(1890) Archives de neurologie [Tome 19, n° 55-57] : revue des maladies nerveuses et mentales
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(1890) Archives de neurologie [Tome 19, n° 55-57] : revue des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

EV R; U x, ¡ Il P R 1 Il E Il 1 DE CHARLES 8 111 : Il 1 88 E Y

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N E U R 0 L OG-;I' : E

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DUS MALADIES NEHVEUSES ET MENTALES

PUBLIÉE SOUS LA D 1 II E C T I 0 DE

J.-M. CIIAItCO'l'

A\hC LA C07.LAlIOIlATlO\ IIR

MM. BABINSKI, BALLET, BAUDOUIN (MAnceL), BLTOT (P.-A.),

BLANCFIAlIU, BI.OCQ. 110(\\Alltt's (E.), BOUCHER EAU. '

IJHIAND (11.), BITISSALI) (1 : .), UItOf'AIiUEI. (F.), CAILSET, CATSARAS,

CHARPENTIER, CHASLIN, CI1BISTIA\, DEBOVE (111.).

DELASIAUYJ : , 1)1 ? nl', UU1'AL (Jnlll ! s). FE11111EH, FRANCOTTE,

GILLES DE LA TOUBETTE, G091BAULT, GRASSET, JOfCIt01 (A.),

KEHA Y AL (P.), LANDOIIZY, MAGNAN, MARIE, ùIfI : liZI : JC\t'SK1,

IIWSGHA \ E-CLA Y, ONANOFF, PAIIIS. PA IIINA UD, PILLIET, PIERUET, P1TUES,

POPOh'F, 11AOULT, ItA1';SIOND IF.), lIEGNA11D (A.),

HEGi\AlIlJ (P.), R1CHER (P.), BOLBINOV1TCA. W. ROTH,

SÉGLAS, SEGUIN (E.-C.), SOLLIEIl, SOURY (J.), TEINTURIER (E.),

Till]Lll-t (IL), 'l'It01S1E11 (Id.), VIGOUIIOUX (H.),

VOISIN (J.).

Rédacteur en chef : BOUIINFVILLE

Secrétaires de la rédaction : J.-B. CIIABCOT FILS et G. GUINON

Dessinateur : LEUBA

Tome XIX. - 1890.

Avec 4 planches et 42 figures dans le texte

t'ANIS

B U 1\ EAU DU P;f06;/OE ! MÉDICAL

1 S, rve des Carmes.

1890

Vol. XIX. Janvier 1890. N" 66.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES ;

Par E. BIUSSAUD.

L'histoire de la sciatique n'est pas un sujet épuisé. jf

Il y a un an environ, M. le professeur Charcot atti-

rait l'attention de ses auditeurs sur un symptôme

assez fréquent de cette maladie, consistant dans une

déviation avec inclinaison latérale du tronc vers le ¡

côté sain. Peu de temps après, MM. Ballet et Ba-

binski, chacun de leur côté, publiaient des observa-

tions de sciatique où cette déformation était plus ou

moins accusée et ils en étudiaient et expliquaient le

mécanisme. Plus récemment encore, M. le Dr Si-

mon Texier rassemblait et commentait tous les cas

connus dans sa thèse inaugurale'.

Il nous semble, malgré ces travaux très intéressants, l

qu'il reste encore beaucoup à dire sur la sciatique.

Personne assurément ne niera que ce soit une ma- \

ladie obscure. Abstraction faite des cas où elle relève

, Defonllation pOEI'liculièl'e du tronc causée par la sciatique, Th. Paris,

1888, tio 150.

ARCHIVES, f,. XIX. 1

2 CLINIQUE NERVEUSE.

d'une cause organique locale, nettement déterminée

(traumatisme, compression par une tumeur, etc.), elle

présente dans son évolution, dans ses récidives, dans

ses causes surtout, des particularités qui ont provoqué

les recherches, souvent infructueuses, des observa-

teurs de tous les temps. Cotugno a démontré, le pre-

mier, sa véritable nature. Valleix en a fixé les prin-

cipaux symptômes et déterminé les points classiques.

Lasègue et Landouzy ont insisté sur la différence des

formes cliniques et établi une distinction fondamen-

tale entre les cas de névralgie simple et les cas de

névrite. Le nouveau symptôme mis en évidence par

M. Charcot et ses élèves, MM. Ballet et Babinski,

ajoute au diagnostic un élément de grande valeur.

Mais combien d'inconnues restent encore à élucider ?

~~ Nous n'avons ici d'autre but que de dégager cer-

tains points laissés dans l'ombre. Pour n'en citer

qu'un, l'état des muscles, en dehors de l'atrophie

imputable à la névrite, n'est mentionné dans les ob-

servations qu'à titre exceptionnel. Chacun sait ce-

pendant que la sciatique est accompagnée très fré-

quemment d'une contracture marquée d'un ou de

plusieurs muscles. Or, depuis qu'on a pris l'habitude

de rechercher le signe du tendon dans les maladies

nerveuses, c'est à peine si une dizaine d'observations

à notre connaissance relatent les modifications de ce

réflexe chez les sujets atteints de sciatique. Elles sont

fréquentes cependant. Mais elles sont sujettes avarier

suivant les cas et parfois, dans le même cas, suivant

l'époque où on les recherche. De ce qu'elles sont in-

constantes, il ne faut pas conclure qu'elles sont in-

différentes et s'abstenir d'en faire mention. Nous

DES SCOLIOSES DANS LES NEVRALGIES SCIATIQUES. 3

prendrons prétexte de la déviation rachidienne si-

gnalée par notre maître, M. Charcot, pour opposer

aux sciatiques névralgiques simples celles qui se com-

pliquent de contractures douloureuses, et qu'on pour-

rait appeler, par abréviation, sciatiques spasmodiques .

Il ne s'agit pas, cela va sans dire, d'une variété cli-

nique indépendante ; on ne supposera pas non plus

que le spasme musculaire soit le fait de la névrite

plutôt que de la névralgie essentielle. La contracture

est un phénomène accessoire et qui'peut tenir à des

causes très diverses. En tous cas, il permet d'ex-

pliquer certaines différences d'attitude qui seraient

évidemment contradictoires s'il s'agissait d'une affec-

tion toujours identique à elle-même.

I. Tout d'abord, résumons les principaux ca-

ractères de la déviation rachidienne d'après l'exposé

très exact qu'en fait M. Babinski. Chez beaucoup de

sujets atteints de sciatique, on peut constater que le

tronc se porte vers le côté sain, latéralement avec une

inclinaison variable de l'épaule saine, tantôt du côté

sain, tantôt du côté malade. Lorsque la déformation

est très accentuée, on pourrait supposer, à première

vue, qu'on est en présence d'une affection du rachis

indépendante de la sciatique.

Au contraire, lorsque l'inclinaison est peu pro-

noncée, elle passe inaperçue. On l'aurait constatée

sans doute, comme l'a fait remarquer M. Charcot, si

on avait pris l'habitude de faire déshabiller complè-

ment les malades qui se plaignent d'une sciatique.

On ne prend pas cette précaution parce que la préci-

sion avec laquelle ils décrivent, môme par-dessus

4 , . CLINIQUE NERVEUSE.

leurs vêtements, le trajet douloureux de leur névral-

gie, dispense le médecin de pousser plus loin son

examen. Puis; il est assez ordinaire que les malades

atteints de sciatique restent couchés. Dans la position

horizontale, la déviation latérale du tronc ne peut

môme pas être soupçonnée. On ne l'apprécie que

dans la station verticale, et surtout pendant la

marche. Alors, on' voit que le malade fait porter tout

le poids de son corps sur la jambe valide. Le tronc

se penche vers le côté sain en" vertu d'une incurva-

tion plus ou moins prononcée de la portion dorso-

lombairc du rachis (fiv. 1 et. 2). La courbure en

question est convexe du côté malade, concave du

côté sain. .- - - - -' ,

\ Nous ajouterons toutefois qu'il n'est pas toujours

facile de déterminer l'existence de la courbure.

Lorsque le tronc est fortement dévié, on n'a. pas. be-

soin de passer en revue les saillies des apophyses

épineuses. La chose saute aux yeux. Dans certains

Fig. 1.

l iy. 2.

DES SCOLIOSES DANS LES NEVRALGIES SCIATIQUES. 1)

cas au contraire, où l'inclinaison rachidienne est peu

prononcée, il faut s'assurer des rapports et du mode

de superposition des vertèbres. Or, la station verticale

est la moins favorable à la saillie lombaire des apo-

physes épineuses, à cause de l'ensellure physiolo-

gigue 1. Précisément la déviation de la taille dans la

sciatique, non pas celle qui consiste dans un transport t

en masse du tronc vers le côté sain, mais celle' qui

n'existe en quelque sorte qu'à l'état d'ébauche,1 ré-

sulte en grande partie d'une flexion latérale de la

région lombaire. Il est donc possible que la scoliose

en question, à un faible degré, passe inaperçue. Mais

par un moyen détourné on arrive à se rendre compte

de son existence et même de son étendue. En effet, le

rachis en s'inclinant vers le côté sain rapproche les

dernières côtes de la crête iliaque du même côté

(fl,q. 2). La crête iliaque et le rebord costal sont tou-

jours faciles à reconnaître à travers les parties molles.

La diminution de l'intervalle costo-iliaque, c'est-à-

dire de la hauteur du flanc2, est donc d'une manière

générale proportionnelle au degré de la courbure

rachidienne.

C'est surtout dans les cas où le sujet est pourvu

d'un fort embonpoint, principalement chez les femmes

où le pannicule lombaire est en général assez épais,

que les déformations légères sont difficiles appré-

cier. Alors, on n'a qu'à s'en rapporter à l'intervalle

costo-iliaque, à le mesurer du côté sain et du côté

malade, et comme nous avons pu' nous en rendre

' Richer. Note sur l'anatomie. morphologique.

' L'intervalle costo-iliaque (F) n'a pas partout les mêmes dimensions. A

l'état normal, son maximum se trouve sur la limne verticale 'axillaire.

C'est cet intervalle latéral qne M. P. Richer appelle la hauteur du flanc.

Ii CLINIQUE NERVEUSE

compte nous-même dans une dizaine de cas, on

constatera que l'intervalle costo-iliaque, c'est-à-dire

la hauteur du flanc, est rétréci du côté sain. Ce ré-

trécissement est même tel que les téguments, con-

formément à une-remarque de M. Babinski, des-

sinent des plis transversaux entre le rebord costal et

la crête iliaque ; parfois même au-dessous de ces plis,

on sent la dernière côte en contact avec le bassin.

Deux autres faits sont encore mentionnés par

M. Babinski.

1° Nous avons déjà dit que l'épaule du côté sain

peut suivre le mouvement d'inclinaison du thorax

( fig. 3). Mais c'est là une conséquence inconstante

de la flexion latérale. En effet, comme dans les sco-

lioses ou dans les déviations du mal de Pott, le rachis

rétablit le centre de gravité sur la ligne verticale par

une courbure en sens inverse de la courbure de com-

pensation, située au-dessus de la courbure dorso-

lombaire ; il en résulte que les épaules sont au même

Fin. 3

Fit. 4. 4

DES SCOLIOSES DANS LES NEVRALGIES SCIATIQUES. 7

niveau (fit. 4) ou même que l'épaule du côté sain est

plus élevée que celle du côté malade. Cette dernière

attitude est assez commune; elle tient à ce que la

courbure de compensation est très prononcée, parce

que la déviation primordiale est très prononcée elle-

même (fig. 5J. Il faudrait une deuxième courbure de

compensation pour que le niveau des épaules fût le

môme (fig. 6).

On sait que les chirurgiens ont signalé des cour-

bures de compensation de second et même de troi-

sième ordre. Elles trouvent toujours leur raison d'être

dans la déviation primordiale et elles ont le môme

mécanisme dans les déviations rachidiennes provo-

quées par la sciatique que dans les affections primi-

tives de la colonne vertébrale. Mais, pas plus dans le

premier cas que dans les seconds, il n'est possible

de dire pourquoi elles existent chez tel malade, et

manquent chez tel autre. C'est pourtant de leur pré-

Fig. 5.

Fit. 6.

8 CLINIQUE NERVEUSE.

sence ou de leur absence que résultent le redressement

de l'attitude vicieuse ou sa persistance.

Dans les cas que nous avons observés depuis la

publication du mémoire de M. Babinski, les épaules

se trouvaient toujours sur le môme plan horizontal.

- Nous ajouterons que chez le même malade, l'épaule

du côté sain peut être située tantôt plus haut, tantôt

plus bas que l'épaule du côté malade. Cela résulte

de ce que la courbure de compensation qui produit le

relèvement de l'épaule abaissée a moins de fixité que

la courbure primordiale de la colonne dorso-lombaire.

Ce que nous venons de dire de l'attitude des

épaules peut être répété presque mot pour mot de

l'attitude de la tête. Dans le cas de déviation sans

courbure de compensation, la tête est inclinée du côté

sain (fig. 7). Mais la courbure de compensation, au

lieu d'occuper la région dorsale, peut occuper la ré-

gion cervicale. Alors la tète reprend son attitude nor-

male, la ligne des épaules restant inclinée (lit. 8).

Fia. 7.

Fig. 8.

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 9

On conçoit toutes les variétés d'attitude qui peu-

vent résulter de la position respective de la tête et de

la ligne des épaules, suivant le nombre et le siège

des courbures compensatrices. Nous n'y insisterons

pas. La seule conclusion de tout ce qui précède est la

suivante : la déviation rachidienne produite par la

sciatique entraîne souvent, mais non constamment,

une différence de niveau des épaules. Si cette diffé-

rence peut, à la rigueur, faire soupçonner l'existence

d'une sciatique, elle ne peut servir en aucun cas à

déterminer le côté de la névralgie.

Un des faits les plus intéressants qu'on relève dans

les observations de MM. Charcot, Ballet et Babinski

consiste dans la persistance assez fréquente de cette

courbure primitive, même longtemps après que la

sciatique est guérie. Nous y reviendrons ultérieure-

ment. Pour le moment, nous n'ajouterons qu'un dé-

tail : c'est que la déviation rachidienne, appelée ou

non à persister, n'est jamais aussi prononcée au début

de la maladie qu'à son déclin. Nous dirons enfin que

dans les cas où elle semble faire défaut, il suffit quel-

quefois, pour la voir apparaître, de faire marcher le

malade. La marche, il est vrai, est souvent impos-

sible.

2° Le second signe auquel M. Babinski attache

une certaine valeur diagnostique consiste dans l'atti-

tude de la jambe et du pied du côté malade chez les

sujets atteints de déviation rachidienne. Selon M. Ba-

binski, la jambe serait légèrement fléchie sur la

cuisse, et la plante du pied reposerait sur le sol par

toute sa surface.

L'attitude n'est pas aussi constante, il s'en faut de

10 CLINIQUE NERVEUSE.

beaucoup, que ne le prétend M. Babinski. Nous ver-

rons dans un instant comment on peut l'expliquer et

quelles conditions la font naître. Elle est en tous cas

bien moins caractéristique que la courbure latérale du

rachis. -

L'importance de la courbure du rachis au point de

vue symptomatique est indiscutable. En effet, si elle

fournit parfois au diagnostic un élément utile, elle ne

laisse pas, dans certains cas, de compliquer le pro-

blème et de faire surgir des difficultés. On conçoit

tout d'abord que chez un sujet atteint de sciatique,

l'existence d'une déviation vertébrale puisse faire sup-

poser autre chose qu'une relation de cause à effet

entre la névralgie et le vice d'attitude. Il est admis-

sible qu'un malade affligé d'une sciatique ait en même

temps et par le simple hasard d'une coïncidence une

scoliose essentielle. Il n'est même pas invraisem-

blable qu'une courbure rachidienne entraîne, à titre

de complication immédiate, une compression des ra-

cines nerveuses destinées au nerf sciatique. Une

arthrite sacro-vertébrale, par exemple, est capable de

réunir chez le même sujet les deux choses, sans qu'il

existe entre elles d'autre rapport que l'influence d'une

cause commune. La coxalgie hystérique, elle aussi,

se combine assez fréquemment avec la sciatique.

Comme la coxalgie tuberculeuse, elle est parfois le

point de départ d'une déviation compensatrice de la

colonne vertébrale. Si, dans un cas de ce genre, les

symptômes de la sciatique sont prédominants, c'est

à la sciatique essentielle qu'on songera en premier

lieu, et, étant donné que la sciatique produit parfois

la déformation secondaire du tronc, cette déviation

DES SCOLIOSES DANS LI-,S NEVRALGIES SCIATIQUES. 11

pourra être considérée, quoique à tort, comme une

conséquence de la névralgie. On voit par ces exem-

ples que la notion des déviations rachidiennes dans

la sciatique n'est pas faite pour simplifier toujours le

diagnostic. En revanche, elle permet quelquefois,

ainsi que l'a démontré M. Charcot, de reconnaître

une sciatique fruste dans certaines circonstances où

l'inclinaison latérale du tronc échappe à toute inter-

prétation plausible. M. Ballet a publié une observa-

tion dans laquelle le diagnostic a été réalisé par cette

voie détournée. Nous avons profité nous-même de

cet exemple, tout récemment, pour affirmer l'exis-

tence d'une sciatique commençante, à un moment

où le malade n'éprouvrait de douleur qu'au niveau

du point fessier inférieur.

II. - Comment et pourquoi se produit la déviation

rachidienne dans la sciatique ? Ici déjà se pose une

question préjudicielle : pourquoi la déviation n'est-

elle pas constante ? Pourquoi l'observe-t-on dans telle

sciatique ? Pourquoi fait-elle défaut dans telle autre

en apparence rigoureusement semblable à la pre-

mière ? A coup sûr, ces deux sciatiques ne sont pas

identiques ; ou, du moins, si leurs symptômes sont

les mêmes, leur nature est différente. Il y a derrière

leurs manifestations grossières, qui se confondent à

nos yeux, des nuances encore inappréciables, et, qui

sait ? peut-être des divergences radicales.

Mais au lieu de chercher à interpréter les faits,

essayons d'abord de comprendre la cause de la dé-

viation dans les cas où elle existe.

Il est d'abord de toute évidence que la déviation

12 CLINIQUE NERVEUSE.

est le résultat d'une action musculaire. Ce sont les

'muscles du côté sain qui produisent l'inclinaison du

tronc. Il n'y a là rien d'essentiellement articulaire. La

déviation dont il s'agit mérite donc le nom de sco-

- liose au même titre que les scolioses proprement

dites liées à une inégalité de développement et de

fonctionnement des muscles rachidiens. Aussi, la' dé-

signation de scoliose sciatique nous paraît-elle devoir

'être adoptée. Elle est concise et suffisamment expli-

cite.

Or, si les muscles rachidiens du côté sain l'em-

portent sur les muscles du côté malade chez l'indi-

vidu qui souffre d'une sciatique, cette prépondérance

ne peut résulter que de trois ordres de causes. Ou

bien il s'agit d'une paralysie des muscles du côté

malade, ou bien les muscles sains sont dans un état

de tonicité exagérée, en d'autres termes, ils sont en

imminence de contracture; ou bien enfin ils agissent

par le fait d'une contraction simple.

La première hypothèse est inadmissible. Il est

facile de s'assurer que les muscles du côté malade

ne sont pas paralysés. C'est plutôt le contraire qu'on

observe dans certains cas : nous y reviendrons plus

loin à l'occasion des sciatiques spasmodiques. La

seconde hypothèse n'est guère plus vraisemblable. Il

n'est pas à supposer qu'une névralgie du nerf scia-

tique détermine une contracture dans un groupe du

muscles indépendants de ce nerf. On ne pourrait in-

voquer en pareil cas qu'un phénomène réflexe. Or,

si l'irritation douloureuse du sciatique, retentissant

sur la moelle pouvait produire une action musculaire,

c'est une contracture qu'on observerait, et cette

bES scolioses dans les névralgies SCIA'l'1(;UI·;S. 13

contracture occuperait les muscles innervés par le

sciatique ; en réalité, c'est le plus souvent un relâ-

chement de ces muscles qu'on constate dans la scia-

tique ordinaire.- Il est vrai que certaines sciatiques,

comme, la sciatique hystérique ou les sciatiques

symptomatiques de lésions pelviennes, font naître la

contracture ; mais nous verrons bientôt que l'attitude

est alors toute différente. Enfin, en admettant, à

l'extrême rigueur, qu'une contracture réflexe des

muscles -du tronc puisse être déterminée par une scia-

tique, ce n'est pas une contracture croisée qu'on ob-

serverait mais une contracture homologue. A cet

égard, les lois physiologiques de Pflùgersont impres-

criptibles. Les faits cliniques ne leur ont jamais donné

aucun démenti.

Reste la troisième hypothèse, en vertu de laquelle

l'attitude vicieuse du tronc serait la conséquence

d'une simple contraction musculaire. C'est à celle-là

qu'il faut s'arrêter, car elle satisfait, ou peu s'en faut,

à toutes les données du problème. ,

. Un sujet sain qui se tient debout, 'tout droit, les

jambes parallèles et symétriques (fig. 9), répartit le

poids de son corps également sur ses deux surfaces

plantaires; et la verticale de son centre de gravité

passe entre ses talons, à égale distance de l'un et de

l'autre.

Chez un sujet atteint de sciatique, il en est tout

différemment. Un homme qui souffre d'une sciatique

droite par exemple, évite de faire porter la moitié du

poids de son corps par sa jambe droite. Il déplace

son centre de gravité de telle façon, que la jambe

gauche porte le poids du corps tout entier. Si les deux

14 CLINIQUE NERVEUSE.

jambes restent parallèles, comme dans le cas précé-

dent, les deux surfaces plantaires reposant sur le sol,

le malade n'a qu'un moyen de faire passer la verticale

de son centre de gravité par la seule face plantaire

gauche; c'est de s'incliner à gauche, comme l'indi-

que la figure 10. En réalité, l'inclinaison qui résulte-

rait d'une flexion latérale de la colonne vertébrale

au niveau de* l'articulation sacro-vertébrale serait

irréalisable. Toutes les articulations de la région lom-

baire entrent en jeu, et souvent même aussi les arti-

culations de la région dorsale. Donc au sur et à

mesure que la colonne vertébrale s'incline à gauche, le

rebord costal gauche (R) se rapproche de la crête

iliaque gauche (C). Viq. z10).

Mais l'attitude parallèle des deux j ambe s est tout

à fait exceptionnelle. On sait que les sujets atteints

de sciatique cherchent toujours à fléchir les articu-

lations de leur membre malade. C'est Lasègue qui a

le premier insisté sur ce symptôme, pour en tirer un

Fig. 9. ' *

Fig. 10.

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 18

signe diagnostique, devenu aujourd'hui classique en

France. La flexion de la cuisse sur le bassin et la

flexion de la jambe sur la cuisse sont des positions

favorables à la diminution de la douleur. Or, dans la

station verticale, cette double flexion articulaire élève

le pied au-dessus du sol. On peut donc voir des malades

dont la jambe endolorie ne touche au sol que par la

pointe du pied, tandis que la jambe saine, portant

tout le poids du corps, repose sur sa face plantaire

(fig. 11).

Il peut même arriver que la jambe étant fortement

fléchie, le pied soit maintenu par une contraction per-

manente et instinctive au-dessus du sol (liq. 12j. Dans

ces conditions, la marche est impossible ; on conçoit

même que la simple station debout ne puisse durer

plus de quelques instants, car cette fausse position

dont les cigognes s'accommodent à merveille, est

interdite à l'homme.

Le sujet arrive donc insensiblement à appliquer sur

Fig, 11.

Fig. 12.

16 CLINIQUE NERVEUSE.

le sol la plante du pied du côté malade; et ainsi se

trouve réalisée la loi, formulée par M. Babinski : la

jambe du cûlé malade est légèrement fléchie ; sa plante

repose sur le sol par toute sa surface.

Il s'agit maintenant de déterminer les conditions de

cette attitude nouvelle.

Quand un des membres inférieurs est endolori,

quelle que soit la cause de l'endolorissement, le sujet

évite de s'appuyer sur le pied du côté qui souffre. En

vertu d'un effort automatique permanent, il maintient

son pied légèrement élevé .au-dessus du sol. C'est le

cas de toutes les boiteries. Il s'incline alors du côté

sain, de telle façon que le pied de ce côté supporte

tout le poids du corps, et si la plante du pied du côté

malade est appliquée à terre, cela ne veut pas dire

qu'elle participe d'une manière effective à la station

debout. En d'autres termes, elle est posée à terre,

mais elle n'appuie pas.

L'attitude en question s'appelle le hanchement.

Mais pour que la jambe fléchie puisse entrer en con-

tact avec le sol, l'autre jambe demeurant droite,

il faut que le bassin s'incline du côté fléchi.

Dans ces conditions, il est impossible que la colonne

vertébrale reste longtemps perpendiculaire à l'axe du

bassin. La verticale du centre de gravité passerait, en

effet, par la plante du pied de la jambe malade, ce

qui ne se peut pas (lig. 13). Le rachis s'incline donc

encore du côté sain, et cette inclinaison, par rapport

à l'axe CC' du bassin, est encore plus prononcée que

dans le cas où le bassin reste horizontal. 11 est facile

de s'en rendre compte par la mensuration des inter-

valles costo-iliaques, car il résulte de l'abaissement

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 17 1

du bassin vers la jambe fléchie, que l'intervalle costo-

iliaque du côté sain est beaucoup plus court que l'in-

tervalle costo-iliaque du côté malade Jfig. 14). Les

dernières côtes peuvent même dans ce cas se mettre

en contact avec la crête iliate sous-jacente.

L'attitude hanchée avec inclinaison de la colonne

vertébrale vers le côté sain, est de beaucoup la plus

commune de toutes les attitudes que peut réaliser la

sciatique. Mais le hanchement est accessoire. Il arrive

souvent qu'il n'existe pas; et alors, contrairement à

l'opinion de M. Babinski, la plante du pied peut ne

pas reposer totalement sur le sol.

Le hanchement exagère, comme nous venons de

l'expliquer, la déformation du tronc; mais cette défor-

mation tient, avant tout, au déplacement du centre

de gravité vers le côté sain. Ce qui a fait supposer à

M. Babinski que le membre malade, légèrement fléchi,

.reposait toujours sur la totalité de sa face plantaire,

c'est que notre collègue avait pris le soin de bien obser-

Archives, t. XIX. 2

Fig. 13.

Fig. 14.

18 CLINIQUE NERVEUSE.

ver et de bien décrire les cas que le hasard lui avait

présentés; et, dans un cas, évidemment, le hanche-

ment rendait encore très manifeste la déviation rachi-

dienne. Les photographies qui accompagnent son tra-

vail, bien qu'imparfaites, viennent à l'appui de ce que

nous avançons. Du'reste, M. Babinski a plusieurs fois

noté la différence de niveau des deux épines iliaques

antérieures ; or, cette différence ne tient pas à autre

chose qu'à l'inclinaison du diamètre transversal du

bassin, produite par le hanchement. On peut consta-

ter également sur ses photographies l'abaissement du

pli de la fesse du côté du membre fléchi, c'est-à-dire

du côté malade ; cet abaissement, dans l'attitude han- .

chée, existe infailliblement, du côté du membre

fléchi, à l'état sain comme à l'état pathologique.

Tel nous semble être le mécanisme de l'attitude du

tronc et des membres inférieurs chez les sujets atteints

de sciatique.

On n'y trouve, en résumé, rien autre chose que ce

qui s'observe dans toutes les variétés possibles de

maladies douloureuses des membres pelviens, c'est

à dire de maladies capables de produire une boiterie.

Quand le sujet commence à marcher, l'attitude s'ac-

cuse davantage ; elle persiste néanmoins dans l'im-

mobilité, pendant tout le temps que dure la station

verticale, lorsque la moindre pression du membre

malade sur le sol est douloureuse.

Les exemples de cette scoliose symptomatique

abondent. L'entorse tibio-tarsienne, la tarsalgie des

adolescents, les arthrites rhumatismales même légè-

res du tarse ou du métatarse donnent lieu à une

démarche et même à une attitude identiques. Comme

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 19

dans le cas de la sciatique, la cause de l'inclinaison

du tronc vers le côté sain est toujours le déplace-

ment du centre de gravité vers la verticale passant

par la jambe saine. Forcément, le malade tend à

fléchir la jambe endolorie, pour qu'elle ne traîne pas

sur le sol, et, presque forcément, il prend à un moment

donné, l'attitude hanchée.

Alors même qu'il ne souffre pas, un sujet qui aune

jambe plus courte que l'autre, incline le tronc du côté

de la jambe la plus longue. Celle-ci, en effet, doit

porter tout le poids du corps, y compris la jambe courte

qui n'appuie pas sur le sol. Tel est, par exemple, le

cas de l'hémiplégie, avec ou sans contracture, où la

jambe du côté paralysé ne peut plus servir à la pro-

gression ou simplement à la station debout prolongée :

« Si vous considérez, dit Todd ', une personne souf-

frant d'une hémiplégie ordinaire, sous la dépendance

de quelque lésion organique, vous vous apercevrez

qu'elle a, en marchant, une allure particulière pour

porter en avant la jambe paralysée : elle porte d'abord

le tronc du côté opposé à la paralysie et appuie tout le

poids du corps sur ce membre sain. »

On peut, d'une façon très simple, provoquer l'atti-

tude de la scoliose sciatique chez un sujet sain. Le

procédé consiste à augmenter la longueur d'une

des jambes avec une semelle épaisse, l'autre jambe

étant dépourvue de chaussure. Celle-ci pend à côté de

l'autre sans appuyer sur le sol, oscillant comme un

battant de cloche ; c'est l'attitude dite « cloche-pied ».

Or, quand on marche, ou plutôt, quand on saute à

' Clinical lectures on paralgsis 2° édit., London, 1836, p. 20, cité par

Gilles de la Tournette, in NUe Icoto,q. de la Salpêtrière IL

20 CLINIQUE NERVEUSE.

cloche-pied, la colonne vertébrale s'incline du côté

sain, c'est-à-dire du côté de la seule jambe dont on se

sert. Si, au lieu de sauter, le sujet marche alternati-

vement sur le pied déchaussé et sur le pied garni de

la semelle, il prend encore la même attitude inclinée ;

et il boite, cela va sans dire. Mais au bout de peu de

temps, cette uoiterie le fatigue; survient alors le han-

chement, c'est-à-dire l'attitude de la scoliose sciatique :

le pied garni de la semelle étant celui

sur lequel le sujet s'appuie, puisque

c'est le côté de la jambe la plus

longue, c'est de ce côté que se pro-

duit la déviation ( fi'g. 15).

L'expérience est facile à repro-

duire. Elle n'est d'ailleurs que la

contre-épreuve d'un traitement fré-

quemment appliqué dans les cas de

scoliose vraie et qui consiste dans

l'emploi d'une semelle de plus

grande épaisseur du côté opposé à.

l'inclinaison vertébrale.

La semelle épaisse qu'on emploie dans ce but ne

guérit pas la maladie; peut-être même a-t-elle l'in-

convénient de confirmer l'attitude vertébrale vicieuse.

Elle a en tous cas l'avantage illusoire de ramener la

ligne des épaules à l'horizontalité. '

Quant à la permanence de la scoliose sciatique,

trois conditions principales paraissent y contribuer.

La première et la plus importante est évidemment

l'action permanente des muscles latéraux du tronc du

côté sain. Nous avons dit que, dans le principe, la

scoliose sciatique résultait d'une contraction muscu-

Fig. 15.

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 21

laire, mais nous n'avons pas parlé de contracture. Si

la contracture ne se produit pas d'emblée, elle peut

cependant survenir à la longue, sous l'influence de la

permanence de la contraction. Rien n'est plus curieux

que l'attitude voulue et en quelque sorte raisonnée

d'un sujet atteint de sciatique, alors même qu'il ne

souffre plus. C'est une remarque que faisait encore

récemment M. Debove dans une petite note relative

à l'effet curatif immédiat du chlorure de méthyle. A

la suite d'une pulvérisation de chlorure de méthyle,

lorsque la douleur a été instantanément abolie, le

malade se refuse à appuyer sur le sol la jambe dont

il ne souffre plus. Son appréhension est même si vive

et si persistante, qu'il marche encore en hésitant,

même après qu'il s'est rendu compte que sa sciatique

est guérie. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant

que les seuls muscles du côté sain, agissant àl'exclu-

sion des muscles homologues du côté malade, arrivent

rapidement à cet état de spasme permanent que Du-

chenne (de Boulogne) a décrit sous le nom de spasme

fonctionnel. Ce n'est pas, si l'on veut, à proprement

parler de la contracture, mais c'est une forme d'acti-

vité musculaire qui s'en rapproche singulièrement.

Les exemples des difformités professionnelles pro-

duites par les spasmes de ce genre sont nombreux et

variés. Tel est, pour n'en citer qu'un, le relèvement t

permanent de l'épaule gauche chez les violonistes.

Une autre cause, et non des moins efficaces, con-

siste dans l'atrophie des muscles du côté immobilisé.

L'atrophie musculaire à la suite de la sciatique, sur-

tout dans les cas qui relèvent d'une névrite, est un fait

des plus ordinaires et il est incontestable qu'elle

22 CLINIQUE NERVEUSE.

s'étend, comme nous l'avons plusieurs fois observé,

au delà de la sphère de distribution du nerf sciatique

proprement dit. Peut-être se produit-elle sous des

influences analogues à celles qui déterminent l'atro-

phie musculaire arthropathique.

Tandis que les muscles du côté malade s'atrophient,

ceux du côté sain, dont l'activité s'est accrue, s'hy-

pertrophient, parfois d'une façon très notable. Il en

était probablement ainsi dans l'observation de

M. Ballet, autant qu'on en peut juger par la photo-

graphie annexée à son travail.

Enfin, pour expliquer la persistance en quelque

sorte indéfinie de la déviation du tronc, M. Babinski

admet l'hypothèse que les muscles du côté sain con-

tractent entre eux des adhérences fibreuses capables

de fixer pour toujours les diverses parties du squelette

rachidien dans une situation irrémédiable.

III.- Nous avons observé dix cas absolument con-

formes à la description générale qui précède. D'autre

part -et c'est là le point sur lequel nous voulons insis-

ter nous en avons rencontré trois ouïe tronc s'était,

contrairement à la règle, incliné vers le côté malade.

Le premier cas concerne un homme d'une quaran-

taine d'années rhumatisant et graveleux, chez qui la

névralgie sciatique était caractérisée par une douleur

étendue depuis l'échancrure jusqu'au creux poplité.

Au début et à la fin de cette affection qui fut très in-

tense et qui dura six semaines environ, le malade pen-

dant la station debout se tenait incliné du côté de sa scia-

tique ; la marche, qui était très pénible, accentuait cette

attitude et n'étaitpossible qu'à la condition que le poing-

fût fortement appuyé sur la hanche du même côté.

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 23

Le second cas est relatif à une femme de soixante

ans, chez qui la sciatique ne,présentait que trois points

douloureux : le point d'émergence de la grande

échancrure sciatique, le point péronier et le point

malléolaire. Cette femme pouvait se tenir debout et

marcher, mais le tronc était incliné en arrière et du

même côté que la névralgie.

Enfin, le troisième malade avait une sciatique aussi

complète et aussi caractérisée que possible. Son his-

toire d'ailleurs étant assez complexe, nous n'hésitons

pas à en donner ici l'observation in e.xtenso, d'après

les notes détaillées qui nous ont été fournies par notre

externe, M. Thévenard.

OBSERVATION. - Névrite sciatique avec légère contracture spasmo-

dique des muscles du membre inférieur.- Déformation du tronc.

Inclinaison du rachis du côté malade.

Louis Tr..., âgé de dix-neuf ans, garçon de magasin, entre à

l'Hôtel-Dieu (annexe), salle Saint-Landry, numéro 6,1e 29mai 1888.

Ses antécédents personnels sont satisfaisants.il a eu deux angines,

l'une en f 851, l'autre il y a sept mois. Il n'est ni tuberculeux, ni

scrofuleux, ni syphilitique.

Il n'est pas en mesure de fournir des renseignements précis sur

. ses antécédents héréditaires. Son père est mort d'une maladie

qu'il ignore. Sa mère est morte phtisique à quarante etun ans Il

a une soeur âgée de quatorze ans qui s'est toujours bien portée

jusqu'à ce jour. Une de ses tantes (du côté paternel) a été fréquem-

ment atteinte de névralgies sciatiques.

Voici ce qu'il raconte sur les événements qui ont précédé la

maladie. D'abord il insiste sur ce fait qu'il a été élevé très dure-

ment. Son père le mettait à la porte de chez lui à tout propos,

pour la moindre peccadille, l'obligeant ainsi à passer souvent la

nuit dehors. Il a été mal nourri. Quoique d'assez grande taille, il

est de pauvre apparence. Son métier de garçon de magasin l'obli-

geait à travailler debout ; on l'employait aussi à faire des courses;

il subissait toutes les intempéries, ne prenant jamais de précau-

tions contre la pluie, la neige ou le vent. -

Il y a cinq mois il ressentit une douleur sourde dans le membre

inférieur gauche ; il en indique si nettement le siège qu'il est'

24 CLINIQUE NERVEUSE.

impossible de douter que ce ne fût une douleur sciatique. Elle se

produisit, peu à peu, d'abord tolérable, puis plus intense, surtout

après les longues marches ; alors il boitait. Le foyer le plus dou-

loureux occupait l'espace pelvi-trochantérien. Lorsque, après une

course, le malade reprenait ses fonctions de garçon de magasin,

il continuait de souffrir, bien qu'il se tint debout dans une immo-

bilité relative. Il sentait que son pied se tournait en dedans. Le

~matin seulement, au réveil, la douleur avait disparu, et le pied

reprenait sa direction normale. La douleur augmentant de jour

en jour, on lui permit de travailler assis. Il s'ensuivit une amélio-

ration qui persista une huitaine de jours environ. Après quoi,

comme on le croyait guéri, il recommença à faire ses courses.

Immédiatement la douleur le reprit, plus intense que précédem-

ment, mais non accompagnée de boiterie. Elle variait d'ailleurs

suivantles heures. Plus vive, cette fois, au réveil, jusqu'à dix heures

du matin, elle se calmait graduellement dans l'après-midi et ne

réapparaissait dans toute sa violence que vers sept heures du soir.

Il y avait donc dans les crises une certaine intermittence. Il est à

noter également que tous les jours. n'amenaient pas des douleurs

aussi fortes. Parfois même une journée se passait sans qu'il s'en

produisit. Cet état dura un mois et demi.

Quinze jours s'écoulèrent ensuite dans un état de santé excel-

lent ; la guérison semblait acquise. Une course fatigante provo-

qua une nouvelle rechute. Dans la crainte de perdre sa place, le

malade ne voulut pas prendre de repos. Les douleurs redoublèrent.

Avec elles réapparurent la boiterie et l'attitude vicieuse de la jambe

caractérisée par la rotation du pied en dedans. Tout mouvement L

de flexion devint impossible. Le membre inférieur gauche

était comme ankylosé, et la marche ne s'effectuait que par un

mouvement très pénible de projection du bassin en avant.

C'est alors que le patient se fit admettre (fin avril 1888) à l'hô-

pital Tenon, salle Gérando. La médication par l'antipyrine et les

pulvérisations de chlorure de méthyle prescrites par le médecin,

confirment, rétrospectivement, le diagnostic de sciatique.

Après un séjour d'une semaine à l'hôpital, la douleur et les

phénomènes concomitants avaient totalement disparu. Le malade

sortit le 8 mai, à midi, se croyant guéri ; mais dès le même soir,

la douleur, la boiterie, la rotation forcée en dedans s'étaient déjà

reproduites. Le lendemain, après une heure de travail, le mal

avait repris toute son intensité. Un nouveau séjour d'une quinzaine

de jours à l'hôpital Tenon, dans le même service, n'amena pas

d'amélioration. Le médecin renvoya, au bout de ce délai, le

malade dans l'état où il l'avait reçu. Le jour suivant, celui-ci se

présenta à l'hôpital Lariboisière, mais il n'y fut pas admis. Il se

traîna jusqu'au bureau central ; et de là, fut envoyé à l'Hôtel-Dieu

(annexe), salle Saint-Antoine, lit numéro G (29 mai).

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 25 5

Le 30m ai on constate une rotation très accentuée du membre

inférieur tout entier en dedans. Le malade accuse une vive dou-

leur sur tout le trajet du nerf sciatique qu'il parcourt du doigt

avec une précision anatomique irréprochable. Cette douleur est

exaspérée par la pression d'un point quelconque du trajet du nerf-

La flexion de la jambe et de la cuisse sont à peu près impossibles.

Cependant, quand le malade s'abandonne complètement, en évi-

tant toute contraction active de ses muscles, on peut faire exé-

cuter à la jambe et à la cuisse des mouvements passifs d'extension

et de flexion qui sont assez bien tolérés. On remarque, en élevant

la jambe au-dessus du plan horizontal du lit, que jusqu'à un angle

de 45°, il ne se produit pas d'ensellure rachidienne. Passé ce point

l'ensellure se manifeste, et le malade demande grâce. La flexion

de la cuisse, lorsque la jambe est fléchie, peut être poussée plus

loin (signe de Lasègue). -- v.

Le membre malade et le membre sain sont le siège d'une con-

traction musculaire généralisée, mais peu intense. Les réflexes

rotuliens sont exagérés à droite comme à gauche, plus cependant

à gauche qu'à droite. Le relèvement brusque du pied provoque un

tremblement épileptoïde passager. La raideur de la jambe et de

la cuisse ne permet pas de les fléchir facilement. Les mouvements

passifs d'adduction et d'abduction sont à peu près impossibles.

Ainsi, quand on exerce une traction de dedans en dehors sur le

membre inférieur gauche, le bassin suit ce mouvement comme

s'il existait une ankylose coxo-fémorale. Du côté droit le résultat

est le même, quoique moins caractérisé.

La jambe et la cuisse gauches sont notablement amaigries, pour

ne pas dire atrophiées ; d'ailleurs, la diminution du volume n'est

pas plus marquée dans un groupe musculaire que dans un autre.

Les tremblements tibrillaires font défaut. Il n'existe aucun trouble

de la sensibilité.

L'état des viscères, explorés avec soin, parait très satisfaisante

La santé générale est bonne. Les urines sont normales.

En raison de la trop. grande intensité des douleurs, on renonce

à examiner l'attitude du malade debout.

Les traitements précédemment employés ayant été insuffi-

sants, on prescrit des applications quotidiennes de pointes de feu.

Jusqu'au2juin, le mal ne fait qu'empirer. La douleur est incessante

A partir de cette date une certaine amélioration se fait sentir.

Le 1t juin, un grand progrès est réalisé. Les douleurs ont dis-

paru pendant le repos. Elles ne réapparaissent que lorsque le

malade remue ses jambes dans son lit. Les mouvements passifs de

flexion et d'extension sont redevenus tolérables et relativement

faciles. Ils permettent de se rendre compte que l'articulation coxo-

fémorale est indemne. La marche est toujours impossible ; le pied

gauche reste tourné en dedans.

20 CLINIQUE NERVEUSE.

Le 16 juin, l'amélioration s'est confirmée. Le malade est par-

venu à descendre seul de son lit. Il lui faut cependant prendre de

grandes précautions pour arriver à ce résultat. II commence par

s'asseoir ; puis, se tournant tout d'une pièce, les deux jambes

parallèles, et comme soudées au bassin, il arrive, en pivotant dou-

cement, jusqu'au bord de son lit, et alors seulement il se décide à

fléchir la jambe sur la cuisse : Il peut se tenir debout en s'appuyant

sur le dossier d'une chaise et même faire quelques pas, mais il

éprouve une singulière difficulté à écarter ses jambes l'une de

l'autre; elles ont encore besoin de parallélisme.

Vu de dos, le malade présente une attitude très caractéristique.

Ce qui trappe tout d abord c'est que le mem-

bre inférieur gauche parait plus long que le

droit. Il est fléchi légèrement en dedans,

la plante du pied reposant à plat sur le sol,

le genou- et la pointe du pied tournés en de-

dans, comme dans le cas de genu valgus.

La flexion semble résulter de l'allongement t

du membre. L'angle formé par la cuisse et la

jambe est ouvert en dehors. L'allongement,

toutefois, n'est qu'apparent, car les mem-

bres, quoique amaigris, ont conservé le

même degré de contracture spasmodique ;

et, d'autre part, la crête iliaque du côte gau-

che est moins élevée que celle du côté droit

(fg. 46).

Le pli fessier est abaissé, presque effacé.

Les muscles fessiers ont perdu leur tonicité,

ce qui contraste avec le spasme des muscles

postérieurs de la cuisse. -

Malgré l'abaissement de la crête iliaque

gauche, l'espace costo-iliaque est diminué.

Le bord inférieur de la cage thoracique s'est

rapproché du bassin. Entre les dernières

côtes et la crête iliaque la peau présente des plis transversaux.

L'épaule gauche elle-même est très sensiblement abaissée ; elle

se porte un peu en arrière. La colonne vertébrale est inclinée à

gauche. Elle se redresse légèrement en haut, à partir de la ver-

tèbre proéminente. En somme, toute la moitié gauche du tronc

paraît affaissée. Mais ce n'est pas le fait d'un état parétique des

muscles, car les masses musculaires, toutes endolories, ont, au

moins en apparence, une tonicité exagérée.

Le 17 juin, une douleur assez aiguë se fait sentir au niveau de

l'articulation sacro-iliaque gauche. Le malade renonce à se lever.

Le 19, il accuse une nouvelle douleur, cette fois dans le genou

gauche; il lui est impossible de s'appuyer sur sa jambe.

Fig. 16.

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES. SCIATIQUES. 2 ? "

Le 20, il essaie de faire quelques pas, mais c'est au prix de

grands efforts. La douleur, nettement localisée au genou, à la

partie moyenne du mollet et dans l'espace ischio-trochantérien,

confirme le réveil de la sciatique.

Le genou est un peu déformé. Il est facile de reconnaître la

présence d'un léger épanchement dans le cul-de-sac supérieur de

la synoviale. Quelques tremblements fibrillaires apparaissent dans

la région du jambier antérieur et des péroniers latéraux.

Le 21 juin, une douleur semblable à celle du genou gauche

occupe le genou droit et l'articulation coxo-fémorale droite. Les

autres symptômes persistent. On prescrit le salicylate de soude à

la dose de 6 grammes.

Le 22, amélioration sensible.

Le 23,1e 24, les douleurs articulairesdiminuent progressivement.

Le 25, elles ont complètement disparu. Le malade se déclare

guéri. Il recommence à se lever, marche sans souffrir, mais se

fatigue promptement.

Le 30, la guérison parait confirmée. Les douleurs spontanées

ont cessé de se faire sentir depuis quinze jours. La marche est

aisée. Lorsqu'elle se prolonge, il en résulte une légère boiterie, le

pied tend à se replacer dans l'adduction, mais l'altitude vicieuse

s'est sensiblement modifiée ; elle persiste toutefois. Seule la pres-

sion profonde de l'articulation sacro-iliaque, de l'espace ischio-

trochantérien et de la face postéro-externe de la cuisse réveille

dans ces points les anciennes douleurs.

Il est incontestable que le malade dont on vient de

lire l'observation était atteint d'une sciatique. Cette

sciatique très intense était suffisamment déterminée

par le trajet de la douleur et ses points d'intensité

maximum. D'autre part, il existait un état spasmo-

dique douloureux des deux membres pelviens qu'on

n'observe pas communément dans les sciatiques dites

essentielles. A un moment donné, en raison de la

participation du membre droit à l'état spasmodique

douloureux, il n'était pas interdit d'admettre que le

malade fût atteint d'une paraplégie spasmodique de

cause spinale ; mais en parcourant un grand nombre

d'observations de sciatiques simples, nous nous

sommes assuré que l'existence de points douloureux

28 CLINIQUE NERVEUSE.

du côté opposé à la sciatique n'est pas un fait excep-

tionnel. Puis, le mode du début, les intermittences,

l'amélioration de la douleur sous l'influence du pre-

mier traitement doivent bientôt écarter cette hy-

pothèse. -

Un instant, nous avions pensé que notre malade

commençait une coxalgie. La sciatique n'est pas rare

au début de cette maladie et deux autres signes

encore plaidaient en faveur de ce diagnostic : l'en-

sellure qui se produisait quand on élevait la jambe à

plus de 45 degrés au-dessus du plan du lit ; et l'an-

kylose coxo-fémorale apparente. Pour ce qui est de

l'ensellure, elle n'avait en réalité rien d'exagéré, eu

égardà ce qu'on a maintes fois constaté dans des cas

de sciatique simple, depuis qu'on recherche le signe

de Lasègue. Quant à l'ankylose coxo-fémorale, elle

était, à peu de chose près, aussi prononcée à droite

qu'à gauche. Il aurait donc fallu admettre une

coxalgie double. Le malade ayant quitté l'hôpital

presque complètement guéri, cette supposition nous

semble, de ce fait, écartée. En admettant même que la

guérison n'eût été qu'une rémission, cela ne chan-

gerait rien aux conclusions que nous voulons tirer de

l'observation, puisqu'il s'agit surtout de l'attitude de

notre malade.

L'hypothèse d'une coxalgie hystérique soulève les

mêmes difficultés que celle d'une coxalgie simple.

Mais la prédominance de l'état spasmodique la ren-

dait peut-être moins invraisemblable. Il manquait

toutefois au tableau clinique de la coxalgie hystérique

l'élément essentiel du diagnostic, à savoir : l'hystérie.

La recherche attentive et quotidiennement répétée

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 29

des stigmates hystériques est toujours restée in-

fructueuse.

. Vers la fin de son séjour à l'hôpital, le malade

présenta des symptômes indubitables d'hydarthrose.

Fallait-il donc admettre une sciatique rhumatismale

chez un sujet en imminence de rhumatisme articulaire

aigu ou subaigu ? La sciatique chez les rhumatisants

est assez rare et les auteurs font remarquer qu'elle est

en tous cas de courte durée et qu'elle apparaît seule-

ment au début de la crise rhumatismale pendant la

période des localisations indécises. Dans notre obser-

vation, les hydarthroses n'étaient survenues qu'à la

fin ; leur durée n'avait été que de quelques heures ;

elles n'avaient eu en réalité aucun rapport avec

les fluxions articulaires du rhumatisme vrai. Par

contre, nous ferons remarquer que les auteurs ont

signalé l'hydarthrose comme une complication pos-

sible des sciatiques intenses et, en particulier, des

sciatiques traumatiques, même lorsque le trauma-

tisme porte sur un point très éloigné de l'articulation.

En résumé, ce qui frappait tout d'abord et ce qui

faisait bienle fond de la maladie, c'était une sciatique,

mais une sciatique accompagnée d'un spasme muscu-

laire dans toute la sphère de distribution du nerf scia-

tique, et étendue même à d'autres muscles non tri-

butaires du nerf sciatique proprement dit.

L'état spasmodique était caractérisé par une

raideur douloureuse des muscles entraînant l'attitude

décrite, par l'exagération des réflexes rotuliens, enfin

par le tremblement épileptoïde.

Ces deux derniers symptômes, il faut bien le dire,

si caractérisés qu'ils soient, ne nous semblent avoir

30 CLINIQUE NERVEUSE.

ici qu'une importance fort secondaire. La plupart des

affections douloureuses des membres inférieurs peu-

vent provoquer l'exagération du réflexe patellaire ;

nous en avons encore eu la preuve tout récemment

dans un cas de durillon plantaire enflammé ; et il

n'est pas de chirurgien qui ne sache que le phéno-

mène du pied peut apparaître au moment où on sou-

lève une jambe fracturée.

Les autres signes de contracture, et en particulier

ceux qui donnent lieu à l'attitude de notre malade,

sont beaucoup plus importants. Peu d'auteurs ont

insisté sur les spasmes musculaires de la sciatique,

mais presque tous les ont signalés, et le plus souvent

à leur insu, quand ils ont pris le soin, comme l'a fait

quelquefois Valleix, de décrire l'attitude du malade

déshabillé. En revanche, ils ont étudié avec soin le

même phénomène dans d'autres névralgies comme la

névralgie faciale, la névralgie du nerf circonflexe, ou

celle du plexus cervical. Il serait étonnant que la né-

vralgie sciatique fît exception à une règle aussi géné-

rale que celle de la contracture survenant à propos

des affections douloureuses.

L'exemple qui précède fournit la preuve qu'il peut

exister des sciatiques spasmodiques, comme il existe

des névralgies faciales spasmodiques, des scapulalgies

spasmodiques, des torticolis spasmodiques, etc.....

Dans toutes ces localisations douloureuses, le spasme

musculaire correspond d'une manière générale à la

région endolorie. De même, dans la sciatique spasmo-

dique, la contracture se produit du côté de la né-

vralgie, à l'inverse de ce qui se passe dans la scia-

tique non-spasmodique. C'est dans cette différence

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 31

essentielle que nous paraît résider la cause des atti-

tudes anormales constatées chez trois de nos ma-

lades.

Ici encore, quelques explications sont néces-

saires. On sait que la détermination des points dou-

loureux de la sciatique classique depuis Valleix, a

soulevé quelques difficultés d'interprétation qui ne

sont point encore élucidées. Romberg s'est évertué à

démontrer que les points en question correspondent

à des branches de distribution du tronc du sciatique.

Il s'en faut que sa démonstration soit irréfutable. On

observe, en effet, dans certains cas de sciatique mani-

feste, des localisations douloureuses qu'il est bien dif-

ficile de rapporter à une névralgie du tronc sciatique

proprement dit : le point lombaire, par exemple, est

parfois situé à un niveau beaucoup plus élevé que les

dernières émergences des branches postérieures de

ce nerf.

Le point iliaque supérieur répond aux dernières

divisions du nerf fessier supérieur, émané des deux

dernières paires lombaires. Il existe fréquemment à

la.partie supérieure et interne de la cuisse un point

qui ne peut répondre qu'à une branche de l'obtura-

teur. On observe, non moins souvent, un point crural

juste au niveau du triangle de Scarpa. Enfin, nous

avons vu, et nombre d'auteurs l'ont signalé, que des

points douloureux peuvent occuper, du côté opposé à

la névralgie sciatique, des régions indépendantes

de la distribution du nerf sciatique malade.

Evidemment, il ne s'agit pas, dans ces cas, de

sciatiques doubles, mais de névralgies à distribu-

tion indécise. C'est pour ces névralgies que Piorry

32 CLINIQUE NERVEUSE. ·

et Brown-Séquard ont adopté la dénomination peu

satisfaisante de névralgies réflexes. Notre maître,

M. Jaccoud, les a appelées névralgies propagées ou

associées. M. Cartaz a cherché à les expliquer par un

phénomène de récurrence. Quoi qu'il en soit, elles sont

très fréquentes, et s'il est difficile d'en saisir la patho-

génie, elles nous fournissent au moins la preuve que

la sciatique, le plus souvent, n'est pas une névralgie

du nerf sciatique, au sens anatomique du mot, mais

bien une névralgie du plexus lombo-sacré, avec une

localisation prédominante dans les branches de dis-

tribution du nerf sciatique. Une névralgie combinée

du nerf sciatique et du nerf crural n'est pas en somme

plus surprenante qu'une sciatique, seulement caracté-

risée par un point poplité et par un point malléolaire.

Étant donné que la sciatique est assez communé-

ment une névralgie du plexus lombo-sacré, il sera

facile de comprendre, et même de deviner à l'avance

l'attitude des malades qui en seront atteints, lorsqu'elle

affectera le caractère spasmodique. Les muscles cor-

respondant aux points douloureux lombaire supérieur

et iliaque supérieur produiront, en se contractant, le

rapprochement de l'intervalle costo-iliaque du côté

endolori. L'attitude qui en résultera a été bien décrite

par M. Terrier, dans un cas de contracture doulou-

reuse d'origine traumatique '. Il s'agissait d'une malade

hémiplégique, chez laquelle un traumatisme avait pro-

duit subitement une telle exagération des phénomènes

spasmodiques, que le tronc s'était incliné du côté para-

lysé, comme dans l'attitude du pleurosthotonos.

1 Revue mensuelle de médecine et de chirurgie, 1880.

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 33

Il se passe quelque chose d'analogue à ce que nous

avons observé sur notre troisième malade dans la

plupart des cas de contracture hémiplégique n'empê-

chant pas les malades de marcher. Un sujet atteint

d'hémiplégie spasmodique, présente presque toujours

une diminution de l'intervalle costo-iliaque du côté

contracturé. Il boite en marchant ; mais, comme il ne

souffre pas, comme il peut s'appuyer même sur sa

jambe malade, il n'a pas besoin de prendre l'attitude

hanchée, c'est-à-dire de s'appuyer exclusivement sur

sa jambe saine.

Dans la névralgie lombo-sciatique spasmodique,

l'attitude est différente, malgré les analogies, par la

simple raison que le malade souffre du côté contrac-

turé. Comme il évite de poser à terre le pied de la

jambe malade, il est contraint de faire porter tout le

poids de son corps sur la jambe saine. Or, le dépla-

cement de son centre de gravité vers le côté sain ne

Archives t. XIX. 3

Fig.17.

Fig. 18.

34 CLINIQUE NERVEUSE.

peutpas s'effectuer, comme dans les cas ordinaires, par

une inclinaison de la colonne vertébrale vers le côté

sain, puisque tous les muscles de l'intervalle costo-

illiaque du côté malade sont contractures et s'oppo-

sent, à ce mouvement. Pour marcher et même pour

se tenir simplement en équilibre, le malade en ques-

tion est donc obligé de porter vers le côté sain une

partie du corps qui ne soit pas immobilisée par la

contracture (1îq. 17). Il fait alors saillir la hanche du

côté sain en dehors de la ligne verticale du centre de

gravité, comme l'indique le croquis schématique de

la figure suivante. Cette attitude est assez compa-

rable à celle d'un homme qui porte, un seau à bout

de bras en évitant de se mouiller (tif). 18).

Le poids du seau déplace le centre de gravité. Si

c'est, par exemple, le bras gauche qui porte le seau,

c'est surtout sur la jambe droite que le sujet s'appuie.

S'il s'appuyait à gauche, il serait entraîné à gauche

et tomberait à gauche. Mais comme il est forcément

attiré à gauche et qu'il ne peut pas incliner le tronc

à droite, il porte fortement la hanche à droite.. Dans

ces conditions, comme dans le cas de la névralgie

lombo-sciatique spasmodique gauche, la marche est

presque impossible, le sujet évitant toujours de

s'appuyer sur son pied gauche.

Nous n'avons plus qu'un mot à ajouter :

Toutes les sciatiques spasmodiques ne sont pas

caractérisées par l'attitude que nous venons de dé-

crire, il s'en faut de beaucoup. Ce sont seulement les

sciatiques dans lesquelles le spasme s'étend à des

muscles innervés par des branches du plexus lom-

baire. Aussi, avons-nous eu l'intention d'insister

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 35

autant sur les sciatiques à irradiations lombaires que

sur les attitudes provoquées par ces névralgies.

Conclusions. l°Lasciatique est une affection dou-

loureuse qu'il est souvent difficile de limiter au tronc

et aux branches de distribution du nerf sciatique. En

effet, outre les points douloureux qui permettent de la

reconnaître et qui répondent aux localisations classi-

ques de la névralgie sur les diverses ramifications de

ce nerf, il existe très souvent d'autres points doulou-

reux, principalement dans les régions lombaire et

périnéale, qui accusent évidemment une extension de

la névralgie à certaines branches des plexus lom-

baire et sacré indépendantes du tronc sciatique. On

doit même reconnaître que, le plus ordinairement, la

sciatique n'est pas seulement une névralgie du nerf

sciatique proprement dit, mais une névralgie du

plexus lombo-sacré. Le nerf sciatique d'ailleurs, ne

représente qu'une subdivision arbitraire de ce plexus

anatomique. Les limites de la névralgie sciatique ne

sont donc pas nécessairement les mêmes que les li-

mites de convention du tronc nerveux. En d'autres

termes, la sciatique n'est pas la névralgie d'un nerf, .

mais la névralgie d'un plexus.

, 2° La sciatique est tantôt une névralgie, tantôt une

névrite. Névralgie ou névrite, elle peut évoluer sans

qu'il se manifeste aucun phénomène morbide dans les

muscles innervés par le sciatique malade. Mais dans

les deux cas on peut observer aussi des spasmes dou-

loureux ou de véritables contractures. Le plus souvent

ces contractures n'occupent qu'un petit nombre des

muscles innervés par le sciatique ; elles peuvent ce-

36 CLINIQUE NERVEUSE.

pendant envahir tout le territoire de ce nerf, et même

s'étendre à certains muscles du plexus lombaire,

comme la douleur elle-même.

3° Il y a des sciatiques qui s'accompagnent d'une

déviation de la colonne vertébrale. Cette déviation

mérite le nom de scoliose, car elle consiste dans une

courbure latérale du rachis. Le plus souvent, la sco-

liose sciatique s'observe du côté opposé à la névralgie;

mais elle se produit quelquefois aussi du côté malade.

On pourrait donc appeler la première scoliose croisée

et la seconde scoliose directe ou homologue. La sco-

liose homologue est plus rare que la scoliose croisée.

Le sens de la déviation est commandé par des con-

ditions spéciales, inhérentes à la névralgie elle-même,

particulièrement au siège de la douleur et plus encore

au fait que la sciatique est ou n'est pas compliquée de

contracture douloureuse. D'une façon générale, on

peut dire que les sciatiques non spasmodiques entraî-

nent une scoliose croisée, et les sciatiques spasmo-

diques une scoliose homologue.

4° L'inclinaison du tronc du côté sain, dans la scia-

tique névralgique simple, non spasmodique, est un

phénomène commun à toutes les maladies doulou-

reuses du membre inférieur, comme à toutes celles

qui, sans être douloureuses, consistent dans un rac-

courcissement de ce membre \ Or, dans la sciatique,

le malade fléchit presque toujours sa jambe; donc,

il diminue l'intervalle qui sépare la plante du pied

du fémur : par conséquent il raccourcit sa jambe.

1 Il n'y a qu'une exception à cette règle ; elle appartient au cas, rela-

tivement rare, où le membre atteint de sciatique se trouverait, en vertu

d'une cause préexistante, plus long que le membre sain.

DES SCOLIOSES DANS LES NI : VRAL(3ES SCIATIQUES. 37

Comme dans la scoliose proprement dite, l'incli-

naison rachidienne croisée est plus prononcée à la

région dorso-lombaire ; et elle est souvent associée à

une courbure inverse de la région cervico-dorsale,

courbure compensatrice, destinée à redresser l'épaule

du côté sain. En effet, quand cette courbure compen-

satrice n'existe pas, l'épaule du côté sain est située

sur un plan .inférieur à celui de l'épaule du côté

malade.

il Une conséquence nécessaire de la scoliose est le

rapprochement de l'intervalle qui sépare la crête

iliaque du rebord inférieur des côtes. Il est presque

toujours plus facile d'apprécier le rapprochement

costo - iliaque que la déviation rachidienne.

Dans les conditions normales ! , . en l'absence de

toute affection douloureuse ou non douloureuse du

membre inférieur, le rapprochement costo-iliaque

s'effectue quand le sujet prend son point d'appui sur

une seule jambe : c'est l'attitude dite hanchée.

Le rapprochement costo-iliaque se produit forcé-

ment, dans l'attitude hanchée du côté du membre sur

lequel on s'appuie, c'est-à-dire du côté de l'inclinai-

son rachidienne. Le membre sur lequel on ne s'appuie

pas est alors plus flasque; il est plus ou moins fléchi

au niveau de la hanche et au niveau du genou; le pli

de la fesse s'abaisse, et la plante du pied repose à

terre par toute sa surface.

6° Dans la sciatique impie, l'inclinaison rachidiennes

entraîne le rapprochement costo-iliaque du côté sain;

ce rapprochement s'accompagne (comme dans l'atti-

tude normale du hanchement) d'une flaccidité rela-

tive du membre malade, c'est-à-dire du membre sur

38 CLINIQUE NERVEUSE.

lequel on ne s'appuie pas. Celui-ci est plus ou moins

fléchi au niveau de la hanche et au niveau du genou;

le pli de la fesse s'abaisse et la plante du pied repose

à terre par toute sa surface.

En dehors du mouvement instinctif d'inclinaison

vers le côté sain, qui est destiné à porter tout le poids

du corps sur la jambe saine, il existe, sans doute, une

autre cause qui favorise la déviation rachidienne :

c'est l'inaction, voulue ou instinctive des muscles

fessiers et lombaires du côté malade. En effet, à l'état

normal, l'action de ces muscles participe au rappro-

chement costo-iliaque; les premiers, dans la station

debout, élèvent la crête iliaque, les seconds abaissent

le thorax, et, nécessairement, le rapprochent du bassin.

7° Il est possible cependant que les muscles lom-

baires soient contracturés du côté malade sans qu'il

en résulte une déviation rachidienne de ce côté, et

par conséquent, sans que l'intervalle costo-iliaque

soit diminué. Cela tient à ce que la contracture de

ces muscles ne peut pas contrebalancer l'action de

tous les muscles du côté sain, lesquels agissent

énergiquement de façon à incliner le tronc de leur

côté.

8° La persistance de la scoliose croisée, quand le

malade est guéri, doit être rapportée à une contraction

permanente des muscles sains, comparable, àbeaucoup

d'égards, aux spasmes dits fonctionnels. Il est possible

que le spasme en question se complique, à un moment

donné, de rétractions tendineuses; de cette façon,

l'attitude vicieuse deviendrait irrémédiable. Mais il

s'agit là, jusqu'à plus ample informé, d'une hypo-

thèse.

DES SCOLIOSES DANS LES NÉVRALGIES SCIATIQUES. 39

9° Tandis que la scoliose croisée est produite par

la contraction des muscles du côté sain, la scoliose

homologue est produite par la contracture des mus-

cles du côté malade. La contracture, dans les cas de

ce genre, n'est pas limitée aux muscles innervés

par le nerf sciatique ; elle s'étend, dans la région laté-

ralè du tronc, aux muscles innervés par les branches

du plexus lombaire. Il s'agit d'ailleurs plutôt d'une

névralgie lombo-sacrée que d'une névralgie sciatique

proprement dite. Le spasme musculaire peut être assi-

milé à celui de certaines autres névralgies (celle de la

cinquième paire ou du nerf circonflexe, etc.)

Dans cette variété de scoliose, tous les muscles

innervés par les plexus lombaire et sacré, ne sont pas

nécessairement et également contracturés. Mais il

résulte du spasme des principaux d'entre eux, que le

bassin et le thorax se rapprochent l'un de l'autre : la

colonne vertébrale s'incline du côté malade, le rebord

costal du même côté s'abaisse vers la crête iliaque;

la cuisse est légèrement fléchie sur le bassin, et la

jambe sur la cuisse. La douleur spasmodique de tout

le membre inférieur rend à peu près impossible la sta-

tion debout et, à plus forte raison, la marche.

Si le malade veut marcher, il prend l'attitude han-

chée. Donc ici, comme dans le cas de névralgie spas-

modique, l'attitude hanchée diminue l'intervalle costo-

iliaque du côté sain, mais la contracture des muscles

lombaires diminue encore davantage l'intervalle costo-

iliaque du côté malade.

Le sujet penche du côté malade, il ne peut s'appuyer

sur ce côté. L'équilibre dans la station debout devient

donc impossible; il peut être rétabli cependant, à la

40 CLINIQUE NERVEUSE.

condition que le malade porte la plus grande partie

de son poids sur le côté sain, en faisant proéminer s3

hanche saine en dehors de la ligne verticale qui passe

par la plante du pied du côté sain.

10° Enfin, dans les cas où le spasme musculaire est

limité aux muscles du membre inférieur et ne s'étend

pas aux muscles de la région lombaire, la scoliose

est croisée, comme dans les sciatiques non spasmo-

diques.

UN CAS D'ABASIE-ASTASIE SOUS FORME D'ATTAQUES

(attaque ABASIQUE)

Par le D' LADAME (de Genève) '.

En février dernier, M. le professeur Charcot me fit

voir dans son service à la Salpêtrière un cas de cette

singulière affection qu'il a décrite et qui a été désignée

par le Dr Blocq 2 sous le nom d'astasie-abasie. Le malade,

qui fut présenté par M. Charcot dans une de ses leçons

cliniques \ n'offrait aucun trouble de la sensibilité ni

de la motilité dans les organes de la locomotion, et

cependant il lui était impossible de marcher normale-

ment. Pas trace deparésie des jambes ni d'ataxie loco·

motrice. Tous les mouvements parfaitement normaux.

Les réflexes rotuliens de même. Le malade saute à

pieds joints, court à « quatre pattes », monte sur une

1 Ce travail a été déposé aux Archives'de Neurologie, le 2 août 1889.

1 P. Blocq. Sur une affection caractérisée par de l'abasie et de l'as-

tasie [Archives de Neurologie, n° 13, janvier 1888, p. 24 et n° 4, p. 187).

1 Charoot. -Abasie forme trépidante, etc. Leçons du Mardi, 1888-80.

Leçon du 5 mars 1889.

UN cas d'abasie-astasie. 41

chaise,' fait très bien les mouvements de natation,

marche à grands pas, comme un acteur de mélodrame,

en un mot, a conservé toutes les allures, sauf la

marche vulgaire, normale.

Ce cas m'avait beaucoup intéressé et par une coïn-

cidence bizarre, peu de temps après mon retour à

Genève j'avais l'occasion d'observer aussi un malade

astasique-abasique, qui diffère par quelques particu-

larités des treize cas dont on a publié jusqu'ici les

observations ?

L'histoire de ce malade, qui me consulta en mars

1889, est toute une odyssée.

X... est un homme âgé aujourd'hui de cinquante-quatre

ans et qui a passé treize ans de sa vie à voyager sur l'Ama-

zone et dans la Cordillière, tantôt sur le fleuve immense,

souffrant de privations de toute espèce sous un climat chaud et

humide, tantôt parcourant les montagnes neigeuses, passant

ainsi sans transition des .plus grandes chaleurs aux plus

grands froids. Alimentation le plus souvent tout à fait

insuffisante : le malade couchait généralement à la belle

étoile. Il a failli mourir en maintes circonstances. Il eut deux

atteintes de fièvre jaune, une dysentérie et plusieurs fois des

fièvres paludéennes qui l'avaient réduit à la dernière extrémité.

Il y a vingt-cinq ans, en 1864, le malade ressentit pour la

première fois, en faisant de la haute voltige sur un cheval,

un malaise subit, pareil à ceux qu'il eut si souvent dès lors.

C'est une espèce de vertige avec angoisse, grande pâleur

de la face et sentiment de défaillance, comme s'il allait

mourir. Quelques jours après ce premier malaise, marchant

très rapidement avec des Indiens comme guides, dans une

forêt vierge, il ressentit soudain les mêmes symptômes. Tout

à coup, il reçut un choc dans la tête et ne put plus marcher.

Il dut s'asseoir sur l'herbe, très angoissé, ne pouvant plus se

relever. de fis, dit-il, des efforts surhumains pour me relever

. Voir en particulier les Leçons sur un cas d'hystérie niale avec astasie-

abasie, par le professeur Grasset, recueillies par L. Bourget, (Olottpellier

médical, mars 1889).

42 CLINIQUE NERVEUSE.

et me remettre en route, car les Indiens avancent très vite et

n'attendent personne. Mais j'étais comme paralysé et je sen-

tais mes mains se tordre nerveusement. Je voulais crier, mais

je m'aperçus que je ne pouvais plus articuler, le son de ma

voix sortait à peine distinct de la gorge.»

Il est à remarquer que jamais ces crises vertigineuses ne

sont accompagnées de perte de connaissance. La conscience

reste parfaitement lucide, pendant toute la durée de l'accès.

Mais revenons à la description du premier accès. Le malade

ne resta cependant pas longtemps couché sur l'herbe. Au bout

de quelques minutes, il put se relever et comme les Indiens

étaient déjà très loin et que M. X... craignait de se perdre

dans la forêt, il fit de violents efforts et se mit à marcher,

d'abord très péniblement et croyant à chaque instant qu'il ne

pouvait plus aller, puis après une abondante transpiration,

d'un pas rapide. Une heure après, il avait rattrappé les Indiens.

Il put alors continuer son voyage à pied, marchant facile-

ment et rapidement. Ce voyage, qui dura encore cinq jours,

avait lieu dans les forêts vierges, par des chemins épouvanta-

bles, ou plutôt sans chemins du tout les Indiens, devant se

frayer la route devant eux.

Je suis entré dans quelques détails en décrivant ce premier

accès, parce que les particularités qu'il offre à notre attention

me paraissent très importantes pour l'explication de l'origine

essentiellement psychique de l'affection dont souffre actuelle-

ment notre malade. On peut dire que depuis ce premier accès

il a conservé la suggestion de l'impossibilité de la marche,

comme nous allons le voir.

Le malade attribue lui-même l'origine des troubles dont il

est atteint à une faiblesse génitale qui date précisément de

l'époque du premier accès et dont il ne se remit jamais. Peu

de temps auparavant il avait eu un chancre mou, avec bubon

dans l'aine, mais sans aucune autre suite fâcheuse.

Depuis ce temps-là, dit-il, je n'ai plus été le même. Ma cons-

titution a été fort affaiblie par un traitement antisyphilitique

violent qui me fut prescrit et qui a été reconnu plus tard com-

plètement inutile par tous les médecins que j'ai consultés.

M. X... se rappelle avoir souffert de coups de soleil légers,

étant à cheval, mais jamais il n'a fait de chute sur la tète.

Pendant plusieurs années, quatre ans environ, il n'eut plus

d'attaques, mais en 1869, étant à cheval et faisant de nouveau

UN cas d'abasie-astasie. 43

de la voltige, les mêmes symptômes se déclarèrent : C'est

comme si je perdais subitement le contrôle de mes membres,

par manque de sang, car je deviens très pâle,» dit-il lui-même.

Quelques jours après ce vertige, marchant tranquillement

dans la rue, un accès subit le prit. Il fut soudain incapable

de faire un pas et sentit que lorsqu'il voulait s'efforcer de

marcher, ses jambes menaçaient de se dérober sous lui. A.

partir de ce moment il ressentit des douleurs aiguës, sem-

blables à de violentes névralgies, surtout au talon. Ces dou-

leurs arrivaient brusquement, à la manière des douleurs

fulgurantes et s'éteignaient lentement et progressivement,

après quelques jours. Un traitement par l'électricité améliora

beaucoup la situation. Les douleurs devinrent moins fréquentes

et moins violentes. Elles durèrent toutefois pendant plusieurs

années. Dès lors le malade perdit de plus en plus l'aptitude

de marcher.

Depuis bien des années M. X... ne peut marcher plus de quel-

ques centaines de pas sans être pris soudain d'un accès d'astasie

abasie. Une faiblesse angoissante l'envahit; il doit s'arrêter

et s'il ne s'asseyait pas de suite, il tomberait à terre. S' il se

force quand même à marcher, lorsqu'il sent venir les pre-

miers symptômes, il reçoit comme un coup de marteau dans

la nuque et se ressent de cette douleur pendant plusieurs

jours, chaque fois qu'il tente de faire quelques pas. Aujour-

d'hui le malade ne peut pas faire une cinquantaine de pas

sans être pris de son accès.

M. X..., qui est très intelligent, se rend très bien compte de

ses sensations, et raconte en ces termes ce qui se passe alors

en lui :

J'ai de ces coups parfois, comme si c'était le sang qui s'arrê-

tait contre un obstacle, parfois je ne sens pas cette action du sang,

mais simplement un fort choc. Je deviens moins pâle et moins

faible alors que dans le premier cas.

Lorsque je suis assis et couché, je suis parfaitement bien, mais

si je marche ou reste debout quelques miuutes, ou si je parle

longtemps, et surtout avec animation, je pâlis, et il faut vite que

e trouve un siège pour m'asseoir et que je cesse de parler. Dans

ce dernier cas, je perds l'usage de la parole jusqu'à ce que je me

sois reposé. Je mange bien, je dors bien, et autrement je me porte

bien. Je suis fort et robuste et j'ai toutes les apparences de la

santé.

J'ai eu pendant longtemps, mais pas constamment, des dou-

eurs au dos, douleurs rongeantes dans la région lombaire supé-

44 CLINIQUE NERVEUSE.

rieure, qui m'empêchaient de rester assis longtemps. Elles me

quittaient dès que je circulais.

Il y a longtemps que je ne transpire plus. Lorsque je marche

un peu et que je commence à me fatiguer, sans recevoir les chocs

dont j'ai parlé plus haut, mes jambes s'alourdissent et j'en traîne

une plus que l'autre. Il m'est impossible de faire actuellement

trois pas sur un cheval ; je perdrais connaissance.

Je sens une douleur à la nuque et à l'occiput (cervelet) jus-

qu'au sommet de la tête, et lorsque je suis au lit, le matin, il me

semble que ma tête est de plomb. La tête me tire à la partie posté-

rieure et me fait mal, comme si le vide se faisait en dedans, sur-

tout à la naissance de la nuque, lorsque je marche quelques pas

de trop.

A deux reprises différentes, en 1876 et 1883, je me suis mis

tout à coup à remarcher. Cette faculté m'est revenue je ne sais

comment et a disparu soudainement de nouveau sans cause appa-

rente.

Je questionnai le malade sur les circonstances qui accom-

pagnèrent cette reprise passagère de la marche, et il m'apprit

que c'était après avoir été durant trois heures debout dans

un wagon de marchandises, sans ressorts, et secoué à tel

point qu'il pouvait à peine se tenir debout et qu'il lui était t

impossible de s'asseoir. Immédiatement après, en descendant

de -wagon, il fit trois kilomètres à pied, sans aucune fatigue.

Le lendemain il put marcher toute la journée et se croyait

guéri; il se remit en route le surlendemain, mais il n'avait

pas marché vingt minutes qu'il reçut son choc et dut s'arrêter.

L'année dernière, après une cure d'hydrothérapie, système

Preissnitz, suivie pendant deux mois, il put marcher vingt-

deux minutes de suite. « Mais, dit-il, les crises amenées par

l'eau sont venues et je n'ai plus pu marcher que deux à

cinq minutes. » Je continue de citer sa propre description qui

offre un certain intérêt et permet de se rendre compte de

son état d'esprit.

Je n'ai pas perdu l'usage de mes facultés, écrit-il. Seulement,

je ne peux pas écrire longtemps sans devenir nerveux et sans

perdre alors la facilité de tenir ma plume. Ma main se tordrait

si je continuais. Lorsque je lis longtemps les yeux me tirent. J'ai

toujours froid aux pieds. Depuis dix mois je suis le régime de

Priessnitz, bains, bandages. J'ai maigri un peu, mais je ne sens

point de progrès pour la marche quoiqu'on s'y attendît et qu'on

s'y attende encore.

Remarquons ces derniers mots qui me paraissent caracté-

UN CAS d'abasie-astasie. 45

ristiques pour juger de l'état mental du malade. Ce n'estpas lui

qui s'attend à une amélioration de sa marche. Il a l'auto-sug-

gestion qu'il ne peut pas marcher. C'est son entourage qui

compte sur cette amélioration. 11 va sans dire que tant que le

malade sera sous l'empire de cette suggestion il ne pourra

pas marcher. -La violente trépidation du chemin de fer avait

suffi, il y a treize ans, pour lui ôter momentanément la sug-

gestion et il put marcher de nouveau sans peine, jusqu'au

moment où elle reparut dans une circonstance qui nous

échappe, parce que le malade n'y a prêté aucune attention.

Etat actuel le 21 mars 1889. -Homme de grande taille, bien

bâti, aux allures martiales, se tenant droit, la tête haute.-

Physionomie intelligente. Grande barbe blanche qui lui

donne un air beaucoup plus âgé que ses cinquante-quatre ans.

Vue excellente, le malade est un tireur habile. Aucun

trouble quelconque dans les nerfs craniens.-Pupilles nor-

males, réagissant très bien à la lumière et à l'accommodation.

Intégrité absolue de tous les modes de la sensibilité sur toute

la surface de la peau. -Jamais aucun trouble des sphincters.

Appétit et digestions normales. Poumons, coeur et organes

abdominaux parfaitement normaux. La percussion du crâne

n'est nulle part douloureuse. Réflexes rotuliens absolument

normaux. Pas de clonus du pied. Parole élégante et facile,

jamais aucune hésitation ni achoppement des syllabes. -Pas

de phénomène de Romberg. -Les yeux fermés, le malade

marche dans sa chambre et va directement au but, comme

s'il avait les yeux ouverts.

S'il y a eu amaigrissement du tissu adipeux sous-cutané, il

n'y en a pas des muscles. - Au contraire, le malade est très

fortement musclé, surtout des bras et des jambes. Il serre

également bien des deux mains.-Tous les mouvements des

extrémités supérieures et inférieures se font parfaitement bien

et avec force. Pas trace de parésie ni d'ataxie. Réflexes cutanés

normaux. Les réflexes plantaires ne sont pas exagérés. Nulle

part des zones d'hypéresthésies.

Je fais marcher le malade devant moi. Il va et vient

quelques tours dans la chambre, puis soudain s'arrête, comme

cloué sur place et trépigne sans pouvoir avancer.

Au moment où il s'arrête en frappant des pieds sur le sol,

il lève ses bras en l'air et renverse un peu la tête, comme s'il

46 CLINIQUE NERVEUSE.

venait de recevoir un coup inattendu sur l'occiput. Aussitôt il

cherche un siège car, dit-il, s'il forçait et voulait continuer à

se tenir debout, il ne tarderait pas à se laisser choir. S'il tente

de marcher encore, les pieds trépident sans se détacher du

sol, comme si le malade était atteint de paraplégie spasmo-

dique. - M. X... ne peut plus sortir qu'en voiture, les accès

de ce genre le prenant fréquemment en rue. Au moment de

l'attaque, il devient très pâle.

Nous n'ajouterons que quelques mots à la description

ci-dessus. Le tableau de la maladie nous paraît suffi-

samment clair pour qu'il n'y ait aucune hésitation sur

le diagnostic. Il ne s'agit évidemment pas d'une affec-

tion organique des centres nerveux, car nous n'avons

pu déceler chez le malade aucun des signes objectifs

permanents qui accompagnent les lésions cérébrales

ou spinales. En outre, la marche de la maladie, ainsi

que les accidents étranges que nous avons relevés

chemin faisant, ne laissent aucun doute à cet égard.

Nous rappellerons seulement cette circonstance cu-

rieuse que le malade a été subitement guéri et a pu mar-

cher normalement, après avoir été atrocement secoué,

trois heures durant, étant forcé de se tenir debout dans

un wagon de marchandises. On conçoit sans peine

"

à quel point une maladie organique des centres ner-

veux eût été aggravée dans de semblables conditions !

La plupart des observations d'abasie rapportées par

les auteurs concernent des hystériques; aussi le tableau

symptomatologique de ce mal nouveau offre-t-il déjà

de grandes variétés, malgré le petit nombre d'obser-

vations connues. M. Blocq distingue trois formes,

selon que les fonctions sont amoindries, abolies ou

troublées, et chacune de ces formes peut exister sous

de nombreuses variétés. M. le professeur Grasset, a

UN cas d'abasie-astasie. - 47 Î

repris les onze observations du mémoire de M. Blocq et t

les a ramenées à trois types bien distincts ; ceux de la

faiblesse, de l'incoordination et des mouvements cadencés

(à forme de chorée rythmée). M. Charcot propose la

division suivante : 0

,, . paralytique ,

Abasie 1 paralytique trépidante

Ahasie ataxiquo trépidante

( chorei forme

Notre observation ne rentre ni dans l'une ni dans

l'autre de ces classifications, et il faut créer pour elle

une catégorie nouvelle, car si on peut l'appeler une

abasie trépidante, on ne peut pas la ranger parmi les

ataxiques, puisque le malade n'offre aucune trace d'in-

coordination dans ses mouvements de locomotion. La

variété d'abasie dont il est atteint est surtout caracté-

risée par le choc subit inhibitoire qui l'arrête net

dans sa marche. C'est une abasie sous forme d'attaques.

Bien que notre malade ne possède aucun des stig-

mates habituels de l'hystérie, nous nous croyons cepen-

dant autorisé à ranger son affection sous la rubrique

de l'hystérie, en raison surtout des accès de mutisme

dont il a été atteint à maintes reprises.

Nous n'avons pas assisté à l'un de ces accès, mais

la description qu'il nous en a faite correspond exacte-

ment à celle du mutisme hystérique, qui se caracté-

rise, comme on sait, par le début soudain, l'impossibi-

lité de crier ou de parler, la conservation parfaite de

l'intelligence et le retour subit de la parole, parfois

avec un peu de bégaiement pendant un certain temps.

Notre cas prouve une fois de plus que l'abasie

n'est point une maladie distincte, sui generis, mais

bien un syndrome de la grande névrose protéiforme

48 CLINIQUE NERVEUSE.

qui s'appelle l'hystérie, à moins qu'elle ne soit le symp-

tôme d'une affection organique du système nerveux.

A côté de toutes les variétés connues d'attaques

hystériques, syncopale, épileptoïde, démoniaque, de

délire, de contractures, de sommeil, de catalepsie,

etc., il faudra donc ranger désormais cette forme

nouvelle, l'attaque abasique, dont nous pensons avoir

démontré l'existence par l'observation que nous venons

de rapporter.

Je ne terminerai pas cette note sans témoigner à

M. le professeur Charcot tout ma gratitude pour l'ama-

bilité avec laquelle il m'a toujours reçu, dans son

service de clinique, où l'on trouve tant de sujets

d'études qui, sous la haute direction du maître, ont

donné naissance, depuis plus de vingt années, aux

beaux travaux de l'école célèbre de la Salpêtrière.

RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-

DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES * ;

Par M. le Dr AZICHEG CATSARAS,

Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes, Médecin de l'asile de Dromoeditis.

V. -ANATOMIE Pathologique.

Après avoir exposé tout au long quel est l'agent

pathogène qui sert d'embolus, de quoi est-il consti-

tué ? en d'autres termes, après avoir étudié l'embolie

en elle-même il nous reste à en étudier les effets.

La suite immédiate de l'embolie eazeuse est la

' Voir Archives de Neurologie, n° 47, p. 145; n° 48, p. 246; n° 49, p. 22

n° 50, p. 225; n° 51, p. 392; n° 52, p. 80; n° 53, p. 20,.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 49

diminution ou la suspension totale de l'afflux sanguin

du territoire organique alimenté par l'artère où l'em-

bolus est arrêté, c'est-à-dire l'ischémie ou l'anémie.

Les phénomènes ultérieurs diffèrent suivant la durée

et la compensation de l'ischémie faite par la circula-

tion collatérale. Si l'embolie est transitoire ou bien

si la circulation collatérale est suffisamment compen-

satrice, l'afflux sanguin se rétablit au territoire cor-

respondant à l'artère embolisée, l'ischémie disparait

et l'embolie n'a pas de suites anatomiques. Dans le

cas contraire, l'ischémie persiste et des lésions orga-

niques se produisent dans le tissu embolisé.

La première altération est la nécrobiose, la mort

locale. On rencontre alors des foyers de ramollisse-

ment : comme preuve, nous rapportons une observa-

tion contenue dans la thèse de M. N. Chabaud rela-

tive à un ouvrier mort d'un accident spinal survenu

par l'emploi des cloches à air comprimé. La voici :

24 août 1880, dans le service de M. le professeur Cunès, s'est

affaissé hier matin en sortant du caisson. Au moment de son ad-

mission : prostration très grande, dyspnée, râles sibilants dans toute

l'étendue de la poitrine; douleur très vive à l'hypogastre, s'exas-

pérant par la pression; matité dans la même région; n'a pas

uriné depuis l'accident. T. 38°,2 ; membres inférieurs paralysés et

insensibles. Traitement. Lavement purgatif, ventouses scarifiées,

cathétérisme qui donne issue à 600 grammes d'urine.

25. - liypéresthésie des téguments du tronc; l'urine contient

de l'albumine. La sensibilité reparaît d'une façon très obtuse, à

la partie supérieure des membres abdominaux. T. 38 ? Acci-

dents thoraciques améliorés. - Traitement. Deux verres de Sed-

lilz ; bromure potassique ; ventouses scarifiées ; on tente la fara-

disation le long de la colonne vertébrale.

26. - La sensibilité reparait jusqu'à la partie moyenne de la

jambe ; plus d'albumine dans les urines. Traitement. Eau de

Sedlitz, lavements purgatifs, six. ventouses scarifiées, bromure.

27.-Nuit : on extrait 700 grammes d'urine par le cathétérisme;

Archives, t. XIX. 4

50 . CLINIQUE NERVEUSE.

fourmillement dans les membres inférieurs ; sensibilité augmen-

tée. Lavement purgatif et bromure. ·

28.- Langue sèche râpeuse, yeux cernés, dents fuligineuses sen-

sibilité recouvrée, transpiration abondante. T. 38°,8, mobilitéencore

abolie, mais faibles contractions du triceps fémoral. Bromure.

29. '- Dyspnée intense, sensibilité émoussée, douleurs fulgu-

rantes dans les membres inférieurs ; douleurs en ceinture au

niveau de l'hypocondre. T. 38°,4. Bromure.

30.-Tympanisme abdominal; saillies considérables de l'in-

testin au creux épigastrique ; l'urine contient des phosphates.

T. 38°,8, selles involontaires, m. p., deux cautères.

31 - Sensibilité moins émoussée, va mieux. T. 38°,2. Bro-

mure, pilules au tannin.

1er septembre.- 1,150 grammes d'urines en quinze heures par le

cathétérisme. T. 37°,8, m. p.- Le 2. Somnolence ; douleurs en

ceinture. T. 38°,6. Le 3. Rémission légère des symptômes,

deux selles involontaires et non perçues. T. 39°,9. Le 4.

Cinq selles involontaires dans la nuit; plaie de position au niveau

du sacrum. T. 38°. l,f00 grammes d'urine dans les vingt-quatre

heures par le cathétérisme ; muco-pus ; balano-posthite et uré-

thrite légères ; m. p.

Le 6 septembre. Sensibilité revient ; souffre moins. T. 39°,8.

Gonflement de l'articulation tibio-tarsienne droite ; la plaie du

sacrum s'est élargie; m. p. -Le 7. Quatre selles involontaires,

T. 38°,7. Sulfate de quinine, 0, 60 ; séance de faradisation. Le 8.

Urine seul, mais involontairement. La plaie du sacrum s'élargit

encore. T. 38°. Potion tonique.

Le 9. Douleurs en ceinture; l'eschare s'élimine ; incontinence

d'urine, qui, à l'analyse, est très alcaline et présente du muco-

pus et une forte proportion d'albumine. T. 38°,9, m. p., sans fa-

radisation. Teinture de noix vomique : dix pilules.

Le 10. Se sent mieux. T. 38°,2.- Le 11. Même état, temp. nor-

male.Le 12. T. 400,4. - Le 13, matin. T. 37°,2 ; mieux sensible.

Le soir : T. 40°,4, frissons violents suivis de sueurs abondantes.

Le 14. Abattements profonds ; la pression de l'abdomen

provoque la sortie de matières fécales. T. 39°,6. m. p. plus : ergo-

tine de Bonjean.- Le 15. L'eschare gagne en profondeur. Le

relâchement des sphincters (anal et vésical) persiste. T. 39°,2.

m. p., alcoolature d'aconit grammes. - Le 17. T. 40°,2.

Le 23. L'appareil de Gaiffe ne peut réveiller la contractibi-

lité musculaire. Les mouvements réflexes des membres inférieurs

ont totalement disparu. Muscles athrophiés, m. p. Le 24.

Fièvre intense (somnolence). meurt le 26, à minuit.

Autopsie. On trouve dans tous les organes un sang difiluent

et acide et un ramollissement dans la substance grise de la moelle,

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 51

au niveau du renflement lombaire et sur une étendue de deux

centimètres et demi, ainsi que vers la partie inférieure de la por-

tion dorsale qui présente une coloration rosée.

Avec beaucoup de peine nous sommes parvenu à obte-

nir une paralysie permanente chez un chien afin d'étudier

les altérations du tissu embolisé. En'voici l'expérience :

Expérience (5 mai 1885). Chien pesant 10 k., 225. A 2 h. 22,

neuvième immersion ; 24 brasses de profondeur; trente minutes de

séjour; une demi-minute de décompression. - A 3 h. 5, l'animal

commence à traîner sa patte postérieure gauche. A 3 h. 20, la

paralysie de lamotilité de cette patte est complète ; la sensibilité est

obtuse du même côté ; pas de paralysie rectale ou vésicale; pas de

distension gazeuse de l'estomac ou de l'intestin; l'animal ne rend

pas de gaz par les orifices du canal digestif. Pas d'autres troubles.

Ce chien est resté paralysé deux mois et demi, traînant toujours

sa patte gauche qui paraissait longue, manifestement roide,

agitée fréquemment par un tremblement qui ressemblait à un

frissonnement très fort. Réflexes très exaltés. Vers le troisième

mois, l'animal commence à récupérer la motilité de sa patte. Dès

ce moment, l'amélioration faisant des progrès remarquables, je

tue l'animal par l'ouverture du thorax et procède à l'autopsie.

Moelle. Des coupes transverses montrent au cordon latéral

de la moitié gauche du tiers moyen de la région dorsale un grand

foyer légèrement coloré en gris jaunâtre ; il n'y a pas trace d'hé-

morrhagie. Au-dessous de cette région, on voit une dégénérescence

descendante du cordon pyramidal gauche nettement se dessiner

par sa coloration grisâtre et ses limites caractéristiques.

Au microscope, on s'aperçoit que ce grand foyer est pour ainsi

dire constitué par des petits foyers de nécrobiose caractérisés par

le ramollissement et la régression granulo-graisseuse des éléments

histologiques de cette région de la moelle. Au centre de ces

foyers, on trouve le maximum d'intensité de la lésion ; là, les élé-

ments nerveux sont complètument dégénérés et réduits en granu-

lations. Vers la périphérie, surtout de la lésion, on distingue les

signes d'une myélite, les tuniques des vaisseaux se sont épaissies

et le tissu conjonctif en prolifération. 11 n'y a pas trace d'hémor-

rhagie. Le faisceau pyramidal gauche présente les altérations

classiques de la dégénérescence descendante, à savoir une lésion

scléreuse caractérisée par l'atrophie considérable et la disparition

du plus grand nombre des tubes nerveux et par la prolifération

du tissu conjonctif qui est devenu fibrillaire. On constate des corps

granuleux très nombreux. 11 est à noter qu'on distingue çà et là

un certain nombre de tubes nerveux restés intacts au milieu du

52 ' CLINIQUE NERVEUSE. -

tisssu sclérotique ; il m'a été impossible de découvrir les « Ei1wissen

in die Substal1z » de Leyden.

On a pu voir qu'un des premiers phénomènes qui

succèdent à l'interruption du cours du sang est la

mortification, le ramollissement résultat de la sus-

pension du processus nutritif dans les parties alimen-

tées par l'artère oblitérée. Est-il nécessaire d'affirmer

que ces légers signes de myélite que nous avons

constaté dans la moelle de notre chien tiennent

à un travail inflammatoire qui s'est développé au pour-

tour des parties lésées. C'est certes un processus irri-

tatif absolument secondaire. Notre cher et éminent

maître, le professeur Jaccoud, avait donc raison

d'appeler déjà en 1863 l'attention sur l'origine isché-

mique probable de certains ramollissements blancs

que l'on rapporte à la myélite chronique. Le profes-

seur Hayem, dans son beau travail, fait remarquer

aussi que la science n'est pas encore définitivement

fixée sur la question de savoir si tous les ramollisse-

ments de la moelle sont de nature inflammatoire.

Dans le. travail de M. Friedrich Schultze' est relatée

en détail une fort intéressante autopsie d'un ouvrier

tubiste mort des suites d'un accident spinal que je

reproduis textuellement ici :

« Le malade dont il s'agit était occupé, le 11 juin 1878, pour le

forage d'un puits, auprès de Griesheim, non loin de Darmstadt,

et avait travaillé dans un caisson d'abord sous la pression d'une

atmosphère, plus tard sous celle de deux atmosphères, et du 18

au 26 juillet, sous la pression même de trois atmosphères. Au cours

de ce travail, le malade robuste, toujours bien portant et jamais

syphilitique, a été atteint une seule fois en sortant du caisson, des

'Zur kenntuiss der nach Einwïrkung pl6tz lich erniedrigten L21ftdrisclcs

eintretenden Rùckenmarks affeclionen, nebst Bemerkungn üGer die seClln-

dllre Degeneratioa,

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 53

douleurs dans les oreilles, ce qui arrive souvent à ceux qui travail-

lent sous l'air comprimé (bon nombre d'autres ouvriers tubistes

souffrent de douleurs dans les muscles, surtout des bras et des

cuisses et quelquefois du dos, les articulations étaient toujours

libres- d'autres troubles faisaient défaut, ces douleurs disparais-

saient habituellement après deux ou trois jours si le malade ne

continuait pas le travail dans l'air comprimé). Après une longue

interruption, il a repris de nouveau son travail dans le caisson au

commencement du mois d'août : le temps du travail était habi-

tuellement de six heures; la pression variait de une à trois et deux

dixièmes d'atmosphère , une fois même le malade a travaillé

pendant dix-huit heures, avec de très brèves interruptions, sous

la pression d'une atmosphère et six dixièmes sans accident. Qua-

torze jours plus tard, immédiatement après sa sortie du caisson

dans lequel il avait travaillé sous la pression de trois atmosphères

et deux dixièmes pendant six heures de suite jusqu'à minuit, l'ou-

vrier a été atteint de douleurs dans les articulations des pieds,

vingt minutes après, survint- une paralysie complète des membres

inférieurs, au point que la marche et la station étaient devenues

impossibles. Son état ne s'étant pas du tout amélioré jusqu'au

24 août, le malade a été transporté à l'hôpital civil de Darmstadt.

Ici, M. le Dr Saeger a constaté ce qui suit : paralysie com-

plète motrice des deux membres inférieurs et incapacité du patient

de s'asseoir ; en outre, paralysie de la vessie et du rectum, une

diminution considérable de la sensibilité jusqu'au niveau de l'om-

bilic. La nuque et les vertèbres dorsales étaient très sensibles au

mouvement et au contact. Bientôt le décubitus, la cystite et la

pyélite se développent, et deux mois et demi après l'accident, ils

amènent la mort. Au coursde la maladie, lasensibililé des membres

inférieurs était décidément améliorée. La paralysie motrice, au

contraire, était restée essentiellement dans le même état ; en ce

qui concerne les réflexes tendineux et l'atrophie musculaire, il.

n'en est pas fait mention.

L'autopsie, microscopiquement, n'a montré rien d'anormal. La

moelle ayant été durcie dans une solution d'acide chromique,

5 p. 100 m'a été envoyé pour l'examen détaillé au commence-

ment de novembre 1878. L'examen anatomique des autres organes

n'avait montré rien d'extraordinaire ; le cerveau a paru intact.

J'ai trouvé la moelle épinière un peu plus durcie, du reste, très

propre à l'examen.

Le maximum d'altération avait pour siège la région dorsale infé-

rieure ; elle commençait un doigt environ au-dessus du renflement

lombaire et allait jusqu'au milieu de la région dorsale et un peu

au delà. Les cordons latéraux surtout sont décolorés.irrégulière-

ment en îlots blanchâtres ; la substance grise en apparence nor-

male est nettement délimitée. Dans quelques endroits de la région

54 CLINIQUE NERVEUSE.

dégénérée, dans les cordons postérieurs et dans les parties posté-

rieures, il y a une régression granuleuse et leur substance paraît

fragile. Les coupes transverses de cette région montrent des foyers

de dégénérescence décolorés, tantôt dans les cordons postérieurs

seulement et tantôt aussi, dans l'un ou l'autre des cordons laté-

raux en diverses combinaisons et de formes diverses. En général,

l'examen microscopique présentait donc essentiellement le tableau

d'une dégénérescence disséminée des cordons blancs de la région

dorsale de la moelle ou d'une leucomyélite dorsale disséminée.

Au-dessous du niveau du renflement lombaire se dessinait la

dégénérescence typique des cordons pyramidaux ; en haut, vers la

région cervicale, il y avait une dégénérescence descendante des

cordons de Goll et des faisceaux cérébelleux des cordons latéraux.

Au microscope, la pie-mère et l'arachnoïde se présentent nor-

males ; on ne trouve pas de cellules granuleuses dans la moelle

épinière, même dans les préparations par le potassium et la glycé-

rine. Aucune coupe ne fait voir la destruction complète de toute

la substance nerveuse, et par conséquent, il n'y a pas de myélite

transverse dans le sens étroit du mot; les cordons antérieurs, aussi

bien que la plus grande partie des cordons latéraux, et les cordons

postérieurs portent des fibres nerveuses qui ne présentent rien

d'anormal. Il va sans dire que dans les foyers qui, déjà à l'oeil

nu présentaient comme des sièges de lésion profonde, on constate

une disparition complète des éléments nerveux à la place desquels

on voit un amas, vaguement circonscrit, de cellules transparentes

avec de fines granulations et un ou plusieurs noyaux ayant la

grosseur des cellules granuleuses situées les unes auprès des

autres. Les vaisseaux surtout des parties périphériques des cor-

dons latéraux, aussi bien que des parties secondairement dégéné-

rées sont en grande partie endurcis à un degré très élevé.

La substance grise de la région cervicale et lombaire est intacte.

A la région dorsale seulement et même d'un côté, un endroit

bien limité se trouve dégénéré. Aux limites des cornes antérieures

et postérieures, au niveau de la commissure blanche parait un

foyer circonscrit constitué par un tissu dense, visqueux ; au pour-

tour de quelques vaisseaux plus grands se trouve une substance

assez étendue et granuleuse, privée de cellules et de noyaux à peu

près analogue à la granular désintégration de Lockhart Clarke. On

ne rencontre nulle part ni extravasation, ni pigment du sang, ni

hématoïdine, etc., etc.

Pour moi, il n'y a pas de doute qu'il s'agit dans le

cas de M. Schultze des foyers limités de nécrobiose

ischémiques, disséminés et caractérisés par le ramol-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 55

lissement et la dégénérescence granuleuse. L'anémie

et le ramollissement spinal par l'emploi des sca-

phandres est tout à fait comparable à l'anémie et au

ramollissement expérimental de Panum, Vulpian,

Cohn et Feltz, qui par l'injection de poudres très

fines sont parvenus à oblitérer un certain nombre

d'artères spinales et à priver ainsi de sang artériel

tout un segment de moelle. L'ischémie spinale par

embolie est déjà aussi établie par la clinique. A preuve,

par exemple, les faits de Furkvell et de Leyden :

Dans le premier cas, il s'agit d'un jeune homme mort

d'une maladie du coeur, chez lequel Morgagni a montré

un ramollissement central de la moelle dorsale et au

milieu de la lésion une artère oblitérée. Les faits de

Leyden sont relatifs à des embolies capillaires chez

des sujets atteints et morts d'endocardite ulcéreuse.

Un autre phénomène qui succède à l'interruption

du cours du sang est l'hémorrhagie due à l'intensité

de l'hyperhémie collatérale. Sous l'influence de l'aug-

menfation de la pression, les vaisseaux se dilatent et

dans un bon nombre de cas quelques rameaux se

rompent. Il est rare, contrairement à l'opinion de

Blanchard, que la distension des vaisseaux par les

gaz, produise directement l'hémorrhagie. Il résulte

de mes expériences. que les hémorrhagies sont beau-

coup plus graves et plus fréquentes au cerveau qu'à la

moelle, et plusieurs fois, elles se rencontrent au cer-

veau sans qu'il y en ait trace à la moelle. La meil-

leure preuve de ce fait est fournie par le chien de

l'ExPÉRIENCE I, chez lequel on trouve six grands et

quatre petits foyers hémorrhagiques au cerveau et

rien à la moelle malgré la grande quantité de'bul-;

56 CLINIQUE NERVEUSE.

lettes de gaz que l'on y voit emboliser ses vaisseaux.

Les belles recherches de Duret et de Heubner ont

bien démontré la division en territoires artériels dis-

tincts, la présence d'artères terminales, dont l'obtu-

~ration est fatalement et rapidement suivie d'une con-

gestion fluxionnaire collatérale dans les vaisseaux

perméables; l'augmentation excessive de la pression

en amène la rupture, de là l'hémorrhagie.

Nous avons vu que les phénomènes ultérieurs des em-

bolies gazeuses sont la nécrobiose et l'hémorrhagie. Ces

phénomènes, qui tous les deux tiennent à l'interruption

du cours du sang, peuvent coexister, ce qui est arrivé

chez les chiens des Expériences II et XV. On trouve aussi

la coexistence de ces deux suites anatomiques dans le

fait de M. Cotsonopoulos. J'en fais ici la traduction :

«A. N..., âgé de trente ans, marin bien constitué, fort, travail-

lant depuis une année environ dans l'air comprimé, a été trans-

porté le 2 mai à l'hôpital de Nauplie pour une paraplégie. D'a-

près ce qu'il raconte, il travaillait six jours auparavant au bord

du golfe Argolique, à la profondeur de 30 mètres et sur un fond

boueux, lorsque, immédiatement après sa montée, il a senti une

douleur intense aux lombes et un fort engourdissement des

membres inférieurs, dont les mouvements après une heure

étaient devenus tout à fait impossibles. Les compagnons lui ont-

fait des frictions et lui ont cautérisé le pénis. Ce malade avant

son entrée à l'hôpital avait été soumis au traitement du

Dr Lakellariades, consistant en applications répétées de ven-

touses et d'un vésicatoire aux lombes. A son entrée à l'hô-

pital, la paraplégie était complète : impossible de faire le

moindre mouvement. Les muscles ne se contractent pas sous

l'influence du courant faradique. La sensibilité à son tour

était complètement abolie sur toute l'étendue des membres

inférieurs, sauf le tiers supérieur de la cuisse qui était un

peu sensible ; néanmoins le malade avait parfois spontané-

ment une sensation de brûlure à ses membres paralytiques et

surtout aux jambes. Paralysie de la vessie qui débordait le pubis

de quatre travers de doigt ; parésie intestinale ; tympanisme : on

vidait la vessie deux fois par jour. La pression de la colonne ver-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 57

tébrale n'était pas douloureuse. On voyait déjà à la région dor-

sale une plaque rouge douloureuse, c'était le commencement du

décubitus qui s'est développé plus tard. Température et pouls nor-

maux. En présence de pareils symptômes survenus subitement et

précédés de douleurs lombaires, nous avons admis plutôt l'exis-

tence d'une hémorrhagie dans la colonne vertébrale et nous

avons ordonné de nouveau des ventouses et des sangsues à l'a-

nus, des purgatifs et des lavements vinaigrés. Il y a eu une petite

amélioration : la sensibilité était revenue un peu à la partie su-

périeure.de la cuisse. Mais bientôt l'état du malade s'empire, la

cystite et le décubitus à formation rapide se développent, lièvre,

frissons, et enfin par suite des progrès du décubitus, le sacrum

ayant été complètement dénudé el par suite des troubles uri-

naires, la mort survient le 4 juin, à savoir le quarantième jour

après l'invasion de l'accident. Cet homme avait conservé sa con-

naissance jusqu'à la fin.

Autopsie. L'autopsie, qu'on n'a permis de faire qu'avec

grande difficulté, a fait voir, le canal vertébral ayant été ouvert

dans toute sa longueur, une grande quantité de sang entre la

dure-mère et le canal osseux (les vertèbres munies, on le sait,

dans leur surface interne de périoste, la dure-mère n'y est pas

adhérente, comme elle l'est à la surface interne des os du crâne),

du sang demi-coagulé, et du rouge noirâtre, émanant sans doute

des plexus veineux nombreux situés dans cette région. La surface

externe de la dure-mère humectée par le sang épanché était

d'une couleur rouge-noir et infiltrée de sang extravasé. La sur-

face interne après la section paraît blanchâtre et légèrement in-

jectée. A la partie inférieure de l'espace sous-arachnoïdien exis-

tait un épanchement de sang d'un rouge foncé, demi-coagulé,

en grande quantité autour des nerfs spinaux qui forment la

queue de cheval. Ayant coupé la moelle épinière dans ses diffé-

rentes parties, nous avons trouvé que sa région lombaire en

grande partie et le tiers supérieur de la région dorsale avaient

subi le ramollissement blanc à un haut degré, puisqu'à peine la

pie-mère, fort adhérente à la moelle épinière, était-elle coupée

ou détachée, que la substance myélitique ramollie s'écoulait pour

ainsi dire. Les autres parties de la moelle présentaient la con-

sistance normale ; pas d'hyperhémie ni dans la moelle ni dans

la pie-mère. On ne trouva pas non plus le liquide encéphalo-

rachidien augmenté de quantité.

Les parents du scaphandrier ne permettant pas de continuer l'au-

topsie, nous nous sommes borné seulement à ouvrir l'hypogastre

afin d'observer la vessie, dont les parois avaient acquis une grosseur

de plus d'un centimètre due aux altérations de sa muqueuse, grossie,

ramollie et d'une couleur rouge-brun et au grand développement

du tissu conjonctif sous-jacent et de la tunique musculaire. »

58 CLINIQUE NERVEUSE. '

Pour être complet, on ne peut pas omettre le tra-'

vail du professeur Leyden intitulé « De l'affection de

la moelle épinière causée par une diminution brusque

de la pression barométrique». Ce travail intéressant

est basé sur une observation avec autopsie que je

rapporte textuellement ici :

L'ouvrier K..., âgé de vingt ans, le 26 juillet, une demi-heure

après la sortie du caisson, a senti subitement une sensation de

pression au creux épigastrique, une gêne de la respiration et une

sensation d'affaiblissement des membres inférieurs.

Les deux membres inférieurs sont complètement paralysés; le

malade, même quand il est couché,' n'est pas en état de mouvoir

ses membres qui sont, en outre, insensibles aux piqûres d'aiguilles;

la sensibilité de la peau du ventre jusqu'au bord inférieur du

thorax est complètement paralysée à droite, très obtuse à gauche;

nécessité de vider la vessie par la sonde.

' 29 juillet. = La paralysie aussi bien de la motilité que de la

sensibilité est complète aux deux membres; les muscles paralysés

se contractenl vivement au courant faradique sans que le malade

en ait la moindre sensation.

for août. Le membre inférieur gauche peut, dans la position

horizontale, faire quelques mouvements rotatoires. Il n'en est pas

de même pour le droit qui est complètement immobile. L'anes-

thésie des deux membres inférieurs est encore complète. L'urine

extraite par la sonde est légèrement colorée de sang. Les mouve-

ments réflexes sont très diminués; les réflexes crémastériens faibles.

3 août. L'état de la sensibilité et de lamotilité reste le même;

l'urine est trouble, alcaline, de mauvaise odeur, légèrement colorée

de sang et contient un peu d'albumine. L'état général est essen-

tiellement pire; le malade paraît affaissé; il se sent faible; l'appétit

est mauvais; pouls petit et fréquent.

8 août. -Même état de la paralysie; affaissement progressif; pouls

petit, pulsations 116 : température variant entre 38°,5 et 39°,5. La

mort survint dans la nuit du 9 au 10 août; conservation des fa-

cultés intellectuelles jusqu'à la fin. La durée totale de. l'accident a

été de quinze jours.

- L'autopsie faite onze heures après la mort par le Dr Gelplce n'a

fait voir aucune altération de la moelle épinière. Les veines du

canal vertébral aussi bien que celles de la moelle étaient remplies.

11 y avait dans le sac de la dure-mère du liquide assez transparent.

Quand on pratique des coupes transversales de la moelle surtout

à la région dorsale, on voit la substance blanche faire saillie dans

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 59

....

quelques endroits; cependant, on ne peut constater clairement une

coloration quelconque. Rien d'anormal du côté du cerveau, des

poumons et du coeur. Les reins plus grands, hypérhémiés, con-

tiennent dans leur substance corticale un grand nombre de petits

abcès, ayant la grosseur d'un grain de millet. Il y a dans la pyèle

du liquide trouble, de mauvaise couleur et purulent. Couches

épaisses de pus dans la vessie.

La moelle durcie pendant deux mois dans le liquide de Mûller

m'a été envoyée par le Dr Lehwess. Le durcissement a bien réussi;

la consistance estbonne et propreàpratiquer descoupes. Les coupes

transversales ont montré le renflement cervical et lombaire tout

à fait à l'état normal. Au contraire, l'aspect de la région dorsale

est tacheté : on distingue des points plus clairs et plus jaunes qui

tranchent sur un fond gris foncé. Ces points jaunes se trouvent

surtout aux cordons postérieurs et à la partie postérieure des

cordons latéraux, de sorte que la coupe transversale présente un

aspect maculé tel que je l'ai décrit dans la myélite aiguë. En

somme, on pouvait suivre cette constitution dans la coupe trans-

versale sur une assez grande étendue (10 centimètres environ de

hauteur), sans qu'elle existe nulle part dans le renflement cer-

vical et lombaire. Cette altération avait le maximum d'intensité

au milieu de cette étendue où l'on observait des taches longitu-

dinales plus grandes et nettement délimitées, qui se brisaient à la

section et tombaient de la masse fondamentale. Les cordons pos-

térieurs a un petit endroit offraient dans leur ensemble un même

état fragile, bien que le reste de leur substance puisse se couper

très bien. Ces enfoncements circonscrits m'ont rappelé ce que

j'avais observé dans la myélite traumatique et dans la myélite

aiguë expérimentale produite par l'injection d'agents chimiques.

L'examen microscopique a donc démontré que ces points clairs

jaunes, les foyers de la lésion, constitués presque exclusivement

par un amas de grandes cellules, étaient pour ainsi dire enfoncés

dans la substance des cordons postérieurs et avaient séparé le

tissu nerveux; ils étaient situés dans une fente. On ne pouvait

observer dans cet amas de cellules aucun débris de tissu nerveux

ou de reticulum de la névroglie. On n'y rencontrait guère qu'un

certain nombre de rameaux à l'état normal, surtout on ne cons-

tatait ni de la rupture, ni de l'hémorrhagie dans les alentours des

vaisseaux. >

Ces cellules étaient ndes, ayant la grosseur des cellules gra-

nuleuses, nucléaires, mais en grande partie sans contenu adipeux.

Quelques cellules offraient une coloration légèrement jaune, mais

on ne pouvait constater ni entre elles ni autour d'elles de sang

extravasé, de bols de pigment, etc., etc. Ces amas étaient cir-

conscrits et nettement délimités; leur forme était presque tou-

jours irrégulièrement ovale. Le tissu çircpnvQisin des cordons

60 - ' CLINIQUE NERVEUSE.

postérieurs offrait plus ou moins les signes de la myélite paren-

chymateuse c'est-à-dire les fibres nerveuses étaient gonflées plus

grandes et tout le tissu montrait cet aspect fin, vésiculeux que

j'ai décrit dans la myélite récente. Ces altérations que je consi-

dère comme réactionnelles formaient dans quelques places une

petite zone autour de ces amas de cellules et dans quelques autres

places pénétraient plus loin dans la substance blanche, de façon à

altérer tous les cordons postérieurs. Les parties postérieures des

cordons latéraux participent aussi de cette altération. On y trouve

des enfoncements cellulaires plus nombreux, plus petits, mais en

assez grande étendue cette myélite réactionnelle vésiculeuse. On

voit dans les cordons antéro-latéraux et antérieurs çà et là des

petits endroits de processus myélitique. La substance grise avec ses

cellules, les racines antérieures et postérieures et les méninges ne

se montrent nulle part sensiblement lésées. Le maximum d'alté-

ration se trouve au milieu du domaine de la lésion. Ici les cordons

postérieurs sont en quelque sorte dilacérés et si fragiles que la plus

grande partie de leur masse fait trèsfacilement saillie à la coupe.

Le reste de leur substance et les cordons latéraux montrent une

myélite parenchymateuse récente.

D'après Leyden, sous l'influence de la décompres-

sion brusque, il se dégage du gaz, de l'oxygène et

de l'acide carbonique qui occasionnent des déchi-

rures de la substance de la moelle. Je n'ai pas pu dé-

couvrir ces « Ein7'issen in die Subslan, » dans les

moelles des chiens. Schultze, de son côté, n'a pas

constaté ces déchirures de la substance myélitique.

Pour moi, on peut parfaitement bien comprendre la

formation de ces points clairs jaunes en admettant

qu'il s'agit des foyers limités de nécrobiose isché-

mique disséminés avec myélite réactionnelle. Avant

de procéder à l'étude physiologico-pathologique des

accidents par l'emploi des scaphandres, je dois avouer

que ce chapitre est forcément incomplet parce qu'il

nous manque des observations avec examen micros-

copique du système' nerveux, etc., chez l'homme.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 61

VI. - PHYSIOLOGIE pathologique.

Comment peut-on expliquer au point de vue phy-

siologico-pathologique les différentes formes cliniques

que revêtent les accidents des scaphandriers ? Mainte-

nant que nous connaissons quel est l'agent pathogène,

quel est son mode d'action et quelles sont ses suites

pathologico-anatomiques nous pouvons, grâce aux

progrès de la neuropathologie moderne aborder la

physiologie pathologique des accidents nerveux. Com-

mençons par les accidents cérébraux et tâchons d'ex-

pliquer une à une les formes cérébrales.

oc). Forme aphasique. La clinique est arrivée,

on le sait bien, à distinguer quatre modes spéciaux

de mémoire du mot, à savoir mémoires auditive,

visuelle, motrice d'articulation et motrice graphique,

et à nous montrer que chacune de ces mémoires par-

tielles a son siège à une région déterminée de 1-'écorce

de l'hémisphère gauche du cerveau. L'anatomie nous

enseigne que les régions auxquelles se rattachent ces

spécialisations fonctionnelles sont irriguées par les

branches de l'artère sylvienne. Rappelons bien de

l'autre côté que l'agent pathogène est le gaz, qu'il

agit par embolie et que la conséquence immédiate de

toute embolie est l'ischémie du territoire dont les

vaisseaux sont obstrués.

Or, est-il difficile, .en connaissance de ces données,

de faire la physiologie pathologique de la forme apha-

sique ? Assurément non. Ainsi une obstruction gazeuse

de la branche de l'artère sylvienne qui se porte en

62 CLINIQUE NERVEUSE.

avant pour se rendre en particulier à la région' de

Broca ne peut parfaitement bien rendre compte

de l'amnésie motrice d'articulation des Observations

XXXII, XXXIII et XXXIV, en déterminant par l'isché-

mie du pied de la troisième circonvolution frontale

la perte d'un grand facteur du mot, l'image motrice

d'articulation ? Une embolie gazeuse d'une autre

branche de l'artère sylvienne qui se distribue à la

première circonvolution temporo-sphénoïdale dans la

partie postérieure de laquelle siège le centre de l'au-

dition mentale n'est pas capable par l'ischémie de ce

vaisseau de déterminer la perte d'un grand facteur

sensoriel du mot, l'image auditive et par suite donner

lieu à la surdité verbale (Worttaubheit) de 1' Observa-

TION XXXV ? Î

La localisation de grosses perles de gaz ayant obs-

trué complètement l'artère de la circonvolution de

Broca et celle qui se distribue au lobule pariétal in-

férieur, le centre de la vision et des perceptions

visuelles des mots, incomplètement l'artère de la pre-

mière temporo-sphénoïdale, a produit la perte com-

plète de l'image visuelle et motrice d'articulation,

incomplète de l'image auditive et par conséquent l'a-

phasie motrice d'articulation, la cécité verbale et la

surdité verbale incomplète du malade de t'OBSERVA-

TION XXXVI. L'oblitération simultanée d'une branche

secondaire qui naît de la partie inférieure de la

hranche sylvienne de la frontale ascendante et qui

se rend au pied de la deuxième frontale gauche, au

centre d'Exner, a produit la perte de l'image mo-

trice graphique, en un mot l'agraphie du même

malade. Donc l'embolie multiple et simultanée des

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 63

branches susmentionnées de l'artère eylvienne, qui

comprend, on le sait bien, dans son domaine en par-

ticulier, le matériel de la faculté du langage, a sup-

primé plusieurs mémoires partielles et donné naturel-

lement lieu à plusieurs espèces d'aphasie ou, ce qui

revient au même, à une aphasie mixte.

