avance, je rapporte l'expérience sui-
vante : j'expose l'extrémité inférieure de scissure pariéto-occipitale
fauche, en plantaut un conducteur à ce point entre la surface 1l1fé-
rieure du lobe occipital et la tente , et je passe un stylet courbé
le long de la rainure pour faire une incision transverse de peu de
millimètres de profondeur à travers la région occipitu-temporale.
Comme résultat on eut une hémiopie qui, cependant se dissipa
très rapidement au point qu'elle n'était plus nettement perceptible
le troisième jour. Quinze jours après, on opéra de même la région
occipito-temporale droite, l'incision, cette foi=, fut faite juste devant
l'extrémité inférieure de la scissure panéto-occipitale. L'animal
mourut un mois après la première opération. Pendant tout le
temps qu'il survécut il resta absolument hémiopique vers la gauche
dans toutes les parties du champ visuel. On trouva après la mort
que l'incision était superficielle et non continue, interrompue dans
la région du lobule lingual. Du côté droit, l'incision s'étendait à
travers toute la région occipito-temporale et pénétrait de plusieurs
millimètres dans la substance cérébrale divisant les fibres médul-
laires qui émergent de la région des centres optiques primaires.
Brown elTbompson 2 pensent que l'ablation du lobe occipital d'un
côté produit de l'hémiopie du côté opposé toujours sans lésion du
gyrus angulaire qu'ils excluent entièrement de la sphère visuelle.
Ils donnent des détails sur un singe chez lequel on constate après
ablation du lobe occipital gauche, une hémiopie droite, avec une
hémianesthésie droite qui persistait encore le vingt-sixième jour
après l'opération. Cent jours après la première opération. on enleva
aussi le lobe occipital droit. Il s'ensuivit une cécité complète mais
ils disent qu'après trois semaines l'animal recouvra la vision sur
une certaine étendue vers la gauche. Ils pensent, mais ils ne
donnent aucune preuve du fait, que probablement quelques fibres
occipitales avaient été épaignées pendant la seconde opération.
L'animal mourut de phthisie le deux cent trente-unième jour. A
l'autopsie, on trouva que le lobe occipital entier avait été enlevé
de chaque côte derrière les plis courbes, laissant une surface cou-
pée nette. A quelque distance de cette surface, la pie-mère était
adhérente aux circonvolutions, mais on a noté qu'il n'y avait pas
d'epaississemeut. Il est certain cependant que cette première lésion
a dû s'étendre au delà du lobe occipital, à cause de l'hénllanestéoie
qui ne se produit pas quand les lésions sortent localisées au lobe
occipital ; et ce fait que l'ablation des lobes occipitaux, tels mêmes
qu'ils ont été trouvés complètement extirpés, ne produit pas une
perte totale de la vision, est démontré par le fait qu'ils rapportent
eux-mêmes que l'animal pouvait toujours voir quoique imparfaite-
ment, d'un côté. Dans une autre expérience, ils trouvent que la
' Op. cit.
92 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUES.
destruction du pli courbe gauche ne produit aucun résultat avec
l'exception d'une ]¡émianelhe,ie droite avec un peu de paralysie
du bras droit ( ! ). Le dix-neuvième jour on fit une seconde opéra-
tion, consistant dans l'incision de tout le lobe occipital droit. Elle
fut suivie d'une hémiopie gauche qui persistait toujours quand leur
- mémoire fut écrit, dix-sept mois après l'opération. Ce sont là les
seules opérations sur les singes que les auteurs ont rapportées. Lan-
negrace (Op. cit.), d'un autre côté, qui a fait de nombreuses expérien-
sur les lobes occipitaux et les gyri angulaires chez les singes, dit,
d'accord avec mes résultats et ceux de Yeo, que la des uction du
lobe occipital ne produit aucun trouble appréciable de la vision
tandis que la destruction des plis courbes produit une amblyopie
croisée temporaire. Il rapporte deux cas de lésions successives des
plis courbes. Dans un, la première lésion produit une amblyopie
croisée qui dura quatre jours. La seconde lésion, cependant, ne
produisit aucune altération appréciable. Dans l'autre, la première
lésion produisit de nouveau de l'amblyopie croisée qui disparut en
deux jours, tandis que la seconde donna lieu à une amblyopie
durable. Ces résultats, semblables à ceux obtenus par Yeo et moi,
dépendent sans aucun doute du degré de l'extirpation des plis
courbes.
J'ai déjà dit que mes premières expériences, comme celles du
professeur Yeo, montrent qu'une lésion destructive unilatérale de
ce gyrus produit une cécité temporaire de l'oeil opposé, et que la
destruction bilatérale produit une cécilé complète et durable dans
les deux yeux. Comme ces résultats ont été beaucoup mis en doute,
je dois insister sur leur précision. J'ai vérifié la présence d'une
cécilé complète de l'oeil du côté opposé par la destruction du pli
courbe gauche chez un animal qui a été dernièrement le sujetd expé-
rience. Chez cet animal j'ai d'abord énudé l'cril gauche, pour
exclure toute complication de ce côté. Après avoir on levé le pli courbe
gauche, l'animal, quoique en toute possession de tous ses sens et de
sa puissance musculaire et d'autre part bien portant, était de toute
évidence ab-olumentaveugle. II ne répondait à aucune des épreuves
de la vision : il n'aurait bougé de son coin, mais poussé, il rampait
aveuglément et misérablement. Cet état dura plusieurs heures, pen-
dant lesquelles il était en observation. Lejour suivant, il y a des
marques de vision, mais 1 animal était devenu si prostré, le temps
étant très froid qu'il mourut avant qu'aucune autre observation
exacte fût possible. Que des lésions du pli courbe puissent com-
prendre des radiations optiques, la chose est possible, mais ce
résultat n'est point nécessaire et il ne pouvait pas entrer en ligne
de compte pour la perte complète de la vision de l'oeil du côté
opposé. Les connexions entre les deux plis courbes rendent compte
de la nature transitoire de l'amblyopie qui résulte de l'extirpation
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 93
unilatérale et de ce fait que, comme dans un petit nombre de mes
expériences où la destruction de ce lobe était complète d'un côté
ou de l'autre, l'ablation ultérieure de l'autre lobe ne semble pas
atteindre la vision ni d'un côlé ni de l'autre. Quand, cependant,
les plis courbes sont complètement détruits des deux côtés, l'ani-
mal. quoique complètement aveugle les trois ou quatre premiers
jours, ne reste pas dans cet état d'une façon permanente sans
jamais toutefois récupérer sa wsion normale. Ce fait a été aussi
confirmé par les recherches de Lannegrâce. A part les troubles d
la vision, la destruction des plis courbes ne produit aucun autre
symptôme ni moteur ni sensitif, il n'y a ni ptosis ni paralysie ocu-
laire et la sensibilité de la conjonction est absolument normale.
Ces résultat1 ! , confirmés par les recherches de Ilorsley et de
Scba·fer, contredisent l'opinion de Munk que le pli courbe est le
centre sensitif du globe oculaire, et on trouvera en examinant les
données de Munk que les phénomènes qu'il regarde comme indi-
quant une perte de la sensibilité de l'oeil sont en réalité dus à une
perte de la vision. Ainsi il dit qu'après la destruction du pli courbe
gauche l'approche du doigt de foeil gauche produit invariablement
un clignotement, tandis que la même menace à droite produit'
seulement le clignotement quand les paupières sont touchées. Ceci
me semble une preuve de la sensibilité de l'mit et la non-percep-
tion du danger a distance. Il admet aussi l'absence de clignote-
ment comme caractéristique de cécité, mais il dit que vu que l'am-
mal ne pouvait pas être aveugle, le lobe occipital étant probable-
ment intact, l'absence de clignotement pouvait être dû seulement
à l'impuissance de l'écorce d'agir le sphincter palpébral ! De plus
il dit que lorsque le pli courbe a été détruit d'un côté et lait de
ce côté fermé, l'animal manque les objets qu'on lui offre ou ceux
qu'on jette devant lui surtout quand ils sont petits. C'est pour moi
une preuve évidente d'amblyopie. Il dit aussi qu'après l'extirpation
bilatérale du pli courbe chez les singes, « après une restitution
incomplète» - phrase qui n'est pas très intelligible - ils sont
incapables comme les singes normaux, de prendre, avec leurs doigts,
délicatement les choses qu'on leur présente, mais les saisissent
avev la main entière. C'est une preuve de plus de l'imperfection de
la vision que j'ai décrite, : manque de précision dans la préhen-
sion et tendance continuelle à mettre la main au delà des objets
visés au lieu de les saisir de suite.. ,.
Seliteferl a aussi décrit les symptômes présentés par un singe chez
lequel les deux plis courbes étaient détruits. Les premiers jours,
ranimai paraissait tout à fait aveugle, mais la vision revint gra-
duellement et avant peu elle fut assez bonne ponr les objets éloi-
gnés. L'animal pouvait apparemment voir les petits objets, comme
1 1J1'alll, July, 88, p, 159.
94 PIIYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
un raisin, à distance; mais en se précipitant dessus, il présentait
une ceitaine difficulté pour le prendre. Schoefer pense que ce der-
nier fait est dû à l'absence de la vision dans les portions antéro-
supérieures et lalérales de la rétine. J'ai dernierement cherché
avec soin l'état de la vision chez un singe chez lequel j'avais
détruit complètement les deux plis courbes. Il n'y avait aucun
ptosis, les mouvements des yeux étaient normaux, les réflexes cun-
jouctivaux conservés, la sensibilité était intacte partout, la force
musculaire conservée, mais pendant quatre jours enfin l'animal
fut absolument aveugle. Quand poussé à bouger, il courait contre
tous les obstacles sur son passage, ne faisait pas attention aux me-
naces, ne pouvait pas trouver sa nourriture, excepté en tâtonnant,
et paraissait insensible à un jet de lumière projeté à ses yeux. Le
cinquième jour on trouva des preuves du retour de la vision. Il ne
frappait plus sa tête contre les obstacles maintenant, il ne mar-
chait pas au delà du bord de la table, il montrait des signes de
perception quand on lui projetait de la lumière sur les yeux, et
parfois il semblait clignoter quand on le menaçait. La vision
s'améliora graduellement, mais elle resta imparfaite, surtout pour
les petits objets qu'il saisissait rarement avec précision, les saisis-
Fig. 10. - Centres corticaux du chien d'après Munk.
,1, 7.ne w.uelle. - B, zone uuuitiw, c'est-a-dire la zone de sensibilité tactile (Illilils-
phure) - D. l1l(mbl'e O1nterlCUt. - C, iiienibie postérieur. - E, zone de la tête -
F, région de l'oeil. - C, région de l'oreille. - H, légion du cou. - S. région du
tronc.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 0))
saut avec toute la m'ain et tombant en deçà ou au delà ou de côté. Il
paraissait voir les objets tenus en haut, en bas et de chaque côté
mieux que ceux placés en face de ses yeux. Six semaines après
l'opération, mon collègue, le professeur Mac Hardy, examina ]'alll-
mal qui était très docile avec moi, essayant toutes les portions du
champ visuel avec des morceaux de pommes suspendus à des fils
délicats. On en conclut que la vision était meilleure sur toute la
périphérie que sur le centre. Les objets tenus directement devant
les yeux et à une petite distance, n'étaient pas bien vus et ne
furent jamais saisis avec précision. Même état pendant trois mois
après l'opération; on fit de temps à autre les mêmes essais avec
les mêmes resultats. J'ai remarqué que l'animal quand il exami-
nait un objet le tenait toujours le bras allongé, éloigné de ses yeux.
Les faits observés chez cet animal auraient été mieux expliqués
par un trouble ou une perte de la vision centrale ; car on sait bien
que lorsque la vision centrale est perdue ou affaiblie chez un
homme les objets sont mieux vus à distance que de près et moins
distinclement lorsque les yeux sont tournés directement vers eux.
C'est précisément ce que l'on observe chez cet animal. La perte de
la vision centrale rendait compte de ce fait, noté par Sch¡pfer chez
son animal, que les objets étaient^ mieux vus à distance que de
près et que l'animal de Munk ne pouvait jamais placer ses doigts
avec précision sur les petits objets placés directement devant ses
yeux. Il n'y avait aucune preuve, au contraire, que les portions
supérieures de la rétine étaient moins sensibles que les portions
latérales et inférieures, il me semblait donc que les symptômes
résultant de la destruction bilatérale du pli courbe, que nous avons
décrits moi, Munk et Schiefer sont mieux expliqués par la supposi-
tion que les plis combes sont plus particulièrement en relations
avec le centre de la vision distincte et par suite avec les macula1
fate. Les faits pathologiques chez l'homme nous obligent à sup-
poser que la région de la tache jaune est représentée dans chaque
hémisphère quoiqne plus dans l'hémisphère opposé que dans
l'hémisphère du même côté et probablement le centre de la vision
claire est représenté principalement dans le pli courbe de l'hémis-
phère opposé.
Les relations rétiniennes des centres visuels ne peuventpas être ex-
pliquées par une simple division du champ rétinien en moitiés corres-
pondantesprojetéessur le côté correspondant dechaquehémisphère
par une lésion unilatérale du pli courbe,produit une cécité temporaire
ou une amblyopie du côté opposé, tandis qu'une lésion bilatérale
produit un affaiblissement durable de l'acuité usuelle des deux
yeux 1. Des résultats de mes expériences semblent démontrer que
' Ceci s'accorde avec l'hypothèse de Gowers que sur la surface exté-
rieure au-devant du lobe occipital, il y avait un centre visuel plus élevé
96 " PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
chaque pli courbe a des rapports avec les deux yeux - 1.'action
croisée est cependant la seule qui soit démontrable chez les ani-
maux inférieurs, mais cela n'exclut pas la possibilité de quelques
trouble de la vision du même côté non perceptible avec les
moyens d'investigation qui leur sont applicables. Il est ceitain que,
chez l'homme, les affections des centres visuels produisent parfois
l'amblyopie croisée et non de l'hémiopie homonyme Non seu-
lement c'est la caratéristique des troubles visuels notés daris l'heiiiia-
nesthésie hystérique, dont la pathologie est obscure mais on l'a
aussi noté dans des cas de maladie organique, - Ordinairement
avec la cécité ou un grand affaiblissement de la vue du côté op-
posé, il y a eu un certain degré de contraction du champ visuel
du même côté. - J'ai moi-même relaté plusieurs cas semblables' 1
etGuwers 2 en a vu aussi; Sbarkey a a publié un cas semblable
très bien observé. L'autopsie a montré un ramollissement avec
résorption d'une zone considérable de l'hémisphère opposé com-
prenant le pli courbé. Le lobe occipital était intact et nullement t
diminué de volume par rapport au premier
Un signe distinctif entre l'hémiopie d'origine centrale et celle d'ori-
gine périphérique a été supposé par Wilbrand (Op. cit.) et démontré
par Weinick et Seguin qui consiste à déterminer si un pinceau
de lumière jeté sur le coté aveugle de la retine produit la con-
traction de la pupille ou non. Comme le tractus optique est le
passage des fibres qui excitent la contraction pupillaire à travers
les centres oculo-moteurs comme celles qui excitent les sensations
visuelles dans l'écorce, et delà lésion du tractus optique causera non
seulement l'hémiopie mais aussi la paralysie de la réaction re-
flexe de la pupille à la lumière ; tandis que la lésion des centres
corticaux cause l'hémiopie mais laisse intacte la réaction pupillaire.
Mais ce signe demande un grand soin dans son application, car
il est difficile de projeter des rayons lumineux eutiérement sur le'
côté aveugle. Dans un cas, récemment dans mon service, au Kinr
Collège Ilospital· , dans lequel la ligne de séparation passait par
dans lequel la moitié des champs usuels sont combinés et tout champ
opposé est représenté. » Diseases of 'leI'VOUS sys(enz., vol. II, p. 19.
' CPrebralunablyopia and leemiopta. Bmin, vol. III, p. 156.
, Medico-clti1'w'gical Transactions, \01, 1XVI1, 1884.
2 Diseases of the nervoiss System, p. 19.
' Le malade était un homme de tlellte-neuf ans. Deux ans auparavant
il avait contracté la syphilis et au moment de son eiiiiée il avait un
ulcère tertiaire du voile du palais. Il avait îles tressaillements du côté
(huit de la face avec uu affaiblissement et un engourdissement du côté
gauche. Le serrement de la main gauche était faible et il y avait une
pêne delà Iluaion dorsale du pied gauche. Il se déviait à droite. On le
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 97
le point central qui fut examiné avec grand soin à ce point de
vue par le professeur Mac Hardy et moi-même, on n'obtint pas la
trouva absolument hémiopique vers le côté gauche et un examen péri-
métrique fait avec soin par le professeur -Mac Hardy démontra que la
ligne de division passait exactement par le point de fiation.
Archives, t. XXI 7
Fig. 11. - Rapports des yeux avec la zone visuelle chez
le chien (d'après Munk).
i)8 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
réactionpupillaire, commed'habitude,quandle pinceaude lumière
futprojeté vers le côté droit de la rétine, tandis qu'on l'obtenait par
la projection sur le côté gauche de la rétine. Ces faits pourraient
confirmer l'hypothèse que c'était un fait d'hémiopie dû à une lé-
sion du tractus.
. J'ai 1 écemment vérifié la réaction pupillaire hémiopique chez
deux singes chez lesquels j'ai accidentellement blessé le tractus
optique en faisant des lésions du lobe temporal. Le résultat dans
les deux cas fut une hémiopie du côté opposé. Dans les deux cas
le tractus optique gauche fut divisé et dans les deux, avec une
hémiopie droite, il y avait une absence de réaction pupillaire
quand un fin réseau de lumière électrique était projeté sur la
moitié gauche de chaque rétme tandis que la réaction avait lieu
quand la lumière était projetée sur la moitié droite. Chez le singe
et dans plusieurs cas chez l'homme d'hémiopie dépendant des lé-
sions de l'hémisphère, j'ai vu la réaction pupillaire égale quel-
que fut le côté éclairé. Il n'y a aucun ! doute que chez le singe
comme chez l'homme, il y a décursation dans le chiasma. Michel,
dans sa monographie assez récente * maintient toujours le con-
traire, en se basant sur des recherches microscopiques; mais ses
résultats ont été attribués par Singer et Munzer à à l'imperfection
des méthodes d'examens.
Quant à la pathologie de l'amblyopie croisée par lésion du pli
courbe chez le singe, comme les cas semblables chez l'homme, je
ferai allusion à l'hypnothèse émise par Lannegrâce. Lannegrâce
regarde globe oculaire comme innervé par deux faisceaux de
fibres, sensorielles ou optiques propres, et sensitives dans la dépen-
dance desquelles se trouve la nutrition de l'oeil. Les sensorielles ou
optiques subissent la décussation dans le chiasma et se rendent
au lobe occipital ; les sensitives subissent la décussation dans le
pont et s'appliquent aux fibres postérieures de la capsule interne;
elles se distribuent principalement au pli courbe. Les lésions des
fibres sensorielles produisent l'amblyopie et des troubles sensitifs
dans l'oeil. Un pareil résultat se produit dans les lésions du pli
courbe et tient sous sa dépense les changements qui se produisent
dans la nutrition de l'oeil. Cette hypothèse demanderait que dans
tous les cas d'amblyopie par lésion cérébrale il y ait intégrité de
la sensibilité du globe de l'oeil. Mais ce n'est certainement pas le cas;
car, quoique l'amblyopie hystérique est aussi bien une affection de
la sensibilité que sensorielle, il n'en est pas ainsi dans l'amblyopie
consécutive à la destruction du gyrus angulaire. Quoique les affec-
tions de la cinquième paire, qui cause la perte ou un trouble de la
sensibilité de l'oeil, fréquemment amène aussi des désordlcs fo-
' Ueben Sehnerven Degeneration unel ICreu4ztag, 1887.
Beili-age zî41, kenntuiss Seluwrvenkrenzung, 1889. -
LES 'LOCALISATIONS CEREBRALES. 99
phiques de l'oeil, cependant ce n'est pas une chose nécessaire; et
même quand l'oeil est absolument anesthésique, si aucun trouble
trophique ne survient, la vision n'est nullement atteinte. Comme
preuve je m'en rapporterai à deux cas (cas I et cas III) cités par
Hutchinson dans les Ophthalmic Ilospital Reports, vol. IV, 1863-63.
La sensibilité produite par la cocaïne n'atteint pas non plus l'acuité
visuelle de l'oeil.
Ces faits me semblent des objections fatales pour l'hypothèse
de Lannegrâce, et je dis que la seule hypothèse qui semble con-
corder avec tous les faits est que les plis courbes sont plus particu-
lièrement les centres de la vision claire, chacun surtout pour l'oeil
du côté opposé. Que les autres régions de la rétine supérieure,
inférieure externe et interne soient spécialement représentés dans
des régions correspondantes du lobe occipital, suivant les hypo-
thèses de Munk et de Scbafer. On saurait ne dire aujourd'hui quela
chose soit bien prouvée; car même après la destruction la plus
grande des lobes occipitaux, aucune partie de la rétine ne parait
absolument aveugle ; d'où, même si nous admettons que les faits
de l'irritation indiquent probablement une relation spéciale des
différentes portions du champ visuel avec certaines portions de
l'écorce occipitale, cette relation, autant que nous pouvons le
juger par les faits pathologiques et expérimentaux ne parait pas
être exclusive.
Il est vrai que chez l'homme, nous trouvons quelquefois, au lieu
d'une hémiopie générale, des défauts de la vision partielle en qua-
drant, en secteur dans les moitiés supérieures ou inférieures du
champ visuel. Cependant, ce sont des cas d'hémiopie très incom-
plète et peu durable comme dans le cas que je vous montre dans
lequel on peut voir un îlot d'acuité visuelle subnormale dans la
moitié affectée. La pathogénie de ces troubles visuels en forme de
secteurs est un sujet de conjectures. On n'a pas trouvé d'une façon
concluante leur rapport avec des lésions d'une portion particulière
de l'écorce, et l'hypothèse la plus probable est qu'ils dépendent t
plutôt des lésions partielles des radiations optiques plutôt que des
centres eux-mêmes. C'était sans aucun doute là la pathologie dans
le cas auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, car ce trouble arriva
chez un malade qui a eu une soudaine attaque d'hémiplégie avec
hémianesthésie et quelque trouble de la parole.
Il est douteux qu'on ait publié des cas strictement de lésions
corticales du lobe occipital accompagé d'hémiopie sans participation
directe ou indirecte des radiations optiques. Dans la plupart des
cas d'hémiopie qui ont été examinés après la mort, dans lesquels
les tractus optiques, les optic thalami ou les corps gémculés n'ont
pas été évidemment lésés ; on a trouvé des lésions dans les fibres
médullaires de la région postérieure vaguement ou sans raison
dénommes lobe occipital; or. si l'écorce a été grav emen atteinte, les
100 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
lésions ont été multiples et diffuses et non confinées dans la région
occipitale. Et en plus de l'hémiopie, il y a eu de l'hémianesthésie.
de l'hémiplégie, de l'aphasie et d'aulres symptômes dus aux lésions
des tractus cérébraux et des centres dépassent la région occipitale.
Sous ma direction, mon ami et élève le Urlvvens a réuni et analysé
la majorité des cas sinon tous d'hémiopie avec autopsies, avec
lésions cérébrales telles qu'elles n'ont pas certainement compris
d'autres régions. De ces 41 cas d'hémiopie, 13 étaient dus à des
lésions de la région occipito-angulaire, 2 à des lésions des circon-
volutions angulaires et supra-marginale seulement, Ici décrits
comme lésions du lobe occipital seul. De ces 15 il n'y en avait
que 2 (cas de Hun1 et de Doyne 2) dans lesquels il n'y avait ni
tumeur, ni kyste, ni abcès, ni ramollissement de la substance
médullaire de la région occipitale ni une autre lésion atteignant le
thalamus optique; et dans un de ces cas, celui de Doyne, le siège
de la lésion n'est pas décrit avec grand soin.
Dans les autres cas, les lésions étaient diffuses, 6 des lésions
de la région occipito-temporale, 3 des lésions des circonvolutions
occipitales, temporales et pariétales ensemble, le pli courbe étant
atteint dans tous ces cas.
Par suite de la fréquence relative avec laquelle on a trouvé l'hé-
miopie associée avec des lésions du coin et de son voisinage,
Segttin et Nothnagel pense que cette portion du lobe occipital a
une relation spéciale avec la perception visuelle ; tandis que Wil-
brand pense que le centre visuel est plus spécialement dans la
pointe occipitale. Ces hypothèses s'appuient sur des recherches
, expérimentales. Il est probable que l'apparente relation entre les
lésions du coin et l'hémiopie est due à la tendance spéciale de cette
région à être affectée par les troubles vasculaires coïncident avec
des lésions, des radiations optiques de la région temporo-occlpitale.
Dans le cas de Sé¡ ! l1Ïn', qu'il cite à l'appui de son hypothèse, non
seulement le coin était atteint mais aussi la quatrième et la cin-
quième circonvolution temporale et une partie du gyrus de l'hypo-
campe ? On a aussi publié des cas où des lésions non seulement
unilatérales mais bilatérales ont eté trouvées dans les lobes occi-
pitaux sans aucun trouble visuel d'aucune sorte. -
' Amer. Jourt. Med. Science) : , 1887, cas I.
' Ophthal. Soc. Nov. z, 1889.
' '-Tite journal of Nervous and Mental Diseases, vol. XIII, jawier 86.
. Neural, CevlralGlatt., 1887, p. 213.
, Op. cit.
' Depuis la rédaction de cette leçon, un cas a été publié par Dulepine
(Tians. Patle. Soc. Land, May., 20-90) dans lequel une hémiopie droite
était associée à un ramollissement du coin gauche. Dans ce cas, cepen-
dant. il y avait une lésion artérielle généralisée et il y avait beaucoup de
LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 101
Des lésions irritatives du pli courbe donnent parfois lieu à des
illusions optiques ou à des éclairs suivis d'amblyopie temporaire,
comme dans le cas de Hughes Cbennette 1, pendant que des lésions
destructives du pli courbe plus particulièrement dans l'hémisphère
gauche sont généralement associés avec la forme spéciale d'aphasie
sensorielle appelée « cécité verbale » (Kussmaul). La cécité verbale
ne s'accompagne pas forcément de trouble notable des sensations
visuelles, quoique dans quelques cas où la lésion de la région oc-
cipito-angulaire était plus étendus il y avait un degré plus ou
moins grand d'hémiopie droite.
D'un autre côté, l'hémiopie droite pure ne s'accompagne pas
forcément de troubles dans l'idéation visuelle. Ce serait là un argu-
ment contre sa nature corticale. Ce fait, que l'idéation visuelle pus
particulièrement en rapport avec l'association des symboles écrits
et de leur signification est capable de recevoir plus qu'une simple
perception, me semble être un exemple des lois de l'évolution et
de la dissolution des centres nerveux qui ont été si habilement
exposées par Hughlings Jackson dans ses " Croonian Lectures »
faites ici même il y a quelques années (1884). De même que l'évo-
lution se fait du plus simple et du plus stable au plus complexe et
au moins stable, de même le processus destructif annihile d'abord
les manifestations fonctionnelles les plus élevées et en dernier lieu
les manifestations fonctionnelles les moins élevées. Les fonctions
des centres visuels, en rapport avec la simple sensation visuelle
ou la simple représentation, sont plus stables que celles qui com-
prennent l'idéation visuelle ou la représentation, et en particu-
lier que Jes processus si habilement spécialisés et si complexes de
l'association entre les symboles visuels et les choses signifiées.
Donc, une lésion de la zone de la vision la plus claire peut paralyser
l'idéation visuelle, tandis que la simple représentation visuelle peut
être intacte. Pour qu'elle soit aussi abolie entièrement, il faut que
toutes traces du centre donné soit enlevée. En d'autres termes, on
rencontrera plus souvent la cécité de l'idéation que la cécité de
représentation, et la première plus souvent dans ces modes de ma-
nifestation plus spécialisées.
Pour les centres visuels des vertèbres inférieurs, je ne puis pas
citer beaucoup de mes observations et de mes expériences. Le centre
visuel des chiens a été l'objet principal des recherches physiolo-
points circonscrits de ramollissement dans le cerveau. En particulier, il
y avait une petite zone qui avait détruit la plus grande partie de la cir-
convolution occipitale moyenne. Ce cas est donc trop complexe pour
peimettre des conclusions exactes sur les rapports de l'hémiopie et les
lésions du coin en particulier.
' Excessive Sensory, Cortical Discharges and their Effects. (Lancet,
30 mars et 16 avril 1889.)
102 ) PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
giques. Hilzig1, le premier, a noté la cécité de l'oeil opposé par la
destruction do la région occipitale chez les chiens, et en 1881 Goltz
décrivit un trouble de la vision à la suite de lésions destructives de
l'hémisphère cérébral opposé, qu'il ne rapporte pas cependant
spécialement au lobe occipital, rapport qu'il a admis plus récem-
ment. Le trouble en question était, à son avis, non pas une cécité
complète, mais une impossibilité pour l'animal à comprendre et à
interpréter ce qu'il voyait. Il a donné à cet état le nom de hirnseh-
scl1wJche ou amblyopie cérébrale. Elle était entièrement croisée
et affectait seulement l'oeil du côté opposé à la lésion. Munk, dans
ses premières expériences, arrivait essentiellement à la même con-
clusion : que le trouble de la vision, résultant d'une lésion au
point A, fig. 14, n'avait lieu seulement dans lot ! opposé. Dation 2
a aussi trouvé l'oeil opposé aveugle, et d'après toute apparence
d'une façon permanente quand l'écorce était détruite dans la région
de la division postérieure de la seconde circonvolution externe qu'il
appelle la circonvolution angulaire. Luciani et Tamburini, d'un
autie côté, trouvent que la destruction de la seconde circonvolution
externe, plus particulièrement sa portion médiane ou pariétale,
produit une cécité de l'oeil opposé et un certain degré d'amblyopie
de l'oeil du même côté. Les autres expériences de Munk cependant,
comme celles de Loeb3 et de Goltzl, et aussi les dernières expé-
1 ieuces de Luciani, semblent démontrer que, quoique chez les
chiens le centre visuel est principalement en relations avec l'oeil
opposé, il est aussi en relation avec le quart externe de l'oeil du
même côté. Donc, la destruction du centre visuel dans un hémis-
phère paralyse les trois quarts internes de la rétine opposée et le
quart externe de la rétine du même côté. Cet état, après tout sup-
portable, est celui d'un hémiopique homonyme vers le côté opposé :
le trouble dans l'oeil opposé étant beaucoup plus considérable que
dans l'oeil du même côté. Mais les faits rapportés par Luciani et
Tamburini indiquent que, pour un peu de temps seulement, après
la destruction de la portion moyenne de la deuxième circonvolution
externe, il y a une cécité dans l'oeil opposé 6. Et Goltz remarque
qu'il ne pense pas que ces premières conclusions étaient dues il un
défaut d'observation, mais qu'il y avait probablement une diffé-
rence dans ses procédés d'opération. Il parait cependant que nous
avons ici les mêmes rapports que chez les singes, et que, pour un
'Centralblatt f. med. Il'issenscha/'ten, 187î.
' Centres 0/ Vision in the cérébral hémisphères. (Med. Record,,1881.)
3 P/luger's Archiv., 1881.
. Pflüger's Archiv., p. 459.
'Sensv1'ial Localisations in the Cortex cerebri. (BI'ain, vol. VII, 1885,
p. 145.)
' Op. cit.
LES LOCALISATIONS CEREBRALES. M03
moment au moins, après la complète extirpation de la sphère
visuelle, il ya une cécité complète de toit opposé, c'est ce que con-
firment les expériences récentes de llechterew 1, Il trouve que chez
les chiens et les chats il y a deux centres dans l'écorce en rapport
avec la vision : l'un dans la région occipito-pariétate, en rapport
avec les deux moitiés correspondantes des deux rétines, et l'autre
plus spécialement dans la région pariétale, en rapport avec l'oeil du
côté opposé seul. La lésion du premier produit l'hémiopie homo-
nyme ; la lésion du dernier, généralement se produisant avec celle
du premier, produit avec l'hémiopie l'amblyopie de l'oeil opposé
par la paralysie du centre de la vision claire. Cette affection com-
binée fait généralement place après un certain temps à de l'hé-
miopie homonyme; or, au contraire, l'hémiopie disparaît et l'am-
blyopie croisée reste. Les conclusions de l3ecliterew expliquent
entre autres les résultats obtenus par Gilman, Thompson et Sanger-
Brown 2, qui paraissent tout à fait en désaccord avec ceux de Munk,
Goltz et beaucoup d'autres physiologistes. Car ils trouvèrent que les
lésions, d'une étendue et d'une profondeur suffisantes, dans la
partie postérieure de la région occipitale chez les chats et les
chiens, produisent invariablement uni) cécité de l'oeil opposé, sans
aucun trouble de la vision de l'oeil du même côté. Ces auteurs,
cependant, semblent penser que l'étendue de la sphère visuelle est
plutôt une affaire de capacité que de localisation minutieuse ana-
lomique, car ils disent que, pour que la cécité soit permanente, il
faut enlever chez les chats entre 3",5 et 3 centimètres cubes de
substance cérébrale et entre 4",5 et 6 centimètres cubes chez les
chiens. Pour rendre la cécité permanente, l'incision doit avoir au
moins 3 millimètres de profondeur et 2 centimètres de diamètre
chez les chats, et 1 centimètre de profondeur et 3 centimètres de
diamètre chez les chiens, et doit embrasser au moins deux circon-
volutions. De petites lésions produisent une cécité complète de l'oeil
opposé durant d'un à deux jours à six semaines. Ils concluent de
leurs expériences que chez les chats et les chiens, il y a une décur-
sation complote des nerfs optiques dans le chiasma. Ceci est, au
contraire, aux recherches de Von Gudden 3, qui montrent que chez
les chats et les chiens il y a une décursation partielle des tractu-
optiques, et Nicati ° trouvé expérimentalement que la division du
chiasma dans le diamètre antéro-posterieur ou sagittal ne produi-
sait une perte complète de la vision dans aucun oeil. Les récentes
recherches de Singer et Munger, auquel nous avons déjà fait allu-
' Extrait du Neurol. Centralisait. April 1890.
2 Researches of the Lqomis Labaratony 1890.
3 Archives f. Opltthalmologie, 1874. Band. 20.
eli-chiv. de physiologie, 2* séiie, t. V, 1878.
104 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
sion, indiquent qu'il n'y a qu'une décursation partielle dans le
chiasma des chats, des chiens et des lapins.
La limite exacte de la sphère visuelle chez les chiens est toujours
controversée, mais toutes les expériences sont d'accord pour com-
prendre dans cette zone la moitié postérieure de la seconde cir-
convolution externe. = C'est cette circonvolution q*ui par sesréac-
tions électriques correspond chez le singe au pli courbe et au lobe
occipital. Le centre visuel décrit par Munk est représenté dans
la /«</ ! <)*< : 11. Au point 4 situé principalement dans la portion posté-
rieure de la deuxième circonvolution externe de l'oeil il place le
centre de la vision claire (macula lutea) du côté opposé. La portion
moyenne de la zone visuelle avoisinant la faux est le centre de la
moitié interne, la portion antérieure le centre de la moitié supé-
rieure et la portion postérieure, la moitié postérieure, de la rétine
opposée. Il considère la portion latérale comme le centre pour le
quart externe de l'oeml du même côté, il établit que la destruction
de chaque portion produit la cécité dans la région correspondante
de luit du côté opposé ou du même côté, et que c'est seulement
par une fixation anormale de l'oeil ou par l'habitude que l'animal
peut éviter les troubles qui en résultent.
Munk décrit comme les effets de l'extirpation d'une zone circu-
laire de l'écorce dans la région A, mesurant à peu près 1 milli-
mètres de diamètre et 2 millimètres d'épaisseur, un état de la vue
ou de la perception visuelle semblable à celui déjà décrit par Goltz,
L'animal n'est pas aveugle, puisqu'il peut éviter les obstacles,
mais il semble avoir perdu toute idéation visuelle. A cette affec-
tion, il donne le nom de Seenelblinellieit, ou cécité physique, en
opposition à la Rindenblindbeit ou cécité corticale, qui comprend
la perte totale de la vision et de l'idéation visuelle. Comme ex-
plication il dit; ce qui me parait être une hypothèse un peu in-
forme, que l'extirpation delà région en question a enlevé toutes
les images visuelles qui sont emmagasinées dans ce lieu et autour
et que c'est seulement par éducation que l'animal peut de nouveau
réemmagasiner des figures visuelles, nouvelles dans la partie du
centre non détruite. Quelques images cependant moins fragiles que
d'autres peuvent échapper à la destruction générale de cette lésion
iconoclastique. Dans un cas c'est celle du plat dans lequel l'ani-
mal a été habitué à boire, dans un autre, c'est le signe de donner
la patte auquel l'animal à été habitué à obéir.
Goltz a critiqué cette hypothèse dans ces termes amusants :
« Une portion considérable de l'écorce du lobe occipital, est
décrite comme centre visuel par Munk. Mais de beaucoup la plus
grande partie de ce centre est pour lui du luxe. Les « images de
la mémoire (Erinnerzungs biJder) de la perception visuelle sont
pressées ensemble comme les moutons dans un orage dans un
petit endroit qui occupe seulement les deux septièmes de tout le
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 105
centre'visuel. Quand ce petit endroit qui, correspondant à la ma-
cula lutea de la rétine humaine est détruit des deux côtés, l'atii-
mal est d'abord aveugle, et apprend seulement graduellement à
voir comme un petit chien à l'aide du resté de sa sphère visuelle.
Cinq septièmes de la sphère visuelle, une large portion de l'écorce,
semblent placés là pour que si un chien tombé dans les mains
d'un physiologiste il puisse de nouveau apprendre avoir, quand on lui
a coupé toutes les images visuelles. Tous les chiens qui échappent
à ce sort, et depuis la création ils doivent être nombreux, por-
tent toute leur vie les cinq septièmes de leur sphère visuelle,
comme un champ inculte. Quelle chose étonnante que les hypo-
thèses 1 ! »
Même si les différentes portions de la rétine étaient représen-
tées dans les régions indiquées du centre visuel, il est peu proba-
ble qu'elles pourraient être déterminées avec certitude, excepté
par des recherches périmétriques exactes, qui sont naturellement
impossibles chez les animaux inférieurs. La difficulté de pareilles
recherches chez les animaux, est démontrée par l'histoire des ex-
périences de Munk, chez les lapins '. c J'ai enfin pensé que je
pourrais déterminer avec quel oeil le lapin voit mieux et avec
lequel il voit moins bien. En cela cependant, je me suis trompé,
parce qu'il m'est arrivé parfois, que là où par mes essais j'avais
pensé que le trouble le plus grand de la vision était dans l'oeil
gauche, l'autopsie révèle le fait que le tractus gauche et le nerf
optique droit étaient plus atrophés que le tractus droit, et le
nerf optique gauche. »
Loeh, après une série d'expériences soigneuses, dit qu'il n'y a
aucun fondement pour admettre les idées de Munk, que les seg-
ments de la rétine sont en rapport avec des points spéciaux du
centre visuel. Quand un trouble de la vision se produit par lésion
du lobe postérieur, il y a toujours la même hémiopie ou semiam-
blyopie, quelle que soit la portion du centre atteint. La portion la-
térale du lobe n'est pas en relation spécialeavec le centre extrême
de l'oeil du même côté, ni aucune partie n'est pas plus en rapport
avec une portion delà rétine qu'une autre. Eu particulier la vi-
sion centrale est celle qui est la moins affectée dans tous les cas
que la lésion du centre.visuel, soit uni ou bi-latérale. II n'y a
jamais aucune situation excentrique ou anormale du globe oculaire,
quand les régions spéciales indiquées par Munk sont détruites,
comme cela se produirait nécessairement si les portions correspon-
dantes étaient paralysés et le retour de la vision, après des lésions
partielles du centre visuel, n'est pas dû à la pratiqne, nia l'acqui-
' Op. cit., p. 175. `
5 Sitzungsberichte Aked d. ll'issenoch. : Il Berlin, vol. XXXI. 20 juin
1889, p. 631.
106 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
sition d'une nouvelle expérience visuelle, car la guérison se pro-
duit quand l'animal est placé absolument dans l'obscurité et ainsi
mis dans l'impossibilité d'exercer ses facultés visuelles.
Chez les lapins, le centre visuel, suivant l'homologie des réactions
électriques, occuperait la région pai iéto-occipilale, de l'hémisphère.
Les limites exactes de la sphère visuelle chez ces animaux ne pa-
raissent pas avoir été déterminées exactement par aucun observa-
teur; quoique certaines expériences de Moeli' indiquent les lésions
de la région indiquée comme produisant au moins la cécité tem-
poraire de l'oeil opposé. On a supposé que chez cet animal, il y
avait une décussation complète des tractus optiques dans le chiasma
d'autant que les expériences de Brown-Séquard ont montré que la
section sagillaie du chiasma produit une perte complète de la vision
des deux yeux. La décussation totale dans le chiasma du lapin
élait,encore suppoable dans les récentes recherches de Van Gud-
den qui trouva qu'après l'énucléation d'un oeil le tractus optique
opposé était seulement atrophié Mais dans ses dernières recher-
ches il conclut qu'un petit faisceau de fibres non croisées ou di-
rectes existe aussi dans le tractus optique de cet animal, comme
chez les vertébrés plus élevés. Singer et Munzer pensent aussi
qu'il y a une décussation partielle chez le lapin, mais le faisceau
non croisé ne se présente pas comme une bande séparée, mais les
fibres sont plus ou moins éparpillées dans le tractus optique. Chez
la souris et le cochon d'Inde, cependant, la décussation est com-
plète. La décussation partielle du tractus optique dans le chiasma
est en faveur de cette opinion que chez le lapin aussi les deux yeux
sont plus on moins en rapport avec chaque centre visuel; certaines
expériences de Munk viennent à l'appui. Ce point demande
cependant d'autres recherches.
Chez les pigeons et les oiseaux en général, la région homologue
au centre \isuel des animaux supérieurs occupe la partie pari(·lo-
posténeure de l'hémisphère où elle forme une petite bande au-
dessus du corps strié. Me Kendrick 3 a trouvé que la destruction
de cetle région produit la cécité dans l'oeil opposé; tandis que
l'ablation de la partie antérieure ni fabulation de l'extrémité
postérieure de l'hémisphère n'ont aucun effet sur la vision. De
pareils résultats ont été obtenus par Jastrowilz et llisecliold 1.
Blascko, cependant a trouvé que la vision ne semblait pas en-
tièrement abolie dans l'oeil opposé par la destruction de l'écorce
' Irchiu. de physiologie, 1871-72 : Sur les communications de la rétine
avec l'encéphale. ! Archiv. f. Ophthalmologie. Bd. 20, 1874.
3 Traits, roy. Soc. Edinbll1'gh, janvier 1873.
1 Archiu. ? Psychiatrie. Bd. VI, 187G.
Das Sehcentrum bei 7'SM<'f)[,August., 1878.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 107
dans la région indiquée, et Munk conclut que quoique la vision
semble d'abord abolie entièrement dans l'oeil opposé, cependant
ap ès un certain temps. elle réapparaît dans les portions extrêmes
latérales ou externes de la rétine.
On dit généralement qu'il y a une complète décussation des
tractus optiques dans le chiasma chez les pigeons, mais von Gudden
exprime quelque doute sur ce sujet. Singer et Munzer cependant
croient qu'il y a une- décussation complète chez le pigeon Munk
cite en faveur de ses conclusions certaines observations de lliüller
qui montrent que dans la rétine du pigeon il y a en plus de la
fovea cenlrdlis, une autre fovea située plus près de la région tem-
porale de la rétine. Ces foveas externes servent à la vision bino-
culaire, les centrales a la vision monoculaire. Des recherches oph-
thalnloscoplqne3 de Ilirschl)ei ? confirment ces faits.
Il m'a semblé que si aucun oiseau possède une vision binoculaire
c'était le hibou dont les yeux sont placés presque sur le même
plan. Pourélucider cette question, j'ai récemment extirpé complè-
tement l'hémisphère droit d'un hibou. L'oeil droit fut alors fermé.
Le hibou réagit très bien à tous les excitants visuels, et se tient en
éveil à tous les mouvements qui viennent dans son champ visuel.
Cet oiseau cependant, dix jours au moins, restait parfaitement
indifférent à la lumière électrique projetée sur son oeil, à toutes
les menaces, et mis en mouvement il volait en aveugle contre tous
les obstacles sur sa route. Au bout de ce temps, il y eut des signes
de vision mais qu'on trouva dus à une fermeture incomplète de
l'oeil droit. Pour s'assurer si le centre visuel de l'hémisphère gauche
était intact, l'oeil droit fut complètement ouvert. Ceci a eu pour
résultat le retour de la vision de l'animal pour ce qui etait de l'oeil
droit, mais aucune indication de vision ne peut être obtenue de
l'aeil gauche. L'oiseau put poursuivre et enfin atteindre une souris
introduite dans sa cage, quoique la souris s'échappât de temps à
autre en gagnant la gauche du hibou. On enleva l'aeil droit. Alors
il devint rapidement' évident que l'animal n'était pas entièrement
aveugle mais il pouvait voir vers la droite avec la porlion externe
de son oeil gauche. Il clignait aux menaces faites sur sa droite, il
venait au-devant et prenait les morceaux de viande qu'on lui ten-
dait de ce côté, mais il ne visait pas toujours exactement. Cepen-
dant il. poursuivit à travers sa cage et finalement, après beaucoup
de peine, attrapa une souris qu'il dévora en entier. Il n'existe donc
aucun doute sur les rapports binoculaires de chaque hémisphère
chez le hibou. Cependant Michel, comme Singer et Munzer dit qu'il
y a une totale décussation des tractus optiques dans cet oiseau. Si
le fait est exact il s'ensuit que la décussation totale n'est pas in-
compatible avec la représentation binoculaire dans chaque hémis-
phère.
108 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Mes propres expériences comme celles de Munk, IIorsley et
Schufer. montrent que quand les lésions sont strictement limitées
à la sphère visuelle, la vision seule est affectée ou abolie sans au-
cune complication des autres formes de sensibilité spéciale ou gé-
néiale et absolument sans aucune paralysie motrice. Les résultats
contraires obtenus par quelques auteurs sont sous la dépendance
de lésions primaires ou secondaires des autres centres ou tractus
sensoriels ou moteurs. Dans les expériences de Goltz, les troubles
de la vision à la suite de lésions des régions occipitales paraissent
avoir été presque invariablement associés avec d'autres formes de
troubles sensitifs, mais la façon dont il produisait ses lésions n'a pas
été suffisamment définie pour pouvoir exclure toute participation
des tractus sensitifs de la capsule interne ou d'autres régions sen-
sorielles de l'écorce. La question de savoir si, après la destruction
de toute la sphère visuelle chez les animaux supérieurs, homme
ou singe, aucune réaction des impressions rétiniennes excepté celle
de la pupille ne se produit, comme cela a été contesté par Goltz
chez les chiens et par Luciani et Tamburini et Lannegrâce même
chez les singes, n'a pu être contrôlée cliniquement ni par mes pro-
pres expériences ni par celles de Munk sur les singes.
Quoique le singe rendu aveugle par l'extirpation de ces centres
visuels acquiert le pouvoir d'éviter les obstacles, les choses qui l'en-
vironnent habituellement, cependant cela paraît dû plutôt à un
affiuement de ses autres facultés ou à une appréciation plus at-
tentive des impressions faites sur lui par les objets dont il est en-
touré qu'à une sensation visuelle. C'est une question qui deman-
derait de nouvelles recherches, car si les impressions rétiniennes
sont coordonnées avec des actions adoptées à un but dans les
centres subordonnés des vertèbres inférieurs, comme les poissons,
les reptiles et les oiseaux, il est lies possible que des réactions sem-
blables puissent être découveites chez les animaux supérieurs,
même quoique à un moindre degré. 11 est certain cependant que
le centre visuel de l'écorce n'est pas seulement une région ditfé-
renciée fonctionnellement capable de remplacer ou d'être rem-
placée par d'autres régions corticales d'autant que la destruction
des cenlres visuels amène une atiophio des centres optiques pri-
maires, des tractus optiques et des nerfs optiques : et de même la
destruction des réactions optiques amène une atrophie strictement
confinée aux régions comprises dans la zone visuelle. La différen-
ciation d'un centre exclusivement, autant qu'on en peut juger par
les expériences et les observations cliniques, esten faveur de l'hy-
pothèse que les autres facultés sensorielles sont aussi séparément
localisées dans des régions corticales définies.
(A suivre.)
REVUE PHARMACOLOGIQUE
ACÉTAN1L1 DC,
Par M. YVON.
L'acétazzilide ou phénylacétamide a été découverte par Ger-
liardt, en 1835. Ce chimiste l'a obtenue en faisant agir le chlorure
d'acétyle ou l'acide acétique anhydre sur la phenylamine (ani-
line). Mais ce ne sont pas les seules réactions qui puissent
donner naissance à ce corps; il se forme également par l'ac-
tion de la chaleur sur l'acétate d'aniline. L'acide acétique cris-
tallisable peut également être employé à la place de l'acide
acétique anhydre et c'est même le mode de préparation le plus
simple et le plus avantageux au point de vue pharmaceutique.
Voici le mode opératoire que j'ai adopté et décrit antérieure-
ment :
Préparation. Dans un ballon en verre, placé au bain de
sable et en communication avec un réfrigérant ascendant, on
introduit :
HO REVUE PHARMACOLOGIqUE.
de 260 degrés. A ce moment, l'excès d'acide acétique et d'ani-
line est passé dans le récipient : on laisse refroidir et l'on
obtient une masse compacte constituée par de l'acétanilide
impure. Avec les proportions indiquées plus haut, on
obtient 400 grammes de produit.
Avant d'employer l'acétanilide pour l'usage médical, il faut
la purifier par sublimation ou par des cristallisations succes-
sives dans l'eau bouillante, jusqu'à ce que l'eau mère ne pré-
sente plus de réaction acide et ne contienne plus de traces
d'aniline. On s'en assure au moyen de la réaction suivante
que j'ai fait connaître : on opère, soit sur l'eau mère de la
dernière cristallisation, soit sur l'acétanilide que l'on triture
avec de l'eau distillée; on verse dans le mélange une petite
quantité de la solution d'hypobromite de soude qui sert au
dosage de l'urée. Si l'acétanilide est bien purifiée le mélange
reste limpide et coloré en jaune. Pour peu qu'il y ait des
traces d'aniline il se produit un précipité rouge orangé très
abondant et le liquide prend la même couleur. Cette réaction
est d'une sensibilité telle qu'elle se produit encore avec de
l'eau renfermant une demi-goutte d'aniline par litre.
Pour l'usage médical, on devra rejeter toute acétanilide odo-
rante, colorée, ne se transformant pas en un liquide incolore -
lorsqu'on la chauffe sur une lame de platine, non entièrement
volatile, et donnant enfin, avec l'hypobromite de soude, la
réaction que je viens d'indiquer. -
Propriétés chimiques.- L'acétanilide répond à la formule
CI H9 Az ; elle se présente sous forme de paillettes cristallines
blanches, d'un aspect nacré, criant sous la dent, sans odeur;
la saveur est chaude et piquante. L'acétanilide est très peu
soluble dans l'eau; une partie exige 160 parties d'eau pour se
dissoudre. Elle est très soluble dans l'eau bouillante; soluble
dans 3 parties et demi d'alcool, 6 d'éther et 7 de chloroforme.
Elle fond en un liquide incolore à 112 degrés d'après Ger-
hardt. Elle entre en ébullition et distille vers 295 degrés.
Propriétés lhémpeuliques.- L'acétanilide a été introduite
dans la thérapeutique en 1886 par MM. A. Cahn et E. IIeppe,
assistants à la clinique de Kusmaiil, ils l'ont désignée sous le
nom d'aatifébrize qui met en relief une de ses propriétés, et
préconisée comme antithermique puissant dont l'action serait
environ quatre fois plus énergique que celle de l'antipyrinc ; il
en résulterait qu'avec Ogr. 25 centigr. d'antiféhiine on obtien-
drait la même action qu'avec un gramme de ce dernier pro-
ACÉTANILIbE. 111 1
duit; la dose maxima ne doit pas dépasser 2 grammes en
vingt-quatre heures. Les faits annoncés ont été contrôlés par
Fraenkel, puis en France par le professeur Lépine, de Lyon,
qui a étudié en outre l'action de l'acétanilide sur l'homme
sain et sur l'animal. Voici le résumé de son travail et de celui
de ses collaborateurs.
Chez l'homme bien portant, une dose de 0 gr. 25 cent. d'acé-
tanilide ne produit pas d'action sensible; si l'on élève la dose
jusqu'à 0 gr. 75 par jour, on observe le plus souvent une dimi-
nution dans la quantité d'urine et très rarement de la cépha-
lalgie et quelques nausées. A doses beaucoup plus élevées
(4 grammes) et continuées pendant quelques jours, on observe
de la cyanose du visage et des extrémités : cette action dis-
paraît aussitôt que l'on supprime l'administration du médica-
ment, et résulte de l'action que l'acétanilide exerce sur le sang
dont elle transforme l'oxyhémoglobine en methemoglobine,
ainsi que cela résulte des travaux de M. Aubert.
Le sang artériel des animaux soumis à l'action d'une dose
toxique d'acétanilide offre en effet une coloration brun sale, et
l'examen spectroscopique montre l'existence de la bande d'ab-
sorption caractéristique de la methemoglobine. On observe ce
même fait dans les cas d'intoxication par l'aniline. Les glo-
bules sanguins ne sont pas altérés et leur nombre n'est pas
diminué, ce qui autorise à croire que la production de la me-
themoglobine ne résulte pas de la destruction de ces globules.
Lorsque la couleur brune est bien accentuée la diminution de
l'oxygène dans le sang artériel est considérable; elle peut de-
venir inférieure à la moitié de la quantité normale; la fibrine
parait également diminuée.
L'action de l'acétanilide (à la dose de 0 gr. 40 par kilog.) sur
le système nerveux est très nette. Le chien présente du trem-
blement et de la parésie du train postérieur; à dose double,
l'inertie devient complète, l'animal ne bouge plus et ne réagit
presque pas lorsqu'on l'excite. L'excitabilité des troncs ner-
veux périphériques est diminuée. Il résulte de ceci que l'acé-
tanilide possède deux propriétés bien tranchées : une action
antithermique et une action sur le système nerveux; toutes
deux utilisables en thérapeutique.
D'après Moi. Cahn et Heppe, l'acétanilide administrée par
doses de Ogr. 23 (à 0,50) en ne dépassant pas 2 grammes dans
les vingt-quatre heures abaisse énergiquement la température.
L'action se manifeste une heure environ après l'absorption,
112 REVUE PHARMACOLOGIQUE.
atteint son maximum au bout de quatre heures environ et
persiste de trois à dix heures suivant la dose. En même temps
que la température baisse, la fréquence du pouls diminue et la
tension artérielle augmente i.
Le D'' Lépine a également obtenu de bons effets de l'acéta-
nilide dans la fièvre typhoïde et dans un cas de fièvre palu-
déenne grave. Son action doit être surveillée avec soin chez
les typhiques.
Comme médicament nervin, l'acétanilide peut rendre de
grands services. Chez les individus qui n'ont pas de fièvre, elle
ne détermine pas de refroidissement et dans certains cas elle
suspend la douleur et amène le sommeil. Elle exerce une
action marquée sur le système nerveux et principalement
sur la moelle. Le D'' Lépine l'a employée avec succès pour
combattre les douleurs fulgurantes des tabétiques et dit les
avoir vues toujours se calmer comme par enchantement à la
suite de l'administration de une ou deux doses de 0 gr. 50 cen-
tigrammes. Le même auteur l'a employée avec succès dans deux
cas de névralgies, et dans un cas de sclérose en plaques, elle
a diminué le tremblement et augmenté la force du malade.
Tiller a essayé l'antifébrine dans neuf cas d'épilepsie à la
dose de 0 gr. 75 centigrammes par jour en trois fois. Le trai-
tement fut continué pendant quatre mois consécutifs : le mé-
dicament est bien toléré, mais son action ne parait favorable
que dans les cas où les accès sont peu nombreux et encore est-
elle bien moins nette que celle des bromures.
L'acétanilide est en. général bien supportée et son élimina-
tion se fait par l'urine. On peut la retrouver assez facilement
dans ce liquide. Pour cela on agite, ainsi que je l'ai indiqué,
l'urine avec du chloroforme; ce dissolvant s'empare de l'acéta-
nilide; il est séparé et évaporé dans une petite capsule et le
résidu chauffé avec du protonitrate de mercure prend une
coloration verte caractéristique.
On peut encore mélanger l'urine avec un quart de son vo-
lume d'acide sulfurique concentré et faire bouillir quelques
instants : Après refroidissement, on ajoute une petite quantité
d'acide phénique et quelques gouttes de solution de chlorure
' L'on observe parfois de la cyanose lorsque la dose est tiop élevée,
mais ce phénomène déparait aussitôt que l'on cesse l'administration du
médicament.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. Il : 1
de chaux. Il se produit une belle coloration rouge qui passe
au bleu par l'addition d'ammoniaque.
Préparation pharmaceutique. On administre l'acétanilide
finement pulvérisée en paquets ou en cachets dosés à 0 gr. z5 ou
à 0, 50 centigrammes. On peut également l'administrer en so-
lution d'après la formule suivante :
- Acétanilide....... 5 gr.
Ehxir de Garus..... 110
Chaque cuillerée à bouche contient Ogr. 50 de médicament.
REVUE DE PATHOTOGIE MENTALE
I. DE la CIIORLE ET d'autres phénomènes moteurs chez les
aliénés ; par M. KOEPPE : -I, (A1'Ch, f. Psych., XIX, 3.)
Analyse très minutieuse de six observations. M. Kceppen dis-
tingue trois espèces de mouvements chez les aliénés. I. Ceux qui,
quoique paraissant conscients et volontaires, sont purement auto-
matiques. II. Ceux qui tiennent à l'agitation (excitation des centres
sus-corticaux par irradiation corticale). Il[. Ceux qui véritablement
convulsifs peuvent être même épileptoides voire épileptiques. Le
mouvement choréique a pour caractères : de se produire sans
cause spontanément et d'agir au hasard sans coordination :
considérée sous ce jour l'agitation de l'aliéné est parfois très voisine
de la chorée. Les vrais mouvements choréiques des psychoses sont
un élément surajouté à l'aliénation mentale qui émane souvent,
comme celle-ci, d'un même facteur (arthritisme, lactation) : ils
entrent dans leur troisième catégorie. P. K.
Il. Trois cas DE paralysie PROGRESSIVE avec lésion en FOYER dans
H capsule interne ; par Ta. Zacher. (A1'ch, f. P.,ych., alX,3.)
De trois observations décrites avec le plus grand soin, M. Zacher
met en évidence que tous les trousseaux défibres qui partant des
régions antérieures du cerveau traversent toute la capsule interne
occupent le tiers supérieur du genou de celle-ci.
Il en et de même des fibres qui descendent du noyau caudé.
Archives, t. XXI. 8
114 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '
L'auteur insiste sur le peu de,durée de ces hémiplégies malgré les
destructions étendues de la capsule interne; il pense que les lésions
diffuses préalables de l'écorce produisent chez le paralytique
général des conditions qui facilitent le rétablissement de l'équi-
libre fonctionnel d'un hémisphère par le remplacement de l'autre,
ce qui n'a pas lieu pour des cerveaux ordinaires. II invoque aussi
une disposition particulière, -de son observation III, chaque
moitié du pédoncule contenant ici, selon lui, des fibres anato-
miques destinées aux deux moitiés du corps. Enfin la syphilis se
trouve relevée chez deux de ces malades : mais il n'existe, dit
M. Zacher, aucun signe clinique qui caractérise la paralysie géné-
rale syphilitique ; les altérations des parois vasculaires (hyperpla-
sie de leurs éléments, hémorrhagies capillaires) sont insuffisantes
pour permettre de constituer une forme car, outre-qu'elles ne sau-
raient être accusées de tous les désordres de l'écorce, elles se sont
montrées, en l'espèce, très peu accusées dans la région la plus atro-
phiée, celle des ascendantes; de plus, la question des troubles de
nutrition ne saurait être agitée puisque les cellules sont demeurées
intactes. P. 1C ·
III. DE CE QU'ON désigne SOUS LE NOM DE contagion PSYCHIQUE;
parC.WERNER. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLIV, 405.)
Est-ce bien du conl.age comme celui du poison de la rougeole ?
Reprenant les faits publiés et les particularités qui s'en dégagent,
M. Werner obtient un dossier clinique de 45 observations soigneu-
sement analysées. Il y joint un fait qui lui est personnel. Il for-
mule les conclusions que voici :
Il C'est généralement dans la prédisposition héréditaire du contaminé
qu'il faut chercher et que l'on trouve la cause de l'affection psychique;
la psychose du contaminant n'a été que la goutte d'eau qui, à l'instar
d'une émotion terrifiante, a fait déborder le verre. - 2°,Quand on ne cons-
tate pas d'hérédité on note l'existence d'affaiblissement physique et d'un
surmenage quelconque. 3° Un homme bien portant, à cerveau robuste,
demeurera toujours indemne. La preuve en est dans le personnel des
gardiens d'asiles. P. K.
IV. DES traumatismes, DE l'épilepsie ET DE l'aliénation mentale,
' par J. Wagner. (Jahrbttch. . Psych., VIII, 1, 2.)
D'une analyse éminemment clinique des faits connus rapprochés
de cinq observations originales, l'auteur conclut que les équivalents'
psychiques de l'épilepsie, ou l'épilepsie psychique est bien souvent
le résultat du traumatisme et que le mécanisme en est alors ré-
tlexe. Il se pourrait aussi que les accidents psychiques de l'épilep-
sie soient l'effet d'une chute occasionnée par l'épilepsie convulsive
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 'lI7
antécédente. Le vertige épileptique, dont la genèse psychique est
incontestée, parait être réflexe et traumatique; ainsi, parmi les
invalides allemands de la guerre de 1870-71, on comptait 138 in-
dividus qui, après avoir été blessés au crâne accusaient des ver-
tiges périodiqnes d'intensités variables et beaucoup d'entre eux fu-
rent des années plus tard, atteints : de paroxysmes convulsifs ; en
tout cas, il n'en guéritque très peu. Le traumatisme crânien parait L
également influencer les psychoses alcooliques en déterminant des
attaques épileptoïdes et des psychopathies semblables à celles que
l'on rattache d'ordinaire à l'épilepsie; il y aurait peut-être lieu
d'admettre le groupe des psychoses traumatico-alcooliques (une
observation personnelle à l'appui). P. K.
V. DES psychoses intentionnelles, par L. 111EYEB.
(Arch. f. Psych., XX, 1.)
L'émotivité exagérée et l'appréhension déterminent souvent la
folie, soit que le sujet, trop impressionnable, se préoccupe trop
vivement de faits qui se passent autour de lui et le frappent, parce
qu'il redoute d'être à son tour atteint, soit qu'il passe son temps à
examiner ce qui se passe en lui et attribue une trop grande impor-
tance aux idées qui lui trottent par la tête et aux perceptions dont
il est l'objet, par crainte de devenir aliéné; se montrant toujours
inquiet de ce qu'il appelle une anomalie de sa cervelle, il finit jus-
tement, pour ces motifs, par déraisonner. C'est ce que IL Meyer
appelle l'origine intentionnelle de l'aliénation mentale. Le méca-
nisme serait à peu près celui de l'excès de tremblement de la sclé-
rose en plaques, de par l'attention, et des maladresses des jeunes
gens à leur entrée dans le monde. P. K.
DE l'infection psychique; par R. V·OLLE\BEItG.
(Arch. f. Psych., XX, 1.)
La véritable infection psychique se reconnaît aux deux carac-
tères suivants. Il y a réellement transmission à une personne saine
en tous points d'idées délirantes; cette dernière les accepte et les '
fait siennes ; si l'autorité du délirant-contage impose ses idées dé-
lirantes, son départ coincide avec la disparition de celles-ci chez
le délirant contaminé. Mais celte infection ne s'effectue qu'à la
condition qu'il y ait parfait commensalisme des deux parties et
que toutes deux soient positivement séquestrées du monde extérieur.
Le surmenage psychique et somatique, la communauté d'intérêts
et de tendances, d'espérances et de craintes, d'impressions et de
' Voy. Société psychiatrique de Berlin, 10 juillet 1888.
118 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
facteurs nocifs de tous genres jouent ici le plus grand rôle. Ce
concours défectueux n'est nulle part mieux réalisé qu'au -sein de
la famille. P. K.
VII. DE L1 confusion DES PERSONNES dans ses rapports avec la cécité
psychique; par J ,-1. HOPPE. (Alla, Zeitsch. f. Psych., XLIV, fi.)
D'après M. Hoppe, la confusion des'personnes n'est souvent qu'un
mode de la cécité psychique; elle provient en un mot d'un trouble
fonctionnel de l'imprégnation cellulaire, la cellule ne reprodui-
sant plus l'image visuelle de la personne. C'est un phénomène pas-
sager qui se voit fréquemment chez les gens sains d'esprit et bien
portants. "
Définitif chez le dément, ses cellules ne fonctionnant plus, il est
complexe chez l'aliéné, surtout quand la psychose dont il est atteint
n'a pas encore accompli son évolution, parce que la physiologie des
éléments corticaux est loin d'être assise. Néanmoins, toutes les fois
que l'illusion ou le délire n'interviennent pas, il y a lieu de le rat-
tacher à un défaut ou à une excès d'activité de l'écorce, c'est-à-dire
à la cécité mnémonique ou psychique. Après avoir analysé la con-
fusion des personnes au point de vue psychologique, après avoir
envisagé la perception et sa genèse, la sensibilité, la connaissance,
l'auteur passe en revue la confusion psychique, et la confusion
fonctionnelle des personnes. Il examine les faits dans l'ordre des
idées que nous venons de relater. Enfin il consacre quelques pages
à la cécité psychique dans les maladies de l'enfance et les mala-
dies cérébrales. P. K.
V111. Les voix QUI devancent, accompagnent OU SUIVENT la pensée DU
- SUJET chez LEQUEL ELLES SE produisent, ET LE mémoire DE il. Mu
SALOION sur la double pensée ; par HOPPE. (Ally. Zeitsch. ?
Psych., XLIV, 4-5.)
Etude critique de la théorie de Salomon, d'après laquelle la
double pensée consiste en ce que toute conception forme deux
images, dont l'une reste sur le foyer de l'idéation, tandis que
l'autre va se graver sur le centre d'un des organes des sens quel-
conque et revient au siège de l'idéation retrouver celle qui s'est
d'emblée fixée : cette répercussion explique comment le malade
voit un objet auquel il pense revêtir une forme tangible. M. Hoppe
propose la théorie suivante : '
A l'état normal, les léflexions ou la lecture provoque dans les cellules
du cerveau chargées des images verbales, la genèse des mots qui maté-
rialisent les notions éveillées dans l'esprit. Mais nous ne les articu-
lons pas Si la cellule en question est atteinte d'un état de faiblesse ou
d'irritabilité, la sollicitation physiologique se communique aux fibres et
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 117
aux organes de l'articulation. Dans ces conditions nous parlons à haute
voix sans nous en apercevoir. Suivant la modalité de ces irritations, le
phénomène de la décharge va plus ou moins vite. La conscience participe
à ces formes de résonance simultanée involontaire; elle perçoit le son
sollicitateur de l'articulation à la manière des bruits transmis ou des
bruits vagues ou encore des bruits intracraniens. En résumé, la dériva-
tion de la décharge que nous conduisons à notre guise d'ordinaire, peut-
être grâce à l'entrée en scène voulue de fibres d'arrêt, se produit ici
malgré nous. Nous parlons sans le vouloir et en même temps nous per-
cevons les voix cérébrales qui témoignent de la résonance des cellules
imprégnées à tort. P. KERAVAL.
IX. Guérison D'UNE manie SOUS l'influence DE LA diphtérie
pharyngienne; par E. Schuetze. (Arch. f. Psych., XX, 1.)
L'observation ne nous apprend rien de nouveau. C'est à l'in-
fluence de la fièvre et non à l'intoxication miasmatique que
l'auteur attribue la guérison de la psychopathie. P. K.
X. DES TROUBLES DE la connaissance ET DE LEURS rapports avec la
folie systématique ET la démence; par J. ORSCRA,-iSKY. (Archivr
f. Psychiat., XX, 2,)
L'auteur réunit dans un seul groupe les états psychopathiques,
qui ont reçu les dénominations de : désordre avec confusion dans
les idées (\Ville); - démence (Esquirol); - folie systématique
hallucinatoire aiguë (Meynert); folie systématique aiguë primitive
(Westphal); folie sensorielle systématique aiguë (Schùle);
somniation. Ces dénominations doivent leur origine à ce qu'on a
pris pour base de l'appellation les hallucinations (Meynert) ; les
illusions (Schuele), les éléments du délire plus ou moins organisé
(verruektheit; wahnsinn), ou l'affaiblissement général des facultés
(Esquirol). Or elles ont toutes, d'après M. Orschansky, pour base
une profonde obnubilation de la connaissance; aussi la meilleure
expression est-elle celle de somniation qui correspond bien à l'a-
symbolie préexistante. Tandis que les conclusions de l'auteur sont
peu intelligibles, les quatre observations qu'il donne sont ex-
trêmement intéressantes; elles ne démontrent d'ailleurs nullement
la justesse de son opinion. P. K.
XI. Un cas d'hydrocéphalie d'un volume INSOLITE; par F. Tuczek
et A. Cramer. (Arehiv. f. Psychitit., XX, 2.)
Observation concernant un imbécile de quarante-deux ans, il-
lettré, travailleur habile, dontles membres inférieurs, arrêtés dans
leur développement, étaient contractures en flexion. La circonfé-
rence horizontale de la tête mesurait 75 centimètres. Il mourut
d'accidents du décubitus. Type du cerveau hydrocéphale à l'excès.
- 118 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Le microscope révèle que les fibres intrci corticales sont excessive-
ment fines surtout dans la couche zonulaire, et que, des deux
côtés, les faisceaux pyramidaux ont dégénéré. Planche à l'appui.
P. K.
XII. Des TROUBLES MOTEURS QUI présentent CHEZ LES aliénés un CA-
RACTÈRE stéréotypé, ET, en particulier, DE la catatonie; par BIN-
DER. (Arch. f. Psychiat., XX, 3.)
L'auteur étudie la stupidité et les actes cataleptoïdes, empha-
tiques, baroques, monotones des vésaniques et des déments. Il
classe ces accidents automatiques en deux espèces : 1° la catatonie
proprement dite de Kahlbaum dont M. Séglas a fait le procès' ;
2° les attitudes délirantes. Ces deux espèces ont un lien commun,'
car elles apparaissent'de préférence chez les individus imprégnés
de tares héréditaires; elles sont l'expression de l'hérédité. P. K.
XIII. DE l'altération DE l'excitabilité galvanique normale dans la
démence paralytique, par F. GERL.1CH. (Arch. f. Psychiat., XX, 3.)
Examen minutieux de dix-sept paralytiques généraux. Conclusion.
Dans bien des cas, la paralysie générale modifie l'excitabilité gal-
vanique normale des nerfs périphériques, mais cette modification
n'a de valeur diagnostique que dans un petit nombre de cas. P. K.
XIV. La connaissance ET la PERTE DE connaissance. Explication
PSYCHOLOGIQUE; par HOPPE. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLV, 4.)
Revue des différentes théories et des faits de Koch, Wundt,
Leibnitz. P. K.
XV. Contribution L'ÉTUDE DES SIGNES DE la dégénérescence;
par J. METZGER. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLV, 5.)
Il s'agit dans ce mémoire des signes de dégénérescence phy-
sique. Examen du palais, des dents, de l'oreille de 157 aliénés et
de 223 enfants de neuf à seize ans. L'auteur montre que 90, p. 109
des aliénés indemnes de tares héréditaires présentaient des signes
de dégénérescence physique quelconque, tandis que, parmi les
enfants du même genre, 40 p. 100 en étaient porteurs. L'étude
analytique et statistique des divers signes démontre que l'associa-
tion et l'accumulation des signes de dégénérescence physique sont
bien plus fréquentes et bien plus intenses chez les aliénés que chez
les individus psychiquement sains. Il ne faut considérer comme
i
1 Voyez Archives de Neurologie.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 119
vrais stigmates de dégénérescence que les concours de plusieurs de
ces anomalies chez un seul et même individu. P. K.
XVI. DE la théorie DE la folie morale; par H. SCHLOESS.
(Jularbicch. f. Psych. VIII, 3.)
Dix observations personnelles. C'est la débilité mentale qui
constitue le terrain sur lequel évolue la folie morale; cette maladie
est une idiotie morale ou une démence morale suivant que la dé-
bilité mentale est congénitale, héréditaire, ou acquise. Il existe
donc une folie morale symptomatique de la sénilité, de l'épilepsie,
de l'alcoolisme, de la paralysie générale, des psychoses périodiques
et une folie morale symptomatique de la débilité congéniale.
P. K.
XVII. Névralgie ET PSYCHOSE; parJ. WAGNER.
(Jahrbüch. f. Psych. VIII, 3.) -
I. Observation d'aliénation mentale provoquée et entretenue par
une névralgie frontale obsédante; cette femme se croit un animal
dans la tête, le diable dans le corps. II Observation de dys-
thymie névralgique transitoire; accès de névralgie du trijumeau
avec perte de connaissance, hallucinations, couvulsions. P. K.
XVIII. Deux cas DE simulation DE TROUBLE mental;
par DE Krafft KBING. (Juhrbitch. f. Psych., VIII, 3 )
Observation 1. - Simulation de démence et de surdi-mutité. La
supercherie fut découverte parce que l'infirmité était soi-disant
survenue brusquement; puis, au lieu d'écrire les mots qu'on lui
proposait, le 'patient traçait des lettres dépourvues de sens.
Observation IL Simulation de désordre dans les idées avec délire.
Les allures du sujet changent quand il ne se croit pas observé.
P. K.
XIX. Sur la pathologie DE la FOLIE avec délusions (Monomanie) ;
par Joseph Wigldsworth. (The Journal of Mental Science, Octobre
1888.)
L'auteur résume lui-même très sommairement son travail dans
les considérations qui suivent : -
Dans la maladie connue sous le nom de monomanie ou folie
avec délusions, les hallucinations (ou les illusions) sont primitives,
et les délusions sont secondaires, la formation pathologique des
idées suivant dans ce cas la même marche que le processus physio-
logique normal. Ceci semble indiquer que le point de départ de
la maladie doit se trouver dans les tissus nerveux dont les modifi-
- 10 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
cations sont susceptibles de donner naissance à des hallucinations
simples, non compliquées; c'est-à-dire dans le système nerveux
périphérique et dans les centres cérébraux inférieurs. L'entière
conservation de la faculté de raisonner vient aussi combattre
l'idée que la maladie ait pu débuter par les centres supérieurs de
la mentalité.
Certains cas d'ataxie locomotrice, dans lesquels la relation de
cause à effet est claire et incontestable nous montrent avec
évidence qu'une altération du système nerveux périphérique est
parfaitement capable de déterminer la folie avec délusions. Il n'y
a rien d'illogique, a supposer que dans d'autres cas, où le rapport
de causalité est à la vérité moins manifeste, le processus patho-
logique puisse néanmoins être essentiellement le même.
R. M. C.
XX. Aperçus rétrospectifs sur les VINGT-TROIS ANS de MA pratique
psychiatrique; par KOEIlLBR, (Allg. Zeitsch. f. Psychiat. XLVI, 2, 3.)
Série d'améliorations, d'actes d'héroïsme, d'incidents médico-
administratifs dont l'auteur à été le promoteur ou le patient du
milieu de 1865 à 1888. P. K.
XXI. UN cas DE paralysie alcoolique avec lésion centrale;
par K. ScnAFFER. (Ncurol. Cenlralbl., 1889.)
Type de paralysie semblable à celui qu'a décrit DrescIlfeld ;
atrophie des cellules des cornes antérieures ; concrétions amyloides
disséminées dans toute la moelle. P. K.
XXII. Inconscience. Considérations MÉDICO-LliG4LES;
par A. Leppmann- (Ccnt1' £ llbl. f. Nervenheilk. 1889.)
Il s'agit d'un vol commis par un dégénéré, jadis atteint d'agita-
tion maniaque avec désordre dans les idées (deux accès), à la suite
de séjour prolongé dans une chambre imprégnée de vapeur d'al-
cool. Il y alieu,d'aprésl'auteur, d'admettre non l'inconscience mais
l'absence de discernement. P. K.
XXIII. DES FONCTIONS sexuelles ET DE REPRODUCTION, SOIT A l'état NOR-
MAL, SOIT A l'état DE PERVERSION, considérées dans leurs rapport*
avec l'aliénation mentale. I. MENSTRUATION : SES DÉBUTS, ses
irrégularités, sa cessation. Il. instinct sexuel : ses ABUS.
111. Grossesse, parturition, etc. ; par CAMPBBLL CLUtE. (The Jour-
2zal of Mental Science, Octobre 1888.)
L'auteur rappelle d'abord que, de toutes les fonctions organiques,
celles-qui réagissent le plus facilement sur le cerveau sont les
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 121
fonctions de reproduction. Il examine ensuite quels sont les rap-
ports de la menstruation avec les affections mentales; on peut
remarquer tout d'abord qu'il y a toute une évolution mentale qui coin-
cide avec l'évolution organique qui constitue la puberté ; et il faut
noter ensuite que chaque retour de l'époque menstruelle s'accom-
pagne de modifications nerveuses et mentales, variables dans leur
nature et leur intensité suivant les sujets, mais constantes dans
leur existence. '
Il faut rechercher dans quelle mesure le retard ou la non-appa-
rition de la fonction menstruelle peut expliquer le développement
au moment de la puberté, - d'une affection nerveuse ou men-
tale ; l'auteur rappelle les principales maladies observées à ce mo-
ment, mais il ne précise pas les rapports qui existent entre elles
et la puberté, et il passe à l'examen des relations qui existent entre
les irrégularités de la menstruation (aménorrhée, dysménorrhée,
ménorrhagie) et les troubles mentaux. L'aménorrhée peut précéder
de quelques mois l'apparition de la folie, mais elle peutaussi ne se
montrer que plusieurs mois après;[celle-ci. En somme, l'auteur ici
encore ne fait qu'indiquer le sujet sans le traiter.
Passant à l'étude de l'instinct sexuel et de ses abus, l'auteur,
après quelques considérations sur l'influence»du régime alimen-
taire sur la masturbation, et sur l'élévation de température à
laquelle donnent lieu les pratiques solitaires, résume en quelques
mots son opinion, sur les rapports de la masturbation avec la
folie, et il conclut qu'on ne peut rien généraliser en pareille ma-
tière et que si ce vice a certainement contribué à troubler de belles
intelligences, il y a d'autre part un grand nombre d'individus qui
ont pu s'y livrer impunément. Il ajoute que l'on a décrit autrefois
les symptômes d'une folie dite folie des masturbateurs; mais il
estime que ces symptômes n'ont rien de caractéristique. 11 croit
toutefois devoir signaler la remarque qu'il a faite, à savoir que les
actes solitaires sont fréquemment suivis, chez les aliénés, de vio-
lences, d'agitation, ou de tentatives d'évasion.
Dans la dernière partie de son travail, il étudie la folie puerpé-
rale ; mais ici encore, il s'attache plutôt à poser et à préciser les
questions qu'à les résoudre, espérant que l'appel fait àl'expérience
de ses confrères sera entendu. - R. M. C.
XXIV. Folie chronique : quatre cas DE guérison; parS.-A.-K. STR\-
han. (The Journal of Mental Science, juillet 1888.)
Les cas où la folie chronique se termine par la guérison sont
loin d'être communs; c'est pourquoi l'auteur a pensé qu'il y aurait
quelque intérêt à publier les quatre cas qu'il a observés.
Dans trois de ces cas la guérison s'est produite à la suite d'un
transfert du malade d'un asile à un autre. Or, en recherchant dans
122 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
la littérature médicale les cas analogues qui ont été publiés, l'au-
teur a été très frappé que dans deux cas rapportés par le Dr Franci
(The journal of Mental Science, janvier 1887), la guérison avait pa-
reillement été consécutive au transfert des deux malades. Peut-
être y a-t-il là une indication bonne à retenir; on connaît les
modifications favorables qu'apporte quelque fois dans l'état d'un
malade le simple changement de salle dans le même asile; le chan-
gement plus complet encore de milieu qu'implique le transfert ne
serait peut-être pas toujours sans utilité comme moyen de traiter
ment 1, - Dans un autre cas, c'est un autre agent perturbateur,
(la ménopause) qui était intervenu. R. M. C.
XXV. Sur les troubles mentaux liés aux fiançailles; par Geo.-H. z
SivAGP. (The Journal of Mental Science. Octobre 1888.)
M. Savage a été fréquemment consulté pour des jeunes gens des
deux sexes chez lesquels les fiançailles avaient été l'occasion de
l'apparition de troubles mentaux. Ces troubles sont variables ;
cependant, la forme qu'ils revêtent le plus souvent est celle de la
mélancolie, et il n'est pas très rare que celle-ci soit accompagnée
d'idées de suicide. Ils se rencontrent le plus souvent chez des
sujets à antécédents névropathiques. On a quelquefois invoqué la
masturbation comme cause de leur développement ; mais l'auteur
les a observés chez des sujets qui avaient certainement observé
la continence et ne s'étaient nullement livrés à ces pratiques ; il a
même remarqué leur fréquence chez des personnes qui pendant
plus ou moins longtemps s'étaient abstenues des plaisirs sexuels.
La partie de ce travail que l'auteur consacre ri la psychologie
physiologique des jeunes fiancés est traitée avec une très délicate
sagacité; mais elle est faite tout entière de détails ingénieux qu'il
faudrait reproduire entièrement, et qui ne s'analysent pas.
En terminant, M. Savage exprime la conviction que ces troubles
mentaux, pourvu qu'ils soient diagnostiqués en temps utile et
convenablement traités, sont éminemment curables. -
R. M. C.
XXVI. Paralysie générale simulant une tumeur cérébrale , par
G.-Il. SAVAGE. (The Journal of Mental Science. Juillet 1888.)
Il s'agit d'un cas d'autant plus intéressant qu'on rencontre le
plus ordinairement la simulation inverse : la malade était une
1 La pratique si grande des transports des aliénés de la Seine dans les
asiles des autres départements ne nous a fait connaître aucun cas de
guérison. Bien au contraire, on nous a signalé une exacerbation des
symptômes, par suite des chagrins occasionnés aux malades par l'éloi-
gnement de leur tamille et de leurs amis. (B.)
'REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 123
jeune femme de dix-sept ans et demi, chez laquelle le groupement
des symptômes était tel que parmi les nombreux médecins qui l'ont
examinée, il n'y a eu qu'une voix pour admettre l'existence d'une
tumeur cérébrale, laquelle devait être presque certainement située
sur la ligne médiane, au voisinage du plancher du quatrième ven-
tricule. Les antécédents tuberculeux de la malade, l'existence an-
térieure d'un écoulement par l'oreille faisaient penser à une tumeur
ou à un abcès de nature tuberculeuse. L'état pathologique précoce
des deux papilles, la surdité bilatérale, enfin, les vomissements,
étaient autant de preuves à l'appui du diagnostic adopté.
Cependant, à l'autopsie, on constata une adhérence généralisée
des méninges à la couche corticale et une atrophie du cerveau
avec accompagnement des lésions que l'on rencontre communé-
ment dans la paralysie générale. Il est possible toutefois qu'une
méningiteclironique ait été la cause primitive de la maladie, cequi
ajouterait encore à 1 importance de cette observation. \I. C
R. M. C-
XXVII. Un singulier cas DE SUICIDE; par W.-B. TATE. (The Journal of
Mental Science. Juillet, 1888.)
La malade dont il s'agit était âgée de trente et un ans, était
atteinte de mélancolie et avait déjà tenté à plusieurs reprises de
se suicider ; admise à l'asile, elle fut l'objet d'une surveillance
toute spéciale : un malin cependant, en se brossant les dents, elle
réussit à s'introduire dans la gorge le manche de sa brosse à
dents : le corps étranger fut immédiatement retiré de la gorge ;
mais le traumatisme avait suffi pour déterminer une amygdalite
assez intense : au cours de cette affection, la malade fit un jour
spontanément l'aveu qu'elle avait aiguisé une épingle à cheveux
et se l'était introduite dans le nombril; des examens réitérés et
attentifs ne firent découvrir aucune trace de ce prétendu trauma-
tisme, et la malade fut soupçou : ée de mensonge ; la fièvre cons-
tatée chez elle s'expliquait aisément par l'amygdalite ; elle mourut
cependant et l'autopsie révéla que le traumatisme indiqué par la
malade était bien réel : l'épingle avait traversé le mésentère, l'une
de ses branches avait pénétré dans le colon, l'autre dans le psoas ;
l'intestin grêle et une partie du gros intestin étaient le siège d'une
inflammation considérable ; les lésions de la péritonite étaient
nettement accusés, bien que cette affection ne se fût traduite pen-
dant la vie par rien de nettement caractéristique ; on n'avait en
effet constaté que l'accélération du pouls et l'élévation de la tem-
pérature, et l'amygdalite justifiait amplement ces deux signes.
L'examen de l'abdomen pratiqué quotidiennement à la suite de
son aveu, n'avait rien révélé, et tous les symptômes d'ordre intes-
tinal ou péritonéal avaient fait défaut. R. 11. C.
14 REVUE DE THERAPEUT IQ1'E,
XXVIII. La di.athèse névropathique, ou D1 : 1THÈSE DES dégénérés ; par
G,-T, REvi.GTO. (Thejolll'1 ! nl of Mental Science. Janvier, avril et
juillet 1888.) .
Nous ne pouvons qu'indiquer ici cet important travail qui repose
sur deux cent cinquante-huit observations ; il est divisé en quinze
sections, et constitue une étude de détail, bien plutôt qu'une
étude d'ensemble ; aussi l'analyse n'en donnerait-elle qu'une idée
fort imparfaite. R. blUSGRAVE CL.&Y.
R, Mus GRAVE CLAY,
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE
I. QUELQUES essais DE thérapeutique A l'aide DE l'hypnotisme;
par SPERLTNG. (NFZl1'JL. Central6l., 188S.)
Résultats tous marquants, et souvent remarquables, chez'huit hys-
tériques des deux sexes, tous jeunes; quatre observations sont
particulièrement intéressantes, les observations 1 et IV (hystéro-
épilopsie traumatique chez des jeunes gens), et les observa-
tions VU et VU¡ (hystérie consécutive à la malaria et à la fièvre
typhoïde). Conclusions :
Pratiquez l'hypnotisme comme remède ultime. Mais ne le confiez pas à
des mains étrangères. Prohibez-en la pratique extra-médicale. Il a d'ail-
leurs ses indications, ses méthodes, et sa réussite dépend encore de
l'opérateur et de la personne en expérience. Une saine application évi-
tera tous les inconvénients malfaisants de l'hypnotisme. P. K.
II. NOTE SUR l'accumulation DU bromure DE potassium dans
l'organisme; par M. DOYON.
Un enfant épileptique qui prenait de 4 à 8 grammes de bromure
de potassium, étant mort à la suite d'une maladie intercurrente,
on rechercha la quantité de ce sel contenue dans le cerveau et
dans le foie. Dans le cerveau, on en trouva lsr, 934, et dans le
foie 0 ,72. Le bromure de potassium s'accumule donc de préfé-
rence dans le système nerveux central, mais c'est tout ce qui
ressort de cette observation et on ne peut rien en conclure relati-
vement à la toxicité du médicament. (Lyon méd., 1889, t. LX.)
G. D.
REVUE DE thérapeutique. '125
111. Recherches SUR l'influence exercée par LE SOMMEIL SUR LES
échanges interstitiels; par H. LOEHR, (Allg. Zeitsch. f. Psych.
XLVI., 2, 3.)
Série de recherches analytiques avec tableaux et observations.
Conclusions :
Il Le sommeil diminue la quantité de l'urine et des parties constitu-
tives fixes de cette humeur, principalement des chlorures, il ne diminue
que très faiblement l'excrétion de l'urée et de l'acide sulfurique, tandis
que la réaction acide augmente dans des proportions considérables ;
2° le repos au lit exagère la quantité de l'urine émise et, peut-être par
contre-coup, l'excrétion de l'urée, de l'acide sulfurique, de l'acide phos-
phorique, du chlore ; z 3° l'excrétion de l'acide phosphorique, de la
chaux, de la magnésie paraît ne pas être influencée par le sommeil.
P. K.
IV. Contribution A la symptomatologie et A la thérapeutique DE
LA MIGRAINE. MÉTHODE DE TRAITEMENT PHYSIOLOGIQUE DE QUELQUES
névroses ET psychoses chroniques ; par W.-13. NEFTEL. (Arch. f.
Psychiat., XXI, 1.)
La migraine est une névrose vaso-motrice de l'écorce tantôt idio-
pathique, tantôt symptomatique. On en traitera les causes. On
fera surtout subir au malade un entraînement qui aura pour but la
sollicitation des éliminations (exercices, eaux minérales, laxatifs,
courants d'induction, thé chaud). Contre l'accès, on emploiera
l'électricité galvanique à petites doses et, au besoin, la faradisa-
tion ; soyez prudents et procédez par tâtonnements; employez aussi
l'ergotine, le salicylate de soude, la quinine. P. K.
V. Du CHLOR.1LAMIDE COMME NOUVEL HYPNOTIQUE ; pal' S. RADOW. -
DE l'action HYPNOTIQUE DU'CHLORALAMIDE ; par K. SCHAFFER. (Cen-
tralbl. f. Nervenheilk. 1889.)
Cette combinaison de chloral et d'amide formique (C2 H CI' 0,
CHO Az H2), constituée par des cristaux incolores, inodores, de
saveur faiblement amère, est hypnotique, à la dose moyenne de
1 à 4 grammes. Il faut l'administrer dans du pain azyme, du vin,
de la bière, du thé, du vin chaud à la condition qu'il ne soit pas
bouillant. Le sommeil se produit 25 à 30 minutes après; il dure de
6 à 8 heures. Le chloralamide convient surtout à l'insomnie des
alcooliques, des neurasthéniques, des hystériques, mais il n'est pas
sédatif. P. K.
VI. Du BnOMOaIIONIUnI : DE rubidium comme nouvel ANT ! - ÉPILEP-
tique; par H. ROTTENBILLI : n. (iEl2t9'llbl. f. Nervenheilk., 1889.)
C'est un anti-épileptique actif. On en donne successivement
120 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
2 grammes, 3 grammes, 4 grammes, 6 grammes. Il diminue le
nombre des accès et en éloigne les répétitions. Mais il n'en faut pas
suspendre l'administration sous peine de voir revenir les attaques.
- P. K.
VII. Du SULFON.1L; par R. OTTO. (Allg. Zeilsch. f. Psych. XLV, 4.)
Dix-neuf observations.
Ce médicament, d'après l'auteur, calme l'agitation à la condi-
tion qu'on l'administre à petites doses de 50 centigr. (dose totale :
2g ? 50 par jour.) Le sommeil provoqué est réparateur; il est par-
fois suivi d'une légère somnolence qui disparait sans laisser de
traces. On administre le sulfonal pendant quelques jours, puis on
en diminue graduellement la dose. Ce procédé convient surtout à
la démence sénile, à la paralysie générale, à l'épilepsie, à la manie
périodique; il est moins indiqué quand il existe des hallucinations.
P. K.
VIII. Contribution A l'administration ET A l'action DU SULFONAL,
par H. RUSCIIENEYH. (neural. Centralbl., 1888.)
Le sulfonal est un hypnotique qui, administré aux repas, suivant
la méthode de Kast, aux doses de 2 à 3 grammes, exerce une ac-
tion certaine et ne détermine que très rarement des phénomènes
consécutifs désagréables, notamment du côté de l'appareil diges-
tif. P. K.
IX. Communication SUR LES effets DE l'hydrate d'amylène
chez LES aliénés; par H. ScHLOESS. (Jahrbiaclc, f. Psych. XIII, 1, 2.)
En administrant le soir, d'un seul coup en potion 36, 50
de ce médicament, on provoque chez l'aliéné, dans les deux heures
qui suivent, à coup sûr un sommeil de cinq à sept heures; quel-
quefois l'amylène n'agit qu'après l'ingestion continuée de cette dose
pendant deux à trois jours. Il ne faut pas, sous peine de provoquer
du collapsus, en prolonger l'administration plus longtemps; on
alternera alors avec d'autres hypnotiques. Ce sont encore les dé-
ments paralytiques qui le supportent le mieux, à la condition
qu'il ne s'agisse que de combattre leur insomnie. Action sédative
complète dans ces conditions chez un alcoolique, délirant, agrip-
nique, agité. Ni nausées, ni vomissements, ni anorexie. Chez l'é-
pileptique, il n'exerce sur les accès aucune influence à petites
doses (1 gramme). On aura recours à 3 grammes 50 pour combattre
l'état de mal effectué ou en voie de développement. P. KERAVAL.
REVUE DE thérapeutique. '121
X. La méthode DE traitement par l'hypnotisme ET LES NÉVROSES
communiquées; par G. ANTON. (Jah6rïvch. f. Psych., XIII, 1, 2.)
Observation d'une hystérique débarrassée de ses céphalalgies par
l'hypnotisme. Mais elle en arrive à s'hypnotiser elle-même spon-
tanément, de sorte qu'elle présente bientôt des accidents d'épui-
sement nerveux. Par l'eau froide, la tranquillité, la réclusion, on
la ramène à l'état normal au double point de vue mental et soma-
tique. La sensibilité à l'égard des agents hypnogènes, qui était de-
venue extraordinaire, disparaît; l'angoisse, qui s'était montrée,
s'évanouit ; les troubles de la connaissance avec hallucinations
et cauchemar ? , qui faisaient craindre l'installation d'une folie
systématique, cèdent à leur tour. Elle considéraitson magnétiseur
comme un démon puissant et sombre et frémissait d'horreur (sic)
quand elle approchait de personnes le lui rappelant même de loin;
aujourd'hui elle a repris possession de son jugement et de ses allu-
res. M. Anton termine par deux observations remarquables de
grande hystérie communiquée; il insiste sur la surémotivité extrême
de ces malades, et la rapide conductibilité des impressions visuelles
et auditives dont la réflexion sous-corticale et bulbaire (en ce qui
concerne l'acoustique, et les racines motrices de l'appareil d'arti-
culation) ou simplement corticale (en ce qui regarde le nerf op-
lique) expliquent le faculté d'imitation constatée dans l'espèce.
P. K.
XI. DE l'hyoscine chez LES aliénés ; par 0. KLINEE.
(Centralbl. f. Nervenheilk, 1889.)
Soit en injections hypodermiques, soit par l'estomac, l'iodhy-
drate d'hyoscine calme (injections hypodermiques) ou endort (voie
gastrique). Il convient dans tous les cas de procéder par doses gra-
duelles et de ne pas dépasser 3 milligrammes. Ce médicament
paralyse les centres moteurs et sécrétoires, ralentit le pouls et la
respiration, dessèche la gorge, agit comme mydriatrique, paralysé
l'acommodalion et finit par déterminer inappétence et vomisse-
ments. II estindiqué quand il existe : agitation, loquacité, désordre
des actes. Il est contre-indiqué quand il existe une dépression ou
une psychose quelconque récente avec hallucinations sensorielles;
si cependant la dépression est extrême, il en faut donner de hautes
doses. P. KERAVAL.
XII. DE L'EFFET DES doses excessives DE SULFONAL; par F. Fischer.
(Neurol. Cenlral6l., 1889.)
Hébétude, engouement céphalique, somnolence continuelle, las-
situde, vertiges, nausées, vomissements sous l'influence de 10 à
15 grammes par jour du médicament, telles furent les consé-
128 revue DE thérapeutique. i
quences chez un morphinomane, de l'excès de sulfonal, exacte-
ment comme chez les animaux intoxiqués (karst). La suppression
de sulfonal fit disparaître tous les phénomènes. M. Fischer croit
que le sulfonal agit dans l'écorce grise. P. K.
IIII. DE l'action DU courant CONTINU SUR L'OEIL normal ;
par 0. SCHWARZ, (Arc1t. f. Psychiat., XXI, 2.)
Etude. A. De l'excitation galvanique de l'oeil; B. Du courant
continu sur l'impressionnabilité de la rétine par la lumière nor-
male. Il nous est impossible de ne pas résumer les conclusions
techniques de l'auteur.
Le courant continu agit directement sur la rétine ; il agit sur les
cônes de deux façons. On les électrise négativement quand on provoque
un courant ascendant qui va des cellules de la rétine aux cônes corres-
pondants (tonicité catélectrique) ; au moment où l'on change la direction
du courant, ils sont électnsés positivement (tonicité anélectrique) : c'est
pendant la première opération que se produit le phosphène. La tonicité
catélectrique augmente l'acuité du sens lumineux et le sens chroma-
tique ; la seconde diminue ou affaiblit ces deux fonctions. P. K.
XIV. DE l'hydrate d'amylène contre l'épilepsie; par H.-A. WILDER-
- Mura. (Neurol. Cettral6l., 1889.)
Ce médicament est indiqué : 1° dans les états de mat;2° quand
il y a intoxication bromique, pour remplacer K Br.; 3° dans
l'épilepsie nocturne, en l'alternant avec le bromure, ou en l'asso-
ciant à l'atropine; dans Ce dernier cas, on le donnera surtout
quand l'épilepsie est franchement et uniquement nocturne. Il
réussit du reste aussi dans l'épilepsie symptomatique, notamment
dans la poltocencéphalite infantile, et dans l'épilepsie type.
Doses : 2, 4, 5, 8 grammes par jour dans l'eau, chez l'adulte.
P. KERAVAL.
XV. RÉSULTATS DU TRAITEMENT PAR LA SUSPENSION DU TABES DORSAL
ET D'AUTRES MALADIES NERVEUSES CHRONIQUES ; par EULEVDUISG et
Mendel. (Neural. Centralbl., 1889.)
Le traitement a été appliqué sur 40 malades, se décomposant
en : 34 tabétiques (29 hommes, 5 femmes); 1 sclérose en plaque
(femme); 1 myélite chronique (homme); 1 névrose traumatique
(homme); 3 paralysies agitantes (femmes).
' Nombreux tableaux; étude critique complète. Il est impossible,
concluent les auteurs, de se prononcer; le temps d'observation est
encore trop court, et l'expérience trop peu touffue. La suspension
est un procédé de valeur, mais ce n'est pas une panacée. Il faut,
en ce qui concerne le tabes, le ranger à côté des autres agents
SOCIÉTÉS SAVANTES. 111)9
thérapeutiques. Beaucoup de nos malades se croyaient plus amé-
];ores par l'électothérapie que par la suspension et s'empressaient
de revenir à l'électricité. Il est évident qu'elle agit par l'élonga-
tion totale de la colonne vertébrale et de son contenu, mais il est
certain qu'elle n'exerce pas d'action psychique. P. Keraval.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ IiLDICO-YSYCIiOLOGIQUU
Séance du 27 octobre 1890, Présidence DE M. BALL.
Sur la proposition de M. Falret, la Société décide de mettre à
l'ordre du jour de ses séances la question si complexe des aliénés
dits criminels.
M. CHARLII donne lecture de l'analyse d'un travail de M. Mégalhès
Lémos.
De la mélancolie (suite de la discussion). M. Charpentier
fait une communication sur une forme de mélancolie particulière
aux prévenus et condamnés. Il y a lieu d'admettre, selon lui, chez
certains prévenus ou condamnés une mélancolie, spéciale, non anté-
rieure au délit, sans rapport avec lui, mais liée entièrement à la
crainte des effets de la condamnation. Cette mélancolie consiste dans
un mélange d'éléments vrais (tristesse, crainte, désespoir) et d'élé-
ments surajoutés (excitation etconfusion intellectuelle). Elle peut ten-
dre a la mélancolie suicide. Elles' associe d'ordinaire aune faiblesse du
sens moral et à de la fourberie. Les malades qui guérissent tom-
beut quelquefois dans la manie raisonnante, conservent toujours
de la haine contre les institutions sociales de leur pays et ont une
grande tendance aux idées révolutionnaires.
Cette mélancolie disparaît rapidement dès que le sujet a des
raisons d'espérer sa mise en liberté. Les liaisons intimes entre son
amélioration et l'espoir de la liberté, entre son aggravation et la
perte de cet espoir expliquent les rechutes et rendent compte des
contradictions apparentes qui existent entre le médecin qui exa-
mine le malade en prison et celui qui le soigne dans un asile. : lncuw.·, t. \Xf. 9
130 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Suicides multiples ; Responsabilité du survivant. M. P. Garnier.
Aujourd'hui, nos lois criminelles absolvent le suicide, maislajuris-
prudence punit la complicité. Ayant été plusieurs fois commis il
l'effet d'examiner l'état mental de sujets ayant survécu à un double
suicide auquel ils avaient collaboré, je me suis demandé si cette sur-
vie, qui n'est en général que le fait du hasard, entraîne réellement
la responsabilité du survivant et si l'on ne se trouve pas plutôt en
présence d'un désarroi moral, d'un véritable état mélancolique.
Une femme est accusée d'avoir tenté de donner la mort à son
enfant avec lequel elle a cherché à se suicider. Avant l'acte qui
lui est reproché, elle n'a jamais manifesté l'intention de se suici-
der ; elle se plaignait seulement de troubles névropathiques et était
sujette à des accès de découragement au cours desquels elle éprou-
vait un entraînement incurable à boire. Son enfant lui ayant dit.
qu'il aimait mieux mourir que de vivre avec son père, elle accepte
cette résolution, absorbe une certaine quantité d'alcool et depuis
lors n'entrevoit plus qu'a travers un épais brouillard la nuit passée
au bord de la Marne, son entrée simultanée dans l'eau avec son
fils et son sauvetage. Dans de semblables conditions, il ne me
semble pas que cette femme ait pu apporter dans l'accomplisse-
ment des actes qui lui sont reprochés cette lucidité et cette volonté
que comporte lasanction pénale. Au moment où elle a agi, c'était
une malade régie pour des impulsions morbides, non consciente
d'elle-même et par conséquent irresponsable. Nos conclusions
furent acceptées et il y eut une ordonnance de non-lieu.
M. Garnier rapporte une seconde observation ayant trait à une
autre femme inculpée d'homicide sur la personne de son fils de
dix ans, avec lequel elle a voulu aussi se suicider. Les renseigne-
ments obtenus sur son compte la représentent comme une per-
sonne indolente, apathique, intempérante, d'un caractere suscep-
tible, ombrageux, irritable. Au moment de l'examen médico-
légal, tout en elle traduisait un sentiment de torpeur physique et
morale. Elle n'avait pu, disait-elle, supporter les difficultés de la
vie. Incapable de supporter l'ostracisme dont elle était l'objet de la
part de ses parents, elle accepta avec empressement l'offre que lui i
laisait son fils de mourir avec elle. C'est dans ces conditions qu'elle
faisait une tentative d'asphyxie par le charbon. M. Garnier a cru
pouvoir conclure qu'au moment du suicide, la malade était sous
l'empire d'un trouble mental réel. Les conclusions furent confir-
mées par la mort de cette femme, qui a succombé quelques mois
plus tard à l'asile de Sainte-Anne, dans le marasme mélancolique.
M. 8.
Séance du 23 novembre 1890.
Les intoxications cl la paralysie générale (suite). M. A. Voisin
reproche M. Charpentier d'employer l'expression paralysie gêné-
SOCIETES SAVANTES. d31
v z
raie sans le faire suivre du qualificatif des aliénés, ce qui peut
causer une confusion dans laquelle tombent tant de médecins, en
donnant le nom de paralysie générale à des états qui ne rentrent
pas dans le cadre de la paralysie générale des aliénés. Notre
collègue, ajoute M. Voisin, admet comme paralysies générales des
états morbides liés à la pellagre, à l'alcoolisme, au saturnisme, à
J'hydrargirisme, à la syphilis et il des auto-intoxications issues du
diabète, de la goutte, de l'artLrUis, etc., et, rejelant pour ces para-
lysies la lésion sclérosique interstitielle caractéristique de la para-
lysie générale des aliénés, il déclare que dans son groupe c'est la
cellule cérébrale intoxiquée qui détermine l'irritabilité du tissu
interstitiel et le fait proliférer.
M. Charpentier s'attache à montrer que la paralysie générale ne
se développe pas d'ordinaire chez les anémiques d311s les folies
chroniques, dans l'hystérie, mais ces faits négatifs viennent il l'ap-
pui de ce que nous savons, c'est-à-dire du lôle important de l'élé-
ment congestif dans la paralysie générale des aliénés. Les fous
chroniques sont tous plus ou moins débilités; l'hystérie n'est-elle
pas liée à la chloro-anémie ? Enfin, je ne reconnais pas dans le tra-
vail de notre collègue, la paralysie générale que nous voyons tous
les jours et,de plus, je reproche de laisser systématiquement de côté
l'anatomie pathologique, l'histologie et les recherches de labo ra-
toire.
M. Charpentier répond que, parlant à des aliénistes, il ne saurait
y avoir confusion dans l'esprit de personne sur la paralysie géné-
rale des aliénés qu'il décrit; il n'a pas fait intervenir l'histologie
dans la discussion, parce qu'il n'est pas histologiste. Pour lui, la
cellule cérébrale doit flotter dans une atmosphère de vaisseaux. les
uns allérents et les autres efférents. Quand le fonctionnement de
ceux-ci est tloublé, il peut y avoir dans la cellule encombrement de
matériaux toxiques qui vicient à leur tour son fonctionnement.
M. ]<'AL1U,T, Il peut se faire que la paralysie générale survienne
chez des rhumatisants ou des typhiques; la question n'est pas là.
Il s'agit de savoir s'il existe une relation de cause à effet entre les
maladies infectieuses et la paralysie générale. Rien ne le
prouve.
M. MARANDON DE nIONTYEL pense que les paralytiques généraux
par intoxication de M. Charpentier sont des congestifs chez les-
quels une maladie infectieuse a pu mettre en activité une ten
dance jusqu'alors latente.
M. Charpentier réplique qu'il n'est pas à même, dans l'état
actuel de la question, de renverser les objections qui lui sont
opposées, mais cela n'entralne pas la négation des faits qu'il a a
avancés.
M. 13RIANo ne \ oit au premier abord aucun rapport entre une
maladie infectieuse quelconque et la paralysie générale, mais il ne
132 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nie pas systématiquement l'étiologie de\L.Charpentier. Une statis-
tique bien conduite résoudrait seule la question : si elle établit
que la plupart des paralytiques généraux ont des antécédents infec-
tieux, l'opinion de M. Charpentier pouira être défendue; si, au
contraire, elle prouve que les paralytiques généraux ne sont ni
plus, ni moins diathésiques que les autres aliénés, l'opinion de
M. Charpentier ne devra être considérée que comme très ingénieuse.
M. Cnmsrmn ne serait pas convaincu par la statistique. On sait
en effet que la paralysie générale se développe surtout entre trente
à trente-cinq ans. Or, à cet âge qui est-ce qui n'a pas eu l'une ou
l'autre désaffections étiologiques de M. Charpentier ?
M. Bouchereau ne veut pas intervenir dans la discussion; il se
borne à faire remarquer que, si l'on a souvent observé des pilla-
greux présentant des phénomènes paralytiques, on ne rencontre
pas chez eux la paralysie générale des aliénés, mais une forme
spéciale de paralysie. M. B.
xv. CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET AL1G\IS'CI : S
DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST
SESSION DE IIADE-LES-B.\I\S
Séance du 7 juin 1890. - Présidence DE M. Erb.
La séance est ouverte par les paroles de bienvenue de M. SCIIUELE
(d'Illenau), curateur-organisateur.
M. )JnD fait une communication sur ¡'ataxie héréditaire. Il pré-
sente au Congrès deux enfants, deux fillettes, de onze et douze ans,
atteintes depuisquatre et cinq ans d'ataxie des membres inférieurs
avec titubation (absence du signe de Romberg), d'ataxie des mains
(difl'érenciable du tremblement intentionnel ; d'alaxie linguale
caractérisée par de la lenteur dans l'émission des mots et du
bégaiement avec mouvements associés et tremblements convulsifs
des muscles de la bouche et de la face (la parole n'est pas scandée),
d'ataxie laryngée (voix bitonale). Absence de nystagmus; intégrité
despupilles et des muscles des yeux; conservation des réflexes ten-
dineux fort actifs, persistance normale de tous les modes de la
sensibilité, de la force musculaire, de l'excitabilité électrique, des
fonctions spninctéiiennes. Pas de symptômes cérébraux. Jusqu'à
nouvel ordre, il y a lieu de ranger ces deux observations dans le
cadre de l'ataxie de Friedreich.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 133
M. BOEU\1LER (de Fribourg). Présentation d'un cas d'affection
chronique de la moelle avec ataxie inhérente ci des troubles très pro-
noncés de la sensibilité.- Il s'agit d'un homme de quarante-quatre
ans qui auraitété paralysé des quatre membres à la suite de contu-
sions duhcorps entier (sous la roue d'un moulin). La sensibilité est
actuellement diminuée dans tous ses modes; c'est à cette anomalie
qu'il faut attribuer l'ataxie. Cette incoordination sensorielle fait
penser à une syringomyélie ; mais. comme il n'y a pas d'atrophie,
il y a lieu d'admettre une affection des cordons postérieurs et laté-
1 aux de la moitié droite de la moelle.
Discussion. M. EnD. Ce cas constitue un excellent document
contre la théorie de l'ataxie sensorielle. En effet ce malade, malgré
les troubles prononcés de la sensibilité cutanée et du sens muscu-
laire, présente, qu'il ait les yeux ouverts ou fermés, une parfaite
certitude dans les mouvements. Or, un véritable ataxique serait
incapable, dans ces conditions, de tracer un cercle parfait, de former
lisiblement les lettres de son nom. Qu'il n'ait pas toute l'assurance
voulue, qu'il ne jouisse pas exactement de toutes les facultés de
localisation quand il a les yeux fermés, cela est évident, mais ce
sont justement ces éléments qui sont imputables aux troubles de
la sensibilité. Duchenne les a décrits; ce n'est pas de l'ataxie. Ils
n'ont d'ailleurs rien à faire avec l'ataxie spinale du tabes et ne sau-
raient servir d'arguments à la théorie sensorielle de l'ataxie tabé-
tique ; pourquoi qualifierait-on d'ataxique toute incertitude, tout
trouble de coordination des mouvements volontaires ?
M. Laquer (de Francfort).-De l'athélose dans le tabes. L'orateur
communique deux observations. La première a trait à une femme
de cinquante-un ans présentant depuis huit à dix ans les accidents
suivants : névralgies spinales douleurs en ceinture crises gas-
triques dysurie ralentissement de la sensibilité à la douleur
- signe de Homberg - atrophie du nerf optique droit. C'est le
pied et l'orteil qui furent plis de mouvements d'extension et de
flexions incoercibles même pendant le sommeil, présentant tous les
caractères de J'athétose, Depuis trois ans, la malade est impotente
en raison des progrès de l'ataxie.
Le second ca., concerne un fonctionnaire de trente-six ans.
Atteint de syphilis il y a huit ans, il présente, depuis cinq années,
de l'ataxie, de la paralysie de la vessie et du rectum, des douleurs
fulgurantes, de l'analgésie, de l'impotence génitale, la disparition
des réflexes tendineux. Intégrité de l'intelligence, delà parole, des
nerfs crâniens, des nerfs optiques : sensibilité bilatérale des pupilles.
On constate depuis six mois des mouvements lents, monotones,
presque grotesques des pieds et des orteils, mouvements continus,
nuit et jour. Il ne s'agit pas là de chorée, car les mouvements sont
-rythmiques et spasmodiques.
134 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Dinkler (d'Heidelberg). Contribution Ii l'étude de la scléro-
dermie. Les trois observations dont il s'agit portent sur la scléro-
dermie diffuse, la sclérodermie circonscrite et la sclérodermie
circonscrite en train de devenir diffuse. Intégrité macroscopique,
clinique, et microscopique du système nerveux, artérite des artères
de la peau. Ce sont les vaisseaux qui jouent le rôle principal; ce
sont eux qui sont les premiers atteints; enfin il n'y a que cer-
taines branches artérielles qui soient affectées. Préparations micros-
copiques et photographies à l'appui.
M.Moos (d'Heidelberg). De lu néoplasic vasculaire dans le laby-
l'inthe memb1'allcuxpl'oduite par les bactéries.- Les bactéries exercent t
sur le liquide du labyrinthe et ses éléments une action mécanique;
il le coagulent. Si les conditions sont favorables, la coagulation
peut cesser; mais il peut aussi arriver que la masse se transforme
en tissu ostéoide ou en véritable tissu osseux, d'où l'oblitération
ossiforme du conduit, notamment d'un des canaux semi-circulaires.
C'est que l'on trouve à la suite des maladies infectieuses, dans GO
à 70 p. 100 des nécropsies. L'orateur présente à l'appui de cette
assertion trois préparations provenant du cadavre d'un enfant mort
de diphthérite scarlalineuse. La division des noyaux des éléments
du liquide coagulé peut aboutir à la formation de cellules géantes
qui, à leur tour, engendrent des vaisseaux de nouvelle formation.
On sait, en effet, que l'espace cndol) mphatique en question ne
contient normalement pas de vaisseaux. Quand les microorga-
nismes arrivent en masse dans l'organe, des éléments de ce dernier
se nécrobiosent ou se nécrosent et le canal semi-circulaire subit
une déchéance irrémédiable. S'ils n'envahissent que lentement
l'oreille interne et si le nombre n'en est que faible, la néoplasie
vasculaire eudolymphatique engendre une néoplasie vasculaire
périlympliatique. L'orateur en montre un exemple emprunté à un
enfant mort de diphthérite scarlatineuse.
M. SCHUELE (d'Illenau). De l'influence de l'onde menstruelle sur
l'évolution des affections psychiques du cerveau. L'orateur rapporte
une série d'observations de folie circulaire et périodique qui ont
paru subir une influence de certaines lacunes dans l'onde mens-
truelle et intermenstruelle. Ce travail est intégralement publié
dans I*Allgc711. Zeilsch. f. Psychiat 1,
' On en trouvera l'analyse aux Revues analytiques.
SOCIÉTÉS SAVANTES. z135
Séance du 8 juin 1890. Présidence de M. last.
Bade-les-Bains est de nouveau choisi comme lieu de prochaine
réunion. Sont nommés curateurs-organisateurs MM. Bir;UVL6R et
F. FISCHER.
M. FREY (de Bade-les-Bains). - De l'importance des bains de su-
dation dans le traitement des névralgies dues à l'influenza. Il est
évident que le bain de sudation provoque un complexus physio-
logique, analogue à celui de la fièvre (élévation de la température
accélération des échanges nutritifs modification de la pres-
sion du sang) (A. Frey); d'autre part, Fodor a constaté que l'hy-
perthermie accroit le pouvoir bacillécide du sang artériel. Or,
l'influenza est une maladie infectieuse, produite par des microorga-
nismes ; il est en outre très probable que les névralgies consécutives
à l'influenza tiennent à des altérations des gaines du nerf irritées
par les micro-organismes eux-mêmes ou par leurs produits de dé-
composition. De là, le succès dû aux bains de sudation dans l'im-
mense majorité des cas.
M. Manz (de Fribourg) communique au Congrès l'état anatomique
d'un oeil de lapin et d'un oeil humain affectés d'un coloboma du nerf
optique. Voici les particularités des plus importantes que l'on cons-
tate sur une section perpendiculaire du nerf optique à son point
d'entrée dans le globe oculaire. La lame criblée étant demeurée
normale, le nerf occupe la région externe et supérieure de l'infun-
dibulum, son diamètre est un peu inférieur à la moitié de l'exca-
vation en question, sa structure est restée normale, aussi normale
qu'en arrière de la région qui nous occupe, mais on n'y trouve ni
artère ni veine centrale, c'est dans lesegmentinférieur de l'insertion
oplico-pupillaire que l'on trouve de nombreux vaisseaux à parois
plus ou moins épaisses dont la lumière est généralement large.
Leurs branches projetées en plein coloboma, au-dessous du nerf
optique, gagnent la rétine en haut ou en bas. Les fibres nerveuses,
après avoir traversé la lame criblée, se placent presque toutes dans
la partie supérieure de la membrane nerveuse, de sorte que le
bord inférieur du coloboma, formé par la sclérotique, est séparé du
nerf optique, sans intermédiaire d'éléments nerveux, par un collet
tranchant. Il existe par suite entre le nerf optique et le coloboma
un entonnoir très large constitué par des mailles de tissu conjonctif
qui communiquent avec la gaine de la dure-mère ainsi qu'avec la
lame criblée ; d'autres communiquent entre elles. Il s'agit donc, en
l'espèce, d'un coloboma de la gaine du nerf optique, produit par
le défaut d'oblitération de la lente foetale de l'oeil à sa partie pos-
térieure.
L'orateur traite aussi de la persistance de fibres nerveuses à myé-
line dans la rétine chez des névropathes et des aliénés. C'est une
136 SOCIÉTÉS SAVANTES.
anomalie excessivement rare, car si l'on fait le recensement de
600,000 individus affectés de maladies des yeux, on ne.la voit men-
tionnée que 154 fois. M. Manz a personnellement examiné à
l'ophlhalmoscope les malades de l'asile de Fribourg; sur 113 hommes,
il a trouvé des fibres à myéline dans la rétine, chez 4 d'entre eux
tantôt sur un oeil, tantôt sur les deux yeux. Or, ces quatre individus
étaient des psychopathes et des aliénés héréditaires. Remarquez ce-
pendant que cette anomalie est plutôt une hyperplasie qu'une
malformation; du moins c'est ce qu'il est permis de supposer en
l'absence d'autopsies. Wollenberg dit l'avoir surtout rencontrée
chez des alcooliques. Mais elle se rencontre également chez des
sujets indemnes de toute névrose ou psychose.
M. Edinger (de Francfort). De quelques systèmes de fibres du
cerveau moyen.-En cherchant, il y a deux ans, les systèmes de fibres
du cerveau antérieur communs à tous les vertébrés, M. Edinger
s'est heurté à de grandes difficultés, à cause de la complexité de
cet organe chez les reptiles et chez les oiseaux, notamment en ce
qui concerne les couches optiques et leurs relations avec le cer-
veau antérieur. 11 s'est efforcé de résoudre les questions pen-
dantes, en comparant les éléments en question chez l'embryon et
chez l'adulte. Les mêmes matériaux lui ont révélé des faits intéres-
sants à l'égard du cerveau moyen. Ces faits, les voici :
Le toit du cerveau moyen est partout représenté par une lame
épaisse qui forme une voûte sphéroidale chez les amphibies, les
reptiles et même les sélaciens; chez les poissons osseux et les oi-
seaux, elle entoure des deux côtés la base du cerveau d'une sorte
de coupe qui s'étend jusqu'à la base du crâne. Presque toujours,
un sillon supérieur antéro-postérieur divise le toit en deux moitiés :
tubercules bijumeaux, lobes optiques, etc.
