(1889) Archives de neurologie [Tome 17, n° 49-51] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1889) Archives de neurologie [Tome 17, n° 49-51] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

EVREUX, IIIPI11àlElilE DE CHARLES IIERISSEY Y

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

REVUE

UI5S MALADIES NEUVEUSES ET MENTALES

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE

J.-11f. CHA itCO'l'

W Y.C LA COLLAUOItITIOP UB

MM. BABINSKI, BALLET, BATEMANN, BAUDOUIN (MARGE;.), B1TOT () ? A.),

BLANCHARD, BLOCQ, lI0NNA11tE (E.), BONNET (H.), ))OU('.U[ ! H] ! AU,

BUIAN1) BIIICON (P.). BU1SSAUD (E.), BIt01lA1tUI.I. (P.), CAMUSET,

CATSARAS. CEIAMBABD, CHARPENTIER, CHASLIN, COTA 111),

DEBOVE (M.), i)ELAS)AUYE, DENI', DUVAL (Matiiias). FERR1EK,

GILLES DE L\ TOURETTE, GOURAULT, GRASSET, JOIeFI10Y (A.),

IC(;ItA1'.11. (P.), LANUOll21', MABILLE, MAGNAN, MA111E, M1ERZF.JE\YSK.Y,

MINOR, 11111SG1tA\'I : -CLA1', PAIIINAtil), P[Eltlll ? T, PITIES,

l'OI'Olh', IIAOULT, ItA1'IVIONU Ih.), ItECNAItU (A.),

KUGNA1U) (P.), IUCHER (P.), ROUB1N0\V1SCH, W. ROUI, ROUSSELET (A.),

SI : GLAS, SECIIIN (E.-C.), SOLL1GH, SOURY (J.), TEINTURIER (13.),

T11UL1É (IL), TROISIER (E.), VIGOliltOUX (H ),

\'O1SIN (J.).

Rédacteur en chef : BOUItvliv11.1.1's

Secrétaires de la rédaction : J.-Il. CHARCOT FILS et G GUINON

Dessinateur : LEUBA.

Tome XVII. - 1889.

AVEC 9 FIGURES DANS LE TEXTE

PARIS

BUREAUX DU PIiOGliÈS MÉDICAL

14, rue des Carmes.

1889

Vol. XVII. Janvier 1889. N° 49

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

' MÉDECINE LÉGALE

. t

1 . .. QUELQUES FAITS MEDICO-LEGAUX; ,

Pai le D' II. \L1BILLL,,directeur mérlucin en Chef de t'asHe de Lafond.

Parmi les expertises médico-légales- dont nous

avons été chargé par la justice depuis plusieurs an-

nées, quelques-unes d'entre elles nous ont paru mé-

riter d'être relatées au moins succinctement, en raison

même de la difficulté qu'elles ont pu présenter.

1. Le nommé X..., âgé de quarante-cinq ans, ayant des

habitudes d'alcoolisme, se poste un jour sur une route et tire un

coup de revolver sur un huissier, sans l'atteindre, d'ailleurs. `

C'est un homme irascible, manifestant sa volonté avec énergie;

il présente du tremblement des mains, sans embarras de la

parole ni hallucinations dé la vue -et de l'ouïe; ses-pupilles sont

égales et on ne note pas chez lui de troubles de la sensibilité

générale. ' . ', ' . , .

Quand on l'interroge sur les actes qu'on lui reproche, il répond :

« Je voulais éveiller l'attention de la justice/Je suis ruiné par le

fait d'un jugement. Le juge de paix n'a pas voulu m'écouter. On

me devait de l'argent, et au lieu d'être payé, j'ai été condamné à

payer; on a saisi mes biens,' on m'a forcé à vendre mes récoltes;

j'ai été ruiné, et ma famille est dans-la misère. »

Quand on objecte à X ? qu'il n'a pas ainsi le droit de se faire

justice soi-même, il répond :

« Ne pouvant faire appel d'un jugement de simple police, j'ai

tiré sur l'huissier pour que ma cause puisse être reprise à nou-

veau.' Qu'on me rende ce qu'on m'a' pris, je ne dirai plus 'rien.

Ils ont été inhumains à mon égard et m'ont forcé à être plus

Archives, t. XVII. ' l

2' * MÉDECINE LÉGALE.

inhumain qu'eux. L'huissier avait saisi ma récolte, je ne pouvais

plus payer le boulanger; mes vignes étaient phylloxérées, j'étais

ruiné. Je pensais à mon malheur nuit et jour.

« Mais je ne suis pas fou ; je me rends fort bien compte de ce

que j'ai fait. Je savais fort bien ce que je faisais. Si j'avais voulu

véritablement tuer l'huissier, je n'aurais pas mis du plomb dans

mon arme. Je voulais qu'on me rendit justice, qu'on me restituât

les choses prises indûment. On m'a fait manger ce qui revenait

de mes vieux parents. C'était tout mon bonheur, ce que j'avais

de plus précieux au monde, et quand on est jugé comme cela, il

prend envie de se faire justice soi-même. Maintenant, on veut

me faire passer pour fou, je ne le suis pas. » Il est difficile de

Je faire sortir de cet ordre d'idées qu'il exprime sans incohé-

rence, d'ailleurs.

L'information révèle que X... se grisait souvent, qu'il a été

condamné pour vol deux fois et soupçonné d'avoir mis le feu.

Mais tous les témoins affirment qu'il n'a jamais donné de

preuves d'aliénation mentale. On ne note pas non plus d'hérédité

dans sa famille.

Nos conclusions furent les suivantes : X... est un

homme irritable chez lequel les contrariétés ont agi

peut-être avec plus d'intensité que sur une autre per-

sonne. 'Les pertes d'argent paraissent avoir tourmenté

vivement l'inculpé qui songeait continuellement à sa

ruine; à ces chagrins s'ajoutèrent des habitudes d'in-

tempérance qui accrurent encore son irritabilité ner-

veuse et cérébrale. Mais X... n'a jamais eu de visions

d'animaux; il n'est pas atteint d'alcoolisme chronique.

Il n'a pas commis l'acte qui lui est reproché sous

l'influence d'une impulsion, mais en connaissance de

cause. Mais les habitudes d'intempérance ont exagéré

les chagrins et siX... n'est pas aliéné, il n'en demeure

pas moins certain que sa responsabilité doit être

atténuée. Le jury de la Charente-Inférieure rendit un

verdict condamnant X... au minimum de la peine.

IL Le cas du nommé R .. se rapproche en plus

d'un point du précédent.

QUELQUES FAITS IEDICO-L&G.1UY. 0

li..., ancieu gardien de prison, d'une forte taille, à la tête régu-

lièrement conformée, on ne trouve pas chez lui de stigmates

d'hérédité et on ne connaît pas d'antécédents fâcheux dans sa

famille au point de vue mental.

Il est accusé d'avoir adressé des menaces de mort à M. le prébi-

dent du tribunal civil de la Rochelle : « Si vous ne me rendez pas

justice, a-t-il écrit, je vous brûlerai la cervelle. »

R... prétend être victime de calomnies. On l'a rendu respon-

sable de faits commis par d'autres, alors qu'il était gardien' de

prison. Il a été déplacé.

On l'accusait, prétend-il, d'avoir excité les hommes à réclamer

au sujet de Ja nourriture. Ce n'est pas sa faute si la quantité de

légumes. verts allouée par les règlements aux prisonniers n'était

pas donnée par le gardien-chef; de même, on lui devait le chauf-

fage, et il prétend qu'on lui a fait payer indûment une somme

de 30 fr. pour bois et éclairage.

C'est à la suite de ces difficultés qu'il a été déplacé, qu'il a quitté

son poste. Alors l'administration l'a considéré comme démission-

naire et lui a refusé sa retraite qui allait pouvoir lui être accordée.

S'il a quitté l'administration, c'est pour se faire rendre justice;

il voulait prouver que des faux rapports avaient été faits contre

lui ; il reproche au président du tribunal de la Rochelle de n'avoir

pas voulu l'écouler, alors que ce magistrat, à maintes reprises,

est intervenu en sa faveur pour lui faire obtenir sa retraite. Il

prétend d'ailleurs n'avoir pas eu l'intention de tuer M. le prési-

dent, et si, dit-il, j'avais eu l'intention de le faire, je ne l'aurais

pas écrit. Mais il ne cessera de menacer jusqu'au jour où justice

lui sera rendue.

R... s'obstine à répéter les mêmes choses, il se meut toujours

dans un même cercle d'idées, cercle fort restreint, poursuivant

ses récriminations toujours les mêmes. Il a d'ailleurs une foule

de placards qu'il se propose d'afficher sur les murs de la ville pour

dénoncer l'injustice.

Il ne comprend pas qu'on veuille le faire passer pour fou. Ses

écrits sont d'ailleurs l'écho de ses récriminations verbales,

mais ne présentent ni incohérence ni idées de grandeur. On ne

note pas de troubles de la sensibifité générale ou spéciale chez

le nommé R..., qui est sobre.

Nous crûmes pouvoir, après un examen très pro-

longé, tirer de notre étude de l'inculpé les conclusions

suivantes : « R... est, à notre avis, un de ces individus

ressemblant, à s'y méprendre, au type décrit sous le

nom de persécutés persécuteurs. Cette tendance aux

4 MÉDECINE LÉGALE.

idées de persécution sans hallucinations de l'ouïe se

rencontre, en général, chez les personnes entachées

d'hérédité. (Voir Pothier. Les aliénés persécuteurs,

Paris, 1886.) Dans le cas de R..., on n'a pas trouvé

d'hérédité nerveuse ou mentale. Et on peut toujours

objecter qu'il y a une part plus ou moins grande de

vérité dans les assertions de ces persécutés, que beau-

coup d'hommes à l'état normal se font illusion sur la

valeur de leurs griefs.

Néanmoins chez R..., la conduite et les actes sont

absolument dirigés par l'idée dominante qu'on a

commis à son égard des injustices. Rien ne lui coûte

pour poursuivre le but incessant de ses efforts; il ne

tient compte d'aucune considération, malgré la multi-

tude des échecs qu'il a éprouvés; il veut arriver à son

but, s'élever contre l'injustice de l'administration et il

envisage avec satisfaction le moment où on pourra lui

accorder une retraite avec une petite indemnité. Il est

donc difficile de faire la part exacte des manifesta-

tions diverses de son intellect, de ce qui se rapproche

de l'idée fixe et de ce qui, à un moment donné, pour-

rait faire croire à une tentative de chantage.

Nous considérons donc que le nommé R..., sans être

un persécuté ordinaire, puisqu'il n'a pas d'hallucina-

tions de l'ouïe et que d'autre part il n'est pas non

plus un héréditaire, n'en présente pas moins un état

mental particulier qui le place sur les frontières de

l'aliénation et par conséquent, sur les frontières de

l'irresponsabilité. La responsabilité de R... nous paraît

donc devoir être très atténuée.

Le tribunal de La Rochelle, adoptant ces conclusions,

condamna R... à une peine très minime.

QUELQUES FAITS MEDICO-LEGAUX. i

](I, Mmo X..., âgée de vingt-neuf ans, pâle, anémiée, très

maigre, est accusée de vols multiples.

' Depuis une fausse couche faite il y a trois ans, elle est prise à

chaque instant d'hémorragies utérines très fréquentes. Elle rend

des caillots de sang énormes et ses règles viennent plusieurs fois

par mois, suivant son expression.

De plus, son mari déclare que, depuis près de trois ans, il lui a

été impossible d'avoir aucun rapport sexuel avec sa femme,

« le canal étant comme bouché ».

Plusieurs médecins ont tenté vainement de l'examiner et nous

constatons nous-mêmes l'existence du vaginisme. Cependant, après

un badigeonnage et une injection de cocaïne, nous parvenons à

introduire un petit spéculum de Fergusson dans le vagin. La

muqueuse vaginale est rouge, boursouflée; granulations sur le

col utérin avec petites ulcérations.

11 ? X... a des constipations opiniâtres, et vers la dixième côte

elle porte une zone très sensible qui amènerait facilement une

crise nerveuse par la pression. Cependant elle n'a ni hémianes-

thésie, ni anesthésie disséminée. Elle est prise souvent d'étoufle-

ments et de syncopes consécutives. La grand'mère maternelle est

morte aliénée; un de ses frères a un tic nerveux de la face; une

tante est considérée comme bizarre, elle est somnambule ; une

autre tante est morte privée de sa raison à l'âge de vingt-neuf ans.

111 ? X... est triste depuis longtemps, se lamente, fait des scènes à

tout le monde. Elle est poursuivie sans cesse par l'idée qu'elle

deviendra folle comme sa tante ci vingt-neuf ans et qu'elle mourra

à cet âge.

L'information relève contre M-0 X... les faits suivants : depuis

trois mois, elle se livre à des vols répétés, s'emparant des objets

les plus disparates : côtelettes, morceaux de sucre, dentelles,

velours, serviettes, pastilles de gomme, etc. ,

Ce n'est qu'à la longue qu'elle se souvient d'avoir pris tel ou tel

objet dans tel ou tel endroit, et pendant la nuit, elle dit plusieurs

fois à son mari avec désespoir : « Mais aide-moi donc ! J'ai idée

d'avoir pris quelque chose. » C'est ainsi qu'elle arrive peu à peu à

à savoir où elle avait pris les objets qu'on lui réclamait et com-

ment elle les avait pris.

Elle entrait dans un magasin, voyait un objet, le touchait, le

mettait sous son manteau ou le replaçait après l'avoir touché.

Elle plaçait les objets emportés dans une armoire, n'importe où,

ne s'en occupait plus, ou s'en servait en travaillant devant sa

porte. Un jour, elle prit de l'argent sur un comptoir et retourna

chez elle avec l'argent dans sa main, sans se cacher. Au moment

des vols, Mmo X... avait des hémorragies utérines abondantes et

presque continuelles, cela depuis plusieurs mois.

(5 MÉDECINE LÉGALE.

L'ensemble des faits nous porte à voir un lien in-

time entre les faits reprochés et les troubles nerveux

divers de 111 ? X... Car, comme ditLegrand du Saulle,

les vols sont commis, en général, pendant les règles

ou à la veille des époques et la perte de souvenir du

vol est une chose à peu près constante chez les voleurs

aux étalages. Or, 111 ? X... est, avant tout, une héré-

ditaire avec troubles hystériques et vaginisme avec

métrite chronique et hémorrhagies utérines. Pour ces

raisons, nous crûmes devoir conclure à l'irrespon-

sabilité et I)lm" X... fut renvoyée des fins de la

plainte.

Depuis cette époque, le vaginisme traité par des

mèches iodoformées et les ulcérations utérines amen-

dées par des topiques ont disparu ainsi que les hémor-

rhagies et les rapports sexuels sont devenus possi-

bles. Il y a du reste à observer que par une sorte

d'hérédité homochrome, les troubles nerveux de

lI ? X.... ont eu leur summum à vingt-neuf ans, comme

ceux de sa tante morte aliénée à vingt-neuf ans.

IV. Mmo X... est atteinte d'aphasie avec hémiplégie droite

incomplète; elle a de la cécité verbale, de l'agraphie, la parole

volontaire spontanée est abolie, ainsi que la parole en écho; elle

ne peut écrire sous la dictée.

Sa famille veut la faire tester et le notaire s'y refuse. Consulté,

nous conseillons à la famille de ne pas insister; la tendance de

l'hémiplégie droite à disparaître nous fait d'ailleurs penser que

l'amélioration pourra survenir et l'aphasie s'amender. Quelques

semaines après, cette hémiplégie disparaît en effet. La malade a

la compréhension de l'écriture, la compréhension de la parole, la

possibilité de copier quelques mots. La parole volontaire spon-

tanée est revenue en grande partie ainsi que la parole en écho ; la

malade peut lire un peu, mais ne peut écrire spontanément.

« Je suis malheureuse, disait-elle avec la plus grande lenteur,

je sais ce que je veux faire et ne puis le dire; les détails, je ne

puis les dire, et je ne puis prononcer les noms propres. »

QUELQUES FAITS MEDICO-LEGAUX. i

1)[IIIP X... pouvait-elle tester ? Nous le pensâmes pas.

Le testament par acte public doit être dicté par le tes-

tateur. Or, llIn'eX ? ne pouvait dire les noms propres et

brouillait les détails; elle était agraphique et d'ailleurs

le notaire n'aurait pu légalement copier son testament;

elle ne pouvait donc faire de testament olographe.

Le testament mystique était aussi chez I)IIne X...-

bien difficile. En effet, elle avait encore de la cécité

verbale et n'aurait pu lire le testament après l'avoir

dicté, ce qui peut être une cause de nullité. De plus,

son oubli des noms propres et l'impossibilité où

M™ X... se trouvait de rassembler les détails nous

firent penser que le malade ne nous paraissait pas dans

de bonnes conditions pour faire un testament mystique,

alors même qu'elle l'eût écrit de sa main.

Depuis plusieurs mois, 111m X... a repris possession

de ses facultés; son aphasie et les troubles variés qui

la constituaient ont disparu. Elle a renvoyé de sa maison

les parents qui, pendant le cours de sa maladie, avaient

agi sur elle pour la faire tester en leur faveur.

Nous ne nous attarderons pas à donner la relation des

cas assez nombreux d'aliénés ayant commis des délits

ou crimes que nous avons pu observer; nous rappelle-

rons toutefois celui de la fille Madeleine, atteinte d'hys-

térie avec crises de sommeil, qui a été violée à l'état de

léthargie par quatre individus. Mais ce rapport ayant

été publié (Annales nédicopsJclaologiqzcés, année 1884,

p. 83), et relaté par M. Gilles de la Tourette. (L'liyp-

notisme au point de vue médico-légal), nous ne pouvons

que le mentionner.

PATHOLOGIE NERVEUSE

DI : R1101 : UROSI : S'l'GL3GOGLiAPIIIQUL, l : t' 1131"1'lIRIS111

' ' CflE7. UV flIBCCILI : ALCOOL1QU1 : ;

EL,iiesL CIIA.1B.RD, incieii iiiieiiie des lig)pitatix (le Pai-is,

Parle D' Prnest ClIAIt3.lRD, ancien interne des hôpitaux de Paris,

' médecin adjoint des asiles d'aliénés de la Seine.

Nous observons, en ce moment, à la division des

hommes de l'asile de Ville-Evrard ', un sujet de trente-

trois ans, nomméGeoresR..., atteintd'un certain degré

de débilité mentale et interné au cours d'accidents

alcooliques qui présente deux affections cutanées

intéressantes : l'une, de nature parasitaire et du res-

sort de la dermatologie pure ; l'autre, symptomatique

d'une véritable névrose vaso-motrice de la peau. La

première de ces affections est connue des dermato-

logistes sous le nom d'érylhrasma et nous n'en parlerons

que pour être complet ; la seconde, qui se rattache

davantage à nos études actuelles, n'a pas encore de

place bien déterminée dans le cadre nosologique :

nous l'appellerons provisoirement tlernaoncunose stéréo-

graphique, pour rappeler son caractère objectif le

plus remarquable et le plus saillant.

Observation. - ANlliCI3DE\ ? S héréditaires : Incomplets et peu

significatifs. ANTKCHnE.'<rS personnels. ANT(.Ci.1)1.N'I-S I,A-iilo-

logiques : convulsions dans la première enfance; fièvre typhoïde ;

excès alcooliques avoués remontant « plusieurs années ; interne-

' Cette division a été placée, depuis la rédaction de ce travail, sous la

direction médicale de NI. le Df Jlarmlun de \lontwl·

DERMONEUROSE STERÉOGRAPHIQUE ET NRYTRHASMA. 9

ment au cours d'un accès de délire alcoolique subaigu avec idées de

persécution, hallucinations injurieuses et terrifiantes de l'ouie et

de la vue. Etat actuel : Ilubifus et état mental ; fonctions

scazsilives, motrices, génitales, organiques. Euythrasma : carnc-

tères de cette dermatose ; son parasite : le microsporore minulissi- ? 211M. Stéréograpiiie cutanée : phases; caractères; conditions

occasionnelles ; actions des excitants mécaniques, chimiques, élec-

triques de la peau; sensibilité; température locale.

R... (Georges), entre le 3 août 1883 à l'asile de Ville-Evrard

avec les certificats suivants :

Certificat de police : débilité mentale avec idées confuses de

persécution. Hallucination de l'ouïe : on l'appelle voleur; on

menace de le dénoncer. Paroxysme d'agitation. Perte de la vision

de l'oeil gauche (P. Garnier). Certificat d'admission : débilité men-

tale avec hallucinations; idées de persécution; excitation passa-

gère; cataracte de l'oeil gauche (Magnan). Certificat immédiat :

Débilité mentale avec idées' de persécution; hallucinations : on

l'appelle voleur quand il passe dans les rues (Espiau de Lumacst·e).

AK<6cëJe ? ! /të;'eJ<<an-es. (Fournis par le malade). Père : peintre

en bâtiment, mort à trente-huit ans, de rétention d'urine. C'était

un homme assez sobre, intelligent et bon. Grands-parents pater- ? : e/6' : pas de renseignements; tante paternelle : rien de particulier.

Mèî,e : morte vers trente-huit ans de pneumonie : elle étaitbonné,

« comme du bon pain » et pas du tout nerveuse. Grands-parents

maternels : pas de renseignements ; oncle maternel : musicien, vivant

et bien portant.

Six frères, morts tout jeunes d'affections indéterminées. '

Les antécédents héréditaires de R... seraient donc négatifs : il

ne connaît dans sa famille ni buveur, ni aliéné, ni mauvais sujet,

ni criminel.

Antécédents personnels. Né à Paris. R... a fréquenté l'école

primaire de sept à treize ans et y a appris péniblement à lire, à

écrire et à compter. Il travailla ensuite dans le magasin de papiers

peints de son père puis, à dix-neuf ans, devint comme lui pein-

tre en bâtiment, métier qu'il continua jusqu'à son internement.

Il ne s'est pas marié et n'aurait jamais eu d'enfants.

Antécédents pathologiques. Vers trois ou quatre ans, convul-

sions et, plus tard, à une époque que le malade ne peut préciser,

fièvre typhoïde. Il n'a jamais eu ni incontinence nocturne d'urine,

ni attaque de nerfs, ni accès d'épilepsie, ni agitation choréique,

ni affections vénériennes. '

Depuis l'âge de vingt-quatre ans, c'est-à-dire depuis cinq ans

environ avant son entrée, R... se livrait à quelques excès alcooli-

quesqu'il avoue d'ailleurs de fort bonne grâce. Le matin à cinq heu-

res : café noir; à onze heures : déjeuner avec trois demi-setiers de

10 O PATHOLOGIE NERVEUSE,

vin, suivi du café sans la goutte; à dîner : trois autres demi-setiers,

café ordinairement « poussé » par une petite goutte. En outre,

R... faisait pour son patron de nombreuses courses pendant les-

quelles il absorbait de nombreux demi-setiers et quelques « petites

vertes et passait la soirée chez son marchand de vins qu'il

aidait à fermer sa boutique. Enfin, le jour de la paye, « grande

ribotte avec les amis ». Les accidents qui ont motivé son arresta-

tion étaient, d'ailleurs, de nature probablement alcoolique : il

avait été pris d'une vive agitation, se figurait qu'on allait l'arrêter,

entendait des voix l'appeler « voleur » et voyait, pendant la nuit,

son père et sa mère à table. C'est bien là le délire psycho-senso-

riel avec idées de persécution et hallucinations injurieuses et

terrifiantes de l'ouïe et de la vue, qui éclate sous l'influence de

l'alcool chez les faibles d'esprit de son espèce et souvent se dédou-

ble : la terreur et les hallucinations visuelles disparaissent en

quelques jours alors que les hallucinations de l'ouïe, les idées de

persécution et la croyance à la réalité du rêve pathologique per-

sistent un temps qui est quelquefois considérable.

État actuel. flexbitus et état mental. R... âgé de vingt-neuf

ans à son entrée, est aujourd'hui un garçon de trente-trois anse

de taille moyenne, d'embonpoint modéré, de physionomie douce

et ouverte ; mais présentant, en dépit de la nullité de ses antécé-

dents héréditaires qui, fournis -par lui, ne méritent aucune

confiance, divers stigmates physiques de dégénérescence : tête,

assez symétrique, mais, cylindrique, haute, étroite et fortement

aplatie latéralement; oreilles normales; voûte palatine ogivale-

mâchoire inférieure prognallia, de sorte que ses dents débordent

et recouvrent celles de la mâchoire supérieure. Il offre, en outre,

quelques attributs d'une constitution scrofuleuse : les chairs de sa

figure sont flasques et molles, son nez et ses lèvres sont gros,

ses extrémités sont froides et cyanosées et il porte à la région

cervicale et surtout sous la mâchoire, un chapelet de gan-

glions hypertrophiés. Il est atteint d'une cataracte dure,

d'un blanc opaque, de l'oeil gauche qui détermine le strabisme

externe de cet oeil. Ses organes génitaux, enfin, sontbien dévelop-

pés et son anus est normal.

L'excitation maniaque avec délire hallucinatoire dont R... était

atteint, lors de son entrée, s'était calmée paraît-il au bout de quel-

ques jours. Il est aujourd'hui très raisonnable et cherche à se

rendre utile. C'est un bon garçon, doux, serviable, d'humeur

égale et plaisante; mais d'intelligence très bornée et d'instruc-

tion presque nulle. Il n'a nullement le caractère d'un hystérique

ou d'un épileptique.

Fonctions sensitives et motrices. - 10 Odorat : R... reconnaît des

deux narines l'essence de térébenthine; il sent l'odeur du chloro-

DERMONEUROSE STÉREOSRAPHIQUE ET ÉRYTHRASMA. 11 1

forme et de l'éther; mais sans reconnaître ces substances; il prend

l'acide acétique pour de l'alcali et reconnaît ensuite l'odeur] de

l'ammoniaque tout en soutenant que le flacon précédent renfer-

mait de l'alcali moins fort. Il trouve enfin à l'essence de fenouil une

odeur d'orange et à l'essence de menthe une odeur de camphre,

erreur que commettent d'ailleurs beaucoup de personnes.

2° Goût. Le malade trouve à une goutte d'alcool mise sur sa

langue, un goût « fort »; mais n'en reconnaît pas la nature. Il

apprécie le goût sucré de la glycérine et se plaint de l'amertume

de l'acide picrique. Sa sensibilité gustative est égale des deux côtés.

30 ! 'ire. Toutes les couleurs sont parfaitement reconnues au

moins quant à leur teinte fondamentale : une solution d'acide

picrique est jaune ; la solution d'éosine primerose : rouge pâle; le

bleu de méthyle : bleu; le violet de gentiane : violet; le vert d'a-

niline est moins bien reconnu : le malade le voit aussi violet. La

cataracte qui le prive entièrement de la vision de l'oeil gauche

ne nous permet naturellement pas d'explorer comparativement la

sensibilité visuelle de ses deux yeux.

4° Ouie. L'ouïe paraît normale et à peu près égale des deux

côtés, tant pour la voie chucbottée que pour lé tic tac de la mon-

tre qui est entendu à près d'un mètre et demi.

5° Toucher. Toutes les sensibilités tactiles sont normales, et

également développées des deux côtés : le contact, la pression, la

piqûre, les excitations galvaniques et faradiques sont parfaite-

ment perçues. Le sens de position est également intact.

Les fonctions sensitives sont donc, chez notre malade, tout à fait

normales et s'il commet quelques erreurs dans la reconnaissance

de certaines substances sapides ou odorantes, d'ailleurs peu con-

nues de lui, on ne peut guère les attribuer qu'à son ignorance :

encore on en rencontre bien de plus graves chez des sujets plus

intelligents et plus instruits. Nous n'avons enfin, constaté chez lui,

ni anesthésie, ni hypéresthésie partielles,' ni zones hystérogènes,

ni sensibilité testiculaire.

La force musculaire de R... sans être considérable est suffisante

et il se livre, sans se plaindre de la moindre fatigue, aux divers

soins d'intérieur dont il est chargé. Trois épreuves dynamomé-

triques successives ont donné les résultats suivants auxquels la

mauvaise construction des dynamomètres actuels enlève à peu

près toute valeur absolue mais qui permettent, du moins, de

comparer l'effort de préhension qu'il peut développer avec l'une

ou l'autre main.

'11 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Fo ? ! C< ! o ? tS<yëH ! <ces.Bien que ses organes génitaux n'offrent

aucune anomalie de conformation et soient bien développés, R...

prétend ne s'être jamais masturbé et n'avoir jamais coïté : il

n'aurait que de rares érections sans éjaculations et sans désirs

vénériens. 11 ne se serait pas, livré à la pédérastie et son anus,

non plus que sa verge, ne présentent aucune déformation

compromettante : nous lui laissons, bien entendu, toute la respon-

sabilité de ses dires à cet égard. ·

Fonctions organiques. Les fonctions organiques sont absolu-

ment normales, chez R... et tous ceux de ses organes qui sont

accessibles à l'exploration clinique paraissent être en 'excellent

état : il boit, mange et dort bien, ses digestions sont des plus

régulières et sa santé générale est absolument satisfaisante.

Le malade, cependant, boit et urine beaucoup. Son urine est

ambrée, légèrement trouble et saquantité varie de 1500 à 2000 cen-

timètres cubes. Nous l'avons analysée à diverses reprises et nous

donnerons ici trois de ces analyses.

DERM0NEUR0SE STÉRÉOGRAPHIQUE ET ÉRYTHRASMA. '13

lequel nous reviendrons, nous y montra facilement la présence

du parasite de l'érythrasma : le microsporon minutissimum.

Le malade ne sait a quelle époque faire remonter le début de

cette affection qui ne s'accompagne d'ailleurs que d'une déman-

geaison insignifiante et sur laquelle il ne songeait nullement à

attirer notre attention. '

. Sténographie cutanée. C'est aussi par hasard en voyant se des-

siner sur sa peau, d'abord en rouge, puis en relief les objets qui

s'étaient trouvés en contact avec elle, que nous avons découvert la

dermaloneurose assez rare dont R... est atteint et à laquelle nous

consacrons ce travail.

Toute excitation mécanique de la peau et des dermo-muqueuses

détermine chez lui l'apparition d'une papule d'urticaire dont l'évo-

lution etles caractères objectifs sontidentiques à ceux d'une papule

d'urticaire spontanée et dont la configuration est subordonnée à

celle du corps excitant lorsqu'il est simplement appliqué sur le

tégument ou à son trajet lorsqu'on l'a promené à la surface de

cette membrane; aussi peut-on imprimer un objet quelconque

sur la peau de notre malade comme sur un cachet de cire ou

dessiner à la surface de son corps les figures les plus compliquées.

Ces empreintes et ces dessins sont visibles même à une grande dis-

tance et nous les avons facilement reproduitespar la photographie.

Traçons légèrement avec un corps mousse, baguette de verre

ou cylindre de papier roulé, sur la région sternale de R... une

raie rectiligne. Nous voyons d'abord apparaître une strie mince,

pâle, très fugitive qui se montre immédiatement au contact du

style traceur, le suit dans sa course et s'évanouit aussitôt après

son passage. Moins d'une minute après, se détache à la même

place une strie rosée, érythémateuse," qui gagne rapidement en

intensité et en largeur et devient bientôt une bande d'un rouge

vif, visible à plusieurs mètres de distance, beaucoup plus large

que la ligne pâle primitive. Cinq ou six minutes plus tard, la

bande rouge se soulève, pâlit dans sa région axiale, reste érythé-

mateuse sur les bords et se transforme en une véritable papule

linéaire d'urticaire dont la longueur varie, selon les dimensions

du corps mousse promené sur la peau, de cinq à dix millimètres

et dont le relief qui augmente encore pendant plusieurs minutes,

peut dépasser deux millimètres. Cette papule ne s'efface que très

lentement et peut persister au moins une heure.

Si l'excitation est plus vive, si nous appuyons un peu forte-

ment le style traceur, la ligne pâle primitive, au lieu de disparaître

aussitôt, persiste quelques instants : elle se borde de deux zones

érythémateuses diffuses qui s'élargissent dans les deux sens, ne

tardent pas à se réunir en l'absorbant tout entière; puis la bande

rouge ainsi constituée se soulève, pâlit à sa partie axiale et se

transforme peu à peu en papule ortiée.

14 PATHOLOGIE NERVEUSE.

. Quelle que soit donc l'intensité de l'excitation mécanique dont la

peau et aussi les dermo-muqueuses, telles que la muqueuse buc-

cale, sont le siège, l'évolution des papules ainsi déterminées, passe

avec celle des papules d'urticaire, par les phases successives sui-

vantes :

1° Au contact du-corps excitant : pâleur subite et fugitive, si

l'excitation est faible et rapide ; plus durable dans le cas contraire,

due à la.contraction probablement réflexe des vaso-moteurs cuta-

nés au niveau précis de la région excitée. {Phase d'ischémie vaso-

motrice.)

2° Quelques instants après, apparition d'une zone érythémateuse

large et diffuse due à la dilatation neuro-paralytique des vaisseaux

de la région excitée et même, par propagation, des régions

marginales voisines. (Phase érythémateuse par congestion netmo-

paralytique.)

3° Au bout de quelques minutes, apparition d'une papule érytho-

mateuse, répondant exactement comme forme et dimensions à la

macule érythémateuse qui lui sert de base, due à oedème péri-

vasculaire déterminé par le ralentissement de la circulation san-

guine dans les vaisseaux paralysés. (Phase de papulation par.oedèmi

neuro-paralytique.)

4° Presque en même temps, anémie relative des régions centrales

ou axiales de la papule érythémateuse, due à la compression secon-

daire des vaisseaux cutanés par la sérosité oedémateuse. (Phase

d'ischémie mécanique secondaire.)

50 Enfin, disparition très lente des papules, due à la résorption

de la sérosité oedémateuse par les espaces lymphatiques de la peau

et retour progressif à l'état normal. (Phase de résorption lympha-

tique.) .)

Telle est l'évolution et tels sont les caractères objectifs des pla-

ques d'urlicaire artificiel que détermine chez R... toute excita-

tion mécanique des téguments externes, quelque légère qu'elle

soit. Malgré leur identité morphologique complète avec la papule

d'urticaire spontané, elles ne s'accompagnent d'aucun trouble de

la sensibilité, d'aucun prurit. A leur niveau cependant, il existe

une notable élévation de température ainsi que nous nous en

sommes assuré en appliquant comparativement, pendant un

même laps de temps de quinze minutes, un thermomètre à tem-

pérature locale aux deux régions symétriques du corps dont l'une

était couverte d'une large papule ortiéeartificielte. Voici les résul-

tats de l'une de nos expériences à ce sujet :

DBRMONEUROSE STERÉOGRAPUIQUE ET ERYTHRASMA. 15

ortiées dont on peut si facilement couvrir la peau de R..., nous

nous sommes attaché à déterminer les conditions qui président à

leur développement :

L'inlluence des excitations mécaniques de la peau a d'abord attiré

notre attention. Nous avons vu que tout objet appliqué sur les

téguments de R... ou promené à leur surface laisse sur'eux son

empreinte ou la trace écrite en relief de son passage. L'on conçoit

dès lors que l'expérience puisse être variée de mille manières. C'est

ainsi que l'on peut à volonté imprimer sur la peau du patient le

chiffre d'un cachet ou l'effigie d'une pièce de monnaie, dessiner

sur elle avec un style mousse des figures ou des inscriptions quel=

conques, la cribler de petites piqûres d'aiguille dont chacune,

d'abord imperceptible, deviendra bientôt une papule conique de

plusieurs millimètres de diamètre, la couturer de lignes sail-

lantes dues à la constriction des membres et du tronc par des

liens circulaires ou la marquer de l'empreinte en relief d'une

main, stigmate indéniable d'une claque bien appliquée. Mais

quelque pittoresques que puissent être ces effets, ils ne nous en

apprendront pas plus que le simple tracé linéaire auquel nous

avons demandé notre expérience fondamentale et nous ne les

multiplierons pas davantage.

Un jet d'eau, compact ou divisé, et lancé avec une certaine

force (douche en colonne et en pluie) détermine à la surface de la

peau de R... les mêmes phénomènes que le conctact et le passage

d'un corps résistant (l'excitation hydro-mécanique). La douche en

lame produit, partout où elle est promenée, une large bande

érythémateuse qui ne tarde pas à devenir papuleuse. Avec la dou-

che en pluie, les effets sont encore plus curieux. Chaque goutte-

lette d'eau produit sa macule érythémateuse, puis sa papule

d'abord congestive, puis ortiée, de sorte qu'en localisant avec un

peu de soin l'action du jet d'eau divisée, l'on pourrait imprimer

dans le corps du malade des éruptions génériques artificielles

dont l'origine embarrasserait peut-être plus d'un dernatologiste

non prévenu. Après avoir aspergé les flancs et la face interne des

cuisses de R..., nous vîmes les régions se couvrir d'une magnifique

« roséole syphilitique », qui devint bientôt une non moins belle

roséole papuleuse et apparaître, en quelques points, des pupules

d'urticaire type dont aucun dermatologiste n'aurait révoquée en

doute la légitimité.

Les excitations électriques de la peau ne nous donnèrent pas

des résultats aussi positifs que nous l'avions espéré; nous en

dirons cependant quelques mots.

L'électricité statique fut d'abord essayée. Nous dirigeâmes sur la

peau de R... des étincelles d'une longueur variant de 1 à 15 ou

20 centimètres tirés du conducteur d'une machine diélectrique

de Carré, dont les plateaux inducteur et induit mesurent respec-

'16 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tlvement 3b et dU cenftmèlres, puis la décharge, modérée d'ail-

leurs, d'une bouteille de Leyde. L'effet fut absolument nul et ce

résultat négatif nous surprit d'autant plus que les étincelles de

cette machine avaient souvent déterminé chez nous l'apparition

de papules ecchyjiiotiques.

La faradisation fut suivie d'effets un peu plus probants :

Le courant induit d'un appareil à chariot du type Dubois-

Raymond, avec interruptions fréquentes, localisé à la peau à

l'aide d'un bouton métallique sec, ne détermina ni rougeur ni

papulation.

L'application du pinceau métallique fut suivie d'une série de

très petites papules conffuentes qui pouvaient être simplement

dues à l'excitation mécanique produite par le contact des fils qui

constituent le rhéophore. L'application pendant quelques secondes

d'un tampon circulaire recouvert de peau humectée d'eau, fut

cependant suivie de l'apparition d'une macule érythémateuse de

même forme et de même dimension qui se recouvrit bientôt d'une

série de papules coniques lesquelles, en se développant, tendaient

à se fusionner et rien de semblable ne se produisait ou, du moins,

tout se bornait à une légère rougeur, lorsque l'on appliquait le

tampon sans faire passer le courant. Il semble donc qu'un courant

induit, assez intense et assez pénétrant, produise sur la peau

de R... des effets neuro-paralytiques analogues à ceux que déter-

minent les excitations mécaniques.

Les effets d'un courant galvanique fourni par une pile Leclanché

furent moins bien caractérisés. Nous appliquâmes d'abord sous la

clavicule du malade deux plaques en étain, recouvertes d'une peau

humide, mais sans faire passer le courant. Cette application, pro-

longée pendant une minute, ne fut suivie que d'une rougeur peu

marquée, dessinant surtout la circonférence des plaques, qui ne

fut suivie d'aucunepapulation et disparut rapidement. Les plaques

étant placées de nouveau, sur une région cutanée très voisine,

nous fîmes passer progressivement pendant une minute, un cou-

rant de 5 milliampères, qui monta pendant l'expérience à 6 mil-

liampères : le résultat fut également nul. Il fallut un courant de

18 milliampères, maintenu pendant trois minutes, pour amener

l'apparition, tant au pôle positif qu'au pôle négatif, de disques

érythémateux légèrement chagrinés, mais sans papulation véri-

table.

Nous ne fûmes pas plus heureux en essayant de provoquer l'ur-

ticaire, chez R..., au moyen d'excitants chimiques, tels que l'ap-

plication d'un sinapisme. Ce topique produit, chez lui, comme

chez tout le monde une rougeur bien marquée; mais sans tendance

à la papulation. L'ingestion de divers aliments dont le rôle dans

la production de l'urticaire pathogénétique est bien connu, reste

également sans résultat et c'est en pure perte que nous fîmes

I)EIt110\EUItoSE STEREOGIi,APII1QUE ET ËRYTHUASMA. 17 i

insérer à notre malade, en uneseule fois, troisdouzaiucs démoules :

il trouva ces mollusques fort à son goût, se déclara tout prêt à

renouveler l'expérience aussi souvent que nous le voudrions, mais

n'eut ni le moindre embarras gastrique ni la plus petite éruption

cutanée.

Le malade dont nous venons de relater l'histoire,

mérite d'attirer à la fois l'attention des deriiiatolo-

gistes et des neurotogistes : il réunit, en effet, par une

coïncidence assez heureuse deux affections rares de

la peau, l'une parasitaire, ]'autre, d'ori- z

gine vaso-motrice à laquelle nous donnerons, au

moins provisoirement, le nom de stéréographie

cutanée.

I. L'érythrasma, décrite comme une dermatose

parasitaire distincte, par Burchardt, en 1859 et von

Bacrensprung, en 1862, était encore méconnue ou niée

par la plupart des dermatologistes, lorsqu'en 1879,

M. Ë. Besnier, attira de nouveau l'attention sur lui

et mit son existence hors de doute. Quelques années

plus tard, en 1881, l'un des élèves les plus distingués

de ce maître, M. Balzer, consacra à l'érythrasma un

travail descriptif court, mais substantiel, auquel nous

ne pouvons que renvoyer le lecteur '.

R... nous offre un cas d'érythrasma tellement typique

que nous n'eûmes aucune difficulté à le diagnostiquer

même avant tout examen microscopique. Ces placards,

siégeantà)a région inguino-crurate, bien limités, d'un

rouge brun sombre, presque prurigineux, couverts

d'unefine desquamation furfuracée sont bien différents

des surfaces diffuses, humides, douloureuses ou pruri-

gineuses, rouges vif ou couvertes de squames lamelli-

l3alier. De V Erythrasiiia (Annales de dermatologie et de ? ) ? <-

graphie, 7t, 12. 188.

Archives, t. XVII. 2

18 PATHOLOGIE NERVEUSE.

formes ou de croûtes de l'intertrigo et de l'eczéma de

cette région. Seul, l'érythème trichophytique pourrait

en imposer; mais, alors même qu'il n'affecte pas la

forme circinée qui lui est habituelle, il est plus rouge,

plus squameux, plus diffus et plus douloureux. Son

parasite, d'ailleurs, est tout autre; mais ce n'est pas

ici le lieu de faire de la dermatologie.

L'examen microscopique des squames récoltées en

raclant légèrement, à l'aide d'un rasoir, la surface des

placards érythrasmateus de R..., a pleinement confirmé

notre diagnostic et nous avons constaté l'existence du

Microsporon minutissimum de Burchardt dont Balzer a

récemment donné, dans le travail que nous citions

tout à l'heure, une description très précise à laquelle

nous n'avons rien à ajouter. Sa préparation est facile

(éther, éosine primerose et conservation dans l'eau

sucrée phéniquée ou le baume) ; mais son extrême

petitesse en rend l'étude assez minutieuse : des objec-

tifs puissants et à grand angle sont nécessaires pour

le bien voir et nous nous sommes servis pour l'exa-

miner de l'immersion homogène de i)20 de Leitz

avec le concentrateur d'Abbé.

Chez un imbécile sans prétention tel que R... le

pronostic de l'érythrasma, affection toute locale, indo-

lente et très peu contagieuse, n'offre aucune espèce de

gravité et bien que nous puissions le guérir en deux

ou trois semaines, nous n'éprouvons aucun remords

à lui conserver quelque temps cette dermatose comme

une curiosité à montrer aux visiteurs du service; il

en serait tout autrement chez une jolie femme, aussi

importe-t-il que les médecins apprennent à connaître

et à guérir cette petite affection dont la gravité est

bERMONEUROSE 51'GRCOGRAPllIQU$LT ÉRYTHRASMA. '19

nulle, mais qui peut, quelquefois, avoir au point de

vue esthétique, une certaine importance.

IL - Nous ne connaissons encore, au moins dans

la littérature médicale française, que peu d'exemples

de la dermatose vaso-motrice à laquelle ce petit tra-

vail est spécialement consacré.

La plupart ont été observés chez des femmes hysté-

riques. Chez uue de ces malades, M. Huchard' a vu,

au moment des époques menstruelles, survenir des

hémoptysies abondantes qu'annonçaient des plaques

d'urticaire et des (roubles vaso-moteurs de la peau;

mais il s'agissait là, si nous ne nous trompons, d'urti-

caire nerveuse spontanée. Chez deux hystériques bien

connues du service de M. Charcot l'on peut tracer,

avec une épingle, des caractères quelconques qui se

dessinent d'abord en rouge, puis avec un relief

de un ou deux millimètres. L'observation la plus com-

plète que nous possédions à cet égard est cell-o de cette

hystérique anesthésique, fille d'hystérique, que M. Du-

jardin-Beaumetz présenta le 11 janvier 1887 à la

Société médicale des hôpitaux', sur la peau de laquelle

l'on pouvait écrire en relief avec tant de netteté que

M. Mesnet, appelé à voir cette malade, lui avait donné

le nom de « femme cliché, femme autographique »

sous lequel elle était connue dans le service.

Si l'hystérie semble favoriser les troubles vaso-

moteurs de la peau et notamment la stéréographie

1 Huchard. Traité des névroses d'AxenfWl. 2" édition, 18S3.

- Bourneville et /co) : o ? v<p/tt'ep/io/o'a/t ! 'yMe de la Salpé-

trière, t. III. 1879-81.

3 Diijardln-Beaumetz. La femme autographique. Soc. i ? téd. des hdy-

séance du 11 juillet 1879, et Annales de dermatologie et de syphiligra-

phie, no I. 1880.

20 PATHOLOGUi NERVEUSE.

cutanée, les hystériques n'en ont pas le monopole,

ainsi que le démontrent deux faits sommairement

rapportés par M. Huchard, d'autres de MM. Duguet

et Vulpian' et surtout le nôtre. Si, en effet, R... est un

faible d'esprit, presque un imbécile, nous ne saurions

le regarder comme un hystérique : il n'en a ni les

stigmates, ni les accidents essentiels, ni les allures, ni

le caractère.

D'autre part, des phénomènes vaso-moteurs analo-

gues à ceux que nous observons chez notre malade,

mais beaucoup moins prononcés, s'observent sur la

peau de certains sujets atteints de pyrexie, adyna-

miques, telle que la dothiénenterie et d'affections cen-

trales ou même périphériques du système nerveux : la

raie rouge que l'ou trace sur le ventre des typhiques et

des sujets atteints de méningite est une expérience.

classique et M. Vulpian2 a vu des raies pâles ou

rouges, d'anémie ou d'hyperhémie cutanée, se montrer

avec facilité sous l'influence d'une friction légère sur

les membres malades de sujets paraplégiques, hémi-

plégiques ou même simplement atteints de sciatique.

Ces conditions pathologiques prédisposantes ne sau-

raient être invoquées dans le cas de R... qui jouit

d'une excellente santé.

Les conditions prédisposantes de la névrose dermo-

stéréographique que nous étudions nous sont donc

inconnues et nous pouvons seulement inférer de notre

observation que les excitations mécaniques de la

peau, même très légères, ont sur sa détermination

une influence occasionnelle évidente, puissante et

' Vu ! pin.n. Communication craie à M. Dujarelin-Bewmetz.

= Vulyian. Leçons Mr <'awet7 vaso-mulettr, t. I. 187 i.

DERMONEUROSE STERÉOGRAPHIQUE ET ERTTHRASMA. 21

presque exclusive. L'urticaire provoquée mécanique-

ment diffère beaucoup à cet égard de l'urticaire dite

spontanée et les causes occasionnelles de l'une de-

meurentsans action sensible sur l'apparition de l'autre.

Resterait à étudier le mécanisme, c'est-à-dire le com-

ment de ces troubles vaso-moteurs dont l'expression

la plus complète paraît être la papule ortiée, qu'elle

soit spontanée c'est-à-dire réflexe, ou consécutive,

comme dans le cas que nous envisageons, à des exci-

tations mécaniques delà peau. Les phases successives

et le mécanisme de ces phénomènes ont été bien étu-

diés par M. Marey',M. Petrowski' et surtout, au point

de vue histologique, par notre maître et ami le pro-

fesseur Renaut', dans son remarquable article derma-

toses du Dictionnaire encyclopédique et nous aimons

mieux renvoyer le lecteur aux travaux que nous venons

de citer que d'aborder, en ce moment, à propos d'une

simple observation, une question complexe et diffi-

cile. Nous ferons seulement remarquer, en terminant,

l'absence complète, chez notre malade du moins, de

prurit au niveau des papules, caractère négatif qui

semble infirmer la manière de voir de ceux qui ratta-

chent le prurit ortie vulgaire à une compression des

nerfs intradermiques par la sérosité épanchée dans

l'épaisseur du derme ?

' Mare ? Mémoire sur la contractilité vasczclaire (Ann. des se. M ? ? -elles, S5t, t. IX).

- Petrowslu. 1"e),halleit flatit gegen ! C/;<en : ee/taH ? e/te71et : K ! )c (Ce ? ! -

17,alblatt, 1873).

"Renaut. Art. Dermatoses, \x\Dict. encyclopédique des sciences médicales.

' Depuis la rédaction de ce travail. M. Lowff, a présenté, sous le nom

d'Urticaire graphique, un cas analogue à la Société médico-psycholo-

gique (Annales ! He'6 ! ! eo-psyc/M ! y : MS. K" de novembre 1888). '

CLINIQUE NERVEUSE

RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-

DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES' ;

Par M. le D' Michel CATSARAS,

Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes; Médecin de l'asile de Dromocaitis; Membre

de la Société Médico-psychologique de Paris.

III. Période DES syndromes spasmodiques ET TABÉ-

toïdes. Cette période commence avec les symptômes

spasmodiques et tabétoïdes. L'étude attentive des

différents symptômes qui constituent cette période

nous permet de mettre en relief : 1° des symptômes

positifs, c'est-à-dire des symptômes qui peuvent figurer

au tableau de cette forme; 2° des symptômes néga-

tifs, c'est-à-dire des symptômes qui ne peuvent et ne

doivent même pas prendre part à la constitution de

cette forme clinique d'accidents spinaux.

A. Symptômes positifs. On voit que dans notre

tableau, ces symptômes sont divisés en cinq groupes :

1° Syndrome de symptômes spasmodiques; 2° syn-

drome de symptômes tabétoïdes; 3° symptômes vaso-

moteurs ; 4° symptômes vésicaux; 5° symptômes rec-

taux.

a). Syndrome de symptômes spasmodiques Si l'on

jette un coup d'oeil au tableau précédent, on est en

' Voir Archives de Neurologie, n° 17, p. 1 ib, n° 18, p. 246.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 23 i

droit d'affirmer que ce syndrome est constant et que

loin de faire défaut, il est au contraire représenté

d'une manière constante dans toutes les observations;

par cela même, il devient un des caractères majeurs et

fondamentaux de cette forme ; c'est encore une nou-

velle confirmation de la loi que nous avons déjà posée,

que presque toutes les paraplégies, pour ne pas dire

toutes (mot qui sonne toujours mal aux oreilles), pro-

venant de l'emploi des scaphandres, sont spasmo-

diques.

Quant à l'exposé des symptômes dont l'ensemble

constitue le syndrome de la paraplégie spasmodique,

nous serons bref, car ils ne diffèrent pas de ceux qui

ont été observés au syndrome spasmodique de notre

forme centrale spinale latérale, dont il est le seul

aboutissant par excellence; et pour éviter la répéti-

tion, nous nous contenterons de les énumérer tout

simplement. Ce sont l'exaltation des réflexes, l'épilep-

sie spinale aussi bien spontanée que provoquée, les

secousses, la dyscampsie articulaire, les contractures

passagères et enfin la démarche spasmodique. L'étude

de l'évolution., du syndrome spasmodique de cette

forme a présenté les mêmes caractères dans sa marche

que celui de la forme centrale spinale latérale : à

savoir un mois environ après l'invasion de la para-

plégie ce syndrome commence à se développer, ce

qui est indiqué par l'exaltation des réflexes et l'épi-

lepsie spinale; un peu plus tard, les secousses, la

dyscampsie articulaire, les contractures passagères

viennent s'ajouter au tableau, enfin la rigidité mus-

culaire ayant augmenté d'intensité donne naissance à

la démarche spasmodique. Là l'évolution s'arrête et

21 ,. . CLINIQUE NERVEUSE.

le syndrome spasmodique fait sa station définitive.

Maintenant, de deux choses l'une, ou bien ce syn-

drome rétrograde, cette rétrogression pouvant mar-

cher un peu plus rapidement à un des membres

inférieurs (Oris. XV, XVII, XIX), pouvant même aller

jusqu'à la disparition complète de ce syndrome

(OBs. XIV) ou bien il ne rétrograde que très peu; en

-d'autres termes, il reste presque stationnaire. Mais il

- n'y a pas une seule observation, de quelque ancienne

date qu'elle soit, dont le syndrome soit arrivé à la

contracture permanente, au pied bot spasmodique.

b). Syndrome de symptômes tabétoïdes et sensitifs.

Nous voilà arrivés à l'étude d'un autre syndrome qui

ne peut, qui ne doit même pas manquer de jouer son

rôle dans la scène morbide de cette forme spinale.

On a pu facilement remarquer que ce syndrome n'a

jamais fait défaut dans aucune observation. En raison

de sa constance, il devient lui aussi au même titre que

le syndrome spasmodique un caractère fondamental.

Ces deux syndromes caractérisent la forme centrale

postéro-latérale. Le syndrome de symptômes tabé-

toïdes sert à la différencier de la forme centrale laté-

raie. L'existence constante au contraire du syndrome

spasmodique la distingue de la forme centrale posté-

rieure. Les différents symptômes qui constituent ce

syndrome sont :

u «). Les douleurs fulgurantes, cozzstrictives et en

ceinture. Les douleurs qui avaient le caractère

de fulgurance ont été présentées par tous nos ma-

lades. Dans la plupart des cas, les douleurs fulgu-

rantes viennent par crises, qui durent tantôt quelques

heures seulement (OBS. XIV, XIX), et tantôt quelques

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. )

jours (2-3) (OBS. XV et XVIII). Il est des cas où les dou-

leurs viennent isolées et à des intervalles très irrégu-

liers (Oss. XVII). Il va sans dire qu'elles peuvent

exister et par crises et isolées (Oas. XVI).

Les douleurs qui avaient le caractère de constric-

tion avaient été présentées parle malade de FOBSER-

ovation XV. Quant aux douleurs en ceinture, elles n'ont

existé que chez les malades des Observations XIV et

XVI.

p). Troubles du sens musculaire. Ces troubles ont

consisté chez nos malades : 1° au signe de Romberg

qui a existé dans toutes les observations; en consé-

quence, c'est un symptôme constant; 2° à la difficulté

de marcher les yeux fermés et dans l'obscurité, qui a

été présentée par tous les malades; 3° à la perte de

notion de position des membres présentée par les ma-

Jades des OBSERVATIONS XV, XVI, XVII, XVIII.

- ). Symptômes sensitifs. Nous avons vu qu'à la

deuxième période, ces troubles marchent de compa-

gnie avec les troubles de la motilité, sous forme de

paralysie, c'est-à-dire d'aneshcsie. Plus tard ces

troubles peuvent, soit disparaître complètement (OBS.

XV et XIX); soit se localiser, et alors, au lieu d'avoir

des anesthésies généralisées, nous avons des dy-

sesthésies ou anesthésies en plaques ; soit enfin

changer de forme et se pervertir. Cette perversion est

très curieuse pour le malade de ]'OBSERVATION XVII;

ainsi quand on pince à l'aide d'un instrument piquant,

par exemple une aiguille, une région quelconque du

membre droit, le malade ressent la même sensation

de picotements d'aiguilles sur toute la longueur du

membre. La même sensation se produit par le con-

26 CLINIQUE NERVEUSE.

tact. L'application du froid ne produit plus la même

sensation de picotements d'aiguilles, mais un senti-

ment très désagréable et indéfinissable de tout le

membre.

5). Crises gastriques. Elles ont existé seulement

chez le malade de l'OBSERVATION XVI et avaient tous

les caractères de crises gastriques, soit tabétiques, soit

symptomatiques d'une autre maladie organique du

système nerveux central.-Très souvent, elles accom-

pagnaient les douleurs fulgurantes, mais quelquefois

elles survenaient d'une manière isolée. Elles ne

duraient que quelques heures.

c). Symptômes vaso-moteurs. Parmi les six obser-

vations rapportées il n'y en a guère que trois qui

aient présenté des troubles vasomoteurs, ayant con-

sisté en une hypéridrose de la plante du pied gauche

(Cas. XV) et en une anidrose du pied droit pour l'OB-

SERVATION XVI, des pieds pour 1'OasERVA'noN XIX.

d). Symptômes vésicaux. Tandis.qu'au commen-

cement les troubles de la vessie accompagnent pres-

que constamment la paralysie de la sensibilité et de la

motilité, à une étape plus ou moins ultérieure ils s'at-

ténuent et plusieurs fois ils disparaissent; c'est ce qui

est arrivé aux Observations XVI, XVII et XVIII. Les

symptômes vésicaux qui ont survécu chez les trois

autres malades au moins jusqu'au moment de notre

examen, consistent en difficulté d'uriner survenant

de temps en temps pour l'OBSERVATION XVI; en fré-

quence d'uriner, venant par intervalles irréguliers et

parfois accompagnée d'incontinence pour l'OBSERVA-

tion XVII; en incontinence opiniâtre pour l'OBSERVA-

TION XVIII.

DES ACCIDENTS PAR 1.'EriPL01 DES SCAPHANDRES. 27 -1

Quant aux troubles du côté du rectum, nous ne

les rencontrons plus que chez le malade de l'OBSERvA-

tion XVIII, qui a une incontinence de selles intermit-

tente.

B. Symptômes 7égati/s.- Après avoirdéjà décrit les

divers groupes de symptômes positifs, dont nous

avons surtout mis en relief deux syndromes sympto-

matiques qui sont d'une importance capitale et très

constants, c'est-à-dire les syndromes spasmodique et

tabétoïde qui constituent les deux caractères sine quia

non de cette forme, passons à l'examen très rapide

des symptômes négatifs. Les symptômes négatifs sont

de deux ordres :

a). Les symptômes myatrophiques, qui n'ont jamais

existé dans nos observations, ce qui prouve une fois

de plus cette loi négative que nous avons déjà formu-

lée, à savoir que dans l'immense majorité des cas, les

paralysies, provenant de l'emploi de scaphandres

ne sont pas accompagnées de myatrophie.

b). Symptômes cêphaliques. Tandis qu'on est sur-

pris de la fréquence des symptômes céphaliques à la

période très fugitive du début, au contraire plus tard,

il n'y a pas un seul symptôme qui figure au tableau

clinique. - Pour peu qu'on fixe son attention sur la

symptomatologie de la première période, on est frappé

etde la multiplicité et de la variabilité des symptômes

du début de cette forme en d'autres termes le début

est éminemment polymorphe. Mais du moment qu'elle

passe à la deuxième période, le polymorphisme dispa-

raît et l'uniformité fait son apparition par un com-

plexus symptomatique presque invariable pour tous

28 CLINIQUE NERVEUSE.

les cas, C'(',St-21-dll'e, paralysie motrice et sensitive,

rétention d'urines et de selles; à une étape plus ou

moins ultérieure l'uniformité devient presque mono-

tone ; en effet, le tableau clinique aboutit à un fond

commun existant chez tous les malades et caractérisé

par deux syndromes, celui de symptômes spasmodiques

et celui des symptômes tabétoïdes.

Donc entrée en scène polymorphe et uniformité du

dénouement comme caractères cliniques généraux; les

nuances cliniques spéciales de symptômes du début,

l'intervalle spécial entre la disparition des symptômes

du début" et l'invasion de la paraplégie, le mode de

l'invasion de celle-ci, les symptômes positifs et les

symptômes négatifs de l'étape ultérieure de la ma-

ladie comme caractères partiels, enfin la marche de

l'affection qui est dans la plupart des cas rétrogres-

sive, parfois peu rétrogressive mais jamais progres-

sive, tous ces caractères, dis-je, pris dans leur ensemble

servent à spécialiser notre forme centrale spinale

postéro-latérale. Car son tableau clinique, tel qu'il

existe pour cette forme ne se rencontre dans aucune

autre maladie connue du système nerveux central.

C. FORME CENTRALE SPINALE POSTÉRIEURE.

Observation XX (M. P. Marie). Gromillet, trente-huit ans, mé-

canicien, père mort d'apoplexie; pas d'autres antécédents hérédi-

taires.

Marié depuis 1871 (quatre ans après son accident, sans enfants).

Bonne santé antérieure, quelques blenuorrhagies, jamais de

chancre ni d'accidents syphilitiques quelconques, pas d'alcoolisme.

Jamais d'accidents d'impaludisme. - Entré dans la marine à

dix-huit ans comme mécanicien chauffeur.

Le 30 janvier 1868, dans la rade d'Aden, un chaland ayant

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 29

coulé, G... reçut l'ordre de l'élinguer (attacher les chaînes pour le

retirer), il était déjà descendu en scaphandre, le 29 janvier, puur

reconnaître l'état du chaland et était resté pendant trois quarts

d'heure à une profondeur de vingt-deux mètres environ; tout

s'était bien passé cette fois-là et les jours précédents (pas d'étour-

dissement; pas de bourdonnements d'oreilles). Mais, le 30 janvier,

après être descendu à cette profondeur, lorsqu'il voulut, en quittant

son échelle, se diriger vers le chaland, tout d'un coup la colerette

du scaphandre se rompit et, à partir de ce moment, le malade ne

se rappelle plus rien, il n'eut même pas le temps de faire le signal

pour se faire remonter. 11 ne sait pas au bout de combien de temps

il fut remonté, mais ce temps peut être approximativement calculé,

car, d'après les règlements de la marine, au bout de cinq minutes

que le scaphandrier est sous l'eau, on lui donne un signal auquel

il doit répondre; s'il ne répond pas, on en fait un second au bout

d'une minute, et, si ce dernier reste aussi sans réponse, on doit le

remonter immédiatement. Or, notre malade n'entendit ni le

premier ni le second signal, et par conséquent, il est resté sous

l'eau environ six minutes, mais l'accident n'étant arrivé que

lorsqu'il était déjà descendu au niveau du chaland, c'est-à-dire à

une profondeur d'environ vingt-deux mètres, il faut déduire le

temps qu'il a mis à descendre (au moyen d'une échelle) et qui

peut être estimé, croyons-nous, à trois minutes; donc le malade

serait resté environ trois ou quatre minutes sous l'eau après son

accident.

Au moment de l'accident, il a perdu connaissance et est resté

dans cet état pendant trois semaines; il n'a eu absolument cons-

cience de rien. D'après ce qu'on lui a raconté, il avait la tête

considérablement augmentée de volume (il fallut scier le casque

pour le lui enlever), la face était extrêmement rouge, les conjonc-

tives complètement infiltrés de sang; il parait qu'il ne respirait

plus. On pratiqua une saignée cinq minutes après qu'il eut été

remonté, le sang coulait difficilement. 11 ne semble pas avoir

perdu de sang par les oreilles ni par la bouche. Au bout de trois

semaines environ, il commença à entendre parler autour de lui

et à reconnaître par la voix les personnes qui l'approchaient,

mais il ne voyait absolument rien (il ne distinguait pas le jour de

la nuit), il avait devant les yeux une grande tache noire changeant

quelquefois un peu de couleur.

Ce n'est qu'au bout de six semaines qu'il recommença à voir

clair petit à petit. A ce moment, les membres inférieurs étaient

complètement paralysés, les membres supérieurs l'étaient aussi un

peu, le malade avait une grande difficulté à les soulever. Les

urines et les matières fécales étaient rendues sans que le malade

en eût conscience; à ce moment, la sensibilité au niveau des

membres et même du tronc jusqu'au cou aurait été complètement

30 CLINIQUE NERVEUSE.

abolie. Dans les jambes, il avait des douleurs comme des éclairs

qui partaient tout d'un coup, souvent aussi sensations de brûlure

ou de froid.

Dans les yeux, il voyait des étincelles, des points brillants s'agiter

devant lui. Au niveau du thorax, il avait la sensation d'un corset

de fer. Souvent aussi, il éprouvait des secousses dans les jambes

qui se fléchissaient ou s'étendaient tout d'un coup.

Il lui était difficile de s'alimenter, car il vomissait presque tout

et ne digérait que le bouillon; à la même époque, il aurait aussi

vomi du sang et eu des hémoptysies presque tous les jours.

Au bout de trois mois de soin à Aden, G... fut rapatrié, il ne

perdait plus ses urines et pouvait alors se tenir un peu sur ses

jambes et s'en fut dans sa famille; mais là, au bout d'un mois, il

fut repris de telles douleurs dans les jambes qu'il dut rentrer à

l'hôpital de Toulon; on lui donna des bains sulfureux, et, au bout

d'un mois et demi, il fut assez amélioré pour en sortir, il marchait

alors assez bien et n'avait plus que, de temps en temps, de légères

douleurs. Déjà, lorsqu'il quitta Aden, il avait recommencé à avoir

des érections (elles avaient tout à fait disparu pendant les deux

mois qui suivirent l'accident).

A partir du moment où il quitta l'hôpital de Toulon, il travailla

comme ajusteur mécanicien (travail debout devant un étau) et

pouvait faire ses journées de dix heures sans être trop fatigué; il

se sentait seulement, le soir, toujours les jambes un peu raides,

surtout au niveau des genoux, la miction était parfaitement

normale; cependant, quand il était très fatigué, il lui arrivait la

nuit de perdre ses urines.

En 1870, il fut rappelé à bord du Montcalin, mais, comme le

travail de chauffeur lui aurait été trop pénible, il eut l'emploi de

graisseur (il restait assis près de la transmission et n'avait qu'à

verser un peu d'huile toutes les vingt minutes environ). Il fut

libéré à la fin de juillet 1871. A ce moment, il se maria (pas

d'enfants) et entra dans plusieurs usines commme mécanicien

ajusteur, et continua à pouvoir travailler debout environ dix heures

par jour.

Au commencement de 1875, il sentit ses jambes devenir plus

faibles, elles ployaient sous lui, ne perdait qu'accidentellement ses

urines, la nuit, quand il était très fatigué, mais ressentait de très

violentes douleurs au niveau de l'appendice xyphoïde (comme des

coups de poignard) et, en même temps, il lui semblait que ses

reins s'ouvraient en deux. On lui a donné là des bains sulfureux et

un certain nombre de médicaments qu'il ne peut indiquer au bout

de six semaines ; il sortit amélioré. Ses douleurs d'estomac

avaient presque disparu. Il reprit de nouveau du travail dans diffé-

rentes usines. Depuis cette époque, il n'a plus cessé de travailler,

quoique, à certains moments, il se sentit un peu plus fatigué.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 31

Au commencement de 1882, il sentit ses douleurs d'estomac

revenir plus violentes ; son médecin lui dit qu'il avait une gastralgie.

A partir de ce moment, pendant deux jours, il a vomi jour et nuit

(il n'avait fait aucun écart de régime). Or lui a fait une piqûre de

morphine, il a dormi un peu, ses vomissements se sont arrêtés ;

mais ses douleurs d'estomac et de reins continuaient, il ne put

reprendre son travail qu'au bout de quinze jours, les jambes

étaient, elles aussi, devenues plus faibles. Depuis ce moment, tous

les mois, presque à la même date, il s'est vu repris des mêmes

douleurs et de vomissements, cela durait quelques jours, puis

disparaissait, mais les jambes étaient de moins en moins fortes.

Puis les crises sont devenues un peu plus fréquentes et sur huit

jours il n'avait guère, dit-il, que deux ou trois jours de tranquillité,

tous les autres jours il vomissait.

Enfin, dans les six derniers mois, il s'est mis à vomir tous les

matins : il mangeait sa soupe, puis, trois quarts d'heure, une heure

après, il vomissait delà bile ou des glaires, mais non ses aliments.

Etat actuel (13 juin 1883). Motilité. Le malade lève bien les

jambes, étant dans son lit et frappe bien avec son pied où on lui

dit, mais il a un peu un mouvement de ressort, et le pied est lancé

avec une certaine violence involontaire. Quand on le fait marcher,

on voit qu'il a une certaine difficulté, cependant il pourrait faire ,

environ une demi-heure de chemin; le talon touche le sol un peu

avant le reste du pied, les pieds sont légèrement portés en dehors

et écartés l'un de l'autre, le malade frappe un peu le sol et chaque

fois qu'un pied louche le sol, il y a un léger mouvement de ressort

en même temps qu'un, peu d'incertitude de l'équilibre. Il peut se

tenir debout les pieds joints, même en regardant en l'air; mais,

dès qu'on lui fait fermer les yeux, il tombe en arrière.

La force des fléchisseurs des jambes semble un peu diminuée,

celle des extenseurs des jambes est normale, les fléchisseurs et

extenseurs des pieds ont conservé leur force. Les mains ont

certainement perdu de leur force. Il n'y a pas trace d'atrophie,

les muscles sont même bien conservés.

Les réflexes rotuliens sont légèrement augmentés des deux côtés;

il n'y a pas de phénomène du pied. Les réflexes testiculaires

(crémastes) sont normaux des deux cotes; le testicule droit est

augmenté de volume est très induré (orchite chronique ? ),

l'épididyme n'est pas induré ; sa consistance aurait plutôt un peu

diminué.

Pas de sensations anormales à la face ou au cou, mais à deux ou

trois travers de doigts au-dessus du mamelon jusqu'à quatre travers

de doigts au-dessous du nombril, il a une sensation de corset qui

le serre extrêmement fort et lui donne quelquefois des étouffements

violents; cette sensation du corset n'est pas continuelle, mais

survient à intervalles variables, quelquefois toutes les deux heures

32 U2 CLINIQUE NERVEUSE.

plus ou moins; elle dure un temps variable, généralement cinq

à dix minutes; quelquefois aussi c'est pendant des journées entières

qu'il a cette sensation et il souffre alors énormément.

Mais c'est surtout au niveau de la région sacrée que ces douleurs

sont les plus fortes, parfois même elles deviennent intolérables.

A cette observation était attachée une note de notre excellent

confrère Parinau qui, ayant examiné le malade le 4 1 juin 1883, a

noté : « Pas de lésions oculaires. »

Observation XXI. Accident provoqué le 13 mars 1886 à la

première immersion : séjour une demi-heure, décompression brusque.

Une heure d'intervalle de bien-être après l'enlèvement du casque

et l'invasion de l'accident. Surdité psychique; lourdeur de la

tète. Paralysie brusque qui ctpi-is successivement et 1res rapidement :

a), le membre supérieur droit ; b), l'inférieur droit; c), le supérieur

gauche; d), l'inférieur gauche; anesthésie ; parésie vésicale et rectale.

- Le 18 mars, retour de la motilité à l'extrémité supérieure gauche,

et le 20, au supérieur droit, sensations de brûlure, douleurs fulgu-

rantes, crises gastriques. Le avril, possibilité de se tenir debout.

Vers la fin de ce mois, le retour de la motilité aux membres

inférieurs s'effectue complètement. Douleurs en ceinture, perte de

notion de position de membres. - Au commencement de juin,

faiblesse progressive des membres.

Etat actuel (13 juillet 1886). Demnrc/te alaxique. Signe de

Romberg. Impossibilité de marcher sans le concours de la vue.

Douleurs en ceinture, douleurs fulgurantes, crises gastriques, aboli-

tioit de réflexes, incontinence d'urine accidentelle, constipation

habituelle, érections incomplètes suivies d'éjaculation immédiates

Traitement suivi pendant trois mois. Travail dans l'air comprimé,

pointes de feu, ioditi-e de potassium, hygiène appropriée.

Etat du malade le la octobre 1886. Amendement considérable

de ce syndrome dans son ensemble.

Le nommé Miche) Sgourdas, âgé de vingt-huit ans. Mère morte

de maladie cardiaque ; pas d'autres antécédents héréditaires.

Comme antécédents personnels, il n'y a ni accidents syphilitiques

ni impaludisme, enfin, rien qui soit digne d'être noté et qui ait

une relation quelconque, soit directe, soit indirecte avec la maladie

en question. Il a commencé à travailler dans l'air comprimé au

mois de mai 1884. Il a travaillé environ deux années sans avoir eu

aucun accident, quand le 9a mars 1886, à la première immersion

faite à une profondeur de vingt-cinq brasses, le séjour dans le fond

de la mer s'étant prolongé jusqu'à une demi-heure; il affirme que

plusieurs fois, il avait fait des immersions à celte profondeur sans

jamais prolonger son séjour au delà de dix minutes et n'a jamais

eu d'accidents; notons bien que le temps de la décompression

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 33

était toujours le même, c'est-à-dire quarante secondes à une

minute; pas d'indisposition, pas de repas avant l'immersion. Une

heure se passe après la décompression et l'enlèvement du casque,

et le malade se porte parfaitement bien; pas le moindre symptôme;

au bout de ce temps, il est pris tout d'un coup d'un état qu'il

appelle bizarre et qui consistait en ce qu'il ne comprenait absolu-

ment pas ce qu'on disait autour de lui, et cependant, dit-il, il

entendait parfaitement bien ce qu'on disait; il croyait qu'on se

moquait de lui et qu'on ne parlait pas grec, car, « comment arrive-

t-il quej'entendais sans comprendre ce que j'entendais ». Au moment

même de notre examen, malgré l'explication que j'ai tentée pour

lui faire comprendre qu'il est bien possible d'entendre sans conce-

voir ce qu'on entend et malgré l'affirmation catégorique d'un de

ses compagnons qu'on employait des mots d'un usage très commun,

et qu'on ne se moquait pas de lui, il hésite à le croire. II parlait

très bien; il ne savait ni lire ni écrire; en outre, il avait la tête un

peu lourde. Pas de symptômes, ni gastriques, ni respiratoires, ni

douloureux. Cet état, après avoir duré trois quarts d'heure, dispa-

rait complètement pour faire place à une paralysie brusque et

complète du membre supérieur droit, quelques minutes plus tard,

du membre inférieur droit. Une dizaine de minutes après, le

membre supérieur gauche est pris à son touret devient paralytique;

aussitôt après, le membre inférieur est lui-même atteint. A ce

moment donc, les quatre membres étaient paralytiques ; il ne

bougeait que la tête. La sensibilité au niveau des membres para-

lysés et du tronc aurait été complètement abolie. N'oublions pas

d'ajouter qu'il a rendu involontairement ses urines et ses selles.

Le 18 mars au matin, le malade commence à mouvoir son bras

gauche; vers le coucher du soleil, ce membre était complètement

dégagé de sa paralysie. Le 20 mars, à son réveil, il voit que son

extrémité droite commence, à son tour, à se dégager, et dans

quelques heures, le dégagement s'est tout à fait opéré. L'état de

ses membres inférieurs n'a pas du tout changé. Continuité de la

parésie vésicale et rectale. Dans les membres, il avait des sensations

de brûlure. Il est resté au lit une vingtaine de jours, durant lesquels

le malade avait dans les membres des douleurs isolées, comme des

éclairs qui partaient tout d'un coup. Il a eu aussi deux fois des

crises gastriques. Soudain le malade aurait été pris de douleurs à

l'apopliysexyphoïde d'une violence extraordinaire et de vomissements

opiniâtres, d'abord alimentaires, puis biliaires et parfois sangui-

nolents. Chaque crise a duré une journée.

Le 5 avril, il peut se tenir sur ses jambes. et marcher un peu à

J'aide de deux appuis. Depuis ce moment, l'amélioration de la

paralysie a si rapidement progressé, que le 8 avril il a pu marcher

sans appui, mais il sentit ses membres faibles et lourds pendant

quelques jours encore; de sorte que, à la fin du mois d'avril, ses

Archives, t. XVII. 3

31 CLINIQUE NERVEUSE.

membres ont recouvré leurs fonctions. Par contre, de nouveaux

symptômes se déclarent : 1° le malade sentait la base de son thorax

serrée comme dans un étau ; 2° il ne sentait pas bien le sol et il

lui arrivait fréquemment de perdre la notion de position de ses

membres. '

Au commencement de juin, après une très longue course, il sent

ses membres s'affaiblir et se ployer sous lui. Cette faiblesse

augmentait d'un jour à l'autre et rendait la marche difficile, surtout

quand il faisait obscur.

Etat actuel (13 juillet 1886). La marche du malade est nette-

ment ataxique, il projette brusquement ses jambes en marchant.

Le talon touche le sol un peu avant le reste du pied; le malade

frappe le sol. Toutes les fois que ses pieds touchent le sol, il a un

mouvement de ressort. Le malade oscille tellement, les yeux fermés,

qu'il est obligé de les ouvrir pour éviter de tomber en arrière. La

marche est impossible sans le concours de la vue. Il a des ailes-

thésies en plaques étendues. Les douleurs en ceinture n'ont pas

cessé de tourmenter le malade à des intervalles très irréguliers;

leur durée variait de dix minutes à quatre heures. Les dou-

leurs fulgurantes surviennent, plus espacées, mais, par contre, plus

fortes.

Les crises gastriques sont plus fréquentes, plus violentes et,

chaque fois, elles durent deux à trois jours. Aucun écart de régime

ne précède l'invasion des crises; des digestions immédiatement

après les crises sont normales. La force des muscles est bien conser-

vée, excepté celle de fléchisseurs de la cuisse qui semble un peu

diminuée. Il n'y a pas trace d'atrophie musculaire; pas de troubles

vaso-moteurs. Il y a une abolition complète de réflexes, facilement

couslalable par les procédés élémentaires.

L'incontinence d'urines ne survient qu'accidentellement, sur-

tout après la fatigue et les excès d'alcool. Il est habituellement

constipé. Les érections sont incomplètes et l'éjaculation se fait

immédiatement après l'introduction incomplète du pénis. Il n'y a

pas de symptômes céphaliques. Nous avons ordonné au malade

le travail dans l'air comprimé, l'application de petites pointes de

feu, l'iodure de potassium et une hygiène appropriée à son état.

Notre malade a fidèlement suivi le traitement prescrit pendant

trois mois.

Etat du malade le 1 octobre 1886. La démarche est incer-

taine, mais il ne projette plus brusquement ses jambes et il ne

frappe pas le sol ; le mouvement de ressort est très léger; il sent

ses jambes plus fortes et peut faire une heure de chemin sans se

fatiguer beaucoup. Le signe do Romberg est bien moins mar-

qué. Les douleurs fulgurantes sont améliorées sous tous lcsrapports :

fréquence, intensité.

Lcsdouleurs en ceinture sont plus tolérables, et ne donnent plus

DES ACDIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 33

la sensation d'étouffement qui les accompagnait avant le traite

ment. L.

Les crises gastriques n'ont pas reparu.

Les érections sont plus complètes, sans être encore tout à fait

normales. Nous l'avons engagé à continuer son traitement ;

malheureusement, nous avons perdu le malade de vue.

Observation XXII. Accident survenu le 13 juin 1883. Première

immersion, 1 1 heures du matin, ',)0 brasses de profondeur; une

heure et demie de séjour, décompression brusque. Interualle de

trois heures de bien-être parfait entre le moment de la décompres-

sion et l'invasion de l'accident. Dyspnée, loux qitiiiieuse, Aëmo-

thisie, douleurs de l'apophyse xyplwidc. A 10 heures du soir,

disparition de ces symptômes. Intervalle de bien-être pendant

un temps impossible à définir entre la disparition de ces symptômes

du début et l'invasion de la paraplégie. Paraplégie, anesthésie,

rétention d'urines, fièvre légère. Vers la fin de juin, douleurs

uréthrales; et un peu plus tard, douleurs comme des éclairs dans

les membres inférieurs. Au bout d'un mois après l'invasion de

l'accident, possibilité de se tenir debout et vers la fin de juillet,

possibilité de marcher sans appui. En septembre, pas de trace de

faiblesse des membres ; continuité de douleurs uréthrales et de

douleurs fulgurantes ; sensations de brûlure à la cuisse gauche.

Vers le commencement de 1884, faiblesse de membres, qui, dès lors,

augmentait de mois en mois.

Etat actuel (la mai 1885). Ataxie ébauchée. Signe de Rom-

bers. Anesthésie de la surface antérieure de la cuisse droite.

Engourdissement des pieds. Douleurs fulgurantes. Chute des

ongles. Pollution par crises. Incontinence d'urines pai-oxystique,

spasmodique. Traitement suivi de trois mois. Travail dans l'air

comprimé. Application de pointes de feu. Galvanisation de la

moelle et de l'urèthre par le cathéter galvanique trois fois par

semaine, iodure de potassium et arsenic.

Etat du malade (le 20 septembre 18S). Amendement considé-

rable qui équivaut presque ci la guérison.

C... Clzatzi-Yannahis, âgé de trente-trois ans. Père mort de fiè-

vre typhoïde; pas d'autres antécédents héréditaires ou personnels.

Il a commencé à travailler en juin 1882, et il a fait régulièrement

ses campagnes pendant une année, sans avoir jamais eu d'acci-

dents.

Le 13 juin 1883, à 11 1 heures du matin, à la première immersion,

20 brasses de profondeur, après avoir prolongé imprudemment

son séjour pendant une lieure et demie, il s'est fait brusquement

remonter comme d'habitude. Le malade affirme que, dans le

36 CLINIQUE NERVEUSE.

cours de l'année précédente, il avait déjà fait plusieurs fois des

immersions à cette profondeur et plus et avec la même décompres-

sion ; mais il n'a jamais séjourné au fond plus d'un quart d'heure ;

pas de refroidissement, pas de toux, pas de repas avant l'immer-

sion. Trois heures se passent, après la décompression et l'enlè-

vementdu casque, pendant lesquelles le malade se porte parfaite-

ment bien. Au bout de ce temps, il était 2 heures et demie, il a

été pris d'une dyspnée très intense, d'une toux quinteuse accom-

pagnée chaque fois d'hémoptysie en quantité assez abondante et, à

peu près au même moment, dérouleurs très violentes à l'apophyse

xyphoTdienne, au point qu'il poussait des cris pitoyables. Pas de

vomissements, pas de symptômes céphaliques,pas d'artropathies

ou myopathies douloureuses. A 8 heures, la dypnée disparait,

la toux quinteuse devient plus rare et la douleur gastrique

diminue beaucoup d'intensité, pour disparaître à 10 heures du

soir. A ce moment donc, il y a disparition complète de tous les

symptômes; le malade cause bien, mange bien, et à minuit

environ, il s'endort. Le lendemain matin, à son réveil, il constate

avec surprise qu'il est tout à fait paraplégique de ses membres

inférieurs, au point qu'aucun mouvement n'était possible. Rien

aux membres supérieurs ni à la face. La sensibilité aurait été

complètement abolie. Il n'a pu uriner. Pas de rétention de fèces.

On l'a fait transporter à la capitale de son pays (I'Ile de Chypre,

sur les côtes de laquelle il péchait des éponges) et le médecin,

dit-il, a constaté qu'il avait un léger mouvement fébrile, 38°. Le

médecin a appliqué le cathéter, il ordonne des frictions énergiques

avec l'esprit camphré, l'application de ventouses scarifiées à la

région lombaire et des purgatifs. '

Le J 5 juin, ce médecin constate l'absence de fièvre et commande

de continuer ses frictions énergiques et de lui appliquer une

seconde fois des ventouses scarifiées. Les jours suivants, il conti-

nuait le cathélerisme, des vésicatoires collants et des médicaments

qu'il ne peut pas définir.

Vers la fin de juin, le malade est tout d'un coup pris de dou-

leurs uréthrales, se produisant au cours de la miction qui, bien

qu'améliorée, se faisait cependant avec une grande difficulté et

avec lenteur. Il a gardé le lit à peu près un mois ; à cette époque,

il a eu dans les jambes des douleurs qui les parcouraient tout d'un

coup, comme des éclairs. Au bout de ce temps, il a pu se tenir

sur ses jambes, et marcher un peu, en s'aidant de deux appuis.

Dès ce moment, l'amélioration a si rapidement progressé que, vers

la fin de juillet, il aurait pirmarcher sans appuis.

Au mois de septembre suivant, il n'avait plus aucune faiblesse

dans ses jambes et faisait de longues courses sans se fatiguer. Il

n'en était pas de même pour ses douleurs uréthrales qui, survenan t

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 37

par intervalles irréguliers, se produisaient au cours de la miction.

Elles étaient variables d'intensité, parfois légères, le plus souvent

atroces, au point que le malade sentait son canal déchiré, par-

couru par des lames de rasoir; la dyurie coexistante servait à

prolonger le supplice du malade. Les douleurs fulgurantes n'ont

pas cessé de visiter le malade. Il avait des sensations de brûlures

à la cuisse gauche. Vers le commencement de 1884, après un

refroidissement, dit-il, il sent ses membres faibles. Cette faiblesse,

loin de disparaître, augmentait au contraire de mois en mois,

c'est ce qui l'a fait venir me consulter à Athènes.

État actuel (t3 mai 1885). Si l'on examine avec attention le

malade, il n'est pas trop difficile de se convaincre qu'il est en voie

de devenir réellement ataxique. C'est un ataxique ébauché z

qu'on me passe cette expression. Si on commande en effet au

malade de se lover subitement d'une chaise basse pour se mettre

immédiatement en marche, à ce moment, nous observons une

certaine hésitation et une certaine maladresse; il se tient debout

difficilement, c'est pour cela qu'il reste assis la plupart de la

journée et qu'il prend un bâton pour avoir un appui; il oscille

quand il essaye de se tenir sur une jambe. Il ne peut, lorsqu'il

marche, ni s'arrêter brusquement, ni se retourner très vite sans

osciller. Il lui est très difficile de marcher à reculons. Il descend

l'escalier très lentement et avec une grande circonspection, en

s'aidant de la rampe (signe). Il marche très difficilement, sans le

concours de la vue. Il a des oscillations très manifestes, détermi-

nées dans l'équilibre, même avec l'appui d'une canne, par

l'occlusion des yeux.- La force musculaire ne parait pas du tout

diminuée.

Toute la surface antérieure de la cuisse gauche, à savoir la

région qui, à une époque antérieure, était le siège de la sensation

de brûlure, toute cette surface, dis-je, est anesthésique sous tous

les modes. Très souvent, le malade est pris d'engourdissements de

pieds par suite desquels il a une sensation vague de ses chaus-

sures et de ses caleçons. Cet engourdissement variable d'intensité,

lorsqu'il se prépare un changement de temps, ou lorsqu'il se

fatigue, devient très fort en même temps qu'il s'étend à la cuisse.

Les douleurs fulgurantes sont aggravées aussi bien comme fré-

quence que comme intensité.

Les ongles sont tombés et cette chute a eu lieu en dehors de

toute cause locale préalable, soit traumatique, soit autre, et sans

être accompagnée soit de suppuration, soit d'inflammation, soit

d'ulcération.

« Un matin, dit-il, je me suis levé et j'ai observé que mes ongles

ne se tenaient plus que très peu à leurs racines, ils étaient

décollés : alors, je les ai détachés avec une grande facilité et sans

38 CLINIQUE NERVEUSE.

la moindre douleur. » Maintenant les ongles nouveaux sont petits,

difformes, arrondis et n'ont pas la moindre ressemblance avec un

ongle normal. Il n'y a pas de troubles vaso-moteurs.

Il n'y a aucune trace de myatroplie, pas d'altération de la

contractilité élastique.'

Le malade a des pollutions de deux, trois, quatre fois par nuit;

cela dure deux ou trois nuits de suite, au bout desquelles plusieurs

semaines se passent sans pollutions. Ces pollutions ne sont pas

du tout motivées ni par une continence préalable, ni par une

excitation érotique, ni par des rêves lascifs, etc., etc. Quelquefois

même il lui arrive d'avoir des crises immédiatement après avoir

eu des rapports avec sa femme. Elles ne sont pas du tout accom-

pagnées d'éréthisme vénérien. Ses érections sont incomplètes et

insuffisantes pour l'accomplissement intégral de l'acte de co'it.

L'éjaculation est hâtive et ne développe aucune sensation volup-

tueuse.

Les douleurs uréthrales depuis deux mois déjà n'ont plus

reparu. La dyosurie a été remplacée par l'incontinence, qui se

fait d'une manière paroxystique; tout d'un coup un jet d'urine

lui échappe involontairement.

Il n'y a rien du côté du rectum. Pas de symptômes cépha-

liques.

Nous lui avons ordonné des immersions dans l'air comprimé;

l'application de pointes de feu; la galvanisation de la moelle et

de l'urèthre par la sonde galvanique trois fois par semaine,

l'iodure de potassium et l'arsenic. Il a suivi ce traitement pendant

quatre mois et l'amélioration a été considérable.

Etat du malade, le 20 septembre z. L'ataxie ébauchée

n'existe presque plus, les oscillations déterminées dans l'équilibre

par l'occlusion des yeux sont à peine appréciables. Les engourdis-

sements n'ont plus reparu. Les douleurs fulgurantes sont très

rares et bien moins intenses. Les pollutions ont disparu et les

érections sont plus complètes.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 39

PATHOLOGIE DE LA FORME CENTRALE SPINALE POSTÉRIEURE.

Cette forme d'accidents spinaux est bien moins

fréquente que les deux précédentes ; en effet, on voit

que parmi un si grand nombre de cas d'accidents

provenant de l'emploi des scaphandres, qu'il nous a

été donné d'observer et d'étudier, il n'y a guère à

en rapporter que deux qui nous sont personnels

(uns. XXI et XXII). Nous devons la troisième (Ons. XX)

a. l'obligeance de notre cher et savant ami et confrère

M. Pierre Marie, chef préparateur de la clinique du

système nerveux à la Salpêtrière.

Par son observation, il nous a grandement secondé

dans l'étude de cette forme clinique etje suis heureux

de lui en témoigner ici ma vive et profonde reconnais-

sance. Ces cas, sans avoir l'importance du nombre,

sont cependant d'un intérêt clinique extrême, car la

symptomatologie spinale et l'évolution de l'étape ulté-

rieure de l'accident de ces trois malades, concordent si

bien, qu'on a' le droit de dire que tous présentent

presque la même physionomie clinique. Appuyés sur

ces trois cas, essayons d'esquisser les grands traits de

la pathologie de la forme centrale spinale posté-

rieure.

Avant de procéder à la description des différentes

périodes de cette forme, je me hâte de remarquer que

chez le malade de M. Marie, l'invasion de l'accident a

lieu immédiatement après la décompression, tandis

que chez les nôtres, quelque temps après, une heure

40 CLINIQUE nerveuse.

pour celui de l'OBSBR1'1TION XXI, et trois heures pour

celui de l'OBSL : It\'A1'ION XXII, la symptomatologie et

l'évolution ultérieure de ces trois cas nous permettent

de distinguer trois périodes : 1° la période des symp-

tômes du début ou extrinsèques; 2° la période de la

paraplégie ou paralytique, et 3° la période du syn-

drome tabétoïde.

I. Période DE symptômes DU début. Des divers

et multiples symptômes constitutifs de la symptoma-

tologie de la période du début chez nos malades, les

uns sont cépllaliques, les autres respiratoires et les

autres gastriques. ,

A. Symptômes céphaliques. Ce sont :

a). La perte de connaissance qui, ayant figuré une

seule fois (Ons. XX), a présenté une particularité re-

marduable : c'est sa durée, qui n'a pas été de moins de

trois semaines. Durant ce temps très long, le malade

n'avait absolument conscience de rien. Cette durée

est tout à fait exceptionnelle. Elle n'était pas accom-

pagnée de convulsions. Chez ce malade, la perte de

connaissance ayant disparu a fait aussitôt place à la

cécité complète. « Au bout de trois semaines environ,

dit 111. Marie, il commence à entendre parler autour

de lui et a reconnaître par la voix les personnes qui

s'approchaient, mais il ne voyait absolument rien (il

ne distinguait pas le jour de la nuit). »

b). Symptômes oculaires. Comme symptômes

appartenant à cette catégorie, nous avons : - 1° la

cécité, symptôme que nous avons déjà vu dans la

symptomatologie du début de la forme centrale spi-

nale latérale (OBS. V). Elle a été observée chez le

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 41

malade de l'OrsRVATton XX, dont la cécité a presque

les mêmes caractères, à savoir : brusque apparition,

maximum de son intensité dès le moment de l'inva-

sion et disparition rapide; il n'y a qu'une seule diffé-

rence qui est tout à fait secondaire, c'est que la dis-

parition chez notre malade s'est faite après cinq

minutes, tandis que celui de M. Marie a mis six

semaines pour recommencer à voir clair petit à petit;

2° l'infiltration du sang des conjonctives qui coexis-

tait avec les autres symptômes céphaliques.

c). Troubles du langage. Parmi les différentes

espèces de troubles du langage, nous avons à noter

seulement la surdité psychique du malade dé I'Obser-

vation XXI « qui ne comprenait absolument pas ce

qu'on disait autour de lui et qui cependant, dit-il, en-

tendait parfaitement bien ce qu'on disait ». Il pouvait

parler très bien, il ne savait ni lire ni écrire.

d). Augmentation du volume de la tête. D'après ce

qu'on a raconté au malade de M. Marie, il avait la tête

considérablement augmentée de volume, il fallut scier

le casque pour le lui enlever. Cet état de la tête coexis-

tait avec d'autres symptômes cépllaliques, à savoir :

perte de connaissance, rougeur de la face, infiltra-

lion de conjonctives, etc., etc.

e). Lourdeur de la tête.- Ce symptôme a existé seu-

lement une fois (0>;s. XXI) associé à la surdité psy-

chique.

B. Symptômes gastriques. Ce genre de symp-

tômes est représenté par le malade de lOsERVa1'roN

XXII, qui avait des douleurs à l'apophyse xyphoïde

très violentes, au point qu'il poussait des cris

42 CLINIQUE NERVEUSE.

pitoyables. Ces douleurs n'étaient accompagnées d'au-

cun autre symptôme gastrique.

C. Symptômes respiratoires. a). Dyspnée. Ce

symptôme a figuré à l'OBSERVATION XXII, et semble

avoir une double origine aux organes mêmes de la

respiration et au symptôme gastrique concomitant

les douleurs à l'apophyse xyphoïde qui gênaient les

mouvements thoraciques.

b). Toux quinleuse. Les quintes, suivant le récit

du malade, étaient précédées d'une inspiration pro-

longée et sifflante, suivie immédiatement après de

quintes de toux bruyantes et prolongées.

c). Hémoptisie. Ce symptôme accompagnait

chaque quinte de toux du malade de t'OBSERVATiON

XXII.

Tout ce qui précède démontre évidemment, et ce

n'est que trois observations que nous avons rappor-

tées, combien est grande et la multiplicité et la varia-

bilité des symptômes du début. Quant à la combi-

naison de ces différents symptômes pour la constitution

de la période du début, nous devons remarquer qu'elle

n'est soumise à aucune loi, à aucune règle. Qu'on

veuille bien jeter un coup d'oeil rétrospectif sur les

trois observations qui forment la base de cette forme

spinale, qu'on fixe son attention sur le mode du début

de chaque cas particulier, et on sera véritablement

frappé de la variabilité de la mise en scène du drame

morbide : on verra que chez le malade de I'Observa-

TION XX, l'accident a débuté par la symptomatologie

suivante : perte de connaissance, augmentation du

volume de la tête, conjonctives complètement infil-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 43

trées de sang, rougeur de la face, cécité. Chez celui

de INOBSERVATION XXI, le début est représenté par une

symptomatologie complètement différente, qui a con-

sisté en surdité psychique et en lourdeur de tête.

Enfin chez le troisième, Observation XXII, la mise en

scène a été signalée par les douleurs à l'apophyse

xyphoïde, la dyspnée, la toux quinteuse, l'hémoptisie.

Quel polymorphisme du début !

2. Période paralytique. Chez le malade de l'OBSER-

vation XX, l'invasion de la paraplégie a eu lieu avant

la disparition complète de tous les symptômes de la

période du début, en d'autres termes durant cette

période.

Chez le malade de l'OBSERVATION XXI, l'apparition

de la paraplégie est arrivée immédiatement après la

disparition des symptômes du début. Enfin, chez

celui de 1OBSEIIVATIOV XXII, l'invasion de la para-

plégie a eu lieu quelque temps après la disparition

complète de tout symptôme du début.

Durant cet intervalle, le malade se portait parfaite-

ment bien. Il nous a été impossible de définir exacte-

ment la durée de cet intervalle : le malade ayant

remarqué sa paralysie dans les conditions suivantes :

l'accident a éclaté à 2 h. et demie du soir; à

10 heures du soir, tout symptôme delà période du

début disparaît et le malade reste éveillé, parfaite-

ment bien portant jusqu'à minuit. A ce moment, il

s'endort, et le lendemain matin, à son réveil, il cons-

tate la paralysie de ses membres inférieurs, évidemment

survenue pendant son sommeil, mais à quelle heure ?

Il nous est naturellement impossible de le déter-

44 CLINIQUE NERVEUSE.

miner. Il est temps maintenant de passer à l'étude de

la paraplégie elle-même et de fixer notre attention sur

la description de son mode d'invasion, de ses symp-

tômes associés et enfin de son évolution.

A. Mode d'invasion. Le mode d'invasion de la

paraplégie provenant de l'emploi des scaphandres,

présente généralement les mêmes caractères, quelle

que soit la forme à laquelle elle appartient. En effet,

chez les trois malades, la paraplégie était survenue

brusquement et elle était complète aux premiers mo-

ments de son invasion.

Chez le malade de l'OBST.RVA1'lON XXII, la paraplé-

gie n'était précédée, ni accompagnée, ni suivie d'au-

cune paralysie de membres supérieurs. Il n'en est pas

de même pour le malade de l'OBSERVATION XX, qui

avait en même temps que la paralysie de ses membres

inférieurs un peu de paralysie aux supérieurs. Ce

qu'il y a surtout de remarquable c'est le mode d'in-

vasion de la paralysie du malade de l'ÛBSKRVATioN

XXI, qui a saisi successivement et très rapidement :

a). le membre supérieur droit, b), l'inférieur droit,

c). le supérieur gauche et d). l'inférieur gauche. En

d'autres termes, la paraplégie de chaque membre

inférieur était précédée pendant quelques moments

d'une paralysie du supérieur correspondant, de sorte

qu'en quelques minutes, les quatre membres étaient

paralytiques, le malade ne remuait plus que la tête.

Les paralysies des membres supérieurs, qui ont

accompagné la paraplégie sont, comme cela arrive

généralement, transitoires, elles n'ont duré que

quelques jours.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 43

B. Symptômes associés. Ils sont de trois sortes :

a). sensitifs, b). vésicaux et c). rectaux.

a). Symptômes sezzsitifs. L'altération de la sen-

sibilité générale parait marcher de compagnie avec

l'altération de la motilité. Cette altération est repré-

sentée chez nos malades sous la forme de paralysie.

La 'sensibilité aurait été complètement abolie.

b). Symptômes vésicaux. Les troubles de la

vessie que nous voyons figurer chez nos trois malades

ont consisté, chez ceux des Observations XX et XXI

en incontinence d'urines, tandis que chez celui de

l'O13SER\'A1'ION XXII, en rétention.

c). Symptômes rectaux. Les troubles du rectum

figurées dans les trois observations ont revêtu la

même forme que ceux de la vessie, à savoir : chez les

deux premiers malades, incontinence de matières

fécales; chez le troisième au contraire, de la réten-

tion.

C..E'uo<Mo7t de la paralysie. La période para-

lytique finit de jouer son rôle dans l'évolution du

drame morbide par la disparition graduelle et com-

plète de la paralysie, qui, après avoir duré un temps

variable, rétrograde et finalement guérit tout à fait.

C'est ce qui est arrivé chez les trois malades. La durée

totale de la paralysie a été très variable; ainsi chez le

malade de 1'013SERVATION XX elle a été de quatre mois

et demi ; chez celui de ! 'observation 1111, de trois

mois à peine, et chez celui de l'OBSERVATION XXI, d'un

mois et demi.

3. Période de sranisooe TnfroïnL. Cette période

commence immédiatement après la disparition de

116 CLINIQUE NERVEUSE.

toute trace de paralysie. On distingue très nettement

deux ordres de symptômes : A). Symptômes positifs,

c'est-à-dire des symptômes qui peuvent, et dont quel-

ques-uns même doivent figurer au tableau clinique,

et B). Symptômes négatifs, c'est-à-dire des symptômes

qui ne peuvent et ne doivent pas jouer de rôle dans

la représentation morbide. ·

A). Symptômes positifs. Les symptômes positifs

que nous avons rencontrés chez nos trois malades

peuvent être rangés en quatre groupes : a). le syn-

drome tabétoïde et sensitif; b). les symptômes vési-

caux ; c). les symptômes rectaux, et d). les symptômes

génitaux.

a). Syndrome tabétoïde et sensitif. Nous voilà à

arrivé à l'étude de ce syndrome qui existe dans les

trois cas et qui domine l'état des malades à cette

période. C'est le caractère essentiel et fondamental,

c'est l'aboutissant par excellence de notre forme cen-

trale spinale postérieure. Passons maintenant à

l'étude détaillée et spéciale des symptômes constitu-

tifs de ce syndrome.

1° Douleurs fulgurantes. Les douleurs comme

des éclairs, qui partaient tout d'un coup, ont été pré-

sentées par les trois malades. Ce symptôme a fait son

apparition pendant la période paralytique, dès le

début de la paralysie et persiste après la guérison de

celle-ci, constituant un des symptômes les plus sail-

lants de la troisième période.

2° Douleurs en ceinture. Ce symptôme qui a

figuré deux fois, a fait son apparition à des moments

chronologiques tout à fait différents; c'est ainsi que le

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 47

malade de M. Marie a commencé à avoir la sensation

d'un corset de fer, à la même époque que la paralysie,

tandis que le nôtre, (OBs. XXI) a commencé à sentir

'la base de son thorax serrée dans un étau, au moment

même de la disparition-complète de la paralysie; cette

sensation servant en quelque sorte de symptôme de

transition entre la période paralytique et celle du

syndrome tabétoïde. N'étant pas continuelle, elle

survenait par intervalles variables donnant lieu quel-

quefois à des étouffements violents. Cette sensation

de serrement durait chaque fois un temps variable,

généralement chez le malade de l'OBSERVATiON XX, de e

cinq à dix minutes, chez celui de l'OBSERVATION XXI,

de dix minutes à quatre heures. Quelquefois aussi

(OBs. XX), c'est pendant des journées entières que

cette sensation dure et le malade souffre alors énor-

mément.

3° Crises gastriques. Ce symptôme a été re-

marqué deux fois ; tout d'un coup, les malades des

OBSERVATIONS XX et XXI, sans écart de régime et sans

dyspepsie préalable, étaient pris de vomissements

accompagnés de douleurs violentes à la région gas-

trique ; ils vomissaient jour et nuit et rendaient parfois

du sang. Après chaque crise qui durait quelques jours,

l'estomac reprenait aussitôt ses fonctions normales ?

Les crises survenaient par intervalles irréguliers chez

le malade de l'OBSERVATION XXI. Celles de l'autre

(Obs. XX), étant au commencement un peu atypiques

et survenant par intervalles très irréguliers, étaient

devenues à un moment donné typiques et d'une pério-

dicité remarquable ; elles survenaient alors tous les

mois presque à la même date. Plus tard, les crises

48 CLINIQUE NERVEUSE.

gastriques de ce malade étaient devenues plus fré-

quentes et sur huit jours il n'en avait guère, dit-il,

que deux à trois de tranquillité; tous les autres jours

il vomissait. Cette fréquence a fini par troubler l'es-

tomac d'une manière permanente, au point que les

six derniers mois, il s'était mis à vomir tous les ma-

tins; il mangeait sa soupe, puis trois quarts d'heure

à une heure après, il vomissait de la bile ou des

glaires, mais non ses aliments.

4° Signe de Romberg. - L'occlusion des yeux

déterminait dans l'équilibre des trois malades des

oscillations très manifestes, au point que, si elle se

prolongeait, les malades tombaient en arrière. Il est

inutile d'ajouter que la marche devenait très difficile,

parfois même impossible sans le concours de la vue.

Aux troubles du sens musculaire, nous devons ne

pas oublier de rattacher la perte de notion de posi-

tion des membres inférieurs du malade de 1OBSI : RYA-

Tiori XX 1.

5° Démarche ataxique. L'ataxie a été observée

chez ces trois malades à des degrés de développe-

ment différents. Par exemple, l'ataxie des malades

des Observations XX et XXI est tout à fait typique :

projection des jambes avec déviation latérale, coups

du talon sur le sol, incorrection caractéristique des

mouvements, enfin rien ne manque au tableau. Par

contre, l'ataxie du malade de l'OI3SLIrvATIOr XXII est

pour ainsi dire ébauchée; l'hésitation et la mala-

dresse constatée au moment de se lever subitement

d'une chaise basse pour se mettre immédiatement en

marche, la peine qu'il éprouve à se tenir debout, les

oscillations quand il essaye de se tenir sur une

D35 ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRE ? . 49

jambe, l'impossibilité de s'arrêter brusquement ou

de se retourner très vite pendant la marche sans

osciller, la grande difficulté de marcher en arrière, la

rampe de l'escalier, et enfin les oscillations détermi-

nées dans l'équilibre par l'occlusion des yeux, mon-

trent évidemment que notre malade était en pleine

voie de devenir ataxique ou plutôt c'était un ataxique

ébauché.

6° Anesthésie en plaques. La paralysie de la sen-

sibilité qui a été constatée au moment de l'invasion de

la deuxième période, au sur -et à mesure que le temps

s'avançait, rétrogradait, elle se localisait, anesthésie.

de la surface antérieure de la cuisse droite, région

ayant été à une époque antérieure le siège de la sen-

sation de brûlure; parfois l'anesthésie disparaît com-

plètement.

7° Engourdissement des pieds. Nous avons re-

marqué l'existence de ce symptôme chez le malade de

l'OBSERVATION XXII, qui très souvent était tourmenté

d'engourdissements de pieds, par suite desquels il

avait une sensation vague de ses chaussures et de ses

caleçons. Lorsqu'il se préparait un changement de

temps, ou lorsque le malade se fatiguait, ses engour-

dissements variables d'intensité devenaient très forts,

en même temps qu'ils s'étendaient aux cuisses.

8° Abolition des réflexes. L'absence des symp-

tômes de Westphal a été constatée chez nos deux

malades. Il n'en est pas de même pour les réflexes

rotuliens du malade de M. Marie, qui étaient même

légèrement augmentés des deux côtés.

9° Chute des ongles. Ce symptôme a figuré une

fois (Ois. XXII). La chute n'a été précédée d'aucune

Archives, t. XVII. Il

50 CLINIQUE NERVEUSE.

cause locale, soit traumatique, soit d'autre nature,

ni accompagnée soit de suppuration, soit d'inflamma-

tion, soit d'ulcération. Un matin, le malade ayant

observé que ses ongles étaient décollés et ne tenaient

qu'un peu vers leur base, les a détachés très facile-

ment et sans la moindre douleur. Les ongles tombés

ont été remplacés par de nouveaux qui sont petits,

difformes, arrondis et n'ayant pas la moindre ressem-

blance avec des ondes normaux.

Nous sommes naturellement amené, après avoir

spécialement décrit chaque symptôme de ce syndrome,

à l'étude du développement de ce syndrome, de sa

marche et de sa terminaison, en un mot.nous allons

aborder l'étude de l'évolution du syndrome tabé-

toïde.

Ce syndrome a commencé chez les trois malades

dès le premier temps de la période paralytique : à ce

'moment, sa place au tableau clinique est secondaire,

la paralysie étant l'élément qui domine de la situa-

tion du malade. Petit à petit, le tableau clinique

change considérablement d'aspect et ce qui était secon-

daire devient' d'une, importance majeure et ce qui

était d'une importance majeure devient secondaire,

c'est-à-dire que le syndrome tabétoïde persiste, s'ag-

grave même, et peu à peu, domine l'état du malade;

tandis que l'élément paralytique rétrograde et diminue

considérablement d'intensité.. Finalement, l'état mala-

dif ne cessant pas un instant de changer son aspect

clinique toujours dans le même sens, il arrive en défi-

nitive un moment où l'élément paralytique disparaît

complètement, le syndrome tabétoïde dominant tout

à fait l'état du malade. A ce moment, le tableau cli-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. SI t

nique est presque exclusivement constitué par ce

syndrome, c'est à cette époque que le malade entre

dans la période du syndrome tabétoïde.

Poursuivons l'évolution ultérieure de ce syndrome,

Chez les trois malades, il tend à s'aggraver et marche

vers l'ataxie. Le signal de son arrivée est marqué par

la faiblesse des membres inférieurs, occasionnée peut-

être par la fatigue chez les deux premiers malades et

par le refroidissement chez le troisième. Le temps qui

s'est écoulé entre la disparition de la paralysie et le

commencement de l'ataxie marqué par la faiblesse

des membres inférieurs, c'est-à-dire le temps que le

syndrome tabétoïde a mis pour aborder son stade

ataxique, n été très variable chez les trois malades :

c'est ainsi que chez le malade de M. Marie, il a fallu

plus de six ans et demi; chez le malade de t'OBSERVA-

TION XXII, il n'a pas fallu plus de quatre mois; enfin,

chez le malade de l'OBSERVATIOI; XXI, un mois seule-

ment et quelques jours ont suffi pour que le syndrome

tabétoïde arrivât à son stade ataxique. Une fois ar-

rivé à ce point de développement, tantôt le syndrome

tabétoïde s'arrête dans son évolution, l'ataxie étant

avortée, ébauchée, et tel est le cas de l'OBSERVATION

XXII; tantôt, au contraire, il poursuit sou évolution

et l'ataxie se développe complètement (OBS. XX

et XXI).

Finissons la description de l'évolution du syndrome

tabétoïde par l'étude de sa marche ultérieure et de

ses terminaisons chez nos trois malades. Ce syndrome

une fois commencé ou complètement arrivé à l'ataxie,

il peut se présenter deux cas : ou bien il commence à

rétrograder peu à peu, et le syndrome tabétoïde avec

82 li CLINIQUE NERVEUSE.

son ataxie est considérablement amendé, ce qui est ar-

rivé chez le malade de ]'OBSERVATION XXI, qui, a l'aide

d'un traitement de trois mois, a eu uuamendement consi-

dérable de son syndrome tabétoïde, car il ne projetait

plus ses jambes, il ne frappait plus le soi, le mouvement

de ressort était très léger, il sentait ses jambes plus

fortes et pouvait faire une heure de chemin sans se

fatiguer beaucoup, mais la démarche était encore in-

certaine : le signe de Romberg était bien moins *

marqué, les douleurs fulgurantes étaient atténuées

sous tous les rapports, fréquence, intensité, etc. Les

douleurs en ceinture étaient plus tolérables, ne don-

nant plus la sensation d'étouffements. Les crises gas-

triques n'avaient plus reparu. Malheureusement, nous

avons perdu le malade de vue et nous ne pouvons

dire si le syndrome tabétoïde a disparu tout à fait.

L'amendement de ce syndrome peut être tel qu'il

équivaut presque à la guérison, à preuve par exemple

I'OBSnvnTrov XX II, dans laquelle l'ataxie rudimentaire,

sous l'influence des quatre mois de traitement disparut

presque totalement; les oscillations déterminées dans

l'équilibre par l'occlusion des yeux, étaient peine

appréciables, les engourdissements n'avaient plus

reparu. Les douleurs fulgurantes étaient très rares et

bien moins intenses. Ou bien le syndrome tabétoïde

avec son ataxie reste stationnaire, mais il ne progresse

pas ; tel est le malade de l'OBSERVATION XX qui est

resté ataxique pendant huit ans, sans que son ataxie

arrive à son dernier stade, c'est-à-dire sans que le

malade soit conflué au lit.

b). Symptômes vêsicaux. Nous avons à étudier

deux symptômes vésicaux : 1° les douleurs- uréthrales

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. je

du malade de l'OBSERVATIO ? XXII qui, survenant par

intervalles irréguliers, se produisaient au cours de la

miction. Elles étaient variables d'intensité, parfois

légères, le plus souvent atroces, au point que le ma-

lade sentait son canal déchiré, parcouru comme par

des lames de rasoir, la dyosurie coexistante à une

certaine époque servait à prolonger le supplice du

malade; 2° l'incontinence d'urines. L'incontinence

d'urines des malades des Observations XX et XXI

paraît de nature paralytique, survenant d'une façon

accidentelle surtout sous l'influence delà fatigue. Celle

au contraire du malade de l'OBSERVATION XXII paraît

de nature spasmodique, ayant lieu d'une manière pa-

roxystique; tout d'un coup un jet d'urine lui échappe

involontairement.

c). Symptômes rectaux. Nous n'avons à noter

comme symptômes de ce genre que la constipation

du malade de l'OBSERVATtON XXI.

d). Symptômes génitaux. Après une impuis-

sance de deux mois, dès l'invasion de l'accident, le

malade de l'OcsERVATtONXX n'a plus de troubles géni-

taux. Celui de l'OBSERVATION XXI avait des érections

incomplètes suivies d'éjaculation immédiate. Cet état

général s'est beaucoup amélioré après le traitement.

Enfin nous observons chez le malade de l'OBSERVA-

tion XXII des pollutions par crises, c'est-à-dire qu'il

avait des pollutions deux, trois et quatre fois même

dans le cours de la même nuit; cela durait deux ou

trois nuits de suite, au bout desquelles plusieurs se

passaient sans pollutions. Elles n'étaient motivées ni

par une continence préalable, ni par une excitation

érotique, ni par des rêves lascifs, etc., quelquefois

34 CLINIQUE NERVEUSE.

même il lui arrivait d'avoir des crises immédiatement

après avoir eu des rapports avec sa femme. Enfin,

elles n'étaient pas du tout accompagnées 'd'éréthisme

vénérien.

Les érections étaient incomplètes et insuffisantes

pour l'accomplissement de l'acte du coït, l'éjaculation

était hâtive et sans développement de sensation volup-

tueuse. Après le traitement, les pollutions ont disparu

et les érections étaient plus complètes.

B). Symptômes négatifs. A côté de symptômes

positifs de la période du syndrome tabétoïde, il y a

des symptômes négatifs, c'est-à-dire des symptômes qui

ne peuvent et ne doivent pas figurer au tableau cli-

nique de la force centrale postérieure. Ce sont :

a). Le syndrome de la paraplégie spasmodique.

Ce syndrome, qui était le seul aboutissant de la forme

centrale spinale latérale et qui constituait avec le

syndrome tabétoïde la vraie caractéristique de la

forme centrale spinale postéro-latérale fait au contraire

défaut à la forme centrale spinale postérieure.

b). Symptômes myatrophiques. Aucun de nos

trois malades ne présentait trace de myatrophie les

muscles étant parfaitement conservés.

c). Symptômes céphaliques. Il n'y avait pas un

seul symptôme céphalique. Ceux des malades des

Observations XX et XXI immédiatement après la dis-

parition de la période du début ont définitivement

disparu pour ne plus reparaître. Nous n'avons pas

oublié de fixer l'attention de notre lecteur sur le

polymorphisme de la période du début, mais au mo-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 55

ment de l'invasion de la deuxième période, l'unifor-

mité apparaît par une symptomatologie presque inva-

riable, paralysie, auesthésie, troubles de la vessie et

du rectum. A une étape plus ou moins ultérieure de

cette forme, l'uniformité est encore plus prononcée

chez nos trois malades. En effet, le tableau clinique

dégagé de sa paralysie après quelque temps, aboutit

invariablement à un complexus symptomatique carac- r

térisé par le syndrome tabétoïde. Donc, polymor-

phisme du début et uniformité de l'étape ultérieure

comme caractères généraux, les nuances cliniques

spéciales des symptômes du début, l'intervalle spécial

entre la disparition de symptômes du début et l'inva-

sion de ! a paraplégie, le mode d'invasion de celle-ci,

le mode de l'évolution du syndrome tabétoïde, les

symptômes négatifs comme caractères partiels, enfin

la marche qui deux fois a été éminemment rétrogres-

sive et une fois stationnaire mais jamais progressive,

tous ces caractères, dis-je, donnent à notre forme

centrale spinale postérieure un cachet de spécialité.

Après le long exposé des trois observations qui nous

ont servi à établir les grandes lignes de la pathologie

de cette forme, il devient inutile et superflu de réfuter

l'idée de considérer nosologiquement ces cas comme

des cas d'ataxie locomotrice, petite erreur commise

par un excellent et distingué confrère M. Charpentier

qui, par une coïncidence fortuite, ayant observé le

malade de M. Marie, Gromillet, a publié l'obser-

vation comme un cas d'ataxie locomotrice consé-

cutive à des accidents de décompression brusque par

rupture d'un scaphandre (Union médicale, n° 115 du

14 août 1883). C'est ce qui a amené aussi M. Reynaud

56 CLINIQUE NERVEUSE.

dans son intéressant travail à accepter à tort la pos-

sibilité de lésions systématiques survenant par l'em-

ploi des scaphandres; c'est ce qui est indiqué par son

passage suivant : « Les lésions peuvent être plus sys-

tématisées encore dans l'axe nerveux, et M. le Dr Char-

pentier a signalé à la Société de biologie, en 1884, un

cas d'ataxie locomotrice survenu chez un scaphandrier,

à la suite de la rupture de l'un des tubes. »

D. FORME SPINALE POSTÉRIEURE.

. Nous ne ferons que signaler l'existence de cette

forme, n'ayant à rapporter qu'une seule observation

qui est la suivante :

Observation XXIII. Accident survenu le 10 août 1884. Quatre

immersions de 2'r ci 2 brasses de profondeur ; dix ci douze minutes

de séjour; décompression brusque sans accidents. Cinq immer-

sions de suite, 28 brasses de profondeur, un quart d'heure de séjour.

Une heure, d'intervalle de bien-être parfait, entre le moment de

la décompression et l'invasion de l'accident. Pas de symptômes

du début. Vague sensation de pantalons et de caleçons.

Anesihésie sous tous les modes. Pas de sensation du sol. Le

soir, ci 10 heures, picotements d'aiguille, insomnie. Le leitde-

main matin, disparition de ces picotements pendant quelques

heures, qui réapparaissent bientôt. Perte de notion de position

des membres inférieurs.

Etat actuel (20 août 4 884). Anesihésie en plaques assez

étendues. Retards dans la sensibilité. Signe de Romberg. Difficulté

de la marche dans l'obscurité et les yeux fermés. Perle de notion

précise de position des membres. Abolition de tous les réflexes,

plantaires, crèmastériens et rotuliens. Picotements d'aiguille.

Traitement par immersions dans l'air comprimé de quatre jours.

Guérison complète et définitive.

Histoire. Basile Janachos, âgé de 34 ans, d'une constitution

1 Du rôle de la décompression brusque dans les accidents nerveux con-

sécutifs aux explosions du grisou. '

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. Il,)-,

fort robuste, ne présente pas d'antécédents héréditaires ni per-

sonnels, pas d'accidents syphilitiques ou paludéens; pas de mala-

dies antérieures.

Ayant commencé en 1878 son métier de scaphandrier, il a tra-

vaillé pendant six années environ, faisant régulièrement ses

campagnes pour la pêche des éponges, sans accident. Le 10 août

1884, après avoir déjà fait quatre immersions à une profondeur de

S4-25 mètres, 10-12 minutes de séjour et de décompression

brusque, sans accident consécutif; redescend pour la cinquième

fois à la profondeur de 28 brasses, ayant prolongé son séjour

d'un quart d'heure.

Une heure se passe après la décompression et l'enlèvement du

casque et le malade se porte parfaitement bien. Pas de perte de

connaissance; pas de vertiges; pas de troubles du langage; pas

de maux de tête, enfin aucun symptôme céphalique. Pas de

dyspnée, pas de toux, ni autre symptôme respiratoire. Pas de

gonflement de l'estomac, pas de douleurs, pas de pesanteur ni

autre symptôme gastrique. Enfin pas de douleurs, soit muscu-

laires, soit articulaires.

Au bout d'une heure, le malade a commencé à ne plus perce-

voir le contact de ses pantalons et de ses caleçons. Quand on le

touchait, qu'on le pinçait ou qu'on lui appliquait quelque chose

de froid ou de chaud, comme par exemple du vinaigre assez

chaud pour le frictionner suivant l'habitude des plongeurs, il ne

s'en apercevait pas du tout.

Etant sorti du bateau pour prendre de l'air, il a constaté que

pendant la marche, il ne sentait pas le sol; il croyait, dit-il, qu'il

marchait sur un sol tapissé d'épongés. Il n'y avait aucune trace

de paralysie des membres ou de la face. Pas de moindre trouble,

soit de la vessie, soit du rectum, soit des organes génitaux. Le

soir, à 10 heures, étant au lit, il a commencé à souffrir de dou-

leurs piquantes, d'une durée instantanée, se succédant très rapi-

dement les unes aux autres et qui lui firent passer une nuit

blanche.

Le lendemain malin, ces douleurs, que le malade comparait à

des piqûres d'aiguille, ont tout à fait disparu pendant quelques

heures, pour revenir le soir plus intenses, mais par contre, plus

espacées. Les jours et les nuits suivants, étant au lit, il a perdu

plusieurs fois la notion déposition des membres inférieurs et, par

moments, il les perdait tout à fait; il ne les sentait pas. Dix jours

après son accident, il est venu me consulter; pendant ce temps,

son état n'a pas été sensiblement modifié.

Etat actuel (20 août 1884). La sensibilité est profondément

altérée; on trouve des plaques d'anesthésie assez étendues aux

différentes régions do ses membres inférieurs. A d'autres régions,

nous avons conslalé des retards dans la sensibilité; 5-6 secondes

58 CLINIQUE NERVEUSE.

s'écoulaient entre l'excitation et la perception sensitive; une fois

la sensation perçue, elle durait plus qu'à l'état normal.

Le sens musculaire est à son tour altéré. Il y a des oscillations

très manifestes, déterminées dans l'équilibre par l'occlusion des

yeux. Il marche avec difficulté dans l'obscurité elles yeux fermés.

Il n'a pas une notion précise des différentes positions que l'on

imprime aux membres inférieurs. Les réflexes sont complètement

abolis des deux côtés; la projection de la jambe qui suit chaque

coup porté sur le tendon rotulien fait absolument défaut; les

réflexes crémastériens n'existent pas; quand on titille la plante

de ses pieds, il no contracte pas ses jambes.

Les picotements d'aiguille n'ont pas cessé de tourmenter le

malade, survenant à des intervalles très réguliers et variables

d'intensité. Il n'y a pas de troubles de la sensibilité et du sens

musculaire aux membres supérieurs. Réflexes normaux. Pas do

picotements. Il n'y a nulle part la moindre trace de paralysie

motrice. Pas de troubles myatrophiques, les muscles de son corps

étant même parfaitement bien conservés. Pas de troubles vaso-

moteurs. Rien du côté de la vessie, -du ]ectum et des organes

génitaux.

Nous avons chaudement recommandé au malade comme trai-

tement les immersions à l'aide de l'air comprimé, pas autre

chose. Chaque immersion devait se faire à une profondeur qui ne

devait pas dépasser les 12 brasses, et une demi-heure de séjour.

Il devait en faire 4-5 par jour. Il a continué quatre jours ce traite-

ment et, dès le premier jour, il a senti une amélioration considé-

rable qui n'a pas tardé de se transformer en une guérison com-

plète et définitive.

État du malade le 3S août 1884. Il n'y a plus de plaques

d'anesthésie. Plus de retards dans la sensibilité. Pas d'oscillation

par l'occlusion des yeux. Pas de difficulté dans la marche sans le

concours de la vue. Pas de perte de la notion précise, des diverses

positions imprimées aux membres. Retour de; réflexes rotuliens,

crémastériens et plantaires presque à l'état normal. Pas de pico-

tements d'aiguille.

Nous avons revu le malade plusieurs fois depuis cette époque

et nous avons constaté que la guérison ne s'est pas démentie un

seul instant.

Analyse. Si d'une part on ne peut nier l'exis-

tence de la forme spinale postérieure d'accidents spi-

naux provenant de l'emploi des scaphandres, car

l'observation que nous venons de rapporter est là

pour le démontrer, on ne peut pas d'autre part éta-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. je

blir la pathologie de cette forme, car un seul cas est

loin d'y suffire. Nous nous bornerons donc à analyser

brièvement l'observation rapportée. On a remarqué

qu'une heure s'est écoulée entre la décompression et

l'invasion de l'accident.

Les symptômes spinaux ne sont précédés, et c'est

ce qui arrive généralement chez les malades apparte-

nant aux formes précédentes, comme aussi à celle qui

suivra immédiatement, d'aucun des symptômes qui

appartiennent à la période du début des autres formes

spinales. En effet, pas de symptômes céphaliques,

pas de symptômes gastriques, pas de troubles respi-

ratoires, pas de douleurs soit musculaires, soit articu-

laires. On ne sera pas toutefois étonné de rencontrer

des cas appartenant à cette forme dont le tableau cli-

nique présente des symptômes du début. La patho-

génie même des accidents par l'emploi des scaphan-

dres et des symptômes de la période du début des

autres formes spinales nous donne le droit de s'y

attendre.

Or, le tableau clinique est représenté seulement

par la symptomatologie spinale. Cette symptomato-

logie exclusivement constituée par des picotements

d'aiguille et en général par des troubles de la sensi-

bilité, par des troubles du sens musculaire et par

l'abolition des réflexes des membres inférieurs, sans

aucune trace de paralysie, sans myatrophie et sans

symptômes du côté de la vessie, du rectum et des

organes génitaux, démontre évidemment que la lésion

consécutive aux embolies et à l'infiltration gazeuse

siège aux régions postérieures de la partie dorso-

lombaire de la moelle. Cette lésion doit être certaine-

60 CLINIQUE NERVEUSE.

ment très légère, ce qui est parfaitement démontré

par sa rapide disparition.

Les accidents provenant de l'emploi des scaphan-

dres nous fournissent un si grand nombre de cas que

j'espère rencontrer des malades appartenant, à cette

forme et pouvoir alors constituer les grandes lignes

de la pathologie de la forme spinale postérieure.

E. FORME UNILATERALE.

Suivant que le siège de la localisation a lieu, soit

dans la moelle épinière, soit dans les méninges, nous

distinguons la forme intra-spiuale ou intra-myélitique

et la forme extra-spinale ou extra-myéiitiquë.

A). Forme intra-spinale ou intra-myélitique.

D'après le programme que nous suivons et qui nous

paraît essentiellement clinique, nous rapporterons les

observations cliniques, et puis, appuyé sur elles, nous

établirons la pathologie de cette forme dans ses

grandes lignes.

Observation XXIV. - Accident provoqzcé le 2fi aocït 1882. Quatre

immersions de 20-22 brasses de profondeur et d ? c ci quinze mi-

nutes de séjour sans accident. Cinquième immersion, même

profondeur , une demi-heure de séjour. -Immédiatement après la

décompression, douleurs violentes ci l'épaule gauche, perte de con-

naissance, douleurs intenses aux diverses -articulations. Vers

le coucher du soleil, faiblesse se transformant en paralysie com-

plète du membre inférieur droit. Abolition de la sensibilité au

membre inférieur gauche. -Le 2 septembre, possibilité de se tenir

debout ci l'aide d'un appui. -Le 15 septembre, possibilité de mar-

cher sans appui, secousses. Les mois suivants, le membre para-

lytique se dégage de plus en plus, épihpsie spinale, contractures

passagères.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 61 t

Etat actuel (15 janvier 188;i;. - Purésie légère du nenzGne

inférieur droit. Secousses, exaltation des réflexes. Epilepsie spinale

spontanée et difficilement provoquée, légère diminution de la sen-

sibilité au niveau du membre' inférieur gauche.

Histoire. - Chrislos Roussis, âgé de vingt ans. Pas d'antécé-

dents héréditaires ou personnels. Il a commencé à travailler en

juin 488-2 et il a continué son travail dans l'air comprimé durant

les mois, de juin, juillet et jusqu'au 26 août sans accident. Ce

jour-là, il fait quatre immersions à une profondeur de 20 à 22

brasses et de dix à quinze minutes de séjour sans accident. Il en

fait une cinquième à la même profondeur et après avoir prolongé

son séjour une demi-heure; il se fait remonter. Immédiatement

après la décompression brusquement faite, il sent des douleurs

violentes à l'épaule gauche. Au bout de cinq minutes, le malade

perd connaissance pendant quatre heures; il n'avait conscience

de rien. Au bout de cet espace de temps, le malade revenu com-

plètement, est pris aux diverses articulations de douleurs très

intenses qui l'ont fait horriblement souffrir. Vers le coucher

du soleil, les douleurs articulaires disparaissent pour faire place

à une faiblesse du membre inférieur droit, laquelle dans un délai

de deux heures se transforme en une paralysie complète. La sen-

sibilité du membre inférieur gauche aurait été abolie. Rien du

côté de la vessie, du rectum et des organes génitaux. Le 2 sep-

tembre, il a pu se tenir debout et faire quelques par en traînant

son membre et à l'aide d'nn appui.

L'amélioration qui a si rapidement commencé a continué avec

la même activité, à tel point que, le quinze septembre, la malade

a pu marcher sans appui. A ce moment le malade commence

à avoir des secousses; son membre paralytique se fléchissait et

s'étendait tout d'un coup. Les mois suivants, son membre se dé-

gageait de plus en plus de sa paralysie et il marchait de mieux

en mieux. A cette époque, ce membreétaitsouventpris d'un trem-

blement rythmique, surtout après le réveil et sous l'influence de

la fatigue et des émotions morales. Plusieurs fois aussi, il avait

des contractures passagères ; son membre se raidissait en exten-

sion durant quelques minutes.

Etat actuel do janvier 1885. Toute la symptomatologie du

malade consiste en une parésie spatique dumembre inférieur droit.

La parésie est légère, car le malade peut faire une heure de

chemin sans se fatiguer et sans boiter, mais s'il veut dépasser ce

temps, il commence à sentir delà fatigue à son membre inférieur

droit, qui alors, si la marche se continue encore, commence à

trembler et bientôt le malade est obligé bon gré mal gré de se

reposer. Il faut faire marcher le malade pour pouvoir provoquer

l'épilepsie spinale, qui même alors ne se manifeste que faiblement.

62 CLINIQUE NERVEUSE.

Quelques secousses surviennent parfois à son membre parétique.

Il n'y a plus de contractures passagères. Il y a une exaltation

très marquée du réflexe cremastérien plantaire et rotulien de ce

..membre. Pas trace de parésie au membre inférieur gauche, aux

supérieurs et à la face. Nous'constations une légère diminution

de la sensibilité sous tous ses modes au niveau du membre infé-

rieur gauche. 11 n'y a aucune trace d'atrophie musculaire. Les

muscles du membre droit sont aussi bien conservés que ceux du

gauche. Pas de symptômes tabétoïdes.

Pas de troubles vaso-moteurs ou trophiques ou des organes gé-

nitaux delà vessie et du rectum. Il n'y a pas de symptômes cépha-

liques. ,

Observation' XXV. AcMdeK< survenu le 16 juillet 1884 ci la suite de

la 1 ? immersion, 18 brasses de profondeur, séjour de plus d'une

laezcre. Plusieurs immersions antérieures à la même profondeur et

au-dessus sans jamais avoir prolongé le séjour au delà de quinze

minutes; décompression toujours la même. Une heure et demie

d'intervalle entre la décompression et l'invasion de l'accident.

Aphasie motrice et surdité psychique, étourdissements. Au bout

de trois heures disparition de ces symptômes. Intervalle de

bien-être de quelques minutes de durée entre la disparition de

ces symptômes et l'invasion de la monoplégie du membre inférieur

droit. Abolition de la sensibilité de ce même membre. Le 18

juillet possibilité de se tenir debout et de faire quelques petits pas.

Le 29 juillet possibilité de marcher sans appui. Au mois.

d'août, dégagement progressif de la paralysie. Secousses. Épilepsic

spinale spontanée. Contractures passagères.

Etat actuel (2 septembre 1884). - Parésie du membre inférieur

droit. Très léger boitement, à peine perceptible. Exaltation des ré-

flexes. Epilepsie spinale spontanée. [Secousses. Altération de la

sensibilité du coté droit, depuis une ligne correspondant au dernier

vertèbre dorsal jusqu'au pied da·oit.-Traitcnzeaztdc2anois, poinles

de feu, iodure de potassium, seigle ergoté, hygiène appropriée.

Etat du malade l, 10 novembre 1884. Guérison.