L'embolie et la nature de l'embole peuvent parfai-

tement bien expliquer les trois caractères des troubles

de langage survenant par l'emploi des scaphandres.

La brusquerie de l'invasion est l'effet même de toute

embolie, quel que soit l'embole; il n'en est pas de

même pour les deux autres caractères, qui s'observent

dans l'immense majorité des cas, à savoir la durée

très courte et la brusque disparition dont seule la na-

ture gazeuse de l'embole donne la raison et qui par

cela même spécialisent en quelque sorte les troubles

du langage de cette origine : en effet, l'embole gazeux

étant une chose transitoire, les vaisseaux ne s'étant

pas altérés, l'ischémie est, elle aussi, transitoire, et

une fois les vaisseaux désobstrués par la dissolution

et l'absorption de l'embole gazeux, la circulation se

rétablit et les fonctions du langage reviennent à l'éat t

normal. C'est un embole gazeux qui seul peut donner

lieu au fait si original qui s'est passé chez le malade

de l'OBSERVATION XXXI qui a été atteint d'une vraie

série d'aphasies motrices transitoires , constituée en

quelque sorte de quatre accès. Mais en quoi consiste

ce fait ? Nous pouvons affirmer que ce sont quatre

ischémies successives et essentiellement transitoires

de la circonvolution de Broca produites par des

embolies égales en nombre et tout à fait temporaires.

Nous avons surpris plus d'une fois le mécanisme de

64 CLINIQUE NERVEUSE.

ce phénomène vraiment curieux sur le cerveau de

chiens à la surface duquel nous voyons à travers le

trou artificiel des parois crâniennes une brusque

embolie se faire dans un vaisseau, une ischémie con-

sécutive au territoire irrigué par ce vaisseau et au

bout de quelques moments cette embolie, par la dis-

solution de l'embole en de très fines bullettes visibles

seulement à la loupe, ou même par son absorption

complète, disparaître et la circulation se rétablir pour

faire place après quelques minutes à une nouvelle

embolie du même vaisseau suivie d'une nouvelle

ischémie d'une durée toujours momentanée, et ainsi

de suite.

On peut rapprocher ces phénomènes de ceux, déjà

connus, de la migraine ophtalmique accompagnée.

Mais quel rapport y a-t-il entre ces deux ordres de

phénomènes ? eh bien le voilà. C'est que parmi les

migraines ophtalmiques il y en a qui immédiatement

après l'apparition du scotome classique éprouvent

de l'aphasie motrice. Certains d'entre eux sont atteints

de cécité verbale, d'autres sont pris de surdité ver-

bale et ont perdu la mémoire des images motrices

graphiques. Mais le rapport ne s'arrête pas là; ajou-

tons tout de suite que les troubles du langage de ces

migraineux ophtalmiques sont dans l'immense majo-

rité des cas des phénomènes éminemment transitoires.

Hâtons-nous de dire qu'on admet généralement la

théorie du spasme temporaire et l'anémie consécutive

transitoire des vaisseaux sylviens pour expliquer le

cortège des phénomènes de la migraine ophtalmique

accompagnée : nous nous plaisons à employer l'expres-

sion de l'illustre médecin de la Salpêtrière. L'obser-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 6

vation de M. Galezowski, qui a pu voir, par l'exa-

men ophtalmoscopique une thrombose des vaisseaux

de la rétine vient corroborer cette théorie. On a pu

voir que ce rapprochement est absolument légitime;

la différence consiste dans le modus faciendi de l'ané-

mie transitoire. En effet dans un cas, c'est un spasme

temporaire, tandis que dans l'autre c'est un embole

qui produit l'anémie. Maintenant, nous dira-t-on.

supposez que l'embole au lieu de se dissoudre ou

de s'absorber résiste au contraire pendant un certain

temps, l'ischémie durera plus longtemps, le tissu em-

bolisé sera nécrosé, les vaisseaux finiront par s'alté-

rer, comme cela arrive à la moelle; d'où la possibi-

lité d'une aphasie permanente provenant de l'emploi

des scaphandres. C'est assez logique, j'en conviens;

on peut même s'y attendre, mais jusqu'à présent, je

n'en ai jamais observé.

FORME cérébrale paralytique. L'étude de la

localisation des lésions matérielles organiques nous

permet d'avoir une notion à peu près exacte de l'en-

droit où l'on doit placer les troubles cérébraux para-

lytiques d'origine scaphandrienne. Cet endroit c'est la

zone motrice de l'écorce cérébrale

1. Type de paralysie partielle. - L'embolie de l'ar-

tère qui naissant de la sylvienne, se distribue au'tiers

inférieur et moyen de la circonvolution frontale ascen-

dante et qui fournit aux centres du facial inférieur et

du membre supérieur peut, par l'ischémie de ces

régions et la suppression des incitations motrices vo-

lontaires du cerveau droit, rendre compte de la para-

lysie du facial inférieur' et du membre supérieur du

malade qui fait le sujet de ]'ÜnsEuvATION XLVIIL

Archives, t. XIX. 5

66 CLINIQUE NERVEUSE.

L'embolie et l'ischémie du rameau que cette branche

fournit au centre du facial inférieur a dû déterminer

la paralysie faciale gauche du plongeur de t'OBSERVA-

TIOV XLVII.

2. Type d'hémiplégie. Outre la deuxième, la

troisième branche sylvienne qui se distribue à la pa-

riétale ascendante comprend une partie des centres

moteurs des membres. Le lobule paracentral, le tiers

supérieur de la frontale ascendante et une petite éten-

due de la partie supérieure de la pariétale ascendante,

régions ou siège le centre psycho-moteur du membre

inférieur sont irriguées par la brauche moyenne de la

cérébrale antérieure. L'embolie donc et l'ischémie plus

ou moins totale des centres psycho-moteurs de l'écorce

détermine l'hémiplégie.

Le fait du scaphandrier de l'OBSERVATION XLV est

très curieux, dans ce sens que l'on voit ce malheureux

plongeur être atteint, toutes les fois qu'il dépassait

les cinq immersions de suite, toujours du même acci-

dent, à savoir d'une paralysie tantôt gauche, tantôt

droite avec ou sans paralysie faciale, résultat de l'is-

chémie des centres du facial inférieur et du membre

supérieur, suivie au bout d'un certain temps d'une

paralysie du membre inférieur par le fait de l'ischémie

du centre psycho-moteur de ce membre.

La même localisation a eu lieu quinze fois au cours

de son travail.

La brusquerie de l'invasion et l'intensité excessive

sont des caractères qui se rencontrent à toute em-

bolie. La durée fugitive n'appartient qu'aux embolies

gazeuses.

La paralysie du facial inférieur et du membre supé-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 67 -1

rieur gauche du malade de l'OBSERVATION XLVIII n'a

pas été fugitive. Le cinquième jour seulement après

l'invasion des phénomènes paralytiques, le malade a

commencé à pouvoir exécuter quelques petits mouve-

ments. Sa paralysie faciale aurait été plus améliorée

mais dès ce moment, le mieux s'accentuait d'un jour à

l'autre, au point que le treizième jour de son accident

il était déjà en voie de guérison, obtenue complète au

bout de trois mois. L'embolie ici aurait duré pendant

quelque temps et l'ischémie consécutive a dû altérer

d'une certaine façon la zone motrice, sauf son tiers

supérieur, ce qui explique la durée de trois mois de

cet accident cérébral paralytique, mais cette altération

n'était certes pas matérielle, car l'accident rentrerait

dans la catégorie des affections permanentes prove-

nant de l'emploi des scaphandres, ce qui n'a pas eu

lieu.

y) Forme épileptiforme. - De cette forme rare,

nous n'avons eu à rapporter qu'un seul cas ayant cli-

niquement revêtu le type de l'épilepsie jacksonienne

de la catégorie d'épilepsie brachiale. L'étude de la lo-

calisation de ce phénomène de l'épilepsie partielle a

démontré qu'il est sous la dépendance immédiate d'une

lésion (syphilis, tumeur d'une autre nature, légère in-

flammation corticale, etc., etc.) qui a son siège aux

centres psycho-moteurs et suivant la catégorie de l'épi-

lepsie jacksonienne, c'est tel ou tel point déterminé qui

en est atteint. Cette étude donc nous permet de recon-

naître du moins l'endroit où se passent les phéno-

mènes convulsifs de notre malade. Cet endroit c'est la

zone motrice et par analogie aux lésions matérielles

68 CLINIQUE NERVEUSE.

organiques de l'épilepsie partielle brachiale, c'est la

partie moyenne de la portion centrale de la frontale et

pariétale ascendante. De quelle nature est la lésion

qui siège à cet endroit ? La nature de cette lésion est

certes irritative, j'ajouterai même qu'elle est fonction-

nelle ; car c'était une série d'accès, un véritable état

de mal épileptique jacksonnien, qui duré cinq heures

au bout desquelles il a disparu complètement pour ne

plus revenir. Mais en quoi consiste cette irritation ?

Nous croyons pouvoir la rattacher à l'infiltration de

gaz dans les intervalles des tissus de l'endroit sus-

indiqué. Nous savons très bien que les gaz deviennent

libres dans le sang, dans tous les liquides et dans

les intervalles des tissus. Donc la présence de

bullettes de gaz a fortement irrité les cellules ner-

veuses ; l'effet immédiat de cette irritation est une

action soudaine et violente de ces cellules; les centres

moteurs se déchargent et le résultat de cette décharge

est le spasme musculaire, le trait saillant de l'accès.

Forme SENSORIELLE. 1. Yariélé oculaie. Le plus

grave trouble oculaire qui provient de l'emploi des

scaphandres est la cécité. Nous croyons pouvoir la

rattacher à l'embolie gazeuse de l'artère centrale de

la rétine. C'est elle qui seule peut donner la raison de

tous les caractères de la cécité d'origine scaphandrienne,

à savoir la brusquerie de son invasion, le maximum

de son intensité dès le début, la cécité en question

étant complète ou presque complète dès le premier

moment de son invasion. La constitution de l'embolie

donne la clef de l'explication de la durée courte et de'

la disparition rapide parfois brusque, instantanée de

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 69

la cécité. En effet, dans un délai variable mais toute-

fois court, l'embole s'étant dissous ou absorbé, la cir-

culation se rétablit et la vue revient à l'état normal.

Une expérience relatée au chapitre de pathogénie

vient à l'appui de cette explication. Nous avons pu

constater sur le chien qui fait le sujet de ['Expérience VI

une oblitération gazeuse de l'artère centrale de la

rétine.

C'est à la présence de fines bullettes de gaz dans

les petits vaisseaux de la sclérotique qu'il faut attribuer

cette sensation de brûlure et cette envie irrésistible de

se frotter les yeux qui s'observent fréquemment chez

les plongeurs à scaphandres.

z 2. Variété auriculaire. Le mécanisme de la pro-

duction de la variété auriculaire est le même que

celui de la variété oculaire.

Forme VERTIGINEUSE. Les vertiges des Observa-

TIONs L et LI doivent être rattachés, croyons-nous, à

un changement de pression intra-Iabyrinthique dû à la

présence de gaz dans le liquide contenu dans les ca-

naux demi-circulaires. Le labyrinthe étant une cavité

close qui ne peut recevoir qu'une certaine somme de

contenu à l'état normal, le dégagement de gaz dans ce

liquide constitue un surcroit que le labyrinthe ne se

prête pas à recevoir, il s'ensuit donc une compression

fatale du nerf labyrinthique ou nerf de l'espace : c'est

ainsi- que la portion vestibulaire du nerf auditif a été

désignée, on le sait bien, par M. M. Cyon, qui

a démontré expérimentalement que les troubles de

l'équilibre sont dus aux lésions de cette portion. Or, le

nerf de l'espace une fois comprimé, la sensation de

70 CLINIQUE NERVEUSE.

l'équilibre disparaît, les troubles locomoteurs appa-

raissent, le vertige de Ménière éclate.

La nature de l'agent qui sert à augmenter la pres-

sion intralabyrinlhique, explique aisément les particu-

larités cliniques propres au syndrome de Ménière, pro-

venant de l'emploi des scaphandres, à savoir l'intensité

excessive dès le premier moment de son invasion, et

son évolution spéciale (marche éminemment et spon-

tanément rétrogressive, disparition si rapide).

Quant à expliquer pourquoi le malade qui fait le

sujet de l'OBSERVATION LI ne pouvait plus continuer son

travail dans l'air comprimé, car dès qu'il commençait

à descendre, il était pris aussitôt de vertiges si intenses,

qu'il était obligé de monter, la chose nous paraît bien

facile. Ne sait-on pas, en effet, qu'il suffit d'augmenter

la pression du liquide labyrinthique, pour qu'immé-

diatement ; il se produise des vertiges. Or, la colonne

d'air est refoulée par la compression contre la mem-

brane du tympan; la pression exercée se transmet par

l'intermédiaire delà chaîne des osselets au liquide laby-

rinthique, le nerf de l'espace déjà lésé est de nouveau

comprimé, le vertige réapparaît. Mais notons bien que

ce mode d'augmentation de pression intra-labyrin-

thique, ne peut enaucune façon provoquer le syndrome

de Ménière, car s'il en était ainsi, ce syndrome devrait

faire son apparition au fond de la mer, durant la com-

pression et non pas après la montée, immédiatement

après l'enlèvement même du casque, (Observation L),

dix minutes après la décompression (OBs. LI). Si nous

avons défendu sévèrement au plongeur à scaphandre

de l'OBSERVATION LI letravail dans l'air comprimé jus-

qu'à sa guérison, c'est justement pour éviter une

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. il

suraugmentation instantanée de la pression intra-laby-

rinthique par les compressions, et de cette manière

empirer l'état vertigineux de notre malade.

Forme mentale. - La pathogénie des accidents en

question peut aisément expliquer le mode de produc-

tion de l'accident mental de l'OBSERVATION XLIX. Est-il

difficile, en effet, de concevoir que l'explosion sou-

daine de gaz dans les interstices de l'écorce cérébrale

d'un héréditaire dégénéré, a dû violemment troubler

toutes les fonctions psychiques ayant exagéré leur acti-

vité. La présence de bullettes de gaz aux différentes

zones cérébrales avait déterminé chez notre malade

l'excitation intellectuelle intense, et l'exagération de

tous les phénomènes psychiques : fuite des idées, loqua-

cité intarissable, hallucinations, illusions, désordre de

la motilité, etc., etc. La violence de la détente peut

donner la raison de l'obnubilation complète de la cons-

cience, de cette amnésie complète qui a suivi l'attaque.

La nature de l'agent irritatif explique la durée fugi-

tive de l'accès.

Forme DE PERTE DE connaissance. La perte de con-

naissance est certainement due à l'ischémie cérébrale,

suite d'oblitérations artérielles.

Nous voilà à l'étude physiologico-pathologique des

accidents spinaux. La période prodromique de ces acci-

dents est la même pour toutes les formes. Les symp-

tômes qui la constituent sont dus à la localisation des

gaz, aux différentes parties de l'organisme, au cerveau,

aux poumons, au tube digestif, aux muscles, aux arti-

culations etc. ; c'est la raison pour laquelle nous avons

72 CLINIQUE NERVEUSE.

appelé ces symptômes extrinsèques. L'étude de la phy-

siologie pathologique des accidents cérébraux, nous

fait dispenser de nous occuper du groupe de symptômes

céphaliques. Les troubles respiratoires qui ont leur

- genèse aux organes mêmes de la respiration en y appar-

tenant en propre (dyspnée, sensation de suffocation),

doivent être rattachés à l'entrave des fonctions respi-

ratoires, par l'explosion et l'accumulation de gaz dans

les vaisseaux pulmonaires, interceptant ainsi leur cir-

culation. Des symptômes gastriques, les uns sont dus

au développement de gaz dans la cavité stomacale, tel

est le gonflement gazeux de l'estomac; les autres dou-

leurs gastriques, froids étouffants, etc., reconnaissent,

croyons-nous, comme mode de production, l'irritation

du plexus solaire par la présence de gaz dans les inter-

valles de son tissu. Quant au groupe des différentes

douleurs nous'en parlerons dans la suite. Maintenant,

quand les lésions épinales siègent ou au moins domi-

nent au centre et aux cordons latéraux de la moelle,

nous avons la forme centrale spinale latérale; quand

c'est au centre, aux cordons latéraux et postérieurs

que les lésions se localisent, naît la forme centralespi-

nale postéro-latérale, avec les syndromes propres aux

régions lésées de la moelle. Le siège des lésions au

centre et aux cordons postérieurs, donne naissance à

la forme centrale spinale postérieure. La localisation

exclusive des lésions aux cordons postérieurs, produit

la forme spinale postérieure. Enfin, si les lésions siègent

à la moitié de l'organe spiual, nous avons la forme

unilatérale avec ses variétés intramyélitique ou extra-

myélitique, suivant que la localisation de l'agent patho-

gène est intraspinale ou extraspinale. Les accidents

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 73

spinaux paralytiques .transitoires, sont certainement

dus à l'ischémie transitoire de la moelle par des em-

bolies gazeuses de ses vaisseaux. -

Parmi les accidents extra-nerveux, les plus fréquents

sont les arthropathies et les myopathies douloureuses

qui tiennent à l'explosion soudaine de gaz, dans les

intervalles du tissu musculaire et dans le liquide intra-

articulaire, irritant ainsi les muscles et les articula-

tions qui se gonflent, même si la quantité de gaz est

grande. On conçoit facilement que l'emphysème sous-

cutané généralisé est produit par l'accumulation consi-

dérable d'une grande quantité de gaz développés dans

le tissu sous-cutané. L'hémorrhagie thyroïdienne est

certes due à la rupture des vaisseaux par les gaz, dans

le corps thyroïde.

VII. - Thérapeutique.

Les études détaillées des conditions étiologiques fa-

cilitent naturellement la conception des données thé-

rapeutiques et constituent les bases sur lesquelles

doit être édifiée la thérapeutique préventive. Ces

bases se résument :

1°. Eviter les causes favorisant le développement

de l'agent pathogène par leur action directe sur sa pro-

duction. - Il faut donc :

a). Régler la durée du séjour. De 10 à 15

brasses, une heure. De 15 à 20 brasses, un quart

d'heure. De 20 à 25 brasses, dix minutes. De 25 à

28 brasses, cinq minutes. De 28 à 30 brasses, trois

minutes. De 30 à 32 brasses, une seule minute. On

ï4 CLINIQUE NERVEUSE.

ne dépasse jamais cette profondeur. C'est aux braves

habitants de Hydra que j'adresse surtout ce conseil,

car on a la très mauvaise habitude de prolonger outre

mesure la durée du séjour.

b). Décomprimer lentement et en plusieurs temps,

c'est-à-dire faire monter avec une lenteur ménagée,

et, toutes les 2 brasses, arrêter la décompression

pendant une minute. De cette manière, on obtient

d'une part, par la lenteur de la décompression, une

quantité de gaz aussi petite que possible, de l'autre,

par l'arrêt de la décompression, fait toutes les 2

brasses, on soumet le plongeur à scaphandre à une

compression nouvelle de une minute, qui sert il re-

dissoudre le peu de gaz dégagés par la décompression

lente des 2 brasses.

c). Défendre sévèrement les immersions successives.

Il faut que le plongeur fasse une seule immersion

après laquelle il doit se déshabiller ; il ne fera la

seconde qu'après une série d'immersions faites par

ses compagnons, qui doivent être au nombre de quatre

et ainsi de suite.

Quant au quatrième élément étiologique, il ne peut

en être question, car conseiller les scaphandriers de

ne pas plonger par de grandes profondeurs, ce

serait leur défendre leur métier, car on ne trouve plus

assez d'épongés aujourd'hui à de petites profondeurs.

2° Eviter les causes qui agissent en s' opposant ci

l'élimination de l'excès des gaz devenus libres, lors de

la décompression. - Il faut donc :

a). Ne pas faire des immersions en cas de refroi-

dissement, qui a pour effet d'intercepter la voie d'éli-

mination de gaz par la peau.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 115

b). Défendre les immersions en cas d'affections pul-

monaires soit aiguës, soit chroniques, qui agissent en

mettant des entraves au fonctionnement régulier de

l'appareil respiratoire et par cela même en s'opposant

à l'élimination de l'excès de gaz par cette voie.

c). Défendre les repas avant l'éclusement, en d'autres

termes, laisser libre le tube digestif pour la même

raison.

3° Eviter la fatigue. Ne pas marcher, ne pas

lutter contre le courant de mer, interrompre de temps

en temps la pêche des éponges. C'est ainsi qu'il faut

au bout de deux' mois de pêche de la grande cam-

pagne se reposer pendant quelques jours, afin de pré-

venir cet amaigrissement, suite inévitable du long tra-

vail dans l'air comprimé, qui prédispose tant aux

accidents. Pour la même raison, il faut bien s'ali-

menter.

Nous voilà enfin ramené à l'exposé rapide des

moyens qu'il faut immédiatement employer dès que

l'accident arrive. Je suis autorisé par mes observa-

tions chez l'homme à confirmer, d'accord en cela

avec Paul Bert et bien d'autres auteurs, qu'une re-

compression immédiate est le seul moyen de combattre

efficacement les accidents par l'emploi des sca-

phandres. La recompression immédiate faite à une

profondeur de 10 à 12 brasses, quinze à vingt minutes

de séjour, et d'une décompression lente et en plusieurs

temps, est le moyen le plus puissant, en même temps

que le plus commode, pour redissoudre les bulles

embolisées dans les capillaires ou disséminées dans

les intervalles des tissus, car la respiration d'oxygène

conseillée par Paul Bert est d'un emploi très difficile,

76 CLINIQUE NERVEUSE.

sinon impossible, pour les scaphandriers. Le scaphan-

drier de l'OBSERVATION XXXVI a retrouvé la parole

par la recompressioll au fond même de la mer.

En cas d'accidents permanents, la base du traite-

ment doit être la compression systématique dans l'air

comprimé, à preuve l'efficacité de ce traitement chez

les malades des Observations I, III, IV, XXVII, LIX,

etc. Fort de ces données, j'ai ordonné le traitement

par l'air comprimé aux malades des Observations

XIII, XIV, XXI, XXII, XXIII, XXV. Celui de l'OBSER-

VATIOLV XIII est presque complètement rétabli par le

traitement dans l'air comprimé, secondé de l'applica-

tion des pointes de feu, de seigle ergoté et d'une

hygiène appropriée. Sous l'influence du même traite-

ment, nous avons obtenu un amendement considé-

rable du syndrome spasmodique réduit simplement à

l'exaltation des réflexes à l'épilepsie spinale et une

amélioration très grande des symptômes des cordons

postérieurs. C'est surtout au traitement par l'air com-

primé qu'est due la grande amélioration du syndrome

tabétoïde du malade de ]'OBSERVATION XXI, l'amende-

ment considérable qui équivaut presque à la guérison

du malade de l'OBSERVATiON XXII. Enfin le malade de

l'OBSERVATION XXV est complètement guéri grâce à ce

traitement suivi pendant deux mois.

Je conseille aux scaphandriers de faire pendant

deux ou trois mois de suite trois immersions par jour

à une profondeur de 8, 10 et 12 brasses, quinze à

trente minutes de séjour et d'une décompression mé-

nagée. Interrompre après l'aérothérapie pendant un

mois, recommencer ensuite, etc.

Mais comment expliquer l'efficacité de ce traitement.

DES ACCIDENTS PAR L EMPLOI DES SCAPHANDRES. / /

On sait qu'avec ces faibles pressions le sang artériel

devient plus riche en oxygène ; il résulterait, en outre,

des analyses directes de la quantité d'acide carbonique

exhalée, d'urée sécrétée dans un temps donné faites par

Paul Bert, C. Liebig, S. Pravaz, Vivenot, Panum, que

les oxydations organiques augmentent d'intensité.

Est-ce donc à cette suroxygénation et cette augmen-

tation de nutrition régénérant les fibres nerveuses

détruites qu'il faut attribuer l'efficacité de ce trai-

tement ?

Les communautés de ces îles doivent donc installer

de petits hôpitaux au bord de la mer pour établir

l'aérothérapie systématique par l'emploi des scaphan-

dres. Chaque petit hôpital doit avoir à sa disposition

deux à trois machines à scaphandre pour, le traitement

par compressions. C'est de cette manière que l'on peut

instituer les autres moyens thérapeutiques mentionnés

à chaque cas particulier, applications de pointes de

feu, seigle ergoté, médications iodurées, hygiène

appropriée, etc., etc. D'ailleurs, ces moyens consti-

tuent la thérapeutique classique des affections cen-

trales d'autre origine.

La suspension n'a pas donné de bons résultats.

On doit soigneusement éviter tout ce qui peut

aggraver les paralysies spasmodiques, par exemple, la

faradisation, les pratiques hydrothérapiques, la bal-

néothérapie, les frictions, la strychine, etc., etc. '

Il faut enfin sévèrement proscrire l'emploi de l'alcool.

PHYSIOLOGIE

LES FONCTIONS DU CERVEAU' 1

DOCTRINES DE L'ÉCOLE ITALIENNE,

Par Jules SOURY,

Maître de conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.

CENTRES CORTICAUX DE LA SENSIBILITÉ CUTANÉE ET MUSCULAIRE

ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES (Suite).

Les trois séries d'expériences instituées par V. Marchi

et G. Algeri pour étudier les dégénérations descen-

dantes consécutives aux lésions destructives des diverses

zones de l'écorce cérébrale du chien et du singe, ont

porté : 9 sur la sphère motrice (gyrus sigmoïde) d'un

hémisphère correspondant à peu près aux territoires

deDHG de Munk; 2° sur ! a région pariétale et angu-

laire (à peu près F de Munk); 3° sur la région occipi-

tale (A de Munk). Dans la première série d'expériences,

dont les principaux symptômes furent une hémiplégie

qui, tout en s'atténuant, persista d'une manière

appréciable jusqu'à la mort, une diminution semblable

de la sensibilité tactile et musculaire, du sens de la

température et de la douleur, la dégénération descen-

dante avait, à l'examen microscopique, atteint les

deux faisceaux pyramidaux, le faisceau croisé plus

1 Voy. A¡'ch. de Neurologie, n" 51, p. 337; n° 52, p. 28; ne 5't, y. 360.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 79

que le faisceau direct, et, en outre, quelques fais-

ceaux isolés des cordons antérieurs et des cordons de

Burdach. Dans la seconde série, hémiparésie plus

légère, également persistante, mais troubles très accu-

sés de la sensibilité spécifique (cécité, puis amblyopie

bilatérale, affectant surtout la moitié interne de l'oeil

opposé à la lésion, altération transitoire de l'ouïe et de

l'odorat) : outre le faisceau pyramidal croisé, la dégé-

nérescence avait surtout atteint les cordons de

Burdach. Enfin, dans la troisième série de ces expé-

riences, point de troubles moteurs, quoiqu'il existât

un très léger affaiblissement des muscles du côté

opposé; analgésie considérable et persistante; amblyo-

pie bilatérale, le côté croisé étant le plus affecté ; les

cordons de Burdach étaient presque complètement

dégénérés; des cordons de Goll et d'autres cordons

postérieurs, quelques faisceaux seulement l'étaient

chez le chien. Chez le singe, au contraire (extirpation

bilatérale des lobes occipitaux), qui survécut deux

ans, les cordons de Goll et de Burdach étaient dégé-

nérés. De ces faits, V. Marchi et G. Algeri concluent

à leur tour que les territoires sensoriels et sensitivo-

moteurs de l'écorce cérébrale ne forment pas des

centres complètement distincts, des aires nettement

isolées ou isolables : ils empiètent en partie les uns sur

les autres, se pénètrent, et, comme dirait Luciani,

s'engrènent. Enfin, et c'est ce qui nous intéresse sur-

tout ici, il n'existe pas d'entre-croisemeut total des

faisceaux sensitifs ou moteurs : une partie de ces fais-

ceaux, quelque petite qu'elle soit, ne s'entre-croise pas,

et a un trajet direct. Ces vues modifieraient donc un

peu le schéma de Luciani.

80 PHYSIOLOGIE.

Aussi bien les travaux mêmes de ses élèves, exécu-

tés au laboratoire de physiologie de Florence, contre-

disent également à cet égard la doctrine du maître.

Je citerai seulement les récentes études expérimen-

tales et cliniques de Giulio Masini, Sur les centres

moteurs corticaux du larynx 1. On sait que Hermaun

Krause, dont les belles recherches ont été instituées

dans le laboratoire de Munk, a déterminé le centre

moteur cortical des muscles du larynx (1884) : il est

localisé au pied de la circonvolution précruciale du

chien. Masini a repris ces expériences et, tout en con-

venant que les phénomènes de réaction ou de déficit

fonctionnels atteignent, en ce point limité de l'écorce,

leur plus grande intensité, il a trouvé que ce centre

s'étendait bien au delà, et qu'il rayonnait en tous sens

vers les autres régions motrices. Voilà une nouvelle

preuve de cette tournure d'esprit, générale et cons-

tante, des physiologistes et des cliniciens italiens, si

souvent signalée dans cette étude. Ici, il est vrai, l'in-

fluence de Luciani sur Masini est présente, directe et

efficace; on ne peut même s'empêcher de noter que le

disciple exagère les doctrines de son maître. Ainsi,

pour Masini, l'aire excitable du larynx embrasserait

« presque toute la zone motrice ». Pour que les phé-

nomènes de parésie des muscles du larynx persistent

un certain temps, l'ablation bilatérale des aires de

Krause ne suffit pas : il faut enlever toute la masse

cérébrale en avant du sillon crucial ; encore les phé-

nomènes de déficit ne sont-ils durables (et dans une

certaine mesure seulement) que si l'on détruit, en

1 Sui centrai molori corticali della laringe. Studi sperinaentali e clinici.

Napoli, 1888.

LES JONCTIONS DU CERVEAU. 81

même temps, la circonvolution postcrucialc, bref,

presque toute la zone motrice ! Non pas, sans doute,

que cette aire motrice du larynx possède, sur tous

les points, la même intensité, fonctionnelle. « Je ne

nie pas, écrit Masini, que l'aire de Krause ne

représente le foyer principal du centre du larynx. »

Mais, en vertu de ses irradiations aux centres voi-

sins, cette aire se confondrait en partie avec les

centres de la langue, du voile du palais, des mâchoires,

des membres antérieur et postérieur. C'est toujours la

théorie de l'engrenage. « Et il n'en pouvait pas être

autrement, dit Masini ; le moyeu de supposer que le

. larynx dût faire exception à ce qui a déjà été reconnu

pour tous les autres centres sensitivo-moteurs ? » De

même, nous retrouvons ici la théorie de la suppléance

des fonctions motrices du larynx, après l'ablation

complète des centres corticaux, par des « centres pho-

nateurs sous-corticaux » '. Ajoutons que, de concert

avec les phénomènes de parésie, Masini a observé des

altérations de la sensibilité tactile et musculaire, ther-

mique et dolorifique, sur la muqueuse laryngée.

Mais ce que nous voulons retenir, c'est que, touchant

la question des rapports croisés ou directs, unilatéraux

ou bilatéraux, du centre laryngé de chaque hémis-

phère avec l'organe périphérique, Masini tient pour

Goltz contre Luciani. La réaction isolée comme la paré-

sie de la corde du 'côté opposé au centre excité ou

détruit témoigne sans doute que les rapports croisés

1 Dans la partie clinique de son travail, .Masini constate la persistance

des paralysies des cordes vocales du )ar\nx et n'invoque plus, comme

pour les animaux, de suppléance des centres corticaux par des centres

sous-corticaux homologues.

ARCHIVES, t. XIX. 6

82 PHYSIOLOGIE.

prévalent, mais les rapports directs de ce centre ner-

veux avec les muscles laryngés du même côté sont

également évidents. Si, sur un hémisphère, on excite

ce centre avec un courant plus intense, on détermine

une réaction motrice bilatérale des muscles du larynx.

Or, Luciani soutient encore, et, en tout cas, son schéma

de l'aire sensitivo-motrice enseigne que chaque centre

moteur cortical n'a que des rapports unilatéraux ou

croisés avec les muscles du côté opposé du corps, -

ce qui n'est pas seulement en contradiction avec ce

qu'il a lui-même établi pour les autres aires fonction-

nelles du cerveau, mais avec tous les faits connus,

auxquels il convient d'ajouter ceux d'un disciple de

l'éminent physiologiste de Florence.

Les belles études sur la physiologie du cervelet, que

Luciani a inaugurées, en 1884, dans un premier

Mémoire, ne soulèvent pas une pareille critique. Ins-

tituées et conduites avec une méthode jusqu'ici bien

rare en ce difficile sujet, ces études peuvent être citées

comme un modèle de critique scientifique. Les recher-

ches expérimentales d'Albertoni et de Lussaiia- ont été

reprises dans un esprit nouveau et avec une technique

opératoire d'une haute précision. Pour acquérir une

idée des fonctions de ce grand centre nerveux, il ne

suffit pas de léser ou de désorganiser plus ou moins le

cervelet : il fallait l'extirper aussi complètement que

possible, et en opérant de telle sorte que l'animal pût

survivre assez longtemps pour être observé, lorsque

l'état général et la nutrition seraient redevenus nor-

maux.

Lussana, au cours de recherches qui ont duré qua-

rante ans, a considéré le cervelet comme le centre

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 83

nerveux du sens musculaire, centre coordinateur des

mouvements volontaires de translation, ou, ainsi qu'il

s'exprime encore, comme le centre de gravité du corps

dans la station et la locomotion '. Les organes de trans-

mission de ce centre nerveux sont, suivant Lussana,

les cordons postérieurs de la moelle épinière. Ces con-

ducteurs ne contiennent pas seulement les fibres du

sens musculaire; ils renferment aussi celles du tact, de

la pression, etc., et tous ces modes de la sensibilité

générale sont abolis dans l'ataxie spinale : mais le

sens musculaire des membres et du tronc est seul

atteint dans l'ataxie cérébelleuse. Enfin, la lésion d'une

partie quelconque du cervelet déterminerait des phé-

nomènes bilatéraux. - .

Bianchi avait démontré, contre l'hypothèse alors

soutenue par Soltmann et par Goltz, que, lorsqu'on

excite par l'électricité l'écorce cérébrale, et spéciale-

ment la zone motrice, le cervelet n'a point de part

dans les réactions motrices des membres, puisqu'il

peut être entièrement détruit sans que ces mouvements

fassent défaut ou soient même modifiés 2. Bianchi

n'en avait pas moins constaté les rapports réciproques

qui existent, au point de vue anatomique et physio-

logique, entre le cerveau et le cervelet, tels que

le développement insolite de la partie antérieure des

hémisphères cérébraux, et surtout du gyrus sigmoïde,

dans les cas de destruction du cervelet*.

L'existence d'un faisceau fronto-cérébelleux, reliant

' Lussana. Sul cerveletto ricercge fisio-parologiche, Giorn. interuaz.

discienzemediche. an. IV, p. 121. Napoli, 1882. -Physiopathologie du

cervelet. Arcli. itai. de biologie, Vit, 1886, 145.

2 Contribuzione speriment. alli contpensazioni funziollaii. - Riv.

speriment. di frein., 1882, 431 sq.

84 PHYSIOLOGIE.

le lobe préfrontal d'un côté avec l'hémisphère opposé

du cervelet, paraît, en effet, bien établie, ainsi que

celle de connexions du même genre entre le cervelet

et les lobes temporal et occipital.

Voici les phénomènes de déficit consécutifs à l'ex-

tirpation presque complète du cervelet, observés par

Luciani sur une chienne qui a survécu huit mois à

l'opération '. Il faut distinguer deux périodes et même

trois. Dans la première, ce qui domine, c'est ce qu'on

peut appeler, « par un hommage à la mémoire

de Fiourens M, l'incoordination des mouvements volon-

taires, c'est-à-dire l'absence des associations normales

de mouvements musculaires nécessaires à l'accomplis-

sement des différents actes intentionnels ou voulus.

Toutefois, la contracture du train antérieur et l'im-

potence du train postérieur de l'animal ne semblent

pas résulter directement de l'ablation du cervelet :

ce sont, pour Luciani, de simples effets du trauma-

tisme opératoire; ils ont graduellement diminué avec la

fièvre, la suppuration, les abcès métastatiques, et même

presque entièrement disparu quand la cicatrisation de la

plaie a été complète, et que la nutrition de l'animal

est redevenue normale. C'est donc uniquement dans

la seconde période qu'on peut étudier les phénomènes

de déficit directement et exclusivement attribuables à

l'ablation du cervelet. Ce qui frappe alors dans les

mouvements volontaires de l'animal, c'est le manque

de mesure, de suite et d'énergie, un désordre des t :

mouvements qui ne va pas, sans doute, jusqu'à empê-

' L. Luciani Linee ycuerali délia fisiologia del ceruelletlo. Prima 1

.llemoriu, Firenze, 1881. (Puilicazioni del R. Istituto di studi superiori...

in Firenze.) .. 1

LES FONCTIONS DU CERVEAU. z

cher l'accomplissement des divers actes volontaires,

comme dans l'incoordination, mais qui donne l'im-

pression de ce que les cliniciens appellent l'ataxie

cérébelleuse. La tête, les membres et le tronc sont

agités de continuels mouvements cloniques, les muscles

se relâchent tout à coup et l'animal tombe en marchant.

Mais aucune investigation objective ne révèle la

moindre altération appréciable de la sensibilité géné-

rale, en particulier du tact et du sens musculaire.

L'ataxie cérébelleuse de cette chienne ne résultait ni

d'une lésion du sens de l'équilibre, ni d'un manque de

coordination et d'adaptation des mouvements muscu-

laires (comme cela apparaissait clairement lorsqu'elle

nageait, au lieu de marcher), mais d'un.affaiblissement

du tonus et de l'énergie des mouvements. Ce défaut

d'énergie du système nerveux moteur, conséquence

directe de la perte des fonctions du cervelet, est un

phénomène bien distinct de la parésie et de la para-

lysie. Luciani veut qu'on le désigne du vieux mot

d'asthénie. Enfin, dans la troisième période, les effets

indirects et lointains de la suppression de l'innerva-

tion cérébelleuse ont consisté en troubles trophiques

et vaso-moteurs, en une dénutrition rapide de l'ani-

mal, qui mourut dans un état de marasme extrême.

Ajoutons que les récentes recherches de Borgherini

(de Padoue), Sur quelques essais d'ablation du cerve-

tel 1, 111e font pas plus mention d'une altération du

sens musculaire que celles de Luciani, contrairement

à la doctrine de Lussana. Borgherini a présenté deux

chiens au Congrès de Pavie : chez le premier, dont la

' Archives italiennes de biologie, IX, 1887, p. 17. XII. Congrès de

l'Association médicale italienne, tenu à Pavie, en sept. 1887.

86 PHYSIOLOGIE.

lésion n'intéressait que les hémisphères cérébelleux et

le vermis, les pédoncules ayant été respectés, on obser-

vait, treize mois après l'opération, ces mouvements

de la tête, de la nuque et du tronc que rend assez

bien l'expression de titubation cérébelleuse. Debout, le

chien se tenait les membres écartés. D'ailleurs, toutes

les formes de la sensibilité étaient normales, ainsi que

le pouvoir sexuel. Chez le second chien, dont l'opé-

ration avait au contraire détruit tout le système pédon-

culaire, en laissant subsister le cervelet entier (sauf

quelques fragments du vermis), et qui avait survécu

six mois, on notait tous les troubles caractéristiques

des malades atteints de tabes dorsal ou d'ataxie loco-

motrice, mais toujours sans aucune altération de la

sensibilité. Des troubles trophiques ont également été

observés chez ces chiens. L'autopsie vérifia les lésions

annoncées par Borgherini.

Peut-être convient-il, avant d'aborder la partie cli-

nique de ce chapitre, de citer quelques faits qui

présentent une sorte de transition entre les études de

physiologie expérimentale et celles d'anatomie patho-

logique. L'Italie a eu son Bartholow. Sciamanna,

répondant aux adversaires des localisations cérébrales,

à Brown-Séquard, à Goltz, à Marcacci ', a constaté sur

l'homme vivant, à travers la dure-mère, la vérité de

la doctrine nouvelle des fonctions du cerveau. Chez le

nommé Ferd. Rinalducci, dont le pariétal droit était

fracturé, la trépanation enleva une portion considé-

rable de cet os : l'ouverture mesurait 35 millimètres

' Centri motori centrait. Studio critico sperimentale. Torino, 1882. -

Etude conçue dans un esprit purement négatif; la plupart des objections

de Marcacci n'ontplus depuis longtemps aucune raison d'être.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 87

de long sur 25 de diamètre. L'application des courants

galvanique et faradique détermina des mouvements

isolés de groupes musculaires distincts : 1° des mou-

vements de l'aile du nez. et de la lèvre supérieure

gauche, en réponse à l'excitation du tiers inférieur de

la PA ; 2° des mouvements d'extension de la main

gauche, des trois premiers doigts, des mouvements de

flexion de l'avant-bras et de soulèvement du sourcil,

par l'excitation du tiers moyen de la PA et du lobule

pariétal inférieur (Pa) ; 3° des mouvements de rotation

de la tête, de l'orbiculaire des paupières, du sourcil et

de la langue, par l'excitation de la circonvolution

supra-marginale, là où elle se continue avec la T ?

L'analogie, et quelquefois l'identité, avec les phéno-

mènes du même genre, observés par D. Ferrier sur les

singes, frappèrent beaucoup les esprits en Italie à cette

époque, et en particulier les lecteurs de la vaillante

revue de Lombroso, de Garofalo et de Ferri.

Lombroso a aussi institué sur l'homme vivant des

expériences, à l'effet de contrôler les observations de

la clinique et de vérifier les résultats de la physiologie.

11 n'a pas excité les centres moteurs de l'écorce à tra-

vers la voûte crânienne par l'application d'un courant

galvanique, comme l'avait fait Charcot \ ni, comme

Dumontpallier, par des piqûres du cuir chevelu, par le

vent d'un soufflet capillaire ou l'action de l'aimant, de

' G. Sciamanna. Gli awersari délie localizzazioni cerebrali.

Archivio di psiciuaLria, scienze penali ed antropoloâia criminale ppr ser-

vire allo studio dell' uomo alienato e delinquente. III, 1882, 209 sq.

2 C. R. de la Soc. de biol., 7 janvier 1882. Charcot. Phénomènes qui

se manifestent à la suite de l'application du courant galvanique sur la

voûte crânienne pendant la période léthargique de l'hypnotisme chez les

hystériques.

88 PHYSIOLOGIE.

la chaleur, de la lumière, du son, etc. ' : la tête du sujet

une hystéro-épileptique de vingt-six ans, mais

éveillée pendant les expériences et sans qu'on eût

exercé sur elle la moindre suggestion -- était sillonnée

d'échellesdivisées en centimètres; Lombroso, armé d'un

petit marteau à percussion, put noter exactement, en

frappant légèrement la tête, les points dont la percus-

sion provoquait, d'une façon constante, des paralysies

sensitivo-motrices du bras, de la jambe, de la face.

Les fonctions des sens spéciaux ont pu être également

modifiées dans le même sens par la percussion de

leurs centres respectifs. Lombroso détermina à volonté,

dit-il, la cécité, la surdité, la « perte du goût et de

l'odorat », la paralysie de l'hypoglosse, l'aphasie, etc.

Ces paralysies furent tantôt directes, tantôt croisées.

Lombroso déclarait, dans une lettre ouverte du

8 avril 1886, que les résultats ainsi obtenus par lui et

par ses collaborateurs, MM. Castelli et Montalcino,

étaient en général conformes à la doctrine reçue. La

simulation lui paraît impossible, « car la malade ne

connaissait évidemment pas la théorie des localisations

cérébrales ». Sans doute, tous les sujets hystériques

ne réagiront pas avec la même sûreté, la même préci-

sion, aux petits chocs du marteau. Lombroso estime

cependant que ces phénomènes représentent unique-

ment l'exagération d'un processus physiologique com-

mun à tous les individus 2. '

L'année suivante, au Congrès de l'Association médi-

cale italienne, à Pavie (1887), Rainoldi a présenté

' C. R. de la Soc. de biol., 14 janvier 1882.

· ' V. Lo Sperimentale de nov. 1885; et la lettre de Lombroso, datée de

Livourne. le 8 avril 188, insérée dans la Semaine médicale, 1886, p. 154.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 89

une hystéro-épileptique qui, durant la période léthar-

gique de ses attaques, manifesterait au plus haut degré

le « phénomène rotandique' ». Au moyen de légères

percussions digitales sur les points du crâne qui corres-

pondent aux différents centres moteurs ou sensoriels

de l'écorce, l'expérimentateur italien a réussi à provo-

voquer des mouvements de flexion et d'extension des

extrémités supérieure ou inférieure du côté opposé,

mouvements souvent localisés au membre correspon-

dant, quelquefois aussi combinés et bilatéraux, des

contractures circonscrites, etc. En somme, les réactions

motrices des membres correspondaient aux points,

toujours les mêmes, excités par la percussion, et ces

points ont paru coïncider avec les centres moteurs de

ces membres. En dehors de ces zones, la percussion

ne provoquait aucune réaction motrice. Rainoidi aurait

ainsi constaté une fois de plus, avec Charcot, l'état

d'hyperexcitabilité spécial du cerveau pendant la pé-

riode léthargique de l'hypnose. Enfin, au cours de la

discussion, Silva a rappelé que la percussion n'était

pas indispensable pour produire le phénomène rolan-

dique : il a déterminé les mêmes réactions de l'écorce

en comprimant légèrement ou même en effleurant les

parties correspondantes de la tête (1885).

IV.

Les résultats actuels des recherches cliniques et

anatomo-pathologiques de Seppilli sur la nature des

fonctions de la zone motrice du cerveau humain, nous

1 Fenomeni di ipnolismo in 2sn'islero-epilellicv. ? 1 ? ¡, per le mal.

ueru., '188ï, 5-l2.

90 PHYSIOLOGIE.

emportent bien loin de l'époque où les troubles de la

sensibilité cutanée et musculaire étaient presque un

signe pathognomonique servant à distinguer une lé-

sion de la base d'une lésion de l'écorce. Charcot et

Pitres (1877-1879), Maragliano (1878), CI. de Boyer

(1879) représentaient une opinion que d'autres clini-

ciens, Tripier (1880), Pétrina (1881), Exner, Ber-

nhardt, etc., devaient bientôt ruiner. Il y aurait sans

doute quelque exagération à prétendre que les lésions

destructives de la zone motrice s'accompagnent tou-

jours, en même temps que de troubles de la motilité,

d'altérations de la sensibilité générale 1. Mais on n'en

est plus à s'étonner qu'un fait très général et, très

constant ait pu longtemps échapper à l'observation

même des plus clairvoyants. Pendant des siècles, on

a sectionné, excité, cautérisé la substance grise et la

substance blanche du cerveau sans être jamais par-

venu, jusqu'à 1870, sinon à mettre en jeu la contrac-

tilité musculaire, du moins à produire des parésies ou

des paralysies de la motilité. Qu'a-t-il manqué à tous

les précurseurs de Fritsch et Hitzig, à tant de physio-

logistes et de cliniciens souvent du plus grand génie ?

Il ne leur a manqué qu'une méthode plus rigoureuse,

j'entends dans cette province de l'investigation scien-

tifique. « La méthode crée les résultats », a écrit Hit-

zig. A coup sûr, si l'on avait expérimenté avec méthode

sur la surface entière du cerveau, il y a longtemps

que l'on aurait découvert ce que tout le monde peut

constater aujourd'hui. Il est donc possible que les dif-

ficultés que présente l'examen de la sensibilité cutanée

1 Charcot et Pitres. Etude critique et clinique de ta doctrine des

localisations motrices, Paris (1883, p. 55.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 91

et musculaire, en regard des fonctions de la motilité,

soient une des causes du silence qu'ont gardé si long-

temps les auteurs sur ce genre de lésions fonction-

nelles. Quoi qu'il en soit, et en laissant la question

ouverte en clinique, il est certain qu'il a suffi d'attirer

l'attention sur ce point pour voir se multiplier les cas

de paralysie mixte de la sensibilité et du mouvement

d'origine corticale. Seppilli cite quarante-sept cas cli-

niques accompagnés d'autopsie, où des altérations ma-

nifestes de la sensibilité générale coïncidaient avec des

troubles de la motilité dus à des lésions de l'écorce.

Dans les altérations de la sensibilité générale sont ici

comprises, outre les troubles du sens musculaire, celles

de la sensibilité tactile, de la sensibilité thermique et

de la sensibilité dolorifique. « On doit admettre, dit

Seppilli, que, dans la zoue corticale de la sensibilité

cutanée, la perception des impressions tactiles, ther-

miques ou dolorifiques ou bien dépend du mode diffé-

rent d'excitation des fibres nerveuses, ou de ce que

les fibres des sensibilités tactile, thermique et dolori-

fique sont mêlées et confondues, ou se trouvent entre

elles dans un étroit rapport. » Voici en quelles pro-

portions les lésions affectaient les différentes régions du

cerveau dans les 47 cas cliniques recueillis par Sep-

oilli :

92 ' PHYSIOLOGIE.

Les lésions provocatrices des altérations fonction-

nelles de la motilité et de la sensibilité générale occu-

paient donc surtout les circonvolutions frontale et

pariétale ascendantes, soit seules, soit de concert avec

les circonvolutions voisines, telles que celles du lobe

frontal (régions antérieures des trois frontales), du lobule

pccocccecatc°al et des deux lobules pariétaux.

Telle serait l'étendue de la zone sensitive corticale

(zona sensitiva cutaneo-muscolare).

Elle coïncide de tous points avec la zone dite mo-

trice ; elle est seulement plus étendue.

Les cliniciens ont été jusqu'ici assez unanimes à re-

connaître que les lésions des deux tiers antérieurs des

circonvolutions du lobe frontal, non plus que celles

des lobes occipital et temporal, ne déterminent aucun

trouble de la sensibilité cutanée et musculaire, à moins

que le processus morbide ne s'étende aux régions ro-

landiques. Peut-être cependant cela n'est-il déjà plus

tout à fait exact pour les régions antérieures du lobe

frontal, pas plus que pour le lobe pariétal.

Silvio Tonnini, médecin du manicome de Ferrare,

avait, dès 1881, observé un fait qui permettrait d'é-

tendre la zone motrice à la région préfrontale de la face

interne delà F,, ainsi qu'on le voit aujourd'hui, dans

le schémas du cerveau du singe de V. Horsley et de

Schaefer. Chez un homme, mort à 35 ans de gangrène

pulmonaire, et qui à l'âge de quatre ans avait eu des

accidents nerveux suivis.d'une paralysie complète du

membre inférieur gauche, puis d'une parésie avec

contracture et arrêt de développement du même mem-

bre, une ancienne lésion destructive, intéressant uni-

- z

LES FONCTIONS DU CERVEAU ? V /93

, , . , . v >' \ "

quement l'écorce, siégeait un peu en avant du j)ied def}a

Fi, sur la face interne, et sur la portions contiguë de

la circonvolution du corps calleux. « Que ce cas soit

suffisant pour étendre en avant la zone motrice, je ne

le crois pas, écrivait alors Tonnini; mais, comme pre-

mier exemple d'une grande netteté, il pourra contri-

buer à enlever à l'hypothèse reçue ce qu'elle présente

de trop absolu'. »

Quant à l'hypothèse de David Ferrier, d'après .la-

quelle le centre de la sensibilité générale siégerait

dans les régions de l'hippocampe, « l'observation cli-

nique, dit Seppilli, n'a jusqu'ici apporté aucune preuve

à l'appui. Les cas de lésions limitées à l'hippocampe

sont d'ailleurs si rares, que Ferrier avoue lui-même

n'en avoir pu trouver un seul ». Ajoutez les cas clini-

ques où les troubles de la sensibilité avaient fait défaut

en dépit des plus graves lésions destructives de l'hip-

pocampe et ceux, innombrables, où ces troubles exis-

tent sans lésions de l'hippocampe. Enfin, dans le cas

d'épilepsie chronique, où la sclérose et l'atrophie de

la corne d'Ammon constituent une trouvaille nécrosco-

pique assez fréquente (Meynert, Snell, Tamburini,

etc.), on ne rencontre point d'ordinaire d'altérations

1 Silvio Tonnini. Focolajo distruttivo di antica data ne/la zona latente

(non motrice) della facia interna del lobo frontale destro; neozzoplegia

delV arlo inferioresinistro wn conlraltura ; epil essia partiale a sinistra.

Archivio ital. per le mal. nerv., 1881, H sq. Cf. les réflexions de

Charcot et de Pitres sur cette observation, « assurément la meilleure

parmi toutes celles qui ont été données comme contradictoires à la doc-

trine des localisations n. Etude critique et clinique, etc., p.. 16.

' Livio Viucenzi. Sulla sclerosi dell' alveus cnei orni d'Ammone di un

epilettico. Archivio ital. per le mal. lW'V., 1882, 307. Cf. Tamburini,

lüu. speriment. di fren., 1879, 197, 201, et, plus haut, ce que nous avons

dit des études de G. F.isolit (1886) sur les fonctions de la circonvolution

de l'hippocampe.

94 PHYSIOLOGIE.

permanentes et bien circonscrites de la sensibilité gé-

nérale 1.

Voilà pour l'étendue de la zone sensitive de l'écorce

cérébrale. Mais, comme les troubles de la sensibilité

.musculaire, de la sensibilité cutanée et de la mo-

tilité se montrent quelquefois dissociés en clinique,

tout porte à croire que les aires corticales dont les lé-

sions ont déterminé ces désordres fonctionnels ne sont

point identiques. Quel est le siège anatomique des

perceptions et des représentations du sens musculaire ?

D'après Nothnagel, ce seraient lesP, et P2. Seulement,

dans les cas cliniques connus, sauf deux, ceux de

Grasset et de Kahler et Pick, la lésion n'a jamais été

trouvée limitée au lobe pariétal. Toute conclusion sur

le siège du sens musculaire dans l'écorce serait donc

prématurée. « Mais, dit Seppilli, on peut du moins

admettre comme vraisemblable, que le lobe pariétal

est surtout en connexion avec les faisceaux du sens

musculaire. » A l'appui de cette hypothèse, Seppilli

ajoute que, dans nombre de cas où il n'est point fait

mention d'altération du sens musculaire, la lésion

s'étendait uniquement à la zone motrice. Si les obser-

vations cliniques confirment un jour ces vues, si les

' Eu regard de ces objections, faites du point de vue clinique, nous

devons rappeler que, au point de vue expérimental, Horsley, Schaefer,

Sanger-Brown, persistant à croire, avec 1). Ferrier, que la destruction du

gyrus tornicatus et celle de la portion hippoeampaie de cette circonvo-

lution déterminent une hémianesthésie du côté opposé. Une démonstra-

tion complète de ce tait n'a d'ailleurs jamais été faite par les physiolo-

gistes enx-mêmes. Il faudrait enlever entièrement ces parties du grand

lobe limbique, « opération de la plus grande difficulté, écrit Schaefer,

mais que je n'abandonne pourtant pas l'espoir d'effectuer un jour. En

attendant, j'affirmerais l'extrême probabilité de cette hypothèse en rai-

sonnant par exclusion, etc. ». A Schaffer. Experioeents on spécial. sense

localisation in the cortex cerebri of the monke ! J. - Brain, janvier 1888,

379.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 95

centres de la sensibilité musculaire ont un siège dis-

tinct de celui de la sensibilité cutanée, la zone corti-

cale de la sensibilité générale apparaîtra divisée en

deux régions : la première serait localisée dans les lo-

bes pariétaux, la seconde coïncidant avec la zone dite

motrice. Les observations cliniques recueillies jus-'

qu'ici montrent en effet que l'hypoesthésie et l'anes-

thésie cutanées non seulement accompagnent les paré-

sies et les paralysies de la motilité : d'ordinaire elles

ont une égale extension. « Cette identité d'extension

des paralysies du mouvement et de la sensibilité nous

semble prouver, écrit Seppilli, que les cellules ner-

veuses de l'écorce dont dépendent la sensibilité cutanée

et le mouvement volontaire des différents groupes

musculaires doivent se trouver dans un étroit rap-

port. »

Les altérations de la sensibilité cutanée sont en gé-

néral moins intenses que celles de la motilité volon-

taire. Cette différence d'intensité, on a cherché à l'ex-

pliquer par la différence d'extension et de profondeur

de la lésion corticale. C'est ainsi que, suivant une hy-

pothèse de Lisso, les lésions superficielles de l'écorce

des régions motrices détermineraient des troubles de

la sensibilité cutanée, les lésions profondes, des alté-

rations du sens musculaire et des paralysies motrices.

Quant à la profondeur de la lésion, l'observation cli-

nique démontre, ainsi qu'il résulte des cas recueillis

par Seppilli, que les lésions de l'écorce et de la subs-

tance blanche sous-jacente, tout comme les lésions

superficielles de l'écorce seule, peuvent ne déterminer

que des troubles légers de la sensibilité, toujours de

moindre intensité que ceux du mouvement. Il faut en

96 PHYSIOLOGIE.

dire autant de l'extension en surface de la lésion. Mais

s'il ne parait pas qu'on puisse encore expliquer par

l'étendue ou la profondeur des lésions les différences

d'intensité des troubles de la sensibilité et du mou-

vement, retenons du -moins comme certain que les

perceptions de la sensibilité générale ont réellement

et exclusivement leur siège dans l'écorce cérébrale.

Si une lésion destructive de l'écorce les paralyse,

une lésion irritative les exalte'.

Les observations cliniques d'altération de la sensi-

bilité générale relevées sur les différentes parties du

corps permettent-elles de rapporter ces troubles

fonctionnels à des lésions correspondantes et exacte-

ment localisées de la zone corticale sensitive ? S'il en

était ainsi, cette zone pourrait être subdivisée en cen-

tres de la face, du tronc, des extrémités supérieure et

inférieure, etc. A cet effet, Seppilli a réparti eu ciuq

groupes : 1° les cas cliniques d'altérations de la sensi-

bilité de la face et des membres ; 2° les cas où la sen-

sibilité des membres était seule affectée; 3° ceux où la

1 A. l31ânami et G. Guarnieri ont trouvé, 1'1 l'autopsie d'un homme de

io ans, mort de pneumonie, amputé de la cuisse gauche onze ans aupa-

ravant, une atrophie ascendante du cordon postérieur, de la corne pos-

térieure, de la corne antérieure, de la colonne de Clarke, d'une moitié de

la moelle épinière et des deux circonvolutions rolanriiques à droite.

Toutefois les grandes cellules pyramidales de Betz subsistaient dans les

régions motrices atrophiées de l'écorce. Ces auteurs en concluent que

si, comme l'admettent Luciani et Seppelli, les centres de la motilité et

de la sensibilité cutanée et musculaire sont confondus ou « engrenés »

dans la zone motrice, ils ne dégénèrent pas à la fois après l'ablation d'un

membre. L'amputation est suivie, dans la moelle, de l'atrophie simple

ascendante des voies sensitives, atrophie s'étendant jusqu'à la statiun

terminale, dans l'écorce cérébrale, des faisceaux sensittfs. Mais le pro-

cessus dégénératif atteindrait les centres supérieurs des appareils de la

sensibilité cutanée et musculaire, non les centres moteurs. 1 ! icel'che sui

centri nervosi di un anapulato. - Bollelino délia 11. Acad. med. di

Rama, 1888. Referai in Archivio ital. per le mal, nerv., 1889, \1'f,

p. 40. 1

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 97

sensibilité des bras et de la face étaient altérés à la

fois; 4° ceux où ses troubles étaient limités au bras

seul ; 5° enfin, ceux où ils l'étaient à la face.

Or, il serait impossible, dans l'état actuel de la

science, de déterminer exactement, sur l'écorce céré-

brale, le siège anatomique des différents centres de

sensibilité générale, et cela parce qu'à des lésions plus

ou moins circonscrites de l'écorce, peuvent correspon-

dre des altérations plus ou moins diffuses de la sen-

sibilité. C'est ainsi que la destruction du centre d'un

membre postérieur est suivie, nous l'avons vu, de pa-

résie ou de paralysies du mouvement et de la sensibi-

lité qui, loin d'être circonscrites à ce membre, s'éten-

draient plus ou moins au membre antérieur et à la face.

Mêmes résultats si la lésion destructive intéressait le

centre cortical du membre antérieur ou celui de la

face. De même encore, l'aire du centre du larynx, lo-

calisé chez l'homme, sur la F3, près le centre de Broca

et le pied de la FA, s'étendrait bien au delà, s' « en-

grenant » avec les centres sensitivo-moteurs de la

face, des lèvres et de la langue. La coexistence quel-

quefois signalée de l'aphonie et de l'aphasie motrice

plaiderait dans le même sens. Le centre du larynx,

chez l'homme, chez le chien, est d'ailleurs bilatéral,

contrairement à ce qu'affirme Seguin, qui le place sur

la F3 droite, et contrairement à l'hypothèse de Lu-

ciani sur l'unilatéralité fonctionnelle des centres cor-

ticaux sensitivo-moteurs.

Ainsi, appliquée à l'étude des localisations fonction-

nelles de la sensibilité générale et de la motilité vo-

lontaire, la méthode anatomo-clinique nous amène,

comme la méthode expérimentale, à conclure une fois

Archives, t. XIX. 7

9§ RECUEIL "DE FAITS.

de plus, suivant les auteurs italiens, et toujours en

vertu de la théorie de ]'« engrenage », qu'une lésion

limitée de l'aire sensitivo-motrice d'une région cor-

respondante du corps, a des effets beaucoup plus

étendus, et retentit souvent sur d'autres régions plus

ou moins éloignées, voire sur toute la moitié du corps

opposé à la lésion. Tout ce qu'il serait permis d'avan-

cér, parce que cela ressort avec évidence des obser-

vations cliniques réparties en cinq groupes par Sep-

pilli, ainsi que des diagrammes qu'il a construits avec

ces matériaux, c'est que, conformément à la topogra-

phie des centres moteurs de l'écorce, les altérations de

la sensibilité de la face sont surtout en rapport avec

les lésions des parties inférieures des circonvolutions

ascendantes, et que celles des extrémités correspon-

' dent surtout aux lésions des parties supérieures de ces

circonvolutions. (A suivre.)

RECUEIL DE FAITS

TROIS NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE

CHEZ LES JEUNES GARÇONS;

Par BOURNEVILLE et P. SOLLIER.

UNE FAMILLE D'HYSTÉRIQUES ' 1

Nous devons compléter l'observation de notre malade Lav...

(Eugène) jusqu'à ce jour. . .

1888. Janvier. En quittant sa mère, le 9, il est allé à Arpajon,

sous prétexte de trouver de l'ouvrage, avec Ber... et Leco... Revenu

à Paris, il a été arrêté à la gare d'Orléalls et conduit au Dépôt de

la Préfecture de police. Au bout de deux jours, ayant déclaré qu'il

avait été malade à on l'a envoyé à l'infirmerie de la pré-

i Voir le il" 54, p. 410.

FAMILLE D'HYSTÉRIQUES. 99

fecture de police où il est resté une demi journée. De là, il a été

expédié au bureau d'admission de l'Asile clinique, puis à Bicêtre.

Envoyé en congèle 1er juillet, il n'est pas rentré. Dans la pre-

mière quinzaine de ce mois, il a en un jour un vertige et le lende-

main une attaque. Il est resté jusqu'en septembre avec ses parents,

s'occupant des soins du ménage. Alors il a travaillé chez un fabri-

cant de boutons. 11 a eu trois attaques en trois jours, et, dans la

crainte d'être renvoyé, il n'est plus retournéàson atelier. A partir

du 26 avril 1889, jusqu'au commencement d'août, il a travaillé

chez lui, à faire des racommodages de chaussures, c'est-à-dire

exerçant le métier qu'il a appris à Bicêtre. Il a été ensuite homme

de peine pendant deux mois et demi à l'usine à gaz située près de

son domicile, puis il a été employé pendant trois semaines à

l'abattoir de la Villette. Il a recommencé à faire de la cordonnerie

et, depuis le 25 décembre dernier, il est rentré à l'usine à gaz.

Si nous donnons ces détails, c'est pour montrer combien les ma-

lades comme lui ont de la peine à se fixer. z

Voici le tableau des attaques durant son séjour à Bicêtre :

100 RECUEIL DE FAITS.

manifestations nerveuses. La plus âgée des filles semble avoir

eu des crises hystériques. Un garçon présentait des phéno-

mènes de somnambulisme. Les autres enfants auxquels nous

avons eu l'occasion de donner des soins ont tous présenté des

phénomènes qui relèvent de l'hystérie et dont nous allons

donner une brève description.

N° 2. Lav... (Henriette), 25 ans, bandagiste.

1885.14 août. - Depuis cinq ou six mois, elle a des points de

côté variable, et des douleurs dans la tête, surtout au niveau des

tempes. Pas de convulsions. Nerveuse, mais jamais d'attaques.

Appétit médiocre. Tympanite passagère. Pas de point ovarien.

Réglée à treize ans et demi, facilement et régulièrement depuis.

Sommeil bon; parfois rêves et cauchemars. A maigri depuis trois

ans. Travaille beaucoup et veille. Ne tousse pas. Sous l'influence

d'un traitement tonique (Fer, gentiane, bains), elle s'est remise

promptement.

Les accidents névropathiques, en somme très légers chez

cette jeune fille, ont été, au contraire, très accentués chez la

suivante.

N° 3. Lav... (Marie), 16 ans, en 1885; bandagiste.

1885. 23 juillet. - Rien de particulier jusqu'à l'âge de six ans,

époque cù elle a maigri sans raison. Il y a deux ans, en avril 1883,

elle a été soignée pour des douleurs dans le ventre et à la tête.

A toujours été très nerveuse. Fréquents accès de colère. Pleure

facilement et cesse non moins rapidement. Le 9 juillet en ren-

trant de l'école pour déjeuner, elle a été prise à la fin du repas

de « tournoiements de tête » qui auraient duré trois ou quatre

minutes. La vue était brouillée. Elle a senti qu'elle tombait en

arrière et a appelé sa mère qui l'a trouvée renversée sur sa chaise,

les yeux grands ouverts, la bouche béante. Placidité générale.

On l'a couchée. Au bout de quelques instants elle a regardé et

repoussé les personnes qui l'entouraient et qu'elle ne semblait

pas reconnaître. Puis elle est revenue à elle, a reconnu sa mère,

l'a embrassée et s'est mise à pleurer. Aussitôt après, elle est retom-

bée sans connaissance et a été prise d'une nouvelle crise catalep-

tiforme. Elle aurait eu cinq crises semblables dans un espace de

quarante minutes. Dans l'intervalle des crises, elle avait les yeux

hagards; elle voyait les gens et ne les reconnaissait pas.

Elle sent des deux côtés le pincement et le chatouillement mais

beaucoup mieux à gauche qu'à droite.

Le 12 juillet, nouvelle crise ; le 15 et le 19, nouvelles crises d'une

demi-heure environ. Pas de cris, pas de rigidité. Hallucinations.

6 aoM<. Depuis quelques jours, elle se débat violemment dans

ses attaques qui sont devenues plus fréquentes. Elle en a deux

DE l'hystéro-épilepsie. 101

par jour de trente à quarante-cinq minutes. Voici' le tableau des

crises :

102 RECUEIL DE faits.

guillotiner. » Elle voit- brûler les jambes de son frère. a Eteins-

donc le feu, maman, on brûle ! » Elle se plaignait ensuite de brûler

elle-même. Hier elle a vu une puce sur le nez de sa soeur et lui a

donné un coup de poing. Elle commande à sa soeur d'aller lui

chercher un singe et une tortue d'Amérique. La nature du délire

est ordinairement triste (durée de quatre à cinq minutes). Elle

revient à elle tout d'un coup et demande à manger. Pas de pleurs

ni de rires exagérés. Pas de miction abondante. La sensibilité est

conservée à gauche et très notablement diminuée à droite. Le

ventre présente un peu de tympanisme.

4 août. - Les 44, 42 et 13 août, elle a eu 152, 349 et 198 crises,

dont un certain nombre avec grands mouvements d'arc de cercle.

Mouvements de rotation sur l'axe', se tournant brusquement

du dos sur le ventre. Elle a perdu connaissance dans toutes les

attaques. Points hystérogènes : douleur au niveau de l'apo-

physe épineuse de la deuxième vertèbre dorsale, s'irradiant le long

de la colonne vertébrale, qui présente de la scoliose. Points dou-

1 oureux au-dessous de chaque clavicule : en comprimant un peu

fortement, elle étouffe. Point mammaire de chaque côté. La pres-

sion de ces divers points ne donne pas la sensation de boule, mais

provoque comme des coups de marteau ». Elle distingue bien les

couleurs des deux côtés. Ouïe moins bonne à droite. Odorat et

goût, normaux des deux côtés.

26. La pression sur la région ovarienne droite détermine une

sensation de boule remontant au larynx.

Essais d'hypnotisme par la fixation du regard. Très grande

résistance. Palpitations des paupières; les narines se dilatent;

mouvements de déglutition, mais pas de sommeil.

1er septembre. - Les douches ont été prises régulièrement,

depuis le 15 août. Les crises ont eu la marche suivante :

DE T.'HISTRItO-EPII,EPSIE. 103

Hier elle a eu deux crises parce que sa mère n'a pas voulu céder

à un de ses caprices.

17 décembre. - Depuis quinze jours, elle aurait de petites crises

tous les jours (au moins deux). A la suite d'une colère, elle en a

eu neuf et le lendemain vingt-neuf; l'une d'elles aurait duré vingt-

cinq minutes. Les crises sont d'habitude légères. Les différents

modes de sensibilité sont notablement émoussés. A gauche elle

sent qu'on la pince, mais elle ne souffre pas. Parfois elle a un

brouillard devant l'oeil gauche. Elle voit des poupées qui dansent

et cela en dehors des crises. Elle n'a plus d'hallucinations avant

ou après l'attaque. Sifflements dans les deux oreilles, mais surtout

à gauche. En somme, les phénomènes de l'aura prédominent à

gauche. Elle distingue bien les couleurs. Pas d'onanisme. Elle

ne recherche pas non plus les garçons.

1886. [8 janvier. - Du 17 au 25 décembre, elle aurait eu tous

les jours trois ou quatre attaques. Rien du 25 au 27. Depuis',

attaques tous les jours, quatre au maximum. Ses attaques seraient

plus fortes. Dans ses attaques de décembre, elle a eu un délire

de parole très prononcé. Elle parle tout le temps de son frère et

cherche à mordre.

28. Pendant le mois de janvier, elle a eu des attaques, trois

ou quatre en moyenne, tous les jours. Les crises les plus longues

ne durent que trois ou quatre minutes. Elle se débat toujours un

peu, balance la tête latéralement, ne cherche plus à mordre. Très

impressionnable, pleure à la plus légère contrariété. Dans ses

crises elle fait des signes de répulsion, grince des dents quand

d'autres personnes la touchent.

Dynamomètre Mathieu : Dr., 25; G., 12 1/2; cette diminution

de la force musculaioe à gauche est en harmonie avec les autres

symptômes. Traitement : capsules de bromure de camphre.

18 février. Pas d'attaques. Marie à recommencé le 13 les

douches suspendues à cause du froid.

20. Les attaques paraissent avoir eu des caractères particu-

liers. Elle était couchée lorsqu'à onze heures du matin sa mère

entendit qu'elle respirait bruyamment «en raclant ». S'étant levée

elle la trouva sans connaissance, la face rouge violacée, les yeux ,

grands ouverts, fixes, la tête immobile, les membres flasques, la

respiration très gênée. On lui a fait respirer de l'éther et elle n'est

revenue complètement à elle qu'à deux heures et demie du matin.

Depuis celte attaque, l'enfant a de la tendanceà dormir après ses

attaques ordinaires.

104 RECUEIL DE FAITS.

25 mars. Marche des attaques :

DE L'HYSTÉRO-ÈPILEPSIE. 105

26 août. Une attaque le 30 juillet chez sa patronne, blanchis-

seuse, à la suite d'une émotion causée par l'épandage d'une

bassine d'eau froide qu'elle mettait sur le fourneau et qui, en tom-

bant sur une surface chaude, répandit une grande fumée. Sa

patronne l'a remerciée de crainte que sa fille, âgée de cinq ans,

n'en eût peur. - Le 9 août, trois petites attaques sans cause

appréciable. - Pas de règles en août. Anémie légère. Picotements

dans les seins et les flancs. Sensation de brûlure autour de

l'oreille.

30 septembre. L'état reste le même. Dynamomètre Collin :

D. 38. - G. 25. Après des mouvements passifs le côté gauche

amène 28. Après avoir regardé à travers un verre rouge la main

droite donne 26, la gauche 31 ; et après avoir regardé à travers un

verre violet on a à gauche 33, et à droite 34. A la fin de la

séance la main droite seule donne 29 Elle a eu des attaques le

20 août, le 1 cor, 28 et 30 septembre et le 6 octobre.

14 octobre. Une attaque de cinq minutes. Pas de sommeil à

la suite. 1

25 novembre. - Pas d'attaques nouvelles. Elle est retournée à

l'école, ne prend plus ses douches depuis un mois. - Règles

régulières. '

20 décembre. - Une attaque sans cause.

1887. 10 janvier. - Une attaque le 25 décembre et le 3 janvier;

deux, le 4 janvier; trois, le 5; quatre, le 6; trois, le 7; deux, le 8;

une, le 9. Elle prétend n'avoir aucune cause expliquant cette re-

chute. Tristesse de temps en temps, craignant qu'on ne la place à

la Salpêtrière. Sensibilité conservée, normale. Pas de zone hystéro-

gène. Les attaques surviennent toujours brusquement, sans

cause. Elles durent au maximum vingt, au minimum dix minutes.

A la fin des attaques, elle reste le regard fixe et sans voir, dit-on,

pendant environ dix minutes. Mais, si on lui passe la main devant

les yeux, elle a une sorte de soubresaut. L'appétit a diminué. Selles

régulières, parfois tympanite. Pas de trouble de la miction. Les

règles sont venues le 22 décembre avec huit jours de retard..Elles

ont été très peu abondantes et ont duré quatre jours.

27. Une attaque les 10, 11 et 18 janvier. Rien depuis le 19. La

malade a pâli; elle perd beaucoup de ses forces. Les muqueuses

sont un peu pâles. Elle recommence à voir devant l'oeil gauche

des cheveux qui passent. Sa vue se brouille. Les règles n'ont pas

paru le 22. Sommeil prolongé et lourd, sans cauchemars.

3 mars. - Nouvelles attaques le 3, le 4, le 5 et le 10 février.

' Comme on le voit par l'histoire de La. E, et par celle de sa soenr

Marie, on les renvoie 'des ateliers, ainsi qu'on les congédie de l'école;

d'où, nous le répétons, la nécessité de l'hospitalisation. ' '

106 RECUEIL DE faits.

5 août.-Marie n'a pas eu d'attaques depuis le 10 février. Réglée

périodiquement. Appétit ré"ulier. Travaille bien. Zo ne hystérogène

dans la région ovarienne droite. La sensibilité parait normale des

deux côtés. Rachialgie légère au niveau de la cinquième côte dor-

sale avec irradiation dans l'épaule gauche. Envies de pleurer assez

fréquentes. Exigeante. Continue les douches.

= 22. - Pas d'attaques. Le 17 août, engourdissement de la main

gauche et du poignet qui a disparu au bout d'un quart d'heure

après des frictions. Les engourdissements sont revenus tous les

jours durant quelques minutes. Pas de contractures.

1889. Décembre. - Depuis le mois d'août 1887, jusqu'à la fin de

l'année, il lui est arrivé deux ou trois fois de se trouver mal sans

avoir de grandes attaques. En 1888, elle n'a eu ni crises, ni ver-

tiges, ni syncopes, mais elle était nerveuse et colère. Elle s'est

mariée le 12 février 1889 et est accouchée d'une fille vers le milieu

du mois de décembre. Elle n'a pas eu d'attaques. Durant cette

période elle a travaillé d'abord chez un bandagiste avec sa soeur,

puis a été trois semaines blanchisseuse. Ce métier étant trop

fatigant, elle s'est remise aux bandages. Actuellement elle tient un

hôtel meublé à Saint-Etienne.

Nous nous bornerons à mentionner : les mouvements de

rotation sur l'axe du corps, l'hémianesthésie gauche, la pré-

dominance des phénomènes de l'aura du même côté, les atta-

ques syncopales, l'arc cercle, les hallucinations, le délire de

parole, les tentatives pour mordre les personnes qui l'entou-

rent, ou pour se frapper elle-même. Disons enfin, que c'est aux

douches et aux toniques que nous avons dû la disparition des

crises nerveuses.

N° 4. Lav... (Joseph), onze ans, en 1886; tablettier.

1886. 8 mars. L'enfant qui d'habitude n'est pas peureux, et

dort bien, a été pris, au moment d'aller à l'école, où il va volon-

tiers, d'un malaise, puis il s'est mis à sauter comme s'il avait des

secousses dans les épaules. Il faiblissait sur ses jambes. Le soir, il

tremblait encore. Tout lui faisait peur, il ne voulait pas rester seul

dans sa chambre. Il se plaignait que, en marchant, ses doigts de

pieds restaient raides dans ses souliers. Le visage était altéré, les

yeux hagards, le son de voix changé. Il a mangé un peu. 11 a uriné

dans son pantalon sans s'en apercevoir. Une fois couché avec son

petit frère, il voyait des gendarmes qui emportaient des femmes

mortes, un homme qui emportait sa soeur Marie. Pendant la nuit,

en dormant, il a encore eu des secousses. Le 9 mars, il n'a pas eu

de secousses, mais la figure était encore un peu égarée. Le 10, il

aurait eu quelques secousses, mais très faibles. Traitement ;

DE L'HYSTÉRO-ÈPILEPSIE 107

bains alcalins, tisane de houblon et de valériane, bains de pieds

tous les soirs.

25. - Pendant huit jours, les peurs et les secousses ont à peu

près complètement disparu. Depuis cinq ou six jours, il est rede-

venu très peureux. Les mouvements sont brusques. Sommeil agité,

remue beaucoup. Urine parfois au lit (7 à 8 fois depuis le 1er jan-

vier.) .

1er avril. Il est tranquille dans le jour. Le soir, ses peurs aug-

mentent. S'il est assis, par exemple, en train de travailler, et que

quelqu'un ouvre la porte, il est aussitôt pris de peur, s'empare du

premier objet de défense qui lui tombe sous la main, et se préci-

pite vers la personne qui vient d'entrer. Il la saisit par le bras et

la menace en poussant une sorte de gémissement menaçant. Aus-

sitôt que la personne lui a parlé, sapeur cesse. Il se met à pleurer

en disant qu'il a fait du mal. S'il rentrait dix personnes de suite,

il avait dix fois les mêmes crises. La nuit, sommeil agité, rêves,

mais non cauchemars. Fonctions digestives régulières. Légère

céphalalgie frontale droite. Il a pâli un peu, les yeux sont souvent

cernés. Pas d'onanisme. Pas de vers. Il n'a pas d'accès de colère,

n'est pas méchant. Il continue à aimer jouer et n'est pas devenu

plus irritable. Traitement : bromure de camphre, tisane de

valériane, bains de pieds, bains alcalins.

15. - Amélioration notable. N'a plus de peurs. Retourne à

l'école. Il est un peu plus irascible qu'autrefois. Lui qui était très

doux, il a des tendances à devenir méchant.

1889. Décembre. -Il n'est plus peureux, mais il est toujours sujet

à se mettre en colère. Parfois il rêve et cause tout haut, mais n'a

plus de cauchemars. Développement physique un peu arrêté.

N° 5. Lav... (Paul), neuf ans.

1885. 1er octobre. - Le soir en mangeant il a perdu complète-

ment connaissance. On l'a porté sur un lit et il a eu huit crises ce

jour-là, de cinq heures et demie à huit heures et demie, sans

cause appréciable. Pas de cri initial. Il cherche dans ses crises à

marcher sur les mains et sur les pieds, les appuie contre le mur,

cherche à mordre. Revenu à lui, il s'est souvenu de ce qui s'était

passé, disantà sa mère qu'il avait dû lui faire mal, et qu'il l'avait

mordue. C'est la première fois qu'il aurait été malade. Il n'a

jamais eu aucune affection dans son enfance. Il n'est pas peureux.

Traitement : tisane de valériane, bains.

17 décembre. Depuis la dernière visite il a eu trois crises le

trente novembre. Elles auraient été très légères. Depuis ledébutde

ses accidents nerveux, il travaille moins bien. La sensibilité parait

égale des deux côtés. Pas de point hystérogène, pas de rachialgie.

Il est devenu peureux depuis ses crises. Par moments, il a de la

boulimie ; d'autres fois, on ne peut lui faire manger quoi que ce soit.

108 RECUEIL DE FAITS

1886. il février. - Il se plaint d'un point douloureux entre

l'ombilic et les fausses côtes gauches.

26. -- Il n'a pas eu de crises. Persistance du point douloureux

dans le flanc gauche, assez peu intense du reste. Appétit irré-

gulier. -

1887. 4 avril. Depuis cinq mois l'enfant a, la nuit, des tres-

saillements. D'autres fois, il a des soubresauts, mais moins

fréquents. Ces tressaillements dureraient presque toute la nuit,

passant d'une région aune autre. Pas de peurs, pas de cauchemars,

pas de céphalalgies, pas de nouvelles attaques. Sujet à se mettre

en colère. -Traitement : bromure de camphre (Déclin) et tisane

de valériane.

5 août. - Les tressaillements ont diminué au bout de cinq jours

et ont disparu complètement au bout de dixjours. Il boit et mange

bien. Grande irascibilité.

1889. Décembre. - Il n'a plus eu aucun accident nerveux. Il est

resté un peu irascible. Il est obéissant et affectueux." Il est plus

grand que son frère.

Les accidents observés chez ces deux jeunes garçons sont

incontestablement de nature hystérique, comme ceux que nous

avons relevés chez Eugène et chez Marie. On retrouve chez le

dernier un certain nombre des phénomènes bizarres signalés

dans les épidémies de possession démoniaque. Revenons main-

tenant à notre principal malade.

II. Dans ses antécédents personnels, nous relevons : des

convulsions internes se manifestant à six reprises de l'âge de

trois semaines à quatre mois ; des accès de cris nocturnes d'un

à cinq mois ; à onze ans, une fièvre typhoïde compliquée de

délire et le laissant plus nerveux qu'auparavant ; à douze ans

et demi, il est pris d'un étourdissement avec hallucinations,

suivi d'une fugue inconsciente; enfin, à quatorze ans, à la

suite d'une colère vive, se manifesta la première attaque d'hys-

téro-épilepsie.

III. - Ce malade présentait une hémianesthésie'incomplète

à gauche et des zones hystérogènes ; les phénomènes de l'aura

se manifestaient du même côté; il était sujet à des attaques et

à des vertiges. Ceux-ci, quelquefois très nombreux, se mon-

traient surtout avant et après les attaques. Nous en avons

donné la description. Contrairement aux vertiges épileptiques,

REVUE D'ANATOMIE ET DE PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 109

ils n'exerçaient aucune influence sur les facultés intellectuelles.

Dans les attaques, nous relevons seulement le cercle, l'attitude

du crucifiement et les tentative que le malade faisait pour se

déchirer avec ses dents. Les essais d'hypnotisation n'ont donné

que des résultats partiels.

IV. Le traitement que nous avons employé chez lui a

consisté, ainsi que chez les malades dont nous avons rapporté

l'histoire antérieurement, en des exercices de gymnastique et

des douches.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PATHOLOGIE

PHYSIOLOGIQUE

1. Du TRAJET DES FIBRES RADICULAIRES POSTÉRIEURES DANS LA MOELLE

ET DE LA STRUCTURE DE LA SUBSTANCE BLANCHE DANS LE SEGMENT POS-

TÉRIEUR DE LA MOELLE, AVEC ALTÉRATIONS PATHOLOGIQUES DE CETTE

substance; par A. TAKACS. [Neurol. Centralbl., 1887.)

Les fibres radiculaires postérieures à peine entrées dans la moelle se

diviseraient en deux portions : l'une qui pénètre directement dans la

substance grise postérieure, l'autre qui gagne auparavant, en dedans

et en dehors, la substance blanche, autour des cornes grises postérieures.

Celles qui pénètrent d'emblée dans les cornes grises postérieures, tra-

versent la substance gélatineuse et peuvent être suivies ensuite dans les

colonnes de Clarke où elles semblent se terminer. Celles qui longent la

substance blanche autour des cornes grises postérieures (faisceau cunéi-

forme de Burdach et segment postérieur du rejeton des cordons latéraux),

remontent immédiatement sur une longueur de trois racines et ne s'in-

troduisent qu'après dans la substance de la corne. Des cellules de Clarke

partent deux sortes de fibres. Les unes vont dans la profondeur du

faisceau de Burdach dessiner une sorte d'aile plane qui deviendra la

source du faisceau de Goll. Les autres, laissant la substance grise en

dehors, s'enfoncent dans le segment postérieur du rejeton des cordons

latéraux, s'infléchissent en arrière et en haut, pour aller embrasser cir-

culairement le faisceau latéropyramidal et fournir les matériaux du cordon

latérocérébelleux. Les cordons de Goll et les faisceaux latérocérébelleux,

sont donc composés de fibres équivalentes qui émanent des fibresradicu-

laires postérieures après leur passage par les cornes grises postérieures.

Les cordons de Burdach et le segment postérieur du rejeton du cordon

110 REVUE D'ANATOMIE ET DE PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

latéral sont la continuation directe des fibres radiculaires postérieures,

mais ces fibres, au-dessus de leur entrée dans la moelle à des hauteurs

plus ou moins distantes de cette entrée, pénètrent, la substance grise des

cornes postérieures. - De là les propositions de physiologie que voici :

Les faisceaux de Goll et latéro-cérébelleux étant la prolongation des fibres

radiculaires postérieures qui ont préalablement passé par les cellules grises

des cornes postérieures, ce sont eux qui forment le trajet le plus direct

de la sensibilité, tandis que les faisceaux de Burdach avec les segments

postérieurs du rejeton de cordon latéral, constituent des voies sensibles

médiates. D'où les altérations aliformes des faisceaux de Burdach dans

les portions inférieures de la moelle, au début du tabes, de concert

avec celles des racines etdes colonnes grises postérieures. D'où également,

à une phase plus avancée de la maladie, la prééminence de la dégéné-

rescence des faisceaux de Goll, dans les portions supérieures de la moelle.

P. K.

IL Contribution A L'Éi'UDE des modifications DE la réaction

dégénérative partielle; par M. BERNHARDT (Centralbl. f. Ner-

ve7zheilk ? 1887).

Observation sans autopsie. Pas d'étude expérimentale. Névrite

périphérique dégénérative probable dans le domaine des nerfs

péronier et tibial gauche. (Segment inférieur du sciatique) « Réac-

tion dégénérative partielle avec lenteur obligée même indirecte

des contractions convulsives » (Erb). Ce qui, d'après l'auteur, dis-

tingue cette observation de celles de Erb, c'est que, par l'excita-

tion indirecte, il se produit aussi des contractions, à la fermeture

de l'anode, et que, non seulement l'excitation directe du muscle

par les courants continus permet de constater une hyperexcita-

bilité manifeste par rapport aux muscles indemnes, mais aussi

l'excitation indirecte galvanique. P. K.

III. CONTRIBUTION A ce QU'ON appelle la galvanisation DU grand

sympathique; par C. ENGELKSJOEN. (Centralbl. f. Yeraenheilh.,

1887).

Ce procédé ne signifie rien, en ce sens que, dans les conditions

classiques préconisées, on obtient les mêmes effets par l'électrisa-

tion cutanée d'un point quelconque du corps. Ce qu'il faut, c'est

actionner les organes terminaux dans la peau des fibres centri-

pètes, et ces fibres elles-mêmes, qui agissent par voie réflexe sur le

processus pathologique. P. K.

IV. DE la manière d'être DE la résistance DES TISSUS DE L'ÉCONOMIE A

la conductibilité galvanique, dans la maladie de BASEDOW ; par

A. EULENBURG. De LA DIMINUTION DE LA RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE

DES TISSUS DE L'ÉCONOMIE DANS LA MALADIE DE BASEDOW; par P. Vl-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE 111

GOUROUX. - Addition A La communication précédente; par A. Eu-

LE^IBURG (Centralbl. f. Nervenheilk, 1887).

Ces mémoires ou notes, parmi lesquelles cinq observations (Eu-

lenburg) confirment en somme la manière de voir de MM. Charcot

et Vigouroux : dans le goitre exophthamique, les tissus présen-

tent beaucoup moins de résistance que normalement à la con-

ductibilité de l'électricité galvanique. Cette manière de voir est

battue en brèche par Martius. P. K.

V. D'UNE DISPOSITION ANATOMO-311CR0COPIQUE originale TROUVÉE

DANS LE PLEXUS BRACHIAL EN UN CAS DE NÉVRITE CONSÉCUTIVE A

une fièvre typhoïde; par E. STADELfANN. (Neurol. Centralbl.

1887.)

Autour des trousseaux nerveux, prolifération du périnerf, la subs-

tance nerveuse paraissant comprimée de la périphérie au centre.

Dans les troncules nerveux, couches d'un tissu formé par de grands

noyaux fusiformes à longs prolongements, comparables à de

jeunes cellules du tissu conjonctif et qui en sont réellement; ces

couches concentriques comme les couches corticales de l'oignon,

ne se distinguent pas du reste de l'endo-nerf, et ne présentent

pas de lumière centrale; elles n'offrent aucun caractère qui les

rattache à un corpuscule de Paccini. Coloration très pâle de ces

foyers. P. K.

VI. CONTRIBUTION expérimentale A L'ÉTUDE DE L'HYPEREICITABILITÉ

mécanique des muscles ; par M. FRIEDItIINN. (Neurol. Centralbl.,

1887).

Ce phénomène dépend de l'union des muscles avec la moelle.

Une grenouille normale qui reçoit un choc léger sur le ventre des

muscles de sa jambe ne réagit pas par une évidente contraction

musculaire. Si, en provoquant chez elle une myélite artificielle, on

sépare dans une certaine mesure ou complètement l'appareil loco-

moteur du centre, les convulsions musculaires et le clonisme poda-

lique sont aisés à déterminer; ce phénomène subsiste chez la

grenouille décapitée, mais il disparaît quand on sectionne absolu-

ment le sciatique ou tout l'appareil musculaire de la jambe. C'est

donc bien une manifestation centrale. P. K.

VII. DE L'ORIGINE nucléaire DE la branche oculaire DU facial;

par E. MENDEL. (Neurol. Centralbl., 1887).

L'immense majorité (90 0/0) des apoplexies cérébrales et des

affections en foyer du cerveau respectent l'orbiculaire des pau-

pières. Les localisateurs ont fourni des explications de ce fait.

112 REVUE D'ANATOMIE ET DE PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

Mais ils n'ont pu expliquer pourquoi dans la paralysie bulbaire,

alors par exemple qu'il y a paralysie avec atrophie des muscles inner-

vés par la branche buccale, ceux de la branche oculaire restent

indemnes, tandis que l'autopsie révèle une complète atrophie du

noyau ventriculaire du facial. Or, si chez des lapins et cochons

d'Inde nouveau-nés, on enlève l'orbiculaire des paupières (para-

lysie faciale périphérique de J'oeil), on provoque des lésions,

non dans les noyaux du facial, non dans ceux de l'oculo-moteur

externe, ni dans les troncs périphériques du facial, mais bien dans-

le noyau de l'oculo-moteur commun.

Labranche oculaire du facial est donc animée par l'oculo-mo-

teur commun, ou, plus exactement, par la partie postérieure du

noyau de celui-ci. P. KERAVAL.

VIII LYMPHANGIOME DELA PIE-MÈRE SPINALE. MYÉLITE PAR COMPRESSION ;

par J. TAUBE. (Neurol. Centralbl., 1887.)

L'existence d'une cicatrice radiée et du nasonnement, l'amélio-

ration de l'anesthésie. la rapidité du décours, firent diagnos-

tiquer : myélite par compression (tumeur syphilitique ? ) Les

fluctuations cliniques s'expliquent à l'autopsie parles modifications

de volume de cette tumeur vasculaire. Mais la rapidité de l'issue

(moins de trois mois) ne s'explique pas par une tumeur ovale,

grosse comme une noix, occupant les deux feuillets de la pie-mère

au niveau et en arrière des sixième et septième paires rachi-

diennes. Diagnostic. Myélite transverse commune insignifiante,

ancienne, ayant, par recoquillement déterminé des ectasies et des

tumeurs secondaires. ' P. Keraval.

IX. Contribution A la QUESTION DES localisations CÉRÉBRALES EN

TENANT PLUS PARTICULIÈREMENT COMPTE DES TROUBLES UE LA VUE

d'origine cérébrale; par C. REINHARD. (A ? ,ch. f. Psych.,

XVII, 3; XVIII, 1,2.)

Travail personnel basé sur seize observations relatées in extenso

prises chez des alcooliques, des paralytiques généraux, des déments

séniles, des individus affligés de lésions traumatiques, des déments

apoplectiques ayant subi des ictus dus à des hémo'rrhagies ou à

des ramollissements. Nous ne pouvons entrer dans l'étude critique

des faits, mais il importe de résumer les conclusions de ce long

travail.

1° Les lésions de l'ensemble des circonvolutions cérébrales produisent

des troubles de la motilité d'autant plus tôt que ces lésions siègent plus

près du pourtour immédiat du sillon de Romande ; -- 2° les troubles de

la sensibilité produits par des lésions se montrent surtout nettement

quand l'altération atteint les lobes pariétaux ; 3° l'aphasie, qu'elle

soit motrice ou sensurielle, ne se montre chez les droitiers que lorsque

REVUE D'ANATOMIE ET DE PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. '113

la lésion occupe l'hémisphère gauche. L'aphasie motrice apparaît prin-

cipalement quand la lésion siège sur le pied des deuxième et troisième

frontales et l'ingula du côté gauche. L'aphasie sensorielle se montre de

préférence quand l'altération occupe les première et deuxième temporales ;

- 4° la lésion du lobe occipital engendre des troubles de la vue directs,

qui appartenant à la cécité psychique, qui à la cécité corticale. La des-

truction des lobes pariétaux peut indirectement et passagèrement provo-

quer des troubles de la vue d'origine cérébrale ; ô° le déficit de la

perception consciente des couleurs et de l'espace doit sous un certain

rapport être tenu pour de la cécité psychique : la perte ou le dommage

apporté au souvenir des impressions optiques appartient encore à l'es-

sence de la cécité psychique. Quand la sensation de lumière a disparu,

on a affaire à la cécité corticale' ; - 6° les troubles de la vue d'origine

cérébrale peuvent être hémi ou bi-latéraux, complets ou incomplets : en

tous cas, ils sont toujours homonymes ; 7° sous le nom de cécité psy-

chique partielle,il faut comprendre un état dans lequel il existe encore la

perception consciente de certaines impressions de couleur et d'espace,

une faible partie des images commémoratives des impressions optiques

ayant seule disparu. Par contre, on pourrait désigner sous le nom de

cécité corticale partielle, une lacune du champ visuel bi latérale absolue

mais incomplète ; - 8° la cécité psychique se produit plutôt dans les

lésions superficielles de l'écorce; la cécité corticale dans les lésions qui

pénètrent toute l'épaisseur de l'écorce ou jusqu'à la lisière de substance

blanche, voire dans la couronne rayonnante ; - go la cécité, psychique

ou corticale, se produit de préférence quand l'altération occupe la con-

vexité du lobe occipital; - 10° les lacunes du champ visuel ne passent t

par le point de fixation que quand, entre autres parties de l'écorce, un

endroit de la convexité qui pourrait bien être la deuxième occipitale, se

trouve détruit : 11° cet endroit correspond à la macula lutea de la

rétine et représente la projection des fibres du nerf optique qui servent

à la vision la plus distincte ; 12° l'expansion corticale du nerf optique

est telle que chaque point de cette expansion est en rapport avec deux

points identiques ou moitié homonymes correspondantes des rétines de

l'individu. Il n'est pas démontré que chez l'homme l'écorce de chaque

lobe occipital se divise en deux compartiments ; - 13° l'hypothèse de

Villexun, d'après laquelle les éléments de la perception consciente (aper-

ception) pour la lumière, les couleurs, l'espace, se trouvent dans l'écorce,

superposées, encouchées par séries correspondantes aux trois sortes d'aper-

ceptions énoncées, cette hypothèse donne la meilleure satisfaction à la

théorie ; elle explique, en outre, parfaitement en réalité certaines parti-

cularités des troubles de la vue d'origine cérébrale ; - 1° les objec-

tions de Goltz contre l'existence des troubles de la vue d'origine cérébrale

ne s'appliquent pas à l'homme). P. Kekaval.

X. QUELQUES considérations ET QUELQUES résultais relatifs il.

l'anatomie de l'encéphale, par A. FORE ( : 1 TCIt. f. Psych., XVIII, I.)

1. Contrôle du grand travail de Golgi. M. Forci. accorde ce qui

' On donnera l'ensemble de la question traitée dans le corps des

Archives de Neurologie (Analyses, 1 ev lie bibliogr. Sociétés et dans le

Traité des maladies de l'encéphale de Wolmagel. Trad. Keraval, Paris, 1885.

Archives, t. XIX. 8

114 REVUE D'ANATOMIE ET DE PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

suit : la l'ensemble des branches des prolongements potoplasmi-

ques des cellules nerveuses se terminent à l'aveugle sans débou-

cher ailleurs, ni sans s'anastomoser ; ils sont gibeux, rugueux, et

ne présentent aucune structure fibrillaire ; - 2° toute cellule

nerveuse est unipolaire, c'est-à-dire qu'elle possède un prolonge-

ment, mais un seul prolongement fibrillaire ou autrement dit ner-

veux 30 ce prolongement nerveux, cylindraxile, est toujours

ramifié ; lui et ses branches se distinguent des prolongements pro-

toplasmiques par leur aspect, leurs bords lisses, uniformes ; leur

finesse permet aussi de les distinguer des prolongements potoplas-

miques ; 4° il y a en effet deux catégories de cellules nerveuses :

a. des cellules dont le prolongement cylindraxile aboutit à une

fibre blanche après avoir fourni une plus ou moins grande quan-

tité de fins rameaux latéraux (exemple : les grandes pyramides

de l'écorce, les cellules de Purkinje, les grandes cellules des cornes

antérieures) ; 6. des cellules dont le prolongement cylindraxile se

résout complètement en un fouillis de fiébrilles et ne donne pas

naissance à une fibre nerveuse (exemple : nombreuses petites cel-

lules nerveuses). Mais M. Forel n'admet pas que des fibres issues

des prolongements cylindraxiles s'anastomosent avec les branches

de fibres nerveuses qui de la substance blanche entrent dans la

substance grise ; la contiguïté, oui ; la continuité non. Etcette con-

tiguïté suffit à la transmission des excitations.

Il n'y aurait pas lieu non plus, d'après M. Forel, d'admettre que

les cellules de la première catégorie (a) soient motrices, et celles

de la deuxième (b) sensitives. Il n'y a que le' mode de terminaison

périphérique d'une fibre nerveuse qui décide de sa fonction. La

cellule d'où provient une fibre nerveuse sera, si elle est sensible,

placée à la périphérie (cellule cpithéliale de la peau transformée

en cellule nerveuse) ; si elle est motrice, placée au centre. - Quant

à la doctrine des localisations cérébrales, M. Forel pense que divers

districts de l'écorce reçoivent des fibres de projection d'origines

très différentes.

II. Rapports du corps genouillé externe avec l'écorce de l'cil.Quand

on extirpe l'écorce, on condamne à la nécrose toutes les cellules

du corps genouillé ; quand on enlève l'oeil, il ne meurt de cet or-

gane que la substance fondamentale gélatineuse. C'est parce que

les fibres du nerf optique se terminent en ramifications arbori-

formes dans le corps genouillé externe et qu'il existe un second

système de fibres qui prennent leur origine dans le corps genouillé

externe, dans ses cellules, vont se terminer en arborescences dans

la sphère visuelle du cerveau (coin). Par conséquent, des sollici-

tations du nerf optique arrivent au corps genouillé externe par

simple contiguïté de fibres. Quand on a extirpé la sphère visuelle

du cerveau on obtient l'atrophie non seulement du corps genouillé

externe, mais de la bandelette optique et même du nerf optique

REVUE D'ANATOMIE ET DE PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. 115

du côté opposé. Les cellules du corps genouillé n'étant pas bipo-

laires, il est probable qu'il existe des fibres directes qui vont de la

bandelette à l'écorce, que la rétraction atrophique du corps ge-

nouillé externe comprime d'autres fibres optiques, enfin que les

éléments optiques s'atrophient par abolition de la fonction prin-

cipale.

III. Dégénérescences secondaires dans leurs rapports avec les atrophies

de Gudden. Deux nouvelles expériences permettent d'affirmer ce

qui suit : 1° si chez un adulte, on interrompt, à la base du cer-

veau, la continuité d'un nerf moteur on obtient aussi, comme chez

le nouveau-né, la dégénérescence de ce nerf des deux côtés, y

compris ses cellules d'origine ; 2° la section d'un nerf moteur

dans son trajet périphérique entraîne, si un déplacement suffisant

des éléments de ce nerf empêche l'accroissement ultérieur des

fibres du tronc central jusqu'au muscle, une atrophie lente maras-

tique du tronc central et de ses origines cellulaires ; 3° chez un

lapin auquel après la naissance on a détruit le trijumeau de l'in-

térieur du crâne, on rencontre l'atrophie de la racine ascendante

de ce nerf, mais les cellules de la substance gélatineuse et le sys-

tème des fibres longitudinales sont demeurés indemnes ; 4° la

méthode des atrophies de Gudden diffère de celles des dégé-

nérescences secondaires, non pas en tant que méthode, mais en

tant qu'étendue des lésions ; c'est-à-dire que chez un adulte, les

résultats des interventions sont simplement plus lents que chez les

nouveau-nés; on produit dans le premier cas plus de délabre-

ments dont les détritus sont résorbés plus lentement, ce qui nuit

à la généralisation des atrophies et à l'intensité des déplacements

des lambeaux. Les deux méthodes reposent évidemment sur la

nécrose d'une des parties ou des deux parties des organes séparés,

selon l'importance de l'un des morceaux divisés. ' P. K.

XI. De l'allure des nerfs sensibles dans la tétanie; par J. HOFF-

MANN (Neurol. Centralbl., 1887).

Hyperexcilabililé électrique (de même que dans les nerfs mo-

teurs) et hyperexcitabilité mécanique des nerfs sensitifs. Un cas

même témoigna de l'hyperexcitabilité mécanique et électrique de

l'hypoglosse. P. KERAVAL.

XII. Changement périodique DE couleur des cheveux, par C. Rein-

HARD, Boston médical and Surgiçaljou1'nltl, vol, CX, n° 10.

Un cas curieux et probablement unique de changement pério- £

dique de la couleur des cheveux a été rapporté par le docteur

C. Reinhard dans le dernier numéro des Archives de Virchow. Le

116 REVUE D'ANATOMIE ET DE PATHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.

sujet de cette curieuse observation était une femme épileptique,

idiote, de treize ans, qui fut pendant deux ans au Dolldorf-Berlin

Asylum.

Très peu après l'entrée de cette fille à l'asile, on remarqua que

ses cheveux, qui étaient roux et épais, changeaient de couleur de

temps en temps, allant du jaune clair au rouge sombre et réci-

proquement. Le processus commence à la fin des cheveux, et

s'achève assez rapidement en deux ou trois jours, et chaque chan-

gement persiste huit jours. On a remarqué que ces changements

de couleur étaient en général synchrones au changement de son

état physique accompagnant ses attaques d'épilepsie; le noir

pendant la phase d'excitation, la couleur claire pendant la phase

de stupeur. Ces changements arrivaient dans les mêmes cheveux

indépendamment de la croissance de nouveaux cheveux. Il n'y

avaitaucune affection des cheveux ni du cuir chevelu, à l'exception

d'une légère sécheresse pendant la période de stupeur.

L'auteur, après une étude soigneuse de ce cas, d'après des exa-

mens microscopiques des cheveux à différentes périodes et du

cuir chevelu après la mort, suppose que l'explication la plus pro-

bable de ce phénomène est le changement considérable et rapide

de la quantité d'air contenue dans le cheveu. La couleur claire

est due à la présence d'une grande quantité d'air masquant le

pigment; la couleur sombre revient avec l'absence d'air; en plus,

une plus grande sécheresse et dureté des cheveux à certains

moments, doit être mise en cause en altérant la réfraction de la

lumière; plus les cheveux sont secs, plus claire est la couleur.

La présence d'une plus grande quautité d'air dans les cheveux

est l'explication qu'on a offerte pour expliquer les cas de change-

ment permanent et soudain du noir au gris ou au blanc, - mal-

gré l'opinion d'Hébra et de Kaposi, - ce fait est bien établi par

Charcot, Bichat, Deluis, Raymond et d'autres auteurs dignes de

foi. Raymond a rapporté un cas où, à la suite d'une névralgie sé-

vère, les cheveux ont passé du noir au blanc en cinq heures. Lan-

dois décrit un de ces cas dans les lTirçlcow's A1'(hiv, d'avril 1866.

Dans ces changements permanents d'autres causes que l'aug-

mentation d'air doivent entrer en jeu, et il est probable que ces

changements permanents sont sous la dépendance des nerfs tro-

phiques.

L'air peut pénétrer dans le cheveu, soit de l'air atmosphérique,

soit des gaz du sang, soit des deux sources à la fois.

On peut donc conclure que : 1° les troubles trophiques dans le

domaine des nerfs du cuir chevelu, peuvent s'accompagner

d'autres phénomènes cérébraux ; 2° les troubles trophiques

peuvent s'étendre jusqu'aux cheveux; - 3° ces troubles peuvent

prendre un caractère périodique ; 4° les troubles dans les che-

veux se manifestent par une perte de couleur; - 5" ces phéno-

BEVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 117

mènes dépendent aussi probablement d'un défaut dans l'accrois-

sement des cheveux et peuvent être transitoires.

XIII. Cerveau exceptionnellement LOURD chez un paralytique GÉ-

NÉRAL; par T.-W. IAC-DONALL, (The Journal of Mental Science,

janvier 188G.)

Le malade auquel appartenait ce cerveau n'avait présenté d'au-

tres symptômes que les symptômes ordinaires de la paralysie

générale.

A l'ouverture du crâne, il s'écoula onze onces de liquide, et on

trouva au cerveau un poids de 61 onces : privé du liquide sous-

arachnoïdien, il pesait encore 58 onces. L'auteur fait remarquer

que les 11 onces de liquide qui s'écoulèrent au moment de l'a-

blation du cerveau, représentaient assurément plusieurs onces de

tissu cérébral. Si donc on ajoute au poids du cerveau un poids de

cinq onces et demie, considéré comme représentant le poids perdu

par suite de l'atrophie du tissu cérébral, on obtiendra pour ce

cerveau un poids total de 66 onces et demie, c'est-à-dire supérieur

à tous les chiffres rapportés jusqu'ici. R. AI. C.

BEVUE DE PATHOTOGIE MENTALE

I. Des hallucinations du souvenir ; par E. KROEPELIN, (Arch. f.

Psych., XVII, 3. XVIII, 1-2.)

D'après l'auteur, les troubles qualitatifs de la mémoire et les

anomalies de la faculté de localiser dans le temps se divisent en

illusions du souvenir et hallucinations du souvenir. Les illusions du

souvenir représentent la corruption partielle des souvenirs réels ;

les hallucinations sont constituées par la complète falsification

d'une réminiscence y compris le souvenir absolument erronné et

controuvé de Sander. L'ensemble de toutes ces anomalies forme

les paramnésies.

Considéré au point de vue clinique, l'hallucination du souvenir

se décompose en : 1° hallucination simple ; le produit créé de toutes

pièces par l'imagination s'impose brutalement, de but en blanc

comme s'il élait une réminiscence. 2° hall, associative ; le souvenir

118 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

apparent est suscité par une impression actuelle qui éveille en

l'esprit l'écho plus ou moins net d'impressions antérieures sup-

posées en rapport intime avec la perception en question ; 3° hall,

idenlificatrice ; c'est là le mirage de Sander. La situation présente

dans son ensemble, avec ses détails, apparaît comme l'épreuve

photographique d'un événement antérieur.

^L'hall, simple de la mémoire~se rencontrerait surtout dans la pa-

ralysie générale, puis dans la folie systématique (confusion des

personnes), parfois, dans la mélancolie et la manie. Chez les dé-

ments, on observe que bientôt ils confondent ce qui leur est

arrivé avec des réminiscences d'ordre purement imaginatif ; ils

mêlent le tout sans remarquer les contradictions, à raison et de la

faiblesse de leurs facultés, et de la perturbation de leur jugement

et du trouble très accusé de leur connaissance. Naturellement ce

syndrome ne se manifeste pas chez l'idiot ou le dément d'emblée.

L'hallucination associative doit être distinguée de la méconnais-

sance des personnes de [l'entourage. Dans ce dernier cas, il

s'agit de la confusion des personnes en question avec des individus

réels que le malade connaissait vraiment jadis. Dans le premier

cas, la personne, correctement dénommée, nettement conçue par

le malade et qui a en effet jadis été connue de lui telle qu'il la

voit dans son esprit, cette personne devient le point de départ de

réminiscences imaginatives. En certains cas rares, l'aliéné ne con-

naît son entourage que parce que, selon lui, il a entendu parler

ou il a lu quelque chose sur lui.

L'hallucination iclcntificail'ice se manifeste par un vide presque

complet de la connaissance, survenant régulièrement pendant une

période de temps mensurable, et par une suspension momentanée

du cours des idées : état fréquent chez les épileptiques.

Quinze observations personnelles. P. K.

II. De l'immobilité, DE la fixité paralytique de la pupille dans

la paralysie générale; par C. Moeli (Arch. f. Psych" XVIII, 1.)

Plus de cinq cents paralytiques généraux, examinés à cet égard,

se décomposent en : 28 p. 100 de parfaite réaction des pupilles à la

lumière; 10 p. 100 de réaction lente; 10 p. 100 de réaction

extrêmement faible; 4 p. 100 de cas douteux; 47 p. 100 de réac-

tion totalement absente. Donc dans la moitié des cas, la réaction

à la lumière a disparu complètement, ou elle est douteuse, plus

de 61 p. 100 témoignent d'une réaction très notablement entra-

vée. Chez la plupart des sujets présentant de l'immobilité de la

pupille, l'excilation de la peau même par de forts courants fara-

diques ne pût déterminer de dilatation; cependant, chez un

certain nombre de femmes, de forts courants prsduisent une

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 119 fui

mydriase évidente; on peut donc considérer comme la règle que,

lorsque les pupilles ne réagissent plus sous l'influence de la lumière,

les excitations sensitives périphériques ne peuvent dilater la pu-

pille. Enfin, la paralysie des pupilles est non pas seulement un

symptôme fréquent mais un symptôme précoce, et par suite un

signe diagnostique important de paralysie générale.

M. Moeli a, comme il le dit, suivi la marche de la maladie chez

des patients ne présentant dès l'abord que ce seul symptôme. Il a

pu faire la part de sa précocité et de sa prépondérance dans l'es-

pèce, tenir compte des tabes et des lésions grossières du cerveau,

de la syphilis, de l'alcoolisme, considérées comme agents pathoué-

nétiques, primordiaux, secondaires, complicateurs ou protopathi-

ques. Il cite en particulier plus de cinquante observations classées.

Sur 1,900 cas, on a trouvé 56 malades atteints d'immobilité pupil-

laire qui, après avoir été observés pendant des années, ne peuvent

être convaincus de paralysie générale; parmi eux, cependant,

huit devinrent paralytiques, plus tard, d'autres (trois) tabétiques ;

si l'on enlève les tabétiques qui devinrent ultérieurement paraly-

tiques généraux, et les malades atteints de lésions cérébrales gros-

ses, il reste vingt cas d'immobilité pupillaire etdes aliénés non pa-

ralytiques, soit seulement 1,6 p. 100 que l'on peut réduire à 12, soit

0,8 p. 100 parce que chez la moitié d'entr'eux, la sJ'¡.¡hylis fut cons-

tatée. Enfin, lesautopsies ont permisà M. Moeli d'examiner les pa-

rois latérales du troisième ventricule ; il semble chez les paralytiques

généraux en question, que les fibres de la couche limitante aient

diminué ; chez les fous systématiques et épileptiques, la paroi pos-

térieure de la même région semble altérée dans sa couche con-

jonctive. Cependant, il serait prématuré de conclure que les obser-

vations et l'examen histologique ne laissent pas que d'offrir des

contradictions. D'un autre côté, arguer du peu d'atrophie des fibres

de la paroi ventriculaire des paralytiques généraux, pour venir

dire que l'immobilité des pupilles à l'égard de la lumière n'a pas

sa raison d'être dans l'atteinte du ventricule ou^des organes du

voisinage, serait d'autant moins fondé que M. Moeli a observé un

malade dont il donne l'observation suivie d'autopsie, chez lequel

on trouve une tumeur occupant le segment du troisième ventricule,

alors que pendant la vie on n'avait observé que l'immobilité des

pupilles à la lumière. P. K.

11F . Deux cas DE folie larvée ; par CONOLLY Norman.

(The Journal of Mental Science, avril 1SS6.)

L'auteur rapporte, avec des détails intéressants, mais trop longs

pour que nous puissions les reproduire ici, l'observation de deux

malades dont l'un était sous-constable de la police irlandaise et

dont l'autre a occupé dans l'armée des situations impliquant d'assez

120 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

graves responsabilités ; chez ces deux hommes, la folie a existé

pendant un grand nombre d'années, revêtant des formes ordinai-

rement dangereuses, sans que leur état mental se soit trahi et

sans que personne ait jamais soupçonné qu'ils étaient atteints

d'aliénation mentale. Chez le constable irlandais, les phénomènes

délirants ne sont devenus apparents que lorsque, à la suite d'idées

progressivement mégalomaniaques il est arrivé à se croire en

rapports directs avec la divinité ; chez le militaire, la puissance de

la volonté est encore aujourd'hui telle que, sauf dans des condi-

tions toutes spéciales, il est à peu près impossible de lui arracher

la preuve de son délire.

M. Norman fait justement remarquer en terminant que si l'un ou

l'autre de ces malades avait commis un crime, - hypothèse que

la forme du délire rendait vraisemblable,-on n'aurait pas même

soulevé dans les débats, la question de l'intégrité mentale, ou si

par hasard on l'avait soulevée, la masse de témoignages en faveur

de celte intégrité aurait été accablante. L'un et l'autre cependant

étaient indubitablement des aliénés. R. M. C.

IV. DE la contre-irritation dans la paralysie générale ;

par Pritchard D.wrES. (The Journal of Mental Science, janvier 1886.)

Les modifications heureuses apportées à la marche d'un cas de

paralysie générale par l'apparition intercurrente d'un anthrax ont

poussé l'auteur à se demander si l'on ne serait pas en droit d'at-

tendre de la méthode de contre-irritation des résultats favorables

dans la paralysie générale. Le révulsif auquel il donne la préfé-

rence est le liniment iodé appliqué pendant un temps assez long

sur des points différents d'une même région. L'auteur est con-

vaincu que par l'emploi de ce moyen il a prolongé la vie de plu-

sieurs de ses malades; et il pense que si cette méthode était t

employée dans la phase de début, elle donnerait peut-être des

résultats encore plus encourageants. R. M. C.

V. Hématurie ET apparences DE CONTUSIONS graves SURVENUES

spontanément au COURS D'UN accès d'excitation maniaque ; DÉCOU-

verte L'AUTOPSIE D'UNE PACHYMÉNtNGITE interne hémorrhagique

étendue; par Geo.-H. SAVAGE. (The Journal of Mental Science,

janvier 1886.)

L'observation de ce malade, rapportée en détail dans ce mé-

moire, a suggéré à l'auteur des réflexions que nous résumons ici :

bien que fréquente dans la paralysie générale et dans Ja démence

chronique, la pachyméningite hémorrhagique est extrêmement

rare dans les cas aigus de folie. On peut se demander si dans le

cas dont il s'agit l'excitation maniaque était due à lapachyménin-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 121

gite, ou si, au contraire, celle-ci ne s'était pas développée consé-

cutivement à la manie. Le caillot était en majeure partie d'ori-

gine récente (il ne remontait probablement pas à plus d'une

semaine), mais la membrane gélatineuse qui l'enveloppait pou-

vait être plus ancienne. La question du purpura avait été discutée

pendant la vie; mais, en dehors de l'hématurie>#-les muqueuses

n'avaient donné lieu à aucune hémorrhagie, et il n'existait aucune

de ces taches foncées, de ces hémorrhagies sous-cutanées si fré-

quenles dans le purpura. Le sang rendu par l'urèthre fut examiné

au microscope; il contenait des cristaux de phosphate triple^ les-

quels ne furent retrouvés dans l'urine à aucun autre moment. Il

se pouvait que le sang fût venu du rein gauche ; le malade, avant

son entrée, s'était plaint fréquemment de souffrir de cette région,

et pendant la vie, ce rein était senti profondément dans la région

iliaque gauche, où on l'avait pris pour une masse fécale. Il n'y

avait toutefois aucune trace de violence pour expliquer une lésion

rénale, et rien d'ailleurs, à l'autopsie, ne put éclairer l'origine de

l'hématurie. .

L'auteur fait remarquer en terminant que dans les cas de pur-

pura, il n'est pas rare de voir la mort survenir par hémorrhagie

cérébrale et qu'il serait intéressant de savoir si lapachyméningite

hémorrhagique peut survenir dans les mêmes conditions.

R. M. C.

VI. Deux cas DE mélancolie ; par A. PATTON. (The Journal of Mental

Science. Janvier 1886.)

Il s'agit de deux cas de mélancolie qui, par une singulière coïn-

cidence, avaient tous deux fait leur apparition à la suite d'une

rupture de la cloison recto-vaginale pendant le travail de l'accou-

chement.

Dans le premier cas seulement la guérison complète fut obte-

nue. R. M. C.

VII. Observations POUR SERVIR A l'étude DE QUELQUES maladies

mentales; par le D PERCY SnttTa. (The Journal of Mental Science,

octobre 488;i.)