La partie antérieure du toit forme chez tous les animaux une
lame transversale, creusée d'une gouttière dans laquelle est cou-
chée la commissure postérieure. Celle-ci est commune à tous les
vertébrés. Ses fibres sont partout myéhniques, et la myéline y ap-
paraît plus tôt que dans la plupart des autres systèmes. Chez les
jeunes poissons osseux, chez les larves d'amphibies, chez les jeunes
torpilles, il apparaît nettement qu'une petite partie de la com-
missure provient des fibres entre-croisées des territoires cérébraux
immédiatement adjacents au cerveau moyen. Mais la plus grande
partie de la commissure est foimée de fibres commissurales que
l'on peut suivre sans aucun doute à cet égard chez les vertébrés
inférieurs, jusqu'aux derniers noyaux du bulbe. 11 est probable
qu'elles descendent dans la moelle, car, dans les points mêmes des
coupes antéro-poslérieures, où l'on eu constate la ramification, des
faisceaux qui subsistent ont encolle une certaine épaisseur.
Seule la commissure occupe le toit du cerveau moyen; ses
SOCIÉTÉS SAVANTES. 137 "
branches latérales descendent dans la base de cet organe. En
dedans d'elles sont des faisceaux longitudinaux postérieurs, des
fibres commissurales avoisinent ces derniers; en dehors des fibres
commissurales, on trouve des fibres blanches de la couche nndul-
laire profonde. Ces dernières proviennent du toit.
Pratiquons une coupe antéro-postérieure à travers le cerveau
d'une larve d'amphibie, de celle de l'axolott, par-exemple, qui
est la plus grande de toutes. Les diverses douches de cellules ner-
veuses et de la névroglie qui sont contenues dans le cerveau moyen
donnent surtout naissance à deux systèmes différents de fibres. Le
- plan supérieur contient les racines du nerf optique; le plan infé-
rieur, les fibres de la substance blanche profonde; les libres des
nerfs optiques viennent d'arrière en avant gagner la région anté-
rieure du cerveau moyen et descendent à la base dans le chiasma
Les décrire plus à fond serait répéter les travaux de Bellonci.
Tous les vertébrés possèdent une substance blanche profonde du
cerveau moyen ; chez tous, c'est le premier système de fibres qui
soit pourvu de fibres myéliniques, si l'on excepte les fibres origi-
nelles des nerfs crâniens et spinaux et quelques systèmes de la
moelle elle-même, ce n'est que chez les mammifères que la myé-
line vient revêtir d'autres systèmes avant celui qui nous occupe.
L'étude du développement des manchons myétmiques vient, de
concert avec la méthode des atrophies, montrer qu'il s'agit là
d'un système tout différent de celui du nerf optique.
D'une manière générale, on peut dire que la substance blanche
profonde émane de la substance grise du toit; elle forme des tractus
transversaux par rapport a l'axe et gagne, il la base, les fibres arci-
formesqui entament l'aqueduc du Sylvius. Les fibres latérales se di-
rigent en arrière pour descendre sous la forme de ruban de Reil
dans le bulbe latéral. Dans le point où elles se détournent existe un
ganglion, le ganglion profond du mésocéphale, noyau du ruban de
Reil. Une seconde partie de fibres, lui-même divisé en un segment
latéral et en un segment médian, passe de l'autre côté; ce faisceau
entre-croisé descend en s'entre-croisant avec le ruban de Reil. Le
rapport numérique des fibres non entre-croisées et des fibres entre-
croisées varie selon les divers animaux. Près de la ligne médiane, de
chaque côté, au milieu même des fibres qui s'entre-croisent existe
un autre ganglion, le ganglion profond médian du mésocéphale.
Existe-t-il des fibres commissurales directes faisant communiquer
la moitié droite et la moitié gauche du ceneau moyen ? La chose
est incertaine.
Chez les poissons osseux et chez les sélaciens, les fibres entre-
croisées de la substance blanche profonde sont côtoyées par des
fibres dont on ignore l'origine; elles ne gagnent pas le ruban de
Reil, elles occupent un plan inférieur tout près de la ligne mé-
diane et descendent on ne sait où.
138 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Le toit du cerveau moyen contient aussi une commissure de
fibres fines appartenant a la substance blanche profonde. On l'a
souvent confondue avec la commissure postérieure, mais l'époque
à laquelle elle se développe etle calibre de ses fibres la difféiencient
de cette dernière.
On s'est souvent demandé ce que deviennent les fibres entre-
croisées de la substance blanche profonde du toit du cerveau moyen
chez l'homme (entre-croisements de la calotte de Meynert et Forel).
Il est évident, certain, que, chez les vertébrés inférieurs, elles vont
dans le ruban de Reil de l'autre côté. Le ruban de Reil des tuber-
cules quadrijumeaux se compose donc d'un fai-ceau homolatéral et
d'un faisceau croisé.
Discussion. M. STCINER. Les résultats de M. Edinger concor-
dent avec ceux de mes recherches chez les poissons et les reptiles.
M. I\OEPPN a constaté exactement les mêmes rapports que ceux
que vient de décrire M. Edinger, chez les lézards.
M. Jolly (de Strasbourg). Des allures électriques des nerfs et des
muscles dans la maladie de Thomsen. - L'orateur a constaté la
réaction myotonique de Erb chez un de ces malades. Si l'on répète
plusieurs fois l'excitation cette réaction diminue. Que l'on provo-
que la tétanisation du nerf (contraction allongée) ou que l'on con-
vulsive le muscle en déterminant la persistance de la contraction
musculaire par t'excitation directe de ce dernier, le résultat reste
le même. Le muscle réagit donc sous l'influence de ces excitations
comme sous l'influence de l'excitation volontaire. Celle-ci, en effet,
se traduit d'abord par des contractions persistantes, puis par des
contractions normales. C'est donc plutôt dans un trouble des
échanges chimiques intramusculaires que dans des modifications
anatomiques qu'il convient de chercher la cause de ce phénomène.
M. Koeppen (de Strasbourg). Du sens de la force. Voici les
résultats obtenus chez les hémiplégiques à l'aide du kinesthésio-
mètre 011 leur met les sphères dans la main paralysée ;
les uus qualifient de lourde une sphère légère, les autres taxent de
légère une sphère lourde. La première estimation est celle de la
grande majorité des malades, elle parait être en rapport avec des
troubles du sens de la pression et de la faculté d'appréciation pon-
dérale dans la main paralysée. Un degré tiès accentué de ces
troubles entraine la seconde erreur d'estimation; chez quelques-
uns de ces derniers malades, il n'y avait que des troubles insigni-
fiants de la sensibilité. Il est impossible de trouver duplication.
Un troisième groupe de malades est constitué par ceux qui, pré-
sentant des troubles de la sensibilité et de la motilité d'un côté,
croyaient tenir dans la main paralysée une sphère lourde alors
qu'elle était légère. En examinant le sens de la pression dans les
SOCIÉTÉS SAVANTES. '139
deux mains à la fois les mêmes malades qualifiaient de légère la
sphère lourde que l'on plaçait dans la main paralysée. Quelques
hémiplégiques conservent l'estimation pondérale exacte. La plupart
des malades s'éduquent par des exercices répétés; ils ne se trom-
pent plus ou se trompent moins. L'inverse se produit chez les hys-
tériques et les individus atteints de névroses traumatiques, plus on
les exerce, plus ilsse trompent. On constate aussi chez ces derniers
un paradoxe, la sphère légère leur parait lourde dans la main pa-
ralysée, du côté où existent des troubles considérables de la sensi-
bilité ; chez eux l'examen simultané, concomitant, bilatéral, du
sens de la force et du sens de la pression donne les mêmes résul-
tats ; la main paralysée continue à tenir pour lourde la sphère
légère. Il faut croire dans l'espèce ou bien que l'activité musculaire
intervenant provoque une estimation inconsciente de cette fonction,
ou bien que la peau qui revêt les muscles paralysés, moins tendue,
est plus exposée à la pression des objets. L'examen isolé des extré-
mités décèle que, dans la pluralité des cas, tout trouble du sens
de la pression marche de pair avec un trouble minime du sens de' `
la force. Ce qui prouve que l'estimation pondérale de la main
libre se fait par l'intermédiaire du sens de la pression. Il est donc
impossible d'apprécier le rôle des facteurs qui entrent enjeu dans
l'estimation de la force quand il existe en même temps des troubles
du sens de la pression; ceci s'applique naturellement aussi aux
affections corticales. L'examen de tableaux dans lesquels sont con-
signés l'analyse du sens de la pression (à l'aide des sphères de
Hilzig), et du sens de la force (à l'aide du dynamomètre) vient à
l'appui des précédentes assertions.
M. ZACHER (d'Ahnveiler). Des systèmes de fibres du pied dupédon-
cule et des relations corticales du corps genouillé interne. D'après
sept nouvelles pièces examinées à la lumière des faits déjà acquis,
contrôlés eux-mêmes par celte dernière analyse, voici comment
sont répartis les systèmes de fibres qui occupent le pied du pédon-
cule cérébral. Pratiquons, à l'exemple de Flechsig, une section
transverse de cet organe au-dessus de la protubérance, et divisons
cette sphère irrégulière en quatre secteurs à peu près égaux. Le
secteur le plus externe contient deux systèmes différents, un sys-
tème périphérique qui vient du lobe occipital, un système médian
par rapport au premier qui est en relation avec le lobe ^temporal;
il n'est pas démontré que ce secteur latéral contienne des fibres
pariétales. Plus en dedans est le second secteur par lequel passe
tout le faisceau pyramidal. Dans le troisième secteur se trouvent
des trousseaux de fibres qui se rendent en bataillons compactes
aux régions supérieures et antérieures; on les retrouve dans la
capsule interne. Pour cela, il faut pratiquer une coupe transverse
de la région du genou ; ces trousseaux y occupent le segment le
140 SOCIÉTÉS SAVANTES. -
plus supérieur à peu près au niveau du quart supérieur de la
capsule. Ils proviennent en partie du noyau lenticulaire, en partie
de certains territoires de la frontale ascendante et des parties les
plus reculées des circonvolutions frontales ; ces derniers trousseaux
contiennent très probablement des fibres qui descendent du centre
de l'hypoglosse et du facial. 11 est extrêmement difficile de se
rendre compte de la nature des trousseaux de fibres qui occupent
le secteur médian du pédoncule central, parce que les fibres s'y
entrelacent en un treillis inextricable. Contrairement à ce que
professe Flechsig, il n'y aurait que quelques fibres, si tant est qu'il
y en ait, émanées du lobe frontal; en revanche on y trouverait des
fibres provenant du noyau lenticulaire, et des fibres originaires de
l'insula. A l'exception du faisceau pyramidal, toutes les fibres du
pied du pédoncule ne dépassent pas l'étage supérieur de la protu-
bérance ; c'est là qu'elles se terminent provisoirement dans les
noyaux qu'on y rencontre. Il y existe aussi des fibres qui vont au
pied du pédoncule; elles viennent de la calotte ou de la substance
noire et descendent dans le pied pédonculaire.
En recherchant les dégénérescences du pied du pédoncule céré-
bral, M. Zacher a observé la dégénération secondaire du corps
genouillé interne. Elle dépendrait, selon lui, de la destruction du
lobe temporal ou de l'interruption des fibres blanches émanées des
deux premières temporales. Comme dans ces cas il y avait aussi
des altérations secondaires dans la partie inférieure des bras con-
jonctifs des tubercules quadrijumeaux inférieurs et dans les tuber-
cules quadrijumeaux inférieurs ceux-mêmes, comme d'autre part
il paraît établi que le lobe temporal gauche préside à l'intelligence
des sons, tandis que le tubercule quadrijumeau inférieur est un
ganglion de l'acoustique, il en résulte que le corps genouillé
interne joue dans le processus psychique de l'audition un rôle
analogue à celui que joue dans la vision le corps genouillé externe.
M. J. Hoffmann (d'Heidelberg) communique sa manière de voir
sur la névrose traumatique. Il en a observé 24 cas à la clinique du
professeur Erb. 11 les divise en trois groupes.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 1 T 1
d'Oppenheim, mais il croit plus exact de se rattacher à la manière
de voir de Jolly et d'Eisenlohr qui revenant aux vieilles dénomina-
tions, parlent, suivant l'élément morbide prédominant, d'affection
nerveuse organique traumatique, de commotion cérébro-spinale,
de psychose traumatique, d'hystérie traumatique.
M. Kast (de Hambourg). Contribution ci la symptomatologie de la ! Kttad : edeBasedott).C esta à l'école deCharcot que revient le mérite
d'avoir rajeuni la symptomatologie de la maladie de Basedow, d'a-
voir constitué la triade symptomatique de cette affection, d'en
avoir découvert les formes frustes. On a essayé de rattacher à cer-
taines altérations fonctionnelles de l'écorce certains troubles psy-
chiques (faiblesse irritable) et Naso-moteurs (byperthermie immo-
tivée) que l'on rencontre dans cette maladie. Les troubles visuels
ont été étudiés par Kast et Willerand dans 20 cas de maladie de
Basedow. Aux symptômes déjà connus ils ajoutent le rétrécisse-
ment plus ou moins accentué du champ visuel. Il n'y avait pas
dans les cas en question de stigmates de l'hystécie. De même que
les palpitations de coeur, l'irritabilité générale, les troubles thermi-
ques et vaso-moteurs, le rétrécissement du champ visuel est soumis
à des fluctuations; il constitue lui aussi un phénomène cortical.
Discussion. M..Manz. Y a-t-il dans l'espèce, des modifications
de la circulation de la rétine ? 2
M. Kast. Nos recherches ne sont pas encore terminées.
M. Thomas (de Fribourg). Une observation de méningite chez un
petit enfant. - Dans la méningite, la fièvre varie suivant le mode
d'évolution. La forme la plus lréquente de l'enfance, la méningite
tuberculeuse est caractérisée par un stade fébrile (lièvre modérée)
de peu de jours, suivi d'un stade d'une semaine pendant lequel, le
pouls étant très peu fréquent, ce qui est anormal, la température
est tantôt normale, tantôt subnormale, ou ne s'élève que le soir;
pendant le stade terminal, l'hyperthermie devient rapidement
extrême. Dans la méningite de la connexité, l'hyperthermie est géné-
ralement excessive; il est exceptionnel, si ce n'est quand l'évolution
mortelle est moins rapide, d'assister à une ascension modérée.
Voici un petit enfant de quatre mois qui présente d'abord des acci-
dents thoraciques; on reconnaît plus tard une pneumonie du lobe
inférieur gauche, ainsi qu'une pneumonie moms étendue du pou-
mon droit aboutissant à un empyème. Au bout de huit jours de
maladie, se montrent des phénomènes cérébraux ; pendant neuf
jours, la fièvre tombe, tandis que le pouls s'accélère; puis, pendant
quelques jours, la fièvre reparait modérée et l'enfant succombe.
On tiouve a l'autopsie une nappe cxtlaordlnaire de pus envelop-
pant des deux côtés la base et la convexité du cerveau et du cer-
velet ; la suppuration provenait d'ailleurs de la migration des
143 ) BIBLIOGRAPHIE,
pneumo-cocci (de lialilden). ta méningite Supp1l1'ée a en réalité
évolué exactement comme une méningite tuberculeuse, quant à la
fièvre. La raison en est que la nutrition avait auparavant souffert
de par une entérite catarrhale antécédente.
M. SCIIOETIL\L (d'Heidelberg). Contribution à la symptomatolo-
aie.des tumeurs cérébrales. -Un jeune homme de dix-neuf ans,
présentant une tare héréditaire considérable, est, à la suite d'une
forte émotion, en proie à des hallucinations, à de l'angoisse, à
des convulsions généralisées; ces dernières ressemblent traits pour
traits à des convulsions hystériques ; la réaction des pupilles sub-
siste, la connaissance est conservée, les allusions froides en arrê-
tent momentanément le cours ; crises de larmes et de rires inex-
tinguibles. Et cependant, seize jours plus tard, le malade meurt
de pneumonie. L'autopsie révèle dans la couronne rayonnante du
lobe frontal gauche l'existence d'un gliome très vasculaire, gros
comme une noisette, mal délimité. Conclusion : l'hystérie convul-
sive peut être symptomatique de lésions anatomiques du système
nerveux central. (Archio fùr Psychiat, Xllf, 2.) P. Keraval.
BIBLIOGRAPHIE
1. Recherches sur les maladies mentales; par M. B\iLnnGEn,
membre de l'Académie de médecine. Deux volumes de 700
pages. Masson, éditeur.
Arrivé à la fin d'une glorieuse carrière médicale, M. Baillarger
a eu l'heureuse idée de réunir en deux volumes les mémoires qui
établirent sa réputation et répandirent son nom dans tout le
monde savant. Rares ont été les médecins qui eurent, comme l'il-
lustre aliémsle de la Salpêlrière, le bonheur de découvrir un
nombre aussi considérable de vérités scientifiques ; plus rares en-
core ont été ceux qui ont su, comme lui, les entourer d'une dé-
monstration telle, que leurs contemporains ont dû s'incliner et en
reconnaître l'exactitude. C'est que M. Baillarger fut toute sa vie,
et avant tout, un clinicien. Jamais il ne sacrifia aux généralisations
brillantes et aux théories hardies : l'hypothèse n'eut pas en lui un
fidèle. Il resta toujours observateur aussi scrupuleux que sagace.
De là sa force et sa grandeur.
Je ne saurais avoir la prétention, dans ces courtes pages, d'ana-
lyser en détail l'oeuvre si considérable de M. Baillarger. Je désire
seulement signaler les progrès considérables réalisés par ce mé-
decin si remarquablement doué pour l'observation clinique. Du
BIBLIOGRAPHIE. 143
premier volume, je détacherai tout d'abord trois mémoires qui, à
eux seuls, suffiraient à garantir de l'oubli le nom de celui qui les
a écrits, car ils ont porté du premier jet une lumière complète sur
trois points importants et pourtant restés inaperçus jusqu'alors de
la pathologie mentale. En 1843, parut le travail sur la stupidité.
On croyait alors que cet état consistait dans une suspension des
opérations intellectuelles, témoin la dénomination de démence
aiguë. M. Baillarger fournit les preuves que les aliénés pendant la
stupeur sont en proie à un délire intérieur triste, accompagné
d'hallucinations nombreuses et que leur état a beaucoup d'analogie
avec le rêve ; sous le masque de la stupeur, il avait su découvrir un
état morbide des plus actifs de l'intellect et la stupidité devenait
ainsi le plus haut degré de la lypémanie. En 1854, vint le mémoire
sur la folie a double forme qui établit l'existence d'une variété
morbide nouvelle. Toujours à l'aide de faits scrupuleusement ob-
servés. M, Baillarger établit qu'en dehors de la monomanie et de
la manie, il existe un genre spécial de folie caractérisée par deux
périodes régulières, 1 une de dépression et l'autre d'excitation, et
il donna soit sur ces périodes soit sur le passage de l'une à l'autre
des détails précis que tous par la suite vérifièrent. Ces deux publi-
cations eurent un énorme retentissement; il n'en fut pas de
même de la troisième, qui passa à ce point inaperçue que quand,
en 1873, Lasègue et M. Falret appelèrent l'attention sur la folie à
deux périodes, on crut, et moi comme les autres dans mes écrits
sur ce sujet, qu'à ces auteurs revenait le mérite de l'avoir décou-
verte. l'ourlant, depuis 1SG0, c'esl-u-dcre treize ans auparavant.
M. Baillarger, dans la Gazette des Hôpitaux, non seulement avait
décrit le phénomène, mais encore lui avait trouvé sa vraie déno-
mination, puisque l'article était intitulé : Quelques exemples de
folie communiquée.
Aussi, le nom de 11. Baillarger doit rester individuellement lié à
ces trois grandes conquête de la psychiatrie : la lypémanie slu-
pide, la folie à double forme et la folie communiquée. En outre,
la science lui est encore redevable de deux autres progrès consi-
gnés en ce premier volume. En 18o3, M. avant tout
autre, dans son essai sur une classification des différents genres de
folie, démontra que sous le nom de mélancolie, on confondait deux
(' tats de nature différente, car il y a des mélancoliques qui n'offrent
d'autres lésions de l'intelligence qu'un délireparliel de nature triste
et qui, en dehors de lui, ont toutes les apparences de l'état normal,
tandis que d'autres, outre le délire triste, sont plus ou moins complè-
tement déprimés, ont les idées embarrassées et la conception lente,
tombent dans l'inertie et le mutisme; il en conclut, avec raison,
qu'il y a chez ces derniers une lésion générale de l'intelligence qui
n'existe pas chez les premiers, lésion générale qui sépare la mélan-
colie des délires partiels pour la rapprocher de la manie, d'où'
144 BIBLIOGRAPHIE.
l'existence de deux délires généraux, le délire maniaque et le
délire mélancolique. L'autre progrès encore réalisé par M. Baillar-
ger et que je tiendrais à mettre en relief, est la distinction de
l'hallucination psychique de l'hallucination psycho-sensorielle,
celle-là consistant en une perception purement intellectuelle ayant
son point de départ dans l'exercice involontaire de la mémoire et
de l'imagination, quoique souvent assimilée, à tort, par le malade,
à une perception sensorielle.
A côté de ces grandes choses, il serait injuste de ne pas accorder
une mention spéciale au très original mémoire : Recherches statis-
tiques sur l'hérédité de la folie, qui a fixé pour la première fois la
part revenant au père et à la mère dans la transmission morbide
des vésanies et ceux non moins nouveaux pour l'époque dans lesquels
M. Baillarger a traité de la structuie de la couche corticale des
circonvolutions cérébrales, avec leur superposition de six couches
alternativement blanches et grises, rappelant la disposition d'une
pile galvanique ; de l'étendue de la superficie du cerveau, qui serait
plutôt en rapport inverse du développement de l'intelligence ; du
mode de développement de cet organe dont la substance grise,
loin de se former après la blanche, centrale, aurait, dès le qua-
trième ou cinquième mois, l'organisation qu'elle présente après
la naissance ; enfin, de l'ossification prématurée du crâne chez les
idiots microcéphales.
Et ce n'est pas tout. Il y a encore dans ce premier volume, en
plus d'une longue et minutieuse étude des hallucinations qui fixa,
lors de son apparition, plus d'un point douteux ou inconnu, un
article confirmatif des idées de Sydenham sur la folie consécutive
aux fièvres intermittentes, et des mémoires bourrés de faits obser-
vés, comme sait observer l'auteur, relatifs à l'influence de l'état
intermédiaire à la veille et au sommeil sur la production et la
marche des hallucinations; de la puberté sur la production de la
monomanie avec conscience; et de la menstruation sur la trans-
formation de la manie en délire aigu, ainsi que sur la folie des
accouchées. Si nous ajoutons à cet ensemble, déjà vaste de décou-
vertes et de recherches, une étude sur la monomauie, deux autres
sur l'automatisme et l'aphasie, en fin, la description, précédée de
judicieuses considérations sur l'alimentation forcée, de la sonde
oesophagienne à double mandrin, connue dans tous les services
d'aliénés sous le nom de sonde de Baillarger, nous aurons une idée
de ce qu'est ce livre considérable, véritable monument de gloire
qui suffirait à plusieurs renommées. Eh bien ! le second volume ne
le cède en rien au premier.
A part le mémoire, point de départ de tant de cotitrove ? S, sur
le siège de quelques hémorrhagies méningées que l'auteur dé-
montra être situées, non, comme on le cioyait entre la dure-mère
et l'arachnoïde pariétale, mais dans la grande cavité de celle-ci, et
BIIiI,I0GRIFiIIE. \ 148
être l'origine des fausses membranes arachnoïdiennes, attribuées
jusqu'alors à une phlegmasie antérieure, tout ce second volume
est consacré il la paralysie générale et au crétinisme, à la paralysie
générale, surtout, que M. Baillarger a fouillée dans ses moindres
recoins, tant et si bien, qu'il est juste de dire que, s'il ne l'a pas
découverte, c'est lui qui l'a décrite.
Les travaux de M. Baillarger sur cette dernière affection sont
les uns d'ordre analytique, les autres d'ordre synthétique. Les
premiers comprennent ses recherches cliniques et anatomo-patho-
logiques, les seconds ses vigoureux plaidoyers en faveur de sa con-
ception dualiste de la maladie. De ces trois partie ? la plus belle
comme la plus incontestée, est la partie clinique. Elle embrasse
treize mémoires dont six réalisèrent cinq grandes découvertes. En
tête, le travail de 1860 sur la relation qui existe entre le délire
hypochondnaque d'obstruction ou de destruction d'organes et la
paralysie générale, de telle sorte que les conceptions délirantes de
celte nature peuvent faire prévoir l'invasion de la redoutable ma-
ladie au môme titre que les conceptions délirantes mégalo-
maniaques. De ce jour, il y eut ainsi deux délires spéciaux de
la périencéphahte chronique, le délire spécial ambitieux de la
forme expansive et le délire spécial hypochondriaque de la forme
dépressive, et M. Baillarger trouva plus tard la confirmation écla-
tante de cette féconde vérité qu'il découvrait dans la succession ou
la simultanéité de ces deux délires chez les mêmes paralytiques.
Ensuite, le mémoire, antérieur de dix ans, dans lequel M. Bail-
larger appela pour la première fois, l'attention sur l'inégalité des
pupilles comme symptôme et comme signe précurseur de la para-
lysie générale. Et tous, à cette époque, de vérifier l'exactitude de
l'assertion, de la fréquence du phénomène, et de s'étonner, avec
lui, qu'il soit resté si longtemps méconnu. Puis le travail de 1860,
où le savant aliéniste publia les premiers faits démontrant que
l'association de l'ataxie locomotrice et de la periencéphalile chro-
nique qui n'avait pas encore été observée ne devait pas être très
rare, et, cette fois encore, nombreuses furent les publications con-
firmatives. Et aussi les recherches sur les rapports delà pellagre et
de la paralysie générale. Les auteurs qui avaient étudié la folie
pellagreuse avaient mentionné, sans en donner la signification,
sous les noms les plus divers, un ensemble de symptômes que
M. Baillarger-'eut mérite d'avoir recodnu comme caractéristique
de la paralysie générale, opinion que confirma l'anatomie patho-
logique et la pellagre eut désormais sa place dans l'étiologie de
l'affection paralytique. Enfin, l'important mémoire pratique, de
1858, consacré à l'influence heureuse des suppurations, quelle
qu'en fut l'origine, abcès, plaies, anthrax, eschanes ou amputa-
tions, sur la guérison de la folie paralytique, et, comme toujours,
les cliniciens eurent, depuis, des centaines et des centaines de
Archives, t. XXI. 10
146 BIBLIOGRAPHIE.
fois l'occasion de s'assurer du fait, partant de s'en inspirer dans
leur thérapeutique.
Des sept autres publications cliniques qui enrichissent ce second
volume, une a trait au délire ambitieux dans les affections orga-
niques locales du cerveau et les maladies de la moelle, lequel est
rattaché, par l'auteur, à l'irritation et aux mouvements fluxiou-
naires que provoquent les lésions cérébrales ou médullaires, six
sont consacrées aux particularités de symptomatologie et d'évo-
lution sur lesquelles M. Baillarger tablera sa théorie dualiste de
la paralysie générale, que nous retrouverons dans la partie syn-
thétique de l'oeuvre du célèbre médecin de la Salpêtrière. Ces six
mémoires mettent bien en relief l'existence : 1° d'une paralysie
générale sans délire, caractérisée, seulement au point de vue men-
tal, par de l'affaiblissement intellectuel progressif, bien différent
de la pseudo-démence due à la stupeur ou à l'obtusion psychique
et capable de se dissiper; 2° de deux manies, l'une simple, qui
peut se terminer par la démence simple, l'autre, congestive, qui,
le plus souvent, se terminera par la démence paralytique ; 30 des
rémissions fréquentes dans la forme maniaque de la paralysie
générale en rapport avec la fréquence des guérisons de la manie
simple, d'où la probabilité d'une complication de l'affection para-
lytique par les diverses formes de la folie, susceptibles de dispa-
raître, tandis que resteraient un peu d'affaiblissement intellectuel
et quelques troubles de la motililé, signes révélateurs de la dé-
mence paralytique persistante ; 4° de guérisons dans certains cas
deparalysie générale àforme vésanique, guérison s'expliquant sans
difficulté si on sépare complètement la manie avec délire des
grandeurs, de la véritable paralysie générale, qui reste une dé-
mence paralytique tantôt primitive et simple, tantôt primitive et
compliquée de manie paralytique, tantôt, enfin, consécutive à la
manie paralytique.
Passant à l'anatomie pathologique, nous devons sans retard
signaler la découverte des rapports entre la coloration ardoisée
du cerveau dans la paralysie générale et les escharres du sacrum,
puis la description, datant de 1858, d'une induration speciale, non
encore connue, de la substance blanche des circonvolutions comme
l'une des lésions principales de la démence paralytique. Cette par-
tie anatomo-pathologique du volume renferme en sus trois écrits
importants : l'un constatant que les hémisphères peuvent perdre
dans la paralysie générale plus d'un quart de leur poids, alors que
le cervelet, au contraire, conserve son volume et perd à peine
quelques grammes; un second rattachant à des atrophies céré-
brales, déterminées par des congestions locales répétées, les hémi-
plégies incomplètes des déments paralytiques; un troisième, relatif
à une altération du cerveau, caractérisée par la séparation de la suhs-
tance grise et de la substance blanche dans la paralysie générale.
BIBLIOGRAPHIE. 147 Î
Nous arrivons à la partie la plus contestée de toute l'oeuvre de
M. Baillarger, je veux parler de sa théorie dualiste de la paralysie
générale. Cette affection, chacun le reconnaît, se présente sous
deux syndromes très différents, le syndrome démentiel ou d'abo-
lition fonctionnelle et le syndrome délirant ou de perversion fonc-
tionnelle. Or, là où on avait vu deux formes de la même maladie,
M. Baillarger voit, lui, deux maladies différentes, la démence para-
lytique et la folie paralytique. Pour démontrer que la seconde a
une existence indépendante de la première, il invoque, sans
compter les faits indéniables de paralysie générale sans délire où
existe la seule abolition fonctionnelle, quatre ordres de faits :
malades chez lesquels les symptômes psychiques et somatiques,
de la paralysie générale persistent une année et plus sans être liés
aux lésions de la périencéphalite chronique et peuvent s'expliquer
alors par de simples troubles circulatoires; cas où la paralysie
générale ayant été plus ou moins caractérisée par ses deux
ordres de symptômes psychiques et somatiques, on voit les
troubles musculaires disparaître pour ne plus revenir et la
maladie se terminer par la démence simple sans paralysie;
pseudo-paralysies générales alcooliques constituées par plusieurs
accès de paralysie générale se terminant par la guérison ; enfin,
période maniaque de certaines folies à double forme, vieilles de
beaucoup d'années, offrant à chaque retour tous les symptômes
de la forme maniaque de la paralysie générale.
Je ne saurais, dans cet article bibliographique, engager une dis-
cussion minutieuse et approfondie de cette très importante ques-
tion ; qu'il me soit seulement permis, après avoir résumé l'opinion
et les arguments de M. Baillarger, de manifester en toute fran-
chise, et en quelques mots, mon sentiment. Il y a douze ans, j'écri-
vais : Qui sait si la démence paralytique n'est pas aux folies
congestives ce qu'est la démence simple aux folies névrosiques ? »
A cette question, que je me posais en 1878, je réponds aujourd'hui :
« Oui ! »
La dernière partie du second volume renferme, sous six numéros
d'ordre, onze mémoires relatifs au crétinisme et au goitre.
M. Baillarger invoque cinq séries de faits en faveur de l'identité
d'origine de ces deux états, et ses arguments n'ont pas peu contri-
bué à imposer celte manière de voir, généralement acceptée de
nos jours. De même, il a triomphé contre l'Ecole de Lyon, sur la
question du goitre des mulets et des chevaux, qu'il fut le premier
à décrire dans les contrées atteintes par l'endémie. Mais après avoir
indiqué le travail sur la fréquence du goitre dans les deux sexes et
les recherches qui ont trait à la géographie, tant de l'hypertrophie
de la glande thyroïde que du crétinisme, force nous sera de nous
arrêter, car il nous faudrait encore des pages et des pages pour
noter tout ce qui in«tiuit, donne à réfléchir, ou charme dans ces
148 BIBLIOGRAPHIE.
deux volumes que, d'ailleurs, les savants du monde entier consul-
teront aussi bien pour l'instruction que pour le plaisir de leur
esprit et desquels il est plus vrai de dire ce que le vainqueur d'Aus-
terlitz disait de sa victoire : « Ceci est du granit, la dent du temps
et de l'envie s'y brisera car les découvertes scientifiques, nom-
breuses et importantes, qu'ils renferment, contrôlées acceptées,
sont à l'abri de tout revers. Que M. Baillarger en ait la certitude
absolue, les lauriers qui entourent sa glorieuse vieillesse ne seront
jamais, dans la suite des temps, ni flétris ni coupés ! 1
Dr E. 1·I411 : INDON de liI.ONTYEL.
II. Anatomie artistique. Description des formes extérieures du corps
humain au repos et dans les principaux mouuemen ts, par le D Paul
BICHER, chef de laboratoire à la Faculté, avec 1 10 planches ren-
fermant plus de 300 figures dessinées par l'auteur. In-folio,
Paris, 1890. Pion, Nourrit et Ci-, éditeurs.
Les médecins qui suivent les cours de M. Charcot à la Salpêtrière
ont tous remarqué ces grands tableaux si largement traités qui
représentent les diverses phases de l'attaque hystérique. et dont
notre maître se sert souvent pour ses démonstrations. Ils savent qu'ils
sont dus à M. Paul tâcher et sont pour la plupart extraits de son
admirable ouvrage sur l'hystéro-épilepsie où l'artiste et le clinicien
luttent de talent et de savoir.
Depuis cette première publication, M. Paul Richer a associé avec
un bonheur de plus en plus croissant les qualités si précieuses qu'il
possède. En collaboration avec M. Charcot il a publié des études
d'esthétique rétrospective appliquées à la médecine : nous ne rap-
pellerons pas le succès qui a accueilli les Malades et les Difformes,
les Démoniaques dans l'art. Enfin, celte année même, l'Etat récolll-
pensait de sou infatigable labeur en admettant aux honneurs du
bronze, pour les galeries du Muséum, le Premier artiste que nous
avions admiré au Salon des Champs-Elysées.
Clinicien, anatomiste, sculpteur de talent et dessinateur impec-
cable, M. Paul Richer eut l'idée, il y a plusieurs années, de mettte e
ces qualités si diverses au service de l'art et de la science en com-
blant une lacune que lui avaient révélée ses études historiques,.
Frappé de l'extrême insuffisance des ouvrages anatomiques qui
étaient entre les mains des sculpteurs et des peintres, il conçut le
plan d'une anatomie artistique a la fois analytique et synthétique
dans laquelle la représentation figurée jouerait un rôle très pre-
pondérant. L'artiste, peintre ou sculpteur, est un visuel; il juge
par les yeux et la planche, plus que le texte, est pour lui compré-
hensive. Toutefois, un pur allas est insuffisant, commentaires et ex-
plications sont souvent nécessaires dans l'interprétation des formes.
Nous disons commentaires, car M. Paul Richer n'a jamais eu la
BIBLIOGRAPHIE. " 149
prétention de donner des leçons aux artistes. Il sait parfaitement,
et pour cause, que la science n'a rien à apprendre à J'artiste sur la
direction d'une ligne, sur l'aspect extérieur d'une surface. L'artiste
digne de ce nom est particulièrement doué pour saisir d'emblée
et sans intermédiaire la forme elle-même, pour la voir, la juger et
ensuite l'interpréter. Du reste, il en est de la forme comme des
couleurs. Elle est loin d'être une et la même pour tous ; chaque ar-
tiste selon son tempérament en a une vision qui lui est propre.
Aussi M. P. Richer se défend-il d'avoir eu la pensée d'offrir
aux artistes rien qui puisse ressembler à un modèle des formes ex-
térieures du corps humain. « La question de la forme, nous dit-il,
est entièrement réservée et je désire nettement définir le rôle que
je me suis imposé, véritable et simple rôle d'informateur. Les
dessins ont été exécutés d'après nature et après bien des recher-
ches sur divers modèles qui ont été choisis, non d'après une for-
mule d'esthétique quelconque, mais pour raison de clarté et de mé-
thode. A cause de la finesse de la peau, de la puissance de la mus-
culature et de l'absence aussi complète que possible du tissu
graisseux, ils offraient des formes non pas simples, mais claires, et
faites pour ainsi dire pour la démonstration. Lorsqu'on aura appris
à les voir, on retrouvera ces formes chez les sujets plus jaunes, plus
gras, plus simples en un mot, mais d'une lecture plus difficile.
q En résumé, dit-il en terminant, mon but a été de mettre entre
les mains des artistes un livre exclusivement technique qu'ils puis-
sent sans efforts lire ou consulter et dans lequel ils trouvent
l'aide nécessaire non pas pour choisir un modèle, mais pour lire
et comprendre le modèle qu'ils auront choisi. »
Voilà pour l'idée générale qui a présidé à l'oeuvre : nous ne sau-
rions passer sous silence les détails de l'exécution pour laquelle
l'auteur a dû dépenser une somme de travail extraordinaire. Son
anatomie ne comprend pas moins en effet de 109 planches aux-
quelles sont jointes près de 300 pages de texte explicatif. Et quel-
ques-unes de ces planches renferment jusqu'à dix dessins.
M. Paul Richer a suivi une méthode extraordinairement rigou-
reuse. Il a pris un type d'homme, d'Européen établi d'après lesder-
nières données anthropométriques et a ramené tous ses dessins à ce
modèle donné. Et ces dessins comprennent en totalité les os vus sous
leurs diverses faces, tous les muscles, toutes les articulations, toutes
les veines superficielles. Peu à peu il construit son modèle, le recou-
vre de peau, note alors les saillies, les dépressions en rapport avec
les tissus sous-jacents et, dans une synthèse admirable qui ne com-
prend pas moins de 34 planches aux deux crayons, il nous montre
l'homme dans toutes les attitudes. Vis-à-vis de chacune de ces
planches magistrales se trouve un écorché permettant de noter les
muscles qui entrent en fonctions dans le mouvement que l'artiste a
voulu représenter.
150 BIBLIOGRAPHIE.
Croit-on, pa"r exemple, qu'un semblable travail ne soit pas utile
au médecin, et le livre de M. Richer ne sera-t-il lu et utilisé que
par les sculpteurs et les peintres. Nous espérons bien que les mé-
decins sentiront que de pareilles études ne doivent pas leur rester
étrangères. La connaissance des formes extérieures s'impose non
seulement au chirurgien qui doit imperturbablement savoir à quoi
correspond la saillie dans laquelle il va plonger son bistouri, mais
aussi aux médecins.
c Je ne saurais trop, Messieurs, disait avec sa haute autorité
M. le professeur Charcot dans une de ses lumineuses leçons de la
Salpêtrière, vous engager à examiner les malades nus, surtout
lorsqu'il s'agit de neuropathologie, toutes les fois que des circons-
tances d'ordre moral ne s'y opposeront pas.
« En réalité, nous autres médecins, nous devrions connaître le
nu aussi bien et même mieux que les peintres ne le connaissent.
Un défaut de dessin chez le peintre et le sculpteur, c'est grave
sans doute au point de vue de l'art, mais, en somme, cela n'a
pas au point de vue pratique de conséquences majeures. Mais
que diriez-vous d'un médecin ou d'un chirurgien, qui prendrait,
ainsi que celaarrive trop souvent, une saillie, un relief normal, pour
une déformation, ou inversement ? Pardonnez-moi cette digres-
sion, qui suffira peut-être pour faire ressortir une fois de plus la
nécessité pour lemédecin commepourle chirurgien d'attacher une
grande importance à l'étude médico-clllrurgicaie du nu. »
Enfin nous dirons encore que M. Paul Bicher s'est souvenu qu'il
était sculpteur. Après avoir dessiné son modèle, il l'amoulé pour
en faire un « canon qui sera bientôt dans tous les ateliers et aussi
dans tous les amphithéâtres d'anatomie. Continuant à employer
la méthode précise des anthropologistes, il a pu rendre l'usage
de sa statue extrêmement facile et la clarté de sa conception
ne contribuera pas peu à son succès.
. M. Paul Richervient de produire une oeuvre magnifique, superbe
fleuron de cette Ecole de la Salpêtrière, que son illustre fondateur
a voulu aussi riche d'art que de science. Elle restera comme une
preuve de ce que peuvent combinés la science et le talent : de ce
fait elle est unique, car le savant a pu traduire lui-même sa pen-
sée. Elle léguera son nom à la postérité : l'Anatomie artistique et le
« Canon de Paul Bicher resteront éternellement jeunes, car ils sont
l'expression de l'immuable réalité.
Il nous est agréable en terminant d'adresser à M. Pion nos com-
pliments les plus sincères pour la parfaite exécution de cet ouvrage,
qui est à la hauteur de la pensée qui l'a dicté.
Gilles DE la TOULtETTE.
BIBLIOGRAPHIE.. 151
III. Leçons de clinique médicale faites à l'hôpital de la Pitié; par
LANCERE\ux. Paris, Lecrosnier et Babé, édit. 1890.
Les leçons rassemblées dans ce volume ont été faites à l'hôpital
de la Pitié, et publiées déjà dans l'Union médicale. Elles font suite
à celles qui ont paru en 1881 dans la Gazette hebdomadaire de
médecine et chirurgie; puis à d'autres qui ont été publiées en 1883.
Elles donnent l'histoire d'un certain nombre d'affections très im-
portantes, de maladies chroniques en général jdont l'auteur a sur-
tout cherché à rapprocher les manifestations et à mettre en lumière
l'évolution, pour faire valoir l'idée originale qui domine ce livre,
et qui consiste à considérer comme parties d'un même tout' mor-
bide des affections souvent regardées comme distinctes. L'herpé-
tisme, par exemple, selon la conception de l'auteur, engendre
l'endartérite généralisée, dont les néphrites interstitielles, le
ramollissement et l'hémorrhagie cérébrale, l'insuffisanceaortique,
la sclérose et la stéatosedu coeur, représentent les localisations sur
le rein, le cerveau et le coeur. On lira avec intérêt, dans le même
livre, les chapitres consacrés aux cirrhoses, à l'urémie, au rhu-
matisme chronique et surtout au diabète. L'auteur décrit trois
types de diabète : le diabète par lésions nerveuses (diabète de
Claude Bernard), le diabète maigre ou diabète pancréatique, le
diabète gras ou diabète constitutionnel ressortissant à l'herpé-
tisme. -Si l'on peut discuter les conceptions théoriques qui ont
guidé l'auteur, on ne saurait ne pas reconnaître les grandes qua-
lités d'observation clinique qui font de ce volume un recueil de
faits des plus intéressants. Paul BLOCS.
IV. Compte rendu de l'asile d'aliénés de Bile (Suisse). -
L'asile d'aliénés de Bâle publie chaque année un compte rendu
médical et administratif. Le nombre des malades traités pendant
l'année 1889-1890 s'élève à 395 avec la proportion de 179 hommes
pour 216 femmes. Voici le chiffre des guérisons ou améliorations :
VARIA
SUR LES DIVERS MODES D'ASSISTANCE A L'ÉGARD DES ALIÉNÉS ET
DES IDIOTS; par D. 13ACx KurE. (TlteJow ¡¡al o f dlenlal Science,
juillet 1888.)
Ce travail porte sur la répartition des aliénés et des idiots
et sur les divers modes d'assistance dont ils sont l'objet aux
États-Unis et dans la Grande-Bretagne. L'auteur a pris soin
de le résumer dans les termes suivants :
« 1° En Angleterre, la grande majorité de ces malades est
placée dans les asiles des Comtés. Tout en regrettant les propor-
tions prises par quelques-uns de ces asiles, je crois qu'ils cons-
tituent le meilleur mode d'assistance pour ),1 masse des aliénés
pauvres, à la condition que toutes les mesures utiles soient prises
en faveur des aliénés curables. Quelques-uns d'entre eux, pour ne
pas dire la plupart, comportent une dépense inutilement élevée
en ce qui louche la catégorie des déments tranquilles et des imbé-
ciles, catégorie pour laquelle les dispositions moins onéreuses des
asiles de districts métropolitains ont donné des résultats qui,
somme toute, sont satisfaisants.
2° En Ecosse, le système de pension au dehors est le point qui
frappe le plus : ce système donne, aux Etats-Unis, des résultats
suffisamment encourageants pour qu'on puisse chercher à l'imiter
dans les localités qui s'y prêtent ; mais la plus grande prudence
est nécessaire dans son application, si l'on ne \eut qu'il n'en résulte
aucun dommage moral pour les familles chez lesquelles les aliénés
sont placés comme pensionnaires.
3° Les fonds nécessaires à l'entretien des malades payants et de
ceux qui bien qu'occupant un rang élevé dans l'échelle sociale sont
dans l'impossibilité de payer, sont fournis en Angleterre et en
Ecosse, par des institutions de Charité, et pour ce qui concerne la
première de ces deux catégories, par l'entreprise privée. Le senti-
ment populaire, aussi bien que les efforts de la législation, dans
notre pays, tendent à encourager le système des institutions chari-
tables, à pourvoir les asiles des Comtés des dispositions nécessaires,
au traitement des Iualades riches, et à limiter, sinon éventuelle-
ment à supprimer, les asiles privés.
4° En Amérique, ce que l'on remarque tout d'abord, c'est que
les divers Etats disposent leurs asiles.de manière à y recevoir
- varia. 138
les malades de toutes les catégories sociales. Mais on peut se de-
mander si les catégories payantes n'ont pas été indûment favorisées
au détriment des catégories indigentes, souvent reléguées dans
des asiles inférieurs ou dans les Almshouses l.
5° Aux Etats-Unis, on place beaucoup plus d'aliénés et d'idiots
dans les Almshouses, qu'en Angleterre; et nous devons nous féli-
citer de ce que, à aucune époque, on n'a fait plus d'efforts qu'à
l'époque actuelle pour diminuer les inconvénients qui résultent
de l'appropriation illégitime de ces établissements : il faut noter,
pourtant que dans le Wilconsin, où la direction des Almshouses
sous le contrôle de l'Etat vient d'être expérimentée, ce système a
été ainsi considérablement amélioré, et continuera probablement
à se perfectionner tant qu'il restera entre les mains d'une com-
mission intelligente.
6° Le mouvement d'opinion qui se produit en faveur de la va-
riété dans la construction, la disposition et la situation des divers
bâtiments des asiles, variété qui permet de catégoriser effective-
ment les malades, mérite d'être imité, à la condition formelle,
toutefois, que les aliénés violents, malpropres ou malades ne
soient pas isolés de façon à risquer d'être privés de la surveillance
efficace du médecin. R. M. C. »
NÉCESSITÉ DE L'HOSPITALISATION DES IDIOTS ET DES ÉPILEPTIQUES.
Un incendie s'est déclaré samedi dernier à fourgues dans des
circonstancesparticulièrement dramatiques. Le sieur Julien-Laurent
Alexandre, âgé de 65 ans, qui etait à peu près idiot, demeurait
depuis vingt ans avec son frère qui, lorsqu'il sortait, fermait la
porte de la cour pour le préserver de toute visite suspecte. Le vieil-
lard étant resté seul pendant que son frère vaquait à ses occupa-
tions, s'approcha trop du feu de la cheminée et enflamma ses vê-
tements.'La souffrance qu'il éprouva fut telle qu'il se mit à courir
au hasard et qu'il vint se blottit- contre un hangar rempli de paille
auquel il mit le feu. On accourut au secours et l'incendie fut vite
éteint mais on trouva près du hangar le cadavre du pauvre vieux
à demi carbonisé. (Le Rappel de l'Eure.)
DES hôpitaux d'asiles; par Richard GRi : ENE. (The Journal of
Mental Science, juillet 1888.)
Travail intéressant dans lequel l'auteur étudie les dispositions
qu'il convient de donner aux petits hôpitaux d'isolement dont la
construction a été récemment recommandée pour le traitement des
maladies infectieuses dans les asiles publics d'aliénés. il. M. C.
' Les Almshouses des Etats-Unis ressemblent aux Workouses d'Angle-
terre : ce sont des sortes d'asiles ou de refuges pour les vieillards, les
infirmes et les indigents. \
FAITS DIVERS
Asile d'aliénés de la SE1VE. - Le lundi 8 décembre 1890. à une
heure précise, s'est ou vert à l'Asile cl inique (Sainte-Anne), rue Cabanis
n° 9, it Paris, un concours pour la nomination dans lesdits établis-
sements à quatre places d'internes titulaires en pharmacie.
Le concours de la médaille d'or des internes des asiles
d'aliénés de la Seine vient de se terminer par la nomination de
M. Marie, interne de deuxième année.
Asiles d'aliénés. -Nominations et mutations. M. le Dr DUI3c \U,
directeur-médecin de l'asile public d'Armentières (Nord), est
admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite il
partir du ICI' décembre, et nommé directeur-médecin honoraire.
Arrèté-du 8 novembre 1890. M. le Dr lII,IUNIb.H, médecin en chef
de l'asile public de Pierrefeu (Var), est promu à la 2° classe, à
partir du 1er janvier 1891 (25 novembre). VI. le Dr ROUSSET,
médecin-adjoint à l'asile public de Saint-Robert (Isère), nommé
aux mêmes fonctions à l'asile public de Bron (Rhône), est maintenu
dans la 1° classe ( ? 4 novembre). M. le Dr Dur.m, ancien
interne des asiles publics d'aliénés de la Seine, déclaré admissible
aux emplois de médecin-adjoint des asiles publics d'aliénés, à la
suite du concours ouvert à Lille le 20 novembre 1890, nommé
médecin-adjoint à l'asile public de l3ailleul(Nord), est compris dans
la 2e classe (11 décembre). M. le Dr iNIAU.4[ER, médecin en chef
à l'asile public de Pierrefeu (Var) est nommé directeur-médecin du
même établissement à partir du 9 ? janvier 1891 (12 décembre).
M. le D1' TAGUET, directeur-médecin de l'asile public de Lesvellec
(Morbihan), est nommé aux mêmes fonctions à l'asile public d'Ar-
mentières (Nord), en remplacement du Dr Dddiau, et maintenu
dans la classe exceptionnelle (19 décemhre).-11. le D' Chambard,
médecin en chef de l'asile publie de Cadillac (Gironde), est nommé
directeur-médecin de l'asile public de Lesvellec (llorbihan), en rem-
placement de D" TAGUET, et maintenu dans la 3° classe (20 de-
cembre). ).
Asile DE BRON. Le Conseil général du Rhône a voté dans une
de ses séances la liquidation de la pension de M. le Dr Max-
Simon, médecin en chef du service des hommes à l'asile de Bron
En émettant ce vote, le Conseil général a adressé à M. Max-Simon
toutes ses félicitations pour le dévouement, le zèle et la compé-
faits DIVERS. Hum
tence dont il n'a cessé de faire preuve pendant les treize années
qu'il a passées à l'asile de Bron et ses regrets de le voir quitter son
service. Le public médical de notre ville s'associera au sentiment
qu'à exprimé le Conseil général, et se félicitera de voir M. le Dr
Max-Simon conserver le poste de médecin-inspecteur des aliénés
du département, qu'il exerce avec tant d'autorité et de compétence.
(Lyon médical.)
Asile Clinique (Sainte-Anne) M. Magnan a repris dans l'Am-
phithéâtre de l'admission, ses leçons cliniques, les dimanches et
mercredis, à la même heure. Les conférences du mercredi sont
consacrées il. l'étude pratique du diagnostic delà folie. Les leçons
ont pour objet cette année, l'étude de l'alcoolisme et plus particu-
lièrement de son influence sur les maladies mentales.
Concours d'admissibilité aux emplois DE médecins adjoints DES
asiles publics d'aliénés (Région de Paris). Ce concours s'est ter-
miné par l'admissibilité de quatre candidats qui ont été classés
dans l'ordre suivant : 1 ? Vi Blin, avec 77 points; -- 2° M. Marie,
avec 76 points; 30 31. Colin, avec 75 points; - 4° M.'l'Invet,
avec 62 points.
Congrès DE médecine mentale DE LyoN.Lesmédecins aliénistes
de Lyon viennent de se réunir en une commission ayant pour but
l'organisation locale du prochain Congrès français de médecine
mentale qui doit se tenir en 4891, dans cette ville. Ils ont chargé
cinq d'entre eux : MM. Max-Simon, Albert Carrier, Henri Contaglle,
Brun et Chaumier de centraliser dès à présent la correspondance
et les autres documents relatifs â ce congrès.
Hospice delà Salpêtrière. MM. Joffroy et Jules Voisin, mé-
decins de la Salpêtrière, ont commencé des conférences sur les
maladies nerveuses et mentales, le jeudi, 4 décembre à 9 heures 3/t,
au petit amphithéâtre de l'infirmerie, et les continuerontles jeudis
suivants à la même heure.
L'hypnotisme devant la chambre. - Le Bulletin médical publie le
passage suivant du rapport de M. Lockroy sur les projets de loi
relatifs à l'exercice de la médecine; ce passage a traità la pratique
de l'hypnotisme par des personnes étrangères à la médecine :
« Notre.collègue M. David considère l'hypnotisation comme un
procédé d'exercice illégal de la médecine et dirige contre celui qui,
sans être muni d'un diplôme de docteur, se livre à cette pratique,
l'article 12 de sa proposition portant une amende de 100 à 500 fr.
« Le temps n'est pas loin où tout docteur en médecine qui osait
parler de magnétisme animal était gourmandé par ses confrères.
Déconsidéré par les exhibitions publiques, le magnétisme a failli
succomber sons le mépris des savants.
1S6 faits DIVERS.
« Aujourd'hui que, sous les noms de suggestion ou d'hypnotisme,
la science accueille les faits, les contrôle, en recherche la loi, est-
il juste et sage d'en tarir la source et d'en décerner le monopole à
ceux-là mêmes qui, obligés de se défendre par une critique rigou-
reuse contre les effrontés et les charlatans, se montrèrent hostiles
aux manifestations physiologiques nouvelles dans In crainte d'être
dupes de faits mal observés ou falsifiés ? Nous ne l'avons pas
pènsé, laissant à chacun la liberté et la responsabilité de ses actes.
« Quant aux conséquences physiques et morales de l'hypnotisme,
on les a beaucoup exagérées. Sans doute, il serait désirable que
nul ne se livrât à ces procédés que dans l'intérêt de la science ou
de la santé du sujet. Mais où commencera le délit ? Frappera-t-on
ceux qui souvent, par le seul sentiment de curiosité, essaient sur
le premier venu, dans une maison particulière, une pratique dont
ils ont constaté les effets ? Se retournera-t-on contre les exhibitions
publiques ? Pour constater les premières, il faudrait se départir du
respect du domicile; les secondes peuvent si souvent être doublées
de supercherie qu'on s'exposerait à frapper l'expérimentateur con-
vaincu, alors que le saltimbanque ne pourrait être atteint par la
loi. Enfin, pour revenir à notre première question, où commen-
cera le délit ? Nous croyons que le moment n'est pas venu d'en-
lever ces expériences aux profanes et de les confier exclusivement
aux médecins. »
Le Bulletin médical se demande, non sans quelque ironie, si l'o-
pinion de M. Lockroy ralliera les suffrages des médecins membres
de la commission. Espérons que non ! si M. Lockroy peut ne pas
avoir lu les aiticles spéciaux relatifs àce sujet et en particulier
les nombreux exemples des méfaits de l'hypnotisme que nous
relatons à dessein dans chaque numéro des Archives de Neurologie,
il est vraisemblable qu'il n'en est pas de même des membres de
la commission appartenant au corps médical, lesquels n'ignorent
pas combien l'hypnotisme peut être un instrument dangereux
entre les mains des ignorants ou des charlatans.
La prédiction d'une somnambule. Nous trouvons dans l'Echo de
Paris du 26 novembre le fait suivant : « Une jeune artiste désirant
connaître l'avenir qui lui était réservé va trouver une somnambule;
celle-ci lui déclare que les beaux projets sont inutiles, car sa mort
est proche. La consultante s'en retourne chez elle très impression-
née; depuis lors son caractère s'altère, elle devient sombre et au
bout de quelques jours tente de se jeter par la fenêtre. Voilà un
exemple d'auto-suggestion qui de\rait ouvrir les yeux des pouvoirs
publics sur l'urgence extrême qu'il y a de supprimer ces sortes
d'industrie. »
Martyrologe de la psychiatrie. - Huit jours après l'accident
faits DIVERS. 137
arrivé à notre distingué confrère M. ItiLti, dont nous parlions dans
notre dernier numero,lt. le Dr Mordret, médecin en chef de
l'asil6 d'aliénés du Mans, a été frappé à sa visite du matin par un
aliéné, de deux coups de tranchet de cordonnier bien emmanché;
2 a 3 centimètres de fer dans les muscles du dos et externes de la
cuisse. Heureusement aucun organe important n'a été touché, et,
après quatre jours de repos, notre confrère a pu reprendre son
service.
Quant à l'aliéné, auteur de l'agression, c'était un malade fort
tranquille. un peu sombre depuis une dizaine de jours; il était,
sans qu'on le sût, obsédé par la pensée de faire un acte qui obli-
geât a le traduire en cour d'assises; il n'a rien trouvé de mieux,
pour cela que de frapper son médecin de deux coups de tranchet.
Ce nouveau fait prouve une fois de plus que les médecins aliénistes
courent journellement de grands périls dans l'exercice de leur
délicate profession. (France médicale.)
RËVH,\TtON d'un crime tendant l'hypnose. - Le fait suivant, dit
le Bulletin médical du 12 novembre, s'est passé tout récemment
dans un service hospitalier de Paris. Une jeune femme est prise
d'une crise hystérique tellement violente, que ne pouvant y mettre
fin, on se décide à endormir la malade. Pendant son sommeil elle
raconte avec toute sorte de détails, un assassinat auquel elle
aurait été mêlée. Après son réveil, on lui raconte ce qu'elle
a dit" Elle se trouble, mais finalement affirme que son récit
est exact. Et elle précise. Tout en tenant compte de ce fait '
que la malade était hystérique, on a cru devoir après consen-
tement préalable de la malade prévenir la police. Ajoutons que
cette femme était une détenue.
Traitement DES morphinomanes A l'étranger. Depuis quelques
années il s'est fondé à l'étranger des asiles spéciaux pour les morphi-
nomanes. Le premier a été installé à Schoenberg-Berlin par le doc-
teur Edouard Levinstein. Peu de temps après, il en a surgi un
second à hratz, en Styrie. En 1889, ce dernier renfermait trois
cents malades, sans compter ceux qui n'avaient pas pu y trouver
place et qui se faisaient soigner en ville, Le traitement est basé
sur la suppression immédiate et absolue de la morphine. Plusieurs
établissements semblables se sont fondés en Amérique. On n'y est
admis qu'après avoir signé l'engagement de se soumettre aveuglé-
ment au régime de la maison, quelles que puissent en être les
conséquences. Or, ce régime consiste, comme à Gratz, dans la pri-
vation brusque et complète du poison. On enferme les malades
dans des cellules semblables à celles des asiles d'aliénés, et on les
y laisse crier et se débattre à leur aise. S'il survient des accidents
compromettants pour l'existence, en les traite, mais sans recourir
à la morphine. Malheureusement en France, nous n'avons rien de
1M FAITS DIVERS.
semblable, et tous les médecins qui ont eu des morphinomanes
dans leur clientèle savent combien cette lacune est regrettable.
(Bull, médical.) .
Faculté de médecine DE Gènes. M. le D1' E. TkuRi est nommé
privât docent de psychiatrie..
Faculté DE médecine DE STRASBOURG. M. le D1'. Cari FÜRSTNER,
professeur à la faculté de médecine de Heildelberg, est nommé
professeur ordinaire de psychiatrie, en remplacement de M. Jolly.
Faculté DE médecine DE LAUSANNE. M. le Dr Rabow est nommé
professeur extraordinaire de psychiatrie et clinique psychiatrique
à Lausanne. Il existait autrefois dans cette ville une simple école
prnpédeutique, qui vient d'être érigée en faculté à la suile du legs
de Rumine.
Faculté DE médecine DE GAND. M. J. v.aN 131ERN'LIET est chargé
du cours de psychologie. (Cours nouveau institué par la loi du
10 avril 1890.)
Nouvelle-Zélande. Statistique de l'aliénation mentale.
Au 31 décembre 1889, on comptait dans celte colonie anglaise
176 aliénés, c'est-à-dire une augmentation de 80 alienés sur la
statistique de l'année 1888. Le nombre des cas de guérison a été
en moyenne de 57,5 pour cent et celui de la mortalité 4,5 pour
cent. On doit remarquer la proportion relativement considérable
du nombre des aliénés par rapport au chiffre modeste de la popu-
lation de cette colonie anglaise.
Nécrologie. Le Dr SANDEUET DE VALONNE (Joseph-Edouard),
professeur honoraire à l'école de médecine de Besançon, médecin
en chef de l'Asile départemental du Doubs, membre honoraire de
l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, prési-
dent honoraire de l'Association des médecins du Doubs, est décédé
le 10 septembre, à l'âge de 79 ans.
Une ILE pour LES ivrognes. Au congrès de Berlin, le Dr Karl
Kahlbaum a établi qu'une erreur très sérieuse avait souvent été
faite dans le traitement de l'ivrognerie, savoir, que l'on n'observait
pas assez longtemps le malade pour être sûr de sa guérison. Il est
souvent arrivé qu'une amélioration était prise pour une cure.
Le D' K. Kahlbaum a proposé que le Gouvernement choisisse une
ile isolée pour y envoyer les ivrognes seulement. (New-Yo ! '1. Me-
dical Journal, du 8 novembre 1890, p. 518.)
Précautions .4 prendre contre LES - Il est à espérer que
la mort du D1' Lloyd servira à quelque chose. Le grand jury du
comté de Kings a blâmé la commission des asiles d'aliéués de
1 Etat pour le fait d'avoir favorisé la pratique qui consiste à enre-
gistrer les malades évadés comme ceux mis en liberté (c'est-à-dire
considérer les évadés comme des mis en liberté), Le jury a égale-
Bulletin bibliographique. 159
ment a blâmé les agents officiels de l'asile d'aliénés du comté de
Kings de leur relâchement vis-à vis du meurtrier du D 1-lyod, et a
recommandé l'emploi d'une force de police dans l'asile. (New-Y01'k
Médical Journal, samedi 8 novembre 1890, p. 518.) D1' G. GuInoN.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Année Mcdic\le (L'), résumé des pi ogres réalisés dans les sciences
médicales pendant l'année, publiée sous la direction du Dr Bourneville
avec la collaboration des rédacteurs du Progrès Médical et des Archives
de Neurologie. Parait tous les ans. Douze volumes sont en vente (1878-
1889) ; format in-18 Charpentier. Pour nos abonnés, par la poste, 3 fr. 50.
Dans nos bureaux 3 fr.
BERXAttD. De l'aphasie et de ses diverses formes. 2° édition avec une
preface et des notes, par le D' Ch. Féré. Volume in-8° de 260 pages, avec
25 figures dans le texte. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés . 4 fr.
lB.ocn. - Des contractures . Contractures en général, la contracture
spasmodique, les pseudo-contractures. Volume in-8° de 216 pages, avec
8 figures dans le texte, 1 planche lithographique et 3 phototypies.
Prix : 5 fr. - Pour nos abonnés ' 4 fr.
Bourneville, SOLLIER et Pilliet (A.). Recherches cliniques et thera-
peutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. - Compte rendu du ser-
vice des enfants idiots, épiléptiques et arriérés de Bicètre pendant l'année
1889. (Volume X de la collection.) Volume in-8° de LVI-188 pages, avec
22 figures. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 4 fr. - Bureaux du Pro-
grès Médical.
Bourm.vili.il Rapport fait au nom de la commission chargée d'exa-
miner le projet de loi adopte parle Sénat, tendant à la révision de la
loi du 30 juin 1838 sur les aliénés, - Volume in-8° de 129 pages. Prix : -.
lE fr. Pour nos abonnés ............ 3 fr.
Bru (P.). Histoire de Bicètre (Ilospice-PL-ison-Asile), d'après les do-
cuments historiques, avec une préface de M. le Dr Bourneville. Un beau
volume In-4' carré d'enuron 500 pages, oiné de 22 planches hors texte
et d'un plan général de l'hospice de Bicètre actuel (1891). Prix : 15 fr.-
Pour nos abonnés 10 fr.
Bulletins de la Société d'anatomie et de physiologie normales et pa-
thologiques de Bordeaux. Vient de paraître le tome X, rédigé sous la
direction et par les soins de MM. Arnozan, Chabuly et H. Lamarque.
Vol. il]-81 de 2O pages. Bordeaux. 1889. Imprimerie G. Gounouilhou.
Charcot (J.-M-). Hémorrhagie et ramollissement du cerveau, métal-
loscopie et veétallolhérapie, tome IX des OEuvres Complètes, in-8° de : ,70 pages, avee 13 planches en chromo-lithographie et phototypie, et
3< ! figures dans le texte. Prix : 15 fi'. Pour nos abonnes : 10 fr.
Encaisse (G.). Essai de physiologie synthétique. Volume in-8° de
130 pages. Paris, 1890. Librairie G. Carré.
]<0\ EAU DE COUIt\fl : LI.ES. L'hypnotisme. Vol. In-8' de 327 pages,
avec 42 gravures de Laurent Gsell, renferme des vues scientifiques sinon
160 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
entièrement nouvelles, du moins défendues avec des arguments et des
faits nouveaux. La conservation du libre arbitre est démontrée d'une
façon irréfutable avec l'expérience et l'autorité de l'auteur, appuyées s'il
en était besoin de celles du professeur Charcot et de l'Ecole de la Sal-
pêtrière. Les chapitres de Simulation et de l'Imagination montrent com-
bien sont difficiles, même impossibles à trouver les caractères d'un li-
goureux et scientifique contrôle ; tout critérium absolu n'existant pas,
Ennemi des expériences publiques, non fanatique de l'hypnotisme où il
ne voit pas une panacée mais une source de fréquents dangers pour
quelques guérisons, partisan du magnétisme humain qu'il (lillérelitie de
l'hypnotisme, le D' FOvEAU DE COURMELLES écrit une oeuvre utile, en même
temps que vivante, mouvementée et élégamment écrite. Pans, 1890.
Librairie Hachette et C ? .
GEl'l'ART (J.). Sur les agents et les méthodes de désinfection. Vol.
in-8' de 96 pages. Paris, 1891. W. Hiurischen.
Gilles de la TOURETTE et CAT)tr.I,I\EAU. La nutrition dans l'hystérie.
Volume de 116 pages. Pria : 3 fr. 50. Pour nos abonnés. 2 fr. 75
Gul,,o ? (G.). Les agents provocateurs de l'hystérie. Volume in-8° de
392 pages. Prix : 8 fr. Pour nos abonnés 6 fr.
Grasset (J.). Leçons de clinique médicale faites a l'hôpital Saint-Eloi
de Montpellier, (novembre 1886, juillet 1890). Volume in-8° de 758 pages.
Prix : 12 fr. - Paris, 1890, G. Masson.
Huer (E.). De la chorée chronique. Volume in-8° de 262 pages, avec
10 ligures dans'.e texte. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés.. 4 fr.
LAD\ME. Procès criminel de la dernière sorcière bl1Îlée Ii Genève le
6 avril 1652. Publié d'après les documents inédits et originaux conservés
aux Archives de Genève (N° 3465). Brochure m-8° de pli-52 pages.
Papier vélin, prix : 2 fr. 50. Pour nos abonnés : 2 fr. Papier Japon
(N°s 1 à 50). Pnx : 5 fr. Pour nos abonnés : 4 fr. Papier parcheminé
(N°s 51 à 100). Prix : 3 fr. Pour nos abonnés 2 fr.
Peterson (f'.). elinical Sludy of Forlyseven cases of paralysies agi-
tans. Brocbuie in-8° de 18 pages. New-l'otl : , 1890. New-York Medical
Journal.
Pitres (A.) et BIT01' (E.). Des tremblements /t<e'r ! ? : <M. Brochure
in-8° de 26 pages. Prix : 1 fr. Pour nos abonnés... 0 fr. 70
Régnier (L.-R.). L'intoxication chronique par la morphine. -Vo-
lume in-8° de 171 pages. Prix : 3 fr. 50, - Pour nos abonnés. 2 fr. 75
SOLLIER (P.). Du rôle de l'hérédité dans l'alcoolisme. Volume in-18
jésus de 215 pages. - Prix : 2 fr. 50. Pour nos abonnés.. 1 fr. 75
TAROWSIi7 (T.). - Elude anthropométrique sur les prostituées et les
voleuses. Volume in-8° de 226 pages. Prix : 5 fr. Pour nos abon-
nés .................. 4 fr.
Ventra (D.) et Fronda (IL). Tniezioni Sollocula ? iee di succo dei
testicoli di mammiferi nella tel't1pia delle mallalie mentali. Brochure
in-8° de 36 pages avec deux tableaux hors texte. Nocera Inf., 1890.
Tipografia del àJal1lcomio,
ZIcnE" (Ta.). Leiftaden de;' P¡ ! 1lsiologischen Psychologie in 14 1'01'-
leslt11gen, avec 21 figures dans le texte. Prix : 5 fr. ; Jena, 1891.
G. Ficher,
Le rédacteur-gérant, Bourkeville.
Evreux, Ch. Htalssn, trop. - lit 1
Vol. XXI. Mars 1891. Nu 62
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
DE L'INFLUENCE DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE
SUR LA DISTRIBUTION TOPOGRAPHIQUE DE CERTAINES
NÉVRITES TOXIQUES' ;
Par M. E. BRISSAUD.
Médecin de l'hôpital Saint-Antoine, agrégé de la Faculté.
Messieurs,
Vous savez en quoi consistent, le plus souvent, les paralysies
alcooliques, et en particulier, la variété paraplégique de ces
paralysies, dont nous devons la connaissance à Wilks, Lockart,
Clarke et Lancereaux.
Cette année même, l'occasion vous a été fournie plusieurs
fois d'étudier dans notre service, la paralysie alcoolique
pseudo-tabétique, dont M. Charcot a établi d'une façon décisive
le diagnostic différentiel, et sur les caractères de laquelle j'ai ap-
pelé votre attention : paralysie affectant à peu près également
les deux membres inférieurs, et précédéeou accompaunéede dou-
leurs, quelquefois fulgurantes et spontanées, mais presque
toujours localisées aux masses musculaires, particulièrement
aux mollets ; intéressant d'une façon prépondérante les
extenseurs de la jambe, du pied et des orteils; rarement assez
prononcées pour que tout mouvement soit impossible, enfin
compliquées de troubles trophiques musculaires, fibreux, tendi-
neux, cutanés, etc., et de troubles vaso-moteurs ou sécrétoires.
' Leçon du 8 août 1890.
Archives, t. XXI. 11
'162 CLINIQUE NERVEUSE.
Vous avez constaté chez un de nos malades, paraplégique et
alcoolique, cette variété d'incoordination motrice que M. le
professeur Charcot appelle le steppage et qui, malgré son ana-
logie apparente avec l'ataxie proprement dite, en diffère autant
par sa nature que par son mécanisme.
En dehors de ces faits conformes au type le plus répandu,
il en est d'autres où l'affection se localise à un territoire ner-
veux bien nettement circonscrit, à un nerf ou à une branche
nerveuse.
C'est un de ces cas que nous allons étudier ensemble et
vous verrez quelles conclusions il nous sera permis d'en tirer
touchant l'origine du processus névritique, auquel sont liées par-
fois les paralysies amyotrophiques de l'alcoolisme chronique.
Vous connaissez, pour l'avoir vu venir plusieurs fois à la
consultation de l'hôpital, le malade dont il s'agit. Vous l'avez
vu s'avancer péniblement, appuyé sur deux cannes, boitant
de la jambe gauche, il ne peut la détacher du sol qu'en se
renversant en arrière d'un mouvement brusque, et qu'il ne
peut replacer à terre qu'en la laissant tomber, la pointe la
première.
Cette façon d'élever le membre tout d'un coup en se cam-
brant, appartient à toutes les paralysies ou parésies des exten-
seurs de la jambe. Mais vous avez constaté aussi que notre
malade regarde toujours ses pieds en marchant, parce qu'il
sent malle sol; il combine, autant qu'il en est le maître, les
mouvements de son membre gauche en vue de l'acte de la
marche, qui n'est plus chez lui un acte automatique, mais un
acte voulu et calculé pour chaque pas qu'il fait. Le membre
droit est relativement fort et supporte presque à lui seul le
poids du corps; cependant, il n'est pas absolument épargné,
il est un peu tremblant, indécis; la marche est donc très
difficile, puisqu'une jambe est à demi paralysée et que l'autre
est hésitante.
Au premier abord, vous vous êtes crus en présence d'un
ataxique; la constatation du steppage vous a fait revenir sur
cette première impression, et vous avez pu vous convaincre en
examinant de plus près le malade et en écoutant son histoire,
que nous avions affaire à une paralysie alcoolique.
Cette histoire peut être résumée en quelques mots. Notre
.homme est un employé de bureau âgé de cinquante-cinq ans,
bien constitué, n'ayant jamais été « malade de coeur »; vous
savez ce qu'il faut entendre par là.
DES CENTRES TROPHIQUES DE la MOELLE 163
Cependant il a eu la syphilis, il y a vingt-cinq ans.
Il prétend s'être bien soigné : il affirme qu'il a absorbé
une quantité énorme de mercure et d'iodure de potassium, et
que, grâce à cela, il ne s'est jamais ressenti de rien. Toutefois,
il déclare que depuis ce traitement très énergique et, selon
lui, trop énergique, il se fatigue beaucoup plus vite et plus
facilement qu'avant sa maladie. Ce qu'il ne nous a pas dit
d'abord et que nous avons su par la suite, c'est qu'il est grand
buveur de vin, de bière, de liqueurs, enfin de tout ce qui se
boit en fait de spiritueux. Nous avons eu sur ce point, les
détails les plus circonstanciés par un de ses complices d'esta-
minet, qui, vous vous en souvenez, est mort de cirrhose
alcoolique il y a peu de temps.
C'est au mois de septembre 1887 que la maladie s'est décla-
rée, et son début a été en quelque sorte instantané. Une
certaine nuit, notre malade a été réveillé par une douleur
atroce, occupant la face interne du pied gauche dans une
région parfaitement délimitée, représentée par des hachures
.transversales sur la figure que vous avez sous les yeux, et
qui correspond, comme vous pouvez en juger, aux branches
terminales du nerf saphène interne, (fig. 12, A). La douleur
en question était à la fois superficielle et profonde, aiguë,
déchirante, se calmant par instant pour revenir ensuite, bref,
affectant tous les caractères intermittents ou paroxystiques des
grandes névralgies.
Dès maintenant, je vous rappellerai que depuis le moment
où elle s'est manifestée pour la première fois, elle n'a jamais
complètement disparu; elle se reproduit encore très fréquem-
ment la nuit, moins intense qu'elle ne l'avait été au début,
ou le matin avant le premier déjeuner. Elle se calme, lorsque
le malade a mangé, et, en général, la journée se passe bien,
pourvu qu'il ne se force pas à marcher, car, dans ce dernier
cas, elle se fait de nouveau sentir avec une grande intensité.
Alors, la station verticale elle-même est très pénible, si
pénible que le malade ne peut s'empêcher [de pleurer. Je
ne chercherai pas à vous expliquer l'heureuse influence du
repas matinal ; c'est encore un mystère, à moins qu'on
n'admette l'effet dérivatif de la congestion physiologique de
l'estomac.
Peu de jours après l'apparition de cette douleur, il s'en
manifesta une autre, non moins bien localisée, occupant trois
plaques du tégument, très voisines les unes des autres, super-
164 CLINIQUE NERVEUSE. N 1
posées, à la face interne du tibia gauche, au dessus de la mal-
léole interne.
Le caractère de cette douleur était à peu de chose près le
même que celui de la première ; mais si elle était moins vive,
elle était plus tenace. Vous pouvez vous rendre facilement
compte des trois foyers qu'elle occupait; ils sont représentés
sur la figure par trois plaques de stries
verticales (fig. 12, B). Il y a quelques
mois, on voyait à cette place trois carrés
ecchymotiques; aujourd'hui ce sont trois
carrés de vitiligo. Un médecin avait
conseillé deposertroispetitsvésicatoires
carrés sur les points douloureux. La
guérison de ces vésicatoires fut très lente,
et il se développa à leur niveau un réseau
vasculaire superficiel, de coloration
violacée, d'apparence ecchymotique ,
comme à la suite d'une application de
ventouses; puis, dans l'espace de quel-
ques mois, ces taches vineuses se sont
effacées, mais l'épiderme a perdu sa pig-
mentation. C'est l'inverse de ce qu'on
observe habituellement, puisque le
vésicatoire a pour effet d'augmenter la
pigmentation épidermique. Le vitiligo
est le résultat d'une dépigmentation ; il
constitue dans l'immense majorité des
cas, sinon toujours, une manifestation
dystrophique d'origine nerveuse. Il suc-
cède quelquefois à des névralgies in-
tenses, et apparaît alors au niveau
même des points les plus endoloris. Il
n a donc rien de surprenant qu'il ait lait suite, chez notre
malade, à une névralgie circonscrite, et qu'il occupe les trois
points où la douleur présentait son maximum d'acuité. Mais
il est intéressant de constater ici, d'une part, que ce vitiligo
affecte, exactement la forme et les dimensions des vésicatoires
appliqués il y a trois ans, et, d'autre part, qu'il ait succédé
à une sorte d'ecchymose persistante, qui, elle aussi, était bien
un trouble trophique. On n'en est plus à compter aujourd'hui
les exemples d'ecchymose ou de purpura survenus au cours
des affections nerveuses, particulièrement des névrites péri-
Fig. 12.
DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 165
riphériques (protopathiques ou deutéropathiques). Ce qu'il y a
de particulier dans le cas actuel, c'est la parfaite limitation de
l'ecchymose ou du purpura - je ne sais lequel de ces deux
mots convient le mieux, aux points d'application de la
substance vésicante. Actuellement, les trois plaques de vitiligo
ne sont plus douloureuses, elles sont insensibles, ou peu s'en
faut, au toucher, à la piqûre, au froid et à la chaleur.
Continuons l'histoire de notre malade. Presque en même
temps que les douleurs apparurent des troubles de la marche ;
il y a donc de cela trois ans environ. D'abord ce fut une sorte
d'incertitude avec maladresse dans les mouvements, quelque-
fois même avec un tremblement léger, surtout dans la jambe
gauche. Mais, au lieu de survenir brusquement comme les
douleurs, ces phénomènes moteurs se manifestèrent peu à peu,
augmentèrent d'intensité de jour en jour à la jambe gauche et
bientôt disparurent à peu près complètement à la jambe droite.
L'incertitude des mouvements était rapportée par le malade
à une faiblesse du membre, qu'il ne s'expliquait pas du reste,
car elle n'était pas influencée par les douleurs circonscrites
dont il vient d'être question.
Au bout de quelques semaines, ou peut-être seulement de
quelques mois (je ne me rappelle pas au juste), l'usage de
deux cannes devint indispensable. Ainsi la marche était déjà,
il y a deux ans, fort troublée, et voici les renseignements que
le malade nous fournit à cet égard : « Tantôt je levais la
jambe gauche comme si je marchais sur des oeufs, et je ne
pouvais pas fair autrement ; tantôt je ne poeuvais plus la
détacher du sol et je la tirais derrière moi, en la laissant trainer
par terre, comme si elle ne m'avait pas appartenu. C'était
comme une jambe paralysée. »
Ces caractères, Messieurs, vous avez pu vous en assurer,
subsistent aujourd'hui. Lorsque le malade lève la jambe gau-
che (comme s'il marchait sur des oeufs), il steppe; et lorsqu'il
traîne sa jambe, il a, comme il le suppose avec raison, une
impotence musculaire complète, une vraie paralysie flaccide ;
son membre pend inerte, comme dans la paralysie hystérique
limitée à une seule jambe, et il est assez remarquable que la
paralysie motrice soit, comme la douleur, plus prononcée le
matin. C'est le plus mauvais moment de la journée.
Y a-t-il, toutefois, entre ces deux manières de marcher,
une différence essentielle ? Nullement, et la différence n'est
qu'apparente ; du moins elle ne répond qu'à une variation
166 CLINIQUE NERVEUSE.
d'intensité des phénomènes rparétiques. Lorsque le malade
steppe, il élève la jambe en contractant le triceps crural,
le pied restant vertical et inerte ; il n'élève sa jambe d'ail-
leurs que pour empêcher le pied (dont les muscles exten-
seurs sont paralysés) de buter contre le sol au moment où il
s'agit de le ramener d'arrière en avant. Et lorsqu'il traine sa
jambe derrière lui, c'est tout simplement parce que les mus-
cles du steppage, c'est-à-dire les muscles antérieurs de la cuisse,
sont impuissants eux-mêmes à exécuter le mouvement d'éléva-
tion de la jambe. Ainsi, tantôt l'impuissance est limitée aux
seuls extenseurs du pied, en d'autres termes, aux muscles de la
jambe, et alors le malade steppe; tantôt elle intéresse simul-
tanément ces muscles et les extenseurs delà jambe, c'est-à-dire
les muscles de la cuisse. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler, à
proprement parler, un phénomène intermittent; c'est toujours
le même phénomène avec des variations de l'impotence fonc-
tionnelle des muscles cruraux. La fatigue y intervient pour
une certaine part. Lorsque le malade a marché déjà depuis
quelque temps, les muscles de la cuisse ne peuvent plus élever
la jambe, le steppage devient impossible, le membre traîne à
terre. Quant àl'impuissance des extenseurs du pied, elle est per-
manente. En dehors de la fatigue, il existe encore sans doute
d'autres influences qui exagèrentles phénomènes paralytiques;
mais celles-là nous échappent. Ainsi le malade a ses bons et
ses mauvais jours, comme il a ses bonnes et ses mauvaises
heures. Peut-être trouverions-nous la cause de ces variations
dans l'influence immédiate de l'alcool, suivantla dose absorbée
tel ou tel jour. Mais il faudrait avoir, sur ce point, des rensei-
gnements précis, que le plus intéressé est le dernier à nous
fournir.
Voilà, tels qu'ils se sont présentés et tels que vous pouvez
les constater encore aujourd'hui, les troubles de la sensibilité
et de la locomotion qui ramènent périodiquement ce malade
à notre consultation. J'ajouterai simplement que s'ils sont
sujets « à des hauts et à des bas D, ils n'ont fait qu'empirer
pendant deux ans. Au bout de ce temps, grâce à un repos pro-
longé, à un régime sévère et à l'usage presque exclusif du lait
pour boisson, une amélioration notable s'est produite. Mais
les mauvais penchants ont repris le dessus, et notre malade
nous revient, aussi éclopé, aussi impotent que l'année der-
nière.
Vous l'avez vu déshabillé, et vous avez pu constater que la
DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 161
jambe gauche, dans son ensemble, a diminué de volume. Il est
cependant certains groupes musculaires où l'atrophie est très
prononcée, tandis que d'autres groupes ont conservé, avec leur
relief, leur puissance contractile à peu près normale. On se
rend compte de cette différence en jetant un coup d'oeil sur la
figure que je vous ai montrée, figure dessinée d'après nature
(fig. 12), et représentant le sujet se tenant debout sur ses
jambes raides. Les saillies du triceps crural, des jambiers an-
térieurs et du jumeau interne sont parfaitement conservées
au membre droit. Elles ont totalement disparu au membre
gauche. Ici les muscles où la diminution de volume est le plus
considérable, sont, notez-le bien, les adducteurs de la cuisse,
le vaste interne, le vaste externe, le droit antérieur, les exten-
seurs du pied et des orteils et le jumeau interne.
Vous voyez que le sommet de la rotule est situé sur un plan
horizontal inférieur à celui de la rotule droite. En d'autres
termes, quoique le malade se tienne raide sur ses jambes, sa
rotule tombe en quelque sorte, parce que le triceps crural est
atrophié. De ce côté d'ailleurs, le reflexe rotulien est totale-
ment aboli, tandis qu'il persiste, quoique dépourvu d'ampli-
tude, du côté droit.
Mais il faut s'arrêter ici à un petit fait qui, sans avoir une
grande importance diagnostique, mérite quelqueconsidération.
Vous apercevez, au-dessus de la rotule gauche, une saillie
musculaire allongée, oblique en bas et eh dedans et proémi-
nant à la face interne de la cuisse. Avons nons affaire ici à
un relief anormal car il n'existe pas du côté sain ?
Voilà le moment de faire appel non pas à vos souvenirs anato-
miques, ils seraient déjà trop anciens pour ce dont il s'agit,
mais à des notions anatomiques toutes nouvelles pour vous.
Je veux parler de l'anatomie des formes extérieures ; il
faut entendre par là l'anatomie du corps vivant et non
l'anatomie du cadavre, celle qui se voit ou qui se devine
au travers du tégument lorsque les muscles se contrac-
tent, et non pas celle qui nous enseigne, par la dissection, les
rapports réciproques et invariables des muscles inertes. Ce
n'est pas une anatomie seulement faite pour les artistes ;
vous en avez sous les yeux la preuve, puisque nous nous de-
mandons ce que peut bien être ce relief musculaire situé au-
dessus de la rotule. M. Richer, qui a consacré récemment
à l'étude des formes extérieures du corps humain un remar-
quable ouvrage, va nous renseigner sur ce point. -
168 CLINIQUE NERVEUSE. ,
Le relief en question s'appelle le repli sus-rotulien de Gerdy.
C'est la partie la plus inférieure du corps charnu du vaste
interne « faisant une saillie distincte du reste du muscle
dans de certaines conditions et sous l'influence d'une dis-
position anatomique' n. Il apparaît dans le relâchement
musculaire, et il est d'autant plus accusé que
le relâchement est plus complet. Lorsque le
muscle se contracte (le muscle étant toujours
en extension), la saillie s'atténue, et même
chez certains sujets disparaît totalement.
La raison anatomique du repli sus-rotulien
de Gerdy réside dans la présence, à la partie
inférieure de l'aponévrose fémorale, d'une vé-
ritablebride aponévrotique (fixe. 13, A), termi-
nant en quelque sorte par en bas le four-
reau aponévrotique résistant qui maintient
les muscles de la partie antérieure de la cuisse.
Dans le relâchement du quadriceps, l'extré-
mité charnue du vaste interne vient faire
hernie au-dessous d'elle (fig. 13). Par l'étran-
glement que ses fibres exercent sur la masse
charnue de ce muscle, elle détermine le sillon
qui limite supérieurement le relief inférieur
et le sépare de celui que forme, au-dessus,
le corps même du vaste interne.
« L'intérêt qui s'attache à l'étude de ce sil-
lon, dit M. Richer, est assez grand, car il est, au
même titre que le relief, dù à la contraction
musculaire, mais dans un sens opposé, un signe
révélateur de l'état physiologique dans lequel
se trouve le vaste interne, et il appartient es-
sentiellement à l'anatomie du vivant. »
Nous ajouterons que cette petite particularité n'a pas seule-
ment une valeur physiologique. Le repli sus-rotulien de Gerdy
est, chez notre malade, le signe révélateur d'un état patholo-
gique. Sa présence est l'indice du relâchement du vaste in-
terne, En comparant le côté gauche avec le côté droit, vous
vous rendez compte de la nullité fonctionnelle du vaste interne
gauche. Le repli n'existe pas à droite, parce que le malade
peut raidir la jambe, c'est-à-dire contracter .on triceps. Il
' P. Richer. Description des formes extérieures du corps humain,
p. 231.
Fiy, 13, .
DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 169
existe à gauche, parce que la contractilité du triceps de ce côté
est abolie et que la partie la plus inférieure du vaste interne ne
peut s'élever au-dessus et en arrière de la bride fibreuse. En
d'autres termes, lorsque notre malade se tient debout, raide
sur ses jambes, les muscles de sa cuisse droite sont contractés,
ceux de sa cuisse gauche restent flasques; et c'est aussi ce qui
fait que, de ce côté, la rotule est abaissée (fil. '12).
Les muscles de la partie postérieure ont subi également un
commencement d'atrophie : mais, chose remarquable et sur
laquelle nous allons revenir dans un instant, les fessiers ont
conservé leur intégrité entière, sous le rapport et du volume et
de la fonction.
Rappelez-vous maintenant, le petit incident qui amena
récemment le malade à notre consultation. Au cours d'une
crise assez intense et, j'entends par là la recrudescence
transitoire des phénomènes moteurs et sensitifs il se pro-
duisit, sur la partie postérieure dn tronc et sur la région anté-
rieure de l'abdomen une éruption dont la nature ne pouvait
être douteuse. C'était un zona, représenté par deux groupes
Fig. 1 i.
170 CLINIQUE nerveuse : r
importants de vésicules, dont l'un siégeait aux lombes, l'autre
au voisinage de l'ombilic. Les douleurs qui accompagnent ou
précèdent le zona d'une manière constante, quelle que soit
l'origine de cette éruption, n'avaient pas fait défaut; elles
avaient même présenté un caractère d'intensité particulière-
ment remarquable. Mais il n'y a pas à en tirer, dans notre cas,
une conclusion spéciale, moins quel'influence del'alcoolisme
n'ajoute quelque chose à l'élément douleur dans les névralgies
superficielles. Il est bien vraisemblable aussi que l'affection s'est
montrée plus violente, parce que le sujet avait dépassé la cin-
quantaine. Retenez ce fait (il est bien.établi) : le zona est
d'autant plus douloureux qu'il se produit chez des sujets plus
âgés.
Restait à déterminer le tronc nerveux sur le trajet ou les
ramifications duquel l'éruption était apparue. En arrière, les
vésicules, très confluentes et disposées sous la forme d'une
plaque allongée, suivent la direction générale do la crête
iliaque, sur laquelle elles empiètent légèrement; quelques
Fig. 15,
DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 171
vésicules isolées occupent la région de l'articulation sacro-
vertébrale. En avant, on voit deux groupes, moins importants
que ceux de la partie postérieure,- siégeant en-dessous et à
gauche de l'ombilic. Un seul nerf répond à cette distribution;
c'est le grand nerf abdomino-génital, première branche collaté-
rale du plexus lombaire (fig. 14 et 18).
Faut-il admettre que ce zona soit survenu comme un phéno-
nomène fortuit et sans aucune corrélation avec les manifesta-
tions nerveuses ? La chose est possible à la rigueur. Mais con-
venez que l'autre hypothèse est bien plus séduisante. D'une
part, en effet, le zona, a coïncidé chez notre malade avec une
exaspération de ses douleurs et de sa paralysie. D'autre part, ce
n'est pas le premier trouble trophique dont il avait été atteint.
Déjà il avait présenté ces altérations du tégument qui, d'abord
caractérisés par des plaques purpuriques, avaient abouti aune
dépigmentation vitiligineuse.
Enfin le nerf sous la dépendance duquel l'éruption se mani-
festait, n'est pas bien loin des origines des nerfs dont la lésion
périphérique était, déjà depuis longtemps, évidente.
Si nous considérons le territoire cutané et musculaire où les
symptômes de névrite se sont affirmés dès le début, nous
voyons que l'ensemble des nerfs correspondants émerge du
plexus lombo-sacré, entre la première branche lombaire et la
première branche sacrée. Les douleurs ont eu pour localisation
initiale une partie restreinte de la sphère du saphène interne.
Puis les phénomènes paralytiques et atrophiques ont apparu
dans la sphère du crural, du sciatique poplité externe et
de l'obturateur. Les muscles fessiers, innervés par le petit
nerf sciatique, ont été respectés. Or, vous savez que le petit
nerf sciatique tire surtout ses origines, des deuxième et troi-
sième paires sacrées, c'est-à-dire d'une région du plexus sacré,
située au-dessous de l'origine des nerfs précédents. Par con-
séquent, tous les phénomènes observés, y compris le zona, ont
eu pour localisation anatomique, dans le système nerveux
périphérique, une certaine portion des branches du plexus
lombo-sacré à laquelle on peut attribuer pour limite supé-
rieure la première branche lombaire et pour limite inférieure
la première branche sacrée inclusivement. Encore faut-il
remarquer que les symptômes avaient leur maximum d'inten-
sité dans les territoires des nerfs crural, obturateur et scia-
tique poplité externe, c'est-à-dire dans des territoires nerveux
dont les origines radiculaires peuvent être encore plus étroite-
172 CLINIQUE NERVEUSE.
ment circonscrites entre la deuxième paire lombaire et la
première paire sacrée.
En résumé, nous avions affaire à une névrite, diffuse si l'on
veut, en ce sens qu'elle affectait un assez grand nombre de
branches et de rameaux périphériques, mais diffuse seulement
en apparence, puisque toutes ces localisations partielles pou-
vaient être ramenées à une localisation unique, située beau-
coup plus haut, dans une partie bien limitée du plexus, peut-
être même encore plus haut, dans la région de la moelle d'où
cette partie de plexus tire son origine.
C'est ce dernier point qu'il nous reste à étudier.
Mais avant d'en venir là, je désirerais lever les doutes que
vous pourriez conserver encore sur le nom qu'il convient de
donner à la maladie en question. En effet, si au premier abord
la démarche du malade et les troubles de la sensibilité qu'il
accuse ont pu vous faire supposer qu'il était atteint de tabès
ataxique, il faut rechercher avec tout le soin possible les élé-
ments d'un diagnostic différentiel. A vrai dire, je le répète, il
n'y a que les apparences qui plaident en faveur de l'ataxie
tabétique.
Sans doute, la démarche est incoordonnée; le malade lève
les pieds heaucoup plus haut qu'il ne ferait s'il était indemne
de tout trouble musculaire ; il regarde avec attention où il
marche, sa jambe gauche est brusquement élevée par un ren-
versement volontaire et calculé du tronc, et elle retombe non
moins brusquement sur le sol ; enfin, la jambe droite, qui ne
présente aucun de ces phénomènes, n'en est pas moins affectée
elle-même de certains troubles fonctionnels ; elle est indécise,
un peu faible et surtout tremblante. Le réflexe rotulien fait
défaut du côté gauche; il persiste, mais il a perdu de son ampli-
tude du côté droit. D'autre part, l'incoordination dont il s'agit
a été précédée de douleurs superficielles à l'extrémité inférieure
du membre gauche sur le trajet du nerf saphène interne, dou-
leurs aiguës déchirantes, apparaissant spontanément, dispa-
raissant de même, comme les douleurs fulgurantes du tabès
vrai. Joignez à cela que le malade a eu jadis la syphilis et
nul ne conteste l'influence prédisposante de cette maladie
constitutionnelle sur le développement de l'ataxie. Il y a dans
tout cela, plus qu'il ne faut pour justifier au moins l'hypo-
thèse d'un tabès confirmé. A coup sûr, aucun clinicien n'eût
hésité il y a dix ans à porter ce diagnostic sans réserves.
Cependant, il ne s'agit point ici de tabès, mais de pseudo-
DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 173
tabès ou, pour mieux dire, de névrite périphérique pseudo-
tabétique. A n'en juger que par la variété d'incoordination
dont notre malade est atteint, vous avez déjà pu faire la diffé-
rence. Il ne lance pas la jambe en avant et il ne talonne pas :
il steppe. Le réflexe rotulien manque à gauche ; mais, il per-
siste à droite (dans le tabès, les deux réflexes sont en général
abolis simultanément, bien avant même que l'incoordination
motrice n'ait commencé à se manifester). Cette absence du
réflexe du côté gauche, est liée, selon toute vraisemblance, non
pas à une diminution du pouvoir réflexe lui-même, comme
dans le tabès, c'est-à-dire, à une altération profonde des centres
médullaires, mais à l'atrophie du muscle triceps crural. C'est
aussi à cette atrophie, ainsi qu'à celles des muscles extenseurs
du pied, qu'est dû le steppage. Le soin avec lequel le malade
suit des yeux les mouvements de ses jambes n'appartient pas
non plus en propre au-tabès. L'insécurité de sa démarche,
dont il a parfaitement conscience en est seule la cause.
J'en dirai de même des douleurs spontanées qui ont inau-
guré la maladie. Elles se produisent dans le pseudo-tabès
alcoolique, avec des caractères à peu près identiques à ceux
des douleurs fulgurantes. Veuillez toutefois remarquer qu'elles
ont présenté chez notre malade le caractère d'exaspération
matinale que tous les auteurs ont signalé dans les observations
de névrites alcooliques. Les douleurs de l'ataxie ne sont pas
soumises à cette sorte de périodicité ; elles surviennent à toute
heure du jour et de la nuit.
Si d'autre part, le tabès proprement dit peut être parfois
constitué par un très petit nombre de phénomènes morbides,
il est bien rare qu'on ne constate pas, même dans les cas les
plus frustes, certains signes, auxquels on a attribué une
valeur pathognomonique précoce. Au nomhre de ces signes
figurent, en première ligne, les paralysies oculaires transi-
toires, puis le signe d'Argyll Robertson, le myosis unilatéral
ou bilatéral ou la mydriase et plus souvent l'inégalité pupil-
laire, le signe de Romberg, etc.. Rien de tout cela n'a jamais
existé chez notre malade, Or, il est bien peu d'ataxiques, j'en-
tendsdeceux quiontdéjàdel'incoordination motrice, quinepré-
sentent ou n'aient présenté, àun moment donné, l'un quelconque
de ces symptômes. En revanche, il faut attribuer ici une impor-
tance de premier ordre à certains troubles psychiques sur-
venus presque dès le début, et qui ne manquent presque
jamais, ainsi que l'a fait remarquer M. Charcot, au cours de
174 CLINIQUE NERVEUSE.
la paralysie alcoolique. C'est d'abord une tristesse profonde,
un complet découragement. C'est l'idée fixe que le mal est
sans remède, véritable obsession, aboutissant parfois à des
velléités de suicide; c'est enfin l'insomnie ou l'excitation céré-
brale pendant le sommeil. Notre malade, vous vous le rap-
pelez, est employé de bureau. Cela explique le rêve profes-
sionnel qui le hante : « Je rédige, je rédige..., j'ai des liasses
de dossiers entassés sur ma table. Je passe les nuits à les com-
pulser, à les annoter, à les transcrire, je ne peux jamais en
venir à bout. C'est plus fatigant que mon véritable travail. »
Enfin, il y a encore à tenir compte de ce fait que l'ataxie
locomotrice est une'maladie essentiellement progressive, tandis
que la paralysie alcoolique est sujette, ainsi que nous le disait
spontanément notre employé, « à des hauts et à des bas ». Ses
recrudescences paraissent avoir pour origine la recrudescence
du vice alcoolique ; ses accalmies coïncident avec l'observance
du régime. Ainsi, tout concourt à justifier notre diagnostic de
paralysie alcoolique.
Il n'y a pas lieu de s'arrêter aux objections qu'on pourrait
tirer de Zunilatéralité de la paralysie, ni même de sa limita-
tion à un territoire nerveux nettement circonscrit. Si, en effet,
le type paraplégique est le plus répandu parmi tous ceux que
peuvent affecter les névrites alcooliques, il n'en est pas moins
vrai que le nombre des paralysies partielles augmente de jour
en jour, à mesure qu'on sait mieux reconnaître l'origine de la
maladie 1. Vous trouverez, dans les recueils, des observations de
paralysie radiale, de paralysie cubitale, de paralysie du circon-
flexe, voire même de paralysie faciale2. Vous savez, d'autre part,
qu'il existe des paralysies généralisées, affectant une allure
rapide, aussi bien dans l'alcoolisme que dans le saturnisme
et pouvant donner le change pour une maladie de Landry.
Il n'est donc pas surprenant qu'entre ces types extrêmes
de paralysies partielles et de paralysies généralisées, figure
un type intermédiaire de paralysies limitées à un plexus ou à
une portion de plexus.
L'éruption de zona elle-même, survenue incidemment chez
notre malade, confirme l'origine névritique du processus. La
plupart des névrites chroniques ou subaiguës dont les symp-
' Consultera ce sujet une bonne thèse de Boisvert : Elude clinique des
formes atténuées de la paralysie alcoolique ; Paris, 1888, n° 369.
1 P. Strubing. Deutsches Arch. f. klin. Mes. XXXVII, S. 513.
DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE 178
tômes fondamentaux consistent, comme vous le savez, dans une
atrophie musculaire, liée ou non à divers troubles de la sensibi-
lité, se compliquent à un moment donné d'une dystrophie
cutanée, scléreuse, érythématheuse, vésiculeuse, ulcéreuse,
suivant les cas. L'herpès zoster figure au nombre de
ces dystrophies. Lorsque le nerf malade est une branche
intercostale ou abdominale, les vésicules sont disposées en
groupes plus ou moin confluents, affectant la forme d'une demi-
ceinture complète ou incomplète, comme c'était le cas de notre
malade. Sur le trajet des nerfs des membres ou même de la
face, le groupement des vésicules présente une forme moins
régulière, puisqu'elle est en rapport avec la distribution ner-
veuse. '
Il nous reste maintenant à rechercher comment la névrite
s'est cantonnée dans les branches de ramification du seul
plexus lombo-sacré et même, ainsi que vous avez pu en juger,
dans la partie supérieure de ce plexus. Nous touchons ici à un
point des plus intéressant et, il faut bien l'avouer, des plus
problématique de l'histoire des névrites.
Toutes les névrites toxiques ont entre elles d'étroites analo-
gies,aussi bien par leurs symptômes que par leur pathogénie.
La plus anciennement connue est celle qui se traduit chez les
saturnins par la paralysie radiale. Longtemps on a admis que
le plomb, aussi bien d'ailleurs que toute autre substance
toxique, agissait sur les éléments nerveux - il n'y a pas à pré-
ciser davantage - pour en troubler ou en abolir les fonctions.
La constatation du processus névritique à l'autopsie de quel-
ques saturnins, et surtout la production expérimentale des
névrites saturnines, firent penser que les sels de plomb
exerçaient leur action nocive sur les tubes nerveux directement,
c'est-à-dire sans l'intervention ou la participation patholo-
gique des centres trophiques de la moelle épinière. L'absence
de toute lésion apparente de la substance grise, dans le plus
grand nombre des cas observés, justifiait cette hypothèse ; et il
faut ajouter qu'elle la justifie encore, attendu que les docu-
ments relatifs à la coexistence d'une myélopathie dans les faits
dont il s'agit, ne sont que de maigre importance à côté des
grandes altérations névritiques signalées dans toutes les nécro-
psies complétées par un examen histologique.
Il n'en est pas moins vrai qu'une myélopathie semblait, à
tous les auteurs, devoir exister et préexister chez les saturnins
atteints de'paralysie radiale, comment, en effet, expliquer l'in-
176 CLINIQUE NERVEUSE.
tégrité presque constante du muscle long supinateur dans cette
paralysie, si elle était d'origine exclusivement périphérique ?
Dans le cas où le poison apporté par la circulation aurait agi
directement sur les fibres terminales du radial, pourquoi
aurait-il épargné celles du long supinateur ? Dans le cas où il se
serait fixé sur le tronc du nerf ou sur ses origines dans le plexus
brachial, pourquoi la même immunité ? Si l'on admet que cer-
taines parties du système nerveux sont plus ou moins sensibles
que d'autres à l'influence des diverses substances médicamen-
teuses ou toxiques, encore faut-il que ces parties soient des
centres, au sens que l'on accorde habituellement à ce mot,
c'est-à-dire de petits organes nerveux différenciés, tant par
leur siège que par leurs propriétés respectives.
Mais admettre que les filets, rameaux, branches ou tronc d'un
même nerf ne ressentent pas au même titre et au même degré
les effets locaux du poison, c'est aller contre toutes les notions
anatomiques et physiologiques qui, jusqu'à cejour, ont repré-
senté les tubes nerveux, sensitifs ou moteurs, comme des con-
ducteurs indifférents. -
D'autre part, pour expliquer l'origine périphérique de la
névrite saturnine, on se heurtait encore à cette difficulté, que
la paralysie des saturnins, étant presque exclusivement
motrice, du moins dans l'immense majorité des cas, il fallait
d'abord et de toute nécessité, supposer que le plomb n'est
nuisible qu'aux nerfs moteurs, et nullement ou faiblement aux
nerfs sensitifs.
La découverte des téphromyélites antérieures, dont le carac-
tère clinique fondamental est la paralysie amyotrophique permit
un instant de supposer que la paralysie saturnine était, elle
aussi, la conséquence d'une sorte de myélite antérieure subaiguë.
Cette hypothèse était d'autant plus plausible que les troubles
de la sensibilité font défaut aussi bien dans la paralysie satur-
nine que dans la myélite antérieure. L'origine spinale de la
paralysie saturnine, admise en principe par Andral, Aber-
crombie, Tanquerel des Planches, sembla donc, ultérieurement,
trouver une confirmation suffisante dans ses ressemblances
ou ses analogies avec les myélopathies antérieures.
Mais la démonstration objective manquait. Chacun se mit
en quête de la lésion spinale. Friedlaender, OEller, Hallopeau,
J. Renaut publièrent des observations où la lésion des cornes
antérieures semblait assez caractéristique (quoique variable
selon les cas), pour expliquer une névrite secondaire,
DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE. 177
circonscrite à un territoire nerveux. Vulpian, qui poursuivit
longtemps des recherches sur ce pointsi obscur, crut un moment
l'avoir élucidé. Non seulement il avait constaté l'état colloïde
des cellules antérieures, mais il avait pu produire expérimen-
talementchez le chien une téphromyéhte chronique saturnine :
« L'examen de la moelleavait montré des lésions incontestables
et très considérables de myélite; dans un grand nombre de ré-
gions de la moelle (il s'agissait d'une paralysie des quatre mem-
bres), les cellules nerveuses étaient en voie de destruction. »
Dans une observation relativement récente, Oppenheim men-
tionne des altérations de la substance grise, sur l'importance des-
quelles on peut discuter, sans doute, mais auxquelles on nedoit
pourtant pas refuser toute valeur. Les lésions, en effet, occu--
paient dans la moelle une étendue correspondant assez exacte-
ment aux origines nerveuses des territoires musculaires para-
lysés.
A côté de ces faits, il est juste de signaler ceux dans les-
quels aucune modification n'a pu être constatée, ni dans la
forme ni dans la constitution de la substance grise, ni dans le
nombre des grandes cellules, ni dans l'état des vaisseaux. Sous
ce rapport, l'autopsie si remarquablement complète qui figure
dans la thèse de Me Déjerine Klumpke parait absolument
démonstrative. Mais les cas négatifs ne valent jamais les
cas positifs, et, si, comme l'enseignait depuis longtemps déjà
M. Charcot, la paralysie saturnine ne résulte pas du processus
de myélite antérieure subaiguë auquel on l'avait prématurément
attribuée, il n'est pas impossible que le rôle de la moelle, dans
la pathogénie des névrites en question, subsiste en grande
partie, quoique non assimilable à celui qu'elle joue dans les
téphromyélites proprement dites.
Cette digression dans le domaine du saturnisme était néces-
saire pour vous faire mieux saisir l'état de la question en ce
qui touche l'alcoolisme. Ici encore, la constatation de névrites
parenchymateuses, survenues en dehors de toute participation
spinale, entrainait la conclusion que l'alcool exerce une in-
fluence directe sur les nerfs périphériques.
Assurément la névrite joue un grand rôle dans les paralysies
alcooliques ; cela est incontestable. C'est d'elle, selon toute
vraisemblance, que résultent les troubles sensitifs et moteurs.
Mais peut-être serait-ce aller trop loin que de prétendre que
l'alcool agit localement sur les ramifications nerveuses, du
moins dans tous les cas. Lorsqu'on se trouve en présence d'un
Archives, t. XXI. 12 2
178 CLINIQUE NERVEUSE.
de ces faits singuliers de polynévrite, où l'on voit apparaître
simultanément ou successivement des phénomènes sensitifs et
moteurs dans des territoires nerveux absolument indépen-
dants les uns des autres, par exemple dans le domaine de
l'hypoglosse, du saphène interne gauche, de l'obturateur droit,
d'un intercostal, du nerf optique, etc., il est logique de supposer
que le poison a éparpillé ses effets et provoqué, en quelque
sorte au hasard, l'apparition de la névrite. Mais lorsqu'on
assiste à l'évolution d'une névrite étroitement circonscrite dans
le domaine d'un plexus ou même dans le territoire d'un seul
nerf, il est tout aussi logique d'admettre que l'influence
toxique à laquelle est due cette névrite, s'est exercée sur l'ori-
gine commune de tous les rameaux malades. Leudet, par
exemple, signale, le premier, un cas de névrite alcoolique
limitée aux seules branches musculaires du cubital. N'est-il
pas vraisemblable que les noyaux médullaires auxquels le
noyau cubital emprunte ses fibres radiculaires, ont été la loca-
lisation primitive du processus ? Dans les formes paraplégiques
où les muscles homologues des deux côtés sont simultanément
affectés^ n'est-il pas probable que le même étage de l'axe mé-
dullaire, irrité par la substance toxique, commande la réparti-
tion symétrique des lésions périphériques ? Enfin, dans notre
cas, la limitation des phénomènes moteurs, sensitifs et tro-
phiques dans une partie restreinte du plexus lombo-sciatique,
ne suggère-t-elle pas l'hypothèse - je ne dis pas davantage -
que tous les centres spinaux, d'où émerge cette partie du
plexus, ont subi au même moment et au même degré l'action
nocive de l'alcool.
D'ailleurs, il ne faudrait pas croire que, dans les paralysies
alcooliques, la moelle épinière soit toujours absolument res-
pectée. Si les autopsies sont rares, du moins la plupartmention-
nent quelques altérations spinales. Dans un cas d'OEttinger 1,
la lésion vacuolaire des cellules de la corne antérieure était
très prononcée. Dans deux observations de Finlay 2, on trouve
mentionnées des lésions médullaires, caractérisées par la dimi-
nution de la substance grise et un état trouble des cellules.
Sharkey Korsakoff 3 signalent des modifications analogues.
1 Thèse inaugurale, Paris, 1885.
' Davul W. Finlay. - iS9edico-r/ci·u·gical transactions, mai 1887.
3 J. Sharkey. Transactions of the palhological Society ofloitdon, 1888,
t. XXXIX. Korsakoff. De la paralysie alcoolique, Moscou, 1887.
DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE. li9
Tout cela est encore, il faut l'avouer, bien peu de chose ;
mais on ne peut rester indifférent à de telles constatations.
Et puis, et c'est là que j'en veux venir est-il bien
nécessaire que les éléments nobles de'la substance grise pré-
sentent des lésions grossières pour qu'on soit en droit de
faire remonter jusqu'à eux le processus irritatif ou dégénératif
de la névrite périphérique toxique ? Vous allez en juger vous-
mêmes.
Depuis quelque temps on est porté à reconnaître l'influence
des altérations dites dynamiques des centres nerveux sur l'ap-
parition de troubles trophiques divers. On qualifie ainsi les
modifications plus ou moins profondes de structure des centres
trophiques, que la technique actuelle est encore insuffisante à
nous démontrer.
Vous avez tous lu, je suppose, les leçons de M. Charcot sur
les atrophies musculaires des hystériques, et vous savez que
l'hystérie est, par excellence, la maladie des phénomènes dyna-
miques. Mais, pour ne pas sortir du domaine des myélopathies,
laissez-moi vous signaler un cas, vulgaire s'il en fut, où ces
modifications « dynamiques » de la substance grise exercent
sur l'apparition des névrites périphériques une influence indé-
niable.
S'il est un fait universellement admis et incontesté, c'est
l'action trophique permanente des grandes cellules motrices
des cornes antérieures sur les fibres nerveuses, auxquelles elles
donnnet naissance, et corollairement, sur les muscles auxquels
se distribuent ces fibres nerveuses. Le symptôme capital de la
téphromyélite antérieure est l'atrophie musculaire; c'est même,
si l'on peut dire, un symptôme obligé. La téphromyélite est
tantôt primitive, tantôt secondaire ; mais quels que soient son
mode de développement et son [origine, toujours elle détermine
l'atrophie dés muscles tributaires des cellules nerveuses altérées.
La forme primitive n'a rien à voir avec ce. que j'ai àvous dire.Il
me semble utile seulement de vous signaler certains faits curieux
qui appartiennent à la forme secondaire. Celle ci s'observe
(d'une façon exceptionnelle, il faut le reconnaître), au cours d'un
certain nombre de maladies spinales systématiques, parmi les-
quelles je me bornerai à vous signaler le tabes ataxique et la
dégénération hémiplégique du faisceau pyramidal.
Donc chez les ataxiques comme chez les hémiplégiques, on
voit se produire parfois des atrophies musculaires circons-
crites, et l'autopsie démontre, dans un certain nombre de cas,
180 1 CLINIQUE NERVEUSE.
que les cellules des cornes antérieures ont subi des altérations
profondes. Pour abréger, ne nous occupons, si vous le voulez,
que de l'atrophie musculaire des hémiplégiques. Celle-ci appa-
raît à une période variable, mais toujours assez tardivement,
et, notez-le bien, elle est surtout accusée dans les muscles où
la contracture est à son maximum. M. Pitres a eu l'occasion
d'examiner la moelle de qnelques hémiplégiques qui avaient
présenté cette atrophie, et il a constaté l'existence de lésions
très caractérisées dans les cornes antérieures. J'ai aussi, pour
ma part, étudié des faits analogues et j'ai observé, comme
M. Pitres, la disparition des cellules motrices dans les
différents étages de la moelle correspondant aux muscles
atrophiés. La logique (on est bien excusable d'y recourir
quelquefois) nous invite à admettre que si les cellules
antérieures sont malades, et s'il s'ensuit une atrophie mus-
culaire, c'est que la dégénération descendante du faisceau
pyramidal a pénétré en quelque sorte, jusque dans la subs-
tance grise où elle a provoqué des altérations comparables
à celles de la téphromyélite. Eu d'autres termes, les lésions de
la substance grise sont absolument subordonnés à la lésion
dégénérative du faisceau pyramidal.
Mais voici où les faits semblent vouloir contrarer la
logique.
Dans ces derniers temps, mon collègue et ami, M. Deje-
rine, a publié des observations fort intéressantes d'atrophie
musculaire, chez des hémiplégiques à l'autopsie desquels la
téphromyélite manquait totalement. Par contre, les nerfs des
muscles atrophiés présentaient tous les caractères de la névrite
parenchymateuse. Que faut-il conclure de ces faits ? Evidem-
ment que l'atrophie avait succédé à la névrite. Mais quel avait
été le point de départ de la névrite ? Evidemment la lésion qui
avait déterminé la contracture, puisque l'atrophie 'et la névrite
présentaient leur maximum d'intensité dans les muscles con-
tracturés. Or la lésion qui engendre la contracture c'est la
sclérose dégénérative du faisceau pyramidal. Mais, je vous l'ai
déjà dit dans une autre occasion, le faisceau pyramidal ne
renferme pas la vingtième partie des fibres nerveuses repré-
sentées à la périphériepar les branches et rameaux musculaires
issus de la moelle. Pour s'expliquer l'influence de la dégénéra-
tion descendante sur la névrite périphérique des hémiplégi-
ques, il faut donc, coûte que coûte, invoquer l'influence de la
substance grise interposée entre le faisceau pyramidal et les
DES CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE. 181
nerfs périphériques. Et si nous ne constatons pas d'altération
de cette substance grise, de deux choses l'une : ou bien nos
procédés techniques sont insuffisants pour déceler la lésion des
cellules antérieures ; ou bien cette lésion est purementfonc-
tionnelle, comme je viens de vous le dire, et rentre dans la
catégorie de celles qu'on a qualifiées de dynamiques.
Laquelle de ces deux hypothèses prévaudra ? Nousn'en savons
absolument rien. En Allemagne, Erb et Eisenlohr proclament
que les altérations des nerfs périphériques peuvent provenir
d'un trouble exclusivement fonctionnel des centres trophiques.
Strümpell soutient le contraire. En France, l'opinion d'Erb
semble l'emporter, D'ailleurs, depuis longtemps déjà, bien
avant que la question ne fût posée dans ces termes, Vulpian
avait démontré expérimentalement l'influence dynamique de
la moelle sur l'apparition des lésions trophiques périphériques :
« Lorsqu'on sectionne, chez les cobayes, le grand nerf scia-
tique à la partie supérieure de la cuisse, le petit nerf sciatique
qui n,a point été lésé ne tarde pas à subir un certain degré
d'atrophie, et il est probable que les muscles correspondants
sont atteints de la même façon. Dans ce cas, la section du
grand nerf sciatique détermine un trouble de l'influence 12,o-
phique des cellules motrices de la substance grise dans la ré-
gion d'où ce nerf tire son origine, et ce trouble sans altéra-
tion reconnaissable, est suffisant pour que les fibres nerveuses
du petit sciatique, qui naissent dans la même région, subissent
un faible degré d'atrophie simple » » La même démonstration
ressort, au point de vue purement clinique, des notions qui
nous ont été fournies par M. Charcot sur l'atrophie muscu-
laire des hystériques. Enfin une autre expérience, qui par
bien des côtés est assimilable à un fait clinique, plaide dans
le même sens : « Lorsque, dit M. Raymond, on détermine
chez les animaux une myélite légère, superficielle, celle-ci
guérit plus ou moins rapidement, parfois complètement. Si
au bout d'un an, dix-huit mois, on'sacrifie les animaux opérés
l'examen histologique montre qu'il n'y a plus trace de myélite;
et dans ces cas, souvent les nerfs périphériques en rapport
avec le segment dé moelle lésé, sont encore profondément
altérés 1. »
' Vulpian. - Maladies du système nerveux, t. II, p. 536.
'F. Raymond. - Atrophies musculaire et maladies amyotrophiques'
p. 381, et Déroche. - Tu. Paris, 1870 (Des amyotrophies réflexes).
182 CLINIQUE NERVEUSE. CENTRES TROPHIQUES DE LA MOELLE.
Quoi qu'il en soit, un fait subsiste, c'est que l'atrophie mus-
culaire des hémiplégiques, indépendante de toute lésion appré-
ciable de la moelle, n'existe ou ne présente une certaine inten-
sité que dans les territoires nerveux paralysés.
Pour ma part j'incline à croire que, dès l'instant où quelques
sujets sont porteurs de lésions bien caractérisées des cornes anté-
rieures, les autres sont également porteurs d'une lésion ana-
logue, il est vrai, encore invisible, rudimentaire, mais suffisante
en tout cas pour engendrer une névrite dégénérative. Cette
opinion, pour ce qui a trait à l'atrophie musculaire saturnine,
me paraît pouvoir s'appliquer, non seulement à la névrite péri-
phérique des hémiplégiques et des ataxiques, mais encore à cer-
taines paralysies alcooliques circonscrites telles que celle dont
jeviensdevousentretenir. Etalors, ilva sansdirequeletrouble
trophique se manifeste d'abord à l'extrémité du trajet nerveux,
c'est-à-dire à la partie laplus éloignée du centre spinal, comme
il arrive le plus souvent, lorsqu'un nerf, en connexion avec son
centre trophique est irrité sur un point quelconque de son
trajet. Cela expliquerait les faits encore plus singuliers d'atro-
phie musculaire constatée chez des hémiplégiques, en dehors
même de toute lésion névritique. Quincke et Babinsky en ont
signalé des exemples. Rien ne prouve d'ailleurs que les plaques
terminales ne fussent pas altérées, dans les muscles d'hémi-
plégiques ainsi atrophiés. Ce qui est indéniable, en tous cas,
c'est que l'atrophie en question, liée ou non à une névrite,
est, quant àsa disribution, commandée par une lésion spinale.
Chaque jour, du reste, de nouvelles observations nous font
voir l'influence des troubles dynamiques des centres nerveux
sur la nutrition des tissus, et particulièrement du tissu muscu-
laire. Dans l'hystérie, pas plus que dans l'hémiplégie de cause
cérébrale, l'atrophie n'est chose fatale. Elle peut survenir
cependant à l'improviste, et ce n'est certes pas l'intensité de
la contracture ni la durée de l'impotence fonctionnelle qui
en sont la cause. La meilleure preuve en est que telle hémi-
plégie hystérique spasmodique, existant depuis des années,
peut ne pas se compliquer d'atrophie musculaire, tandis que
telle hémiplégie de cause cérébrale, où l'impotence fonctionnelle
et la contracture sont beaucoup moins prononcées, se compli-
quera d'une atrophie musculaire marche relativement rapide.