Histoire. --Pierre Loulos, âgé de trente ans, son père est mort

de fièvre typhoïde, pas d'autres antécédents héréditaires. Pas

d'antécédents personnels. 11 a commencé à travailler dans l'air

comprimé en juin 1884 et il a travaillé jusqu'au z juillet, sans

accident, quand ce jour-là il fait sa première immersion à une

profondeur de 18 brasses et reste plus d'une heure pour pêcher la

grande quantité des éponges qu'ils a rencontrées prés de la côte

de Caramanie. Il avait fait plusieurs immersions à la même pro-

fondeur et bien au-dessus de 23 à 25 brasses sans accident mais

il n'avaitjamaisprotongésonséjourptus dedix à quinze minutes et

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 63 raz

c'était la première fois qu'il restait au fond plus d'une heure. Inu-

tile d'ajouter que la décompression était toujours brusque. Pas

de refroidissement, pas de toux, pas de repas avant l'immersion

qui a causé l'accident. Une heure et demie après la décompression

et l'enlèvement du casque, le malade tout d'un coup voit qu'il ne

peut articuler un seul mot, il ne comprenait pas non plus ce qu'il

entendait. Il entendait, dit-il, qu'on lui parlait mais qu'il ne com-

prenait pas. Il ne savait ni lire ni écrire. En même temps il était

pris d'une incommodité qui faisait que tous les objets environ-

nants lui paraissaient se mouvoir. Pas de perte de connaissance.

Au bout de trois heures, ces symptômes céphaliques disparaissent

complètement et le malade pendant quelques minutes était tout à

fait libre de tout symptôme; il se croyait sauvé, quand au bout

de ce faible délai, le sujet est pris de paralysie subite et com-

plète de son membre inférieur droit. La sensibilité de ce même

membre aurait été considérablement diminuée, quand on se met-

tait à le frictionner avec du vinaigre chaud; il n'aurait eu qu'une

très vague sensation de la friction. On l'avait pincé aussi et il

n'aurait pas senti. Pas de troubles de la vessie, du rectum et des

.organes génitaux. Le lendemain matin, 17 juillet, il a commencé

à pouvoir faire quelques petits mouvements. D'une heure à l'autre

l'amélioration marchait à pas rapides, de sorte que le 18 juillet il a

pu se tenir debout et faire quelques petits pas, sans trop de peine

mais à l'aide d'un bâton. L'amélioration n'ayant pas cessé un

seul instant de continuer, le malade, le 20 juillet, quitte le bâton

et marche sans appui. Au mois d'août son membre est dégagé

plus encore de sa paralysie. A cette époque notre homme a eu des

secousses et plusieurs fois son membre a été pris d'un tremblement

rythmique. La nuit son membre paralytique se raidissait parfois

en extension, pendant quelques minutes.

Etat actuel (2 septembre 1884). Le malade fait de longues

courses sans se fatiguer beaucoup; on peut toutefois constater

un léger boitement à peine perceptible. 11 y a une exaltation de

tous les réflexes du membre droit facilement constatable par les

procédés les plus élémentaires. 11 y a de l'épilepsie spinale spon-

tanée, mais non provoquée. Plusieurs fois, son membre se fléchit

et s'étend tout d'un coup. Pas de contractures passagères. Pas

d'allures de démarche spasmodique. La sensibilité estconsidérable-

ment et uniformément altérée du côté droit, depuis une ligne cor-

respondant à la dernière'vertèbre dorsale jusqu'au pied droit. Pas

d'altération du sens musculaire et en général pas de symptômes

tabétoïdes. Il n'y a aucune trace d'atrophie musculaire, les muscles

sont même bien conservés. Les fonctions de la vessie, du rec-

tum et des organes génitaux paraissent se faire régulièrement.

Pas de symptômes céphaliques.Nous l'avons soumis au traitement

par compression, à l'iodure de potassium,, au seigle ergoté et à

C4 CLINIQUE NERVEUSE.

l'application de petites pointes de feu tous les huit jours. Ce trai-

tement a été suivi deux mois.

Etat du malade le 10 novembre 1884. Le boitement n'est plus

du tout perceptible, il peut marcher deux ou trois jours sans se

fatiguer. Il n'y a plus de secousses, plus d'épilepsie spinale. Il n'y

a plus qu'une très légère diminution de la sensibilité et le seul

signe qui trahisse la préexistence de la monoplégie spasmodique

est l'exaltation du réflexe rotulien.

Observation XXVI. Accident provoqué le 20 août 1883, ci 0 heures

du matin, à la première immersion, 21 brasses de profondeur,

trois quarts d'heure de séjour. Plusieurs immersions antérieures de

la même profondeur sans accident, mais jamais plus d'un quart

d'heure de séjour; même décompression. Cinq minutes d'intervalle

entre la décompression et l'invasion de l'accident. Sensation de

pression à la nuque, engourdissements, anéantissement des forces.

Pas d'intervalle entre la disparition de ces symptômes et l'explo-

sion de la paralysie. o ! Mpeg'ie du membre inférieur gauche.

Abolition de la sensibilité du même membre. Un certain degré de

rétention d'urines. Le 13 août, possibilité de marcher à 1'tii(le d'un

appui. Le la octobre, possibilité de marcher sans appui. Secous-

ses. Tremblement. Les jours suivants, continuité de l'améliora-

tion.. ,

Etat actuel (19 novembre 1883). Parésie du membre infé-

rieur gauche. Exaltation des réflexes. Épilepsic spinale spontanée

et provoquée. Secousses, contractures passagères. Sensibilité nor-

male partout. Nécessité d'uriner dès le besoin perçu. Fonctions

génitales émoussées. Sensation du froid au membre parétique.

Nicolas Cirkas, âgé de vingt-sept ans, d'un tempérament très

fort, pas d'antécédents héréditaires ou personnels, il a commencé

son métier de scaphandrier au mois de mai 1883, et il a travaillé

trois mois sans accident.

Le 20 août 1883, à 9 heures du matin, il faitsa première immer-

sion à la profondeur de 21 brasses, concurremment avec un autre

plongeur au même endroit, prolonge son séjour troisquarts d'heure

et se fait remonter, il avait déjà fait antérieurement plusieurs

immersions à la même profondeur, sans accident, mais notons

bien qu'il n'avait jamais séjourné plus d'un .quart d'heure.

N'oublions pas d'ajouter aussi que, la décompression était tout à

fait isochrone, pas de refroidissement ni de toux, ni de repas avant

l'immersion. Cinq minutes se passent après la décompression et

l'enlèvement du casque, pendant lesquels le malade se porte par-

faitement bien, mais au bout de ce temps, le malade est pris d'une

très forte sensation dépression à la nuque, comme si un malaise

le saisissait et le pressait fortement, malaise suivi d'engourdis-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 65

sements des membres supérieurs, qui partaient des doigts pour

» remonter aux épaules, en outre ses forces étaient anéanties; pas

de perte de connaissance pas d'autres symptômes.

Au bout de trois heures à midi, la sensation de pression à la

nuque, les engourdissements, cet anéantissement de forces dis-

paraissent pour faire place à une parésie du membre inférieur

gauche, laquelle d'une heure à l'autre s'aggravait pour faire place

elle-même, vers le coucher du soleil, à une paralysie complète,

le malade ne pouvant faire aucun mouvement. La sensibilité

aurait été abolie au niveau de ce membre et peut-être un peu au-

dessus de sa racine; quand on le pinçait, il ne le sentait pas. Le

malade à ce moment aurait eu un certain degré de rétention

d'urines; il était forcé de pousser pour faire rendre l'urine.

Rien du côté du rectum. 11 a été forcé de garder le lit pendant

treize jours, au bout desquels (le 3 août), il a pu marcher un peu

à l'aide d'une béquille. A ce moment, la rétention d'urines a été

remplacée par une fréquence d'uriner dix à quinze fois par jour.

Presque immédiatement alors, il reprend son travail pour guérir,

faisant trois ou quatre immersions par jour, 10 à 42 brasses de

profondeur, et quinze à vingt minutes de séjour. D'après son dire,

d'un jour à l'autre, l'amélioration continuait, au point que le

15 octobre, le malade put marcher sans appui en boitant légère-

ment ; à ce moment, il commence à trembler. Secousses.

L'amélioration continuait toujours à se faire lentement et pro-

gressivement.

Etat actuel (19 novembre 1883). Pas de parésie du membre in-

férieur droit; par contre, le gauche est parétique, ce qui fait légère-

ment boiter le malade. Il y a une exaltation très marquée de tous

les réflexes, plantaires, rotuliens et crémastériens. Son membre est

plusieurs fois pris d'un tremblement rythmique qu'on peut d'ail-

leurs aisément provoquer en relevant brusquement l'avant-pied.

Ce membre se raidit parfois en extension, surtout la nuit, durant

quelques minutes. Pas de (roubles de la sensibilité. Il n'y a aucune

trace d'atrophie musculaire. La contractilité faradique est nor-

male. Ce membre est plus froid que l'autre. Plus de fréquence

d'uriner, mais le malade est obligé d'uriner dès le besoin perçu.$.

S'il veut y résister, ses urines alors lui échappent involontaire-

ment. Les fonctions génitales sont troublées, les érections sont

rares et incomplètes. Pas de troubles du rectum. Il n'y a aucun

symptôme céphalique.

OuSËRVATtOXXXVH. Accident provoqué le 15 juin 1881. Cinq

immersions précédentes, 20-22 brasses de profondeur, 40-15 inii2z £ -

tes de séjour et de décompression brusque sans accident. Sixième

immersion de la même profondeur, `r5 minutes de séjour. linii2é-

diatement u,.a'è lu G1 usrlHC décompression, douleurs violentes à

Aucune, t. MIL

66 CLINIQUE NERVEUSE.

l'estomac, s'irradianl aux côtes.- Au bout de 40 0 minutes, rempltt-

cement de ces douleurs par la monoplégie du membre inférieur

droit. Sensibilité du même membre énzozessée. Deux mois d'alite-

ment, secousses. - Le 16 août, possibilité de se tenir debout et

.de faire quelques petits pas à l'aide d'un appui. Epilepsic spinale

^spontanée. Contractures passagères. Travail dans l'air comprimé.

10-12 brasses de profondeur et 15 ci 20 minutes de séjour ; amélio-

ration rapide. Arrêt de l'amélioration; continuité de l'emploi

du scaphandre ; pas de nouvel accident, parfois aggravation ti,ttn-

sitoire de la monoplégie causée par quelques immersions; excès

d'alcocl.

Etat actuel (16 juillet 48884). Démarche spasmodique unila-

térale droite. Exaltation considérable des réflexes plantaires cré-

m(istéi,iei2s et rotuliens Epilepsie spinale spontanée et provoquée.

Secousses, contractures passagères. Sensibilité émoussée sous tous

les modes au même membre.

Stylianos Myris, âgé de vingt-cinq ans, pas d'antécédents héré-

ditaires ou personnels. Il a commencé son métier de scaphan-

drier en 1877. Il a travaillé pendant quatre ans, sans avoir jamais

eu d'accidents, quand le 15 juin 1881, après avoir fait cinq immer-

sions successives, à une profondeur de 20-22 brasses etdix à quinze

minutes de séjour et dépression brusque sans accident ; il est

redescendu pour la sixième fois par la même profondeur et, après

avoir prolongé son séjour au delà de vingt-cinq minutes, il se fait

brusquement comme toujours remonter. Immédiatement après

la brusque décompression et l'enlèvement du casque, le malade

est pris de douleurs violentes à l'estomac, lesquelles s'irradiaient

aux côtes, sans gonflement au moins apparent et sans autres

symptômes gastriques : pas de symptômes céphaliques ou autres.

Au bout de dix minutes environ, ces douleurs disparaissent

pour faire place à une paralysie complète du membre inférieur

droit. La sensibilité de ce membre aurait été émoussée. Pas de

troubles du côté de la vessie ou du rectum.

Il s'est alité deux mois, sans pouvoir se tenir debout.

A ce moment, il a commencé à se fléchir et à s'étendre tout

d'un coup. Le 16 août, il peut faire quelques petits pas à l'aide

d'un appui. 11 tremble du pied droit en marchant. A cette époque

plusieurs fois son membre se raidissait en extension pendant

quelques minutes. Aussitôt le malade reprend son travail par

compression, 10 à 15 brasses de profondeur et 15 à 20 minutes

de séjour et l'amélioration marche rapidement au point que, au

bout de dix jours, le malade marche sans bâton. Là, l'amé- z

lioration s'arrête, car il a recommencé à faire régulièrement

ses campagnes pour la pêche d'épongés.

11 n'a pas eu, c'est vrai, de nouveaux accidents, mais après un

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 67 1

interrogatoire très consciencieux, nous avons appris qu'il lui

arrivait parfois après la décompression de sentir son membre plus

fatigue, plus lourd, et sa marche devenait alors tiès difficile. En

outre, dans les intervalles des campagnes, il se livraitàdes excès de

femmes et de boisson (deux à trois litres de vin résiné par jour).

Malgré ces conditions absolument défavorables, l'état du malade

ne s'est pas empiré; il est resté stationnaire pendant trois années

entières, le malade traînant toujours son membre inférieur droit,

qui plusieurs fois s'était agité d'un tremblement rythmique et

frottait le sol.

Etat actuel (16 juillet 1884). La démarche du malade est

unilatéralement spasmodique ; c'est ainsi qu'il est forcé d'incliner

son tronc du côté gauche et un peu en arrière pour arriver à sou-

lever sa hanche droite et de cette façon pouvoir détacher du sol

et porter en avant son membre inférieur droit qui à ce moment

décrit un léger demi-tour en frottant le sol : son soulier droit

s'use très rapidement. Le membre inférieur gauche n'a pas trace

de paralysie. Rien aux supérieurs et à la face. Il y a une exaltation

considérable des réflexes plantaires crémastériens et rotuliens. Un

seul coup du marteau percuteur ou du bord cubital de la main sur

le tendon rotulien fait projeter deux, trois fois Ja jambe, parfois

même provoque un petit mouvement d'adduction du membre

inférieur opposé. Le membre paralytique est très souvent- agité

d'un tremblement rythmique, surtout sous l'influence de la fati-

gue et des émotions morales et, au moment du réveil, il suffit de

relever un peu l'avant-pied pour provoquer l'épilepsie spinale

qu'on ne peut faire cesser qu'en fléchissant brusquement le grand

doigt. Les secousses surviennent fréquemment à son membre et

surtout la nuit. Les contractures passagères sont encore assez

fréquentes. Quant on veut communiquer des mouvements aux arti-

culations du membre inférieur droit, on sent une résistance très

marquée, bien que le malade ne s'y oppose pas.

.La sensibilité est un peu émoussée sous tous ses modes : tempé-

rature, contact et douleurs. Pas d'atrophie musculaire, les muscles

sont bien conservés et la contractilité faradique est normale.

Pas de troubles vaso-moteurs. Rien du côté de la vessie, du rec-

tum et des organes génitaux.

Le malade a des hallucinations visuelles (animaux, figures gri-

marantes), tremblement alcoolique.

Pas d'autres symptômes céphaliques. Les fonctions des autres

organes paraissent se faire régulièrement.

bb CLINIQUE NERVEUSE.

PATHOLOGIE DE LA FORME' INTIIAMTÉLITIQUE

. OU INTRASPINALE UNILATÉRALE.

La forme intramyélitique ou intraspinale unilatérale

est très fréquente; mais pour ne pas trop fatiguer

l'attention de notre lecteur, nous n'avons publié que

quatre observations que nous avons cru suffisantes,

afin d'esquisser les grandes lignes de la pathologie de

cette forme.

La symptomatologie et leur évolution ultérieure

nous oblige à diviser en trois périodes la pathologie

de cette forme : 1° la période des symptômes du dé-

but ou extrinsèques; 2° la période monoplégique et

3° la période du syndrome spasmodique.

1° Période de symptômes du début. L'invasion des

symptômes du début chez quelques malades (Cas. XXIV

et XXVII) a eu lieu sans intervalle, immédiatement

après la décompression et l'enlèvement du casque,

tandis que chez d'autres un espace de temps s'écoule

entre le moment de la décompression et l'invasion des

symptômes du début : cinq minutes pour l'OBSERVATION

XXVI, une heure et demie pour l'OBSER1'ATIOY XXV.

Les symptômes du début de ces quatre cas ont con-

sisté en des symptômes : a), Céphaliques ; b), Symp-

tômes gastriques; c), douloureux sensitifs; d), Symp-

tômes céphaliques. Ces symptômes présentés par

les malades des Observations XXIV et XXV étaient

les suivants : '

a). Perte de connaissance chez le malade de l'OBSER-

vation XXIV, laquelle a duré quatre heures, le ma-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 69

lade n'ayant conscience de rien; pas de convulsions.

Ce symptôme, qui n'était accompagné d'aucun autre

symptôme céphalique, était précédé de douleurs à

l'épaule gauche et suivi de douleurs aux autres articu-

lations.

b. Troubles de là parole. Ces troubles qui ont

existé chez le malade de l'OBSERVITION XXV ont con-

sisté en aphasie motrice et en surdité psychique ; le

malade ne pouvait articuler un seul mot et ne com-

prenait pas non plus ce qu'il entendait. « C'est

curieux, dit-il, j'entendais qu'on me parlait, mais je

ne comprenais pas. « Le malade ne savait ni lire ni

écrire. Ces espèces d'aphasie n'ont pas duré plus de

trois heures, au bout desquelles elles ont disparu

presque brusquement et complètement.

c). Elourdissements. Ce symptôme céphalique a

figuré, associé aux troubles de la parole chez le ma-

lade de I'Observation XXV, qui était pris d'une incom-

modité de telle nature que tous les objets environ-

nants lui paraissaient se mouvoir, la durée a été la

même que celle des troubles de la parole.

d). Symptômes gastriques. Comme symptômes

appartenant à ce genre symptomatologique, nous

avons les douleurs violentes à l'estomac, lesquelles

s'irradiaient aux côtes sans gonflement au moins appa-

rent de l'estomac, ou autre symptôme gastrique con-

comitant. La durée de ces douleurs a été très courte,

pas plus de dix minutes (Ces. XXVII) environ.

e)..Iivenses douleurs et autres symptômes eyM ?

En matière de douleurs, il faut noter ces douleurs

violentes à l'épaule gauche qui ont précédé de cinq

minutes la perte de connaissance du malade de l'OB-

70 CLINIQUE NERVEUSE.

SERVATION XXIV, et les douleurs aux diverses articu-

lations, qui ont suivi cette perte de conscience du

malade et qui l'ont fait énormément souffrir pendant

quelques heures.

Au genre de symptômes sensitifs,nous devons rat-

tacher la sensation de pression à la nuque, comme si

une main le saisissait et le serrait fortement, les en-

gourdissements des membres supérieurs qui partaient

des doigts pour arriver en remontant aux épaules, et

peut-être l'anéantissement des forces.

Il suffit de rappeler que la symptomatologie du

début de l'OBSERVATION XXIV a été représentée par la

perte de connaissance précédée de douleurs à l'épaule

gauche et suivie de douleurs aux diverses articulations;

celle de l'OBSERVATION XXV par l'aphasie motrice, la

surdité psychique et les étourdissements; celle de

1'013SERVA-flON XXVI par la sensation de pression à la

nuque, les engourdissements et l'anéantissement des

forces; enfin celle de l'OBSERVATION XXVII par les

douleurs violentes à l'estomac s'irradiant aux côtes,

en d'autres termes, il suffit de se rappeler que ces

quatre cas ont eu quatre débuts dont la symptomato-

logie était tout à fait différente, constater une fois de

plus le polymorphisme du début qui constitue un des

grands caractères de toutes les formes d'accidents

spinaux provenant de l'emploi des scaphandres.

2° Période monoflégique. L'invasion de cette pé-

riode chez les malades des OBSERVATIONS XXIV, XXVI

et XXVII a eu lieu immédiatement après la dispari-

tion des symptômes du début, tandis que chez le ma-

lade de l'OBSERVA'rION XXV, quelques minutes se sont

écoulées entre la disparition des symptômes du début

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 71

et l'invasion de la monoplégie. Etudions maintenant

brièvement la monoplégie elle-même, c'est-à-dire

son mode d'invasion, ses symptômes associés et sa

marche.

a). Mode d'invasion. La monoplégie du membre

inférieur soit le gauche, soit le droit, survient presque

toujours brusquement. Deux fois, Observations XXV

et XXVI, la monoplégie était complète dès le premier

moment de son invasion; deux fois, par contre, il a

fallu à la monoplégie un certain temps, toutefois assez

court, deux heures, pour le malade de l'OBSERVATION

XXIV et plus de six heures pour l'OBSERVATION XXVI

afin d'arriver à son maximum d'intensité.

b). Symptômes associés. Les symptômes qui sont

associés à la monoplégie de ces quatre malades sont

l'altération de la sensibilité et les troubles vésicaux.

a). Altération de la sensibilité. Elle n'a jamais

manqué dans ces quatre observations. Deux fois elle a

consisté en une diminution notable, Observation XXV

etXXVII et deux fois en une abolition complète, Obier-

vation XXIV et XXVI. La paralysie de la sensibilité

paraît, dans la majorité des cas, exister du même côté

que celle de la motilité, comme dans . les Observa-

TLONS XXV, XXVI et XXVII.- Elle peut toutefois siéger

au membre opposé, à preuve l'OBSERVATMN XXIV où

la monoplégie siégeait au membre inférieur droit et

l'anesthésie, au membre inférieur gauche.

b). Troubles vésicaux. La vessie qui est presque

constamment troublée à cette période dans les autres

formes spinales, parmi les quatre cas de la forme in-

tramyélitique unilatérale, n'a été rencontrée altérée

qu'une seule fois, Observation XXVI et encore incom-

72 CLINIQUE NERVEUSE.

plètement, le malade étant forcé de pousser pour

uriner.

c). Marche. -Appuyé non seulement sur les quatre

observations rapportées, mais sur bien d'autres

encore que j'ai omises à dessein pour ne pas encom-

brer nos travaux d'observations plus ou moins ana-

logues entre elles et qui n'ajouteraient rien de nou-

veau, je puis affirmer que, dans l'immense majorité

des cas, la marche de la monoplégie est essentielle-

ment rétrogressive.

La rétrogression de la monoplégie se montre tou-

jours quelque temps après son invasion, quand le

malade peut se tenir debout et faire quelques pas. Ce

temps varie considérablement, c'est ainsi que chez le

malade de l'OBSERVATiON XXV il a été de deux jours,

chez celui de IOI3SERVATION XXIV de six jours, chez

celui de I'Observation XXVI de treize jours, et enfin

chez celui de l'OBSERYATiON XXVII de deux mois.

La marche rétrogressive de la monoplégie une fois

arrivée à ce point, à savoir la possibilité de se tenir

debout et de marcher à l'aide d'un appui, ne s'arrête

certes pas; au contraire, elle continue ses progrès et

avec rapidité. Ainsi, au malade de l'OBSGRVATIONXXV,

il a suffi de onze jours, à celui de l'OBSERVATION XXIV

de treize jours, à celui de l'OBSERVATION XXVI de douze

jours et enfin à celui de l'OBSERVATION XXVII de dix

jours pour pouvoir marcher sans appui. Nous revien-

drons dans la suite en décrivant la période du syn-

drome spasmodique sur l'évolution ultérieure de cette

monoplégie et de ses terminaisons.

3. Période DU syndrome spasmodique. L'examen

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. ni

attentif de ces cas nous rélève des symptômes positifs,

c'est-à-dire des symptômes qui peuvent figurer au

tableau clinique et des symptômes négatifs qui ne

peuvent et ne doivent pas y figurer. ,

A). Symptômes positifs. Ces symptômes sont : a)

ceux qui constituent le syndrome spasmodiques les

symptômes sensitifs; C) symptômes vaso-moteurs;

vésicaux ; génitaux.

a). Syndrome spasmodique. Un coup d'oeil -1 au

tableau qui précède suffit pour constater que le syn-

drome spasmodique n'a jamais manqué; je n'ai pas

observé un seul cas dans lequel le syndrome spas-

modique ait fait défaut, c'est le syndrome qui seul est

constant et doit être par cela même considéré comme

le caractère principal, fondamental de la forme iutra-

myélitique unilatérale, je me crois donc autorisé par la

clinique à poser la loi suivante : « Presque toutes, pour

ne pas dire toutes les monoplégies provenant de

l'emploi des scaphandres et qui se prolongeaient un

temps suffisant au développement des symptômes

spastiques, sont spasmodiques » et vice versa, « il n'y

en a aucune qui soit flacide. » Le syndrome spasmo-

dique de la monoplégie provenant de l'emploi des

scaphandres ne différant pas au point de vue sympto-

matologique de celui de monoplégies spastiques d'une

toute autre origine, nous serons bref dans la descril)-

tion spéciale de chaque symptôme de ce syndrome.

Passons en revue ces symptômes.

1° Exaltation des réflexes. Ce signe n'a man-

qué dans aucune de nos observations. Il est d'une

intensité variable, suivall t l'exci ta hil i té myél itique. Tous

74 CLINIQUE NERVEUSE.

les réflexes crémastériens, plantaires ou rotuliens ont

été très exaltés. "

- 2° Epilepsie SPINALE. - C'est un symptôme encore

constant. Presque tous les monoplégiques devenus tels

par l'emploi des scaphandres tremblent des pieds.

L'intensité de ce symptôme est très variable, c'est

ainsi que tantôt elle est seulement spontanée sans

pouvoir être provoquée (OBs. XXV), tantôt elle

peut être provoquée, mais difficilement; il faut faire

marcher le malade pour y arriver (uns. XXIV), tantôt

elle est facilement provoquable (OBs. XXVI), enfin

l'intensité de ce symptôme (Ous. XXVII), est parfois*

telle qu'il suffit de relever une seule fois l'avant-

pied pour provoquer l'épilepsie spinale.

3° Secousses. Voilà encore un autre symptôme

presque constant que l'on voit figurer dans les quatre

observations. Elles surviennent surtout la nuit.

4° Contractures passagères. Ce symptôme a existé

chez deux malades, Observation XXVI et XXVII, le

membre paralytique se raidit en extension durant

quelques minutes.

5). Dyscampsie articulaire. Quand on fait com-

muniquer des mouvements passifs au membre paraly-

tique du malade de t'OBSERVATiON XXVII, on sent une

résistance notable, sans que le malade s'y oppose.

6). Démarche spasmodique unilatérale droite. Telle e

est la démarche du malade de ]'OBSERVATION XXVII qui

est forcé d'incliner son tronc du côté gauche et un

peu en arrière pour arriver à soulever sa hanche

droite, et de cette façon, pouvoir détacher du sol et

porter en avant son membre inférieur droit, qui, à ce

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 75 e

moment, 'décrit un demi-tour en frottant le sol. Son

soulier droit s'use très rapidement.

Il est temps de passer à l'étude de l'évolution de ce

syndrome. Il commence à se développer un mois après

l'invasion de la monoplégie. A ce moment, les symp-

tômes qui le dénotent sont les secousses et l'épilepsie

spinale. A cette époque, nous n'avons pas examiné le

malade pour constater si les réflexes étaient exaltés;

mais, malgré cela, on peut l'affirmer, car cela ne

saurait être autrement. L'exagération des réflexes

chronologiquement se développe plus ou moins avant

que l'épilepsie spinale apparaisse.

Là, le symptôme peut s'arrêter dans son dévelop-

pement, il peut avorter; pour ainsi dire, comme cela

est arrivé aux malades des Observations XXIV et XXV.

Il arrive parfois que le syndrome se développe un peu

plus et que les contractures passagères viennent

s'ajouter aux autres symptômes spasmodiques (Ces.

XXVI). Une fois arrivé à ce point de développement,

le syndrome spasmodique rétrogresse, s'atténue .

(OBs XXIV et XXVI), et parfois disparaît complè-

tement, ce qui est arrivé à l'OBSERVATION XXV; il n'est

resté qu'un certain degré d'exaltion de réflexes, qui

révèle la préexistence de la monoplégie spasmodique.

Parfois ce syndrome, au lieu de s'arrêter dans son

développement, tend, au contraire, à se compléter et

alors aux symptômes, exaltation des réflexes, épilepsie

spinale, secousses, contractures passagères viennent

se joindre à la rigidité musculaire, la dyscampie arti-

culaire et la démarche spasmodique, ce qui est arrivé

chez le malade de l'OBSERVATION XXVII chez qui, une

fois arrivé à ce point de développement, il n'a pas

76 CLINIQUES NERVEUSES.

rétro-ressé, mais il n'a pas non plus progressé, malgré

l'imprudente reprise du travail, les aggravations pas-

sagères qu'il a causées et les excès alcooliques.

Nous n'avons pas observé un seul cas où ce syn-

drome ait progressé et soit arrivé à son complet déve-

loppement, c'est-à-dire à la contracture permanente,

au pied-bot spasmodique.

Or, de cette étude, il résulte : 1° que l'évolution du

syndrome spasmodique de la monoplégie provenant

de l'emploi des scaphandres n'arrive presque jamais

au terme de son évolution complète ; 2° qu'une fois

arrivée aux stations que nous venons de décrire, alors

l'évolution ultérieure, dans la majorité des cas , est

essentiellement rétrogressive, parfois peu rétrogressive

pu stationnaire, mais presque jamais, pour ne pas

dire jamais progressive. '

a). Symptômes sensilifs. On se rappelle que la

sensibilité a été trouvée constamment altérée, au mo-

ment de l'invasion de la monoplégie. Mais, à une étape

ultérieure de la monoplégie cette altération s'atténue,

et nous ne trouvons plus qu'une légère diminution de

la sensibilité, par exemple, au niveau du membre

opposé au paralytique, à savoir l'inférieur gauche (Ons.

XXIV). Cette atténuation peutaller jusqu'à la disparition

à peu près complète (OBs. XXV), ou tout à fait complète

(OBs. XXVI). Il est des cas où l'atténuation de l'altéra-

tiou de la sensibilité n'est pas notable (Cas. XXVII).

c). Symptômes vaso-moteurs. Excepté le malade

de l'OBSERVATION XXVI, qui avait une sensation de

froid au membre paralytique, ceux des Observations

XXIV, XXV et XXVII n'en ont pas du tout présenté.

d). Symptômes vt,sicazix. Parmi ces quatre obser-

DES ACCIDENTS PAR l'eMPLOI DES SCAPHANDRES. Il

valions, il n'y en a qu'une seule où l'on observe des

troubles vésicaux, qui, dans le cas en question, ont

consisté en la nécessité d'uriner dès le besoin perçu.

e). Symptômes génitaux. Comme symptômes ap-

partenant ace genre, nous n'avons a mentionner que

l'impuissance incomplète du malade de I'Observation

XXVI.

B). Symptômes négatifs. Ces symptômes sont de

deux ordres' : a) symptômes myatrophiques et b) symp-

tômes céphaliques.

a). Symptômes myatrophiques. Nous n'avons

jamais observé les symptômes qui dérivent de la lésion

des cornes antérieures, à savoir : l'absence des réflexes

et la myatrophie, les muscles mêmes bien conservés,

et la contractilité faradique normale; ce caractère

négatif est d'une importance majeure, en raison de sa

généralisation. En effet : « Presque toutes les mono-

ptegies spasmodiques provenant de l'emploi des sca-

phandres ne sont pas accompagnés de myatrophie . »

b). Symptômes e ? M. Si, d'une part, ces

symptômes sont parmi ceux qui, très souvent, figurent

dans la période du début, d'autre part, il n'y a pas

un seul cas où nous les trouvions à une période ulté-

rieure à son stade du syndrome spasmodique.

Les hallucinations visuelles et le tremblement du

malade de l'O.BsrRYATION XXVII sont des symptômes

indépendants de la lésion et dus à l'intoxication alcoo-

lique.

Avec un peu d'attention, on ne tarde pas à remar-

quer que le polymorphisme du début est, au moment

de l'invasion de la période monoptégiquc, remplacé

par une uniformité caractérisée par un complexus

78 CLINIQUE NERVEUSE.

clinique très simple, qui est le même pour tous les cas,

à savoir : monoplégie d'un membre inférieur quel-

conque, anesthésie, soit du même membre, soit du

membre opposé et parfois troubles vésicaux ; enfin, à

une étape ultérieure, cette uniformité devient extrême-

ment monotone, car la symptomatologie à ce stade est

éminemmentcaractérisée parun fond commun constant,

ne faisant jamais défaut, c'est-à-dire le syndrome

spasmodique, qui est l'aboutissant par excellence de

la forme intramyélitique unilatérale.

Or, nous retrouvons ici les deux grands caractères

qui caractérisent presque toutes les formes d'accidents

spinaux provenant de l'emploi des scaphandres, à

savoir : polymorphisme du début, ou entrée en scène

éminemment polymorphe et uniformité du dénoue-

ment ou évolution uniforme. A ces caractères

généraux, si nous ajoutons les particularités cliniques

spéciales des symptômes de la période du début, le

mode de l'invasion de la monoplégie, les symptômes

positifs et les symptômes négatifs de l'étape ultérieure,

enfin la marche de l'affection qui, dans la majorité des

cas, est rétrogressive, parfois peu rétrogressive, voire

même stationnaire, mais presque jamais progressive,

nous avons une affection spéciale qu'on ne saurait,

sans la dénaturer, faire entrer dans une maladie spi-

nale quelconque. '

variété extra-spinale OU EXTRA-MYËLlTIQUE

DE la forme unilatérale

Cette forme clinique doit être trop rare pour que

nous ne soyons en mesure d'en rapporter plus d'une

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 79

seule observation. En raison de l'intérêt extrême qui

s'attache à cette observation, nous la donnerons aussi

détaillée que possible.

Observation XXVIII. Accident provoqué le 18 septembre 1883,

.9 heures matin à la première immersion, 20 brasses de profondeur,

une demi-heure de séjour. Plusieurs immersions antérieures à la

même profondeur, le séjour au fond n'ayant jamais dépassé quinze

à vingt minutes, décompression toujours la même c'est-à-dire

brusque. Immédiatement après la décompression, douleurs

extrêmement vives, s'étendant à l'occiput et s'irradiant au membre

supérieur droit, exaspération de ces douleurs, de temps à autre,

sous forme d'attaque, rigidité musculaire du cou. Dans l'après-

midi, fourmillements et engourdissements dans le membre supérieur

droit, en même temps qu'un certain degré de parésie de ce membre.

Le 19 septembre, diminution de l'intensité des douleurs;

persistance des fourmillements et des engourdissements, agra-

vation de la parésie. - Le 20 septembre, paralysie complète

.de ce membre, localisation- des douleurs à la nuque et à l'épaule.-

La 3 octobre, faiblesse du membre inférieur droit.

Etat actuel (6 octobre). Paralysie et atrophie dégénérative

dominante dans la sphère du radial, deltoïde, biceps, brachial an-

térieur, long supinateur. Distribution de l'arzest7césie cutanée cor-

respondant à très peu de chose près à celle de la paralysie motrice.

Parésie spastique au membre inférieur droit. Traitement. Applica-

tion de petites pointes de feu sur toute l'étendue de l'axe spinal

et surtout à la nuque et sur le moignon de l'épaule. Séances quoti-

diennes d'électrisation galvanique, une demi-heure de durée, 12 à

16 éléments. Iodure de potassium à la dose de 3 grammes.

Au bout de deux mois et quelques jours de traitement, la guérison

a été complète et définitive.

Histoire. N. Chaïs, âgé de vingt-cinq ans; sa mère est morte

d'une fièvre typhoïde, pas d'antécédents héréditaires. Pas d'acci-

dents syphilitiques ou paludéens, pas de maladies antérieures.

Il a commencé le travail dans l'air comprimé, en mai 1883. Il

a travaillé pendant quatre mois et demi à peu près sans accident.

Le 18 septembre de là même année, à la première immersion

faite à 20 brasses de profondeur, séjour prolongé une demi-

heure, il s'est fait remonter toujours brusquement comme c'est la

règle. Il avait déjà antérieurement fait plusieurs immersions à

cette profondeur et avec la même décompression sans accident,

mais sans jamais avoir dépassé quinze minutes, il n'était pas

refroidi, il ne toussait pas et n'avait pas mangé avant son im-

mersion.

80 CLINIQUE .NERVEUSE.

Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du

casque, il est pris tout à coup de douleurs extrêmement vives qui

occupaient la partie postérieure du cou et surtout la moitié droite

de cette région, s'étendant jusqu'à l'occiput et s'irradiant aussi au

membre supérieur droit et surtout aux grandes articulations de

l'épaule, du coude et du poignet, qui, au dire du malade n'étaient

nullement gonflées. Ces douleurs, tout en étant permanentes,

s'exaspéraient néanmoins de temps à autre, sous forme d'accès

durant quelques minutes ; à ce moment les souffrances du malade

devenaient intolérables, elles étaient accompagnées d'une sorte

de raideur du cou ; le malade ne pouvait remuer la tête, son cou

étant immobilisé.

Dans l'après-midi, d'autres troubles de la sensibilité viennent se

joindre à ces douleurs vives, par moments même atroces, tels que

des fourmillements et des engourdissements dans le membre

supérieur droit, en même temps qu'un certain degré de parésie.

Le 19 septembre, les douleurs ont beaucoup diminué d'inten-

sité et leurs exaspérations, sous forme d'accès, sont devenues plus

espacées et moins vives, les engourdissements et les fourmille-

ments ne se sont pas du tout améliorés; la parésie même s'aggra-

vait d'un moment à l'autre. 0

Le 20 septembre, le malade est dans l'impossibilité de remuer

le membre supérieur droit qui pend le long de son tronc comme

une masse inerte. Les douleurs sont localisées à la partie posté-

rieure du cou et à l'épaule. A ce moment, le malade étant à

Egine consulte un médecin qui lui applique deux vésicatoires à

ces deux régions douloureuses; il lui donne aussi quelques médi-

caments qu'il ne peut pas définir. Il continue ce traitement une

vingtaine de jours; les douleurs qui occupaient les régions sus-

mentionnées s'irradiaient rarement Je long de son bras, mais les

engourdissements et les fourmillements n'ontcessé de tourmenter

le malade. De son membre paralysé, il pouvait faire quelques

mouvements. A ce moment, son membre aurait commencé à

devenir grêle. '

Le 3 octobre 1883, le malade a été effrayé en constatant que

son membre inférieur droit était faible et lui paraissait lourd. A

ce moment, il se décide avenir à Athènes; c'esL alors que nous

fûmes consulté.

Etat du malade (6 octobre 1883). Le membre supérieur droit

est pendant, dans une attitude incomplète depronalion; le dos de

la main porté un peu en avant.

Muscles du dos et de l'épaule. Le trapèze et le sterno-mastoï-

dien sont sains, les mouvements de rotation de la tête sur le cou

et l'élévation en masse des épaules paraissent se faire régulière-

ment. Les rhomboïdes et les grands dorsaux sont normaux, leurs

mouvements s'accomplissent physiofogiquonont. Le grand

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 81

1

dentelé est touché, car J'omoplate ne reste pas appliqué inti-

mement sur le thorax. Le grand pectoral parait un peu lésé.

La motilité des muscles rotateurs du bras, le sus-épineux, le

sous-épineux et le petit rond, parait complètement abolie.

Muscles innervés par le nerf radial. Deltoïde. Il existe une pa-

ralysie complète de ce muscle, il est matériellement impossible

au malade d'écarter directement le bras, il en est de même,

quand on lui commande d'élever le moignon de son épaule iso-

lément. Les faisceaux claviculaires du deltoïde ne sont pas moins

paralysés, comme il est facile de le constater, quand on place le

bras du malade dans l'adduction et qu'on lui fait porter la main

à la bouche.

Le court supinateur paraît avoir un certain degré de paré-

sie, car l'accomplissement des mouvements de supination est im-

parfait aussi bien quand le bras est étendu que quand il est fléchi.

Le long supinateur est à son tour paralytique, ce qu'on peut

constater en essayant de redresser l'avant-bras du malade préa-

lablement fléchi. Le biceps est fortement louché, ce qui est dé-

montré par la même manoeuvre. Au moment de sa contraction,

il ne forme plus relief sous la peau et à la palpation, il est flasque

et mou. Nous remarquons la même chose pour le brachial anté-

rieur.

Les mouvements physiologiques régis par les muscles de l'avant-

bras, fléchisseurs, extenseurs et interosseux ne sont pas atteints.

Le malade était dans la possibilité de fléchir et d'étendre le poi-

gnet, de fermer et d'ouvrir le poing, de mouvoir les doigts et de

les écartorsansta moindre difficulté, tous ces mouvements étaient

impossibles au début. Le triceps est très peu touché.

L'examen électrique nous a fourni des renseignements de la

plus haute importance. La contractilité faradique du grand den-

telé et des muscles rotateurs du bras, sus-épineux, sous-épineux

et petit rond est amoindrie. Ces muscles se contractent très bien

à la galvanisation, il n'y a pas d'inversion de la formule des réac-

tions normales, ce qui se traduit par Ka SZ > An SZ.

La contractilité faradique des muscles deltoïdes, biceps, brachial

antérieur et long supinateur est complètement abolie. L'explora-

tion galvanique de ces muscles dénote très nettement l'inversion

delà formule des réactions normales. En effet, on obtient An SZ Z

avec un nombre d'éléments qui ne suffit pas pour obtenir Ka SZ

ce qui se traduit par An SZ > Ka SZ. Il n'y a pas de modifi-

cations électriques au triceps; peut-être. la contractilité faradique

est un peu diminuée. L'examen électrique est négatif pour tous

les autres muscles du membre supérieur droit.

Sensibilité. Le malade se plaint encore avec amertume de

ses douleurs Ma région postérieure du cou, lesquels par moment

s'exaspèrent et s'irradient au moignon de l'épaule droite. La

Archive, t. XII. , 6

82 CLINIQUE NERVEUSE.

pression au niveau de l'apophyse transverse des trois dernières

vertèbres cervicales et surtout de la sixième est douloureuse.

Le moignon de l'épaule et le long du bord radial de l'avant-bras

est presque complètement anesthésique. Enfin, pour finir avec

le membre supérieur droit, n'oublions pas de noter quelques

troubles trophiques des ongles qui étaient atrophiés, amincis et

où l'on distinguait des stries transversales.

Afcm)'es ! <pe)' ! eu ! 'd)'ot. Ce membre est parétique. Il y a une

exaltation très marquée de ses réflexes, facilement constatable

par les procédés élémentaires. Au moment du réveil, sous l'in-

fluence des émotions et de la fatigue et dans certaines positions,

son membre inférieur droit commence à être agité d'un trem-

blement rythmique qu'on peut d'ailleurs aisément développer en

relevant brusquement et plusieurs fois l'avant-pied.

La sensibilité examinée sous tous ses modes a été trouvée tout

à fait normale. Il n'y a aucune trace de myatrophie. Les muscles

sont même bien conservés, la contractilité électrique est normale.

Il n'y a pas de troubles vaso-moteurs ni du sens musculaire.

Rien du côté de la vessie du rectum et des organes génitaux.

Pas de paralysie aux membres inférieur et supérieur gauches.

Il n'y a aucun symptôme céphalique.

Le traitement est ainsi institué : a), application de petites pointes

de feu tous les huit ou dix jours sur toute la région de l'axe spi-

nal et surtout sur la région de la nuque et sur le moignon de

l'épaule; 6), faire tous les jours pendant une demi-heure une

séance d'électrisation au moyen des courants continus d'inten-

sité moyenne, douze à seize éléments; c), à l'intérieur trois

grammes d'iodure de potassium par jour.

Etat du malade (21 octobre 1883). Au bout de quinze jours de

traitement. L'amélioration est notable. La motilité des

muscles grand dentelé, sus-épineux, sous-épineux et petit rond

est très améliorée, ce qui est démontré aussi bien par l'accom-

plissement bien plus régulier de leurs mouvements physiologiques

que par l'examen faradique. La contractilité faradique des

muscles deltoïde, biceps, brachial antérieur, et long supinateur

continue à être abolie , mais l'exploration galvanique donne

An S Z = Ka S Z au lieu de An S Z > Ka SZ.

Les douleurs de la nuque et du moignon de l'épaule sont bien

moins intenses. La sensibilité est complètement revenue à la ré-

gion du deltoïde et du biceps, elle est seulement un peu obtuse

au bord radial de l'avant-bras.

Il n'y a presque plus de parésie au membre inférieur droit.

L'épilepsie spinale survient très rarement; impossible de la pro-

voquer. Les réflexes sont bien moins exaltés. Nous avons conseillé

à notre malade d'insister sur le traitement institué.

Etat du malade (18 novembre 1883). L'amélioration est con-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 83

sidérable. Les mouvements physiologiques régis par les muscles

grand dentelé, sus-épineux, sous-épineux et petit rond ne sont

plus du tout altérés, leur contractilité faradique est normale. Les

muscles deltoïde, biceps, brachial antérieur et long supinateur

ont commencé à recouvrer leurs fonctions. Si la contractilité fara-

dique est encore presque abolie, l'exploration galvanique nous

montre un fait d'une importance majeure, c'est-à-dire qu'il n'y a

plus d'insertion de la formule des réactions normales, ce qui se

traduit par Ka SZ > An S Z. Pas de douleurs. La sensibilité est

complètement revenue au bord radial de l'avant-bras.

Il n'y a plus trace de parésie au membre inférieur droit. L'épi-

lepsie spinale a disparu. 11 n'y a qu'un certain degré d'exaltation

des réflexes, seul trait de passage de la parésie spasmodique

proexistante.

L'amélioration n'ayant pas cessé de continuer, vers le milieu

du mois de décembre 1883, le malade a intégralement recouvré

la motilité de ses muscles deltoïde, brachial antérieur long supi-

nateur biceps. La contractilité faradique est à son tour presque

normale; enfin, il est tout à fait guéri.

Analyse. Il n'est pas difficile de reconnaître que

le siège de la lésion initiale du cas que nous venons

de décrire longuement est extra-spinal, extra-myéli-

tique. C'est le siège de la lésion aux méninges de la

région cervicale de la moelle et surtout de sa partie

inférieure et l'irritation des racines du plexus brachial

droit qui ont donné lieu aux*vives douleurs, avec leur

exaspération de temps à autre, sous forme d'accès,

de la partie postérieure du cou, douleurs qui s'éten-

daient à l'occiput et s'irradiaient au membre supérieur

droit. C'est elle qui afait naître les fourmillements et

les engourdissements de ce membre.

Dans l'espace de deux jours, la lésion méningée, en

raison de son extension à la moelle épinière et l'alté-

ration plus profonde des nerfs périphériques ont fait

naître de nouveaux phénomènes qui viennentse joindre

au tableau clinique; ce sont la paralysie et, un peu

plus tard, la myatrophie du membre supérieur droit.

84 CLINIQUE NERVEUSE.

A une étape ultérieure de la maladie, il arrive un

fait très important, c'est la localisation presque exclu-

sive de la paralysie et de la myatrophieaux muscles qui

sont sous la dépendance du nerf radial, c'est-à-dire

deltoïde, biceps, brachial antérieur, long supinateur.

Nous assistons de la sorte à une nouvelle espèce de

paralysie radiculaire du plexus brachial survenant par

l'emploi des scaphandres.

Avant de procéder à l'explication des symptômes

qui sont présentés par le membre inférieur droit, nous

devons signaler la distribution de l'anesthésie culanée

qui correspondait, à très peu de chose près, à celle de

la paralysie motrice.

Rappelons enfin, cela mérite de fixer l'attention, la

rapidité de la guérison, aussi bien de la paralysie

radiculaire de notre malade que des autres troubles.

En effet, la guérison n'a pas exigé plus de trois mois.

Il ne nous semble pas difficile de fournir la raison

anatomique et physiologique de la parésie spasmodique

du membre inférieur droit, qui a paru quinze jours

après l'invasion de la monoplégie du membre supé-

rieur droit. Elle est due à la formation d'un foyer de

myélite transverse, consécutivement à la lésion mé-

ningée.

Quant aux symptômes spastiques, exaltation des

réflexes et. épilepsie spinale, ils sont déterminés par

une dégénération incomplète du faisceau pyramidal

droit, consécutivement au foyer de myélite transverse

qui, elle aussi, nous le répétons, est consécutive à la

lésion méningée. (A suivre.)

RECUEIL DE FAITS

UN CAS D'IDIOTIE AVEC CACHEXIE I'AClIYD13R111QUE;

Par le Dr CAMUSET,

Médecin-directeur de l'asile de Biiincitl.

M. Bourneville (Archives de Neurologie, ;t. XVI, p. 431),

énumère certaines particularités que l'on observe chez les

sujets atteints de cachexie pachydermique prononcée. Ces par-

ticularités, nous les avons toutes rencontrées chez l'idiote qui

fait le sujet de cette observation. Cette idiote n'est pas hospi-

talisée, elle habite chez ses parents. Nous avons connu son

existence, grâce aux renseignements que M. Bourneville nous

a donnés.

Amélina F... est une idiote atteinte de cachexie pachyder-

mique à un très haut degré. Elle est âgée de vingt-quatre ans.

Elle habite un petit village d'Eure-et-Loir, Vrainville, où elle est

née. Elle vit chez ses parents, qui la soignent assez bien. Sa mère e

s'est toujours efforcée de développer son intelligence, et il est

certain qu'elle est arrivée à relever un peu son niveau intellec-

tuel.

Antécédents héréditaires Il n'y aurait pas d'aliénés ni d'épi-

lepliques dans la famille paternelle, non plus dans la famille

maternelle. Le père et la mère sont bien portants. La mère

parait exempte de toute tare névropathique, mais elle est rhu-

matisanle et issue de rhumatisants. Le père, d'ailleurs bien

portant, est un ivrogne endurci très méchant après ses excès. Il

appartient à une famille nombreuse : six frères, une t'OE : ;)', tous

ivrognes. Leur père était également buveur.

La mère prétend que, pendant qu'elle était enceinte, son mari

étant ivre l'a menacée et frappée, et que c'est la terreur qu'elle a

éprouvée qui a été cause de la difformité de son enfant. Il no

faut retenir de cetle histoire qu'une chose, c'est que le père est un

ivrogne et qu'il entre en fureur quand il est ivre. Amélina In ... a

86 RECUEIL DE FAITS.

eu deux frères, ses aînés. Ils sont morts en bas âge, l'un du croup,

l'autre de la dysenterie.

Antécédents personnels. Notre idiote n'a jamais eu de maladie

sérieuse. A sa naissance elle n'offrait rien d'anormal, ce n'est que

plus tard qu'on s'est aperçu qu'elle devenait grosse et qu'elle se

développait mal. Elle a marché très tard, à cinq ans. Vers douze

ans, elle marchait seule, aujourd'hui elle ne peut plus le faire.

Elle n'a commencé à parler que vers six ou sept ans. Nous verrons

ce qu'est, chez elle, la faculté du langage.

Vers rage de quatorze ans, elle aurait perdu par la vulve quel-

ques gouttes de sang avec beaucoup de liquide glaireux. Depuis

. Fig. 1.

IDIOTIE AVEC CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 87 Î

ou n'a jamais observé le moindre écoulement sanguin, mais sou-

vent, à des intervalles irréguliers, il s'établit un écoulement vagi-

nal glaireux qui dure plusieurs jours. Pendant ces périodes, la

face deviendrait plus colorée, les lèvres plus livides encore

qu'elles ne le sont à l'état normal, enfin le sujet serait souffrant

et mangerait mal.

Etat actuel d'Antélina F... Une tête relativement énorme, aux

traits boursouflés et sans expression, aux lèvres épaisses, cyano-

sees et renversées en dehors, la langue très grosse faisant ordi-

nairement saillie, aux yeux très écartés et bridés par des paupières

hou(fie, au teint jaune cireux. Celte tête hideuse, qui seule suffit

à faire reconnaître une cachexie pachydermique prononcée, sur-

monte un corps tout petit, un corps d'un enfant de deux ans,

mais d'un enfant difforme, bossu et à gros ventre (il. 1).

La taille du sujet est de On,86, et le corps mesuré à partir de la

clavicule, c'est-à-dire sans la tête ni le cou, a 0"'GO de hauteur.

Il existe partout, sous la peau, un pseudo-oedème plus ou moins

abondant, selon les régions.' Cette couche sous-cutanée est très

épaisse à la face, au-dessus des clavicules, aux aisselles, aux par-

ties inférieures des joues et sous les oreilles (bajoues), aux extré-

mités, mains et pieds. En pressant la peau avec le doigt, on

éprouve une sensation sui generis, celle que donnerait une subs-

tance molle cédant sous la pression, mais, le doigt enlevé, il ne

subsiste pas d'empreinte. Ce sont là les caractères du pseudo-

oedème de la cachexie pachydermique.

La peau est jaune cireux à la face, sauf au milieu des joues où

elle est rouge foncé. Ailleurs, la teinte cireuse est moins pro-

noncée; aux cuisses et au dos, la peau est même rosée. La

peau est en général rugueuse. Aux bras, il existe une sorte d'ic-

ttyose léger ;- aux cuisses, elle est au contraire douce. Aux mains

et aux pieds, elle est particulièrement dure et épaisse. A la partie

inférieure du dos et sur une partie du ventre, elle est sillonnée

par de nombreuses veines très marquées.

Tête. Le crâne est symétrique, ou, du moins, la voûte du

crâne est symétrique.

88 RECUEIL DE FAITS.

Face. Elle est un peu asymétrique et bien plus large que le

crâne. Les yeux ne sont pas sur le même plan, le gauche est plus

haut que le droit. Si donc la voûte du crâne est symétrique, la

base ne l'est pas. Le front est très bas et sillonné de rides

horizontales profondes. Les sourcils sont à peine marqués.

Les i/ewoepeu ouverts sont bridés par les paupières pseudo-oedé-

mateuses. L'iris en est bleu. Ils sont très éloignés l'un de l'autre.

Il y a 4 centimètres entre l'angle interne des paupières d'un côté

et l'angle interne des paupières du côté opposé.

Le ne-- est fortement camard. Saillie des os propres presque

insensible à la naissance de l'organe, narines très écartées. La

respiration par le nez est difficile et bruyante, la muqueuse est

sans doute épaissie.

La bouche est très grande, un peu oblique de gauche à droite.

Les lèvres sont épaisses, bleuâtres, renversées en dehors. La

langue est énorme et reste presque toujours, en partie, hors de la

bouche. Elle est rouge bleuâtre comme les lèvres, comme toute la

muqueuse buccale, du reste.

Les dénis sont en partie gâtées. La première dentition a per-

sisté. Il y a dix dents, ou débris de dents, à la mâchoire supé-

rieure et autant à la mâchoire inférieure. En plus, quatre dents

permanentes ont poussé à la mâchoire inférieure, quatre inci-

sives. 11 y a donc à la partie médiane de la mâchoire inférieure

une double rangée de dents.

Coti. - Le cou est très court; sa circonférence est de On 33;

il est très myxcedémateux, surtout au-dessus de chaque clavicule.

On ne peut percevoir la thyroïde. Cette glande n'existe pas, autant

qu'on peut être affirmatif sur ce point en l'absence d'autopsie.

Tronc. Très rmxoedémateux, surtout au niveau des aisselles.

La colonne vertébrale est déviée à la région dorsale; la convexité

tournée à droite fait une saillie assez prononcée. Le ventre est

très gros, sa circonférences 0m60. Hernie inguinale droite qui

reste ordinairement réduite sous bandage, mais qui sort au

moindre effort. Une hernie ombilicale aurait guéri spontané-

ment. Elle ne sort plus depuis plusieurs années. - Chute du

rectum fréquente. La mère est habituée à réduire le rectum en

prolapsus.

Membres. Ils sont gros, potelés par le fait du pseudo-mdeme.

Les attaches sont épaisses. Les membres supérieurs égaux ont

0"'22 de longueur, les inférieurs, également égaux, ont0'"31.

La peau du bras est; nous l'avons déjà dit, très rugueuse, ictliyo-

sique. Aux mains et aux pieds, la peau est épaisse, rude et un

peu eczémateuse. Les extrémités rappellent celles des gros pachy-

dermes. C'est, on le sait, cette analogie, notée depuis longtemps,

qui a servi à M. Charcot pour dénommer l'affection. Les ongles

sont difformes et cassants. -

IDIOTIE AVEC CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 89

Organes sexuels. La vulve est celle d'une petite fille de trois

ou quatre ans. La muqueuse est bleuâtre, mais moins que celle

des lèvres. Au moment'de l'examen, il n'y avait pas trace d'écou-

lement vaginal. 11 n'y a pas de poils au pubis. Aux grandes

lèvres, on voit quelques poils follets courts et blonds.

Les mamelles ne sont pas développées. On ne sent pas trace do

glande sous les mamelons. La partie antérieure du thorax est

recouverte d'une couche pseudo-oedémateuse épaisse.

Viscères. Autant qu'il nous a semblé, ils sont sains et ne

présentent rien de particulier. Le coeur, que l'état cyanosiquo

des muqueuses pouvait faire supposer lésé, n'offre à la percussion

et à l'auscultation rien d'anormal.

Digestion. Amélina F... mange peu, mais régulièrement.

Son régime consiste presque exclusivement en pain et en lait;

ce sont les aliments qu'elle préfère, elle aime aussi les sucreries.

Les digestions sont ordinairement bonnes, F... est cependant

sujette à la diarrhée. Il est à propos de noter qu'elle a été

longtemps gâteuse. Sa mère avoue qu'elle n'est arrivée à la

rendre propre qu'en employant des moyens brutaux, en la

fouettant.

Circulation. Respiration. La respiration est normale.

Quand elle se fait par le nez, elle est bruyante et un peu gênée ;

ce qui tient sans doute au pseudo-oedème de la muqueuse nasale.

La circulation est peut-être défectueuse, aux extrémités au

moins; la température des extrémités est, en effet, relativement

trop basse. Les bruits du coeur sont bien rythmés et réguliers.

Le pouls bat 93 pulsations à Ja minute. La température axillaire

est de 35°,5. Mais les examens du pouls et de la température

ont été trop peu nombreux, la malade n'étant pas dans un service

d'hôpital ou d'asile, pour que nous puissions, sous ce rapport,

présenter les résultats d'une observation sérieuse.

Marche. La malade ne peut marcher sans s'appuyer sur les

meubles ou sur la muraille ou sans être tenue par la main. Elle

parvient alors à faire quelques pas lourds et pénibles. Elle peut

se tenir pendant quelque temps debout, immobile, sans point

d'appui. Il parait qu'autrefois elle marchait seule et sans

soutien.

Voix. Elle est rauque, le timbre en est très bas. Les paroles,

presque inintelligibles, sont lentement prononcées; le vocabulaire

est, du reste, très restreint. La tonalité et la raucité de la voix

dépendent probablement de la présence du myxoedème sous la

muqueuse du larynx et des cordes vocales.

.E<«(M;/c/tt(jf ! <e.Les facultés mentales sont très rudimentaires.

Amelina 1... passe sa vie assise sur un fauteml-lit, à jouer avec

une poupée ou avec des chiffons qu'elle pique avec une aiguille,

mais elle est incapable de coudre. Son faciès est alors absolument

90 RECUEIL DE FAITS.

impossible, sa bouche entr'ouverte, son énorme langue à moitié

tirée. Si on lui offre un bonbon, elle sourit, ce qui donne passa-

gèrement un peu d'expression à sa physionomie. Elle ne répond

guère qu'à sa mère et par monosyllabes : oui, non. Parfuis elle

prononce quelques mots que sa mère traduit. La mémoire est

relativement plus développée que les autres facultés. Elle nous

reconnaissait quand nous allions la voir et elle nous nommait

dans les intervalles de nos visites, sans doute dans l'attente de

quelques sucreries. Elle est douce et se met rarement en colère.

Somme toute, idiotie prononcée; un degré de plus, la vie

serait absolument végétative, et ce degré, elle l'eût atteint

sans les soins affectueux de sa mère qui trouve en elle, il faut

bien le dire, une source de profit en la promenant dans les

marchés et dans les foires de la région. Dans les fêtes de nos

campagnes, comme dans celles des faubourgs de Paris, un

oeau cas tératologique a toujours du succès.

Nous pensons que la cachexie pachydermique s'est déclarée

quelque temps après la naissance et qu'elle a provoqué l'arrêt

de développement du sujet. L'idiotie est la conséquence,

et de cet arrêt de développement et de la cachexie pachyder-

mique elle-même. Cette affection, on le sait, produit toujours,

même chez l'adulte, une lésion par défaut des fonctions psychi-

ques. Comme nous l'avons dit au début, Amélitia F... présente

l'état crétinoïde au degré le plus avancé. Aucun des signes

énumérés par M. Bourneville ne fait défaut.

NOTES ET RÉFLEXIONS A PROPOS DU CAS PRÉCÉDENT;

Pal' BOUTIVGVILLIs,

Nous avons pu ajouter à l'observation très intéressante de

M. le Dr Camuset la fiy. 1, d'après une photographie, prise à

titre de curiosité parle garçon de laboratoire de la clinique de

M. Charcot. De plus, nous donnons une figure représentant la

malade Pih... de Croisilles dont nous avons inséré l'observa-

tion dans le dernier numéro des Archives (p. 432). Cette

figure 2 est faite d'après une photographie due à un artiste de

IDIOTIE AVEC CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 91

passage, qui nous a été envoyée par notre ami le D'' Guil-

1 au m in '. 1.

Si l'on veut bien comparer ces figures à celles que nous

avons insérées dans notre ancien travail', on verra que tous

ces malades ont une physionomie tout à fait semblable et

caractéristique ; l'état du cou, des membres et, en particulier,

des pieds et des mains est toujours le môme. 1

Une étude attentive de ces nouvelles observations montre

aussi que les malades offrent tous les mêmes symptômes et

1 Ces figures ne sont point parfaites. En pareil cas, il faut bien mon-

trer les pieds, les mains, la tète, etc.

* Archives de Neurologie, 1886, t. XII, p. 137, 292.

Fig. 2.

92 REVUE CRITIQUE.

que ces symptômes sont absolument analogues à ceux que

nous avons minutieusement décrits.

Chez aucun des malades vivants dont nous avons publié

l'observation, ainsi- que chez une autre, Wau...., dont nous

parlerons plus tard, il n'a été possible de sentir la glande

thyroïde : il ne paraît y avoir rien entre la peau et les carti-

lages thyroïde et cricoïde. Les deux autopsies pratiquées par

Curling, celle de M. Fletcher Beach, celle de M. Bouchaud,

les nôtres, au nombre de trois, ont démontré que. dans ces

cas, la glande thyroïde n'existait pas*.

Aujourd'hui, il nous semble donc indiscutable que la forme

d'idiotie que nous avons décrite sous le nom d'idiotie c2,éli-

noïde avec cachexie pachydermique est parfaitement constituée,

qu'elle a ses symptômes particuliers et une lésion anatomique

constante. '

REVUE CRITIQUE

GRAND ET PETIT HYPNOTISME;

Par J. BABINSIL,

AnCtcnct)efdccHniqnea) : t5a)pctr)c''c.

L'histoire du magnétisme animal et do l'hypnotisme a subi

des fortunes diverses.

Longtemps mis en doute, repoussé et ridiculisé par les

Corps savants, le magnétisme animal finit par s'imposer sous

le nom d'hypnotisme, en 1845. On admit alors qu'il était pos-

sible de produire chez certains sujets prédisposés, un état ner-

veux spécial caractérisé par des contractures, des paralysies,

des troubles divers de l'intelligence. Cet état nerveux, décrit

avec soin par un médecin anglais, Braid, fut étudié ensuite par

divers médecins français, mais timidement; le monde scienti-

fique restait sur la réserve. C'est en '1878, seulement, grâce à

'Autopsie du Pacha; de Bourg-... (Fei-ii.), de sa sccur Bourg..., ces

deux dernières inédites.

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 93

l'initiative de notre maître, M. Charcot, que la question fit un

pas décisif; on peut dire que M. Charcot est le premier qui ait

donné une démonstration scientifique de l'hypnotisme ; il est

de fait que depuis la publication des travaux de la Salpêtrière,

la réalité des symptômes hypnotiques n'est plus mise en

doute. ,

On pouvait prévoir que par suite de l'essor nouveau donné

à ces études curieuses, les savants, les physiologistes, les psy-

chologues, s'y porteraient en grand nombre ; c'est en effet ce

qui est arrivé. Les célèbres études de la Salpètrière sont

devenues le point de départ d'un mouvement scientifique qui

n'est sans doute pas près de s'arrêter.

Seulement, à mesure que les travaux sur l'hypnotisme se

sont multipliés, des controverses se sont produites entre les

divers observateurs. Celui-ci n'a point observé ce qu'a décou-

vert celui-là. Les sujets de M. un tel n'ont pu produire aucun

des résultats qu'on a obtenus sur d'autres sujets.

Rien de plus naturel que ces différences, lorsqu'on sait

que les divers expérimentateurs n'emploient ni le même

genre de sujets ni le même genre de méthodes. Mais on

a cru qu'il était plus simple de se contredire, de nier ce qu'on

n'avait pas vu et de n'accorder de l'importance q-u'à ce qu'on

avait observé soi-même. La France, qui a tout fait pour le dé-

veloppement de l'hypnotisme, a été le principal théâtre de ces

controverses et de ces batailles. On a opposé Ecole contre

Ecole et nous avons aujourd'hui, suivant le langagedes auteurs,

une Ecole de Nancy qui est en opposition avec celle delà Sal-

pètrière et qui prend le contre-pied de tout ce que la Salpè-

trière a affirmé. Ce qui est une vérité à la Salpêtrière devient

. une erreur à Nancy. Ces discussions, faites en général, sans

suite, à bâtons rompus, à propos des sujets et avec des expres-

sions qu'on n'a pas eu au préalable le soin de caractériser suf-

fisamment, ont des inconvénients immenses ; le principal, est

d'inspirer au grand public et même aux Corps savants un grand

scepticisme à l'égard de faits que l'on voit sans cesse remis en

question.

Notre but est principalement de rappeler et de résumer ici,

avec autant de clarté que possible, l'enseignement traditionnel

de la Salpètrière, qu'on a un peu perdu de vue dans les dis-

cussions, et de montrer que les faits hypnotiques que M. Char-

cot découvrait en 1878 et dont il présentait en 1882 la synthèse

94 , REVUE CRITIQUE.

à l'Académie des Sciences n'ont, tant s'en faut, rien perdu de

leur réalité et de leur valeur.

11 nous semble que les critiques qui ont été faites à l'oeuvre

de M. Charcot tiennent, en partie au moins, à ce qu'on ne l'a

pas suffisamment étudiée et comprise. Aussi croyons-nous

qu'il ne sera pas inutile avant de chercher à établir l'exacti-

tude de la thèse que soutient M. Charcot, d'en faire ressortir

les traits essentiels, de bien faire connaître la façon dont on

conçoit l'hypnotisme à la Salpêtrière, de rappeler la manière

de voir de « Nancy » et de mettre ainsi en regard les opinions

des deux écoles.

En 1878, nous l'avons déjà dit, malgré les travaux de Braid

et de ses successeurs, le monde scientifique restait encore dans

une attitude fort réservée, pour ne pas dire plus. Les choses

étaient à ce point, qu'il était devenu nécessaire de démontrer

au milieu du scepticisme presque universel, la réalité même de

l'hypnotisme, sa réalité matérielle, grossière, si l'on peut ainsi

dire. Certes, il fallait un certain courage pour relever une ques-

tion mal famée et marcher à l'encontre des préjugés enracinés.

M. Charcot, éclairé déjà depuis longtemps par nombre d'ob-

servations rigoureuses, recueillies dans son service, n'hésita

pas. Il comprit, dès l'origine, que si ses devanciers n'avaient

pas réussi à convaincre, c'était parce qu'ils avaient commis

une faute de méthode; la plupart s'étaient bornés, en effet, à

étudier dans l'hypnotisme ce qu'il y a de plus subtil, de plus

délicat, de plus difficilement saisissable, à savoir, les phéno-

mènes intellectuels ; c'était commencer par où il fallait finir.

M. Charcot relégua d'abord au second plan les phénomènes

psychiques, il les écarta de parti pris et chercha à mettre pre-

mièrement en lumière chez les sujets en expérience, des phé-

nomènes objectifs, c'est-à-dire de ces faits grossiers que tout

le monde peut voir et toucher et qui constituent une preuve

matérielle de l'absence de la simulation. Ces signes objectifs

de l'hypnose appartiennent au domaine de la motilité.

Passons donc en revue les caractères somatiques les plus

importants. Occupons-nous d'abord de l'hypeîexcitabilité

neuro-musculaire'. Cette propriété consiste en ce que, sous

1 Consulter l'ouvrage : Le magnétisme animal, par Binet et Fere.

(Alcan éditeur, 1887), auquel nous empruntons quelques passages.

Consulter aussi l'article Hypnotisme, par il. llclier et Gilles de la

Tourette. Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales.

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 9 a

l'influence d'une excitation mécanique directe, les muscles de

la vie normale se contracturent. Le mode d'excitation est

variable : on peut employer le massage, la friction, la pression

soit avec la main, soit avec une bande élastique, la percussion

des tendons, etc. Les muscles de-la face se contractent seule-

ment au moyen de ces manoeuvres, mais n'entrent pas en con-

tracture. Faisons remarquer à ce propos que les muscles de la

face sont, dans l'hypnotisme comme dans l'hystérie, soumis à

d'autres lois que les muscles des membres. C'est ainsi que

jusqu'à présent on n'a jamais pu fournir une observation pro-

bante de paralysie flasque de la face dans l'hystérie, tandis que

du côté des membres, ces paralysies sont, comme on le sait,

très fréquentes.

L'excitation mécanique des troncs nerveux agit sur les mus-

cles' tributaires du nerf de la même façon que l'irritation

directe de ces muscles. Il en résulte que le membre sur lequel

on expérimente prend une attitude caractéristique qui est

déterminée par la distribution spéciale des rameaux muscu-

laires du nerf excité. Si, par exemple, on presse dans la gout-

tière olécranienne sur le nerf cubital, on voit aussitôt la main

se contracturer et prendre l'attitude dite de la griffe cubitale.

Cette hyperexcitabilité nerveuse ne peut être simulée surtout

lorsqu'il s'agit d'un sujet qui n'est pas très versé dans l'étude

de l'anatomie.

La contracture léthargique présente des caractères qui la

distinguent nettement d'une contracture volontaire et qui per-

mettent de s'assurer que le' sujet ne simule pas. Des expé-

riences de contrôle ont été faites sur des sujets sains et vigou-

reux, qui prenaient volontairement des attitudes semblables à

celle de la contracture léthargique, et voici ce qui résulte de

la comparaison. Sous l'influence d'une traction continue, le

membre contracture d'un sujet léthargique cède par degrés,

comme le membre raidi par la volonté, à ce point de vue il y

a ressemblance parfaite. Mais les tracés myographiques et

pncumographiques révèlent des différences fondamentales :

chez lu simulateur, le tremblement du membre et l'irrégula-

rité de la respiration ne tardent pas à trahir l'effort volontaire ;

chez l'hypnotique le rythme respiratoire ne varie pas et la

détente du membre contracture s'opère lentement, sans la

moindre secousse.

- Etudions maintenant cet autre caractère somatique, la plas-

96 REVUE CRITIQUE.

licite cataleptique, qui consiste en ce que les membres sou-

levés ou fléchis par l'observateur ne sont le siège d'aucune

résistance et que le sujet garde toutes les attitudes qu'on'im-

prime à ses membres ou à son corps.' .

On peut distinguer par des procédés graphiques semblables

à ceux que nous venons de signaler à propos de la contracture

léthargique, la catalepsie légitime, de la catalepsie simulée, le

simulateur serait-il très versé dans l'étude de l'hypnotisme.

Voici comment on procède : on commence, par exemple, par

placer le membre supérieur dans l'abduction de façon à ce qu'il

occupe une position horizontale. On applique alors un tam-

bour à réaction à l'extrémité du membre étendu qui servira à

enregistrer les moindres oscillations de ce membre pendant

qu'un pneumographe fixé sur la poitrine donnera la courbe

des mouvements respiratoires. Or, chez le cataleptique, pen-

dant toute la durée de l'observation, la plume qui correspond

au membre étendu trace une ligne droite parfaitement régu-

lière, tandis que chez le simulateur, le tracé, semblable d'abord

à celui du cataleptique, se modifie au bout de quelques minutes;

la ligne droite se change en une ligne brisée, très accidentée,

marquée par instants de grandes oscillations disposées en série.

Il existe des différences analogues en ce qui concerne les

tracés pneumographiques. Chez le cataleptique, la respira-

tion est rare et superficielle et la fin du tracé ressemble au

commencement, tandis que chez le simulateur la respiration

régulière au début, présente dans la phase qui correspond aux

indices de la fatigue musculaire notés sur le tracé du membre,

un rythme irrégulier et on constate de profondes et rapides

dépressions, signes du trouble de la respiration qui accom-

pagne le phénomène de l'effort.

Abordons enfin l'étude du troisième caractère somatique

l'laypeexr,aiaLilité cutano-musculai·e. Elle consiste en ce que,

sous l'influence de très légères excitations superficielles, comme

le frôlement, le souffle buccal ou l'agitation de la main à dis-

tance produisant un léger courant d'air, on provoque une

contracture des muscles soumis à cette action. Cette contrac-

ture, dite somnambulique, ne pourrait du reste pas plus que la

contracture léthargique être simulée, et les preuves que nous

avons fournies à propos de cette dernière pour démontrer l'im-

possibilité de la simulation s'appliquent aussi bien à la con-

tracture somnambulique.

ET PETIT HYPNOTISME. 97

- Eu même temps que M. Charcot relevait l'évidence de ces

précieux symptômes, il constatait que chez les sujets qu'il

avait sous les yeux les phénomènes hypnotiques pouvaient

affecter dans certains cas un groupement spécial en trois états

distincts. Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire les

principaux passages de la communication que M. Charcot a

faite à ce sujet à l'Académie.

« Essai d'une distinction nosographique des divers états tzer-

veux compris sous le nom d'hypnotisme. Les phénomènes si

nombreux et si variés qui s'observent chez les sujets hypno,

tisés ne répondent pas à un seul et même état nerveux. En

Téalité, l'hypnotisme représente cliniquement un groupe na-

turel, comprenant une série d'états nerveux, différents les uns

dus autres, chacun d'eux s'accusant par une symptomatologie

qui lui appartient en propre. On doit, par conséquent, sui-

vant en cela l'exemple des nosographes, s'attacher à bien

définir d'après leurs caractères génériques, ces divers états

nerveux, avant d'entrer .dans l'étude plus approfondie des

phénomènes qui relèvent de chacun d'eux.

- « Ces différents états, dont l'ensemble représente toute la

symptomatologie de l'hypnotisme, semblent pouvoir être

ramenés, suivant M. Charcot, à trois types fondamentaux, à

savoir : 1° l'état cataleptique; 2° l'état léthargique, et, 3° l'état

de somnambulisme provoqué; chacun de ces états comprenant

d'ailleurs un certain nombre de formes secondaires et laissant

place pour les états mixtes, peut se présenter d'emblée, primi-

tivement ; ils peuvent encore, dans le cours d'une même obser-

vation, chez un môme sujet, se produire successivement, dans

tel ou tel ordre, au gré de l'observateur, par la mise en couvre

de certaines pratiques. Dans ces derniers cas, les divers états

signalés plus haut représentent en quelque sorte les phases

ou périodes du même processus.

« lu Etat cataleptique. Il peut se produire : a). Primiti-

vement, sous l'influence d'un bruit intense et inattendu, d'une

lumière vive placée sous le regard, ou encore chez quelques

sujets par la fixation plus ou moins prolongée des yeux sur

un sujet quelconque, etc.; b). Consécutivement à l'état

léthargique lorsque les yeux, clos jusque-là, sont, dans

un lieu éclairé, découverts par l'élévation des paupières. - Le

sujet cataleptiso est immobile; il parait comme fasciné. Les

'Comptes (le de l'Académie des sciences, I CS3, z

.lncmvr- t. \1'It.. 7

98 REVUE CRITIQUE.

yeux sont ouverts, le regard fixe; pas de clignement des pau-

pières ; les larmes s'accumulent bientôt et s'écoulent sur les

joues. Assez fréquemment, anesthésie de la conjonctive et

même de la cornée. Plasticité cataleptique. Les réflexes ten-

dineux sont abolis. L'hyperexcitabilité neuro-musculaire fait

défaut. Il y a analgésie complète, mais certains sens

conservent du moins en partie leur activité (sens musculaire,

vision, audition). Cette persistance de l'activité sensorielle

permet souvent d'impressionner de diverses façons le sujet

cataleptique et de développer chez lui, par voie de suggestion,

des impulsions automatiques et de provoquer des halluci-

nations. Lorsqu'il en est ainsi, les attitudes fixes artificielle-

ment imprimées aux membres, ou d'une façon plus générale

aux diverses parties du corps font place à des mouvements

plus ou moins complexes, parfaitement coordonnés, en rapport

avec la nature des hallucinations et des impulsions provoquées.

Abandonné à lui-même, le sujet retombe bientôt dans l'état

où il était placé au moment où on l'a impressionné par sug-

gestion.

* 2° Etat léthargique. Il se manifeste : a), primitive-

ment, sous l'influence de la fixation du regard sur un objet

placé à une certaine distance. ; ), consécutivement à l'état

cataleptique, par la simple occlusion des paupières ou par le

passage dans un lieu parfaitement obscur. Fréquemment, au

moment où il tombe dans l'état léthargique, le sujet fait

entendre un bruit laryngé tout particulier, en même temps

qu'un peu d'écume se montre aux lèvres. Aussitôt il s'affaisse

dans la résolution, comme plongé dans un sommeil profond.

Il y a analgésie complète de la peau et des membranes mu-

queuses accessibles. Les appareils sensoriels conservent cepen-

dant parfois un certain degré d'activité; mais les diverses

tentatives qu'on peut faire pour impressionner le sujet, par

voie d'intimidation ou de suggestion, restent le plus souvent

sans effet'.

« Les membres sont mous, flasques, pendants, et soulevés,

ils retombent lourdement lorsqu'on les abandonne à eux-

mêmes. Les globes oculaires sont; au contraire, convulsés, les

yeux clos ou demi-clos, et l'on observe habituellement un

1 Certains sujets pourtant sont, dans celte période, susceptibles d'être

facilement suggestionnés, plus facilement même que dans la période

Homnambunque.

GhANt) Et PETIT hypnotisme. 99

frémisssement presque incessant des paupières. Les réflexes

tendineux sont exagérés; l'hyperexcitabilité neuro-musculaire

est toujours présente, bien qu'à degrés divers.

« 3^ Etat de somnambulisme provoqué. Cet état peut être

déterminé directement, chez certains sujets, par la fixation

du regard et aussi par diverses pratiques qu'il est inutile

d'énumérer ici. On le produit à volonté chez les sujets plongés

au préalable soit dans l'état léthargique, soit dans l'état cata-

leptique, en exerçant sur le vertex une simple pression ou une

friction légère. Cet état parait correspondre plus particulière-

ment à ce qu'on a appelé le sommeil magnétique.

« Les phénomènes très complexes qu'on peut observer dans

cette forme se soumettent difficilement à l'analyse. Ils ont été,

pour beaucoup d'entre eux, provisoirement relégués sur le

deuxième plan dans les recherches faites à la Salpêtrière. On

s'est attaché surtout à déterminer, autant que possible, les

caractères qui séparent l'état de somnambulisme des états

léthargique et cataleptique, et à mettre en évidence la relation

qui existe entre ce troisième état et les deux autres.

« Les yeux sont clos ou demi-clos ; les paupières se

montrent en général agitées de frémissements; abandonné à

lui-même, le sujet parait endormi, mais même alors la réso-

lution des membres n'est pas aussi prononcée que lorsqu'il

s'agit de l'état léthargique. L'hyperetcitabilité neuro-muscu-

laire fait défaut. Mais l'hyperexcitabilité cutano-musculaire

est présente.

« Il y a analgésie cutanée, mais en même temps hyperacuité

fort remarquable de certains modes de la sensibilité de la peau,

du sens musculaire et de quelques-uns des sens spéciaux (vue,

ouïe, odorat). Il est, en général, facile, par voie d'injection ou

de suggestion, de déterminer chez Je sujet la mise en jeu

d'actes automatiques très compliqués; on assiste alors aux

scènes du somnambulisme proprement dit. Ajoutons encore

qu'il est possible de développer une hémi-catalepsie, une hémi-

léthargie et un hémi-somnambulisme. Il suffit, par exemple,

chez un sujet en catalepsie, de fermer un oeil pour voir le côté

du corps correspondant à cet oeil prendre les caractères de la

léthargie, tandis que le côté opposé, qui correspond à l'oeil

ouvert, conserve les propriétés de la catalepsie.

« L'hypnotisme caractérisé par les trois états que nous

100 REVUE CRITIQUE.

venons de décrire, constitue ce que M. Charcot appelle le '

Grand hypnotisme. »

M. Charcot, dans sa description, a laissé de côté à dessein

les formes frustes, Les états mixtes, pensant qu'il était préfé-

rable de s'arrêter tout d'abord aux types réguliers, avant

d'étudier les formes mal dessinées. M. Charcot ne rejette donc

pas, tant s'en faut, les autres formes de l'hypnose. C'est ce

dont on peut se convaincre par l'exposé qu'a donné son élève,

M. Richer, des formes frustes de l'hypnotisme. Il reconnaît

même que le grand hypnotisme, s'il répond au type parfait,

représente cependant une forme rare. L'importance qu'il lui

accorde tient donc exclusivement dr ce que les caractères les

plus essentiels du sommeil hypnotique s'y trouvent dissociés,

et peuvent par conséquent être étudiés séparément d'une façon

plus précise. Le grand hypnotisme constitue donc pour notre

maître, nous le répétons, la forme la plus parfaite, la forme

type de l'hypnotisme, et c'est elle qui doit servir de point de

départ aux études sur ce sujet.

Le grand hypnotisme peut se présenter dans son état de

complet développement dès la première tentative d'hypnotisa-

tion faite sur un sujet absolument neuf, et l'on peut dire que,

dès la première épreuve, on peut décider si un sujet sera

apte ou non à présenter les phénomènes du grand hypno-

tisme ; mais, même dans ce cas, les caractères énumérés plus

haut ne sont pas toujours aussi accentués au début, qu'ils le

seront après le répétition d'un certain nombre d'expériences.

C'est ainsi, par exemple, que le développement de la con-

tracture léthargique peut nécessiter au commencement une

pression des masses musculaires énergique et prolongée pen-

dant quelque temps, tandis que chez un sujet entraîné, l'ap-

parition de ce phénomène, sous l'influence de la même ma-

noeuvre, est instantanée. Si, chez le sujet vierge, que nous

supposons dans la léthargie, on presse sur le nerf cubital, on

ne constatera peut-être du côté de la main que l'esquisse, en

quelque sorte, de la griffe cubitale qui se dessinera de plus en

plus lorsque l'expérience sera plus souvent renouvelée. Dans la

catalepsie, les membres soulevés et placés dans des attitudes

diverses ne gardent souvent tout d'abord, dans les premières

expériences, qu'un temps très limité, la position qu'on leur

donne. L'harmonie qui s'établit entre l'attitude corporelle

qu'on fait prendre au sujet pendant la catalepsie, et l'expres-

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 101

sion de la physionomie, n'est pas non plus au début aussi

frappante qu'elle le sera plus tard. Ce que nous disons des

caractères somatiques s'applique aussi aux phénomènes psy-

chiques; les malades peuvent être au début très peu impres-

sionnables à la suggestion. En un mot, les sujet se perfec-

tionnent avec l'exercice.

Dans'd'autres cas, le grand hypnotisme ne se constitue dans

ses trois états qu'après un certain nombre d'expériences. Le

mode de transition entre le petit et le grand hypnotisme peut

être progressif ou brusque. Nous allons montrer par quelques

exemples comment la transformation peut s'opérer.

Mais, auparavant, nous devons indiquer les formes les plus

importantes de l'hypnose dans lesquelles on ne trouve pas la

division en trois périodes. Un ou deux des trois états

peuvent manquer, d'où plusieurs variétés possibles ; la cata-

lepsie est, dans cette forme, la période qui nous parait man-

quer le plus souvent. Dans d'autres cas,. les trois périodes

se confondent, et alors, tantôt les caractères somatiques et

psychiques des trois périodes, se trouvent réunis, tantôt on ne

constate la présence que d'un ou de deux de ces caractères.

Deux périodes, les périodes léthargique et somnambulique,

peuvent être confondues, tandis que la catalepsie conserve les

caractères qui lui sont propres. M. Pitres a décrit une dé-

viation dans laquelle il a observé l'état cataleptoïde les yeux

fermés 1.

Toutes ces formes que nous venons de signaler et qui cons-

tituent une partie des éléments du petit hypnotisme se rap-

prochent du grand hypnotisme par la présence d'un ou de

plusieurs caractères somatiques et parce qu'elles s'observent,

sinon exclusivement, du moins dans l'immense majorité des

cas, chez des hystériques.

Ces diverses formes du petit hypnotisme peuvent, comme

nous l'avons dit précédemment, se modifier suivant telle ou

telle circonstance et se convertir en la forme type.

La transformation peut être progressive. Voici, par exemple,

un sujet chez lequel les trois périodes sont confondues pendant

un certain temps. A un moment donné, on remarque une

tendance à la formation de périodes distinctes; lorsque les

Consulter, Sur les J'ormes frustes, qui tonnent la transition entre le

grand et le petit hypnotisme, Richer.

102 REVUE CRITIQUE.

yeux sont fermés, la contracture léthargique se développe plus

facilement que la contracture somnambulique et la plasticité

cataleptique; inversement, lorsque les yeux sont ouverts, cette

dernière propriété est plus apparente que les autres. On voit

ainsi petit à petit la division s'accentuer et le grand hypno-

tisme se constituer.

La transformation est parfois brusque. Voici un exemple de

cette transformation que nous avons observée chez une ma-

lade de la Salpètrière. G., âgée de 16 ans, entre à la Sal-

pêtrière dans le service de M. Charcot, au mois de juin 1885.

Elle présente tous les stigmates de l'hystérie (hémianesthésie

sensitivo-sensorielle, rétrécissement du champ visuel, points

liystérogènes, grandes attaques). On cherche à l'hypnotiser par

la pression sur les yeux ; la malade s'endort en léthargie et

présente tous les caractères de cet état. On cherche alors, en

lui ouvrant les yeux, à la faire passer en catalepsie, mais on

ne peut y réussir. La pression sur le vertex fait passer la ma-

lade de la léthargie au somnambulisme et on constate toutes

les propriétés inhérentes à cet étal. La malade reste ainsi

dix-huit mois à la Salpètrière et, pendant cette période, on

essaie à maintes reprises de développer la catalepsie par l'ou-

verture des yeux lorsque la malade est en léthargie. Peine

inutile. Un jour, la malade était occupée à faire de la couture;

elle n'avait pas été depuis quelque temps soumise aux expé-

riences. Un bruit violent produit par un coup de .tam-tam

dans une pièce voisine et auquel elle ne pouvait s'attendre,

détermina immédiatement chez elle l'état cataleptique. Depuis

cette époque, l'état cataleptique a pris définitivement place

dans la série des phases hypnotiques. La présence de divers

signes physiques est donc, comme nous venons de le dire, un

caractère qui est commun il la forme type et aux formes frustes

que nous avons étudiées jusqu'à présent ; elle a une impor-

tance fondamentale.

Nous devons pourtant faire observer que, dans certaines cir-

constances, ces stigmates peuvent momentanément disparaître.

C'est ainsi que, d'après MM. Tamburini et Seppili, on peut

supprimer l'excitabilité neuro-musculaire dans un membre par

l'application d'eau froide ou de glace. Nous avons observé de

notre côté que chez certaines grandes hypnotiques, quand on

provoque par suggestion le développement d'une paralysie

llaccide dans un membre, on lui fait perdre, pendant la durée

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 103

de cette paralysie, toutes les propriétés somatiques, qui per-

sistent dans toutes les'autres parties du corps.

Outre les formes de l'hypnose que nous venons de passer

en revue, il en existe encore d'autres, dont on peut augmenter

ou diminuer le nombre, suivant qu'on attache plus ou moins

d'importance à telle ou telle particularité, mais qui se dis-

tinguent toutes par un caractère commun, l'absence de phéno-

mènes somatiques. Le petit hypnotisme comprend donc deux

catégories de sujets bien distinctes; à l'une appartiennent ceux

qui présentent des caractères somatiques, à l'autre.ceux qui

en sont privés. Ces derniers peuvent être des hystériques,

mais l'absence de tout stigmate de cette névrose est chez eux

assez fréquente.

Les phénomènes psychiques qu'on observe chez ces sujets

sont quelquefois aussi accentués que chez les hypnotiques qui

présentent des propriétés somatiques ; ces sujets paraissent

être parfois aussi impressionnables à la suggestion que les

grands hypnotiques. Mais chez d'autres, le plus souvent,

d'après notre expérience personnelle, les caractères psychiques,

toujours très accusés dans le grand hypnotisme, restent ici plus

ou moins effacés, et on arrive par degrés à des variétés telle-

ment frustes qu'on peut se demander, en présence de chaque

cas, s'il s'agit du sommeil hypnotique, du sommeil naturel, ou

encore du sommeil simulé.

L'aspect sous lequel se présente l'état hypnotique est donc

variable et il y a lieu de reconnaître l'existence d'une série

d'états^ intermédiaires entre la forme type et la forme la plus

effacée.

Nous rappellerons encore que l'hypnotisme est considéré

à la Salpètrière comme un véritable état pathologique, comme

une névrose artificielle, qu'on peut à beaucoup de points de

vue comparer à l'attaque hystérique. De même que diverses

formes convulsives ou psychiques, peuvent être rattachées au

type de la grande attaque d'hystéro-épilepsie, de même les

diverses variétés de l'hypnotisme, peuvent être reliées au

grand hypnotisme.

Dans l'attaque d'hysteria major, il existe plusieurs périodes

distinctes comme dans le grand hypnotisme. Les attaques

d'hystérie peuvent dévier du type normal par l'absence d'une

ou plusieurs périodes ou par la confusion de deux périodes.

N'est-ce pas ce que nous avons vu a propos de l'hypnotisme ?

- t04' REVUE CRITIQUE.

Tous les caractères somatiques de l'attaque hystérique, con-

tractures, mouvements convulsifs, grands mouvements, etc.,

peuvent faire défaut. L'attaque est constituée exclusivement

par des troubles psychiques. L'analogie avec l'hypnotisme se

poursuit comme on le voit. Enfin, on observe parfois, chez

certains hystériques, quelques phénomènes psychiques très

vagues, accès de colère, accès de rire, de larmes, qui peuvent

être considérés comme des formes effacées de l'attaque hysté-

rique. Ces cas correspondent aux variétés les plus frustes de

l'hypnose.

Cherchons maintenant à résumer ce que nous venons de

dire, et à mettre en lumière les traits fondamentaux de la

conception de M. Charcot sur l'hypnotisme. Sa doctrine est

contenue, croyons-nous, dans les propositions suivantes :

1° Les caractères somatiques qu'on observe chez certains

sujets dans l'hypnotisme ont une importance fondamentale,

car ils permettent seuls d'affirmer légitimement l'absence de

simulation. On comprend, du reste, l'importance majeure de

ces caractères, lorsqu'il s'agit d'établir scientifiquement la

réalité des phénomènes observés, ou encore lorsqu'on entre-

prend d'obtenir expérimentalement chez un sujet donné des

résultats sur lesquels on puisse compter. : 3° Les phénomènes hypnotiques peuvent affecter un grou-

pement spécial en trois états distincts. C'est là la forme la

plus parfaite de l'hypnotisme, celle qu'on doit prendre pour

type, et à laquelle on propose de donner le nom de grand

hypnotisme.

3° Aux deux propositions précédentes s'en rattache une

troisième sur laquelle nous insisterons longuement dans la

suite de ce travail, dont elle formera môme la partie essen-

tielle, et qui consiste en ce que les propriétés somatiques de

l'hypnotisme et le grand hypnotisme peuvent se développer

indépendamment de toute suggestion.

4° L'hypnotisme doit être considéré dans ses formes les plus

parfaites comme un état pathologique.

Nous devons maintenant exposer la manière de voir de

l'école de Nancy 1, ce qui ne nécessite pas du reste de longs

développements, car elle consiste essentiellement à nier tout

ce qu'on affirme à Paris.

1 Voir l'ou\rage do M. Iiernlieim : De la s : clreslion et de ses applica-

tio s ù la thérccpeulirlue. Octavo 1)oiu, 61lUeur. Paris... -

GRAND .ET PETIT HYPNOTISME. 1O5

M. Bernheim refuse de prendre pour type de l'hypnotisme

le grand hypnotisme qui est, dit-il, une création purement

artificielle. 11 n'attribue aucune importance à l'existence des

phénomènes somatiques qui ne sont, pour lui, que l'oeuvre do

la suggestion. « Il ne fait que mentionner la contracture et la

plasticité cataleptiques, sans en indiquer les caractères si précis

et si particuliers que nous avons signalés plus haut. Il consi-

dère l'hypnose comme une propriété physiologique plutôt que

pathologique. Il ne faudrait pas croire' que les sujets impres-

sionnés soient tous des névropathes, des cerveaux faibles, des

hystériques, des femmes ; la plupart de mes observations se

rapportent à des hommes que j'ai choisis à dessein pour ré-

pondre à cette objection. » Pour M. Bernheim, la suggestion

est la clef de toutes les manifestations de l'hypnotisme. c Ce

sera, dit M. Bernheim *2, une chose curieuse dans l'histoire de

l'hypnotisme que de voir tant d'esprits distingués égarés

par une première conception erronée, conduits à une série

d'erreurs singulières qui ne leur permettent plus de recon-

naître la vérité. Erreurs fâcheuses, car elles entravent le

progrès, en obscurcissant une question si simple en elle-même

et où tout s'explique, quand on sait que la suggestion est la

clef des phénomènes hypnotiques, s

L'Ecole de Nancy conteste donc d'une façon absolue l'exac-

titude des diverses affirmations de l'Ecole de la Salpêtrière.

Après avoir exposé sommairement les doctrines des deux

écoles, nous devons maintenant chercher à mettre en lumière

les arguments que M. Charcot et ses élèves font valoir en fa-

veur de la thèse qu'ils soutiennent, et essayer de démontrer

que, malgré tant de contradictions, l'oeuvre de M. Charcot

reste absolument intacte et inébranlable. Nous allons passer

en revue les diverses propositions qui constituent les fonde-

ments de cet édifice.

L'importance attribuée à la présence des phénomènes so-

matiques est peut-être le caractère essentiel de la thèse que

nous soutenons. Nous avons vu, en effet, que ces phénomènes

somatiques ne pouvaient être simulés; c'est là une vérité ad-

mise aujourd'hui sans conteste par tous ceux qui se .sont livrés

à ces études ; c'est cette preuve matérielle de l'absence de la

simulation qui a ébranlé le scepticisme qui régnait à l'époque

Loco cilato, p. 5.

- Loco cilalo, p. 90.... .

106 . REVUE CRITIQUE.

dans le monde médical à l'égard du magnétisme animal et

qui a permis à l'hypnotisme, si longtemps repoussé par les

savants, d'entrer définitivement dans le domaine de la science.

M. Bernheim ne conteste pas non plus l'existence de ces phé-

nomènes, mais, dit-il, ils ne sont que l'oeuvre de la suggestion ;

pour ce motif, ils lui paraissent sans importance et ne méritent

pas d'arrêter longtemps l'attention. Accordons pour le moment

à M. Bernheim que les phénomènes somatiques ne puissent se

manifester que sous l'influence de la suggestion. Perdent-ils

pour cela toute leur fondamentale importance ? En aucune

façon, car ils constituent, même dans cette hypothèse, un té-

moignage de la sincérité des sujets auxquels on s'adresse, tan-

dis qu'en leur absence, il est souvent impossible de pouvoir être

absolument fixé à cet égard. Si nous prenons, par exemple, un

sujet qui présente cet état de torpeur qui caractérise le pre-

mier degré de M.Liébeault et qui consiste simplement dans un

engourdissement plus ou moins prononcé, de la pesanteur des

paupières, de la somnolence, quelle garantie avons-nous de sa

sincérité ? On ne saurait se faire aucune illusion à cet égard,

nous ne possédons vraiment en pareil cas, aucune des garan-

ties réclamées par un observateur scrupuleux et sévère. Ce

n'est pas que nous ayons l'intention de soutenir que les sujets

appartenantà cette catégorie soientfatalementdes simulateurs;

mais nous prétendons qu'il n'existe pas de preuve rigoureuse

de la réalité de leur sommeil, et ce n'est que parce que nous

connaissons des types plus parfaits que nous sommes portés à

admettre la bonne foi d'un grand nombre de ces sujets. Il ne

faut pas perdre de vue, que dans cet ordre d'études, en tant

surtout qu'il s'agit de recherches scientifiques ou de constata-

tions médico-légales, la question de preuve reste la question

capitale.

Si la réalité -de l'état hypnotique est devenue aujourd'hui

une vérité incontestable, on peut du moins, dans chaque cas

isolé, se demander si un sujet déterminé est réellement en-

dormi d'un sommeil artificiel, et doit, par exemple, bénéficier

au point de vue médico-légal de l'immunité que peut lui con-

férer cet état. Or, comment peut-on démontrer à des juges la

réalité d'une suggestion donnée ? Evidemment, c'est par la mise

en évidence des phénomènes somatiques pouvant tomber sous

le contrôle de l'observation. Une hallucination, un rêve, un

délire, un phénomène psychique quelconque, ce sont là des

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. iot

faits dont l'existence réelle ne peut être prouvée directement

tant qu'ils ne s'accompagnent d'aucun signe extérieur. La réa-

lité ou pour mieux direla sincérité des phénomènes psychiques

est incontestablement beaucoup plus difficile à établir, et sou-

vent l'expert devra rester dans le doute. Nous accordons très

volontiers que si l'hypnotisme fruste, l'hypnotisme auquel on

pourrait appliquer bien des fois l'épithète de suspect, peut au

point de vue thérapeutique donner des résultats favorables,

et nous avons nous-môme observé qu'il en est parfois ainsi,

il y a tout lieu d'en faire bénéficier les malades qui ne peuvent

être amenés à un état d'hypnotisation plus parfait. Mais ces

sujets ne nous paraissent pas assez sûrs pour servir à des

expériences relatives à des questions de physiologie ou de

psychologie. En l'absence de preuve rigoureuse de la réalité du

sommeil, les phénomènes psychiques observés doivent être

soumis à caution. Il est légitime de suspecter la sincérité de

ces sujets, et il est dès lors impossible de tirer des observations

faites sur eux aucune conclusion définitive.

Au contraire, quand on se trouve en présence d'un individu

dont le sommeil hypnotique est marqué par des caractères

somatiques, on a déjà l'assurance qu'un certain nombre des

phénomènes qu'il présente sont réels, qu'il ne s'agit pas d'un

sujet quelconque, puisqu'il a des propriétés matérielles spécia-

les qui le distinguent, qui ne peuvent être simulées, et il y a

donc lieu de supposer que les phénomènes psychiques ne sont

pas non plus l'oeuvre de la simulation '.

Si la contracture léthargique, si la catalepsie, si la contrac-

4 Xous rappelerons d'ailleurs 1 ce sujet qu'on observe chez la plupart

des grandes hypnotiques, sinon chez toutes, certains phénomènes rela-

tifs à des hallucinations visuelles qui permettent comme les caractères

somatiques d'écarter l'hypothèse de simulation lorsqu'on obtient des

résultats dès la première expérience comme on l'a observé ù la Sa)pu-

trière.

' Voici en quoi consistent ces phénomènes : ,

Si par exemple on présente à uu malade en état de suggestion une

feuille de papier divisée en deux parties par une ligne, et qu'on lui

donne sur une des moitiés l'hallucination du rouge, elle aura sur l'autre

moitié la sensation du vert complémentaire (Parinaud). - On dit à une

malade en état de somnambulisme de regarder fixement un carré de

papier blanc, et on lui suggère que ce carré de papier est coloré en

rouge ou en bleu. Au bout de quelques instants, on retire ce carré de

papier et on lui en présente un autre semblable sur lequel la malade voit

la couleur complémentaire de celle qu'on lui a préalablement fait voir

par suggestion. S'il s'est agi du rouge, le second carré de papier paiait

108 REVUE D',INATO-,IIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

ture somnambulique étaient, comme leprétendM. Bernheim,

un effet de la suggestion, eh bien ! le caractère si précis de

ces phénomènes prouverait du moins la réalité de cette sugges-

tion. Aussi, quelle que soit l'idée qu'on se fasse de la nature de

ces phénomènes, qu'ils soient oui ou non exclusivement sus-

ceptibles d'être produits par la suggestion, il nous semble qu'on

ne peut en tous cas leur refuser une importance fondamentale.

Abordons maintenant la discussion delà deuxième proposi-

tion. Le grand hypnotisme caractérisé par les trois états, lé-

thargie, catalepsie et somnambulisme, n'est pas, disons-nous,

une création artificielle. Cette proposition se lie intimement à

la suivante, celle qui consiste à dire que les phénomènes soma-

tiques, ainsi que le grand hypnotisme, peuvent.se développer

chez certains sujets, sous l'influence de certaines manoeuvres,

sans l'intervention de la suggestion. Avant de chercher à dé-

montrer l'exactitude de cette assertion, nous croyons utile

d'entrer dans quelques développements sur ce phénomène de

la suggestion dont on veut faire dépendre toutes les manifes-

tations de l'hypnotisme. (i suivre.)

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES

I. Etude sur le trajet central des nerfs vaso-moteurs;

par IIELWEG. (Arch. f. Psch., XIX, 1.)

Dans les maladies mentales, il existe invariablement des troubles

du système vaso-moteur. Or, chez OS p. 400 des aliénés, on trouve

dans la moelle, entre les cordons antérieurs et latéraux, un

triangle caractérisé par un amincissement anormal des fibres

nerveuses. C'est là, d'après l'auteur, l'anomalie congénitale pro-

vert, et il paraît jaune si l'on a suggéré à la malade l'hallucination de la

couleur bleue sur le premier carré.

1(. Charcot a montré qu'il faut avoir la précaution de déterminer avec

soin la nature de la couleur qu'on suggère ; si par exemple on se contente

de suggérer du rouge, la malade peut se représenter soit le rouge qui a

pour complémentaire le vert, soit un rouge orangé dont le complémen-

taire est le bleu. On retrouve des phénomènes analogues dans la vi-

sion mentale de certains individus normaux (\"tin1t), mais l'état hypno-

tique exalte celte propriété physiologique.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 10'J

ductrice des troubles vaso-moteurs, c'est en elle que consiste celte

prédisposition aux affections psychiques. Ce triangle offre les dis-

positions suivantes. Au haut do la moelle cervicale, il a sa base

tournée en dehors, cette base mesure 4 mill. 7 ; son sommet

arrive à mi-chemin de la corne antérieure; il parait projeté par

compression d'arrière en avant surlesracines nerveuses antérieures.

Tandis que chez les individus sains d'esprit, les fibres nerveuses y

présentent un diamètre ordinaire, chez les aliénés les fibres ne

mesurent pas plus de 4 p. à 1 M 3. Ce triangle offre en arrière

de lui une zone diffuse plus foncée que les parties adjacentes du

faisceau pyramidal et latéro-cérébelleux et formée par des fibres

du plus mince calibre. Les meilleures coupes transverses sont prises

au milieu de la colonne dorsale (11. Hehveg n'a pu le suivre plus

bas), en remontant à la commissure postérieure du cerveau. Soit

par l'anatomie, soit par l'interprétation des faits physiologiques,

l'auteur est arrivé à en rattacher les zones supérieures à l'olive

inférieure, au milieu de la calotte, dont il sort avec le ruban de

Reil, pour gagner probablement les tubercules quadrijumeaux

antérieurs. L'origine corticale devrait en être cherchée dans le

lobe occipital ou temporal. Quant à la zone diffuse, elle passe

aussi dans l'olive inférieure, et la calotte (figure ovale), et gagne,

après s'être divisée en trois trousseaux distincts, la commissure

postérieure qu'elle forme exclusivement, la couche optique et le

lobe frontal (terminaison probable). P. Keraval

II. Contribution A la question DES dégénérescences secondaires

dans LE pédoncule cérébral; par V. 13CCIfTEREI1'.(A7·CIt. f. Psych.,

XIX, 1 .)

Il existe une espèce de dégénérescence descendante qui se dirige

du genou de la capsule interne aux tubercules quadrijumeaux. 11

en existe une autre qui occupe le segment médian de la couche

du ruban de Reil et se prolonge dans la portion inférieure du

noyau réticulaire (de Bechterew) au niveau du plan inférieur de

la protubérance} ce qui prouve que le segment en question ne se

termine pas dans la couche intermédiaire des olives. L'atrophie

de la portion externe du ruban de licil principal, doit être proba-

blement mise sur le compte de l'atrophie du noyau originaire du

cordon cunéiforme du côté opposé. Le segment médian du ruban

de Reil prend racine dans les ganglions de la base (noyau lenticu-

laire2),.le segment externe de ce ruban vient du giobuspaliidus du

noyau lenticulaire ; rien ne prouve leur origine dans l'écorce. P. K.

11f. EXAMEN IIISTOLOGIQUË d'un CS DE rage ; par K. SciirFEn.

(drclv. r, Psych., XIX, 1.)

Examen de la moelle d'une femme de quarante ans atteinte de

J'IO revue d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

rage un mois après la morsure, et morte en trois jours. Myélite

aiguë ascendante. Diapédèse et dissémination excessive de leuco-

cytes envahissant la substance grise ; on en trouve partout, autour

des vaisseaux ou dans la corne antérieure, en grappes encadrant

~les groupes de cellules et les capillaires, oblitérant le canal central

sur toute sa hauteur. Infiltration pigmentaire des grandes cel-

lules nerveuses des cornes antérieures, avec atrophie de quelques-

uns de ces éléments, et espaces péricellulaires très augmentés ; les

petites fibres de cette région ont disparu. Dans les cornes posté-

rieures, il n'y a plus que quelques cellules éparses. Les trousseaux

de fibres nerveuses ont perdu leur myéline et les cylindraxes dégé-

nérés ressemblent à des cheveux roulés sur eux-mêmes en spirale.

On constate encore un foyer apoplectique circonscrit; de véritables

pertes de substance criblent les cordons postérieurs, et les cor-

dons antéro-latéraux au pourtour des cornes grises. Hyperplasie

par places de la névroglie. Par-ci par-là, quelques corpuscules

sui eno, représentanls des produits de destruction, indemnes de

substance amyloïde. P. K.

IV. DES altérations PROGRESSIVES DES CELLULES NERVEUSES dans LES

inflammations. Appendice relatif aux altérations actives des cyltla-

draxes; par M. Friedmann. (Arch. f. Psych., XIX, 1.)

Expériences sur des lapins et des moineaux (action des causti-

ques). D'après ces recherches; l'hypergénese des noyaux ne serait

pas démontrée dans les cellules nerveuses pyramidales. Dans l'in-

flammatiou de la substance grise du cerveau, ce sont les cellules

fondes dont les noyaux se multiplient. Dès le troisième jour qui

suit la cautérisation, le protasplasmé du corps de celles des cel-

lules pyramidales qui possèdent encore leur forme et leurs pro-

longements normaux, au lieu de conserver la striatrion, devient

un beau réseau à larges mailles, qui prend un ton de plus en

plus clair ; la trame du noyau participe à l'altération. Tel est le

rajeunissement ou retour à l'état embryonnaire des cellules. Pour

que le noyau se divise, il faut que les cellules nerveuses se soient

transformées en gros éléments ronds semblables à des cellules

granuleuses. Quoi qu'il en soit, ce sont surtout les granulations

normales des couches cérébrales du système nerveux et non les

grosses cellules des cornes antérieures qui sont le plus capables

de ces modifications actives. Il n'est pas prouvé que les cylindraxes

subissent de semblables altérations actives. P. K..

V. Altération DES centres nerveux dans un ,C1S DE paralysie

infantile cérébrale; par WALLENBERG. (Arch. f. Psych., XIX, 2.)

Observation de paralysie cérébrale infantile, suite d'endocardite.

Accidents datantde l'âge de six ans; autopsie à de quarante-

REVUE D'ANAtOMtE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 111 i

neuf ans. Sorte de lésion systématique combinée, caractérisée par

la dégénérescence de diverses parties des cordons postérieurs et

la perte de fibres dans les faisceaux cérébelleux et pyramidaux ;

en même temps atrophie de cellules nerveuses au sein des co-

lonnes de Clarke. Mais l'hémiplégie unique du malade, la locali-

sation des lésions des cordons postérieurs à la moitié supérieure

de la moelle, au contraire la généralisation de celles des cordons

latéraux à toute la longueur de l'organe, l'analogie des altéra-

tion avec celles du pédoncule cérébral , leur forme au sein des

cordons postérieurs , l'absence d'ataxie et de lésions transversales

permettent d'éliminer l'idée de toute affection exclusivement et

primitivement spinale. En revanche, le foyer d2c pédonc2tle cérébral

gauche (kyste apoplectique) explique par son âge, son étendue,

sa nature, les altérations de la moelle; il se rattache lui-même e

à une embolie. P. KERAYAL.

VI. DES variations dans LE degré DE développement des vaisseaux

ENCÉPHALIQUES ET DE L'IMPORTANCE DE CES FLUCTUATIONS AU POINT

DE VUE PHYSIOLOGIQUE but P.1TIIOGÉNÎ : TIQUE; par L. LOEWENFËLD.

(Arch. f. Psyclt., RV111, 3.)

Le rapport entre le diamètre des artères et le poidsde l'eiicéplialo

est, dans les conditions normales, sujet à des fluctuations très con-

sidérables. Mais, dans l'immense majorité des cas, l'artère carotide

gauche présente le plus grand diamètre. Cela n'implique pas une

moindre irrigation de l'hémisphère cérébral droit, à raison des

communicantes et du cercle de Willis. Mais il est bon de rappro-

cher ce fait de l'excès de développement habituel de l'hémisphère

gauche. M. Loewenfeld a en outre tenté à l'aide de mesures prises

sur plus de deux cents cas, d'établir une répartition des deux

valeurs diamétrales additionnées des carotides et des vertébrales

(quotité vasculaire) par rapport à cent grammes de cerveau, de

façon à obtenir une sorte de coefficient de la largeur relative des

vaisseaux encéphaliques et par suite une sorte d'indice d'irrigation.

Nous ne voyons pas que les résultais soient encore bien précis.

P. IEIt 1\' : 1L.

VII. Contribution A l'étude DES lésions DE L\ zone motrice DU

cerveau; par 1V. Koe.nig. (Arc/i. f. Psych., VIII, 3.)

Deux observations. Observation I. Jeune dément de trente-

quatre ans ayant présenté longtemps, à la suite d'une chute, de

l'hémiparésie droite de la face, de la langue, des extrémités,

avec analgésie et aphasie motrice, suivie d'affaiblissement pro-

gressif des facultés. Autopsie. Sclérose des ascendantes gauches,

de l'opercule, du segment postérieur de la troisième frontale du

même côté. En outre, et toujours à gauche, hématome dure-

1112 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

mèrien, hydrocéphalie externe et interne, inflammation granu-

leuse de l'épendyme. Les cellules et les fibres de l'écorce out dis-

paru ; intégrité de la substance blanche. Observation Il. Epilep-

sie corticale. Tumeur du cerveau. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

1. La théorie de l'incohérence avec désordre dans LES idées ;

° par \\'rLLG. (Arch. f. Psych., XIX, 2.)

La France ne possède pas seule le privilège des discussions

terminologiques en matière de psychiatrie. Dans la folie systé-

matique aiguë hallucinatoire, des auteurs allemands, M. Wille

se préoccupe du symptôme qu'il considère comme principal, de

l'enchevêtrement dans hs idées dû à la multiplicité des hallucina-

tions et des conceptions délirantes qui se pressent et se transfor-

ment au gré des images morbides. Nous ne voyons pas qu'il y ait

lieu de démarquer ni de subdiviser l'entité dont nous connaissons

non seulement les types mais les variantes selon qu'on se trouve

en présence d'une des trois classifications de MM. Schuele, de

Krafït-Ebing, Meynert. M. Wille retire de ces trois classifications

un certain nombre de faits et les élève à la dignité d'entité

morbide nouvelle sous le nom de confusion psychique. P. K.

II. DE L1 folie systématique originelle (type S.1\DRn) j

par CL. 1\'r[SSLR. (A ? -eh. f. Psych., XIX, 2.)

L'auteur apporte quelques modifications aux idées de Sander.

L'hérédité aurait, d'après lui, moins d'importance ; les hallucina-

tionssingulièrement associées forment un fonds bigarré où puisent

les conceptions délirantes du malade ; celui-ci tronque ses souve-

nirs et brode avec ces éléments morbides un système merveilleux

relatif à sa propre origine. L'auteur propose, pour cette modalité

à tendance héroïque, le nom de paranoïa confabulans. Inté-

grité de l'intelligence; il faut rayer de cette maladie l'expression de

désordre dans les idées avec incohérence, surtout si l'on y prétend

voir de l'affaiblissement des facultés. P. K.

111. DE la FOLIE alternant avec l'asthme Par Co-

nolly Norman. (Tlee Journal of àlent(il science, avril 188 ? )

L'auteur relate sept observations dans lesquelles on constate une

alternance bien marquée entre les symptômes pulmonaires et les

symptômes mentaux. En effet dans la première, l'asthme chro-

revue DE Pathologie mentale. 113

nique disparaît lorsque la folie s'établit, et reparait dès que le

trouble mental devient chronique. Dans la seconde, l'asthme sup-

prime et remplace une crise d'aliénation. Dans la troisième, un

asthme habituel disparait pour faire place à la folie, qui disparait

à son tour dès que les crises d'asthme se montrent de nouveau.

Dans la quatrième, l'asthme chronique cesse chez un imbécile,

lorsque éclate une attaque aiguë de folie, pour reparaitre quand

celle-ci est passée. Dans la cinquième, l'enchaînement des faits

est analogue à la troisième. Dans la sixième, un asthme chronique

s'atténue et finit par disparaitre au sur et à mesure que la folie

s'établit. L.

Dans deux de ces cas la folie se présentait sous la forme de la

mélancolie aiguë ; dans un autre, il s'agissait de manie aiguë :

dans les quatre autres cas, on avait affaire à des affections mon-

tales chroniques de dégénérescence plutôt qu'à des étals aigus.

L'auteur rappelle que des faits analogues ont été observés c rap-

portés par le Dr Savage et le Dr Kelp. R. M. C.

IV. CONTRIBUTION A l'étude DES maladies DE l'appareil CIR-

CULATOIRE chez LES aliénés, par T. DUNCAN GREENLEES.

(7'/te Journal of Mental science, octobre 188S.)

Ce mémoire très intéressant, très nourri de faits, et qui a

obtenu le prix de l'Association médico-psychologique, se

résume dans les conclusions suivantes : .

10 Les affections cardiaques se rencontrent plus fréquemment

chez les aliénés que chez les sujets sains d'esprit.

2° Cette augmentation de fréquence est en partie réglée par la

fréquence des affections cardiaques parmi la population saine

d'esprit résidant au voisinage de l'asile où est faite l'observation.

3° Les affections cardiaques sont plus fréquentes chez les aliénés

des comtés dans lesquels le rapport du nombre des aliénés au

nombre des sujets sains d'esprit est le plus élevé.

4° La distribution des affections cardiaques chez les sujets sains

d'esprit est réglée par la position géographique, les influences

diététiques et autres, agissant comme causes prédisposantes. Des

conditions analogues paraissent exercer une influence sur la fré-

quence des affections cardiaques chez les aliénés.

50 La différence numérique entre les affections cardiaques chez

les aliénés et ces mêmes affections chez les sujets sains d'esprit

n'est pas considérable, si on prend une vue d'ensemble de la qites-

lion ; en effet, les maladies du coeur donnent une mortalité de

8,72 p. 100 chez les derniers et de 9,3G chez les premiers.

60 Il résulte des observations que j'ai recueillies à l'asile, que

les affections cardiaques se rencontrent chez 12,94 p. 1110 des

Archives, t. XVII. 8

114 revue DE pathologie mentale.

aliénés vivants et qu'elles causent la mort dans 13. ! il p. 100

des décès. Tant à l'époque de l'entrée à l'asile qu'a l'époque de la

mort, Cage du plus grand nombre des malades porteurs de mala-

dies du coeur était compris entre C70 et 70 ans.

7° Les symptômes cliniques du reflux mitral chez les aliénés

vivants, et ceux d'une affection mitrale avec hypertrophie à gauche

à l'autopsie, constituent les affections les plus communes.

8, Le coeur est plus lourd chez les aliénés que chez les sujels

sains d'esprit et cette augmentation de poids se remarque plus

spécialement dans la paralysie générale, où le coeur est très sou-

vent hypertrophié.

9° Dans beaucoup de cas de folie, la circulation générale est

paresseuse et les extrémités sont froides, livides ou même enflées.

Cet état est surtout fréquent dans les cas chroniques ou avancés.

10° Les artères sont fréquemment malades chez les aliénés ;

mais si l'on tient compte de l'âge, la dégénérescence athéroma-

teuse des tuniques artérielles ne paraît pas être plus précoce que

chez les sujets sains d'esprit. Cependant, dans la paralysie géné-

rale, l'épaississement des tuniques artérielles, ou même la dégéné-

rescence athéromateuse des artères cérébrales se manifeste d'une

façon absolument indépendante de l'âge et parait être influencée

plutôt par la durée de la maladie que par l'âge du malade.

11° Chez les sujets sains d'esprit, les affections cardiaques

paraissent exercer une influence considérable sur l'esprit, au point

de modifier le tempérament et de changer le caractère du malade;

ces modification-; peuvent devenir assez importantes pour que les

phénomènes psychiques auxquels elles donnent lieu soient ceux

de la folie véritable.

12° Non seulement les affections cardiaques modifient le type

et les délusions de la folie, mais il existe encore certains cas d'a-

liénation dans le : quels il est impossible d'assigner à l'aberration

mentale une autie cause que la lésion cardiaque ou le trouble

général de l'appa eil circulatoire : dans les cas de cet ordre, il

n'est pas douteux que la lésion cardiaque joue le rôle d'une cause

prédisposante à la folie.

Le mémoire se termine par quelques considérations sur la

structure des vaisseaux cérébraux à l'état sain et dans quelques

formes particulières d'aliénation. R. M. C.

V. Fracture DC sept côtes, reconnue après la mort, chez un

malade d'asile, par Ilanax A. 13h\11.1x. (Tite Journal of Mental

science, 5 aviil 188.)

La terreur qu'inspirait à ce malade le moindre contact lors de

son entrée à l'asile attira l'attention de l'auteur, qui soupçonna,

sans pouvoir rien découvrir à cet égard, un traumatisme anté-

SOCIÉTÉS SAVANTES. Ho

rieur. Le malade fut soumis à une surveillance très étroite, en

sorte que toute idée de violences subies à l'asile peut et doit être

écartée. Il succombabientôt à l'affection cérébrale qui avait motivé

son internement, età l'autopsie on constata que sept côtes étaient

fracturées; ces fractures n'étaient accompagnées d'aucun dépla-

cement. On apprit qu'avant son entrée à l'asile, ce malade, qui

était aveugle, s'était livré chez lui, à des actes de violence, tels

que bris de meubles et démolition d'une partie du toit de sa

maison. C'est probablement en accomplissant ces actes délirants

qu'il s'élait fracturé les côtes, dont le tissu osseux était d'ailleurs

dans un état de' dégénérescence très accusé. L'auteur a pensé qu'il

y avait intérêt à publier ce fait, parce que, lorsqu'on rencontre

des fractures de côtes, à l'autopsie d'un malade interné dans un

asile, on est naturellement enclin à accuser le personnel de l'asile

de violences intentionnelles ou non. Le cas actuel montre qu'il y

a des cas où ce personnel ne doit pas être incriminé, et où, en

faisant remonter l'enquête jusqu'à une période antérieure à l'ad-

mission du malade, on peut préciser l'origine des lésions consta-

tées. ' R. M. C.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ 11LDIC0-I'SiYClIOLOGlQUI : .

Séance du 29 octobre 1888. Présidence de M. COTARD.

Des dangers de l'hypnotisme. M. Séglas communique l'obser-

vation d'une hystérique affectée de troubles intellectuels d'une

certaine gravité et consécutifs à des tentatives d'hypnotisme pra-

tiquées par un magnétiseur.

M. 13ltIAND. La lievue de l'hypnotisme a publié dans un de ses

derniers numéros une observation analogue recueillie par mon

interne AL Lewolf. J'ai en ce moment même, dans mon service,

une autre malade qui a été prise d'hallucinations avec idées de

persécution à la suite d'une séance chez un hypnotiseur, Il est à

craindre que ces faits ne soient pas aussi rares qu'on le pense.

Rapport sur la clussificatiorz des maladies mentales, M. Garnier,

se tenant le plus possible à l'écart de toute discussion dogmatique,

rappelle que les essais de classification se sont adressés tour tour

à l'anatomie pathologique, aux lois de la psychologie normale

transportée dans le domaine de la psychologie morbide, à al

116 Sociétés savante^.

symplomatologie, à l'étiologie ou palliorénie. Il est résulté, ce qui

s'observe si souvent, l'application d'une théorie exclusive. Pour

chacune de ces méthodes de classement, on a été entraîné à

outrepasser les limites rationnelles ; on a obligé les faits àse plier

à l'esprit de système, car aucune d'elles ne se prêtait complète-

ment à l'esprit de généralisation qu'on poursuivait. Mais l'obser-

vation exacte reprend toujours ses droits, et les faits s'échappent

d'eux-mêmes des formules impropres ou trop étroites, où l'on a

voulu les enfermer.

C'est pour éviter ces menus écueils que la Commission a élaboré

une classification mixte, étayée sur une base composée de quatre

éléments : anatomie, étiologie, symplomatologie, évolution morbide.

Ainsi se trouve constituée la classification établie en 1883 par

M. Magnan et dont voici le tableau comparé avec la classification

proposée pour la statistique internationale par la commission

du congrès d'Anvers (1885).

SOCIÉTÉS SAVANTES. 'il7

Vous penserez sans doute comme nous, dit M. Garnier, qu'il

convient, pour répondre à l'appel qui nous est fait de nous tenir

autant que possible sur le terrain où l'accord est le plus près de

se faire, et je crois qu'il y a place pour une entente internationale

sur les bases indiquées, où déjà elle a commencé si manifestement

à s'opérer. Nous ne présentons rien là qui soit définitif et im-

muable, bien entendu; mais nous pouvons croire que la classi-

fication proposée donne l'expression des idées modernes et se

trouve en rapport avec le niveau de nos connaissances actuelles

en pathologie mentales. Nous estimons qu'elle peut représenter

dignement à l'étranger l'état de la science française et af-

firmer une fois de plus son bon renom dont vous êtes légitime-

ment fiers.

M. 111.aAnoov de lllOirTYEL pense qu'une classification écolo-

gique des maladies mentales est non seulement possible, mais est

la seule possible. Des quatre méthodes de classification jusque-là

tentées, la méthode symptomatologique et la méthode fonction-

nelle ne résistent pas à l'examen, la méthode anatomo-patholo-

gique est encore une impossibilité : M. Luys, le seul auteur qui ait

osé baser sur elle une description des maladies mentales, a pris

une... hypothèse pour point de départ. La méthode étiologique

résisterait donc seule si l'on n'avait parlé des classifications mixtes.

C'est une classification de cette nature que M. Garnier nous pro-

pose au nom de la commission. De l'aveu même du rapporteur,

cette classification est une attente. Pour l'accepter, encore fau-

drait-il, au moins, être certain de la nécessité de s'y résigner ! il

n'en est rien, car la classification étiologique est possible en prin-

cipe et en pratique. En principe, deux objections se sont élevées :

l'une de lierthier qui est puérile (il s'agit de la difficulté d'obtenir

des renseignements précis) ; la seconde de Falret père qui insiste

sur la multiplicité des causes dans chaque cas et sur la difficulté

de distinguer la part de chacune. Difficulté ne veut pas dire im-

possibilité. M. Alaraiidoii de Montyel termine en demandant que la

société se rallie à la méthode étiologique d'abord parce qu'elle

est la vérité, ensuite parce que cette vérité se trouve être un

émanation de la science française.

M. A. Voisin pense que la manie et la mélancolie ne devraient

pas figurer comme entités morbides. Il croit que, dans la classi-

fication mixte proposée par M. Garnier, une assez large place n'a

pas été accordée à l'anatomie pathologique. Celle-ci aurait cepen-

dant permis de démontrer qu'il existe précisément plusieurs

formes de manie et de mélancolie. La manie reconnaîtrait comme

cause, selon M. Voisin, diverses sortes de lésions, de la connexité des

hémisphères cérébraux ; on trouverait de même dans la mélancolie

des lésions de la base microscopiduement différentes.

1 18 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. J. Séglas présente l'observation tombée en état de mal hys-

térique à la suite de tentatives d'hypnotisme faites par un ma-

gnétiseur. Le fait de l'éclosion ou de l'aggravation de manifesta-

tions hystériques, somatiques ou psychiques, à la suite de tentatives

d'hypnotisme. Ce fait est très évident chez cette malade qui est

tombée alors dans un état mental particulier et dont les attaques

débutant à ce moment ont revêtu, par suite d'un phénomène

d'auto-suggestion, un caractère spécial leur donnant l'apparence

de certains étals hypnotiques. D'ailleurs, cette malade n'a jamais

dormi et ce pseudo-hypnotisme ne consiste en réalilé qu'en des

attaques hystériques d'une allure un peu particulière dans les-

quelles elles sont apparues, la malade ayant l'apparence d'une

cataleptique, mais étant en réalité plus ou moins conlraclurée.

La confusion, qui a été faite d'ailleur4, était d'autant plus possible

à un examen superficiel que la malade était suggestihie à l'état de

veille. D'un autre côté, si la suggestion à l'état de veille a pu

avoir ici quelque action curalive, toute tentative d'hypnotisme,

dans quelque but qu'elle soit faite, est formellement contre indi-

quée. Ces considérations diver-es, ainsi qu'une fugue de la

malade, hors de son domicile pour aller rejoindre le magnétiseur,

prouve le danger de l'hypnotisme entre les mains de gens inex-

périmentés ou peu scrupuleux, dont les manoeuvres constituent

un danger pour la. santé publique et doivent être sévèrement

réprimées. Marcel 13w.nn.

Séance du 16 novembre 1888. l'fi 1 nn M. Cotard.

Congrès international de médecine mentale. )I. LI : SECnÉrvnF

général fait connaître les résultats des travaux du comité d'orga-

nisation du Congrès international de médecine mentale de 1889.

Ce congrès se tiendra au grand amphithéâtre de la faculté

de médecine du 19 au 24 août. Il comprendra des membres fon-

dateurs qui sont les membres titulaires de la société et des

membres adhérents français et étrangers. La souscription des

fondateurs est fixée à 2'i Irancs, celle des adhérents français à

20 francs; celle des adhérents étrangers à 1,; francs. Les travaux

du congrès se composeront :

Io De communications sur les questions proposées par le

comité ; 2" de communications sur des sujets étrangers au pro-

gramme, mais relatifs à la pathologie mentale.

Le comité a arrêté le programme suivant :

a. Pvliaologie 7nenlole.-Obsessions avec conscience (iutellec-

tuelles, émotionnelles et instinctives). Rapporteur M. Faire[.

L. Législation. Législation conyaiée sur le placement des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 119

aliénés dans les établissements spéciaux, publics et privés.

Rapporteur M. Bail.

c. Médecine légale. De la responsabilité des alcoolisés.

Rapporteur M. Motet.

Pour faciliter les discussions, les rapports sur ces différentes

questions devront être publiés dans le n° de mai des annales

médico-psychologiques1. Les membres du congrès qui désireront

prendre la parole sur ces questions du programme, ou faire des

communications sur d'autres sujets, devront se faire inscrire au

plus tard le 15 juillet. Vingt minutes seront accordées pour

chaque communication.

Deux séances auront lieu chaque jour : une le matin et une

autre le soir. Celle du soir sera consacrée à la discussion des

questions du programme et à la lecture des communications

étrangères au programme ; celle du malin sera réservée à la

discussion des intérêts professionnels.

Le rapport de M. le secrétaire général est adopté et la Société

fait des voeux pour que le congrès de 1889 obtienne le même

succès que celui de 1878.

Morphinomanie guérie par suppression brusque du poison.

M. Christian communique la très intéressante observation d'un

morphinomane qui en était arrivé à s'injecter concurremment

avec de la cocaïne la dose énorme de 3 grammes de morphine

par jour. A son arrivée dans le service de M. Christian, la mor-

phine lui a été supprimée brusquement malgré ses supplications

les plus vives. On n'a pu faire longtemps usage de la spartéine

parcequ'elle a déterminé très vite des vomissements. Le malade a

guéri sans incidents. M. Christian termine sa communication par

un aperçu sur l'opportunité de la séquestration des morphino-

manes.

M. 13.r,u n'est pas surpris des troubles gastriques signalés par

AI. Christian. L'estomac supportant mal la spartéine, il vaut

mieux l'administrer par voie hypodermique.

M. l3 : Trt a vu guérir sans accidents, par suppression brusque,

des individus déjà traités sans succès par la démorphinisalion

progressive.

M. l3nmu est partisan de la suppression brusque. Les morphi-

nomanes qu'il a pu suivre ne sont pas faits pour modifier sa

manière de voir à cet égard, étant donné surtout la grande

difficulté qu'on éprouve à diminuer les doses avec certitude. Il

est toutefois des précautions élémentaires qu'il ne faut pas négti-

3 Nos lecteurs trouveront en temps voulu le résumé de ces rapports

dans notre compte rendu des séances de la Société médico-psycholo-

(.Vole de la rédaction.)

'120 a SOCIÉTÉS SAVANTES.

tes de prendre : soutenir le malade en lui administrant des

toniques et surveiller attentivement le coeur. Si le patient avait

des tendances syucopales, la digitale, la caféine, la spartéine et

autres agents du même ordre suffiraient rétablir l'équilibre. La

cocaïne que s'injectait le sujet de M. Christian me rappelle

ajoule-t-il, deux malades de mon service qui, elles aussi, avaient

pris l'habitude dans les derniers temps de mélanger la cocaïne à

leur dose quotidienne de morphine : Je n'ai pas présentes à l'es-

prit les quantités auxquelles elles m'étaient arrivées, mais ce qui

est certain, c'est que chez l'une et chez l'autre, peu de temps

après avoir fait usage de cocaïne, de singuliers troubles de la

sensibilité ont fait leur-apparition : c'étaient d'abord de petites

secousses convulsives et très courtes des muscles sous-cutanés,

plus fréquentes dans la région du dos, qui donnaient au malade

la sensation d'un léger choc. Plus tard, quand survinrent les hal-

lucinations de l'ouïe, les patients éprouvèrent la sensation d'une

main leur frappant sur l'épaule en même temps qu'une voix les

appelait. Plus tard enfin, se montrèrent d'autres troubles de la

sensibilité : il leur semblait qu'elles marchaient sur du coton. On

a pu constater aussi, chez l'une et chez l'autre, des plaques d'anes-

thesie cutanées liées à l'hystérie, laquelle se manifestait encore par

les modifications habituelles du caractère et un rétrécissement

notable du champ visuel. Y a-t-il entre les injections de cocaïne

et les premiers phénomènes une relation de cause à effet ? Je

n'ose le dire, mais j'ai cru qu'en tout cas le fait méritait d'être

rappelé.

Pour ce qui est de l'opportunité de la séquestration des morphi-

nomanes, il n'y a qu'à leur appliquer les mesures applicables aux

buveurs. Tant que le buveur ou le morphinomane ne délirent

pas, on n'a aucune raison de les séquestrer à moins qu'ils ne le

demandent. Mais dès que surviennent des hallucinations, la loi

commune aux autres aliénés leur devient applicable.

M. CIIIlISTI.1\. Mon malade ne m'a parlé d'aucune de ces sensa-

sions ; il est vrai que mes investigations ne se sont pas portées de

ce côté.

M. Legrain pense que dans certains cas, la séquestration du

morphinomane peut être légitimée avant môme qu'il n'ait des

hallucinations, car on doit le considérer comme un malade hanté

par des obsessions sous l'influence desquelles il peut réagir dan-

gereusement.

M. Ballet. Je ne nie pas que la démorphinisation progressive ne

soit bien difficile à régler. Personne, je crois, ne nie davantage

aujourd'hui qu'on ne puisse dans certains cas, supprimer brusque-

ment la morphine, mais il faut cependant se rappeler aussi que

cette méthode peut être suivie d'accidents Est-il possible de

SOCIÉTÉS SAVANTES. '121'

soigner et de guérir les morphinomanes en ville ? -Je ne le pense

pas, à cause de la facilité qu'ils ont de se procurer leur poison

favori. Mais doit-on pour cela les séquestrer dans un asile d'alié-

nés ? Cette mesure me semble bien excessive. Il existe entre la

famille et l'asile d'aliénés, des maisons de santé, où il est aisé de

faire assez bonne garde autour du patient pour l'empêcher de

continuer ses piqûres.