Etude intéressante qui comprend : 1° deux cas de folie morale,

portant sur un père et son fils; 2° deux cas d'amélioration tempo-

raire des symptômes mentaux ayant coïncidé avec le développe-

ment d'inflammations locales, et suivie de rechute lors de la

diminution ou de la guérison de ces inflammations ; 3° enfin un

cas d'hystérie chez un jeune garçon. R. M. C.

- 122 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

VIII. U : '\ C \5 de folie saturnine; par Hall Willl'r. (The Journal of

Mental Science, avril 1886.)

Chez le malade dont il s'agit, on observe des convulsions épilap-

tiformes, ainsi que des troubles du langage analogues à ceux de

la paralysie générale des aliénés. Un autre point digne de re-

marque, c'est la rapidité de la guérison (le délire n'a pas duré

plus d'une semaine; il n'était pas accompagné d'hallucinations)

alors que, dans la plupart des cas, le trouble mental persiste pen-

danteplusieurs mois, etpeut même quelquefois aboutir à la folie

confirmée. R. 111. C.

IX. DE l'appétit dans la FOLIE ; par J.-A. CAMPBELL

(The Journal of Mental Science, juillet 18S i .)

Voici le résumé des observations de l'auteur sur ce sujet :

Dans la paralysie générale, la voracité des malades est bien

connue; toutefois elle ne les conduit pas habituellement à avaler

des substances non alimentaires ; il convient de mettre ces ma-

lades à un régime spécial et de les empêcher de trop engraisser,

ce qui favoriserait dans la dernière période de la maladie la for-

mation des eschares. Il faut noter l'extraordinaire puissance d'as-

similation des paralytiques.

Dans l'épilepsie, l'appétit tend à devenir vorace; ici encore il

est utile de rationner les malades, car l'auteur croit que l'excès

d'alimentation peut augmenter la fréquence des attaques. Dans

la manie chronique, l'appétit n'est réellement exagéré que dans

un nombre de cas assez limité.

La grande majorité des mélancoliques manque absolument

d'appétit, et c'est même là un des traits caractéristiques de cette

forme d'aliénation mentale.

Certains maniaques s'abstiennent de manger et refusent toute

nourriture; mais le refus des aliments chez eux n'a rien de com-

mun avec le manque d'appétit; ils subissent l'influence d'lialluci-

nations ou d'idées délirantes.

Les jeunes sujets qui s'adonnent à la mastuibation ont ordinai-

rement un appétit vorace, qui ne modifie en rien d'ailleurs leur

état d'émaciation.

Il faut signaler ici les cas où l'agitation est si intense et offre si

peu de répit que le malade n'a littéralement pas le temps de

manger : on ['étoufferait si on essayait de le nourrir autrement

qu'avec la sonde.

Enfin l'auteur est convaincu que, dans certains cas, principale-

ment dans la manie ou la mélancolie aiguë, les fonctions d'ab-

REVUE DE pathologie mentale. '13 3

sorption ne s'accomplissent pas ou ne s'accomplissent que d'une

facon extrêmement insuffisante, probablement parce que l'influx

nerveux nécessaire à ces fonctions est à la fois exagéré et dévié

dans un autre sens.

C'est ce qui expliquerait comment les aliments que prennent t

les malades de cette catégorie ne paraissent être d'aucune utilité

à leur nutrition générale, et comment aussi ces mêmes malades

tolèrent parfois, sans inconvénient, l'ingestion même à haute

dose de substances toxiques ou simplement nuisibles.

R, M. C.

DE, QUELQUES phénomènes héréditaires ET PSYCHIQUES

dans l'ivresse; par le Dr CROTHERS.

L'auteur a rencontré. un certain nombre de malades, pré-

sentant des troubles analogues à ceux de l'ivresse, et chez

lesquels on ne peut nier une cause héréditaire pour expliquer

ces faits, ainsi que d'anciens buveurs ayant offert ces symp-

tômes d'ébriété, après plusieurs années de sobriété complète.

Dans une première catégorie, on peut faire rentrer les

idiots nés de parents alcooliques. On sait combien grand est

le nombre de ces hérédités dans les services spéciaux. Le

Dr Crothers a observé de ces idiots, atteints d'incoordination

motrice avec marche titubante ressemblant à des vieux alcoor

liques. Chez d'autres on rencontre de la démence, des trem-

blements divers, des tics, une sensibilité et une émotivité très

grandes, tous signes pour l'auteur d'une intoxication hérédi-

taire par l'alcool. A un degré moindre de déchéance intellec-

tuelle, on trouve des imbéciles, souvent affectés de la même

hésitation dans la marche, avec le regard hébété, ressemblant

à celui d'un ivrogne. Souvent ces êtres sont affectés de diffor-

mités corporelles de tout genre. Enfin ces malades sont le

plus souvent excitables, colères, et à la moindre contrariété,

ils deviennent furieux et dangereux. L'auteur cite à cet effet

deux cas très nets : le premier est celui d'un imbécile, fils de

parents alcooliques, père de deux enfants idiots, qui présente

des phénomènes analogues à ceux de l'ivresse lorsqu'il voit

une personne pour la première fois. Le second cas est celui

d'une femme alcoolique et hystérique, affectée d'une frayeur

extrême des chiens, et qui a donné naissance à un enfant

présentant la même peur. Le Dr Crothers relate enfin deux

faits concernant des idiots nés de mères impressionnées pen-

124 lue REVUE DE pathologie mentale.

dant leur grossesse par la vue d'individus ivres, et qui

offraient l'aspect d'alcooliques, avec hésitation dans la

marche, et délire maniaques à certains moments. Il faut voir

dans toutes ces observations combien l'impression maternelle

au moment de la conception et pendant la grossesse agit sur

l'enfant. -

Dans la seconde catégorie, l'auteur fait rentrer des individus

ayant des antécédents héréditaires d'alcoolisme très nets,

mais sobres par eux-mêmes, intelligents, et souvent doués

d'une puissance cérébrale peu commune et qui, à la moindre

excitation (émotion, frayeur, etc.), présentent tous les signes

de l'alcoolisme aigu. C'est souvent après l'absorption d'une

très faible quantité d'alcool qu'apparaissent ces signes, accom-

pagnés de nausées, de vomissements, de délire.

Ces malades ont hérité de leurs parents d'une extrême sensi-

bilité nerveuse, qui se réveille au moindre choc et se caractérise

par des phénomènes en tout semblables à ceux de l'ivresse.

Le D'' Crothers cite plusieurs faits se rattachant à ce genre de

malades; entre autres celui d'un officier observé pendant la

guerre de' Sécession qui, pendant une bataille, s'enfuit, en

proférant des paroles incohérentes avec toutes les marques

d'une ébriété violente. On pourrait ranger dans la même caté-

gorie un cas récent, dont une guerre lointaine a été le tableau.

Chez ces individus l'intoxication alcoolique transmise par les

parents est à l'état latent, et reparaît à la moindre excita-

tion.

Près de ce genre de malades, on en trouve d'autres, ayant

des antécédents alcooliques personnels, et s'étant abstenus

pendant longtemps de boire de l'alcool, mais chez lesquels

une excitation plus ou moins vive fait apparaître les phéno-

mènes de l'ivresse. On rencontrerait, paraît-il, assez sou-

vent de ces exemples parmi les membres des Sociétés de tem-

pérance (des convertis), et surtout chez les orateurs, à la suite

de discours où ils ont montré l'état dans lequel se trouve

l'ivrogne. On rencontre enfin fréquemment ces symptômes

de l'ivresse, chez des individus sobres, ou même ne buvant

que de l'eau, après un repas ou même une conversation avec

d'autres personnes ivres. Il y a là une sorte d'imitation.

Enfin, on a vu un acteur être en état complet d'ébriété après

avoir joué le rôle d'Hamlet, et cela sans avoir bu aucune bois-

son alcoolique auparavant.

SOCIÉTÉS savantes. l28

De tous ces faits, on doit retirer les conclusions suivantes,

à savoir que : chez les fils d'alcooliques, et chez les alcoo-

liques acquis, il existe une hyperexcitabilité nerveuse, qui

donne naissance à des phénomènes ressemblant à s'y

méprendre à l'ivresse, lorsqu'elle est mise en jeu. On sait du

reste que les alcooliques invétérés s'enivrent très facilement.

L'hérédité semble donc conférer aux fils de ceux-ci une exci-

tabilité semblable à celle de leurs parents. (Aliénist and neu-

rologist, z1886, p. 566.) A. Raoult.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 28 novembre 1889. - Présidence DE M. Falret.

Le Président annonce à la Société la mort du Dr Cotard.

Après la lecture des discours prononcés sur sa tombe , par

\1M. Calret et Ritti, la séance est levée en signe de deuil. M. B.

Séance du 11 novembre 1889. - Présidence DE M. F.aLRET.

LE Président propose qu'il soit donné suite à un vote émis par

le Congrès de médecine mentale, qui demandait la création d'un

comité destiné à élaborer un questionnaire sur les rapports de la

syphilis et de la paralysie générale. Ce questionnaire sera envoyé

à tous les médecins aliénistes, qui pourront ainsi fournir de pré-

cieux documents sur la question si controversée de la paralysie

générale syphilitique. La commission élue est composée de

MM. Christian, Falret, Magnan, Ritti et Rouillard.

Discussion sur la mélancolie. M. FALRET,. Depuis une dizaine

d'années de grands bouleversements se sont produits dans la clas-

sification des maladies mentales. On peut dire qu'il ne reste guère

plus aujourd'hui que la façade de l'édifice élevé par Esquirol. La

mélancolie a fait à elle seule une partie des frais du renversement

qui s'opère en ce moment. On a successivement détaché de ce

groupe : les mélancolies liées à la paralysie générale, à l'alcoolisme

126 SOCIÉTÉS savantes.

et à la folie a double forme. Tout le monde accepte ces modifica-

tions. Il en est d'autres qui se font peu à peu et qui bientôt

deviendront classiques. Certains auteurs décrivent à part, la

mélancolie qui survient à un âge assez avancé et qui s'associe à des

paralysies partielles accompagnées elles-mêmes de démence plus

ou moins accusée. On envisage aussi comme des entités morbides

les états mélancoliques liés aux névroses convulsives, ainsi que le

délire des persécutions avec ses périodes caractéristiques. Malgré

ces éliminations successives on peut encore distinguer quatre autres

formes de mélancolie :

cl). La mélancolie avec conscience qui évolue sans aucun délire.

b). La mélancolie anxieuse (gémisseurs de Morel et Guislain).

c). La mélancolie avec stupeur.

d). La mélancolie intermittente à début brusque si facilement

comparable dans son ensemble à la manie intermittente.

11 résulte de la persistance de cette confusion que, dans la lect

ture d'une description de la mélancolie on retrouve des symp-

tômes variés se rattachant à des formes très dissemblables et

englobés cependant dans une seule entité.

J'ai cru intéressant, dit en terminant M. Falret, de mettre la

mélancolie à l'ordre du jour de vos discussions dans l'espoir que

chacun de vous apportant des éléments d'observation personnelle

la Société pourra enfin fixer ce point de doctrine si important et

si controversé.

Le Président annonce que M. le sénateur Roussel, dont il fait un

éloge mérité, sollicite le titre de membre de la Société. 11 demande

que cette candidature soit votée par acclamation.

M. Briand, tout en reconnaissant l'honneur que fait à la Société,

le rapporteur de la loi sur les aliénés en sollicitant sa nomina-

tion de membre titulaire, rappelle que le règlement s'oppose aux

votes par acclamation en ce qui concerne l'admission des membres

titulaires. Il croit que ce serait créer un précédent fâcheux que

de ne pas procéder à un vote par scrutin. 11 regretterait d'autant

plus cette façon de faire que la personnalité de M. Roussel est

trop sympathique pour priver celui-ci du rapport fort élogieux

auquel il a droit.

M. Ballet et plusieurs autres membres s'associent à l'opinion de

M. Briand. '

M. FALRET demande que les termes dont il s'est servi pour trans-

mettre la demande de M. Roussel soient considérés comme un

rapport de candidature.

i

11 est décidé qu'on procédera au scrutin dans le cours de la

prochaine séance. M. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 127 I

Séance du 2d novembre 1889. - Présidence de M. Falret.

Le Secrétaire général fait un résumé des travaux du Congrès

de médecine mentale. '.

De la mélancolie (suite de la discussion). - M. TROUILLARD lit

quelques réflexions sur la mélancolie avec conscience, qui lui sont

suggérées par deux malades dont il rapporte les observations.

La maladie se caractérise par la fréquence des rechutes, le peu

de durée des accès et la conscience que gardent les aliénés de ce

sentiment d'impuissance qui rend si pénibles pour eux les occupa-

tions les plus élémentaires. M. Rouillard insiste pour que l'entou-

rage traite ces malades avec une certaine rigueur et leur tienne

tôle lorsqu'ils veulent se laisser aller à leurs impulsions, au lieu de

chercher à les calmer par la douceur. L'une des femmes dont il

rapporte l'histoire avait des impulsions homicides. Un jour, étant

à table en face de son mari, elle s'empara d'un couteau et s'avança

vers lui en menaçant de le tuer. Celui-ci saisit aussi son couteau

et le lui mit sur la gorge en s'écriant : « Si tu fais un pas de

plus, c'est moi qui te tuerai comme un chien. » Depuis les impul-

sions homicides ne se seraientplus renouvelées. M. Rouillard pense

que le plus souvent les mélancoliques avec conscience peuvent être

soignés chez eux, parce qu'ils sont rarement dangereux.

Injections d'ergotinine dans la paralysie générale. - 111. CIIRISllM'

communique le résultat d'expériences qu'il poursuit depuis long-

temps en vue de combattre les attaques épileptiformes, si fré-

quentes chez les paralytiques généraux. Il injecte sous la peau un

gramme de la solution suivante :

z8 SOCIÉTÉS SAVANTES.

gré ce traitement des attaques congestives. 11 a remarqué que les

paralytiques à délire expaasif n'en avaient jamais.

M. CHR1STIAN. -Quand mes malades ont succombé malgré l'injec-

tion, la température n'avait pas baissé ; je ne donne pas l'ergoti-

nine comme un agent curatif de la pa,ralysiel générale, sur ! a

marche de laquelle il ne semble pas avoir d'action autre que celle

qui vient d'être exposée, mais j'estime que mes expériences méri-

tent de fixer l'attention de la Société et demandent à être vérifiées

par d'autres observateurs. MARCEL Briand.

CONGRÈS DES ALIÉNÂTES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE

Session de BRESLAU 4888 r.

Séance du 28 novembre 1888. Présidence DE M. WERNJCKE.

M. LE Président annonce à la Société la mort de M. Crut-pi, méde-

cin en second à l'asile de Brieg. L'assistance tout entière se lève

pour honorer sa mémoire.

M. Liss : UER. Un cas de cécité psychique. - L'orateur présente le

malade âgé de 80 ans, dément sémile ayant eu plusieurs accès de

vertige. Au mois d'août dernier les accidents suivants sans aucun

phénomène aphasique ni paralytique, hémianopsie droite absolue et

complète (la vision centrale des deux yeux est conservée); acuité

visuelle de 1/4 à 1/5 (constatée à l'aide des tableaux de Bocl1at, le

malade ne sachant pas lire); il lui est impossible de nommer séance

tenante les objets qu'on lui présente et de dire ou de montrer à quoi ils

servent, mais il y parvient quand on. les lui fait toucher ou qu'on

les fait agir (sons de la cloche, battements de la montre, etc...) Lui

présente-t-on une montre, il dira que c'est un chandelier; lui met-

on dans la main qu'il en trouve sur-le-champ le nom. 11 arrive à

dessiner le contour de l'objet sans pouvoir le reconnaître. Ce ne

sont pas dans l'espèce les appareils de la vision sous-corticale qui

sont lésés. C'est la perception consciente qui fait défaut ou bien

les associations d'idées correspondantes. Ou plutôt, dans le cas

présent, le malade perçoit les impressions optiques de la forme de

l'objet, puisqu'il les dessine, il n'y a donc pas lésion de l'aper-

ception ; il y a trouble de l'association des idées corrélatives, cécité

psychique associative. C'est dans les lobes occipitaux que réside la

perception consciente des impressions optiques et la faculté d'en

reproduire la forme à l'état d'images commémoratives.

1 Voir in Archives de Neurologie. Session de 13uiizltLi, 1888, t. XVIII,

p. loi.

. SOCIÉTÉS SAVANTES. 129

Dans ces conditions, la cécité psychique peut émaner d'un trouble

fonctionnel de l'écorce du centre visuel (symptôme indirect pos-

sible d'une lésion en foyer) ; elle peut en outre être produite par

l'interruption des fibres d'association qui unissent le lobe occipital

au reste des hémisphères. Une telle interruption (transcorticale)

déterminera la cécité psychique associative; au contraire la des-

truction de l'écorce (lésion corticale) engendrera la cécité psychique

aperceptive. L'interruption transcorticale des tractus conducteurs

par uue altération isolée est chez ce vieillard probable.

M. IN EISSER. Eléments de diagnostic différentiel tirés du symptôme

connu sous le nom de verbigéralion. La forme spéciale de loqua-

cité ainsi désignée par Kalilbaum mérite d'être étudiée en détail

dans ses manifestations diverses. Car elle s'associe d'ordinaire à

d'autres symptômes, tels que les manifestations d'arrêt dans la

sphère de la motilité dont on peut pronostiquer, de par cette loi,

la prochaine apparition. Ce n'est donc pas de la justification de la

verbi-ératioti en tant que modalité autonome de la catatonie qu'il

sera question ici, on essaiera d'établir des groupes symptomatiques

et d'en déterminer la valeur. Quant à discerner le substratum ana-

tomique de la verbigération on n'y saurait penser, quoi qu'ait dit

sur ce point Kahlbaum. M. NEISSER, s'appuyant en grande partie

sur les écrits des aliénés, essaie de décrire et de délimiter une série

de manifeslations d'apparence homologue dans les diverses moda-

lités morbides. Le genre elliptique de l'expression et le groupement

des mots, la multiplicité des néologismes, les omissions et les

sous-entendus voulus ou involontaires constituent autant de carac-

tères propres suivant l'orateur à certaines psychopathies dépres-

sives, au désordre dans les idées hallucinatoire aigu (de Meynert,

aux divers états d'affaiblissement intellectuel, à la paralysie géné-

rale. Cette dernière maladie notamment peut se traduire par une

verbigération qui n'a rien à voir avec la verbigération propre-

ment dite; on ne saurait nier cependant que les parai) tiques ne

présentent de verbigéralion vraie mais la chose est rare et, quand

elle arrive, on constate d'autres manifestations catatoniques que

en s'associant à la verbigération réelle confirment la loi des comi-

binaisons symptomatiques posée précédemment; cette association

infirmerait plutôt le diagnostic de paralysie générale. Le mémoire

sera publié in extenso.

Le temps avancé s'oppose à la visite de la nouvelle clinique; ce

soin est remis à la prochaine séance de février 1889. Allg. Zeilsch.

f. P.,ych., XLVI. 1. P. Keraval.

Archives, t, XIX. 9

130 SOCIÉTÉS SAVANTES.

XIXe CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'ALLEMAGNE

DU SUD-OUEST1

' SESSION DE C.OELSRUHE 1888.

Séance dit 27 octobre 1888. - Présidence DE M. JOLLY.

M. JOLLY (de Strasbourg), lit un travail sur le traitement de la

manie par l'opium. La manie prolongée caractérisée par de

l'exagération impulsive de l'activité motrice et la multiplicité des

conceptions tient évidemment à un trouble des centres de régula-

tion psychique. Dans ces conditions, si, au moment où la maladie

dure depuis quatre à. sept mois, on se met à administrer successi-

vement 30, 40 et jusqu'à 120 gouttes de teinture d'opium (M. Jolly

a exceptionnellement prescrit 135 gouttes de ce médicament),

voici ce que l'on observe. Les aliénés qui, jusqu'alors, n'ont pu

dormir une minute, récupèrent la nuit un sommeil prolongé et

réparateur. L'idéogénèse se calme, la réflexion revient, et, avec

elle, l'attention, le discernement; le malade reconnaît les per-

sonnes qui l'entourent et se montre moins agité. Cette améliora-

tion se manifeste dès que l'on atteint les doses moyennes ; elle

s'évanouit quand on les diminue ou quand l'assuétude se produit

et réparait quand on force la quantité. Sur quinze maniaques

traités par ce procédé, les deux tiers témoignent de l'assertion

précédente. Dans les cinq cas où il n'en fut pas ainsi; on avait dû

suspendre l'opium chez deux d'entre eux à raison d'accidents

inquiétants : perte de l'appétit, vomissements, cyanose avec sus-

pension du pouls et irrégularité des battements du coeur; les trois

autres observations constituent une énigme en ce sens qu'on ne

s'explique pas pourquoi l'opium n'agit pas, une de ces trois obser-

viilioiis-là concerne une manie puerpérale qui guérit après la

suspension du médicament; la maladie dura eu toute une année.

D'ailleurs, la guérison définitive ne persista que chez cinq des ma-

niaques en question. Il convient encore de citer deux autres obser-

vations dans lesquelles il n'y eut guérison que quelque temps

après qu'on eût cessé tout traitement.

Il est impossible en résumé d'établir une médication avant

d'avoir étudié comparativement des faits de même ordre et de

s'être rendu compte de l'évolution de la maladie sous l'influence

et en l'absence de l'action de l'opium.

Discussion. - M. Wittich signale que l'opium lui a paru agir

plus favorablement chez la femme; le sexe faible supporte mieux

les hautes doses de cet agent médicament que l'homme.

Voir Archives de Neurologie, XVlll° congrès, L. XViI, ! J. 12,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 131

. M. Zacuer mentionne les diarrhées colliquatives consécutives à

l'action, des opiacés.

M. FuERSTNER a pratiqué la même méthode que M. Jolly pour

les mêmes cas. Il a pu prescrire, sans inconvénients, jusqu'à

200 gouttes par jour; il a même ainsi relevé l'état général et la nn-

rition de certains malades. Voici un fait qui montre comment les

aliénés réagissent autrement que les individus sains d'esprit. Une

malade qui absorbait plus de 150 gouttes de la teinture en ques

lion devint tout à coup sitiophobe; on ne put vaincre son refus

obstiné des aliments bien qu'on lui supprimât la médication ; eh

bien, il ne se reproduisit aucun des accidents qu'on attribue au

sevrage de ce toxique. Sans adopter l'explication régulatrice des

effets de l'opium, nous croyons que, même en certains cas presque

désespérés, il y a lieu de compter sur les opiacés et de leur recon-

naître une action curative.

M. Zncaen (de Stéphansfeld). Lésions anatomiques rares sur un

cerveau d'idiote. - Il s'agit d'une idiote de quarante-deux ans,

épileptique et idiote dès l'âge de huit ans, atteinte aussi d'hémi-

plégie droite avec contracture. Les première et deuxième frontales

gauches présentent leur configuration normale; chacune d'elles

est cependant évidée d'une petite cavité remplie de sérosité

claire. Ou trouve encore dans la deuxième frontale une tumeur

ostéoïde; située dans la portion de la couronne rayonnante cor-

respondant à cet organe, en avant de la cavité en question dont

elle est séparée pardu tissu nerveux usé, elle proémine un peu en

bas et en dedans dans le ventricule latéral. Les préparations pré-

sentées à l'appui de la précédente description montrent, en outre,

l'existence d'un trousseau de fibres d'association manifestement

autonomes en dedans de la lisière de substance blanche.

Discussion. M. Flersiweh. Ces lésions nous rappellent les faits

de prolifération conjonctive avec formation de cavtés que nous

avons décrits dans l'écorce du cerveau. 11 y avait dans l'espèce

prolifération de la couche externe et production d'une tumeur;

au sein de celle-ci s'est formée une cavité; dans le cas de

M. Zacher, c'eatla lisière de la substance blanche qui s'est trouvée

être le terrain générateur; la dégénérescence du tissu néoformé

en éléments ostéoïdes n'a rien d'extraordinaire. ' -

, ? .

M. LANDERER (de Goeppingen), Des expériences faites sur l'occu-

pation agricole des aliénés et en particulier des colonies d'aliénés.=

Il est tout à fait oiseux de se demander s'il vaut mieux traiter les

aliénés par le système des asiles fermés ou par celui des colonies

indépendantes, car la seule méthode qui pare à toutes les exi-

gences.estcelle qui consiste à annexer une colonie à un établisse-

li.J2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment fermé '. Ainsi a-t-on procédé à l'asile de Goeppingen.

Occuper les aliénés soit dans le domaine de l'asile fermé, soit à

quelques minutes de celui-ci c'est-à-dire à la colonie, les initier à

une besogne appropriable à leurs personnalités respectives et là

leur faire comprendre afin de la leur faire aimer, les diviser en

petites troupes afin de les bien surveiller et de les occuper effica-

cement, tel est le plan. Il existe à Goeppingen trois classes de

travailleurs; les uns vont aux champs sous la direction de gardiens

qui les couvent de l'oeil; les autres partent le matin à la colonie

sans surveillants et n'en reviennent qu'aux heures des repas;

d'autres enfin demeurent à la colonie où ils jouissent de la plus

grande liberté. Maintenir la connexion entre l'asile et la colonie

est indispensable, parce que le rôle du médecin est toujours et

partout prépondérant quand il s'agit.d'assister des aliénés.

M. FUERSTVER. Comment peut-on envoyer travailler des malades

sans surveillance ? Quelle est la proportion des travailleurs ?

Comment arrive-t-on à mesurer l'énergie dépensée par les aliénés ? 'f

Ne vaut-il pas mieux que la visite médicale se fasse à la colonie

avant la journée ? Quant à intéresser les malades à leur tâche,

c'est incontestablement le vrai desideratum à remplir.

M. LANDERER. La somme réelle de travail produite par les aliénés

est bien moindre qu'on ne le croit généralement. La liberté

maxima accordée à certaines individualités de travailleurs choisis

n'a jamais donné lieu dans les conditions sus-spécifiés, à des abus.

La visite du médecin l'après-midi à la colonie est la plus pratique

parce que c'est le moment où tous les travailleurs y sont présents.

M. Zacher. Il est impossible en effet d'exiger que l'été le médecin

se lève à 3 heures du matin pour visiter les travailleurs.

P. KERAVAL.

Séance du 28 octobre 1888. Présidence de M. 1 : 1(uINGH.IIJS.

M. le président propose de remettre à deux ans le prochain con-

grès puisque l'année prochaine il yaura à Heidelbergle congrès des

naturalistes. Sont nommés curateurs-organisateurs MM. Sciiuele

(d'Illenau) et Karuer (de 1\.lingenmùnstel').

M. Bucanou (de Klingenmunster). Des altérations des muscles

dans les psychoses. Il s'agit ici de deux cas de délire aigu développé

à la suite de délire général hallucinatoire.

L'autopsie se traduisit par les lésions du décubitus acutus, des

' Nous avons traité au Congrès international d'Assistance publique de

Paris (août 1889), la question des aliénés hors des asiles publics et

privés, l'assistance des aliénés dans les familles et les colonies d'aliénés,

agricoles ou non. C'est à cette conclusion que nous sommes arrivé.

- - (P. K.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 133

ecchymoses énormes, des embolies graisseuses dans les poumons,

de la pachyméningite externe adhésive. On constata au micros-

cope la dégénérescence amyloïde du système musculaire; 1'encé-

phale était demeuré intact. La moelle de l'une des malades était

affectée de leptoméningile avec myélite marginale très faiblement

accusée. Chez l'autre femme, il existait, en outre de ces lésions

médullaires, une dégénérescence des vaisseaux toute spéciale, très

voisine de la dégénérescence hyaline; cette dégénérescence vas-

culaire occupait surtout les cordons postérieurs; la substance

blanche et grise ne présentait pas le mode de répartition ni de

localisation habituel notamment au niveau du segment inférieur

de la moelle dorsale (l'orateur présente des figures et des prépa-

rations). Ces anomalies se rattachent soit à des vices de dévelop-

pement qui témoignent de stigmates héréditaires, soit à des alté-

rations pathologiques anciennes, qui n'out d'ailleurs rien à voir

avec le délire aigu mortel. Quant aux altérations musculaires elles

proviennent de l'affection mentale qui nous occupe.

Discussion. M. SC11UELE. 11 faudrait, avant de se prononcer,

savoir quel est l'état des muscles dans les autres formes d'aliéna-

tion mentale. Il se rappelle un cas de paralysie générale dans

lequel il y avait eu rupture de l'abdomen à la suite de dégénéres-

cence amyloïde.

M. Buchholz a, dans la paralysie générale surtout, rencontré de

la diminution du calibre de certaines fibres ainsi qu'une abondante

prolifération des noyaux; on trouvait çà et là des cellules à

noyaux.

A une demande de M. Jolly, M. BUCIIHOLZ réplique que la lésion

atteignait à un même degré les droits de l'abdomen, les adduc-

teurs de la cuisse, le biceps brachial, le grand pectoral et le gastro-

cnémièn. La dégénérescence amyloïde des muscles s'observe

d'ailleurs dans tous les états d'agitation aiguë. Interpellé par

M. Zacher, le même orateur dit que la charpente musculaire ne

présente en pareils cas autre chose qu'un trouble léger dans la

transparence des fibres.

M. KNY (de Strasbourg). Des effets thérapeutiques de l'hyoscine. -

Voici en peu de mots les résultats par lui obtenus avec le chlorhy-

drate d'hyoscine à la clinique psychiatrique de Strasbourg.

1° Vingt-trois malades ont été soumis à l'injection hypodermique

de ce médicament. On leur a fait absorber plus de cinq cents

doses. Les résultats ont été très favorables. Six seulement ont

éprouvé des accidents accessoires tellement désagréables qu'ils

contre-balançaient et au delà l'effet thérapeutique. '

2° Quatre-vingt huit aliénés en ont pris à l'intérieur trois mille

unités pharmacodynamiques, quelque forme mentale qu'ils pré-

sentassent. Les résultats ont été préférables à ceux de l'absorbtion

134 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sous-cutanée. On a commencé par deux milligrammes au plus par

jour, puis on a graduellement augmenté la dose jusqu'à trois mit-

ligrammes au maximum. Il ne se produisit d'accidents sérieux que

chez une vieille démente bénite de 72 ans ; quelques phénomènes

accessoires montrèrent chez deux autre» maladea; le coeur ne

fut cependant point touché, bien qu'on eut donné le médicament

dans un cas d'insuffisance aortique. Les meilleurs effets furent

obtenus contre l'agitation pronoucée; les résultats furent encore

très satisfaisants dans les manifestations délirantes et hallucina-

toires de spsychopathtes ; c'est dans l'insommie simple sans agita-

tion ni perlubalions sensorielles que l'on eut à déplorer le plus

d'insuccès. Son désavantage se résume en l'assuétude. Ses avan-

tages sont : sa grande solubilité, sa complète insipidité ; il dimi-

nue la salivation et la sudation et n'est pas cher à petites doses.

C'est en solution qu'il faut le faire prendre; en pilules il est in-

certain et n'est pas sans dangers. Comparé aux autres narcotiques,

il leur est supérieur en ce qui concerne l'agitation, surtout parce

qu'il exerce une action calmante qui survit à l'action somnifère et

qu'il n'a aucune saveur. Chez les névropathes, aux doses de quel-

ques dix milligrammes en pilules, ou mieux, en solutions il rend

des services. Il s'est montré durable dans ses effets contre lacrampe

des écrivains (un cas), la sclérose en plaques (tremblement inten-

tonné), 2 cas), le tremblement alcoolique avec, sueurs profuses

(2 cas);'il a agi comme palliatif dans la paralysie agilante (un cas)

dans la scélérose en plaques (3 cas), la myélite par compression

(2 cas); il n'a rien produit dans un cas de crampes musculaires

douloureuses (les troubles digestifs déterminés par l'hyoscine ont

dû la faire supprimer), dans un cas d'astbme nerveux, dans un

cas de chorée chronique.

Discussion. -M. KiRN. - Le sulfonal est tout à fait insipide lui

aussi; j'en appelle à Kast.

r. ZACllER. - L'hyoscine neprovoque-t-elle pas certains troubles

digestifs graves ? Arrête-t-elle réellement la salivation ? ' !

.1\1. KNY n'a observé, en fait des manifestations alléguées par

M. Zacher, que de la diarrhée passagère sans inappétence; il

s'agissait d'un névropathe. L'hyoscine arrête la salivation.

M. JOLLY. - Le sulfonal de Bayer laisse un arrière-goût ainsi

que l'a indiqué Cramer.

M. Ei3tINGHAUS. - De ce que M. Kny a sans inconvénient admi-

nistré de l'hyoscine dans un cas d'insuffisance aortique, il ne s'en

suit pas qu'elle soit absolument inoffensive dans les affections du

coeur en général. Ce qu'il faut dire, c'est qu'elle est inoffensive

quand l'élément contractile du coeur n'est pas altéré. Or nos alié-

nés sont très souvent porteurs d'atrophie brune du muscle car-

diaque, de dégénérescence graisseuse du myocarde, d'athéromedes

SOCIÉTÉS SAVANTES. 135

artères coronairées avec atrophie consécutive de i'organe. Il n'est

commode de diagnostiquer ces lésions-là. On indique bien comme

signe général l'affaiblissement du choc de la pointe au lieu d'élec-

tion, la tachycardie avec petitesse du pouls (atrophie brune), la

mollesse et la petitesse du jet sphygmique avec ralentissement

(dégénérescence graisseuse), l'irrégularité et la petitesse de l'onde

pulsatile (athérome des artères coronaires); mais ce ne sontlàque

que des symptômes de suspicion. Nous devons donc nous montrer

prudent.

M. JOLLY. Je ne sache pas que les aliénés soient bien plus fré-

quemment atteints de lésions cardiaques que nos malades des hô-

pitaux, Le milieu dans lequel observe M. Emminghaus doit être

tenu pour le facteur de ces dégénérescences.

M. Sciiuele demande combien de temps on peut prolonger

l'administration de l'hyoscine. En second lieu a-t-on observé

l'assuétude.

11. KNY l'a administrée parfois pendant des mois jusqu'à ce que

convaincu qu'elle n'agissait pas, il ait été obligé de la supprimer.

Comme l'hyosciamine, elle provoque des démangeaisons dans la

gorge, de la dilatation des pupilles, etc..., mais, en se bornant

aux petites doses, il est extrêmement, rare qu'elle devienne

nuisible.

M. Kirn (de Fribourg). Contribution à la question de l'atténuation

de la responsabilité. - Il faut l'inscrire dans nos lois, et cela pour

des raisons d'ordre pratique. La ligne de démarcation entre la

santé psychique et la maladie mentale est loin d'être tranchée;

aussi le tribunal se trouve-t-il chaque jour en présence d'individus

dont la liberté d'action psychique ne lui parait ni totalement

affranchie ni complètement enchaînée. On ne peut se tirer de là,

au sens humain de la législation, que par l'expression d'atténua-

tion de la responsabilité. Les circonstances atténuantes ne com-

blent en aucune façon la lacune en question; elles n'entrent d'a-

près la loi en scène que pour la minorité des crimes et sont exclues

dans les cas de crimes qualifiés. La grande expérience de l'auteur

lui permet d'affirmer qu'au point de vue légal, il n'y a que peu de

délinquants totalement irresponsables et qu'on condamne en

revanche un grand nombre d'individus pour lesquels l'atténuation

de la responsabilité serait légitime. On rencontre en effet chez eux

un terrain préparé tel qu'un affaiblissement congénital ou acquis

des facultés intellectuelles et du sens moral, ou encore une sensi-

bilité passionnelle anormalement développée, qui sans nul doute

a joué un rôle dans l'accomplissement des faits délictueux. Aussi

les voit-on condamnés pour immoralité, sévices, injures, violences

et constate-l-on, quand on les examine, de l'imbécillité ou de la

démence précoce; de la dégénérescence mentale consécutive à«

13G SÉNAT.

un traumatisme céphalique, à de l'alcoolisme; de la démence

sénile, etc..

Discussion. M. SCHUELE résume à ce propos la discussion qui

eut lieu sur le même sujet au congrès de la Société des aliénistes

allemands'.

M. JOLLY repousse les arguments présentés au congrès de Bonn

contre l'introduction dans la législation du principe de l'atténua-

tion de la responsabilité. Il y reviendra quand sera paru le rap-

port officiel de ce congrès.

M. Emmingiians, J'ai eu ces jours-ci à faire un rapport médico-

légal sur un fait qui reste dans la catégorie dont nous parlons.

L'espèce légale avait trait à un meurtre commis sous une influence

passionnelle. La victime était l'oncle du meurtrier; ses anomalies

psychiques étaient indéniables ; processif en diable, depuis trente

ans il poursuivait son neveu. La mère de ce dernier était morte

aliénée ainsi qu'une de ses soeurs, et l'oncle assassiné était le frère

de la mère du meurtrier. La famille comptait en outre deux cas

d'aliénation mentale et un cas d'originalité anormale du caractère.

L'accusé était lui-même bizarre sans qu'on pût néanmoins le

taxer d'aliéné ; droitier, il était atteint d'une affection ancienne

de l'oreille moyenne du côté gauche qui entretenait chez lui des

troubles nerveux limités au même côté gauche exclusivement.' Il

y avait là autant de motifs propres à demander les bénéfices de

l'atténuation de la responsabilité, si celle-ci eût en matière de

meurtre été admise par la loi. Comme il n'en était pas ainsi le

meurtrier fut déclaré responsable. (Allg. Zeitsch. f.Psych. XLVI. 1).

P. KERAVAL.

SÉNAT

DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS.

Suite de la séance du lundi 6 décembre 18862.

M. de GAVARDIE. Monsieur le président, j'aurais un mot à dire.

' Voir Archives de Neurologie, t. XVIII, p. 456.

'Voir Archives de Neurologie, t. XII, p. 135, 258, 439; t. XIV, p. 135

307, 421; t. XV, p. 138,31),487; t. XVI, p. 101, 300, 458; t. XV11, p. 133

314.

SÉNAT. 1 : : 11 1

Je demande le rejet de l'article tout entier, comme inutile et

dangereux.

M. LE Président. La parole est à M. de Gavardie.

M. DE GAVARDIE. Messieurs, j'avais l'intention de ne pas parler

aujourd'hui; mais je trouve cela tellement grave, que, véritable-

ment, il m'est impossible de ne pas présenter quelques observa-

tions. Dans la pratique actuelle, tout se passait sans le moindre

inconvénient et sans la violation d'aucun principe ! Lorsqu'il

résultait des débats qu'un individu acquitté présentait par son

état mental des dangers pour l'ordre public, l'autorité adminis-

trative, en vertu des articles 18 et 19 de la loi de 1838, inter

venait.

Il m'est arrivé dans plusieurs circonstances, étant chef du par-

quet, d'avertir le maire ou le préfet, et immédiatement l'auto-

rité administrative arrivait régulièrement, puisqu'il s'agissait d'un

état mental qui pouvait troubler l'ordre. Tout était là ! Vous,

que faites-vous ? Vous faites une chose que jamais un législateur

n'avait osé accomplir : vous allez, lorsqu'est intervenu un juge-

ment ou un arrêt solennel sous la protection duquel et les

familles doivent y tenir - se trouve l'état mental de l'accusé,

vous allez faire une chose grave, vous allez flétrir des individus qui

sont acquittés et qui sont sensés avoir la pleine possession de leurs

facultés. C'est là le danger qui se trouve dans plusieurs articles

de cette publicité dangereuse qui vient précisément atteindre ce

qu'il y a de plus sacré : l'intérêt des familles.

Eh bien, voyez : au jugement ou à l'arrêt qui vient d'être rendu,

vous allez juxtaposer une disposition hybride, car, en définitive,

il faut dire les choses comme elles sont : c'est l'absolue contra-

diction de l'acquittement tel qu'il a été prononcé ! Vous mettez

en observation vous, autorité judiciaire; vous n'en avez pas le

droit ! Du moment qu'un individu a été acquitté, vous devez le

mettre en liberté ! '

L'autorité administrative pourra, sous sa responsabilité, repren-

dre cet individu; mais vous, autorilé judiciaire, vous avez accom-

pli votre devoir. Functus est officio, c'est fini ; voilà la vérité des

principes ! Sans doute, messieurs, l'amendement de l'honorable

M. Lacombe soutenu par M. Pâris améliore le texte de la com-

mission, mais il n'en viole pas moins les principes dans ce qu'ils

ont de plus essentiel, de plus sacré. Vous faites une confusion

perpétuelle - et ici vous la faites plus saisissante entre l'élé-

ment judiciaire et l'élément administratif. Vous n'en avez pas le

droit.

Voyez, messieurs, l'effet que produit quelquefois sur l'opinion

publique cette formule d'acquittement, surtout devant la cour

d'assises. J'en parlais tout à l'heure à un avocat éminent, et je

138 SÉNAT.

vais m'expliquer là-Uessu, Lorsque le président dit : 'fél individu

est mis en liberté s'il n'est retenu pour aulre cause - et il est

arrivé souvent que l'individu acquitté a été retenu pour une autre

cause, qu'on indique pas - quelle est la pensée du public ? C'est

que la magistrature se vengeait en quelque sorte de l'acquitte-

ment, qu'elle prenait une revanche de la décision du jury ! Eh

bien, vous allez établir régulièrement cette revanche-là,

M. DE Ce n'est qu'une formule.

M. de G.1V.1RDIL. llon cher collègue, ce n'est qu'une formule;

mais les formules contiennent un droit, une conséquence, et ce

n'est pas ici une vaine formule; elle a une efficacité : elle atteint

l'homme dans ce qu'il a de plus sacré; elle atteint les familles !

Je vous supplie, messieurs, de réfléchir là-dessus. C'est un boule-

versement complet des principes; c'est une confusion de l'élément

judiciaire et de l'élément administratif ! Tout cela était séparé !

On a fait des révolutions pour établir une séparation entre les

divers éléments de la société, entre l'exécutif, entre le législatif et

le judiciaire. Vous bouleversez tout cela ! Pour moi, je suis effrayé

de ces tendances ! On s'aperçoit aujourd'hui que le désordre est

dans la société; au lieu de chercher le véritable remède, qui est

un remède moral et religieux, on arrive en définitive à reconsti-

tuer cette autorité césarienne et païenne qui s'emparait de l'indi-

vidu tout entier et qui pénétrait partout sous prétexte d'ordre

moral. Ne faites pas cela; c'est une tendance dangereuse, et,

pour ma part, jamais je ne m'associerai à de pareils votes. Je

demande le rejet de l'article tout entier.

M. DFLSOL. Je demande la parole.

M. LE Président. La parole est à M. Delsol.

M. DELSOL. Messieurs, je n'ai plus qu'un mot à dire sur l'amen-

dement qui est présenté par M. Lacombe et soutenu par M. Paris.

En quoi cet amendement diffère-t-il de l'article 39 de la commis-

sion ? Il en diffère en ceci : D'après l'amendement, la cour d'as-

sises pourra, toutes les fois que cela lui paraîtra résulter des dé-

bats, retenir l'individu pour le mettre à la disposition de l'auto-

rité administrative et le faire enfermer comme aliéné dangereux.

La commission vous présente une rédaction différente; mais,

au fond, le but et la portée de cette rédaction sont les mêmes. La

commission vous propose de dire que la cour d'assises pourra

retenir l'individu, dans deux circonstances : lorsque le ministère

public aura abandonné l'accusation pour irresponsabilité morale

de l'accusé, ou bien lorsque l'accusé se sera défeudu en invoquant

son irresponsabilité morale. Au fond, la pensée n'est pas diffé-

rente, et le résultat sera certainement le même. En effet, il est

bien évident que les débats ne démontreront l'irresponsabilité de.

l'individu que si le ministère public l'a reconnue ou que si la dé-

sénat. 13'J

fense l'a soutenue. Car, si ni 'le ministère public ni la défense

n'invoquent l'irresponsabilité mentale, je ne vois pas comment

les débats auront démontré qu'elle existe.

Donc, au fond, ces deux dispositions arrivent au même résul-

tat. Mais nous avons pensé que la formule adoptée par la com-

mission est préférable, car elle a cet avantage considérable de ne

pas mettre la cour d'assises dans la nécessité de riposter, en

quelque sorte, par une décision d'internement à un verdict de

non-culpabilité, et de ne faire sortir l'accusé de la prison que

pour l'enfermer aussitôt dans un asile d'aliénés. Cette apparente

contradiction entre le verdict du jury et la décision de la cour

pourrait être mal comprise et mal interprétée par l'opinion publi-

que, et il est bon d'éviter cet inconvénient.

Mais, enfin, si le Sénat pense que la rédaction de M. Lacombe

appuyée par M. Paris est meilleure que celle de la commission,

nous ne demandons pas mieux que d'accepler le renvoi de l'amen-

dement qui vous est soumis et à la seconde délibération ou nous

vous apporterions une rédaction nouvelle ou nous prierions de

voter définitivement celle que nous vous avions proposée.

M. le Président. Alors, nous renvoyons l'article et l'amendement

à la commission ? ...

Au banc de la commission. Non ! non !

M. le Président. Monsieur Lacombe, maintenez-vous votre

amendement ? . ?

M. Lacombe. Je le maintiens, monsieur le président, à moins

qu'il ne soit renvoyé à la commission.

M. DELSOL. Nous l'acceptons pour la seconde délibération.

M. Paris. C'est inutile-d'ajourner la difficulté à la seconde déli-

bération. r

M. DELSOL. La commission a délibéré vingt fois sur cette ques-

tion et elle s'est définitivement arrêtée à la rédaction qu'elle vous

propose. Nous ne pouvons pas changer à chaque instant notre

texte, sans même avoir pu en délibérer.

M. LE Président. Je consulte le Sénat sur l'amendement de

M. Lacombe, dont je donne lecture : « Le prévenu ou l'accusé au

profit duquel intervient un jugement ou un arrêt d'acquittement

en matière correctionnelle ou un arrêt de non-lieu en matière

correctionnelle peut, par la même décision, être mis à la' disposi-

tion de l'autorité administrative si les magistrats estiment que son

état mental le constitue à l'état d'aliéné dangereux.

« La cour d'assises peut en agir de même à l'égard de l'accusé

qui bénéficiera d'un verdict de non-culpabilité, lorsque la preuve

de cet état mental lui parait résulter des débats.

« L'autorité administrative, saisie par suite de ce renvoi, doit

1 40 SÉNAT.

provoquer l'examen mental du prévenu ou de l'accusé acquitté.

Cet examen aura lieu en conformité des articles 20 et suivants de

la présente loi. » (Après deux épreuves déclarées douteuses, il est

procédé au scrutin. - MM. les secrétaires opèrent le dépouille-

ment des voles.)

M. le Président. Voici le résultat du scrutin : -. '

SÉNAT. 141

M. ROGER-MARVAISE. C'est une rédaction qu'il m'est absolument

impossible d'accepter, parce qu'elle est contraire à tous les princi-

pes les plus élémentaires en matière de fonctionnement de la

cour d'assises. Comment voulez-vous qu'en cas de non-culpabilité

l'accusé soit immédiatement renvoyé devant le tribunal en cham-

bre du conseil, s'il n'intervient pas un arrêt de la cour d'assises ?

Il suffit de se reporter au code d'instruction criminelle pour voir

que, lorsqu'il y a un arrêt de non-culpabilité, la cour d'assises n'a

pas autre chose à faire que d'ordonner immédiatement la mise

en liberté de l'accusé.

· La cour d'assises est absolument dans l'obligation de rendre un

arrêt qui met l'accusé en liberté. Il faut donc qu'il intervienne

une décision quelconque de cette cour, arrêtant la mise en liberté

qui est impérativement ordonnée par le code d'instruction crimi-

nelle. C'est sur ce point, messieurs, que je voulais appeler l'atten-

tion du Sénat et celle de la commission, parce qu'il me paraît

absolument impossible d'adopter la dernière modification proposée

par la commission.

M. le Président. La parole est à M. Delsol.

M. DELSOL. Messieurs, la modification proposée par M. le garde

des sceaux au projet de la commission a cette signification que,

lorsqu'il y a un verdict de non-culpabilité, la cour d'assises, au

lieu de statuer elle-même sur l'internement de l'individu acquitté

qu'on suppose aliéné, le renvoie purement et simplement devant

le tribunal en chambre du conseil; c'est là le juge ordinaire, le

juge compétent pour statuer sur les placements définitifs. Voilà

la pensée de M. le garde des sceaux. Maintenant, comme il ne

nous a remis aucune rédaction, nous demandons au Sénat de ren-

voyer cette partie de l'article à la commission qui s'entendra avec

le Gouvernement pour vous présenter un texte définitif. (Marques

d'approbation.)

M. Roger-Marvaise. J'accepte parfaitement le renvoi.

M. le Président. Le surplus de l'article est, bien entendu main-

tenu ?

M. LE Rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Nous allons procéder an vote sur l'article en

réservant l'avant-dernier paragraphe. (L'article 39 moins le der-

nier paragraphe est adopté.)

M. LE Président. « Art. 40. - L'Etat fera construire ou appro-

prier un asile spécial ou plusieurs asiles spéciaux pour les aliénés

dits criminels de l'un et de l'autre sexe, où seront conduits et

retenus, en vertu d'une décision du ministre de l'intérieur, les

aliénés mis à la disposition de l'autorité administrative, en exe-

cution de l'article 39. Pourront également y être conduits et rete-

142 sénat .

nus, en vertu d'une décision du ministre de l'intérieur, sur la

proposition du comité supérieur des aliénés : -.

CI : 10 Les aliénés qui, placés dans un asile, y auront commis un

acte qualifié crime ou délit contre les personnes; .

a 2° Les condamnés à une peine correctionnelle de moins d'un an

d'emprisonnement qui deviennent aliénés pendant qu'ils subissent

leur peine; - .

«3° Les condamnés devenus aliénés dont il a été parlé à l'ar-

ticle 38, lorsqu'à l'expiration de leur peine le ministère de l'inté-

rieur aura reconnu dangereux soit de les remettre en liberté, soit

de les transférer dans l'asile de leur département.

« Tout aliéné traité dans l'asile ou les asiles spéciaux créés en

vertu du présent article peut être transféré dans l'asile de son dé-

partement en vertu d'une décision du ministre de l'intérieur, rendu

sur la proposition motivée du médecin traitant, et après avis du

comité supérieur. » - (Adopté.)

« Art. 41. Lorsque la sortie d'un des aliénés en vertu des

articles 38 et 39 est demandée, le médecin traitant doit déclarer

si l'interné est ou non guéri et, en cas de guérison, s'il est ou non

légitimement suspect de rechute. La demande et la déclaration

susdites accompagnées de l'avis motivé du médecin inspecteur,

sont déférées de droit au tribunal, qui statue en chambre du con-

seil, conformément à l'article 50 ci-après. Si la sortie n'est pas

accordée, la chambre du conseil peut décider qu'il ne sera pro-

cédé à un nouvel examen qu'à l'expiration d'un sursis qui ne peut

se prolonger au delà d'une année.

« La sortie accordée est révocable et peut n'être que condition-

nelle. Elle est alors soumise à des mesures de surveillance réglées

par la chambre du conseil, d'après les circonstances de chaque cas

particulier. Si ces conditions ne sont pas remplies ou s'il se pro-

duit des menaces de rechute, la réintégration à l'asile est iI1llIlé-,

diate. » (Adopté.)

« Art. 42.- Lorsqu'un inculpé est présumé aliéné, l'expertise pl'es-

crite en vue de déterminer son état mental peut avoir lieu soit dans

le quartier ou local d'observation et dépôt provisoire établi à l'hô-

pital ou hospice, conformément à l'article 36 de la présente loi,

soit dans un établissement public ou dans un établissement privé

faisant fonction d'établissement public d'aliénés, si l'expert ou l'un

des experts désignés est médecin de cet établissement. L'admis-

sion de la personne présumée aliénée a lieu en vertu d'un arrêté

du préfet,.pris sur la demande de l'autorité judiciaire.

« Si l'expertise a lieu dans un établissement d'aliénés, la per-

sonne présumée aliénée peut être réintégrée dans la prison, aus-

sitôt que le chef responsable en fait la demande au préfet, pour

motif de sécurité ou autre motif valable. ». - (Adopté.)

SÉNAT. 143

section 1 ? Dépenses et recettes du service des aliénés.

0 : Art. 43. - Sont conduits dans l'établissement appartenant

au département ou avec lequel il a traité, les aliénés dont le

placement a été ordonné par le préfet, à moins que la famille ne

demande leur admission dans un asile privé et ne subvienne aux

frais de leur entretien. Y sont également admis par arrêté du

préfet, aux conditions réglées par le conseil général et avec les

formalités prescriptes par l'article 20, les aliénés indigents dont

l'état mental ne compromettrait pas la sécurité, la décence ou

la tranquillité publiques, ou leur propre sûreté. » - (Adopté.)

« Art. 44. La dépense du transport des personnes dirigées

par l'administration sur les établissements d'aliénés est arrêtée

par le préfet sur le mémoire des agents préposés à ce transport.

En l'absence de traité réglant la dépense de l'entretien, du séjour

et du traitement des aliénés placés dans les établissements publics,

cette dépense est réglée d'après un prix de journée arrêté chaque

année par le ministre de l'intérieur pour les asiles de l'Etat et

pour ceux qui constituent une personne civile, par les conseils

généraux pour les asiles départementaux, par les commissions

administratives pour les quartiers d'hospice. Pour les asiles privés

faisant fonction d'asiles publics, la dépense ci-dessus est fixée

par les traités passés avec le département, conformément à l'ar-

ticle 3.

« Dans aucun cas, les conseils généraux ne peuvent disposer

des réserves ou des excédents de recettes des asiles pour les

appliquer à un autre service qu'à celui des établissements qui les

ont réalisés.

« Les recettes et les dépenses des quartiers d'hospice affectés

aux aliénés sont l'objet d'une section distincte dans le budget de

l'établissement hospitalier dont ils font partie, et le produit

de leurs recettes doit être intégralement réservé. » - (Adopté.)

« Art. 45. - Les dépenses énoncées en l'article 44 sont à la

charge des personnes placées; à leur défaut, à la charge de ceux

auxquels il peut être demandé des aliments, aux termes des

articles 205 et suivants du code civil. S'il y a contestation sur

l'obligation de fournir les aliments ou sur leur quotité, il est

statué par le tribunal compétent, à la diligence de l'administra-

teur des biens de l'aliéné. Le recouvrement des sommes dues est

poursuivi et opéré par les percepteurs, comme en matière d'a-

mendes et de condamnations pécuniaires. » - (Adopté.)

« Art. 46. - A défaut ou en cas d'insuffisance des ressources

énoncées en l'article précédent, il y est pourvu par le départe-

ment, sans préjudice du concours de la commune du domicile de

l'aliéné, d'après un tarif arrêté par le conseil général, sur les pru-

144 . SÉNAT.

positions du préfet. Les hospices sont tenus à une indemnité pro-

portionnée au nombre des aliénés dont le traitement ou l'entre-

tien était à leur charge, et qui seraient placés dans un établisse-

ment spécial d'aliénés. En cas de contestation, il est statué par le

conseil de préfecture. » - (Adopté.)

« Art. 47. - Sont payés par l'Etat :

«la Les traitements et pensions de retraite des inspecteurs

généraux du service des aliénés,

fi. 2° Les traitements et pensions de retraite des médecins-direc-

teurs, directeurs, médecins en chef et adjoints des asiles publics,

des médecins en chef préposés responsables et médecins adjoints

des quartiers d'hospice, des médecins en chefs et adjoints des

établissements privés faisant fonction d'asile public.

« Toutefois les établissements publics et établissements privés

faisant fonction d'asiles publics rembourseront au Trésor la

dépense correspondant aux traitements des fonctionnaires énu-

mérés ci-dessus.

« A cet effet, la loi de finances déterminera chaque année le

nombre de centimes qui seront réservés sur le prix de'journée et

les pensions payées soit par les départements, soit par les familles

pour les aliénés à leur charge. ,

« Les fonctionnaires et employés des asiles publics, nommés par

les préfets, conformément au paragraphe 4 de l'article, sont as-

sociés aux charges et bénéfices de la caisse de retraite du dépar-

tement où est situé l'asile. En cas de changement d'un de ces

fonctionnaires d'un département dans un autre, les retenues ver-

sées par lui dans la caisse des retraites du département qu'il quitte

sont reversées dans la caisse du département où il se rend. Si l'un

des fonctionnaires départementaux susdits est appelé à un emploi

rétribué par l'Etat, conformément à la présente loi, les sommes

versées par lui à la caisse des retraites du département qu'il

quitte, sont reversées dans la caisse des retraites civiles de

l'Etat ».

M. DE Gavardie, de sa place. Je fais observer que cet article n'é-

numère pas toutes les dépenses - et elles seront considérables -

qui résulteront de l'application de la loi; celles dont il parle suf-

firaient pour rendre absolument indispensable l'avis de la com-

mission des finances.

M. LE président. La parole est à M. le rapporteur.

M. LE rapporteur, de sa place. M. de Gavardie est dans l'erreur.

L'article 47 énumère toutes les dépenses du service des aliénés.

Quelle est. monsieur de Gavardie, la lacune que vous signalez.

M. DE Gavardie. Il y a des asiles que vous êtes obligés de

créer !

M. LE rapporteur. Les observations de M, de Gavardie viendront

sénat 145

plus utilement, je crois, lors de la discussion de l'article 48 ; c'est

là seulement qu'il y a une innovation au point de vue financier.

Comme le Sénat a fourni aujourd'hui une très longue carrière,

puisqu'il n'a pas voté moins de vingt-sept articles, jelui demande

au nom de la commission, qu'après le vote sur l'article 47 la suite

de la discussion du projet de loi soit remise à la prochaine séance.

La commission a besoin de conférer avec M. le commissaire du

gouvernement sur l'article 48.

Le Sénat n'a pas oublié les observations critiques portées à la

tribune par M. le ministre de l'intérieur au sujet du paragraphe

de cet article qui propose l'établissement des taxes proportion-

nelles à imposer aux aliénés qui peuvent les payer, et aux per-

sonnes qui tirent un profit du traitement des aliénés. La commis-

sion a besoin de s'entendre avec le gouvernement sur cette

intéressante question. Lorsqu'à la prochaine séance l'article 58

viendra en discussion, M. de Gavardie aura l'occasion de repro-

duire plus utilement ses observations, et la commission lui don-

nera alors des explications qui, j'espère, le satisferont.

M. LE président. Vous demandez alors que le Sénat statue sur

l'article 47 ?

M. le rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. LE président. Vous venez d'entendre, monsieur de Gavardie,

les explications qui ont été fournies par M. le rapporteur ? i

M. DE Gavardie. Parfaitement, monsieur le président. J'attendrai

la fin de la discussion.

M. Casimir Fournier. Voulez-vous me permettre une observa-

tion ? 2 .

M. le président. La parole est à M. Casimir Fournier.

M. Casimir Fournier. Je désirais faire cette observation de ma

place, car elle est très simple. Le texte de l'article 47 se termine

par ces mots : « Les sommes versées à la caisse des retraites du

département qu'il quitte, sont reversées dans la caisse des retraites

civiles d'Etat. » Or, il n'y a pas de caisse de retraites d'Etat. Tout

le monde sait que la loi du 9 juin 1853 a supprimé les caisses

particulières et que les pensions sont payées sur les fonds géné-

raux du Trésor.

M. LE rapporteur. La commission a entendu que les fonds soient

versés dans la même caisse que ceux qui sont prélevés pour la

retraite de tous les autres fonctionnaires. '

M. Casimir Fournier. Mais on ne peut pas parler d'une caisse qui

n'existe pas !

M. le rapporteur. Il ne s'agirait donc que d'une simple modifi-

cation de rédaction. Il n'y aurait qu'un mot à changer.

' Archives, t. XV1TI. 10

146 bibliographie.

M. LE président. Il n'y a qu'à dire : «... sont reversées dans la

caisse de l'Etat. »

' M. le rapporteur. C'est cela !

M. LE président. Personne ne demande la parole sur le change-

ment de rédaction qui vient d'être indiqué ? ... Je mets aux voix

l'article 47 ainsi modifié. (L'article 47, modifié, est mis aux voix

et adopté.) .

M. LE président. La commission demande le renvoi de la dis-

cussion à la prochaine séance. Il n'y a pas d'opposition (Non ! non ! )

La discussion de la loi sur les aliénés est renvoyée à la prochaine

séance.

BIBLIOGRAPHIE.

I. - Etudes cliniques sur les maladies mentales et nerveuses,

par le Dr Jules FALRET. 1890.

M. Falret a eu l'heureuse idée de reunir dans un volume, les

diverses publications qu'il a faites depuis vingt-cinq ans dans les

Archives de médecine et les Annales médico-psychologiques, pré-

sentant ainsi au lecteur le but vraiment scientifique qu'il a pour-

suivi dans toute sa carrière. -Jusqu'à nos jours, les doctrines de

Pinel et d'Esquirol ont prévalu en pathologie mentale; mais leurs

classifications, basées sur la forme, l'étendue plus ou moins

grande des- troubles mentaux, ont rapproché les malades par des

analogies factices et n'ont abouti qu'à la création de groupes arti-

ficiels. Battu en brèche par les observateurs qui ont mis au pre-

mier rang l'évolution, les lésions, l'étiologie, l'édifice élevé par

les devanciers n'est pas encore reconstruit, tant s'en faut. La mé-

thode étiologiqne ou pathogéniqne de Morel est certainement un pas

fait en avant ; mais elle est loin d'être à l'abri de tout reproche.

- L'auteur ne vient pas proposer une classification nouvelle : c'est

là l'oeuvre de toute une génération. Mais il montre au moins la

marche à suivre, en distinguant les individualités morbides qu'il

est possible de séparer dans l'état actuel de la science. - La para-

lysie générale des aliénés ou folie paralytique est le meilleur

exemple à prendre à cet égard : elle a, malgré ses variétés cli-

niques, ses symptômes physiques, son délire spécial, enfin ses

lésions propres; si on a soin de la distinguer des paralysies géné-

rales de causes diverses (maladies de la muëlle, du cerveau,

atrophies musculaires, etc.). - C'est avec le même esprit de saine

BIBLIOGRAPHIE. 147

critique et de judicieuses observations, laissant avant tout la place

aux faits, sans se préoccuper des doctrines, que l'acteur passe en

revue l'état mental des épileptiques, analyse d'une façon générale

les troubles du langage, distingue les désordres mentaux variés

que l'on a groupés sous le nom de folie morale, raisonnante. Enfin,'

les deux mémoires les plus récents ont pour objet la folie à deux,

en collaboration avec Lasègue, et la folie circulaire ou folie à

double forme, décrite en 18;;4 par le Dr Falret père et Baillarger,

affection également bien définie par sou évolution fatale et prévue. -

L'auteur s'est borné dans la présente publication à des considéra-

tions à peu près exclusivement cliniques. Il se propose,- dans un'

ouvrage qui paraîtra prochainement, de traiter des aliénés au

point de vue de l'assistance et de la législation. H. Lame.

II. Du rôle de l'hérédité dans l'alcoolisme; par Paul Sollier, interne

des hôpitaux de Paris, avec une préface de M. le Dr Bour-

neville. médecin de l'hospice de Bicêtre. - 1 vol. in-18, 215 p.

Paris, 1889. Bureaux du Progrès médical et Lecosnier et Babé.

Très intéressante étude basée sur une statistique comprenant

plus de 550 cas d'alcoolisme, divisés en non héréditaires, hérédi-

taires similaires, et héréditaires dissemblables. L'hérédité simi-

laire esta l'hérédité dissemblable comme 4 est à 3. Là comme ail-

leur, on le voit, sauf dans quelques cas particuliers, l'hérédité

similaire est la moins fréquente. Les individus de la première

catégorie (alcoolisme acquis) sont plus souvent intoxiqués que ceux

des deux autres. Parmi ceux-ci les uns(dipsomanes) sont rarement

intoxiqués, les autres le sont plus souvent. La dipsomanie cons-

titue le degré le plus élevé de l'alcoolisme héréditaire. Mais il est

certain qu'à côté des dipsomanes, il existe des individus qui boivent

parce que leurs parents ont bu ou parce que ceux-ci leur ont

transmis héréditairement une véritable tare de dégénérescence.

Il s'agit chez ces derniers d'hérédité dissemblable et à ce propos,

M. Sollier étudie quelles sont les maladies des ascendants qui

prédisposaient le plus les descendants à l'abus des boissons alcooli-

ques. Or, il se trouve, et ce n'est pas là un des côtés les moins

intéressants de la question, que les parents d'alcooliques, lorsqu'ils

n'étaient pas alcooliques eux-mêmes sont la plupart du temps des

gens atteints de quelque maladie nerveuse ou mentale. A ce pro-

pos, l'auteur fait une longue et intéressante étude des rapports de

l'alcoolisme avec l'épilepsies l'hystérie, les vésanies, etc., etc..

Il conclut que l'alcoolisme héréditaire « appartient à la famille

névropathique et en particulier à la branche psychopathique ». Il

suffit donc d'après ces données, pour ranger un individu dans la

famille névropathique, de par son hérédité, de trouver dans ses

ascendants un buveur ou un alcoolique avéré. Cette conclusion

148 BIBLIOGRAPHIE.

semble encore être confirmée par ce fait que le sont les alcooliques

héréditaires qui' sont le plus souvent pris de délire alcoolique.

Mais, ce n'est pas tout : comme a presque toutes les maladies dans

lesquelles l'hérédité pour le rôle de cause primordiale, il faut sou-

vent à l'alcoolisme pour qu'il puisse éclore, une cause provoca-

trice, tantôt très générale, comme l'influence du milieu, les révo-

lutions politiques et sociales, le mauvais exemple, la puberté, ou

la ménopause, certaines professions, tantôt beaucoup plus spéciales,

comme le traumatisme, les chagrins, etc.

. Ce travail, qui a obtenu le prix Aubanel en 1887, touche, comme

on le voit, à un grand nombre de questions, tant médicales que

médico-légales et sociales. Il mérite d'être lu de tous ceux qui

s'occupent de l'étude des maladies nerveuses ou mentales.

Introduction à l'étude de la Spécificité cellulaire chez l'homme;

par le D'' L. HILLEIfAND. (Paris ? Steinheil 1889.)

M. Hillemand a abordé dans sa thèse inaugurale l'étude d'un des

points les plus importants et les plus controversés dn l'histogénie,

et, il l'a fait avec une largeur de vues et une originalité de concep-

tions, qui rendent ce travail non moins intéressant que profitable.

Son but a été de démontrer en s'appuyant sur les données, de

l'histogénie comparée, de la pathologie cellulaire, et de l'expéri-

mentation, que la notion de spécificité est applicable aux indivi-

dualités cellulaires qui par leur association constituent les indivi-

dualités animales.

Après avoir défini la notion d'espèce et la notion de spécificité

qui lui est corrélative en biologie, et, établi à cette occasion la

légitimité de la théorie du transformisme, l'auteur montre que

certaines considérations qui concernent les individualités com-

posées peuvent être rigoureusement étendues aux individualités

relativement simples ou cellulaires.

A cette occasion, est esquissée l'histoire évolutive de l'unité cellu-

laire, parsemée de certaines remarques hardieset suggestives; cette

histoire sera du reste reprise comme guide dans la démonstration.

Celle-ci est précédée d'un historique court et substantiel. L'histo-

génie permet de constater des différences de forme, de volume et

d'évolution entre les cellules épiblastiques et hypoblastiques qui, à

l'encontre de l'opinion de Kolliker, ne peuvent être rationnelle-

ment attribuées à leur adaptation à des'conditions d'existence

diverses, mais démontrent que chaque feuillet du blastoderme et

même chaque point déterminé de ces feuillets donne naissance à

des types spéciaux.

L'histologie physiologique et pathologique ; établi que les

mêmes individualités cellulaires déjà destinctes par leur origine,

VARIA. 149

le restent dans la suite de leur évolution, soit normale, soit mor-

bide, et ne se transforment jamais en d'autres types.

Il en résulte, donc, que la notion de spécificité ensemble des

caractères distinctifs -- leur est applicable. Les cellules différen-

ciées forment de même : des variétés, caractérisées par la possi-

bilité de leur retour à un type ancestral primitif; des espèces,

caractérisées par la permanence de leur type général; des genres,

enfin, constituées par les diverses espèces données d'un même

feuillet blastodermique.

Cet excellent travail marque un stade intéressant dans l'histo ire

de la biologie générale, et apporte une nouvelle catégorie de

preuves tirées de l'histogénie, à celles de l'ontogénie, de la philo-

génie, et la paléontogénie qui ont inébranlablement fondé la

théorie transformiste. . Paul BLOCQ.

VARIA

LES ALIENES EN LIBERTÉ

Les campagnes violentes faites par certains journaux politiques

contre la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés et les conséquences

très regrettables aboutissant à des homicides, à des suicides, à des

incendies, etc. Cela tient à ce que beaucoup de médecins hésitent

à donner des certificats, dans la crainte d'être l'objet d'attaques

injustes, et que, pour les mêmes raisons, les familles reculent à

provoquer l'internement de leurs parents aliénés. Voici : à l'appui

quelques faits recueillis dans les journaux : - - . z

Le Radical du 30 janvier rapporte le fait suivant : Un drama-

tique incendie s'est déclaré cette nuit au village de Sainte-Marthe,

dans la banlieue de Marseille. Le nommé Chape, âgé de soixante-

quinze ans, fermier, donnait depuis quelque temps des signes d'a-

liénation mentale.

Hier soir, il prévient sa femme malade et ses sept filles qu'il

voulait se faire cuire, et qu'il tuerait quiconque voudrait s'op-

poser à l'exécution de son projet.

- En effet, dans la soirée, il mit le feu à sa grange, puis monta

s'enfermer dans sa chambre, armé d'un fusil de chasse. Les filles

du malheureux allèrent donner l'alarme. Les pompiers arrivèrent

et le capitaine dut enfoncer la porte derrière laquelle on enten-

dait des cris furieux.

150 VARIA.

Quand on entra, Chape était sur son lit; on le vit mettre dans

sa bouche le canon de son fusil et faire partir le chien avec un

doigt de son pied. Une détonation retentit, et le crâne du malheu-

reux vola littéralement en éclats. La mort a été instantanée.

L'incendie a été éteint après une heure de travail ; les dégâts sont

assez considérables.

LES DRAMES DE LA FOLIE

Une dépêche d'Alger en date du 30 novembre dit qu'un drame

dû à la folie s'est déroulé dans la soirée à Alger. Un pauvre

halluciné de l'Armée du Salut, nommé Powel, citoyen américain,

jouait avec sa petite fille, qu'il avait prise sur ses genoux. Tout

à coup, sous l'action d'un accès furieux, il prit un canif dans sa

poche et en tailla la gorge de l'enfant. Aux cris poussés par cette

dernière, on accourut, et ce ne fut pas sans peine qu'on la lui ar-

racha mourante des mains. Saisi par les diverses personnes venues

au secours de la mère, le fou a été lié et conduit en lieu sûr.

- Un ouvrier mécanicien, nommé Nicolas Bonvel, âge de trente-

cinq ans, travaillait hier dans l'atelier de son patron, M. Unter-

seler, fabricant de coffres-forts, 4, rue de Boudy, quand tout à

coup, lançant en l'air le marteau qu'il tenait à la main, il se mit

à pousser des hurlements épouvantables en criant :

Il faut que je mette le feu à la maison et que je tue tout le

monde. Et, se précipitant sur un de ses camarades d'atelier, il

chercha à l'étrangler.

Bonvel était devenu subitement fou furieux. On se jeta sur lui,

mais il ne fallut pas moins de huit ouvriers pour se rendre maître du

malheureux aliéné. M. Dresch, commissaire de police, l'a fait con-

duire à l'infirmerie du Dépôt. (Le Radical).

- Cinq à six cents personnes se rassemblaient hier à l'angle du

boulevard Malesherbes et de la rue Boissy-d'AngIas, devant une

maison où allaient et venaient des gardiens de la paix, des pom-

piers avec des échelles, etc.

Il s'agissait d'un véritable siège soutenu par un aliéné contre la

force publique. Le héros de l'affaire, un nommé Georges M...,

récemment libéré du service militaire en Afrique, était revenu

habiter chez sa mère, qui tient un petit magasin rue Boissy-d'An-

glas. Pris hier matin d'un accès de fureur alcoolique, il s'était

armé d'un coutelas et avait voulu mettre à mort sa mère et une

jeune fille employée par elle. Les deux femmes avaient pu s'échap-

per. et prévenir le commissaire du quartier. Celui-ci, suivi de ses

inspecteurs, accourut aussitôt. Le fou avait fermé la boutique et

s'était retranché à l'entresol, dans un petit logement communi-

quant avec le magasin par un étroit escalier en colimaçon. Tenant

FAITS DIVERS. 151

son coutelas d'une main et un revolver de l'autre, il ne répondait

aux conseils de calme et de sagesse donnés par le commissaire,

que par des menaces de mort. -

Un détachement de gardiens de la paix, requis au poste de la.

rue d'Anjou, arriva bientôt au pas de course.

On enfonça les portes de la boutique, et M. Cazeneuve, en tête

des gardiens, monta l'escalier. Cinq ou six hommes, pesant sur la

porte du logera ent, parvinrent à l'entr'ouvrir, mais elle était main-

tenue derrière par les meubles entassés. Par l'entre-bâillement,,

le fou fit aussitôt pleuvoir une grêle de projectiles : assiettes, verres,-

fourchettes, couteaux, etc.; une énorme pomme vint frapper juste

sur le nez un des inspecteurs, qui, saignant à flot, dut se retirer.

Dans la foule, le bruit courut aussitôt qu'un homme avait reçu

une balle de revolver dans la tête.

Le commissaire requit alors un serrurier pour ouvrir une autre

porte du logement donnant dans l'escalier de la maison. Mais le

serrurier, épouvanté par les menaces du fou de lui brûler la cer-

velle, prit la fuite, abandonnant ses outils. A ce moment, des

pompiers arrivaient avec des échelles à crampons, les appliquaient t

aux fenêtres, et le commissaire, mettant le pied sur le premier

échelon, se disposait à conduire l'assaut, lorsqu'un coup de théâtre

se produisit. L'inspecteur atteint par la pomme était revenu parle-

menter avec l'aliéné, qui, s'attendrissant tout à coup, consentit à

sortir avec sa victime et à se laisser paisiblement conduire par elle

au commissariat, puis au Dépôt. (Le Radical du 15 décembre).

FAITS DIVERS

Asile d'aliénés. - Promotions et nominations. - M. le Di' La-

pointe, directeur-médecin, nommé de l'asile public de La Roche-

Gandon (Mayenne), à l'asile public d'Auxerre, en remplacement

du Dr Rousseau, décédé (maintenu à la classe exceptionnelle);

M. le Dr F111ÈSE, médecin en chef de l'asile public de Cadillac, est

nommé directeur-médecin de l'asile public de La Roche-Gandon

(maintenu à la 2° classe). (Arrêté du 9 décembre 1889.)-lI. Bines-

son, directeur, est nommé de l'asile public du Mans à l'asile public

de Mont-de-Vergues (Vaucluse), en remplacement de M. Llanta

(maintenu à la 2° classe). (Arrêté du 16 décembre 1889.)M. Jos-

152 FAITS DIVERS.

serànd est nommé directeur de l'asile public du Mans (compris

dans la 4° classe.) (Arrêté du 17 décembre 1889). M. le Dr Cham-

bard, médecin en chef, est nommé de l'asile public de Pierrefeu

(Var), à l'asile public de Câdillac (maintenu à la 3° classe). Arrêté

du 20 décembre 1889.) - M. le Dr FABRE, directeur-médecin, est

nommé de l'asile public de Saint-Alban (Lozère), à l'asile public

de Saint-Dizier (Haute-Marne), en remplacement du Dr Danis,

décédé (maintenu à la 1™ classe). (Arrêté du 3 janvier 1890.)

M. le Dr BESSiÈRE, médecin-adjoint à l'asile public d'Evreux, est

nommé directeur-médecin de l'asile public de Saint-Alban (com-

pris dans la 3° classe). (Arrêté du 3 janvier 1890.) - M. le Dr ADAM,

médecin-adjoint à l'asile de Blois, est nommé médecin en chef à

l'asile de Pierrefeu (maintenu à la troisième classe). Arrêté du

11 janvier 1890.

Faculté DE MÉDECINE DE Paris. Nous enregistrons avec plaisir

la nomination de M. Cathelineau, pharmacien de 1° classe, au

poste de chef-adjoint du laboratoire de clinique des maladies

cutanées et syphilitiques à la Faculté de médecine de Paris.

M. Cathelineau a publié l'an dernier dans le Progrès médical, en

collaboration avec M. Gilles de la Tourelle, un intéressant travail

sur la nutrition dans l'hystérie.

Faculté DE médecine DE Montpellier. - M. le Dr LAFON est nom-

mé chef de clinique des maladies mentales (emploi nouveau).

Faculté DE médecine DE NANCY. - M. le Dr Langlois est chargé,

pour l'année scolaire 1889-90, d'un cours complémentaire de

clinique des maladies mentales.

La vente DE la morphine par les droguistes. - Dans une des

dernières séances de la Société de médecine légale, M. Mollet a

communiqué le fait suivant qui montre avec quelle facilité un

morphinomane peut, en dehors de toute ordonnance médicale, se

procurer de quoi satisfaire son dangereux penchant. On a trouvé

chez un morphinomane 377 grammes de chlorhydrate de morphine,

qui avaient été délurés, sans prescription de médecin, par un

droguiste.

Deux cas d'attaque DE sommeil hypnotique. - On écrit d'Alain-

court au Progrès de l'Oise, à la date du 13 novembre : Une jeune

fille de vingt ans, domestique chez M. X..., à Alaincourt, a pré-

senté, depuis le 3 novembre courant, des troubles insolites du sys-

tème nerveux. Après de violentes crises de nerfs et une perte

absolue de con naissance qui a duré une partie de l'après-midi et

toute la nuit, elle s'es, réveillée le lendemain et a été bien étonnée

de voir ses parents à son chevet. Elle ne se souvenait absolument

de rien. La journée s'est passée sans accident notable. Après une

FAITS DIVERS. 153

uuit assez honne et un réveil normal, elle est retombée dans le

sommeil agité où elle avait été plongée. Malgré les soins dévoués

de tous ceux qui l'entourent, elle n'a pas repris connaissance de-

puis le jour où la nouvelle crise s'est déclarée. Il y a maintenant

neuf jours qu'elle se trouve dans cet état. Ses yeux sont tantôt ou-

verts, tantôt fermés. Quand ils sont ouverts, ils sont fixes et les

paupières ne se ferment pas en y passant la main. Après une perte

absolue de la sensibilité, elle a commencé à sentir la douleur du

côté gauche seulement. Plus tard, la sensibilité s'est manifestée

aux quatres membres. Parfois cette jeune fille est calme et immo-

bile. D'autres fois, elle est agitée de mouvements convulsifs avec

prédominance à gauche. De temps à autre, elle se donne de grands

coups de poings sur la poitrine ou sur la tête. Il n'est pas besoin

de faire remarquer qu'elle n'entend point. Par moments, elle se

met à parler et le même cri automatique sort un grand nombre

de fois de suite. Le Dr D..., de Mov. qui la visite tous les jours,

pense que son état ne présente pas de danger immédiat; mais il

craint la prolongation du sommeil. On alimente cette jeune fille

comme on peut, avec du bouillon, quand elle veut bien l'accepter,

et avec des lavements de peptone.

Il s'agit là, selon toute probabilité, d'une hystérique un proie à

une attaque de sommeil. Ce n'est pas là un cas exceptionnel. Dans

Iconographie photographique de la Salpétrière (t. III, p. 118), nous

en avons rapporté de nombreux exemples. Dans ses leçons, M.

Charcot est revenu plus d'une fois sur cette question qui a été

l'objet de la thèse d'agrégation de M. Barth et d'un intéressant

travail de M. Gilles de la Touretle, publié dans les Archives deNeu-

rologie. Nous avons, entre autres, relaté l'observation de la dor-

Incuse de la Salpétrière, complétée plus récemment par M. J. Voisin

chez laquelle l'attaque se prolongeait 3, 4 et 5 semaines. Dans les

cas de ce genre, l'alimentation peut se faire en projetant les ali-

ments liquides (lait, bouillon, etc.) au fond de la gorge.

Il en est encore de même dans le cas suivant :

Il s'agit d'une femme qui, récemment. fut prise d'un malaise

soudain. Tout à coup, on la vit tendre les bras, fermer les yeux

et s'endormir. Il fut impossible de la réveiller.* Le corps de la

jeune femme présentait une rigidité cadavérique. Transportée à

l'hôpital Beaujon, elle fut placée dans la salle Béhier, lit, n° 28.

Mardi matin, la jeune femme dormait encore. Ses membres

étaient dans la rigidité, et la malade, dont la ligure exprimait la

douleur, poussait de temps à autre des cris plaintifs. Elle est ré-

veillée depuis quelques jours. Elle est enceinte de cinq mois. -

On voit qu'il s'agit là encore d'une attaque de sommeil, analogue

à la précédente.

Un cas DE léthargie. - On écrivait de Rodez, le 14 décembre :

154 FAITS DIVERS.

Un sieur Alary, âgé de soixante ans, du village de Vimenet, can-

ton de Laissac, ayant eu une attaque de paralysie, tomba en

léthargie. Après vingt-quatre heures de rigidité complète, on le

crut mort et on l'enterra. Le lendemain, le fossoyeur travaillant

à côté de la tombe, entendit plusieurs coups frappés, à l'intérieur

de la bière. Effrayé, il s'enfuit à toutes jambes et arriva chez lui

où il tomba évanoui. Il raconta à plusieurs personnes ce qui avait

occasionné sa frayeur. On courut au cimetière, où la bière d'Alary

fut ouverte. Le cadavre fut trouvé encore chaud. Le malheureux

venait de mourir asphyxié. - Une enquête devrait être faite

pour établir la véracité de tels faits, en raison de leur importance

scientifique et pratique.

LE prix DE l'institut des sciences DE milan. - L'Institut des

sciences de Milan ayant établi un concours international pour le

meilleur travail original sur la question de l'hypnotisme a décerné

le prix d'une valeur de 2,000 francs au' mémoire écrit en français

de MM. les docteurs de Grandchamps et Régnier, interne des hôpi-

lauy de Paris.

Dangers DE l'hypnotisme. -- Cinq ou six jeunes gens se trouvaient 1

une nuit en joyeuse compagnie dans une brasserie du faubourg

Montmartre, lorsque l'un d'eux, un architecte, s'adressant à une

de leurs compagnes, Elise Lenôtre, lui dit : Parions que je

t'endors ! Oh ! s'il n'y a que cela pour te faire plaisir, répondit

Elise; essaye de m'endormir. Et, devant une assistance plus que

sceptique, l'architecte se transforma en magnétiseur. Bientôt, à

la surprise générale, Elise s'endormit d'un lourd sommeil, si réel,

que quelques instants après, il fut impossible de la réveiller.

Tout le monde, alors, dans le café, de s'évertuer à tirer de son

sommeil la belle endormie. Les uns lui jettent de l'eau à la figure,

d'autres lui agitent les bras, plusieurs la pincent. Rien n'y fait.

Serait-elle morte ? Le patron de l'établissement, inquiet, avertit

les gardiens de la paix qui transportèrent Elise chez un pharma-'

cien. Ce n'est qu'au bout de deux heures de soins et de médications

énergiques que ce dernier parvient à ranimer entièrement et à

remettre sur pied le sujet par trop sensible. Les jeunes gens qui

avaient accompagné Elise chez le pharmacien s'apprêtèrent alors

à partir, mais les gardiens de la paix ne l'entendirent point de

cette oreille et ils conduisirent tout le monde au poste. Fort heu-

reusement pour ces inculpés d'un nouveau genre, M. Mouquin,

commissaire de police, n'a pas estimé que cette expérience d'hyp-

notisme constituât un délit, et il a mis en liberté magnétiseurs et

magnétisée (Prog. méd.).

Hypnotisme ET médecine légale. Le tribunal de Nuremberg,

en Bavière, vient de juger une intéressante affaire d'hypnotisme.

Dans la nuit du 26 au 27 juillet dernier, le commis-négociant

faits divers. 155

Léonard Putz prenait des consommations au café de l'Orient. Les

consommations lui étaient servies par une femme. Putz invita la

femme à le regarder dans le blanc des yeux. La femme obéit, et

elle ne tarda pas à tomber dans un état d'invincible somnolence ;

elle en sortit cependant au bout de quelques minutes. Putz renou-

vela sa tentative une demi-heure après, avec plus de succès encore.

La jeune fille, se sentant prise de sommeil, eut encore la force de

se traîner dans une pièce voisine, et là, elle s'endormit si profon-

dément que le propriétaire du café et sa femme essayèrent en

vain, pendant dix minutes, de lui faire reprendre ses sens. Effrayés,

ils appelèrent un médecin. Le médecin chercha à réveiller la sen-

sibilité de la peau par divers moyens : rien n'y fit, le sommeil

persista. Enfin, le médecin-passa la main sur la figure de la jeune

fille et cria d'une voix forte : « Réveille-toi ! » La dormeuse se

réveilla et, ouvrant les yeux, elle s'écria avec effroi : « L'homme

aux yeux terribles est-il encore là ? » On la rassura, et elle reprit

son service sans autre accident. Putz fut cité à comparaître devant

la justice de Nuremberg pour avoir commis le délit d'attentat à

la liberté de la jeune femme. L'affaire a été jugée à la fin de la

semaine dernière. Le ministère public a requis la peine de l'em-

prisonnement pendant huit jours pour l'hypnotiseur, celui-ci ayant

à plusieurs reprises, fait en sa présence des expériences semblables

à celle dont elle a été victime et au sujet de laquelle elle avait

porté plainte.

Les aliénés criminels en Belgique. - L'académie de médecine

de Belgique vient de voter les conclusions savantes relativement

à cette question : 1° il y a lieu de créer un asile spécial pour les

aliénés dits criminels; 2° cet asile servant de lieu de séquestration

pour tous les aliénés dangereux indistinctement; ceux-ci compren-

nent : a) l'aliéné ayant commis un acte qualifié crime ; 6) le con-

damné devenu aliéné après sa condamnation; c) l'aliéné déjà

interné qui aurait commis un acte qualifié crime; 3° il y a lieu de

colloquer dans l'asile spécial tout aliéné qui, sans avoir été collo-

qué, présenterait des tendances à commettre des actes criminels

ou des instincts homicides, des tendances irrésistibles d'un carac-

tère dangereux constatées par une commission spéciale; 5° tout

individu reconnu coupable, mais irresponsable et se trouvant sous

le coup d'une condamnation, ne pourra être colloque dans l'asile

spécial, s'il ne présente les tendances homicides spécifiées ci-des-

sus ; 5° la définition du tenu aliéné dangereux ne peut être fournie

par l'académie; elle ne peut qu'énumérer les différentes catégories

de mdlades qui constituent les sujets atteints d'aliénation mentale

dangereuse; 6° les cas de démence se traduisant par des outrages

aux moeurs ou des attentats il. la pudeur font rentrer les sujets qui

s'en rendent coupables dans la catégorie de ceux qui peuvent être

internés dans l'asile spécial, sauf les outrages inconscients dus à la

156 faits DIVERS.

similité; 7° l'état de paroxysme habituel des aliénés criminels

dangereux rend ordinairement inutiles les rapports de famille, au

point de vue de l'amélioration de l'état pathologique; toutefois

cette question sera résolue pour chaque cas particulier par le mé-

decin.

L'hospitalisation des épileptiques en BELGIQUE. L'académie de

médecine de Bruxelles a voté à ce sujet les conclusions suivantes

qui lui avaient été proposées par M. Masoin : 1° il y a lieu de

créer dans notre pays un asile spécial pour le traitement des

épileptiques; 2° c'est à l'idéal d'une colonie ouverte, analogue à

celle qui est établie à Tain, que la commission se range (cet éta-

blissement de Tain est situé en France, dans la Drôme. Il est dû

à la charité privée. Il contient 237 malades divisés en quatre

catégories. C'est une sorte de colonie ouverte où les malades

vivent de la vie de famille).

Ligue patriotique belge contre l'alcoolisme. Le gouverne-

ment, continuant la série des mesures destinées à arrêter les pro-

grès de l'alcoolisme (V. les précédents nos des Â.1'ch. de neurol.)

vient de porter de cinq cents à cinq mille francs la subvention

qu'il accorde à la ligue patriotique contre l'alcoolisme.

La LOI sur l'alcoolisme au REICHSTAG allemand. La Semaine

médicale dit tenir de source rare que le projet de loi relatif à ce

sujet, déposé depuis longtemps au Parlement, viendra en discus-

sion prochainement. Le Reichstag doit trouver dans les nombreux

documents réunis pour le congrès international pénitentiaire qui

doit avoir lieu à Pétersbourg en juin prochain, des renseignements

importants. Les meilleurs moyens proposés consisteraient enpeines

graduelles allant de la simple amende à la suspension des droits

civils et politiques.

Eau DE COLOGNE comme boisson alcoolique. - D'après le Qua-

terly journal of lnébricty, XI, 1889, la consommation de l'eau de

Cologne augmente de jour en jour dans les capitales de l'Europe

et dans les Etats-Unis. Cette augmentation serait due à ce que les

dames des classes aisées en boivent à titre de stimulant. Elles

commencent par prendre quelques gouttes et forcent la dose jus-

qu'à en devenir alcooliques. L'alcoolisme par l'eau de Cologne

ressemble à l'alcoolisme ordinaire, mais les troubles nutritifs et le

délirium tremens s'y rencontrent plus fréquemment surtout quand

l'alcool employé pour la fabrication de l'eau de Cologne a été im-

pur. Comme on ne se doute pas le plus souvent, de la possibilité

d'absorber de l'eau de Cologne, on laisse souvent ce liquide supposé

inoffensif à la disposition des alcooliques ou même des morphimo-

manes, que l'on veut faire renoncer à leurs mauvaises habitudes.

C'est là, on le voit, une imprudence.

faits DIVERS. 557

L'hypnotisme au point de vue MÉDiCo-LÉGAL. - Le tribunal d'Hel-

singforg (Suède) vient de juger un procès des plus curieux.

Un jeune étudiant en médecine avait porté plainte contre un

médecin de la ville, parce que celui-ci l'avait hypnotisé à plusieurs

reprises sans autorisation ; il serait résulté de ces opérations une

altération fâcheuse de son système nerveux et un affaiblissement

de ses facultés mentales. De nombreux témoins étaient cités par

le plaignant.

A la grande surprise du tribunal, les témoins non seulement se

contredisaient absolument entre eux, mais racontaient les choses

les plus invraisemblables et les plus contradictoires. Personne n'y

comprenait rien ; on aurait dit des fous défilant devant le tribu-

nal. Enfin un médecin, témoin également, vint déclarer devant

les juges que son confrère avait hypnotisé tous les témoins et leur

avait suggéré les déclarations qu'ils venaient de faire.

Le tribunal n'a pas voulu continuer l'audience et a ajourné

l'affaire pour la faire examiner par quelques sommités médicales.

Société contre l'abus du tabac La société contre l'abus du

tabac a demandé au ministre de l'Instruction publique d'ajouter,

au programme du Congrès des Sociétés savantes de 189(\ la ques-

tion suivante : « De l'influence des narcotiques dont l'usage est

répandu parmi les populations du globe sur l'hygiène et la mora-

lité. » Le ministre a fait droit à cette demande.

Incendie d'un asile d'aliénés (ÂMÉRtQUE). Nous lisons dans

« le Matin ». NEw-Yoay,25 novembre.- Un incendie a détruit, à

Blackfoot-Daho,un asile d'aliénés; huit de ces malheureux ontpéri.

Incendie A l'asile d'aliénés DR LouvAiN. Un incendie vient de

détruire en totalité l'asile d'aliénés de Louvain. On a réussi à

sauver les 200 pensionnaires qui ont été momentanément internés

à l'hôpital civil. Tous les bâtiments sont détruits et on a à déplorer

la perte d'un grand nombre de peintures d'une grande valeur.

Les causes du sinistre sont inconnues.

LE haschich EN EGYPTE. - Le gouvernement en présence de l'é-

norme quantité de ce produit entré en fraude dans le pays, a dé-

cidé d'en permettre la culture en Egypte et d'en autoriser l'entrée

tout en grevant la production aussi bien que l'importation de

droits extrêmement élevés. Quelle que puisse être l'urgence des

nécessités financières qui ont provoqué l'adoption de cette mesure

il est certain qu'il y a là un véritable danger. L'usage du haschich

a déjà produit de funestes effets en Egypte. Que sera-ce le jour où

la production et l'importation de ce produit seront autorisés, mal-

gré l'élévation des droits dont on les grèvera ? 2

De l'influence de li musique sur LE développement de LINTELLI-

158 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

AGENCE. - Un groupe de médecins allemands vient de décider que

l'étude du piano est des plus dangereuses pour les jeunes intelli-

gences, en particulier pour les enfants au-dessous de douze ans, à

cause de l'attention soutenue qu'elle exige. Selon ces médecins,

l'étude de la musique « énervante au dernier point » n'est inof-

fensive que le jour où l'on a acquis tout son développement physi-

que et intellectuel. ( ! ! ) -

LES FEMMES médecins dans LES asiles d'aliénés EN AMÉRIQUE. -

Un bill autorisant les nominations des femmes médecins aux

postes de médecins des asiles d'aliénés, vient d'être voté il y a

quelques mois. 1

MESURES DESTINÉES A arrêter LES PROGRÈS DE l'alcoolisme aux

Etats-Unis. - Le moyen qui semble donner les meilleurs résul-

tats est celui qui consiste à augmenter les patentes des cabarets,

bien plus que la prohibition de la vente des spiritueux ou la limi-

tation absolue du nombre des débits. Ainsi à Boston on a centuplé

la patente des débitants. En un an le nombre des cabarets a dimi-

nué de moitié. En mai il était de 1658, l'année suivante, il n'était

alors que de 88.

Congrès magnétique international. - Ce congrès, destiné à l'é-

tude des applications du magnétisme humain, au soulagement et

à la guérison des maladies, a eu lieu à Paris du 21 au 27 octo-

bre 1889.

Apparition D'UN nouveau journal. - Nous recevons le premier

numéro de la Revisla de neurologia e psychiatica, publiée à Lis-

bonne, sous la direction de M. le Dr BETTENCOURT RODRIGUEZ,

médecin-aliéniste, membre de la Société médico-psychologique,

qui a autrefois collaboré aux Archives de Neurologie.

Nécrologie. - M. le Dr LAFFITTE, ancien médecin des asiles

d'aliénés. M. le D1' BINET (Pierre-Victor), ancien interne des

hôpitaux de Paris, directeur honoraire des Asiles publics d'aliénés,

décédé à Pontorson (Manche), le 23 novembre, à l'âge de 72 ans.

- M. le Dr BBUSQUE, médecin-adjoint de l'asile des aliénés de

Vaucluse (Seine-et-Oise). Georges GUINON.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

La pulmonite dei paralilici e la degenerazione dei nervi vaghi.

Brochure in-8 de 43 pages avec 4 planches hors texte. - Napoli, 1889.

- Tipografia dell'Unione.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 159

- Contribuzione alla nozione semiotica del tremore della paralisi pro-

gressira. Brochure in-4 de 7 pages, avec une planche hors texte. -

V;apoli, 1889. Tipografico. A. Tocco e C.

BLOCQ (P.). - Des contractures. Contractures en général, la contrac-

ture spasmodique, les pseudo-contractures. Un beau volume in-8 de

216 pages, avec 8 figures dans le texte, une planche chromolithogra-

phique et trois phototypies. - Prix : 5 fr. - Pour nos abonnés : 1 fr.

Bordier (A.).- Pathologie comparée de [homme et des êtres organisés

(t. X de la Bibliothèque anthropologique). Volume in-8 de 533 pages.

Prix : 8 fr. - Paris, 1889. - Librairie Lecrosnier et Babé.

Boudet de PARIS. - Technique de l'électrolyse médicale. {Modifications

apportées au traitement des tumeurs érectiles par l'électricité.) Brochure

in-8 de 11 pages. - Paris, 1889. Librairie F. Alcan.

BOURGUET (L.).- Amyotrophie primitive progressive. (Forme juvénile

de Erb.) Brochure in-8 de 14 pages avec une planche. - Montpellier,

1889. - Charles Boehm.

BOURiir,vILI.E, COURBARIEN, RAOULT ET SOLLIER. - Recherches cliniques et

thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu du

service des enfants de Bicêtre pour 1888. In-8 de XLVIII-80 pages (t. IX

de la collection). - Prix : 3 fr. 50. - Pour nos abonnés : 2 fr. 50.

Bureaux du Progrès médical, rue des Carmes. Paris.

. CHARCOT (J.-M.). Maladies des vieillards, goutte et rhumatisme. Un

beau volume in-8 de 525 pages avec 19 figures dans le texte et 4 planches

en .chromolithographie (t. VII des OE/tIJ/'cs complètes). Prix : 12 fr.

Pour nos abonnes : 8 fr. - Bureaux du Progrès médical.

CHARCOT (J.-)l1.). -Dfaladies infectieuses, affections de la peau, kystes

hydatiques, thérapeutique (t. VIL des OEuvl'es complètes). - Un beau

volume in-8° de 452 pages. Prix : 10 fr. - Pour nos abonnés : prix : 7 fr.

- Bureaux du Progrès médical.

CHARCOT (J.-111.).-Oz the traetement by suspension of locontotor ataxy

and some other spinal affections. Traduit du Français par A. de Wat-

teville. Brochure in-8", de 22 pages, avec 4 figures, 1889. - Dand Scott.

Charcot (J.-\1.)et Richer (P.).- Les difformes et les malades dans fart.

Volume in-r° de 162 pages, avec nombreuses figures intercalées dans le

texte. - Prix : 20 fr. - Paris, 1889. - Lecrosnier et Babé.

CORNET (P.). - Traitement de l'épilepsie par le bromure d'or, le bromure

de camphre et la picrotoxine. - Prix : 2 fr. Pour nos abonnés : 1 fr. 35

- Bureaux du Progrès médical.

COOMBS KNAPP and BRADFOD (E.-H.) -- A case of tumor of the Brain :

Removal; dents. Brochure in-8 de 43 pages, avec 8 figures. Boston,

1889. - Médical and surgical reports. ;D

DESCOURTIS (G.). Du délire récurrent. {Etude de psychologie patho-

logique. Brochure in-8° de 27 pages. - Paris, 1888. Aux bureaux de

l'Encéphale.

CULLERIIE (A.). Traité pratique des maladies mentales. Volume in-18

de 618 pages. - Prix : 6 fr. Paris, 1889. - Librairie J.-B. Baillière

et fils.

Edwards (B.-A.). De l'hémiplégie dans quelques affections nerveuses

(ataxie locomotrice progressive, sclérose en plaques, hystérie, paralysie

agitante). Volume in-8 de 169 pages, avec 5 figures. -- Prix : 4 fr. -

Pour nos abonnés : 2 fr. 75. - Bureaux du Progrès médical.

Falret (J.) Etudes cliniques sur les maladies mentales et nerveuses.

Volume in-8 de 623 pages. Prix : 8 fr. - Paris, 1889. Librairie

J.-B. Baillière et fils.

160 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

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twenty cases of infantile cérébral hemiplegia. - Brochure in 4° de 9 pa-

ges avec 20 figures. - New-York, 1889. - New-York médical journal.

Grasset. - Leçons sur un cas d'hystérie mâle avec astasie et abasie,

recueillies et publiées par L. BOURGUET. Brochure in-8 de 51 pages. -

Paris, 1889. - Librairie J. Masson.

Lecons sur le syndrome bulbo-médullaire constitué par la tlaernzanes-

thésie, l'analgésie et les troubles sudoraux ou vaso-moteurs (substance

grise latèro-postérieure). Recueillies et publiées par G. Rauzier. Brochure

in-8 de 75 pages. - Paris, 1889. - Librairie (J, \lasson,

HUET (E.). - De la chorée chronique. Volume in-8° de 262 pages avec

10 figures dans le texte. Prix : 5 fr. - Pour nos abonnés, 4 fr.

LEGR.\lN (M,). - Hérédité et alcoolisme. [Etude psychologique et clinique

sur les dégénérés buveurs et les familles d'ivrognes.) Avec une préface de

M. le D' Magnan. Volume in-8° de 424 pages. - Paris, 1889. - Librairie

0. Doin.

LETOURNEAU (Ch.). L'évolution politique dans les diverses races hu-

maines (t. XI de la Bibliothèque anthropologique). Volume in-8 de

561 pages. - Prix : 9 fr. Paris, 1S89. - Librairie Lecrosnier et Babé.

Médical Jurisprudence of. inebriely, Beinq papers read before the

medico-legal. Society or New-York and the Discussion ThNreon. Volume

in-8° de 183 pages. - New-York, - Th. Oledico-legal journal.

Mercier (H.). - Les écrits des aliénés. - Le monde des ablnzes.- Bro-

chure in-8° de 16 pages. - Paris, 1888. - Aux bureaux de l'Encéphale.

PicE (A.). - Rückenmai,ks-Ki-ankheilen. Brochure in-8° de 81 pa-

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Rouillard. Les amnésies {valeur sénéciologique, étiologie, classifica-

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RUAULT (A.). Le spasme glottique d'origine nasale. - Brochure in-8"

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jésus de 215 pages. Prix : 2 fr 50. Pour nos abonnés : 1 fr. 75.

Le rédacteur-gérant, BOUnNEVILLE.

EVr-;Ul CL 4Emxaer, ilup - 290.

Vol. XIX. Mars 1890. N, 56.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

ÉTUDES SUR L'ANATOMIE PATHOLOGIQUE

DE LA MOELLE ÉPINIÈRE

(SYRIr\GOllyJ1;vE, - SCLEROSE C01fU1\ÉE. - MYELITE AIGUË)

, -

Par le D X.\Y1ER f131\C01'TE

(Professeur à l'Umvcrsité de Liège.

I. GLIOMATOSE, formation d'une cavité. C'est sur

une moelle atteinte de dégénérescences secondaires,

à la suite de compression par une carie vertébrale,

que j'ai observé la formation cavitaire que je vais

décrire. Elle siégeait à la région cervicale supérieure

et s'étendait vers le bas, sur une longueur de 4 centi-

mètres environ. N'ayant pas eu la moelle allongée à

ma disposition, je ne puis pas en fixer les limites vers

le haut.

Sur les' coupes obtenues à la partie la plus élevée

de la moelle cervicale (V. fig. 19), on observe, au

niveau de la commissure grise, une cavité irrégulière-

ment triangulaire, limitée par des parois qui se colo-

rent assez vivement par le carmin : elles sont formées

Archives, t. XIX. 11

162 CLINIQUE NERVEUSE.

par un feutrage serré de fibres, au milieu desquelles,

sur des coupes colorées par l'hématoxyline alunée, on

observe une accumulation très abondante de noyaux.

Les vaisseaux sanguins renfermés dans les parois de

la cavité, sont modérément remplis ; ils ne paraissent-

pas épaissis.

En poursuivant l'examen des coupes faites à un

niveau inférieur, on constate que la lésion subit des

modifications notables : elle devient indépendante du

canal central qui se trouve placé au-devant d'elle; elle

s'étend dans le sens transversal et elle occupe la partie

postérieure de la commissure grise, allant d'une des

cornes antérieures à celle de l'autre côté.

A l'oeil nu ou à un très faible grossissement, il

semble qu'il existe une cavité creusée dans le foyer;

mais, en réalité, le microscope fait voir qu'une mem-

brane très mince, très délicate, est tendue entre les

deux bords.

A un niveau moins élevé, la forme du foyer se

modifie encore (V. fig. 20); elle affecte l'apparence

Fig. 19. - Coupe delà partie supérieure de la moelle cervicale.

(Le pointillé indique les pallies dégénérées.)

ÉTUDES SUR LA. MOELLE EPINIERE 163

.d'un T a branches inégales : la branche verticale des-

cend au milieu du cordon postérieur du côté gauche.

La moitié droite de la branche horizontale se porte

dans la région de la commissure grise, au-devant des

cordons postérieurs. Elle déplace l'extrémité anté-

rieure des cordons de Goll et le sillon médian posté-

rieur qui s'infléchissent notablement sur le côté. Au

point d'union de la branche horizontale et de la

branche verticale, existe une cavité.

A mesure que l'on descend, la cavité devient de

moins en moins considérable, et elle finit par dispa-

raître complètement.

On se trouve alors en présence d'un foyer qui, sur

des coupes traitées par la méthode de Weigert, offre

une coloration jaunâtre; il affecte encore plus ou

moins la forme d'un T; il. est situé à l'extrémité du

cordon postérieur du côté gauche, se trouvant séparé

de toutes parts de la substance grise par de la subs-

tance blanche saine et colorée en noir.

Au niveau de l'extrémité interne de la branche

horizontale du T, le sillon longitudinal postérieur et

Fit. 20.

164 CLINIQUE NERVEUSE.

l'extrémité antérieure des cordons de Goll subissent

une inflexion vers le côté opposé.

Lorsqu'on arrive dans le voisinage de la région où

la lésion disparaît, la forme de cette dernière se

modifie (V. fg. 21); elle constitue un espace arrondi,

occupant l'extrémité antérieure du cordon postérieur

gauche. Sur des coupes soumises au procédé de

Weigert, elle présente dans sa partie centrale, une

couleur jaune pur, qui, vers la périphérie, se mélange

d'une légère teinte noire et qui passe graduellement à

la coloration noire du tissu environnant.

On doit se demander s'il existe quelque rapport entre

la formation cavitaire qui vient d'être décrite et les dé-

générescences secondaires dont la moelle était atteinte.

Il arrive que la syringomyélie entraîne la dégéné-

rescence secondaire; pour que cela ait lieu, il faut

que la cavité atteigne un développement suffisant

pour exercer une compression. Ainsi, Friedreich ',

'Archives de Virchow, t. XXVI.

Fig. 21.

É1'UDES SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE 165

Leyden1, Ii lechsi Z, ont observé la dégénérescence

des cordons de Goll et des faisceaux cérébelleux :

Schultze g et Sliùmpell4, ont constaté la dégéné-

rescence descendante. Mais, dans notre cas, il n'est

évidemment question de rien de pareil.

Ne pourrait-on pas du moins admettre que la lésion

qui a donné lieu à la formation d'une cavité et les

dégénérescences secondaires, relèvent d'une seule et

même cause ? Westphal ^ Schultze 6 : Kalher et l'iclc' 7

ont observé des foyers circonscrits de dégénéra lion, en

même temps que des dégénérescences secondaires.

Par leur forme, leur dimension, leur situation, ils

ressemblent au foyer tel que nous l'avons observé

vers sa terminaison inférieure (V. Aq. 21). Ils occupent

presque toujours les cordons postérieurs et spéciale-

ment la partie antérieure de ces cordons : ils sont

isolés ou réunis par groupes. On les rencontre sur

une étendue plus ou moins considérable de la moelle.

Sauf dans un cas de Schullze8, on n'a pas signalé la

formation de cavités au sein de ces foyers.

Quant à leur signification, les auteurs que j'ai cités

les considèrent commes des foyers de myélite provoqués

par la même cause que celle qui détermine les dégé-

nérescences secondaires ; dans les cas dont il s'agit, à

'Maladies de la moelle épinière, ll'ad. française.

'Die Leiliiiigsbahne2t 'un Gehirrt und iiiiclceizinai-le des Ve21seliCil,

p,2H,

'Archives de Vickow, tome LXSXVII et A l'chi v (ÛI' Psychiatrie, tome VIII.

L Âl'chiv sur Psychiatrie, t. X.

'Archiv sur Psychiatrie, t. II, p. 37r.

".1,rliiv sur Psychiatrie, t. XIV, 1. 3GS.

7 Âl'chiv ( ! il' Psychiatrie, t. X, p. 200.

8 1.oco citalo, 1. 366. .

166 CLINIQUE NERVEUSE.

l'exception d'un seul où l'on avait affaire à de la

carie vertébrale, la dégénérescence secondaire avait

été amenée par des lésions traumatiques.

Dans notre cas, il n'est pas question de trauma-

tisme et, d'ailleurs, la lésion ne présente pas les

caractères d'une dégénérescence véritable : comme le

prouve le déplacement des parties voisines, c'est-à-

dire des cordons de Goll, il s'agit d'une néoplasie : il

il y a eu, sans doute, formation de tissu névroglique, en

d'autres termes,gliose ou glionacctose et c'est le ramollis-

sement, la désagrégation de ce tissu qui a donné lieu

à la formation d'une cavité. Depuis les travaux de

Simoun' et de Schultze2, on rapporte la formation de

la plupart des cavités dans la moelle à la cause que je

viens d'indiquer.,

Le point de départ habituel de la néoplasie glioma-

teuse est la commissure grise et la région du canal

central.

C'est également dans cette partie qu'a pris naissance

la production liomateuse que nous avons observée;

nous pouvons, en effet, supposer que son point de

départ se trouve à la partie supérieure, là où elle est

confondue avec le canal central. Dans son trajet vers

la partie inférieure de la moelle, elle s'éloigne de son

lieu d'origine : elle se porte en arrière et finit par se

trouver à l'extrémité antérieure des cordons postérieurs,

n'ayant plus aucun rapport avec le canal central, ni

avec la commissure postérieure.

(.1 suivre.)

'Archiv fil)- Psychiatrie, t. V.

* Archiv sur Psychiatrie, t. VIII et Archives de I'i·clvow, t. I.XXXV11.

PHYSIOLOGIE

LES FONCTIONS DU CERVEAU'.

doctrines de l'école italienne,

Par Jules SOURY,

Maître de conférences l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.

1

HISTOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX

ANATOMIE NORMALE ET PATHOLOGIQUE

L'étude des fonctions du cerveau est si intimement

liée à celle de l'histologie normale et pathologique de

cet organe, que les travaux d'anatomie de Golgi et. de

ses élèves sur la texture du système nerveux ont ouvert t

une ère nouvellle pour la psychologie physiologique.

Un bon juge en la matière, un adversaire d'ailleurs

des doctrines de Golgi, Koelliker, a écrit, au sujet des

méthodes de coloration des éléments anatomiques du

système nerveux, que les procédés de Weigert et de

Golgi « étaient les plus importantes conquêtes qu'aient

faites de nos jours l'histologie du système nerveux z.

La méthode de la coloration noire, où les pièces sont

' Voy. Arch. de Neurologie, u° 51, p. 337; no 52, p. 28 ; no 51, p. 360;

n^ aG, p. 7S.

- A. Koellikcr, - Dic Unlersucliungen von Golgi ! lebel' den feineren

Bail des centrales Nerueasystems. - Anatoinisclier Anzeiger. Iéna,

II Il' 15.

'168 PHYSIOLOGIE.

successivement traitées par le bichromate de potasse

ou d'ammoniaque et par le nitrate d'argent, est aujour-

d'hui de pratique courante. Elle l'emporte, cette mé-

thode de Golgi, sur toutes celles que l'on connaît,

toujours au témoignage de Koelliker, lorsqu'il s'agit de

représenter les cellules nerveuses avec leurs prolon-

gements. Or c'est précisément de pareilles représen-

tations que la science a besoin, et il n'y a qu'une

voix sur la fidélité de celles que nous offre Golgi,

dans son grand ouvrage, Sulla fana analomia degli

organi centnali delsistema neruoso (Mitano, 1886), com-

mencé et terminé, en 1885, après bien des années

dans le laboratoire de pathologie générale de l'Uni-

versité de Pavie.

Nous n'indiquerons ici que la position des prin-

cipaux problèmes de l'anatomie générale du système

nerveux, tels que Golgi les a conçus, et nous rappel-

lerons les solutions qu'il en donne ou que ses disciples

en ont donné après lui, sans perdre de vue les rap-

ports de ces études avec celles de la physiologie et de

la pathologie du système nerveux central.

Tout d'abord, des difficultés presque insurmon-

tables, et qu'on ne rencontre pas dans l'élude des

autres organes et tissus de l'organisme, se dressent

ici. Ailleurs, la connaissance anatomique des organes,

des tissus et des élémenls a révélé les lois de leur fonc-

tionnement. Dans l'étude du système nerveux, Pana-

tomie est encore la servante de la physiologie.

La physiologie démontre que le cerveau est un

organe fonctionnel tement hétérogène, c'est-à-dire que

les fonctions du cerveau varient avec les différentes

régions de cet organe. L'anatomie non seulement ne

LES FONCTIONS DU CERVEAU. '169

peut rendre raison de ces différences de fonction, sui-

vant Golgi : elle ne saurait même dire si cette hétéro-

généité fonctionnelle des diverses régions du cerveau

correspond à des variétés de forme et de structure des

éléments anatomiques de ces régions.

La physiologie ne met pas en doute qu'entre les

différentes parties des centres nerveux il n'existe une

liaison intime, condition de la synergie fonctionnelle

dé ces parties. L'anatomie ne saurait fournir jusqu'ici

une seule preuve de la réalité de ces relations, de ces

anastomoses, par exemple, que l'on postule pour ren-

dre solidaires tous les territoires sensoriels et sensi-

tivo-moteurs de l'écorce cérébrale. Pour Golgi, les

idées courantes sur la texture et la morphologie élé-

menlaire des organes centraux du système nerveux,

idées empruntées à Gerlach, à Schullze, à Meynert,

sont de pures hypothèses anatomiques. De même, les

idées de Meynert, de lluguenin, de Luys, sur la direc-

tion et le parcours des faisceaux nerveux ne sont que

des schémas imaginaires.

Par quels caractères propres la cellule nerveuse se

distingue-t-elle, au point de vue objectif, des autres

étémentsanatomiques des centres nerveux ? Golgi définit

la cellule nerveuse une cellule munie d'un prolon-

gement spécial; toujours unique, différent de tous les

autres, et destiné à relier cet élément aux fibres ner-

veuses. Quelle est la nature de la substance qui forme

le corps de la cellule nerveuse ? Selon Golgi, les carac-

tères du proloplasma véritable font défaut à la subs-

tance, de structure fibrillaire, du corps cellulaire, aussi

bien qu'à celle des prolongements protoplasmiques;

cette substance n'est qu'une « formation secondaire

170 0 PHYSIOLOGIE.

du protoplasma primitif». Le protoplasma vrai n'exis-

terait que dans cette partie centrale de la cellule qui

environne le noyau.

Les prolongements de la cellule nerveuse sont de

deux sortes. L'un, toujours unique, nous le répétons,

et qui va constituer le cylindre-axe d'une fibre nerveuse

à myéline, est le prolongement nerveux. Les autres,

dont le nombre peut s'élever de trois à vingt et au

delà, et dans lesquels circule la substance du corps

allulaire, sont désignés, quoique un peu inexactement,

du nom de prolongements protoplasmiques. Physiolo-

giquement, toutes les cellules nerveuses sont donc uni-

polaires ; ce n'est que morphologiquement qu'elles sont

multipolaires.

Quel est le mode de terminaison de ces prolon-

gements protoplasmiques ? On a supposé, on le sait,

que leurs ramifications ultimes s'anastomosaient direc-

tement, de manière à former un réseau inextricable

de fibrilles nerveuses sans myéline, donnant naissance

à leur tour à des fibres à myéline. Dans cette hypo-

thèse, la plus généralement admise, les cellules ner-

veuses affecteraient deux modes de connexion avec

les fibres nerveuses : d'une part, au moyen des pro-

longements nerveux ou cylindraxiles ; de l'autre, au

moyen des ramifications des prolongements protoplas-

miques du réseau de Gerlach. On expliquait par ces

anastomoses fibrillaires les actions réflexes du cerveau

et de la moelle, et les rapports fonctionnels des diffé-

rentes régions du système nerveux. Malheureusement,

les plus célèbres histologistes, Deiters, Max Schullze,

Koelliker, Krause, etc., n'ont jamais pu apercevoir ces

anastomoses. S'il est une méthode capable de révéler

LES FONCTIONS DU CERVEAU. t71

ces anastomoses, si elles existaient, ce serait certai-

nement celle de la coloration noire, qui fait appa-

raître, avec un si puissant relief, les plus fines ramifi-

cations nerveuses. Or, un examen minutieux de plu-

sieurs centaines de préparations n'a jamais permis il

Golgi de découvrir, fût-ce une seule fois, un cas d'anas-

tomose fibrillaire. « 11 est vrai que, bien souvent, deux

prolongements protoplasmiques allant directement l'un

vers l'autre, produisent l'impression d'une fusion réci-

proque, surtoutsi l'on observe avec de faibles grossis-

sements ; mais un examen attentif, à l'aide des plus forts

objectifs, nous fait facilement reconnaître que ce n'est

là qu'une apparence, résultant d'un simple contact'. »

Selon Golgi, loin de donner naissance à un réti-

culum nerveux, les ramifications des prolongements

protoplasmiques des cellules nerveuses, dont l'orien-

tation vers la surface des circonvolutions est bien

connue, vont isolément se mettre en rapport avec les

cellules de la névroglie et avec les parois des vaisseaux

sanguins qui rampent dans l'écorce. La fonction des

prolongements protoplasmiques serait donc de nature

purement trophique : ils serviraient à la nutrition du

tissu nerveux. « Je pense, dit Golgi, que ces prolon-

gements sont les canaux par lesquels, des vaisseaux

sanguins et des cellules de la névroglie, le plasma

nutritif arrive aux éléments essentiellement nerveux ;

il serait du reste difficile de comprendre par quelle

autre voie la matière nutritive arriverait à ces élé-

ments. » Si les fibres nerveuses ne dérivent ni direc-

tement ni indirectement des prolongements protoplas-

1 Sulla fina annlootiu degli organi centrait p. 19.

il "2 PHYSIOLOGIE.

miques, il est clair que ces prolongements ne peuvent

servir à relier les différents territoires cellulaires de

l'écorce, soit au moyen d'anastomoses directes, soit

dans l'hypothèse d'un réticulum nerveux diffus.

- Quelle est alors l'explication anatomique de l'ori-

gine des fibres nerveuses de la substance grise ? Com-

ment s'établit entre les cellules, considérées individuel-

lement, et les différentes régions de l'écorce, ces rap-

ports fonctionnels dont il faut admettre l'existence ?

Qua : .t à la première question, celle de l'origine des

fibres nerveuses dans les diverses provinces du sys-

tème nerveux central, le prolongement nerveux, sans

doute d'origine nucléaire, loin de se maintenir indivis

jusqu'à ce qu'il ait constitué le cylindre-axe d'une

fibre à myéline, émet toujours, à une distance plus ou

moins grande de la cellule, des ramuscules arbores-

cents dont la forme varie et sert à distinguer les

fibres nerveuses en deux catégories bien nettes : 1° Les

unes, tout en émettant quelques fibrilles secondaires

latérales, conservent leur individualité propre ; 2° les

autres ce subdivisent eu fins ramuscules et perdent

toute individualité propre. Mais les unes et les autres,

on le voit, ne laissent pas, quoiqu'en des proportions

très diverses, de concourir, par ces ramifications secon-

daires, à la formation d'un réseau nerveux qui existe

dans toute l'épaisseur de la substance grise. Golgi

i incline à croire, sans rien affirmer, que ces innombrables

ramifications de prolongements nerveux s'anastomosent

entre elles pour former un véritable réseau, et non un

simple entrelacement '. C'est au moyen de ce réseau

' Sutta fina anatomia cln.,7li organi ccnll'al ? [1. 'M.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 113

qu'on doit s'expliquer les rapports anatomiques et

fonctionnels qui relient les éléments cellulaires des

différentes régions de l'écorce cérébrale.