Il est enfin un dernier ordre de faits sur lequel je tiens à
attirer votre attention. Vous connaissez cette atrophie muscu-
laire,. dite réflexe, qui succède à certains traumatismes, plus.
DE L'APPAREIL NERVAUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 183
spécialement'aux traumatismes articulaires. Celle-ci évolue
avec une rapidité surprenante, et elle frappe des muscles que
le traumatisme n'a pas atteints, mais qui ont avec le siège du
traumatisme des connexions relativement assez directes par le
chemin nerveux de l'arc réflexe. Aucune névrite n'est capable
de produire des amyotrophies aussi précoces, dans un terri-
toire aussi étendu, si l'on ne fait intervenir une répercussion
spinale. Et cependant, ici encore, il n'y a pas à invoquer une
lésion grossière de la moelle '.
Bref, si beaucoup de uévrites parmi lesquelles figurent celles
de l'alcoolisme chronique, peuvent et doivent être légitime-
ment rapportées à l'influence directe de la substance toxique
sur les conducteurs nerveux, il en est d'autres où la distribu-
tion des phénomènes paralytiques et trophiques, est, au point
de vue purement topographique, sous la dépendance d'une
portion circonscrite du névraxe. De là à admettre l'influence
des centres nerveux sur la production des lésions périphériques,
il n'y a pas bien loin, convenez- en; et à ce point de vue, l'ob-
servation que nous venons de commenter ensemble me parait
présenter, en soi, un intérêt indiscutable.
ANATOMIE
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION 2
Par M. P. TROLARD,
Professeur d'anatomie à l'Ecole de médecine d'Alger 3.
iI CENTRE CORTICAL DE L'OLFACTION.
C'est dans le corps godronné, ou plutôt dans la for-
mation godronnée, que je place le centre de Polection.
1 Voir : Vulpian, loc. cit. p. 537.
Voy. Arch. de Neurologie, n° 60, p. 335. Sur la demande de l'au-
teur, nous déclarons que ce mémoire a été déposé dans nos bureaux le
15 juillet 1889. (N. D. R.)
3 Voir le volume, p. 335.. -
184 ANATOMIE.
Je n'apporte pas la preuve du fait, mais j'espère arri-
ver à établir que les plus grandes probabilités existent
à l'appui de cette opinion. Qu'est-ce que cette forma-
tion godronnée ?
Sans prendre parti pour l'un ou l'autre des nom-
breux histologistes qui ont écrit sur la corne d'Am-
mon, le corps godronné et la circonvolution de l'hip-
pocampe, je ne décrirai la partie godronnée de cette
région qu'au point de vue macroscopique.
Je crains bien que dans les descriptions assurément
très complètes, mais peu concordantes pour quelques-
unes, on soit allé comme tant de fois, d'abord au
compliqué sans voir le côté simple du sujet.
Lorsqu'on fait une coupe transversale de la région,
au niveau de la partie moyenne de la corne d'Am-
mon, et intéressant le corps bordant, le corps godronné
et le lobule de l'hippocampe, on constate :
1° Que la lame grise du lobule de l'hippocampe se
continue avec celle de la corne d'Ammon de façon
à former une gouttière concave ouverte en dedans ;
2° Que cette gouttière est occupée par un amas
de substance grise de teinte foncée, dont une partie,
passant entre le corps bordant et la face correspon-
dante du lobule, va former une bandelette libre, plus
ou moins bosselée (corps godronné) ;
3° Que l'amas de substance grise compris dans la
gouttière est entouré de substance médullaire, sauf
dans sa partie libre ou godronnée; et que cette subs-
tance médullaire se comporte différemment en haut et
en dehors, en bas et en dedans;
4° Qu'en haut et en dehors, la lame médullaire
commence par un crochet, dont la partie effilée sé-
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 185
pare en partie la portion libre du restant de la masse
grise ; que ce crochet donne naissance à une lame qui
va s'étaler sur l'écorce de la corne d'Ammon, après
avoir fourni le corps bordant. Fréquemment on peut
distinguer cet étalement, qui mesure 3 ou 4 milli-
mètres de largeur, grâce à sa couleur plus blanche et
au relief qu'il présente. Sur la coupe, il y a du reste
le plus souvent un épaississement sensible qui indique
la superposition des deux plans de tissu blanc;
5e Qu'en dedans et en bas, l'écorce commence aussi
par un crochet effilé qui va à la rencontre du premier
sans aller jusqu'à son contact; puis, se recourbant, se
dirige en dedans pour recouvrir la face supéro-interne
du lobule hippocampique et se terminer en s'amincis-
sant au bord inférieur de ce lobule.
En somme, il y a là une circonvolution complète,
avec sa substance grise et sa substance blanche. En
raison de la forme particulière de la première, la se-
conde a également pris une forme peu ordinaire. La
masse de la substance grise peut être comparée, en effet,
à deux virgules d'inégal volume accolées par leur
Fig. 16.
C. g. Corps godronné.- C. b., Corps bordant. - C. A. Corps d'.lmmon. - L IL, Lo-
bule de l'hippocampe. - L. b. A. Lame bordante ammoiiique. - L. b. Lame bor-
dante hippocampique. - L. Lame claire.
186 ANATOMIE.
base dans l'intervalle des crochets, et se perdant, par
leurs extrémités effilées et dirigées en sens contraire,
l'une en dehors dans la substance grise de la corne
d'Ammon; l'autre en dedans sur la face supérieure
du lobule. (Voir la ng. 16.)
La forme de la substance blanche qui provient de
la substance grise s'explique dès lors. L'écorce qui
borde la face inférieure de la grande virgule sera
d'abord-concave pour recevoir la convexité du tissu
gris godronné : puis convexe pour s'adapter au lo-
bule de l'hippocampe. L'écorce qui borde la petite vir-
gule ou virgule supérieure sera concave par sa partie
adhérente, convexe par sa partie libre.
En définitive, la masse grise a deux écorces, pour
ses deux parties qui se dirigent en sens contraire, une
qui se dirige en dehors : ce sera la lame bordante am-
monique ; une autre qui se dirige en dedans; ce sera
la lame bordante hippocampique. Le rattachement de
ces lames à la substance grise godronnée est évident ;
il ne fait pas de doute pour la lamé bordante ammo-
nique, car, comme je viens de le dire, la superposi-
tion apparaît très nette soit par la différence de cou-
leur ou le relief en dehors, soit par l'épaississement
du tissu. Quant à la lame bordante hippocampique,
elle ne peut appartenir à la substance grise du lobule,
car celui-ci ne saurait avoir deux écorces blanches,
une à sa face supéro-interne et une autre à sa face
inférieure; sur des pièces ayant un peu séjourné dans
l'alcool, la lame hippocampique se détache pour ainsi
dire toute seule.
Je mentionne une lamelle triangulaire, située dans
l'épaisseur de la corne d'Ammon, à base dirigée en
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 187
bas, à sommet allant à la rencontre du crochet hippo-
campique. Cette lamelle, qui tranche par sa couleur
plus claire sur le tissu gris de la circonvolution, sé-
pare, peut-être ? dans la corne d'Ammon, ce qui ap-
partient à la formation godronnée de ce qui appar-
tient à la corne d'Ammon.
Cette description ne concordera probablement pas
avec celle que donnent les histologistes. J'ai pensé
cependant qu'il n'était pas inutile de décrire la région
telle qu'on la voit à l'oeil nu ou aidé d'une simple
loupe : peut-être, pourra-t-on cependant concilier ma
description avec celle des histologistes.
Nous avons donc dans le sillon qui sépare la corne
d'Ammon du lobule hippocampique, une circonvolu-
tion constituée de toutes pièces. Voyons comment se
comportent les différents éléments qui la composent.
Commençons par la substance médullaire.
Portion interne de la substance médullaire. Subi-
culllm j Substance blanche réticulée; Laine bordante
hippocampique, La partie interne de l'écorce est
désignée actuellement sous le nom de szebiculum,
quand elle revêt le lobule à sa partie moyenne. Nous
avons vu qu'elle s'arrête en s'amincissant au bord
inférieur du lobule, là où Broca plaçait la limite de
la substance grise des circonvolutions, et l'ouverture
de son limbe. Mais elle ne recouvre pas que la
portion moyenne du lobule, elle la revêt dans toute
son étendue. En avant, on peut la suivre jusqu'au
crochet. Là, elle a un autre nom : c'est la subs-
tantia reticularis alba.
Il ne s'agit, en fait, que d'une seule et même pro-
duction que l'ou pourrait appeler lame bordante hip-
188 ANATOMIE.
pocampique. Au niveau de l'anfractuosité de l'uncus,
elle tapisse le fond de cette anfractuosité, puis toute
la partie libre de l'uncus, en passant par la scissure
de l'uncus, et remonte plus ou moins en avant au-de-
vant du carrefour dans la direction de la scissure de
Sylvius. En arrière, elle va jusqu'à l'enroulement du
lobule autour du genou calleux pour aller former ce
que j'appellerai tout à l'heure la lame bordante crétée.
Portion externe et supérieure de la substance médul-
laire. Lame bordante ammonique, Cette portion,
que j'appellerai lame bordante ammonique, com-
mence aussi au fond du cul-de-sac sphénoïdal, en
même temps que le corps bordant. Mince d'abord,
sa largeur va en augmentant d'avant en arrière ; là
elle s'effile de nouveau, pour accompagner le corps
bordant qui est devenu pilier postérieur, et finit par
se confondre avec ce dernier. Mais avant de dispa-
raître, elle fournit de nombreuses fibres blanches à
direction transversale, qui vont se placer dans l'inter-
valle compris entre l'écartement des piliers posté-
rieurs, s'entre-croisent avec des fibres semblables ve-
nues du côté opposé, et contribuent ainsi à former,
avec d'autres filets dont nous aurons à parler, les
véritables cordes transversales de la lyre. Je revien-
drai sur ce-point à propos de l'arc cérébral.
Le plus ordinairement, la portion ammonique se
comporte en arrière comme je viens de le dire; mais
je l'ai vue, rarement il est vrai, conserver sa largeur,
doubler en arrière le pilier postérieur et venir se ter-
miner en fuseau à la jonction des piliers, disposition
qui rappelle celle des animaux dite osmotiques. Voyons
maintenant la substance grise de la circonvolution.
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE r.'01,FAÔ'PION. 189
Extrémité antérieure de la substance grise. En
avant où on peut reconnaître sa partie libre jusqu'au
fond de la cavité uniforme, on voit une languette gri-
sâtre se détacher de son extrémité antérieure, con-
tourner le crochet, se placer sur la face juxta-pé-
donculaire de ce dernier, par-dessus la substance
blanche réticulée, et venir se terminer sur la partie
externe du carrefour pour se continuer avec la subs-
tance grise de cet espace. Cette -languette est très
tenue, quelquefois à peine perceptible. Comme elle
s'arrache facilement avec la pie-mère, je crois que
c'est au manque de précaution ou aux difficultés de
l'opération, que l'on doit de constater son absence.
Extrémité postérieure de la substance grise. - En ar-
rière, la substance grise de la formation godronnée,
au point où le corps bordant se recourbant devient
pilier postérieur, se divise en deux branches distinc-
tes, une supéro-externe et une inféro-interne. La
première, bosselée à son origine, présentant même
quelquefois de véritables éminences, continue ou du
moins semble continuer la partie profonde de la cir-
convolution ; la seconde, lisse, continue ou semble en
continuer la partie libre.
Branche interne de l'extrémité postérieure.- La bran-
che interne se dirige en dedans sous la face inférieure
du corps calleux, s'effile et ne tarde pas à émettre
1° des filets blaucs transversaux qui vont se mêler à
ceux émanés du prolongement de l'écorce de la corne
d'Ammon et dont je viens de parler, pour former les
cordes de la lyre; 2° des filets obliques, dirigés en
arrière de chaque côté du plan médian du corps calleux
et qui vont constituer l'origine des nerfs de Lancisi.
190 ANATOMIE. ' ' t
Quelquefois cette branche interne se poursuit jus-
qu'à la face supérieure du bourrelet pour disparaître
ensuite; mais elle ne disparaît pas complètement, car
c'est elle qui fournit la substance grise qui est signa-
lée par quelques auteurs comme accompagnant les
tractus longitudinaux. Que la branche interne s'arrête
sous la face inférieure du corps calleux ou qu'elle se
continue plus haut, je dirai, en passant, que la subs-
tance grise des nerfs de Laucisi doit être considérée
comme en étant une émanation.
D'autres fois, la branche interne s'arrête net sous la
face inférieure du corps calleux, présentant une ex-
trémité arrondie; et de cette extrémité part une véri-
table gerbe de filets blancs, les bords de la gerbe dé-
crivant une courbe à concavité externe. Les antérieurs
et les moyens vont contribuer à former les cordes du
psaltérium ; les postérieurs vont aux nerfs de Lancisi.
Il faut enfin noter que, dans quelques cas, les nerfs
de Lancisi n'apparaissent pas au niveau du bourrelet
du corps calleux; il faut alors les chercher dans
l'épaisseur du bourrelet où ils s'engagent pendant un
certain trajet avant de devenir sus-calleux.
Branche externe de l'extrémité postérieure. - La bran-
che externe s'engage dans le fond du sillon compris
entre le bourrelet calleux et la circonvolution de
l'hippocampe. Ainsi placée dans ce sillon, elle con-
tourne le bourrelet en même temps que cette circon-
volution, qui change de nom à ce point, pour devenir
la circonvolution du corps calleux; elle vient enfin
se loger dans le fond du sinus calleux. Dès son
origine, elle est rejointe et accompagnée par l'extré-
milé postérieure de la lame réticulée, que nous
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 191
avons vue diminuer de largeur, se condenser, au
niveau de la terminaison de la circonvolution de l'hip-
pocampe.
Parvenue au fond du ventricule calleux, notre
moitié de circonvolution godronnée, ainsi constituée,
va se comporter, par rapport à la circonvolution cré-
tée, comme elle s'est comportée par rapport à celle
de l'hippocampe dans le ventricule latéral. Sa lame
réticulée, ou plutôt son ruban réticulé, recouvre la -
substance grise de la circonvolution crétée dans toute
la longueur de celle-ci; seulement le ruban réticulé
sera en dehors et la substance grise en dedans.
Il y a donc au-dessus du corps calleux, et dans le
fond du ventricule, un prolongement du corps go-
dronné, avec substance grise et substance blanche,
cette dernière prolongement de la lame bordante hip-
pocampique et qu'on pourrait appeler la lame bor-
dante crétée.
La demi-circonvolution godronnée parcourt toute
l'étendue du ventricule calleux, appliquée à la face
inférieure de la circonvolution crétée, laissant voir,
lorsque cette dernière est relevée, la lame réticulée
blanche dans le fond même du sillon, et sa substance
grise tranchant par sa couleur différente sur la subs-
tance nerveuse de la circonvolution. Elle se distingue
non seulement par sa couleur, mais encore par son bord
libre, nettement dentelé quelquefois et presque toujours
séparé de sa voisine par un pli de pie-mère.
Parvenue au genou du corps calleux, elle le con-
tourne ; et arrivée sur la portion réfléchie de ce genou,
nous la voyons se continuer avec la bande diagonale
de l'espace perforé.
192 ANATOMIE.
Cette disposition typique est rare, je dois le recon-
naître. S'il m'a été donné de la voir telle que je viens
de la décrire, je dois dire que souvent je n'ài ren-
contré que. la partie médullaire de la circonvolution.
Entre la première disposition et la dernière, les
variétés sont pour ainsi dire infinies. Je n'en citerai
que quelques-unes :
La circonvolution godronnée n'existe qu'en arrière,
et est continuée dans le restant de son étendue par
la lame réticulée. Elle existe en avant et en
arrière, et les deux tronçons sont réunis par deux
petits rubans placés parallèlement l'un à côté de
l'autre. Il existe plusieurs tronçons réunis de la
même façon.- En arrière, c'est une véritable circonvo-
lution arrondie qui se termine en avant par les tractus
blancs. En avant, sur la portion réfléchie du corps
calleux, de chaque côté du bec de ce corps, ou trouve
deux lamelles grises rubanées bordées par les nerfs
de Laucisi; elles vont de l'un à l'autre et remplissent
l'espace compris entre les tractus longitudinaux et le
fond du sinus calleux d'une part, et l'extrémité de la
bande diagonale d'une autre part. A ce niveau, leur
substance grise va se confondre avec celle de l'espace
perforé. Dans la même région, on trouve d'un seul
côté seulement une large lame de substance grise se
continuant du même côté avec le tissus gris du carre-
four et envoyant une petite expansion à celui du
carrefour du côte opposé. En se redressant en avant,
cette lame de tissu gris se ramasse et forme une circon-
volution arrondie qui se place au-dessous de l'origine
de la circonvolution du corps calleux, contoure navec
cette dernière le genou calleux et semble se confondre
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 193
après un trajet plus ou moins longavecla circonvolution
sus-jacente. Mais, lorqu'on relève entièrement celle-ci,
on les voit toutes deux se détacher l'une de l'autre, et
la petite circonvolution se continue en arrière par le
ruban réticulé Il n'est pas rare de voir la demi-
circonvolution godronnée rester accolée à la face supé-
rieure du corps calleux sur une plus ou moins grande
étendue, quand on relève la circonvolution crétée; puis
reprendre ensuite sa place sous cette dernière. Dans
les cas où la susbtance grise est accolée à la face
supérieure du corps calleux, le ruban réticulé est
très faible et semble être remplacé par les tractus les
plus externes de la formation des nerfs de Lancisi. La
lame réticulée elle-même peut rester accolée au corps
calleux; c'est qu'alors des tractus transversaux de la
commissure ont passé à, travers ses fibres. En effet,
quand on soulève la circonvolution crétée, on voit,
dans ce cas, la lame réticulé se présenter sous forme
de petits arcs à concavité inférieure dans les points où
elle adhère à la circonvolution, tandis que sur les autres
points, les tractus transversaux la maintiennent appli-
quée sur le corps calleux'. Je dirai enfin que toutes les
dispositions indiquées peuvent varier d'un côté à
l'autre.
Nerfs de Lancisi.-A la demi-circonvolution godro-
née sus-calleuse, il faut ajouter la formation des nerfs
de Lancisi, qui vient la complèter pour ainsi dire. Il
s'agit bien en réalité d'une veritable formation, dont
les tractus longitudinaux ne sont qu'une partie appas-
1 Dans la description j'ai employé l'expression «demi-circonvolution go-
dronné supérieure ; » comme souvent elle est incomplète, il vaut mieux,
pour être plus exact, dire prolongement supérieur ou sus-calleux du
corps goudronné ».
ARCHIVES, t. XXI. 13
194 ANATOMIE.
rente. La formation peut même exister sans qu'on aper-
çoive le relief des tractus.
Nous savons déjà que ces nerfs sont une émanation de
la branche interne de la bifurcation postérieure du corps
godronné, c'est-à-dire de la partie libre de celui-ci.
Ils sont donc en quelque sorte les analogues des corps
bordants et lorsqu'ils sont accompagnés de tissu ner-
veux, ce qui est assez fréquent, ils représentent sur le
corps calleux la portion supérieure de la formation go-
dronnée dans le ventricule.
Ce qui me paraît devoir être invoqué en faveur de
cette anologie, c'est qu'au moins en arrière, où ils
forment assez souvent une large lamelle, isolable du
corps calleux, de 5 à 6 millimètres de largeur, ils se
mettent alors en contact avec la bande grise du corps
godronné, laquelle, dans ces cas, est fixée au corps
calleux, comme je l'ai dit plus haut.
Quoi qu'il en soit, et sans insister davantage sur cette
analogie, il y a lieu de remarquer qu'il y a balance-
ment entre le volume de la formation de Lancisi et celle
du corps godronné sus-calleux; leur développement est
en raison inverse l'une de l'autre'. Il me paraît cer-
tain, en tous cas, que ces deux éléments ont entre eux
une grande comnexité, car, comme on le verra plus
loin, ils viennent tous deux aboutir au même point,
à la bande diagonale du carrefour.
Nerfs de Lancisi inférieurs Aux nerfs de Lancisi
' J'ai eu occasion de voir une fois sur le milieu de la face supérieure
du corps calleux une traînée de substance grise, longue de 4 centimètres
et appliquée sur le côté externe des bandelettes de Lancisi. Son extré-
mité postérieure reposait sur le bourrelet calleux. Elle contournait ce
bourrelet et se continuait avec la branche interne de division du corps
godronné. La branche externe était bien moins développée que d'ordt-
naire.
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 195
il faut ajouter de petits tractus longitudinaux, ordi-
nairement au nombre de deux qui, ceux-là, sont situés
sous le corps calleux.
Ils prennent naissance dans la lyre, et proviennent
des fibres les plus obliques c'est-à-dire les plus externes.
Ils se placent, très rapprochés l'un de l'autre, sur le plan
médian de la voûte à sa partie supérieure, parcourent
ainsi tout le corps calleux jusqu'au septum. Là ils se
divisent le plus souvent. Une branche va s'anastomo-
ser avec le toenia. L'autre, qui continue le trajet, suit
le bord supérieur du septum et arrive enfin à rejoindre
les nerfs de Lancisi devenus inférieurs.
Ce ne sont en somme que des filets du groupe Lan-
cisi, qui se sont séparés de ce groupe, pour passer au-
dessous du corps calleux. Ce sont des tractus longitu-
dinaux inférieurs.
Tels sont les détails des prolongements postérieurs de
la circonvolution godronnée, détails faciles à voir à l'oeil
nu. Seulement, il importe d'être prévenu que pour cons-
tater la présence de prolongements gris à leur ori-
gine, il faut user de beaucoup de précautions en enle-
vant les membranes. Comme à ce niveau celles-ci sont
très multipliées, très denses et très solidement fixées,
si l'on ne redouble pas d'attention, on risque fort d'en-
lever avec elles ces deux prolongements, surtout l'in-
terne. Puis-je dire maintenant que la circonvolution
godronnée constitue à elle seule le centre cortical de
l'olfaction ? La corne d'Ammon et le lobule de l'hippo-
campe, la circonvolution crétée en font-ils aussi par-
tie ? On comprendra que je ne puisse me pronon-
cer, .
La circonvolution godronnée empiétant un peu dans la
196 ANATOMIE.
corne d'Ammon par sa couche granulée me semble suffire
au sens de l'olfaction. Pour le restant de la substance
grise ammonique, comme pour la substance grise des
autres circonvolutions juxtaposées, peut-être n'apportent
elles que le concours de leurs cellules de l'intellect ?
Mais je ne puis faire que des hypothèses. Il faut
attendre. Ce qui est certain, c'est que beaucoup de
physiologistes ont une grande tendance à localiser
l'olfaction du côté de la corne d'Ammon, dans la région
de cette circonvolution. Si je me suis cru autorisé à
fixer mon choix sur la circonvolution godronnée, c'est
d'abord parce qu'elle constitue une formation bien
tranchée par sa configuration à part et par son isole-
ment, et bien caractérisée par sa structure histolo-
gique ; c'est ensuite parce que ses émanations, grise et
blanche, qui me paraissent indéniables, ont les relations
les plus intimes avec le carrefour olfactif, lequel, cela
n'est pas discutable, appartient à l'appareil de l'olfac-
tion. C'est dans les chapitres suivants que j'établirai ces
relations.
En raison de l'importance que comporte le point que
je viens de traiter, j'ai donné une grande extension à
mes notes bibliographiques. De leur lecture, il résultera,
je crois, que si je n'ai pas atteint le but, je m'en suis du
moins très approché.
D'après les faits, les arguments et les aperçus des
auteurs que je mets en lumière, on verra que je n'ai eu
qu'à aller un peu plus loin que ceux-ci, et à préciser
les rattachements que quelques-uns ontmêmepressentis.
Au point de vue embryologique, je me bornerai à
faire remarquer le développement précoce du corps
godronné et de ses annexes, notamment le trigone
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 191
chez le foetus à une époque où le lobe olfactif acquiert
son plus grand développement relatif.
NOTES bibliographiques. Centre olfactif cortical. TREVI-
RANUS, d'après Pressât '. « La corne d'Ammon est en relation
intime avec les corps olfactifs et les corps striés. Son volume
n'est en rapport direct qu'avec le volume des nerfs olfactifs;
et la substance médullaire de son extrémité inférieure se con-
fond avec le noyau médullaire duquel naissent les racines
externes du nerf olfactif... L'hippocampe coopère donc vrai-
semblablement à une fonction de la vie intellectuelle supé-
rieure, peut-être à la réminiscence, qui est si bien réveillée
par des impressions exercées sur le sens de l'olfaction... »
SERRES. - * L'appareil olfactif considéré à la base de l'en-
céphale se compose donc (dans de certaines familles de mam-
mifères) de quatre parties distinctes, non compris le lobule
olfactif ? dupédicule olfactif; 2° de ses racines interne et
externe ; 3° du champ olfactif; 4° du lobule de l'hippocampe.»
LELUT, d'après Pressât, insiste sur les relations du lobule
de l'hippocampe avec les racines des nerfs olfactifs, et sur « la
disposition alvéolée de la face ventriculaire du lobule de l'hip-
pocampe, surtout à sa partie inférieure » .
Pressât cite aussi des observations de TIEDEMANN relatives
à des absences de nerfs olfactifs dans des cas de malformation
du cerveau (cyclopes particulièrement). « L'absence des nerfs
olfactifs était généralement accompagnée d'un moindre volume
des corps striés et de l'absence ou d'un développement incomplet
de la voûte et des cornes d'Ammon. Ce fait est donc favorable
à l'opinion de Treviranus, qui pense que la voûte et les cornes
d'Ammon sont en rapport immédiat avec les nerfs olfactifs. »
MILNE-EDWARDS. « Proportionnellement aux parties voi-
sines des hémisphères, la corne d'Ammon est beaucoup plus
grosse chez les marsupiaux et les rongeurs que chez les autres
animaux de la même classe dont l'encéphale est plus perfec-
tionné. »
Luys. « Les caractères topographiques de cette circonvo-
lution (d'Ammon), qui est elle-même en dehors de la masse
commune, hors rang, s'accommodent assez bien avec le carac-
' Thèses de Pans, 1837.
198 ANATOMIE.
tère de ses points de convergence centraux qui pareillement
sont hors rang, les tubercules mamillaires et la conarium. »
CRUVEILHIER. - «... Chez les rongeurs, la portion réfléchie
de l'hémisphère qui constitue la corne d'Ammon est presque
aussi considérable que l'hémisphère lui-même, et l'on voit de
la manière la plus manifeste les connexions de la corne d'Am-
mon avec la voûte à trois pilliers. Il est bien évident que la
voûte, la corne d'Ammon et le corps bordé ne forment qu'un
seul et même système et sont continues. » '
Milne-Edwards incline àpenser, en s'appuyant sur les expé-
riences de Fermer, que le centre de l'olfaction est dans la
corne d'Ammon ou dans une région avoisinante.
FERRÉ. - c La dysosmie qui figure dans l'aura de quelques
épileptiques, les hallucinations olfactives, l'hémianosmie des
hystériques coïncidant avec l'hémianesthésie générale plaident
en faveur du centre cortical. >
Malgré cette tendance qu'ont de nombreux auteurs
à voir dans la région de la corne d'Ammon un centre
olfactif, rien n'est encore précisé : cette tendance
est, du reste, combattue par les auteurs, Huguenin
entre autres, mais certainement moins nombreux que
les premiers.
Les travaux de BROCA, ont contribué à enrayer les
recherches du côté de l'existence d'un centre nerveux
cortical. Le bulbe olfactif ayant été considéré par cet
auteur comme « une expansion cérébrale projetée à
une distance variable de l'hémisphère » et ayant été
doué par ce même auteur de propriétés motrices en
plus de ses propriétés sensitives, cela a suffi pour
qu'on attribue à ce bulbe une véritable autonomie,
lui permettant de jouer le rôle de centre nerveux.
Tout en accordant au bulbe ce rôle prédominant,
Broca a néamoins admis trois centres nerveux secon-
daires, un supérieur, un postérieur, et un antérieur.
Le centre olfactif supérieur est situé sur la face in-
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAI. DE L'OLFACTION. 199
terne de l'hémisphère. Il comprend le carrefour de
l'hémisphère et la première portion du lobe du corps
calleux (ou circonvolution du corps calleux)... -
Plus loin, il dit : « Il (le centre) va se perdre dans
la couche de la substance grise qui revêt l'origine du
corps calleux... u
Sous le nom de carrefour interne de l'hémisphère,
il décrit : « Une région plane qui communique en
avant avec la face interne du lobe frontal, en haut
avec le lobe du corps calleux, en bas avec la partie
interne de l'espace quadrilatère, et sur laquelle vient
se terminer insensiblement, en bas et en arrière
l'extrémité effilée ou bec du corps calleux. Ajoutons
enfin que c'est là que viennent aboutir, en bas et en
avant, la racine olfactive interne, en bas et en arrière
la bandelette diagonale de l'espace quadrilatère. »
... « Le centre olfactif postérieur est le lobe de
l'hippocampe où va se rendre la racine olfactive ex-
terne. L'anatomie comparée nous montre, en effet,
que le lobe de l'hippocampe croît et décroît en même
temps que cette racine... Le centre antérieur com-
prend la partie postérieure des deux premières cir-
convolutions orbitaires... Il comprend en moyenne
le tiers postérieur des deux premières circonvolutions
orbitaires. »
C'est en s'appuyant sur des probabilités que Broca
édifie ce centre qui a à recevoir les fibres blanches
émanées de la racine grise et qui vont « après un trajet
extrêmement court se rendre sur le bord postérieur
des circonvolutions orbitaires ». Cette insertion des
fibres blanches de la racine serait très apparente chez
les osmatiques; « il paraît probable dès lors qu'elles
200 ANATOMIE. z
sont olfactives l'une et l'autre, au moins dans leur
partie postérieure, sans qu'on puisse savoir jusqu'où
s'étend, d'arrière et avant, la zone affectée à cette
fonction ». L'observation du « désert olfactif » chez
les cétacés delphiniens dont l'appareil olfactif n'exis-
terait pas, le confirme dans son opinion.
Sans insister sur ce qu'a d'anormal ou d'exception-
nel le siège d'un centre sensitif dans le lobe frontal,
je ferai remarquer que ce n'est que par analogie avec
ce qui existe chez les animaux que Broca, a construit
son centre antérieur.
Il faut remarquer ensuite que Broca, qui range
l'homme parmi les anosmatiques, lui accorde cepen-
dant quatre centres nerveux olfactifs, un principal et
trois secondaire. C'est beaucoup pour des anosmatiques;
et il est au moins singulier, d'une autre part, qu'une
fonction, qui a son importance mais cependant est moins
importante que d'autres, soit mieux partagée que celles-
ci. Tout ce qui, au point de vue de ma thèse, peut-
être retenu dans les idées de Broca, c'est qu'il fait
un centre olfactif du lobe de l'hippocampe « qui
croît et décroît en même temps que la racine externe
olfactive. » Etant données les dispositions que présen-
tent, au niveau de l'uncus, la circonvolution godron-
née et ses annexes, il y a en effet beaucoup de probabi-
lités pour que le lobe de l'hippocampe, au moins dans
sa portion corticale, fasse partie de l'appareil olfac-
tif. Les auteurs modernes semblent abandonner les
idées de Broca; et l'on revient à tourner les yeux du
côté de la région de la corne d'Ammon.
MATHIAS DUVAL (Al'chiveg de Neul'ologie, 1881) appelle
l'attention sur les rapports de la formation ammonique
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 201
avec le trigone chez le mouton et le chien. Chez certains
rongeurslissencéphales, il montre qu'il reste cependant
un « gyrus cérébral, la circonvolution godronnée, recon-
naissable aux traits particuliers de sa structure, et qui,
par suite, est évidemment désignée comme un centre
cortical d'une nature toute particulière ».
Plus loin, il est très précis : « Si donc la région de
l'écorce conserve chez tous les mammifères une
délimitation si exacte, avec une particularité de struc-
ture si caractéristique, elle mérite plus que toute autre,
au point de vue anatomique, le nomd'orOEKe cortical,
et il n'est guère possible de douter qu'une fonction
ne soit localisée dans cet organe.
Reste donc à savoir la signification physiologique.
C'est une question que nous n'aborderons pas ici et
qui doit être résolue par l'anatomie comparée et par
l'expérimentation. Nous ferons seulement remarquer
que l'anatomie a déjà désigné cette partie comme cor-
respondant très probablement aux fonctions olfactives. »
Il termine ainsi : « Comment se comporte la formation
ammonique à son extrémité toute antérieure, c'est-à-
dire au niveau de ce qu'on appelle le crochet de la
circonvolution de l'hippocampe ? Avec quoi se continue
la branche interne de ce crochet ? Avec le corps bordant
ou le corps godronné ? Quelles sont, dans leurs détails,
les connexions exactes des tractus olfactifs avec la
formation ammonique 7... »
Giacomini [Archives italiennes de biologie, 1881).
«.... Par cette continuité, nous avons, tout le long de
l'île des hémisphères, une production qui prend une
forme, un volume et des rapports différents selon les
modifications du bord de l'île, mais que nous pouvons
202 ANATOMIE.
considérer comme un tout continu. La bandelette de
l'uncus, le fascia dentata, le fascia cinerea, les nerfs
de Lancisi, les pédoncules du corps calleux ne seraient
que des sections diverses -du même appareil. Prises
isolément, ces parties présenteraient des difficultés à
l'intelligence de leur signification morphologique; con-
sidérées dans leur ensemble, la connaissance de
leurs connexions devient plus facile. Et nous pouvons
démontrer qu'elles ne sont que les parties d'un tout,
en étudiant leur mode de développement et leur
manière de se comporter chez les animaux. »
«... Si nous voulions employer le langage figuré
adopté par les anciens anatomistes pour indiquer les
parties de la région que nous étudions, nous pourrions
vraiment dire que la fascia dentata nous représente le
véritable ourlet du manteau cérébral...» » -
Giacomini, rapportant son appareil ainsi constitué à
l'ourlet du manteau cérébral, semble se rapprocher des
idées de FOVILLE, lequel dit à ce sujet :
. « Il (le prolongement radiculaire de l'olfactif) com-
munique encore avec le ruban fibreux de l'ourlet, avec
les parties antérieures de la marge du quadrilatère per-
foré, avec le cotylédon extra-ventriculaire du corps
strié, avec les parties extérieures et le noyau gris de
la tubérosité temporale, c'est-à-dire avec cet ensemble
que nous avons décrit comme la terminaison du cercle
fibreux de l'orifice ventriculaire. Et il est remarquable
que les connexions qu'il présente aussi par ses racines
internes avec certaines parties ventriculaires ont lieu
précisément entre lui et l'ensemble de faisceaux et de
membranes que nous avons présentés comme formant
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 203
l'origine de ce même cercle fibreux de l'origine du
ventricule latéral. »
Prolongement antérieur de la circonvolution godron-
née.- Ce prolongement serait constitué, comme on l'a
vu, par la continuation de la lame blanche reticulée
jusque sur l'uncus, pour la substance blanche ; et pour la
substance grise, par une languette émanant de la partie
antérieure de la partie libre du corps godronné et pas-
sant par-dessus l'uncus, recouvert de sa lame dente-
lée. Est-ce cette languette, en forme de virgule, que
Giacomini désigne sous le nom de « bandelette de
l'uncus » ? N'ayant pu me procurer la communication
relative à cette bandelette et à laquelle il fait allusion
dans son travail des « Archives », je ne puis dire si
c'est la même production que je signale après lui.
Prolongements postérieurs de la circonvolution godron-
née. La lame blanche réticulée. (FOVILLE)- «... Nulle part
ailleurs, elle (la lame blanche) n'est plus sensible que
sur le concavité de la tubérosité terminale. » Il ajoute
qu'en se continuant sur la circonvolution elle présente
des espèces de mailles qui le rapprochent quelque peu
d'une dentelle.
GIACOMINI [Archives italiennes de biologie, 1884).-
«La substantia reticularis alba que plusieurs anatomistes
ont négligée ou simplement mentionnée sans rechercher
la signification qu'elle peut avoir, et qui est même niée
par quelques-uns, parce qu'elle est considérée comme
la conséquence de l'enlèvement brusque delà pie-mère
et par conséquent comme un produit artificiel, la subs-
tantia reticularis alba, disons-nous, constitue une
dépendance réelle du grand pied d'hippocampe, car
elle se trouve dans toute son étendue, et indique
204 ANATOMIE.
les profondes modifications que l'écorce subit dans sa
constitution intime en passant de la circonvolution de
l'hippocampe à cette formation. »
Prolongements du corps godronné. VICQ-D'AzYR a
fait représenter dans sa planche XVI « l'origine de la
portion grise et interne ou godronnée de la corne d'Am-
mon... Cette disposition est très importante à connaître,
parce qu'elle distingue le cerveau de l'homme d'avec
celui des quadrupèdes en général, dans lesquels cette
portion grise ou corticale de la corne d'Ammon est d'un
grand volume et se montre sous la forme d'un arron-
dissement ou tête située entre la voûte à trois piliers
et les couches optiques. Les singes sont les seuls dans
lesquels la structure de cette portion grise sont à peu
près la même que dans l'homme. » C'est la partie interne
de la terminaison du corps godronné au niveau du bour-
relet du corps calleux, que Vicq-d'Azyr a fait représen-
ter. Pour lui, elle se fixe sur le bourrelet. Quant à
la portion interne, celle qui se continue avec les nerfs
de Lancisi, il n'en parle pas.
FOVILLE.-« « Aminci par son bord libre, il (le corps
godronné d'Ammon) est plus épais par sa base. Arrivé
au contact du corps calleux, il se soude à son bord posté-
rieur et se prolonge au-dessus de ce corps dans l'inter-
valle de la circonvolution de l'ourlet et du corps calleux
lui-même. On en retrouve la trace dans presque toute
l'étendue de l'anfractuosité bâtarde par laquelle la
circonvolution de l'ourlet correspond au corps calleux. »
Foville, comme on le voit, avait entrevu le corps
godronné supérieur; mais il n'en parle plus à partir
de ce moment, pour ne s'occuper que du ruban de
l'ourlet.
DE- L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 05
GIACOMINI est le seul des modernes, à ma connais-
sance du moins, qui ait vu une partie du corps go-
dronné supérieur. «... La fascia dentata, au contraire,
tourne autour du bord postérieur du corps calleux
pour aller à sa face supérieure et se continuer'avec
cette petite couche de substance grise qui la recouvre
ou avec les nerfs de Lancisi. Lorsque la fascia dentata
commence à s'éloigner de la fimbria, elle devient
unie, souvent perd l'aspect dentelé et de ce point, elle
prend le nom de fascia cinerea. Son parcours n'est
pas bien régulier, mais un peu ondulé en forme d'S,
et se fléchissant un peu en dedans au-dessous du
psaltérium, avant d'entourer son bord postérieur et
de finir sous la circonvolution du corps calleux. »
Giacomini n'a pas vu la terminaison complète de
cette dépendance du corps godronné, du moins si
j'en juge par les deux passages suivants : ,
« Si nous mettons à découvert la face inférieure du
splénium du corps calleux, dans le cerveau de diffé-
rents animaux, comme : chien, chat, renard, veau,
agneau, etc., on trouve que cette partie est occupée
par une circonvolution sinueuse bien prononcée, avec
la convexité dirigée vers la ligne médiane... D'un côté,
cette circonvolution se continue avec le fascia dentata
qui, chez quelques animaux, présente une surface li-
bre et non recouverte par la fimbria ; et, d'un autre
côté, elle va finir dans le gyrus fornicatus en tournant
autour de l'extrémité du splenium. C'est-à-dire que
nous trouvons ici le même fait que chez l'homme,
avec cette différence que chez les animaux il a pris
des proportions plus grandes. .
Giacomini arrête donc la fin de sa fascia dentata au
206 ANATOMrE.
gyrus fonnicatus. Plus loin : « Il me suffit d'avoir seu-
lement démontré que toutes les parties essentielles du
grand pied de l'hippocampe ne s'arrêtent pas à la partie
postérieure de cette région, mais qu'elles se conti-
nuent toutes plus ou moins modifiées sur la surface
supérieure du corps calleux, à l'exception de la fim-
bria qui se continue sur sa face inférieure.
Après avoir ainsi constaté la terminaison ou mieux
la continuation de la couche granuleuse, qui, comme
nous l'avons dit, représente la fascia dentata, j'ai
voulu revenir sur son extrémité antérieure, afin de
voir si la terminaison de la bandelette de l'uncus ne
pourrait pas s'unir à d'autres parties, et en particu-
lier, si l'on ne pourrait pas retrouver quelque rapport
avec la terminaison antérieure du nerfs de Lancisi.
Mais, dans tous les examens de cette région, que
j'ai faits sur des cerveaux frais, j'ai toujours vu la
terminaison de la bandelette au point où commence
la paroi ventriculaire, qui ferme l'appendice sphé-
noïdal des ventricules latéraux, et il ne m'a pas été
possible de la suivre plus loin. »
Pourtant dans un autre passage où il invoque l'em-
bryogénie, il dit, à propos d'un cerveau 'de foetus de
4 mois : « On voit la fascia dentata déjà bien distincte
être en arrière un peu plus grosse; s'éloigner de la
fimbria, entourer l'extrémité postérieure du corps cal-
leux, qui est développé à moitié; atteindre sa face
supérieure, sur laquelle on peut l'accompagner avec
une grande facilité jusqu'à correspondance de son
genou, où elle ne se terminerait pas encore. Mais
dans quelques cerveaux convenablement préparés, on
pourrait la suivre au-dessous de celui-ci jusque dans
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE 1,'OLFACTION. 207
les petites lames grises des nerfs optiques et dans les
bandelettes optiques, »
On voit que Giacomini et moi, nous différons sur
la terminaison de la circonvolution godronnée, puis-
qu'il la fait abouter, à l'appareil optique. Il a bien vu
chez les animaux, la circonvolution godronnée dans
le ventricule calleux, mais il ne l'a pas rattachée au
' carrefour olfactif.
Pour moi, je m'explique les dissidences des auteurs
ou leurs descriptions incomplètes par les nombreuses
variétés que présente, dans le ventricule du corps cal-
leux, le prolongement supérieur du corps godronné.
Je crois que, prévenus maintenant, les anatomistes re-
trouveront, avec ses modifications, cette circonvolu-
tion ou plutôt chez l'homme cette demi-circonvolu-
tion.
Lame bordante du prolongement supérieur du corps
yodronné FOVILLE, sous le nom de ruban de l'ourlet,
la décrit ainsi : « Si l'on prend comme lieu d'origine
du ruban fibreux de l'ourlet l'endroit où il est atta-
ché à la partie antérieure interne du quadrilatère
perforé, on le voit, dans ce lieu, se prolonger en avant
du corps calleux, contourner sa courbure antérieure,
le suivre encore au dessus de cette courbure jusqu'au
bourrelet postérieur, derrière lequel il s'accole à la
région correspondante du cercle fibreux de l'orifice
ventriculaire. Une fois uni à ce cercle fibreux, il des-
cend avec lui dans la tubérosité temporale de la cir-
convolution de l'ourlet. »
« Ce ruban fibreux offre, dit-il plus loin, quelque
ressemblance avec ces replis marginaux que nous
appelons ourlets dans nos linges. C'est en raison de
208 ANATOMIE.
cette analogie que nous l'avons nommé l'ourlet fibreux
de l'hémisphère, et que nous avons donné le nom de
circonvolution de l'ourlet ou d'ourlet cortical au re-
pli de couche corticale qui l'enveloppe. » L'ourlet de
Foville n'est autre, comme on le voit, que la partie
médullaire de la circonvolution godronnée sus-cal-
leuse, ce que j'appelle la lame bordante crétée.
BROCA n'accepte pas l'ourlet de Foville. « L'ourlet,
suivant Foville, était une bandelette de fibres blanches
qui longeait toute la base de la circonvolution et qu'il
comparait à la lisière ou à l'ourlet de l'entrée d'une
bourse. Quant au nom de circonvolution de l'ourlet, il est
tout à fait défectueux, car l'ourlet, auquel ce nom est
emprunté, n'est pas une partie distincte ; c'est le pro-
duit artificiel d'une dissection dirigée par une idée
préconçue. » HUGUENIN admet le système de l'ourlet de
Foville qu'il appelle « système de fibres longitudi-
nales » et qu'il rattache à ses systèmes d'association'.
Nerfs de Lancisi. F. FRANK. « Valentin dit avoir
vu au niveau du raphé (du corps calleux) une traînée
grise nerveuse qui serait en continuité avec l'origine
du corps godronné. Il lui a donné le nom de bande-
lette cendrée. M. Longet n'a pu le retrouver; néan-
moins Meynert en admet l'existence, mais d'une façon
peu explicite, et seulement vers le bourrelet du corps
calleux. »
GRATIOLET. « Si nous considérons avec attention
l'origine et la marche de^ ces fibres, il sera difficile de
méconnaître leur analogie avec celle du ruban fibreux
' Ce que quelques auteuis décrivent aujourd'hui sous le nom de
cingulum me paraît être l'ourlet de Foville. Mais, en raison des descrip-
tions différentes qui en sont données, je ne saurais l'affirmer.
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 20H
de l'ourlet. Elles nous paraissent en conséquence
appartenir au système des commissures propres. Nous
n'insisterons pas davantage sur ces fibres que les ana-
tomistes et les physiologistes ont négligées à l'envi. »
«... La base de ce plan est un anneau fibreux qui
borde la grande ouverture de l'hémisphère. Si nous
prenons pour point de départ le point de cette ouver-
ture qui correspond à la partie interne du champ
olfactif, nous le verrons suivre la courbe du corps
calleux, dont il embrasse le bord ou genou postérieur,
et revenir à son point de départ, en doublant exac-
tement la circonvolution du pli cruciforme. »
De cet anneau, auquel il conserve le nom d'ourlet
donné par Foville, il fait partir tout un système de
fibres qui s'irradient « dans les plis de la face interne
des hémisphères » .
HUGUENIN fait descendre ce tractus « jusque sur la
circonvolution en crochet (szibstantia reticularis alba) et
entrer en connexion intime avec la corne d'Ammon ».
MEYNERT, d'après F. Frank. « Les nerfs de Lancisi
établissent une voie d'association entre l'extrémité
antérieure de la circonvolution de l'ourlet et la corne
d'Ammon, ce qui revient à dire que les nerfs de Lan-
cisi rattachent l'un à l'autre les points d'implantation
cérébraux des deux racines olfactive externe (corne
d'Ammon) et olfactive interne (partie frontale de la
circonvolution de l'ourlet).
FOVILLE et MEYNERT, ce dernier d'après F. Frank,
font continuer la racine olfactive interne avec les nerfs
de Lancisi, et par l'intermédiaire de ceux-ci, la met-
tent en communication avec la corne d'Ammon.
D'après un passage de Huguenin, il semble que
Archives, t. XXI. 14
210 ANATOMIE. APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION.
Lancisi n'ait pas limité sa description aux seuls
tractus longitudinaux qui portent aujourd'hui son
nom. « ... Il est à remarquer en outre que le long du
bord où l'écorce cérébrale se termine sur le corps cal-
- leux par un bord tranchant, se trouve un cordon blan-
châtre [stria longitudinatis, seu tecta nervus Lancisi)
qui s'étend en arrière et en bas sur la partie descen-
dante de la circonvolution de l'ourlet, et double
l'écorce grise d'une traînée blanche de substance mé-
dullaire. »
IiIACOMINI. « Les limbi medullares de Lancisi cons-
tituent un caractère propre de la circonvolution du
corps calleux, et sont connus sous le nom de stria
tecta et obtecta, et ils seraient formés par ces fibres,
que nous avons vues se continuer sur la substantia
alba reticularis.
Le stria tecta ne forme aucune saillie, mais dans les
coupes elle se présente sous forme semi-lunaire, avec
sa concavité en dedans limitant le foud du ventricule
du corps calleux, et sa convexité externe correspon-
dant au point où existent les petites cellules pyrami-
dales. Elle peut être bien distinguée sur les coupes
sans l'aide d'aucun instrument, étant moins fortement
colorée que le reste de l'écorce, et elle peut être suivie
jusqu'à sa terminaison.
Mais je n'insiste pas davantage sur ce point, attendu
que mes observations n'ont pas été assez répétées pour
pouvoir établir exactement la manière différente de
. se présenter de cette région, qui mériterait d'être
, examinée plus attentivement. »
(A suivre.)
PATHOLOGIE NERVEUSE
SUR L'ASTASIE-ABASIE1 1
Par le D' THYSSEN
VI. - Au point de vue symptomatique, tous les auteurs
mettent en relief que le trouble porte exclusivement sur les
actes associés pour la station et pour la marche, qui sont em-
pêchés à des degrés variés, et que d'un autre côté, comme
M. Charcot l'indique déjà en L883 2, le sujet couché a con-
servé l'intégrité de la force musculaire et la précision des
mouvements des membres. La justification du terme astasie-
abasie < se trouve dans le fait capital de cette intégrité
dans le décubitus, et de là, non appréciation des forces mus-
culaires aux fonctions spéciales de la station et de la marche.
Ces anomalies se déclarent quand on invite le malade à se
tenir debout ou à marcher; alors on peut observer des'va-
riétés dans celles-ci. La station debout et la marche peuvent
être absolument impossibles ; la personne mise sur ses pieds
s'affaise complètement, ses jambes sedérobent sous lui, comme
dans le « Giving way of the legs » des Anglais, observé dans
le tabes. Ce même individu se mettant à genoux, pourra mar-
cher à a quatre pattes », grimper sur un arbre, avancer à
cloche-pied, et nager, comme c'est démontré dans notre
deuxième observation. La personne soutenue pourra encore
avancer ses jambes, en rappelant les mouvements que font les
enfants qui commencent à apprendre à marcher (Blocq). Enfin,
la station et la marche tout en étant possibles, peuvent toutes
les deux offrir les plus grandes difficultés.
Les sujets atteints d'abasie imaginent toutes sortes de pro-
cédés pour se déplacer. Certains se mettent à sauter comme
des pies, ou en faisant progresser la chaise sur laquelle ils sont
'Voir Archives de Neurologie, n° 61, p. 58.
' Charcot. - Loco citato.
212 PATHOLOGIE NERVEUSE.
assis. Il en est même, ainsi que nous en avons vu un remar-
quable exemple à la Salpêtrière, phénomène plus curieux, qui,
peuvent marcher à très grands pas [marche dramatique,), et ne
peuvent marcher normalement. De même que dans la plupart
des cas de Blocq, des stigmates d'hystérie coexistent très sou-
vent avec ces désordres du mouvement, indiquant la nature du
trouble; mais il n'est pas impossible que le syndrome astasie-
abasie accompagne une maladie spinale organique.
Blocq suscite l'étonnement du professeur Binswanger, quand
il distingue trois formes de cette affection, selon que les fonc-
tions de la station et de la marche sont abolies, amoindries ou
troublées. Ce dernier auteur suppose que trois catégories en face
de onze observations est un nombre exagéré, car il n'accorde
qu'à trois des cas de Blocq (obs. 3,4, 5) le droit d'entrer dans le
cadre tracé par la définition de M. Charcot; les mêmes troubles
de la station et de la marche des autres observations seraient
secondaires à des anesthésies et à des hyperesthésies '. Nous
discuterons plus loin cette opinion, Grasset 2, considérant de
son côté moins l'intensité du désordre des mouvements, que
la qualité des troubles, ramène les cas à trois types distincts,
troubles occasionnés par la faiblesse, par l'incoordination ou
par les mouvements cadencés (forme chorée rythmée).
M. Charcot adopte dans sa leçon de '1889 la division sui-
vante 3 :
SUR l'astasie-abasie. 213
accès, de plus le malade de M. Brissaud ' ne se range pas non
plus dans cette catégorie. Aussi proposons-nous le cadre sui
vant :
214 PATHOLOGIE NERVEUSE.
hystériques, mais ne déterminent pas en réalité le trouble
abasique. '
Nous serons très court sur le diagnostic; la confusion ^pour-
rait se faire avec le tabes ou avec la maladie deFriedreich;
mais alors l'incoordination porte sur tous les mouvements des
membres inférieurs. L'ataxie hystérique de Briquet' et de
Lassègue n'existe que lorsque les yeux sont fermés. Les
paraplégies hystériques flasques avec impotence absolue se
reconnaissent à cela, que tous les mouvements sont abolis,
dans le décubitus. Dans la chorée rythmée on observe la
cadence et la régularité des secousses musculaires. La con-
vulsion réflexe saltatoire de Bamberger, se traduit par de la
paralysie spasmodique, des réflexes exaltés de la trépidation
épileptoïde.
VII. - Le Pr Charcot et Blocq ont proposé une ingénieuse
théorie psychologique pour expliquer ce phénomène, théorie
qui a été combattue par M. Binswanger., et critiquée parM.Mo-
bius. La pathogénie des auteurs français est basée sur ce que
nous savons de l'organisation des mouvements acquis. Le plus
grand nombre des centres fonctionnels (marche, station, course
natation, saut, jeu de divers instruments) s'organisent dans le
cerveau et dans la moelle. M. Charcot compare volontiers ce
mécanisme à celui de l'orgue de Barbarie. Il compare les cen-
tres médullaires à ces rouleaux de cuivre heurtés de pointes
dont la disposition variable correspond à des airs différents et
qui sont enfermés dans la caisse de l'instrument3. Le centre
spinal posséderait ainsi le matériel d'exécution et serait dirigé,
par le centre cortical, «par la mémoire psychologiques qui in-
diquerait le genre d'impulsion qu'il faut donner pour dé-
terminer le fonctionnement. Blocq admet pour la station et la
marche, dont l'apprentissage est long, des groupes cellulaires
différenciés dans l'écorce, qui par des commissures spéciales,
entrent en relation avec les groupes cellulaires correspondants
dans les centres spinaux. Des groupes cellulaires corticaux
part le stimulus à l'occasion duquel ces centres spinaux en-
trent automatiquement en action. Ces hypothèses sont con-
firmées par un certain nombre d'expériences, notamment par
' Briquet. Traité de l'hystérie, p. 477.
. Lasèôue. - Anesthésie et ataxie hystériques, t. II, p. 25.
' Charcot. - Leçons du mardi, 1889, p. 359. ·
SUR l'astasie-abasie 2H¡ S
l'observation des mouvements automatiques que font les ani-
maux (battre les ailes, marcher, nager) après la décapitation.
B. Salemi Pace pense que le rôle joué par la moelle est pré-
pondérant, aussi conclut-il, à l'occasion du cas observé par
lui, à une modification fonctionnelle spéciale et partielle de la
moelle épinière avec perte de la mémoire motrice dynamique
et statique '. Nous nous rangeons plus volontiers à l'avis de
Blocq, qui du reste ne fait que développer des considérations
présentées par M. Charcot à plusieurs reprises dans son en-
seignement. En théorie, il dit : Nous n'aurons à vous offrir
que des vues hypothétiques plus ou moins vraisemblables.
Je me bornerai ici à relever que, suivant toute probabilité, les
divers appareils relatifs à l'exécution des mouvements de la
station, de la marche, du saut, etc., comportent chacun deux
centres ou groupes cellulaires différenciés, dont l'un siège
dans l'écorce cérébrale, tandis que l'autre réside dans la moelle
épinière; ces deux centres étant reliés l'un à l'autre, bien
entendu, par des fibres commissurales. Le groupe spinal, le
plus compliqué des deux, sans aucun doute, est chargé de
l'exécution automatique, inconsciente des actes coordonnés
pour l'accomplissement de chaque fonction ; tandis que le
rôle relativement beaucoup plus simple du groupe cortical,
consiste dans l'émission volontaire des ordres, prescrivant
tantôt la mise en jeu, tantôt l'accélération ou le ralentis-
sement, tantôt enfin l'arrêt définitif des actes exécutés par le
groupe spinal correspondant. Dans celui-ci, en d'autres
termes/réside la mémoire psychologique des actes sommaires
qu'il faut prescriresoit pour mettre en jeul'appareil, soit pour en
arrêter le fonctionnement, tandis que la mémoire organique,
qui préside à l'exécution, dans tous leurs détails, des mou-
vements prescrits réside dans celui-là. Vous voyez par là que
dans chaque cas particulier, il y aura à se demander si l'affec-
' Considcrando el caso della mia osservazione personale, ove ho potuto
nettamente persuadermi della integrita completa delle funzioni cerebrali,
et perlui nell' ammalata non era menoma mente a dubitarsi d'un yin ! 0
nella det erminatione dell'ordine voliliuo pcr poter starein piedi e cam-
minare : ... Non puo farsia menodi concludere, che soltanto il midollo
spinale soffriva una speciale et parziale modificazione funzionale col per-
dere la memoria dinamica anziche la Statica. Loc. cit., p. 196. L'au-
teur finit par intituler son observation n Amuesia parziale (parziale : '
parce que les mouvements sont libres dans le lit) spinale per neuropthia
reumatica.
216 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tion qui vient troubler l'accomplissement du fonctionnement
.normal doit être cherchée dans l'encéphale ou, au contraire,
dans la moelle'. M. Charcot a observé que le cerveau n'a
besoin que de peu de fibres pour mettre en jeu le groupe
cellulaire où résiderait le mécanisme d'exécution 2.
- On sait généralement que la peur peut paralyser les jambes
(schrecklaehmung).-Or, justement la peur est une des causes
provocatrices de l'astasie-abasie ; çe serait une « paralysie
émotive * suivie d'une auto-suggestion d'impuissance motrice.
On peut s'imaginer le mécanisme par une influence d'arrêt
portant son action sur le centre cortical de la station et de la
marche ou sur le centre spinal. Blocq conclut (loc. cit.), que
l'altération est purement dynamique, mais toute dynamique
qu'elle soit, l'affection n'en occuperait pas moins certaines
régions dans les centres nerveux, qui détermineraient clini-
- quement le même ensemble symptomatique, dans un cas de
lésion organique. Nous regrettons de ne pouvoir analyser
plus profondément, sans être entraîné trop loin, ces hypo-
thèses si pleines d'attrait par leur simplicité pour expliquer le
désordre dont Blocq a pu trouver la vérification expérimen-
talement par suggestion.
Cette simplicité théorique a l'avantage, dit Binswanger à
propos de la pathogénie proposée par Blocq, qu'elle tâche
d'expliquer par des désordres simples et faciles à contrôler,
avec des limites nettement tranchées,' des'procès extraordi-
nairement difficiles et embrouillés de nature psychologique
et pathologique 3. Mais quand Blocq trouve une analogie avec
l'agraphie, Binswanger est d'avis qu'il n'est pas question
ici d'une non activité (Ausfall) de centres fonctionnels bien
' déterminés, mais que cette perte d'une fonction entière dé-
montre plutôt des troubles spécifiques de l'association ?
En séparant de l'astasie-abasie tous les cas, comme nous le
disions plus haut, où il existe des contractions des muscles,
1 Charcot. Leçons du mardi, 89, 5 mars, p. 367.
* L'autopsie d'un cas de mal de Pott, où après paraplégie la faculté de
marcher était revenue pendant un an, avant la mort, montrait la moelle
réduite è un tuyau de plume, sur la longue étendue du siège de com-
pression. (Observation en thèse Michaux.)
3 Binswanger. - Loco citato. Séparât Abdr., p. 21. Dassie Ausseror-
dentlich schwierige und verwickelte Vorgoenge psycho-physiologischer
art. auf einfache, leicht ùbersehbare und scharf localisarte Stôrungen
zuruckrufuhren versucht.
SUR l'astasie-abasie 217
de la trépidation, des contractures cloniques des muscles pou-
vant occasionner des troubles de la station et de la marche,
ainsi les cas où les mouvements peuvent être plus ou moins
empêchés par des douleurs, Binswanger préfère ranger le peu
de cas qui restent dans le grand domaine des obsessions
iZwangvorstellungenu et parmi les affections hypochondriques2.
En somme, d'après Binswanger à l'encontre des théories de
M. Charcot et de Blocq, il s'agirait dans l'astasie abasie d'une
affection dans laquelle les sentiments pathologiques des or-
ganes entretiennent l'idée hypocondrique, ou bien des causes
bien définies forcent la pensée de s'occuper exclusivement et
subitement de l'impotence figurée, motrice et statique.
On peut se représenter cette dernière partie selon le « Pathe-
ma p (Lerdenschaft, passion). de Spinoza, et à la manière des
c Intentions psychos en ., de L. Mayer, par un procès patho-
logique assez compliqué ( complex Krankhaft gesteigerte
Organempfindungen) se démontrant par des faiblesses, par
des vertiges, etc. Binswanger revient à Spinoza pour expliquer
l'obsession dont souffriraient ceux qui sont atteints ; la façon
de penser chez ces malades subirait l'influence décidée de leurs
idées mélancoliques, entretenues parleurs organes souffrants 3.
L'auteur prétend qu'on ne peut s'opposer à ce qu'il fasse en-
trer « l'obsession D (hypochondrische Vosrtellungs kreise) dans
la catégorie des symptômes de l'hystérie, parce que dans les
deux affections, l'imagination a une grande influence sur les
actes du corps, et vice versai
Nous pensons, au contraire, qu'il existe une ligne de démar-
1 Le même, p. 23.
* Binswanger. Loco citato, p. 26. Es handelt sich hierbei psychopa-
thologisch betrachtet um Krankheits Zustânde, bei welchen der hippo-
chondrisch zusammengedrdngte Vorstellungsinhalt, entweder vorwaltend
und dauernd aus pathologischen Organempfindungen des locomotori-
schen Apparates gespeist wird; oder aber ganz bestimmte Gelegenheits
ursachen das Senken einseitig und plôtzich auf sie Vorstellung des loco-
motorischen oder statischen Unvermogens hindrangen.
3 Idem., p. 27. Indem bei diesem Kranken die Aaufmerksamkeit
durch die das Bewusstsein beherrschenden Organempfindungen, Gefuhle
und Vorstellungen aufdie Selbstvernichtung gerichtet ist, ge winnen
diese letzteren in der Folgezeit ein bestimmenden Eillfiuss auf die Rich-
tung ihres Denken.
* Binswanger. Loco citato, sep. abdr., p. 29. Wir sehen also, dass
auch Charcot sich zu einer verwandten Erklarung dieser psachopatholo-
gischen Vorgilnge hinneigt.
218 pathologie NERVEUSE.
cation entre la « paralysie émotive », dont parle Blocq, entre
les paralysies psychiques « dependent on idea ', » dont parle
M. Charcot 2, qui, chez les sujets doués'des aptitudes morbides
que confère la diathèse hystérique, se produisent en consé-
quence d'un ébranlement traumatique, d'une émotion vive ou
encore d'une préoccupation obsédante , et l'obsession toute
pure dont souffrent des gens d'une autre catégorie de ma-
ladies nerveuses que l'hystérie. Le seul rapport qu'on puisse
établir ici, est qu'il s'agit dans les deux cas de troubles psy-
chopathiques. Toutefois, sans même insister sur les diffé-
rences considérables qui existent entre ces deux modalités, au
point de vue clinique pur, je me contenterai de faire remar-
quer, au seul point de vue psychologique, puisque aussi bien
c'est celui-là qui est indiqué par M. Binswanger,'que les désor-
dres mentaux diffèrent essentiellement dans les deux cas. Si
l'hypocondriaque est attentif jusqu'à l'obsession, l'hystérique,
lui, est surtout un distrait. L'un concentre toutes ses facultés
sur son état morbide, et c'est pourquoi la suggestion est im-
puissante chez lui. - L'autre ne se préoccupe en rien de ses
troubles pathologiques, et c'est pour ce motif qu'il présente (de
l'avis de tous les auteurs) une si grande aptitude suggestive.
L'astasie-abasie se crée inconsciemment, l'obsession s'impose
à la conscience.
Moebius reconnaît du reste qu'il faut différencier entre le
«non pouvoir vouloir rester debout» d'un hystérique, et la peur
de tomber d'un malade atteint d'obsession 3. Ce non pouvoir VOll-
loir, nous y avons insisté en parlant de l'hystérie traumatique= 2
et en répétant avec Page « Les malades disent dans ces con-
ditions Je ne peux pas ». C'est comme s'ils disaient « Je ne
veux pas », mais c'est t Je ne peux pas vouloir ». Quand Blocq
disait d'un sujet hypnotisé « Tu ne peux plus marcher », il
rencontrait une impuissance motrice complète, après l'injonc-
tion « Tu ne sais plus marcher », il y avait seulement une im-
puissance relative, une incoordination, ce qui prouve l'effet de
la perte de volonté. Il existe du reste à un autre point de vue,
à l'appui de la théorie adoptée par Blocq, une sorte de réali-
sation expérimentale de l'abasie. Steiner a vu que si l'on fait
l'ablation de l'un des hémisphères cérébraux du squale, celui-
' Russe) Reynolcio. - Brit. med. jours., nov. 1869.
* Charcot. - Leçons du mardi, 1889, p. 376.
3 Moebius. Séparât ,4bdr., p. 5.
SUR l'astasie-abasie. 219
ci nage « en cercle ». Pour peu qu'on le laisse suivre ce mode
anormal (abasique) de progression, pendant quelque temps,
ses centres inférieurs s'organisent en conséquence, de telle
sorte que, après l'ablation du second hémisphère cérébral, le
même animal continue à nager en cercle.
J'ajoute, que d'après M. Moebius ' (loc. cit.) l'hystérique ob-
serve lui-même qu'il ne peut pas aller et n'en comprend pas
la raison, tandis que l'hypochondriaque ne comprend pas pour-
quoi la marche lui fait peur; d'autre part, on devient agora-
phobique en même temps que neurasthénique, et l'on sait que
féquemment la neurasthésie s'associe à l'hystérie; elles peuvent
donc être présentes chez le même sujet. Il pourrait arriver
alors, que l'astasie-abasie disparaisse tout d'un coup, pour
laisser l'agoraphobie seule, qui est toujours plus lente à s'en
aller. Mais nous ne discuterons pas plus l'étude si remarquable
du professeur Binswanger; car le Dr Moebius en a fait la criti-
que, avec le même talent qu'à employé M. Binswanger lui-
même, pour discuter les théories de Blocq, et nous avons dit
pour quelles raisons nous avons cru devoir adopter cette der-
nière opinion.
VIII. Je terminerai par ces quelques remarques. On sait
qu'il existe une séparation très nette entre les facultés intel-
lectuelles ou apprises, et entre les fonctions, qui ne relèvent
d'aucune éducation; c'est-à-dire que l'individu possède dès sa
naissance des fonctions instinctives, si on veut. Or étant donné
que brusquement, du jour au lendemain, on peut voir un cer-
tain nombre de ces facultés arrêtées ou supprimées, revenir
intégralement ensuite, il ne peut être alors question, dans ces
cas, de lésion organique. Si toutes ces notions acquises ve-
naient à disparaître chez un individu, nous n'aurions pas af-
faire à un malade au propre sens du mot, mais à un être ré-
trograde en quelque sorte, et étant resté à la période de son
enfance. Quand Haeclcel dit 2, que par le langage articulé et
que par la marche à deux pieds, nous avons commencé à nous
distinguer des singes, que l'humanité s'est créée à l'aide de ces
deux facultés, il n'a pas fait attention à l'inconstance de ces
' Thyssen. Thèse de Paris, 1888.
" Uoeckel, loco citato. - Gebardensprache, Zeichenspracbe Tast
sprache, Beruhrungsprache, Lautspraclie, Tonsprache findtman bei vielen
Thieren.
220 PHYSIOLOGIE.
deux fonctions. Un'certain langage, qui se rencontre chez
beaucoup d'animaux (langage par des mines, des signes, des
attouchements, des cris et des sons) reste aussi dans le pou-
voir d'un aphasique, de même que toute une série de mouve-
ments, plutôt animaux, ne quitte pas l'individu atteint d'astasie-
abasie.
On peut conclure donc à ce dernier point de vue par analo-
gie, que la marche à deux pieds n'est pas plus naturelle aux
hommes, que ne le sont l'écriture ou le langage articulé. Pour-
tant Castelnau 2 nous assure, que les « Lagotriches » (espèce
de singes faciles à apprivoiser), attachés avec les mains der-
rière leur dos, marchent sans gêne des heures sur leurs extré-
mités postérieures, n'ayant pas besoin d'appui; ce qui prouve
que ces singes ont pu apprendre à marcher à deux pieds, par
esprit d'imitation, et on ne saurait dire où leur faculté d'imi-
ter et d'apprendre s'arrêterait.
PHYSIOLOGIE
LES FONCTIONS DU CERVEAU3
DOCTRINES DE L'ÉCOLE ITALIENNE,
Par Jules SOURY,
Maître de conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.
LES FONCTIONS DE L'INTELLIGENCE {suite.)
Revenons à l'étude des variations thermiques, et,
en particulier, à celle du refroidissement du muscle,
' Haeckel. Die aufreehte gang. und die gegliederte Sprache sind
diejenigen Entwickelungs-Varg11nge, welche zuniwht die Entstehung
des Allenahnlichen llenschen, aus den menschen 11hniIchsten Affen
veranlassten. Sie waren die Hebel der lliensclmverdung. - Naturliche
Schûpfungsgeschichte, 1868, p. 507.
. Buchner. - Conférences sur la théorie darwinienne, 1869, p. 135.
3 Voy. Arch. de Neurologie, n° 51, p. 337; n° 52, p. 28; n° 51, p. 360;
n° 58, p. 78 et 167 : n° 61, p. 24. ,
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 2Ë1
telle qu'elle existait avant les recherches thermo-élec-
triques des physiologistes italiens sur la température
des centres nerveux durant le travail psychique. Dans
sa réponse à A. Gautier, Ch. Richet a rappelé que
Béclard avait établi que, en outre du phénomène
résultant de toute contraction musculaire, c'est-à-dire
de la production de chaleur, un phénomène inverse
accompagnait le travail positif du muscle : la chaleur
diminuait. Des expériences faites par Béclard sur lui-
même, à l'aide de thermomètres gradués en 50° de
degré centigrade, prenant la température au travers
des téguments, il résultait que la contraction muscu-
laire statique, c'est-à-dire celle du muscle dont la
puissance est maintenue en équilibre par une résis-
tance qui n'est pas surmontée, développe toujours une
quantité de chaleur supérieure à celle de la contrac-
tion musculaire dynamique, c'est-à-dire accompagnée
d'effets mécaniques extérieurs, de travail utile ou
positif. Béclard en tirait dès lors cette conclusion,
que « la contraction musculaire n'est pas une source
de chaleur à la manière dont les physiologistes le
pensent, mais qu'il n'y a que la partie de la force
musculaire non .utilisée comme travail mécanique qui
apparaisse sous forme de chaleur. » Ailleurs, Bé-
clard note expressément que « la quantité de cha-
leur qui disparaît du muscle quand il produit un tra-
vail mécanique extérieur, correspond à l'effet mécani-
que produit. La chaleur musculaire n'est que compté.
mentaire du travail mécanique utile produit par la
1 J. Béclard. De lu chaleur produite pendant le travail de la con-
traction musculaire. C. R. de l'Acad. des sciences, 1860, I, 471. Cf. Ar-
chives générales de médecine, XVII, 1861.
252 PHYSIOLOGIE.
contraction. Quand l'animal est en mouvement, une
partie des actions chimiques qui s'accomplissent dans
les muscles a pour équivalent le travail effectué par ce
mouvement; le reste seul apparait sous forme de cha-
leur. Par conséquent, aune même somme d'action chi-
mique produite dans l'intérieur des muscles, répond
un dégagement de chaleur moindre dans l'état de mou-
vement que dans l'état de repos'. » Et l'éminent phy-
siologiste, voyant clairement, dans une sorte de vision
prophétique, toute la portée de sa découverte, écrivait
ces paroles, qui en résument la haute philosophie, et
auxquelles l'avenir le plus lointain n'aura sans doute
rien à changer : « Il s'agit de la transformation et de
la corrélation des forces, l'une des plus grandes ques-
tions de la science moderne, et ces faits rattachent l'ani-
mal, par un nouvel anneau, à l'ensemble de l'univers.» »
Comparé au phénomène de thermogenèse qui, par
son intensité, le masquait presque, le phénomène
d'absorption de chaleur résultant du travail positif du
muscle se trouvait sans doute de valeur numérique
minime; mais il existait d'une façon appréciable :
Béclard l'avait constaté dès 1860. Si l'on appliquait à
l'activité musculaire le raisonnement que A. Gautier
applique à l'activité psychique, on pourrait dire,
comme le fait remarquer Ch. Richet : le muscle
s'échauffe, donc il ne produit pas de travail. Or on
sait déjà que, dans la « phase dynamique » de la con-
traction musculaire, dans la phase du travail positif,
le muscle se refroidit. Le postulat d'Armand Gautier
est donc déjà en partie vérifié par les faits.
1 J. Béclard. Traité élémentaire de physiologie, T édit., Paris,
1880, I, p. 550-551. Cf. Il,69 sq.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 223
Dans leurs observations thermo-galvanométriques sur
l'activité musculaire, Solger, Mayerstein, Thiry, Mosso,
sont va, au début de la contraction, une légère déviation
dans le sens du refroidissement. Les expériences de
Fick, Marc Dufour et Herzen, ont aussi accusé un léger
refroidissement au début du travail positif du muscle*.
« En 1883, écrivait Herzen, ayant à ma disposition
un homme et un chien, tous deux munis de fistules
gastriques de trois centimètres de diamètre, j'en pro-
fitai pour fixer un thermomètre dans l'estomac, de
façon à pouvoir l'observer à chaque instant. Or, pen-
dant l'ascension rapide d'un très long escalier, repré-
sentant un dénivellement d'environ cinquante mètres,
l'homme m'a plusieurs fois donné, le matin* à jeun,
un abaissement de 2 à 3 dixièmes de degré, une fois de
0°4, au commencement de la montée, mais qui dispa-
raissait déjà et était remplacée par une élévation avant
l'achèvement de la montée. C'est là évidemment l'excès
de chaleur dû aux réactions chimiques. Mais, on le voit,
il est précédé par un déficit, dû sans doute au travail
mécanique considérable. » Chez le chien, l'abaisse-
ment de la température a paru plus marqué encore;
il a une fois atteint huit à neuf dixièmes de degré,
pendant une ascension très rapide. « Je crois donc,
conclut Herzen, que, dans certaines conditions, on
peut observer nn abaissement bien réel au début d'un
travail positif. » Seulement l'exercice provoque bien-
tôt le dégagement d'un excès de chaleur. Ainsi, toute
contraction musculaire manifeste deux phénomènes de
1 Rev. scientif., 20 juin 1885, 796. Cf. Herzen. Le refroidissement du
muscle actif. Réponse à Chauveau sur l'équivalence du travail physio-
logique. Ibid. 1888, p. 188.
224 PHYSIOLOGIE.
sens contraire : 1° un phénomène physique, absorbant
de la chaleur et déterminant un refroidissement du
muscle actif ; 2° un phénomène chimique, produisant
de la chaleur et déterminant un échauffement du
muscle.
Mais une démonstration éclatante de ce phénomène
a été donnée par ,Labordes. Ce physiologiste étudiait
les variations de la température dans le muscle actif;
il avait établi que la fibre musculaire, séparée de ses
connexions nerveuses et circulatoires, possède un pou-
voir propre de calorification, dont la source ne peut
être que dans les processus chimiques du tissu muscu-
laire, lorsqu'il assista, dit-il, à un fait des plus remar-
quables :
Cinq minutes après la section du bulbe (chien), la mort générale
étant réalisée, nous provoquons, à la façon de M. Ch. Richet, le
tétanos électrique, en faisant passer le courant maximum dans
toute la longueur de la moelle : tout le corps de l'animal est vio-
lemment soulevé, ne tenant que par les attaches qui fixent l'extré-
mité des pattes, dont les muscles sont en tétanisation, de même
que tous les muscles du corps. Pendant ce temps, la colonne du
thermomètre intra-musculaire qui, avant l'expérience, marquait
39°13 descend progressivement, et, vers la quarante-cinquième mi-
nute, a baissé de sept vingtièmes de degré. On cesse l'électri-
salion et nous voyons aussitôt la colonne remonter à 39°16, et
dépasser le chiffre initial. Après quelques minutes de repos, répé-'
tion de l'expérience ; provocation d'un violent tétanos généralisé ;
mêmes effets de projection et de soulèvement du corps, et, cette
fois encore, abaissement immédiat et progressif de la température
à 39°11 39°7. L'électricité et ses effets cessent, et la température
remonte à 39°8 - 39° 18.
Or, cet abaissement initial de la température, qui
correspond exactement au mouvement de soulève-
' Laborde. Modifications de la température liées au travail muscu-
laire. L'échauffement primitif du muscle en travail est indépendant de la
circulation. C. Il. de la Soc. de biologie, 14 mai 1887.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 22S
ment du corps de l'animal, par l'effet de la contrac-
tion tétanique des muscles, représente la phase du
travail utile, la phase dynamique, comme s'exprime
Laborde après Béclard; la phase statique , au contraire,
ou d'énergie perdue, a toujours fait réapparaître la
chaleur dans le muscle.
Il restait à démontrer que, pour le cerveau qui tra-,
vaille, il n'en va pas autrement que pour le muscle
actif, en d'autres termes, que le travail cèrébral, psy-
chique, ne détermine pas seulement une élévation de
la température des centres nerveux dans la phase sta-
tique de leur activité, comme l'a établi Schiff, mais
manifeste bien, au début de cette activité, dans la
phase de travail, un refroidissement apprécidble,
ainsi que le postulait Armand Gautier.
Une première démonstration de ce fait fut donnée
par Corso, qui, expérimentant sur des animaux narco-
tisés avec l'éther (chiens, chats), les soumettait à
l'observation aussitôt après l'ouverture du crâne,
avant l'apparition des processus inflammatoires :
Corso n'implantait qu'une aiguille thermo-électrique
(soudure) dans la masse cérébrale, au lieu de deux
.(Schiff), qu'il réunissait au galvanomètre 1. Les criti-
ques que Tanzi a adressées aux expériences de Schiff
atteignent donc aussi celles de Corso : la présence
d'une aiguille thermo-électrique dans la pulpe céré-
brale détermine nécessairement un trouble local plus
ou moins grave de la région explorée, si bien que la
déviation galvanomélrique révèle plutôt les phéno-
mènes pathologiques d'un tissu altéré que l'état des
1 Corso. S'aumento-e la diminuzione del calore ned ceruello péril il
lavorointellettuale. Firenze, 1881.
Archives, t. XXI. la -
226 PHYSIOLOGIE.
fonctions physiologiques de l'organe. Quoiqu'il en soit,
il résultait des expériences de Corso, que les excita-
tions provoquées, quelle que fût leur nature, détermi-
naient bien moins, la plupart du temps, une éléva-
tion de la température cérébrale, qu'un refroidissement
de l'organe. Ainsi, en face des observations d'hyper-
thermie du cerveau actif, si bien étudiées par Schiff,
se dressaient en quelque sorte les observations d'hypo-
thermie notées par Corso à peu près dans les mêmes
conditions.
Tanzi devait concilier ces résultats expérimentaux,
en apparence opposés, mais également vrais. Il mon-
tra qu'en accordant une plus grande attention aux
variations successives de la température durant le
travail cérébral, on constatait l'existence de vérita-
bles oscillations thermiques alternantes de refroidis-
sement et d'échauffement'.
Dans les expériences dé Tanzi, une extrémité de
la pile thermo-électrique plongeait dans la glace fon-
dante, ce qui assurait une source constante de chaleur,
l'autre pôle venait, dans la cavité cranienne, en contact
avec les méninges, par conséquent à la surface du
cerveau, sans pénétrer dans la substance cérébrale
elle-même, ainsi que dans les expériences de Schiff
et de Corso. Comme les variations thermiqnes du
cerveau actif ne dépendaient, pas plus que dans les
expériences de Schiff, de la circulation générale ou
locale du cerveau, il ne restait qu'une hypothèse à
' Tanzi. - Ricerche termo-elettriche sulla coreccia cérébrale in rela-
zione con gli stati enzotivi. Reggio-Emilia, 1889. Dal Laboratorio di fisio-
logia del R. Ist. di studi super... in Firenze. Ces expériences, on le
voit, ont été faites dans le laboratoire de physiologie de Florence et sous
la direction du professeur Luciani, avec l'aide de Dario Baldi.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. z21-
faire : .ces oscillations alternatives de refroidissement
et d'échauffement ont pour siège l'écorce cérébrale "
elle-même et pour condition immédiate le travail fonc-
tionnel qui s'y effectue. Ces variations thermiques sont
les corrélatifs physiques des processus chimiques de
désintégration et d'intégration qui se succèdent rapi-
dement, à la manière d'une suite d'explosions ner-
veuses.
Que le travail positif du cerveau repose, comme
celui du muscle, sur des processus de désagrégation
moléculaire, ce n'est plus un postulat : c'est un fait.
Que la désagrégation, c'est-à-dire l'augmentation des
distances intermoléculaires, ou la décomposition de
molécules plus complexes en molécules plus simples,
s'accompagne d'une perte de chaleur, c'est là une loi
de la thermo-chimie. Nous savons que la chaleur ab-
sorbée dans la décomposition d'un corps-est précisé-
ment égale à la chaleur développée pour sa formation
(Berthelot). « Si nous admettons qu'à ce travail de
dissociation succède immédiatement le retour de l'agré-
gat à l'état d'équilibre primitif, et que cette alterna-
tive puisse se renouveler plusieurs fois de suite dans
le même groupe moléculaire, ou se répète successive-
ment dans un certain nombre de groupes voisins, on
comprendra comment notre galvanomètre, outre un
refroidissement, signale uu réchauffement d'égale
quantité à peu près ». Les refroidissements sont dus à
des processus de désintégration des centres nerveux,
les échauffements à des processus d'intégration. L'hypo-
thermie représente le travail positif du cerveau, la mise
en liberté de l'énergie actuelle; l'hyperthermie, la
reconstitution organique en rapport avec la phase de
228 8 PHYSIOLOGIE.
repos, la réaccumulation compensatrice d'une nou-
velle énergie potentielle. Ces expériences sur la tem-
pérature du cerveau actif sont donc en parfait accord
avec celles des physiologistes sur les oscillations ther-
miques du muscle en travail : le refroidissement du
cerveau, pendant la phase de travail positif, corres-
pond à l'oscillation négative de la température qui
accompagne le début de la contraction musculaire.
C'est ce qu'a très bien écrit Tanzi lui-même dans les
paroles suivantes :
« Les résultats de nos expériences sont en harmonie
avec les théories que la physiologie postule pour expli-
quer le mécanisme des fonctions du système nerveux.
A un point de vue plus général encore, le fait qu'à
la production du travail fonctionnel correspond un re-
froidissement du cerveau, suivi d'une élévation de tem-
pérature enrapport avec le repos, confirme avec éclat
l'idée suivant laquelle il y a équivalence et convertibi-
lité réciproque entre l'énergie psychique et les autres
formes de l'énergie, celle de la chaleur eu parlier '. »
De quelle nature étaient les phénomènes subjectifs
correspondant à ces oscillations thermiques du cer-
veau ? Etaient-ce des sensations ou des émotions ? Les
excitations auxquelles étaient soumis les animaux en
expérience, étaient des menaces, des caresses, etc.
Or, il n'est point douteux pour Tanzi, que les oscil-
lations thermiques observées au galvanomètre résul-
taient, non d'une simple transmission des excitations
sous forme sensitive ou sensorielle, mais de leur dif-
fusion dans l'écorce sons forme d'émotion. Ainsi, les
t Tanzi. - Ricerche lermo elettriche sulla corteccia cérébrale, p. 32
et 38.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 229 9
phénomènes observés étaient de nature émotionnelle,
et les oscillations thermiques du cerveau étaient « le
substratum physique d'une émotion, et non d'une sen-
sation. » Ajoutez que, quel que fût le point du cerveau
directement exploré,- lobes frontaux, pariétaux ou oc-
cipitaux, soit de l'hémisphère droit, soit de l'hémisphère
gauche, partout et toujours, on constatait ces réac-
tions thermiques, ce qui implique que le processus
fonctionnel provoqué par l'excitation se propageait à
toute la substance corticale. Le manteau tout entier
peut donc prendre part au développement d'une émo-
tion intense et d'une certaine durée. Cela ne veut pas
dire qu'une sensation simple ne puisse aussi provo-
quer un changement dans l'équilibre chimique et ther-
mique de l'écorce. En somme, les excitations les plus
variées, pourvu qu'elles soient capables de réveiller
des passions ou des émotions assez intenses, provo-
quent des modifications étendues de la température
de l'écorce, ayant un caractère d'alternance ou d'oscil-
lation positive et négative. Ces oscillations thermiques
peuvent être très considérables, puisque Tanzi a noté,
dans quelques cas, jusqu'à 3° centigrade. Si l'on songe
que, dans ces expériences, cette température étant
celle des méninges, celle du cerveau devrait être plus
élevée encore, on ne peut s'empêcher de trouver ce fait
bien extraordinaire. De nouvelles expériences nous
paraissent nécessaires à cet égard '.
'Dans une critique des travaux de Corso et de Tanzi, présentée par
Dorta. {Etude critique et expérimentale sur la température cérebrale à
la suite d'irritations sensitives et sensorielles, th. de Genève, 1889), mais
évidemment inspirée par le professeur Schiff, dans le laboratoire duquel
ces recherches ont été faites, il est dit expressément que « M. Schiff n'a
jamais observé de telles oscillations .. Voici comment le phénomène des
230 PHYSIOLOGIE.
Ne dépendant ni du rhythme respiratoire, ni du
rhythme artériel , ces oscillations thermiques ne seraient
en rapport qu'avec le rhythme de l'alternance de pro-
cessus de désintégration et de réintégration. Cerhythme
se répéterait plusieurs fois dans chaque point actif de
l'écorce, ou se propagerait rapidement d'un groupe
moléculaire aux groupes contigus. La rapidité avec
laquelle les deux séries de phénomènes endother-
miques et exothermiques se succèdent expliquerait
pourquoi, en dépit de leur intensité considérable, ils
échappent à l'exploration thermométrique. Au point
de vue psychologique, ces expériences démontrent
encore, ce qui était admis depuis longtemps (Meynert),
que « les émotions et les pensées sont constituées par
un grand nombre de processus élémentaires plus sim-
ples, qu'un examen attentif peut révéler à notre con-
science, et que l'expérimentation peut surprendre,
dans leur manifestation diffuse, sur les différents
points de l'écorce, où ils déterminent des abaissements
et des élévations de température'. »
Cette étude capitale de Tanzi avait été précédée
d'un autre travail, de Tanzi et Musso, sur les varia-
tions thermiques de la tête durant les émotions ". Dans
oscillations thermiques observé par Tanzi est interprété dans ce tra-
vail : Tanzi introduit sa soudure dans le crâne jusqu'au contact des
méninges et la fixe aux os du crâne par un bouchon. Il est clair que s'il
a réussi dans sa manipulation, le cerveau, en s'abaissant dans le crâne,
doit s'éloigner de l'aiguille, et, dans l'élévation produite soit par la res-
piration, soit par la circulation, s'en rapprocher », p. 29. Ainsi, d'après
cette interprétation, que nous devions signaler, les mouvements du cer-
veau seraient la cause des oscillations thermiques.
' Tanzi. L. e., b. 37.
' Tanzi et Musso. Le variazioni terrniche del capo durante le
emozioni. Ricerche termo-elellriche supra individui ipnotizzati, - Riv.
di filos. scienlif., 1888.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 231
ces nouvelles recherches thermo-électriques sur l'équi-
valent thermique de l'activité cérébrale, ces auteurs
avaient des précurseurs : Lombard, de Boston (1866),
Schiff (1867), Paul Bert (1879) et Corso (1881). Quant
aux physiologistes qui pour ces recherches s'étaient
servis du thermomètre à mercure, il nous suffira de
citer Broca, Seppilli et Maragliano1, Amidon, Ed. Mara-
guano, Bianchi, avec Montefusco et Bifulco Z. Tous ces
auteurs avaient noté que la température de la tête
augmente avec le travail cérébral (travail intellectuel,
émotions, mouvements volontaires). Malheureusement
l'accord est loin d'exister parmi les physiologistes sur
la signification qu'il convient d'attribuer à cette élé-
vation de température de la tête. Ces variations de la
température épicranienne correspondent-elles en
réalité avec celles du cerveau, et dans quelle me-
sure ? 7
Suivant Schiff, qui n'a plus vu se produire d'élévation
thermique à la suite d'excitations psychiques et senso-
rielles, lorsque les nerfs vasculaires de la peau avaient
été préalablement coupés dans les régions considérées,
ce phénomène aurait une origine locale dans le tissu
cellulaire sous-cutané : il ne s'agirait pas d'une élé-
vation de température du cerveau, mais d'un phéno-
mène vaso-moteur dû à des influences psychiques.
Selon Seppilli', on ne saurait nier qu'il existe quelque
rapport entre la température externe du crâne et la
1 Seppilli et Maragliano. Sludi di termometria cérébrale ltiv.
speriment. di fren., 1879.
' Contributo alla doltrina della temperatura cefalica. La Psi-
chiatria, 1885.
' Seppilli. / nautavaenli fisico-chemici dei nervi e centri neruosi
nelVattivilà del yensiero. Jlilano-Torino, 1886, p. 7.
232 PHYSIOLOGIE. ,
température interne du cerveau : ce phénomène est
dû non seulement à- la conductibilité physique des
parois du crâne pour la chaleur, mais aussi à une
action vaso-motrice, produisant simultanément des
variations de la circulation à la fois dans la tête et
dans le cerveau.
Quoi qu'il en soit, Tanzi et Musso ont institué leurs
recherches thermo-électriques sur deux sujets hypno-
tysés, deux jeunes femmes de constitution physique et
de caractère moral différents : l'une blonde, anémique,
- douce et sensible; l'autre brune, robuste, expansive,
capable d'émotions fortes. Dans l'hypnose, les sujets
sont sous la puissance absolue de l'expérimentateur,
qui évoque à son gré les sentiments, déchaîne ou tem-
père les émotions, colère, frayeur, joie, douleur, pu-
deur, tristesse, etc. De tous les états subjectifs qui
accompagnent le travail cérébral, les émotions, nous
l'avons dit, sont certainement les plus intenses; elles
se distinguent encore par leur durée et par leur ten-
dance envahissante. Si faible quelle soit, une émotion
est toujours un processus de diffusion (Bain). Que l'on
songe au nombre et à la variété des processus centri-
fuges par lesquelles elles se manifestent au dehors :
tonicité vaso-motrice, sécrétions, modifications du
rhythme de la respiration, mimique, etc. C'est que,
comme l'a noté Meynert, dont les auteurs italiens citent
les paroles au début de leur étude, l'intensité de la
réaction émotive dépend, non de la sensation simple
qui la provoque, mais de la nature et du nombre des
.associations qu'elle réveille. L'image rétinienne d'une
personne indifférente ou d'un ennemi détermine des
émotions bien différentes. Les émotions offrent donc le
LES FONCTONS DU CERVEAU. 33
meilleur terrain d'expériences pour l'étude de la trier-
mogénèse cérébrale.
La pile de Tanzi et Musso était formée de deux
couples en communication avec un galvanomètre :
une soudure de la pile plongeait dans la glace fon-
dante, l'autre extrémité était fixée sur la peau du
sujet,, soit sur la région occipitale, pariétale ou fron-
tale, soit sur les joues. Les expériences furent répétées
sur chacun des deux côtés de la tête, et toujours en
des points d'application homologue chez les deux,
sujets. Or un premier résultat, assez inattendu, c'est
que les variations thermiques de la tête observées
durant les émotions ne se sont manifestées que sur la
région frontale (17 expériences). Dans 25 expériences
où une extrémité de la pile était appliquée sur les
régions pariétale, occipitale, etc., de la tête, le galva-
nomètre est demeuré immobile. Trois fois seulement,
sous l'influence d'une émotion intense et de longue
durée, on nota de légères variations de température
à l'occiput. Les diverses émotions donnent lieu aux
mêmes oscillations thermiques ; seule, la peur se dis-
tingue des autres émotions par l'intensité plus grande
de ces oscillations.
Il reste à expliquer pourquoi ces variations thermi-
ques se sont trouvées localisées dans la région frontale
de la tête. Voici l'interprétation de Tanzi et Musso :
« Si l'on réfléchit, disent-ils, à la complexité et à la
tendance envahissante des émotions, même de médiocre
intensité, on doit admettre que des foyers corticaux
variés et disséminés concourent à leur production; plus
nombreux encore et plus disséminés sont ceux qui,
pris dans l'engrenage associatif, maintiennent pour
34 PHYSIOLOGIE.
quelque temps l'émotion. » Dans de pareilles condi-
tions, il n'est pas absurde de croire que des régions
étendues de l'écorce participent au développement des
états émotifs, non pas tant par l'effet de leurs fonctions
spécifiques, que par l'éveil successif ou simultané de
leurs représentations. Or, le travail nerveux de ces
régions de l'écorce s'accompagne certainement d'un
accroissement local d'échanges organiques et de varia-
tions thermiques correspondantes. Eh bien, si dans la
production expérimentale des émotions, ces phéno-
mènes sont surtout sensibles sur la région frontale, la
raison en serait que, faites sous forme verbale, les sug-
gestions exigeaient que les sujets traduisissent d'abord
les pensées en paroles; ces pensées résinaient à leur
tour des souvenirs et des concepts qui, très probable-
ment, se représentaient encore à' l'esprit des sujets
sous forme verbale. Bref, « les processus élémentaires
qui servent de substratum aux émotions seraient des
représentations et des sensations d'un caractère essen-
tiellement idéatif et abstrait ». Rien d'étonnant, par
conséquent, dans cette hypothèse, s'il se développe,
dans les lobes frontaux, un travail plus intense que
dans les autres parties du cerveau, et si les variations
de la température y sont plus accusées. Chez les ani-
maux, il n'existe à cet égard aucune différence entre
les différentes régions du cerveau : c'est que des émo-
tions provoquées par des moyens grossiers (bruit,
contact, piqûre, etc.) ne sont point comparables aux
processus d'association, si complexes et si délicats, et
où les représentations l'emportent sur les sensations,
des sujets hypnotisés.
Un second résultat, déjà très nettement indiqué ici,
LES FONCTONS DU CERVEAU. 235
c'est que les variations de la température de la tête
ont constamment présenté un caractère décidé d'oscil-
lation successive et alternante de refroidissement et
d'échauffement. « Ainsi, concluent Tanzi et Musso,
sous l'empire des émotions, nous avons vu qu'il se
produit des oscillations de température, surtout au
front, sinon uniquement dans cette région de la tête ;
ces oscillations thermiques du crâne, qui ne sont que
des signes atténués des oscillations thermiques corres-
pondantes du cerveau, démontrent que, dans l'activité
cérébrale aussi, agit cette loi du rhythme qui semble
présider à la production de tout phénomène biologique,
et qui a été élevée, par Herbert Spencer, à la dignité
de principe universel de l'énergie. »
Ces résultats, Béclard les avait entrevus et prédits ;
l'oeuvre des Italiens a été de les faire sortir des faits,
et d'en présenter une démonstration expérimentale.
Que l'on réfléchisse à la portée de la découverte de
Corso et de Tanzi, et l'on reconnaîtra sans doute que,
après celle des localisations fonctionnelles du cerveau,
dont l'importance théorique et pratique demeure in-
comparable, il n'en a pas été faite de plus féconde ni
de plus grande dans le domaine entier de la psychologie
physiologique. En dépit des objections que l'on a pu
faire aux expériences de Tanzi, objections que nous
n'avons ni dissimulées ni affaiblies, il reste que le tra-
vail cérébral, comme celui du muscle, est une forme
de l'énergie cosmique, et que la pensée a des équi-
valents chimiques, thermiques, mécaniques.
La psychologie, la science des fonctions psychiques de
la matière vivante, depuis celles du protoplasma indif-
férencié de certains protozoaires jusqu'aux plus hautes
236 PHYSIOLOGIE.
activités du système nerveux de l'homme, n'est donc,
en dernière analyse, comme la physiologie, qu'un cha-
pitre de la physique et de la chimie. Ces larges assises
de la science future de l'esprit survivront sans doute à
bien des constructions plus ambitieuses, bâties sur le
sable mouvant des systèmes, non sur le roc inébran-
lable de l'observation et de l'expérience.
CONCLUSION
1. La doctrine des localisations fonctionnelles dn
cerveau, telle qu'elle résulte de l'ensemble des travaux
italiens, est de nature essentiellement éclectique :
préoccupée avant tout et uniquement des faits dus à
la méthode expérimentale et à l'observation anatomo-
clinique, elle s'est maintenue à égale distance des doc-
trines extrêmes, s'efforçant de concilier la part de
vérité que contiennent les théories contraires. 1
II. - Les différentes aires fonctionnelles de l'écorce
cérébrale, outre un territoire propre, un foyer cen-
tral, possèdent aussi des territoires communs, des
zones d'irradiation, où ces centres « s'engrènent », se
confondent, se pénètrent en partie, et passent insensi-
blement les uns dans les autres. Il suit que les diverses
fonctions du cerveau sont si intimement reliées entre
elles, qu'il est impossible d'en léser une seule sans
que les autres soient plus ou moins troublées.
Ces zones d'irradiations, ces territoires communs,
sont bien mieux étendus chez l'homme que chez les
animaux inférieurs : les centres fonctionnels du cer-
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 237
veau humain ont des limites bien mieux définies et
plus fixes.
Toutes les zones d'innervation sensitivo-sensorielles
convergeraient, chez le chien, vers un « territoire
neutre », commun, situé sur le lobe pariétal inférieur :
les lésions de ce « centre des centres », entraînant à la
fois des troubles de la vision, de l'audition, de l'olfac-
tion et de la sensibilité générale, retentiraient sur toute
la vie psychique de l'animal et modifieraient profondé-
ment son caractère (Luciani).
111. L'écorce du cerveau est le siège des fonctions
psychiques les plus élevées (perception, idéation, im-
pulsion volontaire, attention), mais non des sensations
simples et des impulsions motrices organisées : les gan-
glions de la base, les corps opto-striés, appartenant au
système cortical, peuvent suppléer en partie, comme
centres de perception et d'idéation, les fonctions de
l'écorce cérébrale.
IV. Les différents points de chaque sphère fonc-
tionnelle de l'écorce soutiennent, avec les organes des
sens correspondants, des rapports presque équivalents :
la suppléance est donc possible entre les diverses par-
ties d'un même centre, ce qui serait impossible s'il
existait des rapports isolés entre les déments nerveux
périphériques d'un organe des sens et les éléments
nerveux du centre cortical correspondant.
V. Les rapports de chaque centre fonctionnel de
l'écorce cérébrale avec les organes périphériques cor-
respondants sont bilatéraux pour la vue, l'ouïe, l'ol-
faction, unilatéraux pour la sphère sensitivo-motrice.
J38 PHYSIOLOGIE.
Il faut toutefois tenir compte, pour ce dernier centre,
des recherches anatomo-pathologiques sur les dégéné-
rations descendantes des faisceaux pyramidaux consé-
cutives aux lésions en foyer de l'aire sensitivo-motrice.
VI. Les variétés morphologiques des éléments
nerveux de l'écorce cérébrale n'apprennent rien sur
leurs fonctions : c'est dans la nature des prolongements
nerveux et dans celle de leurs connexions anatomiques,
non dans la forme de la cellule, que se trouve à cet
égard le seul critérium.
VII. Dans les différentes zones de l'écorce céré-
brale, les deux types de cellules du mouvement et de
la sensibilité sont réunis et confondus en proportions
diverses, et, par conséquent, les fonctions de la sensi-
bilité et de la motilité, loin d'être distinctes, coïnci-
dent et ont un siège anatomique commun.
VIII. La spécificité fonctionnelle des différentes
aires de l'écorce cérébrale dépend, non d'une diversité
spécifique des éléments nerveux de ces centres, mais
de la nature des sensations de l'organe périphérique
avec lequel ces aires sont reliées par les nerfs.
IX. Il n'existe pas de transmission nerveuse di-
recte, isolée, soit centripète, soit centrifuge, entre
deux cellules ou deux groupes de cellules nerveuses
centrales et périphériques. La communication des fibres
nerveuses entre elles a lieu, dans le système nerveux
central, non par l'anastomose des prolongements di-
rects des cellules nerveuses, mais au moyen d'un vaste
réseau diffus, constitué par les ramifications ultimes
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 239 9
des cylindres-axes des deux espèces de fibres dé la sen-
sibilité et du mouvement. ,
X. Les organes nerveux masculo-tendineux de
Golgi sont les organes périphériques du sens muscu-
laire.
XI. - L'activité cérébrale, comme l'activité mus-
culaire, détermine, au début de cette activité, dans la
phase dynamique ou de travail positif, un refroidis-
sement appréciable de la substance du cerveau comme
de celle du muscle, suivi, dans la phase statique ou de
repos, d'une élévation de la température.
XII. Ces variations successives de la température
du cerveau en travail constituent de véritables oscilla-
tions thermiques de refroidissement et d'échauffement.
Ces oscillations thermiques correspondent au rhythme
du processus de désintégration et de réintégration fonc-
tionnelle des centres nerveux. Le travail cérébral est
une forme de l'énergie. L'intelligence a des équivalents
chimiques, thermiques, mécaniques.
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
« THE CROONIAN LECTURES SUR LES LOCALISATIONS
CÉRÉBRALES '
Par DAVID FERRIER
Médecin du King's Collège Hospital et de l'Hôpital National pour les épileptiques et les
paralysés, Queen-Square
Traduites par ROBERT SOREL, interne des hôpitaux
Leçon IV. LE CENTRE DE l'audition
Monsieur le président,
Messieurs,
Parmi les réactions que produit l'excitation électrique de l'écorce
il en est une ou plutôt il est une série de réactions qu'on peut
presque considérer comme indiquant une sensation auditive sub-
jective, réactions qui m'ont guidé dans mes premiers essais pour
délimiter la sphère auditive par la méthode destructive. La réac-
tion en question est celle que produit l'excitation de la première
circonvolution temporale supérieure et ses homologues chez les
vertébrés inférieurs : c'est-à-dire, la rétraction rapide ou le e-
dressement de l'oreille opposée, associé souvent avec l'ouverture
des yeux, la dilatation de la pupille et la déviation de la tête et
des yeux du côté opposé. Ce sont là justement les phénomènes que
l'on observe lorsqu'on produit soudainement un son aigu contre
l'oreille d'un singe, comme je l'ai vu dans des expériences actuelles.
Cependant la réaction ne reste pas toujours aussi complète, après
la première surprise, l'expérience produit toujours le redressement
et la rétraction de l'oreille, mais généralement les autres phéno-
mènes manquent; le regard étonné, la déviation de la tête et des
yeux du côté d'où est supposé venir le son. Les lésultats sont tou-
jours' plus caractéristiques après l'excitation de la région liomolo-
i Voy. Arei. de Neurolog., n° 60, p. 405; n° 61, p. 68.
LES localisations cérébrales. 241
gue (fg. 14) chez les animaux dont la sécurité dépend habituelle-
ment de l'acuité de l'ouie. La région en question est la division
postérieure de la troisième circonvolution externe ou supra-syl-
vienne. La réaction commune à tous est le redressement de l'o-
reille opposée, mais les autres facteurs varient en intensité. Chez
le lapin oreillard l'excitation de cette région produit une élévation
soudaine de l'oreille, et une rétraction et une ouverture de l'oreille
du côté supposé du son. Parfois l'animal fait un écart et un mou-
vement comme pour sauter hors de la table. Chez le chacal sau-
vage, j'ai observé une ou deux fois que l'application des électrodes
sur cette région fait bondir l'animal, dresser ses deux oreilles
comme s'il était effrayé. Si on peut considérer les mouvements des
yeux à la suite de l'excitation de la région occipito-angulaire
comme un indice d'une sensation visuelle subjective, nous avons,
je pense, dans ces réactions des signes plus caractéristiques d'une
sensation auditive subjective. La détermination, cependant, des
troubles de l'oreille n'est pas si facile que celle des troubles de la
vue chez les animaux inférieurs. Il est difficile de discerner le sim-
ple tressaillement réflexe de l'audition propre. Il n'est pas non plus
facile d'éviter la simple coïncidence, ni d'éviter entièrement d'atti-
rer l'attention de l'animal par d'autres sens, comme la vue, l'odorat,
ou la sensation que quelqu'un s'approche produite par la vibra-
tion, la chaleur, l'agitation, de l'air et ainsi de suite. La manière
d'être actuelle de l'animal doit être comparée à sa manière d'être
passée, et avec la conduite des animaux normaux, lorsqu'on pro-
duit des sons auprès d'eux, toutes choses restant égales d'ailleurs.
Même quand toutes ces précautions sont prises, il est extrême-
ment difficile d'éviter toute cause d'erreur. D'où il peut arriver,
comme c'est le cas actuel, que les différents observateurs peuvent
arriver des conclusions différentes, et on peut prendre pour sourds
des animaux qui ne le sont pas en réalité, simplement parce qu'ils
ne répondent pas à l'épreuve employée, ou vice versa.
Dans une de mes premières expériences dans laquelle les deux
tiers supérieurs de la circonvolution temporale supérieure furent
détruits des deux côtés, on prit les notes suivantes sur l'état du
singe le jour qui suivit l'opération 1 : « La vue et la sensibilité tac-
tile conservées. Plusieurs expériences furent faites pour s'assurer
de la conservation ou non de l'ouie, mais il ne fut pas facile d'i-
maginer une épreuve, l'animal étant toujours en éveil et il ne fut
pas commode de produire unson sans attirer son attention par la
vue. On a essayé la méthode suivante : pendant que l'animal était
assis tranquillement près du feu, je me retirai dans l'autre pièce
et regardant par la fente de la porte entrouverte, j'appelai très
haut, je sifflai, cognai à la porte, fis résonner les carreaux, et sans
Expérience XV. Phil. Trans. ; vol. 265, part. II, 1875.
Archives, t. XXI. 10
242 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
jamais attirer son regard ni obtenir une preuve qu'il ait entendu.
Alors j'approchai l'animal avec précaution et jusqu'au moment où
il me vit, il ne donna aucun signe indiquant qu'il eût conscience
de ma présence. Quand je répétai la même expérience pendant que
le singe et son compagnon étaient tranquillement assis près du
feu, il ne fit aucun geste qui indiqua qu'il ait entendu, son com-
pagnon au contraire fut mis en éveil et vint avec curiosité
s'assurer de la cause du bruit. Dix heures après, en présence du
Dr Burdon Sanderson, je répétai les mêmes épreuves. A toutes ces
épreuves il ne répondit pas, il ne semblait pas avoir conscience de
ma présence quand je parlais à son oreille et seulement se mon-
trait effrayé quand il me voyait. » »
J'ai aussi publié quatre autres expériences' dans lesquelles, avec la'
destruction des autres portions du lobe temporal, la circonvolution
temporale supérieure fut atteinte uni ou bilatéralement. Dans
deux de ces cas (XI et XII) dans lesquels le lobe temporal était dé-
truit seulement d'un côté, on a trouvé une diminution ou une abo-
lition totale de la réaction auditive, quand l'oreille du même côté
était bouchée ; et dans les deux autres casdanslesquels la destruc-
tion fut bilatérale, on ne pouvait observer aucune preuve qu'ils
entendissent pendant la courte période que les animaux ont sur-
vécu, quoiqu'ils puissent autrement être mis en éveil. Dans ces expé-
riences cependant, le temps entre la lésion et la mort des animaux
fut trop court pour établir des données sérieuses sur la persistance
de la perte de l'ouïe qui fut sans aucun doute gravement atteinte
pendant tout le temps. Dans mes recherches ultérieures avec le
professeur Yeo, nous avons établi d'abord dans une longue série
d'expériences sur le lobe temporal 2 qu'on ne pouvait trouver au-
cun signe de trouble de l'ouie, quand tout le lobe temporal était
détruit excepté la circonvolution temporale supérieure. Avec la
plupart deceux qui l'ont vu, nousavons tiré comme conclusion qu'il 1
y avait un rapport évident entre le sens de l'ouïe et la circonvolu-
tion temporale supérieure, de la conduite d'un singe chez lequel
les deux circonvolutions temporales supérieures étaient effective-
ment ou potentiellement détruites par le cautère. Où l'écorce n'é-
tait pas absolument enlevée, la substance grise fut détruite avec les
fibres médullaires par l'action de la chaleur rayonnante.
Ce singe fut montré aux physiologistes réunis au Congrès inter-
national de médecine à Londres en août 1881, et tous admirent
qu'il était sourd autant qu'on pouvait le déterminer en comparant
sa conduite à celle d'un animal normal à l'explosion d'une capsule
dans la salle.
Comme les expéiietices du professeur Scoehfer, auquel je vais
, Expériences XI, XII, XIII, XIV; 0 ? cil., p. 462. ! Philosophical Transactions, Part. II, 1884. ,
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 243
faire allusion, soulevèrent des questions sur l'état de cet animal
avant et après l'opération, j'ai publié en entier mes notes et mes
observations sur lui Les voici brièvement : A tous les rapports
excepté l'ouie il était dans un état normal. Pendant les quatre
premiers jours après l'opération, aucun signe de l'ouïe ne put
être obtenu par des bruits faits dans son voisinage qui attiraient
invariablement l'attention des autres singes normaux. Pendant
que les autres animaux écoutaient avec soin les pas, cet animal ne
prêtait aucune attention jusqu'à ce qu'on arrive devant ses yeux.
On observa aussi, au moins tout d'abord, que les oreilles de cet
animal ne se contractaient pas comme elles le font chez les singes
qui possèdent le sens de l'ouïe ; mais on ne saurait affirmer que
l'absence de réaction des oreilles persiste pendant tout le temps
que l'animal survécut. Presque tous les jours on l'examina pen-
dant les treize mois qu'on le laissa vivre. Cet animal ne prêta
aucune attention aux sons de différentes sortes, tels que de l'ap-
peler par son nom, auquel il avait toujours l'habitude de répondre,
de taper, de siffler, de sonner les sonnettes, de frapper du pied
sur le parquet (bruit auquel les singes normaux prêtent très vive-
ment l'oreille). Parfois cependant, il semblait tressaillir aux sons
bruyants faits dans son voisinage, de sorte qu'on était dans le
doute constamment pour savoir s'il était complètement sourd ou
non. On considéra ces réactions comme de simples coincidences,
car, en général, il ne tressaillait même pas quand on faisait partir
près de lui une capsule. Six semaines après l'opération, pendant
que l'animal jouait devant l'assemblée des physiologistes au Con-
grès médical, il ne fit aucune attention à l'explosion d'une capsule
tandis qu'un autre singe qu'on montrait en même temps, tres-
saillit visiblement, comme le fit au fait toute l'assistance. Depuis
lors les épreuves furent constamment répétées et ont varié de
toutes les manières, mais les résultats étaient constamment les
mêmes et semblaient justifier cette conclusion que l'animal était
essentiellement sourd et que les tressaillements occasionnels aux
sons bruyants étaient ou une simple coïncidence, ou simplement
de la nature des réflexes qui peuvent arriver chez les animaux,
même après l'ablation totale des hémisphères cérébraux.
Schoeff er, dans ses premières expériences avec Horsley, n'est pas
arrivé à des conclusions très fermes, en ce qui concerne le sens de
l'ouïe, quoique dans une de ces expériences 2 dans laquelle ils
avaient enlevé le lobe temporo-sphénoïdal, l'animal ne semblait
pas entendre les bruits légers quand l'oreille du même côté que
la lésion était bouchée. Mais dans ses travaux avec Sanger-Brown,
il réussit il lever tous les doutes qu'il pouvait avoir eus sur la ques-
. bain, avril 1888, p. 13.
* Expérience XXX, Phil. Trans.; 1880.
244 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. -
tion et à se convaincre que l'ouïe n'est pas le moins du monde
affectée après l'ablation complète, non seulement des circonvolu-
tions temporales supérieures, mais de tout le lobe lui-même des
deux côtés. Il décrit ainsi les résultats de leurs expériences ' :
« Chez six singes, nous avons plus ou moins complètement détruit
la circonvolution temporale supérieure des deux côtés. Je dis
plus ou moins complètement, parce que dans un ou deux cas, un
petit lambeau de substance grise appartenant à cette circonvolu-
tion, a été retrouvé à l'autopsie, mais pratiquement la lésion fut
complète dans les six cas, quelques morceaux de substance grise
dans les sillons avoisinants, étant tout ce qui pouvait représenter
la circonvolution ; même ces morceaux étaient séparés de leur
centre médullaire. Mais pour avoir un résultat doublement sur,
chez un singe, une grande femelle de Rhoesus, nous avons séparé
les sillons qui bordent la circonvolution, et nous avons coupé
entièrement la circonvolution du fond de ces sillons, de sorte
qu'aucune trace de la circonvolution ne pouvait rester. Dans
tous les six cas, le résultat fut le même. L'ouïe ne fut pas seule-
ment abolie d'une façon permanente, mais elle ne fut pas atteinte
d'une façon perceptible. Les animaux, même immédiatement
après être sortis du sommeil anesthésique, réagissaient aux plus
légers sons d'un caractère inusité, tels que le claquement des
lèvres ou le bruissement d'un journal chiffonné. On observa quel :
ques singes pendant plusieurs mois, et il n'y eut jamais de doute
dans notre esprit quant à la possession entière de leur faculté
auditive. Et leurs réactions aux sons ne pouvaient être interpré-
tées, en supposant qu'ils répondaient d'une façon réllexe, car ils
donnaient la preuve évidente qu'ils comprenaient la nature de
différents sons, tels que de tourner la poignée d'une porte, ou la
différence entre les pas de différentes personnes, changeant leur
expression suivant les suppositions (de nourriture, etc.) que pou-
vaient faire naître le bruit ».
Deux de ces animaux, dans lesquels la destruction de la circon-
volution temporale supérieure semble avoir été la plus complète,
furent examinés par plusieurs membres de la Société de Neurologie.
Deux de ces membres qui, cependant, n'ont pas publié les épreuves
qu'ils ont employées, étaient d'avis que l'animal entendait; un autre
pensa une fois qu'un des animaux pouvait entendre, une autre fois
qu'il paraissait sourd du côté gauche, et une autre fois encore
qu'il ne paraissait pas réagir aux sons aussi rapidement et aussi
complètement qu'un animal normale
Comme pour montrer la difficulté d'arriver à des conclusions
fermes sur ce sujet, un membre de la Société pensa qu'un singe
4 Brain, vol. 10, p. 373.
Bi,ain, juillet 1889, p. 164.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 245
parfaitement normal était tout à fait sourd et un autre qu'un ani-
mal, auquel on avait enlevé les deux circonvolutions temporales
supérieures était aussi sourd. Scbxlîer pense que moi aussi je n'ai
pas douté de l'existence de la perception auditive chez ses animaux.
Un examen tel que je l'ai fait ne donne lieu, je pense, à une évi-
dence non équivoque sur ce point. Ainsi, une contradiction inex-
plicable entre les résultats de Schaefer et ceux de Yeo et les miens
paraît exister. Si chez ces animaux l'ouie n'était pas atteinte d'une
façon évidente par une double lésion, ce n'était certes pas le cas
chez les nôtres, et il n'y avait pas de doute possible sur la très
grande différence entre l'animal en expérience et l'animal sain, la
seule question qu'on pouvait se poser était de savoir s'il n'avait pas
du tout de réel sens de l'ouïe.
Pour mettre de la clarté dans ce sujet, si possible, j'ai de nouveau
rcétudié la question. Sur un singe, j'ai enlevé d'abord toute la con-
vexité apparente du lobe temporal gauche, comprenant la circonvo-
lution temporale supérieure. L'animal guérit rapidement de son opé-
ration unilatérale, et dans les premiers jours, quoique indubitable-
ment il entendit, il semblait entendre moins distinctement à droite
qu'à gauche. Quinze jours après, on fit la même opération sur le
côté droit, mais quoique l'animal ait vécu cinq jours, il resta tout
le temps apathique. Il ne faisait attention à rien de ce qui se pas-
sait autour de lui et était indifférent aux plus grands bruits faits
dans son voisinage. L'expérience cependant à cause du peu de sur-
vie ne fut pas très satisfaisante. Un autre singe, chez lequel j'ai fait
l'extirpation bilatérale de la circonvolution temporale supérieure,
avec un intervalle d'un mois entre les deux opérations, fut spéciale-
ment préparé pour l'expérimentation sur son sens de l'ouie. C'était
un singe à gueule de chien très remarquablement apprivoisé, et
son caractère et ses différentes manières de réagir sous différentes
circonstances furent l'objet d'une observation attentive avant l'opé-
ration. C'était un singe bruyant et turbulent. Il répondait invaria-
blement quand on l'appelaitpar son nom et venait immédiatement
à vous. Il imitait le claquement des lèvres et les autres sons de
caresse. Il criait toujours vigoureusement et avec force quand quel-
qu'un approchait ou ouvrait la porte du laboratoire où il était t
enfermé. -Le bruissement d'un sac de papier dans lequel se trou-
vaient des noix et des friandises était le signal de vocifération, de
même que le mouvement de la poignée d'un tiroir où étaient enfer-
més des pommes et des fruits. Il était d'un appétit insatiable etcriait
toujours après la nourriture dont il semblait ne jamais avoir assez.
Il était aussi d'une soif insatiable et le clapotement de l'eau, lors-
qu'on ouvrait le robinet, lui faisait pousser un cri pour qu'on laisse
aller et il mettait sa bouche sous le robinet. Aucun bruit,, ni aucun
1 Phil. Transat., 1888 ; vol. 30, p. 325.
'246 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
mouvement des autres singes dans leur cage ne pouvait être fait
dans son voisinage, sans exciter son attention. Il était plein de
malice et à tous les points de vue un animal adapté pour déter-
miner aucune altération qui pourrait se produire dans le sens de
l'ouïe et dans les autres facultés. La circonvolution temporale
supérieure gauche fut enlevée le 8 octobre. (Comme on peut le voir
dans la photographie.) Une petite portion aussi delà circonvolution
temporale moyenne fut détruite (fig. 17).
Le jour suivant, à cause de la production, comme on le prouva
plus tard, d'une hémorrhagie récurrente et d'une tension dans la
blessure, il y eut une ou deux attaques épileptiformes affectant le
côté droit. Elles cessèrent complètement après le pansement de la
blessure et l'animal devint rapidement actif.
Le deuxième jour, il tourna sa tête au bruit de clefs tenues
contre son oreille gauche, mais il ne le fit pas, ou d'une façon fort
douteuse, lorsqu'on les agite à droite. Le jour suivant et progressi-
vement à partir de ce moment, il paraissait quant à l'ouie à tous
égards pareil comme avant l'opération. On note cependant qu'il
était devenu complètement hémiopique vers la droite, état qui per-
siste plus ou moins complètement jusqu'à sa mort cinq mois après.
Après la mort, on trouva que cette hémiopie était due, selon toute
probabilité, à l'hémorrhagie récurrente survenue le lendemain de
l'opération, détruisant les radiations optiques dans la région occipito-
angulaire.
Le 5 novembre, on découvrit et coupa de même la circonvolution
temporale supérieure droite. Celle fois, l'extrémité inférieure de la
circonvolution fut presque entièrement épargnée (fig. 18). Le jour
suivant, l'animal ne répondit pas aux sons produits dans son voisi-
rig. 17.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 247
nage, ni quand on frappait la porte du laboratoire, ni aux bruits
de pas sur les marches, ce qui déterminait auparavant de vives
démonstrations.