M. Christian. Si le malade veut bien entrer dans l'une de ces

maisons de santé ouvertes, rien de mieux, mais s'il s'y refuse,

l'abandonnerez-vous à ses impulsions ? ` ?

M. ne croit pas que la loi autorise à séquestrer malgré

lui, un morphinomane, sous le seul prétexte que ses pratiques sont

dangereuses pour sa santé.

M. Piciio,4 a observé dans les asiles, une vingtaine de morphi-

nomanes traités par la démorphinisation progressive; donc, elle

est possible. Il en a d'ailleurs publié un grand nombre d'observa-

tions et n'a qu'àse louer des résultats obtenus.

M. Riu cite deux observations : une première malade, de qua-

rante ans, entrée à l'asile dans de mauvaises conditions physiques,

avec des hallucinations de l'ouïe consécutives à des injections

hypodermiques de morphine, qu'elle se faisait depuis deux ans.

Traitée par la suppression brusque, elle a eu pendant six mois des

vomissements. Les hallucinations ont persisté pendant un an. Le

malade a guéri au bout de quinze mois.

La seconde observation est relative à une jeune hystérique de

vingt-trois ans, dont les attaques augmentaient de fréquence en

même temps que s'élevaient les doses du poison. Traitée par la

suppression brusque, elle a eu dès le deuxième jour des vomisse-

ments et aussi des selles diarrhéiques. Peu après, elle se plaignit

de crampes dans les mollets, de contractures des muscles lom-

baires et de fourmillements à la plante des pieds et à la paume

des mains. Le dixième jour, tous ces phénomènes disparaissaient.

La malade n'a plus d'attaques et on peut la considérer comme

guérie.

Classification des maladies mentales. (Suite de la discussion.)

M. DAGOpOE'r développe la thèse suivante : Il ne croit pas que l'évo-

lution morbide puisse servir de base à une classification des ma-

ladies mentales, parce que d'abord, il est impossible de prévoir

l'évolution d'une maladie, en l'observant à son début et ensuite,

parce que beaucoup de psychoses n'évoluent pas. Les lésions ana-

tomiques que M. A. Voisin parait considérer comme facteur, ne

doivent pas davantage entrer en ligne de compte, parce que le

plus souvent ces lésions n'existenl pas. La cause des maladies men-

tales presque toujours insaississable, il s'ensuit que l'étiologie

proposée par M. Marandon de doit, elle aussi, être écar-

129 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tée de toute classification. Comme conséquence, M. Dagonet pro-

pose de s'en tenir à la classification de Baillarger. M. B.

LUI, CONGRÈS DE L'ASSOCIATION DES MÉDECINS ANGLAIS

SECTION DE PSYCHOLOGIE.

. \I. le Dr SavIES C. lIoNDEN Le traitement de l aliénation mentale

L'orateur y retrace les progrès faits depuis vingt ans dans le trai-

tement des diverses affections mentales, dus en grande partie à

la connaissance des lésions cérébrales pour une partie d'entre elles :

Le système des aliénés pensionnaires chez les habitants adopté en

Angleterre est défendu par le Dr Turnbull, et vigoureusement com-

battu par la plupart des médecins aliénistes, tels que MM. llack-

Tuke, Yellowlees, Richardson etc. Le nombre des malades qui

peuvent être ainsi placés chez les paysans est relativement restreint

et leur présence peut y être un danger. D'un autre côté ces mal-

heureux sont parfois exploités par leur gardien. La plupart des

médecins réclament la formation de colonies annexées aux grands

asiles, pour y placer les aliénés tranquilles, colonies où la dépense

occasionnée par les malades sera moindre que celle qu'ils entrai-

neraient dans les seconds. Le D'' J. Wiglesworth considère

la monomanie comme due à une lésion des plexus cérébraux

chargés du contrôle et de la coordination. Ces lésions débute-

raient par les régions inférieures de l'encéphale, se manifestant

par des troubles des sens. L'orateur se base .')Ur ce que l'affection

commence par des hallucinations puis desillusionsavecconserva-

tion de la mémoire et des facultés de raisonnement. Ces phéno-

mènes de monomanie accompagneraient fréquemment l'ataxie

locomotrice lorsque se produisent les lésions des centres optiques.

Le D'' Conolly Norman admet que la monomanie existe souvent

sans hallucinations; pour lui c'est une alloclioti des dégénéré',

dont la lésion réside dans des malformations des circonvolutions

cérébrales. Le D'' Campbell Clark amène la discussion sur les ? -ela-

tions entre la folie et les fonctions sexuelles et de reproduction. Les

principaux points de ces relations portent sur la menstruation,

l'instinct sexuel et ses abus, la grossesse, la parturiton, la période

puerpérale, la lactation, l'onanisme. Les questions suivantes sont

discutées : folie de la masturbation, influence de celle-ci sur l'intel-

ligence, troubles nerveux et mentaux de la grossesse, manie tran-

sitoire pendant le travail, éclampsie puerpérale et aliénation

mentale, symptômes prémonitoires de la folie puerpérale. Dans

le même ordre d'idées, le D'' IL Sa v mie entretient le congrès des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 123

troubles mentaux associés aux engagements matrimoniaux : mélan-

colie, folie érotique ou religieuse, se manifestant chez des indi-

vidus nerveux, chez les dégénérés. Tous les troubles mentaux de

l'adolescence et de la puberté, sont pour le D1' Clonston insépa-

rables de la céphalalgie, de la chlorose, de la chorée etc., et sont

sous la dépendance d'un manque de développement de l'encé-

phale. La masturbation ne peut engendrer la folie que chez un

dégénéré.. Pour le D1' Wiglesworth c'est la dernière qui est la

cause de la première; il mentionne l'association de la folie puer-

pérale à la septicémie. Le Dr A. Apelin n'a pas observé l'ozène

chez les filles se livrant à la masturbation, comme on l'avait si-

gnalé précédemment, saut dans le cas de lésions des os du nez.

La paratdéhyde, la quinine, et l'acide salicylique ont donné des

résultats entre les mains delà plupart des médecins, dans ces cas

de folie d'origine sexuelle.

A propos de la construction des asiles, le 1)" Clonston expose les

qualités qu'on doit chercher à obtenir dans ces édifices. Le

Dr Francis Warner émet le désir que des médecins soient dési-

gnées, pour examiner les enfants des écoles, au point de vue du

développement de leur cerveau et de leur état intellectuel. Cet

examen se déduirait de la conformation du crâne, des déforma-

lions ou malformations des membres, enfin des différents signes de

troubles nerveux ou de dégénérescence. Ces recherches élimine-

raient de l'école un certain nombre d'enfants faibles d'esprit qu'on

pourrait instruire dans des écoles spéciales. Le D1' FLETCUER

reacii reconnaît que le cerveau des imbéciles présente plus souvent

des circonvolutions d'un volume réduit, que de l'hydrocéphalie,

des tumeurs, de la sclérose, etc. L'hydrocéphalie peut être congé-

nitale ou acquise. L'hypertrophie cérébrale, affection rare est due

d'après Hokitansky à une augmentation delà substance iutereellu-

laire ; elle est congénitale et se manifeste par des maux de tête

intenses, pouvant entraîner le coma, delà paresse intellectuelle,

de la difficulté à marcher et des convulsions. L'atrophie cérébrale*

est due à un développement incomplet ou à une destruction des

éléments nerveux. Dans la microcéphalie, les nerfs des sens, les

ganglions de la base sont normaux ou presque normaux, le cer-

velet est relativement plus développé que normalement. Une autre

forme d'atrophie est celle qui siège sur un hémisphère avec atro-

phie des membres du côté opposé ; cette lésion aurait pour l'au-

teur comme cause primitive, une inflammation des méninges pen-

dant la vie fajlale ou l'enfance. Le D1' Benedikt oppose ses résultats

Clil21(2leS ORte7t2lS p«r' la crcarziométrie et l« céphaloscopie clmas les

maladies mentales et cérébrales. ·

Le D'' Hack-Tuke admet que dans la production d'une idée sen-

sorielle assez forte pour produire unc leo.'f«cin t(iun non exlério-

124 SOCIÉTÉS SAVANTES.

risée, l'excitation peut ne pas dépasser l'écorce cérébrale. Si elle

s'extériorise, les organes des sens et leurs nerfs peuvent ne pas

être impressionnés, mais alors il peut se produire un courant

rétrograde vers le sensorium. Pour le D1' Robertson le siège de

l'hallucination peut être au niveau des organes des sens, des gan-

glions cérébraux et de l'écorce cérébrale; le point de départ peut

être extérieur ; le voisinage des centres auditif et visuel explique la

combinaison des hallucinations combinées dans la folie. Le Dr Ire-

land rappelle qu'on peut au moyen du prisme dédoubler les hallu-

cinations des hypnotisés, ce à quoi n'ajoutent pas foi les DD'S Bally

Tuke et Yellowlecs.

Le D1' Oscar T. WOJDS lit un travail sur la folie à deux dans la

même famille, dont il cite quatre cas. Le Dr W. JuiiusMickie lit

un lravail sur,l'autifébrine. ' A. Raoult.

XVI 11° CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'ALLEMAGNE

DU SUD-OUEST.

SESSION DE karlsruhe 1887. z

Séance du 29 octobre. Présidence DE M. Ludwig.

M. 1,UDWIG (de Ilappeufeim). Quelques propositions destinées ci

servir de fil d'Ariane dans la question en suspens ; Qu'a-t-on fait-

jusqu'ici dans les asiles allemands et que pourrait-on faire encore

pour augmenter le nombre des admissions en temps opportun dans

les établissements publics - 10 Dans l'immense majorité des cas,

l'admission opportune d'un aliéné est synonyme d'admission de

bonne heure après le prononcé du diagnostic; car en augmen-

tant les admissions opportunes, on fait croître le nombre des

malades guéris ou assez améliorés pour pouvoir être renvoyés.

20 Un aliéné a-t-il besoin d'être transporté dans un asile ? Quand

a-t-il besoin d'y êlre transporté ? Ce sont là deux questions qu'a

le premier à décider le médecin traitant. C'est dire que celui-ci

a besoin d'être psychiatre, de connaître le fonctionnement scien-

tifique et administratif des asiles publics.- 3° Insuffisance de l'en-

seignement. 4° Par suite, insuffisances de connaissances psychia-

triques des médecins qui se trouvent rarement en relation avec

' 11 D'y a pas eu de séance en 1885. Le rapport du XVIle Congrès

(1880) n'a pas été publié en Allemagne. Voyez donc Archives de Neurolo-

gie (XVIe Congrès), t. X, p. 245. A ce propos, rectifions une erreur : au

lieu de la Société 1)silchial),ique lisez des aliénisles.

Sociétés savantes. 1°t 11),

les asiies publics. C'est pourquoi toutes les mesures prises jus-

qu'ici pour augmenter le nombre d'admissions en temps utile sont

demeurées infructueuses. C'est surtout dans l'intérêt du public

qu'on séquestre les aliénés, quand il y a danger public, et non

dans l'intérêt du malade ? 5° On a bien fait certaines faveurs pour

le remboursement à l'établissement des frais de séjour, notam-

ment aux sociétés de bienfaisance. 6° Mais ces sociétés ont été

moins favorisées dans l'Allemagne du Sud-Ouest que dans la pro-

vince du Rhin et dans le district gouvernemental de Kassel. En

effet dans l'Allemagne du Sud-Ouest, il s'agit surtout d'asiles

d'Etat et non d'établissements communaux ou départementaux;

l'Etal peut donc renvoyer pour une raison ou pour une autre aux

sociétés en question leurs malades. Il faudrait plutôt pratiquer

la facililatiota systématique et l'allégement du remboursement du prix

de séjour aux particuliers peu aisés. 7° Sans doute assez souvent le

règlement des asiles contient un paragraphe qui se montre à cet

égard libéral envers les sociétés de bienfaisance et exceptionnel-

lement envers les particuliers, mais à la condition que le malade

ait été séquestré dans un délai déterminé à la suite de l'explosion

de la maladie. Ce sont là des exceptions fâcheuses, illégitimes,

propres simplement à introduire ou à multiplier, à grossir cer-

taines défectuosités dans la statistique officielle des établisse-

ments. Ce qu'il faut, c'est abaisser progressivement les prix de

journée, proportionnellement aux ressources des individus, à la

durée de la séquestration nécessitée par le traitement.-8° Il faut

encore simplifier les formalités d'admission et se prêter surtout à

l'admMMOM temporaire, préventive, prophylactique. Au lieu de cela

que fait-on ? On a besoin de l'intervention préalable de MM. les

médecins fonctionnaires pour séquestrer, c'est-à-dire soigner. 90 il

est avantageux de conserver la division en asiles de traitement

et hospitalisation, et asiles hospices, car dans les premiers on peut

réunir aux malades curables ceux des incurables qui ne nuisent à

aucun des intérêts des autres, réservant pour les seconds tous les

incurables de la catégorie inverse. 11 y a donc lieu de semer dans le

pays autour d'un grand établissement formant un asile-hospice

central, plusieurs petits asiles d'hospitalisation et traitement. Dans

l'asile-bospice, on aura plusieurs classes de pensions groupées à

côté d'un régime commun formant loi; dans l'asile de traitement

et hospitalisation on conservera le bénéfice médico-administratif

d'autant de régimes que d'individus, selon les nécessités de l'état

mental. 10° La dépense générale se multiplie quand, en présence

d'un encombrement imminent d'un asile d'aliénés, on tarde à y

remédier : de même l'Etal dépense d'autant plus pour l'assistance

des aliénés qui lui incombent,que l'on néglige, par les moyens con-

venables, d'augmenter l'admission en temps voulu opportun, dans

un asile d hospitalisation et de traitement. 1 io La réunion des

1t6 6 sociétés savantes.

sociétés de bienfaisance locales à la société départementale favo-

rise les admissions dont nous parlons, taudis qu'une société locale

combat, et cela d'autant plus qu'elle est plus petite, la sortie à

titre d'essai d'un malheureux non encore guéri (il faudrait en

effet payer). Or ces sorties sont utiles non seulement aux malades,

mais encore à l'admission opportune des nouveaux; il y a donc

intérêt à ce que des sociétés de secours bien organisées s'occupent

des aliénés congédiés de l'asile. Les agents de ces sociétés piur-

raient aussi recueillir les aliénés récemment atteints et justement

faciliter leur admission rapide.

Discussion :

MM. Fuerstxer, .IOLLY, Emhingiiaus, Schuele, Iïnnrn, Ditmann.

En ce qui concerne la conclusion 6, Illenau a déjà proposé la

fondation pour les familles peu aisées de sociétés acquittant à l'aide

de ses derniers, partiellement ou totalement, le prix de journée

de ses membres (secours mutuels). Il en existe d'ailleurs à Fuerth

et à Nüremberg; à Fuerth, elle fonctionne depuis des années

avec grand succès.

Sur la conclusion 9, M. Ludwig donne les explications complé-

nientaires suivantes. Il existe dans le public une opinion erronée

très répandue, d'après laquelle, au moment où l'on admet un

malade dans un asile de traitement et hospitalisation, la personne

qui paie la pension de la classe fixée contracte un engagement,

un traité avec le directeur. En vertu de ce traité, l'asile s'engage-

rait, en retour du prix de pension, à fournir, sous forme d'habi-

tation, de mobilier, d'alimentation, de boissons etc., des mar-

chandises absolument précises et de prime abord nettement

stipulées, détaillées. Or, il est évident que l'économie du traite-

ment matériel, intellectuel, moral incombe tout entière au méde-

cin seul, selon sa manière de voir chacun des moments de la

maladie. C'est ce qu'il importe de publier à son de trompe, il faut

rapprocher le plus possible l'asile d'un hôpital. C'est le seul moyen

de gagner la confiance et l'estime du public. Tout ce qui s'effectue

à l'intérieur de l'établissement n'a que la valeur d'une prescrip-

tion médicale formulée selon l'indication psychopathiquf.

M.Fuh : RSTNER(d'HeiJe)herg)./)e/'e<a(ac< : «;cnosco) : ) : ttt4XM ? ! ccs

en matière de la simulation des troubles psychiques. Conclusions :

Les cas de simulation de l'aliénation mentale ne sont pas aussi

excessivement rares qu'on veut bien le dire, surtout dans les

grandes villes. M... F. en a observé 12 cas frappants, ultérieure-

ment contrôlés. Les conditions actuelles lui permettent de peu-

ser que les tentatives de ce genre ont augmenté, surtout dans les

grandes villes ; ce sont les inculpés dont l'affaire s'instruit qui

forment le principal contingent des simulateurs et, aussi bien les

criminels par habitude que les inculpés pour la première fois. Les

sociétés savantes. 127

individus en question étaient presque toujours absolument sains

d'esprit avant leur tentative de simulation. Il est vrai qu'une

fraction d'entre eux comportait aussi des personnes atteintes

d'anomalies psychiques, mais qui néanmoins n'étaient que des

simulateurs; une troisième fraction plus petite est relative à des

individus ayant jadis été aliénés une fois, mais franchement et

exclusivement simulateurs à l'époque de l'observation. En somme

les tentatives de simulation se montrent rares chez les individus

frappés- par des pénalités. Il faut en outre se défier des commémo-

ratifs. Ce qu'on essaie le plus de représenter c'est la démence avec

complète apathie. On joue le mutisme; on agit, on parle, ou écrit

avec l'absurdité la plus parfaite. Puis vient la simulation des

troubles de la connaissance ou d'inconscience totale, l'acte incri-

miné correspondant soi-disant avec une période de ce genre. En

troisième ligne sont esquissés les complexes symptomatiques les

plus différents. Enfin, les sujets paraissent agités, maniaques et se

font violents. La première catégorie n'est difficile à diagnostiquer

que quand il y a mutisme obstiné. Les premier, second et qua-

trième groupes sont faciles à percer à jour. Le troisième genre est

difficile à cause de la combinaison fréquente de réelles anomalies

psychiques avec la simulation. La qualité de l'acte incriminé ne

peut servir à l'appui, sans plus ample informé, ni de la simula-

tion, ni de l'existence de la folie. Le rapport doitse baser sur une

observation suffisamment prolongée (surtout à l'asile en commun

avec d'autres malades), sur des commémoratifs pris avec soin, sur

la critique analytique de chacun des symptômes morbides, la com-

paraison de l'ensemble du tableau pathologique avec ce que l'on

sait en psychiatrie. (Ce mémoire sera publié in extenso plus tard.)

, 111. li.nlakn (de IClin;enmünster). De la fièvre typhoïde chez les

aliénés. Depuis que l'asile de Klingenmiinster est ouvert, depuis le

30 décembre 1857, on y a observé presque chaque année des cas

de fièvre typhoïde; seules les années 1869 et 1873 n'ont pas été

marquées par l'apparition de cette maladie. Pendant les dix-huit

premières années, ce furent plutôt des cas isolés, sévissant tantôt

sur l'un, tantôt sur l'autre des quartiers du service des femmes,

cas par-ci par-là mortels. En 18, pour la première fois, apparut

une sorte d'épidémie qui dura six mois, atteignant notamment

quatre aliénées femmes, cinq gardiennes, deux ouvriers. En

1878, un gardien et deux gardiennes furent affectés. En 1881, six

aliénées femmes, un seul.aliénée homme avaient été pris jusqu'ici.

En 1883, de la fin de juillet au début de novembre, 28 typhiques,

dont 16 aliénés hommes, 1 aliéné femme, trois gardiens. En 1884,

atteinte d'une gardienne, d'un enfant du directeur. En 1885,

13 typhiques, dont 5 aliénés hommes, 2 aliénées femmes, 2 gar-

diens, 2 gardiennes. En 1830, 2 aliénés hommes, 10 aliénées

femmes, 2 buandières. En 1887, 1 aliéné homme. Somme toute

128 SOCIÉTÉS SAVANTES;

SI aliénés (25 IL, 2C F.), 32 individus non aliénés (dont 7 gardiens

Il gardiennes). Aucune des personnes saines d'esprit ne mourut.

Parmi les aliénés Il décès (5 H., G F.). Proportion de la morta-

lité pour des aliénées 21,5G 0/0 (20 0/0 ponrles hommes, 23 0/0 pour

les femmes). Fièvre typhoïde grave chez les individus non aliénés,

les castes plus graves incombant au personnel secondaire. De 1883

à 1886, moururent 5 aliénés IL, 1 aliénée F., parmi lesquels 3 indi-

vidus très âgés (2 H., 1 F.). Dans les cinq dernières années, fièvre

typhoïde non maligne; en 1886, cas pour la plupart légers. L'évo-

lution permettait de remarquer l'apyrexie dès la troisième semaine

la défervescence commençant chez le plus grand nombre des

malades dès la seconde semaine; diarrhée modérée; rareté des

hémorrhagies intestinales, pas d'autres complications; délire chez

une seule aliénée; délire assez fréquent chez les typhiques sains

d'esprit. Influence de la maladie sur- l'aliénation mentale. On en

relève 13 observations jusqu'en 1882; 38 de 1883-1887 ; dans la

pluralité des cas, pendant et quelque temps après la fièvre typhoïde,

amélioration mentale des plus notables, les symptômes de la

psychopathie ayant tous presque disparu, mais l'aliénation repa-

raissait à la suite d'un laps de temps plus ou moins long. La fièvre

typhoïde n'exerça aucune influence sur la majorité des psychoses

chroniques. Sur les 38 observations dernières, deux cas dans

lesquels l'aliénation mentale, guérie avant l'explosion de la ma-

ladie infectieuse, ne subit aucune rechute de par la fièvre

typhoïde, 6 cas de morts, 28 psychopathies chroniques duraient

au moment où éclata la fièvre typhoïde depuis 8, 10, 2 ans

(moyenne 2 à ans), depuis 18 mois chez un paralytique général;

5 subirent pendant l'évolution typhique une modification psychi-

que ; deux furent aggravées; toutes les autres furent améliorées,

parmi lesquelles cinq demeurèrent améliorées longtemps encore

après le décours de la maladie infectieuse, soit 6 à 18 mois.

Il est cinq aliénés qui éprouvèrent un bien être remarquable et

manifestement dû à la fièvre typhoïde; ce sont :

1 maniaque dément de 20 ans, malade depuis 18 mois, qui guérit pen-

dant la convalescence de la fièvre typhoïde.

1 stupide, suite de délire aigu de 18 ans, .malade depuis 1S mois, qui

guérit pendant la convalescence de la fièvre typhoïde.

1 femme maniaque, 19 ans, malade depuis mois, qui guérit dès le

début de la fièvre typhoïde.

1 stupide, suite de folie systématique hallucinatoire aiguë, a la période

do désordre, avec incohérence dans les idées, 19 ans, malade depuis

2 mois, qui guérit pendant la convalescence de la fièvre typhoïde.

1 femme mélancolique chronique, j2 ans, malade depuis 2 mois, qui

guérit pendant la convalescence de la fièvre typhoïde.

En réalité, la fièvre typhoïde agit en pareils cas par la fièvre '.

1 Voir Arch. de t. t. 1T, p. S0;- X, p. Iào; IV, p. 100.

SOCIÉTÉS savantes. 129

Discussion :

M. Jolly a vu la fièvre typhoïde guérir une épilepsie avec trou-

ble mental, et la scarlatine agir de même dans l'épilepsie.

M. Schuele a vu la fièvre typhoïde déterminer une rémission

dans la démence aiguë accompagnée de grande excitation. A

Illenau, le personnel eut aussi beaucoup à souffrir; la raison, c'est

qu'il habitait près de latrines défectueuses. L'installation du sys-

tème des fosses mobiles a fait disparaître la fièvre typhoïde. C'est

en modifiant la circulation que la fièvre typhoïde agit sur l'état

mental. La phtisie détermine souvent la résolution de. la mélan-

colie stupide.

M. Dittmar signale dans une épidémie qu'il a vue la marche irré-

guiière de la fièvre.

Séance du 30 octobre. - Présidence de M. JOLLY.

Sont nommés curateurs-organisateurs pour l'an prochain :

MM. Fuerstner et Fischer.

M. Euminghaus se charge défaire un rapport sur les troubles des

processus de la pensée.

M. l\L1DL1'sR (d'llleuau). Observations et remarques sur le délire de

jalousie. Depuis longtemps on est habitué à spécifier la folie

systématique d'après la direction principale des idées délirantes

qu'on y rencontre, et, par suite, à regarder le délire de jalousie

comme une modalité spéciale dont le texte a trait à l'infidélité

conjugale, à des accusations erronée*, immotivées, et qui se tra-

duit par une désorganisation psychique de celui qui se plaint

tant ses allégations deviennent opiniâtres, dominantes, excru-

ciantes. L'auteur en a recueilli 16 cas. Il en existe une genèse

primitive, et une genèse secondaire, c'est-à-dire une forme primi-

tive, une forme secondaire. La forme primitive existe sur-

tout chez les alcooliques, mais il y a aussi des cas dans lesquels

on ne constate pas préalablement d'excès alcooliques. Chez l'alcoo-

lique, c'est graduellement, au milieu d'anomalies psychiques et

physiques bien connues, qu'apparaît une angoisse, une défiance,

un scepticisme cruel à l'endroit de sa femme; d'abord caché,

calme, le délire finit par prendre corps, par éclater un beau jour,

s'emparant de lui, le préoccupant matin et soir ; puis se manifes-

tent des hallucinations du goût, de l'ouïe, de l'odorat, de la vue,,

de même sujet; il en arrive aux menaces, aux mauvais traite-

ments. Les uns guérissent, mais gare aux rechutes. Les autres

s'apaisant deviennent utilisables dans l'asile et oublient en quel-

que sorte leur délire. D'autres enfin arrivent au désordre avec iu-

Archives, t. XVII. 9

130 'sociétés savantes.

cohérence dans les idées, hallucinatoire aigu, et finissent à la dé-

mence. La forme secondaire (7 observations de M. radier) arrive

au cours du délire des persécutions, comme épisode; il devient

impossible à l'épouse decontinuerasubirtavie commune parce que

soit qu'il conserve un ressentiment d'une première séquestration,

soit qu'il soit poussé à ce délire par des malaises somatiques, le

mari jaloux et querelleur maltraite sa femme ; en proie à des

hallucinations de tous les sens, il passe graduellement à la phase

du désordre dans les idées hallucinatoire aigu. L'étiologie

comporte : dans la forme primitive, outre l'alcoolisme, des inci-

dents- occasionnels divers (2 observations) ; dans la forme secon-

- daine, la séquestration antérieure (3 observations), des altérations

du côté de l'appareil sexuel (4 observations), telles qu'un rétrécisse-

ment consécutif à la chaude-pisse, la diminution de l'instinct

génésique après une fièvre typhoïde, une apoplexie cérébrale,

un priapisme. Les hallucinations, rares dans la première forme

(elles sont simplement rares et fugitives au début de la maladie),

accompagnent constamment la seconde forme. Conclusions : .'

- 10 Le délire de jalousie primitif est une forme de folie systéma-

tique fondamentale, propre aux buveurs aliénés ; elle constitue une

première étape dans le délire des persécutions; le délire de la

jalousie secondaire est un épisode ajouté au délire des persécutions

et tient généralement à des anomalies dans la sphère sexuelle ?

2° Le délire de jalousie primitif présente rarement au début des

hallucinations; celles-ci ne s'installent qu'avec la généralisation

du délire; le délire de jalousie secondaire est précédé et accompa-

gné d'hallucinations en masse. 3° Le délire de jalousie primitif

appartient à la verdeur de l'âge; le délire de jalousie secondaire

apparaît à un âge plus avancé. 4° La forme primitive hante

plutôt les hommes; la forme secondaire, surtout les femmes.

5° Le pronostic est généralement défavorable pour les deux formes

dans les deux sexes.

Discussion :

M. Fuerstner. Le délire de jalousie contient de prime abord

en soi d'autres idées délirantes. 11 n'y a donc pas de pur délire

systématique de ce genre. La forme dite originelle ne doit pas

seulement être rapportée à l'alcool; elle se produit aussi en l'ab-

sence de tout substratum alcoolique. Ce genre d'aliénés est très

dangereux. Il existe aussi des cas dans lesquels il n'y avait aucune

anomalie du côté de l'appareil sexuel. Chez bien des alcooliques

l'instinct sexuel est non diminué, maissuractivé. Quanta la genèse,

on peut en effet admettre deux formes de délire de jalousie.

M. SCIIUELE rapporte un cas de délire de jalousie dans lequel il

y avait anesthésie du vagin; celle-ci guérie, l'aliénation mentale

gu.érit.

SOCIÉTÉS SAVANTES. '131

M. ËMM)GH.\us. <1-t-on trouvé ce délire chez les femmes après

la ménopause, et chez les veuves ?

M. NADLER. Les observations chez la femme sont trop peu

nombreuses et de trop courte durée.

M. JOLLY. Alcool et maladies de l'appareil sexuel ne condui-

sent pas forcément à cette forme de délire. Chez les veuves et les

matrones on le rencontre très fréquemment. z

M. BUCHIIOLZ. Nouvelles contributions ci la connaissance de

l'hypertrophie de la névroglie dans l'écorce cérébrale. Préparations

empruntées à un cerveau présentant les mêmes altérations par-

tout. Atrophie du lobe frontal, des ascendantes, des lobes para-

centraux, des gyri recti, des circonvolutions du corps calleux,

particulièrement marquée dans le territoire des circonvolutions de

l'insula. Toutes ces circonvolutions sont parsemées de petites pro-

tubérances, très nettes, surtout après durcissement, à la coupe.

Multiplication des éléments granuleux et expansion de la première

couche(ou des granulations corticales de Meynert); transformation

de cette couche en un fin réseau de fibrilles dans lequel s'enche-

vêtrent des cellules araignées, des cellules rondes ; altérations vas-

culaires aboutissant à la raréfaction des vaisseaux, et formation

de tubérosités, saillantes à la surface, issues de ce tissu modifié;

l'écorce est également constellée de petites cavités entourées de

callosités de tissu conjonctif.' Encéphalite tubéreuse de Bourne-

ville, due à un processus inflammatoire chronique, d'origine in-

connue, probablement congénitale.

Discussion :

M. 1W : : eerr. Ces cavités ne seraient-elles pas des kystes issus

d'apoplexies ?

M. BUCIIIIOL7.. Il n'y a nulle part d'hémorrhagies dans l'écorce; ce

processus anatomo-pathologique n'entraîne jamais d'hémorrhagie.

Les parois des cavités sont trop épaisses et l'on constate tous les

intermédiaires anatomiques entre les altérations générales et la

formation spéciale des cavités.

M. Zaciier insiste sur la réfutation de M. Bucbholz. (Le mémoire

sera publié Mt extenso.)

M. Zaciier (deStephausfeld). Surdeuxcas de paralysie progressive.

Deux observations dans lesquelles il y eut complication d'un foyer

dans la capsule interne. Uansl'une, il s'agit d'un foyer de ramollisse-

ment assez étendu, ayant détruit, dans l'hémisphère droit, une partie

du noyau caudé, la partie antérieure du noyau lenticulaire, et la

portion intermédiaire de la capsule interne; il s'étendait, en

arrière, à peu près jusqu'au genou de la capsule. La seconde

observation concerne un foyer apoplectique dans la partie posté-

rieure du noyau lenticulaire gauche; il en partait deux raies d'un

brun rouillé allant jusqu'à la queue du noyau caudé et traversant

1 3' SOCIÉTÉS SAVANTES.

totalement la capsule interne dans son segment postérieur. -

Dans la première, absence de dégénérescence secondaire du

faisceau pyramidal. Dans la seconde, dégénérescence secon-

daire partant de l'endroit détruit pour gagner la partie la plus

inférieure de la moelle. Dans les deux cas, paralysies simple-

ment transitoires. (Le mémoire sera publié in extenso ailleurs.)

Discussion :

M. JOLLY. Les opinions relatives à la théorie de l'importance de

la capsule interne ont bien varié. La portion antérieure en est

actuellement principalement considérée comme non motrice.

M. KcEt'pEN (de Strasbourg). De la chorée et de l'aliénation men-

tale. Six cas de folie simple (tous d'agitation maniaque) avec

chorée, la psychose occupant le premier plan du tableau morbide

par son intensité et sa durée, la chorée constituant au contraire

un épiphénomène accessoire. Il en résulte qu'une observation

attentive permet assez souvent de trouver, avec les mouvements

dus à l'agitation de la manie, des mouvements choréiques. Voici ce

qui les différencie. Les mouvements choréiques se traduisent : l°par.

l'atteintede groupes musculaires qui, dans diverses parties du corps,

concourent à une fonction motrice définie (synergie), et aussi,

par celle de groupes d'une partie du corps exécutant une tout autre

fonction ici que là. 2° par une activité continue, même pendant

le repos ; leur activité qui augmente avec l'exercice d'un dépla-

cement fonctionnel, partiel ou total, d'un organe, à l'occasion d'un

mouvement voulu dans un but déterminé, sous l'influence d'une

émotion. 3° Ils sont involontaires. Les mouvements de l'agitation

maniaque, volontaires, se distinguent en deux espèces : 1° Les

uns correspondent au texte d'une conception quelconque, bien

que le fonds même de l'idée se montre, en l'espèce, tout accessoire;

du mouvement lui-même la connaissance n'éprouve que des chocs,

car elle ignore de quels muscles nous nous servons. La concep-

tion du mouvement est par suite bien rudimentaire (Meynert).

2° Tous ces mouvements se répètent fréquemment, ils sont stéréo-

typés. Au début, une conception les accompagne. Puis, plus tard,

ils sont presque détachés de la connaissance. On peut les compa-

rer aux mouvements par habitude, souvent complexes, que

l'homme sain qui s'y est exercé finit par exécuter mécaniquement.

3° Il y a encore quelques états convulsifs par lesquels peut débuter

la maladie, qui paraissent de nature hystérique, et, par suite, se

rattachent au groupe précédent. Il va de soi d'ailleurs que les

mouvements choréiques sont convulsifs. L'influence de l'activité

.psychique appert du reste. (4< ? Zeitsclar. f. P,clci«t., XLIV, 4, 5.)

l'. lllifi.l ? 1L.

SÉNAT

DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS.

Séance du lundi 6 décembre 18861. 1.

M. LE président. L'ordre du jour appelle la suite de la Ire déli-

bération sur le projet de loi portant revision de la loi du 30 juin

1838 sur les aliénés. Nous en sommes arrivés à l'article 22. J'en

donne lecture :

« Dans le cas de transfèrement d'un aliéné d'un établissement

dans un autre, l'admission de l'aliéné transféré a lieu sur le vu du

certificat délivré par le médecin de l'établissement d'où provient

ce malade et d'une copie des pièces légales concernant ce der-

nier.

a Le médecin de l'établissement où l'aliéné est transféré fait

les certificats de vingt-quatre heures et de quinzaine, et le chef

responsable fait les notifications prescrites par le paragraphe 2 de

l'article 20. Les autres prescriptions du susdit article ne sont pas

exigées. » '

M. Théophile Roussel, rapporteur. Messieurs, l'article dont M. le

Président vient de donner lecture est un article nouveau. Je de-

mande la permission d'en présenter une courte explication, pour

répondre à un doute, exprimé il y a quelques instants par un

de nos col ègues et qui pourrait venir à l'esprit de ceux qui,

comme lui, n'auraient pas lu le rapport sur la nécessité et l'utilité

qu'il peut y avoir à introduire dans la loi des dispositions particu-

lières sur le transfèrement des aliénés d'un asile dans un autre.

Ce transfèrement n'avait pas attiré l'attention du législateur

de 1838 ; le fait lui-même, s'il existait alors, passait inaperçu à

cause du peu d'importance numérique de l'internement des

aliénés dans les établissements spéciaux.

On se rappelle que ce nombre ne dépassait pas 7 à 8,000 ; mais,

à mesure qu'il s'est accru et que cet accroissement progressif

surtout dans les grands centres de population, à Paris en particu-

lier, a produit cet encombrement des asiles dont j'ai indiqué les

'Voir Aî,ch. de Neurol., t. XII, p. 13,ï, 208. 'r3J; t. XIV, p. 130, 307,

421; t. XV, p. 138, 311, iSt; t. XVI, p. 101, 30G, ij8.

134 SÉNAT. '

fâcheuses conséquences au début de la discussion, il a fallu cher-

cher des places ailleurs, souvent très loin, et c'est ainsi que Paris,

malgré ses constructions nouvelles et coûteuses, est obligé d'en-

voyer dans les asiles de province qui peuvent les recevoir des mil-

liers d'aliénés. On les envoie jusque dans les Pyrénées et au fond

des montagnes du plateau central de la France. Dans le départe-

meut de la Lozère, l'asile de Saint-Alban en contient plus de 200.

Dans quelles conditions légales s'opère ce déplacement de si

nombreux aliénés, loin de leur pays, de leur famille, lorsqu'ils en

ont une, et dans des conditions où ceux qui ont opéré le déplace-

ment, l'autorité administrative elle-même pour les placements

d'office, peuvent bien difficilement suivre leur destinée ?

La loi n'ayant rien prévu ni réglé sur cette question, les règles

du transfèrement ont beaucoup varié ; il s'est trop souvent opéré

sans règles, et lorsque l'administration, frappée des inconvénients

de cette situation, a voulu la soumettre à une sorte de jurispru-

dence, elle a dû admettre que l'aliéné transféré doit être traité à

son arrivée dansle nouvel asile comme il l'avait été précédemment

dans l'asile d'où il vient.

Les formalités des articles 8 et suivants de la loi de 1838 doivent

être remplies. Cette règle, du reste, n'a pu être jusqu'ici que très

imparfaitement observée, et il fallait nécessairement prendre

certaines dispositions sur ce point dans la loi nouvelle.

L'attention de la commission a été particulièrement appelée sur

ces faits et sur beaucoup d'aulres une importance pratique incon-

testable par M. l'inspecteur général Foville, qui lui a rendu dans

le cours de ses longs travaux des services pour lesquels je suis

heureux de trouver en ce moment une occasion d'acquitter, au

nom delà commission, une dette de reconnaissance.

J'aurais pu le faire déjà à propos d'autres articles, notamment

de celui qui a pour objet de poser des règles pour l'internement

des aliénés qui, de leur propre mouvement, se présentent à la

porte d'un asile pour réclamer cet internement, si cet article

n'avait pas été voté sans discussion. C'est pourquoi je tiens à rem-

plir aujourd'hui un devoir de reconnaissance envers le fonction-

naire éminent qui a été le collaborateur assidu et dévoué de la

commission, et qui a été aussi pour les délégués de cette commis-

sion à l'étranger, particulièrement en Angleterre, non seulement

un compagnon agréable, mais un guide aussi sûr qu'utile.

Après avoir reconnu l'importance de la question du transfère-

ment des aliénés, sous le régime actuel, la commission a compris

combien la gravité en serait accrue par suite de l'application de

la loi nouvelle, qui va soumettre tous les placements d'aliénés à

une décision des tribunaux en chambre du conseil.

L'admission d'un aliéné tranféré, d'après cette loi, ne pourrait

être considérée comme définitive et sa maintenue ne pourrait avoir

SÉNAT. 13S

lieu que lorsque le tribunal aurait prononcé. Il y aurait là, avec

des milliers de jugements déplus, des complications aussi fâcheu-

ses qu'inutiles.

Il était donc nécessaire de décider cette question dans la loi et

de déterminer avec précision quelles sont les formalités à exiger

pour les transfèrements d'aliénés d'un asile dans un autre. La

commission du Sénat a pensé que le but sera atteint à l'aide des

dispositions dont M. le Président vient de donner lecture, à savoir

que dans les cas de transfèrement, l'admission de l'aliéné trans-

féré aura lieu sur le vu du certificat délivré par le médecin de

l'établissement d'où provient ce malade et d'une copie des pièces

légales concernant ce dernier; que le médecin de l'établissement

où l'aliéné est transféré fera les certificats de vingt-quatre heures

et de quinzaine et que le chef responsable fera les notifications

prescrites par l'article 20. Les autres prescriptions de cet article ne

seront pas exigées. Voilà, messieurs, les motifs pour lesquels la

question du transfèrement des aliénés a dû prendre place dans

les dispositions nouvelles du projet de loi.

M. le Président. Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'article

22 ? .. Je le mets aux voix. (L'article 22 est adopté.)

M. le Président. « Art. 23. 11 y a dans chaque établissement

un registre coté et paraphé par le maire, sur lequel sont immé-

diatement inscrits les nom, profession, âge et domicile des per-

sonnes qui y sont placées, la mention du jugement d'interdiction,

si elle a été prononcée et le nom de leur tuteur, la date de leur

placement, les nom, profession et demeure de la personne, pa-

rente ou non, qui l'aura demandé.

« Sont également transcrits sur ce registre : 4° la demande

d'admission ; 2° les rapports médicaux prescrits par l'article 16 ;

3° le certificat de vingt-quatre heures elle certificat de quinzaine;

4° la décision de la chambre du conseil. Le médecin est tenu de

consigner sur ce registre les changements survenus dans l'état

mental de chaque malade, au moins chaque semaine pendant le

premier mois de séjour, au moins chaque mois pendant le reste

de la première année, et ultérieurement au moins chaque tri-

mestre.

« Le médecin constate également sur ce registre la date de la

sortie et l'état mental du malade au moment où elle a lieu, la

date et les causes du décès. Ce registre est exclusivement commu-

niqué aux personnes qui, d'après les articles 12 et 13, ont le droit

de visiter l'établissement; après chacune de leurs visites, elles

apposent sur le registre leur visa, leur signature et leurs obser-

vations, s'il y a lieu. »

M. le Rapporteur. Monsieur le président, je demande la per-

mission de faire remarquer une faute commise dans la dernière

136 SÉNAT.

impression du texte du projet de loi. Le texte de la commission,

au lieu des mots « les rapports médicaux », contient ceux-ci : le

rapport médical prescrit par l'article 16 ». Les mots « les rapports

médicaux » figuraient dans le texte primitif du Gouvernement,

qui admettait soit un seul rapport signé de deux médecins, soit

deux rapports signés chacun d'un seul médecin. Le Gouverne-

ment, pour des motifs expliqués dans le rapport, a admis le sys-

tème d'un rapport unique signé d'un docteur' en médecine. C'est

cette rédaction qui doit être mise aux voix.

M. le Président. Ainsi, c'est le singulier au lieu du pluriel.

Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'article ainsi modifié ? ...

M. DE GAVARDIE. Monsieur le président, je demande qu'on mette,

au commencement du 2° paragraphe, le mot « mentionnés » au

lieu de celui de « transcrits ». A Paris, ce serait d'une exécution

absolument impossible; il faudrait des montagnes de registres.

M. le Président. Quel est l'avis de la commission sur la propo-

sition de M. de Gavardie ?

M. le Rapporteur. Nous savons bien que des directeurs d'asile

ont fait des observations critiques sur ce point; de même sur

quelques autres points précédemment votés, à cause des écri-

tures, très considérables, que la.loi nouvelle va leur imposer. Mais

le Gouvernement et la commission croient qu'il y a une grande

importance, pour les garanties réclamées au nom de la liberté

individuelle, à ce que toutes les circonstances des placements

soient relatées, et que ceux qui ont à vérifier la situation des

aliénés aient pour cela les documents dans leur entier. C'est pour-

quoi le mot « transcrits )'aétémainienu.C'est, je le répète, une

garantie à établir au profit des aliénés eux-mêmes.

M. de Gwardie. Je crois que c'est matériellement impossible.

M. LE Président. Insistez-vous, monsieur de Gavardie ?

M. DR G.11'AIiDIE. Oui, monsieur le président.

M. le Président. Je mets aux voix l'article 23 avec la substitution

des mots : « le rapport médical » à ceux de : « les rapports mé-

dicaux », en réservant le mot a transcrits ». (L'article 23 est adopté

sous la réserve du mot « transcrits».)

M. LE Président. Je mets aux voix le mot « mentionnés », que

M. de Gavardie propose d'inscrire dans l'article au lieu du mot

« transcrits ». (L'amendement de M. de Gavardie n'est pas

adopté.)

M. le Président. Je mets aux voix le mot « transcrits ». (Le mot

« transcrits » est adopté.) (L'ensemble de l'article 23, mis aux

voix, est adopté.)

M. le Président. « Art. 24. Toute personne placée dans un

SÉNAT. '137 Î

établissement d'aliénés en vertu des articles précédents, cesse d'y

être retenue aussitôt que les médecins de l'établissement ont

déclaré, sur le registre sus-énoncé, que la guérison est obtenue.

S'il s'agit d'un mineur ou d'un interdit, il est donné immédiate-

ment avis de la déclaration des médecins aux personnes auxquelles

il doit être remis, ainsi qu'au procureur de la République. » (L'ar-

ticle 24, mis aux voix, est adopté.)

M. LE Président. Nous reprenons la discussion du projet de loi.

c Art. 25. Avant même que les médecins aient déclaré la

guérison, toute personne placée dans un établissement d'aliénés

cesse également d'y être retenue, dès que la sortie est requise par

l'une des personnes ci-après désignées, savoir : 1° Le curateur

nommé en exécution de l'article 60 de la présente loi; 2° le con-

joint ; 3° à défaut du conjoint, les ascendants; 4° à défaut d'as-

cendants, les descendants; 5° la personne qui a signé la demande

d'admission, à moins qu'un parent n'ait déclaré s'opposer à ce

qu'elle use de cette faculté, sans l'assentiment du conseil de

famille :

« 6° Toute personne à ce autorisée par le conseil de famille ou

agréée par le tribunal. S'il résulte d'une opposition notifiée au

chef de l'établissement par un ayant droit qu'il y a dissentiment

soit entre les ascendants, soit entre les descendants, le conseil de

famille décide.

« Néanmoins, si le médecin de l'élablissement ou le médecin

inspecteur des aliénés est d'avis que l'état mental du malade

pourrait compromettre la sécurité, la décence, la tranquillité

publiques, ou sa propre sûreté, ou si l'administrateur provisoire

est d'avis que la personne qui réclame la sortie n'est pas en situa-

tion de lui donner les soins nécessaires, il en est immédiatement

donné avis : à Paris, au préfet de police, dans les départements

au préfet, et il est provisoirement sursis à la sortie. Ce sursis pro-

visoire cesse de plein droit, à l'expiration de la quinzaine, si le

préfet n'a pas, dans ce temps, donné l'ordre contraire, confor-

mément à l'article 33 ci-après. »

M. Lacomde. Et le dernier paragraphe, monsieur le président ?

AI. LE Président. Il est supprimé. Personne ne demande la

parole sur l'article 25 ? ... Je le mets aux voix. (L'article 25 est

adopté.)

M. le Président. « Art. 26. Dans les vingt-quatre heures de

la sortie, les chefs responsables des établissements en donnent

avis aux fonctionnaires auxquels la notification du placement a

été faite, conformément à l'article 20, et leur font connaître le

nom, la résidence des personnes qui ont retiré le malade, son

état mental au moment de la sortie et, autant que possible, l'in-

dication du lieu où il a été conduit. » (Adopté.)

138 SÉNAT.

« Art. 27. Le préfet peut toujours, après avoir pris l'avis du

médecin traitant ou du médecin inspecteur des aliénés, ordonner

la sortie des personnes placées dans les établissements d'aliénés.

Cet ordre, est notifié à la personne qui a signé la demande d'ad-

mission et au chef responsable de l'établissement, lesquels peuvent

former opposition dans les vingt-quatre heures de la notification.

L'opposition est jugée par le tribunal civil en chambre du con-

seil. » (Adopté.)

« Art. 28. En aucun cas, l'interdit ne peut être remis qu'à

son tuteur, et le mineur qu'à ceux sous l'autorité desquels il est

placé par la loi. » (Adopté.) -

Section IL DespacMH6n<s ordonnés par l'autorité publique

ou placements d'office.

a Art. 29. A Paris, le préfet de police, et dans les départe-

ments les préfets ordonnent d'office le placement dans un établis-

sement d'aliénés de toute personne interdite ou non interdite

dont l'état d'aliénation, dûment constaté par un certificat médi-

cal, compromettrait la sécurité, la décence ou la tranquillité

publiques, ou sa propre sécurité.

« Les ordres des préfets sont motivés et doivent énoncer les

circonstances qui les ont rendus nécessaires. Ces ordres, ainsi que

ceux qui sont donnés conformément aux articles 30, 32 et 33, sont

inscrits sur le registre prescrit par l'article 23 ci-dessus, dont

toutes les dispositions sont applicables aux individus placés

d'office. Les arrêtés des préfets qui n'ont pas reçu leur exécution

dans un délai de quinze jours, cessent d'être exécutoires. »

(Adopté.)

a Art. 30. En cas de danger imminent, attesté par le certi-

ficat d'un médecin ou par la notoriété publique, les commissaires

de police à Paris, et les maires dans les autres communes, ordon-

nent à l'égard des personnes atteintes d'aliénation mentale toutes

les mesures provisoires nécessaires, à la condition d'en référer

dans les vingt-quatre heures au préfet, qui statue sans délai. Ces

personnes doivent être envoyées directement dans l'asile qui reçoit

les aliénés du département, toutes les fois que le transport peut

s'effectuer dans la même journée. » (Adopté.)

« Art. 31. Les admissions prononcées en vertu des deux

articles précédents ne sont que provisoires; les dispositions des

articles 20 et 21 leur sont applicables. » (Adopté.)

« Art. 32. Les chefs responsables des établissements sont

tenus d'adresser aux préfets, dans le premier mois de chaque

semestre, un rapport rédigé par le médecin de l'établissement

sur l'état de chaque personne qui y est retenue, sur la nature de

sa maladie et les résultats du traitement. Le préfet, sur l'avis du

SÉNAT. d39

médecin inspecteur et de l'administrateur, prononce sur chacune

individuellement, ordonne sa maintenue ou sa sortie. »

M. de Gavardie. Il y a là une contradiction avec les articles pré-

cédents. Comment le préfet peut-il ordonner la maintenue sans

une intervention judiciaire ? II faut être conséquent avec les dis-

positions qui ont été précédemment adoptées.

M. le Président. Sur l'article 32, M. de Gavardie prétend qu'il y

a une contradiction avec les articles précédents, qui donnent au

tribunal, en chambre du conseil, le droit de s'expliquer sur la

maintenue.

M. le Rapporteur. Le préfet opère en vertu de l'article 22

comme il opère conformément aux dispositions de l'article 29; il

s'agit ici d'un internement d'office; le tribunal est appelé à pro-

noncer sur la maintenue ou la sortie par jugement.

M. le Président. Si j'ai bien compris, quand un fait de notoriété

publique vient à se produire, le préfet peut agir et, comme on lui

soumet toutes les pièces, même avant que le tribunal ait été

saisi, il prononce la maintenue ou la sortie. (Assentiment au banc

de la commission.)

M. le Rapporteur. L'article 31 nouveau a déclaré que les

admissions prononcées en vertu des deux articles précédents ne

sont que provisoires; les dispositions des articles 20 et 21 leur

sont applicables. » Donc le jugement interviendra en son temps

comme pour les placements volontaires.

M. le Président. Personne ne demande plus la parole sur l'ar-

ticle 32 ? ... Je le mets aux voix. (L'article 32, mis aux voix, est

adopté.)

M. le Président. « Art 33. A l'égard des personnes dont le

placement a été effectué volontairement ou sur la demande de

particuliers, et dans le cas où leur état mental pourrait compro-

mettre la sécurité, la décence ou la tranquillité publiques ou leur

propre sûreté, le préfet peut, dans les formes tracées par l'article

29 et sur l'avis du médecin inspecteur, décerner un ordre spécial

à l'effet d'empêcher qu'elles ne sortent de l'établissement sans

autorisation, si ce n'est pour être placées dans un autre établis-

sement.

« Les chefs responsables des établissements sont tenus de se

conformer à cet ordre. »

M. de Gavardie. Je signale les mêmes contradictions. Voilà des

mesures graves qui ne sont pas prises par l'intervention judi-

ciaire.. 1

M, LE Rapporteur. L'intervention judiciaire est parfaitement

réglée par les articles précédents; elle est assurée par l'article 31

pour les placements d'office. Il n'y a pas d'internement sans

140 SÉNAT.

mesure judiciaire, non pas préalable, mais consécutive à l'inter-

nement. '

M. le Président. Demandez-vous la parole, monsieur le rappor-

teur, pour répondre à M. de Gavardie ?

M. le Rapporteur. Je crois que le texte répond tout seul à l'ob-

servation qui vient de se produire.

M, le Président. Personne ne demande plus la parole sur

l'article 33 ? ... Je le mets aux voix. (L'article 33 est adopté.)

M. le Président. « Art. 34. Les ordres donnés en vertu des

articles 29, 30 et 33 ci-dessus sont notifiés administrativement,

dans un délai de trois jours, au maire du domicile des personnes

soumises au placement, qui en donne immédiatement avis aux

familles. Quelqu'un demande-L-il la parole sur cet article ?

M. de Gavardie. Il est impossible qu'on ne donne pas avis en

même temps à la famille. Ce n'est pas le maire qui doit être

chargé de donner cet avis.

M. LE Président. Et si l'on ne connaît pas la famille, monsieur

de Gavardie ? Vous voyez donc bien qu'il y a des mesures à

prendre ! Est-ce que vous proposez un amendement ?

M. de Gavardie. Non, monsieur le président; c'est une obser-

vation.

M. LE Rapporteur. Si M. de Gavardie voulait développer ses

observations, il pourrait lui être fait une réponse.

M. le Président. Ce n'est qu'une simple observation. Personne

ne demande la parole sur l'article 31 ? ... Je le mets aux voix.

(L'article 34 est adopté.)

M. le Président. « Art. 35. Les prescriptions de l'article 23

sont applicables aux personnes placées d'office.

« Aussitôt que le médecin a déclaré, sur le registre tenu en

exécution de l'article 23, que la sortie tout être ordonnée, les

chefs responsables des établissements sont EcLiu3, sous peine d'être

poursuivis, conformément à l'article 52 ci-après, d'en référer au

préfet, qui statue sans délai, après avoir pris l'avis du médecin

inspecteur et de l'administrateur. »

M. le Président. Personne ne demande la parole ? ... Je consulte

le Sénat.

M. de Gavardie. Je ferai remarquer que, suivant les dispositions

contenues dans cet article, le préfet joue un rôle que l'honorable

commissaire du Gouvernement lui refusait absolument à la der-

nière séance.

M..LE Rapporteur. Il s'agit des internements d'office, monsieur

de Gavardie. C'est une question bien différente de celles qui ont

été mises en discussion jusqu'ici et qui avaient pour objet les

SÉNAT. 141

internements opérés sur demande des particuliers : les règles ne

sont plus les mêmes.

M. Paris. Monsieur le président, il y a une question qui devrait

être bien précisée. Les internements demandés par les simples

particuliers sont soumis à l'autorité judiciaire, et les internements

prononcée d'office ne sont soumis, dans la pensée de la commis-

sion, qu'à l'autorité administrative.

M. LE Rapporteur. Non, monsieur Paris, ils sont soumis dans

tous les cas à la décision judiciaire. Je rappelais, en répondant à

M. de Gavardie, l'article 31, qui porte : « Les admissions pronon-

cées en vertu des articles précédents ne sont que provisoires; les

dispositions des articles 20 et 21 leur sont applicables. » C'est là

une réponse péremptoire à l'objection de M. de Gavardie reprochant

à la commission de n'être pas logique, de ne pas faire la même

règle pour tous et réclamant pour tous les cas une décision de la

justice.

M. Paris. Alors, l'autorité judiciaire interviendra toujours.

M. le Rapporteur. Elle intervient pour les placements d'office

absolument comme pour les placements dits volontaires. Il suffit,

pour s'en convaincre, je le répète, de lire l'article 31.

M. le Président. Personne ne demande plus la parole sur l'ar-

ticle 35 ? ... Je le mets aux voix. (L'article 35 est adopté.)

M. le Président, « Art. 36. Dans aucun cas, les aliénés diri-

gés sur un asile ne peuvent être conduits avec des condamnés ou

des prévenus, ni déposés dans une prison. Lorsque, pendant le

voyage de transport, un arrêt est indispensable, le malade est

déposé dans un hospice ou hôpital civil, ou, à défaut, dans un local

loué à cet effet.

« Dans tout chef-lieu judiciaire où il n'existe pas d'établissement

public, l'hospice ou l'hôpital civil qui doit recevoir provisoirement

les personnes qui leur sont adressées en vertu des articles 29 et 30

est tenu d'établir et d'approprier un local d'observation et de dé-

pût destiné à receyoir provisoirement les aliénés non encore inter-

nés, avant ou pendant leur voyage de transport à l'asile, et à

recevoir des inculpés présumés aliénés qui seraient soumis, par

décision de la justice, à une expertise médico-légale. L'organisa-

tion et le fonctionnement de ces quartiers ou locaux sont confiés

au préfet.

M. le Rapporteur. Je demande la parole.

M. LE Président. La parole est à M. le rapporteur.

M. le Rapporteur. Messieurs, l'article soumis en ce moment au

Sénat fait partie d'un ensemble de dispositions tout à fait nou-

velles ; il s'agit, comme vous le voyez, de régler les mesures à

prendre pour l'internement d'aliénés que l'administration est

142 SÉNAT.

obligée de placer d'office comme compromettant la sécurité, la

décence ou la tranquillité publiques, ou leur propre sécurité. Le

transport de ces aliénés, assez souvent dangereux, peut offrir des

difficultés, surtout quand il y a de grandes distances entre le lieu

où l'administration les a trouvés et l'asile qui doit les recevoir.

La loi de 1838, en prévision de ces transports, s'était bornée à

décider que a dans aucun cas les aliénés ne pourront être conduits

avec les condamnés et les prévenus, ni déposés dans une prison ».

Le projet du gouvernement, en reproduisant cette prescription,

avait cru suffisant d'abord d'ajouter que « lorsque, pendant le

voyage de transport dans un asile, un arrêt sera indispensable, le

malade sera déposé dans un hospice ou hôpital, ou, à défaut,

dans une hôtellerie ou un local loué à cet effet ». Et pour remé-

dier aux abus constatés du maintien de ces aliénés dans les hos-

pices ou autres dépôts de passage, le projet du Gouvernement

limitait la durée du séjour qu'ils pourraient y faire par la disposi-

tion suivante :

« Jamais ils (les aliénés) ne pourront être conservés dans un

établissement qui n'est pas spécialement consacré à leur traitement

pendant plus de quinze jours, à moins d'une autorisation spéciale

et motivée du préfet. »

- La commission du Sénat, en rendant justice au sentiment dont le

Gouvernement s'est inspiré en limitant strictement la durée du

temps pendant lequel des malades aliénés peuvent être gardés

sous prétexte de mise en observation dans des lieux de passage et

même dans les hôpitaux ou hospices civils ordinaires, adû exami-

ner la question de savoir si elle pouvait proposer de consacrer en

principe cette « mise en observation des aliénés » dans des locaux

quelconques autres que les établissements spéciaux créés par la loi.

L'expérience avait déjà résolu cette question par la négative en

démontrant, suivant les aveux mêmes que faisait le ministre de

l'intérieur en 18;i4, que « les aliénés (dans les établissements

.hospitaliers) sont généralement placés dans des cabanons étroits,

malpropres et malsains, loin des secours et de la surveillance z

qu'exige leur triste position ». Les rapports des inspecteurs géné-

raux ont jusqu'à ces dernières années montré que ces conditions

ne se sont pas améliorées. Dans le grand rapport publié en 1878,

et que j'ai précédemment cité,'on lit que « l'usage qui s'est trop

généralisé de placer dans les hôpitaux les aliénés en observation,

se maintient avec tous ses inconvénients... » et, rappelant la circu-

laire de 18,i4, à laquelle je viens de faire allusion, les auteurs du

rapport ajoutent : «Cette circulaire a été sans résultat; les locaux z

sont de plus en plus mauvais et les malades y sont toujours aussi

délaissés, pendant des mois, quelquefois pendant des années,

malgré une nouvelle circulaire qui limite à quinze jours au plus

la durée de cette période de mise en observation. »

SÉNAT. 143

La disposition du projet du Gouvernement pour limiter cette

durée ne serait, comme on le voit, que la reproduction dans la

loi nouvelle d'une prescription inutilement inscrite jusqu'ici dans

les arrêtés ministériels. Cette disposition n'ajoute rien ni pour

l'installation des locaux, le dépôt ou l'observation des aliénés, ni

pour les soins dont les malades doivent être l'objet, ni pour la

surveillance. La commission du Sénat a dû combler cette lacune.

Elle ne pouvait pas admettre la solution plus radicale proposée

par des hommes d'une incontestable autorité qui ont réclamé

l'interdiction de tout dépôt, de toute mise en observation en dehors

des établissements spéciaux. Il fallait tenir compte d'abord de la

situation des départements qui n'ont ni asile public d'aliénés, ni

asile privé faisant fonction d'asile public, ainsi que des chefs-

lieux judiciaires, où les expertises médico-légales dont la justice

peut avoir besoin ne sont possibles que dans une prison, à moins

d'un transfert du prévenu ou de l'accusé dans un asile souvent

très éloigné, transfert dont le moindre défaut, pour ces derniers

cas, est d'être contraire à la loi.

Je n'ai pas à m'occuper de cette dernière question en ce moment. L.

Mais je l'indique, parce qu'en l'examinant on y trouvera un argu-

ment de plus, démontrant la nécessité de mesures nouvelles pour

mettre à la portée de l'administration et aussi de la justice des

locaux convenablement disposés, tant pour le dépôt des aliénés de

passage que, pour l'observation de l'état mental des prévenus ou

des accusés présumés aliénés. '

Les dispositions que nous proposons auraient pu nous laisser

des doutes sur leur efficacité, si elles ne devaient pas être soute-

nues par les nouveaux moyens de surveillance et de contrôle du

service que la commission avait voulu créer dans chaque départe-

ment par l'institution de la commission permanente d'aliénés. La

valeur de ces moyens ne sera pas amoindrie par le vote de l'amen-

dement qui concentre dans la personne du médecin inspecteur des

aliénés cette partie du service.

Tels sont les motifs, messieurs, pour lesquels la commission,

d'accord avec le Gouvernement, propose au Sénat de décider que :

Dans tout chef-lieu judiciaire où il n'existe pas d'établissement t

public spécial, l'hospice, l'hôpital civil qui doit recevoir provisoi-

rement les aliénés est tenu d'établir et d'approprier un local

d'observation et de dépôt pour recevoir provisoirement les aliénés

non encore internés, avant ou pendant leur voyage de transport

à l'asile et à recevoir les inculpés présumés aliénés qui seraient

soumis, par décision de la justice, à une expertise médico-légale ;

de décider enfin que l'organisation et le fonctionnement de ces

quartiers ou locaux sont confiés au préfet.

Cette dernière question des expertises médico-légales en matière

d'aliénation mentale reviendra dans la troisième section du titre II

144 SÉNAT.

du projet de loi, qui a' pour objet propre les inculpés présumés

aliénés. Elle est réglée par un article spécial, l'article 42. Mais je

crois n'avoir pas besoin d'anticiper sur la discussion de cet ai ticle

pour justifier en ce moment les dispositions de l'article 36 et pour

obtenir l'adhésion du Sénat aux propositions de la commission.

~(Très bien ! très bien ! ) ! )

M. le Président. Personne ne demande plus la parole ? ... Je

mets aux voix l'article 36. (L'article 36 est adopté.)

M. le Président. c Art. 37. Les aliénés ne doivent être

retenus en observation dans les hôpitaux et hospices civils ordi-

naires que le temps nécessaire pour constater leur état d'aliéna-

tion mentale et pourvoir à leur transfèrement dans l'asile destiné

à les recevoir. Jamais ils ne peuvent être conservés dans un

établissement qui n'est pas spécialement consacré à leur traite-

ment, pendant plus de quinze jours, à moins d'une autorisation

particulière et motivée du préfet. » (Adopté.)

Section III. Des condamnés devenus aliénés; des aliénés dits

criminels; des inc ? ilpés présumés aliénés et soumis ci une expertise

médico-légale.

c Art. 38. - Les individus de l'un et de l'autre sexe, condamnés

à des peines afflictives et infamantes ou à des peines correction-

nelles de plus d'uii an d'emprisonnement, qui sont reconnus

épilepliquee ou qui deviennent aliénés pendant qu'ils subissent

leur peine, et dont l'état d'aliénation a été constaté par un certi-

ficat du médecin de l'établissement pénitentiaire, sont, après avis

du médecin inspecteur du département dans lequel l'établisse-

ment pénitentiaire est situé, conduits dans des quartiers spéciaux

d'aliénés annexés à des établissements pénitentiaires, et y sont

retenus jusqu'à leur guérison ou jusqu'à l'expiration de leur

peine. »

M. de Gavardie, de sa place. Monsieur le président, il y a quelque

chose de trop absolu dans cet article. On dit : « Les individus

de l'un et l'autre sexe condamnés à des peines atltictives et infa-

mantes, etc., qui sont reconnus épileptiques. Il y a des degrés

infinis dans l'épilepsie. Est-ce que, par cela seul qu'un individu sera

sujet de loin en loin à des attaques d'épilepsie, on pourra le

prendre au moment d'être libéré et le mettre en observation

pendant un temps plus ou moins long dans un asile spécial ? Cela

n'est pas possible ! 11 faudrait s'expliquer nettement sur ce point.

M. le Président. Vous voyez bien, monsieur de Gavardie, que

l'article dit : « ... y sont retenus jusqu'à leur guérison ou jusqu'à

l'expiration de leur peine ».

SÉNAT. '1 S

M. de Gavardie. Jusqu'à leur guérison ! Et s'ils ne sont pas

guéris ? ` ?

M. le Président. «... ou jusqu'à l'expiration de leur peine. »

M. de Gavardie. Cela veut-il dire qu'ils sortiront toujours à

l'expiration de leur peine ? Non ! 1

M. LE Rapporteur. Je demande la parole. '

M. LE Président. La parole est à M. le rapporteur,

M. LE Rapporteur. Messieurs, avec l'article 38 nous abordons

une section entièrement nouvelle du projet de loi, celle qui a

pour titre « des condamnés devenus aliénés; des aliénés dits

criminels; des inculpés présumés aliénés et soumis à une exper-

tise médico-légale ». Je n'ai pas besoin de rappeler que les dispo-

sitions proposées relativement aux deux premières catégories

d'individus constituent une des principales innovations du projet

du gouvernement. 1

L'article 38 s'occupe de la première de ces catégories : celle des

condamnés devenus aliénés. Le gouvernement a eu en vue d'abord

de consacrer par une disposition légale l'existence des quartiers

spéciaux annexés aux maisons centrales, quartiers dont le type

existe déjà à Gaillon et qui sont destinés à recevoir après enquête,

en vertu d'une décision ministérielle, les condamnés devenus

aliénés pendant qu'ils subissaient leur peine.

M. de Gavardie a trouvé inexplicable que dans cette partie du

projet de loi on puisse confondre avec des condamnés à des

peines afflictives et infamantes de simples épileptiques.' Je répon-

drai tout d'abord qu'il ne faudrait pas oublier que ces individus

reconnus épileptiques sont, comme les autres individus reconnus

aliénés, des condamnés, des individus frappés par la loi pénale,

et non de simples épileptiques dont l'état réclame l'assistance.

La commission du Sénat qui a eu à examiner sur place le

fonctionnement actuel du quartier des condamnés aliénés de

Gaillon, dont le gouvernement veut faire consacrer le principe

par la loi, y a vu une section entière affectée à des condamnés

épileptiques non aliénés.

J'ai déjà dit un mot, précédemment, des motifs qui ont dicté,

il y a dix ans, à l'administration pénitentiaire les règles, tirées

de son expérience, auxquelles elle soumet, en les retirant des

conditions ordinaires de l'emprisonnement, des condamnés épi-

leptiques qui sont dans les prisons un embarras et souvent un

danger plus grands que ceux qui résultent de la présence des

aliénés eux-mêmes. Aussi la commission a-t-elle reconnu la néces-

sité de ne pas s'écarter des dispositions déjà adoptées par l'admi-

nistration pénitentiaire au sujet des épileptiques qui sont, sous

le rapport de la loi pénale, dans des conditions indiquées à l'ar-

ticle 38.

Archives, t. XVII. 10

146 SÉNAT.

M. DE Gavnnum. En un mot, la commission entend parler

d'épilepsie bien caractérisée ?

M. le Rapporteur. Il s'agit dos épileptiques dont le directeur et

surtout le médecin des prisons reconnaissent que le séjour dans

la prison offre des inconvénients et réclame le transfèrement

dans une section spéciale du quartier affecté aux condamnés

devenus aliénés. *

M. Paris. Messieurs, l'article 38, que j'approuve en principe, me

parait rédigé en termes trop impératifs. En effet, si nous exami-

nons le texte de la proposition qui nous est soumise, nous voyons

qu'il s'applique non seulement aux condamnés à des peines afflic-

tives et infamantes, comme le proposait le gouvernement, mais

même encore aux condamnés à des peines correctionnelles de

plus d'un an d'emprisonnement, qui sont reconnus épileptiques

ou qui deviennent aliénés pendant qu'ils subissent leur peine. Les

individus appartenant à ces diverses catégories sont conduits dans

des quartiers spéciaux d'aliénés annexés à des établissements

pénitentiaires, et y seront retenus jusqu'à leur guérison ou jusqu'à

l'expiration de leur peine.

L'avis du médecin inspecteur ne sera pris évidemment que pour

constater l'aliénation ; du moment où cet état aura été ainsi établi,

la translation dans un quartier spécial d'aliénés sera obligatoire;

mais il arrivera souvent, surtout quand il s'agira de condamnés

à des peines correctionnelles, que l'épilepsie ou la folie se manifes-

tera à un moment rapproché de l'expiration de la peine, à la veille e

de la sortie de prison. N'estimez-vous pas que les dépenses qui

seraient alors imposées à l'administration et les mesures elles-

mêmes de translation seraient hors de proportion avec le but à

atteindre ?

Le condamné frappé d'épilepsie ou d'aliénation ne pourrait

subir un traitement efficace, puisqu'il n'aurait plus que quelques

jours à passer en prison, dans un quartier spécial d'aliénés.

Si cette observation est fondée, ne pensez-vous pas que dans

l'article 38, au lieu du mot c sont conduits », qui impose une obli.

galion en toute circonstance, il serait préférable d'employer le

terme « pourront être conduits » dans des quartiers spéciaux d'alié-

nés ? Nous laisserions ainsi à l'administration une certaine latitude

d'appréciation. L'internement serait la règle, mais cette règle

admettrait des exceptions dont l'administration serait juge. (bar-

ques d'approbation.)

M. le Président. La parole est M. le rapporteur.

M. le Rapporteur. Je répondrai à l'honorable M. Paris que, sur

le point qu'il indique, la commission a dû se rendre aux obser-

vations présentées par l'administration pénitenlière elle-même.

C'est l'expérience de cette administration qui a inspiré la dispo-

SÉNAT. 147 1

sition en vertu de laquelle le régime exceptionnel établi par l'ar-

ticle 38 s'étendrait non seulement aux condamnés à des peines

afflielives et infamantes, mais à tous les individus condamnés à la

peine de la réclusion.

M. Paris. Vous l'étendez aux individus condamnés correction-

nellement à un an et un jour.

M. le Rapporteur. Oui ! car l'expérience de l'administration péni-

tentiaire a démontré que c'est dans ces catégories que se trouvent

trop souvent les pires de ses recrues.

Quant à l'objection de M. Paris portant sur les inconvénients

de l'application de ces mesures d'exception à des individus qui

seraient à la veille de leur libération, la commission pense qu'il

y a lieu de s'en rapporter à l'administration, qui est le meilleur

juge et qui ne commettrait pas cette anomalie de faire transférer

dans le quartier Gaillon un condamné qui serait à la veille de sa

libération.

La commission ne voit pas d'ailleurs d'inconvénient à substi-

tuer, comme le demande M. Paris, les mots « pourront être con-

duits » à ceux-ci : x seront conduits». L'administration, qui reste

juge, le fera quand elle le jugera convenable. Je pense que M. le

commissaire du gouvernement ne fera pas plus d'opposition que

la commission à ce changement de mots.

M. LE Commissaire du Gouvernement. J'accepte la faculté au lieu

de l'obligation.

M. LE Président. M. Paris propose et la commission semble

consentir à cette modification de substituer au mot « sont » les

mots « pourront être ». Personne ne demande la parole sur cet

amendement ? ... Je mets aux voix l'article 38, en réservant l'amen-

dement. (Cette partie de l'article 38 est adoptée.)

M. le Président. Je mets aux voix l'amendement de M. Paris,

qui consiste à substituer les mots « pourrotitêtre » au mot « sont ».

(L'amendement est adopté.)

M. le Président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 38.

(L'article 38 est adopté.)

M. le Président. « Art. 39.- Est mis à la disposition de l'auto-

rité administrative, pour être placé dans un établissement d'alié-

nés, dans le cas où son état mental compromettrait la sécurité, la

décence ou la tranquillité publiques ou sa propre sûreté, et

après de nouvelles vérifications, si elles sont jugées nécessaires : -.

« 1" Tout inculpé qui, par suite de son état mental, a été consi-

déré comme irresponsable et a été l'objet d'une ordonnance ou

d'un arrêt de non-lieu ;

« 20 Tout prévenu poursuivi en police correctionnelle qui a été

acquitté comme irresponsable à raison de son état mental;

148 SÉNAT. ? 3° Tout accusé ou prévenu, poursuivi en cour d'assises qui a

été l'objet d'un verdict de non-culpabilité, si la défense a soutenu

qu'il était irresponsable à raison de son état mental ou si le

ministère public a abandonné l'accusation pour la même cause.

- Il est statué : dans le cas d'ordonnance de non-lieu ou d'ac-

quittement en police correctionnelle, par le tribunal en chambre

du conseil; dans le cas d'arrêt de non-lieu, par la chambre des

mises en accusation ; dans le cas de verdict de non-culpabilité,

par la cour d'assises en chambre du conseil ; ou, s'il y a lieu à de

nouvelles vérifications, la cour d'assises peut renvoyer l'individu

acquitté devant le tribunal en chambre du conseil.

« Les placements faits en vertu du présent article ne sont pas

soumis aux prescriptions de l'article 20, sauf celles du 2- paragra-

phe de cet article. Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'ar-

ticle 39 ?

M. LACOMBE. Je la demande, monsieur le président.

M. LE Président. La parole est à M. Lacombe.

M. Lacombe. L'article 39 est un des plus importants du projet

qui vous est présenté. Il édicté les dispositions tout à fait nou-

velles, et il touche non pas seulement aux règles du droit spécial

aux aliénés, mais encore aux principes générauxdu droitcriminel.

11 me parait donc nécessaire de présenter au Sénat quelques

observations sur les principales conséquences de cet article.

Il s'agit du cas où une personne ayant commis un délit, ou un

crime, ou, pour parler plus correctement, un fait qui pourrait

être qualifié de délit ou de crime, est traduite en justice. Devant

la juridiction répressive, il est quelquefois démontré, et il est

souvent soutenu, sans que cela soit bien démontré, que celte

personne n'était pas, au moment où elle a commis le fait qui lui

est imputé, dans une situation d'esprit telle, qu'elle puisse être dé-

clarée criminellement responsable.

Il peut intervenir, dans ce cas, suivant les phases de la procé-

dure, soit un arrêt de non-lieu, soit un jugement correctionnel

d'acquittement, soit un verdict de cour d'assises, duquel il résulte

que l'accusé doit être acquitté.

Le système de la commission est celui-ci : la décision a été ren-

due sur le motif que l'accusé était irresponsable à raison de son

état mental ; cet accusé ainsi acquitté sera remis à la disposition

de l'autorité administrative, qui pourra prescrire son interne-

ment pendant un temps absolument indéterminé dans un asile

d'aliénés.

Il y a des cas où l'application de cette disposition ne présen-

terait pas de difficultés; mais il y en a d'autres, au contraire, où

elle serait absolument irréalisable, à moins qu'elle ue constituât

un véritable excès de pouvoir.

SÉNAT. 149

Je conviens que s'il y a un arrêt de la chambre des mises en

accusation, un jugement ou arrêt correctionnel qui, décide en

propres termes que l'aliéné ou le prévenu est dans un tel état

habituel de démence ou d'imbécillité, qu'il ne puisse pas être con-

sidéré comme responsable de ses actes.

On peut voir là le motif unique de l'acquittement ou de l'arrêt

de non-lieu qui sera intervenu, et en tirer comme conséquence

la légitimité et la nécessité de l'internement dans une maison

d'aliénés. Mais en sera-t-il toujours de même ? Mettons-nous en

présence de quelques cas particuliers.

L'accusé peut, par exemple, avoir comparu devant la cour d'as-

sises. La défense a pu être présentée, je ne dis pas par lui-même

mais en en son nom, par l'avocat qui lui a été commis ou qu'il

aura choisi, et elle aura pu porter sur l'état mental de l'accusé.

La décision du jury non motivée, ne l'oubliez pas se con-

tentera de répondre négativement à la question de culpabilité qui

lui aura été posée. Or, il ne dépend ni du jury, ni de la cour d'as-

sises d'interpréter cette décision une fois rendue, et d'autre part,

je le répète, elle ne peut jamais être motivée.

Dès lors, je me demande comment, sans arbitraire et sans vio-

lation des principes du droit pénal jusqu'à ce jour, il pourra être

fait application du principe émis par la commission. En effet,

messieurs^ on peut plaider l'aliénation de plusieurs manières.

C'est quelquefois l'aliénation habituelle, un état mental tel, qu'on

puisse réellement considérer comme aliéné l'homme qui aura été

traduit devant le jury.

Mais ce n'est pas toujours avec cette clarté que se présente le

débat, et il arrive souvent que la défense ne dit pas au jury : Cet

homme est un véritable aliéné, habituellement irresponsable de

ses actes, mais simplement ceci : Cet homme n'a pas une très

grande intelligence; il ne mesure pas bien la portée de tous ses

actes ; ou bien : C'est un homme qui est sujet à la colère ou à

toute autre passion, à tel point, qu'il ne raisonne plus toutes ses

actions. Pour telle ou telle raison, au moment où il a accompli le

fait que vous lui reprochez et qui motive sa comparution devant

la cour d'assises, il n'était pas compos mentis; il n'était pas suffi-

samment responsable de ses actes pour être justiciable de la juri-

diction criminelle ; il ne peut donc pas être condamné, parce

que, s'il est bien l'auteur du fait à raison duquel il est poursuivi,

il n'est pas coupable de ce fait en prenant le mot de culpabilité

dans le sens précis que lui donne la loi criminelle.

Dans de tels cas, la décision du jury qui prononce un acquit-

tement peut n'avoir eu en vue que le moment strict où ce fait a

été commis. Cet homme n'a pu être maître de lui ; cet homme a

été, pour employer les expressions mêmes de l'article 39 du pro-

jet, irresponsable, à raison de son état mental au moment même

150 SÉNAT.

où le fait a été accompli. Mais est-il vrai, d'une manière générale,

que, dans l'habitude de la vie, cet homme ne soit pas responsable

de ses actes ? La question peutne pas avoir étéplaidée ; dans tous

les cas, elle n'a pas été résolue.

- Il y a plus et cette hypothèse, très fréquente dans la pratique

n'est pas la seule en présence de laquelle nous puissions nous pla-

cer il peut se faire, et il arrive d'une manière très fréquente

dans la réalité des faits, que l'argument tiré de l'irresponsabilité

de l'accusé ne soit pas isolé. Le défenseur peut soutenir, dans un

premier système, que le fait n'est pas vrai, qu'il ne peut être im-

puté à l'accusé, ou qu'il ne doit pas être puni à raison de telle ou

telle circonstance; il peut ajouter encore, à titre subsidiaire en

quelque sorte et pour venir à l'appui de sa première argumenta-

tion, que, d'ailleurs, cet homme n'est pas responsable de ses actes.

La décision non motivée du jury ne fait pas connaître quel est

celui de ces arguments qui a déterminé sa conviction.

Allez-vous donner ainsi à la cour d'assises jugeant en chambre

de conseil le droit d'apprécier la décision qui aura été rendue par

le jury et la mission de rechercher quel peut être le mobile qui a

entraîné un verdict d'acquittement ? Vous lui donneriez là unemis-

sion-qui lui a été refusée d'une manière constante jusqu'à ce jour.

Je n'ai à prendre comme exemple que le cas bien connu où il y

a eu un acquittement, mais où cependant il est demandé à la cour

d'assises une condamnation à des dommages-intérêts au nom de

la partie civile. Dans ce cas, c'est un point de doctrine et de juris-

prudence incontesté, que le verdict du jury échappe à toute inves-

tigation ; la cour de cassation a toujours maintenu avec la plus

grande fermeté le respect absolu dû aux décisions rendues par le

jury, et elle a complètement interdit à toutes les juridictions, soit

à la cour d'assises, soit au tribunal civil, d'interpréter ce verdict et

de décider si c'est par suite de telle ou telle considération que le

jury a acquitté l'accusé. Par conséquent, il me parait qu'il y a

dans le texte de l'article 39, tel qu'il est présenté par la commis-

sion, une modification tellement grave à notre droit criminel,

qu'il ne me semble pas possible que le Sénat l'accepte sans autre

examen.

Je n'ai pas voulu présenter d'amendement ; la rédaction, je le

reconnais, en eût été difficile et nécessiterait une étude sérieuse.

Mais je prie le Sénat de vouloir bien renvoyer l'article en discus-

sion à la commission, pour lui permettre d'en faire un nouvel

examen. Je suis persuadé que les considérations que je vient

d'avoir l'honneur de développer d'une manière très sommaire,

mais que je crois cependant suffisante, amèneront la commission

elle-même à modifier sa rédaction originelle. (Très bien ! et mar-

ques d'approbation sur plusieurs bancs à droite.) (A suivre.)

BIBLIOGRAPHIE

I. Allgeiiieiiie Diagizostili der Nervenkrankheiten ; par von P.-J.

IOEBIU.5, 101 figures. Leipzig, in-8°, 4886. (F.-C.-W. Vogel,

éditeur.)

Sous ce litre, le savant privat-docent bien connu de Leipzig a

écrit un Manuel de séméiologie des Maladies du système nerveux

sans y comprendre les affections mentales proprement dites. Il se

place à un point de vue purement clinique. L'élève qui aborde un

malade doit en effet, s'enquérir avant tout des commémoratifs

(Anamnese) et inscrire méthodiquement l'histoire nosologique de

la famille du patient et du patient lui-même. Tel est l'objet de la

première partie (A) du volume en question, dans laquelle l'in-

terrogatoire que comporte ce soin se trouve esquissé avec les

motifs à l'appui.

Lasecondepartie (I3), qui constitue en somme le gros de l'ouvrage,

sa matière, concerne l'Examen du malade au moment où il se pré-

sente sous les yeux de l'observateur. 1° De quoi se plaint-il ? 2° Quel

est son état psychique, son faciès, son attitude, son habitus;

comment converse-t-il avec vous, comment écrit-il ? Sa connais-

sance a-t-elle subi des perturbations, etquelles perturbations à telle

ou telle époque, pendant combien de temps, sous quelle forme,

comment se comporte-t-elle maintenant ? Existe-t-il de l'affaiblis-

sement de l'intelligence ou de la mémoire, des hallucinations,

des conceptions irrésistibles, etc., etc.; et faut-il rattacher ces

manifestations à une maladie générale (intoxication, auto-

intoxication, affection fébrile, septique aiguë, chronique, etc.), ou

bien, soit à une lésion cérébrale organique, soit à un trouble fonc-

tionuel, névrosique, de l'encéphale (épilepsie, hystérie, apoplexie

commune, sclérose en plaques, paralysie générale, méningite).

Voilà la matière des deux premiers chapitres, matière qu'a tout

d'abord à traiter le médecin mis en présence d'un malade. Natu-

rellement l'auteur analyse chacun des syndromes dans ses rela-

tions avec les différentes lésions, localisées en tels ou tels points

de tels ou tels organes du système nerveux 'il en lire le diagnostic :

3° Examen de la parole. Revue de ses diverses anomalies; travaux

de fussmaul, Broca, Charcot ; utilisation du schéma de Lielitlicinil

1 Voy. Archives de Neurologie, tomes précédents.

183 BIBLIOGRAPHIE.

écriture, lecture, articulation. Même méthode que précédemment;

4° Examen de l'appareil de la motilité. Ce chapitre se subdivise en :

nutrition du muscle, tension musculaire, motilité, excitabilité

réflexe, mécanique, électrique. Nous signalerons plus particuliè-

rement les paralysies, les mouvements anormaux (ataxie, trem-

blements, convulsions fibrillaires, toniques, cloniques, mouve-

ments irrésistibles, associés, choréiques; athétose),les mouvements

de la pupille, l'électro-diagnostic et l'exposé d'électro-pathologie ;

5° Examen de la sensibilité générale et spéciale. Aujourd'hui,

l'étude de la sensibilité tactile ^comprend, non pas seulement le

tact mais la recherche de l'appréciation par le malade de la sen-

sation de pression, de douleur, du lieu d'application de la tem-

pérature, enfin, la sensibilité des parties sous-jacentes à la peau.

Les sensations excentriques sont en outre l'objet d'un paragraphe

à part, suivi d'une terminologie générale qui sert d'int : oduction

indispensable, afin de bien fixer les idées, à l'étude des signes et de

leur valeur diagnostique; 0° Examen du crâne et de la colonne

vertébrale. Court mémorandum; 7° Examen des fonctions végé-

tafives.Arthropathies tabétiques, crises laryngées, dyspnées neuro-

pathiques, crises gastriques, intestinales, clitoridiennes, troubles

cardiaques et vésicaux, anomalies de la salivation et de l'urine,

recherche de l'ovarie, signes de dégénérescence physiques; pour

ne mentionner que les principaux éléments de diagnostic, c'est ce

qu'il faut connaître; de même qu'il importe de se rendre compte

de l'état des organes de l'économie entière; 8°Diagnostic E JUVAN-

TIBUS ET nocentibus. Autrement dit faire servir la connaissance, à

' l'établissement du diagnostic, la façon dont se comportent dans l'éco-

nomie les médicaments. Provisoirement, comme ledit M. Moebius, on

ne saurait consacrer que quelques mots à cette question. Ainsi la

guérison des accidents par l'administration du mercure et de

l'iodure de potassium, celle des accidents convulsifs par le bro-

mure, la dispartion de la migraine à la suite de l'absorption de

salicylate de soude, permettent d'affirmer la nature des phénomè-

nes morbides observés. Quant aux agents nocifs, un tableau vient

sous forme d'appendice, donner « un aperçu des professions indus-

trielles ou manufacturières, comprenant la production et la ma-

nipulation de matières antihygiéniques (toxiques), d'après le degré

de leur action sur les travailleurs ».

Le livre pourrait se terminer là. Mais l'auteur a pensé qu'il

convenait de rafraîchir la mémoire en résumant, en deux autres

appendices, la physiologie des muscles et les modifications pro-

duites par leurs altérations, ainsi que les troubles fonctionnels

déterminés par la lésion des divers nerfs. Il a de cette façon très

heureusement complété son t)(t6-mect<m du ? 2euro-patitologiste au

lit du malade; cette expression, qu'il nous permettra de formuler,

traduit nettement notre pensée.

bibliographie. 153

Ajoutons que les citations viennent, de concert avec les figures,

donner la vie à ce -volume et en consacrer l'actualité.

P. KÉBAVAL.

II. La mort par la décapitation ; par M. le docteur Paul Loye.

Lecrosnier et Babé et Progrès médical, Paris, 1888.

Notre ami, M. Paul Loye, préparateur de physiologie à la Sor-

bonne et de médecine légale à la Faculté, dont les lecteurs du

Progrès médical ont pu apprécier déjà les qualités littéraires, vient

de publier un ouvrage fort intéressant, écrit avec clarté et élé-

gance, malgré la nature du sujet; ce n'est en effet qu'un travail

de physiologie pure, où sont réunies, développées, expliquées les

nombreuses recherches expérimentales et les études cliniques de

l'auteur. Qu'on nous pardonne de parler ainsi; mais est-il un mal

plus grand que la décapitation 1

Comme notre collaborateur le déclare dans son introduction, il

ne faudrait pas voir en ce livre le roman de la guillotine. D'ailleurs

M. le Doyen de la Faculté, M. le professeur Brouardel, le dit dans

la préface où il présente ce volume au public médical. « On ne

trouvera là que des faits très scientifiquement précisés, que des

discussions qui se maintiennent exclusivement sur le terrain de la

science. » La sentimentalité n'a rien à voir ici ; il ne s'agit pas de

savoir s'il faut, oui ou non, admettre la peine de mort. M. Loye,

en homme de science, n'a voulu s'occuper que des faits. Si les

gens du monde et les journalistes parcourent cet ouvrage, ils y

trouveront pourtant matière à enseignement; puissent-ils au moins

y apprendre à distinguer la Vérité de cette fausse science, mise

sans cesse à contribution par la plupart de nos écrivains littéraires

contemporains.

Ce travail renferme des notions qui se rapportent à la physio-

logie pure et d'autres qui sont du domaine de la médecine légale.

A la première de ces sciences se rattachent les nombreuses expé-

riences, tentées sur les animaux par M. Loye et grâce auxquelles

il a pu étudier une importante question, celle du noeud vital, puis

les observations de décapitation, prises au pied de la guillotine et

contrôlées par des savants connus.

Des documents rassemblés, notre ami a pu tirer les conclusions

suivantes : La mort par la décollation s'accompagne chez le chien de

phénomènes tout différents de ceux observés chez l'homme décapité.

Le chien s'agite, se convulsé ; l'homme est calme, inerte. Le pre-

mier meurt surtout par asphyxie ; le second, par le développement

de phénomènes inhibitoires, dus à l'irritation énergique et subite

du système nerveux. Chez l'homme donc, suspension immédiate

du pouvoir réflexe et pas d'agonie. Pour obtenir chez le chien les

mêmes effets que chez ce dernier, il est nécessaire de frapper

134 BIBLIOGRAPHIE.

l'animal en un point du bulbe qui est le noeud vital. La région

du noeud vital ne parait pas, pour l'homme, être aussi limitée que

pour'le chien.

Tout ceci est exposé dans une série de chapitres qui ont pour

titre : 1° La tête après la décapitation et le tronc après la déca-

pitation chez les animaux ; 2o La mort par la décapitation

(phénomènes dans la tête et le tronc) chez l'homme. On trouvera

au début de chacun d'eux un résumé des principales déductions.

Au point de vue médico-légal, mentionnons l'importance de ces

recherches, en ce qui concerne le diagnostic des décapitations com-

plètes et incomplètes. Quand la décapitation est incomplète, comme

dans la plupart des cas d'assassinat, la mort aurait lieu par asphyxie;

quand elle est complète, l'individu succombe par inhibition. Un

autre fait a bien son intérêt : après la décapitation, le coeur bat

encore pendant plus d'une heure-. Doit-on considérer comme

vivant un corps séparé de la tête ? Non évidemment; donc

l'arrêt du coeur ne peut plus être considéré comme le terme de

la vie. Tout un chapitre est, à la fin de l'ouvrage, consacré à

l'étude de la décapitation légale par la guillotine, la hache ou le

glaive, à la décapitation suicide (coups de rasoir, décollation par

une locomotive, par une sorte de guillotine, etc.), enfin à la dé-

capitation homicide. A ce propos, M. Loye discute le moment de

la mort d'un décapité et montre comment on peut déjouer une si-

mulation de suicide par la décapitation; il termine en prou-

vant que le procédé de supplice actuel est encore le meilleur,

le plus doux et le plus humain. Le mécanisme de la mort par

la fulguration n'est pas encore suffisamment élucidé, même

en Amérique, pour qu'on puisse substituer à la guillotine l'élec-

tricité. Marcel l3atlooot;v.

111. Dégénérescence et criminalité. Essai physiologique,

' par Ch. Féré. (Paris, Félix Alcan, 1888.)

M. Th. Ribot, dans sa très remarquable leçon d'ouverture du

cours de psychologie expérimentale au Collège de France, faisait

observer que, bien que la psychologie ne fût pour les physiolo-

gistes qu'un prolongement de- leurs recherches, elle n'en exer-

çait pas moins sur plusieurs d'entre eux une séduction louable.

C'est à cette tendance que nous devons l'ouvrage du médecin de

Bicêlre, et, nous ne nous en plaindrons pas, car outre qu'il con-

tient une critique judicieuse des idées défendues par l'Ecole ita-

lienne d'anthropologie criminelle, ce livre est également plein

de vues hardies originales et suggestives, qu'un style aisé ne con-

tribue pas pour peu à faire agréer.

Les notions anatomiques sont insuffisantes pour caractériser le

type criminel, mais la physiologie permet d'établir théoriquement

BIBLIOGRAPHIE. 155

certaines des relations qui existent entre la maladie et le crime :

la criminalité est une forme de dégénérescence et c'est comme

telle qu'on la doit considérer pour la prévenir ou la traiter. Ainsi

résumerions-nous la thèse que défend M. Féré.

L'étude à l'aide d'appareils enregistreurs des modifications

physiologiques qui se produisent sous l'influence des états émo-

tionnels, modifications caractérisées par l'augmentation ou la

diminution d'intensité des phénomènes vitaux, selon la nature ou

la force de l'émotion, sert d'introduction à l'ouvrage dont le

chapitre Ier est consacré à l'origine et à l'évolution du Droit de

punir. - Une société dont l'objet principal est la ' protection

des associés doit, pour remplir son but, empêcher, et sinon,

réparer les dommages causés à l'un de ceux-ci. La peine est tout

d'abord appropriée à l'une et l'autre fonction, puis appliquée

qu'elle est par le pouvoir religieux ou légal, elle dévie de cet

objectif pour ne plus servir qu'à sanctionner la morale artificielle

édifiée par ce pouvoir dans son intérêt propre, au mépris de

l'intérêt de tous; elle devient par suite, fréquemment injuste ou

excessive au point d'attirer la sollicitude publique sur ses victimes.

On en arrive alors à chercher à en exonérer certains criminels.

Les folies à grand appareil bénéficient à l'origine de ces immu-

nités qu'ultérieurement, grâce à Pinel, Trélat, Legrand du Saulle,

on étend aux folies avec conscience.

De là en vient-on à rechercher si tous les criminels ne sont pas

des aliénés, ou mieux si le crime n'est pas en somme une mala-

die. Or, entre le crime et la folie il est difficile de marquer une

limite, car il existe entre eux ce-lien indissoluble de la commu-

nauté originelle. La criminalité est à ce point associée aux dégé-

nérescences physique et psychique qu'on la peut affirmer n'être

qu'un de ses modes se distinguant seulement par la plus grande

fréquence de son hérédité directe.

Cependant, on ne peut en inférer, comme M. Lombroso tente

de le démontrer, qu'il existe un type d'homme criminel dont le

critérium anthropologique repose sur un ensemble de caractères

biologiques ou anatomiques.

L'anomalie. morale du criminel que cherche à établir M. Caro-

falo ne s'appuie non plus sur aucun document de valeur indis-

cutable. Aussi, est-il seulement permis d'affirmer que le malfai-

teur n'est caractérisé que par son méfait.

Il y aurait donc, d'après M. Féré, non pas identité mais

parenté étroite entre le crime et la folie. L'auteur trouve une

explication suffisante de ce lien dans l'origine commune de ces

dégénérescences, ce qui lui est prétexte à un intéressant chapitre

de sociologie pathologique. Les modifications cosmiques sont lentes,

mais elles déterminent néanmoins des modifications organiques

rapides, d'où nécessité pour l'homme de s'adapter à de nouvelles

156 BIBLIOGRAPHIE.

conditions d'existence en un délai relativement court; beaucoup

s'épuisent dans la lutte qu'ils soutiennent contre les éléments en

vue de cette adaptation, et devenus par suite incapables d'efforts

soutenus, sont amenés à s'entretenir aux dépens des efforts

d'autrui. `

Suit-il de cette apparente fatalité que l'épuisé, dégénéré, puis

criminel soit responsable lorsqu'il est reconnu coupable ? Pour la

solution de cette question, M. Féré se récuse, à juste titre, à mon

avis, se basant sur des raisons qui rendent pour le moins hypo-

thétique l'existence du libre arbitre dont on fait dépendre univer-

sellement la responsabilité.

Il lui suffit de définir ce qu'est le criminel au point de vue

physiologique et de rechercher les meilleurs moyens pour pré-

venir et traiter la criminalité.

Le dégénéré improducteur ou destructeur est un nuisible contre

lequel la société a le devoir de protéger ses membres. Et, comme,

ainsi qu'on l'a vu, les dégénérés sont les fruits, ou mieux les

résidus de l'évolution sociale, à la société incombe également

le soin de réparer intégralement les conséquences matérielles

des actes de ces nuisibles.

L'application de ces principes réaliserait, pense M. Feré, un

moyen préventif des plus efficaces, comme aussi la diffusion des

notions relatives à l'hérédité, et le perfectionnement physique et

psychique des dégénérés. Pour ce qui est des mesures à prendre

vis-à-vis des nuisibles, la société doit tenir le criminel en tutelle

jusqu'à ce qu'il ait réparé son dommage, et sinon se borner à le

mettre dans l'impossibilité de nuire en dépensant pour lui le strict

nécessaire. En tous cas, le principe de l'égalité devant la loi doit

être absolu en matière de criminalité, et rien n'autorise à décréter

une immunité en faveur d'une catégorie quelconque de dégénérés.

Sans doute, l'exposé de ces données sollicite la discussion, et

cette dernière notion en particulier semblera hardie, car elle

bouleverse les idées courantes. Mais sentiment n'est pas raison,

et nous acceptons volontiers avec l'auteur la conséquence logique

des conceptions qui précèdent.

Quant au traitement de la criminalité, le seul moyen curatif

auquel l'expérience semble favorable est l'assistance sous la forme

du patronage familial, auquel l'auteur consacre un exposé bien

fait. Quelques pages sur l'emprisonnement cellulaire terminent

ce livre dont je n'ai donné qu'une idée bien imparfaite, mais

suffisante, je pense, pour engager à le lire. Paul BLOCQ.

IV. De la suggestion et du somnambulisme dans leurs rapports avec

la jurisprudence et la médecine légale'; par M. J. Liégeois, pro-

1 9e édition, 1887. 2e édition (vient de paraître).

BIBLIOGRAPHIE. -187 Î

fesseurà la Faculté de droit de Nancy, un vol in-18 de 758 pages

Paris, 0 Doin, 1889.)

On se souvient qu'au mois de mai 1884, M. Liégeois, professeur

de droit à la Faculté de Nancy lisait devant l'Académie des

Sciences morales et politiques de Paris un mémoire sur la sugges-

tion hypnotique dans ses rapports avec le droit civil et le droit

criminel.

Dans ce mémoire l'auteur exagérait partilièrement le rôle des

suggestions dites criminelles et pour montrer combien était peu

fondée son opinion, nous le mettions au défi, dans notre travail

snr l'Hypnotisme et les états analogues au point de vue médico-légal

de nous apporter un seul fait, un seul crime dans la perpétration du-

quel la suggestion fut intervenue.

Depuis, il y a quelques jours à peine (20 octobre 1888), M. Lié-

geois a fait paraître sur la même question un important ouvrage

dans lequel, ainsi qu'il fallait s'y attendre, les arguments que nous

avions présentés, ont été vivement discutés. On nous permettra

donc de nous étendre quelque peu et de nous appesantir sur les

nouvelles raisons nous ne disons pas documents apportées

par M. Liégeois à l'appui de la thèse qu'il défend.

Mais, avant d'entrer dans le corps même de la discussion, nous

devons avouer que la première lecture de ce livre a été pour nous

une véritable acception. Nous nous attendions en effet pour en

faire notre profit à voir discutées par un professeur de droit

devant la compétence duquel nous nous inclinions à l'avance, les

questions juridiques qui se rattachent au viol chez les inconscients

à propos duquel notre législation est si défectueuse et si incomplète

comparativement aux législations étrangères. Nous espérions que

M. Liégeois voudrait bien nous faire connaître son opinion cir-

constanciée sur la responsabilité qui incombe aux hypnotiseurs

ayant déterminé des accidents graves chez leurs sujets ; sur la

question de savoir si les hypnotiseurs non médecins commettent

oui ou non le délit d'exercice illégal de la médecine, toutes choses

qui méritaient bien, ce nous semble, d'être traitées dans un livre

consacré à l'hypnotisme médico-légal.

Eh bien, de toutes ces questions, M. Liégeois n'a cure : le livre

dans sesgrandes lignes est une apologie delà thérapeutique sugges-

tive inaugurée, suivant l'auteur, par M M. Liébeault et Bernheim ; de

plus, les accidents consécutifs aux manoeuvres hypnotiques intem-

pestives n'existent pas ou tout au moins ne semblent pas exister par

lui. Quant au délit d'exercice illégal de la médecine, quant à la

question qui se pose partout aujourd'hui de l'interdiction des repré-

sentations théâtrales données par les magnétiseurs de tréteaux, elle

est tranchée par l'opinion suivante qu'on « doit à Donato, à Hauser

à Léon, une certaine reconnaissance pour la part qu'ils ont prise à

158 BIBLIOGRAPHIE.

la propagation de l'hypnotisme. »Nous reviendrons sur ce dernier

point de la question qui mérite après les exploits de ces empi-

riques plus que les éloges de M. Liégeois. '

Nous avons aussi été fort étonné, nous qui suivons les cours de

la Salpêtrière depuis 1876,. en apprenant qu'à l'époque (t884)où

M. Liégeois présentait son mémoire à l'Académie des Sciences « les

phénomènes que présentent l'hypnotisme, le somnambulisme et

la suggestion étaient fort peu connus ». Pour un peu M. Liégeois

aurait été le premier à s'occuper du côté juridique de la question,

car il laisse complètement ignorer à ses lecteurs qu'en 1860 Char-

pignon écrivait sur la matière une brochure des plus sublantielles.

Il est vrai que ce médecin ne se montre pas tendre pour les magné-

tiseurs-amateurs. Mais ce sont là des vétilles et nous avons bien

mieux à faire que de nous étonner, lorsque M. Liégeois veut bien

nous apprendre que, non seulement il est inutile d'être médecin

pour étudier convenablement l'hypnotisme, mais encore que cette

ignorance des choses de la médecine est un avantage dans l'espèce.

II parait, en effet, qu'on a opposé à M. Liégeois un déclinatoire

d'incompétence en la matière, pour parler le langage juridique.

Aussi, l'auteur qui, avec l'École de Nancy, considère l'hypnotisme

comme un sommeil non pas pathologique mais physiologique

qu'il n'est pas une névrose mais un sommeil réel toutes choses

pour l'appréciation desquelles il est beaucoup plus utile d'avoir

fait des études de droit que de médecine - l'auteur de cela, nous

écrit-il (p. V.) : « Les phénomènes hypnotiques, en médecine,

c'est ou peu s'en faut une révolution. Je suis d'autant plus à

l'aise pour le proclamer que je ne suis pas médecin. Si, à cause de

cela on me dit que je ne suis pas compétent, je répondrai que

c'est parfois un avantage parce que dans ce cas on n'a pas de

préjugés, et je rappellerai que Pasteur a fait d'assez belles décou-

vertes, que la médecine semble destinée à utiliser chaque jour

davantage. » Etre le Pasteur de l'hypnotisme, l'ambition n'est pas

minime, et véritablement, lorsque M. Liégeois veut bien nous

apprendre qu'il aura plus d'une fois l'occasion de nous citer nous

a médecin nourri des enseignements de la Salpêtrière » parlant

rempli de préjugés et « le plus souvent pour nous combattre »

nous tremblons hélas, pour les appréciations toutes médicales qui

forment le fonds de notre travail. Et pourquoi donc M. Liégeois

nous combaltra-t-il le plus souvent ? Parce que nous n'avons pas

fait la part assez large à la suggestion, parce que nous a\ons

refusé delà charger de tous les crimes commis par les hypnoti-

seurs, de tous les accidents, y compris ceux dont ne parle pas

M. Liégeois, tels par exemple que les attaques d'hystérie sur-

venues à la suite des hypnotisations lucratives, à la suite des

représentations théâtrales données par les magnétiseurs pour

lesquels M. Liégeois à de la reconnaissance. La suggestion ! mais

BIBLIOGRAPHIE. 159

c'est la clef de tous les phénomènes hypnotiques. La léthargie,

la catalepsie, le somnambulisme en tant qu'étals séparés, antono-

mes, tels que nous le comprenons à la Salpêtrière, n'existent pas

c'est la suggestion qui les détermine. Si l'on presse le nerf cubi-

tal d'un sujet endormi et qu'il se produise la griffe cubitale et

rien autre, c'est encore de la suggestion, car évidemment on a

suggéré au sujet, inconsciemment ou non, de mettre en oeuvre, les

ni usclesetlesseiils muscles animes parce nerf. Mais M. Liégeois n'est

pas médecin et « les préjugés» que nous avons sur la connais-

sance physioiogque de l'innervation de ces muscles n'existent évi- -

demment pas pour lui. 11 ne nous reste plus qu'à nous déclarer

confondu. Toutefois, qu'il nous soit encore permis delui demander

comment il reconnaît quand un sujet dort véritablement. C'est,

nous répond-il, avec M. Bernheim, qu'en état d'hypnose il est

suggestible. Vraiment, dans la vieordinaire, la réponse estaccep-

lable, mais croit-on, puisque M. Liégeois parle médecine légale,

qu'un tribunal déclarera non simulateur, un individu par ce fait

môme qu'il avalera pour un verre de Champagne, le verre d'eau

qu'on lui aura présenté. Cela nous paraît bien. insuffisant à

nous médecins qui, dans une expertise, avons l'habitude de

ne pas nous contenter de la simple affirmation que nous soup-

çonnonsintéressCe.ilélas, il faudrapourtant bien,quecomme nous

en traitant de la simulation, M. Liégeois en arrive lui aussi à

tabler sur ces .stigmates physiques de l'hypnotisé. Il sera bien

forcé d'admettre cette byperexcitabilite neuro-musculaire dont il

ne veut à aucun' prix lorsqu'il nous dit (p. 683) « qu'un homme

robuste peut difficilement rester les bras étendus plus de 10 a

15 minutes et qu'un hypnotisé pourra, au contraire, conserver

pendant des heures les positions les plus bizarres les plus hétéro-

clites données à ses bras ou à ses jambes. Il y a là un moyen très

sérieux de déjouer la simulation. » Est-ce que ce ne sont pas là

des stigmates physiques découverts, disons-le, en passant par

Cliarcot et Paul Richer, à l'aide de l'appareil enregistreur de

Marez, sur des hystériques liypuotisables, et pour notre part nous

n'hésitons pas a rapporter cette tétanisation cataleptique des

muscles à une forme modifiée de t'hyperexcitabitité neuro-mus-

culaire.

Et voilà encore que d'autres stigmates physiques « état des

pupilles rendues insensibles à une lumière vive, anesthésie géné-

ralisée ou localisée, piqûres ou pincements faits à l'improviste au

moment où le sujet s'y attend le moins» ont aussi une valeur

très sérieuse. » Qui donc trompe-t-on ici, se fût écrié Beaumar-

chais ? Mais M. Liégeois n'est pas médecin ; pour lui le sommeil

ordinaire est une auto-suggestion, le somnambulisme dit naturel

n'est qu'un état physiologique à l'instar de Hypnotisme : tout

par la suggestion, telle est sa devise. Aussi quelle indignation

160 BIBLIOGRAPHIE.

n'est pas la sienne lorsque, soutenant que les dangers réels de

l'hypnotisme ne résident pas dans la suggestion, nous écrivons :

« Qu'on nous apporte un cas authentique (de crime commis à

l'aide de la suggestion), nous nous déclarerons ébranlé mais pas

encore convaincu. » « En vérité, dit-il (p. 637) faudrait-il donc

pour faire prendre au sérieux la suggestion, apporter à nos contra-

dicteurs un crime réel, un cadavre véritable ? Cela nous ne

pouvons le faire, on le sait bien et alors on s'empresse d'en

triompher. »

Et certainement nous triomphons de cet aveu arraché à

M. Liégeois par son indignation même, et nous n'espérions pas

qu'il nous ferait la partie aussi belle. Toutefois, que M. Liégeois

se rassure; nos prétentions n'iront pas jusqu'à exiger de lui qu'il

nous apporte ce cadavre récalcitrant ; mais enfin, lorsqu'on s'est

montré aussi affirmatif, quelques bonnes preuves bien palpables

ne feraient pas mal dans le tableau, et nous constatons encore

une fois avec M. Liégeois lui-même que dopuis deux années

que nous avons formulé notre demande, à la série de viols en

léthargie que nous avions rapportée, aucun fait criminel n'est

venu se joindre qui fût susceptible d'être interprété par cette sug-

gestion, pierre angulaire de l'édifice que M. Liégeois a élevé à

l'hypnotisme médico-légal. Ce désir immodéré de faire la sug-

gestion, le bouc émissaire de tous les crimes commis en état

d'hypnotisme ne nous parait pas devoir être favorable àl. Liégeois

car à bout d'arguments palpables, elle le conduit à des discussions

dans lesquelles on reconnaît bien plus le professeur de droit,

habitué à discuter sur des textes que le médecin raisonnant d'ha-

bitude sur des faits, sur des observations.

Qu'on lise en effet les lignes qui suivent la tirade désespérée

dans laquelle M. Liégeois se refuse à jouer le rôle d'assassin par

persuasion et l'on constatera que son ardeur à la lutte l'entraîne

à des citations incomplètes qui ont pour effet immédiat de déna-

turer singulièrement ce que nous avons écrit.

« En terminant sur ce point, dit-il (p. G37) je demanderai à

M. Gilles de la Tourette, dont je ne veux méconnaître d'ailleurs

ni les mérites, ni les excellentes intentions on va voir que les

roses cachent toujours des épines de nous dire à laquelle des

deux opinions par lui exprimées, il s'arrête en définitive ? Car je

remarque qu'il nous dit (p. 382) « l'hypnotisme peut être la cause

9 ou le prétexte de grands dangers : ce N'EST pas dans la SUG-

« gestion que résident ces derniers; il avait écrit dix pages plus

« haut) : L& suggestion EST certainement une arme dangereuse ».

Mais nous nous arrêtons a une seule et même opinion, M. Liégeois,

et nous vous aurions été obligé de] ne pas nous mettre, malgré

nous-même, en contradiction devant ceux de vos lecteurs qui

ne possèdent pas notre livre, car la phrase est ainsi conçue :

VARIA. 161

« La suggestion est certainement une arme dangereuse ; mais de

la ti la charger de toutes les malédictions, jusqu'et en faire un danger

public il y a fort loin. » La voici notre opinion, et cette fois coin-

plète, comme la phrase qni l'exprime, celle que nous émettions

il y a deux ans et dans laquelle les faits heureusement du

reste n'ont fait que nous confirmer.

Nous nous arrêterons là dans cette discussion et dans l'analyse

du livre de M. Liégeois, dont à notre tour nous ne voulons

« méconnaître ni les mérites, ni les excellentes intentions ».

Nous l'engageons cependant à méditer la vieille formule c Qui

veut trop prouver, ne prouve rien » et étant donné les bizarres

théories médicales qui émaillent à chaque page l'ouvrage de

notre auteur, nous avons bien peur que l'Ecole de Nancy ait

trouvé en lui le malencontreux ami de la fable.

Gilles DE L1 TuuRrTrL.

VARIA

Afin de dégager notre responsabilité au sujet de l'arrêté minis-

tériel qui fixe les conditions du concours pour les places de méde-

cins adjoints dans les asiles, nous publions le rapport que nous

avons été chargé de faire sur cette réforme. ·

Rapport SUR l'orgvnisation d'un concours pour l'admission aux

emplois de médecins adjoints des asiles d'aliénés, au nom de la

Commission spéciale composée de MM. 13ouawEwLLS médecin de

Bicêtre, député de la Seine, président, 1)0-\Nt,T, médecin direc-

teur de l'Asile de Vaucluse, et Giiuud, médecin directeur de

l'Asile S'-Yon.

Monsieur le Ministre)

Par Un arrêté en date du 0 mars dernier, et conformément à

un avis du Conseil des inspecteurs généraux des établissements de

bienfaisance et des asiles d'aliénés, vous nous avez chargés d'étu-

dier le meilleur mode de concours à organiser pour l'admission

aux emplois des médecins adjoints des asiles publics d'aliénés.

La commission s'est réunie le samedi 17 mars. Elle a pris connais-

sance aussitôt après son installation par AI. Monod, directeur de

l'Assistance publique et des institutions de prévoyance, des docu-

ments mis à sa disposition par l'Administration et elle a retenu

comme base de sa discussion le rapport fait au Conseil des ins-

Arciuyes, t. XVII. 11 l

- 162 VARIA.

l'accompagne. Elle n'avait pas à se préoccuper de la question de

principe, c'est-à-dire du recrutement des médecins adjoints par le

concours, puisque ce mode de recrutement est admis dès mainte-

nant par vous. C'est en effet le meilleur moyen d'apprécier l'in-

telligence et les connaissances des candidats. Il y a longtemps

' d'ailleurs que le Conseil général de la Seine en a réclamé le réta-

blissement pour le recrutement du personnel médical de ses

asiles. Nous disons le rétablissement et non pas l'institution, car

le Concours a existé jusqu'en 1839 pour les quartiers d'hospice

de ]31cêLi,e et de la Salpêtrière qui ont constitué durant une longue

période les seuls asiles consacrés aux aliénés dans le départe-

ment. Le Concours supprimé par l'Empire a été rétabli en l8î9

par M. Herold, préfet de la Seine, pour ces deux établissements.

De plus, M. Ilerold avait ultérieurement décidé que la place de

médecin adjoint de l'Asile clinique (Sainte-Anne) serait donnée à

lasuite d'un Concours analogue à celui des médecins des quartiers

d'aliénés de l31cêlre et de la Salpêtrière. Il n'avait pas voulu

étendre ce mode de nomination au recrutement des médecins en

chef de Sainle-Anne', Vancluse et Ville-Evrard, malgré son vif

désir, parce que la question était soumise à l'étude de la Commis-

sion ministérielle chargée d'étudier les réformes que peuvent conz-

porter la législation et les règlements concernant les asiles d'aliénés.

Le cinquième groupe de cette commission, ainsi que le rappelait

M. Regnard, avait formuié ce voeu que les médecins adjoints et

les médecins en chef des asiles fussent nommés au concours 2.

Ceci rappelé, voyons comment il convient d'organiser le con-

cours. Les uns ont proposé de faire un concours central et unique

pour toute la France ; les autres défaire des concours régionaux,

et en particulier de faire un concours spécial pour les asiles du

département de la Seine. Le Conseil des inspecteurs généraux

s'estralliéau Concours régional. Voici, d'après le rapport de M. Re-

gnard, les raisons qui ont motivé la décision de ce Conseil :

« La première condition pour rendre le concours efficace, dit-il,

est évidemment de s'assurer un nombre suffisant de candidats.

Or, un examen rapide de la question en fait apercevoir de suite

toutes les difficultés. Etablira Paris le siège du Concours pour tous

les départements, en distribuant les candidats heureux de Lille à

lltarseille et de Paris à Nancy, suivant les vacances, parait d'abord

une tentative bien risquée. D'une façon générale, et en niellant à

part les hommes qui ont l'ambition de faire leur chemin à Paris,

' Arrêté du 3 mars 1879.

Botirrieville. Rapport sur le personnel médical et administratif des

asiles d'aliénés.

VARIA. 163

les médecins désireux d'entrer dans les asiles tiennent à rester,

sinon dans leur département d'origine, au moins dans une loca-

lité qui n'en soit pas trop éloignée. Et, comme les places vacantes

ne seraient pas déterminées dans le système d'un concours central

et uni que, beaucoup déjeunes gens seraient certainement détournés

de l'idée de concourir par la crainte d'être envoyés à cent lieues

de leur pays. On ne peut songer d'autre part à instituer le con-

cours par département : il est trop certain que dans beaucoup de

cas, les candidats ne se présenteraient qu'en nombre insuffisant.

« Pris entre les difficultés d'un Concours central et unique, et

l'impossibilité du système par département, vous avez pensé avec

moi, Messieurs, que l'établissement d'un Concours par région pou-

vait résoudre le problème. On prendrait pour centre des villes

possédant des facultés de médecine ou des Ecoles préparatoires,

comme Nancy, Lyon, Lille, Bordeaux, Caen ou Rennes, Angers

ou \antes, etc. Ce serait l'affaire d'une commission spéciale de

déterminer ces centres, qui, d'ailleurs, ne devraient pas être trop

multipliés. »

« S'il m'était permis d'ajouter mon opinion personnelle, ajoute

M. Hegnard, j'émettrais le voeu que le département de la Seine

formât une région à lui seul, tant en raison du nombre de ses

asiles, qu'à cause de sa situation spéciale. Les objections soulevées

contre cette opinion ont été réfutées d'une façon péremptoire, à

mon avis, par le Dr Bourneville, dans le rapport auquel je faisais

allusion plus haut. » . z

« On a objecté, dit-il, la crainte de créer une oligarchie médicale

et aussi celle d'éloigner plutôt les jeunes médecins de la spécialité

des maladies mentales. Mais cette oligarchie médicale existe dès

maintenant pour les médecins des hôpitaux de Paris, pour les mé-

decins des hôpitaux et les professeurs des facultés de médecine

de toutes les grandes villes-. Cette suprématie d'ailleurs est juste,

puisqu'elle repose en général sur la valeur scientifique démontrée

par des Concours répétés et par des publications souvent nom-

breuses. Loin d'éloigner les candidats, le Concours spécial en crée-

rait, car beaucoup d'internes des hôpitaux qui se font inscrire

pour le Concours de médecins ou de chirurgiens se dirigeraient

sur celui des asiles, et cela parce qu'ils pourraient demeurer à

Paris ou dans le voisinage, et rester dans le courant scientifique,

tandis qu'ils ne prendront jamais part à un Concours qui aurait

pour conséquence, s'il se termine en leur faveur, de les éloigner

pour longtemps des asiles de la Seine '. »

1 si, ? - l'organisation du personnel médical et administratif des

asiles d'aliénés, présenté à la Commission chargée d'étudier les réformes

que peinent comporter la législation et les règlements concernant les

asiles d'aliénés, parBOURNF.VILI.F (188,».

164 VARIA.

« Dans tous les cas, messieurs, reprend M. Regnard, si l'on n'ac-

cepte pas la spécialisation de la Seine, eu raison du caractère

insolite que pourrait avoir cette mesure en apparence, vous serez

certainement d'accord avec moi, pour reconnaître qu'on ne peut

joindre aux asiles de ce département, pour former la région dont

il sera le centre que les deux établissements les plus rapprochés,

ceux de Clermont et d'Evreux. »

La discussion s'est engagée sur le premier article de l'Avis du

Conseil des inspecteurs, article ainsi conçu :

« Le Concours devrait être établi par régions, en prenant pour

centre de chacune d'elles soit une faculté, soit une Ecole prépara-

toire de médecine. »

M. Donnet, après avoir rappelé que, suivant le nouveau projet

de loi sur les aliénés, adopté par le Sénat, les médecins adjoints

seront nommés sur une liste de présentation dressée à la suite

d'un concours public, déclare qu'on pourrait peut-être, dans l'in-

térêt de l'étude des maladies mentales dans les Facultés de pro-

vince, organiser au siège de ces facultés, un concours pour les

places de médecins adjoints vacantes dans les asiles du ressort de

chacune de ces Facultés. 11 écarte les écoles préparatoires. Enfin,

il estime que les médecins adjoints d'une région pourront être

nommés médecins en chef ou médecins directeurs dans toutes les

autres régions.

M. Giraud est partisan d'un concours uniqne pour toute la

France. Il croit que l'objection tirée de ce que les candidats pour-

raient reculer devant les frais d'un déplacement, lorsqu'ils rési-

dent loin de Paris ne lui paraît pas fondée. En pratique, les jeunes

docteurs qui désirent devenir médecins d'asile ne se conten-

tent pas de faire une demande écrite; ils viennent faire des

démarches à Paris. En second lieu, il soutient avec M. Donnet

que l'avancement des médecins adjoints ne devrait pas être limité

à la région dans laquelle ils ont été nommés. « Il n'y a pas lieu,

dit-il, de tenir compte des circonscriptions pour la nomination

des chefs de service, car ce serait créer des inégalités parmi les

médecins adjoints. » Ou serait même amené à retarder l'avance-

ment des uns au profit des autres moins méritants, si le hasard

veut que des vacances aient lieu dans telle ou telle région, et l'on

produirait ainsi du découragement.

Il y a dans les asiles des postes de début pour les chefs de ser-

vice. Ce sont les asiles de médiocre importance et loin des grands

centres de population. Si l'on supprime le roulement des chefs de

service au début de leur carrière, on nuira au bon recrutement

des médecins aliénistes, parce que ceux qui acceptent volontiers

une résidence peu agréable avec la perspective d'avoir un poste

plus important quand ils auront acquis do l'expérience et fait

VARIA. 103

leurs preuves se récuseront s'ils doivent passer toute leur carrière

dans ces postes qui sont aujourd'hui des postes de début. Ces

asiles ne seront plus demandés que par des médecins ayant des

intérêts dans le pays, et souvent n'ayant pas réussi à avoir une

clientèle. »

Bouriieville a insisté vivement en faveur d'un concours régio-

nal. C'est un excellent moyen d'exciter l'émulation au sein de

chacune des Facultés, sans compter qu'on est ainsi assuré d'avoir

des candidats en nombre suffisant. Beaucoup d'anciens internes

des hôpitaux de Paris, de Lyon, de Bordeaux, etc., prendront

part à des concours qui ont lieu sous les yeux de leurs maîtres,

de leurs camarades, et qui leur permettront de rester dans le

voisinage de leur pays.

Beaucoup d'anciens internes des hôpitaux hésiteront à prendre

part à des concours qui les exposent à aller comme médecins

adjoints à l'autre extrémité de la France. L'institution du con-

cours et sa spécialisation par régions auront pour résultat d'éle-

ver le niveau du corps médical des asiles d'aliénés.

A la suite de cette discussion, la commission a voté les résolu-

tions suivantes :

Le concours pour les places de médecins adjoints des asiles d'alié-

nés de France devra être établi par régions, en prenant pour centre

de chacune, d'eues les villes qui possèdent une Faculté de médecine

de l'Etat.

Les candidats devront être docteurs en médecine de l'une desdites

Facultés de l'Etat et de nationalité française. Ils seront admis à

concourir dans toutes les régions, suivant leur convenance.

Les médecins adjoints pourront être nommés médecins en chef ou

médecins-directeurs dans toute la France.

La Commission a ensuite examiné s'il y avait lieu de faire un

concours spécial pour les asiles du département de la Seine, en

raison du nombre et de l'importance des asiles qu'il renferme, ou

si, conformément à l'avis du conseil des inspecteurs, « on ne

devra joindre au département de la Seine, pour la région dont

Paris sera le centre, que les deux établissements les plus rappro-

chés, ceux de Clermont et d'Evreux ».

M. Bourneville a rappelé les raisons qu'il avait données autre-

fois en faveur d'un concours spécial pour les asiles du départe-

ment de la Seine : Multiplicité des asiles : (Bicêtre, la Salpêtrière,

Sainte-Anne, Vaucluse, Ville-Evrard, Villejuif, sans compter la

création d'un second asile sur le domaine de Ville-I;vrard) ;

population considérable des aliénés (plus de 10,000) ; candidats

nombreux fournis par l'internat des hôpitaux et l'internat des

asiles; nécessité de relever l'enseignement scientifique de la méde-

cine meutale à Paris et d'avoir dans les asiles d'aliénés un per-

166 VARIA.

sonnel instruit et aussi capable que celui des hôpitaux. Il a ajouté

que si, conformément à l'article 3 de la loi du 10 janvier 1849,

l'administration de l'Assistance publique avait conservé la tutelle

des aliénés, elle aurait procédé pour la nomination des médecins

de Sainte-Anne, Ville-Evrard et Vaucluse, comme elle l'a fait pour

les médecins des quartiers de Bicêtre et de la Salpêtrière et que

les chefs de service de ces asiles seraient médecins des hôpitaux

comme l'étaient ou le sont : \I11. Trélat, Archambautt, Baillarger.

Delasiauve, Moreau (de Tours), J. Voisin, Bourneville, Charpen-

tier, Deny, Ch. Féré et Chaslin.

Cette opinion avait été soutenue énergiquement par M. Herold,

devant la commission ministérielle. 11 avait signalé la nécessité

d'avoir dans les asiles d'aliénés de la Seine des chefs de service

dans la force de i'âge et capables par leurs travaux scientifiques

de contribuer à la bonne renommée de la Faculté de médecine de

Paris.

Ces raisons n'ont pas été acceptées dans leur intégrité par la

majorité de la commission. Mais elle a été unanime pour ad-

mettre que, dans l'intérêt de l'enseignement, il y avait lieu de

demander un concours spécial pour la nomination des médecins

aliénistes chefs de service dans les asiles les plus voisins de

chacune des Facultés, c'est-à-dire :

Pour Paris, les asiles de Sainte-Anne, Bicêtre et la Salpêtrière;

Pour Bordeaux, l'asile de Bordeaux ou du Château Picon ;

Pour Montpellier, le quartier des aliénés de l'hospice Saint-Eloi;

Pour Nancy, l'asile de Maréviile.

Il a été convenu aussi que les conditions de ce concours seraient

équivalentes, autant que possible, à celles des concours pour le

recrutement des médecins ordinaires des hôpitaux. A Paris, par

exemple,' les conditions pour les places des médecins, chefs de

service de l'Asile clinique (Sainte-Anne) seraient les mêmes que

celles qui ont été établies pour les concours des médecins alié-

nistes de Bicêtre et de la Salpêtrière, lesquelles sont calquées sur

les conditions du concours des médecins des hôpitaux. 11 va de

soi que les médecins de Bicetre, de la Salpêtrière et de Sainte-

Anne, nommés au concours, auront la faculté de choisir leurs ser-

vices, comme les médecins des hôpitaux, et au sur et à mesure

des vacances et jouiront des mêmes prérogatives. Il en est de

même pour les Facultés de province où il y avait deux asiles. La

Commission pense que, de cette façon, on exciteraitl'émutation des

médecins adjoints et on rendrait d'inconleslables services à

l'enseignement de la médecine mentale'.

' Le jury Ju concours des médecins aliénistes de Bicètre et de la Sal-

pêtrière se compose de trois médecins ordinaires des hôpitaux et de

quatre médecins aliénistes tirés au sort.

VARIA. d67

La Commission a ensuite abordé l'examen des conditions spé-

ciales du concours et elle a adopté les résolutions ci-après :

Un concours sera ouvert, au chef-lieu de la région, toutes les fois

que le nombre des places vacantes ou des vacances <t prévoir sera de

deux au moins. Le nombre des places données sera supérieur d'une

ci celui des places vacantes.

Cette proposition subsidiaire a été adoptée à la suite de re-

marques présentées par M.Giraud, au sujet des inconvénients que

peut présenter, pour le service, la vacance prolongée d'un poste

de médecin adjoint dans les asiles où il n'y a qu'un médecin de

ce grade. Dès que le médeèin disponible serait placé et qu'il se

produirait une vacance, on procéderait à un concours pour deux

places. Le premier médecin nommé occuperait la vacance et le

second resterait à la disposition de l'administration.

L'avis du conseil des inspecteurs porte « que le jury désigné par

M. le ministre de l'intérieur se composera de médecins en chef

des asiles et d'un inspecteur général des établissements de bien-

faisance, » et il ajoute que « un- professeur de la Faculté ou de

l'Ecole préparatoire de médecine, suivant le cas, pourra être dé-

signé aux lieu et place d'un des médecins des asiles d'aliénés et

que les juges seraient au nombre de cinq.

La Commission a été unanime pour modifier cet article, ainsi

qu'il suit ?

« Le jury sera composé : Il de trois médecins en chef des asiles de

la région; 2° d'un inspecteur général, docteur en médecine; -

3" d'un professeur désigné pur la Faculté de médecine ; 4° d'un

juge suppléant. -Les médecins en chef et le juge suppléant seront

tirés au sort parmi tous les médecins en chef des asiles de la région.

L'avis des inspecteurs généraux indique qu'il y aura deux

épreuves : 1° une question écrite, éliminatoire dans le cas où le

nombre des candidats serait supérieur à trois pour une place;

2° une épreuve orale, comprenant : a) une question de pathologie

interne ou exlerne ; 6) une question portant sur la pathologie

mentale et la médecine légale des aliénés.

La Commission a été unanime à modifier ainsi cet article :

Les épreuves seront au nombre de quatre : 1° une question écrite,

portant sur l'analomie et la physiologie du système nerveux, pour

laquelle il sera accordé trois heures au candidat. Le maximum des

points sera de trente;

21 Une question orale portant sur la médecine et la chirurgie ordi-

naires, pour laquelle il sera accordé vingt minutes de réflexion et

quinze minutes pour la dissertation. Le maximum des points sera de

vingt. Cette seconde épreuve sera éliminatoire dans le cas où le nombre

des candidats serait supérieur ci trois pour une place;

3° Une épreuve clinique sur deux malades aliénés. Il sera accordé

168 VARIA. ·

trente minutes pour l'examen des deux malades, quinze minutes de ré-

flexion et trente minutes d'exposition. L'un des deux malades devra être

examiné plus spécialement au point de vue médico-légal. Le maximum

des points sera de trente. -

La plupart des concours actuels présentent une lacune regret-

table et sur laquelle nous avons souvent appelé l'attention. C'est

qu'on n'y tient aucun compte des travaux antérieurs des candi-

dats. Aussi ne pouvons-nous qu'approuver l'innovation que de-

mande l'avis du Conseil des inspecteurs. Sur ce sujet, la Commis-

sion s'est arrêtée à la rédaction suivante :

4° Les travaux scientifiques antérieurs des candidats seront exami- ? 2és et appréciés par le jury et feront l'objet d'un rapport qui pourra

être communiqué aux candidats sur leur demande. Le maximum des

points sera de dix. Ils devront être donnés au début de la première

séance de lecture des compositions écrites.

La Commission a pensé que le concours pour les places de mé-

decins adjoints devrait être supérieur aux concours habituels de

l'internat et qu'il était, indispensable de se rendre compte si les

candidats avaient étudié non seulement la pathologie mentale,

mais encore et surtout la clinique mentale.

Tel est, monsieur le Ministre, le résultat des travaux de laCom-

mission que j'ai été chargé par elle de vous transmettre. Elle es-

père que vous accepterez les propositions qu'elle vous soumet et

que, dans un délai très rapproché, vous voudrez bien organiser le

concours pour le recrutement des médecins adjoints de lous les

asiles de France et un concours spécial pour les places de méde-

cins-chefs de service dans les asiles d'aliénés, situés dans le voisi-

nage des six Facultés de médecine de France.

La Commission s'est réuniele mercredi, 9 mai, pour entendre

la lecture du rapport qui précède. Elle en a approuvé les termes

et en a adopté toutes les conclusions que nous reproduisons

ci-après.

CONCLUSIONS.

I. -Le concours pour les places de médecins adjoints dans les

asiles d'aliénés de France, devra être établi par régions, en pre-

nant pour centre de chacune d'elles, les villes qui possèdent une

Faculté de médecine de l'Etat. Les candidats devront être docteurs

de l'une desdites Facultés de l'Etat et de nationalité française.

Ils seront admis à concourir dans boutes les régions, suivant leur

convenance.

)).Les médecins adjoints pourront être nommés médecins

en chef ou médecins-directeurs dans toute la France.

VARIA. 169

IK. Il sera installé un concours pour la nomination des mé-

decins aliénistes chefs de service dans les asiles les plus voisins de

chacune des Facultés, c'est-à-dire pour Paris, les asiles de Sainte-

Anne, Bicêtre et la Salpêtrière ; pour Lyon, l'asile de Bron;

pour Bordeaux, l'asile de Bordeaux; pour Lille, l'asile d'Ar-

mentières; pour Montpeffior, le quartier d'hospice; - pour

Nancy, l'asile de Maréviffe.

Les conditions de ce concours seront équivalentes à celles des

concours pour le recrutement des médecins ordinaires des hôpi-

taux. Dans le cas où il y aurait deux asiles ou quartiers d'asile, il

sera établi un roulement à l'unanimité entre tous les chefs de

service nommés au concours.