Les fibres de la 11C catégorie, qui n'émettent qu'en

petit nombre des rameaux latéraux avant de devenir

le cylindre-axe d'une fibre à myéline, sont issues de

cellules nerveuses qui rappellent celles des cornes anté-

rieures de la moelle épinière. Les fibres de la 2e caté-

gorie sortent de cellules qui ont plutôt l'aspect des

cellules des cornes postérieures et de la substance de

Rolulldo. De là deux types de cellules nerveuses en

rapport avec les deux catégories de fibres nerveuses.

Les cellules du premier type seraient motrices,

celles du second sensitives ou sensorielles.'

Outre ces variétés morphologiques, des différences

chimiques ou autres correspondraient peut-être aux

différences de fonctions de ces cellules. Quant au

consensus physiologique que l'on constate entre les

régions sensitives, ou sensitivo - motrices, et les

régions sensorielles de l'écorce cérébrale, Golgi l'ex-

plique encore par anastomoses reliant, dans son

réseau nerveux diffus de l'écorce, les fibrilles émanées

des prolongements nerveux moteurs des cellules du

premier type avec celles, en nombre infiniment plus

grand, des prolongements nerveux sensilivo-sensoriels

des cellules du deuxième type. « Quelle autre signifi-

cation pourrions-nous attribuer, écrit Golgi, aux

fibrilles qui, émanant du prolongement nerveux des

cellules du premier type (supposées motrices ou psycho-

motrices), vont se perdre dans le réticulum diffus,

constitué essentiellement de prolongements nerveux

l'il, I PHYSIOLOGIE.

des cellulules du deuxième type (cellules sensitivo-

sensorielles ou psycho-sensitivo-sensorielles) », si ce

n'est celle d'assurer les rapports physiologiques exis-

tant entre les nerfs de la motilité et ceux de la sensi-

bilité ? « La connaissance de ces rapports histolo-

giques peut rendre raison du mécanisme des actions

réflexes, qu'on avait jusqu'ici cherché dans les pré-

tendues anastomoses directes des prolongements pro-

toplasmiques des cellules nerveuses ou dans le réseau

diffus, également hypothétique, résultant de l'iticinie

subdivision de ces mêmes prolongements protoplas-

miques ».

Mais l'idée d'une transmission nerveuse isolée, soit

centripète,. soit centrifuge, entre deux cellules ou

deux groupes de cellules nerveuses centrales et péri-

phériques n'a point de base anatomique dans cette

conception d'un réseau nerveux diffus de l'écorce

constitué, non par l'anastomose des prolongements

directs des cellules nerveuses, mais par les ramifica-

tions ultimes de leurs cylindres-axes. Les cellules et

les ribt,7--Ij motrices présenteraient seules les conditions

d'une transmission directe des régions centrales aux

noyaux gris de l'axe spinal. Quant aux organes péri-

phériques de la sensibilité générale et spéciale, ils ne

sauraient être qu'indirectement en rapport avec des

groupes ou des territoires de cellules centrales extrê-

mement étendus. Telle est bien en effet la doctrine de

Golgi. Chaque fibre nerveuse, loin de se trouver iso-

lément en rapport avec une cellule, est au contraire

dans la plupart des cas en connexion avec des groupes

étendus de cellules. Inversement, chaque cellule ner-

veuse des centres nerveux peut être eu rapport avec

LES FONCTIONS DU CERVEAU. '175

un certain nombre de fibres ayant probablement une

fonction différente. Tout au plus pourrait-on parler,

pour concilier les faits anatomiques avec la doctrine

des localisations fonctionnelles, de voies de trans-

mission nerveuse « électives », et de territoires cor-

ticaux où certaines fonctions nerveuses « prévau-

draient » , mais sans délimitation rigoureuse.

Enfin, les variétés morphologiques des éléments

nerveux correspondent-elles à des fonctions différentes

de ces éléments ? La distinction de ces organites en

cellules motrices et en cellules sensitives ou sensorielles,

qu'invoquait tout à l'heure Golgi, en se référant aux

différences de structure des cornes antérieures et

postérieures de la moelle épinière, à-t-elle quelque

apparence de vérité ? Golgi nie qu'il y ait à tenir

compte de la forme ou de la grandeur des cellules

nerveuses pour la connaissance de leurs fonctions.

Certes, les cellules du premier type qui sont motrices,

sont grandes,; celles du second type, qui sont vrai-

semblablement de nature sensitive ou sensorielle, sont

petites : « mais il y a trop d'exceptions à cette règle

pour qu'on puisse en dégager une loi générale' ».

Bref, on ne saurait rien conjecturer de certain sur la

fonction de telle cellule ou de tel groupe de cellules

nerveuses, si l'on n'observe les rapports de ces élé-

ments avec les fibres de la première ou de la seconde

catégorie, c'est-à-dire avec des fibres de nature mo-

trice ou de nature soit sensitive soit sensorielle. C'est

' Sulla fina analomia degli organi centrait... p. 45. Cf. Pierrot, sur

les relations existant entre le volume des cellules motrices ou sensitives

des ce tires nerveux, et la longueur du trajet qu'ont à parcourir les inci-

tations qui en émanent ou les impressions qui s'y rendent. - C. Il, de

l'.lc. des sc., 3 juin 1878.

176 G PHYSIOLOGIE.

donc dans la nature des prolongements nerveux, et

dans ses connexions anatomiques, non dans la forme

de la cellule, que se trouve à cet égard le seul critérium

digne de foi. Ajoutez que, si la structure anatomique

des cellules nerveuses ne saurait nous renseigner sur

leurs fonctions, on chercherait également en vain,

selon Golgi, à découvrir soit dans la disposition des

couches stratifiées de l'écorce, soit dans celle de pré-

tendues zones spéciales du cerveau, une indication

physiologique quelconque. Dans toutes les régions des

centres nerveux, les deux types de cellules qu'il a

distingués se trouvent, dit-il, réunis et confondus. Il

concède, il est vrai, que les unes ou les autres pré-

valent dans certaines zones ou se trouvent même

séparément groupées dans une même zone.

C'est pour soumettre à un examen nouveau les doc-

trines reçues de Meynert et de Betz à ce sujet que

Golgi a étudié deux circonvolulions cérébrales de

fonctions très différentes, la frontale ascendante, qui

fait bien partie de la zone motrice, et la première

circonvolution du lobe occipital, siège reconnu de

la vision mentale.

La FA appartient au type général de structure de

l'éçorce, c'est-à-dire au type à cinq couches (Meynert),

En réalité, Golgi ne trouve dans cette circonvolution que

trois formes distinctes de cellules : «, des cellules py-

ramidales (ll°, 2e, 3e couche de Meynert); b, des cel-

lules fusiformes (5e couche de Meynert); c, des cel-

lules globuleuses ou polygonades, à angles émoussés

(4e couche de Meynert). Mais il n'a pu reconnaître

l'existence de couches stratifiées nettement isolées.

Toutefois, si les cellules globuleuses se rencontrent dans

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 177 7

toute l'épaisseur de l'écorce, elles abondent surtout

au' voisinage des amas de cellules fusiformes, les-

quelles ne se trouvent presque exclusivement que

« dans les couches les plus profondes de l'écorce ».

Quant aux cellules pyramidales, qui existent bien

dans toute l'écorce, elles occupent surtout les régions

supérieure et moyenne de l'écorce.

J'avoue que je ne puis voir en quoi ces observations

sont contraires aux faits et aux doctrines que combat

Golgi. Elles en diffèrent si peu que, à son tour, l'auteur

italien propose de diviser l'écorce cérébrale non plus,

il est vrai, en cinq couches, mais en trois : 1° en une

couche superficielle (slrulo slflJeJjicia'e) comprenant le

tiers supérieur de l'écorce, et formée presque exclu-

sivement de petites cellules pyramidales; 2° en une

couche moyenne, occupant le tiers moyen de l'écorce,

et constituée par des cellules pyramidales moyennes

et grandes, ces dernières surtout au voisinage de la

couche suivante; 3° en une couche profonde, ou du

dernier tiers de l'écorce, où, quoique les cellules

pyramydales moyennes et petites ne manquent pas, ce

sont des cellules globuleuses et des cellules fusiformes,

plus nombreuses qu'en aucune région de l'écorce, qui

dominent.

Cette division des éléments de l'écorce de la

FA n'est-elle pas au fond identique à celle de Mey-

nert ? Les deux tiers supérieur et moyen de l'é-

corce, selon Golgi. ne correspondent-ils pas aux

trois premiers strates du type à cinq couches ? La seule

réforme valable, et qui est bien dans l'esprit italien,

a été de montrer une fois de plus l'arbitraire des

déterminations trop rigoureuses et des délimitations

Archives, t. XIX. 12

178 PHYSIOLOGIE.

trop étroites dans le mode de répartition des éléments

anatomiques de l'écorce. Mais, outre que Golgi n'a

rien vu ici qui n'ait été vu avant lui, il est évident

que la division de l'écorce en stratifications n'a jamais

eu, chez Meynert et chez Betz, le caractère absolu

qu'il lui conteste avec trop de raison.

De même, pour l'étude de la première circonvolu-

tion du lobe occipital, Golgi, qui nie que les divisions

de cette région en sept ou huit couches (Clarke,

Meynert, Huguenin) aient aucun fondement, ne

manque point de noter expressément que les petites

cellules nerveuses globuleuses y prédominent, surtout

dans le tiers inférieur de l'écorce. Comme tous ses

prédécesseurs, Golgi a observé, dans la 0,, la pré-

sence de cellules pyramidales des trois dimensions,

surtout dans les couches superficielles et moyennes,

de cellules géantes, de grandes cellules solitaires. Ici

encore, les huit couches du schéma classique me pa-

raissent assez bien correspondre aux vagues confins

des trois couches stratifiées de Golgi.

Voilà pour les faits d'observation susceptibles d'être

notés.

Quant aux fonctions des éléments nerveux de la

FA et de la 0', il est clair que ces descriptions mor-

phologiques ne nous apprennent rien de certain, et

qu'on n'en peut raisonner que par analogie. Pour

Golgi, les différences de fonctions de ces deux circon-

volutions s'expliquent uniquement par la direction et

les rapports périphériques des fibres. La spécificité de

fonction des diverses zones cérébrales dépend, non

point de l'organisation de ces zones elles-mêmes,

mais de la spécificité des organes périphériques, en

LES FONCTIONS DU CERVEAU. Il-19

rapport avec les nerfs à direction centripète ou centri-

fuge. 11 n'existe pas d'autre moyen de déterminer

l'activité spécifique des cellules nerveuses que l'étude

de leurs prolongements nerveux. Arrivé au terme de

son ouvrage, dans un Appendice, Golgi s'est un peu

départi de son scepticisme scientifique : il parle, et il

croit qu'on a le droit de parler, de cellules motrices,

voire de cellules sensitives ou sensorielles, et cela

parce qu'il est arrivé, par des procédés de technique

histologique, à surprendre les rapports directs des

nerfs moteurs avec les cellules des cornes antérieures

de la moelle épinière \

Où fallait-il chercher, dans l'hypothèse qu'il en

existe, des cellules incontestablement motrices ? Dans

la zone motrice du cerveau ? ... Mais cette zone renferme

en même temps, sans doute confondues avec les élé-

ments moteurs, des cellules sensitives. Dans le cerve-

let ? C'est un champ de recherches plus obscur encore.

Dans la moelle épinière ? Mais, même pour les cel-

lules des cornes antérieures, le moyen d'affirmer

qu'on a affaire à une cellule motrice, tant qu'on n'a

pas vu son prolongement nerveux constituer une fibre

des racines antérieures ? A cet effet, au lieu delà moelle

d'un adulte, Golgi soumit à ses réactifs des moelles

de nouveau-nés et de foetus, et, parce que la gaine

médullaire qui enveloppe le cylindre-axe ou fait en-

core défaut ou est rudimentaire, et parce qu'avec la

coloration noire la fine et délicate structure des élé-

ments nerveux apparaît avec d'autant plus de netteté

que les tissus sont plus jeunes. Voilà comment Golgi

' Sulla fiiia Anatomie : degli organi cenlrali... p. 209-14.

180 PHYSIOLOGIE.

découvrit que les cellules des cornes antérieures de la

moelle épinière sont bien en rapport direct, quoique

non isolé, avec les nerfs du mouvement. Aussi écrit-il

maintenant : « Aujourd'hui, je me sens autorisé à sup-

primer, sinon toutes, du moins la plus grande partie

des réserves que j'ai faites quant à l'interprétation de

la nature physiologique des deux types différents de

cellules nerveuses. Au lieu de dire, comme je l'ai fait

jusqu'ici : Les cellules du premier type sont en rap-

port direct, non isolé, avec les fibres nerveuses; je

pourrai dire dorénavant, et avec toute raison : Les

cellules nerveuses motrices [cellule nervose ntotuici)

sont en rapport direct, non isolé, avec les fibres ner-

veuses (du mouvement). » Quant aux autres cellules

nerveuses, aux cellules du deuxième type, dont le

prolongement nerveux se subdivise en fibrilles de

plus en plus ténues, qui vont constituer le réseau

nerveux diffus de l'écorce cérébrale, « elles peuvent

désormais être considérées avec plus de fondement

comme des cellules de sensibilité [cellule di senso). »

Mais, de ces grandes études de Golgi sur l'histolo-

gie des centres nerveux, se dégage une conception de

la structure de l'écorce cérébrale qui fournit enfin

une base scientifique aux hypothèses, aux expériences

et aux observations des physiologistes et des clini-

ciens. Tamburini, Ferrier, Tripier, Exner, Bechterew

ont vu, en effet, soit l'excitation expérimentale, soit

les lésions, irritatives ou destructives, des centres

corticaux de la sensibilité générale ou spéciale, déter-

miner des réactions motrices, et, inversement, l'exci-

tation ou les lésions des zones motrices , provo-

quer des troubles de la sensibilité. L'hypothèse de

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 181 t

Tamburini (1876) sur la nature mixte de tous les

centres de l'écorce, trouvait ainsi, dans la thèse sui-

vante de Golgi, une base anatomique : « Dans les

différentes zones de l'écorce cérébrale, les fonctions

de la sensibilité et celles de la motilité ne sont pas

plus distinctes et séparées, d'une manière absolue, que

ne le sont les deux types de cellules du mouvement et

de la sensibilité; anatomiquement, les deux formes

d'activité spécifique du système nerveux central ont un

siège commun, où leurs éléments se juxtaposent, se

confondent ou se mêlent en proportions diverses'. »

Cette thèse ne vaut point, à la vérité, pour tout le

système nerveux central : Golgi reconnaît que les ré-

gions motrices et sensitives de la moelle épinière,

que les cellules des cornes antérieures et postérieures,

sont rigoureusement distinctes anatomiquemeut,

quoique, au point de vue fonctionnel, des expériences

de Mosso et de Pellacaui démontrent que, après.la

section des cornes antérieures et des cordons anté-

rieurs et latéraux de la moelle, on observe encore

des contractions musculaires, mouvements impliquant,

selon ces auteurs, que « des fibres motrices de la

vessie passent dans les cordons postérieurs ou dans

l'extrême partie postérieure des cordons latéraux'. »

Il est inutile d'insister sur ce qu'il y aurait d'anti-

physiologique à considérer la structure histologique

du cerveau qui n'est, en dépit de sa complexité extra-

ordinaire, que la continuité et l'expansion des centres

' Golgi. Considérations anatomiques sur la doctrine des localisations

cérébrales. - Archives ital. de biologie, 11, p. 249.

' Mosso et Peitacani. Sur les fonctions de la vessie. (Laboratoire de

physiologie de l'Université de Turin.) - Archives ital. de biologie,

Il, p. ? 93 sq.

182 PHYSIOLOGIE

nerveux sous-jacents, comme essentiellement dis-

tincte de celle de la moelle épinière. Il s'agit surtout

ici, selon nous, d'une question de nuances et de rela-

tivité. En se différenciant, les différents centres du

système nerveux central n'ont point conservé, comme

on le voit déjà dans le bulbe, la simplicité relative

des ganglions de la moelle épinière; mais ce qu'il y

a de fondamental dans la structure élémentaire du

.

névraxe a persisté, et se retrouve dans toutes les

parties du myélencéphale. Le problème de la structure

et de la nature fonctionnelle des diverses régions de

l'écorce cérébrale ne peut sans doute être posé dans

des termes aussi simples que pour la moelle épinière.

Mais la solution n'en saurait être essentiellement diffé-

rente ; elle nous semble être tout-entière et unique-

ment dans la proportion relative, dans le mode de

répartition locale des deux types d'éléments nerveux

admis par Golgi. Or, cet auteur a pu se convaincre

lui-même que ces éléments sont inégalement répartis

dans les différentes zones de l'écorce, et que les ré-

gions où prédomine l'un ou l'autre type morpholo-

gique sont précisément en rapport avec les fonctions

que la physiologie et la clinique ont attribuées à ces

régions.

Toutefois, nous ne saurions aller plus loin, et croire,

avec Golgi, que « les différences fonctionnelles propres

aux diverses circonvolutions cérébrales trouvent leur

raison d'être, non pas dans les particularités de struc-

ture de ces circonvolutions, mais dans les rapports

des circonvolutions avec les fibres périphériques des

sens : la spécificité de fonction des différentes zones

cérébrales serait déterminée par la spécificité de l'or-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 183

gane auquel, périphériquement, les fibres nerveuses

vont aboutir, et non par une spécificité d'organisation

anatomique de ces zones ». C'était la doctrine de

Meynert et de Wundt; ce sera celle de Forel et de

Nansen.

Quoique Meynert admette, avec Hitzig, Ferrier et

Munie, des « localisations fonctionnelles » dans l'é-

corce cérébrale, et que les différentes aires corticales

lui paraissent avoir subi une différenciation physiolo-

gique évidente, par exemple celles du lobe olfactif

chez les animaux osmatiques, et celles du langage

chez l'homme; quoique, avec les physiologistes et les

cliniciens, il divise l'écorce en territoires sensoriels et

en territoires d'innervation motrice, l'éminent anato-

miste de Vienne enseigne que « les énergies spéci-

fiques des cellules nerveuses ne sont que le résultat

des différences existant dans les organes terminaux

des nerfs, et que la seule énergie spécifique de la cel-

lule nerveuse, c'est la sensibilité (Empfindungsfâhig-

keit) ». Meynert est même amené ainsi à soutenir,

rappelons-le en passant, que les centres prétendus

moteurs de l'écorce cérébrale ne sont, en vérité, que

des centres de sensibilité générale, au sens où l'en-

tend Munk. C'est, pour Meynert, une explication su-

perflue que celle de Jean 3111ller, qui attribuait aux

différentes régions du cerveau des énergies fonction-

nelles spécifiquement différentes. La cellule nerveuse

ne possède qu'une seule énergie fonctionnelle : la

sensibilité ou l'irritabilité. L'hétérogénéité des sensa-

tions, de la vue, de l'ouïe, du toucher, etc ? dé-

pendrait donc uniquement : 1° de la diversité de na-

ture des forces du monde extérieur qui sont nécessaires

'l8 ! t PHYSIOLOGIE

il leur production; 2° de la structure des organes

terminaux des nerfs sensibles. Bref, c'est à la struc-

ture des appareils périphériques des sens, non aux

énergies spécifiques des cellules nerveuses des diffé-

rentes aires corticales du cerveau, que Meynert rap-

porte les différents modes de la sensibilité générale

et spéciale. Seule, la fibre musculaire devrait être

appelée « motrice », et non pas le nerf ni la cellule

nerveuse qui innervent le muscle.

Au point de vue phylogénétique, il paraît bien, en

effet, que c'est des cellules constituant le feuillet cutané

de la gastrula que sont sortis, à travers les âges, tous

les organes des sens. Démocrite avait déjà considéré

ceux-ci comme des parties différenciées de l'épiderme,

et, toutes les sensations, comme des modifications du

toucher '. La science a démontré depuis que les dif-

férents organes des sens n'étant que des parties diffé-

renciées et transformées du tégument cutané, toutes

les cellules nerveuses de ces organes sont la postérité

des cellules épidermiques modifiées par l'adaptation. Il

suit que les sensibilités spécifiques de l'ouïe, de la vue,

dugoût, de l'odorat se sont développéesdela sensibilité

tactileetlhermique2. Elles nesont que descasde spécia-

lisation de la sensibilité générale (Grant Allen). « A me-

sure que l'être vivant s'élève et se perfectionne, a dit

Claude Beriiard, ses éléments cellulaires se différencient

1 Jules Soury. Théories naturalistes du monde et de lu vie dans l'.111-

ligvilé, p. 187.

1 E. liieuliel. L'ebei, Ui-,çl)i,ung ? t)ztl Eittwielceliiii ! l (lei, Siii ? ieswe),Iczeu.Qe

' 1;. liaecl : el. C'eGer 2tatiti,e und Entwickelllll ! J dei' Sin1lcswel'¡,zeuge

(1878). Huxley. La nature de la sensation et la structure de nos or-

gaites. Uev. scientif ? 20 liée, 1879.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 18o

davantage : ils se spécialisent par exagération de l'une

des propriétés au détriment des autres ' ».

C'est précisément sur celte « spécialisation » qu'est

fondée la doctrine de la spécificité fonctionnelle des

différents centres de la sensibilité générale et spéciale

de l'écorce cérébrale. L'hétérogénéité fonctionnelle

des éléments nerveux qui constituent ces centres résulte

déjà avec évidence de cette observation vulgaire que

la destruction des aires corticales de la vision n'abolit

que cet ordre de sensations en laissant subsister celles

du son, de l'odorat, du goût et de la sensibilité géné-

rale. En outre, les effets de cette destruction locale

d'un sens semblent bien prouver que ses éléments cen-

traux ne sont point disséminés sur toute l'écorce et

confondus pèle-mêle avec les autres éléments'centraux

de la sensibilité générale et spéciale.

La doctrine que nous soutenons contre Golgi, aussi

bien que contre ses devanciers et ses disciples, la

doctrine d'une diversité spécifique, non pas absolue

sans doute, ni primordiale, mais acquise par l'adap-

tation et fixée héréditairement, des différents centres

sensitifs et sensoriels de l'écorce cérébrale, vient de

recevoir des travaux de llermann Munk une démons-

tration expérimentale qui me semble péremptoire 2-

C'est contre W. Wundt que lluunk a surtout dirigé

ses critiques, je ne sais pourquoi, puisque les idées

de Wundt à ce sujet ne sont guère que celles

de Meynert. Les éléments nerveux des centres de

' CI. Bernard. Leçons sur les phénomènes de lu vie commune aux ani-

maux et aux végétaux. 1, 3G8.

' 11. Vluul : . Ueber die centrale Organe sur das Seheit und das

IIoc/'t11 bei den Wirbelthieren, 1889.

186 PHYSIOLOGIE

l'écorce cérébrale étant fonctionnellement indifférents,

selon l'auteur des Eléments de psychologie hlaysiolo-

gique, la fonction de chacun de ces centres résulterait

simplement de ses connexions avec un appareil péri-

phérique des sens et de la répétition d'un mode uni-

forme d'exatations. Mais, si la fonction des éléments

nerveux d'un de ces centres vient à être inhibée ou

abolie, d'autres éléments nerveux de l'écorce seraient

capables de la suppléer. Ainsi, une cellule nerveuse

qui, eu vertu de ses connexions anatomiques, donne

une sensation visuelle, pourrait aussi bien, dans

d'autres conditions, produire une sensation tactile ou

musculaire. Il y a plus : une cellule nerveuse de

l'écorce qui, par l'intermédiaire du réseau nerveux

central, serait en rapport avec plusieurs nerfs de sen-

sibilité différente, pourrait réunir en soi une pluralité

de fonctions différentes. Les faits et les raisonnements,

également erronés, d'où sont nées ces idées, nous les

connaissons : ce sont ceux de Goltz et de ses émules,

pour qui les mutilations les plus considérables de

l'écorce ne seraient suivies que de troubles fonctionnels

susceptibles de s'amender indéfiniment, si bien que la

possiblité de ces suppléances des diverses régions du

cerveau rendrait inutile l'hypothèse de toute fonction

spécifique des centres nerveux corticaux.

Cependant l'ablation des deux sphères visuelles d'un

animal le rend pour toujours aveugle, et la destruction

d'une seule sphère visuelle détermine une hémianopsie

qui ne s'amende jamais.

Chez les animaux nouveau-nés, avant tout exercice

notable des sens, si les éléments centraux de l'écorce

sont fonctionnellement indifférents, s'ils peuvent tous

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 187

se suppléer, on devrait pouvoir détruire une partie de

ces éléments sans dommage aucun pour les fonctions de

la sensibilité. Par exemple, si les cellules nerveuses

des sphères visuelles n'ont rien qui les différencie

fonctionnellement à l'origine de celles des sphères de

l'audition ou du sens musculaire, on doit pouvoir les

détruire impunément : l'animal verra avec les éléments

d'autres régions cérébrales. C'est ce qu'avait cru ob-

server Gudden dans des expériences célèbres. Mais, en

enlevant les sphères visuelles tout entières, chez des

lapins nouveau-nés, c'est-à-dire à partir d'un millimètre

en avaut de la suture coronale (et non en arrière,

comme Gudden), Munk a pu déterminer uue cécité com-

plète et durable. Ces expériences ne prouvent-elles pas

que la spécificité des sensations dérive de la spécificité

naturelle, non acquise, des cellules nerveuses centrales ?

Un partisan des idées de Gudden, Auguste Forel,

a surtout adhéré aux doctrines de Golgi, et parce qu'il

était arrivé personnellement à des vues analogues, et

parce qu'elles s'accordaient en partie avec les résultats

des expériences de son maître '. Adversaire de la doc-

trine des anastomoses entre les prolongements, nerveux

ou protoplasmiques, des cellules nerveuses, Forel se

demande pourquoi l'on continue à parler de ganglions

d'interruption des fibres nerveuses, de rapports des cel-

lules nerveuses avec les différents nerfs de sensibilité et

de mouvement, avec le réticulum nerveux de l'écorce,

etc.2 Dans le muscle, la terminaison des nerfs n'est pas

même en continuité directe avec la fibre musculaire.

1 AlIg. Forel. Einige liirnanatomische Betrachtungen und Ergebnisse-

- arcs. f. l'sych. OVIN. ! Cf. \V. Ilis. (7we;'e Gl'ltlldvo/'stellullgel1 vous /Jan dei' nervoesen Ce 11-

lruloogane. Neurol. Centralbl. 1889, : 'D8,

188 PHYSIOLOGIE

Forel comprend de moins en moins pourquoi la con-

tinuité des plus fines ramifications des éléments ner-

veux entre elles serait un postulat physiologique.

Pour expliquer la transmission des excitations, il

n'est pas nécessaire que ces ramifications ultimes des

éléments nerveux soient en continuité : il suffit

qu'elles soient contiguës. « L'électricité présente de

nombreux exemples, dit-il, de pareilles transmissions

sans continuité directe : il en pourrait être de même

pour le système nerveux. » Puis, pourquoi parler

de cellules motrices et de cellules de sensibilité ?

Forel proteste; il s'élève contre Golgi aussi bien que

contre Meynert. ^Quelque diverses que soient les ter-

minaisons périphériques des nerfs du deuxième type

de Golgi, des nerfs sensibles, le point initial de l'ex-

citation sensible est une cellule épithéliale, une cel-

lule sensible périphérique, d'où sort un prolongement

nerveux, comme' des cellules du premier type de

Golgi : c'est de cette cellule que part le nerf sensible

qui gagne le système nerveux central, où elle se ter-

mine, dans le réseau nerveux de l'écorce, en fines

ramifications arborescentes. Ce qui distinguerait le

nerf sensible du nerf moteur ne serait donc pas que

le premier entre là en rapport avec des cellules du

deuxième type : la seule différence serait que la cel-

lule nerveuse d'où sort la fibre sensible est périphé-

rique, tandis qu'elle est centrale pour le nerf moteur.

Dans les deux cas, le nerf se termine en ramifications

arborescentes, le nerf moteur dans le muscle, le nerf

sensible dans la substance grise de l'écorce. Mais on

n'a point le droit d'appeler sensibles ou motrices les

cellules nerveuses centrales. Seul, le mode de termi-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 189

naison périphérique des fibres nerveuses paraît être

décisif pour le diagnostic de leurs fonctions.

Forel n'accepte pas non plus sans réserve la théo-

rie des localisations cérébrales qui semble résulter de

la doctrine de Golgi. Les faits ne s'accordent pas avec

l'idée d'une cl localisation générale », comme Gudden

paraît l'avoir admis (1886). « Certains éléments du

réticulum de l'écorce du coin méritent bien, dans

leur ensemble, écrit Forel, le nom de sphères vi-

suelles (Seguin), parce que, dans ces éléments, a lieu

la terminaison du système de fibres (Sehslrahlungen

ou fccsciculecs oplicus) issues des centres du nerf op-

tique, et parce que toute destruction notable, soit de ce

système de fibres, soit de l'écorce du coin, provoque

des troubles de la vision (hémiopie, etc.). Quand les

excitations optiques ont atteint cette région de l'é-

corce,'elles y sont sans doute conservées sous forme

d'images visuelles commémoratives, et s'y trouvent

naturellement reliées, au moyen de systèmes de fibres

d'association des plus variés, avec d'autres territoires

de l'écorce, qui peuvent servir de substratum orga-

nique aux images mnémoniques associatives. Que la

transmission de ces excitations ait lieu par continuité

ou par contiguité des ramifications des fibrilles ner-

veuses enchevêtrées, cela ne change absolument rien

aux faits analomo-physiologiques des localisations. »

Forel n'a point voulu, d'ailleurs, proposer de nou-

velle théorie; il n'a voulu qu' « éveiller les idées »,

et, sans doute, nous tirer du sommeil dogmatique. Il

n'a point tout lu (ce qui est notre sort commun, à tous),

mais il a tout compris, et, emporté par la logique

190 PHYSIOLOGIE

d'un esprit clair et pénétrant, il a, du premier coup,

dépassé Golgi en hardiesse.

Avec Nansen, qui est aussi de l'école de Golgi, il ne

reste plus rien de Troie : ses ruines même ont péri.

Etiamperiere ruinoe. Je ne puis insister sur les idées,

à coup sûr virginales; de cet auteur, touchant la struc-

ture des fibres et des cellules nerveuses. Je ne veux

que montrer, avec ses conséquences physiologiques,

la dernière forme qu'a revêtue la doctrine histologique

de Golgi. Pour Nansen aussi, les prolongements des

cellules nerveuses sont de deux sortes, nerveux et

protoplasmiques : ceux-ci, orientés vers la périphérie

de l'écorce, se terminent au voisinage des vaisseaux

sanguins et servent à la nutrition des cellules ner-

veuses; il n'existe point d'anastomoses entre les cel-

lules nerveuses au moyen de ces prolongements. Les

prolongements nerveux, toujours uniques, ou con-

servent leur individualité, et, tout en émettant quelques

ramuscules latéraux, vont constituer directement un

tube nerveux, ou ils perdent leur individualité, et

donnent naissance aux fines ramifications arborescentes

du réseau fibrillaire de l'écorce. Nansen a vu aussi, dans

la moelle épinière des myxines, des tubes nerveux sor-

tir directement des cellules des cornes antérieures;

ceux des racines postérieures seraient formés de la

réunion de fibrilles nerveuses. Avec Golgi, on peut

appeler moteurs les premiers, sensibles les seconds.

Les cellules nerveuses n'ayant absolument aucun rap-

port direct entre elles, elles ne sauraient intervenir

ni dans la production des mouvements réflexes ni dans

celle des mouvements volontaires. (1 La vieille ma-

nière de voir, dit Nansen, relativement à la composi-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 191

lion des arcs réflexes et à l'importance physiologique

des cellules nerveuses, ne peut plus se soutenir, du

moment où ces dernières n'ont pas entre elles de com-

munication directe, et où les cellules nerveuses cen-

trales offrent tout aussi peu de communication directe

avec les tubes nerveux sensitifs ou centripètes.» L'arc

réflexe est constitué : 1° par le nerf centripète et ses

ramifications fibrillaires, passant directement dans le

réseau nerveux central de l'écorce ; 2° par la propa-

gation de l'excitation dans ce réseau; 3° par la trans-

mission des stimulus jusqu'aux fins ramuscules laté-

raux des tubes nerveux moteurs centrifuges. « Il suit

que l'irritation est transmise aux centres supérieurs

sans passer directement par les cellules nerveuses. On

peut admettre de la même façon, continue Nansen,

que les impulsions volontaires, provenant des tubes

nerveux qui émergent des centres supérieurs, se

rendent directement aux tubes nerveux centrifuges

des centres nerveux inférieurs sans passer par les cel-

lules nerveuses de ces centres. Il est par conséquent

impossible d'admettre que les cellules nerveuses des

centres nerveux inférieurs possèdent une importance

directe, aussi peu pour les mouvements réflexes que

pour les mouvements volontaires, ce que l'on semble

pouvoir appliquer aussi aux cellules nerveuses des

centres supérieurs 1. »

Quel est donc le siège de l'activité centrale du

système nerveux, de l'intelligence, de la conscience ?

1 Fridtiof Nansen. Nerve elemenlel'1te, dcres slruktur Dg sammellluÎII(j

i central-nervesyslemet. - Nordiskt medicinskt Arkiv. 1887, XIX, i,

p. 1-21. Comptes rendus des traités, p. 3-G, même volume. Cf. aussi

l'analyse critique de ce travail, par Marchi, dans la Riv. speriment, di

ji'cnial1'ia, 1Sb'S; p. 160->.

192 . PHYSIOLOGIE

Ce siège serait le réseau fibrillaire central de l'écorce.

L'étendue et le développement de l'intelligence serait

en raison directe de la complexité de structure de ce

réticulum. Quant aux cellules des centres nerveux,

déchues de leurs fonctions psychiques, devenues de

simples centres trophiques, elles ne serviraient qu'à

la nutrition des tubes nerveux et de leurs innom-

brables ramifications arborescentes.

Telle est la dernière évolution, ou involution, de

la doctrine de Golgi. Sur la question des anastomoses,

il paraît avoir cause gagnée. Mais l'hypothèse de la

nature purement protoplasmique des prolongements

des cellules nerveuses, à l'exception du prolongement

nerveux unique, ainsi que celle de la composition du

réticulum nerveux central, sont naturellement très

discutées. Koelliker, en particulier, croit que ces hy-

pothèses sont encore loin d'être appuyées sur des

preuves suffisantes. Quant aux physiologistes qui,

sans céder le pas à l'anatomie, ont le bon esprit de

tenir grand compte des résultats de cette science, ils

inclinent vers les théories histologiques qui fournissent

une base anatomique à l'élude expérimentale des

fonctions du cerveau. Il en est de même des cliniciens.

C'est ainsi que Mendel, en présentant naguère, à un

congrès de médecins aliénistes allemands, des figures

des différentes circonvolutions cérébrales, insistait

sur la diversité de leur constitution histologique : il y

voyait la preuve de l'hétérogénéité des fonctions du

cerveau'. Et, comme Nissl, après Gudden, avait fait

' Bericlit ueber die Jaliresversammlung des Ve reins der Deulsclien

hrcnaerzte. Baden-Baden, 10-17 sept. 1885. - Neurol. Centralbl.. 188 ?

p. 1 ? 1-152..

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 193

remarquer que par toute l'écorce, on retrouve le type

à cinq couches, quoique avec quelques variantes dans

la disposition topographique des différentes couches de

cellules, Mendel répondait que ce sont précisément

ces variétés' de structure histologique qui permettent

d'affirmer que la composition élémentaire des cir-

convolutions n'est point partout essentiellement la

même.

En Italie, tout en applaudissant aux découvertes

de Golgi, dont il signale d'ailleurs les vues diver-

gentes, Seppilli appuie la doctrine de l'hétérogénéité

fonctionnelle de l'écorce cérébrale sur l'existence des

variétés correspondantes de structure histologique des

circonvolutions. Que certaines catégories de cellules

nerveuses l'emportent en ' nombre dans certaines

régions déterminées; qu'elles y affectent un mode

spécial de disposition; que la vascularisation plus

abondante des deuxième, troisième et quatrième

couches de l'écorce soit en rapport avec le nombre et

l'activité des cellules nerveuses qui les constituent, ce

sont là, pour Seppilli, des cas spéciaux du grand

principe biologique de la correspondance entre l'or-

gane et la fonction et de la loi naturelle de la division

du travail'. Mais Luciani ne fait point difficulté d'a-

vouer que l'absence de transmission isolée des fibres

nerveuses, qui communiquent entre elles dans le

vaste réseau du système nerveux central et périphé-

rique, est un fait incompatible avec la doctrine, ou

' Seppilli. Sulla slrultura islologica della corleccia del ceruello. Rias-

sunto délie ricerche piu recenti. (Estr. délia 71tt). di filos. scientif. 1881).

- Torino, llorselli.

Archives, t. XIX. 13

194 PHYSIOLOGIE.

plutôt avec le postulat, de la double transmission

nerveuse (centripète et centrifuge'.)

Les cliniciens d'Italie, comme ceux de l'Ecole fran-

çaise anatomo-clinique, ont toujours insisté sur la

structure des éléments histologiques des régions mo-

trices et sensorielles de l'écorce. Dans son travail Sur

les localisations motrices (1878), D. Maragliano citait

-les résultats des recherches, alors récentes, de Mier-

zejewsky et de Betz, de Bevau Lewis et de Clarke,

résultats en accord avec la doctrine des localisations.

Bianchi, tout pénétré des doctrines de Golgi, déclarait,

en 1882, que si les éléments anatomiques de la sen-

sibilité et du mouvement, auxquels se ramènent toutes

les fonctions cérébrales, se trouvent partout con-

fondus dans l'écorce, il était naturel qu'on ne put

noter, dans la constitution histologique de celle-ci,

de différences morphologiques bien tranchées. Pour-

quoi, demandait-il, les éléments centraux des divers

organes de la sensibilité et du mouvement devraient-

ils être morphologiquement distincts ? Les deux sortes

d'éléments nerveux de la sensibilité et de la motilité

coexistent dans la zone visuelle, parce qu'il n'est

point de perception de la vue qui ne résulte à la fois

d'impressions lumineuses et de contractions des.

muscles de l'oeil. De même pour les centres corticaux

des sensations organiques et des mouvements des

viscères, pour les centres moteurs et pour les centres

d'arrêt : partout les éléments de la sensibilité et du

1 Luciani. La fisiologia del sislema neruoso nelle sue rela;ioni coi

(alti psichici del prof. Mm io Pa711z : : a. - Riv. speriment. di freniatria,

1881, i. Cf. une autre critique du même ouvrage, par E. Belmondo,

ibid., 1888.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 195

mouvement seraient nécessairement confondus'. Tou-

tefois, cette uniformité de structure et de disposition

des éléments histologiques'dans les diverses zones de

l'écorce cérébrale, telle qu'elle ressort des études de

Golgi, ne devait avoir, suivant Bianchi, « à part les

exagérations », aucune influence fâcheuse sur la

doctrine des localisations cérébrales.

Golgi, en effet, en dépit de ses critiques, n'a jamais

nié la possibilité de certaines localisations fonction-

nelles de l'écorce : il a nié seulement, avec la plupart

des Italiens, qu'il existât des centres isolés et circons-

crits. Quant aux aires fonctionnelles de l'écorce, aires

aux limites indéterminées, aux vagues confins, empié-

tant en partie sur les frontières voisines, il les admet

formellement : là sont les sièges de fonctions cérébrales

spéciales, en rapport avec la nature des organes péri-

phériques des sens reliés à ces centres corticaux, non

pas sans doute au moyen de transmissions nerveuses

isolées, mais en quelque sorte « électives ».

Un des plus beaux mémoires de Golgi, et je ne

parle que de ceux qui ont un intérêt capital pour la

physiologie du système nerveux, est le travail Sur

les nerfs des tendons de l'homme et des autres vertébrés,

où il faisait connaître un nouvel organe nerveux ter-

minal musculo-tendineuz, découverte qui n'était rien

de moins que celle des organes périphériques du sens

musculaire. C'est au sujet de ces travaux que M. Ran-

vier, parlant des terminaisons nerveuses sensitives, a

écrit : « La découverte des organes musculo-tendi-

1 Bianchi. Contribuzione sperimenlale aile compensazioni full : . coi-1

cali ciel ceruello. - Riv. speriment. di fren., 1882, 431.

196 PHYSIOLOGIE.

,« neux, dont l'importance n'échappera à personne,

« appartient bien réellement à Golgi1. » Ces organes

fusiformes, situés dans la zone de passage du muscle

au tendon, donnent insertion, par l'une de leurs

extrémités, aux fibrilles d'un muscle, et, par l'autre

extrémité, se perdent dans le tissu d'un tendon. Dans

ces corps, de nature tendineuse, pénètre toujours une

fibre nerveuse qui se ramifie en nombreux rameaux.

Golgi croyait donc pouvoir admettre, il y a onze ans,

que « ces organes ont une fonction en rapport avec celle

des muscles, et qu'ils peuvent être les organes d'une

sensibilité musculaire spéciale ou les mensurateurs

(misuratori) de la tension des muscles (organes du sens

musculaire)2, »

Reprise tout récemment, sur les conseils et dans le

laboratoire de Golgi, par Alfonso Cattaneo, l'étude

des organes nerveux musculo-tendineux nous paraît

assez avancée pour prendre place désormais dans les

essais d'interprétation de la nature et de la genèse du

sens musculaire. Cattaneo commence par rappeler que,

même chez les paralytiques, la conscience d'un effort

implique toujours une contraction musculaire : si ces

malades ne peuvent pas contracter leurs muscles

paralysés, la contraction d'autres groupes musculaires,

des muscles de la respiration en particulier, éveillent

chez eux cette conscience de l'effort. En outre, les

modifications du tissu musculaire qui se contracte sont

certainement transmises aux centres nerveux par des

1 Ranvier. Traité technique d'histologie, 1882, 928-9. ! Camillo Golgi. Szci nervi dei tendini dell' uomo e di altri venleGrali

e di un nuouo organo nervoso terminale muscolo-tendineo (Torino, 1880),

p. 18; Cf. 23.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. z197

nerfs sensitifs (Sachs), et non par des nerfs moteurs

(Bain).

Une première hypothèse s'imposait touchant les

fonctions des organes nerveux musculo-tendineux

Si l'on considère, dit Cattaneo, la place que ces

organes occupent entre le muscle et le tendon, ainsi

que leur continuité directe avec le sarcolemme des

fibres musculaires primitives; si l'on prend garde que,

dans la peau, où tous les autres modes de la sensi-

bilité générale (tactile, dolorifique, thermique, etc.),

le sens musculaire excepté, sont représentés

par- des organes connus, on n'en a point rencontré

qui eussent quelque analogie avec ces corpuscules; si

l'on observe qu'ils sont surtout plus nombreux que

les autres organes nerveux- sensitifs (tels que les cor-

puscules de Pacini) dans les muscles et les tendons,

où le sens musculaire l'emporte bien sur les autres

sensations, qui y sont peu ou point représentées, le

moyen de ne pas incliner à croire que la fonction des

organes de Golgi est celle de la sensibilité musculaire ?

Celle-ci doit être évidemment à la fois en rapport avec

l'état des muscles et des tendons. « Aussi, ces organes

« spéciaux sont-ils situés, comme une sorte de dyna-

« momètre, entre les organes qui représentent la puis-

« sance motrice (fibres musculaires) et la partie sur la-

« quelle cette force agit primitivement (les tendons)1. »

Mais, si les corpuscules fusiformes de Golgi sont

bien des organes du sens musculaire, ils devront être

en connexion intime avec des fibres nerveuses sen-

' A. Cattaneo. 5ugli organi nervosi terminali musculo-tendinei...

(Torino, 1887), p. J ? 16.

198 PHYSIOLOGIE.

sibles, non avec des nerfs moteurs. Pour vérifier ce

fait, deux voies s'ouvraient : celles de l'anatomie

pathologique et de l'expérimentation. Ainsi, dans

l'ataxie motrice, dit Cattaneo, où la puissance muscu-

laire est conservée, tandis que la coordination et le sens

musculaire sont abolis, et où la lésion intéresse le plus

souvent les cordons postérieurs de la moelle épinière,

ainsi que les racines postérieures des nerfs spinaux, les

organes musculo-tendineux, s'ils sont bien des

organes du sens musculaire, devraient surtout être

atteints. Avec une paralysie du mouvement, complète

et ancienne, la sensibilité (et spécialement le sens

musculaire) étant intacte, ces organes devraient au

contraire être également intacts. Mais les matériaux

cliniques manquaient à Cattaneo. Les résultats des

expériences instituées sur des chiens, dont les racines

postérieures lombaires avaient été coupées chez les

uns, les racines antérieures chez les autres, furent en

partie négatifs, mais aussi en partie positifs, et tels,

que Cattaneo y voit la preuve du fait qu'il s'agissait de

démontrer, à savoir, que les organes musculo-tendi-

neux n'ont point de rapport avec les nerfs moteurs, et

sont-en connexion avec les fibres de la sensibilité

générale.

Voici maintenant comment ce savant s'explique la

genèse des sensations musculaires : une excitation des

nerfs moteurs est transmise, au moyen de leurs termi-

naisons musculaires, aux muscles qui se contractent ;

cette contraction détermine des modifications dans les

organes musculo-tendineux (puisque ces organes

occupent une position intermédiaire entre les libres

musculaires et les tendons), probablement un tiraille-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. '199

ment plus ou moins considérable, en rapport avec

l'intensité de la contraction. La fibre nerveuse centri-

pète qui se termine dans chacun des organes de Golgi,

ou plutôt qui en sort, excitée par cette modification,

transmet aux centres nerveux une impression qui, si

elle a une intensité et une durée suffisantes, renseigne

la conscience sur la somme de travail accompli par tel

ou tel groupe de muscles. Si le circuit est interrompu,

soit parce que l'excitation n'est point parvenue au

muscle (interruption du courant centrifuge), soit

parce que la modification produite dans le muscle

n'a pas été transmise aux centres nerveux (interruption

du courant centripète), alors, pour des raisons diffé-

rentes, la sensation musculaire manquera.

Un autre disciple éminent du professeur Golgi,

Victor Marchi, a publié, sur la structure histologique

des corps striés et des couches optiques, toute une

série d'études bien faites pour montrer quelle révo-

lution profonde pourraient peut-être faire subir aux

doctrines physiologiques traditionnelles les résultats

de l'anatomie fine du système nerveux '. Dans les

corps striés comme dans les couches optiques, Marchi a

rencontré les deux sortes de cellules distinguées par

Golgi, celles du premier et celles du second type,

non point groupées, mais irrégulièrement disséminées,

et sans orientation spéciale. Les cellules nerveuses

des corps striés, pyramidales, globuleuses on fusi-

formes, varient de 20 à 50 , et leurs noyaux de 5 à

' V. Ial'chi" Nota pl'eventiva sulla fina anlltolllia dei cOl'pi striait.

Torino, 1883. - Sulla slrutlura dei lalami otlici, 7'Îcel'che istologichi.

Riv. sperimeut. di freniatria, 1881, 111, 329. - Sulla fiiia slruttura dei

corpi slriati c dei talami oltici. ¡bill., 1886, XII, 285.

200 PHYSIOLOGIE.

8 u, Mais ce sont les cellules du deuxième type qui

prévalent dans les corps striés, surtout dans le noyau

caudé. Dans les couches optiques, où coexistent éga-

lement les deux types cellulaires, ce sont au contraire

celles du premier type qui prédominent : elles attei-

gnent jusqu'à 60 p. et présentent de nombreuses

analogies avec les cellules des cornes antérieures de

la moelle épinière. Toutes ces cellules nerveuses

envoient un prolongement nerveux unique et de nom-

breux prolongements protoplasmiques (de 4 à 8). Le

prolongement nerveux des cellules du premier type

devient, on le sait, le cylindre-axe d'une fibre ner-

veuse, tandis que celui des cellules du deuxième type

émet des ramifications arborescentes qui vont former

la plus grande partie d'un réticulum nerveux diffus.

C'est au moyen de ce réseau fibrillaire que, par leurs

ramuscules latéraux, les fibres issues des cellules du

premier type se trouvent en rapport médiat avec

nombre de cellules du deuxième type. Quant aux

ramifications des prolongements protoplasmiques des

deux espèces de cellules nerveuses, elles n'ont rien de

commun avec ce réseau nerveux; elles se confondent

avec les prolongements des cellules de la névroglie qui

s'insèrent sur les parois des vaisseaux sanguins : elles

n'ont que des fonctions trophiques.

Du fait que les deux types de cellules nerveuses

coexistent dans les corps striés comme dans les

couches optiques, Marchi conclut d'abord que des

fonctions mixtes, c'est-à-dire de sensibilité et de

mouvement, doivent s'effectuer dans ces'ganglions.

Toutefois la prédominance des cellules du deuxième

type dans les corps striés permet de supposer que les

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 201 1

noyaux caudés et lenticulaires appartiennent à la

sphère de la sensibilité (siera senso7'ia). Au contraire,

les cellules du premier type l'emportent décidément

dans les couches optiques; il y a donc apparence que

les fonctions, si controversées, de ces ganglions seraient

surtout motrices. Inutile d'insister sur la portée de pareils

résultats. Après les travaux de Meynert, de Huguenin

et de Luys, leur nouveauté étonne et déconcerte. Mais,

atteints par l'emploi d'une technique histologique irré-

prochable, ces résultats, fruit d'une méthode, non

d'une doctrine, resteront en tout cas et survivront. Ce

que les physiologistes et les cliniciens savent aujour-

d'hui des fonctions des corps striés et des couches

optiques est trop peu de chose, nous l'avons dit, pour

qu'il soit possible d'indiquer avec quelque sûreté

quelles affinités tendraient à rapprocher ces faits ana-

tomiques des expériences et des observations. Ce n'est

pas que l'on manque d'indices caractéristiques, et, si

c'était le lieu, nous pourrions citer plus d'un travail

récent où les mouvements réflexes, automatiques, invo-

lontaires, qui servent à l'expression des sentiments,

des émotions et de la mimique, le tremblement inten-

tionnel de la sclérose multiple, la chorée, l'athétose,

etc., sont rapportés à l'activité normale ou patholo-

gique des couches optiques. Les études de Marchi

fournissent déjà une base anatomique à ces recherches

expérimentales et cliniques.

Nous ne saurions passer ainsi en revue tous les

travaux de V. l\Iarchi 1, et l'analyse de ceux des autres

1 Je signalerai seulement, pour la parfaite intelligence des expériences

de Luciani sur les fonctions du cervelet, dont il a été parlé plus haut,

l'étude de Marchi, Sulle degenerazioni consécutive aU' estirpaziune totale

e pa-ziale dei ceruelclto. - Riv. speriment. di Fren., 1886, XII, O.

202 PHYSIOLOGIE.

histologistes italiens, presque tous d'ailleurs de la

grande école de Golgi, ne nous ferait guère péné-

trer plus avant dans l'esprit de la méthode du maître.

Nous ne dirons donc rien des Mémoires de Roméo

Fusari où, comme dans celui sur l'Histoloie de l'en-

céphale des Téléostéens (Cyprinoïdes, Salmonidés) ', à

côté de ces habitudes de précision, de clarté et de

sobriété scientifique qui caractérisent les travaux

sortis du laboratoire d'histologie de l'Université de

Pavie, on rencontre tant de vues larges et élevées

d'anatomie générale. Ainsi, R. Fusari témoigne avoir

été d'abord entraîné vers ces études sur l'encéphale

des différents poissons osseux par certaines assertions

de Bellonci qui, dans ses Riceclze comparative sulla

st7'/lllu7'a dei centri nervosi dei vertebrati (1880), avait

cru reconnaître, « contre toutes les lois de l'évolution»,

que la structure histologique de l'encéphale des ver-

tébrés inférieurs diffère de celle des vertébrés supé-

rieurs. Je laisse de côté les procédés techniques qui

permirent à Fusari de s'expliquer comment Bellonci

avait pu être induit en erreur. Mais les résultats par-

tiels auxquels il est arrivé lui ont permis d'affirmer

que « la structure du système nerveux central des

vertébrés inférieurs ne diffère point, en général, de

celle des vertébrés supérieurs ». Nous ne ferons

également que signaler les Mémoires de Livio Vin-

cenzi Sur la morphologie cellulaire de la moelle

allongée, Sur l'origine réelle du nerf hypoglosse, etc.

De l'Institut anatomique de Turin, dirigé par le

professeur Giacomini, sont sortis aussi de remarqua-

' Romeo Fusari. 11110l'no alla fina analolllia lieU' cucefido dei leleostei.

Roma, 1887.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 203

bles travaux. Je citerai celui d'Alfredo Conti Sur

l'épaisseur de l'écorce du cerceau humain '. L'épais-

seur de l'écorce cérébrale, qui oscille entre 2 et 3

millimètres, varie avec les régions d'un même hémis-

phère, avec l'âge et le sexe. Dans la région jJ7'él'olan-

dique, l'écorce croît en épaisseur de l'extrémité fron-

tale à la FA; le maximum d'épaisseur de la substance

grise est au sommet des circonvolutions, le minimum

au fond des scissures.. Dans la région olaitcli jue,

tandis que la face de la FA qui limite, en avant, la

scissure de Rolando, est plus épaisse que celle qui

limite la scissure prérolandique ou pr.écentrale, la

face de la PA qui limite, en arrière, la scissure de

Rolando, est bien moins épaisse que celle qui limite

la scissure postcentrale. Le maximum d'épaisseur de

l'écorce cérébrale se montre donc chez l'homme au

sommet et à la paroi postérieure de la FA. Les recher-

ches de Conti sur la région postrolandique ne sont pas

moins intéressantes. De la PA jusqu'à l'extrémité

occipitale, l'épaisseur de l'écorce diminue; elle est à

son minimum dans cette région où existe le type

à huit couches de Meynert. Cette diminution est si

rapide qu'entre deux sections faites à la distance d'en-

viron 1 centimètre, elle atteint, dans la région postro-

landique, , 0 , 6111111 alors que, dans la région préro-

landique, la différence n'est que [de 0,1 à 013111111.

Dans la région du ruban rayé de Vicq d'Azyr, qui

correspond aux quatrième, cinquième et sixième cou-

' Internationale Monatsschnft ruer Anatomiu und Histologie. Berlin,

I, IS84, 395. - Cf. Giacomini. Guida allo studio delle ciJ'convoluziuni

cerebrali dell' uonao. 2e édit., 1881, où ces résultats de Conti sont rap-

portés, p. 260 sq.

204 PHYSIOLOGIE.

ches de Meynert, Conti a noté une légère augmen-

tation d'épaisseur de 0,1 à 0 ? n. Quant à l'âge,

l'épaisseur de la substance grise du lobe pariétal

serait plus grande sur la face interne que sur la

convexité de ce lobe chez des individus jeunes que

chez des adultes et des vieillards. Pour le sexe,

l'épaisseur de l'écorce varierait bien moins chez la

femme que chez l'homme aux diverses périodes de

l'existence.

Une autre question qui, comme l'a écrit Giacomini,

a le plus grand intérêt, «non seulement pour l'anatomie,

mais plus encore pour la psychologie », est celle de.

la détermination quantitative de la substance blanche

et de la substance grise du cerveau humain. Conti a

institué de nouvelles recherches sur ce sujet. A cet

effet, il a divisé chaque hémisphère en trois sections

transversales. Ces trois régions, en rapports définis

avec les ganglions de la base, sont appelées par

Corti : 1° région jw< ? y< ? o6M ? 'e, en avant d'une

section passant par la branche antérieure de la scis-

sure de Sylvius; %°région postganglionnaire, en arrière

d'une coupe passant par l'extrémité interne de la PA;

3° région ganglionnaire, correspondant à la région

comprise entre les deux régions précédentes. Dans la

première de ces régions, les différences quantitatives

de volume de la substance blanche et de la substance

grise sont d'autant plus fortes que les individus sont

plus jeunes. Avec l'âge, la substance grise diminue

naturellement sur toute l'écorce. Mais dans la région

préganglionnaire, après avoir dépassé la valeur ab-

solue de la substance blanche chez les jeunes sujets,

la substance grise décroit d'une quantité absolument

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 205

inférieure à la substance blanche chez les adultes et

chez les vieillards. Dans la région postganglionnaire,

elle augmente, relativement à la substance blanche,

de la PA jusqu'à la scissure pariéto-occipitale, pour

diminuer progressivement, à partir de cette scissure,

jusqu'à l'extrémité du lobe occipital. Enfin, dans la

région intermédiaire, Conti a trouvé une sorte d'équi-

libre stable entre les deux substances grise et blanche.

L'année même où paraissait ce travail de Conti

(1884), Baistrocchi publiait ses recherches très appro-

fondies et fort bien conduites Sur le poids spécifique

de l'encéphale humain et sur la détermination quanti-

tative de la substance blanche et de la substance grisei.

Exécutées à l'Institut d'anatomie pathologique de

Parme, ces recherches ont porté sur 43 encéphales (21

d'hommes et 22 de femmes). La détermination du

poids spécifique de l'encéphale et de ses parties a été

faite à l'aide d'un très grand aréomètre de Nicholson

et de la balance hydrostatique. Quant aux rapports

quantitatifs des deux substances, le poids spécifique

de la substance blanche des hémisphères dépasse tou-

jours celui de la substance grise. La première repré-

sente environ 74 p. 100 de l'encéphale. Au début de

la seconde moitié de la vie intra-utérine, la substance

grise subit un accroissement considérable, puis cet

accroissement se ralentit, et le développement ulté-

rieur de l'organe a lieu au profit de la substance

blanche. Chez le foetus à terme, l'épaisseur de la

substance grise est peu inférieure à celle de l'adulte.

1 E. Baistrocchi. Sul peso specifico dell' encefalo iunano, sue parti e

del midollo spinale e sulla deternzinazione quantitaliua della sostacza

iianca e délia grigia. Riv. speriment. di fren., 1884, X, p. 193.

206 6 PHYSIOLOGIE.

Le poids de la substance blanche des hémisphères

atteint son maximum de cinquante-un à soixante ans,

celui de la substance grise de quarante à cinquante

ans. Quant au sexe, la substance grise est en plus

grande quantité chez l'homme, la substance blanche

chez la femme. La diminution, avec l'âge, de la quan-

tité de la substance grise, est manifeste. La quantité

notablement plus considérable de la substance blanche

en regard de la grise, le chiffre élevé de son poids

spécifique, ne doit point faire croire qu'elle est ré-

servée à de hautes fonctions psychiques* : « ces ca-

ractères de supériorité apparente dépendent peut-être

de l'abondance de la névroglie. »

Voici, selon Baistrocchi, le tableau du poids spéci-

fique moyen de l'encéphale et de ses parties, et de la

moelle épinière :

LES FONCTIONS DU CERVEAU, 207 i

d'être épuisées, ces recherches d'anatomie sur la

constitution intime du système nerveux central sont

à peine commencées. Ainsi, il ne suffit pas de con-

naître l'épaisseur relative des différentes régions de

l'écorce cérébrale : il faudrait déterminer quelle est

celle des couches de cellules nerveuses stratifiées, ou,

si l'on veut, quelle est l'espèce de cellules nerveuses,

pyramidales, globuleuses, fusiformes, qui concourt

surtout à produire cette augmentation du volume de

l'écorce, et dans quelle proportion. Il faudrait étudier

chacune de ces couches dans leurs éléments cons-

titutifs, en noter le nombre, le volume, les con-

nexions, la forme. Ou pourrait espérer d'arriver ainsi

à établir la correspondance que Giacomini croit devoir

exister entre la morphologie et la psychologie cellu-

laires. Il serait temps alors de faire l'application de

ces connaissances anatomiques à la physiologie nor-

male et pathologique et à l'anthropologie 1.

Deux récentes études d'anatomie normale et d'ana-

tomie pathologique, sorties du laboratoire d'histologie

de l'Institut psychiatrique de Reggio, répondent déjà

en partie aux desiderata que signale Giacomini.

Raffaele Roscioli a étudié, sous la direction de

V. Marchi, et avec la coloration noire de Golgi, la

constitution histologique de la Fi =. Des trois sortes de

cellules nerveuses morphologiquement distinctes que

Golgi, comme ses devanciers, a distingué dans l'écorce,

ce sont naturellement les cellules pyramidales (de

25 à 30 pi) qui dominent dans cette circonvolution,

1 Ibid., p. 278-9.

* Rail. Roscioli. Conloibulo alla morfologia cellulaire délie circonvo-

luzioni frontali. Riv. speriment. di fren., 1885, 177.

908 PHYSIOLOGIE.

chez l'homme comme chez le singe, le veau, etc. Les

plus grandes de ces cellules prédominent dans le tiers

moyen de l'écorce; mais quoique assez rares relati-

vement, les autres espèces de cellules nerveuses ne

laissent pas de se rencontrer en particulier dans les

régions inférieures de l'écorce qui confinent à la subs-

tance blanche. En somme, cette disposition dès-élé-

ments nerveux correspond toujours « en partie »,

Roscioli l'avoue, aux descriptions de Meynert et de

Betz. Qu'il n'existe point de stratifications de cellules

nerveuses au sens rigoureux du mot, à la bonne

heure; mais les auteurs italiens devraientse contenter

de constater ce fait, sans affecter de rejeter en bloc

toutes les observations antérieures. Les cellules pyra-

midales ne sont pas cantonnées dans une zone dis-

tincte de la Fi ; on les rencontre dans toute l'étendue

de cette circonvolution, confondues avec les deux

autres formes de cellules nerveuses. Soit; mais si

l'on constate que les premières prédominent dans les

deux tiers supérieurs de l'écorce, et surtout dans le

tiers moyen, où sont réunies les plus grandes cellules

pyramidales, et que les autres s'observent surtout

dans le tiers inférieur, n'obtient-on pas un schéma de

la structure de l'écorce de tous points comparable à

ceux qui existent déjà pour cette région du cerveau ? ' !

L'étude d'anatomie pathologique de Cionini est en

quelque sorte le pendant de l'étude d'anatomie nor-

male de Conti. Dans ce premier essai sur l'Epaisseur

de l'écorce cérébrale chez les aliénés*, l'auteur n'a.

A. Cionini. Sulla spessoi,e délia corlcccia cérébrale negli alienati.

1. Paralisi generaiep7,ogi-essiva. - Itiv. speriment. di fren., 18t;8, 36 sq.

Un travail de Franceschi, Sulla varia grossezza della sostana grigia

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 209 9

traité que de la paralysie générale progressive. Chez

les déments paralytiques, le maximum de diminution

de l'écorce s'observe, dit-il, sur la région rolandique,

et notamment sur la PA. La région prérolandique vient

en seconde ligne à cet égard, puis la région postro-

landique. On peut rapprocher de cet essai l'étude

magistrale de Tamburini et Riva sur l'Anatomie pa-

thologique de la paralysie progressive* , que nous avons

déjà signalée, et qui situe le siège principal de la pa-

ralysie générale dans la région fronto-pariétale. Les

troubles de la sensibilité générale et spéciale vont de

pair, dans cette affection essentiellement diffuse, avec

ceux de la motilité. C'est dans ce mémoire que Tam-

burini a vérifié, une fois de plus, que l'hypothèse de

la coexistence des éléments de l'innervation motrice et

de la sensibilité générale dans la zone dite motrice,

c'est-à-dire dans la région fronto-pariétale, - hypo-

thèse qui a reçu de Golgi une base anatomique, est

en accord avec les faits de l'observation anatomo-cli-

nique. Cionini a noté, à la fin de son travail, que l'épais-

seur de l'écorce était, chez ses paralytiques généraux,

plus forte sur l'hémisphère gauche que sur le droit, et

que le cerveau gauche l'emportait en poids sur le cer-

veau droit. Cette dernière observation est, on le voit, en

désaccord avec le résultat qui se dégage des mé-

moires célèbres d'anatomie pathologique de Morselli

sur le poids du cerveau chez les aliénés 2 : chez les

. ?

degli entisfe-i cerebrali e dei cenlri psicomolori dell' uonzo. Torino, 1887),

dirigé contre Conti, a suscité un nouvel examen de la question par

Conti lui-même (Dt : slribuione délia corteccia nel cervello umano.

Torino, 1887), où les objections de Franceschi se trouvent réfutées.

' Tamburini e Riva.- Ricerche sulla Anatomia patologica della paralisi

progressiva. A contributo delle loccalizzazioni cerebrali. Milano, 1884.

' Morselli ? <pMo. ! pM ? eo dell' encefalo negli alienati. Studio critico

Archives, t. XIX. 14

210 O PHYSIOLOGIE.

aliénés, comme chez les individus sains d'esprit,

l'hémisphère droit est d'ordinaire plus pesant que le

gauche. Ni le sexe ni l'âge n'apportent de différence à

cet égard. L'aliénation mentale augmente la différence

de poids desdeux hémisphères, mais en faveur du droit `.

Chez les individus sains d'esprit, morts de maladies

diverses, C. Galio et . di Matte ont, sur 55 cerveaux,

trouvé 39 fois l'hémisphère droit plus pesant que le

gauche, soit 70,90 °/05 et 16 fois seulement l'hémisphère

gauche plus pesant que le droit, soit 28,09u/o '. En

général, l'hémisphère droit serait plus pesant que le

gauche de 4 grammes environ. La prépondérance de

l'hémisphère droit serait relativement plus élevée chez

les vieillards. En tout cas, cette prépondérance, loin

d'être l'indice d'un état pathologique du cerveau

(Luys), serait chose normale. Il suit encore de ces

observations que la prédominance fonctionnelle attri-

buée à l'hémisphère gauche n'aurait point de base ana-

tomique. Giacomini aussi, sur 300 cerveaux, a trouvé

154 fois l'hémisphère droit plus lourd que le gauche.

Mais Seppilli, dont le travail Sur le poids des hénti-

sphères cérébraux chez les aliénés 2, a paru presque

en même temps que l'article de Morselli dans la

Paichialricc, ne saurait faire pencher la balance en

faveur d'aucun des deux hémisphères. Sur les 390 cer-

e sporimentale. Iliv. sperimeiit. di freniatria, 1882, p. 58, 206. - nul

peso dell' encefalo in rapporta con i caratleri crattaomelrici negli alie-

uali. Ibid., 188R, 365.- Studi di antropologia patologica sulla pa;,zia;

sut peso comparative dei due entis j'cri cerebrali negli alienati. - La Psi-

chiatria, 1886, IV, 279.

1 E. Gaglio e E. di mattes. Sulla iiiefiuagliaitza di soiluppo e di peso

degli emisjeri cerebrali. - Riv. speriment. di fren., 1882, 450.

' Seppilli. -Il peso degli emisferi cerebrali nei 1),iz.-i. -Archivio ital.

per le mal. nerv., 1886, 413.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. - ),[Il

veaux de l'asile d'Imola qui lui ont servi à étudiet

cette question de l'inégalité du poids des hémisphères

chez les aliénés, il en a trouvé 5G dont les hémisphères

étaient d'égal poids (1 1.,3 °/0). Des 334 cerveaux dont

les hémisphères étaient de poids inégal (8,6 °10),

l'hémisphère droit fut trouvé plus. pesant 178 fois

(45,6 0/,», l'hémisphère gauche, 156 fois (40 °/0). Les

recherches que Seppilli a faites chez les auteurs, rela-

tivement aux individus sains d'esprit, l'ont amené à

la même conclusion, qu'il formule ainsi : chez les

aliénés comme chez les individus sains d'esprit, la pré-

pondérance d'un hémisphère sur l'autre présente à

peu près la même fréquence 1.

Voici maintenant quelques-unes des principales

conclusions de Morselli sur le poids spécifique du cer-

veau chez les aliénés. Après Colombo et Pizza', le

savant médecin de Turin a publié sur ce sujet les

travaux les plus étendus et les plus solides. Les

observations dont elles résultent ont été commencées

au manicome de Macéra la, en 1880 :

« Le poids spécifique du cerveau des aliénés est, en moyenne,

supérieur à celui des individus sains d'esprit. Le cervelet et le

mésocéphalc des aliénés possèdent une densité spécifique pro-

purtionl1ellemelltsupérieure à celle des hémisphères cérébraux, par

rapport à ce qui s'observe chez les individus sains d'esprit. Le

poids spécifique de la substance cérébrale est généralement plus

élevé pour les cerveaux et pour les cervelets de petit volume et d'un

1 Cf. Tenchini. Sul peso dell' t;7tce/<t/o, degli emisferi cerebrali e dei

cervelletlo net Lombarde delta provincia 13resciana. Ricerche di anato-

mia normale (l'arma, 1881). Sur 61 cerveaux, Tenchini a trouvé que

l'hémisphère droit l'emportait en poids sur le gauche vingt fois, et que

l'hémisphère gauche l'emportait sur le droit vingt-cinq fois.

* Colombo e Pizzi. -Dati slatislici sul peso relativo e specifico dei cer-

eello e della volta dei cranio. Archivio ital. per le mal. nerv., 1877, i,

241 SI ! ,

5lt2 12 PHYSIOLOGIE.

poids absolu décidément inférieur. Les femmes aliénées présentent

un poids spécifique du cerveau et du subencéphale (c'est-à-dire

du cervelet, du pont de Varole et du bulbe rachidien) inférieur à

celui du cerveau des hommes aliénés, comme c'est le cas chez les

individus sains d'esprit. Le poids spécifique du cerveau atteint,

chez l'homme, son maximum entre trente et quarante ans; chez

la femme, entre vingt et trente ans. Il baisse pour les deux

sexes au commencement de la vieillesse, pour se relever ensuite

dans un âge avancé, au delà de soixante-dix ans (p. 246). Le poids

spécifique du cervelet atteint un chiffre élevé dans la période

juvénile, entre vingt et trente ans chez les deux sexes; ce chiffre

baisse aussi à l'âge adulte, pour se relever dans la vieillesse. La

folie tend en général à augmenter le poids spécifique du cerveau,

spécialement dans les périodes intermédiaires de la vie. Les plus

hautes densités spécifiques du cerveau ont été trouvées dans les

formes alcooliques et épileptiques de l'aliénation mentale; les

plus bases, dans les phrénasthésies et les démences paralytiques.

Les formes chroniques de démence consécutive et de délires

systématisés offrent en général un poids spécifique du cerveau

supérieur à celui des formes aiguës et typiques de manie et de

lypémanie. Le poids spécifique du cerveau est bas dans les aliéna-

tions accompagnées de processus atrophiques de la substance

cérébrale; médiocre dans les formes aiguës typiques de folie ;

élevé, dans les formes chroniques, secondaires et dégénératives;

très élevé, dans celles de l'alcoolisme et de l'épilepsie. Dans l'état

d'hypérhémie, le cerveau possède un poids spécifique élevé, très

bas au contraire dans l'anémie, ce qui démontre la part de la

distribution du sang dans les tissus pour en modifier la densité. »

On doit rapprocher de ces propositions deMorselli

les résultats des études de Peli' et de celles d'Amadei

sur la capacité du crâne des aliénés 2. Dans leur

ensemble, les crânes des aliénés ont une capacité

moyenne sensiblement supérieure à celle des individus

sains d'esprit. Meynert et Sommer étaient arrivés, on

' Peli.- halorno alla craniolo.'1ÏrI degli aliennli.1882. llem. délia Accad.

d. scienze dell' Istituto di (3o]olna. - Cefalonici ? ia i ? t (510 aliénât ! . Archiv.

ital. per le mal. nerv., 1881, XXI. 214. Cf. les travaux de Calori, de Lus-

sana, de : \lal1tegazzlI, de Tamassia sur la craniologie et la craniométrie

des aliénés. m

- G. Amadei. - La capacilà. dei craaio negli alienati. Riv. sperimuut. di

fren., 1882, 457; 1883, 43. Cf. A. Soveri. Capacité délie fosse temporo-

s/enoidali e della porzione cercbellare dei cranio nei sani, nei pazzi e in

alcuni epileltici e delinquenti. Archiv. di psichiatria, 1886, .VII, 429. f.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 213 'à

le sait, aux mêmes résultats. Le bas de l'échelle est

occupé par l'idiotie (microcéphalie), l'imbécillité,

l'épilepsie; le milieu, par la manie et la pellagre; le

sommet, par la mélancolie : là, surtout chez l'homme,

sont les plus grands crânes. Chez les paralytiques

généraux, la capacité crânienne serait aussi plus vaste,

pour les hommes, que dans lesautres formes demaladie

mentale, ce que Amadei attribuaitau degré de culture

des malades. Il a noté aussi la capacité considérable

du crâne dans la démence sénile. Ajoutons que, d'après

les recherches de Peli ', le poids de la calotte

crânienne est plus élevé chez les aliénés que chez les

individus normaux : ce sont les épileptiques et les

paralytiques généraux qui l'emportent à cet égard sur

les autres aliénés; les calottes crâniennes des femmes

pèsent plus que celles des hommes.

Il nous reste, avant de terminer ces considérations

d'anatomie normale et pathologique sur l'organe de

l'intelligence, à dire un mot de cette asymétrie des os

du crâne et de la face qui, sous le nom de plagiocé-

phalie, est considérée comme un des signes les plus

nets de dégénérescence par l'école italienne d'an-

thropologie criminelle. L'étude des doctrines de cette

école, auxquelles nous adhérons absolument, étant

aussi étrangère à notre sujet que celle des doctrines de

la psychiatrie en Italie, nous n'en parlerons pas, mais

la plagiocéphalie intéresse directement l'étude des

fonctions du cerveau.

' Peli. - Sul peso della calolla cnaniense rispelto alla sua capacilà in

40 sani e in 350 infermi di mente. Arch. ital. per le mal. nerv., 1887,

XXIV. 130.- Cf. M. 0. traeul : el. Sul peso delta calotta cranica nella

;iat'< ? ip)-o'eM«;a. Tram. dal dott. G. Amadei. Riv. speriment. di fren.,

1882. 109.

214 PHYSIOLOGIE.

Suivant Morselli, il n'existerait point de rapport

régulier entre l'asymétrie du crâne et la diffé-

rence de poids des hémisphères correspondants

chez les aliénés. R. Roscioli, dans un travail récent

sur les Asymétries fronto faciales chez les alié-

nés*, n'a trouvé, sur 388 aliénés, de crânes symé-

triques que chez 3 p. 100 environ, et, sur 100 sujets

sains, que dans la proportion de 1G p. 100. Fréquente

surtout chez les épileptiques, la plagiocéphalie est

considérée par Roscioli comme un signe manifeste de

dégénérescence. Sommer a proposé de rapporter cette'

malformation à un déplacement mécanique des os du

crâne et de la face dans l'accouchement; l'asymétrie

qui en résulterait serait d'autant plus prononcée qu'il

y avait moins de convenance entre la capacité du

bassin et le volume de la tête de l'enfant, volume sou-

vent considérable chez les enfants rachitiques ou pré-

sentant cette hypertrophie du cerveau et du crâne qui

caractérise en général les aliénés. Peut-être même, ce

qu'on appelle disposition héréditaire à la folie pour-

rait-il, suivant Sommer, dans beaucoup de cas,

s'expliquer par ce traumatisme du nouveau-né 2. Quoi

qu'il en soit, il ressort des chiffres mêmes donnés par

Roscioli que, loin d'être l'exception, l'asymétrie des

deux moitiés du crâne serait la règle, comme c'est le

cas pour les deux hémisphères cérébraux.

Il y a longtemps que la symétrie du cerveau et du

crâne ne passe plus pour la condition d'un bon fonc-

t Roscioli.- Le n.immel1'ie (,'onto-(aciali nei pazzi. Il Manie, 1889, V,27. à.

. Sur l'asymétrie du crâne et de la face de cause intra-ut6m]c, voir

G. Andriani et P. Sgrosso. Storia di un idiola con anomalie varie (il svi-

luppo cefalico e specialmente con microftalmo unilatérale congeuilo.

Studio antropologico e clinico. - La Psichiatria, 1888, VI, 1-5'E.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. IJ S

tionnement de l'intelligence. Tandis que, chez les

Pithéciens, les hémisphères sont toujours semblables,

« les cerveaux d'orang et de chimpanzé présentent

« une asymétrie qui le cède à peine à celle du cerveau

« humain » (Broca). L'asymétrie des blancs est plus

accusée que celle des nègres; en se simplifiant, le

cerveau des idiots microcéphales retourne à la symé-

trie. Le cerveau, et partant le crâne, des races

humaines supérieures, est donc de plus en plus

asymétrique : cette asymétrie est un caractère de

supériorité intellectuelle. Fraenkel, le traducteur alle-

mand du grand livre de Lombroso, 1 'Homme criminel,

ayant étudié des crânes d'animaux chez lesquels la

suture frontale persiste à l'état adulte, a toujours

constaté l'asymétrie des deux moitiés du crâne; il

signale même, chez les végétaux, comme une règle

générale, l'asymétrie des moitiés latérales des feuilles'.

Si l'asymétrie du cerveau et des os du crâne est la

"

règle, la plagiocéphalie ne serait que l'exagération

d'un lirocessus naturel. Mais, même après cette expli-

cation, la plagiocéphalie peut toujours, il nous semble,

être considérée comme l'effet d'une malformation

cérébrale héréditaire, d'un arrêt de développement du

cerveau, bref, comme un signe de dégénérescence de

cet organe et de ses fonctions.

Silvio Venturi, à propos de l'asymétrie du crâne

chez les épileptiques 2, a trouvé que, sur 40 hommes,

30 étaient plagiocéphales, et, sur 35 femmes, 26,

1 Fraenkel. Etwas iiber Schædel-As ! ll ? netl'Ïe und Sti1'llnf/ht. Npurol.

Centralhl. 18SS, 438.

1 S. Venturi. Suit' udi;o degli epiletlici, nota clinica. (Archivio di psi-

chiat/'w, 18XG, "*01.)

216 PHYSIOLOGIE. - LES FONCTIONS DU CERVEAU.

alors que, sur 40 personnes normales, il n'a constaté

que chez 3 quelques légers indices de cette malforma-

tion. Que la plagiocéphalie implique une malformation

du cerveau, cela résulte, pour Venturi, de ce que,

dans tous les cas sans exception, l'acuité de l'ouïe était

moindre du côté opposé à la plagiocéphalie. Le centre

cortical de l'audition, situé du côté de cette malforma-

tion, avait évidemment subi quelque arrêt de déve-

loppement. Chez tous les épileptiques, d'ailleurs,

l'acuité de l'ouïe serait notablement abaissée. La

différence qu'ils présentent, à cet égard, avec les gens

normaux, serait assez accusée pour servir, dans les

cas douteux, à confirmer un diagnostic. Tanzi, enfin,

a également constaté, dans des recherches qui ont

porté sur 13 épileptiques non déments \ que, chez

ces malades, les impressions de l'ouïe sont perçues

avec un retard considérable (ce qui peut tenir aussi à

une lésion de l'attention).

Tous ces travaux d'anatomie normale et patholo-

gique, chaque jour plus nombreux en Italie, forment

la meilleure introduction à l'étude scientifique des

fonctions de l'intelligence.

' Cf. Bourneville et Sollier.- Epilepsie et asymétrie fronto- faciale. (Pro-

grès médical, 8 sept. 1888). Le fait primitif est, en effet, un arrêt de déve-

loppement du cerveau, sur lequel se modèle le crâne avant la consoli-

dation des os. L'asymétrie du crâne n'est donc pas la cause, mais l'effet

des malformations du cerveau chez les épileptiques. En tout cas, elle

évolue parallèlement aux phénomènes d'arièt de développement céré-

bral.

' Tanzi. -L'equazione personale degli epilellici. Archiv. di psicliiatria,

1886, VII, 168.

(A suivre.)

RECUEIL DE FAITS

NOUVELLE OBSERVATION D'IDIOTIE MYXOEDÉMATEUSE

(CACHEXIE P.\CIIYDERMIQUE);

Par BOURNEVILLE.

Depuis les dernières observations que nous avons insérées,

dans les Archives de Neurologie (1888, t. XVI, p. 431 ; 1889,

t. XVII, p. su'), nous avons communiqué à la section de

médecine de l'Association française pour l'avancement des

sciences (séance du 14 août 1889), un mémoire relatif à

trois cas empruntés à nl. Gimeno, Ernest Holt et Suckling et,

à cinq autres cas recueillis par nous 2. Ces huit cas, additionnés

avec les dix-sept que nous avions rassemblés précédemment,

forment un total de vingt-cinq cas auxquels nous allons ajouter

le suivant qui, par ses caractères tout à fait typiques, mérite

d'attirer sérieusement l'attention de nos lecteurs.

OBSERVATION. - Père tuberculeux ( ? ). Oncle maternel paralysé,

aliéné et sujet probablement à des accès d'épilepsie. - Frère et

soeur morts tuberculeux. - Sceur strabique à la suite de convul-

sions de l'enfance; morte tuberculeuse-

Renseignements incomplets sur les antécédents du malade. - Marche

à dix-huit mois. - Propre de bonne heure. - Arrêt de dévelop-

pement, bouffissure et épaississement à partir de trois ans. - État

du malade au 1e'' février 1890. - Lésions scrofuleuses et rachi-

tiques. Absence de la glande thyroïde, symptôme classiques de

l'idiotie myxoedémateuse : pseudo-l : pomes; persistance de la fontu-

nelle antéricure; hernie ombilicale; eczéma; arrêt de développement

physique et intellectuel ; parole, voix, etc.

Debar... (Jules), né à la Ventie (Pas-de-Calais), le (i octobre

1865, est entré le 23 février dans mon service, à Bicêtre. Ce malade

nous a été envoyé par M. le D'' \Ioizard, médecin de l'hôpital Tenon,

qui l'avait reçu dans ses salles en même temps que sa soeur,

1 Voir aussi le Compte rendu du service de la section des enfants de

Bicètre, pour 1888, p. 1 à 1G.

* Compte rendu de la 18° Session, le partie, p. 366, et Progrès Jlédi-

cal, 188'J, 17 août, p. 149.

2'J8 RECUEIL DE FAITS.

atteinte d'une pleurésie. C'est elle qui a fourni à notre ancien

interne, M. Camescasse, les renseignements suivants sur sa

famille.

Antécédents. - Père, ouvrier dans une fabrique de toile, sujet à

des hémoptysies; grand, fort, brun, sobre, d'un caractère doux,

n'ayant pas d'accidents nerveux. Il est mort en 1873, à de

quarante-cinq ans, d'une hémorrhagie (probablement une hémop-

tysie), en deux heures. [Père mort vers quatre-vingts ans. -

Mère, pas de renseignements. Deux soeurs seulement, bien

portantes ainsi que leurs enfants (un garçon et trois filles).]

Mire, morte en 1877, à quarante-quatre ans, d'une maladie d'in-

testins, journalière à la campagne, sobre, sujette à des maux de

tête. Elle était d'une taille moyenne, forte, brune et d'un carac-

tère très doux. [Père et mûre, aucun renseignement. Un frère,

mort à soixante-six ans, était paralysé. Il avait une bosse dans le

dos, consécutive à un effort et serait resté alité pendant douze ans,

de quaiante-six à cinquante-huit; puis il a pu marcher jusqu'à sa

mort. Il avait des idées tristes, croyait toujours qu'il allait mourir, il

était sujet à des attaques de nerfs avec chute, danslesquelles il se rai-

dissait, se débattait, et suivies d'un moment d'hébétude. Parfois,

il avait une mousse blanche à la bouche. Il s'était marié avec une

femme plus âgée que lui de vingt-neuf ans, dont il n'a pas eu

d'enfants. - Pas de soeur. - Aucun autre détail].

Pas de consanguinité (père du Pas-de-Calais, mère de la

Manche). Inégalité d'âge d'environ deux ans.

Cinq enfants : 1° Garçon, grand, fort, intelligent, mort à vingt-

sept ans d'une affection pulmonaire aiguë, probablement de nature

tuberculeuse. Il s'était marié et avait eu un enfant mort à deux

ou trois mois ;

2° Fille morte à dix ans, aptes quinze jours de maladie consé-

cutive à une peur occasionnée par la vue de la chute de sa soeur

dans l'eau. Elle était grande et bien constituée pour son âge;

3° Fille, - celle qui nous renseigne - âgée de trente-sept ans,

d'une taille au-dessus de la moyenne (1 m. 70), paraissant assez

forte, d'une physionomie régulière, plutôt agréable. Elle a eu dans

son enfance des convulsions qui ont laissé un léger strabisme. Elle

a eu une fièvre typhoïde à deux ans, ou même temps que son père

et trois de ses frères ou soeurs. Jusqu'à vingt-huit ans, elle a tra-

vaillé dans les champs, puis, pendant trois ou quatre mois, elle a

promené son frère dans les foires avec des saltimbanques. Durant

ces pérégrinations, elle a contracté un rhumatisme articulaire pour

lequel elle a été soignée à l'hôpital de Lille. Ensuite, elle s'est

placée comme servante dans la même ville jusqu'en 1888, époque

où elle a recommencé à exhiber son frère dans les marchés et les

fuires, sous le titre de Roi des Esquimaux. Vers le milieu de janvier

IDIOTIE MYXOEDÉMATEUSE. 219

1890, elle est tombée malade, est entrée à Tenon à la fin de ce

mois pour une pleurésie avec tuberculose du poumon gauche. Elle

a succombé le 13 février';

4° Fille morte à cinq ans, au bout de quinze jours, d'un refroi-

dissement. Elle était grande, forte et intelligente.

5° Notre malade. Les renseignements que nous possédons s'ont

très vagues. Il a élé élevé par sa mère, a marché à dix-huit mois,

a été propre de bonne heure et n'aurait rien présenté de particu-

lier jusqu'à l'âge de trois ans. Il causaitet jouait comme les autres

enfants, dit-on. C'est à partir de trois ans qu'il s'est arrêté dans

son développement et qu'il est devenu gros et bouffi. Il mange

' Nous aurions voulu avoir des renseignements plus détaillés, mais elle

ne parait pas avoir de parents à Paris, car son corps n'a pas été réclamé.

Pig. 22. - De])... avec sa pipe et sa canne.

220 RECUEIL DE FAITS.

presque seul, à condition qu'on lui coupe sa viande. 11 a toujours été

sujet à la constipation et reste quelquefois six semaines sans aller

à la selle. On n'a jamais essayé de lui apprendre à lire. La parole

est assez limitée comme nous le verrons tout à l'heure, ce que sa

soeur attribuait à ce qu'il sait qu'il prononce mal les mots. Il

coud avec une certaine habileté. 11 fume la pipe et la cigarette.

État actuel (février 1890). L'aspect général et la physionomie de

ce malade rappellent de la façon la plus complète ceux de tous les

autres malades dont nous avons publié l'histoire (Fig.22, 23, ` ? r, 25).

Taille, 0, 915 ; poids, 24 kil. 800.

Tête. Elle est ovoïde avec prédominance très accusée de la

région occipitale, saillie prononcée des bosses pariétales et rétré-

cissement du front. La fontanelle antérieure n'est pas entièrement

ossifiée; on sent très bien à son niveau une dépression de deux à

trois centimètres de longueur et d'environ un centimètre de lar-

geur. - Les cheveux sont d'un brun tirant sur le roux, longs,

gros, rudes, semblables à une crinière. Ils sont abondants en

arrière et au niveau des pariétaux, au contraire rares au-dessus

des bosses frontales. Entre les places presque dénudées, il y a un

toupet assez fourni. Un peu à droite du vertex, les cheveux sont

plus clairsemés. Le cuir chevelu est le siège d'une éruption eczé-

mateuse (petites croûtes jaunâtres, squames, etc.).

IDIOTIE l\IYXOED1'I¡\ TEUSE. 22't

Les régions malairessont saillantes. Lus, joues sont volumineuses,

gonflées, lipomateuses, ballottantes.

La bouche est assez large (ï cent.). Les lcures smt très sail-

Jante" ce qui tient it un prognathisme très accusé. Elles sont bleuâ-

tres, très épaisses, l'inférieure plus que l'autre (15 millim.); celle-

ci est en outre un peu renversée. Le menton n'existe pour ainsi

dire pas; il est tout à fait déprimé, comme s'il avait été aplati

horizontalement au niveau du bord cutané de la lèvre inférieure.

Dans son ensemble, la face est carrée ; la moitié droite semble

un peu plus développée que la gauche; mais l'asymétrie, en tous

cas, est peu prononcée.

Les oreilles sont pâles, assez bien ourlées et le lobule est dis-

linct ; hauteur, 55 millimètres; largeur, 35 millimètres. Elles sont

fiq. - 2 : t,

222 2 RECUEIL DE FAITS.

en outre épaisses, translucides, comme si elles étaient infiltrées. Il

s'agit là, comme toujours, d'un faux oedème.

Système dentaire. Mâchoires normalement développées ! i

denture irrégulière, offrant la réunion de presque toutes les ano-

malies.

Mâchoire supérieure. - Côté gauche. Incisive centrale perma-

nente, large et complètement évoluée. - Incisive latérale, de vo-

lume ordinaire, déviée par une rotation sur l'axe, de dedans en

dehors et d'arrière en avant, d'environ 45 degrés. Canine de lait.

Prémolaire permanente normale, à pointes très aiguës. Pre-

mière grosse molaire en cours d'évolution. Un tiers environ de la

hauteur normale de la couronne apparaît hors de la gencive.

Côté gauche. L'incisive centrale est placée sur un plan légère-

ment antérieur par rapport à la dent correspondante du côté

gauche, elle est large et a atteint à peu près sa longueur normale :

malgré cela, elle est entièrement recouverte par la muqueuse dis-

tendue et laisse voir la dent par transparence, comme à travers

une membrane mince de caoutchouc fortement étirée et près de

se rompre. Cette disposition ne parait s'accompagner d'aucune

douleur (spontanée ou provoquée). L'incisive latérale a subi une

déviation égale et symétrique par rapport à la dent correspon-

dante du côté gauche (Rotation sur l'axe de 45 'degrés de dedans

en dehors et d'arrière en avant). - Canine de lait. Deux pré-

molaires comme du côté gauche. Pas de grosse molaire.

Mâchoire inférieure. Dents antérieures très écartées, projetées

en avant et divergeant en éventail. Les quatre incisives appartien-

nent à la deuxième dentition; leur volume est normal. Canines

de lait. - A droite et à gauche, après la canine, est un espace

vide. Après cet espace vide, se trouve un tubercule à sommet

mousse, d'un jaune sale, fortement et profondément érodé, haut

d'un demi centimètre environ, d'une largeur à peu près égale au

collet et affectant très grossièrement la forme conique. Après cet

organe un nouvel espace libre qui correspond à l'emplacement de

la première grosse molaire permanente. La seule grosse molaire

que l'on trouve à la mâchoire inférieure est située très en arrière

et occupe la place de la grosse molaire de 13 ans '.

Articulation. - Prognathisme inférieur.

Le cou est extrêmement court et gros (O,565mm). Eu avant, sous

le doigt, on sent très nettement les cartilages du larynx et de la

trachée : il ne parait pas y avoir de glande thyroïde. Des deux côtés

Il a été impossible, par smte de la résistance du malade, d'exa-

miner la disposition des tubercules de la face triturante de cette grosse

molaire. Cet examen/en admettant que la conformation de la dent fût nor-

male, aurait indiqué si on avait affaire à la première ou à la deuxième

grosse molaire permanente.

IDIOTIE MYXOEDEMATEUSE. ? 0

du cou existent deux masses lipomateuses, tremblotantes, qui ne

laisse pas d'empreinte, de la dimension d'un oeuf de poule,s'apla-

tissant par la pression et contribuant encore à faire paraître le cou

plus court. On dirait que la tête s'enfonce dans le thorax.

Thorax. La partie antérieure est proéminente, le sternum

faisant un angle aigu de 25 degrés environ avec la verticale. Les

côtes sont saillantes, la base de la poitrine est élargie au niveau

des fausses côtes qui sont rejetées assez fortement en dehors. En

arrière, la partie supérieure du thorax forme une convexité très

accusée, surtout au voisinage de la colonne dorsale. La colonne

vertébrale est sinueuse, la portion dorsale forme une convexité

heaucoup plus prononcée qne d'habitude, principalement au niveau

des deux tiers supérieurs du thorax. Au-dessous de cette convexité

Fi ! J. 'S. 1.

Fi ? 1.

224 RECUEIL DE FAITS.

on note une ensellure très marquée. De plis ? la colonne dorsale

décrit une légère convexité à gauche.

Il existe des masses lipomateuses sur les parties latérales et

inférieures du tronc, ainsi que dans le creux axillaire.

Circonférence du thorax au niveau des mamelons 0'"665 '

de l'abdomen en passant par les plis des

flancs et l'ombilic Om74 cent.

Le ventre est très volumineux et le parait encore davantage

quand on regarde le malade de profil. L'ombilic présente une

pointe de hernie, grosse .comme la moitié d'une noisette 1. Le

bassin est très étroit par rapport à la partie supérieure du tronc ;

les fesses sont régulières, assez fermes et n'offrent pas de masses

lipomateuses analogues à celles qu'on remarque au cou et aux ais-

selles.

Membres. Les membres supérieurs et inférieurs sont 1'J'0<,

courts, égaux, empâtés. Les mains bouffies, épaisses, ont un aspect

oedémateux; les ongles n'ont rien de particulier; les jambes pré-

sentent une légère concavité en dedans, des deux côtés, mais plus

accentuée à gauche. Les pieds ont une apparence pachydermique

plus prononcée que celle des mains; ils sont par conséquent très

épais : les orteils sont proportionnellement moins courts que les

doigts; leurs ongles sont réguliers. La voûte plantaire est tout à

fait aplatie.

IDIOTIE MYXOEDEI.\ TEl'SE. 225

Organes génitaux. - Le pénil est glabre, ainsi d'ailleurs que le

visage et les aisselles, mais il y a quelques petits poils très courts

de chaque côté de la racine de la verge, les bourses sont petites,

molles et vides, sur leur moitié inférieure, la peau est d'une blan-

cheur cireuse et présente quelques dilatations veineuses pronon-

cées ; les testicules, de la dimension d'une olive, sont égaux et

remontent très facilement dans le canal inguinal. La verge a

49 millim. de longueur et 63 de circonférence. Le prépuce est long;

son orifice est très étroit, de telle sorte qu'il est impossible de

découvrir le gland, aussi la miction se fait-elle lentement et par

intermittences; le malade ne se livre pas à l'onanisme.

D'une façon générale, la peau est d'une blancheur cireuse,

comme translucide en certaines régions, notamment aux oreilles

et aux paupières, au pourtour des levres, à la partie inférieure des

bourses. Elle est assez fine et douce au toucher sur la partie posté-

rieure des joues, sur le cou et sur le ventre. Sur d'autres régions,

elle est rugueuse et donne au toucher la sensation de l'ichthyose;

elle offre de fines squames blanchâtres notamment au niveau de

l'ensellure du dos, du tiers inférieur des jambes, des pieds. Au niveau

de ceux-ci, les plis sont très accusés, comme si la peau avait été

macérée par l'application prolul1gée de cataplasmes. Les mains

sont légèrement rouges, mais les pieds sont violacés. 11 existe un

érythème assez prononcé du pli de l'aine gauche et des noevi, de

deux à cinq millimètres sur les joues, le dos, l'avant-bras droit, etc.,

une cicatrice de vaccin sur le bras gauche, des dilatations vei-

neuses sur la convexité du dos. - On trouve de petites adénites

nombreuses de chaque côté du cou et sous les masses lipomateuses

des aisselles ; il n'y en a pas dans les aines.

Deba... mange seul, mais avec une grande lenteur; la mastica-

tion s'effectue assez péniblement. Le foie et la rate sont normaux.

Les selles sont rares et le plus souvent il faut le purger. Sous l'in-

fluence de la constipation, il s'est produit des hémorrhoïdes de la

dimension d'une petite noisette. D... n'est pas vorace; il est très

difficile pour la nourriture. Il est friand de poulet, de pruneaux et

d'oeufs durs.

La respiration, à 80°, est un peu gênée et accompagnée d'un

petit ronflement nasal. Les battements du coeur, sont réguliers,

un peu lents et sourds; le pouls radial est petit, très difficile à

sentir.

Les urines ont été examinées à plusieurs reprises; leur densité

est de 1018, leur réaction faiblement acide; elles ne renferment

ni sucre, ni albumine.

La sensibilité générale est normale. Deb... est très sensible au

froid. - Sa température rectale a été prise du 12 au 21. Voici les

chiffres :

Archives, t. XIX. 15

226 RECUEIL DE FAITS.

IDIOTIE 1111YQ;DÉnfATEUSE. 227 7

se fait autour de lui, mais le plus souvent ne s'en préoccupe pas.

Son attention est facile à fixer; il parait assez affectueux. Il s'est

choisi un autre enfant comme camarade et n'aime pas que les

autresenfants viennent autour de lui. Dès qu'il est habillé, il prend

sa chaise et la glisse près du feu; il en prend une seconde qu'il

place devant lui et sur laquelle il pose son ardoise et ses pipes.

Réflexions. I. Les renseignements très incomplets que

nous possédons sur la famille et sur les antécédents person-

nels du malade, ne nous éclairent nullement sur l'étiôlogie,

Rappelons seulement l'existence de la tuberculose chez le père

de Deb., un frère et une soeur.

II. Dans ce cas, de même que dans quelques autres, les pre-

miers symptômes, de la cachexie pachy dermique, due à l'ab-

sence congénitale de la glande thyroïde, auraient été constatés

vers trois ans; auparavant l'enfantparaissait avoir un dévelop-

pement normal. Peut-être serait-il possible d'en induire que

l'apparition de la cachexie pachydermique est retardée par

l'alimentation lactée et qu'elle se manifeste au sur et à mesure

que l'enfant est soumis à l'alimentation ordinaire.

Une connaissance précise de l'action physiologique de la

glande thyroïde est seule capable de trancher la question.

III. Nous croyons superflu de relever chacun des symptômes

du myxoedème. Ils se rencontrent tous ici : aspect général,

conformation de la tète, état du cuir chevelu (cheveux-crins,

brun-roux, eczéma, persistance de la fontanelle, etc.; bouf-

fissure et faux oedème des paupières, des joues, des mains, des

pieds, etc. ; présence des pseudo-lipomes, absence de la glande

thyroïde; volume exagéré du ventre, hernie ombilicale; ab-

sence des appétits sexuels, démarche lourde, pesante, physio-

nomie spéciale, voix rauque, aigre, désagréable, constipation

opiniàtre, arrêt de développement des organes génitaux, etc.

IV. Relevons cependant d'une façon particulière, l'existence

chez B..., comme chez la plupart de nos autres malades,

de lésions scrofuleuses et de déformations rachitiques, inté-

ressant surtout la colonne vertébrale, et les membres,

complications qui montrent combien est profonde l'atteinte

portée à la nutrition par l'absence de la glande thyroïde.

V. Tous les idiots nzyxccdénaateux que nous avons observés

présentent la même physionomie hébétée, lourde, sans expres-

sion. Ce ne sont pas des idiots complets. La parole, toujours

328 RECUEIL DE FAITS.

plus ou moins imparfaite, existe à des degrés divers. Il en est

de même de la mémoire. L'attention, elle aussi, peut-être fixée.

La compréhension est lente mais non absente. Aussi ces ma-

lades sont-ils susceptibles d'une certaine éducation : tous de-

viennent propres, parviennent à manger seuls, quelques-uns

même à se laver, s'habiller, coudre (exemples Graf.. etDeb..),

à aider aux soins du ménage. Aucun d'eux n'offre les lies si

fréquents et si multiples chez les idiots par méningite, sclé-

rose, arrêt de développement des circonvolutions, etc.

VI. Le traitement que nous avons institué dans les cas de ce

genre consiste, au point de vue pédagogique, en l'application

des méthodes spéciales d'éducation pour les enfants arriérés

et au point de vue médical en toniques, antiscrofuleux, bains

salés, douches et gymnastique.

A la suite de notre communication à l'Association française

pour l'avancement des sciences, nous avons reçu le 18 août, de

M. le D'' Arnaud (de Saint-Gilles), qui avait assisté à la séance,

une lettre dans laquelle il soumet à notre appréciation un

mode particulier de traitement qu'il est bon de signaler :

C[ M. Brown-Sequard, dit-il, pense, non sans raison peut-être, que

les glandes ou du moins quelques-unes d'entre elles, ont une ac-

tion encore inconnue sur la nutrition, par suite de certains prin-

cipes qu'elles verseraient incessamment daus la circulation. N'en

serait-il pas de même du corps thyroïde ? Dès lors on s'explique-

rait facilement la cachexie consécutive à l'absence de cette

glande.

« En outre, cette théorie pourrait conduire à un traitement ra-

tionnel de la cachexie pachydermique, le traitement par les injec-

tions sous-cutanées (ou même peut-être par l'absorption intesti-

nale) de certains principes empruntés il la glande thyroïde. »

Nous n'avons pu essayer ce mode de traitement, n'ayant

plus dans notre service, avant l'admission de Deb..., qu'un

imbécile myxoedémateux, Gra..., âgé de 33 ans. C'est peut-

être à tenter. Nous rappellerons à ce propos que, d'après

Schiff, la greffe péritonéale de la thyroïde procurerait aux

chiens une immunité presque complète contre les suites de la

thyroïdectomie totale'. Ses expériences ont été répétées tout ré-

1 Schiff (1L). - Résumé d'une série d'expériences sur les elleis de

l'ablation des corps thyroïdes (Rev. méd, de la Suisse romande, lév. et

août 1884).

DE LA VALÉRIANE. 229

cemment par MM. Anton von Eiselsberg et Horsley. Il en

résulte encore un nouveau mode de traitement àexpérimenter,

mais de préférence, suivant nous, chez des malades encore

jeunes. (Voir page 235.)

REVUE PHARMACOLOGIQUE

DE LA VALERIANE ET DE SES PRÉPARATIONS;

Par \I. YVON.

La valériane, Valeriana offlcinalis (syn. petite valériane,

herbe aux chats) est une plante indigène, bisannuelle, herbacée,

à tiges dressées, velues et fistuleuses. Les feuilles sont opposées,

les inférieures pétiolées, les supérieures sessiles ; l'inflores-

cence est en corymbes, les fleurs petites, d'un blanc rosé. On

emploie la racine qui est petite, droite, garnie de radicules

cylindriques, blanchàtres, mais devenant brunes par dessicca-

tion. Cette racine est peu odorante lorsqu'elle est fraîche;

mais sèche elle possède une odeur caractéristique tenace et

désagréable. L'odeur est beaucoup plus accentuée, lorsque la

plante pousse dans un endroit sec. On récolte la racine en

automne ; lorsque la plante est âgée de deux à trois ans, elle

renferme une huile volatile (essence de valériane), une résine

et de l'acide valérianique.

La valériane fait depuis longtemps partie de la matière

médicale européenne ; on la considère comme un antispasmo-

dique puissant que l'on a préconisé contre l'épilepsie, l'hystérie,

etc... Si l'on en croit tous les auteurs, depuis Dioscoride jusqu'à

nos jours, à l'exception de M. Barbier d'Amiens, disent Trous-

seau et Pidoux dans leur Traité de Thérapeutique, la valériane

accélère la circulation, détermine de la chaleur à la peau, avec

trouble fébrile passager, à la manière des substances excitantes

telles que la cannelle et le poivre. Ces phénomènes sont très

manifestement exagérés ; d'après les auteurs que nous citons,

230 REVUE PHARMACOLCGIQUE.

elle produirait seulement un peu de céphalalgie, d'incertitude

dans la vue et l'ouïe, et par suite, quelques vertiges très fugaces.

Elle exciterait donc quelques phénomènes nerveux artificiels,

analogues aux spasmes morbides ; c'est donc, en agissant sur

le système cérébro-spinal, que la valériane produit ses effets.

Après avoir été, à plusieurs reprises, vantée dans le traite-

ment de l'épilepsie, elle est aujourd'hui abandonnée, du moins

comme médicament spécifique; son action n'est qu'adju-

vante. Mais elle possède une efficacité réelle dans cet ensemble

de maladies des femmes qu'on désigne, faute de mieux, sous

les noms d'état nerveux, état spasmodique, etc. Elle possède une

action thérapeutique incontestable contre certains phénomènes

hystériques (spasmes, vapeurs., maux de nerfs, crispations, agace-

ments). Elle agit bien dans les cas de vertiges, étourdissements,

analogues à ceux qui annoncent l'imminence del'hémorrhagie

cérébrale, et qui pourtant ne sont point liés à ce grave accident.

On la préconise également dans la chorëe, l'anémie.- elle

exerce une action marquée sur l'excrétion urinaire, et diminue

la production de l'urée. Elle est employée avec succès dans

certains cas de polyurie, accompagnés ou non d'azoturie.

Ses propriétés vermifuges et fébrifuges sont loin d'être éta-

blies d'une manière très certaine et elle n'est pas employée à

ce titre.

Les préparations pharmaceutiques delà valériane sont assez

nombreuses; on emploie surtout la poudre et l'extrait alcooli-

que. La poudre est administrée en nature, sous forme de

pilules ou de cachets ou bien encore en opiat, agglutinée avec

du miel, à la dose de 2 à 10 grammes, et même jusqu'à 30 et

60 grammes dans les vingt-quatre heures. L'infusion est prépa-

rée avec la poudre ou la racine concassée à la dose de 10 à 20

grammes par litre d'eau.

L'extrait se donne à la dose moyenne de 2 à 5 grammes par

vingt-quatre heures, comme antispasmodique : on peut porter

cette dose à 20 et même 30 grammes dans les cas de polydipsie.

Le Codex mentionne encore les préparations suivantes :

Eau distillée, dose 100 à 150 gr. en potion...

Sirop renfermant 0 gr. 25 centigr. d'extrait par cuillerée à bouche, dose

20 à 60 gr.

Teinture alcoolique à 1/5, dose 5 à 30 gr.

éthérée à 1/5°, dose 1 à 5 gr.

On emploie aussi, mais rarement, l'essence de valériane à la dose de

I à II gouttes.

DE LA VALÉRIANE. 231

FORMULES RELATIVES A L'ADMINISTRATION DE LA VALÉRIANE

ET DE SES PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES

232 '12 REVUE PHARMACOLOGIQUE.

Essence de valériane ? Cette essence qu'on retire par dis-

tillation de la racine sèche est un mélange d'acide valérianique,

de valerène et de composés oxygénés parmi lesquels se trouvent

le valérol et un camphre identique avec le bornéol. On admi-

nistre parfois l'essence de valériane à la dose de quelques

gouttes sur un morceau de sucre.

Acide valérianique ou valérique : C'° H9 0\ HO. Cet

acide ou plutôt ses sels sont très employés en thérapeutique,

et réputés posséder les propriétés de la plante. Le Codex fait

préparer l'acide valérianique par distillation de la racine de

valériane en présence de l'acide sulfurique et du bi-chromate

de potasse. Après rectification, l'acide valérianique se présente

sous forme d'un liquide incolore, oléagineux, à odeur tenace

et désagréable rappelant celle de la valériane. Il est soluble

dans 30 fois son poids d'eau et en toutes proportions dans

l'alcool et dans l'éther. On obtient également l'acide valéria-

nique par synthèse et, la plupart du temps, celui du com-

merce est préparé par oxydation de l'alcool amylique, au

moyen de l'acide sulfurique et du bi-chromate de potasse.

L'acide valérianique n'est pas employé en nature; on utilise

ses sels désignés sous le nom de valérianates ou valérates.

Cet acide est monobasique et forme des sels neutres ; il existe

cependant des sels acides et des sels basiques. Nous allons

passer en revue ceux qui sont utilisés en thérapeutique.

Valérianale d'ammoniaque : C°II'0',AzITO. - Ce sel se

présente sous forme de petits cristaux blancs très hygrosco-

piques que l'on obtient en saturant directement l'acide par du

gaz ammoniac sec. On l'emploie comme antispasmodique et

antinévralgique à la dose de 0 gr. OS à 0 gr. 50 centigrammes

en pilules, lavement. Souvent aussi on l'emploie en solution,

associé à l'extrait de valériane.

DE LA VALÉRIANE. 233

234 REVUE PHARMACOLOGIQUE.

mineux cristaux prismatiques, solubles dans 110 fois leur poids

d'eau (39 d'après MM. Regnauld et Villejean) et 6 parties

d'alcool. Un gramme de ce sel renferme 0 gr. 76 de quinine

(Codex). C'est un sel très employé comme antinévralgique,

fébrifuge et antispasmodique. Dose de 0 gr. 30 à 1 gramme

. 0 1 tD

par jour.

.. REVUE DE THÉRAPEUTyu

I. NOTIONS SUR LES moyens, POSSIBLES d'arrêter LES PROGRÈS

DU MYXOEDÈ1E DE LA CACHEXIE STRUM1PRIVE ET DES MALADIES

qui S'Y attachent ; par ylCtor HORSLEY. (The Brittsh med.

Journ. 1890, 1, p. 287.)

La plupart des pathologistes de nos jours croient proba-

blement que les maladies connues sous le nom de myxoedème,

crélinisme, cachexie strumiprive, sont les résultats du manque

de fonction de la glande thyroïde. Dans tous les cas, cette

opinion est celle qui fut la plus soutenue par le comité désigné

par la société clinique' sous la présidence du Dr Ord, dans le

but de faire des recherches sur ce sujet, et il a été admis par

tous ceux qui y ont prêté attention à l'exception du professeur

H. Munck et du D'' Drobnik. Je partage l'avis de la majorité.

Tout récemment un mémoire remarquable a été écrit sur les

premiers symptômes accentués qui suivent l'ablation totale de

la glande thyroïde, surtout la tétanie, par le D'' Anton von

Eiselsberg, assistant de la clinique du professeur Billroth.

Dans son travail M. Eiselsberg, après un examen magistral

de ce dangereux phénomène, fait le récit d'une série d'expé-

riences faites sur des chats et qui confirme l'opinion expri-

mée plus haut. Je désire particulièrement attirer l'attention

sur les cas dans lesquels il a répété et étendu l'observation

fondamentalement importante du professeur Schiff sur les

effets de la transplantation de la glande dans la cavité du péri-

toine.

En z1886, j'ai rapporté dans ce journal les recherches du

professeur Schiff, qui, le premier a montré que chez les chiens

« la section de la thyroïde perd son danger, si on introduit

préalablement et si on fixe dans la cavité abdominale d'autres

glandes thyroïdes tirées d'un animal de la même espèce. »

Le Dr Eiselsberg décrit un certain nombre d'expériences

semblables. Chez neuf animaux, l'extirpation d'une glande

236 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

thyroïde (la gauche) fut faite ; le lobe fut enfermé chaud

dans une solution saline normale, et vivement transplanté

soit dans un repli du mésentère, soit dans le tissu sous-péri-

tonéal. Environ trois semaines après l'autre moitié fut extraite

du cou. Sur les neuf animaux, huit moururent des symptômes

typiques de la perte de-la thyroïde. L'examen post-mortem

montra dans ces huit cas mortels que la glande déplacée ne

s'était pas greffée in situ ou avait dégénéré; le neuvième animal,

cependant, survécut, et son poids augmenta. On le fua et l'exa-

men posthume révéla ce fait que la glande transplantée dans

la cavité péritonéale s'était organisée, vascularisée et n'avait

pas le moins du monde dégénéré.

Dans quatre autres cas la glande fut placée entre le fascia et le

péritoine. Dans trois d'entre eux la transplantation ne réussit

pas, cela tenait à la nécrose de la greffe et par conséquent les

animaux succombèrent. Dans le quatrième cas, l'animal se

portait parfaitement bien (et avait grandi). Trois mois et demi

après l'extirpation on le tua. La glande fut trouvée en activité

fonctionnelle dans la paroi abdominale et bien vascularisée.

Ces résultats, pour conclure, démontrent que la glande

transplantée, si elle peut vivre après avoir été greffée, pour-

voira, dans sa situation nouvelle, aux besoins du corps aussi

bien que si elle se trouvait dans le cou, et conséquemment

sauve la vie à l'animal. Il me semble que ces observations du

professeur Schiff, et du D'' Eiselsberg ont une valeur particu-

lière, et me font croire que les affections mentionnées ci-des-

sus, le myxoedème par exemple, peuvent être traitées avec

succès par la transplantation du tissu thryoïde dans le malade.

En premier lieu, ces maladies n'ont pas chance d'être guéries

par les remèdes actuels, en conséquence on est en droit d'em-

ployer des procédés thérapeutiques qui ne mettent pas la vie

en danger. La transplantation d'une thyroïde, des animaux

plus petits dans la cavité péritonéale ou dans le tissu sous-

cutané, pourrait amener avec succès la croissance de la glande

greffée et arrêter ainsi les progrès de la maladie en raison de

la restitution, du rétablissement de la fonction perdue. Accom-

plie dans des conditions strictement aseptiques, l'opération

pourrait se faire sans risques ou sans inconvénients prati-

ques.

Une question bien plus difficile à résoudre est celle que pose

le professeur Schiff dans son travail et que l'expérience ré-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 237 -1

soudra ; à savoir, quelle espèce de glande serait la meilleure

pour atteindre le but ? Sans doute, celle d'un singe anthro-

poïde ; mais la rareté du cas et la dépense vraiment excessive

élèveraient des obstacles (non insurmontables cependant en

aucune façon) pour la solution.

J'ai montré ailleurs que la glande thyroïde du mouton res-

semble entièrement, au point de vue anatomique, à celle de

l'homme, et que le mouton, parmi tous les animaux pris jus-

qu'ici pour des essais, ressemble le plus à l'homme par la

durée et le caractère des symptômes qu'il présente après la

thyroïdectomie.

Je proposerai donc, quand le cas se présentera, d'essayer la

transplantation d'une partie de la glande thyroïde tirée du

mouton. Par une partie, je veux dire que le greffage d'un lobe

ou même d'une moitié, s'il était possible, offrirait plus de

chances de succès que d'essayer de transporter la glande tout

entière; et de plus, si l'opération réussissait, le morceau de

glande introduit s'hypertrophierait.

Un point de difficulté pratique s'élèverait quand on essaierait

de mesurer le succès de l'opération, quoique sans aucun doute

le développement de la .glande greffée pourrait jusqu'à un

certain point être reconnu au toucher. Le vrai plan serait

cependant de veiller aux symptômes d'une façon très attentive,

et s'il n'y avait pas d'amélioration au bout de deux ou trois

mois, on répéterait l'opération.

D'après les expériences, je pourrais m'avancer à insinuer

que les progrès de l'anémie constitueraient le meilleur signe

de soulagement. Je puis me permettre de saisir cette occasion

pour rectifier les idées qui m'ont été attribuées au sujet du

rapport de la glande thyroïde avec la formation du sang, et

pour laquelle mes adversaires m'ont critiqué.

On a sans doute, dans le passé, porté trop d'attention à

l'origine des éléments corpusculaires du sang, d'une observa-

tion plus facile que la source des éléments constituants du

plasma; et, en vérité, le terme hoemapoiesis ou formation du

sang n'était employé que quand on parlait provisoirement des

corpuscules.

En 1885, je fis observer que l'anémie suivait la perte de la

glande thyroïde, et que cette anémie était due à la diminution

des corpuscules rouges. J'attirai l'attention, cependant, à ce

moment-là, sur la probabilité que la thyroïde agissait dans

238 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

une certaine mesure sur les produits stériles dans le plasma,

et je disais que, en l'absence de cette action, l'anémie pouvait

être en partie secondaire. Nous courons le danger, il me semble,

de resserrer nos vues si, connaissant cependant les processus

métaboliques et d'un changement constant, que le sang non

seulement favorise, mais encore auxquel il participe, nous

considérons une série d'organes contribuant à la formation

du sang, destinés à la production d'un tissu fluide infiniment

complexe. 11 est toujours difficile, pour une expérience incom-

plète, de généraliser, sans devenir vague, et je sais parfaite-

ment que ce que je désire exprimer ne peut pas paraître évident

à mes lecteurs. Peut-être sera-ce plus clair si j'ajoute que le

plasma du sang n'est pas seulement fortifié par les produits

absorbés et digérés par le système de l'alimentation, mais que,

tandis qu'il forme des constituants d'un côté, d'un autre, il

augmente et se change en passant par les tissus qu'il traverse

plus ou moins. Il ne faut ici considérer que le phénomène de

la sécrétion pour reconnaître la vérité qui en découle.

Parmi les tissus qui influent d'une manière plus spéciale sur

le plasma du sang, je mettrai en première ligne, comme en

z, la glande thyroïde, et je crois qu'elle agit plus particu-

lièrement sur les précurseurs ou les relatifs des corps muci-

noïdes. Parlant dans ce sens, je crois qu'elle mérite d'être

appelée « formatrice du sang. » Si elle manquait à son devoir,

il en résulterait sûrement la plus grave désorganisation du

sang, car les corpuscules ne sont pas nécessairement indépen-

dants du caractère du plasma qui les baigne. D'où l'anémie.

Je voudrais revenir de nouveau sur les corpuscules. Je ne vois

pas de raison de douter de mes dernières conclusions, à savoir

que le tissu embryonnaire de la glande est vraiment hoemacyio-

poiétique, et les principes de ces conclusions n'ont pas besoin

d'être répétés ici ; mais elles demandent une attestation plus

grande par des recherches plus étendues, et approuvées ou

rejetées selon le cas.

Finalement, et quoique plus d'une objection puisse y être

faite, le terme : « de formation du sang , employé jusqu'ici,

ne paraît pas devoir tomber en désuétude. Je ferai remarquer

que, si nous admettons pour le moment et en protestant la

terminologie qu'elle donne habituellement, les idées exprimées

plus haut expliquent sa signification en insinuant que la

thyroïde forme le plasma et les corpuscules, et qu'en outre

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 239

ceux-ci souffrent si le plasma devient anormal par suite du

manque de fonction naturelle de la glande.

Il. Sur LE traitement des aliénés il Y A soixante D'APRÈS les

DOCUMENTS FOURNIS PAR LES PREMIERS REGISTRES DE L'ASILE ROYAL DE

Dundee ; par James RoRIE. (The Journal of Mental Science, avril

1887.)

Nous ne pouvons que signaler ici cette intéressante étude de

psychiatrie rétrospective. R. M. C.

111. Quelques observations propres A MONTRER LES effets sédatifs

DE L'ACÉTO-PHÉNONE (Hypnone) ; par COVOLLY Norman. (The Jour-

nal of Mental Science, janvier 1887.)

L'auteur n'a expérimenté l'hypnone que par la voie hypoder-

mique, et le résultat de ses observations chez les aliénés l'a con-

duit à considérer ce médicament comme un hypnotique utile et

sûr. En raison de l'influence fâcheuse que l'on a attribué à l'hyp-

none sur le fonctionnement du rein, il a fait examiner l'urine de

tous les malades soumis à ce traitement ; pas une seule fois la

présence de l'albumine n'a été constatée. L'injection hypoder-

mique d'hypnone n'est pas douloureuse ; entre les mains de l'au-

teur elle n'a jamais donné lieu à la formation d'abcès, tant que

l'hypnone a été injectée pure. R. M. C.