Le troisième jour, quoique autrement actif et vif, il ne réagit
nullement aux sons de toute sorte, ne répondit pas aux appels, ne
fit aucun geste quand on ouvrit le robinet, quoiqu'il eut tiès soif,
puisqu'il but avec plaisir quand on lui présenta i'eau; il ne fit
aucun attention aux cris des deux autres animaux placés dans la
cage voisine, et en général ne répondit à aucun des réactifs de
l'ouie qui excitaient auparavant vivement son intérêt.
Le septième jour essentiellement le même état. 11 ne faisait pas
attention quand on l'appelait ou qu'on frappait la porte du labo-
ratoire. Il ne remarqua pas le bruit du tiroir dans lequel on gardait
la nourriture, ni le froissement du sac de papier dans lequel on
mettait les friandises, il ne remarqua pas le clapotement de l'eau.
Et il continua ses occupations tranquillement, mangeant ou cher-
chant sa nourriture sur le parquet de sa cage, pendant que diffé-
rents bruits, tels que de tourner une crécelle, d'aboyer, de siffler,
etc., se produisaient en effrayant les autres animaux dans les cages
voisines. Le dixième jour, même état. Aucune réaction aux appels,
aux frottements des pieds, etc., bruits qui faisaient regarder avec
curiosité les deux autres singes normaux dans la cage voisine.
Ce jour-là on employa une épreuve à laquelle il répondait toujours
auparavant. 11 était tard le soir, j'enlevai la lumière du laboratoire,
montai les marches et fermai la porte. Plusieurs fois, j'ai ouvert la
porte et appelé l'animal par son nom. Un autre singe répondit et
je n'ai obtenu aucune réponse de lui. Autrefois, de pareils actes
étaient le signal de cris perçants. Le jour suivant, les mêmes
Fig. 18.
248 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
épreuves furent répétées avec les mêmes résultats. Il aimait beau-
coup le garçon de laboratoire et allait à lui invariablement quand
il l'appelait. Ce jour-là, pendant qu'il était sur la table et guettait
mes mouvements, le garçon de laboratoire descendit l'escalier et
se tenant derrière lui, l'appela plusieurs fois. L'animal ne fit au-
cune attention et ne tourna pas la tête de son côté.
Le 20 novembre (15 jours après l'opération), on a pris les notes
suivantes : « L'animal est bien et actif, parfois il pousse des gro-
gnements de satisfaction quand il est assis auprès du feu tranquille-
ment. Il crie aussi quand il a besoin de nourriture, mais il ne ré-
pond jamais quand on l'appelle; il ne prête aucune attention aux
bruits familiers, tels que d'ouvrir le tiroir qui contient les pommes
ou le robinet d'eau, ce qui produisait chez lui auparavant une vive
émotion. - Aujourd'hui on plaça dans sa cage une boîte conte-
nant un sifflet qu'on pouvait mettre en mouvement par un long
tube de caoutchouc pour ne pas attirer le regard de l'animal, et à
plusieurs reprises on siffla, mais il resta sans bouger. La même
expérience chez les trois autres singes a produit des signes d'alarme
et de perturbation. »
A peu près à cette époque, on commença à se demander si l'a-
nimal ne semblait pas être averti, par un sens de vibration ou
autrement, de l'approche des pas descendant l'escalier en spirale
conduisant au laboratoire. Il était absolument sûr cependant que
pendant qu'on le veillait et que son attention était ainsi occupée,
il paraissait tout à fait inconscient des sons qu'on faisait pour le
distraire. Le 30 novembre, c'est-à-dire trois semaines après l'opé-
ration, ces observations furent confirmées après une étude attentive
de plusieurs heures par moi-même. Mais quand tout était tranquille,
il semblait être averti, comme le prouvaient ses cris, de l'approche
de quelqu'un marchant au-dessus de sa tête ou ouvrant la porte
conduisant dans le laboratoire. Ceci fut surtout noté le matin quand
lui et les autres singes regardaient attentivement l'escalier, atten-
dant leur déjeuner. Des observations répétées pendant le cours de
la semaine suivante montrèrent l'irrégularité apparente de ses
réactions. Il devint évident que lorsqu'on laissait l'animal tout seul,
il savait qu'on l'appelait, il était averti du bruit de l'ouverture et de
la fermeture de la porte conduisant dans l'endroit où il était;
mais quand quelqu'un était dans le laboratoire et que l'animal fai-
sait attention à lui, il ne montrait nullement qu'il entendait et ne
regardait pas autour de lui comme les autres singes quand on l'ap-
pelait ou qu'on faisait d'autres bruits auprès de lui. Si je restais
dans le laboratoire dans son champ visuel, et que mon garçon vint
au haut de l'escalier et l'appelât, il ne prenait garde à rien de ce
qu'il pouvait faire pour attirer son attention. Quoique parfois il
tressaillait quand on tirait une capsule dans son voisinage, il ne le
faisait pas ni ne regardait autour de lui, si au même moment il
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 249
était occupé à quelque chose, tandis que les autres singes auraient
invariablement tressailli et regardé du côté d'où venait le bruit, et
cet état ne changea pas jusqu'à la mort de l'animal. Seulement,
dans la direction de la porte du laboratoire, vers laquelle il regar-
dait constamment, il semblait pouvoir rapporter les bruits, mais
autrement, surtout quand son attention était fixée ailleurs, il ne
reconnaissait pas l'origine et il ne tournait pas la tête du côté du
bruit. Il n'entendait pas ou négligeait complètement lesbruits, tels
que gratter, toucher, secouer des clés et ainsi de suite, tandis que
les autres singes regardaient avec attention à travers les barreaux
de leurs cages. Le clapotement de l'eau, le frottement du papier,
l'ouverture du tiroir dans lesquel se trouvaient les friandises n'ont
jamais produit ni un mouvement, ni aucun des signes animés de
vif intérêt qui étaient si caractéristique auparavant. Je n'ai pas
observé chez cet animal, au moins pendant la dernière période
d'observation, l'absence de contraction des oreilles que j'avais notée
dans une expérience précédente.
On peut ainsi brièvement définir l'état de cet. animal. D'abord,
il ne répond à aucune des épreuves qui auparavant produisaient
une vive réaction et qui invariablement attiraient l'attention des
singes normaux. A la fin, en exceptant seulement peut-être la
porte du laboratoire d'où il attendait toujours quelque chose, il
ne put jamais trouver la provenance d'un bruit; il était ainsi in-
différent aux sons qui avaient pour lui auparavant une significa-
tion et tout ce qu'on peut dire c'est que lorsqu'il n'était pas occupé.
à quelque chose, il n'était pas insensible aux vibrations sonores.
Et il aurait été difficile de le prouver avec un certain degré de cer-
titude, n'eût été que l'animal pût donner un témoignage oral du
fait. Je ne suis pas encore en mesure de décider si cette forme de
sensibilité auditive doit être attribuée aux portions non détruites
par les lésions décrites, du centre cortical auditif ou aux centres
subcorticaux ou mésencéphaliques. Je n'ai pas encore pu avec
succès continuer des observations sur des animaux chez lesquels
les lobes temporaux avaient été détruits des deux côtés : mais si,
comme les observations de Schefer semblent l'indiquer, la totalité
des lobes temporaux comme les autres lobes cérébraux, peut être
enlevée sans abolir complètement les réactions aux sons, nous
avons quelques raisons de penser avec Longet, Goltz, etc., que
chez les singes, comme chez les animaux inférieurs, une sensation
auditive simple et grossière est toujours possible par l'entremise
des centres inférieurs.
Munk, d'après ses expériences sur les chiens, déclare qu'une lé-
sion destructive au point B (fig. 10), situé vers l'extrémité infé-
rieure de la circonvolution supra-sylvienne et l'extrémité adjacente
de la seconde circonvolution externe produit un état pour l'audi-
tion, semblable à celui qui résulte de la destruction de A (fig. 14)
1150 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
pour la vision; état qu'il définit a surdité psychique». (Seelenlauh-
heit.) Le chien semblait entendre, mais il était incapable d'inter-
préter les sons qu'il entendait. Cet état, cependant, dura quelques
semaines au plus. L'animal a repris les sens des sons et revint à
son état normal. Dans cette région, suivant lui, des images audi-
tives comme les images visuelles dans la région A (fig. 19), sont
emmagasinées. Fréquemment, cependant, avant que les troubles
secondaires créés par la lésion primaire aient diminué, l'animal
parait totalement sourd, il ne se montre aucune réaction aux
bruits d'aucune sorte, même les plus grands. Parfois, quand toute
l'écorce des deux lobes temporaux a été détruite, il a été observé
une persistante surdité corticale (Rindentaubheit), comme il l'ap-
pelle, mais aucun des animaux sur lesquels il a fait cette opéra-
tion n'a vécu au delà de quelques jours; ces observations n'appor-
tent aucune donnée pour la détermination de la durée de la
surdité complète. Cependant il suppose que le centre auditif de
l'écorce embrasse une plus gande étendue que B et comprend,
d'après ses figures, la totalité de la moitié postérieure dé la troi-
sième et aussi lés parties postérieures et inférieures de la première
et de la seconde circonvolutions externes. Quant à la sphère audi-
tive dans le cerveau du singe, il suppose - car il ne parait n'avoir
fait aucune expérience portant sur ce point - qu'elle est située à
l'extrémité inférieure de la circouvolution temporale moyenne
(B, fig. 19), région que j'ai complètement extirpée sans causer le
Fig. 19.
Centres cervicaux du singe d'après blunk. - A. Centre visuel. - C. à J. Centre de
sensibilité tactile (Fiihlsphrcre) de Iunk. centres psychomoteurs des autres auteurs. - z
D. Région du membre antérieur. C. Région du membre postérieur. - E. Région de la
tète. - F. Région de l'oeil. - G, Région de l'oieille. -Il. Région du cou. - J. Région
du tronc. - B est placé sur cette portion de l'écorce qui, d'après les expériences faites
sur les chicns, coirespond à la égion auditive .
' LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 2SI ).
plus léger trouble de l'ouïe. Et il considère que la portion supé-
rieure de la circonvolution temporale supérieure (G, /t< ? .18) est la
sphère sensitive de l'oreille; je n'ai pu en obtenir aucune preuve,
car après l'extirpation uni ou bilatérale de cette région je n'ai pu
trouver aucun trouble de la sensibilité de l'oreille.
Luciani et Tamburmil ont trouvé que la destruction unilatérale
de la partie postérieure et supérieure de la troisième circuuvolu-
tion externe chez les chiens a produit de la surdité dans les deux
oreilles, mais à un plus haut degré dans l'oreille du côté opposé.
La différence dans la sensation auditive des deux côtés a diminué
beaucoup et a disparu tout à fait en peu de jours, quoiqu'on n'ait t
pu affirmer que la guérison complète n'ait jamais eu lieu. Après
que la puissance auditive des deux côtés fut revenue la même,
l'ablation de la région correspondante de l'autre hémisphère a
produit une surdité presque totale, à peu près égale des deux côtés.
Cette surdité bilatérale se passa petit à petit, mais il n'y a pas de
données, suivant eux, pour déterminer si une guérison parfaite a
eu lieu. Quand les lésions destructives sont limitées à la partio
postérieure de la seconde circonvolution externe et ne comprennent
aucune partie de la troisième, il ne survient aucun trouble de
l'ouïe, qui paraît en effet quelquefois plus fine que d'habitude. Ces
auteurs pensent que la semi-décussation des nerfs auditifs existe
comme celles des nerfs optiques et que les deux oreilles sont repré-
sentées dans chaque hémisphère cérébrale. C'est indubitablement
le cas; car l'extirpation unilatérale n'a jamais donné lieu à une
surdité permanente d'une oreille; mais quoique plusieurs fois après
l'extirpation du centre auditif d'un hémisphère j'ai observé la perte
ou un trouble de l'ouïe de l'oreille opposée, je n'ai jamais pu décou-
vlir le plus léger trouble de l'ouïe de l'oreille du même côté. Lu-
ciani dit : « Les effets de l'extirpation dans la région du lobe pa-
riétal confirment ce qui avait été reconnu par Ferrier et après par
Tamburini et moi-même que le coude de la troisième circonvolu-
tion externe fait certainement partie de la sphère auditive chez le
chien, mais ils démontrent aussi que cette sphère s'irradie de son
point central dans le lobe temporal en haut vers la région parié-
tale, en avant vers la région frontale, en arrière vers la région de
l'hippocampe, en dedans vers la corne d'Ammon. » Il comprend
ainsi dans sa sphère auditive une -rai de portion de l'écorce qui
a aussi d'autres fonctions. Cependant, quant à celui-ci et aux
autres centres sentitifs, Luciani paraît combattre pour une forme
de localisation qui n'est pas du tout de la localisation, car chaque
centre parait remplir jusqu'à un certain point les fonctions d'un
1 suri centri psico-sensori Corticali, 1879.
' Sur les localisations sensorielles dans l'écorce du cerveau (bain,
1885, p. 154).
252 ) PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
autre centre, résultats que je considère comme absolument opposés
aux faits des lésions strictement localisées.
On remarquera, pour la position du centre auditif chez le chien,
qu'il n'a pas les mêmes rapports avec la scissure de Sylvius que la
circonvolution temporale supérieure chez le singe, mais qu'il en est
séparé par la branche postérieure de la circonvolution sylvienne.
Meynert a supposé que la division postérieure de la circonvolution
sylvienne est l'homologue de la circonvolution temporo-sphénoi-
dale supérieure Cependant j'ose dire que la ressemblance entre la
division postérieure de la circonvolution sylvienne et la circonvo-
lution temporale supérieure est seulement superficielle, due au
défaut de profondeur de la scissure de Sylvius. Sir William Turner
a conclu d'après ses recherches que la circonvolution sylvienne
chez le chien est en réalité l'homologue de la circonvolution de Reil
visible à la surface à cause du défaut de profondeur de la scissure
de Sylvius2. Dans ce cas, la division postérieure de la circonvolu-
tion supra-sylvienne correspondrait exactement avec la circonvo-
lution temporale supérieure.
La surdité par maladie cérébrale chez l'homme est rare, vu l'ex-
trême rareté de lésions bilatérales affectant simultanément les
deux circonvolutions temporales supérieures. Il y a cependant deux
' De Windungen der convexen Obel'flache des Vonder-Hirns, (Arch.
für Psychiatrie, vol. VII, 1877).
' Report on the Seals, Challenger Expédition, Part. LXVIII, p. 124.
Fig. 20.
. LES LOCALISATIONS CEREBRALES. : il515
cas importante dans lesquels cette double lésion s'est rencontrée.
Shaw ' a rapporté le cas d'une femme âgée de trente-quatre ans,
qui deux mois avant son admission dans l'asile, avait perdu la
force dans le bras droit, et bientôt après, avait eu une attaque
apoplectique, avec perte du langage et surdité. La perte du
mouvement de la main droite se passa vite. Elle devint excitée,
incohérente, sujette aux hallucinations. A l'admission, après les
expériences répétées, on la trouva sourde et aveugle. La sensibilité
tactile et l'odorat étaient intacts. Elle eut quelques attaques et en
dernier, mourut de pneumonie une année après son entrée.
L'autopsie montra une atrophie complète des plis courbes et des
premières circonvolutions temporo-sphénoidales des deux hémis-
phères. (Voir fig. 20 et 21). La substance grise des régions atro-
phiées avait entièrement disparu, laisant la couche externe
adhérer à la pie-mère avec une cavité au-dessous aux dépens de
la substance grise. Les autres nerfs crâniens étaient normaux en
apparence, mais les nerfs optiques avaient une augmentation du
tissu conjonctif, une atrophie des fibres nerveuses et avec des
espaces remplis de matière comme colloïde. La cécité était-elle due
à la lésion des plis courbes seulement ou à la dégénérescence des
nerfs optiques ? Mais l'attaque soudaine de surdité dans ce cas
coïncidant avec des symptômes de lésion cérébrale, et l'état du
1 Archives of médecine, février 1882.
Fig. 21.
254 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
cerveau à l'autopsie, font penser que les destructions des premières
circonvolutions temporoles sont la cause. Un cas semblable a été
publié par Wernicke et Friedloender1 « Une femme âgée de qua-
rante-trois ans, qui avait souflertde surdité et de trouble de la vi-
sion, eut une attaque le 22 juin 1880 avec hémiplégie droite et apha-
sie. Elle restaà l'hôpital jusqu'au 4 août l'époque à laquelle elle fut
congédiée. A cette époque la malade pouvait parler, mais elle
parlait d'une façon inintelligible et on la croyait quelques fois ivre.
Non seulement elle ne pouvait pas se faire comprendre mais elle
ne pouvait pas comprendre ce qu'on lui disait. Elle fut reçue de
nouveau dans un hôpital le 10 septembre avec une légère parésie
du bras gauche. L'hémiplégie droite avait entièrement disparu.
On regardait la malade comme aliénée. Elle était absolument
sourde, de sorte qu'on ne pouvait pas communiquer avec elle. Elle
mourut d'une hématémèse le 21 octobre. On trouva une lésion
extensive dans chaque lobe temporal, envahissant la circonvolu-
tion temporale des deux côtés. (Voir fit. 22 et 23.) Le reste du cer-
veau ne présenta rien d'anormal, et il n'y avait aucune cause pour
augmenter la pression cranienne, ni d'affection secondaire des nerfs
crâniens.
On a prouvé que la malade entendait très bien auparavant. Sa
surdité survint subitement avec les autres symptômes de maladie
' Portschritte der Médecin, vol. I, n" 6, 15 mars, 1883 (Brain, avril
1888, p. 19). 1
Fig. 22.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 255
cérébrale. Pour exclure toute possibilité de lésions locales de
l'oreille, le malade fut soumis à l'examen du professeur Lucae. Le
résultat de cet examen fut négatif. On trouva seulement un léger
catarrlie sec et rien localement pour expliquer la surdité. Ces
auteurs concluent : « que les nerfs auditifs; se terminent dans le
lobe temporal et que la lésion bilatérale de ces lobes produit une
surdité complète. On peut donc dire avec une entière certitude que
es lobes temporaux sont les centres cérébraux de l'audition. »
Quoique les lésions n'étaient pas limitées à la première circonvo-
lution temporale, cependant leur substance grise et leurs fibres
médullaires étaient atteintes. L'observation confirme donc, si elle
ne suffit à elle seule à le démontrer, le siège que j'ai désigné au
centre auditif dans ces lobes.
Les affections de l'ouie d'origine cérébrale avec lesquelles nous
sommes plus familiarisés sont les formes variées de ce qu'on appelle
« surdité verbale t, état dans lequel l'idéation auditive est atteinte
plus particulièrement en ce qui concerne l'association de sous
articulés avec les actes d'articulation et les choses signifiées. Celui
qui est atteint de surdité verbale n'est pas privé de toute sensation
auditive, car il peut entendre le tic tac d'une montre, recon-
naître et fredonner un air, mais les sous articulés, à l'exceplion
peut être de son nom ou d'une combinaison très simple de mots,
n'ont pour lui aucune signification et il ne peut les répéter. On a
trouvé associée la surdité verbale avec une lésion de la première
circonvolution temporale supérieure dans l'hémisphère gauche.
Fio. 23.
3S6 PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
Seppili a trouvé que sur 17 cas avec autopsies, dans tous la circon-
volution temporo-spliénoïdale supérieure était atteinte et que dans
12 cas, la seconde et la troisième étaient aussi atteintes.
Sur 25 cas de surdité verbale rassemblée par le Dr Ewens sur
lesquels j'ai des notes, dix ne présentaient qu'une lésion du lobe
temporale. Dans 7 de ces cas, la première temporale était parti-
culièrement prise, et dans les trois autres les limites exactes de la
lésion ne furent pas établies. Dans huit cas, la lésion comprenait
aussi bien le pli courbe que la circonvolution temporale supérieure;
dans six cas les lésions avaient envahi la circonvolution temporale
supérieure et les parties avoisinantes des lobes occipitaux et parié-
taux et un cas est rapporté comme dû à une lésion du pli courbe
seulement. Dans ce cas, il parait y avoir eu à la fois de la cécité et de
la surdité verbale. Dans tous les cas, sauf un, il y avait une lésion
évidente de la circonvolution temporale supérieure.
Les cas de décharges auditives, ou de sensations auditives subjec-
tives avec lésions irritatives de la première circonvolution tem-
porale apportent encore une preuve pour la localisation du centre
auditif dans cette circonvolution. Gowers a rapporté deux cas de
cette nature2. Dans l'un une tumeur, dont la plus ancienne partie
était au-dessous de la circonvolution temporale supérieure, déter-
minait des convulsions qui débutaient par une aura auditive rap-
portée à l'oreille opposée. Dans l'autre, une tumeur atteignant la
première circonvolution temporale produisait des convulsions
unilatérales qui débutaient par un grand bruit comme celui que
ferait une machine. Et Hughes Bennett' a rapporté plusieurs cas
de décharges de sensations auditives suivies d'une perte tempo-
raires de l'ouïe dans l'oreille opposée ou dans les deux. Ainsi une
femme sujette à des attaques épileptiques précédées par un grand
bruit comme la sonnerie d'une cloche dans l'oreille gauche, devenait
temporairement sourde de chaque oreille après. chaque attaque.
Les deux oreilles étaient défectueuses, mais incontestablement la
gauche davantage. On a trouvé la circonvolution supérieure atro-
phiée dans des cas de surdité de longue date ou de sourds-muets
congénitaux. Milles4 rapporte le cas d'un homme sourd depuis
trente ans ; le cerveau, autrement normal, présentait une atrophie
extensive des deux circonvolutions temporales supérieures. Broad-
bent 5 décrit le cerveau d'une femme sourde-muette chez laquelle,
en plus de quelque lésion du lobule supramarginal, il y avait une
atrophie de deux circonvolutions temporales plus marquée à gauche.
Il
4 Revisla speriment di Freniat, vol. X, 1884.
Diseases of Neroous sstenr, vol. II, p. 21.
s Sensory cortical discharges, (Lancet 1889).
' Un/v81'Syty médical magazine, nov. 1889.
" Journal of Anatomy, 1870.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. lSi -1
Les faits tirés de la pathologie humaine viennent encore à l'appui
de la localisation de l'ouïe dans le lobe temporal et plus spéciale-
ment dans la circonvolution supérieure de ce lobe.
Les expériences de Baginsky', comme les recherches microsco-
piques de Flechsig et Leehterew2, montrent que le nerf auditif est
en rapport avec le centre auditif de l'écorce par la bandelette infé-
rieure du côté opposé, et de là par le tubercule postérieur des
tubercules quadrijumeaux et le corps géniculé interne avec les
fibres médullaires de l'écorce. Les expériences de L. Baginsky con-
sistent à détruire le labyrinthe chez les lapins et à suivre le trajet
de la dégénérescence. Il a trouvé une disparition marquée des
fibres de la bandelette du côté opposé et un certain degré d'atro-
phie dans le tubercule postérieur des tubercules quadrijumeaux et
dans le corps géniculé interne. Von Monakow dit aussi qu'après
l'extirpation du lobe temporal chez les lapins nouveau-nés, on
trouve une atrophie dans les fibres médullaires correspondantes de
la capsule interne et dans le corps géniculé interne du même côté;
il confirme ainsi les idées de Baginsky et Fleschsig. -
Nous avons donc sujet de croire que les fibres centrales des nerfs
auditifs ne passent pas toutes, comme le veut Meynert, à travers le
cervelet dans leur trajet vers les hémisphères cérébraux, hypothèse
qui, d'ailleurs, ne concorde pas avec les résultats de la destruction
du cervelet lui-même. Quelques-unes des fibres du huitième nerf
passent indubitablement dans le cervelet, mais il semble que ce
sont les fibres vestibulaires des canaux semi-circulaire et non les
fibres cochléeimes ou vrai nerf de l'audition.
CENTRES DE LA SENSIBILITE TACTILE
Je vais maintenant considérer la localisation des centres de la
sensibilité ordinaire et tactile.
Il y a encore beaucoup d'incertitudes sur le trajet et les centres
des formes variées de sensibilité. On admet universellement depuis
les expériences classiques de Brown-Séquard que, à l'exception peut» z
être du sens musculaire, le trajet de toutes les autres formes de
sensibilité, se porte en haut du côté opposé de la moelle. Mais ni
des recherches expérimentales, ni pathologiques, ni microscopiques
n'ont déterminé d'une façon certaine, dans quelles parties particu-
lières du côté opposé de la moelle, les tractus sensitifs montent vers
le cerveau. Les expériences de Ludwig et Woroschilotf3 paraissent
1 Sitzungsb. Acad. d. 1 Visse iiscibafie)z zu Berlin, 1886, 12.
. Neurolog. Centmlblatt, déc. 1886 ?
* De;' Vertauf notorischen und sensibles Bltanen durcie das Lenden
mark des Kaiiincliens, 1874.
Archives, t. XXI. 17
25H PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
démontrer que les impressions oeuslllveo peuvent se transmettre en
haut, sans trouble apparent des rapports normaux, quand la tota-
lité de la colonne antérieure et postérieure, aussi bien que la subs-
tance grise a été séparée, quand toutefois les colonnes latérales de
la moelle restent intactes. Ils ont trouvé que lorsque la colonne
latérale restait, les mouvements des bras et de la partie antérieure
du corps pouvaient être excités de suite par l'irritation de la jambe
opposée en arrière de la section, mais seulement avec difficulté par
l'irritation de la jambe du même côté. Pour que les impressions de
la jambe opposée puissent produire facilement des mouvements
dans la partie antérieure du corps, ils ont trouvé qu'il fallait que
cette portion de la colonne latérale restât intacte, qui est située
dans cette zone limitée par la prolongation en dehors des commis-
sures antérieure et postérieure, c'est-à-dire le tiers moyen. Ludwig
et Worosciiiioff n'ont pas pu différencier les tractus sensitifs des
tractus moteurs de la colonne latérale, et concluent que les deux
sont plus ou moins mélangés; mais les faits de la pathologie hu-
maine et expérimentale indiquent qu'ils sont au moins sur une
grande étendue, distinctement séparés les uns des autres, et on
peut douter que leurs expériences indiquent les trajets d'une sen-
sation véritable comme distincte de ces réactions simplement
d'ordre réflexe plus ou moins générales. Il ne semble pas que les
trajets d'une sensation propre dégénèrent en haut à une grande
distance après la séparation complète de la moelle à n'importe
quelle partie. Des trajets qui subissent la dégénérescence ascen-
dante, les principaux sont les colonnes postérieures ou colonnes de
Goll qui subissent la dégénérescence ascendante dans une certaine
mesure au moins, aussi loin que les noyaux graciles ou noyaux
post-pyramidaux de la moelle allongée. Les colonnes externes pos-
térieures ou colonnes de Burdach subissent la dégénérescence ascen-
dante au plus sur la hauteur de quelques racines. En plus, la dégé-
nérescence ascendante se présente dans les tractus cérébelleux
directs qu'on peut suivre d'une façon continue jusqu'aux corps rec-
tiformes, et de là dans le processus vermiforme supérieur du cer-
velvet. En avant du cordon cérébelleux direct, mais plus ou moins
distinct de lui, il y a un autre cordon dans lequel on remarque
souventla dégénérescence ascendante, comme l'a le premier montré
Gowers, cordon qui, comme Bechterew' l'a vu, diffère dans sa
période de développement des autres cordons delà moelle. Celui-ci
constitue le cordon antéro-latéral. Aucun de ces cordons n'a cepen-
dant été démontré d'une façon décisive, être le trajet d'aucune
forme de sensation propre (employant cette expression pour dis-
tinguer le trajet des sensations conscientes de celui des impressions,
plutôt afférentes et centripètes).
' Neurol. Centmlblatt, 1885.
LES LÙCALIsATloNS CÉRÉBRALES. 289
Comme le cordon cérébelleux airect finit sans aucun doute dans
le cervelet et, comme les observations de Tootli semblent le mon-
trer, provient'surtout des racines postérieures de régions dorsales
supérieure et cervicale et non de celles des extrémités inférieures,
nous pouvons l'éliminer des chemins parcourus par les sensations
propres. Le cordon autéro-latéral où Gowers placerait volontiers le
passage des impressions douloureuses, parait, d'après les recherches
de Tooth, consister principalement en fibres fines et provenir des
cellules de la colonne de Clarke. Il monte jusqu'au noyau latéral
qui est en haut la continuation de la corne latérale de la moelle
cervicale, aussi appelée corne viscérale. Le trajet plus élevé de ce
cordon est incertain quoique la majorité des fibres atteignent, d'a-
près Tooth, en derniei lieu le cervelet. Gowers rapporte un cas do
lésion unilatérale de la moelle qui semblerait être à l'appui de
cette hypothèse et Bechterew dit qu'à la suite d'une section trans-
versale de la moitié antérieure de la moelle, on observe de l'anal-
gésie. Dans aucune de ces observations cependant, comme le
remarque Tootb, nous pouvons éliminer une affection de la subs-
tance grise elle-même.
J'ai autrefois fait cette expérience sur un singe chez lequel j'ai
divisé la moitié convexe ou externe de la colonne latérale vers le
milieu de la région dorsale (fig. 24). Malgré une légère paralysie
dans le même côté, il n'y avait aucun trouble de la sensibilité
tactile ou douloureuse dans la jambe opposée le jour après l'opé-
ration. Le plus léger contactsur un membre attirait immédiatement
l'attention de l'animal. Un autre singe, chez lequel j'avais sectionné
la plus grande portion d'une moitié de la moelle (excepté le cordon
postérieur), une partie du cordon antérieur, et celte portion du
cordon latéral situé dans l'angle formé par les deux cornes anté-
rieure et postérieure (fig. 25), il y avait une paralysie motrice *
presque complète dans la jambe du même côté, mais la sensibilité
n'était pas abolie du côté opposé. On ne pouvait déterminer avec
certitude si quelques sensations n'étaient pas atteintes, mais
sûrement la sensibilité à la douleur a été conservée. Les expé-
riences sont donc opposées à l'hypothèse que le cordon antéro-
latéral est la voie de la sensibilité tactile et douloureuse.
Dans une autre expérience que j'ai faite sur un singe, dont les
détails ont été publiés ailleurs3, j'ai coupé tout le côté gauche de
la moelle, à l'exception du cordon médian antérieur et postérieur.
Quoique la plus grande portion du cordon médian postérieur
gauche et tout le cordon médian postérieur droit, de même que
la substance grise à droite, et celle qui entoure le canal central du
Secondary degeneration of the spinal cored, 1889.
, Clinicat : iociety's, s, Transactions, vol. XI, 1877.
3 Hemiseclion of Vie spinal cord., Brain, vol. VII, p. 1.
260 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
côté gauche fussent intactes, il y avait une anesthésie complète et
une analgésie du côté opposé du corps. Cette expérience donc
infirme celle hypothèse que les cordons postérieurs sont la voie de
conductibilité de la sensibilité tactile. Elle est aussi contraire à
l'hypothèse que la colonne postérieure médiane est la voie du
sens musculaire du même côté. Car la conduite de cetanimal indi-
quait, aussi loin qu'on peut juger de l'observation d'animaux infé-
rieurs, qu'il avait entièrement perdu le sens musculaire du mem-
bre opposé; car s'il était capable de mouvoir sa jambe droite
intentionnellement dans toutes les directions et pour tous les
usages sans aucune apparence d'incertitude ou d'ataxie, et pouvait
serrer fortement avec son pied, il ne le faisait seulement que
quand la vision était libre. Quand les yeux étaient fermés, l'animal
était tout à fait incapable de tirer sa jambe d'aucune position dans
un but déterminé.
Dans une autre expérience, j'ai essayé de diviser avec soin les
cordons postérieurs dans le milieu de la région dorsale; j'ai fait
la section en plongeant un kératome triangulaire dans la scissure
postérieure médiane à une telle prolondeur, que j'avais calculée,
par des expériences répétées sur des moelles, que les cordons mé
dians postérieurs soient divisés jusqu'à la commissure postérieure.
Quoiqu'il me sembla que tous les cordons postérieurs étaient divi-
sés, je n'ai pu après la mort vérifier une plus grande destruction
que celle des parties avoisinant immédiatement la scissure mé-
diane (fig. 26). Quoique l'animal fût pour quelques heures comme
faible et maladroit dans ses extrémités postérieures le jour suivant,
on n'a pu découvrir le plus léger trouble de la sensibilité tactile
ni du sens musculaire. Il courait sans le moindre signe d'ataxie,
il grimpait avec son aisance habituelle sur les barreaux de sa cage,
il plaçait ses pieds avec précision sans l'aide de la vision et s'aper-
cevait aussitôt quand il touchait terre. Le plus léger contact sur ses
pieds ou n'importe quelle portion de la partie inférieure de son
corps attirait aussitôt son attention.
Bechterew a aussi trouvé que la section des cordons postérieurs
4 Neurolog. Cealral6lalt, février I, 1890. -
1,'îg. 24, 25, 26.
LES LOCALISATIONS 'CÉRÉBRALES. 261
dans la région cervicale chez les chiens ne produit aucune perle
de la sensibilité musculaire et tactile, quoique certains désordres
de l'équilibre suivent l'opération. Ceux-ci cependant tendent à dis-
paraître avec le temps. Les expériences de Bechterew sont donc
opposées à la théorie qui fait suivre les cordons postérieurs à toutes
de la sensibilité propre.
Brown-Séquard a aussi montré, et c'est généralement accepté
par tous les physiologistes et les pathologistes, que la voie du sens
musculaire ne se croise pas avec les autres tractus sensitifs, mais
monte dans ja moelle du même côté; de sorte que dans une demi-
section ou une maladie unilatérale de la moelle, le sens musculaire
est atteint ou aboli du même côté que la lésion et intact dans le
membre opposé anesthésique. Les faits d'hémisection de la moelle
chez le singe sont à mon avis opposés à cette hypothèse, mais je
suis prêt à admettre que les expériences sur les animaux inférieurs,
chez lesquels nous ne pouvons que supposer les états de conscience,
ne sont pas aussi satisfaisantes à ce point de vue que les observa-
tions prises chez l'homme. Cependant, en étudiant les cas qui ont
été présentés à l'appui de la théorie de Brown-Séquard, j'ai trouvé
que l'évidence de la conservation du sens musculaire dans le
membre d'autre part anesthésique, et son atteinte ou sa perte dans
le membre du côté de la lésion n'était pas toujours satisfaisante.
Des quarante-trois cas1 de lésion apparemment unilatérale de la
moelle, desquels il n'y a cependant que deux autopsies, dans vingt-
quatre seulement il est fait mention de l'état du sens musculaire
dans les mémoires originaux. Dans six, la seule preuve donnée de
la conservation du sens musculaire, était la possibilité de percevoir
une forte pression et de diriger les mouvements avec précision :
faculté qu'on a trouvée possible avec l'absence complète d'aucune
sensation de mouvement. Dans quatre, on ne dit pas la méthode
employée. Dans un cas, on dit que le sens musculaire paraît être
normal des deux côtés, sans autres détails. Dans un autre, on dit
seulement que le membre paralysé nejugeait pas aussi exactement
que l'autre la différence des poids. Dans trois cas, le. sens muscu-
laire était intact dans le membre d'autre part anesthésique, mais
dans ces trois cas il y avait conservation de la sensibilité tactile.
Dans un cas3, le sens musculaire paraissait perdu dans la jambe
paralysée, mais dans ce cas il y avait une anesthésie du bras du
même côté et probablement aussi par suite de la jambe. Dans un,
il semblerait qu'on n'ait fait aucune recherche du sens musculaire,
, La plupart de ces cas ont été rapportés par Brown-Séquard dans les
Archives de Physiologie, vol. I et II.
' Perroud. - Journ. de méd. de Lyon, vol. II, 1868 ; Gilbert, Archives
Neurolog., t. III, p. 275 ; Bayne, Lancet, vol. II, 1865, p. 117.
' Brown-Séquard, Lancet, vol. II, 1868, p. 689, cas 2.
'262 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
pendant que le membre était paralysé; après on dit qu'il y avait
un certain degré d'incoordination et perte de la notion de position.
Dans un autre 1, la seule note qu'on lisait était que le malade avait
conservé la faculté d'estimer les poids et la consistance des corps
sur le membre anesthésie. L'état de l'autre membre n'était pas
mentionné et aucun détail-exact n'est donné sur les autres formes
de la sensibilité. Des autres cas, dans un le sens musculaire était
perdu dans le côté anesthésié on ne parle pas de l'étatde l'autre
membre. Dans un autre 3, les conditions varient avec les progrès de
la maladie, mais le sens musculaire fut toujours intact sur le
membre anesthésié aussi longtemps que la sensibilité tactile et la
faculté de localisation furent conservées. Dans le troisième 4, le sens
paralysé et son état sur le membre anesthésie n'est pas mentionné.
C'était le seul cas avec autopsie.-Dans un autre, le cas de Koebner5,
on a trouvé, en examinant le membre paralysé, que le malade avait
une parfaite connaissance des mouvements qui lui étaient commu-
niqués passivement, et Jaccoud G a publié un autre cas semblable.
Donc, quoiqu'il semble y avoir quelques faits à l'appui de la théorie
de Brown-Séquard, d'autres lui sont complètement opposés. De
sorle que l'on ne peut pas dire que l'observation clinique donne un
appui absolu à la théorie qui veut que le sens musculaire reste
intact quand les autres formes de la sensibilité sont perdues. Tel
est l'état de la question; les détails du cas suivant que j'ai observé
récemment ont quelque importance.
W. S..., âgé de vingt-cinq ans, est admis comme malade externe
à l'hôpital national, et for the paralysed and the epileptic », le
21 mars 1890. Santé antérieure bonne jusqu'à il y a trois ans,
époque à laquelle il contracta la syphilis. A Noël 1883, il observa
qu'il avait une certaine difficulté à vider sa vessie. Peu après, il eut
une paralysie temporaire des sphincters, et de la vessie et du rectum.
En avril 1889, il se plaignit d'une faiblesse de la jambe gauche qui
se dissipa après quelques mois; à cette époque, la jambe droite fut
prise et est restée atteinte, devenant jusqu'à maintenant de plus
en plus raide. A l'examen, il y avait de la douleur à la percussion,
entre la dixième et la douzième vertèbre dorsale, et à un moindre
degré un peu au-dessus de ce point. Le malade se plaignait de
constriction autour du ventre, juste au-dessus de l'ombilic. Il n'y
avait ni réflexe abdominal, ni crémastérien du côté gauche, mais
à droite ils existaient même bien marqués. Etat des membres : la
' Dundas, Edin. Med.journ., 1885, p. 301.
' Sir Charles Bell's. - Case, Ne/'vous system, p. 245.
chariot et Gombault. Archiv.\de Pmjsiol. vol. V, p. 141.
. Mackenzie's. Case. (Lancet, 1883, vol. I, p. 995.)
0 Archiv. f. Klin. med., 1877, p. 208.
' Leçons de Clin, méd ? 1867, p. 45.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 263
jambe droite est parétique et raide. Le réflexe patellaire est très,
exagéré et il y a une contracture marquée du pied. Dans cette
jambe, toutes les genres de sensibilité sont normales. Quand ses
yeux sont fermés, il peut indiquer avec une précision parfaite tous
les mouvements qu'on communique à son membre. Il y a de la
faiblesse de la jambe gauche et le réflexe patellaire est augmenté.
Il n'y a pas une analgésie complète, mais il y a une anesthésie
tactile complète depuis le pied jusqu'au genou et affaiblissement
de cette sensibilité du genou jusqu'au niveau de l'ombilic. La sen-
sibilité à la chaleur et au froid est très atteinte. Les jeux fermés,
il est absolument incapable de dire où est son membre ou une
partie de ce membre, mais il peut diriger ses mouvements avec
assez de précision. Dans un autre cas, le malade devient subitement
paralysé de la jambe gauche et anesthésique à droite. Il a décou-
vert ce fait par l'insensibilité de sa jambe gauche à l'eau chaude,
que son autre jambe ne pouvait supporter. - A l'époque de mon
examen, un mois après l'attaque, il avait guéri de sa paralysie de
la jambe gauche, mais à droite il était toujours insensible à la cha-
leur et à la douleur. La sensibilité tactile était également bonne
des deux côtés, ainsi que le sens musculaire. A mon avis, l'évidence,
d'après tous les nombreux faits mentionnés, est en faveur de cette
idée que tout le trajet de la sensibilité remonte du côté opposé de
la moelle et qu'il n'est pas contenu ni dans la colonne postérieure
médiane, ni dans le cordon cérébelleux direct, ni dans le cordon
antéro-latéral, et comme le cordon pyramidal peut être entière-
ment sclérosé sans trouble de la sensibilité, nous sommes amenés
en procédant par exclusion à admettre que le trajet de la sensibi-
lité est en relation immédiate avec la substance grise. Si le trajet
sensitif entre en relation continuelle avec la substance grise, cela
rendrait compte de la non dégénéfescence ascendante comme les
autres cordons afférents de la moelle.
(La fin au prochain numéro.)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
I. Paralysie DISSOCIÉE du NERF SCI1TIQUE poplité extfrne. (Paralisi
dissociata del nervo sciatico popliteo externe),. part. 11LSSALO;vGO.
- (Extrait de la Ritorzna Medica, août 1890.)
La récente épidémie d'influenza a occasionné de nombreux
troubles du système nerveux central et périphérique. L'auteur a
264 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
observé à la suite de la grippe, chez un employé de commerce, âgé
de trente-quatre ans, une paralysie dissociée au nerf péronier, des
muscles péroniers, de l'extenseur commun des doigts, de l'exten-
seur propre du pouce avec atrophie musculaire consécutive, avec
intégrité du muscle tibial antérieur. Il pense qu'il s'est agi là d'une
névrite périphérique qu'on peut rapprocher des mêmes névrites
observées, comme on sait, au cours d'autres maladies infectieuses
Est-ce l'action directe du microbe sur le nerf, ou celle d'un produit
soluble dece dernier qu'il faut incriminer ? Cette dernière explica-
tion, d'après les recherches de Charria, Roux et Yersin, Biager et
Frankel, semble la plus plausible, d'autant plus que les véritables
intoxications (plomb, arsenic, mercure, sulfure et. oxyde de car-
bone) produisent des paralysies analogues. P. B.
11.UN cas DE chorée chronique héréditaire AVEC autopsie, par
L. GREPPIN. (Compte rendu de l'asile d'aliénés de Bâle. 1889.)
Il s'agit d'un homme de cinquante-cinq ans, dont le grand-père
paternel, le père, un frère et une soeur sont devenus choréiques vers
Je milieu de leur existence. Un second frère est aliéné. Plusieurs
enfants ont eu des convulsions. - Les mouvements choréiques
ont débuté à l'âge de cinquante ans progressivement. Puis à cin-
quante-cinq ans, apparurent des troubles mentaux, dépression
mentale, mélancolie avec agitation nocturne qui nécessitèrent son
internement.
A son entrée, il présente des mouvements choréiques intenses
dans les différents groupes musculaires. La marche en est rendue
difficile. Cependant, dans les mouvements intentionnels, les phéno-
mènes choréiques s'arrêtent. La démence complète survient pro-
gressivement et Je malade meurt avec des phénomènes comateux
et du ralentissement du pouls.
A l'autopsie, on trouve du côté des viscères thoraciques une
pleurésie séreuse gauche, del'endocardite et delà myocardite chro-
nique.
Le cerveau ne présente pas de lésions macroscopiques manifestes
Les méninges ne sont pas adhérentes. L'examen microscopique,
par contre, a fait constater dans toutes les circonvolutions, dans
le cervelet, le pont de varole et le bulbe des foyers plus ou moins
développés, constitués par des amas de cellules rondes avec un noyau
très développé. Ces cellules, un peu plus volumineuses que les glo-
bules blancs, et ressemblant plutôt aux cellules du cerveau d'un
embryon de cinq à six mois, siègent de préférence dans les gaines
périvsaculaires et dans les espaces péricellulaires de la substance
grise. On constate, en outre, l'atrophie ou la destruction de nom-
breuses cellules nerveuses et une diminution du nombre des fibres
nerveuses. L'auteur pense que ces lésions répondent à l'encéphalite
parenchymateuse.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. '205
Il est intéressant de rapprocher ce fait'de celui de Klebs. Dans
ces deux cas d'autopsie de chorée avec examen microscopique des
hémisphères cérébraux, les lésions constatées sont absolument com-
parables. 1\Ionnx.
III. Du béribéri; par JELGERSMA. (Centralbl. f. Nervenheilk, 1889.)
Synthèse nosographique. Cette maladie est une névrite périphé-
rique multiloculaire septique, mais par contact prolongé. Le corps
du délit est constitué par des bâtonnets et des micrococci qui
probablement sont des formes d'une seule espèce encore indéter-
minée. La désinfection radicale a déjà produit de précieux résul-
tats ; malheureusement il est impossible de désinfecter le sol.
P. K.
IV. Hystérie anesthésique ; par M. CoURMONT.
Observation d'une jeune fille de vingt-deux ans qui a eu des
crises d'hystérie jusqu'à l'âge de dix-huit ans et qui actuellement
est atteinte : 1° d'une anesthésie complète; 2° d'une abolition ab-
solue du sens musculaire; et 3° d'une paralysie des muscles exten-
seurs de la main gauche consécutive à une chute sur le poignet.
(Lyon Méd., 1889, t. LXI.) G. D.
V. IIYSTIî.RO-ÉPILEPSIE; hémichorée RYTHMIQUE CROISÉE PÉRIODIQUE,
, P.1TIIOGLNIE; par M. J. COURMONT.
Histoire d'une malade âgée de vingt ans chez laquelle l'hystérie
se traduisait alternativement par des crises ordinaires et par des
accès d'hémichorée rythmique croisée accompagnés ou non d'hé-
moptisies, de vomissements, de mutisme, de rétention d'urine, etc.
L'auteur en conclut que chez cette malade, la névrose hystérie
affectait successivement le système nerveux de la vie de relation
et le grand sympathique et que la chorée rythmique hystérique
provenait d'un trouble vaso-moteur et devait reconnaître pour
cause une névrose du grand sympathique. (Lyon hléd.,1889,t.LVL)
1 G. D.
VI. Amnésie traumatique ET paralysie DE 1 OCULO-3fOTEUR commun;
par le Dr SCHNELL.
Un homme de cinquante-six ans fait une chute dans un escalier,
il perd connaissance et présente à son réveil : 1° une paralysie de
l'oculomoteur commun ; 2° une amnésie à la fois rétrograde et
consécutive. Le malade a perdu le souvenir de l'accident et des
circonstances qui l'ont terminé, il a également oublié tout ce qui
s'est passé pendant une période de temps, de douze heures environ,
266 REVUE DE pathologie nerveuse.
antérieure à l'accident et n'a repris réellement conscience de ses
actes que six heures après l'accident. (Echo méd. de Toulouse, 1889.)
G. D.
VII. Méningite spinale ASCENDANTE aiguë ; par M. L. D'ARDENNE.
Un homme de soixante-sept ans, jardinier, est pris, à la suite
d'un refroidissement, d'une rigidité absolue des membres infé-
rieurs et de la partie inférieure du tronc, de fièvres et de douleurs
intolérables quandon exerce une pression au niveau des apophyses
épineuses lombaires. Mort par asphyxie. Pas d'autopsie.
(Echo méd. de Toulouse, 1889.) G. D.
VIII. SUR un cas d'astasie ET d'adasie ; par M. BERTIIET.
Observation d'une hystérique qui ne pouvait ni marcher, ni se
tenir debout, ni rester assise dans son lit. L'auteur croit que l'obs-
tacle à la station provenait non pas delà faiblesse des membres
inférieurs, mais bien plutôt de] l'instabilité du tronc. Cette instabi-
lité paraissait elle-même être la conséquence de la perte du sens
musculaire ou de la sensibilité interne du tronc : ce qui semble
confirmer cette interprétation c'est qu'en portant un corset
rigide descendant très bas la malade réussissait à maintenir l'é-
quilibre de son tronc en l'étayant avec ses deux avant-bras, les
coudes reposant sur les genoux à demi-fléchis. (Lyon dléd., 188G,
t LXI et LXII.) G. D.
IX. DE L'ENCI;I'HALOP.1TIIIE saturnine; par M. A. WESTPHAL
(Arch. f. Psych., XIX, 3.)
Treize observations analysées avec le plus grand soin, d'après les-
quelles c'est par l'intermédiaire d'artérites et de périartérite, des
vaisseaux, surtout des petits capillaires de l'encéphale, que le plomb
intoxique le système nerveux central. La diminution de l'élasticité
et de la résistance de la paroi artérielle explique la production
d'hémorrhagies cérébrales , de thromboses oblitérantes, et les
troubles de nutrition de l'organe. Un seul fait témoigna dans cette
série, d'une néphrite saturnine (encéphalopathie urémique). En
résumé :
1° Le plomb agit directement comme agent toxique sur le cerveau;
dans ce cas on observe : des symptômes généraux ou des symptômes en
foyer. On doit à ce groupe rattacher les névroses hémianesthésiques et
psychopathiques du saturnisme et les altérations des nerfs, notamment
du nerf optique ;
2° Le plomb agit sur les vaisseaux de l'encéphale (artérites avec leurs
conséquences) ;
3" Le plomb agit sur les reins urémie ;
4° Ces trois sortes de facteurs peuvent se combiner.
P. KCRAV.1L. ·
revue DE pathologie NERVEUSE. 267
X. Du DÉBUT DE la SCLÉROSE EN plaques ET DE L1 myélite aiguë ;
par A. CRIMER. (Arch. f. Psych., XIX, 3.)
Histoire d'une sclérose mulliloculaire en rémission. Cette rémis-
sion, qui donna l'illusion d'une guérison, s'explique à l'autopsie
par l'intégrité des fibres myéliniques et la conservation des cy-
lindres-axes. En effet, pendant près d'un an, aucun accident ne se
montra, puis des troubles psychiques apparurent, mais sans symp-
tômes sensitifs ni [moteurs. Le seul phénomène qui pût dès lors
être rattaché à une affection grave de la moelle fut, un mois
ayant la mort, des manifestations gangréneuses intenses. Une
méningite infectieuse s'en mêla et enleva, de concert avec une
myélite aiguë de la substance blanche, le malade en quinze jours.
- - P. Ti.
Xi. Du PARAMYOCLONUS MULTIPLE ET DES CONVULSIONS MUSCULAIRES
idiopathiques ; par A.-R. Marina. (Arch. f. Psych., XIX, 3.)
Revue critique présentant un tableau de vingt-deux faits, y com-
pris deux observations personnelles. L'auteur conclut que le carac-
tère fondamental seul immuable du paramyoclonus multiple,c'est
la non-coordination des convulsions, et leur dissémination en plu-
sieuis muscles du corps. Toutes les autres particularités symptoma-
tiques sont sous la dépendance de l'état du système nerveux cen-
tral lui-même émané de la prédisposition (nervosisme) ou d'autres
maladies antérieures. Ces éléments l'auteur les étudie. Ils lui ser-
vent à diviser les convulsions musculaires idiopathiques en trois
grands groupes.
1" Les myospasies simples.
Tic-paramyoclonus multiple - chorée électrique - chorée la-
ryngée - chorée diaphragmatique - convulsions du spinal.
2° Les myospasies impulsives, c'est-à-dire avec déplacement d'organes.
Chorée rhj Il 11111 que (Charcot ou grande-chorée - maladie de
tics convulsifs Obsessions par imitations (myriachit, co-
polalie).
3° La petite chorée ou chorée de Sydenham, danse de Saint Guy.
P. KERAVAL.
XII. Contribution A l'étude DE la SYPHILIS CÉRÉBRO-SPINALE
congénitale; par E. SIElIERLI1'G. (Arch. f. Psych., XX, 1.)
Chez une fillette de quatre ans apparaissent sucessivement : une
hémiplégie droite avec perte de la parole qui guérit en un an -
une atrophie bilatérale du nerf optiquequi la rend aveugle en sept
années - de l'ataxie des quatre extrémités - des céphalalgies-
des vertiges des vomissements des attaques épileptiformes -
une surdité complète. ,
268 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Elle devient hydrocéphale, et meurt dans un état de mal. On
porte le diagnostic de tumeur cérébrale avec hydrocéphalie et lé-
sion de la moelle. L'autopsie révèle une énorme gomme a la base,
. ainsi qu'une gomme volumineuse de la pie-mère au niveau du seg-
ment moyen de la moelle. Nombreuses figures à l'appui.
XIII. Nouvelles CONTRIBUTIONS A la pathologie DU tabès DORSALIS;
1 par H. Oppeniieim. (Arch. f. Psych., XX, 1.)
Trois observations avec autopsie.
L'Observation II, est un exemple de tabes avec paralysie bilaté-
rale de la partie postérieure du tronc; dégénérescence des muscles
sans lésion des noyaux, des racines, des nerfs périphériques.
L'Observation lit, et l'Observation I, offrent de nombreux ensei-
gnements au point de vue de l'altération des trijumeaux. Nous ne
pouvons que renvoyer sur ce sujet au mémoire original. P. K.
XIV. Affection EN FOYER DU LOBULE PARIÉT IL INFÉRIEUR;
par C. Wernicke (Arch. f. Psych., XX, 1.)
Observation très intéressante entraînant le diagnostic de : lésions
du lobule pariétal inférieur ou de la substance blanche correspon-
dante. L'autopsie révèle : une lésion (ramollissement) de cette
région qui atteint surtout le pli courbe. La discussion clinique
est particulièrement à lire. L'auteur groupe ensuite quarante-
deux cas tirés de la bibliographie dont il tire ce qui suit :
Quand «ne déviation conjuguée des yeux peut être tenue pour le symp-
tôme direct d'une lésion en foyer, il y a lésion du lobule pariétal infé-
rieur (Classification d'Ecker) ou de ses irradiations blanches. Tout foyer
du lobule pariétal inférieur s'accompagne toujours, au moins passagère-
ment, de déviation conjuguée des yeux ; elle est on rapport avec lui,
pourvu qu'on l'observe peu de temps après l'accident. Toute lésion bilaté-
rale'du lobule pariétal inférieur se traduit par une ophthalmopiégie to-
tale d'un type obscur (sorte de paralysie pseudo-nucléaire).
P. K.
XV. DE l'aphasie optique ET DE la cécité psychique ;
par C.-S. FREUND. (Arch. f. Psych., XX, 1 et 2.)
Nous passons sur les trois observations personnelles suivies d'au-
topsie qui constituent les faits du mémoire. Il existe, d'après
M. Freund, trois espèces cliniques 1° une aphasie optiqne avec
hémianopsie concomitante (Ons. I) ; 2° une aphasie optique accom-
pagnée de cécité psychique (observations empruntées aux auteurs,
iill" VI et VII ; 3° une aphasie optique avec cécité psychique et grave
aphasie sensorielle et acoustique (Ons. Il de l'auteur; OBs. VIII,
tirée de la bibliographie).
- REVUE DE pathologie nerveuse. 269
Au point de vue de l'interprétation, l'aphasie optique est caracté-
risée par ce fait que le malade, incapable de trouver le nom des
objets en les voyant, ne les désigne qu'en les touchant. C'est ce
qu'on peut appeler un trouble de la vision psychique. Il résulte ou
de la lésion du centre des images commémératives des impressions
optiques (cécité psychique), ou d'une altération des fibres nerveuses
d'association qui unissent le centre visuel au centre de la parole
(aphasie optique), ou enfin d'une destruction des fibres d'associa-
tion qui joignent plusieurs centres sensoriels, dans la couche
blanche sous-corticale. P. K.
XVI. Remarques A ajouter au mémoire DE ZIEHEN SUR LE MYOCLONUS
ET la MYOCLONIE (Arr.hiv. f. Psychiat., XIX, 2; par UNVERRIcUT).
(Archiv. f. Psychiat. XX, 1.)
L'auteur prétend faire une rectification à la citation que Ziehen
a donnée de son travail. Il conclut que : les contractions musculai-
res toniques sont la résultante de l'exagération du 'clonisme : mais
en principe, il n'y a pas de contradiction entre le tonisme et le
clonisme. P. K.
XVII. Du SYMPTÔME verbigération ; par CL. NEISSER.
(Allg. Zcitsch.f. Psych. XLVI, 2,3.)
Elle consiste soit en un pathos inextricable de mots et de
phrases, de tournures ampoulées, soit en la répétition opiniâtre de
termes et de propositions inexplicables, automatiquement émises.
Ce symptôme tient à une perturbation toute spéciale du mécanisme
de la conception ou à un trouble dans la faculté d'exprimer ses
conceptions parla parole. Ony distingue l'état d'agitation, l'affecta-
tion des manières, le boursouflement du style, la phraséologie;
puis viennent les attitudes cataleptoïdes et la verbigération gra-
phique (le malade écrirait en caractères pressés des volumes). Elle
existe surtout, à son maximum de développement, dans la cata-
tonie. P. K.
XVIII. Recherches SUR LES TROUBLES oculaires QUI SURVIENNENT dans
la sclérose EN plaques (sclérose en foyers multiloculaires) ; par
W. Uhtiioff. (Arch. f. Psych., XXI. 1 et 2.)
I. Etude complète des altérations microscopiques des nerfs opti-
ques, avec planches. Délail de cinq autopsies choisies comme types.-
II. Résultats de l'examen oplatlwlmoscopique. - Tableau statistique
de cent observations et neuf descriptions cliniques. Planches à
l'appui. III. Allure clinique des troubles de la vue. Champ visuel.
Vingt-quatre observations. IV. Accidents pathologiques dans les
270 REVUE DE PAl'HOf.OGIE NERVEUSE.
muscles des yeux. V. Allures des pupilles sur 100 cas. Il est
impossible d'analyser un mémoire de 168 pages pleines de docu-
ments, de rapprochements bibliographiques , d'enseignements
anatomo-pathologiques et cliniques. Nous en résumons l'essen-
tiel.
Les altérations anatomiques des nerfs optiques tiennent, dans la
sclérose en plaques, le milieu entre l'atrophie tabétique primitive,
l'atrophie consécutive à l'interruption des conducteurs, et l'atrophie
inflammatoire interstitielle. L'atrophie grisâtre et blanche de la papille
a une grande valeur diagnostique, mais il est généralement impossible
de conctute du degré et de l'étendue de la décoloration il l'intensité, au
siège, à l'étendue des altérations scléreuses du nerf. La même réflexion
s'applique au trouble de la vue et au champ visuel. Les troubles de la
vue sont constitués par le scotome central (Cas. XV à XXIII). -le rétré-
cissement plus ou moins régulier du champ visuel (Oss. XXIV à XXVII)
ou son rétrécissement concentrique régulier (OBs. XXVIII). La fréquence
du nystagmus est ici caractéristique; malheureusement, il est loin d'être
constant; le nystagmus y affecte la forme convulsive. On ne constate
d'anomalies pupillaires (paralysie complète myosis - modification
de l'excitabilité) que dans 11 p. 100 des cas. P. K.
XIX. Sur la maladie DE THO¡¡SE1'I. (On Thomsens diseuses) ; par Hale
, WII1TE (Gztys hospital Reports), vol. XL VI, 1889.
Sujet âgé de dix-neuf ans, à antécédents familiaux, présentant
les signes classiques de celte affection ; mode spécial de la con-
traction volontaire, réaction myotonique de la contraction élec-
trique, lésions d'hypertrophie fibrillaire des muscles examinés
histologiquemenl. A cette occasion, l'histoire de la maladie de
Thomsen est très complètement retracée, et le résumé de ses phé-
nomènes capitaux exposé avec beaucoup de clarté. P. B.
XX. Pathologie du SYSTÈME nerveux sympathique (The pathology of
the human syrnpctthetic system of nerves) ; par Hale Wclrrt : (Guys
hospital Reports), vol. XLVI, 1889.
A plusieurs reprises, l'auteur a déjà publié le résultat des
recherches entreprises sur le système sympathique comparative-
ment chez les animaux et sur l'homme. Dans le présent mémoire,
l'auteur considère le rôle que joue le même système dans la patho-
logie humaine, en se basant principalement sur les résultats des
très nombreux examens anatomiques qu'il a pratiqués sur ce nerf
lui-même et sur ses ganglions. 11 décrit tout d'abord les lésions his-
tologiques générales qu'il a rencontrées. Il montre ensuite quelles
sont les fonctions que l'on peut attribuer au nerf et à ses ganglions,
puis, au point de vue pathologique, les symptômes qui dérivent de
ses altérations, et il examine enfin le rôle qu'il joue dans la patllo-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 71
génie de différents états morbides : la migraine, l'angine de poi-
trine, l'hémiatrophie de la face, le goitre exophtalmique. Le même
plan est ensuite suivi en ce qui concerne les ganglions, et surtout
les ganglions extrinsèques que constitueraient le corps thyroïde, les
capsulessurrénales, le corps pituitaire et la glande pinéale, et aux-
quels une certaine influence est attribuée dans le diabète, la ma-
ladie d'Addison, le goitre exophtalmique, la maladie de Bright, le
myxoedème, l'épilepsie, le tabes, la paralysie générale, l'acromé-
galie, le saturnisme, la syphilis. P. B.
XXI. Observation DE CÉCIfÉ psychique. - THÉORIE DE ce,symptôme;
par H. LISSA UER. - Observation DE CÉCITÉ PSYCHIQUE ENTRE autres
symptômes cérébraux ; par Siemerling. (A7CIL. f. Psychiat., XXI, 1.)
M. Lissauer établit principalement qu'il existe deux sortes de
cécité psychique : l'une corticale, l'autre transcorticale. Dans les
deux formes, les images commémoratives des impressions optiques
sont atteintes en raison directe du degré de la cécité psychique.
Quand les malades éprouvent une très grande difficulté à retrouver
le nom des objets, à les reconnaître, tandis qu'ils en ont une per-
ception consciente nette, une mémoire optique fidèle, pensez à la
forme'transcorticale. M. Siemerling montre qu'il est possible de
restituer sépai ément le sens de l'espace, le sens lumineux, le sens
des couleurs aux malades affectes de cécité psychique, ce qui
prouve que chacune de ces facultés occupe un point distinct de
l'écorce occipitale ; il rappelle les expériences de Siemerling et
Koemg qui ont, en diminuant l'acuité visuelle par l'interposition
de verres gras et par l'intervention d'un éclairage monochroma-
tique provoqué une soi te de cécilé psychique. Le malade dont il
décrit l'observation (sans autopsie) est, dit-il, un aveugle cortical
partiel; par suite d'un défaut d'acuité et de sa monochromasie, il
lui manquait les images de perception optique nécessaires à
reconnaître les objets dont il accusait la présence. P. K.
XXII. De la rage humaine, par C LaUFENAUER.
(Centralbl. f. Nervenheilk., 1889.)
Ce mémoire est le rapport de la commission nommée par la
Société médicale de Budapesth : 17 novembre 1888. Il-est à lire en
entier. Nous en extrayons ce qui suit :
En 1886, sur 150 individus mordus par des chiens douteux ou non, il
y a eu 3 cas de rage 1,8 p. 100.
En 1887, sur 101 il y a eu zéro - 0. '
En 1888, sur 60 il y a eu 5 - 8 p. 100.
L'enfant est plus sensible à l'action du virus rabique que l'adulte.
On sait, comparativement, que, chez l'animal, Vincubatton est bien
21 : 2 REVUE de pathologie nerveuse'.
plus courte sur les jeunes que sur les adultes. Voici, par exemple,
la durée des incubations en jours avec les âges en exposants :
REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques. 273
destruction des fibres vaso-moteurs et trophiques par l'atteinte pri-
mitive des racines et des nerfs : ? Cette opinion est bien séduisante.
P. K.
XXV. Examen anatomique d'un cas DE sclérose latérale AIIYOTRO-
PULQUE; parO. UORNBLUETH. (Neurol. Centralbl., 1889.)
L'observation, qui laisse à désirer au point de vue clinique, n'en
impose pas moins le diagnostic sus-désigné. L'autopsie est très dé-
taillée et très claire, accompagnée de schémas des plus nets
(lésions de la moelle, du bulbe, de la protubérance). P. K.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES
T. EFFET DES lésions DU CORPS strié ET DES couches OPTIQUES
SUR la température du corps (The effect upon the Godily tempéra-
ture of lésions of the corpus striatum and optic thalamus); par
W. Hale WHITE. (Journal of physiology, vol. XI, n° 1, 1890).
Recueil d'expériences entreprises sur des lapins, et desquelles il
résulte que les lésions du corps strié entraînent au bout de cinq à
sept heures une élévation de température de 5° (Fahrenheit) qui
dure jusqu'à soixante-deux heures. Les lésions de la couche optique
ont moins d'influence à cet égard. Il existe de plus une différence
de température des deux côtés du corps en faveur de celui de ces
côtés qui est en rapport avec l'hémisphère opéré. A. B.
IL CONTRIBUTION A l'anatomie pathologique DE la. paralysie INFAN-
TILE CliRi3BBALE; par TH. HOVE1/. (Arch. f. Psych., XIX, 3.)
Observation prise chez un jeune homme de vingt-huit ans, para-
lyse dès les premières années de la vie du bras droit (impotence
absolue avec atrophie) et de la jambe du même côté (atrophie,
simple parésie), à la suite de convulsions. Autopsie : Intégrité de
l'écorce (l'intelligence n'avait subi aucune atteinte); kystes fibreux
particulièrement accusés duns l'éventail de la couronne rayon-
nante au point où il se dirige à travers la capsule interne.
Archives, t. XXI. 18
274 REVUE d'anatomie et DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
Il est probable que, dans la première enfance, il s'est, pour des
raisons inconnues, produit des hémorrhagies ou des foyers de
ramollissement qui ont déduit les fibres centripètes et centri-
fuges cortico-médullaires puis, que, comme toujours, d'autres
fibres ont remplacé fonctionnellement les éléments détruits. L'an-
cienneté de la lésion est démontrée par son aspect.
P. KERAVAL.
III. D'UN COMPLEXUS symptomatique TRÈS VOISIN DU PARAMYOCLONUS
MULTIPLE DE Friedreich ; par E. Fins. (Arch. f. Psych., XIX, 3.)
Deux observations caractérisées par des convulsions fibrillaires,
sans aucun symptôme qui témoigne d'une altération anatomique.
Ces contractions fasciculaires n'envahissent jamais tous les élé-
ments du même muscle en même temps, quoique, dans l'une des
observations décrites, il existe une contraction tonique des mollets,
en revanche, elles sont continues et se traduisent par une alternative
de convulsions faibles et fortes, elles ne modifient guère les mem-
bres atteints (c'est à peine si l'on constate un léger tremblement
des orteils). La maladie, un peu plus accentuée à droite, se répar-
tit irrégulièrement sur les muscles des extrémités et du tronc.
Intégrité du facial. Exagération très marquée des réflexespatellaires
Hyperexcitabilité légère des muscles atteints à l'égard des deux
espèces de courants électriques. L'auteur propose la dénomination
de myoclonus fibrillairemultiloculaire. Marche rapide : guérison.
P. K.
IV. Contribution A l'anatomie pathologique DE la GLIOSE DE
l'écorce du cerveau ; par M. BUCHHOLZ (Arch. f. Psych., XIX 3.)
Description très complète de l'encéphalite tubéreuse (Bourneville),
communiquée au Congrès des aliénistes de l'Allemagne du Sud-Ouest
(30 octobre 1887) K ^ P. K.
V. Examen anatomique DES NERFS MOTEURS, DES NERFS mixtes ET DES
RACINES ANTÉRIEURES DANS UN CAS DE TABES DORSAL; par NONNE
(Arch. f. Psych., XIX, 3.)
Le malade Grottkopp dont il a été question dans le tome XIX, 2,
ayant succombé, on trouva les lésions de la moelle mises en relief
par Struempell, Krauss, Lissauer, et une dégénérescence paren-
chymateuse chronique des fibres des nerfs périphériques avec dégé-
nérescence musculaire au début (comme dans les cas de Oppenheim
et Siemerling). Cette dégénérescence des nerfs moteurs périphériques
et des racines antérieures de la moelle explique, en l'absence de lé-
' Voy. Archives de Neurol., t. XVII, p. 131
REVUE d'\NATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 275
sions de la substance grise et de ses cellules, l'amyotrophie constatée
pendant la vie, sur les extrémités supérieures et inférieures. Clini-
quement, le processus spinal a ouvert la marche; les lésions de l'ap-
pareil périphérique moteur se sont plus tard surajoutées.
P. K.
VI. Observation DE brièveté anormale DU CORPS calleux ;
par R. SCHROE1'ER (Allg. Zeitsch. f. Psych., XL1V, 4,5.
Deux observations témoignent, dans ce mémoire, d'une réduction
considérable de la cloison transparente, de l'atrophie des circon-
volutions du corps calleux et de la brièveté du corps calleux sur-
tout en arrière : le plafond du troisième ventricule présente un
défaut d'étoffe, surtout en avant. De l'examen analytique desdivers
organes, M. Scliroeter conclut que c'est la soudure anormale de la
laux du cerveau de l'embryon avec les éléments conjonctifs de la
fame tectale du même organe (lame terminale embryonnaire), qui
arrêtera et le développement normal de la cloison transparente de
la commissure antérieure du corps calleux. L'arrêt de développe-
ment de ce grand système d'association transverse est proportion-
nel à l'arrêt fonctiojinel de l'intelligence (imbécillité, idiotie). Nous
appellerons également l'attention sur le tableau comparatif de 119
autopsies propres à déterminer les mesures de l'organe en question
et sur les considérations embryogéniques. P. K.
VII. LE POIDS DE l'encéphale ET DE SES DIVERSES parties CONSTI-
tuantes chez les aliénés; par TIGGES. (Allg. Zeitsch. f. Psych.
XLV. 12.) .
D'après le système des pesées locales de Meynert, l'auteur cons-
tate que les différences de poids de l'encéphale trouvées chez les
aliénés tiennent à celles du manteau, que c'est lui qui est le plus
affecté par les folies secondaires, que les parties du manteau plus
développées que les autres dans les folies primitives souffrent au
contraire le plus dans les folies secondaires. Nombreux tableaux.
P. K.
VIII. Examen DE 453 encéphales d'aliénés appartenant A L'EST DE la
PRUSSE, DIVISÉS ET pesés d'après la méthode DE Meynert; par
J. JENSEN. (Arch. f. Psych., XX, 1.)
L'auteur pèse successivement l'encéphale entier avec ses ménin-
ges; le manteau, le cervelet, le tronc cérébral, avec et sans leurs
membranes respectives. Il dit que, chez le paralytique général,
chaque année de maladie enlève 20 grammes environ au cerveau ;
celte diminution de poids commence par le lobe frontal, puis s
s'étend au manteau entier et finalement intéresse le tronc. La
276 revue d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.
même atrophie des organes du manteau se retrouve chez les mé-
lancoliques, mais elle n'est que de 5 g ? 81 chez les hommes
et de 6 gr, 51 chez la femme, et respecte le lobe frontal. Dans
tous ces cas, la moitié droite du cerveau continue à peser davan-
tage que la moitié gauche. Tableaux nombreux. P. K.
IX. Sur LE CERVEAU d'un aphasique : par H. Schlass.
- (Jahrbùch. f. Psych., VIII, 1,2.)
Un homme de cinquante-six ans tombe de voiture et va donner
de l'occiput sur une pierre angulaire : il perd connaissance pen-
dant une heure. Dès lors, il devient buveur, paresseux, commet des
actes inconscients. Huit mois après l'accident, il est aphasique :
pupilles étroites, égales, réagissant bien àla lumière; hlépharoptose
droite. Tremblement de la langue déviée à droite. Démence avec
agitation. Il meurt, réduit à l'état végétatif, de phtisie pulmonaire
avec eschare, un an après l'accident. Atrophie de toute la région
antérieure des deux hémisphères cérébraux jusqu'au niveau de la
frontale ascendante. M. Schloess croit que la chute a produit un
raccourcissement du diamètre occipito-frontal et la compression
du cerveau dans le même sens. Il en est résulté une contusion
juste à l'opposite du lieu d'application de la force; l'atrophie bila-
térale en a été la conséquence. Les ascendantes ont limité les lé-
sions à raison de la direction de leurs fibres qui brisent en quelque
sorte l'action de la puissance. P. K.
X. Observation DE TROIS PERTES de substance trouvées dans LES LOBES
PARIÉTAL ET FRONTAL DE L'HÉMISPHÈRE CÉRÉBRAL GAUCHE CHEZ UN DÉ-
MENT, SANS QUE PENDANT La VIE L'ON AIT CONSTATÉ DE TROUBLES lVfO-
TEURS OU SENSORIELS, par J. JENSEN (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLV,
1, 2.) Voy. Société psychiatrique de Berlin, 10 juillet 1888. Ar-
chives de Neurol., t. XV111, p. 303. P. K.
XI. QUELQUES MOTS SUR l'asymétrie crânienne ET la SUTURE FRON-
tale; par 0. FROENKEL (Neurol. Cent1'albl., 1888).
Si l'on prend la suture frontale comme directrice propre à l'ap-
préciation du degré de l'asymétrie antéro-postérieure ou extéro-
interne des deux moitiés du crâne, on remarque que la symétrie
est l'exception chez les gens normaux. Cependant il y a à cela des
limites, et ce sont ces limites qui sont incontestablement dépassées
chez les criminels. Mais le cerveau ne suit aucunement la marche
du développement du crâne ; il ne saurait donc y avoir correspon-
dance entre l'asymétrie de celui-ci et l'asymétrie du premier.
P. K.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 277
XII. Nouveau cathétomètre OPTIQUE craniométrique; par M. CENE-
DIKT. - RÉSULTATS CLINIQUES DE LA CRANIOMÉTRIE ET DE LA CÉPHA-
LOMÉTRIE; par M. BENEDIET (Neurol. Centralbl, 1888. Cent1'albl. f.
Nervenheilk, 1888.)
Cette analyse ferait double emploi avec celle du livre publié en
français, intitulé : Manuel technique et pratique d'anthropométrie
crâniocéphalique, Paris, in-8°, 1889. Lecrosnier et Babé, éditeurs.
P. K.
XIII. Rapport DU NERF accessoire (spinal) avec LE pneumogastrique ET
L'HYPOGLOSSE ; par 0. DEES (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLIV, 6.)
Jusqu'au voisinage de l'extrémité supérieure de l'entrecroise-
ment des pyramides, le noyau du spinal témoigne d'un parfait déve-
loppement ; il se compose de huit à dix cellules méthodiquement
groupées. Puis, les cellules qui constituent le résidu des cornes
grises antérieures deviennent de plus en plus rares, de sorte qu'il est
impossible de déterminer lesquelles d'entre elles appartiennent au
spinal ou à la racine motrice de la première paire cervicale, ou
même à l'hypoglosse. Il n'y a du reste pas d'interruption entre la
substance grise des cornes antérieures représentée par les cel-
lules et celle du noyau de l'hypoglosse, de sorte qu'on est en droit
d'affirmer la continuité de la corne antérieure avec le spinal
tout au voisinage de l'hypoglosse. La racine supérieure du spinal
quitte cependant le bulbe à la même hauteur que les radicelles
inférieures de l'hypoglosse. P. K.
XIV. Rectification relative au TRAVAIL PUBLIÉ dans LE T. V. DES
Archiv. fùi- Psychiatrie, intitulé : Recherches sur LES relations
ENTRE LE CERVEAU ET L'ALIÉNATION MENTALE A LA LUMIÈRE DE SIX
encéphales d'aliénés; par J. JENSEN. (A1'CIL. f. Psych., XX, 1.)
L'auteur a refait les tableaux et les publie à nouveau; les nom-
bres précédemment donnés sont erronés. P. K.
XV. UN cas DE myélite transverse avec syringomyélie, SCLÉROSE
multiloculaire ET dégénérescence secondaire; par M. KIEWLICZ.
(Arch. f. Psych., XX, 1.)
Trois mois après la chute d'un endroit 'extrêmement élevé, il se
produit de l'incontinence des matières et des urines ; la mort a lieu
deux ans et demi après les accidents premiers. On trouve de mul
tiples foyers scléreux cérébro-spinaux et les lésions de la syringo-
myélie. L'auteur pense que le traumatisme a produit la syringo-
myélie qui a débuté par la moelle cervicale; trois mois plus lard,
278 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
s'est installée une myélite transverse avec ses dégénérescences
secondaires; ces lésions se sont compliquées dans les derniers mois
de la vie de sclérose multiloculaire. P. KERAVAL.
XVI. CONTRIBUTION A l'anatomie ET A la PHYSIOLOGIE DU nerf vague;
par 0. DEES. (Arch. f. Psych., XX, 1.)
La section du pneumogastrique au milieu du cou entraina chez
deux lapins, du côté lésé, la disparition de toutes les cellules ner-
veuses du noyau supérieur (dorsal) et inférieur (ventral) commun
' au pneumogastrique et au glossophary;ien ; les fibres du faisceau
solitaire avaient considérablement diminué. Nous enregistrons les
conclusions :
1° Le noyau supérieur ou dorsal vagoglossopharyngien (plan supérieur
du bulbe) anime le pneumogastrique du même côté. - 2° Les fibres qui
forment le pneumogastrique se réunissent dans la cavité thoracique.-
3° Ce noyau ne donne naissance ni à des fibres gustatives ni aux fibres
sensitives du pneumogastrique ; sans quoi l'on eût, dans le corps
du noyau, retrouvé intactes les cellules qui correspondent aux fibres
nerveuses en question, non touchées par la section. - 4° Le nerf inter-
médiaire de Wrisberg n'en provient pas non plus. En réalité, le noyau sus-
désigné est vaso-constricteur. - 5° Le noyau inférieur ou ventral, qui
occupe la formation réticulaire, entie l'olive et le noyau originaire du
cordon latéral, innerve les muscles du larynx. - 6° Le faisceau solitaire
doit être considéré comme une racine sensitive ascendante des nerfs
pneumogastrique et glosso-pharygien. - 7° Le raphé ne préside pas le
moins du monde à l'entre-croisement d'aucune des fibres émanées des
noyaux du pneumogastrique. - 8° Les cellulesdes faisceaux originels des
cordons grêles ne donnent pas de fibres au pneumogastrique. Le mé-
moire est complété par de nombreuses figures. P. Keraval.
XVII. CONTRIBUTION A la méthode DE coloration DES CENTRES NER-
veux de GoLCI ; par L. Greppin. (Arch. f. Psych. XX, 1.)
L'auteur exalte l'emploi du microtome à congélation au chlo-
rure de méthyle qui supprime le durcissement l'alcool, l'inclusion
dans la celloïdine ou photoxylline, et permet d'obtenir des pré-
parations utilisables ou conservables.
On imbibe les morceaux congelés dans la solution de nitrate
d'argent, on pratique les coupes, on les plonge dans l'eau distillée
où elles se recoquillent, on fait alors intervenir la méthode de Golgi.
Les préparations sont terminées huit à dix jours après la né-
cropsie. Ces procédés ont montré nettement à M. Greppin :
1° Les cellules nerveuses de l'écorce (1" et 2° catégorie de Golgi);
2° Les cellules cérébelleuses de PurMnje;
3" Les cellules nerveuses de la 2' catégorie et lesfibies nerveuses des
couches granuleuses et moléculaires du cervelet ;
REVUE D'ANATOmE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 279
i° Les cylindres-axes des couches zonulaire et mierocelltilaire de l'é-
corce ; .
5° Les cellules nerveuses de la 2- catégorie dans le corps strié;
G° Les cellules (fusiformes et stellaires) de la névroglie et leurs rap-
ports intimes avec les vaisseaux ;
7° La névroglie et les vaisseaux du bulbe et de la moelle.
En anatomie pathologique, il faut s'en défier. Suivent quelques
notes prises sur les circonvolutions du cervelet dans la manie pério-
dique à la période de démence (sénilité). -l'idiotie compliquée de
démence sènile; -le délirium tremens-chez des individus sains
psychiql1ement mais affectés de tuberculose pulmonaire - chez un
enfant diphtéritique de 22 mois. P. K.
XVIII. D'une lésion TRAUMATIQUE limitée au CÔNE terminal DE la moelle
épinière; par H. Oppenheim. (Archiv f. Psychiat., XX, 1.)
Observation de lésions de la colonne vertébrale à la suite d'une
chute sur le sacrum. Incontinence de l'urine et des matières ;
anesthésie des régions innervées par le plexus honteux et hémor-
rhoïdal ; impuissance. Autopsie avec examen microscopique Lésion
des centres spinaux et surtout des troisième et quatrième paires sa-
crées, ce qui explique que le sciatique soit resté indemne. P. K.
XIX. DE l'allure DES corpuscules nerveux dans LES NERFS malades ;
par A. ADAM61EWICZ. (Arch. f. Psych., XXI, 2.)
L'inflammation proliférative des méninges spinales provoque,
dans les tractus nerveux des racines spinales, un processus
analomo-pathologique qui comprend deux actes parallèles dont
il est impossible de déterminer l'ordre de succession : la dé-
chéance de la substance nerveuse - 1 hyperplasie du tissu con-
jonctif. Quoi qu'il en soit, le sort des corpuscules nerveux est tou-
jours lié à celui des fibres nerveuses ; les premiers sont les
éléments trophiques des manchons de myéline, et, par suite, des
organites dont la vitalité dépend de celle de la fibre nerveuse, ou,
plus exactement, de la gaine myétinitique de cette dernière.
P. K.
XX. D'un trousseau anormal de l'JORE5 existant dans LE bulbe
de l'homme; par A. PICE. (Arch. f. Psych., XXI, 2.)
Ilenle, dans sa Neurologie (1871), signalait sur une coupe trans-
verse du bulbe à la hauteur du segment le plus inférieur de l'olive
(fig. 124) l'existence a d'un ou de deux cordons cylindriques nervi-
formes, nettement circonscrits, mesurant de Omm,25 à omm,50, et
composés de fibres fines et fortes ; ces cordons unilatéraux occu-
paient la limite postérieure de la substance réticulaire et la région
280 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
antérieure de la tête des cornes postérieures, au milieu de la région
moins tassée des faisceaux longitudinaux postérieurs. n M. Pick a
retrouvé c un trousseau de fibres nerveuses qui commencent dans
le segment supérieur de l'entre-croisement des pyramides, se
sépare de ce qui reste des cordons latéraux, pour se perdre, au
niveau de l'extrémité supérieure du bulbe, dans le corps restiforme.
Ce faisceau unilatéral, qui n'est pas identique au faisceau respi-
ratoire de Krause, établit une connexion anormale entre le cordon
latéral et le corps restiforme, peut-être aussi avec le cervelet. P. K.
XXI. LÉSIONS cérébrales intéressantes CHEZ UNE IDIOTE ÉPILEPTIQUE.
- CONTRIBUTION A l'anatomie pathologique DE la paralysie
infantile cérébrale; par TH. ZACHER. (Archiv. f. Psych., XXI, 1.)
Observation complétée par l'anatomie et l'histologie pathologi-
ques. Ce qui la rend plus particulièrement intéressante, c'est
l'existence d'un ostéome au milieu du lobe frontal gauche, en
pleine substance blanche, ostéome constitué par la névroglie
modifiée et entourée de gli8me. La pièce montre en outre qu'il
existe des systèmes de fibres d'association. P. K.
XXII. DE l'atrophie DES FIBRES DE l'écorce DU cervelet ;
par A. MEYER. (Arch. f. Psychiat., XXI, 1.)
Ces fibres s'atrophient et disparaissent dans la paralysie géné-
rale, la mélancolie avec stupeur, la folie systématique chronique,
la démence sénile, l'idiotie, c'est-à-dire dans toutes les affections
où il existe des lacunes considérables de l'intelligence; elles dispa-
raissent par atrophie dégénératrice primitive. On en constate trois
types : 10 Une atrophie généralisée uniforme des fibres profondes;
2° une atrophie uniforme diffuse des fibres péricellulaires ,
3° un effritement des fibres. P. KERA V AL.
XXIII. Contribution A la connaissance ET A la signification CLINIQUE
DE la réaction IDIOMUSCULAIRE EN bourrelet ou contraction IDIO-
musculaire DE SCHIFF; par G. Rudolpuson. (Arch. f. Psychiat.,
XX,-2.)
Il faut distinguer entre le renflement idiomusculaire vrai, qui
tient à la contraction du muscle entier et à la tuméfaction qui
tient aux oudes émanées du renflement lui-même. Frappons le
grand pectoral avec l'extrémité du doigt ou avec le marteau de
Skoda, le muscle réagira sur 300 personnes quelconques cent cin-
quante-cinq fois. Sur 5\1 phthisiques, on obtiendra cinquante réac-
tions. Quand on constate la propagation des ondes contractiles,
c'est un signe d'excès de prédisposition, elle n'a lieu chez l'adulte
REVUE L'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 281
sain que sous l'influence de très fortes excitations mécaniques.
C'est un phénomène en tout comparable à celui de la maladie de
Thomsen. P. K.
XXIV. LÉSIONS MULTIPLES DES NERFS CRANIENS A LA SUITE D'UNE FRAC-
TURE DE la base du crâne (contribution à la question du trajet
des nerfs gustatifs) ; par L. BRUNS. (Arch. f. Psychiat., XX, 2.)
D'après cette observation, qui témoigne en effet d'une lésion des
deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième paires, les
théories de Schiff, Erb, Gowers, Dana, Vulpian, sur l'innervation
sensorielle de la langue ne seraient pas exactes. L'auteur ajoute
qu'il est impossible d'édifier une théorie basée sur ce cas, car il
entraînerait à croire que les fibres destinées à la moitié postérieure
de la langue, contenues d'abord dans la neuvième paire, passent t
par le nerf intermédiaire de Wrisberg et à y localiser le trauma-
tisme, ce qui, dans l'espèce, est impossible. Il s'agitausurplusd'un
fait sans autopsie. , P. K.
XXV. QUELQUES MOTS D'ANATOMIE pathologique ET DE CLINIQUE SUR LES
TRACTUS CONDUCTEURS DES IMAGES VISUELLES DANS L'ENCÉPHALE HU-
mun; par A. RICaTER. (Arch. f. Psychi'lt., XX, 2.)
L'atrophie unilatérale ou bilatérale du nerf optique peut s'y lo-
caliser de longues années chez l'adulte sans monter, et, inversement
après être restée localisée longtemps, l'altération peut se propa-
ger le long des fibres conductrices. L'auteur en donne deux obser-
vations qui n'offrent rien de particulier. P. K.
XXVI. L'OREILLE DE MoREL;par BINDER (Arch. f. Psychiat., XX, 2.)-
Remarques additionnelles ; par L. lierez. Ibid., XX, 3.)
Etude très consciencieuse de la forme de l'oreille. M. Binder dis-
tingue quatre types de pavillons normaux et vingt-deux espèces de
dégénérescences morphologiques. Sur 354 aliénés, 128 présentaient
un lobule anormal, 205 étaient porteurs de formes dégénératives,
ce qui donne les proportions respectives de 36 et de 58 p. 100,
tandis que sur 730 conscrits, les proportions étaientde 8 et 15 p. 100.
Il faut faire son deuil de l'idée de la rétrogradation atavique ; la
dégénérescence est une déviation pathologique du type normal.
M. Meyer ajoute qu'en 1871, dans les archives de Virchow, il a pu-
blié un travail sur l'oreille bestiale de Darwin (Darwinischcs Spit-
zohr) où il montre qu'il s'agit là d'une lacune, d'un arrêt de for-
mation. On comparera avec fruit ces deux travaux à la communi-
cation de Schwalbe au XI Vo congrès des neurologues et aliénistes
de l'Allemagne du sud-ouest'. 1. P. K.
1 Voy. Archives de Neurologie, t. XIX, p. 257.
282 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
XXVII. NOUVELLES communications sur les MOUVEMENTS des VAISSSEAUS.
ETUDES théoriques ET pratiques; par G. Burckhardt. (Arch. f.
Psychiat., XX, 3.)
Le pouls est la résultante de l'impulsion du coeur, delà contrac-
tion des muscles du corps, de l'élasticité et de la contractilité des
tuyau\ artériels. Il existe dans la moelle, suivant le segment con-
sidéré, des centres vasculaires indépendants les uns des autres. Le
centre vasculaire du bulbe en est le régulateur physiologique. Il
existe d'autre part un centre respiratoire thoracique et un centre
respiratoire abdominal indépendants l'un de l'autre. C'est ce qui
résulte des tracés pris chez l'homme normal qui dort, chez un
paralytique général affecté d'embolie pulmonaire, chez des ma-
lades affectés du phénomène de Cheyne-Stokes. En ce qui con-
cerne le centre abdominal, l'origine vasculaire de ses oscillations
est, d'après M. Burckhardt, évidente (nous renvoyons aux tracés et
aux courbes du mémoire). Enfin, en matière de pathologie men-
tale, il n'y a pas de pouls spécifique d'aucune forme de psychose.
On constate simplement que, dans la folie circulaire on ne trouve
pas la compensation vasculaire ordinaire, d'origine bulbaire,
parce que l'altération de l'ecorce cérébrale empêche l'action com-
pensatrice des centres vasculaires sous-jacents à elle. C'est pour-
quoi l'acétate de plomb et la strychnine à des doses minimes réta-
blissent l'équilibre. P. K.
XXVIII. LÉSIONS ANATOMIQUES CHEZ UN MALADE PRÉSENTANT L'ABSENCE
UNILATÉRALE DU PHÉNOMÈNE DU GENOU ; par A. PICK. (Archiv. f.
Psychiat., XX, 3.) ' .
D'après cette observation, les fibres qui président à la genèse du
réflexe tendineux patellaire ne sont pas réunies en trousseau dans
la zone d'entrée ladiculaire postérieure. P. K.
XXIX. Contribution au connaissance DE la fine anatomie
pathologique DE L'IDIOTIE; par H. KOESTEI\ (Neurol. Centralbl., 188'J.)
L'intégrité macroscopique était frappante dans le cas particulier.
Le microscope révéla des lésions diffuses de la névroglie, des
espaces lymphatiques 'périvasculaires et péricellulaires, la dégé-
nérescence pigmentaire et l'atrophie des cellules pyramidales et
des autres cellules nerveuses de la substance grise des frontales y
compris la frontale ascendante, du lobe occipital et des tempo-
rales des deux côtés. Vaisseaux à parois épaissies, irrégulières, en
zigzags. P. K.
XXX. De l'atrophie musculaire névritique PROGRESSIVE;
par J. IIOFFMANN. (Arch. f. Psychint., XX, 3.)
Monographie de la maladie décrite par Charcot et Marie, sous le
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 283
nom de forme parlicullèl d'atrophie musculaire. Quatre obser-
vations, dont une personnelle (atrophie); trois observations dé
Schultze; autopsies de Virchow et Friedreich. De ces documents,
l'auteur conclut : qu'il s'agit d'une névrite chronique ascendante
(altération musculaire correspondante) due à la dégénérescence
primitive des cellules nerveuses des cornes antérieures. La dégéné-
rescence des cellules de la moelle entraîne la dégénérescence des
nerfs périphériques qui marche ensuite de la périphérie au centre.
On en a une preuve dans la réaction dégénérative. Cette affection,
généralement héréditaire, se poursuit pendant six générations.
P.K.
XXXI. Recherches expérimentales ET ANAT01f0-PATIfOLOGIQUES SUR LES
CENTRES OPTIQUES ET LEUR TRAJET; par C. l'ON MONAKOW. (Arch. f.
Psychiat., XX, 3.)
Continuation des recherches déjà commencées, sous l'inspiration
et d'après la méthode de de Gudden. Après avoir résumé les ac-
cidents anatomiques consécutifs à l'ablation des globes oculaires
d'animaux nouveau-nés - la section d'une des bandelettes op-
tiques du lapin - à l'extirpation des zones visuelles du lobe occi-
pital - à la section transverse de la partie postérieure de la cap-
sule interne - à l'ablation d'un des tubercules quadrijumeaux
antérieurs - à la résection d'un hémisphère entier avec section
simultanée de la bandelette optique du même côté, M. de Mona-
kow conclut que la section des divers systèmes de fibres produit
une dégénérescence dans les deux sens, qu'en un mot tout système
optique donne naissance à des fibres centrifuges et reçoit des
fibres centripètes. Les divers systèmes de projection sont reliés les
uns aux autres par des cellules intercalaires. Les grosses cellules
de la rétine établissent une communication entre le nerf optique
et le réseau de la zone latérale du corps genouillé externe ; ce ré-
seau aboutit en dernière analyse aux troisième et cinquième cou-
ches de l'écorce du lobe occipital. La troisième couche corticale du
même lobe contient de grosses cellules pyramidales qui projettent
leurs fibres dans le tubercule quadrijumeau antérieur et le corps
genouillé externe (nombreuses figures à l'appui). P. K.
XXXII. Etudes REL\TIVES a l'anatomie pathologique DE l'encéphalite
\IGUE - pdr M. l' RIEDM : 1NN. (Arch. f.'PSiJCIL., XXI, 2.) - Histologie
et formes de l'encéphalite vraie non suppurée ; par FRIEDUANN.
(Neural. Centralbl., 1889 1.)
Expériences sur les animaux. Planches à l'appui.
4 Voyez aussi XIV" congrès des neurologues et aliénistes de l'Allemagne
du sud-ouest. Session de Bade-les-Bains, mai 1889. Archives de Neuro-
logie.
284 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Chaque genre d'irritants provoque une espèce à part d'encépha-
lite. Tout agent infectieux détermine une encéphalite suppurée.
Les caustiques ordinaires, dans de bonnes conditions d'asepsie,
engendreront une encéphalite aiguë prolifératrice (grosses cellules
granuleuses) ; l'avivement ordinaire aseptique se traduit par une
encéphalite lente interstitielle avec nécrobiose (prolifération de
cellules-araignées, émigration de cellules rondes). -L'encéphalite
aiguë non suppurée aboutit, par l'irritation des cellules de la né-
vroglie et des éléments anatomiques des parois des vaisseaux, à
l'organisation d'un tissu conjonctif; à cette organisation partici-
pent les grosses cellules granuleuses qui ne sont autre chose que
des cellules ou des éléments anatomiques transformés. Ces cellules
granuleuses actives diffèrent des cellules granuleuses dégénéra-
tives du ramollissement cérébral, cellules qui ont principalement
pour origine des leucocytes; les premières prolifèrent par caryo-
kinèse de leur noyau. P. K.
XXXIII. Examen HISTOLOGIQUE D'UN cas DE pseudo-hypertrophie
musculaire; par H. PREISZ. (Archiv f. Psychiat., XX, 2.)
Figures dessinées d'après des microphotographies de prépara-
tions soumises à l'élection double (hématoxyline et éosine, héma-
toxyline et safranine). Atrophie généralement simple des fibres
musculaires; quelques fibres variqueuses contiennent, au niveau
des points dilatés, des noyaux en grand nombre qui proviennent
de l'hyperplasie des éléments primitifs. Névrite interstitielle intra-
musculaire, névrite des gros troncs nerveux et des racines spinales
antérieures. Dans les cornes antérieures de la moelle thoracique
moyenne et du segment lombaire supérieur, foyers hémorrhagi-
ques ayant détruit la substance nerveuse jusques et y compris le
tiers antérieur des cordons postérieurs et des cordons antérieurs.
Infiltration des parois des vaisseaux; recoquillement des grosses
cellules nerveuses. Epaississement des cylindres-axes dans les
trousseaux pyramidaux des cordons latéraux. Conclusion. Atrophie
névrotique constituant une variété de l'atrophie musculaire spinale
de l'enfance. P. K.
XXXIV. L'EXCRÉTION DE l'urée A la suite DES bains faradiques
110NOPOLAIBES ET dipolaires; par Leur. (Archiv f. Psychiat. XX, 2.)
Le bain monopolaire est un bain chaud de 34°; l'anode tient à
une perche métallique que le malade saisit, au-dessus de la bai-
gnoire, avec les mains; la cathode aboutit à une lame volumineuse
placée dans l'eau à l'extrémité podalique. Le courant fourni par
une pile bouteille àl'acide chromique anime un appareil faradique.
Dans le bain dipolaire, les deux pôles plongent à la tête et aux
REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 285
pieds de la baignoire. Pour le bain lrpolaire on intercale une
troisième électrode entre les cuisses du patient. Le bain dipolaire
augmente l'excrétion de l'urée de 5 gr. 20. Les deux espèces
de bain chassent les parties solides constitutives de l'urine. Le di-
polaire, plus diurétique que le monopolaire, augmente en outre
la sensibilité cutanée (sensibilité farado-cutanée) et élargit le sens
de l'espace. P. K.
XXXV. NOUVELLE communication SUR LES rapports DU tubercule
QUADRIJUMEAU inférieur avec LE nerf auditif ; par P. FLECflsIG.
(Neurol. Centralb., 1890.)
Est-il vrai que la paire inférieure des tubercules quadrijumeaux
soit le centre du nerf auditif et, en particulier, du nerf cochléaire
(Flechsig, Bechterew) ?
M. Hold a repris ces recherches sur le chat nouveau-né. Le cer-
veau de cet animal est, quant au développement des masses de
fibres centrales, à peu près dans les mêmes conditions que celui
du foetus humain viable (septième mois intra-utérin). Le nerf
vestibulaire est déjà complètement pourvu de myéline, tandis que
le nerf cochléaire n'en possède que peu (portion intermédiaire ? ).
Si l'on poursuit dans les masses de fibres encore non développés, la
formation des manchons de myéline, qui s'effectue en peu de
semaines, on voit que les trousseaux centraux qui, sont en relations
d'une part, avec le tubercule acoustique et d'autre, part avec le
noyau auditif antérieur, se développent les uns après les autres, de
sorte qu'ils se distinguent franchement les uns des autres. -
On voit ainsi que les centres primaires du nerf cochléaire donnent
naissance à quatre systèmes de fibres : deux inférieurs, ou ven-
traux ; deux supérieurs ou dorsaux. Trois d'entre eux participent
à la formation du corps trapézoïde ; un des systèmes supérieurs
s'entre-croise avec son homologue partiellement en arrière de cet
organe et n'en va gagner la partie postérieure qu'après entre-
croisement dans le voisinage des olives supérieures. Le ruban de
Reil du tubercule quadrijumeau inférieur (ruban de Reil latéral)
affecte une double connexion avec le nerf cochléaire, d'abord au
moyen des éléments constituants du corps trapézoïde (les premiers
formés), puis à l'aide des fibres qui s'entre-croisent dans le raphé,
derrière le corps trapézoïde. - L'olive supérieure contient des
fibres issues des deux noyaux du nerf cochléaire, et s'unit au ruban
de Reil inférieur.
Chez le foetus humain, on voit nettement le trousseau qui va du
noyau acoustique antérieur au corps trapézoïde. Chez le nouveau-
né, le tubercule acoustique est médiocre, il n'est pas divisé en
couches. Les stries acoustiques de Monakow (fibres allant du tuber-
cnle auditif au raphé) ne se voient que longtemps après la nais-
286 revue d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.
sance ; il est impossible de croire qu'elles se réunissent au tuber-
cule quadrijumeau inférieur : la plupart d'eutre elles vont, dans
le raphé, jusqu'à la périphérie du bulbe, et passent dans les fibres
arciformes externes, s'entre-croisant en avant ou au-dessous du
corps trapézoïde, tandis qu'une petite partie (variable) de ces
mêmes fibres s'entre-croise immédiatement au-dessous du plan-
cher gris du quatrième ventricule et pénètre dans la partie laté-
rale du bulbe. On voit aussi chez le chat nouveau né un trousseau,
qui représente les derniers vestiges du cordon latéral, passer dans
le ruban de Reil inférieur; ce faisceau, chez l'homme, va jusqu'à
l'olive supérieure et se rattache aux fibres du corps trapézoïde qui
gagnent le ruban de Reil inférieur.
Quant au nerf vestibulaire, il se réunit aux masses grises qui
sont en rapport avec le cervelet. Il est probable qu'il est aussi en
relation avec le cerveau par le noyau interne de l'acoustique, à
l'aide des fibres arciformes, et, par suite, de la couche intermé-
diaire des olives, et que, de là, il se rattache à la substance fonda-
mentale de la couche de Reil dans la protubérance. Impossible de
constater ses relations avec le tubercule quadrijumeau inférieur.
- Nerf cochléaire et nerf vestibulaire se comportent différemment
quant à leurs connexions centrales. P. K.
XXXVI. Altérations des noyaux D'ORIGINE DES NERFS crâniens SUR LE
plancher DU quatrième ventricule, dans UN cas DE rage canine;
par N. Popow. (Neurol. Centralbl, 1890.)
Les conclusions sont intéressantes : 1° les cellules nerveuses du
bulbe et du pont de Varole prennent, dans la rage canine, une
part très active, très énergique, au processus pathologique du sys-
tème nerveux central ; - 2° leurs altérations paraissent être ho-
mologues à celles qui ont été observées dans les cellules de la
moelle et décrites par Charcot, Leyden, Erb (myélite parenchy-
mateuse de Charcot);- 3° ces altérations atteignent presque sans
exception toutes les cellules nerveuses de la région; elles acquièrent
leur plus haute intensité dans les noyaux originaires des nerfs
crâniens. Ce sont les noyaux des nerfs moteurs qui paraissent le
plus éprouvés. P. K.
XXXVII. DE la genèse DE la CARYOKINÈSE dans LES CELLULES DU SYSTÈME
nerveux central DES CHIENS ET DES lapins jeunes ou NOUVEAU-NÉS;
par l3occllol.z. (Neurol. Cenlralb., 1890.)
Après avoir établi une synthèse bibliographique, l'auteur signale
qu'il a, dans le cerveau et la moelle des animaux précités, trouvé
quantité vai iable de caryokinèses, soit dans les cellules qui appartien-
nent aux parois vascnlaires,soit dans celles qui reasortissentauxéié-
REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques. 38' !
ments nerveux ou au tissu de soutènement du système nerveux
central. La caryocinèse se produit surtout dans les cellules épen-
dymaires du ventricule ou du canal central de la moelle; on y
voit une 11 ? pergéiièse de jeunes cellules qui bouchent le conduit.
Moins luxuriante est la caryocinèse dans les cellules nerveuses de
l'écorce et des gros ganglions. Encore moins abondante est celle
des cellules de la substance blanche du cerveau, qui sont évidem-
ment de nature conjonctive. En tout cas, jamais il ne se fait de
scission du noyau dans les cellules nerveuses arrivées à leur par-
fait développement. La caryokinèse est, en somme, en raison
inverse de l'âge des individus. Le procédé de préparation est basé
sur l'emploi : 1° de l'acide chromique destiné à fixer ; -
2° de l'alcool graduellement saturé destiné à durcir; - 3° de
l'hématoxyline qui donne le meilleur aspect d'ensemble ;
4° de la safranine qui montre le mieux la division du noyau (on
l'associe à l'eau d'aniline). P. IiÉHavaL.
XXXVIII. ENCÉPHALE sans CORPS calleux; contribution A la théorie
SPIROÎDE; par G. JELGERSM.1. (Neurol. Centralbl., 1890.)
La substance grise, à la surface du cerveau, affecte une épaisseur
constante suivant l'espèce animale, variable avec les espèces diffé-
rentes. Les trousseaux de fibres qui, comme autant de rayons, éta-
blissent entre les divers points de la surface, la continuité, occupent
le noyau du solide envisagé. Or, quand un solide s'accroît, ce qui est
le cas du cerveau, sa surface augmente comme le 'carré du rayon,
et son volume, comme le cube du même rayon. Si, par suite, l'é-
corce grise n'augmente pas continuellement d'épaisseur, il y aura
bientôt disproportion entre la-surface et le volume. C'est alors
qu'il faudra trouver une compensation. Cette compensation a été
obtenue au moyen de l'augmentation de la surface et de la dimi-
nution du volume par la genèse de plis. Les circonvolutions céré-
brales et cérébelleuses n'ont pas d'autre origine. Plus la surface du
cerveau est grande et plus le volume est petit, plus nombreuses et
plus compliquées sont les circonvolutions. C'est alfaire d'espèces.
Eh bien ! la grandeur de la superficie est déterminée par deux
facteurs : 1° la quantité absolue de la substance grise; 2° l'épaisseur
qu'acquiert la substance grise à la surface (épaisseur de l'écorce).
La première dépend de l'intensité du développement des facultés
de l'espèce et de sa taille. La seconde, assez constante dans une
même espèce, varie suivant les espèces. Plus l'écorce est mince,
plus nombreuses sont les circonvolutions, c'est pourquoi le cerveau
des cétacés est si riche en volutes; c'est aussi pourquoi le cervelet
est si plissé et plissé plus tôt que le cerveau. Les animaux à cerveau
lisse présentent les mêmes considérations.
La quantité de substance blanche joue, elle aussi, un rôle dans
la genèse des circonvolutions. Pour une quantité de substance grise
288 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
donnée, ayant, à la surface, une épaisseur déterminée, le type des
circonvolutions est d'autant plus compliqué- que la quantité de subs-
tance blanche est plus faible. Normalement, il est fort probable
que la quantité de substance blanche est égale à celle de substance
grise ; en anatomie comparée, cette équation ne se réalise pas, mais
il n'en est pas de même dans les cas pathologiques.
L'absence de corps calleux, dont on ignore d'ailleurs la cause
et la genèse, en déterminant la disparition des fibres rayons
de la surface des hémisphères, produit une diminution du volume.
Il faut donc que la quantité à peu près normale de substance grise
s'accommode à cette nouvelle condition. Cette accommodation a
heu par l'expansion des ventricules latéraux et l'hyperformation de
circonvolutions d'ailleurs plus petites (microgyrie). P. K.
XXXIX. - La fonction du cervelet; par W. R. GOWERS.
(Neurol. Centralbl., 1890.)
Le lobe moyen du cervelet préside à la coordination des mouve-
ments, mais en agissant sur l'écorce motrice de l'hémisphère céré-
belleux, puisque les deux tractus qui mettent en communication la
moelle avec le cervelet sont centripètes; ce sont : les cordons
latéro-cérébelleux qui vont au cervelet - le cordon postérieur qui
se termine dans la substance grise du noyau postérieur d'origine
des faisceaux pyramidaux, noyau relié lui-même au cervelet. Les
impressions vont aux cellules cérébelleuses, et, de là, aux cellules
de l'écorce motrice du cerveau, avec lesquelles elles sont en rela-
tions. Les tractus qui vont agir directement ou indirectement sur
la substance grise de la couche optique ou du corps strié sont
connus. De sorte que le concept de la situation est transmis au
cerveau et réglé par le lobe cérébelleux moyen. Le lobe moyen
est un centre régulateur des impulsions centripètes; elles sont en
relation avec les processus moteurs dépendants de l'entretien de
l'équilibre et des autres mouvements; ceux-ci sont la résultante
non des impressions cutanées, mais, de l'état des muscles. Il est
probable que les impulsions émanées du cervelet qui règlent aussi
l'écorce motrice sont également celles qui provoquent les sensa-
tions. L'écorce motrice arrête le centre des réflexes musculaires
dont dépend le phénomène tendineux, et c'est le cervelet qui pré-
side à l'arrêt de l'activité des cellules cérébrales. Il est même pro-
bable que, dans le système nerveux central, chaque groupe de cel-
lules en état d'activité continue est doublé d'un groupe de cellules
d'arrêt. P. K.
XL. Contribution A la QUESTION de l'innervation DE l'estomac;
par W. Bechterew et N. IIIISSLAWSH1.(lVeuroG. Centralbl. 1890.)
Les auteurs enregistrent les mouvements :
1° De la région cardiaque, par un ballon assujetti à l'extrémité
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 289
d'une sonde oesophagienne en gutta-percha, résistante; - 2° de la
région pylorique, par un ballon assujetti à un tuyau de verre in-
troduit parla ligne blanche à travers le duodénum; - 3° de la
partie moyenne de l'estomac, par un ballon adapté à un tuyau de
verre introduit à travers la grosse tubérosité. Chaque ballon et
chaque tuyau sont'remplis d'eau, et la communication en est éta-
blie avec des manomètres à eau; les oscillations sont inscrites sur
des tambours en rotation.
A l'état de repos, en dehors de la digestion, tous ces organes
sont calmes. Pendant la digestion, il se produit des mouvements
rhythmiques successifs, surtout accentués au pylore, qui entraînent
parfois l'oesophage (ici les mouvements sont périodiques), des
ondes contractiles généralisées assez fortes qui vont du cardia au
pylore. Les mouvements pyloriques sont commandés par les
nerfs périphériques, entretenus et même produits par le pneumo-
gastrique ; les nerfs splanchniques arrêtent les mouvements py-
loriques : il en est de même pour la partie supérieure de lamoelle,
le bulbe, les pédoncules cérébraux, les segments supérieurs des
couches optiques (centres d'arrêt). L'excitation du gyrus sigmoide
(principalement de son segment postéro-externe et de son segment
antérieur) renforce les rhythmes pyloriques et provoque assez
souvent des contractions généralisées de l'anneau en question.
L'excitation de la séreuse intestino-péntonéale arrête les rhythmes
pyloriques, il en est ainsi des diverses excitations cutanées (dou-
leur - piqûre eau chaude). L'irritation du bout central du
pneumogastrique, d'un seul 'côté, arrête aussi ces rhythmes pylo-
riques et provoque simultanément des contractions généralisées
de l'estomac en en dilatant l'anneau oesophagien. La même action
d'arrêt est exercée par l'excitation péritonéale et cutanée sur les
mouvements de l'intestin grêle. P. K.
XLI. DE L1 FOLIE consécutive A l'intluenza, par P1CK.- Influence
DE L INPLUENZ1 SUR L'ALIÉNATION MENTALE, par B1RTELS.- CAS
D'ALIÉNATION MENTALE A LA SU11E DE L'INJ1LUENZA, par C. BECKER.
Guérison D'UNE folie systématique (paranoia) par l'action DE
l'influenza, par M. mets. Deux cas DE DEUTÉROI'\THCONSÉ-
cutives L'INFLUENZA guérie, par KRAOSE. (.Mettrai CMtraM., 1890.)
Nous diviserons ces mémoires en trois groupes. Le premier
groupe (cas de Pick, Becker, Bartels) a pour formule l'influence
psychopathogénétique immédiate de l'influenza; ce sont trois faits dans
lesquels la maladie a déterminé, pendant sa période fébrile, du
désordre dans les idées, des hallucinations, de l'agitation sous
forme d'un délire général cédant à la médication antispasmo-
dique et antipyrétique; un des malades a cependant succombé
(sorte de méningite aiguë surajoutée à la folie systématique).
Le second groupe pourrait être dénommé : les suites psychop(¡thogé-
ARCHIVES, t. XXI. 19
290 revue d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.
nétiques à longue échéance de l'influenza; les deux observations de
Krause témoignent d'un délire général avec insomnie, et d'oedèmes
locaux par paralysie des vaso-constricteurs; un entraînement spé-
cial en vient à bout de concert avec la thérapeutique interne con-
venable. Dans le troisième groupe, ils'agitde l'action curative de
l'influenza sur la~folie (M. Metz, Bartels) ; l'observation de Metz
montre une folie systématique qui, durant depuis le milieu de l'été
de 1888, cède définitivement au bout de quatre jours d'influenza
fébrile. P. K.
XLII. LES CELLULES NERVEUSES SONT-ELLES amiboïdes ? hypothèse A
l'appui du mécanisme DES processus psychiques ; par RABL-
RUCKHARD. (Neurol. Centralbl., 1890.)
Un grand nombre de cellules nerveuses (cellules multipolaires
de la substance grise de la moelle- cellules pyramidales de l'é-
corce cérébrale - cellules de Purkinje du cervelet- ganglions
du nerf optique) possèdent un prolongement cylmdraxile, ou de
Deiters, à myéline, ne se divisant pas, ainsi que d'autres prolon-
gements protoplasmiques formant un réseau fin d'éléments ner-
reux ou neurosponge de Waldeyer. Ces cellules nerveuses multi-
polaires sont le siège de mouvements moléculaires qui s'écoulent
par le neurosponge. Ainsi chaque cellule pyramidale contient dans
son protoplasma une quantité et une espèce déterminées de con-
ceptions, d'images représentatives, d'images commémoratives,
dont la somme constitue la mémoire. L'activité psychique consiste
à associer, à troquer continuellement les molécules cellulaires
qui sont les vectrices de ces images. Il est probable que ces molé-
cules sont pendant la vie animées de modifications amiboïdes qui
en produisent le mouvement, et qu'ainsi, du cenlreau neurosponge
et des fins ramuscules des prolongements réticulaires glisse, va-et-
vient une sorte de reptation qui provoque des interruptions ou au
contraire des adhésions plus ou moins prolongées des fils co-
gitatifs ; à chaque contact ou à chaque interruption dans le réseau
correspond dans des groupes d'autres cellules un arrêt ou une ac-
célération des mouvements amiboïdes, selon les besoins : de là la
multiplicité et la variété des associations, et la transformation
continuelle de l'activité mentale. P. KERAVAL.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du lundi 29 décembre 1890. - Présidence de M. BALL.
Le chloralamide chez les aliénés.-Ni. MARANDON DE MOYTYEL litune
note d'où il résulte que le chloralamide administré aux paralytiques
généraux imprime une marche suraiguë à la maladie. Le médi-
cament n'a point d'action nocive sur les globules du sang, mais il
active la circulation, augmente le nombre des pulsations et dé-
termine la congestion du système nerveux et du cerveau.
Elections pour 1891. Sont élus : Vice-Président : M. Th. ROUSSEL;
Secrétaire général; M. Rl1ïEj Trésorier : M. A. Voisin; Secrétaires
annuels : MM. Garnieu et Charpentier. M. B.
Séance du lundi 26 janvier 1891. - PRÉSIDENCE DE M. BOUCHEREAU.
Le Secrétaire général donne lecture du discours que M. le
professeur 13aLL, indisposé, devait prononcer. Dans ce discours, le
président sortant rappelle les principaux travaux de la Société et
indique quel a été son rôle au Congrès de médecine mentale
de Rouen. ,
M. Bouchereau, prenant le fauteuil de la présidence, remercie
la Société des témoignages d'estime qu'elle lui a conférés. Il
rappelle l'évolution actuelle des idées qui porte toutes les sciences
vers l'amélioration du sort des indigents.
Commission des prix. PRIX AUnaNEL. De la folie chez les vieil-
lards. Un seul mémoire a été déposé. La commission se com-
pose de MM. Christian Garnier, Saury, Falret, et Collineau, rap-
porteur.
Prix Belhomme. De la vision chez les idiots et les imbéciles.
Deux mémoires. Commissaires : MM. Vallon, Pichou, J. Voisin,
Ballet, et Semelaigne, rapporteur.
Prix EsQuinoL. - Contribution à l'étude étiologique de la para-
292 sociétés savantes.
lysie générale. Un seul mémoire. Commissaires : MM. Métivié,
Falret, Bouclier et Armand, rapporteur.
Le Président donne lecture du discours qu'il a prononcé sur la
tombe du regretté M. Baillarger, l'un des fondateurs delà Société,
et lève la séance en signe de deuil. Marcel DAIAND.
XXIX- CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE LA BASSE-SAXE ET DE
VES'l'PHAL1E
SESSION DE HANOVRE
Séance du 1er mai 18901. - Présidence DE M. SNELL.
M. Bruns (de Hanovre) présente à la Société une malade atteinte
de paralysie du médian et du cubital. Le 12 novembre 1889, tandis
qu'elle lavait le parquet, un couteau, tombant ouvert d'une table,
pénétra dans le bras droit. L'hémorrhagie fut vive et fut arrêtée
par compression. Trente-deux jours plus tard, on constatait une
cicatrice d'un centimètre etdemi, occupant le bord interne du biceps
entre le tiers supérieur et le tiers moyen du bras, il existait aussi
un anévrisme traumatique de l'artère humérale. Toute la région
innervée par le médian et le cubital du côté était paralysée inté-
gralement ; il y avait réaction dégénératrice complète; l'anes-
thésie occupait les mêmes zones, elle portait uniquement sur la
sensibilité tactile et thermique, la sensibilité à la douleur per-
sistant. On posa le diagnostic de : section du nerf médian et du
nerf cubital, blessure de l'artère humérale. On se résolut à enlever
l'anévrisme et pratiquer la section des nerfs. M. Kredel trouva, en
effet, que la partie antérieure et postérieure de l'artère avait été
perforée; il réséqua le morceau correspondant du vaisseau. Les
nerfs en question étaient intacts, sauf à l'endroit de la blessure où
ils avaient subi un amincissement sur une étendue de deux centi-
mètres; ils ne répondaient plus aux courants électriques, mais il
n'y avait pas de solution de continuité. La plaie guérit sans inci-
dents ; on soumit ensuite la malade à l'électrisation, si bien qu'ac-
tuellement, c'est-à-dire quatre mois et demi après l'opération, les
fonctions se.sont rétablies dans tous les muscles jadis paralysés ;
l'excito-bilico galvanique et faradique est revenue, sauf dans des
muscles qui ne réagissent encore qu'aux courants galvaniques.
4 Vo\ez, Archio. de Neurologie, XXIII' congrès.
sociétés savantes. 293
M. BRUNS présente encore à la Société la moelle épinière enlevée
à un malade atteint de sclérose en plaques. Les foyers scléreux
siègent surtout dans les cordons latéraux et postérieurs; il en
existe aussi dans d'antres systèmes, notamment dans la substance
grise; au niveau de la région supérieure de la moelle dorsale,
toute la coupe transverse est prise. Le bulbe, le cerveau tout
entier et les nerfs optiques sont aussi fortement atteints. M. Bruns
a pu observer le malade pendant trois ans; on trouvera l'obser-
vation sous le n° 4 dans la Berlin Klin. Wochenschalt, 1885, 5; elle
est remarquable par des remissions multiples de paraplégie
épaisses (guérison complète apparente), l'apparition et la dispa-
rition successives de la sensibilité, perte de la motion de posi-
tion), de paralysie sphinctérienne, de paralysies flasques de la
main. Nystagmus dès le début; tremblement intentionnel très
net à la fin, envahissant en dernier lieu les deux régions
faciales; démarche ataxospasmodique; à aucun moment de la
maladie la parole ne fut'scandée. Ces faits, au début, peuvent être
confondus avec l'hystérie ; mais, ce qui permit.le diagnostic en
l'espèce, ce fut une atrophie bilatérale des nerfs optiques.
M. ROLLER (de Brake) présente une tumeur du crâne et de la dure-
mère. Cette pièce provient du cadavre d'une dame célibataire, née
en 1824, morte le 30 juin 1889, qui était atteinte de délire chro-
nique des persécutions. La tumeur était pendant la vie [saillante,
sous la forme d'un corps mou, au niveau du vertex. En effet, elle
occupait les deux pariétaux et se prolongeait vers le frontal comme
vers le temporal; elle allait même jusqu'à l'occipital. Son diamètre
longitudinal était de 10 centimètres, sa plus grande largeur
comportait 14 centimètres. C'est un sarcome à cellules géantes,
originaire du déplacement des os du crâne (Fuergensen). Bien
qu'elle eût comprimé les ascendants, elle n'avait pas occasionné
d'accidents cérébraux.
M. SNELL. ;L'ep : dmfe d'influenza à l'asile d'IIildesheim. -Sur
une population de 765 aliénés, la grippe épidémique en question a
atteint, du 29 décembre 1889 au mois de février 1890, 82 malades,
soit 10.7 p. 100. Elle en a tué î : 4 hommes, 3 femmes, dont 5 de
pneumonie, et 2 (2 hommes) de bronchite catarrhale. Les alié-
nés hommes qui ont succombé étaient âgés de trente, soixante-
dix, soixante-dix-ncuf, quatre-vingt-un ans; les femmes avaient
soixante-et-un, soixante-six, soixante-douze ans. Nombre d'infir-
miers et de domestiques furent également affectés; mais on
n'eut parmi eux à déplorer aucune mort. Il n'y eut que deux
fois des complications psychiques ressortissant à l'influenza : 1
l'un des cas concerne un jeune homme de vingt-deux ans, qui fut
pris de pneumonie, puis d'idées d'empoisonnement et de folie
religieuse (hallucination de l'ouie); ce malade guérit ; l'autre obser-.