IV. Un concours sera ouvert au chef-lieu de la région toutes

les fois que le nombre des places vacantes de médecins adjoints,

ou des vacances à prévoir, sera de deux au moins. Le nombre des

places données sera supérieur d'une à celui des places vacantes.

V. - Le jury sera composé : 1° de trois médecins en chef des

asiles de la région ; 2° ,d'un inspecteur général, docteur en

médecine ; 3° d'un professeur désigné par la Faculté de méde-

cine ; 4° d'un juge suppléant. Les médecius en chef et le juge

suppléant seront tirés au sort parmi tous les médecins en chef de

la région.

VI. Les épreuves seront au nombre de quatre : 10 une qites-

lion écrite portant sur l'anatomie et la physiologie du système

nerveux, pour laquelle il sera accordé trois heures au candidat.

Le maximum des points sera de trente.

2° Une question orale portant sur la médecine et la chirurgie

ordinaires, pour laquelle il sera accordé vingt minutes de ré-

flexion et quinze minutes pour la dissertation. Le maximum des

points sera de vingt. Cette seconde épreuve sera éliminatoire dans

le cas où le nombre des candidats serait supérieur à trois pour une

place ;

3° Une épreuve clinique sur deux malades aliénés. Il sera accordé

trente minutes pour l'examen des deux malades, quinze minutes

d'exposition. L'un des deux malades devra être examiné et dis-

cuté plus spécialement au point de vue médico-légal. Le maximum

des points sera de trente ;

4° Une épreuve sur titres. Les travaux scientifiques antérieurs

des candidats seront examinés parle jury et feront l'objet d'un rap-

port qui pourra être communiqué aux candidats sur leur demande.

Le maximum des points sera de dix. Les points devront être don-

nés au début de la première séance de la lecture des compositions

écrites.

9 mai f888. -

Le rapporteur, BOUR\El'1LLE.

170 O VARIA.

Concours d'admissibilité aux emplois DE médecins "adjoints

des asiles publics d'aliénés DE NANCY.

Dans le numéro de septembre 1888, nous avons publié l'arrêté

de M. le Ministre de l'intérieur organisant le concours pour l'ad-

missibilité aux emplois de médecin adjoint des asiles publics

d'aliénés. Dans le numéro de novembre, nous avons adressé un

certain nombre de critiques à divers articles de cet arrêté.

L'administration a reconnu le bien fondé d'une partie de ces

critiques. Le Journal officiel du 19 novembre contient un arrêté

qui modifie la condition relative à la limite d'Age, et qui admet à

concourir les internes des hôpitaux nommés par le concours ;

malheureusement, il laisse entier l'article 8, sur lequel nous serons

encore forcé, malheureusement, de revenir. Voici les deux nou-

veaux arrêtés :

Le président du Conseil, ministre de l'intérieur : Sur la pro-

position du directeur de l'Assistance publique; vu la loi du 30

juin 1838, l'ordonnance du 18 décembre 1839 et les décrets des

6 juin 1863 et 4 février 1875; vu l'arrêté ministériel du 18 juillet

1888 instituant un concours pour l'admissibilité aux emplois de

médecins adjoints des Asiles publics d'aliénés, arrête :

Article premier. Les docteurs en médecine .nommés par la

voie du concours internes dans les hôpitaux sont assimilés aux

internes des Asiles d'aliénés, et comme tels admis à prendre

part, sous les mêmes condilions, aux concours institués par l'ar-

rêté ministériel susvisé du 18 juillet 1888 pour l'admissibilité aux

emplois de médecins adjoints des Asiles publics d'aliénés.

ART. 2. Le directeur de l'Assistance publique est chargé de

l'exécution du présent arrêté.

Paris, le 24 octobre 1888. Pour le président du Conseil, mi-

nistre de l'intérieur, Le sous-secrétaire d'État : Léon l3ocncrois.

Le président du Conseil, ministre de l'intérieur, Sur la pro-

position du directeur de l'Assistance publique; vu la loi du

30 juin 1838, l'ordonnance du 18 décembre 1839 et les décrets des

6 juin 1863 et 4 février 4815; vu l'arrêté ministériel du 18

juillet 1888, instituant un concours pour l'admissibilité aux emplois

de médecins adjoints des Asiles publics d'aliénés, et notamment

l'article 3, § 3 de ce décret, fixant à 30 ans l'âge maximum auquel

les candidats seront autorisés à y prendre part;

Considérant que, pour les concours à ouvrir eu 1888, il convient

de tenir compte aux docteurs en médecine du stage qu'ils peuvent

avoir accompli comme internes en vue de l'obtention d'un emploi

de médecin adjoint, alorsqu'aucune condition d'âge n'était exigée,

arrête :

, VARIA. 171 1

Article premier. Pourront, à titre transitoire et purement

exceptionnel, être autorisés à prendre part au premier concours

d'admissibilité aux emplois de médecins adjoints des Asiles pu-

blics d'aliénés qui doit avoir lieu en 1888 par application de l'ar-

ticle 4 de l'arrêté ministériel du 18 juillet 1888 susvisé, les doc-

teurs en médecine remplissant les conditions, autres que celle de

l'âge, déterminées par ledit arrêté, et qui, au jour de l'ouverture

du concours, n'auront pas dépassé l'âge maximum de 35 ans.

ART. 3 : Le directeur de l'Assistance publique est chargé de

l'exécution du présent arrêté.

Fait à Paris, le 19 octobre 1888. Pour le président du Con-

seil, ministre de l'intérieur, Le sous-secrétaire d'État :

Léon Bourgeois.

Par application de l'article 4, 1 el de l'arrêté ministériel du 48 8

juillet 1888, un premier concours en vue de l'admissibilité aux

emplois de médecins adjoints des Asiles publics d'aliénés aura

lieu à Lyon, Lille et Bordeaux, le 20 décembre prochain, et a

Paris,Wancyetdlontpellier, le 26 décembre prochain ; le concours

sera ouvert dans chacune des régions indiquées par le tableau

annexé audit arrêté. (Voir le numéro du Progrès médical du 15

septembre).

Les docteurs en médecine satisfaisant aux conditions détermi-

nées par les-arrêtés des 18 juillet et 24 octobre 1888 et qui désirent

prendre part aux concours devront faire parvenir leur demande,

sur papier timbré, au ministère de l'intérieur, direction de l'As-

sistance publique, avant le te, décembre prochain.

Cette demande, qui devra indiquer dans quelle région le can-

didat veut subir le concours, sera accompagnée des pièces ci-

après : 1 acte de naissance; 2° un certificat constatant que le

candidat a accompli un stage d'une année au moins, soit comme

interne dans un Asile public ou privé consacré au traitement de

l'aliénation mentale, soit comme interne nommé au concours

dans un hôpital ; 3° diplômes, états de services, distinctions

obtenues.

En vertu d'une décision ministérielle spéciale du 19 octobre,

les docteurs en médecine âgés de plus de 30 ans, mais remplissant

les autres conditions prescrites par l'arrêté du 18 juillet 1888,

pourront, par exception, être admis à prendre part au concours

du 20 ou du 26 décembre prochain, pourvu qu'à cette date ils

n'aient pas dépassé l'âge de 35 ans.

Les candidats qui seront autorisés par le président du Conseil,

ministre de l'intérieur, à prendre part au prochain concours, en

seront prévenus officiellement en temps utile et recevront égale-

ment les indications nécessaires au sujet du lieu où siégera le

jury d'examen et de l'heure à laquelle ils devront se présenter.

' ! 7 varia.

Assurément, nous sommes très heureux de voir réalisée une

réforme que nous avons réclamée si souvent et nous ne pouvons

que féliciter M. Léon Bourgeois de ce qu'il a fait, tout en regret-

tant l'anomalie de l'article 8. Il est aussi fâcheux qu'un délai si

court, un mois, ait été donné aux candidats pour se préparer. Les

concours ont eu lieu le 20 et le 20 décembre. Voici les renseigne-

ments que nous avons reçu.

Région de la Faculté de médecine (le Lille. Jury : MM. le

Dl Napias, inspecteur général des établissements de bienfai-

sance; le D'' Cortyl, médecin en chef de l'asile de Bailleul;

® le De Martinencq, médecin en chef de l'asile de Clermont; -

le Dr Viret, médecin en chef de Fasile de Prémontré; le

De Castiaux, professeur de médecine légale à la Faculté de Lille.

Epreuves : 1° Epreuve écrite : Cervelet (Anatomie et Physio-

logie); les questions restées dans l'urne étaient : Bulbe, circon-

volutions, plexus cervical. 20 Ep. orale : 1 : r3·sipéle et ses com-

plications ; les questions restées dans l'urne étaient : Etiologie et pro-

phylaxie de la fièvre typhoïde; Panaris. 3° Ep. Clinique : Deux

malades aliénés. Le concours s'est terminé par la nomination de

M. le D Journiac, interne des asiles d'aliénés de la Seine. Il a

obtenu les points suivants : Epreuve sur titre, 8 sur 10; Ep. écrite,

2 : : sur 30; Ep. orale, 14 sur 20; Ep. clinique, 26 sur 30.

Région delà Facultéde médecine de Paris.-Le concours s'est ou-

vert le 26 décembre à la Préfecture de la Seine. Jury : le

1), Regnard, inspecteur général des établissements de bienfai-

sance de l'État, président; le Dr Bail, délégué de la Faculté de

médecine de Paris; le Dr Magnan, médecin de l'asile Sainte-

Anne; Le Dr Faucher, directeur-médecin de l'asile de Limoges;

Le Dr Delaporte, directeur-médecin de l'asile de Quatremares;

M. le D'' Mordret, secrétaire. Candidats : MM. les Des Arnaud,

Dupain, Sérieux, internes des asiles de la Seine, et le Dr Com-

bemale. Question : La question sortie de l'urne est la suivante :

Nerf facial (anatomie et physiologie). Le concours s'est terminé

le 30 décembre, par la nomination par ordre de mérite, de MM.

les Des Sérieux, ARNauD et Co.113E.11,LE. La première place a été dis-

putée avec un acharnement digne de tout éloge, et M. l'Inspecteur

général A. Regnard, a félicité les candidats, au nom du jury, pour

leurs brillantes épreuves.

Région de la Faculté de médecine de Nancy. Deux candidats.

Jury : Président : M. l'inspecteur général inapias. Jurés titulaires :

M. le professeur Hecht, M. le professeur Bernheim, M. le Dl Lan-

glois, médecin en chef de l'asile public de Maréville (Meurthe-

et-Moselle), M. le Dr Sizaret, id. Juré suppléant : AI. le D' Guyot,

secrétaire-médecin de l'asile public de Chztioiis (un second pro-

fesseur de la Faculté de Nancy a dû être désigné pour remplacer

varia. 173 là

le Dr Bayle, malade et parce que la liste des Directeurs-médecins

et médecins en chef de la région était épuisée).

jRë ? ode.Ft<c ! dfëdejBordeaMa ? {Pas de candidat.) Jury :

Président : M. l'Inspecteur général Drouineau ; Jurés titulaires :

M. le professeur Picot, M. le Dr Fabre, directeur-médecin de

l'asile public de Saint-Alban (Lozère), M. le D'' Pons, médecin en

chef de l'asile public de Bordeaux, M. le Dr Bouteille, directeur-

médecin de l'asile public de Barqtleville (Haute-Garonne). Juré

suppléant : M. le D'' Belle, directeur-médecin de l'asile public de

Sainte-Catherine (Allier).

Région de la Faculté de Montpellier. {Pas de Candidat.) Jury :

Président : M. l'Inspecteur général Drouineau; Jurés titulaires

M. le professeur Mairet, M. le Dr Dauby, directeur-médecin

de l'asile d'Aix (Bouches-du-Rhône), M. le D1' Campagne, médecin

en chef de l'asile public de Mont-de-Vergues (Vaucluse), M. le

Dr Boubila, médecin en chef de l'asile public de MarseUie;JM'c

suppléant : M. le docteur Gallopain, directeur-médecin de l'asile

public de Pierrefeu (Var).

Région de la Faculté de Lyon. Le concours est ouvert le 20 dé-

cembre. Jury : Président : M. l'Inspecteur général, A. Re-

gnard. Jurés titulaires : MAI. les Drs Pierret, professeur de cli-

nique des maladies mentales à Lyon, médecin en chef de l'asile

de Bron; Danis, directeur-médecin de l'asile public de Saint-Di-

zier (Haute-Marne) ; Boudrie, directeur-médecin de l'asile de Bas-

sens (Savoie) ; Dumaz, directeur-médecin de l'asile de Dijon (Côte-

d'Qr). Juré suppléant : Dr Rousseau, directeur-médecin de

l'asile d'Auxerre (Yonne). Les candidats ont eu à traiter la ques-

tion écrite suivante : Anatomie et physiologie du lobe pnriéto-frott-

tal. Le concours s'est terminé par la nomination de MM. Ciiaujiier

et BRTII01(CUi'. ·

Bien qu'il n'y ait pas eu de candidats dans la région des Fa-

cultés de Bordeaux et de Montpellier, ce qui explique d'ailleurs

l'insuffisance du délai accordé, ce premier essai de concours a

donné de bons résultats. Ceux qui ont été nommés ont fait de

bonnes épreuves.

Il est évident que l'institution du concours a un premier effet,

c'est d'éliminer les candidats qui ne travaillent pas. Après la

mort du Dr Bertliier, médecin de Bicêtre, il y a eu une vingtaine

de demandes adressées à l'administration préfectorale pour la

nomination directe. Lorsque le concours a été institué, il n'y a eu

que six candidats.

Avis aux Auteurs et aux Éditeurs. Tout ouvrage dont il nous sera

envoyé un seul exemplaire sera annoncé. Il sera fait, s'il y a lieu, une ana-

lyse de tout ouvrage dont nous recevrons deux exemplaires.

Coure (A.). -Les criminels (caractères physiques et psychologiques).

Volume Ili-16 de 113 pages, avec î3 tig. 1889. - Librairie 0. Duin.

FAITS DIVERS.

Asile D'.1LIÉ1ÉS. - Nominations : M. le Dl ROUILL.In1), chef de la

clinique des maladies mentales à l'asile clinique (SaitiLe-Aiine), est

nommé, par arrêté du 12 novembre, médecin adjoint et compris

dans la 2° classe à partir du le, novembre. M. le if Mole, mé-

decin adjoint à l'asile public d'aliénés de Saint-Venant, est nommé,

par arrêté en date du 2 novembre, aux mêmes fondions à l'asile

public de Braqueville (Haute-Garonne), en remplacement du

D'* BARANDON, maintenu à la classe exceptionnelle.

Asiles d'aliénés de la SEtNH. Concours pour la bourse de

voyage des internes. Ce concours s'est terminé le 19 novembre.

La lecture des compositions a eu lieu dans l'une des salles de la

caserne Lobau (annexe de 1'llôtel de Ville) et les épreuves clini-

ques à la Salpêtrière. La bourse de voyage a été décernée à

M. AR,4AUD, qui a obtenu 89 points sur 100. Le prochain concours

aura lieu en 1891. 11 est vivement.a désirer que les internes des

quartiers d'aliénés de Bicêtre et delà Salpètrière y prennent part.

Concours pour l'internat en médecine. Le jury est ainsi

composé : médecins des asiles, MM. les D's Dagonet, médecin hono-

raire ; Aug. Voisin (Salpêtrière); Bouchereau (Sainte-Anne);

Febvré (Ville-Evrard); - Espiau de La Maestro, honoraire; -

2° médecin des hôpitaux : M. le Dr Huchard, médecin à Bichat;

S..., chirurgien des hôpitaux; M. le D'' Picqué, chirurgien du

bureau central. La composition écrite a eu lieu lundi 10 dé-

cembre. La question donnée a été : Cordon postérieur de la moelle

{anatomie et physiologie). Les candidats sont au nombre de 17 pour

8 places. Les questions restées dans l'urne étaient : ÀV. moteur

oculaire commun (a. et p.); Corps striés (a. et p.).

Les questions posées à l'épreuve orale ont été : 1° luxation de

l'épaule; signes et diagnostic de l'insuffisance aortique; 2° fracture

compliquée des jambes et signes, et diagnostic de l'érysipèle de la face ;

3° plaies pénétrantes de l'abdomen; lyphlile.

Huit candidats seulement ont été nommés comme titulaires et

quatre comme provisoires. Voici les noms des candidats, dans l'ordre

de nominations : 4. RoubinovitcU; 2. Bécbet; 3. Berber; 4. Bied-

der ; 5. A. Marie ; 6. Blin; 7. Bernard; 8. Ravé. - Les provisoires

sont : 1. MM. Guérin ; 2. Vigoureux; 3. Barazère; 4. 1'argo·la.

Concours pour l'internat en pharmacie. Le tirage au sort

des membres du jury du concours pour l'internat en pharmacie

dans les asiles publics d'aliénés de la Seine, a donné les résultats

ci-après : 1° pharmaciens des asiles : juré titulaire, M. 1'liabuis

(Vaucluse); jurés suppléants, MM. Magnin (Ville-Evrard), et

FAITS DIVERS. 175

Requier (Villejuif); 2° pharmaciens des hôpitaux : jurés titu-

laires, MM. Deret (hospice d'Ivry), Lutz (hôpital Saint-Louis),

Rourgoin, directeur de la Pharmacie Centrale; jurés supplémen-

taires, MM. Guinoehet (Charité), Lafont (Cochin), Samnié-Moret

(Enfants-Malades), Vialla (Bicêtre), Leidié (Necker); 3° pharma-

cieus de la ville : juré titulaire, M. Yvon (7, rue de la Fcuilladc);

jurés supplénietita ires, Viier (1'), boulevard Bonne-Nouvelle),

Schmidt (24, boulevard du Temple), Champisny (29, rue de Clichy),

Desnoy (17, rue Vieille-du-Temple).

Asiles d'aliénés de l'étranger. Décret restrictif contre l'ad-

mission des aliénés dans les asiles 2^'ivcs en Pi,tisse. Le Comité

central des Sociétés médicales d'arrondissement de Berlin a rédigé

le manifeste suivant, le 19 octobre dernier :

Considérant que le décret ministériel du 19 janvier dernier relatif à

l'admission des aliénés dans les asiles privés est propre au plus haut

point à déterminer un conflit entre les médecins fonctionnaires et les

médecins non-fonctionnaires; considérant en outre que non seulement

ce décret lèse les intérêts matériels du public et des médecins praticiens,

mais encore et surtout qu'il met en suspicion l'honorabilité et les capa-

9 cités de ces derniers. La Société des médecins de la ville de Berlin

(Friedrich-Wilhelm-Stadt, Berlin) invite instamment les chambres médi-

cales à soutenir, résolument, les intérêts les plus légitimes des médecins

praticiens contre ce décret.

11 sera de règle qu'un certificat basé sur l'examen du malade

soit dressé par le Physikus ou le chirurgien du district (Crets) où

habite l'aliéné. Le certificat devra porter que le malade qu'il vise

est aliéné, qu'il est atteint de telle ou telle forme d'aliénation

mentale, et qu'il est nécessaire qu'il soit admis dans un asile

d'aliénés. Si le malade en question a déjà été traité ou observé

par un autre médecin pendant l'affection actuelle, on y joindra,

s'il est possible, un rapport de ce dernier relatif à la genèse et à

l'évolution de la maladie ; ce rapport aura été présenté au Kreis-

physib-iis, et il accompagnera le certificat. Dans les cas urgents,

notamment quand l'aliéné constitue un danger public, son admis-

sion s'effectuera provisoirement de par la présentation d'un cer-

tificat détaillé et circonstancié de n'importe quel médecin diplômé,

mais ce malade devra être examiné, dans les vingt-quatre heures

qui suivront l'admission par le physikus du district où siège l'éta-

blissement. Dans les cas douteux, on pratiquera un nouvel exa-

men à de courts laps de temps, et le physikus devra établir un

certificat concluant au maintien de l'admission provisoire ou à

l'immédiat élargissement.

1 Le A ? ei. ! p/;y.<t7t;M est le médecin d'arrondissement olliciel de l'em-

pire; il en est de même du chirurgien d'arrondissement {Krciswa71dar : l).

Voy. R. Blanchard : Universités allemandes, bureaux du Progrès rctédi-

(,al; et 1). Loyi : , Progrès médical, ilo 1 : 1, 1888.

176 . FAITS DIVERS.

'l'elle est la question brûlante qui a dû être soumise il la séance

de novembre aux chambres médicales de la province de Bran-

debourg et du cercle de la ville de Berlin. Elle parviendra

ensuite aux chambres médicales des autres provinces. A raison

des motifs exposés, déjà adoptés par la Société psychiatrique

de Berlin et la société médicale des districts gouvernementaux

de Cologne et de Coblenz, il est à espérer, dit le rédacteur de

la Berlila. Min, lYoclectascliri/t, auquel nous empruntons cette

nouvelle (voyez nos 4b et 4G, p. 920 et 939) que la manière de voir

consignée dans la rédaction précitée sera unanimement partagée.

Assistance DES Enfants idiots. Dans sa session d'août dernier,

le conseil général de la Dordogne, sur la proposition de

MM. les Dis Gadaud, Poarteyron, Clament, a émis un voeu ten-

dant iL ce qu'il soit créé des asiles spéciaux pour les enfants idiots

et arriérés. Nous enregistrons cette nouvelle avec la plus vive

satisfaction, car elle démontre que la réforme sur laquelle nous

avons insisté tant de fois et dans bien des circonstances, a fini

par fixer l'attention et finira par aboutir.

Faculté DE médecine DE MoNTPELLIER. M. Mairet, vient d'être

nommé professeur de clinique des maladies mentales et nerveuses.

Médecins aliénistes sénateurs. M. le Dr DoixLT, médecin-

directeur de l'Asile de Vaucluse, a été nommé sénateur de la Haute-

Vienne et a donné sa démission de médecin-directeur à la date du

31 décembre.

REVISION DF. la LOI de 1838 sur les aliénés. Dans la séance

du 27 décembre, la commission de la Chambre des députés a

nommé M. BOUR.IEVILLE, rapporteur.

' Voir Progrès médical, n1" 43, iG et 18.

Avis A nos Adonnés. L'échéance du 1 ? janvier

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos abonnés de nous envoyer le plus tôt pos-

sible le montant de leur renouvellement. Ils pourront

nous adresser ce montant par mandat-poste, en laissant

ci notre charge tous les frais d'expédition de ce mandat.

Nous leur rappelons que, ci moins d'avis contraire, la

quittance, augmentée des frais de recouvrement, leur sera £

présentée le 2 : i janvier. Nous les engageons donc, pour

éviter ces frais, ci nous envoyer de suite le montant de

leur renouvellement.

Le rédacteur-gérant, l3ounnewm.e.

Evreux. Ch. 11ÉRissry, imp,- 189.

Z Tableau III. TABLEAU DE LA FORME CENTRALE SPINALE POSTÉRIEURE I

) ? -

CATSARAS. Tableau IV. TABLEAU DE LA FORME SPINALE UNILATÉRALE. Variété intramyélitique ou intraspinale

Vol. XVII. Mars 1889. NI 50.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ANATOMIE

RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES CORDONS POSTÉRIEURS

' DE LA MOELLE ÉP1NIÈRE DE L'HOMME ;

Par le Professeur N. POPOFF, de Varsovie.

Les cordons postérieurs de la moelle épinière de

l'homme, présentant une région nettement séparée

des régions voisines, se divisent, comme on le sait, en

deux faisceaux : l'interne ou celui de Goll, qui se dis-

tingue par des fibres plus fines, adhère à la scissure

postérieure et se détache nettement du faisceau externe

de la partie cervicale, où sa limite extérieure, formée

par une cloison de tissu conjonctif fortement dévelop-

pée, prend naissance au sulcus intermedius posterior

(l3elliujeri); le faisceau externe, dit faisceau de Bur-

dach, occupe le reste des cordons antérieurs, touchant

au bord interne de la corne antérieure et des racines

postérieures.

Fleclisi ? d'après ses études du système nerveux

central, selon la méthode du développement embryon-

naire, confirme pleinement une telle subdivision. Au

' Die Leiti411gsbah ? ten iiee Gehim und, Ruckenmark des Menschen. An'

née 1876.

Archives, t. XVII. 12 ?

- 178 ANATOMIE.

moyen des coupes qu'il a pratiquées dans la moelle

épinière des foetus, à différentes époques d'évolution,

il a trouvé que les cordons de Burdach (Grundbündel

der Hinterstrange d'après Flechsi- se manifestent déjà

dès la quatrième semaine de la vie intra-utérine; mais

ce n'est que quatre mois plus tard que les fibres de ces

faisceaux reçoivent leur enveloppe de myéline. Quant

aux faisceaux de Goll, d'après Flechsig, ils ne se forment

que beaucoup plus tard, au début du troisième mois,

et ne se revêtent de myéline que vers l'issue dusixième

ou au commencement du septième mois de la vie foe-

tale.

Le professeur Bechterefï1, continuant les recherches

de Ftechsig, se servant de la méthode perfectionnée

de coloration de Veigert, a constaté que la division des

cordons postérieurs sus-mentionnée manquait d'exac-

titude, ces derniers consistant de trois et non de deux

faisceaux. Il se base sur le fait que les foetus de cinq

à six mois, dont les cordons postérieurs commencent

à peine à se recouvrir de myéline, ne l'obtiennent

pas sur toute l'étendue des cordes de Burdach, ainsi

qu'on aurait pu le supposer, mais rien qu'à leur bord

externe, le long de toute la limite interne des cornes

postérieures jusqu'à la commissure postérieure. Une

division de cette nature des faisceaux de Burdach était

encore à observer chez des foetus d'un développement

plus avancé (au commencement du septième mois de

la vie intra-uterine) dans les cordons postérieurs, où

les faisceaux de Goll étaient encore dépourvus de myé-

line. Quand la portion antéro-externe contenait des

' Ueber die Bestandtheile der ttinlerslrange des Ruekenmarks a : c%Grur : d

der Unlersachrtng. Neurol. ihrer Enlwicldung Centralb., 1885, n" 2.

DES CORDONS POSTERIEURS' DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 1 î )

fibres dont l'enveloppe à myéline était déjà sensible-

ment développée, les faisceaux postéro-périphériques,

contigus à ceux de Goll, offraient encore une couche

de myéline mince et délicate. Bechtereff, à ce qu'il me

paraît, rapporte le dépôt de myéline dans les cordons de

Goll à une époque plus éloignée, que ne le fait Flechsig,

généralement vers la fin du septième ou le commence-

ment du huitième mois de la vie utérine.

Ayant étudié la structure du système nerveux cen-

tral aussi d'après la méthode du développement em-

bryonuaire' et fait des investigations sur la moelle

épinière des embryons, principalement dans la se-

conde moitié de leur vie utérine, j'ai dû de mon côté

1 Je durcis la moelle épinière dans une solution de 2 p. 100 de bichro-

mate de potasse,.les coupes furent obtenues à l'aide du microtome de

Chanz et colorées d'après le procédé de Weigert. La moelle épinière d'un

foetus étant généralement très fragile, il est très difficile d'obtenir des

couches minces, d'après la méthode adoptée de plonger des fragments de

la moelle dans de la paraffine. C'est pourquoi le système d'immersion

des morceaux (jans de la celloïdine, employé actuellement au laboratoire

du professeur Flechsig, à Leipzig, mérite d'étte particulièrement noté,

bien que ce mode soit assez compliqué. Il consiste en ce que les fragments

de la moelle épinière, suffisamment durcie dans du bichromate de po-

tasse, soient ensuite déposés dans de l'esprit-de-vin, où ils demeurent au

moins vingt-quatre heures, et ensuite dans de l'alcool absolu coupé de

moitié d'éther sulfurique, où on les conserve selon leur dimension de

deux a quatre jours. Il est important de ne pas laisser ces morceaux

trop longtemps dans ce mélange, vu qu'il dissout la myéline et par cela

même rend l'examen ultérieur difficile. La formation d'un léger trouble

autour de la préparation sert d'indice qu'il faut la retirer sans retard.

La solution de la celloïdine dans de l'éther sulfurique, où^la préparation

est ensuite tiansférée, ne doit pas offrir une consistance plus forte que

celle d'un léger sirop, où les morceaux de la moelle doivent rester de

deux à quatre jours, pour être mis ensuite dans une solution plus dense,

où ils demeurent de deux à trois jours, et, enfin, dans une solution des

plus concentrées, où elles durcissent définitivement sous l'action de l'éva-

poration lente de l'éther. Les fragments fixés ensuite au moyen de cel-

loidine a des bouchons de bois se laissent aisément trancher et les coupes

obtenues se distinguent dans ce cas par une solidité qui facilite toutes

les manipulations suivantes.

L'huile de girofle, qui sert a éclaircir les coupes, dissout entièrement la

celloïdine.

180 ANATOMIE.

ratifier l'opinion de Bechtereff par rapport aux élé-

ments constituants des faisceaux de Burdach, mais sur

des coupes de la moelle épinière des foetus plus déve-

loppés, j'ai pu également me convaincre que les fais-

ceaux de Goll ne reçoivent pas simultanément leur

enveloppe à myéline. On a pu observer sur des coupes

de la moelle épinière des embryons au neuvième mois

de leur vie utérine, que les fibres des parties internes

des faisceaux de Goll possédaient déjà une couche de

myéline complètement formée, tandis que ceux de

leurs parties externes, qui limitent les cordons de

Burdach, en étaient encore presque dénués. Dans la

partie cervicale de la moelle épinière, où les faisceaux

de Goll sont les plus accentués, ce phénomène s'ex-

prime avec encore plus de précision, d'autant plus

que la présence de la cloison du tissu conjonctif sus-

A, Scptiiin posterius. J ! , La poition interne du faisceau de Goll. - C, 1 a porlion

externe du faisceau de Goll. I). Le faisceau de Burdach. - 1)' Lu portion posléio-

penphen<)neduYaisseandcUtud.n'h.E,J.apic-mi;re.

DES CORDONS POSTÉRIEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 181

mentionnée, servant de limite avec les faisceaux de

Goll et à ceux de Burdach, donne la possibibité d'af-

firmer avec certitude, que les portions dépourvues de

myéline font -partie du territoire de faisceaux grêles

(flq. 3 et 4).

Sur les coupes de la partie thoracique supérieure

(P. ni) de la moelle épinière, le tableau ci-dessus dé-

crit est moins précis, bien qu'on puisse y observer que

les parties des faisceaux de Goll avoisinant la scissure

postérieure, possèdent une couche de myéline infini-

ment plus développée que les extérieures, quoique les

limites de ces dernières soient beaucoup moins mar-

quées.

J'ai pu constater, comme cela est indiqué plus

haut, la même différence entre les portions externes

et internes des faisceaux de Goll sur les coupes de la

moelle épinière des embryons d'un âge comparative-

ment moins avancé, à peu près au commencement du

neuvième mois de la vie utérine, mais la limite externe

des faisceaux de cordons de Goll, privés de myéline,

ne tranchait pas assez sur les parties adjacentes de

ceux de Burdach, dont la couche de myéline est en-

core plus mince que celle des parties autéro-externes,

d'où il résulte que le tableau perd considérablement

de sa clarté. Le motif de ce que les fibres des fais-

ceaux de Goll ne se recouvrent pas simultanément de

myéline, mais se partagent sous ce rapport en deux

groupes, se trouve -probablement dans la dualité de

leur origine (flq. 5, G et 7). '

Une partie des fibres, d'après Flechsig, part de cor-

dons de Clark et de leur circonférence immédiate, se

dirige d'avant et de dehors en arrière et au dedans et

182 ANATOMIE. DES CORDONS POSTÉRIEURS DE LA MOELLE.

atteint ainsi la région des faisceaux de Goll ; la seconde

partie de fibres forme avant sa jonction à la substance

blanche la partie intégrante de la commissure posté-

rieure ; ces fibres émergent des cornes postérieures,

le long du bord antérieur des cordons postérieurs, elles

pénètrent dans la commissure postérieure et ayant

atteint la ligne médiane, changent brusquement de

direction qui devient sagittale et arrivent au septum

posterius. Le septum contient encore des fibres, pro-

ÉTUDE DE l'ÉTIOLOGIE DU TARES. 183

venant, comme celles de la première partie, des cordons

de Clark. J'ai pu constater sur mes préparations, que

les fibres de la commissure postérieure étaient encore

privées de la myéline, ou n'en avaient qu'une faible

quantité, quand les fibres des cordons de Clark se dis-

tinguaient déjà par une enveloppe complètement dé-

veloppée, offrant le même volume que celles de la por-

tion antérieure des faisceaux de Goll (fiq. 5, 6, 7).

Me basant là-dessus, je suis enclin à croire que les

fibres des faisceaux de Goll, qui débouchent des cor-

dons de Clark, se trouvent dans l'intérieur même de

ces faisceaux, tandis que les fibres de la commissure

postérieure constituent la partie externe. Quant à

l'extrémité de ces deux genres de fibres, il est évident

qu'elles la trouvent simultanément dans le bulbe,

dans les noyaux de faisceaux grêles.

PATHOLOGIE NERVEUSE

CONTRIBUTION A L'ETUDE DE L'ETIOLOGIE DU TABES;

Par le Dr L. MINOR,

Privat-docent à l'Université de Moscou.

I. SYPHILIS ET TARES.

La coïncidence excessivement fréquente du tabes

avec l'existence de la syphilis dans le passé du malade

a été reconnue par les médecins, grâce à une longue

série d'observations consciencieuses et importantes et

184 ' PATHOLOGIE NERVEUSE.

par la voie de la statistique. Selon quelques auteurs,

cette coïncidence se rencontre dans 90 p. 100 des cas

de tabes'. Il n'est donc-pas surprenant que, se basant

sur ce fait, la plupart des neuropatholo-istes aient

acquis la certitude de l'existence d'un rapport intime

entre la syphilis et le tabes ; cette certitude est encore

renforcée chez les neuropathologistes par de petites

statistiques de cas de tabes dressées personnellement

par chacun d'eux, statistiques qui sont relativement

faciles à établir grâce à la fréquence de cette maladie.

Parmi les statistiques de cette espèce, M. Moebius a

parfaitement apprécié la juste valeur de celle des cas

de tabes chez des femmes.

Et cependant, malgré cette masse de données sta-

tistiques, la question du rôle étiologique de la syphilis

dans le tabes est loin d'être résolue, même en ce qui

concerne le point capital, c'est-à-dire l'admission

même de l'existence de ce rapport, et je ne crois pas

me tromper en citant au nombre des auteurs qui sont

loin d'être d'accord avec les conclusions de MM. Four-

nier, Erb et Strümpell, les noms d'autorités médi-

cales comme MM. Charcot et Lancereaux, en France,

Westphal en Allemagne et Nothnagel et Leyden à

Vienne.

Vu cet état de la question, il nous semble que de

nouvelles données statistiques, et surtout des données

qui peuvent fournir de nouveaux points de départ

pour la solution de cette question, ne peuvent être

regardées comme superflues et inutiles pour l'éclair-

cissement de contradictions si fondamentales.

' Voir Strumpell. Neurol. CeitrulGlntt, n° 19, p. 439,

ÉTUDE DE l'ÉTIOLOGIE DU TABES. '185

C'est en me fondant sur ce point que je me per-

mets de présenter ici quelques données concises sur

l'histoire de huit cas de tabes observés par moi sur

des femmes pendant ces deux dernières années, soit

dans ma clientèle privée, soit à l'hôpital.

Observation I.

Mm0 A. S..., cinquante ans. Tomba malade à l'âge de trente-

huit ans environ. Chronologiquement, les premiers symptômes

furent des constipations et, de temps à autre, des rétentions

d'urine; à l'âge de quarante et un ans, se produisirent des accès

ressemblant à des crises gastriques; l'année suivante, un vacille-

ment à yeux clos; à quarante-cinq ans, douleurs lancinantes dans

les jambes et hyperesthésie cutanée très prononcée; la même

année, arthropathies labétiques caractéristiques accompagnées de

vomissements violents et d'un redoublement des douleurs lanci-

nantes.

En 1886, outre les phénomènes indiqués plus haut, j'ai constaté

l'absence du réflexe rolulien dans une jambe (dans l'autre l'examen

était impossible à cause de l'artUropathie). Force normale dans

les membres inférieurs; diminution notable de la sensibilité, tant

dans les parties profondes des articulations atteintes qu'à la surface

des jambes (dans ces dernières, la sensibilité à la température et

la sensibilité farado-edtatiée ont surtout baissé). Myose très pro-

noncée dans les deux yeux et symptôme d'Argyl-Robertson.

Antécédents. Il n'a pas été possible de trouver d'hérédité de

famille. A l'âge de vingt-deux ans et en parfait état de santé, la

malade épousa un ivrogne atteint peu avant le mariage de syphi-

lis ; plus tard, la malade eut des maux de gorge, fut atteinte

d'ulcères dans le pharynx, mais, à part cela, elle ne peut indiquer

aucun autre symptôme qu'on puisse rattacher à une infection

syphilitique antérieure.

Observation II.

A. S..., trente ans, femme de chambre, célibataire; a eu un

enfant. Entrée le 20 octobre ISSU, à l'hôpital pour les ouvriers,

section de la f3asmannaïa. Une année et demie avant d'être

admise à l'hôpital, la malade souffrait de froid et de douleurs

lancinantes dans les jambes, et d'une sensation de ceinture très

marquée. Plus tard parurent encore un engourdissement dans les

fesses et les reins et un vacillement à yeux clos. De temps à autre,

186 PATHOLOGIE NERVEUSE.

les douleurs lancinantes étaient accompagnées de vomissements

de masses bilieuses et de masses acides. Pendant son séjour à

l'hôpital, la malade fut atteinte à plusieurs reprises de diplopie.

Etat actuel (examen fait par moi, en août 1887). Outre les

symptômes déjà indiqués, la malade présente les suivants :

affaiblissement de l'ouïe dans les deux oreilles; myose marquée

et symptôme d'Argyl-Hobertson; de plus, certaine faiblesse dans

le bras droit remarquée depuis peu; ataxie très prononcée dans

les membres inférieurs pendant la marche et pendant les mouve-

ments au lit. Lorsqu'elle ferme les yeux, la malade tombe à l'ins-

tant. Force des jambes parfaitement normale; pas d'atrophie.

Sensibilité à la douleur très diminuée, surtout à la plante des

pieds'où une piqûre lui fait l'effet d'un simple contact. Retard

dans la transmission des sensations et polyesthésie (S. ressent

deux ou trois fois la même piqûre). Confusion dans l'estimation

de la place où se produisent les sensations tactiles (elle prend

souvent lajambe gauche pour la droite et vice versa). Sens mus-

culaire assez normal. Réflexes rotuliens totalement abolis dans les

deux jambes. (Je crois nécessaire de faire remarquer que tous les

examens ont été faits dans ces huit cas avec beaucoup de soin et

par moi-même, les réflexes rotuliens, dans les huit cas, ont été

examinés soit simplement, soit par le procédé de Jendrassik).

Je ferai remarquer un fait intéressant survenu dansle cours de

la maladie : c'est une amélioration considérable dans les dou-

leurs lancinantes après un état de fièvre assez aigu que la malade

eut à supporter pendant son séjour à l'hôpital (à en juger parles

remarques du médecin qui la soignait alors, il s'agissait proba-

blement d'une érésypèle de la face).

Antécédents. Les parents, les frères de la malade jouissent tous

d'une santé excellente; une de ses sceurs était autrefois anémique,

mais actuellement elle se porte bien. La malade n'a ni abusé, ni

même usé de boissons alcooliques ; elle ne se souvient pas d'avoir

jamais été atteinte de quelque affection nerveuse ou de quelque

autre maladie grave.

Il y a dix ans, elle eut des ulcères aux organes génitaux après le

coït; les médecins y reconnurent la syphilis et la malade entra

à l'hôpital de la Miassnitzkaja (réservé spécialement aux syphili-

tiques). Elle y fut soignée au moyen de frictions mercuriales,

but une décoction et se fit des injections dans le vagin, «parce que,

dit-elle, il y avait irritation dans la matrice ». Une année plus

tard, renouvellement de la maladie (éruptions sur tout le corps) :

elle rentra à l'hôpital des syphilitiques, y passa trois semaines et,

à l'expiration de ce terme, en sortit soulagée. Depuis ce moment

apparurent et disparurent de temps en temps des ulcères sur les

grandes lèvres et pendant longtemps la tête fut couverte de croû-

tes. Quatre ans après l'apparition de cette maladie, S... rcssen-

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 187

tit de violents maux de tête qui durèrent environ une année, puis

tout alla bien jusqu'au moment où se déclara l'affection dont elle

est actuellement atteinte.

Observation II1.

A. J..., paysanne, trente-cinq ans, environ, entra le 31 mars

1887 à l'hôpital pour les ouvriers, section de la Yausa, et en

sortitle 10 mai de la même année. Souffre, depuis un an, d'après

son dire, d'un malaise dans les jambes et depuis trois mois ne les

meut qu'à grand'peine.

Etat actuel. Ozène prononcée (syphilitique ? ), voix rauque.

Vue affaiblie dans l'eeil gauche (il n'a pas été fait d'examen

ophthalmoscopique) ; paralysie presque complète dans la région

du nerf oculomoteur de l'oeil gauche; ptosis, strabisme divergent,

absence des mouvements en haut, en bas et en dedans ; les autres

nerfs crâniens et les extrémités supérieures sont dans un état

normal. Dans les jambes, douleurs lancinantes et térébrantes,

sensation subjective de rigidité. Quand on exerce des mouve-

ments passifs on peut constater une flaccidité complète de toutes

les articulations. Sensation de froid et engourdissement dans la

plante des pieds.-Parmi les diverses espèces de sensibilité, la

plus atteinte est le sens musculaire (la malade ne peut se rendre

compte de la position d'un membre dans l'espace); les autres

espèces de sensibilité n'ont que peut souffert. La malade peut à

peine se tenir deboutavec les yeux ouverts; elle tombe dès qu'elle

les ferme. Quoique la force soit parfaitement intacte dans les jam-

bes, la malade peut à peine marcher quand on la soutient sous

les bras, et cela, grâce à une ataxie typique très forte. Les réflexes

rotuliens sont abolis dans les deux jambes.

Antécédents. -La malade est mariée. Sept ans avant l'appari-

tion de la maladie, le mari attrapa la syphilis avec une autre

femme ; peu de temps après, la malade vit apparaître des ulcères

aux organes génitaux et sur le corps se produisit une éruption

qui dura deux mois. Dès 1882, la malade ne fut pas atteinte d'au-

tres symptômes morbides. Pas d'abus de spiritueux, pas de refroi-

dissements. hialgré un interrogatoire minutieux, le sujet ne peut

indiquer aucune cause héréditaire.

Observation IV.

H. P..., cuisinière, quarante ans. Mariée depuis vingt ans.

Entra le 21 mai 1887 à l'hôpital des ouvriers, section de la Yausa.

Malade depuis trois mois, à ce qu'elle dit.

J88 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Etat actuel. Douleurs très vives dans les deux épaules, sur-

tout la nuit. Dans les membres inférieurs, douleurs lancinantes

sur le parcours du nerf sciatique ; ces douleurs se firent d'abord

sentir dans la jambe droite.seulement ; parfois douleurs fulgu-

rantes et térébrantes dans le bras droit ; douleurs et lourdeur dans

le creux de l'estomac, parfois, nausées et vomissements. Consti-

pations persistantes ; pas de règles depuis plus de deux ans. Or-

ganes intérieurs normaux. En ce qui concerne les nerfs crâniens,

je relèverai le fait que la réaction à la lumière et la conservation

des yeux sont intactes. Depuis un mois, l'ouïe et l'odorat se sont

affaiblis. Dans les membres supérieurs, il faut remarquer l'absence

complète du réflexe du tendon du muscle triceps dans le bras

droit et la conservation de ce réflexe dans le bras gauche (les arti-

culations des deux coudes sont normales). La démarche qui,

lorsque les yeux sont ouverts, semble parétique, devient, quand

ils sont clos, ataxique, surtout en ce qui concerne la jambe

gauche et la malade chancelle ; le même fait se remarque lorsque

la malade, couchée dans son lit, remue les jambes; elle ne peut

arriver à poser son talon gauche sur son genou droit et ne peut

pas non plus exécuter les divers mouvements que, dans le but de

faire ressortir l'ataxie, nous lui avons dit de faire. La force anus-

culaire des jambes est intarte. La sensibilité, en toutes ses branches,

semble normale. Les réflexes rotuliens manquent absolument dans

les deux jambes.

Antécédents. Le père et la mère de la malade étaient par-

faitement bien portants; la malade a accouché à terme, de 12

enfants, dont 4 sont vivants. Elle fut infectée de la syphilis,

en 1884 : ulcères aux organes génitaux, éruption sur la peau,

maux de gorge et chute du nez. Elle fut soignée à l'hôpital. Peu

de temps après une guérison apparente, elle devint enceinte et fit

une fausse couche. Depuis lors, pas dérègles; la malade nie tout

abus de spiritueux, refroidissements, etc.

Observation V.

C. J..., trente-cinq ans, dévideuse dans une fabrique de drap,

célibataire, entra à l'hôpital de la Yausa, le 28 octobre 4886. Se

sent malade depuis deux ou trois mois au plus; ressentit d'abord

des douleurs térébrantes dans les fesses et les reins et des douleurs

déchirantes dans les jambes ; dans ces dernières, se fait remarquer

une sensation d'engourdissement et des fourmillements ; quand

elle marche, la malade a sous les pieds l'impression d'un tapis

moelleux.

Etat actuel. Comme désordres dans les organes internes,

nous ne relèverons que, la descente de l'utérus. Dans l'oeil droit,

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 189

,strabisme divergent d'ancienne date et leucome (d'origine trau-

matique) ; dans l'oeil gauche, myose prononcée et symptôme d'Ar-

gyl-Robertson. L'examen opbtalmoscopique, fait par notre hono-

rable confrère, M. le Dl K. Adelheim, démontre dans cet oeil

.l'état normal des papilles des nerfs optiques.

Les bras sont normaux ; dans les extrémités inférieures, la force

musculaire est parfaitement intacte (contractilité électrique nor-

male, absence complète d'atrophie), démarche ataxique typique

très prononcée lorsque les yeux sont ouverts; quand elle les

.ferme, la malade tombe.- La jambe gauche est la plus atteinte ;

.dans la droite, la sensibilité tactile a beaucoup diminué dans la

région du nerf culaneus lateralis, du nerf ilio-inguinalis, du nerf

cutaneus posterior et dans la peau des fesses, où elle est réduite

à zéro. Hyperesthésie dans la jambe droite ; dans la gauche, anes-

thésie tactile dans la région du nerf cutaneus posterior. Anes-

thésie, mais moins prononcée dans la fesse gauche ; dans les

endroits indiqués, et dans les deux jambes, analgésie; une piqûre

fait l'effet d'un simple attouchement et il y a retard dans la trans-

mission des sensations. La sensibilité à la pression est très émous-

sée dans les deux membres inférieurs et est presque réduite à

zéro dans la région des nerfs sciatiques. Exagération marquée de

la sensibilité au froid dans les deux jambes. Les réflexes rotuliens

manquent absolument.

Antécédents. La malade ne peut évoquer aucune hérédité ner-

veuse, nie tout abus de spiritueux, refroidissement, etc. Il y a

douze ans, fut atteinte de la syphilis et soignée à l'hôpital de la

Mianitzskaïa (pour les syphilitiques).

Observation VI.

Mm0 ? Juive, cinquante ans, ressentit il y a quatre ou cinq ans

de très violentes douleurs « rhumatismales » dans les jambes.

Bientôt après l'apparition de la maladie, l'absence du réflexe rotu-

lien fut constatée par les médecins.

Etat actuel. Dans les jambes douleurs lancinantes terribles

ne permettant pas à la malade ni d'être assise, ni d'être couchée,

ni de manger, ni de dormir. Myose et symptôme d'Ar(, 1-Robert-

son dans les deux yeux. Ataxie lors des mouvements des jambes,

la malade étant au lit; cette dernière tombe lorsque, étant debout,

elle ferme les yeux. Force des muscles excellente. [Contractilité

électrique normale. Sensibilité très exagérée dans les membres

inférieurs et la moitié inférieure du tronc, mais, par endroits,

îlots d'anesthésie complète. Sensibilité à la douleur et à la pression

particulièrement diminuée. Hyperesthésie au froid. La malade ne

sent pas les objets chauds appliqués aux endroits atteints d'anes-

190 PATHOLOGIE NERVEUSE.

thésie. Sens musculaire aboli. L'urine et les excréments s'échap-

pent souvent involontairement; il est probable que cela provient

surtout de l'anesthésie de la muqueuse du canal urinaire et du

rectum. Dans les deux jambes, absence totale des réflexes rotuliens.

Antécédents. La malade, d'excellente constitution, nie absolu-

ment toute hérédité dans la famille; les conditions de sa vie ont

toujours été bonnes. Impossible de trouver dans sa vie des refroi-

dissements, excès de travail ou phases particulières, ni abus, ni

même usage de spiritueux. Etant très bien portante a épousé un

homme jouissant aussi d'une excellente- santé et en a eu de robus-

tes enfants. Douze ans avant la maladie actuelle, le mari de la ma-

lade reçut la syphilis d'une autre femme, se soigna attentivement et

régulièrement, mais se piaint cependant fréquemment, encore main-

tenant, de diplopie et de ptosis passagère dans un oeil. Il transmit la

maladie à sa femme, ce qu'il me déclara lui-même. Bientôt après

des spécialistes reconnurent chez elle la syphilis, la traitèrent au

moyen de frictions mercurielles et plus tard, l'envoyèrent à Teplitz.

Elle parut guérie, mais dans la suite fit, semble-t-il, deux fausses

couches. Depuis ce moment jusqu'à la maladie actuelle, rien de

particulier.

Observation VII.

Nilne iN.... Russe, cinquante-sept ans, dans la quarante-septième

année de sa vie, ressentit des douleurs « tiraillantes » dans les

membres inférieurs, « comme si les nerfs se tendaient et se relâ-

chaient ». Ces douleurs ont persisté jusqu'à maintenant, sont deve-

nues plus fréquentes et durent plus longtemps. En septembre 1882,

se déclara une ataxie qui se développa si rapidement que, depuis

lors, la malade est alitée.

Etat actuels La malade a excessivement maigri, mais cepen-

dant la force est normale dans les bras comme dans les jambes.

Contractilité électrique intacte. Ataxie très prononcée dans les

mouvements au lit. Se tient debout tant bien que mal et en vacil-

lant lorsque les yeux sont ouverts et tombe dès qu'elle les ferme.

Myose spinale et symptôme d'Argyl-Robertson dans les deux yeux;

par places, plaques d'anesthésie dans les jambes (analgésie sur-

tout) ; dans d'autres endroits, au contraire, hyperesthésie. Dans

les membres supérieurs, sensation d'engourdissement dans les trois

derniers doigts et du côté cubital des deux bras. On peut y obser-

ver, même objectivement, une anesthésie incomplète.

Ces derniers temps, se sont fait sentir de temps à autre des

douleurs lancinantes dans la moitié gauche du visage, et parfois

des accès d'engourdissement complet dans toute la face, à ce que

dit la malade; chaque crise est accompagnée d'un trismusqui dure

jusqu'à dix minutes. r

ÉTUDE DE l'ÉTIOLOGIE DU TABES. 191

J'ai assisté à l'un de ces accès; j'ai pu constater une anesthésie

totale dans la région des deux nerfs trijumeaux et un trismus

très violent qui passa au bout de trois ou quatre minutes après

l'introduction derrière les joues d'une petite quantité d'eau avec

des gouttes de valériane et une friction énergiqu e opérée sur les

deux joues, dans la région des masséters. La malade craint exces-

sivement ces attaques. Catarrhe très violent de la vessie avec réten-

tion de l'urine; grâce à ce dernier phénomène, le docteur qui la

soignait auparavant lui apprit à introduire elle-même son cathéter,

ce qu'elle fait maintenant au moindre désir d'uriner, c'est-à-dire

ttoisfois au moins par jour; il est bien possible que le catarrhe

de la vessie en soit le résultat. Les accès de douleur dans la région

de la vessie rappellent tout à fait les crises vésicales; la malade a z

ressenti en ma présence des douleurs ressemblant beaucoup aux

crises néphrétiques. Réflexes rotuliens abolis dans les deux jambes.

Antécédents. Lapatienle appartient à la classe aisée. Son père

est mort, déjà âgé, d'une affection pulmonaire ; sa mère, d'une hy-

dropisie. Pas de maladie nerveuse dans la famille. La malade s'est

toujours bien portée, n'a pas eu de refroidissement et ne buvait

pas; elle s'est mariée à l'âge de vingt-sept ans et a eu une fille.

Elle a été en parfaite santé jusqu'à l'âge de trente-neuf ans; il

n'y a que deux ans qu'elle a commencé à se plaindre de douleurs

dans le dos. A, l'âge de trente-neuf ans, elle acquit une syphilis

très grave, ce qui fut constaté par des spécialistes. Entre autres

symptômes, je relèverai des ulcères aux organes génitaux, des

condylomes à l'anus, une éruption sur la peau, des ulcères dans la

bouche et la gorge, sur la langue, des croûtes (rupia syphilitica) à

la plante des pieds et dans la paume de la main, couronne de Vé-

nus au visage, etc.

Grâce à l'opiniâtreté de la maladie, un traitement très éner-

gique fut suivi pendant deux ans et se termina au Caucase par

une série de bains sulfureux et des frictions mercurielles. Depuis

ce temps jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans, moment où appa-

.rurent les douleurs a tiraillantes dans les jambes, la malade ne

se plaignit de rien.

Observation VIII.

111 ? Z..., Juive, trente-six ans. En 1883, resseutitpour la première

fois dans les jambes de violentes douleurs lancinantes typiques

qui durent encore maintenant; de temps à autre, elle commença

à remarquer que l'urine s'échappait involontairement pendant la

marche.

Etat actuel. Outre les symptômes que nous venons d'indi-

quer, nous remarquons chez la malade : myose prononcée et

192 ), PATHOLOGIE NERVEUSE.

symptôme d'Argyl-Robertson dans les deux yeux; lorsque les yeux

sont fermés, léger vacillement et peut-être légère apparence d'a-

taxie ; à part cela, elle marche bien. Quelquefois elle ressent dans

les jambes, en même temps que les douleurs lancinantes, des

tiraillements ayant le caractère de crampes. Extrémités supérieu-

res normales. Dans les hanches, et en partie dans la peau du dos,

plaques d'hyperesthésie, et paresthésies de divers genres. Dans les

deux jambes, analgésie extrême, retard dans la transmission des

sensations. La sensibilité à la température est aussi très affai-

blie, la malade sent à peine le contact des objets chauds. Force

dans les jambes excellente. Réflexes rotuliens totalement abolis.

Antécédents. La malade appartient à la classe aisée de la

société; l'interrogatoire le plus minutieux ne fait découvrir

aucune trace d'hérédité morbide dans la famille. Le père de la

malade, qui a soixante-quinze ans, est en excellent état de santé;

sa mère est morte à l'âge de soixante-deux ans. Elle ne s'est

jamais plainte de refroidissement ; abus d'aucune espèce et, en

particulier, pas d'abus de spiritueux.

Il y a quinze ans, étant en bonne santé, elle épousa un homme

également bien portant et en eut un enfant robuste et sain ; un an

et demi plus tard, elle accoucha de nouveau d'un enfant en bonne

santé, qu'elle nourrit elle-même ; en même temps elle engagea

une bonne pour l'enfant ; vers la fin de l'allaitement, elle s'aper-

çut tout à coup qu'un ulcère s'était formé sur le mameloo de son

sein droit. En même temps (la malade ne se souvient pas si cela

apparut avant ou après), on constata chez l'enfant des condylomes

situés à l'anus. Le médecin à qui elle s'adressa, lui annonça,

qu'elle et son enfant étaient atteints de syphilis ; à ce qu'elle dit,

l'examen minutieux des organes génitaux ne fit constater aucun

vestige d'infection ; ce ne fut qu'un mois après l'apparition de

l'ulcère au sein que parurent des ulcères aux grandes lèvres. Les

médecins la traitèrent de la syphilis (quoique la malade dise

- qu'elle était parfaitement exempte d'éruption, d'inflammation

des amygdales, de douleurs dans la gorge et autres symptômes).

Trois mois après la guérison apparente de la.malade, cette der-

nière devint enceinte ; dans le septième mois de la grossesse, elle

mit au monde un enfant vivant qui mourut au bout d'une semaine;

quelques mois plus tard, nouvelle grossesse et avortement dans

le troisième mois ; six mois après, elle devint de nouveau enceinte,

mais malgré les plus grandes précautions (elle resta alitée presque

tout le temps), elle avorta encore, dans le sixième mois de la

grossesse. Enfin, elle fit une quatrième et dernière fausse couche,

au sixième mois également. Depuis ce moment, elle n'enfante

plus, il est difficile d'en dire la raison exacte, la malade recou-

rant mais depuis lors à divers moyens pour éviter la grossesse.

En 1881, la malade se rendit au Caucase, où elle se soigna par ,

ÉTUDE DE 1 ? ITIOI.OCIE DU TABES. 193

des frictions mercurielles et des bains sulfureux. Depuis l'époque

de sa dernière fausse couche environ, la malade commença à

souffrir de constipations opiniâtres persistant parfois toute une

semaine ; dans le but de se débarasser de cette pénible affection,

elle se rendit à Eranzensbad et à Marienbad, et c'est à son retour,

en 1883, qu'elle ressentit les premières douleurs lancinantes.

Tel est le petit groupe de femmes atteintes du tabès

que j'ai eues (et que j'ai en partie encore) sous ma

surveillance dans le courant des deux dernières

années. Outre ces cas, je n'en ai observé qu'un seul

autre, observation suivie d'autopsie ; dans ce cas

aussi l'infection syphilitique était indubitable; je me

réserve de parler ailleurs de ce cas. Quant à la collec-

tion que j'ai décrite, il est vrai qu'elle n'est pas con-

sidérable ; mais, à mon avis, elle n'en est pas moins

instructive.

Pour ce qui se rapporte à l'exactitude du diag-

nostic du tabes dans les cas décrits plus haut, c'est à

peine s'il peut naître le moindre doute après la lec-

ture du résumé concis de la description de ces mala-

dies ; parmi toutes mes malades, il n'y en avait pas

une seule qui présentât les symptômes douteux que

l'on regarde actuellement trop fréquemment, et sou-

vent mal à propos, comme le tabes incipient; toutes

étaient visiblement et sans doute possible atteintes de

tabès. Je n'aurais pas regardé l'abolition du réflexe

rotulien, remarquée chez tous les sujets, comme un

argument suffisant pour le diagnostic du tabès, puisque

comme on le sait, ce phénomène s'observe dans une

quantité d'autres tableaux pathologiques. Dans les

cas décrits, le diagnostic a toujours été basé sur l'en-

semble des symptômes : il suffit de rappeler que,

d'après les résumés des histoires des maladies, il

AticiiivLs, 1. XVII. ' 13

19 lé PATHOLOGIE NERVEUSE.

n'y avait d'amyotrophie dans aucun des huit cas; la

contractilité électrique était partout normale; dans

tous les huit cas, se rencontraient les caractéristi-

ques douleurs lancinantes et déchirantes et parfois

aussi d'autres désordres subjectifs de la sensibilité;

presque dans tous les cas se rencontraient aussi, à

différents degrés, les désordres objectifs de ! a sensi-

bilité (anesthésie et hyperesthésie) qui sont si caracté-

ristiques eu ce qui concerne le tabes.

Dans sept cas sur huit, il y avait vacillement visible

lorsque les yeux étaient fermés et dans six cas, il y

avait une ataxie fortement .prononcée. Dans le pre-

mier cas où, semble-t-il, il n'y avait pas d'ataxie, le

vacillement à yeux clos se retrouvait. Dans six cas il

y avait symptôme d'Argyl-Robertson très marqué et

myose spinale. Dans un cas (le troisième), il y avait

paralysie du nerf oculo-moteur; dans un cas, arthro-

pathie tabétique.

Faut-il encore ajouter que les cas que nous avons

étudiés dans notre clientèle privée ont été observés,

soit avant moi, soit en même temps que moi, par

d'autres spécialistes de Moscou et de l'étranger et que

tous, sans exception, ont reconnu dans ces cas-là

l'existence du tabes ?

Passons maintenant à la question qui nous inté-

resse tout particulièrement dans cette étude; c'est-à-

dire l'étiologie. Dans tous ces cas, cette dernière a

été étudiée aussi minutieusement que possible, sans

aucun désir de trouver à tout prix la syphilis et, nous

pouvons dire que le résultat de ces recherches est

éloquent, malgré le petit nombre de ces observations.

Tandis que dans aucun cas il n'a été trouvé ni abus de

ÉTUDE I)E L'1s'l'f0L0(xfE DU TABES. 195

spiritueux (il est durestepresqueimpossible de répoudre

de l'abstinence complète des sujets traités à l'hôpital),

ni refroidissement; tandis que dans tous ces cas (nous

attirons particulièrement l'attention sur ce point), Thé-

rédité nerveuse était niée ou impossible à retrouver,

dans sept cas sur huit (c'est-à-dire plus de 87 p. 100

nous avons trouvé l'existence indubitable de la

syphilis dans l'anamnèse et dans le premier cas, elle

était au moins très probable.

Outre l'aveu spontané des malades et t'interrogez

toire détaillé que je leur ai fait subir sur les symptô-

mes qui les avaient frappés et sur le mode de traite-

ment, nous pouvons ajouter que dans les cas VI, VII

et VIII, la syphilis a été constatée par des médecins

spécialistes, que les cas Il et V ont été soignés à l'hô-

pital pour ],es-syphilitiques (,)Iiastiitzskaïa), et que dans

les cas II, les signes de l'infection syphilitique exis-

taient encore en môme temps que le tabes.

Pour résumer, nous répétons que, de même que

dans aucun des cas il ne pouvait y avoir de doute sur

l'existence du tabes, à notre a is du moins, de même

dans sept cas sur huit, il ne pouvait y avoir l'ombre

d'un doute sur l'existence antérieure de la syphilis.

L'âge de mes malades était, par ordre descendant :

cinquante ans (deux cas), quarante-neuf, quarante,

trente-six, trente-cinq (deux cas) et trente ans. Par

conséquent, le tabes commença chez elles entre la

trentième et la cinquantième année. Le temps écoulé

entre l'infection syphilitique et l'apparition du tabes

était : dans un cas de trois ans ; dans un cas de sept

ans; dans un cas, de huit ans, dans un cas, de neuf

ans; dans un cas, de dix ans; dans deux cas, de douze

'196 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ans et dans un cas de seize ans. Par conséquent, les

signes de tabes visibles pour les malades se sont pro-

duits entre la troisième.et la seizième année après l'in-

fection.

La question du rapport entre la syphilis et le labes

a été étudiée avec tant de minutie pendant ces der-

nières années et on a rassemblé tant de données sta-

tistiques, que la comparaison des petits détails de ma

statistique avec ceux des cas de tabes observés chez

des hommes et des femmes et déjà décrits dans la lit-

térature, peut à peine être de quelque utilité.

L'importance de ma petite collection découle clai-

rement de ce qui précède et il est indubitable que

mes huit cas de tabès témoignent en faveur du rapport

qui doit exister entre le tabès et la syphilis. Je ne sais

pas si j'ai le droit d'affirmer aussi catégoriquement,

en me basant sur mes observations, que l'hérédité ne

joue aucun rôle dans le développement du tabes et

d'attaquer ainsi l'opinion de ceux qui accordent une

si grande importance à ce rôle de l'hérédité dans

l'évolution du tabès. Je crois que je ne puis le faire

par la raison que les données négatives ont toujours

moins de valeur que les données affirmatives.

Le fait que les malades que j'ai soignées à l'hôpital

pour les ouvriers niaient toute hérédité nerveuse, ne

peut être pour moi une preuve suffisante de l'absence

complète de cette hérédité, et cela en raison du niveau

intellectuel peu élevé de cette classe de malades, et à

cause du peu de renseignements que ces malades

peuvent fournir sur l'état de santé, non seulement de

leurs frères et soeurs, mais encore de leurs père et

mère. Mais ce qui est beaucoup plus éloquent, c'est le

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. '197

fait que les sujets pris dans ma clientèle privée ont

nié toute hérédité nerveuse ; leurs dépositions doivent

absolument être prises en considération dans la ques-

tion du rôle de l'hérédité dans le tabes. Comme nous

l'avons fait voir, nos observations ne parlent pas du

tout en faveur de ce rôle; il me semble au contraire

(en vertu de quelques considérations dont le lecteur

prendra connaissance plus loin), qu'elles parlent

contre l'importance particulière de l'hérédité dans le

tabès.

Ce n'est qu'en s'appuyant sur ces cas que même les

données négatives au sujet de l'hérédité fournies par

les malades soignées à l'hôpital acquièrent un cer-

tain poids. -

Outre l'importance que cette petite collection peut

avoir en tant, qu'adjonction à la statistique des cas de

tabès chez des femmes, je me permettrai d'y relever

encore un fait, savoir que deux de mes malades,

atteintes de tabès, étaient des juives appartenant à la

classe riche de la société.

Dans ces deux cas il n'y avait absolument pas d'hé-

rédité nerveuse; il ne pouvait être question d'abus de

spiritueux (abus qui, on le sait, est excessivement

rare chez les juifs) ; il n'y avait influence ni de refroi-

dissement ni de travail excessif, mais par contre

l'existence de la syphilis dans l'anamnèse des deux

cas était indubitable. Ce fait m'a conduit à l'idée de

l'importance des différences de nationalité dans l'évo-

lution du tabes.

Eu examinant la littérature au sujet des tableaux étio-

logiques dressés par divers auteurs, nous voyons quo

ces derniers ont pris en considération les données les

19N PATHOLOGIE NERVEUSE.

plus diverses pour arriver à résoudre la question de

l'étiologie du tabes. Au premier plan figure la syphilis

chez les malades; on compare la fréquence de la

syphilis dans l'anamnèse d'autres maladies, dans la

phthisie, par exemple; on prend en considération la

syphilis héréditaire (voir le beau cas de Strüempell,

dans la Centralblatt de Mendel, 1888, n° 5); puis vient

la question du sexe (ici se rattache la statistique du

tabes chez les femmes), la position sociale, les con-

ditions de famille (on peut rattacher ici les cas de

l'apparition simultanée du tabès chez le mari et la

femme tous deux syphilitiques - que vient de

décrire Strïiempell), l'âge (par exemple, le cas de Ber-

ger : tabes chez un vieillard de soixante-dix ans,

atteint peu auparavant de la syphilis), la profession,

lés fatigues de la vie militaire, les excès vénériens,

l'hérédité (très important travail de Ballet et Landouzy).

.Quelques-uns vont même, dans la question de l'étio-

Jogie du tabes et de la paralysie progressive, qui s'y

rattache si intimement, jusqu'à discuter sur l'influence

du thé, du tabac, de la station fréquente vers un poêle

chauffé, le dos étant appuyé au poêle.

Cependant, je n'ai trouvé nulle part dans les statis-

tiques ni les réflexions ni même une mention au

sujet de la nationalité des individus examinés; et

pourtant il me semble que c'est une question inté-

ressante. En effet, si nous faisons une analyse critique

de mes deux cas de tabes chez les juives, nous devons

bon gré mal gré nous y arrêter. A peine pourrait-on

trouver dans toute l'Europe un peuple chez lequel la

syphilis se rencontre comparativement aussi rarement

que chez les Juifs; ce fait nous semble au moins vrai

ÉTUDE DE 1,'ÉTIOLOGIE DU TABES. 199

pour la Russie où les juifs vivent en général assez à

part et ont conservé leurs traditions religieuses et

nationales. Les Juifs qui habitent la région orientale

de l'Allemagne et de l'Autriche offrent les mêmes

particularités, se distinguant en cela d'une manière

assez marquée des Juifs français, par exemple, qui,

grâce à certaines conditions particulières, se sont

presque assimilés à la population ambiante, du moins

en ce qui concerne le genre de vie.

Quant aux femmes juives, il est indubitable que la

syphilis est chez elles un fait rare. D'un autre côté,

à peine pourrait-on trouver une autre nationalité dans

laquelle l'hérédité nerveuse soit aussi fréquente qu'elle

l'est chez les Juifs. Etant donnés ces deux faits, je

n'ai pu ne pas être frappé du cas de mes deux Juives

atteintes de tabes, cas dans lesquels l'hérédité nerveuse

n'existait justement pas, mais dans lesquels la seule

affection grave formant époque dans les antécédents des

malades, était la syphilis.

Ayant fixé mon attention sur ce point et examiné

mes notes sur les malades que j'avais soignés, je suis

arrivé à la persuasion que sur un nombre égal d'in-

dividus russes et juifs atteints de'maladies nerveuses,

le nombre des juifs frappés de tabes ou de paralysie

progressive était considérablement moindre que celui

des Russes atteints des mêmes affections.

Voulant être encore plus exact dans mes conclusions,

j'ai dressé une petite statistique d'après mon journal

en ne prenant, pour plus d'exactitude, que les cas

dont il était dit « la syphilis a existé sans faute » ou

« il n'y a absolumeut pas eu de syphilis »; quant aux

cas où la syphilis était indiquée comme très douteuse

200 PATHOLOGIE NERVEUSE.

et ceux dans lesquels il n'en était pas parlé, je ne les

ai pas pris en considération; j'ai marqué d'un signe

particulier ceux où la syphilis était probable. Grâce à

la sévérité que j'ai ainsi apportée dans ce choix, je

n'ai pu prendre dans mon journal que 383 sujets

atteints d'affections nerveuses, se divisant en 260 Juifs

et 123 Russes.

Les données et le p. 100 que j'ai trouvés par cette

étude m'ont frappé et ce résultat me semble tellement

réussi que je dois croire que dans ce rapport le

hasard joue probablement un certain rôle. Voici les

faits fournis par ma statistique :

Sur 260 Juifs, il y avait 5 hommes et 3 femmes atteints indubi-

tablement de la syphilis, c'est-à-dire 3,07 p. 100. Si l'on ajoute à

ce chiffre, 3 cas, dans lesquels la syphilis était très probable (avec

chancre seulement), nous aurons 11 syphilitiques, soit 4,23

p. 100.

Sur 123 Russes, il y avait 20 personnes atteintes sans doute

possible de la syphilis, soit 16,2 p. 100. Si l'on y ajoute encore 0

cas dans lesquels la syphilis était très probable (avec chancre

seulement), nous aurons 26 personnes syphilitiques, soit 2L1

p. 100.

Ainsi par ce p. 100 tiré de ma clientèle privée,

nous voyons qu'en chiffres ronds, la syphilis était cinq

fois plus fréquente chez les Busses que chez les Juifs.

Sur 200 Juifs, 2 cas seulement de tabès, soit 0,7 p. 100 (un homme

et une femme).

Sur 123 Russes, 4 cas de tabès, soit 3,3 ? p. 100.

Nous voyons par ces chiffres qu'en chiffres ronds,

la fréquence proportionnelle du tabès est aussi de cinq

fois plus grande chez les Russes que chez les Juifs.

Enfin, sur 260 Juifs, il y avait 2 paralytiques, soit 0,7 p. 100.

Par conséquent, la paralysie progressive s'est aussi

ÉTUDE DE L'ETIOLOGIE DU TABES. 301

rencontrée six fois (6,S) plus fréquemment chez les

Russes que chez les Juifs.

De cette statistique, très étrange par les coïncidences

qu'on y trouve, découlent des faits très simples :

/). Parmi les malades atteints d'affections nerveuses,

le tabes et la paralysie progressive se rencontrent avec une

égale fréquence [chez les Juifs : tabès = 0, î p. 100; para-

lysie progressive = 0, 7 1). 100; chez les Musses : tabès

= 3,2 p. 100; paralysie = 4,8. 100.

2). Chez les liasses, la syphilis se rencontre cinq fois

plus fréquemment que chez les Juifs.

3). Le tabès et la paralysie progressive se rencontrent

aussi cinq fois plus fréquemment chez eux.

En examinant cette statistique, c'est à peine si l'on

peut douter, que cette fréquence indubitablement plus

prononcée du tabès et de la paralysie progressive chez

les Russes ne provienne que de l'existence plus fré-

quente de la syphilis chez eux et non d'autres causes

(par exemple la nervosité innée des Juifs joue un cer-

tain rôle dans l'apparition chez eux de graves affec-

tions nerveuses).

Pour mettre de côté ces propriétés de nationalité

possibles et non prises en considération, propriétés qui

peuvent avoir une influence sur la fréquence plus ou

moins grande du tabes, je me suis posé la question

suivante : « Si la cause de la fréquence plus grande

du tabes chez les Russes que chez les juifs provient

non pas de quelques particularités anthropologiques de

race, mais d'une cause extérieure, comme, par exemple,

la syphilis, sur cent Juifs atteints de maladies ner-

veuses et ayant eu auparavant la syphilis, il doit se

Ot2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

trouver autant de sujets frappés de tabes que sur

cent Russes qui se trouvent dans les mêmes conditions.

J'ai reçu de nouveau une réponse concluante : Sur

huit Juifs atteints indubitablement de syphilis, il y

avait deux cas de tabes, soit 25 p. 100.

Sur onze Juifs syphilitiques (en comptant ceux chez

lesquels la syphilis était probable) il y avait deux

malades atteints de tabes, soit 18,18 p. 100. Sur *

vingt Russes atteints pour sûr de syphilis, il y avait

quatre cas de tabes, soit 20 p. 100. Sur vingt-six

Russes syphilitiques (en comptant les cas probables),

il y avait quatre cas de tabes, soit 15,4 p. 100.

Pour prouver que ces p. 100 sont en tout vrais et

ne sont absolument pas accidentels, il suffit de les

comparer aux intéressantes données, fournies par

M. Reumont. Il a justement examiné 3,400 cas de

syphilis; dans le nombre se trouvèrent 290 cas de

maladies nerveuses et parmi ces derniers 40 cas de tabes,

soit 14 p. 100. Mais ces données ne se rapportent

cependant pas exactement à notre question en ce qu'il

s'agit de syphilis dans l'état actuel et que nous avons

relevé l'existence de cette maladie dans les antécédents

des malades.

En admettant un écart de 4, 5 p. 100 comme faute

possible dans une statistique aussi petite que la nôtre

et nous souvenant que le syphilis se retrouve non

seulement dans l'anamnèse du tabes, mais aussi dans

celle d'autres affections nerveuses comme, par exemple,

l'hémiplégie, nous devons admettre que sur cent Juifs

atteints de maladies nerveuses et ayant eu auparavant

la syphilis, il se trouve autant de cas de tabes et de

paralysie progressive que sur cent Russes dans les

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 203

mêmes conditions : cela fortifie l'idée qui ressort de

ma statistique, c'est-à-dire que le tabes et la paralysie

progressive ne se rencontrent plus rarement chez les

Juifs que parce que chez eux la syphilis est plus rare

que chez les Russes. Ce fait a une immense impor-

tance pour la question de l'étiologie du tabes : il est

une nouvelle preuve que la syphilis joue un rôle capi-

tal dans cette étiologie.

Malgré l'éloquence des données que nous ont four-

nies nos 383 cas, nous ne nous serions cependant pas

décidé à les communiquer par la voie de la presse si

nous n'avions pas été fortifié dans les convictions que

nous avons puisées daus'notre pratique par d'impor-

tantes données statistiques qui nous ont été obli-

geamment fournies par d'autres spécialistes.

Désirant .vérifier les faits qui nous avaient frappé

sur un nombre de cas beaucoup plus grand, nous

nous sommes adressé à notre très honoré maître

M. le professeur Kojewnikoff et à notre estimable con-

frère M. le docteur Korsakoff, en les priant de faire

pour nous des extraits statistiques, semblables au nôtre

au point de vue de la nationalité, et tirés des maté-

riaux qu'ils ont recueillis.

Les personnes sus-indiquées ont accueilli ma prière

avec la plus grande complaisance et je considère

comme un agréable devoir de leur exprimer ici ma

sincère reconnaissance pour les abondants et, à tous

égards, précieux matériaux qu'ils m'ont fournis. Voici

les renseignements que m'a donnés M. le professeur

Kojewnikoff :

Dans les trois dernières années, il a inscrit dans

son journal 2,403 malades (1,364 hommes et 1,039

. 204 PATHOLOGIE NERVEUSE.

femmes). Dans ce nombre il y a 347 Juifs (159 hommes

et 188 femmes). Le nombre des cas de tabes était 67,

dont 60 cas indiscutables (55 hommes et 5 femmes),

et 7 cas douteux.

Sur les 5,i hommes atteints de tabès :

Dans 31 cas, il y avait eu syphilis, sans aucun doute ;

Dans 2 cas, la syphilis était probable ;

Dans 6 cas, il y avait eu chancre ;

Dans cas, il n'y a pas eu de syphilis, semble-t-il ;

Dans î cas, il n'y a pour sûr pas eu de syphilis;

Dans 3 cas, la question sur la syphilis était restée sans ré-

ponse.

Maintenant, si nous excluons ces trois derniers cas

et que nous admettions qu'il y ait eu syphilis dans la

moitié des cas avec chancre et des cas douteux, nous

voyons que dans les cinquante-deux cas de tabes in-

diqués, la syphilis se retrouvait dans l'anamnèse dans

une proportion de 73 p. 100. Mais si nous n'admet-

tons que les trente-un cas où la syphilis était indiscu-

table, nous aurons encore environ 60 p. 100 des cas

avec syphilis dans l'anamnèse. Il y avait 5 femmes

atteintes de tabes. Dans un cas, la question sur l'exis-

tence antérieure de la syphilis était restée sans réponse;

dans deux des quatre autres cas, la syphilis était indis-

cutable, c'est-à-dire dans 50 p. 100 des cas.- Parmi

ces cas indubitables de tabès, il n'y avait pas un seul juif .

Il y avait en tout cinquante-trois cas de paralysie

progressive, dont quarante-huit indubitables et cinq

douteux. Dans seize de ces quarante-huit cas (47 hom-

mes et une femme), il n'a pas été possible d'obtenir

des renseignements sur l'existence antérieure de la

syphilis; il reste donc en tout trente-un cas avec

anamnèse. Sur ce nombre :

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 1205

'Dans 14 cas, la syphilis était prouvée ;

Dans 1 cas, la syphilis était probable ;

Dans 3 cas, il y avait eu chancre ;

Dans 7 ctz, la syphilis était douteuse ;

Dans 6 cas, elle n'avait pas existé.

Par conséquent, dans les cas de paralysie progres-

sive, la syphilis se trouvait dans une proportion de

45,16 G p. 100, et si l'on admet les cas probables,

dans une proportion de 60 p. 100. 11 y avait trois

juifs atteints de paralysie progressive, soit deux

hommes et une femme, la seule qui soit indiquée

dans cette statistique. Chez un des deux hommes

malades, il y avait eu syphilis; chez l'autre, elle n'a-

vait pas existé. Pas de données sur la femme atteinte

de paralysie progressive. Nous voyons ce qui suit

dans cette intéressante statistique :

1). Le tabes-et la paralysie progressive se rencontrent

ci peu de chose près avec une fréquence égale chez les

malades atteints d'affections nerveuses (sur le même

nombre de malades, soixante cas indubitables de

tabes et quarante-huit de paralysie).

2). La syphilis se rencontre dans une proportion

égale dans l'anamnèse du tabès et de la paralysie pro-

gressive; et cela, dans 60 p. 100 des cas (en n'admet-

tant que les cas certains).

3). Enfin, tandis que sur 2,056 Russes, il se trou-

vait un nombre assez grand de cas de tabes et de para-

lysie, sur 347 Juifs, il n'y avait aucun cas de tabes et

trois cas seulement de paralysie. Cette dernière conclu-

sion confirme entièrement notre observation sur la

rareté relative du tabès et de la paralysie chez les

Juifs.

Examinons cependant les données que nous a obli-

200 6 PATHOLOGIE NERVEUSE.

geamment fournies M. le D'' Korsakoff. Pendant les

trois dernières années, il a noté 2,610 malades (2,041 1

ambulataires et 569 soignés chez eux); ce nombre se

divise en 1,196 hommes et 1,414 femmes. Parmi ces

malades il y avait 89 juifs (32 hommes et 57 femmes).

Les cas de tabes atteignaient le chiffre de 66 (58 hom-

mes et 8 femmes) et parmi ces malades se trouvaient

4 juifs (3 hommes et 1 femme); mais au nombre des

3 juifs malades, un des cas n'était que douteux,

taudis que les deux autres étaient évidemment frappés

de tabes.

Dans quarante-un cas, la syphilis était indubitable

(dans dix-neuf cas, il y avait eu traitement par le

mercure); dans quatre cas, la syphilis était très

probable; dans trois cas, elle était assez probable;

dans dix-huit cas, l'existence de cette maladie était

niée; dans neuf de ces cas, il y avait urétrite ou

cystite. En ne basant le p. 100 que sur les cas indu-

bitables de syphilis, nous trouvons une proportion de

62 p. 100 des cas de tabès avec syphdis dans l'anam-

nèse; si nous y joignons encore la moitié des cas pro-

bables, nous aurons sur soixante-six cas de tabès près

de 70 p. 100 des cas avec syphilis dans l'anamnèse.

Parmi les quatre cas de juifs atteints, il y en avait

3 (2 hommes et 1 femme) chez lesquels la syphilis

était indubitable; le quatrième niait la syphilis, mais

était atteint d'urétrite.

Chez les 8 femmes indiquées : dans trois cas, la

syphilis était indiscutable ; dans un cas, elle était

très probable; dans un cas, elle était assez pro-

bable ; - dans trois cas, elle était niée.

Par conséquent, ici aussi, 50 p. 100 des cas avec

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 207

syphilis dans l'anamnèse. Il y avait 69 malades

atteints de paralysie progressive (61 hommes et

8 femmes); dans ce nombre, 1 juif. Sur ces soixante-

neuf cas : dans quaraute cas, la syphilis était prouvée

(dans vingt cas traitement par le mercure) ; dans

neuf cas, la syphilis était très probable; dans douze

cas, la syphilis était assez probable; -dans huit cas,

la syphilis était niée. Par conséquent, la syphilis se

retrouve dans l'anamnèse de 60 p. 100 des cas, et si

l'on compte la moitié des cas probables, dans plus de

72 p. 100.

Parmi les femmes atteintes de paralysie :

Dans deux cas, il y avait eu syphilis; dans deux

cas, elle était très probable; dans trois cas, elle

était assez probable, dans un cas, elle était niée.

Le seul -juif indiqué avait été indubitablement

atteint de syphilis.

Eu examinant cette intéressante statistique, nous

eu tirons deux conclusions s'accordant parfaitement

avec celles que nous avons tirées de la statistique pré-

cédente, nous y voyons en effet que :

1). Parmi les malades atteints d'affections nerveuses,

le tabes et la paralysie se rencontrent aussi souvent

l'une que l'autre (soixante-six cas de tabes, soixante-

neuf cas de paralysie).

2). La syphilis se retrouve dans l'anamnèse des

deux maladies dans une proportion égale en tout d'ac-

cord avec celle qui se remarque dans la statistique de

M. le professeur Kojenwiiikoff, c'est-à-dire dans 60 à

70 p. 100 des cas. (-1 sccivre.)

208 PATHOLOGIE NERVEUSE.

LA SURDITÉ ET LA CÉCITÉ VERBALE;

Par le D, Fhkdéric BATEMAN,

Médecin de l'hôpital de Norwich (Anelctcrrr), membre correspondant étranger de

l'Académie de médecine.

De l'Aphasie sensorielle. Dans les dernières an-

nées, diverses formes d'aphasie ont été décrites par

Wernicke', et auxquelles Kussmaul ensuite donna

les noms de surdité verbale et de cécité verbale (Wort-

taubheit, Wortblit3dlieit). Bien que les écrits de ces

auteurs aient mis en plus grand relief ces états mor-

bides, le D'' Bastian avait, auparavant, reconnu com-

plètement la nature de ces affections, et, quoiqu'il ne

leur eut pas donné un nom spécial, il a entièrement

décrit ces singuliers troubles psychiques, ainsi que

les rôles importants joués par les fibres commissurales

entre les centres visuels et auditifs 2.

Ces formes particulières de troubles cérébraux

peuvent être considérées comme des types d'amnésie,

dans lesquels cette partie de la faculté de perception

de la parole, en rapport avec le sens de l'ouïe et le

sens de la vision, est déréglée. C'est essentiellement

impression ou la fonction centripète qui est diminuée,

Y expression ou la fonction centrifuge peut rester com-

plètement intacte; les malades n'ont pas perdu le pou-

voir de parler ou d'écrire, mais bien que l'audition

soit parfaite, ils ne peuvent plus comprendre les mots

Weviiicke. Der Aphasische Si/mploinencomplex.liros\au, 1871. î.

' On the Various Fornas of Loss of Speech in Cérébral Discase (l3rilisl

ancl Foreign dlecl. Chir. liev. April 1869).

SURDITÉ VERBALE. 209

qu'ils entendent; et, quoique la vision soit parfaite,

ils sont incapables de lire et de comprendre les mots

écrits ou imprimés qu'ils voient. Dans ces deux formes,

c'est la phase passive de la faculté du langage qui est

affectée.

Bien qu'on ait tant écrit sur l'aphasie sensorielle, des

opinions si diverses ont été émises par les différents au-

teurs, et le sujet est encore entouré d'une telle obscu-

rité que, avant de décrire les symptômes cliniques de

la surdité verbale, je me propose de faire une courte

allusion au traité philosophique de M. Ballet, qui, je

pense, est bien fait pour élucider cette branche obscm e

de la pathologie cérébrale.

Dans le chapitre qui traite de l'effacement partiel

ou total des images auditives des mots, M. Ballet dit

que les opérations cérébrales qui succèdent aux im-

pressions de l'ouïe, quelles qu'elles soient, sont de trois

ordres : 1° la perception brute du son qui nous donne

la conscience de ce dernier, et nous permet d'en

apprécier certains caractères généraux ; c'est Y audition

proprement dite; 2° la perception du son en tant

qu'image susceptible de réveiller l'idée d'un objet

donné, c'est Y audition des objets ou des choses; 3U enfin,

lorsqu'il s'agit d'un mot, la perception du mot, non

seulement comme' son ou collection de sons, mais

comme son différencié, capable de susciter l'idée qu'il

représente; c'est Y audition des mots ou audition ver-

bale.

Un exemple fera saisir les différences fondamentales

que présentent, entre elles, ces trois catégories d'opé-

rations. Lorsqu'une cloche résonne à notre oreille. 1°

nous distinguons le son qu'elle produit, voilà Y audition

Archives, t. XVII. 14 il

1210 PATHOLOGIE NERVEUSE.

proprement dite ; 2° par l'habitude que nous avons

d'entendre la cloche, nous percevons le son, non

comme le premier son.venu, mais comme le son pro-

duit par un objet spécial, une cloche; voilà l'auditioza

de chose ou d'objet, 3° enfin, cette même idée de

cloche pourra être éveillée dans notre esprit par un

son qui n'est plus celui de la cloche ; mais celui d'un

mot conventionnel que nous avons par éducation la

coutume d'associer à l'idée de l'objet. C'est Y audition

verbale.

Avec Munk, il convient de désigner l'abolition de

l'audition, sous le nom de surdité cérébrale ou corticale.

(7 ? MMM), l'abolition de l'audition des objets,

sous celui de surdité pJSrdchZqzle (Seeleniaubheit); et

enfin, avec Kussmaul, nous appellerons la perte de

l'audition verbale, surdité des mots ou surdité ver-

bale (Worttaubheit) '.

Surdité verbale. Cette affection peut être définie

une amnésie auditive, ou la perte de la mémoire du

sens et de la valeur des sons articulés qui constituent

le langage articulé.

D 0

La surdité verbale n'est pas la surdité aux sons, et

il n'y a aucun obstacle au passage des impulsions de

l'appareil auriculaire à la couche corticale du cerveau.

Dans le fait, la sensation auditive est quelquefois si

aiguë que le malade est susceptible de recevoir l'im-

pression acoustique la plus légère. Il entendra le tic-

tac d'une montre et même la chute d'une épingle sur

la table; son attention sera attirée par le bruit du

1 G. Ballet. Le Langage intérieur, p. iG.

SURDITÉ VERBALE. 211

vent passant à travers les arbres; et quand un bruit de

sifflet ou un bruit de quelque autre nature se pro-

duit dans son voisinage, il se retourne avec une expres-

sion intelligente pour découvrir d'où vient le son qui

lui est venu et qui a été transmis à son centre auditif.'

La surdité verbale, pour cette raison, est un trouble

purement psychique; le malade entend ce qui se fait

en sa présence, mais pour lui, c'est un bruit confus ;

les mots employés ne font pas revivre dans sa mémoire

les idées correspondantes, et l'effacement des images

auditives est la condition pathogénique de cette singu-

lière affection.

Le cas suivant, rapporté par M. Giraudeau, donne

un excellent exemple typique de surdité verbale, et ce

fait est d'autant plus intéressant que les exemples non

compliqués-d'aphasie sensorielle sont comparativement

rares, de même que~cette affection est souvent, sinon

fréquemment associée à la cécité verbale, jointe aussi

à plus ou moins de troubles moteurs. L'histoire cli-

nique de la malade dont je donne un résumé som-

maire, comprend la plupart des symptômes que les

écrivains récents en mentionnent comme caractéristi-

ques de la surdité verbale, et un surcroît d'intérêt

s'attache à cette observation parce qu'elle a été com-

plétée par un soigneux examen post-mortem.

Bouquine ! (Marie), âgée de quarante-six ans, blanchisseuse,

entre le 22 février 1882, à l'hôpital Saint-Antoine, dans le service

de M. le professeur llayem. Elle n'a fait aucune maladie antérieure,

elle n'a jamais été réglée; elle est veuve depuis six mois.

Élut actuel. Embonpoint notable, absence de fièvre, légère

dilatation de la pupille droite; céphalalgie violente qui oblige la

malade à porter de temps à autre la main à la tôle.

Lorsqu'on lui demande son nom, elle relève la tête, mais ne

répond pas. Interpellée de nouveau, elle répond : « Que me dites-

1 U2 PATHOLOGIE NERVEUSE.

vous ? » A la même question, elle dit : « Je ne comprends pas. » Si

on la prie aussitôt après de donner son adresse, elle dit : « Peut-

être depuis trois mois et demi. » A plusieurs reprises on varia son

interrogatoire, et toujours les réponses furent analogues à celles

citées plus haut.

' Cependant l'organe de l'ouïe est intact, il n'existe aucun écou-

lement d'oreille; elle entend le tic tac d'une montre et tourne la

tête lorsqu'un bruit léger se passe autour d'elle. La vue est intacte

des deux côtés, il n'existe pas non plus de cécité des mots; car,

phénomène important, elle lit très facilement l'en-tête des feuilles

d'observations, ainsi que les questions qu'on lui adresse par écrit;

elle y répond, soit de vive voix, soit par écrit, avec un peu de

réflexion cependant. La sensibilité tactile est conservée ; il en est

de même du goût et de l'odorat. La motilité est intacte des deux

côtés, et les réflexes rotuliens sont normaux'.

Dans l'histoire ci-dessus, nous avons un type remar-

quable d'un trouble psychique caractérisé par une

impossibilité de comprendre les mots parlés, quoique

l'organe de l'audition lui-même soit sain. Les noms

des objets et des personnes prononcés en présence de la

malade ne font pas revivre dans son esprit les images

auditives correspondantes, ce qui montre que la partie

de la faculté de perception de la parole en relation

avec le sens de l'audition est dérangée. On remar-

quera que bien que les impressions auditives des

mots ne se rétablissaient pas, les mémoires visuelle et

kinesthésique étaient intactes, car le malade pouvait

lire, parler et écrire.

Comme c'est seulement depuis peu d'années que la

pathologie de la surdité verbale a été connue, les ma-

lades qui en étaient atteints ont été fréquemment con-

sidérés comme sourds ou fous. Bernhardtcite l'exemple

d'un homme atteint de surdité verbale, consultant un

auriste qui, ne trouvant aucune lésion de l'appareil

' Giraudeau. Note sur un cas de sisi,dild ps ! lchiqite. (lievue de méde-

ciite, 1882, t. 1, p. 'r16.)

SURDITÉ VERBALE. 21 S

auditif, l'adressa à Bernhardt, comme souffrant d'une

maladie du cerveau'. Baillar,,er2 et Wernicke" ont tous

deux rapporté des cas dans lesquels les malades étaient

regardés comme aliénés; et comme dans la surdité

verbale il y a fréquemment une certaine somme de

paraphasie, je crois extrêmement probable que beau-

coup de personnes souffrant de cette affection ont pu

être envoyées dans un asile de fous. Les observateurs

cliniques soigneux d'aujourd'hui tomberont difficile-

ment dans cette erreur, car, comme le dit Kussmaul,

« les malades peuvent parfaitement avoir des idées cor-

rectes, mais l'expression correcte leur fait défaut; les

mots et non les pensées sont confus. Ils pourraient

même comprendre les idées des autres, s'ils pouvaient

seulement comprendre les mots. Ils sont dans la posi-

tion de personnes tout à coup transportées au milieu

d'une population qui se sert des mêmes sons, mais

qui emploie des mots différents; ceux-ci frappent leur

oreille comme un jargon inintelligible'.

Quelquefois la perception des sons musicaux est

abolie, ainsi que celle du langage articulé; dans le

cas de Bernhardt, déjà cité, le malade ne pouvait

reconnaître des airs bien connus chantés en sa pré-

sence. Grant Allen a rapporté un cas dans lequel le

trouble psychique était exclusivement musical 5. »

De la description qui précède, on remarquera que la

surdité verbale implique la perte complète des images

' CeH<< ? f<« sur )'M/te;7/ct<)t, 1882. ! Bulletin de l'Académie de Médecine, t. XXV, p. 828.

3 Der Apkasische Symptomen corrrplex, fat) 1 et 2. ,

1 Die Storungen der S proche, p. 177. ? 7tt/,avn))878,

2 ! 4 PATHOLOGIE NERVEUSE.

auditives des mots ; mais à côté de cette affection, il y

a un désordre plus léger, dont j'ai déjà donné ailleurs

plusieurs exemples, dans lesquels le trouble dans la

mémoire des représentations auditives était limité aux

substantifs ou aux noms propres, et l'on a donné

à cette forme le nom d'amnésie verbale. Bien que,

peut-être, il y ait seulement une différence de degré

entre l'amnésie verbale et la snrdité verbale, l'aspect

symptomatique des' deux affections est bien diffé-

rent.

Dans l'amnésie, l'idée d'un objet ou d'un événement

est représentée à la conscience, mais le malade ne peut

raviver le mot correspondant dans sa mémoire; mais

quoiqu'il ne puisse de son plein gré raviver ses images

auditives, si on le lui suggère, et si l'on prononce les

mots propres devant lui, l'audition des mots ravivera

l'image verbale endormie. Un bon exemple d'amnésie

verbale a été étudié sous mes yeux, à l'hôpital de

Norwich'. Quand ou montrait une bourse au malade,

et qu'on lui demandait de dire ce que c'était, le ma-

lade répondait : « Je ne puis dire le mot; je sais ce

que c'est; c'est pour mettre de la monnaie. » Est-ce

un couteau ? Non. Est-ce un parapluie ? Non.

Une bourse ? -Oui. On verra par là qu'il saisissait le

sens du mot qu'on prononçait devant lui. C'est tout à fait

différent du malade affligé de surdité verbale; en vain

son centre auditif peut être stimulé par la prononciation

des mots propres en sa présence, l'image auditive a

été complètement effacée et n'existe plus dans son cer-

1 J'ai décrit dans lotis leurs détails les symptômes observés chez ce

malade dans mon ouvrage sur l'A7asie, p. G5-73. Cette brochure,

traduite par M. Ydtard, se trouve au Progrès médical. '

SURDITÉ VERBALE. 215

veau, et ancune influence extérieure ne peut la faire

revivre.

La cécité verbale, est aussi une forme d'amnésie ver-

bale, dans laquelle le malade a perdu la mémoire du

sens conventionnel des symboles graphiques. La .vision

n'est pas affectée ; l'oeil, de même qu'un instrument

d'optique, est parfait, et l'ophtalmsocope n'y découvre

aucun trouble. Le malade voit les mots ; mais ne com-

prend pas leur sens, et il est exactement dans la même

position que s'il n'avait jamais appris à lire; mais,

chose curieuse, il peut écrire sous la dictée (ce qui

existe s'il n'y a pas de surdité verbale) ; il peut même

exprimer ses pensées par écrit; mais il est incapable

de lire ce qu'il a lui-même écrit.

Il faut, .encore une fois, s'en rapporter au travail

extrêmement précieux de M. Ballet qui, dans son cha-

pitre sur la cécité verbale, ou l'effacement partiel ou

total des images visuelles des mots, établit des distinc-

tions analogues à celles observées dans la surdité ver-

bale, et reconnaît les trois variétés suivantes, sous la

terme générique de cécité verbale : .

1° La cécité corticale c'est la perte de la perception

des impressions lumineuses; 2° La cécité psychique,

c'est la perte des images commémoratives des objets,

avec conservation au moins partielle de la vision

lumineuse; 3° la cécité verbale, c'esl la perte de la

vision des mots, ou plus généralement des signes écrits.

La forme de cécité corticale qu'on a l'occasion

d'observer en clinique, n'est pas une vraie cécité, en .

ce sens qu'elle ne porte que sur une moitié du champ

visuel, c'est une hémiopie. Par la partie du champ de

210 PATHOLOGIE NERVEUSE.

la vision qui reste intacte, le malade continue à per-

cevoir la lumière, et l'on peut, de la sorte, juger s'il

reconnaît les objets et comprend les signes'.

Un exemple frappant de cécité verbale est rapporté

par M. Charcot dans ses leçons professées à la Salpê-

trière ; et comme le malade était en observation depuis

un temps considérable, les symptômes cliniques ont

pu être étudiés dans des conditions exceptionnellement

favorables pour les analyses physiologiques. Voici un

court résumé des traits les plus importants de ce cas

intéressant et classique.

Un négociant, âgé de trente-cinq ans, après un accident de

chasse, fut tout à coup. frappé d'hémiplégie droite avec perte de

connaissance. Le lendemain, en revenant à lui, il bégayait en

parlant, substituant un mot à un autre. Il y avait un peu de para-

pliasie à ce moment ; car sa femme raconte qu'il disait : et J'ai

une maison dans le soleil. » Il reconnaissait les personnes et les

objets, mais il lui était impossible, de les désigner par leurs noms.

Au bout de trois semaines, le trouble de la parole avait presque

entièrement disparu, et c'était purement par hasard, qu'il substi-

tuait un mot à un autre. L'hémiplégie avait graduellement dimi-

nué, et les mouvements de la main étaient assez revenus pour

qu'il put écrire lisiblement. C'est alors que se montra un phéno-

mène extraordinaire. Désirant donner un ordre concernant ses

affaires chez lui, il prit une plume et écrivit ses instructions; puis

pensant qu'il avait oublié quelque chose, il demanda à voir la

lettre qu'il venait d'écrire, mais il lui fut impossible de la lire ! Ce

qui monlre ainsi, dans toute son originalité, cet étrange phéno-

mène, qu'il lui avait été capable d'écrire, mais qu'il lui était

tout à fait impossible de lire sa propre écriture.

En examinant plus en détail ce dernier symptôme, on observa

qu'il pouvait écrire une longue lettre sans faute d'orthographe

importante. « J'écris, dit-il, comme si j'avais les yeux fermés ; je

ne lis pas ce que j'écris. » Défait il écrivait aussi bien les yeux

fermés. Il vient d'écrire son nom; on lui dit de le lire : .< Je sais

bien, dit-il, que c'est mon nom que j'ai écrit, mais je ne puis le

lire. »

Quelques jours après, on observa un autre curieux symptôme.

' G. Ballet, 0/). cit., p. 97. '

SURDITÉ VERBALE. 217 -1

Il voulut essayer de jouer au billard. Il est droitier; sa main

droite, parfaitement libre, serrait bien la queue; mais il s'aperçut

presque aussitôt de l'impossibilité où il était de jouer, et cette

impossibilité tenait à ce que, du côté droit, le champ visuel était

pour lui limité au point qu'il ne voyait que la moitié du tapis

vert, la moitié de la bille, et qu'il perdait de vue les billes, dès que

celles-ci entraient dans la partie droite du champ visuel. était, en

fait, atteint d'hémiopie homonyme latérale droite '.

D'après l'analyse de cette histoire clinique, on voit

que le malade avait perdu toute notion des signes du

langage écrit au point de vue de la réception, tandis

qu'il avait conservé le pouvoir de réception audi-

tive, de même que celui de la transmission graphique

et verbale.

Le Dr Ross, dans un mémoire sur l'aphasie senso-

rielle, mentionne le cas d'un homme âgé de cin-

quante-sept ans, atteint de diabète, qui, quand on lui

demandait'de lire, se livrait à un travail d'application

soutenue et proférait alors quelques phrases qui n'a-

vaient pas une liaison la plus éloignée avec ce qui était

sous ses yeux, sur la page imprimée. En parlant de

lui, sa femme donnait le détail suivant au Du* Ross :

«Je savais à peine que faire avec lui; il essaya

de lire le journal, et continuellement disant : « Je ne

« sais ce qu'il y a dans les journaux d'aujourd'hui;

« ils sont remplis de sottises. » Je lui ai fréquem-

ment donné quatre journaux dans un jour, pour voir

si cela le contenterait. En dernier lieu, j'étais obligée

de lui dire que ce n'était pas le journal qui était mal

écrit, mais que c'était lui qui ne pouvait lire. » Ce

malade était atteint d'hémianopsie bilatérale homo-

nyme'.

1 Charcot. Maladies du syslème uercetta·, 1. 111., p. 15.

218 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Le diagnostic de cette affection peut, parfois, don-

ner lieu à quelques difficultés; car, par exemple, le

cas remarquable du D1' Osborne, si souvent cité',

peut à première vue paraître de la cécité verbale ? r

Quand on demandait au malade de lire un livre, il se

servait d'expressions impropres et manquant tout à fait

de sens, n'ayant aucun rapport avec le texte imprimé ;

mais il est évident que ses paroles n'étaient pas en rap-

port avec ses impressions mentales, car le D'' Osborne

affirme clairement que, en dépit du jargon dont il se

servait, il comprenait réellement le sens de ce qui était

écrit. Il est, en outre, établi qu'il comprenait parfaite-

ment le langage imprimé, qu'il continuait à lire un

journal chaque jour, et que, quand on l'a examiné, il

était certain qu'il avait une complète notion de tout ce

qu'il avait lu, quoiqu'il employât un jargon incom-

préhensihle, si on lui demandait de lire à haute

voix.

Un tel cas peut certainement ne pas être considéré

comme un exemple de cécité verbale, expression qui

serait limitée aux cas dans lesquels le malade n'ap-

précie pas le sens des mots imprimés ou écrits.

En analysant le cas de ce malade, on verra que les

conducteurs centripètes de réception delà parole étaient

intacts; c'était la fonction centrifuge qui était dimi-

nuée ; le désordre n'était pas dans l'entrée ou la fonc-

tion centripète, mais dans la sortie ou la fonction cen-

trifuge ; en d'autres termes, c'était un trouble moteur

ou un trouble de transmission.

Ross. - On Aphasie, 1887, 1). 13.

' Dublin journal of Médical and Chemical science, 1833, p. 160.

SURDITÉ VERBALE. 219

Pathologie. Bien qu'on ait récemment beaucoup

écrit sur la surdité verbale et la cécité verbale, la

science n'est pas capable de parler très nettement du

siège exact de la lésion dans ces affections, et nous

devons nous contenter d'hypothèses pfus ou moins

probables. Ainsi, quoique la région motrice de la

couche corticale ait été dessinée avec une précision

et une exactitude merveilleuses, on a obtenu un résul-

tat moins satisfaisant sous le rapport des localisations

des centres sensoriels.

Dans la surdité verbale, la lésion est généralement

supposée dans la première et peut-être aussi dans la

deuxième circonvolution temporo-sphénoïdale du côté

gauche, centre supposé de la perception auditive des

mots. La première circonvolution temporo-sphénoïdaie

était atteinte dans chacun des dix-sept cas de surdité

verbale recueillis par Sepelli'. Les recherches de Scha-

fer et de Sanger-Brown ne confirment pas ces locali-

sations. Chez six singes cependant, ils ont plus ou moins

complètement détruit la circonvolution temporale su-

périeure des deux côtés; et, dans une expérience, ils

ont séparé les sillons limitant les circonvolutions et

enlevé entièrement jusqu'au fond des sillons, jusqu'à

ce qu'il ne restât plus trace de circonvolutions. Dans

chacun des six cas, le résultat fut le même. L'audition,

non seulement n'était pas détruite d'une façon per-

manente, niais n'était pas atteinte d'une façon appré-

ciable. Les animaux, même immédiatement après le

réveil chloroformique avaient réagi à un léger son

d'un caractère inaccoutumé, tel qu'un léger bruit des

lèvres ou le froissement d'un journal. Quelques-uns

d'entre eux restèrent en observation pendant plu-.

220 PATHOLOGIE NERVEUSE.

sieurs mois, et il n'y eut jamais aucun doute sur la

possession entière de leurs facultés auditives'.

Le De Bastian qui, avec d'autres écrivains, reconnut

un centre auditif général, de même qu'un centre auditif

des mots, inclinait à localiser ce dernier dans la première

circonvolution temporo-sphénoïdale, et, en commen-

tant les résultats obtenus par Schafer et Sanger

Brown, il remarqua que les expériences sur les singes

sont négatives et qu'on ne peut en tirer aucune certi-

tude contre une affirmation basée sur l'évidence cli-

iiico-patholo-ique'.

Dans la cécité verbale, la lésion est localisée par la

majorité des observateurs dans le pli courbe et dans la

partie adjacente du lobe pariétal de l'hémisphère

gauche; mais les résultats les plus contradictoires ont

été obtenus par les différents observateurs; et la loca-

lisation exacte de la lésion produisant la cécité ver-

bale est encore à établir par les observations cliniques

et par les examens post-mortem.

A une certaine époque, Ferrier localisa les centres

visuels dans les plis courbes, à l'exclusion des lobes

occipitaux. Dans ses premières expériences, il négligea

l'antisepsie, et delà un léger degré d'inflammation, et

consécutivement des troubles de la substance grise, en

rapport direct avec la lésion actuelle, ce qui était iné-

vitable. Dans ses dernières recherches avec le profes-

seur Yeo, dans lesquelles les précautions antisepti-

ques furent prises, il paraît avoir obtenu des résul-

tats différents.

' Rivisla Sperimenlale di Frenialna, 1881, p. 9'r. 1.

' on Spécial Sensé Localisation in lhe Cortex Cerebri of

the Monkey bil F.-a. Sclialer. - Bi,aiii, janvier 1888.

SURDITÉ VERBALE. 221

De ces expériences, Ferrier tira les conclusions sui-

vantes : quoique les lobes occipitaux soient compris

dans les centres visuels, c'est néanmoins un fait re-

marquable, qu'ils peuvent être blessés, ou coupés à

peu près jusqu'à la scissure pariéto-occipitale, sur un

ou deux côtés simultanément, sans le plus léger affai-

blissement appréciable de la vision. La destruction

unilatérale du pli courbe produit seulement une

perte, passagère de la vision dans l'oeil opposé; et

même la destruction bilatérale du pli courbe n'est pas

une cause de perte totale ou permanente de la vision.

S'il y a destruction du pli courbe et du lobe occi-

pital dans un hémisphère, une amblyopie passa-

gère survient dans l'ceil opposé, et une hémiopie plus

ou moins durable dans les deux yeux, du côté opposé

à la lésion, -à cause de la paralysie des deux rétines

du côté correspondant à la lésion. Cette condition de

l'hémiopie, d'abord indiquée par Munk, a été, par er-

reur, attribuée par lui à la lésion du lobe occipital

seul, ce qui est dû à l'imperfection de sa méthode expé-

rimentale. Plus loin, Ferrier résume ses vues, comme

il suit : « Il me semble que, outre la représentation

des moitiés correspondantes des deux rétines dans la

région ôccipito-angutaire correspondante, le pli

courbe est la région spéciale de la vision claire ou

centrale de t'oei) opposé, et peut-être d'une petite

étendue aussi de l'oeil du même côté'.

Les récentes recherches du professeur Schafer et de

Sanger Brown, ont donné un résultat différent et con-

tredisent les conclusions de Ferrier. Ces physiolo-

1 On différent Idnds o/'J/tHst Bulish Médical Journal, oct. 1887.

222 PATHOLOGIE NERVEUSE.

gistes détruisirent, chez un singe, le pli courbe, d'un

côté d'abord, puis de l'autre, sans produire un

trouble appréciable, ni' dans les perceptions visuelles

de l'animal, ni dans ses mouvements oculaires, ou

dans la sensibilité du globe de l'ceil. Cet animal fut

gardé pendant plusieurs mois, et soumis à une obser-

vation soigneuse et générale. 11 fut aussi montré au

récent congrès de la société neurologique de Lon-

dres.

Comme on pouvait cependant objecter que la

couche corticale du pli courbe ayant été détruite jus-

qu'aux sillons le limitant, une portion a pu être laissée

au fond de ces sillons, il fut décidé de faire sur un

autre animal, une ablation complète du pli courbe,

dans toute sa profondeur et dans toute son étendue.

Les lèvres des sillons furent écartées en conséquence,

et la totalité du pli courbe d'un côté fut enlevée, pro-

duisant là un vide d'étendue considérable, dans la

substance du cerveau. Cette opération fut suivie d'un

trouble des perceptions visuelles, mais ce trouble n'é-

tait pas de l'amblyopie; c'était distinctement de l'hé-

miopie. Cet état dura seulement quatre ou cinq jours

et disparut graduellement, laissant la vision intacte.

Ces observateurs continuèrent alors leurs expé-

riences sur le lobe occipital qu'ils enlevèrent entière-

ment, au moyen d'une incision verticale, faite le long

de la ligue du sillon pariéto-occipital, laissant intact

le pli courbe. Il en résulta l'établissement immédiat

d'une hémiopie homonyme bilatérale et permanente,

qui persista pendant toute la vie du singe. Les objets

placés de façon que leurs images tombent sur la

moitié gauche de la rétine n'étaient pas percus; un

SURDITÉ VERBALE. 223 3

coup venant du côté droit du plan médian de la vision

n'était pas évité; des groseilles répandues sur le plan-

cher n'étaient prises que du côté gauche, l'animal

tournant autour dans cette direction.

Chez un autre singe, on enleva les deux lobes occi-

pitaux, laissant les plis courbes intacts; il en résulta

une cécité totale et persistante. L'animal ne pouvait

trouver ses aliments qu'en se servant du toucher et de

l'odorat; amené dans un endroit inconnu, il se heurta

contre chaque obstacle; placé dans une chambre obs-

cure où l'on fit jaillir sur lui une lumière éclatante,

il ne donna aucun signe de perception. Schafer,

en commentant ces expériences, prétend que les

résultats opposés obtenus par Ferrier, qui enlevait

les deux lobes occipitaux, sans déterminer de symp-

tôme de lésion de la perception visuelle, étaient

dus à ce que l'ablation était incomplète'.

Au moment d'écrire les lignes précédentes, mon

attention a été frappée par une importante communi-

cation de M. Chauffard, dans laquelle il donne un récit

détaillé de cécité subite survenue chez un malade de

son service, chez lequel, après la mort, il trouva une

lésion des deux lobes occipitaux 2. Dans le même ar-

ticle, parmi diverses autres observations semblables,

M. Chauffard cite le cas suivant rapporté par Pflügcr

in berline jE7. Woc ? cn ? M/' 1885 : un jeune

homme reçoit de près un coup de fusil qui l'atteint

dans la région occipitale; il est frappé de cécité

subite. Il est mort le trente-neuvième jour, et à l'au-

1 Ferrier. Functious ofthe lirain, 2e édition, p. ` ? i3. °8É, 288.

'Schafer Op. cil., p. 3, et 7.

3 Revue de Médecine, lévrier 1888, p. 132.

22'l Il PATHOLOGIE NERVEUSE.

topsie on trouvait des lésions profondes des deux

lobes occipitaux, où un certain nombre de grains de

plomb étaient restés fixés.

On observera que les deux cas de cécité verbale

dont j'ai parlé étaient compliqués d'une hémianopsie

bilatérale droite, symptôme fréquemment associé à la

cécité verbale. Selon les recherches récentes de

M. Charcot, qui a étudié ce sujet très minutieusement,

il semblerait que dans l'hémianopsie de cause cérébrale,

d'origine corticale, la lésion occupe à peu près la même

région que celle qui a été indiquée comme étant le

siège des altérations dont relèverait la cécité des mots.

M. Charcot cependant émet cette opinion avec une

très grande réserve, et, dans le même paragraphe, il

dit que si la cécité verbale et l'hémianopsie reconnais-

sent le même siège dans le cerveau, les deux phéno-

mènes cliniques devraient à peu près toujours se mon-

trer associés. Or, cela ne semble pas être, car on

peut citer des exemples d'hémianopsie cérébrale sans

cécité verbale, et de cécité verbale sans hémaniopsie1.

Les conclusions diamétralement opposées auxquelles

les différents physiologistes sont arrivés, laissent la

question de localisation de la lésion de l'aphasie sen-

sorielle encore indécise. En vérité, on peut presque

dire que les expériences sur les animaux sont entière-

ment inutiles pour élucider la théorie de la cécité

verbale; et même par rapport au centre visuel lui-

même, les résultats obtenus par les observations sur

les animaux peuvent à peine être considérées comme

rigoureusement applicables à l'homme.

' Charcot. Levons sur les Maladies dtt systéme nerveux, t. III, 1). 1 il. l.

SURDITÉ VERBALE. 212,

Bien que l'évidence de ceux qui ont fait des recher-

ches sur cette branche obscure de la pathologie céré-

brale soit sujette à contestations, on doit accorder que

l'opinion générale place l'aphasie sensorielle dans

l'aire des distributions des branches pariéto-sphénoï-

dales de la sylvienne gauche, mais les opinions contra-

dictoires qui l'emportent maintenant pour préciser la

localisation peuvent seulement être mises d'accord par

des observations cliniques et anatomo-pathologiques

plus considérables et plus soignées.

Norwich, avril 1888.

CLINIQUE NERVEUSE

RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-

DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES',

Par M. le D Michel CATSAReIS.

Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes : Médecin de l'asile de .Dromocaitis;

Membre de la Société Mhdico-psychologique de Paris.

F. FORME PARALYTIQUE SPINALE TRANSITOIRE.

Les paralysies qui appartiennent aux différentes

formes décrites jusqu'à présent sont plus du moins

durables. Les paralysies au contraire de la forme

paralytique, que nous allons esquisser dans un instant

sont transitoires, fugitives; elles ne durent que quel-

' Voir Archives de Neurologie, iil n, p. 1 FJ j n° 18. p. 246; u" 49, p. 22.

ARCHIVES, t. XVII. 15

226 6. CLINIQUE NERVEUSE.

ques minutes, quelques heures, ou quelques jours tout

au plus. .

Les paralysies transitoires sont très fréquentes; je

me bornerai à rapporter trois observations, qui suffi-

sent amplement pour donner une idée de cette forme.

Observation XXIX.

Antoine Sorocos, âgé de trente ans, pas d'antécédents hérédi-

taires ou personnels. Il a commencé à travailler sous l'air com-

primé au mois de mai 1886 et il aurait travaillé pendant un mois

sans accident.

Le 2 au 3 juin, il a passé une nuit d'agitation, d'inquiétude ;

il n'a pas fermé l'oeil. Le 3 juin, le matin, le malade se lève ayant

la voix rauque et toussant, pas de frisson ni de fièvre. A 40 heu-

res, il fait à jeun sa première immersion à 24 brasses de profon-

deur et après avoir demeuré dix minutes, il s'est fait remonter. Il

aurait déjà antérieurement fait beaucoup d'immersions exactement

dans les mêmes conditions de travail, c'est-à-dire même profon-

deur, même durée du séjour et même décompression sans acci-

dent. Il importe de remarquer qu'il n'avait pas été fatigué.

Cinq minutes après la décompression et l'enlèvement du casque,

ce scaphandrier tombe soudain complètement paralytique de ses

membres inférieurs, qui étaient en même temps absolument in-

sensibles. Il n'y aurait pas eu d'autres symptômes. Cette paralysie

n'a duré qu'un quart d'heure environ, au bout duquel elle a dis-

paru d'une façon complète et définitive.

Observation XXX.

Georges Stavros, âgé de vingt-deux ans, sans antécédents héré-

ditaires au personnels, a commencé le métier de plongeur à

scaphandre en 1885. Il aurait travaillé à peu près une année sans

accident.

Le la mai, il fait sa première immersion de la journée, à

8 heures du matin, à une profondeur de 22 brasses, ayant trouvé

beaucoup d'épongés, il prolonge son séjour pendant trois quarts

d'heure, au bout desquels il s'est brusquement décomprimé. Ce

plongeur, interrogé avec beaucoup de soin par nous, affirme qu'il

a déjà antérieurement fait un bon nombre d'immersions à cette

profondeur et d'une décompression absolument isochrone sans

accident, mais il n'a jamais prolongé son séjour au delà de 15 mi-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 227

nutes; pas de refroidissement, pas de repas, pas de troubles res-

piratoires avant l'immersion.

Dix minutes après l'enlèvement du casque, le plongeur est pris

d'une parésie du membre inférieur gauche, qui dans quelques

minutes s'est transformée en une paralysie complète. Il ne peut

pas nous donner de renseignements sur l'état de la sensibilité. Il

n'y aurait pas eu d'autres symptômes nulle part. Vers 1 heure du

soir, le membre a récupéré in integro sa motilité.

Observation XXXI.

DémeLrès Compotis, âgé de vingt-cinq ans, sans antécédents

héréditaires ou personnels, a commencé à travailler dans l'air

comprimé, en 1883. 11 a fait régulièrement ses campagnes pour

la pêche d'épongés, pendant trois ans, sans jamais avoir eu

d'accident. ' " *

Le 15 mai 1886, cet homme se lève le matin, mal portant;

toute la journée il a des frissons accompagnés d'un malaise géné-

ral ; il n'a pas voulu travailler.

La nuit du 15 au 20 mai fut agitée; insomnie; rien du côté de

la poitrine; il ne toussait pas.

Le matin, 20 mai, sans tenir compte de celte indisposition, il

descend à j-eun pour la première fois, à une profondeur de

22 brasses seulement et après avoir séjourné une dizaine de mi-

nutes, il s'est fait brusquement remonter.

Cet homme serait descendu dans les mêmes conditions du tra-

vail, telles que profondeur, séjour et décompression, sans acci-

dent. Notons bien aussi qu'il n'avait pas été fatigué. Un quart

d'heure se passe pendant lequel le malade se sent parfaitement

bien portant. Au bout de ce temps, il est pris tout d'un coup d'une

parésie des membres supérieurs, bientôt suivie de celle des

membres inférieurs.

Quelques minutes après, le malade est réduit à l'impossibilité

absolue de mouvoir ses quatre membres, il ne bougeait plus que la

tête. La sensibilité était complètement abolie. Il y avait en outre

de la rétention d'urines et de selles, ayant nécessité l'emploi de la

sonde et des purgatifs. Excepté quelques faibles vertiges, il n'y a

pas de symptômes céphaliques ou autres.

Le soir, le malade commence à mouvoir ses membres supérieurs

et dans le cours de la nuit, l'amélioration faisant des progrès éton-

namment rapides, il récupère complètement la motilité de ces

membres. Les membres inférieurs restent dans le même état.

Le 17 et le 18 mai, pas d'amélioration.

; Le 19 mai, à 3 heures du matin; le malade a pu se tenir debout

et faire de petits pas à l'aide de deux appuis. A 10 heures, possi-

228 CLINIQUE NERVEUSE.

bilité de marcher à l'aide d'un seul appui. A midi, il peut mar-

cher sans appui, traînant toutefois les jambes. Il a pu rendre seul

ses urines.

Enfin, le soir, le malade était complètement et définitivement

guéri, la motilité aussi bien-que la sensibilité de ses membres

inférieurs étant revenue à l'état normal.

Nous avons vu le malade le 16 juillet 1886, c'est-à-dire, deux

mois après l'invasion de son accident et nous n'avons pu rien cons-

tater. Comme on a pu le remarquer, cette forme peut se pré-

senter sous trois types distincts : 1° le type de paraplégie des

membres inférieurs ; 2° le type de double paraplégie et 3° le type

de paralysie partielle.

Quel que soit le type que cette forme puisse affecter, elle pré-

sente toujours les mêmes caractères, qui sont au nombre de deux :

A soudaineté ou brusquerie de l'invasion et B disparition rapide

de la paralysie en quelques minutes, en quelques heures ou en

quelques jours.

B. Accidents cérébraux ou formes cérébrales.

Les accidents cérébraux qui peuvent survenir chez

les plongeurs à scaphandre sont d'une variété et d'une

multiplicité aussi bien que d'une complexité extrême.

Or, pour les étudier systématiquement, il nous faut

tout d'abord examiner et décrire les cas pathologi-

ques qui sont d'une simplicité et d'une pureté remar-

quables. Ces cas nous permettent d'étudier les formes

simples fondamentales, isolées de tout élément étran-

ger et dégagées de tout mélange. Ce n'est qu'après

avoir étudié ces formes simples qu'il nous sera facile

d'analyser les cas complexes dont le tableau clinique

est constitué par des symptômes appartenant aux dif-

férentes formes simples et fondamentales.

Les cas qui sont tombés sous notre observation

nous permettent de distinguer les formes simples et

fondamentales suivantes : 1 , la forme aphasique;

2, la forme sensorielle; 3, la forme épileptiforme ;

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 229

.4, la forme cérébrale paralytique; 5, la forme verti-

gineuse ; 6, la forme de perte de connaissance.

1. FORME APHASIQUE.

On sait déjà que, parmi les symptômes de la période

du début, les troubles de la parole ont plus d'une

fois figuré comme constituant un des symptômes

du groupe céphalique. Maintenant nous allons les

voir non plus à titre de symptômes, mais à titre de

forme clinique. Les troubles de la parole font alors à

eux seuls tous les frais du tableau clinique. Ce sont

eux qui constituent toute la symptomatologie. Parmi

les modifications variées que la faculté du langage a

présentées chez nos malades appartenant à cette

forme, nous distinguons (a), l'aphasie motrice; (6),

la surdité verbale et (y), l'aphasie complexe. ,

' a). Aphasie MOTRICE.- Les trois observations

qui suivent sont des cas d'aphasie motrice simple et

pure dégagée de toute autre espèce de trouble du

langage. ,

Observation XXXII. `

Nicolas Tsarlampas, âgé de trente-cinq ans. Nous avons soi-

gneusement interrogé l'hérédité, sans avoir pu trouver aucun

antécédent nerveux dans sa famille. Les antécédents personnels

n'offrent non plus rien d'important.

Il commencé à travailler dans l'air comprimé, le 14 juil-

let 4878, il a travaillé pendant trois ans à peu près, sans accident,

faisant régulièrement ses campagnes pour la pêche des éponges.

Le 10 juillet 1881, après avoir déjà fait quatre immersions à une

profondeur qui variait entre 20 et 22 brasses et 7 à 8 minutes de

durée, il est redescendu pour la cinquième fois à la profondeur de

25 brasses, même séjour et même décompression brusque. Il se

230 ' " CLINIQUE NERVEUSE.

fait remonter et immédiatement après la décompression et l'en-

lèvement du casque il est pris de mal de. tête ; il essaye de parler,

mais il' ne peut y arriver; il a perdu tout à fait la mémoire des

mouvements spécialisés qu'il faut faire pour articuler les mots.

Tout son vocabulaire était réduit à l'émission de quelques sons

inarticulés

Il s'entendait parfaitement bien avec son entourage, par la

mimique et surtout par l'écriture. Le malade sachant bien écrire,

écrivait ce qu'il voulait. Le capitaine du bateau lui répondait

aussi, soit par l'écriture, le malade étant dans la possibilité de

comprendre très bien ce qui était écrit, soit en lui adressant des

paroles, le malade concevant parfaitement bien ce qu'on lui disait.

Ce plongeur n'aurait eu ni'perte de connaissance, ni bouche

de travers, ni paralysie des membres, ni autres troublées cépha-

liques.

Cet état a duré une heure et demie au bout de laquelle le

malade a brusquement récupéré l'usage, de la parole. Depuis

lors, il se 'portait bien, continuait à exercer son métier de sca-

phandrier, faisant régulièrement ses campagnes, durant deux

années environ.

Le 10 août 1883, après avoir fait cinq immersions à la profon-

deur de z à 26 brasses, six à sept minutes de séjour au fond, il

est redescendu non seulement pour la sixième fois à la même

profondeur, mais encore il a prolongé son séjour jusqu'à douze

minutes. '

Il se fait brusquement remonter comme toujours. Immédiate-

ment après la décompression et l'enlèvement du casque, il est

atteint de vertiges. A ce moment, il essaye de se plaindre à ses

compagnons de ses sensations vertigineuses, mais il ne peut pro-

noncer un seul mot. Il se rappelle que dans son attaque précé-

dente (il y avait déjà deux années) il pouvait écrire, il essaye et

il y arrive parfaitement. Profitant alors de la conservation de ce

mode d'exprimer sa pensée, il s'entendait avec ceux qui l'entou-

raient. '

Le malade concevait bien ce qu'on lui disait et ce qu'on lui

écrivait.'

Cette fois-ci encore, le malade n'avait eu ni perte de connais-

sance, ni bouche de travers, ni autres symptômes paralytiques.

Pas d'autres troubles cép.haliques.

La sensibilité, la vessie et le rectum n'auraient pas été troublés .,

Cette aphasie a duré pendant une heure, au bout de laquelle

elle a tout à fait disparu. Depuis ce moment, il n'a pas cessé son

travail dans l'air comprimé, faisant ses campagnes. ' ,

Le 10 juillet, à son retour à Erine, ayant fait sur les côtes de

cette lle sa première immersion, à la profondeur de z brasses,

il commet la faute de rester au fond vingt minutes, au bout des ?

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 231

quelles il se fait remonter brusquement. Le malade affirme

d'une manière catégorique qu'il avait déjà antérieurement fait

plusieurs immersions à cette profondeur sans accident, mais

jamais il n'avait prolongé son séjour au delà de 6-10 minutes. *

Dix minutes environ se passent après la décompression et

l'enlèvement du casque, et le malade se portait très bien et

n'avait aucun trouble du langage. Au bout de ce temps, il était à

peu près trois heures, tout à coup, dans le cours de sa conversa-

tion, il s'arrête et ne peut plus articuler un seul mot; il ne dit

que ho... ho... ho... On le fait transporter à Egine, où j'étais à

se moment en train de me livrer à mes recherches et on m'appelle

pour lui donner mes soins.

Etat actuel (10 juillet 1884, 10 heures du malin, c'est-à-dire

une heure après l'accident). Le malade se trouve dans une

incapacité presque absolue de parler, substituant toujours quel-

ques sons inarticulés à tout ce qu'il veut dire. Il comprend par-

faitement bien ce qu'il entend, car si par hasard on lui dit des

choses inexactes, il proteste énergiquement par la mimique. Je

lui ai donné un journal à lire; lui ayant demandé s'il comprenait,

il m'a fait un signe affirmatif. Mais, pour être plus sûr, je lui ai

écrit : « Donnez-moi la brosse, le crayon, l'encrier, etc., etc. » Il

le faisait aussitôt. Enfin, je lui ai proposé d'écrire son nom, son

pays, son âge, etc., etc., ce qu'il a fait correctement.

Le malade n'a pas perdu un seul instant sa connaissance. Il n'a

pas d'autres symptômes céphaliques. Pas de bouche de travers.

Pas de paralysie de membres.

Pas de troubles de la sensibilité, du sens musculaire, de la

vessie, du rectum et des organes génitaux. Pas de fièvre. Rien du

côté de la poitrine, du coeur, des artères, etc. Les fonctions des

autres organes paraissent se faire régulièrement.

Etant déjà en connaissance de la fu-itivité extrême des acci-

dents cérébraux, j'ai prédit au malade et à ses parents que ses

troubles de la parole disparaîtraient très rapidement. 1

Nous lui avons prescrit de l'eau colorée, ut aliquid fiât, pour ne

pas empêcher la marche naturelle de l'accident. J'ai recommandé

à son frère de m'appeler en toute hâte, dès l'amélioration com-

mencée.

A onze heures, le malade commence à pouvoir articuler quel-

ques mots. Je-fus appelé immédiatement, et je me rendis aussitôt

chez mon malade. Mon pronostic était pleinement confirmé, en

effet, le malade a recouvré intégralement la parole. La durée

totale de l'aphasie n'avait pas été de plus de deux heures.

' Observation XXXIII. Accident provoqué le 10 octobre, à la pré-

' mièie immersion, profondeur de 32 brasses, séjour de quatre mi-

232 CLINIQUE NERVEUSE.

nutes, décompression brusque. Immédiatement après la décom-

pression, à dix heures du matin, aphasie motrice. DftMS l'après-

midi, commencement du retour de la mémoire et des mouvements

spécialisés pour l'articulation des mots. Substitution de quelques

~ mots à tout ce qu'il veut dire.- A onze heures du soir, disparition

de l'aphasie motrice.

Le 15 août, deuxième accident d'aphasie motrice, d'une durée

de deux heures, survenu à la première immersion, profondeur (le

18 brasses, séjour d'une heure, décompression brusque.-Plusieurs

immersions antérieures faites dans les mêmes conditions, sauf le

séjour, qui n'a jamais duré plus de 13-18-20 minutes.

Histoire. Rigas (Emmanuel), âgé de vingt-neuf ans. Ses anté-

cédents héréditaires n'offrent rien d'important. Les antécédents

personnels non plus. Il aurait attrapé seulement à l'âge de vingt

"ans une chaude-pisse qui a guéri dans l'espace de deux mois.

- Il avait commencé son travail dans l'air comprimé en 18-5 et il

aurait travaillé pendant quatre ans de suite sans accident, .

Le 10 octobre, 1879, à la première immersion faite à une pro-

fondeur de 32 brasses, et après un séjour de 4 minutes, il s'est

fait brusquement remonter. Immédiatement après l'enlèvement

du casque, il était 10 heures du matin le scaphandrier est pris d'une

impossibilité absolue d'articuler nn seul mot ; il n'émettait que

quelques sons inarticulés. Le malade concevait parfaitement bien

ce qu'on lui disait, mais il ne pouvait y répondre. Le malade ne

savait ni lire ni écrire. ' '

Dans l'après-midi, vers z heures, le malade a commencé à

pouvoir articuler quelques mots qu'il substituait à tout propos.

Dès ce moment, son vocabulaire s'enrichit d'une heure à l'autre

avec une rapidité telle qu'à Il heures du soir le malade était dans

la capacité absolue déparier et d'articuler tous les mots. Le ma-

lade n'aurait eu ni bouche de travers, ni perte de connaissance ni

autre symptôme céphalique, pas de paralysie des extrémités. La

durée totale de cette aphasie motrice a été de 13 heures à peu

près.

Depuis cette époque, il a fait régulièrement ses campagnes

jusqu'en 1884, sans accident sérieux, sauf quelques accidents dou-

loureux des diverses articulations, le malade ne pouvant définir les

conditions qui ont causé ces douleurs.

Le 15 août 1884, il fait la première immersion de sa journée à

une profondeur de 18 brasses; il fait prolonger son séjour pendant

une heure. Il aurait fait antérieurement un grand nombre d'im-

mersions à la même profondeur et bien au-dessus de 18 brasses,

la décompression étant toujours la même, mais notons bien qu'il

n'aurait jamais prolongé son séjour à cette profondeur au delà

de z-48-20 minutes. Immédiatement après la décompression,

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 233 3

le malade est pris d'engourdissements aux lèvres et aussitôt après

de l'impossibilité d'articuler les mots ; il comprenait parfaitement

ce qu'on lui disait. ,

Pas de perte de connaissance, pas de paralysie des membres,

pas de bouche de travers enfin pas d'autres symptômes soit cépha-

liques soit autres. Cet état a duré 2 heures au bout desquelles

il a disparu tout à coup.

Observation XXXIV. Accident survenu le 2 juillet, à la cinquième

immersion, profondeur de 22-24 et quatre à cinq minutes de séjour.

' Quatre immersions antérieures faites tout à fait dans les mêmes

conditions. Décompression isochrone pour toutes les immersions.

Une heure d'intervalle de bien-être entre la décompression et l'in-

vasion de l'accident. Première aphasie motrice trois à quatre

minutes de durée suivie d'un intervalle de six, sept minutes.