IV. Contribution au MODE d'action DE l'hypnone chez LES aliénés;

par Il. Rottenuiller. (Centralbl. f. Nervenheilk, 1887.)

Deux à soixante gouttes (1 gr. 50) de ce médicament n'ont chez

11 aliénés déterminé ni calme, ni sommeil. Ou plutôt la plus

haute dose ne détermina qu'un sommeil de deux heures ou même

moins. Enquelques cas le sommeil dura quatre à cinq heures, mais

les effets du médicament ne se prolongèrent pas. L'hypnone,

quoique inférieur au chevral et l'uréthane, n'a pas d'inconvénients.

P. K.

V. Sur un cas d'intoxication par la cocaïne; par R. WAGNER.

(Ceatralbl. f. Nervenheilk, 1887.)

Il s'agit d'un morphinomane consommant grammes par jour

de ce toxique. Avant de lui ouvrir un furoncle on lui fait dans le

voisinage une injection sous-cutanée de 1 go. 50 d'une solution

cocaïnique à 5 p. 100 soit 7,5 centigr. Presque immédiatement t

après rougeur cervico-faciale, battement des artères, anxiété pré-

cordiale extrême, pleurs, gémissements, crainte de mourir, angoisre

psychique. L'accès dure vingt-cinq minutes : pouls tendu très

accéléré. P. K.

240 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

VI. Contribution A l'étude de l'hydrate d'amylène;

par G. Lehmann. (Neural. Centralbl., 1887.)

Diméthyléthylcarbinol, liquide incolore, densité; 0,8, très soluble

d'une alcools, à peine soluble dans l'eau, 149 essais sur 26 aliénés

un à cinq grammes administrés dans du sirop de framboises font

dormir les quatre cinquièmes des malades quelconques en cinq à

' quinze minutes. Si on les réveille, elles ne tardent pas à se

rendormir. Le sommeil, dure de six à huit heures. Aucun incon-

vénient vasculo-nerveux; peut-être à la suite un peu de malaise

et d'oppression gastrique passagers. Surpasse en intensité d'action

la paraldéhyde, et son exhalation pulmonaire n'infeste pas une

salle. ' ' P. K.

VII. Remarques, SUR l'usage ET l'abus DE la séclusion ;

par J.-A. Campuell. (The Journal of Mental Science, octobre 1886.)

L'auteur définit tout d'abord ce qu'il entend par séclusion ; la

séclusion est peur lui l'isolement d'un malade contrairement à sa

volonté et malgré ses réclamations.

Les raisons qui doivent guider le médecin dans l'emploi de la

séclusion sont les suivantes :

1° L'intérêt du malade, au point de vue de sa guérison ;

2° La sécurité du malade, qu'il soit ou non curable;

3° La sécurité des autres malades et du personnel pendant les

paroxysmes d'agitation.

11 n'est pas absolument interdit d'employer la séclusion comme

mesure disciplinaire chez les malades dont la folie s'accompagne

de méchanceté native ; mais cette indication exceptionnelle ne se

rencontre que très rarement.

La séclusion doit être considérée comme le mode de traitement

le plus humain en même temps que celui qui assure la plus grande

.sécurité dans les cas suivants : lu dans les cas d'agitation épilep-

tique ; 2° dans l'agitation délirante de la paralysie générale;

3° enfin dans certaines phases de début de l'accès de manie aiguë,

alors qu'il est impossible de soigner le malade pendant douze

heures consécutives en plein air ou dans sa salle sans compro-

mettre sa propre sûreté et celle des personnes qui l'entourent.

On a peut être abusé jadis de la séclusion et certains asiles se

vantent de n'y avoir jamais recours : il n'y a pas là de quoi se

vanter, et dans un asile, on ne doit pas agir en vertu d'un système,

quel qu'il soit, mais bien examiner chaque malade et faire pour le

mieux dans le cas particulier.

Si l'on a abusé delà séclusion, l'auteur pense qu'on n'en abuse

guère aujourd'hui ; d'ailleurs si l'on se conforme aux indications

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ami

qui viennent d'être énoncées et si l'on agit dans l'unique intérêt

du malade, on est assuré de ne pas tomber dans l'abus; on y

tombe au contraire à coup sûr si l'on emploie la séclusion pour

ménager la peine et faciliter la tâche du personnel.

R. M. C.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. Sur l'alternance des névroses; par G.-H. SAVAGE.

(The Journal of' Mental Science, janvier 1887.)

L'auteur a choisi ce titre, parce qu'il n'implique pas autre

chose entre les états dont il va s'occuper qu'une relation

chronologique : il emploiera d'ailleurs le mot névrose dans

son sens le plus large.

Il a été très frappé dans ces derniers temps de deux ordres

de rapports très dignes d'intérêt : 1° d'abord les rapports qui

existent entre les névroses elles-mêmes; 2° ensuite ceux qui

existent entre les névroses d'une part, et d'autre part, certains

états somatiques qui, au premier abord, ne paraissent avoir

aucune connexion avec le système nerveux.

1° Tout le monde sait qu'un père aliéné peut avoir des

enfants aliénés, ou idiots, ou méchants, ou épileptiques, ou

somnambules. Mais l'alternance ou le changement de forme de

la névrose ne se produit pas nécessairement entre deux géné-

rations ; le même fait peut se produire chez un seul et même

individu, et en ce cas, on verra, comme on pouvait s'y attendre

d'ailleurs, que l'alternance porte sur des états fonctionnels que

sur des états organiques : la paralysie générale n'est remplacée

par aucune autre maladie, mais l'excitation maniaque peut

être remplacée par la paraplégie hystérique.

L'auteur a souvent rencontré des migraines intenses chez

les névropathes et il a pu constater que lorsque ces migraineux

deviennent aliénés, ils sont presque toujours débarrassés sur-le-

champ de leurs migraines. - En ce qui touche l'hystérie

vraie, il l'a vue plusieurs fois alterner avec d'autres névroses ;

par exemple, il a vu la paralysie hystérique d'un membre guérir

Archives, t. XIX. 16

242 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

pendant un accès de folie ; dans plusieurs cas. où il existait

des vomissements hystériques persistants ayant fait croire à

un ulcère de l'estomac, ces symptômes se sont amendés ou ont

disparu dès que la folie s'est développée. Dans un cas de

paraplégie hystérique datant de plusieurs mois, la paraplégie

a disparu lorsque la malade est devenue folle (excitation

maniaque) pour reparaître au retour de la santé mentale.

Enfin, dans plusieurs cas, l'auteur a vu la perversité morale

apparaître au moment de la disparition des symptômes hysté-

riques. - M. Savage a également remarqué l'alternance entre

les crises d'asthme et la folie ; cette alternance se reproduisait

régulièrement chez le même sujet. Il a constaté aussi la fré-

quence de l'asthme de foin chez les névropathes, et il a observé

un malade qui fut pris d'un accès de folie aiguë la première

année où il n'eut pas à l'époque habituelle sa crise d'asthme

de foin.-Passant à l'épilepsie, il a vu l'épilepsie nocturne être

remplacée par la folie, et dans plusieurs cas des attaques vio-

lentes d'épilepsie ont amendé les symptômes mentaux. Contre

son attente, il a même vu la disparition d'attaques d'épilepsie,

légères et espacées, apporter un trouble sérieux dans les fonc-

tions intellectuelles. Enfin, on sait que l'épilepsie motrice, si

l'on peut ainsi parler, est fréquemment remplacée par une

épilepsie mentale, laquelle d'ailleurs, abstraction faite du

terrain nouveau sur lequel elle évolue, présente de grandes

analogies avec celle qu'elle a remplacée : c'est peut-être là le

meilleur exemple de transformation ou d'alternance des

névroses.

2°. L'auteur aborde ensuite l'étude de l'alternance entre

les névroses et les maladies qui ne relèvent pas, ou tout au

moins, ne paraissent pas actuellement relever du système ner-

veux : ces faits d'alternance constituent l'ancien domaine des

métastases. - De ce qu'une névrose alterne avec une autre

affection, il ne s'ensuit pas nécessairement que cette dernière

soit de nature nerveuse ; l'auteur pense toutefois que si cette

alternance se produit fréquemment, elle constitue au moins

une présomption en faveur de la nature nerveuse de l'affec-

tion qui remplace la névrose. Le rhumatisme articulaire aigu

est une des maladies qui paraissent tendre à s'associer avec la

folie. La suppression ou la non-apparition de la goutte peut

donner lieu à l'apparition de la folie : on objectera ici qu'à

défaut de la localisation goutteuse, il y a une intoxication du

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 241J

sang qui peut expliquer l'éclosion des troubles cérébraux; mais

la soudaineté de l'alternance (lorsque, par exemple, un mélan-

colique avec tendance au suicide redevient sain d'esprit en

moins de deux heures sous l'influence d'un accès de goutte

classique) ne permet guère d'admettre la valeur de cette expli-

cation. - Les parents diabétiques ont souvent des enfants

névropathes,; chez le même malade, en outre, les accidents

diabétiques peuvent alterner avec les accidents nerveux. -

Pour compléter cette étude, il faut ajouter que les affections

somatiques, lorsqu'elles surviennent chez les aliénés, paraissent

souvent masquer, au moins dans un certain temps, les troubles

cérébraux : dans ce cas encore, il est probable que les troubles

qui disparaissent ainsi sont purement fonctionnels ; on voit

bien en effet une affection fébrile intercurrente faire dispa-

raître l'excitation maniaque, on ne la verra jamais modifier

les symptômes de la paralysie générale. - Il y a des maladies

qui paraissent plus aptes que d'autres à modifier les troubles

mentaux, par exemple les affections douloureuses et les affec-

tions de la surface cutanée. R. M. C.

II. Remarques sur l'évolution ET la DIS·oLUTfU.`I du système NER-

veux ; par J. HUGIiLINGS JACKSON. (The Journal of Mental Science,

avril 1887.)

La concision qui règne dans ce travail, malgré son étendue, la

rigueur des déductions sont telles que ce n'est pas assez de dire

qu'en analysant le mémoire, on n'en donnerait qu'une idée impar-

faite ; il faut bien reconnaître qu'on n'en donnerait aucune idée ;

aussi ne tentons pas cette analyse, et nous bornerons-nous à signaler

ce travail important comme un remarquable chapitre de clinique

physiologique en même temps que de philosophie cérébrale, si

l'on veut bien nous permettre cette expression. R. M. C.

111. Un cas DE sarcomes multiples DU CERVEAU; par F. S. JUHN

HULLEY. ('1'heJolll'/lal of Mental Science, janvier 1888.)

Ce cas est surtout remarquable, parce que la présence de tumeurs

affectant l'écorce cérébrale n'a été révélée pendant la vie par

aucun des symptômes propres aux productions morbides ainsi

localisées.

En compulsant les registres de l'asile, l'auteur a trouvé quatre

autre cas que l'on peut rapprocher de celui qu'il a observé : dans

aucun de ces cas on n'avait constaté de symptômes caractéris-

tiques de l'existence d'une tumeur. R. M. C.

41.. ` REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

IV. Observation de cécité TOTALE par lésion corticale;

par L. 13ouvFRi.T. (Lyon méd., 1887, t. LVI.)

Observation d'un malade chez lequel Je principal symptôme

observé pendant la vie fut une abolition complète de la vision :

à l'autopsie on trouva un ramollissement, d'origine probablement

embolique, qui avait détruit la substance corticale des deux

coins. On a constaté en même temps l'intégrité des nerfs opti-

ques, du chiasma, des bandelettes optiques, des corps genouillés,

des couches optiques et des tubercules quadrijumeaux. Il est

donc permis d'établir un rapport de cause à effet entre l'abolition

complète de la vision et la double lésion des lobes occipitaux.

G. D.

V. Contribution : 1 L'ÉTUDE des affections syphilitiques DU système

nerveux central avec quelques REMARQUES sur LA POLYUROE ET la

polydipsie ; par P. BUTTERSACK. (Arch. j' Psych., XVII, 3.)

Observation relative à une famme de trente et un ans. Soudain

en juillet 1864, augmentation de l'urine, vertiges, céphalalgies,

névralgies du trijumeau, affaiblissement de la vue de zip gauche,

diminution de l'ouïe, de la mémoire, de l'activité cérébrale. En

octobre, blépharoptose droite, parésie des muscles droits du globe

oculaire ; pupille immobile, mais encore sensible à lumière : exa-

gération des réflexes tendineux; émission de 3 à 5 litres d'urine

(sans augmentation des matières fixes); soif intense, légères pous-

sées de fièvre. A raison des céphalalgies, des accidents du côté de

l'oculomoteur commun, de la négation absolue de tout élément

étiologique, soit chez la malade, soit dans les anamnestiques, de la

lenteur de l'évolution, on soupçonne la syphilis. L'administration

de Kl fait disparaître en deux mois les symptômes, moins la polyurie :

on suspend le médicament et les symptômes reparaissent. La ma-

lade quitte l'hôpital fin janvier, néglige de se soigner, et revient en

mai dans une situation précaire : on constate de l'hyperesthésie

et de l'hypéralgésie au niveau du thorax et des extrémités; de la

raideur de la nuque, de la diminution de la force motrice, surtout

à gauche. Elle meurt de pneumonie aiguë du lobe inférieur droit.

La nécropsie révèle l'existence d'une leptoinénin21te chronique,

cérébrale, basiléaire et spinale ; endartérite et phlébite intenses de

la pie mère, périnévrite et névrite noueuse des deux oculomoteurs

communs et des racines nerveuses de la moelle. Intégrité du cer-

veau ; légère myélite périphérique de la moelle; dégénérescence

commençante des cordons de Goll et, à partir de la moelle lom-

baire, hyperplasie de petites cellules autour du canal central. Les

cellules nerveuses sont indemnes. Endartérite fibreuse de l'aorte

descendante. Cicatrices multiples dans le foie ; gommes hépati-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 245

ques. On n'a pas trouvé le bacille de la syphilis. - L'auteur exa-

mine de plus près la polydipsie et la polyurie dont la physionomie

a rappelé ici le diabète insipide. Ce symptôme d'après lui s'obser-

verait assez fréquemment dans les cas de syphilis à lésions géné-

ralisées : il tiendrait à des troubles fonctionnés de la circulation.

Quant au rapport qui existe entre la polyurie et la polydipsie, si

l'on prend des exemples cliniques d'un autre ordre (voy. dans le

mémoire deux cas concernant : l'un, une hystérique, l'autre un

sujet indemne de syphilis et de tuberculose), on voit généralement

la polydipsie précéder la polyurie, mais l'inverse s'observe aussi.

La polydipsie traduit une névrose du pneumogastrique ; elle ex-

plique la polyurie, l'apport et l'excrétion étant dans un rapport

constant, à la condition que l'on tienne compte des évacuations

sudorales. D'un autre côté, on se rappelle que le pneumogastrique

se rattache aux tractus nerveux qui relient physiologiquement le

quatrième ventricule aux reins, la piqûre de son plancher provo-

quant la polyurie. P. KERAVAL.

VI. Contribution .\ LA pathologie du tabès dorsal et A la lésion

des nerfs périphériques; par H. Oppenheim et E. SIEYEllLiNG.

(arc. f. Psych., XVIII, 1-2.)

Après avoir étudié la manière d'être des nerfs périphériques

chez quatorze tabétiques (observations complètes et très étudiées) les

auteurs recherchent l'influence exacte des diverses maladies géné-

rales sur l'ensemble de l'organisme et en particulier sur les nerfs

sensitifs et mixteschez des individus ayant succombé à la tuberculose,

à l'inanition, au marasme sénile, à l'artério-sclérose, à l'alcoolisme,

au saturnisme, à la diphthérite, à la fièvre typhoïde, à la dia-

thèse cancéreuse, à la syphilis, etc..., soit trente-deux autres obser-

vations. Finalement 30 pages d'études critiques dans lesquelles

nous cueillons le principal.

La forme de dégénérescence nerveuse la plus simple et la plus

habituelle que l'on rencontre se traduit par : désorganisation de la

myéline, atrophie et disparition du cylindre-axe, avec hypergènesse

des noyaux, de sorte que nombre de fibres sont réduites à leur

gaine de Schwann; intégrité du tissu conjonctif. Cette névrite

pU7'enchymuteuse se présente à son moindre degré d'intensité, dans

les cas de maladie générale de l'économie (infection, intoxication,

diathèse, marasme); à son plus haut degré, dans les cas de tabès à-

névrite multiple compliqué de tuberculose, alcoolisme. Et, somme

toutes, dans la plupart des cas de tabes, les rameaux cutanés

sont peut-être plus altérés que dans la névrite clinique ordinaire.

On trouve aussi une vraie névrite interstitielle ou périnèvrite pro-

cédant par hyperplasie conjonctive si fortement vasculaire que

l'éloiiifeiiieiit des éléments nerveux s*ellectue très promptement;

246 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

mais ces faits, rares dans le tabès, s'appliquent surtout à la phtisie

pulmonaire, au deliriumtremens, à la gangrène pulmonaire, à l'ar-

tério-sclérose généralisée ; il est donc impossible de dire si cette

espèce de névrite dépend du tabes ou de la complication.

Quoi qu'il en soit, la dégénérescence des nerfs périphériques

appartient bien aux lésions ordinaires du tabes. On ne saurait en-

core néanmoins la rattacher à la lésion même de la moelle,

quoique MM. Oppenheim et Siemerling aient, en un cas, constaté

que, de concert avec l'altération des racines postérieures une

série des fibres qui entrent dans le ganglion intervertébral avaient

au sein même de ce ganglion continué à subir la dégénérescence.

Là s'arrêtait du reste l'étendue du processus. Et il est encore permis

de dire qu'il n'existe pas de relation entre la dégénérescence des

nerfs périphériques et les lésions des cordons postéeieurs. Eu ce qui

regarde la pathogénie des troubles de la sensibilité, elle parait

émaner bien plus de l'altération des nerfs sensitissquede celle des

cordons postérieurs; les troubles laryngés se rattachent à des

lésions des nerfs pneumo-gastrique et récurrent, les origines cen-

traies de ces tractus étant demeurées indemnes. Même réflexion pour

les crises gastriques, les accès de dyspnée. 11 n'en est pas ainsi des

nerfs moteurs qui semblent dans le tabes cliniquement affectés; il

est exceptionnel de les trouver lésés (nerfs de l'oeil, grand hypo-

glosse, accessoire).

Finalement, les auteurs repoussent la distinction de Pitres et

Vaillard en lésions tabétiques constantes (d'origine spinale) et

lésions tabétiques accidentelles ( périphériques ) ; leur principal

argument est que, dans ce cas, les paralysies des muscles des

yeux deviendraient accidentelles. P. KERAVAL.

VII. Contribution A la question des affections systématiques COM-

binées DE la moelle; par A. Erlicki et J. Rybalkin. (Arch. f.

Psych., XVII, 3.)

Observation avec autopsie concernant une fillette, enfant-trouvée,

de dix-huit ans, ayant présenté soi-disant à la suite d'un refroidisse-

ment successivement : une ataxie très prononcée des jambes, un

certain degré d'ataxie dans les bras, le signe de Itomberg, un

trouble du sens musculaire aux quatre extrémités. Intégrité de la

sensibilité, pas de douleurs, pas de paresthésie ; disparition des

réflexes patellaires, pas de paralysie, pas de symptômes oculaires»

pas de troubles de la parole. Mort 20 mois après le début des acci-

dents, de tuberculose pulmonaire. L'autopsie révèle la dégénéres-

cence des faisceaux pyramidaux tout le long des cordons latéraux,

de presque tous les cordons postérieurs (les zones les plus anté-

rieures sont seules épargnées), et d'une partie de la substance grise

(zone latérale intermédiaire aux cordons antérieurs et postérieurs).

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 247

L'intégrité de la sensibilité tactile et douloureuse alors que les

cordons postérieurs sont presque complètement détruits mérite

d'être relevée. Peut-être s'agissait-il d'une maladie de Friedreich.

P. K.

VIII. Un CAS DE paralysie DE L'OCULO-31OTEUR commun A RÉCIDIVES

INTERMITTENTES RÉGULIÈRES AVEC AUTOPSIE; par A. RICHTER. (A1'ch.

f. Psyc3l., XVIII, 1.)

Il s'agit du malade présenté en 1884 à la Société psychiatrique

de Berlin par Thomsen. Il est mort en janvier 4886. On trouva

un fibrochondrome en forme de pilon, du volume d'un pois

occupant l'oculo-moteur commun du côté droit, à l'endroit où il

traverse la dure-mère. Les fibres du nerf étaient simplement

écartées, dissociées et non atrophiées.

P. K.

IX. Travaux sur LE système NERVEUX parus dans LE « Finska

LARARIsS.ILLS6A1'ETS IiANDGLI1GAR (FINLANDE).

Les médecins finlandais ont eu l'heureuse idée de publier dans

la revue mensuelle de leurs travaux et des comptes rendus de

leur Société médicale, le résumé de ces travaux et de leurs séan-

ces en langue française. C'est-là une manière de faire dont nous

ne saurions trop nous féliciter et les applaudir en même temps,

en raison surtout de la difficulté de leur langue et du petit nombre

de personnes à même de la comprendre. Dans ces deux dernières

années, nous trouvons un certain nombre de travaux intéressants.

Dans le recueil de 1887 se trouve une observation deParamyoclo-

nus multiplex, publiée plus tard par Homen dans les Archives de

Neurologie et qui à cette époque était seulement la sixième

connue. Parmi les particularités qu'elle présentait, on notait l'ab-

sence ou plutôt la diminution des réflexes. L'auteur rapproche

cette affection des tics convulsifs et croit, comme Friedreich, à

l'excitabilité exagérée de certains groupes de cellules des cornes

antérieures. Commé la face était prise aussi, il faut admettre une

excitabilité analogue des cellules bulbaires. En 1888, nous trouvons

une observation intéressante de M. Saltzmartn sur un cas d'épi-

lepsie par suite de fracture du crâne, guérie par trépanation et

ablation du fragment osseux irritant la surface du cerveau, puis

deux cas de tumeur cérébrale par Mi. Holsti et Ruhnberg, ainsi

qu'un cas d'atrophie partielle du cerveau chez une femme de

32 ans, morte de tuberculose pulmonaire. P. S.

X. CONTRIBUTION A la QUESTION de la nature DE la paralysie

saturnine; par 0. VIERORDT. (Arch. f. Psyc. XVIII, L)

Observation avec nécropsie et étude histologique. Intégrité de

'248 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

la moelle et des racines antérieures. Dégénérescence très intense

du nerf radial, légère du nerf médian, douteuse du nerf cubital.

D'après l'auteur, la paralysie saturnine ne`serait pas purement

centrale. Ce serait une névrite trophomotrice ou une myoné-

vrite. Le poison agit à l'état chronique simultanément sur les cel-

lules des cornes antérieures, les fibres nerveuses, motrices périphéri-

ques, les plaques terminales des muscles, et la fibrille musculaire.

11 en résulte un ralentissement de transmission de l'influx ner-

veux trophomoteur qui se manifeste sur l'ensemble de tout le sys-

tème, mais à un degré d'autant plus fort que les organes se trou-

vent plus éloignés du centre, à la périphérie par conséquent. La

progression se fait ainsi de la périphérie au centre, de sorte que,

si le malade survit, la cellule de la corne antérieure peut être

atteinte. Mais l'atteinte se traduit surtout par la lésion muscu-

laire, parce que le muscle est l'organe qui fatigue le plus. P. K.

XI. UN cas DE carcinome secondaire DU cerveau simulant

LA PARALYSIE GÉNÉRALE DES ALIÉNÉS ; par R. PERCY

SMITII. (The Journal of'Mental Science, avril 1888.)

Il s'agit d'une malade âgée de quarante ans ; l'auteur a pris

soin de dégager lui-même les traits les plus importants de l'ob-

servation ; nous les résumons ici d'après lui.

1° Le début de la maladie a été marqué par un abaissement

simultané des facultés mentales et physiques. Bien que les tumeurs

cérébrales s'accompagnent le plus souvent de troubles mentaux

d'un genre ou d'un autre, il est de règle que les symptômes

mentaux, et lorsque les premiers se rencontrent associés à de

la céphalalgie, à des vomissements, et à de la névrite optite, on

peut généralement faire le diagnostic avant le début du coma ter-

minal. La présence d'antécédents mentaux héréditaires, dans la

ligne collatérale, explique probablement dans le cas actuel l'appa-

rition plus précoce des symptômes mentaux.

2° Par l'existence d'une démence progressive et d'une perte

générale du pouvoir moteur, par l'association de ces phénomènes

avec des troubles de l'écriture et de la parole, de l'inégalité pupil-

laire, un certain tremblement des mains, et une impression géné-

rale de bien-être, par la présence de convulsions épileptiformes, le

cas dont il s'agit a simulé à un moment la forme tranquille et

démente de la paralysie générale. Bien qu'une céphalalgie intense

et des vomissements aient figuré parmi les premiers symptômes,

ces phénomènes, dès les premiers temps qui ont suivi l'admission

de la malade, ont absolument fait défaut; la névrite optique à

manqué pendant-toute la durée de la maladie. La paralysie, en

outre, n'a jamais revêtu les caractères d'une hémiplégie : il n'y a

SOCIÉTÉS SAVANTES. 249 9

eu aucune affection des muscles de l'oeil; et la motilité de la face

et de la langue n'a été que très légèrement compromise. Cepen-

dant le fait même de l'ablation antérieure d'une tumeur du sein,

la diminution des troubles mentaux vers la fin de la maladie

(diminution si marquée que le jour de sa mort la malade était

lucide, se rendait compte de sa situation, et disait à sa garde-

malade qu'elle serait récompensée dans le ciel) constituaien

autant de facteurs opposés au diagnostic de paralysie générale.

Cependant, dans un cas de paralysie générale indubitable l'auteur

a pu constater ce retour pré-agonique à la lucidité. Le cas actuel

confirme l'assertion du Dr Mielle, suivant laquelle ce n'est pas le

délire expansif, mais bien la démence progressive de la paralysie

générale que simulent les tumeurs cérébrales. Il confirme égale-

ment l'opinion du Dr Cloustou qui a fait remarquer l'étendue

qu'occupent les lésions des circonvolutions dans les cas où la

folie est associée à une tumeur du cerveau.

3° L'absence de névrite optique pendant toute la durée de la

maladie est un fait anormal; les yeux de la malade furent encore

examinés la veille de sa mort sans que cet examen révélât rien de

pathologique : il n'y.avait pas de troubles de la vue, et, à cet

égard, il est intéressant de signaler l'intégrité des lobes occipi-

taux. R. M. C.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉD1CO -PSYCHO LOGIQUE.

Séance du 30 décembre 1889. - Présidente DE M. FALRET.

Plusieurs membres, atteintspar la grippe, s'excusent de ne pou-

voir assister à la séance. ,

M. LE Président annonce la murt de M. Brusque, médecin-ad-

joint de l'Asile de Vaucluse, qui a succombé, en trente-six heures,

victime d'une pneumonie infectieuse.

Élections. Après un échange d'observations sur l'épidémie

régnante, il est procédé à l'élection d'un vice-président. SI. Bou-

chekeau est élu à l'unanimité des membres présents. -

Le Bureau est ainsi composé : secrétaire général : NI. Rim; se-

250 SOCIÉTÉS SAVANTES.

crétaires des séances : CHARPENTIER et GARNIER; trésorier :

M. A. Voisin. M. l;.

Séance du 27 janvier 1890.

Présidence DE MM. Falret ET BOUCHEREAU.

M. F9LRET, avant de quitter le fauteuil de la présidence, énu-

mère les différents travaux auxquels la Société a pris part sous

sa direction.

M. BOUCHEREAU remercie ses collègues qui l'ont appelé à la

vice-présidence.

Commission des prix. - Après élections, les commissions des

pri\ à décerner cette année sont ainsi composées : Prix dubanel :

MM. Christian, Dagonet, Garnier, Semelaigne et Vallon. (Un mé-

moire.) .

Prix Esquirol : MM. Baillarger, Falret, Mitivié, Ritti et Séglas.

(Deux mémoires.)

Prix Belhomme : MM. Christian, Legrain, Marandon de Mon-

tyel, Vallon, J. Voisin. (Un mémoire.)

Prix Moreau (de Tours) : MM. Ballet, Dubuisson, Dupain, Moreau

et Saury. (Cinq thèses.)

De la mélancolie (suite de la discussion). - M. MARANDON de

MONTREZ envisage la question sous son double aspect descriptif et

pathogénique, aussi entend-il les mots de mélancolie et de lypé-

manie dans le sens indiqué par Baillarger, d'un délire général.

On trouve tout d'abord, comme répondant à celte définition, les

mélancoliques ordinaires, les anxieux et les stupides qui consti-

tuent les trois degrés d'une même vésanie. A côté d'eux, un ren-

contre d'autres mélancoliques avec des caractères tout opposés :

irrégularité et bizarrerie d'évolution dans la période délirante où

les conceptions mégalomaniaques se heurtent aux conceptions

ly pémauiaques avec conservation de la conscience. Pourquoi ces

différences ? Elles ne tiennent pas à l'étiologie, car les uns et les

autres puisent leur mal aux mêmes sources, mais elles tiennent

à l'intensité de ces causes, hérédité vésanique ou acquisitions qui

agissant plus profondément chez les seconds ont amené la dégé-

nérescence psychique qui se trahit par ses stigmates ordinaires.

D'où deux grandes variétés de mélancolies : les mélancolies

simples, proprement dites, et les mélancolies simples dégénératives.

A côté des mélancolies simples, on trouve des mélancolies com-

posées (les mélancolies convulsives, les mélancolies toxiques et

les mélancolies congestives acceptées de tous). Les mélancolies

sympathiques et les mélancolies diathésiques sont plus contes-

tées.

Enfin, il est une troisième grande classe de mélancolies : les

sociétés savantes. 251

mélancolies multiples formées par la rencontre fortuite, chez le

même individu, de deux ou de plusieurs des variétés simples et

composées. Ces mélancolies multiples méritent une place à part,

car les formes mentales qui se rencontrent ainsi s'influencent ré-

ciproquement, d'où naissent des modifications de délire et d'évo-

lution constituant des espèces hybrides.

C'est ainsi qu'à la lumière du principe pathogénique, il est

facile de justifier l'existence de plusieurs variétés de mélancolies

et de les grouper dans un ordre naturel.

Des variétés de la paralysie génémle. - M. RIST lit une note d'où

il résulterait que les attaques épileptiformes, et surtout l'état du

mal. ne se montreraient que chez les paralytiques généraux por-

teurs de troubles physiques peu accusés. M. B.

Séance du 24 février 1890. - -Présidence DE Il. BALL.

De la mélancolie (suite de la discussion).

M. LEGaAm, sans vouloir aborder le fond du débat relatif à la

mélancolie, communique l'observation d'un jeune mélancolique

dégénère dont il se sert pour présenter quelques considérations

sur les transformations qu'une tare héréditaire fait subir au ta-

bleau connu de la mélancolie. Son malade âgé de 17 ans a éprouvé

dans l'espace de 18 mois, quatre accès mélancoliques subintrants,

brusques et de courte durée. Dans l'intervalle des accès, le malade

restait déprimé, soucieux, mais sans idées délirantes. Pendant les

accès on a pu remarquer, mélangées aux idées mélancoliques, des

idées de persécution érotiques, et des idées hypochondriaques.

Au polymorphisme des idées délirantes se joignaient des halluci-

nations de la vue qui constituent une exception à la mélancolie

typique. Le point de départ de la maladie parait avoir résidé dans

une émotion vive ressentie par le sujet, à propos d'un événement

public qui n'avait rien de personnel au malade, mais dont, grâce

à son émotivité foncière, celui-ci a centuplé la valeur.

M. Charpentieu croit voir dans ce malade un persécuté simple ;

la forme anormale de la maladie tient au jeune àge du sujet et

aux périodes de rémission qu'elle a présentées. Il ne voit pas sur

quoi peut reposer le diagnostic de dégénérescence.

M. LEGRAIN base son diagnostic de dégénérescence mentale sur

l'évolution même du délire, sans parler de l'hérédité de son sujet.

M. IIIARANDON DE Montyel demande si le malade portait des

signes physiques de dégénérescence.

M. LEGRAIN répond par l'affirmative.

Commission des finances. M. Guimvud lit, au nom de la Com-

mission des finances, un rapport sur la question du trésorier dont

les comptes sont approuvés.

uL11tC1'sL Briand.

252 sociétés savantes.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN.

Séance du 15 mars 18891. Présidence de M. 1,(]HR aîné.

M. SPERLING. De la situation occupée dans les choses de la médecine

actuelle par l'hypnotisme, avec démonstrations. Les travaux de

maîtres français tels que Charcot, Liébeault, Bernheim, Richer et

autres ont attiré l'attention de l'Allemagne scientifique sur l'en-

semble des connaissances que comporte l'hypnotisme. Toutefois,

Forel et de Krafft-Ebing seuls se sont engagés dans cette voie jus-

qu'ici. Leur exemple est bon à suivre.

La question se pose de la façon que voici :

L'hypnotisme vaut-il la peine que la science lui fasse bon accueil

et lui consacre des veilles qui peut-être se montreraient plus fé-

condes dans une autre direction, les efforts précis de méthodes

scientifiques rigoureuses parviendront-ils à assurer à l'hypnotisme

un rang honorable ? En d'autres termes, l'hypnotisme a-t-il ou

non de l'avenir ?

Tenant compte de l'enfance de l'hypnotisme soumis aux mul-

tiples oscillations de la mode, du charlatanisme, du mysticisme,

de la magie, et des croyances populaires, l'orateur montre les dif-

férents cas qu'on en a faits tour à tour. Il n'a d'abord été qu'un

élément de curiosité et de spectacle pour s'élever finalement à la

dignité de moyen thérapeutique. Ce n'est que dans ces derniers

temps qu'il est passé des mains de spéculateurs impudiques entre

celles de médecins instruits. Qu'il y reste et que les mesures admi-

nistratives lui assurent un refuge prophylactique à l'égard des

masses.

Au médecin seul appartient en pleine compétence la mission de

pratiquer l'hypnotisme à la condition qu'il s'en serve dans un but

scientifique ou thérapeutique. Il peut cependant être accordé une

licence aux naturalistes ou aux philosophes ; leurs expériences

sont en effet légitimes, à la condition qu'ils soient assistés d'un

médecin.

Manié par des travailleurs de bon aloi, l'hypnotisme, débarrassé

de ses inconvénients et de ses dangers, dépouillé du cachet mys-

térieux dont l'avaient revêtu les anciens magnétiseurs, a été passé

au crible d'interprétations raisonnées et a inspiré une plus grande

confiance aux médecins aussi bien qu'aux profanes en tant que

nouveau procédé dl, traitement.

On a dit : L'hypnolisme est un modificateur psychique qui, s'i

' Voy. Archives de Neurologie. Séance de décembre 1888.

sociétés SAVANTES. ' ' 253

échappe encore à une explication physiologique, se traduit par des

manifestations analogues à celles de la vie physiologique normale,

notamment par le sommeil; la suggestion à laquelle sont plus

particulièrement accessibles les sujets hypnotisés, nous la consta-

tons aussi à l'état de veille. Mais on n'a point encore démontré le

mécanisme primordial de ces phénomènes, et on ne le produira

pas tant qu'on ignorera les relations des phénomènes psychiques

avec les phénomènes physiologiques qui président à la fonction

des cellules nerveuses.

De nouvelles recherches s'imposent en ce sens. C'est à la psv-

chologie physiologique que ce devoir incombe. La psychologie

pure y gagnera en exactitude ; elle progressera. L'action théra-

peutique de l'hypnotisme s'affirmera davantage. L'hypnotisme a

donc devant lui un avenir certain.

M. Sperling montre comme corollaire aux assistants divers su-

jets témoignant des caractères physiologiques et psychiques des

méthodes hypnogènes. Ce sont notamment : une jeune fille de

vingt-trois ans guérie de ses attaques hystéro-épilepti(III'" un

jeune homme de vingt-trois ans débarrassé de la même nll'ection

convulsive par les mêmes procédés. Un autre jeune homme de

vingt-quatre ans, en proie à une hémiplégie hystérique et bègue,

est instantanément plongé dans un somnambulisme profond; on

*provoque dans cet état chez lui à volonté des anesthésies de toute

espèce, de la catalepsie, de« hallucinations sensorielles; enfin,

détail curieux, on lui fait déclamer une pièce de poésie sans bé-

gaiement aucun.

Discussion. M. Neuendorff. Le mémoire de M. Sperlin ne

nous apprend rien de nouveau. Je n'ai, en ce qui me concerne, ex-

périmenté l'hypnotisme que chez des aliénés. J'ai trouvé que les

sujets les plus accessibles sont ceux qui avaient été atteints d'acci-

dents spasmodiques, tels que l'épilepsie, l'hystérie, la catatonie.

Chez un épileptique j'ai obtenu tous les stades de l'hypnotisme,

mais ils se sont surtout manifestés quand la malade se trouvait

sur le point d'avoir ses attaques , il semblait qu'alors elle fût char-

gée de fluide nerveux ; quand on procédait aux expériences en

question à la suite des accès on n'arrivait point à provoquer l'hyp-

nose.

M. Mueller. Je doute que l'hypnotisme soit un modificateur

thérapeutique. Que l'hypnotisme influence les névropathes, je

l'accorde, mais rien de plus. Quant à l'interprétation phyaiufo-

gique de l'hypnotisme, elle est encore dans les limbes.

M. uIENDEL.-La bibliographie, pas plus que mes expériences per-

sonnelles, ne révèle de guérisons de par l'hypnotisme ; il fait dis-

paraître évidemment certains symptômes rebelles jusqu'alors a

d'autres médicaments, mais il ne guérit pas la maladie sous-ja-

cenle. La physiologie est muette sur le mécanisme de l'hypno-

254 ' sociétés savantes.

tisme. Pour moi il agit (c'est une pure interprétation de ma part)

en provoquant une psychose artificielle transitoire. C'est une raison

de plus pour l'arracher des mains des expérimentateurs non spé-

cialistes.

M. Sterling. Le mot guérir n'a qn'une valeur approximative.

Un pleurétique reste pendant plusieurs années bien portant; il est

guéri. Mes deux hystéro-épileptiques ont pu reprendre leurs occu-

patinons et cela avec assiduité depuis neuf mois et même un an ;

ils sont guéris. Il importe du reste, quand on veut employer l'hyp-

notisme comme agent thérapeutique, de ne pas multiplier les

expériences, d'éviter par excellence la catalepsie.

M. 0. I\IUF.LLER (de Blanl : enbuur). De la caléfaction artificielle

comme agent thérapeutique dans diverses névroses. Il s'agit d'un

nouveau procédé qui permet d'utiliser une température élevée (de

plus 36° C. à 50° C.) en préservant la tête et les- organes respira-

toires. Ce sont les bains de sable sec, tels qu'on les administre à

Koestritz. La dérivation produite vers la peau et l'ensemble du

mouvement physiologique déterminé dans l'organisme par ce

procédé guérissent d'une façon remarquable : névroses, affections

goutteuses et rhumatismales. La rapidité des résultats est surtout

frappante dans les contractures et paralysies rhumatismales. De là

à appliquer cette caléfaction judicieusement dosée et répartie à

la cure des névroses générales et locales qui ont pour substratum'

anatomique un trouble dans les échanges nutritifs interstitiels et

dans la circuation capillaire, en particulier dans la neurasthénie

profonde avec ou sans douleurs névralgiques, il n'y a qu'un pas.

L'observation indique aussi que le début des psychoses, les insom-

nies et les dépressions tenant à de l'épuisement généralisé et

accompagnées de vices dans la circulation veineuse des régions

abdominales devraient céder à de telles applications; on entend

en effet les clients de la station accuser, il la suite de l'usage des

bains de sable chauds, une sensation dé bien-être des plus

agréables; les forces sout accrues, ils dorment mieux, se sentent

calmes et de bonne humeur.

Nous essayâmes d'abord de bains de sable de 45° C. Le malade

est placé dans une boite mobile, une sorte de voiture de 2 mètres

de long déjà à demi remplie de sable chaud; l'obliquité de la boite

permet d'assurer à la tête la situation élevée; par une soupape

ménagée sur la paroi, on complète le chargement de sable chaud

de 45 à 50°, mais sans toucher à la poitrine ni à la tête; les jambes

sont seules enserrées de toutes parts, ainsi que les bras. L'ablution

de chaleur dure une demi-heure à une heure pendant laquelle ou

promène le patient l'ombre dans un milieu frais et bien abrité.

Au bout de quelques minutes, il se produit des battements et des

pulsations dans les pieds, puis dans les jambes, finalement par

tout le corps; uue seule abondante est excrétée. Il semble que'le

sociétés savantes. 255

coeur lutte contre l'action désagréable exercée par le sable ; l'illu-

sion d'une légère' fièvre est ainsi provoquée. La sudation abon-

dante une fois effectuée, on prend un grand bain chaud ordinaire

qui vous débarrasse des incrustations sablonneuses, on termine la

phase des excrétions sudorales dans une couverture de laine

chaude, et finalement on est porté sous une douche écossaise afin

de revenir sans secousses, par une dégradation méthodique, à

l'équilibre de la température atmosphérique amb iante. C'est alors

qu'on éprouve le bien-être extraordinaire dont nous avons parlé;

on a soif et faim ; quelques heures plus tard le sommeil s'empare

de vous, mais un sommeil plus réparateur qu'avant. Ce calme est

surtout apprécié des individus qui, affectés de névralgies et de

malaises nerveux agaçants avaient passé souvent de longs mois

sans sommeil.

Déshydratation du corps humain, de deux à cinq livres ; surex-

crétion d'acide urique et d'urée, d'urates, de composés timmonia-

caux, et, par suite, épuration de l'économie, désormais plus apte à

la combustion : tels sont les résultats physiologiques exacts ou ap-

prochés de ces manoeuvres. Ce n'est pas tout. Apiès un séjour

d'une demi-heure dans le bain de sable, la température du corps

atteint presque 38° C. ; elle s'abaisse à 37° pendant la période su-

dorale. Le pouls atteint 90, 100 et même 105 sous l'influence du

premier acte (caléfaction) pour tomber à la normale pendant la

seconde scène (sudation). Cette fièvre artificielle dégage les foyers

de combustion et chasse les scories physiologiques.

En conséquence, l'indication, en ce qui concerne les maladies

mentales que l'on pourrait soumettre à ce mode d'entraînement,

réside bien certainement dans la proposition suivante. Puisque de

graves maladies fébriles intercurrentes guérissent souvent des psy-

choses profondes, a fortiori la caléfaction artificielle, bien dosée,

et scientifiquement localisée (la tête et le cerveau sont à l'abri et

viennent par la respiration à l'air ambiant et au besoin par l'ad-

jonction de compresses froides, compenser l'excès de chaleur dé-

terminé par le sable chaud), produira-t-elle le mouvement phy-

siologique des échanges nutritifs propre à dégager l'encéphale.

On pourrait aussi employer des bains de sable chaud comme déri-

vatifs sur la moitié inférieure du corps en les limitant au siège et

aux extrémités inférieures. Toutes les maladies mentales survenant

chez des neurasthéniques et chez des anémiques sont particuliè-

rement justiciables de la caléfaction, surtout quand il existe un

élément rhumatoïde. Mais il convient de se défier des lésions orga-

niques du coeur et des modifications trop prononcées de la pres-

sion artérielle : ce sont des contre-indications formelles. (Allg.

Zeitschr. f. Psyciaiut., XLVI, 2-3.). P. Keraval.

2S6 6 sociétés savantes.

XI CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET ALIÉNISTES

DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST.

SESSION DE BADF.-LF.S-BAINS 1,

" Séance du 25 mai 1889.

La séance est ouverte par M. le premier curateur Enn. La prési-

dence est, sur sa proposition, donnée à M. LUDVIG, fondateur du

Congrès. Secrétaires : Ilfi\f. L.4QU1'sn et BUCHIIOLZ.

M. Got·rz (de Strasbourg) détaille l'observation d'un chien auquel

il avait, en deux séances réséqué à l'aide de ciseaux les deux moitiés

du cerveau. L'animal survécut à la seconde opération pendant cin-

quante et un jours; il mourut de pneumonie alimentaire. La pré-

paration mise sous les yeux de l'assemblée décèle l'absence com-

plète de tout le manteau, à l'exception de deux petits lambeaux

symétriques d'écorce grise, situés à la base, qui appartiennent à

la face interne de la circonvolution de l'hippocampe. A la base, la

substance cérébrale intermédiaire à la bandelette optique et aux

pédoncules cérébraux n'a pas disparu. Les deux corps striés man-

quent complètement. Il existe une déchéance fort accusée et un

ramollissement de la face latérale des couches optiques. Les ban-

delettes optiques sont divisées. La face supérieure révèle que les

débris des couches optiques sont recouverts d'une traînée informe

représentant manifestement le reliquat du corps calleux et du tri- -

goule. Absence de corne d'Ammon des deux côtés. Intégrité des

tubercules quadrijumeaux qui ont cependant augmenté de volume

et diminué de consistance. Il existe aussi un peu de ramolisse-

ment de la protubérance et du bulbe dont les limites sont moins

accusées que normalement. Le faisceau pyramidal du côté gauche

est bien plus étroit que celui du côté droit; notons que la pre-

mière résection.avait porté sur l'hémisphère gauche et que l'animal

avait à cette opération survécu deux cent soixante-trois jours.

Intégrité du cervelet. Il est des plus contestables que les débris

des circonvolutions de l'hippocampe fussent restés en communica

tion physiologique avec les moignons de pédoncules cérébraux :

on serait donc en droit de prétendre que le chien dont provient

cette préparation ne possédait plus de cerveau pendant les cin-

quante et un derniers jours de sa vie. Or l'animal remplissait en-

core les fonctions que bien des auteurs rattachent, chez les verté-

brés, à l'activité cérébrale. Pendant les quelques heures qu'.

suivirent la dernière résection, notre chien pouvait encore et

' Voy. Archives de Neurologie, XIII" Congrès, t. XVII, p. 443. -

SOCIÉTÉS savantes. 257

marcher et se tenir debout ; il était encore capable de se dresser

sur ses pattes de derrière et d'appuyer ses pattes de devant sur le

bord de la boîte qui constituait son chenil. S'il était hors d'état

de manger ou de téter spontanément, il avait conservé la faculté

de triturer les aliments qu'on lui introduisait avant danslagueule.

Le sommeil et la veille ne se manifestaient que normalement.

L'appétit l'excitait ; il se calmait et dormait lorsqu'il était ras-

sasié. Il suffisait du moindre attouchement pour le tirer de son

sommeil, quel que fût l'endroit sur lequel on exerçât le contact;

on le voyait alors ouvrir les yeux et s'étirer comme tout autre

animal normal. Si on essayait de lui imposer une situation in-

commode, il n'hésitait pas à la modifier par la mise en jeu des

mouvements antagonistes. Il urinait, déféquait, gémissait, gron-

dait, aboyait, hurlait exactement comme ses semblables. Les im-

pressions sonores ne déterminaient aucune réaction motrice ; il

est probable qu'il n'avait plus d'odorat, puisque les tractus mo-

teurs correspondants se trouvaient sectionnés.

M. ScnwaLOE (de Strasbourg"1. L'oreille pointue bestiale de Darwin;

dans quelle mesure le pavillon de l'oreille humaine doit-il être consi-

déré comme un organe atavique ? - Les embryons humains du qua-

trième au septième mois décèlent une pointe qui est véritablement

l'homologue de l'oreille pointue' de nombreux singes et d'autres

mammifères, au niveau du sommet du bord auriculaire postérieur.

L'évolution ultérieure peut se traduire par les variations les plus

nombreuses, qui tiennent à l'enroulement plus ou moins prononcé

du bord de l'hélix. Cet enroulement s'accompagne d'une exagération

des plis de l'anthélix dont la branche supérieure ne s'accentue net-

tement qu'à raison de l'enroulement hélicoïde. Or, en anatomie com-

parée, on voit que ce phénomène d'enroulement correspond chez

l'animal à une rétrogradation de la partie fondamentale du pavillon,

à la rétrogradation des plis auriculaires libres (cauda helicis de His),

tandis que la région du promontoire auriculaire (hélice ascen-

dante branche inférieure de l'anthélix - tragus et antitragus)

ne parait point, même chez l'homme, atteinte d'involution. Les

divers degrés de la rétrogradation déterminent des différences

dans la forme des oreilles ; la forme des oreilles varie également

par suite de l'enroulement inégal du bord de l'hélix suivant les dif-

férentes régions de l'organe, - Si nous nous reportons à l'oreille

pointue bestiale, type dont on constate invariablement l'existence

chez les embryons de quatre à sept mois, nous voyons ou bien

qu'il se produit dans l'espèce un enroulement du hord de l'hélix,

ou bien que la partie correspondante du bord de l'oreille conserve

sa forme embryonnaire. Dans ce dernier cas, on observe une

oreille de cynocéphale, de cercopithèque, ou de macaque. Dans le

premier cas, la pointe de l'oreille affecte la disposition de l'oublie

fermée et demeure nette et distincte, quand il ne se produit pas un

Archives, t. XIX. 17

2D8 sociétés savantes. -

bourrelet de la peau voisine qui la rend presque ou tout à fait

méconnaissable. Mais, dans l'immense majorité des faits, on la

reconnaît aisément, même chez l'adulte. Pour peu d'ailleurs, que

la modalité en soit altérée, on arrive à en fixer la situation en tenant

compte de ce fait qu'elle occupe à peu près la limite intermédiaire

au tiers supérieur et au tiers moyen du bord libre de l'oreille. -

L'oreille de satyre est caractérisée par l'existence d'une pointe

à l'endroit le plus haut du pavillon, au zénith de l'oreille; elle

résulte de ce que l'enroulement s'est effectué au niveau du bord

postérieur des plis libres plus tôt qu'au niveau de leur bord supé-

rieur. Il ne faut pas la confondre avec l'oreille verticale pointue ou

darwinienne vraie. D'après ce que nous venons d'exposer, l'o-

reille darwinienne pointue n'a rien d'atavique; elle émane d'une

particularité anatomique normale dans l'espèce humaine, parti-

cularité qui n'est indistincte ou absente que dans un petit nombre

de cas.

L'immense majorité des oreilles que les auteurs considèrent

comme dégénérées ou des formes d'oreilles rangées parmi les

signes de dégénérescences physiques l'entrent dans l'échelle de

l'amplitude de variabilité normale du pavillon humain. Au point

de vue morphologique, il n'y a pas d'oreilles dégénérées puisque

bien des oreilles ainsi qualifiées, loin d'émaner d'une rétrocession, se

rapprochent des mêmes organes des singes plus avancés en orga-

nisation, tandis qu'inversement celles qui sont pourvues d'un

hélix à enroulement parfait sont au point de vue morphologique

les plus rétrogradées. Pour qu'une étude statistique comparative

des oreilles dites dégénérées chez les individus sains et les aliénés

acquière de la valeur, il faut :

« 1° Que l'on classe les diverses formes d'oreilles en prenant pour

base l'anatomie comparée et l'histoire du développement; - 2° que

l'on établisse la statistique des diverses formes d'oreilles observées

dans la population normale du réseau d'où proviennent les aliénés

considérés.

Jusque-là, rien de certain.

M. FUEftSTNER (d'Heidelberg). Des altérations musculaires dans les

psychoses simples. - On sait que dans les maladies infectieuses et

dans les maladies chroniques on rencontre des altérations du

muscle qui sont les facteurs d'un amaigrissement considérable

et d'une adynamie extrême. La dégénérescence amyloïde de ces

organes dans le délire aigu et les psychopathies de même origine est

chose connue (Fuerstner et Buchholz). Il existe enfin une psychose

fonctionnelle qui doit sa gravité à certains accidents somatiques

considérés comme autant de complications; c'est une sorte d'hypo-

chondrie grave survenant chez les individus déjà affaiblis (géné-

ralement des femmes) qui se traduit par une dépression hypo-

sociétés savantes. 259

chondriaque aiguë, accompagnée de nombreuses sensations dans la

gorge, l'abdomen, les viscères : elles provoquent ou entretiennent

des idées délirantes de même nature; il existe en même temps une

opiniâtre constipation qui résiste à toute espèce de médicaments;

à une période plus avancée, les sensations anormales s'exaspèrent,

toutes les parties du corps sont douloureuses, il existe un senti-

ment de faiblesse dans les extrémités supérieures ou inférieures en

rapport avec une impotence fonctionnelle complète; exagération

des réflexes patellaires, hyperexcitabilité considérable des muscles

sous l'influence des agents mécaniques, finalement tension muscu-

laire exagérée et tendance aux contractures. Pronostic défavorable;

les malades observés par M. Fuerstner ont succombé à des affec-

tions pulmonaires. L'orateur a emprunté à l'un de ses patients, au

cours même de sa vie, de petits morceaux de muscles; il y a

constaté de l'atrophie, une transformation granuleuse de la

substance musculaire, la multiplication des noyaux. L'examen post

mortem a révélé de l'atrophie des adducteurs, des grands droits de

l'abdomen, du biceps, des pectoraux, de l'éminence thénar, atrophie

très avancée accompagnée de multiplication exagérée des noyaux

et de vacuoles centrales. Affection d'ailleurs apyrétique, elle tient

manifestement à la psychopathie et à l'insuffisance de l'alimen-

tation, mais elle a son existence propre, car les autres mélancolies

hypochondriaques sont loin de se compliquer toujours d'altéra-

tions musculaires. La constipation opiniâtre et la fréquence des

affections pulmonaires se rat tachent aux lésions, des muscles abdo-

minaux, rectaux, diaphragmatiques. - Parlons, pour terminer,

des altérations musculaires chez les paralytiques. Quand cette

maladie se complique de lésion des cordons latéraux, on

constate de l'atruphie extrême des biceps, des adducteurs, de

l'éminence thénar, du psoas (vacuolisation des éléments anato-

miques) ; l'altération débute parla transformation d'une partie de

la substance musculeuse en organites nucléaires autour desquels

se forment des vides; ces vides fusionnent en vacuoles qui

témoignent de la disparition de toutes les fibrilles musculaires;

en outre les noyaux multiplient à l'infini au centre et dans le péri-

mvsium.

M. Rumpr (de Marbourg). Des troubles de la sensibilité et de

l'ataxie. - Goldscheider a eu raison d'annoncer que l'application

de courants faradiques forts détermine une diminution de la sensi-

bilité de la peau et des articulations, mais il n'est pas exact qu'il

s'en suive de l'ataxie. Voici, par exemple, une observation de

parésie considérable de tous les modes de la sensibilité cutanée,

avec émoussement de la sensibilité articulaire et du sens muscu-

laire des mains; cependant le sujet ne présentait nulle trace

d'ataxie ni dans ses mouvements ordinaires ni en écrivant. Il n'y

a, pour s'en convaincre, qu'à comparer les modèles écrits par un

260 sociétés savantes.

sujet sain et par un ataxique atteints tous deux du même trouble

de la sensibilité des mains. On y voit que le premier, affecté de la

diminution en question de la sensibilité, traçait des lettres plus

grosses et paraphait plus grand quand on lui fermait les yeux, sans

qu'il se révélât d'incoordination ataxique ; inversement, celui qui,

sous l'influence du tabès, est atteint des troubles de la sensibilité

dont nous nous occupons, amplifie son écriture, mais en traçant

des caractères tremblés témoignant de son incoordination.

M. J. HOFFMANN (de Heidelberg) complète l'histoire de la maladie

à laquelle il a assigné le nom d'atrophie musculaire progressive

névrotique par la description anatomo-pathologique suivante. Il s'agit

d'une dégénérescence des nerfs périphériques moteurs et sensitifs

à marche ascendante; lésion semblable des racines antérieures et

postérieures. Dégénérescence des cordons postérieurs dans la

moelle lombaire qui n'atteint en montant que les faisceaux de

Goll. Il existe aussi une atrophie des cellules nerveuses multipo-

laires des cornes antérieures; il est même probable que les

colonnes de Clarke participent, ainsi que la substance grise des

cornes postérieures, à l'altération. Quant aux lésions musculaires,

elles ont été déjà publiées. Il en résulte qu'il y a lieu, au point de

vue clinique et en ce qui concerne l'anatomie pathologique, de

distinguer la maladie qui nous occupe des autres affections du

système nerveux et de lui créer une place à part.

M. BUCHHOLZ (d'Heidelberg). Des altérations des vaisseaux de la

base de l'encéphale. L'auteur a examiné les artères basilaires et

carotides de 31 malades y compris les branches collatérales de ces

gros vaisseaux. Il s'agissait ici de : 19 cas de démence paralytique,

3 cas de syphilis cérébrale, 2 cas de tumeuis du cerveau, 4 cas de

psychoses séniles, 3 observations de vésanies (délire général hallu-

cinatoire-fol.syst. hypochondriaque). Les paralytiques avaient :

l'un 28 ans, dix de 30 à 40 ans, les autres de 40 à 46 ans; quatre

d'entre eux étaient atteints de syphilis constitutionnelle, quatre

autres avaient probablement été infectés avant. le dénouement

paralytique. Les trois individus morts de syphilis cérébrale étaient

âgés de 35, 50, 52, ans. Des quatre aliénés par sénilité, le plus jeune

avait 51 ans, le plus vieux 66. Les patients ayant succombé à une

tumeur cérébrale avaient 29 et 35 ans. Les vésaniques comptaient

28 et 47 années. Les autopsies n'ont pas décelé d'altérations

macroscopiques des vaisseaux dans 14 cas; en deux cas il est fait

mention de l'absence absolue de lésions des vaisseaux de la base;

quinze faits témoignent de dégénérescences aortiques. Ces dégéné-

rescences aortiques étaient constituées par des taches graisseuses

- un épaississement fibreux de la tunique interne des plaques

athéromateuses infiltrées de graisse : - mais quatre de ces cas

étaient indemnes d'altérations des vaisseaux de la base ; trois

autres étaient caractérisés par la complication d'athéromasie cal-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 261

caire de ces organes. Il existait un cas dans lequel on notait des

traces anatomiques de syphilis chez un paralytique général; le

bord supérieur du gland présentait une cicatrice. Le miscrocope

révéla :

1° Un état normal complet chez les trois vésaniques, malgré

l'ancienneté de la folie qui dans un cas, datait de 47 ans; "

2° L'intégrité des vaisseaux chez un jeune homme de 22 ans

mort de tumeur cérébrale et chez une paralytique non svphilique

de 39 ans :

3° Une endartérite minime isolée dans trois cas (tumeur céré-

brale paralysie générale) ;

4° Il reste par conséquent 24 cas d'altérations vasculaires con-

sidérables dont deux athéromasies avancées (démence sénile et

paralysie générale), une endartérite avec dégénérescence grais-

seuse et hyaline (syphilis cérébrale), et vingt et une endartérites

chroniques simples (altérations d'Heubner) : ces vingt et un faits

se décomposent en : six endartérites oblitérantes (démence sénile et

paralysie générale simple ou syphilitique) et quinze endartérites

quelconques (dont douze paralytiques la plupart ordinaires).

Il est donc impossible de diagnostiquer la syphilis antérieure par les

lésions vasculaires constatées à l'autopsie. Mais il est évident que les

individus atteints de lésions cérébrales organiques présentent de bonne

heure des altérations vasculaires prononcées.

M. HITZIG (de Halle). Des dystrophies spinales. - M. Hitzig pré-

sente au Congrès des préparations et des dessins témoignant des

lésions anatomiques de la paralysie infantile; le sujet de l'obser-

vation mourut à 25 ans. Les débris du tissu musculaire se compo-

saient de faisceaux de fibres arrivées à la dernière période de

l'hypertrophie et constellées de vacuoles. La présence de telles

fibres dans les affections spinales bien caractérisées, et la consta-

tation de vivo de leur existence dans la poliomyélite antérieure

chronique (voy. le cas Ack. in Berl. hlizz. lYochenschrift, 1888)

permettent de prononcer le diagnostic de modalité spinale. Ces

dystrophies ne sauraient donc plus être tenues pour l'indice de

myopathies primitives. L'opinion la plus plausible, c'est que ces

altérations ont une origine centrale et que, ne trouvât-on pas

de lésions médullaires, on est en droit d'admettre l'idée des

troubles trophiques fonctionnels d'origine centrale.

Discussion. - M. Ean partage l'avis de M. Hitzig. Il a peine à

accepter la théorie des myopathies pures. L'absence de lésions

dans la moelle n'implique pas la négation de toute origine spinale.

D'ailleurs, de ce qu'on ne trouve pas de lésions, cela ne veut pas

dire qu'il n'en existe pas, cela signifie que nous devons perfec-

tionner notre arsenal d'investigation. Il n'y a pas lieu de dis-

tinguer rigoureusement les atrophies musculaires spinales des

262 SOCIÉTÉS SAVANTES.

atrophies myopathiques. Il faut préalablement s'attachera la dis-

tinction clinique des dystrophies pures et des altérations spinales

mais il n'est pas impossible que les deux genres d'altérations aient

pour foyer commun d'origine les appareils trophiques centraux.

M. SCHUELTZE partage aussi cette manière de voir. L'anatomie pa-

thologique n'est encore pas assez avancée pour trancher sûrement

la question de l'origine spinale et de l'origine non spinale d'une

atrophie musculaire donnée.

M. ERB demande à M. Hitzig s'il a observé la scissiparité des

fibres musculaires; M. Hitzig répond que oui.

Séance du 26 mai 1889. Présidence de M. Ronrrr.

Sur la proposition du président, Bade-les-Bains est'de nouveau

choisi comme lieu de réunion pour l'an prochain. Sont nommés

curateurs-organisateurs : MM. Schuele (d'Illenau) et F. Fischer

(d'Illenau).

M. «EIGER1' (de Francfort) montre des préparations Ú double

élection dans lesquelles les fibres de la névroglie sont colorées en

bleu ; les noyaux, en rouge ; les cellules, en rougeâtre; les cylindres-

axes restent incolores.

M. DE Monakow (de Zurich) montre les pièces anatomiques sui-

vantes :

1° Un encéphale de chien chez lequel, le jour de la naissance,

on avait enlevé le lobe occipital du côté gauche et une partie du lobe

temporal. Il mourut huit semaines plus tard. On trouve : une atro-

phie extrême du corps genouillé externe, du pulvinar et du corps

genouillé interne du côté de la lésion ; cette atrophie atteint la ban-

odelette optique du côté gauche jusqu'au chiasma ; les deux nerfs op-

tiques sont devenus étroits ;

2° Un encéphale de chien auquel, trois jours après la naissance,

on a enlevé la plus grande partie de l'hémisphère cérébral droit. Il

n'est resté, outre l'extrémité du lobe frontal et des lobes olfactifs,

que des débris du gyrus sigmoïde, de la circonvolution du corps

calleux et du lobe temporal. La capsule interne a subi une com-

plète solution de continuité. L'animal est mort à huit mois et demi.

On constate : une rétraction extrême de la couche optique, du

corps genouillé externe et du corps genouillé interne du côté droit;

la tubercule quadrijumeau antérieur droit est aplati, le tubercule

mamillaire du même côté a diminué de volume. Il n'existe plus

trace de la pyramide droite ; aplatissement extrême de la protubé-

rance annulaire à droite. La bandelette optique du même côté est

jusqu'au chiasma réduite de moitié au moins comparativement ci cet

organe du côté gauche ;

3° Un encéphale humain dans lequel il existait un foyer de n(-

wollissement ancien en plein lobe occipital guuclie. Cettepièce appar-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 263

tenait a un peintre de soixante-huit ans, affecté d'hémianopsie

avec alexie. La substance blanche ressortissant au pli courbe, à la

première occipitale, à la portion supéro-postérieure de l'avant-

coin est en grande partie détruite et résorbée ; il reste à sa place

un kyste volumineux à parois indurées; le ramollissement n'a

cependant nulle part gagné les fibres atéro-postéi-ietires du centre

ovale. Dilatation extrême de la corne postérieure du ventricule la-

téral. Intégrité du coin, des seconde et troisième occipitales, du

segment inférieur des libres de Gratiolet, de l'écorce du pli courbe.

Dégénérescence secondaire du segment supérieur des fibres de Gra-

tiolet jusqu'à la substance blanche latérale du pulvinar ; diminution

considérable du pulvinar et du corps genouillé externe ; atrophie du

bras du tubercule quadrijumeau antérieur et surtout des segments

postérieurs de la bandelette optique gauche. Egalité de volume des

deux nerfs optiques; le nerf optique droit est simplement un peu

grisâtre au niveau de sa partie interne ;

4° Un encéphale d'une idiote de vingt-huit ans, ayant eu à l'âge

de deux ans une embolie de l'a2,tèi,esylvieiiiie, gauche. Il n'existe plus

de première temporale gauche; les segments inférieurs du lobe

pariétal gauche ont subi un recoquillement considérable qui porte

surtout sur la substance blanche. Dilatation extrême du ventricule

latéral. Atrophie secondaire de la pyramide gauche, du noyau

moyen de la couche optique et du tubercule quadrijumeau anté-

rieur de ce côté ;'aspect identique du pulvinar et du corps genouillé

externe des deux côtés (le lobe occipital semble d'ailleurs normal).

Le corps genouillé interne gauche est presque complètement résorbé ; ,.

il en reste à peine une trace. Etat normal des deux corps striés.

Ces pièces montrent les relations qui existent dans l'ensemble du

règne animal (lapins -chiens - hommes) entre certaines régions

du cerveau et les segments correspondants du cerveau intermé-

diaire ; elles sont démontrées par les dégénérescences secondaires.

Elles montrent plus particulièrement que l'anéantissement du lobe

temporal gauche (Obs. IV) se traduit par le recoquillement extrême

du corps genouillé interne; c'est la confirmation médicale de l'expé-

rimentation chez le lapin et le chat auxquels on a enlevé le lobe

temporal. (V. Archives f. Psych., t. lIl ; Neurol. Centmlbl" 1885 ;

Archives de Neurologie, Revues analytiques, t. VI, p. 403.)

Les trois premières pièces confirment l'opinion de M. Monakow

(V. Arch. f. Psych., t. XII, XIV, XVI, XX, et Archives de Neurologie,

Revues analytiques, t. VI, p. 403, t. IX, p. 256, t. XIX, 113 et 115),

d'après laquelle les centres cptiques primaires s'atrophient forcément

à la suite de destructions du lobe occipital ; à cette dégénérescence

secondaire participe graduellement la bandelette optique du côté lésé;

seulement cette dégénérescence demande plusieurs années chez l'adulte.

M. Schultze (de Bonn) lit l'observation d'un cas de tabès dorsal

avancé caractérisé par une complète paralysie avec atrophie des

264 SOCIÉTÉS SAVANTES.

muscles masticateurs du côté gauche, notamment du masséter et du

temporal; en même temps, anesthésie partielle du nerf trijumeau

de ce côté ; perte totale de l'excitabilité électro-faradique et élec-

tro-galvanique. 11 est probable que le noyau moteur de ce nerf

est atrophié et qu'il existe une dégénérescence périphérique des

fibres correspondantes. -

Voici maintenant deux observations d'acromégalie.

Le premier fait comportait des difficultés diagnostiques, parce

que la tête n'était pas atteinte, et que le malade, d'un certain âge,

avait été affecté d'arthrite déformante au niveau des articulations

carpiennes et métacarpiennes et qu'il présentait en outre de l'oe-

dème des membres inférieurs. Les commémoratifs démontrèrent

cependant qu'avant l'arthrite les mains et les pieds étaient d'un

volume anormal.

Le second fait concerne un homme de trente ans, porteur de la

céphalomégalie caractéristique : diamètre horizontal au niveau des

bosses frontales énormes = 670 milli ; volume extrême du sque-

lette céphalique ; proéminence et allongement marqués du men-

ton ; longueur des oreilles; langue large et épaisse; amygdales

gigantesques. Thorax très large ; épaississement des clavicules et

des côtes. Poids total : 230 livres, bien que le panicule adipeux

soit normal. Nulle trace d'affection articulaire, etc., etc. La ma-

ladie a débuté il y a dix ans, par des troubles visuels; ces troubles

ont abouti, il y a cinq années, à l'hémianopsie temporale complète ;

actuellement un des yeux est totalement perdu, et l'acuité visuelle

de l'autre oeil a considérablement baissé (étude du champ visuel) ;

il y a évidemment une tumeur de la glande pinéale. Le même ma-

lade est encore porteur depuis l'enfance d'une grande quantité de

kéloàdes indurées qui occupent la peau du tronc et des extrémités.

C'est surtout pendant ces dernières années que la tête a augmenté

de volume.

Enfin, M. Schultze traite de ce qu'on appelle la névrose trauma-

tique. C'est, dit-il, un terme commode, mais propre à laisser pas-

ser inaperçus des troubles organiques. A côté de cela, elle peut se

manifester par de l'hypochondrie et de la mélancolie n'ayant

aucun substratum anatomique palpable. Le simulateur avec ses

angoisses peut alors vous en imposer. Il est en effet difficile, très

difficile même, de trouver le rétrécissement du champ visuel chez

des malades illettrés et inattentifs, et il n'est pas prouvé que ce

soit un signe certain de diagnoslic; les troubles de la sensibilité

exigent de la part de l'observateur, à raison de la fluctuation ,des

assertions des patients, un contrôle minutieux et répété àplusieurs

reprises. L'expression de névrose traumatique locale vaut encore

moins; ne s'agit-il pas ici d'une psychopathie d'une hypochondrie

qui n'a rien à voir avec des altérations fonctionnelles des nerfs

SOCIÉTÉS SAVANTES. 265

périphériques ? Que de difficultés ne rencontre-t-on pas à déjouer

la simulation ? L'exagération des réflexes tendineux n'a rien d'uni-

voque. Les anesthésies ou hypéresthésies locales ne prouvent pas

davantage, car quel est celui des sujets qui ne pensera pas à accuser

une anomalie quelconque de la sensibilité au niveau du trauma-

tisme.

Discussion. - 1f. EDINGER. Pour toutes les raisons mises en relief

par M. Schultze, il est regrettable que le médecin soit appelé à

donner publiquement son avis.

M. H[TZ ! G.Jusqu'à ce jour, à Halle, je me suis borné à des rap-

ports écrits. La simulation totale est d'ailleurs rare. Le signe le

plus important au point de vue du diagnostic, c'est la modification

de l'action du coeur, mais il faut, pour savoir l'apprécier, observer

longuement les individus afin d'éliminer la question d'émotion.

M. BOEUMLeR. - La simulation dans l'espèce tient souvent aux

personnes de l'entourage, qui, exagérant les accidents, poussent in-

consciemment le patient à amplifier des malaises certains. Le

traumatisme détermine du reste souvent des leucopathies.

M. Fuerstner communique un exemple de simulation chez un

employé des postes ; il tenta de se faire passer pour paralytique

général. La constatation objective des battements de coeur est

insuffisante, puisque l'émotion peut accélérer les pulsations.

M. Rontrr rappelle que Mannkopf a provoqué de l'exagération

des battements du pouls en comprimant des zones névralgiques.

Quant à lui il attache plus d'importance à l'existence de convul-

sions fibrillaires dans les muscles; il faut s'adresser, pour l'examen,

à l'électrisation énergique de la peau à l'aide de courants fara-

diques très forts.

M. TnoitSEN.Quand on examine des individus qui n'ont pas été

obligés de faire de procès et qui, par suite, n'ont eu aucun intérêt à

simuler, on voit que le champ visuel joue un grand rôle dans l'es-

pèce. Les névroses traumatiques ont une certaine ressemblance

avec l'hystérie ; le rétrécissement considérable du champ visuel y

est caractéristique. Il faut remplacer l'expression de névrose trau-

matique locale par celle de neuropsyel1ose généralisée.

M. JOLLY. Dites plutôt : Hystérie provoquée pllr le traumatisme.

M. DE CORRAL (de Bade). Contribution à la question de la théra-

peutique suggestive. Voici les conclusions decetimportant mémoire :

1. La suggestion est un agent thérapeutique, tantôt palliatif, tantôt

radicalement curatif.

'2. En choisissant bien les sujets [et en agissant avec circonspection,

en se gardant d'expérimenter et surtout de s'adresser à la suggestion

qui, loin d'être nécessaire, est nuisible, on évite toute espèce de dangers,

on n'impose pas au patient plus d'aléas que lorsqu'ou prescrit d'autres

médicaments, somme toute, du même ordre.

266 SOCIÉTÉS savantes.

3. Comme il s'agit d'un agent trop peu connu pour que les indications

et contre-indications puissent en être déterminées avec certitude, il ne

faut y avoir recours que lorsque les autres moyens thérapeutiques ont

échoué. On n'est en droit de se départir de cette mesure de prudence

que,lorsque l'on est certain que la suggestion est moins suspecte que

d'autres médicaments, tels que, par exemple, la morphine ou le chloro-

forme. -

4. Il faut étudier la suggestion au même titre et avec lamême méthode

que tout autre agent médicamenteux. Il ne faut pas se borner à enre-

gistrer des phénomènes plus ou moins intéressants, il faut en déterminer

les conditions expérimentales et cliniques et arriver a préciser les cas

dans lesquels on est fondé d'en attendre une action thérapeutique

efficace, et ceux dans lesquels on doit s'abstenir.

Dans ce but, on pratiquera la suggestion dans le silence du cabinet en

présence de un, tout au plus de deux témoins : les malades sur lesquels

on agira ne seront pas présentés au cours ni à un auditoire afin d'éli

miner le plus possible l'influence psychique.

5. C'est à ce piix que les cliniciens et les praticiens, associant leurs

efforts et rayant de leurs tablettes l'expression d'expériences intéres-

santes, obtiendront de la suggestion ce qu'elle peut donner et seront

autorisés à l'inscrire dans l'arsenal de la thérapeutique courante à la

colonne du fonds commun.

6. On opposera ainsi une digue au merveilleux, ainsi qu'aux agisse-

ments nuisibles des charlatans incompétents. \

7. Ainsi s'affirmera l'impérieuse obligation d'édicter des lois qui

réservent au médecin seul l'usage d'un agent aussi actif; il ne suffit pas

de défendre les séances publiques d'hypnotisme pour mettre un terme

aux abus de l'hypnotisme et de la suggestion.

M. Edinger (de Francfort), présente des coupes faites à travers

un encéphale qui montre un foyer exclusivement limité à la partie

postérieure de la couche optique. - Il est certain que la capsule

interne n'a rien. Le cas sera publié ultérieurement.

M. Skl ? T-13EIINEIMER (d'IIeidelher). De la constatation chez les

embryons de fibres nerveuses non entre-croisées dans le chiasma du nerf

optique de l'homme- L'auteur montre des préparations à l'appui;

ces préparations proviennent du chiasma d'un homme affecté

d'atrophie d'un des nerfs optiques; elles sont colorées par la

méthode de Weigert; on y reconnaît facilement des fibres directes

et des fibres entre-croisées, complètement ou incomplètement

atrophiées. Ce travail paraîtra in extenso dans les Arch. f. Augen-

heilkunde, t. XX, cah. 2, de Knapp et Schwei¡rger, sous le titre :

Développement et trajet des fibres blanches dans le chiasma des nerfs

optiques de l'homme.

M. WITNOVSKT. De l'action des opiacés sur le tube intestinal. -

Les expériences faites par l'orateur ont eu pour principe d'ouvrir

le ventre des animaux dans un bain à la température du sang et

contenant à doses physiologiques une quantité convenable de

chlorure de sodium. Par ce procédé, comme l'ont indiqué Bram

SOCIÉTÉS SAVANTES. 267

et Honchgeest, les intestins restent en repos, mais demeurent long- '

temps excitables. Dans ces conditions. l'application directe sur

l'intestin de cristaux de sels de soude engendre une onde con-

tractile qui se propage, tandis que les sels de potasse déterminent

un anneau contractile localisé. Si maintenant l'on pratique une

injection de morphine à petites doses, on transforme la première

action en la seconde, de hautes doses renversent celte modifica-

tion à ce point que l'onde contractile pagne jusqu'aux limites du

gros intestin : il s'en suit que de petites doses de morphine

excitent les nerfs d'arrêt de l'intestin tandis que de fortes doses

paralysent ces filets nerveux. Il en est tout autrement chez

l'homme; chez lui de hautes doses d'opium exercent une action cal-

mante notamrnentdans le volvulusetla péritonite, tandis que le trai-

tement opiacé au début et à petites doses excite souvent l'estomac

et l'intestin ainsi qu'en témoignent les vomissements, la sen-

sation de pression abdominale, de vertiges et de coliques. La

variété des modes d'application des sels alcalins doit probablement

être rapportée à l'excès d'action locale du sel de potasse : l'anneau

contractile empêche la propagation de l'excitation ; la propagation

fréquente du mouvement péristaltique consécutif à l'absorption

de la morphine indique une autre cause. Les selles sanglantes que

l'on observe en particulier chez les chiens à la suite de l'adminis-

tration de grammes de morphine ne dépendent pas d'actions

vaso-motrices, car les vaisseaux de l'intestin ne révèlent aucune

modification notable chez les animaux ainsi empoisonnés, et,

comme toute, l'action vasculairedes opiacés estrelalivementminime.

Tous ces phénomènes s'expliquent naturellement par les dé-

sordres directement causés sur l'ensemble de la muqueuse diges-

tive. La pathologie ne nous apprend-elle pas en effet que l'on

rencontre en pareils cas les accidents de l'embarras gastrique :

enduit saburral de la langue sécheresse de la bouche - nausées

- douleurs stomacales vomissements vertiges coliques;

sans compter les phénomènes d'entérite catarrhale; l'autopsie

montre une muqueuse épaisse. L'expérimentation montreen outre

que l'excitabilité du système moteur de l'intestin a diminué, il se

montre rebelle aux modificateurs thermiques, aux interventions

que l'on dirige contre la circulation, aux poisons. La morphine

exerce, dans l'espèce, une action semblable, quoique plus faible, à

celle de l'atrophie; elle ralentit l'effet des purgatifs surtout quand

on s'adresse à l'aloès. Les solutions de morphine désinfectent le

tube digestif ainsi que le montrent la clinique et la stabilité du

liquide médicamenteux; les fermentations sont modérées, les pro-

duits gazeux sont diminués, il en est de la morphine comme du

calomel qui, suivant les circonstances, relâche ou constipe.

La morphine occupe donc une place de première importance

comme agent capable de modifier les mouvements de l'intestin;

268 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ce que nous venons de dire explique les raisons de son degré

d'action et les nombreuses fluctuations individuelles de son in-

fluente. Mais ce sont là des effets accessoires quand on les compare

à l'action primordiale de la morphine et de l'opium qui prend sa

source dans la narcose généralisée de l'ensemble de l'organisme ;

ce médicament l'emporte à cet égard sur d'autres toxiques ana-

logues par suite de l'opiniâtreté et de la continuité de la modification

qu'il exerce sur le tube digestif. Par lui, l'intestin devient moins

sensible; il dissipe douleur et irritation, chasse l'inactivité cen-

trale (craintes, angoisse, chagrin, joie, etc.), modère les garde-

robes, en un mot : s'il atrit sur la motilité et la sécrétion intesti-

nales, il s'adresse surtout à la sensibilité, aussi le premier signe de

la narcose intestinale est-il la sensation du bien-être.

M. KOEPPEN (de Strasbourg). De la paralysie ostéomalaciyuc. -

Voici trois observations de paralysies pendant la grossesse qui,

après s'être améliorées, à la suite de chaque délivrance, empiraient

à chaque nouvelle conception. La marche, pénible, occasionnait

des douleurs : elle rappelait celle du canard. L'avancement d'une

des jambes déterminait le soulèvement du bassin du côté corres-

pondant et la projection du plan latéral du corps. Mouvements

spontanés laborieux : impossible de lever la jambe; grande diffi-

culté à se dresser sur son séant dans la station couchée. Faiblesse

des bras ; diminution de l'excitabilité électrique; sensibilité des

os à la pression; conservation des réflexes patellaires. Et cependant,

on ne constatait dans l'espèce pas d'ostéomalacie à la forme du

bassin. L'examen de deux autres malades atteintes d'ostéoma-

lacie au début a révélé les mêmes accidents. Il existe donc une pa-

ralysie des femmes grosses qui tient à l'ostéornalacie, ainsi que le

veut Renz. La paralysie sacrée de Lehmann n'est du reste pas

autre chose. Les altérations des muscles sont caractéristiques

(Chambers. Webers, Friedreich). Ces organes subissent la dégéné-

rescence graisseuse et passent par le^ diverses phases de l'inflam-

mation. 11 existe en somme une dystrophie ostéomalacique des

muscles qui précède ou accompagne les altérations des osetexplique

les parésies musculaires (paralysie notamment du psoas iliaque), et

la démarche semblable à celle du canard; quant aux douleurs

osseuses, elles constituent un signe important d'ostéomalacie au

début.

M. Laquer (de Francfort). Du spasme radial. Un négociant de

quarante-cinq ans présentant des tares héréditaires et affecté

depuis longues années de neurasthénie avec insuffisance du muscle

cardiaque et de crampe des écrivains, se fait masser pour guérir

ces accidents convulsifs.A la suite de quarante et une séances éner-

giques il se produit dans les extenseurs de l'avant-bras du côté droit

un spasme clonique qui finit par devenir insupportable; finalement

SOCIÉTÉS SAVANTES. 269 9

tous les muscles de Lavant-bras et de la main innervés par le

radial sont pris; les convulsions s'accompagnent de douleurs.

De temps à autre il se produit une tétanisat.ion formidable. Inté-

grité de la sensibilité. Légère atrophie de toute la charpente

musculaire au hras droit. Absence de phénomènes vasomo-

teurs ; l'exagération du renversement de la main a simplement

produit du gonflement et un certain degré de sensibilité à la

pression. Inanité des nervins, de la galvanisation, de l'hydrothé-

rapie. Le diagnostic oscillait entre deux décisions. Ou bien il s'a-

gissait d'un spasme purement fonctionnel provoqué par le trau-

matisme exercé sur les nerfs cutanés sensitifs, l'irritation ayant

gagné les tractus moteurs périphériques. Ou bien il existait une

lésion organique des centres, une tumeur par exemple des régions

motrices. L'affection ayant guéri au bout de huit mois de traite-

ment, la première hypothèse était la vraié. La guérison eut lieu

brusquement; il suffit pour la produire d'annoncer au malade

qu'on allait lui faire une opération (élongation du nerf).

Discussion. M. Schultze communique deux ob ervalions

semblables empruntées à sa clientèle. La première concerne des

spasmes toniques et cloniques du triceps brachial l'affection ; en

dépit de toute espèce de traitements, dura douze ans et s'améliora

spontanément : il ne reste actuellement que des convulsions

cloniques. Le second cas a trait à des spasmes occupant le

grand pectoral et les muscles rotateurs de la cuisse en dehors. La

guérison s'effectua au bout de dix années. Il ne faut donc pas

noircir le pronostic invariablement.

M. ERB. Remarques sur la suspension chez les tabétiques. Les

résultats annoncés par M. Charcot sont exacts ; M. ËRB en a cons-

taté personnellement les bienfaits à la Salpêtrière. Voici mainte- «

nant six observations de suspensions instituées en commun avec

M. Hoffmann, qui sont loin d'être favorables à la méthode. On

n'y lit à toute minute que les mots : aggravation progressive; ac-

cidents cérébraux et médullaires obligeant à interrompre les

séances ; exagération des douleurs lancinantes ; mort subite (par

paralysie du nerf vague ? ) Un cas seulement témoigne d'une double

phase; à la suite de treize suspensions, les phénomènes doulou-

reux du labes augmentent ; le patient persiste à se suspendre chez

lui; un mois après, il écrit qu'il s'améliore progressivement et que,

si les élancements se sont exaspérés jusqu'à la vingt-deuxième

séance, à partir de ce moment, ils ont disparu et même complè-

tement (28° séance). Ces résultats sont loin d'être engageants; il il

est vrai qu'il s'agit ici surtout de tabes récents, à marche relative-

ment rapide, et que les malades considérés étaient d'un poids au-

dessus de la moyenne de beaucoup. Quoi qu'il en soit, il convient

de continuer les essais ; les bienfaits de la suspension sont hors de

270 SOCIÉTÉS SAVANTES.

doute, ils sont affranchis, dans l'espèce, de toute influence psy-

chique ; il en faut étudier minutieusement les effets dans le silence

du laboratoire clinique et ne pas la confier au malade, de crainte

d'accidents.

Discussion. M. IüTZic communique à son tour le produit de

son expérience en pareille matière. Il a soumis jusqu'ici à la sus-

pension, cinq hommes et une femme. C'est surtout dans le tabès

ordinaire qu'il s'en est servi. Ses résultats concordent avec ceux

de M. Erb. C'est un procédé qui améliore plus ou moins certains

accidents morbides, mais L'amélioration n'est d'ordinaire que pas-

sagère. -

M. Binswanger appelle l'attention sur un autre mode de sus-

pension, en apparence moins dangereux, que lui a fait connaître

Rappeler. Les malades étant étendus tout du long sur un lit de re-

pos, on élève la partie supérieure de leur corps au moyen d'une

sangle qui embrasse et contient toute la moitié supérieure du

thorax, en infléchissant fortement la tête en arrière.

M. Friedmann. Contribution à l'histologie et à la classification no-

sographique des formes de l'encéphalite aiguë commune non suppurée.

- Eu créant le terme moderne d'encéphalite, et en séparant l'in-

flammation primitive du ramollissement cérébral, on a eu surtout

pour objectif les formes suppuratives; mais, à côté de l'encépha-

lite aiguë non suppurée, il fallait faire une place au ramollisse-

ment du cerveau suppuré, aussi bien qu'au ramollissement céré-

bral ordinaire. Les observations publiées dans ce but, les

unes isolées, les autres contestables, sont demeurées impuissantes

à faire oeuvre utile. Les modalités les plus connues actuellement,

sont : l'encéphalite des nouveau-nés (Virchow), l'encéphalite dite

parenchymateuse, la polioencéphalite (Struempell). On conserve

notamment l'habitude de tenir l'inflammation non suppurée pour

une forme évolutive ou curative de l'inflammation suppurative.

Voici les nouveaux résultats auxquels une série d'expériences sur

l'encéphalite traumatique ont conduit M. Friedmann :

1° Il existe entre l'encéphalite suppurée et l'encéphalite non suppurée

une distinction étiologique et auatomo-patliologi<lue (histologique) pri-

mordiale, pour ainsi dire ab ovo.

2° L'encéphalite non suppurée se compose elle-même d'une série de

processus absolument distincts. C'est ainsi que l'encéphalite qui est

provoquée par la cautérisation évolue avec une rapidité foudroyante et

se manifeste par une hypergenèse très accusée de grosses cellules.

L'encéphalite ordinaire, qui résulte d'une plaie (traumatique), marche

lentement; elle est caractérisée par une lente prolifération du tissu inters-

titiel et la genèse de cellules granuleuses.

L'étude analytique des observations relatives à l'encéphalite

spontanée non suppurée décèle des analogies surprenantes entre

cette affection et les formes traumatiques. On y constate : 1° des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 271 Il

foyers de grosses cellules épithélioïdes dont l'interprétation est

demeurée jusqu'ici difficile, mais qui rappellent presque complè-

tement celles que l'on observe dans l'encéphalite par cautérisa-

tion. Elles stigmatisent le degré le plis intense de ces inflamma-

tions ; 2° à un second degré, ce sont des foyers constitués par une

tuméfaction exagérée des cellules de la névroglie et des cylindres-

axes, ainsi que par l'agglomération de cellules granuleuses. Ces

altérations représentent un type plus faible, simplement irritatif,

de l'inflammation et succèdent assez souvent aux embolies et aux

thomboses; 3° l'encéphalite hémorrhagique qui comprend, outre

la poliencéphalite hémorrhagique aiguë, un autre genre, dont

M. Friedmann communique une observation, et l'encéphalite à

kystes et plaques jaunes consécutives à la genèse spontanée de

foyers de cellules granuleuses, représentent, traits pour traits,

l'encéphalite ordinaire consécutive à une plaie traumatique; 4" une

cinquième forme, c'est l'encéphalite gommeuse.

Aucune de ces modalités n'a rien à faire avec l'inflammation

suppurative ; il en existe plus d'espèces qu'on ne le suppose géné-

ralement. L'encéphalile dite parenchymateuse témoigne des de-

grés les plus intenses de l'inflammation traumatique : elle se rat-

tache aux deux premiers groupes. On ne saurait maintenir la

distinction artificielle formulée par les auteurs, entre l'encéphalite

non suppurée et le ramollissement encéphalique, du moins au

point de vue anatomique. Les première, deuxième et quatrième

modalités peuvent se produire spontanément : il en est ainsi à la

suite de thromboses et d'embolies. C'està l'avenir qu'est réservée la

solution du problème posé dans les termes suivants : la différencia-

tion étiologique peut-elle on non servir d'élément de distinction

clinique ? 2

Le Congrès se sépare après avoir visité le nouveau sanatorium

pour maladies nerveuses, construit par M. Schneider (de Ba.de-les-

Bains). (Arch. f. Psychiat., XXI, 2.) P. KERAVAL.

CONGRES DES ALIÉNISTES DE L'EST UE L'ALLEMAGNE

SESSION DE llI\ESL.\ 1 ?

Séance du 20 mars 1889.

M. Lissauer communique à la place de M. MAMRUTH, empêché,

un travail sur quelques observations formant le chaînon intermédiaire

ci la paralysie générale et ci la catatonie. Présentation du malade.

ils z.1 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Neisser discute l'emploi du § 51 du Code pénal '.

. M. Wernicke discute le plan et l'organisation de sa clinique offi-

cielle2. Visite de l'établissement par les membres du congrès.

SESSION DE GltLI1'7.

Séance du 29 juin 1889.

M. uLWCUS. De quelques particularités qui distinguent les phéno-

mènes et l'évolution de la mélancolie chez les neurasthéniques. Il

existe chez les neurasthéniques une dépression ordinaire quasi-

physiologique, avec excitation qui tient à un manque de confiance

en soi.

Cette dépression peut dégénérer en véritable dysthymie qui se

fait remarquer par les caractères suivants, Il s'agit dans tous les

cas d'individus neurasthéniques depuis longtemps qui restent neu-

rasthéniques après la guérison de la psychose en question. Le

trouble mental ne constitue donc par rapport au terrain morbide

qu'un épisode de courte durée. Généralement se sont des femmes,

chez lesquelles on note des tares héréditaires importantes. La neu-

rasthénie dont elles sont affectées traîne pendant plusieurs années

malgré la surémotivité produite par la névrose; puis brutalement

sur l'influence d'une secousse morale par trop brusque, éclate

la dysthymie; certaines modifications physiques de l'économie

peuvent aussi agir, par exemple la grossesse, la puerpéralité. Le

syndrome presque constant de ce genre de mélancolie c'est l'ob-

session; elle se manifeste sous la forme d'idées de culpabilité

associée à des obscénités,' à des blasphèmes, obscénités, et blas-

phèmes s'imposant à l'esprit avec une énergie d'autant plus vive

que le malade a recours à des prières ou à des pratiques de piété

plus ferventes. La conclusion qu'en tire la patiente c'est qu'elle

est non pas malade, mais véritablement coupable. La réalité, c'est

que la dissociation psychique et.la dépression préexistent à l'obses-

sion, et que c'est la question du terrain mental qui représente la

nature de la maladie. L'obsession est le stigmate intellectuel de la

neurasthénie; elle se traduit chez le patient par des espèces d'hal-

lucinations auditives ou plustôt par des hallucinations embryon-

naires qui n'atteignent pas la forme parfaite. En même temps on

note les symptômes physiques suivants de la neurasthénie patho-

génétique : sensation de pression de la tête, insomnie, accès de

sténocardie, spasmes vasculaires des extrémités, avec sentiment de

froid et d'engourdissement (à forme hémiplégique), tremblements

' Voyez sur ce sujet Archives de Neurologie, XVIII,, p. 456, et

Congrès des Aliénistes Allemands, 181) ?

. Id., t. XIX, p. 129, et Kliitisches Jaltr¿uch, t. II.

SOCIÉTÉS SAVANTES. ` ? niai l'),

musculaires, etc., tous phénomènes qui s'accentuent quand le

ttoubles intellecluels s'améliorent et vice versa. Tel est le tableau

clinique qui dure pendant plusieurs semaines. A ce moment se

produit une amélioration qui laisse espérer la guérison. Il n'en

est cependant rien, car, brusquement, sans cause appréciable, l'en-

semble des phénomènes morbides signalés reparait avec sa vio-

lence accoutumée. Ce nouvel accès évolue comme le premier et,

de même que la première fois, c'est au rntment où le malade

semble entrer en convalescence, qu'un troisième accès éclate bru-

talement. Ces oscillations sont caractéristiques de la dysthymie

neurasthénique. La guérison ne s'en produit pas moins, mais à la

longue, après une année de maladie au moins. Les récidives parais-

sent rares. On administrera utilement l'opium àpetitesdoses; on se

trouvera également bien de l'arsenal hydrothérapique, du massage

et de l'entraînement mécanique, de l'électricité, à la condition

qu'on procède avec ménagement.

M. 11AHLIS : 1U11 lit un mémoire sur la folie juvénile, à la lumière

de deux observations. Il formule les conclusions que voici :

1° Il existe un groupe de modalités morbides qui sévissent sur le

jeunes gens sans rentrer dans aucune des catégories connues;

2° Ce groupe a pour caractère d'absorber la personnalité tout entière de

l'individu malade ; il est impossible de l'englober dans les troubles

psychiques partiels; il faut le qualifier de délire des actes;

3o La sphère morale est atteinte, mais non pas seule, non pas non plus

exclusivement. Ce n'est donc point de la folie morale;

4° Ces psychopathies se développent chez les enfants ou chez les ado-

lescents ; elles sont par suite bien distinctes de ceux des troubles

psychiques qui se montrent à l'âge mûr et se manifestent par des symp-

tômes moraux;

a° Elles se rattachent à l'hébéphrénie dont on a cru devoir distinguer

deux espèces sous les noms d hebéphrénie proprement dite et d'héboï-

dophrénie.

M. LissAUER décrit et montre une méthode pour exécuter de grandes

coupes de l'encéphale. Il s'agit d'obtenir des coupes grandes, minces,

uniformes, propres à l'analyse microscopique. L'inclusion dans la

paraffine a le désavantage de rendre les coupes très fragiles; il en

résulte que, lorsque ces coupes sont grandes, elles se déchirent pen-

dant les manipulations. Il y a deux moyens d'éviter cet inconvé-

nient. Avant de pratiquer la coupe, on enduit le bloc de la prépa-

ration paraffinée d'une mince couche de celloïdine; cette couche

sèche très rapidement; on dissout la paraffine par les moyens

appropriés, mais la celloïdine demeure et sert de ciment aux tissus.

Il existe un autre moyen plus sûr. Avant de pratiquer la coupe, on

colle sur le bloc de paraffine une bande de papier de soie, à l'aide

d'une épaisse solution de dextrine, on plonge le tout dans la cel-

loïdine et l'on traite ensuite le morceau avec son papier comme

Archives, t. XIX. 18

274 l SOCIÉTÉS savantes.

on traiterait une préparation paraffinée ordinaire. Il eL luênle

facile parce procédé de numéroter et de classer les coupes. Quand

on a sur le porte-objet éclairci la préparation, on détache douce-

ment la bande de papier dont l'adhérence à la coupe se trouve

détruite par suite de l'emploi des solutions d'eau distillée qui ont

servi aux diverses manipulations antérieures; pour réussir, il faut

avoir soin de prendre une solution concentrée de dextrine, ou de

n'en mettre qu'uneUrès petite couche et détacher le surplus avec

un morceau de papier buvard. On pratiquera les coupos à l'alcool

à l'aidede la lame à cerveau, on obtiendra ainsi des coupes épaisses

de deux à vingt-cinq centièmes de millimètre passant par tout

un lob : ! et au besoin par tout un hémisphère, même si les pièces

sont friables et trop durcies.

On procède au renouvellement du bureau. M.Wernicke est élu

président; M. Lisslulm, secrétaire. (AU. Zeitàclc., j'. Psch. XLVI,4.)

P. Keuaval.

CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE LA PROVINCE

DU Hill""

quarante et UNIÈME SESSION, DU 23 JUIN 1888.

PRÉSIDENCE DE M. NASSE.

M. Nasse consacre quelques paroles de regrets à la mémoire de

M. Freusberg; l'assemblée se lève en l'honneur du défunt. Il com-

munique ensuite à la société le texte du voeu transmis par lui au

ministre de l'instruction publique, relativement à la vente de la

cocaïne. Enfin il signale, en ce qui concerne la statistique indus-

trielle réclamée par le bureau, que l'administration se trouve empê-

chée par suite de l'oblitération des feuilles jusqu'à l'année 1880.

M. Lé lit deux rapports médico-légaux sur des états mentaux

douteux. - M. SClIROETER traite des colonies agricoles auprès des

asiles d'aliénés. M. FnANK décrit un cas de tumeur perlée du

cerveau avec pièces ci l'appui. - L'heure avancée ne permet pas

d'entendre M. PERETTI, sur les gUé1'isons brusques,

La discussion est ouverte sur Je Décret ministériel du 18 janvier,

relatif aux asiles privés. M. OElIEKK propose d'inviter la Sociélé

des aliénistes allemands à entrer en négociation avec les cham-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 275

bres médicales de la Prusse, afin de représenter d'un commun

accord au ministre que les mesures nouvelles ont un caractère

comminatoire qui lèse les intérêts des malades et des familles;

rabaisse dans l'opinion publique, sans motif justifié, les médecins

des asiles privés et leurs établissements; en dépossédant le prati-

cien du droit de signer un certificat valable pour faire admettre

ses malades dans un asile privé; on lèse sans raison ses intérêts

et l'on crée aux parents des malades des obligations difficiles à

remplir, qui nuisent à l'admission opportune des aliénés.

z la suite des développements de M. OEB IOEE, MM. Heriz,

Scxamrsn, Nasse, se rallient à cette motion.

- M. Hrermc expose que tous les pays se préoccupent de sauve- z

garder la liberté de leurs administrés, et que, si l'on compare le

décret ministériel qui nous occupe aux lois nouvelles des aulree

nations, on ne saurait le trouver rigoureux. Si le ministre impose

certaines prescriptions propres à- réglementer l'admission des

aliénés dans les asiles privés, c'est que le § 30 de l'ordonnance

qui régit l'installation de ces établissements n'impose pas la rési-

dence ni la désignation d'un médecin approuvé par l'autorité,

qu'au contraire il les concède à n'importe qui, pourvu que le

propriétaire n'ait aucune tare judiciaire. Le rapport préalable du

Physikus (médecin du district), complété par un certificat d'un

médecin compétent concluant à la nécessité de la séquestration, ne

constitue en rien un acte de défiance vis-à-vis des autres prati-

ciens, puisque le sttititse æamen (examen autorisant l'exercice de

la médecine) ne comprend aucune des matières de la psychiatrie,

tandis que l'examen du physikat a prévu des épreuves de ce

genre. Il y a lieu cependant de demander que tous les praticiens

soient interrogés sur les maladies mentales. Les formalités visées

par le décret ministériel ne nuiront en aucune façon à l'admission

des aliénés dans les : asiles privés, puisque il y a, depuis longtemps,

certaines provinces, telle celle du Hanovre, exigent le rapport

préalable qui soulève ces tempêtes, tout en permettant l'admission

provisoire dans des conditions faciles à remplir dans les cas

urgents. La majorité' de l'assemblée se rallie à la motion de

M. Ul : belce.

P. KEIUVAL. *

quarante-deuxième session, DU 21 novembre 1888.

l'1\l : : SIDENCI Db I. Hertz.

M. Nasse étant empêché par la maladie, M. Hertz rappelle qu'il

y a aujourd'hui vingt-cinq ans que l'honorable conseiller intime a

16 SOCIETES SAVANTES.

pris la direction du seul asile alors existant dans la province du

Rhin, de l'asile de Siegburg. Depuis le 6 novembre 1863, le

savant maître n'a cessé d'apporter des pierres à l'édifice psychia-

trique, C'est lui notamment qui a fondé la Société actuelle en

1867. Une députation, composée de MM. Hertz, Pelman et Tigges,

est chargée d'aller lui présenter une adresse en l'honneur de son

jubilé.

L'assemblée se lève ensuite en l'honneur du professeur Rü6le,

décédé dans le courant de l'été dernier.

Le président demande à l'assistance si elle entend communi-

quer à la Société des aliénistes allemands les réflexions présentées

dans la dernière séance par M. Ripping, à l'occasion de la dis-

cussion concernant le décret ministériel relatif à la surveillance

des asiles privés. M. Pelman est de cet avis. Adopté.

M. l'EneTrc. Contribution à la casuistique des guérisons brusques

dans les psychoses. L'auteur signale plus particulièrement la

publication de Koster (Evolution de la folie. b'1'enfeund, 1865, et

le mémoire de Raggi et Bergonzoli (Archivio italiano per le ma-

laltie nencose, nov. 1886); en tout, onze cas de mélancolies durant

déjà depuis un temps assez long. Il insiste sur une des observa-

tions des auteurs italiens, dans laquelle il s'agissait d'une psycho-

pathie aiguë (délire général, hallucinatoire, avec désordre dans

les idées); la maladie, qui ne. datait que de quelques jours,

aurait guéri à la suite d'un bain d'une demi-heure, et la guérison

persista. Voici un nouvel exemple du même fait observé à Ander-

Ilach; il convient préalablement de faire remarquer que le type

morbide en question ressemble à la folie transitoire neurasthéni-

que de Krafft-Ebing et que la lucidité constatée à la suite du

premier bain doit être tenue pour une simple coïncidence. Un

fantassin de vingt ans refuse d'obéir à toute espèce d'ordres ou

d'injonctions; ou l'interroge, il se montre incohérent et inintelli-

gible; puis il est pris d'un accès de manie des plus intenses

(insomnie, impossibilité absolue de l'alimenter). A son entrée à

l'asile, hébétude louchant à la stupidité, à laquelle succède une

nouvelle crise d'agitation. On lui fait prendre un bain d'une

heure et demie. Le voilà tout aussitôt calme et lucide ; il raconte

qu'il y a deux ans il a reçu une botte de foin sur la tête qui l'a

laissé sans connaissance pendant quelque temps. Depuis cette

époque, il était en proie à des céphalalgies frontales et occipitales

violentes; ces accès duraient quelques heures. Le métier de

soldat ne l'a nullement mécontenté; mais au moment de ses

accès il élait incapable de mémoire et d'intelligence. Le surlen-

demain, il écrit à ses parents une lettre pleine de sens, dans laquelle

il raconte qu'il a été atteint de frénésie, mais qu'un bain chaud

l'a complètement guéri. Puis il se rappelle que ses céphalalgies

datent de l'enfance et qu'elles l'ont souvent obligé à cesser de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 277 i

fréquenter l'école; moins violentes depuis l'âge de quatorze ans,

elles sont revenues plus vives et plus fréquentes à la suite de

l'accident en question, laissant à leur suite une lassitude de plu-

sieurs heures. Sa mère et une de ses soeurs sont atteintes du

même mal. Enfin, dans l'un des emplois de palfrenier qu'il rem-

plissait avant la conscription, il avait si peu de mémoire qu'il lui

fallait mettre par écrit les ordres qu'on lui donnait sans tarder

sous peine de les oublier. A l'asile il éprouva d'abord de nouveaux

accès de céphalalgies très fréquents; il lui semblait, disait-il,

qu'on lui ouvrait la tête; le cuir chevelu était sensible sans qu'il y

eût de points névralgiques bien localisés. A d'autres moments, la

calotte crânienne était douloureuse à la percussion, surtout au

niveau des sutures. L'aspect général était d'ailleurs celui d'un

dément, incapable d'activité. Bientôt néanmoins, les céphalalgies

disparurent, l'énergie revint; un mois après le début de l'aliéna-

tion mentale, le malade se sentait en état de reprendre son ser-

vice. On le renvoya guéri six semaines plus tard.

Raggi et Bergonzoli mentionnent un exemple de guérison défi-

nitive et instantanée d'accès maniaques, avec congestions

céphaliques chez une imbécile, à la suite d'une saignée artérielle

de 300 grammes de sang pratiquée à la temporale. M. Peretti

rapporte un cas de rémission brusque à la suite d'une hémorrha-

gie profuse. C'est chez un percepteur de soixante et un ans,

tourmenté de temps à autre par des accès d'agitation dus à des

idées de persécution (craintes d'empoisonnement) associées à des

idées de grandeur (il est Dieu et ministre); un de ces accès cède

brusquement à une hémorrhagie anale causée par des hémor-

rhoides internes. De retour chez lui, il redevient méfiant et s'agite

encore; son intelligence s'affaiblit et, cette fois, malgré une

nouvelle hémorrhagie intestinale, il tomba dans une démence

incurable. '

Brierre de Boismont (Gaz. des hôpit., 7 mars 1843) et Williams

(Journ. of Mental Science, avril 1875, p. 151) ont signalé des cas

de mélancolie grave qui, après avoir duré pendant des années, a

subitement disparu sans qu'on puisse invoquer aucune explica-

tion. Le même genre de guérison a été observé par M. Peretti,

mais à propos de la manie. Un aubergiste de quarante-cinq ans

présente en 1868, 1870, 1871,1875 un accès de ce genre qui ne

dure que quelques semaines; d'ailleurs ordinairement irritable,

enclin à la colere, il fait des excès d'alcool. Son frère a été atteint

de délirium tremens. Pendant trois semaines on constate la

même agitation avec désordre et incohérence dans les idées,

loquacité, exaltation, violences, malpropreté, délire confus des

actes. Tout à coup, après une nuit calme, il devient plus maître

de lui, cesse d'être grossier, regrette ses propos et ses actions

dont il a honte, et se déclare hien portant. En effet, sa conduite

: : 21 SOCIÉTÉS SAVANTES.

et ses allures se modifient ; le voilà totalement guéri; il n'a pas

eu d'autre rechute.

La folie systématique dont, nul ne l'ignore, le pronostic est

moins favorable que celui de la manie et de la mélancolie, peut,

elle aussi, guérir subitement. M. Peretti en décrit trois exemples.

Le premier a ceci de particulier que. déjà plusieurs mois avant la

guérison, on avait constaté, sans transition, durant quelques heu-

res, une période de lucidité parfaite. Le second concerne une

débile chez laquelle les idées délirantes portaient l'empreinte de

sa débilité intellectuelle. La troisième observation est remarquable

par le fait que la maladie en question comptait bien des années

d'existence.

Il est impossible dans l'état actuel de la science de formuler

aucune conclusion valable; la rareté même des faits de ce genre

impose la nécessité d'en rechercher d'autres.

Sur la motion de M. Pelman, la discussion est reportée à la

prochaine séance ; elle exige en effet une préparation spéciale.

M. TIGRES. Un cas de simulation de lafolic. M.E..., a été arrêté et

condamné à plusieurs reprises pour vol; sa dernière condamnation

est de cinq ans de détention pour avoir dérobé un mouchoir. Il

annonce qu'il saura bien faire commuer sa peine en deux années

de prison au plus ; son pourvoi est rejeté, tout à coup le voilà

muet, il présente l'aspect de la démence et parait des plus mala-

droits dans ses mouvements. MM. Tigges et Stahl soupçonnent la

simulation à raison des contradictions observées dans ses allures.

On lui fait donner des bains et des affusions froides ; il reprend

son attitude normale et avoue sa fraude.

Discussion. - M. Pelman. dit qu'il n'est pas toujours aisé d'écrire

un rapport sur la simulation. D'abord il est des psychoses à évolu-

tion normale. Puis, la simulation voile en quelque sorte le fond

vrai de l'individualité en observation, ce qui nuit au jugement de

l'expert. Voici par exemple un jeune homme qui est après son

arrestation amené à l'asile et a l'air hébété, presque stupide, et

prétend qu'il est Raphaël. On le soumet aux courants faradiques;

tout aussitôt, il recouvre la mémoire, dit qu'il est d'Essen, que son

père y habite et écrit une lettre chez lui dans laquelle il raconte

qu'on l'a transporté à rétablissement où, sous l'influence de l'é-

lectricité, il est revenu à lui. Les investigations ultérieures ont

démontré qu'il est naturellement comédien et qu'il n'y a pas eu

de motif à la simulation.

M. Hertz rappelle l'affaire Reisser Stockhausen, dans laquelle un

Kreisphysikus (médecin de district), deux psychiatres, éminents, et

lui-même, ont rédigé quatre rapports de teneurs différentes quant

à la question de la simulation. (Alg. Zeitsch f. Psych. XLVI. t .)

P. Keraval.

sociétés savantes. ' 21\1

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN,

Séance du 14 décembre 1888'. - Présidence de M. La;IIK aîné.

M. WENDT met en distribution des rapports sur l'asilede Schwelz

portant différentes dates2.

M. WENDT, de Berlin, lit une Observation de démence paralytique

guérie. - Il s'agit d'un médecin ayant séjourné à l'asile pendant

six ans et demi, et ayant pu reprendre ses occupations au point

que, depuis sept années, il remplit les importantes fonctions de

chirurgien officiel du district. C'était un homme de 43 ans, marié,

sobre, indemne de syphilis, mais dont les deux oncles paternels

sont morts d'aliénation mentale et dont le père est un débile. Les

prodomes avaient duré truis ans. Quand M. Wendt le vit, il pré-

sentait une complète indifférence, et l'aspect ainsi que les allures

de la démence; les anamnestiques portaient qu'il prétendait être

candidat à plusieurs places de médecin de district occupées ou

n'existant pas, répétait constamment (plus de trente fois en quel-

ques minutes), les mêmes propos absurdes que rien ne justifiait,

stationnait des heures durant devant la poste. ne savait ce qu'il

faisait. Affaiblissement très marqué des muscles qui présidentà la

marche ; il vacillait constamment; insensibilité des pupilles à l'é-

gard de la lumière. Délire des grandeurs, affaiblissement de la

mémoire avec périodes d'excitation maniaque; myosis, pronostic

grave. Trois mois après, signes physiques de la paralysie générale

de plus en plus accentués; satisfaction pathologique; délire des

grandeurs. Pendant le quatrième mois, la démence et le désordre

dans les idées sont moins marqués. Le sixième mois, un rapport

officiel affirme la démence paralytique, la paralysie générale pro-

gressive des aliénés, et exclut tout espoir de guérison complète et

durable. Pendant deux années l'état reste le même. Au commen-

cement de la troisième année, la rémission commence à se mon-

trer. Remarquons qu'il a cependant écrit de nombreuses lettres

témoignant de cette incertitude typique dans le tracé des carac-

tères, des fautes d'orthographe propres' à cette affection mentale,

et de lacunes de style marquées au même sceau. Il en est de même

à l'égard de pétitions délirantes adressées au Gouvernement, au

ministre de l'Instruction publique, au prince de Bismarck. Ces

factums viennent à l'appui du même diagnostic. Quoiqu'il en soit,

1 Voir Archives de Neurologie (Séancedejuillet 1888, t. XVIII, P. 302).

1 Exemple à suivre. Tous les rapports relatifs aux asiles de France

pourraient être libéralement distribués avec l'assentiment des conseils de

divers ordres, aln-i que notre rédacteur en chef l'a souvent demandé.

280 sociétés savantes.

les troubles de la motilité diminuent; il articule mieux; la para-

lysie des pupilles disparaît, le myosis seul subsiste. Il présente en-

core le trouble de l'écriture, et le tremblement de la langue déjà

signalés, et n'est pas capable de discerner nettement les motifs de

son internement, sur lequel il fournit des explications sans liens :

« Ses lettres, dit-il, ne sont qu'un passe-temps; mais il n'a pas été

fou, puisque les aliénés sont incapables de tenir la plume ; c'est

sa femme qui était aliénée et s'est débarrassée de lui ; c'est un rap-

port écrit à son insu qui l'a fait enfermer; il ne comprend pas que

les médecins de l'asile le regardent comme dépourvu de raison.»

Il n'aime pas d'ailleurs à être amené sur ce sujet. Il ne demande

cependant guère sa sortie, reste calme, lit, cause, se promène et

redevient .en apparence tout à fait sain d'esprit. Pendant plus de

trois ans, il demeura en parfait état de santé. On le fit sortir en

prenant toutes les précautions nécessaires. Les dix-huit premiers

mois, on constata encore quelque incertitude dans l'écriture, une

satisfaction morbide. Puis, le médecin de district l'ayant examiné,

on leva son interdiction ; on le plaça dans un village où le voisi-

nage de la ville nuisait à la clientèle médicale; c'est pour cela que le

gouvernement en avait fait un lieu de résidence de' chirurgien de dis-

trict ; malgré cela, deux des prédécesseurs de notre ancien malade

n'avaient pu tenir. Il y réussit, lui, pleinement; aussi, après l'a-

voir fait toutefois examiner,luiconfia-t-on cette fonction officielle.

On n'a eu depuis à constater aucune anomalie. Ainsi, en com-

prenant dans notre calcul les trois années du stade prodromique,

il y a actuellement dix-neuf années que la maladie a débuté; il y

a treize ans que la rémission de la paralysie générale s'est mani-

festée et celte rémission a persisté. Depuis neuf ans, notre con-

frère exerce la médecine, et, depuis sept ans, il est en possession

des fonctions de chirurgien de district.

Discussion. - M. Jasthowitz. -En 1871, j'ai, à la Charité de Ber-

lin, traité un homme atteint pendant les fatigues mêmes de la guerre

de délire de grandeurs avec troubles de la parole caractéristiques.

Le diagnostic fut établi par M. Westphal et par moi. Quelques mois

plus tard il était renvoyé comme amélioré.

Depuis il n'a présenté aucun accident de ce genre. Je le vois de

temps à autre. Il y a huit ans je l'ai traité pour une crampe des

écrivains; l'on ne constate chez lui qu'un léger degré d'affaiblis-

sement intellectuel, une certaine apathie, et quelque affaissement,

notamment un défaut d'élasticité dans les plis du visage ; aucune

espèce de paralysie d'ailleurs, ni de troubles de la parole; il est

secrétaire au ministère des Affaires étrangères. La rémission dure

donc depuis 17 ans.

M. iVtUFLLRR. - L'observation de M. Wendt ne rentre pas dans la

paralysie générale classique, à raison de la lenteur de l'évolution

SOCIÉTÉS savantes. 28 1

et de l'absence de bien des symptômes importants. Il faut bien

distinguer laparalysie générale qui se greffe chez des syphilitiques

ou des alcooliques de celle qui apparaît de par des lésions apo-

plectiques ou névritiques. La forme et la marche de la P. G. spéci-

fique ne sont pas celles de la P. G. des autres catégories. Je ne

connais pas de guérison de démence paralytique progressive clas-

sique se traduisant par les symptômes vasoparalytiques que l'on

sait. Quand la mémoire perd de son énergie, on a affaire à coup

sûr à des formes graves qui généralement aussi se compliquent dès

le début d'aphasie.

M. ZENKER. L'observation de M. Wendt est celle d'une démence

paralytique. Or il n'en connait qu'un cas de guérison. La plupart

des autres exemples publiés ont été ultérieurement démentis.

M. Î11ENDEL. Le cas de M. Wendt est unique. Le plus grand nom-

bre de faits deguérison que j'ai publiés ont à peu près récidivéau

moment où leur guérison se trouvait imprimée. Sans doute il ne

s'agit pas d'une paralysie progressive, puisqu'elle n'a pas progressé

mais c'est bien une démence paralytique guérie. La distinction

que réclame M. Mueller est plus désirable que praticable. Faute

de mieux, nous sommes bien obligés de nous contenter d'un même

cadre. En ce qui concerne la clinique, il me parait établi que,

dans les temps modernes contemporains, la forme classique de

la paralysie générale caractérisée par une stade de prodromes, un

stade de manie,'un stade de démence, est devenue extrêmement

rare, tandis que la démence paralytique a considérablement aug-

menté de fréquence. On voit se multiplier les cas dans lesquels il

existe au début un affaiblissement très marqué des facultés intel-

lectuelles avec ou sans attaques apoplectiformes, se produisant en-

suite par des phases intervallaires et passagère de délire mélan-

colique, de délire hypochondriaque, d'exaltation maniaque, tous

épisodes se gardant de revêtir une intensité inquiétante. Cette sorte

de paralysiedémente présente en effet une plus longue durée, et,

par suite, le temps moyen de la durée de la P. G. se trouve un peu

plus prolongée. M. Zenker a dit que les psychoses primitives des

hommes de 30 à 40 ans, originaires des grandes villes, et apparte-

nant à des conditions sociales plus relevées, deviennent plus rares

à mesure que la paralysie générale des mêmes sujets se montre

plus fréquente; c'est une opinion que j'ai déjà développée.

M. Wendt. Mon observation est sans nul doute celle d'un dément

paralytique. Elle n'a pas progressé; c'est justement pour cela que

je l'ai communiquée à l'assemblée.

M. Neuendorff (de Bernbourg). Communication casuistique d'une

observation de diplopie monoculaire prise à l'asile de Bernbourg.

11 s'agit d'une femme atteinte d'abord de lypémanie anxieuse avec

hallucinations de la vue et de l'ouïe du G février au 1er mars 1885,

282 sociétés savantes.

sortie guérie le 13 avril de la même année, ramenée à l'asile le

10 juin suivant en état de stupidité semi-comateuse; on constate

alors du myosis de la pupille gauche. Puis, elle reprend un certain

degré d'activité et manifeste des accidents lypémaniaques entre-

tenus par des hallucinations de la sensibilité générale, de la vue et

de l'ouïe; préoccupations hypochondriaques concomitantes. Du mois

de juillet au 8 septembre- l'ensemble de ces symptômes se succèdent

alternativement; de temps à autre un intervalle lucide. Elle se plaint

aussi de vertiges, et, en effet, le 8 du dernier mois en question;

elle titube comme si elle était ivre et émet des sons incohérents,

inarticulés. Le 17 septembre, attaque épileptiforme; d'autres atta-

ques identiques se montrent avec l'ensemble du cortège mental

caractéristique d'octobre à février 1886; affaiblissement consécutif

des factiltés'iii tel 1 ectii elles. Au mois de novembre, monoplégie com-

plète et flasque du bras droit; l'état mental reste le même ; il s'y

joint des idées de grandeur; le membre inférieur droit traîne en

marchant à terre. En mai 1887, l'extrémité inférieure a récupéré à

peu près la plénitude de ses fonctions; la monoplégie du bras

droit a persisté telle quelle; ce membre a diminué de volume. On

constate aussi une hémianesthésie dans la région de la moitiédroite

de la tête et de toute l'extrémité supérieure correspondante; les

mêmes phénomènes se rencontrent surle tronc etles membres infé-

rieurs, mais ils ne tardent pas à s'évanouir. Conservation du sens

musculaire, du sens du toucher, du sens de la température.

L'odorat fait défaut sans qu'on soit en mesure de décider si cette

anomalie n'est qu'unilatérale, c'est alors que l'on s'aperçoit que la

malade voit double des deux yeux; elle voit aussi double de

1'oeil gauche tandis qu'elle voit les objets simples à droite. Intégrité

des papilles, et du champ visuel; intégrité complète du fond de

l'oeil.