29 SOCIÉTÉS savantes.
vation a trait à une fillette de dix-huit ans qui présenta immé-
diatement après l'influenza de la mélancolie; elle se perdit.
En aucun cas l'influenza n'améliora ni ne guérit une psychose
préexistante. Bien au contraire, chez un jeune homme affecté de
délire des persécutions en voie d'amélioration, l'influenza déter-
mina de l'angoisse avec agitation et désordre des idées; en moins
de vingt jours, il était mort; on trouva, à l'autopsie, une ménin-
gite chronique avec granulations épeudymaires. Chez une mélan-
colique de dix-sept ans, en convalescence, l'influenza provoqua un
accès de manie qui dure encore. -
Discussion ? 11. Schmalfus (deIlanovre). L'influenza développa
chez une femme des idées délirantes hypocondriaques, notam-
ment des idées d'empoisonnement et des craintes de phthisie
pulmonaire.
M. WOGEItTfANN. A l'asile de Lengerich, il a été reçu huit aliénés
dont cinq étaient devenus maniaques et trois mélancoliques à la
suite de l'influenza. D'autre part, deux anciens malades renvoyés-
guéris durent être réintégrés à cause de troubles psychiques con-
sécutifs à-fa grippe épidémique. Al'établissement même, on a
observé plus de quatre-vingts cas d'influenza.
M. HEIIKES. A l'asile de Wehnen, l'influenza atteignit 16 aliénés,
6 infirmières, 2 infirmiers.
M. ROLLER (de Brake) raconte un cas de guérison par l'influenza.
11 s'agit d'un délire chronique datant d'une année.
M, ENGELKEN, Sur 20 aliénés qu'il traite, il n'est survenu aucun
cas d'influenza. Il l'a eue personnellement ainsi que sa famille,
mais sous une forme atténuée.
M. MESSE (d'lllken). Tout le personnel secondaire et 3 médecins
ont eu l'influenza. Ont été de préférence atteints les aliénés vivant
en liberté et travaillant. Quelques maniaques sont, sous l'influence
de l'influenza, devenus mélancoliques et stupides.
M. WoLrr·. A Langenhagen, 16 ont été grippés, ceux surtout qui
ne sortent presque jamais. La maladie a été très violente sur le
personnel secondaire. Une infirmière éprouve des troubles intel-
lectuels passagers. ,
AI. GELSTENBERG. A l'hospice et à la maison correctionnelle
d'Huminselsthur, le personnel des infirmiers fut le premier affecté;
puis la maladie sévit surtout sur les sujets isolés. Mais l'influenza
fut légère.
M. Bruns a vu l'influenza déterminer une névrite multitoculaire,
et chez un soldat, une paralysie soudaine du bras droit. Pendant
l'épidémie, on a reçu à l'hôpital beaucoup de délirants. (Allg.
Zeitsch. f. Psycleiat., VLVII, 3. 4.) P. KERAVAL.,
La prochaine séance aura lieu à Hanovre, Kasters hôtel, le
1er mai 1891.
SOCIÉTÉS SAVANTES. e
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN
Séance du 28 juin 1889'.
11. 111oELI (de Daldorf).-Quelguesnaomnlies crâniennes avec pré-
sentation de pièces et de malades. Il s'agit : 1° d'un microcéphale de
quatre ans; 2° d'une hydrocéphale de dix-sept ans dont le crâne et
le cerveau sont soumis à l'examen de la Société. Ce dernier enfant
pesait401nlor. et mesurait 1 m. 38. Le crâne, qui pour diamètre
horizontal 59 centim., est un ultrabrachycéphale et hyps icéphale, il
cube 2,290; 1,450 centimètres cubes sont occupés par les méninges
et le liquide céphalo-rachidien. L'examen microscopique de l'écorce
montre l'absence de toute structure; il n'existe plus que quelques
cellules disséminées, mais elles sont intactes; on constate encore
des fibres tangentielles, la substance blanche est atrophiée; vais-
seaux en nombre modéré, non épaissis. Du côté où la région de ?
ascendants a subi le maximum d'amincissement, il existe une dé-
générescence descendante.
M. Wolff (de Berlin) présente une malade atteinte d'astasie-
abasie. C'est une hystérique chargée d'une tare héréditaire très
lourde ayant passé par toute espèce d'émotions, qui a beaucoup
sou0'ert matériellement. Elle en est au moins à sa quatrième réci-
dive depuis six mois. Toutes les fois qu'on la soumet à l'électricité,
à l'hypnotisme, à l'aimant, à la suggestion, on l'améliore pour un
temps; mais le moindre choc moral la fait rechuter.
Le 29 juin, réunion à Garlitz de la Société psychiatrique de
Berlin et de la Société des aliénés de l'Est de l'Allemagne, pour y
visiter l'asile privé de M. KABLDAUM. On se rappelle que la maquette
de cet asile était exposée à l'Exposition d'hygiène de Berlin et
qu'elle avait attiré l'attention des visiteurs. Son établissement
constitue en eil'et un progrès non seulement par la disposition
des locaux, -mais par le matériel technique de l'enseignement
pédagogique et le concours des maîtres spéciaux qui soignent
l'enfance. (Allg. Zeitsch. f., Psych., XLVII, 3. 4.) P. Keraval.
' Voyez Archives de Neurologie, t. XX, p. 282.
BIBLIOGRAPHIE.
V. Contribution à l'étude de la pathologie des. hémisphères céré-
6 ? '< ! : M;; par V.-K. RoTT et V.-A. Mouratoff. Moscou 1890. Br. in-80,
47 pages.
Dans ce travail, les auteurs publient deux cas présentant une
particularité commune : une amyotrophie qui s'est développée
dans les extrémités paralysées consécutivement à une lésion céré-
brale.
I. Dans le premier cas, il s'agit d'une femme atteinte d'aphasie
avec hémiplégie gauche et atrophie du bras du même côté. A l'au-
topsie on a trouvé : une destruction considérable de l'hémisphère
droit particulièrement dans le domaine de la troisième circonvo-
lution frontale et de l'insula de Reil, une intégrité complète gau-
che, une sclérose descendante du faisceau pyramidal gauche. Pas
de lésions de la substance grise de la moelle épinière; les auteurs
disent qu'ils ont trouvé des cellules de petite dimension dont le
nombre était égal dans les deux cornes; quelques-unes de ces
petites cellules étaient dépourvues de prolongements et présen-
taient une pigmentation assez marquée; mais toutes ces particu-
larités histologiques se trouvaient également réparties dans les
deux moitiés de la moelle épinière, de sorte qu'il paraîtrait irra-
tionnel de rattacher l'atrophie des muscles d'un côté du corps à
une modification morphologique des cellules que l'on observe
dans les deux cornes antérieures; du reste, tout le monde sait
qu'on trouve assez souvent des déviations de la forme ordinaire
- des cellules encore plus prononcées que celles observées par
11111. Rott et llfouratoff sans que, pendant la lie, on se trouve cn
présence de phénomènes cérébraux et médullaires quelconques;
il faut aussi remarquer que les racines antérieures et les fibres
radiculaires intra-médullaires sont absolument normales des deux
côtés. '
Les lésions constatées dans le bulbe consistent en une sclérose
de la pyramide droite antérieure et une asymétrie des deux moi-
tiés du bulbe sous l'influence de la diminution du diamètre trans-
versal du corps restiforme. Les pédoncules cérébraux n'ont pas été
examinés. La sclérose de la pyramide résulte naturellement de la
destruction de l'hémisphère gauche. Un intérêt plus grand se
trouve du côté des corps restiformes; en effet, celui du côté droit
- bibliographie. 297
est beaucoup plus petit que celui du côté gauche. Déjà au niveau
de l'hypoglosse, on observe des territoires sclérosés appartenant au
corps restiforme et séparés de la pyramide par les fibres arci-
formes internes. Cette altération ne porte nullement les carac-
tères d'une lésion généralisée, car parmi les territoires sclé-
rosés, on trouve beaucoup de fibres normales disposées par des
groupes isolés; en outre, entre la pyramide sclérosée et les terri-
toires notés comme altérés, derrière les fibres arciformes internes,
on trouve des solutions de continuité manifestes. On voit ainsi que
l'atrophie ou la diminution du diamètre transversal du corps resti-
forme s'observe du côté de la lésion cérébrale. Les nerfs périphé-
riques ne présentent aucune modification destructive ni dans la
gaine de myéline, ni dans les cylindres-axes; en somme, aucun
phénomène de névrite parenchymateuse ou interstitielle. Dans les
muscles du côté lésé, on constate une atrophie la plus classique.
En résumé, à côté de l'atrophie musculaire consécutive à une
lésion cérébrale, cette observation présente une coïncidence cu-
rieuse de l'aphasie avec hémiplégie gauche et lésion de l'hémis-
sphère droit. Naturellement, on se demande : la malade était-elle
gauchère ? C'est ce que l'observation clinique laisse dans l'ombre.
II. - Dans le second cas, il s'agit d'un homme de trente-cinq
ans, entré à l'hôpital pour une paralysie du bras gauche, une pa-
resie du membre inférieur du même côté avec secousses convul-
sives survenant de temps en temps dans ces extrémités; dans l'état
psychique on constate une dépression considérable. Céphalalgie
continuelle. Léger exophtalmus du globe oculaire gauche. Ptosis
intermittente de la paupière droite durant de quelques minutes à
deux heures et survenant le plus souvent le matin au réveil. Les
mouvements des globes oculaires à gauche sont légèrement dimi-
nués. Les muscles du bras gauche sont fortement atrophiés; ceux
du membre inférieur paraissent sains à la simple inspection. Cécité
presque complète de l'oeil droit; à gauche, vue affaiblie. Pupille
droite plus large que la gauche. Ouie affaiblie des deux côtés.
Hémianesthésie gauche généralisée pour les sensations tactiles,
disposées par plaques pour les sensations douloureuses. Parole et
voix normales. Les réflexes cutanés paraissent intacts; les réflexes
patellaires sont exagérés ; le phénomène du pied existerait seule-
ment du côté gauche.
Au bout d'un mois de séjour à l'hôpital l'état physique et mental,
s'est rapidement aggravé et sans ictus, sans élévation de la
température, la prostration augmentait avec une vitesse inaccou-
ttimée; à la fin, la formation d'un eschare au sacrum a provoqué
un mouvement fébrile avec dyspnée et palpitation et trois jours
après l'apparition de l'eschare, le malade est mort.
A l'autopsie, on a trouvé sur la partie la plus convexe de l'hémi-
sphère droit une tumeur occupant les deux tiers des circonvolu-
298 BIBLIOGRAPHIE.
tions centrales sans atteindre la scissure de Sylvius. Cette tumeur
présentait une surface bosselée, de couleur grise; elle paraissait
légèrement congestionnée et adhérait à la dure-mère dans l'espace
d'un centimètre carré; de forme allongée d'avant en arrière,
q'uadrangu)aire avec des angles arrondis, elle mesurait dans le
sens de sa diagonale de six centimètres à six centimètres et demi.
La surface interne de l'hémisphère gauche fait saillie dans son
tiers postérieur. Les circonvolutions cérébrales sont aplaties et-
effacées. La glande pituitaire est injectée et augmentée de volume;
elle a la forme d'un haricot long de deux centimètres et haut de
un centimètre; à la coupe, sa structure apparaît normale. L'infun-
dibulum est dilaté et fait saillie sous forme d'une tumeur située
entre les tubercules mamillaires et le chiasma des nerfs optiques;
sous l'iufluence de cette dilatation infundibulaire, ie chiasma est
fortement aplati, mais non atrophié.
La pie-mère n'est adhérente qu'au niveau de la tumeur. Les
vaisseaux de la base ne présentent rien de particulier. Les pédon-
cules cérébraux, la protubérance, le bulbe et la moelle épinière
sont sains à l'inspection; sur les coupes, on ne trouve aucune trace
de dégénérescence descendante du faisceau pyramidal. Les racines
médullaires présentent un volume égal des deux côtés et ne sont
pas atrophiées. Rien d'anormal du côté des nerfs périphériques.
Dans les muscles du côté gauche, on constate une atrophie des
plus évidentes.
L'examen histologique a permis de rattacher la tumeur aux glio-
sarcomes. Sur la coupe de Flechsig de l'hémisphère droit examinée
d'après la méthode employée déjà par MM. Kojevnikoff dans un cas
de sclérose amyotrophique latérale ', on a pu trouver une quan-
tité considérable de granulations conglomérées dans le domaine
du faisceau pyramidal seulement.
Dans la moelle épinière, la configuration des cornes grises paraît
très régulière; de même, rien d'anormal dans les cordons blancs
et on ne constate aucun signe de sclérose descendante. Les racines
antérieures et postérieures sont normales. On constate dans la
pie-mère médullaire une légère stase sanguine avec oedème.
L'examen histologique des nerfs périphériques n'a permis de cons-
tater aucune altération.
Les muscles ont été examinés sur le fléchisseur sublime des
doigts, le premier intérosseux et le biceps du côté gauche; on a
pu constater une atrophie des fibres dont le caractère est d'être
diffuse, généralisée presque sans aucune prolifération du tissu
conjonctif interstitiel.
A côté du symptôme commun avec le cas précédent, c'est-à-dire
1 Cas de sclérose latérale amyotrophique. (Archives de Neurologie,
1883, n° 18.)
BIBLIOGRAPHIE. 299
de l'amyotrophie de cause cérébrale, ce cas présente aussi un
intérêt spécial.
En effet, il est évident que dès le début de la maladie le dia-
gnostic de tumeur était facile; la question d'intervention opéra-
toire était plus délicate à résoudre, il cause de la dificulté de loca-
liser d'une façon exacte le siège de la tumeur d'après les données
cliniques, qui, il faut bien le reconnaître, harmonisaient peu avec
une localisation aussi précise que celle constatée par l'autopsie ;
ainsi, la faiblesse du muscle élévateur de la paupière du côté
sain, la faiblesse relative des extrémités droites de même que la
cécité survenue avec une rapidité si grande faisaient croire à
l'existence d'autres foyers pathologiques dans les régions telles
que la base du cerveau, par exemple, où le diagnostic est incer-
tain et les opérations chirurgicales impossibles. Aussi a-t-on jugé
l'intervention inutile.
Telles, sont en résumé, les deux observations d'amyotrophie d'o-
rigine cérébrale dont la signification physiologico-pathologique
reste encore assez obscure. Jusqu'aux recherches anatomiques
faites au laboratoire de M. Charcot par M. Babinski1 , on admet-
tait que l'atrophie musculaire, dans les scléroses descendantes,
était toujours provoquée par l'atrophie des cornes antérieures.
Cette manière de voir a perdu sa signification exclusive depuis
que M. Babinski a démontré que l'atrophie musculaire de cause
cérébrale est possible avec des cornes antérieures intactes. Dans
une observation de Bouchard et Cornil de 1864,1e même fait était
déjà constaté. Les conditions dans lesquelles se développent les
amyotrophies d'origine cérébrale, sont variables : tantôt on trouve
une lésion très profonde des trajets moteurs une hémiplégie avec
contractures et un développement relativement tardif de l'atrophie
musculaire; tantôt cette dernière se développe rapidement dans
les cas qui ne s'accompagnent pas d'une destruction complète du
faisceau pyramidal; enlise ces cas extrêmes, il faut admettre tous
les cas intermédiaires. '
Quel est le pronostic de ces atrophies ? Il est évident que leur
curabilité dépend exclusivement de la lésion cérébrale fonda-
mentale.
Il parait donc établi actuellement que l'atrophie musculaire
peut se développer consécutivement à des lésions cérébrales sans
aucune modification du côté des ganglions spinaux, que cette atro-
phie peut coïncider avec une sclérose descendante du faisceau py-
hamidal ou exister sans la moindre lésion médullaire. Jusqu'à pré-
sent, la localisation exacte des centres trophiques des muscles sur
l'écorce cérébrale est inconnue et encore moins la localisation du
1 Babinski. Atrophie musculaire d'origine cérébrale, (Comptes rendus
de la Société de biologie, 1886.)
300 BIBLIOGRAPHIE.
trajet des impulsions trophiques; de sorte qu'actuellement, on ne
peut encore considérer l'amyotrophie comme un symptôme immé-
diat d'une lésion corticale en foyer, de même que la destruction
d'une partie de l'écorce n'entraîne pas nécessairement un trouble e
dans la nutrition des muscles qui se trouvent sous sa dépendance.
- En passant ensuite à l'explication de l'origine de ces amyotro-
phies les auteurs reconnaissent que les nouvelles recherches tout
en détruisant la théorie ancienne, ne nous ont encore donné en
échange aucune autre théorie bien satisfaisante. La théorie né-
vrotique, la théorie de la modification fonctionnelle des cellules
des cornes antérieures (Vulpian), celle des centres trophiques
particuliers (Quincke Hirt), toutes ces théories semblent faibles
et insuffisantes pour interpréter les atrophies musculaires d'origine
cérébrale; les auteurs pensent qu'au point de vue anatomique les
atrophies en question se rappiochent plutôt de l'amyotrophie
chronique cachectique par afflux insuffisant du sang artériel vers
les muscles paralysés. Cet afflux insuffisant ne peut dépendre que
du rétrécissement de la lumière des vaisseaux, c'est-à-dire du
spasme primitif des vaso-constricteurs ou du spasme arrivant
consécutivement à la paralysie des vaso-dilatateurs. Ce qui confir-
merait cette manière de voir, c'est la localisation qui, d'après les
recherches de Landois et Eulenburg, est identiquement la même
pour les centres vaso-moteurs et les centres psycho-moteurs.
D'accord avec ces recherches, il y a tout lieu de supposer que
chaque impulsion psychomotrice partant de l'écorce cérébrale est
accompagnée d'une impulsion vaso-motrice ayant pour but d'ap-
porter une certaine quantité de sang au muscle correspondant.
La lésion anatomique de ces centres créerait donc simultanément
et les conditions nécessaires pour la production de la paralysie et
les conditions indispensables pour déterminer un rétrécissement
des vaisseaux et consécutivement, une diminution de la nutrition
du muscle. L'influence do l'innervation vaso-motrice'ainsi modifiée
sur l'état trophique des muscles paralysés parait très rationnelle
et demanderait des nouvelles recherches pour être très nettement t
vérifiée. J. Rounlrovrrcu.
VI. L'indication chronique par la morphine et ses diverses formes, par
le B.-P. Régnier. Paris, 1890, aux Bureaux du Progrès médical.
L'usage prolongé de l'opium ou de ses dérivés à certaines doses
entraine une intoxication chronique désignée sous le nom de mor-
phinisme, intoxication qui peut dépendre d'une nécessité théra-
peutique ou d'une passion pathologique du sujet. Il y a lieu à ce
point de vue causal de distinguer ces intoxiqués en morpieinisés et
morphinomanes. Les premiers se différencient des seconds par l'ab-
sence de phénomènes psycho-sensoriel dans les manifestations de
BIBLIOGRAPHIE. 301
l'intoxication, et l'absence des symptômes graves consécutif à la
suppression du toxique. La morphinomanie est caractérisée par la
sensation de besoin, la présence d'un état nerveux héréditaire ou
acquis, l'existence des stigmates de dégénérescence, l'apparition
enfin des phénomènes spéciaux dits d'abstinence, lors de la sup-
pression de la morphine. Tandis que l'ivresse morphinique ne peut
être invoquée à décharge par un accusé, l'état mental du mor-
phinomane doit au contraire entrer en ligne de compte dans l'a-
préciation du degré de responsabilité.
Au point de vue thérapeutique, on doit chercher à supprimer le
remède, par une exclusive surveillance, sans que toutefois on puisse
admettre l'internement du malade dans un asile contre sa volonté;
la guérison complète et définitive est du reste rare. Il est donc à
désirer qu'une législation sévère intervienne pour interdire la vente
frauduleuse de la morphine, - Nous ne ferons qu'un reproche à
cette monographie très complète, c'est le manque de précision
dans les chapitres consacrés à la symptomatologie, les signes
sont plutôt énumérés qu'étudiés, nous ne trouvons guère que quel-
ques lignes en particulier sur le tremblement, l'état du coeur, des
urines, etc..... Le travail dans son ensemble constitue toutefois
une excellente mise au point de cette intéressante question.
Paul BCocQ.
VII. Etude de psycho-physiologie (Echomatisme, zoandrie, eelloki-
nésie, écholalie); par C. Stcaau (thèse de doctorat Lyon, 1890).
L'auteur, àl'occasioii d'un fait très intéressant de zoandriequ'il lui
a été donné d'observer, s'est proposé d'interpréter psychologique-
ment les cas analogues. Procédant par déduction, il étudie succes-
sivement le réflexe élémentaire pour passer de là à l'analyse du
mouvement volontaire comparé à l'activité inconsciente. Les diverses
périodes de formation de l'automatisme cérébral qui en dérive,
sont distinguées ensuite, et c'est à elles que correspondent en réa-
lité les manifestations motrices, pathologiques. Il s'agirait donc
chez les tiqueux, écholaliques, échokinésiques et autres, de désa-
grégation mentale en vertu de laquelle ils répondent immédiate-
tement par des mouvements à toute excitation qui les a frappés,
sans l'intervention intermédiaire d'une cérébration directrice.
Paul BLOCQ.
VIII. Etudes cliniques et bactériologiques; par St. Radziszewski.
(Paris, 1890. Ollier-Henry, édit.)
Cet opuscule se compose de deux parties tout à fait distinctes.
La première ne contient guère que des considérations philoso-
phiques sur la pathologie générale : la maladie, ses formes et son
traitement. La seconde a trait à l'étiologie du tétanos rhumatique
302 BIBLIOGRAPHIE.
dont l'auteur rapporte deux observations. Les recherches bactério-
logiques entreprises dans ces deux cas ont montré que le sang ne
contenait ni bactéries spécifiques, ni bactéries de Nicolaier; par
contre, le sang paraissait avoir subi des altérations chimiques.
Paul Blocq.
IX. Lavage de l'organisme humain, et méthode d'injections d'eau
dans les maladies (Uebe1' aus Waschung des me nschichen Organis-
mus und icbe· den Werlh un die Methoden der Wasser zufuhr in
Krankeiten); par le ûr Sahli (de Berne). Tir. à part de la COI'1'eS-
pondenz-Blatt fisr Schweitz. Aerzte, 1890.
Le lavage de l'organisme préconisé par l'auteur se ferait à l'aide
de l'injection hypodermique de grandes quantités d'eau, et serait
indiqué dans les états morbides dans lesquels l'auto-intoxication
joue un rôle. La technique recommandée consiste dans l'intro-
duction d'une canule sous la peau de la cuisse ou de la fesse,
canule reliée par un tube en caoutchouc à un réservoir plein d'eau
chlorurée et stérilisée d'une température de 37°, et situé à une
certaine hauteur. De la sorte on injecte un litre en une fois, et
on peut répéter l'injection deux fois par jour. Par l'emploi de ce
procédé, M. failli aurait obtenu de bons résultats dans l'urémie et
dans la fièvre typhoïde. Paul BLOCQ.
X. Leçons de clinique médicale; par H. Rendu. Paris, 1890.
0. Doin, édit.
Bien que le tome premier des leçons de M. Rendu soit extrê-
mement intéressant à plusieurs égards, nous ne ferons guère que
le mentionner, car il a trait aux maladies générales et aux maladies
du poumon, de la plèvre du coeur et des vaisseaux, et nous tenons
surtout à insister ici sur les parties du tome second, qui sont
consacrées aux maladies du système nerveux.
L'analyse d'un cas de paralysie radiculaire du plexus cervical est
particulièrement remarquable. Nous citerons aussi la série de
leçons consacrées aux paralysies, diphtériqueset alcooliques. L'au-
teur rapporte aussi un cas de méningite tuberculeuse, avec locali-
sations aux deux lobes paracentraux ayant déterminé une para-
plégie tout à fait curieuse. Bien que le malade ait donné lieu
pendant sa vie à une erreur de diagnostic, M. Rendu, avec un sen-
timent de franchise scientifique, qui lui fait le plus grand honneur,
n'éprouve aucun embarras à avouer une confusion, qui du reste,
aiusi qu'il l'observe, comporte un enseignement précieux. Les der-
nières leçons comportent des notions éminemment originales, au
sujet des hystéries saturnine et mercurielle, et, de plus, établis-
sent sur le tremblement hystérique un certain nombre de points
absolument nouveaux.
. VARIA. 303
A l'occasion d'un cas de tremblement chronique généralisé,
intermittent et, surtout, exagéré par les mouvements volontaires,
une discussion clinique du diagnostic montre que l'hystérie est en
jeu. L'auteur a étudié à ce propos les diverses espèces de trem-
blement liés à la neuropathie; et conclut qu'il en existe deux va-
riétés principales : ceux qui ressemblent à la paralysie agitante, et
ceux qui ressemblent à la sclérose en plaque. On reconnaîtra l'ori-
gine hystérique de ces tremblements à leur mode de début, à leur
marche, et aux symptômes concomitants.
En résumé, les leçons cliniques de M. Rendu tiennent amplement
les promesses de leur titre, et nous savons particulièrement gré à
leur auteur de cette excellente publication à une époque où les
études de laboratoire semblent accaparer les efforts des travailleurs
au détriment de la clinique. Paul BLOcQ.
XI. Hypnotisme et Croyances anciennes; par L.-R. Régnier. Paris, 1891.
Aux Bureaux du Progrès médical.
L'auteur s'est imposé la tâche de rechercher le rôle qu'aurait pu
jouer l'hypnotisme dans les anciennes pratiques médicales. Il exa-
mine successivement à ce point de vue les croyances des Indous,
des Chaldéens, des Egyptiens, des Juifs et des Grecs. Il étudie en-
suite l'historique du magnétisme depuis les origines du christia-
nisme jusqu'à nos jours.
Toute cette partie de l'ouvrage, qui en est du restela plus impor-
tante, est extrêmement intéressante, et nous la louerons sans
réserve.
Nous avons le regret de n'en pouvoir dire autant des idées em-
pruntées par l'auteur sur sa conception actuelle de l'hypnotisme,
où figurent plus ou moins mal amalgamées et sans sélection les
opinions des meilleurs comme des pires parmi les observateurs qui
se sont occupés de la question. Paul BLOCQ.
VARIA
Des hôpitaux d'asiles ; par Richard GREENE. (In Journal of
Mental Science, juillet 1888.)
Travail intéressant dans lequel l'auteur étudie les dispositions
qu'il convient de donner aux petits hôpitaux d'isolement dont la
construction a été récemment recommandée pour le traitement des
maladies infectieuses dans les asiles publics d'aliénés. R. M. C.
304 VARIA.
Quelques remarques SUR la mise EN PENSION HORS DES asiles,
CONSIDÉRÉE COMME MODE D'ASSISTANCE A L'ÉGARD DES ALIÉNÉS INDI-
GENTS ; par A.-R. TURNBULL. (The Journal of Mental science. Oc-
tobre 1888.)
L'auteur étudie successivement :
1° Le but de ce mode d'assistance : il consiste à placer les ma-
lades pauvres, auxquels par suite soit de la forme, soit de la pé-
riode de leur affection mentale, les soins particuliers donnés dans
un asile ne sont plus nécessaires, dans des conditions analogues
à celles où se trouvent les malades plus favorisés par la fortune
qui peuvent recevoir des soins chez eux;
2° Le point de vue financier : si l'on veut bien tenir compte de
tous les éléments de la question, on s'aperçoit que ce mode d'assis-
tance est sensiblement moins onéreux que celui de l'internement
dans l'asile;
3° Ses avantages : ils sont nombreux, et peuvent se résumer
ainsi : ce mode d'assistance met un certain nombre de malades
dans d'excellentes conditions de confortable et de salubrité; il est
avantageux au point de vue du traitement; il est économique;
enfin il décharge l'asile d'un surcroît de travail, et lui permet de
mieux remplir son rôle qui est celui d'un hôpital destiné au trai-
tement et à la guérison des malades et non celui d'un hospice spé-
cial affecté simplement au logement des aliénés pauvres; e
- 4" Les conditions à observer dans l'application de ce mode d'assis-
tance : elles se résument sous trois chefs : 1° le choix attentif des
malades; 2° le choix des personnes à qui on les confie; 3° l'éta-
- bllssement d'une inspection officielle bien faite;
, 5° Les catégories de malades auxquels ce système peut être appliqué.
Ces catégories comprennent, d'une façon générale, les affections
mentales congénitales dans leurs formes les moins graves, et les
maladies mentales qui, après avoir été traitées à l'asile pendant la
période aiguë, sont passées à l'état chronique : ces dernières
formes sont le plus souvent, mais non toujours incurables. Il y a
trois questions auxquelles il faut pouvoir répondre négativement
avant de mettre un aliéné en pension hors de l'asile : 1° Est-il
dangereux pour lui-même ou pour les autres ? Est-il capable de
commettre des actes contraires à la décence publique ? Est-il dan-
gereux au point de vue sexuel ?
6° La proportion de malades qui peut être soumise à ce système.
Cette question est importante, car si cette proportion était trop
faible, elle ne motiverait pas l'organisation d'un système spécial.
En Ecosse elle est de près de 23 p. 100 ; mais elle varie beaucoup
(de 8,4 à 54,) suivant les districts. L'auteur, après avoir conscien-
cieusement étudié les chiffres comparatifs, estime que la propor-
tion des aliénés indigents qui peut être appelée à bénéficier de ce
mode d'assistance est, en moyenne, de 28 p. 100. R. M. C.
Varia. 305
EXEMPLE ANTIQUE DE SUGGESTION; MUTISME PROVOQUÉ.
11. Alors un ange du Seigneur lui apparut se tenant debout au
côté droit de l'autel des parfums.
12. Et Zacharie, le voyant en fut troublé, et la frayeur le saisit.
13. Mais l'ange lui dit : Zacharie, ne crains point; car ta prière
est exaucée, et Elisabeth, ta femme, t'enfantera un fils, et tu lui
donneras le nom de Jean.
18. Et Zacharie dit à l'ange : A quoi connailrai-je cela ? car je
suis vieux, et ma femme est avancée en âge.
19. Et l'ange lui répor.dit : Je suis Gabriel, qui assiste devant
Dieu, etj'ai été envoyé pour te parler et t'annoncer ces bonnes
nouvelles.
20. Et voici, tu vas devenir muet, et tu ne pourras parler jusqu'au
jour que ces choses arriveront, parce que tu n'as pas cru à mes
paroles qui s'accompliront en leur temps.
21. Cependant, le peuple attendait Zacharie et s'étonnait de ce
qu'il tardait si longtemps dans le temple.
22. Et quand il fut sorti, il ne pouvait leur parler; et ils con-
nurent qu'il avait eu quetque vision dans le temple, parce qu'il le
leur faisait entendre par des signes; et il demeura muet.
23. Et lorsque les jours de son ministère furent achevés, il s'en
alla en sa maison.....
59. Et étant venus le huitième jour pour circoncire le petit
enfant, ils voulaient l'appeler Zacharie, du nom de son père.
60. Mais sa mère prit la parole, et dit : Non; mais il sera nommé
Jean. 1
61. Ils lui dirent : Il n'y a personne dans ta parenté qui soit
appelé de ce nom.
62. Alors ils firent signe à son père de marquer comment il vou-
lait qu'il fut nommé.
63. Et Zacharie, ayant demandé des tablettes, écrivit : Jean est
son nom; et ils en furent tous surpris.
64. A l'instant sa bouche s'ouvrit, sa langue fut déliée, et il
parlait en bénissant Dieu
(Evangile de J.-C. selon saint Luc.)
LE CINQUANTENAIRE DE iLLB BOTTARD.
Une intéressante cérémonie a eu lieu le 12 janvier à la Salpê-
trière, sous la présidence de M. Peyron, directeur de l'Assistance
publique, pour fêter le cinquantenaire des services hospitaliers de
111D° Bottard, surveillante de cet établissement, où elle a débuté
comme infirmière le 12 janvier 1841. Le grand amphithéâtre de la
Salpêtrière, élégamment décoré, contenait une foule nombreuse
Archives, t. XXI. 20
306 VARIA.
d'invités. Après M. Peyron, M. Félix Voisin, président du conseil
de surveillance de l'assistance publique, et M. le professeur Char-
cot ont successivement rendu hommage à la vie de dévouement
de Mil. Boltard. M. Louis Gallet, directeur de l'hôpital Lariboisière
et librettiste bien connu, a lu une pièce de vers adressée à
Allie Bottard ; M. Le Bas, directeur de la Salpêtrière, lui a offert
un magnifique bronze au nom de tout le personnel de l'hospice;
enfin, M. Peyron a lu une lettre de M. Demagny, chef de cabinet
du Ministre de l'Intérieur, annonçant que M. Constans décernait
une médaille d'or à M"° Bottard. Voici le discours prononcé par
M. Charcot :
« Je suis heureux, mademoiselle, de pouvoir ajouter aux éloges
si mérités que vient do vous adresser M. le directeur de l'Assistance
publique, quelques paroles qui me permettront de vous faire con-
naître, à mon tour, les sentiments d'estime que je professe à votre
égard depuis longtemps.
« Il y a une trentaine d'années, un peu plus peut-être, que vous
et moi nous marchons chaque jour côte à côte ici, dans ce grand
asile des misères humaines que l'on appelle l'hospice de la Salpê-
trière, traitant ou consolant de notre mieux les malades, chacun
suivant ses attributions spéciales.
a Je puis donc avoir la prétention de vous bien connaître, et de
pouvoir apprécier votre longue et laborieuse carrière, puisque je
l'ai suivie en quelque sorte pas à pas.
« Eh bien ! Je n'hésite pas à dire, et même je tiens à déclarer
hautement, à proclamer publiquement, après vous avoir connue
comme je vous connais,-qu'à mon avis, ceux qui viennent pré-
tendre que les surveillantes laïques des hôpitaux sont incapables
de montrer, dans l'exercice de leurs fonctions, ce désintéressement
absolu, ce dévouement sans bornes, ces qualités morales, quinles-
senciées en un mot, dont le monopole appartiendiait, suivant eux,
aux surveillantes de l'autre système; ceux-là, dis-je, se trompent ou
ils trompent les autres.
« Simple laique, en effet, laique selon la tradition de l'hospice
qui remonte a 1656 (fondation saint Vincent de Paul), sans autre
stimulant par conséquent que le sentiment impérieux du devoir et
de la dignité personnelle, aiguisés, il est vrai, chez vous, par une
sympathie profonde pour les déshérités, les incurables, les difformes
au physique comme au moral, les malheureux de tout genre en un
mot; n'avez-vous pas pendant plus de cinquante ans, sans bruit,
modestement, sans visées autres que la satisfaction de votre cons-
cience, sans autre soutien que votre coeur ardent pour le bien ;
n'avez-vous pas, dis-je, mené cette vie d'abnégation et de sacrifice
que commandait le poste d'honneui qui vous était confié ? 2
« Ah ! je sais bien ce que vous voudriez nous dire en ce moment :
je vous entends : Tout cela vous a paru bien naturel et bien simple
FAITS DIVERS. 307
à accomplir. Vous vous sentez confuse de tant d'éloges, de tant de
solennité; vous n'y comprenez rien, vous ne croyiez pas avoir tant
mérité; bien d'autres choses encore.
« Entre nous, taisez-vous, laissez-nous parler et faire. Vous êtes
trop modeste pour être bon juge en la matière. Oui, certainement
tout cela est simple, sans aucun doute. Mais, sachez-le bien, cela
n'en est que plus grand et plus beau, et c'est pouiquoi nous venons
aujourd'hui, quoique vous en puissiez dire, vous offrir le tribut de
notre admiration et de notre gratitude.
« Oui, au nom des médecins de cet hospice, que vous avez si
intelligemment, si généreusement secondés dans l'accomplissement
de leur tâche; au nom des malades innombrables dont vous avez
adouci la peine, que vous avez aimés, moralises même, et plus
d'une fois, qui ne le sait ? sans autre mission que celle que vous
confère l'amour de l'humanité, ramenés dans le bon chemin; au
nom d'eux tous, je vous remercie.
K Voilà, mademoiselle, ce que je tenais à vous dire. »
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. Nominations, mutations. -(Arrêtés du 15 dé
cembre 1890). M. le Dr (3LlN, interne des asiles publics d'aliénés de
la Seine, classé le premier des candidats déclarés admissibles aux
emplois de médecins adjoints, à la suite du concours ouvert à Paris
le 15 novembre 1890, nommé médecin-adjoint à l'asile public
d'livreux, est compris dans la 2° classe. M. le D'' Marie, interne
des asiles publics d'aliénés de la Seine, classé le second, nommé
médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés de La lloche-Gandon
(Mayenne), est compris dans la 2° classe. (Arrêtés du 15 janvier
1891). M. le U'' L : vame : v, médecin-adjoint à l'asile public de Sainte-
Gemmes (Mame-et-Loire), nommé médecin en chef à l'asile public
deCadillac(Gironde), est compris dans la 3° classe. M. le D'' SCUlLS,
directeur-médecin, est nommé de l'asile public de Bourges à l'asile
de Lesvellec (Morbihan), en remplacement du D'' Chambard, non
installé, et est maintenu dans la 2° classe. M. le Dr Chambard, ),
précédemment nommé directeur-médecin de l'asile public de
Lesvellec et non installé, est nommé en la même qualité à l'asile
public de Bourges, maintenu à la 3° classe. (Arrêtés du 19 jan-
vier 1891). -Sont promus à partir du lar février 1891 : à la classe
exceptionnelle, M. le Dr Dumaz, directeur-médecin do l'asile public
de Bassens (Savoie) ; à la 2e classe, M. le Dr REY, médecin en chef
308 FAITS DIVERS.
de l'asile public de Saint-Pierre, à 111arsellle : M. le Dr MAMMENQ,
médecin en chef de l'asile public d'aliénés de Clermont (Oise); à la
classe exceptionnelle, M. le Dr BELLETRUD, médecin-adjoint de l'asile
public de Saint-Méen (lle-et-Vilaine) ; à la 1° classe, M. le Dr Jour-
NlAC, médecin-adjoint de l'asile public de Blois (Loir-et-Cher).
(Arrêté du 6 février). Sont promus, à paitir du 10, janvier 1891 :
a la classe exceptionnelle, M. le Dr Taule, directeur de l'asile
clinique (Sainte-Anne) ; à la 1 '° classe, M. je Dr Briand, médecin en
chef de l'asile de Villejuif; à la 2° classe, M. le D1' BooDRIE, direc-
teur-médecin de l'asile de Vaucluse ; à partir du le, février 1891, à
la 2° M. le D1' FEBVRË, médecin en chef de l'asile de Ville-Evrard.
(Arrêté du 15 février). M. le Dr Colin, Henri, ancien interne des
asiles publics d'aliénés de la Seine, classé le troisième des candi-
dats admissibles aux emplois de médecins-adjoints des asiles pu-
blics, à la suite du concours ouvert à Paris le 25 novembre 1890,
nommé médecin-adjoint à l'asile public de Sainte-Gemmes (Maine-
et-Loire, est compris dans la 2° classe.
Travaux A l'asile clinique (Sainte-Anne). -Dans sa séance du
29 décembre dernier, le conseil général de la Seine a ouvert les
crédits suivants pour dépenses hospitalières : 1° 79,266 francs pour
travaux à exécuter en 1891 à l'asile Sainte-Anne (création de nou-
velles chambres d'isolement, agrandissement des bains, construc-
tion d'une salle de consultation gratuite pour les malades);
2° 5,200 francs pour établissement dans cet asile d'une étuve fixe à
vapeur humide sous pression, pour la désinfection des linges et
vêtements.
- Une proposition a été déposée au conseil général, par M. le
Dr Dubois, à l'effet d'aliéner les terrains appartenant à l'asile dont
ils ne sont séparés que par la rue d'Alésia. La vente de ces terrains
serait tres regrettable, 11 s'y construirait des maisons qui dimi-
nueraient le service de la clinique et seraient une source inces-
sante de désagréments pour les malades, de réclamations justifiées
de la part des médecins. Le département a déjà fait des sacrifices
pour empêcher la vue des aliénés par les voyageurs du chemin de
fer-de Sceaux. Ces dépenses seraient rendues inutiles. D'autre
part ces terrains peuvent à un moment donné être utilisés pour la
création d'une annexe de l'asile. En attendant, ils servent au tra-
vail des malades, ce qui constitue un élément des plus précieux
pour leur traitement.
Faculté DE médecine DE PALERME. M. le D1' Guis. BRANCALEONE
est nommé privat-docent de psychiatrie.
Faculté DE médecine DE HEIDELBERG. M. le Dr KRAEPELIN, pro-
fesseur àla Faculté de médecine de Dorpat, est nommé professeur
ordinaire de psychiatrie, en remplacement de M. Furstner.
Faculté DE médecine DE BRESLAI1. M. le Dr WERN1CHE, profcs-
FAITS DIVERS. 309
seur extraordinaire de psychiatrie et de neurologie, est nommé
professeur ordinaire.
Asile d'aliénés de BRON. - Le concours pour l'internat de cet
asile s'est terminé par la nomination de M. Deray, interne titu-
laire, et de M. Vialon, interne suppléant.
Le conseil général des Sociétés médicales du département de la
Seine est composé comme il suit pour l'année 1891 : Président :
M. Putrel. Secrétaire général : M. Philbert. Secrétaire général ad-
joint : M. Cayla. - Membres honoraires : MM. Brouardel, Lanne-
longue, Cornil, Théophile Roussel, Goujon, Chevandier (de la
Drôme), David. - Membres titulaires : MM. Morin, Gautier, Avezou,
Chevallereau, Guillié, Dauchez, Gouraud, Tolédano, de Cours.
Bonnot, A. Miot, Vétault, Cellière, Naulin, Leboucq, Michel, Thorel,
Larcher, Chouppe, Putrel, Cayla.
Projet DE LOI sur les asiles d'aliénés en ITALIE. - Le gouver-
nement vient de déposer sur le bureau du Sénat un projet de loi
sur les asiles d'aliénés et sur la création d'asiles pour les aliénés
criminels. En ce qui concerne cette dernière question, nous
rappellerons que le Congrès des aliénistes français dans sa session
de Rouen (août 1890) s'est prononcé à la presque unanimité contre
une telle création. Les aliénés criminels sont des malades qui, sous
l'influence de leur délire, ont commis un délit ou un crime ; ils ne
sont pas plus dangereux que beaucoup d'autres aliénés internés
dans les asiles. Ce qu'il faut créer, ce sont des asiles ou des quar-
tiers spéciaux pour les criminels devenus aliénés qu'il n'est pas
convenable au point de vue social de mettre dans les asiles ordi-
naires, pas plus qu'on ne met les vieillards qui ont eu des condam-
nations dans les hospices consacrés à la vieillesse. (B.) -
Le teskéré de la LYMPHE. D'après un article de notre ami le
Dr B. Narich, publié dans le Journal de Smyrrze : a La direction de
l'Ecole impériale de médecine de Constantinople a adressé au
ministre de l'intérieur un teskéré l'informant que le gouvernement
ne devrait pas autoriser le traitement de Koe/t en ville. » (D' B. Na-
rich, Journal de Smyrne, numéro du 20 janvier 1891.)
, Hypnotisme : Interdiction des séances publiques. - Le maire de
Lyon vient de faire afficher l'arrêté suivant : « Considérant que
les séances d'hypnotisme et de suggestion, données dans les cafés-
concerts de Lyon, sont parfois indécentes, provoquent des incidents
scandaleux et jettent la perturbation dans une partie des specta-
teurs : arrêtons :
« Article premier. -Il est interdit aux directeurs ou propriétaires
de café-concert de donner des séances d'hypnotisme, de suggestion
ou autres spectacles analogues. »
Asile d'aliénés A BLOCKLEY. Le comité de secours et de sur-
310 FAITS DIVERS.
veillance dos maisons de correction de Philadelphie a décidé der-
nièrement de conseiller l'emploi de 75.000 souverains, en supplé-
ment, -[pour l'érection de bâtiments sur la propriété de l'hospice
des pauvres, afin d'y placer des aliénés; on avait d'abord attribué
150.000 souverains à cet effet, mais la somme ne fut pas jugée
suffisante, c'est pourquoi on y a ajouté une nouvelle subvention de
75.000 souverains. (Médical Record, 18 octobre 1890.)
Asile d'aliénés DE BELFAST. Encombrement. Les inspecteurs
des asiles d'aliénés rapportent que cet établissement renferme un
nombre trop grand de malades, surtout dans les quartiers d'hommes
et dans ceux de femmes atteints de folie aiguë. Ils recommandent
l'acquisition d'un terrain qui ne soit pas inférieur à 100 acres, et
où on construirait un nouvel asile pouvant contenir au moins
400 malades. Ils conseillent également dans leur rapport la cons-
truction d'un hôpital détaché destiné au traitement des infirmes,
malades et de cas aigus. De cette façon, les malades seraient sous
le contrôle particulier du médecin, et jouiraient de tous les avan-
tages que peuvent procurer de bons soins et une bonne surveil-
lance. (British médical journal, du 25 octobre 1890.)
Soins donnés aux aliénés dans l'état de NER'-YORH.-L'111CIdeIlt
véritablement triste et encore récent du meurtre dn Dr LLOYD, par
un aliéné évadé, a amené la commisaion des médecins aliénistes
de l'Etat à prendre les nouvelles mesures suivantes : aucun malade
aliéné, eh traitement dans un établissement, ne pourra sortir sur
parole, si, de l'avis du directeur médical, il est dangereux pour
lui-même et pour les autres. En cas d'évasion du malade, on pren-
dra des mesures énergiques pour le faire réintégrer. Un autre
ordre a pour but d'assurer aux aliénés une correspondance assez
large avec leurs amis; et de leur donner toute liberté pour corres-
pondre avec l'Etat et les magislrats. (The ,New-York med. Jours.)
Influence DE l'alcool sur la dépopulation. Dans la séance du
2G décembre 1890, de l'Académie de Médecine, M. Lancereaux a
fait une communication sur ce sujet. 11 a montré que l'alcool tuait
les gens non seulement par les accidents de l'intoxication elle-
même, mais encore par la tuberculose résultant frequemment des
excès alcooliques. Il propose comme remède à l'état de choses en
France, la limitation des licences accordées aux débitants, et
l'élévation du prix de ces licences, en même temps que l'applica-
tion d'un impôt particulier sur tous les liquides alcooliques renfer-
mant des essences (absinthe, vermouths, etc.).
Les médecins ivrognes aux Etats-Unis. Un bill vient d'être
introduit au Parlement de l'Etat de Georgia, portant que les méde-
cins adonnés à l'usage du whiskcy ou de l'opium pourront être
privésdu droit d'exercer leur profession après une première condam-
nation pour l'un de ces chefs de prévention. 1
FAITS DIVERS. 311 1
Les buveurs d'éther en IRLtNDE, - Après avis conforme du
Collège royal des médecins de l'Irlande, le gouvernement, pour
restreindre l'abus de l'éther dans certains districts du nord de ce
pays, dit la Semaine Médicale, a décidé que ce produit devait être
compris parmi les poisons et que, par suite, les pharmaciens seuls
avaient le droit de le débiter en ayant soin d'apposer sur le flacon
une étiquette portant la mention poison.
Drames delà folie. Un nommé Verghes, annonce une dépêche
de Rodez en date du 6 février, demeurant à Colombie, pris subite-
ment d'un accès de folie, s'est levé hier au milieu de la nuit, et, se
dirigeant vers le lit où reposait son beau-père, a frappé celui-ci à
coups de bâton. La victime est morte quelques heures après.
Verghes a été arrêté et interné à l'asile d'aliénés de Rodez. On
annonce (dépêche de Nancy, 12 décembre), que Constantin, le
principal inculpé dans l'affaire de moeurs, vient d'êtie interné dans
l'asile d'aliénés do Maréville. - Un individu, qui passe pour fou, a
tiré trois coups de revolver sur M. Fossier, maire deBriosne. L'élat
de la victime est grave (dépêche du Mans, 12 décembre). Ce
soir, dit une dépêche de Bordeaux, du 12 décembre, vers 6 heures
et demie, un fou s'est précipité dans les bureaux de la France du
Sud-Ouest, à Bordeaux, frappant àl'aide d'un énorme bâton, indis-
Linctemeiit les rédacteurs qui s'y trouvaient. Un instant le secrétaire
delà rédaction est parvenu à le maîtriser, mais il a reçu à la main
une blessure assez grave. On a pris alors le parti de l'enfermer dans
la salle et d'aller chercher la police. Le fou a tout hrisé, les vitres,
les becs de gaz, etc., el il a fait un feu où il a jeté les cha-
peaux, les livres, les dépêches et les cahiers qu'il a trouvés
sur la table.'de rédaction. En se débuttans contre la police, ce fou
criait : e Je suis Eyraud et vous êtes Gabrielle Bompard ; puisque
vous la soutenez, vous aurez affaire à moi. » Le R.lJ1pel de l'Eure
du 14 février rapporte que, à Fleury-sur-Andelle, un carrossier du
nom de Normand, s'est pendu dans sa cave. Ce malheureux, par
suite d'une fièvre typhoïde, ne jouissait pas de l'entier exercice de
ses facultés.
Tous ces faits, consignés dans divers journaux, montrent la
nécessité d'interner les aliénés dès le début de leur maladie. au
point de vue de la sécurité publique et de l'intérêt même dcs-
malades, mais ils n'empêcheront pas les mêmes journaux de proles-
ter contre la loi du 30 juin 1838 qui a eu pour but d'organiser cette
assistance.
Exercice ILL1G1L de la médecine (Somnambules). L'affiche sui-
vante avait, dans ces derniers temps, été apposée à profusion sur
les murs : « Consultations pour recherches, maladies et renseigne-
ments données par nlma L..., 3, boulevard ... ? et par llme A...,
du même boulevard, tous les jours de neuf heures du matin à
312 FAITS DIVERS.
six heures du soir et par correspondance. Séances magnétiques
pour les malades aux heures convenues. » Or, ces dames ne sont
qu'une même personne, qui est... M. Fr... Ch..., qui, devant ses
naïfs clients, était censé endormir une fille L... F..., ex-cuisinière.
Celle-ci, pendant son sommeil, indiquait les ordonnancesàprescrire.
On a saisi chez Ch..., les trois remèdes qui constituent le fond de
sa médication. L' « elixir de santé » et « le vin tonique » sont des
liqueurs hygiéniques et non médicamenteuses. Mais la « pommade
des trois-curés » est un médicament. Le cabinet de cousultations
était, d'ailleurs, très achalandé. Le magnétiseur, qui était inculpé
d'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, reconnaît les
faits; la somnambule déclare ne pouvoir affirmer ce qu'elle ordon-
nait ou faisait dans son sommeil, et le tribunal condamne chacun
des inculpés à 15 fr. d'amende. Le magnétiseur est, de plus, con-
damné à 500 fr. d'amende.
Le remède d'une somnambule. Nous lisons dans l'Eclair :
Toulon, 15 janvier. D'un correspondant. Un affreux malheur,
dû à la crédulité publique, vient de so produire ici. Un jeune
homme de seize ans se trouvant souffrant, ses parents, au lieu
d'avoir recours à un médecin, se sont adressés à une somnambule,
qui leur a donné un spécifique de sa composition. Vingt-quatre
heures après son absorption, le jeune homme mourait dans d'hor-
ribles souffrances. L'autopsie a démontré que la mort avait été
causée par le médicament qui lui avait été administré. La som-
nambule, nommée Théodorine Garnero, a été arrêtée.
C'est un fait de plus à ajouter aux nombreux méfaits des indus-
triels de ce genre. Malheureusement cela n'empêchera pas le public
de retourner chez les autres somnambules et de leur demander
conseil en cas de maladie. -
La morphinomanie A deux. On a décrit jadis la Folie à deux.
Aujourd'hui c'est la Morphinomanie à deux. Un nouveau procès iL
sensation nous a valu la publication d'une observation très inté-
ressante à ce point de vue. Une jeune, riche, jolie femme, épouse
un médecin sur la moralité duquel, d'ailleurs, on n'a absolument
rien à dire. Notre confrère tombe malade, - ne peut supporter la
souffrance; il devient morphinomane. Rien d'étonnant à cela.
On sait depuis longlemps que les médecins, qui connaissent pour-
tant à fond les terribles effets de cet irrésistible poison, s'adonnent
sans vergogne à de tels abus.
Devenu impuissant et resté fort jaloux, craignant que sa femme
n'aille chercher ailleurs un plaisir qu'il se voit désormais incapable
de lui procurer, il la rend, de parti pris, morphinomane elle-même.
Cette morphinomanie à deux existe, qu'on l'appelle d'ailleurs
comme l'on voudra. Et l'exemple ci-dessus, que l'actualité nous
faisait un devoir de rapporter, est loin d'être isolé. On nous contait
FAITS DIVERS. 313
récemment encore une histoire analogue, et, par malheur, parfai-
tement authentique. Il serait intéressant de rechercher dans les
travaux modernes sur l'intoxication par la morphine, et de rap-
procher les observations, sérieusement prises, analogues à celles
que nous venons de citer. On en trouverait facilement quelques
cas, entre autres dans la thèse récente de M. L.-R. Régnier (ob-
servations 13, 17, 56, 57 et 62). Sans compter ce nouveau fait qui
vient d'être publié dans tous les journaux; il a trait encore à un
médecin et à sa maîtresse, femme d'un pharmacien. Nous faisons
allusion au procès récent de M. le Dr M.... (de Paris).
Les suites d'une tentative de meurtre. - Il y a un mois environ,
Mme Millel, âgée de soixante ans, concierge du numéro 31 de la
rue Poissonnière, à la suite d'une discussion avec une de ses loca-
taires, était frappée par celle-ci de plusieurs coups de couteau à la
tête et au cou. Ses blessures n'étaient pas graves, mais la peur
qu'elle avait éprouvée avait complètement détraqué la cervelle de
la pauvre femme. Bien que l'auteur de cette tentative de meurtre
eût été arrêtée, Mme Millet se croyait continuellement sous le coup
d'une attaque semblable et la pauvre femme donnait depuis quel-
que temps des signes évidents d'aliénation mentale. Hier soir elle
ne parut pas à l'heure du dîner et son mari la rechercha de tous
côtés. Quelques instants après un locataire trouvait le cadavre de la
dame Millet suspendu à un clou, au-dessus de la fontaine, dans la
cour de la maison. Un médecin appelé sur-le-champ n'a pu que
constater le décès de cette malheureuse.
Un cas U'.1MNÉSfE.- « Une dame, paraissant âgée d'une quaran-
taine d'années, vêtue d'une robe de soie gris-perle, dit l'Eclair du
28 décembre, se présentait hier au commissariat du faubourg Mont-
martre et demandait à parler à M. Mouquin. Mise en présence de
ce magistrat, cette dame déclara que, venant d'assister au mariage
de sa fille, elle avait eu avec des passants une discussion assez vive,
puis subitement avait perdu la mémoire. Au moment où le fait se
produisait, elle ne s'était aperçue de rien, mais sortant du restau-
rant, elle en avait oublié l'adresse, ainsi que celle de sa demeure
etson nom. M. Mouquin, n'ayant pu obtenir aucun renseignement
de cette dame, l'a envoyée à l'infirmerie du dépôt. »- Il s'agit
là vraisemblablement d'un cas d'amnésie par shock nerveux.
UN CRIME COMMIS SUR UN épileptique EN état d'automatisme AM-
BULATOIItE.- Nous lisons dans le Temps, du 2 février : « Un indi-
vidu, d'allure étrange, s'est présenté hier après midi, chez
M. Lanet, commissaire de police du quartier du Val-de-Grâce.
C'est un nommé Adrien D..., ouvrier relieur, âgé de trente-quatre
ans, et demeurant rue de la Harpe, 42. Il s'est plaint d'avoir été
dévalisé dans les circonstances suivantes :
« D... souffre depuis assez longtemps déjà d'une maladie nerveuse
314 FAITS DIVERS.
des plus singulières qui a été examinée parM. le docteur Charcot.
Tout à coup, il abandonne son travail, sort de'sa maison et marche
à travers les rues, toujours droit devant lui et répétant invariable-
ment le même mot, un terme scientifique. Il se promène ainsi du-
iant plusieurs heures, quelquefois même des journées entières.
Puis, lorsque sa mémoire oublie le mot que sa langue a si souvent
prononcé, D... s'arrête brusquement et tombe, saisi d'une crise
épileptique.
« Hier, sous l'empire de sa maladie, il était parti de chez lui, vers
huit heures du matin. Il n'avait pas cessé de marcher dans Paris
lorsque, vesquatre heures, il fit la rencontre de deux anciens ca-
marades d'hôpilal, qui l'emmenèrent chez un marchand de vin
de la place Alaubert. D... les suivit, toujours en prononçant son
mot scientifique. Mais, comme il était obligé de causer, il oublia
tout à coup-ce mot et tomba dans une crise violente. Ses cama-
rades en profitèrent pour saisir une somme d'argent qu'il portait
sur lui et pour s'emparer de sa montre. M. Lanet est parvenu à
mettre la main sur les voleurs de M. D... et les a envoyés au Dépôt.
« Si nous nous en tenons à l'initiale donnée par le Temps, on
pourrait reconnaître dans ce malheureux un ancien malade de la
Salpêtrière, atteint de cordes comitiales ambulatoires, auquel
M. Charcot avait donné le certificat ae maladie, qu'il recommande
aux malades de ce genre de toujours porter sur eux et qui leur peut
servir à se tirer des mauvais pas où ils se mettent souvent dans
leurs accès ambulatoires.
Un exploit d'ivrognes. On mande de Belfort au Petit Parisien : .'
Un accident vient d'arriver au dépôt des machines du chemin de
fer stratégique, situé au plateau des Chèvres. Deux machinistes
militaires qui étaient en état d'ivresse ont ouvert le régulateur
d'une locomotive sous pression. La machine, abandonnée à elle-
même, sans conducteur, descendit la rampe avec une vitesse
effrayante. Foit heureusement, elle dérailla à un tournant et alla
butter contre un mur qu'elle démolît. S'il n'en avait pas été ainsi,
la locomotive aurait parcouru la ville à une allure vertigineuse et
aurait occasionné de graves accidents. Les dégâts sont évalués à
plusieurs milliers de francs. Les soldats qui ont été cause de cet
accident ont été mis en prison. »
Dans notre avant-dernier numéro (novembre 1890), notre rédac-
teur en chef, M. 130ul'neville, revenait encore une fois sur la question
des asiles pour le traitement et l'internement des corompus et
des alcooliques. Voilà deux individus qui auraient leurs places toutes
marquées dans un pareil établissement, car ils sont réellement
dangereux.
Une (LE pour les ivrognes. - Au congrès de Berlin, le Dr Kar-
Kahlbaum a établi qu'une erreur très sérieuse avait souvent été
FAITS DIVERS. 315
faite dans le traitement de l'ivrognerie, savoir, que l'on n'observait
pas assez longtemps le malade pour être sûr de sa guérison. Il est
souvent arrivé qu'une amélioration était prise pour une cure.
Le Dr K. Kahlbaum a proposé que le Gouvernement choisisse une
île isolée pour y envoyer les ivrognes seulement. (New-Yorh Me-
dical Journal, du 8 novembre 1890, p. 518.)
Précautions A prendre contre les ALENES. Il est à espérer que
la mort du Dr Lloyd servira à quelque chose. Le grand jury du
comté de Kings a blâmé la commission des asiles d'aliénés de
Etat pour Je fait d'avoir favorisé la pratique qui consiste à enre-
gistrer les malades évadés comme ceux mis en liberté (c'est-à-dire
considérer les évadés comme des mis en liberté). Le jury a égale-
ment blâmé les agents officiels de l'asile d'aliénés du comté de
Kings de leur relâchement vis-à-vis du meurtrier du Dr Lloyd, et a
recommandé l'emploi d'une force de police dans l'asile. (New-
York Médical Journal, samedi 8 novembre 1890, p. 518.)
Un singulier traité d'hypnotisme. - On trouve parmi les an-
nonces de la quatrième page d'un journal politique, la singulière
réclame que voici :
CONTRE 2 FR. 50
adressés
il M. le Régisseur de la Villa des Roses
à Sens-ster-Yontae,
On reçoit franco :
Un traité (l'il Y P N 0 T 1 SilE pratique
et absolument utile à tous.
Dans ce nouveau traité,
sommairement approfondi,
On y rencontre
l'art d'endormir un sujet avec la plus grande facilité, ,
lui donner des suggestions,
le (aire parler, lui faire avouer ce qu'il pense,
ainsi que ses secrets et les choses les plus
délicates de sa vie.
On peut l'obliger à vous obéir en tout point.
Par l'lypnottsme :
Ou oblige une personne a vous aimer éternellement.
On peut lui faire passer
l'habitude de boire, de fumer, d'être méchant.
Par l'Hypnotisme :
On peut guérir un nombre incalculable de maladies,
les douleurs, les rhumatismes, les paralysies,
les névralgies, les migrâmes, les vertiges,
les gastralgies, les gastrites, etc, etc, etc.
Par l'Hypnotisme :
On guérit instantanément le défaut de débauche
chez l'homme comme cliez la femme.
' Ce t;aU6 vaut son poids d'or.
Prière 1 tons, lectrices, lecteurs, d'adresser 2 fr. 50
pour le 1 eceYOll' franco dans les 18 heures.
316 NÉCROLOGIE.
Nous avons eu la curiosité de demander ce Traité d'hypnotisme
« sommairement approfondi ». Nous avouons regretter nos 2 fr. 50.
Cela consiste en deux petites brochures contenant à elles deux
environ une vingtaine de pages. On y trouve deux ou trois pages
de considérations enfantines sur l'hypnotisme, mais surtout un
grand nombre de calembours, jeux de mots, martingales pour
gagner sûrement à la roulette, etc.... Au milieu de toutes ces ba-
livernes, nous relevons les lignes suivantes :
CONSEIL A SUIVRE
. LECTRICES, LECTEURS,
Je vous donne ici le moyen dont se servent Messieurs les professeurs de
Médecine, ainsi que certains artistes donnant des représentations sur les
scènes théâtrales ; mais, croyez-moi, n'usez pas de ces moyens, lesquels
rendent toujours le sujet plus ou moins malade et parfois même
attaquent le cerveau.
Ceci, Lectrices, Lecteurs, pour votre gouverne.
Voilà un charlatan qui entend bien mal la réclame !
Georges GuiNON.
NÉCROLOGIE
Ni. le Dr BAILLARGER
J.-G.-F. BAILLARGEIi, ancien interne d'Esquirol à l'Asile de Cha-
renton. vers 1830, était nommé médecin en chef de l'Hospice de
la Salpêtrière à la suite du concours spécial des aliénistes, dont on
connaît les fonctions diverses jusqu'à une époque récente. A partir
du jour où il exerça ces fonctions, son activité scientifique ne con-
nut plus de repos, car on peut dire que la veille même de sa mort,
survenue le 31 décembre 1890, il se préoccupait encore do tirer
parti des matériaux qu'il avait rassemblés. Cette assertion nous est
permise, à nous qui l'avons connu et qui avons admiré cette
vigueur intellectuelle peu commune chez un vieillard de quatre-
vingt-un ans.
Son talent d'investigation s'est successivement appliqué à l'ana-
tomie normale et pathologique du cerveau, à la physiologie des
syndromes de la folie, à l'analyse clinique des vésanies et à l'exa-
men judicieux des formes si variées de la paralysie générale. Nous
devons à sa mémoire de citer, en les divisant méthodiquement, ses
NECROLOGIE. 317
publications. Nous ferons ressortir les découvertes indiscutables du
maître.
Les recherches sur la structure de la couche corticale des circonvo-
lutions du cerveau (1840) sont classiques; c'est un travail auquel les
auteurs modernes ont certainement ajouté des détails intéressants,
sans en détruire le fond. On connaît aussi son mémoire sur le
déplissement (Etendue de la surface du cet veau et de ses rapports
avec le développement de l'intelligence) et sur le mode de formation
du cerveau (1848).
Baillarger a traité avec succès de la Classification des différents
genres de folie (18S3); de l'Etat désigné chez les aliénés sous le
nom de stupidité (1843), mais il s'est révélé clinicien de premier
ordre en créant la folie à double forme (1854), en étudiant les hal-
lucinations hypnagogiques (Etat intermédiaire à la veille et au som-
meil influant sur la production et la marche des hallucinations (1842),
les syndromes de dégénérescence (Influence de la puberté sur la
production de la monomanie avec conscience (1861); quelques consi-
dératisons sur monomanie (1847), en comparant le délire aigu
vésanique au délire aigu paralytique (1861), en décrivant l'ossification
prématurée des os du crâne chez les idiots microcéphales (1856), en
recherchant l'influence de la menstruation sur la transformation de
la manie en délire aigu (1861).
Au talent d'observateur, il associa les qualités précieuses du cri-
tique, dans la physiologie des hallucinations et leur nature. Il dégage
avec justesse l'élément intellectuel et l'élément sensoriel des hallu-
cinations des cinq sens et fait adopter sa formule des hallucinations
sensorielles et des hallucinations psychiques. Appliquant cette
notion exacte à la physiologie du délire, il montre l'importance de
l'automatisme dans la genèse des troubles conceptuels, dont il
attribue l'origine à l'exercice involontaire des facultés (la théorie
de l'automatisme étudiée dans le manuscrit d'un monomaniaque,
1856).
Si nous insistons à dessein sur les découvertes fondamentales du
savant aliéniste français, c'est que les auteurs allemands contem-
porains, qui du reste se plaisent à citer Baillarger, développent
des théories fort ingénieuses, n'oyant en réalité d'autre point de
départ que les études de ce dernier. Nous voulons parler, en parti-
culier, des centres d'arrêt et de leur action psycho-pathogène. La
multiplicité des travaux de Baillarger nous oblige à nous montrer
plus concis et à nous borner à transcrire les titres de ceux qui
suivent. Ce sont :
Alimentation forcée des aliénés et emploi d'une nouvelle sonde oeso-
phagienne (18r6). - Quelques exemples de folie communiquée (1860).
Hallucination reproduisant des sensations vives antérieures. Apha-
sie au point de vue psychologique (1865). Des faux jugements à l'oc-
casion des sensations (181'J). De la folie à la suite des fièvres inter-
318 ô NECROLOGIE.
mittentes. Influence de la première menstruation après l'accouche-
ment sur la production de la folie (1856). - De la diète lactée dans le
traitement de la manie et de la mélancolie aiguës. De la démence
incohérente et de la démence simple (démence agitée et démence apa-
thique de Griesinger). - Statistique appliquée l'étude des maladies
mentales : ce mémoire est l'exposé des motifs de la création de la
Société médlco-psjchologique, - Médecine légale : des circonstances
atténuantes des aliénés (1853) et des épileptiques (1861). Rapport
médico-légal sur une tentative d'assassinat commise par une monoma-
niaque sur la personne d'un magistrat (1863).
La paralysie générale, à laquelle nous arrivons maintenant, a
offert à M. Baillarger une riche moisson. Toutes les questions
modernes ont pour devancières des vues ou des découvertes de
l'ancien président de l'Académie de Médecine. Les modalités du
délire des paralytiques, et, d'une manière générale, la folie paraly-
tique l'ont eu pour initiateur. En trouvant, par l'anatomie patho-
logique, la sclérose de la lésion de la substance blanche, on peut
direqu'il a été le précurseur anatomique du faisceau d'association
sous-cortical deMeynert. Qu'on en juge d'après les titres :
Délire hypochondriaque comme symptôme et signe précurseur de la
paralysie générale (1860). De l'inégalité pupillaire comme symp-
tôme, etc... (1850). - De l'ataxie locomotrice dans ses rapports avec la
paralysie générale (1861). De la paralysie générale dans ses rapports
avec la pellagre. - Du siège de quelques hémorrhagies méningées (1837).
Sclérose de la substance blanche superficielle des circonvolutions du
cerveau dans la paralysie générale. Sur une altération du cerveau
caractérisée par la séparation de la substance grise et de la substance
blanche des circonvolutions de la paralysie générale. De la cause ana-
tomique de quelques hémiplégies incomplètes observées chez des
déments paralytiques (1858). - Du poids comparé du cerveau et du
cervelet dans les démences paralytiques (1886). - De la coloration ardoi-
sée du cerveau dans la paralysie générale et de ses rapports avec les
eschares du sacrum. - De la découverte de la paralysie générale et des
doctrines émises par les premiers auteurs. Notes sur la paralysie
générale (1849). Démence paralytique et manie avec délire ambi-
tieux (1858). Des rémissions de la forme maniaque de la paralysie
générale. De la guérison de la paralysie générale et de la théorie des
pseudo-folies paralytiques. Du délire ambitieux de ces affections
organiques locales du cerveau et des maladies de la moelle (1881). - De
la folie avec prédominance du délire des grandeurs dans ses rapports
avec la paralysie générale (1866). - Des rémissions et de la démence
dans certains cas de paralysie générale (1879). - Influence des suppu-
rations sur la guérison de la folie paralytique (1858). - Théorie de la
paralysie générale : théorie dualiste, théorie interne.
Enfin, il nous est impossible de passer sous silence les recherches
sur le crétinisme, sa constitution endémique, les rapports avec
le goitre, et les distributions géographiques de-, deux éléments mor-
bides.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 319
Ce qu'il y a de merveilleux dans l'ensemble des productions
scientifiques de Baillarger, c'est la méthode qui n'a cessé de guider
le savant. Qu'il s'agisse de descriptions ou d'opinions d'ailleurs
basées sur une observation attentive, en toutes circonstances
M. Baillarger suit un fil conducteur matértel. C'est ainsi seulement
qu'en médecine, on peut espérer aborder un jour le mécanisme
de manifestations dont la nature nous échappe. Aussi nous per-
mettra-t-on de dire, en terminant, que la sphère d'activité de
Baillarger, pour nous servir d'une expression chère aux étrangers,
était une sphère d'activité brillante. Par lui-même et par la fonda
lion des Annales médico-psychologiques (1842), ainsi que de la
Société du même nom (décembre 1847), il avait pu, en rayonnant,
grouper des travailleurs : il se survivra !
D1' P. KFRAVAL.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Année Médicale (L'), résumé des progrès réalisés dans les sciences
médicales pendant l'année, publiée sous la direction du D' Bourneville
avec la collaboration des rédacteurs du Progrès Médical et des Arclemes
de Neurologie. Parait tous les ans. Douze volumes sont en vente (1878-
1889); format in-18 Charpentier. Pour nos abonnés, par la poste, 3 fr. 50.
Dans nos bureaux .. 3 fr.
BERNARD. De l aphasie et de ses diverses formes. 2° édition avec une
préface et des notes, par le D' Ch. Féré. Volume in-8° de 260 pages, avec
25 figures dans le texte. - Prix : 5 fr. - Pour nos abonnés . 4 fr.
BLOCQ. - Des contractures. Contractures en général, la contracture
spasmodique, les pseudo-contractures. Volume in-8° de 21C pages, avec
8 figures dans le texte, 1 planche lithographique et 3 phototypies.
Prix : 5 fr. Pour nos abonnés ......... . 1 fr.
Bourneville, SOLLIEn et PILLiET (A.). Recherches cliniques et théra-
peutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. - Compte rendu du ser-
vice des enfants idiots, épileptiques et arriérés de BiuCti-e pendant l'année
1889. (Volume X de la collection.) Volume in-8° de LVI-188 pages, avec
22 figures. Prix : 5 fr. - Pour nos abonnés : 4 fr. - Bureaux du Pro-
grès Médical.
Bourneville. Rapport fait au nonz de la commission chargée d'exa-
miner le projet de loi adopte par le Sénat, tendant à la revision de la
loi du 30 juin 1838 sur les aliénés. Volume in-8° de 129 pages. Prix :
4 fr. Pour nos abonnés ............ 3 fr.
Bats (P.). Histoire de Bicëtre d'après les do-
cuments historiques, avec une préface de M. le D' Bourneville. Un beau
volume m-1° carré d'environ 500 pages, orné de 22 planches hors texte
et d'un plan général de l'hospice de Bicêtre actuel (1891). Prix : 15 fr.-
Pour nos abonnés.. 10 fr.
320 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
CHARCOT (J.-M.). Hémorrlzagie et ramollissement du cerneau, métal-
loscopie et métallothérapie, tome IX des OEuvres Complètes, in-8° de
570 pages, avec 13 planches en chromo-lithographie et phototypie, et
36 figures dans le texte. Prix : 15 fr. - Pour nos abonnés : 10 fr.
DUFOUR (E.). Asile public d'aliénés de Saint-Robert (Compte rendu
statistique et compte moral et administratif pour l'année 1889). Bro-
chure in-8° de 80 pages.-Grenoble, 1890.-Imprimerie Vallier.
Gilles DE la TOURET1'G et C.1THELINEA1J. - La nutrition dans l'hystérie.
Volume de 116 pages. Prix : 3 fr. 50. - Pour nos abonnés. 2 fr. 75
Guikon (G ? Les agents provocateurs de l'hystérie. Volume in-8° de
392 pages. - Prix : 8 fr. Pour nos abonnés 6 fr.
Huer (E.). - De la chorée chronique. Volume in-8° de 262 pages, avec
10 figures dans le texte. - Prix : 5 Ir. Pour nos abonnés.. 4 fr.
Ladame. Procès criminel de la dernière sorcière bmilée à Genève le
6 avril 1652. Publié d'après les documents inédits et originaux conservés
aux Archives de Genève (iN0 3465). Brochure in-8° de xi-5 ? pages. -
Papier vélm, prix : 2 fr. 50. Pour nos abonnés : 2 fr. - Papier Japon
(N01 1 à 50). Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 4 fr. Papier parcheminé
(N" 51 à 100). Prix : 3 fr. l'our nos abonnés 2 fr. 50
Pitres (A.) et BzroT (E.). - Des tremblements hystériques. - Brochure
in-8° de 26 pages. - Prix : 1 fr. Pour nos abonnés... 0 fr. 70
POIRIER (P.). - Topographie cranio-eiteéplialiqite. Trép(iiiatio2t.
Volume in 8° de 92 pages. Prix : 3 fr.-Paris, 1891.- Librairie Lecros-
mer et Babe.
Régis (E.).- Les régicides dans l'histoire et dans le présent. Volume
in 8° de 99 pages, avec 20 figures.- Pans, 1890. G. Masson.
Régnier (L.-R.). - Hypnotisme et croyances anciennes. -Volume in-8°
carré sur papier Japon, 223 pages, avec 44 ligures et 4 planches. Prix 6 fr.
Régnier (L.-R.). L'intoxication chronique par la morphine. -Vo-
lume in-8° de 171 pages.- Prix : 3 fr. 50. Pour nos abonnés : 2 fr. 75
Solfier (P.). Du rôle de l'hérédité dans l'alcoolisme. Volume in-18
jésus de 215 pages. - Prix : 2 fr. 50. - Pour nos abonnés.. 1 fr. 75
Tarnowski (P.). Etude anthropométrique sur les prostituées et les
voleuses. - Volume in-8° de 226 pages, avec 8 tableaux anthropomé-
triques et 20 dessins. Prix 5 fr.
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
t,reul 1.6. Mekissbï. tmp. - 3 ! H.
Vol. XXI. Mai 1891. N" 63
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
Hospice DE la SALPÈ1RIÈRE. - M. LE PRorr : SÓEUR CHARCOT
SUR UN CAS D'HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME
DE WEBER1; I,
(Leçon recueillie par a. souques, interne, médaille d'or des hôpitaux.)
Messieurs,
Avec la névrose hystérique, cette simulatrice tou-
jours féconde des maladies organiques des centres
nerveux, il faut s'attendre chaque jour aux surprises
et aux révélations les plus inattendues. Cette assertion,
je puis vous la prouver, séance tenante, en vous
montrant une combinaison de manifestations morbides
fort singulière, non encore signalée, si je ne me
trompe, et faite en vérité pour égarer le diagnostic
d'un observateur non prévenu.
Il nous a été adressé à la consultation externe,
mardi dernier, une jeune fille de dix-huit ans dont le
cas m'a paru offrir un certain intérêt clinique. Vous
vous souvenez sans doute que cette jeune fille se
' Leçon du 24 février 1891.
Archives, t. XXI. 2l
322 ) CLINIQUE NERVEUSE.
plaignait d'avoir, depuis quelques années, la paupière
gauche tombante, et avait présenté simultanément une
parésie d'abord, puis une paralysie complète des mem-
bres du côté droit. En présence de la coexistence de
ces deux ordres de phénomènes : hémiplégie droite et
ptosis gauche, l'impression naissait tout naturellement
qu'il devait s'agir là d'un genre de paralysie alterne
sur lequel je donnerai tout à l'heure quelques déve-
loppements. Et s'il en était ainsi, vous disais-je, le cas
serait probablement fort sérieux, car le syndrôme en
question dénote nécessairement une lésion organique
de siège déterminé et toutes les vraisemblances
seraient, en raison de la localisation elle même, de
l'âge du sujet et de certaines circonstances de famille,
en faveur d'une néoplasie tuberculeuse.
Mais fallait-il s'arrêter à un diagnostic si mal
sonnant et entraînant avec lui un pronostic très
sombre ? Non, Messieurs, incontestablement non, il
ne fallait pas s'y arrêter avant un examen méthodique
et une discussion approfondie, et vous allez nvon-
naître dans un instant si nous avons eu raison ûc
temporiser.
Mardi dernier déjà, j'avais le pressentiment que
l'impression fâcheuse, qui semblait se dégager d'uu
premier interrogatoire forcément hâtif et incomplet,
n'était peut être pas l'expression de la vérité et que
nous étions peut-être' en présence d'accidents de
meilleur augure. Or, il résulte de notre examen ulté-
rieur qu'il n'existe chez cette malade aucune lésion
organique, que nous n'avons là qu'une apparence
d'un syndrome redoutable, la caricature de ce syn-
drome, passez moi le mot, non ce syndrome lui-même
HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 323
et qu'en fin de compte l'affection qui a donné lieu
à ce concours troublant de phénomènes morbides est
d'ordre dynamique et du genre de celles où la gué-
rison est certaine et parfaite.
Je tiens, avant de passer à l'examen et à la discus-
sion de ce cas, à vous exposer quelques considéra-
tions concernant ce que, pour plus de brièveté,
j'appelerai, si vous voulez bien, le syndrome de
Weber. Weber est un médecin allemand résidant en
Angleterre et auquel nous sommes redevables d'une
fort intéressante étude sur la pathologie du pédoncule
cérébral Si je vous propose cette dénomination,
c'est parce que l'observation qui sert de fondement au
travail de cet auteur est absolument typique. C'est en
effet pour la première fois qu'on publie un cas, à
localisation unique et très nette, montrant qu'une
lésion de la partie inférieure et interne du pédoncule
cérébral produit un syndrome caractérisé par une
paralysie alterne de l'oculo-moteur commun d'un
côté et des extrémités du côté opposé. Quinze ans
plus tard, Major rapportait une observation de tous
points comparable à la précédente. Avant ces deux
observateurs, Gubler' avait déjà, il est vrai, vu et
noté cette sorte de paralysie alterne, mais malheu-
reusement, son cas était complexe. Il y avait en effet
des lésions un peu dans toutes les parties de l'encé-
phale : non seulement le pédoncule mais encore la
couche optique, le lobe temporal et le lobe occipital
étaient touchés, de telle manière que, si en réalité
' Weber. - A Contribution to the Palliology of the Crura Cerebri.
Dled. chirury. Transact., 1863.)
' lfavor. Bitilet. delà Soc. NKa<., mars 1877.
3 Gubler. Gazette hebdom., n° 6, 1859.
324 CLINIQUE NERVEUSE.
l'observation de Gubler est la première en date, elle
est, je le répète, beaucoup trop complexe pour servir
de type aux paralysies pédonculo-protubérantielles.
Dans ie cas de Mayor, comme dans celui de Gubler,
il est question d'un foyer de ramollissement ayant
atteint le moteur oculaire commun dans son passage
à travers le pédoncule. Le cas de Weber, au contraire,
a trait à un foyer hémorrhagique siégeant dans la
partie inférieure du pédoncule gauche et ayant inté-
ressé le nerf de la troisième paire, soit dans son trajet
intra^pédonculaire, soit peut-être par simple com-
pression ; les relations de l'autopsie permettent l'une
ou l'autre interprétation. Durant la vie, on avait
constaté une hémiplégie du côté droit et une paralysie
de l'oculo-moteur commun du côté opposé.
Il est clair que le syndrome de Weber peut être
reproduit par des altérations autres que celles de
l'hémorrhagie et du ramollissement, et en particulier
par des abcès et des tumeurs de même siège. Je
pourrais, à ce propos, relever les faits de lliohr',
Marotte', @ Paget8, Freund", Rosenthalg, Suttons,
Fleichsmann \ Hammonde, Perroud9, etc., mais la
plupart de ces faits présentent certaines particularités
qui leur enlèvent la netteté désirable. 11 s'agit généra-
lement de tumeurs tuberculeuses et, à cet égard, 'le
1 Mohr. Dissert. inaug. Wurzbourg 1833.
* Marotte. - Union méd. 1853.
3 Pnget. - l11ed, Times, 1855.
Freund. Wien. med. Woch., 1856.
8 Rosentlial. 01st ? ,. med. Jalcrb., 1870.
Sutton. Brit. mecl. Joui2t., 1870. *
Fteic))smann. rien. med. Woch., 1871.
liarnmond. - r,'eatlse and disease of the nerv. silst. New-York, 1873.
9 Perroud. Lyon médical, n° 22, 1874.
HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. S23
cas de Mohr cité par Nothnagel est bien démonstratif :
un tubercule isolé siégeant dans le pédoncule cérébral
gauche avait amené le syndrome clinique en question.
11 va sans dire qu'une lésion située à la base du crâne,
une tumeur par exemple, qui agirait en comprimant
à la fois le moteur oculaire commun et le pédoncule
dans sa partie inférieure et interne, reproduirait aussi
le même syndrome par un autre mécanisme, mais il
faut que vous sachiez que certaines lésions du pédon-
cule, localisées dans un point donné, peuvent exister
sans produire le syndrome de Weber. Je n'en veux 1
pour preuve que le cas d'Andral , concernant une
femme, atteinte d'une vieille hémiplégie vulgaire, à
l'autopsie de laquelle on ne trouva pour toute alté-
ration encéphalique qu'une lésion ancienne du pédon-
cule cérébral. Dans ce cas très évidemment l'oculo-
moteur commun n'avait pas dû être touché. Gintrac 2
etDuchenne3 ont pareillement rapporté deux faits où
l'autopsie fit voir un tubercule dans un pédoncule
cérébral, alors que,, du vivant des malades, on n'avait
point constaté la paralysie alterne caractéristique.
Inutile de vous dire que le diagnostic d'une lésion
pédouculaire est jusqu'à présent impossible dans ces
conditions.
En somme, de toutes ces considérations vousretieu- j
drez ceci qu'il y a certaines lésions du pédoncule céré- f
bral (partie inférieure et interne) qui sont caractérisées 1
cliniquement par le syndrome de Weber, c'est-à-dire
1 Amiral. - Clinique méd., Paris, 1840, 4° édit., t. V, p. 320.
' Gintrac. Traité théorique et pratique des maladies de l'appareil
nerveux. Paris, 1869, t. IV, p. 860.
' Duchenne. Electrisation localisée. Paris, 1SG1, 2° édit., p. 376.
326 CLINIQUE NERVEUSE.
par une paralysie alterne de l'oculo moteur commun d'un
; côté (côté de la lésion) et des membres, du facial et de
l'hypoglosse de l'autre (côté opposé à la lésion).
Pour connaître, Messieurs, les raisons de ce syn-
drome clinique, il est nécessaire de faire intervenir
l'auatomie et d'étudier sommairement les rapports des
pédoncules cérébraux avec la protubérance et les or-
ganes adjacents. Vous savez que les deuxpédonculescéré-
braux émergent de la protubérance, s'écartent 'aussitôt
à angle aigu pour se porter chacun dans l'hémisphère
correspondant et que, dans l'angle formé par cet écar-
tement, on trouve, en allant de la base au sommet du
triangle : le chiasma des nerfs optiques, le tuber cine-
reum, les tubercules mamillaires, l'espace perforé pos-
térieur et enfin, tout à fait au sommet, accolés inti-
mement à la face interne du pédoncule correspondant,
les deux nerfs de la troisième paire. Vous concevez
déjà par ce simple rapport qu'une même lésion puisse
atteindre simultanément le moteur oculaire commun
et le pédoncule et produire en conséquence une para-
lysie alterne spéciale, et que les deux nerfs de la troi-
sième paire puissent, à la rigueur, être intéressés, à la
fois, ainsi que cela s'est vu dans certains cas de com-
pression.
Mais entrons plus avant dans l'étude de ces rapports,
c'est-à-dire dans l'étude des rapports intrinsèques du
pédoncule avec l'oculo-moteur commun. Le pédoncule
cérébral est, vous le savez, un tractus complexe dont
l'étage inférieur se divise en trois bandelettes que l'on
distingue d'après leur situation en interne, moyenne et
externe. La bandelette externe qui livre peut-être pas-
sage aux fibres sensitives ne nous intéresse point ici.
HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 327
Quant aux deuxbandelettes interne et moyenne, celle-ci
renferme les fibres du faisceau pyramidal, celle-là les
filets cortico-bulbaires de l'hypoglosse et du facial in-
férieur. Toute altération qui détruira ces deux bande-
lettes amènera fatalement une paralysie des membres,
du facial inférieur et de l'hypoglosse, du côté opposé I
à la lésion, et produira ainsi l'un des deux éléments
fondamentaux du syndrome de Weber. Si cette même
lésion détruit ou comprime le nerf oculo-moteur, le
second élément de ce syndrome, à savoir la paralysie
directe de la troisième paire, sera réalisé. Il faut donc
que les deux bandelettes interne et moyenne soient
touchées en même temps que le moteuroculaire commun
pour que le syndrome de Weber soit constitué. Déjà,
l'étude superficielle des rapports de contiguïté qu'af-
fectent entre eux le nerf de la troisième paire et le pé-
doncule vous avait fait concevoir la possibilité d'une
altération simultanée de ces deux organes. L'étude de
leurs rapports profonds; je veux dire des rapports in-
trapédonculaires des fibres de l'oculo-moteur commun
avec celles des bandelettes interne et moyenne, vient
nous en donner une seconde explication convaincante.
J'ajouterai que la connaissance de ces rapports intra-
pédonculaires est indispensable pour l'interprétation
des paralysies partielles de la troisième paire dans le
syndrome de Weber, et qu'à ce titre elle présente pour
nous un intérêt de premier ordre.
11 faut, pour bien comprendre l'existence de ces pa-
ralysies partielles, considérer, d'une part, le groupe-
ment des divers noyaux qui constituent l'origine réelle
du moteur oculaire commun et dont chacun parait
animer un des muscles de l'oeil, et, d'autre part, le
328 8 CLINIQUE NERVEUSE.
trajet intrapédonculaire des fibres qui émanent de ces
divers noyaux.
Les noyaux d'origine, échelonnés d'avant en arrière
/ sous le troisième ventricule et sous l'aqueduc de
Sylvius, donnent chacun naissance à un filet nerveux
indépendant. Cette indépendance originelle, le filet
nerveux la garde dans tout son trajet protubérantiel et
pédonculaire, de telle sorte que la totalité de ces filets
1. nerveux représente schématiquement autant de petits
nerfs distincts qui se rendent isolément l'un à l'iris,
l'autre au muscle ciliaire, le suivant au muscle rele-
veur de la paupière et les derniers enfin, toujours sé-
parément, aux muscles droit interne, droit supérieur,
droit inférieur et petit oblique. C'est dans cet état de
dissociation et d'indépendance, dis-je, que tous ces
filets traversent la protubérance et le pédoncule, affec-
tant ici des rapports très étroits avec les bandelettes
interne et moyenne, puis sortent de l'épaisseur de ce
dernier organe sous forme d'un tronc unique qui n'est
autre chose que l'oculo-moteur commun. Ils se grou-
pent donc bientôt, mais pas assez tôt pour que leur
asssociation soit complète avant leur sortie.
Retenez bien , Messieurs, cette disposition intra-
pédonculaire des fibres de l'oculo-moteur; elle donne
l'explication naturelle des paralysies incomplètes ou
partielles de la troisième paire, et nous allons avoir
tout à l'heure à l'invoquer.
Grâce à l'étude anatomique que nous venons de
faire, il est aisé de concevoir que la lésion de l'oculo-
moteur commun puisse être intra ou extrapédoncu- l
laire, dans le syndrome de Weber. Règle générale, i
dans l'un comme dans l'autre cas, le nerf de la troi-
HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 329
sième paire est paralysé dans toutes ses branches. Mais
1 il est tout aussi facile de comprendre que, dans le pre-
\ miel' cas, c'est-à-dire quand le nerf est lésé dans l'in-
térieur du pédoncule, quelques-unes de ses fibres, de
ses filets uon encore agrégés soient pris à l'exclusion
des autres. Dans ces conditions, c'est une paralysie
partielle que vous rencontrerez.
Quand elle est complète, l'altération du nerf com- I
porte : la chute de la paupière, le strabisme externe,
la limitation des mouvements oculaires dans tous les
sens, sauf en dehors, la paralysie de l'accommodation
et la dilatation de la pupille. La paralysie incomplète
varie suivant les cas; quoique plus rare, elle existe 1
néanmoins, témoin l'exemple d'Oyou' (Gaz. méd. 1870,
n° 47) où l'iris était respecté et la pupille même plus
étroite que celle du côté opposé. De même vous con-
cevez aisément que la paralysie, combinaison rare
mais possible, en somme, puisse porter exclusivement
sur le muscle releveur de la paupière. Je n'insiste sur
l'existence de ces paralysies incomplètes de l'oculo-
moteur que parce que nous allons avoir à discuter
tout à l'heure un cas de ce genre.
Telles sont, Messieurs, les conditions anatomiques
qui régissent les paralysies alternes pédonculo-protu-
bérantielles ou protubérantielles supérieures. En ma-
nière de contraste, je veux vous rappeler rapidement
ce qu'est la paralysie protubérantielle inférieure ou
bulbo-protubérantielle. Nous la désignerons, si vous 1
voulez, sous le nom de syndrome lJ11llal'd-Gublel', déuo-
' Oyon. Hémiplégie gauche avec paralysie alterne de la troisième
paire droite résultant d'un ramollissement du pédoncule cérébral droit.
Gazelte >néd. de Pars, n° 7, p. 555, 1870.
330 CLINIQUE NERVEUSE.
mination qui aura encore ici, comme dans le syndrome
de Weber, le double mérite d'être brève et de rappeler
en même temps les noms des deux auteurs qui l'ont
décrite pour la première fois. ^Incontestablement, la
communication ou plutôt le rapport de M. Milliard est
antérieur de quelques mois au travail de Gubler',
mais il faut reconnaître que Gubler a trouvé le nom
de paralysie alterne qui devait désormais lui servir
d'étiquette et fixé définitivement le syndrome par une
accumulation d'observations appropriées.
Ce syndrome de Millard-Gubler est caractérisé par
la coïncidence d'une paralysie faciale totale d'un côté
avec une paralysie des membres du côté opposé du corps.
Dans les, cas de ce genre, la paralysie du facial se
'comporte comme une paralysie périphérique au point
de vue de son étendue et de ses réactions électriques.
[Quelquefois cette hémiplégie faciale peut se compli-
quer d'une paralysie de l'abducens ou de la cinquième
paire.
L'anatomie nous donnera encore ici la clef de ce syn-
drome et de ces complications. L'abducens et le facial
prennent leur origine réelle dans deux noyaux presque
confondus et situés sous le plancher du quatrième ven-
tricule. Parties de ce point leurs fibres s'agrègent aus-
sitôt en deux nerfs distincts qui traversent la protubé-
rance dans toute sa largeur ens'écarlant l'un de l'autre,
mais constitués déjà, dans tout ce trajet, à l'état de
nerfs périphériques. Or, dans ce trajet iutraprotubé-
1 Milliard, - Bulletin de la Soc. anal. Mai et juin 1856, p. 206 et 217.
Rapport à propos d'une observation de Sénac. Voir en outre un rapport
précédent de M. bltllard à propos d'une communication de Poisson, eod.
toc., 1855.
. Gubler. Gazette heGcl., 24 octobre 1856.
HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 331 1
rantiel, ces deux nerfs affectent, avec le faisceau py-
ramidal, d'étroits rapports de voisinage qui expliquent
la solidarité pathologique de ces divers organes dans
les lésions intraprolubérantielles de quelque étendue.
Supposez en effet une tumeur, un tubercule placé dans
cette région de la protubérance, vous comprendrez
aisément comment la lésion peut atteindre simultané-
ment le nerf de la septième paire et le faisceau pyra-
midal, et vous aurez ainsi imaginé la paralysie alterne
vulgaire, autrement dit, le syndrome Millard-Gubler. Il
est tout aussi aisé de concevoir en même temps une.
lésion de l'abducens et, par suite, une paralysie de la
sixième paire, du même côté que la paralysie faciale,
venant compliquer le tableau classique. Vous pouvez
supposer encore telle localisation qui atteindra les
deux nerfs précédents sans léser le faisceau pyramidal^
et réalisera des accidents morbides analogues à ceux
que je vous faisais constater dans une de nos dernières
leçons. Eu réalité, qu'il s'agisse de paralysie pédon-
culo-protubérantielle ou de paralysie bulbo-protubé-
rantielle, c'est toujours le siège et l'étendue de la lésion
qui déterminent la nature et le nombre des manifesta-
tions cliniques. '
J'en ai fini, Messieurs, avec ces notions quelque peu
arides d'anatomie, mais elles me paraissaient indis-
pensables comme introduction à l'étude clinique qu'il
nous reste à entreprendre. Elles m'ont du reste fourni
l'occasion de vous esquisser deux des chapitres les plus
importants de la pathologie de la protubérance. Sans
aucun doute il est possible de rencontrer, en dehors
des syndromes de Weber et de Alillard-Gubler; d'au-
tres variétés cliniques, mais ce ne sont en général
332 CLINIQUE NERVEUSE.
que des variétés de ces deux types fondamentaux.
Nous voilà maintenant en mesure d'aborder ensemble
l'examen de notre jeune malade. Elle se trouve, vous
=- disais-je en commençant, placée dans la catégorie du
syndrome de Weber. Mais ne vous hâtez pas de loca-
liser la lésion qui a donné naissance à ce syndrome
dans la région pédonculo-protubérantielle. Je vous ai
déjà déclaré que nous n'étions point ici en présence de
lésions organiques et que nous nous trouvions au con-
traire en face d'une affection toute dynamique. L'hys-
térie serait-elle donc en cause ? Oui, très certainement,
quelque invraisemblable que paraisse cette hypothèse.
Je dis invraisemblable, parce que, si la simulation
hystérique d'un certain groupe d'affections organiques
cérébro-spinales nous est parfaitement connue aujour-
d'hui, j'avoue franchement que je n'avais encore ni vu,
ni entendu signaler d'exemple d'hystérie simulatrice
de l'hémiplégie alterne pédonculo-protubérantielle.
Et, cependant, je crois pouvoir affirmer d'ores et déjà
que l'hystérie est seule en jeu ici et vous en donner
une démonstration péremptoire.
Veuillez remarquer tout d'abord que l'hémiplégie
chez cette jeune fille a respecté la face. Or c'est là un
signe négatif qui acquiert, dans l'espèce, une grosse
importance. Dans le syndrome de Weber, comme dans
l'hémiplégie d'origine capsulaire, le facial inférieur et
l'hypoglosse sont habituellement intéressés et cette
lésion se traduit, comme vous le savez, par la paralysie
du facial inférieur et par la déviation de la langue du
\ même côté que l'hémiplégie des membres. Ajoutez à
ces caractères quelques légers troubles de la sensi-
bilité et vous aurez l'image de l'hémiplégie dans le
HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 333
syndrome en question. Voyons donc si nous retrou-
vons chez notre malade ces divers caractères. Chez
elle, le début de l'hémiplégie s'est fait, il y a quatre
ans, par une hémiparésie survenue sans cause appré-
ciable, insensiblement. Un an après le début de cette
hémiparésie du côté droit, se produit un incident assez
significatif sur lequel j'appelle votre attention. A cette
époque, se produit, dis-je, une hyperesthésie exquise
localisée au côté droit du corps et spécialement au
niveau des jointures. Au bout de quelques jours, ces
arthralgies douloureuses s'amendèrent et firent place
à une impotence motrice complète, c'est-à-dire à une
hémiplégie droite qui condamna la malade au lit pen-
dant dix mois. Est-il besoin de vous dire que ces
arthralgies furent attribuées à une attaque de rhuma-
tisme et que, durant cette longue période hémiplégique,
une thérapeutique variée : électricité, pointes de feu,
etc., fut mise en oeuvre, sans le moindre succès du
reste ? Cette paralysie qui avait respecté la face dis-
parut peu à peu, spontanément, après avoir duré plus
d'une année. Lorsque la malade put quitter le lit et
commencer à marcher, elle marchait d'une manière
« traînante » qu'elle n'a pas oubliée, et, dans cette
démarche traînante, lorsqu'elle nous l'a mimée très
naïvement, nous avons reconnu aisément la démarche
de Todd qui est, comme vous le savez, le propre de
l'hémiplégie hystérique. Et, phénomène qui aurait pu
donner à réfléchir à cette époque, la paralysie motrice
était, paraît-il, accompagnée d'une hémianesthésie
tellement profonde que la malade ne sentait ni le cou-.
rant électrique, ni les pointes de feu qu'on lui appli-
quait de ce côté. Cette hémiplégie droite, vous dis-je,
3H4 CLINIQUE NERVEUSE.
a guéri complètement sans laisser aucune trace. Seule
l'hémianesthésie a persisté et nous la retrouvons au-
jourd'hui complète, étendue à tout le côlé droit du
corps, coupée en haut en ligne droite du côté de la
face qu'elle respecte.- Messieurs, quand vous reucon-
trerez une anesthésie de ce genre, méfiez-vous, elle ne
relève très probablement pas d'une lésion organique.
l Cette réserve me semble suffisamment justifiée par les
divers caractères que je viens de relever devant vous.
Lorsque survint celte paralysie des membres, déjà,
depuis deux ans, cette jeune fille se plaignait d'avoir
la paupière gauche tombante. Or ce ptosis, qui s'était
montré progressivement, sans cause connue, a persisté
depuis lors, c'est-à-dire depuis six ans, sans modifica-
tions notables, et vous pouvez encore le constater
aujourd'hui. Serait-il donc sous la dépendance d'une
paralysie du moteur oculaire commun et réduirait-il à
néant la série d'arguments que je viens de vous pré-
senter ? Mais remarquez, je vous prie, que les autres
muscles de l'oeil sont épargnés et que ce ptosis est à
l'état d'isolément. Je sais bien que, quelque singulière
que paraisse tout d'abord cette dissociation, la para-
.ysie de la troisième paire peut en somme se borner au
muscle releveur de la paupière et que, quelque rare
que soit une pareille lésion, elle n'est pas impossible
organiquement. Mais alors la tuberculose- il ne faut
point songer ici à la syphilis serait-elle donc en
jeu ? Eh bien, non. Pour échapper à ce verdict, le mo-
ment est venu de vous montrer d'abord que, en dépit
des apparences contraires, cette jeune fille est hysté-
rique et de vous prouver ensuite que, chez elle, tout
relève de la névrose.
HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 335
Assurément nous n'avons trouvé ici, ni dans le passé
ni dans le présent, d'attaques convulsives d'hystérie
mais la malade nous a fait le récit de certaines « syn-
copes » qui, envisagées de très près, ne sont autre chose
que des attaques avortées. Ce n'est pas tout : elle pré-
sente encore des points douloureux, dans les régions
des lombes et des mamelles, dont la pression réveille
les phénomènes de l'aura; son champ visuel est rétréci
des deux côtés, et elle a de la diplopie monoculaire.
Voilà bien, ajoutés à l'hémianesthésie que je vous
signalais, il y a un instant, assez de stigmates, je pense,
pour affirmer que notre malade est hystérique et
dûment hystérique.
Sans doute le problème n'est pas pour cela complè- '
tement résolu. Il se pourrait assurément que l'hystérie
ne fût ici qu'un revêtement surajouté à une lésion orga-
nique ; on peut être hystérique et avoir un tubercule
dans la protubérance, d'où relèverait la paralysie de
la paupière, les paralysies du moteur oculaire com-
mun étant jusqu'ici inconnues dans la névrose ( ? ). Un
pareil raisonnement serait évidemment logique s'il y
avait ici paralysie de la paupière. Mais, s'il n'y a
pas paralysie, comment donc, m'objecterez-vous,
expliquer cette paupière tombante ? Eh bien, je crois
qu'il s'agit ici non de paralysie mais de spasme pur et
simple. Je sais bien que cette affirmation n'est pas
sans réplique et je reconnais avec vous que dans le
blépharospasme, qu'il soit tonique ou clonique, la
paupière d'habitude vibre quand on essaie de l'ouvrir,
qu'elle est fortement plissée par la contracture, animée
de frémissements convulsifs spontanés s'accentuant
lorsque le malade fait effort pour ouvrir son oeil et
336 CLINIQUE NERVEUSE.
que, quand on cherche à la relever de force, on trouve
une résistance plus ou moins considérable. Or tous ces
caractères du blépharospasme font ici défaut. Sou-
venez-vous cependant que ces caractères sont incons-
tants et que leur absence n'autorise nullement à rejeter
le diagnostic de spasme. Mais alors, médirez-vous, en
l'absence de ces caractères habituels, comment savoir
s'il s'agit d'un spasme ou d'une paralysie ? Question
délicate, s'il en fut, et difficile à résoudre. Interrogez
à ce sujet les oculistes, vous n'obtiendrez le plus sou-
vent qu'une réponse embarrassée et peu satisfaisante.
Laissez-moi vous rappeler, à ce propos, un fait qui me
revient à la mémoire. Il y a huit ans de cela, on m'a-
menait une jeune fille présentant depuis quelque temps
de violents maux de tête et une chute de la paupière.
Après avoir cherché sans pouvoir les découvrir les
stigmates officiels de l'hystérie, l'idée d'une lésion
organique pouvait venir à l'esprit. J'adressai cette ma-
lade à un oculiste très distingué qui me la renvoya
avec la note suivante : « Paralysie de la troisième paire,
un peu de décoloration de la papille. » Vous voyez d'ici
l'embarras du médecin chargé d'annoncer à la famille
un diagnostic et un pronostic de cet ordre. Fort heu-
reusement que je n'en fis rien; cet examen ophtalmos-
copique ne m'avait pas convaincu, et en me basant sur
l'état général, les antécédents, etc., je gardai par
devers moi cette idée que l'hystérie pouvait bien être
en cause. Et l'événement vint me donner raison :
quelque temps après cette jeune fille guérissait et de
son ptosis et de sa céphalalgie.
Ce n'est point pour vous mettre en garde contre les
défaillances possibles de l'oculistique que je vousrap-
. HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 337
pelle cesouvenir, c'est uniquement pour vous montrer
les difficultés du diagnostic entre le spasme et la para-
lysie de la paupière. Il serait vraiment utile, dans des
cas de ce genre, lorsque la paupière tombante n'offre
ni secousses ni résislance spéciale, de connaître un si-
gne qui permit d'établir ce diagnostic. Je sais bien
que le chloroforme serait décrétoire dans l'espèce,
mais c'est là un procédé qui n'est pas exempt de dan-
gers et auquel il n'est permis de recourir qu'en der-
nière ressource. D'autant que ce signe précieux et
désirable, ce caractère différentiel, je crois en vérité
que nous avons eu ces jours-ci l'heureuse fortune de le
découvrir. Examinez attentivement le visage de cette
jeune fille ; considérez le sourcil gauche, voyez comme
il est abaissé comparativement à celui du côté sain qui
occupe sa hauteur normale. Faites froncer les sourcils
à cette malade, vous verrez que cette asymétrie ne
disparaît point-elle s'accentue au contraire lorsqu'on
lui commande d'ouvrir les yeux démesurément et
vous constaterez en même temps que les plis transver-
saux du front sont beaucoup plus marqués du côté sain
que du côté intéressé. Et si maintenant vous y regardez
d'un peu plus près vous allez voir, au-dessus de ce
sourcil abaissé et vers son extrémité nasale, deux
ou trois plis verticaux dont l'un très apparent limite
en dedans une petite fossette arrondie- L'ensemble de
toutes ces contractions donne à la physionomie l'air
triste et chagrin que vous voyez.
Cet abaissement du sourcil du côté malade, nous l'a-
vons retrouvé, avec les mêmes caractères ', sur un certain
' Nouvelle Iconogr. de la Salpêtrière, 1889, p. 1 tO et 118.
Archives, t. XXI. ' il
338 CLINIQUE NERVEUSE. ,
nombre de photographies anciennes de blépharos-
pasme hystérique où il n'avait passé inaperçu que
parce que nous ne savions pas le voir. C'est là un signe
que je crois appelé à rendre de réels services dans
les cas où on hésite entre la nature spasmodique ou
paralytique de la chute de la paupière '.
Et, ce qui lui donne, Messieurs, une très grande
valeur, c'est qu'on ne le retrouve pas dans le ptosis
paralytique. Le hasard nous a amené, la semaine der-
nière, un tabétique avec chute complète de la paupière
due à une paralysie totale de la troisième paire. Or,
1 Ces jours derniers, M. le professeur Charcot demandait à M. le D'
Landolt s'il connaissait quelque caractère qui pût permettre, en l'absence
de signes habituels du blépharospasme, de diagnostiquer la nature spas-
modique ou paralytique d'un ptosis. M. Landolt lui répondait qu'il
avait cm remarquer un certain abaissement du sourcil dans les cas de
spasme palpébral.
Ptosis palpébral.
Dans la figure 27 (ptosis spasmodique), le sourcil gauche est plus abaissé que celui
du côté 1101111.11. Dans la figure 28 (ptosis paralytique), le souicil guuclie est plus élevé
que le sourcil (droit) du côte sain.
HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 339
chez cet homme, non seulement le sourcil n'était pas
abaissé du côté paralysé, mais il était encore notable-
ment plus élevé que du côté sain. En outre, les plis
verticaux du sourcilier, la petite fossette faisaient dé-
faut et les rides du frontal étaient plus accusées du
côté malade. Les deux schémas suivants vous donne-
ront par contraste une idée de la situation du sourcil
dans le spasme palpébral et dans la chute paralytique
de la paupière (fis. 27 et 28).
En l'absence des signes ordinaires du blépharo-
spasme, cet abaissement du sourcil accompagné des
autres caractères que je viens de vous montrer permet-
tra, je l'espère, d'établir l'origine véritable d'un ptosis.
Je ne parle pas ici des cas où il y a participation des
autres muscles de l'oeil; dans ces cas, l'origine paraly-
tique est évidente. Mais n'oubliez pas cependant que
le strabisme spasmodique peut se rencontrer dans
l'hystérie. Supposez-le associé au blépharospasme pré-
cédent et voyez, dans ce cas supposé mais possible,
quelle serait l'importance du caractère différentiel que
nous venons d'étudier. \
En définitive, nous pouvons, je crois, nous arrêter
chez notre malade au diagnostic de blépharospasme 1
tonique d'origine hystérique, A l'appui de cette affir-
mation, je puis encore vous faire valoir l'existence de
l'anesthésie de la cornée du côté intéressé. C'est là un
caractère que mon ancien chef de clinique, M. Gilles
de la Tourette', a parfaitement mis en évidence et qui
paraît particulier au blépharospasme hystérique'. Nous
' Gilles de la Tourelle - Superposition des troubles de la sensibilité
et des spasmes de la face et du cou chez les hystériques. [Nouvelle Ico-
nogr., 1889, p. 107.
340 CLINIQUE NERVEUSE.
sommes donc en possession de plus de signes qu'il
n'en faudrait pour asseoir notre diagnostic, mais il faut
^avouer que de prime abord la coexistence de symp-
tômes oculaires d'un côté, et de troubles moteurs des
membres du côté opposé, était si imprévue qu'elle fai-
sait naître dans l'esprit des déductions fâcheuses. Ac-
tuellement tous les nuages sont dissipés et nous pou-
vons affirmer que la guérison sera parfaite. Pour la
hâter cette guérison, nous appellerons à notre secours
l'hydrothérapie, l'électricité statique, les toniques, le
traitement moral, l'hypnotisme peut-être....; la gué-
rison se fera et ce sera la fin de cette longue histoire.
Vous voyez, Messieurs, quelle est en clinique gé-
nérale l'importance d'une connaissance approfondie
de l'hystérie et des diverses manifestations qu'elle peut
présenter pour simuler les lésions organiques ; vous
voyez quelle serait la situation d'un médecin qui, sur
la foi d'un diagnostic anatomique, eût ici déclaré
l'existence d'une lésion incurable, tandis qu'un autre
mieux avisé eût promis la guérison et t'eût obtenue.
Il ne me reste plus maintenant' qu'à vous mention-
ner le chapitre des antécédents héréditaires que je n'ai
pas voulu souligner en présence de cette malade. La
demoiselle que vous venez de voir est fille d'un réfugié
polonais, fort buveur et très alcoolique, paraît-il. L'al-
coolisme du père constitue le seul facteur névropa-
thique (du côté paternel) que nous ayons pu retrouver,
cette malade n'ayant pu nous donner aucun rensei-
gnement sur la branche paternelle de sa famille qui
vit en Pologne et qu'elle ne connaît pas. Cette tare du
1 La jeune fille venait de quitter la salle du cours.
HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 341
père nous suffirait à la rigueur, car vous n'ignorez
pas que l'alcool est un agent hystérogène de premier
ordre. Mais vous allez voir que, du côté maternel,
nous sommes en pleine névropathie : accidents hysté-
riformes chez la mère et chez une soeur de cette jeune
fille, vésanie chez ses grands parents. Son grand-père
en effet a été à deux reprises différentes enfermé raz
Bicêtre et à Charenton; il s'évada un beau jour, dis-
parut et, depuis vingt ans, on ignore ce qu'il est de-
venu. Sa grand'mère enfin est atteinte déjà depuis
longtemps de folie à double forme.
Voilà bien un tableau complet d'hérédité conver-
gente, et certes, notre malade peut jusqu'ici s'estimer ,
heureuse, avec des antécédents pareils, du lot relati-
vement bénin qui lui a été réservé. Cette recherche
des antécédents héréditaires vous a montré qu'une
manifestation hystérique n'est d'ordinaire qu'un épi-
sode, isolé en apparence, mais relié en vérité à d'autres
accidents névropathiques par les liens de l'hérédité et
que, en somme, dans l'hystérie on ne connaît rien ou
presque rien quand on ne connaît qu'un épisode. Dans
le cas présent, ces données héréditaires constituent un
argument de plus, qui viendrait, s'il en était besoin,
plaider en faveur de notre diagnostic.
Voici les détails de l'observation qui a servi de
thème à la leçon de M. le professeur Charcot :
OBSERVATION, - 1 ... Nov ? ka, âgée de dix-huit ans, fleuriste, vient
à la consultation du mardi, le 18 février 1891.
Antécédents héréditaires. La mère de la malade soutire de-
puis longtemps de « crises gastralgirlues e qui s'accompagnent de
342 CLINIQUE NERVEUSE.
sensation de strangulation et d'étouffement, durent deux heures
environ et se calment sous l'influence d'un peu d'éther. Jadis très
rapprochées (deux à trois par semaine), elles sont aujourd'hui
beaucoup plus rares. Le père est un émigré polonais qui, parait-il,
n'a jamais été malade. C'est un grand buveur qui boit beaucoup
d'absinthe, de cognac, etc., sans jamais se griser, et qui a des pi-
tuites matinales, des cauchemars nocturnes et des douleurs dans
l'hypochondre droit. Notre malade appartient à une famille de qua-
tre enfants dont l'un est mort en bas âge de rougeole ; un autre
âgé de onze ans a été amputé de la cuisse pour une tumeurblanche
du genou; l'aînée, jeune fille de dix-neuf ans, est chétive, délicate,
elle a eu des convulsions dans son enfance, et reste aujourd'hui
très émotionnable, très nerveuse.
Du côté des grands-parents, dans la branche paternelle, les ren-
seignements sont coupés, ceux-ci vivant en Pologne et étant incon-
nus de la malade. Dans la branche maternelle, l'hérédité névropa-
thique est très chargée : la grand'mère a été soignée autrefois pour
de la mélancolie ; elle est aujourd'hui atteinte de folie circulaire
(six mois d'excitation et six mois de dépression, dans le courant de
l'année). Le grand-père a été enfermé à deux reprises différentes,
la première fois à Charenton, la seconde à Bicêtre. Un jour de sor-
tie, il s'est échappé et depuis vingt ans on ne sait pas ce qu'il est
devenu. Quant aux collatéraux, oncles, tantes, cousins, etc., les
renseignements sont encore coupés du côté paternel ; du côté ma-
ternel, il n'y aurait rien de nerveux ou de mental.
Antécédents personnels. Lu' ..... est née à Paris; elle a eu dans
sa première enfance la rougeole et la variole sous une forme béni-
gne. A sept ans, elle a commencé à fréquenter l'école qu'elle a dû
cesser plus tard vers douze ans. A dix ans, première menstruation ;
depuis lors, règles assez régulières quoique peu colorées et peu
abondantes.
Début de la maladie actuelle. Vers l'âge de douze ou treize ans,
sa santé commence à s'altérer : épistaxis fréquentes et très abon-
dantes ; migraines caractérisées par une douleur frontale (sus-orbi-
taire), débutant à n'importe quelle heure de la journée, accompa-
gnées de vomissements et durant une journée entière. Ces migrai-
nes sans visions colorées revenaient à des intervalles variables, de
préférence à l'époque menstruelle. Outre ces migraines, la malade
présentait encore des douleurs assez singulières de la face qui s'ac-
cusaient quand elle baissait la tête, dit-elle, et un oedème du visage
très visible le matin au réveil et disparaissant dans la journée.
Enfin elle avait ce qu'elle appelle des a syncopes ». Ces syncopes
étaient très fréquentes (plusieurs fois dans le jour), duraient un
quart d'heure, une demi-heure, sans aller d'ordinaire jusqu'à la
perte de connaissance. Elles étaient précédées d'une sensation dou-
loureuse à l'épigastre, de palpitations, de bourdonnements dans
HYSTÉRIE SIMULATRICE DU SYNDROME DE WEBER. 343
les oreilles, d'éblouissements devant les yeux, puis survenait très
souvent une sensation de strangulation au cou et alors elle pâlissait
et se « trouvait mal », sans convulsions d'aucune sorte. On la met-
tait immédiatement sur son lit, mais, dès qu'elle se levait, ces phé-
nomènes avaient l'habitude de se reproduire avec des caractères
identiques. Toutes ces diverses manifestations se sont répétées depuis
le début, à des époques variables, plus ou moins intenses, et, ac-
tuellement encore, elles se montrent de temps il autre. Elles avaient
amené une altération marquée de l'état général et l'empêchaient
de se livrer à toute occupation suivie.
C'est au milieu de tous ces accidents, il y a cinq ou six ans, que
se produisit la chute de la paupière supérieure gauche. Ce ptosis
apparu', sans cause connue et peu à peu ; depuis cette époque, il n'a
jamais cessé, mais il est plus ou moins accusé suivant les jours.
Deux ans après, il y a par conséquent quatre au apparut sans
raison appréciable et insensiblement une hémiparésie du coté droit
accompagnée de phénomènes douloureux du même côté.
Un an après, en 1888, au mois de juillet, ces douleurs se trans-
formèrent en hyperesthésie exquise, localisée surtout au niveau des
articulations du coude, de l'épaule, du talon. Cette arthralgie dans
les articulations du côté droit était excessivement vive et fut consi-
dérée comme de nature rhumatismale ; il y aurait eu fièvre ( ? ) mais
pas de gonflement ni de rougeur. Au bout de huit jours, la parésie
fut transformée en hémiplégie droite complète et avec contracture.
Tout mouvement était impossible ; l'avant-bras était fléchi presque
à angle droit sur le bras et ne pouvait être étendu; la jambe était
en extension sur la cuisse et ne pouvait être fléchie. La face était
respectée. Cette hémiplégie motrice se serait accompagnée de perte
de la sensibilité. On aurait piqué la malade du côté droit sansqu'elle
le sentit ; sa mère et elle-même affirment que les courants élec-
triques et les pointes de feu qu'on appliquait sur la face externe du
membre inférieur (on y voit aujourd'hui de nombreuses cicatrices)
ne réveillaient aucune espèce de douleur; il y aurait donc eu
hé nu anesthésie douloureuse, car les douleurs subjectives persis-
taient toujours.
Cette hémiplégie a duré pendant dix mois sans amélioration ;
durant dix mois la malade est restée au lit sans pouvoir faire aucun
mouvement du côté droit, toujours tourmentée par son hémi-
hyperesthésie. Elle avait en outre un point très douloureux dans la
région sacro-lombaire, sur la ligne rachidienne. Au bout de ce
temps, la mobilité revint graduellement, d'abord dans le membre
supérieur, mais très lentement, et deux mois après seulement elle
put faire quelques pas hors de sa chambre. Elle « traînait » la
jambe encore en octobre 1889. Lorsqu'on lui dit de montrer com-
ment elle marchait à cette époque, elle mime assez bien la démar-
che des hémiplégiques hystériques (démarche de Todd).
344 CLINIQUE NERVEUSE.
Pendant cette longue période hémiplégique (deux ans), elle
présentait toujours les malaises divers que nous avons signalés
précédemment. Aussi dès qu'elle put marcher, l'envoya-t-on pour
se refaire à la campagne, à la Celle-Saint-Cloud. Elle en revint en
novembre 1889 un peu mieux portante. Mais les malaises repa-
rurent dès son arrivée à Paris et elle fut renvoyée par son médecin
à la campagne. C'était au mois de mai 1890. A cette époque, l'hémi-
plégie était complètement guérie, absolument comme aujourd'hui,
mais le ptosis n'avait pas bougé. Elle rentra dans sa famille, en
novembre 1890, avec un état général satisfaisant. Cependant elle
avait et a toujours encore quelque chose : un jour des migraines,
e lendemain des douleurs dans les reins, etc. Elle a depuis consulté
divers médecins et subi des traitements variés : électrisation, pointes
de feu le long du rachis, iodure de potassium, etc., et tout cela
sans amélioration.
Jamais elle n'auraiteu de crises convulsives. '
Etat actuel. - Jeune fille de taille moyenne, d'apparence vigou-
reuse et forte. L'état général eslbon, les digestions faciles, mais elle a
peu d'appétit. Les divers viscères sont sains; les urines ne renferment
ni sucre ni albumine. De temps en temps, elle se plaint de douleurs
dans les membres du côté droit, de migraines, de < : syncopes t.
La motilité dans le côté droit du corps est redevenue normale
ainsi que la force musculaire; les réflexes sont normaux et égaux
des deux côtés. Pas d'atrophie musculaire.
La sensibilité générale est abolie dans tout le côté droit. Cette
hémianeslhésie respecte la face et la tête; elle est complète et
totale dans le reste du corps pour tous les modes de sensi-
bilité (contact, douleur, température). Pas d'anesthésie pharyn-
gée. La sensibilité conjonctivale et corezérazze est abolie à gauche,
quoique les réflexes s'y produisent ; à droite elle est normale. Les
deux paupières et leurs bords sont également sensibles des deux côtés.
Il existe en outre cinq zones douloureuses : deux ovariennes, deux
sus-mammaires en des points symétriques et une médiane dans la
région lombaire; la pression au niveau de ces zones réveille les
phénomènes de l'aura sans provoquer d'attaque convulsive.