Deuxième aphasie motrice quatre à cinq minutes de durée suivie

aussi d'un intervalle de six à sept minutes. Troisième aphasie

motrice de la même durée, suivie d'un intervalle presque isochrone

* aux deux autres. Quatrième aphasie motrice suivie cette fois-ci

de guérison complète du malade.

Histoire. = Paul Calamatas, âgé de 30 ans. Son père mort de

fièvre typhoïde, pas d'autres antécédents héréditaires. Les anté-

cédents personnels n'offrent non plus rien d'important ; il aurait

eu un catarrhe bronchique dans son enfance. 11 a commencé son

travail dans l'air comprimé, en mai 1886, il avait travaillé deux

mois sans accident. Le 2 juillet, ayant déjà fait quatre immer-

sions à une profondeur de 22 à 24 brasses, et quatre àcinq minutes

de séjour, il se fait descendre pour la cinquième fois tout à fait

dans les mêmes conditions. Inutile d'ajouter que la décompression

a été isochrone pour toutes les cinq immersions, il est intéressant

de noter que ce plongeur n'était pas du tout indisposé, qu'il n'a-

vait pas mangé avant son immersion, qu'il n'était pas fatigué.

Une heure après la décompression et l'enlèvement du

casque, le malade se porte à merveille. Au bout de ce temps,

le scaphandrier est pris tout à coup d'une incapacité absolue

d'articuler les mots; il comprenait parfaitement bien ce qu'on

lui disait, sans pouvoir y répondre, il n'émettait que des cris.

Le malade ne savait ni lire ni écrire. Au bout de trois à quatre

minutes, ce trouble de la parole disparait subitement et complè-

tement. Ce retour du langage n'était pas destiné à durer bien

longtemps ; en effet, après six à sept minutes, pendant qu'il par-

lait, il s'arrête tout d'un coup ; il ne peut plus continuer sa con-

versation, il criait.

Ce nouveau trouble du langage, qui consistait dans l'impossibi-

234 CLINIQUE NERVEUSE.

lité de parler, tandis qu'il comprenait parfaitement bien ce qu'il

entendait, n'était pas non plus destiné à durer plus longtemps

que le premier..En effet, au bout de quatre à cinq minutes, il

disparaît brusquement et complètement. Au bout de six à sept

minutes, un troisième trouble de la parole, tout à fait pareil aux

deux autres précédents et de même. durée, survient au malade.

Enfin, au bout de six à sept minutes d'intervalle, un quatrième et

dernier trouble de la parole a atteint le malade, exactement sous

le même aspect clinique que les trois autres.

Après cinq minutes environ, ce trouble de la parole disparaît et

le malade n'avait plus rien. Pas de perte de connaissance; pas

de bouche de travers ; pas de paralysie des extrémités; pas d'autres

symptômes quelconques.

Etat actuel, rien, coeur et système artériel, normaux.

S). SURDITÉ psychique ou verbale ou DES MOTS

(VORTTAUBHEIT). Nous n'avons à relater qu'une seule

observation de cette aphasie sensorielle qui est. la sui-

vante. On sait déjà que la- surdité des mots a figuré à

titre de symptôme de la période du début de la- forme

centrale spinale postérieure chez le malade de l'OBSER-

VATION XXI. Nous allons maintenant la voir à titre de

forme à part.

Observation XXXV. Accident survenu le 3 avril, il la suite de la

première immersion faite à une profondeur de 20 brasses, dix mi-

nutes de séjour; fatigue due à la marche et ci la lutte contre le cou-

rant de mer. Plusieurs immersions antérieures de la même pro-

fondeur', de même séjour et de même décompression ; pas de fatigue

toutefois; pas de refroidissement; pas d'affections pulmonaires,

pas de repas avant l'immersion. Immédiatement après la décom-

pression et l'enlèvement du casque, impossibilité absolue de conee-

voir tout ce qu'il entendait. Pas d'autres troubles du langage.

Durée de trois heures.

Histoire. Spyridion Caracatsanis, âgé de vingt-sept ans.

L'hérédité interrogée soigneusement n'a montré rien d'important.

Les antécédents personnels n'offrent non plus rien qui' mérite

d'être noté. Il avait commencé à travailler dans l'air comprimé, en

mars z. Il aurait travaillé un mois à peu près sans accident.

Le 3 avril ilfaitlapiemièreimmersiondesa sérieà uneprofondeur

- de20 brasses, il n'aurait pas séjourné plus de dix minutes mais il a

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 23o

été très fatigué, étant obligé de marcher et de lutter contre un

courant de mer très fort. Il se fait brusquement remonter. Les

jours précédents, il aurait fait plusieurs immersions dans des con-

ditions exactement semblables comme profondeur, comme durée

de séjour et comme rapidité de décompression, sans jamais, dit-

il, avoir été fatigué. Il importe aussi de noter que ce scaphandrier

'était parfaitement bien portant et qu'il n'avait pas chargé son

estomac avant son immersion.

Aussitôt après la décompression et l'enlèvement du casque, le

'scaphandrier est pris d'une sensation de brûlure qui commençait

des pieds et suivant alors une marche ascendante, remontait à la

tête. Presque en même temps, il a été atteint d'une impossibilité'

de comprendre ce qu'on lui disait.

Il aflirme d'une façon catégorique qu'il entendait parfaitement

ce dont on lui parlait mais il ne pouvait pas y répondre car il ne

comprenait pas les mots parlés par son entourage.

Il entendait si bien que le moindre frottement ou le moindre

bruit qui se faisait autour de lui était perceptible à ses oreilles.

II parlait très bien et aussi correctement qu'avant son accident.

Ce scaphandrier n'a appris ni à lire ni à écrire.

Le malade n'aurait eu ni vertiges,, ni perte de connaissanse,

ni autres symptômes céphaliques. Il n'aurait eu non plus ni

bouche de travers, ni paralysie des extrémités, ni autres troubles

quelconques. Cet élat n'avait pas duré plus de trois heures.

"f). Aphasie COMPLEXE.- De cette aphasie com-

plexe nous n'avons à relater qu'un seul cas que nous

avons observé de visu.

Observation XXXVI. Accident survenu le 10 Octobre. Première

immersion, profondeur de 16 brasses, séjour d'une demi^ heure,

décompression brusque. Plusieurs immersions antérieures' de la

même profondeur et bien au-dessus, de même décompression, le

' séjour n'ayant jamais duré plus de quinze à vingt minutes.

Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du casque

à 10 heures du malin, impossibilité de parler. - Incapacité incom-

plète de concevoir la parole entendue. Impossibilité de com-

prendre tout ce qui est écrit. ' Agraphie. Traitement par coin-

pression. Immersion à 4 heures du soir. Retour de la parole au

fond de la mer. Guérison complète à 5 heures.

Histoire. Nichitas Mavroyannis, âgé de trente ans. Sa mère

est morte d'un cancer à la matrice; pas de maladies nerveuses

dans sa famille, pas d'antécédents personnels , il aurait eu dans

336 CLINIQUE NERVEUSE.

son enfance la coqueluche. Il a commencé son travail dans l'air

comprimé, l'été de 1883, et il a travaillé pendant une année et

quelques mois sans accident.

Le 10 octobre, il fait sa première immersion près du Pirée à

une profondeur de 16 brasses seulement, et après avoir prolongé

son séjour au fond pendant une heure et demie, il se fait remon-

ter. Il va sans dire que ce scaphandrier avait déjà antérieure-

ment fait des immersions à la même profondeur et bien au-dessus

et de même temps de décompression sans jamais demeurer au

fond en pareil cas plus de quinze à vingt minutes. Pas de refroi-

dissement, pas d'affections pulmonaires; pas de repas avant l'im-

.mersion.

Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du

casque, à 10 heures du matin, il est surpris de constater qu'il est

dans l'incapacité absolue de proférer un seul mot, il ne pronon-

çait que quelques monosyllabes, il comprenait incomplètement

ce qu'on lui disait. On le fait transporter au Pirée et on m'ap-

pelle en toute hâte. Je me rendis aussitôt près de mon malade.

' Etat du malade le 10 octobre à deux heures du soir. Le

malade se trouve dans l'impossibilité d'articuler un seul mot. Il

ne profère que quelques monosyllabes, en les substituant à tout

ce qu'il veut dire. Il conçoit un peu ce qu'il entend, car si on lui

dit qu'il n'est pas un bon scaphandrier et qu'il ne descend pas à

des profondeurs très grandes au delà de 15 à 20 brasses, il pro-

teste énergiquement par ses monosyllabes et par la mimique. Il

faut toutefois noter que cette capacité de comprendre est res-

treinte. Ainsi, en mettant devant lui une tasse, un sucrier et un

morceau de papier et en lui disant : donnez-moi le morceau de

papier, il me donne l'encrier. Si on lui donne un journal à lire,

on constate qu'il ne comprend plus; impossible de déchiffrer un

seul mot : je vois, mais fait-il observer par signes, mais je ne

comprends pas. Si on lui propose d'écrire, on voit qu'il ne peut

y parvenir; pour la plupart des mots il n'écrit que la première

lettre ; pour quelques-uns, la première syllabe, et puis il s'arrête,

il ne peut plus avancer.

L'examen fait par les doigts parait montrer qu'il y a do l'hé-

miopie.

Excepté sa grande émotivité, il n'y a pas d'autres symptômes

céphaliques. Il n'y a aucune trace de paralysie nulle part. Il

n'existe pas de troubles de la sensibilité générale et sensorielle

et du sens musculaire. Rien du côté des urines. Les fonctions du

coeur et des autres organes paraissent se faire régulièrement

Je lui ai conseillé de faire immédiatement une immersion de

10 brasses de profondeur et de prolonger son séjour pendant une

heure. Il fait son immersion à quatre heures. Le malade affirme

que déjà au fondit a été surpt is de constater qu'il pouvait parler ; i

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 287 -

on le fait monter et immédiatement après la décompression, ses

compagnons voient non sans étonnement qu'il n'avait plus de

troubles du langage ; c'était à cinq heures du soir. Il vient me

remercier à Athènes à huit heures du soir, et nous avons remar-

qué qu'il parlait très bien, qu'il concevait parfaitement bien ce

qu'on lui disait, qu'il lisait et qu'il écrivait tout aussi bien qu'a-

vant l'invasion de son accident.

Les observations qui précèdent montrent à l'évi-

dence que la faculté que l'homme possède d'exprimer

sa pensée par des signes peut être atteinte tantôt

d'une manière isolée, un seul de ses éléments consti-

tutifs étant modifié, altéré, et complètement aboli.

C'est ainsi que, chez les hommes des Observations

XXXII, XXXIII et XXXIV, cette faculté n'a été modi-

fiée que dans un de ses éléments à savoir la mémoire

des mouvements coordonnés qu'il faut faire pour

articuler les .mots. Les malades de ces observations

étaient absolument incapables de proférer un seul

mot : par contre, la mémoire auditive n'avait pas été

modifiée, les malades entendaient tout et compre-

naient tout. En ce qui concerne les malades des

Observations XXXIII et XXXIV, la mémoire visuelle

des mots et la mémoire des mouvements graphiques

ne peuvent pas être prises en considération, car ces

deux personnes n'ont jamais acquis ces deux facultés

du langage. C'est seulement le malade de l'OBSERVA-

tion XXX11 qui possédait ces facultés d'exprimer sa

pensée et qui lisait, mentalement, tout avec facilité;

il écrivait couramment et il concevait parfaitement

tout ce qu'il lisait et tout ce qu'il écrivait. Or, nous

étions là en présence d'une aphasie motrice (type

Bouillaud-Broca).

Par contre, chez l'homme de t'OBSERVA'noN XXXV,

238 CLINIQUE NERVEUSE.

la facultas signatrix de Kant n'a été altérée ni modi-

fiée que sous le rapport de sa mémoire auditive des

mots; le malade entendait tout, mais il ne comprenait

rien. 11 n'aurait pas perdu la mémoire des mouve-

ments coordonnés pour articuler les mots ; il proférait

tous les mots. Chez lui, il n'y avait ni mémoire

visuelle des mots, ni mémoire- des mouvements gra-

phiques. Il n'avait jamais appris ni à lire ni à écrire.

Nous n'avons pas observé de cas de cécité verbale ou

cécité des mots (Wortblindheit), isolée et dégagée de

tout mélange. Tantôt plusieurs éléments constitutifs

de la faculté du langage peuvent être altérés. Ainsi,

chez le malade de l'OBSERVATION XXXVI, le langage a

été modifié sous plusieurs rapports. 11 avait perdu tout

à fait la mémoire des mouvements coordonnés qu'il

faut faire pour articuler les mots ; le malade ne profé-

rait pas un seul mot : b), la mémoire visuelle des

mots : il ne pouvait pas lire, mentalement, ce qui était

écrit; c), la mémoire des mouvements graphiques : il

n'était pas capable d'écrire; d), incomplètement la mé-

moire auditive des mots ; il concevait imparfaitement

ce qu'on lui disait. Les caractères généraux des trou-

bles du langage qui peuvent survenir par l'emploi des

scaphandres sont au moins dans la majorité des cas

les suivants : a), la brusquerie de l'invasion ; b), leur

durée très courte; et c), leur brusque disparition.

A propos de ces caractères qui spécialisent en quel-

que sorte les troubles du langage de cette origine, n'ou-

blions pas de noter le fait original qui s'est passé chez

le malade de I'Observation XXXI. Son aphasie motrice

survenant brusquement et d'une durée momentanée

disparaissait non moins brusquement durant quelques

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 339 9

minutes pour réapparaître après, et ainsi de suite,

quatre fois eu tout. On assistait là à une aphasie mo-

trice réitérée.

2. forme SENSORIELLE.

Le lecteur aura déjà remarqué que des troubles

oculaires et auditifs peuvent figurer dans la sympto-

matologie des formes diverses et multiples, provenant

de l'emploi des scaphandres. Aussi on n'aura certes

pas oublié la cécité de cinq minutes de l'OBSERYATION V,

les éblouissemeuts des yeux et la vision d'étincelles de

l'OBSERVATIO-,f XVII, la cécité de plus de six semaines

de l'OBSERVATION XX, et enfin les bourdonnements

d'oreilles avec un certain degré de confusion de l'ouïe

de l'OBSERVATION X.

Tous . ces'troubles sensoriels ont figuré comme

symptômes de la période du début des différentes

formes spinales ; en d'autres termes, à titre de symp-

tômes. Nous allons maintenant voir que les troubles

sensoriels peuvent survenir chez les plongeurs à

scaphandre à titre de forme clinique spéciale, autre-

ment dit, ces symptômes peuvent se rencontrer isolés,

dégagés de toute complication, d'une simplicité et

d'une pureté vraiment remarquables, et ils constituent

alors tout le tableau clinique. Il nous a été donné

d'observer cette forme sensorielle soit sous la variété

oculaire, soit sous la variété auditive.

A. Variété oculaire. De cette variété, nous

n'avons à rapporter que deux cas de cécité, dont la

durée totale chez le premier a été d'une demi-heure ;

I)l 110 CLINIQUE NERVEUSE.

et le deuxième de quatre semaines. En voici les ob-

servations :

Observation XXXVII.

Paul Rhodios, até de vingL-cinq ans, pas d'antécédents héré-

ditaires ou personnels. Il a commencé son métier de plongeur à

scaphandre au mois de février 1886. Il aurait travaillé durant

quelques mois sans accidents. Le 15 août il descend à une pro-

fondeur de 17 brasses, c'était la première immersion de la jour-

née, et après avoir demeuré une heure et trois quarts, il se fait

brusquement remonter.

Notons bien que ce plongeur était déjà antérieurement descendu

un grand nombre de fois à cette profondeur et bien au-dessus et

qu'il se faisait toujours brusquement, parfois en quelques secon-

des, décomprimé. Mais jamais, jamais, je le répète à dessein, il

n'avait dépassé les vingt minutes de séjour au fond. 11 importe

en outre de remarquer que cet homme n'était refroidi; il ne tous-

sait pas et il n'avait pas mangé avant son immersion.

Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du

casque, cet homme tout d'un coup a complètement perdu la vue,

il ne voyait rien. La perception lumineuse a tout à fait disparu ;

il ne distinguait plus le jour de la nuit. En même temps, il avait

une sensation de brûlure tellement intense dans les yeux qu'il les

frottait follement. Les conjonctives auraient été rouges.

Il n'y aurait eu ni vertiges, ni perte de connaissance, ni étour-

dissements, ni bourdonnements d'oreilles, ni troubles de la parole,

ni paralysie, soit de la face, soit des extrémités, enfin aucun autre

symptôme. C'était la cécité accompagnée de la sensation de

brûlure et de la rougeur des conjonctives qui faisait les frais de

toute la symptomatologie de cet accident.

Au bout d'une demi-heure, le malade a commencé brusque-

ment à voir clair et tout rentra dans l'ordre, sauf la rougeur

des conjonctives, qui aurait persisté jusqu'au lendemain matin.

Observation XXXVIII.

Basile Matzis, âgé de trente-deux ans; son père est mort d'un

cancer à l'estomac; pas d'autres antécédents héréditaires. Les

antécédents personnels n'offrent rien d'important. Il a commencé

son travail dans l'air comprimé en 1880 et aurait travaillé pen-

dant trois ans, sans accident. Le 13 août 1883, il fait sa première

immersion de la journée à une profondeur de vingt brasses et il

ne demeure que quinze minutes au fond. Il a été extrêmement

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DÉS SCAPHANDRES. 241

fatigué étant obligé pour garder sa place, de lutter contre un cou-

rant de mer très fort et de marcher même contre lui. Il s'est fait

brusquement décomprimer. ' C.,

Il aurait déjà antérieurement fait un grand nombre de fois des

immersions dans les mêmes conditions comme profondeur, comme

séjour, et comme décompression. Mais il affirme que depuis qu'il

travaille dans l'air comprimé, il n'avait jamais rencontré un cou-

rant de mer si fort et qu'il n'a jamais été aussi fatigué que cette

fois-là. Immédiatement après la décompression etl'enlèvement du

casque, c'était 10 heures matin, le malade est pris dans les yeux

de douleurs si intenses, qu'il poussait des cris, pitoyables; en

même temps, le malade avait perdu presque complètement la

vue; il distinguait un peu la lumière. Au bout de quelques minu-

tes, cette perception luminense disparait à son tour tout à fait et

le malade ne distinguait pins le jour de la nuit. Ses conjonctives

auraient été rouges.

Le lendemain matin, 14 août, les douleurs avaient presque

complètement disparu et( il ne lui reste qu'une sensation incom-

mode de plénitude dans les yeux et de brûlure, il se frottait les

yeux et les pressait pour se soulager. La cécité était absolue.

Vers la fin de la première semaine, ces sensations de pléni-

rude et de brûlure avaient disparu. Pendant trois semaines après

l'accident, le malade ne voyait rien et ne distinguait pas le jour

de la nuit, n'avait, dit-il, devant'ses yeux une grande tache noire

qui quelquefois changeait de couleur.

' Au début de quatrième semaine le malade, à sa grande joie;

avait commencé à voir clair. Dès ce moment, cette amélioration a

grandement marché au point qu'à la fin de la quatrième'

semaine, le malade voyait comme avant son accident. `

Ce malade, excepté quelques petits vertiges n'aurait eu ni perte

de connaissance, ni paralysie aucune. Le tableau clinique était

exclusivement constitué par les troubles oculaires. -- Etat actuel.

Rien.

Les observations qui précèdent, aussi bien que dans

celles du tableau clinique, la cécité figure comme

symptôme du début et nous servent à mettre en relief

quelques caractères qui donnent le.cachet de spécialité,

à la cécité provenant de l'emploi des scaphandres, soit

à titre de forme clinique spéciale, soit à titre de symp-

tôme. Ces caractères sont les suivants : 1° la brusque-

rie de son invasion ; chez tous nos malades, l'invasion

Archives, t. XVII. 16

.242 CLINIQUE NERVEUSE.

a été brusque ; 2° les troubles oculaires ont le maxi-

mum de leur intensité dès le début ; en effet, chez

tous les malades, la cécité a été complète ou presque

complète dès le premier moment de leur invasion ;

3° leur durée est très courte et parfois instantanée ;

six semaines pour l'OBSERVATION XX, quatre semaines

pour l'OBSERVATION XXXVIII ; une demi-heure pour

]'OBSERVATION XXXVII; et cinq minutes seulement

pour l'OBSERVATION V; 4° leur rapide disparition,

Observations XX et XXXV111, et parfois soudaine,

Observations V et XXXVII.

B. Variété auriculaire. Les troubles auditifs

occupent une place importante parmi les accidents cé-

rébraux qui proviennent de l'emploi des scaphandres.

Je trouve quatre cas de ce genre dans mes notes. Les

troubles auditifs présentés par mes malades con-

sistent essentiellement, comme symptôme majeur,

en une altération profonde des facultés auditives.

A ce symptôme principal, vient très souvent s'ajouter

un autre phénomène d'importance relativement se-

condaire ; ce sont les sentatious subjectives de bruits

auriculaires (bourdonnements, tintements, etc.). On

sait déjà que les troubles auditifs ont figuré une fois

Observation X (bourdonnements survenant par inter-

valles rapprochés, bruits de cascade), comme symp-

tôme de la période de début. Nous allons main-

tenant les voir à titre de forme clinique spéciale, la

symptomatologie de ce genre d'accident étant unique-

ment et exclusivement caractérisée. par les troubles

auditifs.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 243

Observation XXXIX.

Stylianos Cosmas, âgé de vingt-cinq ans. Pas d'antécédents

héréditaires ou personnels, il avait commencé son métier de plon-

geur à scaphandre en 1885 et il a travaillé durant une année sans

accident.

Le 10 juin 1886, il descend à une profondeur de vingt-deux bras-

ses il ne demeure que douze minutes seulement, au bout desquelles

il s'est fait brusquement remonter. C'était sa première immer-

sion. Il n'y avait pas de courant de mer, et en conséquence, il

n'était pas fatigué; il n'avait pas chargé son estomac avant sa des-

conte. Il se portait très bien avant son immersion.

Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du cas-

que, c'était 9 heures matin, il est pris de cophose, son ouïe s'était

éteinte des deux côtés. Il n'entendait absolument rien; en même

temps, il avait des bourdonnements intermittents, il avait la per-

ception des bruits de vapeur. Pas de vertiges. Pas d'autres symp-

tômes céphaliques. Pas de paralysie. Enlin il n'y aurait rien eu

nulle part. A 10 heures, presque subitement le malade recouvra

intégralement ses facultés auditives. Le scaphandier entendait, dit-

il, aussi bien qu'avant son accident. Etat actuel, 2 août 1886.

Rien.

Observation XL.

Le nommé Constantin Jannoulis, âgé de trente ans, sans anté-

cédents héréditaires ou personnels, a commencé à travailler dans

l'air comprimé au mois de mai 18SG; il aurait travaillé jusqu'au

10 juillet, sans accidents. Ce jour-là, après avoir fait six immer-

sions successives à une profondeur de vingt-trois à vingt-quatre

brasses, dix à douze minutes de séjour et d'une décompression

brusque, il redescend pour la première fois dans des conditions

exactement identiques de profondeur, de séjour et de décom-

pression. Il importe au point de vue étiologique de remarquer

que ce plongeur n'était pas refroidi. Il ne toussait pas et il n'avait

pas fait de repas avant son éclusement. Notons en outre qu'il

n'était pas fatigué.

Un quart d'heure après l'enlèvement du casque, le plongeur

est saisi d'une confusion de l'ouïe très prononcée; il ne pervenait

à percevoir que quelques mots seulement. La plupart des mois lui

échappaient complètement. Au bout de quelques minutes, la

surdité était devenue complète et absolue, il n'entendait rien.

A la surdité vient s'ajouter un autre phénomène secondaire,

c'était un bruissement continu qu'il compare au murmure d'un

vent léger.

'244 CLINIQUE NERVEUSE.

Au bout de deux heures environ, il' a commence de nouveau à

entendre d'une façon confuse. Dès ce moment, d'une minute à

l'autre sa perception auditive se complétait, au point qu'au bout

d'un quart d'heure environ le sens de Toute était revenu à l'état

normal.

Etat actuel, 28 juillet 1886. - (18 jours après l'accident.) Il n'y a

rien. Les facultés auditives sont excellentes.

013SERVATICN XLI.

- Pierre Challites, âgé de vingt-quatre ans ; son père est mort

d'apoplexie; pas d'autres antécédents héréditaires, pas d'antécé-

dents personnels. Il a commencé son métier de scaphandrier le

2 mai 1884, et il aurait travaillé pendant un mois environ sans

accident. Le 1er juin, il fait sa première immersion de la jonr-

née à une profondeur de dix-neuf brasses et demeure au fond

une heure et demie, étant tombé par hasard sur un endroit plein

d'épongés. Au bout de ce temps, il s'est fait brusquement remonter.

Il était déjà antérieurement descendu un grand nombre de fois à

la même profondeur, même temps de décompression, mais il

n'aurait jamais demeuré à cette profondeur plus de quinze à

vingt minutes. Il n'était pas refroidi, il ne toussait pas, il

n'avait pas mangé avant son immersion qui était la première de

ce jour.

Un quart d'heure après la décompression et l'enlèvement du

casque, cet homme est pris d'une surdité complète, absolue,

accompagnée de petits vertiges, pas de bourdonnements d'oreilles.

Pas d'autres symptômes céphaliques. Pas de phénomènes paraly-

tiques, enfin pas d'autres troubles quelconques.

Cet état de cophose complète n'a duré que cinq heures à peu

près au bout desquels il a disparu complètement et définiti-

vement. État actuel (15 mars 1885). Rien.

OI3SEIi1'ATION ilLlI.

Georges Carydas, figé de vingt-trois ans, pas d'antécédents

héréditaires ou personnels; il a commencé son métier de plon-

geur à scaphandre en 1885, et il aurait travaillé pendant une

année sans accident. Le 10 juin 1886, après avoir déjà fait cinq

immersions à une profondeur de 20 à 22 brasses, dix à treize

minutes de séjour et d'une décompression brusque, il redescend

pour la sixième fois dans les mêmes conditions. Il faut noter que

le plongeur à scaphandre n'était pas refroidi, il ne toussait pas

et il ne s'était pas chargé l'estomac. Pas de fatigue.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 24S 5

Immédiatement après la décompression, le malade n'entend

plus. Sa surdité est complète, absolue. Concurremment à la copliose,

il avait des bruits auriculaires continus et intenses que le malade

compare au bruit d'une chaîne de fer, violemment traînée. Pas

de vertiges ni autres symptômes céphaliques, pas d'autres

troubles quelconques. '

Au bout d'une semaine, il a commencé par entendre, toutefois

d'une façon très confuse. Dès ce moment, son état s'est fort amé-

lioré, mais son ouïe n'est jamais revenue à l'état normal, ses

bourdonnements étaient moins forts et intermittents.

État actuel (28 juillet 1887). Il est loin d'être sourd; il a les

oreilles dures, il entend mal dans une conversation générale;

mais dans le tête-à-tête, c'est à peine s'il est nécessaire de répéter,

de temps à autre, quelques mots qui lui échappent. En dehors de

cette dureté de l'ouïe cet homme ne présente rien d'anormal.

Ce court exposé des observations si pleines d'in-

térêt aura certes révélé au lecteur certaines parti-

cularités importantes qui sont presque caractéristiques

de la surdité provenant de l'emploi des scaphandres.

Citons surtout les suivants :

1° L'invasion brusque ; 2° l'intensité excessive et

existant dès le premier temps de l'invasion ; 3° la

curabilité habituelle et très rapide. Précisons davan-

tage.

1° Les surdités d'autres origines (la surdité sénile,

par exemple) ont la propriété de se développer avec

une excessive lenteur. Même la surdité tabétique,

malgré ses progrès remarquablement rapides, met

des mois, exceptionnellement des semaines, pour

atteindre le plus haut degré de son développement

et devenir complète. Par contre, la surdité en question

survient brusquement dans quelques minutes ou

quelques heures. C'est, à coup sûr, le caractère

le plus important.

2° Chez les quatre malades, l'intensité de la surdité

était excessive. Les malades n'entendaient rien, pas,

246 CLINIQUE NERVEUSE.

même les bruits les plus forts. Voici un autre carac-

tère de la plus grande importance ;

3° Le troisième caractère que nous désirons mettre

en relief, c'est la curabilité, le plus souvent complète

et brusque, survenant dans une heure pour l'O.BsER-

VATION XXXIX, deux heures et quart pour 1OBSEe-

VATION XL, et cinq heures pour l'OBSERVATION XLI,

parfois incomplète, lentement et graduellement rétro-

gressée, Observation XLII. Ce n'est qu'une seule fois

que nous avons observé une cophose unilatérale com-

plète et définitive qui a nécessairement suivi la rup-

ture du tympan gauche. Voici l'observation :

Observation L111.

" Le nommé JeanCalomyris, âgé de vingt-deux ans, sans anté-

cédents héréditaires ou personnels, a commencé à travailler sous

l'air comprimé en 1885. Il aurait travaillé pendant une année

ayant fait régulièrement ses campagnes pour la pêche des épon-

ges, sans accident.

Le 12 juin 1886, ce plongeur se lève indisposé, ayant des fris-

sons, mal à la tête et une lassitude générale. Il n'a pas voulu tra-

vailler. La nuit du 13 au 13 juin fut agitée; fièvre, céphalalgie

intense, insomnie.

Le 13 juin, son état n'avait pas changé ; il avait des frissons,

pas de toux. Cependant, malgré son indisposition, il se décide à

travailler. Il fait étant à jeun sa première immersion à la pro-

fondeur de 23 brasses et après avoir demeuré dix minutes sans

être fatigué, il s'est fait brusquement remonter.

Ce scaphandrier, notons-le bien, aurait déjà antérieurement

fait un grand nombre d'immersions dans les mêmes conditions

de profondeur, de durée de séjour et de rapidité de décompres-

sion sans avoir jamais eu d'accident.

Une dizaine de minutes après la décompression et l'enlèvement

du casque, pendant qu'il se préparait à redescendre, il fut tout

d'un coup pris d'une forte douleur dans l'oreille gauche ; en

même temps il avait des vertiges. Dans quelques minutes, les

douleurs étaient devenues insupportables au point qu'il poussait

des cris déchirants, quand soudain le malade sent de l'air sortir

de son oreille en sifflant; ce fait a été immédiatement suivi d'un

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 247 Î

soulagement remarquable. Dans la suite les doulenrs avaient dis-

paru mais il n'enteudaitplus rien de l'oreille droite.

Etat actuel (20 mars 1887). La cophose est complète et défi-

unitive. Il a une rupture du tympan gauche.

3. FORME ÉPILEPTIFORME.

Cette forme cérébrale doit certainement être rare

pour que nous ne soyons en mesure 'de rapporter

qu'une seule observation qui, au point de vue symp-

tomatotogique, est un très beau spécimen d'épilepsie

jaksonnienne ou partielle. La voici :

Observation XLIV.

Sotiris Galaphas, âgé de trente ans. L'hérédité soigneusement

interrogée n'a pas'montré le moindre accident nerveux dans la

famille. Les-antécédents personnels n'offrent non plus rien d'im-

portant ; pas d'accidents syphilitiques, ni paludéens, pas de ma-

ladies antérieures, pas d'excès d'aucune sorte; il ne boit pas. 11 a

commencé son métier de plongeur à scaphandre en 1882 et il a

travaillé pendant deux ans, faisant régulièrement ses campagnes

de l'année pour la pêche des éponges, sans accidents sérieux.

Une fois seulement au cours de l'été 1883, il aurait eu des dou-

leurs au genou droit de quelques heures dans des conditions que

le malade ne peut pas définir.

Le 3 août 1884, de retour de la grande campagne d'été, il fait

sa première immersion près des côtes d'Egine, à une profondeur

de 25 brasses et après avoir séjourné au fond de la mer 5 minutes,

il ferme la soupape pour se faire instantanément remonter ; la

décompression n'aurait pas duré plus de 3 à 4 secondes. Ce plon-

geur aussi bien que ses compagnons affirment qu'il est déjà anté-

rieurement descendu un grand nombre de fois à cette profon-

deur et avait séjourné au fond 5 et même 7 minutes sans accident,

mais il ne s'est jamais décomprimé si brusquement.

Ce plongeur n'était pas refroidi, il ne toussait pas, il n'avait pas

chargé son estomac avant l'immersion, il n'a pas été fatigué au

fond. 2 à 3 minutes après la décompression et l'enlèvement du

casque, c'était à 7 heures du matin, le scaphandrier a senti un

malaise général indéfinissable ; un de ses compagnons lui

demande si il souffre et où ; il répond qu'il ne se porte pas bien,

mais il ne sait pas ce qu'il a. On se met à le déshabiller pour le

248 CLINIQUE NERVEUSE.

frictionner. On n'avait pas encore enlevé tous ses effets que cet

homme tombe en proie à dos convulsions qui se limitaient au

côté droit du corps.

On le fait aussitôt transporter à Egine où j'étais à ce moment

pour mes recherches, et on me fait appeler en toute hâte : je me

rendis aussitôt près de mon malade, et voici ce que nous avons

constaté.

Etat actuel 3 août 1884, 3 heures du matin. Le malade est cou-

ché dans le lit en proie à des accès convulsifs ; l'accès commence

par une flexion excessive du membre supérieur gauche au

niveau des articulations du poignet et du coude, qui prend en

même temps l'attitude de la pronation forcée. Au bout de

quelques secondes, ce membre s'agite dans toute son étendue par

des secousses rythmiques. Aussitôt après, la tête se tourne vers

l'épaule geuche et est ébranlée, elle aussi, par ces mêmes

secousses; simultanément le côté gauche de la face est pris de gri-

maces qui se succèdent rapidement et rhythmiquement. Le

membre inférieur gauche ne tarde pas à son tour à être envahi, il

se raidit dans l'extension forcée ; quelques secondes après, il est

vibré de trépidation et l'accès finit.

Dans certains accès, à ce moment, une perte de connaissance

survient en même temps que la rigidité et la vibration rhyth-

mique gagnent le côté opposé du corps. Chaque accès est suivi

d'une parésie assez marquée des extrémités de la moitié gauche

du corps. La température s'est élevée à midi à une grande

hauteur : 41° ; pouls, 150.

Nous sommes resté près de notre malade jusqu'à la disparition

complète et définitive de l'accident qui a eu lieu à midi 40 et qui

a été suivi d'une parésie des membres supérieurs et inférieurs

gauches. Cetle parésie a duré trois heures environ, au bout des-

quels elle guérit complètement et définitivement. Le nombre

total des accès qui ont eu lieu en ma présence s'est élevé au

chiffre de 20, sans compter les accès de 2 heures qui se sont écou-

lés depuis le moment de leur invasion jusqu'à celui de notre con-

sullation. Pas d'autres symptômes céphaliques. Les autres

organes paraissent fonctionner régulièrement.

Pour observer l'évolution naturelle de l'accident ; nous n'avons

employé aucune médication; un peu d'eau de menthe. Depuis ce

moment, nous avons plusieurs fois vu ce malade et nous avons

appris que depuis lors les accès n'ont jamais réapparu.

4. FORME CÉRÉBRALE PARALYTIQUE.

Les différentes paralysies d'origine cérébrale n'ont

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 249

pas, à coup sûr, la même fréquence que celles d'ori-

gine spinale, mais elles ne sont pas très rares. Elles

revêtent, cliniquement, tantôt le type d'hémiplégie

et tantôt le type de paralysie partielle.

A). Type d'hémiplégie. De ce type nous avons

deux observations que voici :

Observation XLV. Le 10 juillet 1873, hémiplégie gauche, une

demi-heure de durée, provoquée par la septième immersion faite à

une profondeur de 20 à 21 brasses, un quart d'heure de séjour au

fond, décompression brusque. Le 7 août \ 874, hémiplégie droite

de quatre jours de durée, survenue à la suite de la sixième immer-

sion faite dans les mêmes conditions que les cinq précédentes.

Dès celle époque jusqu'à 1882, treize hémiplégies tantôt gauches,

tantôt droites, 3 ci 5 heures de durée. L'hémiplégie sunve-

natt toutes les fois qu'il dépassait le nombre 5 des immersions,

toutes les autres conditions étant égales. De 1882, jusqu'en juillet

1886 plus d'hémiplégies; il iz*a jamais fait plus de cinq immersions.

Nistoire.-1\lichel Chais, âgé de trente-sept ans, les antécédents

aussi bien héréditaires que personnels n'offrent rien d'important.

Il est d'une constitution très forte. Il a commencé son travail dans

l'air comprimé en 1870 et il a travaillé pendant trois ans sans acci-

dent. t.

Le 10 juillet 1873, après avoir déjà fait six immersions à une

profondeur de 20 à 21 brasses, il en fait une septième; il n'a

demeuré dans le fond qu'un quart d'heure environ, au bout

duquel il s'est fait remonter. Immédiatement après l'enlèvement

du casque, on le voit se frotter les yeux, ce qui était dû à une

sensation de brûlure intolérable, ses conjonctives auraient été en

même temps rouges. Aussitôt après, le malade sent son bras

gauche extrêmement lourd et il ne peut l'élever; il avait aussi la

bouche un peu de travers, de façon à attirer l'attention. En même

temps, le malade se plaignait d'une douleur à la région gastrique

avec sensation d'angoisse. Cet état, qui n'était accompagné d'au-

cun autre symptôme soit céphalique soit de nature quelconque,

sauf une douleur vague aux lombes, a duré seul isolé une heure

et demie. Au bout de ce laps de temps, une paralysie du membre

inférieur gauche survint. A ce moment, le malade est pris de

vomissements qui l'ont soulagé de son poids épigastrique.

Quand on le pinçait, qu'on le frottait ou qu'on touchait le côté

gauche de son corps, le malade sentait très bien. Il se plaignait

seulement de douleurs lancinantes, qui siégeaient aux différentes

2S0 CLINIQUE NERVEUSE.

régions du côté paralysé. Cette scène morbide a duré au total

trois heures et le lendemain matin, il reprend son travail. Le

7 août 1874, il fait cinq immersions sans attaque, il redescend à

la même profondeur de 20 à 21 brasses et sans demeurer plus de

quinze minutes dans le fond de la mer, il s'est fait brusquement

remonter.

Après l'enlèvement du casque, il est pris d'une brûlure intolé-

rable aux yeux, qu'il frottait follement et qui étaient en même

temps rouges. En outre, il avait bientôt un poids à l'estomac,

sans gonflement au moins apparent, en même temps qu'une

paralysie du membre supérieur non plus le gauche, ce qui lui est

arrivé le 10 juillet de l'année précédente, mais le droit, le malade

étant dans l'incapacité de faire le moindre mouvement. La bouche

n'était pas cette fois-ci de travers,'au moins d'une 'façon visible.

Cette paralysie dure deux heures, au bout desquelles il est pris

d'une paralysie du membre inférieur droit, sans troubles de la

sensibilité, car le malade sentait bien, quand on le touchait ou

qu'on le pinçait, il était seulement tourmenté de temps à autre

de douleurs lancinantes. Cette hémiplégie dure quatre jours seu-

lement, au bout desquels il a repris son travail, étant parfaite-

ment bien portant.

Depuis lors jusqu'à présent, il a été atteint treize, fois encore

de pareils accidents, ce qui fait au total quinze fois : sept fois à

gauche et huit à droite. Toutes les fois qu'il dépassait les cinq

immersions de suite à la même profondeur et à la même durée

de séjour au fond de la mer, il était atteint des mêmes accidents,

à savoir une paralysie du membre supérieur tantôt gauche tantôt

droit avec ou sans paralysie faciale apparente, paralysie précédée

toujours des troubles oculaires, brûlure, rougeur, frottement,

accompagnée constamment d'une douleur gastrique avec sensa-

tion d'angoisse sans gonflement au moins apparent et suivie

après un temps qui varie entre une demi-heure et deux heures

d'une paralysie du membre droit correspondant avec des douleurs

vagues aux lombes et lancinantes aux membres affectés ; pas

d'autre symptôme céphalique, pas d'anesthésie, pas de troubles

urinaires ou génitaux ou rectaux, enfin rien. -- Cet état a duré

de 3 à 5 heures. Depuis 1882, étant persuadé qu'aucun accident

ne saurait lui arriver, quand il n'aurait pas dépassé les cinq

immersions, il n'a jamais osé faire la sixième et en conséquence

il n'a jamais été affecté. Etat actuel (28 juillet 1886.) Rien.

Tous les organes paraissent fonctionner régulièrement.

Observation XLVI.

Cosmas Cosmitis, âgé de vingt-six ans, sans antécédents here-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 2S1

ditaires ou personnels, a commencé à travailler dans l'air com-

primé en 1877 et il a travaillé sept ans sans accident.

Le 27 juillet 1884 il fait une première immersion à27 ou28 brasses

de profondeur et après avoir demeuré sept minutes il s'est fait

brusquement décomprimer. Il redescend une seconde fois par la

même profondeur mais il prolonge son séjour au fond de la mer

au delà de vingt minutes.

Un quart d'heure après l'enlèvement du casque, le plongeur est

pris de douleurs constrictives à la jambe gauche et bientôt d'une

hémiplégie gauche. Il n'y aurait pas de troubles de la sensi-

bilité. ZD c -

Il avait en même temps une sensation précordiale avec plénitude

et gêne de la respiration accompagnée de palpitations. 11 n'y a

pas eu d'autres symptômes céphaliques. Il n'y aurait pas eu d'autres

symptômes quelconques. Etat actuel (5 août 1884). Rien.

B). Type de paralysie partielle. De ce type nous

avons deux observations intéressantes dont l'une est

un exemple de paralysie de la face et du membre

supérieur gauche.

a). Paralysie faciale. '

Observation XLVII.

Aggelis Couroupis, âgé de vingt-trois ans. Pas d'antécédents

héréditaires ou personnels. Il a commencé son travail en 1885 et il

travailla pendant une année sans accident.

Le 13 juillet 1886, il fait sa première immersion à la profondeur

de 23 brasses, treize minutes de séjour, décompression brusque,

Il serait déjà antérieurement descendu exactement dans les mêmes

conditions de profondeur, de séjour et de décompression. Il n'a

pas été fatigué et il n'aurait pas mangé avant l'accident ; pas de

refroidissement, pas de toux. Dix minutes après l'enlèvement du

casque, le plongeur est pris de paralysie faciale gauche. Il fermait

l'oeil gauche aussi bien que le droit.

Il n'y aurait eu aucune trace de paralysie des extrémités. Pas de

vertiges, ni de perte de connaissance, ni de troubles du langage,

ni autres symptômes céphaliques. 11 n'y aurait non plus d'autres

symptômes quelconques. Cette paralysie faciale a duré à peu près

une demi-heure, au bout de laquelle elle a disparu tout à fait.

252 CLINIQUE NERVEUSE. ACCIDENTS PAR LES SCAPHANDRES.

b). Paralsie de la face et du membre supérieur droit.

Observation XLVIII.

Le nommé Jean Coussatakis, âgé de vingt-quatre ans, sans

antécédents héréditaires ou personnels, ayant commencé son mé-

tier de plongeur à scaphandre en 1882, a travaillé pendant deux

ans sans accident. Le 12 juillet 4884, après avoir déjà fait sept

immersions successives sans accident, à une profondeur de'

23 brasses, de douze à quinze minutes de séjour et d'une décom-

pression brusque, il en fait une huitième dans les mêmes condi-

tions que les sept précédentes.

Une dizaine de minutes se passent et le malade se porte parfai-

tement bien. Au bout de ce temps, tout d'un coup, il est pris de

paralysie complète du membre supérieur gauche. La bouche, en

même temps, était de travers. Il pouvait fermer l'oeil gauche aussi

bien que le droit. Il n'y a aucune trace de paralysie au membre

supérieur droit et aux inférieurs. Sauf quelques petits étourdisse-

ments, le malade n'avait aucun autre symptôme céphalique. Pas

d'autres symptômes.

Le 16 juillet, c'est-à-dire quatre jours après l'invasion de l'acci-

dent, le plongeur a repris ses immersions à des profondeurs

moyennes, 14 à 15 brasses, quinze minutes de séjour et brusque

décompression. 11 lui était impossible de se servir de son bras

gauche. Le 17 juillet, il a commencé à pouvoir exécuter quelques

petits mouvements. Sa paralysie faciale aurait été améliorée. Ses

immersions continuent comme moyen thérapeutique. Depuis lors

l'amélioration a continué de faire ses progrès.

Etat actuel (15 août 1884, le dix-neuvième jour de l'accident).

Le malade a une certaine difficulté de lever son bras gauche.

Sa main gauche serre bien moins que la droite. La force

dynamométrique est de 30 à gauche et de 65 à droite. Il ne peut

lever de lourds objets. Il lui arrive même parfois que les objets

légers lui échappent des mains.

La paralysie prédomine incontestablement aux muscles innervés

par les nerfs cubital et médian. Quand on pince la paume de sa

main gauche, il sent des engourdissements dans les doigts. Pas

d'autres troubles de la sensibilité.

Le sens musculaire est affecté. Ainsi, si on lui dit de porter le

doigt indicateur sur le bout du nez, alors le malade ne réussit pas

et déplace la main. Il est, en outre, absolument incapable d'appré-

cier le poids des objets.

Sa bouche est tirée à droite; il ferme très bien l'oeil gauche.

Il n'y a aucune trace d'atrophie musculaire. La contractilité

électrique est normale.

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 25H

Pas de troubles vaso-moteurs. Il n'y a pas de symptômes cépha-

liques. La vessie, le rectum et les organes génitaux paraissent

fonctionner régulièrement.

Nous avons revu le malade après trois mois, le 20 novembre 1884.

11 n'y a aucune trace de paralysie, soit faciale, soit du membre

supérieur gauche depuis un mois, époque de la disparition des

phénomènes paralytiques.

Nous retrouvons ici encore les mêmes caractères

qui servent à spécialiser les paralysies cérébrales

d'origine scaphandrienne, à savoir : 1° la brusquerie

de l'invasion; 2° l'intensité excessive; 3° leur durée

très fugitive ; 4° leur curabilité constante en cas d'ac-

cidents cérébraux, non fugitifs plus ou moins per-

sistants. C'est ainsi que le docteur A. Kindynis,

agrégé de notre faculté, nous a communiqué qu'il a

observé deux cas d'hémiplégies cérébrales chez deux

scaphandriers qui, après avoir duré quelques mois,

ont disparu complètement sans laisser la moindre

trace. Malheureusement, il a perdu ses observations.

(A suivre.) .

REVUE CRITIQUE

GRAND ET PETIT HYPNOTISME';

Par J. BABINSKI,

Ancien chef de clinique à la Salpètrière.

Autrefois, nous voulons dire avant ,1878, beaucoup niaient

l'hypnotisme, et expliquaient purement et simplement tous les

phénomènes produits pur l'hypothèse commode, de la simula-

' Voir Archiues de u'euroloyie, u° Ffl, p. 32. ,

254 REVUE CRITIQUE.

tion. Depuis les études de la Salpêtrière, on ne parle plus

guère de simulation, ou du moins si quelques personnes attar-

dées ou de parti-pris se servent encore de cette interprétation

simpliste, elles ne font qu'exprimer des opinions isolées et de

plus en plus timidement exprimées. On veut soutenir aujour-

d'hui que tous les phénomènes hypnotiques observés à la

Salpêtrière et ailleurs sont réels, mais que ce sont des produits

de la suggestion. La suggestion, a-t-on dit, c'est la clef du

braidisme. Ainsi, la controverse s'est déplacée; elle ne porte

plus sur ce point capital, à savoir si l'hypnotisme est une

réalité ou une jonglerie; elle porte sur la question de savoir

quelle est la cause, quelle est la genèse des phénomènes

hypnotiques.

L'assertion que la suggestion est la clef du braidisme a été

lancée par l'École de Nancy; on réunit d'ordinaire sous ce

nom quatre expérimentateurs. : MM. Liébault, Bernheim,

Beaunis et Liégeois.

Donc, d'après l'École de Nancy, tous les phénomènes dits

hypnotiques seraient le produit de la suggestion. La suggestion

est l'acte par lequel l'opérateur impose une idée à son sujet,

par la parole ou par des gestes ; un phénomène suggéré est

donc un phénomène qui a une cause psychique, qui est pré-

cédé par une opération psychique. Tout le monde admet au-

jourd'hui qu'un grand nombre de phénomènes hypnotiques

sont des effets de la suggestion, et la suggestion, dans tous ses

détails, a été longuement étudiée par divers expérimentateurs

qui appartiennent à l'École de la Salpêtrière'. On sait que

par cette méthode, il est possible de donner à un sujet con-

venablement préparé des hallucinations , des ordres , des

rêves, le frapper d'anesthésie et de paralysie. L'étude de la

suggestion ouvre à la psychologie des horizons nouveaux en

lui fournissant ce qui lui manquait jusqu'ici, une méthode

d'expérimentation.

Mais ceux qui ont étudié la suggestion n'ont pas tous été

jusqu'à prétendre qu'elle constitue la seule et unique cause de

tous les phénomènes présentés par les sujets hypnotisés. Cette

thèse appartient à l'École de Nancy et plus particulièrement à

M. Bernheim. M. Beaunis, en effet, a déclaré récemment qu'il

était convaincu que la suggestion ne suffit pas à tout expliquer.

1 Voir en particulier Binet et Féré, loco citalo.

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 255

La thèse de M. Bernheim a eu beaucoup de succès; cela

nous parait facile à comprendre. Elle a par-dessus tout le

mérite de la simplicité. On a dû trouver admirable de ramener

à l'unité les causes des faits si nombreux et si divers qu'on

réunit sous le nom d'hypnotisme. Ajoutons que cette prétention

a été grandement encouragée par les expériences qui ont été

faites dans ces derniers temps sur ce qu'on pouvait appeler les

suggestions organiques. On sait aujourd'hui qu'en employant

la suggestion sur des sujets appropriés, on obtient des effets

tout à fait remarquables; par exemple, on peut développer une

plaie sur une région de peau saine. Il était tout naturel que

certains expérimentateurs, frappés par cette puissance de la

suggestion, en vinssent à dire que la suggestion explique tout

et suffit à tout.

On peut se demander maintenant par suite de quelles expé-.

riences ou de quels raisonnements certains auteurs en sont

arrivés à affirmer que la suggestion est la cause unique et

suffisante de tous les phénomènes présentés par les hypno-

tisés. A priori, on pouvait supposer que les partisans de cette

théorie possèdent un grand nombre de faits qui en démontrent

la vérité. Ce serait cependant une erreur complète. La seule

raison invoquée par M. Bernheim consiste à dire et à répéter,

sous plusieurs formes différentes, qu'il n'a jamais pu repro-

duire chez ses sujets, sans le secours de la suggestion, les

phénomènes 'somatiques de contracture, de catalepsie, etc.,

observés par M. Charcot et ses élèves.

A cette objection, M. Charcot et ses élèves se contentent de

répondre avec avantage, croyons-nous, queles sujets surlesquels

on opère de part et d'autre étant différents, il n'y a pas lieu de

s'étonner que les effets soient différents, que les sujets de la

Salpêtrière étant des hystériques, l'hypnotisme de la Salpé-

trière est l'hypnotisme des hystériques, et que, dès lors, il est

facile de comprendre comment il est possible de produire chez

les malades de cette catégorie une série de symptômes caracté-

ristiques qu'on ne retrouve pas chez d'autres sujets.

Quoi qu'il en soit, la thèse de M. Bernheim nous parait

présenter un autre défaut. M. Bernheim, avant de soutenir

dans les termes les plus absolus, que la suggestion est la causa

réelle de tous les phénomènes braidiques, aurait dû commencer

par démontrer que la suggestion peut produire tous ces phé-

nomènes. C'est ce qu'il n'a pas fait. Prenons un exemple. La

256 REVUE CRITIQUE.

contracture léthargique provoquée est sans contredit un des

faits les plus importants de l'hypnose hystérique.

Si M. Bernheim prétend soutenir que la suggestion peut tout

produire, il devrait commencer par démontrer, dans une série

d'expériences correctes, qu'il est possible de suggérer à un indi-

vidu une contracture du type léthargique, présentant les

mêmes caractères et surtout la même précision que celle qu'il

est si facile de provoquer, par des manoeuvres purement

physiques, chez les grandes hystériques hypnotisables.

Puisque les cas de grand hypnotisme observés à la Salpé-

trière sont, suivant M. Bernheim, des cas artificiels, on peut

se demander, fait remarquer M. Charcot, pourquoi, ne fût-ce

que dans le but de .prouver son assertion relative à la toute

puissance de la suggestion, M. Bernheim ne se donne pas le

plaisir de créer artificiellement à Nancy des cas semblables.

MM. Binet et Féré ont insisté sur les conditions dans les-

quelles il faudrait se placer pour que cette expérience ait une

valeur réelle. On commencerait par éliminer tous les sujets

présentant, à un degré quelconque à l'état de veille, de l'hyper-

excitabilité neuro-musculaire ou n'importe quel autre stig-

mate hystérique, caries observations des auteurs précités ont

démontré que l'on peut, avec la suggestion seule, provoquer

une contracture léthargique chez un sujet hyperexcitable; la

suggestion ne fait dans ce cas que renouveler, sous forme

d'images, le souvenir de l'excitation cutanée qui a donné lieu

une première fois à la contracture. Il faut aussi remarquer que

l'élimination des sujets hyperexcitables devrait être faite avec

un soin et une sévérité tout particuliers..11. Bernheim, en

effet, ne parait guère prendre comme critérium de l'hystérie

que la crise, et semble négliger complètement les stigmates

permanents, ce qui l'amène nécessairement à considérer

comme sains des individus atteints de cette névrose.

L'expérience réussît-elle de la façon la plus complète que

M. Bernheim n'aurait pas encore gain de cause. Une fois qu'il

serait prouvé que la suggestion peut faire tout ce que fait

l'excitation périphérique, il resterait à démontrer que la réalité

du premier procédé exclut celle du second. C'est ici, il faut

bien le remarquer, que la question se complique.

Nous sommes tout disposés à admettre qu'en fait, lorsqu'une

personne a été soumise à des manoeuvres hypnotiques répé-

tées, elle garde un souvenir de ces manoeuvres, et que chaque

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 257 Î

fois qu'on la soumet à une expérience, elle peut comprendre

et par conséquent devancer l'expérimentateur, par un phéno-

mène d'auto-suggestion. On peut dire qu'après quelques expé-

riences du même ordre, la suggestion est toujours là invisible

et présente; souvent le sujet, avec une complaisance d'autant

plus remarquable qu'elle est tout automatique, s'applique à

deviner les intentions de l'opérateur. Il devient donc absolu-

ment impossible, quand les conditions deviennent aussi, com-

plexes, de faire la part respective de la suggestion et de l'exci-

tation périphérique. Nous reconnaissons même que chez

certains sujets on peut, par la suggestion, amener le dévelop-

pement d'une contracture, alors que les excitations périphé-

riques sont incapables de produire ce résultat. Mais tout cela

ne permet pas de conclure que la suggestion est tout, et que

l'excitation périphérique ne sert à rien.

C'est aussi par la suggestion qu'il faut expliquer en grande

partie comment il se fait que, quelquefois, tous les sujets

formés par un même expérimentateur se ressemblent plus ou

moins, et se trouvent modelés sur un même type, tandis que

ces mêmes sujets diffèrent totalement de ceux qui sont dressés

par un autre .expérimentateur. L'uniformité des résultats peut

être due à l'identité pathologique des sujets, à l'identité de la

méthode employée, mais elle est due aussi, en grande partie,

à la suggestion inconsciente qu'exerce l'opérateur sur les

malades, ou même la suggestion produite par un malade sur

les autres.

Ces faits démontrent la puissance de la suggestion, mais ils

ne démontrent nullement, nous le répétons, que la suggestion

soit la seule influence capable d'agir sur des hypnotiques.

Admettre une pareille opinion et la soutenir avec la rigueur

qu'on y met à Nancy, ce serait, en somme, vouloir prouver

que les causes psychiques sont les seuls modificateurs du sys-

tème nerveux en cause. La physiologie générale nous démontre

qu'un grand nombre des fonctions sont sollicitées à l'action

soit par des causes psychiques, soit par des causes physiques;

la réalité des premières causes n'exclut pas celle des autres.

Pour citer des exemples vulgaires, la sécrétion des larmes est

provoquée tantôt par un état moral déprimant, un chagrin,

tantôt par un corps étranger dont le contact irrite la cornée.

De même, certaines substances sont tout aussi efficaces que la

peur pour provoquer une diarrhée; et de ce qu'on peut apaiser

Archives, t. XVII. 17 i

258 REVUE CRITIQUE.

la faim par suggestion s'ensuit-il que l'aliment n'ait aucune

efficacité ?

Ainsi donc, comme on le voit, l'Ecole de Paris qui insiste

elle-même sur l'importance de la suggestion n'en conteste pas

la réalité, mais elle prétend que la suggestion n'est pas l'uni-

que source des phénomènes observés dans l'hypnotisme.

Nous venons de montrer que les objections de M. Bernheim

sont loin d'être démonstratives; ses observations font ressortir

tout au plus le rôle important que la suggestion peut jouer, mais

ne prouvent rien contre la thèse de l'École de la Salpêtrière.

Nous devons maintenant mettre en évidence les arguments

sur lesquels s'est appuyé M. Charcot pour établir l'exactitude

de ses assertions.

- Voici par exemple un individu qui n'a pas été jusqu'alors

fournis à des manoeuvres hypnotiqnes quelconques, il est abso-

lument étranger à la médecine et n'a jamais assisté à aucune

expérience sur l'hypnotisme. Ce sujet ainsi soumis à une pre-

mière expérience, vierge par conséquent jusque-là de toute

pratique d'hypnotisation, ce sujet, dis-je, dès qu'on est arrivé

à l'hypnotiser, présente les phénomènes de la contracture

léthargique; il suffit de presser sur les muscles, de comprimer

un membre avec une bande élastique, de presser sur un tronc

nerveux, pour voir la contracture se développer. Si ce phéno-

mène est obtenu, alors que le médecin a évité d'éveiller chez le

sujet par une parole, par un geste, l'idée de raideur, la sug-

gestion ne peut être invoquée; et c'est précisément dans ces

conditions qu'on s'est placé à la Salpêtrière dès les premières

expériences. 11 ne faut pas croire en effet que l'hypothèse de

suggestion ne se soit pas présentée à l'esprit des expérimen-

tateurs de Paris, et que c'est pour ne pas avoir réfléchi à la

possibilité de son existence que le développement des phéno-

mènes somatiques a été attribué à une autre cause. Mais, dira

peut-être M. Bernheim, comment affirmer que réellement

l'individu en observation n'a jamais été présent à des expé-

riences sur le magnétisme animal. Le nombre des magnétiseurs

de profession est grand, et il n'est presque pas une ville en

France où n'aient eu lieu des séances publiques de magné-

tisme. Or, comme la raideur musculaire est un phénomène que

les magnétiseurs font souvent observer à l'assistance, il est

possible que la vue de la contracture ait laissé un souvenir

dans l'esprit de l'individu dont nous parlons, et que ce soit là

GRAND El'PETIT HYPNOTISME. 2)

l'origine de la suggestion. A cela nous répondrons d'abord que

ce n'est là en tout cas qu'une hypothèse. Nous ferons remar-

quer d'autre part, que les manoeuvres employées par les

magnétiseurs diffèrent de celles que l'on emploie à la Salpè-

trière pour faire naitre la contracture, et que par suite la sug-

gestion ne peut pas être incriminée. En quoi en effet, la

compression d'un membre par une bande élastique ou celle

d'un tronc nerveux peut-elle éveiller l'idée d'une contracture ?

Du reste, s'il restait encore un doute dans l'esprit du

lecteur, et s'il persistait à admettre encore l'hypothèse de la

suggestion, nous rappellerions encore le phénomène de l'hyper-

excitabilité nerveuse, qui, lorsqu'on se place dans les condi-

tions que nous avons énumérées plus haut, est encore plus pro-

bant que l'hyperexcitabilité musculaire. On sait que si l'on presse

mécaniquement sur un nerf moteur, tous les muscles desservis

par ce nerf entrent en contraction ou en contracture, et com-

muniquent au membre sur lequel on opère une position inva-

riable et caractéristique. Ce phénomène est plus rare, il est

vrai, que le précédent, mais on le constate néanmoins dans

nombre de cas, et il a évidemment une valeur capitale. Il est

clair, en effet, qu'un individu ignorant les premières notions

de l'anatomie et de la physiologie musculaire serait incapable

de deviner, quand on excite un point de la peau, quels sont

les muscles qui doivent entrer en contracture. Inutile d'insister

sur ce point. C'est pour ce motif qu'à la Salpêtrière on a cons-

déré l'hyperexcitabilité neuro-musculaire comme un phéno-

mène réflexe dont le centre est dans la moelle ouïe cerveau et

dont le point de départ est dans l'excitation périphérique

des muscles et des tendons, et que les contractures hypnotiques

peuvent se développer indépendamment de toute suggestion.

En ce qui concerne la question des phases constituantes du

grand hypnotisme nous invoquerons des arguments du même

ordre. Les premières observations de M. Charcot ont évidem-

ment une valeur pour ainsi dire absolue : d'où, en effet, aurait

pu provenir la suggestion ? Quelle raison théorique M. Charcot

aurait-il pu avoir de supposer qu'il existait un grand hypno-

tisme caractérisé par trois états distincts ? S'il a constaté les

trois états, ce n'est donc pas en vertu d'une idée préconçue,

mais parce que ces trois états se sont présentés naturellement

à son observation. Depuis, de nouveaux cas analogues ont pu

être observés et on s'est placé toujours à la Salpêtrière dans les

2()0 REVUE CRITIQUE.

conditions que nous avons précisées plus haut et qui permet-

tent d'éliminer l'hypothèse de la suggestion.

Nous avons fait remarquer au début de ce travail que chez

les grandes hypnotiques les trois états pouvaient se dévelop-

per dès la première tentative d'hypnotisation, mais que dans

beaucoup de cas, au début, les caractères somatiques ne sont

pas aussi accentués que lorsque l'hypnotisation a été pratiquée

un grand nombre de fois. Si par exemple dans la léthargie,

on presse dans une première expérience, sur le nerf cubital, on

constate du côté de la main l'esquisse de la griffe cubitale, qui

se dessine de plus en plus à mesure que l'expérience est ren-

ouvelée. Si dans la catalepsie on soulève un membre, celui-

ci ne garde qu'un temps très limité la position donnée.

Nous avons observé récemment à la Salpêtrière, une malade

la nommée Ri..., qui s'est comportée exactement de cette

façon. Dès la première tentative d'hypnotisation on a pu cons-

tater l'existence des trois états avec toutes les particularités

qui les caractérisent, mais au début les phénomènes somati-

ques n'existaient qu'à l'état d'ébauche. Nous devons faire

remarquer que chez cette malade les phénomènes psychiques

étaient encore moins accentués. Il était impossible de pro-

voquer par suggestion, dans la période somnambulique, le dé-

veloppement d'une hallucination visuelle ou auditive. On pou-

vait, au contraire, par ce procédé faire naitre une paralysie

flasque ou spasmcdique; toutefois la suggestion simple n'agis-

sait pas d'une façon plus active que les excitations mécaniques

sur le développement des contractures. Sous l'influence de la

répétition des mêmes manoeuvres la malade s'est perfection-

née ; mais, et nous insistons sur cepoint dès la première expé-

rience, alors qu'elle était encore tout à fait ignorante des

choses de l'hypnotisme, tous les caractères somatiques du

grand hypnotisme pouvaient être mis en évidence. L'exercice

n'a donc fait qu'accentuer des propriétés qui existaient en elle

dès le début.

Ce fait que les propriétés hypnotiques se perfectionnent par

l'éducation prouverait-il qu'elles sont dès l'origine les résultats

de la suggestion. Il n'en est rien pensons-nous. Il en est de

ces propriétés comme de toutes les autres facultés que nous

possédons en germe et qui peuvent se développer par le fonc-

tionnement.

Nous avons vu aussi que chez certains sujets il n'existe pen-

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 261

dant longtemps qu'une ou deux des phases du grand hypno-

tisme et que le grand hypnotisme ne se constitue d'une façon

complète que lorsque le malade a été soumis à de nombreuses

manipulations. Nous rappelons à ce sujet l'observation de

C. G., citée plus haut. Cette observation, loin d'être défavo-

rable à notre thèse, nous parait, au [contraire, lui prêter un

appui très sérieux. Voici, en effet, une malade qui est restée

pendant dix-huit mois environ dans le service de M. Charcot,

à la Salpêtrière, entourée de grandes hypnotiques et ne pré-

sentant pendant toute cette époque que les deux états, léthar-

gie et somnambulisme, qu'on avait constatés chez elle dès son

entrée à l'hôpital. A plusieurs reprises, on avait cherché en

vain par l'ouverture des yeux, à la faire passer de la léthargie

en catalepsie. Or, dans une circonstance où la malade n'était

soumise à aucune expérience d'hypnotisme, qu'elle était

occupée à l'état de veille à un travail manuel, un violent bruit

produit par un coup de tam-tam dans une pièce voisine, et

auquel elle ne pouvait s'attendre la fit entrer en catalepsie, et

depuis cette époque les propriétés cataleptiques ont persisté

chez elle. N'est-il pas évident dans ce cas qu'une excitation

sensorielle a produit ce que la suggestion avait été incapable

de faire, et cette observation fait voir l'importance que peut

avoir le mode d'hypnotisation sur les caractères des phéno-

mènes qui se développent.

Mais, à bout d'arguments, ne viendra-t-on pas répéter encore

que les opinions que nous soutenons appartiennent exclusi-

ment à M. Charcot et à ses élèves et que jamais en dehors de

la Salpêtrière on n'a pu répéter les expériences que nous

venons de mentionner. «A Paris, dit M. Beriiheim 1, j'ai vu dans

trois hôpitaux des sujets hypnotisés devant moi, ils se com-

portaient tous comme nos sujets et les médecins des hôpitaux

qui les traitaient ont confirmé absolument ce que nous

avons vu. »

Pour quiconque est bien au courant de ce qui se passe dans

les hôpitaux de Paris, l'opinion ci-dessus énoncée n'a pas une

bien grande portée, car si l'on excepte deux ou trois services

où l'hypnotisme est étudiée avec quelque soin, il faut recon-

naître que partout ailleurs cette étude est absolument négligée.

Il ne s'agit donc pas là d'une opinion fondée sur des expé-

1 Loco citalo, p 9 ?

262 REVUE CRITIQUE.

riences méthodiques et répétées, ce qui est indispensable pour

pouvoir émettre un avis de quelque valeur, mais d'une simple

vue de l'esprit, d'une impression résultant sans doute de l'ob-

servation exclusive de quelques hypnotiques imparfaits. Du

reste, nous pouvons citer les noms de quelques expérimenta-

teurs absolument indépendants de la Salpêtrière dont les

observations ont été recueillies non seulement en dehors de la

Salpêtrière, mais même hors de France, et qui sont arrivés à

des conclusions identiques à celles de l'Ecole de Paris.

Dès 1881 , MM. Tamburini et Seppilil publiaient des

recherches sur les phénomènes des sens, des mouvements de

la respiration et de la circulation dans l'hypnose, et sur les

modifications de ces phénomènes sous l'influence des agents

esthésiogènes et thermiques. Ils étudiaient spécialement les

symptômes physiques de la léthargie et de la catalepsie et

enregistraient les premiers, au moyen de la méthode gra-

phique, la courbe respiratoire si caractéristique de la cata-

lepsie. Ces auteurs reproduisaient les trois états de la grande

hypnose sur une hystéro-épileptique et se mettaient en garde

contre la suggestion dont ils se sont toujours défiés.

Nous extrayons d'un article récent de M. Rummo 2, que

notre ami, M. Pio di Brazza a bien voulu nous traduire, le

passage suivant :

« On ne peut pas nier le type classique de l'hypnotisme

avec la succession des différentes phases présentant des carac-

tères déterminés, tel qu'il a été décrit magistralement par

M. Charcot.

c Le type parfait de l'hypnotisme, décrit par .M. Charcot, et

observé par des cliniciens éminents de toutes nations, et en

Italie avant tout par M. Famburini, est entré dans le domaine

de la science. En compagnie du Dr Vizzioli, j'ai observé un

cas classique de grand hypnotisme chez une jeune fille hysté-

rique de la province de Chicti, laquelle ignorait complètement

tout ce qui se rapporte à l'hypnotisme jusqu'à la première

hypnotisation. Sous l'influence de la simple fixation du regard,

et sans intervention quelconque de la suggestion, elle présenta,

en présence de son frère et du professeur Bianchi, tous les phé-

nomènes des trois états admis par l'École de la Salpêtrière. Je

' Revista )M'i'n : M<a/e di Freniatrica (1881, an Vtl, fasc. 3 et se([.). ! Rummo. Ri forma 2 ? e(lica, 1888, n° 3, p. li. v.

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 2(>fi i

n'ai pas publié cette observation, parce que je considérais ce

fait comme banal et établi sans qu'on puisse en douter. »

M. Vizzioli, au mois d'octobre 1888, a montré à la séance

du premier congrès des médecins italiens, une malade,

Mlle Medici, de Napies, qui présentait tous les phénomènes du

grand hypnotisme, qui s'étaient développés, dit M. Vizzioli,

indépendamment de toute suggestion.

Je mentionnerai aussi le travail récent de 1111. Octavio

Maira et David Benavente' qui, ayant expérimenté au Chili

avec des sujets qui n'avaient sans doute jamais subi le contact

des malades de la Salpêtrière, ont obtenu des résultats sem-

blables aux nôtres.

Enfin, nous citerons ce passage d'une note que M. Ladame,

de Genève, a bien voulu nous communiquer, qui résume une

observation qu'il a publiée en 188,12. Cette observation nous

parait capitale.

Il s'agit d'un jeune garçon de seize ans et demi, chez lequel

M. Ladame a constaté les particularités suivantes :

c J'avais lu dans le Progrès médical la relation de l'expé-

rience-du transfert d'une contracture opérée par M. Charcot

chez unejhystérique, au moyen d'un aimant, en octobre 1878.

Comme on pouvait très facilement provoquer des contractures

chez mon sujet, soit à l'état de veille, soit pendant son som-

meil hypnotique, il me vint à l'idée d'essayer le transfert. Je

n'en dis rien à personne et je tentai la première expérience au

commencement de décembre 1880, en présence de plusieurs

médecins de Neuchàtel (Suisse).

c Je contracturai les muscles de l'avant-bras droit chez mon

malade éveillé et assis devant une table, puis je plaçai un

aimant auprès de l'avant-bras gauche. Quel ne fut pas mon

étonnement, voyant après quelques minutes l'avant-bras

gauche être agité de quelques contractions, puis se raidir dans

la position contracturée qu'avait l'avant-bras droit, tandis que

ce dernier était devenu absolument libre. Le transfert s'était

accompli sous nos yeux. Or, personne n'en avait eu l'idée, et

moi-même je ne l'avais jamais vu. Sans avoir communiqué

ma pensée à qui que ce soit, j'essayai ainsi de réaliser sur un

hypnotique une expérience qui avait été faite par M. Charcot

' llipnotivîeo y 5'ugestion, par 0. Maira et D. Benavente. Santiago de

Cliile, 1887.

' Revue de la Suisse romande. no du la mai 1881, page 290. '

264 REVUE CRITIQUE.

sur une hystérique et dont je n'avais eu connaissance que par

un article de journal. Il ne peut pas être question ici de

suggestion. -

« Bien plus, j'ai fait l'expérience de transfert des contrac-

tures de la même manière, au moyen d'un électro-aimant, et

comme je tenais essentiellement à me mettre si l'ahri des

erreurs qui auraient pu provenir d'une simulation, je m'arran-

geai à faire passer le courant et à le suspendre pour aimanter

et désaimanter l'électro-aimant, sans que le malade s'en

aperçût. Je crois avoir pris alors toutes les précautions pos-

sibles pour éviter une suggestion. Cependant, nous devons le

dire, on ne se préoccupait pas encore de l'influence suggestive

comme on l'a fait depuis, et il peut peut-être rester un doute

sur ces expériences. Quoi qu'il en soit, j'ai noté à plusieurs

reprises que le transfert ne se produisait jamais quand le

courant ne passait pas. Je fis forger aussi une pièce de fer

doux, en forme de fer à cheval, semblable à l'aimant dont je

me servais pour mes expériences. J'enveloppais chacun des

deux instruments dans une serviette et je m'en servais alter-

nativement. Le malade ne pouvait donc pas savoir quel était

le véritable aimant. Or, dans ces expériences, comme dans les

précédentes, jamais le transfert ne s'accomplit quand on faisait

usage de la pièce de fer doux, tandis qu'il avait rapidement

lieu toutes les fois qu'on faisait agir l'aimant.

M. le professeur Despine, de Genève, vint me rendre visite

à Demhesson (canton de Neufchâtel), où j'habitais alors, au

mois de mars 1881. Je lui présentai mon malade. Sans m'a-

vertir de son projet, il pressa sur le tronc du nerf cubital au

coude, le sujet étant hypnotisé, et nous vîmes apparaître la

griffe cubitale, avec ses caractères bien tranchés. Nous fîmes

aussi d'autres expériences que M. Despine avait vues peu au-

paravant à la Salpêtrière, entre autres celle de l'bémi-cata-

lepsie (lorsqu'on ouvre un oeil) et de l'hémi-léthargie. Nous

pûmes constater à cette occasion que notre malade offrait

très nettement les phénomènes qui ont été indiqués par

M. Charcot comme caractéristiques des trois états du grand

hypnotisme. Il ne pouvait être question dans ces expériences

d'une suggestion donnée au sujet. »

J'ai cité dans cet extrait ce qui se rapporte au transfert de la

contracture au moyen de l'aimant, quoique je ne me sois pas

occupé dans ce travail de cette question; mais la netteté de

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 265

cette observation, en ce qui concerne l'absence de suggestion

dans le phénomène du transfert, m'a poussé à sortir un instant

de mon sujet.

Je n'insisterai pas davantage sur ce point et j'attirerai sur-

tout l'attention sur la fin du passage qui a trait à l'existence

des trois états, à la production de la griffe cubitale, de l'hémi-

catalepsie et de 1'liémi-létliargie. Est-il possible d'avoir une

confirmation plus éclatante de la thèse que nous défendons ?

Je pourrais encore invoquer le témoignage d'un certain

nombre de médecins français et étrangers qui, après avoir

suivi avec assiduité le service de la Salpêtrière, sont arrivés à

se convaincre de l'exactitude des opinions qu'on y soutient.

Nous croyons inutile de le faire. Nous avons voulu montrer

seulement que, quoi qu'on en ait dit, il est possible de voir

ailleurs ce qu'on observe à la Salpêtrière.

Mais sur ces questions comme sur bien d'autres, pour se

former une opinion qui ait quelque valeur, il ne faut pas se

contenter de quelques observations isolées, il est nécessaire de

multiplier les expériences, et l'on aura, si l'on a tant soit peu

de persévérance, l'occasion de constater tôt ou tard quelques

faits positifs qui lèveront tous les doutes, car ils ne pourraient

être ébranlés par les faits négatifs que l'on aurait enregistrés

jusqu'alors. Il faut donc répéter les observations, et cette con-

dition aurait dû surtout être remplie par les auteurs qui ont

affirmé que la suggestion était l'origine de tous les phénomènes

hypnotiques. Or, ceux qui ont écrit sur ce sujet n'ont pas tou-

jours procédé de la sorte.

C'est ainsi qu'un philosophe très distingué M. Delboeuf, de

Liège, voulant se faire une idée personnelle sur l'hypnotisme

dit de la Salpêtrière, s'est donné la peine de venir à Paris et il

a pu observer dans le service de M. Charcot quelques grandes

hypnotiques. )I. Delboeuf, après avoir fait quelques observa-

tions sur les malades qu'il a eus à sa disposition a acquis la

conviction que les phénomènes de l'hypnotisme devaient être

attribués à une suite de manoeuvres inconsciemment sugges-

tives et non à des particularités physiologiques Nous ferons

remarquer à M. Delbaeuf qu'il n'a eu à la Salpêtrière, pendant

les quelques heures qu'il y a passées, aucun élément lui per-

mettant de se faire une opinion bien fondée à ce sujet. Ce que

1 Delboeuf. Une visite à la Salpêtrière (Revue de Belgique, 1886,

Brwelles.

t)(7 REVUE CRITIQUE.

nous disons là de M. Delbceuf peut facilement s'appliquer, du

resteàtousceuxquise contentent d'assister une ou plusieurs fois

à des démonstrations relatives à l'hypnotisme et qui ne se livrent

pas à ces études d'une façon suivie. Il est impossible, en effet, de

se procurer sur commande pour un jour et une heure déter-

minés un sujet vierge de toute manoeuvre hypnotique et réali-

sant les conditions permettant d'éliminer la suggestion. Les

sujets que l'on peut présenter à un moment donné à une per-

sonne étrangère au service de la Salpêtrière ne peuvent être

naturellement, en général, que des sujets sur lesquels des

expériences antérieures ont été déjà faites. Or, cette seule con-

dition suffit pour empêcher d'affirmer à propos d'une expé-

rience que la suggestion fait défaut. Si déjà la contracture

hypnotique s'est manifestée une fois seulement sous l'in-

fluence de telle ou telle manoeuvre, il sera impossible d'affir-

mer dès lors dans une nouvelle expérience que la suggestion

fait défaut. La première expérience est donc seule probante, et

il faut par conséquent être à l'affût des malades encore imma-

culés, susceptibles d'être hypnotisés, si l'on veut fixer ses

idées à ce sujet.

Ces critiques ne peuvent évidemment s'appliquer à M. Ber-

nheim qui est un des médecins ayant expérimenté sur le plus

grand nombre de sujets. Nous avons déjà dit plus haut que la

différence des résultats tient sans doute à ce qu'il a expéri-

menté sur un terrain différent; il n'a fait aucun choix parmi

ses sujets, tandis qu'à la Salpêtrière toutes les expériences se

rapportant au grand hypnotisme ont été faites sur des hysté-

riques. Quelle que soit, du reste, l'explication que l'on puisse

donner de cette dissidence, il n'en reste pas moins établi que

les objections de M. Bernheim sont toutes d'ordre négatif; il

nie ce qu'on affirme à la Salpêtrière parce qu'il ne l'a jamais

observé. Les assertions de l'école de la Salpêtrière 'reposent,

au contraire, sur des preuves positives qui nous paraissent

absolument inattaquables.

J'arrive maintenant à la quatrième proposition.

L'hypnotisme est un état pathologique et non physiolo-

gique. C'est une manifestation névropathique qu'il est permis

de rapprocher de l'hyslérie.

Tout d'abord, j'insisterai encore une fois sur ce point essen-

tiel, à savoir que cette assertion s'applique plus particulière-

ment aux formes de l'hypnotisme étudiées par M. Charcot et

GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 267 -1

qui s'observent, comme nous l'avons vu, chez des hysté-

riques.

Mais j'entrevois déjà une objection qu'on pourrait me faire.

On pourrait dire : « Vous affirmez sans le prouver que les

hypnotiques sont toujours des hystériques, vous n'avez choisi

que des hystériques, par simple fantaisie, mais les grandes

formes de l'hypnotisme peuvent' se rencontrer en dehors de

l'hystérie; la coexistence de ces deux états n'est donc qu'une

coïncidence. » -

Nous repousserions absolument cette objection qui ne serait

pas fondée; en effet, nos observations nous ont montré que les

grands hypnotiques et les hypnotiques appartenant à cette

catégorie qui se distingue par la présence de phénomènes

somatiques, sont toujours ou presque toujours des hystériques

avérés et qu'il ne peut être question d'une simple coïncidence.

Nous rappellerons de nouveau qu'un malade peut n'avoir

jamais eu une seule attaque et être pourtant bel et bien hys-

térique. Il faut donc, avant de rejeter l'hystérie, rechercher

avec soin tous les stigmates de cette névrose. Cette recherche

serait-elle infructueuse on ne serait pas encore en droit d'affir-

mer que le sujet n'est pas hystérique. Ne sait-on pas que

l'hystérie se traduit parfois par une manifestation unique, la

contracture d'un membre, le mutisme, par exemple ? c'est là

l'hystérie locale ou monosymptomatique. Il est de règle en

pareil cas de rechercher dans les antécédents personnels du

malade l'existence de quelques phénomènes qu'on puisse rap-

porter à l'hystérie, et il est souvent possible de prouver ainsi

par les commémoratifs que le malade est bien atteint de cette

névrose. Il faudrait procéder de la même façon avec un

hypnotique chez lequel il n'existerait au moment de l'examen

aucun stigmate.

Il est certain que l'école de Nancy est loin d'avoir toujours

suivi ces préceptes au pied de la lettre. Il nous suffira de rap-

peler cette phrase de l'ouvrage de M. Bernheim. « Il ne fau-

drait pas croire que les sujets impressionnés soient tous des

névropathes, des cerveaux faibles, des hystériques, des femmes;

la plupart de mes observations se rapportent à des hommes

que j'ai choisis à dessein pour répondre à cette objection. »

M. Bernheim, en présence d'un sujet mâle rejette donc a

priori l'hypothèse d'hystérie. Or, ne sait-on pas aujourd'hui

surtout depuis les travaux récents de notre maître que l'hys-

268 REVUE CRITIQUE. GRAND ET PETIT HYPNOTISME.

térie est très fréquente chez l'homme. Il s'ensuit que )). Bern-

heim a pu dans bien des cas considérer comme individus nor-

maux, des hystériques. -

Nous affirmons qu'en pratiquant un examen rigoureux

conforme aux- indications que nous venons de fournir on

arrivera à démontrer dans presque tous, sinon dans tous les cas,

que les hypnotiques dont nous parlons sont entachés d'hysté-

rie. Eh bien ! cette coexistence de l'hystérie et de l'hypnotisme

est une première preuve en faveur de la proposition que

nous développons.

Poursuivons. 11 semble, avons-nous dit, qu'il y a une pa-

renté entre l'hypnotisme et l'hystérie. Voici des arguments

qui plaident dans ce sens :

1° Un des caractères somatiques de l'hypnotisme les plus

importants, la contracture léthargique appartient aussi à

l'hystérie. Bien souvent on peut, en effet, chez un hystérique

provoquer l'apparition de la contracture par les manoeuvres

que nous avons déjà signalées (pression avec les mains, avec

une bande élastique, etc.) ; cette propriété a été appelée par

31. Charcot la diathèse de contracture. Mais chez les hypno-

tiques elle est beaucoup plus accentuée que chez les hysté-

riques l'état de veille.

2° Nous avons fait remarquer au commencement de ce

travail que l'hypnotisme pouvait être comparé au point de vue

de ses périodes, des variétés qu'il présente, di l'attaque hysté-

rique et qu'il y avait une véritable analogie entre ces deux états.

3° Il existe entre l'hypnotisme et les manifestations hysté-

riques un balancement analogue à celui qu'on peut observer

entre les divers accidents qui relèvent de l'hystérie. Nous

avons vu plusieurs fois des attaques hystériques diminuer de

nombre et d'intensité quand on hypnotisait les malades. Nous

avons, d'autre part, souvent observé chez les grandes hynoti-

ques la disparition des propriétés hypnotiques à l'occasion du

développement de quelque manifestation hystérique, d'une

attaque de sommeil, de la chorée rythmée, par exemple. C'est

ainsi que chez C. G... qui, d'habitude, peut être hypnotisée

dans l'espace d'une à deux secondes, nous avons à plusieurs

reprises, alors qu'elle était atteinte d'une chorée rythmée qui

a duré quatre jours, essayé en vain de provoquer l'apparition

du sommeil hynotique, et cela en poursuivant notre tentative

plus d'une heure chaque fois.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 2G(J

Ces arguments suffisent, d'après nous, à établir que, comme

nous l'avons avancé, les grandes formes de l'hypnotisme sont

sous la dépendance de l'hystérie, dont elles paraissent être

une émanation.

En ce qui concerne les formes frustes de l'hypnose, il

semble souvent, il est vrai, qu'il n'en soit pas de même. Les

sujets qu'on observe peuvent être, en apparence au moins,

indemnes de toute tare hystérique. Nous serons les premiers à

reconnaître qu'en biologie il n'existe pas, tant s'en faut, entre

les phénomènes physiologiques et les phénomènes pathologi-

ques un abîme infranchissable; ceux-ci, à tout prendre, ne re-

présentent en somme qu'une modification de ceux-là. Il ne

peut, dès lors, y avoir aucune difficulté à admettre que l'hyp-

notisme puisse exister en germe chez tous les individus; mais

nous sommes prêts à soutenir la thèse que, pour se réaliser,

cette tendance en quelque sorte normale à l'hypnotisme doit

être doublée d'une modification particulière de l'organisme,

d'une prédisposition, d'une imminence morbide, dont le fait

d'être hypnotisable sera, peut-être, la première révélation.

En d'autres termes, nous soutiendrons jusqu'à plus ample

informer; et rien n'y contredit dans les observations qu'on

nous offre nous soutiendrons, dis-je, que tout sujet qui se

montre sensible à l'hypnose appartient de fait à la'grande

famille névropathique'.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

RÉSUMÉ DES PRINCIPAUX TRAVAUX RUSSES,

CONCERNANT LA NEUROLOGIE5;

Par F. RAYMOND, professeur agrégé à la Faculté de médecine,

médecin de l'hôpital Saint-Antoine.

La première partie de ce rapport (Administration) a été pu-

bliée dans le Progrès médical (n° 4, p. 80, 1889.)

' En ce qui concerne la bibliographie de l'hypnotisme, nous renvoyons

le. lecteur à un travail récent de NI. Max Dessoir, consacré exclusivement

à ce sujet : Bibliographie des nzorlernetz Hypiiolisntits von Max Dessoir.

Bei-li7t, CalDie71cket,'s l'erlag, 1SSS.

'Extrait du rapport adressé à M. le ministre de l'instruction publique, le

1" nov. 1888 sur l'EtieÉle des maladies du système nerveux en Russie.

0 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Cette seconde partie, aussi condensée que possible, contient

le résumé succinct des travaux intéressants publiés en langue

russe pendant ces trois dernières années; j'ai retranché ceux qui

ont été déjà analysés dans~les Archives. Il est bien entendu

que je laisse à chaque auteur, la responsabilité de ses opi-

nions. Pour éviter les répétitions, je suivrai, autant que possi-

ble, l'ordre anatomique : Encéphale avec ses subdivisions, moelle

épinière, nerfs périphériques. Puis, dans deux chapitres à part,

je classe : 1° les maladies du système nerveux d'origine

toxique; 2° les névroses. Enfin je terminerai par la bibliog ? -a-

phie générale. '

I. ENCÉPHALE.

Le développement morphologique du cerveau fournit une

base solide aux études relatives au développement des élé-

ments différents des organes. Dans cet ordre d'idées, nous re-

levons les travaux suivants :

Anomalies morphologiques du cerveau. Les anomalies

des circonvolutions et des scissures fondamentales ne sont

pas communes. J'ai relevé dans les travaux russes deux exem-

ples d'anomalie de la scissure de liolando, relatés par M. le

I)''Biachkoff; dans ces deux cas, cette scissure était coupée par

un pont de substance blanche vers son tiers supérieur; au

delà de ce pont elle envoyait en avant et en arrière une bran-

che, puis empiétait sur la face interne de l'hémisphère. Le

premier sujet, homme instruit et très intelligent, mort à

vingt-trois ans, avait commencé à dix-huit ans à présenter les

symptômes de la démence secondaire apathique. Le second,

femme de soixante-dix ans, offrait depuis l'âge de cinquante

ans les signes de la démence sénile.

Rapports entre la structure d'un système anatomique et ses

fonctions. Si le rapport qui existe entre la morphologie

d'un organe et ses fonctions est évident on connaît moins

celui qui existe entre la structure de cet organe et ses fonc-

tions. Parmi les travaux qui existent sur ce sujet un des plus

intéressants est le suivant : Le D'' Kompaneyskaïa, après

étude comparative des circonvolutions homologues chez

l'homme et chez différents animaux, est arrivé à ce résultat

que les circonvolutions destinées aux mêmes fonctions physio-

logiques ont la même structure dans la série animale. Pour

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 271

chacune d'elles cette structure est caractéristique. Les cou-

ches de ces circonvolutions sont nettement limitées dans un

plan parallèle à leur surface.

Rapports du développement d'un système et de ses fondions.

Les recherches du D'' Bechterew montrent bien les varia-

tions des fonctions de l'organe en rapport avec les variations

que présentent sa structure pendant son développement.

Bechterew a découvert qu'il n'existe aucun rapport entre le

moment de l'ouverture des paupières et le développement des

centres psycho-moteurs, celui-ci n'étant pas, comme l'affirme

Soltmann, soumis à l'influence des excitations amenées du

dehors par les organes des sens. Mais, comme Soltmann, il

reconnaît que les centres moteurs se développent suivant un

certain ordre : les centres des extrémités avant ceux de la

face, et ceux-ci avant les centres des muscles du dos. Chez le

chien nouveau-né, les centres moteurs sont disposés autour

du glyrus symoïdeus comme chez l'adulte. Seulement, tandis

que chez le chien adulte, les centres moteurs sont bien cir-

concrits et régissent chacun un groupe de muscles, chez le

chien nouveau-né, il n'existe que trois points excitables qui

commandent chacun la contraction en masse de tous les mus-

cles d'un membre. Autour de ces centres primitifs se déve-

loppent peu à peu des centres destinés aux différents groupes

musculaires du membre innervé parle centre primitif. Chez

le chien nouveau-né, l'excitation même très intense de l'écorce

n'amène pas de phénomènes d'épilepsie, ni avant le dévelop-

pement des centres moteurs, ni à l'âge de un mois et plus,

alors que ce développement est terminé; en outre, l'excitation

électrique détruit rapidement l'excitabilité de l'écorce. L'exci-

tabilité de l'écorce parait en même temps que celle de la subs-

tance blanche sous-jacente, au moment où les tubes se recou-

vrent de myéline, avant que les cellules géantes soient

complètement développées. m

Rapports entre la constitution chimique et les fonctions.

Les récentes découvertes de la micro-chimie ont montré que

la composition chimique des cellules et des- tissus influe sur

les fonctions de l'organe aussi bien que sa structure histolo-

gique. MM. AdamkiewitzetBabès avaient décrit dans la moelle

un corps appelé par eux substance chromoleptique, sans affirmer

si c'était un corps inconnu jusqu'alors. M. Dioniidofl a étudié

cette substance en colorant des préparations par la safranine.

272 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Suivant cet auteur ce corps n'est, pas localisé dans certaines

zones claromoleptiques, comme le croyaient Adamkiewiz et

Babès; il est disséminé dans les centres nerveux et n'a aucun

rapport avec les fonctions.- A l'état pathologique on trouve

aussi d'autres substances colorées par la safranine et les autres

colorants, mais qui sont des produits morbides.

Rapports de la constitution chimique et de la constitution

anatomique. La différentiation des éléments anatomiques

repose sur leur constitution chimique, comme sur leur mor-

phologie. En effet, les dernières recherches sur la karyoki-

nèse montrent qu'à chaque mode de division de la cellule

correspondent des réactions distinctes. Les préparations du

Pur Lonkianoff, à 'arsovie, ne m'ont laissé aucun doute à cet

égard. C'est à la fois par l'étude des réactions chimiques et

par celle de l'histologie que les biologistes ont récemment

apporté un nouvel élément à la valeur pathologique et au

mode de formation de la vacuolisation des cellules. Les va-

cuoles se forment dans les cellules animales et végétales dans

des conditions physiologiques et dans des conditions patholo-

giques : à l'état physiologique elles servent de réservoir aux

aliments non utilisés ou aux sécrétions inutiles ; à l'état patho-

logique ce sont des pertes de substances produites soit par des

agents extérieurs, soit par des agents intérieurs, parties

nobles de la cellule qui se nourrissent aux dépens des autres.

Pour M. Anfimoff la vacuolisation des cellules est de nature

pathologique; en effet, sur un grand nombre de préparations

de moelles de lapins et de chiens bien portants, il n'a trouvé

que très rarement des cellules vacuolisées ; suivant lui, si ces

animaux ne présentaient aucun phénomène morbide apparent,

c'est parceque l'altération était trop minime.

Systématisation des altérations pathologiques dans la démence

sénile. Beaucoup de lésions pathologiques peuvent être

considérées comme des modes de différenciation des éléments

anatomiques : les maladies systématiques en sont la preuve.

Or, l'exemen attentif des recherches de Béliakoff suggère

cette idée, que -la démence sénile est une maladie systéma-

tique à cause de la différenciation des éléments atteints par le

processus morbide. De ces recherches très complètes et très

approfondies, il ressort les découvertes suivantes : le système

artériel de l'encéphale est sclérosé jusque dans ses dernières

divisions; les parois des vaisseaux ont subi la dégénérescence

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 273

graisseuse. Jamais Bcliakoff n'a trouvé de rupture des parois

des vaisseaux, mais il a rencontré fréquemment des anévrys-

mes miliaires. Le poids de l'encéphale est diminué, toutes les

parties sont amincies, les cavités dilatées et la quantité du

liquide céphalo-rachidien augmentée. L'examen microsco-

pique confirme l'existence d'un processus atrophique généralisé.

Les espaces lymphatiques, élargis, contiennent des granulations

graisseuses et pigmentaires. Les méninges épaissie^, opaques,

ont des adhérences nombreuses. Il est difficile de savoir si ce

processus inflammatoire chronique est idiopathique ou secon-

daire. Par endroits, surtout dans la substance grise qui est

infiltrée d'un exsudat plastique albuminoïde, on trouve des

îlots oùlaneuroglie est ramollie et qui se colorent plus facile-

ment parle carmin. Les circonvolutions sont plus aplaties qu'à

l'état normal. Les cellules y sont rares, quelquefois absentes ;

leur protoplasma, plus difficilement colorable par le carmin

est rempli de granulations jaunes et brunes ; ce pigment n'est

pas attaqué par les acides, ni par les alcalis, il est insoluble

dans l'alcool et l'éther. Le pourtour de la cellule présente des

usures, et souvent une portion se colore autrement que le

reste. Les cellules pyramidales s'arrondissent, perdent leurs

angles, et plus tard il n'en reste qu'un débris protoplasmique ; -,

ce n'est qu'en dernier lieu que le noyau change déforme. Les

fibres nerveuses subissent une dégénérescence graisseuse analo-

gue etdiminuent de nombre. Cette dégénérescence est plus avan-

cée dans la circonvolution de la corne d'Ammon que dans les

lobes antérieurs; elle est également plus avancée dans le lobe

frontal et dans la zone psycho-motrice que dans le lobe occipital.

On trouve dans l'écorce et surtout dans la substance blanche

de ces circonvolutions un grand' nombre de cellules en forme

d'araignées. Quelquefois Béliakoff a trouvé de petits amas

amyloides, très fortement colorés par le carmin. Les corps

striés, les couches optiques, l'avant-mur présentent le même

processus atrophique. Dans le cervelet, les cellules de Purhinje

seules sont atteintes, quoique les lésions artérielles soient

aussi avancées que dans les lobes frontaux : peut-être ces

cellules ont-elles moins besoin de matériaux de reconstitution

que les cellules des lobes frontaux ? Les tubercules quadriju-

meaux et la protubérance sont aussi'le siège de la même

dégénérescence. En général, les lésions atrophiques de la

moelle épinière sont moins avancées que celles des autres

Archives, t. XVII. iS

274 'REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

régions. Les ganglions intervertébraux ne sont pas atteints.

L'intensité de ce processus dégénératif est en raison directe de

lésions vasculaires.

-Systématisation des éléments anatomiques. Le développe-

ment des éléments anatomiques des tissus s'opérant suivant

un ordre systématique, il en est de même des modifications

qui surviennent dans ces éléments; aussi l'idée de la systéma-

tisation est-elle une conception qui s'impose aujourd'hui en

pathologie nerveuse. Les travaux suivants, do M. Bechterew,'

montrent combien est juste l'idée de la systématisation ana-

tomique.

Terminaisons centrales du nerf vague et constitution du

faisceau solitaire du bulbe. Le D1' Bechterew a étudié par

la méthode de Weigert les origines du nerf vague et le faisceau

solitaire du bulbe. Il s'est servi d'embryons humains de 28

centimètres de long ; à cette période, toutes les fibres de la

région comprise entre le plancher du quatrième ventricule et

les pyramides (excepté le corps trapézoïde), sont dépourvues de

myéline, tandis que les fibres radiculaires en sont déjà pour-

vues.

Les fibres du vague, arrivées dans le bulbe, entrent pour la

plupart dans le noyau classique, mais toutes ne s'y terminent

pas; les unes, contournant en avant le noyau de l'hypoglosse,

traversent le raphé et se terminent dans le nucleus ambiguus

du côté opposé ; d'autres se recourbent pouratteindre le nucleus

ambiguus du même côté. Le reste des fibres radiculaires gagne

le faisceau solitaire du bulbe. Ce faisceau s'étend de la partie

supérieure du bulbe à l'entre-croisement supérieur des pyra-

mides. Il ne dépasse pas en haut le point d'émergence des

fibres radiculaires du vague. Il ne contient que des fibres'du

vague et de l'hypoglosse. Sur des embryons humains de 28

centimètres, où le vague seul est muni de myéline, on cons-

tate que ces fibres ne forment que le tiers du faisceau solitaire.

Constitution du corps restiforme. Dans un second travail,

se rapportant au même ordre d'idées, Bechterew a étudié par

la méthode de Flechsi-, la constitution du corps restiforme.

Toutes les fibres du corps restiforme ne s'entourent pas de

myéline en même temps; elle forment cinq ordres qui sont,

suivant la date d'apparition de la myéline : Il fibres venant du

faisceau cérébelleux direct ; 2" fibres venant du noyau du

faisceau de Burdach du même côté; 30 fibres sortant du novau

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 215

du faisceau latéral du même côté; 10 fibres arciformes externes,

antérieures et postérieures, du faisceau grêle du même côté et

du côté opposé; 5° fibres venant de l'olive inférieure du côté

opposé. Toutes ces fibres forment trois faisceaux. Lé premier

contient trois systèmes de fibres : 10 des fibres du faisceau

cérébelleux; 2° des fibres du noyau du faisceau cunéiforme;'

3° des fibres du faisceau latéral. Toutes ces fibres montent en

haut et en avant, en se rapprochant de l'écorce du vermis

supérieur, une partie allant au côté opposé. Le deuxième

faisceau, constitué par les fibres du cordon grêle, se sépare du

précédent, se dévie un peu en dehors, et monte vers la moitié

correspondante de la région moyenne du vermis supérieur.

Le troisième faisceau, constitué par les fibres de l'olive infé-

rieure, se disperse dans la substance grise du corps dentelé.

Systématisation des lésions pathologiques et expérimentales.

Comme exemple de la systématisation du processus patho-

logique, dans les maladies du système nerveux, nous citerons

les faits suivants, publiés en langue russe.

'Constitution du faisceau longitudinal postérieur. D'après

Flechsig, le faisceau longitudinal postérieur, s'il n'est pas le

prolongement du faisceau basal, est en tout cas son homo-

logue ; il relie les masses grises de l'aqueduc de Sylvius et les

noyaux des nerfs moteurs. Ses fibres s'entourent de myéline

en même temps que celles des nerfs crâniens. M. Jakovenkô,'

en. relatant le premier cas connu de dégénérescense du

faisceau longitudinal postérieur, a exposé ses recherches sur

la constitution de ce faisceau qui contient, selon cet auteur :

1° des fibres commissurales à court trajet; 2° des fibres commis-

surales à long trajet, qui réunissent les noyaux moteurs des

yeux-, et dégénèrent de bas en haut; 3° des fibres qui passent

dans la partie centrale de la commissure postérieure, mais qui i

ne sont pas des fibres- d'association. D'après Darschlcevitch,

les quelques fibres du tractus optique qui- passent par le corps

géniculé latéral et la couche optique, traversent la commis-

sure postérieure et le faisceau longitudinal postérieur, pour-,

se terminer dans le noyau de la troisième paire. ;

Dégénérescence de la commissure blanche antérieure. Le',

D'' Popoft a publié un cas de dégénérescence de la commissure i

antérieure. On admet que quelques fibres de la commissure» e

blanche viennent des lobes olfactifs, mais la provenance délai

plupart des autres fibres est à peu près inconnue. Suivant

276 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Popoff, cette commissure sert principalement de lien de com-

munication aux lobules linguaux. Il a été conduit à cette con-

clusion par l'étude d'un cerveau présentant deux foyers de

ramollissement, symétriquement disposés dans les deux lobes

occipitaux; à gauche, tout le lobule lingual était atteint; adroite,

le bord externe du lobule était seul épargné ; les autres circon-

volutions étaient intactes, ainsi queles insulas. Au microscope,

M. Popoff a constaté la disparition presque complète de toutes

les fibres de la commissure antérieure, ce qui légitime par-

faitement sa conclusion.

Rôle de la commisssure postérieure dans le réflexe pupillaire.

LeDr Darschkevitch, nie l'influence des tubercules quadri-

jumeaux postérieurs sur la réaction de la pupille la lumière ;

suivant lui, l'abolition de ce réflexe dans les expériences faites

jusqu'à présent, est due à une lésion de la commissure posté-

rieure. .

Maladies à sylémalisation discutable. Parmi ces maladies,

se trouve l'ophtaliiioplégie externe. M. Kornilofr a publié une

étude très intéressante sur cette maladie, relativement né-

gligée en France. Le cas sur lequel est basé son travail, est

le suivant :

Un sujet était atteint de somnolence intense, sans maux de tête

ni nausées. Un peu d'ataxie des membres supérieurs et faiblesse

du membre inférieur gauche. Réflexes tendineux abolis partout.

Sphincters intacts. Sensibilité normale. Voile du palais complète-

ment paralysé; luette déviée un peu à gauche. Pas de troubles de

la déglutition ni du côté des mouvements de la langue. Orhicu-

laire des paupières paralysé; impossibilité de clore complète-

ment les paupières. Yeux presque immobiles, fixés en avant.

Réflexes pupillaires normaux.

En douze jours, ces symptômes atteignent leur maximum ;

cinq jours après la paralysie du voile du palais disparaît, et

deux semaines plus tard celle des yeux. Guérison complète après

deux mois de maladie.

M. Korniloff a éliminé plusieurs diagnostics, entre autres

celui de paralysie diphtéritique, vu l'absence d'antécédents ; ;.

s'appuyant sur d'autres cas analogues, il a émis l'hypothèse

d'une lésion passagère de la partie supérieure du plancher du

quatrième ventricule, lésion s'étendant à l'aqueduc de Sylvius

et comparable à celle de la poliomyélite antérieure chronique

où les muscles volontaires sont seuls touchés. Le diagnostic

vrai serait donc poliencùphalile subaiguë localisée.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 277

Maladies diffuses. Angio-sarcome diffus de la pie-mère

cérébrale et médullaire. Dans les faits de cet ordre se range

un cas d'angio-sarcome diffus de la pie-mère cérébrale et

médullaire, publié par 11\Z. Schatalolf et NilciforofF. Les sym-

ptômes ressemblaient à ceux d'une embolie cérébrale : une

hémiplégie droite, sans aphasie, après deux attaques apoplecti-

formes. A l'autopsie, on trouva une tumeur coiffant la moelle

épinière ; son épaisseur atteignait jusqu'à un centimètre à un '

centimètre et demi. La moelle comprimée, offrait par places

snr une coupe, la forme d'un quart de lune, et pourtant, ses

éléments histologiques étaient peu altérés.

Maladies congénitales. Tantôt ces malformations amènent

des troubles fonctionnels généraux ou locaux, tantôt elles

restent muettes; cela dépend des conditions de développement

et des rapports avec les organes voisins.

Ainsi, deux des signes de l'Hydi-o-méîziî2gocèle considérés

comme de grande valenr, sont : la réductibilité et les mou-

vements pulsatiles. Or, un cas de M. Tchoudnowky, montre

que ces deux signes n'ont pas la valeur qu'on leur attribue.

Voici lejait :

Une petite fille de trois ans porte à la racine du nez une tumeur

douloureuse au toucher, inédutibie, non pnlsatile, translucide.

Celte tumeur qui atteignait le volume d'une orange était à la

naissance, grosse comme une cerise. Pas de troubles de la marche

de la parole, de la sensibilité ni des organes sensoriels, pas de

' strabisme ; facultés intellectuelles intactes. Une ponction donna

issue à un liquide contenant de l'albumine, du chlorure de sodium.

Puis intervention chirurgicale mortelle. A l'autopsie, on ne trouva

pas de malformation des centres nerveux; la tumeur communi-

quait avec la cavité crânienne, par un orifice rond, formé aux

dépens des apophyses nasales de la bosse frontale moyenne ; la

paroi interne de la poche était formée par la dure-mère.

L'absence de réductibilité et de battements était due à une

légère saillie d'un des lobes frontaux hors de l'orifice osseux

qui était ainsi obstrué.

Différenciation des centres des mouvements volontaires et des

mouvements expressifs des mêmes muscles. Le Di- Rosenbach

a publié sur ce sujet une observation qui a été déjà analysée

dans le présent recueil (t. XIV. p. 416). Le D'' Bechterew

avait déjà démontré expérimentalement sur le singe, que le

centre expressif de la face siège dans les couches optiques.

278 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

II. MOELLE E1'INII'iRE.

Comme méthode d'étude de divers symptômes anatomiques

de la moelle, les savants russes ont presque toujours employé

la méthode de Flechsig.

Parcours central des racines postérieures ; leur terminaison.

Le D'' Bechterew, élève de Flechsig, a étudié le parcours

et la terminaison des racines postérieures dans la substance

grise de la moelle.

Il a reconnu dans les racines postérieures l'existence de

deux ordres de fibres qui se séparent à leur entrée dans la

corne postérieure et forment deux faisceaux : un faisceau

interne si grosses fibres et un faisceau externe à fibres grêles.

Les grosses fibres se développent les premières et se couvrent

de myéline au cinquième mois de la vie embryonnaire. Elles

se divisent en deux groupes : les unes, plus nombreuses pas-

sent dans la région antéro-interne des cordons de Burdach et,

après un court trajet vertical, se dispersent entre les cellules

de la colonne de Clarke. Les autres pénètrent dans la substance

gélatineuse de Rolando, et suivent un trajet horizontal dans la

substance grise ; quelques-unes de ces fibres entrent en con-

nexion avec les cellules de la région moyenne de la substance

grise; d'autres arrivent à la corne antérieure; enfin quelques-

unes traversent la commissure antérieure et vont dans la corne

antérieure du côté opposé, soit directement, soit en traversant

la zone radiculaire antérieure. Les fibres grêles se développent

peu de temps avant la naissance. Les unes pénètrent dans la

partie la plus postérieure des cordons latéraux et se terminent

dans les cellules de la corne postérieure, quelques-unes seule-

ment se prolongent jusqu'au noyau latéral de la corne anté-

rieure ; les autres vont directement dans la substance gélati-

neuse et se placent entre les grosses fibres. Dans le renflement

lombaire, cette dernière partie de fibres grêles occupe la région

la plus externe des cordons de Burdach. De la colonne de Clarke,

où aboutissent la plupart des grosses fibres, partent trois ordres

de fibres : 1° Les unes traversent le cordon latéral vers sa

périphérie pour constituer le faisceau cérébelleux direct;

2° d'autres vont à la partie postéro-interne des cordons de

Burdach ; quelques-unes de ces fibres prennent part à la cons-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 279

titution des cordons de Goll; 3° enfin les dernières se dirigent

en avant : une partie se continue dans la région correspond

dante de la corne antérieure, l'autre traverse la commissure

antérieure pour passer dans la corne antérieure du côté opposé.

Des petites cellules de la corne postérieure, où aboutissent

principalement les fibres grêles partent des fibres minces qu(

passent soit en dedans, soit en dehors de la colonne de Clarke,'

traversent la commissure grise et forment le faisceau limitant

du cordon antéro-latéral. D'autres fibres partant de ces cellules

forment le plus grande partie des cordons de Goll.

En résumé, il y a deux systèmes de fibres bien distincts ·.'

[" les grosses fibres internes, donnant naissance à la partie

périphérique des cordons de Burdach, et au faisceau cérébel-

leux direct ; 2° les minces fibres externes formant un système'

particulier du cordon antéro-latéral du côté opposé et les

cordons de Goll. Ces deux systèmes anatomiques, se déve-'

loppant isolément, forment deux systèmes physiologiques^

distincts.

Physiologie des racines postérieures. En effet M. Bechterew

se fondant sur les résultats de la vivisection, admet que le

faisceau externe dessert la sensibilité cutanée, tandis que le

faisceau interne remplit des fonctions réflexes (par les fibres

qui réunissent la corne postérieure-à la corne antérieure). Ce

dernier faisceau servirait aussi à la conduction du sens mus-

culaire, comme semblent le démontrer les lésions du tabes.

Or, la conservation du sens musculaire chez les animaux

après ablation totale du cervelet prouve que ce sens n'a pas

pour voie de conduction le faisceau cérébelleux direct; il reste

donc la région périphérique des cordons de Burdach pour des-'

servir cette fonction. Quant aux radicules externes, celles de,

leurs fibres qui participent à la constitution des cordons de Goll,

elles ne servent pas à la conduction de la sensibilité; en effet :

1° les expériences physiologiques et les données pathologiques

ne donnent que des résultats négatifs ; 2" ces fibres ne sont

pas entre-croisées tandis;que les faits physiologiques et cliniques

prouvent que la sensibilité cutanée est croisée. C'est donc le

faisceau formant la région limitante du cordon antéro-latéral

qui doit être considérée comme conducteur de ce mode de sen-

sibilité. On peut admettre que les cordons de Goll servent à

des réflexes cutanés nécessaires au maintien de l'équilibre, en

raison de leurs connexions avec le cervelet.

280 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

La plupart de ces recherches ont été répétées par M. Rosso-

limo ; cet auteur affirme que le centre trophique des cordons

postérieurs ne siège pas dans les ganglions intervertébraux, et

qu'il est difficile de préciser sa localisation. Ces recherches

fournissent de nouvelles preuves des rapports qui existent

entre le développement d'un système et ses fonctions physio-

logiques. D'autres études de M. Bechterew les montrent encore

mieux.

Excitabilité des différents faisceaux de la moelle chez les

animaux nouveau-nés. L'excitabilité des différentes parties

du système nerveux n'apparaît qu'à l'époque où les fibres du

système que l'on considère sont pourvues de myéline. Cette

corrélation a été instituée par M. Bechterew pour les décou-

vertes suivantes : A la naissance, la région antéro-interne des

cordons de Burdach est seule pourvue de myéline, dans les cor-

dons postérieurs ; leur excitation produit la contraction des

muscles innervés par le segment correspondant de la moelle.

L'excitation des racines postérieures donne le même résultat.

Au cinquième jour tout le cordon postérieur contient des

fibres à myéline, et le cordon de Goll excité donne naissance

à des contractions musculaires généralisées, sans douleur. Le

fait que le cordon de Goll ne devient excitable qu'à ce moment,

alors que les racines postérieures sont développées depuis

longtemps, démontre l'excitabilité propre de ses fibres.

. De même les fibres du faisceau pyramidal qui se couvrent

de myéline dix à douze jours après la naissance ne deviennent

excitables qu'à ce moment.

Nous exposerons maintenant les travaux qui se rapportent

à la systématisation des lésions pathologiques ou expérimen-

tales et des troubles fonctionnels causés par ces lésions.

Voies conductrices de la sensibilité et du mouvement dans la

moelle. - M. Rossolimo, dans des expériences d'hémi-section

de la moelle n'a jamais vu se faire la régénération des fibres

coupées, bien que les animaux eussent survécu assez long-

temps. Il a constaté les dégénérescences classiques du faisceau

pyramidal des cordons de Goll et du faisceau cérébelleux

direct. Il n'a pas observé la dégénérescence de la région dé-

crite par Gowers et Bechterew. Les symptômes présentés

réalisent le tableau de la paralysie de Brown-Séquard; mais,

tandis que la perte de la sensibilité persiste, la paralysie

motrice disparait au bout de quelques semaines; la regénéra-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 281 1

tion ne s'effectuant pas, il faut donc admettre que les impul-

sions motrices arrivent aux deux côtés de la moelle par le seul

côté resté intact. Une hémi-seclion gauche de la moelle au

niveau de la dixième vertèbre dorsale amène la paralysie du

membre inférieur gauche, paralysie qui disparait au bout de

trois semaines. Si alors on pratique une nouvelle hémi-section

gauche au-dessous de l'entrecroisement des pyramides, le

membre supérieur gauche seul est paralysé, tandis que la

même hémi-section, sur un cobaye sain, paralyse les deux

membres gauches. Donc les impulsions motrices, chez le co-

baye, ne passent d'un côté à l'autre qu'au niveau des racines

antérieures correspondantes.

anatomie des racines postérieures. Comme complément

des travaux de Bechterew, nous citerons une étude du profes-

seur Popoff ;

Au neuvième mois de la vie embryonnaire, les fibres

internes des cordons de Goll contiennent déjà de la myéline,

tandis que les fibres externes en sont dépourvues; donc le cor-

don de Goll contient au moins deux faisceaux particuliers.

M. Popoff soutient que les fibres internes émanent de la

colonne de Clarke.

Nous avons dit qu'il y a un rapport constant entre les alté-

rations d'un système anatomique et certains troubles fonction-

nels. Or le professeur Popoff a relaté un fait rare dans lequel

ce rapport a fait défaut.

Myélite diffuse compliquée d'une kémorrltagie médullaire qui

ne s'était traduite par aucun symptôme pendant la vie. Le

tableau clinique était celui d'une myélite aiguë et transverse.

Des masses caséeuses remplissaient tout l'espace sub-dural

entre la quatrième et la 7*' vertèbre thoraciques. Des foyers de

ramollissement de la moelle occupaient toute cette étendue. A

l'oeil nu on trouvait un foyer fusiforme étendu de la cinquième

vertèbre dorsale à la partie inférieure de la moelle thoracique;

au microscope ce foyer présentait une grande quantité de glo-

bules sanguius formant au centre une masse compacte et

devenant de plus en plus rares vers la périphérie. Ce foyer

hémorrhagique n'avait pas déterminé d'accidents au moment

de sa production, parce qu'à cette époque déjà les lésions de

la myélite avaient altéré la moelle à ce niveau.

Paralysie spinale périodique. Sous ce titre M. Greydenberg

a publié l'observation suivante :

282 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Un jeune soldat de vingt-deux ans, fort et bien musclé, présen-

tait depuis dix ans, à la suite d'une frayeur les symptômes sui-

vants : Chaque matin il se réveillait étendu sur le dos, sans pou-

voir faire aucun mouvement, jamais de paralysie des muscles de

le face ni de la langue, quelques groupes musculaires étaient à

l'état de rigidité. Réflexes cutanés et tendineux abolis. Abolition

complète de l'excitabilité électrique des muscles et des nerfs. Au bout

de quelques heures, les mouvements se rétablissaient par seg-

ments de membres, en commençant par les extrémités; les choses

se passaient de même pour les réflexes. Pas de signes d'hystérie.

C'était pourtant probablement croyons-nous un cas de para-

lysie hystérique et les réflexes, ainsi que l'excitabilité électrique

n'étaient sans doute abolis que par suite de la rigidité muscu-

laire.

La suspension comme traitement du tabès. Le D'' Moczout-

kovsky a découvert un nouveau mode de traitement du tabes,

c'est la suspension. Il se sert de l'appareil de Sayre; la durée

de la suspension varie de 1 à 5 minutes. M. Moczoutkovsky a

vu sous l'influence de ce traitement disparaître complètement

des douleurs atroces et des phénomènes d'incoordination mo-

trice très accusés. Nous avons pu constater par nous-mêmes

à Odessa les succès obtenus. '

En outre, la frigidité génésique diminue ou disparait; aussi

M. Moczoutkovsky a-t-il été conduit à employer le même

moyen contre l'impuissance des jeunes gens; il a réussi dans

plusieurs cas'.

III. - NERFS PERIPHERIQUES. REFLEXES.

Rapports entre l'excitation et l'excitabilité dans la contraction

musculaire. « Une impulsion, dit Helmoitz, survenant pen-

dant la période latente de l'excitation fournie par une impul-

sion antérieure, ne change en rien ni la forme ni la hauteur

de la contraction. » Cette loi est fondamentale. Dans un tra-

vail récent, Wedensky a découvert une autre loi, non moins

importante : « Pour chaque moment de l'état du nerf et du

muscle, existent un optimum et un pessimum de l'excitation

qui produit la contraction. » Si, pendant la contraction, on

1 Voir Progrès médical, p. 135, n° 3, 1889. (Note de la rédaction.)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 283

augmente l'excitation d'un muscle en agissant sur son nerf,

à partir d'un certain degré, qui est 1' optimum de l'excitation,'

on voit la contraction diminuer, puis disparaître : c'est le

pessimum de l'excitation; mais si on diminue alors l'excitation,

le muscle se contracte de nouveau, puis se tétanise. Lapériode

dans laquelle chaque augmentation de l'excitation n'est pas

suivie d'une augmentation de la contraction est dile état de

pessimum. (Le professeur Marey, en France, avait déjà signalé

ce fait.) A l'état de pessimum, le muscle consomme une

certaine quantité de force; en effet, dans cet état, un muscle

récupère ses forces contractiles moins que s'il était à l'état de

repos. Dans cet état l'excitabilité du muscle est seulement

diminuée : si l'on produit une excitation soit directement sur

le muscle, soit sur un point du nerf plus rapproché que le

point d'application de l'excitation pessimum, on obtient une

contraction. L'optimum et le pessimum sont fonctions à la

fois de l'intensité et du nombre des excitations. Le tronc ner-

veux ne joue aucun rôle dans ces phénomènes, car, suivant

Wedensky, le nerf est infatigable. Dans ces études, il est

nécessaire de distinguer deux sortes de fatigue : 1° La fatigue

par épuisement proportionnelle au travail fourni.- 2° La

fatigue par intervalle insuffisant, proportionnelle au nombre

des excitations dans un temps déterminé. Ces deux formes

se superposent ordinairement, mais elles peuvent être distin-

guées. Dans le passage de l'optimum au pessimum et vice-

versà, le muscle se repose de l'une ou l'autre fatigue.

Terminaisons nerveuses périphériques. M. Mitrofanoff a

étudié par la méthode embryogénique la nature des terminai-

sons nerveuses. A une certaine époque, les terminaisons des

nerfs sensilifs ne sont pas en connexion organique avec les

éléments épithéliaux : la connexion du nerf avec le neuro-

épithélium se produit tardivement. Les terminaisons des

nerfs moteurs diffèrent peu de celles des nerfs sensitifs. La

plaque motrice terminale est un produit de la différenciation

du bout périphérique du cylindre-axe embryonnaire. Dans les

glandes les terminaisons nerveuses ont une grande ressem-

blance avec la forme simple des terminaisons des cellules ner-

veuses motrices; l'innervation de quelques-unes des cellules

de la glande est suffisante pour que celle-ci puisse accomplir

ses fonctions. Les recherches de Mitrofanoff détruisent la

base anatomique de l'hypothèse de Hensen.

284 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Je me bornerai à citer les quelques travaux suivants sur

l'anatomie descriptive des nerfs périphériques.

Le D'' Pototsky a étudié le plexus lombo-sacré.

Le-D'' Bechterew a étudié les terminaisons centrales du

trijumeau; il soutient que ses fibres radiculaires n'ont aucun

rapport avec le cervelet. M. Baginski ayant nié absolument le

rôle des canaux semi-circulaires, 111. BecUterew a invoqué, une

fois de plus, à l'appui des différences fonctionnelles des deux

branches du nerf acoustique, le fait que ces branches se dé-

veloppent à deux époques différentes.

IV. ORGANES DES SENS.

Les sens peuvent être considérés comme une différenciation

de la sensibilité générale; aussi cette sensibilité générale

peut-elle par elle-même amener certains actes qui semblent

exiger le concours des organes des sens et l'intégrité du cer-

veau.

Corrélation entre les fonctions du cerveau antérieur et les

excitations extérieures. -Le D1' Danilewsky a voulu démontrer

que certains actes complexes, volontaires en apparence, peu-

vent être exécutés sous l'influence des excitations extérieures,

par une grenouille privée de ses hémisphères cérébraux. Il a

conclu que l'influence excitatrice, aussi bien que l'influence

inhibitoire du cerveau antérieur, peut être remplacée par des

excitations sensitivo-sensorielles extérieures. A l'appui de sa

conclusion, Danilewskyafaitles expériences suivantes : si l'on

place sur les narines d'une grenouille privée de ses hémis-

phères, un morceau de papier qui empêche l'animal de res-

pirer, on voit la grenouille enlever le papier avec sa patte ; si,

au contraire, le papier ne gène en rien les fonctions de l'ani-

mal, celui-ci ne fait aucun mouvement pour l'enlever.

Réflexe anassétéarien. Ce réflexe existe chez tous les

hommes bien portants. M. Iliballçine prétend n'avoir jamais

vu se produire de mouvements cloniques en cherchant ce réflexe

à l'état de santé.

Application de la méthode graphique ci l'élude de lap2essioi

intra-oculaire et des mouvements de la pupille. Le procédé,

découvert par Siboulsky, consiste à photographier l'image de

la pupille. Cette image est reçue sur une bande de papier

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 283

sensibilisée à travers une fente verticale placée de telle sorte

qu'elle réponde juste au diamètre vertical de cette image. Si

le papier se déplace, l'image du diamètre pupillaire donnera

une bandelette à bords parallèles, divergents ou convergents,

suivant que la pupille restera immobile, se dilatera on se con-

tractera. Les autres parties de l'oeil marquent aussi leur

image. Cet appareil appelé pholocoréographe, permet d'indi-

quer sur le tracé le commencement, la fin et les différents

temps de l'expérience. Le D'' Béliarminoffa a montré à l'nide

de cet appareil, qu'il se produit des changements pupillaires

pendant le clignement des paupières et que l'occlusion de l'oeil

se fait beaucoup plus vite que son ouverture. L'éclairage,

même intense, n'a aucune action sur la dilatation de la pu-

pille qui s'opère par voie réflexe. La dilatation directe de la

pupille est produite par l'excitation du sympathique. La dilti-

tation réflexe, par l'excitation des nerfs sensitifs. La dilata-

tion directe présente une période latente moins longue, arrive

plus rapidement à son maximum, et cesse plus rapidement

que la dilatation réflexe. La dilatation réflexe atteint son maxi-

mum lentement, toujours après la fin de l'excitation, ce maxi-

mum est précédé d'un rétrécissement qui correspond exacte-

ment à la fin de l'excitation. La dilatation qui se produit

jusqu'à ce rétrécissement momentané est dite dilatation

primaire; celle qui suit est appelée secondaire. Les mêmes

phénomènes se produisent du côté opposé à l'excitation. Si

l'on sectionne le sympathique au cou, la période latente de la

dilatation réflexe devient trois fois plus longue, l'amplitude

de la dilatation diminue; il n'y a pas de rétrécissement

momentané, le maximum est atteint plus lentement et le

retour à l'état normal se fait graduellement.

La dilatation directe arrive rapidement à son maximum ; le

retour à l'état normal est plus court; le rétrécissement mo-

mentané manque.

La dilatation réflexe peut s'opérer en l'abscence de toute

communication par le sympathique entre la moelle et la pupille.

L'enregistrement graphique simullané des mouvements de la

pupille et des modifications de la pression vasculaire montre

qu'il n'y a pas de rapport entre ces deux ordres de phénomè-

nes : La période latente de la dilatation directe et de la dilata-

tion réflexe est plus courte que la période latente de l'augmen-

tation de pression dans les carotides. Mais si l'on sectionne les

286 REVUE DE pathologie nerveuse.

deux sympathiques ou cou, la dilatation réflexe de la pupille

devient synchrone au rétrécissement des branches de la caro-

tide. Lorsque la pression intra-oculaire augmente, la pupille se

contracte, ou reste immobile. Pour ces études, M. Béliarminoff

s'est servi du manomètre de Schulten, auquel il a adapté un

appareil photographique destiné à inscrire les déplacements

de la colonne liquide. Il a obtenu les résultats suivants : Si l'on

comprime la carotide, la pression intra-oculaire diminue rapi-

dement ainsi que le diamètre des vaisseaux du fond de l'oeil;

la pupille tend à se rétrécir. La compression des veines du

cou amène une augmentation de tension, mais la pupille se

rétrécit encore et cet état de contraction persiste. La respira-

tion et les battements artériels influent sur la pression intra-

oculaire, mais non sur la pupille.

De l'inégalité pupillaire dans les maladies du poumon. '

M. Paternatsk-v a constaté l'inégalité des pupilles dans 85 p. 100

des cas de pneumonie croupale. Dès le début on peut cons-

tater la dilatation de la pupille du côté lésé. Cette dilatation

atteint son maximum le quatrième ou le cinquième jour.'

Pendant cette période, la pupille réagit lentement à la lumière

et se fatigue vite. Peu de temps avant la crise, l'inégalité

commence à disparaître. Pendant la convalescence, la pupille

du côté malade se rétrécit légèrement ; elle réagit plus rapi-

dement à la lumière que celle du côté opposé. Cette inégalité

existe bien souvent dans la phtisie unilatérale : la pupille du

côté malade serait toujours dilatée.

De l'inégalité pupillaire chez les individus bien portants

Des recherches de Moebius, il ressort que la pupille est plus

petite chez le vieillard. Sur des soldats, M. Ivanoff a constaté

que les deux pupilles sont rarement égales. Sur 150 sujets, il=

trouvé l'inégalité 130 fois. Dans les deux tiers des cas la pu-

pille gauche et la moitié gauche de la face sont plus déve-

loppées que du côté droit. Le diamètre de la pupille est en

rapport direct avec le développement de la face du même côté

et des membres du côté opposé.

Nerfs dilatateurs de la pupille. M. Prjibilsky a découvert

sur le chat les faits suivants : Les fibros dilatatrices de la pu-

pille, issues de l'encéphale, sortent de la moelle avec la huitième '

paire cervicale et les première et deuxième paires dorsales ;

des rameaux communiquants les mettent en rapport avec le sym-

pathique cervical, puis elles se rendent au ganglion de Gaxer, et'

'REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 287

sortent avec le trijumeau. La section du trijumeau au delà du

ganglion supprime la dilatation directe. Ces fibres passent par

les nerfs ciliaires longs, car la section de ces nerfs supprime

l'action du sympathique ; la section des ciliaires courts et l'a-

blation du ganglion ciliaire ne produisent rien. Une partie de

ces fibres part directement de l'encéphale, et suivent, sans

doute le trijumeau, en effet la section des sympathiques n'a-

bolit pas la dilatation réflexe.

Le centre dilatateur de la pupille est situé dans l'encéphale ;

l'existence du centre cilio-spinal de Budge est inadmissible

car la section delà moelle au niveau de l'entrecroisement des

pyramides abolit complètement la dilatation réflexe de la

pupille par les excitations douloureuses.

Développement de la rétine. Suivant M. Kostewitch, les

bâtonnets et les cônes se forment aux dépens du protoplasma

des cellules de la couche granuleuse externe, au cinquième

mois de la vie foetale. Dans la couche granuleuse externe se

trouvent des éléments non nerveux. La différenciation se faitde'

la papille vers la périphérie. Le développement de la rétine

de l'homme se termine au huitième mois. La tache jaune

n'existe pas à la naissance.

Des organes du sixième sens chez les amphibies. Ces orga-

nes, appelés tubercules nerveux, découvert par Schultze et

décrits par Leydig, sont, suivant lllitrofanoff en connexion

étroite avec le nerf vague. Ils sont, au moment de leur appa-'

rition, logés dans l'épaisseur de l'épiderme, dont ils se diffé-

rencient complètement à une certaine époque. Il est certain

que la plupart des troncs nerveux qui s'y rendent provien-

nent d'un noyau bulbaire situé en arrière du noyau de l'acous-

tique. Ces tubercules servent spécialement à percevoir les

ondulations de l'eau, et le point de l'espace, d'où elles par-

tent.

IL DE quelques mouvements associés anormaux qui se montrent

FRÉQUEMMENT DANS LES PIEDS ET LES ORTEILS CHEZ LES 1\É\ROP.\-

THES ; par A. STRUEMPELL. (VG2li·Ol. CenlralGl., 1887.)

Quand, le malade, étant couché sur le dos, on lui dit de placer

son pied à plat sur le lit en fléchissant la cuisse sur le bassin et la

jambe sur la cuisse, on voit que, malgré lui, dès que la cuisse

commence à se soulever, le jambier antérieur se contracte forte-

ment (saillie du tendon), de sorte que le pied se fléchit sur la

jambe, tandis que son bord interne s'élève (flexion dorsale du pied

1288 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

oblique en dedans); en certains cas, il se produit encore une flexion

dorsale des orteils par le concours du long extenseur du pouce

et de l'extenseur commun des doigts. II n'est pas rare de voir ces

mouvements associés, apparaître à l'occasion de rotations simples

de la hanche. Enfin, il peut se faire qu'ils dépassent la sphère

d'action du côté examiné et occupent simultanément les deux

pieds. L'auteur les signale surtout dans les cas d'hémiplégie céré-

brale (mouvement associé bilatéral), quelle que fût la nature de

l'hémiplégie (apoplectique, syphilitique, infantile) ; dans les affec-

tions spasmodiques de la moelle (myélites chroniques, scléroses

multiloculaires, affections combinées des cordons); dans les lésions

hémilatérales de la moelle (mouvement associé unilatéral du côté

paralysé). Dans la paralysie spasmodique, souvent spontané-

ment, même pendant le décubitus dorsal tranquille, se produit une

contracture des orteils et surtout du gros orteil en flexion dorsale ; la

crampe persistant, si l'on fait fléchir la cuisse sur le bassin, on voit

survenir le mouvement associé décrit ci-dessus ; mais. quand le pied

vient à s'appuyer sur le lit, tout disparait ; dès que le malade

étend la jambe, la contracture reprend, et ainsi de suite cette

contracture est donc liée à l'extension volontaire de la jambe.

P. K.

III. Des modes d'examen ET D'L'TEltl'ttl.r'AT10\ de l'état de la SE1SI-

bilité DANS LE TARES ET LA PARALYSIE GÉNÉRALE TAUÉTIQUE ; par

0. Rinswanger. (Neurol. CeatrnlLl., 188î.) -

Rien n'est variable, non seulement en général, mais chez un

même malade, suivant le moment et les conditions de chaque cas

particulier, comme la sensibilité tabétique. A fortiori, pour peu que

l'intelligence ait subi quelque atteinte. Dans une série d'observa-

tions, dont l'auteur fournit un type, la sensibilité cutanée varia

en étendue, mode, quantité à diverses époques de l'examen; des

fluctuations se Firent sentir pour les régions considérées à des

intervalles de temps très courts. Les troubles de la conductibilité,

les changements de l'irritabilité cérébrale, l'aptitude variable à

la réceptivité des stations terminales de la moelle et du cerveau,

l'excitabilité modifiable des expansions nerveuses à la périphérie

de la peau, la prolongation même de l'examen (exercice delà fonc-

tion), transforment à vue d'oeil l'état de la sensibilité (une obser-

vation), ainsi que l'application de l'aimant et des courants galva-

niques minuscules (une observation), même dans ces maladies à

lésions. P. K.

IV. Contribution a la question de l'acoustique; par A. Fonix. '

HEPLIQL'LB AUX PRÉCÉDENTES REMARQUES; par P. lLECHStG. CON-

TRI13UTION A LA QUESTION DE L'ORIGINE DU NERF AUDITIF ET A L'nt-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 289

PORTANCE PHYSIOLOGIQUE DU NERF VESTIBULAIRE par V, L;EC11TERER !

(Neurol. Centralbl., 1887). '.

Nous n'entrerons pas dans la discussion soulevée par MM. Forel

et Fleclisig, à propos des nerfs et noyaux et de la priorité, ou de

l'excellence de leurs vues que nous avons déjà résumées en leur

lemp*. 11 ne sera pas sans intérêt cependant de condenser le mé-

moire de M. Bechterew. Du développement du système nerveux

chez des foetus humains, il est arrivé à établir que :

La racine postérieure de l'acoustique, qui constitue le prolongement du

nerf cochléaire, se divise, après son entrée dans le bulbe, en deux bran-

ches, de même que la racine antérieure du même nerf (prolongement du

nerf vestibulaire). L'une de ces branches pénètre dans le noyau anté-

rieur de l'acoustidue (noyau antérieur deMeynert),en connexion par des

fibres du corps trapézoïde avec l'olive du même côté et du côté opposé.