L'état mental n'a pas varié. Plus tard, de petites attaques^se

reproduisent avec troubles de la déglutition et salivation. L'hé-

mianesthésie disparait cependant; la monoplégie elle-même s'amé-

liore, moins l'atrophie; quant à la diplopie monoculaire, elle

subsiste (novembre 1888). Même état mental de démence avec

mobilité de l'humeur, puérilité de actes et des propos; nom-

breuses hallucinations de la vue, désordre et absurdité de la con-

duite. Il est évident qu'il s'agit d'une affection corticale;

M. Neuendorff reviendra plus lard sur la diplopie monoculaire et

ses causes.

M. Lieue (de Schweizerlof). Un cas d'hystérie aigus avec laryngo-

spasme, pendant la convalescence d'un morphinisme. - C'est une

observation d'accidents d'épuisement nerveux tenant au surmenage

du système cérébro-spinal chez les morphinomanes guéris, mais

encore incapables de soumettre à une besogne ordinaire leurs

sociétés savantes. 283

organes affaiblis parla privation de leur excitant accoutumé. Ces

accidents pouvant survenir plusieurs mois après la cure de sevrage

complètement et heureusement terminée, ils tiennent non pas à la

suppression de morphine, mais au défaut d'énergie des tractus ner-

veux. Voici, notamment, une dame de trente ans célibataire appar-

tenant à un milieu de déséquilibrés et présentant dans sa famille

toutes sortes d'éléments d'immoralité et d'instabilité psychique ;

existence excentrique et plus que douteuse. Elle aurait commencé

à se piquer au cours d'un affection pulmonaire. Trois tentatives

de désaccoutumanceont échoué. Intégrité del'innervation. Elle pré-

tend en être à 50 centigrammes de morphine chaque jour. On com-

mence par lui injecter 18 centigrammes et l'on diminue graduelle-

ment, de telle sorte que cinq semaines plus tard, on ne lui fait plus

absorber que 2 centigrammes. Malgré cette rapidité de la suppres-

sion, la malade éprouve simplement quelque insomnie, un peu

d'inappétence, de la mobilité de l'humeur un peu exitable, de la

fatigue; elle a maigri seulement de quatre livres; elle est régu-

lièrement menstruée toutes les trois semaines. Mais, à partir du

jour où l'on prend toutes ses dispositions pour empêcher qu'elle

ne se procure la moindre dose du toxique, la scène change; il se

manifeste de l'agitation, de la turbulence, de l'hébétude, des

vomissements continuels, des sueurs profuses, des phénomènes

congestifs du côté de la face, de la fréquence du pouls, quelques

hallucinations rudimentaires; on est obligé de lui accorder 6 centi-

grammes ; la malade se remet, et l'on revient graduellement au

complet sevrage. La convalescence eut lieu. A ce moment, l'état

mental se révéla par une faiblesse extrême des facultés intellec-

tuelles sous la forme de puérilité aussi parfaite que possible tant

dans le maintien que dans l'humeur, les propos et les occupations

de la journée; obnubilation du sens moral. Quoi qu'il en soit, en

un mois le résultat favorable est obtenu; elle a engraissé de 22

livres; elle est guérie. Alors, sous l'influence d'une nouvelle désa-

gréable, mais qui, dans toute autre situation, n'avait déterminé chez

elle aucune réaction, elle est prise, sept semaines après la sus-

pension définitive de la dernière injection de morphine, d'une

sorte de syncope suivie d'impotence fonctionnelle de la jambe

droite; les stigmates de l'anesthésie hystérique se montrent sur

toute la moitié droite du corps; il n'existe pas au lit de paralysie.

Le soir du même jour, trois accès de spasme du larynx allant jus-

qu'à l'asphyxie et à l'aphonie exigent l'injection d'un centigramme

de morphine, le seul agent médécamenteux qui ait l'efficacité

complète et instantanée réclamée par ces accidents.

Le laryngoscope décède pendant les crises l'adduction de la

corde vocale gauche jusqu'à la ligne médiane. Le lendemain deux

nouveaux accès guéris de la même façon. L'anesthésie gagne le

bras gauche. Le surlendemain. un seul accès, mais d'une intensité

384 sociétés savantes.

menaçante; stridor extrême, cyanose excessive, pouls de 130 à 140,

on est contraint d'injecter 15 milligrammes de morphine; la

dyspnée repend le soir et exige une nouvelle dose de narcotique.

Pendant huit jours apparaît un accès vespéral d dyspnée accom-

pagné de toux nerveuse; on remplace la morphine par 8 grammes

de K Br (dose quotidienne), tout en ayant l'air de reprendre le

toxique accoutumé. C'estleseul mode de traitement qui réussit. Ces

syndromes graves cessent graduellement de même que les trou-

bles de la sensibilité et de la motilité; il ne reste que l'affaiblisse-

ment psychique. L'état général se reconstitue à son tour : les forces

de la malade se réparent; elle s'en va après huit mois de traite-

ment ne conservant plus que de fréquents accès de migraine.

Discussion. M. Mali fait également mention d'un cas de

morphinomanie qui s'est, peu après, le second sevrage traduit par

des attaques convulsives du désordre dans les idées et du délire

d'ordre hystérique; la jeune fille de trente-cinq ans que concerne

ce fait n'avait jusqu'alors présenté aucun symptôme de cette

névrose, mais elle était soupçonnée de s'être livrée à la boisson

dans l'intervalle compris entre son premier traitement et le second.

On n'eut plus besoin pour la débarrasser de cette complication

d'avoir recours à la morphine ; une cure d'hydrolherapie de neuf

mois suffit. (Allg. Zeitsch. f. Psych. XLVI, 1.) P. 1\¡IiAYAL,

VARIA

CONGRÈS DE MAGNÉTISME

l'OUR l'étude DES applications du magnétisme humain

au soulagement ET A la guérison DES malades.

Le Congrès qui s'est organisé par opposition à celui de l'hypno-

tisme, avait à sa tête quelques médecins, parmi lesquels nous

Iemarquons le nom d'un candidat dont la thèse refusée avec

qti(Ique bruit a l'Ecole a fait fureur comme volume illustré sur

les boulevards, et des magnétiseurs connus ; comme Donato,

Oswald, Wirth, l'abbé de Meissas.

Les données scientifiques des congressistes sont un peu au-

dessus de la portée des médecins appartenant il la « Science

officielle ». Nous tenons à rappeler la définition du magnétisme

donnée au Congrès : C'est une science ayant le massage pour base

et l'amour pour sommet; parmi les découvertes à nous inconnues

qui ont été mises en lumière dans le discours du Dr Gérard, nous

relevons l'origine embryologique de la rate qui est un épanouis-

sement du grand sympathique; la cause des battements rhythmi-

ques du coeur de l'embryon, punctun saliens, actionné dès ses pre-

miers battements par le grand sympathique; les mouvements des

feuilles de la sensi- tive dus au grand sympathique que l'on re-

trouve dans toute la classe des végétaux. C'est pourquoi le magné-

tisme, qui agit sur le grand sympathique en procédant par la

sympathie a une action, universelle sur les êtres et sur toutes les

maladies qu'il peut guérir.

D'où nécessité de créer pour les magnétiseurs comme pour les

dentistes une Ecole qui confère des diplômes, et qui obtienne le

droit d'envoyer des élèves comme stagiaires dans les services

hospitaliers. Du reste, MM. les médecins des hôpitaux y auront

l'avantage d'avoir un élève qui guérira les maladies physiques

par le massage et les maladies morales par le magnétisme.

D'autres discours également très savants ont été lus où pro-

noncés par divers auteurs parmi lesquels quelques médecins.

Celui de M. Guyonnetde Bérat, qui recommande la concorde entre

les différentes classes de magnétiseurs nous a particulièrement

intéressé, il nous a appris qu'il existait sept classes de magnétisme :

4° Les volontistes, spirites;

2° Les suggestiollnistes; ,

3° Les polaristes;

4° Les masseurs;

5° Les électro-magnétistes ;

6° Les fascinateurs, liseurs de pensées;

7° Les hypnotistes.

Eu ce moment, les six premières classes se groupent contre la

septième quia obtenu l'appui delà science officielle. Les congres-

sistes sont d'accord pour demander : 1° la suppression des séances

publiques d'hypnotisme et de magnétisme qui nuisent à la science

2° et la création d'une école où la partie scientifique théorique

serait cultivée par des hommes spéciaux tandis que les moyens

seraient enseignés à des hommes sains de corps et d'esprit et

d'une moralité impeccable afin d'être utilisés au soulagement des

malades, D1' Blanche Edwards.

Une fête a l asile DE villejuif.

Le mercredi dernier, 12 mars, veille de la Mi-Carême, M. Bar-

roux, le sympathique directeur de l'asile de Villejuif nous conviait

286 varia.

à une matinée littéraire et musicale offerue par les pensionnaires

de l'asile. A plusieurs reprises déjà, nous avons eu l'occasion d'as-

sister à des réunions de même ordre, et nous savions qu'en nous

rendant à celle invitation, nous ne pourrions qu'y trouver un spec-

tacle des plus intéressants. Nos prévisions ont été dépassées.

Il faut dire que Mr le Dr Briand, que nous sommes habitués à

rencontrer sur la brèche toutes les fois que l'intérêt de la science

mentale est en jeu. s'était là comme toujours multiplié, attaché à

cette oeuvre délicate et rebelle et, par ses efforts est arrivé à nous

présenter pour ainsi dire une page de thérapeutique mentale

sous forme de deux comédies jouées d'une façon parfaite : nous,

ne pouvons que l'en remercier en notre nom et l'en féliciter hau-

tement au nom de tous.

Parmi les nombreux invités nous avons remarqué la présence

de M. Leroux, directeur des affaires départementales. de M. Blanc,

chef de cabinet de M. le préfet de la Seine ; de M. le Dr Bourne-

ville et 11t« 13ourneville, de M. le Dr Goujon sénateur et Mm° Gou-

jon de M. le nr Magnan. de M. le Dr Vallon, médecin en chef de

la division des hommes. - Plusieurs membres du conseil général

de la Seine ou de la commission surveillance étaient aussi présents

entre autres Petiot, l3aillv et Puteaux.

Nous avons reconnu aussi plusieurs de nos collègues de la presse

politique, en particulier du Volt((i1'e, de la Lanterne, de l'Eclair, du

Paris, du Figaro, de la Revue Britannique, etc. La Lanterne était

représentée par MM. A. Mayer et Maillot dont on se rappelle les

généreuses distributions de jouets faites au premier de l'an aux

enfants des asiles de la Seine.

Dans un des parloirs, élégamment décoré, avait été dressé un

théâtre c'est une bien grosse dépense pour le budget des asiles,

que ce théâtre les frais de construction, la confection de deux

séries de décors, d'accessoires nombreux, etc., l'ensemble en un

mot est revenu au prix de 100 francs et cependant nous som-

mes en présence d'une scène de 6 mètres sur 4 et de décors tracés

et dessinés d'une façon réellement fort élégante ; à signaler en

particulier une cheminée Louis XV qui est un petit chef-d'oeuvre-

la façon dont a été construit ce théâtre n'est pas moins surpre-

nante que le chiffre dérisoire qu'il a coûté. Un seul malade, je

ne me trompe pas. un seul malade, a construit tout, depuis le

bâtis jusqu'aux derniers accessoires : il est vrai de dire que ce

malade est un malheureux garçon d'une intelligence réellement

étonnante. - Machiniste fort apprécié dans un théâtre depuis

quelques années, il avait su s'y élever jusqu'iv jouer certains rôles,

de façon à donner de sérieuses espérances, mais des habitudes

alcooliques invétérées sont venues en faire un client ordinaire des

asiles.

Le spectacle commençait par les 37 sous de ilioiiittudoiii » ; l'en-

. VARIA. ? ? t7 -1

semble de la petite troupe est réellement l'ut - le

rôle de Montaudoiu était tenu d'une façon tout à l'ait supérieure

par S..., dont nous parlions ci-dessus : nous ne pouvons qu'expri-

mer le regret de voir un véritable artiste s'immobiliser ainsi à son

détriment- - puissent les éloges qu'on lui a adressés, donner un

peu de persévérance à ses bonnes résolutions.

L'c ingénue » était charmante dans une toilette blanche garnie de

cygne, et la façon simple et naïve dont elle a interprété le rôle n'.i

fait que donner du relief à ce caractère de jeune fille; les autres

rôles étaient tous très sérieusement tenus, entres autres celui i

d'une petite soubrette bretonne dont les réparties ont à maintes

reprises égayé la salle. M. D..., dans le rôle du notaire, a contribué

dans une large part au succès de la pièce. La seconde pièce,

« Embrassons-nous Folleville ! » était précédée d'une ouverture,

oeuvre d'un des pensionnaires de l'asile, U..., déjà connu dans le

public musical pour quelques pièces caractéristiques pour le piano,

nous a montré qu'il était capable d'aborder des sujets plus

larges. Dans l'ouverture, ainsi que dans la partition, on trouve une

grande richesse d'orchestration, en même temps qu'un sentiment

profond de la musique de l'époque - le madrigal de Chatenay et

l'air du menuet ont été particulièrement applaudis. - L'ingénue,

de « Folleville », l'opposé de celle de la pièce précédente, jolie

brune, à l'oeil vif, a séduit du premier coup le public par la façon

aisée dont elle a abordé son rôle. Cette jeune fille, absolument

étrangère au théâtre a fait preuve d'un réel talent que sont venus

consacrer de nombreux applaudissements. Le rôle de Chatenay était

de son côté très bien tenu par une pensionnaire déjà remarquée

dans le rôle de \l'ne Montaudoin.

Pendant l'entr'acte, deux artistes ont bien voulu prêter leur

concours à la représentation, tout d'abord, Allie Marsan, élève du

Conservatoire a dit les Imprécations de Camille d'une façon tout

à fait supérieure, avec la Leçon de Grammaire spirituellement

récitée, elle nous a montré la souplesse de sou talent.

Ensuite, M. Michotte. interne de l'asile, a joué la Rêverie de

Dancla, avec autant de virtuosité que de sentiment : nous avons

trouvé chez cet artiste une connaissance approfondie de l'art si

difficile du violon.

Mais il est un point que nous voudrions faire ressortir ici, c'est le

rôle éclairé, autant que dévoué, qu'ont rempli non seulement

M. le Dr Briand et M. Barroux que nous avons vus depuis

longtemps à l'oeuvre, mais encore les internes du service qui ont

mis tout leur zèle à seconder M. Briand dans sa tâche, nous venons

déjà dedire quel plaisir nous a procuré M. \tichotte; à côté de lui

l'un de ses collègues remplissait les fonctions ingrates de souffleur

auxquelles il joignait celle de metteur en scène.

Ce n'est pas sans une profonde satisfaction que nousavons cons-

288 - varia. - »

talé cette part prise par le service médical dans la direction de cette

petite fête; nous croyons qu'il y a là un moyen thérapeutique

réellement efficace, mais qui pour porter ses fruits, pour être mené

à bien demande beaucoup de persévérance, beaucoup de coeur,

beaucoup de dévouement : nous venons d'en rencontrer à pro-

fusion, quel'asile de Villejuif reçoive nos plus sincères félicitations-

,ll;lllSl'ItUDENCIi MUNICIPALE.

Aliénés, cowluwa. - Constitue une dépense obligatoire, le con-

tingent imposé à une commune dans la dépense d'entretien d'un

aliéné indigent placé dans l'asile départemental. Dès lors, si les

revenus de l'aliéné sont insuffisants, quel que soit son capital, la

commune est tenue de sa part de la dépense, Elle conserve, toute-

fois son recours sur le capital appartenant à l'aliéné. (Conseil

d'Etat, 29 novembre 1889).

L'arrêt ci-dessus ne donne aucun motif. Il tranche la question

par la question. Voici, en effet, ses termes :

« Considérant qu'aux termes des articles s7 et 28 ne la loi pré-

citée, l'entretien dans les asiles départementaux des aliénés indi-

gents ou dont les ressources sont insuffisantes est à la charge des

départements auxquels ils appartiennent et de la commune de leur

domicile;

« Considérantqu'il résulte de l'article 136 de la loi du 5 avril 1884

que le contingent assigné aux communes dans ces frais par le

conseil général, conformément à l'article 16, § 19, de la loi du

10 août 1871, constitue une dépense obligatoire au regard de

l'a.sile départemental, ce qui d'ailleurs ne fait pas obstacle à ce

que la commune exerce ultérieurement s'il y a lieu, son recours

sur les biens de l'aliéné placé dans cet asile. »

Ces motifs laissent tout entière la question de savoir ce qu'on

doit faire quand l'aliéné possède un certain capital, ce qui arrive

souvent, mais dont le revenu ne suffit pas pour payer sa pension.

Or, dans ce cas, le texte même des articles 27 et 28 de la loi du

30 juin 1838 paraît absolument favorable aux prétentions des

communes. Il dit, en effet, que les dépenses des aliénés sont à la

charge des personnes placées; la loi ne fait aucune réserve. C'est

seulement à défaut ou en cas d'insuffisance de ressources que ces

dépenses passent à la charge des départements et des communes.

Or, le mot ressources s'entend aussi bien des capitaux qui des : re-

venus. Le conseil d'Etat, pour résoudre la difficulté, la laisse de côté

et il résulte des débats qu'il se fonde sur des usages suivis depuis

cinquante ans. Mais l'usage n'est pas la loi.

Les communes feront donc bien de résister contre une jurispru-

dence qui n'est pas basée sur la loi. Le Soleil, 3 janvier 1890.

VARIA. 28U

La Folie du 1t01 Louis Il DE BAVLÈRE; par Villiam-W. IRE-

land. (The Journal of Mental Science, octobre 1886.)

M. Ireland qui a consacré plusieurs mémoires fort inté-

ressants à l'histoire du développement et de la propagation de

la folie et de l'idiotisme dans les familles royales, s'est attaché

dans ce travail à relater l'histoire pathologique du roi Louis II

de Bavière et les faits qui ont procédé et amené le drame du

lac de Starnberg. Il montre, dans cette étude historique

presque autant que pathologique, l'évolution d'une disposition

héréditaire à la folie, favorisée par les circonstances exté-

rieures. Nous résumerons ici, aussi brièvement que possible ce

mémoire qui montre une fois de plus que le droit divin peut

fréquemment se confondre avec le droit à la folie.

La famille de Wittelsbach, souche des rois de Bavière, est

l'une des plus anciennes familles régnantes d'Europe. Le duc

de Bavière, qui se fit un nom dans la guerre de Trente ans,

devint électeur de l'Empire en 1623. Si nous franchissons

l'espace qui nuus sépare du fondateur de cette dynastie pour

arriver à la période à peu près contemporaine, nous voyons

qu'après la victoire d'Austerlitz, Maximilien Joseph le, reçoit

la couronne royale des mains de Napoléon 1er. Son fils,

Louis 1 ? obéissant sans réserve et sans mesure, à des goûts

artistiques notoirement héréditaires dans sa famille, dépense

des millions pour orner sa capitale de constructions splendides v

de style grec et italien ; bientôt il soulève contre lui l'opinion

publique par le scandale et les désordres qui accompagnent sa

liaison avec Lola Montés, et il est déposé en 1848. Il est

remplacé sur le trône par son fils Maximilien II, que ses ten-

dances réactionnaires ne tardent pas à rendre impopulaire.

Suivant certains biographes, ce serait ce prince qui aurait

introduit la folie dans la famille, par son mariage avec Marie

de Hohenzollern, fille du prince Frédéric Guillaume, lequel était

lui-même le plus jeune fils de Frédéric Guillaume II de Prusse.

Suivant d'autres, la tante du roi (du côté paternel) la princesse

Alexandra aurait présenté en 1850 des symptômes de folie

(elle croyait avoir avalé un sopha en cristal) et aurait été

internée à l'asile d'Illeneau. Quoi qu'il en soit, la reine Marie,

femme de Maximilien eut deux fils : Louis, né en 1845; et

Othon, né en 1848.

Louis II monta sur le trône en 1864 et prit ouvertement

parti pour l'Autriche dans la guerre Austro - Prussienne

Archives, t. XIX. 19 9

290 varia.

de 1866. Après la victoire de la Prusse, il eut moins à souffrir

de cette attitude que ses voisins de l'Allemagne du Nord; il en

fut quitte pour une légère cession de territoire et d'indépen-

dance ; dès ce moment il devint un des plus fervents admi-

rateurs du chancelier-de fer. Vers cette époque, il fut fiancé

à la duchesse Sophie, soeur de l'impératrice d'Autriche actuelle :

durant ces fiançailles, il se livra à des actes qui s'ils n'étaient

pas encore ceux d'un aliéné, portaient du moins la marque

d'une excentricité peu commune : c'est ainsi qu'il se déguisait

en troubadour et rassemblait des musiciens ambulants pour

aller donner des sérénades à sa fiancée, et qu'il se plaisait à la

surprendre dans les bois : l'une de ces surprises eut pour le

fiancé romanesque de fâcheuses conséquences : il vit la jeune

duchesse jouant avec les chevaux et passant son bras autour de

la taille de son groom, disent les uns, de son chapelain, disent

les autres : le roi se précipita sur les amoureux, et les aurait

tués, si les musiciens qui le suivaient n'étaient venus à leur

secours.

Deux points sont à noter ici pour l'histoire pathologique de

Louis II : d'abord l'assertion de la duchesse qui affirma que

son fiancé étant sujet à des hallucinations, avait cru voir des

faits qui n'avaient rien de réel; ensuite l'opinion de Morel, qui

s'étant rendu à Munich vers cette époque, à l'occasion du

procès Chorinsky, se montra très frappé pour l'expression de la

physionomie et surtout du regard du roi, dont les yeux,

disait-il, annonçaient la folie future.

De cette époque date l'antipathie du roi pour la société des

femmes; il se montra dès lors rebelle au mariage, aussi bien

qu'à toute liaison : il ne voulait même pas voir le visage des

femmes des personnages officiels qui l'entouraient.

On sait qu'après les victoires de la Prusse en 1870 il fut le

premier à proposer la restauration de l'empire d'Allemagne,

et M. Ireland se demande avec raison si ce grand comédien,

fanatique de Louis XIV à cause de la perpétuelle mise en

scène qui caractérise le grand siècle, entrevit bien nettement

les conséquences politiques de sa proposition, ou s'il ne se

laissa pas plutôt séduire par la perspective de l'incomparable

manifestation théâtrale qui devait accompagner le couron-

nement du vieil empereur victorieux dans la ville même du

Roi Soleil.

Tout a été dit sur l'amitié de Louis II pour Richard Wagner,

VARIA. 291

et nous ne reviendrons pas sur ce sujet; on sait comment il

faisait jouer pour lui seul les opéras du maître, dans un

théâtre qui leur était exclusivement destiné; on sait aussi

qu'il se plaisait à représenter les principaux personnages de

ces opéras : il se brouilla toutefois avec Wagner en 1865; le

maestro, - qui paraît avoir été un peu mégalomane, - faisait

sans doute trop bon marché de l'autorité du roi, dont celui-ci

se montrait fort jaloux, alors même qu'il l'exerçait à tort et à

travers.

Quelle que soit l'étrangeté de beaucoup des actes du sou-

verain bavarois, le caractère anecdotique de quelques-uns

d'entre eux, l'absence de date pour plusieurs autres, ne permet

guère de reconstruire avec précision l'histoire pathologique de

Louis II. Il est probable toutefois, d'après l'ensemble de ces

faits, que la folie du roi commença dès sa jeunesse, et qu'elle

fut singulièrement favorisée par l'exercice du pouvoir absolu,

qui supprimait en majeure partie, l'utile contre-poids que l'im-

possibilité oppose aux simples particuliers dans l'exécution de

leurs actes arbitraires ou de leurs volontés déraisonnables. Le

rapport médical lu devant le Landtag de Bavière fait remonter

le début de la folie en 1880; mais le baron Mundy nous

apprend que le roi était fou dix ans au moins avant sa

mort.

Le peuple bavarois supportait assez patiemment les frasques

de son souverain; mais sa patience parait avoir été surtout

motivée par la crainte de voir arriver au pouvoir un prince

ultramontain, ami de l'Autriche, et favorable aux princes

allemands dépossédés.

Cependant la folie du roi s'aggravait; il ne pouvait supporter

la vue d'aucune femme, à l'exception de sa cousine la prin-

cesse Gisèle, à qui il envoyait parfois des bouquets et des

présents au milieu de la nuit. Ses ministres ne pouvaient plus

qu'àgrand'peineobtenir accès auprès de lui, et en pleine délibé-

ration du conseil, il se mettait à déclamer des vers derrière

l'écran qui le cachait aux yeux de ses conseillers. Un de ses

chambellans ne devait l'aborder que masqué. Trente-deux de

ses serviteurs, dit le rapport médical, avaient été brutalisés

par lui. Il mangeait et buvait sans aucune modération, et sa

boisson favorite se composait d'un mélange de vin du Rhin et

de Champagne qu'il parfumait avec des violettes. Il fallut

enlever toutes les armes demeurées à sa portée, car il en aurait

292 VARIA.

fait usage contre les serviteurs, qu'il condamnait fréquemment

à mort; heureusement, l'ordre donné, il ne songeait guère à

en exiger l'accomplissement : ayant invité à dîner un soldat de

sa garde, il l'envoya le lendemain chez un officier général,

avec une lettre qui contenait l'ordre suivant : « Le porteur a

diné avec moi hier soir; qu'on le fusille immédiatement. »

Son ministre des finances lui ayant annoncé que le trésor

public était en déficit, et qu'il ne pouvait plus lui donner

d'argent pour construire des palais, le roi ordonna qu'il fût

fouetté et qu'on lui arrachât les yeux. A trois reprises diffé-

rentes, il signa de sa main l'ordre d'exécution des ministres

qui l'avaient contrarié.

Le roi ne dormait pas, et avait de fréquents accès d'excitation

motrice, durant lesquels il se mettait à danser ou à sauter : il

avait des hallucinations de l'ouïe (il entendait des voix et des

pas) et des illusions de la vue (il saluait respectueusement

certains arbres et certains buissons) ; plus tard, ce ne furent

plus seulement des illusions, mais de véritables hallucinations

de la vue ; il voyait des couteaux devant ses yeux, et donnait à

des laquais l'ordre de ramasser des objets qui n'existaient pas

et comme naturellement ils ne les ramassaient pas, il les me-

naçait de les étrangler.

Il ne faudrait pas conclure du récit que nous venons de rap-

porter avec quelque détail que le roi délirait constamment : les

actes délirants au contraire se répartissent sur une carrière

assez longue, et s'entremêlent à des actes et à des raison-

nements parfaitement sensés; seulement, à mesure que l'âge

avance, l'absence de tout contre-poids à la volonté souveraine

se fait davantage sentir, la maladie évolue d'ailleurs, et les

conceptions délirantes deviennent plus fréquentes et plus

redoutables. Le manque d'argent surtout irrite le souverain

prodigue, qui envoie des agents pour essayerde contracter des

emprunts au Brésil, à Stockholm, à Constantinople, et jusqu'à

Téhéran. Ayant échoué, il ordonne à son domestique d'orga-

niser une bande de voleurs pour dévaliser les banques de

Vienne, de Berlin et de Stuttgart.

C'est au mois de mars de l'anné où le roi faisait ces beaux

plans que le Dr Gudden fut consulté pour la première fois ; il

n'hésita pas à déclarer qu'il ne s'agissait pas chez le souverain

de simples excentricités, mais bien de véritables actes de folie.

Louis continua pourtant de régner trois mois encore, et c'est

VARIA. ' 293

le 9 juin seulement que le roi fut déposé, et son oncle le Prince

Luitpold nommé régent du royaume. Le certificat médical,

rédigé et signé sous la foi du serment par les Docteurs Gudden,

Hagen, Grashey et Hubrich, était conçu dans les termes sui-

vants :

1° Sa Majesté est dans un état avancé de folie; elle souffre de

celte forme d'affection mentale que les aliénistes connaissent bien

sous le nom de paranvio : . '

2° De la marche progressive et continue de cette affection dont

le début remonte à plusieurs années, on peut conclure que Sa

Majesté est incurable, et qu'on ne peut s'attendre qu'à un affaiblis-

sement encore plus grand de ses facultés mentales; ,

3° Cette maladie a pour but d'exclure complètement le libre

exercice de la volonté, en sorte que le roi est dans l'impossibilité

d'exercer le pouvoir gouvernemental. Cet état de choses persistera

non seulement pendant plus d'une année, mais durant toute la

vie du malade.

Ce certificat eut en première conséquence l'emprisonnement

de la Commission qui en avait fait connaître la teneur au roi,

et celle du Dr Gudden, et de son médecin adjoint le Dr Muller.

Les choses toutefois ne tardèrent pas à rentrer dans l'ordre ;

les membres de la commission et les médecins furent remis en

liberté; le roi fut transféré au château de Berg, où il demeura

sous la surveillance du Dr Gudden et Muller, auxquels il ne

témoigna nulle hostilité, bien qu'il eût donné trois jours aupa-

ravant l'ordre de leur arracher les yeux.

On connaît l'épilogue du drame, la promenade du roi sur

les bords du lac avec le Dr Gudden, le renvoi des gardiens

demandé par le roi et imprudemment accordé par le médecin,

le suicide du souverain qui se précipita dans le lac, les efforts

faits par le Dr Gudden pour sauver son royal client, efforts qui

n'aboutirent qu'à le faire périr avec lui après une lutte dont le

visage du docteur portait les traces visibles lorsque, quelques

instants plus tard, les deux cadavres furent retirés du lac.

L'autopsie du roi donna les résultats que nous allons som-

mairement indiquer.

L'autopsie du roi donna les résultats que nous allons

sommairement indiquer.

On trouva des altérations considérables, dues à des processus

de dégénérescence, sur le crâne, le cerveau et les membranes :

ces altérations avaient pour origine les unes des anomalies de

294 ' VARIA.

développement, les autres des processus inflammatoires chro-

niques. Comparativement au volume du corps, le crâne était

petit; il était en outre asymétrique, et sa voûte était extraordi-

nairement mince. La table interne, particulièrement au niveau

du frontal, présentait une dégénérescence du tissu osseux.

L'os pétreux du côté gauche faisait une saillie d'environ un

centimètre dans le lobe temporo-sphénoïdal. - La pie-mère

était épaissie surtout au niveau de la région frontale où elle

était rugueuse et hyperhémiée. L'arachnoïde, également

épaissie, avait une teinte laiteuse. A la partie supérieure du

gyrus central antérieur, la pie-mère et l'arachnoïde étaient

durcies et épaissies sur une surface un peu plus grande que

celle d'une pièce de vingt sous, et avait laissé une trace sur la

surface du crâne. Le cerveau pesait 1,349 grammes; il était

gorgé de sang un peu ramolli.

En terminant son travail, Ireland fait les réflexions suivantes,

auxquelles il est impossible de ne pas s'associer :

« Et dire que, pendant plusieurs années, la Bavière a été

gouvernée par un roi aliéné, et qu'elle est aujourd'hui traitée

en fief héréditaire de sa famille ! A peine, en effet, était-elle

délivrée de Louis II que nous voyons les généraux de l'armée

et les autres fonctionnaires contraints de prêter serment

de fidélité à son frère Othon, qui, actuellement et depuis

plusieurs années, est plus fou que ne l'a jamais été Louis II.

C'est vraiment trop se jouer du droit divin et de la sainteté

du serment que d'élever à la royauté un homme que l'on

sait être manifestement incapable de régner, et de forcer

le peuple à jurer obéissance à un prince auquel il sait qu'il

n'aura jamais à obéir.

0 : Il est assurément bien terrible pour la tradition du droit

divin que les faits implacables de la pathologie pénètrent

jusque dans le palais des rois; mais si les princes d'Allemagne

ne se débarrassent pas de quelques-uns de leurs préjugés, s'ils

ne se montrent pas plus sages et moins exclusifs dans leurs

mariages, il faut qu'ils s'attendent à ce qu'un peuple aussi

éclairé que le peuple allemand leur fasse la leçon, et, pour

employer les paroles mêmes de Schiller, leur rendre à la fois

plus facile d'être hommes et plus difficile d'être rois. »

R.M. C.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. - Promotions et nominations . Par arrêté du

19 février 1890, sont promus à la classe exceptionnelle : M. le

Dr Pions, médecin en chef à l'asile public de Bordeaux (à partir

du 1er mars 1890). A la Ire classe : M. le Dr Manille, directeur

médecin à l'asile public de Lafond (Charente-Inférieure) (à partir

du le'* janvier 1890); - M. le Dr PIERRE, médecin en chef à

l'asile public de Bron (Rhône) (à partir du fer mars 1890) ; -

M. le Dr FRiÈSE, directeur médecin à l'asile public de La Roche-

gandon (Mayenne) (à partir du fer .mars 1890). - A la 2rae classe :

M. le Dr DOURSOU'r, directeur médecin à l'asile public de Naugeat

(Haute-Vienne) (à partir du 1er janvier 1890) ; - M. le Dr SCHILS,

directeur médecin à l'asile public de Bourges (à partir du 1er fé-

vrier 1890). - A la 1"° classe : M. le Dr RoussET, médecin-adjoint

à l'asile public de Saint-Robert (Isère) à partir du leur mars 1890) ;

- M. le D' AUBRY, médecin-adjoint à l'asile public d'Armentières

(Nord) (à partir du 4" mars 1890). - Par arrêté du 26 février 1890,

M. le Dr SÉRIEUX, ancien interne des asiles de la Seine, reçu le

premier au concours d'admissibilité aux emplois de médecins-

adjoints des asiles publics (décembre ,1888), est nommé médecin-

adjoint à l'asile de Vaucluse, en remplacement du Dr Brusque.

décédé, est compris dans la 2e classe du cadre .

Faculté DE médecine DE GR.1Z. - M. le Dr F. Muller, privat-

docent de neurologie, est nommé professeur extraordinaire d'élec-

tro-diagnostic et d'électrothérapie.

Asile d'aliénés DE BELGRADE. - Nous enregistrons avec plaisir

la nomination de M. le D" V ASSITCII au poste de directeur de l'asile

d'aliénés de Belgrade. M. Vassitch, ancien élève de Lasè-ue, est

l'auteur d'une thèse estimée sur la Chorée des vieillards.

Faculté de médecine DE Paris. M. le Dr ILIPPEL, ancien in-

terne des hôpitaux, est nommé chef du laboratoire de la clinique

des maladies mentales, en remplacement de M. Bellangé, démis-

sionnaire.

Stratagèmes DE morphinomanes. 11 y a quelque temps, un

garçon d'une dizaine d'années se présentait chez un pharmacien

de la rue Saint- Maur et demandait qu'on lui donnât une certaine

296 FAITS DIVERS.

quantité de chlorhydrate de morphine, ainsi d'ailleurs, que le

mentionnait une ordonnance de médecin dont il était porteur.

Le pharmacien examina avec soin l'ordonnance, etbien du'elleftlt

signée du nom d'un docteur bien connu dans le fal1bour ! ! du

Temple, demeura convaincu que signature et ordonnance étaient

fausses. Ses doutes, s'il en avait en, auraient du reste été prompte-

ment dissipés à la lecture d'une lettre que l'enfant, voyant son

hésitation, lui remit. Cette lettre, signée du même nom, portait

en substance que le docteur, se trouvant dans le quartier auprès

d'un malade qu'il ne pouvait quitter, avait un besoin urgent de

la morphine, et qu'il priait le pharmacien de ne mettre aucun

retard à-l'envoi, ajoutant qu'il paierait le prix du médicament

dans une heure au plus tard.

Deux gardiens de la paix furent requis, et l'enfant fut conduit

chez le commissaire de police du quartier. On le fouilla et on

trouva en sa possession quatorze nouvelles ordonnances, toutes si-

gnées du même nom, les unes portant l'estampille de divers phar-

maciens. les autres n'ayant pas encore été exécutées.

On suppose que cette provision de morphine était destinée à

quelque morphimane qui avait mis le gamin en campagne. Ce

dernier a refusé, du reste, de dire quoi que ce soit. Il a été envoyé

à la Petite Roquette en attendant que l'instruction de cette affaire

soit complète.

Une nouvelle ivresse. Le Naphlolisme. - L'Amérique 'vient

de nous révéler un nouveau genre d'ivresse d'une nature originale.

Il existe à Boston et dans les environs un nombre très considérable

de manufactures de caoutchouc, à la purification duquel le naphte

est employé. Ce naphte, en ébullition, estcontenu dans de grandes

cuves et soigneusement préservé des atteintes de l'air. Ces manu-

factures sont une ressource précieuse pour la classe ouvrière, car

on y emploie une grande quantité de femmes et déjeunes filles.

On ne tarda pas à s'apercevoir, dans l'une de ces fabriques, que la

presque totalité des ouvrières semblaient être dans un état perpé-

tuel d'ébriété. On les surveilla et l'on fut stupéfait de constater

qu'elles s'enivraient à plaisir en respirant les vapeurs qui s'échap-

paient des chaudières de naphte. Ces femmes déclarèrent que ce

funeste abus était devenu pour elles presque une nécessité par

l'habitude qu'elles en avaient contractée. Les sensations que cette

ivress.e procure sont, paraît-il, si délicieuses, qu'elles surpassent

celles que fait naître l'opium ou le haschish.

Société française DE tempérance contre l'abus DES BOISSONS

alcooliques. - Cette Société a reçu, de 11m° Limier, une somme

de 1,000 fr., destinée à récompenser, sous le titre de Prix Lunier.

l'auteur du meilleur travail sur la question suivante : « Quelles sont

les conséquences héréditaires de l'alcoolisme et de l'ivrognerie ? : '

faits DIVERS. 297

Quels sont les moyens à prendre pour empêcher ces conséquences

de se produire ou pour en atténuer les effets ? » Les candidats

devront s'inspirer des travaux de Limier sur l'alcoolisme La

Société française de tempérance ne limite pas le champ des re-

cherches et désire que l'étude des moyens propres à prévenir les

conséquences de l'alcoolisme et de l'ivrognerie s'étende aux moyens

moraux, sociaux, thérapeutiques, etc. Par exception, les travaux

imprimés depuis moins de deux ans, au ter janvier 1890, sont, au

même titre que les manuscrits, admis à concourir. Les manuscrits

portant le nom et l'adresse de leur auteur, les ouvrages imprimés,

seront adressés au plus lard le 31 décembre 1890, à M. le De Motet,

secrétaire général de la Société, à Paris. 16t, rue de Charonne,

S'il y a lieu le prix sera décerné en 189t.

Hypnotisme ET ménagerirs. - Nous lisons sous ce titre dans le

Bulletin médical : Cela devait arriver, l'hypnotisme a fini par tomber

peu à peu jusqu'aux cirques forains. Pour corser son spectacle, un

dompteur a eu l'idée de placer une jeune fille en état de sommeil

hypnotique dans la cage où évoluaient ses fauves. Or, l'un deux,

un lion, dans un moment d'oubli, sans doute - qui n'en a pas ?

s'est précipité sur la jeune fille et a failli la dévorer. Elle en sera

quitte, d'aprèsles journaux locaux, avec une amputation de cuisse !

Le fait s'est passé à Béziers et on dit qu'après enquête sur ce triste

accident, M. le ministre de l'Intérieur prendrait des mesures

sérieuses contre les pratiques extra-médicales de l'hypnotisme.

S'il en est ainsi, ce lion de ménagerie aura eu beaucoup plus <;

d'influence auprès de l'administration supérieure que nos journaux '(

de médecine, que nos Sociétés de médecine, que les neuropatho-

logistes les plus éminents, ceux auxquels on doit les meilleurs tra-

vaux sur l'hypnotisme. Nous adresserons donc à cet animal, malgré

l'humiliation qu'il aura infligée au corps médical, nos bien sincères

félicitations.

Interdiction DE l'hypnotisme dans l'armée. Par ordre de M. le

ministre de la guerre l'emploi de l'hynotisme est interdit aux mé-

decins militaires.

Hypnotisme et magistrats. - Nous extrayons sans commen-

taires, car il peut s'en passer, l'entrefilet suivant, paru dans le

journal le Temps. Le juge d'instruction chargé d'une affaire qui a

fait beaucoup de bruit dernièrement, aurait dit à un reporter :

« Comme je viens de vous le dire, je ne crois pas à l'hypnotisme ;

un magistrat d'ailleurs ne peut ni ne doit croire à l'hypnotisme. »

Asile pour LES ivrognes EN suisse. - On écrit de Bàle au Progrès

médical : J'ai reçu dernièrement le premier rapport sur l'activité

de l'asile d'Ellikon (sur la Thur) pour la cure des ivrognes. Cet éta-

blissement, ouvert le l01' janvier 1885, a été fondé sous les auspices

298 FAITS DIVERS.

du professeur Forel, de Zurich, un des champions de la lutte contre

l'alcoolisme en Suisse. Malgré ses débuts modestes, cet établis-

sement peut être appelé à rendre de grands services dans un pays

dont des districts entiers ont été ruinés et dépeuplés par le terrible

fléau. En fondant l'asile d'Ellikou, on est parti de l'idée que,

pour agir efficacement sur un ivrogne, il est nécessaire de l'arra-

cher à son milieu ordinaire, pendant une période suffisante pour

pouvoir le désalcooliser, pour lui rendre le goût du travail, et, par

une éducation morale appropriée, lui rendre l'énergie et le cou-

rage moral nécessaire pour résister à la tentation. Le principe

fondamental de l'établissement est celui de l'abstinence complète.

L'économe et les employés de la maison ne doivent pas boire

d'alcool, afin de ne pas devenir un objet de tentation pour les

pensionnaires. Ceux-ci doivent en entrant s'engager à rester au

moins trois mois dans la maison, cette période minima étant abso-

lument nécessaire à un traitement de ce genre. Pendant la durée

de leur séjour on cherche à les occuper suivant les aptitudes de

chacun, mais autant que possible au grand air. Entre les heures

de travail, l'économe et ses aides cherchent à agir sur les malades

et à refaire leur éducation morale. Deux médecins sont charges de

la surveillance de l'établissement. Depuis son ouverture jusqu'au

mois d'octobre, l'asile a hébergé 35 pensionnaires. Au 1°r octobre

17 avaient quitté l'établissement, dont 7 complètement guéris, 7

améliorés, 2 sans changement et 1 atteint d'aliénation mentale.

Jusqu'à aujourd'hui, 9 ont gardé l'abstinence totale, 4 boivent

modérément et 3 sont retombés. Ces résultats sont de date trop

récente pour avoir grande valeur ; ils sont néanmoins encoura-

geants et donnent bon espoir pour l'avenir. Le prix de pension est

de 600 francs par an pour les pensionnaires ordinaires et de 965

francs pour les pensionnaires ayant une chambre à part. Le rapport

constate que tous ces malheureux vont volontiers à l'asile ; ils

arrivent au bout de peu de temps à reconnaître que c'est pour

leur bien, et 7 d'entre eux se sont même engagés à y rester une

année entière.

Mariage CHEZ LES fous. - Le prince S..., dont les curieuses aven-

tures ont défrayé les conversations l'année dernière, va intenter,

contre sa femme, ancienne actrice, une action en nullité de

mariage, basée sur ce fait qu'il était fou au moment où il l'a

épousée. On se souvient que le prince s'évada d'un asile d'aliénés, à

Doebling, où il avait été enfermé à la requête de sa femme, et se

sauva en Allemagne, où il fut reconnu sain d'esprit pair plusieurs

médecins de Bonn.

L'Enseignement DES maladies mentales en ROUMANIE. En k° an-

née, il existe un cours obligatoire et les étudiants doivent passer

un examen spécial à la fin de cette année ; ils sont toujours inter-

faits divers. 299

rogés sur l'aliénation mentale, mais seulement à la fin de la

4° année.

LES frais DE pension DES aliénés. - On lit dans l'Impartial du

Nord :

Une curieuse affaire va être plaidée d'ici peu devant le tribunal

civil de Lille.

Voici les faits :

En 1839, un sieur Provost, originaire du Nord, fut frappé d'alié-

nation mentale au cours de son congé militaire, à Bordeaux. Il

fut interné à l'asile d'aliénés de Cadillac (Gironde), et l'autorité

militaire paya sa pension jusqu'en 1841, époque de sa libération

du service militaire. A partir de cette date jusqu'en 1884, année

de sa mort, Provost resta à l'asile à la charge du département de

la Gironde.

C'est il y a quelques années seulement que le préfet de ce dé-

partement observa que les frais d'entretien de l'asile devaient

incomber au département du Nord, dont Provost était originaire,

et qu'il adressa une réclamation en payement de 18,000 francs. A

cette réclamation, il fut répondu par une fin de non-recevoir

absolue.

Le préfet du Nord oppose, en effet, à la demande de son col-

lègue la prescription de cinq ans établie par l'article 2276 du Code

civil pour toutes sommes payables par année ou à époques fixées.

Mais le préfet de la Gironde prétend que cette courte prescrip-

tion ne peut s'appliquer en l'espèce ; le département de la Gi-

ronde, en payant pour le compte du 'département du Nord, dont

il était d'ailleurs le codébiteur, s'est fait le gérant d'affaires de ce

dernier, et de là est née une créance ayant un caractère tout

différent de la créance qu'avait l'asile de Cadillac envers les deux

départements.

A cette nouvelle créance, est applicable seulement la prescrip-

tion de trente ans ; en conséquence, le préfet de la Gironde

retranche de sa demande ce qui est atteint par cette prescription

et réduit ses prétentions à une somme d'environ 12,000 francs.

C'est sur cette question que portera la discussion.

Un drame chez les folles. Récemment, un des gardes de

l'asile des aliénées de Steujevec, en Croatie, venait, pâle d'effroi,

prévenir le directeur qu'un grand malheur était arrivé dans la

cellule portant le numéro 8. Le directeur se rendit aussitôt dans

la cellule, et là un spectacle affreux frappa ses yeux. Deux cadavres

étaient étendus sur le parquet, les crânes étaient fracassés, la cer-

velle et le sang avaient rejailli sur les murs. Une aliénée se tenait

dans un coin, tremblant de tous ses membres; une autre se tenait

assise en riant sur son lit. Le directeur, croyant qu'un double

crime avait été commis par la malade accroupie dans un coin et

300 FAITS DIVERS.

qui était secouée comme par des remords, se mit à l'interroger,

mais sans pouvoir lui arracher une syllabe. L'interrogatoire se

prolongeant, l'aliénée qui riait, assise sur son séant, sauta à bas

de son lit et dit, toujours en riant de bon coeur : « C'est moi qui ai

tué ces deux femmes. La Kunz s'est mal conduite toute la nuit.

Elle ne m'a pas laissé une minute de repos. J'ai pensé qu'il

fallait en finir. J'ai pris le couvercle du haquet et j'ai tapé ferme

sur la Kunz ainsi que sur la Micada, qui a pris la défense de la

Kunz. Ça été une rude affaire, allez ! Ces deux femmes avaient

le crâne dur et j'ai dû taper ferme jusqu'à ce qu'elles fussent

mortes et muettes. J'ai tapé comme on fait pour couper des choux.

Ça été une rude affaire, hi ! hi ! bi ! » En effet, l'effort avait été

tel que le couvercle avait volé en éclats et que ses débris jon-

chaient le parquet. L'autorité judiciaire a ouvert une enquête sur

le manque de surveillance.

Une séquestration ; condamnation d'un médecin. On écrit de

Caen : Il y a deux ans, une dame Lediacre, marchande de chaus-

sures à Carenlan, était dénoncée comme folle par l'un de ses

ouvriers. On la saisit, on l'attacha si fortement que les poignets

en gardèrent des traces sanglantes, et on la conduisit, la nuit, à

l'hospice de Saint-LÔ, où, en vertu d'un certificat délivré par un

médecin, elle fut mise au cabanon. Dès la première visite, le mé-

decin de l'hospice, le Dr Thomas, constata que la prétendue folle

répondait avec calme et patience à ses questions et avec une raison

parfaite. Sans le dossier qu'on lui avait donné, il l'aurait fait tout

de suite metlre en liberté. Dans l'intervalle, Mmc Lediacre ne pou-

vant être à la fois au cabanon et à son magasin, on prononça sa

faillite. Rendue à la liberté peu de temps après, mais ruinée, elle

assigna devant le tribunal de Saint-L8 le médecin qui avait dé-

livré le certificat et son ouvrier, un nommé Leblond. Le tribunal

la déboula de sa demande. Mais la cour de Caen vient de réformer

ce jugement. Elle a décidé que sans doute le médecin avait été de

bonne foi, en acceptant les déclarations mensongères de Leblond,

mais qu'il avait eu le tort grave de s'en rapporter à ces déclara-

tions. Le médecin et Leblond sont condamnés solidairement à

10,000 francs de dommages-intérêts.

Académie DE médecine DE BELGIQUE. Prix. - L'Académie de

médecine de Belgique vient de partager le prix de 8,000 francs

qu'elle avait destiné au meilleur mémoire sur l'épilepsie, ex-aequo,

à un médecin américain et à M. le D1' Christian, médecin de la

maison nationale de Charenton.

Nécrologies M. le Dr ROSENTHAL, professeur extraordinaire des

maladies nerveuses à la Faculté de médecine de Vienne, mort

d'urémie à l'âge de 57 ans. On lui doit un traité ,de clinique des

faits divers. 301

maladies du système neroeux et un Manuel l'Eléctl'uthémpie, sans

compter de nombreux mémoires sur divers sujets de pathologie

nerveuse. M. le Dr DANis, médecin directeur de l'asile deSaint-

Dizier (Marne). M. le D'' Brusque, ancien médecin de la marine,

médecin-adjointde l'asile de V ducluse. - M, le professeur W¡';STPlI \L

(de Berlin). Né à Berlin le 23 mars 1883, fils d'un médecin de cette

ville, le Dr Westphal (né en ISOO, mort en 1879), Charles-Otto-

Frédéric Westphal commença ses études médicales à Berlin en

1851; puis il alla, à la mode allemande, suivre de ci de là les cours

de professeurs célèbres à Heidelberg et même à Zurich. Choisi

comme assistant civil, en 1857, pour l'hôpital de la Charité de

Berlin (service de la variole), il fut nommé, en 1858, au service

des maladies mentales, où il eut pour maîtres Ideler, von Horn,

Griesinger. Reçu privat-docent de psychiatrie en 1861 à l'Univer-

sité de Berlin, il occupa d'abord le poste de médecin dirige, m du LUI

service de la variole (1868). Professeur, extraordinaire en il Il

fit des cours sur les maladies nerveuses et cérébrales; en 1874, il

fut nommé professeur ordinaire de psychiatrie. Dans les dernières

années de sa vie, il s'adonna à l'usage de la morphine, et quelque

temps avant sa mort on apprit qu'il avait été enfermé pour cette

raison dans un asile d'aliénés. Peu de temps aurapavant, il fai-

sait ses leçons sur la morphinomanie. 11 est mort le 27 janvier 1890. z

La plupart de ses travaux ont été publiés dans l'llgemeinc

Zeitschrift fier Psychiatrie, dans Yirchow's Archtu., Berline¡' Kliazische

W(¡chenschi'ift, Charité- Annalen V iertelja/u Óchl'i{t sur gerwhtliche

Medicin. Depuis 1865, il dirigeait les Arch. sur Psychiatrie und

Neruenkranlcheitert. Ses mémoires se rapportent surtout aux 'ma-

ladies de la moelle, à la paralysie générale des aliénés et à divers

sujets de pathologie nerveuse; il a décrit le premier l'agoraphobie.

On connaît le signe dit de Westphal. On nous pardonnera de ne

pas insister davantage sur les nombreux travaux de ce neuru-

pathologiste éminent. Voici la liste de quelques-unes de ses publi-

cations : Ifzerzstliche Erzeuyung von Epilepsie bei Meerscletueinchen.

- Affection des Nervensystems nach Pocken zttttl Typhus. Ueber

einige durci mechanische Eimoirkung auf Sehncn und Muskeln her-

vorgebrachte Bewegungserscheinungen (finie, Fussphanomen). -

Ueber combinirte (primsere) Erkrankung der Rif,c/¡enmarkst1'ltnge

(Berlin 1879) Ueber eine Art pltl'ltlloxel'llIuskel-Cont1'ltëtion, - Ueber

Verschwindenund Localisation des liatiephxzcotneazs. - Ueber primxare

ErlC1'ankung der Seitestnurzgbahren. - Ueber eine dem Bilde der

cerebro spinales grauen Degeatercttiora, etc., sehntiche Erkrankung ohne

anat. Befutztl, etc., etc. M. le Dr RUDOLPH SCHOElOER, professeur

extraordinaire de psychiatrie à la faculté de médecine de Berne.

Georges Guinon.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Adenot (E.). Des méningites microbiennes. Volume in-8 de 159 pages,

avec 8 figures. Prix : 3 Il-. 50. - Paris, 1890. Librairie J.-B. Baillière

et Fils.

BLOCQ (I'.). - Des contractures. Contractures en général, la coretrac-

ture spasmodique, les pseudo-contractures. Un beau volume in-8 de

216 pages, avec 8 figures dans le texte, une planche chromolithora-

phique et trois phototypies. - Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : i fr.

Bureaux du Progrès médical.

BoRDIF.11 (A.).- Pathologie comparée de [homme et des êtres organisés

(t. a de la Bibliothèque anthropologique). Volume in-8 de 533 pages. -

Prix : 8 fr. - Pans, 1889. .Librairie Lecrosnier et Babé.

BOUIJET de Paris. - Technique de l'éle,-Iï-ol ! lse médicale. {Modifications

apportées au traitement des tumeurs érectiles par l'électricité.) Brochure

in-8 de 11 pages. - Paris, 1889. - Librairie F. Alcan.

Bournevili.e. COURüARIE, UAOUL1 1 : 1' SOLLIEH, - Recherches cliniques et

thérapeutiques sur l'épilepsie, l'Izystérie et l'idiotie. Compte rendu du

service des enfants de Bicêtre pour 1888. In-8 de XLVfu-80 pages (t. IX

de la collection). Prix : 3 fr. 50. Pour nos abonnés : 2 fr. 50.

Bureaux du Progrès médical, rue des Carmes. - Paris.

Bourxeville (M.). Rapport /ait au nom de la commission' chargée

d'examiner le projet de loi adopté par le Sénat tendant ex la revision de

la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés. - Volume in-8 de 129 pages. -

Prix : 4 fr.. Pour nos abonnés : 3 fr. - Bureaux du Progrès Mc-

dical.

f3oorsarvu.m : (l.). -1° Rupporls sur Le conzplr. et les budgets de l'asile de

Viltejuif; 2° sur la fondation Vallée ; -3° Discours prononcé à l'Ecole

départemental d'infirmiers et d'infirmières de l'Asile clinique. -

Volume in-8 de 74 pages, avec 3 planches hors texte. Prix : 4 fr. -

Pour nos abonnés : 3 fr. Bureaux du Progrès Médical.

Baudouin Guide médical à l'exposition universelle internationale

de 1889 à Paris. - Volume in-8 de : ,80-X : \x\', avec 293 figures. - Prix :

10 fr. - Pour nos abonnés : 8 fr. Bureaux du Progrès Médical. 1.

Bourxeville. - Discours prononcés le 27 août, les 3 et 16 septembre

1889, aux distributions de prix des écoles municipales d'infirmières

laïques (Douzième «.année scolaire). - Brochure in-8 de 56 pages.

Prix : 1 fr. Pour* nos abonnés : 0 fr. 75. Bureaux du Progrès

Médical. .

Bhissaud (E.). Des scolioses dans les névralgies sciatiques. Bro-

chure in-8 de 40 pages. - Prix : 0 fr. 75. Pour nos abonnés : 0 fr. 50.

- Bureaux du Progrès Médical.

CHARCOT (.r ? 1.). Maladies des vieillards, goutte et rhumatisme. Un

beau volume in-8 de 525 pages avec 19 figures dans le texte et 4 planches

en chromolithographie (t. VIl des 01 : 'm·es complètes). Prix : 12 fr. -

Pour nos abonnés : 8 fr. - Bureaux du Progrès médical.

CHARCOT - Maladies infectieuses, affections de la peau, kystes

hydatiques, thérapeutique (t. VU des OEUVI'es complètes). - Un beau

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 303

volume in-8° de 452 pages. Prix : 10 fr. - Pour nos abonnés : prix : 7 fr.

Bureaux du Progrès médical.

Cn\)tCOT(J.-M.)etR)CHER(P.). Les difformes et les malades dans l'art

Volume in-4° de 162 pages, avec nombreuses figures intercalées dans le

texte. Prix : 20 fr. Paris, 1889. Lecrosnier et Babé.

Cornet (P.). Traitement de l'épilepsie par le bromure d'or, le bromure,

de camphre et la picrotoxine. - Prix : 2 fr. Pour nos abonnés : 1 fr. 35

Bureaux du Progrès médical.

CULLERRE (A.).- Traité pratique des maladies mentales. Volume iu-18

de 618 pages. Prix : 6 fr. Paris, 1889. - Librairie J.-B. Baillière

et fils.

CliATIN (J.). La cellule nerveuse. Etudes d'histologie zoologique sur

la forme dite mvélocyte. - Volume in-8 de 61 pages, avec une planche

hors texte. - Prix ; 2 fr. 50. - Paris, 1890. Librairie J.-B. Baillière

et Fils.

Dufoliî. - Asile public d'aliénés de Saint-/l06ert. Compte rendu sta-

tistique et compte moral et administratif pour l'onnée 1889. - Bro-

chure in-8 de 112 pages. - Grenoble, 1889. Imprimerie Vallier et

Chabert.

ED1VARIS (B.-A-.). - De l'hémiplégie dans quelques aff'eeLiult' nerveuses

(ataxie locomotrice progressive, sclérose en plaques, hystérir, paralysie

agitante). Volume in-8 de 169 pages, avec 5 figures; Prix : fi-.

Pour nos abonnés : 2 fr. 75. Bureaux du Progrès médical.

FALRET(J.). Etudes cliniques sur les maladies mentales et nerveuses.

Volume in-8 de 623 pages. Prix : 8 fr. - Paris, 1889. Librairie

J.-B. Baillière et fils.

Grasset. Leçons sur un cas d'hystérie mâle avec astasie et abasie.

recueillies et publiées par L. Bourguet. Brochure in-8 de 54 pages. -

Paris, 1889. Librairie J. Masson. n

Garnier (S.).-Le dépôt de mendicité, l'hospice départemental et l'asile

des aliénés de la Chaz'ile-s1tl'-LoÍ1'e. Notes historiques, administration,

statistiques et médicales, pour servir à l'étude des conditions de l'assis-

tance des aliénés et du fonctionnement de la loi de 1838 dans la Xièvre.

Paris, 1889. G. Masson.

Gilles DE la TOURETTE ET I : ATHELI\E.1U. - La nutrition dans l'hystérie.

- Volume in-8 de 116 pages. - Prix : 3 fr. 50. - Pour nos abonnés :

2 fr. 75. - Bureaux du Progrès Médical.

Grasset (J.). Leçons sur la grippe de l'hiver 1889-90. Recueillis par

J. BAUZIER Volume in-8 de 98 pages. Paris, 1890. - G. Masson.

Grasset (J.). - Leçons sur deux cas d'hilsiérie provoquée par une

maladie aigué (Fièvre typhoïde et grippe). Recueillies et publiées par

G. R\uztm. Paris, 1890. - G. Masson.

HoET (E.). De la chorée chronique. Volume in-8° de 262 pages, avec

10 figures dans le texte. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés, 4 fr.

KovaLCVSSx (P.). - Myxoedème ou cachexie puchydernzique. (Charcot).

Brochure in-8 de 26 pages. Prix : 0 fr. 75. - Pour nos abonnés :

0 fI'. : )0, - Bureaux du Progrès Médical.

f.ETOUMOEAu (Ch.). L'évolution politique dans les diverses races hu-

matines (t. XI de la Bibliothèque anthropologique). Volume in-8 de

561 pages, - Prix : 9 fr. - Paris, 1889. - Librairie Lecrosnier et Babé.

Laranza (A.). - Du traitement de la névralgie sciatique par les eaux

et boues minérales de Dax. - Brochure in-8 de 56 pages. - Paris 1889.

- Imprimerie J. Lévé. m

304 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Oppenheim (H.). - Zur Kenntriets der syphiiistischen El'kl'lIn/wu ! /cu des

centmien J'l'el'vensystems, - Brochure in-8 de 48 pages, avec 4 planches

en chromolithographie. Berlin, 1890. M. Hisschwald.

l'ETERSON (Fn.). Paranoïa in two sisters. -Brochure in-8 de 12 pages.

Saint-Louis, 1898. Alienist and Neurologist.

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11 pages. - Nerv-l'ork, 1889. Roony et Cie.

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iu-8 de 16 pages. - Nocera, 1889. Tipojrafia del111anicurnio.

Sirut (A.). - De l'atrophie cérébrale partielle d'origine périphériques

Brochure in-8 de 87 pages, avec une planche hors texte. Paris, 189U.

J.-B. Baillière et Fils.

SIG1LL1' (Ci.). Etude de psycho-physiologie (Echomalisme, zoandrie.

echokinése, echolalie) Volume in-8 de 95 pages. - Prix : 2 fr. 50. -

Librairie J.-B. Baillière et Fils.

STATH or EW-YORK. First annual report 0/' </toc stale commission in

Lunacy, 1839. Volume in-8 de 118 pages. Albany, 1890.

TARxoKY (T.). - Etude anthropométrique sur les prostituées et sur les

voleuses.- Volume ion de 226 pages. Prix : 5 fr. Pour nos abon-

nés : 4 fr. Bureaux du Progrès médical. :

XERC.1'I.NS (F. de P.). - De la localizacion in las enfermadades de

sisterna nerurioso sislemasmederlares, plan de distribucion cérébral del

ucitor 1881. - Brochure in-8 de 80 pages. Barcelona, 1889. - li-

preuta de J. Balmas Planas. 0

Bru (P.1UL)- Histoire de Bicêtre. (Hospice-Prison-Asile), d'après des

documents historiques, avec une préface de M. le D' Boumeville. Un

beau volume in-4" carré d'environ cinq cents pages, orné de 22 planches

hors texte, et d'un plan général de l'Hospice de Bicètre actuel (1890).

Prix 15 fr. (En souscription, pour nos abonnés, prix 10 fr.)

.1v m a LES Auteurs ET Editeurs. La direction des Arciiuies de ? <ELHOLOu)Ë rappelle à les Auteurs et Editeurs, que les ouvrages dont

il sera reçu deux exemplaires seront annoncés au Bulletin BIBLIOGRA-

phique et analysés; ceux dont il ne sera reçu qu'un simple exemplaire

seront tout simplement annoncés. .

Le rédacteur- gérant, l3otnKewLLe.

Erretui ';1;. H&K lI.'8l \ , iiap - 39o.

Vol. XIX. Mai 1890. N, 57

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE,. - M. CHARCOT

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE' 1

(Leçon recueillie par Georges GUINON, chef de clinique).

Messieurs ,

La leçon d'aujourd'hui sera consacrée à l'étude

d'un cas fort intéressant de paraplégie survenue chez

un diabétique. Mais avant d'en venir à l'examen du

malade lui-même, j'entrerai, si vous le voulez bien,

dans quelques détails au sujet des relations qui exis-

tent entre certaines affections du système nerveux et le

diabète. C'est un sujet très compliqué, sur lequel Mar-

chai (de Calvi) a le premier attiré l'attention au point de

vue clinique, et cela d'une façon tout à fait formelle,

en 186, dans son ouvrage intitulé : Recherches sur

les accidents diabétiques. Il donne dans ce livre le signal 1

d'uue juste réaction contre la tendance que l'on a trop

souvent à appliquer sans hésitation à la pathologie et

à la clinique les données du laboratoire. C'était en

1 Leçon du 13 décembre 1889.

Archives, t. s1. 20

306 CLINIQUE NERVEUSE.

effet le moment où venaient d'être introduites dans la

science les belles recherches de Claude Bernard sur la

glycosurie par lésion expérimentale du plancher du

quatrième ventricule.

On pouvait supposer que la pathologie et surtout

la physiologie du diabète allaient être de fond en

comble renouvelées. Certes, il est rare qu'une décou-

verte de laboratoire dans le domaine de la physiologie,

n'ait pas son contre-coup dans celui de la physiologie

pathologique. Mais il ne faut pas aller trop vite et in-

considérément dans les applications de ce genre, il ne

faut pas dogmatiser immédiatement et légiférer du

premier coup, par une déduction hâtive. Les données

du laboratoire ne prennent véritablement force de loi,

dans cet ordre d'idées, que lorsqu'elles ont été sou-

mises à l'épreuve de la critique clinique qui seule peut

juger en dernier ressort si la notion expérimentale

doit être ou non définitivement incorporée.

Dans la circonstance dont il s'agit, ce n'était pas

sans quelque raison que Marchai (de Calvi) protestait

contre la tendance du jour, qui était de voir dans toute

glycosurie, même dans la glycosurie diabétique, une

affection des centres nerveux et de chercher à démon-

trer dans ces cas l'existence d'une lésion du plancher

du quatrième ventricule, que jamais un anatomo-pa-

thologiste n'a pu régulièrement constater. Je cite ici

textuellement Marchai (de Calvi) qui écrivait ceci

en 1864 :

« La physiologie expérimentale ayant démontré que

des lésions variées de l'axe cérébro-spinal peuvent

occasionner le diabète, du moins la glycosurie, on a

observé sous cette prévention, et toutes les fois que

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABETIQUE. H07

des lésions de ce genre se sont présentées chez des

diabétiques, on les a regardées comme primitives,

sans même se demander si, au contraire, elles ne pou-

vaient pas être consécutives et produites par la mala-

die sucrée, au lieu de lui avoir donné naissance. Tant

il est vrai que la médecine ne s'appartient pas encore,

et ne voit guère que par les yeux de l'expérimenta-

lisme ; il ouvre le chemin, etelle suit docilement. Ce n'est

pas à dire que les résultats fournis par la physiologie

expérimentale soient à dédaigner : il s'en faut ! Seule-

ment, ces résultats ne doivent pas se superposer aux

faits médicaux, ou, ce qui est encore pis, les confis-

quer, comme cela est arrivé pour les accidents dont il

est question dans ce chapitre ; car il est bien évident

que les lésions spinales procllcctoices ont empêché les

médecins de reconnaître les lésions cérébro-spinales

produites. »

Marchai citait des faits à l'appui de sa thèse. C'étaient

surtout des cas de ramollissement cérébral, lorsqu'il

y avait eu une autopsie, et au point de vue clinique

des hémiplégies transitoires, des monoplégies à début

plus ou moins brusque, à durée plus ou moins passa-

gère. J'ai vu moi-même des exemples de ce genre,

plusieurs paralysies alternes en particulier, qui ont

été consignés, en 1883, dans un travail de deux de

mes élèves d'alors, MM. Bernard et Féré '. Ogle a

également observé des cas de cet ordre et a attiré sur

eux l'attention.

Dans les faits de ce genre, Messieurs, la lésion ner-

veuse est évidemment secondaire et n'est pas le point

1 Bernard et -Des troubles nerveux observés chez les diabétiques

Arch. de Netrol., 1883, t. IV, p. 336.)

308 CLINIQUE NERVEUSE.

de départ du diabète. Remarquez qu'on ne prétend

pas ici qu'une lésion des centres nerveux placée

comme il faut, un foyer du plancher du quatrième

ventricule, une tumeur comprimant cette même

région, un coup sur la tête, ne puisse devenir le point

de départ ou l'occasion de l'apparition, plus ou moins

transitoire ou au contraire habituelle, du sucre dans

les urines. Ces cas-là existent d'une façon parfaite-

ment authentique ; j'en ai moi-même cité plusieurs.

Mais là il ne s'agit que de glycosurie plus ou moins

passagère ou permanente, et non pas de diabète sucré

véritable.

On tentera peut-être d'objecter que certains troubles

du système nerveux sont capables de provoquer l'ap-

parition du diabète, les émotions vives, par exemple,

l'anxiété, la peur. Mais on ne saurait prétendre qu'ils

le créent, au même titre que la piqûre du plancher du

quatrième ventricule crée la glycosurie expérimentale.

Ils ne jouent là que le rôle d'agents provocateurs,

agissant chez des gens prédisposés au diabète par leur

tempérament, l'hérédité, souvent même déjà porteurs

d'un diabète ignoré ou très léger. De même un accès de

colère provoque chez le goutteux un accès de goutte.

Tous ces faits sont bien connus aujourd'hui et parfaite-

ment bien interprétés pour la plupart. L'interprétation

qu'on leur donne ne détruit en rien l'autonomie de

ceux où la glycosurie est consécutive à une lésion des

centres nerveux. Mais ceux-ci doivent former une

classe à part, bien distincte de celle où c'est le diabète

vrai qui est le point de départ de la lésion des centres

nerveux. Il ne s'agit plus ici de glycosurie, mais du

diabète vrai, du diabète maladie constitutionnelle, par

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE. 809

vice de la nutrition, soit que celle-ci soit retardée,

suivant la théorie de M. le professeur'Bouchard, soit

qu'elle soit accélérée, ainsi que le prétendent d'autres

auteurs.

On est en droit de se demander quel est le méca-

nisme de la production de ces lésions nerveuses secon-

daires dans le diabète. Sont-ce des altérations vascu-

laires ? La fréquence des gangrènes, de la claudication

intermittente chez les diabétiques pourraient faire

penser à cette hypothèse. Il pourrait s'agir aussi d'une

action toxique exercée par le sucre lui-même qui se

trouve souvent en quantités considérables dans l'urine

chez les malades atteints de ces complications, ou bien

par un de ses dérivés, acide acétique, acétone ou

autre. Enfin, l'anhydrie elle-même, résultant de la pri-

vation des liquides, pourrait aussi jouer le rôle d'une

cause à l'égard du développement des accidents ner-

veux.

Il est difficile de faire un choix au milieu de tous

ces facteurs étiologiqnes, mais il est possible aussi que

le mécanisme ne soit pas le même dans tous les cas.

D'une part, s'il est bien manifeste que le coma diabé-

tique est l'expression d'une auto-intoxication, d'autre

part, il paraît vraisemblable que ces monoplégies dont

nous parlions tout à l'heure et qui paraissent pro-

duites par des foyers de ramollissement multiples du

genre de ceux qui ont été décrits par M. Dickinson,

sont dues à des altérations vasculaires. On connaît les

gangrènes chez les diabétiques. J'affirme avoir cons-

taté qu'elles sont au moins quelquefois d'origine vas-

culaire, et je vous rappelle ici en passant que j'ai

depuis longtemps reconnu chez ces malades l'existence

310 CLINIQUE NERVEUSE.

de la claudication intermittente, produite par une obli-

tération de vaisseaux.

Ce n'est pas, Messieurs, sur les lésions centrales

- consécutives au diabète que je veux insister aujour-

d'hui, mais sur une affection organique ou dynamique,

c'est ce qu'il s'agira de distinguer, se traduisant pendant

la vie par des symptômes dépendant soit de la moelle,

suivant les uns, soit primitivement des nerfs périphé-

riques suivant les autres, c'est ce qu'il s'agira encore

de distinguer, mais qui en tous cas, pratiquement, se

révèle par des troubles ou sensitifs ou moteurs, quel-

quefois les deux en même temps, occupant les mem-

bres inférieurs.

Ces troubles sensitifs et moteurs ont été tout d'abord

étudiés séparément et successivement par les auteurs,

au sur et à mesure qu'on les découvrait. Mais il me

paraît vraisemblable d'après ce que j'ai vu, qu'il s'agit

là en réalité de faits parfaitement coordonnés. Réunis

un à un et rapprochés les uns des autres, ces trou-

bles divers me paraissent réaliser un type nosogra-

phique défini, dont le tableau clinique pourrait, si je

ne me trompe, être caractérisé par la dénomination de

paraplégie diabétique ou de cause diabétique, qui lui

servirait d'étiquette.

Oui, Messieurs, j'ai l'idée qu'il existe une paraplégie

diabétique ou de cause diabétique, comme il y a une

paraplégie alcoolique, et que celle-là comme celle-ci

a des caractères particuliers qui permettent de les

distinguer des affections analogues. J'ajouterai enfin

que ces deux ordres de paraplégies ont entre eux des

ressemblances telles qu'on pourra peut-être souvent

les confondre. Voilà quel est l'argument que je vou-

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE. 311

drais développer devant vous à propos de l'observa-

tion du malade que j'ai fait placer sous vos yeux.

Mais avant d'arriver à l'analyse clinique derce cas,

je désire entrer encore dans quelques détails. Il y a

quelques années, en 1880, M. Jules Worms faisait con-

naître l'existence dans le diabète d'une forme de né-

vralgie double et symétrique, tantôt sciatique, tantôt

faciale, ou dentaire inférieure '. Les diabétiques dont

il parlait étaient de véritables diabétiques et la

névralgie symétrique apparaissait en pleine évolution

de la maladie. L'observation de M. Worms ` a été

maintes fois reproduite soit en Angleterre, soit en

Allemagne, et rien n'est mieux établi aujourd'hui que

les faits de cette catégorie. Je citerai à ce propos en

Angleterre, M. Buzzard, qui indique le caractère fulgu-

rant que peuvent parfois revêtir ces douleurs et men-

tionne l'action favorable du salicylate de soude employé

-contre elles; en Allemagne, les observations de Drasche

(1882) et surtout celle de Ziemssen (1885)'; cette der-

nière est particulièrement intéressante parce que la

névralgie symétrique occupait le domaine du nerf

cubital. Localisée d'abord au côté droit, elle envahit

bientôt le côté gauche. Il existait de la tuméfaction du

nerf qui était douloureux à son passage dans la gout-

tière épitrochléenne, de l'atrophie des muscles, des

troubles trophiques du côté de la peau qui était lisse

et des deux derniers doigts. Il s'agissait donc là bien

vraisemblablement d'une névrite.

' .1. Worms. - Des névralgies symétriques dans le diabète. (Acad. de

med., 1880.)

' \'on7.iemssen ? \-coruldie ttnd Veurilis bei Diabète we;< ! < ? e)'< : .

lalellbl., 1885, n° il.

312 CLINIQUE NERVEUSE.

Il ne faudrait pas prendre au pied de la lettre le

caractère symétrique de ces névralgies, car quelques-

unes d'entre elles, dans le domaine du sciatique prin-

cipalement, peuvent rester unilatérales. (Cas de Rosens-

tein.)

A côté de ces névralgies dans lesquelles la douleur

est généralement continue, il faut placer, toujours

dans le symptomatologie du diabète, d'autres douleurs

localisées plus ou moins exactement sur le trajet des

nerfs, mais qui, au lieu d'être permanentes, prennent

le caractère de fulgurations revenant par accès, de

façon à simuler assez bien les douleurs fulgurantes de

l'ataxie locomotrice. 11 y a longtemps que j'ai parlé de

ce fait dans mes leçons. On en trouve des exemples

dans le travail de MM. Bernard et Féré; deux autres

de mes élèves, MM. Raymond et Oulmont, en ont cité

également (1881). C'est donc aujourd'hui un fait bien

établi. -

Mais si l'on peut voir dans le diabète des douleurs

fulgurantes analogues à celles de l'ataxie, on peut

aussi y rencontrer, encore comme dans cette dernière,

des fourmillements, des hypéresthésies, des dysesthé-

sies de toute espèce.

Arrivons maintenant à un phénomène d'ordre mo-

teur, sur lequel je crois devoir particulièrement

insister. Je veux parler de l'absence des réflexes rotu-

liens, qui existe dans un assez grand nombre de cas

de diabète, surtout de diabète grave, ainsi que l'a le

premier montré M. le professeur Bouchard dans ses

leçons de 1881 et dans une intéressante communica-

tion au Congrès de 1884 de l'Association française

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE. 313

pour l'avancement des sciences 1. J'insiste sur les dates,

- Messieurs, parce que beaucoup, en Allemagne surtout,

semblent les avoir oubliées et rapporter à d'autres

auteurs la découverte de ce fait important.

Il y a d'ailleurs parmi les médecins allemands,

habituellement si scrupuleux dans leurs bibliographies

et dans leurs historiques, une sorte de perturbation

singulière, qui fait que dans l'histoire de ces accidents

spinaux ou pseudo-spinaux du diabète, tout est bou-

leversé à notre détriment.

Je n'en veux pour exemple qu'un travail de

M. Leyden, homme éminent fort au courant en géné-

ral de la littérature française et fort équitable dans

ses appréciations. Eh ! bien, Messieurs, il y a dans

son livre sur les névrites périphériques, où on trouve

accumulés tant de faits originaux et pleins d'intérêt,

un malheureux paragraphe qui est complètement à

remanier. -

Quand il parle des paralysies dans le diabète (p. 35)

il en vient, dans l'historique, à signaler la fréquence

des névralgies et cite Veil : c'est Worms qu'il aurait

fallu dire. Traitant de l'étude des lésions du système

nerveux en général, dans ses rapports avec le diabète

et la glycosurie, il cite le travail d'Auerbach (1885)

bon mémoire, sans doute; mais déjà nous avions l'ar-

ticle de Féré et Bernard, dans les Archives de Neuro-

logie de 1882. Suivant Leyden, Althazs aurait le pre-

mier signalé les troubles de la sensibilité qui font que,

quelquefois, les diabétiques parétiques ou paraplégi-

1 Ch. Bouchard. De la perte des réflexes rotuliens dans le diabète

sucre. (Associât, franc, pour l'avancement des sciences, Congrès de Blois.

septembre 1884.)

314 CLINIQUE NERVEUSE.

ques ressemblent aux tabétiques. Mais pourquoi ne

pas dire que l'existence, chez les diabétiques, de

douleurs fulgurantes analogues à celles que l'on

rencontre chez les ataxiques a été signalée maintes fois

en France et qu'une observation de ce genre a été

publiée en 1881 par MM. Raymond et Oulmont ?

Enfin quand il s'agit de l'importante découverte de

la perte du réflexe rotulien dans nombre de cas de

diabète, M. Leyden cite le Dr Raven (1887)'. \ Mais les

travaux de M. le professeur Bouchard datent de trois

ans auparavant (1884).

Cette petite digression, Messieurs, n'est point inop-

portune. Quelques-uns diront peut-être que ces ques-

tions de priorité importent peu. Je ne suis pas tout à

fait de cet avis. Pour bien faire, il faut que chaque

chose en chaque genre soit mise à la place qui lui

revient et il ne faut pas prendre la mauvaise habi-

tude de ne pas rendre à César ce qui appartient à César.

Mais j'en reviens à la question de l'absence des réflexes

rotuliens chez les diabétiques.

La découverte de Bouchard fut confirmée par

Rosenstein 2, puis par deux de mes élèves, MM : Pierre.

Marie et Georges Guinon3, par M. Landouzy, M. Leyden,

etc... M. Nivière, un élève de M. Bouchard, consacrait

récemment sa thèse inaugurale à l'étude de ce sujet'.

Tout le monde en somme reconnaît aujourd'hui que,

dans certains cas de diabète, les réflexes tendineux

1 Raven. Drit. méd.jour., 1887.

'- Rosenstein. - Ueber das Verhalten des Kniephamomens bill ! Diabètes

ntelliuts, (Berl. Ktin. YVoc)tsch ft, 1885, n°8.)

3 Pierre Marie et Georges Guinon. Sur la perte du réflexe rotulien

flans le diabète sucré. (Rev. de méd., 1886.)

4 De la perte du réflexe rotulien dans le diabète sucré. Th, Paris, 1889.

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE. li 1 z

sont absents. Mais quelle est la signification clinique

de ce fait ? Quelle est sa signification physiologique ?

Sur ce dernier point, les autopsies ont toujours montré

l'intégrité absolue de la moelle (Rosenstein, et deux

cas de Nivière) et l'absence de lésions des cordons

postérieurs. Mais qu'est-ce alors ? Doit-on faire inter-

venir une névrite périphérique ou même une affection

spinale dynamique ? La première hypothèse, dans le

courant actuel des choses, paraîtra naturellement plus

vraisemblable.

En tous cas, cliniquement, l'absence des réflexes

rotuliens caractérise des cas graves de diabète; non

pas tant peut être de ces cas où il existe une quantité

considérable de sucre, qui n'est pas toujours un élé-

ment essentiel de gravité. On sait, et Bouchardat et

moi-même en avons rapporté des exemples, que chez

certains diabétiques le sucre peut momentanément

faire défaut dans l'urine ou encore y être représenté

par un taux peu élevé et cependant la maladie s'ac-

compagne de symptômes graves. Peut-être, dans ces

cas-là, existe-t-il dans le sang, outre le sucre, certains

produits particulièrement toxiques que l'analyse chi-

mique n'a pas fait encore découvrir. Mais cela ne nous

concerne pas pour l'instant. Ce que je vous prie de

retenir de tout ce que je viens de dire, c'est que chez

un diabétique, vous pouvez trouver : l°des douleurs

fulgurantes et diverses dysesthésies, 2° l'abolition des

réflexes rotuliens. D'où une certaine analogie avec le

tabes et une confusion possible avec cette maladie à sa

période préataxique.

Mais quelques auteurs vont encore plus loin et admet-

tent l'existence dans le diabète d'une forme paraly-

316 CLINIQUE NERVEUSE.

tique ou mieux paraplégique et plus précisément

ataxique. Voyez à ce sujet le travail de M. Leval-

Picquechef sur les pseudo-tabes'. Ces phénomènes

moteurs seraient caractérisés : 1° par le signe deRom-

berg, et 26 par un trouble de la démarche que quel-

ques-uns désignent sous le nom d'ataxique, entendant

sans doute par là qu'il simule la démarche tabétique.

Dans ces conditions, la présence de douleurs fulgu-

rantes et du signe de Romberg, l'absence des réflexes

rotuliens, la démarche ataxique, devraient rendre

impossible la distinction entre le tabes et le diabète à

forme paraplégique. Il n'y aurait plus pour faire le

diagnostic de l'ataxie liée à la maladie sucrée que l'ab-

sence des troubles oculaires tabétiques (ceux qui

dépendent du diabète, hémiopie, rétinite, cataracte,

troubles de l'accommodation, étant complètement diffé-

rents), des crises laryngées ou gastriques et enfin la

préexistence du diabète.

Et tout cela ne serait pas encore décisif, car on

peut supposer : 1° un tabes, vrai avec sclérose des

cordons postérieurs, développé pendant le cours du

diabète, et 2° un tabes également vrai, mais sans trou-

bles oculaires, sans crises gastriques ni laryngées.

Je me demande, Messieurs, s'il ne s'est pas produit

ici ce qui est arrivé pour la paraplégie alcoolique, qui

présente, vous allez le voir, tant de ressemblance avec

la paraplégie diabétique. Là aussi il existe des dou-

leurs fulgurantes, -des analgésies, l'abolition des ré-

flexes patellaires. Là aussi, on a dit que lorsque la

paralysie n'est pas complète, c'est-à-dire lorsque le

i Leval-Picquechef. Des pseudo-tabes. Th. Paris, 1885.

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE. 317 i

malade marche encore, on trouve le signe de Rom-

berg et la démarche ataxique, d'où l'apparence d'un

faux tabes.

Mais en y regardant d'un peu plus près, on voit que

dans la règle, il ne s'agissait pas réellement dans ces

cas de la démarche tabétique, mais d'une démarche

spéciale à laquelle j'ai proposé d'appliquer le nom de

démarche de steppe ! ' et qui paraît tenir à ce que la

paralysie musculaire dans les membres inférieurs pré-

domine sur les extenseurs du pied. Cette démarche est

si fréquente chez les alcooliques paraplégiques mar-

chant encore que j'ai observés, que je me demande si

elle n'est pas la règle presque absolue. D'ailleurs, je

ne vois pas généralement dans les observations pu-

bliées de pseudo-tabes alcooliques la preuve que cette

démarche, dite ataxique, n'eût pas pris un autre nom

dans la description qu'en font les auteurs, si leur

attention eût été éveillée sur les caractères du step-

page.

En résumé, Messieurs, voici ce que je pense dans

l'état actuel des choses, tout prêt d'ailleurs à changer

d'avis si les observations ultérieures me donnent tort :

dans la paraplégie alcoolique, tout comme dans les

prétendues ataxies saturnines, béribcriques. arseni-

cales, dans la majorité des prétendus pseudo-tabes

jusqu'ici observés, il n'y a pas à proprement parler de

démarche ataxique; c'est le steppage que l'on observe.

Dans tous ces pseudo-tabes, ou rencontre l'absence

des réflexes rotuliens, des douleurs plus ou moins

fulgurantes, et enfin un syndrome moteur, la démarche

de stepper, dû vraisemblablement surtout à une para-

lysie musculaire portant principalement sur les exten-

318 CLINIQUE NERVEUSE.

seurs du pied, de telle sorte que l'avant-pied est tom-

bant, et s'accompagnant de modifications dans les

réactions électriques des muscles paralysés qui sont

le siège de la réaction de dégénérescence.

Ajoutons à cela que dans tous les cas, dans l'alcoo-

lisme surtout, il n'existe pas de lésion spinale gros-

sière, en particulier pas d'altération des cordons pos-

térieurs de la moelle, mais qu'il s'agit principalement

de névrites périphériques.

Eh ! bien, Messieurs, me fondant sur l'examen cli-

nique du cas que je vais vous montrer, j'émets l'avis

qu'il en est de même dans la paraplégie liée au diabète

et probablement produite par un phénomène d'auto-

intoxication. Voici tout d'abord l'observation de ce

malade :

Il s'agit d'un nommé B... (Ferdinand), âgé de trente-sept

ans, cuiseur de pains à cacheter, né à la Ferté-Gaucher, dépar-

tement de Seine-et-Marne.

Antécédents héréditaires. - Père, devenu aveugle à la suite

d'ophtalmie traumatique suivie d'ophtalmie sympathique,

s'est suicidé à 71 ans. Il buvait beaucoup et quand il avait bu,

il était sujet à des crampes. - Mère, morte hydropique, pas

nerveuse. frères et saurs, dont le premier n'a pas été

connu du malade; le deuxième est fou; la troisième bien por-

tante ; le quatrième tué accidentellement; la cinquième est

folle comme le deuxième, à la suite de fièvre typhoïde, il

connait peu ses collatéraux et ses grands-parents.

Antécédents personnels. Il ne se rappelle aucune maladie

pendant l'enfance. A partir de vingt-neuf ans, il a eu deux bron-

chites et une fluxion de poitrine; étant plus jeune il était déjà

sujet aux rhumes; pas de syphilis ; pas d'alcoolisme; rarement

quelques cauchemars la nuit; pas de tremblement; pas de

crampes autrefois, sauf depuis quelque temps.

Il y a environ trois ans, il s'est aperçu, pendant la moisson

en travaillant aux champs qu'il s'affaiblissait et il attribuait

cette faiblesse à la dureté du travail. Puis il y a deux ans,

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE. 319

(1 ? novembre 1887), il fut pris d'une fluxion de poitrine après

laquelle' on découvrit le diabète (24 février z1888). A cette

époque, il buvait énormément et mangeait beaucoup sans que

sa soif ni sa faim fussent calmées. Egalement polyurie

énorme.

On le met au. régime pendant trois mois et comme ses

moyens ne lui permettaient pas de continuer, il cessa et de-

vint tel qu'il est aujourd'hui.

Pendant ces vingt mois, il eut de nouveau deux espèces de

fluxions de poitrine ( ? ) qu'il traita sans médecin et qui ne s'ac-

compagnèrent que de peu de réaction générale. Il eut égale-

ment de fréquentes débâcles, restant sans aller à la garde-robe

pendant plusieurs jours et pris ensuite d'une diarrhée qui sem-

blait être suivie d'une sorte de rémission dans la polydipsie.

Pendant cette période, il maigrit d'environ trente livres au mi-

nimum.

Etat actuel. Homme petit, maigre (poids accusé par le

malade, 50 kilos) à facies ridé, vieillot, bien qu'il n'ait que

trente-sept ans. Soif exagérée, il boit au moins 5 à 6 litres

par jour. Faim exagérée, jamais rassasiée. Polyurie considé-

rable ('10 litres constatés à l'hôpital avec les bocaux).

Urine très peu colorée, non trouble. D. 1040. Ne contient

pas d'albumine, mais une quantité très considérable de sucre

(1 goutte suffit pour précipiter 2 centimètres cubes de liqueur

de Feeling).

Le malade se plaint en outre, depuis zips mois, de douleurs à

caractère fulgurant ne le réveillant jamais pendant la nuit,

localisées dans les reins et dans le dos, quelques-unes en

demi-ceinture. Il les dit comme des éclairs, cela revient

5 ou 6 fois par jour et n'est pas suivi d'hypéresthésie. Pas de

douleurs dans les jambes, mais il se produit facilement dès

que le malade reste quelque temps assis, des fourmillements

qui lui enlèvent, mais seulement pendant qu'ils existent, la

sensation nette de la nature du sol sur lequel il marche. En

dehors de ces moments où les fourmillements existent, pas de

sensation de caoutchouc, ni de tapis, etc... Il a toujours trop

chaud ou trop froid aux pieds : dès qu'ils sont chauds, ils lui

brûlent et il est obligé par suite de la douleur que cela lui fait

éprouver de les exposer de nouveau au froid.

Ces fourmillements existent aussi de temps en temps aux

membres supérieurs. Pas de douleurs à ce niveau. Pas de

320 0 CLINIQUE NERVEUSE.

maux de tête. Rien du côté de l'estomac. Troubles de la miction

assez nets : douleurs assez rares en urinant; quelquefois s'il ne

se présente pas assez vite à la garde-robe, il urine dans son

pantalon ; quelquefois il pisse encore quelques gouttes après

s'être rhabillé, mais tout cela pas très accentué et il faut attirer

l'attention du malade sur ces phénomènes qu'il a à peine

remarqués lui-même. Il est obligé de tenir la verge très

propre, sans quoi il est condamné à de fréquentes balanites et

a de la rougeur du prépuce.

Jamais aucun trouble rectal ni anal; constipation habi-

tuelle interrompue par des débâcles. Point de phénomènes

laryngés, absence complète des réflexes rotuliens qui ne repa-

raissent pas par le procédé de Jendrassik. Signe de Romberg

très net.

Réflexe pupillaire absolument normal pour la lumière et l'ac-

commodation. Le malade dit que sa vue a beaucoup baissé depuis

le début de son diabète. Pas de trace de cataracte ni d'un côté

ni de l'autre. Diplopie par instants non absolument complète

se produisant seulement quelques fois par jour, pendant une

quinzaine de jours et plutôt pour les objets rapprochés. La

sensibilité paraît normale au contact et à la douleur.

Faiblesse générale extrêmement prononcée. Amaigrisse-

ment considérable, portant surtout sur la graisse sous-cutanée.

Les muscles sont encore à peu près conservés, quoique bien

petits.

Coeur à battements éclatants, probablement athéromateux.

Athérome très net à la radiale et la temporale droites, moins à

gauche. Rien dans les poumons.

Trouble du sens musculaire (doigt mis sur le bout du nez)

plus accentué les yeux fermés que les yeux ouverts.

Démarche hésitante, mal assurée, cependant pas réellement

titubante. Quand le malade se lève de son siège, il a une cer-

taine difficulté à se mettre en équilibre sur ses deux pieds.

Quand il marche, ses' mouvements ne sont pas incoordonnés du

tout, mais il marche à la manière d'un paralytique alcoolique,

steppant nettement surtout du pied droit. Lorsqu'on le fait

marcher avec ses souliers, on s'aperçoit que le pied frappe le

sol en deux fois, le talon d'abord et l'avant-pied ensuite. En

effet, il existe une véritable paralysie des extenseurs du pied,

principalement à droite. Le malade étant assis et les jambes

élevées, si on veut lui faire redresser la pointe du pied, il ne

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE. 321

peut le faire et le pied est véritablement tombant. On ne constate

cependant aucune atrophie musculaire bien nette aux membres

inférieurs. Il y a un amaigrissement très notable de toutes les

masses musculaires mais surtout du tissu cellulaire sous-cutané.

La force de la cuisse est à peu près bien conservée; celle des

membres supérieurs est très diminuée. .

. D = Main droite 13

- gauche 11

Examen électrique des muscles des membres Inférieurs pra-

tiqué par M. le D'' Vigouroux, le 7 décembre 1889. A droite,

réaction complète de dégénérescence dans le jambier antérieur

et l'extenseur commun des orteils; simple diminution d'excita-

bilité des autres muscles de lajambe et de la cuisse. A gauche

réaction partielle de dégénérescence du jambier antérieur.

Pas de troubles cérébraux. Quelques sensations dysesthé-

siques dans les pieds (sensation que ses pieds sont collés l'un

à l'autre dans le lit, comme avec quelque chose de visqueux).

Il y a environ un mois qu'il est devenu sourd des deux côtés.

Il n'a rien remarqué à droite; à gauche il a eu une période de

huit jours environ pendant laquelle il souffrait de douleurs

violentes dans l'oreille. Puis celles-ci cessèrent le jour où le

malade remarqua qu'il coulait du pus par le conduit auditif

externe gauche. Rien de semblable à droite.

Examen de l'oreille pratiqué par M. le Dr Gellé. Surdité,

bourdonnements d'oreille, otites doubles suppurées avec per-

foration des deux tympans; perforation étroite à gauche avec

rétention du pus. Planche II, fig. 1 et 2.

Les courbes ci-jointes montrent les variations du sucre par

litre d'urine et par jour pendant les premiers jours du séjour

du malade à l'hôpital. On voit que le glycose excrété a atteint

le chiffre énorme de l kilog. 035 grammes. L'azoturie, même

après la diminution du sucre, est toujours restée très considé-

rable. Le chiffre de l'urée excrétée en 24 heures n'a jamais été

inférieur à 100 grammes et a atteint une fois 191 grammes.

La moyenne peut être évaluée à 130 grammes environ'. (Voy.

fig.ikï.) .

Ces quantités de sucre peuvent être considérées

1 Les analyses d'urine complètes et pratiquées avec grand soin ont été

exécutées par M. Grenouille ! , interne en pharmacie du seivice de la cli-

nique, qui a également dressé les courbes qui sont reproduites ici.

Archives, t. XIX. 21

322 CLINIQUE NERVEUSE.

comme énormes. D'après Bouchardat en effet les propor-

tions de 1000 grammes sont rares. Les chiffres de 700,

800 grammes sont déjà fort élevés dans l'espèce.

J'attire votre attention, messieurs, sur la démarche

de cet homme. C'est la démarche du stepper. Quand

vous voyez cela , vous devez penser naturellement

tout d'abord à la paralysie alcoolique. Le signe de

Romberg, l'absence des réflexes rotuliens ne vous

détournent pas de cette idée. La seule chose qui vous

surprenne, c'est l'absence de troubles de la sensibilité,

presque toujours présents à un haut degré dans la

paralysie alcoolique et qui consistent en sensations

douloureuses tant spontanées que développées par le

frôlement ou la pression profonde. Ici le malade n'ac-

cuse aucune de ces sensations douloureuses. Il se plaint

seulement d'une sorte de brûlure aux pieds pendant

la nuit et d'engourdissement léger pendant le jour.

Malgré cette différence, l'analogie avec la paralysie

alcoolique se complète encore par la présence d'autres

phénomènes. Explorez l'état des muscles des membres :

vous voyez qu'assis, il résiste assez bien du genou

et de la hanche, bien qu'il y ait un certain degré de

parésie. Mais les pieds sont tombants. Non seulement

le malade ne peut pas résister aux mouvements passifs

de flexion, mais même il est incapable de relever le

pied en extension. Cela est encore bien analogue à ce

qui se passe dans la paralysie alcoolique classique; et

ceci aussi, à savoir qu'à l'examen électrique des mus-

cles on note la réaction de dégénérescence dans le

jambier antérieur et l'extenseur commun des orteils,

et une diminution de l'excitabilité des autres muscles

de la jambe et de la cuisse.

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE. 323

, Ainsi dans ce cas, c'est à l'alcoolisme que vous

êtes amené à penser, et non pas au tabes. L'examen

des yeux, l'absence de parésie vésicale véritable vous

confirme dans l'exclusion de ce dernier diagnostic.

Eh bien ! 1 Messieurs, notre malade n'est pas un

alcoolique et ne l'a jamais été. C'est un diabétique au

premier chef sans tare alcoolique aucune, cela est par-

faitement établi par les renseignements pris, atteint

depuis quatre ou cinq ans du grand diabète, du dia-

bète constitutionnel, relevant d'un trouble de la nu-

trition et marqué par la présence dans l'urine, ainsi

que je vous le faisais remarquer tout à l'heure, d'une

quantité énorme de sucre, ne disparaissant pas entière-

ment sous l'influence du régime.

Je n'insiste pas sur l'habitude extérieure de cet

homme, qui, bien qu'âgé de trente-sept ans seulement,

a déjà l'aspect d'un petit vieillard, pas plus que sur sa

soif insatiable, ni sur le mode de début et l'évolution

ultérieuredela maladie dont il est atteint. Mais je veux

relever dans son histoire un point particulièrement

intéressant en neuropathologie. Son père, vous ai-je dit,

était un ivrogne et s'est suicidé; sa mère atteinte de

rhumatisme, était arthritique. De l'union de ces deux

individus, sept enfants sont nés, dont le deuxième et le

cinquième sont aliénés, et notre malade diabétique.

Cela vous montre une fois de plus quels liens étroits de

parenté réunissent les deux familles arthritique (rhu-

matisme, diabète) et neuropathologique (ivrognerie,

suicide, aliénation mentale).

En résumé, Messieurs, je crois avoir mis sous vos

yeux un bel exemple de paraplégie diabétique, probable-

ment parvenue à un haut degré de développement.

324 CLINIQUE NERVEUSE.

Vous voyez à quel point cela ressemble à la paraplégie

alcoolique. Après ce parallèle entre les deux maladies,

qui peut être suivi à peu près dans tous les termes,

les analogies avec le tabes, l'ataxie par sclérose des

cordons postérieurs, semblent perdre de leur impor-

tance. Elles s'effacent, si je puis ainsi dire, et se relè-

guent à l'arrière-plan. Il s'agira maintenant de savoir

si toutes les paraplégies diabétiques rentrent dans ce

cadre et si, outre cette forme-là, on n'en trouvera point

d'autres dans lesquelles les ressemblances avec le tabès

seront plus étroites.

Messieurs, quand je parle de paraplégie consécutive

au diabète, avec démarche de stepper, et quand je

critique la dénomination de démarche ataxique adoptée

pour les cas de ce genre, j'entends réserver, pour en

faire un groupe à part, ceux dans lesquels un véri-

table tabes par lésion des faisceaux postérieurs peut

s'associer à la glycosurie. Je pense qu'il y a lieu de les

diviser en deux groupes :

1° Dans le cours du tabes, le sucre peut apparaître

à une époque en général assez tardive, dans les urines

des malades. M. Oppenheim et d'autres auteurs ont

cité des cas de ce genre. Ici la glycosurie plus ou moins

permanente serait la conséquence de l'extension des

lésions de la moelle au plancher du quatrième ventri-

cule. On notera souvent, dans ces observations de

tabes avec glycosurie, la présence de crises laryngées

ou gastriques, qui indiquent la participation du bulbe.

Mais ces cas doivent être assez rares. En 1885,

MM. Pierre Marie et Georges Guinon ont observé une

cinquantaine de cas, sans en trouver un seul, et l'an

-passé, sur cent tabétiques qui venaient à la Salpêtrière,

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE. 325

pour s'y faire appliquer ^traitement par la suspension,

M. Gilles de la Tourette n'en a rencontré que trois;

2° A côté de ce premier groupe, il convient d'en

placer un second. Dans celui-ci il s'agit encore du

tabes vrai; mais avec cette maladie coexiste le diabète

vrai, qui la suit ou la précède. Il y a là une simple

coïncidence, mais non pas tant s'en faut, une coïnci-

dence tout à = fait fortuite, ainsi que vous, le remar-

querez, si vous voulez bien vous rappeler ce que je

vous disais il n'y a qu'un instant au sujet des liens de

parenté étroite qui relient les familles arthritique et

névropathique. Cela pourrait se représenter par un

fort simple tableau généalogique. Un individu, né

d'un père goutteux et d'une mère aliénée, présente

un beau jour, par suite d'une double hérédité de trans-

formation, tous les signes du diabète et de l'ataxie

locomotrice progressive. Les deux familles sont dans

ce cas représentées chez le même sujet sans qu'il y ait

combinaison véritable. Les deux maladies restent dis-

tinctes, autonomes, chez cet individu, rappelant au

point de vue pathologique sa double origine. Je crois

que des cas semblables doivent exister; reste à savoir

si des recherches dirigées en ce sens dans l'avenir,

viendront me donner raison.

APPENDICE A LA LEÇON

SUR LA PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE.

(Extrait de la leçon du 18 mars 1890.)

IL Messieurs,

3 Vous vous rappelez sans doute un malade fort inté-

326 CLINIQUE NERVEUSE.

ressant que je vous ai montré il y a trois mois, et à

propos duquel je suis entré dans quelques détails au

sujet de la paraplégie diabétique ou de cause diabé-

tique. Depuis cette époque, le malade est resté dans le

service de la clinique pour y être soigné tant de son

diabète lui-même que de la complication assez grave

que celui-ci avait entraînée. Je remets aujourd'hui ce

malade sous vos yeux, parce qu'il est survenu chez

lui diverses modifications, en mieux, je vous le dis

tout de suite, qu'il est intéressant pour vous de cons-

tater.

Parlons tout d'abord de la maladie constitutionnelle

cause de tous les accidents, parlons du diabète. Je

dois vous dire que divers traitements médicamenteux

ont été employés contre cette maladie et qu'aucun n'a

donné de résultats appréciables. L'antipyrine adminis-

trée à l'intérieur, le bromure de potassium, continués

assez de temps pour pouvoir juger de leur effet, n'ont

amené aucune modification favorable dans la polyurie,

la glycosurie, l'azoturie, non plus que dans la dénu-

trition intense et rapide qui était la conséquence de

ces phénomènes morbides. Seul le régime antidiabé-

tique, sur la réglementation duquel je n'insisterai pas,

nous a donné des résultats favorables.

Quiconque a vu notre malade il y a trois mois

et le revoit aujourd'hui ne peut qu'être frappé du

changement notable qui s'est opéré chez lui. Il avait

à cette époque, l'apparence d'un petit vieux aux traits

tirés, maigre, ratatiné, bien qu'il n'ait que 37 ans.

Aujourd'hui, je ne veux pas dire qu'il ne paraît pas

plus que son âge, mais son teint est plus fleuri et moins

terreux; il a engraissé d'une façon assez notable et

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE 327

son poids a augmenté de près de 5 kilogr. Il se sent

plus fort, plus alerte. Son état mental est tout diffé-

rent de ce qu'il était à cette époque. Autrefois il était

lent à répondre aux questions qu'on lui adressait,

analysait mal ses sensations et n'en rendait compte

que très imparfaitement. Aujourd'hui, il n'en est plus

ainsi. Il est sorti pour ainsi dire de cet état d'abrutis-

sement où il était plongé, il répond mieux, plus vive-

ment, plus nettement, sans hésitation et rend mieux

compte de son état.

De plus, phénomène connexe avec ce relèvement

incontestable de l'état général, les symptômes capi-

taux du diabète ont notablement diminué d'intensité.

La polyurie est beaucoup moins prononcée. Autrefois

il pissait jusqu'à 12 litres par jour. Aujourd'hui la

la moyenne de la quantité des urines en vingt-quatre

heures oscille entre 6 et 7 litres. Vous n'avez pas ou-

blié les quantités énormes de sucre qu'il excrétait

quotidiennement, 800, 1,000 et une fois plus de 1,100

grammes. Dès le début de l'institution du régime anti-

diabétique, la quantité de sucre a notablement baissé.

J'ai déjà pu vous montrer alors cet abaissement assez

rapide, sur les courbes qu'a dressées à cet effet

M. Grenouillet, interne en pharmacie du service de la

clinique. Depuis lors il s'est encore notablement

accentué. La dernière analyse donne 49 grammes de

sucre par 1,000 grammes d'urine avec une excrétion

urinaire de 7 litres, c'est-à-dire 343 grammes de gly-

cose pour les vingt-quatre heures (Voy. PL. III, fie. 3

et 4.)

Il en est de même de l'azoturie. Autrefois notre

malade rendait jusqu'à 180 grammes d'urée par jour.

328 ' CLINIQUE NERVEUSE.

Aujourd'hui il n'en excrète plus guère dans le même

temps que 80 à 90 grammes. Toutes ces modifications

favorables dans les symptômes capitaux du diabète se

constatent facilement sur les courbes que je fais

passer sous vos yeux et qui ont été dressées par

M. Grenouillet (PL. IV, lit. 5 et 6).

. Mais, Messieurs, ce ne sont pas seulement les sym-

ptômes du diabète lui-même qui ont subi des change-

ments favorables chez notre homme. La complication

paraplégique s'est également modifiée d'une façon

heureuse. Cette modification' est due évidemment au

traitement général et à la diminution du diabète; mais

elle est due aussi au traitement électrique que nous

avons employé chez lui d'une façon suivie. Reprenons

un par un les divers signes de cette paraplégie. La

démarche est évidemment un des plus frappants. Vous

reconnaissez encore cette démarche de stepper que j'ai

décrite autrefois chez les paralytiques alccooliques,

chez les sujets atteints de béribéri, de paraplégie arse-

nicale, etc. Le phénomène n'a guère changé depuis

la précédente leçon. Mais cela tient sans doute à ce

que la paralysie des extenseurs du pied, qui les tient

immédiatement sous sa dépendance, n'est point encore

guérie. Tant qu'elle ne sera pas disparue totalement,

tant que le malade aura les avant-pieds tombants, il

sera obligé de faire ce mouvement anormal du step-

page, destiné à empêcher dans la marche la pointe du

pied tombante de traîner sur le sol.

Si la paralysie n'est pas complètement guérie au'

point de vue fonctionnel, elle est du moins notable-

ment améliorée. Cette amélioration considérable nous

est dévoilée par l'examen électrique des muscles para-

SUR UN CAS DE PARAPLÉGIE DIABÉTIQUE. 329

lysés. Vous vous rappelez qu'autrefois on avait noté

dans les muscles des extenseurs de la jambe droite,

qui était et qui est encore la plus malade, une réac-

tion de dégénérescence complète, et dans ceux de la

jambe gauche, seulement, une réaction de dégéné-

rescence partielle. Il n'en est plus de même aujour-

d'hui, ainsi que le montrent les résultats du dernier

examen pratique par M. Vigouroux le 15 mars 1890.

La réaction de dégénérescence n'existe plus et on

constate seulement une diminution de l'excitabilité

faradique et galvanique des muscles de la région

antéro-externe des jambes, qui, bien qu'assez consi-

dérable, n'est cependant pas complète, et ne s'ac-

compagne pas d'inversion de la formule normale. Il y

a donc une amélioration aussi de ce côté,

De plus le signe de Romberg, qui était autrefois

parfaitement caractérisé, n'existe plus du tout aujour-

d'hui. Le malade se tient debout les yeux fermés sans

perdre le moins du monde l'équilibre.

Un phénomène a persisté, presque aussi intense

qu'au début. Bien que les douleurs spontanées aient à

peu près complètement disparu, et à vrai dire elles

n'ont jamais été bien violentes et surtout ne se sont

jamais présentées sous l'aspect si caractéristique des

douleurs fulgurantes du tabes, le malade continue à

souffrir de certaines sensations dysesthésiques subjec-

jectives queje vous ai mentionnées autrefois. La nuit,

lorsqu'il est au lit, il éprouve toujours, au niveau des

pieds et de la partie supérieure des jambes, une sen-

sation de chaleur exagérée, de brûlure même, qui le

force à sortir ses jambes hors du lit. En réalité, la tem-

pérature n'est nullement augmentée dans la région à

330 CLINIQUE NERVEUSE.

ces moments et même bien souvent, il sent ses pieds

découverts se refroidir. Mais dès qu'il tente de les

remettre sous les couvertures, la même sensation de

de brûlure reparaît, et il préfère passer des nuits en-

tières les pieds découverts et froids.

Ces sensations, vous le savez, Messieurs, se remar-

quent également dans la paralysie alcoolique, ce qui

tend encore à accentuer les traits de ressemblance

qui existent entre ces deux syndromes analogues : la

paraplégie alcoolique et la paraplégie diabétique, aussi

éloignées du tabes l'une que l'autre. Mais il existe

encore d'autres phénomènes observés chez les alcoo-

liques paralytiques et que notre maladie a présentés

à un haut degré. Je veux parler d'abord de cet oedème

des pieds et de la partie inférieure des jambes qui a

existé autrefois chez notre homme, mais qui a com-

plètement disparu aujourd'hui, et de la douleur à 'la

. pression des muscles du mollet, qui persiste encore

aujourd'hui.

Vous le voyez, Messieurs, bien que ce malade ne soit

certes pas encore complètement guéri, il est cependant

notablement amélioré. En présence de ces modifica-

tions heureuses,je pense qu'il nous est permis d'espérer

dans l'avenir la guérison définitive, sinon du diabète,

du moins de la paraplégie qui en est la conséquence.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

SUR L'ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE LA MALADIE

DE FRIEDRE1GH';

PAR

PAUL BLOCQ, et Georges DIARINESCEO,

Chef des Travaux Anatomo-pathologiqucs Assistant à l'Institut de Pathologie

à la Salpêtrière. expérimentale de BÜcarest.

(Travail du Laboratoire de M. le professeur Charcot.)

I.

L'étude de la maladie appelée par FriedreichAtaxie

héréditaire mais qui semble mieux désignée par le

nom du pathologiste allemand - ne date que de quel-

ques années à peine; elle a fait toutefois de très

rapides progrès en ce qui concerne sa partie clinique.

C'est au point que les derniers travaux n'ont, pour

ainsi dire, rien ajouté aux premières descriptions

symptomatiques. Mais, pour ce qui touche à l'anatomie

pathologique, il n'en est pas de même à beaucoup

près, bien qu'on ait pu établir les traits capitaux de

l'affection à ce point de vue.

La raison de notre ignorance relative à ce sujet

réside dans la pénurie des documents nécroscopiques

que nous possédons actuellement. Ainsi, M. Madame%

qui a publié le mémoire le plus récent sur cette ques-

tion, n'a pu y rassembler que neuf autopsies donnant

toute sécurité ; de ces neuf cas authentiques, cinq se

1 Les principaux résultats de cette étude ont été communiqués à la

Société de Biologie, séance du 1" mars 1890.

'- Revue médicale de la Suisse Romande (juillet, août, novembre 1889).

1 M. Socca (Th. Paris 1889) rapporte douze autopsies, dont trois n'ont

paru concluantes ni à M. Ladame, ni à nous.

332 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

rapportent aux malades de Friedreich; l'un est due

à Everet Smitt, un autre à Newton Pitt, et deux à

Rütimeyer.

On voit par ce seul énoncé qu'aucun de ces examens

n'a été jusqu'à présent fait en France. En effet, la

première autopsie dont nous ayons connaissance ici, a

été pratiquée par l'un de nous ; elle se rapporte à un

malade dont l'observation fut publiée dans cette revue

en 1887, et qui fournit ultérieurement à M. Charcot

le sujet d'une de ses leçons cliniques.

Les pièces provenant de ce malade qui, après avoir

séjourné longtemps à la Salpêtrière est allé mourir

d'apoplexie pulmonaire à l'hôpital Tenon dans le ser-

vice de M. Letulle, ont été examinées parce médecin'.

La seconde autopsie est celle qui servira de base à

notre travail. Elle a trait à un sujet dont l'un de nous

a également rapporté l'histoire 2, et, nous avons pu en

étudier histologiquement les divers organes qui nous

ont été confiés obligeamment par MM. Gilles de la

Tourette et Huet.

La rareté que nous avons dite des autopsies anté-

rieures, dont certaines sont, du reste incomplètes,

aussi bien que l'incertitude qui résulte des points liti-

gieux qui existent entre quelques-unes de leurs conclu-

sions, rendaient dans notre cas l'examen histologique

particulièrement intéressant.

1 Les résultats de cet examen ont été communiqués à la Société de l31o-

logie (séance du 22 février) par llvl. Letulle et Vacquez : notre travail

étant déjà remis il la Revue, nous n'avons pu les utiliser non plus que

la nouvelle communication faite sur le même sujet par MM. Déjerine et

Letulle (7 mars).

' Gilles de la Tourette, P. Blocq, Huet. - Cinq cas de maladie de

Friedreich. {Nouvelle Iconographie delà Salpêtrière, 1888.)

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 333

De plus, la malade, dont il s'agissait avait été at-

teinte pendant sa vie de symptômes manifestement

hystériques association morbide dont la valeur a

été mise en relief dans le travail précité et c'était

là encore un point de vue digne d'attirer l'attention.

Il nous faut ajouter que les données des relations pré-

cédentes, comme aussi les progrès récents de la

technique histologique du système nerveux ont rela-

tivement facilité notre tâche.

Nous exposerons d'abord le cas qui nous est per-

sonnel, ainsi que le compte rendu détaillé de nos re-

cherches histologiques, puis nous donnerons le résumé

des nécroscopies faites par les auteurs. Nous tirerons

ensuite de cet exposé comparatif les enseignements

qu'ils nous paraissent comporter , et nous démon-

trerons enfin les quelques particularités spéciales qu'il

nous a semblé possible d'en déduire, tant sur le dia-

gnostic anatomique du tabes vrai ou combiné et de la

maladie de Friedreich que sur la nature même de

cette dernière maladie. ·

II.

Nous faisons précéder la relation de notre autopsie

de la reproduction de l'observation de la malade, telle

qu'elle a été publiée, il y a deux ans.

Cas. Suzanne Desch'..., âgée de quatorze ans, a été soignée à

la consultation externe de la Salpêtrière, au mois d'août 1885,

service de M. Legrand du Saule.

Son père est bien portant ; il a exercé le métier de cordonnier

dans la Charente-Inférieure jusqu'en 1880; à cette époque, il a

émigré avec sa famille à Buenos-Ayres, où il est resté dix-huit

mois, puis est rentré en France et s'est fixé à Paris où il est em-

ployé au chemin de fer du Nord.

Le grand-père paternel. âgé de 78 ans. est bien portant ; la

334 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

grand'mère paternelle, âgée de 80 ans, est atteinte depuis une

dizaine d'années de tremblement sénile. Un frère du père est

bien portant; une soeur est morte jeune, nous ne savons de quelle

maladie.

La mère est nerveuse, impressionnable; elle a eu vers l'âge de

30 ans plusieurs attaques convulsives qui paraissent être de nature

hystérique.

Pas d'antécédents nerveux à signaler du côté du grand-père et

de la grand'mère maternels. Un frère de la malade, âgé de 23

ans, est bien portant; une soeur de sept ans également bien por-

tante.

C'est vers l'âge dé 10 ans, pendant le séjour à Buenos-Ayres,

qu'on s'est aperçu des premiers symptômes de la maladie. Elle a

été prise peu à peu et sans cause appréciable d'incoordination de

la marche; ses parents ont remarqué qu'elle marchait de travers

en titubant, comme une personne ivre. Vers le même moment

aussi, elle a été prise de son tremblement des mains et de la

tête.

Quelque temps après son retour en France, environ deux ans

après le début de la maladie, elle a eu la' rougeole; à ce moment,

le tremblement ne parait pas avoir augmenté. "

Etat actuel (août 1885). - La malade est intelligente, elle a

appris facilement à lire et à écrire, mais son écriture se ressent

de son tremblement, les lettres sont assez régulières, mais les

lignes qui les composent sont un peu tremblées. La parole est

traînante, scandée et un peu nasounée. Tremblement très pro-

noncé de la langue, lorsque celle-ci est tirée hors de la bouche.

Du côté des yeux, léger nystagmus dans le sens transversal. -

Lorsque la malade est assise, léger tremblement de la tête.

Dans la station debout, elle écarte notablement les pieds, néan-

moins, elle ne peut garder complètement le repos, et présente

continuellement de petites oscillations, se portant alternativement

du talon sur la pointe des pieds et réciproquement; en même

temps les orteils sont relevés en extension d'une façon exagérée.

Si alors on lui fait fermer les yeux, les oscillations deviennent

beaucoup plus prononcées, et la malade est obligée de se retenir

aux objets environnants pour éviter de tomber par terre. Les

talons rapprochés, les oscillations augmentent, et dans ces condi-

tions le signe de Romberg devient encore plus marqué que pré-

cédemment.

Lorsqu'elle marche elle frappe le sol du talon, et il lui est im-

possible de suivre la ligne droite; cette titubation augmente ma-

nifestement par l'occlusion des yeux.

Il existe également de l'incoordination des membres supérieurs

elle est malhabile de ses mains, surtout pour tenir les petits ob-

jets et exécuter des mouvements de précision; ainsi elle ne peut

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 335

travailler à l'aiguille. Elle met très longtemps à s'habiller. Pour

se peigner, elle doit être assise ; si elle reste debout, elle chancelle,

et même elle tomberait, dit-elle.

Lorsqu'elle mange, elle renverse souvent une partie du contenu

de sa cuillère; fréquemment, elle porte celle-ci au menton ou au

nez, avant d'arriver à la bouche. Au lieu de tenir cette cuillère

entre le pouce et l'index, comme on fait habituellement, elle la

tient entre le pouce et l'index à demi fléchi d'une part, et les autres

doigts complètement(fléchis d'autre part. Si on lui fait porter un

verre à la bouche, le tremblement est assez marqué, mais il est à

peu près le même pendant tout le mouvement, et n'augmente pas

lorsque le verre arrive près de la bouche.

11 n'existe pas de troubles de la sensibilité. Les réflexes rotuliens

sont abolis. 11 n'existe pas d'autres troubles urinaires que des mic-

tions nocturnes involontaires; ces accidents arrivent assez fré-

quemment, une ou deux fois par semaine.

Jamais elle n'a eu d'attaques convulsives ressemblant à des ac-

cës d'épilepsie. Très sensitive, elle rit et pleure facilement. Son

sommeil est habituellement agité; au dire de sa mère, elle remue

continuellement, souvent elle parle haut. Cependant, elle-même

ne se rappelle pas être sujette à avoir des rêves. Elle a fréquem-

ment des maux de tête (céphalagie frontale). Du côté de la co-

lonne vertébrale, scoliose assez prononcée.

Addendum. - La malade entre à la clinique en 1887, et à cette

époque, on peut compléter l'observation précédente, prise en

1885. - Suzanne D..., actuellement âgée de 17 ans, ne peut plus

que difficilement se tenir debout, tellement le caractère titubant

de la démarche s'est accentué dans ces dernières années; du

reste, aucun des symptômes précédemment signalés n'a rétrocédé.

Depuis cinq mois environ, ont apparu chez elle des crises ner-

veuses qui se montrent dans les conditions et avec les apparences

suivantes. Le jour où elle doit avoir sa crise, elle se réveille fati-

guée, énervée, un rien l'irrite; ce n'est toutefois que dans l'après-

midi que se montrent les phénomènes convulsifs. Quelque temps

avant leur apparition elle a la sensation d'une boule qui venant

de l'épigastre vient lui serrer la gorge; puis surviennent des bat-

tements dans les tempes et des bâillements réitérés. Elle est alors

obligée de se coucher. Parfois ces phénomènes prémonitoires font

défaut et les convulsions se montrent d'emblée.