Au point de vue sensoriel, le goût, l'odorat, l'ouïe, ne sont tou-
chés d'aucun côté. L'examen des yeux, pratiqué le 17 février par
M. Pai inaud, donne les résultats suivants « 1° OEil gauche. -
Champ visuel rétréci à 55°; pas de dyschromatopsie. V = ? Pas
de lésions du fond de l'oeil. Contracture de l'accommodation; un
peu de diplopie monoculaire. 2° OEil droit. Champ visuel légè-
rement rétréci à 80° ; contracture de l'accommodation. - 3° Ptosis
de l'oeil gauche : la paupière couvre la moitié do la pupille.-4° Les
pupilles sont égales et réagissent normalement; les mouvements
des yeux sont normaux ; pas de diplopie, même avec l'emploi du
verre coloré. »
HYSTÉRIE simulatrice DU syndrome DE WEBER. 1t5
Ce qui frappe tout d'abord chez cette jeune fille, c'est le ptosis
de la paupière gauche et l'asymétrie des sourcils. Ce ptosis est,
parait-il, plus ou moins marqué suivant les jours; parfois l'ouver-
ture palpébrale est réduite, suivant sa propre expression, « aune
petite fente ». La commissure labiale n'est pas déviée et la
langue est tirée droite.- La paupière gauche n'est pas plus plissée
que celle du côté sain; on n'y voit aucune secousse convulsive et
la palpation n'y décèle aucune augmentation de résistance. Lors-
qu'on ordonne à la malade de fermer les yeux, elle le fait facile-
ment et avec énergie. Si on lui commande d'ouvrir ses paupières,
elle relève normalement celle du côté droit : la gauche reste im-
mobile ainsi que le sourcil correspondant, de telle sorte que l'asy-
métrie sourcilière s'accuse encore davantage. Dans ce mouvement
d'élévation volontaire des paupières, le frontal du côté sain fonc-
tionne plus énergiquement que son homonyme du côté malade,
de telle manière que la peau du front se ride transversalement à
droite, tandis qu'elle reste à peu près lisse et unie du côté gauche-
A l'état de repos, la peau du front n'est ridée ni d'un coté ni de
l'autre.
Le sourcil gauche est notablement abaissé ; il est dans toute sa
longueur situé à peu près sur la même ligue transversale au lieu de
décrire l'arc normal que décrit le sourcil droit. Au-dessus de ce
sourcil gauche, se voit très nettement sous une certaine incidence
une petite fossette située à huit millimètres environ au-dessus de
la ligne sourcilière et limitée en dedans par un pli vertical. Ce pli
vertical parallèle à deux ou trois autres plis moins saillants est
situé à deux centimètres à gauche de la ligne médiane du front.
Cet abaissement du sourcil, cette fossette sus-sourcilière et ces
plis verticaux qui semblent dus à une contracture du muscle
sourciller, contrastent étrangement avec l'état normal du côté
droit. Joints à la chute de la paupière, ils donnent à la physio-
nomie une expression de tristesse et de souffrance. Le reste du
visage est symétrique.
L'examen électrique pratiqué par M. Vigouroux n'a révélé aucune
anomalie de réaction.
PATHOLOGIE NERVEUSE
DE L'INFLUENCE DES EXCITATIONS DES ORGANES DES SENS
SUR LES HALLUCINATIONS DE LA PHASE PASSIONNELLE DE
L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE; .
Par Georges GUINON, chef de clinique des maladies nerveuses,
et SOPHIE WOLTKE (d'Odessa), docteur en médecine.
On sait que les attitudes passionnelles qui caracté-
risent, dans la nomenclature établie par M. Charcot,
la troisième phase de l'attaque hystéro-épileptique,
sont commandées en général par des hallucinations,
le plus souvent visuelles. On sait aussi que cette
troisième période de l'attaque peut dans certains cas
prendre un développement considérable aux dépens
des autres phases et même quelquefois s'isoler presque
complètement pour constituer le délire hystérique ou
le somnambulisme hystérique.
Différents auteurs avaient déjà signalé la possibilité
de modifier ce délire à l'aide de certaines suggestions.
Le premier, M. Mesnet, dans deux mémoires où il rela-
tait l'histoire de deux malades atteints de somnam-
bulisme, avait remarqué ce fait. Bien qu'il n'ait pas
rattaché le délire de ses malades à l'hystérie elle-même,
attendu qu'à cette époque (1860 et 1874) on considé-
rait encore le somnambulisme comme une névrose à
part, il a noté avec soin les caractères de ce délire,
qui devaient être dans la suite vérifiés par d'autres
DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 347
observateurs'. Mais un point nous intéresse surtoutau
point de vue des recherches que nous avons entre-
prises. Il avait vu, en effet, que chez ses deux malades
et en particulier chez le second, on pouvait jusqu'à un
certain point, sinon diriger le délire, du moins en modi-
fier la marche par des procédés divers. M. Mesnet
avait bien noté à quel point le malade dans cette
sorte de délire est concentré en lui-même. Il s'é-
tait aperçu qu'on ne pouvait entrer en communica-
tion avec lui qu'en s'incorporant pour ainsi dire dans
ses conceptions délirantes. Pour arriver à ce but, il
essaya tous les moyens et s'aperçut que chez l'un de
ses malades, en s'adressant au sens du toucher en
particulier, on arrivait à modifier ses hallucinations,
mais sans leur donner telle ou telle direction subor-
donnée à la volonté de l'opérateur. Le patient arran-
geait à sa guise l'impression perçue. Synthétisant pour
ainsi dire les nombreux exemples qu'il donne dans le
cours de son travail, M. Mesnet pouvait dire en par-
lant du sujet de son second mémoire : « On peut l'in-
fluencer, changer son rêve, lui donner une autre direc-
tion ; on peut, en piquant légèrement la peau avec
une épingle, lui faire rêver duel; on peut, en éclairant
sa chambre, lui faire rêver flammes, incendie;
l'action cérébrale provoquée chez lui est toujours en
rapport avec le sens sur lequel l'excitation aura été
portée. »
Ces quelques lignes contiennent en germe tous les
détails des recherches que nous avons entreprises à ce
1 Mesnet. Etude sur le somnambulisme envisagé au point de vue
pathologique. (Arch, gén, rie méd, 1860,1, 1, 1). 147.)-De l'automatisme de
la mémoire et du souvenir dans le somnambulisme pathologique. (Union
médicale, 21 et 23 juillet 1874.)
348 PATHOLOGIE NERVEUSE.
sujet dans le délire de la phase passionnelle de l'attaque
hystérique. Depuis les travaux de M. Mesnet, M. Pitres
(de Bordeaux) avait également signalé la possibilité de
donner des suggestions dans la phase passionnelle de
l'attaque d'hystérie, mais sans insister sur les carac-
tère spéciaux de ces suggestions'. Enfin M. le professeur
Charcot, faisant allusion aux cas de M. Pitres affirmait
que ce fait n'est pas très rare dans la phase des atti-
tudes passionnelles de l'attaque2.
Mais toutes les recherches faites jusqu'aujourd'hui
dans cet ordre d'idées, ne reposaient que sur des faits
isolés et n'avaient point été dirigées méthodiquement.
Les choses en étaient à ce point, lorsque M. le Dr Mot-
choutkowsky (d'Odessa) eut à son tour l'idée d'impres-
sionner les sens dans la phase des attitudes passionnelles
et s'aperçut que, par ce procédé, il pouvait influencer
le délire du sujet, le diriger jusqu'à un certain point et
y ajouter des tableaux nouveaux. Il commença aussitôt
avec l'un de nous des recherches méthodiques chez un
malade de son service, qui présentait une phase
passionnelle prolongée. Le résultat en a été publié en
résumé par M. Ségl, mais, paraît-il, sans l'autorisation
de leur véritable auteur 3. Nous donnons ici l'histoire
de ce malade, dont l'observation nous a conduits à
faire de plus complètes investigations, dans le sens de
l'idée de M. Motchoutkowsky, dans ce vaste champ
d'expériences qu'est la Salpêtrière.
1 Pitres. Des zones hystérogènes et hypnogènes; des attaques de
sommeil. Bordeaux, 1885.
' Charcot,. -Leçons du mardi, t. II, p. 326.
' Ségal. - Des hallucinations sous l'influence des excitations des
organes des sens dans les accès hystéro-epileptiques. (met, Obozr.
XXXIII.)
DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 349
Le nommé Constant..., juif de religion, âgé de cinquante-sept
ans, ouvrier, soldat libéré, entre à l'hôpital de la ville à Odessa,
le 22 janvier 1887. Pendant son service militaire il avait été musi-
cien. Il entre à l'hôpital pour de la toux et des étourdissements et
en l'auscultant ou trouve un souffle au sommet droit et des râles
sibilants dans tout le poumon. Rien au coeur, les bruits sont seu-
lement un peu sourds. La température axillaire est normale. Pouls
84. Appétit mauvais, constipation, douleurs dans le ventre.
Dans la suite survinrent des maux de tête et des douleurs
dans les extrémités, surtout à la jambe gauche, tellement violentes,
qu'elles empêchaient le malade de dormir.
Le 8 mars, il est transféré dans le service de 11. le Dr Vior-
cuoutkowsky et l'examen donne les résultats suivants :
C'est un homme de taille moyenne, bien bâti ; le pannicule
adipeux sous-cutané est assez bien développé. Les antécédents
héréditaires ne sont point connus. Pas de syphilis.
La démarche est celle d'un parétique. Les réflexes rotuliens sont
exagérés. La sensibilité cutanée est diminuée sur la presque tota-
lité du corps, sauf quelques points sur la poitrine, la face et la
tête.
Le 8 avril, en examinant le réflexe rotulien, on provoque une
attaque de nerfs qui commence par des mouvements épileptoïdes,
et continue par des grands mouvements désordonnés, arc de
cercle caractéristique, etc. Depuis cette époque, les mêmes atta-
ques se reproduisent presque tous les jours. Le malade ne peut
presque plus marcher à cause de douleurs dans les genoux, qu'il
ne peut fléchir. Les muscles des jambes sont contractures. Cette
contracture qui s'étend aux membres supérieurs persiste quelque
temps après l'attaque et résiste aux frictions et au massage. Les
douleurs de têtes sont très violentes. Il existe une insomnie opi-
niâtre.
Il existe un certain degré de dysurie et quelquefois on est
obligé de recourir aucathétérisme pour vider la vessie.
Les attaques peuvent se produire avec un aimant, l'examen des
réflexes palellaires, par des attouchements sur le vertex, par la
pression dans la région do la fosse iliaque des deux côtés. Au
début, on pouvait presque toujours les arrêter par une suggestion
énergique, mais seulement au moment où l'attaque commençait.
Chaque attaque est précédée d'une aura gastrique (boule qui re-
monte de l'estomac à la gorge).
Au début, l'attaque ne s'accompagnait pas d'attitudes passion-
nelles. Mais vers le 15 juin, on remarque qu'à la fin de chaque
crise survient une période d'hallucinations avec délire. Le sujet de
ce délire est toujours l'histoire de sa vie pendant son service mili-
taire ; il mime des scènes de knout. Il voit aussi son père, mort
aujourd'hui. Après son attaque il ne conserve aucun souvenir de
380 PATHOLOGIE nerveuse.
ses hallucinations, mais quand on le presse fortement, il les
raconte quelquefois.
Ouïe abolie à droite. Goût aboli presque totalement.
Odorat complètement perdu. L'anesthésie cutanée est telle que
nous l'avons décrite plus haut.
Relation des expériences instituées en novembre 1889, pendant la
phase passionnelle de l'attaque. En plaçant un verre vert devant
les yeux du malade, il sourit, puis se met à rire.
Verre bleu. - Hallucination donnant lieu à des mouvements de
tremblement dans tous les membres. Il crie, il pleure, il grince
des dents.
Verre orange. - Le malade parle indistinctement; il veut se
lever de son lit, tourne sa tête comme s'il fixait une personne ou
un objet.
Verre rouge. Il se lève effrayé et cherche à s'enfuir... L'attaque
survient qui clôt la scène.
Deuxième expérience. - Verre rouge. Le placement des divers
verres devant les yeux du malade à l'état normal ne produit pas
l'attaque et ne provoque aucune hallucination. Le verre rouge au
contraire, provoque instantanément une attaque du genre de
celles que nous avons décrites plus haut.
Sens de l'ouïe. - Diapason ci l'oreille droite. Hallucination très
agréable. Il salue, donne une poignée de mains, il rit, chuchote.
On note quelques mouvements du pavillon de l'oreille. A l'oreille
gauche, il ferme les poings et fait des mouvements d'escrime du
sabre. Transporté à l'oreille droite, de nouveau l'hallucination
précédente se reproduit.
Bruit de tambour. Il fait des mouvements comme s'il tenait un
fusil, arme, met en joue.
Orgue de Barbarie. - Chuchottements, il se met à danser et à
fredonner des airs.
A ce moment, le malade fatigué, couvert d'une sueur abondante
retourne à son lit.
Sens du goût. Sulfate de quinine. Il se jette de côté, parlant
tout bas à quelqu'un, fronçant Jes sourcils. Sa physionomie ex-
prime le dégoût, et il est pris de nausées. Le tout se termine par
un tremblement généralisé.
Sel de cuisine. - Sa face exprime le dégoût.
Acide chlorhydrique, Il est pris de tics de la joue droite
(l'acide avait été placé sur la moitié droite de lalangue). Il fait une
grimace en grinçant des dents.
Dans une seconde série d'expériences, quelques différences se
sont produites : le verre bleu amenait une expression de sévérité
sur la figure. Le verre vert provoque une expression de frayeur
et le malade cherche à s'enfuir. Le verre violet amène une séda-
DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 381
tion considérable, il fixe un point avec attention, remue les lèvres
et semble en prières.
Camphre. - Il devient rouge. Il fixe quelqu'un et veut se lever
de son lit où on le maintient de force.
Tabac. Il se lève de son lit, le regard fixe, mais se recouche.
Sa figure exprime la frayeur. Puis il pleure, tire sa langue ; la
face est animée de petits mouvements.
Le lendemain de cette seconde série d'expériences, on suggère
au malade pendant la période hallucinatoire de l'attaque, de
raconter les tableaux qui se sont déroulés devant ses yeux pen-
dant les expériences des jours précédents, et cela seulement le
lendemain matin. Il obéit en effet à cette suggestion, et, au jour
commandé, il raconte les histoires suivantes :
c Le matin, par un grand soleil, il était à l'exercice militaire.
sur un champ couvert de gazon. Les mouvements étaient exécutés
au commandement du tambour. C'étaient des uhlans eu uniforme
bleu, à brandebourgs oranges et jaunes. Il y avait aussi des hus-
sards rouges à galons jaunes. Il tirait des coups de fusil dans une
cible, mettait dans le noir et gagnait le prix, une chaîne et une
montre. Après cet exercice, on a distribué du vin; mais en y
goûtant, il s'aperçut que c'était du porter, qu'il a reconnu à son
goût amer et qui a provoqué chez lui une affreuse grimace dont ses
amis ont ri. Puis la troupe s'est mise en marche en chantant.
Plus tard la musique a joué et à ce moment il s'est mis à
danser. »
Le mois suivant, les mêmes expériences furent reprises et don-
nèrent les résultats suivants :
Odorat. Camphre. Hallucination effrayante. Il cherche quel-
qu'un, incline la tête. Puis sa figure manifeste le contentement, il
semble embrasser quelqu'un. Enfin il se défend contre un en-
nemi.
Verre bleu. Il se précipitesur quelqu'un. Ses poings sont serrés...
Puis il se croit à cheval, tire sur la bride comme pour arrêter sa
monture. Il crie.
Verre rouge. fixe quelqu'un, fait le salut militaire en disant :
« Zdravia zielaem 1 ! »
Verre vert. - Il quitte son lit, fait quelques mouvements des
lèvres, incline la tête et chuchote plusieurs fois le mot : i Oui. »
Verre oranges Il se jette sur quelqu'un et fait des mouvements
de jambe et de main comme s'il était à cheval. (Les hussards en
Russie ont des brandebourgs oranges.)
Goût. - Sucre. 11 sourit, semble content. Il salue quelqu'un, rit
et danse.
'Ilots russes qui signifient portez-vous bien », et que les soldats disent
en faisant le salut militaire, lorsqu'ils rencontrent un officier.
382 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Sulfate de quinine.-Il cherche, fait un geste de menace avec le
poing.
Sensibilité cutanée Vase plein d'eau chaude placé sur la cuisse
droite. Il fait le geste de se laver la figure et le corps, puis se
peigner, se fustiger le corps avec des verges (habitude populaire
russe après le bain). Puis, il fait de grandes inspirations comme
s'il avait chaud et éprouvait un grand bien-être. Il fait le geste de
s'éventer avec sa chemise. Le corps était complètement rouge et
la sueur perlait sur la peau.
Compresse d'eau froide sur la tête. -Il fait le geste de se laver de
nouveau, mais commence à avoir des frissons, claque des dents.
Puis il sourit, croise ses bras, fait la planche et exécute des mou-
vements de natation. Puis il prend la couverture et s'en enveloppe.
Enfin, il poite la main à sa bouche comme s'il mangeait, fait
marcher ses mâchoires, fait le geste de remuer du sucre dans une
tasse de thé, et recommence à manger. Puis, il se remet au lit en
donnant des signes de fatigue.
Essence de térébenthine.- II fixe quelqu'un, fait le mouvement de
tirer des cartouches de sa giberne, se met à l'affût et tire un coup
de fusil, puis ramasse quelque chose, comme s'il avait tué quelque
animal.
Ouïe. Sonnette. Il est agité, se fâche, fait des mouvements
comme s'il était à cheval au galop, il crie. (En Russie, les chevaux
de cavalerie ont des sonnettes au cou.)
Cette fois, le contrôle des hallucinations par le récit ultéiieur
suggéré n'est pas intervenu. La suggestion a été faite, mais le ma-
lade n'y a pas obéi.
Le 9 décembre, on reprend de nouveau :
Eau-de-vie sous le ne ? -11 tortille sa moustache; il fixe quelque
chose, se met au port d'armes. Il cherche à courir.
Poix liquide sous Le zze ? 11 regarde en haut, et fait très nettement
le geste de jouer aux cartes, chuchote ou dit en souriant : « Oui !
oui ! " Puis il crie, se dispute, montre le poing, finit par se battre
avec son partenaire imaginaire.
Oignon sous le nez. -Il fait le geste de déboucher une bouteille
avec un tire-bouchon '. Puis boit.
Verre rouge. - Il fait le mouvement d'enflammer une allumette,
allume une bougie, puis jette l'allumette.
Verre vert. - Il cueille des fleurs, sourit, salue quelqu'un, puis
fait le geste de semer du grain.
Verre bleu. Même hallucination et mêmes gestes que dans
l'expérience précédente avec le vert bleu. (Voir plus naut.)
' En Russie, le peuple en buvant de l'eau-de-vie, mange souvent du
pain frotté d'oignon.
DES hallucinations DE l'attaque hystérique. 333
Après ces expériences, le malade se couche - Son pouls est fré-
quent et il a quelques battements de coeur.
Verre orange. Sa figure exprime la pitié et se jette hors de son
lit, en exprimant par sa mimique qu'il éprouve de violentes
douleurs.
Verre bleu de nouveau. -Il Il fait des mouvements d'escrime du
sabre.
Le lendemain matin, le malade fait le récit suivant qui lui a été
commandé par suggestion :
« Le caporal lui a ordonné d'aller chercher du foin. Il a com-
mencé à le ramasser. Puis, il a vu un enterrement. Dans cet en-
terrement il y avait beaucoup de soldats, des uhlans, avec leur
uniforme bleu, des hussards jaunes, des fantassins en bleu, à pas-
sementerie noire. Il l'ut alors placé en faction et se mit au port
d'armes pour saluer l'enterrement. Puis il était ordonnance d'un
commandant. Une fois, quand celui-ci est venu, il faisait nuit ; il l'a
grondé, et il a allumé les lampes. Mais tout de même le com-
mandant l'a condamné au knout, et il a beaucoup crié. - Une
autre fois, il arrachait des pommes de terre et de l'herbe. Puis, il
a dîné avec les soldats, on lui a envoyé chercher du vin à la cave.
Il a bu beaucoup à la cave, et s'est grisé ; on l'a trouvé là, et il a
reçu une forte réprimande ».
Telles sont les expériences qui ont été instituées
chez Const.... Si on veut bien maintenant se reporter
d'une part aux détails des expériences et d'autre part
aux deux récits faits par le malade, on voit qu'il nous
raconte d'une façon à peu près rationnelle l'histoire
de ses hallucinations qu'il n'avait manifestées exté-
rieurement pendant chaque attaque que par une mi-
mique assez animée.
Dans son premier récit, le champ de manoeuvre
couvert de gazon, au grand soleil, correspond vrai-
semblablement aux hallucinations provoquées par les
verres vert et bleu. La description des uniformes des
uhlans brandebourgs oranges et jaunes, des hussards
rouges à galons jaunes, répond à l'application des
verres orange et rouge. Les mouvements qui s'exé-
cutent au son du tambour, ce sont ses exercices avec N
Archives, t. XXI. 23
334 -lit PATHOLOGIE NERVEUSE.
le fusil et le sabre qu'il a mimés lorsqu'on lui a joué
du tambour ou placé un diapason à l'oreille gauche.
Le tir à la cible et le prix qu'il obtient sont repré-
sentés par la mimique joyeuse déterminée par l'appli-
cation du diapason à droite. Le sulfate de quinine placé
sur la langue a provoqué une grimace qu'explique
son dégoût pour le porter que l'on avait, dans son
récit, substitué à son vin. Enfin à la danse qu'a pro-
voquée chez lui l'audition de l'orgue de Barbarie pen-
dant l'attaque répond la partie correspondante de
son récit.
Ainsi qu'on l'a vu, il n'a pas obéi à la seconde sug-
gestion et ne nous a pas raconté les deux scènes des
ablutions tièdes et du bain froid qu'il avait si parfai-
tement mimées. Mais dans son second récit, bien qu'un
peu moins nettement que dans le premier, on retrouve
encore de quoi expliquer ses gestes. Le port d'armes
qu'il a exécuté quand on lui a mis l'eau-de-vie sous le
nez répond à l'enterrement où il est en faction et où il
salue de son arme. Les divers uniformes des m ! d;¡l;;
présents à cet enterrement, correspondent aux dcis s
verres colorés. Quand il disait être ordonnance d'un
commandant qui, rentré tard, l'avait trouvé en faute,
et après lui avoir fait allumer la lampe, l'avait con-
damné au knout, il rendait un compte fort exact des
gestes d'allumer une bougie et de se coucher avec
l'air de souffrir beaucoup, qu'il avait exécutés avec
les verres rouge et orange. Ce que nous avons pris
pour cueillir des fleurs, avec le verre vert, c'était
arracher des pommes de terre. Enfin il nous parlait
d'aller chercher du vin à la cave, ce qui correspond
évidemment aux gestes de déboucher une bouteille
DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 333
et de boire qu'il avait faits lorsqu'on lui mettait de
l'oignon sous le nez.
De cette observation, bien qu'un peu incomplète en
ce sens que le malade ne parlait pas pendant qu'on
lui donnait des hallucinations par l'excitation des
sens, on peut cependant déduire quelques considé-
rations assez intéressantes. L'action des impressions
sensorielles est évidente, elle modifie la marche du
délire et ajoute des tableaux nouveaux à ceux que le
malade voyait spontanément pendant la phase pas-
sionnelle de l'attaque. Il est certain que toutes ces
hallucinations nouvelles ne sont pas toutes aussi nettes
et aussi déterminées les unes que les autres pour cha-
que impression sensorielle. On a vu que la même
impression ne produisait pas dans deux expériences
différentes toujours la même mimique. Cela est dû
peut-être à ce que cet homme, ouvrier grossier, dans
l'esprit duquel les scènes de la vie militaire avaient
laissé une impression plus profonde que tout le reste,
était moins sensible aux excitations un peu délicates
et que les hallucinations provoquées par celles-ci lui
étaient moins vives. Au contraire, en présence d'im-
pressions simples comme le contact de l'eau chaude
ou de l'eau froide, nous le voyons sous l'empire d'hal-
lucinations d'une netteté et d'une fixité remarquables.
Nous faisons allusion ici aux scènes des ablutions et
du bain froid dans lequel il s'ébattait en nageant,
scènes si merveilleusement mimées, produites évi-
demment par les impressions simples, assez in-
tenses pour donner naissance à un tableau de longue
durée. Quoi qu'il en soit, la modification apportée au
délire par les excitations sensorielles était évidente,
3j6 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ainsi que l'impossibilité dûment constatée de diriger
ce délire suivant la volonté de l'opérateur, le malade
interprétant à sa manière chaque sensation perçue.
Lorsque l'un de nous vint à Paris, muni de cette
observation et rendit compte à l'autre des résultats
nouveaux qu'elle contenait, nous vîmes tout de suite
combien il serait intéressant de poursuivre ces re-
cherches sur les nombreux malades qui étaient à
notre disposition à la Salpêtrière. Nous pouvions tout
d'abord contrôler les résultats obtenus chez le premier
sujet et combler ensuite les lacunes qui existaient
dans son observation, dont nous signalions à l'instant
les points faibles ou défectueux.
Nos premières investigations ont porté sur une jeune fille de
vingt-quatre ans, la nommée Schey... (Pauline). Cette malade est
depuis quatre ans dans le service de M. le professeur Charcot. C'est
une hystérique typique avec tous les stigmates permanents. hémi-
anesthésie sensitivo-sensorielle droite complète, double rétrécisse-
ment du champ visuel, point hystérogène au vertex, hystéro-phré-
nateurs dans les deux régions ovariennes. Elle a eu autrefois des
attaques de chorée rhythmée hystérique et à plusieurs reprises
des attaques de délire dont l'une en particulier a duré dix jours.
Elle a de plus des attaques d'hystérie classique avec période epi-
leploide, phase des grands mouvements et arcs de cercle, altitudes
passionnelles. Cette période des attitudes passionnelles est chez
elle développée au point qu'elle prédomine notablement sur les
deux autres phases. Elle dmerait à chaque attaque jusqu'à une et
deux heures, ainsi que nous l'avons plus d'une fois constaté, si, en
général, on ne l'arrêtait, soit par des inhalations d'éther, soit par
l'application du compresseur de l'ovaire.
La malade étant hypnotisable, nous profitons de cette circons-
tance pour provoquer l'attaque hystérique, en lui suggérant dans
la période somnambulique qu'elle va avoir une crise. Une fois
qu'elle a atteint la phase des attitudes passionnelles, nous la lais-
sons quelque temps livrée à elle-même pour nous rendre compte
DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 3151
de la nature de son délire. Elle parle beaucoup, mais ses jeux de
physionomie sont peu expressifs. Le fond de son délire n'est pas
gai, il est plutôt sombre et triste ou effrayant; la zoopsie y tient
une grande place. Le feu, le sang, des assassins, des hommes
ronges qui la poursuivent, des bêtes, rats, crapauds, araignées, sa
mère morte, telles sont les conceptions délirantes les plus com-
munes.
Nous excitons alors les organes des sens et nous obtenons les
résultats suivants :
Verre rouge. - Charles ! viens à mon secours... Quoi tu es en
sang... Mon Dieu, qu'est-ce que tu as ? Oh ! Charles, je ne veux
pas te voir comme cela ? Non, ne viens pas.
Verre jaune. Charles ! le soleil, un temps superbe ! ... Où vas-tu
par un beau temps comme cela. (Elle ferme les yeux.) Quel soleil !
Allons à l'ombre... Les beaux nuages 1
Verre vert foncé. Oh ! Charles, je m'ennuie, je suis toute seule...
où donc, à cette heure ? En pleine nuit ! ces hommes après moi 1
Toutes ces hallucinations persistent après le verre retiré, d'une
façon nette et constante.
Verre bleu foncé.-(Elle sourit, puis regarde avec attention.) Mon
père, je veux me retirer ces idées. Tu as toujours été bon. Ma
pauvre mère, je te vois. Bonjour, je te vois dans le ciel... oh !
maman, dis, tu m'aimes bien ? ... Aie pitié de ta fille, maman.
(Extase.)
Verre vert de vitre.-J'ai peur... j'ai toujours eu peur de tomber
à l'eau. Mélie, viens. Nini, viens, prends garde, ne marche pas au
bord. Ma petite soeur, j'ai toujours eu peur que tu tombes à l'eau.
Viens ici... Où en vois-tu ? je n'en vois pas du tout. Tu crois qu'ils
vont sortir de l'eau ; t'es bêbête L.. où est-il, papa ? ... Qu'est-ce
que tu veux ? j'ai toujours été nerveuse. Tu me gâtais, mon père,
tu avais un penchant pour moi... Je cours tout droit vers l'eau...
Verre jaune. Retour de l'hallucination ci-dessus : soleil, beau
temps, chaleur, etc...
Verre bleu. -Retour de l'hallucination ci-dessus : elle voit sa
mère dans le ciel.
Verre vert foncé. Tristesse, solitude, comme ci-dessus.
Ici, une reprise de mouvements convulsifs arrête le délire, qui
reprend ensuite spontané : rats, etc...
Camphre sous le ne ? Des habits... Monsieur Binet, j'ai un rhume
de cerveau... Non, écoutez, ça me porte à la tête... ça conserve
les habits... Holà ! ma tête ! 1
Eau de Co<o ? e.Beau jardin '.je vais aller me promener dans le
jardin... Quelle fleur est-ce ? je ne pourrais pas dire au juste... je
ne sais pas... Qu'est-ce que tu veux ? T'es aussi bête que moi...
J'en ai assez du jardin. Je sors un peu.
Sulfure de carbone. Oh ! c'est infect. (Mouvement de dégoût.) Où
358, PATHOLOGIE NERVEUSE.
sommes-nous, dis ? Il ne sent pas, lui. (Elle porte la main à son
nez.) Je me bouche le nez avec mon mouchoir, mais je sens tout de
même. Où sommes-nous donc ? (Nausées.) Ah ! j'ai un peu mal au
coeur. C'est mon déjeuner qui ne digère pas.
Ether. -Oli ! oui, les nerfs, les nerfs... Regarde la'pauvre fille là-
bas... Viens à son secours, viens vite. Regarde comme elle saute.
triste maladie ! je la plains de tout mon coeur... Je n'en ai plus,
moi, d'attaques, (à part) et puis je ne te le dirais pas, pour sûr.
Demande : 1 papa qui est derrière... et puis je ne m'en cacherais
pas... On dit que l'hystérique est passionnée, mais c'est pas ça du
tout. M. X..., je l'aimais bien... M. Y..., oh ! pas du tout... M. Z...,
je l'aime un peu, mais ce qu'il est taquin. Dans le fond, il me re-
vient, M. Z... (Il s'agit de divers internes ou chefs de clinique de
M. le professeur Charcot.) Ah ! là, là ! pourquoi sommes-nous venus,
je ne voulais pas y aller, à la Salpêtrière. On pouvait bien aller se
promener ailleurs. Tiens, si on allait voir la petite Léonie. (C'est
une petite malade du service.) Elle n'est pas grossière, elle. Ah !
ces personnages grossiers, je les ai en horreur... Léonie, viens nous
voir chez nous. Tu sais, je te le dis à toi, ici j'aurais pour d'être
malade... (Après la lecture de ce délire il est à peine besoin
d'ajouter que l'on se sert généralement d'éther a la Salpêtrière
pour arrêter les attaques d'hystérie.)
Ici, nous arrêtons le délire en appliquant à la malade un com-
presseur de l'ovaire. Une heure et demie après, nous enlevons
l'appareil, aussitôt le délire spontané reprend : Charles ! ... etc.
Chloroforme. - (De même que l'éther sert pour les attaques, le
chloroforme est employé généralement ici soit pour examiner des
malades atteints de contracture, soit pour obtenir la résolution
des contractures persistantes, résultat qui n'est d'ailleurs pas
toujours obtenu.) Pauvre fille, elle s'endort, regarde-là... C'est
pour voir les contractures... Je connais tout cà, parbleu ; j'ai été à
la Salpêtrière... Bien sûr que je n'en sais pas autant que toi, mais
enfin les petites choses... Tu vois ? elle s'endort, c'est pour voir si
la contracture va se défaire... Tu ris ? Quoi ? Je ne suis pas mé-
decin comme toi ! ... Quand on la réveillera, ça reprendra. On
devrait lui mettre deux bâtons pour tenir la jambe droite...
Ether. De nouveau, hallucinations d'attaques de nerfs, comme
dans la première expérience.
Sirop de groseilles sur la t; ! oue.Tu as soif ? moi aussi. Je vou-
drais boire quelque chose de bon, de sucré... une grenadine au
kirsch. Non, je n'en veux pas, papa sait que j'aime ça. - C'est
très bon, tu sais, très raffraichissant quand on asoif... Ecoute, ne
me parle pas beaucoup, je suis très énervée, très agacée, il vaut
mieux me laisser tranquille.
Sel de cuisine. J'ai avalé de l'eau de mer ! Ça me fait l'effet de
sel de Sedhtz, l'eau de mer. Ah 1 oui j'en ai avalé ! C'est si bon, les
DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. S
bains de met. 011 ! j'y pense encore... M. Emile nous regardait.
Marie-Jeanne n'avait pas de costume, elle n'avait qu'un fichu et un
jupon. (Elle rit.) Son jupon se relevait sur l'eau. Ce que nous
riions ! M. Emile la regardait avec... avec quoi ? Comment que ça
s'appelle ? ... Avec sa jumelle... c'est ça hein, Charles ? Et puis le
soir, il a dit : Elle n'avait pas de costume, Marie-Jeanne. -
Sulfate dcqtii2111e.-J'ai promis à mon père de ne pas me suicider,
(Elle a fait autrefois deux tentatives de suicide.) Je ne ferai pas
comme vous, je n'en prendrai pas... Oh ! il m'en fait prendre de
force. (Mouvements de vomissements, crachement de glaires.)
Pincements des bras, des jambes. (Quand on agit sur le rûtéanes-
tbésique, elle ne réagit pas.) Voyons, Charles, taquin ! Je ne vous
parle pas, Monsieur. J'aime pas ces manières-là.. J'appelle mon
père... Oh ! ce qu'il est taquin !
Caresses sur la joue. - Oui, ma petite soeur, oui, Mélie, je t'aime
bien...- Viens ici, tu es la plus gentille de toutes... Viens vite... Tu
sais que tu grandis beaucoup... T'es gentille.
Piqûres d'épingle Stf ! 'bajoue.Oh ! c'est partrop ! Oh ! cesbêtes...
Qu'est-ce que c'est que ces bêtes-)à ? ... Ce que c'est agaçant ! Oh !
mon Dieu ! (Il est remarquable qu'elle cherche à peine à se
défendre contre ces bêtes.) Quelles bêtes ? Oh ! des guêpes !
Piqûres sur la poitrine. - Un serpent qui me pique ! Un serpent,
oui ! Holà ! Holà !
Piqûres sur la jambe. - Un rat qui me grimpe aux jambes. (Il
remonte ou redescend suivant la direction despiqûres successive».)
Oh ! que j'ai peur des rats !
Piqûres sur le bras. - C'est un monsieur qui la coupe profitant
de ce qu'elle est toute seule. '
Piqûres la région p ! 'eco)'dtft<e.Monsieur, laissez-moi, s'il vous
plaît ! S'il ne vous plaît pas, c'est la même chose... Vous voulez me
percer le coeur... Je ne l'ai pas à droite comme les gendarmes...
Alors vous voulez me faire mourir ? ... Quelles souffrances, mon
Dieu ! Ah ! si Charles était là ! ...
Piqûres sur la paroi abdominale. - Monsieur, Messieurs le» mé-
decins ! Mais je n'ai pas de tumeur dans le ventre ! Laissez-le
donc tranquille, mon pauvre ventre ; vous n'allez pas me l'ouvrir...
Au moins endurmez-moi d'abord... Et puis je vous dis que je n'ai
rien dedans... Qui est-ce ? C'est 111. Tel'l'illon... Voyons, Monsieur,
je vous connais... je vous dis que je n'al jamais soulfert du ventre...
Quelle opération ! ... Qu'est-ce qu'ils me retirent ? Oh ! mes boyaux
sur un plat ! Oh ! non, vrai ! Seulement sans m'endormir... Mon-
sieur, je meurs, allez chercher mon père .. C'est long comme tout,
cette opération ! Oh ! les charcutiers ! (Elle détourne la tête avec
dégoût.) Il y a assez de gens qui ont des tumeurs. Pourquoi nie
prendre, moi qui n'ai rien ?
Compresse large, chaude, sur l'épaule. Où sommes-nous ? en
360 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Afrique... c'est comique. Ce que j'ai chaud ! Charles, je sue sur
la poitrine... Ça te paraît drôle ; c'est que je suis extraordinaire...
Ce qu'il fait chaud ! C'est l'Afrique. Jamais je n'avais vu l'Afrique...
C'est le pays d'nne petite que je connais... Tombouctou... le
désert... des chameaux... (Il y avait à ce moment dans le service
de M. Charcot une jeune négresse de Tombouctou, atteinte
d'hystérie.)
Compresse chaude sur la joue. - Quelles névralgies ! Je demanderai
de l'antipyrme... Charles, tu m'en donneras, de l'antipyrine... j'en n
prendrai deux grammes...
Fer froid sur la poit1'ine,- (Elle grelotte.) Quel froid ! Oh ! je suis
sur la neige ! Mon manteau, vite ! Comment que cela se fait ? ...
Nous sommes donc en Sibérie ? 7
Compresse froide sur la poitrine.-Alors nous allons nous baigner...
Au bord de la mer, je veux bien, mais ici, non... Nous voilà dans
l'eau... Ça me donne des douleurs... je crains même l'humidité.
Je ne sors pas quand il pleut, à moins d'y être obligée.
Bruit de tambour. - Des soldats... puis la foire de Saint-Denis.
Tum-tam doux et lent.-Qui est donc mort ? comme c'est triste ! 1
ça me fait un en'et ! j'en pleurerais... C'est les cloches. Cela me
rappelle me rappelle ma pauvre mère. (Elle pleure, la ligure dans
les mains.)
Chez cette malade, il est absolument impossible,
même en s'incorporant dans son délire, de donner par
la parole une suggestion quelconque ou de modifier les
hallucinations. Elle est totalement concentrée en elle-
même et absorbée dans ses conceptions délirantes. Elle
tourne les obstacles que l'on place devant elle, sans
s'en occuper, toujours conduite par son idée domi-
nante. La parole n'a aucune action. Elle ne paraît pas
entendre même les mots les plus simples, tels que
chien, chat, rat, que l'on prononce devant elle à haute
voix et qui pouraient éveiller des hallucinations.
C'est le degré le plus profond de la concentration.
Seules les impressions sensorielles sont capables d'in-
troduire un changement dans la succession des hallu-
cinations.
Cette concentration se manifeste aussi dans ce fait
DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE. 361
que la réaction(de la malade vis-à-vis d'une excitation
sensorielle donnée est toujours exactement la même.
Nous avons pu vérifier cette particularité à plusieurs
mois, comme à quelques jours de distance. Toujours le
verre bleu a éveillé l'image de sa mère dans le ciel, la
piqûre au ventre l'idée de laparatomie, l'éther le ta-
bleau d'attaques de nerfs, le chloroforme celui de
contractures, et ainsi pour toutes les excitations des
sens. Cette espèce de déterminisme est digne d'être
notée.
Quelle que soit l'explication qu'on en donne, et
c'est une tentative que nous n'essaierons pas de faire,
cette fixité des réactions est à rapprocher de celle
que nous avons constatée chez cette même malade
sous l'influence d'excitations sensorielles analogues
pendant la période cataleptique du grand hypnotisme'.
Chose remarquable, les excitations de même nature
produisent dans la catalepsie souvent les mêmes sug-
gestions que dans la phase passionnelle de l'attaque. Il
en est ainsi pour l'éther, le chloroforme, le verre bleu,
l'eau de Cologne. Si ces deux états sont comparables
à ce point de vue, ce qui n'est pas étonnant, étant
donné que la malade réagit surtout suivant ses sou-
venirs, qui ne varient point d'un état à l'autre, puisqu'ils
forment une partie de substratum psychique de son
être, ils sont aussi comparables l'un à l'autre au point
de vue du degré de concentration de l'individu que
l'on a désigné dans la catalepsie sous le nom de mo-
noïdéisme.
1 Georges Guinon et Sophie Woltke. De l'influence des impressions
sensorielles dans les phases cataleptique et somnambulique du grand
hypnotisme. (Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière,^ 1890. n° 6.)
362 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Arrivons maintenant à la description de nos expé-
riences sur notre troisième malade.
Il s'agit d'un jeune oumier, âné d'une vingtaine d'années, hys-
téro-traumatique typique avec stigmates permanents et attaques
classiques, mais dans lesquelles la phase passionnelle prend un dé-
veloppement exagéré. Dans une attaque provoquée, après avoir
laissé passer les périodes épileptoide et des grands mouvements, nous
abandonnons un instant le malade à son délire et constatons que
celui-ci consiste surtout en visions d'animaux (des cafards) ethallu-
cinations terrifiante» qui le font se précipiter sur un ennemi ima-
ginaire. Les hallucinations soit spontanées, soit provoquées par
l'excitation des organes des sens, sont accompagnées chez lui par
une mimique et un discours extrêmement animés. Après la rela-
tion presque littérale du délire denotre précédente malade, nous
nous contenterons pour celui-ci de décrire en quelques mots le-
scènes auxquelles il assiste ou prend part et qu'il mime tellement
bien que l'on croirait presque y assister avec lui.
Verre rouge. -Il voit un ami qui s'est coupé. Le sang ruisselle ; il
se baisse pour l'essuyer sur le sol.
Verre vert.-II voit des feux de Bengale, Si on met le verre devant
un seul oeil, lé feu de l3euâale est raté. Si on le met devant les
deux yeux, il est superbe.
Verre bleu,-II est juché sur quelque fenêtre d'église, admire les
vitraux et voit à l'intérieur de l'édifice le prêtre qui officie. Il fait
des farces, jette des pierres dans l'intérieur, se cache ensuite, etc.
Verre jaune,-Il cause avec une marchande d'oranges-ou bien
il voit une femme habillée en jaune et la raille sur la couleur de
sa toilette.
Verre vert clair (carreau de vitre). paraît regarder au travers
d'une fenêtre et assister à un spectacle qui l'irrite. Il grince des
dents et veut se précipiter.
Verre vert foncé, - Il cause avec une ouvrière qui peint en vert de
petites boites pour les parfumeurs. Il la plaint de gagner bien peu
d'argent en travaillant si durement et en risquant de se donner
des coliques en maniant les couleurs. 1
Camphre sous le ne=. -Il raille, puis invective un monsieur qui
prise du camphre.
Eau de Cologne. Il s'adresse à une femme qu'il rencontre et la
raille sur la bonne odeur qu'elle répand, lui en demande pour son
mouchoir. Comme cette dame l'appelle insolent, il l'accable d'in-
jures et d'ironiques compliments.
Sulfure de carbone. Il accuse un de ses amis de n'avoir pas su
commander à ses sphincters. Et comme celui-ci sans doute se
fiche, il parait ennuyé de lui avoir fait de la peine.
DES HALLUCINATIONS DE L'ATTAQUE HYSTERIQUE. 363
P/tOSpAot'e.fi voit un de ses amis dont le pantalon brûle, parce
qu'il avait des boites d'allumettes dans ses poches où elles ont
pris feu.
Alcool. - Il se dispute avec l'apprenti de son atelier (il est laye-
tier), qui s'est trompé en allant acheter du vernis. 11 prouve pérem-
toirement en mettant le feu au produit que l'apprenti a rapporté,
que ce n'est pas le vernis que le patron avait demandé.
Ether. -Nous lui voyons, sous l'influence de cette odeur, mimer
une scène des plus intéressantes, Une femme est là, dans la rue,
sur le trottoir, en proie à une attaque de nerfs. Il écarte la foule
pour qu'on lui laisse de l'air, raille ceux qui s'étaient approchés
trop près et ont reçu des coups de pieds. Il gourmande vigou-
reusement un spectateur qui regardait les jambes de la malade.
Il la prend dans ses bras, la porte dans l'allée d'une maison,
envoie avec de l'argent un ami chercher un cordial. La femme
revient à elle, il l'assied chez une dame, lui demande son adresse,
la plaint de demeurer si loin, etc.
Sulfate de quinine, -Il roule une cigarette, puis l'ayant portée à
ses lèvres, la rejette avec dégoût, en se plaignant qu'on lui fasse
d'aussi mauvaises farces. (.
Sel de cuisine,- Ce n'est pas du lard salé qu'on lui a vendu, c'est
du sel au lard. Il meurt de soif.
Sirop de groseilles est au café. Il rejette avec dégoût la bois-
son qu'on lui sert et gourmande le garçon de lui avoir apporté un
pareil sirop. Il demande de l'eau-de-vie de marc.
Légers attouchements sur la face. -il court après un papillon. Il
l'attrape, le trouve gros et fort beau. Il le donne à un personnage
imaginaire avec qui il cause, pour le piquer sur un bouchon.
Simulacre de baiser sur la joue (fait en touchant la joue du doigt
et en imitant le bruit du baiser).-Il s'adresse à une femme, une
ouvrière saus doute, lui dit bonjour, lui demande si elle va acheter
une machine à coudre.
Souffle sur la face. Le vent se lève. Il va pleuvoir. Puis il pleut.
Corps chaud sur la face. Il regarde en l'air. Il doit y avoir quel-
qu'un à un étage supérieur, qui nettoie sa chaufferette à la fenêtre.
11 a de la poussière dans les yeux. Un charbon est tombé sur son
pardessus qui brûle. Il injurie les locataires de la maison et accuse
la concierge d'avoir secoué sa chaufferette par la fenêtre.
Déjà avant nos recherches, M. le professeur Charcot
dans une leçon clinique avait montré qu'en s'adressant
au sens de l'ouïe on pouvait donner quelques sugges-
tions à ce malade, mais en se conformant à son délire
habituel, c'est-à-dire en essayant de lui rappeler soit
364 PATHOLOGIE NERVEUSE. DE L'ATTAQUE HYSTÉRIQUE.
par la parole, soit par des bruits appropriés, des idées
délirantes qu'il avait spontanément manifestées anté-
rieurement. Aussi, ne mentionnerons-nous pas les
résultats des excitations portant sur le sens de l'ouïe 1.
Chez ce jeune homme le degré de concentration est
presque le même que dans la malade de l'observation
précédente. Comme elle, il est absolument indifférent
aux objets extérieurs. On sait que c'est là une carac-
téristique d'une des formes du délire hystérique. Il
présente, lui aussi, une grande fixité de réaction à une
excitation donnée. Toujours, même à de longs mois
de distance, le verre bleu a ramené la scène d'église,
le verre jaune la marchande d'orange ou la femme
habillée en jaune, le verre rouge la blessure san-
glante.
En un mot, ces malades sont tous identiques les
uns aux autres, non pas que la même impression sen-
' son' elle produise chez tous la même hallucination;
Chacun l'interprète à sa manière et agit ou parle selon
son interprétation. C'est là précisément un des phé-
nomènes caractéristiques de ce fait pathologique.
En outre, en dehors de toute interprétation psy-
chique, il est important de voir, ainsi que nous l'avons
fait remarquer dans le cours de ce travail, des phéno-
mènes analogues se manifester dans l'hystérie et dans
l'hypnotisme. Nous avons constaté, dans un travail 1
antérieur, l'influence des impressions sensorielles dans
la phase cataleptique du grand hypnotisme. Nous
' L'observation complète de ce malade sera d'ailleurs publiée avec une
série d'autres, par l'un de nous, dans un travail en préparation sur le
délire hystérique, d'après l'enseignement de M. le professeur Charcot.
G. G.
A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTÉRIQUE. 365
retrouvons aujourd'hui quelque chose d'analogue,
dans l'attaque délirante hystérique. C'est un point
de contact de plus entre ces deux névroses que nom-
bre d'observateurs tendent aujourd'hui à séparer l'une
de l'autre, malgré les rapports qui les unissent
si étroitement, ainsi que le soutient depuis si long-
temps M. Charcot.
En résumé, nous pouvons conclure des faits dési-
gnés que nous avons rapportés : 1° que dans le délire
de la phase passionnelle de l'attaque hystérique on
peut modifier la marche des hallucinations et en créer
de nouvelles à l'aide d'excitations diverses, mais tou-
jours simples, des organes des sens; 2° que ces hallu-
cinations sont toujours indépendantes de la volonté de
l'opérateur et laissées exclusivement à l'initiative du
malade qui s'approprie la sensation perçue et la trans-
forme à son gré en une hallucination correspondant à
ses habitudes, à son genre de vie, à ses souvenirs, en
un mot à sa propre personnalité.
A PROPOS DU BéGAIEMENT HYSTÉRIQUE
EXAMEN DES OBSERVATIONS DE MM. G. BALLET ET A. PITRES
Par le D' CHERV1N
Directeur de l'Institut des Bègues de Pans.
M. Ballet a communiqué à la Société médicale des Hôpitaux de
Paris quelques observations de troubles de la parole auquel il a
donné le nom de bégayement hystérique, et publié dans les Archives
' G. Ballet. Du Bégayement hystérique. In Bulletins et Mémoires de la
Société médicale des Hôpitaux ; séances du Il octobre 1889 et juillet
1890. G. Ballet et Paul Tissier, Du Bégayement hystérique. In JI1'chi-
chives de Neurologie. Juillet 1890.
366 PATHOLOGIE NERVEUSE. -
de Neurologie un mémoire complet sur la même question. D'un
autre côté, M. le professeur Pitres, de Bordeaux, vient de fane
tout récemment, à sa clinique de l'hôpital St-André, une leçon
sur le mustisme et le bégayement hystérique 1. Le cadre nosologique
des maladies vient donc de s'enrichir d'une appellation nouvelle.
Etant donné la notoriété scientifique des deux auteurs, il me paraît
indispensable d'examiner le bien fondé de celte dénomination,
d'autant plus qu'à la lecture des observations présentées par
MM. Ballet et Pitres, il est visible qu'ils ont donné le nom de bé-
gayement hystérique à des cas absolument dissemblables. Et d'abord,
qu'entend-on à l'heure actuelle par bégayement ? 2
« Lebégayement, dit lI. le le E. Aloutard-ilartin 2, est un état cho-
réique intermittent des appareils qui président à la phonation ar-
ticulée; l'acte respiratoire y étant compris. a A cette définition très
- simple et très exacte, j'ajouterai cependant quelques explications
dans le but de permettre un diagnostic différentiel facile entre
le bégayement hystérique de MM. Ballet et Pitres et le bégayement
ordinaire.
Il importe, en effet, d'une part, de beaucoup insisler sur le ca-
ractère intermittent présenté par le bégayement ; c'est en quelque
sorte un signe pathognomonique de cette affection. Tel qui lira et
parlera des heures entières sans bégayer ne pourra pas, tout d'un
coup, à quelques minutes d'intervalle, articuler la moindre syl-
labe sans la plus grande difficulté. Il y a des sujets qui ne bé-
gayent qu'avec les membres de leur famille et jamais avec des
étrangers ; pour d'autres, c'est l'inverse qui se produit. Mais, en
règle générale, l'intermittence est notoire chez tous.
D'un autre côté, il existe toujours des troubles respiratoires
plus ou moins importants, plus ou moins variés. Le rythme respi-
ratoire comprend trois temps parfaitement distincts : le repos,
l'inspiration, l'expiration. Faute de respecter ce rythme, dans
toute sa régularité, la phonation est troublée. Or, certains bègues
veulent parler pendant l'inspiration, à la manière des ventrilo-
ques, d'autres parlent pendant l'expiratiou, comme il convient.
Mais, tandis que ceux-ci laissent échapper une partie du courant
d'air expiré sans parler et ne sont prêts pour la parole que lors-
que leur provision d'air est épuisée ou à peu près, ceux-là expirent
une paitie de l'air dans les fosses nasales, si bien qu'il n'en reste
plus assez pour l'articulation normale par la bouche. D'autres,
enfin, parlent avec une telle précipitation, qu'ils suppriment le
1 A. Pitres. Du Mutisme et du Bégayement hystériques. In Revue du
laryngologie. 1" décembre 1890.
1 Rappel t sur la méthode de M. Clzeruzn pour le traitement du Bé-
gaiement, par M..Moutard-Martin. In Bulletin de l'Académie de Alécle-
cnze; séance du 25 août 1874.
A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTÉRIQUE. 367
temps si important du repos, de telle sorte, que, très rapidement,
ils sont placés dans les conditions d'un coureur inexpérimenté :
ils sont haletants, fatigués, à bout d'haleine et dans l'impossibilité
de continuer de parler.
J'ajoute encore qu il est essentiel de faire remarquer que le
bégayement ordinaire débute presque toujours de trois à sept an·,
rarement plus tard, mais, pour ainsi dire, jamais après la puberté.
Je me bâte de dire que si le bredouillemcnt suit habituellement
cette loi, certaines formes particulières du bredouillement appa-
raissent dans l'âge adulte et dans certaines conditions toutes
spéciales.
Quant aux causes du bégayement ordinaire, elles sont parfaite-
ment connues : des convulsions, l'imitation volontaire ou involon-
taire, des chutes, des coups, des émotions violentes, etc. Le
bégayement se développe, le plus souvent, peu à peu; quelque-
fois, il apparaît subitement, notamment à la suite de commotion
cérébrales vives. Je signalerai encore un symptôme caractéristique
dont l'importance est telle qu'il permet, quelquefois, à lui tout seul
de confondre un simulateur : le bégayement le plus accentué
dans la parole disparaît toujours complètement dans le chant.
Enfin, je terminerai en disant que le bègue est ni plus ni moins
intelligent que les autres et que le bégayement n'est lié a aucun
trouble des organes sensitifs ou moteurs.
Donc, voici quels sont les signes principaux du bégayement or-
dinaire : 1° début dans l'enfance, 2° troubles respiratoires plus
ou moins marqués; 3° intermittence; 4° disparition totale dans
le chant ; 5° indépendance absolue avec des troubles quelconques
des organes sensitmo-moteurs. Tels sont les principaux symptômes
caractéristiques du bégayemeut.
Passons maintenant à l'examen des faits apportés par M. Ballet.
Je dois dire, tout d'abord, que M. Ballet ne nous a pas gâté
sous le rapport de la description de cette l'orme nouvelle de
bégayement. Les raisons qu'il en donne ne sont pas très concor-
dantes. D'une part, en effet, il dit dans sa quatrième observation :
« A peine le malade avait-il ouvert la bouche que je n'hésitai pas à
reconnaître le bégayement hystérique, tant se ressemblent tous
les malades que j'ai vus. » D'autre part, il dit : « Autant il est
simple de reconnaître le bégayement hystérique lorsqu'on l'a en-
tendu une fois, autant il est difficile de le décrire exactement et
d'en bien faire ressortir les nuances. »
Que la chose fût difficile, soit ; mais elle ne dépassait pas très
certainement les forces d'un ohservateur aussi habile et aussi
instruit que 1\1. Ballet.
Faut-il ajouter que M. Ballet a complètement négligé d'établir
le diagnostic différentiel pas plus entre le bégayement hystérique
et le bégayement vulgaire d'une part (ce qui nous a laissé penser
368 PATHOLOGIE NERVEUSE.
que pour M. Ballet ces deux formes ne se différencient que par la
cause), qu'entre le bégayement hystérique et les troubles de la
parole, de la sclérose en plaques, de la paralysie glosso-labio-la-
ryngée et de l'aphasie d'autre part; ce qui n'eût pas été inutile,
après les critiques de MM.- Desnos et Gerin-Roze, lors de la présen-
tation de ses malades à la Société médicale des hôpitaux 1.
A défaut d'une définition dogmatique ou d'une description pré-
cise en tenant lieu, cherchons dans les observations très intéres-
santes et très circonstanciées, du leste, de M. Ballet si les carac-
tères généraux du bégayement ordinaire ou vulgaire se retrouvent
dans le bégayement hystérique.
J'ai indiqué quels étaient les cinq signes principaux du bégaye-
ment. Mais j'écarte tout de suite l'étiologie et l'indépendance ha-
bituelle du bégayement vulgaire pour borner mon examen aux
trois autres symptômes, savoir : les troubles respiratoires, 1 inter-
mittence et la disparition totale dans le chant.
Or nous sommes loin de trouver cette triade dans les observa-
tions de M. Ballet. Chez le n° 1, il n'e'=t pas fait mention ni de
l'intermittence ni de la disparition dans le chant. Il n'est parlé que
de troubles respiratoires : « Si on examine attentivement C. au
moment où il fait effort pour prononcer une syllabe ou un mot
difficile, on constate que la respiration cesse d'être régulière.
C. fait une inspiration quasi convulsive 2. j>
A s'en tenir à la lettre même, il semblerait que cette inspiration
quasi convulsive pourrait se rattacher au bégaiement ordinaire.
Mais les considérations qui précèdent nous montrent que le trouble
respiratoire de C. n'a rien de commun avec le trouble respiratoire
d'ordre purement fonctionnel que nous rencontrons commune-
ment chez les bègues. En effet, 1\1. Ballet a rangé ajuste titre
sous la rubrique troubles de motilité 3, les troubles respiratoires et
voici ce qu'il dit : « La difficulté de l'articulation coincide avec un
trouble manifeste de la motilité de la langue. En effet, lorsque le
malade cherche à tirer cet organe hors de la bouche, il conduit la
pointe jusqu'au niveau des lèvres sans pouvoir en dépasser lebord
libre. Au reste, la difficulté que C. éprouve à mouvoir la langue se
' Séance du 11 octobre 1889 (malade n° 3).-\I. Desnos. «Il me semble
que votre malade a un peu la façon de parler d'un individu atteint de
paralysie générale,» -11. Gehin-Roze. «Votre sujet est-il bien atteint de
bégayement ? On vient de comparer son trouble de la parole au tremble-
ment de la paralysie générale. Peut-être pourrait-on trouver également
des ressemblances avec le tremblement de la parole dans la sclelose en
plaques ou dans la paralysie losso-l abm-laryuée. Je ne crois pas que ce
soit un bègue. »
* Archiv. de Neural., page 7, loc. cit.
' Page 6, loc. cit.
A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTÉRIQUE. 369
manifeste non seulement a l'occasion de la parole, mais aussi pen-
dant la mastication et le premier temps de la déglutition qui est
devenue difficile. Elle contribue certainement pour une très large
part au bégaiement, mais d'autres troubles de la motilité concou-
rent aussi à le produire. En effet, si l'on examine attentivement t
C. au moment où il fait effort pour prononcer une syllabe ou un
mot difficile on constate, d'une part, que la respiration cesse d'être
régulière. C. fait une inspiration quasi convulsive. D'autre part,
les muscles de la langue, du pharynx et probablement du larynx
sont affectés de mouvements spasmodiques évidents et animés de
contractions irrégulières d'où dérive le bégaiement. A plusieurs
reprises pendant la déglutition les liquides seraient revenus par le
nez ce qui indique que les muscles du voile du palais à ce moment
ne se contractaient pas plus que les autres avec leur régularité
habituelle ».
,. Si j'ai insisté sur le cortège des troubles de motilité qui accom-
pagnent les troubles respiratoires, c'est pour m'éviter d'avoir à réfuter
l'assimilation entre les troubles respiratoires de C. et les troubles
respiratoires du bégaiement ordinaire; les faits parlent eux-mêmes
et il est bien certain que 1 inspiration quasi convulsive de C. est la
conséquence de l'effort considérable qu'il est obligé de faire pour
vaincre- disons le mot - la paralysie des différents organes et les
tics convulsifs dont sont atteints le larynx, la langue et le
pharynx.
Dans l'observation n° 1, non seulement nous ne trouvons pas
l'existence simultanée des trois symptômes en question, mais nous
n'en trouvons pas même un seul existant isolément.
Chez le ne 2, nous ne trouvons rien.
Chez le n° 3, nous ne trouvons pas grand'chose non plus. Rien en
ce qui concerne les troubles respiratoires; l'intermittence est indi-
quée à la vérité, mais il est facile de voir que dans la pensée de
M. Ballet cette intermittence signifie simplement qu'il ne bégaye
pas à chaque mot ni à chaque syllabe. Il ne s'agit pas là de cette
intermittence que nous constatons chez les bègues ordinaires et
qui s'accuse par l'absence du bégaiement pendant des heures, des
journées, des semaines des mois, suivant les cas.
Quant à ce qui concerne l'influence du chant, voici ce qu'en dit
M. Balletqui connaît parfaitement cette particularité : c On sait' que
chez les bègues vulgaires le vice de la prononciation peut dispa-
raître complètement lorsqu'ils chantent. Nons avons fait chanter
un de nos malades (Observ. 3) et constaté que les troubles de la
parole sans disparaître étaient beaucoup moins sensibles que dans
la conversation ou la lecture. »
De là à la disparition totale, il y a de la marge.
1 P. 22, loc. cit.
Archives, t. XXI. 24
370 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Chez le ho 4, il n'y a pas trace d'aucun des caractères cherchés.
En résumé, chez aucun des 4 malades de M. Ballet, nous n'avons
trouvé la triade dont nous avons parlé. Et, en vérité, plus nous
étudions ces cas et moins nous sommes surpris de ce résultat, car
il nous apparaît clairement que le bégaiement n'est pas, comme l'a
pensé M. Ballet, le phénomène dominant.
Mais si, sortant des grandes lignes que nous avons tracées, nous
entrons dans le détail, nous voyons que les troubles de la pronon-
ciation constatés chez les malades de M. Ballet ne présentent non
plus aucun des symptômes habituels chez les bègues.
« Le premier caractère important qui se trouve chez tous nos
sujets, dit M. Ballet ', c'est la lenteur de la parole. Ils traînent, ils
s'arrêtent, Ils hésitent et répètent certaines syllabes. Ils allongent
outre mesure certaines autres et, l'obstacle franchi, ils partent et
prononcent correctement les syllabes suivantes jusqu'à ce qu'une
nouvelle difficulté se présente. C'est là un point qui rapproche le bé-
gaiement hystérique du bégaiement vulgaire. »
C'est là une erreur absolue. La lenteur de la parole n'est pas le
caractère du bégaiement vulgaire. Je dirai presque que c'est tout
juste le contraire, tantilestcommunde rencontrer chez les bègues le
désir et l'habitude d'aller vite, plus vite que ceux qui parlent bien.
« Les malades dit encore M. Ballet 2 ne peuvent émettre les
sons simples qu'en les faisant précéder d'une consonne habituelle-
ment la même pour toutes voyelles (Observ. 2) » : A =ma, >; -mé,
I = mi, 0 = mo, U = mu.
C'est là encore une chose qu'on ne rencontre pas chez les
bègues ordinaires. Il y a bien des bègues qui ont l'habitude de
placer devant les mots qu'ils trouvent difficiles une lettre, une syllabe,
un mot, quelquefois même un membre de phrase croyant que cela
les facilite; j'en connais qui disent : a Ah bien oui, mais, » etc. etc.
Mais ces mauvaises habitudes, qui sont du reste fort rare», ne res-
semblent en rien aux façons de procéder du malade n° 2 ou du
malade n° 1 qui dit, par exemple : queun pour un, gueeu pour
deux, quoi pour trois, etc.
Enfin, il n'est pas jusqu'à la figuration du bégaiement des
malades de M. Ballet qui n'indique qu'il ne s'agitpas du bégaiement
habituel.. ,
Je m'arrête là dansmesobservations, car il me semble avoir clai-
rement démontré que les malades de M. Ballet ne sont pas atteints
de bégaiement.
C'est là le terrain sur lequel je me suis placé et dont je ne veux
pas sortir. Je n'examinerai pas si les troubles de la parole cons-
tatés par M. Ballet relèvent de la paralysie générale, de la sclérose
' P. 21, loc. cit.
2 P. 20, loc. cit.
A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTERIQUE. éi'1 1
en plaques ou de toute autre affection. Je ne veux pas faire ce
diagnostic différentiel. Mon ambition s'est bornée, je le répète, a
montrer que le bégaiement a une symptomatologie différente de celle
notée par AI. Ballet chez ses malades et que par suite la dénomination
de bégaiement hystérique n'est pas justifiée.
I
J'arrive maintenant à l'observation de M. Pitres et je déclare
immédiatement que le sujet de son observation rentre dans la
catégorie habituelle des bègues. Je possède des centaines d'observa-
tions du même genre et je suis certain qu'il ne s'agit pas là de
bégaiement hystérique. Qu'y a-t-il au fond de l'observation de
M. Pitres ? Un enfant de dix-neuf ans voit son père tué sous ses
yeux. A ce spectacle, assurément fait pour impressionner vivement,
il perd connaissance et reste au lit malade pendant vingt jours en
proie à un violent délire. Lorsque sa santé est rétablie, il s'aperçoit
qu'il bégaye.
Ce cas rentre évidemment dans la catégorie des bégaiements
causés par de fortes émotions qui, comme chacun sait, et comme le
dit M. Pitres lui-même, peuvent amener le bégaiement. Jusqu'ici
donc, rien d'extraordinaire. Mais M. Pitres a trouvé concurrem-
ment chez l'enfant des troubles de sensibilité qu'il rattache à l'hys-
térie, et il n'hésite pas à rapprocher son cas de la variété de
bégaiement décrite par M. Ballet sous le nom de bégaiement
hystérique.
J'ai déjà dit, dès les premières lignes de ce mémoire, que le cas
de M. Ballet ne ressemblait en rien à celui de M. Pitres. Le
moment est venu de le prouver. Or, tandis que les malades de
M. Ballet ne présentaient aucun des symptômes que j'ai indiqués
comme caractéristiques du bégaiement, celui de M. Pitres les pré-
sente tous, sauf celui de l'intermittence dont il n'est pas parlé dans
l'observation, mais qui devait très probablement exi-ter. Donc, 1° la
cause productrice du bégaiement rentre dans le cadre des causes
connues pour produire le bégaiement vulgaire; 2° les troubles res-
piratoires sont parfaitement indiqués par M. Pitres, cle diaphragme,
dit-il, se contracte spasmodiquemenl>; 3° le bégaiement, dit encore
M. Pitres, disparaît tout à fait dans le chant et dans les déclamations ;
4° le sujet n'a, au dire de M. Pitres, aucune autre infirmité que le
bégaiement. J'ajoute que la description donnée sous la rubrique
Etat actuel est un exposé très exact de ce que l'on rencontre chez
une foule de bègues.
Il n'y a pas à en douter; il s'agit du bégaiement vulgaire et j'es-
père avoir fait une démonstration complète que le cas de M. Pitres
ne ressemble en rien aux cas de M. Ballet. Aussi bien s'il ne s'agis-
372 PATHOLOGIE NERVEUSE.
sait que de l'observation même de M. Pitres, ma tâche serait
bientôt achevée. Mais, il l'a fait suivre de considérations qui m'obli-
gent à donner quelques explications sur l'étiologie et la pathologie
du bégaiement, qui ne sont pas entourées d'une obscurité aussi pro-
fonde que le dit le savant doyen de la faculté de médecine de
Bordeaux.
0 Le bégaiement', le bredouilloment, le zézaiement* et d'une
façon générale tous les vices de l'articulation qui dépendent de
contractions spasmodiques des muscles phonateurs se développent
fréquemment à l'occasion des émotions morales ». M. Pitres semble
s'étonner que l'émotion éprouvée par son sujet au moment où son
père a été tué sous ses yeux ait suffi pour provoquer le bégaie-
ment. Il fait appel à la faculté d'imitation si développée chez les
hystériques. Or comme le père de son malade était bègue, M. Pitres
dit 3 il il est possible d'ailleurs que le fait d'avoir cohabité long-
temps avec un bègue ait prédisposé le jeune T. à contracter le
bégaiement ».
Je crois pouvoir affirmer que le fait d'avoir cohabité avec son père
atteint de bégaiement n'est pour rien dans la production du bégaie-
ment du jeune T. Il est devenu bègue à la suite de l'émotion consi-
dérable qu'il a éprouvé, et l'imitation n'a joué aucun rôle dans ce
cas particulier. Car si elle avait dû se produire, elle se serait pro-
duite toute seule, avant l'accident du père.
M. Pitres pense que son malade est hystérique ; je ne le contre-
dirai pas sur ce point. Mais que le malade fût ou ne fût pas hysté-
rique, je néglige absolument ce fait, car le jeune T. présente tous
les symptômes habituels chez les bègues. Le jeune T. est donc devenu
bègue non parce qu'il était hystérique, mais, tout en étant hysté-
rique, parce qu'il s'est trouvé dans les conditions étiologiques
habituelles du bégaiement. Mais il est un point sur lequel je
demande à M. Pitres la permission de protester énergiquement.
* Dans le cas de M. Ballet aussi bien que dans le nôtre, dit
M. Pitres*, l'hystérie s'affirmait par le bégaiement et par des stig-
mates sensitivo-sensoriels d'une signification diagnostique très
précise. Mais, il se pourrait fort bien que chez d'autres malades, le
bégaiement existât seul. Je serais même très porté à penser que les
infirmités de la parole observées chez certains enfants ou jeunes gens
1 Revue de laryngologie, 1890, page 748.
2 Le zézaiement n'a aucun rapport avec le bégaiement ou le bredouille-
ment et ne peut être compris dans la catégorie des défauts de prononcia-
tion dépendant de contraction spasmodique. Le zézaiement est dû simple-
ment à une manoeuvre vicieuse de la langue dans la production des
consonnes soufflées z, s.
' P. 750, loc. cit.
' P. 752, loc. cit.
A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTÉRIQUE. 313
paraissant indemnes- de toute tare névropathique sont cependant
.de simples manifestations symptomatiques de l'hystérie. »
Donc, à entendre M, Pitres, tous les bègues seraient des hystériques
et le bégaiement hystérique ne serait plus une exception, comme
l'indique M. Ballet, mais au contraire il serait la règle. C'est ce
qu'on peut appeler un procès de tendance. ne suffit plus seule-
ment de rechercher les stigmates hystériques, mais de déclarer, a
priori, que le bégaiement est une manifestation symptomatique de
l'hystérie.
Je crois que je ne suis pas le seul à trouver excessive cette
manière de comprendre l'hystérie.
Je reconnais qu'il est surprenant qu'une émotion violente se
traduise quelquefois par une action réflexe, assez puissante pour
troubler la fonction de langage, non seulement d'une façon passa-
gère, mais d'une manière permanente. Mais, si l'on songe d'une
part à la délicatesse du mécanisme du langage articulé, à l'har-
monie nécessaire entre l'organe pensant, l'organe dirigeant et les
organes d'exécution et les perturbations causées dans l'encéphale
par des émotions aussi terrifiantes que celle, par exemple, éprouvée
par un fils qui voit son père écrasé sous ses yeux, on s'explique,
dans une certaine mesure, le désordre qui en résulte.
Mais ce qui est le plus surprenant, c'est qu'une émotion vive ne
se traduit pas toujours de la même façon chez tout le monde. Tous
les enfants qui ont des frayeurs, des émotions violentes, ne devien-
nent pas bègues, fort heureusement. Pourquoi les uns sont-ils
atteints et les autres indemnes ? Il est évident que certains sujets
paraissent doués d'une prédisposition spéciale. A quoi cela tient-il ?
C'est là, jusqu'à présent, un mystère que j je ne me charge pas d'élu-
cider. M. Pitres pense que c'est de l'hystérie, alors je lui deman-
derai ce qu'il entend, au juste, par hystérie et pourquoi certains
sujets sont hystériques et d'autres ne le sont pas.
M. Pitres voit encore dans la rapidité avec laquelle le bégaye-
ment est guéri par des exercices de gymnastique vocale une preuve
de sa nature hystérique.
Je ne vois pas très bien le motif de ce rapprochement. Je dirais,
en effet, que loin de s'étonner qu'une gymnastique vocale bien
ordonnée, jussa et ordinata comme disait Récamier, eût une
action sur le bégayement, cela semble tout naturel, d'ordinaire.
« Nous avons établi, dit M. Moutard-Martin dans son Rapport à
l'Académie de médecine', que le trouble de la fonction respira-
toire, au moment de la phonation, constituait un des éléments
principaux du bégayement ainsi que l'état choréique de l'appareil
musculaire qui concourt à l'articulation des mots. C'est la gym-
nastique qui constitue la base du traitement de M. Chervin : gym-
1 Loc. cit.
374 PATHOLOGIE NERVEUSE.
nastique respiratoire d'abord, puis gymnastique musculaire; or, la
gymnastique est un des traitements les plus efficaces de la
chorée. »
Je rappellerai encore à M. Pitres que si le bégaiement cède à des
exercices rationnels de gymnastique vocale, c'est que ces exercices
ont précisément pour but de rétablir entre les organes phonato-
articulateurs l'harmonie détruite par l'émotion violente qui a
causé le bégaiement.
J'ai exposé dans un grand nombre de mémoires' comment on
parvenait à rétablir cette harmonie et j'ai indiqué, avec détail, le
mécanisme de la thérapeutique physiologique du même traitement.
Plus de quarante commissions officielles médicales et pédagogiques
ont examiné mes malades mais, jusqu'à présent personne ne s'était
avisé de faire intervenir l'hystérie dans tous les cas de bégaie-
ment.
NOTE A L'OCCASION DU MÉMOIRE DE M. CHER VIN
Par M. GILBERT BALLET.
Je répondrai brièvement aux objections qui me sont adres-
sées par M. Chervin. Je laisse à M. Pitres le soin de relever,
somme il ne manquera de le faire, les observations qui le vi-
sent plus spécialement.
J'ai tenu à établir, soit dans mes diverses communications à
la Société médicale des hôpitaux, soit dans le mémoire publié
en collaboration avec M. P. Tissier, qu'on rencontre chez les
hystériques un trouble spécial de la parole, se reliant étroite-
ment à l'hystérie, et consistant dans une difficulté très remar-
quable à articuler correctement les mots. Je n'ai pas à rap-
peler ici les arguments sur lesquels je me suis appuyé, pour
démontrer la relation non douteuse, suivant moi, qui existe
entre ce trouble et la névrose. M. Chervin ne conteste pas en
effet sérieusement cette relation, au moins en ce qui concerne
les faits qui me sont personnels, car on a vu qu'il a une opi-
nion différente sur le cas de M. Pitres. Il rappelle, il est vrai,
Roze et Féréol ». Mais, si j'ai bonne mémoire, ni M. Desnos, ni
M. Gérin-Roze n'ont mis en doute la nature hystérique du
trouble que j'ai décrit. Quant M. Féréol, si ses objections ont
1 Comment on guérit le bégayement. (In Journal de thérapeutique ,
de Gubler. Numéro du 10 juin 1882.) ,
A PROPOS DU BÉGAYEMENT HYSTÉRIQUE. 375
été plus formelles, il me semble que j'y ai déjà répondu.
M. Chervin n'examinera pas, dit-il, « si les troubles de la pa-
role, constatés par M. Ballet, relevaient de la paralysie géné-
rale, de la sclérose en plaques ou de toute autre affection. II
ne veut pas faire ce diagnostic différentiel. » Je regrette la ré-
serve de M. Chervin, car je suis convaincu que, si au lieu d'ac-
cepter implicitement ma conclusion sur le point particulier que
j'envisage, il se fût livré à la discussion qu'il néglige, il eût été
amené à proclamer formellement avec moi la nature hysté-
rique des troubles indiqués. Je ne puis que prendre acte de
son adhésion et répéter une fois de plus qu'on observe dans
l'hystérie des troubles de la parole dont la physionomie est
très frappante.
M. Chervin s'étonne de me voir « donner aux troubles de la
parole une place plus large qu'elle ne mérite dans le cortège
nombreux des symptômes pathologiques notés chez mes ma-
lades. En réalité, la parole chez les sujets véritablement très
délabrés que j'ai montrés, ne lui parait pas beaucoup plus mal-
traitée que les autres fonctions. » Gela prouve que M. Chervin
et moi n'avons pas tout à fait les mêmes habitudes de procéder
dans l'observation clinique. M. Chervin voit un malade dé-
labré et cela lui suffit. Pousser plus loin l'analyse de ce qu'il
appelle, d'une façon pittoresque sans doute mais peu scienti-
fique, le délabrement, lui parait superflu et de peu d'impor-
tance. Je regrette de ne pas être de cet avis, qui, s'il eût pré-
valu, eût entravé tous les progrès qu'a faits depuis vingt ans
l'étude nosographique de l'hystérie. Il semblerait que M. Chervin
connaisse mal cette maladie et les aspects cliniques multiples
sous lesquels elle se présente ; sans quoi, il ne méconnaîtrait
pas l'importance qu'il y a, au point de vue du diagnostic notam-
ment, à en bien étudier les diverses manifestations.
Mais j'arrive à l'objection fondamentale, la seule, à la vé-
rité, que m'adresse l'auteur du mémoire que l'on vient de lire.
J'ai eu tort, d'après lui, d'appeler bégayement le trouble que
j'ai décrit. Je ne puis pas, dans une simple note, réfuter point
par point les objections que fait M. Chervin à la légitimité de
cette appellation. Au reste, toute l'argumentation consiste à
établir qu'il y a des différences entre le bégayement vulgaire
et ce que j'ai appelé le bégayement hystérique. Je ne conteste
pas la réalité de ces différences. Quand on aura recueilli un
plus grand nombre de faits, on pourra mieux qu'à l'heure ac-
376 PATHOLOGIE NERVEUSE. ,
tuelle en apprécier la nature et l'importance. La question, pour
moi, se ramène, en l'état actuel des choses, à savoir s'il est une
expression qui puisse caractériser plus exactement que le mot
bégayement le trouble que j'ai décrit. Or, Littré et Robin,
dans leur dictionnaire, définissent le bégayement de la façon
suivante : a Difficulté d'émettre la parole, qui consiste dans la
répétition saccadée de toutes les syllabes ou de quelques syl-
labes en particulier, etc. » C'est cette difficulté et cette répéti-
tion saccadée que j'ai, à des degrés divers, rencontrée chez
mes différents malades, qui, par ce côté, se ressemblaient tous,
bien que par d'autres ils différassent entre eux. Je tiens d'ail-
leurs fort peu au mot, comme je l'ai déclaré à la Société médi-
cale, lors d'une de mes communications. Je suis prêt à en ac-
cepter unmeilleur si M. Chervin veut bien me le fournir. Mais
comme je tiens beaucoup à la chose, c'est-à-dire à la notion du
trouble de l'articulation chez les hystériques et qu'il me faut
pour désigner ces troubles recourir à la dénomination qui, en
l'état de la nomenclature, donne le mieux l'idée du plus cons-
tant de leurs caractères, je crois ne pouvoir mieux faire que
d'employer, jusqu'à nouvel ordre, le terme bégayement. Sans
doute, le bégayement hystérique n'est pas identique au bé-
gayement vulgaire. Mais le mutisme hystérique de M. Charcot
n'est pas non plus le même que le mutisme congénital. L'ap-
pellation dont s'est servie mon maître n'en est pas moins en-
trée dans le langage courant. Ceux qui sont au fait des choses
de la clinique savent ce qu'elle signifie. Et c'est là la qualité
essentielle d'une dénomination en médecine.
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
« THE CROONIAN LECTURES » SUR LES LOCALISATIONS
CÉRÉBRALES «
Par DAVID FERRIER,
Médecin du King's Collège Uospital et de l'Hôpital National pour les épileptiques et les
paralysés, Qucen-Sql1are.
Traduites par ROBERT SOREL, interne des hôpitaux
Leçon V.
Monsieur LE Président,
Messieurs,
Les recherches cliniques et pathologiques semblent montrer
que dans leur trajet jusqu'au cerveau à travers la moelle et la
protubérance, les cordons sensitifs passent par la formation réti-
culaire. - Ces cordons, c'est-à-dire le postérieur externe et le
postérieur médian, qui ne subissent pas de décussation dans la
moelle, subissent la décussation dans les nucléi graciles et dans
les noyaux de la couche intéro livaire et de là dans la formation
réticulaire (Edinger). Plus haut, ils se continuent évidemment
dans le tegmentum du pédoncule cérébral et de là dans la partie
postérieure de la capsule interne où ils s'irradient en dehors, sui-
vant Flechsig, et se distribuent dans l'écorce, dans la région située
entre la scissure de Rolando et le lobe occipital. Meynert a sup-
posé que le tiers externe du pied du pédoncule est le passage des
tractus sensitifs de la moelle dans la capsule interne ; et en faveur
de cette hypothèse est le fait suivant que la dégénérescence des-
cendante, que l'on rencontre souvent dans les autres fibres du
pied du pédoncule, manque généralement dans cette partie. Rech-
terew et Ilossolymol cependant, ont publié des cas de dégénéres-
t Voy. Arch. de Neurolog., n° 60, p. 405; n° 61, p. 68; n° 62, p. 240.
' Neurol. Centralblatt., n° 7, 1886.
378 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
cence de cette partie du pédoncule évidemment en rapport avec
des lésions des lobes occipital et temporal, et Flechsig dit que ces
fibres n'entrent pas dans la capsule interne et s'infléchissent en
bas et en dehors pour s'irradier dans l'écorce des régions tempo-
rale et occipitale. On suppose qu'elles unissent ces régions au cer-
velet par l'intermédiaire de la substance grise de la protubérance,
mais c'est là un point qui, je pense, demande de nouvelles re-
cherches. Pour jeter autant que possible quelques lumières sur
les fonctions et les rapports de cette partie du pédoncule, je l'ai
récemment sectionné chez trois singes. Cette opération est assez
grave, mais on peut assez facilement voir le pédoncule après
l'ablation de la portion inférieure de la région temporale. - Chez
les trois animaux on créa d'une façon satisfaisante la lésion,
mais aucun d'eux ne se remit de l'opération assez pour me per-
mettre de faire des observations assez exactes. Mais chez aucun
d'eux il n'y avait une perte totale de la sensibilité ou un trouble
plus grand que celui Imputable à la lésion cérébrale. - Mais
telles que ces expériences sont opposées à l'hypothèse qui place
dans le tiers extérieur du pied du pédoncule le passage des fibres
sensitives.
Les expériences de Veyssière ' et les recherches de Charcot sur
],hémianesthé1C cérébrale chez l'homme ont' amplement dé-
montré que les tractus sensitifs se trouvent séparés des fibres mo-
trices dans la partie postérieure (ou plutôt dans le tiers postérieur
du segment postérieur) de la capsule interne. Les fibres sensithes
étant séparées des fibres motrices dans la capsule interne, on se
demande si ces fibres. jusque là distinctes, se fusionnent avec des
fibres motrices dans l'écorce (comme le pensent quelques-uns) ou
se distribuent à quelques régions spéciales.
Dans mes premières expériences, j'ai observé que la sensibilité
commune et tactile semble être complètement intacte quelle que
soit l'étendue des lésions de chaque portion de l'écorce des hémis-
phères, mais j'ai remarqué dans plusieurs cas, dans lesquels les
lésions s'étendaient profondément dans le lobe temporal que la
sensibilité était atteinte ou abolie dans le côté opposé du corps.
Une autopsie soigneuse a montré que dans tous les cas la région
de l'hippocampe (corne d'Ammon et circonvolution de l'hippo-
campe) était plus ou moins atteinte. Ces faits montrent la région
de l'hippocampe comme le centre do la sensibilité commune et j'ai
alurs cherché des expériences par lesquelles je pouvais atteindre
et détruire cette région. Cependant, à cause de sa situation pro-
fonde et cachée, cela est pratiquement impossible et on ne peut
les atteindre que par des méthodes qui entraînent une plus ou
1 Recherches cliniques et expérimentales sur l'hémianestésie de cause
cérébrale, 1874. '
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 379
moins grande destruction du lobe occipital ou de la région tem-
porale inférieure. - On peut cependant tenir compte et éliminer
les ellets des lésions de ces régions et tout symptôme en plus de
ceux que l'on peut leur attribuer peut être considéré comme dû
à la lésion de la région de l'hippocampe. La méthode que j'ai
suivie dans mes premières expériences consistait à enlever et dé-
truire la région de l'hippocampe par un cautère enfoncé a travers
le lobe occipital et dirigé en bas et en avant suivant le trajet de
corne descendante du ventricule latéral. De cette manière j'ai
réussi primitivement et secondairement à détruire la région de
l'hippocampe et ses connections médullaires sans blesser le pé-
doncule et les tissus voisins. La schéma devant vous est la repro-
duction de l'aspect superficiel de la lésion de l'un de ces cas et de
la trace du sillon du cautère'. Le résultat de cette opération fut un
anesthésie et une analgésie du côté opposé du corps, il y avait
une absence complète ou à peu près complète de réaction aux
excitations sensitives. Les membres n'avaient pas de paralysie
motrice, mais on aurait dit qu'ils étaient lourds et maladroits, et
les pieds constamment avaient une tendance à glisser de laperche,
quand l'animal fermait les yeux ou s'endormait. Dans aucune des
premières expériences, les animaux ne furent laissés en vie long-
temps, parce que je croyais nécessaire de les tuer dès que les
symptômes avaient apparu assez clairement, pour éviter les
complications par une extension secondaire de la lésion, la chirur-
gie antiseptique n'étant pas encore en vogue à cette époque. Les
lésions dans ce cas 2 étaient sirictement limitées aux régions de
l'hippocampe et occipito-temporale, et sans aucune atteinte de la
capsule interne du pédoncule. Ces expériences n'ont fourni aucune
donnée pour la permanence des symptôme ? mais elies ont suffi-
samment indiqué une région, sinon toute la région, en rapport
avec la sensibilé commune, tactile et musculaire du côlé opposé
du corps. 1
J'ai repris plus tard mes recherches 3 sur ce sujet avec le profes-
fesseur G.-F. Yeo. La méthode fut en partie celle que j'avais déjà
employée, c'est-à-dire la destruction, par le cautère et en partie
la section de la région de l'hippocampe par la partie convexe du
lohe temporo-sphénoldal. Nous avons fait dix expériences en tout,
dont cinq sur deux hémisphères. Les résultats de ces séries d'ex-
périences confirment entièrement ceux auxquels j'étais déjà arri-
vés et montrent que la sensibilité tactile était dans tous les cas
' Voir fig. 105. Flt7 ! cti07 ! S of the Brai7 ! , p. 329.
1 Voir flô. 107 et 108. Functions of the BI'ai7 ! , p. 331. -
1 Phil. Transact. Part. II, 1884. Expériences XXIV à XXXIII, fig. 103
à 181.
380 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
atteinte ou abolie en proportion de la destruction de la région de
l'hyppocampe et temporale inférieure. Malheureusement aucun
des animaux chez lesquels la destruction était complète et l'anes-
tésie absolue n'ont survécu assez de jours, en sorte que la ques-
tion de la durée est toujours irrésolue. Mais on a établi qu'on
pouvait produire une lésion assez étendue dans une ou dans les
deux régions de l'hippocampe sans produire une anesthésie per-
manente. Je n'ai pas besoin d'entrer dans les détails de ces expé-
riences. Les deux suivantes suffiront.
Dans une expérience l'hémisphère gauche fut exposé et toute la
circonvolution temporale inférieure et la région de l'hippocampe
furent grattés; la lésion ne laissait seulement que la marge interne
de la circonvolution de l'hippocampe avec le toenia semi-circulaires
intacte. Seulement une portion de la circonvolution de l'hippo-
campe comprise entre les scissmes calcanne et collatérale (lobule
linguale) reste en place. Le résultat de cette expérience fut plus
sérieux, il y avait adroite une insensibilité aux excitations thermi-
ques qui produisaient à gauche une vive douleur, et une insensi-
bilité totale du tact, quand on touchait l'animal, qu'on le piquait
légèrement, qu'on le frottait). L'animal pouvait bouger ses mem-
bres, mais avec une grande maladresse et incertitude. Pendant que
l'animal était au repos, les yeux fermés, j'ai tiré son bras droit
loin de son corps, ce dont il ne s'apercut que lorsqu'il tomba. Il
était très sensible à toutes les excitations même légères a gauche.
L'ouïe était intacte des deux côtés, la vue cependant paraissait un
peu obscure quoique peu abolie vers la droite (ceci est un point
important pour ce qui regarde la production de l'hémipiopie par
une lésion de la région temporo-occipitale discutée plus haut). Il
y avait une anesthésie de la narine droite. Les symptômes furent
les mêmes le second jour de l'opération, l'animal semblait être en
bon état d'autre part; le troisième jour, il mourut subitement
d'hémorrhagie secondaire. Une série de sections microscriques du
cerveau ont montré qu'à l'exception des blessures décrites ci-
dessus dans la région temporale inférieure et de l'hippocampe, les
ganglions de la base, les pédoncules et les autres parties étaient
parfaitement intactes.
Chez un autre animal, on fit une semblable opération, produi-
sant un arrachement presque compfet de la région de l'hippo-
campe et de la région temporale inférieure du reste de l'hémis-
phère. Chez cet animal, il y avait d'abord une analgésie presque,
sinon tout à fait totale, d'une anesthésie absolue à toutes les formes
d'excitation tactile sur tout le côté droit du corps. L'ouïe fut intacte,
mais la vue était quelque peu atteinte vers ce côté, l'animal sem-
blant avoir un certain degré d'incertitude sur la position des objets
. Expériences XXVII, fig. 125 à 132. Op. cit.
LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 381
qu'on lui offrait du côté droit. Même état le troisième jour, où
l'animal a eu une légère attaque à droite indiquant quelque irrita-
tion, qu'on a trouvé, due à l'autopsie à une légère hémorrhagie
récurrente. Après, l'analgésie devient absolue et toutes excitations
tactiles restaient sans réponse, Il y avait aussi une'insensibilité
totale au chatouillement de la narine droite ; la même épreuve
à gauche produisait des grimaces et des signes évidents de malaise.
L'animal pouvait bouger ses jambes librement et saisissait solide-
ment les objets avec la main droite, mais il tombait continuelle-
ment du côté droit à cause de la manière maladroite et quelque
peu incertaine avec laquelle il plaçait ses membres. La mort arriva
le quatrième jour. On trouva que les lésions étaient limitées
soigneusement au lobe temporal inférieur et à la région de l'hippo-
campe de l'hémisphère gauche sans la plus légère participation des
pédoncules ni de ganglions de la base. Ces expériences prouvent que
les formes variées de sensation comprises sous le nom de sensibilité
commune et tactile, comprenant la sensibilité cutanée, muco-
cutanée et musculaire peuvent être profondément atteintes ou abolis,
momentanément au moins, par des lésions destructives de la région
de l'hippocampe et le degré et la durée de l'anesthésie varient avec
l'étendue de la destruction des régions en question.
Ce sujet a été ensuite repris par Horsley et Schafer' qui, autant
que je le sache, sont les seuls physiologistes qui ont répété mes
expériences sur ce sujet.
Horsley et Schoefer ne purent d'abord corroborer mes observa-
tions, mais je pus leur démontrer que cela dépendait de l'imperfec-
tion de la section de l'hippocampe et je les ai assisté dans quelques-
unes de leurs expériences, qu'ils poursuivirent ensuite parfaitement.
Chez un animal chez lequel la région de l'hippocampe fut enlevée
il y avait le jour suivant une partielle analgésie et une insensibilité
complète au tact du côté npposé. La mort cependant arriva le
second jour, de sorte que dans ce cas on ne peut pas conclure quant t
à la durée.
Dans une seconde expérience, on enleva la région de l'hippo-
campe et les incisions furent faites aussi de façon à séparer la
marge de la scissure calcarine et l'hippocampus minor. Cet animal
était très anesthésique du côté opposé, mais il ne paraissait pas y
avoir une analgésie absolue. Cependant toutes les épreuves du tact
toucher, frôler, frotter, piquer doucement, n'étaient pas perçues,
tandis qu'elles attiraient l'attention aussitôt de l'autre côté.
L'anesthésie tactile dura plusieurs semaines sans changement
appréciable, mais une amélioration graduelle, seproduisit, de sorte
que l'examen à la fin de la sixième semaine révéla seulement un
certain degré d'altération, l'attention par la piqûre, etc., étant
1 Functions of the cérébral Cortex. B. XX Phil. trans. 1888. -
382 ' PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
altérée moins facilement du côté opposé à la lésion que do l'autre
côté. Un pincement, une piqûre plus forte, la chaleur cependant
semblaient être bien perçues. La diminution graduelle de l'anes-
thésie produite par une ablation de la région de l'hippocampe m'a
amené a suggérer de semblables expériences sur le gyrus forni-
catus pour vérifier si le centre tactil ne pourrait pas s'étendre dans
le reste du lobe falciforme dont la région de l'hippocampe n'est
qu'une partie. Telle est l'origine de leurs expériences sur le gyrus
fornicatus, qui prouvent la précision des idées anatomiques de
Rroca sur l'unité du lobe falciforme et démontrent que les lésions
du gyrus formicatus produisent des symptômes semblables a ceux
observés après la destruction de la région de l'hippocampe et peut-
être même plus intenses et plus durables. Dans une de ces expé-
riences auxquelles j'assistais, sur un animal chez lequel quelques
semaines auparavant on avait enlevé l'hippocampe et qui avait
complètement guéri de l'anesthésie qui avait immédiatement suivi
la première opération, on exposa le même hémisphère, et la région
de la scissure longitudinale et on excisa le gyrus fornicatus toute la
longueur du corps calleux. A la suite de cette opération on observa
une analgésie absolue du côté opposé, durant plusieurs jours après
l'opération et une complète insensibilité aux excitants légers du
tact. L'analgésie diminue avec le temps, mais six semaines après
l'opération elle était toujours manifeste à un certain degré. La sen-
sibilité tactile ne semblait pas améliorée, il ne percevait aucune
des excitations légères. L'animal etait en parfaite santé et sans
aucun trouble de la motricité; qnoique immédiatement après
l'opération, il y avait une certaine maladresse de lajambe opposée,
due à la blessure du lobule postero-pariétal et du voisinage pen-
dant les opérations nécessitées pour mettre au jour le gyrus
fornicatus.
Schaefer et Horsley ont fait beaucoup d'autres expériences qu'ils
ont publiées dans leur mémoire dans les Phil. Trans. et ils reéher-
chèrent aussi s'il y avait des parties du lobe falciforme spécialement
en relation avec des régions particulières du côté opposé. Ils con-
cluent de leurs expériences : a Nous avons trouvé que toute lésion
extensive du gyrus fornicatus est suivie d'une hémianesthésie
plus ou moins marquée et persistante. Dans quelques cas, l'anes-
thésie comprend presque tout le côté opposé du corps; dans
d'autres elle s'est localisée soit aux membres supérieurs ou infé-
rieurs, soit au tronc, mais nous n'avons pas pu établir une relation
entre telle partie du corps atteinte et telle partie détruite de la cir-
convolution. De plus, l'anesthésie était fréquemment très prononcée
et durait les trois ou quatre premiers jours après l'opération, et, en
effet, plusieurs fois il y avait une insensibilité complète, tactile et
douloureuse, au point qu'une piqûre très forte et qu'un fer chaud
ne produisait aucune sensation, mais après ce laps de temps une
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 383
amélioration se produisait, l'anesthésie graduellement guérissait
ou plutôt se localisait en des régions définies. - Dans tous les cas
cependant, dans lesquels l'insensibilité était bien marquée les pre-
miers jours, elle a persisté quoiqu'a un moindre degré pendant les
semaines dans les cas où les animaux ont été aussi longtemps con-
servés. Dans d'autres cas dans lesquels la lésion apparemment était
légère, la diminution de la sensibilité quoique d'abord très mar-
quée disparut ensuite entièrement. - Dans quelques cas, l'hémia-
nesthésie prit la forme d'une incapacité ou d'une diminution de
capacité de localiser le siège de l'irritation, tandis que dans un cas
où la diminution de la sensibilité était très frappante, l'animal
répondait à une excitation assez forte pour être perçue, en se grat-
tant une partie différente de celle d'où était partie l'excitation.
La figure 40, At, représente l'état de l'hémisphère droit d'un ani-
mal chez lequel les lésions indiquées ont produit d'abord une com-
plète analgésie, suivie d'une anesthésie partielle durant dix semai-
nes, alors l'animal est mort d'une opération sur l'hémisphère
gauche. - La figure 422 représente le cerveau d'un animal chez
lequel les deux tiers antérieurs du gyrus fornicatus furent enlevés.
Il y eut une complète anesthésie pendant peu de jours. Une se-
maine après l'opération, l'état était beaucoup amélioré, et à cetle
époque tout le côté droit répondait aux impressions douloureuses,
mais souvent il y avait un manque de localisation du siège de ces
impressions, l'animal se grattant une partie différente de celle tou-
chée.
L'amélioration se fit graduellement, de sorte qu'après un certain
temps il était difficile de percevoir une différence dans la sensibi-
lité des deux côtés excepté dans le bras, l'épaule et le pied. Onze
semaines après la première opération, le gyrus fornicatus droit
fut exposé et on grattasa surface avec une aiguille. Cette opération
ne donna aucun résultat perceptible, et quinze jours après l'ani-
mal fut tué. La figure 43 représente le cerveau d'un singe chez
lequel la partie postérieure de la circonvolution de l'hippocampe
gauche fut détruite. - Le résultat fut une crande diminution des
réactions tactiles et douloureuses sur la partie postérieure de côté
droit du corps, avec une légère diminution sur tout le côté droit.
Il est probable que, quoique représentant la sensibilité du côté
opposé en général, certaines parties du lobe falciforme peuvent
représenter plus spécialement la sensibilité de certaines régions.
Mais quoique j'ai à l'occasion noté dans mes expériences sur la
région de l'hippocampe, comme Seha3fer et Horsley dans leurs expé-
riences sur le gyrus fornicatus, qu'il semblait qu'une région avait
' Op. cil.
op. cit.
' ' Op. cit.
384 - PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
été affectée plus qu'une autre, cependant parfois la chose n'était
pas apparente et en général l'anesthésie affectait tout le côté
opposé, face, bras, jambe et tronc. Donc on ne peut pas conclure
à l'existence de centre spécialisé dans le centre général. Il est
probable cependant qu'un certain degré de localisation peut être
établi par les fibres associés qui unissent cette région aux contres
moteurs de l'écorce.
On n'a pas pu produire la perte totale et persistante de toutes
les formes de la sensibilité commune et tactile du côté opposé par
les lésions destructives du lobe falciforme, mais cela tient peut-être
à ce que ce lobe n'a pas été entièrement détruit. - Il est proba-
ble cependant que la sensibilité commune peut, jusqu'à un certain
point au moins, être représentée bilatéralement de sorte qu'une
certaine compensation se fait par le lobe falciforme de l'autre hé-
misphère. Le trajet des fibres qui unissent le lobe falciforme et la
partie sensitive de la capsule interne n'a pas encore été décrit par
les anatomistes, mais, à cause des preuves qui ont été données
plus haut, des rapports du lobe falciforme avec la sensibilité com-
mune et tactile, il est certain que l'hypothèse de Flechsig sur la
distribution des fibres sensitives dans le lobe pariétal doit être
modifiée. On ne peut admettre comme exact aucun des schémas
de la distribution corticale des fibres sensitives qui ne comprennent
pas la distribution de ces fibres à l'écorce des circonvolutions du
corps calleux et de l'hippocampe. Quoique le gyrus fornicatus paraît
être une région purement sensitive et que par suite sa destruction
ne devrait pas donner lieu à une dégénérescence centrifuge dans
la moelle, France' a trouvé, en rapport évident avec la destruction
du gyrus fornicatus, une dégénérescence secondaire des cordons
pyramidaux dans le pédoncule et la moelle. On doit remarquer l'
cependant que dans la plupart des cas, sinon dans tous, où le gyrus
fornicatus a été détruit, la circonvolution marginale et les autres
centres moteurs de voisinage et leurs fibres sont plus ou moins lésés
et on peut soupçonner que la dégénérescence descendante est due à
cette cause-France, cependant, croit que la dégénérescence occupe
une région différente du cordon pyramidal de celle résultant de la
région de la circonvolution marginale seule, la dégénérescence dans
ce dernier cas occupe la partie postérieure et externe du cordon
pyramidal croisé et dans le premier cas toute la même région.
Ces explications ne sont pas cependant suffisantes pour lever les
doutes : et ils sont appuyés sur ce fait, que les lésions de la sec-
tion de l'hippocampe du lobe falciforme, suffisamment éloignée
des centres moteurs et de leurs fibres conductrices, pour assurer
1 Dégénérescence descendante après les lésions de la circonvolution ·
marginale et du gyrus fornicatus chez les singes (Phil. Trans., B. YLVIII,
1889).
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 385
leur intégrité n'entraînent à leur suite aucune dégénérescence du
cordon pyramidal. La question demande encore de nouvelles re-
cherches.
CENTRE DU GOUT ET DE L'OLFACTION
La position du centre olfactif ou au moins sa principale situation
peut être avec une grand j probabilité déduite des rapports corticaux
Pp, pied du pédoncule. - Cm, corps mammillairea. - Tbc, tuber cinereum. -
Til, tractus opticils. - c/t, cln,\sm 1. - Il, nerf optique. T, lobe temporal. -
U. crochet. - Am, noyau am) gdahcn. - Spa, substaner penforée antérieure. --
Lt. lamina terminalis. - Coa, commissure antérieure. - Pspf, pédoncules epti pel-
lucndn. - Slm, sulcus médias, substance perforée antérieure. - Ree, rostre du corps
calleux. Gec, genou du corps calleux. - NI, nerf de Lancisi. dl, sissureloiigitu-
dinale. F, lobe frontal. - Bol, bulbe olfac4l. - Toi, tractus olfactif.
des fibres olfactives en dehors des expériences physiologiques. Le
principal rapport et chez l'homme le seul constant des fibres o ! -
archives, I. XXI. 2
Fiy. 29 (d'après Obersteiner).
386 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. '
factives avec l'hémisphère, est la racine externe qui se dirige au
dehors à travers l'espace perforé 'antérieur vers l'écorce du lobule
de l'hippocampe ou extiémité antérieure et inférieure de la circon-
volution de l'hippocampe (fig. 29 Trol.). A cause de la for-
mation originale du bulbe et du nerf olfactif, d'un diverticule de
la vésicule cérébrale antérieure, dont la cavité a été presqueentiè-
rement oblitérée, les restes de ces rapports primitifs avec la face
moyenne, externe, supérieure et inférieure de l'hémisphère
cérébral sont considérés comme racines du nerf olfactif. Quoique
chez l'homme et chez le singe toutes ces racines externes soient
pratiquement oblitérées, cependant chez d'autres animaux chez
lesquels le sens de l'odorat est très développé, on décrit habituel-
lement quatre racines, soit une externe passant dans le lobule
de l'hippocampe, une supérieure et une moyenne en rapport res-
pectivement avec la substance grise de la base du lobe frontal et
du irigonum olfactorium, ou substance grise de l'espace perforé
antérieur, et une interne qui parait se fusionner avec l'extrémité
antérieure de la circonvolution du corps calleux. Les rapports du
nerf olfactif par ses racines interne et externe avec les extrémités
antérieure et postérieure du lobe falciforme ont été comparés par
Broca à une raquette dont la circonférence est formée par le
lobe falciforme et le manche par le nerf optique et son bulbe
(fit.30),
Suivant le développement du sens de l'odorat chez les différents
animaux varie la structure de la totalité ou d'une partie de la région
ci-dessus déciile. Broca divise tous les animaux en deut classes,
rZg. so.
Surface interne de l'hémisphère droit de la loutre (Broca).
0, lobe olfactif. - Il. lobe de l'hippocampe. - C, commencement du lobe du co- «
calleux. - C, C' C", lobe du corps calleux. - F, lobe frontal. - PP, lobe pu- z
- 8, scissure Jimbjquc. -9, pli de passage retiolimbique. - 10, sillon subfrouL ? -
il, pli de passage fronlo-limbique. - 12, pli de passage inférieur fronto-limbique. -
iJ, scissure subp3riétale.
LES LOCALISATIONS CEREBRALES.. - 387
d'abord sie. osmatiques m, classe qui comprend la grande majo-
rité des mammifères, et secondement, les t anosmatiques », dans
lesquels le sens de l'odorat est relativement peu développé ( pri-
mates, carnivores, amphibies, ou rudimentaire (balanides), ou
absent (delphinidee). Chez les osmatiques, comme vous pouvez le
voir dans les exemplaires devant vous, le bulbe et le tractus ol-
factif sont grands et le lobule de l'hippocampe atteint en parti-
culier des proportions [extraordinaires et chez quelques animaux
il constitue la plus grande portion de l'hémisphère céré-
bral. Dans les anosmatiques, le lobule de l'hippocampe est relati-
vement petit chez eux, tel que l'homme et le singe, dont le
sens de l'odorat, quoique bon. est subordonné à d'autres facultés
sensorielles, tandis que chez les balanides il est très réduit, et
manque presque chez les delphinides. La limite postérieure du
lobule de l'hippocampe est nettement indiquée chez les omatiques
par une circonvolution de passage qui interrompt la continuité
de la scissure limbique et unit le lobule à la partie tempora-parié-
tale de l'hémisphère. C'est le pli de passage rétro-limbique de
Broca (fig. 30, 9).
Chez l'homme et chez le singe, on considère généralement
comme l'homologue de cette circonvolution, le pied du coin ou le
Fig. 31 (d'après Obersteiner).
Ccll, eorpsealleuc,-Gec, genou du corps calleux. -Coa, commissure antérieure
- Fcl, colonne du trigone. - Fer, croit du trigone. - CAm, corne d'Ammon. - z
Tf. tubercule du fascia denlata. - D'V, balken wlndung (circonvolution sphenique).-
l, isthme du gyrus fornicatus. - U, crochet. - Peu, pédoncule du coin. - Sbp, sels..
sure subparietale. - Cle, scissure calcarine. - Rec, rostre du corps calleux. -
Spa. bec du corps calleux. - Splc, septum lucidum - Fcp, corps du trigone. -
Fi, timbria. - Fd, corps dentelé. - Stlm, stria longitudinalis medt,ulis. - G, gyrus
cili.-ali. -Il, circonvolution de l'hippocampe. - Co, coin. - Ccll, sillon du corps cal-
lwz. -Poc, scissme pariêto-occipitale. - Oti, scissure occipito-temporale infzmeure.
388 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
pli de passage cunéo-limbique (fig. 31 P C u.) réunissant le coin
à la circonvolution de l'hippocampe.
Beauregard' le place dans le cerveau de la baleine à l'extré-
mité du lobe temporal immédiatement postérieur à Tuncus et
Zuckerkand 2 lui assigne une même position dans le cerveau du
dauphin.
Je suis porté à croire, au point de vue physiologique, que chez
l'homme et chez le singe la limite postérieure du lobule de l'hip-
pocampe est le pli de passage qui unit l'uncus à l'extrémité
antérieure du lobe tempora-phénoidal (+ fig. 31). C'est très net
dans le cerveau du chimpanzé que je vous montre ici. Ce qui fait,
que le lobule de l'hippocampe ou pyriforme correspond au gyrus
uncmatus et non au gyrus de l'hippocampe en entier, qui, comme
nous l'avons vu, est une portion du centre tactile.
La largeur relativement grande de la racine iuterne chez quel-
ques animaux, et son rapport apparent avec le gyrus fornicatus
avait amené Broca à croire qu'il y avait un rapport entre le déve-
Joppement de cette région et le sens de l'odorat, mais le fait qu'il
admet lui-même, que la portion antérieure de la circonvolution du
corps calleux, est particulièrement bien développée dans le cerveau
des cétacés, chez lesquels le sens du goût est très rudimentairc,
est opposé à cette hypothèse. Zuckerkand, cependant, prétend que
l'extrémité antérieure du corps calleux, chez le dauphin, est un
certain degré atrophiée, comparativement aux animaux osmati-
ques. Le rapport de la racine interne avec la circonvolution du
corps calleux me paraît être seulement superficiel et probablement
cette racine rejoint en réalité l'extrémité antérieure de ce que
Zuckerkand appelle la circonvolution marginale (Randwindung)
qui forme la limite du lobe falciforme, et se continue postérieu-
rement avec le fascia dental (fig. 31 f. cl). La portion dorsale et au-
dessus du corps calleux de cette ciiconvolution est, chez les ani-
maux anosmatiques presque entièrement effacée les restes atrophiés
constituant les nerfs de Lancisi (s. t. 1. ni. fig. 31) qui sont visibles
chez l'homme à la face supérieure du corps calleux. Il décrit aussi
comme particulier aux animaux osmatiques, un prolongement du
lobe falciforme qui se trouve au-dessous du splenium du corps
calleux et qu'il appelle « Balken windung >. Schwalbe cependant
le considère plutôt comme une portion du gyrus dentatus. - On
le rencontre souvent chez l'homme (B. W. fit. 31). Zuckerkand,
essaie aussi d'établir un rapport entre le développement des sens
de l'odorat et largeur de l'hippocampe ou la corne d'Ainmon. Il
soutient que chez le dauphin la corne d'Ammon est réduite à une
portion insignifiante et prétend, contrairement aux, autres analo-
1 Sur l'encephale des balanides.
Ueber das lüeclecee ! run : . 1887.
LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 389
mistes, que ce que l'on regarde comme l'hippocampe, et qui coi -
respond à sa structure sur ses autres rapports, n'est pas du tout
l'hippocampe, mais simplement une proéminence, dans la corne
descendante du ventricule latéral, correspondant aux éminences
collatérales de Meclrel. - N'ayant pas fait de recherches sur ce
point, je m'en rapporte à l'opinion de sir W. Turner. Il m'écrit
ce qui suit :
« Je vous décrirai une dissection que j'ai faite de la corne des-
cendante du ventricule latéral d'un cerveau de marsouiu. Cette
corne se continue avec l'extrémité postérieure des corps du ventri-
cule latéral et se dirige en arrière et en bas dans ce lobe de
l'hémisphère, que l'on peut, par sa position, appeler tempora-sphé-
noidal. 11 couienait une émmence bien nette sur son plancher qui
était indubitablement l'hippocampe major. Cette émmence de
23 millimètres de long, de la forme d'une massue, avait un dia-
mètre transverse de 4 à 5 millimètres.
a Le long du bord interne de l'hippocampe s'attachait le pilier
postérieur du trigone comme le toenia de l'hippocampe. Le
plcnus choroïde se plaçait dans la corne descendante immédiate-
ment à la partie interne du toenia de l'hippocampe. La circonvo-
lution de l'hippocampe était en rapport avec le bord interne con-
cave du toenia de l'hippocampe. Elle mesurait en largeur de 5 à
si millimètres et se terminait antérieurement dans un lobule de
^hippocampe dont la plus grande largeur était de 8 millimètres. »
La dissection de sir W. Turner est donc opposée aux idées de
Zuckerkand sur l'absence de l'hippocampe chez le marsouin.
Quoique l'hippocampe soit bien développée chez les animaux os-
matiques, on ne peut pas dire qu'il soit atrophié chez l'homme et
le singe ou qu'il subisse des variations de grandeur avec les autres
parties en rapport avec les tractus olfactifs. On peut se demander
si l'hippocampe chez l'homme est relativement plus petit que celui
des animaux inférieurs; mais quant à son volume absolu, sir W.
Turner dit : « Peut-être l'éléphant et lès plus grandes baleines
possèdent un hippocampe absolument aussi large que celui du
cerveau humain, mais je suis porté à croire que l'hippocampe
humain est absolument plus grand que celui des mammifères en
général. »
Le lobule de l'hippocampe est cependant relativement plus petit
chez l'homme que chez les animaux osmatiques et peut être aussi
plus petit d'une façon absolument que chez beaucoup d'entre eux.
On ne peut pas dire que les conditions' sous lesquelles varient la
grandeur de l'hippocampe soient très claires, mais, la grandeur du
' Dans mes expériences sur la région de l'hippocampe, je ne pouvais
distinguer des lésions de l'hippocampe de celles du gyrus de l'hippo-
campe.
390 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
gyrus de l'hippocampe et du gyrus fornicatus, semblent varier en
raison inverse. Il en est ainsi chez les cétacés et les delphinides,
chez lesquels le gyrus fornicatus est extraordinairement grand et
contient plus de circonvolutions que chez les animaux plus élevés.
Ainsi donc chez les animaux osmatiques en général, le gyrus for-
nicatus est relativement plus grand que le gyrus de l'hippocampe
(à part le lobule de l'hippocampe). Chez le kangouroo, le gyrus de
l'hippocampe et l'hippocampe se confondent avec le gyrus forni-
catus et l'hippocampe parait comme le bord enroulé de ce gyrus
(fig. 32). Ceci montre la communauté de fonctions entre l'hippo-
campe et le reste du lobe falciforme que nous avons vu en rap-
port avec la sensibilité générale du corps.
Par la commissure antérieure (division olfactive), les bulbes et
les tractus olfactifs sont mis en rapport. Ce rapport se voit bien
chez les animaux qui ont de grands bulbes olactifs (voir fig. 33.
PO), mais on peut aussi constater ce rapport chez le singe et
chez l'homme (fig. 34, a c). La commissure antérieure réunit aussi
les lobules de l'hippocampe entre eux (fig,33, p t). La portion de
la commissure antérieure (portion temporale) ne varie pas en
grandeur avec celle du lobule de l'hippocampe. Elie est probable-
menr en raison inverse du corps calleux, comme Flower l'a indiqué'.
Ainsi chez le chien, dont le lohule de l'hippocampe est sept
1 Phil. Trans. on the cérébral Commissiures of the marsupial and
Monotremata. 1885.
Fig. 32.
Section frontale du cerveau du kangurou (macropus major),
d'après Flower.
B, corps calleux réunissant les hippocampes. - F, commissure antérieure.
G, septum. - K, corps strié.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 391
fois plus grand que celui du lapin, la portion temporale de
la commissure antérieure est un tiers plus petit. La grandeur
relative des portions olfactive et temporale est contraire à la
théorie de Meynert qui veut que la commissure antérieure forme
un chiasma semblable au chiasma optique où les tractus olfactifs
subiraient une décussation. Et de plus, les recherches de Ganser et
de von Guddenl ont montré que lorsqu'on enlève une bulbe
olfactive toute la portion olfactive de la commissure antérieure
s'atrophie des deux côtés, tandis que la portion temporale reste
intacte. Nous pouvons donc dire que si le tractus olfactif est en
rapport avec l'hémisphère opposé, le rapport ne se fait pas par la
commissure antérieure. Anatomiquement le tractus olfactif paraît
Archiv. sur Psychiatrie, BanrlIIX. !
Fig. 33.
Section horizontale du cerveau de la taupe au niveau de la commissure
antérieure (X 4) d'après Ganser).
ne, commissure antérieure, divisée en po partie olfactive et pt pallie temporale. - z
ci, capsule interne. - f, 11mb. ia. - fa. pilier antérieur du trigone. - fd, raci3. den-
tata. - f.lf, fascicule de Meynert - gloi, glomérule olfactif. - hl, fascicule postérieur
tonptudinal. - k, couche granuleuse du bulbe olfactif. - mp, pédoncule moyen du
cervelet. - na, amygdales. - ne, noyau caudé. - ni, n 0 %.au lenticulaire. - P, tractus
pyramidal. - rn, noyau rouge. - ral, racines du nerf olfactf. - rs, région subtha-
lamique. - s, septum lucidum. - sa, substance blanche. - sp, pédoncules cérébel-
leux supérieurs. - st, stria terminalis. - toi, tractus olfactif.
392 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
en rapport non seulement avec l'hémisphère du même côté, mais
il y a des faits cliniques qui sont difficiles à expliquer autrement
qu'en supposant que quelques fibres au moins i étiiiissatil le trac-
tus olfactif à l'hémisphère passent dans la capsule interne du côté
opposé. Par le trigone, le tractus olfactif est indirectement en rap-
port avec le tubercule antérieur de la couche optique, mais il n'y
a pas de rapport entre la grosseur du tractus olfactif et le pilier
antérieur du trigone. Car chez le lapin les piliers antérieurs du
trigone ne sont pas plus grands que le tiers de la section du trac-
tus olfactif, et chez l'homme, tandis que le tractus olfactif n'a que
la grosseur d'un fil, le pilier antérieur du trigone à 3 millimètres
de diamètre.
Une partie des fibres du trigone sont pour Owen' des fibres com-
missnrales réunissant les hippocampes. C'est ce qu'on voit claire-
ment sur le cerveau du kangouroo, chez lequel les hippocampes,
sont une duplication du gyrus fornicatus, les fibules commisurales
entre eux formant ce qu'on appelle le corps calleux chez ces ani-
maux (B fig, 32). Chez l'homme aussi, la partie postérieure du tri-
rone est formé de fibres transverses formant le psalterium, lyre de
David. Le fait que les hippocampes sont réunis par un système
particuliers de fibies commissurales plaide aussi en faveur de la
différence des fonctions de ces corps et des lobules de l'hippo-
campe, qui sont reunis par la portion postérieure au temporal de
la commissure antérieure.
' Comparative analomy of the vertebral.
Fig. 3 ,
Section frontale du cerveau du singe il angle droit des pédoncules
cérébraux dans la région de la commissure antérieure (grandeur
naturelle).
ac, commissure antérieure. - ce, corps calleux. cl, claustrum. - ec, capsule externe.
- f, pilieis du trigone. - ir, capsule interne. - tR, 1TIsuia de Red. - ne, novau
caudé. - nl, nojau lenticulaire.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 393
L'excitation électrique du lobule de l'hippocampe chez les singes
et les autres animaux, donne des résultats qui peuvent être inter-
piétés comme l'indice d'une sensation olfactive subjective, torsion
de la lèvre et de la name du même côté. Parfois cependant la
réaction est biletérale etcela spécialement chezlelapin. La réaction
est la même que celle obtenue en plaçant directement sous la na-
rine une odeurforte. Je n'ai pas remarqué une réaction semblable
par l'excitation des hippocampes. Mais tandis que nous pouvons
être certains par les réactions extérieures de la sensation olfactive
subjective produite par l'excitation, c'est au contraire un problème
extrêmement difficile de déterminer si l'odorat est perdu par l'a-
blation de la même région. - Chez quelques animaux, c'est cepen-
dant plus facile que chez d'autres et les chiens dont le nez forme
le principal organe de perception intellectuelle, sont des animaux
plus adaptés aux expériences de ce genre que les singes. J'ai trouvé
très difficile de déterminer l'appréciation des odeurs chez les singes
par des signes extérieurs. L'odeur que nous considérions
comme la plus désagréable mêlée à leur nourriture leur était très
indifférente. J'ai essayé chez eux l'acide sulfhydrique, le bisulfure
de carbone, la valériane, l'asa foetida, l'iodoforme et différentes
autres substances, mais ils ont rarement alors refusé leur nourri-
ture. La seule odeur pour laquelle ils semblent uniformément
avoir du dégoût et peut-être plus à cause du goût que de l'odeur
est l'aloès. J'ai rarement ou plutôt jamais trouvé un singe qui
veuille manger des fruits ou d'autre nourriture saupoudres avec
celte substance. J'ai donc presque exclusivement employé l'aloès
pour vérifier le goût et l'odorat de ces animaux.
Dans mes premières expériences, j'ai trouvé que, dans plusieurs
cas où j'avais coupé ou détruit par une inflammation primitive ou
secondaire les régions temporales inférieures d'un côté'ou des
deux côtés, il y avait pour un temps au moins un affaiblissement
ou une abolition de réaction provoquée par les odeurs acres ou les
saveurs désagréables. Mes expériences sur ce sujet n'étaient, je
l'avoue, pas très exactes.