L'autre branche (interné) d'abord côtoyée par le noyau antérieur, le

dépasse en arrière, embrasse les fibres restiformes, fait un crochet en

dedans, et gagne ce qui reste des fibres restiformes au niveau du plan

supérieur de la formation réticulaire; ici cette branche devient un noyau

supéro-dorsal, au voisinage du raphé; mais ses fibres ne sont point en

rapport avec le noyau interne ou supérieur du même côté (tfente,

Sclmalbe,Edinger). La racine-antérieure de l'acoustique, après avoir atteint

la partie supérieure du noyau de Deiters, gagne le noyau situé en arrière,

en dehors, au-dessus de celui-ci (noyau angulaire de Bechterew; noyau

principal du nerf vestibulaire de Flechsig); une partie de cette même racine

s'infléchit en bas pour former la racine ascendante de l'acoustique.

Les racines des nerfs périphériques ne sont pas du tout en re-

lation avec le cervelet, elles sont déjà pourvues de myéline, bien

avant que le cervelet en ait. Mais le noyau principal du nerf ves-

tibulaire est en connexion, par un trousseau spécial qui traverse le

segment interne du pédoncule cérébelleux, avec les noyaux cen-

traux du cervelet. Et la racine ascendante de l'acoustique est le

prolongement de la deuxième branche de la racine antérieure du

même nerf. Enfin, au point de vue physiologique, il y a lieu de

considérer comme démontrée la diversité des fonctions du rameau

cochléaire et du rameau vestibulaire, de même que du limaçon et

des canaux semi-circulaires (Forel, Onufrowicz, Hoeg'yes,Fiourens,

Brown-Séquard, Goltz, Cyon, Laevemberg, Scoluclia, Loysaner,

13echtereiv). P. K.

DE LA PARALYSIE ASCENDANTE SUITE DE COQUELUCHE;

par Il. J. MOEBtus (Centrulbl. f. Nercenheilh., 1887.)

Une observation. Après la coqueluche, il se développa une paré-

sic d'abord des jambes, puis des bras, des muscles de la nuque et

du diaphragme. Disparition des réflexes tendineux. Aucun trouble

de la sensibilité, ni des réflexes superficiels, ni de la fonction des

nerfs crâniens, ni îles viscère*. Les accidents moteurs na furont

Archiaes, t. XVII. tU .

290 REVUE DE PATHOLOGIE- NERVEUSE-.

pas graves, ni atrophie, ni modification de l'excitabilité électrique.

Prompte guérison. La paralysie procéda par sauts, sans toucher

aux muscles abdominaux, à ceux de la colonne vertébrale, aux

-muscles intercostaux ; sinon, le diaphragme étant paralysé, la mort

se lût produite. Il est probable qu'il s'agissait de névrite multilo-

oculaire périphérique, car la vessie et l'intestin demeurèrent intacts.

et l'issue fut promptement favorable. Infection probablement ana-

]ogue à celle qui donne lieu à la paralysie diphtbéritidue (toxine

coqueluchale). L'auteur signale encore un cas du même ordre rap-

pelant la poliomyélite aiguë. P. K.

Vt.DE L'IiY'I'ÉIto-$P1LEP81E chez LES garçons; par K. Laufenauer

- (Centralbl. f. Nerenhcillc., 9887).

1,'Iivstéi-o-épi[opsie mâle ressemble en tous points à l'hystéio-

épilepsie femelle. Il en est ainsi pour l'hystéro-épiiopsie des

garçons. Toutefois elle est chez l'enfant moins marquée, moins

typique. Quatre observations. Diagnostic possible par les stigmates

et la marche de l'accès, en ce qui concerne l'épilepbie.l'Ilystro-

épilepsie des garçons diffère de celle des hommes par l'inégalité

pupillaire, la fréquence des hyperesthésies, la nature terrifiante

des délires qui succèdent aux attaques. Toujours héréditaire, elle

éclate parfois Si la suite d'une cause occasionnelle traumatique ou

psychique; la plithisie l'accompagne souvent. Elle guérit toujours

par l'isolement, les toniques, J'électrisalioti faradique et statique,

le massage, l'hydrothérapie. Ne donnez de bromure que si, au

début, l'excitabilité psychique et physique est très vive ; ne pro-

longez pas l'action du médicament. P. KERAVAL.

- V11. De la paraplégie dans LE MAL de POTT; par J. ÂLTUAUS

(CenlnalLl. f. \'ertenleeilfi., 1887).

Observation. Carie des corps, des cartilages et des ligaments

des 9° et 10e vertèbres dorsales ayant, par contiguïté, engendré

une pacbyméningile externe, avec épaississement et produits

caséeux- : compression ultérieure de la moelle. Myélite ititersti.

tielle des faisceaux pyramidaux (d'où paralysie avec exagération

des phénomènes tendineux), et des cordons postérieurs (douleurs

névralgiques podaliques) : intégrité probable de la substance

grise. Bons effets du fer rouge. Pas d'abcès par congestion. Etude

critique. Le fer rouge, mauvais dans les affections de la moelle,

convient aux affections de ses méninges. P. K.

Vill. DE la 1.11'LI1L de la maladie de B.4,EL)OV, par 1'. J. Moebius,

(CcnlralGl. f. IYervctahcilk., 1887).

D'après les chirurgiens (opérations), les physiologistes (extirpa-

Revue de pathologie nerveuse. »'1 1

lions), et les médecins (myxoedème), le corps thyroïde a une grande

importance trophophysiologique sur l'économie, et probablement

il exerce une action chimique (cachexie strumipriva). Comparai-

son du crétinisme goitreux et du myxeedème, du crétinisme et : du goitre exophthalmique, de la maladie de Basedow et du myxoe-

dème. Dans le myxoedème, la glande thyroïde a cessé de fonction-

ner ; dans la maladie de Basedow, elle est eu état d'activité patho-

logique, activité qui préexiste à l'ensemble symptomatique, avant

même qu'elle ait augmenté de volume. La cause de cette affection

glandulaire doit être un poison organique (leucomaïue quelconque)

qui agit chez un individu, déprimé, privé de résistance, de par

une tare héréditaire, une émotion ou tout autre cause générale.

P. K.

IX. Des troubles DE l'ouïe en DES cas DE paralysie faciale

périphérique légère; par 0. IlosF.Nj3.icH (C'e/ ! ()'f ! <6<. f. Nerven-

/t6< ? 1887).

Trois observations prouvant que, même dans les formes légères

de paralysie faciale rhumatismale, il peut exister un trouble assez

considérable dans le domaine des perceptions acoustiques, et que,

à moins qu'il ne s'agisse là que d'une coïncidence accidentelle,

dont l'avenir fera justice, il doit y avoir relation pathogéuétique

entre les deux ordres de manifestations, car les troubles de l'ouïe

diminuent de concert avec la diminution des symptômes paralyti-

ques, et disparaissent complètement avec la reslitutio ad inte-

grum du facial. Cette marche est caractéristique. Examen et dia-

gnostic traités du reste à fond. L'idée qui vient à l'esprit c'est que

l'inflammation du facial s'est transmise au nerf du muscle de

l'étrier ; en tous les cas il existe une légère paralysie du tronc de

l'acoustique. P. KERAYAL.

AfHBT03E bilatérale; par KURELLA

(Celahwlbl. f. Nerueaheilh., 1887)..

Observation avec autopsie. Athétose progressive et généralisée

aboutissant à une espèce d'attaque avec perte de connaissance

totale, représentant le maximum d'exagération de l'athétose en

étendue, de même qu'en intensité : les convulsions portent à la

fois sur les muscles déjà pris, à la fois sur ceux de la face, de la

langue : grincement des dents lésant lèvres, gencives, bord anté-

rieur de la langue ; convulsions des globes oculaires ; respiration

irrégulière et stertor; expiration soufflante (fume la pipe). L'atta-

que dure 3/4 d'heure,' elle cesse sous l'influence de 0,02 de mor-

phine : sommeil. Amnésie consécutive. Trois mois au lit. Se relève

amélioré. Puis, nouvelle aggravation, gâtisme; alimentation

passive. Phlhisie pulmonaire, mort. L'auteur insiste sur l'origine

2'J2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

congèniaie (12 ans); au début minime, elle s'aggrave à t'âge

adulte. Pèie choréique. Encéphalite corticale diffuse à la

période d'atrophie et d'organisation conjonctive au niveau des

deux ascendantes des deux côtés, et, à gauche, du lobule pariétal

supérieur et de la première occipitale d'Ecker. Pathogénie :

hyperexcitabilité inflammatoire, irradiations corticales et sous-

corticales. P. K.

XI. NEUftOPATIIOLOGIQUE.S ; par INI. Bernhardt

(Centralbl. f. Nei-ve ? iheill ? 1887).

I. Paralysie traumatique du radial. Coup de couteau lancé à

l'espagnole, ayant pénétré à la partie supéro-postérieure du bras

et comprimé, par bascule naturelle du manche, le nerf contre les

os (contusion). IL Paralysie partielle de la sensibilité (gliome

central de la moelle cervicale ? ). Lésion de la zone radiculaire des

nerfs cervicaux gauches, gliome avec formation de cavités dans la

substance grise centrale de la même région. Pas d'autopsie. P. K.

XII. De LA PARALYSIE SIMULTANÉE DE PLUSIEURS NERFS CRANIENS;

par P.-J. MOEmus (Centralbl. f. 11 erLenleeilfi., 1887).

Cinq observations, dont une avec nécropsie. Elles ont ceci de

commun que plusiers nerfs crâniens furent lentement affectés,

sans autres symptômes essentiels. Dans l'observation IV, il s'y

ajouta, en sus, des symptômes de lésion .cérébrale. Diagnostic,

confirmé par l'autopsie précisément de cette observation IV : lé-

sions de la base, siégeant principalement dans la fosse crânienne

moyenne, niais, dans quelques cas, portant aussi sur la fosse

antérieure. D'où l'atteinte des troisième, quatrième, cinquième,

sixième, septième et même dixième, onzième, douzième paires.

Dans l'observation V, t'ractute de la base. Syphilis supposable

avec infiltration primitive des troncs, pour trois de ces faits. Pas

de tuberculose. P. K.

XIII. Contribution A la morphologie et A LA morphogénése du tronc

des hémisphères cérébraux; par G. JEL01· : RS3f.l. Traduit du hollan-

dais, par iIUIIELL.1 (Centralbl. f. \'e)'Uelilteflfi., 1887).

Cette étude des ganglions de la base et de leurs organes des-

cendants est basée sur l'analyse anatomique de l'encéphale de

cinq idiots. L'auteur conclut ce qui suit. Le bulbe et le tronc des

hémisphères contient trois systèmes : A, un système intellectuel

qui est formé de faisceaux conducteurs et d'oasis de cellules dégé-

nérant dans leur totalité à la suite d'une lésion de l'écorce; B, un

système d'association reliant l'appareil intellectuel à l'arc réflexe

et se composant d'une partie centrifuge (système pyramidal) et

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 293

d'une partie centripète (ruban de Reil) ; C, un arc réflexe qui com-

prend aussi le premier relai central des nerfs auditifs et op-

tiques et les faisceaux de conjonction des divers centres primitifs.' *'

Les hémisphères se formant bien après que le tronc du cerveau

est terminé, c'est par degrés que le centre intellectuel, poussant

ses racines au travers de l'arc réflexe, crée le tronc de labase. Cha-

cun des organes des sens s'accentue et s'individualise dans le bout

central de l'arc réflexe.. Enfin l'appareil intellectuel ressort net-

tement des dégénérescences typiques de l'idiotie, et forme un

cercle fermé de l'écorce au cervelet et du cervelet à l'écorce

(double voie en sens inverse).

SCHÉMA

Ecorce cérébrale.

Capsula interne. Couche optique. Capsule interne.

Noyau rouge. Pied du pédoncule cérébral,

Raphé. Protubérance Olive.

Pédoncule cérébral. Raphé. liapllé.

Noyau dentelé. Pédoncule moyen. Corps restiforme.

Cervelet. Cervelet.

L'appareil intellectuel se relie donc à l'arc réflexe : ), dans le'

cerveau : par le système des pyramides et le ruban dé Réil,

il, dans le cervelet : par le faisceau iatéropyramidal et les fibres

cérébellobulbaires. Le cervelet s'associe en somme aux opérations

psychiques du cerveau. P. Kerwal.

XIV. Contribution IL la pathologie DE la maladie DE TH01tSFa;,

par M. 13ERVHaRDT (Centrulbl. t. y6)'KCHA.eifA, 1887).

' Suite de l'observation relatée dans son mémoire de 1879 (3lns-

kclsteifigkeit und Muskelhypertrophie. Fin selbsioendiger Symptomen

complex. Ili),ch,;tv*s Archiv., t. 1,XXV.,p. 3tG). Elle est à peu près la

même. Existence des réflexes tendineux rotuliens, à la condition,

qu'on emploie la méthode de Jendrassik. Toujours aspect athlétique.

Un peu d'hyperexcitabilité mécanique des muscles de la face, mais

non tonique. Excitabilité électrique des nerfs et muscles, comme

jadis. Un courant faradique prolongé provoque la houle et l'ondu-

lation d'un groupe musculaire, mais non les vagues contractiles

arythmiques de la cathode à l'anode. Elude critique des travaux

publiés depuis. P. K.'

XV. Un cas DE surdimutité chez un nYSTÉRO-ËPtLEPTtQL'E;

[par E. itll ? \DEL (Neurol. Centrnlbl., 1887.) ,

Après avoir établi chez son malade (homme de cinquante-et-un

ans), l'existence d'accidents hystériques, l'auteur fait remarquer

que la surdimutité remonte à quinze mois seulement, qu'elle s'est

présentée par accès plus ou moins prolongés, mais ayant bientôt

2 ! I4 i REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE,

laissé chaque jour au patient un répit de trois heures le matin,

cela depuis un an. De l'examen laryngoscopique et otoscopique

pratiqué au moment des accès, et de la discussion du diagnostic,

il résulterait qu'il s'agit -d'un trouble paralytique fonctionnel et

périodique du centre chargé de transformer en sous articulés les

représentations figurées du centre des mots par l'action combinée

de divers nerfs (facial, glossopharyngien, pneumogastrique, hypo-,

glosse). Ce centre pourrait bien être- le noyau lenticulaire. En

même temps, anesthésie d'un autre centre sous-cortical (tuber-

cule quadrijumeau postérieur, - couche optique ? ) expliquant la

surdité. Intégrité psychique dans l'espèce. L'hypnotisme associé à

l'application de l'aimant et des courants continus détermina une

amélioration. ' P. K.

XVI. Un cas d'ophthalmoplégie bilatérale avec accidents d'ataxïe

ET PARÉSIE LINILATÉRALE DE ' L'APPAREIL MUSCULAIRE DE L\ MASTI-

CATION', par ZIEU(Central6l. f. Neruenheilk., 1887).

Observation complète avec discussion du diagnostic. Affection

en foyer du côté droit du pédoncule cérébral (méningite plus ou

moins circonscrite de la fosse moyenne du crâne), avec lésion,

diffuse du lobe frontal ou de ses enveloppes, par suite d'exsudat

consécutif à une altération vasculaire diffuse, syphilitique. Le

traitement antisyphilitique avec courants d'induction détermina de

l'amélioration. P. K. '

XVII. Un cas D'OPIITI3dLMOPLÉGIE externe progressive terminée par

iuNE P : 1RALYSIS HULB.41RF. SA\S LÉSION NÉCROSCOPIQuF; parCElSEN-

- LOHR. Appendice A CETTE communication; par le même (Neurol-

Cent1·a161., 188). , '

Relation des accès de migraine avec la paralysie bulbaire et

l'ophthalmoplégie. Minceur et élroitesse de plusieurs racines but.

baires; nombre infini de fibres étroites pouvant peut-être imposer

l'idée d'une perturbation dans le développement anatomique d'où

trouble fonctionnel des nerfs périphériques ( ? ), mais intégrité des

troncs radiculaires des nerfs moteurs des yeux. Aucune autre

lésion organique à l'appui de la syphilis. Issue rapidement mor-

telle. ' ' P. K.

XVIII. DE LA PARALYSIE DU MOUVEMENT DE CONVERGENCE DES YEUX AU

début du tabès dorsal; par A. DE VATTRYIL1.E (iYeu ? ,ol. Cen-

Une observation de paralysie isolée de la convergence avec en-

térorrhée, parmi les premiers signes du tabès. Aucun des yeux ne

fixe bien un objet à la distance de un mètre, on a beau rapproche

SOCIÉTÉS SAVANTES.. î9o

l'objet, absence do contraction convergente (fixité, stabilité de

l'expérience); pas de diplopie, acuité visuelle et fond de l'mil nor-

maux. Des pointes de feu de l'occiput au sacrum, la faradisation

quotidienne de la nuque améliorèrent en huit jours. Il s'agit pour

l'auteur, d'une altération de cette portion de l'arc réflexe qui unit

le centre optique au groupe des cellules de l'oculomoteur commun

qui commandent au droit interne (lésions siégeant entre les tuber-

cules quadrijumeaux et les noyaux bulbaires), simple altération

fonctionnelle d'ailleurs. P. Keraval.

XIX. Contribution A L4 question DE la localisation du phénomène

du genou dans le tabès; par L. Minor (Neurol. CentanlLl., 1887).

Observation dans laquelle le signe de Westphal fut le seul symp-

tôme névropathique observé pendant la vie. La lésion fut consti-

tuée : dans la moelle dorsale, par une bande étroiteimmédiatement

cpntiguë au côté interne des deux cornes postérieures (zone d'en-

tréeradiculnire de Weslplial) ; cette bande, plus courte au sommet

de la moelle dorsale, unit le milieu de l'arête interne de la corne

postérieure à la cloison de la pie-mère intermédiaire au faisceau

de Goll et au faisceau de Burdach. P, K , ',

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ 111 : DIC0-PSYCHOLOOIQUF.

Séance du 21 décembre 1888. Présidence DE M. COTARD.

Classification des Maladies mentales. (Suite de la discussion.)

M. Lo5-s croit qu'il est possible de jeter les premières assises d'une

classification sur l'anatomie pathologique. Pour lui, la classifica-

tion mixte proposée par la Commission est une oeuvre plutôt

diplomatique que scientifique, dans laquelle l'opportunisme joue

un trop grand rôle. Il s'étonne du peu d'importance qu'on semble

accorder à ses recherches sur l'anatomie du système nerveux et

fait à cette occasion passer sous les yeux de la Société le dessin

d'une lésion du lobule paracentral qu'il a observée chez une femme;

atteinte de folie à double forme. C'est à celte lésion .qu'étaient

96 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

dues les illusions et les hallucinations sensorielles présentées par

sa malade.

Le délire, auquel on attache une trop grande part dans la clas-

' sification proposée, n'est que le cri d'un cerveau en souffrance

comme la dyspnée, est le symptôme d'une maladie de poumon.

On, personne n'a jamais eu l'idée de baser sur la dyspnée, une

classification des organes respiratoires ! M. Luys critique aussi le

terme de démence simple qui n'est pas un type morbide mais

l'aboutissant commun de toutes les psychoses. Dussé-je être

ajoute-t-il, le seul de mon avis, j'ai pensé qu'il était nécessaire

de montrer le peu de consistance des éléments sur lesquels on

veut édifier une classification et je reprends la proposition de

M. Dagonet en demandant à la Société de s'en tenir comme ell-

sification d'attente, à la classification de Baillarger.

Elections. Par 24 voix', contre 20 données à NI. Bouchereau,

M. Bail est nommé vice-président pour 188 : i.

M. BALL remercie la Société de l'honneur qu'elle vient de lu

faire.

Homicide commis par un paralytique général. M. Caoucsrt

communique l'observation d'un paralytique général qui a assassiné

sa mère à l'aide d'un chenet. Cet acte a été accompli avec une

instanténeïté et un acharnement dignes d'un épileptique. Le

malade qui, passait pour avoir toujours été un peu original,

avait quelques antécédents héréditaires nerveux.

M. MARANDON DE Momtiiyel voit dans cette observation la confir-

mation d'une idée qu'il émettait dans une autre société, à savoir

que les paralytiques généraux qui commettent des crimes les

accomplissent souvent sans préparation et d'une façon automa-

tique peu en rapport avec la bienveillance que certains observa-

teurs sont tentés de leur concéder.

M. Legkain trouve dans les antécédents héréditaires du malade

l'explication de son impulsion.

M. Vallon pense qu'on a beaucoup trop abusé de oette préten-

due bienveillance. 11 a actuellement dans son service un pafaly-

1 Le vice-président est ordinairement élu avec l'unanimité ou la

presque unanimité des voix. Il est, en effet, dans les traditions de voter

pour le candidat indiqué par le bureau. La faible majorité des voix

données cette année à il. le professeur Ball, s'explique par ce l'ait que

beaucoup de membres se sont rappelés que le tour de M. Boucliereau

était arrivé. Depuis deux ans, en effet, M. Boucliereau, auquel la vice-

présidence avait été offerte, s'était retiré pour des motifs que nous

ignorons. Le bureau qui a proposé la candidature de M. Ball, parait

l'avoir oublié. Cet oubli est d'autant plus inexplicable que c'est précisé-

ment devant deux des membres de ce même bureau que M. Boucherean,

candidat cette année, s'était récusé les années précédentes.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 2 ! )' ? r

tiqué avéré qui cherche toujours à frapper ceux qui l'approchent.

M. Vallon rappelle à celte occasion l'histoire d'un autre paralytique

qui, sous un prétexe futile s'est embusqué derrière une porte

et a cassé un pot de tisane sur la tète d'un infirmier du service de

M. Dagonet.

M. l3nt.wo demande si le malade de M. Camuset était sujet à

des attaques épileptiforme qui pourraient expliquer dans une

certaine mesure, l'acte impulsif qu'il a commis.

M. CW1USLT. - Aton malade a été frappé de sa première attaque

épileptiforme quelques jours après son entrée à l'asile, par cou-

séquent après l'homicide. J'ai souvent recherché, ajoute-t-il, sans

jamais la rencontrer, la bienveillance qu'on donne comme signe

diagnostic différentiel de la paralysie générale, dans la folie à

double forme et je dois avouerque jel'ai vue aucontraire souvent

remplacée par un caractère particulièrement malicieux.

M. LE Secrétaire général donne lecture d'une note sur le sulfo-

ztal de JIM, Claret et Beltott. Marcel f3nc.avn.

Séance du 28 janvier 1889. - Présidence DE 1111. COTAaD F.T Ball.

, : 1LCoT.tno avant de quitter le fauteuil delà Présidence, résume

en quelques mois, les travaux de la société pendant l'année qui

vient de s'écouler

Prix Belhumme. Une Commission composée de MM. Briand,

Christian, Maquaus, Ségalas et Vallon est nommée à l'élection;

pour fixer le sujet du Concours Bellaonzrne.

Des dangers de l'hypnotisme expérimental. M. Chambard convie

la Société à mettre à l'ordre du jour de ses séances une discussion

sur les dangers de l'hypnotisme expérimental dont il se borne,

pour l'instant, à résumer le programme. En dehors des amateurs,

dit-il, deux classes de personnes se livrent d'une manière suivie

à la pratique de l'hypnotisme et de la suggestion. Ce sont les

savants, psychologiques ou médecins et les professionnels, profes-

seurs de magnétisme- donnant des représentations, directeurs de

journaux et de cliniques magnétiques, somnambules extra-lucides

dont la hiérarchie, s'étend de la Pythonisse à la mode « élève de

MI() Lenorntand» à la «dormeuse» des fêtes foraines. Il s'y fondra

peut-être avant peu, une catégorie de coquins avisés qui, dédai-

gnant les procédés ordinaires de vol et de meurtre encore en

usage, emprunteront aux ouvrages des uns et aux démonstrations

des autres des armes plus savantes et plus sûres.

Pratiqué par des hommes qui savent que leur droit de tout

étudier a pour seule limite le devoir de ne jamais nuire, l'hylrzo-

tisme scientifiqite n'est qu'un merveilleux agent d'analyse psycho-

298 SOCIÉTÉS SAVANTE ?

physiologique en attendant peut être qu'il devienne méthode de

régénération intellectuelle et morale. L'hypnotisme professionnel au

contraire, offre de graves inconvénients pour la moralité, la. santé

et la bourse de ses instruments et de ses dupes ; quant à l'hypno-

tisme criminel, il n'est guère de crimes ou de délits prévus ou non

par le code pénal auxquels ils ne puisse prêter son concours.

Illustrant cette partie de sa communication de quelques exem-

ples, M. Chambard conduit ses auditeurs dans ces sources de,

magnétisme où les somnambules du quartier invitent nombre de

jeunes gens des deux sexes en quête de bonnes fortunes, et

montre ainsi l'effet pernicieux de ces représentations publiques

sur le fragile équilibre de quelques-uns de leurs spectateurs. licite

même des exemples de crimes et délits dont les sujets hypnotisés

ou suggestionnés peuvent devenir les victimes ou les instruments.

H ne faut cependant rien exagérer, ajoute-t-il car l'impunité

d'un crime hypnotique est subordonné à un ensemble de condi-

tions qui ne seront que rarement réunies. Aussi, bien loin de

croire l'hypnotisme appelé à se substituer dans la pratique cou-

rante du crime à la pince du voleur, à la plume du faussaire ou

au couteau de l'assassin, M. Chambard ne voit-il en lui qu'une arme

d'exception précise et puissante, mais compliquée et à double

tranchant réservée à une élite de malfaiteurs qui pourront avec

elle et dans quelques cas assez rares frapper sans bruit et faire

coup double en se dçbarrassant de l'instrument du crime après

en avoir sacrifié la victime.

Ces faits sont bien connus aujourd'hui et la Société médico-psycho-

logique aura moins à en discuter la réalité qu'à en rechercher les

mesures prophylactique et répressive qu'ils rendent nécessaires.

Comme conclusion, M. Chambard demande la suppression des

séances publiques d'hypnotisme déjà décidée dans quelques pays

et réclame des poursuites énergiques contre les magnétiseurs

coupables tout au moins d'exercice illégal de la médecine. Pour

l'hypnotisme criminel, on ne peut que mettre le public en garde

confie lui et le combattre avec ses propres armes. 11 importe que

non seulement les médecins, mais encore les magistrats connais-

sent à fond les dangers de l'hypnotisme et de la suggestion et les

moyens d'en déceler l'abus criminel ; aussi le moment parait-il

venu de sceller l'accord indispensable de la science de l'homme

avec celle de la loi, en créant dans chaque faculté de droit un

enseignement de la médecine légale dans lequel une large part,

sera faite à la physiologie morbide. Marcel Briand.

SOCIÉTÉS SAVANTES. ~2(M)

CONGRÈS DES NATURALISTES ET MÉDECINS ALLEMANDS

, Session de Wimudex, 1887 '

Séances du 18 au 24 septembre.

I. SECTION DE NEUROLOGIE ET DE PSYCHIATRIE. ,

Présidence DE I\I. S1ELL, MEYXRRT, ScHROETEK.

M.POETx(d'Att-Sc))erbitz).Dg/«cotiS< ? fc'of ! des quartiers dé

surveillance continue. - Publié iii-exl(,izso*2.

M. Schroeter (d'Eiehberg. De la brièveté anormale du corps cal-

leux. Idem ».

M. Tuczek (de Marbourg). Des troubles nerveux dans la pellagre

(avec démonstration). Etudes [faites dans la haute Italie, et

prouvant qu'il s'agit d'une intoxication par usage longtemps pro-

longé de maïs altéré. Les psychopathies qui en émanent, sont :

en'première ligne, la mélancolie à forme stupide rarement la

manie jamais la folie systématique. Dans le cas où, à la suite

de l'accumulation des années d'empoisonnement, on trouve

un affaiblissement intellectuel avec euphorie, on constate un

complexus symptomatique semblable à celui de la démence

paralytique, mais sans caractère progressif, ni manifestation du

côté des nerfs crâniens. Il n'y a rien de nouveau à dire sur les

vertiges, les convulsions épileptiformes (épilepsie corticale), ni sur

les troubles d'origine spinale (paresthésies, phénomènes d'excita-

tion et de paralysie motrices, accidents vaso-moteurs). Sur plus

de trois cents cas, on constate, en un tiers des cas, de l'exagération,

même clonique, du réflexe tendineux patellaire, associée, en vingt-

trois faits à du clonus podalique, à de l'exagération des réflexes,

tendineux sur les extrémités supérieures, à des signes de para-

lysie spinale spasmodique ; sept exemples témoignaient de la dis-

parition du phénomène du genou; aucun fait ne révélait de

l'ataxie; enfin, chez les autres malades, les réflexes tendineux

étaient affaiblis, ou n'avaient subi aucune modification, mais il

était fréquent de constater des variations d'un côté à l'autre. 1 ? If-

1 Le Congrès de 1886 n'a pas été publié en Allemagne. Voyez donc

Archives de Neurologie, t. XII, p. 399.

2 Voy. Reviies a ? zalyliqties. L

'Idem. .

300 SOCIÉTÉS SAVANTES.

fection de la peau, à laquelle doit son nom la maladie, n'a

rien de pathognomonique en faveur de l'entité morbide, mais elle

existe constamment et s'exaspère de temps à autre, de concert

- avec les autres manifestations pathologiques. Des photographies

montrent les principales psychoses pellagreuses, l'affection cutanée

les troubles trophiques de la langue (fissurée, crevassée, dépouil-

lée de son épithélium). L'anatomie pathologique consisterait,

d'après huit autopsies, en : dégénérescence funiforme de la moelle

soit exclusivement dans les cordons postérieurs (deux cas), soit con-

curremment dans les cordons postérieurs et les parties postérieures

des cordons latéraux (lésion symétrique bilatérale associée). Géné-

ralement les zones d'entrée des faisceaux radiculaires dans les

cordons postérieurs sont épargnées, ou la lésion n'y est que faible.

L'étude microscopique parait démontrer que le processus anato-

mique ne marche que par poussées. Ce qu'on trouve presque tou-

jours, ce sont : des corpuscules amyloïdes accumulés en masse sur

la plus grande partie de la coupe transverse de la moelle ; un canal

central oblitéré par une prolifération endothéliale de l'épendyme;

des cellules nerveuses, surtout celles des cornes antérieures, très

pigmentées; un cas témoigna (il s'agissait d'une sclérose systéma-

tique combinée)d'une atrophie pigmentaire extrême descellules ner-

veuses, avec transformation de la substance grise en un tissu spon-

gieux constitué par des cellules-araignées occupant le centre des

deux cornes antérieures de la moelle cervicale. D'ordinaire, même

dans les colonnes de Clarke, la substance grise est normale (pré-

paration à l'appui). Analogie de ces lésions avec celles de t'ergo-

tisme, du lalhyrisme, de l'anémie pernicieuse, des expériences

rotatives de Fuerstiier (vulnérabilité des cordons postérieurs et

postéro-latératix) ; ressemblance de l'élément psychopathique dé-

pressif accompagné de contraction des fibres musculaires lisses et

d'affaiblissement de la contractilité des muscles stries, avec les

mêmes syndromes produits tantôt par des poisons, tantôt sponta-

nément. Pas plus que dans l'ergotisme, l'alcoolisme et les autres

intoxications les troubles nerveux du maïdismeoude tapsyehoné-

vrose maïdique ne sont progressifs.

Discussion : M. l,ippm.%NN. Est-ce que la pellagre n'est pas une

maladie microbienne, est-ce qu'on n'y rencontre pas des micro-

organismes, notamment dans les centres nerveux ? Est-ce que cette'

maladie, qui vient d'apparaître en Calabre, n'étend pas sa sphère

d'action plus qu'avant ?

M. TuczEK. Sans doute Maioki a rencontré dans le sang et les

tissus un -bacille qui est le même que celui du maïs corrompu,

' Voy. Archives de Neurologie. XIIe Congrès des neurologues et alié-

nistes de l'.111emaâne du Sud-Ouest. , «

SOCIÉTÉS SAVANTES.- 301

mais, avant d'admettre que c'est là le corps du délit pathogéné-

tique, il faut faire des expériences de culture et de contrôle. Les

essais faits jusqu'ici ont été exécutés avec un maïs si corrompu,

qu'il était complètement inutilisable comme aliment.

M. ll.%UPT. Combien durent les premiers accès ? En quoi consiste

le traitement ? : '

M. Tuczek. Traitement tonique simple.

M. Eulenburg. M. Tuczek sait-il quelque chose de la chorée éllc-

trique du Nord de l'Ilalie' ? Emploie-t-on encore les transfusions

dans la pellagre ? Réponse négative.

M. Guyp (d'Amsterdam). De 1'ttp ? ,osei,ie, psychose produite par

des troubles nasaux. Cette maladie consiste en l'impossibilité de

diriger son attention, de l'appliquer à un objet déterminé, à rai-

son de la gêne de la respiration due à des tumeurs adénoïdes de

l'espace naso-pharyngien, à des polypes du nez, etc... C'est ainsi

qu'un jeune garçon de sept ans ne put pendant une année complète

apprendre à l'école que les trois premières lettres de l'alphabet ;

opéré de ses tumeurs adénoïdes, il apprenait l'alphabet entier en

une semaine. Elèves de gymnases et étudiants ont remarqué que

si, dans ces conditions, ils font des efforts pour apprendre, les

voilà pris de céphalalgie, vertiges ; qu'au contraire ils lisent sans

attention six ou sept fois de suite, mais sans penser non plus à

autre chose, une proposition d'un journal du sens de laquelle ils

ne se préoccupent point, ils ne se trouvent pas fatigués. C'est ce

qui distingue cet état de la distraction commune. L'aprosexie

peut encore survenir à la suite de surmenage psychique. Patho-

génie. La pression exercée par les tumeurs sur la muqueuse du

nez entrave la circulation lymphatique en retour de l'encéphale;

c'est un épuisement cérébral par rétention produisant en somme

les mêmes symptômes que l'épuisement par fatigue. Avis conforme

de M. H4aTwrr, otiatre de Berlin.

Discussion : M. Jehn. Ce n'est pas là un compiexus morbide

bien arrêté; c'est plus souvent une affection symptomatique de

l'hébéphrénie, un double de développement juvénile simple, qui,

du reste, d'après la communication même de 11. Guye, n'est pas

toujours lié à des maladies du nez.

M. Arndt. Rappelons les manifestations cérébrales du rhume

de cerveau, surtout chez les personnes nerveuses. L'orateur com-

munique une observation de psychopathie guériechez un individu

de plus de trente ans, par le traitement d'une affection nasale da-

tant de la puberté.

M. Tuczek. Les malaises émanant de la maladie du nez agissent

comme excitant psychique à la manière des conceptions irrésis-

Uhtes des obsessions.

'àbi SOCIÉTÉS SAVANTES.

111. IllESCnEne. rapporte un fait dans lequel, à un traitement

prolongé d'une affection nasale, notamment par cautérisation

succéda immédiatement de l'érotomanie qui guérit en quelques

semaines.

M. Eulenburg (de Berlin). Des courants de tension cl de leur z(tili-

sation thérapeutique. A l'aide d'un appareil simple et très amé-

lioré par le constructeur M. W. Hirschmann, M. Eulenburg a appli-

qué ce genre d'électricité jusqu'ici à soixante-quatorze malades

convenablement choisis atteints de névroses diverses graves, parmi

lesquels six guérirent, trente-trois éprouvèrent une amélioration

considérable, trente-cinq durent être soumis à un autre procédé.

L'action la plus favorable fut obtenue dans les cas de neurasthénie

avec prédominance de symptômes céphaliques (tension cérébrale,

insomnie), -de céphalalgie de différents ordres (anémie hysté-

rique, hémicranie), de névralgies proprement dites. On eut à

se louer des courants d'étincelles excitant fortement la peau dans

les anesthésies cutanées, les atrophies musculaires, les paralysies,

atrophiques i. Dans l'hystérie et l'hystéroépilepsie, la charge

électrique n'est guère utile ou n'agit que par son facteur psychique.

Les nerfs et les muscles paralysés et dégénérés se comportent

d'une manière parallèle à l'égard des courants de haute tension

(frankiinéens et des courants farandiques).

Discussion : : 11. Stein. Il faut faire entrer en ligne de compte,

comme agent curatif, la production simultanée de l'ozone.

M. I : ULE11DURG en doute.

M. Haupt. L'électricité de tension est extrêmement favorable

dans la neurasthénie et l'hémicranie; mais, dans la neurasthénie,

il faut être prudent, se méfier de certaines susceptibilités itidivi.

duelles. L'orateur a vu chez une dame survenir non pas seule-

ment de violents accès de vertige, mais une longue et grave

attaque convulsive, alors que cette personne n'en avait jamais

présenté antérieurement.

M. Mund attribue aux courants d'un potentiel élevé des

actions mécaniques spéciales. Dans l'emploi général de l'électricité

statique, cette action mécanique consiste en une exagération de

la perspiration cutanée. Dans la frctnfiliniscttion locale, c'est une

action déshydratante ; c'est ce qui se passe dans les cas de col-

lections liquides,, entourant les nerfs (d'où les névralgies etc.), de

rhumatismes musculaires chroniques, de distorsions articulaires

ou d'hydropisies, la frankiinisation agissant comme une espèce de

massage central et améliorant les malades en quelques séances.

. ' A rapprocher des frictions, massages, procédés hydrothérapiques et à

comparer avec le coup de soleil électrique décrit par M. Defontaino.

()oc. cle cleineer,yie, 188a). (l'. li.)

SOCIÉTÉS SAVANTES'. 303

- M. Tn. Meynioit. Du diagnostic des synostoses crâniennes préma-

turées sur le vivant. En rapprochant habilement et judicieu-

sement certaines mensurations, on peut, lorsqu'il existe une gros-

sière altération de la forme du crâne (il ne saurait être ici

question de finesse) diagnostiquer les anomalies morphologiques

suivantes :

10 L'oblitération associée de la partie latérale de la suture

coronaire et de la portion postérieure de la suture sagittale ou

oxycéplialie (têtes, pointues, têtes en cloche) ;

a. Vient, par sa circonférence horizontale, après la`nanocéphalie ; elle

atteint tout . au plus la limite indéterminée de î9O millimètres chez

l'homme et de 475 millimètres chez la femme.

b. Peut avoir un index [de largeur égal à celui de la brachycéphahc,

de l'ortliocéphalie, de la dolichocéphale, l'index de la hauteur dépassant

celui de la largeur. On mesurera la hauteur sur le vivant, du conduit

auditif externe au bregma.

c. Le chiffre de l'index de la hauteur correspond à celui d'unebrachy-

céphalie caractérisée par ce fait qu'ici l'index en question exprime la

hauteur absolue du crâne.

d. De la brièveté antérieure du crâne, il résulte que le globe oculaire se

présente en avant, dans le plan même du bord de l'orbite. OEil plat.

2° La synostose complète de la suture sagittale ou dolichocé-

phalie-pathologique, scaphocéphalie, se reconnaît chez le vivant

aux caractères que voici :

n. La circonférence horizontale n'est pas au-dessous de la normale.

b. L'index de la hauteur dépasse celui de la largeur.

c. L'index de la hauteur ne correspond jamais au chiffre de l'index du

brachycéphale, parce qu'il est le résultat non pas de la hauteur absolue,

mais de l'expression relative de l'étroitesse des dolichocéphales.

d. Le crâne gagnant avec l'orbite en longueur pour suppléer à ce qui

lui manque en espace; d'autre part, le globe oculaire est anomalement

enfoncé dans l'orbite. OEil enfoncé.

' 3" La synostose postérieure, de la suture sagittale avec compen-

sation en hauteur du crâne par la région de la fontanelle. Ce qui

distingue ce crâne de l'oxycéphale, c'est l'enfoncement de l'oeil

(tête en coin, spliénocéphalie).

Discussion : M. Arndt. Il ne faut, en présence de crânes parais-

sant anormaux, penser à des conditions pathologiques que lors-

qu'on peut exclure les caractères ethnographiques.

M. L. Meyer rappelle qu'il a signalé sous le nom de crâne pro-

gène (progenoeum) en relation intime avec la folie, mais seu-

lement chez les Allemands, une forme qui constitue au contraire

un type normal dans les races anglo-saxonnes, surtout chez les

Anglais. Dans ce crâne, le diamètre transverse parait tordu de

haut en bas et d'arrière en avant, le visage faisant une forte

saillie par son sea-ment inférieur, notamment par le menton. Chez

304 SOCIÉTÉS SAVANTES.

un Allemand, un français, un Slave, cette forme permet de con-

clure à l'ali;nation mentale.

M. AUER13.CII (de Francfort). Des lobes optiques chez les poissons

osseux. L'auteur a étudié ces organes à la lumière du dévelop-

pement progressif et systématique des manches de myéline.

Voici ce qu'il a trouvé. Le faisceau longitudinal postérieur s'en-

toure de très bonne heure de substance blanche. Ce n'est que

plus tard que les autres systèmes qui prennent part lacoustruc-

tion des lobes optiques s'entourent de myéline. Les nerfs opti-

ques forment une racine postérieure et une racine antérieure

séparées l'une de l'autre par de la substance grise. La racine

antérieure envoie quelques fibrilles vers l'aqueduc de Sylvius,

mais elle se termine surtout dans les grosses cellules du toit ' qui

sont pourvues de prolongements auostomotiques et d'un noyau

apparent. La racine postérieure participe à la genèse d'un feu-

trage de fibres dans la substance grise du toit ; de ce feutrage

résultent des trousseaux assez forts qui se dirigent horizontale-

ment, en formant des arcs, le long de la limite interne de la

substance grise du toit, et donnent naissance à un système d'asso-

ciation tectobasal auquel appartiennent aussi les fascicules irra-

diant de la formation réticulaire de la base, les faisceaux qui,

issus de la commissure inférieure (de Gudden) et de l'entre-croi-

sement sous-thalamique (Ganser, Mayser) viennent s'entre-croiser

sur la ligne médiane, enfin les fibres qui pénètrent dans le stratum

zonal de ce qui sera le torus semi-circulaire (capsule interne).

Tout ce système d'association tectobasal ne reçoit pas de fibres

distinctes du nerf optique. La formalion réticulaire de la subs-

tance grise de la base provient des rameaux de la partie posté-

rieure du nerf optique, de la dissociation terminale du faisceau

longitudinal postérieur, d'un fascicule originaire du cervelet, de

fibres envoyées par le système d'association tectobasal. Cette for-

mation réticulaire participe aussi à la genèse de la partie pos-

térieure de la commissure antérieure qui, contrairement à ce

qu'en dit Mayser, ne dérive pas exclusivement de fibres ascen-

dantes. Les pédoncules cérébelleux supérieurs ne passentpas dans

le torus semi-circulaire; ils se terminent dans des cellules ovales

à uoyau vésiculaire. Parmi les fibres ascendantes, il faut, en sus

des faisceaux longitudinaux postérieurs qui perdent une partie de

leurs fibres dans les plans d'origine du moteur oculaire commun,

citer des tractus qui, aplatis sur la face ventrale, montent, et

envoient un fort prolongement (fasciculus subépiphysaire) dans le

ganglion de l'habenula'. Mentionnons finalement les fibres se

dirigeant au-dessus du lobe inférieur.

Voyez Archives de Scurologic, Liovucs anulyynev.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 305

l. ARNDT (de Greisswald). De la représentation graphique de la

marche des psychoses.-C'estla reproduction du développement de

son ouvrage '.

Discussion : M. Paeiz déclare qu'il a déjà essayé de représenter

l'évolution par un système graphique, mais que la méthode de

M. Arndt vaut mieux parce qu'elle permet de mieux détailler et

en même temps d'offrir une-vue synoptique, qu'elle a en un mot

une plus grande importance scientifique.

M. 0. 111uEr,Lr·;a. Des formes initiales des psychoses.- Les premiers

troubles de la santé mentale qui suivent les maladies épuisantes,

les efforts intellectuels, les chagrins et les soucis, rentrent encore.

dans le cadre de l'état normal. Ils émanent de modifications de

la nutrition attribuables à ces causes qui ont affaibli le système

nerveux. Ce sont des troubles gastriques, de l'atonie du tube

digestif, de l'insomnie, qui déterminent des souffrances du côté de

la sphère sensible, de l'humeur (sensibilité morale), diminuent

l'élasticité intellectuelle, la. mémoire, émoussen fia force de volonté,

l'énergie. Cet état peut, après avoir persisté sous une forme vague

durant des années, disparaître par le repos et la restauration

physique et mentale. Mais, si la dyserasieet les troubles de la cir-

culation engendrés établissent l'insomnie en permanence, on

voit apparaître de la dépression mélancolique, en un mot la

psychasthénie primitive (état de fatigue psychique). Malgré cela,

si les conditions sont favorables et qu'il n'y ait pas de tare névro-

pathique, la guérison aura généralement encore lieu; au con-

traire, dans les cas d'hérédité, de lacunes du côté du système ner-

veux, l'affection progressera souvent rapidement et d'une manière

inattendue, la forme changeant (paralysie progressive, neuras-

thénie psychopathique). Les causes somatiques en sont toujours

trophiques, cette dystrophie portant finalement sur le sympathi-

que qui commande à la digestion et à la circulation (affaiblisse-

ment de l'énergie du coeur et stases qui se surajoutent en plein

système nerveux central). Sortir le malade de chez lui, lui donner

le plus grand calme psychique possible, lui prescrire au besoin le.

repos au lit, un régime convenable, agencer sa manière de vivre,

son mode d'alimentation, lui faire respirer l'air pur des monta-

gnes bien abritées, lui administrer des bains tièdes avec addition

d'excitants (sel, moutarde, essence de pins), lui appliquer des

compresses ou des affusions froides sur la tête, ou encore le sou-

mettre (cas légers) à des frictions froides en frottant énergique-

ment la peau, employer peu les calmants, tels qu'opium, mor-

phine, bromure, chloral, paraldéhyde; enfin le masser, tel est le

traitement.

Discussion : M. Bruns. Ne supprimez pas complètement l'acti-

1 Voyez Archives de Neurologie, Bibliographie.

Archives, t. XVII. 20

'iù6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

vite professionnelle, surtout en ce qui concerne l'élément morbide

hypocondriaque. Donnez contre l'insomnie le chloral en une dose

assez forte.

' M. Laquer. 11 est difficile de séquestrer les paralytiques géné-

raux au stade de début, les établissements ouverts n'en voulant

pas, et les parents ne comprenant que difficilement la nécessité

de les séquestrer en des asiles fermés.

M. Jehn suit les errements de M. Pelman de ne donner des hyp-

notiques qu'à des intervalles d'un ou de plusieurs jours jusqu'à

action. Les paralytiques généraux, relèvent dès le premier début

de la maladie, d'un asile d'aliénés.

M. KLENCKE. Si l'on ordonne aux neurasthéniques ou aux hypo-

chondriaques qui accusent des troubles gastriques et abdomi-

naux de l'eau de Carlsbad ou l'hydrothérapie, on voit immédia-

tement survenir une profonde dépression et de la mélancolie

caractérisée, ou des accidents qui font penser au tabes (douleurs

lancinantes, paresthésies). Mieux vaut le traitement galvanique

prudent associé à des bains tièdes.

. M. L' ULEN1SUAG. Si l'on ne peut, ce qui cependant serait désira-

ble, enfermer de très bonne heure les paralytiques généraux en

des établissements clos, il est préférable de les traiter chez eux

temporairement que de les mettre en des asiles ouverts ou en des

établissements d'hydrothérapie.

- hi. Meschbde (de Koenigsberg). Communications thérapeutiques'

Quatre cas d'aliénation mentale chez des paralytiques généraux, qui

ont guéri par l'emploi d'un traitement uatiphlogistique et chez les-

quels l'efficacité favorable des saignées locales se montra évidente.

Observation I. Mégalomanie avec manie aiguë furibonde, état

congestif, parésie hémifaciale. Sangsues à la tête, compresses

froides, tartre stibié à doses réfractées. Persistance de la guérison

après 15 années. Observation Il. Même complexus ; même

traitement; guérison maintenue au bout de cinq ans. Observa-

TION 111. Même complexus. immédiatement après la saignée locale,

rétrogradation du délire des grandeurs, retour de la connaissance

et du jugement. Observation IV. A la suite de phénomènes

congestifs, dus à un surmenage intellectuel et physique, brutale-

ment, au milieu de la nuit, manie avec délire anxieux bientôt rem-

placé par de la mégalomanie avec exaltation, (il est au paradis, il

est Dieu). A la saignée succède un sommeil, suivi, le lendemain, de

calme, conscience, jugement. -I1 est vrai que ces quelques cas ne

forment qu'une petite proportion sur un bagage d'observations

datant aujourd'hui de 30 ans, niais ils montrent que, dans les cas

récents, quand il existe des phénomènes cérébraux congestifs se tra-

duisant par des accidents psychiques et physiques aigus, il y a lieu

d'instituer un traitement contre ces symptômes et qu'en les faisant

SOCIÉTÉS SAVANTES. 307 1

cesser ce traitement peut couper la paralysie générale. M. Mes-

chede rapporte encore un exemple d'intoxication atropinique pro-

cédant par une psychose hallucinatoire typique dans laquelle une

injection sous-cutanée à'ésérine eut raison des accidents. Il

mentionne aussi l'action défavorable des feuilles de coca en infu-

sion chez un mélancolique avec hallucinations et idées de persécu-

tion. Sous l'influence de ce traitement le malade se crut transformé

en bouc et en prit les allures et les impulsions génésiques; le médi-

cament suspendu, ces phénomènes surajoutés disparurent sans

que ceux de la mélancolie même eussent subi de changement.

La discussion tend à mettre en évidence par les arguments

connus qu'il s'agissait de simple manie congestive (Poelz) au tran-

sitoire (Auerbacll), que M. Nasse a dû en rabattre relativement

aux faits de paralysie générale qu'il avait annoncés comme

guéris (Werner), que les seuls symptômes essentiels de la paralysie

générale sont les troubles de la parole (Werner, Nasse), que la

mégalomanie n'appartient pas, il s'en faut, exclusivement à la

paralysie générale (Arndt), qu'il existe une paralysie générale et

une folie paralytique comme le veut Baitlarger (Jehn).

II. SÉANCE GÉNÉRALE

M. VIn< : Irow. Du transformisme. Combien peu nous savons de

l'essence même de l'hérédité. Ou en est réduit à la statistique

pour distinguer la répétition atavique de la dégénérescence acquise.

Mais par ce procédé, n'avait-on pas jadis trouvé une gale hérédi-

taire, un favus héréditaire. Sans doute il oxisle des prédispositions

à contracter une maladie, mais de là à la contracter réellement,

il y a une distance ; il faut pour cela qu'interviennent de nou-

velles causes déterminantes. L'hérédité, elle s'effectue, par l'acte

même de la génération. Tout ce qui, cet acte terminé, agit sur

le germe et le modifie, même quand il s'en dégage une véri-

table anomalie de développement, tout cela n'a aucun titre à

la qualification d'héréditaire. Il s'agit simplement de déviations

précoces, prématurément acquises, et, par suite, très fréquent-"

ment congénitales. L'hérédité n'en demeure pas moins une pro-

priété générale de la vie même, sur laquelle repose la continuité,

la propagation du monde vivant.

.M. MEYOERT. Mécanisme de la physionomie. Darwin considérait

les mouvements delà physionomie comme un fruit de l'hérédité

d'habitudes associées à un but déterminé, puisées chez les aïeux, et

se. montrant chez les descendants sans que le but primitif ait

persisté. Pour M. Meynert, les phénomènes de la mimique sont la

résultante même, directe, du mécanisme cérébral sous-jacent. Ils

constituent des moweue : lsrNflexes en connexion avec les fibres

308 SOCIÉTÉS SAVANTES.

d'association par l'intermédiaire des images commémoratives lais-

sées par ces mouvements au sein du cerveau. Le même excitant

qui détermine une expression delà face modifie l'innervation des

artères et, par suite, la nutrition de l'encéphale, d'où une émo-

tion. La mimique se rattache donc ausssi à l'émotivité.

M. Benedikt. De l'importance de la crnnionzétrie pour la biologie

théorique et pratique. Sa méthode, ses instruments de précision

sont supérieurs aux mensurations non mathématiques que l'on

exécutait avant lui'.

III. SECTION D ANATOMIE PATHOLOGIQUE

M. de ZENKËH (d'Erlangen). Contribution à la pathogénie des

hémorrhagies cérébrales spontnnées. - La théorie des anévrysmes

miliaires est exacte. Sans doute les cas très rares dans lesquels on

n'arrive pas à constater ces anévrysmes ont besoin d'explication.

M. Leewenfeld distingue les ectasies diffuses des anévrismes ; M. de

Zenker les considère comme des anévrysmes diffus. Mais M. Loewen-

feld reconnaît que dans la plupart des cas ce sont des anévrysmes

qui sont la source de l'hémorrhagie et que l'artério-sclérose conduità

former ces anévrysmes (Charcot, Bouchard, de Zenker). (Allg.

Zeitschr. f. Psych., XLIV, 1.-5.) P. KÉRAVAL.

CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE

SESSION DE BRESLAU 1887.

Séance du 30 novembre 1887. PRÉSIDENCE DE M. WERNICKE.

Al. LlssauEa (de Breslau) communique trois cas d'affaiblissement

de la mémoire chez les alcooliques. Les deux premiers concernent

des épileptiques alcooliques qui, à la suite d'un épisode de délire,

conservèrent un profond affaiblissement delà mémoire caracté-

risé, non seulement par l'oubli rapide des impressions récentes,

mais aussi par l'oblitération très accusée de réminiscences d'un-

cienne date. Amélioration et guérison presque complète en quel-

' Voy. Manuel technique et pratique d'anthropométrii craviocéphalique.

BFNFDIKT et P. KERAVAL. Paris, iu-8°, 1889. Lecrosuieret Balié, éditeurs.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 309

ques mois. La troisième observation est relative à un délire insi-

dieux un peu prolongé, associé à des manifestations spinales et

à des paralysies des muscles de l'oeil; l'affaiblissement de la

mémoire lui succéda dans les mêmes conditions et le patient suc-

comba, sans retour à la santé psychique, de phthisie pulmonaire.

M. FREUND (de Breslau). Deux cas d'affaiblissement grave et géné-

ralisé de la mémoire. - Ils se rapportent à deux femmes, alcooli-

ques de vieille date. La première, âgée de 6b ans, est prise d'une

sorte de délire qui se termine par un coma grave. Néanmoins les

accidents s'amendent au bout de deux semaines, tout va bien. Mais

dans lasuite, série d'accès d'angoisse, de moins en moins fréquents

et légers, par instants. Ce qui persiste invariable, c'est l'affai-

blissement de la mémoire, relatif aux événements antérieurs à

l'explosion de la maladie aussi bien que pour les faits postérieurs

à l'ictus. Il en est de même à l'égard de la seconde observation.

Ici il s'agit d'une tabétique, de 52 ans; hépatomégalie; une poussée

délirante assez grave et assez tenace est chez elle suivie du même

genre d'amnésie. Ces deux démentes ne se rappellent même plus

qu'elles ont été mariées, qu'elles ont perdu leurs maris et leurs

parents, que leurs enfants ont grandi, que leur âge personnel ne

représente plus la première jeunesse, que le médecin vient de les

visiter,.qu'elles sontàl'hôpital depuis un certain temps; elles ne se

rendent même pas compte de l'endroit où elles sont, salle, cabi-

net d'aisances, lit. Une phrase, un vers, un objet qu'on vient de

leur lire ou dénommer, sortent deleur esprit en quelques minutes.

Sorte d'agraphie amnésique correspondante. '

M. NEISIER (de Leubus). De la folie systématique originelle [type

Sknder). Ce n'est pas tant l'hérédité ni les commémoratifs qui

méritent de l'importance dans cette entité morbide, que les illu-

sions de la mémoire à l'aide desquelles le malade brode de

fabuleux délires (confabulation). (Publié in extenso dans les Arch.

Psyclt 1.)

M. Leppmann. De l'aliénation mentale comme cause de divorce.

Une femme mariée, atteinte de folie systématique, suite de la

ménopause, a été interdite il y a 6 ans. On diagnostiqua à cette

époque la démence dans le sens légal. Le mari demandant le di-

vorce en se fondant sur le sens même d'un autre terme du code de

procédure, M. Leppmann affirma l'activité plus grande des idées

délirantes qui se traduisent, sans que la malade y puisse rien, dans

le moindre de ses actes, dans la moindre de ses manifestations

conceptuelles (systématisation délirante). Immédiatement l'arrêt

de divorce fut prononcé. La folie systématique est donc en ma-

tière juridique le prototype de la démence. (Allg. Zeitsch. f. Psych.,

XLIV, 6.) 1". KERAVAL.

1 Voy. Revues analytiques.

310 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SESSION DE BRESLAU 1888.

Séance du 23 février 1888. PRÉSIDENCE DE M. WERNICKE.

M. FREUND (de Breslau). Quelques cas mitoyens entre l'aphasie et

la cécité psychique. Huit observations avec autopsie. On est

d'après ces faits autorisé à distinguer, à côté de l'aphasie motrice

(de Broca) de l'aphasie sensorielle de Wernicke et des sous-

genres de ces deux types tout un groupe de troubles de la

parole d'ordre aphasique formant une catégorie à part.

- Ainsi, les fonctions de la parole demeurant intactes, il existera

une gène très accusée à trouver les substantifs propres, à exprimer

une notion concrète; le malade changera à tout instant de subs-

tantif, il le remplacera par une périphrase; quand on lui présen-

tera des objets, il n'en pourra trouver le nom, après avoir cherché,

réfléchi, s'être posé une série de questions, il s'en tiendra à un

synonyme. (Notons qu'il s'agit d'objets usuels.) Ce sont évidem-

ment les substratums optiques des notions et des objets qui pré-

sentent des lacunes. En effet, on constate en même temps des

troubles de la vue d'origine cérébrale : hémianopsie du côté droit,

trouble grave de la lecture et de l'écriture (ataxie optique cor-

ticale), cécité psychique secondaire; d'autre part, à l'aide des

impressions que lui fournissent les autres sens, le malade récu-

père l'activité verbale, en touchant les objets, il arrive à récupérer

le nom qui leur convient. D'après l'étude des lésions, on est en

droit d'admettre une altération interrompant la continuité des

fibres reliant les deux sphères visuelles au centre de la parole (du

côté gauche). Le terme d'aphasie optique serait le plus rationnel.

Les autres observations peuvent être divisées en trois groupes :

1° aphasie optique, avec hémianopsie du côté droit; 2° aphasie

optique avec cécité psychique; 3° aphasie optique avec cécité

psychique et aphasie sensorielle acoustique (Wernicke). Ce troi-

sième groupe permet difficilement de déceler l'aphasie optique,

à raison de la simultanéité de l'aphasie sensorielle acoustique. Les

cas d'aphasie optique combinée à la cécité psychique témoignent

d'altérations pathologiques bilatérales. On attribue d'ordinaire la

cécité psychique à des lésions de l'écorce occipitale; mais, à côté

de la perte des images commémoratives optiques due à la lésion de

l'écorce du lobe occipital, il faut aussi faire la part des ramollisse-

ments étendus de la substance blanche des deux lobes occipitaux,

l'écorce étant demeurée tout à fait normale (examen microsco-

pique).

' Quoi qu'il en soit, les images commémoratives optiques demeu-

rant intactes, la cécité psychique peut résulter de la destruction

des fibres d'association qui joignent les centres des images com-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 3111

mémoratives optiques aux autres réceptacles d'images sensorielles

d'un autre ordre. (Interruption de la correspondance ichono-

psychique.) .

ii. NFissER (de Leubas). La classification des maladies mentales

proposée par E«/t<6(tMme' : 1863. L'heure avancée ne permet pas

de procédé à cette communication qui sera publiée in extenso dans

le Jnrh61tcher. f. Psych 1.

M. Wernicke présente deux malades de sa clinique. C'est d'abord

un cas d'aphasie maniaque caractérisée par une émission spou-.

tanée de sons articulés dépourvus' de sens, inintelligibles, de syl-

labes inarticulées, sous forme de discours et de vociférations sans

fin. Quand on arrive à fixer l'attention du malade, on obtient une

parole intelligible. La manie, extrême, existe depuis huit jours, en

même temps que la plus grande agitation motrice. Les mouve-

ments présentent d'ailleurs un caractère plutôt choréique; et

l'on peut dire encore que, concurremment, il s'agit là d'une

aphasie choréiforme.Voici maintenant un paralytique général,

absolument sourd, et paraphasique. Cet état a déjà été assez sou-

vent observé, à la suite d'attaques congestives, d'une façon passa-

gère. L'aphasie sensorielle consécutive aux attaques congestives est

moins rare que la surdité absolue; on l'a également observée de

temps à. autre chez ce malade, on a cependant réussi dans ces

conditions à faire concourir le malade, bien qu'il ne comprit pas

un mot, à un choeur de mélodies sifflées devant lui. ,

- 11. Wernicke communique à l'assemblée qu'après avoir trans-

féré la clinique psychiatrique au nouvel asile d'aliénés de la ville,

on y a installé un laboratoire scientifique, qui contient six à

huit places, et tous les ustensiles nécessaires. Il est donc possible

de soumettre à l'étamine de l'analyse les matériaux de la clinique

et en même temps d'apprendre aux jeunes médecins l'anatomie e

normale et pathologique. (Allg. Zeitsch, f. Psch., XL1V, 6.) -

P. KERAVAL.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN

Séance du 16 décembre l88ï =. - Présidence DE M. LOEHR. '

M. MINDEL (de Berlin). Des formes périodiques de psychoses3.

L'étude des auteurs permet d'affirmer qu'en dehors des psychoses

Voy. Revues analytiques.

.'V. Archives de Neurologie, t. XVI, p. 294 1 306. - - 1

Nous résumons ici le mémoire publié a part. (P. K.)

312 SOCIÉTÉS SAVANTES.

circulaires (Baillarger et Falret) et des perturbations psychiques

liées aux accès périodiques de l'hystérie ou de l'épilepsie (épiphé-

nomènes ou équivalents), on n'a jusqu'ici décrit dans la folie pé-

riodique que la manie et la mélancolie de cette forme, auxquelles

il convient cependant de joindre les manifestations délirantes

hallucinatoires de Kirn et de Krafft-Ebing, méritant, selon nous,

l'appellation de délire hallucinatoire périodique 1. Nous nous per-

mettrons d'introduire la paranoïa (folie systématique) périodique.

A l'appui, trois observations de paranoia hallucinatoire qui puise'

ses éléments de diagnostic dans le concours et l'intrication d'idées

de persécution et d'idées de grandeur sans aucune manifestation-

somatique, sans accidents dans les commémoratifs, sans éléments-

épileptiques, ni hystériques; les malades peuvent continuer leurs

occupations ou se maintiennent au lit dans un semi-mutisme. Ces-

considérations sont décisives contre la manie, la mélancolie, le-

délire hallucinatoire pur. La réapparition régulière d'accès séparés-

par de courts intervalles, s'installant et s'épanouissant brusquement,

accès uniformes, homogènes, d'une fidélité d'aspect parfaite quasi

photographique, dans lesquels on retrouve les mêmes halluci-

nations, les mêmes conceptions délirantes, et l'habitus extérieur

identique, ce tableau témoigne de la périodicité, de l'intermit-

tence et exclut l'idée d'une récidive. La quatrième observation

présente du reste les particularités suivantes de la transformation

du mode. Une- femme de cinquante-un ans primitivement affectée

de mélancolie, ayant reparu régulièrement chaque année pen-

dant les huit dernières années, est, en 1877, au lieu d'un dixième

accès, frappée de manie à phase prodromique lypémaniaque.

En 1878, la mélancolie revient. Finalement c'est de la paranoia

composée d'idées de persécution et d'idées de grandeurs, sans

agitation considérable. L'étude du pronostic, toujours défavo-

rable dans les affections mentales périodiques, mérite plus ample.

observation, plus ample comparaison entre les autres folies et la

folie systématique de cet ordre.

Discussion : 111. Vio;r.I. M. Westphal, quand en 1876 il a établi son

type de folie systématique, a fait connaître les évolutions inter-

mittentes de la maladie, procédant par poussées avec intervalles

indemnes.

M. Arndt. J'ai fait connaître la stupeur et la catatonie périodi-

ques. Mais les cas de folie systématique périodique, je les

rangerais, tantôt dans. la. manie, tantôt dans la stupidité. Plus

éclairé, je préférerais les faire entrer dansledélire partiel de Grie-

singer. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'on n'y constate pas encore

« Kirn. Die periodischen Psychosen. Stuttgart, 1878.-De Krafft-Ebing,

Lelai,buch der Psycliiati,ie, 2e édit., p. 260, 1883, -

' SOCIÉTÉS SAVANTE^. 313

d'affaiblissement psychique vrai. Quant à la transmutation des

aspects des formes psychopathiques, la folie étant la maladie d'un

système nerveux fatigué, en état de faiblesse irritable, de langueur

se terminant par la déchéance, et, par suite, se prolongeant à tra-

vers le temps dans la vie d'un même individu, il n'est pas étonnant

qu'elle subisse, à son tour, les modifications de l'économie du sujet.

M. THOMSEN. Oui, il existe des cas de folie systématique périodi-

que se distinguant de la paranoia intermittente en ce que les

périodes sont espacées d'intervalles de lucidité pure.

M. Jartrowitz. Toute cette question de la paranoia qui aujourd'hui

embrasse des formes aiguës, alors que la folie systématique

typique avait pour caractère fondamental d'être chronique et pro-

gressive, mériterait un remaniement terminologique. Quoi qu'il

en soit, combien de fois M. Mendel a-t-il vu sa folie systématique

périodique se transformer en folie systématique-type, indéniable.

Nous préférerions le terme générique de folie périodique ou sim-

plement de délire périodique hallucinatoire.

M. MENDEL. Il ne me semble pas que j'innove avec hardiesse en

consacrant ce fait que tel malade continue ses occupations pen-

dant qu'il délire et que sa folie systématique est véritablement

périodique.

M. Jastrowitz. Délire hallucinatoire périodique, manie ou mé-

lancolie périodique, et paranoia aiguë ne sont pas synonymes.

Pour qu'il y ait paranoia, il faut constater un ensemble syllo-

' gistiqué de conceptions vraiment organisées dans lesquelles la dé-

raison repose sur un fait faux ou sur une série d'assertions erronées.

Sinon vous avez affaire à du désordre avec incohérence dans les

idées d'origine hallucinatoire et revêtant la forme morbide aiguë,

entité morbide qui se prolonge, traîne en longueur, comprend

diverses espèces d'épisodes ou de syndromes, mais ne se termine

pas par la paranoia.

M. MENDEL. Ce n'est pas du tout le cas visé par M. Jastrowitz.

Evidemment ma paranoia périodique se transforme, en certains

cas, en paranoia chronique, mais au bout d'un long temps, et tout

à fait de la même manière que la manie et la mélancolie pério-

diques ; c'est-à-dire qu'elle peut également, àl'instar de celles-ci,

occuper toute la vie d'un homme, sans cesser d'être périodique.

M. JASTROWITZ (de Berlin). Contribution à la connaissance de la

procédure actuelle en matière d'interdiction. Communication

montrant qu'aux termes du Code de procédure civil allemand,

une dame de haut rang, atteinte de délire de persécutions avec

hallucinations, ayant intenté une action en divorce contre son

mari, celui-ci obtint un examen médico-légal et l'interdiction.

Les différentes voies de défense des deux parties entraînèrent dix

procès sur la question d'interdiction et trois instances en divorce.

314' SÉNAT.

A la quatrième, l'avocat de l'interdite poursuit la destitution de

la tutelle du mari, parce qu'il espère qu'un autre tuteur la met-

tant en liberté, lui facilitera la défense légale par touteslesarmes

possibles. Il en résulterait pour le mari, des procès interminables,

des dépenses sans fin et d'infinis contre-temps. Voilà ce que per-

met le Code actuel. Et les directeurs d'asile n'ont pas le droit

d'intervenir d'aucune façon. C'estauxjuges et aux lois de l'avenir

à concilier les intérêts des malades et de leurs familles, avec

l'équité et, par-dessus tout, quand il s'agit de gens peu fortunés

ou indigents. Voici, par exemple, une malade à la charge de la

commune, qui réclame sa sortie au tribunal, parce qu'elle se pré-

tend guérie, le directeur-médecin consulté, affirme la persistance

de l'aliénation mentale. On lui demande alors si cette malade

serait en état de délibérer sur les suites de ses actes; cela cons-

titue, aux termes de la loi, un tout autre problème, absolument

Réparé des divers points de vue de la séquestration dont a seul à

s'occuper le directeur d'un établissement. Le tribunal réclame en

conséquence sur celte malade, un certificat médical du médecin

officiel (kreisphysikus) de l'Etat. Mais cette pièce coûte de l'argent.

On lui nomma un avocat d'office.

La discussion consécutive met en lumière la jurisprudence de

plusieurs parties de l'Allemagne ou de diverses personnalités.

M. LIEBE. Du diabète en aliénation mentale. Observation d'une

dame de cinquante-trois ans, atteinte de polysarcie généralisée,

et souffrant depuis des années de légères crises de dépression mé-

lancolique. Il est très probable qu'elle était diabétique depuis un

an. Sans cause déterminée, la psychose se transforme brutalement

en un appareil symptomatique aigu, qui guérit; simultanément,

diminution et guérison de la melliturie. Evolution presque paral-

lèle des deux espèces d'accidents. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat. XLIV 6.)

P. KFR.4VAL.

SENAT

DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS.

Suite de la séance du lundi 6 décembre 1880 J.

M. DELSOL. Je demande la parole.

M. Le président. La parole est à M. Delsol.

M. DELSOL, membre de la commission. Messieurs, l'article 39, sur

4 Voir Arch. de Neurol., t. XII, p. 135, 2M. 439; t. XIV, p. 135, 307,

42) ; t. XV, p. 138, 311, 487; t. XVI, p. 101, 306, 458; t. XVII, p. 133.

sénat. 31 -li

lequel mon honorable collègue et ami, M. Lacombe a appelé l'at-

tention du Sénat, est un des articles qui ont été, dans le sein de

votre commission, l'objet de l'élaboration la plus réfléchie et la

plus approfondie. Elle a entendu sur la disposition qu'il contient

les magistrats les plus autorisés et les plus capables d'édifier sa

religion. Cet article vous propose une importante innovation rela-

tive aux aliénés dits criminels. La loi de 1838 était muette à leur

égard, et il en résultait que lorsqu'un individu traduit en police

correctionnelle ou en cour d'assises avait bénéficié d'un acquit-

tement, il était immédiatement rendu à la liberlé. Or, cette mise

en liberté devenait souvent un véritable péril pour la sécurité pu-

blique, et notamment pour' les personnes qui avaient pu encourir

les ressentiments de l'individu acquitté. '

Des faits extrêmement graves et des exemples récents ont

montré qu'il était' absolument indispensable de prendre des me-

sures, des précautions, contre ces aliénes dont la folie est si

manifestement dangereuse. Quel système conviendrait-il'd'adop-

ter ? Cette question a été examinée bien avant que le projet de loi

fût déposé; elle t'a. été par la Société générale des prisons, par la

société dé législation comparée, par les commissions extraparle-

mentaires qui ont été nommées à différentes époques, et c'est

après ces examens successifs que votre commission, messieurs, a

été amenée à vous proposer les solutions qui sont contenues dans

l'article 39, sur lequel je vais m'expliquer. Et d'abord, il me parait

qu'il n'y a aucune espèce de difficulté lorsqu'on se trouve en pré-

sence d'un individu qui a été acquitté par un jugement correc-

tionnel ou quia été l'objet d'une ordonnance de non-lieu rendue

soit par le juge d'instruction, soit par la chambre des mises en

accusation. En effet, dans ces différentes circonstances la décision

de la justice est motivée, et, en. conséquence, il est établi que l'in-

dividu est acquitté ou relaxé précisément parce qu'il n'était pas

responsable à raison de son état mental.

Un sénateur au centre. Habituel !

- )1. DELSOL. Dans ce cas-là, évidemment il doit y avoir des me-

sures à prendre, et il est naturel qu'elles soient ordonnées par la

juridiction même qui a prononcé l'acquittement. On me dit :

« état mental habituel ». Il peut en effet, se produire deux hypo-

thèses : la première, c'est que l'individu soit dans un état habituel

d'aliénation mentale. Tout le monde reconnaîtra que, dans ce

cas, il est absolument nécessaire d'examiner si l'aliéné est dan-

gereux et s'il doit être interné dans une maison d'aliénés.

, Mais examinons l'autre hypothèse. Voilà un individu qui est

acquitté ou qui bénéficie d'une ordonnance ou d'un arrêt de non-

lieu, non pas parce qu'il est dans un état habituel d'aliénation

mentale, mais parce que, au moment de l'acte incriminé, il n'était

316 SÉNAT.

pas responsable à raison de son état mental. Il a eu un accès de

folie et c'est dans cet accès passager qu'il a commis l'acte criminel.

Eh bien, messieurs, votre commission a pensé avec le gouver-

nement, avec tous ceux qui se sont occupés de cette question

délicate, que cet individu qui n'est pas dans un état habituel

d'aliénation, peut cependant être sujet à des accès de folie qui,

en se renouvelant, peuvent présenter les mêmes périls et amener

les mêmes malheurs. En d'autres termes, les rechutes et les réité-

rations des actes violents sont à redouter. Il y a donc lieu, dans ce

cas comme dans le précédent, à prendre des précautions pour

protéger la sécurité publique.

Que vous proposons-nous dans l'article 39 qui est en discussion ?

Les dispositions de cet article ne sont pas impératives. 11 ne dit

pas que tout individu acquitté ou bénéficiaire d'une ordonnance

ou d'un arrêt de non-lieu sera nécessairement interné; il dit sim-

plement qu'il y aura lieu, dans ce cas, d'examiner son état men-

tal ; et c'est précisément la justice qui sera appelée à se prononcer

sur cet état et à décider s'il n'y a pas péril pour la sécurité publi-

que rendre l'individu dont il s'agit à la liberté.

N'est-il pas, messieurs, donné ainsi satisfaction aux intérêts de la

liberté individuelle en même temps qu'à ceux de la sécurité publi-

que ? (Très bien très bien ! ) A proprement parler, la difficulté

d'application de ce principe n'existe que dans une seule hypothèse t

c'est lorsque l'individu a été l'objet d'un verdict de non-culpabilité

devant une cour d'assises. Ici, il n'y a pas de motifs; le jury a été

appeler à se prononcer sur cette question ; l'accusé est-il coupable

d'avoir commis tel crime ? et la réponse du jury a été négative.

Quel est le sens de ce verdict de non-culpabilité ? Il est évident,

messieurs, qu'on peut l'interpréter de diverses manières. La pensée

du jury a pu être l'une de celles-ci : ou le fait n'a pas été commis

par l'accusé; ou bien, le fait ayant été commis par l'accusé,

celui-ci n'est pas responsable, à raison de l'état mental où il se

trouvait au moment du crime. Par conséquent, la décision

du jury peut prêter à toutes sortes d'interprétations ; ce

n'est donc pas en vertu de la décision du jury; du verdict de non-

culpabilité, que l'on peut être amené à prendre des mesures

contre l'individu acquitté et dont la mise en liberté peut devenir

si dangereuse. Comment sortir de cette difficulté ? Tout d'abord,

il est un principe général sur lequel tout le monde est d'accord,

et ici je partage tout à fait l'avis de mon honorable collègue et

ami, M.Lacombe; nul n'a le droit d'interpréter le verdict du jury,

et ce verdict ne peut jamais donner lui-même sa propre inter-

prétation, puisqu'il se traduit par cette seule phrase : « Non,

l'accusé n'est pas coupable ».

Pour arriver à une solution du problème et permettre d'interner

des acquittés trop nombreux qui ne sortent de prison que pour

sénat. 317 Î

se livrer de nouveau à leur manie homicide ou incendiaire, on a

proposé, messieurs, plusieurs solutions; et vous allez voir si la

commission n'a pas adopté la plus simple et la meilleure parmi

celles qui se sont produites.

On a d'abord proposé de modifier le code d'instruction crimi-

nelle, et d'y insérer une disposition nouvelle en vertu de laquelle

le président de la cour d'assises devrait poser au jury la question

d'irresponsabilité à raison de l'état mental de l'accusé.

. Cette proposition n'a pas été accueillie par votre commission

et, je crois, avec raison. En effet, elle n'a pas jugé qu'il fût né-

cessaire d'apporter une modification au code d'instruction crimi-

nelle, et dans tous les cas elle n'avait pas mandat pour la provo-

quer. De plus, elle a pensé que le seul fait déposer au jury la ques-

tion d'irresponsabilité à raison de l'état mental de l'accusé était

dénature à provoquer dans la plupart des cas un acquittement.

Le jury serait trop souvent porté à échapper aux scrupules de sa

conscience et aux difficultés de sa tâche en acceptant la thèse

commode de l'irresponsabilité.

D'autres ont proposé d'insérer dans la loi une disposition aux

termes de laquelle le président de la cour d'assises devrait don-

ner au jury, en ce qui concerne l'irresponsabilité de l'accusé à

raison de son état mental, un avertissement analogue à celui qui

est relatif aux circonstances atténuantes.

Nous avons été d'avis, messieurs, que cette méthode et cette

solution présentaient absolument les mêmes inconvénients que la

première. En conséquence nous l'avons écartée. Alors, comment

arriver à une solution juste ? Votre commission a pensé que lors-

que dans les débats criminels, en dehors, d'ailleurs, de toute in-

terprétation du verdict du jury et en laissant à ce verdict cette

sorte d'inviolabilité dont le couvre la loi criminelle, il se révèle

des circonstances qui sont de nature à faire supposer qu'il existe

un état d'aliénation mentale, dans ce cas-là...

M. de GAVARDIE. Il n'y a pas besoin de cela.

M. DELSOL....il est nécessaire que l'individu acquitté fiatl'objet

d'un examen particulier à raison des dangers qu'il peut faire cou-

rir à la sécurité publique. Comment savoir si cet individu est ou

non atteint d'aliénation mentale ? Quels sont les indices que l'on

peut rencontrer dans un procès criminel pour faire supposer cette

aliénation et justifier un nouvel examen.

Nous en avons trouvé deux qui nous ont paru légitimes et fon-

dées. Supposons d'abord que le ministère public renonce à l'ac-

cusation à raison de l'état mental qu'il reconnaît avoir existé

chez l'accusé au moment ;du crime : en vérité, dans ce cas, il

est bien clair qu'un internement dans un établissement d'alié-

nés peut être nécessaire pour protéger -la sécurité publique, et

318 SÉNAT." .

qu'il y a lieu tout au moins d'examiner à nouveau l'individu

acquitté. '

A cette circonstance nous avons cru, messieurs, devoir en ajou-

ter une autre, qui est la suivante : un individu est traduit en cour

d'assises; le ministère public soutient l'ascusation et prétend que

cet individu est responsable du crime qui lui est reproché. Mais

l'accusé se défend en soutenant qu'il était atteint de folie au mo-

ment où le crime a été commis, et que cet état mental le décharge

de toute responsabiltié. Il lesoutient par lui-même ou il le fait sou-

tenir par son défenseur. Il y a là, évidemment, messieurs, une

circonstance grave, d'autant plus grave qu'elle émane de l'inté-

ressé lui-même, et qui tend à faire supposer qu'en effet il a existé

au moment du crime sinon plus tard, un état d'aliénation men-

tale.

'M. Lacombe. Je demande la parole.

M. DELSOL. Que vous propose la commission ? Elle vous propose

de décider, non pas que cet individu sera déclaré hic et MM ? : c

atteint d'aliénation mentale, mais qu'il y a une présomption, un

indice grave, à raison desquels il devra, après son acquittement,

être l'objet d'un examen et, si cela est nécessaire, d'un interne-

ment qui sauvegardera la sécurité publique. Voilà très simplement

ce que contient l'article 39 que nous avons l'honneur de vous pro-

poser. Cette innovation, messieurs, nous l'avons soumise aux ma-

gistrats si autorisés qui ont bien voulu déposer devant la commis-

sion. Elle a passé sous les yeux de M. le procureur de la Républi-

que, de M. le président du tribunal civil, de M. le premier président

actuel de la cour de cassation. Aucnn de ces magistrats n'a

critiqué la disposition ; plusieurs gardes des sceaux l'on t successi-

vement approuvée, et nous n'hésitons pas à la proposer à votre

sanction.

Messieurs; une seule observation nous a été faite sur l'article 39

par M. le directeur des affaires civiles', délégué de M. le garde des

sceaux; il nous a dit : J'accepte parfaitement votre disposition, et

je comprends qu'il peut y avoir un intérêt de premier ordre à

empêcher que cet individu acquitté, qui a commis un 'crime dans

un accès d'aliénation mentale, ne recouvre trop facilement sa

liberté. Mais au lieu de faire décider la question par la cour d'as-

sises statuant en chambre du conseil, je préférerais que l'acquitté

fût renvoyé purement et simplement devant le tribunal de pre-

mière instance siégeant en chambre du conseil. C'est la juridiction

que vous avez vous-même établie; c'est la juridiction ordinaire.

Le tribunal, après avoir pris des informations nouvelles, si cela

est nécessaire, déciderait si l'individu acquitté doit, oui ou non,

être' placé dans un établissement d'aliénés.

M. Paris. Voilà la vérité.

S,ÉNAT. 319

M. DELSOL. Et le représentant du gouvernement ajoutait : Cette

solution est la meilleure, parce que si c'est la cour d'assises elle-

même qui, réunie en la chambre du conseil, un instant après le

verdict d'acquittement, déclare qu'il y a lieu de placer l'acquitté

dans un établissement d'aliénés, elle aurait l'air de riposter à un

verdict d'acquittement par une décision d'internement. (Marques

d'approbation à gauche.)

Plusieurs sénateurs. C'est parfaitement juste.

. 11. DELSOL. Et le public croira que les magistrats ont répondu

par un manque d'égards et un mauvais procédé au jury qui vient

de rendre son verdict d'acquittement. Ces observations, messieurs,

ont paru justes à votre commission, qui a modifié en conséquence

le texte que vous avez sous les yeux et vous propose de le rempla-

cer par la rédaction suivante : « Dans le cas de verdict de non-

culpabilité, il est statué par le tribunal en chambre du conseil... »

au lieu de dire : « Il est statué par la cour en chambre du conseil. »

M. de GAVAROE. Cela revient absolument au même !

M. DELSOL. Non, monsieur de- Gavardie, cela ne revient pas

absolument au même, parce que nous faisons ainsi disparaître

une espèce de contradiction, non pas réelle mais apparente, qui

existerait entre la décision de la cour d'assises, qui va retenir l'in-

dividu enfermé dans un asile d'aliénés et le verdict de non-culpa-

bilité qui a ouvert à l'accusé les portes de la prison. Il y a un

autre avantage à cette rédaction; la voici : la cour d'assises n'est

pas permanente; or, il peut se faire qu'il existe des doutes sur le

point de. savoir si cet individu acquitté est ou non dangereux pour

la sécurité publique, et qu'il soit nécessaire de procéder à de nou-

velles vérifications, peut-être à une expertise médico-légale. La

chambre du conseil, qui est permanente, au contraire, sera tou-

jours là pour ces diverses opérations. Il y a donc tout avantage à

renvoyer devant elle l'individu suspect d'aliénation dangereuse.

, En conséquence, nous pensons que le nouveau texte résout de

la manière la plus simple, la plus pratique et, en même temps, la

plus conforme aux intérêts de la sûreté publique, le problème si

ardu que pose l'acquittement des aliénés dits criminels. Nous

demandons au Sénat de vouloir bien le voter. (Très bien ! très

bien ! Vives marques d'approbation.)

. M. Lacombe. Messieurs, "le Sénat me pardonnera de remonter à

la tribune, à raison de la gravité même du principe en discussion.

Les explications qui viennent dô'tre données par mon honorable

collègue et ami M. Delsol, sont de nature à démontrer l'impor-

tance et la difficulté de la question qu'il s'agit'de résoudre. Qu'il

y ait quelque chose à faire, j'en demeure d'accord avec la com-

mission ; mais je ne puis pas la suivre jusqu'au bout; je vais

essaver d'en donner le motif.

320 SÉNAT.

Il est impossible d'avoir été mêlé à l'administration delajustice

en matière criminelle, sans avoir remarqué que l'un des systèmes

de défense qui reviennent le plus souvent, non pas, il faut le dire,

dans la bouche des accusés, mais dans celle de l'avocat qui leur a

été donné d'office ou qui s'est chargé du soin de présenter leur

défense, sans avoir remarqué, dis-je, que l'un des arguments les

plus employés, c'est celui de l'irresponsabilité de l'accusé.

Il faut reconnaître aussi que cet argument de l'irresponsabilité

est développé devant les tribunaux, et surtout devant le jury,

dans des conditions diverses et tout à fait différentes les unes des

autres.

Quelquefois, c'est le petit nombre des cas, l'on vient plaider

devant le jury que l'accusé est irresponsable de ses actes, qu'il est

atteint de monomanie, ou de tout autre genre permanent d'alié-

nation mentale. Mais le plus souvent, on se contente de dire au

jury : L'accusé était irresponsable au moment où il a commis le

fait. Pourquoi procède-t-on ainsi de préférence ? Parce que si la

défense voulait soutenir l'irresponsabilité habituelle, l'aliénation

mentale confirmée, elle serait, en général, en opposition avec une

expertise médico-légale que le parqueta presque toujours soin de

provoquer lorsqu'il est en présence de ce système de défense ou

qu'il peut le prévoir.

L'expérience de chaque jour nous apprend cependant que,

même en présence d'un rapport médico-légal duquel il résulte

qu'il n'y a pas d'aliénation confirmée, on vient tous les jours sou-

tenir devant le jury que l'aliéné n'était pas responsable de ses

actes au moment où le fait incriminé s'est produit.

Voyez, par exemple, les cas si nombreux aujourd'hui où la vio-

lence a revêtu certaines formes : l'attaque par le vitriol ou par le

revolver. L'on voit traduire devant le jury un grand nombre d'ac-

cusés absolument convaincus d'être les auteurs du fait délictueux,

et souvent en faisant eux-mêmes l'aveu. Néanmoins'c'est le sys-

tème de l'irresponsabilité que soutiennent leurs défenseurs; ils la

plaident, il faut bien l'avouer, d'une manière excessive, et les

jurés, je l'admets, ont également une tendance exagérée à

accueillir ce moyen de défense. Mais est-ce l'aliénation perma-

nente, l'irresponsabilité absolue que l'on plaide ? Non ; on soutient

que M"" une telle, par exemple, quand elle a jeté du vitriol à la

face de la personne dont elle croyait avoir à se plaindre, où lors-

qu'elle lui a brûlé la cervelle, n'était pas responsable de cet acte,

parce qu'elle se trouvait, en ce moment-là, sous le coup d'une

animation telle, qu'elle ne pouvait pas raisonner l'acte qu'elle

commettait.

Voilà l'argument généralement employé, si généralement que

bien des personnes peuvent regretter la fréquence de cette argu-

mentation et son succès parfois excessif, que même ce regret peut

SÉNAT. 321 Il

être partagé par ceux-là mêmes d'entre nous qui ont sur la cou-

science d'avoir eu parfois recours, dans l'intérêt de leurs clients,

à ce système de défense.

D'après le projet de la commission, il suffira que l'état mental

de l'accusé ait été mis en doute ou que son défenseur ait plaide

devant le jury le système de l'irresponsabilité pour que cet homme

puisse être considéré comme atteint d'aliénation dangereuse et

pour qu'on le mette à la disposition de l'autorité administrative :

c'est excessif à mes yeux. '

Nous serions d'accord, je crois, avec la commission, si la rédac-

tion qu'elle propose était conforme à la dernière partie des obser-

vations que vient de présenter à la tribune l'honorable M. Delsol ;

si elle se contentait de prévoir le cas où un aliéné dangereux

aurait été acquitté en cour d'assises et de rechercher le moyen de

ne pas le laisser libre, même un moment, afin de l'empêcher de'

se livrer à de nouveaux actes de violence pouvant mettre le pro-

chain en danger; si donc on ne poursuivait pas d'autre but que'

celui que je viens d'indiquer, nous serions d'accord; mais il s'agit

de bien autre chose, il s'agit de faire statuer définitivement sur

son internement.

En effet, s'il ne s'agissait que de provoquer cette mesure, l'iti-

ternement le préfet en aurait le droit en vertu de l'article 29 que

vous avez volé, et d'où il résulte qu' « à Paris le préfet de police,

et dans les départements les préfets ordonnent d'office le place-

ment dans un établissement d'aliénés de toute personne, interdite

ou non interdite, dans l'état d'aliénation, dûment constaté par un

certificat médical, compromettrait la sécurité, la décence ou la

tranquillité publiques, ou sa propre sécurité ».

Fallût-il appeler l'intervention immédiate du préfet, empêcher

que l'aliéné acquitté ne recouvrât la liberté, même pour quelques

heures, et lui faire une application aussi prompte que possible de

l'article 29, il n'y aurait encore aucune difficulté entre la com-

mission et moi, et j'accepterais sa rédaction sans aucune protes-

tation.

Mais ce dont il s'agit réellement encore, et ce que la commis-

sion propose pour ce cas spécial, pour le cas où un certain système

de défense parait avoir été accueilli parle jury ou lui a seulement

été présenté, c'est de sortir des règles protectrices établies dans

d'autres articles de la loi, c'est de se contenter d'un mode de pro-

cédure tout à fait sommaire et ne présentant plus les mêmes

garanties, alors que l'état du conflit au moins apparent entre la

magistrature et le jury les rendent plus indispensables que

jamais.

Voilà ce que je ne puis pas admettre; voilà, comme le disait

tout à l'heure mon honorable collègue et ami, M. Delsol, ce qui

paraîtra toujours aux yeux du public comme la revanche prise

Archives, t. XVII. 21

321 SENAT.

par l'autorité judictaire contre une décision du jury qu'elle a dé-

sapprouvée ; voilà ce qui constitue un véritable danger, tant au

point de vue de la liberté individuelle que du respect dû aux arrêts

de justice. Peut-on arriver à combiner les deux systèmes ? Peut-

on se ménager une protection suffisante pour le cas d'aliénation

confirmée, sans cependant abandonner les garanties de la liberté

individuelle ? .

Il y aurait, je crois, un moyen de tout concilier : ce serait de

modifier l'article de la commission en ce sens, qu'il ne s'agirait

pour le tribunal correctionnel ou pour' la cour d'assises que de

prendre une mesure provisoire à laquelle succéderait l'examen de

l'état mental de l'accusé acquitté ; cet examen serait, d'ailleurs,

fait dans des conditions générales où se trouve placé tout homme

dont l'internement est provoqué pour cause d'aliénation mentale

confirmée.

La mesure que je propose de substituer à celle admise par la

commission écarterait encore un inconvénient sérieux de nature

à nuire à la dignité de la magistrature et auquel on n'a peut-être

pas pensé, c'est celui-ci : dans le plus grand nombre des cas, le

débat qui se déroulera devant le jury sera, d'une pari, l'affirma-

tive par le défenseur de l'irresponsabilité de l'accusé et, de l'autre,

la négation de cet état mental par l'organe de l'accusation.

Ne voyez-vous pas d'inconvénients à ce que, à quelques minutes

d'intervalle, le même membre du parquet qui aura demandé au

jury de condamner l'individu et qui aura fait de grands efforts

dans son réquisitoire pour établir qu'il n'est pas atteint d'alié-

nation mentale, vienne réclamer son internement dans une maison

d'aliénés parce qu'il serait réellement atteint de cette maladie ?

Cela n'est pas possible, et cette contradiction entre les attitudes

que prendrait successivement le ministère public ne serait pas de

nature à augmenter le respect auquel ont droit les magistrats du

parquet. Que l'on fasse ressortir une présomption du verdict d'ac-

quittement, je le veux bien ; mais, tout au moins, qu'il n'en résulte

qu'une présomption et que la' détermination de la réalité de

l'aliénation mentale soit faite dans les mêmes conditions que

pour tout autre malade dont l'internement est provoqué et suivant

les formes prescrites par les autres articles du projet de loi. C'est,

messieurs, sous l'empire de ces idées que, voulant donner un corps

aux observations que je viens d'avoir l'honneur de développer,

j'ai rédigé l'amendement suivant, qui devrait être substitué, selon

moi, au texte de l'article 39 :

« Le prévenu ou l'accusé au profit duquel intervient un juge-

ment ou un arrêt d'acquittement eii matière correctionnelle

ou un arrêt de non-lieu en matière criminelle, peut, par la

même décision, être mis à la disposition de l'autorité admi-

nistrative, si les magistrats estiment que son état mental le cocs-

SÉNAT. 323

titre l'état d'aliéné dangereux. La cour d'assises peut en agir de

même à l'égard de l'accusé qui bénéficiera d'un verdict de non-

culpabilité, lorsque la preuve de cet état mental lui parait résulter

des débats. L'autorité administrative, saisie parsuite de ce renvoi,

doit provoquer l'examen mental du prévenu ou de l'accusé

acquitté : cet examen aura lieu en conformité des articles 20 et

suivants de la présente loi. »

Je crois que cet amendement donnerait toute satisfaction aux

intérêts fort sérieux que la commission a eu pour but de défendre

et que, d'un autre côté, il ne prêterait pas le flanc à la critique

que j'ai cru devoir faire, quoique à regret, du projet de la com-

mission. (Très bien ! très bien ! sur divers bancs.) .

111. DI'sLSOL. Messieurs, il est difficile de discuter un amende-'

ment qui est déposé à cette tribune et que la commission ne

connaît que par la simple lecture qui vient d'en être donnée par

son auteur. Si je monte de nouveau à la tribune pour répondre à

mon honorable collègue et ami M. Lacombe, c'est pour dissiper

certaines confusions qui se sont établies dans son esprit au sujet

de l'article 39 proposé par la commission.

Que dit l'article 39 ? Il porte que lorsqu'un individu a été

acquitté par le tribunal correctionnel ou lorsqu'il a bénéficié d'une

ordonnance , ou d'un arrêt de non-lieu, la juridiction qui l'a.

relaxé en vertu d'une décision motivée par son état d'aliénation

mentale est naturellement celle qui doit décider s'il est dange-

reux et s'il doit être interné dans un établissement d'aliénés. Sur

ce premier point, il ne peut pas exister de difficulté.

Il ne reste donc que le cas d'un acquittement en cour d'assises.

Or, nion collègue disait : L'indice d'aliénation mentale que' vous

puisez dans ce système de défense invoqué par l'accusé devant la

cour d'assises peut n'être pas bien sérieux, et, dans tous les cas, il

n'est pas très souvent suffisant. La défense invoque l'irresponsabi-

lité à raison de son état mental. On ne peut se faire une arme

contre l'accusé du système de défense adopté par son défenseur.

Je reconnais volontiers qu'on abuse de l'irresponsabilité et de

l'argument de l'aliénation mentale en cour d'assises. On en use-

rait un peu moins, que, pour mon compte, je serais loin de le

regretter ; et si la disposition proposée pouvait avoir cette consé-

quence, je crois qu'il faudrait s'en féliciter.

Mais, enfin, ce système de défense qui consiste à soutenir l'ir-

responsabilité de l'accusé, ne suffit pas; dans le projet qui vous

est soumis, pour que l'individu acquitté soitparcela même interné

dans un asile d'aliénés, nous disons simplement qu'il y a là un

indice grave et qu'il faut examiner s'il y a lieu ou non de rendre

à la liberté cet individu, qui peut être un aliéné dangereux.

M. du La justice n'a pas le droit de le retenir.

324 4 SÉNAT.

M. DELSOL. Nous croyons que la justice a le droit, car elle est la

première gardienne de l'ordre public, et nous vous proposons de

confier la décision à la chambre du conseil qui est juge de droit

commun en matière d'aliénation mentale. Si, après de nouvelles

vérifications, dans le cas où elles seraient jugées nécessaires, elle

se prononce pour l'internement, l'individu sera mis à la disposi-

tion de l'autorité administrative, qui assurera l'exécution du juge-

ment. Quelles mesures peuvent mieux sauvegarder à la fois le

respect du verdict d'acquittement, les droits de la liberté indivi-

duelle et les intérêts de la sûreté publique ?

En vous proposant ces solutions, la commission croit avoir

répondu au sentiment qui a inspiré l'amendement de notre hono-

rable collège M. Lacombe. Elle donne môme, à mon avis, plus de

garantie à l'individu acquitté par la cour d'assises que le système

proposé par l'amendement, car au lieu de le livrer immédiate-

ment à l'autorité administrative, elle lui assure le bénéfice de l'in-

tervention judiciaire...

M. Paris. Je demande la parole.

M. DELSOL. Assurément, l'autorité judiciaire protégera en lui la

liberté individuelle aussi efficacement que pourrait le faire l'auto-

rité administrative, même assistée du médecin inspecteur des

aliénés. (Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)

M. LE Président. La parole est à M. Paris.

M. Paris. Messieurs, l'amendement de nI. Lacombe, lotit en

répondant aux vues de la commission, me paraît réaliser une amé- z

lioration importante que je demande la permission au Sénat de

faire connaître. Je constate tout d'abord que, sur plusieurs

points, M. Lacombe et la commission sont en parfait accord.

Aucun dissentiment ne peut exister à l'égard de l'individu qui a

bénéficié d'une ordonnance de non-lieu ou d'un acquittement pro-

noncé par jugement d'un tribunal correctionnel, parce qu'alors

l'ordonnance et le jugement seront motivés. Quand la difficulté'

se produira-L-elle ! Ce sera uniquement en cas d'acquittement

devant la cour d'assises, parce que le jury ne motive pas son

verdict.

La commission s'est préoccupée avec raison du danger que

présenterait pour la sûreté publique un individu accusé d'un

crime, acquitté par le jury et frappé d'aliénation mentale. Il sera

bien plus à craindre qu'un vulgaire prévenu traduit en police cor-

rectionnelle et également atteint de folie. Ce sera peut-être un

assassin ou un incendiaire acquitté et mis en liberté; il pourra,

sous l'empire de la folie qui l'obsède, exercer son ressentiment

contre un membre du jury, faire d'un témoin une victime. La-

commission a donc bien fait, dans un intérêt de sécurité sociale,

de prendre à l'égard des aliénés de cette espèce des mesures de

sénat. 323 5

précaution et de combler l'une des lacunes les plus importantes

qui aient été signalées dans la loi de 1838.

M. de Gavardie. Il n'y a aucune espèce de lacune :

M. Paris". Mais la commission s'est trouvée en présence d'une

difficulté : elle a craint qu'en présence de l'acquittement prononcé

par le jury, la cour ne semblât, aux yeux du public, le mettre en

opposition avec le verdict en décidant que le prévenu relaxé en

tant qu'accusé continuerait à être privé de sa liberté sous présomp-

tion d'aliénation. Cette préoccupation a amené la commission à

limiter à ce sujet les pouvoirs attribués à la cour. Mais je crains

qu'en agissant ainsi, la commission ne compromette l'intérêt supé-

rieur de la sécurité publique qu'elle veut sauvegarder. La commis- ^

sion limite l'intervention de la cour dans deux conditions : « Si

la défense a soutenu que le prévenu était irresponsable à raison

de son état mental, ou si le ministère public a abandonné l'accu-

sation pour la même cause. » Mettons-nous donc en présence de

cette double hypothèse.

Il arrivera rarement que le ministère public abandonne l'accu-

sation dans le cours même des débats. Si l'accusé est réellement

atteint de folie, les symptômes de cette maladie mentale se seront

révélés dans le cours de l'instruction et avant l'envoi devant la

cour d'assises. Convaincu de la culpabilité, et par conséquent de la

responsabilité du prévenu par tous les éléments du dossier, le

ministère public sera amené à soutenir, sauf des cas tout à fait

exceptionnels, les charges de l'accusation; il fera son devoir jus-

qu'au bout dans l'intérêt de la société et contre le prévenu.

M. LACOMBE. On ne le laisserait pas juger s'il était irrespon-

sable.

M. Paris. Je suis d'accord avec vous : on no le laisserait pas juger

s'il était irresponsable. Passons à la défense, et du siège du par-

quet arrivons à la barre. « Si la défense, dit la commission, a

soutenu que l'accusé était irresponsable... » En pareille matière,

il importe de préciser les termes.

Qu'entendez-vous par « soutenir ? » Est-ce poser des conclusions

formelles tendant à l'irresponsabilité à raison de la folie ? L'avo-

cat d'assises, dont l'habileté constitue le plus grand mérite, se

gardera bien de se conclure ». Au lieu d'invoquer la folie d'une

manière formelle, il déploiera toutes les ressources de l'art oratoire

pour atteindre son but : l'acquittement, en persuadant au jury

que son client ne jouissait pas de sa raison quand il a commis le

crime; il prendra des voies détournées au lieu de suivre, comme

vous le supposez, la ligne droite.

Direz-vous alors que la défense a soutenu l'irresponsabilité à

raison de l'état mental du prévenu ? La plaidoirie de l'avocat

d'assises, reconnaissez-le, mettra souvent la cour dans un singulier

326 BIBLIOGRAPHIE.

embarras. Si donc vous limitez ainsi le droit que vous attribuez à

la cour d'assises, vous en paralysez l'exercice.

L'amendement présenté par M. Lacombe est, au point de vue

pratique, autrement rationnel et efficace. Il dispose, en effet, que

la cour d'assises peut, comme la chambre des mises en accusa-

tion, comme le tribunal correctionnel, mettre à la disposition

administrative le prévenu qui aura bénéficié d'un verdict d'acquit-

tement, mais que son état mental constituera à l'état dangereux.

La cour d'assises aura cette faculté lorsque la preuve d'un tel état

mental « lui paraîtra résulter des débats ».

La cour quia entendu les témoins, les plaidoiries et le réquisi-

0 toire du ministère public, elle connaît le verdict du jury ; elle

est investie d'un pouvoir d'appréciation absolu; se préoccupant

du danger que présenterait la mise en liberté immédiate d'un

fou dangereux, elle l'acquitte comme prévenu d'un crime ; elle le

met la disposition de l'autorité administrative parce que, éclai-

rée qu'elle est par les débats, elle le croit atteint d'une folie qui

compromet la sécurité publique.

Cette disposition de l'amendement est en parfaite harmonie

avec l'ensemble de la proposition de loi. Rappelez-vous qu'en

vertu de l'article 29, l'autorité administrative, le préfet, est chargé

d'ordonner d'office le placement dans une maison d'aliénés de

toute personne dont l'état d'aliénation compromet la sécurité

publique. A la disposition de qui, d'après l'amendement de

M. Lacombe, la cour d'assises met-elle l'aliéné dit criminel ? A la

disposition du préfet, chargé d'ordonner le placement d'office.

Je crois donc, messieurs, qu'à ces divers points de vue, l'amen-

dement de M. Lacombe, en comblant la lacune signalée par

la commission dans la loi de 1838 sera en parfaite harmonie

avec les dispositions de la section Il que vous avez votées et sera,

en ce qui concerne les pouvoirs de la cour d'assises, à la fois plus

restreint et plus efficace que le système de la commission.

J'appuie cet amendement. (Très bien ! très bien ! sur plusieurs

bancs.) , (A suivre.)

BIBLIOGRAPHIE

V. Différents états de délire dans l'alcoolisme;

par le Dr Crotiiers.

La plupart des auteurs se sont contentés d'étudier les états déli-

rants aigus et graves des alcoolique ? , sous le nom de delirium

BIBLIOGRAPHIE. 3 î

ti,einci2s,' sans chercher à reconnaître les étapes par où ont pu

passer ces malades avant d'arriver à ce dernier terme. En effet,

si on suit l'histoire de ces individus, on trouve des périodes de

délire portant -ur certaines choses, tandis qu'ils semblent raison-

ner parfaitement sur tout ce qui ne touche pas à ces points. C'est

surtout sur des dégénérés, des héréditaires, qu'on pourra recon-

naître ces phénomènes.

L'auteur relate plusieurs cas, où l'on pent observer des délires

partiels, pour ainsi dire prémonitoires du delirium treineîîs. Dans

un premier groupe, on peut comprendre des individus sobres

ordinairement, mais faisant par-ci par-là quelques excès de bois-

son ; on voit : les uns présentant une activité intellectuelle inusitée,

des commerçants inspecter de fond en comble leur comptabilité,

craignant d'avoir essuyé des pertes; un autre, voulant acheter des

chevaux, dont il;n'a nul besoin, achat pour lequel il ne possède

aucune aptitude; un autre, enfin, voulant adopter tous les enfants

qu'il rencontre. Ces divers troubles se manifestent après un excès

de boisson, et, lorsqu'ils sont passés, ceux qui en sont atteints

sont tout étonnés de se les entendre rapporter.

Une seconde catégorie comprend des individus buvant toujours

modérément, et qui, à certains moments, peuvent présenter les

mêmes signes du délire. La plupart de ces faits restent inaperçus

ou non reconnus; on les met sur le compte de la fatigue, du tra-

vail intellectuel, etc. C'est ainsi que quelques-uns de ces malades

s'enfuient subitement de leur domicile pendant plusieurs jours ou

sont pris de la manie des voyages; les autres sont pris de délire

religieux ou de persécution, ou sont atteints de mélancolie. Sou-

vent, tous ces faits passent sous silence, ou ne sont pas reconnus

par les médecins comme dus à l'intoxication alcoolique et comme

des avant-coureurs du delirimz tremens.

11 est donc utile de rechercher tous les signes de l'alcoolisme,

d'interroger les malades et leur assistance, afin de tâcher de

découvrir s'il y a chez eux intoxication lente ou rapide par les

spiritueux, lorsqu'on constate chez ces malades des changements

dans la conduite et dans le caractère, de l'instabilité mentale, et

surtout des rêves, dont l'excitation persiste au réveil. Il faut

savoir, en effet, que l'absorption même faible d'alcool, a beaucoup

d'action chez certains individus dégénérés prédisposés par l'héré-

dité à une excitation nerveuse considérable. (The Alienist aii-d

Neti,ologist, 1886, p. 44.) A. Raoult.

VI. La descendance des alcooliques ; par le Dr F. Combeuale.

Thèse de Montpellier, 1888. ,

Ce sujet, fort intéressant et tout à fait à l'ordre du jour, a été

traité longuement et avec beaucoup de soin par le Dr Combe-

3128 bibliographie.

maie. Il a apporté dans cette étude de nombreux faits, détaillés

dans plus de trente observations. C'est avec grand plaisir que

nous avons vu dans les dernières avec quelle vigilance étaient

recueillies toutes les tares héréditaires. Ces observations sont

accompagnées de tableaux généalogiques qui facilitent considé-

rablement les recherches du lecteur et lui remémorent rapide-

ment les faits exposés. Enfin cette étude de la vie des dégénérés et

de celle de leurs ascendants est fort complète; elle apporte de

nouveaux documents aux principes établis par More), Magnan,

Déjérine, H. Martin et un grand nombre d'aliénistes. L'auteur a

su montrer aussi, d'accord avec Trélat et Lasègue, que « n'est

pas alcoolique qui veut », et que le dégénéré fils d'alcoolique est

prédisposé par là même à tomber dans le vice paternel et ances-

tral. Mais cette déduction peut être tirée d'un grand nombre des

observations qu'il a relatées, et il nous semble qu'il aurait dû

insister un peu plus longuement et plus souvent sur cette vérité,

dont on voit à chaque instant la démonstration, quand on com-

pulse les observations d'un service d'aliénés ou d'épilepliques et

d'idiots. Nous reprocherons encore à l'auteur, qui prenait pour

titre de son mémoire c la descendance des alcooliques », d'avoir,

dans un bon tiers de sa thèse, traité deux chapitres, il est vrai

fort intéressants : 1° l'hérédité, 20 les signes et lésions de l'alcoo-

lisme aigu et chronique. Quelques pages eussent suffi pour les

exposer, sauf pour l'alcoolisme dans la race et l'espèce, où com-

mence réellement le sujet du travail.

M. Combemale nous montre au début les effets de l'ivresse sur

la conception, produisant si souvent des enfants idiots, et ceux de

l'alcoolisme chronique, s'étendant à plusieurs générations. Afin

d'avoir à sa disposition des faits complètement observés, l'auteur

a fait plusieurs expériences sur des chiennes pendant la gestation,

en leur faisant absorber soit de l'absinthe, soit de l'alcool. Les

produits de ces gestations étaient inintelligents ou mal conformés,

présentant des malformations des pattes, du crâne, des mâchoires;

enfin la plupart étaient débiles et moururent rapidement.

L'auteur expose ensuite le faciès et les diverses tares extérieures

des dégénérés fils d'alcooliques, si bien- relatées par Legrain dans

sa thèse, puis la faiblesse constitutive de ces individus qui, par là

même, offrent une résistance moindre aux maladies intercurrentes

et fonctionnelles, enfin leur stérilité par suite de l'anorchidie ou

de la cryptorchidie chez l'homme, et des troubles menstruels chez

la femme. Un chapitre fort important, et qui abonde en faits, est

celui de l'état intellectuel des héréditaires, que ces troubles soient

de nature constitutionnelle ou de nature fonctionnelle. La pre-

mière partie contient l'exposé de l'idiotie avec tous ses vices de

conformation, de la perversion et de l'instabilité mentale, de

l'excitation passionnelle. L'étude des troubles fonctionnels nous

bibliographie. 329 9

présente l'intelligence du dégénéré dans une sorte d'équilibre

instable, que peut renverser la moindre cause, et celle-ci ne

saurait avoir un effet fatal sur un individu sain et pondéré. Ces

causes, ce sont : tantôt la puberté, la puerpéralité, la ménopause,

tantôt des maladies organiques locales ou générales; l'alcoolisme

des parents peut encore développer d'autres affections nerveuses,

soit des névroses (hystérie, épilepsie), soit des maladies nerveuses

organiques, et surtout la paralysie générale souvent anticipée.

11 était intéressant, en résumant toutes ces observations, de

savoir s'il fallait admettre avec M. Magnan une forme spéciale de

délire chronique pour les dégénérés. L'auteur, en effet, est d'ac-

cord avec le médecin de Sainte-Anne pour reconnaître aux dégé-

nérés trois aspects cliniques : l'état mental, l'état syndromique,

l'état délirant. Pour lui aussi, ce délire est brusque, ou chronique

à marche irrégulière, polymorphe, intermittente, survenant dans

le jeune âge, aboutissant à une démence précoce. 11 considère les

syndromes épisodiques des héréditaires (folie du doute, agora-

phobie, etc.), comme des stigmates psychiques, dont le rapport

avec le délire est simplement contingent, et qui ne sont que des

complications de l'aliénation mentale.

Le mémoire se termine par deux chapitres fort importants,

dont l'un, malheureusement, est loin d'être complètement élu-

cidé, à savoir : la médecine légale et la thérapeutique, dans leurs

rapports avec la descendance des alcooliques. A. RaoULT.

VU. Sur un nouveau mode de traitement de la morphinomanie ;

par 0. Jennings.

Il s'agit de l'introduction dans le régime du morphinomane

de stimulations dynamiques de différentes espèces telles que la

faradisation, le massage, les frictions sèches, les vibration;

mécaniques, sonores et calorifiques. L'usage du hamac comme

lieu de repos, remplirait les conditions voulues du mouvement

passif. Bien entendu, on joindra à ces manoeuvres l'administra-

tion de la morphine par les voies digestives, pendant la suppres-

sion graduelle des injections hypodermiques. P. B.

VIII. Recherches sur l'action physiologique et thérapeutique

de 1'(icétdl)héizoize (Iivpiioiie); par MM. Mairkt etCoMBEM.\LE.

Une communication de MM. Dujardin-Beaumetz et Bardetestle

point de départ de ce travail de contrôle, où la nouvelle subs-

tance est étudiée expérimentalement avec le^plus grand soin. Les

conclusions des auteurs contraires à celles de M. Dujardin-

Beaumetz sont les suivantes : à dose faible, l'acélophénone ne

330 bibliographie.

produit pas le sommeil; à dose plus forte cette substance donne

lieu à un état de somnolence léger passager, inconstant et qui

s'accompagne de troubles graves du côté de la motilité; à dose

toxique enfin l'acétophénone produit un état comateux qui n'a

rien de commun avec le sommeil. Du reste, l'action thérapeu-

tique de ce médicament sur l'insomnie de diverses catégories de

vésanies a été nulle. Il. B.

IX. Contribution expérimentale ci la pathologie et ci l'anatomic

pathologique de la moelle épinièrc ; par M. E. A. Homent.

L'auteur s'est proposé de rechercher quel est le point de départ

delà dégénération secondaire quiintervient à la suite des sections

transversales de la moelle : au cours de ses expériences, il a noté

les troubles fonctionnels provoqués par les hémisections. Ainsi

son travail comprend-il deux parties, la première physiologique,

la seconde anatomique : on y trouve aussi un exposé critique inté-

ressant des nombreux travaux jusque-iainstituésdans cette direc-

tion.

Les opinions ont été dès l'origine fort différentes sur les suites

des lésions après sections partielles de la moelle épinière. Voici

en général ce qu'on observe en se plaçant dans les meilleures con-

ditions opératoires. Immédiatement, après l'opération, les membres

inférieurs sont paralysés, quelquefois rigides, et privés de sensibi-

lité. Après la disparition de ces troubles du début, il reste une

paralysie du membre correspondant à la lésion, paralysie qui se

dissipe ensuite progressivement pour disparaitre complètement

au bout de quelques mois. Ce rétablissement du membre serait

dû à des fibres suppléantes, car jamais on n'a pu constater de

régénération de nerfs dans la cicatrice.

Ou a peu étudié les premières altérations et la marche de la

dégénération secondaire. Les altérations ont leur origine et leur

siège principal dans les éléments nerveux, et non dans le tissu

conjonctif, comme le pensait Weslphall. Contrairement à l'opi-

nion généralement reçue jusqu'à ces derniers temps, c'est dans

les cylindres-axes que se montrent les[premières modifications : les

cylindres-axes sont par conséquence le point de départ ou d'ori-

gine de la dégénération. Leurs altérations se traduisent par la

tuméfaction et la décomposition en granules, ainsi que par l'im-

puissance à se colorer par les réactifs ordinaires, tandis qu'ils le

sont très fortement par la fuschine acide. Quelle est la cause de

la dégénération ascendante et descendante ? Il ne s'agit pas d'ir-

ritation par propagation. Est-ce alors la suite de l'inertie fonc-

tionnelle, comme le veut Turick, ou de la suppression de l'action

des cellules ou centres trophiques comme le pense le professeur

bibliographie. 33'1

Bouc)iard ? Cette dernière opinion est la plus vraisemblable : elle

explique non seulement que ce soient les'eyliudres-axes qui dégé-

nèrent les premiers,mais encore que la dégénération soit simul-

tanée sur tout le trajet des fibres. La question de la nature de la

dégénération se pose enfin. On estautorisé à croire que le proces-

sus de début est purement passif, mais à la suite de la dégéné-

ration des c3litidt-es-axes et de la myéline se produit dans la

névroglie une irritation de médiocre intensité laquelle aboutit à

l'épaississement et au racornissement de toute la partie qui en

est le siège. Paul BLOCQ.

X. L'inconscient, étude sur l'hypnotisme; par le D1' COSTE.

(Paris, J.-B. Baillière, 1889.)

Il nous suffirait pour analyser ce livre plus rigoureusement

encore qu'ingénieusement, quoi qu'il en semble, de dire en quel-

ques lignes qu'il ne répond pas à son titre, mais plutôt à l'inversion

de ce titre : Le D'' Coste, étude d'un inconscient; aussi nos lecteurs

médecins comprendront que nous leur épargnions le compte

rendu détaillé d'un travail qui ne semble pas avoir été écrit pour

eux, ainsi qu'ils en vont juger par ces quelques citations justifica-

tives de mon opinion.

La Préface émet déjà cette stupéfiante assertion c que deux per-

sonnes donnant à côté l'une de l'autre font de l'hypnotisme sans

le savoir». Il est donc impossible, en conclut M. Coste, de défendre

la pratique des procédés hypnotiques. Certes mon ami le Dr Gilles

de la Tourelle en réclamaut sa prohibition de l'hypnotisme de

tréteaux, ne prévoyait pas cet argument. Cet inconvénient, du

reste, est largement compensé, car on peut utiliser cette propriété

« pour assurer l'union entre époux et provoquer l'amour entre

conjoints ». -

J'extrais du livre, je n'ai pas dit libretto, quelque définitions :

hystérique, l'hystérique n'est pas une malade, c'est une per-

sonne chez laquelle l'état d'hypnose latent est perpétuel, » :

mascotte, la mascotte est une personne en état d'hypnotisme

latent, avec certaines facultés très développées, ensemble de

facultés dont la résultante est de porter bonheur; exemple :

« Joséphine était la mascotte de Napoléon 101'. »

Ou me saura gré de terminer par la seule énumération de ces

quelques découvertes de l'auteur consistant en ces nouvelles appli-

cations de l'hypnotisme. La suggestion peut servir, à diminuer la

criminalité (p. 82), à faire grandir les enfants (p. 39), à faire des

rentes à ses amis (p. 100), à donner de l'esprit (p. 100).... de

telles élucubrations se passant de commentaires. Paul l3coc.

332 bibliographie,

INDEX. BIBLIOGRAPHIQUE DU MEMOIRE DE M. ROTH 1.

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BIBLIOGRAPHIE. 333

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getz des Concasses sur itznere inediciii, v. p. 438, 1886. Schup-

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même. Ueber die neuropathischen Symptôme der Leprcc. Neurolog.

Centralblalt, 1-1' 16, 1884.

TRAVAUX NON CITÉS DANS CE MÉMOIRE ET DANS CELUI DE 1878

Bull (Eduard). Noi-(li5le ilitig. 3 R XI, p. 723, 1881. Eichorstund

Naunyn. Ueber die Régénération und Ycrutzderunyen Ruckett-

mark. Arcltiu f. exper. Pathol. II, 1874. Eickholt. Beitrag sur

cenlralev Sclérose. (Archiu. f. Psychiatrie, 1880, X 3, p. 613.

Heb3td. Itttramedullares Gliont des Ruckenmarks. (Archiv sur Psy-

chiatrie, 1883, Bd. XV, p. 800.)-Ilarri;.Syrttzyomelia, Brain, 1886,

p. 447. Joliet. Sur un cas d'anomalie du canal central de la moelle

épinière. (Gazette médicale de Paris, 1867.) Klebs. Beilrage zur

Gesclcwttlslehre. Prager 171eiteljalti-sch ? ,ift, 1877, Bd. 133, p. 73, 74.

Z Pick. Beitrage zur Pathologie und pctthologischen

Anatomie des Ilitckettmarks. Leipzig, 1879, p. 113. Langhaus.

Ueber 7jfo/teH<';<dM) ! y int Ritckettntark in Folge voit Blillsttt211111g. Vir-

e/tou/sfe/ttu, 1881, Bd 85, p. t. Meyer. Ein Full voit eillgeiiieiiici,

progressive)' tlluskelatrophie. (V<)'cActM''s Archiv 1863, Bd 27, p. 411 )

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iil 32, 18S3. Nonat. Recherches sur le développement accidentel

d'un canal dans la moelle épinière. Archives générales, 1838, I,

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ciiiiig im Rtcckctznutrk. Chctrité Anttnlcm, XI, Jahgrang, 1886, p. 409.'

Pick. Uber die Entstehung cines iiichi-ftzchen Cenlralkanals. Ar-

chiv f. Psychialr. VIII, 2, 1878. Strumpell. Beilruge zuv Ptitholu-

gie des Ritelie21 ? zai-lis. Archiv f. Psychiatrie. 1888, X, 3, p. 695.

Le même. Deutsches Arcltiu f. Klinische nledicin, Bd. 28, p. 70.

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malett, Y111, 1883, p. 373. Le même. A Contribution to the sindy

of syringomyela (hvdromyela), Braiii XXII. lulv, 1883, p. 14;i. -

Wichmann. Geschzuulst uiid liohleizbildiiiig )/t Ruckenmark. Slug-

garl, 1887. Joffroy et Acliard. De la myélite eczvilaire. (Archives

de physiologie, 1887, p. 43 : i.)- A. Banmler. Ueber Ilohleiilildiiiig

im Rùckenmark. Deut. Arch. f. lilin. zzzed. Bd. 40, p. 443.

F. Zchullze. Klinischcs un anatomisches ueber Sy,iiijoiiiclie.

(Zcilschr. f. A/ ! )t ! 6cM ztted. 18S8, XIII, p. 523.)

FAITS DIVERS

Asile d'aliénés de France. Concours des médecins-adjoints.

Section de Nancy. Ce concours vient de se terminer par la

nomination de M. le Dr SIZARET fils. Nominations et promotions.

M. le D'' OLLÉ (asile de Saint-Venant, Pas-de-Calais) est nommé

médecin-adjoint a l'asile de Bracqueville (4,000 fr., classe excep-

tionnelle de son grade). - 111. le Dr GosseLm, professeur-suppléant

à l'école de médecine de Caen, est nommé médecin de l'asile d'alié-

nés de Bon-Sauveur, à Caen, en remplacement de M. Malien,

démissionnaire. M. le Dr Jousniac, médecin-adjoint à l'asile

public de Saint- Venant (Pas-de-Calais), nomme à la ? 0 classe.

(Déclaré admissible aux emplois de médecins-adjoints des asiles

publics d'aliénés à la suite du concours ouvert à Lille le 20 dé-

cembre 188S.) (Arrêté du 18 janvier 1889.)

Sont promus, à partir du 1er janvier, à la 2° classe : M. le D''

C.WU3ET, directeur-médecin de l'asile public de Bonneval (Eure-

et-Loir). A la classe exceptionnelle : M. le D'' BROQUÈRE, méde-

cin-adjoint à l'asile public de Bassens (Savoie), et M. le Dr Pichenot,

médecin-adjoint à l'asile public d'Auxerre. A la z classe :

M. le Dr BHLLETRun, médecin-adjoint à l'asile public de Saint-Méen

(Ille-et-Vilaine). (Arrêté du 18 janvier 1889.)

Un ancien interne, très au courant du service, demande un

emploi dani un asile public ou privé. Adresser les propositions à

M. le médecin-directeur de l'asile de Saint-Robert (Isère).

Asile d'aliénés de la Seine. - M. le Dr RoUILL.%RD. elief de cli-

nique des maladies mentales, est nommé médecin-adjoint de l'asile

Sainte-Anne et placé dans la 21 classe de son grade (23,000 fr.).

Asile d'aliénés DE Saint- Ylie (Jura). Le Président de la Ré-

publique a le 25 février 1888 promulgué la loi autorisant le dépar-

tement du Jura à emprunter 800.000 francs, pour agrandir l'asile

de SainL-Ylie.

Société médico-psychologique. Prix ri décerner. Prix pro-

posés pour 1890. Prix AUD.1NEL : 2,400 francs. Question : Des

difficultés du diagnostic différentiel de la paralysie générale avec les

diverses formes de la folie. Prix Beluomme. 1,000 francs.

Question : De Vêlai mental et du délire chez les idiots et les

imbéciles. Prix EsouIROL. Ce prix de la valeur de 200 francs,

plus les oeuvres d'laquirol, sera décerné au meilleur mémoire

manuscrit sur un point de pathologie mentale. Prix Moreau

(DE Tours). Ce prix de la valeur de 200 francs sera décerné au

meilleur mémoire manuscrit ou imprimé, ou bien à la meilleure

FAITS DIVERS. 33S

des thèses inaugurales soutenues en 1888 ou 1889 dans les facultés

de médecine de France, sur un sujet de pathologie mentale et

nprveuse.Ao<(t. Les mémoires manuscrits ou imprimés, ainsi

que les thèses, devront être déposés le 31 décembre 1889, chez

M. le D'' Ant. Ritti, médecin de la maison nationale de Charenton,

secrétaire-général de la Société. Les mémoires manuscrits seront

accompagnés d'un pli cacheté avec devise, indiquant les noms et

adresses des auteurs. J. B. C.

LE premier asile d'idiots en Irme. - Cet asile vient d'être ou-

vert à Chiavara (Liguria). C'est le premier établissement de ce

genre établi en Italie. Il sera dirigé suivant les mêmes règles que

les asiles qui existent et fonctionnent bien dans d'autres pays. Il

recevra, et autant que possible éduquera. les malades entre sept-

et vingt ans, venant de toutes les provinces du royaume.

Asiles d'aliénés en GRÈCE. Jusqu'à ce jour, en Grèce, les alié-

nés étaient recueillis par les couvents, assurent les Archives ita-

liennes des maladies nerveuses (n° 5 et 6, 1888). Nous apprenons,

disent-ils, le premier asile d'aliénés de l'Attique.

Une école d'infirmières a été fondée à l'asile de Rockwood

(Kingstown). Cette école fonctionne avec succès (Amènes) ! journal

ofinsanily, juin 1888, n° 1).- D'après le même journal, la seconde

classe de l'école d'infirmières de l'asile de l'État de BLiffalo a subi

ses examens dans de bonnes conditions et neuf élèves ont obtenu

les diplômes. Le jour de la distribution, le médecin en chef de

l'asile a insisté sur la nécessité d'avoir des infirmières instruites

sur les responsabilités qui leur incombent.

Le recensement DE l'asile DE ŸILLARD (État de New-York). Le

recensement de l'asile au le, juin était de 1919; 913 hommes

et 1,006 femmes, les nouvelles infirmeries sont enlièrement occu-

pées, l'infirmerie des femmes contient 250 malades, l'infirmerie

des hommes 150; l'expérience qui a consisté à employer un

homme et sa femme pour soigner les vieillards faibles et infirmes

a été très satisfaisante, et conduira à une augmentation du service

des femmes pour le soin de ce genre de malades.

La classe supérieure de l'école des infirmiers et infirmières

compte : hommes, 17; femmes, 4; la classe inférieure : hommes,

9; femmes, 13 = total, 43.

Pendant le mois de juin, miss Ida, 9; Merynard, de l'école culi-

naire de Boston, a dû faire l'instruction des deux classes.

Tous ces renseignements montrent combien on se préoccupe

aux États-Unis de l'instruction professionnelle des infirmiers et

des infirmières et quels soins on prend de les rendre aptes à

donner aux malades les soms les meilleurs et les plus intelligents.

En France, on ne songe pas encore à s'occuper sérieusement de

ces réforme-. La coiffe des religieuses parait suffire à tout.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

BAJEXOFF. Compte rendu sur l'étal médical et économique de l'asile

d'aliénés de ltiazan. (Année 1887-1888. Lliazau, 1888. Typographie de

M°"0rio<î.)

Cosrn. L'inconscient. Etude sur l'hypnotisme. Volume in-18 de 159

pages. Prix, 2 t'r.

Descourtis (G.). - Note sur l'alimentation forcée des aliénés au

moyen de la sonde trsophagientze et sur la façon d'empêcher l'introduc-

tion des liquides dans les voies aériennes. Brochure in-8° de 12 pages.

Paris, 1888. Bureaux de l'Encéphale.

Dufour (ex Asile public d'aliénés de 'a ! 7 : <-o&o'<. Compte rendu

statistique et compte moral administratif pour l'année. 1887. Brochure

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Goubert (E.) Nouveau traitement de l'épilepsie ; sa guérison possible.

Brochure in-8» de 16 pages. Paris 1889. Lecrosnier et Babe.

GELLÉ. Etudes d'olologie. De l'oreille (aztalomie normale et coilt-

parée, embryologie, développement, physiologie, pathologie, hygiène).

Pathogénie et traitement de la surdité (1880-1888;. Tome II. Volume

iu-8" de 279 pages. - Paris, 1888. z Babé.

Kxapp (P.-C.). Neruous affections followit7 Iiij'iti,y, Concusson of

the Spine. Raikoay Spine a' : d /ta ! <tua.t/, atzd Brattz. Brochure iu-8 de

z pages. Boston, 1888. Cupples and Hurd.

Some pust-hentiplegie disturbances of motion in children. Brochure

iu-8 de 1 ? liages. Boston, 1888. Cupples aud llurd.

Kwalevsty (L.-J.). - Ivrognerie, ses causes et son traitement. Traduit

en Français z z Volume in-18 de 113 pages, car-

tonné. Kharkolf, 1889. Typographie Syibdberg.

Liégeois (J.). - De la suggestion et du somnambulisme dans leurs rap-

ports avec la jurisprudence et la médecine légale. Volume in-12 de

758 pages. - Paris, z. Librairie 0. Doin.

Urrewsm (H.). Dte'aMn : a<e/te<t ? Mro<e ! t ! ! ac/t de ? : M de/'jYer-

vei-klnik der Charitéin tien leil zen Jahren gesammelten Iteubachlungeu.

Brochure in-8» de 116 pages. Berlin, 1889. Vcrlag von A. Ilirs-

chwald.

Rouillaiid. La discussion sur le délire chronique à la Société

ttzédico-psychologique. Brochure in-8" de 15 pages. Paris, 1888.

Bureaux de l'Encéphale. 0

Sizuiet (rapport de M. le Dr). Asile public d'aliénés de Marevine,

1887. Brochure in-8° de 1J pages. Nancy, 1888. Imprimerie Berger

Levrault.

STETTEf. Vier : ,igsler Jahres-Bericht de'' Ileil- tind 7eea7M<(d</i/)'

Seliwacltsiititio ,7e und' Epileptische. Brochure in-8° de 63 pages. Scliorn

dorf, 1888. - lJalier'sclten Buchdruckerei. ,

Le BOURNEVILLE.

Evreux,Ch. Herissky, )mp. it8'J.

Vol. XVII. Mai 188C. N, 51.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PHYSIOLOGIE

LES FONCTIONS DU CERVEAU

DO(;1'nINES de l'école italienne ;

Par Jules SOURY,

\Iuitre de conférences à l'Ecole pr,ityuc des liautea-laudes.

La part de l'Italie dans l'étude scientifique des loca-

lisations cérébrales peut être dès maintenant indiquée

et caractérisée avec une assez grande sûreté. La cri-

tique qui ne recule pas devant les dernières précisions

reconnaît bientôt, sous l'ampleur de la phrase et

l'exubérance du langage, le goût des faits bien obser-

vés, la passion de l'ordre, l'aversion des solutions

extrêmes, l'instinct même de la méthode expérimen-

tale, bref, la solidité et la sobriété du génie italien.

Peu de peuples étaient aussi bien préparés à com-

prendre toute la portée de la grande découverte de

Hitzi- et de Fritsch. Des cliniciens et des physiolo-

gistes comme Tamburini, Luciani, Seppilli, Bianchi,

Atbertoni, lllorselli, Vizioli, Maragtiano, Riva, etc.,

sans parler de Lombroso, de Golgi, de Giacomini,

de Mossso, de Marchi, et sans oublier des noms tels

que Panizza et Buccola, ont étendu ou assuré les con-

.RC.HIVE, L. X\'11. 22

3j8 F111âlOLOGII ?

quêtes récentes de l'anatomie, de la physiologie et de

la pathologie du système nerveux. Les temps sont

revenus où, pour ne parler que des sciences biolo-

giques, il n'est pas plus loisible d'ignorer les travaux

des Italiens que ceux des Allemands ou des Anglais.

Pour reprendre son rang dans la science contempo-

raine, l'Italie n'a eu qu'à continuer les traditions

de ses savants des trois derniers siècles, de Galilée,

de Léonard de Vinci, de Borelli, de Malpighi, de Spal-

lauzaui, de Galvani.

Ce nouveau chapitre d'histoire des doctrines con-

temporaines des fonctions du cerveau ', n'embrassera

que l'étude des faits et des idées qui, dans l'école

italienne, et en particulier dans celle de Florence, ont'

trait d'une façon spéciale à la théorie scientifique des

localisations cérébrales. Cette théorie repose, on le

sait, sur le solide fondement de l'anatomie, delà phy-

siologie expérimentale et de l'observation clini-

que. Quoique la pathologie cérébrale ait devancé

l'expérimentation physiologique en ce domaine de la

connaissance, il est certain qu'une bonne anatomie

topographique du cerveau a été la première condition

de la science nouvelle. Sans cette anatomie, la cou-

naissance des fonctions du cerveau, à l'état normal ou

pathologique, serait encore plongée dans cette confu-

sion et cette obscurité où l'ont trouvée les médecins

et les psychologues il y a seulement vingt ans. Sur la

foi de Flourens, de ses précurseurs et de ses succes-

seurs, on considérait la surface du cerveau comme

' Voy. Histoire des doctrines psychologiques contemporaines. Les Ibite-

tions du cerveau. Doctrines de Fr. Goltz. Leçons professées à l'Ecole

pratique des Hautes Etudes, par Jules Soury. Paris, J.-B. Baillière et

lils, 1886.

LLS FONCTIONS DU CERVEAU. 339

douée, dans toutes ses parties, des mêmes propriétés,

si bien qu'un éminent psychologue compare encore le

cerveau à une sorte de polypier, dont les éléments

ont mêmes fonctions'.