Les membres supérieurs et inférieurs se raidissent, puis ne tar-

dent pas à être agités de mouvement cloniques en même temps

que la malade se portant sur le côté gauche fait des esquisses

d'arc de cercle latéral. De plus quelques mouvements de projection

du bassin en avant. En résumé, phénomènes les plus légitimes

d'une série de petites attaques d'hystérie qui ne durent pas en

336 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

moyenne plus d'une heure. Puis, tout se dissipe, et la malade qui i

ne perd jamais connaissance, peut se lever et reprendre ses occu-

pations habituelles.

Ces attaques, qui à leur début revenaient tous les trois ou quatre

jours, ne se montrent plus en moyenne que tous les cinq ou six

jours. -

L'examen de la sensibilité révèle les particularités suivantes. Sur

la face antérieure du corps, zone d'anesthésie totale à la piqûre à

la chaleur et au froid, comprenant la tête, la face et le cou, limi-

tée en bas par une ligne transversale passant par les clavicules.

Au-dessus, plaque sensible coupant transversalement les seins à

leur partie moyenne. Zone d'hémianesthésie gauche, descendant

jusqu'au genou; le reste du membre inférieur gauche est hypoes-

thésique. Le côté droit y compris le bras est hypoesthésique au-

dessous de la ligne mammaire indiquée. En arrière, hémianes-

thésie, bras y compris, intéressant tout le côté droit et descendant

jusqu'à la naissance de la fesse; au-dessous hypoesthésie. A gauche

hypoesthésie du membre inférieur à partir du pli fessier, le seg-

ment supérieur, y compris le bras possédant sa sensibilité nor-

male.

La sensibilité profonde articulaire n'est pas moins inléressée

dans les régions correspondantes que la sensibilité superficielle ou

cutanée. - Le goût et l'odorat sont abolis ; la muqueuse buccale

est insensible ; le réflexe pharyngé conservé à gauche est aboli à

droite. L'acuité auditive est très diminuée des deux côtés. A droite

et à gauche, rétrécissement concentrique du champ visuel; abo-

lition de la perception du violet.

Avant que d'aborder le détail de la nécropsie, il

nous a semblé utile de décrire schématiquement l'ana-

tomie normale des cordons de la moelle, en mention-

nant ce que nous ont appris les dernières recherches

des auteurs sur la différenciation topographique des

faisceaux blancs de cet organe.

L'unité anatomique apparente du manteau blanc de

l'axe spinal a été, comme on sait, successivement mor-

. cellée grâce aux découvertes de l'embryologie, et de

l'anatomie pathologique, et cela, au point qu'on ne

compte pas moins de douze régions fasciculaires dans

chacun des hémisphères figurés par une coupe trans-

versale du névraxe.

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 337

Il ne peut entrer dans le cadre nécessairement, res-

treint de ce travail, de reprendre l'histoire détaillée de

chacun de ces faisceaux, et il nous suffira d'une des-

cription extrêmement brève que complétera le schéma

que nous produisons.

De plus, il était indispensable de s'entendre sur la

nomenclature déjà compliquée de celle région, avant

que de discuter les particularités aiuilomo-patholo-

giques.

Chaque moitié de la substance blanche de la moelle

est d'abord divisée par les racines postérieures, en cor-

dons antéro-latéraux et cordons postérieurs.

Les cordons autéro-iatéraux comprennent : le fais-

Aaciwcs, t. XIX. 22

Fig. 26.

338 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

ceau de TÜJ'c ? (FT, 1) ou faisceau pyramidal direct qui

se trouve à la partie antérieure interne, provient de

la pyramide antérieure et subit la dégénérescence des-

cendante. Le faisceau pyramidal croisé (F P, 4) situé

à la partie postérieure, résultant de la décussation des

pyramides et subissant la dégénérescence descendante.

La zone marginale externe ou faisceau profond du

cordon latéral (Z M, 6) qui se trouve entre le faisceau

pyramidal croisé et la substance grise. Le faisceau

cérébelleux direct ou de Flechsig (F G, 5) qui occupe la

partie postérieure et externe entre le faisceau pyra-

midal croisé et la périphérie. La zone marginale

externe de Lissauer (Z L e, 8) qui forme un revête-

ment triangulaire à la corne postérieure. Le faisceau

de Gotvers (F G, 3), zone latérale antérieure mixte de

Flechsig, faisceau périphérique de la région antérieure

de Bechterew, situé à la périphérie de la moitié anté-

rieure du cordon latéral et se prolongeant en avant

jusqu'à l'extrémité antérieure du faisceau de Tùrck; il

subit la dégénérescence ascendante. La partie fonda-

mentale du faisceau latéral (P F, 2) constituée par la

partie restante du faisceau antéro-la.téra 1. Les cor-

dons postérieurs sont ainsi constitués; le cordon de

Goll (F G, 11) situé à la partie postérieure et interne;

à sa partie médiane, Flechsig a différencié un autre

faisceau sous le nom de centre ovale (C 0, 12) en rai-

son de l'apparence qu'il offre, juxtaposé à son symé-

trique (dans la région lombaire inférieure, le cordon de

Goll n'est plus représenté que par ce seul faisceau); le

cordon de Goll subit la dégénération ascendante. Le

faisceau de Ijccz'clcccla (F 13, 10) ou cordon externe,

situé à la partie périphérique du précédent.

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 339

La zone marginale postérieure de Westphall (Z, W, 7)

immédiatement appliquée contre la substance grise,

formant la partie externe et antérieure du faisceau

de Burdach. La zone marginale interne de Lissauer

(Z L i, 9) formant un triangle analogue à la zone

externe, et appliqué contre le sommet de la corne pos-

térieure, entre le lieu d'émergence des racines posté-

rieurs ; les fibres qui la constituent seraient ascendantes

et se jetteraient dans la substance gélatineuse.

Autopsie I (personnelle). La malade a succombé à la tuber-

culose pulmonaire dont on trouve des lésions très avancées. ,

Système nerveux. - Les méninges cérébrales non plus que le

cerveau et le cervelet n'offrent aucune lésion appréciable.

Les méninges rachidiennes paraissent indemmes. La moelle elle-

même est très diminuée de volume ; à la coupe, les cordons posté-

rieurs tranchent par leur coloration sur les autres parties, ils pré-

sentent de plus une friabilité excessive.

Examen histologique. On a prélevé pour cet examen :

le cerveau,' le cervelet, la protubérance, le bulbe, la moelle,

les racines et les ganglions spinaux, quelques fragments de

muscles, de coeur, de l'oie et de rein.

Technique. Toutes les pièces ont été durcies dans la

liqueur de llüller; le durcissement a été complété ensuite par

la celloïdine.

Nous avons employé divers réactifs pour la coloration des

coupes. Le picro-carmin, le carmin boracique, la fuchsine

(selon le procédé de Weigert) nous ont surtout servi dans l'ap-

préciation des détails des lésions.

Pour en étudier la distribution, nous avons alternativement

mis en oeuvre les méthodes de Weigert, de Pall et de Vassal.

A cetle occasion, nous avons pu faire les remarques suivantes.

La méthode la plus sûre et qui donne les préparations les plus

satisfaisantes est incontestablement la méthode de Weigert.

Toutefois, la modification qu'y a introduite Pâli. n'est pas sans

produire, elle aussi, d'assez bons résultats, surtout si l'on a

soin de prendre quelques précautions que nous allons indiquer.

On sait que ce procédé consiste dans les manipulations suivantes :

les coupes sont portées d'abord dans la solution d'hématoxyline

340 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

de Weigert, puis dans une solution de permanganate de po-

tasse, et enfin, dans un mélange de solutions d'acide oxalique

et de sulfate de potasse. Or, la décoloration produite ici par

ces derniers réactifs est souvent trop intense ; il arrive alors

que beaucoup de fibres à myéline demeurent invisibles. Nous

avons pu remédier à cet inconvénient en procédant comme

suit. Après avoir immergé les coupes pendant vingt-quatre

heures dans une solution d'acétate de cuivre saturée, nous les

plaçons pendant deux ou trois heures dans une solution d'acide

chromique à 1 p. 100, puis nous les traitons par les réactifs

ordinaires. La laque hématoxylique qui se forme dans ces con-

ditions est beaucoup plus persistante et résiste mieux à la dé-

coloration. Nous avons obtenu ainsi d'excellentes préparations.

De plus, comme par ce procédé, les cellules nerveuses se

décolorent complètement, on peut employer pour leur colora-

tion, soit le carmin boracique, soit encore l'essence de girofle

éosinée.

Quant au procédé de Vassal, ses résultats sont très incons-

tants. La coloration s'y fait presque toujours sous forme de

granulations grossières. Ce procédé ne peut donner de bonnes

préparations et ne présente que l'avantage contestable d'exiger

très peu de temps.

Examen de la moelle épinière. - Région lombaire. - Eu

examinant les coupes avec un faible grossissement (oculaire

n° 2, objectif n° 3, Reichert), on constate une sclérose régu-

lière des cordons postérieurs qui laisse cependant presque in-

tacte la zone antéro-externe. La sclérose est aussi intense dans

le cordon de Goll que dans le cordon de Burdach, quoiqu'elle

soit plus accentuée dans le cordon de Goll.

Les fibres des racines postérieures, au niveau du point où

elles pénètrent dans les cornes sont en grande partie scléro-

sées. On remarque une diminution notable du nombre des

grosses fibres transversales de ces mêmes cornes postérieures,

tandis que les grosses fibres ascendantes sont beaucoup moins

altérées.

Au niveau de la zone de Lissauer, les fibres transversales

sont indemnes, tandis qu'il existe une diminution des fibres

fines non commissurales, plus prononcée dans la partie mé-

diane. L'altération n'est pas cependant aussi complète que

dans le tabes.

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 341

On observe enfin la disparition presque complète des fibres

radiées des cordons postérieurs.

Les racines postérieures extra-médullaires présentent une

sclérose assez avancée; leurs fibres nerveuses ont des diamè-

tres inégaux, plusieurs ont disparu, leurs vaisseaux sont hypé-

rémiés. Cette altération se voit dans la partie inférieure de la

région sacrée, là même où n'existent pas encore de lésions du

cordon postérieur : elle est beaucoup plus prononcée dans la

région lombaire moyenne, et elle tend à disparaître au sur et

à mesure qu'on s'élève dans la région dorsale.

Toutefois, cette lésion n'est pas très régulière, et elle fait

défaut dans certaines coupes.

Le faisceau pyramidal est également sclérosé et sa forme

est semblable à la section de P. Y. S du schéma de Flechsig.

Le faisceau de Turck est intact. Entre la corne postérieure et

le cordon latéral, il existe une bande mince tout à fait saine.

Sur d'autres coupes, on observe une dilatation des vaisseaux

dont les parois sont infiltrées par du sang. Ces infiltrations

hémorrhagiques existent surtout dans les zones sclérosées et

.on y voit des trabécules émanés de la pie-mère. Elles sont, en

général, symétriques et également disposées, point important

à noter. On les voit aussi au niveau d'émergence des racines

antérieures et postérieures, surtout sur ces dernières. 11 résulte

de cette dilatation des vaisseaux et des exsudats sanguins de

petites cavités sinueuses, disséminées irrégulièrement et nom-

breuses surtout dans les parties sclérosées.

Les méninges ne présentent aucune altération significative

si ce n'est une hypérémie intense des vaisseaux qui contiennent

beaucoup de leucocytes.

Si l'on examine à l'aide d'un fort grossissement la zone de

sclérose, on constate qu'elle est constituée parl'épaississement

de la névroglie et par des îlots de tissu fibrillaire comme on en

rencontre dans beaucoup de scléroses. Ce tissu, dans la colo-

ration au picro-carmin, est plus pâle que les parties environ-

nantes et est quelquefois manifestement en rapport avec des

vaisseaux ou des cellules de Deiters.

Les cylinder-axis ont disparu en grande partie. Parmi ceux

qui ont subsisté il y en a qui sont atrophiés et pâles, tandis

que d'autres sont hypertrophiés et fortement colorés.

En même temps, on remarque quelques vaisseaux dilatés et

342 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

qui contiennent des globules hyalins. D'autres ont leur paroi

épaissie et leur lumière se trouve oblitérée.

Transition de la région lombaire à la région dorsale. - Les

fibrilles de la zone marginale de Lissauer sont presque intactes.

Les faisceaux de Burdach sont plus altérés dans leur partie

moyenne et bien conservés dans le tiers postérieur. Les racines

postérieures sont moins altérées qu'à la partie inférieure de la

région lombaire. Le triangle formé par le faisceau pyramidal

dégénéré montre à sa base une disparition presque complète

des fibres nerveuses tandis que son sommet offre une structure

presque normale et se confond avec le tissu sain. ,

Moelle dorsale inférieure. -Beaucoup de fibres transversales

qui pénètrent dans la corne postérieure ont disparu. La zone

qui limite de chaque côté le point d'émergence des racines

postérieures contient un plus grand nombre de fibres nerveuses

que dans la région lombaire. Il existe de mème une augmen-

tation des fibres nerveuses dans les parties du cordon de Bur-

dach qui côtoient les cornes postérieures. (Zone de Westphal.)

Les fibres fines de la substance spongieuse sont en grande

partie détruites. La sclérose du faisceau pyramidal gagne un

peu plus du côté de la zone marginale.

La colonne de Clarke offre une disparition presque totale

des fibrilles fines qui constituent le réseau élégant qui existe,

à ce niveau, à l'état normal. La plupart des cellules nerveuses

ont disparu. Celles qui subsistent sont diminuées de volume

et se colorent mal sous l'influence des réactifs.

Région dorsale moyenne. - La sclérose porte ici sur les cor-

dons postérieurs, le faisceau pyramidal et le faisceau de

Flechsig. Les colonnes de Clarke sont également atteintes.

Les cordons de Goll sont plus pauvres en fibres nerveuses que

dans la région lombaire.

La partie des cordons de Burdach qui avoisine les cornes

postérieures (zone antéro-externe de Westphall) est moins

atteinte. De plus, les racines postérieures sont mieux conser-

vées.

La bande saine qui existe entre la corne postérieure et le

cordon latéral est plus mince que dans la région lombaire. Le

cordon pyramidal et le cordon de Flechsig sont sclérosés et

forment ainsi un triangle dont la base est tournée vers la péri-

phérie et dont le sommet s'avance vers la région intermédiaire

des cornes antérieures et postérieures (zone limitante). - La

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 343

partie la plus altérée est l'extrémité antérieure du cordon céré-

belleux.

La lésion est partout symétrique, comparée au schéma de

Flechsig, elle correspond aux formules P. Y. S et K. Y. S.

Le réseau fibrillaire de la colonne de Clarke est à peine

représenté par quelques fibrilles disséminées çà et là et au

milieu desquelles on trouve des globules hyalins fortement

colorés et deux ou trois cellules nerveuses pâles, atrophiées et

sans prolongements.

Région dorsale supérieure. La zone antéro-externe de

Westphall présente une diminution considérable des fibres

nerveuses. Les cordons de Goll sont surtout altérés dans leur

partie moyenne. On voit à leur partie postérieure quelques

grosses fibres disséminées. Les racines postérieures et les

cornes postérieures sont très peu sclérosées. La lésion du

cordon de Flechsig dépasse un peu la limite qu'on voit dans le

schéma de Flechsig.

Les colonnes de Clarke restent prises principalement dans

leur partie cenlrale où l'on ne voit plus de fibres nerveuses. Il

reste encore deux ou trois cellules sans prolongements et plus

petites qu'à l'état normal. Dans la région dorsale moyenne et

supérieure, on voit avant et près du faisceau cérébelleux une

portion triangulaire fortement dégénérée partant de la péri-

phérie du cordon latéral et pénétrant dans ce cordon à la ma-

nière d'un coin. (PI. I, fig. 1 - a.) .

Transition de la région dorsale à la région cervicale. La

dégénérescence persiste avec les mêmes caractères dans les

cordons de Goll. Même dans son tiers postérieur, le nombre des

fibres nerveuses n'est pas accru. Quant au cordon de Burdach.

on peut constater que toute la région des cornes postérieures

est limitée par une bande de tissu très peu altéré. La partie la

plus riche en fibres nerveuses est celle du tiers antérieur.

Région cervicale inférieure. Les racines postérieures sont

intactes. La zone qui les limite de chaque côté est normale.

Dans la région postérieure du cordon de Burdach on trouve

une grande abondance de fibres normales. La zone antéro-

externe de Westphall offre une altération très peu prononcée.

Le champ du faisceau pyramidal est moins atteint que dans la

région dorsale supérieure. Le cordon de Flechsig, séparé du

faisceau précédent par une bande de tissu normal, est aussi

3Vl- ANATOMIE PATHOLOGIQUE. ·

moins altéré. La lésion empiète en avant sur la limite normale

de ce cordon.

Région cervicale moyenne. - Il n'y a pas grande différence

entre les altérations de cette région et celles de la précédente.

Le faisceau cérébelleux, dont la partie antérieure est surtout

lésée, arrive jusqu'au niveau de la corne antérieure. Le cordon

de Goll est un peu plus riche en fibres nerveuses. Le faisceau

pyramidal présente un minimum d'altération. La substance

grise est intacte ainsi que les racines antérieures et posté-

rieures.

Région cervicale supérieure . - On peut dire en général

qu'ici, à l'exception des cordons de Goll qui, eux, présentent

toujours une altération assez considérable, tous les autres

cordons sont très peu atteints. La sclérose disparaît presque

complètement dans le faisceau pyramidal. La lésion est moins

marquée dans le cordon de Burdach, sauf dans sa partie

moyenne, et ce faisceau offre seulement une raréfaction des

fibres nerveuses dans son tiers postérieur. La sclérose occupe

plus régulièrement l'étendue du faisceau cérébelleux.

Ganglions spinaux. Les ganglions spinaux ne sont pas

tout à fait normaux ; on y constate une disparition de quel-

ques fibres nerveuses ; et aussi (lésion peu importante du reste)

des zones vacuolaires dans la périphérie d'un certain nombre

de cellules. De plus, en quelques points, le tissu conjonctif

parait hypertrophié.

Bulbe. Au point où commencel'entre-croisement es'pyra-

mides, on constate une altération moins prononcée des fais-

ceaux de Flechsig. Cependant la lésion de ces cordons et de

ceux de Burdach persiste encore, quoique très atténuée à la

partie moyenne de l'entre-croisement des cordons latéraux.

Dans les cordons de Goll, la sclérose persiste régulière et sans

aucune modification.

Au-dessus de la décussation des pyramides, on observe une

diminution peu marquée des fibres nerveuses des pyramides

postérieures et une altération moins prononcée encore des

corps restiformes. Les pyramides antérieures ne présentent

aucune lésion. Il en est de même des noyaux des nerfs bul-

baires.

Dans la région supérieure du bulbe, on voit immédiatement

au-dessus des olives une cavité (apparente à l'oeil nu) divisée

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 345

par des tractus grêles en plusieurs aréoles, qui semble due à

une dilatation excessive des capillaires coïncidant au même

niveau avec la destruction de quelques fibres du raphé.

Le cerveau (circonvolutions frontales et occipitales) ne pré-

sente rien d'anormal.

Le cervelet (hémisphères et vermis) est également indemne.

Nous n'avons pu pratiquer l'examen des nerfs périphériques.

Le caur présente de l'épaississement du péricarde, et dans la

couche située immédiatement au-dessous, on observe des traînées

de cellules embryonnaires qui suivent les vaisseaux et pénètrent

avec eux dans les parties plus profondes. Les fibres cardiaques

sont dissociées, plus pâles, et leur striation a disparu en certains

endroits.

Le foie présente une infiltration graisseuse, intense de presque

toutes les cellules hépatiques : pas de lésio-ns dans les espaces

portes.

Les reins offrent de la dégénérescence granulo-graisseuse de

l'épilhélium des tubes contournés.

111

Toutes les autopsies de maladie de Friedreich pu-

bliées jusque' présent ont été consignées en détail dans

la thèse de Socca, et c'est d'après ce remarquable

travail que nous extrayons les résumés qui suivent :

AVTOl'Sl8 II. (Friedreich.) La pic-rnèrè est épaissie, les cor-

dons postérieurs de la moelle sont atteints d'une dégénérescence

facile à constater à l'oeil nu et qui est plus prononcée immédia-

tement au-dessus du renflement lombaire, où les cordons pos-

térieurs sont manifestement amincis et aplatis.

Dans le bulbe rachidien, la dégénérescence s'élend très peu

aux corps restiformes des deux côtés du calunaus sCl'iptoI'Í1tS, où

elle ne tarde pas à s'arrêter. L'examen microscopique a démontré

l'atrophie des fibres nerveuses des cordons postérieurs à la place

desquels on trouve du tissu fibrillaire très délicat, composé de

fibres dirigées longiludinalemenl de bas en haut. Les capillaires

des parties malades présentent des amas de graisse; l'altération

disparaît au-dessus de la moitié inférieure du quatrième ventricule.

Il n'y a pas de lésion de la substance grise de la moelle. - Atro-

phie des racines postérieures.

346 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Dans les sciatiques, on trouve beaucoup de fibres atrophiées

avec conservation du cylindre-axe. Les nerfs cervical et brachial

offrent une altération moins avancée ; par contre, les lésions sont

intenses dans les nerfs hyporlosses où le tissu conjonctif contient

un grand nombre de corpuscules amylacés.

Autopsie III. (Friedreich). Sclérose des cordons postérieurs

dans leur'totalité plus accentuée an niveau de la région lombaire.

Cordons latéraux altérés en grande partie. Racines postérieures

atrophiées. La dégénérescence se propage un peu dans la moelle

allongée.

Autopsie IV. (Friedreich.) Sclérose des cordons postérieurs et

des cordons latéraux. Atrophie des racines postérieures. Dans la

moitié inférieure de la région cervicale, on trouve deux canaux

longitudinaux parallèles situés en grande partie dans l'épaisseur

de la substance grise au point de réunion des cornes antérieures

et postérieures qui contiennent une petite quantité de sérum.

Autopsie V. (Friedreich.) - L'autopsie a été pratiquée par

Schültze. Néphrite interstitielle chronique. Du côté de la moelle :

dégénérescence grise des cordons postérieurs et de la partie pos-

térieure des cordons latéraux. Aplatissement antéro-potérieur de

la moelle, surtout au niveau de la région cervicale. Epaississement

de la pie-mère. Dans les pyramides du bulbe, pas de foyer de

dégénérescence : il semble seulement que le tissu conjonctif s'y

trouve hypertrophié. Les colonnes de Clarke et les racines posté-

rieures soin dégénérées.

Autopsie VI. (Friedreich.) - Outre les lésions caractéristiques

de la lièvre typhoïde, il existe une dégénérescence fibreuse des

fibres cardiaques.

Examen des centres nerveux pratiqué par Schüllze. Il donne les

ré-uttats suivants : épaississement de l'arachnoïde dans les régions

cervicale et dorsale. Adhérences circonscrites de la dure-mère et

de la pie-mère dans la région dorsale. Pie-mère épaissie, et dans

la région cervicale constituée par une grande quantité de cellules

a noyaux pigmentés.

La moelle épinière est plus mince ; la diminution de volume

existe surtout dans la région postérieure et porte spécialement sur

les cordons postérieurs. Néanmoins, la région antérieure et la

substance grise sont également amoindries.

La sclérose porte sur les cordons de Goll, le cordon cunéiforme,

la partie postérieure des cordons latéraux elles cordons antérieurs

droit et gauche. Ce dernier est atteint inégalement. Le nombre

des fibres nerveuses est considérablement réduit dans les cordons

postérieurs de la moelle dorsale et lombaire.

Entre les foyers de dégénérescence des curJOJ1S latéraux et les

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 341, Î

cordons postérieur ? , il existe encore une substance presque nor-

male qui semble englobée dans les tissus malades de sorte que

l'on ne peut croire que le processus morbide se soit propagé des

régions postérieures vers les cordons latéraux ; d'ailleurs, on

trouve plus de fibres saines dans le voisinage des cornes posté-

rieures que du côté du sillon ou de la périphérie médullaire pos-

térieure. Les parties malades sont atteintes de dégénérescence

fibrillaire telle que dans la sclérose de la moelle et d,tns le tabes

ordinaire. '

On ne peut apercevoir les cellules de Deiters; les parois des

vaisseaux sont épaisses en plusieurs endroits. Quant à la subs-

tance grise, elle est atrophiée considérablement, môme dans les

cornes antérieures surtout au renflement cervical. Les cellules

ganglionnaires semblent être plus petites. Les colonnes de Clarke

présentent dans toute leur hauteur une diminution des cellules

ganglionnaires.

Les cornes postérieures contiennent beaucoup de corps amy-

lacés. Les racines postérieures intra-méduttaires sont plus grêler

qu'à l'état normal. Les vaisseaux semblent hypertrophiés en cer-

tains endroits. Les ganglions spinaux n'offrent rien d'anormal ; il

en esl de même pour les nerfs et les muscles. Du côté de la moelle

allongée depuis l'entre-croisement des pyramides jusqu'à la pointe

du calamus scriplorius, on observe la dégénérescence des cordons

postérieurs. Les cellules ganglionnaires de ces derniers semblent

plus rares et atrophiées.

Dans les pyramides antérieures, pas de sclérose et de corpus-

cules amyloïdes.

La moelle allongée est plus grêle surtout à la partie inférieure;

en la comparant avec des pièces d'individus sains et même

de femmes, elle présente une diminution d'environ 3 milli-

mètres dans tous les diamètres. Celle diminution portait sur

toutes les parties de la moelle allongée. Au microscope, les fibrilles

et les cylindres-axes sont plus ténus.

Il en est de même pour les noyaux qui des fibres et des pédon-

cules.

En approchant de l'aqueduc de Sylvius, ces réductions de vo-

lume sont moins évidentes.

Le cerveau et le cervelet sont normaux.

Autopsie Vil. (Smitt.) Les altérations pathologiques d'après

l'auteur semblent avoir consisté dans une sclérose des cordons

postérieurs et des faisceaux pyramidaux avec destruction des fibres

nerveuses des cordons postérieurs s'étendant un peu aussi aux

cordons antérieurs, quoique cependant beaucoup de fibres de ces

cordons fussent relativement saines.

L'augmentation du tissu conjonctif n'était pas disséminée irré-

348 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

gulièrement à travers la moelle comme dans la sclérose dissé-

minée, mais elle se continuait sur toute la longueur de ces cordons;

elle n'était en aucune façon confinée aux colonnes postérieures

pomme dans l'ataxie locomotrice classique. - La maladie semble

pluLôt démontrer un vice de développement des tubes nerveux

et des cellules dans certaines parties bien définies de la moelle

épinière.

Autopsie VIII. (Newton Pitt.) - La moelle épinière, extrême-

ment mince, présente une sclérose considérable des colonnes de

Goll visible depuis le renflement lombaire jusqu'au plancher du

quatrième ventricule où elle se termine. - Il existe une sclérose

prononcée de la partie postérieure des colonnes de Burdach dans

lesquelles cependant on voit çà et là des fibres saines disséminées.

- Ces fibres saines sont plus nombreuses à la, partie supérieure

de la moelle qu'à sa partie inférieure où leur présence est excep-

tionnelle. Une dégénérescence peu marquée se voit dans le

fasciculus czcracu6us et dans un amas de fibres du fasciculus 1'otwulllS.

Dans les cordons de* Burdach, une étroite bande limitant la

corne postérieure et les racines a échappé à la dégénérescence;

cette bande est plus définie à la partie supérieure qu'à la partie

inférieure de la moelle.

Sclérose diffuse (et beaucoup plus étendue que dans les cordons

postérieurs) des cordons pyramidaux croisés ne variant pas beau-

coup pour l'intensité, mais plus marquée à la région dorsale.

On ne peut s'apercevoir de cette modification plus haut que l'en-

tre-croisement des pyramides. - Sclérose diffuse des bandes

cérébelleuses ascendantes et légère, mais irrégulière sclérose

affectant des fibres disséminées en avant de ces bandes et surtout

le long de la périphérie et dans certaines coupes s'étendant le

long de la commissure antérieure. - Dans certaines coupes, a

dégénérescence des colonnes de Clarke. Dégénérescence de quel-

ques fibres des racines nerveuses postérieures et dans d'autres

coupes des cornes postérieures. Friabilité et rétrécissement des

régions affectées. A l'oeil nu, la chose la plus digne de remarque

est la grande diminution de la moelle dans son diamètre trans-

verse ; cette diminution se remarque aussi bien aux renflements

cervicaux et lombaires qu'à la région dorsale ; les parties posté-

rieures étant en proportion plus petites que les antérieures, on

voit aussi des régions symétriques bien marquées de sclérose affec-

tant les colonnes postérieures et les parties postérieures des

colonnes latérales. En somme, la moelle est plus petite que d'ha-

bitude, ce qui pourrait expliquer la rapidité de sa dégénérescence.

Le cerveau, le pont de Varole, le bulbe et les enveloppes de la

moelle sont intacts.

Autopsie IX (Rütimeyer). Le cerveau n'offre rien de parlicu-

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 349

lier, soit dans sou aspect extérieur soit à la coupe. La moelle al-

longée et la moelle épinière sont très atrophiées, mais d'une ma-

nière égale partout.

Epaississement et adhérence des méninges, surtout dans la

région lombaire, Les préparations ont été faites par le procédé de

Weigert.

La moelle épinière est mince, surtout à cause de l'aplatissement

des cordons postérieurs.

Ce qui frappe surtout, c'est la dégénérescence du cordon de

Goll, plus marquée dans la périphérie et dans les parlies mé-

dianes.

La région antéro-externe des cordons prismatiques est intacte.

Dans les cordons latéraux on constate aussi la dégénérescence

quoique à un degré moindre que dans les cordons de Goll.

La substance grise est intacte. Racines postérieures atteintes,

mais la sclérose y est peu intense.

Les parties limitant la corne postérieure et le reste des cordons

latéraux sont intacts.

Dans la moelle cervicale antérieure, la dégénérescence des cor-

dons postérieurs est surtout augmentée dans les cordons de Goll.

Dans son tiers postérieur, et moyen on trouve seulement çà et là

quelques fibres nerveuses dans une substance conjonctive fibril-

laire.

Dans les cordons prismatiques, il y a la même augmentation de

la lésion, qui s'étend jusque dans l'angle formé par la commissure

postérieure et les cornes postérieures.

Dans les cordons prismatiques il y a, à part la substance blanche

en forme de bandelette bordant la corne postérieure, encore une

partie intacte qui correspond au numéro 6 du schéma de Strum-

pell.

Dans le cordon latéral, la lésion est plus avancée que dans la

région supérieure. Atrophie des racines postérieures. Les co-

lonnes de Clarke dans la région dorsale supérieure sont visible-

ment atrophiées.

Les fibres fines ont disparu pour la plupart et les cellules ner-

veuses sont réduites de nombre et de volume. Dans la région dor-

sale inférieure, la disparition des éléments anatomiques de Clarke

atteint son maximum. La dégénérescence des cordons postérieurs

diminue un peu. Les racines postérieures sont tout à fait atrophiées.

La région lombaire présente les altérations suivantes : la subs-

tance grise et surtout la zone marginale des cornes postérieures

paraît normale. La dégénérescence des cordons postérieurs di-

minue surtout dans les parties latérales du tiers antérieur. Les

racines postérieures sont tout à fait dégénérées.

Région sacrée. Aux deux tiers postérieurs des cordons posté-

350 ANATOMIE PATHOLOGIQUE. '

rieurs et sur toutes les parties médianes, on constate une diminu-

tion assez considérable de libres, tandis que dans les cordons

latéraux aussi bien que dans la substance grise on ne voit plus de

dégénérescence. La surface de section de la région cervicale est

de 14 millimètres de diamètre transversal, 8 de diamètre antéro-

postérieur. - Il

Autopsie X (Rutimeyer). L'autopsie a donné des résultats à

peu près identiques a ceux du cas précédent. Le maximum de la

dégénérescence est toujours dans le cordon de Goll. Après ceux-c

vient le cordon de Burdach. Bord mince de substance blanche

conservé le long des cornes postérieures.

La dégénérescence des cordons latéraux est plus prononcée dans

la région cervicale. Les racines postérieures sont atrophiées et dans

les colonnes de Clarke, les fibres fines et les cellules sont altérées.

La pie-mère est légèrement épaissie, et cet épaississement n'est

pas plus grand au niveau où la dégénérescence est à son maxi-

mum. Pas d'ectasie des vaisseaux de la pie-mère.

La dégénérescence dans les deux cas de Hutimcyer était iden-

tique à celle du tabes ordinaire.

IV

Si l'on considère à un point de vue général l'en-

semble des résultats des autopsies qui ont été prati-

quées jusqu'à présent, et que nous venons de relater,

on voit qu'il s'en dégage un certain nombre de don-

nées qui leur sont communes. Il en ressort en effet que

plusieurs lésions s'observent pour ainsi dire constam-

ment dans la maladie de Friedreich, et lui constituent

comme un subslratum anatomique générique et qui lui

est propre, alors que d'autres altérations sont au con-

traire plus ou moins variables et déterminent des carac-

tères secondaires sans toutefois altérer la réalité du type.

1. Tout d'abord en ce qui a trait au volume de

la moelle épinière elle-même, on remarquera qu'il a

toujours été trouvé notablement diminué. Dans tous

les cas, en effet, les auteurs ont été frappés de la peti-

tesse relative de l'axe spinal. Il est vrai que la rétrac-

. DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 351

tion du tissu, qui est sous la dépendance de l'altéra-

tion scléreuse, elle-même, permet de se demander

jusqu'à un certain point s'il s'agit en l'espèce d'une

atrophie à proprement parler, ou bien d'une simple

rétraction sclérosique. Il est clair que ce dernier fac-

teur intervient à coup sûr, au moins pour une part,

mais il y a plus, et l'on peut légitimement conclure à

une véritable atrophie, car dans les cas où la moelle

est atteinte d'inflammations chroniques analogues et

aussi étendues, dans la sclérose combinée, par exemple,

on ne trouve jamais une égale diminution de volume.

Dans notre cas, ainsi que le démontrent les mensura-

tions que nous avons pratiquées, cette atrophie était

considérable.

352 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

dorsale supérieure les diamètres sont de x 5 et tom-

bent à 5 x 5 dans la partie moyenne de la même région.

Normalement, les différences analogues ne sont que

de 0,5 à 1 millimètre. Il y a donc une évidente irrégu-

larité de volume.

2. La lésion scléreuse s'est cantonnée dans noire

cas dans les limites générales suivantes (PL. I, fig. 1) :

Dans la région lombaire, elle occupe les faisceaux

pyramidaux et la presque totalité des faisceaux posté-

rieurs, excepté la zone (antéro-externe qui est intacte,

fait commun au tabes et à d'autres scléroses posté-

Fig. 27.

]o',g, 8,

Fig. 29.

Fiv. 30.

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 353

rieures (fi ? 7, 8, 29). Dans la région dorsale, les fais-

ceaux pyramidaux, cérébelleux directs, et la totalité

des faisceaux postérieurs, sauf une bande relative-

ment saine, très étroite, qui borde toute la corne pos-

térieure (iiq. 30, 31, 32, 33).

Dans la région cervicale, elle atteint les faisceaux

pyramidaux, cérébelleux, et les cordons de Goll et de

Burdach g. 34, 35, 3G). Dans le bulbe, enfin, on note

une sclérose peu prononcée des cordons grêles du

faisceau cérébelleux et presque négligeable du cordon

cunéiforme ( ? 37).

Si nous considérons maintenant la répartition des

lésions en considérant non pas la totalité de la moelle,

.lecumrs, six. 23

Fig. 31.

Fig. 32.

Fig. 33.

Fig. 34.

Fig. 35.

354 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

mais chacun de ses faisceaux en particulier, nous

remarquons que la lésion affecte les caractères sui-

vants.

Le cordon de Goll est atteint d'une sclérose uni-

forme à partir de la région lombaire inférieure jus-

qu'au bec du calamus scriptoriccs. Cette constatation

a été faite également par Pitt.

Dans le faisceau de Burdach, la lésion apparaît au

niveau de la région lombaire inférieure, mais ne s'é-

tend pas uniformément jusqu'à l'entre-croisement des

pyramides. Elle présente du reste de très grandes

variations.

Dans la région lombaire, la zone antéro-externe de

Westphal est indemne, tandis que la partie posté-

rieure du cordon de Burdach est altérée. Dans la

région dorsale, la zone antéro-externe, n'est pas tout

à fait intacte, tandis que la partie postérieure est moins

altérée que dans la région lombaire.

Dans la zone de transition entre la région dorsale

et la région cervicale (/ ? . 30) la lésion commence à

diminuer, et elle disparaît dans la partie inférieure

du bulbe.

Les faisceaux pyramidaux présentent une altération

Fig. 36.

Fig. 37.

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 35H

uniforme, tout à fait semblable à celle des dégéné-

rescences descendantes d'origine cérébrale. La lésion

diminue à la partie inférieure du bulbe.

Les faisceaux cérébelleux sont pris à partir de la

région dorsale inférieure. La lésion augmente dans r

la région dorsale supérieure, et ne diminue que

dans la région inférieure du bulbe. A ce niveau la

région occupée par ce faisceau contient quelques

fibres dégénérées.

Quant au faisceau de Gowers, il ne paraît pas être

atteint, du moins dans les limités qui lui ont été attri-

buées et dont on peut se rendre compte sur la figure

(jig. 38) qui représente une lésion de dégénérescence

ascendante. Toutefois, dans la région cervicale infé-

rieure et moyenne fait important à remarquer, car

il a été également constaté par Pitt et Rütimeyer

la lésion du faisceau cérébelleux dépasse les limites

normales (/if), 34).

La partie de la moelle qui dans la région lombaire

Fig. 38.

356 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

inférieure correspond à la zone de Lissauer (on sait

que cette zone n'a été étudiée que dans la région

lombaire), est atteinte, mais cette lésion diminue dans

la même région à mesure que l'on se rapproche des

parties supérieures, de sorte que dans la zone de

transition entre la région lombaire et la région dor-

sale, elle est déjà intacte (/ ? . 28). Plus haut, les zones

de Lissauer, tant interne qu'externe, sont complète-

ment respectées.

La zone marginale externe est saine dans toute son

étendue.

Quant aux colonnes vésiculeuses de Clarke, elles

sont profondément altérées dans presque toute leur

étendue, à partir de la région dorsale inférieure jus-

qu'à ses limites supérieures.

3. Les lésions histologiques portent non seule-

ment sur les parties qui sont réellement altérées, mais

encore sur celles qui sont saines en apparence; c'est

ainsi que les fibres grosses sont beaucoup moins abon-

dantes dans la moelle qu'à l'état normal, et que les

fibres très fines y sont en nombre exagéré. Nous peu-'

sons même que c'est à cette particularité qu'est due

la diminution si considérable du volume de l'axe

spinal, que nous avons signalée dans la région dorsale.

Dans les parties sclérosées elles-mêmes, les tubes

nerveux ont disparu, en plus ou moins grand nombre,

mais quelques-uns persistent cependant même dans

les endroits les plus altérés. Parmi les tubes nerveux

qui subsistent, certains se font remarquer par une

véritable hypertrophie de leur cylindre-axe, qui atteint

alors un volume double ou triple de l'état normal.

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 357

Nulle part on n'observe de multiplication des noyaux

de la gaine myéliuique.

La seule altération des cellules nerveuses qu'on

puisse constater est celle des cellules des colonnes de

Clarke. Les cellules des cornes antérieures, nous ont

paru saines, à rencontre des observations de Rùti-

meyer et de Friedreich qui les ont vues atrophiées dans

leurs autopsies.

Les éléments cellulaires des colonnes de Clarke

(v. PL. 1, fq. I, 3) sont atrophiées, granuleuses, privées

de leurs prolongements, et ont disparu en plusieurs

endroits.

Les fibres fines de la même zone sont également

atteintes, et ont disparu en majeure partie. Toutefois

nous n'avons pas vu que cette altération donnât nais-

sance à une formation cavitaire, ainsi que cela a été

noté par Friedreich.

La névroglie est épaissie dans toutes les zones sclé-

rosées ou remplacée par un' tissu fibrillaire compact

composé de fibres entre-croisées dans toutes les direc-

tions.

Quant au tissu conjonctif de nouvelle formation, il

ne dépend pas des tractus pie-mèriens qui pénètrent

entre les tubes. Ceux-ci, en effet, ne sont aucunement

modifiés, et n'affectent pas le moindre rapport avec le

tissu scléreux. Celui-ci se compose exclusivement de

tissu fibrillaire, contient relativement très peu de

noyaux, et se colore bien par les couleurs d'aniline.

Quant aux lésions des vaisseaux, on peut ranger

sous les quatre chefs suivants les aspects qu'elles pré-

sentent : 1° certains vaisseaux sont absolument nor-

maux, 2° d'autres offrent des parois épaissies sans

.dé 6

358 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

prolifération nucléaire; 3° il en est qui sont oblitérés

par accolement de leurs parois; 4° quelques-uns

enfin, sont très dilatés, jusqu'à figurer de petites

cavités sinueuses en forme de lacunes, et dont les

parois sont infiltrées de la matière colorante du sang.

Ces dernières altérations sont spéciales, et nous n'a-

.vons pas trouvé qu'elles fussent signalées par les au-

teurs. (V. PL. 1, jig. 2.)

V.

1. Il est il remarquer que la moelle que nous avons

examinée présentait une diminution de volume bien

supérieure à ce qu'ont noté les auteurs qui nous ont

précédés; ainsi, taudis que la région dorsale dans le

cas de Rùtimeyer offrait dans sa partie moyenne et

inférieure le diamètre de 9x6, elle n'atteignait que

celui de 5 x 5, et G x G 1/2 dans les régions corres-

pondantes de notre cas.

2. Au point de vue de la distribution des lésions,

notre cas ressemble incontestablement à très peu de

chose près à ceux de Rütimeyer et de Pitt, c'est-à-

dire aux cas les plus complètement étudiés.

Toutefois, peut-être en diffère-t-il en ce que la

zone marginale de Lissauer, du moins dans la région

lombaire inférieure et moyenne, est tout à fait en-

vahie. Il ne convient pas cependant d'attribuer une

importance exagérée à la notion d'intégrité ou d'alté-

ration de cette zone. En effet, en s'en rapportant aux

travaux de Lissauer lui-même, ces faisceaux peuvent

être conservés quoique exceptionnellement dans le

tabès, et c'est là un point que nous avons précisément

eu occasion de confirmer par nos propres recherches.

Il1.7

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 359

La participation ou non de la zone de Lissauer à la

lésion ne serait donc pas, comme l'a prétendu M. La-

dame, un caractère différentiel suffisant entre le tabès

et la maladie de Friedreich.

3. La question qui a le plus préoccupé les anatomo-

pathologistes, c'est-à-dire celle de savoir s'il est pos-

sible de distinguer la sclérose de la maladie de Fried-

reich des autres scléroses combinées, ne nous paraît

pas aussi complexe qu'on l'a pensé, pour peu qu'on

envisage tous les éléments qui concourent à la lésion.

En en proposant la solution, nous nous prononçons

du même coup sur ce fait controversé, qui a trait à la

marche de la sclérose et qui consiste à déterminer si

celle-ci occupe d'emblée systématiquement les divers

faisceaux, ou bien si elle représente la propagation

directe ou méningitique d'une altération primitivement

localisée aux faisceaux postérieurs.

Si l'on considère d'abord qu'il s'agit d'une moelle

héréditairement prédisposée, et dont le développement

est consécutivement anormal, on comprendra déjà

qu'il n'est pas inadmissible que la forme et la distri-

bution de la sclérose y revête un cachet particulier.

La lésion évolue en effet conformément à des lois,

celles de la dégénérescence, et c'est pourquoi les

quatre observations les mieux étudiées semblent cal-

quées les unes sur les autres.

C'est en partie grâce à ces caractères de lésion

systématique qu'elle affecte, qun peut la dégager du

chaos où demeurent confuses la plupart des autres

scléroses combinées.

Mais ces vues presque théoriques ne sauraient

sufIir pour établir un diagnostic anatomique, encore

.... rt

360 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

qu'elles aident à sa conception. Aussi évoquerons-

nous dès à présent des arguments d'ordre anatomique.

En premier lieu une constatation extrêmement impor-

tante à cet égard, c'est que dans la maladie de Fried-

reich, il existe dans les parties non sclérosées une

diminution notable des fibres grosses, dont la consé-

quence est de déterminer l'atrophie de la moelle elle-

même. De plus, on peut invoquer dans quelques cas

relativement à la distribution de la lésion, l'intégrité

du faisceau de Lissauer qui s'expliquerait difficilement

en cas de sclérose diffuse. Un argument d'égale valeur

nous est fourni par la limitation des altérations de la

substance grise à la seule colonne de Clarke, dont

non seulement les cellules, mais encore les fibres

fines ont disparu (PL. 1, fig. 3). On peut ajouter qu'il est

au moins exceptionnel de rencontrer dans les cas de

scléroses combinées une dégénérescence aussi typique

du faisceau pyramidal.

Il existe, il est vrai, un groupe de scléroses combi-

nées dans lesquelles les altérations des méninges et

des trabécules de la pie-mère qui pénètrent dans la

moelle jouent le principal rôle et peuvent en imposer

jusqu'à un certain point pour des scléroses systéma-

tiques, comme l'ont démontré les travaux de 11111. Dé-

jerine et Babinski. Mais, en dépit des apparences, qui

permettent d'attribuer à ces scléroses la dénomination

de « scléroses combinées pseudo-systématiques », il

est encore possible de distinguer ces cas, de la sclérose

vraiment systématique de la maladie de Friedreich.

En effet, si on examine dans ces cas* les diverses

' Ce qu'il nous a été donné de faire, grâce à l'obligeance de M. Ba-

binski, qui a bien voulu nous confier ses préparations, ce dont nous le

remercions infiniment.

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 361

régions de la moelle, on ne trouve jamais que la dégé-

nérescence y soit répartie aussi exactement qu'on le

voit sur le schéma de Flechsig. De plus, la lésion

n'est pas parfaitement symétrique, et, il n'est pas

rare de découvrir, au moins sur quelques coupes, une

diffusion significative de la lésion. Nous pouvons

ajouter que l'altération par elle-même révèle son ori-

gine, car cette sclérose, quoique fasciculaire, n'est pas

composée de tissus fibrillaire comme dans la maladie

de Friedreich, mais bien de faisceaux de tissu con-

jonctif lamellaire tout à fait analogue à celui de la

pie-mère, qui étouffe par son développement les tubes

nerveux.

Il s'agit en réalité dans la maladie de Friedreich

d'une affection d'origine héréditaire, dont la tendance

est de prédisposer à la dégénérescence des tubes ner-

veux de la moelle épinière par le moyen de troubles

vasculaires, troubles qui produisent non seulement

l'atrophie et l'altération du tissu nerveux, mais corré-

lativement le remplacement du même tissu en tissu

fibrillaire. C'est pour cela que la sclérose évolue

d'après les lois de la dégénérescence, ce qui lui donne

son caractère de systématisation. Il est certain que

l'enfant ne vient pas au monde porteur d'une sem-

blable altération, mais déjà soumis à la prédisposition

morbide, prédisposition due elle-même à un trouble

initial en vertu duquel les conditions normales de la

circulation sont déviées.

4. Mais cette question de la nature de la maladie

de Friedreich mérite peut-être de nous arrêter plus

longtemps. Nous avons noté d'une part, que le volume

de la moelle est considérablement réduit, ce qui est

362 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

d'accord avec l'hypothèse d'une atrophie dégéné-

rative, et que d'autre part, il existe des néoformations

fibrillaires et des altérations fibrillaires, ce qui plaide

plutôt pour l'inflammation. Ce sont là, du reste, les

deux théories qui ont jusqu'à présent rallié les

. opinions des auteurs.

Or ni l'une ni l'autre ne nous paraissent acceptables

dans leur absolutisme. On ne peut, d'un côté, admettre

qu'une dégénération pure s'accompagne d'hyperplasie,

pas plus que, d'un autre côté, il n'est concevable

qu'une simple inflammation réalise des lésions vas-

culaires du genre de celles qu'on observe, ni surtout

une atrophie semblable de l'organe. On a dit aussi

(Ladame) qu'il s'agissait d'inflammation portant sur

un organe atrophié. Mais alors, comment comprendre

la localisation si particulière du désordre inflamma-

toire ? 2

Nous serions pour notre part assez disposé à adop-

ter une théorie, peut-être éclective, qui nous expli-

querait la plupart des faits, sans entrer en contra-

diction avec aucun d'eux, et que nous formulerons

comme suit :

Il s'agirait, ainsi que nous l'avons dit, d'une pré-

disposition morbide héréditairement transmise à l'axe

spinal et qui s'y réaliserait matériellement par une

altération primitivement vasculaire. L'atteinte cir-

culatoire tiendrait sous sa dépendance l'atrophie de

l'organe en même temps que la sclérose. L'atrophie

se conçoit facilement, puisque l'organe est insuffi-

samment nourri de par le désordre vasculaire. Ce

même motif détermine la sclérose, par un égal défaut

de nutrition. On sait la relation qui existe, en ana-

DE LA MALADIE DE FRIEDREICH. 363

tomie générale, entre la nutrition et la différenciation

des tissus; or, le tissu embryonnaire, qui sous le coup

d'une nutrition normale évolue en tubes nerveux sains,

ne peut plus, dans le cas que nous considérons, en

raison du trouble vasculaire, faire les frais d'une spé-

cialisation parfaite, aussi les tubes disparaissent-ils à

un moment donné, et sont remplacés par le tissu

fibrillaire devenu prépondérant.

Ainsi se trouveraient expliquées les particularités de

la maladie de Friedreich grâce à son origine hérédi-

taire. Nous avons montré comment se comprenaient il

notre sens la diminution de volume de la moelle, les

altérations des vaisseaux et la formation de la sclérose.

Il nous reste à montrer la raison d'être de la distri-

bution de celle-ci. A cet égard, on peut considérer

que les cordons postérieurs et les faisceaux pyrami-

daux se développent dans la moelle eu dernier lieu, et

sont par suite ses parties les plus différenciées; ils ont

de ce fait les besoins nutritifs les plus grands, et souf-

friront le plus des troubles d'irrigation.

En résumé, il paraît résulter des travaux antérieurs

et nous pensons que notre examen confirme cette

opinion que la maladie de Friedreich est une ma-

ladie d'évolution caractérisée par une sclérose d'ori-

gine vasculaire occupant systématiquement des régions

exactement déterminées de la moelle épinière.

EXPLICATION DE LA PLANCHE

PI. I, fia, la. Coupe de la moelle dorsale moyenne, à un faible

grossissement, colorée par la méthode de Pall. On y voit la topographie

générale île la lésion : a, portion triangulaire fortement dégénérée, située

364 PSYCHOLOGIE.

eu avaut clu faisceau cérébellem (f. de Cowers ? b, faisceau pyramidal

moyennement dégénéré; c, faisceau cérébelleux direct ; d, cordon de

de Burdach dégénéré ; e, cordon de Goll fortement dégénéré ; /, colonnes

de Clmke dégénérées ; g, bande de tissu sain qui contourne la corne

postfrieur; li, canal (·hendymaire; i, zune externe de Lissauer saine.

PI. 1, fig. 2. - Coupe' le la moelle lombaire inférieure, il un faible

grossissement, colorée au picro-carmin. On y voit Sl1l tout la disposition

des lacunes vasculaires dans le tissu sclérosé : n, lacunes vasculaires;

a', lacune dans la racine postérieme sclérosée ; A, racine postérieure

sclérosée ; c, cornes antérieures saines ; d, racines antérieures normales;

e, faisceau de Burdach ; canal épeud\maire ; g, faisceau pyrnnmhl.

PI. I, fig. 3. Région de la colonne de Clarke dans la moelle dorsale

moyenne, vue il un fort grossissement, colorée par la méthode de Wei-

gert et au carmin, a, cellules atrophiées sans noyau et sans prolongement

b, tissu conjonctif remplaçant les fibres fines ; e, noyaux fortement co-

lorés ; d, libres fines restantes ; e, fihres saines entourant la zone.

PSYCHOLOGIE

DE LA PERCEPTION INCONSCIENTE;

Par.J. ONANOFF.

L'étude de la psychométrie a pris une extension

considérable, surtout en Allemagne. Le laboratoire de

psychologie physiologique de Leipzig, sous la direc-

tion du professeur Wundt, est devenu le centre de ce

genre de recherches et l'ensemble des travaux publiés

dans les « 7/<MOMCe67f/ ? » peut montrer l'état

actuel de la science en question.

Aussi, avant d'aborder le sujet de notre étude, nous

croyons qu'il est utile de résumer d'abord le travail

de Ludwig Lange qui a proposé une correction impor-

tante clans la mesure du temps de la réaction simple.

D'après lui, la durée du temps de cette réaction

dépend de la direction de l'attention : si elle est portée

DE LA PERCEPTION INCONSCIENTE. 365

sur l'excitation même ou sur sa nature, la durée est

presque deux fois plus considérable que dans le cas

où elle est concentrée sur le mouvement de réaction

exigé par les conditions de l'expérience. 11 appelle la

première de ces réactions réaction sensorielle (il s'a-

gissait dans son expérience de l'excitation auditive) ; la

seconde, réaction musculaire. Il définit la réaction

sensorielle, une réaction volontaire, tandis que la réac-

tion musculaire est un réflexe cérébral. Lange veut

dire par là que la réaction musculaire est un acte invo-

lontaire, et, quoique l'impression de l'excitation dans

ce cas entre dans la sphère de la conscience, elle n'at-

teint pas son point lucide; en un mot, c'est une réac-

tion cérébrale dans la dernière limite de conscience,

et, par conséquent, le temps nécessaire pour sou

accomplissement est le temps minimum d'une réaction

simple. L'attention du sujet étant tournée vers le

mouvement qu'il doit produire, la netteté de l'aper-

ception se trouve diminuée jusqu'à la dernière limite

où elle se réduit à la perception; et, dans ce cas, d'a-

près Lange, l'acte réactionnel doit être considéré

comme involontaire.

Il est clair que l'expression, l'ccheceptioz , peut

conserver le sens qui lui a été attribué par Wundt.

Pour ne pas entrer dans des considérations métaphysi-

ques, disons de suite que, pour nous, entre l'aper-

ception et la perception il ne peut exister de limite

définie et que la perception elle-même se perd, par la

continuité des actes physiologiques, dans les excita-

lions venues du dehors.

On peut substituer à l'expression aperception

celle de perception consciente. Les excitations, de

366 PSYCHOLOGIE.

quelque nature qu'elles soient, se propagent par les

nerfs périphériques vers les centres réflexes propre-

ment dits; de là, transformées, coordonnées, les exci-

tations sont envoyées dans les différents centres de

perception, et, si-leur marche s'arrête dans ces centres,

la perception est faite; mais les conditions nécessaires

pour qu'il y ait conscience ne sont pas encore rem-

plies. Pour que les excitations puissent être perçues

consciemment, les centres de perception doivent se

réunir entre eux, et quand le travail d'association de

ces centres arrive à rompre l'équilibre instable d'un

des centres moteurs, l'état physiologique de la per-

ception consciente est constitué, même si le mouve-

ment n'est pas réalisé ou extérioré.

Sous le nom de perception inconsciente, nous dési-

gnons un état psychique dans lequel une excitation

sensitivo-seusorielle venue du dehors n'est pas perçue

lors de son accomplissement, mais peut entrer dans

le domaine de la conscience sous la forme d'une image

nette, soit sous l'influence de la volonté, soit pendant

le cours des perceptions conscientes; et, à partir de

ce moment, l'impression de l'excitation perçue incons-

ciemment ne diffère pas, jusqu'à un certain point, des

autres impressions perçues consciemment.

Comme il y a des perceptions inconscientes, il y a

de même des actes inconscients. L'élément primaire

dont se compose un acte conscient est désigné sous le

nom de réaction simple. Le temps de cette réaction a

été déterminé par beaucoup de physiologistes. Notre

but est de déterminer expérimentalement le temps des

actes inconscients les plus élémentaires, ou la durée

de la réaction simple inconsciente; en d'autres termes,

DE LA PERCEPTION INCONSCIENTE. 367

déterminer le temps qui s'écoule entre le moment d'une

excitation perçue inconsciemment et un acte incons-

cient qui peut être considéré comme une réponse, dans

les conditions de l'expérience, à l'excitation produite.

On comprend facilement que, pour l'étude métho-

dique de la perception, l'homme normal est un sujet

trop délicat et trop complexe. Par contre, l'homme

malade présente, dans certains cas, de telles dissocia-

tions des appareils réflexes ou de leurs centres de per-

ception qu'il apparaît devant l'expérimentateur dans

une simplicité qui, dans les conditions normales,

n'est obtenue qu'à l'aide d'appareils compliqués et

d'interprétations qui ne le sont pas moins.

Rappelons combien il est difficile (si même il est

possible) de faire la part, dans la recherche de l'in-

tluence de l'intensité de l'excitation sur la durée de

la réaction simple, de ce qui est dû au sens du tact ou

au sens de la douleur quand l'excitation devient forte,

parce que les conditions physiques ne nous permettent

pas de réaliser une forte excitation tactile sans qu'il

s'y ajoute un élément de douleur. Tout le monde sait

que cet élément existe dans la sensation du chatouille-

ment.

La dissociation de la sensibilité dans l'hystérie, la

syringomyélie, le tabes, se trouve parfois aussi parfaite

qu'on peut le désirer. Il est inutile d'insister sur la

simplicité d'étude des différentes perceptions spéciales

dans ces cas morbides.

L'anesthésie hystérique permet d'expérimenter avec

la précision voulue. Dans cet état pathologique, bien

que le sujet n'ait pas conscience d'une excitation

périphérique, elle suit cependant les mêmes voies que

368 PSYCHOLOGIE.

chez l'homme normal. Si, par suggestion, on dirige la

volonté du sujet vers la recherche de la nature de

cette excitation, il arrive, après un temps plus ou

moins long, par un travail de cérébration, à retrouver

cette excitation perdue dans un coin de son cerveau.

C'est là un caractère psychique de l'anesthésie hysté-

rique. ,

Si l'ou ferme les yeux d'un malade atteint d'une

hémianesthésie superficielle et profonde, avec perle

complète du sens musculaire, et si on lui dit de

déplacer son bras malade, il peut arriver qu'il le fasse

ou qu'il ne le fasse pas. Dans les deux cas, le malade

ne sait pas s'il a, ou n'a pas, déplacé son membre.

Cette simple expérience montre l'existence des mouve-

ments inconscients qui ont leur origine, selon toute

probabilité, dans le même centre que celui d'où par-

tent les mouvements conscients. Voici une expérience

fort simple qui permet d'étudier la réaction simple

inconsciente :

On prend la main du côté anesthésié et on dit au sujet de penser

à un nombre quelconque, de 1 à 20 par exemple. On exerce de

légères pressions successives (sans que le malade le voie) sur le

doigt que l'on tient, en comptant de 1 à 20. Supposons que le ma-

lade ait pensé ;tu eliitrre 11 ; dans ce cas on peut voir, môme à

distance, qu'au moment où l'on a pressé pour la onzième fois il

s'est produit un mouvement dans le doigt louché. Si l'on avait

adapté un appareil iuscripteurdes mouvements à n'importe quelle

parlie mobile du corps, on aurait constaté un mouvement brusque

au moment dont nous parlons.

Dans cette expérience, le nombre lia été pensé

consciemment; la pression n'a pas été perçue, et la

réponse a été inconsciente. Le premier terme de l'ex-

périence, étant évident, ne demande pas d'explication.

Il n'en est pas de même des deux autres. En effet,

DE LA PERCEPTION INCONSCIENTE. 369

ici un doute autorisé s'élevé : comment savoir que

l'attouchement n'a pas été perçu et que la réponse a

été inconsciente ? Nous croyons que ces questions

n'ont pas été résolues jusqu'ici d'une façon décisive. On

était obligé de s'en rapporter au dire des malades.

Mais quiconque a eu l'occasion d'étudier longuement

l'anesthésie hystérique a acquis la conviction que ces

phénomènes sont bien réels.

Cette perception inconsciente et ces mouvements

inconscients, coordonnés et dirigés vers un but, ont

trompé de nombreux observateurs au point qu'ils se

croyaient autorisés à nier l'anesthésie psychique et à

traiter les malades, 'qui en étaient atteints, comme

simulateurs.

Dans la clinique des maladies nerveuses de notre

excellent maître Charcot, nous avons institué de nom-

breuses expériences et nous croyons pouvoir affirmer

que la perception inconsciente possède un caractère

objectif, tangible, qui écarte toute idée de dissimu-

lation de la part des malades.

Les expériences ne diffèrent pas beaucoup de celles

qui ont pour but la recherche du temps des réactions

simples.

D'abord, on cherche à déterminer la durée de la

réaction simple consciente du côté normal, non anes-

Ihésié.

Dans la première série d'expériences, l'attention des

sujets a été portée sur l'excitation, et, dans la seconde,

sur la nature du mouvement exigé par les condi-

tions de l'expérience.

Nous avons obtenu des chiffres sensiblement les

mêmes que ceux qu'a indiqués L. Lange, quoique

Archives, t. XIX. 24

370 PSYCHOLOGIE.

nous ayons employé les irritations tactiles, aussi bien

pour la réaction musculaire que pour la réaction sen-

sitive (cette dernière porte le nom de réaction senso-

rielle chez L. Lange qui a étudié à ce point de vue les

irritations auditives). Voici les chiffres :

DE LA PERCEPTION INCONSCIENTE. 3'1 Il

tats aussi satisfaisants que l'emploi du chronomètre

à aimant.

Ces expériences répétées un grand nombre de fois

ont donné des résultais inattendus. La lecture des tra-

cés noirs nous a montré que la durée du temps de la

réaction simple inconsciente est moins longue que la

durée de ce temps mesuré sur les sujets normaux ou

sur les hystériques du côté non anesthésié et dans les

conditions qui concourent à abréger ce temps le plus

possible, c'est-à-dire quand l'attention des sujets est

concentrée tout entière sur la nature du mouvement

qu'ils se préparent à exécuter. Voici les résultats nu-

mériques de ces expériences : Quand le malade pen-

sait :

372 PSYCHOLOGIE.

accomplissement. Le premier de ces actes, dont la

condition d'accomplissement est d'être conscient et

volontaire et qui nécessite l'intégrité parfaite de la

sensibilité du membre mis en mouvement, ne diffère

du second, dont la-condition nécessaire et suffisante

d'accomplissement est l'auesttnsie psychique, que par

le minimum de temps, plus considérable dans le pre-

mier. Cette diminution du temps de la réaction simple

peut entrer dans le cadre des symptômes somatiques

de l'hystérie, comme un caractère fondamental objec-

tif de l'anesthésie hystérique.

L'anesthésie suggérée se comporte de la même façon

et il est clair que la diminution du temps de la réac-

tion simple n'est pas du domaine de la suggestion ;

l'anesthésie seule peut provenir de la suggestion ou de

l'autosuggestion; mais elle est accompagnée d'un

symptôme qui ne se trouve ni dans la pensée de celui

qui suggère, ni dans la pensée de celui qui subit la

suggestion. Ainsi nous répétons encore que la dimi-

nution de la durée du temps de la réaction simple est

un caractère inhérent à l'anesthésie psychique.

Il était important de trouver chez l'homme normal

les conditions de la perception inconsciente. Pour nos

expériences, nous avons choisi le sens de la vue qui se

prête le plus facilement à ce genre d'étude. De ce fait

que les impressions auditives ou visuelles ne sont pas

perçues consciemment quand leur durée est au-des-

sous de celle qui est nécessaire pour leur aperception

ou quand elles arrivent au moment d'un travail mental

occasionné par d'autres impressions contemporaines

ou fournies par la mémoire, nous avons déduit les

conditions de nos expériences.

DE LA PERCEPTION INCONSCIENTE. 373

Devant un sujet normal et intelligent on fait passer,

avec la vitesse voulue, un écran noir muni d'une fenê-

tre à travers laquelle on peut voir, à un moment

donné du mouvement de l'écran, un morceau de pa-

pier blanc sur lequel est écrit un mot de 3 ou 4 let-

tres que l'on se propose de faire lire au sujet en expé-

rience. Disons d'abord que ce n'est pas le minimum

du temps nécessaire pour l'aperception du mot que

nous cherchons à déterminer. Dans la détermination

de ce minimum entrent une foule de conditions dont

l'analyse n'entre pas dans le cadre de cette étude (la

grandeur des lettres, la façon de les écrire, le nombre

de lettres, l'état mental du sujet, etc.). L'expérience a

un tout autre but; elle consiste à montrer que le mot

passé devant les yeux, dont le sujet n'a pas connais-

sance et dont la lecture ne lui a pas été possible, peut,

après un temps plus ou moins long et après une

recherche mentale, surgir dans sa conscience. Il nous

est arrivé bien des fois de ne pouvoir déterminer, au

moment même de l'expérience, aucune des lettres

composant le mot; mais de trouver ce mot tout entier

après une longue recherche, en rassemblant d'abord

dans la mémoire les parties isolées d'une seule lettre,

en combinant ces parties, et, petit à petit en formant

les lettres, puis le mot tout entier.

Nous pouvons formuler ainsi les résultats de ces

expériences : 1° Une impression visuelle peut être

perçue inconsciemment; mais un travail de cérébra-

tion volontaire (ou involontaire) fait entrer cette im-

pression dans la conscience; 2° le temps nécessaire

pour la perception inconsciente est plus court que celui

de la perception consciente.

374 PSYCHOLOGIE.

Plus la durée des impressions est longue et plus

l'excitation est vive, plus facilement ces impressions

entrent dans la conscience, et le temps de cérébration

nécessaire pour les transformer d'inconscientes qu'elles

étaient en conscientes est plus court.

Dans l'emblyopie hystérique ou dans le rétrécisse-

ment du champ visuel, l'objet, pour être aperçu, doit

être placé dans le champ de la vision consciente. En

dehors de ce champ, il est perçu inconsciemment et

il faut un travail mental (suggestion ou autosugges-

tion) pour que son impression entre dans le domaine

de la conscience.

L'analogie entre la perception d'un sujet atteint de

l'anesthésie et la perception inconsciente de l'homme

normal nous paraît évidente. Si l'on compare les deux

côtés d'un hystérique porteur d'une hémianesthésie

sensitivo-sensorielle, on découvre que la durée du

temps de la perception inconsciente est sensiblement

égale des deux côtés et c'est dans ce fait qu'il faut

chercher l'explication d'un phénomène frappant chez

leshystériques : l'absence du désordre des mouvements

complexes accomplis par les deux côtés.

C'est l'anesthésie hystérique qui nous a fourni le

sujet de notre étude, et nous ne pouvons nous dispen-

ser de parler d'une question dont la solution est une

des plus difficiles de la pathologie nerveuse; et, quoi-

que l'idée d'apporter un éclaircissement soit loin de

nous, nous désirons cependant signaler en passant

des interprétations erronées qui peuvent avoir de

fàcheuses influences sur les études de la pathogénie

de l'hystérie.

Il s'agit de l'origine de l'anesthésie hystérique. Les

DE LA PERCEPTION INCONSCIENTE. 375

uns la cherchent exclusivement dans la suggestion ou

l'auto-suggestion. D'après eux l'une et (autre ne peu-

vent agir que par la conscience ; leurs éléments, du

moins, doivent être conscients; quand le sujet se sug-

gestionne, il le fait consciemment ; mais le manque

de connaissances ne lui permet pas de lier la cause à

l'effet.

Les autres, tout en admettant cette origine, ne la

considèrent pas comme unique; leur pensée intime

est que l'état physiologique des voies des associations

ou des centres limités des perceptions, en dehors de

tout acte mental, crée, par le seul fait de l'état mor-

bide de l'individu, les conditions de l'anesthésie psy-

chique.

Ceux qui croient trouver cette origine exclusivement

dans la suggestion ou l'autosuggestion, doivent

admettre que l'hystérie, en tant qu'entité morbide, ne

contient pas de troubles de la sensibilité, mais qu'ils

viennent se greffer sur elle, et que ces troubles ne

caractérisent que l'état psychique dans cette maladie.

Celle opinion est sortie du laboratoire de suggestion

en dehors de toute étude clinique. Nous nous permet-

trons de donner un exemple qui fera comprendre le

domaine de la suggestion dans la production des

anesthésies.

Un homme est renversé par une voiture; il se croit

écrasé, perd connaissance, et, au réveil, accuse des

faiblesses dans les membres inférieurs qui deviennent

complètement paralysés au bout de vingt-quatre

heures. On l'étudie et l'on trouve une paraplégie avec

anesthésie; par l'analogie des symptômes, on arrive à

conclure a une paraplégie psychique et on l'explique

376 6 PSYCHOLOGIE.

par l'autosuggestion. Un jour le malade se trouve

guéri subitement et tout est dit pour celui qui observe

mal; mais l'oeil d'un maître trouve qu'une des commis-

sures labiales est un peu tirée sur le côté et que la ride

naso-labiale estplus prononcée du même côté; la langue

est déviée de même et si, avec une épingle, on explore

la sensibilité, on la trouve abolie sur la muqueuse,

les lèvres et une partie de la peau de la joue du côté

du spasme glosso-labial. Par quel raisonnement le

malade est-il arrivé à créer le spasme glosso-labial et

à lui superposer une anesthésie ? Que l'idée de para-

plégie avec son anesthésie ait préexiste dans la cons-

cience du sujet, soit; mais celle du spasme et de l'anes-

thésie correspondante d'où l'aurait-il tirée ?

Nous avons eu l'occasion d'étudier les malades de

la consultation externe; nous avons pu revoir toutes

les manifestations de l'hystérie, aussi bien chez

l'homme que chez la femme, sur les malades qui ve-

naient chercher le secours de l'art pour une tout autre

maladie, ne se doutant pas qu'ils étaient porteurs des

signes, protéiformes mais indélébiles, de la grande

névrose. Ils ne s'en plaignaient pas, ils ne s'en aper-

cevaient pas.

Pour éviter toute confusion, il ne faut pas perdre

de vue une maxime formulée par M. Charcot : les

symptômes de l'hystérie proviennent de deux sources,

de la suggestion ou de l'autosuggestion, et de la

maladie elle-même, comme signes inhérents à elle.

L'étude différentielle entre ces deux catégories de

symptômes a permis au savant maître d'apporter

l'ordre dans l'étude de l'hystérie.

Nous pensons qu'en l'état actuel, il est permis de

DE LA PERCEPTION INCONSCIENTE. 377 7

concevoir les phénomènes hystéro-hypnotiques comme

dépendant du défaut d'association entre les centres

nerveux. Ainsi les conditions essentielles de la per-

ception inconsciente se trouveraient identiques à celles

des phénomènes hystéro-hypnotiques.

Mais toutefois, pour être strictement vrai, nous

devons dire que toutes les anesthésies hystériques ne

se présentent pas sous le même aspect. C'est surtout

l'hystérie mâle qui offre parfois cette forme d'anes-

thésie que l'on peut appeler grave. Dans ce cas, selon

toute probabilité, les excitations ne sont pas perçues,

même inconsciemment et il est impossible d'étudier

la réaction inconsciente. Cette anesthésie grave influe

sur la manière d'être des malades (démarche ataxique,

signe de Romberg, etc.) et bien souvent elle est reliée

aux troubles trophiques signalés par les élèves de

M. Charcot, Babinski, Gilles de la Tourette et Dutil.

En terminant cette rapide esquisse, on nous per-

mettra d'insister sur ce fait que dès 1886, époque où

nous avons commencé à fréquenter le service de

M. Charcot, tous les éléments de l'étude de la per-

ception inconsciente étaient déjà formulés et que

l'expression même « perception inconsciente des hys-

téro-hypnotiques dont M. Binet, dans des écrits intéres-

sants d'ailleurs, semble revendiquer la priorité, était

déjà à cette date d'un usage courant à la Salpêtrière.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

ÉTUDES SUR I/ANATOM1E PATHOLOGIQUE

' DE LA MOELLE ÉPINIÈRE1 1

(SYRING011Y1¡LlE. - SCLEROSE COU131VLE. - MYÉLITE AIGUË)

Par le Dr XAVIETI FRANCOTTE

Professeur à l'Université du Liège.

II. SCLÉROSE combinée des coudons postérieurs et

DES cordons latéraux. On a reconnu dans ces

derniers temps, l'existence de processus sclérosiques,

atteignant à la fois plusieurs parties de la moelle, et

déjà, de nombreux exemples de ces scléroses combinées

se trouvent réunis dans la littérature. On est loin

pourtant de s'accorder sur la signification de ces pro-

cessus et d'avoir fixé d'une façon satisfaisante la

symptomatologie qui leur est propre.

Le cas que je publie ne fournira à ce dernier point

de vue, aucun éclaircissement, attendu que l'observa-

tion clinique n'a point été recueillie. Mais, peut-être,

contribuera-t-il, dans une certaine mesure, à élucider

l'un ou l'autre point de l'histoire anatomo-patholo-

gique des scléroses combinées. -

La moelle dont il s'agit, provient d'un homme âgé de

soixante-six ans, ayant succombé le 26 février '181n7, à une

tuberculose pulmonaire, dans le service de \l. le Professeur

Alasilis.

Le malade était entré à l'hôpital de Bavière pour une pa-

' Voir Archives de Neurologie, t. XIX, li. 181.

ÉTUDES SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE. 379

résie des membres inférieurs : cette parésie a progressé len-

tement et après quelque temps, la marche est devenue impos-

sible. Le malade a accusé des douleurs en ceinture et des

douleurs irradiées dans les membres inférieurs : le phéno

mène du genou faisait défaut.

L'examen de la moelle à l'état frais permet de reconnaître que

les cordons postérieurs sont atteints de dégénérescence grise,

dans leur portion médiane. Les méninges offrent l'aspect

normal. La moelle est durcie dans le liquide d'Erliky et les

coupes sont traitées par le picro-carmin, par l'hématoxyline

alunée, par le procédé de Weigert. Au niveau du renflement t

cervical (fig. 39), le microscope permet de constater que la

pic-mère n'est nullement épaissie. Les cordons de Goll pré-

sentent une sclérose bien nette. Cependant, derrière la com-

missure postérieure, il existe une zone peu étendue où les

fibres nerveuses sont bien conservées.

En oulre, à la partie externe du faisceau grêle de chaque

côté, se présente une bande étroite, intacte (V. fit. 39 a)

partant du sillon collatéral postérieur et se dirigeant oblique-

ment en dedans, pour atteindre le sillon médian postérieur,

à l'union de son tiers antérieur et de ses deux tiers posté-

Fig. 39. Coupe au niveau de la partie supérieure du renflement cervical.

Les parties dégénérées sont pointillées.

380 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

rieurs : sur des coupes préparées selon la méthode de Wei-

gert, cette bande se distingue très nettement des parties

avoisinantes décolorées, par une teinte noire et l'examen

microscopique montre que les fibres nerveuses y sont relati-

vement bien conservées.

La moitié interne des cordons de Burdach est également

atteinte de dégénérescence; à la périphérie, on trouve un

champ peu étendu (V. fig, 39 b) dont les fibres sont demeurées

ntactes.

Enfin, on constate encore une sclérose bien marquée des

faisceaux cérébelleux.

A la partie inférieure du renflement cervical, les deux bandes

intactes situées à la région externe des cordons de Goll ont

disparu et la zone dégénérée des faisceaux de Burdach est

devenue un peu moins étendue.

A la région dorsale supérieure, la partie postérieure des

cordons médians postérieurs ne présente qu'une légère déco-

loration'. Des deux côtés du cordon de Goll, le faisceau de

Burdach offre une légère zone décolorée qui n'arrive pas jus :

qu'à la périphérie.

Dans les cordons latéraux, on observe à lapartie postérieure,

une région légèrement décolorée en forme de coin dont la

base arrive au bord de la moelle et dont le sommet dirigé

' Nous parlons toujours de coupes traitées par le procédé de Weigert.

Fit, 40. Coupe à la partie inférieure de la région dorsale.

ÉTUDES SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE. 381

vers le centre est à peu près en face du point d'union de la

corne antérieure et de la corne postérieure.

Ces mêmes caractères se retrouvent dans toute l'étendue

de la moelle dorsale, mais la portion dégénérée des faisceaux

de Burdach diminue de plus en plus.

A l'extrémité inférieure de la région dorsale, cette portion

dégénérée a presque complètement disparu (g. 40).

Au niveau de la partie supérieure du renflement lombaire

(g. z1) la dégénérescence des cordons de Goll se présente sous

la forme de deux bandes qui, partant du sillon médian posté-

rieur à l'union de son tiers antérieur avec son tiers moyen, se

dirigent obliquement vers la périphérie et s'arrêtent à une

certaine distance du bord postérieur de la moelle.

Dans les cordons latéraux, on observe à la partie postérieure,

la zone déjà signalée dans la région dorsale.

A la partie inférieure de la moelle lombaire, on ne remarque

plus dans les cordons de Goll qu'une légère décoloration qui

occupe la partie médiane : dans celle partie décolorée, le mi-

croscope fait constater une raréfaction manifeste, des fibres

nerveuses. Le foyer de dégénérescence dans les cordons laté-

raux apparaît encore très nettement, mais il a diminué d'é-

tendue.

Fig. H. Coupe à la partie supérieure du renflement lombaire.

382 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Si nous résumons les résultats de notre examen,

nous dirons que la moelle a présenté une dégénéres-

cence des faisceaux de Goll, et une dégénérescence

des parties internes des faisceaux de Burdach qui a

été en diminuant de haut en bas.

Quant à la dégénérescence des cordons latéraux,

limitée dans la partie supérieure au faisceau cérébel-

leux, elle a entrepris, vers le bas, une partie des

faisceaux pyramidaux.

De pareilles constatations se trouvent consignées

avec de légères variantes, dans les nombreuses publi-

cations auxquelles je faisais allusion tout à l'heure.

J'en citerai quelques exemples.

Dans un cas publié par Gowers, ' dont l'évolution

s'est accomplie sous la forme de l'ataxie héréditaire,

les cordons postérieurs étaient sclérosés dans toute leur

étendue; cependant, la région cervicale et à la région

lombaire, il existait une zone intacte, située au voisi-

nage des cornes postérieures. La dégénérescence était

la moins prononcée dans la région lombaire.

Dans le faisceau alltéro-latéral, il y avait, à la péri-

phérie de la moelle, une zone annulaire de «sclérose

qui s'élargissait au niveau du faisceau pyramidal.

Dans l'observation de Babesiu2, on constatait que

les faisceaux postérieurs, surtout près de la surface,

étaient d'un gris-pàle et quelque peu déprimés. Dans

toute la longueur de la moelle, une bande transpa-

rente, gris-brunàtre, occupait la moitié postérieure

des faisceaux latéraux et formait sur les coupes un

A A Manual of Diseuses 01 ne1'L'OUS System. z1886, t. I, p. 355.

- Ueber die seLbstândlge combinirle Seiten und llintel'stl'angsscLel'ose des

Ji üc4-ezimai,ks. -(A 7-eh ives de Virchow. 1879.)

ÉTUDES SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE. 383

coin à base- périphérique. Cette bande était particu-

lièrement nette à la région dorsale : à ce niveau, la

lésion allait de chaque côté, eu arrière, jusqu'aux

racines postérieures. Au-dessus et au-dessous de cette

région, il restait, entre les cornes postérieures et la

lésion atrophique, une bande mince de tissu normal.

Dans le cas d'Erliky et Rybaliu' la dégénérescence

des cordons latéraux était limitée aux faisceaux pyra-

midaux : une zone de tissu sain la séparait des cornes

postérieures, une autre de la périphérie : cette dégé-

nérescence se présentait sur toute la longueur de la

moelle. Il y avait également sur toute la longueur de

la moelle une dégéuération des cordons postérieurs,

plus marquée dans les cordons de Goll que dans les

cordons de Burdach.

Babinsky et Charrin= ont fait connaître un cas dans

lequel il y avait une sclérose avancée des cordons pos-

térieurs (cordons de Goll et cordons de Burdach) et

des faisceaux cérébelleux ; en outre, une sclérose

moins intense et probablement plus récente atteignait

les faisceaux pyramidaux directs et les faisceaux pyra-

midaux croisés.

La sclérose des faisceaux de Türck présentait son

maximum à la partie supérieure de la région dorsale

et au voisinage du renflement cervical vers le haut

et vers le bas, elle allait en diminuant. La sclérose des

faisceaux pyramidaux croisés portait sur une surface

' Zur 1%rage M6e;' die combitzirte Systemerkrankungen des 1/Ûcken-

tttarla. Al'chiv sur Psychiatrie, t. XVII, p. GU3.

$Sclérose médullaire systématique combinée. (Revue de Médecine, 1886,

p. 962.)

384 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

un peu plus étendue que dans le cas de dégénérescence

secondaire descendante. '

Comme on le voit par ces exemples, le tableau ana-

tomo-pathologique des scléroses combinées est assez

variable. Un des traits qui se reproduit le plus fré-

quemment dans les observations, c'est la forme et la

distribution de la dégénérescence des cordons laté-

raux telle que nous l'avons nous-même observée. A la

partie supérieure de la moelle, la dégénérescence

entreprend une zone étroite correspondant générale-

ment au faisceau cérébelleux ou s'étendant un peu

plus en avant; à un niveau inférieur, vers la région

dorsale, la dégénérescence gagne l'intérieur des cor-

dons latéraux, affectant la forme d'un coin dont la

base est dirigée vers la périphérie et laissant intacte

une petite zone contiguë aux cornes postérieures.

On retrouvera ces caractères notamment dans les

observations de Westphal', de Popoff3, de Fried-

reich \

Si nous nous demandons commentnous pouvons in-

terpréter les résultats de notre examen, nous devrons

d'abord résoudre la question de savoir si nous avons

affaire à une dégénérescence primitive ou à une dégé-

nérescence secondaire.

Or, le tableau analomo-patbologique que nous

avons tracé ne correspond aucunement à celui de la

dégénérescence secondaire. Nous sommes donc en

présence d'une sclérose primitive.

, A1't'ltiv. sur Psychiatrie, t. IX, planche IV et /(1., t. XV, planche Il.

. Contribution à l'étude des fausses scléroses systématiques de la moelle

épinière. Archives de Neurologie, t. X, 188, p. 305.

3 Ueber Atarie mit besonderer BI'l'llcksiclttigung der lveredildnen N'or-

men. (Archives de Virchov, t. LXX.)

ÉTUDES SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE. 385

Cette sclérose doit-elle être rangée parmi les pro-

cessus diffus, ou bien, appartient-elle aux lésions systé-

matiques ? Déjérine la considère comme une sclérose

diffuse dont il attribue l'origine à l'inflammation con-

comitante des méninges : pour lui, la sclérose combi-

née est une nîéiiiigo-i2yélite corticale par propaga-

lion .

En faveur de sa manière de voir, il invoque la dis-

tribution de la sclérose : celle-ci est corticale et elle

va en diminuant de la périphérie vers le centre. De

plus, il fait remarquer que la sclérose ne suit dans son

trajet, aucun faisceau spécial. Cette interprétation de

Déjérine a été adoptée par Raymond et Tenneson 2,

par Popoff 3, par Ballet et l91rlor.

Elle ne pourrait cependant convenir à tous les cas

de sclérose combinée. En effet, la base anatomique de

cette interprétation fait souvent défaut. Ainsi, West-

phal5 observe que dans ses cas, la pie-mère était très

mince et très délicate et que d'ailleurs, la dégénéres-

cence des cordons latéraux n'arrivait point partout

jusqu'à la périphérie.

Strümpell 6 considère aussi l'opinion de Déjérine

comme inadmissible.

1 Du rôle joué par la méningite spinale postérieure des tabétigues dans

la pathogénie des scléroses combinées. (Archives de Physiologie. 3" série,

t. IV, 1881, p. 454.)

= A/én ingo-myélite chronique pscudo-s1lstellzatigue combmée postdro-

latérale, avec extension au bulbe el Ii la protubérance. (Archives de phy-

siologie, t. VIII, 1886, p. 84.)

' Goco cilato.

4 Etude d'un cas de fausse sclérose systématique combinée de la moelle.

(Archives de Neurologie, t. VU, 1881, p. il).

1 Bemerkungen zu denc Aussatzc des Ilerrn Déjerine : « Du rôle joué

pur lu méningite spinale postérieure des tabétiques dans la pathogénie

des tcleroses combinée ? » (Anchiv fui- Psychiatrie, t. XVI, p. û75.)

» archiu fiir Psychiatrie, t. XVII, p. 237.

Archives, t. XIX. 25

386 ANATJtlE PATHOLOGIQUE.

Dans le casque je publie, l'interprétation de Déjérine

ne saurait pas non plus trouver application. S'il s'agis-

sait de la propagation d'une inflammation méningée,

il serait fort extraordinaire que certains points de la

périphérie, à savoir de chaque côté, la zone superfï-

cielle des cordons de Burdach et la partie tout à fait

postérieure des cordons latéraux, aient échappé à

l'inflammation. Au surplus, l'inflammation des mé-

ninges faisait défaut.

Une autre manière de voir a été émise par Frie-

dl'eich 1 la sclérose des cordons postérieurs constitue-

rait la lésion primitive et serait de même nature que

l'ataxieordinaire; des cordons postérieurs, le processus

sclérosique se propagerait aux cordons latéraux.

Mais, suivant la remarque de Westphal3, cette pro-

pagation n'a pas été démontrée.

Dans bien des cas (par exemple ceux de Westphal 3,

Prévost , Kahler et Pics 5) cette propagation est inad-

missible, attendu qu'entre les parties malades des

cordons postérieurs et celles des cordons latéraux, il

se trouve une zone de tissu sain.

Cette même condition est également réalisée dans

notre observation.

En outre, il arrive que la lésion des cordons posté-

rieurs et celle des cordons latéraux se développent

d'une façon tout à fait indépendante. Ainsi, dans

l'observation de Jàderholm b, la dégénérescence n'attei-

1 Arc/du sur Psychiatrie, t. IX, p. 118.

* Archives de physiologie, 1877, p. 761.

' Loco citato.

* Archiv sur Psychiatrie, t. VIII.

6 Cité par Westphal. Arch. sur Psychiatrie, t. IX, p. 719.

ÉTUDES SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE. ? 7

gnait les cordous de Goll que de la région cervicale à

la région dorsale; à la région lombaire, les cordons

postérieurs étaient sains. Au contraire, la lésion des

cordons latéraux s'étendait à toute la longueur de la

moelle.

Peut-on considérer les scléroses combinées comme

des lésions systématiques ?

Le caractère essentiel de la lésion systématique, c'est

qu'elle frappe un ensemble de fibres ayant une même

signification et présentant un développement sem-

blable.

Considérons à ce point de vue les résultats de notre

examen et prenons d'abord la région cervicale supé-

rieure.

, Nous constatons qu'à ce niveau, les cordons de

Goll sont lésés d'une façon symétrique, dans leur

totalité, à l'exception de deux bandelettes obliques 1

(fig 39 et.)

La symétrie que présentent ces zones indemnes, le

fait qu'elles se rencontrent avec les mêmes caractères

sur une certaine étendue de la moelle, tendent faire

supposer qu'il ne s'agit pas là d'un résultat fortuit de

l'extension du processus sclérosique, mais que ces

bandes obliques constituent un système particulier de

fibres.

Or, quand on examine des coupes de la moelle, à la

partie supérieure de la région cervicale, chez le nou-

' Parmi les nombreuses figures que j'ai examinées, je n'en ai trouvé

qu'une seule qui reproduise une disposition semblable : elle appartient

à Friedreich. (Archives de Vinchoio, t. LXX.) Les deux zones obliques sont

très nettement indiquées dans la ligure a, planche IV. qui correspond il

la région cervicale supérieure : elles sont encore bien évidentes, quoique

moins nettes, dans la ligure b qui correspond à une partie moins élevée

de la région cervicale.

388 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

veau-né ou chez le foetus de huit mois, on constate

que les fibres des cordons postérieurs sont enveloppées

de myéline.

Traitées suivant le procédé de Weigert, ces coupes

montrent une coloration noire des cordons postérieurs ;

mais, déjà à l'oeil nu, on voit que cette coloration

n'est pas uniforme. De chaque côté de la ligne médiane,

à la partie externe des cordons de Goll, on distingue

une zone (Voir fig. 42'), qui, sans être absolument

incolore, n'a qu'une légère teinte noirâtre.

Au microscope, on constate que cette zone ne ren-

ferme que quelques fibres à myéline très clairsemées.

Elle se dirige de dehors en dedans et d'arrière en

avant et elle vient s'arrêter à la partie antérieure du

sillon médian postérieur. Cette zone relativement inco-

lore ne se rencontre qu'à la partie supérieure de la

moelle cervicale.

Si l'on examine la série des coupes de la moelle en

s'éloignant de l'extrémité supérieure, on la voit bientôt

diminuer peu à peu, puis disparaître.

L'existence de cette subdivision des cordons posté

Flg, 42. Coupe à la partie supérieure de la région cervicale che z

un foetus de 8 mois. Les parties pointillées sont celles qui n'ont pas en-

core acquis leur myéline.

' ÉTUDES SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE. 389

rieurs que j'avais déjà constatée il y a plus d'un an,

vient d'être établie par les recherches de Popoff'.

Cet auteur a reconnu que les fibres des parties

internes des cordons de Goll possèdent déjà une

couche de myéline complètement formée, tandis que

les fibres de leurs parties externes qui confinent aux

cordons de Burdach en sont encore presque dénués.

Or, cette région externe des cordons de Goll dont

les fibres n'acquièrent que tardivement leur myéline

se rapproche beaucoup par sa situation, sa forme, sa

direction de la bandelette que nous avons trouvée

préservée de la dégénérescence.

Peut-être serait-il permis de les identifier et de

conclure que si cette zone a été épargnée par la sclé-

rose, ce n'est pas en vertu des hasards de la propaga-

tion du processus scléreux, mais en vertu de leur auto-

nomie, de leur indépendance en qualité de système.

En ce qui concerne les cordons de Burdach, on

pourrait aussi invoquer les données embryogéniques

pour expliquer l'intégrité de la partie postérieure de

ces cordons.

En effet, Bechterew2 a distingué deux segments

dans les cordons de Burdach : une zone antérieure et

une zone postérieure ou périphérique. Dans le tabes

dorsal, chacune de ces deux parties peut s'entre-

prendre isolément.

' Recherches sur la structure des cordons postérieurs de la moelle épi-

nière de l'homme. Archives de Neurologie, mars 1889.

Pol)off a pu suivre la subdivision des cordons de fioll jusqu'il la région

dorsale supérieure ; toutefois, il déclare qu'elle y est beaucoup moins nette

que dans la région cervicale supérieure.

1 Ueber die lleslandtheilc der Hinte·sldn,ye des Rûckenmarks au/'

GI'1t1ld der Untersuchung ihl'cl' ElIlwickeill1l ! I' JYell1'olog. ()ent1'albtail

1884, p. 31.

390 ANATOMIE PATHOLOGIQUE

La zone périphérique des cordons de Burdach que

nous avons trouvée intacte dans notre cas, correspond

peut-être à la zone postérieure de Bechterew.

Mais, la dégénération n'atteint pas les cordons de

Burdach dans toute leur largeur et, en somme, elle

n'éveille aucunement l'idée d'un processus systéma-

tique : elle fait plutôt penser à une lésion diffuse.

Pour terminer l'examen des coupes faites au niveau

de la région cervicale supérieure, il nous reste à

signaler la dégénérescence des cordons latéraux : elle

porte sur une partie strictement limitée et reconnue

comme système indépendant, à savoir, les faisceaux

cérébelleux.

Mais, pour apprécier exactement la nature des dégé-

nérations observées, nous devons rechercher comment

elles se comportent dans leur distribution le long de

la moelle.

La lésion systématique se caractérise non seulement

par le fait qu'elle atteint des groupes bien définis de

fibres nerveuses, mais encore, parce qu'elle se retrouve

avec les mêmes caractères sur une certaine étendue

de la moelle.

Or, si la dégénérescence des cordons de Goll se

rencontre sur toute la hauteur de la moelle, celle des

cordons de Burdach ne peut être poursuivie que jus-

qu'au niveau du tiers inférieur de la moelle : elle

affecte les mêmes régions, c'est-à-dire les parties in-

ternes, sur toute son étendue, mais elle va en dimi-

nuant progressivement de haut en bas. -

Quant à la dégénérescence des faisceaux cérébel-

leux, elle se présente sur tout le trajet de ces faisceaux.

Seulement, à partir de la région supérieure de la

ETUDES SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE. 3'M 1

moelle dorsale, il vient s'y ajouter une sclérose de la

partie contiguë des faisceaux pyramidaux.

Cetle sclérose surajoutée s'accentue de plus en plus,

en même temps qu'elle s'agrandit, et vers la partie

inférieure de la moelle dorsale (voir fig. 2'), on se

trouve en présence d'une zone en forme de coin,

occupant la partie postérieure des cordons latéraux.

Cette zone répond à peu près au faisceau cérébel-

leux et au faisceau pyramidal.

Toutefois, la portion dégénérée n'arrive nulle part

en contact avec les cornes postérieures, tandis que le

faisceau cérébelleux et le faisceau pyramidal sont

continus à ces cornes.

La partie sclérosée du faisceau pyramidal ne cor-

respond pas au foyer que l'on rencontre dans les cor-

' dons latéraux au cas de dégénérescence secondaire

descendante.

Nous ne trouvons donc pas réalisés dans notre

observation les caractères d'une sclérose systématique.

Cependant, lorsque l'on considère la symétrie des

foyers de sclérose, leur extension à toute la hauteur

de la moelle, ou du moins à une pOI'tiorï1"considér'able

de son trajet, il est difficile d'admettre que l'on ait

affaire à un processus de nature absolument diffuse.

On est conduit à penser qu'il existe un facteur qui

dirige la sclérose, qui règle sa propagation à des par-

ties de la moelle. Quel est ce facteur ? Consiste-t-il

dans des conditions spéciales du tissu conjonctif, ou

bien dans la distribution des vaisseaux sanguins ou

des voies lymphatiques ? On ne possède aucun élément

qui permette de résoudre ces questions. (A suivre.)

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE

I. La folie ET LE crime; par S.-W. 1VORTH. (The Journal of

Mental Science, juillet 1886.)

L'auteur s'est proposé dans ce travail d'étudier les rapports

de la folie avec le crime et la question de la responsabilité,

et de rechercher dans quelle mesure la jurisprudence relative

à la responsabilité des prévenus chez lesquels la folie est

invoquée, est conforme à l'exactitude des faits. (Il s'agit bien

entendu de la jurisprudence anglaise.)

Il conclut que la loi de responsabilité dans les affaires

criminelles est mauvaise en fait, et contraire à la science et à

l'expérience ; qu'elle a pour conséquence d'introduire une

grande incertitude dans l'administration de la justice, surtout

lorsqu'il s'agit d'accusations d'assassinat ; et que le châtiment

réservé aux plus grands des crimes est rendu par elle hésitant t

et incertain. Il ajoute que la jurisprudence des magistrats

devrait être modifiée de façon à ce qu'elle s'accordât avec la

science et avec l'expérience.

L'erreur de la jurisprudence dans les questions de respon-

sabilité criminelle provient surtout de ce que les magistrats

n'ont étudié que l'intelligence saine et connaissent mal

l'intelligence troublée : appliquée à l'homme sain d'esprit.

leur opinion est juste et sensée; appliquée à l'aliéné, elle est

inexacte et dangereuse, remplie de périls aussi bien pour

l'accusé que pour la société dont le sentiment de justice veut

être satisfait.

Le malentendu et l'erreur résident dans ce fait que les actes

de l'aliéné ne peuvent être comparés avec les actes de l'homme

sain d'esprit. Les motifs et les actions du premier sont régis ou

modifiés par des causes différentes, et tandis qu'il est

raisonnablement permis de savoir comment se comportera,

dans des circonstances données, un homme sain d'esprit, il-

est impossible de prévoir quelle sera la conduite probable

d'un aliéné. R. M. C.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 393

II. L'IVRESSE DANS SES RAPPORTS AVEC LA RESPONSABILITÉ CRIMI-

NELLE ; par Geo.-H. SAUVAGE. (The Journal of Mental Science,

avril 1886.)

Il n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup feuilleté les recueils

anglais de médecine légale ou de psychialrie pour savoir combien

la jurisprudence est variable en ce qui touche la responsabilité

des actes commis pendant l'ivresse. Chacun des grands juges

anglais a son opinion faite sur ce point, et tâche de la faire par-

tager au jury : pour les uns, l'ivresse est une excuse quand elle a

été assez profonde pour enlever toute notion de la valeur de l'acte

criminel et de ses conséquences; pour les autres, qui sout les plus

nombreux, l'ivresse, intoxication volontaire et cherchée, ne saurait t

atténuer la responsabilité : on conçoit d'ailleurs qu'entre ces opi-

nions extrêmes, il y ait, suivant les juges, des opinions en quelque

sorte mixtes. Cette variabilité de la jurisprudence n'en a pas

moins un caractère fort regrettable, et qui ressort nettement des

cas rapportés dans ce travail par AI. Savane. Voici en effet le

résumé de ces trois cas : dans le premier cas, l'accusé fut pendu,

bien que le crime ait été commis sous l'influence d'hallucinations

probablement dues à l'alcool, et bien que le juge eût émis l'opi-

nion que l'ivresse aiguë constitue en elle-même une excuse. Le

second accusé fut condamné à un emprisonnement d'une certaine

durée, alors qu'il aurait dû être pendu ou être interné dans un

asile. Dans le troisième cas, la prévenue fut placée dans un asile,

sans que la question d'ivresse lût soulevée, probablement parce

que, antérieurement à l'accomplissement du crime, un médecin Il

avait diagnostiqué la folie sans indiquer d'ailleurs que l'atiénation Il

mentale reconnût pour cause des habitudes d'intempérance.

B. M. C.

III. DU DROIT DE RÉCLAMATION DES ALIÉNÉS DEVANT LES TRIBUNAUX

civils; par Achille FOVILLE. (The Journal of Mental science,

avril 188ti.)

Les conclusions de ce travail sont les suivantes :

« Le droit accordé à toute personne placée dans un asile d'a-

liénés de s'adresser au tribunal civil à n'importe quelle époque, en

vue d'obtenir sa mise en liberté, - droit qui a été établi par I ar-

ticle 29 de la loi française du 30 juin 1838 et par l'article 17 des

lois belges de 1850 et de 1873, constitue une sauvegarde pré-

cleuse tant pour les malades que pour les médecins des asiles d'a-

liénés.

« L'excellence du principe qui est commun à ces deux articles

étant admise, on doit cependant noter quelques différences de

394 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

détail dans l'application qui est faite de ce principe dans les deux

pays : il est important par conséquent de choisir, parmi les diffé-

rentes solutions qui ont été adoptées, celles qui doivent être pré-

férée. *

« Il me semble que les considérations qui viennent d'être expo-

sées dans ce mémoire, relativement à chacun des points pratiques

sur lesquels portent ces différences, permettent de poser les con-

clusions suivantes :

« 10 Le droit de réclamation doit être accordé indistinctement

à toutes les personnes placées dans les asiles ; il y a lieu par con-

séquent, de ne faire aucune exception relative aux mineurs ou aux

interdits.

« 2° Il doit êlre permis aux personnes placées dans les agiles de

formuler leur réclamation d'une manière aussi simple et aussi peu

coûteuse que possible, c'est-ci-dire par une lettre ordinaire adressée

directement au président du Tribunal, ou au chef du Parquet, sans

que l'intervention d'un avoué soit nécessaire.

« 3° Les personnes qui ont provoqué le placement, soit que

celui-ci ait été volontaire, soit qu'il ait été ordonné par l'autorité,

doivent recevoir avis de la demande de mise en liberté formulée

par la personne internée, afin que, s'il y a lieu, elles puissent

faire devant le tribunal les déclarations qu'elles jugeraient utiles.

« 4° Le droit de réclamation devant le tribunal ne doit être

soumis à aucune obligation pécuniaire ; par conséquent les docu-

ments qui s'y rapportent doivent être enregistrés non en « débet »,

mais à titre absolument gratuit.

« Les décisions rendues en Chambre du Conseil par les tribu-

naux civils sur les réclamations demandant la mise en liberté de

personnes internées dans un- asile d'aliénés ne doivent pas êlre

soumises à l'appel. » 13. M. C.

IV. Contribution A l'étude des expertises MÉDICO-LÉGALES en matière le

de responsabilité. Episode tiré de la pratique, par Scuueler.

(Cenlrulbl. f. Nervenheilk, 4887.)

Un individu à la suite de la perte successive de sa femme et de

son enfant (fièvre typhoïde) est atteint de mélancolie. Il s'enivre,

et, hientbtaprés, en proie à des hallucinations, fait, pour rejoindre

les siens, plusieurs tentatives de suicide. 11 se loge une balle dans

le poumon. Soigné chez son beau-père, il fait appeler un officier

ministériel qui préside à la conclusion d'un contrat de restitution

de sa dot. Malgré les représentations du médecin, le magistrat

passe outre. Mais le malade, l'aliéné, guérit à tous points de vue.

De là procès. On entend l'officier ministériel et le médecin.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 398

Le Tribunal, considérant que l'officier ministériel qui a instrumenté,

n'était au point de vue de l'appréciation mentale d'un homme pas plus

qu'un profane quelconque, en possession de l'instruction voulue, - que

ce magistrat n'est pas spécialiste - et qu'il prétend attester d'une opi-

nion sur une matière qu'il ne comprend pas foncièrement.... s'en re-

mettant au rapport du médecin spécialiste.... annule le contrat en

question. P. KER ? V.1,1,.

V. Un'cas récent de médecine légale : une question d'aliénation

mentale, par A. R. TUHDULL, (The Journal of Mental Science,

octobre 1886.)

Observation très intéressante au point de vue médieo-lé-al ; il

s'agit, d'un de ces crimes commis, en apparence, sous l'influence

d'iineimpiilsion aiguë, avec une cruauté singulière, et absolument

sans motifs. On a tour à tour invoqué la folie, le somnambulisme,

et l'alcoolisme soit chronique, soit aigu et accidentel. Le procès

s'est terminé par une condamnation à dix ans de servilude pénale.

R. M. C.

VI. A QUOI PEUT-ON RECONNAITRE QU'UN M\LADE INTERNÉ DANS UN-

ASILE peut être mis en liberté'/ par H. liA ïES 1EW1\GTO\. (The

Journal uf Mental Science, janvier 1887.)

L'auteur laisse systématiquement de côtédans cette étude les cas

où le malade sort de l'asile guéri, ou apparemment guéri, et par

suile, il s'abstient d'aborder les difficiles problèmes qui touchent à

la guérison de l'aliénation mentale. 11 se propose d'étudier les cas

où un médecin d'asile, jugeant qu'un malade estdevenu inoffensif

pour lui-même et pour les autres, croit pouvoir rendre ce malade

à la liberté : dans ces cas naturellement, le médecin engage sa

responsabilité, sinon au point de vue civil, du moins au point de

vue moral. Malgré le titre très général de son mémoire, l'auteur

s'est borné à l'étude d-es aliénés qui ont une tendance au suicide.

R. M. C.

VII. SUR L'ÉLIT ACTUEL DE LI LÉGISLATION QUI CONCERNE LES ALIÉNÉS

en Ecosse ; par James BORIE. (Tite .fou1'Ilal of Mental Science, avril

1888.)

Nous ne pouvons que signaler ce travail intéressant à ceux de

nos confrères qui s'occupent spécialement de législation comparée

en matière d'aliénation mentale. R. M. C.

VIII. DE la séquestration DES criminels aliénés et des aliénés cri- ! d1 : 'i¡;;L, par 1 ? NGREUTFR. (Allg. Zeitsclt. f. l'sych., XLIII, 4, 5.)

I. Qu'est-ce qu'un criminel aliéné ? Qu'est-ce qu'un aliéné criminel' ? : '

396 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

- Voilà comment la pratique peut donner réponse à cette double

question. Il s'agit de rechercher : la les individus qui, à l'époque

du crime ou délit, étaient malades, et sont ultérieurement restés

malades ; 2° ceux qui, malades à l'époque du crime, se sont mon-

trés sains d'esprit à. l'époque de l'instruction judiciaire ; 3° ceux

qui, malades, n'ont pas été reconnus comme tels ; 4° ceux qui,

sains d'esprit à l'époque de l'acte délictueux, sont devenus ulté-

rieurement malades ; 5° ceux qui, sains d'esprit à l'époque de

l'acte délictueux, avaient cependant jadis été aliénés; 6° ceux

qui, ayant mené l'existence de criminels et ayant subi des peines,

sont devenus plus tard aliénés ; 7° enfin les simulateurs Or, la

stastistique montre qu'en Prusse, 1,200 aliénés sont détenus dans

des établissements pénitentiaires, comprenant 900 aliénés cri-

minels.

IL Modes de séquestration maintenant usités pour les criminels

aliénés et les aliénés criminels; leurs mauvaises conditions, essais

pratiques et propositions pour résoudre la question. Chapitre de

revue critique.

. ll I. Comment, en Pnusse, arrivera-t-on à se débarrasser des incon-

vénients mis en lumière ? - Question simple chez les aliénés cri-

minels, elle devient difficile chez les criminels aliénés, surtout si

on englobe dans cette qualité tous les aliénés ayant eu un passé

criminel mais chez lesquels on n'a pu démontrer de rapport direct

entre la folie et le crime. M. Langreuter, après l'étude minutieuse

de ces divers problèmes et de leurs éléments composants, fort

bien disséqués dans son mémoire, conclut comme suit :

11 Tous les aliénés déclarés innocents ou débarrassés de la prévention

doivenl être séquestrés et assistés dans les asiles d'aliénés ordinaires;

- 2" Tel individu qui, aliéné à l'époque de l'acte délictueux se trouve

guéri, peut être mis en liberté sous l'observation discrète de la police ;-

3° Nécessité de vulgariser les connaissances psychiatriques; - 4° Quand

les spécialistes ne sont pas d'accord, il convient d'ajourner le procl's; - 5° En

.cas d'erreur judiciaire, réhabiliter l'aliéné condamné comme criminel et

le traiter comme un malade ; 6° Un aliéné criminel est un malade

justiciable des pratiques ordinaires pour le renvoi dans un asile, sauf,

dans les cas douteux, à entente entre le directeur de l'asile et l'autorité;

7" Toi il criminel atteint d'aliénation mentale au cours de sa peine,

devient un malade oïdinaire ; 8o Seulement, il peut être plus com-

mode de le conserver dans un lazaret rattaché à l'établissement péniten-

tiaire; 9" tout 'I.I(¡lbem"J1t pénitentiaire sera pourvu de médecins

connaissant la psychiatrie; uu lui annexera un lazaret psychiatrique

qui puisse cuWinir ? lez. 1U0 de la population de l'établissement;

10" L'aliéné gmni scia réintégré dans l'établissement pénitentiaire;

reconnu incurable, il dévia passer, après 1 a l'pOri s, dans un asile d'aliénés;

- 11°, 12°, t3° 1;'nn,nense majorité de ces malades ne réclame aucune

111(,UI exceptionnelle il aucun point de vue; - 1to Les mesures excep-

tionnelles ne s'appliquent (pi'a L'en.\ qui, d'api es la nature même de leur

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 397

profession de criminel, sont absolument intenables et paraissent vérita-

blement impropres à un asile d'aliénés ordinaires. En Prusse, il n'y en

aurait pas plus de 300 ; - 15° Il convient de les répartir, de les disse

miner dans les provinces, en annexant à chaque asile d'aliénés de chaque

province, un pavillon muni d'agencements particuliers et capable d'en

recevoir, selon l'importance de la province, de quinze à quarante, à

Berlin, soixante; on pourra, afin de modifier leur caractère et les pré-

server de découragement, les faire, selon leur étal, mental, passer alter-

nativement de l'annexe à l'asile et vire versa; 1fi° Il n'y a aucune

raison d'enlever au directeur de l'asile le droit d'accorder aux criminels

aliénés congés et libérations, puisque parmi les aliénés ordinaires,

n'ayant jamais eu maille à partir avec la justice, on rencontre souvent

des individus bien plus dangereux. C'est au directeur de provoquer,

dans les cas douteux, enquêtes, rapports, expertises. 17° On pourrait

encore, pour séquestrer les trois cents criminels aliénés en question,

construire trois asiles centraux de chacun cent malades, pour les pro-

vinces de l'ouest, du milieu et de l'est, établissements conduits par des

médecins et munis d'un personnel d'infirmiers particulièrement soigneux;

- 18° Ces établissements pourraient être aussi bien sous la dépendance

de l'autorité piovinciale que de l'Etat. Dans le premier cas, chaque pro-

vince paierait pour ses malades les prix de journée respectifs à l'établis-

sementqui lesassisterait. Le Landes direktor del'eudroit agréerait la récep-

tion ; - 19° S'il s'agissait d'asiles d'Etat, ce serait le ministre de l'inté-

rieur qui agréerait les réceptions ; celles-ci pourraient, aussi bien S'ef-

fectuer directement des asiles pénitentiaires que des asiles d'aliénés ; -

20" Dans les deux cas, la libération se ferait en transférant le malade

guéri dans l'asile d'aliénés de la province correspondante, d'où la direc-

tion procéderait à la libération définitive, sans qu'il soit besoin de faire

intervenir la justice. P. KEKAVAL.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

XI. Un cas d'impulsion INCONSCIENTE A l'homicide ET au

SUICIDN : ; par Evan POVELL. (The Journal o(menlal Science

janvier 1887.)

Voici le résumé de l'observation :

J. 1V ? âgé de quarante-deux ans a assassiné son enfant, âgé

de trois ans. Le père de l'accusé s'est suicidé ; son grand-père

passait pour excentrique ; son grand oncle s'est probablement sui-

cidé ; lui-même a présenté à dix-sept ans des symptômes qui

paraissent se rattacher à un accès de manie. A vingt et un ans, étant

marin, il été atteint dans les mers de la Chine d'une insolation

398 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

qui l'a forcé à garder le lit durant cinq à six semaines. A vingt-

trois ans, il s'est marié et s'est placé connue domestique dans une

maison où il était encore à l'époque du crime ; ses maîtres donnent

sur lui les meilleurs renseignements, notamment 1n point de vue

de la probité et de la sobriété ; cette sobriété d'ailleurs lui était

imposée par les eifets très accusés que produisaient sur lui les

boissons alcooliques. Partout il était considéré comme un homme

tranquille et sensé, comme un père affectueux. Sa vie conjugale

toutefois n'était pas heureuse ; sa femme s'enivrait et avait une

conduite déplorable ; deux jours avant le crime, elle était rentrée.

d'une absence de quinze jours ; elle s'élait toutefois mieux com-

portée pendant ces deux jours ; mais quelques heures avant le

crime,elle avait de nouveau déserté le domicile conjugal, laissant

comme d'habitude ses trois enfants aux soins de son mari. Ce

dernier départ de sa femme parait avoir particulièrement ému le

mari, qui sortit, erra dans les rues écartées, ne voulant disait-il,

rencontrer personne qu'il connût, tant la conduite de sa femme lui

causait de honte ; enfin, il rentra après avoir bu trois verres de

bière, vers neuf heures du soir; depuis ce moment jusqu'à celui

où, deux heures plus tard, à onze heures, il fût arrêté, il déclare

n'avoir aucun souvenir de ce qui s'est passé ; dans cet intervalle

pourtant, il est entré dans la chambre de ses enfants, il a emmené

le plus jeune dans sa propre chambre et lui a coupé la gorge. -

Au moment de son arrestation, on le trouve étendu sur son lit, à

côté de son enfant mort, et portant lui-même à la gorge une

légère blessure qui saigne. On lui demande ce qu'il a fait, et il

répond : « Ne le voyez-vous pas ? » et saisissant un rasoir et

s'adressant à l'agent de police, il lui dit qu'il va lui faire voir ce

qu'il a fait, et que pour un rien il lui en feiait autant. A l'arrivée

du médecin, il demande si l'enfant est mort, et sur la réponse

affirmative qui lui est faite, il tombe à genoux à côté du cadavre,

qu'il embrasse en sanglotlaut, et en s'écriant : « J'ai fait cela, et

pourtant je mourrais pour lui .» Un roule pour le poste de police,

il déclare à 1 aLPiit que c'est à cause de sa femme qu'il a fait cela,

qu'il avait eu l'intention de tuer les trois enfants, mais que le

coeur lui avait manqué.

Examiné pendant son séjour en prison, il n'a ni illusions ni hal-

lucinations, répond raisonnablement aux questions, et, lorsqu'on

lui parle de son crime, pleure amèrement, et déclare qu'il est bien

obligé d'admettre qu'il a tué son enfant, puisque tout le monde le

dit, mais qu'il ne s'en souvient aucunement. Il raconte minutieu-

sement tout ce qu'il a fait jusqu'à l'heure du crime, mais alors

une lacune intervient et il ne se souvient de rien jusqu'au moment

de son arrestation. Il déclare que jamais l'idée ne lui est venue

de faire du mal à son enfant, et ne comprend pas 'comment il a

été amené à commettre ce crime.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 399

L'opinion des experts fut que l'accusé, au moment du crime,

était fou, et nullement responsable de ses actes. Il fut déclaré

aliéné par le jury et acquitté.

L'auteur pense que ce cas est un de ceux qui correspondent

le plus exactement à la forme d'affection mentale que

M. Clouston a décrit dans son livre dans le chapitre consacré

aux « états d'inhibition insuffisante D etque caractérise une im-

pulsion délirante, avec inconscience R. R. M. C.

XII. Paralysie générale CHEZ DES jumeaux ; par le Dl CLOUS-

TON et le Dr SAV : 1GE. (T he Journal of mental Science, avril

1888.)

Il s'agit de deux jumeaux dont l'un a été soigné par le

Dr Clouston, et l'autre par le Dr Savage.

I. Observation du docteur Clouston. L'auteur résume ainsi

les points les plus saillants de l'observation : to le malade était un

jumeau; 2° il y avait dans sa famille des antécédents de névrose

mentale, mais ils étaient très peu marqués; 3° il appartenait en

somme à une famille intelligente, sensée et énergique; 4° il était

d'un tempérament sanguin, ambitieux, inquiet, et fin; 5° il avait

mené exactement le genre de vie qui peut prédisposer à la para-

lysie générale, c'est-à-dire une vie pleine d'émotions et de res-

ponsabilités, énergique, active, sans rien de ce calme qu'assure

la régularité des heures et des occupations; 6° il avait intoxiqué

son cerveau par un usage excessif de l'alcool, allant toujours

jusqu'à la stimulation sans jamais aboutir à l'ivresse; 7° il avait

épuisé son cerveau par l'excès des plaisirs vénériens; 8° il a pré-

senté à l'âge de trenle-six ans les signes prémonitoires de la para-

lysie générale, laquelle s'est incontestablement développée l'année

suivante; 9° la maladie s'est manifestée à moins d'un au d'inter-

valle chez lui et chez son frère, qui avait mené le même genre de

vie ; 10° au point de vue des symptômes et de la durée, la maladie

a eu une évolution normale.

II. Observation du docteur Savage. Il s'agit du frère, du malade

précédent; la maladie s'est manifestée à l'âge de trente-sept ans;

le malade est- devenu excitable, querelleur et oublieux; il a

commis une tentative puérile de suicide : l'excès de travail, les

préoccupations paraissent avoir agi comme causes déterminantes.

- Idées de grandeur, de richesse, agitation, insomnie, violences.

Tremblement de langue et embarras de la parole.- Pupilles nor-

males. - Gâtisme. Diminution de la sensibilité générale. -

Réflexes paresseux et retardés. Démarche incertaine. - Amé-

400 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

lioration légère, puis rechute et état stationnaire, puis diarrhée.

- Affaiblissement général. - Mort. R. M. C.

VIII. SUR la prétendue AUGMENTATION DE la FOLIE; par D. HACK TUhE.

(The Journal of Mental science, octobre 1886.)

L'auteur signale tout d'abord une cause d'erreur qui a vicié la

plupart des recherches entreprises sur ce sujet; le plus souventen

eifet, on a relevé le nombre des aliénés existants pendant les pé-

riodes que l'on se proposait de comparer; pour obtenir des résul-

tats de quelque valeur, il faut rechercher le rapport qui existe

entre les cas nouveaux d'aliénation mentale et la population du-

rant les périodes sur lesquelles on opère; les chiffres ainsi obtenus

peuvent différer notablement de ceux que fournit la première

méthode.

Nous ne pouvons analyser ici ce mémoire dans ses détails qui

sont très complexes; nous nous bornons à traduire les conclusions

de l'auteur :

1° Si l'on remonte à l'année à laquelle se reportent les inspec-

teurs des établissements d'aliénés dans leurs rapports annuels,

c'est-à-dire à l'année 1859, et si l'on compare leurs chiffres avec

ceux de l'année 1885 on voit que le nombre total des fous et des

idiots en Angleterre et dans le pays de Galles dépassait en 1885

de 118 p. 100 (ou de 54 p. 100, en tenant compte de l'accroisse-

meut de la population) le chiffre de 1859.

Si l'on compare la première et la dernière période quinquen-

nales étudiées, c'est-à-dire les périodes de 1861-65 et de 1881-85,

on trouve pour celle dernière période une augmentation de

37,5 p. 100.

Si l'on compare la période quinquennale 1871-75 avec la pé-

riode quinquennale 1881-85, on trouve pour cette dernière une

augmentation de 1,106 p. 100.

Cette augmentation du nombre des fous et des idiots, qui se

maintient régulièrement, bien qu'elle suive une marche décrois-

sante, s'explique surtout, sinon entièrement, par les effets de

l'accumulation et de l'abaissement du taux de la mortalité;

2° Si l'on considère uniquement le chiffre des aliénés certifiés

tels et si l'on exclut ainsi touslesaliéiics de Work hot(se » on voit

que le nombre des aliénés en état d'internement en 1885 excède

de 141 p. 100 (ou de 76 p. ic0, en lenant compte de l'accroisse-

ment delà population) le nombre de ces mêmes aliénés en 1859.

Ici encore, si l'on compare les périodes quinquennales de 1861-65

et de 1881-85 on constate que l'augmentation atteint près de

50 p. 100 (49.9).

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 40 1

Si l'on compare la période quinquennale de 1871-75 à celle de

1881-85, l'augmentation est de 19.30.

Ainsi l'accroissement se soutient régulièrement ici, comme dans

les chiffres du paragraphe précédent;

3° L'augmentation du chiffre des admissions d'aliénés certifiés

tels (en tenant compte de l'accroissement de la population) a été

pour la période quinquennale 1881-85 de 28,5 p. 100 sur lapériode

quinquennale 1861-65 et de 5.86 p. 100 sur la période quinquen-

unie 1871-75. Ce pourcentage (5.86) est bien inférieur celui que

l'on obtient pour les périodes correspondantes, lorsque l'on compte

les aliénés en état d'internement, au lieu de compter les admis-

sions.

Pour la période 1859-1885, l'accroissement est à peu près régu-

lier jusqu'en 1878 ; après cette date, les chiffres restent à peu près

stationnaires ; il sont même dans la dernière période (1881-85) un

peu inférieurs à ceux de la période précédente (1876-1880).