Schaefer et Sangerbrown' n'ont pu découvrir aucune indication
de l'atteinte ou de la perte des sens du goût ou de l'odorat par
la destruction de l'extrémité inférieure des lobes temporaux des
deux côtés. Ils disent page 324 : « Les animaux, avec la portion
antéro-inférieure du lobe complètement enlevée, sententleur nour-
riture, découvrent immédiatement une substance odoriférante
comme l'aloès ou l'asa foetida avec laquelle on l'a barbouillée et
(du raisin, par exemple) ils la rejettent sans la goûter. Ils avalent
un grain de raisin dans lequel on avait mis du sulfate de quinine,
puis le mordent et le rejettent immédiatement avec une expresiou
* Phil. Trans. B. XXX. 1888.
394 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
de dégoût, » En regardant- cependant les figures qui accompa-
gnent leur mémoire on peut n'en trouver qu'une (n° 2, planche 4)
où l'extrémité antérieure paraisse complètement enlevée. Dans
toutes on peut toujours voir des deux côtés les autres portions du
lobule de l'hippocampe'. Dans les notes de l'expérience n° 2, je
ne trouve aucune explication sur les épreuves du sens de l'odorat,
mais on dit que le second jour il donnait des preuves évidentes
qu'il avait conservé intact son sens de l'odorat. Mais pour les autres
expériences, je pense qu'on a laissé suffisamment de la région de
l'hippocampe des deux côtés, pour permettre la conservation du
sens de l'odorat, même dans le cas où il ne serait pas si intense
qu'auparavant. - J'ai donc pensé qu'il serait désirable de faire
quelques expériences nouvelles sur ce sujet.
J'ai enleve chez trois singes la portion antérieure des lobes
temporaux par des operations successives, mais un seul animal
survécut à la double opération suffisamment longtemps pour per-
mettre des observations convenables. Dans ce cas la portion anté-
rieure du lobe temporal gauche était entièrement enlevée excepté
un petit fragment du lobule de l'hippocampe entièrement détaché
du reste (fig. 35). En produisant la lésion, le cordon optique fut
désorganisé et également une légère détérioration du pédoncule
cérébral se produisit, de sorte que l'animal devint complètement
hémiopique vers la droite, hémiopie qui dura jusqu'à la mort. Il y
avait également une légère hémiplégie avec hémianesthésie du côté
droit qui disparut au bout de quinze jours. On produisit la seconde
lésion un mois après la première. L'ablation ne fut pas cepen-
dantsi complète, et on verra que la surface du lobule de l'hippo-
campe située immédiatement contre le pédoncule est toujours
intacte quoiqu'il soit presque entièrement détruit. Les cordons
olfactifs étaient absolument normaux ainsi que les autres nerfs
crâniens et le reste du cerveau. On laissa vivre l'animal trois mois;
alors on le tua avec du chloroforme. Les surfaces coupées des
lobes temporaux étaient adhérentes à la fosse moyenne du crâne et
les adhérences étaient infiltrées de liquide : ailleurs tout était nor-
mal. Les symptômes observés chez cet animal sont d'un grand
intérêt. Dans la semaine qui suivit la première opération, on fit de
nombreuses observations sur les sens du goût et de l'odorat qui
étaient pour le moins assez bons. Il fut impossible de dire avec
certitude s'il y avait un affaiblissement unilatéral, mais ils étaient
assez intacts pour permettre à l'animal de distinguer et de rejeter
les substances pour lesquelles il avait du dégoût auparavant. Ainsi
il refusait de manger les morceaux de pommes saupoudrés d'aloès,
les sentant et les rejetant aussitôt. Ainsi, il examinait attentivement
un morceau de pomme imprégné de sulfate de magnésie par l'o-
1 Fig. 15. 3 a, 6. c., op. cil.
LES LOCALISATIONS CEREBRALES. H95
i
dorât, le mettait dans sa bouche et le rejetait aussitôt. - Cepen-
dant, il dévorait avec plaisir un morceau, qui n'avait été en contact
avec aucune de ces substances, De même, il refusait de manger une e
pomme saupoudrée de sulfate de zinc et ne voulait pas toucher un
morceau couvert de coloquinte. De telles observations furent fré-
quemment faites et confirmées et il ne pouvait y avoir aucun
doute sur l'intégrité de son odorat et de son goût.
Le lendemain de la seconde opération et les jours suivants l'ani-
mal se trouva en bonne santé et assez vigoureux, quoique un peu
abruti; il paraissait avoir perdu toute tendance à manger sponta-
nément, mais il dévorait gloutonnement tout ce qu'on lui offrait et
ne manifestait aucun dégoût quand les morceaux étaient trempés
d'aloès et ne faisait aucune grimace quand on lui mettait dans la
bouche une pincée d'aloès et continuait à manger. Toujours même
état le cinquième jour après l'opération ; il ramassait sa nourriture
sur le plancher de sa cage et parfois il remplissait sa bouche de
sciure dont il ne semblait pas reconnaître la nature. Les sixième,
septième, huitième jours, mêmes expériences, mêmes résultats. Il
ne manifestait pas de dégoût quand les morceaux étaient imprégnés
d'aloès, de coloquinte et de quinine. Le onzième jour on place
dans sa bouche une pincée de coloquinte sans manifestations de
dégoût; la même pincée placée dans la bouche de son compagnon
produisit une violente nausée. Le dix-huitième jour, l'animal qui
était très apprivoisé, vous léchait les doigts plongés dans de la
Fig. 35.
39lia PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. ,
poudre d'aloès et il but une assiette de lait mélangée à la même
substance que ses compagnons n'auraient pas touchée. Un troisième'
animal, à qui on présenta l'assiette, prit une gorgée, et après un
examen douteux, se lécha les lèvres avec suspicion et ne voulut plus
en prendre. Pour associer le goût désagréable de l'aloes avec une
odeur forte et définie, j'ai -saupoudré l'aloès avec du musc pour
qu'il n'y ait pas de doute sur la qualité odoriférante de la substance
à l'essai. Cependant, il ne .se produisit aucune différence. Les mor-
ceaux de nourriture saupoudrés d'aloès et de musc étaient mangés
aussi facilement que les autres; il ne semblait pas soupçonner les
essais faits sur lui, car il venait lécher le musc et l'aloès sur lame
du couteau comme si c'était quelque chose debon. Ses compagnons
cependant nous regardaient de travers et se tenaient à distance
après une première expérience. A la fin du premier mois, l'animal
qui était en parfaite saule et très enjoué, continuait à manger les
raisins mélangés de musc et d'aloès que ses compagnons rejetaient
aussitôt après les avoir sentis. Six semaines après l'opération, on
plaça une pincée d'aloès dans sa bouche. 11 paraissait indifférent et
ne manifesta aucun signe de dégoût. La même substance placée dans
la bouche d'un de ses compagnons, produisit des haut-le-coeur, de
la salivation et des tentatives comiques qour enlever de ses lèvres
et de sa langue la substance désagréable. Un aulre animal, qu'on
n'avait pas auparavant expérimenté, vomit plusieurs fois, mais
notre singe en expérience, quelques minutes après, lécha la lame
du couteau couverte de poudre. Deux mois après l'opération, il ne
refusait toujours pas de lécher un doigt trempé dans le musc et
l'aloès et mangea plusieurs morceaux de pomme saupoudrés de
même, qu'aucun des trois autres animaux ne pouvait sentir. 11 lécha
aussi du sucre mélangé à l'aloès. La quantité qu'il mangeait pro-
duisait quelquefois l'effet médical habituel. Environ trois mois après
l'opération, le singe restait complètemement indifférent aux subs-
tances dont le goût et l'odorat provoquaient une répulsion chez les
autres animaux et ne faisait aucune grimace quand on les plaçait
dans sa bouche. Mais vers cette époque, il commença à manifester
qu'il ne les goûtait pas volontiers et quelquefois, il laissait tomber
les morceaux saupoudrés comme auparavant. Parfois il sentait les
objets avant de les manger et en jetait sans les goûter. Mais il
n'était pas très clairement indiqué que cesoit dû au sens de l'odorat
ou à une simple habitude, car il jetait des coquilles de noix, des
croûtes de pain etdes cosses qui n'ont aucune odeur, après les avoir
examinées. Il manifesta son goût et son dégoût pour la nourriture,
préférant, par exemple, les pommes aux pommes de terre bouillies
et il paraissait aimer le sucre et le riz, mais je ne pus déterminer
si ces goûts et dégoûts dépendaient seulement du caractère sapide
des substances. Les résultats généraux de mon expérience me por-
tent cependant à croire que les sens du goût et de l'odorat de l'ani-
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. x 397
mal, quoique sérieusement atteints,-n'étaient cependantpas abolis.
Pour un temps considérable après l'ablation bi-latérale de l'extré-
mité inférieure du lobe tempoial, il ne refusa pas de manger des
substances dont le goût et l'odeur répugnent aux animaux normaux
et je ne pense pas qu'il soit possible d'expliquer ceci autrement
que par l'hypothèse que les centres de la perception olfactive et du
goût étaient, sinon complètement, mais du moins, atteints dans
une grande partie. Il aurait fallu faire plusieurs observations sur
ce sujet mais - à cause de la grande mortalité de mes singes
pendant l'épidémie d'influenza je n'ai pas pu jusqu'ici poursuivre
mes recherches sur ce sujet.
Munk a raconté uue expérience accidentelle sur un chien qui
présente quelque intérêt. Munk observa qu'un chien qui avait été
rendu aveugle par la destruction de ses centres visuels semblait
incapable de découvrir par l'odorat les morceaux de viande qu'on
jetait devant lui. Un léger reniflement qu'il faisait quelquefois,
semblait être le seul indice qu'il possédât encore quelque traces de
la sensibilité olfactive. La chose dura quelques mois, époque à la-
quelle on le tue alors. On trouva après la mort que toute la circon-
volution de l'hippocampe avait été transformée en un kysteà mince
paroi rempli de liquide. A l'exception des cicatrices de l'ablation
des lobes occipitaux, le cerveau, les cordons olfactifs et les bulles
olfactives étaient normaux. Quoique Munk pense que ce cas montre
que la circonvolution de l'hippocampe est le centre de l'odorat,
cependant, vu que les lobulesdel'hippocampe étaient compris aussi
bien que le reste de la circonvolution de l'hippocampe dans la lésion,
nous pouvons considérer ce fait comme une preuve que le centre
de l'odorat est plus particulièrement localisé dans le lobule de
l'hippocampe.
Luciani* conclut de ses expériences sur les chiens que : « aucun u
affaiblissement évident de l'odorat succède à l'extirpation du lobe
temporal; mais si la lésion s'étend sur la circonvolution voisine
au-dessus de la scissure de Sylvius, on observe une diminution nota-
ble de ce sens. Enfin, un certain nombre d'expériences montrent
que la décortication des circonvolutions de l'hippocampe ainsi que
l'ablation partielle de la corne dAmmon produisent des troubles
de l'olfaction, d'abord une perte presque totale de l'odorat, fait
qui semble nous montrer que cette portion du cerveau est le centre
de la sphère olfactive. » Luciani pense également que chaque centre
est en rapport avec les deux narines, mais plus particulièrement
avec la narine du même côté. Dans le schéma qu'il nous donne des
limites de la sphère olfactive il l'étend cependant dans la région
pariétale jusqu'à la scissure longitudinale et en partie aussi vers le
lobe frontal. Quant au sens du goût, il dit qu'une fois, chez un chien,
, Sensorial Localisations in the Cortex cerebri (Drain, 1885) .
398 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
il a trouvé qu'après l'ablalion unilatérale de la quatrième circon-
volution externe et d'une portion de la circonvolution de l'hippo-
campe, l'animal semblait être moins sensible aux amers (digita-
line) du côté opposé de la langue. (Ceci a été décrit incorrectement
dans « Brain ». Si l'on se reporte à l'expérience originale ',on voit
que la lésion était dans l'hémisphère gauche; l'odorat était perdu
dans la narine gauche et le goût du côté droit de la langue.)
- Il y a peu de cas cliniques et pathologiques, relativement en faveur
de la localisation des sens du goût et de l'odorat. Nous avons vu
que, à un point de vue anatomique au moins, le centre olfactif est
en relation directe avec la narine, mais j'ai déjà mentionné que
les symptômes de l'hémianesthésie hystérique paraissent montrer
que l'olfaction comme les autres centres des sens spéciaux est en
relation avec le côté opposé. On peut se demander si l'anesthésie
générale coïncidente de la narine dans ce cas explique l'anosmie;
car j'ai trouvé que l'odorat n'est pas aboli quand la sensibilité[géné-
rale de la narine est atteinte à la suite d'une maladie de la cin-
quième paire. Il est cependant difficile, dans nos connaissances
actuelles, de tracer le rapport anatomique entre la narine et le
côté opposé du cerveau. Ce sujet demande donc de nouvelles recher-
ches. Il y a des cas cliniques qui sont en faveur du rapport direct
de la narine et des centres olfactifs. A ceux rapportés par Ogle,
Fletcher et Ransome' dans lesquels l'anosmie était associée à une
aphaxie et une hémiplégie droite, on peut objecter qu'il y avait
une lésion directe du tractus et du bulbe olfactif. Mais Churton et
Griffith 3 ont rapporté un cas dans lequel l'odorat était atteint du
même côté que la lésion, une tumeur du gyrus uncinatus qui ne
parait pas avoir produit directement au moins, une lésion du bulbe
olfactif.
On a publié plusieurs cas de sensations de goût ou d'odeurs dans
le cas des lésions du gyrus uncinatus. M. Lane Hamilton en a
puhlié un cas sans lésion des nerfs olfactifs; Vorcester en a publié
un second et Hughlings Jackson et Becvor 6 un troisième, dans
lequel toute l'extrémité anterieure du lobe temporo-sphénoidal
droit était le siège d'une tumeur comprenant le noyau de l'amyg-
dale et les fibres médullaires. L'odorat cependant n'était perdu ni
d'un côté ni de l'autre, ce dont on peut se rendre compte par la
destruction incomplète du centre par la tumeur.
Ce cas, comme les autres que nous avons cités, est, suivant la
Die Functions- Localisations auf der Grasshirnrinde, p. 117.
Brait, Octob. 1889. '
Amer. Journal of Insanily, July 1887.
New-York Merl. Journal, vol. XXXIV.
Journal, 28 Mai 1887.
See fanclions of the Brain, 2° édit., p. 321.
LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 390
remarque du Dr Jackson, d'une valeur considérable pour la déter-
mination deslocalisatious sensorielles, quoiqu'ils ne donnent natu-
rellement pas des indications assez précises sur la position et la
limite du centre que les ablations produisent une perte ou un affai-
blissement.Tels quels cependant ils sont d'accord avec les recherches
anatomiques et physiologiques. Le claquement des lèvres et les
mouvement ? de gurtation que l'on observe avec la sensation d'odo-
rat pendant a l'état de rêverie » des attaques épileptiques sont
probablement des décharges des centres de la gustation ; mais il
nous manque sur ce point encore plus d'observations que sur la
situation des centres olfactifs. Le docteur James Anderson 1 a cepen-
dant publié un cas d'une sensation d'odeur et de goût particulière
avec une tumeur du lobe temporo-sphénoidal gauche; mais les
lésions étaient trop étendues et trop indéfinies pour permettre une
conclusion précise sur la position du centre de la gustation.
LECTURE VI. MOTOR CENTRES
Monsieur LE Président,
Messieurs,
J'arrive maintenant à la signification physiologique de la zone de
Rolando du singe et de l'homme et de son homologie chez les ani-
maux inférieurs. J'ai déjà décrit avec assez de détails les mouvements
produits par l'électricité dans les différents points de cette région.
L'interprétation de ces mouvements, a donné lieu à différentes opi-
nions. Le caractère intentionnel de ces mouvements, leur rapport
avec les mouvements volontaires habituels aux animaux et surtout
leur uniformité qu'on peut toujours prévoir, s'accordent à mon avis
avec cette hypothèse qu'ils indiquent une excitation fonctionnelle
des centres directement intéressés dans les mouvements volontaires
et qu'ils font anatomiquement partie de l'appareil moteur.
On a établi par des expériences sur les singes et actuellement
la chose est si généralement admise qu'il est inutile d'entrer dans
de longs détails que la destruction des centres dont l'excitation
produit des mouvements définis, produit de la paralysie des mêmes
mouvements du côté opposé du corps variant en degré, en intensité
et en durée avec l'étendue de la destruction de ces centres. Quand
la destruction est complète la paralysie est permanente et entraîne
une dégénérescence descendante des cordons pyramidaux de la
moelle avec contracture secondaire des membresparalysés. Comme
' Emin, vol. IX, 1887, p.385.
400 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
exemple, je cite l'expérience suivante sur un singe montré au Con-
grès international médical à Londres en 1881, huit mois après
l'opération.
. On détruisit l'écorce comme le montre la figure (fig. 36) de l'hé-
misphère gauche sur une étendue comprenant les circonvolutions
frontale et pariétale ascendantes à l'exception de leur extrémité
supérieure et inférieure. La lésion envahissait aussi la base de la
circonvolution frontale supérieure et le membre [antérieur de la
circonvolution du pli courbe. Ainsi était détruite presque toute
la zone motrice de la convexité de l'hémisphère, les centres de la
jambe, du pied et du tronc étant seulement partiellement atteints;
ceux de la commissure buccale et de la langue étant presque entiè-
rement épargnés. Le résultat de cette destruction fut une hémiplégie
droite presque complète avec déviation con jugée de la tête et des
yeux du côté gauche, comme Jans les cas semblables chez l'homme,
la déviation conjugée de la tête et des yeux fut de courte durée
relativement et la paralysie faciale partielle, d'abord perceptible,
disparut au bout de quinze jours, mais l'état-paralytique des mem-
bres persista. A l'exception de légers mouvements de flexion de la
cuisse et de la jambe, le membre inférieur droit était faible, et ie
bras droit incapable d'aucun mouvement volontaire. Parfois, lorsque
l'animal se débattait on pouvait observer des mouvements associés
de la main droite, semblables à ceux de la main gauche, mais
seulement dans ces circonstance*. La puissance de préhension était
entièrement abolie. La sensibilité cutanée intacte. Le plus léger
contact attirait l'attention, et un pincement ou une excitation dou-
Fig. 36.
LES LOCALISATIONS CEREBRALES. 401\
loure'use produisait une réaction aussi vive que celle du côté sain.
C'est dans cet état que l'animal fut montré au Congrès interna-
tional de médecine, et alors une contracture bien marquée s'est
établie dans les membres paralysés avec exagération des réactions
tendineuses, comme dans le cas d'hémiplégie incurable cérébrale
chez l'homme.
Les recherches sur l'état du cerveau de cet animal furent entre-
prises par un comité nommé par la section de physiologie, et la
position des lésions dans la zone motrice, et leur limitation furent
définitivement prouvées par eux. Des recherches microscopiques
ont aussi démontré l'existence de dégénérescence secondaire dans
les cordons pyramidaux du côté droit de la moelle jusqu'à la région
lombaire.
Dans le cas représenté fig. 37, la lésion faite à l'extrémité supé-
rieure de la scissure de Rolando de l'hémisphère gauche, produisit
une paralysie de la jambe droite, sans trouble de la sensibilité,
suivie de contraction dans les muscles paralysés. Cet état per-
sista huit mois; on tua alors l'animal. Dans ce cas aussi, on trouve
une dégénérescence secondaire de la couronne rayonnante et des
cordons pyramidaux du côté opposé de la moelle, jusqu'à la région
lombaire, ou émergeait les nerfs de l'extrémité inférieure.
Dans une autre expérience, l'écorce fut détruite au milieu de la
circonvolution pariétale ascendante et du bord adjacent de la cir-
Archives, t. XXI. 20
Fig. 37.
402 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
convolution frontale de l'hémisphère droit. Comme résultat, on
observa une.paralysie presque complète de la main gauche, avec
une grande faiblesse dans la flexion de l'avant-bras. Les mouve-
ments de l'épaule étaient intacts ; l'animal pouvait étendre son
bras, mais ne pouvait pas saisir ce qu'il voulait attraper. La sensi-
bilité tactile était absolumeat intacte dans le membre paralysé ;
le plus léger contact éveillait l'attention de l'animal et une exci-
tation douloureuse, comme de pincer ou d'approcher un fer chaud.
produisait des signes évidents de sensations comme de l'autre côté.
Cet état persista les deux mois que l'animal survécut à l'opération.
De pareilles observations, ont été publiées par Horsley etSchae-
fer' et leurs observations sur les fonctions de la circonvolution
marginale, méritent une mention spéciale. L'extirpation de la
circonvolution marginale, produit la paralysie des mouvements que
laisse intacts la destruction des centres de la concavité de l'hémi-
sphère : c'est-à-dire les mouvements du tronc, les muscles de la
hanche et quelques mouvements de la jambe. - Cependant, pour
que ces mouvements soient entièrement paralysés, il faut que la
circonvolution marginale soit détruite dans les deux hémisphères;
comme il semble que les mouvements du tronc sont bilittéralement
coordonnés dans la circonvolution marginale, l'ablation d'une
seule circonvolution est insuffisante pour produire un effet mar-
qué. A l'ablation bilatérale, succède la paralysie la plus absolue
des muscles du tronc..
« L'attitude d'un singe chez lequel on a fait la double ablation
est des plus remarquables. Au lieu de s'asseoir droit, le dos un peu
courbe comme les autres singes, un animal qui a subi l'opération
reste courbé, les jambes et les pieds étendus (ou au plus les han-
ches fléchies), le dos aplati, la queue droite et sans mouvemenst,
les bras étendus en avant pour s'accrocher à un objet. La tête
conserve son pouvoir de rotation, de flexion, d'extension et les
mouvements des yeux et de la face sont normaux. L'animal sou-
vent s'appuie sur les coudes, mais jamais il ne prend la situation
assise normale. Si le singe désire s'asseoir droit, il ne peut le
faire qu'en se tenant par les mains aux barreaux de la cage, ou à
un autre objet. Si on lui fait lâcher les mains, aussitôt l'animal
manque de tomber. La marche n'est presque effectuée que par
les mains, le singe s'avançant en s'aidant avec les mains, et par la
flexion des hanches, les jambes traînent à terre, la surface dor-
sale des orteils frotte contre le sols. »
En outre des mouvements du tronc, il y en a d'autres qui sont
représentés bilatéralement dans chaque hémisphère : ceux de la
région faciale supérieure et ceux du larynx. Donc une extirpation
i Ph. Trans. Bd. XX. 1888.
1 Voir figure : fig. 20, op. cit.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 408
unilatérale de ces centres ne produit aucun trouble et il est nécessai-
re que ces centres soient détruits des deux côtés, pour obtenir une
paralysie. Krause chez les chiens, Semon et liorsley chez les
singes, ont montré que l'extirpation unilatérale des centres du
larynx, ne trouble pas d'une façon perceptible l'adduction des
cordes vocales, tandis que la phonation volontaire est impossible;
lorsque les centres sont détruits dans les deux hémisphères.
II paraîtrait, d'après les recherches de Frank et Pitres', d'Ex-
ner', de Lewaschew3, de Sherrington *, que de tels mouvements
n'étant pas positivement représentés bilatéralement dans chaque
hémisphère, sont secondairement associés suivant l'hypothèse pre-
mièrement émise par Broadbent, par les fibres commissurales
réunissant ensemble les noyaux bulbaires et spinaux. Quoiqu'une
excitation modérée des centres corticaux des membres ne donne lieu
à des mouvements en général que du côté opposé; cependant, il ar-
rive assez souvent que si l'excitation est augmentée, par les mou-
vements se produisant des deux côtés. Ces mouvements sont
toutefois plus prononcés du côté opposé, que du même côté.
Chez le singe comme chez l'homme, il n'est pas rare de trouver de
la dégénérescence descendante dans les deux colonnes latérales,
comme résultat de lésions corticales unilatérales.
D'après les récentes recherches de Sherrington, si les lésions
corticales affectent seulement les centres des membres, la dégé-
nérescence bilatérale ne se produit pas au moins à un certain
degré, mais elle est très prononcée si les lésions atteignent la cir-
convolution marginale. La dégénérescence est confinée aux cordons
pyramidaux du même côté jusqu'à la décussation des pyramides,
mais devient bilatérale dans la moelle. Cependant, dans le cas du
centre laryngé qui est plus manifestement bilatéral, la dégéné-
rescence est bien marquée dans les pyramides des deux côtés. Ces
faits comme les observations cliniques chez l'homme montrent que,
même pour les membres, ehaque hémisphère réprésente les deux
côtés du corps, principalement le côté opposé, mais jusqu'à un
certain point aussi le même côté.
Le fait a d'abord été observé par Brown-Séquard, et ses obser-
vations ont été confirmées par Pitres5 et FriedlanderG que les
lésions qui produisent l'hémiplégie du côté opposé produisent
aussi une diminution dans l'énergie des mouvements des membres
' * Leçons sur les fonctions motrices du cerveau. 1887.
' Sitzung s b - d IViener Akad. 3 abth. - pp. 185-190. 1887.
1 Archiv sur Physiologie. Bd. 36.
Journ. of Physiologie, n° i 5 et 6, ébatte. 1890. Bnlish. Med. Journ.
» Archives de Neurologie n- 10-1882.
° Nelll'olog,sches Centralblatt, n" 11-1883.
404 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
du même côté. C'est un résultat auquel on doit s'attendre si
chaque hémisphère est eu relation avec les deux côtés du corps.
Les relations bilatérales de chaque hémisphère qui existent
jusqu'à un certain point chez l'homme et chez le singe, sont,
comme nous le verrons, plus prononcées chez le chien et les ani-
maux inférieurs; et chez le chien, comme l'a montré Sherrington,
on rencontre plus souvent la dégénérescence bilatérale après une
lésion corticale unilatérale. Cette représentation bilatérale nous
rend compte d'un certain degré d'amélioration, même quand on a
détruit entièrement les centres moteurs d'un hémisphère, et cette
amélioration est plus particulièrement marquée pour les mouve-
ments qui sont habituellement associés à ceux du côté opposé et
moins pour ceux qui sont indépendants et spécialement volon-
taires. D'où, dans la paralysie corticale, le bras est plus paralysé
que la jambe et les mouvements distants» » du bras plus que les
« proximaux ». Ces faits ont une grande importance pour l'hypo-
thèse de la compensation fonctionnelle pour les centres détruits
par les centres voisins ou par d'autres portions du même hémis-
phère. Aujourd'hui, il est hors de doute que les lésions corticales
de la zone motrice de l'homme telles qu'elles détruisent et non pas
compriment seulement la substance grise des centres respectifs,
. produisent invariablement une paralysie des mouvements volon-
taires dans les parties correspondantes. Un tel résultat se pro-
duit, non seulement après des lésions destructives d'une maladie,
mais aussi après l'excision chirurgicale des centres corticaux. Non
seulement des lésions de toute la région rolandique amènent une
hémiplégie, mais des lésions limitées produisent des paralysies
limitées ou une monoplégie de la face, du bras, de la jambes en
rapport précis avec les résultats obtenus par l'expérimentation
chez les singes.
Dans les c Gulstonian Lectures * sur les localisations cérébrales
que j'ai eu l'honneur de faire devant ce collège il y a douze ans,
je vous ai montré un certain nombre de cas rassemblés de diffé-
rentes sources qui venaient à l'appui de ces conclusions. Depuis
beaucoup ont été publiées, qui les confirment encore et on semble
considérer la chose comme si bien prouvée, que les cliniciens ont
cessé de publier leurs observations.
Des 483 cas de maladies corticale et sous-corticale rassemblés à
mon instigation par le Dr Ewens (en excluant en général les tu-
meurs et les autres lésions qui peuvent produire des affections in-
directes d'autres parties), j'ai 110 cas d'hémiplégie du côté opposé
par lésion générale de la zone rolaudrique; 90 cas de monoplégie
par lésions limitées de cette zone ; dont 11 cas de monoplégie
crurale par lésion du lobule paracentral, 15 de paralysie du bras
et de la jambe par lésion du lobule paracentral et du tiers supé-
rieur des circonvolutions ascendantes ; 33 cas de monoplégie bra-
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 40S
chiale, comprenant trois cas d'excision chirurgicale par lésion de
la partie moyenne des circonvolutions ascendantes, 19 cas de para-
lysie du bras et de la face par lésion de la moitié inférieure de la
zone rolandique et 10 cas de paralysie faciale par lésion du tiers
inférieur de cette lésion. En plus, j'ai des notes sur 20 cas d'a-
trophie de l'écorce de la région rolandique en rapport avec une
hémiplégie congétinale ou infantile ou par absence congétinale ou
une très ancienne amputation d'un membre.
Chez le singe et l'homme, il n'y a pas de preuve de compensa-
tion fonctionnelle des lésions paralytiques, excepté celle que l'on
peut mettre sur le compte des rapports bilatéraux de chaque hé-
misphère cérébrale. La théorie de la compensation par d'autres
portions du même hémisphère a été émise plus particulièrement
pour rendre compte de la guérison apparente chez des chiens et
les animaux inférieurs après une destruction unilatérale complète
des centres corticaux. C'est la une hypothèse incompatible avec
les principes de localisation qu'admettent les auteurs ; et qui de
plus est inutile. Quoique les chiens semblent guérir des troubles
de la motilité qui étaient manifestes après une extirpation unilaté-
rable de leurs centres moteurs, cependant en réalité la guérison
n'est jamais complète. -Seuls restent atteints d'une façon perma-
nente les mouvements les moins automatiques et les plus volon-
taires, tandis que les plus automatiques et les moins volontaires,
comme ceux nécessités pour la station et la marche coordonnée et
qui, comme nous l'avons vu dans la première leçon, peuvent per-
sister chez quelques animaux même après l'extirpation complète
des deux hémisphères, sont comparativement peu atteints.
Les mouvements qui sont le plus paralysés sont ceux des membres
qui servent comme main ou organe de préhension.
Il semble, d'après les premières expériences de Goltz sur les
chiens que l'usage de l'avant-bras comme une main, tels que dans
l'action de donner la patte, de tenir un os pour le ronger, était
paralysé d'une façon permanente par la destruction des centres
moteurs du côté opposé. Mais dans sa dernière intéressante com-
munication', il a montré que ce n'était pas tout fait exact. Il donne
des détails sur un chien chez lequel tout l'hémisphère gauche
fut détruit et qui survecut quinze mois. Chez cet animal, ,les mouve-
ments des membres droits, en ce qui concerne la station et la
locomotion étaient si peu atteints, quoique pas entièrement nor-
maux, que la lésion pouvait bien échapper à une observation super-
ficielle. 11 n'avait pas entièrement perdu l'usage de la patte droite
comme main pour tenir un os au moins en association avec la
gueule, quoiqu'il fût très imparfait à ce point de vue. On n'avait
pas appris à l'animal à donner la patte, de sorte qu'on ne put
* Arch. f. Physiologie, vol. XIII, 1888.
406 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
déterminer s'il pouvait toujours exécuter ce tour appris, quoique
GolLz pense que. dans des cas rares, un chien puisse exécuter cet
acte après une destruction profonde etétendue(mais probablement
incomplète) de la zone motrice de l'hémisphère opposé. La pos-
sibilité de l'usage des membres opposés à un certain degré indé-
pendant ou plutôt associé, dépend, comme le démontrent claire-
ment les expériences de Goltz, de l'intégrité des centres moteurs
de l'hémisphère intact; car quand ces centres sont détruits des
deux côtés, tout mouvement volontaire reste paralysé d'une façon
permanente. Il dit : « Un chien dont les centres moteurs des
deux hémisphères ont été détruits ne peut se nourrir lui-même, les
mouvements de la langue sont gravement atteints, quoique la
langue dans le cas d'extirpation unilatérale se meuve normale-
ment. L'animal peut, comme nous l'avons dit plus haut, tou-
jours marcher, mais d'une façon maladroite et chancelante.
Tous les mouvements des pattes comme mains sont entière-
ment impossibles* * ». L'impuissance dépend de la destruction sy-
métrique des centres moteurs dans les deux hémisphères; car si
les centres moteurs d'un côté et les régions occipitales de l'autre
côté sont détruits, le chien peut manger et boire et mouvoir sa
langue, marcher et courir à peu près bien et se servir de ses
deux pattes, jusqu'à un certain point, pour tenir un os en le ron-
geant. Ce qui est vrai de la représentation bilatérale des facultés
motrices dans chaque hémisphère, parait aussi s'appliquer aux
facultés en général et aux sens spéciaux. A part la paralysie
motrice, je n'ai jamais pu découvrir le moindre trouble de la
sensibilité tactile, spéciale ou genérale après la destruction des
centres moteurs. On peut observer l'absence ou le défaut de
réaction des membres paralysés à l'excitation sensitive ; mais cela
ne tient pas à un défaut de sensation, car l'attention de l'animal
est attirée aussitôt par le plus léger contact du côté paralysé, et il
manifeste sa mauvaise humeur si on le soumet à une excitation
douloureuse, comme la piqûre d'une épingle. Le contraste entre
les reactions aux excitations sensitives du singe dont on a enlevé
le lobe falciforme et de celui dont on a extirpé les centres moteurs
est si frappant qu'on ne peut douter que dans le dernier cas, lu
sensibilité est conservée tandis que dans l'autre elle est abolie ou
profondément atteinte. Horsley et Schæfer n'ont aussi pu obte-
nir aucune preuve de la sensibilité générale après la destruction
des centres moteurs.
« Nous avons vu, disent-ils, suffisamment pour nous convaincre
qu'une lésion de l'écorce qui produit une paralysie du mouvement
volontaire n'est pas nécessairement accompagnée par la perte de
1 Op. cil., p. 4,8.
- LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 407
la sensibilité générale de la partie paralysée' ». Pour vérifier l'hy-
pothèse qui a été avancée par quelques-uns que les cellules super-
ficielles de l'écorce motrice sont sensitives, ils ont detruit dans un
cas les couches superficielles de la substance grise au moyen du
cautère actuel. « Malgré l'oblitération complète des vaisseaux
superficiels, disent-ils, ainsi obtenue nous n'avons obtenu seule-
ment qu'une paralysie musculaire, incomplète comme résultat de
l'opération : mais, quoique les couches superficielles de l'écorce fus-
sent détruites, il n'y avait aucune diminution de la sensibilité dans
les parties atteintes de paralysie. Le ramollissement par les
thromboses produites par le cautère n'eut pour effet qu'un état
plus complet de paralysie musculaire, mais la sensibilité du côté
opposé reste toujours intacte jusqu'à la mort de l'animal 2 ». Une
des expériences de Goltz sur les chiens démontre aussi clai-
rement 3 que la destruction de la zone motrice corticale
n'altère pas la sensibilité du côté opposé. Se souvenant de ce
fait bien connu que les chiens grognent quand on les touche
quand ils mangent, il touchait le côté droit d'un chien, dont on
avait, quelque temps auparavant, détruit les rentres moteurs de
l'hémisphère gauche. L'animal répondait invariablement par des
signes de mécontentement au plus léger contact. Bechterew a dé-
montré le même fait chez les chats *. « C'est d'une observation
courante qu'un chat n'aime pas avoir les pattes mouillées, de
sorte que s'il tombe, par hasard, sur une place mouillée, il
s'arrête, secoue sa patte, pour la lécher, avant d'avancer plus loin ;
ou, si pendant qu'il sommeille paisiblement, une goutte d'eau
tombe dessus, il tressaille et rapidement s'en débarrasse, ou il
ferme les yeux et contracte ses oreilles si on touche sa patte dou-
cement sans qu'il vous voit ». Après avoir observé ces faits chez
un chat qu'il voulait opérer, Bachterew enleva l'ecorce de la ré-
gion du gyrus sigmoïde. Au réveil du sommeil narcotique, l'ani-
mal montra des désordres moteurs caractéristiques dans les mem-
bres droits, et il ne pouvait pas se servir de sa patte droite pour
un acte volontaire indépendant, mais, en touchant l'oreille ou
la plante droite comme le pied gauche, on provoquait la ferme-
ture des yeux et la rétraction des oreilles comme auparavant, et
quelques gouttes d'eau faisaient tressaillir l'animal et il faisait les
mêmes etiorts pour s'en débarrasser comme auparavant.
Cependant, de nombreux observateurs, comme Ilitzig, Nothna-
gel, Schilf, Munk, Tripier, Goltz, Luciani, etc., ont maintenu que
'Op. cit., p. 15.
Oo. cit, 17.
' Pflugers Archiv., Bd. XXXIV, 1884, p. 465.
` Op f P/tügeo·'s Archiv., Bd. XXXV, 1885, p. 137.
408 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
le trouble produit par la destructiou des centres soi-disant mo-
teurs s'accompagne au dépend de troubles de la sensibilité géné-
rale, musculaire ou tactile ou des trois ensemble dans les mem-
bres paralysés.
Mes propres expériences, comme celles de Horsley et Scha ? fer ont
montré qu'il n'y avait aucune altération ou perte observable de la
sensibilité tactile en général après les lésions de la zone motrice,
et je vais maintenant examiner en détail les données sur les-
quelles s'appuient les différents auteurs cités plus haut pour établir
leurs conclusions. Elles me semblent basées surtout sur le défaut
de réaction aux excitants sensitifs qui peut aussi bien s'expliquer
par l'incapacité motrice que par l'altération sensitive, ou bien ces
troubles sensitifs sont dus à la lésion d'autres parties que la zone
motrice de l'écorce. Ceci s'applique plus particulièrement aux ex-
périences de Goltz dans lesquelles les lésions de l'hémisphère ou
des hémisphères sont interminées ou vagues. Il est aussi incontes-
table que chez l'homme la paralysie par lésion de la zone motrice
est dans la majorité des cas essentiellement motrice et ne s'accom-
' pagne d'aucun désordre delà sensibilité tactile, musculaire ou géné-
rale.J'ai moi-même observé plusieurs cas et réuni beaucoup d'autres
lésions de la zone motrice certicale avec paralysie, dans les-
quelles les différents modes de sensibilité ont été recherchés avec
soin et trouvés normaux. Mais il est vrai aussi que dans un bon
nombre d'autres cas de lésions de la zone motrice, on a observé un
certain degré d'altération de la sensibilité tactile ou musculaire
généralisée ou localisée. Et plusieurs auteurs, Petrina a Exner 1,
Luciani et Seppili g, Starr *, Dana Lissa 6, ont essayé de mon-
trer, par l'examen des observations cliniques de maladie céré-
brale, que les centres moteurs et les centres de la sensibilité tactile
et génerale coïncidaient, de sorte que les troubles sensitifs, quel-
ques fois au moins sinon toujours, accompagnaient la paralysie
motrice. Les données sur lesquelles ces conclusions sont basées me
paraissent très peu satisfaitantes. Les lésions ont été ou des taches
microscopiques incapables de rien produire par elles-mêmes ou des
foyers multiples de maladies non limitées a l'écorce elle-même.
Une cause n'est prouvée que s'il y a un rapport constant et inva-
' Sensibilitcets stocrungen bei Hirnrin den Idsionen, Zeitseh f. Heilkunde
' Bd. II, p. 375,1881.
' Z.oes<Ma : <Mttder7''MKe< : OMe ! t : ' ? : der Grosshirnrinde des Menschen, 1881.
3 Die Functions - Localisation au/' der Grosslzirnrinde, 1886.
, Locatased cérébral disease. Anzer, Jomm. Med. Se. 1884.
» Cortical Localisation o f cutaneous sensations, 1888.
' ZMr Lehre von de)' Localisation des Gefuhls in. der Grosshirnzinde,
1882. ·
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 409
riable entre une lésion particulière et un symptôme particulier.
Dans le cas de la zone motrice, il a été démontré que des lésions
destructives produisent invariablement -une paralysie motrice,
locale ou généralisée suivant la position et l'étendue de la lésion.
Un seul cas de paralysie par lésion de la zone motrice corticale
sans trouble de la sensibilité est suffisant pour renverser une foule
de cas positifs dans lesquels les deux symptômes semblent avoir
été causés par la même lésion. De toutes ces considérations, il ré-
sulte qu'un examen des observations cliniques puisées indistincte-
ment à toutes les sources en acceptant les tumeurs et les lésions
capables de produire des troubles à distance n'est pas certaine-
ment en faveur des conclusions que les auteurs ci-dessus cités ont
tirées de cette espèce de preuve. Car des 110 cas de lésion géné-
rale de la zone de Rolando produisant une hémiplégie, dans
52 cas la sensibilité était intacte (dans un de ces cas une grande
partie de l'écorce motrice était excisée'). Dans 37 l'état de la sen-
sibilité n'est pas mentionné, dans 21, elle était quelque peu at-
teinte. De ces cas, dans un, la sensibilité était émoussée sur le
petit doigt ? dans d'autres il y avait une hyperesthésie générale,
plus marqué du côté paralysé. Dans un cas, toutes les sensibilités
étaient conservées, mais la localisation du contact était défec
tueuse 3.
Dans ce cas cependant, la table interne du crâne avait été en-
foncée dans la substance cérébrale, produisant ainsi une hémi-
plégie générale. Dans deux cas la lésion s'étendait profondément
dans la substance blanche. Dans un cas, la lésion corticale était
compliquée par la présence d'une large tumeur dans le centre
ovale 4. Dans un, on dit que la sensibilité était émoussée des deux
côtés du corps. Dans un autre °, la lésion était un large kyste hé-
morrhagique dans les deux circonvolutions centrales. Dans ce cas
et dans cinq autres, l'insula de Reil et la capsule externe étaient
atteintes. Dans un, l'hémiplégie était accompagnée d'un fourmil-
lement anesthésique du pied paralysé. Dans ce cas il y avait des
dépôts tuberculeux aussi bien dans le gyrus fornicatus que dans
les circonvolutions centrales. Dans 7 autres, il y avait une mé-
ningo-encéphahte ou méningite tuberculeuse diffuse. Dans 10 cas
de monoplégie crurale par lésion du lobule paracentral, la sensi-
bilité cutanée était intacte dans six, atteinte dans deux, et non
mentionnée dans deux. Dans un «, la sensibilité à la douleur était
' Cas. de S. H. Brain, vol. X, p. 95.
* Tripier. Rev. mens. 1880, Cas. 4.
5 Bramwell's Case journal, 28 août 1875.
. Séguin's case Trans. Amer. Neur. Ass. 1877, p. 115.
n Stai r's case 75. Amer. jour. Dled. Se. Juillet 1884.
° Gougenheim. Soc. Dléd. des hôpitaux, 1878, p. 48.
410 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
un peu diminuée dans le membre paralysé, mais cela disparut le
jour suivant. Dans l'autre ', la jambe se gangrena après avoir pré-
senté de l'anesthésie. Des 15 cas de paralysie du bras et de la
jambe par lésion du lobule paracentral et du tiers supérieur des
circonvolutions ascendantes, la sensibilité était intacte dans six,
non mentionnée dans cinq et affectée dans quatre cas. Dans trois
de ces cas, le lobule paracentral était profondément atteint, dans
un c'était une masse tuberculeuse et dans un seul l'anesthésie fut
marquée et permanente. Dans tous les quatre la lésion était à
proximité ou comprenait le gyrus fornicatus. Dans un cas de
mon service d'une cicatrice traumatique au tiers supérieur de la
circonvolution frontale ascendante, l'excision de la lésion fut sui-
vie d'une perte de la sensibilité tactile du dos des deux phalanges
distinctes et de l'incapacité d'indiquer la position des doigts de
cette main. Ce trouble de la sensibilité disparaît enfin pendant t
que persistait la paralysie motrice. Dans ce cas, la lésion atteignait
le gyrus fornicatus.
Des 35 cas de monoplégie brachiale, il y a 5 cas d'excision de
portions de l'écorce pour la cure de l'épilepsie focale. Dans 2 cas
de von Bergman 3 etKee,14 la sensibilité était intacte. Dans un autre
publié par Keen d'hémiplégie et d'épilepsie dû à une fracture, il y
eut après l'opération une légère altération de la sensibilité dans la
moitié de Pavant-bras et dans les deux doigts internes. Mais cet état
de la sensibilité étaitpareil avant l'opération. Dans un autre 'il il n'y
avait aucune altération notable de la sensibilité tactile ( ? ) ou mus-
culaire : Le malade ne pouvait distinguer la forme des objets parce
qu'il ne pouvait pas remuer les doigts. Dans un cinquième cas',
l'ablation d'une tumeur de la région pariétale inférieure droite qui
occasionnait des attaques d'épilepsie débutant par le pouce, donna
lieu à une anesthésie tactile de tout le côté gauche avec une perte
du sens musculaire dans le bras gauche. Dans ce cas, les cordons
sensitifs pour tout le côté opposé du corps étaient manifestement
atteints. Des 30 autres, la sensibilité était intacte dans 12, non
mentionnée dans 15 et atteinte dans 3. Dans l'un de ces cas on
avait à faire à une gomme 8. Dans le second 9, une compression de
1 Ballet. Arch. deNeur., t. V, p. 281. ·
° Case of. J. B. Brain, vol. X, p. 26.
s drchiu. f. hlin, Chirurg, p. 801, 1887.
1 Amer. Journ. Ved. Se. 1888, case 3.
Ibid., case 2.
Lloyd and Deaver's case, Amer. Jour. àled. Se. 1880, p. 477.
Jackson et llorsley (Brain, vol. X, p. 93).
' Martin. Chicano. Med. Jour., vol. XLVI, p. 21.
9 Wood, Ph. med. Trans., vol. V, p. 470.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 411
l'insula de Reil. Dans le troisième la sensibilité était abolie surtoute
la surface du corps '. Des 19 cas de lésions de la moitié inférieure
de la zone de Rolando produisant une paralysie de la face et du
bras, la sensibilité était intacte dans 11, non mentionnée dans 5,
atteinte dans 3. Dans l'un de ces cas un noyau sanguin de l'insula
de Reil confirmait les circonvolutions sous-jacentes. Dans un autre
du même auteur 3 un petit tubercule de la grosseur d'un grain de
chénetis situé dans la circonvolution de Broca auraitcausé ( ! ) une
paralysie du côté droit de la face et du bras et l'anesthésie du côté
droit du tronc. Le troisième cas, publié aussi par Petrina, est sem-
blable au second. Des dix cas de maladie du tiers inférieur de la
zone de Rolando produisant une simple paralysie faciale, la sensi-
bilité était intacte dans 4, non mentionnée dans 5, et altérée dans
1. Dans ce cas 4, il y avait une anesthésie non seulement de la face
mais aussi de la moitié du tronc.
11 semble donc que de 284 cas atteignant la zone de Rolando en
totalité ou en partie, dans 100, l'état de la sensibilité n'était pas
indiquée; dans 121 elle était intacte, et cela constaté par les clini-
ciens les plus dignes de foi, et dans beaucoup 5 de ces cas on déclare
avoir recherche spécialement les différents modes de sensibilité.
Dans les cas restant aucune note détaillée sur l'état des différents
modes de sensibilité ni sur la méthode employée pour cette vérifi-
cation. Dans 63, quelque altération dans la sensibilité est notée.
Riii,roseAlkins,joui,2z. 1878.
Pett,itia. - Zeitsch. f. lleilkunde, vol. XI, 1881, cas 1.
' lbrd., cas 6.
' Petrina. - Sup. cit. cas 3.
' Mins (Trans. Amer. Cong. of Phys., etc., 1888, p. 269) (analysé dans
Brais. oct. 1889); Délépine (Hans. Palh. Soc. 1889); Fermier (Brain,
avril 1883, p. 07), Montard-Martii) (Bull. Soc. Anat., 1876, p.7UU); Laquer
(Inaug. Dissert., Bresiau, p. 71, cas 10); Mills (Université de Aléd. Mag.,
nov. 1889); Ferner (Bruni, vol. X, p. 95); Bavmond et Derignac (Gaz.
Med., 1882, p. 665); von Bergman (Arch. f. Alm. Chirur, 1887, p. 86);
Davy et Beunett (Brain, vol. IX, p. 74); Ballet (Arch. de Neurologie, vol. V.
p. 275, cas 1); Lloyd et Deaver (Am. Jour. )léd. Se., vol. 96, p. 477);
Keen (Cérébral Sargery Am. Jour. Méd. Se, 1888, cas 3). On pourrait
ajouter à ces cas plusieurs cas d'hémiplégie avec aphasie (non suivis
d'autopsie) dans lesquels les symptômes indiquaient une lésion corticale.
Dans un cas récent de paralysie absolue du bras droit avec surdité ver-
bale et cécité verbale, dans mon service à l'hôpital du King's College,
la malade était prévenue du plus léger contact de sa main paralysée ou
d'une goutte d'eau chaude ou froide qu'on laissait tomber sur elle et les
yeux fermés elle pouvait placer sa main gauche partout où on avait placé
son bras paralysé. C'est là un moyen de vérifier le sens de la position
qu'on peut employer chez ceux qui ne peuvent comprendre ni parler, et
aussi applicable aux animaux.
412 -. PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Dans 28 de ces cas la lésion n'était pas confinée àla zone de Rolando,
mais englobait les lobes adjacents et particulièrement le pariétal.
Les 35 autres cas ont été déjà analysés et j'ai montré que les lésions
comprenaient soit les centres sensitifs dans le gyrus fornicatus, soit
les cordons sensitifs dans la capsule interne. Même dans les cas où
de pareilles lésions ne peuvent être démontrées, j'admets volontiers
que de pareils cas existent, il est plus logique de supposer qu'ils
peuvent avoir existé que de dire que chez certains individus les
centres moteurs et tactiles peuvent coïncider, tandis qu'ils sont
séparés chez d'autres. Je ne pense pas que l'aura sensitive qui
précède ou accompagne les spasmes épileptiformes localisés peut
être prise comme une preuve de la coïncidence des centres moteurs
et sensitifs. Elle peut prouver la contiguïté physiologique ou anato-
mique, mais non la coïncidence. Car les recherches les plus soi-
gneuses dans un grand nombre de cas n'ont pas réussi à decouvrir
la plus légère atteinte d'aucune des formes de la sensibilité géné-
rale, tandisque l'affection motrice était des plus prononcées. Il n'y
a aucun rapport aussi entre ledegre de l'altération de la sensibilité
et celui de la paralysie motrice. La paralysie motrice a éte absoule,
tandis que l'altération de la sensibilité était légère et confinée a un
ou au plus 2 à 3 doigts; ou la paralysie motrice a été limitée,
tandis que l'altération de la sensibilité tactile était générale. Et
dans les autres l'altération de la sensibilité tactile, d'abord obser-
vée a ensuite disparu, tandis que la paralysie motrice a persisté.
Et quand, en plus, nous considérons que la sensibilité musculaire
et tactile peut être abolie en l'absence de paralysie motrice, état que
l'on peut reproduire expérimentalement chez les singes, par lésions
du lobe falciforme nous avons une preuve de plus que les centres
moteurs et sensitifs de l'écorce sont anatomiquement dislaiitsl'uli
de l'autre et que nous ne pouvons attribuer la paralysie motrice
à aucune altération de la sensibilité tactile ou musculaire. La pro-
duction de légère altération de la sensibilité tactile ou musculaire,
plus particulièrement dans les doigts qui a été considerée par plu-
sieurs comme la caractéristique des lésions de la zone corticale
motrice doit être, à mon avis, regardée comme le commencement
ou les restes d'une hémianesthésie générale plutôt que comme
l'indication des centres spéciaux de la sensibilité tactile ou muscu-
laire des doigts dans l'écorce motrice.
Comme preuve à l'appui, je vous décrirai avec détails le cas sui-
vant. La malade est une daine âgée de 50 ans, souffrant de cécité
verbale et d'un léger degre d'hémiopie droite que j'ai diagnostiqué
comme due à une tumeur dans la région du pli courbe. Pas de
paralysie du mouvement, mais une très légère atteinte de la locali-
sation du contact et des sens de la localisation des doigts de la main
droite, la face et la jambe entièrement normales. M. Horsley entre-
prit une opération pour l'ablation de cette tumeur, mais il la trouva
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. H3
par la trépanation située au-dessous du pli courbe et ne put l'enle-
ver sans danger. C'était un cas où sans doute les cordons sensi-
tifs de la capsule interne étaients atteints, mais légèrement, d'où
la limitation de l'anesthésie aux doigts. Si la capsule interne avait
été plus atteinte il y aurait sans doute eu perte de la sensibilité
tactile et musculaire de tout le côté opposé du corps.
Ce cas a une certaine importance au point de vue de l'hypothèse
émise par quelques auteurs, Nothnagel' entre autres, que les centres
du sens musculaire sont sités dans le lobe pariétal. L'altéra-
tion de la sensibilité tactile et du sens de la position des membres
a été quelquefois observée dans le cas de lésions de cette région,
quelquefois compliquée d'hémiopie où la lésion envahit aussi la ré-
gion occipito-angulaire comme dans le cas ci-dessus et dans un cas
publié par Westphal '. Mais la cause réelle de ces symptômes est,
je crois, l'extension de la lésion aux cordons sensitifs de la capsule
interne qui est située au-dessous de cette région et non la lésion
de l'écorce elle-même ; car les lésions du lobe pariétal inférieur ne
produisent pas la plus légère altération de la sensibilité générale
du côté opposé du corps.
Les lésions corticales de la zone motrice causant une paralysie
complète peuvent se produire sans aucun trouble du sens muscu-
laire et la perte du sens musculaire sans aucune paralysie. Je suis
d'accord avec Bastian, James3 et d'autres et j'en ai produit des
preuves expérimentales qui soutiennent, contrairement à Bain,
Wundt et Hughlings Jackson, que le sens du mouvement, de son
étendue et de sa direction, dépend d'impressions centripètes pro-
duites par le mouvement lui-même et non par un courant centri-
fuge, naissant des centres moteurs.
Nous n'avons. je crois, aucun sens de l'innervation indépendam-
ment des impressions sensitives venant des parties en mouvement.
L'énergie des centres et de l'appareil moteur n'est révélé à la
conscience que par le fonctionnement des cordons et des centres
sensitifs correspondants. L'idée ou la conception d'un mouvement
est donc un réveil dans les centres sensitifs correspondants d'im-
pressions variées qui ont été associées avec ce mouvement parti-
culier. De ces impressions, les plus importantes sont les sensations
visuelles et les impressions comprises généralement sous le nom
de sens musculaire. - Pour apprendre un mouvement, la vue est
notre guide principal qui nous permet de placer nos membres
dans la position voulue pour tel effet et nous associons aussi avec
' VI Congress für inl1ere Médecin, Neurolog. Centralblatl 1887, vol. VI,
p. 213.
' Zor localisation des hémianopsies unddes Muskelgefiils beim .11ensehen
Charité Annalen 1882.
3 The feeling of effort, 1880.
414 . PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
ce mouvement particulier une série distincte d'impressions du sens
musculaire. - Le réveil de ces impressions, séparément ou con-
jointement, est l'idée du mouvement et ce qui nous permet de
produire la combinaison musculaire appropriée est l'acte volon-
taire luit-même. -
- Je prétends que les centres des sensations qui accompagnent l'ac-
tion musculaire et qui forment en partie la base de nos idées de
mouvement sont distinctes des centres corticaux par lesquels et
grâce auxquels les mouvements particuliers sont effectués. La
destruction des centres moteurs corticaux paralyse la puissance
d'exécution, mais non la conception idéale du mouvement lui-
même. Un chien qui a ses centres corticaux détruits a une notion
distincte des mouvements désirés lorsqu'on lui dit de donner la
patte, mais il fait d'inutiles efforts. Et aussi il n'est pas rare qu'un
malade qui est hémiplégique par embolie de son artère sylvienne
découvre son état par l'impossibilité d'exécuter les mouvements
qu'il a distinctement conçus.
Les mouvements volontaires peuvent être exécutés avec une
absence totale de tout sens de mouvement. Das le cas bien connu
décrit par Schùppel ', le malade anesthésique par maladie de la
moelle était capable de coordonner ses membres parfaitement et de
les remuer librement avec l'aide de la vue, et même sans l'aide de
la vision il les employait avec un certain degré de précision. Un
même état peut se rencontrer dans l'hémianesthésie par lésion
organique des conduits sensitifs dans la capsule interne et dans
les troubles fonctionnels décrits sous le nom d'hémianesthésie
hystérique. - Quoique le malade soit capable de remuer le
membre anesthésique volontairement, il n'a aucune notion de sa
position ni de la résistance qu'on peut opposer à son mouvement.
Bastian5 cependant soutient que « la règle a été avec les malades
hémianesthésiques observés par Charcot à la Salpêtrière que malgré
la perte complète de la sensibilité tactile et généralement une
absolue insensibilité à la douleur dans la peau et les organes sen-
sibles du côté atteint, avec une parésie des membres affectés, le
sens musculaire a été presque toujours intact ».
Sur cette question, j'en ai appelé à Charcot lui-même. Il m'a
avantagé d'une réponse dont je cite le passage suivant : « Les cas
d'hémianesthésie hystérique peuvent se rencontrer chez l'homme
et chez la femme affectant seulement les téguments superficiels
et sans comprendre le sens musculaire, mais l'obnubilisation ou la
disparition complète du sens musculaire-en particulier la perte du
sens de la position des membres-estaussi fréquente, on peut presque
dire habituelle dans l'hémianesthésie hystérique, spécialement
' Archiv d. Heilkunde, 1874 Bd. XV, p. 44.
2 The muscular Sensé (Brain, vol. X, 1889).
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 415
quand elle est accompagnée de parésie ou d'hémiplégie. Jusqu'à
présent je n'ai pas rencontré d'altération sérieuse, strictement
limitée au sens musculaire dans l'hystérie sans hémianesthésie
cutanée. Il semble donc que l'abolition du sens musculaire repré-
sente le plus haut dégré de l'échelle hémianesthésLque ». Je me
rappelle aussi les cas d'hémianesthésie' dans lesquels le sens de la
position des membres etait entièrement aboli et cependant, les
malades pouvaient remuer les membres affectés librement même
les yeux fermés. Cependant dans de telles conditions les mouve-
ments des membres privés de sens musculaire sont incertains et
hésitants ».
Ces faits et d'autres semblables montrent que le sens du mouve-
ment n'est nécessaire ni à la coordination, ni à la puissance
d'accomplir un mouvement. La vision peut entièrement remplacer
le sens musculaire, quoique, comme on doit s'y attendre, les mou-
vements volontaires effectués seulement avec l'aide de la vision
sont, lorsque les yeux sont fermés, moins précis et certains que
ceux exécutés avec l'aide du sens du mouvement. Cependant, ces
défauts peuvent être réparés par la pratique pour une large part ;
de telle sorte que, même lorsque les yeux sont fermés, la con-
ception visuelle du mouvement est capable de compenser presque
entièrement ou entièrement la perte du sens musculaire. On peut
admettre que cela n'arrive pas dans tous les cas, mais le point
essentiel est que cela peut arriver dans quelques cas, et un cas de
ce genre est suffisant pour démontrer que l'action volontaire n'est
pas nécessairement liée aux sensations actionnées par le mouve-
ment lui-même.
On peut concevoir que les idées de mouvement peuvent être for-
mées et les mouvements volontaires effectués par un cerveau
consistant seulement en centres visuels et moteurs. Dans ces cir-
constances, la vision serait principalement occupée à diriger les
mouvements et l'étendue de l'action musculaire et de l'adaptation
musculaire seraient infiniment moindres que si elles étaient gui-
dées aussi par les sensations nées des mouvements eux-mêmes.
Par le sens musculaire nous pouvons concevoir et exécuter des
mouvements que nous n'avons jamais vus, mais nous sommes inca-
pables de concevoir et d'exécuter des mouvement que nous n'avons
ni vus ni sentis. Mais quoique dans les conditions ordinaires les
sensations de mouvements sont l'accompagnement invariable de
l'action musculaire et sont répétées aussi souvent que l'action elle-
même, cette association constante n'implique pas que l'un est dépen-
dant de l'autre ou que les idées musculo-sensorielles de mouve-
ment soient les excitants nécessaires ou immédiats du mouvement.
1 Diseases of Nervous System (Sydenham Soeiéty), vol. III, p. 301, 14b,
463.
416 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. -
- Bastian soutient qu'en plus des impressions conscientes qui
accompagnent l'action musculaire qu'il localise principalement
au moins dans le lobefalciforme, ii y a un ensemble d'impressions
non senties qui guident l'activité motrice du cerveau en le mettant
en relation automatiquement avec les différents degrés de contrac-
tion de tous les muscles qui peuvent être en état d'action. - Il
J donne à ces impressions non senties le nom de « Kinesthésies » et
il considère que les centres moteurs sont le siège de ces kinesthésies
ou sens du mouvement. Les centres moteurs sont donc, suivant lui,
en réalité des centres sensitifs qui excitent les vrais centres de la
^ moelle par l'intermédiaire des cordons pyramidaux qui les unit.
Je ne puis, avec Bastian, comprendre dans le sens musculaire qui
est si essentiellement un'acte de discernement conscient, lesimpres-
sions inconscientes par l'intermédiaire desquelles la coordination
harmonieuse des différents segments de la moelle et des centres
inférieurs est assurée sans le concours des hémisphères cérébraux ;
et je ne pense pas non plus que les impressions, qui ne se répercu-
tent pas dans la conscience, puissent renaître idéalement et entrer
dans la composition des idées et des conceptions de mouvement.
Mais si, comme le prétend Bastian, le réveil idéal des impressions
kinesthésiques était l'excitant immédiat des vrais centres moteurs
dans la moelle, il en résulterait que les soi-disant centres moteurs
seraient des centres indépendants d'activité sans rapport avec les
- excitations des centres sensoriels de l'écorces. Des expériences
montrent cependant que les centres moteurs ne sont pas des
centres d'action indépendants, car Marique1, dont les expériences
ont été confirmées par Exner et Paneth2, a trouvé que lorsque les
centres ont été complètement isolés par la section des fibres qui
les réunissent aux centres sensitifs de l'ecorce, la paralysie pré-
sente les mêmes caractères que celle qui se produit quand ils sont
extirpés. Marique prouve que les mêmes contractions sont obte-
nues par l'excitation électrique des centres respectifs après comme
avant la séparation, montrant ainsi qu'ils conservent leur excrtdbi-
lité et leurs rapports avec les cordons pyramidaux. Ces expériences
indiquent donc que les centres moteurs de l'écorce ne sont pas des
centres d'action indépendants, mais q'uils agissent seulement en
réponse aux excitants que leur envoient les centres sensilifs au
moyen des fibres qui les unissent.
Si les vrais centres moteurs étaient seulement dans la moelle,
on s'attendrait à voir les centres de la moelle développés en cor-
- respondance avec les capacités motrices de l'animal. Dans pareil
cas, les centres moteurs de. la moelle de l'homme chez lequel les
* Centres psycho-moteurs du cerveau, 1885.
, ¡'e,'sllGhe ü¿el' ,he Folgen cle ? -Du-chsch7teicltitig von Association fasern
am Hundchirn. Archiv. f. d. ges. Phys. Bd. XVII, 1883.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 417
capacités motrices sont plus variées et plus parfaites, seraient dé-
veloppés beaucoup plus que ceux des autres animaux, c'est préci-
sément le contraire qui a lieu. Car relativement au cerveau, et re-
lativement à la taille de l'animal, les centres spinaux moteurs de
l'homme sont moins développés que ceux des animaux inférieurs,
et le sont moins d'une façon absolue que ceux de beaucoup d'ani-
maux dont les capacités motrices sont d'ordre inférieur. Le dé-
veloppement des centres moteurs de la moelle correspond à celui
des combinaisons musculaires synergiques purement réflexes des
différents segments du corps, tandis que le développement des
centres moteurs corticaux correspond à la multiplicité et la com-
plexité des facultés motrices volontaires.
De ces différentes considérations, je conclus que les centres mo-
teurs de l'écorce ne sont pas les centres de la sensibilité tactile ou
générale ni du sens musculaire, soit qu'on le regarde comme
venant d'impressions centripètes conscientes ou inconscientes, ou
comme un sens de l'innervation, mais qu'ils sont moteurs dans
le même sens précisément que les autres centres moteurs et que,
quoique unis fonctionnellement et organiquement, ils sont ana-
tomiquement différenciés des centres de sensation générale et
spéciale.
CENTRES FRONTAUX.
La région ducerveau qui estsituéeen al'il11tde IdlOue de ilolando et
limitée par le sillon précentral,estunerégtondont le fonctions sont
encore douteuses. Analomiquement, elle est reliée aux cordons
moteurs de la capsule interne. Ces cordons, suivant les recher-
ches de Flechsig, sont situés dans la portion interne du pied du
pédoncule et unissent le lobe frontal avec l'hémisphère cérébelleux
opposé indirectement par l'intermédiaire de la substance grise de
la plolubérance. - Les lésions destructives des centres frontaux,
des régions postfroutales et préfrontales, comme je l'ai démontré
expérimentalement, produisent une dégénérescence descendante
de ces cordons ', qu'on ne peut suivre au delà de la partie supé-
rieure du pont de V,trolle. La direction de la dégénérescence peut
être prise comme une preuve de la signification motrice de ces
régions. De semblables dégénérescences ont été décrites par
Brissaud2 comme résultat de lésions du lobe frontal chez l'homme.
Il n'a pas pu suivre la dégénérescence dans les pyramides, et
conclut que les cordons internes du pied du pédoncule réunissent
' Voir fig. 122, Fonctions of the Umin,
4 Contraction permanente des hémiplégiques, 1880.
Archives, t. XXI 27
418 ' PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
les régions frontales avec les noyaux moteurs de la moelle. Les
dégénérescences dans ces parties du pédoncule, d'après ses obser-
vations ont été toujours associées avec une altération psychique, à
part la paralysie de la face etdes membres. Les effets de l'excitation
électrique combinés avec ceux de la destruction, plus particuliè-
rement de la région postfrontale, indiquent que cette partie est
en rapport avec les mouvements latéraux de la tète et des yeux.
L'irritation produit, comme nous l'avons vu, l'ouverture des yeux,
la dilatation des pupilles et la déviation conjuguée de la tête et
des yeux du côté opposé. Au moment de la destruction de cette ré-
gion dans un des hémisphères, il y a toujours une déviation tem-
poraire de la tête et des yeux du côte de la lésion. Cependant
ce n'est que passager, même quand la lésion a été presque, sinon
tout à fait complète. Dans deux expériences que j'ai décrites' 1
après la destruction bilatérale de la zone postfrontale, les ani-
maux ne purent tourner ni d'un côté ni de l'autre la tête et les
yeux pendant un jour après l'opération. D'abord, ils ne pouvaient pas
regarder autour d'eux quand on faisait du bruit à proximité de
leurs oreilles, ou s'ils le faisaient, ils remuaient le tronc et la tête
en masse. L'ablation des régions préfrontales seules, ne produit au-
cun symptôme physiologique découvrable soit sensitif soit moteur.
Mais j'ai trouvé dans plusieurs cas, qu'après que les symptômes
qui suivent l'ablation de la zone postfrontale ont entièrement
disparus, la destruction ultérieure de la zone préfiontale produit
une paralysie de la tête et des yeux, exactement de la même na-
ture qu'auparavant. J'ai confirmé ces observations dans une expé-
rience récente, après la cautérisation la plus entière apparemment
de toute la zone frontale excitable, de la face médiane et convexe;
l'animal, qui présente d'abord une grande torsion de la tête et des
yeux du côté de la lésion, avec incapacité de les tourner du côté
opposé, guérit en trois jours, au point que ces altérations n'étaient
plus perceptibles.
Un mois après, l'extirpation de la région préfronlale en avant
de la précédente lésion, produisit le même état qu'auparavant,
c'est-à-dire la déviation de la tête et des yeux du côté de la lé-
sion, avec incapacité de les tourner du côté opposé. La déviation
conjugee des yeux persiste pendant quelque temps après le retour
des mouvements de la tête, mais au bout de trois jours, il fut
impossible de découvrir à nouveau ces altérations. Ces faits
indiquent que les régions préfrontales ont les mêmes relations
fonctionnelles que les postfrontales. La durée transitoire des
symptômes pourrait être expliquée par ce fait, que les centres
postfrontaux, n'étaient pas entièrement détruits. Il est difficile
d'enlever toute la zone frontale, sans blesser la tête du corps strié.
1 Expériences 19 et 20. l'hil. Traits. Part. II. 188î.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 419
Dans un cas où j'ai enlevé le lobe frontal des deux côtés par
une incision transverse immédiatement extérieure au sillon pré-
central, l'animal vécut seulement 24 heures. Il n'y avait aucune
paralysie des muscles de la face ni des membres, quoique les
membres droits déployaient un peu moins d'énergie que les gau-
ches. Quoique l'animal pût étendre sa tête et son tronc, il ne
pouvait les maintenir dans une position élevée, ni mouvoir sa tête
et ses yeux latéralement. Les yeux étaient fermés excepté
quand il était dérangé. La vue, l'ouïe, la sensibilité tactile étaient
intactes. Excepté l'incapacité de mouvoir la tête et les yeux,
il n'y avait aucun autre trouble, ni sensitif ni moteur. Dans ce
cas, les corps striés étaient aussi blessés plus à gauche qu'à
droite.
J'ai récemment extirpé toute la région frontale de l'hémisphère
gauche (voir fig. 38). Quand l'animal commença à bouger, peu
d'heures après l'opération, on le vit tourner de droite à gauche,
et la tête, quand il était au repos, avait une tendance vers le
côte gauche. La paupière droite tombait considérablement et la
pupille droite était distinctement plus petite que la gauche. Le
jour suivant, la déviation des yeux persista et il ne pouvait les
tourner vers la droite, mais la torsion latérale de la tête n'était
pas si prononcée. L'inclinaison de la tête vers la gauche diminua
progressivement, mais l'incapacité de tourner les yeux vers la
droite persista pendant toute la durée de la survie de l'animal.
Il mourut subitement d'hémorragie cérébrale, le dixième jour de
l'opération. Dans ce cas, la déviation conjurée des yeux, per-
sista plus longtemps que je ne l'avais observe dans aucune de mes
Fig. 38.
420 ' PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
expériences antérieures, et cela, sans aucun doute,, cause d'une
ablation plus complète, sinon totale, du lobe frontal.
Cette expérience montre que la destruction de la région fron-
tale produit non seulement la déviation conjuguée de la tête et
des yeux, mais aussi une paralysie temporaire des mouvements
~ qui se produisent par l'excitation électrique aussi, c'est-à-dire
l'élévation des paupières et la dilatation des pupilles. Ceci confir-
me une observation semblable que j'avais faite auparavant. C'est
une raison pour croire que les mouvements latéraux de la tête et
des yeux ne peuvent être paralysés d'une façon permanente, à
moins que toutes les parties de la région frontale ne soient com-
plètement détruites.
A l'exception de ces faits, je n'ai pu découvrir aucun autre
symptôme physiologique après l'ablation du lobe frontal. Je n'ai
observé aucune altération de la vision. Hitzigi, cependant dit qu'on
en observe après l'extirpation de la région préfrontale, chez les
chiens. Je ne puis corroborer ce fait par mes expériences chez les
singes. Ce qui paraît comme une altération de la vision du côté
opposé, après l'extirpation unilatérale de la région frontale, est
dû à la déviation conjuguée des yeux du côté opposé, de sorte
que l'animal, étant incapable de tourner ses yeux du côté opposé,
ne voit pas un objet, jusqu'au moment où il passe sur la ligne
médiane ; mais le champ visuel est autrement normal. Munk trouve
que la destruction de la région frontale chez les chiens produit
une paralysie des muscles du tronc et il appelle la région fron-
tale la sphère sensorielle du tronc, quoiqu'il dise très distincte-
ment qu'il n'a pu découvrir aucune preuve d'anesthésie. Mes
propres expériences comme celles de Horsley et Schiefer, Hitzig,
Kriworotow et Goltz, sont opposées aux conclusions de Munk à ce
point de vue : et Horsley et Scha;fer ont montré que les centres
pour les muscles du tronc sont dans la circonvolution marginale.
Il est probable cependant que 1 altération des mouvements du
tronc que Munk a pu observer, est due à une altération directe
ou indirecte des centres. En plus de la paralysie deces mouve-
ments de la tête et des yeux par la destruction des lobes frontaux,
j'ai aussi observé, et mes observations sont confirmées par Hitzig
et Gollz, une remarquable altération psychique que j'ai essayé
d'attribuer à l'incapacité de regarder ou diriger le regard vers les
objets qui ne tombent pas spontanément dans le champ de la
vision. C'est une forme de trouble mental qui me parait dépen-
dre de la perte de la faculté d'attention, etj'émets l'hypothèse
que la puissance d'attention est intimement reliée aux mouve-
ments volontaires de la tête et des yeux. Sur ce point, qui a
été discuté ailleurs, je ne veux aujourd'hui m'étendre plus long-
' Archiv. sur Psychiatrie, 1887 vol. 15. p. 270.
LES LOCALISATIONS CÉRÉBRALES. 421
temps. Les cas publiés de traumatismes ou de maladies des lobes
frontaux chez l'homme sont d'accord avec le caractère négatif
des lésions expérimentales, unilatérale ou bilatérale pour ce qui
est des facultés motrices ou sensitives en général ; et dans plusieurs
cas, on a observé un certain tiouble intellectuel et une instabilité
de caractère assez semblables à ceux rencontrés chez les chiens
et les singes. Des bî cas de lésions de la région frontale réunis
de différentes sources, dans deux il y avait une déviation conjuguée
de la tête et des yeux ; douze chez lesquels l'intelligence était spé-
cialement atteinte, et dans tous, une absence totale de paralysie
des membres.
Quoique j'aie pris tant de votre temps, je n'ai pu seulement traiter
et cela à beaucoup de points de vue, d'une façon incomplète
des fonctions des centres corticaux pour le mouvement et la sensi-
bilité. Il y a une autre question que je n'ai pas considérée, ce sont
les relations des hémisphères cérébraux et des fonctions de la vie
organique. C'est un sujet qui est toujours enveloppé d'une telle
obscurité et sur duquel il y a si peu de faits jusqu'a présent
qui ne soient susceptibles de différentes interprétations, que je crois
sage d'attendre une lumière plus grande avant de hasarder aucune
hypothèse de ma part. Et je pense qu'il est d'autant plus nécessaire
d'agir ainsi qu'une des parties les plus importantes de ce sujet,
c'est-à-dire les rapports des hémisphères avec les fonctions thermi-
ques du corps, a été exposée récemment avec talent par mon pré-
décesseur le Dr Mac Alister.
Je n'ai touché que d'une façon incidente au côté psychique des
localisations cérébrales. Ce point réclamerait à lui seul un volume
et principalement de spéculation. Pour les questions que j'ai trai-
tées plus complètement et sur lesquelles existent encore des opi-
nions si différentes qui persisteront encore quelque temps, je suis
satisfait si les faits et les considérations que j'ai portés devant vous
peuvent contribuer à leur solution; s'ils excitent le travail des
autres dans le but d'arriver à des conclusions également acceptables
par les physiologistes et les médecins. Car la vraie conception des
fonctions et des relations des hémisphères cérébraux et de leurs
centres n'est pas seulement du plus haut intérêt philosophique et
scientifique, mais d'un intérêt pratique important pour le diagnostic
et le traitement des maladies cérébrales.
ROBER SOREL.
REVUE DE PHARMACOLOGIE
EXALGINE;
Par P. YVON.
L'exalgine a été introduite dans la thérapeutique par
MM. Dujardin-Beaumetz et Bardet, qui à la suite d'expériences
nombreuses et concluantes ont présenté à son sujet une note à
l'Académie des sciences (18 mars 1889) et ont révélé les remar-
quables propriétés analgésiques de ce corps On a signalé
depuis que MM. Hoffmann, Hep et Cahn l'avaient déjà remar-
qué, mais sans arriver à des conclusions utiles. Les premiers
essais de fabrication industrielle sont dûs à MM. Brigonnet et
Naville.
L'exalgine est chimiquement l'o2-lbométhyl-acélai ? ilide et
a pour formule CI H" Az 0. Elle se présente à l'état cristallisé
sous formes d'aiguilles fines ou de larges tablettes prisma-
tiques suivant qu'on l'obtient par cristallisation d'un dissol-
vant, ou par fusion. Pour l'usage médical, il est préférable
d'employer l'exalgine cristallisée en aiguilles. Ce produit est
très peu soluble dans l'eau froide, un peu plus dans l'eau
chaude. Il se dissout très facilement dans l'alcool et même
dans l'eau légèrement alcoolisée. Il fond à 101°.
L'exalgine agit d'une façon énergique sur l'axe cérébro-
spinal : administrée à des lapins, elle provoque des phéno-
mènes d'impulsion, de tremblement, de paralysie des muscles
de l'appareil respiratoire et détermine la mort à la dose
de 0 gr. 45 par kilogramme du poids de l'animal. A doses
moindres et non mortelles (0 gr. 25 par kilogramme), l'exal-
gine fait disparaître la sensibilité à la douleur, bien que la
sensibilité tactile persiste. La température du corps diminue
progressivement. Les effets physiologiques de l'exalgine res-
semblent donc à ceux de l'antipyrine; cependant l'exalgine
agit plus nettement sur la sensibilité, tandis qu'elle abaisse la
température d'une façon moins marquée. Au point de vue
thérapeutique, on obtient facilement l'analgésie avec des doses
de 0 gr. 20 à 0 gr. 40, prises en un seule fois ; ou de 0 gr. 40 à
EXALGINE. 423
0 gr. 80 prises en deïkx fois dans les vingt-quatre heures
d'après MM. Dujardin-Beaumetz et Bardet. M. le Dr Desnos,
qui vient de publier un long et intéressant travail sur ce sujet,
considère ces doses comme étant parfois insuffisantes, et donne
jusqu'à 1 gramme et même 1 gr. 50 d'exalgine en vingt-quatre
heures, mais en fractionnant toujours par doses de 0 gr. 25.
Il met plusieurs heures entre l'administration de ces doses, de
manière à ne pas impressionner trop vivement l'organisme.
De leur premier travail, MM. Dujardin-Beaumetz et Bardet
tirent la conclusion que l'exalgine est un puissant analgésique
qui parait, à ce point de vue, supérieur à l'antipyrine. Elle
serait même plus active puisqu'elle agit à doses moitié moin-
dres..En comparant l'action des divers dérivés de la série aro-
matique aujourd'hui usités en thérapeutique, on voit que tous
sont antiseptiques, antithermiques et analgésiques, mais pour
un corps pris isolément, une de ces propriétés prédomine tou-
jours. Le pouvoir antiseptique est surtout remarquable dans
les dérivés hydratés (phénol, naphtol). C'est la propriété anti-
thermique qui prédomine dans les composés amidogenés, tels
que l'acétanilide, la lhalline, la lcai·ine. Enfin, les dérivés dans
lesquels un arome d'hydrogène est remplacé par une molécule
d'un radical gras ou de méthyle (antipyrine, acétphénétidine,
exalgine) sont, avant tout, des analgésiques puissants. Dans
les premiers essais thérapeutiques faits par MM. Dujardin-
Beaumetz et Bardet, qui ont formulé les conclusions qui précé-
dent, l'exalgine a été administrée aux doses que nous avons
indiquées, c'est-à-dire 0 gr. 25 à 0 gr. 40 en une seule fois, ou
à 0 gr. 40 à 0 gr. 80 en deux fois. On a pu constater que ce
médicament amène rapidement, en une demi-heure ou une
heure, la diminution de la douleur ou une cessation complète
dans tous les cas de névralgie congestive. Les effets obtenus
ont été surtout remarquables, dans les névralgies a frigore, à
forme congestive, ils sont beaucoup plus nets qu'avec l'anti-
pyrine et obtenus avec une dose moitié moindre. L'action de
l'exalgine a été beaucoup moins favorable dans les cas de
sciatiques chroniques, de rhumatismes et surtout de troubles
articulaires. Avec les doses indiquées les auteurs n'ont jamais
constaté ni rash ni cyanose; une seule fois, à la suite de l'ad-
ministration d'une dose massive, ils ont observé un léger éry-
thème. L'exalgine administrée aux diabétiques diminue, comme
tous les corps de la même série, la quantité de sucre et d'urine
424 Il REVUE DE PHARMACOLOGIE.
émise en vingt-quatre heures. Les résultats que nous venons
de signaler se trouvent confirmés dans la thèse du Dr Gaudi-
neau qui a pu réunir 75 observations portant sur des cas de
rhumatismes, gastralgies, migraines, névralgies.
M. le Dl' Desnos, qui s'est également livré à une étude appro-
fondie des propriétés de l'exalgine a vérifié l'exactitude des
faits annoncés par MM. Dujardin-Beaumetz etBardet. Pourlui,
l'action antithermique de l'exalgine est nulle ou à peu près ;
c'est à peine s'il a obtenu des abaissements de température de
1 à 2 dixièmes de degrés, si ce n'est dans les maladies aiguës
dans lesquelles, par suite de leur évolution, la température
tend spontanément à fléchir ou même à descendre au-dessous
de la normale. En dehors de l'action thérapeutique, M. le
Dr Desnos a jugé intéressant de rechercher les effets physio-
logiques produits par l'exalgine chez l'homme. Ils témoignent
presque tous de l'action spéciale que ce médicament exerce sur
le bulbe et le système cérébro-spinal. En tète de l'impression
produite sur le cerveau, il faut signaler le vertige dont les
nombreuses variétés sont curieuses à étudier. Le plus souvent,
et très rapidement après l'ingestion de l'exalgine, le malade
accuse un léger brouillard qui s'étend comme un voile devant
les yeux. La durée de cette sensation, qui peut être fugitive,
est très variable, elle oscille entre cinq minutes et une demi-
heure. Parfois, il existe une sensation de vertige beaucoup plus
accentuée, qui peut, par grande exception, être accompagnée
de vomissements, et plus rarement encore de frissons et de
refroidissement. On évite parfois ces accidents en administrant t
l'exalgine pendant le repas. Chez quelques malades, peu nom-
breux du reste, en même temps que le vertige, il se produit
des bourdonnements d'oreille, ou bien le vertige fait complè-
tement défaut et est remplacé par de la céphalalgie, ou de la
tendance au sommeil; cependant, l'exalgine n'est pas un hyp-
notique et si les malades dorment c'est parce que la douleur a
été supprimée.
D'autres phénomènes dus à l'exalgine indiquent une action
très marquée de médicament sur la moelle et l'innervation
vaso-motrice, par exemple des sueurs généralisées et profuses,
des fourmillements; quelques sujets accusent la sensation
d'éclairs devant les yeux. Lorsque ces phénomènes se produi-
sent c'est que l'on a genéralement atteint la dose de de 0 gr. 50
à 0 gr. 75 en vingt-quatre heures. Quand on dépasse cette
EXALGINE. Vio 5
dernière dose il peut se produire de la cyanose : ce phénomène
a été noté pour la première fois par le Dr Desnos. Cette cya-
nose est légère, et disparaîtrapidemant si l'on ne continue pas
l'administration du médicament.
M. Hénoque a pu s'assurer, par l'analyse spectrale, que l'al-
tération du sang n'allait pas jusqu'à la production de la méthe-
moglobine, circonstance rassurante pour l'administration du
médicament. Un des grands avantages de l'exalgine est la
facilité avec laquelle elle est tolérée par le tube digestif : c'est
là un point important ; et par son innocuité sous ce rapport
l'exalgine contraste avec d'autres nervins tels que l'antipy-
rine qui souvent irritent l'estomac ou les intestins. M. le
D Desnos a pu également vérifier l'action modératrice de l'exal-
gine sur la quantité de sucre et d'urine émise en vingt-quatre
heures. Ainsi que nous l'avons déjà dit, ce praticien considère
comme un peu faible les doses indiquées par MM. Beaumetz
et Bardet et les portejusqu'à 1 gr. 50 en vingt-quatre heures,
en fractionnant par prises de 0 gr. z)5.
D'autre part, le professeur Fraser d'Edimbourg, recommande
l'emploi de doses très faibles, soit 3 à 10 centigrammes répé-
tées de temps en temps en traitement prolongé.
En tête des affections essentiellement caractérisées par la
douleur, et traitées avec succès par l'exalgine, figurent les né-
vralgies, les névralgies faciales, et le plus souvent les névral-
gies congestives reconnaissant comme cause le froid ou un état
rhumatismal. Tous les sujets, atteints de ces affections et
soumis au traitement par l'exalgine en ont tiré bénéfice, soit
que la maladie ait éfé guérie rapidement, et d'une manière
définitive avec des doses moyennes, soit qu'il y ait eu des
rechutes et qu'il ait fallu continuer le médicament plus ou
moins longtemps et élever les doses. M. Desnos n'a rencontré
qu'un seul cas de névralgie absolument rebelle, même à une
dose de 1 gr. 25. Les malades atteints de névralgies d'origine
anémique ou syphilitique ont tiré un léger bénéfice de l'admi-
nistration de l'exalgine ; mais il y a eu de nombreuses rechutes,
il en est de même pour les névralgies sciatiques.
Suivant l'exemple de Fraser et de Ferreira, qui avaient
avantageusement combattu les douleurs fulgurantes de l'ataxie
locomotrice avec l'exalgine, M. Desnos a administré ce médi-
cament dans un cas de tabes fruste et a fait disparaître non
seulement les douleurs fulgurantes, mais aussi des douleurs
426 6 REVUE ANALYTIQUE.
violentes des talons et de la partie moyenne des pieds, dou-
leurs qui empêchaient le malade de s'appuyer sur le sol.
Enfin l'exalgine a, chez une malade, atténué d'une manière
très marquée les douleurs violentes qui accompagnent le début
des règles et qui avaient été inutilement traitées par d'autres
' moyens.
En résumé, malgré les critiques de M. Hepp, et d'après les
observations faites en France et à l'étranger, on peut avec
M. Desnos conclure que la thérapeutique s'est enrichie d'un
précieux analgésique qui n'est d'ailleurs ni hypnotique ni
antithermique. C'est un médicament énergique qui doit même
être manié avec prudence par le médecin.
Les accidents signalés à la suite de l'administration de
l'exalgine ont été de courte durée et n'ont jamais mis en dan-
ger la vie du malade ; et du reste si l'on veut bien se souvenir
qu'il faut d'après M. Gaudineau 0 gr. 45 d'exalgine par kilo-
gramme pour tuer un lapin, on verra que les doses les plus
élevées administrées à l'homme et suffisantes pour obtenir les
effets thérapeutiques sont loin d'atteindre cette proportion.
FORMULES.
L'exalgine peut être administrée en nature, finement pul-
vérisée, et divisée en paquels ou en cachets de 0 gr. 25.
On peut également prescrire la potion suivante :
A\N1LE5 MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 427
maladies mentales. Délire des persécutions. - Persécutés géni-
taux à idées de grandeur. Rapports du délire avec les hallucina-
tions. Obsessions émotives avec conscience. Obsessions
psycho-génitales. Délires du toucher et du doute. Epileptiques
ai itlamomanes. - Aptitude des idiots pour la musique. Psychoses
après l'injluenza.
L'opinion publique s'est toujours préoccupée, bien ajuste titre,
de la législation des aliénés. Il y a dans cette question un sujet
connexe au droit et à la médecine, et que de prochaines discus-
sions parlementaires vont remettre à l'ordre du jour.
M. Cottignies, avocat général 11 Besançon, dans son discours de
rentrée, aborde à nouveau ce point litigieux. Les appréciations sur
les opinions émises par les orateurs du congrès de médecine men-
tale à ce propos prouvent une fois déplus que, dans cette question,
il est deux points de vue différents, pour ne pas dire opposés, celui
du magistrat et celui du médecin : du médecin qui ne voit dans
l'aliéné qu'un malade à soigner, à qui l'accès de l'asile doit être
facilité; du magistrat qui n'envisage que l'atteinte portée à la
liberléde l'individu. Au congrès de médecine mentale, c'estle point
de vue médical qui a domine; M. Cottignies, lui, semble plutôt
pencher vers le second point de vue, c'est-à-dire l'intervention de
la magistrature dans la plus large acception du mot. « Grâce à elle,
pense-t-il, une erreur médicale ou une connivence ne seront plus
guère possibles. » Le nombre des « erreurs médicales e, ou même
« des connivences » a-t-il donc été si grand qu'on semble l'Insinuer,
depuis la promulgation de la loi de 1838 et à qui fera-t-on croire
que des erreurs médicales seront évitées parce que des médecins,
dont la compétence en pathologie mentale ne saurait être contestée,
auront été contrôlés par des magistrats qui, au dire de M. le pre-
mier président de la Cour de cassation, sont incompétents en cette
matière ? Cette tâche difficile que la nouvelle loi sur les aliénés
impose à la magistrature', M. Cottignies ne la récuse pas en ce qui
concerne le placement et la sortie des aliénés, afin de garantir leur
liberté individuelle. Mais en ce qui concerne cette garantie pendant
le traitement, le médecin pourra-t-il, sans autorisation de la magis-
tratuie, porter atteinte à la liberté du malade, l'enfe1'me,' dans une
cellule d'isolement lorsqu'il est furieux, le forcer à prendre des
' En regard des assertions de M. Cottignies, le défenseur convaincu de
l'intervention de la magistrature pour le placement des aliénés dans les
asiles, on pourrait placer quelques cas cités paru. leD·Gtraud, de Rouen,
de condamnations inl1lg-ées à des gens notoirement irresponsables, entre
autres celui d'un individu qui, après avoir été déclaré impropre au service
militaire pour cause d'idiotie, a été, trois ans après, traduit devant un
tribunal, puis condamné; et celui d'une femme atteinte de démence para-
lytique, condamnée pour le '01 d'un bouquet de quelques sous, alors
qu'elle avait dans son porte-monnaie une somme assez importante.
428 REVUE ANALYTIQUE.
bains ou de la nourriture ou à suivre Ici autre mode de traitement
auquel il veut se soustraire ? ou devra-t-il, au contraire, être ;soumis
à un contrôle en ce qui concerne sa manière de traiter les aliénés ?
et qui chargerait-on de ce contrôle ? La question ne laisse pas que
d'être délicate et difficile, et M. Cottignies n'a pas cru devoir la
discuter. Il se contente de consacrer quelques pages à l'amélioration
du service médical des aliénés et à la division des fonctions de direc-
teur et de médecin en chef, abordant ainsi un autre point de dis-
cussion fréquente, l'organisation 2nédico-adt>cinist·citive du service
des aliénés.
A ce sujet, M. le Dr Chambard dans un article finement écrit,
après avoir constaté l'incompétence relative de médecins attachés,
dès le début de leur carrière, à des fonctions auxquelles ne les ont t
préparés ni leurs études, ni leurs emplois antérieurs, nous montre
l'antinomie morale qui existe entre les fonctions du médecin et
celles du directeur, le devoir de l'un le poussant, pour ainsi dire,
à la dépense, celui de l'autre le forçant à l'économie. Représentant
dé la science, celui-ci doit exiger ce qui doit contribuer au déve-
loppement delà psychiatrie et concourir à la guérison des aliénes ;
gardien des deniers du département, celui-là doit résister à toute
innovation hâtive, à tout écart du régime commun qui ne semble
pas nécessaire. De ces deux hommes fondus en un seul, qui l'empor-
tera chez le directeur-médecin ? Comme c'est sur l'etat du budget
confié au directeur que l'administration juge son fonctionnaire, il
n'est que trop vrai que « le directeur arrive à tuer le médecin >,
et du reste, avec la diversité et la multiplicité de ses occupations,
le directeur-médecin peut-il avoir la liberté d'esprit nécessaire pour
mener des recherches scientifiques suivies ou même examiner à
fond et traiter méthodiquement les malades qui lui sont confiés.
M. Chambard ne pense pas que la division des fonctions médico-
administratives avec un directeur administratif et un médecin
théoriquement égaux et indépendants chacun dans la sphère de
ses attributions, soit un remède utile à cet état de choses.
Il craint que l'urigine et la nature de leurs attributions créant,
pour ainsi dire, entre le directeur et le médecin une antipathie
constitutionnelle, ne détermine une série de conflits où le directeur
a presque toujours le pas sur le médecin et, quelque puisse être du
reste le côté victorieux, il est à craindre que le temps se passe en
luttes stériles, les deux autorités se paralysant mutuellement en
même temps que peut s'introduire dans l'asile l'esprit d'indisci-
pline, de coterie et dedélation. Aussi, étantdonné que dans l'asile,
l'élément essentiel, la raison d'être de l'ensemble des services qui
le constituent, est l'hôpital, M. Chambard donne-t-il au médecin,
non la direction générale de l'établissement, formule vague, mais
la situation hiérarchique la plus élevée, le droit de surveillance sur
tous les services et l'indépendance la plus complète dans la sphère
ANNALES IiBDICO-PSICHOLOOIQU13S. 429
bien délimitée de ses attributions. Le pharmacien, les médecins-
adjoints, les internes lui seraient directement subordonnés.
A côté du médecin en chef, mais à un degré hiérarchique sensi-
blement inférieur, serait un administrateur choisi au concours,
chargé de la surveillance de l'économe, de la police générale de
l'établissement, de l'entretien du matériel, etc. Il aurait sous ses
ordres l'économe et les divers employés d'administration. Enfin,
pour la culture des domaines ruraux annexés souvent aux asiles, il
serait utile de demander aux écoles nationales d'agriculture des
jeunes gens auxquels on ferait une situation proportionnée aux ser-
vices qu'ils seraient capables de rendre.
Dans un article publié sur le même sujet, M. Samuel Garnier
(de Dijon) reprend et examine chacune des opinions émises par
M. Chambard.
Et tout d'abord, il rappelle qu'en conservant la réunion des fonc-
tions médico-administratives, la commission sénatoriale n'a fait
que sanctionner les voeux raisonnés de la majorité des membres du
corps médical aliéniste.
En ce qui concerne l'incompétence des médecins à diriger les asiles
conformément aux règlements en vigueur aujourd'hui, elle lui
parait singulièrement exagérée, car le médecin, dit-il, avant d'être
nommé médecin-directeur, étant resté médecin-adjoint un certain
nombre d'années, a subi de cette façon une sorte de préparation à
la direction médico-administrative.
Qui l'emportera de ces deux hommes fondus en un seul chez le
directeur-médecin demande I. Chambard ? Aucun, répond M. Sa-
muel Garnier, canine peut y avoir lutte en face d'un budget souvent
trop maigre.
Depuis que la loi de 1871 a donné aux conseils généraux le droit
de voler le budget de l'asile en recettes et en dépenses, y aurait-il
quelque chose de changé si des doléances émanées d'un directeur-
médecin étaient formulées d'un côté par un directeur, de l'autre
par un médecin en chef ? Et même lorsque, par hasard, le budget
estbien doté, s'il arrive que chez le directeur-médecin, le directeur
l'emporte sur le médecin, cela tient non à l'homme, c'est à dire au
système, mais à la législation par laquelle le conseil général fait
la loi au directeur-médecin et le force à entrer daifs ses vues en
matière d'assistance, s'il ne veut pas être déplacé. La formule « le
directeur tue le médecin parait froisser M. Garnier qui s'elforce
d'y répondre parunesérie d'arguments plus specieux que bien con-
vaincants; évidemment rien n'autol ise affirmer que chez les Esqui-
rol, les Fabre, les Morel, investis de fonctions iiiédico-adiiiitiisti'a-
tives, le directeur eût tué le médecin, mais en avançant le contraire,
M. Garnier ne fait qu'une hypothèse et ce qui est certain c'est que
ces maîtres de la pathologie mentale n'étaient que médecins en
chef; la critique serait peut-être mieux fondée en ce qui concerne
430 REVUE ANALYTIQUE.
la combinaison préconisée par M. Chambard pour obvier aux incon-
vénients de la réunion des fonctions et aux vices plus grands encore
de leur séparation.
En effet, il est permis de se demander si cet administrateur
nommé au concours, ayant la police générale de l'établissement,
la surveillance de l'économat, la préparation, même la défense du
budget économique, l'entretien du matériel, l'exécution des réso-
lutions prises, ne se parera pas du titre de directeur, si la haute
direction morale du médecin ne finira pas par devenir purement
nominale et si là où il n'y avait qu'un chef il n'y en aura pas forcé-
ment deux. Pour M. S. Garnier, il n'y a, en définitive, rien à changer
à l'organisation médico-administrative actuelle; le seul voeu qu'il
émette est d'étendre un peu les attributions actuelles et de modifier
pour l'avenir l'origine des secrétaires de direction en élevant le
niveau de leurs connaissances.
Dans ce but, la nomination du secrétaire devrait être faite par le
ministre lui-même, avec obligation pour lui, de le prendre dans un
corps de surnuméraires danslequel on n'aurait accès qu'en vertu de
certaines connaissances ou diplômes; de plus, l'avancementse ferait
sur l'ensemble des asiles pour éviter les inconvénients de l'inamo-
vibilité, et du recrutement local de ces fonctionnaires.
Or, dans ce projet, quelque complète que puisse être l'assistance
de son secrétaire amélioré, le directeur-médecin n'en restera pas
moins sujet aux occupations, aux soucis, aux responsabilités mul-
tiples de ses fonctions administratives, et c'est précisément dans cet
état de choses que réside le plus grand empêchement pour le méde-
cin de s'occuper d'une façon efficace de l'étude de la pathologie
mentale si bien que cet arrangement pourrait fort bien ne pas re-
soudre la question.
C'est encore de l'organisation médico-administral1ve des asiles
que s'occupe M. Marandon, de Montyel, dans un remarquable
article, où, prenant la question de plus haut, il commence par se
préoccuper du choix des futurs médecins d'asiles, c'est-à-dire des
internes et des médecins adjoints.
L'organisation du service médical des asiles devrait être consti-
tuée par un seul corps de médecins adjoints, recrutés a la suite d'un
concours public unique pour toute la Fiance, parmi les internes
nommés dans les diverses facultés par le même procédé et aussi
par un corps de médecins en chef choisis parmi ces médecins ad-
joints d'apies un concours sur titres scientifiques dont les juges
seraient les membres du comité supérieur des aliénés, à qui incom-
berait en outre la mission de désigner, toujours selon les travaux
de ces fonctionnaires, l'avancement par classes et résidences.
L'auteur nous montre combien était juste l'opinion de M. Cham-
bard, car non seulement le directeur tue le médecin en tant
qu'homme de science, en lui enlevant sa liberté d'esprit nécessaire
ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 431
pour mener à bien des recherches suivies, mais encore en tant que
praticien.
Puisqu'il en est ainsi, puisque la direction médico-administrative
a des conséquences aussi déplorables, d'où vient que la plupart des
aliénistes françaisla réclament ? Tout simplement, répond M. Maran-
don de Montyel, parce que la division des services, telle qu'elle
fonctionne, est inacceptable pour le médecin.
Et d'abord, constatons avec quelle négligence sont, pour la plu-
part, choisis les directeurs d'asile, parmi les rates de toutes les
professions, directeurs dont l'arrogance et les prétentions autori-
taires sont en raison inverse de leurs litres antérieurs et de leur
valeur personnelle. Dans ces conditions, ridiculisé par la supériorité
que cet insuffisant s'altribue, le médecin-chef est sans action et
sans autorité sur son personnel.
Des 1881, le cinquième groupe de lacommission des aliénés dont
M. Bourneville fut le rapporteur, a déjà trouvé la solution du pro-
blème en créant à la place du directeur un administrateur placé
sous le contrôle du service médical qui correspond directement
avec la préfecture. Il ne reste plus qu'à demander à des spécialistes
autorisés un règlement du service intérieur, enlevant l'ordonnan-
cement des dépenses à l'administrateur pour en charger la préfec-
ture. Déplus, pour la dignité et le bon fonctionnement du service,
il est de toute nécessité d'etablir une hiérarchie administrative à
trois degrés correspondant, maissubordonnée aux trois degrés delà
hiérarchie médicale. Al'instar des internes, lessecrélaires pourraient
êtie recrutés par des concours régionaux puis, comme pour les
médecins adjoints, un concours entre ces secrétaires désignerait
les receveurs et les économes, lesquels constitueraient, eux aussi,
un corps unique pour toute la France.
Enfin, de même que les médecins en chef seraient choisis parmi
les adjoints d'après les titres scientifiques, les administrateurs
seraient choisis parmi les receveurs et économes d'après les titres
administratifs.
Nous nous sommes un peu appesantis sur cette question de l'orga-
nisation médico-administrative, car il y a là, à notre avis, une ques-
tion des plus importantes pour l'avenir de la pathologie mentale.
11 est une question aussi qui revient fréquemment à l'ordre du
jour : c'est la question des aliénés dits criminels. Doit-on les consi-
dérer et les traiter comme des aliénés ordinaires, ou leur créer des
asiles spéciaux ?
L'académie de médecine de Bruxelles vient, à ce sujet, de voter
la nécessité « d'un asile unique dont les installations se prêteraient
d'ailleurs à tous les classements conseillés par la science médicale,
pouvant êtie allecté à la séquestration de tous les aliénés dange-
reux indistinctement. Quant aux individus à placer dans cet asile,
ils sont indiqués dans la proposition suivante :
432 REVUE ANALYTIQUE.
z Ces aliénés sont de trois catégories : 10 l'aliéné qui a commis
« un acte réputé crime (vol, viol, homicide, incendie, pédérastie,
.< etc.); 2° le condamné pour crime devenu aliéné apiès sa coudany
« nation; 3° l'aliéné déjà interné qui aura commis ou tenté de
« commettre un acte réputé crime.
« Il y a lieu d'inlerner aussi dans l'asile spécial tout aliéné chez
« lequel un examen aura révélé des instincts homicides, des impul-
« sions irrésistibles et violentes, des moeurs ou des habitudes per-
« verses qui justifieraient l'eloignement des autres malades eu
« égard à leur sécurité ou au respect moral qui leur est dû.
a De ce nombre sont certains épileptiques, alcooliques, fous
c moraux, instinctifs, etc. »
Cette même question de la création d'un asile spécial a été sou-
levée par M. Brunet(d'Evreu\) au dernier congrès de Houen etle5 con.
elusioiisdeladiseussioil diflèrentu«peudecelleclue l'académie de
Belgique a adoptées. En effet, une distinction a éléétahlie entre les
aliénés criminels et les criminels devenus aliénés, alors qu'on a
rejeté à l'unanimité la proposition que « les aliénés criminels soient
enfermés dans un asile spécial », il a eté adopte à l'unanimité que
.les criminels devenus aliénés doivent être enfermés dans un asile
spécial. »
Mais que faire des aliénés criminels guéris ? On sait quel est
l'embarras du médecin lorsqu'il s'agit d'eu rendre un à la liberté,
quelles sont ses craintes au sujet des récidives possibles.
M. leur Langlois croit que le danger est moindre quand l'aliéné
guéri doit rentrer dans une petite ville ou dans un village, parce
que l'entourage sait qu'un tel sort d'une maison de fous, et parce
qu'on le surveille sans qu rl s'eu doute. Il est permis de douter que
la perspicacité soit si grande dans les communes rurales et il nous
semble difficile de poser comme règle de traiter différemment les
aliénés des villes et ceux des campagnes
- L'élude des aliénés criminels se trouve intimement liée à celle
de la responsabilité légale des aliénés. A ce propos, M. Proal,
conseiller à la Cour d'appel d'Aix, se demande si, en dehors de l'a-
liénation mentale, il n'y a pas des cas où, par suite de faiblesse
d'esprit ou de toute autre cause, la responsabilité est diminuée,
sans être supprimée; s'il ne faut pas alors admettre une responsa-
bilité limitée, atténuée; et enfin, lorsque la responsabilité est dou-
teuse, s'il ne faut pas, comme vient de le décider le nouveau code
pénal italien, permettre aux juges de faire subir la peine dans un
asile ? telles sont les trois questions que, dans un savant article, il
examine au point de vue juridique.
'Tout d'abord, nous dit-il, il importe de bien préciser la portée
del'article 04 du code pénal qui règle la matière : a il n'y a ni eli-
« me ni délit lorsque le prévenu était en étal de démence au mo-
c ment de l'action... » En matière de crime et de delits de di oit
ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 433
commun, le fait le plus dommageable, l'acte le plus atroce, n'en-
traînent aucune responsabilité, s'il n'est accompagné d'une inten-
tion méchante.
« Il importe de rappeler que la maladie mentale n'est pas la seule
cause d'irresponsabilité. La loi attribue le même effet à la con-
trainte matérielle et morale, qui prive l'homme de son libre arbitre,
bien qu'on ait voulu faire jouer à la force irrésistible un trop grand
rôle devant les cours d'assises en la faisant résulter delà passion, de
l'ivresse, etc. ; il n'en est pas moins vrai que dans les cas où, par
suite d'une contrainte morale réellle, l'accusé n'a pu résister à la
pression exercée sur lui, il cesse d'être responsable.
c La question de folie ou de contrainte n'est point posée d'une
manière spéciale devant les cours d'assises ; elle est contenue im-
plicitement dans cette question : i L'accusé est-il coupable d'avoir
« commis tel ou tel crime ? »
« Mais puisque, sans imposer l'obligation de poser une question
spéciale relative à la folie, la loi ne la défend pas, peut-être serait-
il sage de la poser, afin d'éviter une erreur toujours possible du
jury.
« A quels signes reconnaitra-t-on que l'accusé a azi sciemment
et librement ou qu'il acessé d'être responsable par suite d'une ma-
ladie mentale ? » D
M. Proal reconnaît que la preuve de la folie ne peut être faite
que par un rapport médico-légal émanant d'un médecin aliéniste,
ce qui, du reste, n'empêchera pas le magistrat d'étudier le passé,
le caractère de l'accusé, ses antécédents héréditaires et enfin les
conditions dans lesquelles le crime a été commis.
Du reste, le médecin doit rester sur le terrain scientifique, pré-
parer la décision par son rapport et non l'imposer.
Si la folie est bien caractérisée, la tâche du médecin et du magis-
trat est facile. Mais dans les cas de délire partiel, faut-il avec
Delasiauve et Tardieu, admettre l'irresponsabilité pour les faits dé-
lictueux se rattachant au délire et reconnaître une responsabilité
partielle ponr les faits qui paraissent y être étrangers ? Il faut re-
connaître que cette dernière opinion est contraire à la loi qui ne
distingue pas entre les diverses formes et les divers degrés de la
folie, car aux termes de l'article 64, il u'y a ni crime ni délit si le
prévenu était aliéné au moment de l'action.- Aussi, les commen-
tateurs les plus autorisés du Code pénal reconnaissent-ils que l'a-
liénation partielle produit l'irresponsabilité. Pour déclarer un ac-
cusé responsable, il ne faut pas seulement s'attacher à la persis-
tance partielle de la raison : il importe de se rappeler que la con-
séquence la plus fâcheuse d'un trouble mental est la perte du libre
arbitre. Dès lors, qu'importe que le délire soit partiel, si la liberté
inorale n'est plus intacte. Pour être responsable aux yeux de la
loi, il ne suffit pas d'avoir le discernement du bien et du mal, mais
. -
Archives, t. XXI. 28
434 REVUE ANALYTIQUE.
il faut encore avoir le pouvoir de diriger ses actes, de résister aux
mauvais instincts. xi. Falret a aussi montré que la responsabilité
partielle ne peut se concilier avec l'unité, l'indivisibilité du moi,
avec la solidarité des facultés.
Il est possible, dit M. Proal, que l'irresponsabilité absolue de l'a-
liéné amène l'acquittement d'un homme qui ne serait pas à l'abri
de tout reproche, mais cet inconvénient ne peut être mis en paral-
lèle avec le danger de condamner des innocents, qui résulte de la
théorie de la responsabilité partielle.
Mais pour que la théorie de l'irresponsabilité absolue de l'aliéné
n'entrave pas l'action légitime de la justice, il faut que le médecin
expert, ne perdant jamais de vue la réalité, se tienne en garde con-
tre l'espllt de système qui tend aujourd'hui à nier en l'homme la
liberté morale ; les théories qui cessent de maintenir la distinction
fondamentale du crime et de la folie n'entraîneraient pas seule-
ment la négation de la justice, mais elles compromettraient encore
la science des maladies mentales.
Pour justifier la théorie de la responsabilité partielle des aliénés
dans quelques cas, Tardieu invoque l'exemple des alcooliques. D'a-
près notre Code pénal, l'ivresse n'est même pas une circonstance
atténuante. Le nouveau Code pénal italien distingue l'ivresse
accidentelle, l'ivresse volontaire, l'ivresse habituelle et l'ivresse con-
tractée pour faciliter l'exécution du délit. Dans les trois premiers
cas seulement, la peine est diminuée dans des proportions differen-
tes, suivant qu'elle est accidentelle, volontaire ou habituelle.
Mais elle n'est jamais une cause de justification : l'alcoolisme ne
peut être assimilé à la folie. De ce que le criminel présente quel-
quefois un état de dégradation intellectuelle et physique qui ne
laisse pas subsister une liberté morale entière, doit-il cesser d'être
responsable légalement ? Evidemment non, répond le législateur.
A-t-il cessé d'être responsable moralement de ses crimes ? Non
encore, parce que cet état d'abi utissement moral et intellectuel est
la conséquence logique d'une succession de fautes morales, le résul-
tat nécessaire d'habitudes vicieuses \olontairement contractées.
Du reste, si la justice ne doit accorder l'iriespoiisabilité qu'à la
maladie mentale, elle doit grandement tenir compte des différen-
ces que l'àge, le sexe, l'éducation, le milieu établissent entre les
accusés. Pour tous les cas en dehors de l'aliénation mentale, le
principe des circonstances atténuantes permet de tenir compte des
différents degres de responsabilité. Ainsi, dans le cas de faiblesse
d'esprit, l'on comprend que le médecin expert conclue à une res-
ponsabilité limitée, c'est-a-dire atténuée, et que la justice abaisse
la peine dans de fortes proportions.
L'atténuation de la peine, dans les cas où la responsabilité est
limitée, n'a pas paru suffisante au législateur italien qui ment d'é-
dicter que : « quand l'état d'esprit indiqué dans l'article précédent
ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 43ô
est de nature à diminuer grandement l'imputabilité, sans toutefois
l'exclure, la peine établie pour le délit commis est diminuée.
Mais, ajoute-t-il, si la peine prononcée est restrictive de la liberté
personnelle, le juge peut ordonner qu'elle soit subie dans une
maison de garde, tant que l'autorité compétente ne révoquera pas
celte mesure ».
Celte mesure parait contradictoire à M. Proal ; en effet, dit-il, il
y a une contradiction manifeste entre la déclaration de culpabilité
et l'internement dans une maison de santé. S'il y a doute sur
la responsabilité du prévenu, acquittez-le et placez-le dans un asile
spécial pour les aliénés dits criminels ; mais si vous le déclarez cou-
pable, ne le traitez pas en malade.
L'asile qui a été créé en Italie et qui le sera bientôt en France
pour les aliénés dits criminels, ne devrait être destiné qu'à ceux
qui ont été renvoyés des poursuites pour cause de maladie men-
tale, qui ont été l'objet d'une ordonnance de non-lieu, ou acquittés
connue irresponsables.
Dans une intéressante communication intitulée : Contributions
cliniques sur la mélancolie, faite à Berlin, le professeur Mendel
propose une classification des types cliniques de la mélancolie
fondée sur les considérations suivantes : le symptôme saillant et
essentiel des folies mélancoliques est le trouble morbide des sen-
timents. Or les sentiments accompagnent tantôt nos sensations et
sont alors appelés sentiments sensoriels ; tantôt ils accompagnent
les associations aperceptives de nos réprésentations et sont alors
appelés sentiments intellectuels, parmi lesquels les sentiments es-
thétiques, moraux, religieux ; d'où trois formes de mélancolie : la
première caractérisée par la prédominance presque exclusive des
troubles sensoriels (hallucinations des sens musculaires et surtout
du sens de l'organisme) : c'est la mélancolie hypocondriaque; dans
la deuxième, ce sont surtout les sentiments intellectuels qui sont
1 c e-t la mélancolie intellectuelle dans laquelle rentre pour
M. Mendel la mélancolie religieuse des auteurs ; enfin une troi-
sième forme dans laquelle les sentiments sensoriels ainsi que les
întellectuelssont troublés : c'est la mélancolie générale. La mélan-
colie avec stupeur n'est qu'une variété de la mélancolie générale,
et cette dernière évolue dans la plupart des cas à la suite d'une
mélancolie hypocondriaque antérieure ; la mélancolie intellec-
luelle est de beaucoup la forme la plus fréquente, et la mélancolie
hypocondriaque la plus rare.
La mélancolie prend chez les hommes beaucoup plus souven
que chez les femmes la forme hypocondriaque.
M. Mendel termine son intéressante étude par des recherches sur
les récidives chez les mélancoliques et il nous apprend que c'est
dans la mélancolie hypocondriaque qu'elle s'observe le plus sou-
vent, puis dans la mélancolie générale. En dehors de ces ques-
436 REVUE ANALYTIQUE.
tions de nosographie, l'étude de la mélancolie présente bien
d'autres problèmes à résoudre parmi lesquels se placent en pre-
mière ligne les troubles de la digestion et en particulier ceux de
l'estomac. On sait que chez les mélancoliques et les hypocon-
driaques l'anorexie et même la dyspepsie sont fréquentes. C'est
Carl Von Noorden (de Giesen), qui le premier a publié les pre-
mières expériences cliniques sur la digestion stomacale dans les
maladies mentales et en particulier dans la mélancolie.
M. le Dr Pachoud a repris les expériences de Charles Von Noor-
den et il a publié les résultats obtenus sur les malades mélancolique,
des formes les plus variées. Il arrive aux mêmes conclusions que
le médecin allemand : l'accélération de la digestion chez les mé-
lancoliques et l'hyperacidité du suc gastrique due à la présence de
l'acide chloryhdrique libre. L'hypersécrétion de l'acide chlorhy-
drique dans le suc gastrique devant, à la longue, produire un
certain désordre sur la muqueuse stomacale, il s'agit d'empêcher
cet excès d'acide de nuire.-Pour cela : 1° neutraliser l'acide par
les alcalins 3 ou 4 heures après le repas, c'est-à-dire au moment
ou la sécrétion d'H CI est la plus forte ; 2° employer cet acide à
digérer la plus grande quantité d'albumine possible, le faire servir
de cette façon il la nutrition de l'individu et contribuer ainsi di-
rectement à la guérison. M. Pachoud résume le régime dietétique
dans la formule suivante : diète lactée suivie d'une alimentation
albumineuse abondante et variée le plus possible.
Ce régime à employer chez les mélancoliques viendra se joindre
aux autres modes de traitement de cette affection, en particulier à
l'emploi de l'électricité.
Dans cet ordre d'idées, M. le DilMorel (de Gand) vient de publier
une excellente étude sur l'électricité dans les maladies mentales.
C'est précisément dans la mélancolie simple et dans la mélan-
colie avec stupeur que l'électrothérapie semble avoir le plus d'ef-
ficacité. Dans la manie, au contraire, l'électrothérapie donne
peu de succès; dans les délires partiels, elle agit surtout sur cer-
tains éléments symptomatiques, tels que les hallucinations de
l'ouïe. - Il n'y a naturellement que peu dechose à attendre de
cette méthode dans la démence et la paralysie générale. Enfin,
l'électricité peut rendre des services importants dans le traitement
des folies névrosiques ; mais dans ces affections, comme dans les
autres formes de maladies mentales, les indications morbides
ne sont pas encore nettement établies; on se trouve encore en
plein empirisme.
- côté de la mélancolie ou plutôt à côté des états mélancoliques,
se placent au point de vue nosographique d'autres manifestations
délirantes comme l'hypocondrie, comme les folies impulsives,
comme le délire de persécution, pour former un groupe sympto-
Illùluloglque qui repose sur un même fond morbide, la souffrance
ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 437
momie. - C'est l'un des facteurs de ce groupe symptomatologique
le délire de persécution que M. le D'Daniiet s'est proposé d'étudier
pour en tracer uue sorte de tableau clinique et pour montrer qu'il
n'est pas une espèce particulière ayant toujours les mêmes symp-
tômes et une même évolution, mais un état qui se manifeste au
contraire dans les conditions les plus variables et les plus opposées.
L'idée fixe est, on le sait, le symptôme essentiel du délire de per-
sécution. Elle est uue préoccupation incessante de l'individu
vers le même objet, qui lui fait rattacher à la même explication
tout ce qui se passe en lui et hors de lui ; elle lui donne la convic-
tion qu'il est placé sous l'influence d'un pouvoir occulte et myslé-
rieux dont il cherche surtout à se débarasser par tous les moyens
possibles.
L'idée fixe de persécution se retrouve du reste chez les aliénés
dans les conditions les plus diverses, ainsi que le délire ambitieux,
le délire religieux.
Pour peu quela force morale vienne à faire défaut, elle entraîne
la volonté; et le jugement qui peut, au début, réprouver l'idée fixe
cesse bientôt d'exercer son contrôle, ce qui ne l'empêche pas de
reprendre son action en dehors de l'idée fixe. Les idées obsédantes
décrites par Westphall chez quelques aliénés se rapprochent de
l'idée fixe qui caractérise le délire des persécutions : elles peuvent
consister dans des mots isolés ou des phrases entières qui appa-
raissant subitement, involontairement, interrompent ainsi la
marche des idées du malade, s'imposent à l'attention avec une
énergie plus ou moins grande et disparaissent d'elles-mêmes.
Elles peuvent être absolument étrangères au délire : un état an-
goissant précède en général le retour périodique des accès.
Les actes impulsifs sont, on le comprend, un phénomène réflexe
de l'idée obsédante, ils n'en sont que le développement régulier.
L'idée fixe dans le délire de persééution a, au début, un peu le
caractère d'une idée obsédante : elle est, en effet, d'abord isolée
fugace, mal définie ; le malade se croit l'objet d'une persécution
dont il ne peut à l'origne, comprendre la raison d'être, ni le mode
d'action : cette croyance ne tarde pas à prendre corps et à donner
lieu à un véritable délire systématisé.
Les interprétations fausses, délirantes sont inséparables des idées
fixes dont elles sont une résultante : elles se produisent à propos
des faits les plus ordinaires, toujours dans le sens de la même idée
fixe.
Les hallucinations de l'ouïe sont prédominantes dans le délire de
persécution vraie, lorsque celui-ci n'est pas associé à d'autres formes
mentales, telles que l'alcoolisme, la paralysie générale.
Les hallucinations de la vue se rencontrent exceptionnellement,
elles sont mal définies, et n'ont pas la netteté de celles de l'ouïe.
Les hallucinations sont très variables, elles ne sont pas toujours
438 REVUE ANALYTIQUE.
comme un écho de la ll1me pensée fixe, mais elles sont souvent
multiples, nombreuses comme les pensées qui traversent l'esprit
des malades et dont elles ne sont, après tout, que la manifestation
extérieure,
Les troubles de la sensibilité générale sont un des symptômes les
plus ordinaires.-Ils sont extrêmement marqués chez les alcooliques
persécutés. Les troubles de la sensibilité génitale se remarquent plus
fréquemment chez les femmes que chez les hommes. -
En dehors des troubles de la sensibilité générale, on observe
quelques autres symptômes d'ordre physique : il existe des maux
de tête, de l'insomnie, des étourdissements, la vue est fatiguée,
l'attitude est mystérieuse, le regard méfiant, l'expression est souvent
triste, découragée ; le langage est souvent caractéristique.
Ce qui caractérise l'état psychique chez le plus grand nombre,
c'est la dépression de la volonté, l'absence de toute initiative. Quel-
quefois cependant, ils cherchent à échapper par différents moyens
à cette force qui les domine.
La division des aliénés persécutés en deux catégories, les persé-
cutés passifs et les persécutés actifs, a sa raison d'être au point de
vue des actes commis par les malades, mais ne caractérise pas
absolument deux catégories distinctes de persécutés, carie même
individu après être resté passif pendaut un temps plus ou moins
long peut devenir actif et se transformer en persécuteur.
Sous le titre : « Les Persécutés en liberté», le professeur Bail décrit
toute une catégorie de persécutés qu'il a appelés les persécutés
migrateurs, parmi lesquels les uns sont voyageurs, les autres de-
ménageurs, d'autres enfin visiteurs.
Le délire par lui-même n'a qu'une influence secondaire sur l'or-
ganisme et n'apporte à l'exercice normal des fonctions d'autre
entrave que celle que peuvent produire les actes déraisonnables du
malade.