Précisément à ce sujet, M. le professeur Charcot

écrivait, en 1876 : « En présence des expériences et

des observations qui démontrent la réalité des locali-

sations corticales, il faut renoncer à cette théorie'. »

Le théorie qui la remplace, la théorie des localisations

cérébrales, n'a été définie par personne en meilleurs

termes, et avec une autorité plus considérable, que

par ce maître illustre : « Le principe des localisations

cérébrales est fondé sur la proposition suivante, dit

M. Charcot : l'encéphale ne représente pas un organe

homogène, unitaire, mais bien une association, une

fédération constituée par un certain nombre d'organes

divers.A chacun de ces organes se rattacheraient

physiologiquement des propriétés, des fonctions, des

facultés distinctes. Or les propriétés physiologiques

de chacune de ces parties étant connues, il devien-

drait possible d'en déduire les conditions de l'état

pathologique, celui-ci ne pouvant être qu'une modifi-

cation plus ou moins prononcée de l'état normal, sans

l'intervention de lois nouvelles'. »

Tamburini, Luciani et Seppilli sont aujourd'hui les

' Il. Taine. De l'Intelligence, I, 2îl (3e édit.) : « C'est (le cerveau) un

organe répétiteur et multiplicateur dans lequel les divers départements

de l'écorce grise emplissent tous les mêmes fonctions », p 270.

e C. R. de la Soc. de biologie, 1876, `31 suic. Cf. 1875, 425, ce qu'il faut

penser des observations tirées d'observations anciennes, et en particulier

de celles que mettait alors en avant M. le professeur l3rown-Séyuard,

dans les mémorables discussions de la Société de biologie sur les locali-

sations cérébrales.

' Leçons sur les localisations dans les maladies du cewoeau et de la

moelle épinière, recueillies par Bomnevillo et Crissaud, 1876-80,. p. 3.

340 PHYSIOLOGIE.

principaux représentants, en Italie, de la théorie qui

vient d'être définie. L'oeuvre qui la résume, et qui

sert de lien en quelque sorte au faisceau de doctrines

nées ou élaborées à ce sujet en Italie, depuis les

recherches de Fritsch et Hitzig, de David Ferrier, de

Charcot, de Goltz, de Munk et d'Exner, est intitulée :

Le localizz-azionl Ainzioicili ciel cervello (Napoli, 1885),

Une traduction allemande de ce livre, contenant des

additions et des corrections importantes, ainsi qu'un

chapitre nouveau sur l'épilepsie corticale, peut en être

considérée comme une seconde édition '.

Un physiologiste, Luciani, professeur et directeur

de l'Institut physiologique de Florence, et un clinicien,

Seppilli, médecin du fameux manicome d'imola, sont

les auteurs de cet ouvrage. Mais ces savants ne pour-

ront que se trouver honorés si nous continuons

d'associer à leurs noms celui de Tamburini, l'illustre

professeur de psychiatrie et directeur de l'asile d'alié-

nés de Reggio d'Emilie, le premier collaborateur du

professeur Luciani, avec Maragliano et Riva. Il y a je

ne sais quoi de grave et de touchant dans ces colla-

borations désintéressées de savants, dont l'influence

secrète, j'entends la méthode et le tour des pensées,

survit aux jeunes années et aux anciennes études.

C'est ainsi que dans les Leçons sur les fonctions mo-

trices du cerveau, de François-Franck, revivent tant

d'admirables recherches du professeur Pitres, comme

en témoigne si souvent l'auteur de ce beau livre. Si

l'oeuvre de François-Frank a surtout mérité les éloges

de Charcot, par l'heureuse alliance des recherches de

' Die ? it) : c< ! o ? oca/tsa< ! 0 ! t au/' (Ici, Gi-o8shiî, ? &-iitde. Deutsche und

vermehrte Ausgabe von D' \I.-0. Iruenl : el. - Leitzig, IJÜG.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 3 i 1

laboratoire etdes données de la clinique, et cela grâce

à la collaboration d'un physiologiste et d'un médecin,

il faut reconnaître le même mérite à l'ouvrage de Lu-

ciani, qui s'est associé, après Tamburini, avec un cli-

nicien et un anatomo-pathologiste tel que Seppilli. Ici

aussi l'expérimentation sur les animaux et la clinique

de l'homme marchent du même pas.

Mais, comme il arrive lorsque l'on considère une

oeuvre de synthèse scientifique si laborieusement édi-

fiée, le livre des Localisations fonctionnelles du cerveau

ne serait guère intelligible en toutes ses parties sans

une connaissance particulière de ses éléments cons-

tituants, je veux dire sans l'étude préalable des

Mémoires publiés par Luciani et Tamburini Sur les

centres corticaux psycho-moteurs (1878-1879'), Sur les

centres corticaux psycho-sensoriels (1879) suivis de

leurs-Etudes cliniques sur les centres corticaux senso-

riels (1879)". Des 1878, Luciani avait publié Sur la

pathologie de l'épilepsie^ un travail magistral de phy-'

siologie expérimentale, dont le point de départ avait

été le premier des mémoires cités ici, et dont il faut

citer les termes lorsqu'on aborde l'analyse des récents

travaux de Seppilli sur l'épilepsie corticale. Enfin, il

1 Luigi Luciani e Auguste Tamburini. Ricerclee sperinaentali suite fun-

zioni del ceruello. Sui centri psico-naotori corticali. In Rivista sperim.

di freuiatria. IV-V, 1878-79. Et, à part, Kpggio-Emiiia, tipogr. di Ste

fano Calclerini, 1878.

* Sui centri psico-sensori corlicali. In Rivista sperim. di fren., 1879.

Siiidi clinici stvi centri sensorj corficali. Comunicazione preven-

tiva. Annali universali di medicina e chi2,tt,gici, vol. '2'iî, Fasc. 742,

aprile 1879.

4 Sulla palogenesi delta epilessia. Studio critico sperimentale de-

prof. Luciani. lu Rivista sperim. di fi·eniatria,1877-8. Coi ? t-, ? ? ica-io ? 2e-

al terzo congresso freniatrico in Heggio-Emitia, 1880. Disenssione frail

prof. Luciani, Vizioli e Morse)) ! . In Archivio lialiai2o per le malade ner-

t'ose, 1881.

3 li z2 PHYSIOLOGIE.

convient de tenir grand compte des idées vraiment

géniales de Tamburini Sur la genèse des hallucina-

tions'. Si l'on ignore toute cette littérature un peu

touffue, si l'on n'a point présentes à l'esprit les formes

diverses qu'ont traversées les doctrines de ces auteurs,

depuis leur origine rudimentaire jusqu'à leur épa-

nouissement, on risque fort de se trouver devant le

livre de Luciani et de Seppilli comme devant un

organe dont on ne connaît pas la lente évolution pro-

gressive.

Nous voudrions donc, sans toutefois sacrifier, s'il est

possible, ce que nous avons pu apprendre, après une

assez longue enquête, touchant les faits et les idées

des autres auteurs italiens, nous attacher surtout à

faire connaître les travaux de Tamburini, de Luciani

et de Seppilli sur les localisations des fonctions du

cerveau. Pour qu'un pareil travail soit utile, il doit

avant tout reproduire l'ordre des faits et des pensées

des auteurs italiens, en s'écartant aussi peu que possi-

des textes originaux. Si, dans l'exposition et la

discussion de ces faits et de ces doctrines, nous signa-

lons d'autres faits et d'autres doctrines, empruntés à

d'autres auteurs italiens, à Golgi, par exemple, dont

nous avons fait une étude particulière, et dont les tra-

vaux considérables, renommés dans le monde savant,

mériteraient une étude entière, ce ne peut être, à

moins de briser l'unité de notre sujet, qu'à titre d'illus-

trations, de corrections, d'additions.

Fixer, à un moment de son développement, la théo-

rie des localisations cérébrales en Italie, et en particu-

`' Sulla geiiesi délie alitici)i(t-io711. Rit,. di fi·r.u.. 1880, p. 126, sq.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 343

lier dans l'Ecole de Florence, comme nous l'avons fait

pour l'Ecole de Strasbourg, comme nous espérons le

faire pour l'Ecole de Berlin, et pour celles de Vienne

et de Paris, voilà l'unique fin que nous poursuivons,

oeuvre d'histoire et de critique, non de dogmatisme.

LA MÉTHODE ET LE BUT.

I.

L'élude singulièrement large et approfondie que

Luciani et Seppilli ont intitulée : Introduction à la

méthode expérimentale et clinique des centres fonction-

nels du cerveau, est une véritable logique inductive,

contenant les règles directrices et les lois fondamen-

tales que doivent suivre, dans l'état actuel de la

science-, les diverses méthodes expérimentales, l'obser-

vation clinique et l'interprétation des phénomènes qui

servent de base à la doctrine des localisations céré-

brales. Ces règles ou critères, au nombre de cinq, ont

souvent pour objet de permettre de distinguer les vrais

phénomènes de déficit des phénomènes collatéraux ou

d'arrêt, dus aux lésions destructives de l'écorce céré-

brale, soit expérimentales, soit pathologiques. Voilà,

en effet, le premier problème à résoudre. Tant qu'il

n'a point reçu de solution, au moins approximative,

il est impossible de déterminer la fonction d'une partie

quelconque du cerveau. Car si la méthode d'excitation

expérimentale de l'écorce, si les lésions irritatives du

cerveau réalisées par les maladies peuvent fournir des

indications d'une grande valeur, la méthode expéri-

mentale de destruction de l'écorce, ainsi que les lé-

3 li. liez PHYSIOLOGIE. ,

sions destructives de la maladie, ont seules la valeur

nécessaire et suffisante d'une preuve suivie de contre-

épreuve. « Les effets de la destruction (ablation) peu-

vent seuls décider de la nature fonctionnelle d'une aire

'excitable », écrivaient Luciani et Tamburini, en 1878,

dans leur premier mémoire '.

Mais, si ce problème est ici posé dans les termes

mêmes de Goltz, il s'en faut bien qu'il reçoive une

solution identique. Inutile de signaler, une fois pour

toutes, l'indépendance et l'originalité scientifique des

travaux des auteurs italiens dont on expose ici les

doctrines. Ainsi Luciani critique les diverses défini-

tions des phénomènes de déficit qu'a données Goltz.

Le caractère de persistance attribué à ces phénomènes

ne lui paraît pas toujours avoir été exact. Dans les cas

de lésions corticales unilatérales, ou même de lésions

bilatérales peu étendues, les phénomènes paralytiques

de déficit s'amendent et finissent par disparaître, aussi

bien que les phénomènes irritatifs collatéraux ou

d'arrêt, de nature transitoire. Dans les cas de lésions

étendues bilatérales du cerveau, il existe, il est vrai,

des phénomènes de déficit qui persistent durant toute

la vie, mais ils ne conservent pas toujours la même

intensité : ou ils s'atténuent ou ils s'aggravent. Aussi

Goltz a-t-il défini ainsi lui-même ces phénomènes :

« Par phénomènes de déficit, j'entends le minimum

des troubles qu'on observe, en quelque temps et en

quelque cas que ce soit, après une lésion déterminée

du cerveau. » (Ve Mém., 1884.) Luciani n'est pas

encore satisfait de cette nouvelle définition. Le phy-

' Ric. serim. di fnen., 1V (1878), p· 2a9.

LES RONCTIONS DU CERVEAU. il) Il 5

siologiste de Strasbourg lui semble ne pas vouloir

admettre le fait de la compensation ou suppléance,

fait en vertu duquel la fonction abolie d'un centre

serait suppléée, au moins en partie, par les parties

homonymes. Loin donc de reconnaître, dans les phé-

nomènes de déficit de Goitz, « la somme de tous les

troubles dépendant de l'abolition de la fonction de

l'organe détruit », il faudrait y voir le « minimum de

troubles que les organes homonymes du cerveau

demeurés intacts ont été hors d'état de suppléer ».

Objecte-t-on que la disparition progressive de ces

troubles résulte, non d'une suppléance véritable, mais

de la cessation des troubles de nutrition et de l'inhi-

'bition fonctionnelle qu'avait causés le traumatisme ?

Luciani, sans nier ces conséquencesde l'opération, ne

veut pas qu'on les exagère au point d'exclure l'idée

de la suppléance, car il est incontestable, selon lui,

que « les graves désordres consécutifs à l'extirpation de

régions déterminées du cerveau peuvent graduelle-

ment s'atténuer jusqu'à la restitutio ad integrum pres-

que complète, laquelle d'ailleurs peut avoir lieu seu-

lement après quelques mois, quand les conséquences

du traumatisme ont déjà depuis longtemps cessé.

Dans tous ces cas, les phénomènes de déficit de Goltz

sont réduits à un minimum presque indéterminable.

Il faut donc admettre ou bien qu'une véritable supplé-

ance quasi complète des désordres a eu lieu, ou refu-

ser toute fonction appréciable à la partie du cerveau

qui a été extirpée ' ».

' Le localizzazioni funzionali, p. 6. C'est nous qui avons souligné les

mots qui, sans que l'auteur y ait pris garde, ruinent en partie son argu-

mentation.

3'lG PHYSIOLOGIE.

On ne pourrait donner le nom de permanents aux

prénomènes de déficit, et celui de transitoires aux

phénomènes collatéraux , que dans les cas où

aucune sorte de suppléance n'est possible. Par

exemple, lorsque l'ablation d'un centre cortical a été

complète sur les deux hémisphères, et qu'il ne reste

aucun élément nerveux homonyme susceptible de le

suppléer. Mais c'est là l'exception, « comme le sait qui-

conque a en ce genre de recherches une longue expé-

rience ». Dans la plupart des cas, les faits consécutifs

à une destruction déterminée de l'écorce sont plus

complexes. Au lieu de deux périodes, l'une dans

laquelle les phénomènes de déficit se compliquent des

phénomènes collatéraux, l'autre où ils se montrent

seuls, Luciani croit devoir en distinguer au moins

trois : une première où les phénomènes de déficit sont

aggravés des effets du traumatisme; une seconde, où

les phénomènes de déficit vont s'atténuant par la

suppléance des éléments nerveux homonymes de

l'écorce; une troisième, où les phénomènes de déficit

sont réduits au minimum d'effet que les centres homo-

nymes n'ont pas été capables de suppléer.

Mais, en somme, toutes les méthodes d'investigation

directe des fonctions du cerveau, n'ont livré dans la

plupart des cas, suivant Luciani, aucun critérium

suffisamment exact pour la connaissance des fonctions

propres à tel ou tel territoire cortical. De là la néces-

sité d'en appeler à des critères approximatifs. Puisque

la voie directe ne mène pas au but, il faut y par-

venir par des voies détournées. Ces voies sont au

nombre de cinq : ce sont les cinq règles ou critères

dont nous avons parlé. Enumérons-les rapidement,

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 311-J

presque dans les mêmes termes que les auteurs ita-

liens.

I. Critère des effets négatifs des extirpations des

différentes parties du cerveau. On a vu que les

troubles consécutifs à la destruction d'une région du

cerveau ne doivent pas être tous attribués à la partie

détruite', les phénomènes de déficit' se trouvant com-

pliqués des phénomènes irritatifs collatéraux ou

d'arrêt. On ne peut parvenir à déterminer ainsi la

fonction véritable de la région détruite. Pour y arri-

ver, considérons les fonctions demeurées intactes. On

peut, en effet, scientifiquement soutenir que les fonc-

tions restées intactes n'avaient rien à faire avec les par-

ties du cerveau qui ont été détruites. Voilà le critérium

des effets négatifs. Il convient surtout au complexus

de phénomènes qui apparaissent immédiatement après

l'opération, ou dans la première période. Dans la

seconde période, on ne pourrait exclure absolument

l'intervention, au moins partielle, des processus de

suppléance.

II. Critère des effets positifs de destruction des par-

ties homonymes du cerveau. Une théorie vraiment

scientifique des localisations cérébrales implique né-

cessairement cette loi : chaque région déterminée du

cerveau d'un animal quelconque possède des fonctions

identiques chez tous les individus de la même espèce;

les régions cérébrales homologues des autres espèces

possèdent les mêmes fonctions (en tenant compte tou-

jours du développement morphologique variable de

ces régions). Théoriquement, les infractions à cette

loi ne sont pas admissibles. Dans la pratique, les diffé-

rences observées ne doivent pas être interprétées

? 8 PHYSIOLOGIE.

comme des exceptions à la loi; il faut supposer que

les lésions déterminant ces phénomènes divergents

n'ont pas intéressé des points du cerveau absolument

homonymes, ce qu'expliquent assez les anomalies

morphologiques si communes des sillons et des cir-

convolutions.

Puisque les phénomènes de déficit consécutifs à

l'ablation d'une même région du cerveau doivent être

constants, tandis que les effets collatéraux des lésions

sont variables, on possède un critérium pour distin-

guer les premiers des seconds : il suffit donc de com-

parer les effets positifs chez les animaux de la même

espèce, opérés dans les mêmes conditions.

III. Critère des effets positifs de destruction des par-

lies hétéronomes du cerveau. Le principe des locali-

sations cérébrales postule que des phénomènes de

déficit identiques apparaissent après la destruction de

parties identiques du cerveau. Le même principe

exige donc que des phénomènes de déficit différents

se montrent après la destruction des parlies diffé-

rentes du cerveau.

IV. Critère des effets négatifs et positifs d'extirpations

cérébrales successives pratiquées sur le ? ? Me ? ? ? M ?

La comparaison des effets de lésionsdestructives répétées

sur des points symétriques des deux hémisphères éta-

blit, d'une manière décisive, la réalité des suppléan-

ces cérébrales. Une extirpation pratiquée sur une

région déterminée de l'hémisphère gauche, amène à

droite un trouble de l'audition; ce trouble s'amende

peu à peu et, autant que nous pouvons en juger, finit

par.disparaître. Il est bien vraisemblable que c'est là

l'effet d'une suppléance fonctionnelle. Mais on pour-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 39

rait aussi expliquer ce fait par la disparition progres-

sive des phénomènes collatéraux ou d'arrêt, qui se

manifestent, comme les phénomènes de déficit, du

côté opposé à la lésion. L'extirpation de la zone céré-

brale symétrique droite élucidera la question. Cette

seconde opération est suivie non seulement d'un trou-

ble de l'audition à gauche, mais de la réapparition de

l'ancien trouble de même nature à droite. « Voilà

une preuve irréfutable que l'amendement des désordres

qui existaient à droite a eu lieu par le fait d'une véri-

table suppléance, et que celle-ci était due à la zone

corticale de l'hémisphère droit. » Qu'ont à répondre

à cette argumentation, s'écrie Luciani, [Goltz] et

Munk, qui, opposés en tout le reste, s'accordent du

moins pour exclure toute idée de suppléance dans

l'interprétation des phénomènes' ?

V. Critère des plus petites extirpations cérébrales

nécessaires et suffisantes pour obtenir des phéno-

mènes déterminés de déficit au 'maximum. Pour

déterminer exactement les limites d'un centre

fonctionnel quelconque, on doit s'efforcer de produire

la moindre destruction possible de l'écorce. Si cette

partie du cerveau, extirpée sur les deux hémisphères,

embrasse réellement' la sphère d'une fonction don-

née, vision, audition, etc. comme la suppléance

1 'oy. la note de la page 2Ô0-2J1, où Luciani témoigne qu'il avait cru

atout que Goltz, connue Jlunlc, niait toute suppléance des phénomènes

de déficit. Luciani et Tamburini ont commencé par nier eux-mêmes

toute suppléance fonctionnelle des phénomènes de paralysie par les aires

" circonvoisines (Carville et Duret), par les régions symétriques de l'hé-

misphère opposé (Soltmaun), etc. Jacet anguis in herba. Sous l'hypo-

thèse des suppléances se cachait une conception qui, suivant les auteurs

italiens, était la négation même de la doctrine des localisations cérébrales.

Nous verrons plus loin quelle hypothèse ils y suhstitnaient. Sui centri

psico-naotori corticali. Riv. sperim. di fren., IV, 18-jS, 271 et concl. X.

i ? 0 rHYS)0;.OG)E.

est alors impossible, les phénomènes de déficit qui eu

résultent persisteront et représenteront le maximum

(le minimum, suivant ce qui a été dit plus haut) des

désordres appréciables à un moment quelconque du

temps postérieur à l'opération.

Dès ces prolégomènes, il est expressément noté

que, par phénomènes de déficit au maximum d'une

fonction de l'écorce cérébrale, de la vue ou de l'ouïe,

par exemple, Luciani n'entend pas ce que Munk

appelle cécité ou surdité absolues (corticales). « Nous

n'avons pas encore, dit-il, une connaissance suffisante

des fonctions de toute l'écorce cérébrale; nous ne

pouvons les distinguer nettement de celles qui appar-

tiennent aux ganglions sous-corticaux (corps striés et

couches optiques). D'après les faits acquis jusqu'ici à

la science, il est assez vraisemblable que le complexus

des fonctions du cerveau chez les différentes espèces

d'animaux n'est pas réparti de la même manière entre

l'écorce et les ganglions sous-corticaux, de sorte que

les phénomènes de déficit au maximum de la vue ou

de l'audition par lésion corticale, sont plus ou moins

accusés, selon les animaux mis en expérience. Pour

décider si, dans un cas donné, tels désordres de la

vue ou de l'ouïe représentent bien le degré le plus

élevé de déficit cortical de ces phénomènes, on doit

donc recourir aux résultats obtenus dans d'autres cas

d'extirpations plus étendues de l'écorce, ou appliquer

le critère précédent des effets d'extirpations succes-

sives. » Si le déficit de la vue ou de l'ouïe n'augmente

pas avec des extirpations de l'écorce plus considé-

rables, cela signifie que le phénomène de déficit

obtenu est vraisemblablement le maximum de ce qu'il

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 351

est possible de réaliser par la destruction de cette

partie de l'écorce cérébrale.

De même en clinique. Les mêmes lois doivent

diriger le savant dans l'étude des lésions plus ou moins

circonscrites ou diffuses du cerveau humain. Mais la

théorie scientifique des localisations cérébrales chez

l'homme ne saurait être uniquement édifiée sur les

données de l'observation clinique. Seppilli, qui paraît

prendre ici la parole à son tour, s'exprime sur ce

point avec la plus grande netteté. « Dans les expé-

riences sur les chiens et sur les singes, dit-il,

abstraction faite de leur valeur propre, l'essentiel

est la clarté qu'elles répandent sur la nature et les

fonctions du cerveau humain en ouvrant les yeux du

clinicien sur les troubles partiels de cet organe. Nier

que les faits généraux acquis par l'expérimentation

sur les animaux supérieurs, sur les singes en parti-

culier, ne soient applicables à la physiologie et à la

pathologie de l'homme, serait nier le principe fonda-

mental sur lequel repose toute la biologie moderne...

L'importance des observations cliniques n'est pas

diminuée' pour cela. Elles ne sont pas seulement

indispensables pour établir jusqu'à quel point la loca-

lisation des fonctions cérébrales diffère chez l'homme

de celle des autres animaux supérieurs : elles servent

à éclairer le côté subjectif des phénomènes observés

chez les animaux, et donnent un plus solide fonde-

ment à leur interprétation. »

Seppilli, écrivain délicat et fin, et dont les idées ont

un tour philosophique, a retrouvé plus d'une fois cette

verve. Le sujet qui l'inspire ici était bien fait pour

l'exalter, car, on l'a deviné, il s'agit du professeur

ù0 1-1 PHYSIOLOGIE.

Charcot et de ses doctrines. Si canimus sylvas, sylvp.

6 ? co/M«/e dignse.

Tout en reconnaissant les immenses services rendus

par l'expérimentation physiologique , Charcot et

Pitres ont revendiqué, on le sait, pour les recherches

cliniques, une sorte d'autonomie. « Les études patho-

logiques bien dirigées ont une valeur scientifique tout

aussi grande que les études expérimentales. Elles

n'ont pas besoin d'être tenues en tutelle. Elles doi-

vent seules intervenir dans la discussion et la solution

de certains problèmes, et, particulièrement dans le

cas qui nous occupe, elles peuvent seules fournir des

données précises pour la détermination de la topo-

graphie fonctionnelle du cerveau de l'homme'. »

Il suffit de relire tout entière cette page magistrale

pour défendre les auteurs français du reproche qu'on

leur fait d'avoir voulu,dans le pays de Claude Bernard,

élever on ne sait quelles murailles de la Chine entre

les différentes provinces de la biologie, entre la

physiologie expérimentale et la physiologie patholo-

gique du cerveau. Il est évident pour tout. le monde

qu'entre les diverses sciences de la vie, comme le

dit très bien Seppilli, il n'existe point de rapports de

subordination absolue; il n'existe que des rapports de

coordination. Charcot et Pitres ont simplement pro-

testé contre les « prétentions de certains physiolo-

gistes » qui réclament précisément pour leur science

une autonomie absolue, et dont les généralisations

imprudentes ont été la source d'erreurs presque sécu-

laires dans la physiologie et la pathologie cérébrales.

1 J.-M. Charcot et A. Pitres. Etude critique et clinique des localisa-

tions motrices Paris, 1883, p. 3.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 353

« Tout le monde sait, disent ces auteurs, comment

Flourens et Magendie ont été induits en erreur pour

avoir étendu à tous les animaux supérieurs les résul-

tats d'expériences pratiquées sur des pigeons, des

poules et des lapins. » -

Il ne reste donc rien de celte lutte courtoise entre

savants également épris de leur science. Elle était née,

chez les auteurs italiens, d'une pure apparence, qui

est maintenant dissipée.

Voyons comment Seppilli juge applicables aux cas

cliniques des lésions localisées du cerveau humain les

règles posées par Luciani pour arriver, au moyen de

l'expérimentation sur les animaux, à déterminer la

nature et le siège des fonctions cérébrales. Exner,

Charcot et Pitres ont naturellement une grande part

dans l'élaboration et la constitution de ces lois.

1. Critère des effets négatifs. Il ne s'applique

pas sans restriction aux cas cliniques. On connaît la

méthode des cas négatifs d'Exner. Pour déterminer

l'aire d'un centre cortical, la sphère d'une fonction

donnée, par exemple du mouvement volontaire d'un

membre, il réunit tous les cas de lésions cérébrales

dans lesquels la motilité de ce membre était demeurée

intacte. Puis il reporte sur un schéma du cerveau

toutes les lésions révélées dans ces cas par l'autopsie.

Ce qui ressort d'un tel graphique, c'est qu'au milieu

des différents centres corticaux plus ou moins chargés

et remplis, le centre du membre considéré reste en

blanc. Ce centre coïncide donc avec le centre cherché ;

tous les autres demeurent en dehors. Les. résultats

fondés sur cette méthode, quoique très importants

pour la médecine, paraissent trop vagues et incom-

AncmvES, t. XVII. 23

3S4 PHYSIOLOGIE.

plets aux auteurs italiens pour la topographie fonc-

tionnelle de l'écorce. Car, encore que le centre cher-

ché occupe bien l'aire corticale laissée en blanc, il est

de tous points probable qu'il ne s'étend pas à ce

territoire entier, mais à une partie seulement. Telle

est la principale critique, faite ici du point de vue

physiologique. Les auteurs italiens estiment que, si

l'on voulait procéder avec une rigueur vraiment scien-

tifique (mais il faudrait un temps très long pour ras-

sembler assez de cas cliniques de cette nature), on

devrait s'en tenir aux cas très rares d'hémorrhagies

récentes en foyer : elles se produisent subitement,

elles sont nettement limitées, enfin leurs effets sur les

différents sens et sur les mouvements volontaires

peuvent être étudiés avec soin pendant la vie.

11. Critère des effets positifs. Seppilli subdivise

en trois ce critérium, selon qu'il s'agit des effets des

lésions cérébrales homonymes , non homonymes, suc-

cessives, uni ou bilatérales, asymétriques ou symétri-

ques, le dernier caractère, celui des lésions successives,

n'ayant guère d'application en clinique. Une nouvelle

critique d'Exner et de sa méthode des cas positifs, sur

laquelle repose surtout la doctrine des centres absolus

et des centres relatifs du professeur de Vienne, repro-

duit en partie, en les citant, les objections de Charcot

et de Pitres.

Procédant à l'inverse, pour arriver à déterminer un

centre cortical, Exner réunit les observations clini-

ques dans lesquelles la fonction du centre cherché

estaltérée, puis il reporte et superpose surunschéma

les lésions révélées par l'autopsie, de manière à faire

ressortir, grâce à l'intensité différente des teintes plus

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 355

ou moins foncées, les régions les plus fréquemment

lésées. A l'aide de cet artifice chromographique, une

zone corticale assez étendue se détache des régions

environnantes restées intactes : c'est dans cette zone

qu'est le centre cherché, ou plus exactement dans

l'aire centrale de cette zone. Là est le centre absolu de

la fonction corticale considérée ; son centre relatif,

beaucoup plus étendu, rayonne au loin, constitué

d'éléments nerveux de même nature, mais en propor-

tion progressivement décroissante. La destruction d'un

centre relatif peut produire quelquefois, s'il s'agit

d'un centre moteur par exemple, la parésie ou la

paralysie du groupe musculaire correspondant : la

destruction du centre absolu doit la produire presque

sûrement.

Certes, c'est bien dans ces aires corticales que les

fonctions respectives doivent être localisées. Mais ces

aires sont trop étendues, plus étendues encore que

celles qu'avait déterminées la méthode des cas néga-

tifs. « Un simple examen des planches de l'ouvrage de

M. Exner montre que les centres déterminés par la

méthode des faits positifs sont toujours bien plus

étendus, beaucoup [plus diffus que les mêmes centres

déterminés par la méthode des faits négatifs : cela

prouve évidemment que les méthodes manquent de

précision ou que l'une d'elles est moins précise que

l'autre. La plus défectueuse est évidemment celle des

faits positifs '. » '

Enfin, comme le font remarquer les auteurs fran-

çais et les auteurs. italiens dont nous parlons, les

' Charcot et Pitres. Elude critique el clinique de la doctrine des locah-

sations motrices, p. M, ôo, 1., p. 20.

35H physiologie.

167 observations cliniques dont s'est servi Exner pour

construire ses diagrammes ne sont pas comparables

entre elles. Les centres absolus d'Exner répondent

bien à l'idée de centres fonctionnellement localisés,

distincts, isolables : malheureusement, entre les

confins de ces centres et ceux des centres relatifs, il

n'y a point de délimitation possible, et tout essai de

localisation véritable demeurerait arbitraire. '

Ce n'est pas le lieu d'insister sur les défauts ou les

avantages des méthodes d'Exner pour là détermina-

tion des différents centres fonctionnels de l'écorce

cérébrale. Nous aurons le loisir de la faire quand

nous exposerons sur ce sujet les doctrines de l'Ecole

de Vienne. Mais nous ne pouvons nous empêcher de

trouver bien sévères les critiques qui viennent d'être

présentées, moins celles de Charcot et de Pitres

cependant, que celles de Luciani et de Seppilli. Les

localisateurs français, en considérant comme erronée,

avec la méthode qui l'a produite, la topographie des

centres moteurs corticaux d'Exner, sont au moins

d'accord avec eux-mêmes : ils enseignent, en effet, en

se fondant surtout sur l'étude des monoplégies pures

et des lésions qui les déterminent, que les centres

fonctionnels de la motilité volontaire occupent, dans

le cerveau, des points différents, qu'ils se juxtaposent

sans se confondre, bref, qu'il yaun certain nombre

d'organes ^moteurs isolables. Ils ajoutent, il est vrai,

qu'en cherchant à circonscrire les divers centres mo-.

teurs de l'écorce, « on ne saurait prétendre à une

précision géométrique » (1878-79); qu'il est probable

qu'entre ces différents centres, « il n'y a pas de limites

brusquement tranchées», et qu'il est possible que

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 357

«les centres voisins se confondent au niveau de leurs

bords, qu'ils se pénètrent réciproquement ».

Mais, dans un concile de localisateurs, s'il était

permis d'un rêver un, Charcot et Pitres siégeraient

entre Ferrier et Munk, tandis que Luciani et Seppilli

devraient prendre place précisément entre Exner et

Goltz ! On verra par la suite de ce travail que ces

auteurs italiens pèchent par le même défaut que

Exner, si défaut il y a : eux aussi sont des latitudi-

naires en matière de localisation cérébrale, et l'ex-

tension qu'ils accordent à leurs zones corticales sen-

sorielles et sensitivo-motrices , qui se continuent

insensiblement entre elles et « s'engrènent » sans

délimitation nette, rappelle tout à fait les vagues

confins des centres relatifs d'Exner. Aussi, dans un

récent travail sur les Derniers résultats de l'étude des

localisations cérébrales, publié dans la Wiener naedi-

ziiîische Wochenschrift (1886)', Exner s'est-il borné à

remarquer que, quoiqu'ils le combattent, Charcot et

Pitres se sont plutôt rapprochés qu'éloignés, de lui

dans leur dernier Mémoire (1883), tandis qu'il

traite Luciani et Seppilli avec une ironie des plus

légères : « Comparez, dit-il, mon schéma avec celui

de Luciani et de Seppilli, qui m'attaquent, et, d'un

coup d'oei), vous verrez qu'il n'existe au fond

aucune différence entre nous. » Puis, après une réfu-

tation des objections qu'ont soulevées contre sa mé-

thode ces auteurs italiens, Exner ajoute : « Mais

eux-mêmes, ils ont encore emprunté à quelques cas

cliniques et aux autopsies de ces cas, leurs résultats

4 N0 ! f9-J8. Ifebéi- nettere Torschttngsresullale die Localisation in der

Birnrinde betreffend.

358 PHYSIOLOGIE.

sur les localisations qui se rapportent à l'homme.

Ils citent, comme on l'a déjà fait mille fois, un cer-

tain nombre de cas où il existait tel symptôme et où

telle région de l'écorce cérébrale se trouvait lésée,

quoique j'aie montré en son temps que c'est là une

méthode qui mène aux résultats les plus erronés. Pour

faire voir combien cette méthode est peu sûre, je me

suis autrefois amusé bien que personne n'ait

jamais prétendu que le centre moteur du bras fût dans

le gyrus angulaire, à réunir vingt et un cas dans

lesquels cette circonvolution était lésée et où il exis-

tait des troubles de la motilité du membre supérieur

du côté opposé à la lésion. On peut, si l'on est dili-

gent, rassembler une vingtaine de cas cliniques pour

prouver que le centre moteur du bras siège dans le

lobe frontal, etc. On peut ainsi tout prouver. J'estime

qu'on possède aujourd'hui de meilleures méthodes

pour étudier ces choses, et que là où il y en a une

autre à appliquer, on devrait laisser reposer l'an-

cienne. »

III. Critère des lésions minima avec phénomènes de

déficit au maximm. Théoriquement, on devrait

attendre de ce critère une délimitation plus exacte

des diverses sphères fonctionnelles de l'écorce céré-

brale. G'est sur ce critère, Luciani et Seppilli le rap-

pellent, que Charcot et Pitres ont fondé leur doctrine

des centres moteurs de l'écorce. « Pour déterminer la

topographie d'un centre, moteur cortical,... il vaut

mieux rechercher et comparer, sur le plus grand

nombre possible d'observations régulières, le siège

et l'extension des lésions minima, qui ont produit la

paralysie permanente des parties dont on veut déter-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 359

miner les centres corticaux'. » Les conditions requises

pour l'application légitime du critère, telles qu'elles

sont nettement indiquées dans ces paroles, sont ainsi

énumérées par Luciani et Seppilli : 1° 'Les observa-

tions sur lesquelles porte la comparaison doivent,

pour être régulières, se rapporter à des cas cliniques

comparables entre eux à tous égards ; 2° les lésions

rencontrées doivent occuper la même région de

l'écorce, être superposables au moins en partie, pour

pouvoir déterminer le territoire de la lésion minima,

commun à tous les cas particuliers et représentant le

centre de la fonction cherchée ; 3° enfin, il est néces-

saire de connaître exactement, dans chaque cas parti-

culier, le cours entier de la maladie, et de savoir si

celle-ci a été d'assez longue durée pour qu'on soit

certain que la paralysie ou la perte absolue de la fonc-

tion du centre considéré était vraiment permanente,

qu'elle ne dépendait pas de phénomèmes collatéraux,

que toute compensation ou suppléance était impos-

sible, et qu'elle n'était point la suite de dégénérations

secondaires.

Les cas cliniques de Charcot et de Pitres remplissent-

ils ces conditions ? Les monoplégies pures d'origine

corticale n'ont-elles point la valeur que ces auteurs

leur attribuent dans ces paroles mémorables : « En

comparant entre elles un nombre suffisant d'observa-

tions de ce genre, on doit arriver à déterminer sur le

cerveau de l'homme la topographie des centres mo-

teurs corticaux avec autant de précision que cela

pourrait être fait sur les animaux par la méthode des

' Charcot et Pitres, Etudes critiques et cliniques de la doctrine, p, 55.

360 PHYSIOLOGIE.

vivisections. » Au dire de Luciani et de Seppilli, les

cas de monoplégies faciales (et linguales), brachiales

et crurales rassemblés par les auteurs français n'au-

raient point cette 'portée, c'est-à-dire qu'ils ne répon-

draient pas à tout ce que postule le critère des lésions

minima avec phénomènes de déficit au maximum.

D'abord ils ne seraient pas toujours comparables entre

eux; la terminaison fatale est survenue souvent après

peu de jours ; la marche de l'affection a été souvent

obscure; tout enfin conduirait à admettre que la perle

dès. fonctions motrices volontaires n'a atteint le degré

de paralysie observé que par une complication des

phénomènes collatéraux. Bref, la tentative d'édifier

une doctrine physiologique des centres moteurs de

l'écorce sur le critère des lésions minima soulèverait

les mêmes objections que le critère des cas négatifs et

positifs d'Exner. Avec les méthodes d'Exner, les

sphères fonctionnelles sont trop étendues, avec la

méthode de Charcot elles sont trop étroites. Il résulte

de tout cela, que, pour la détermination, au moins

approximative, de ces centres, les observations cli-

niques auraient moins de valeur que les expériences

physiologiques sur le cerveau du singe.

Les études cliniques ont toutefois une importance

capitale pour l'interprétation des phénomènes sub-

jectifs qui accompagnent, chez les animaux, les lésions

de l'écorce cérébrale. En outre, les maladies du cer-

veau sont souvent des merveilles d'analyse, qui dis-

joignent et isolent les différents éléments physiologi-

ques d'une fonction. L'observation exclusive des

animaux en expérience est incapable de révêler de pa-

reils faits au physiologiste : il lui faut l'aide et l'appui

LES FONCTIONS DU CERVEAU 361 1

du clinicien. Il est difficile de reconnaître chez l'animal

la cécité absolue, plus difficile de distinguer l'hémia-

nopsie de l'héiiiiamblyopie. Les différentes formes de

cécité chromatique ont échappé jusqu'ici à l'observa-

tion des animaux. Certains troubles de la vision que

Goltz avait considérés comme des lésions du sens des

couleurs et du sens de l'espace, ont été rapportés par

Munk, et avec raison, à la cécité psychique, état dans

lequel, on le sait, l'animal continue à voir sans pou-

voir reconnaître ce qu'il voit. « Or ces troubles de la

vision seraient demeurés obscurs et de signification

incertaine, si la clinique n'avait mis en relief, et sur-

tout Kussmaul, les cas de cécité verbale, où un individu

voit parfaitement les lettres et les mots sans pouvoir

les lire ni les comprendre. » De même pour ces trou-

bles de l'ouïe, observés chez les animaux, que Munk

a décrits sous le nom de surdité psychique, et qui per-

mettent seuls de bien interpréter les cas cliniques

d'aphasie sensorielle (Wernicke) ou de surdité ver-

bale (Kussmaul). ,

Ce qui caractérise la méthode dont nous venons

d'exposer les principes, et qui seule a paru capable

de mener au but entrevu, c'est un scepticisme profond,

raffiné, et comme résigné d'avance, uni à un ardent

besoin de foi scientifique, à une large intelligence des

opinions et des systèmes opposés, au désir de conci-

lier dans une synthèse supérieure les théories adverses

et contraires. Chez ces critiques, d'une si forte éru-

dition, d'un esprit si délié, on devine des apôtres,

mais qui ne sont jamais dupes de leurs passions, et

demeurent toujours froids et lucides. Ils savent les

faits; ils possèdent une méthode, et ne se font point

362 PATHOLOGIE NERVEUSE.

d'illusion sur la part d'erreur et de vérité de leur

oeuvre. C'est que ces savants sont des artistes, comme

l'ont été tous les physiologistes et tous les cliniciens

.de marque : ils sont supérieurs à leur oeuvre. L'étude

des fonctions sensorielles et celle des fonctions

sensitivo-motrices, que nous allons maintenant abor-

der, feront mieux comprendre et le caractère de ce

scepticisme, et cette tendance à présenterdes solutions

provisoires, éclectiques, dont on connaît la fragilité.

Aussi bien, dans l'état actuel de nos connaissances, il

ne s'agit pas de conclure, mais d'indiquer avec réserve

les directions de l'investigation scientifique et de faire

pressentir la nature et la portée des solutions pos-

sibles. (A suivre.)

PATHOLOGIE NERVEUSE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES';

Par le D, L. NIINOR,

, Privat-docent à l'Uiiiversité de Moscou.

Quant à ce qui se rapporte au troisième point, c'est-

à-dire à la fréquence de ces maladies chez les Juifs,

il semble à première vue que la statistique de M. le Dr

Korsakoff parle contre les conclusions que nous avons

tirées de notre statistique et de celle de M. le profes-

seur Kojewnitkoff puisque, quoique ce chiffre de 3 cas

' Voy. Arclt. de Neurologie, n° b0, p. 183.

? TUDE DE 1.'I'sTI0LOG1E DU T.1BES. 363 3

de tabès et de 1 cas de paralysie chez des Juifs pen-

dant 3 ans soit sensiblement inférieur à la somme de

130 cas de tabes et de paralysie chez des Russes, ces

4 malades sont pris sur 89 Juifs seulement, ce qui fait

un pour cent relativement assez élevé.

Mais cette donnée perd son importance, en premier

lieu, parce que la comparaison des résultats obtenus

sur un chiffre de 2521 cas et de celui obtenu sur un

chiffre de 89 cas ne peut être juste à cause de la dis-

semblance par trop grande des chiffres pris en consi-

dération ; mais le plus important c'est que l'un des 3

malades de M. le D'' Korsakou' figure déjà dans une

statistique; c'est donc un malade commun aux deux

statistiques; de plus, le seul malade atteint de para-

lysie que nous présente la statistique de M. Korsakoff,

figure, aussi comme un des 2 cas de la mienne. Par

conséquent, il est plus exact de prendre en considé-

ration la somme réunie des malades du Dr Korsakoff et

des miens, et la somme des cas de tabes et de para-

lysie inscrits dans ces deux statistiques.

Cependant nous pensons qu'il est encore plus exact

défaire notre compte d'après, les trois statistiques réu-

nies, nous aurons alors les résultats suivants :

Sur 4.700 Russes, il y avait 137 cas de tabès, soit 2,9 p. 100 ;

Sur 696 Juifs, il y avait 6 cas de tabes, soit 0,8 p. 100.

Sur 4.700 Russes il y avait 124 cas de paralysie, soit 2,6 p. 100.

Sur 696 Juifs, il y avait 6 cas de paralysie, soit 0,8 p. 100.

Mais ici, en ce qui concerne le tabes chez les Juifs,

j'ai mis en ligne de compte, mes deux cas et tous les

4 cas observés par M. le Dr Korsakoff ; si je prends en

considération le fait qu'il y avait des cas communs et

si j'exclus un cas très douteux de tabes, il y aura en

364 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tout 3 cas de tabès, soit 4 p. 400. De même pour les

cas de paralysie chez les Juifs, j'ai pris le plus grand

chiffre, car sur les 3 cas de M. le professeur Kojew-

nik-off, un est inscrit au nombre des 2 cas de ma

statistique (malade B); ce même cas est le seul qui se

trouve dans la statistique de M. le D'' Korsakoff.

En résumant de cette manière les résultats fournis par

ces trois statistiques, nous trouvons une nouvelle'con-

firmation de notre statistique, c'est-à-dire que le tabes

et la paralysie progressive se rencontrent aussi sou-

vent l'une que l'autre, et chez les Russes de 4 à 5 fois

plus fréquemment que chez les Juifs. Ce qui prouve

que ce rapport de 1 : 4 est vraiment trop minime,

c'est que le professeur Kojewnikoff n'a pas eu un seul

de ces tabes sur plus de 300 Juifs atteints de maladies

nerveuses; quanta la paralysie, nous jugeons d'après

les renseignements que nous a gracieusement fournis

M. le D1' Butzke, médecin en chef de l'hôpital de Préo-

brajensky, à Moscou., hôpital d'aliénés, renseigne-

ments pour lesquels je le remercie sincèrement. M. le

Dr Buzke m'a donné le droit de communiquer que,

pendant toute la durée de son service dans cet hôpital

(temps très considérable), il a eu à soigner un grand

nombre de Juifs, mais qu'il ne peut indiquer qu'un

seul cas de Juif atteint de paralysie, malade qui se

trouve encore actuellement dans cet hospice. Mais il

se trouve que ce patient (M. J...), est le second de mes

deux paralytiques; par conséquent, il n'augmente pas

le nombre de Juifs paralytiques indiqué plus haut.

En admettant même que le très honoré M. Butzke

puisse avoir oublié, en me communiquant ce rensei-

gnement, un ou deux cas de Juifs atteints de para-

ÉTUDE DE L'ET10LOG11 : DU TABES. 365

lysie, malades qui peuvent s'être trouvés à l'hôpital,

mais dont le souvenir lui échappe, nous avons cepen-

dant, en nous basant sur cette communication, pleine-

ment le droit d'assurer que dans le nombre considé-

rable. de Juifs atteints de maladies mentales, les para-

lytiques ne sont qu'une rare exception. ,

Il est à regretter que, par inadvertance de notre

part, il n'ait pas été dit dans les statistiques de M. le

professeur Kojewniko0' et de M. le Dr Korsakoff, com-

bien de malades, Russes ou Juifs, atteints d'affections

nerveuses, avaient élé anciennement infectés de la

syphilis, nous sommes néanmoins persuadé que, sous

ce rapport aussi, nos données auraient été d'accord et

que dans l'anamnèse des Russes, il se serait trouvé

plus de cas de syphilis que dans l'anamnèse des Juifs.

Il me reste aussi à relever le fait que chez les Juifs

atteints de paralysie et de tabes, la syphilis dans l'a-

namnèse est relevée dans une proportion beaucoup

plus considérahle que chez les Russes; chez ces der-

niers/d'après les statistiques de MM. Kojewiiikoff et

Korsakoff, par exemple, la syphilis se retrouve dans

60 70 à p. 100 des cas; chez les Juifs ce pour-cent est

plus considérable ; ainsi, outre les 2 cas de Juives

atteintes de tabes qui sont décrites dans ma statistique,

j'ai eu encore 3 cas de tabes chez des Juifs. Ces cinq

malades avaient eu indubitablement la syphilis. Dans

la statistique de M. le professeur Kojewnikoft', il n'y a

pas un seul cas; dans celle du Du Kosaloff, il y en a

4 ; si l'on en exclut une malade qui se trouve déjà dans

ma statistique, nous aurons 3 cas de Juifs atteints,

dont 2 ayant eu la syphilis. Donc, sur les 8 cas de Juifs

frappés de tabes que je connais, 7 avaient eu pour sûr

366 PATHOLOGIE NERVEUSE.

là syphilis, ce qui donne plus de 87 p. 100 et concorde

avec les résultats découlant de ma statistique de cas

de tabes chez les femmes.

Depuis que je pratique, j'ai eu 3 cas certains de

Juifs atteints de paralysie et 2 cas de probables. Ces

cinq cas avaient eu la syphilis. Eu égard aux coïnci-

dences que nous avons relevées plus haut, nous ne

pouvons y joindre qu'un seul cas pris dans la statis-

tique de M. le professeur Kojewnikoff. Par consé-

quent je connais 4 cas de Juifs atteints pour sûr de

paralysie et dans ce nombre, 3 avaient eu la syphilis,

ce qui donne 75 p. 100; en y joignant encore 2 cas

probables de paralysie progressive, nous aurons 5 ma-

lades atteints de syphilis sur 6, ce qui donne 83 p. J 00.

Le fait que la proportion des cas de syphilis chez

les Juifs est plus grande que celle que nous avons

relevée chez les Russes s'explique parce que l'anam-

nèse chez les Juifs est beaucoup plus exacte et plus

facile à rétablir que chez les Russes. Comme le prou-

vent les observations, il arrive souvent que ces derniers

ne connaissent pas bien leur passé et même cherchent

parfois à cacher l'existence antérieure de la syphilis,

tandis qu'au contraire les Juifs ayant eu la syphilis

l'avouent en général franchement au médecin.

AI. Charcot et ses élèves, dans la question de la

réunion des données relatives à l'hérédité, ont déjà

suffisamment relevé le fait que, dans la composition

de l'anamnèse, l'attention et la volonté du malade

jouent un grand rôle; maint malade qui, au premier

interrogatoire, avait déclaré que toute sa parenté était

en parfaite santé, est en réalité fils de parents atteints

d'affections nerveuses et proche parent d'hystériques,

ÉTUDE DE l'ÉTIOLOGIE DU TABES. 367

et de diabétiques, etc. En ce qui concerne la question

que nous traitons, cela se voit par la comparaison

des données fournies par les sujets appartenant à la

clientèle' privée, malades qui sont en général plus

intelligents et plus francs, avec les données relevées'

par les statistiques d'hôpital ; tandis que chez tous les

malades tabétiques appartenant à ma clientèle privée,

la syphilis est notée dans l'anamnèse de 90 à 100

p. 100 des cas, la syphilis n'est relatée que dans 72

p. 100 des cas de tabes soignés par moi à l'hôpital

(Compte rendu de la section des maladies nerveuses,

hôpital de la Yansa, pour 1887).

Il est indubitable que cette différence provient

en partie de l'ignorance dans laquelle les malades

se trouvent de leur passé; mais elle est causée

le plus fréquemment par le désir que le patient

éprouve de cacher sa maladie. Tous les médecins ont

vu de ces cas dans lesquels des affections nerveuses

anatomiques, la myélite, par exemple, ont été soula-

gées et ont même totalement disparu, grâce au traite-

ment parle mercure et cela quoique les malades nias-

sent opiniâtrement avoir eu la syphilis. Il n'y a pas

encore deux mois que nous avons renvoyé de notre

hôpital, après guérison, un malade qui y était entré

avec une paraplégie inférieure et qui niait avec entê-

tement toute infection syphilitique quoiqu'il eût

encore sur la face des traces évidentes de la syphilis

cutanée et une cicatrice caractéristique au prépuce. Ce

n'est qu'après un rétablissement très rapide au moyeu

de frictions mercurielles que je lui avais prescrites

que le malade avoua avoir eu la syphilis, ajoutant

qu'il voulait à tout prix le cacher, parce qu'il n'était

363 PATHOLOGIE NERVEUSE.

marié que depuis quelques semaines et qu'il craignait

que sa femme n'apprît sa maladie par d'autres

malades. , ,

Ainsi l'opinion qui s'affermit de jour en jour chez

les médecins que la principale cause du développe-

ment du tabes et de la paralysie progressive est, dans

la très grande majorité des cas, la syphilis, trouve une

preuve nouvelle et à notre avis de grand poids, dans

la statistique du tabes chez la race la plus sujette aux

maladies nerveuses, mais par contre, la moins sujette

à la syphilis. ,

Si le développement du tabès et de la paralysie pro-.

gressive était soumis aux mêmes lois que celui de 1liys-

térie, de la nécnaslhénie et de quelques psychoses, c'est

précisément chez, les Juifs que nous tî,otive-iois le î2îaxi-

«7 ! des cas de tabès et de paralysie et cependant les

faits prouvent tout le contraire. C'est pourquoi nous

devons croire que la condition fondamentale pour le

développement du tabès et de la paralysie pi'agressive

n'est pas une tendance innée aux affections nerveuses

et mentales, mais la syphilis. Quant à l'influence d'au-

tres causes agissant en même temps et déterminant

chez un malade l'apparition de l'hémiplégie, chez un

autre l'apparition du tabes, chez un troisième de la

paralysie progressive, ceci. c'est une question tout à

fait à part.

II. ATAXIE PROGRESSIVE ET AUTRES SYMPTOMES TABETIQUE ? ,

OBSERVÉS CHEZ UN OUVRIER ATTEINT DE SATURNISME CHRO-

NIQUE.

Si le tabes est la suite d'une infection syphilitique

antérieure, la question suivante se pose : cette cause

E'IEDE DE LETIOLOG1C DG T.1BE5. ' 360

existe-t-elle seulement dans la très grande majorité

des cas, comme cela se voit pour le moment dans les

statistiques, ou bien se retrouve-t-elle dans tous les

cas de tabès ?

On peut sans doute supposer que, même dans les

cas où la syphilis n'est pas relevée ou même est formel-

lement niée, cette maladie a cependant existé, mais

qu'elle a passé inaperçue aux yeux du malade et des

médecins; mais comme nous n'avons aucune preuve

positive en faveur de cette hypothèse et que nous vou-

lons rester sur le terrain des faits, nous devons pour

le moment admettre qu'il y a des cas de tabes dans

l'anamnèse desquels ne se retrouve vraiment pas la

syphilis. Si nous admettons l'existence de cas sem-

blables, nous devons rechercher pour eux aussi une

cause étiologique vraisemblable et, si nous en trou-

vons une, il sera possible de faire une comparaison

entre l'action de cette cause et celle de la syphilis

comme cause du développement du tabes vulgaire.

En discutant la question du mode d'action de la

syphilis causant dans l'avenir le tabes, nous nous

sommes rallié, le 8 décembre 1886, dans une séance

de la Société psycho-médicaie, au mode d'explication

formulé par M. Strumpell au mois de novembre de la

même année, dans son article : « Einige Bewegun-

gen ueber der Zusammenhang zwischen Tabès und

Syphilis » ;llTeccnol. (,'ertralblatl). Déjà alors, nous

avons émis l'avis qu'il est possible de regarder le

tabes comme une affection nerveuse post-sypliili tique,

analogue aux paralysies et ataxies post-fébriles, post-

diphthéritiques, etc., et nous avons démontré de notre

côté une série de faits confirmant cette manière devoir.

.\nnmn ? I. \1-I1. 21k

370 O PATHOLOGIE NERVEUSE.

Mais nous sommes loin de confondre des hypothè-

ses avec des faits indiscutables, c'est pourquoi nous

pensons qu'il convient d'examiner avec une attention

extrême les cas qui, semble-t-il, parlent en faveur de

ce point de vue. Aussi, tout en présentant à l'atten-

tion du lecteur un sujet que j'observe actuellement,

me hâté-je de dire que je suis loin de le présenter

comme un cas indiscutable de tabes; je suis égale-

ment loin de soutenir qu'il provient d'une intoxica-

tion métallique; je ne le cite que parce que je trouve

que c'est un cas qui peut être utile pour la discussion

de l'étiologie du tabes.

Mathieu Iwaiioff, trente-deux ans, célibataire. On ne peut re-

lever aucun signe d'hérédité. Buvait, parfois même avec abus. Le

malade sait lire et écrire, est intelligent et sensé, par conséquent,

il y a lieu d'ajouter foi à la catégorique déclaration faite par lui

qu'il n'a jamais eu ni la syphilis, ni aucune autre affection véné-

rienne. Un examen minutieux fait sur tout le corps et en particu-

lier sur les organes génitaux dans le but de s'assurer s'il n'existait

pas quelque cicatrice, enflure des glandes ou des taches pigmen-

taires, a donné un résultat absolument négatif. De temps à autre

seulement, on peut remarquer chez le malade une hyperplasie

assez considérable des glandes sous-maxillaires, ce qui s'explique

peut-être par le fait que le malade a beaucoup de dents cariées.

Il assure lui-même que cette hyperplasie des glandes sous-maxil-

laires se produisit pour la première fois à la suite d'un violent

refroidissement; le malade n'a jamais eu d'éruptions, d'ulcères

suspects, de rhumes opiniâtres, de maux dans la gorge, etc.

Depuis son enfance, pendant plus de vingt ans, le malade

s'occupe de la fabrication de papier de plomb pour le thé et de

capsules en plomb pour les bouteilles ; dès le bas âge, il habitait

Moscou; sept ans avant son arrivée dans notre hôpital, il alla s'é-

tablir à Odessa, où il continua le même genre de travail ; il rentra

à Moscou, six mois avant son admission à l'hôpital.

Pendant les huit premières années de son travail, le malade se

porta toujours bien ; au bout de cet intervalle de temps, se mon-

trèrent des constipations durant jusqu'à cinq jours et des accès

de coliques. Bientôt après l'apparition de ces coliques, il se leva

un matin, ayant un bras paralysé; à ce qui semble, aucun refroi-

dissement ne joua de rôle dans cette affaire ; la nuit on. cela arriva

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 371 1

I... dormit dans une chambre chaude et était de sang-froid.

D'après les indications précises du malade, il s'agissait ici d'une

paralysie typique du nerf radial, et, étant donnés l'intelligence et

le bon sens du malade, je ne puis ne pas croire en sa déposition

quand il dit que, quoique ne pouvant soulever la main, il pouvait

exécuter la supination de l'avant-bras. En conséquence, il faut

croire que c'était très probablement une paralysie de nerf radial

avec intégrité des muscles supinateurs, autrement dit, une para-

lysie saturnine.

Il fut traité pour cette maladie à l'hôpital Pierre et Paul, à

Moscou, et se rétablit vers le quarantième jour ; après quoi, il

rentra chez son patron. Bientôt après réapparurent les coliques,

si fortes qu'il était parfois obligé d'abandonner son travail pour

deux ou trois jours. Il y a sept ans il partit, comme nous l'avons

déjà dit, pour Odessa où il continua le même travail. Moins d'une

année après, il fut de nouveau atteint de constipation et pour la

première fois apparurent dans la région de la hanche et du genou

droits, des douleurs très vives qui, d'après la description, étaient

des douleurs fulgurantes typiques. Parfois se faisait sentir une

douleur continue, térébranle, dans l'articulation même. C'est

avec ces douleurs qu'il entra à l'hôpital où, à ce qu'il dit, les mé-

decins constatèrent en lui deux maladies, du rhumatisme et une

intoxication saturnine. Le traitement consista surtout en bains

sulfureux ; quand, à la suite de ces bains, son état se fut un peu

amélioré, il se remit de nouveau au travail, et de nouveau appa-

rurent les constipations, les coliques et les douleurs dans les jam-

bes (surtout dans la droite) ; à cinq reprises, il dut rester un mois

dans les hôpitaux d'Odessa.

Trois ans avant son retour a Moscou, I... commença à remarquer

en lui des accès d'un état fébrile, qui commençaient par un acca*'

blement, des frissons, et se terminaient par une transpiration.

Ces accès duraient deux ou trois jours, quittaient pour un temps

le malade, puis revenaient de nouveau. C'est pendant l'un de ces

accès que le malade entra dans notre hôpital.

Dès 1885, t...-avait remarqué une décroissance rapide dans les

facultés génératrices, décroissance qui est actuellement arrivée

à une impuissance complète.

Eu avril 188G, au retour du malade à Moscou, les coliques et

les constipations s'aggravèrent de nouveau et pendant quelque

temps il y eut une certaine enflure (la peau était rouge) dans la

région de l'articulation tibio-tarsienne. Cependant, I... continua

à travailler et, pondant tout l'été, il se sentit relativement assez

bien.

En août 1886, le malade passant le soir dans la cour obscure de

la fabrique remarque qu'il titubait souvent ; puis, il commença à

372 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tomber dans l'obscurité. En octobre, il tomba dans un état fébrile

(à ce qui semble, accès de fièvre intermittente) et après cela, les

troubles dans la marche devinrent si violents qu'il ne put plus

travailler et qu'il entra le 20 octobre 1886, à l'hôpital de la Jansa,

section des maladies nerveuses, à Moscou ; il s'y trouve encore

actuellement.

Etat actuel. Le malade est de taille moyenne, maigre, mais

pas trop cependant; son visage est d'une teinte pâle, jaunâtre,

cachectique, un peu bouffi, gonflé. -

1... a bon appétit, mais il se plaint d'une douleur et d'un poids

au creux de l'estomac, et de pyrosis. A l'examen, les organes in-

ternes semblent être normaux, à l'exception de la rate qui a un

peu augmenté de volume; tous les soirs le malade se sent mal.

Température, le matin, 36° 4; le soir, elle est ordinairement un

peu supérieure à 37°, elle est par exemple de 37° 2. Après la

prescription de la quinine, la température tombe, le matin à 36° 4

et le soir à 36° 8, et le malade se sent beaucoup mieux. Pouls de

moyenne tension, 78 pulsations à la minute. Sur les gencives se

c<f5S ! t : c< ! 'MH<'«cm<')i< ? se)'e)/omt ? «;«) ! HO<')'Kei<.

Examen du système nerveux. L'état psychique et la parole du

malade sont parfaitement normaux ; rien d'anormal dans les nerfs

crâniens. Les mouvements des yeux dans toutes les directions

s'opèrent normalement, les pupilles réagissent bien à la lumière

et à la convergence. Le malade se plaint de ce que depuis cinq

ans, il lui était devenu difficile de travailler à la lumière (les ob-

jets se confondent) ; l'examen ophthalmoscopique, fait parle très

honoré M. le D''AdeIheim, a démontré l'état normal des papilles

des nerfs optiques et de l'acuité visuelle dans les deux yeux, avec

un peu d'astigmatisme, surtout dans l'oeil droit; outre cela, une

héméralopie légère.

Le malade se plaint souvent de maux de tête et de vertige.

Les mouvements dans les extrémités supérieures sont parfaitement

normaux en ce qui concerne la force; mais lorsque les yeux du

malade sont fermés, on peut y remarquer une légère alaxie. Le

bras droit est en général plus faible que le gauche 1... est gau-

cher. Aucune rigidité dans les membres supérieurs. Les mouve-

ments passifs s'opèrent très aisément.

Dans les extrémités inférieures, la force est parfaitement inlacle;

le malade, étant couché et malgré sa faiblesse générale, peut

surmonter dans toutes les directions et dans tous les mouvements

les plus grands obstacles, de sorte qu'il ne peut être question 'non

seulement de faiblesse parétique, mais même d'aucune faiblesse

dans les jambes, de quelque nature que ce soil. Ajoutons que

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 373 Il

depuis l'entrée du malade à l'hôpital, le 20 octobre 188G, jusqu'à

maintenant, c'est-à-dire depuis près de deux ans, la force dans les

bras et les jambes n'a absolument pas varié et que maintenant

comme alors il n'y a pas la moindre parésie. J'appuie sur ce fait,

parce que-l'ataxie qui, comme nous allons le voir, existe chez

notre malade, n'est dans aucun cas paralytique.

Lorsque I... est couché, il accomplit avec l'une et l'autre jambes

les mouvements actifs par saccades, par secousses; cela se remarque

surlout dans la jambe droite; quand il veut redresser sa jambe

droite pliée, il ne le fait pas directement, mais avec une secousse :

il étend d'abord la jambe avec effort, puis, quand le mouvement

d'extension est à moitié effectué, il la redresse tout d'un coup.

Quand il a les yeux fermés, il lève trop haut les jambes et les

lance tantôt trop en dehors, tantôt trop en dedans. Il ne peut

absolument pas poser le talon sur le genou dé l'autre jambe et,

même quand il a les yeux ouverts, tous ses .mouvements n'atlei-

gnent pas le but qu'il se.proposait. " ....

Lorsque le malade entra à l'hôpital, il pouvait se tenir debout;

quand il avait les yeux clos, il chancelait. Maintenant il se tient

debout avec peine, et quand il ferme les yeux, il tombe. Sa dé-

marche est très caractéristique : ses. jambes, font une quantité de

mouvements superflus, se jettent de tous côtés; dans les genoux

s'opère une extension trop considérable, le talon frappe le plan-

cher à chaque pas, etc. Bref, nous avons devant nous une ataxie

tabétique typique avec cours progressif : Au commencement, le

malade marchait seul, à l'aide d'une canne; maintenant il ne

marche que soutenu par une autre personne et, de temps à autre,

que quand il est appuyé dés deux côtés.

La sensibilité est excessivement modifiée dans presque tout le

tronc depuis les deux spina scapuloe, dans les membres infé-

rieurs jusqu'à la plante des deux pieds et, en partie, dans les

extrémités supérieures. Ainsi, nous remarquons chez le malade

une anesthésie prononcée du côté droit du dos sur presque toute

l'omoplate jusqu'à la colonne vertébrale en dedans, la spina sca-

pu].% en haut et presque jusqu'au milieu du ventre en bas; par

devant, cette anesthésie continue en passant sous le bras presque

jusqu'au manubrium sterne en haut, au téton gauche et jusqu'au

milieu de l'hypocondre gauche. Toutes les autres parties du

tronc sont aussi atteintes d'anesthésie, mais à un degré un peu

moindre. Puis, sont frappées d'anesthésie : dans le bras droit

(depuis mars 1887j les régions des nerfs cutaneus, medialis, mé-

dius, cutaucus postérieur supérieur et de tout le nerf ulnariq. La

même anesthésie se fait remarquer ces derniers temps dans le

bras gauche aussi. Dans les membres inférieurs, un assez grand

espace à la jambe gauche est privé de sensibilité, dans les ré-

374 PATHOLOGIE NERVEUSE,

gions du nerf cutaneus lateralis a la hanche et du nerf peroneus

communisàfajamhe.

Passant à l'examen des différentes espèces de sensibilité, nous

trouvons que la sensibilité tactile existe presque partout, quoique

affaiblie, à l'exception des endroits que nous venons d'indiquer

dans les bras et les jambes, endroits, où elle est réduite à zéro.

Cet affaiblissement de la sensibilité se remarque surtout à l'exa-

men avec le compas de Weber. Les résultats de cet examen, qui

a été fait avec le plus grand soin et à plusieurs reprises, se résu-

ment dans le tableau suivant. Deux contacts ont été ressentis

comme tels aux distances :

ÉTUDE Di;L'ET ! OLOGtE DU TABES. 37o

droits seulement et sans ordre, se trouvent des îlots où la sensi-

bilité est plus grande, par exemple, dans la région des nerfs

saphènes, sur la face interne de la plante du pied gauche où par

moments les piqûres sont ressenties comme telles. Sur la plante

des pieds, les piqûres les plus profondes ne sont ressenties que

comme contacts. Aucun ralentissement dans la transmission des

sensations n'a pu être constaté dans les endroits où la piqûre fai-

sait l'effet d'un simple contact.

Quant à la température, le malade la distingue à peine aux

jambes, même avec un écart de 20°; le plus souvent, il ne sent

absolument pas les objets chauds appliqués à cet endroit tandis

qu'il sent les objets froids et peut tout de suite en indiquer la po-

sition. Dans la région des nerfs peroniers de la jambe gauche une

température de 330 n'est pas ressentie comme une impression de

chaud. Dans les hanches se fait par places remarquer une diffé-

rence entre 28° c. et 33° c. ; la température de 28° produit alors

une impression de froid; dans la hanche droite, il y a même des

endroits où le malade peut distinguer même la différence de 29°

3'->O; mais il ne distingue nulle part une différence de 2 degrés.

La sensation de pression est excessivement affaiblie ; dans la

région des deux crista* tibia;, le malade ne sent pas même la

plus fo1te pression; dans les hanches il perçoit la pression et peut

même jusqu'à un certain point, en évaluer l'intensité.

Le sots musculaire (c'est-à-dire la faculté de se rendre compte

de la position des membres) est extrêmement troublé dans les

membres inférieurs.

La localisation des sensations est très inexacte, mais il n'est pas

possible de dire que le malade ait indiqué le siège des sensations

trop près du centre seulement, ou seulement trop loin du centre :

il s'est trompé des deux manières. Les objets très froids lui font

souvent l'impression d'une brûlure.

En général, dans ce cas comme dans la majorité des cas de

tabes, les données fournies par les examens répétés de la sensibi-

lité n'étaient pas toujours concordantes, non seulement à un in-

tervalle de plusieurs jours, mais même à quelques heures d'inter-

valle ; il arriva souvent que des îlots, qui le matin étaient

complètement privés de sensibilité, devenaient vers le soir plus

sensibles, et vice versa. Nous devons néanmoins remarquer que

ces changements étaient assez fréquents dans chaque point en

particulier, mais que pourtant le caractère général de l'anesthé-

sie reste toujours le même : dans les membres supérieurs, la face

ulnaire, ainsi que les deuxième et troisième derniers doigts;

dans les membres inférieurs, les jambes (du genou au pied);

dans le tronc, la moitié droite de la poitrine et du dos et tout le

ventre sont constamment insensibles.

376 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Les résultats généraux de ces examens répétés à plusieurs re-

prises sont représentés dans les dessins suivants (fig. 8 et 9) :

La sensibilité farado-cutanée est sensiblement L affaiblie par places,

par exemple, dans la région des nerfs saheni de la jambe droite

où elle est réduite à zéro par endroits, elle est encore passable-

ment intacte, à la hanche droite, par exemple; à la hanche

gauche, dans la région du nerf cutaneus lateralis, le seul attou-

chement de l'électrode (sans courant électrique) n'est presque pas

perçu, mais le malade peut indiquer le point de contact quand le

courant électrique agit.

La sensibilité musculaire (faculté de se rendre compte des con-

tractions des muscles) semble être excessivement affaiblie; ainsi,

quand on fait passer un violent courant à travers le point exci-

table du nerf peroxeus sinister, le malade ressent à cet endroit

un tiraillement douloureux, mais il ne sait absolument pas s'il se

produit dans l'articulation tibio-tarsienne quelque mouvement et

si ses muscles se contractent.

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 377 -i

De même il ne se rend absolument pas compte de contractions

très violentes dans la région du muscle vaste interne.

Les réflexes cutanés sont presque complètement abolis dans les

plantes des pieds. *

Les réflexes l'Ofztlte7tS sont totalement tibolib dans les deux membres

inférieurs à ce que prouvent les observations répétées et diverses.

Les sphincters delà vessie et de l'anus agissent en général d'une

manière satisfaisante ; cependant il arrive de temps en temps que

J... est atteint de rétention d'urine. La nutrition des muscles est

parfaitement normale. Les réactions électriques sont également

normales dans les muscles des -membres supérieurs et inférieurs.

L'irritabilité mécanique des muscles est intacte.

Marche de la maladie. Les symptômes relevés chez le malade

pendant le cours de nos observations ont progressé d'une manière

sensible ; peu à peu J... a perdu toute possibilité de se tenir debout

sans appui et de marcher sans aide. L'ataxie a atteint des limites

extrêmes. A l'époque de son entrée dans notre hôpital, le malade

avait tous les soirs une certaine faiblesse, des maux de tête et

des frissons; le matin il se levait couvert de sueur. La rate a été

trouvée augmentée de volume. Après l'absorption d'une petite dose

de quinine, la température descendit, le soir, de 37°6 à 36°2

3G°,8, et le matin à 36° - 3G°r; les douleurs ressenties par le

malade"Tau côté gauche se calmèrent, mais par contre apparurent

des douleurs fulgurantes dans les membres inférieurs. Vers le

2 novembre 1886, l'augmentation de la rate n'était plus sensible ;

alors les douleurs fulgurantes furent remplacées par des douleurs

au côté droit, une sensation de ceinture et de constriction dans les

muscles du cou. Vers le 30 novembre, la rate se gonfle de nouveau,

des maux de tête et une douleur dans tout le corps apparaissent

dereclief ; à midi la température est de 37°, 4 le pouls a 96 pulsations

à la minute; le soir, transpiration. Après une nouvelle dose de

quinine, la température tombe le lendemain à 3605 ; l'état général

s'améliore, mais les douleurs térébrantes se montrent de nouveau

dans les jambes. Jusqu'au 28 décembre, la situation du malade

est assez satisfaisante, mais le soir de ce jour, la température

remonte de nouveau à 38°p. La rate augmente de nouveau de

volume, une indisposition se fit qui commença par un frisson et

se termina par une transpiration ; en même temps, on pouvait

remarquer des râles très fréquentes dans les deux poumons.

Après une amélioration de peu de durée (température 36°o 37°),

pendant laquelle le malade commença à se plaindre pour la pre-

mière fois d'une sensation de ceinture caractéristique à la partie

inférieure de la poitrine et au ventre, la température monta, le

soir du 31 décembre 1880, à 40° et le l01' janvier 18S7, au matin,

elle était de 37° : i, le pouls 108; pas de râle dans les poumons,

forte indisposition, douleurs dans tout le corps; la langue est

378 8 PATHOLOGIE XERVEUSE.

couverte d'une épaisse couche. Le 2 janvier, température, au

matin, 39°8, au soir, 3805, pouls 72; transpiration. Enfin le 4,

3G°5, le matin et 36°3, le soir. Le malade est très épuisé, pâle;

bientôt se produisirent des saignements de nez qui affaiblirent

' encore plus le malade.

C'est précisément à cette époque que se fit remarquer une

forte aggravation dans l'ataxie ; le malade ne pouvait déjà plus se

mouvoir tout seul et c'est à peine s'il pouvait se traîner quand on

le soutenait. Les douleurs lancinantes augmentèrent dans les

jambes ; il en était de même des douleurs térébrantes dans le

genou droit et le côté droit de l'aine; le malade ressent des

douleurs semblables entre les omoplates et dans l'épaule droite.

Le liseré plombique sur les gencives ne se voit déjà plus.

Le la mars 1887, J... commença à se plaindre de la sensation

de ceinture qui s'était calmée et pour la première fois se produisit

un engourdissement dans la région des quatrième et cinquième

doigts de la main droite. Le 27 juillet, nouvel accès de fièvre

(température, soir, 39°,2) qui se prolongea 3 jours et se termina

par une transpiration. Ensuite, le malade fut de nouveau sans

fièvre, mais il ressentit parfois une légère indisposition. Le 2 oc-

tobre 1887, après des vertiges annonçant un malaise et des

frissons qui durèrent toute la nuit, la température remonta de

nouveau à 39°,2; le pouls 120. Cet accès dura en tout vingt-

quatre heures et de ce moment jusqu'à maintenant, il n'y eut plus

d'état fébrile si l'on ne compte pas un jour de fièvre après un

essai d'hydrothérapie.

En résumé, nous avons un malade présentant les

symptômes d'un épuisement général, les symptômes

évidents d'une intoxication saturnine qui existe depuis

nombre d'années, et ayant eu précédemment une

paralysie saturnine, des constipations, des coliques et

un liséré plombique aux gencives. Puis nous remar-

quons une tuméfaction temporaire de la rate, accom-

pagnée d'une élévation de température de caractère

paludéen cédant rapidement à la quinine.

Du côté du système nerveux, nous trouvons dans

les mouvements une ataxie violente que nous voyons

progresser devant nos yeux dans les membres infé-

rieurs et moins prononcée dans les extrémités supé-

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 3 9

rieures. Du côté de la sensibilité, une anesthésie très

prononcée et très répandue atteignant inégalement

les différentes espèces de sensibilité, elle atteint au plus

haut point la sensibilité à la douleur et au moindre

la sensibilité au contact et au froid.

Subjectivement, nous trouvons une sensation de

ceinture, des douleurs lancinantes et des paresthésies

diverses; symptôme deRomberg; symptôme de West-

plial aux deux jambes ; la faculté de reconnaître la

position d'un membre dans l'espace est tombée; la

sensibilité farado-cutanée et le sens musculaire sont

affaiblis; impuissance génitale; malgré une violente

ataxie progressive qui va presque jusqu'à l'impossibi-

lité de marcher, la force dans les jambes est normale

jusqu'à maintenant, de même que la contractilité

électrique.

Avant tout, quelle est donc l'étiolo-ie de cet inté-

ressant assemblage de troubles nerveux que nous

retrouvons chez notre malade ?

Nous ne pouvons admettre comme cause de ces phé-

nomènes nerveux ni l'hérédité, ni l'action particulière

du froid, ni l'abus des spiritueux, ni enfin la syphilis,

puisque toutes ces causes sont niées catégoriquement

par notre malade et que nous n'avons aucune raison

de ne pas le croire. C'est pourquoi nous devons bon

gré mal gré attribuer son état nerveux aux causes qui

ont amené une déchéance si rapide et si prononcée de

son état général; il n'y en a que deux : l'intoxication

saturnine et la fièvre intermittente.

Laissant de côté les cas des diverses affections ner-

veuses intermittentes, spécialement des paralysies

intermittentes et des paralysies semblables qui sont

380 PATHOLOGIE NERVEUSE.

la suite de la fièvre intermittente (voir Herz', Bourru2,

Gibney , Gubler ? Btizzard ', Jaccoud", ]Macario\

Pearson Nash8), nous ne pouvons, pour eu faire la

comparaison avec notre cas, nous arrêter qu'à un cas

d'ataxie aiguë après la fièvre intermittente, décrit par

Kaher et Pich 9. Cependant, ce cas lui-même est très

dissemblable du nôtre, car, comme symptômes, outre

l'ataxie, l'affaiblissement du sens musculaire dans les

membres inférieurs et l'abolition de réflexes rotuliers,

on y a trouvé la sensibilité normale, un léger déran-

gement psychique, un trouble anarthrique dans la

parole ; nystagmus. Enfin, dans ce cas, il y avait début

aigu (deux jours) et la maladie se termina en dix jours

environ avec la réapparition des réflexes rotuliens.

Nous n'avons pu trouver dans la littérature aucun

cas d'ataxie après la fièvre intermittente, qui offrit

plus de ressemblance avec le nôtre que celui dont nous

venons de parler et par conséquent, nous n'avons à

notre disposition aucune observation sur laquelle nous

puissions directement nous baser pour voir dans la

fièvre intermittente la cause des troubles nerveux que

nous avons relevés dans notre malade. Mais, si même

il y avait des cas semblables, cette cause étiologique

serait à notre avis invraisemblable dans le cas qui

' 7/<'M ! MMM tfa ? i(li). rlrlic. Malaria',

s P·ogrés ntélical, 188î, n° 'r't.

'.7o'/)'n. of. Neurol., 188'2, il- 1.

* Des paralysies, de leurs rapports, etc. (.4rcl. Ydiléi ? 1860.)

5 Paralysis from penph. Neurit. 1886, p. 105.

Jaccolid. Les paraplégies et l'ataxie du mouv. Paris, 1864, p. 405.

' Des paralysies e.seitt. Ann. méd. de la Flandre occid. 1853. Des

par. dy7ani., )8j.

8 Caries of spinal haralysis. 1862. Lancel.

' Beili-age zur Pathologie... des Nerreit.c., 1819, p. 61.

ÉTUDE DE L'ET1ULJG1E DU TABES. 381

Hous occupe. Ici l'infection paludéenne était loin

d'être très prononcée; la rate enflait à peine pendant

les accès; 0 gr. 50 de quinine suffisaient pour lui

faire reprendre sa place derrière les côtes; la tempé-

rature ne dépassa 38° c. que du 28 décembre 1886 au

4 janvier 1887, en juillet et en octobre 1887 (chaque

fois pendant 2 ou trois jours); le reste du temps la

température atteignit à peine 37° 6 et cela de temps à

autre seulement; le foie n'augmenta pas une fois de

volume; les accès étaient en général si peu violents

qu'avant son entrée dans notre hôpital, il arriva sou-

vent que le malade continua son travail même pen-

dant ses accès et enfin depuis le mois d'octobre 1887

jusqu'à maintenant la température n'a plus remonté.

Et maintenant, voici comment Kahler et Pick décrivent

leur cas : « Le 1ex août, le malade, étant alors en

bonne santé, fut tout à coup pris de frissons, puis

se produisit un accès typique de fièvre. Le 2 août

et toutes les nuits suivantes jusqu'au 12 août, ces

accès se répétèrent ; accès excessivement pénibles,

frissons très violents mais de courte durée, périodes

de chaleur au contraire très longues; au contact,

peau brûlante; visage écarlate, forte douleur au front;

par moments, délire; transpiration toujours très abon-

dante; pendant cette transpiration, le malade est

extrêmement faible et reste couché comme étourdi.

A peine commençait-il à se remettre d'un accès,

qu'une autre crise se produisait. A cette maladie,

comme en étant la continuation immédiate, s'ajoute

l'ataxie, etc.

Il n'y avait rien de pareil dans notre cas. Enfin ce

qui, à notre avis, a. une importance capitale c'est que

382 PATHOLOGIE NERVEUSE.

chez notre malade le commencement des symptômes

nerveux a été remarqué beaucoup plus tôt que l'appa-

rition de la fièvre intermittente puisque les douleurs

lancinantes typiques s'étaient fait sentir en 1880, tan-

dis que la fièvre intermittente n'apparut qu'en 1884.

Ainsi, prenant en considération tout ce qui vient

d'être dit, nous n'avons aucune raison valable de

considérer dans le cas donné la fièvre intermittente

comme la cause des affections nerveuses que nous

avons relevées ; et il ne nous reste qu'une cause étio-

logique possible, c'est l'intoxication saturnine'.

Ce qui parle en faveur de cette étiologie, c'est que

pendant presque toute sa vie, le malade s'est occupé

sans interruption de travailler le plomb; outre cela,

nous avons chez lui pendant nombre d'années le

tableau d'une intoxication chronique par ce métal,

grâce à laquelle le malade a dû, à plusieurs reprises,

rester à l'hôpital. Il ya vingt ans que In... s'empoi-

sonne par son travail et depuis douze ans déjà, les

symptômes d'intoxication ne l'ont pas quitté; cette

intoxication s'est manifestée d'abord par des coliques

et une paralysie du bras et douze ans plus tard, le

malade entrait dans notre hôpital ayant un liséré

plombique aux gencives. Etant donnée l'existence de

ce phénomène, d'un phénomène qui est surtout si

connu spécialement par les lésions nerveuses qui

l'accompagnent, il est difficile de ne pas admettre la

pensée que, dans notre cas, c'est une intoxication'

1 Comme cela ee voit du reste par l'histoire de la maladie, les accès

fébriles ont sans aucun doute contribué à l'aggravation des phénomènes

nerveux; presque après chaque accès, on remarquait ou quelque symptôme

nerveux (par exemple : la sensation de ceinture), ou l'aggravation des

symptômes précédents (par exemple : l'ataxie).

ÈTUI)T bE l'étiologie. du TAI3Eg,. 383 a

saturnine qui a été la cause fondamentale des affections

nerveuses apparues plus tard.

Mais qu'est au fond cet ensemble des symptômes

nerveux que nous avons observés chez notre malade ?

Il est indubitable que chacun de ces symptômes, pris

a part, appartient au tabes vulgaire. Qu'est-ce qui

pourrait parler contre l'existence du tabes chez notre

sujet ? Naturellement, pas le fait que dans l'anamnèse

ne figure pas la syphilis, puisque dans la littérature

on trouve encore des cas typiques de tabes sans

syphilis dans les antécédents. La marche de la mala-

die, de même, ne parle pas contre le tabes ; quoi-

qu'elle ait été rapide, elle a cependant progressé pen-

dant des mois et des années et non pendant des jours et

des semaines. Les douleurs lancinantes ont commencé

chez le malade longtemps avant l'apparition de l'ataxie

et cette dernière était excessivement moins violente

lors de l'entrée des malades dans notre hôpital qu'elle

ne l'est maintenant. Si même on veut dire que la mar-

che de la maladie a été rapide, il est aisé d'énumérer

toute une série de cas indubitables de tabes dans

lesquels le commencement de la maladie a été très

aigu et dont la marche a été assez rapide.

Ce qui pourrait' encore parler contre l'existence du

tabes dans notre cas, c'est l'absence complète des

symptômes ophthalmiques qui jouent un rôle si impor-

tant dans le tableau clinique de tabès ; pourtant, en

nous arrêtant sur les cas de tabes vulgaire, nous pou-

vons trouver aussi, soit dans la littérature spéciale,

soit dans les manuels, des indications concernant des

diagnostics indiscutables dans lesquels n'existent pas

les symptômes oculaires.

384 pathologie nerveuse.

Nous reproduirons comme exemple les paroles de

M. Leyden' : « Er gehoert freilick nicht in allen...

raellen zuden ersten Symptomender Krankheit ; » les

paroles de M. Vulpian " : « Il convient de dire toute-

fois que ces troubles font défaut dans un certain nom-

bre de cas, » et plus loin; « l'état de l'iris est très

variable : tantôt les pupilles sont normales et répon-

dent bien aux influences lumineuses, se resserrant

lorsque la rétine reçoit une lumière plus vive, se

dilatant dans des cas contraires, etc. »

M. Eulenburg, dans son manuel des affections

nerveuses dit que dans un tiers de ses sujets il n'a

pas trouvé de troubles des muscles oculaires.

Enfin, il n'y avait également pas de symptômes

oculaires dans 3 des 20 cas de Duchcnne (de Boutogne),

et ce dernier dit lui-même dans sa classique descrip-

tion' « la paralysie des nerfs moteurs (de )'oei))... peut

même manquer ».

Le champ occupé par l'anesthésie est assez consi-

dérable dans notre cas, mais ces anesthésies, qui

remontent si haut dans le tronc, sont loin d'être rares

même dans les cas les plus simples de tabès; dans son

livre, M. Eulenburg dit même que des anesthésies si

hautes se rencontrent excessivement souvent («acus-

ser kaeung » ) et qu'elles frappent même la tète. Quant

aux anesthésies dans les bras, elles sont bien con-

nues, surtout depuis ces derniers temps.

Par conséquent, en basant notre diagnostic, non pas

' Real-Encyclopedic, t. XIII, p. 385. : Maladies du système nerveux, 1879, t. 1, p. 232 cl 233.

a 1`" GClilÎpil, 17. tt8.

1 Paralysies localisées, p. 638.

étude DE l'etiolcgie du tabès. S83

sur un symptôme isolé, mais sur l'ensemble des

symptômes existant chez notre malade, nous aurions,

malgré l'état normal des muscles oculaires et du fond

de l'oeil, pleinement le droit de diagnostiquer le tabes

ordinaire s'il n'existait dans la littérature toute une

série de cas concernant justement des gens empoi-

sonnés par un poison quelconque (l'alcool au premier

plan, le plomb, le sulfure de carbone, etc.) ou ayant

eu une maladie infectieuse (la diphtérie, par exemple),

cas dont les symptômes formaient un tableau ressem-

blant beaucoup à celui des symptômes du tabès, mais

dans lesquels le tabes n'existait cependant pas. Quel-

ques auteurs ont donné à des cas de ce genre le nom

de i)8etedo-labes ', d'autres celui d'ataxie aiguë, etc.

Eu nous servant d'un travail très intéressant de

M. Leval-Piquechef 2, nous pouvons reconnaître les

' Notre nomenclature n'a pas encore fixé de règles d'après lesquelles

les auteurs puissent se servir de cette particule pseudo », certain que

le lecteur comprendra au moins en quoi la pseudo-maladie se distingue

de la véritable. Pour cela, il suffit de comparer la signification de cette

particule dans les tableaux de la pseudo-sclérose (Weslphal, Arch. v.

Psrlclr. Bd. XIV, w. I), de la. pseudo-paralysie bttlbaire, de la pseudo-

hypertrophie musculaire, du pseudo-tabes, etc., par exemple. C'est pour-

quoi je suis pleinement d'accord avec SI. Attbaus (Ueber Sclérose des

lirickennacerks, 188t, p. 221), qui conseille de borner la dénomination de

pseudo-sclérose aux cas semblables a celui de M. Westplial; mais en

même temps, je ne puis considérer comme bien fondée la remarque faite

a ce sujet par lui à mon adresse et à celle de M. Ballet, parce que cette

remarque a été visiblement causée par le fait que M. Althaus n'a pas

justement compris le titre de notre travail commun publié dans le

tome VII des Archives de Neurologie. Nous n'avons justement pas décrit

une « fausse sclérose», mais une 'fausse sclérose systématique de la

moelle épinière » et si M. Atthaus avait bien voulu remplacer le mot

« fausse » par celui de « pseudo », il aurait du nommer notre cas

« sclérose pseudo-systématique » et non «pseitdo-scléi,ose systématique ».

Nous ne pouvions donc aucunement c amener de confusion dans la

nomenclature», puisque notre but était de démontrer non pas une pseudo-

sclérose, mais une sclérose véritable, mais pseudo-systématique, ce à

quoi %I. Althaus n'a pas fait attention, ce qui est à regretter.

Des pseudo-labes, 1885; Lille.

.lucmna, t. 1\ IL 2j

386 pathologie nerveuse.

signes qui distinguent la pseudo-tabes du tabes vul-

gaire.

Avant tout, c'est l'absence des altérations anato-

miques dans la moelle épinière; naturellement ce point

ne peut pas avoir d'importance dans notre cas, puis-

que notre malade est vivant.

Secondement, le développement aigu. Mais d'abord,

M. Leval-Picquechef admet même un délai de trois ans

comme développement aigu et de plus, il est lui-même

troublé par l'existence des tabes vulgaires rapides

(Fournier, Erb., Vincent, etc.). Qu'est-ce qui peut

donc décider le diagnostic dans une marche relative-

ment si rapide du tabès ? 1) l'autopsie, mais nous n'en

pouvons pas parler; 2) la suite typique ou non typi-

que du développement du tabes. En ce qui concerne

notre cas, nous avons justement fait remarquer que

le développement de la maladie était assez typique ;

3) « la terminaison est favorable » et « dans le tabes

on a affaire à une maladie où la mort est à peu près

certaine; dans l'autre cas (le pseudo-tabes), la gué-

rison est au contraire la règle » (voir l'introduction

du livre)». Cette amélioration s'opère habituellement

« sublata causa ». Cependant, dans notre cas, nous

voyons précisément le contraire : tandis que les symp-

tômes plombiques, constipations, coliques, liséré aux

gencives, ont disparu, les symptômes nerveux ont

progressé devant nos yeux et il ne se produit aucune

apparence d'amélioration ; 4) dans les pseudo-tabes

Jes troubles des organes génito-urinaires sont très

rares; dans notre cas, il y a impuissance génitale

absolue et tendance, peu fréquente il est vrai, à la ré-

tention d'urine; 5) dans le pseudo-tabes, il n'a pas de

étude de l'étiologie DU TABES. 387

symptômes ophthalmiques, myose, symptôme d'Argyt-

Robersom, etc.; mais nous avons déjà parlé de cela

en ce qui concerne notre sujet et nous y reviendrons

encore. Ensuite, dans le pseudo-tabes se remarquent

souvent des phénomènes parétiques et une douleur

lors de la pression des grands troncs nerveux : aucun

de ces phénomènes ne se retrouve chez notre malade.

Nous devons ajouter ici que ces parésies observées : i

souvent dans letableau clinique nommé pseudo-tabes,

ont donné, non sans fondement, le droit de considérer

beaucoup de cas d'ataxies pseudo-tabétiques comme

non véritables, mais comme des ataxies paralytiques

seulement. C'est ce qu'ont démontré avec raison

MM. Charcot. (Voyez Leval-Piquechef, 457 et Bris-

saud'.)

Sans entrer dans plus de considérations, si l'on ad-

met l'existence d'une telle unité clinique à laquelle

ou puisse donner le nom de pseudo-tabes, notre cas,

d'après ce que nous avons dit, ne se rapproche pas

de ce tableau clinique ou du moins, ne doit absolu-

ment pas être rangé dans cette catégorie.. z

Nous avons pourtant dans la littérature une série de

cas se rapprochant du tabes vulgaire par l'ensemble

de leurs symptômes, mais qui occupent pour le mo-

ment une place à part, grâce à leur étiologie spéciale

et à quelques signes particuliers, dépendant de cette

étiologie. Ce sont précisément les intéressants cas de

tabes causés par l'ergotisme décrits par M. Fuczek\

ils n'ont pas été. relevés par M. Leval-Picqueclief dans

l'histoire des cas de pseudo-tabes, parce qu'il s'y trou-

1 Des paralysies toxiques, 1886, p. 38.

' .9nch. f. Psch. Bi. \lll, n^ 1.

388 8 pathologie nerveuse.

vait des altérations très caractéristiques des cordons

postérieurs de la moelle épinière.

Par la comparaison avec les cas de tabes dus à l'er-

gotisme, notre cas acquiert un intérêt particulier en

ce que ces mêmes symptômes qui nous ont fait réflé-

chir dans notre diagnostic se retrouvent dans plusieurs

cas de Fuczek. Dans aucun de ces cas il n'y avait ni

myose, ni symptôme d'Argyl-Robertson, et dans les

Observations XX, XXII (ce dernier cas très curieux),

XXIV, XXV, XXVI, XXVII, la largeur de la pupille

était parfaitement normale; nous voyons donc que le

symptôme qui nous troublait le plus l'état normal

des yeux dans notre cas, n'est pas une preuve par-

lante contre la possibilité d'une lésion des faisceaux

postérieurs, et que même, au contraire, dans le tabes

toxique (non syphilitique) ces symptômes ophthalmi-

ques ne se reproduisent pas, d'ordinaire.

Une seconde coïncidence intéressante, c'est l'état

de la sensibilité chez quelques-uns des malades de

M. Fuczek. Dans le cas XXIII, par exemple, la sensi-

bilité tactile était normale, mais la sensibilité ci la

douleur était fortement affaiblie dans tout le corps

(p. 115, en cursive dans le texte). Dans le cas XV, où

les yeux étaient parfaitement normaux, on remarquait,

outre la perte des réflexes rotuliens, outre des four-

millements, etc., un violent affaiblissement de la sen-

sibilité dans tout le corps (p. 117). « Fiesste Nadel-

Stiche, écrit Fuczek, werden niergends schmerzhaft

empfuudeu »; les réflexes cutanés de la plante des

pieds très amoindris; sensibilité farado-cutanée égale

à zéro; dans ce dernier symptôme aussi, il y a coïnci-

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 389

dence avec notre cas'. Enfin, dans le cas XXVI, on

retrouve le même affaiblissement de la sensibilité à la

douleur-dans tout le corps, avec état tout à fait nor-

mal des yeux et de la sensibilité tactile.

Notre sujet présente donc des analogies frappantes

avec ceux de M. Fuczek, soit par les symptômes con-

cernant la moelle épinière, soit par l'étiologie; en

même temps, grâce à l'abondance des symptômes

d'un côté et à l'absence complète d'autres symptômes

(concernant le cerveau, par exemple) d'un autre côté,

notre cas présente un tableau si pur et si net que, par

cela même, il peut être, sinon identifié en tabes vul-

gaire, du moins placé tout près de celui-ci.

Si l'on considère ainsi notre cas, il acquiert de

l'importance dans la question de l'étiologie du tabes;

grâce à ce cas, on est disposé à considérer le tabes

ordinaire, avec la syphilis dans l'anamnèse, comme

une maladie toxique. Sous ce rapport, l'intoxication

saturnine chronique convient fort pour servir de point

de comparaison avec l'influence de la syphilis; l'in-

toxication saturnine, comme on le sait, développe

dans la plupart des cas, ses effets meurtriers d'une

façon très lente; de même que la syphilis, elle n'é-

pargne aucun organe du sujet qu'elle frappe et, même

après la disparition du plomb dans l'organisme, elle

- laisse dans ce dernier une prédisposition singulière

- de. graves affections nerveuses qui portent en elles

des signes caractéristiques grâce auxquels il est pos-

sible de reconnaître leur cause fondamentale.

1 Puisque la sensibilité tactile a été trouvée (dans notre cas) anormale

seulement à l'examen au moyen du compas de Weber; les contacts

simples étaient sentis presque partout par le malade.

390 pathologie nerveuse.

Un fait qui est très intéressant, c'est que les diverses

intoxications de l'organisme se manifestent en géné-

ral dans le système nerveux soit par une lésion des

nerfs périphériques, soit, sinon aussi fréquemment,

du moins plus souvent qu'on ne le croit en général, ou

bien encore par une lésion des faisceaux postérieurs,

de la moelle épinière ou bien encore par ces deux lé-

sions à la fois.

Sans parler de toutes les névrites si connues main-

tenant (alcooliques, plombiques, diphthéritiques, etc.),

je ne puis pas ne pas' indiquer la grande part qu'y

prennent justement les cordons postérieurs de la

moelle épinière; ainsi Fuczek cite déjà des cas de lé-

sion de ces faisceaux jiost-puerperium, après l'enahoi-

sonnenaeot par lcibsii ? tlie, à la suite de la lèpre, de la

pellagre, après la scarlatine, la dil)hthéîie; puis, nous

avons la description faite ces temps derniers par

avons )a description faite ces temps derniers par

M. Vierordt de troubles dans les faisceaux postérieurs

de la moelle épinière dans un cas à.' intoxication alcoo-

licce; il m'est arrivé à moi-même d'observer deux cas

de paralysie alcoolique (l'un est cité dans la thèse de

M. Korsakoff, et tous les deux ont été communiqués

par moi dans une séance de la société physico-médi-

cale de Moscou) ou, à côté d'autres altérations (dans

un des cas, forte dégénération des nerfs périphéri-

ques), il y avait des troubles dans les cordons posté-

rieurs de la moelle épinière sans foyers diffus. De-

.puis, il y a quelques années, j'ai eu à examiner très

en détail dans la clinique de 111. le professeur Kojew-

nikoff en cas de paralysie arsenicale dans lequel

outre la dégénération excessivement prononcée des

nerfs périphériques et des muscles, il y avait dégéné-

ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 391

ration très marquée et, sans doute possible, primitive

dans toute la longueur de faisceaux de Goll (la queue

de cheval était intacte). J'ai eu l'honneur de présen-

ter des préparations anatomiques de ce cas à 119. les

professeurs Charcot, Westphal, Merziejewsky, Fuczek,

etc. Il y a fort peu de temps, j'ai examiné, le plus

minutieusement possible, la moelle épinière d'un gnr-

çon mort du diabète et là aussi, dans les cordons pos-

térieurs, j'ai trouvé (la moelle était durcie au bichro-

mate de potasse) des taches plus claires que les par-

ties saines environnantes; sur des coupes teintes au

carmin, elles se dessinaient comme des dégénérations

légères et sur des préparations dissociées et d'autres

faites à l'hydrate de potasse et pratiquées dans ces

endroits, il y avait, en petit nombre, il est vrai, des

corps graisseux (surtout le long des parois des vais-

seaux).

Enfin, il y a peu de temps, on a indiqué, dans la

littérature, l'existence des troubles 'pathologiques des

faisceaux postérieurs dans l'anémie.

Tous ces faits font ressortir d'une manière toute

spéciale, le rôle des fibres des cordons postérieurs de

la moelle épinière; elles semblent être une place du

système nerveux central tout particulièrement prédis-

posée à subir l'influence des affections toxiques et

épuisantes de l'organisme et, par cela même, elles ont

une grande analogie, en ce qui concerne cette réaction,

avec les nerfs périphériques.

Moscou, mai 1888.

CLINIQUE i\'El l V 1 ? U S l,«,

RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-

DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES';

Par M. le Du Michel CÀTSARAS,

Professeur agrégé de la Faculté cl'.ltliènes : Médecin de l'asile de. Dromocaitis;

Membre de la Société )Iedico-psycliologiqtje de l'aiis.

0. FORME MENTALE.

Cette forme ne doit pas être très rare. Nous avons

entendu parler d'accidents mentaux présentés par

quelques plongeurs à scaphandre que nous n'avons

pas connu pour recueillir les éléments de leurs obser-

vations. Nous avons été assez heureux pour observer

de visu un malade déséquilibré héréditaire. Voici cette

belle observation :

Observation L1R. Accident provoqué le 25 juillet ci 10 heures du

malin. Première immersion, 28 brasses de profondeur, cinq minutes

de séjour, décompression instantanée. Cinq minutes après la

décompression, accès de manie transitoire bien caractérisé.

Disparition de l'accès à 5 heures du soir. ,

Histoire : .' Constantin Coulouchis, âgé de vingt-cinq ' ans.

L'hérédité interrogée avec grand soin nous a donné des renseigne-

ments importants. Son oncle paternel est épileptique, sa mère

est hystérique, son père est ivrogne, son frère est déséquilibré, il

ne peut pas se fixer à un travail, il vagabonde. Lui porte d'une

manière évidente des stigmates physiques, de la dégénérescence

héréditaire, asymétrie faciale, oreilles très grandes et fortement

détachées de la tempe, dents mal implantées.- La lare congéni-

' Voir Archives de Neurologie, n° 47, p. 1 45 ; n° 48, p. 21G; un 'r9, p. 22 ;

n 0, p. 225.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 393 Il

taie n'a pas manqué de refléter sur son moral. Il s'emporte facile-

ment, très souvent avec violence; il est menteur, onanisle, sodo-

miste, querelleur; ses parents avaient toutes les difficultés du

monde à le diriger dans son enfance. L'intelligence, de son côté,

parait au-dessous de la moyenne. Cependant, il est parmi les

meilleurs scaphandriers. Ses antécédents personnels n'offrent

plus rien autre de digne à noter. Pas d'accidents syphili-

tiques ou paludéens, pas de maladies antérieures. Il a commencé

sa profession de plongeur à scaphandre en 1882 et il a travaillé

pendant deux ans sans accidents sérieux; il aurait eu rarement

quelques douleurs articulaires insignifiantes.

Le 25 juillet 188t, il fait sa première immersion près de Salamis,

à une profondeur de 28 brasses, il ne séjourne que cinq minutes

seulement, au bout desquelles, pour s'amuser, il ferme la soupape

pour empêcher l'air de sortir du scaphandre et il s'est fait remon-

ter instantanément à quatre ou cinq secondes. Il importe de

remarquer que le plongeur avait déjà antérieurement fait bien 'des

immersions, tout à fait dans les mêmes conditions de travail,

comme profondeur et comme durée du séjour sans accident, mais

jamais il ne s'est fait décomprimer aussi instantanément. Pas de

refroidissement, pas de toux, pas de repas avant son immersion,

enfin, pas.de fatigue.

Cinq minutes après la décompression et l'enlèvement du casque,

il était 10 heures du matin, le malade commence à vociférer, à

crier, à faire des gestes, à parler à haute voix. La figure était très

animée.

Ses compagnons effrayés le font transporter au Pirée, dans la

maison d'un nommé S. M., à midi, et on me fait appeler en toute

hâte. Je me rends aussitôt auprès de mon malade et voici ce que

nous avons constaté :

Etat actuel (25 juillet, 2 heures du soir, quatre heures dès

l'invasion de l'accident). Sa figure est colorée en rouge, vul-

tueuse et grimaçante. Son regard est excessivement mobile et en

conséquence vague et incertain. Ses yeux sont vifs, brillants et

injectés. Ses cheveux, aussi bien que sa tenue, en désordre. Ses

habits sont déchirés. Ses membres sont'agités de mouvements

incessants.

Le malade a un besoin de mouvement impérieux; il s'agite, se remue,

il va et vient. Parfois ses mouvements deviennent violents et dange-

reux pour ceux qui l'entourent ; il faut, à ces moments, deux ou

trois hommes pour le contenir. 11 a une loquacité intarissable, puis-

samment aidée d'une mémoire très active, qui lui sert à exprimer

des idées banales et vulgaires relatives aux diverses campagnes

pour la pêche aux éponges, aux divers amusements qu'il avait

eus aux mariages de ses parents et ainsi de suite. Ses idées

se succèdent avec une telle rapidité, elles sont si mobiles et

394 CLINIQUE NERVEUSE.

si incohérentes qu'il est difficile de les suivre. Le malade tantôt

lance des sentiments tendres à son entourage , et tantôt vomit

des injures et fait les obscénités les plus grossières en imitant

l'acte de coït au complet et en provoquant l'entourage d'une

façon dégoûtante. Le malade voit rarement des animaux qui

l'effrayent et qui lui inspirent des injures. Il ne parait pas avoir

des hallucinations d'autre origine. Ses illusions sont très marquées.

Il croit de temps à autre être au fond de la mer et il prend les

objets de la chambre pour des éponges, en criant : « Voilà de

grosses et belles éponges, Il prend toutes les personnes qui l'en-

tourent pour des parents et amis. Quant à moi, je suis appelé par

lui Jean (c'est un nom qui appartient à un de ses anciens cama-

rades). La lumière et le bruit augmentent son excitation. La

sensibilité cutanée paraît troublée. Elle semble avoir un certain

degré d'hyperesthésie pour qu'il veuille se promener dans un état

de nudité complète. En effet, c'est dans ce but qu'il déchire ses

habits et qu'il repousse toute espèce de vêtements. Quand on le

touche aussi, il vocifère, il crie et il repousse.

Le pouls est fréquent et inégal, 95 pulsations par minute. A

l'auscultation, on entend au coeur des gargouillements très mar-

qués. La température est normale. Il y a une dilatation

énorme de l'estomac, la région gastrique formant une saillie con-

sidérable étant presque bombée. Le malade expulse continuelle-

ment par la bouche et par l'anus des gaz qui font du bruit. Il n'y

a pas de convulsions. Il n'a rendu involontairement ni ses urines,

ni ses matières fécales.Hn'yapasdepriapisme.

Cette scène morbide, après avoir duré sept heures au total, a

disparu complètement et définitivement par une crise de sommeil.

Pas de paralysie. Il n'a pas conservé le souvenir de ce qui s'est

passé; il répond seulement qu'il a eu quelque chose, mais qu'il ne

se rappelle rien.

Il s'agit évidemment ici d'un très beau cas de manie

transitoire. On connaît parfaitement dans la phréniatrie

une espèce de manie aiguë qui se présente sous forme

d'un accès caractérisé par une invasion brusque et

par une disparition étonnamment rapide, en quelques

heures. On l'a qualifié de manie transitoire. Les cas

de ce genre sont, en effet, rares ; mais ils ne sont pas

incontestables. Kriessinger, Marie , Leydesdorf et

d'autres auteurs ne mettent pas en doute l'existence

de manie transitoire.

DES ACCIDENTS PYR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. ? 5

. Si on interroge l'étiologie de cette manie , on

trouve des causes spéciales à la suite desquelles ces

accès dé manie transitoire sont déterminés. Ce sont :

l'excitation alcoolique, les excès de travail intel-

lectuel, l'insolation, la frayeur, les courses acciden-

telles, la suppression brusque de la menstruation,

une attaque d'épilepsie ou d'hystérie. Ce n'est pas le

lieu ici de discuter la valeur.de ces différentes causes

déterminatives de la manie transitoire, encore moins

le-mécanisme de leur action, car cela nous entraîne-

rait très loin et nous ferait sortir du cadre de nos

études. Ce que nous désirons mettre en relief, c'est :

1° que l'observation relatée est un très beau type de

manie transitoire; 2° que nous apprenons pour la

première fois l'existence de manie transitoire occa-

sionnée par l'emploi des scaphandres, au moins chez

des personnes prédisposées. Nous reviendrons, au

chapitre de Physiologie pathologique, sur le mode de

production de cet état morbide, et nous tâcherons

d'expliquer alors les éléments de son tableau clinique.

La forme mentale peut-elle revêtir d'autres types,

et lesquels ? ... C'est ce que nous ne savons pas...

6. FORME VERTIGINEUSE

Nous avons déjà rencontré les vertiges, surtout

parmi les symptômes de la période du début des

diverses formes cliniques. Il ne me serait pas difficile

de multiplier à l'infini les cas qui appartiennent aux

différentes formes cliniques et dont la symptoma-

tologie du début ait présenté des vertiges, à côté de

ses autres symptômes. On se rappelle que ce sont des

: 3t)G CLINIQUE NERVEUSE.

vertiges, tantôt de translation et tantôt giratoires.

Nous allons maintenant observer les vertiges non

plus à titre de symptôme d'importance secondaire,

mais à titre de forme clinique dans laquelle le ver-

tige est le symptôme principal, fondamental. Il se

trouve dans mes notes deux observations de ce genre,

qui représentent deux beaux exemples du syndrome

de Ménière. '

Observation L.

Le nommé Georges Myris, âgé de vingt-cinq ans, sans antécé-

dents personnels ou héréditaires, a commencé sa profession de

scaphandrier en 1870 et a travaillé, faisant régulièrement ses

campagnes, pendant cinq années, à peu près sans accident. Le

S juin 1875, après avoir fait trois immersions à 23 brasses, douze

minutes de durée, décompression brusque; il redescend pour la

quatrième fois absolument dans les mêmes conditions de travail.

Aussitôt après l'enlèvement du casque, il sent des vertiges telle-

ment forts qu'il a crié : « Tenez-moi ! je m'en vais, je me préci-

pite. » Il avait la sensation que sa chaise s'enfonçait et lui avec

elle; immédiatement on lui fait prendre la position horizontale; il

vomit. Après le vomissement, le vertige disparait complètement

pour ne plus reparaitre. Pas de bourdonnements d'oreilles ni

autres troubles auditifs.

Le 7 septembre 1877, ce qui fait deux années trois mois et

deux jours après le premier accident, il faisait des immersions à

24 brasses de profondeur, 't2 minutes de séjour au fond et décom-

pression brusque sans accident. Quand il a fini la troisième, faite

elle aussi, dans les mêmes conditions et qu'on lui a enlevé le

casque, il a été bientôt pris d'une sensation pareille à celle du

premier accident, c'est-à-dire que sa chaise s'enfonçait avec lui

au fond de la mer. On lui fait prendre la position horizontale et

à ce moment il vomit beaucoup sans être provoqué.

Mais cette fois, la crise ne s'est pas terminée, le malade par

les vomissements, n'est soulagé que momentanément de ses ver-

tiges qui augmentent aussitôt après d'intensité, le malade étant

forcé de garder la position horizontale pour se soulager. Dès

qu'il essayait de changer de position et de se coucher, soit du côté

gauche, soit du côté droit, ou bien dès qu'on lui communiquait le

moindre mouvement ou qu'on le touchait simplement, les vertiges

augmentaient tellement d'intensité et il vomissait avec de tels

DES ACCIDENTS PAR L'HMPLOI DES SCAPHANDRES. 39,

ciforts qu'il était obligé de gagner sa première position et de prier

ceux qui l'entouraient de ne pas le secouer ou le toucher. Cet état

qui était si effrayant a duré au total trois heures, sans que le ma-

lade ait perdu un seul instant connaissance. Les vertiges n'étaient

pas précédés de bruits auriculaires. 11 entendait très bien. Il n'y

aurait pas eu d'autres symptômes céphaliques. Pas de paralysie.

Les fonctions de la vessie, du rectum et des organes génitaux

n'ont pas été troublées. Pas de symptômes gastriques, respiratoires

ou autres.

. Depuis lors, jusqu'à présent, le malade a été atteint, tantôt une

fois, tantôt deux fois par an des mêmes accidents que ceux du

- 7 septembre sans la moindre différence et, à peu de chose près,

dans les mêmes conditions de travail; il est par conséquent tout

à fait inutile de les décrire.

Etat actuel (15 août 1884). Rien. Il entend parfaitement bien.

- Observation LI. ·

Le nommé Montasses, âgé de vingt-sept ans, sans antécédents

héréditaires ou personnels, a commencé son travail de plongeur à

scaphandre, il y a déjà .quatre ans, sans qu'il lui soit arrivé au-

cun accident.

Le 24 mai 1886, après avoir déjà fait quatre immersions à une

profondeur de 28 à 29 brasses, quatre à cinq minutes de séjour et

décompression brusque sans le moindre accident, il redescend

pour la cinquième fois et séjourne un quart d'heure, au bout du-

quel il s'est fait remonter. Dix minutes après l'enlèvement du

casque, soudain, le malade est pris d'un bruit auriculaire très fort,

surtout à l'oreille droite, et qui, d'après le récit du malade, pou-

vait être comparé à celui d'un coup de fusil. Cette fusillade a été

bientôt suivie d'une sensation vertigineuse intense; le malade avait

la sensation qu'il se trouvait dans un bateau très agité par une

tempête. Cet accès, accompagné de vision d'étincelles et de maux

de tête, surtout au front, après avoir duré une minute environ,

s'est terminé par des nausées. L'accès de vertige, une fois dissipé,

a fait place à un état vertigineux permanent accompagné de bour-

donnements légers. Son ouïe était un peu dure, il n'entendait pas

si bien. Toutes les quinze ou vingt minutes, au milieu de cet état

vertigineux se dessinaient des accès qui, sauf la vision d'étincelles}

étaient parfaitement semblables à celui qui vient d'être décrit, à

savoir : exaspération brusque des bourdonnements (fusillade), ver-

tige de translation très fort (sensation de bateau agité), terminai-

son par des nausées. Le malade avait la marche titubante, comme

si, d'après son récit, il avait pris beaucoup de vin. Cet état a duré

un moN sans le moindre amendement, mais au bout de ce Leiii : )s

398 CLINIQUE NERVEUSE.

la titubation se dissipe complètement. La sensation vertigineuse

permanente devientplus légère et les accès de vertiges bien moins

intenses et plus rares. Il est important de remarquer que le malade

n'a jamais perdu connaissance, même pendant les crises, quelle

qu'ait été leur intensité.

Le 26 juillet, il essaye de descendre à une profondeur de 15 5

brasses seulement et après avoir prolongé son séjour à dix minu-

tes, il s'est fait remonter. Immédiatement après la décompression

et l'enlèvement du casque, le malade est pris du même accès de

vertige et d'une aggravation de son état vertigineux permanent.

Fort heureusement cette aggravtion a été de courte durée, à peine

de trois heures, au bout desquelles il est revenu à son état anté-

rieur. Depuis ce moment, son état s'atténuait d'une semaine à

l'autre, lentement mais progressivement.

Etat actuel (17 novembre 1886). Il est très amélioré : son

état vertigineux permanent n'existe plus que deux ou trois heures

après son réveil. A ce moment, il a des bourdonnements d'oreilles.

Ce n'est que de temps à autre seulement que les crises vertigineu-

ses surviennent, à la vérité bien amendées, mais signalées toujours

par une fusillade, marquées par un vertige de translation et ter-

minées par des nausées. Il a l'oreille droite dure. 11 n'y a pas de

titubation. Il n'y a pas de troubles visuels. Enfin, sauf un certain

degré de lourdeur de tête, le malade ne présente aucun symp-

tôme céphalique. La motilité, la sensibilité, le sens musculaire, les

fonctions de la vessie, du rectum et des organes génitaux, aussi

bien que celles des autres organes, n'ont pas subi la moindre alté-

ration.

Il importe de faire remarquer que le malade est venu nous

consulter non seulement pour son état vertigineux et ses crises,

mais encore et surtout pour le fait suivant. Le malade est dé-

sespéré de ne plus pouvoir continuer son travail dans l'air com-

primé. Car, dit-il, dès que la compression commence a s'exercer

sur lui, il est pris aussitôt de vertiges si intenses qu'il est obligé

de se décomprimer. Traitement. Nous lui avons défendu sévère-

ment le travail dans l'air comprimé pour la raison qui sera donnée

au chapitre de Physiologie pathologique et nous l'avons soumis à

la médication quinique ; nous lui avons conseillé de prendre pen-

dant une vingtaine de jours de suite, douze grains de sulfate de

quinine. Au bout de ce temps, le malade vint me remercier pour

la disparition complète de son état vertigineux. Plus de crises de

vertiges, il peut se comprimer à six atmosphères et au delà, sans

qu'il soit pris d'accès vertigineux.

Analyse. Il n'est pas difficile, croyons-nous,

pour peu qu'on fixe son attention sur l'exposé des

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 3U9

deux observations qui précèdent, de reconnaître que

nous avons là le tableau du syndrome de Ménière,

les vertiges du malade de la première observation

considérés en eux-mêmes, nous offrent tous ces carac-

tères spéciaux si nettement que le doute n'est pas

permis; leur terminaison par des vomissements n'est

pas moins typique. En ce qui concerne la seconde,

ou a la symptomatologie de la maladie de Ménière à

son complet développement. Les crises vertigineuses,

on peut le dire classiques, développement soudain

ou exaspération brusque des bruits auriculaires,

fusillade, vertige de translation, nausées ; son état

vertigineux permanent, accompagné des bourdonne-

ments d'oreilles, enfin la titubation viennent s'y

ajouter pour que rien ne manque au tableau. Un syn-

drome- de Ménière reconnaissant une étiologie et une

pathogénie spéciale devrait présenter ses particularités

cliniques, qui servent -CI le différencier du syndrome

de Ménière d'autre origine. Si ou examine en effet

attentivement le mode d'évolution de ce syndrome,

chez nos malades, on aura certes remarqué son exces-

sive intensité dès le premier moment de son invasion.

Je précise davantage : quand le syndrome de Ménière

est à son origine, il se présente cliniquement sous

forme de paroxysmes; en d'autres termes, le ver-

tige fait son apparition sous la forme de crises

distinctes, courtes et séparées par des intervalles,

pendant lesquels il n'y a pas de sensations vertigi-

neuses ; le calme est parfait. Seuls les symptômes

locaux persistent.

Ce n'est que dans une période plus ou moins an-

térieure, au sur et à mesure que l'affection progresse,

400 CLINIQUE NERVEUSE.

que nous voyons les paroxysmes établir par leur rap-

prochement, par leur confusion, un état vertigineux

permanent. A ce moment, nous nous trouvons , on

le sait, en présence : 1° d'un état vertigineux per-

manent ; et 2° de crises qui éclatent au milieu de

cet état, ayant absolument les mêmes caractères que

celles de début, il faut donc des années pour que le z

syndrome de Ménière arrive à cette période. Main-

tenant, que le lecteur veuille bien jeter un coup d'oeil

sur nos observations et on aura certes remarqué la

différence extrême de l'évolution du syndrome de

Ménière provenant de l'emploi des scaphandres. Le

malade de 1'013SERVATION I, de par son accident du

7 septembre etles suivants, offre un exemple net de ces

crises subintrantes. Eu effet, après la décompression,

il a été pris d'une crise de vertige de translation, le

malade ayant la sensation que sa chaise s'enfonçait

avec lui au fond de la mer. Les vomissements qui ont *

suivi le vertige, n'ont fait que soulager le malade

momentanément de ses vertiges qui, aussitôt après,

augmentaient d'intensité ; le malade était forcé de

s'immobiliser dans la position horizontale pour se sou-

tager. Le moindre changement de position, le moindre

mouvement communiqué par autrui, même le simple

attouchement provoquent des crises vertigineuses si

intenses, suivies de vomissements si forts, qu'il est

forcé de reprendre sa première position et de prier

son entourage de ne pas le secouer ou de ne pas le

toucher. On voit donc que ces crises subintrantes

qu'on n'observe que chez les personnes affectées, depuis

des années, du vertige de Ménière, sont développées

chez noire malade dès le premier moment de son

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 401

invasion. Quelle différence énorme comme mode

d'évolution. Il en est de même pour l'autre malade de

l'O.BSrRVATION II. (Dès le premier moment, état ver-

tigiiieux- permanent au milieu duquel éclatent des

paroxysmes tous les 15, 20 minutes au début, plus

rarement ensuite, titubation.) Or, l'intensité exces-

sive, dès les premiers moments de son invasion,

constitue, pour nos cas, une particularité toute spé-

ciale, qui ne s'observe jamais dans le syndrome de

Ménière d'autre origine.

Mais il y a un autre fait qui est d'une importance

non moins capitale et qui sert à différencier notre

syndrome du vertige de Ménière d'autre origine,

c'est, on l'aura déjà deviné, la disparition si rapide

du syndrome chez ces deux malades. C'est ainsi que

chez le malade de l'OBSERVATION I, son accident de

vertige dé Ménière, toutes les fois qu'il survenait, ne

durait que quelques heures seulement. Chez l'autre

Observation II, la disparition se faisait lentement,

mais progressivement et sans aucune intervention

thérapeutique, si bien que le 17 novembre, que nous

avons examiné ce malade, ce qui fait six mois en-

viron depuis l'invasion de son accident, au lieu

d'avoir son état vertigineux d'une manière perma-

nente, il n'eu souffrait plus que deux ou trois heures

après son réveil ; ses crises survenaient bien plus

rarement et d'une intensité moindre; il ne titubait

plus. Enfin, cette tendance naturelle à la guérison,

favorisée peut-être aussi par le traitement quinique,,

n'a pas tardé en définitive à mettre fin à son état. La

guérison a été complète, absolue et sans surdité. La

maladie de Ménière d'autre origine, si elle n'est pas

Ancuiviis, t. XVII. 26

4(M CLINIQUE NERVEUSE.

enrayée dans sa marche par les médications de sul-

fate de quinine, de salycilate de soude et des révulsifs,

loin de rétrogresser, tend au contraire à progresser,

à s'aggraver, à empirer jusqu'au moment où la déter-

mination de la paralysie complète du nerf auditif, la

cophose, met fin à l'état effrayant des sujets en proie

depuis longtemps à la maladie de Ménière.

7. FORME DE PERTE DE CONNAISSANCE. '

La perte de connaissance figure parmi les symp-

tômes les plus fréquents dans le tableau clinique des

différents accidents survenant par l'emploi des sca-

phandres, et surtout, dans la symptomatologie de

la période du début des formes spinales. Les obser-

vations suivantes nous montrent que la perte de

connaissance peut figurer, non pas à titre de symp-

tôme, mais bien à titre de forme clinique distincte.

Elle constitue alors, à elle seule, le tableau clinique

de l'accident.

Voici ces deux observations :

Observation LU.

Alexandre Microgeorgis, âge de vingt-deux ans, sans antécé-

dents hériditaires ou personnels, a commencé son travail de

plongeur à scaphandre, en 1884, et il a travaillé pendant une

année sans accident. Le 18 juin 1883, il descend à une profon-

deur de 28 brasses, et, après avoir demeuré cinq minutes à peine,

il s'est fait brusquement décomprimer. Il a fait, dans le cours de

»on travail, un grand nombre d'immersions, à la même profon-

deur, même durée de séjour, même décompression sans accident.

Immédiatement après la décompression, le malade perd connais-

sance pendant quatre heures, au bout desquelles ce scaphandrier

revient un peu étourdi. Quelques minutes après, il se porte par-

faitement bien. Pas de paralysie, pas d'autres symptômes. Le

lendemain malin, il reprend son travail.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 403

Observation LUI.

Stephanos Marinidès, âgé de vingt-sept ans, sans antécédents

héréditaires ou personnels, a commencé, le 15 mai 1886, son

travail dans l'air comprimé. Ce jour-là, il ne fait qu'une seule

immersion à une profondeur de 15 brasses, et, un quart d'heure de

séjour au fond et décompression brusque comme toujours. Pas

d'accident.

Le lendemain matin, 16 mai, à 10 heures du matin, il descend

à une profondeur de 27 brasses et ne demeure au fond que cinq

minutes. Ne sachant pas encore bien manier la soupape, il la

ferme et se fait instantanément remonter. Cinq minutes environ

après la décompression et l'enlèvement du casque, il se sent

étourdi et bientôt après il perd complètement connaissance, il

reste dans cet état sans avoir conscience de rien pendant vingt-

quatre heures. Au bout de ce temps, le malade revient, se plai-

gnant d'un peu de mal de tête, qui à son tour disparaît bientôt

pour faire place à un bien-être parfait.

G.- FORME C&RBBRO-SPINALE. ,

Nous avons jusqu'à présent décrit les différentes

formes des accidents spinaux et cérébraux, suivant

que la localisation de l'agent pathogène se fait à la

moelle épinière ou bien au cerveau. En décrivant les

différentes- formes spinales, nous avons, il est vrai,

plusieurs fois rencontré des symptômes céphaliques

faisant partie de la période du début, mais ce sont là

des symptômes absolument transitoires, très fugitifs,

dans l'immense majorité des cas, ne durant que quel-

ques minutes ou quelques heures, très rarement quel-

ques jours, dépendance directe d'une embolie gazeuse

fugitive qui, suivant sa localisation dans tel ou tel

territoire cérébral , apporte tel ou tel dérangement

fonctionnel absolument transitoire et fugitif.

Ici, ce n'est plus ainsi que les choses se passent, les

symptômes céphaliques ne sont plus fugitifs, mais

404 - - CLINIQUE NERVEUSE.

bien permanents, ils ne durent plus des minutes et

des heures, mais des mois et des années; nous avons

là des véritables lésions cérébrales, qui coexistent avec

celles de la moelle ; en d'autres termes nous sommes

en présence des affections cérébro-spinales.

La forme cérébro-spinale ne parait pas fréquente,

nous avons à rapporter une belle observation intéres-

saute à plus d'un titre et que nous devons à l'obligeance

de notre très estimé et excellent maître, M. le profes-

seur de clinique médicale Karamitsas, qui suppléait à

ce moment le regretté professeur Préteuteris Typal-

dos et qui m'a fait l'honneur de m'appeler pour étu-

dier son malade. C'est avec plaisir que je saisis l'occa-

sion de le remercier ici et de lui attester ma recon-

naissance.

En voici le cas :

Obsluvation LIV.

Georges Pallis, âgé de trente-six ans; les antécédents hérédi-

taires n'offrent rien d'important, il n'y a pas d'accidents nerveux

dans la famille. Comme accidents personnels, cet h'omme a eu

des fièvres paludéennes, il y a quelques années ; pas d'accidents

syphilitiques ; pas d'autres maladies antérieures ; pas d'excès,

enfin, rien de digne d'être noté. H y a déjà une dizaine

d'années qu'il travaille dans l'air comprimé, dès 1874.

Vers le commencement de 1874, il a eu son premier accident ;

le malade ne peut en fixer exactement la date. Ce jour-là, il est

plusieurs fois descendu à une profondeur qui variait entre 25

et 28 brasses. Il n'aurait jamais prolongé son séjour au delà d'un

quart d'heure. La décompression était toujours brusque. La der-

nière immersion a été faite à la même profondeur et il n'a

pas demeuré au fond plus d'un quart d'heure.

Au fond delà mer, ce plongeur a été pris d'une gêne légère

de la respiration, devenue en même temps plus fréquente, et

d'éblouissements des yeux. Tous ces symptômes ont disparu

pendant sa montée.

Cinq minutes après la décompression et l'enlèvement du casque,

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 40S

se passent, pendant lesquelles ce soaphandrier se porte parfai-

tement bien. Au bout de ce temps, il a eu un malaise général,

vague, indéfinissable, disant à ses compagnons qu'il ne va pas

bien.A ce moment, il sent que sa tête tournait et bientôt après, il a

perdu connaissance pendant une vingtaine d'heures, de 2 heures

du soir à-10 heures du matin le lendemain.

Le malade revenu à lui a observé que ses quatre membres

étaient complètement et absolument paralysés. L'immobilité

était parfaite, il ne mouvait que la tête. Le pincement par l'ai-

guille a montré que la sensibilité aurait été abolie au niveau des

membres paralysés. Il avait en même temps des douleurs liés

fortes au bas-ventre et à la région lombaire. La rétention d'urines

concomitante a rendu nécessaire trois fois l'application du cathéter.

Constipation. A ce moment il voyait double. Les vertiges qui ont

précédé la perte de connaissance persistaient. Pendant treize

jours, le malade a dû garder le lit, ayant ses quatre membres

paralysés. Sa bouche n'aurait pas été de travers. La diplopie et

les vertiges persistaient.

Au bout de ce temps, les membres supérieurs étaient com-

plètement dégagés de la paralysie, il a pu en outre se tenir

debout et faire quelques petits pas à l'aide de deux appuis. Dès

lors, cette amélioration progressait à pas rapides si bien que

deux mois après, il marchait à peu de chose près comme avant

son aecident. A ce moment, il a rendu involontairement ses

urines et ses selles. Les mois suivants, le malade n'avait plus

qu'une petite faiblesse et un certain degré de parésie vésicale et

rectale qui survenait de temps à autre. Au mois de novembre de

la même année, il a repris son travail, faisant des immersions à

une profondeur qui variait entre 40 et 45 mètres ; il ne peut pas

exactement définir les autres conditions du travail.

Au cours de ce mois, après avoir déjà antérieurement et

successivement fait un certain nombre d'immersions à une pro-

fondeur de 40 à 45 mètres, il redescend à la même profondeur.

Impossible de définir le temps du séjour au fond, la décom-

pression était brusque comme toujours. Il n'a plus senti au fond

de la mer, c'est-à-dire pendant la compression, les petits

symptômes de son premier accident. Trois minutes après la

décompression et l'enlèvement du casque, le scaphandrier n'a

rien senti, mais aussitôt après, il a été pris de vertiges et bientôt

d'une perte de connaisssance, qui a duré une heure et demie à

deux heures environ.

Le malade revenu à lui a été pris d'un véritable accès de manie

transitoire, il avait une loquacité intarissable, il parlait si vite et

de questions si différentes, que c'est à peine si ses compagnons

parvenaient à concevoir ce qu'il disait, il vomissait des injures,

tl mouvait avec rage ses membres, il aboyait et se jetait sur ceux

406 CLINIQUE NERVEUSE. '

qui l'entouraient pour les mordre, ce qu'il a*fait en réalité à

l'un de ses compagnons. Sa face était très injectée, rouge.

Celte scène ! effrayante a duré au total .trois heures, au bout

desquelles elle a été suivie d'une paralysie aussi bien de la sensi-

bilité que de la motilité de ses quatre membres. La bouche

n'aurait pas été de travers. La parésie vésicale et rectale proexis-

tante a empiré. Cette fois-ci encore, le malade avait des vertiges

et de la diplopie. Il est resté au lit huit jours, au bout desquels il

a complètement récupéré l'usage de ses membres supérieurs. Quant

aux inférieurs, l'amélioration a été telle qu'il a pu marcher à

l'aide de deux appuis.

Vers la fin de février 187, il a été dans la capacité de marcher

à l'aide d'un appui, que depuis lors il n'a pas quitté. A ce moment,

ses membres s'agitaient d'un tremblement rythmique. Depuis

cette époque, jusqu'à présent, son état n'a pas beaucoup changé.

- État actuel (15 septembre 488'r). Symptômes spinaux. Le

fait qui domine l'état maladif, c'est une paralysie des. membres

inférieurs qui est beaucoup plus accentuée au membre gauche.

La démarche est tout à fait spasmodique. Le malade est forcé

d'incliner le tronc de son corps à droite et un peu en arrière,

pourélever sa hanche gauche et de cette manière arriver à détacher

du sol 'et porter en avant son membre inférieur gauche qui alors

décrit un demi-cercle en frottant de temps à autre le sol. Il n'en

est pas de même pour le membre inférieur droit qu'il peut

détacher du sol et faire avancer sans qu'il soit obligé d'incliner

le tronc à gauche. Il va sans dire qu'il lui est absolument impos-

sible de marcher sur un plan incliné ou descendre un escalier.

Il y a une exaltation des. réflexes plantaires, crémaslériens et

rotuliens, surtout à gauche, facilement constatable par les procédés

les plus élémentaires.

.' Il a des secousses surtout la nuit, plus souvent au membre infé-

rieur gauche. Les membres se fléchissent et s'étendent tout d'un

coup. Ses membres paralysés et surtout le gauche sont agités

souvent d'un tremblement rythmique qu'on peut aisément provo-

quer en relevant brusquement l'avant-pied. Il est facile de cons-

taterparles mouvements passifs communiqués aux membres qu'il va

une dyscampsie des articulations très marquée, surioutà gauche. -

Souvent,' son membre gauche et parfois le droit se raidit en

extension, surtout la nuit, pendant quelques minutes.

.. La sensibilité interrogée sous tous ses modes a montré des

plaques .d'anesthésie très étendues surtout au membre gauche.

Le sens musculaire ne parait pas altéré. Il n'y a pas de myatro-

phie.' La contractilité électrique est normale. Pas de troubles

vaso-moteurs. Il existe une parésie vésicale qui apparaît de

temps à autre. Constipation habituelle, Les fonctions des organes

génitaux sont abolies.

DES ACCIDENTS PAU L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 407

Symptômes céphaliques. De loin, on peut remarquer que

les axes oculaires ne sont pas du tout parallèles, il y a un certain

degré de strabisme. Si nous faisions regarder notre malade à droite,

la tête étant dans l'immobilité, nous voyions que le bord de la

cornée droite est loin d'arriver jusqu'à l'angle de la paupière et

le muscle droit externe se fatigue si rapidement que c'est avec la

plus grande difficulté qu'il peut se maintenir dans la direction

citée. Sa tendance à revenir à la ligne médiane était très grande.

L'insuffisance de droit interne de l'oeil droitétait très marquée ;

si on couvrait l'oeil droit et si on lui disait de fixer notre doigt,

à 15 ou 20 centimètres de distance, on constatait que le droit

interne de t'oeil droit que l'on découvrait, exécutait un mouve-

ment très visible de redressement en dedans. Ces paralysies nous

expliquent parfaitement la diplopie du malade.