4° Si, du chiffre des admissions, on déduit celui des transferts,

déduction qui ne peut être faite que depuis l'année 1869, on cons-

tate en comparant les deux périodes quinquennales de 1871-75 et

de 1881-85 que l'augmentation est un peu plus forte pour la période

correspondante que celle qui a été signalée au paragraphe 3; elle

est en effet de 6,32 au lieu de 5,86.

De même que dans les données établies dans ce même para-

graphe 3, on voit se produire un accroissement régulier jusqu'en

1878, puis le taux diminue, et il est un peu inférieur, pour la

dernière période quinquennale, à celui de la période quinquennale

précédente.

5° Si l'on déduit du chiffre des admissions non seulement celui

des transferts, mais encore celui des réadmissions, on constate

que l'augmentation de la période 1881-85 sur la période 1871-75

est de 5,38, et qu'elle est par conséquent inférieure de 14 p. 100

au chiffre que l'on obtiendrait en ne déduisant que les transferts.

6° Si l'on considère enfin le chiffre des admissions de malades

entrant à l'asile pour la première fois (en excluant les transferts

et les cas d'idiotisme congénital), on constate que, pendant les

huit dernières années (seule période pour laquelle ces données

puissent être obtenues), les variations numériques sont demeurées

extrêmement faibles, avec tendance générale toutefois à la dé-

croissance. Ces chiffres sont très satisfaisants; car ils révèlent tout

'On sait que le Workouse en Angleterre est une sorte d'hospice com-

munal, où la paroisse admet, quand ils ne peuvent plus subvenir a leurs

besoins, les vieillards, les infirmes, les malades, etc. OU y trouve par

conséquent, bon nombre de cas de démence sénile, de ramollissement

cérébral, etc. R. M. C.

Archives, t, XIX. 26

402 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

au moins qu'aucun accroissement ne s'est produit dans le chiffre

des cas nouveaux de folie depuis l'année 1878.

7° Il est toutefois nécessaire de se tenir en garde, et de faire ici

quelques réserves; car il a pu se produire un accroissement des

cas de folie relevant de certaines causes parallèlement à une

diminution du chiffre des cas dus à d'autres causes, différentes

des premières. Il ne faut donc pas se départir de l'étroite vigilance

qui et nécessaire pour tenir en échec les facteurs défavorables

dont l'action est peut-être aujourd'hui plus puissante qu'autrefois.

Enfin, il existe une catégorie considérablede personnes, à cerveau

instable, qui habitent les frontières de la folie, au sujet desquelles

la statistique demeure naturellement silencieuse, et il se peut que

cette catégorie se soit accrue, sans que nous puissions ni le savoir

avec quelque précision, ni le démontrer. R. M. C.

XIV. DES mariages SANGUINI1S dans leurs rapports avec LES troubles

mentaux ; par G. E SHUTLEWORTH. (The Journal of Mental Science,

octobre 1886.)

Travail très intéressant, très nourri de faits et de chiffres, et qui

résume à peu près toutes les recherches utiles faites en Angleterre

sur ce sujet.

L'auteur conclut qu'à notre époque, alors que si peu de familles

peuvent se vanter de n'avoir dans leur ascendance aucune tare

héréditaire, il y a lieu de déconseiller presque toujours les mariages

consanguins : en revanche, si dans une famille, on ne peut après

mûr examen, découvrir aucune névrose ou aucune autre affection

de nature héréditaire, le mariage consanguin ne peut guère être

considéré par lui-même comme une cause de déchéance de la

race, et, en ce cas, ni les faits, ni les chiffres ne nous auto-

risent à le proscrire. R. M. C.

XV. SUR LE développement, soit normal, soit imparfait, DES CEL-

LULES MULTIPOLAIRES DE L'ÉCORCE CÉRÉBRALE ; PUR LEUR DÉGÉNÉRES-

CENCE DANS LA FOLIE SÉNILE, ET SUR CERTAINS EXSUDATS ALBUMINEUX

OU PROTOPLASMIQUES QUI SE RENCONTRENT COMMUNÉMENT AU VOISI-

NAGE DE LA JONCTION DE LA SUBSTANCE BLANCHE ET DE LA SUBSTANCE

GRISE DES CIRCONVOLUTIONS DANS LES CAS DE PARALYSIE GENERALE ET

DE MANIE ORDINAIRE OU LES SYMPTOMES ONT ÉTÉ PLUS OU MOINS AIGUS ;

par Edward Palmer. (Tite Journal oyllcntal Sciencc, janvier 4887.j

Nous ne pouvons qu'indiquer ici ce travail ; les recherches déli-

cates et détaillées qui le constituent échappent forcément à l'ana-

lyse : la lecture d'ailleurs n'en saurait être profitable sans le secours

Iles planches nombreuses qui l'accompagnent. R. M. C.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 403

XVI. FUREUR maniaque chez UNE épileptique, par M. le Dr AUDRY.

(Lyon méd., 1888, t. LVII.) .

Les accès maniaques et lypémaniaques s'observent quoique plus

rarement chez l'épileptique enfant, comme chez l'épileptique

adulte. L'observation rapportée par M. Audry concerne une enfant

de onze ans, épileptique de naissance, qui présenta à diverses re-

prises des crises de manie furieuse qu'on était en droit de rattacher

à l'épilepsie en raison d'une part des antécédents héréditaires et

personnels du malade, et, d'autre part, de leurs caractères propres

(début brusque et soudain, disposition rapace, action favorable du

bromure de potassium, etc.).

XVII. RECIIERCIIES CLINIQUES SUR la DIGESTION stomacale CHEZ LES

ALIÉNÉS J CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA DYSPEPSIE NERVEUSE, par

C. DE NOORDEN. (Arch. f. Psych., XVIII, 2.)

Examen des fonctions motrices et sécrétoires de l'estomac, d'a-

près la méthode de Reigel (siphonnage de l'estomac, 5 à 6 heures

après l'ingestion alimentaire). (Voy. Klin. Vortrxge de Volkmann

Ueben Dirtynostik und Thérapie der Magenkrankheiten cah. 289.) Il

s'agit, dans l'espèce, d'états de dépression psychiques purs. De

celle étude, illustrée par de nombreux tableaux très analytiques,

l'auteur tire que :

la L'évacuation de l'estomac de ces aliénés, après l'ingestion

d'un repas composé d'aliments mixtes, est accélérée. Déjà cinq

heures après l'ingestion alimentaire, l'estomac était vide ou ne

contenait plus que des mucosités parsemées de débris alimen-

taires ; 2° Chez eux, l'acidité totale atteint pendant la digestion

un taux qu'elle n'atteint pas ou qu'elle n'atteint qu'exceptionnel-

lement chez les gens sains d'esprit ; - 3° Cette forte acidité pro-

vient surtout, ou presque exclusivement, d'un excès d'acide

chlorhydrique libre ; - 4° La force peptique de l'estomac est su-

périeure, par rapport à la viande. Elle est, par rapport à l'albu-

mine, à peu près normale ; ° Il n'existe pas d'hypersécrétion

continue du suc gastrique au sens de Riegel ; d'après cet auteur,

quand l'estomac ne contient plus de provision d'aliments, il

existerait encore du suc gastrique ; 6° En aucun cas il n'y avait

dilatation de l'estomac : on se l'explique, puisque l'estomac évacue

très vite ses ingestions. P. K.

XVIII. Un cas DE paralysie progressive, par L. GREpiiri.

(Arch. f. Psych., XVIII, 2.)

Paralytique général mort d'assez bonne heure à raison des allé-

404 SOCIÉTÉS SAVANTES.

rations viscérales suivantes : néphrite interstitielle chronique, in-

suffisance mitrale, ulcère rond de l'estomac. Ces complications,

en précipitant l'issue mortelle, empêchèrent que les troubles psy-

chiques et anatomiques de la paralysie générale ne marchassent

de pair avec les autres désordres. En ce qui concerne le système

nerveux, il s'agit d'un tabès à marche ascendante (par le mé-

canisme de la pachy et leptoméningite), compliqué bientôt de

paralysie générale ; mais celle-ci ne s'était manifestée que peu

de temps avant la réception du malade et ne put, pour les raisons

signalées plus haut, progresser ni cliniquement ni somatiquement.

C'est pourquoi on ne constata pas d'atrophie des fibres nerveuses

intracorticales. (Techniques d'Exner et de Tuczek - d'Adamkiewicz,

- de Ranvier, Mueller, Erlicki - de congélation au chlorure de

méthyle de Charcot ! .) P. K.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ lIiÉDICO-PSYCIi0LOGIQUE.

Séance du 31 mars 1890. Présidence DE M. BALL.

LE secrétaire général donne lecture d'un rapport de candida-

tures et demande de ne plus admettre comme membres titulaires

les médecins résidant habituellement en dehors du département

de la Seine. Il propose, en conséquence, M. Arnaud aux suffrages

de la société.

Une protestation, signée de vingt-trois membres fitulaires, est

remise au Bureau, en vue d'accorder à M. Déricq, médecin à

l'asile de Prémontré, le bénéfice des précédents établis.

M. BALL demande la revision des statuts en ce qui concerne la

résidence.

Après discussion, M. Ball retire sa proposition et il est décidé

que la candidature de M. Déricq sera soumise au vote. M. Arnaud

est élu au troisième tour de scrutin.

Des rapports du goitre exophtalmique avec la folie. M. GEOF-

FROY présente une malade atteinte de goitre exophtalmique et de

1 V. Arch. Neural., passim. ·

SOCIÉTÉS SAVANTES. 405 "a

mélancolie. Le diagnostic de mélancolie est facile à établir, mais

il est difficile aujourd'hui de retrouver les symptômes de la maladie

de Basedow qui existaient à une certaine époque et qui, à l'heure

actuelle, se limitent à du tremblement des mains, à un léger

souffle présystolique et à un peu de tachycardie (120 pulsations).

Ni l'éxophtalmie, ni le gonflement du corps thyroïde n'ont per-

sisté. Doit-on voir, dans la coïncidence de ces deux afffections,

l'effet d'un pur hasard, ou une corrélation plus intime ?

M. Geoffroy pense que les troubles intellectuels présentés par sa

malade sont l'exagération, par le goitre, de son état mental an-

térieur. M. B.

CONGRÈS ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ DES ALIÉNISTES

ALLEMANDS.

' SESSION DE IÉNA 1.

Séance du 12 juin 1889. - Présidence DE M. LOEBR.

LE Président, après les paroles d'usage, annonce la mort de

M. W. Nasse. Conformément à la motion de M. MENDEL, le

Bureau a transmis les travaux de la Société t à la Commission du

code civil ; il ne lui a pas paru qu'il y ait autre chose à faire. -

Il a envoyé au ministre des cultes les rapports et la discussion de

la session de Bonn sur l'ordonnance ministérielle du 19 janvier

188$(surveillance des asiles d'aliénés privés de P1'lISse).- Enfin ? a été

invité par le comité du dixième congrès international de Berlin

pour 1890 à nommer un membre de la Société pour la représenter

an Congrès des Sociétés savantes et des universités de l'Allemagne

qui doit se tenir un peu avant à Heidelberg, pour préparer le

Congrès international de Berlin.

M. PELMAN, trésorier, communique, ses comptes qui sont ap-

prouvés.

M. ROSSB.1CII (de léna). Communications empruntées à la clinique

médicale de léna. - 9 Du centre cortical qui préside ci la formation

de la voix. - La malade dont il s'agit était atteinte de paralysie

par compression de la partie inférieure de la moelle cervicale

(une tumeur existait à ce niveau) ; de parésie du facial gauche ;

d'atrophie gauche de la langue ; depuis dix ans, elle souffrait en

'Voyez Archives de Neurologie, Session DE Bons, 1888, t. XVIII, p. 450.

1 ' Id. « . t. 1VILI, p. 160.

406 SOCIÉTÉS SAVANTES.

core d'une paralysie de la corde vocale gauche. On rencontra à

l'autopsie une encéphalite sous-corticale du lobule pariétal inférieur

droit, de la pariétale ascendante au-dessous de l'opercule, de la

circonvolution postérieure de.l'insula. Le noyau gauche de l'hypo-

glosse dans le bulbe'était atrophié. Intégrité des noyaux du facial.

du pneumogastrique, du spinal et des nerfs correspondants ; inté-

grité des muscles des cordes vocales et du larynx,

Par conséquent, la paralysie simultanée de la corde vocale et du facial

du côté gauche doit être rattachée au foyer de l'écorce de l'hémisphère

droit ; par exclusion, ou arrive il incriminer la circonvolution postérieure

de l'insula'ou le lobule pariétal inférieur et à leur subordonner la fonc-

tion de la corde vocale.

D'ailleurs, ci priori, on conçoit que le centre de la parole soit

immédiatement voisin du centre de la voix.

2° De l'atrophie symétrique de la calotte crânienne sous l'influence

du système nerveux. - L'atrophie de la calotte crânienne se ren-

contre surtout chez les gens âgés ou dans le cas de tumeurs céré-

brales. Ici on a affaire à une atrophie qui s'est montrée à l'âge de

vingt-cinq ans ; le vertex s'est affaissé à la suite d'une émotion

morale violente en même temps qu'apparaissaient des douleurs

suraiguës ; la dépression représentait le volume d'un grain de

café. Cette dépression s'est accentuée pendant les vingt-quatre

années suivantes (le malade a aujourd'hui quarante-neuf ans), en

empiétant des deux côtés d'une quantité égale ; en même temps,

les temporaux ont été atteints d'enfoncements semblables. C'est

au système nerveux qu'il convient d'en imputer la genèse.

3° M. Rossbach présente des préparations empruntées à diverses

parties du cerveau et du cervelet, colorées par la méthode de Golgi.

D'après lui et' d'après Sehrwald, les sels d'argent imprègnent

le réseau lymphatique qui enserre les cellules nerveuses, les

cellules de la névroglie, et les prolongements de ^ces éléments ;

la preuve, c'est qu'on suit directement ces réseaux jusque dans

l'espace lymphatique périvasculaire et épicérébral.

. 1\1. Mindel (de Berlin). Contributions cliniques à l'étude de la mé-

lancoliel. (Publié in exte71so à part.) Discussion. M. SNELL aîné

croit ne pouvoir séparer la mélancolie hypochondriaque de la mé-

lancolie intellectuelle parce que tous les lypémaniaques sont af-

fectés de sensations bizarres, anormales et pathologiques qu'ils

localisent en diverses parties de leur économie. Les exceptions à

cette règle sont très rares.

M. Br\SNA1\GEIt (de léna), maintient les divisions entre l'hypo-

chondrie et la mélancolie. Si les deux types morbides présentent à

1 Voyez l'analyse Archives de Neurologie (Revues analytiques).

SOCIÉTÉS savantes. 407

lapériode d'acmé de la maladie des tableaux symptomatiques qui se

ressemblent par plus d'un élément, leur marche et leur pathogénie

révèlent, il l'analyse clinique attentive, une différence frappante.

Prenons l'émolivité. Chez le mélancolique, les phénomènes d'arrêt

psychiques sont pour ainsi dire permanents : le malade reste passif

et impuissant; sa dépression est à l'état de contracture. Chez

l'hypochondriaque, l'humeur varie au gré de l'hyperexcitabilité

aelle mène sous la dépendance directe des illusions et des

hallucinations organiques; il existe des convulsions cloniques de

l'émotivité.

M. Mendel (de Berlin). M. Snell dit que toutes les mélancolies

sont hypochondriaques. M. Binswanger sépare, coûte que coûte,

l'hypochondrie de la mélancolie. Eh bien ! il existe à côté de

l'hvpochondrie pure, une mélancolie hypochondriaque. L'hypo-

chondriaque dit : mon ventre est plein, mon estomac gonflé, je ne

vais pas à la selle ; le mélancolique hypochondriaque se plaint des

mômes malaises, mais il les attribue à une intervention anormale,

à une conduite vicieuse, à une punition du ciel. Pour M. Snell,

tout mélancolique éprouve des sensations d'ordre hypochondriaque ;

or, il y a des mélancoliques qui ne se plaignent que de leurs

propres méchancetés, de leur infamie, sans le moins du monde

présenter de traces d'hypochondrie, L'angoisse précordiale n'a

rien à voir avec les sensations organiques, Quant à la stupeur

sans angoisse de M. Snell, dans laquelle toute activité psychique

est anéantie, elle relève, non de la mélancolie, mais de la démence

aiguë.

M. C. Frommann (de Iéna). De quelques détails de structure des

fibres et cellules nerveuses. Il existe actuellement trois opinions

sur la constitution du cylindre-axe ou des'fibres nerveuses. D'après

l'une d'elles, le cylindre-axe se compose de fibrilles parallèles. La

seconde envisage les fibrilles comme les éléments d'une charpente

réticulaire très délicate. D'après la troisième manière de voir, chez

les vertébrés on constate la présence de fibrilles isolées extrêmement

fines qui occupent l'intérieur des mailles du réseau en question.

Dans le corps même des cellules nerveuses multipolaires on trouve

des fibrilles qui émanent de leurs prolongements et en rayonnent;

elles se distinguent des fibrilles qui font corps avec la substance

réticulaire ou la charpente. Les filaments de ces dernières n'affec-

tent pas de directions déterminées; il arrive assez souvent qu'ils

enserrent des espèces de ronds-points de consistance un peu plus

ferme qui représentent des organites en forme de cordes chargées

pour ainsi dire des ramifications et les anastomoses. Les fibrilles

des trousseaux d'arrivée sont d'une ténuité variable; les plus

fermes sont un peu granuleuses; entre les fibrilles parallèles voi-

sines, il n'est pas rare d'observer des espèces de ponts filiformes

transversaux, Les unes se perdent en divergeant dans la substance

408 SOCIÉTÉS savantes.

réticulaire; les autres demeurent réunies en de petits faisceaux

que l'on peut suivre jusqu'au voisinage du noyau. Une disposition

parfois révélée par les cellules de vertébrés et surtout par celles

des crustacés et des mollusques est la suivante; les fibrilles qui

émanent, comme autant de bouquets, des prolongements cellu-

laires se groupent en tractus embrassant le noyau et forment

ainsi dans le corps même de l'élément cellulaire une traînée de

raies concentriques. Ici encore, des ponts filiformes sont jetés entre

ces raies concentriques : le ganglion étoilé des seiches en fournit

un remarquable exemple.

. Le noyau possède une membrane qui fait corps en maints

endroits avec les filaments du réseau nucléaire et protoplasmique ;

elle est, notamment dans les cellules nerveuses de la rétine et des

cornes antérieures, perforée de pertuis plus ou moins grands,

les uns complètement à jour, les autres traversés par des fibrilles ou

des cordons de fibrilles; ces pertuis permettent une communication

directe entre la substance réticulaire intranucléaire et la substance

réticulaire extranucléaire. La membrane en question manque sur

beaucoup de cellules des cornes antérieures. L'intérieur du noyau

est occupé par un stroma consistant et un stroma fin. Le stroma

consistant se compose de fibres consistantes, les unes en zigzags,

les autres en rayons, d'autres encore concentriques, souvent anasto-

mosées par des espèces de nodosités ou des épaississements funi-

formes.

Le nucléole est homogène ou composé de granulations plus ou

moins fines; il contient le plus souvent quelques vacuoles plus ou

moins volumineuses. Quelques cellules(cornes antérieures- rétine)

révèlent une structure réticulée; dans ce cas, les mailles du

nucléole sont très étroites et les parois des grandes vacuoles sont

formées par une charpente de fibrilles à mailles étroites. Le

pourtour du nucléole ou les noeuds de sa substance réticulaire

émettent assez souvent des prolongements aculéiformes ou séti-

formes qui rejoignent les noeuds du réseau nucléaire. Ce dernier

réseau est en connexion avec la membrane du noyau aussi bien

qu'avec le nucléole ; les fibrilles réticulaires qui traversent la mem-

brane rejoignent le réseau protoplasmique du corps de la cellule

qui lui aussi s'insère sur la membrane nucléaire. Généralement, il

n'existe qu'un nucléole dans le noyau ; on constate cependant de

temps à autre dans le nucléole plusieurs organites dont la forme,

le volume, la réfrangibilité rappellent le nucléole unique ordinaire ;

M. Frommann en a compté jusqu'à six dans les cellules du gan-

glion étoilé de la seiche (élédone).

Communication des cellules nerveuses entre elles, connexion des

cellules nerveuses avec la substance grise, les cellules du tissu con-

jonctif, et les vaisseaux. - Déjà en 1867, M. Frommann avait

trouvé que les grauulations soi-disant libres du protoplasme et du

SOCIÉTÉS savantes. 409

noyau des cellules nerveuses ou autres étaient reliées entre elles

par des systèmes rétiformes, et qu'en outre, plusieurs de celles des

granulations situées à la périphérie émettent des fibrilles filiformes

qui abandonnent la cellule. Comme ces fils portent le long de

leur trajet ou à leur extrémité des granulations qui présentent tout

à fait la même apparence que celles qui occupent l'intérieur de

la cellule et servent d'organes de jonction, comme elles se rencon-

trent à des distances égales à celles qui séparent ces dernières,

comme, de plus, la paroi des capillaires de la substance grise et

les cellules nerveuses émettent des fibrilles exactement semblables,

M. Frommann avait supposé qu'elles formaient entre les interstices

de la substance grise un réseau ténu qui servait de connexion

entre les éléments histologiques signalés. M. Leydig en a démontré

la réalité ; M. Frommann vient de trouver ce réseau connectif dans

le ganglion étoilé de la seiche. La plupart des cellules sont

entourées d'une capsule de tissu conjonctif; il semble simplement,

chez quelques-unes, que ce tissu manque sur une certaine étendue

et, dans ce cas, les cellules voisines paraissent séparées l'une de

l'autre par un hiatus étroit, à travers lequel se rendent, d'une

cellule à l'autre, des fins filaments affectant une direction oblique

ou transversale; ces filaments se terminent dans les noeuds du

réseau. Sur une coupe transverse, on voit la capsule sous la forme

d'un cordon brillant, et, entie deux cellules, une étroite lisière

claire : c'est l'hiatus à travers lequel circulent des filaments courts

et fins qui s'infléchissent après leur pénétration dans la capsule.

Quand la capsule est mince, les filaments émanés de points cor-

respondants de la périphérie de cellules voisines se réunissent

dans cet organe sous la forme d'une petite nodosité granuleuse;

quand la capsule est plus épaisse, on y voit les réticules protoplas-

miques composés de granulations et de fibrilles très fines et très

courtes qui reçoivent les filaments des cellules voisines, de sorte que,

quelle que soit la disposition anatomique, la connexion entre les

cellules voisines est assurée.

La question qui se pose maintenant, la voici : En quoi cette

structure intime des fibres et des cellules nerveuses intéresse-t-elle

la conductibilité et l'activité mentale ? Poury répondre, il convient t

de se demander si l'on ne constate, pas les mêmes détails en

d'autres cellules. Les recherches de l'orateur, d'Heitzmann et de

Leydig apprennent que d'autres cellules ou d'autres dérivés cellu-

laires témoignent des mêmes particularités.

Les rapports des ramifications terminales des fibres nerveuses

avec les appareils de terminaison du système sensitif et moteur

permettent-ils d'attribuer li certains éléments anatomiques la con-

ductibilité ? l

Envisageons les fibres des muscles striés. Le cylindre axe de la

fibre nerveuse après avoir pénétré le sarcolemme se divise en

410 0 sociétés savantes.

plusieurs branches qui rampent librement à la surface de la fibre

musculaire; elles sont, chez les reptiles, les oiseaux, et les mammi-

fères, incluses dans une couche de substance finement grenue. Les

nerfs sensitifs se résolvent, après avoir perdu leur myéline et après

avoir subi de multiples divisions cylindraxiles, en fibrilles excessive

ment fines; ces fibrilles semblent chez la grenouillese terminer à

la surface (muscle thoracique sous-cutané). Les nerfs qui innervent

les fibres lisses se divisent de la même façon, après avoir perdu leur

myéline, et forment un réseau de filaments des plus ténus qui se

terminent dans ou sur les fibres musculaires. Dans le réseau de

\falpi=hi. de même que dans l'épithélium des muqueuses et des

glandes, les fibres, après avoir perdu leur myéline, se divisent en un

grand nombre de ramuscules : les fibrilles terminales extrêmement

minces, s'insinuent entre les cellules on les pénètrent(foie, glandes

salivaires). Les dernières ramifications de l'olfactif, du glossopha-

ryngien, du nerf auditif, sont des fibrilles qui se terminent dans

un réseau très fin immédiatement sous-jacent aux prolongements

centraux des épithéliums sensoriels, ou, selon d'autres obser-

vations, elles entrent en relation directe avec les prolongements

centraux.

De cette description il appert que les fibrilles des terminaisons

nerveuses conduisent et les impressions centripètes et les impres-

sions centrifuges, ou, pour mieux dire, qu'elles continuent la subs-

tance conductrice; or, puisqu'il est établi que les fibrilles se

réunissent pour former les cylindres-axes et que les cylindres-axes

s'abouchent dans les cellules nerveuses, il s'agit de savoir quels sont

les éléments du cylindre-axe qui continuent les fibrilles. On a jus-

qu'à ce jour unanimement accepté que ce sont les fibrilles cylin-

draxiles qui continuent les fibrilles des terminaisons nerveuses et

que les éléments fibrillaires des cellules nerveuses et de la subs-

tance grise jouent le même rôle conducteur.

Les opinions de Leydig et Nausen sont différentes de celles-ci,

M. Frommann les analyse et les critique.

M. SIOLI (de Francfort. De l'assistance des aliénés par les familles

artificielles. L'encombrement les asiles est un fléau parce qu'il

empêche d'interner à temps des malades atteints d'affections

mentales récentes. Il est impossible de construire d'énormes éta-

blissements dispendienx, il est impossible d'augmenter dans des

proportions monumentales ceux qui existent. Les arguments pré-

sentés par M. Sioli et l'étude critique à laquelle il se livre sur les

colonies d'aliénés et les familles artificielles installées à Gheel

à Ilten, en Ecosse, sont identiquement les mômes que les assertions

que nous avons personnellement développées au Congrès interna-

tional d'assistance publique de Paris en 1889 Nous passons outre

1 Voy. L'aliéné hors des asiles publics et privés. Assistance familiale

SOCIÉTÉS savantes. 411

pour arriver sur le champ aux expériences originales de l'orateur.

J'ai voulu, dit-il, voir si l'on pouvait distraire d'un grand asile un

nombre important d'aliénés et les confier à des familles et si l'établisse-

ment, trouvait dans ce mode d'assistance un avantage. J'ai fait cette

tentative au village de Looswitz, près Bunzlau. J'y ai maintenant trente

malades.

Les paysans du village en question, très aimables, habitent des

maisons massives; l'habitat et l'alimentation y sont passables; les gens

sont, comme tous les naturels de la Basse-Silésie, doux et droits. On

les soumet aux mêmes obligations que celles qui ont été adoptées par

1\1. \Vahrendol'ff'. On confie il chaque famille deux malades; l'asile paie

pour chaque malade 240 marks (300 francs) par an qui représentent la

location d'une chambre disposée à l'usage qu'on lui destine et le repas à

la table commune; l'asile fournit vêtements, linge, literie, qui demeurent

la propriété de l'établissement. Si l'aliéné tombe malade ou qu'il entraîne

un danger quelconque, on le reprend aussitôt à l'asile. Les médecins se

rendent souvent chez les nourriciers ; en outre, deux fois par mois, on

conduit les malades à l'établissement afin qu'on les baigne. Dans les

familles, ils sont soumis aux genres d'occupations les plus variés, afin de

solliciter l'activiter de leurs dispositions naturelles par tous les moyens

possibles. En hiver par exemple, la vie à l'asile est souvent monotone,

tandis qu'au dehors ils s'occupent de la cuisine, du ménage, de la fa-

mille, des enfants, du bétail et des étables, de la grange ; de sorte qu'ils

ont l'illusion du chez soi et de l'activité personnelle.

Quelles sont les formes mentales auxquelles s'applique ce mode de

traitement. Je puis il ce sujet renseigner sur vingt malades confiés

depuis deux ans aux soins des nourriciers. On compte parmi eux huit

Jolies systématiques chroniques avec idées de persécution ; ce sont des

malades qui ne sont pas exagérément soumis à l'empire d'hallucinations

sensorielles, mais qui méconnaissent et confondent les personnes de leur

entourage; la psychose offre chez eux un caractère assez grave sans ten-

dance à la démence. L'activité et l'urbanité de l'existence en liberté en a

rendu quelques-uns plus sociables, plus accessibles : ils se sont incor-

porés à leur nouveau milieu et ont pris une part individuelle aux

choses delà maison. Malheureusement, la plupart de ces délirants, après

avoir semblé améliorés au début, ont été plus tard la proie d'hallucina-

tions sensorielles tellement vives, qu'ils se sont livrés à des excès qui

menaçaient de constituer un danger public ; il a fallu les réintégrer.

Voici maintenant six imbéciles. Ils se trouvent bien du système.

Quelques-uns sont devenus de vrais enfants pour la famille qui les a

recueillis. L'amélioration constatée nous avait engagé à renvoyer chez

eux quatre d'entre eux ; deux y sont demeurés; les deux autres durent

être ramenés, parce que dans leur milieu naturel, leur état mental avait

de nouveau empiré.

Les cinq autres aliénés sont restés tels quels chez leurs nourriciers, ou

et colonies agricoles ou familiales d'aliénés, par P. KERAVAL. Congres

iiitei,71. d'assist. puhliq., Paris, 1889. Procès- verbaux, p. 64 et Comptes

rendus, t. II, p. 305.

1 Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 414, et t. V, p. 125 et 266.

412 Gaz SOCIÉTÉS savantes.

bien leur état psychique a paru passagèrement s'aggraver. Ce sont notam-

ment trois déments ; la démence était consécutive à l'hébéphrénie et à la

folie systématique avec catatonie ; la vie de famille en liberté détermina

chez eux des accès de subaytation qui ne tardèrent pas à dégénérer en

impulsions et désordre généralisé des facultés intellectuelles. Reconduits à

l'asile, ils se sont calmés presque immédiatement. Les deux autres faits

concernent la démence chronique consécutive à des formes indéterminées

de folie systématique ; la nouvelle existence à laquelle on les soumit

provoqua des fugues irrésistibles, dont il n'existait trace ni avant leur

sortie de l'asile, ni après leur réintégration.

Ces observations permettent de conclure qu'on doit de préférence

confier aux nourriciers des imbéciles ou des malades atteints

d'idiotie peu marquée, tandis qu'il faut se montrer très prudent

lorsqu'il s'agit d'appliquer ce traitement aux délirants chroniques

systématiques, et aux déments dont les facultés intellectuelles sont

trop profondément affaiblies, sous peine de provoquer des accès

d'agitation violents.

On remarquera également que le délire chronique hallucina-

toire à hallucination très vive se prête très bien, de même que les

dernières entités morbides dont il vient d'être question, à l'exis-

tence de la colonie agricole, que les accès d'agitation y sont dans

ce dernier milieu bien plus rares que chez les nourriciers, et que,

par suite, la colonie agricole a une valeur thérapeutique bien plus

grande que l'assistance familiale. Peut-être faut-il penser, pour

expliquer cette différence, à la qualité inappréciable de l'agent

thérapeutique représenté par le nourricier auquel on a confié la

direction du traitement.

Quelle est, sur une population d'aliénés donnée, la proportion

de ceux auxquels convient l'assistance par des familles artificielles ?

Tant que sur 400 malades hommes je n'ai eu chez des nourriciers

que 20 malades du même sexe, il ne m'a pas été difficile de choisir

parallèlement ceux qu'il fallait destiner au travail agricole de la

colonie qu'on installait en même temps et ceux que l'on pouvait

envoyer aux nourriciers. Mais la tâche est devenue très difficile

lorsque trente malades ont été confiés aux soins des nourriciers;

les retours se sont multipliés dans des proportions énormes; ce

qui prouve que bien des aliénés ne s'accommodent pas de ce

procédé de traitement; aussi s'explique-t-on qu'il devienne presque

impossible de les remplacer par de nouveaux sujets au moment

critique.

On avait espéré décharger les asiles de leurs aliénés chroniques

à l'aide de l'assistance familiale, c'est un rêve; on ne trouvera pas

plus de 5 p. 100 de nos malades que l'on soit en droit de placer

chez les nourriciers '.

'Noua croyons nous qu'en sachant former et surveiller les nourriciers,

et bien choisir les malades, et surtout en s'adaptant bien aux conditions

SOCIÉTÉS SAVANTES. 413

Il n'en faut pas moins expérimenter. Et pour expérimenter, il

faut se placer dans les meilleures conditions possibles. Il faut

notamment mesurer la dose de liberté qu'il est judicieux de laisser

à l'aliéné. A cet égard, l'assistance familiale constitue une excel-

lente pierre de touche qui prépare la sortie définitive'. L'aména-

gement et l'organisation intérieure jouent un grand rôle dans

l'espèce. L'assistance familiale ainsi considérée est un élément de

progrès positif dans le non-restraint. Elle assure les pas du médecin

traitant et lui apprend à mieux connaître ses malades et donne

aux aliénés, qui nous accusent toujours de les priver de leur

liberté sans motifs, plus de confiance en leur médecin.

En résumé : 10 Toutes les fois que le pays dans lequel est situé un

grand asile est habité par des paysans aisés dont le village n'est pas

à plus d'un mille (moins de huit kilomètres) de l'établissement, il est

possible et praticable de confier à des familles sûres un ou deux

aliénés ;

2° Il faut que le médecin-directeur de l'asile dirige cette assistance

familiale et qu'il conserve toute hberté dans l'installation et la conduite

de ce système de traitement e;

3° Mais il convient de np pas se leurrer d'espoirs trompeurs. L'assistance

familiale est incapable de remplacer l'assistance de l'asile quand il s'agit

de psychopathies de quelque gravité. Elle ne convient qu'à l'idiotie

légère et à quelque cas de folie systématique chronique, compatible avec

l'existence sociale et à la démence incurable. Or, qui se ; flatterait de

débarrasser les asiles en envoyant chez les nourriciers les seuls aliénés

de ce gerre.

Discussion : : 11. SCIIOLZ (de Brême). - L'asile de Brème com-

prend : a, un asile de 200 malades qui sera bientôt complété par

un établissement destiné à 100 aliénés; b, une colonie agricole;

c. l'assistance familiale, cette dernière la plus vieille et la plus

étendue qui existe a cent vingt années. 150 malades sont

locales des endroits où l'on est, la proportion serait bien plus forte

si, comme nous l'avons dit, on confiait préalablement à des établisse-

ments principalement spéciaux les idiots les alcooliques les épi-

leptiques les criminels aliénés. La médecine mentale est, comme le

reste de la médectne, la science des indications physiques, intellectuelles

et morales (P.KEIG1VAL).

'Ce sont termes pour termes nos conclusions adoptées à l'unanimité

par le Congrès (P. K.).

'Point que nous avons traité aussi dans notre mémoire. Nous y avons

parlé des étapes progressives; l'aliéné qui vit à l'asile est d'abord envoyé

dans la colonie agricole, puis dans des stations intermédiaires entre la

colonie et l'assistance familiale du village, puis dans le village, finale-

ment en congé. En congé, il peut être surveillé par les agents adminis-

tratifs que nous avons signalés. (P. K.)

3 En France on les déchargerait de beaucoup (P. K.).

414 SOCIÉTÉS SAVANTES.

confiés à des nourriciers. A l'asile fermé on laisse les aliénés

atteints de psychoses récentes, ceux qui sont agités, ceux qui

ont besoin d'un traitement physique spécial. A la colonie on envoie

les travailleurs robustes. Les nourriciers sont chargés des malades

tranquilles et inoffensifs. On prend toutes les précautions néces-

saires pour assurer les soins et la sélection des malades, ainsi que la

compétence des nourriciers. Le vice de notre assistance familiale

git dans ce fait qu'elle n'est pas dirigée par l'asile, elle dépend de

l'assistance publique ; c'est un défaut auquel il est aisé de remé-

dier. L'assistance familiale a une grande valeur; il faut la conser-

ver sans en exagérer la portée.

M. SCIlROETER (d'Eichberg). - L'assistance par des familles arti-

ficielles est utile aux malades et peut désencombrer les asiles.

J'en ai fait un essai sans grande importance à Dalldorf. Je m'en

sers encore actuellement, sans cependant l'avoir développée, bien

qu'on m'ait offert les ressources nécessaires à son installation. Ce

qui vaudrait le mieux ce serait d'en charger les sociétés d'assis-

lance cantonales (K7-eisuci,bxjide) ; mais je préfère d'abord en

garder la direction et la surveillance à l'asile et utiliser comme

nourriciers d'anciens infirmiers et surtout d'anciennes infirmières

qui se marient dans le voisinage de l'établissement.

M. Pelman (de Bonn). - L'assistance familiale pèse d'un poids

bien faible dans le dégrèvement des charges de l'asile. Il n'est que

bien peu d'aliénés à qui convienne ce procédé. Gheel a été et est

encore l'objet d'appréciations très différentes. On vient en Bel-

gique d'installer un nouveau Gheel, la colonie de Lierneux pour

les Belges qui parlent français; à mon avis, c'est un pas de clerc

qu'on a fait là. Ces tentatives doivent être progressives, prudentes ;

il faut en installer les organes avec circonspection.

M. MOELI (de Dalldorf) trace les principaux linéaments de l'as-

sistance familiale à Dalldorf; elle comprend deux espèces de

formes et donne généralement des résultats satisfaisants. Mais ce

mode d'assistance en un endroit déterminé, dans des conditions

précises, n'autorise en rien des conclusions générales.

M. OECKE (d'Hubertusburg). Les chiffres de M. Sioli sont trop

minimes pour qu'on en puisse tirer des conclusions. Toute tenta-

tive faite pour alléger nos asiles doit en tout cas être saluée avec

joie, même quand on obtient de médiocres résultats. Les idiots

sont les meilleurs travailleurs des colonies, Zschadrass le prouve.

M. POETz (d'Alt-Scherbitz). En conduisant bien le travail, on

arrive à des résultats surprenants. Au lieu de laisser les aliénés

s'abrutir dans les quartiers, il est préférable de leur donner de

l'exercice, même quand ils répugnent obstinément au travail. Ils

acquèrent ainsi de l'appétit, dorment mieux et ne peuvent se mas-

turber. L'exemple fait le reste ; ils voient travailler autour d'eux,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 415

ils font chorus el prennent l'habitude d'une occupation régulière.

La persévérance des médecins est le point capital.

. M. SIOLI. J'ai sept cents aliénés à Bunzlau, et les trente malades

que j'ai confiés aux nourriciers représentent un chiffre trop fort.

Il est impossible de leur donner des aliénés d'une position sociale

relativement élevée. Je crois qu'à Brême on soigne, par ce

procédé, bien des malades qui devraient rester séquestrés. La

preuve, c'est qu'on a constaté (Scholz) des grossesse ? . Les résultats

satisfaisants de M. 9loeli'ne prouvent rien pour un asile situé à la

campagne : dans une capitale, l'asile reçoit plus de malades, et

par suite, on a affaire à des cas plus graves que chez nous. Je

répète qu'il faut continuer l'assistance familiale, mais que ce n'est

pas un système qui allège les charges de l'établissement. t.

M. HiTZiG (de Halle), sur l'invitation du président, rapporte les

recherches de M. ALT, relatives à l'excrétion par l'estomac de la

morphine injectée sous la peau. L'idée de ces recherches a pour ori-

gine l'anecdote de laboratoire suivante :

Un chien auquel on avait fait, quelques minutes auparavant,

une injection hypodermique de morphine, venait de vomir; arrive

un camarade qui avale les matières du vomissement du premier; peu

de lenips après il se met également à vomir. On pensa que, bien

qu'il se fût écoulé peu de temps entre l'injection et le vomisse-

ment, les matières vomies contenaient déjà une certaine quantité

de morphine. M. Alt en pratiqua l'analyse chimique et y constata

la présence de cet alcaloïde. A l'aide de lavages stomacaux répétés

à de courts intervalles, il détermina les quantités de morphine

excrétées par l'estomac à telle'ou telle distance de l'injection. Il

trouva que l'estomac excrète la morphine deux minutes quinze

secondes après l'injection hypodermique et qu'il n'en rejette plus

cinquante à soixante minutes après celle-ci. Le lavage s'oppose en

outre au vomissement initial, ce qui prouve qu'il n'est qu'un

réflexe et qu'il ne provient point de l'excitation du bulbe. Le lavage

de l'estomac peut aussi empêcher ou diminuer les symptômes

de l'intoxication morphinique ; il permet encore de conserver à la

vie des animaux» auxquels on a fait absorber des doses mortelles

de morphine. Dix-sept centigrammes de cet alcaloïde par kilo-

gramme de chien les tuent lorsqu'on ne leur lave pas l'estomac ;

on peut au contraire impunément leur en injecter vingt-quatre

centigrammes par kilogramme si l'on a soin de leur laver l'es-

tomac. L'indication est précieuse. L'analyse quantitative n'est pas

moins instructive. L'eau qui est retirée de l'estomac dans les vingt

minutes consécutives à l'intoxication (Baumert) contient un tiers

de la morphine injectée ; le total de la morphine excrétée par cet

organe représente la moitié de la quantité injectée sous la peau.

Ces expériences unt été contrôlées chez l'homme et out donné des

résultats analogues.

416 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. l\IOELI propose qu'à l'occasion du recensement qui doit avoir

lieu le 4°r décembre 1890, la Société émette le voeu qu'on réserve une

colonne aux maladies mentales et qu'on y ajoute les mentions :

congénitale ou acquise. (Adopté.)

Séance du 13 juin 1889. PRÉSIDENCE DE M. LOEufi..

M. LOEI1R est nommé par la Société à la délégation d'Heidelberg

qui doit préparer le Congrès international de Berlin de 1890.

M. Grashey (Munich). De l'écriture des aliénés. - Combien faut-

il de temps à un individu normal pour écrire un mot ? On tend sur

un cadre de bois simple une feuille de papier ; on invite le sujet

en expérience à écrire ; derrière cette toile de papier est un ruban

de papier auquel on imprime à l'aide d'un moteur une vitesse

connue de droite à gauche, au moment où la personne commence

à écrire et que l'on arrête quand le mot est tracé. On obtient ainsi

simultanément le mot écrit, la rapidité qu'a demandée l'opéra-

tion et la courbe de l'écriture. Il est intéressant de comparer ces

éléments chez M. Grashey, chez des personnes saines et chez des

paralytiques. M. Grashey analyse la rapidité de la main (mouve-

ment de gauche à droite), et la rapidité des doigts (de haut en

bas). On obtient la vitesse de la main en multipliant le chemin par-

couru par les mains par celui qu'accomplit en une seconde la

bande de papier, et en divisant ce produit par la différence entre

la longueur de la courbe et celle du spécimen d'écriture. - La

vitesse des doigts est obtenue en multipliant le chemin parcouru

par les doigts par celui qu'a, en une seconde, effectué la bande de

papier, et en divisant ce produit par la différence entre la longueur

de la courbe de vitesse et celle du spécimen d'écriture.

La vitesse de la main reste un peu à la discrétion de l'opérateur

qui écrit, celle des doigts est bien moins subordonnée à sa volonté.

Ce qu'on écrit le plus vite, c'est le nom de famille ; puis viennent

les mots que l'on a l'habitude d'écrire ; si pendant que le sujet en

expérience écrit un mot, on lui en dicte un ay^tre, la vitesse

décroît considérablement. Chez les paralytiques généraux, la vitesse

de la main décroît considérablement. Chez les maniaques il est

impossible de stimuler son activité en leur recommandant d'écrire

le plus vite possible.

M. BINSwANGEn (de léna). Recherches expérimentales sur la patho-

génie de l'attaque d'épilepsie. Troisième communication. Excitation

des centres sous-corticaux du chien ; contribution à la physiologie de

ces centrez. La conclusion de ce travail, c'est qu'on parvient,

chez le chien, en excitant par des moyens mécaniques les seg-

ments antérieurs de la partie protubérantielle du bulbe, à provo-

quer des convulsions toniques de tout le système musculaire qui

SOCIÉTÉS SAVANTES. 4'l7

est normalement sous l'influence de la volonté ; il est probable

qu'il s'agit d'une action réflexe, mais il n'en est pas moins établi

que cet endroit constitue un centre physiologique du genre que

nous venons d'indiquer. Ces expériences apprennent en outre que les

centres médullaires du lapin qui président aux mouvements asso-

ciés (saccades, marche, piétinement, course) occupent le bulbe du

chien. A des recherches ultérieures sur les segments supérieurs de

l'axe cérébro-spinal est réservée la localisation réelle de ces formes

convulsives. Il est en effet impossible d'attribuer à la moelle la

genèse de syndromes convulsifs aussi complexes.

M. Kroepelin (de DorpaL). Des troubles fonctionnels de l'activité

mentale. - On peut prendre comme mesure de la capacité de tra-

vail intellectuel la quotité de l'effort effectué dans l'unité de temps

et la rapprocher des chiffres obtenus par d'autres déterminations

mathématiques relatives au temps perdu et à l'équation person-

nelle. Malheureusement, on a besoin d'appareils coûteux, délicats,

difficiles à installer qui exposent à une foule d'erreurs.

Mieux vaut proposer aux sujets à examiner des tâches uniformes

bien définies en séries continues et se rendre compte à des inter-

valles périodiques réguliers (de cinq minutes) du point où en est

le devoir. On leur demandera, par exemple, de compter des lettres,

d'apprendre par coeur des groupes de nombres ou des associations

de syllabes dépourvues de sens, d'additionner des nombres d'un

seul chiffre, de lire à mi-voix, d'écrire sous la dictée.

Celte méthode montre que l'effort présente des oscillations pro-

portionnelles à la difficulté du devoir proposé. Il existe également

des variétés individuelles en rapport avec la difficulté du travail,

mais ces variétés s'effacent à mesure qu'on exerce les individus.

C'est ainsi que les oscillations révélées par les premiers essais se

sont atténuées au cours des expériences pour reparaître vers la fin.

En d'autres termes, l'énergie, plus rapide au début, se ralentissait

graduellement et reprenait finalement comme de plus belle. Le

rôle de l'exercice de la fatigue est patent.

L'exercice et la fatigue agissent en effet généralement de con-

cert. On a beau imposer à une fonction un exercice maximum

on peut toujours à la rigueur rechercher les traces de la fatigue

réelle. En effet, la fatigue passe rapidement, tandis que l'exercice

produit une modification persistante qui ne rétrocède que gra-

duellement par suile de l'oubli; par conséquent, en provoquant

des pauses et des récréations, on arrive à se rendre compte de la

lassitude pure, puisque ces pauses arrivent à délasser le plus pos-

sible l'individu en expérience. Ainsi, à la suite des pauses en ques-

tion, l'énergie et l'eflicacité du travail intellectuel sont bien plus

grandes qu'avant; mais, en prolongeant l'expérience, on est obligé

de multiplier progressivement les récréations, si l'on veut dissiper

Archives, t. XIX. 27

418 SOCIÉTÉS SAVANTES.

totalement la fatigue. L'exercice pur se traduit par la tendance à

l'augmentation permanente de l'énergie et de la capacité de tra-

vail ; sous son influence, les oscillations de l'effort se réduisent de

plus en plus.

Avant de se prononcer sur la capacité de travail, il faut déter-

miner la disposition momentanée du sujet en expérience, et, dam

ce but, préluder aux observations définitives par quelques examens.

Il est bon aussi d'étudier chaque jour la même personne à divers

moments de la journée. On enregistre de cette façon la valeur de

la constitution psychique, ainsi que les modifications produites

sur l'acuité de ses facultés par les événements, les aliments, les

médicaments (alcool, thé) ; M. Kroepelin, en ce qui concerne ces

dernières substances, a constaté qu'elles exercent sur l'interpréta-

tion et l'élaboration des impressions extérieures une action con-

traire à celles qu'elles font sur les fonctions motrices.

Voici le travail psychique décomposé en ses éléments naturels.

Ceux-ci deviennent alors accessibles à une recherche spéciale

exacte. M. Kroepelin a étudié la qualité du travail produit en enre-

gistrant la durée des associations de conceptions. Pendant plu-

sieurs jours de suite, il a provoqué chez des sujets des associations

d'idées par l'articulation de mots déterminés - et il a mesuré, à

l'aide du chronoscope de Hipp, le temps que demandait chacune

des associations sous l'influence des phénonèmes. Il a obtenu des

résultats analogues, au point de vue de la fatigue et de l'exercice,

à ceux qui ont été signalés plus haut ; ces éléments agissent

dans le même sens sur la durée du processus et ses oscillations

moyennes.

M. WERNER (de Roda). Des expressions Verrucktheit et WAUN-

SINN dans la nomenclature psychiatrique de l'Allemagne. Les psy-

chiatres modernes les plus marquants attribuent à ces deux mots

des significations si différentes qu'il importe de s'entendre ' .

L'expression de Verrucktheit qui, pour les gens du monde, ne

signifie rien, puisque, dansla langue courante, elle veut dire : folie,

a été employée par Griesinger dans sa Pathologie wul Thérapie der

psychischen K1'ankheiten (1845) pour désigner une affection meulale

incurable secondaire dans laquelle prédominent des idées de per-

sécution et surtout des idées de grandeur : il appelle cette entité

une Verrucktheit partielle (délire partiel des auteurs français). Grie-

singer admet aussi une Ye'rucktheit généralisée, caractérisée par

un désordre extrême dans les idées accompagné d'excitation ma-

niaque enté sur un fonds d'affaiblissement des facultés intellec-

tuelles (folie aiguë de Parchappe). Dans ces deux espèces, il s'agit

de psychopathies secondaires incurables. En 1865, Snell signale une

' Voy. Archives de Neurologie, t. XIX, et l'Année médicale de Bour-

neaille 1888, 1889, 1890. Revue de psychiatrie.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 419

entité semblable sous le nom de monomanie primitive qne,

deux ans plus tard, il qualifie de folie systématique primitive

(primcere Verrucktheit). Un an après, Sander détache de cette folie

systématique primitive une forme originelle (originaire Verrucktheit) ;

il insiste sur la nécessité de maintenir le nom de Verrucktheit

parce que ces malades sont de véritables délirants (verl'Îtcl¡te) dont

le discernement a versé (s'enter) ; leur personnalité s'est pour ainsi

dire déplacée (vei-7-ücl;t), de sorte qu'ils envisagent le monde exté-

rieur comme occupant par rapport à eux nue situation distincte

de celle que leursituation normale devrait lui attribuer. Les élèves

de Griesinger restent attachés au délire partiel primitif du mailre

(pl'imoel'e Yerrucictlveit). Westphal, au Congrès des naturalistes de

Hambourg de 1876 propose une classification et une étiologie des

formes primitives de cette folie systématique; mais quelques

mois plus tard Hertz, à Bonn, repousse le mot Verrucktheit pour

adopter celui de Wahnsinn. Il ne faut pas, dit-il, le rayer de notre

terminologie ; Verrucktheit ne convient pas aux modalités primitives

aiguës et curables, en outre il ne stigmatise pas du tout l'élément

caractéristique, essentiel, de la forme morbide qui débute par des

hallucinations et cesse avec celles-ci.

Wahnsinn est lui aussi un vieux mot. Le code civil prussien

appelle Wahnsinnig, c'est-à-dire atteint de Wahnsinn, l'individu

'privé tout à fait de raison. Sous le nom de Wahnsinn, Griesinger

décrit une forme psychopathique qui débute par un stade mélan-

colique ; ce stade laisse après lui des idées délirantes fixes qui se

développent et s'organisent sans cependant entraîner l'incurabilité;

en réalité les observations de Griesinger rappellent surtout la manie

grave; l'une d'elles est évidemment de la paralysie générale type.

Snell avec sa monomanie ou folie systématique (Wahnsinn 1865)

porte un coup mortel à la théorie de Griesinger, puisqu'il comprend

sous ce nom une vésanie primitive ; la monomanie de Snell a bien

quelque semblant de raison puisqu'il semble que la totalité des

facultés soit moins atleinte que dans les autres espèces de

troubles psychiques; c'est l'opinion d'Esquirol. Griesinger se rallia

à cette manière de voir. Aussi, quand en 1873, à Hanovre, Snell

divisa la folie systématique ou Wuhnsinn (il avait répudié l'ex-

pression de monomanie) en'folie systématique primitive ou vraie,

et folie systématique secondaire ou fruste consécutive à la mé-

lancolie, à la manie à l'épilepsie, il réunit la majorité des suf-

frages. L'école de Snell, renforcée de Nasse, Hertz, Schmfer,

conserva cette nomenclature jusqu'à nous. Au demeurant il était

facile de s'orienter puisque le Walmsinn (de Snell) et la Vel'1'lÏcl¡.

theit (de Griesinger) désignent à peu près la même chose '.

* Depuis dix années que nous manions dans ce journal la terminologie

scientifique étrangère, nous avons, en nous fondant sur la lecture des

420 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Aujourd'hui, quel sens attribue-t-on à ces expressions ? de

Krafft-Ebing (Leltrbttch der Psychiatrie) ' tend à adopter les idées

de Griesinger et prend le terme de vemiccntltcit dans la même accep z

tion excepté dans un cas. La folie systématique primitive (primoere

verriickthcit) comprend les dégénérescences mentales ; elle s'an-

nexe à la folie raisonnante et à la folie morale, et représente une

psychopathie le plus souvent incurable. Il existe aussi une folie

systématique secondaire (secundare Verrucktheit) consécutive à la

mélancolie, plus rarement à la manie ; le système de délire, jus-

qu'alors soumis à maintes fluctuations, s'est fixé dans l'esprit du

malade, s'est cristallisé, de sorte que le malheureux se fait du

monde extérieur et de lui-même une tout autre idée que les indi-

vidus normaux. - Sous le nom de Wahnsinn, de Krafft-Ebing dé-

crit une affection psychique qui n'est en réalité qu'une psychose

par inanition ; il y faut comprendre un grand nombre de folies

puerpérales et des délires de l'alcoolisme. Le pronostic, d'après ce

savant maître, en est favorable ; c'est pourquoi lui aussi raccorde

cette folie systémaliquehallucinatoire (hallucinalorischer wahnsinn)

à la mélancolie et à la manie. « Je ne l'ai jamais vue, conclut-il,

se terminer par la folie systématique cristallisée (Verrucktheit) » ;

ce sont ses propres expressions. Autrement dit, il réprouve le

terme de Verrucktheit dans le cas de délire hallucinatoire plus ou

moins organisé, et sépare franchement le Wahnsinn Vel'1'21cktheit.

Il admet néaumoins que sa folie systématique hallucinatoire (hal-

lucinatorischer lVahnsinn) est identique à la folie systématique pri-

mitive aiguë (acide primoere Verrucktheit) de Westphal j elle l'est

aussi à la manie hallucinatoire de Mendel, à la folie systématique

hallucinatoire (hallucinatorische Verrucktheit) de Fritsch ou de

Meynert.

Kroepelin ne parle que d'une folie systématique (re)'t'Mc7f</te);

elle est primitive, et alors, tantôt congénitale (originaire), tantôt

acquise, ou secondaire en tant que stade terminal d'une affection

psychique.

Schuele décrit une folie systématique (Wahnsinn) aiguë et une

folie systématique chronique. Les formes qu'il leur reconnaît sont t

les suivantes :

1° Folie systématique chronique, dépressive, qui comprend le délire

des persécutions proprement dit, la folie systématique hypochondriaque,

et le délire plus ou moins organisé des onanistes ;

2° Folie systématique chronique expansive;

mémoires originaux cités dans la communication de M. corner, signalé

traits pour traits les mômes errements. (P. K.)

' Voy. Archives de Neurologie, XVIII. p. 159.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 421 1

3n Folie systématique aiguë primitive dontles espèces sont : a) la forme

hallucinatoire aiguë : b) la forme mélancolique ; c) la forme maniaque

expansive; il) la forme stupide; e) la forme cataleptoïde (attonisches).

Toutes ces formes peuvent, d'après lui, guérir.

Il maintient le terme de Verrucktheit qu'il réserve à la folie sys-

tématique congénitale (ol'iginæl'e) de Sander; il croit qu'il en

existe une forme abortive qui se manifeste sous la forme d'inci-

dents, d'épisodes psycliopathiques; ces incidents, après avoir duré

des semaines, des mois ou davantage, peuvent aussi finalement

guérir.

Le résultatde ces divergences a été de créer dans les esprits une

véritable confusion. On a fini dans le monde médical par employer

indistinctement les mots : Wahnsinn et Verrucktheit. Jusque-là, il

n'y a pas eu graud mal. La cacophonie s'est introduite dans notre

langage quand Mayser a séparé du Wahnsinn de Krafft-Erbing le

délire asthénique aigu. Prenons un exemple, un cas simple, mais

sujet à des diagnostics multiples :

Voici une jeune femme dont les parents ont toujours été bien portants

une de ses soeurs est devenue épileptique à la suite d'une chute sur la

tète; elle même a eu jadis la chlorose. Depuis quelques années elle est

mariée. A sa seconde grossesse, elle est atteinte de paramétrite. Tout à

coup, elle s'agite, se prend pour le bon Dieu, manifeste une loquacité

incohérente, se dit un ange ou un démon, entend les voix de sa mère,

de son enfant, se précipite de son lit et refuse de manger, parce que la

voix du .bon Dieu le lui a défendu en punition de sa méchanceté, dort

mal la nuit, exige en un mot la plus active surveillance. Des semaines,

des mois se passent, pendant lesquels la malade, plus ou moins agitée

vivement hallucinée, manifeste des idées de persécution; la lucidité Unit

par «reparaître graduellement, la coordination des idées revient, la

menstruation, qui avait disparu depuis longtemps, se rétablit. Elle

guérit. t.

Quel sera votre diagnostic ? Mendel formulera une manie hallu-

cinatoire. Wessphal, une folie systématique aiguë primitive

(Verrucktheit). De Krafft-Ebing, un délire systématique halluci-

natoire (Wahnsinn). Wille, du désordre confus dans les idées

(e ? 'tt)HT<6 ! <)enfin, Mayser, un délire asthénique-sans comp-

ter les autres dénominations. Qui s'y retrouvera ? Les jeunes pas

plus que les vieux psychiatres : tot etipitti, tot sensus et, qui pis est,

autant d'expressions. Quel sreclacle ce chaos va-t-il offrir aux

magistrats dans le cas d'expertises médico-légales ' !

Nous proposerons donc de ne plus formuler de diagnostic avec

'Cette confusion existe dans tous les pays quand il s'agit d'aliénation

mentale, parce que la physiologie mentale et l'anatomie pathologique des

psychoses sont trop peu avancées. -

422 12 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les expressions de Verrucktheit ou de Waferzsinn. Revenons au mot t

grec paranoïa '. Renonçons au mot Verrucktheit parce que c'est le

terme consacré par la langue vulgaire à tous les genres de folie ;

on appelle couramment toqué (ve-i,ùclct) les originaux, les gens

mal équilibrés; en outre, quand devant un malade il vous échappe

de prononcer ce ! lol,il vous comprend et s'agite. Les mêmes ré-

flexions s'appliquent au ternie Wahnsinn qui désigne, en langage

ordinaire, une personne qui, sans être aliénée, ne fait rien

comme tout le monde; en second lieu, il est inscrit dans le code

civil prussien pour qualifier l'aliéné privé de toute sa raison. La

médecine générale ayant l'habitude d'emprunter à la langue

grecque et à la langue latine ses expressions techniques, pourquoi

la Psychiatrie dérogerait-elle aux coutumes ? Dans ces conditions

voici la division que nous adopterions :

1° Paranoïa primitive aiguc avec les espèces hypochondriaque, hysté-

rique-congénitale ; 2" Paranoïa primitive chronique ; 3" Paranoïa hallu-

cinatoùe aiguë ; par exemple les psychoses, par inanition dans le sens

du lVahnsilt1 ! hallucinatoire de Kratft-Ehing; 4 Paranoïa hallucinatoire

chronique; 5" Paranoïa secondaire, celle qui succède à une autre maladie

mentale ou qui constitue une stade de transition.

Discussion. - M. ICtarr (de Fribourg). M. Werner a raison; les

auteurs les plus différents ont indistinctement appelé le même état

mental des noms de Wahnsinn et Verrucktheit. C'est à M. Mendel

que revient, comme il le dit, le mérite d'avoir rajeuni le nom

ancien de paranoiu. Mais les mots lVuhnsinn, Verrucktheit n'en

caractérisent pas moins des tableaux morbides différents; ils éta-

blissent la distinction entre la folie systématique primitive et la

folie systématique secondaire. Il est certain que le premier geme e

a pour élément la prédominance d'un corps de délire qui constitue

le moteur de la sensibilité morale du sujet; c'est à lui qu'il con-

vient de réserver le terme de Wahnsinn (folie systématique orga-

nisée proprement dite). Ce qui nous frappe dans le second genre,

c'est l'affaiblissement des facultés intellectuelles, la dislocation

(Verruckung) des rouages des conceptions; gardons-lui le terme de

Verrucktheit (folie systématique par dérangement conceptuel). En

n'adoptant désormais qu'un mot, celui de paranoïa, vous êtes

obligé de l'appliquera deux tableaux morbides distincts.

M. SNELL rappelle que les vieux aliénistes allemands désignaient

la démence confirmée sous le nom de Verrucktheit, et la folie

systématique (Waluisinn) par celui de paranoïa.

M. Mendel. Le mot paranoïa vient de Vogel (dans le siècle pré-

cédenl) ; Ileinrotli s'en est servi après lui; je l'ai proposé à la

Société psychiatrique de Berlin, en 1881, pour remplacer celui de

- ' Voy. Archives de Neurologie, t XVII, p. 312-313, XIII, p. 314, VIII, 393.

BIBLIOGRAPHIE. 423 3

Verrucktheit. Il a pris racine en Ilalie, en Amérique et même en

France (Séglas) 1. Je me rallie à M. Werner (voy. l'article Paranoïa

in Eulcnbu1'g's RealencyclopoeLlie). Il n'y a pas lieu de conserver

Valcnsimt; on a sous cette rubrique rangé des observations qui

appartiennent à une terminologie classique 2.

. M. Wernicke. Il ne nous est pas possible de nous opposer à la

routine. Combien d'auteurs n'ont-ils pas déjà appliqué le terme

de paranoïa à un ensemble de symptômes qualifié par telle école

de Wahnsinn et par telle autre de Verrucktheit. C'est la psychiatrie

qui présente des lacunes, tâchons de les combler et de décrire

avec précision les nombreuses espèces et variétés de l'aliénation

mentale, d'en tracer nettement les limites.

M. KROEPELIN, N'amalgamez pas les psychoses aiguës curables

qui ont pour origine principale des causes extrinsèques à l'indi-

vidu avec les psychoses constitutionnelles chroniques incurables

auxquelles s'applique le terme de Verrucktheit.

M. MENDEL. Le pronostic ne saurait servir de base à une classi-

fication, nous n'en possédons pas de jalons certains. La paranoia

aiguë donne souvent naissance à une paranoïa chronique; il n'y a

pas plus lieu, par suite, de donner à cette dernière un nom spécial

qu'il n'est légitime de débaptiser la néphrite aiguë lorsqu'elle est

devenue chronique.

M. Kirn propose de continuer la discussion sur ce sujet la pre-

chaine fois et de nommer deux rapporteurs. Cette motion est

adoptée à la majorité ; le bureau choisira les rapporteurs.

Les membres sortants, MM. PELAInN et WESTPHAL sont réélus par

acclamations. (Allg. Zeitsch. f. Psychiatrie, XLVI, 4.)

P. KERAVAL.

BIBLIOGRAPHIE

IV. De l'atrophie cérébrale partielle d'origine périphérique; par

le Dr A. SI130T (J.-B. l3aillière et fils, Paris, 1890.)

L'atrophie localisée de l'écorce cérébrale peut reconnaître deux

1 Ceci est erroné. Séglas a critiqué les faits et les dénominations, il a

montré que malgré les plécautions des auteurs allemands, )\ subsistait

une confusion inextricable (Archives de Neurologie, t. XIII, p. 65-221-393).

1 La mème confusion clinique a eu lieu pour la Verrucktheit et la Pa-

ranoïa. (P. K.)

424 bibliographie.

origines : l'amputation d'un membre ou sa paralysie atropllique.

La modification de l'écorce cérébrale sera d'autant plus accentuée

que le sujet était plus jeune au moment où la lésion périphérique

s'est produite et qu'un laps de temps plus considérable se sera

écoulé entre l'époque de cette lésion et celle de l'examen nécros-

copique. L'atrophie n'est pas la résultante d'un processus dégéné-

ratif s'étendant depuis l'extrémité nerveuse lésée jusqu'à l'encé-

phale, mais bien le fait du retentissement à distance de la dispa-

rition d'un organe : le centre moteur qui n'est plus sollicité à agir

subit l'atrophie fonctionnelle. Il ressort de là que l'on peut, de

cette façon, localiser jusqu'à un certain point les centres corticaux

des membres. Les régions atrophiées présentent à l'examen hosto-

logique une diminution du nombre des cellules pyramidales, com-

parativement aux circonvolutions homologues de l'hémisphère

sain. Paul BLOCO.

V. L'acromégalie (maladie de Marie) ; par Souza-LEITE. (Thèse de

doctorat, Paris, 14 mars 1890.)

Cette maladie a été décrite et isolée par M. ¡Pierre Marie entre

1885 et 1886. Avant cette époque, les cas d'acromégalic étaient

confondus tantôt avec la cachexie pachydermique, tantôt avec la

cachexie exopthtalmique, ou encore avec l'ostéite de Paget, le

Ipontiasis de Wirchow ou l'éléphanliasis des Arabes. Ni la patllo-

génie, ni l'étiologie de la maladie ne sont précises. On ne connaît

guère que la symptomatologie : épaississement et élargissement

des mains et des pieds, ainsi que de la face qui devient ovalaire.

11 se produit aussi une déviation de la colonne vertébrale, une pro-

jection du thorax en avant d'où la formation d'une double bosse.

On note de plus de la céphalée, des douleurs erratiques et des

altérations de la vision. Le diagnostic est à faire avec les affec-

tions citées plus haut ainsi qu'avec certaines formes de rhumatisme

et le gigantisme. La marche en est longue, le pronostic fatal, le

traitement inconnu. Une centaine de figures et des planches illus-

trent la partie documentaire, très soignée, de cet excellent tra-

vail. P. B.

VI. Des méningites microbiennes ; par E. r1D>;NOr (J. Baillière,

Paris, 1890).

Les méningites vraies sont probablement toutes d'origine micro-

bienne ; la preuve en est faite tout au moins pour un assez grand

nombre d'entre elles. On a, en effet, conslalé des variétés multi-

ples de microbes dans les exsudats méningitiques : pneumocoque,

stieptocoque pyogèue, streptocoque intra-cellulaire de Weichsel-

baum, bacille de la fièvre typhoïde, staphylocoque pyogène,

varia. 425 5

pneumobacille de Friedlander, sans compter des microbes indé-

terminés. On peut distinguer des méningites primitives et secon-

daires ; ces dernières se développant dans le cours des maladies

infectieuses peuvent être dues à un micro-organisme différent de

celui qui a provoqué l'infection primitive. Certains microbes pour-

raient se localiser primitivement et exclusivement dans les mé-

ningites pneumoniques et typhiques sans pneumonie ni dothiénen-

térie. Les microbes gagnent les méninges par voie de contiguïté

(otite) ou par la voie sanguine ; ce dernier mode est le plus fré-

quent. P. 13.

VARIA

Discours présidentiel prononcé A la réunion annuelle DE L'ASSO-

CIATION MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE, A 1DI11li0URG, le 6 août 1888, par

) ? S. CLOUSTON. (The Journal of Mental Science, octobre 1888.)

L'orateur, en terminant son discours, a pris soin de le résumer

lui-même dans les propositions suivantes :

1. A l'état normal, l'écorce cérébrale présente des différences

énormes, suivant les individus, au point de vue de ses propriétés

inhérentes, tant actives que potentielles ; ces différences, en ce

qui touche les points les plus importants, sont nécessairement t

« fonctionnelles ».

2. Dans toutes les formes de maladie mentale, la tendance com-

mune la plus forte, tant au point de vue clinique qu'au point de

vue psychologique, est la tendance à aboutir à la démence.

3. La démence étant la mort virtuelle des facultés mentales les

plus élevées, toutes les folies signifient mort mentale et mort

sociale.

4. Les déments constituent les deux tiers des aliénés.

5. Sur cent cas nouveaux de folie, il y en a quarante qui abou-

tissent promptement à la démence secondaire pure et simple ou

mélangée à des symptômes maniaques ou hallucinations.

6. Les modifications fonctionnelles qui surviennent dans l'écorce

cérébrale dans la démence secondaire sont primitivement et

principalement limitées au tissu mental (mind tissue) et constituent

en l'ait une maladie unique dans sa nature, sans aucune analogie

pathologique.

i. Le problème qui concerne la signification de la démence se-

condaire et les moyens d'en empêcher l'apparition, est le pro-

blème fondamental de la psychiatrie.

426 VARIA.

8. La maladie mentale peut se définir ainsi : « Une tendance à

la démence, »

9. De constants rapports avec les déments tendent à eux seuls

à abaisser la force mentale du personnel des asiles en vertu de la

loi bien connue de l'action de l'intelligence sur l'intelligence.

. 10. Il n'existe actuellement de la démence secondaire aucune

explication pathologique satisfaisante.

11. On peut la considérer comme une réversion du type, comme

une insuffisance de la force de la nature à compléter son produit

le plus organisé et le plus élevé, comme une mort fonctionnelle

prématurée du tissu mental, ou comme l'un des plus heureux

résultats de la loi qui préside à l'extinction des races mauvaises.

12. La démence secondaire vraie peut être si exactement simulée

par la stupeur secondaire qu'on ne peut distinguer l'un de l'autre

ces deux états qu'avec l'aide du temps et par les effets du traite-

ment. On peut considérer l'accès primitif de manie comme une

menace de démence, et la stupeur secondaire comme un pas de

plus dans la direction de cette démenée.

13. Nous n'avons aucun motif de penser qu'un cerveau, dont les

antécédents héréditaires sont absolument sains, puisse, même

avec le concours des circonstances les plus défavorables que nous

connaissions, être amené à' présenter les phénomènes de la dé-

mence secondaire typique.

14. Les impressions venues du monde extérieur par l'intermé-

diaire des sens ne stimulent pas, dans les conditions normales,

l'écorce cérébrale d'un dément; si cependant le stimulus extérieur

est très énergique, l'écorce peut y répondre dans une certaine

mesure ; mais un cerveau de ce genre est incapable de trouver en

lui-même, avec les seules ressources inhérentes à son fonctionne-

ment un pareil stimulus.

15. On ne peut pas considérer la démence comme étant causée

par les ravages qu'auraient causés dans le tissu mental les troubles

primitifs aigus ; car on la voit fréquemment survenir sans période

primitive aiguë, et son apparition est dépourvue de tout rapport

précis soit avec l'intensité, soit avec la durée des accès primitifs.

16. La démence vient se surajouter à la plupart des cas de ma-

nie chronique et avec délusions.

17. Les phénomènes pathologiques macroscopiques et micros-

copiques que l'on observe dans l'écorce cérébrale dans les cas an-

ciens de démence peuvent s'expliquer parla théorie de la dégéné-

rescence et de l'atrophie des tissus qui ne fonctionnent plus

depuis longtemps; ou bien ils peuvent constituer une période

avancée de l'état pathologique qui est la véritable cause de la dé-

mence, mais que, dans l'élat actuel de la scieuce, nous ne savons

pas reconnaître à sa période de début.

VARIA. 427 -1

18. Aucune théorie purement vasculaire de la démence n'est

soutenable.

19. La démence secondaire typique est toujours héréditaire, et

l'on peut remonter à sa genèse en passant par les états d'hyper-

activité, d'llypereslhésie, d'inhibition insuffisante, d'instabilité, de

mélancolie, avec alternance entre les différentes générations, ou

entre les membres d'une même génération atteints à des degrés

variables.

' 20. La démence secondaire pure et sans complications ne sur-

vient pas communément dans les folies qui se manifestent après

le développement complet de l'individu et avant la période de

déchéance organique, comme par exemple la folie puerpérale ou

la folie de la lactation, ni dans celles qui, à cet âge, résultent

d'un surcroît de travail ou de causes émotionnelles.

21. Les folies mélancoliques et alternantes, les folies d'inhibition

ou avec délusions, ne constituent pas aussi souvent les périodes

préliminaires de la démence secondaire que les accès de manie.

22. L'observation montre que presque tous les cas de démence

secondaire pure ont pour point de départ les folies de dévelop-

pement (folie de l'adolescence, folie de la puberté).

23. La masturbation peut être un des éléments qui favorisent

dans certains cas le développement de la démence secondaire :

mais elle n'en est ni la cause constante, ni la cause nécessaire.

24. L'idiotisme et l'imbécillité congénitale représentent l'échec

de la nature pendant l'accroissement du cerveau, tandis que la

démence secondaire est le type de ce même échec pendant le

développement cérébral .

25. La démence secondaire pure indique un échec de l'orga-

nisme dans celui de ses tissus dont l'organisation est la plus élevée

et la fonction la plus importante juste avant le moment où la

plénitude de la perfection reproductive aurait dû normalement

être atteinte.

26. L'emploi de procédés mal entendus et anlipbysiologiques,

aboutissant au surmenage dans l'éducation pendant l'adolescence,

alors que l'on ne tient pas suffisamment compte de la capacité et

des faiblesses héréditaires de l'organisme, peut amener une ten-

dance à la démence.

27. Les modifications constantes que subit, dans notre civilisa-

tion moderne, chaque génération pour adopter l'organisme hu-

main à son milieu ambiant, ainsi que les efforts spéciaux qu'exige

dans ces conditions la lutte pour l'existence favorisent la tendance

à la démence par suite de la tension qui se trouve ainsi imposée

au plus délicat de tous les tissus organisés.

28. La folie de l'adolescence, aboutissant secondairement à la

démence, peut être considérée comme la forme typique de ma-

ladie mentale.

428 8 VARIA.

29. Il paraitrait plus naturel que la démence fût consécutive

aux folies de déchéance organique (folie de la ménopause, folie sé-

nile) qu'à toute autre forme d'aliénation mentale; car alors elle

ne ferait qu'anticiper sur la mort intellectuelle et reproductive,

' déjà physiologiquement commencée.

30. Les animaux inférieurs, chez lesquels on observe pourtant

des accès analogues aux accès de mélancolie et de manie, ne pré-

sentent pourtant, avant la période sénile, aucun état qui corres-

ponde à la démence secondaire.

31. Par l'emploi des moyens prophylactiques dans certains cas,

par un traitement judicieux de l'accès primitif dans d'autres, on

peut écarter la démence ; mais dans un.grand nombre de cas elle

est inévitable en raison des conditions fâcheuses d'hérédité où se

trouve le malade. R. M. C.

Sur LES moyens DE maintenir l'esprit médical dans LES asiles D'ALIÉ-

NÉS ; par S.-A-K. SRAH.\M. (The Journal of Mental science, octobre

1886.)

L'auteur examine successivement : 1° la nécessité d'un nouveau

système de classification des malades, permettant de séparer les

aliénés curables des aliénés incurables; 2° la nécessité d'un traite-

ment hospitalier pour les aliénés curables ; 3° la nécessité de

donner une instruction professionnelle aux personnes qui sont ap-

pelées- à soigner les aliénés; 4° enfin, la nécessité d'augmenter le

personnel médical des asiles et do modifier les attributions de ce

personnel.

Il est convaincu, - ajuste titre d'ailleurs, que le mélange

des aliénés curables avec les aliénés incurables est absolument re-

grettable à tous égards et qu'il est aussi nuisible aux intérêts des

malades qu'à l'étude des questions scientifiques relatives à la fo-

lie ; quant à l'éducation professionnelle des gardiens et surveil-

lants, elle est actuellement reconnue indispensable par tout le

monde, ce qui ne veut pas dire, malheureusement, qu'elle soit

entrée dans la pratique courante.

Enfin il est évident que la situation qui est faite, en Angleterre

comme en France, aux médecins-directeurs des asiles, ne leur

permet pas de consacrer, comme ils le devraient, la majeure et

la meilleure partie de leur activité aux recherches d'ordre scienti-

fique. En dehors de leur rôle médical, qui suffirait largement à

occuper leur temps et leur intelligence, on en fait des hommes

d'affaires, on leur inflige la responsabilité d'une gestion finan-

cière importante, et c'est ainsi que, chez les médecins d'asile, on

étouffe, sous le poids d'antres préoccupations l'esprit médical,

l'esprit d'investigation scientifique. R. M. C.

varia-, 429 9

QUELQUES suggestions relatives .1 L1 construction et A L'OIiGA\I-

SATION DI.S hôpitaux destinés aux aliénés ; par Sanger UIONN.

(Tlee Journal of Mental science, avril 1887.)

Les observations de l'auteur s'appliquent surtout aux hôpitaux

qui sont principalement affectés au traitement des cas curables et

récents de folie, et dans lesquels on n'accumule pas de malades

incurables; avec de légères modifications toutefois, elles deviennent

applicables à tous les hôpitaux ou asiles d'aliénés.

Lorsque la classification des malades est bien faite, et lorsque

les aliénés sont maintenus sous la surveillance constante de gar-

diens compétents et convenablement instruits de leurs devoirs,

on ne rencontre qu'un très petit nombre de malades qui soient

réellement d'un maniement difficile. C'est au moment'de lajouriiée

où les gardiens sont occupés aux soins du ménage que la surveil-

lance se relâche et que la plupart des accidents arrivent. Il y a là

un mal réel, dont le remède est bien simple : il suffit, tout en di-

minuant leur nombre, ce qui pourra alors être fait sans inconvé-

nient, de relever la situation des surveillants proprement dits ; le

gros ouvrage, les soins du ménage seront alors confiés à desimples

domestiques que l'on pourra payer beaucoup moins cher que les

gardiens, mais qui n'auront aucun rapport avec les malades. Dis-*

pensés des gros ouvrages auxquels ils ne doivent pas être astreints,

relevés dans leur situation tant au point de vue moral qu'au point

de vue pécuniaire, les surveillants seront plus attentifs, plus

prompts à s'instruire, et leur recrutement se faisant dès lors dans

une classe un peu supérieure, ils seront plus dévoués et plus utiles;

il ne résultera d'ailleurs de celle réforme aucune dépense supplé-

mentaire pour l'asile, puisque le nombre des surveillants pourra

être notablement réduit, et que la rémunération beaucoup plus

faible des serviteurs du deuxième ordre compensera largement

l'élévation du salaire des employés du premier ordre.

L'auteur s'occupe ensuite des malades agités, et, ici encore, ses

observations sont fort judicieuses. Il rappelle tout d'abord que

c'est peut-être du quartier des agités ou des bruyants que l'on voit

sortir le plus de malades guéris; il convient donc. d'entourer ces

malades d'une sollicitude particulière; or, voici ce qui se passe

souvent dans une salle d'agités; faute des dispositions nécessaires

pour pouvoir pratiquer, soit le jour, soit la nuit, l'isolement effec-

tif des malades agiles, turbulents ou bruyants, le médecin est sou-

vent amené à prescrire à tel ou tel malade des médicaments nar-

cotiques; il sait que ce traitement n'est pas rationnel, qu'il vaudrait

mieux s'abstenir, mais il est obligé de sauvegarder l'intérêt du

plus grand nombre, et en présence d'un malade dont l'insomnie

va entraîner celle de tous ses compagnons de dortoir, il sacrifie

l'individu à la collectivité : il n'y a pas à l'en blâmer, mais il faut

430 VARIA.

éviter de le placer entre deux devoirs de conscience dont l'un doit

nécessairement être sacrifié; on y réussira sans peine, en ména-

geant dans les asiles des locaux spéciaux et convenablement isolés

pour les aliénés bruyants.

On trouvera peut-être que ce sont là de minces détails pour en

avoir fait l'objet d'un travail spécial, mais ceux-là ne penseront

pas ainsi qui ont vu de pies les asiles et les aliénés; à l'inverse du

prêteur romain, le médecin d'asile doit s'occuper des petites

choses, et c'est la maxime retournée qu'il faut lui appliquer : « De

minimis CU/'ut proeto1'. » R. M. C.

Asile d'East-Riding (Beverley). plan ET description d'un hôpital

DÉTACHÉ POUR LE TRAITEMENT DES MALADIES INFECTIEUSES; par M. D.

MACLEOD. (The Journal of Mental Science. Avril 1887.)

Cet hôpital est situé à 130 mètres de l'asile ; il peut recevoir

sept malades hommes et sept malades femmes, c'est-a-dire envi-

ron 5 p. 100 du chiffre moyen des habitants de l'asile; il comporte

les appartements nécessaires à deux garde-malades, et possède un

magasin de provisions, une cuisine, un lavoir et une buanderie;

.au-dessus de la cuisine se trouvent deux chambres de serviteurs.

A la buanderie est annexée une étuve pour la désinfection par la

chaleur des vêtements et de la literie.

L'hôpital; proprement dit se compose d'une construction à un

seul étage ayant à chacune de ses extrémités un dortoir de cinq

lits. Ces dortoirs sont séparés l'un de l'autre par un vestibnle spa-

cieux et deux corridors courts : la séparation des sexes dans ces

dortoirs est assurée. Les dortoir ? ontj quatorze pieds de hauteur;

ils sont bien éclairés des deux côtés et chauffés par des foyer»

ouverts qui assurent une ventilation naturelle suffisante. Cette

ventilation est d'ailleurs ménagée d'autre part par des ventila-

leurs de Boyd, placés dans la toiture, pour attirer l'air vicié, et

par des tuyaux muraux destinés à amener l'air pur du dehors.

.A l'extrémité de chaque salle est un couloir dans lequel s'ou-

vrent deux chambres à un seul lit chacune; ces chambres sont

chauffées par un poêle placé à l'extrémité de la cloison qui les sé-

pare, et isolé des chambres par des briques en terre cuite per-

forée.

Derrière chaque dortoir, et s'y rattachant, on trouve des an-

nexes contenant les water-closets, les bains et les éviers. Ces dépen-

dances sont séparées de la salle par un couloir percé de fenêtres des

deux côtés, de façon à empêcher les émanations de pénétrer dans

les salles.

Les water-closets sont à terre sèche, mais disposés néanmoins

de façon à pouvoir fonctionner à l'eau.

La construction est faite de briques rouges et les murs sont

FAITS DIVERS. 431

creux; le toit est doublé de planches et de feutre, de façon à pro-

téger contre la chaleur en été et contre le froid en hiver.

Le prix du bâtiment s'élèvera à 40,000 francs environ, soit

2,850 francs par lit. R. M. C.

Discours présidentiel prononcé A la réunion annuelle D ? L'AS-

SOC1.1TIOV LEDICO-P51'CIIOLOGIQUE, LE 9 août 1886; par Geo. Il.

Savage. (The Journal of Mental Science. Octobre 1886.)

L'oraleur s'est proposé dans ce discours d'étudier la pathologie e

de la folie dans ses rapports avec l'organe de l'intelligence, puis

la pathologie de la folie, dans les cas où celle-ci est la conséquence

des maladies de l'organisme, ou, en d'autres termes, l'expression

mentale des affections somatiques ; en troisième lieu, il étudie les

troubles des fondions mentales; cette dernierecatégorierenferme

la majeure partie des cas qui sont généralement considérés comme

des cas vrais de folie.

Il conclut de cette dernière étude, que dans un groupe consi-

dérable de cas de folie, c'est la fonction qui est modifiée et non

l'organe. La conséquence thérapeutique de cette manière de voir,

c'est que dans les cas de ce genre c'est eu mo lifiant le milieu où

évolue le malade qu'il faut intervenir, bien plus qu'eu faisant ap-

pel aux ressources de la pharmacopiè. li. 11. C.

FAITS DIVERS

Asile d'aliénés. - Mutations. - Le Dr Journiac, médecin-

adjoint, est nommé de l'asile public de St-Venant (Pas-de-Calais),

à l'asile public de Blois, en remplacement du Dr Adam, précé-

demment promu. (Arrêté du 16 avril 1890.)

Faculté DE médecine DE PISE. - M. le Dr G. D'AuUNDO a été

nommé privât docent de psychiatrie.

Congrès DE l'association des médecins aliénistes américains.

Ce Congrès aura lieu le 10 juin 1890, à Niagara Falls, 1\ew-Yorlc,

sous la présidence de M. Godding, directeur de l'asile de Washing-

ton. '

Enseignement des maladies mentales. - Le Loiicloit Country

Coiisial a décidé la construction d'un hôpital, non pas spécialement

pour l'hospitalisation des aliénés, mais pour le traitement des

432 FAITS DIVERS.

maladies psychiques et Y instruction des spécialistes. Il y aura là un

personnel d'experts habiles, et le Conseil est disposé à dépenser

chaque année 10,000 dollars (Médical Record, N. Y., 1890, p. 215).

- Ce fait montre l'importance que l'on accorde en Angleterre à

l'enseignement des maladies mentales et témoigne des efforls

faits pour avoir dans les asiles des médecins instruits.

Congrès DES médecins aliénistes français. Le premier congres

annuel des médecins aliénistes français s'ouvrira, à Rouen, le

lundi 4 août 1890.

Congrès international CONTRE l'abus DES boissons alcooliques.

- Ce Congrès (le 3°) aura lieu à Christiania du 3 au sep-

tembre 1890.

Congrès international d'électricité. Le Congrès d'électricité,

qui s'est réuni l'année dernière en Allemagne, aura lieu cette

année à Paris, vers le mois de juin. Le président du conseil, mi-

nislre des postes et télégraphes, déposera prochainement sur le

bureau de la Chambre une demande de crédit supplémentaire, en

vue d'assurer aux hôtes que ce Congrès nous amènera une hospi-

talité digne d'eux et de la France.

Société contre l'abus DU TABAC. - La Société contre l'abus du.

tabac vient d'ouvrir un nouveau concours, dans lequel nous

trouvons les questions suivantes qui peuvent intéresser nos lec-

teurs. - lino 1. Prix de médecine : De l'influence du tabac et de la

nicotine sur les fonctions digestives. Le prix consistera eu un lot

de livres d'une valeur de 2,000 francs environ et une médaille de

vermeil. N° 2. Prix de l'hypnotisme : Un prix de 400 francs, dont

100 francs pour rachat de cotisation du vainqueur, est offert par

M. Decroix au médecin français ou étranger qui relatera le plus

grand nombre de cas de guérison d'affections nicotiniques,

mais au moins quatre, par le renoncement au tabac, obtenu à

l'aide de l'hypnotisme et de la suggestion. Chaque observation

devra faire connaître l'âge du sujet, depuis combien de lemps il

fumait, la quantité approximative de tabac consommée par jour,

les symptômes constatés (angine granuleuse, crampes d'estomac,

dyspepsie, pyrosis, angine de poitrine, amblyopie. perle de la-

mémoire, etc.), le nombre de séances de suggestion pour obtenir

la guérison, avec les dates à l'appui. Les mémoires pour les deux

prix ci-dessus'pourront être rédigés en français, en allemand, en

italien ou en espagnol. Le programme détaillé sera envoyé à toute

personne qui en fera la demande au siège de la Société, 38, rue

Jacob, Paris.

Abus DE la morphine dans LES pays chauds. - On lit dans le

Progrès médical : « Un de nos amis du Venezuela (partie Sud où il-

fait très chaud, environs de Ciudad-Bolivar) nous écrit : « En ce

faits DIVERS. 433

pays, nos médecins et notre curé souffrent beaucoup des nerfs ( ? ).

Ils ont recours aux injections de morphine pour calmer leur état

nerveux ; ils se font de 10 à 20 injections de morphine par jour

en moyenne ». On voit qu'il n'y a pas qu'en Europe que les pra-

tiques du morphinisme sont en vigueur.

DÉLIVRANCE DE MORPHINE SANS ORDONNANCE MÉDICALE. - M. A. D...,

pharmacien de 2° classe dans une petite ville du Nord, s'étant

vu obligé de changer de résidence, demanda à passer de nouveaux

examens devant le jury de l'Ecole de médecine et de pharmacie

d'Amiens. Or, bien qu'il se soit soumis à cette formalité, M. D...,

s'est vu refuser par le Conseil d'Etat, sur le recours du ministre

de l'Instruction publique, le droit de s'établir dans la Somme.

Voici pourquoi : M. D... avait eu la faiblesse de livrer à deux de

ses clientes, la femme et la fille d'un médecin établi dans cette

même ville du Nord, une quantité considérable de morphine. Ces

deux malheureuses en avaient consommé en peu de temps pour

600 francs environ. Les livraisons clandestines furent révélées au

médecin, qui fit défense à D... de les continuer. Mais le pharmacien

ne tint pas compte de la défense, et l'une de ses clientes mourut.

Le médecin déposa une plainte : le sieur D... futcondamné à une

peine sévère qui le mit dans la nécessité de quitter sa résidence.

LE PROJET DE LOI sur LES aliénés. - Le gouvernement a saisi le

conseil supérieur de l'assistance publique du projet de loi sur les

aliénés, voté par le Sénat sur le rapport de M. le Dr Th. Roussel.

Un second rapport a été présenté à l'ancienne Chambre des dé-

putés, mais le projet de loi n'est pas venu en discussion, et comme

le rapporteur, M. le Dr Bourneville, n'a pas été réélu député, il ne

lui a pas été possible de faire revivre ce projet en le présentant

à Litre de proposition émanant de l'initiative privée. Le gouverne-

ment semble donc disposé à faire sien le projet voté par le Sénat,

et' c'est sans doute dans le but de le déposer plus tard sui le bureau

de la Chambre des députés qu'il l'a transmis au conseil supérieur

de l'Assistance publique, pour qu'il y soit préalablement examiné.

. z

UNE jeûneuse. - On lit dans le Progrès Médical : « 11 existe dans,

une petite localité de la Dordogne, à Bourdeilles, une femme

nommée Marie Bouriou, qu'on appelle « la Jeûneuse ». Il s'est

créé dans le pays, dit l'Avenir de la Dordogne, autour de cette

femme, toutes sortes de légendes extraordinaires. Les allures de

Marie Bouriou n'ont rien absolument qui dénote une fanatique.

Elle dit même très volontiers qu'elle s'occupe fort peu des curés.

En somme, la seule certitude que puisse donner l'Avenir au sujet

de 0 : la Jeûneuse », c'est qu'elle est strictement surveillée depuis

quinze jours, et que, depuis ce temps, elle n'a absorbé aucune nour-

riture. Elle se rince simplement la bouche avec de l'eau dont elle

Archives, t. XIX. 28

434 FAIT ? DIVERS.

n'absorbe pas une goutte. Il y a quelques jours, Marie Bouriou

était malade et très affaiblie ; mais elle s'est remise sans suivre

aucun traitement, et aujourd'hui, rien ne laisse supposer, à son

aspect, que l'on se trouve en face d'une personne n'ayant rien

mangé depuis quinze jours très certainement. La « Jeûneuse » est

plutôt maigre, mais elle n'est ni étique, ni décharnée. »

Nous prions nos lecteurs de la Dordogne de nous renseigner sur

cette jeûneuse et les en remercions d'avance.

L'UTILITÉ DE la catalepsie. - On écrit 'de Dunkerque, 14 avril :

« Une jeune fille de 17 ans, nommée Marie Hostelandt, prise d'une

violente attaque d'épilepsie( ? ),esttombéeaujourd'hui dans le canal

de dérivation. Un batelier s'est jeté à l'eau pour aller à son secours,

mais n'a pu la ramener sur la berge qu'après vingt minutes de re-

cherches. Ce qui rend cet accident tout à fait singulier, c'est que

la jeune fille, sortie de l'eau, présentait tous les symptômes de la

catalepsie, et qu'on a pu, après cette longue immersion, la rappeler

à la vie. Son état n'inspire aucune inquiétude. »

INTERDICTION DE l'hypnotisme dans la marine. - M. le ministre

de la marine a adressé la circulaire suivante aux vice-amiraux,

commandants en chef : « M. le président du conseil supérieur du

service de santé de la marine a appelé mon attention sur ce fait

que. dans certains hôpitaux maritimes, des recherches, ayant pour

objet l'étude de l'hypnotisme, étaient parfois pratiquées, et que

ces expériences, pour lesquelles on allègue la nécessité de suivre

les progrès de la science, avaient plus ou moins détourné l'ensei-

gnement et la pratique du service médical de la clinique vraiment

rationnelle.

« D'un autre côté, l'hypnotisme pouvant, même de l'aveu de ceux

qui le préconisent, faire courir des dangers aux malades qui y

sont soumis, j'ai accueilli les observations de M. le D Bérenger-

Feraud.

« En conséquence, j'ai l'honneur de vous informer que j'interdis

d'une manière absolue la pratique de l'hypnotisme dans la marine.

Vous voudrez bien prescrire aux officiers du corps de santé, placés

sous vos ordres, de n'y avoir recours pour quelque motif que ce

soit. »

NÉCROLOGIE. - ici. le Dr C. il. MIC11ELs, aliéniste américain des

plus distingués, ancien directeur de l'école de Bloomingdale.

Suicide D'UN adolescent. - Un jeune employé de scierie, à

Bezu-Saint-EIoy (Eure), Georges H..., âgé de seize ans, a tenté de

se suicider lundi dernier, sur la roule de la gare, en se tirant un

coup de revolver dans la tête. La balle n'ayant pu être extraite,

on a peu d'espoir de sauver le malheureux jeune homme..On

ignore quels motifs ont pu porter Georges H... au suicide.

faits divers. - ! roi IP)

Assurance des idiots. - « Un incendie qui a fait malheureusement

une victime a éclaté, à Irreville(Eure), dans la nuit de mercredi à

jeudi, chez les époux Damois, journaliers. Ceux-ci dormaient pro-

fondément, quand ils ont été réveillés par un voisin qui a enfoncé

la porte de leur maison, et ils n'ont eu que le temps de se sauver

en chemise. ,

«Dans une chambre voisine de la leur, se trouvait la soeur de

Damois,. nommée Aglaé et idiote de naissance. La pauvre fille a

été brûlée vive. Elle était âgée de cinquante ans, et l'on croit que

c'est elle qui a mis le feu par imprudence.

«L'incendie a complètement détruit la maison des époux Damois,

qui se trouvent sans asile et même sans vêtements. La perte est

évaluée à 1,500 francs, et n'est malheureusement pas couverte par

une assurance. On a retrouvé dans les décombres le cadavre car-

bonisé de. l'infortunée victime. » (Rappel de l'Eure, 16 janvier.)

Toutes les semaines les journaux politiques enregistrent des faits

analogues. Nous croyons utile de reproduire ceux qui viennent à

notre connaissance, car ils fournissent de puissants arguments en

faveur de l'hospitalisation, dans des asiles spéciaux, des idiots et des

imbéciles.

Par la fenêtre. - . Une jeune pianiste de dix-huit ans, Mlle

Jeanne R..., débarquait récemment du Brésil et venait s'installer

chez son oncle et sa tante, qui demeurent 8, avenue du Maine.

Cette jeune fille, atteinte de fièvre cérébrale, à la suite de maladie

noire, s'est précipitée hier matin, vers six heures, dans un accès

de fièvre, par la fenêtre de son logement, situé au deuxième étage.

Des passants s'empressèrent de la relever. La malheureuse, qui

avait le crâne ouvert, a été transportée dans un état désespéré à

l'hôpital Necker, par les soins de M. Duponnois, commissaire de

police. »

Ce fait montre une fois de plus la nécessité d'interner les malades

atteints d'aliénation mentale. La plupart des accidents de ce genre

pourraient être évités et les malades guérir si les parents et les

médecins faisaient exactement leur devoir et ne craignaient les

attaques d'une certaine presse plus soucieuse de scandales que

d'être utile aux malades.

L'arrestation des fous dangereux. - Le Radical du 17 avril a

publié le récit suivant :

« Les agents Aubuy et Trindel, du commissariat de Charenton,

se trouvaient, avant-hier soir vers onze heures, en tournée rue

Labbé, à Alfortville, quand tout à coup l'un d'eux reçut une chaise

sur la tête.

« A peine avaient-ils pris le temps de se retirer, qu'une com-

mode, une table, des chaises, un lavabo, des paniers de vais-

436 BULLETIN bibliographique.

selle, etc., étaient jetés par la fenêtre d'un logement situé au

deuxième étage de la maison portant le n° 47 de cette rue.

« Ils montèrent aussitôt pour s'enquérir des causes de ce sin-

gulier déménagement, et dans l'escalier ils rencontrèrent un indi-

vidu vêtu uniquement de sa chemise et armé d'un couteau et d'un

revolver. -

« A leur vue, cet homme prit la fuite et par une des lucarnes

du grenier pénétra sur les toits. Les agents prirent le même chemin,

mais ils furent accueillis par des coups de feu qui les forcèrent à

se retirer. ,

« Quelques instants après cet individu descendait à son tour

dans la rue et déclarait aux deux agents qu'il venait de tuer le

procureur général et douze gendarmes.

« Plus de doute, on avait affaire à un fou. On le conduisit au com-

missariat de M. Cirard et ce magistrat l'a fait transporter. l'infir-

merie du Dépôt. Cet homme est un nommé Alcide-Victor C...,

âgé de cinquante ans, qui, il y a trois ans, avait perdu un im-

portant procès. »

Nous pensons que dans les cas de ce genre, au lieu d'essayer de

s'emparer de vive force de l'aliéné, il serait de beaucoup préférable

de cerner la maison, de temporiser plus ou moins longtemps afin

de laisser passer la période d'excitation. Si l'on se bornait à ces

précautions, on n'aurait pas, comme cela arrive trop souvent, à

regretter de graves accidents, la mort même de citoyens courageux.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Avis A MM. LES Auteurs ET Editeurs. La direction des Archives DE

Neurologie rappelle à MM. les Auteurs et Editeurs, que les ouvrages dont

il sera reçu deux exemplaires seront annoncés au BULLETIN BIBLIOGRA-

rHQuE et analysés; ceux dont il ne sera reçu qu'un simple exemplaire

seront tout simplement annoncés.

FALRET (J). - des aliénés et les asiles d'aliénés. (Assistance, législation

et médecine légale). Brochure in-8° de 564 pages. - Prix 8 fr. Librai-

rie J.-B. Baillière et iils. 0

INDEX catalogue OF THE LIBRARY OF THE SURGEON-GENERAL'S OFFICE U. S.

ARatr. Vol. X. (O.-Pfutsch.) Volume in-4° cartonné de 1059 pages, Was-

hington, 1889. Governement Printing office. m

Manaceim (M.) - Le surmenage mental dans la civilisation moderne.

(Effets. - Causes. Remèdes). Volume in-18 de 286 pages. - Prix :

3 tr. Paris, 1899. - Librairie G. Masson.

BULLETIN bibliographique. 437

PUBLICATIONS'

DU PROGRÈS MÉDICAL ET DES ARCHIVES DE NEUROLOGIE

13ERXARD, - De l'aphasie et de ses diverses formes. 2° édition avec une

préface et des notes par le Dr Ch. Féré. Volume in-8° de 260 pages, avec

25 figures dans le texte. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés, 4 fr.

BLOCS. - Des contractures : Contractures en général, la conctracture

spasmodique, les pseudo-contractures. Volume iu-8° de 216 pages, avec

huit figures dans le texte, une planche chromo-lithographique et trois

phototypies. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés. 4 fr.

BOURIOEVILLE (M.), COURBARRIEN, RAOULT et SOLLIER. - Recherches cli-

niques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte

rendu du service des enfants de Bicêtre pour 1888. In-8" de lLVm.- 80

pages (t. IX de la collection). Prix : 3 fr. 50. Pour nos abonnés, 2 fr. 50.

BOURNEVILLE (M.). Rapport fait au nom de la commission chargée

d'examiner le projet de lot adopté par le Sénat, tendant à la révision de

la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés. - Volume in-8 de 129 pages.

Prix : 4 fr. Pour nos abonnés, 3 fr.

13 ! HSS.\UD (E.).- Des scolioses dans les névralgies sciatiques. - Bro-

chure in-8° de 40 pages. Prix : 0 fr. 75. - Pour nos abonnés, 0 fr.50.

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des documents historiques, avec une préface de M. le Dr Bourneville.

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hors texte, et d'un plan général de l'Hospice de Bicêtre actuel (1890;.

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BUTLI ? (H.-P.). Maladies de la langue. Traduit de l'anglais par le

D' Douglas-Aigre. Volume in-8° de 421 pages. Prix : 8 fr. Pour nos

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Cornet (P.) - Traitement de l'épilepsie par le bromure d'or, le bro-

mure de camphre et la p'crotoxine. - Prix : 2 fr. Pour nos abonnés,

1 fr. 35.

EDV.1RD5 (B.-A.). De l'hémiplégie dans quelques affections nerveuses

(Alaxie locomotrice progressive, sclérose en plaques, hystérie, paralysie

agitante).) Volume zn-8° de 169 pages, avec 5 figures, - Prix : 4 fr.

Pour nos abonnés, 2 fr. 75.

Gilles de la TOURETTE et CATIIELI\E1U. - La nutrition dans l'hystérie

Volume in-8" de 116 pages. Prix : 3 fr 50. Pour nos abonnés, 2 fr. 75.

GUI : iON (G.) Les agents provocateurs de l'hystérie. Volume in-8° de

392 pages. - Paris, 1889. Prix : 8 fr. Pour nos abonnés, 6 fr.

HuET (E.). - De la chorée chronique. Volume in-8" de 262 pages avec

10 figures dans le texte. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés, 4 fr.

KovALEVSKY (P.). Myxcedènze ou cachexie pachydermique (Charcot). Bro-

chure in-8" de 26 pages. Prix : 0 fr. 75. Pour nos abonnés, 0 fr. 50.

Ladame. - Procès criminel de la dernière sorcière brûlée à Genève, le

6 avril 1652. Publié d'après des documents inédits et originaux conser-

vés aux Archives de Genève (n° 3F6JJ. Brochure in-8° de xu-52 pages.

Papier vélin, prix : 2 fr. 50. Pour nos abonnés : 2 fr.. - Papier japon

(ne, 1 à 50). Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 4 fr.. - Papier parcheminé

(n°5 51 à 100). Plix : 3 fr. Pour nos abonnés 2 fr.

PILLIET (A). - Sclérose et Atrophie des glandes gastriques. - Brochure

in-8 de 26 pages - Prix : 0 fr. 75. Pour nos abonnés, 0 fr, 50.

438 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

PITRES (A.) et BITOT (E.) - Des tremblements hystériques . Brochure

in-8° de 26 pages. - Prix : 1 fr. Pour nos abonnés, 0 fr. 70.

Poirier (P.) - Lymphatiques des organes génitaux de la femme. Bro-

chure in-8° de 60 pages, avec 11 figures. Prix : 2 fr. Pour nos abonnés,

1 fr. 60.

SEVESTRE. - Etudes de clinique infantile. - (Syphilis héréditaire pré-

coce, laryngite syphilitique broncho-pneumonie par infection intestinale,

prophylaxie de la rougeole et de la diphtérie à l'hospice des Enfants-

Assistés. Volume in-8° de 141 pages. - Prix : 3 fr. Pour nos abonnés,

2 fr.

SOLLIER (P.). - Du rôle de l'hérédité dans l'alcoolisme. Volume in-18

jésus de 215 pages. Prix : 2 fr. 50. Pour nos abonnés, 1 fr. 75.

TARKOUSKY (T.). - Etude anthropométrique sur les prostituées et sur

les voleuses. Volume in-8° de 226 pages. - Prix : 5 fr. Pour nos abon-

nés, 4 fr.

Le rédacteur-gérant, BOl'IINEVILLE,

TABLE DES MATIÈRES

Abasie-astasie sous forme d'attaques,

par Ladame, 40.

Acéto-phénone (effets de 1'), par

Norman, 239 ; -chez les aliénés,

par Rottenbiller, 239.

Acromégalie, par Schultze, 264.

Activité mentale (troubles fonction-

nels de 1'), par Kroepelin, 417.

Alcoolisme, 156.

Aliénation mentale (cas d'j, par

Turnbull, 395.

Aliénés (occupation agricole des),

par Landerer, 131; - loi sm -

au Sénat, 136; en liberté, 149;

criminels en Belgique, 155;

(traitement des), par Rorie, 239;

(jurisprudence municipale con-

cernant les), 288; - frais de pen-

sion des), 299; - du droit de ré-

clamation des - devant les tri-

bunaux civils, par Foville, 393 ;

(époque de sortie des), par

Newington, 395; - en Ecosse,

par Rorie, 395; - (séquestration

des criminels et des criminels,

- par Langreuter, p. 395;- diges-

tion stomacale chez les par

Noorden, 403; assistance des

- par les familles artificielles,

par Sioli, 410; - par Sanger

Brown, 429; projet de loi sur

les 433.

Appétit dans la folie, par Campbell,

122,

Asiles d'aliénés; promotions et no-

minations, 151, 295, 431; - fête

à 1' - de Villepuf, 285; main-

tien de l'esprit médical dans les.

- par Graham, 428.

Association médico-psychologique à

Edimbourg, par Clouston,'425,431.

Ataxie (Troubles de la sensibilité et

rapports avec 1' -), par Rumpf,

259.

Atrophie musculaire progressive né-

vrotique, par Hoffmann, 260.

Basedow (résistance électrique dans

la maladie de), par Vigouroux,

110; par Eulenburg, 110.

Bibliographie : Etudes cliniques

sur les maladies mentales et ner-

veuses, par Falret, 146; rôle

de l'hérédité dans l'alcoolisme,

par Sollier, 147; - atrophie cé-

rébrale partielle d'origine périphé-

rique, par Sibut, 423, - l'acro-

mégalie, par Souza-Léite, 124; -

les méningites microbiennes, par

Adenot, 121.

Catalepsie (utilité de la), 431.

Catatonie et paralysie générale, par

Mamroth, 271. "

Cécité psychique, par Lissauer, 128 :

complète par lésion corticale, par

Bouveret, 244.

Centre cortical de la voix, parRoss-

bach, 405.

Cerveau (des fonctions du), par

Soury, 78, 166 ; - sarcomes mul-

tiples du -- par Bullens, 243;

carcinome secondaire du - simu-

lant la paralysie générale, par

Percy-Smith, 248 ; résection du

cerveau chez le chien, par Goltz,

256; par Monakow, 262.

Cheveux (changement périodique de

couleur des), par Reinhardt,115.

Cocaïne (cas d'intoxication par la)

par Wagner, 239.

Congrès des aliénistes de l'est de

l'Allemagne, 128, 271; du sud-

ouest de l'Allemagne, 130 ; des

neurologistes et aliénistes de l'Al-

lemagne du sud-ouest, 256; - de

magnétisme, 284 ; des aliénistes

Allemands, 405.

440 TABLE DES MATIÈRES

Crâne (atrophie symétrique du),

par Rossbach, 405.

Démence paralytique guérie, par

Wendt, 279.

Diplopie monoculaire, par Neuen-

dort, 281. -

Dystrophies spinales, par Hitzig,

261.

Ecorce cérébrale (développement

des cellules multipolaires de l'),

par Palmer, 402.

Ecriture des aliénés, par Grashev,

416.

Encéphale (anatomie de 1'), par

Forel, 113; altération des vais-

seaux de la base de 1' - par

Buchholz, 260 ; méthode pour

faire de grandes coupes de 1' -

par Lissauer, 273.

Encéphalite aiguë non suppurée,

par Friedmann, 270.

Epilepsie (pathogénie de l'attaque

d'), par Binswanger, 416.

Epileptiques (hospitalisation des

en Belgique, 156, 158 : fureur

maniaque chez un - par Audry,

408. -

Facial (origine nucléaire de la bran-

che oculaire du par Mendel,

111.

Folie, larvée, par Nommant 119;

saturnine, par Hall-White, 122 ;

juvénile, par Kalhbaum, 273 ;

- Appétit dans la - par Camp-

bell, 122; - du roi de Bavière,

par Ireland, 289 ; et crime,

par North, 392 ; sur la pré-

tendue augmentation de la -

par Hack Tuke, 400.

Galvanisation du sympathique, par

Engelskjoen, 110.

Goitre exophthahnique et folie, par

Joffroy, 401.

Hallucination du souvenir, par

Kroepelin, 117.

Haschich, en Egvpte, 157.

Hydrate d'amyléne, par Lehmann,

2 in.

Hyoscine (effets` thérapeutiques de

l'), par Kny, 133.

Ilypnotisme, 152, 151, 157; -par

Sperling, 252; (interdiction de ? ) dans la marine, 434.

Hystérie et morphinisme, par Liebe,

282.

Hystéro-épilepsie chez les jeunes

garçons, parBourneville et Sollier,

98.

Idiote (cerveau d'), par Jacher, 131 ;

assurance des idiots, 435.

Idiotie myxoedémateuse, par Bour-

neville, 2L7.

Ivresse (phénomènes héréditaires et

psychiques dans 1'), par Crothers,

123 ; rapports de l' - avec la

responsabilité criminelle, par Sa-

vage, 393.

Jeûneuse, 433.

Lymphangiôme de la pie-mère spi-

nale, par Taube, 112.

Maladies (observations de - men-

tales), par Percy Smith, 121 ; -

hôpitaux pour les infectieuses,

par Macleod, 430; - enseignement

des mentales, 431.

Manie (traitement de la - par l'o-

pium), par Jolly,1130.

Mariages consanguins et folie, par

Schutleworth, 402.

Mélancolie (deux cas de), parPatton,

t21;- par Falret, 125 ; Rouillard,

127; Marandon de Montyel, 250 ;

Legrain, 251; - chez les neuras-

théniques, parMarcus, 272; -par

Mendel, Snell, Binswanger, 406.

Moelle (trajet des fibres radiculaires

postérieures dans la), par Takacs,

110; (anatomie pathologique

de la), par Francotte, 161, 378;

(affections systématiques combi-

nées de la), par Erlick et Rvbal-

kin, 246.

Morphine (abus de la dans les

pays chauds), 435 ; (délivrance

de la sans ordonnance, 433.

Morphinomanes (stratagèmes des),

295.

Muscles (hyperexcitabilité mécani-

que des), par Friedmann, 111;

- (altération des - dans les

psychoses, par Buchholz, 132 ;

Fuerstner, 258.

Myxoedème (idiotie avec), par Bour-

neville, 217; (moyen d'enrayer

les progrès du), parllorsley. 235.

Naphtolisme, 296.

Nécrologie, 158, 300, IJ.3 \..

Nerveuses (structure des fibres et

cellules), par rrommann, 07. ,

TABLE DES MATIÈRES 44'1

Névralgies malignes (des scolioses

dans les), par Brissaud, 1.

Névrite consécutive à une fièvre

typhoïde, par Stadelmann, 111.

Névroses (alternance des), par Sa-

vage, 211 ;' - caléfaction artifi-

cielle dans diverses), par Mueller,

254 j- traumatiques, par Schultze,

264.

Opiacés (action (les - sui, le tube

intestinal), par WitkolVSki, z

Oreille pointue bestiale de Da-

vus, par Sc,hwalbe, 257.

Pachvméningite hémorrhagique, par

Savage, 120.

Paralysie générale (état de la pu-

pille dans la), par zizi, 118 ; -

(contre irritation dans la), par

Daviès, 120; (ergotinc dans

la), par Christian, 127; (carci-

nome secondaire du cerveau si-

mulant la), par Percy Smith, 248 ; -

et catatonie, par llamroth,

271 ; chez des jumeaux, 393;-

(un cas de), par Greppin, 103.

Paralysie intermittente de l'oculo-

moteur commun, par Richter,

2'r7 ; ostéo-malacique, par

Koeppcn, 207 ; (nature de la

- saturnine), par Vierordt, 247.

Paralysie diabétique, par Charcot,

30j,

Perception inconsciente, par Ona-

nos.362.

Prix Limier, 296.

Psychoses (guérison brusque dans

les), par Peretti, 270.

Réaction dégénérative (modification

de la), par Bernhardt, 110.

Responsabilité atténuée, par Kirn,

133; - (expertises médico-légales

pour), par Sclilleler, 391.

Scaphandres (accidents produits par

l'emploi des), par Catsaras, 48.

Scolioses dans les névralgies sciati-

ques, par Brissaud, 1.

Séclusion (usage et abus de la),

par Campbell, 210.

Séquestration, condamnation d'un

médecin, 300.

Simulation de la folie, par Tigges,

278.

Société médico-psychologique, t2,

219, t·0 ; - psychiatrique de Ber-

lin, 251, 279; - de la province

du Rhin, 274.

Souvenir (hallucination du), par

Kroepelin, 117.

Spasme radial, par Laquer, 268.

Spécificité cellulaire chez l'homme,

par Hillemand, li8.

Suicide (impulsion inconsciente au

suicide et à l'homicide), par Powell,

397.

Suspension chez les tabétiques, par

le]-1), 269.

Sympathique (galvanisation du),

Engelskaen, 110.

Sy plUis du système nerveux cen-

tral, pai Buttersack, 2H,

Système nerveux (évolution et dis-

solution du), par Hugtings Jackson,

2S3 ; - (travaux Finlandais sur

le), 217.

Tabac (prix de la Société co.tre

l'abus du), 432. '

Tabès dorsal, et lésions des nerfs

périphériques, par Oppenheim et

Siemerling, 245; avec atrophie

et paralysie des muscles mastica,

teurs, par Schultze, 263.

Tétanie (de l'allure des nerfs sensi

bles dans la), par Hoffmann,F115.

Thérapeutique suggestive, par de

Corval, 2fi ?

Valériane et ses préparations, par

Yvon, 229.

Verbigération, par neisser, 129.

Verrucktheit et \Vahmsinns, par

Werner, 418.

Vue (locolisations cérébrales con-

cernant la), par Heinhardt, 112.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Adenot, 424.

Audry, 408.

Bernhardt, 110.

Binswanger, 40G, H6.

Blocq, 331.

Borie, 395.

Bourneville, 98, 2l î.

Bouveret, 214.

Brissaud, 1.

Buchholz, 132, 260.

Bullens, 243.

Buttersack, 244.

Campbell, 122, 210.

Catsaras, 48.

Charcot, 305. -

Christian, 127.

Clouston, 425.

Corval, 265.

Crothers, 123.

Daviès, 120.

Engelskjen, 110.

Bru, 269.

Erlicki, 246.

Eulenburg, 110.

Falret, 125, 116.

Forel, 113.

Foville, 393. .

Francotte, 161, 378.

Friedmann, 111, 270.

Frommann, 407.

Fuerstner, 258.

G oltz, 256.

Graham, 428.

Grashey, 416.

Greppin, 403.

Guinon, 305.

Hall White, 121.

Hillemand, 148.

Hitzig, 261.

Hoffmann, 115, 260.

Horsley, 235.

Hughlings Jackson, 213.

Ireland, 289.

Joffrov, 404.

Jol I y, 130.

Kalhbaum, 273.

Kirs, 135.

ICny, 133.

Koeppen, 268.

Kræpelin, 117, 417.

Ladame. 40.

Landerer, 131.

Langreuter, 393.

Laquer, 208.

Lehmann, 240.

Liebe, 282.

Lissauer, 128, 273.

Mac Dowall, '117.

Macleorl, 430.

Mamroth, 271.

Marandon de Montyel. 250.

jlarcus, 272.

Maniescu, 331.

Mendel, 111, 406.

;\loe11, 118.

Alonakow, 262.

llueller, 251. z

Neisser, 129.

Neuendorf, 281.

Newington, 395.

Noorden, 403.

Norman, 119, 239.

North, 392.

Onanoff, 362.

Oppenheim, 24G.

Palmer, 4.0 ? .

Patton, 121.

Percy Smith, 121, 248.

Peretti, 276.

Powell, 397.

Heinhardt, 112, 1 ! ¡j,

Ribalkin, 216.

Richter, 247.

Rorie, 239, 395.

Rosenthal, 300.

Rossbach, 405, 406.

Rottenbiller, 239.

TABLE DES ALJTFU11'sT DES COLLABORATEURS. 443 Il

Rouillard, 127.

Rumpf, 259.

Sanger Rrown 129.

Savage, 120, 241. 393, 431.

Schueler, 394.

Schultze, 263.

Sctutleworth, 402.

Schwalbe, 257.

Sibut, 423.

Siemerling, 245.

Sioli, 460.

Snell, 406.

Solfier, 98, 147.

Soury, 78, 166.

Souza-Leite, 424.

Seperling, 252.

Stadelmanu. 111. l.

Takacs, 110.

Taube, 112.

Tirages, 278.

Tuke, 400.

Turnbull, 395.

Vigoureux, 110.

Wagner, 239.

Wendt, 279.

\Vel'l1el', 418.

Wierordt, 247.

Wilkowski, 266.

Yvon, 229.

Zacher, 131.

EXPLICATION DE 'LA PLANCHE 1

PI. 1, lit. 15. - Coupe de la moelle dorsale moyenne, à un faible

grossissement, colorée par la méthode de Pall. On y voit la topographie

générale de la lésion : a, portion triangulaire fortement dégénérée, située

en avant du faisceau cérébelleux (f. de Gowers ? ) b, faisceau pyramidal

moyennement dégénéré ; c, faisceau cérébelleux direct ; d, cordon de

de Burdach dégénéré ; e, cordon de Goll fortement dégénéré ; /, colonnes

de Clarke dégénérées ; g, bande de tissu sain qui contourne la corne

postérieure; h, canal épendymaire; ? ', i, zone externe de Lissaller saine.

Pl. I, fig. 2. - Coupe de la moelle lombaire inférieure, à un faible

grossissement, colorée au picro-carmin. On y voit surtout la disposition

des lacunes vasculaires dans le tissu sclérosé : a, lacunes vasculaires ;

a', lacune dans la racine postérieure sclérosée ; b, racine postérieure

sclérosée ; c, cornes antérieures saines ; d, racines antérieures normales;

e, faisceau de Burdach ; f, canal épendymaire ; g, faisceau pyramidal.

Pl. I, fig. 3. - Région de la colonne de Clarke dans la moelle dorsale

moyenne, vue à un fort grossissement, colorée par la méthode de Wei-

gert et au carmin; a, cellules atrophiées sans noyau et sans prolongement

b, tissu conjonctif remplaçant les fibres fines ; c, noyaux fortement co-

lorés ; d, fibres fines restantes ; e, fibres saines entourant la zone.

Ce numéro renferme un tableau relatif au Mémoire de 11. Caslraras

qui aurait dû paraître dans le précédent numéro.

Evr-ux L HlkWk\, imp - 590.

N'ig. 1. - Courbe des quantités de sucre excrété en 21 heures.

Fig. Jouibe des quantités de sucre exci été en 21 heures.

On voit que nilé de sucre excrétée en 24 heures oscille entre 330 et 620 grammes.

. 1 5 . -.

. I

1 . -- xt T. XIX, Pl. 111. · 1 1

1 1 Fig. 2 Courbe des variations du sucre par litre d'urine.

Fiv. 4. Courbe des variations du sucre par litre d'urine après traitement.

Archives DE Neurologie. T. XIX. PI. IV. i

Fig. 5. Courbe des quantités d'urée en 21 heures après traitement.

Fig. 6. Courbe des quantités d'urée par litre d'urine après traitement.

li 1

CATSARA8 - Tableau V