Le délire de persécution constitue un état stationnaire avec
périodes de calme et d'excitation qui peut durer longtemps, quel-
quefois toujours il détermine lentement l'affaiblissement des
facultés et un état plus ou moins marqué de démence.
Dans quelques cas exceptionnels, la guérison peut être obtenue
après une durée d'un ou deux ans, mais avec tendance à réci-
dives. Quelquefois aussi, on observe une évolution particulière
avec terminaison par la démence : c'est à cette catégorie de faits
que certains auteurs ont donné le nom de délire chronique.
Enfin, dans quelques cas rares, le délire existe sous forme in-
termittente.
Après ce résumé des principaux symptômes du délire de persé-
cution, M. Dagonet, dans une seconde partie de son travail, passe
successivement en revue les formes que peut présenter ce délire.
ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 439
1° Délire de persécution systématisé. Forme typique.
.Maladie de Lasègue.
L'idée fixe de persécution, les interprétations délirantes, les
hallucinations de l'ouïe et les troubles de la sensibilité générale en
sont les caractères principaux qui, souvent réunis, peuvent se
présenter aussi à l'état isolé et indépendants les uns des autres.
Le mode d'invasion est lent et se traduit par une inquiétude
mal définie que rien ne justifie et qui surprend même ceux qui en
sont atteints. Puis on voit se développer consécutivement à
l'idée délirante, dans la grande majorité des cas, les autres symp-
tômes, les hallucinations de l'ouïe et les troubles de la sensibilité
générale.
La systématisation ne tarde pas à se faire avec une logique
plus ou moins serrée : la plupart des malades finissent par
personnifier leur délire. Lasègue a remarqué que cette
personnification du délire tient le plus souvent à une circons-
tance accidentelle et est basée sur un fait vrai qui a motivé
chez le malade son inimitié pour une personne déterminée. Une
fois le point de départ établi, le persécuté ne l'abandonne jamais;
enfin les faits qui donnent naissance à la personnification du dé-
lire ne sontjamaisdes faits récents, mais remontent déjà aune date
ancienne que le malade retrouve dans sa mémoire, par suite d'un
travail rétrospectif qui est le résultat d'une rumination lente et
successive.
Le délire de persécution semble, dans quelques cas, reposer en-
tièrement sur des hallucinations de l'ouïe, souvent très intenses, en
dehors desquelles ou n'observe pas d'autres symptômes prédomi-
nants : c'est un délire hallucinatoire mais à forme de persécution.
2° Délire de persécution. Forme mégalomaniaque.
Le délire de persécution peut s'associer à des idées ambitieuses
pour constituer une forme complexe. - Dans quelques cas,'dit
M. Dagonet, on voit apparaître des idées ambitieuses en même
temps que se développe le délire de persécution et persister indéfi-
niment avec lui; mais, on observe plus souvent, comme modifi-
cation du délire des persécutions, l'adjonction du délire ambitieux
à la dépression : les sentiments dépressifs se transforment en sen-
timents expansifs et les idées d'oppression et de persécution de-
viennent des idées de grandeur. Ou bien, dit Scliûle, cité par
l'auteur, le délire ambitieux succède à un délire de persécution
plus ou moins prolongé, ce dernier disparaissant entièrement, et
dans ce cas les idées anciennes s'effacent et le malade abandonne
son ancienne personnalité; ou bien les douleurs anciennes et les
440 REVUE ANALYTIQUE.
joies nouvelles existent ensemble; dans certains cas enfin les deux
phases peuvent alterner : un délire de persécution périodique
alterne alors avec un délire de persécution également périodique.
- Quoi qu'il en soit, l'adjonction d'un délire ambitieux est le signe
d'une haute gravité, sinon de l'incurabilité.
Quelquefois, la période- ambitieuse revêt la forme d'un accès
maniaque intense avec troubles vaso-moteurs; on voit alors arriver
plus rapidement la déchéance intellectuelle.
Schüle a cité quelques cas rares où les deux ordres d'idées déli-
rantes, ambitieuses et de persécution se sont montrées simultané-
ment, dès le début.
Il cite encore deux observations où les idées ambitieuses s'étaient
produites au début de l'affection, avec les idées de persécutions,
puis [avaient disparu complètement pour reparaître plus tard avec
une intenssité plus grande, à coté des idées de persécution.
Des idées ambitieuses seules, sans idées de persécution, comme
on les voit dans la paralysie générale, n'ont jamais été observées
par Schüle dans la paranoia ou délire systématisé des Allemands.
3° Stupeur avec délire des persécutions.
Baillarger a montré que dans la stupeur, les facultés cérébrales
n'étaient pas toujours suspendues et qu'on conslatait dans le plus
grand nombre des cas des idées délirantes de nature triste et un
delire sensoriel plus ou moins en rapport avec des idées déli-
rantes. Une observation citée par M. Dagonet montre bien qu'un
délire systématisé de persécution intense est quelquefois au fond
de celte disposition d'esprit.
4° Hypochondrie et délire de persécution.
L'hypochondrie présente avec le délire de persécution de uom-
breux points de contact. On comprend donc cette association
que l'on rencontre chez un certain nombre de ces malades
d'idées hypochondriaques et de persécution.
Si dans le délire de persécution l'individu se croit d'emblée la
victime de telle ou telle personne, l'hypochondriaque ne sait, au
début, à quoi attribuer les symptômes qu'il éprouve; quelquefois
alors il personnifie son délire et il accuse les machinations de
ceux qu'il croit être ses ennemis.
5° Manie. Démence sénile. Paralysie générale. Alcoolisme
Le délire des persécutions accompagne, dans quelques cas, de
véritables accès maniaques : on observe alors les symptomes ha-
bituels de l'excitation maniaque, et au milieu de ce désordre, on
ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 441
remarque les idées prédominantes de persécution plus ou moins
accusées.
Chez quelques déments séniles, en même temps que des pé-
riodes d'excitation avec impulsions violentes, on observe souvent
des idées de persécution.
La paralysie générale présente, elle aussi, dans quelques cas
relativement rares, les manifestations délirantes habituelles asso-
ciées à des idées de persécution prédominantes. Ces idées de per-
sécution peuvent se présenter soit à la période prodromique, à
laquelle elles donnent alors une physionomie spéciale, soit dans le
cours de la maladie.
Le délire des persécutions présente dans l'alcoolisme diverses
particularités. Tantôt il est transitoire et suraigu ; il se montre alors
quelques heures après l'excès alcoolique. D'autres fois, il se déve-
loppe spontanément, ou à la suite de quelque contrariété ou d'un
accès de colère. Les troubles de la sensibilité générale sont plus
accusés : les hallucinations de la vue s'ajoutent fréquemment à
celles de l'ouie. Chez beaucoup de ces malades, il existe une prédis-
position hérédidaire. L'accès disparaît avec la cause occasionnelle.
Les persécutés génitaux, dont on a parlé incidemment tout à
l'heure, à propos des troubles de la sensibilité chez les persécutés,
présenteraient, pour le docteur Christian, certaines particularités
dans l'évolution de leur délire : « Suivant moi, dit M. Christian, il
existe une catégorie de persécutés chez lesquels on peut affirmer
que jamais ne surviendra le délire des grandeurs : ce sont ceux
dont le délire s'alimente exclusivement dans les troubles de la sen-
sibilité génitale. b
C'est contre cette assertion que s'élève M. le D' Marandon de
Montyel en apportant comme preuves à l'appui une série d'obser-
vations personnelles aussi complètes qu'intéressantes. Comme le
fait remarquer l'auteur, ce point particulier ne manque pas d'im-
portance, car s'il était vrai que jamais les persécutés génitaux ne
deviennent mégalomanes, la synthèse des quatre périodes de
M. Magnan se trouverait en défaut pour eux, et on ne serait plus
fondé à accepter l'unité de tous les délires systématisés. Les cinq
observations personnelles qu'il présente démontrent suffisamment
que les persécutés génitaux, y compris ceux dont le délire s'ali-
mente presque exclusivement d'hallucinations génésiques, devien-
nent, eux aussi, mégalomanes, même jusqu'à la transformation de
la personnalité. Quatre autres observations fournies par M. le
Dr Febvré sont tout aussi concluantes à cet égard.
Enfin, dans des travaux antérieurs à la discussion du point en
litige, M. Marandon de Montyel a pu recueillir cinq autres observa-
tions, apportant ainsi un ensemble de quatorze observations qui
paraissent établir nettement que, contrairement à l'assertion de
M. Christian, les persécutés génitaux, ceux-mêmes dont le délire
t42 -1 REVUE ANALYTIQUE.
s'alimente presque exclusivement dans leurs fausses sensations gé-
nésiques, aboutissent comme les autres à la mégalomanie et,
comme eux, parcourent successivement les quatre périodes cons-
titutives de la psychose systématique.
Après M. Marandon de Montyel. M. Doutrebente reprend la ques-
tion des persécutés génitaux à idées de grandeur, non pas qu'il
veuille apporter des arguments nouveaux dans la discussion, mais
pour établir qu'avant M. Marandon de Montyel il a pris la parole
pour signaler des idées de grandeur chez un persécuté génital.
M. Doutrebente profite de l'occasion pour refaire le procès du
délire chronique de M. Magnan et reprendre amsi la discussion
d'une question déja trop discutée et sur laquelle il ne nous parait
pas utile de revenir d'autant plus que l'auteur ne fournit aucun fait
ni aucun argument nouveau. La conclusion de son travail estqu'il ne
faut dire : « ni jamais, ni toujours » et qu'il n'est pas plus permis
de dire : « Jamais le persécuté ne devient mégalomane, qu'il n'est
possible d'affirmer que toujours il le deviendra. »
- Nous avons vu tout à l'heure à propos du délire de persécution,
quels sont les rapports étroits du délire avec les hallucinations.
M. le Dr Chaslin s'est proposé de rechercher, à propos de ces
rapports :
Pourquoi dans le délire de persécution type Lasègue, il y a tou-
jours des hallucinations de l'ouïe et pas de la vue ;
Pourquoi, chez les persécutés persécuteurs raisonnants, il n'y a
pas d'hallucination ;
Pourquoi, enfin, dans le délire religieux idiopathique il y a tou-
jours, entre autres, des hallucinations de la vue.
Il s'agit donc de chercher dans la nature psychologique de l'idée
délirante la raison d'être, la condition de l'hallucination.
Tamburim, dans sa « théorie des hallucinations » attribue leur
production à l'excitation de certaines partie de l'écorce grise du
cerveau. C'est, du reste, dans cette dernière partie du cerveau que
les derniers travauxsur les localisations psycho-motrices et psycho-
sensorielles placent le siège des phénomènes mentaux. Comme le
dit M. Binet : « Qu'on ait la sensation du rouge, ou qu'on ait le
souvenir du rouge, ou qu'on voie le rouge dans une hallucination,
c'est toujours la même cellule qui vibre. »
Nous savons aussi que l'hallucination, dans l'aliénation, est un
phénomène physiologique produit par des causes pathologiques;
il en est de même de l'idée délirante. La genèse spéciale empêche
l'idée de correspondre à la réalité des choses. Il est bien vrai que
l'aliéné qui est halluciné, ou qui délire, est un homme qui se
trompe; mais cette erreur est causée par une modification certai-
nement organique qui, malheureusement, nous est inconnue.
On pouvait, a priori, étant donné qu'il s'agit d'une forme de
délire systématisé, penser que le sens qui présente des halluci-
ANNALES IwfÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 443
nations prédominantes est déterminé par la nature même des
représentations mentales qui constituent l'idée délirante. En effet,
une idée déhranre ou non est un groupe d'images visuelles, audi-
tives, motrices, etc., et l'idée, quelque abstraite qu'elle soit, et pour
qu'elle soit comprise, contient, outre le mot, toujours une image,
quelquefois obscure, mais qui peut devenir nette dans certaines
conditions. Ceci posé, comment s'expliquer que dans le délire des
persécutions type Lasègue, il y ait des hallucinations de l'ouie et pas
de la vue ? J.-P. Falret a dit que la fréquence del'hallucinalion de
l'ouie dans la folie tient à la liaison étroite entre la pensee et son
expression par la parole. De même M. le professeur Bail dit que si
les hallucinations auditives jouent le premier rôle, c'est que le sens
de l'ouïe est le plus intellectuel de tous, le plus directement en
rapport avec les conceptions de l'esprit, et c'est à lui seul que nous
devons la connaissance des idées abstraites. Ces explications visent
le cas où l'idée délirante serait une idée abstraite; mais le méca-
nisme organique mystérieux qui fait apparaître les idéesdélirantes,
ne fait pas apparaître cette idée sous la forme exprimée par le
mot on me persécute (elle serait incompréhensible pour le malade),
mais bien sous la forme d'idées de faits : ces faits sont des mots
entendus, c'est-à-dire que le malade s'imagine que des mots ont été
prononcés, et il se les représente dans son centre auditif. C'est là
la véritable idée délirante, c'est cette idée auditive qui est le point
de départ de tout le reste. En effet, après une période d'inquié-
tude intellectuelle, les malades commencent à accuser tout le
monde de leur en vouloir : < Tout ce qu'ils entendent, tout ce
qu'ils voient s'adresse à eux ; ils s'imaginent qu'on parle d'eux,
qu'on les insulte... Ces mots indiquent évidemment qne pour le
malade il y a eu des phrases injurieuses et insultantes prononcées;
il ne les a pas entendues, mais il sait qu'elles l'ont été; il se les
imagine et il sait ce que l'on a dit, puisque c'est du mal qu'on a
dit sur son compte. Il n'y a là, on le voit, autre chose que des mots,
ou si l'on aime mieux, que des idées auditives verbales dans l'idée
du malade. De plus, cette expression du persécuté racontant par
exemple qu'il a vu un torchon pendu à une fenêtre voisine et que
certainement, cela voulaitdire quelque chose, indique bien aussi que
les faits les plus insignifiants sont interprétés par celui-ci dans le
sens de ses conceptions; et il ne comprend ce geste ou cet acte
qu'il a vu qu'en le rapportant à ses idées auditives. Ces faits ne
servent qu'à réveiller l'image des paroles qu'il croit avoir été pro-
noncées. Ainsi, non seulement ce qu'il croit qu'il aurait pu
entendre mais encore ce qu'il voit est représenté dans son
esprit par des images auditives de paroles. La base indispen-
sable qui permettra aux hallucinations (état fort) de se développer,
est l'existence préalable de l'état faible ; ce sont ces mêmes paroles
imaginées qui deviendront peu à peu les hallucinations sous l'in-
A4t REVUE ANALYTIQUE.
fluence du développement organique de la maladie. Ainsi, en un
mot, dans la forme étudiée, l'idée de persécution est une idée audi-
tive, et avec Lelut, on peut dire que l'hallucination est une idée
délirante elle-même devenue sensation.
Mais, pour que ce développement puisse s'effectuer, il faut deux
- conditions dont l'importance est capitale : 1° l'attention par suite
de laquelle le malade creuse ses idees, les rumine sans cesse et
arrive peu à peu, en vertu de la seconde condition, la croyance, à
constituer complètement son délire ; 2° la croyance, qui fait que le
malade porte sans cesse son attention sur son idée et en écarte,
par cela même, toutes les idées intermédiaires (Pariset), ou comme
le dit Taine, les réducteurs antagonistes, autrement dit les idées de
contrôle. Nous avons vu que les persécuteurs du malade, non seu-
lement parlent mal de lui, mais encore que leurs gestes lui font
comprendre leurs sentiments à son égard. Ces gestes, travestis par
l'interprétation délirante, ne sont pas le point de départ d'halluci-
nations visuelles, par la raison que ces gestes ne font que réveiller
les idées auditives, seul fondement du délire. Du reste, l'halluci-
nation de la vue, pour se produire, semble exiger des conditions
physiologiques spéciales comme dans l'état de rêve ou de délire
alcoolique ou de délire religieux; et puis, l'hallucination de la vue
comme celle, par exemple, de l'alcoolique, constituerait un phéno-
mène trop grossier, incompatible avec l'intelligence du malade.
Enfin, une dernière preuve que tout se passe au début dans le
sens de l'ouie, et plus particulièrement dans le sens des mots enten-
dus, c'est que si l'aliéné voyage en pays étranger, tant qu'il ne sait
pas la langue du pays où il se trouve, il n'est plus persécuté. Du
jour où il commence à la parler et à penser par son aide, les per-
sécutions se reproduisent dans ce nouveau langage.
M. Cliaslin, considérant ensuite le délire du persécuté persécu-
teur (forme mentale décrite en France par Falrel), remarque avec
de Krafft-Ebing que le fond de ce délire est un orgueil pathologique
et une fausse idée ou plutôt un sentiment du droit et de la justice
faussement appliqué. Le persécuté persécuteur est un persécuteur
bien plutôt qu'un persécuté ; c'est un redresseur de torts, un justi-
cier. Ordinairement, il y a un fait vrai au début de ses revendica-
tions. Ce qu'il y a dans son esprit, ce n'est pas un mot injurieux
ou révélant le désir de lui nuire, c'est le sentiment d'une injustice
commise, d'une attaque injustifiable. Il n'y a pas de concentra-
tion sur des idées délirantes, comme chez le persécuté à hallucina-
tions de l'ouïe, mais un sentiment de justice et d'orgueil qui est le
fond de la maladie - l'importance exagérée qu'il s'attribue et son
faux sentiment de l'éthique lui font interpréter pathologiquement
ses actes et ceux des autres la véritable conséquence de ces dis-
positions moi-bides est l'acte et non pas l'idée délirante ; l'hallucina-
tion ne peut donc apparaître puisque son degré inférieur (l'idée
ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES. 445
délirante) ne peut prendre naissance sur ce terrain. Le persécuteur
a bien une croyance pathologique dans son bon droit, mais cet état
d'esprit ne sert pas à transformer une idée sensorielle qui n'existe
pas en hallucination, mais à consommer un acte.
Pour ce qui a trait à la présence des hallucinations de la vue
dans la folie religieuse idiopathique, il devient facile de montrer,
après la savante analyse qu'a faite l'auteur du début du délire de
persécution, que le monomaniaque religieux a des hallucinations
de la vue (entre autres) parce qu'un état faible, une idée visuelle
a précédé l'hallucination, parce que la croyance à la possibilité de
la vision existe antérieurement à sa formation. L'halluciné reli-
gieux, fidèle aux recommandations des livres religieux, voit Dieu,
ou la Vierge, ou les Saints, ou Satan, parce qu'il les voit dans son
esprit, parce qu'il fait attention à ces images, parce qu'il croit qu'il
lui est possible de les voir, parce qu'il veut presque les voir. A
l'égard de la rareté des visions, peut-être pourrait-on dire que
l'hallucination est souvent le point de départ d'actes de prosély-
tisme ou leur redonne un nouvel élan, et qu'il est alors, pour ainsi
dire, inutile que cette vision se reproduise, car elle suffit à la satis-
faction du malade : le plus souvent, à la suite, l'aliéné est trans-
formé en prophète et il devient plutôt actif que contemplatif sor-
tant de cet état d'esprit spécial du malade qui se rapproche, au mo-
ment de la vision, de celui que M. Baillarger appelait état d'halluci-
nation, certainement analogue au rêve.
A côté de l'idée fixe que l'aliéné à délire systématisé s'assimile
pour en faire une idée délirante, on rencontre un trouble mental
analogue mais qui diffère cependant d'une façon catégorique de
l'idée fixe, en ce sens qu'elle ne devient jamais une idée délirante :
n'est l'obsession. En effet, l'obsession reste toujours étrangère
au moi du malade. Le fou systématisé se conforme logiquement
aux déductions de son idée fixe qui a pénétré comme telle dans la
conscience du malade et s'y est incorporée, tandis que l'obsédé re-
connaît le ridicule et l'absurdité de son action - témoin cette
malade, citée par M. le Dr Adam, pour laquelle la vue des étoffes
est une cause de douleurs dans les yeux et qu'elle est obligée de
regarder cependant, qui profère des injures contre les personnes
qui la soignent en leur en demandant pardon quelques instants
après et qui, pareille au vieux marin deColeridge, se trouve forcée
par une puissance invisible de raconter son histoire et ses ennuis
à toutes les personnes qui l'approchent, sous peine de ressentir une
profonde angoisse. M. le Dr Régis cite un cas d'obsession genito-
phrenatrice typique et d'autant plus intéresssant qu'il est ,tiré de
Montaigne : < Je scay par expérience que tel de qui je puis respon-
dre comme de moy-même, en qui il ne pouvait choir soupçon au-
cun de faiblesse, ayant uuy faire le conte à un sien compagnon
d'une défaillance extraordmoire, en quoy il estoit lombé sur le
446 REVUE ANALYTIQUE.
point qu'il avoit le moins besoin, se trouvant en pareille occasion,
l'horreur de ce conte lui vint à coup si rudement frapper l'imagi-
nation qu'il en courut une fortune pareille. Et de là en hors fut
subject a y rechoir : ce vilain souvenir de son inconvénient le gour-
mandant et le tyrannisant ' ».
- Westphal distingue quatre espèces d'obsessions] : 1° celles qui
demeurent purement théoriques parmi lesquelles la folie du doute
sous forme de questions; 2° celles qui produisent certaines actions
dans lesquelles rentre le délire du toucher, et 3° les obsessions im-
pulsives qui provoquent une action immédiate. Pour Wille, la folie
du doute et les obsessions en général forment le groupe des folies
avec conscience qui appartient à la grande famille de la folie héré-
ditaire.
La plupart des auteurs, depuis More], avaient tenu grand compte
de l'hérédité comme facteur essentiel des obsessions : M. Magnan,
dans ses études remarquables, considère ce trouble mental comme
un signe direct et immédiat de l'hérédité morbide en en faisant un
véritable stigmate psychique de l'hérédité, au même titre que les
stigmates physiques décrits par ! \lare ! .
M. Falret, tout en partageant au fond les mêmes idées que
M. Magnan, croit devoir admettre comme une variété clinique
méritant une description à part, la folie du doute.
lI. le Dr Ladame (de Genève) va plus loin et demande, avec obser-
vations à l'appui de sa' thèse, que l'on sépare en deux variétés cli-
niques distinctes la folie du doute et le délire du toucher qui s'asso-
cient souvent, cela est certain, comme la pleurésie et la pneumo-
nie dans la pleuro-pneumonie, mais qui évoluent plus souvent
encore isolément.
Chez les héréditaires, qui viennent de nous occuper, il est un
stigmate psychique qui se rencontre assez frequemment, c'est
l'aritlimomanie.
Or, cette anthmomanie, M. le Dr Cullerre l'a rencontrée et étu-
diée chez certains épileptiques, et il l'a trouvée dans ces condition-,
atec des caractères qui la différencient nettement de l'aritlimoma-
nie des héréditaires. Les épileptiques, comme le fait remarquer
l'auteur, sont souvent aussi des obsédés et des impulsifs conscients,
soit qu'une certaine prédisposition vésanique héréditaire s'ajoute
à l'affection nevropathique, comme chez ceux qui sont dipsoma-
nes, suicides, homicides, pyromanes, ou qui ont la folie du doute ;
soit que l'ébranlement périodique que font subir à leurs centres
nerveux les attaques convulsives contribue à provoquer une désé-
quillbration mentale de même nature.
C'est à cette dernière influence qu'il croit devoir attribuer
l'aritlimonlanie en raison de son allure uniforme chez les divers
1 Essais de Montaigne, t. I, chap. xx. De la force de l'Imagination.
ANNALES lIiBDICO-PSFCHOLOGIQUES. 447 7
épileptiques qui la présentent. Il s'agit d'une impulsion à compter,
à combiner d'une façon générale des nombres quelconques et plus
particulièrement à faire des calculs portant sur les divisions du
temps.
Ces calculs sont erronés, la plupart du temps, étant donné le
manque de culture intellectuelle de ces épileptiques, mais cette
fausseté même ne pruuve que mieux qu'en se livrant au calcul ils
ne font qu'obéir à une impulsion instinctive.
Or, tandis que chez les héréditaires, l'obsession du nombre,
comme les autres obsessions inconscientes, s'accompagne d'un
malaise intellectuel allant jusqu'à l'angoisse et à la lipothymie,
rien de semblable chez les épileptiques arithmomanes : l'obsession,
chez eux, garde toujours un caractère bénin. C'est un simple
besoin intellectuel n'ayant rien de pénible, dont les malades tirent
peut-être même l'avantage d'une distraction, par suite de leur allai-
blissement intellectuel, de leur désoeuvrement et du vide habituel
de leur pensée.
L'aptitude des idiots pour la musique a été constatée depuis
longtemps. D'après Esquirol, « presque Lous, même ceux qui sont
privés de la parole, chaulent et retiennent des airs. » Mais cette
capacité, tous la possèdent-ils au même degré ? Y a-t-il des caté-
gories à établir ?
M. le Dr Wildermuth (de Stettin) a essayé de la mesurer en pre-
nant cent quatre-vingts idiots à différents degrés et quatre-vingts
enfants sains et en recherchant chez eux la capacité vocale, le sens
de l'harmonie, la mémoire musicale, etc. Il les a classés, les uns et
les autres en quatre groupes différents, depuis ceux qui possèdent
ces qualités au plus haut degré, jusqu'à ceux où elles n'existent
nullement.
Dans le premier groupe, il y a 27 p. 100 d'idiots et 60 p. 100
d'enfants sains; dans le deuxième 36 p. 100 d'idiots et 26 p. 100
d'enfants sains; dans le troisième, 26 p. 100 d'idiots et 11 p. 100
d'enfants sains; et enfin dans le dernier, Il p. 100 d'idiots et
2 p. 100 d'enfants sains. Ces résultats constituent une preuve des
plus évidentes du développement relativement élevé du sens musi-
cal chez les idiots.
Une conséquence pratique de ce travail sur laquelle ne manque
pas d'insister l'auteur, c'est qu'il importe de cultiver avec soin chez
les idiots le chant et surtout le chant accompagné de mouvements
rythmiques. Ce sont là, du reste, des principes bien connus dans
les services d'idiots, en particulier à Gicètre, le modèle du genre.
- Tous les aliénistes formés : 1 la grande école d'Esquirol retran-
chaient du cadre des maladies mentales lé délire qui accompagne
ou suit les fièvres. Mais aujourd'hui l'on sait que la distinction
entre le délire fubiile et celui de la folie esL purement artificielle :
on considère les délires fébriles des maladies infectieuses pour ce
448 REVUE ANALYTIQUE. ANNALES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES.
qu'ils sont réellement, c'est-à-dire pour des aliénations aiguës, et
l'on distingue deux groupes de délires fébriles, qu'il n'est pas, du
reste, toujours facile de séparer dans la pratique : les psychoses
fébriles proprement dites, qui éclatent pendant la fièvre ou même
avant l'accès, et les psychoses asthéniques ou délires de la conva-
lescence.
Tandis que les psychoses fébriles offrent un tableau clinique assez
monotone, on voit les psychoses de la convalescence présenter une
grande variété d'aspects cliniques. Dans ces dernières, la prédispo-
sition individuelle, héréditaire ou acquise, joue le principal rôle et
l'on constate assez souvent que la maladie aiguë n'est que l'occa-
sion accidentelle de l'aliénation mentale qui aurait éclaté tôt ou
tard.
Les psychoses de la convalescence ont été observées dans de nom-
breuses maladies, mais elles avaient il peine été signalées dans leurs
rapports avec l'influenza avant la grande pandémie que nous avons
traversée récemment.
M. le Dr Ladame (de Genève) s'est proposé d'étudier les psy-
choses qui se déclarent après l'influenza, pendant la convalescence,
laissant de côté les psychoses fébriles de l'influenza, qui ont fait
l'objet d'un mémoire présenté récemment par M. le professeur
Revilhod à la Société médicale de Genève.
Chez un très grand nombre de malades, on a observé de l'insom-
nie pendant la convalescence de la grippe, insomnie toujours
accompagnée d'un état plus ou moins prononcé de dépression'psy-
chique d'indifférence, de mécontentement, d'inquiétude ou d'an-
goisse, de plaintes ou de récriminations, en un mot d'une légère
atteinte de mélancolie ou d'hypocondrie. Dans certains cas, les
idées mélancoliques et hypocondriaques ont été plus actives, se
sont compliquées de délire, et même on a signalé un cas de
suicide.
Dans un second groupe de psychoses consécutives à la grippe,
les psychoses asthéniques, on trouve plusieurs formes ayant pour
caractère commun l'affaiblissement rapide plus ou moins prononcé
des facultés mentales, affaiblissement ou démence primitive qui
s'accompagne habituellement, en général au début, de phéno-
mènes d'excitation cérébrale, surtout de nature sensorielle.
L'influenza devient aussi parfois, comme les autres maladies
aiguës, la cause occasionnelle de l'aliénation mentale. La nature
de l'aliénation mentale y est alors tout à fait indépendante de l'in-
Iluenza. Elle est directement le résultat des conditions individuelles
antérieures : ici un delirium tremens fait explosion chez un alcoo-
lique ; là un accès de manie aiguë, ailleurs un délire de persécu-
tion ; dans d'autres cas enfin éclate subitement une paralysie géné-
rale, latente lusque-là.
La conclusion des observations réunies par M. Ladame est que
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 449
l'influenza à elle seule ne suffit jamais à provoquer la folie ; lors-
que celle-ci éclate après la grippe, on trouve toujours d'autres
causes prédisposantes ou occasionnelles.
Les formes mélancoliques, les psychoses asthéniques simples, à
l'exception de cet tains cas de délire de colapsus, sont générale-
ment bénignes.
Les autres affections mentales, dont l'influenza n'a été qu'une
cause occasionelle, doivent être envisagées au point de vue de leur
pronostic propre. D'où l'importance, au point de vue du pronostic,
chaque fois qu'un cas de folie éclate après une affection fébrile
algue, de bien distinguer quelle est la forme clinique de la psy-
chose. D 13r.m.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
XXIX. L'INFLUENCE DE LA MÉNOPAUSE SUR LA GENÈSE ET LA FORME DES
troubles mentaux; par 1lLTUSCU. (alla. Zeitsch., f. Psych.,
XLVI, 4.)
Après une bibliographie et une statistique générale, personnelle
ou impersonnelle, l'auteur pose ce principe que « les deux phases
critiques de la vie sont l'époque choisie par les psychoses et les
névroses dégénératives et héréditaires pour se manifester : c'est la
constitution anormale du terrain qui se traduit par diverses né-
vroses et psychopathies, quelles qu'aient été les conditions de
bien-être de la vie.
Prenons, par exemple, les malades de l'asile de Sachsenberg,
tous malades de la campagne. L'hérédité s'y révèle dans 54 p. 100
des cas. Du 1 ? juillet 1884 au 31 décembre 1888, sur 551 aliénées
femmes, on a constaté Je plus souvent des psychopathies simples,
accompagnées souvent (30 p. 100) d'affections organiques du coeur.
60 cas de ménopause dans le cours des psychoses chroniques.
P. K.
XXX. Les IDLES DE présomption DE la folie systématique : par
L. SNLLL. (Alla. Zcitsch. f. Psych., XLVI, 4.)
Le .symptôme essentiel de la paranoïa (Wahnsinn, Verruecldheil)
c'est un délire organisé provoqué et entretenu par des hallucina-
tions, délire qui roule sur la crainte d'être persécuté, la conviction
que des ennemis font un tort constant au sujet. Ce symptôme
persiste même quand il existe simultanément des idées de pré-
somption. D'ailleurs, le délire de présomption sans délire de perse*
Archives, t. XXI. 29
It1JO REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
cution appartient exclusivement à des états d'affaiblissement intel-
lectuel, par exemple à la démence paralytique ; jamais il ne se
montre seul dans la paranoïa. Si l'on considère les idées de pre-
somption dans leurs rapports avec la folie systématique, on en doit
distinguer quatre formes :
- 10 Absence complète et permanente d'idées de présomption (Obs.
et II) ; 2o Idées de présomption survenant au début de la maladie en
même temps que des idées de persécution (Obs. III); 3° Idées de
présomption qui, après s'être montrées au début de la maladie en même
temps que des idées de peisécution, rétrocèdent pendant plusieurs mois
ou plusieurs années pour revenir plus tard plus intenses (Obs. IV. V);
4° Idées de présomption s'ajoutant (c'est l'allure ordinaire) après un
temps plus ou moins long (quelques mois ou quelques années) à des
idées de persécution, pour persister, devenir permanentes, et s'associer
définitivement a ces dernières. (Obs. VI à X.)
Evidemment, idées de présomption et idées de persécution
émanent d'un même tronc pathologique, car, tandis que le mé-
lancolique se reconnaît coupable et digne de toutes les persécutions
qu'il endure, le fou systématique se voit injustement frappé. Ce
dernier peut, sinon guérir, au moins s'accommoder de ses idées
délirantes qui palissent.
Quant au terme, paranoïa vaut mieux que Wahnsinn et VC1'l' ! Icl;
theit. Les vieux aliénistes allemands avec Jacobi désignent sous le
nom de Wa/UMOMt à peu près notre paranoïa, tandis qu'ils appli-
quent le mot Vcrriccktheit à la démence secondaire avec excitation
et désordre dans les idées; ce mot convient aussi aux malades qui
conçoivent mal les rapports entre eux et les objets du monde exté-
rieur. Ces rapports sont comme pervertis Ve1'1'1lCc/.t t u IVeggerueckf.
lVulensittta s'applique aux aliénés chez lesquels prédominent des
idées délirantes de toutes pièces. (Voy. Archives de Neurologie,
t. XIX, p. 418.) ' P. 11liR11'.1L.
XXXI. De L'nLDoiD01'IIRLi'i¡r.; par 1411LDAUA1. (Atlg. ZCisscl., f. Psych.,
L\'I, 4.)
Deux observations. Nous ne pouvons que consigner les conclu-
sions. 1° Il existe un groupe de cas morbides de la jeunesse qui ne
rentre pas dans les autres modalités pathologiques. - 2° Il a
pour caractères : une altération de la personnalité entière et no-
tamment des facultés par lesquelles se manifeste la vie. Il ne s'agit
plus ici de la folie partielle, mais d'un délire portant sur les actes.
3° En outre des symptômes généraux, il existe des symptômes
moraux, sans que ceux-ci représentent cependant toute la ma-
ladie. Ce n'est donc plus une folie morale. 4° C'est essentielle-
ment une maladie de l'enfance ou de la jeunesse; il faut, par suite,
la distraire des psychopathies de l'adulte dans lesquelles prédo-
minent des symptômes iiioi,aux.-50 Elle se rattache étroitement à
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 451
l'hébéphrénie ou folie de la jeunesse ; elle forme avec cette dernière
un grand groupe auquel convient le nom de folie hébétique et qui
comprend deux espèces : l'hébéphrénie, l'héboïdophrénie. P.K.
XXII. INI'LUENCE t'.11'OR1DLE DES MALADIES FÉBRILES SUR LES PSY-
CHOSES. Guérison d'une ll4NIE A la SUITE d'une pleurésie ; par
W. Willerding. (Allg. Zettsch. f. Psychiat., XLVI, 5.)
Manie consécutive à une fièvre typhoïde, suite de couches,
guérie à son tour par une pleurésie, L'anémie l'avait engendrée ;
la pleurésie, en stimulant la circulation encéphalique, guérit l'af-
tion mentale; c'est l'explication de l'auteur. P. K.
XXXIII. LA FOLIE A deux; par D. KROENER. (Allg. Zeitsch., f.
Psychiat., XLVI, 5.)
Nouvelles analyses de 146 cas empruntés aux auteurs.
Il Différence entre la folie imposée et la folie communiquée.
Cette distinction n'est pas heureuse, d'après M. Kroener;
2° différence entre la folie communiquée et la folie simultanée;
importance de ces deux types.
Conclusions : La folie communiquée se produit chez un grand nombre
d'individus indemnes d'hérédité; la folie imposée appartient à des sujets
talés. La folie simultanée est une (orme d'aliénation mentale que nous
comprenons bien moins que la transmission d'une psychose à un sujet
bien portant jusqu'alors. Dans la folie communiquée, le terrain de la
personne secondairement atteinte a seul de l'importance pour nous,
tandis que, dans la folie simultanée, les deux individus douent être
examinés. Dans la transmission d'une maladie mentale à un autre indi-
vidu, l'hérédité ne joue pas de plus grand lôle que lorsqu'il s'agit de
l'éclosion d'une psychopathie quelconque. Nous réhabiliterons la théorie
do la contagion psychique, c'est-à-dire l'influence directe nocive du pre-
mier Il1dl\iùu malade sur son camarade, mais il s'agit non d'une infec-
tion simple vraie, mais du concours d'une série de facteurs qui aboutis-
sent à la transmission; peut-être y a-t-il intoxication par l'action des
produits de dénutrition gazeux de l'aliéné, peut-être y a-t-il aussi sug-
gestion, La prophylaxie constitue le traitement de la folie à deux. Deux
observations personnelles. l'. K.
IMPORTANCE pratique DE L1 question DE La paralysie générale
SYPHILITIQUE,; par TuolSEN. (Allg. Zcitsch. f. Psychiat. XLIV, 5.)
Sur 416 paralysies générales appartenant à la population infé-
rieure de Berlin, on constate, dans un cinquième de cas, une
lésion certaine des cordons postérieurs; dans un tiers des cas, une
lésion probable des cordons latéraux. Sur 104 de ces malades,
sur lesquels on a eu des renseignements, SI ont eu sûrement la
483 U-) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
syphilis, 53 l'ont eue selon toutes probabilités. Sur 24 paralysies
générales empruntées à l'asile privé de Hertz, à Bonn, de 1886-
1889, 66 p. 100 ont éprouvé des symptômes tabétiques; 25 p. 100
présentaient des lésions des cordons latéraux; 9 p. 100 étaient
indemnes de lésions médullaires; 62 p. 100 avaient eu sûrement
- la syphilis : Ce nombre se décompose lui-même en : lésions conco-
mitantes des cordons postérieurs, 70 p. 100; lésions concomi-
tantes des cordons latéraux, 20 p. 100; les paralytiques généraux
à sclérose postérieure avaient été atteints à l'âge de quarante-et-un
ans, il s'était écoulé quatorze ans entre l'infection syphilitique et
le début de la paralysie générale; les paralytiques généraux à
sclérose latérale avaient été atteints à l'âge de trente ans, il s'était
écoulé sept ans entre l'infection syphilitique et le début de la pa-
ralysie générale. 70 p. 100 des paralytiques avec lésion des cor-
dons postérieurs avaient la syphilis sûrement; 50 p. 100 des para-
lytiques avec lésions des cordons latéraux ou à moelle saine
étaient des syphilitiques certains. Il faut donc désormais étudier à
part la paralysie genérale compliquée de lésions des cordons la-
téraux et la paralysie générale compliquée de lésions des cordons
postérieurs.
Quoi qu'il en soit, le traitement antisyphilitique n'agit pas quand
le symptôme de la démence confirme le diagnostic; il anémie et
excite. Les paralytiques généraux tahétiques doivent être internés
dans les asiles, à moins que l'intelligence et la parole ne soient pas
lésés; dans ce dernier cas, on peut recourir à des maisons d'hydro-
thérapie à la condition qu'il n'y ait pas de symptômes médullaires
ou qu'il n'y ait que des symptômes témoignant de la dégénéres-
cence des cordons latéraux. L'asile est indispensable lorsqu'il y a
tabes avec accidents cérébraux, notamment avec déchéance intel-
lectuelle, car généralement alors les accidents cérébraux sont ceux
de la paralysie générale. P. K.
XXXV. DE VINGT-SIX cas de paralysie PROGRESSIVE CHEZ la femme ;
par L. GnEPPIN. (Allg. Zcitsclr. f. Psych. XLVI, 5.)
Statistique confirmant les assertions des autres auteurs. P. K.
XXXVI. DE la paralysie DE la main par l'application DES MENOTTES;
, par EULENDU11G. (Neurol. Ce7aL'albl. 1889.)
Paralysie du médian comprimé dans son trajet superficiel au-
dessus de l'articulation radiocarpienne, entre les tendons du fléchis-
seur radial du carpe (premier radial externe) et du grand palmaire,
à l'endroit où le nerf émet son rameau cutané. L'électrisation
guérit les accidents moteurs et sensitifs. P. KERAVAL.
XXXVII. Casuistique des névroses traumatiques; par L. Bruns.
(NPi<TOI.G'C72LralGl. 1889.) Névrose RRAUMATIQUF avec autopsie;
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 453
par SpERLiNGet IiR07T1L1L (Ibid.) - Contribution A l'appréciation
CRITIQUE DE la névrose traumatique; par H. OPPENHEIM. (Ibid.)
CONTRIBUTION A la simulation DES affections NERVEUSES CONSÉCU-
TIVES au traumatisme; par A. SEELIGMUELLER. (Ibid.) Réponse;
par II, OPPENHEfAI. (Ibid.) - OBSERVA'110N DE névrose traumatique
avec autopsie; par BERNHARDT et KpONTnAL. (Neurol. Centralbl.,
1890.)
Les symptômes cardinaux qui permettent de déjouer la simu-
lation, ce sont les signes physiques tels que les anesthésies, le
rétrécissement du champ visuel pour les couleurs dans leur ordre
si particulier, les troubles cardiaques. Avec eux pas de simulation,
ni d'exagération possible. Ce n'est pas à dire cependant que le
traumatisme ait toujours créé de toutes pièces les phénomènes
morbides. Il est des cas dans lesquels il y avait lésion organique
préalable (sclérose du système artériel), mais l'équilibre fonctionnel
subsistait jusqu'au jour où le choc traumatique l'a rompu. P. K.
XXXVIII. Contributions cliniques A la mélancolie; par E. MENDFL
(Allg. Zeitsch. f. Psychiat., XLVI, 4.)
C'est un exposé de principes nosographiques.
La mélancolie hypochondriaque se traduit par des lésions de la
sensibilité somatique (musculaire et viscérale). La mélancolie
religieuse, intellectuelle, ou simple, procède de lésions de la sen-
sibilité intellectuelle (auloculpabihté, etc). La mélancolie géné-
rale, qui peut succéder à l'une des deux formes précédentes, com-
prend les deux espèces de lésions précédentes ; la mélancolie stu-
pide n'est qu'une sous-classe.
La plus fréquente est la mélancolie intellectuelle; 116 observations
sur 206 mélancoliques ;
1¡ ? )/ Il REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XL. EPILEPS11 CLASOAIA SEU 110T.1TOltl.a; par le DI Cruier.
(Zeitschr. sur Heilkande, vol. XI, 18UO.)
Observation d'un malade qui avait des attaques d'épilepsie
- suivies parfois d'accès de fureur, des accès intermittents de rota-
tion à droite isolés ou se présentant comme un phénomène d'aura,
des mouvements de manège, quelquefois aussi de la rotation à
gauche et de la procursion. A l'autopsie, on a constaté de J'atro-
phie cérébrale. Notlinaâel faisait dépendre l'épilepsie procursive de
lésions cérébrales. Bourneville et Bricon ont confirmé cette manière
de voir, et dans une observation qu'ils ont publiée ils ont trouvé
une différence de poids entre les hémisphères cérébelleux. Le
D' Cramer combat cette opinion. Pour lui, il ne s'agit pas de
lésions cérébrales ou cérébelleuses, mais de phénomènes pure-
ment fonctionnels : la procursion doit être rattachée aux mouve-
ments impulsifs si fréquents dans l'épilepsie, au saut, par exemple.
Un autre malade de la clinique du professeur Pick présente ce
même type de curso-rotation, symptôme d'un processus diffus.
J. Dagonet.
XLI. SOPRA UNA PARTICOIARITi DEL MUTISME PER STUPRE; par le
D1' Gucci. (Archivio italiceno per le 1nalallie neovose, 1889.)
L'auteur expose une suite de longues considérations qui l'a-
mènent à séparer la démence aiguë de la mélancolie avec stupeur :
il considère la stupeur comme un état d'inhibition et n'admet pas
que le délire triste soit sa condition nécessaire, mais qu'elle peut
se développer au cours de bien des formes différentes de folie, soit
psychoneurotique, soit dégénérative. Puis il rapporte plusieurs
observations de mutisme avec stupeur et il a remarqué que dans
ces cas les malades, si on plaçait un livre devant eux, lisaient le
plus souvent en 'prononçant bien les mots. Dans ces cas, dit l'au-
teur, ce sont les images visuelles qui sont seules capables de pro-
voquer la parole : le champ de l'inhibition s'étendait au centre
auditif verbal et aux voies de conduction qui le relient au centre
moteur d'articulation, respectant au contraire celles qui relient ce
dernier centre au centre visuel des mots et le centre visuel lui-
même. J. S.
XLII. Les asymétries fronto-faciales chez les aliénés; par le
Dr Raffaele HOSCLOLI. (Il manicomio, 1589, n° 1.)
Voici le résumé de ce travail : les asymétries d'intensité mini-
mum, et dépendant de causes de peu de valeur, souvent méca-
niques, sont si fréquentes que bien peu d'individus en sont exempts;
elles n'ont aucune valeur en tant que causes prédisposantes de la
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 4SS
folie. Les asymétries fronto-faciales de moyenne et de grande in-
tensité, calculables, celles dont il a été tenu compte surtout dans
ce travail se rencontrent avec une certaine fréquence non seule-
ment chez les épileptiques, mais dans presque toutes les formes
de maladies mentales et même chez des individus sains d'esprit.
Pour cette raison, elles ne peuvent être considérées comme cause
spécifique d'une maladie mentale quelle qu'elle soit; mais encore
elles sont compatibles avec le plein développement et le fonction-
nement régulier des facultés intellectuelles. Comme elles sont pro-
duites par des anomalies de développement des os crâniens, elles
ne sont que des manifestations pathologiques simples, coïncidant
parfois avec la folie, l'épilepsie, mais sans avoir avec ces maladies
un rapport de cause à effet : tous ces symptômes dépendent d'une
seule et même cause, la dégénérescence. Au point de vue de la
fréquence, les asymétries fronto-faciales suivent chez les aliénés
une échelle ascendante, des formes élevées de la dégénérescence
mentale (folie circulaire, manie périodique, paranoia primitiva,
etc.), aux formes inférieures (démence consécutive, imbécilité,
idiotie, épilepsie, etc.). Il en est de même pour les différentes caté-
gories de délinquants (fripons, banqueroutiers, criminels d'occa-
sion, voleurs, assassins). Leur fréquence étant plus grande dans les
formes inférieures de la dégénérescence et dans la démence con-
sécutive, elles peuvent devenir un élément de pronostic d'une cer-
taine importance, alors qu'il est nécessaire de se prononcer sur
des cas de psycho-neuroses. Leur présence pourrait faire prévoir
que la maladie aigué aboutira plus facilement à la démence ter-
minale. J. S.
XLIII. Des variations DE LI sensibilité gêner \le, spéciale ET RÊ-
1-LF-,F, chez les épileptiques dans LI période 1NTEIlPdIlOxISTIQI : E
rr après l'accès ; par le 0'' Cesare AGOSTm. (Riv. sper. di fren.,
1890, vol. XVI, fasc. I-II.)
La sensibilité tactile, comme la sensibilité à la pression est chez
les épileptiques moindre que chez les individus normaux, la diffé-
rence augmentant après les accès surtout du côté qui est en rap-
port avec la plagiocéphatie et où prédominent les convulsions.
La sensibilité thermique, presque normale est bien peu altérée
après les accès intenses. La sensibilité gustative est moindre que
chez les individus sains et après les accès elle disparait fréquem-
ment ou diminue d'un côté.- La sensibilité olfactive, spécialement
chez les épileptiques soumis au traitement bromure, est diminuée
avec des phénomènes d'hyposmie et d'anosmie plus manifestes
après la convulsion. La sensibilité auditive est moindre que
chez les individus sains et surtout du coté opposé à la plagiocé-
phalie, la différence s'accentuant après l'accès. L'acuité visuelle
436 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
est presqu'intacte, peu troublée après les convulsions, avec des
symptômes de rétrécissement du champ visuel : peu fréquentes
sont les altérations du sens chromatique. Du côté de la sensibilité
générale organique, la sensibilité à la douleur est presque, normale
et peu modifiée par l'accès : on peut en dire autant du sens mus-
culaire. Le sens de l'équilibre est en général troublé surtout dans
l'épilepsie ancienne et l'est très fortement après l'accès. - La sen-
sibilite électrique est moindre que chez les individus sains, surtout
après l'accès et avec phénomènes de latéralité. Du coté des
réflexes l'ouverture de la pupille, durant le calme, est normale le
plus souvent, assez fréquemment dilatée : la pupille réagit plutôt
lentement ; mais après l'accès il y a, dans la plupart des cas, dila-
tation pupillaire et réaction plus prompte aux excitations. Les
réflexes de la conque auriculaire, des narines, du voile du palais,
de l'aisselle, de l'abdomen, crémastérien et plantaire sont générale-
ment moins prompts que chez les individus sains durant les pé-
riodes de calme, et plus énergiquee et plus rapides, surtout le
plantaire, après la phase convulsive. Le réflexe rotulien est en
général plus vif que chez les individus normaux et est notablement
augmenté après l'acces. Le clonus du pied manque le plus souvent
dans la période inlerparoxyslique et apparaît dans le plus grand
nombre des cas après la convulsion.- Du coté de la motilité, il y a
des troubles dans la marche, l'écriture, et la contractilité électro-
musculaire est moindre que chez les individus sains et se montre
encore plus diminuée après les accès. Sous le rapport de l'examen
aomatique et psychique, il y a des caractères suffisants pour con-
clure à la nature dégénérative de l'épilepsie et démontrer son
affinité avec la folie morale et la delinquence congénitale. J. S.
XLIV. LES NÉOLOGISMES DES ALIÉNÉS EN RAPPORT AVEC LES DÉLIRES CHRO-
NIQUES ; par le D1' Tanzi. (Riv. Sper. di (l'en., vol. XVI, fasc. 1-11,
1890.)
L'auteur a recueilli un grand nombre de ces néologismes dont
usent si fréquemment les aliénés chroniques. Il en étudie les diffé-
rentes espèces, les caractères, leur signification commune, qui se
réduit à condenser en un mot nouveau la partie essentielle et ca-
ractéristique du délire. Partant de là pour étudier l'idée délirante,
l'auteur conclut que le délire est déterminé par l'apparition et l'hé-
gémonie d'images données et de tendances, qui se résument dans
la superstition. Des images et des tendances semblables se retrou-
vent, comme manifestation unique de l'intelligence, chez l'homme
primitif; on les retrouve encore, affaiblies et à l'état latent, chez
l'homme bien développé. Entre ce groupe d'idées piimilives et
celui des idées plus récentes, il y a, chez l'homme complet et bien
développé, différence d'énergie et antagonisme de fonction tout
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 437
à l'avantage des dernières. La genèse clinique du délire, quel qu'il
soit, consiste dans la victoire des tendances superstitieuses qui
reprennent le premier rang. Cette suprématie des tendances supers-
titieuses s'effectue chez le paranoïaque par leur développement pré-
pondérant dès la naissance; chez l'aliéné non dégénéré. par une
paralysie occasionnelle des fonctions supérieures. J. S.
XLV. DE H NATURE DES PHÉNOMÈNES SOMATIQUES D ANS L'HYPNOTISME ;
par le professeur A. T.mi3uRiNi. (Riv. Sper. di /)'en., vol. XVI,
fasc. 1-11, 1890.)
Les phénomènes somatiques de l'hypnotisme décrits comme pro-
pres aux états dits léthargique, cataleptique et somnambulique
du grand hypnotisme (hyperexcitabilité neuro-musculaire, plasti-
cité cataleptique, hyperexcitabilité cutano-musculaire) se vérifient
dans un nombre restreint de cas appartenant à la grande histérie,
et indépendamment de toute suggestion. Ces phénomènes somati-
ques ne justifient cependant pas la division nosographique en trois
états distincts tout à fait différents les uns des autres et ayant cha-
cun une symptomatologie propre, car on peut les rencontrer mêlés
et confondus dans les états différents et ils ne représentent que
des manifestations diverses d'une excitabilité réflexe exagérée,
dont la variété est uniquement déterminée par la nature, l'inten-
sité et la durée des stimulus employés pour les mettre en évidence.
Ces mêmes phénomènes ne sont pas non plus caractéristiques du
grand hypnotisme, car on les retrouve (et indépendamment de
toute suggestion) à l'état de veille dans des cas de grande hystérie
où ils constituent autant de stigmates hystériques; donc dans les
quelques cas où on les rencontre dans l'hypnotisme, ils n'en sont
pas l'effet; mais ils ne représentent que des manifestations propres
à l'hystérie et qui sont mieux mises en évidence dans l'état hypno-
tique, soit par augmentation de l'excitabilité réflexe, soit par les
stimulus employés agissant alors à la façon des traumalismes et
des autres agents révélateurs de la diatlièe hystérique. L'hypno-
tisme n'est donc pas une névrose provoquée, puisque dans les quel-
ques cas où il apparaît comme tel, il ne fait que mettre au jour
des phénomènes pathologiques qui, existant déjà, ou à l'état la-
tent, appartiennent à la névrose hystérique dont il n'est en réalité
que l'agent révélateur. L'hypnotisme n'est qu'un simple état de som-
meil provoqué qui n'est nullement pathologique, mais a seulement
la double propriété de-produire une certaine augmentation de
l'excitabilité réflexe, et une augmentation notable de la suggesti-
bllité, fournissant la clef de tous les phénomènes somatiques et
psychiques de l'hypnotisme. Les phénomènes que l'on rencontre
dans l'hypnotisme peuventvarier à l'infini suivantque l'on a affaire
à des individus sains et robustes ou faibles, malades, névropathes,
488 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.
hystériques simples, hystériques graves, mais tout ce qui dans ces
cas complique le cadre symptomatique n'est pas dû à l'hypnotisme
par lui-même, mais bien aux conditions morbides préexistantes que
l'hypnotisme ne fait que mettre en lumière. Aussi les formes il-
nombrables en apparence d'hypnotisme qui ont donné lieu à la
distinction en crand, petit hypnotisme, etc., ne sont-elles dues
(en dehors des divers degrés possibles de someil) qu'à ce qu'ajou-
tent la suggestion artificielle ou les conditions pathologiques
préexistantes. J. S.
SOCIETES SAVANTES
SOCIÉTÉ AIÉDICO-PSYCIIOL.OfIQUE.
Séance du 23 février 1891. Présidence de M. BOUCIIERE\U.
Erection d'un buste à la mémoire de Baillarger. - Sur la propo-
sition de M. Vallon, une commission composée de MM. Blanche,
Bouchereau, Falret, Ritti et Vallon est chargée de jeter les bases
d'une souscription destinée à élever un buste à la mémoire de
M. Baillàrger.
M. Th. ROUSSEL remercie la Société qui l'a élu vice-président
dans l'une de ses dernieres séances. Toujours attiré par l'étude des
maladies mentales, il rappelle, qu'il y a cinquante ans, il a été
l'interne de Falret père et deMitivié et qu'à cette époque, il traité
dans un mémoire l'influence des maladies intercurrentes sur le
cours de la folie. Bien queles circonstances l'aient poussé dans une
autre voie, il n'ajamais oubllié ses débuts dans la médecine men-
tale et il croit en avoir donné la preuve dans son rapport au Sénat
sur la réforme de la loi de 1838 qui régit les aliénés. Son projet de
loi ne satisfait pas, il est vrai, les aliénistes.mais il faut savoir faire
des concessions aux préjugés des milieux législatifs ! L'intervention
de la magistrature dans le placement et la sortie des aliénés est
inutile, mais il faut cependantenprendresonparti,car on ne l'évi-
tera pas.
Le Parlement vient d'être saisi d'un nouveau projet de loi par
M. Reynach. Ce projet n'est pas, comme l'ont dit certains jour-
naux, celui de Gambetta et de M. Megnin. Il en diffère totalement
pour se rapprocher du texte adopté par : e Sénat. A cette occasion,
M. Roussel raconte l'anecdote suivante : Au moment de proposer
SOCIÉTÉS SAVANTES. 4M u
sa réforme au Sénat il crut devoir en parier Gambetta et lui
demander son avis. Comme Gambetta l'approuvait dans son en-
semble, M. Rousse) s'en montra surpris car il différait notablement
de celui du grand orateur. « Allez-y de votre projet, lui répondit
Gambetta, le mien avait sa raison d'être autrefois, avant le
déluge ! Gambetta sentait mieux que personne les exagérations
de son texte; en tout cas le système du jury qui en constituait la
caractéristique, donne de trop déplorables résultats dans les pays
d'Amérique qui l'ont adopté pour qu'on pense jamais à l'appliquer
en France.
Syndromes 'épisodiques de la folie héréditaire survenus Ii la suite
d'une hémorrhagie dans le noyau lenticulaire. M. SAURY donne
lecture d'une observation de M. Journiac : Il s'agit d'un homme
âgé de soixante-dix ans dont les antécédents héréditaires étaient
très chargés et qui, sans avoir jamais présenté de troubles intel-
lectuels, était tombé à la fin de sa vie dans un état de mélanco-
lique auquel il a succombé. Son délire mélancolique avait été
précéde d'impulsions homicides et suicides dont le malade avait
conscience et qu'il put réprimer. A l'autopsie on tronva un foyer
hémorrhagique dans le noyau lenticulaire qui n'avait donné lieu à
aucun trouble moteur ou sensitif.
M. Magnan fait remarquer qu'il est très rare de voir un délire
aussi net survenir chez un vieillard manifestement dégénéré sans
s'être manifesté à des époques antérieures de la vie. z
Les aliénés dits criminels. M. Marandon de Monthyel. La ques-
tion des aliénés criminels doit être étudiée à la lumière de l'anthro-
pologie criminelle sous son quadruple aspect : caractères spéciaux
asiles spéciaux et législation, responsabilité. L'anthropologie crimi-
nelle, considérant qu'elle est un fait déductif et non un fait d'in-
duction, en proclame l'inutilité en médecine légale de l'aliéné cri-
minel, d'autant plus qu'elle peut être avantageusement remplacée
par l'état mental au moment des actes incriminés. Ce critérium a
en outre l'avantage de maintenir l'expert sur un terrain exclusive-
ment scientifique et de lui permettre par là de parler avec la
même autorité que le médecin-légiste ordinaire. L'anthropologie
criminelle fixe les caractères spéciaux de l'aliéné criminel en
montrant qu'il est un dégénéré régressif, c'est-à-dire un aliéne
chez lequel on retrouve tout à la fois les stigmates physiques et
psychiques de la dégénérescence et les stigmates physiques et psy-
chiques de la régression. L'aliéné inoffensif ne présente, lui, que
les signes du dégénéré. En montrant que l'aliéné criminel est un
être à part différent de l'aliéné simple, l'anthropologie criminelle
a réduit à néant le principal argument contre les asiles spéciaux
qui consiste à dire que tous les internésétant susceptibles de deve-
nir criminels, il n'est pas nécessaire d'établir des catégories. L'asile
60 SOCIÉTÉS SAVANTES.
spécial est préférable au quartier spécial annexé il l'asile ordinaire,
car la jalousie excitée par les avantages dont jouissent les autres
malades sera une cause de rébellion parmi les aliénés criminels,
d'autant plus explicable que le voisinage des aliénés simples obligera
de les tenir enfermés. Enfin, l'anthropologie criminellefixelesl>ases
de la législation en montrant que l'aliéné criminel est en même
temps un dégénéré, c'est-à-dire un être qui relève de la médecine
et un régressif, c'est-à-dire un être qui relève de la justice. C'est
donc exclusivement aux médecins et aux magistrats à statuer sur
le sort de l'aliéné dit criminel, et comme il est sujet à récidive,
dans l'intérêt de la société, sa sortie, même après guérison, doit
être rendue à peu près impossible. MARTEL BRIaND.
IVe CONGRÈS DES MÉDECINS RUSSES
Réunis .1 Moscou le 15 janvier 1891.
SECTION DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES.
Cette section a eu trois séances dont deux, celles du 17 et du 20
janvier, étaient consacrées aux maladies nerveuses et une, celle du
19 janvier, aux maladies mentales.
Séance du 17 janvier (Maladies nerveuses).
Présidence de M. le professeur KOJEVNIKOFF.
Présidence d'honneur DE M. LE professeur Sikorski (de Kieff).
M RoTT (de Moscou) a fait une communication sur la « pathogé-
nie des atrophies musculaires ». Les atrophies musculaires se déve-
loppent sous l'influence de l'action séparée ou combinée des cau-
ses suivantes : insuffisance innée de l'énergie nutritive dans les
fibres musculaires, modification des conditions de leur nutrition
qualitative ou quantitative, trouble de l'innervation musculaire,
arrêt dans le fonctionnement des muscles, trouble dans les condi-
tions mécaniques normales de l'existence des fibres musculaires.
Chaque espèce d'atrophie musculaire a son tableau clinique et son
substratum anatomo-pathologique propre; mais étant donné qu'en
réalité on a presque toujours à faire avec des formes combinées,
il est impossible de présenter une classification définitive des amyo-
trophies. Aussi, est-on obligé de se tenir principalement à une
classification étiologique et dans chaque cas individuel, chercher
SOCIÉTÉS SAVANTES. 461
les conditions d'origine des amyotrophies. La pathogénie des atro-
phies musculaires reste inexpliquée dans beaucoup de cas, ce qui
dépend en partie de l'insuffisance de nos moyens habituels d'inves-
tigation.,
M. D \RKSCIIEVITSCH (de Moscou) a fait une communication sur
« les atrophies musculaires dans les arthropathies ». L'auteur distin-
gue deux formes d'atrophies musculaires qui diffèrent aussi bien
au point de vue clinique qu'au point de vue anatomopathologique.
La première forme, simple, se caractérise par l'absence des modi-
fications électriques dans les muscles et des changements anatomo-
pathologiques dans la moelle épinière et dans les nerfs périphéri-
ques. La seconde, de nature dégénérative, se caractérise par la
réaction de dégénérescence dans les muscles atrophiés et des modi-
fications très nettement prononcées de nature dégénérative dans
la moelle épinière et les nerfs périphériques. Pour expliquer la
pathogénie des atrophies musculaires dans les affections articulai-
res, on a proposé bien des théories parmi lesquelles la plus satis-
faisante serait, d'après l'auteur, la théorie dite réflexe. Les nerfs
centripètes qui se distribuent dans les articulations malades subis-
sent une irritation dans leurs parties terminales. Cette irritation
se transmet aux cellules de la corne antérieure de la moelle et
détermine ainsi un certain trouble dans leur activité nutritive nor-
male. Dans les irritations de longue durée, ce trouble aura une
action destructive sur les muscles correspondants.
M. ICottmtor a fait remarquer que l'auteur a oublié de noter un
des symptômes de l'amyotrophie arthropatique - l'hypertrophie
du pannicule adipeux. De plus, il ne croit pas que les deux formes
établies par l'auteur soient nosologiquement séparées ; il pense, au
contraire, que la forme dégénérative est une simple complication
de la première forme par un processus pathologique quelconque.
M. MOURaTOFF (de Moscou) a lu son travail a sur la pathogénie
des atrophies musculaires dans les affections cérébrales ». Voici les
conclusions de l'auteur : dans les affections cérébrales, on peut
observer des amyotrophies sans aucune modification du côté des
gauglions spéciaux ni des cellules. La sclérose descendante du tra-
jet pyramidal ne constitue pas une condition nécessaire pour le
développement de l'atrophie. Il est encore impossible de préciser
la localisation anatomique de la lésion cérébrale provoquant infail-
liblement l'atrophie, mais dans la majorité de cas il faut incrimi-
ner une lésion de la région motrice de l'écorce cérébrale. Au point de
vue clinique, les atrophies musculaires d'origine cérébrale peuvent
être divisées en deux classes : aiguës et chroniques; les pre-
mières sont curables à condition que la lésion primitive soit cura-
ble. Au point de we auatomopatholoique, les modifications mus-
culaires portent le caractère d'une atrophie simple. Les théories
462 ) SOCIÉTÉS SAVANTES.
de la modification anatomique ou dynamique des cellules des cornes
antérieures n'expliquent pas complètement la pathologie des amyo-
trophies cérébrales; la théorie vaso-motrice l'explique mieux jus-
qu'à un certain degré.
A propos de cette communication, M. PaÉoBaAJENSKI a fai t remar-
querque ses recherches sphygmographiques sur l'artère radiale chez
les hémiplégiques du côté sain et du côté malade ont montré une
différence dans la courbe du pouls des deux côtés : du côté malade
on observait des phénomènes d hypertonie et de dilatation des
vaisseaux, ce qui laisse incertaine la question de prédominance d'un
de ces phénomènes comme cause d'origine de l'atrophie.
\I. RoiT a fait une seconde communication sur la « pathogénie
de l'atrophie musculaire progressive ». Les modifications fondamen-
tales des fibles musculaires dans cette affection consistent en leur
atrophie longitudinale et transversale. L'hypertrophie des fibres
musculaires constitue un phénomène de compensation et quin'apas
de rapport direct avec le processus morbide. La dénomination
introduite par Erb la dystrophie musculaire - n'est pas justifiée
par l'étude comparée des modifications anatomiques propres à
cette maladie et à d'autres amyotrophies progressives. L'analyse
des particularités cliniques de l'atrophie musculaire progressive
jointes aux modifications anatomiques qu'on y observe et à l'héré-
dité qui joue le rôle éliologique principal, amène il cette conclu-
sion qu"il faut chercher la cause première de la maladie dans les
modifications des particules de la cellule embryonnaire qui servent
de source de développement du système musculaire de l'individu
malade.
M. le professeur KojEWMhon'- a lu un travail sur la paralysie
alcoolique fondé sur de nombreuses observations personnelles.
Le tableau clinique de la paralysie alcoolique se caractérise par
un trouble de l'activité psychique- obnubilation de la conscience,
affaiblissement très considérable de la mémoire et des phéno-
mènes paralytiques. Ces derniers sont habituellement plus pro-
noncés dans les extrémités inférieures ; les régions plus éloignées
des centres sont lésées avant et plus fortement que les régions
situées plus près de ces mêmes centres; les extenseurs.sont plus
touchés que les fléchisseurs. Les paralysies portent un caractère
périphérique et se développent graduellement. Dans ces para-
lysies, les modifications anatomiques s'observent dans le cerveau,
la moelle épinière et les nerfs péliphéliques, mais dans ces der-
niers les lésions sont les plus marquées. Le caractère de ces lé-
sions est une névrite parenchymateuse multiple. Dans la moelle
épinière, les lésions sont moins constantes et moins réguhèles-
elles sont tantôt de nature parenchymateuse, tantôt interstitielle.
Dans le cerveau, les modifications portent le plus souvent sur l'é-
corce, comme cela s'observe généralement dans l'alcoolisme
SOCIÉTÉS SAVANTES. 63
chronique. Toutes ces modifications du système non eux centrale
et périphériques sont complètement indépendantes l'une de
l'autre; elles n'ont de commun que la cause qui leur a donné nais-
sance : l'alcoolisme. Le substratum anatomique de la forme cli-
nique connue sous le nom de paralysie alcoolique est constitué par
la névrite multiple; le degré de la maladie et son danger dépen-
dent principalement du degré de lésion des organes profonds,
principalement du coeur.
A propos de cette communication, M. le professeur Sikorski a
demandé si dans les cas où on a trouvé des lésions dans le sys-
tème nerveux central et dans les nerfs périphériques, les modifi-
cations constatées dans ces derniers doivent-elles être mises sur le
compte exclusivement de 1 action toxique de l'alcool ou peut-on
les mettre en rapport avec d'autres causes (comme le froid, par
exemple) qui peuvent agir sur les alcooliques d'une façon bien
plus intense grâce aux parésies vaso-motrices existant chez eux ?
M. le professeur HojEWNmoi'F a répondu que dans l'origine des
névrites alcooliques l'intoxication par l'alcool occupe, d'après lui, la
première place. Parmi les malades qu'il a observés il y avait des
personnes de toutes les conditions sociales et économiques; or, les
alcooliques-mendiants qui certainement, subissent plus que les
autres des influences extérieures nuisibles et entre autres l'action
du froid, ne donnent pas le chiffre le plus fort parmi les malades
atteints de névrite alcoolique.
M. Eporr partage l'opinion de M. Kjewnikolf en se fondant sur
ses recherches expérimentales. En pratiquant chez les animaux des
injections hypodermiques de l'alcool faible dans les environs du
nerf sciatique, il a pu observer dans les nerfs des modifications
destructives considérables.
Séance du 19 janvier. (Maladies mentales.)
Présidence de ilI. Ronsar,orr.
Piésidence d'honneur de 111. LITI ? > : on.
M. Korsakoi-f fait une communication sur les formes aiguës de la
folie. Dans ces dernières années, la question des psychoses aiguës
a été mise en avant, au premier plan de la littérature aliéniste par
une série d'auteurs. Cependant, malgré le nombre assez considé-
rable de travaux consacrés à l'étude de ces formes, leurs limites
cliniques dans la série des autres psychoses n'ont pas encore été
suffisamment déterminées. La doctrine de Meynert relativement à
]'amentia provoque des doutes aussi bien au point de vue du dia-
gnostic qu'au point de vue du nom même de la maladie. Le terme
latin le mieux approprié serait dysnoia, ce qui en traduction si-
464 SOCIÉTÉS SAVANTES.
gnifie confusion, démence. Après avoir décrit brièvement le
tableau clinique de la folie aiguë M. Roasvxorr a proposé d'en
distinguer deux formes : l'une avec stupeur (dysnoia stuperosca),
l'autre délirante (dysnoia deliriosa). Cette dernière forme prend
souvent le caractère de la manie et peut dans ce cas être dé-
nommée dysnoia deliriosa maniacalis. Dans quelques cas, la folie
aiguë présente dès le début des phénomènes d'affaiblissement
intellectuel et peut être appelée dysnoia demenlica. Les observa-
tions démontrent qu'il existe des cas qui ressemblent d'après leurs
accès à la folie aiguë primaire, mais qui présentent un début assez
rapide et finissent par la guérison. Des cas semblables peuvent
également être rattachés aux formes aiguës de la folie. Comme
par les dénominations de paranoïa, dystxoicz et amentia on indique
non pas la maladie, mais le syndrome prédominant, il s'ensuit
qu'en réalité on peut souvent rencontrer des formes transitoires
entre les formes aiguës et la folie primaire. En étudiant la dé-
mence aiguë, il est nécessaire d'attirer l'attention sur les syn-
dromes somatiques; il existe des faits qui indiquent que cette
forme lésulte d'une autointoxication de l'organisme et les pallies
du syslème nerveux central qui ont le plus des rapports avec l'ati-
vité psychique se trouvent particulièrement lésées.
M. Serbski a fait une communication sur le même sujet : des
formes aiguës de la folie. Les formes aiguës de la folie peuvent être
divisées en deux grands groupes : confusion aiguë avec prédomi-
nance des troubles du côté de la conscience et folie aiguë pro-
prement dite (paranoia acuta) avec prédominance des troubles du
côté de l'intelligence. La confusion aiguë se caractérise par un
trouble de la conscience, un état affectif, un trouble dans l'asso-
ciation d'idées, un grand nombre de symptômes très variables
d'ordre physique qui donnent à l'ensemble du tableau clinique un
aspect multicolore. La marche de la confusion aiguë présente, dans
la plupart des cas, une succession de plusieurs périodes d'évolution
différant l'une de l'autre d'une façon très notable. Cette circons-
tance permettra probablement plus tard d'instituer plusieurs types
de la confusion aiguë. La confusion aiguë n'est pas une forme dé-
générative, l'hérédité ne joue pas dans son développement un rôle
plus grand que dans les autres psychonévroses. Les conditions
étiologiques les plus favorables sont formées par les influences dé-
bilitantes diverses et par les affections fébriles aiguës ; dans beau-
coup de cas on a le droit de supposer une intoxication par des subs-
tances venant du dehors ou se développant au sein de l'organisme
lui-même. La folie aiguë proprement dite se caractérise par
une clarté relative de la conscience, un développement subaigu
des idées délirantes qui ne se présentent jamais sous une forme
bien systématisée, l'existence simultanée d'un état affectif avec
une disposition tantôt à la dépression, tantôt à l'excitation. Sa
SOCIÉTÉS SAVANTES. 463
marche est remarquablement uniforme et ne présente pas de suc-
cession marquée des différents degrés d'évolution. La maladie a
une grande tendance à récidiver et se développe principalement
chez des sujets ayant une grande prédisposition héréditaire.
Ces deux communications ont donné lieu à plusieurs remarques
intéressantes.
M. KO-,\ST\NTI ? OWSK1 a dit que les faits anatomo-pathologiques ne
doivent être acceptés par les aliénistes qu'après avoir été vérifiés
par la clinique.
M. Dounaovmr considère le terme dysnoia comme mal choisi ;
il insiste tout particulièrement pour démontrer que les individus
non dégénérés peuvent également être atteints des psychoses
aiguës.
M. Sikorski déclare que les auteurs des communications sur la
folie aiguë ne font que passer en revue des anciennes formes ; il
leur accorde cependant le droit de donner à ces vieilles formes des
nouvelles dénominations, parce qu'ils groupent les symptômes un
peu autrement et établissent un autre point de vue. Mais il se de-
mande surtout, si nous devons considérer chaque forme nouvelle
comme une maladie à part ; nous avons des formes simples, mais
seulement chez des individus divers, toute la différence dépend de
l'individualité. M. le professeur Sikorski cite des exemples d'a-
phasie où. la lésion cérébrale étant absolument la même, les phé-
nomènes cliniques sont excessivement variables selon leur dépen-
dance de la manifestation de l'individualité, de l'habitude que le
malade avait avant sa maladie de se servir d'une quantité plus ou
moins considérable de ses appareils intellectuels. Pour lui, il im-
porte bien plus d'analyser l'individualité que de décrire les symp-
tômes et les formes nosologiques.
M. Litvinoff a fait remarquer qu'il était souvent embarrassé,
comme bien d'autres aliénistes, de faire le diagnostic des affections
aiguës se montrant chez des sujets jeunes âgés de seize à vingt
ans; pour le même malade le diagnostic était successivement- mé-
lancolie ou manie. Il a appris de Meynert que la mélancolie occupe
une place très restreinte dans le nombre des affections mentales.
Il arrive donc à cette conclusion que les jeunes sujets dont il vient
de parler présentaient le tableau clinique de la confusion aiguë,
d'amentia. Quant à la prédisposition héréditaire, il pense égale-
ment qu'elle n'a pas un rôle prépondérant; l'influence certaine est
celle de l'épuisement.
M. le professeur SITRORSKI insiste à démontrer que les aliénistes
contemporains s'occupent peu de l'individualité psychique du
malade. Un homme naturellement expansif sera plutôt atteint de
mélancolie anxieuse, tandis qu'un homme qui réagit à l'état nor-
mal par un arrêt des mouvements psychiques, sera plutôt atteint
ARCHIVES, l. XXI. 30
466 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de mélancolie avec stupeur. Pour lui, les formes telles que mélan-
colie anxieuse, melancholia attonita, etc.... ne sont qu'une même
.affection qui s'est développée chez des sujets dont les caractères
diffèrent. L'analyse soigneuse du caractère psychique du malade
avant la maladie aurait permis de simplifier nos classifications et
nos descriptions symptomatiques.
M. le professeur KojEVNiMFF trouve que l'exemple de l'aphasie
donné par M. Sikorski prouve, au contraire, la dépendance com-
plète des phénomènes cliniques de la localisation et de la propa-
gation du processus morbide dans le cerveau. La psychiatrie con-
temporaine doit ramener toutes les formes cliniques sur le terrain
anatomo-physiologique ; son succès est donc en rapport intime
avec les progrès de la neuropatlioloie, de l'anatomie et de la
physiologie du cerveau.
M. Greidenberg (Simpheropol) a lu un travail « sur le type 7-écui,-
rent dans la marche des certaines formes de la folie aiguë ». La mar-
che de certaines formes de la folie aigué (manie, folie primaire),
présente quelquefois un type récurrent, c'est-à-dire, consiste en
plusieurs accès séparés par des intervalles normaux ou presque
normaux. Pendant ces trois dernières années, sur trois cents cas
des formes aiguës de la folie, l'auteur en a observé sept à type
récurrent (2 1/3 p. 100). L'intensité des accès séparés est tantôt la
même, tantôt elle va en décroissant. Les intervalles entre les accès
ne portent pas de cachet des simples rémissions si profondes dans
les psychoses aiguës, mais présentent au contraire des périodes
absolument normales, libres de tout phénomène psychopatholo-
gique, pendant lesquelles des examens réitérés et attentifs ne pou-
vaient découvrir des signes déterminés d'un trouble mental quel-
conque. Sur sept malades, six n'avaient pas plus de vingt-cinq ans,
un seul avait plus de trente ans. Aucun d'eux n'avait de prédispo-
sition héréditaire. Parmi les causes de l'affection mentale, chez
six se trouvent accusées des grandes perturbations morales, un seul
est alcoolique. Tous ces malades ont guéri. Etant données les par-
ticularités singulières dans la marche de l'affection dans ces cas,
il est permis de les placer dans un groupe spécial des psychoses
récurrentes manie récurrente, paranoïa aiguë récurrente, etc.
Cependant, à l'heure qu'il est, il est encore difficile de formuler
des données solides pour le diagnostic de ces psychoses récur-
rentes.
A propos de cette communication, M. Jucovenko a proposé d'ins-
crire les formes aiguës de la folie dans la classification adoptée par
le premier congrès des aliénistes russes en 1887. Cette proposition
est renvoyée à une commission qui présentera ses conclusions à la
section des maladies mentales du prochain congrès. -
M. BamKOFF (Saint-Pétersbourg) a fait une communication « sur
SOCIÉTÉS SAVANTES. 467
l'influence des affections de l'organe de l'ouïe sur le développement et
la marche des maladies mentales ». L'auteur a recueilli vingt-quatre
observations de développement des troubles psychiques sous l'in-
fluence d'une inflammation suppurée de l'oreille moyenne et in :
terne; de ce nombre dix-sept ont été accompagnées d'autopsie.
Pour montrer la fréquence des otites chez les aliénés, M. Beliakoff
a cité les donnés suivantes :
468 SOCIÉTÉS SAVANTES.
rer principalement l'attention sur le degré d'ouverture des yeux et
des narines. Sur le côté parésié, l'oeil est habituellement plus
large, tandis que la narine est plus étroite que les parties corres-
pondantes de l'autre côté de face. Dans la plupart des cas, la
parésie s'observe sur le côté où commencent les phénomènes con-
vulsifs pendant l'attaque. On sait qu'avant on supposait que l'asy-
métrie fronto-labiale était propre aux épileptiques; plus tard, on
a trouvé que ce signe est plutôt général parmi les dégénérés. Fére
a indiqué l'hémiparésie comme signe caractéristique de l'épilepsie.
L'auteur insiste surtout sur l'hémiparésie faciale.
Cette communication a provoqué la discussion suivante :
M. SrRDsKi demande si le signe indiqué par M. Sikorski est exclu-
sivement propre à l'épilepsie ou s'il peut s'observer également dans
une foule d'autres maladies nerveuses et mentales comme une des
manifestations de la dégénérescence.
M. Sikorski a répondu que l'irrégularité dans la mimique de la
face ne constitue pas un signe exclusif de l'épilepsie; il peut servir
de signe général dans la dégénérescence, mais dans la dégénéres-
cence, l'asymétrie de la mimique n'embrasse pas toute la face,
mais une partie seulement.
M. Korniloff a remarqué que, dans les affections centrales, il est
très difficile de distinguer la parésie du spasme de l'autre côté de la
face.
M. Baar;iVOr·F (Moscou) émet le doute sur l'importance du nouveau
signe indiqué par M. Sikorski. D'après lui, ce n'est pas une hémi-
parésie que l'on observe dans ce cas, mais une différence dans l'in-
tensité de l'innervation. Tous les anthropologistes savent combien
sont difficiles les recherches de cet ordre de phénomènes; il est à
peu près impossible de trouver une face absolument symétrique;
la difficulté est encore plus grande en ce qui concerne les orifices.
Il attire également l'attention sur le nombre restreint d'observa-
tions et sur l'absence des recherches parallèles chez les sujets sains;
il conseille aussi de se méfier des indications du dynamomètre qui
varient en rapport avec les conditions les plus diverses...
M. DARKSCHEVITCH a pu constater que la parésie augmente avant
les accès; ce fait confirmerait la supposition de 11. Sikorski, qu'il
s'agit ici d'une hémiparésie réelle qui peut ainsi témoigner par sa
présence l'existence de l'épilepsie chez le malade.
M. Sikorski insiste sur le symptôme indiqué en démontrant qu'il
est la conclusion logique et naturelle des travaux antérieurs et qu'il
est analogue aux signes indiquées par Feré. Il demande à l'auditoire
de vérifier ce signe et non pas de l'accepter sans discussion.
M. SAWE ! -MoeufLE\iTscH termine la séance par la lecture de sa
communication intitulée : « Pourquoi et quand faut-il interner les
BIBLIOGRAPHIE. 469
aliénés dans les asiles spéciaux ? Le régime de ces asiles. » Ses con-
clusions peuvent se résumer ainsi : Seul le médecin-aliéniste peut
être juge des conditions et du moment de l'internement des aliénés
dans les asiles. Il faut interner les aliénés : parce qu'ils se trouvent
dans l'asile sous l'observation directe de médecins-spécialistes et
parce qu'ils y trouvent le régime et le traitement selon les règles
spéciales de l'hygiène et de la thérapeutique. L'asile doit être or-
ganisé selon les exigences du régime spécial; dans la distribution
des malades, il faut réaliser autant que possible le principe de
l'individualisation. (La fin au prochain numéro.)
BIBLIOGRAPHIE
XII. Traité élémentaire d'analomie médicale du système nerveux;
par CI ! , Féré. Paris, 1891. (Publication du Progrès médical.)
La nouvelle édition du traité de M. Féré n'est pas une simple
réimpression ; elle contient des additions assez importantes et de
nombreuses modification*. Deux parties de cet ouvrage ont été
principalement développées ; la topographie crânio-cérébrale d'une
part, la pathologie des nerfs périphériques d'autre part.
On sait que les interventions chirurgicales deviennent de jour
en jour plus audacieuses en ce qui concerne la cavité crânienne,
et c'est pourquoi M. Féré n'a pas hésité à s'étendre assez longue-
ment sur les localisations fonctionnelles de l'écorce et sur les rap-
ports des divers points de l'encéphale avec le crâne.
En ce qui concerne l'anatomie médicale de la moelle épinière,
les transformations qu'a subies l'ouvrage sont moins évidentes.
L'auteur y adopte, sans discussion, l'opinion de certains obser-
vateurs, bien que celle-ci ait été vivement combattue par divers
autres, tant en ce qui concerne la maladie de Friedreich que pour
ce qui a trait à la syringomyèlie. Les localisations bulbo-protubé-
rantielles devraient peut-être occuper, dans ce traité, une place
plus grande, surtout d'après les plus récents travaux sur les polio-
encéphalomyéliles.
La deuxième partie consacrée au système nerveux périphérique
est, par contre, extrêmement complète et d'une exposition très
claire. PAUL BLOCS.
Xlll. Leitfaden der physiologischen psychologie, par le Dr ZIaHEN.
Iéna, 1891.
Le Dr Ziehen, connu par plusieurs travaux de psychiatrie, publie
470 bibliographie.
en quatorze leçons un résumé de psychologie physiologique. Il faut
louer l'auteur d'avoir su rendre facile par une exposition claire et
intéressante la lecture de son livre. Ceux qui doivent aborder un
genre d'études pour lesquelles souvent-ils sont insuffisamment
préparés trouveront dans cet ouvrage un guide : aussi regrettons-
nous que l'auteur n'ait pas cru devoir donner une bibliographie un
peu plus détaillée et qu'il ait omis de citer des noms qu'il ne fallait
pas oublier, tel par exemple le nom de Baillarger dans la descrip-
tion des hallucinations hypnagogiques.
Ces leçons s'éloignent des doctrines de Wundt, dominantes en
Allemagne et se rapprochent de la psychologie dé l'école anglaise.
Si autrefois, E. Kant partageait ce doute, on ne croyait pas à la
possibilité d'établir une psychologie scientifique, aujourd'hui on
est arrivé à établir des lois psychophysiques. La psychologie
physiologique a pour objet l'étude des faits d'ordre psychique aux-
quels correspondent des processus physiologiques cérébraux, comme
par exemple le fait suivant : une impression visuelle ne peut être
produite s'il existe une lésion du lobe occipital, et inversement une
excitation de ce lobe produit des phénomènes analogues à des
perceptions visuelles, etc. Il faut entendre par acte psychique un
acte conscient : ces deux termes peuvent être confondus et il ne
faut admettre qu'avec une extrême méfiance l'existence de pro-
cessus psychiques inconscients. Les actes réflexes simples ne sont
pas des actes psychiques, pas plus que les actes automatiques,
puisqu'ils sont inconscients. Les actes automatiques peuvent être
des actes réflexes compliqués ou, au contraire, résulter d'actes vo-
lontaires ou psychiques. Les actes automatiques phylogénétiques
proviennent des générations qui se sont succédées; les actes onto-
génétiques sont le résultat de la vie de l'individu. Tous ces actes
sont le premier degré physiologique de l'acte volontaire : ils ne
sont pas psychologiques, mais serviront à l'étude des actes
psychiques, tels que les sensations, l'action, l'association des idées,
les souvenirs, l'attention, la volonté que l'auteur examine à l'état
normal et pathologique. J. Dagonet.
XIV. Des troubles trophiques dans l'hystérie; par Al. Athanassio.
(Publication du Progrès médical, Paris, 1890.)
La préface dont M. Charcot a honoré ce travail en exprime
mieux l'idée générale que ne pourrait le faire une courte analyse.
« Dans le domaine si vaste de l'hystérie, il sembla pendant long-
temps qu'il n'y avait place que pour des phénomènes que je qua-
lifierai volontiers de psychiques en les opposant aux phénomènes
organiques, résultant de l'altération des tissus et connus en neuro-
pathologie sous le terme générique de troubles trophiques. Le tra-
vail de M. Athanassio sapera dans ses fondements cette conception
varia. 471 Il
immatérielle qu'on s'est longtemps faite des névroses et en parti-
culier de l'bystérie. D L'auteur a classé les troubles trophiques
de l'hystérie en quatre catégories : troubles trophiques de la peau
et de ses dépendances, troubles vaso-moteurs et sécrétoires, troubles
du tissu cellulaire, atrophie musculaire. On pourrait critiquer cette
division à divers points de vue; les sueurs locales, par exemple,
rangées dans la classe des troubles vaso-moteurs et sécrétoires,
peuvent être considérées comme des troubles des dépendances de
la peau; de même les lésions des appareils ligamenteux compris
dans le chapitre consacré au tissu cellulaire sont plutôt des dépen-
dances des articulations. Mais cette classification n'a, en somme,
d'autre prétention que de mettre de l'ordre dans l'exposé, ainsi
pourra-t-on s'en contenter actuellement. Nous n'entrerons pas dans
le détail de cet exposé, car ce sont surtout des faits que l'auteur y
a rassemblés. Nous lui reprocherons peut-être de s'être étendu lon-
guement sur certains faits rares, les sueurs de sang, et, au con-
traire, de passer assez rapidement sur des cas plus ordinaires et
plus intéressants au point de vue pratique, les rétractions fibro-
tendineuses, par exemple. Mais, en considérant que ce volume
constitue le premier travail d'ensemble qu'on ait produit sur cette
question, nous sommes moins disposés à la critique, et concluerons
qu'il constitue unebonne mise nu point de cette véritable nouveauté
clinique. PAUL BLOC( ? .
VARIA
ASILE DES ALCOOLIQUES EN RUSSIE.
Il existe dans les environs d Helsingfors une maison spéciale-
ment consacrée au traitement des alcooliques et qui porte le nom
de Tourva. Le compte rendu de la seconde année d'existence de
cet établissement contient quelques faits dignes d'être notés. Le
nombre total des malades traités était de 38 qui, au point de vue
de leur âge, se distribuent de la façon suivante : l'un d'eux avait
moins de vingt ans, 4 de vingt à vind-cinq ans, 10 de vingt-cinq
à trente ans, Il de trente à trente-cinq ans, etc...; l'âge moyen
est de trente-trois ans. D'après leurs professions ces malades
contiennent 15 employés de commerce, 10 ouvriers, 8 étudiants ( ! ),
3 cultivateurs, 3 télégraphistes, etc.. Le traitement consiste sur-
tout à séjourner dans la maison, à s'abstenir d'une façon absolue
des boissons alcooliques et à travailler régulièrement (scier le bois,
cultiver les jardins, etc.). Dans 5 cas, on a appliqué la suggestion
hypnotique. Les résultats sont encourageantes. Parmi les malades
sortis l'année dernière, 9 refusent toute boisson alcoolique de la
472 VARIA.
façon la plus énergique, 2 présentent un résultat douteux, 6 vont
recommencé à boire comme auparavant. Le Dr Savitzki, qui a
visité cet établissement, l'a trouvé remarquablement bien organisé.
J. R.
LE SERVICE DES ALIÉNÉS EN FRANCE : RAPPORT GÉNÉRAL;
RAPPORTS SPÉCIAUX.
Dans son mémoire intitulé : Des établissements d'aliénés en
France, Esquirol écrivait ceci :
« Il sera formé, auprès du ministère de l'intérieur, un comité
central avec lequel correspondront les directeurs et les médecins
de tous les asiles, placés sous la surveillance immédiate et spéciale
du ministre de l'intérieur. Tous les ans, ce comité rendra un
compte général administratif et médical, qui sera envoyé aux ad-
ministrateurs, aux directeurs, aux médecins des asiles. »
Les inspecteurs généraux des établissements de bienfai-
faisance qui existent depuis longtemps au ministère de l'inté-
rieur ont fait d'innombrables et importants rapports sur leurs
visites aux asiles. Que deviennent ces rapports ? Quant au rap-
port général sur le service, il n'en a pas été fait depuis 1874,
alors qu'il devrait en être publié un tous les ans. il, cet égard,
nous sommes au-dessous de ce qui se fait en Angleterre, aux
Etats-Unis, en Allemagne, etc.
Aujourd'hui, qu'il existe au ministère de l'intérieur une
direction de l'assistance publique, on conçoit moins que par
le passé, qu'un rapport de ce genre ne soit pas publié. On le
conçoit d'autant moins que la question des aliénés est à l'ordre
du jour, qu'un projet de loi est soumis au Parlement.
Il y aurait aussi un réel intérêt, ainsi que nous l'avons dit
bien des fois, à faire publier une notice sur tous les asiles
d'aliénés, et chaque année, le rapport médico-administratif et
le budget. Déjà un certain nombre de départements ont com-
pris l'intérêt de ces publications peu coûteuses, puisqu'elles
paraissent'souvent dans les procès-verbaux des Conseils géné-
raux. Par l'intermédiaire des préfets et des inspecteurs géné-
raux, on pourrait certainement arriver en quelques années
à faire généraliser cette modeste réforme. B.
LES CRIMINELS : OPINION PSYCHOLOGIQUE
Le * Fr. Hon. Tissot, fondateur des hospices de Saint-Jean-de-
Dieu, à Lyon, à Lommelet (Nord), à Dinan, à Clermont-Ferrand, à
VARIA. 473
la Cellette (Corrèze), à Bourg-en-Bresse, etc., pour les aliénés les
plus pauvres et les plus délaissés», a adressé, en 189, une pétition
à l'Assemblée nationale en faveur des pauvres, qui se termine par
les passages suivants :
« Les codes sauvages et barbares que le despote corse a
imposés à la France, n'ont pas encore été abrogés. A la honte de
la France et de l'humanité, ils existent encore ! Citoyens repré-
sentants, il est temps de les fouler aux pieds et de les remplacer
par des codes républicains. C'est ce que je demande au nom de la
justice et de l'humanité souffrante.
« J'ai adressé, il y a quelque temps, à l'Assemblée nationale une
pétition pour l'abolition de la peine de mort, en toute matière
pénale, parce que la plupart des malheureux dont le sang coule
sur les échafauds, sont atteints d'aliénation mentale avec ou sans
délire. Depuis lors, l'abolition de la peine de mort a été adoptée,
en Prusse,'à la majorité de 257 voix (249 contre 37) ; et le même
jour ou le vote avait lieu à Berlin, le 4 août à Francfort, un vole
semblable à l'Assemblée constituante allemande, rendu à l'appel
nominal par 288 voix contre 146, inscrivait dans la Constitution
la déclaration suivante : « La peine capitale est abolie, excepté
les cas où les lois de la guerre en disposent autrement. »
« Serait-il vrai que la France, sous les rapports de l'humanité
et de la science, restât en arrière des autres nations ? Conti-
nuera-t-on à faire rouler les têtes des aliénés pauvres sur les
échafauds ? Vive la République ! » o
Il nous a paru intéressant de reproduire ce passage en raison de
son origine et aussi parce qu'il montre que l'opinion qui tend à se
répandre aujourdhui, qu'un grand nombre de criminels sont des
malades, est ancienne. Nous avons souvent rapporté des faits con-
rirniatifs et rappelé l'avis exprimé par notre maître Axenfeld dans
sa conférence sur Jean Wier et les sorciers'. Une affaire récente,
qui vient de se terminer aux assises de l'Eure par une condamna-
tion capitale et une condamnation aux travaux forcés, mériterait
d'attirer l'attention des médecins, des magistrats et des psycho-
logues. Le condamné à mort, Firotteau, abandonné sur l'avenue
de Cambolle, à Evreux, a été élevé à l'hospice de cette ville. C'est
dire qu'il a eu le sort de la plupart des enfants assistés, absence
d'affection, et surtout absence d'instruction. Plus tard, quelqueieffort
qu'il fit pour travailler (on le chassait dès que l'on connaissait son
passé), six condamnations à la prison ont achevé sa démoralisation.
Quant au condamné aux travaux forcés, Vatinel, vingt-cinq ans, il
a déjà subi cinq condamnations; c'est un épileptique ! B.
' Voir entre inities notre Compte rendu du service de Bicétre pour l'an-
née 1884, p. 174. - Voir aussi les Mémoires de Félix Voisin.
474 FAITS DIVERS.
FAITS DIVERS
Asile D'ALIÉNÉS ? .... Nominations et mise ri la retraite. Arrêté du
23 mars 1891. Le Dr VIRET, directeur-médecin de l'asile public
d'aliénés de Prémontré (Aisne), est admis, sur sa demande, à faire
valoir Ses droits à la retraite et nommé directeur-médecin hono-
raire. Le Dr VILLEGRE est nommé directeur-médecin de l'asile
public de PrémonU'é (Aisne), et compris dans la 2° classe du cadre.
Internat. Ont été nommés internes titulaires, à la suite du
dernier concours : MM. PÉCIIARY\N, PRIDAT, LARROUSSIXLE, DANNION
et Boissier; - internes provisoires : MM. GASSELIN, NOLLET, MONSAR-
H4T, CROUSTEL et D1GUILLON. \
Faculté DE médecine DE Paris. M. le D1' Marie, agrégé de la
Faculté, a commencé le 6 avril des conférences sur les maladies de
la moelle dans le petit amphithéâtre de la faculté, et les continue
les mardis, mercredis et vendredis, à 3 heures. Les leçons de notre
distingué collaborateur sont fort suivies et à juste titre. Son ensei-
gnement étant mis à la portée de tous ses auditeurs, bien qu'il
soit parfaitement au courant des dernières données de la science
neuropthologique, ne se borne pas à l'énoncé un peu aride de for-
mules de pathologie. Des malades sont mis sous les yeux des assis-
tants pour venir donner plus' de relief aux affirmations purement
théoriques, ainsi que de nombreuses projections.
Faculté DE médecine DE BUD.1-I'ESTH. -nI, ]e U,. S.\l.GO est nommé
prival-docent de psychiatrie.
QoEEV's Collège DE Cors. - le Dr Oscar Woons est nommé doc-
teur de médecine psychologique.
Société DE psychologie PHYSIOLOGIQUE. On sait que, dans cer-
tains cas, mal déterminés encore, il est arrivé qu'on ait cru voir ou
entendre une personne absente. La Société de psychologie physio-
logique a nommé récemment une commission pour s'occuper de
cette question. Cette commission est composée de M. Sully-Pru-
dhomme (de l'Académie française), président; G. Ballet, agrégé à
la Faculté de médecine de Paris; Beaunis, professeur à la Faculté
de médecine de Nancy; L. Marinier, maître de conférences à l'Ecole
pratique des Hautes Etudes; Ch. Richet, professeur à la Faculté de
médecine de Paris, et le colonel A. de Rochas, administrateur de
l'Ecole Polytechnique. Les personnes qui ont observé des faits pou-
vant intéresser cette commission d'étude sont priées d'en informer
un des membres de la commission, ou le secrétaire, M. L. Marillier,
7, rue Michelet. Il est bien entendu qu'aucun nom ne sera publié
sans une autorisation formelle. (Revue scientifique.)
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 478 la
L'HYPNOTISME d'après les avocats. La conférence des avocats
de Paris a discute lundi dernier la question ci-dessous : a L'indi-
vidu non médecin, qui se livre sur un tiers à des expériences
hypnotiques, peut-il être poursuivi pour exercice illégal de la mé-
decine ! » La conférence a adopté l'affirmative. (Progrès médical.)
Nécrologie. M. Auguste Labitte, ancien député de l'Oise,
l'un des propriétaires autrefois, de l'asile de Clermont, vient de
mourir.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Ciiamrard (E.). De la zone mitoyenne ntédico jttdiciaire. - Brochure
in-8° de 23 pages. -- Bordeaux, 1891. Imprimerie G. Gounouilhou.
Charcot (.T. -M.). - Leçons sur les maladies des vieillards ; goutte et
rhumatisme. Tome VII des oeuvres complètes. Un beau volume in-8° de
615 pages avec 19 figures dans le texte et quatre planches en chromoli-
thographie. Prix : 12 fr. Pour nos abonnés 9 fr.
lIoLT (E.) and Vax GIESEN (C.). A case of spina 61lida with suppura-
live spinal meninqitis and ependy>tzitis due to bacteria iiitei-iiig the
watt of the sae. Brochure in-8° de 9 pages, avec 2 planches hors texte.
New-York, 1890. Journal of nervous and mental diseuse.
liouws (J.) and Malte\ (G.-L.). - A case of successful Trephining
for saebdural hoemorrhagie produced by contre coup. Bruche ln-18 de
32 pages. - Boston 1891. Damrell and Wyham.
I\DH-CAfALOGUE of the library of the sw'geon-gene1Ytt's office, United
Slates Army. Vol. XI (Phoedronus-Règent). Volume in-4° cartonné de
1102 pages. Washington, 1890. Prmttun office.
JbTnosi\SM(R.). Ueberlzafluenzapscbosen.I3rochure in-8° de 13 pages
avec un tableau hors texte. - Leipsig, 1881. Verl(1g von G. Thieme.
Newton, M. Siiaffeii. fl,'Ital is orthopaedic surgery ? Read brfore the
orthopédie section of the tentlz international médical congress, Berlin,
August 1890. Brochure in-8" de 18 pages. New-York, 1891.
G. P. Putnam's sons.
PAL (J.). - Ueber multiple Neuritis. Brochure il-8" de 62 pages, avec
une planche hors texte, - Wien, 9891.- A. Hmlder.
Pmzzt (G.). Di un telltalo awelenamento per uralio in individuo
affetlo da psicosi successiva all'influenza. Brochure in-8° de 15 pages.
Manicomio Provinciali di Pesaro.
SzcxpiOHSKi. Des entozoaires de l'encéphale. Brochure in-8° de 106
pages. Paris, 1890. G. Steinheil.
THISTY. Eighth annual report of trie Pennsylvania Training
school, for feeble minded children, Elwyn, Uelawarre county. -Brochure
in-8° de 35 pages, avec une planche hors texte. West chester, 1890.
Hickman.
Le rédacteur-gérant, BOUnNF.VILLr..
TABLE DES MATIÈRES
ACÉTA\IL1DE, par Yvon, 109.
Alcooliques (asile d') en Itusie, 471.
Aliénation liée aux fiançailles, pai
Salage, 122.
Aliénés, dits criminels, par \Iaran-
don de Montyel, 459; - (interne-
ment des), par 1\IouilevUSCh, \68;
(service des) en France, 472.
Amnésie traumatiqueet paralysie du
moteur oculaire commun par
Sc'tnell, 265.
Annales tEDIco-pm f,lOLOGIQUES, par
Blin, 426.
Aphasie optique et cécité psychi-
ques par Freund, 268 ; - cerveau
d'un cas d' , par Schloes, 276.
ASILES D'ALIÉNÉS : nominations etpro-
motions, 154, 307, 474; - concours
des médecins-adjoints, 155, 309,
310; Internat, 474.
Assistance, divers modes d' 't Ilé-
gard des aliénés et des idiots, par
Piaclc'l'uhe,152; parTurnhu11,301.
AsTnsrE-nl;nsrE, par Thyssen, 58,
25t ; par Berthet, 2G6 ; par
Wolff, 295.
Asymétries fronto-faclales chez les
aliénés, par Roscioli, 4.°u.
Atixie, héréditaire, par Erb, 132;
- par troubles de la sensibilité,
par Baumler 132. '
Athétose dans le tabes, par Laquer,
133.
Atrophie MoscumnE névritique pro-
gressive, par Hoffmann, 282 ;
pathogénie de Il-, par Roth, 460;
dans les artropathies, par
Darkschevitz, 461, pathogénie
de l'- dans les affections céré-
brales, par Mouratoff, 471 ; - pa-
thogénie de Il-, par Roth, 472.
BASEDOW (Maladie de), parKast,141.
Bégaiement hystérique, par Chervin,
365; - par Ballet, 3H.
Béribéri, par Jelgersma, 2G5, '
Bibliographie : Recherches sur les
maladies mentales par Baillarger,
142; - Anatomie artistique, par
Paul Richer, 148 ; Leçons de eli-
nique médicale de l'hôpital de la
Pitié, par Lanceleaus, 151 ; -
Compte rendu de l'asile de Bâle,
151; - Contribution à l'étude de
la pathologie des hémisphères
cérébraux, par Roth et Mouratoff,
296, ; Intoxication chronique
par la morphine, par Régmer,
300; - Etude de psycho-physio-
logie par Slgaud, 301 ; - études
cliniques et bactériologiques, par
RadziszenskI, 301 ; - Lavage de
l'organisme humain, par Sahli,
302; - Leçons de clinique médi-
cale par Rendu 302 ; -Hypnotisme
et croyances anciennes par'Ré-
gnier, 303; Traité élémentaire d'a-
natomie du système nerveux, par
Féré, 5G9; - Psychologie physio-
logique, par Zicllen, 46'9; - Trou-
bles trophiques dans l'hystérie,
par Athanassio, 170.' v
Bromure DE potassium (accumulation
dans l'organisme du), par Doyon.
124.
Bulbe (truusseau anormal de fibres
dans le), par Pick, 276.
BLLLC1'I\ IIlBLI06RAPllIQUI : , 159, 319,
4.7r,.
CAnYOMfLSE dans les cellules du s's-
tème nerveux, par Buchholz, 286.
Cécité psychique et confusion des
personnes par Hoppe, l l6;- par
Lissauer, Siemerling, 271.
Cl7LLÜLES nerveuses, amibonles par
Huckhardt, 290.
Centres nerveux (méthode de colo-
ration des), par Golgi,278.
Cerveau (fonctions du) par Soury
24, 220; quelques systèmes de
si hres duo-moyen, par Edll1ger,136.
TABLE DES MATIERES . 47 -1
Cervelet (atrophie des fibres du)
- ), par Meyer, 280; fonction du
- , par Goweis 288.
Cin'Quamenaihe de W'" l3ottal'd,305.
Chloralamide, par Rabow, Schteler,
125; - padlal'andon de Montvel,
291.
Cuon> : c, chez les aliénés, par Koep-
pen, 113; - chronique avec au-
topsie, par Greppin, 264.
COLOI30MA (état du nerf optique dans
le), par Manz.
Congrès de médecine mentale de
Lyon, 155; - (les médecins rus-
ses, 460.
Contagion psychique, par Wcrner,
Il >.
COTRACII01\ ldio-muscullllle, par
ltutlolphson, 280.
Corps calleux, brièveté anormale
du -, par SchrOEler, 275; - ab-
sence de -- par Jelgersma, 287.
Coups oprO-S1H1ÉS (inlluence sur la
température du corps des), par
Haie White, 273. -
Courant continu (effet du sur
l'oeil normal), par Schvartz, 128.
Crâne, asymétrie du-, par Fraen-
kel, 276; - nouveau cathétomè-
tre optique du -, par Benedllit,
277 ; - anomahe du - parloeh,
29 ?
Crimini.ls, 172.
Di' c,Ud : ;HLSCI,1\t.L (signes de), par
Metzer, 118.
DUBi,1r. insipide guéri, par Zenner,
272.
(poids de l') chez lesalié-
nés, [)au Jensen, 27.
11(,UE (anatomtehathu-
logique de l'), par Friedmann, 283.
hM 1 : i'JI.\LOPAI'IllE saturnine, par
Westphal, 266.
EPILF.I'SIf : et traumatisme, par Wa-
âner, 114, - rubidium dans l'
- , par 1\0ttenbll1er, 125; - ré-
llexe, par Guder, 453 ; procur-
sue, par Cramer, 454; - (hémi-
parésie dans l'), par SIkorski, 467.
Epileptiques (variations de la sen-
sibilite générale, spéciale et ré-
lle-,e chez les), par .\osUni, 455.
Folie (troubles de la connaissance
dans la-) systématique, par Or-
chausl.y, 117; - théorie de la-
morale, parSchloess, 118; - clt1'O-
nique guérie, par Straham, 121;
- avec delusion, par Wigles-
woitli, 119 ; - à deux, par Kroe-
ner · - aiguë, par KorsahoB, 463,
Serbski, 464, Sikorski, 465; -
U pe récurrent de la; - aiguë, par
Grelsenberg, 4GG;-mBuencedes
maladies de l'oreille sur la,-par
Beliakoff, 467.
Galvanique, excitabilité - dans la
démence paralytique, par Gerlach,
118.
Gcnou (phénomènes du), absence des
- par Pick, 282.
GLiosc de l'écorce cérébrale, par
Buchholz, 274.
GUS7·A·IIF'S (nerfs), par Bruns, 281.
III'13011,OPI[IiÉNIE par Kalhbaum. 450.
IiLVIICIIOAI.n 1 ythnique hystérique
croisée périodique, par Cour-
mont, 265.
Hémisphère (lésions des lobes pa-
riétal et frontal d'un - sans
troubles moteurs ni sensoriels),
par Jensen, 276.
Hôpitaux d'asiles, 153; -, par
Greene, 303.
Hospitalisation des idiots et des
épileptiques, 153.
Ilnnnl·r u ? uxi.vc, chez les aliénés,
par Sclileess, 126 : - chez les épi-
luptiques, har \\'ildrrmutL, l21S.
H1DISOCI f'lLILII : \olull11nelle, par
l'uczelc et Cramer, 117.
H oscmc clez lesaliénés, par hlinke,
127.
Hypnotisme en thérapeutique, par
Sperlin ? 1` ? f; - par Auton, 127;
phénomènes somatiques dans
1' par Tamburmi, 47,
HYbfLHII : anesthésique, par Cour-
mont, 265; - simulation du S)I1-
drome de Weber, par Charcot,
321 ; - hallucinations de l'atta-
qued' -, pa rG. Guinon et Woltke
346.
II11om; (anatomie de l'), par Koes-
ter, 2S2.
Inconscience, par Leppman, 120. z
1'sï'ECTtos psychique, par Wollen-
berg, 115. à.
Iw.ewn et aliénation, par Pick,
Bai-tels, Becker, Metz, Krause,
289; à l'asile d'flIldrsheml, 293.
Labyrinthe membraneux (néoptasie
vasculaire dans le), par Igloos, 13 1 -
LOBULE pariétal inférieur (lésions en
foyer du), par Wernicke, 258.
478 TABLE DES MATIÈRES.
Localisations cérébrales, par Fer-
ner, 68, 248, 377.
MA ! .tE guérie par une dipthorle, par
Scbuetze, il7.
Mélancolie, chez les prévenus et
chez les condamnés, par Charpen-
tier, 429; - par Mendel, 453.
Méningite chez un petit enfant, paL
Thomas, 141; - spinale ascen-
dante aiguë, par Dardenne, 766.
Ménopause influence de la, - sur
la genèse et la forme des troubles
mentaux, par Nlattuscli, 119.
11 : SI'llU,\'IIO (influence de la-) sur
l'évolution des psychoses, par
Schule, 131-
Migraine (thérapeutique de la), par
Neftel, 125.
Moelle (influence des centres tto-
phiques de la -) sur la distribu-
tion topographique de certaines
névrites toxiques, par.Brissaud,
161; - lésIOn traumatique limitée
au cône terminal de la -, par
Oppenheim, 279.
Morphinomanes (traitement des -) à
l'étranger, 157.
lIIOTILtI'i : , trouble de la - chez les
aliénés, par Binder, 118.
Musculaire , pseudo-hypertrophie
examen histologique, par 1
Preisz, 284.
Mutisme provoqué, 305; - par stu-'
peur, par Gulli, 151.
Myélite AIGUE,.début de la - et de
la sclérose en plaques, par Cramer,
267.
par Unverricht, 269.
Nécrologie, 326, r75.
Néooctsnes chez les aliénés, par
Tanzi, 45G. Citez les aliéiiés, par
.NrlFS crâniens ( altération des
noyaux des -1 dans un cas de
rage canine, 28G.
Nerveux (corpuscules), allure des
- dans les nerfs malades, par
Adamlnevicz, 279.
Névralgies ducs il l'influenza, trai-
tement des - par les bains de
sudation, par Prey, 135.
Ncvturta roxururs, influence des
centres trophiques de la moelle
sur la distribution topographique
de certaines-, par Brissaud, 1(il. 1.
NÉVROI'A'lllIQU £ (diathèsc), par lie-
wnaton, 12.
i\'F.VI10SETnAUV.IrIfUC, par Hoffmann,.
110; - par BI uns, Sperling et
Kronthal, Oppenheim, Seelig-
mann, Bernhardt et krontha1,453.
Noyau lenticulaire, syndrome épi-
sodique de la folie héréditaire
survenue à la suite d'une hémor-
l'hagle du -, par Saury, 159.
Obsession dentaire, par Galippé, 1.
Olfaction (appareil nerveux central
de l'), par Trolard, 183.
Optiques (centres ! , par Monakow,
283.
Oreille de Morel, par Binder, 281.
Paralysie générale avec lésions de
la capsule interne, par Zacher.
113; - 2G cas de - chez la
femme, par Grelpin, 452 ;- sinru-
lant une tumeur cérébrale, par
Sa\'age, 122; - et intoxication,
par A. Voisin, J30; - syphili-
tique, par Thomsen, 451.
Paralysie alcoolique avec lésion
centrale, par Schaiffer, z
par fiojwvmlco0', 462; - de la
main par les menottes, par Eulen-
burg, 4)2; - du médian et du
cubital, par Bruns, 292; disso-
ciée du sciatique poplité, par
,\lussalongo, 263; du moteur
oculaire commun avec amnésie
traumatique, par Schnell, 265;
anatomie pathologique de la
cérébrale infantile, par Hoven,
237, Zacher, 280.
Paramyoclonus multiplex , par 1\la-
rina, 267; - complexes sympto-
matiquevoisin du, par Iiny, 274.
Pédoncule, système de fibres du
pied du -, par Zacher, 139.
Pensée double, par Hoppe, 116.
Pneumogastrique (anatomie et phy-
siologie), par Dees, 278.
Présomption (niées de-1 de la folle
systématique, par Snell, 1, H9.
Psychiatrie (pratique de la), par
ICcelUer, 120.
Pscnoscs, inlluence favurable de
la fiève sur les -, par Willcr-
ding, 451; - intentionnelle, par
\leycr, 115; - uéualgios et -,
par Wagner, 110.
Rage humaine, par Laufenauer,2ï1.
Iti.v m : analytique, par Blm, 'f2G.
1 ! 1.otno,1111lylotillit,e de -
dans l'épilepsie, par Rottenbiller,
125.
SI ? LNUtEit\Itt., par Dinkler, 134 ;
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS 479 z
maladie d'Addison, -et atrophie
musculaire, par Schulz, 273.
Sclérose, début de la - en plaques
et de la myélite aiguë, par Cra-
mer, 267; -troubles oculaires de
la -eu plaques, par Ulillioff, 269;
- latérale amyotrophlque, par
Dornblueth, 273.
Sens de la force, par Koeppen, 138.
Sexuelles (fonctions) et aliénation,
par Campbell Clark, 120.
Simulai-ion de trouble mental, par
Krafft-Ebing, 119.
Société médico-psychologique, 129,
291,458; - Prix'de la - médico-
psychologique, 291 ; - des Neii-
rologistes et Aliénistes de l'Alle-
magne du Sud-Ouest, 132; - des
Aliénistes de la Basse-Saxe et de
Westphahe, 292;-psychiatrique
de Berlin, 295.
Sommeil, influence du - sur les
échanges interstitiels, par H. Loehr,
125.
Spinal (nerf), rapports du - avec le
pneumogastrique et l'hypoglo%e,
par Uees, 277.
Slicide singulier, par Tate, 123; -
multiple, par Garnier, 130.
SULI aNAL, par Otto, 126 ; -par Rus-
chenwcyh, 126 ; - effets de doses
excessives de - par Fisclier, 127.
Suspension dans les maladies ner-
yeuses, pai Eulenburg et Mendel,
128.
SI%11'4TIIIQLI (pathologie du), par
Hale White, 270.
Swnonr nr\Vcuen, hystérie sinno-
latrice du- , par Cliarcot, 321.
Syphilis cérébro-spinale congénitale,
par Siemerliaô, 267.
Si Hl1\GO"\ÉLII;, clél'ose transverse
avec-, par hiewcz, 277.
TAi31s dorsal, pathologie du - , par
Oppenhein, 268 ; - état des nerfs
dans le - par Nonne, 274.
1'uousra (maladie de), allules elec-
triques des nerfs et des muscles
dans la -, par Joilv, 138 ; - par
Haie White, 21O. «
TCULHCLU; QL.\DHIJL"r : Aü, l'apport du
- inférieur avec le nerf auditif,
pir Flechsig, 285.
Tninjns cérébrales, symptomatolo-
gie des - , par SclJoenthal, 1 î2 ;
- du crâne et de la Jure-mère,
par HoUer, 293.
Urée, excrétion de l' - à la suite
de bains faradiques, par Loeln,
284. .
Vaisseaux (mouvements des) par
Buchl : liardt, 282.
Vehbiglhation, par Neisser, 269.
VISULLLLS (images), tractus conduc-
teurs des - , par Richtor, 281.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Ariainkievicz, 279.
Agostini, 455.
Ardcnne(d').266.
Atlianasio, 470.
Autan, 127.
Ballet, 374.
Cartels, 289.
Baumler, 133.
Beclitemw, 285.
Becker, 289.
Beliakoff, 167.
Beneriikt, 277.
Bernhardt, 453.
Berthe,266.
Binder, 117, 28F.
Brin, 426.
Blocq, 11, 951, 271.
301, 302, 303, 169. 170,
Bl'Iantl, 132, 292, hGU.
Brissauri, 161.
Bruns, 281, 292; 453.
Buchholz, 271, °8G.
Buchkanlt, 282.
Campbell Clark, 120.
Charcot, 321.
Charpentier, 129.
Cheroiu, 361>.
COlll'll10nt, 26,),
Cramer, 717, 267, Eâl.
Dagonet, 451, 169.
Darkschrvllsch. 461.
Dees, 277, 278.
Denv, 265, 266.
Dinkler, 131.
Dornblueth, '3 13.
Doyen, t2t.
Edinger, 136.
Erb,132.
Eulenburg, 1°S, Í'2.
renier, 68, 240, 377.
Fischer, 127.
Flechsig, 285.
Fraenkel, 276.
Freund, 268.
Friedmaiiii, 283.
Galippe, 1.
Garnier, 130.
480 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Gerlach, 118.
Gilles de la Tourette,
150.
Golgi, 278.
Gowers, 278..
Greene, 303.
Greidenberg, 466.
Greppin, 26., 452
Goder, 453.
Guinon (George,), 346.
Gulli, 454.
Hoffmann, 140, 282.
Hoppe, 116.
Haves, 273.
lelersma, 265, 281.
Jensen, 275, 276.
Jolly, 138.
liallibatitn, 150.
liast, l'rl.
ICéraval, 113 à 120 12.
à 128 ; 142, 265 à 290,
291, 29.ï, 1 : 1 : 9 à v 153.
Klerwicz, 277.
Klinke, 127.
Kny, 274.
Koehler, 120.
Koeppen, 113, 138.
Kmster 282.
Kojewmkoff, 462.
Korsakoff, 463.
Iiralît Ebnip, I ! 9. »
Krause, 289.
Kroener, 'f51.
Ki,onthal, 153.
Laquer, 133.
Laufenauer, 271,
Lepmann, 120.
Lissauei, 271.
Loehr, 125, 281
Manz, 135.
Jlarandon de Montvel,
118, 291, 559.
MaIÍna, 267.
Massalongo, 263. ? tJatt1sch, 149.
Mendel, 128, F53.
Metz. 289.
Metzer, 188.
Mever, 115, 280.
Misslawskv, 288.
Moeli, 295'.
Moguilevith, 468.
Moos,t3t.
Monakow, 283.
Mora\, 265.
Mouratoff, 296, 461.
Musgrave Clay, 120 u
124, 154,30t. 305.
Neftel, 125
ineisser, 269.
Sonne, 274.
Oppenlieiiii, 268, 219,
453.
Orchansky, 117.
Otto, 126.
Pick, 279, 282, 289.
Papa\\', 286.
Preisz, 281. Í.
Rabow, 125,
Radzlzensky, 301.
Régnier, 300, 303.
Rendu, 302.
Hevillgton, 124.
Richter, 281.
Roller, 293.
Roscioli, 251.
Roth, 296. 460, 162.
Rottenbiller, 125.
Roubinovitcli, 300.
Ituckhardt, 290.
Rudolphson, 280.
liusclreweyh, 126.
Sati, 302.
Saury, i : 9.
Savane, 122.
Schatler, 120, 1 ? a.
Schloess, 118, 126, 276.
Schnell, 265.
Sclroenthal, lî2.
Schuele, 131. Í.
Schuetze, 117.
Schulz, 273.
Scharwz, 128.
Seelimuller, 153.
Séglas, 451 à f57.
Serbski, 464.
Siemerling, 26 ï, 271.
Nigaud, 301.
Sikorski, 165, 167.
Siiell, '-)73. 149.
Sorel, 68, 240 377.
Souques, 321.
Soury, 24, 220
Sperhng, 124, 453.
Straham, 121,
Tamburini, r51.
Tanzi, 456.
Tate, 123.
Thomas, 141.
Thomsen, 451.
Thvssen,58,2 ! t. l.
Tigges, 275.
Ti,olai-d, 183.
Tnczek, 117. ï.
Tulce, 132.
'l'urnbull, 30+.
Uhtlioff, 269.
LJnverricht, 269.
Voisin (A.), 130.
Wagner, 114, 119.
\Verner, 114,
Werniclie, 268.
Westphal,266.
White, 270. 273.
\\ÏgleslVorth, 119.
\Vildermuth, 128.
Willerding, 451.
Wolff, 295.
Wollenberg, 115.
\Voltlce, 3SG.
I'von, 108.
Zacher, 113, 138, 280.
Zenner, 272.
Ziehen, 469.
g,reux, Cb n8f\1St, un ? . - b01