L'examen du champ visuelfaitpar le périmètrede Landoltavait

montré un rétrécissement irrégulier du champ visuel de t'ceit

gauche. L'examen ophthalmoscopique nous fait voir l'atrophie de

la papille gauche, plusieurs vaisseaux artériels sont dilatés, ce qui

explique l'amblyopie du malade. , ,

Si on fait parler le malade, on ne tarde pas à remarquer un

certain embarras de la parole. Les vertiges n'ont jamais cessé de

fréquenter le malade, tantôt légers et tantôt forts. Le malade se

plaint d'une amnésie qui, en effet, est assez accusée. ·

Analyse. On aura certes remarqué que nous

avons affaire à une affection cérébro-spinale, car le

tableau clinique est constitué aussi bien par des symp-

tômes spinaux, parmi lesquels le syndrome de para-

plégie spasmodique domine et occupe le premier rang,

que par des symptômes céphaliques (paralysie du droit

externe, du droit interne de l'oeil gauche, rétrécisse-

ment irrégulier du champ visuel, atrophie de la papille

du même oeil, vertiges, amnésie). '

L'existence du syndrome spasmodique apporte une

nouvelle confirmation de la loi que nous avons déjà

posée, à savoir : « Presque toutes les paraplégies prove-

nant de l'emploi des scaphandres et qui se prolongent

au delà d'un mois, c'est-à-dire pendant un temps suf-

fisant au développement des symptômes spastiques,'

408 CLINIQUE NERVEUSE.

sont spasmodiques ». La marche de la paraplégie

spasmodique survenant par l'emploi des scaphandres

est, et nous l'avons déjà antérieurement démontré,

très souvent rétrogressive, parfois stationnaire, mais

jamais progressive; elle n'arrive jamais à la contrac-

ture permanente, au pied-bot spasmodique, et, en

effet, notre malade ne fait pas d'exception à cette loi :

il a sa paraplégie spasmodique depuis dix années et,

au lieu de marcher vers la contracture permanente,

au contraire, il s'est amélioré considérablement de son

membre droit; quant au membre gauche, si d'un côté

les symptômes spasmodiques n'ont que très peu rétro-

gressé, de l'autre ils n'ont pas du tout progressé.

Nous nous plaisons à fixer l'attention du lecteur sur

les symptômes mentaux qui ont suivi la perte, de con-

naissance et précédé l'invasion de la paralysie dans

son accident de novembre 1874. On avait là un tableau

de manie aiguë des plus caractéristiques ; en effet, le

malade avait une loquacité intarissable; il parlait si

vite et de questions si différentes les unes des autres

que c'est avec peine que ses compagnons comprenaient

ce qu'il disait. Il vomissait des injures, il mouvait ses

membres avec rage, il aboyait, il se jetait, pour les

mordre, sur ceux qui l'entouraient, ce qu'il a fait en

réalité à un de ses compagnons; la face était injectée,

rouge.

Si on prend en considération : 1° le brusque déve-

loppement des symptômes maniaques; 1° leur dispari-

tion très rapide, qui a eu lieu en trois heures, on a

alors sous les yeux un véritable accès de manie tran-

sitoire.

Le fait que la manie transitoire peut figurer à titre

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 409

de symptôme prodromique, comme dans le cas en

question, parait démontrer que la manie transitoire

peut exister à titre de forme clinique à part, consti-

tuant à elle seule tout le tableau clinique de l'accident,

même chez des personnes qui ne sont pas dégénérées

ou héréditaires.

C. Accidents extra-nerveux.

Jusqu'à présent, nous avons traité des accidents ner-

veux survenant par l'emploi des scaphandres, à savoir

ceux qui sont provoqués par la localisation de l'agent

pathogène au système nerveux. Cet agent peut très

bien se localiser en dehors du système nerveux, à un

autre tissu ou organe et nous avons alors les accidents

que nous appelons extra-nerveux.

La--lôcalisation extra-nerveuse, qui est d'une fré-

quence extraordinaire, est celle qui a lieu aux muscles

et aux articulations. C'est elle aussi qui a été constatée

depuis fort longtemps par tous les auteurs qui ont écrit

sur la question. J'entends les douleurs musculaires ou

articulaires, les myopathies ou arthropathies douloureux-

ses. Il y a très peu de plongeurs à scaphandre qui

n'ont pas eu d'accidents douloureux au cours de leurs

travaux. Ces douleurs peuvent siéger partout et se lo-

caliser à une région déterminée ou bien se généraliser,

de manière à ressembler alors à un rhumatisme arti-

culaire aigu. Elles sont ou non accompagnées de gon-

flement appréciable. La durée de ces douleurs, qui

ordinairement sont assez intenses pour arracher des

cris aux malades, est très courte et dans l'immense

majorité des cas, ne dépasse pas les vingt-quatre heures.

11.10 CLINIQUE NERVEUSE.

Cet accident est si bien connu que nous croyons

au moins inutile de rapporter des observations où

l'élément douleur ne figure plus à titre de symptôme,

comme nous l'avons déjà bien des fois rencontré, mais

bien à titre de forme clinique à part, c'est-à-dire que

l'élément douleur constitue alors exclusivement le ta-

bleau clinique de l'accident.

Lesautreslocalisationsextra-nerveuses paraissent très

rares. Je n'entends pas qu'il est rare de constater des

troubles viscéraux et surtout respiratoires, cardiaques et

gastriques; ce sont même au contraire des symptômes

que l'on voit souvent figurer dans la symptomatologie des

malades appartenant aux différentes formes cliniques.

Je dis seulement qu'il est rare de voir une localisation

de l'agent pathogène faite uniquement et exclusive-

ment aux poumons, au coeur ou au tube digestif.

Quant à moi, je n'ai pas observé des cas d'accidents

survenant par l'emploi des scaphandres dont le tableau

clinique soit constitué exclusivement et uniquement

par des symptômes respiratoires cardiaques ou gas-

triques.

A. Zoca/Ma/M ? ? aMe ? Une seule fois, j'ai ob-

servé un malade à localisation exclusive au foie. Il

s'agissait d'un malade dont j'ai malheureusement perdu

l'observation très détaillée et si intéressante qui, après

la décompression et l'enlèvement de son casque, a

senti des douleurs intenses à l'hypocondre droit : Je

l'ai observé quelques jours après son accident et son

foie débordait de quelques travers de doigts. Il a guéri, a,

dans un mois; le foie était revenu tout à fait à sa

placé, ne débordait plus et l'ictère concomitant s'est

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 411

complètement dissipé. Je ne l'avais soumis à aucun

traitement pour suivre la marche naturelle de soif

accident. . , .

Enfin, la localisation peut dominer au tissu conjonc-

tif sous-cutané et nous avons alors l'emphysème sous-

cutané dont voici une intéressante observation :

B. EMPHYSÈME SOUS-CUTANÉ GÉNÉRALISÉ.

Observation LV.

Jean Paloyanuos, âgé de trente-sept ans; les antécédents, aussi

bien personnels qu'héréditaires, n'offrent rien d'important,

il travaillait déjà depuis des années dans l'air comprimé.

Le 8 août z n'étant pas indisposé et n'ayant pas chargé son

estomac, il descend à une profondeur de 20 brasses; il n'avait

encore demeuré que quelques minutes (dix minutes environ) au

fond, quand tout d'un coup, le tube en caoutchouc se rompt sans

solution complète de continuité en deux pointes différentes, dont

l'une était à la partie du tube submergé et l'autre à celle qui se

trouvait-surie bateau. Immédiatement, le plongeur se sent .serré

par le costume. On le retire violemment, tandis que celui-ci'avait

déjà perdu, durant l'ascension, sa connaissance. On lui enlève le

casque et le plongeur marmottait quelques mots inintelligibles,

n'ayant conscience de rien. Sa narine droite et son oreille homo-

nyme saignaient abondamment.' Ce saignement avait déjà été ob-

servé par ses compagnons, pendant que le plongeur portait encore

le casque, à travers les verres.

On commence à le débarrasser de son costume, ce qui a été

obtenu non sans difficulté, à cause du gonflement généralisé de

tout le corps. La tête à son tour n'a pas tardé à participer à ce

gonflement et en effet, elle s'est gontlée monstrueusement, de

manière à défigurer d'une façon hideuse le visage du malade.

C'étaient surtout les paupières qui avaient formé des masses volu-

mineuses, faisant deux saillies frappantes qui ressemblaient à

deux oeufs, ce qui a effrayé énormément ses compagnons. Ce

gonflement continuait à augmenter et au bout d'une heure il avait

atteint son maximum d'intensité, de développement. A ce moment,

le malade était revenu de sa perte de connaissance. En même

temps", il y avait sur son corps des plaques plus ou moins éten-

dues, noirâtres. En lui ouvrant les yeux, on s'apercevait que l'oeil

droit était presque uniformément noir et on ne distinguait plus

la cornée de la sclérotique. Il n'y avait aucune trace de paralysie.

412 CLINIQUE NERVEUSE.

Si on le pinçait, on le frottait, on le touchait, il sentait très bien.

Il n'y avait pas de troubles de la vessie, du rectum, ou des

organesgénitaux. 11 n'y avait non plus ni palpitations, ni troubles

respiratoires, ni symptômes gastriques.

Le malade pendant trois jours n'a pas fait d'immersions et,

malgré les frictions énergiques qu'on lui faisait, le gonflement

persistait. Le quatrième on l'habille difficilement et il descend

dans un but thérapeutique, ayant fait plusieurs immersions aune

profondeur de 10 à 42 brasses et ne prolongeant pas son séjour

au delà de douze à quinze minutes. Le cinquième jour de son

accident, il était déjà très amélioré et sa périphérie assez dimi-

nuée de volume, il continue ses immersions. Le sixième jour,

après avoir fait cinq immersions, son corps reprend la forme,

c'est seulement les plaques noirâtres et les ecchymoses conjoneti-

vales qui ont persisté quinze jours.

C.-LOCALISATION THYROÏDIENNE.

Hémorrhagie dans le corps thyroïde. Cette locali-

sation extra-nerveuse a été observée par M. Pérochaud,

interne des hôpitaux de Nantes, dans son travail inti-

tulé : « Trois mois à la clinique chirurgicale de l'école de

plein exercice à Nantes, » et publié dans le Progrès

médical, n° z 2 août 1884. Voici la relation textuelle-

ment empruntée de ce fait : .

« Cette hémorrhagie est survenue chez un plon-

geur, en travaillant sous une cloche. La tumeur est

du volume d'une petite orange et siège au lobe droit.

La régression est lente, mais progressive. La façon

brusque et les circonstances dans lesquelles est surve-

nue la tumeur, sa consistance, sa régression, etc., ne

laissent aucun doute sur la nature de cette lésion fort

rare.

COMPLEXITÉ DES ACCIDENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI

DES SCAPHANDRES.

Maintenant que nous avons étudié les différentes

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 413

formes cliniques, isolées de tout mélange, et déga-

gées de toute complication, auxquelles se rangent

les cas d'une pureté et d'une simplicité remar-

quables, il ne nous est certes pas difficile d'analyser

les cas complexes, composés, les cas dont la sympto-

matologie est composée par des symptômes qui appar-

tiennent aux différentes formes décrites. C'est

ainsi que la surdité, par exemple, que nous avons vue

se manifester cliniquement seule, isolée et dégagée de

tout élément étranger et par cela même constituer la

variété auriculaire de notre forme sensorielle, l'apha-

sie qui, elle aussi, peut se présenter, nous l'avons

déjà étudiée, simple et pure, de manière à constituer

la forme aphasique. La perte de connaissance qui à

son tour peut, isolée de tout autre symptôme, figurer

à titre de forme clinique. Ces trois symptômes, dis-je,

l'aphasie, la surdité et la perte de connaissance, peu-

vent exister ensemble et se succéder, se grouper à

titre de symptômes pour constituer un accident céré-

bral complexe, composé, comme on le voit dans l'obser-

vatioii suivante :

Observation LVI.

Histoire. Nilcitas Pagonis, âgé de trente ans, homme robuste,

sans antécédents héréditaires ou personnels dignes d'être notés.

Il a commencé son travail en 1877. Il avait travaillé pendant

deux années, faisant régulièrement ses campagnes pour la pêche

des éponges, sans accident quel qu'il soit.

Le 10 juillet 1879, il faisait des immersions à une profondeur

de 20 à 22 mètres, demeurant quinze ou seize minutes au fond;

il faisait la concurrence à un autre plongeur qui péchait, lui

aussi, des éponges au même endroit. Il avait déjà, fait cinq im-

mersions sans rien sentir. Inutile de répéter que la décompression

était toujours brusque.

Il décide de faire une sixième immersion. il était déjà 2 heures,

il était descendu tout d'abord à une profondeur de dix brasses,

414 CLINIQUE NERVEUSE.

pour arriver graduellement à des profondeurs plus grandes.

Le vaisseau, à cause du vent contraire, l'entraînait malgré

lui, et après une vaine résistance, le plongeur était forcé de

le suivre en regrettant les éponges qu'il laissait derrière lui.

Cette lutte a continué pendant dix minutes, il était arrivé à la

profondeur de 23 brasses. Six minutes se passent après la dé-

compression et l'enlèvement de son casque pendant lesquelles le

plongeur se porte presque bien ; il n'avait qu'un certain degré

de céphalalgie ; il avait l'air d'un homme qui pense à quelque

chose de sérieux.

Au bout de ce temps, il se lève pour marcher, mais ayant

remarqué qu'il titubait trop, il a été obligé de se coucher.

On lui donne de l'huile pour vomir, ce qui en effet réussit.

Bientôt après il tourne les yeux, serre les mâchoires et est dans une

perte de connaissance complète. C'est avec beaucoup de peine

qu'on lui a ouvert la bouche pour lui administrer de l'huile et le

faire vomir, mais sans succès. Ses compagnons, comptant énor-

mément sur le vomissement comme moyen thérapeutique, lui

ont titillé la gorge avec une plume d'oie, ce qui l'a fait vomir.

Tous s'étaient mis à le frictionner, surtout à la région gastrique

qui était gonflée. A 4 heures du soir, le malade était complète-

ment revenu, et il riait, en voyant ses compagnons titiller son

pénis par plaisanterie. Cependant, il ne pouvait articuler un

seul mqt, il criait. Il concevait très bien la parole entendue ; il ne

savait ni lire ni écrire. A 5 heures du soir, ce malade commen-

çait à parler, mais il ne trouvait pas les mots voulus et très

souvent, il substituait quelques mots à tout ce qu'il voulait dire ;

c'est ainsi qu'au lieu de pain, il disait éponge, mot qui lui était

le plus cher. Peu à peu l'articulation des mots se faisait de mieux

en mieux et vers minuit, il n'y avait plus aucune trace d'aphasie ;

il parlait comme avant son accident. Pas de troubles, ni de la

motilité ni de la sensibilité. Le malade s'endort et se lève à

6 heures du matin parfaitement bien portant, ne se plaignant de

rien jusqu'à midi, lorsqu'il sort du bateau pour se promener sur

les côtes de Macri et prendre l'air sans être accompagné de per-

sonne.

Il retourne au bateau à 3 heures du soir ; on lui parle et on

remarque qu'il n'entendait rien et par conséquent ne répondait

pas; il était si sourd qu'il n'entendait pas le bruit de la chaîne

qu'on traînait.

II est resté dans cet état de surdité complète qui existait à ce

moment à l'état d'isolement pendant trois jours ; il n'avait pas

travaillé ces jours-là. Le quatrième jour, il fait une immersion

à une profondeur de 12 brasses et après avoir demeuré une

demi-heure, il s'est fait décomprimer. Il a aussitôt ressenti une

amélioration de sa surdité. Le cinquième jour, il descend deux

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 415

fois dans les mêmes conditions. L'amélioration était telle qu'il

entendait presque bien. Enfin, le sixième jour, il fait encore trois

immersions la suite desquelles le malade entendait aussi bien

qu'avant son accident. La guérison fut absolue et définitive.

Chez un autre malade, la rougeur des conjonctives

accompagnée de brûlure comme symptômes oculaires

de la forme sensorielle; les douleurs aux lombes et à

l'estomac, symptômes fréquents des divers accidents

survenant par l'emploi des scaphandres; la céphalalgie,

autre symptôme céphalique assez fréquent; l'aphasie

motrice de la forme aphasique ; une véritable crise

mentale de notre forme mentale; les vertiges de la

forme vertigineuse; enfin une parésie des membres

inférieurs avec anesthésie et un certain degré de réten-

tion d'urines qui, elle aussi, peut survenir à titre de

forme clinique à part, formant alors à elle seule le ta-

bleau-clinique de l'accident; tous ces symptômes., dis-

je, dont la plupart à l'état de simplicité, d'isolement,

constituent les formes cliniques spéciales, peuvent

coexister, se succéder, se grouper pour constituer

l'accident complexe, composé du malade dont voici

l'observation :

OBSERVAT ! ONLVIL

Le nommé R. Chais, frère de l'autre M. Chais, dont l'observa-

tion est relatée, âgé de trente ans, sans antécédents héréditaires

ou personnels, a commencé le métier de plongeur à scaphandre

en 1874. Il a travaillé pendant quatre ans, faisant régulièrement

ses campagnes de l'année sans aucun accident.

Le 5 juillet 1878, il travaillait à une profondeur de 24 brasses,

il était obligé de lutter contre un courant de mer assez fort, il à

demeuré chaque fois douze minutes. 11 fait, dans ces conditions,

cinq immersions sans accidents, il redescend pour la sixième fois

au même endroit.

Cinq minutes après l'enlèvement du casque, il a été atteint

41(5 ' CLINIQUE NERVEUSE.

d'une brûlure dans les yeux qu'il frottait fortement et qui étaient

rouges. Presque en même temps, un mal" de tête intolérable avec

des douleurs intenses aux lombes et à l'estomac surviennent au

malade. A ce moment, le malade était pris d'une parésie des

membres inférieurs qui lui paraissaient très lourds. La sensibilité

aurait été complètement abolie. Au bout de trois minutes, sur-

viennent des vertiges très forts, mais il n'avait pas perdu connais-

sance.

A ce moment, on lui demande comment il va; le malade ne

répond que ha ! ha ! ha ! et après quelques efforts, il finit par

bien prononcer la syllabe ta; il voulait dire Nickitas, c'était le

nom de son capitaine. Ayant constaté qu'il ne pouvait pas parler,

il fait signe, par la mimique, qu'il se trouve très mal. Il concevait

parfaitement bien ce que l'on disait autour de lui. Le malade ne

sait ni lire ni écrire. -- i

Au bout de vingt minutes, le trouble du langage et dans

l'espèce l'aphasie motrice, disparait pour faire place à des symp-

tômes mentaux suivants. Le malade se met à rire d'une façon

éclatante et spasmodique. Ce rire est tellement fort et si par-

ticulier, d'après le récit du capitaine Nickitas lannaras, homme

instruit et fort intelligent, qu'au lieu de les faire rire, il les a

effrayés. Notons bien que le malade se rappelle ce rire, mais

il ne parait pas en conserver un souvenir bien précis.

Ce rire s'est prolongé pendant un quart d'heure environ, au

bout duquel il se met à chanter une chanson turque de la caté-

gorie spéciale de chansons qu'on appelle manés et qui sont très

goûtées dans son pays.

Son capitaine ajoute qu'il a très bien chanté la chanson tout

entière. Le malade interrogé sous ce rapport nous affirme qu'il

n'a pas le moindre souvenir de cette chanson. Cette chanson

s'est prolongée aussi une demi-heure, au bout de ce temps, il a

recommencé à rire. Enfin, les chansons alternées avec les rires

ont fait durer cette scène pendant trois heures et demie, juste.

Pendant ce temps, le malade se frottait follement la tête avec

ses mains. Au bout de ce laps de temps, le malade revient à son

état normal, parfaitement bien portant et ne se plaignant de

rien, sauf peut-être d'un certain degré de lourdeur de tête.

Le 5 août 1880, c'est-à-dire vingt-cinq mois depuis son premier

accident, il descend à une profondeur de 40 mètres et demeure

douze minutes, au bout desquelles il s'est fait remonter. 11 avait

déjà fait cinq immersions dans la même journée et de suite.

Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du casque,

le plongeur est pris du même accident. 11 ne diflérait absolument

eu rien de l'accident antérieur au point de vue des symptômes

céphaliques : brûlure des yeux, rougeur conjonctivale, vertige,

mal de tête, douleurs aux lombes et à l'estomac, aphasie motrice,

DES ACCIDENTS PAU L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 417 -1

alternance des rires et des chansons, presque de même durée,

accompagné de frottement de la tête. La parésie seulement au lieu

de se dissiper avec les autres symptômes, au bout de trois heures

et demie, a au contraire persisté cette fois pendant trois jours,

où tout rentre dans l'ordre.

Nous croyons inutile de multiplier les cas de ce

genre. Cela serait abuser outre mesure et sans profit

de l'attention de notre lecteur. Il suffit de savoir que

les cas complexes sont composés par des symptômes

divers et multiples qui, à l'état de simplicité et d'iso-

lement, constituent les formes typiques et simples. Ces

combinaisons, cette complexité ne sont soumises à au-

cune loi, à aucune règle, parce que les accidents com-

plexes dépendant directement d'une localisation faite

au hasard à différents points de l'organisme humain,

et surtout de l'axe cérébro-spinal, l'on peut aisément

concevoir sous quels tableaux multiples et variés ils

peuvent se présenter au clinicien. Mais, malgré cette

complexité, nous pouvons parfaitement bien nous

rendre compte des accidents de ce genre, les interpré-

ter, les analyser, comme nous l'avons déjà démontré;

et quelle que soit la forme sous laquelle puisse se pré-

senter ce Prothée, nous sommes toujours dans la pos-

sibilité de le saisir et le reconnaître par la connais-

sance précise des formes simples et typiques que

nous avons déjà si longuement décrites.

C'est d'ailleurs la manière de procéder pour toutes

les maladies surtout du système nerveux. Nous tâ-

chons avant tout de connaître quoi ? le type. Et une

fois que nous le possédons à fond, notre oeuvre est

presque achevée. Toutes les formes atypiques et anor-

males peuvent être aisément interprétées et analysées.'

C'est là un des secrets du génie de Charcot, secret qui

Archives, t. XVII. 27

418 CLINIQUE ER1 EUSE.

a conduit cet illustre maître à éclaircir d'une lumière

si vive un si grand nombre de points concernant la

neuropathologie. ' · .

MULTIPLICITÉ ET VARIABILITÉ DES ACCIDENTS CHEZ LE MÊME

PLONGEUR A SCAPHANDRE AU COURS DE SON TRAVAIL DANS

' L'AIR COMPRIMÉ. -

Si parfois il arrive au même plongeur à scaphandre

d'être atteint à différentes époques de son travail de

la même forme d'accident, à preuve, par exemple, le

malade de ]'OBSERVATION XLV qui a eu depuis le 10

juillet 1873 jusqu'en 1882 quinze fois le même acci-

dent, c'est-à-dire quinze hémiplégies, ceux des OBSER-

vations XXXII et XXXIII, dont le premier a été atteint

trois fois et le second deux fois du même accident,

d'aphasie motrice au cours de leur travail; le plus sou-

vent, au contraire, le scaphandrier est atteint au

cours de son travail des accidents les plus@multiples et

.les plus variés. Pour démontrer combien est grande

la variabilité et la multiplicité des accidents qui peu-

vent survenir chez le même plongeur à scaphandre

au cours de son travail, nous allons relater un certain

nombre d'observations.

Observation LVIII. Le 10 juin 1878, « la suite de la première

immersion de la journée, ci la profondeur de 23 brasses, décom-

pression brusque, trente-cinq minutes au fond. Dix minutes d'in-

tervalle entre la décompression et l'invasion de l'accident.

Hémiplégie gauche, trois jours de durée. Le 20 juillet 1879,

première immersion, 20 brasses de profondeur, vingt-cinq minutes

de séjour, décompression brusque. Immédiatement après la

décompression : monoplégie du membre inférieur droit une heure

et demie de durée. Le 15 septembre 1880, première immersion,

22 brasses de profondeur, une demi-heure de séjour azc fond, décom-

pression brusque. Paraplégie double, deux heures de durée.

Histoire. Phots Catsourakis, âgé de vingt-trois ans, sans ante-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 419

cédents héréditaires ou personnels ; il a-coiiiiiieiicé son métier de

plongeur à scaphandre en mai 1878. a travaillé un mois sans acci-

dents. Le 10 juin de cette année, il fait sa première immersion à

une profondeur de 23 brasses et après avoir prolongé son séjour

au fond pendant trente-cinq minutes, il s'est fait brusquement

remonter. Il avait déjà fait plusieurs immersions antérieurement

à la même profondeur ; de plus, il s'est fait décomprimer aussi

brusquement que celte fois-ci, sans accidents ; mais il n'a jamais

demeuré plus d'un quart d'heure tout au plus. ' '

. Dix minutes après la décompression et l'enlèvement du casque,

il a été pris d'un engourdissement général accompagné de fris-

sonnement ; pas de perte de connaissance. Cet engourdisse-

ment après avoir duré une heure, a disparu pour faire place à

une hémiplégie gauche. La bouche était de travers, ses membres

supérieur et inférieur du côté gauche, ne pouvaient exécuter le

moindre mouvement. Cet état, accompagné d'un certain degré

de céphalalgie a duré trois jours seulement, au bout desquels le

malade se portait parfaitement bien, au point qu'il a repris son

travail.

Le 20 juillet 1879, il descend à une profondeur de 20 brasses,

et, après avoir séjourné vingt cinq minutes, il s'est fait, brusque-

ment, comme d'habitude, décomprimer. Il avait fait, antérieure-

ment, ti.es immersions dans les mêmes conditions, sauf le séjour

qui n'a jamais duré plus.de douze à quinze minutes, sans accidents.

Pas de refroidissement, pas de toux, pas de repas avant l'im-

mersion.

Presque immédiatement après l'enlèvement du casque, le ma-

lade est atteint, le long de l'extrémité supérieure droite, surtout

aux épaules, de douleurs intenses qui ont duré cinq minutes

environ. Au bout de ce temps, une paralysie de la sensibilité et

de la motilité survint au plongeur ; pas d'autres symptômes. Cette

paralysie a duré une heure et demie, au bout de laquelle le

malade se porte parfaitement bien, remuant son membre para-

lytique aussi bien qu'avant l'accident.

Le 15 septembre 1880, il fait sa première immersion de la

journée, à une profondeur de 22 brasses et après avoir demeuré

une demi-heure, il s'est fait brusquement décomprimer.

Ce plongeur affirme cette fois-ci encore qu'il est descendu un

grand nombre de fois à cette profondeur et avec la même décom-

pression, sans accident, mais il importe de remarquer qu'il n'a

jamais demeuré au fond plus de quinze minutes. Il était par-

faitement bien portant et il n'a pas mangé avant l'immersion.

Immédiatement après l'enlèvement du casque, cet homme est pris

d'un engourdissement général sans perte de connaissance et

presque en même temps, d'une paralysie de la sensibilité et de

la motilité des quatre membres. 11 ne pouvait bouger que la tête.

420 0 CLINIQUE NERVEUSE.

Pas d'autres symptômes. Au bout de deux heures, il recouvre

l'usage de ses membres et le malade le lendemain malin a repris

son travail. Ce plongeur, depuis celte époque jusqu'au tO avril 1885,

jour de notre examen, n'a pas eu d'accidents.

On voit donc que ce plongeur à scaphandre a été

atteint au cours de son travail de trois accidents tout

à fait différents. Le premier était une hémiplégie gau-

che, le second était une monoplégie du membre infé-

rieur droit et le troisième une paraplégie des quatre

membres. Tous les trois étaient fugitifs, transitoires.

Observation LIX. Plusieurs accidents douloureux à différentes

époques. Le 16 juin 1882, dans des conditions de li-avail im-

possibles à déterminer, hémiplégie droite fugitive. Le 20 juillet

1882, première immersion, 26 brasses de profondeur, vingt-cinq

minutes de séjour au fond, ce qui a provoqué une dyspnée et une

sueur abondante, décompression extrêmement brusque. Accident

appartenant à la forme centrale spinale latérale.

Histoire. Demetres Guaris, âgé de vingt-huit ans, sans an-

técédents héréditaires ou personnels, a commencé à travailler

dans l'air comprimé en 1877.

i° Il a été atteint plusieurs fois aux différentes régions du corps

d'accidents douloureux dont la durée variait de deux à vingt-

quatre heures.

2° Le 16 juin 1882, dans des conditions de travail que le plon-

geur ne peut pas déterminer, il a été pris d'une douleur extrême-

ment vive avec anxiété au creux épigastrique, qui au bout de

quelques minutes a été remplacé par un engourdissement très

fort suivi bientôt d'une paralysie du membre supérieur et inférieur

droit; sa bouche aurait été de travers. En même temps le malade

avait un trouble du langage assez prononcé, il ne pouvait arti-

culer qu'un certain nombre de mots qu'il substituait d'une ma-

nière indifférente à tout ce qu'il voulait dire. Au bout d'une demi

heure, la paralysie et l'aphasie ont complètement disparu et le

lendemain matin il reprend son travail.

3° Le 20 juillet 1882, ce scaphandrier étant descendu aune pro-

fondeur de 26 brasses environ fait prolonger de vingt-cinq mi-

nutes son séjour au fond, il fut pris d'une dyspnée avec sensation

de sutfocation et d'une sueur abondante. Immédiatement il fait

signe de le faire monter. Ses compagnons troublés l'ont fait

i emonter très rapidement et lui ont enlevé le casque, de sorte que

la décompression a été instantanée.

DES ACCIDENTS PAR 1, ll ? IPI,01 DES SCAPHANDRES. 4) 1

Aussitôt la décompression faite le plongeur à scaphandre est

pris d'une douleur très intense à l'estomac sans perte de connais-

sance. Au bout de quelques minutes, ces douleurs gastriques dis-

paraissent pour faire place à un engourdissement qui s'étendait

de l'estomac aux pieds et qui a été suivi d'une paralysie des

membres inférieurs qui est devenue complète dans deux heures.

A ce moment, le malade a eu une rétention d'urine qui a néces-

sité le sondage. La constipation est opiniâtre. Le malade sentait

bien quand on le pinçait et quand on le louchait. Notre homme a

été forcé de garder le lit pendant quarante jours. Au bout de ce

temps, c'est-à-dire environ vers le commencement de septembre,

il a commencé son métier dès qu'il s'est senti capable de remuer

un peu ses membres.

Le mieux se faisait sentir d'un jour à l'autre. Les membres

reprenaient des forces et après un mois il marchait sans appui.

Etat actuel (10 juin 1881). Le malade a un léger boitement,

quand il marche, il frotte le sol de temps en temps, il élève un

peu ses hanches et enfin il a les allures d'une marche spasmodique

à peine esquissée. Dyscampsie légère des articulations. Se-

cousses. Exaltation des réflexes.- Epilepsie spinale spontanée

et provoquée. Rien d'anormal à la sensibilité examinée sous

tous ses modes, de temps en temps le malade a des engourdisse-

ments aux membres surtout sous l'influence des variations atmos-

phériques. Sensation désagréable à la région lombaire. Pas de

troubles trophiques ou vasomoteurs. Il est quelquefois obligé

de pousser pour uriner. Constipation. Fonctions génitales

un peu émoussées. Pas d'autres symptômes céphaliques ou

autres.

Ce plongeur à scaphandre a eu donc trois accidents

absolument différents l'un de l'autre. Il a eu au cours

de son travail : 1° des accidents douloureux multiples;

2° Un accident cérébral appartenant à la forme pa-

ralytique, type hémiplégique ;

3° Un accident spinal appartenant à la forme cen-

trale latérale.

Observation LX.

le, accident. 29 septembre 1873. (Septième immersion faite sous les

mêmes conditions que les six précédentes, à savoir 24 brasses de

profondeur, dix minutes de séjour au fond et décompression

132 CLINIQUE NERVEUSE.

brusque. Accident cérébral complexe (pote de connaissance,

aphasie, hémiplégie.)

2° (13 septembre 1818.) Huitième immersion. Mêmes conditions de

travail profondeur de 22 brasses, séjour de dix à douze minutes et

' décompression toujoursLmtsqite. Perte de connaissance, para-

plégie transitoire.

3° (3 naurs lssl). - Troisiènze imnzca·sioaz fctite sozts les mêmes con-

ditions que les deux précédentes comme profondeur 20 brasses,

séjour une demi-heure.

4° (2 juin 1883.) Troisième immersion, profondeur de 24 brasses,

séjour de sept à huit minutes, décompression brusque comme les

deux précédentes. - Accident appartenant ci la variété inlramyé-

litique de la forme spinale unilatérale.

Le nommé Antoine Antonogim, sans antécédents héréditaires

ou personnels, âgé de trente-cinq ans, a commencé en mai 1873

son travail dans l'air comprimé, il a travaillé pendant cinq mois

environ sans accidents. Le 29 septembre, bien portant et à jeun,

après avoir déjà fait 6 immersions à une profondeur de 24 brasses,

dix minutes de séjour au fond et décompression brusque; il est

redescendu dans les conditions de travail exactement semblables,

pas de fatigue.

Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du

casque, il perd connaissance et reste, n'ayant conscience de rien,

pendant dix heures, de 10 heures du matin à 8 heures du soir. Au

bout de ce temps, le malade revient sans pouvoir articuler un seul

mot, il ne prononçait que quelques sons inarticulés. En même

temps, le malade ne distinguait pas les objets environnants, il

n'avait conservé que la perception lumineuse.

Bientôt après, le malade est atteint subitement d'une paralysie

du membre supérieur et inférieur droit, la bouche était aussi de

travers. 11 importe de remarquer qu'un gonflement de la moitié

droite de la poitrine s'était développé, qui donnait naissance à un

trigmus, à un bruit de frottement quand on le. frottait, sans rou-

geur ni autre changement de la coloration de la peau de cette

région. Il comprenait parfaitement la parole entendue. A minuit,

'il articulait très bien tous les mots. A ce moment aussi, il a com-

mencé à remuer un peu ses membres paralysés. Il s'endort et le

matin se lève bien portant. C'est le gonflement qui seul a persisté

et dont il y a encore aujourd'hui des traces. 4

2° Le 13 septembre 1878, après avoir fait 6 immersions à une

profondeur de 22 brasses, dix à douze minutes de séjour et

décompression brusque, il redescend à jeun dans les mêmes con-

ditions de travail. Immédiatement après la décompression et l'en-

lèvement du casque, le plongeur perd connaissance pendant trois

heures, au bout desquelles il revient, n'ayant absolument rien.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. Il

3° Le 3 mars 1882, à la suite de la troisième immersion, faite à

une profondeur de 20 brasses comme les deux précédentes, pas

de refroidissement, pas de toux, pas de repas avant son écluse-

ment, enfin pas de fatigue.

Une heure après la décompression brusque et l'enlèvement de

son casque, c'était dix heures du matin, le plongeur est atteint

d'une paralysie complète des membres inférieurs, qui a été bien-

tôt suivie de perte de connaissance absolue. A une heure du soir,

cet homme revient complètement. La paralysie n'était plus com-

plète ; le malade a pu se tenir debout et à l'aide des appuis, faire

quelques petits pas. La sensibilité aurait été diminuée. Il n'a pas

pu rendre ses urines ni ses selles.

A 5 heures du soir, il revient à son état normal. Pas trace de

paralysie. La sensibilité est normale, il a pu rendre ses urines tout

seul. Enfin rien, et le lendemain matin il reprend son travail.

4° Le 2 juin 1883, n'ayant pas la moindre indisposition, après

être déjà descendu deux fois à la profondeur de 24 brasses,

demeurant toutefois 7 à 8 minutes et se faisant brusquement

remonter, il redescend à jeun pour la troisième fois dans les

mêmes conditions. Aussitôt aprèsla décompression, il a été frappé

d'une perte de connaissance complète qui n'a pas duré plus d'un

quart d'heure, au bout duquel il est pris d'une parésie du membre

inférieur gauche, les trois autres ayant conservé leur motilité

intacie.-La sensibilité aurait été émoussée, pas de troubles de la

vessie ou du rectum. Fonctions génitales normales. La parésie

s'améliorait d'un mois à l'autre, lentement, mais progressivement.

Etat actuel, 3 septembre 1883.

Le malade marche bien, on ne peut pas distinguer le moindre

boitement. C'est seulement après une longue course que notre

.homme sent de la fatigue à ce membre.

Son membre parélique après une fatigue ou sous l'influence

d'une émotion morale, s'agile souvent au réveil, d'un tremblement

involontaire. Impossible de provoquer ce tremblement. 11 y a

une exaltation considérable des réflexes de ce membre. Son

membre parétique parfois se fléchit et s'étend tout d'un coup.

Il y a des anesthésies par plaques, à ce membre, la sensibilité

est intacte à l'autre.

Rien du côté du sens musculaire, de la nutrition des muscles,

des vaso-moteurs, de la vessie, du rectum et des organes géni-

taux.

Aucun symptôme céphalique.

Les fonctions des autres organes paraissent se faire réguliè-

rement. '

Etat du malade, le 15 novembre 1883. Rien. Guérison com-

plète et définitive.

li ^2 't CLINIQUE NERVEUSE.

Ce scaphandrier, comme on l'a remarqué, a eu au

cours de son travail quatre accidents différents. Le

premier est un accident cérébral complexe. La perte

de connaissance qui peut figurer toute seule au tableau

clinique d'un accident survenant par l'emploi des sca-

phandres, l'aphasie de la forme aphasique et l'hémi-

plégie de la forme cérébrale paralytique ont contribué

à la constitution de cet accident complexe. Le second

est un accident cérébral simple, typique, la perte de

connaissance qui, à elle seule, constituait le tableau

clinique de l'accident. Le troisième est un accident

complexe à la constitution duquel ont contribué la

perte de connaissance et la paralysie spinale transi-

toire. Enfin le quatrième est un accident appartenant

à la forme spinale unilatérale et plus spécialement à

la variété intramyélitique de cette forme.

De ces observations, on peut voir combien est grande

la multiplicité et la variabilité des accidents qui peu-

vent survenir chez le même plongeur à scaphandre

ins le cours de son travail. Je pourrais multiplier les

- as de ce genre si je ne craignais de fatiguer l'atten-

tion de notre lecteur.

Nous terminerons ce chapitre par une courte des-

cription des troubles trophiques et urinaires des para-

plégiques scaphandriers et des accidents mortels.

MORT DES PARALYTIQUES SCAPHANDRIERS

ACCIDENTS MORTELS.

Je ne veux pas insister beaucoup sur les troubles

trophiques et urinaires qui se rencontrent dans ces

accidents spinaux des scaphandriers, car ils ne dine-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 425

rent absolument en rien de ceux qui s'observent dans

les affections spinales de toute autre origine. On a pu

remarquer parmi les observations rapportées déjà des

cas de ce genre Eschares sacrées à formation rapide.

Troubles uriuaires : l'urine est albumineuse, ammonia-

cale et parfois sanguinolente. Mais si les scaphan-

driers qui font les sujets de nosobservations ont échappé

à la mort, il n'en est pas moins vrai que l'appari-

tion de ces troubles, comme toujours du reste, est

redoutable, car l'état général s'aggrave, le marasme

se prononce et le malade meurt.

A preuve par exemple deux observations dont la

première est due à l'excellente thèse de M. Alphonse

Gai l et la seconde au travail de MM. Tetzis et Parissisz,

toutes les deux relatives à des plongeurs paraplégiques

morts, de suites d'eschares à développement rapide.

Je reproduis intégralement ces observations.

Le 1 ? juillet 1869, sur la côte de Rhodes, le nommé Nicolas

Roditis, qui plongeait à la machine depuis trois mois environ,

remonta d'une profondeur de 35 à 40 mètres. Au bout d'une demi-

heure, il est pris de fortes douleurs dans la région épigastrique,

et en même temps s'aperçoit qu'il ne peut plus se tenir sur ses

jambes. On le ramène à Rhodes, où il s'adresse d'abord à un

charlatan qui le fait mettre dans un four. Il n'est pas soulagé,

comme on le pense bien ; les douleurs d'estnmac persistent; la

paralysie de la partie inférieure du corps était complète et portait

sur les jambes, les cuisses, la vessie et le rectum, Aux douleurs

de la région épigastrique s'ajoutait la tension du ventre ; il y

avait trois jours qu'il n'avait pas uriné et qu'il n'avait pas eu de

selles, quand il fit appeler un médecin italien, qui para au plus

pressé en le soudant et qui essaya ensuite de guérir sa paraplégie.

On lui donna divers remèdes et on lui fit des frictions ; mais il a

été impossible de savoir au juste quel traitement on lui fit suivre.

Un mois après l'accident, il arrive à Calymnos où le voit le

Loc. cit.

Loe. cit.

't-26 CLINIQUE NERVEUSE.

Dr Pélicanos. A ce moment il est complètement paralysé de toute

la moitié inférieure du corps, aussi bien du côté de la motilité

que de celui de la sensibilité. La vessie et le rectum participent

à la paralysie.

De plus, il porte à la partie postérieure et inférieure du tronc

une large eschare de 14 centimètres sur 15. Toutes les parties

molles sont ulcérées et le sacrum est à nu. A la hauteur des deux

grands trochanters, on voit aussi deux plaies ; l'une a amené la

destruction de la peau ; dans l'autre, l'os est à nu. Eschare au

calcanéum droit. Eschare à la partie inférieure et externe du cin-

quième métatasien gauche et à la plante du même pied. Douleurs

atroces dans la région de l'estomac ; constipation constante. Le

malade est très anémié.

On lui donne d'abord du sirop de lactate de fer, du quinquina,

du vin vieux de Chypre et une alimentation aussi réparatrice que

possible. On lave les plaies avec une décoction de camomille et

de quinquina ; on le panse avec du vin aromatique. De temps en

temps un purgatif avec l'huile de ricin ou la poudre de jalap..

Pas d'amélioration; les eschares s'agrandissent ; une fièvre à

type intermittent quotidien, à exacerbations revenant tous les

soirs, se déclare. C'était évidemment de la fièvre hectique.

L'appétit est presque nul, l'état général s'aggrave encore; une

eschare gangreneuse envahit le prépuce et enfin le malade suc-

combe dans le marasme trois mois après son accident.

Il y avait un mois que la paralysie de la vessie avait cessé;

mais il n'avait eu aucune amélioration du côté de la motilité et

de la sensibilité des membres inférieurs.

J. Z... d'Hydra, âgé de vingt-cinq ans, s'étant plongé trois fois

de suite dans le golfe Argolique, le 26 décembre 1876, à une

profondeur de 15 brasses, commençant alors ;pour la première

fois l'ouvrage de plongeur, fut attaqué d'une paraplégie, aussi

fut-il transporté à Kranidiou du Péloponèse, où il demeura vingt

jours et où lui furent donnés les premiers soins. Je le visitai,

quand il fut transporté, ici, le 16 janvier 1877 ; il me raconta

qu'étant remonté du fond de la mer, après l'enlèvement du casque,

lui survint de la lypotlimie et qu'il perdit connaissance; étant re-

venu à lui, il vit ses membres inférieurs paralysés. Je l'examinai

et je vis que ses membres inférieurs étaient paralysés et insensi-

bles; la vessie était complètement paralysée et le rectum n'agis-

sait plus; les autres fonctions du corps étaient normales. Comme

étant loin de son pays, il n'était pas convenablement soigné, la

peau à la région du sacrum avait commencé à devenir rouge ;

j'attirai immédiatement l'attention de ses proches sur cela, en

ordonnant des couches convenables, des changements fréquents

de position et des lavements de cette région avec de l'eau de

Goulard et avec de la décoction de quinquina ; des toniques à l'in-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES 5(' : 1P11\DREc. 427

térieur et une nourriture tonique et du vin ; il est inutile de dire

que je le sondais deux fois par jour et que je provoquais des éva-

cuations par des lavements. L'état du malade s'améliora par ces

soins, la peau à la région du sacrum revint à son état normal et

le malade sembla pendant quelque temps marcher à la guérison.

11 commença alors à sentir le besoin d'uriner et à remuer les doigts

des pieds ; il semblait qu'il allait recouvrer entièrement le mou-

vement et la sensation des membres inférieurs; mais malheureu-

sement il était pauvre et ne pouvait pas suffire aux dépenses;

aussi continuait-il exactement le traitement médical, mais dans

la maison il n'y avait pas les personnes qu'il fallait pour l'aider

à changer souvent de position, ni les moyens pour avoir la pro-

preté nécessaire dans sa couche, etc., par conséquent au mois de

mars se présentèrent de nouveau les symptômes de la gangrène

très intenses; la peau devint de nouveau rouge, elle s'ulcéra et

les parties molles commencèrent à devenir gangreneuses ; les os

se dépouillèrent et le sphacèle de ces parties du corps s'étendit

jusqu'à la surface postérieure du tiers supérieur des cuisses. Je fis

usage contre la gangrène de l'acide phénique et de l'acide salyci-

lique qui arrêtait, à ce qu'il paraissait, davantage le progrès de

la gangrène ; enfin tout fut inutile ; la gangrène amena de grandes

lésions auxquelles le malade résista, gardant l'appétit et n'ayant

point de fièvre ; mais enfin la diarrhée survint et la fièvre avec

des frissons et des sueurs, et l'épuisement, faisant des progrès,

amena la mort le 21 juin.

Voici maintenant, entre autres, une observation

empruntée aux mêmes auteurs, qui est relative à un

scaphandrier mort de troubles urinaires.

11. D..., de Kalymnos, âgé de vingt-quatre ans, plongeant à

scaphandre depuis un an, très hardi, fut affecté de la paraplégie,

lorsque je le visitai, le le, septembre 1878, il me raconta que,

s'étant plongé trois jours avant à plusieurs reprises à une grande

profondeur de vingt-six à trente brasses, il avait senti, en remon-

tant, après l'enlèvement du casque, les symptômes ordinaires

de la paraplégie, c'est-à-dire, des vertiges, la tendance à la

lipothymie et des douleurs aux membres inférieurs; il demanda

qu'on le déshabillât et alors il vit qu'il avait la paraplégie; ses

camarades, comme il était loin delà ville d'Hydra, lui donnèrent

les soins ordinaires et le sondèrent : le troisième jour de son

attaque, il vint à Hydra et il me disait qu'il se trouvait bien, si ce

n'est que ses membres inférieurs étaient attaqués; ces membres

avaient perdu complètement la motilité; la sensibilité s'étendait

seulement jusqu'aux cuisses. Je lui ordonnai le traitement ordi-

428 CLINIQUE NERVEUSE.

naire, l'application des ventouses scarifiées, le sondage fait par

moi-même, l'emploi du calomel comme purgatif; ainsi pendant

quelques jours, son état semblait s'améliorer : le mouvement des

doigts des pieds avait déjà commencé, mais le malade détestant

le cathétérisme tâchait,* par des pressions fortes à l'hypogastre,

de provoquer la sortie de l'urine ; de là et du séjour prolongé de

l'urine dans la vessie, survint l'inflammation de celle-ci. Le ma-

lade commença à sentir des douleurs fortes à l'hypogastre ; la

vessie ne se vidant pas complètement, était saillante de quelques

doigts au-dessus de la symphyse pubienne. En examinant les

parois de la vessie, on trouvait qu'elles grossissaient peu à peu ;

l'appétit diminuait, la fièvre apparaissait avec des frissons et se

terminait par des sueurs; il survenait des délires s'alternant avec

le coma et les soubresauts des tendons ; la langue se sécha, les

vomissements survinrent, et le malade s'affaiblissant petit à petit

décéda le 21 octobre dans une pleine anesthésie, après qu'on eut

employé vainement tous les moyens pour le sauver ; pas d'es-

chares.

Le cas échéant, soit que ces troubles trophiques et

urinaires ne font pas du tout leur apparition, soit

qu'ils ne se terminent pas par la mort, le paralytique

scaphandrier survit. Quant à la marche ultérieure de

ces paralysies et leurs pronostics, je me suis déjà lon-

guement entretenu et on a pu remarquer que je ne

suis pas, tant s'en faut, autorisé par mes observations

de souligner les paroles suivantes de Paul Bert :

« Mais trop fréquemment les paralysies des mem-

bres inférieurs sont persistantes, et nous avons

rapporté des observations nombreuses qui font un la-

mentable tableau de ces malheureux dont presque

toujours la mort vient, au bout d'un temps variable,

terminer les souffrances. Dans aucun des faits que

nous avons rapportés une paraplégie ayant duré plus

de deux jours n'a été complètement guérie. »

Au contraire, j'ai fait suffisamment ressentir que

des paraplégies, qui durent des mois et plus d'une

année, guérissent fréquemment, s'améliorent dans la

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 429

majorité des cas, rarement restent stationnaires pour

ainsi dire indéfiniment, le scaphandrier restant en

qualité d'infirme pour toute sa vie. Mais je dois con-

fesser-que je n'ai pas encore observé de mort par les

progrès seuls' et naturels de la paralysie.

ACCIDENTS MORTELS.

Le plongeur à scaphandre peut être mortellement

frappé soit subitement au moment même de la dé-

compression soit rapidement, quelques heures rare-

ment un ou deux jours après elle. Quels sont les

symptômes qui constituent le tableau clinique de ces

terribles accidents ? Ma description sera forcément

incomplète, parce qu'il ne m'a jamais été donné d'ob-

server des cas de ce genre. La mort survient si

promptement qu'on arrive presque toujours tard.

Les expériences qui seront rapportées plus loin, les

expériences quej'ai pris sur cette question auprès des

compagnons des scaphandriers frappés d'accidents

mortels, aussi bien qu'un certain nombre d'observa-

tions incomplètement exposées, que l'on trouve dans

les travaux de mes devanciers, semblent démontrer

que dans l'immense majorité des cas la, mort arrive

par le syndrome d'apoplexie par hémorrhagie céré-

brale, que parfois c'est une attaque syncopale qui

termine la vie du plongeur.

Procédons maintenant à l'exposé de ce qui a été

publié jusqu'à présent sur ces accidents mortels.

M. Leroy de Méricourt fait simplement savoir que trois

plongeurs à scaphandre sont morts subitement en

430 CLINIQUE NERVEUSE.

quittant le travail sous-marin. Pas d'observations. La

lettre de M. de Nayrouse donne sur ce point les

renseignements suivants :

« Ceux qui sont morts n'ont jamais expiré au fond de l'eau,

ils remontaient, se plaignant de douleurs internes, au coeur en

particulier, se couchant dans leur barque et s'éteignaient au bout

de quelques heures. »

.Dans la thèse de M. Alphonse Gal, on trouve les trois

observations suivantes, fort succintes et incomplètes :

I. Le 23 juin 1868, à Navarin, Jorgieos Koutchourahi, des-

cendu par une profondeur de quarante à quarante-cinq mètres,

est resté un quart d'heure au fond. Selon la coutume des plon-

geurs grecs, il s'est fait hisser après ce temps ; il est arrivé sur le

pont du bateau en parfaite santé ; quelques minutes après, il s'est

plaint de tournoiements de tête, et il est tombé sur le pont. Perte

delà parole et de l'intelligence; face rouge. Mort subite.

Il. Le 10 juillet 1868, dans l'Archipel grec, Manolis Coulou-

maris, descendu par une profondeur de vingt-cinq brasses, c'est-

à-dire à peu près de quarante mètres est resté environ trois

quarts d'heure au fond. Au bout de ce temps, il a fait le signal

convenu, et il a été hissé. Il était sur le pont depuis un quart

d'heure à peu près, et, au dire de ses camarades, il, pressait les

éponges qu'il avait remontées, lorsqu'il fut brusquement saisi par

de fortes douleurs, et presque aussitôt, perte de connaissance

absolue. Il succomba rapidement.

III. Le 15 juin 1869, sur la côte de Bengasi, le nommé

Joannis Xippas descendit par vingt brasses de fond, c'est-à-dire à

peu près de trente à trente-cinq mètres. Ce plongeur était des-

cendu pendant cinq jours de suite, et à plusieurs reprises chaque

jour, par des profondeurs toujours supérieures à trente mètres, et

jusqu'alors il n'avait rien éprouvé de fâcheux, sauf un peu de dou-

leur dans le bras gauche. Le 15 juin, il en était à sa seconde des-

cente, lorsque l'accident lui arriva. Remonté après un séjour de

plus d'une demi-heure, il ne parut tout d'abord rien éprouver dia

fâcheux, et descendit sous le pont de son caique pour se reposer.

Ce ne fut qu'une heure après qu'un de ses camarades, descendant

auprès de lui, le trouva sans connaissance, la figure 7-uiige, les

membres complètement inertes et couverts de sueur froide. On

essaya de le réchauffer, sans pouvoir y parvenir.

On mit à la voile pour se rendre à Alexandrie, où l'on espérait

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 431 i

trouver du secours; mais la mort arriva au bout de vingt-quatre

heures. Le malade était resté tout ce temps dans l'immobilité la

plus absolue. Il n'y avait pas eu de selles ni de miction. Ceux qui

ont assisté à sa mort assurent qu'un peu avant de mourir, il

aurait donné quelques signes d'intelligence et de souffrance; mais

la paralysie des membres est restée complète.

, Le travail de M. Lampadarios' contient une seule

observation, fort succinte, du reste la voici :

Pendant l'été de l'année 1866 on m'a appelé pour visiter un

sieur L... Cet homme plongeait en scaphandre depuis quelque

temps pour pêcher l'éponge, il avait quarante ans. La veille, étant

retiré du fond de la mer, il était tombé dans un état comateux ;

lorsque je l'ai vu, il était aux derniers momeuls, la face bouffie,

bleuâtre, comme mort d'asphyxie.

Les observations les plus intéressantes en raison de

leur description relativement précise sont celles qui

sont contenues dans le travail de MM. Fetzis et Paris-

sis. Je les reproduis intégralement.

Ous. I. Un des plongeurs venait d'être attaqué, il avait perdu

connaissance, sa tête était déjà gonflée et noirâtre, sa langue était

sortie de ses lèvres enflées, ses yeux étaient saillants, ses mem-

bres supérieurs froids, son pouls était petit. faible et filiforme, ses

membres inférieurs étaient couverts et chauds par suite des fric-

tions. Il tomba dans l'anesthésie aussitôt qu'on lui enleva le

casque, et tous les soins que prirent de lui ses compagnons

furent inutiles. Il mourut bientôt après.

Ou ? IL Th. G..., d'Hydra, âgé de vingt-deux ans, s'étant

adonné l'été dernier pour la première fois à la profession de

plongeur, faisait des immersions près de Cythère à une profon-

deur de moins de vingt brasses. Dix jours avant son dernier acci-

dent, sentit après une immersion des douleurs fortes à la nuque et

interrompit ses immersions. Le 7 juillet il les reprit, après avoir

fait plusieurs immersions, il en fait sa dernière à 3 heures du

soir aune profondeur de dix-huit brasses. Après la décompres-

sion et l'enlèvement du casque, il se sentait bien; il fuma et il se

préparait à une nouvelle immersion, lorsque tout à coup, un

quart d'heure après, il se plaignait d'avoir une forte douleur à

l'oeil gauche et demandait à ses compagnons si ses yeux étaient

' Loc. cil.

4,3 CLINIQUE NERVEUSE. ACCIDENTS PAR LES SCAPHANDRES.

rouges; pendant qu'il disait cela, il fut pris de vertiges, devint

pâle, perdit connaissance, et en même temps de l'écume sortait

de sa bouche. Ses compagnons l'ayant déshabillé, lâchèrent

d'abord de lui ouvrir la bouche, de force pour lui donner à

avaler de l'huile, comme d'habitude afin de provoquer les vomis-

sements qu'ils considèrent comme utiles ; mais n'y parvenant pas,

ils lui firent les frictions ordinaires avec du vinaigre chaud. Le

malade parla trois heures après, en disant qu'il avait des douleurs

dans tout son corps, il tomba dans le coma dont il ne revint plus.

De temps en temps, il prononçait quelques mots incohérents ; quel-

quefois il remuait un peu seulement les membres supérieurs et avait

de la dyspnée depuis le commencement de l'accident jusqu'à la fin

de sa vie. Ses compagnons lui appliquèrent cinquante-cinq ven-

touses sèches le long de la colonne vertébrale, que le malade, par

de petits mouvements, montrait qu'il sentait. Puis toute sa tête se

gonfla, prit une couleur bleue noirâtre, ses lèvres et ses paupières

s'entièrent aussi, et la mort vint environ vingt-quatre heures après

son accident.

OBs. III. D. T..., d'IIydra, âgé de trente-six ans, exerçant la

profession de plongeur à scaphandre depuis quatre ans, a été

atteint l'année dernière de petits accidents.

Le 28 juillet 1881, ayant fait trois immersions sans accident, il

descend pour la quatrième fois par une profondeur de plus de

dix-sept brasses, et après avoir demeuré dans le fond de la mer

pendant une demi-heure. il monta de lui-même par la petite

échelle de la proue; quand on lui enleva le casque, il dit qu'il se

portait bien, et demanda qu'on le déshabillât, parce qu'il était

midi et que la série de ses immersions était finie ce jour-là.

Mais après avoir déposé la tunique irnmersive, il sentit des

douleurs et des engourdissements aux membres supérieurs et

inférieurs, qu'il remuait difficilement, sans avoir de l'étourdisse-

ment; le malade ne perdit point connaissance, et il parlait bien

pendant quelques minutes encore avant sa mort; il n'eut aucune

hémorrhagie extérieure, mais il avait seulement beaucoup de

taches livides au thorax ; ses membres supérieurs et inférieurs ne

cessèrent pas de remuer jusqu'à la fin. 11 se plaignait d'avoir une

gêne au thorax et une oppression à la région précordiale, mais il

ne semblait pas avoir de la dyspnée. Ses compagnons conti-

nuèrent de lui faire des frictions jusqu'à minuit, et avaient de

l'espoir en voyant que sa tête n'était pas gonflée et que ses

membres remuaient, quoique avec une certaine difficulté. Mais

tout à coup le malade fit un mouvement forcé de tout son corps

pour embrasser son beau-frère, qui était assis près de lui, et

ainsi, il expira immédiatement le bras tendu. (A suivre.)

RECUEIL DE FAITS

DÉLIRE RESTREINT AVEC EXACERBATIONS GÉNÉRALES , LESIONS DE

SENSIBILITÉS ; TROUBLES TABÉTIQUES ET DE NUTRITION, par

H. Bonnet, médecin en chef de l'asile de Châlons-sur-lliarne.

La nommée Marie P..., âgée de trente-cinq ans, qui est entrée

dans mon service, a toujours été, d'après les renseignements

donnés, très impressionnable; elle a eu la fièvre typhoïde à qua-

torze ans. Depuis quatre à cinq mois seulement, avant son

entrée, sa famille s'est aperçue qu'elle avait des scrupules reli-

gieux, qu'elle était devenue très mélancolique. Si on lui deman-

dait le sujet de son chagrin, elle répondait qu'elle était damnée

et que ce motif l'avait empêché de faire ses pâques; plus tard,

elle n'est plus damnée; mais Dieu et la vierge, avec qui elle com-

muniquait, qu'elle voyait et entendait souvent, l'appelaient à

eux; elle eut, même, des idées de suicide.

Lors de l'admission, le délire partiel est de toute évidence; se

roule sur des conceptions fanatiques religieuses et se complique

d'hallucinations de la vue et de l'ouïe. Mais, au milieu d'idées

erronées,, d'autres sontsaines; bien des réflexions sont judicieuses

sur beaucoup de sujets, mais à l'exception de ce qui se rapporte

au délire principal qui, néanmoins, subjugue les pensées raison-

nables qui surnagent et met obstacle aux déterminations des

termes d'un jugement normal. Souvent, la malade s'endort

sur son travail pour devenir rêveuse. Les facultés passent alors au

service de fausses conceptions;, elles sont suspendues pour le

monde réel; il y a, en un mot, stupeur.

Le même état existe plus tard, mais avec cette différence que la

dissimulation s'en mêle. Comment donner le change avec un air

si triste, une irrésolution continuelle sur les choses les plus simples

et les plus naturelles, l'insouciance du travail et cette attention

toujours fixée sur un objet inconnu, cette profonde méditation ?

Comment se tromper, du reste, quand, la nuit, alors que toute

surveillance semble éteinte, l'éréthisme cérébral contenu pendant

le jour éclate en gestes et en prières, quand on divague toujours

et qu'on ne dort jamais. Quel aveu plus complet peut-on faire

de ses erreurs qu'en se privant de manger et faire pénitence pour

aller à Dieu ! - Même état plus tard; la malade prétend que les

prières et les privations qu'elle s'impose ont fini par la guérir de

l'iniquité et qu'elle était agréable à Dieu. Elle réclame instamment

sa sortie, disant qu'elle n'est plus folle, ce qu'elle justifie par la

cessation de tout travail, un isolement complet de tout ce qui

Archives, t. XVII. 28

434 RECUEIL DE FAITS.

n'est pas son délire, toutes les erreurs du passé et un refus obstiné

de manger, qui nécessite l'emploi de la sonde oesophagienne. Ne

devons-nous pas la croire, puisque c'est Dieu, lui-même, qui lui fait

des révélations ? - Il n'est donc pas possible de donner de preuves

plus certaines d'aliénation mentale.

Nous ne voyons aucune amélioration avantageuse se produire

ultérieurement. Au contraire, les facultés s'altèrent dans leur en-

semble et sont visiblement entraînées sur la mauvaise pente. Le

somatisme, lui-même, suit ce travail de déchéance ; l'usure orga-

nique commence à apparaître par le fait d'une alimentation in- «-

complète et un état nerveux toujours en émoi, toujours en

éréthisme.

Enfin, ces deux facteurs de destruction vitale, qu'aucune force

compensatrice n'a pu enrayer dans leur marche, qui n'ont pas un

moment de rémission, la dénutrition par refus de manger et

l'éréthisme nerveux ontpour couronnement de leur effort incessant

un état général qu'on peut caractériser par ces mots : destruction

des facultés intellectuelles et affectives, diminution ou perte de

l'instinctivité elle-même, vie végétative, gâtisme.

Ces progrès incessants d'un délire qui était borné, il y a un an,

à quelques scrupules religieux, sont donc faciles à expliquer. On

comprend que ce tourbillon d'activité cérébrale morbide ait en-

traîné les forces de l'activité normale et fini par empêcher toute

manifestation volontaire consciente. Mais, dans ce deliquium où

est tombé le synergisme mental, il surnage un élément dont la

rareté lui crée une place spéciale à la fin de cette observation

avec l'explication plus ou moins exacte de sa pathogénie.

C'est un tremblement partiel ou général qui ne se manifeste

que dans des circonstances déterminées. Disons, d'abord, que

ce tremblement occupe les bras, les jambes, les lèvres, les yeux,

tout le corps quelquefois ou, du moins, les parties du corps qui

sont sous l'empire de la volonté. La malade est dans un état

d'inertie complète par elle-même; elle ne manifeste aucun auto-

matisme spontané, bien que les fonctions végétatives soient rem-

plies d'une manière presque normale. Mais, vient-on à la faire

manger à la sonde ou à ouvrir la bouche avec une cuiller, elle

exécute quelques mouvements de latéralité pour éviter l'instru-

ment ; et, aussitôt, commencent des mouvements précipités, des

tremblements des bras, des jambes, des lèvres, des paupières...

qui ne cessent que lorsque la malade se sent toute seule, isolée,

non excitée. Pareille chose advient quand on provoque chez elle

une action volontaire quelconque, quand on veut, par exemple,

la faire parler. Mais, de même que les bras, restent pendants, de

même les lèvres remuent convulsivement ; mais aucun mot ne sort

de la bouche, aucun son n'est articulé.

Il y a de l'anesthésie jusqu'à un certain point qu'il est difficile

DÉLIRE RESTREINT AVEC EXACERBATIONS GÉNÉRALES 435

d'apprécier bien au juste cependant, s'il faut. pincer assez fort

la peau pour provoquer des mouvements, un mot suffit quelque-

fois pour donner lieu à un courant centripète qui sera bientôt

réfléchi par le même phénomène, un tremblement plus ou moins

général. L'électricité agit très efficacement sur la contraction

des muscles qui se tendent et font saillie sous la peau, à peu près

comme chez tout le monde; et, d'un autre côté, la sensation élec-

trique est vivement sentie, car tout le corps devient presque trem-

blant. Je dois noter ici, en passant, que la sécrétion « sueur »

apparaît assez abondamment sous l'influence d'un courant même

faible mis en contact quelques minutes avec le corps; je tirerai

bientôt une conclusion de ce fait et de quelques autres exposés

plus haut à propos des lésions du grand sympathique.

Tout ce qui vient d'être exposé a pu se convertir en névrose,

mais dépend certainement de lésions de nutrition qui ont peu

frappé les centres psychiques d'abord, comme on a vu le

froid frapper les éléments des plaques motrices de certaines

régions dans un cas rapporté par M. Yulpian où les centres

excito-moteurs et sensitifs ainsi que les éléments de conduc-

tion étaient intacts, mais où les plaques seules avaient subi

l'influence du froid, agissant, comme le' curare, à la façon

d'un véritable poison. En effet, l'électricité n'amenait aucun

effet; elle était impuissante ; les plaques étaient paralysées.

Ici, au contraire, le travail de dénutrition a commencé par les

centres psychiques. Plus tard, il a envahi les centres moteurs '

qui sont peu à peu, devenus incapables d'extérioriser les inci-

tations de la volonté. L'harmonie des forces musculaires

avec les incitations internes est détruite ; l'influx nerveux s'est

altéré par dénutrition ; le sens musculaire est presque aboli.

De là, des mouvements nullement en harmonie avec l'effort

à vaincre, un tremblement qui n'est que la réflexion avortée

des centres moteurs malades.

On ne saurait expliquer autrement un tremblement qui

relève directement de la volonté dont ils ne sont qu'une mani-

festation avortée. -

La dénutrition peut bien avoir déterminé des troubles

périphériques, comme nous le voyons dans un certain degré

de maigreur, dans la flaccidité des muscles à l'état de repos et

dans une diminution de la chaleur animale, ainsi que dans un

ralentissement des sécrétions ; mais, c'est dans les centres

principalement, que ce travail a commencé, et a fait jusqu'à

présent, les plus grands ravages.

436 REVUE STATISTIQUE.

En résumé, c'est probable que : 10 les centres psycho-

intellectuels ont, les premiers éprouvé des lésions de nutri-

tion par surcroit d'activité, ou par une dépense nouvelle exa-

gérée, et par alimentation incomplète. Ceci est démontré par

le défaut absolu d'automatisme spontané; 20 les centres

moteurs, privés de cet excitant avec lequel ils sont en rapport

constant, ont subi, en second lieu, une régression vitale, et

cela au point qu'ils sont incapables d'élaborer l'influx nerveux

nécessaire à toute manifestation énergique ; que leur décharge

est incomplète et se résout en extériorisation avortée ;

3° la décadence des centres nerveux périphériques en rapports

direct avec les centres psycho-moteurs est moins avancée que

celle des centres dont ils émanent ou auxquels ils aboutissent

puisque sensibilités spéciale et générale et contraction mus-

culaire sont encore faciles à mettre en évidence par des exci-

tants extérieurs ; 4° enfin, le grand sympathique semble plus

respecté que les autres parties du système nerveux puisque,

sous l'influence de l'électricité, la sueur apparaîtabondamment,

puisque les fonctions de la vie végétative jouissent encore d'une

certaine régularité; l'intégrité relative de ce vaste système

s'explique, du reste, malgré les connexions intimes avec les

centres, par son indépendance et son autonomie spéciale.

REVUE STATISTIQUE

HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE

CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME "NERVEUX

Professeur : CHARCOT

Compte rendu du service ophthlamologique de M. le Dr PAMNAUD,

Pour l'année 1888; par M. MoRAx, externe du service.

Nous diviserons en quatre groupes les troubles oculaires

observés dans les affections cérébro-spinales. Les trois pre-

miers groupes, comprenant l'hystérie, le tabes et la sclérose en

plaques qui retentissent le plus fréquemment sur l'organe de

la vue et y produisent des symptômes caractéristiques. Le

quatrième groupe comprend les cas qui ne se rapportent pas

aux affections précédentes.

Nous ne consignons dans ce compte-rendu que les troubles

SERVICE OPHTHALMOLOGIQUE. 437

oculaires permanents. Les cas d'amblyopie transitoire ou mi-

graine ophthalmique n'y figurent pas. La neurasthénie pro-

duit des troubles d'innervation de l'appareil musculaire assez

caractéristiques, mais qui ne constituent pas des paralysies

proprement dites; ces cas sont considérés, à la Salpêtrière,

comme négatifs au point de vue des lésions oculaires. Ils ne

figurent donc pas non plus dans cette statistique.

HYSTÉRIE.

Les hystériques chez lesquels on a constaté des troubles

oculaires sont au nombre de 79, dont 49 femmes et 30 hom-

mes. L'énorme proportion des hommes tient à ce que beau-

coup d'hystériques femmes, dont la maladie était très carac-

térisée, n'ont pas été envoyées à l'examen ophthalmologique,

tandis que tous ou presque tous les hommes ont été examinés.

En outre plusieurs hystériques hommes ont été adressés de

différents hôpitaux à M. le professeur Charcot qui, dans ces der-

nières années, s'est particulièrement occupé de ces cas. Même

en tenant compte de ces circonstances, ce chiffre de 30 hysté-

riques mâles atteste la fréquence relative de cette maladie

chez 1'.homme. Dans 9 cas, l'hystérie était associée à une autre

affection nerveuse, déterminant des troubles visuels propres.

L'examen des yeux, chez les hystériques, porte sur le champ

visuel, la dyschromatopsie et deux autres symptômes qui

accompagnent presque toujours cette amblyopie la polyopie

monoculaire et la micromégalopsie. (M. Parinaud désigne ainsi

l'apparence de rapetissement ou de grossissement d'un objet

quand on l'éloigné ou qu'on le rapproche de l'oeil.)

La micromégalopsie qui est liée à la contracture de l'accom-

modation existe presque constamment dans l'amblyopie hysté-

rique. Elle est donc plus fréquente que la polyopie monocu-

laire qui est également sous la dépendance de la contracture,

mais qui exige pour se produire une contracture plus forte et

certaines conditions particulières.

On constate encore, mais plus rarement, chez les hysté-

riques, des troubles des muscles moteurs des paupières et du

globe oculaire, d'une nature particulière, qui tiennent tantôt

de la contracture, tantôt de la paralysie, sans qu'il soit tou-

jours facile de préciser quel est celui de ces états qui domine '.

' Voir pour ce qui concerne les troubbles oculaires des hystériques, le mé-

moire de M. Parinaud : Anasthésie de la rétine, in Ann. d'oculistique, 1886.

438 . REVUE STATISTIQUE.

A. Hystériques femmes.

SERVICE OPHTHALMOLOGIQUE. 439

440 REVUE STATISTIQUE.

SERVICE OPTHALMOLOGIQUE. 441

442 REVUE STATISTIQUE-.

SERVICE OPHTALMOLOGIQUE. 443

444 REVUE STATISTIQUE.

SERVICE OPHTALMOLOGIQUE. 448

446 REVUE STATISTIQUE.

SERVICE OPHTHALMOLOGIQUE. 447

448 REVUE STATISTIQUE.

SERVICE OPIITIIALNIOLOGIQUE. Il Il li

Nous trouvons quatre cas où les mouvements des globes

oculaires sont intéressés. Dans le cas n° 65, il s'agit d'une

paralysie de la divergence qui est une modalité de la paralysie

de la convergence signalée par M. Parinaud (Archives de Aleu2,o-

logie, 1885). Cette paralysie, qui parait relever de la lésion d'un

centre spécial, se distingue entre autres caractères par une di-

plopie particulière. Les images homonymes ou croisées suivant

que c'est le mouvement de convergence ou de divergence

qui fait défaut, persistent sans modifications notables de l'écar-

tement dans toutes les directions du regard. Il est difficile de

déterminer, dansle cas actuel, si le défaut de divergence tient

à de la contracture du mouvement de convergence ou à une

paralysie proprement dite du mouvement de divergence.

Le n° 43 est un exemple de paralysie associée ou conjuguée

des deux sixièmes paires, c'est-à-dire intéressant les deux

yeux pour la direction du regard à gauche ou à droite.

Les cas de ce genre ne doivent point être confondus avec le

précédent (paralysie de la divergence). La diplopie n'offre pas

les mêmes caractères. Contrairement à ce qui se passe dans

la paralysie de la divergence, le défaut de mouvement est

appréciable objectivement; il y a parfois un strabisme mani-

feste.

Le n° 66 est atteint d'une forme d'ophthalmoplégie externe

que M. Parinaud regarde comme spéciale à l'hystérie et qu'il

désigne du nom d'ophthalinoplégie hystérique pour le distin-

guer des autres formes. Dans cette ophthalmoplégie hys-

térique, ce sont surtout les mouvements volontaires qui

sont intéressés. Les malades sont dans l'impossibilité de

regarder à gauche, à droite, en haut, en bas, tandis que

les mouvements réflexes ou inconscients paraissent s'exé-

cuter assez . facilement. Il se passe dans les. mouvements

des globes oculaires quelque chose d'analogue à ce qui a

lieu pour la motilité des membres inférieurs dans l'abasie.

Le n° 67 nous offre aussi un exemple d'ophthalmopléoie

externe, mais moins sur que le précédent. L'ophthalmoplégie

est incomplète et il y a prédominence de la paralysie du droit

externe gauche avec strabisme. Ce malade présente en outre

un trouble du mouvement des paupières assez singulier. Il

semble y avoir une paralysie incomplète des deux antago-

nistes, le releveur et l'orbiculaire. Si on lui commande d'ouvrir

l'oeil, la paupière n'exécute aucun mouvement. Si on lui dit

Arciiines, t. \\11 : 29

50 REVUE STATISTIQUE.

de la fermer éncrgiquement, le plissement de la peau est très

incomplet.

Nous attirons particulièrement l'attention sur les cas où

l'hystérie se trouve associée à une autre affection et où nous

voyons les deux affections se* refléter dans l'oeil par leurs

symptômes propres, qu'un examen attentif peut généralement

discerner.

Le n° 19 où le scotome central de l'alcoolisme est greffé

.sur le rétrécissement concentrique de l'hystérie est particu-

lièrement intéressant.

TABES

SERVICE OPIITIL1L91OLOGIQUG. 4SI 1

loi REVUE STATISTIQUE.

SERVICE (1PIITFt I,\f0l.OGIQCR. hJJ

45t zut

REVUE STATISTIQUE.

SERVICE OPIITHAL\IOLOG1QUC. 4.).) O

/156 BEVUE STATISTIQUE.

SERVICE Z 457

458 ' REVUE STATISTIQUE.

SERVICE OPHTHALT101,OGIQUE. 439

1161) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

il. Charcot. Le malade habitué surtout à lire des lettres com-

merciales, présentait cette particularité qu'il lisait avec moins

de difficulté l'écriture manuscrite que l'impression typogra-

phique. Dans les cas de ce genre, l'hémiopie parait toujours

siéger à droite. Nous ferons remarquer que l'hémiopie droite

ou perte de la vision des deux moitiés droites du champ visuel,

correspond à l'anesthésie des deux moitiés gauches des rétines

et à une lésion de l'hémisphère gauche.

Chez le n° 132 où l'hémiopie et 1`hémiparésie siègent à

gauche, il n'y avait pas d'aphasie ni de cécité verbale.

Le n° 136 est un cas intéressant d'ophthalmoplégie externe

congénitale ou tout au moins datant de la première enfance. La

malade présentait avec la tendance au sommeil signalée dans

quelques observations de la polyurie en rapport avec la loca-

lisation bulbaire de l'affection (polycéphalite supérieure de

Vernick). C'est là la forme classique de l'ophthalmyplégie exter-

ne, qui respecte la musculature interne de l'oeil, ne produit

qu'un ptosis incomplet et peut rester stationnaire. Nous enrap-

procheronsl'ophthalmoplégie tabélique et l'ophthalmoplégichys-

tértque dont nous avons donné des exemples dans cette statis-

tique. '

Dans l'Observation 137 l'abolition totale de la sensibilité

générale de l'oeil, cornée, conjonctive, paupière; ne s'accom-

pagnant d'aucun trouble trophique vient à l'appui de l'opi-

nion de Schifl, Merkel, qui pensent que les altérations ocu-

laires ne relèvent pas directement de l'insensibilité mais

sont sous la dépendance de fibres trophiques spéciales.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XX. RÉSUMÉ DES PRINCIPAUX TRAVAUX RUSSES,

CONCERNANT LA NEUROLOGIE';

Par F. RAYMOND, professeur agrégé à la Faculté de médecine,

médecin de l'hôpital Saint-Antoine.

V. DES LÉSIONS PATHOLOGIQUES DU SYSTÈME NERVEUX

CENTRAL' DANS. LES TROUBLES DE LA NUTRITION.

Depuis un certain nombre d'années, on s'est beaucoup

1 Voy. Archives de Neurologie, n°51, p. 269.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 1

occupé des altérations des éléments nerveux sous l'influence

des intoxications, d'autant plus que la signification du mot

intoxication a été considérablement étendue. En effet, on

comprend aujourd'hui sous ce nom, outre les intoxications

proprement dites (plomb, alcool, etc.), d'une part les intoxi-

cations produites- par les agents pathogènes, d'autre part

celles qui résultent d'agents toxiques fabriqués parles organes

eux-mêmes (auto-intoxications). La nutrition du système ner-

veux peut encore être troublée par l'action d'agents qui ne

pénètrent pas (électricité, vernissage, etc.). Il a été fait en

Russie, dans ces dernières années, des travaux importants sur

les altérations du système nerveux central et périphérique

produites par les intoxications. Les Dr3Popoff, Danillo, Tehige

et Rosenbach, de l'école de Mierjiewsky, ont démontré que

dans différentes intoxications (plomb, arsenic, mercure, pui-

sons végétaux, inanition) le système nerveux présente tou-

jours les mêmes lésions : l'atrophie simple des cellules ner-

veuses, leur vacuolisation, la perte de leurs prolongements,

la pigmentation et l'homogénéité de leur protoplasma. Ces

modifications, d'ailleurs indiquées par l'Ecole française (Char-

cot), 'ont été considérées comme artificielles par l'Ecole alle-

mande (sauf Erb, Leyden, Wernicke). R. Schultz, P. Krey-

sing et P. Schultze ont conclu que la vacuolisation est

artificiel le. R. Schultz n'a trouvé que deux cellules vacuolisées

dans vingt moelles examinées, moelles ayant appartenu à des

individus qui n'avaient succombé ni à une maladie du sys-

tème nerveux, ni à une intoxication. Mais M. Pekoeur, en

Russie, a fait remarquer que sur ces vingt moelles, quelques-

unes avaient appartenu à des vieillards de quatre-vingts ans;

or dans les moelles séniles, on trouve toujours une grande

quantité de cellules vacuolisées; il est étonnant que R. Schultz

n'en ait trouvé que deux. M. Pekoeur partage les opinions de

M. Anfiinoff au sujet de la valeur pathologique de la vacuo-

lisation.

Lésions du système nerveux central produites par les dé-

charges d'électricité statique. M. Rejedestvensky a fait sur

ce sujet plusieurs séries d'expériences.

Dans une première série, la décharge portait sur les centres

nerveux mis à nu; l'animal était tué par la décharge et on

trouvait les lésions suivantes : t

Les cellules de l'écorce étaient opaques; granuleuses. Dans

462 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

la substance blanche, l'exsudat avait l'aspect de masses amor-

phes. Dans la couche des cellules pyramidales s'étaient pro-

duites des hémorrhagies capillaires. Les globules sanguins

avaient pris une teinte noire. Les cellules des cornes anté-

rieures offraient les mêmes lésions que celles de l'écorce. Dans

une seconde série d'expériences, la décharge agissait sur les

centres à travers la boite crânienne intacte. Les animaux n'é-

taient pas tués par la décharge et n'étaient sacrifiés qu'au

bout d'un certain temps. Le microscope montrait des lésions

dégénératives des cellules ganglionnaires et la fragmentation

de la myéline.

Influence de l'layperémie sur le système nerveux central.

Des études ont été faites sur ce sujet par il. Kouznetzoff. A la

première période de l'hyperémie, une grande quantité de cel-

lules du cerveau et de la moelle se colorent mal par le carmin ;

ces cellules sont opaques, ont perdu leurs prolongements et

sont vacuolisées. Ces lésions existent dans toute l'écorce; elles

sont moins avancées dans les corps striés, les couches opti-

ques, les tubercules quadrijumeaux, le bulbe et la moelle ;

dans le cervelet, la couche des cellules de Purkinje est la plus

atteinte. Les extravasats et l'exsudat plasmatique suivent le

trajet des vaisseaux. A une période plus avancée, l'épaisseur

des cylindres-axes est quatre à dix fois plus considérable qu'à

l'état normal ; parfois ils sont détruits. La myéline se désa-

grège. Les altérations de la substance blanche sont les mêmes

que dans les myélites aiguës, subaiguës ou chroniques.

Quoique les capillaires soient dilatés, la circulation capillaire

se ralentit considérablement; il en résulte une asphyxie céré-

brale qui amène les lésions décrites.

Influence de la nicotine sur les centres nerveux. M. Tchcr-

bach a montré qu'une injection de nicotine, même à la dose

de 1/150 de gramme, faite chez un chien, augmente l'excita-

bilité électrique de l'écorce et de la substance blanche sous-

jacente. Cette exagération persiste pendant un certain temps ;

elle explique les attaques épileptiformes chez les animaux in-

toxiqués par la nicotine. L'intoxication par la nicotine ne dif-

fère pas de celle produite par la fumée du tabac.

Influence de l'usage du tabac sur l'assimilation des subs-

tances azotées. Les D" Grammatchikoff et Ossendowslcy ont

publié le premier travail sur ce sujet. Leurs expériences ont

porté sur cux-mcmes, et ils se sont entourés de toutes les pré-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. -463

cautions pour éviter les causes d'erreur. Ils ont découvert que :

1° le tabac diminue l'assimilation des principes azotés ; 2° cet

effet se produit rapidement chez les sujets non habitués à l'u-

sage du tabac; 3° cet effet diminue peu à peu si l'on continue

l'usage du tabac, puis arrive à un état stable qui dure tant

que le sujet continue à fumer.

Influence de V antipyrine sur le système nerveux. Le

D'' Blumenau. montré, en employant la méthode de Turck

pour l'exploration de la sensibilité, que les solutions concen-

trées d'antipyrine, en injections sous-cutanées, produisent

une anesthésie circonscrite au siège de l'injection, mais que le

contact prolongé de la solution avec la peau ne produit rien,

fait antérieurement constaté par le professeur G. Sée.

L'antipyrine injectée en solution à z1000 dans les veines

amène l'exagération des réflexes, des contractions tétaniques

et cloniques. Les réflexes à la douleur sont diminués; comme

ces réflexes persistent chez les animaux décapités, on doit en

conclure que leur diminution dépend exclusivement de l'inhi-

bition des centres encéphaliques. L'excitabilité de l'écorce cé-

rébrale diminue sous l'influence d'une dose de 0 gr. 20 par

kilogramme; elle est augmentée par des doses supérieures.

On n'obtient pas d'abaissement de la température si on sépare

l'encéphale de la moelle (Svvadowsky).

La myélite aiguë d'origine toxique. Le professeur Popoff

a démontré que l'arsenic, le plomb, le mercure, dans les cas

d'intoxication aiguë, provoquent dans cet organe des altéra-

tions internes, qui doivent être considérées comme analogues

à celles de la myélite centrale aiguë. Dans l'intoxication

chronique, la lésion empiète sur la substance blanche. Dans

l'intoxication aiguë, les nerfs périphériques n'offrent pas d'al-

térations appréciables.

Altérations de la moelle dans l' empoisonnement par l'arse-

nic. Suivant M. Popoff, la lésion prédominante est une

inflammation parenchymateuse siégeant dans la substance

grise. Les cellules sont granuleuses, opaques, leur forme est

arrondie, elles sont privées de leurs prolongements. Plus ra-

rement, les cellules se colorent mal par le carmin, leur noyau

est intact, leur protoplasma homogène ; quelquefois plusieurs

cellules sont vacuolisées.

Etude sur la paralysie alcoolique. M. Korsakoff a publié

un des traités les plus complets sur ce sujet. Le substratum

t(il 'REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

alcoolique constant est la névrite parenchymateuse multiple ;

le tissu interstitiel des nerfs est sain, ou peu altéré. Souvent

les lésions médullaires sont absentes ; s'il en existe, elles sont

de nature atrophique; les cellules sont désagrégées, ratati-

nées, vacuolisées. Pour M. Korsakoff, les troubles psychiques

ne sont pas une complication, ils sont un symptôme constant :

dans la névrite parenchymateuse multiple, quelle qu'en soit

la cause, la sphère psychique est toujours touchée. L'explica-

tion de cette relation est facile : une cause débilitante répan-

due dans tout l'organisme, si elle change les conditions d'exis-

tence de quelques éléments jusqu'à entraver le fonctionnement

doit agir plus ou moins sur les autres éléments. La nature

atrophique des lésions dans cette affection indique un trouble

profond dans la nutrition des éléments nerveux.

Altérations du système nerveux central dans les maladies

infectieuses. Ces modifications sont comparables à celles

qui surviennent dans le cours des intoxications; elles résultent

soit des troubles apportés dans la nutrition des cléments par

les poisons fabriqués, soit de la présence des agents organiques'

pathogènes dans le tissu nerveux lui-même.

il. Rosenthal a montré que dans la série des maladies in-

fectieuses, l'endothélium des capillaires est tuméfié. On trouve

par places la dégénérescence graisseuse et pigmentaire. On

rencontre souvent une infiltration granuleuse autour des

vaisseaux dans la névroglie et dans les espaces péricellulaires.

M. Rosenthal n'a jamais observé la présence de corpuscules

étrangers dans la substance même des cellules. Les cellules

sont très altérées. Dans l'écorce, ces altérations vont en aug-

mentant de la périphérie vers la profondeur. Les cellules ner-

veuses se divisent dans les maladies infectieuses : on observe

souvent deux ou trois cellules dans un même espace péricellu-

laire et l'existence fréquente de deux noyaux dans une même

cellule prouve la division possible des éléments nobles du

système nerveux central. Dans le bulbe et dans la moelle, les

lésions sont les mêmes. M. Rosenthal n'a pas trouvé de lésions

analogues dans les maladies autres que celles causées par l'in-

fection. Les lésions observées dans certaines maladies du coeur

étaient moins prononcées et dépendaient probablement de

l'état de la circulation.

Névrite multiple consécutive à la fièvre typhoïde. Dans

une observation de Mi Roudoff, un malade, à la suite d'une

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 163

fièvre typhoïde, présenta des douleurs le long des troncs ner-

veux avec hypéresthésie, paresthésie et anesthésie cutanées,

de l'atrophie musculaire, et une abolition complète de l'exci-

tabilité électrique des muscles atrophiés. Le diagnostic de né-

vrite multiple est basé sur la disposition de l'anesthésie et de

la paralysie.

Paralysie diplaléotique. M. Noriiiloff a discuté la question

des paralysies diphtéritiques à propos de l'observation sui-

vante : .

Vingt jours après le début d'une diphtérie, la malade perd le

sens du goût; parole nasonnanle, liquides rejetés par le nez.

Deux semaines après, faiblesse dans les membres inférieurs avec

diminution de la sensibilité, diminution de l'excitabilité fara-

dique, sans changement de l'excitabilité galvanique ; pas de

mouvements fibriNaircs, ni d'incoordination; sphincters normaux;

réflexes papillaires intacts. Guérison après cinq mois.

M. Korniloff rapporte les symptômes à une névrite multi-

ple pour les raisons suivantes : la paralysie de la sensibilité

et du mouvement augmentent du centre vers la phériphérie et

la parésie accompagne partout la paresthésie ; les réflexes cu-

tanés et tendineux sont abolis ou diminués. Il divise les paraly-

sies de la diphtérie en deux groupes : 1° paralysies diphtéritiques

proprement dites dues à la névrite multiple ; 2°, les paralysies

consécutives aux lésions diphtéritiques soit des vaisseaux, soit

des méninges. Ces dernières clitespa7,ailsies post-diphtéî,iliqzles,

ont des symptômes complexes tout à fait différents de ceux des

premières.

Lésions des nerfs périphériques dans la phtisie, D'après le

D'' Japp, dans tous les cas de de phtisie, il existe des lésions

des nerfs mixtes. Ces altérations relèvent de la névrite paren-

chymateuse dégénérative ; elles sont plus avancées dans les

petits rameaux que dans les gros troncs et elles prédominent

aux extrémités des membres inférieurs. Elles peuvent exister

sans la moindre lésion du cerveau et de la moelle. On trouve

plus souvent des altérations dans les rameaux sensitifs que

dans les branches motrices. Lorsque la névrite siège dans les

nerfs mixtes, elle se localise presque aux filets sensitifs. Les

symptômes cliniques sont des névralgies avec hypéresthésie et

anesthésie dans le domaine du même nerf.

Lésions des ganglions des nerfs périphériques dans la lèpre.

Aucuives, t. XVII. 3U

16b REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

- Le D'' Soudakevitch observé que dans la Icpro les cap-

sules des cellules nerveuses des ganglions sont épaissies;

leur endothélium desquame, prolifère et remplit la capsule.

Les cellules nerveuses contiennent des bacilles, leur pro-

toplasma devient homogène, hyalin et offre les caractères

des cellules sclérosées. La cellule devient petite et perd son

noyau. Une autre lésion est la vacuolisation : le protoplasma

forme un mince réseau de filets qui s'étendent dans toutes les

directions. Plus la cellule contient de bacilles, moins nom-

breuses sont les granulations pigmentaires ; de ces granula-

tions, les unes sont dans le protoplasma et ont une forme

irrégulièrement sphérique, les autres sont dans les vacuoles et

se présentent comme des débris irréguliers ; quand les bacilles

sont peu nombreux dans une cellule, ils sont complètement

désagrégés; au contraire plus ils sont nombreux, plus ils sont

développés.

Névrite multiple chronique d'origine syphilitique, - L'ob-

servation suivante est due à M. Laschkevitch :

Une femme de quarante-sept ans éprouve des douleurs et des

crampes, puis une paralysie des membres inférieurs ; vingt-

quatre heures après les membres supérieurs présentent les

mêmes phénomènes. Au moment de l'examen, on trouve les

symptômes suivants : paralysie complète de tous les muscles

du bassin, des membres inférieurs et des membres supé-

rieurs jusqu'aux épaules; pas de mouvements fibrillaires ni de

troubles du côté des sphincters, ni hypéresthésie cutanée ; dou-

leurs à la pression le long des troncs nerveux ; réllexes cutanés

et tendineux abolis, ainsi que l'excitabilité électrique des muscles;

sensibilité cutanée intacte ; amaigrissement extrême et en masse

des muscles. La syphilis est niée, mais le traitement spécifique

fait disparaître les douleurs éprouvées la nuit à la tête et le long

des os. Au bout de quelques* semaines, les mouvements commen-

cent à reparaitre aux avant-bras, puis aux doigts, puis à la main,

à la jambe et aux orteils.

Le phénomène intéressant consistait dans l'intégrité de la

sensibilité. M. Laschkevitch a émis l'hypothèse d'une névrite

parenchymateuse et il a cherché à éclaircir le diagnostic de la

névrite parenchymateuse et de la névrite interstitielle : en

effet dans la névrite parenchymateuse la lésion peut porter

exclusivement soit sur les fibres sensitives, soit sur les fibres

motrices (exemple : la lésion due au curare); la névrite

interstitielle -au contraire ne peut pas se localiser.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 467

Un cas de paralysie ascendante aiguë ( ? ). De l'observation

précédente, on peut rapprocher l'histoire du malade suivant,

rapportée par M. Platonoff.

Paralysie débutant par les membres inférieurs, puis gagnant

les membres supérieurs, et peu de temps après la face ; pas

d'atrophie musculaire, sensibilité intacte, excitabilité électrique

des muscles normale; réflexes tendineux abolis; acuité visuelle

diminuée. Mort au bout d'un mois de maladie. Pas d'autopsie.

S'il s'agissait comme semble le soutenir M. Platonoff d'une

lésion des cornes antérieures de la moelle et des noyaux mo-

teurs du bulbe, les centres moteurs des muscles seuls auraient

été touchés et le centre trophique des muscles ne répondrait

pas au centre des mouvements. Il est plus probable qu'il

s'agissait d'une névrite multiple parenchymateuse.

Altérations, des ganglions du nerf vague dans les maladies

infectieuses. Suivant 11. Levine, les ganglions du nerf vague

sont des lieux d'élection des lésions dans les maladies infec-

tieuses. Dans la fièvre typhoïde, ils paraissent tuméfiés, hypé-

rémiés, ramollis. Au microscope on observe une stase sanguine

dans les capillaires et les petits vaisseaux artériels et veineux ;

on remarque par place des hémorragies capillaires. Dans la

plupart des cas, le protoplasma des cellules devient homogène,

hyaloïde et peu colorable par le carmin. Plus souvent encore

il subit la dégénérescence granuleuse, qui se propage du

centre à la périphérie. A cet état, la cellule se désagrège et

ses granulations remplissent l'espace péricellulaire. i\i. Lévine

n'a pas pu déterminer le mode de disparition du noyau. La

vacuolisation est souvent assez prononcée pour donner au

protoplasma un aspect réticulé. La capsule des cellules est in-

filtrée, épaissie. Dans plusieurs cas d'endocardite ulcéreuse,

d'hypertrophie cardiaque et d'insuffisance valvulaire qu'il a

examinés, M. Levine a trouvé des altérations de môme nature

dans les gangliinodosi du nerf vague. Dans la phtisie les lésions

du nerf vague sont habituellement attribuables à la compres-

sion par des ganglions tuméfiés.

. Lésions du système, nerveux sympathique dans la paralysie

générale. -L'examen microscopique du nerf et des ganglions

sympathiques dans la paralysie générale a fait découvrir à

M. Popoff deux ordres de lésions : 1° d'un côté un épaississe-

ment des parois du vaisseaux, une prolifération du tissu con-

- 468 8 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

jonctif périvasculaire interstitiel des ganglions, indices d'une

inflammationchronique interstitielle avecformation d'éléments

conjonctifs persistants; 2° d'un autre côté, une diminution de

moitié et une pigmentation très intense du corps des cellules.

Il est évident que ce processus atrophique généralisé, portant

sur les éléments nobles, est consécutif à la prolifération du

tissu conjonctif. M. Popoff a observé la vacuolisation, mais

jamais la dégénérescence graisseuse des éléments nerveux.

Dans les autres formes de l'aliénation mentale, on trouve

exactement les mêmes lésions du sympathique. Il en résulte

que les troubles trophiques sous la dépendance du système

nerveux sympathique, ne diffèrent pas de ceux des autres

sujets atteints de maladies mentales; ils ne sont plus fréquents

dans la paralysie générale qu'en raison des soins que réclame

l'état de ces malades.

Altérations du système nerveux consécutives à l'ablation de la

glande thyroïde. L'ablation d'un seul lobe chez le chien est

bien supportée, tandis que l'ablation de la totalité de la glande

entraine la mort, au bout d'un temps qui varie de 4 jours à 4 se-

maines. L'animal devient triste, apathique, il est pris de trem-

blements, de secousses ; sa marche est incertaine, enfin survien-

nent des contractions tétaniques dans les muscles extenseurs

des extrémités et dans les muscles respirateurs. La sensibilité

cutanée et les réflexes tendineux diminuent ; la température ne

s'élève qu'au moment descrises épileptiformes. La mort survient

parfois à la première crise ; si l'animal survit quelque temps,

il meurt dans une cachexie extrême, paralysé des quatre

membres. M. Rogovitch, le premier, a montré qu'il s'agit d'une

encéphalo-myélite'parenchymateuse. Les cylindres-axes, les

prolongements de cellules, et ces cellules elles-mêmes paraissent

tuméfiés, opaques ; le corps cellulaire se désagrège, puis le

noyau disparait. La transfusion du sang des animaux cachée -

tisés ainsi à des animaux sains ne produit aucun de ces symp-

tômes. L'examen de la glande pituitaire de ces animaux a

montré la prolifératien de ses éléments et même la formation

de nouvelles alvéoles, indiquant l'hypertrophie vraie et fonc-

tionnelle de la glande.

Influence de l'extirpation de la glande thyroïde sur le sys-

tème nerveux central. L'excitabilité de l'écorce augmente

d'après les recherches de M. Avtokratoff, ZD

Modifications du système nerveux central dans le vernissage

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 469

de la peau. Les recherches de M. Anfimoff tendent à légi-

mer l'hypothèse d'après laquelle la mort des animaux vernis

est due à une action périphérique continue, agissant sur

les centres nerveux . Les lésions observées sont strictement

limitées à la substance grise, ce qui élimine l'idée d'un pro-

cessus inflammatoire ; leur nature est purement atrophique.

Les mêmes lésions ont été décrites à la suite de différentes

causes débilitantes agissant sur le système nerveux dans les

intoxications par Danillo, Popoff, Tchige, Hardine; dans l'ina-

nition par Roscnbach).

' VI. NÉVROSÉS.

Etudes comparées sur l'hypnotisme chez .les animaux. '

Le professeur Danilewsky (de Karkofi) a entrepris une série

d'expériences dans le but d'étudier les modifications de la sen-

sibilité et du mouvement volontaire chez les animaux hypno-

tisés. Il soutient que l'hypnotisme, chez l'homme, est plus

complexe que chez les animaux et que cette différence est en

rapport avec le développement cérébral. Le premier, il a com-

paré-1'hypnotisme des animaux auxquels il avait enlevé diffé-

rentes^ parties du système nerveux central, à l'hypnotisme

.d'animaux non mutilés. Ses sujets étaient des grenouilles, tê-

tards, écrevisses, poissons, tritons, serpents, lézards, tortues,

.petits crocodiles, oiseaux et mammifères. Il est arrivé à cette

conclusion qu'il existe chez les animaux un état spécial, com-

parable, sinon analogue à l'état d'hypnotisme chez l'homme.

Cet état est caractérisé par : la diminution de l'activité volon-

taire, la catalepsie et des modifications de la sensibilité cuta-

née, symptômes qui, joints à quelques phénomènes psychi-

ques, caractérisent l'hypnotisme de l'homme.

Une grenouille mise avec précaution sur le dos, et immobi-

lisée, s'agite quelques instants, puis devient immobile pendant

8 à '10 minutes. La grenouille est d'ailleurs susceptible de

recevoir une éducation hypnotique. La sensibilité cutanée est

très diminuée, la réponse aux excitations extérieures retar-

'dée ; ces excitations doivent être beaucoup plus fortes pour

que l'animal hypnotisé y réponde. Sous l'influence du courant

faradique, ses muscles se tétanisent, mais il reste immobile.

'Si on avait préalablement mis à découvert le coeur et les vis-

cères abdominaux, ces organes ne répondent pas à l'excitation

électrique.

470 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

La grenouille hypnotisée, mise dans une atmosphère de

vapeurs d'éther, au lieu de chercher à s'échapper comme à

l'état normal, reste indifférente; puis elle est narcotisée, et

meurt si on prolonge l'expérience. Si on la réveille avant nar-

cotisation complète, elle cherche à fuir. Cette expérience

montre la suppression des mouvements volontaires dans l'hyp-

notisme. La grenouille privée d'un seul hémisphère cérébral

se comporte dans les expériences d'hypnotisme comme la gre-

nouille normale. Si elle est privée des deux hémisphères, elle

arrive très vite à l'état hypnotique, et y reste plus longtemps.

La sensibilité cutanée ne diffère pas dans l'état de veille ou de

sommeil; il n'y a pas d'anesthésie, ni de retard dans les mou-

vements réflexes. Le retard des mouvements réflexes varie

d'une grenouille à l'autre, mais il est presque toujours le

même pour chaque grenouille intacte, tandis que toutes les

grenouilles privées de leurs hémisphères mettent le même

temps pour réagir contre les excitations extérieures. Aussi

M. Danilewsky a-t-il tiré cette conclusion : L'individualité

repose sur l'organisation des hémisphères. Pour M. Dani-

lewsky, la suggestion chez l'homme, même par la parole,

ne diffère pas de celle qu'on obtient chez les animaux,

- lorsque, par des moyens coercitifs, on veut leur faire com-

prendre l'inutilité de leurs mouvements.

Action de l'aimant sur le système nerveux. Le D'' Blume-

nau n'a obtenu que des résultats négatifs dans des expériences

'variées faites avec des aimants de différentes forces.

VII. FAITS ANATOMIQUES OBSERVES EN RUSSIE.

L'examen des préparations de M. Loukianotf, professeur

d'anatomie pathologique à Varsovie, démontre qu'à chaque

phase dé la karyokinèse, les différentes parties de la cellule

ont une électivité spéciale pour certains colorants. La cellule,

à l'état de repos, se colore autrement que la cellule en voie

de division. La coloration triple d'éosine, de safranine et

d'hématoxiline est la plus souvent employée.

Nous avons vu chez le professeur Mierjiewsky, à Saint-Pé-

tersbourg, une série de cerveaux d'idiots. Dans un cas, parti-

ticulièrement intéressant, toute la surface des hémisphères

était sillonnée de petites circonvolutions interposées aux cir-

convolutions fondamentales. Rien d'anormal au microscope,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 471

sauf que les cellules pyramidales paraissaient plus petites que

normalement. Mais il n'existait pas de fibres d'association

entre les petites circonvolutions et les circonvolutions nor.-

males. Ce fait prouve l'importance des fibres d'association et

l'inutilité d'un grand nombre de cellules non reliées entre

elles. '

Nous avons examiné, avec M. Erlitsky, agrégé à Saint-Pé-

tersbourg, des préparations provenant d'un cas de maladie de

't'eat. Outre la dégénérescence des cordons postérieurs

et d'une zone périphérique du cordon latéral, le faisceau pyra-

midal avait été touché par le processus pathologique; or le

malade avait présenté dans les derniers temps des phénomènes

paralytiques.

M. Erlitsky doit publier un travail sur l'anatomie patholo-

gique de la paralysie alcoolique. 11 veut démontrer que les

lésions périphériques ont souvent pour cause des lésions

atrophiques des cellules de la corne antérieure. Sous peu,

M. Erlitsky va également faire paraître : 1° Traité d'his-

fologie de la moelle épinière; 2° Histologie de la moelle allo ? Z-

gée (en collaboration avec M. Rosenbach).

11-Rosenbacli, chef de clinique du professeur Mierjiewsky,

nous a montré des préparations de cerveaux d'animaux morts

d'inanition. Le premier, il a fait conaitre l'atrophie simple des

cellules nerveuses.

Dans le même laboratoire, nous avons examiné les prépa-

rations de M. Avtokratoff, concernant les altérations des cel-

lules nerveuses chez les animaux privés de leur glande thy-

roïde. Les lésions ressemblent à celles de l'inanition.

. MM. Rosenbach et Avtokratoff instituent des expériences

sur la compression de la moelle. Ils introduisent dans le canal

rachidien une petite boule d'argent stérilisée, qui n'amène

pas d'inflammation appréciable. -

A Kiew, nous avons vérifié sur les préparations de M. Ro-

zowitch l'exactitude de sa description des lésions nerveuses

chez les animaux privés de la glande thyroïde, description ré-

sumée plus haut.

A Moscou, M. Minor nous a montré les pièces d'un sujet

mort dans le cours du tabès spasmodique; les symptômes

avaient été ceux de cette maladie, sans complication. La

seule lésion consistait en deux plaques de sclérose, identiques

' celles de la sclérose en plaques, qui occupaient les deux cor-

475 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

dons latéraux, au niveau de l'entre-croisement inférieur des

pyramides. Un examen attentif nous a montré d'autres plaques

échelonnées tout le long des faisceaux pyramidaux.

M. Minor nous a fait aussi examiner des préparations inté-

ressaiites de syringo-myélie. Dans certaines parties de la

moelle on voyait deux canaux épendymaires ; il était difficile

de juger si l'un d'eux était de formation nouvelle, ou congé-

nital. M. Minor incline à adopte cette dernière hypothèse.

Nous avons vu à Kiew des préparations de M. Jakimowitch,

prosecteur à l'Institut histologique : elles concernaient la

striation du cylindre-axe des nerfs périphériques et des cordons

nerveux centraux. Tous les nerfs présentent cette striation,

qui se continue au corps de la cellule. La technique a été

longuement exposée dans le Journal de l'anatomie de Ch. lio-

biîi et Pouchet, t. XXIV, 1888. Le nerf doit être enlevé encore

vivant, et pour chaque moment de l'état du nerf, il existe une

forme déterminée de la striation.

VIII. FAITS CLINIQUES.

. Je relate les principaux faits cliniques que j'ai observés

pour deux raisons : 1° La plupart offrent un intérêt particu-

lier ; 2° en outre, ils viennent tous à l'appui de cette idée que

les maladies nerveuses sont les mêmes dans tous les pays. Le

'manque des connaissances spéciales nécessaires pour détermi-

ner nettement une entité morbide est la seule cause de l'as-

- sertion de certains savants étrangers qui nient l'existence de

telle ou telle maladie dans leur racé.

U hystérie féminine et mâle est assez fréquente à Varsovie.

Les hystériques mâles sont presque tous des Israélites.

Dans l'hôpital du Saint-Esprit, de cette ville, nous avons

observé un cas d'héz>zi-chorée post-hémiplégique avec dimziru-

- lion de la sensibilité générale du même côté.

Une observation qui nous a beaucoup intéressé a été celle

- d'un malade atteint ^d'intoxication saturnine chronique : les

symptômes ressemblaient d'une manière frappante à ceux de

.la paralysie générale progressive (inégalité papillaire, embar-

ras de la parole, amnésie très prononcée, écriture caractéris-

tique, etc.). Ces symptômes s'atténuaient quand le malade

.cessait son métier de plombier; trois fois il était sorti guéri

-de.l'hôpital. Lorsque nous l'avons vu, il y était pour la qua-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 473 3

trième fois et son état était des plus graves; il présentait en-

core les symptômes de la paralysie générale et ceux de l'in-

toxication saturnine.

Au même hôpital de Varsovie se trouvait une jeune fille de

quatorze ans, qui, ayant eu une scarlatine à sept ans, avait

présenté une hémiplégie droite avec aphasie complète. Atro-

phie très marquée des membres droits, avec exagération des

réflexes du même côté. Au bout de dix-huit mois, elle com-

mençait à parler et l'éducation de la parole se faisait peu à

peu. A treize ans, elle parlait comme un enfant de deux ans,

et elle avait l'intelligence de cet âge. Quand nous l'avons vue,

elle prononçait encore les mots comme un petit enfant, mais

sans difficulté ; elle écrivait couramment.

Je citerai encore : un cas de maladie de Friedreich et un

autre de gliome de la moelle épinière avec hémorrhagie médol-

laire consécutive (atrophies lentes ayant débuté plusieurs an-

nées auparavant, tremblement fibrillaire, anesthésies, liypé-

resthésies, douleurs fulgurantes, conservation du tact dans

les régions complètement analgésiées).

A l'hôpital militaire de Varsovie, nous avons vu un cas de

tabès dorsalis compliqué de paralysie générale des aliénés.

A la clinique de M. Mierjiewsky, à Saint-Pétersbourg, le

D'' Blumenau nous a présenté un cas de Maladie de Tliomsez *,

et nous a communiqué ses recherches sur la contraction mus-

culaire dans cette maladie.

A Moscou, M. Minor nous a présenté un enfant de douze

ans atteint d'un gliome de la moelle : le tableau clinique était

celui d'une hémisection gauche de la moelle (analgésie

'gauche ; paralysie, atrophie musculaire à droite) ; avec dévia-

tion de la colonne'vertébrale. -

A l'hôpital municipal d'Odessa, nous avons visité la section

des maladies nerveuses, placée sous la direction de M. Moc-

xoutkowsky, agrégé de la Faculté de médecine de Saint-Pé-

tersbourg. Nous y avons vu, pour la première fois en Russie,

un cas de paralysie pseudo-hypertrophique vraie chez un en-

fant de douze ans..

- Un autre malade était atteint d'une ophtalmoplégie

externe.

Je citerai encore un cas de mélano-myélite (coloration bron-

zée des téguments avec symptômes d'une myélite'diffuse). «

Dans le même hôpital se trouvait un vieux soldat Israélite

474 ! k REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

atteint de grande hystérie. Il présentait de larges plaques

d'hyperesthésie dont le moindre attouchement provoquait une

crise. Ce sujet était suggestionnable à l'état de veille, et lors-

qu'on imitait le son de-la trompette, il croyait être au combat

et faisait des mouvements appropriés. Il était robuste, âgé

d'une cinquantaine d'années et avait fait plusieurs campagnes.

Il me reste à citer un cas de transformation de la perception

auditive en perception des couleurs, observé à Kiew dans le

service de M. le professeur Sikorsky. Le malade, aveugle de-

puis trois ans, avait remarqué, depuis quelque temps que

lorsqu'on lui parlait, il voyait devant lui une couleur qui

persistait pendant toute la conversation. Cette couleur variait

suivant les interlocuteurs, mais était constante pour chacun

d'eux.

M. Sikorsky, absent de Kiew lors de notre passage, nous a

fait part dernièrement d'un travail sur le changement des

expressions de la face chez les aliénés ; il a observé qu'un cer-

tain nombre de celles-ci ne sont susceptibles de change-

ments, ni sous l'influence de l'émotion, ni sous l'influence de

la volonté. Il est arrivé aux conclusions suivantes : l'expres-

sion de la physionomie, chez les aliénés, dépend souvent non

pas d'un état mental, mais d'une atrophie ou d'une hypertro-

phie des muscles de la face.

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XXI. IDIOTIE avec cachexie pachydermique,

Par le D' G. CousoT.

Dans le n° 51 du Bulletin de la Société de médecine mentale

de Belgique (1888), M. le D'' G. CousoT a publié un cas

très intéressant d'idiotie avec cachexie pachydermique. Con-

trairement à certains auteurs français, notamment \11. Ball,

Arnozan et Régis qui affectent d'ignorer les travaux que nous

avons publiés sur cette'question, soit seul, soit en collabo-

ration avec notre ami le D'' Bricon, ainsi que nous aurons

l'occasion de le démontrer, le médecin belge rappelle nos tra-

vaux et déclare que c'est après leur lecture qu'il a pu porter

un diagnostic exact. Voici son observation :

Observation. Père., éléphantiasis de la jambe gauche. Sceur

hémiplégique. Rien de particulier à la naissance. Premiers

signes de cachexie pachydermique. Etat intellectuel et 2)hy-

sique de la malade ik trente et un ans. Absence probable de

la glande thyroïde. Mort duns le marasme à trente-deux uns.

Elisa X..., de Lcsse (Dinanl), avait trente et un ans à l'époque

où nous l'avons examinée; elle ne mesurait pas un mètre de hau-

teur. Son père a souffert longtemps d'un éléphantiasis de la

jambe gauche; il mourut épuisé à soixante-huit ans. La mère est

une femme énergique, bien portante ; elle a eu neuf enfants : deux

garçons vigoureux et sept filles. Parmi celles-ci, l'une est morte

jeune, succombant à une affection que l'on n'a pu m'indiquer,

une autre est hémiplégique, une troisième, l'enfant cadet de la

famille) est le sujet de cette communication.

A la naissance, misa X... était un bel enfant, sain et bien por-

tant : à cet égard il ne doit subsister aucun doute, la mère dont

nous tenons ce renseignement) étant, par profession, habituée à

juger des enfants nouveau-nés. Vers l'âge de six mois, la figure

de l'enfant commença à manquer d'expression, la langue devint

volumineuse et sortait souvent de la bouche : la croissance fut

480 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

entravée. A l'âge de deux ans, Elisa X... subit une légère atteinte

de variole. '

On éprouvait un sentiment de répulsion quand on approchait

de ce pauvre être pour la première fois. Bourneville et Bricon

rapportent l'observation dû « crétin des Batitiolles » et celle d'un

idiot pachydermique que ses compagnons d'asile surnommaient

le Pacha. Les voisins de Elisa X... ne mettaient pas le même

esprit, ni la même charité dans leurs appellations !

Elisa X... présente un air bestial, sa figure est repoussante; la

peau est pâle, mate, bouffie ; les paupières, atteintes de bléplia-

rite chronique, sont dépourvues de cils; les paupières supérieures

sont très gonflées, comme dans un cas d'anasarque très prononcé ;

les yeux ne se découvrent jamais complètement; le nez est très

aplati à sa racine et largement implanté, les ailes du nez sont

grosses et les narines largement ouvertes (nez camus); les lèvres

sont épaisses ; la lèvre inférieure est retroussée vers le menton ;

la langue énorme sort constamment de la bouche d'où s'écoule un.

Ilot de salive qui mouille la partie inférieure du visage et les

vêtements; la partie inférieure du visage s'avance (en museau) ;

les oreilles sont bien ourlées, les mâchoires en partie dégarnies

supportent des dents noires, cariées, irrégulières de forme et

d'implantation ; la chevelure noire peu abondante est formée de

cheveux courts, gros et raides : la face entière est bouffie et les

joues pendantes ; le teint du visage est blême.

Le crâne ne présente aucun caractère particulier; en voici les

principales dimensions prises sur le vivant :

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 481

même aux lieux de prédilection (aisselles, etc.), on ne rencontre

trace de transpiration.

Les membres supérieurs sont gros ; les extrémités sont froides,

sèches, rugueuses. La main et les doigts sont élargis; le pied

est gonflé, épais. Dans les derniers temps de la vie, les membres

avaient beaucoup diminué de volume, la peau y était ridée, sans

moiteur et donnaient une très désagréable impression de froid.

On ne trouvait de poils sur aucune partie du corps.

Voici les dimensions des différentes parties des membres :

482 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Elisa 1 ? a présenté un écoulement vaginal sanguinolent mani-

feste.

Cette pauvre enfant est morte dans le marasmes, âgée de trente-

deux ans. L'ouverture du cadavre a été obstinément refusée.

Nous retrouvons là tous les caractères que nous avons rele-

vés dans nos précédentes observations, et en particulier dans

les n0* 48 (p. 43J ) et 49 (p. 8fi) des Archives de Neurologie : .'

physionomie bestiale, face pâle, mate, bouffie; lésions chroni-

ques des paupières qui sont gonflées ; nez camus ; lèvres

épaisses, langue volumineuse ; dents cariées irrégulières de

forme et d'implantation ; joues pendantes ; cheveux peu

abondants, courts, gros et raides ; cou court; glande thy-

roïde imperceptible au palper ; poitrine globuleuse ; dos

voûté; ventre énorme, proéminent, hernie ombilicale; mem-

bres supérieurs et inférieurs gros; mains et pieds élargis, gon-

flés, épais; cyanoses; froids; absence de poils aux aisselles et

au pénil; peau cireuse, blafarde, avec un peu de desquamma-

tion ; taille d'un mètre; enfin, au point de vue intellectuel,

tous les symptômes de l'idiotie complète.

Ce fait, joint à ceux que nous avons rapportés précédem-

ment, nous parait justifier la création d'une forme particu-

lière d'idiotie, sous le nom d'idiotie crétinoïde avec cachexie

pachydermique, liée à l'absence de la glande thyroïde'.

1 M. Régis a publié dans l'Encéphale (1888, p. G97), un cas de creli-

nisnie sporadique, qu'il rapproche des cas de Iiiltoii Pagge,

Flecliter Beach, etc., cas dont x aucun auteur français n'aurait encore

parlé ». En cela, il se trompe complètement. Nous avons en effet

publié la traduction complète de leurs observations en 1886, dans les

Archives de Neurologie et dans notre Compte-rendu de Iiicdtre, pour 1880.

Ai. ;Régis met en doute la réalité de l'idiotie crétinoïde avec cachexie

pachydermique. « Quant au myxaedtrue qu'on aurait observé chez les

enfants, j'avoue, dit-il, n'être pas bien sur qu'il ne s'agit pas ta préci-

sément de crétinisme spora(li(lite. » L% proposition inverse est ;Lit coii-

trahe la vérité. Il suffit de se reporter à nos observations personnelles et

à celles que nous avons reproduites pour en avoir la preuve. On

pourrait faire rentrer dans ce groupe, si elle ne présentait pas quelques

lacunes, une observation communiquée par M. Baillarger à la Société

nzédico-psyclzologique. (Annales ? iédico-psych., 1857, p. 598.) Voir aussi :

Langdom Down. On some or the mental allectio ? is of Childhood and

Youth, etc. tendon, 1887, p. 82-88. Nous rappellerons que nos idées

sur 1 idiotie crétinoïde avec cachexie pachydermique, ont été exposées

avec détail en 1885 dans le mémoire déposé par notre ami Bricon,pour

le prix Belhomme, ainsi que le constate d'abord le rapport de Ai. ri;ré.

(Annales médico-psychologiques, 1886.)

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ 11GDICO-YSYCIIOLOGIQU.

Séance du 23 février. 1889. lOE'tDEXCE de M. FALRFT.

Prix Belhonzme. La Société, adoptant les conclusions du rap-

port de M. Vallon, propose aux concurrents la question suivante :

De l'état mental et du délire chez les idiots et les imbéciles .

Du cocaïnisme ; Contribution à l'élude des folies toxiques.

M. SAURY. Parmi les troubles fonctionnels si variés que la cli-

nique et l'expérimentation permettent de rapporter à l'action de

la cocaïne, ceux qui louchent lasphère spychique ne paraissent ni

les moins, remarquables ni les moins profonds. Il est facile de s'en

convaincre en étudiant de près les relations déjà si nombreuses,

quoique récentes, ayant trait à l'intoxication cocaïnique.

Cependant pense M. Saury, il n'existe pas de description

exacte du délire cocaïnique; et sur ce point il croit pouvoir établi'

un certain nombre de faits nouveaux notamment en ce qui con-

cerne l'évolution hallucinatoire et délirante. Se basant sur trois

cas intéressants de cocaïnisme chronique, dont il détaille les

observations, il résume dans les propositions suivantes, les carac-

tères qu'il conviendrait d'attribuer à ce délire spécial.

A. - Le délire cocaïnique est essentiellement hallucinatoire.

Le trouble des idées n'est jamais primitif; il se greffe toujours

sur des troubles sensoriels (illusions et hallucinations).

B. -'fous les sens peuvent être affectés, mais ils le sont d'une

manière inégale. Les troubles de la sensibilité générale prédo-

minent le plus souvent. Après eux, les hallucinations de la vue,

paraissent l'emporter en degré et en fréquence sur les hallucina-

tions de l'ouie et celles-ci à leur tour, sur les hallucinations de

l'odorat et du goût.

C. Les troubles sensoriels sont pénibles, multiples et mobiles

comme ceux de l'alcoolisme, mais avec moins d'intensité, de per-

sistance et de variété. La phase de suractivité fonctionnelle qui

précède leur apparition peut-être aussi justement comparée à

l'ivresse alcoolique.

484 sociétés savantes.

D. Les phénomènes déihauts s'accompagnent de désor-

dres : 10 de la sensibilité paraphérique (analgésies totales ou par-

tielles, troubles inhibitoires de la vision, de l'audition, etc.) ;

2° de la motricité (hyperexcitabilité musculaire, convulsions,

-attaques épileptiformes). Ces derniers accidents rapprocheraient

particullièrement la cocaïnisme de l'alcolisme absinthique.

Le délire cocaïnique occuperait donc une place très impar-

faite dans le groupe des folies par intoxication. Dans leur

ensemble, les effets observés résultent d'une part des propriétés

excitantes de la cocaine sur la couche corticale des hémisphères

cérébraux, d'autre part sur son pouvoir d'arrêt sur les extrémités

nerveuses surexcitées. Les malades de M. Saury faisaient usage de

la morphine en même temps que de la cocaïne.

M. Gaiinieu retrouve dans les conclusions de M. Saury les phé-

nomènes qu'il a déjà observés dans des cas analogues.

M. Séglas. Plusieurs auteurs et entre autres Erlenmayer,

dans son mémoire sur les troubles intellectuels du cocaïnisme, ont

déjà décrit des symptômes du cocaïnisme. Les manifestations

psychiques sont pour lui comparables à celles de l'alcoolisme.

M. Pichon a eu entre les mains un manuscrit d'Erlenmayer qui

ne considère pas le délire cocaïnique comme très dissemblable du

délire morphinique. Les troubles observés par M. Saury semblent

à M. Pichon être la conséquence de l'usage concomitant de la

morphine, de l'alcool et de la cocaïne.

M. Saury reste convaincu que les caractères du délire qu'il a

indiqués sont imputables à la cocaïne seule. S'il est vrai, dit-il,

que l'empoisonnement morphinique n'agisse défavorablement sur

l'état mental, il est contestable qu'il puisse provoquer des hallu-

cinations et du délire. Les trois malades dont il a parlé ont pu

s'injecter impunément durant de longues années (de 5 à 45 ans)

des doses parfois considérables de chlorhydrate de morphine. Les

accidents n'ont éclaté qu'à la suite de l'emploi de la cocaïne.

M. Magnan. Les accidents les plus saillants de la cocaïne

sont les troubles de la motilité, les attaques épileptiformes et les

troubles de la sensibilité générale qu'on n'observe pas avec la mor-

phine seule. Il a eu l'occasion de donner des soins à une malade

qui avait été prise d'hallucinations de la vue et des troubles de la

sensibilité générale après application, sur un abcès, de compresses

imbibées d'une solution de cocaïne. Cette dame voyait et sentait

de petits vers sur ses mains.

Accidents cérébraux consécutifs (i l'empoisonnement par l'oxyde de

carbone. M. RAFFKGEAU rapporte l'observation d'un mari et de

sa femme tombés dans un état de démence plus ou moins accu-

sée à la suite de leur asphyxie accidentelle par un poêle mobile.

Chez l'homme une névrite optique détermina même la cécité.

SOCIÉTÉS savantes. 483

M. BOUCHEREAU a été témoin des faits rapportés par M. Roffe-

geau ; il ajoute que la femme a eu pendant quelques jours une

amnésie complète.

M. Vallon demande s'il est certain que la névrite ait débuté

depuis l'accident on bien si l'on ne peut pas admettre un début

antérieur.

M. Raffegeau n'a constaté la névrite qu'un an après l'empoi-

sonnement.

M. Pichon compare ces troubles de la vision aux amblyopies

professionnelles des blanchisseuses et des cuisinières.

M. Garnier vient de voir une femme inculpée d'homicide volon-

taire sur son enfant, qui à la suite d'une tentative de suicide à

deux, par le charbon, fut frappée d'amnésie. Elle eut en outre

une monoplégie brachiale.

M. Briand a publié des cas analogues qui ne sont pas rares.

Il demande si la mémoire était complètement abolie ou si plutôt

la malade de M. Garnier n'avait pas perdu seulement le souvenir

des faits accomplis depuis son intoxication ?

M. Garnier. La mémoire des faits antérieurs au suicide était

très précise, mais la femme ne se souvient d'aucune des circons-

tances de son suicide.

M. 11OUlLLARD croit aussi ces amnésies toxiques plus fréquentes

qu'on ne le pense. Il connaît des enfants dont la mémoire s'est

affaiblie par l'habitude qu'ils avaient contractée de vivre dans le

voisinage d'un poêle mobile.

Des troubles intellectuels consécutifs aux pratiques inopportunes

de suggestions hynoptiques. M. Livof qui a déjà publié une

observation analogue a pu suivre à Villejuif, dans le service de

M. Briand dont il était l'interne, une jeune femme qu'un prêtre avait

la coutume d'endormir. Cette femme ne pouvant se soustraire à

l'influence du magnétiseur est devenue subitement folle. Son délire

se manifestait par des hallucinations et des frayeurs qui nécessi-

tèrent son placement dans un asile d'aliénés. La malade poussait

des cris et se croyait en butte aux obsessions de son prêtre qui la

poursuivait pour la magnétiser encore. Elle a pu guérir après

quelques mois de traitement. Marcel BRIAND.

Séance du 25 mars 1889. - Présidence de M. FALRET.

Classification des maladies mentales. (Suite de la discussion.)-

M. Paul Garnier, sans vouloir raviver un débat près de s'éteindre,

tient seulement à montrer que MM. A. Voisin, Marandon de Mon-

tyel, Dagonet etLu3·s, qui ont fait des objectionsplusou moins ca-

ractérisées aux conclusions de son rapport, n'ont, cependant,

486 SOCIÉTÉS savantes.

point fourni les éléments d'une classification plus simple, plus en

harmonie avec les données actuelles de la science, plus pratique

enfin, au point de vue des exigences d'une statistique interna-

tionale que celle proposée par la commission. Ses contradicteurs

ont vanté, tour à tour, les avantages d'une nomenclature écolo-

gique, symptomatique, anatomique. Si, avec M. A. Voisin, le

désaccord est peu marqué, il est beaucoup plus accentué avec

MM. Marandon de Montyel et Luys. Pour le premier, la classifica-

tion étiologique de More ! est la seule possible; mais s'il reste

attaché à cette méthode de classement, il est loin d'accepter

complètement l'oeuvre du médecin de Saint-Yon, car il se refuse

à admettre la création de la folie héréditaire. M. Paul Garnier

remarque que c'est pourtant là le véritable point de départ de la

classification étiologique de More), ce qui en souligne l'idée mai-

tresse, ce qui, en un mot, en forme la clé de voûte. C'est parce

que ce clinicien asu montrer pourquoi et comment certains indi-

vidus se spécialisaient, si l'on peut ainsi dire, dans la nature et

l'évolution des déviations psychiques qu'il a si fortement marqué

de son empreinte la plupart des travaux publiés depuis trente ans.

De ce qu'il existe des conditions biopathologiques dégénératives,

en dehors de la taxe héréditaire, il ne s'ensuit pas qu'il faille

diminuer l'importance de ce principe dégénératif dont d'autres

influences nocives copient plus ou moins les effets. Il n'est que

logique d'ailleurs, que ces influences nocives surprenant l'être en

pleine formation tendent à imiter, par cette sorte d'analogie

d'atteinte les altérations typiques engendrées par la cause qui

agit encore de plus haut et de plus loin, à savoir le vice hérédi-

taire.

Morel avait été amené à créer, pour donner place à la paralysie

générale dans sa classification un groupe artificiel qui, de l'avis de

tous, est en contradiction avec le principe d'une méthode étiolo-

eique. M. Marandon de Montyel n'est pas davantage parvenu à

franchir cette difficulté. En admettant la congestion, comme cause

de l'encéphalite interstitielle diffuse, il semble confondre la cause

avec l'effet, le stade congestif, modification anatomique, étant la

première étape du processus morbide. Au surplus, la première

exigence d'une nomenclature étiologique, est démettre en lumière,

par la terminologie, la relation directe entre la maladie et son

agent causal et ce desideratum n'a pas reçu satisfaction. Il y a lieu

de s'étonner, en outre, que M. Marandon de Montyel ait fait figu-

rer dans la classification qu'il propose, un certain groupe dénom-

mé : jolies multiples. Que deux formes mentales se juxtaposent

chez un même individu, qu'un délire toxique même s'y surajoute,

il n'y a pas là motif à la création de nouvelles espèces. li'y en a

d'autant moins que chaque affection garde, dans cette évolution

simultanée, ses caractères propres et son autonomie. Que cette

sociétés savantes. 487

rencontre produise un aspect symptomatique, d'ensemble utile à

connaître, c'est ce qui est incontestable; mais, il convient, le

triage symptomatique opéré, d'attribuer chaque unité composante

à son cadre spécial et non de charger une nomenclature de

donner une place à ces hasards de la clinique. En somme, M. Ma-

randon de Montyel, malgré de louables efforts pour s'en garer,

a versé dans cette classification mixte qu'il condamne et qui reste

une regreltable mais actuelle nécessité.

Passant ensuite à la discussion des objections' soulevées par

M. Luys qui propose aussi une classification différente, M. Garnier

ajoute C'est sur un autre terrain que, dajis sa critique, M. Luys a

pris position. Il aurait voulu qu'on demandât l'anatomie les élé-

ments d'une classification et il nous fait part de ses travaux sur

cette question importante. On peut se sentir attiré par cette

séduction qui se dégage d'un vaste programme où tout se déduit,

s'enchaîne, se coordonne comme par enchantement; on peut se

laisser gagner, de prime abord, à ses idées exposées avec cette

certitude qui vous impressionne toujours. Mais, ce premier élan

passé, on éprouve la'nécessité de faire quelques réserves; on

hésite, si affranchi soit-on de tout esprit de routine, à suivre

M. Luys aussi loin qu'il veut nous mener. Il a reproché au rappor-

teur d'avoir négligé les hallucinations ? Mais ce n'est là qu'un

symptôme et tout le monde sait que, en faisant mention d'une

psychose Systématique progressive comme le délire des persécutions

ou délire chronique, on fait mention, parla même, de son symptôme

le plussaillaul, l'hallucination del'ouîe. Après les déclarations caté-

goriques de M. Luys, on devait penser qu'il ne transigerait point

et que, fort de ses découvertes, il opposerait formellement sa clas-

sification à celle de la commission. On a donc lieu d'être surpris

qu'il ait proposé, en fin de compte, de reprendre le classification

Baillarger Marée, dérivée de celle d'Esquirol.

Nul plus que moi, dit en terminant M. Paul Garnier, ne rend

hommage aux magnifiques travaux de M. Baillarger, qui mar-

quent comme une traînée lumineuse à travers noire science

spéciale, et je m'incline respectueusement devant sa grande tâche.

Mais s'il est de ceux qui nous ont le mieux montré la route du

progrès, par la direction anatomo-clinique de ses recherches, il

est aussi de ceux, certainement, qui applaudissent le plus à nos

conquêtes nouvelles, où il y a encore quelque chose de lui. Celte

justice rendue a ce savant maître, dont notre maître, M. Magnan,

s'honore d'avoir été l'élève, je veux vous demander, Messieurs, s'il

est possible, aujourd'hui, après la profonde modification qui s'est

opérée dans les idées, grâce aux travaux de More ! et de ses succes-

seurs/sur les déviations psychiques liées à la transmission héré-

ditaire dégénérative, grâce à la découverte du délire des persécu-

tions, entité morbide poursuivie, plus tard, jusque dans ses phases

488 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ultimes et décelée, ainsi, comme une psychose chronique à nom-

breuses périodes systématiquement étagées, grâce enfin à toutes

ces données cliniques précieuses fournies par l'étude plus attentive,

plus rigoureuse et plus prolongée de l'évolution morbide des espè-

ces, s'il est possible, dis-je, de se tenir en dehors de ce grand cou-

rant et d'agir comme si le classificateur n'avait pas à s'en préoc-

cuper ? Qui pourrait prétendre que notre carte nosographique ne

s'en trouva pa's profondément remaniée ? Nos appellations, nos

habitudes de langage ne sont déjà plus les mêmes. Les acquisi-

tions auxquelles je viens,de faire allusion témoignent de l'activité

constante et féconde de cette école clinique d'observations à

laquelle la science psychiatrique française doit ses plus sûrs pro-

grès. Elles portentbien votre marque et peuvent figurer avec avan-

tage sur le terrain d'un concours international. Non seulement,

leur influence se fait sentir sur l'universalité des travaux spéciaux

publiés dans notre pays, mais on en trouve encore comme le reflet

dans les ouvrages parus à l'étranger. Dire après cela qu'une no-

menclature émanée de vous doit en inscrire la mention, ce n'est

qu'énoncer une vérité qui s'impose. Nous n'aurons pas, pour cela,

Messieurs, adressé à la Société de médecine mentale de Belgique

une classification complète, homogène, irréprochable : indéfini-

ment perfectible comme la science même qu'elle représente, il est

bien entendu qu'elle reste ouverte à tous les progrès successifs

qu'il est légitime d'espérer, en l'attente de l'homme de génie qui

en fera une oeuvre à peu près parfaite.

M. BALL demande à répondre à M. Garnier dans la prochaine

séance.

De l'action thérapeutique du sulfonal. M. Marandon de Montyel

lit une note de laquelle il résulte que le sulfonal employé aux

doses indiquées par les auteurs qui l'ont préconisé, produit des

troubles intellecfuels se manifestant surtout par une sorte d'abru-

tissement avec vertiges, céphalies, paralysies transitoires, nausées

et aussi des troubles digestifs'assez intenses. Si la dose est moin-

dre, il ne procure pas le sommeil. Peut-être le sulfonal expéri-

menté par M. Marandon de Montyet ne provient-il pas du même

fabricant que celui employé parles autres expérimentateurs ?

M. A. Voisin n'a jamais constaté rien de pareil avec le sulfonal

dont il s'est servi. Marcel BillAND.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 489

CONGRÈS DES MÉDECINS ET DES CHIRURGIENS AMÉRICAINS.

SESSION DE WASHINGTON.

SECTION DE NEUROLOGIE.

1° jour : 18 septembre t888.

M. le D'' PHILIIIC. Knapp (de Boston). Affections nerveuses consé-

cutives ci un traumatisme. Le trauma peut donner naissance à

de grosses lésions mécaniques, mais aussi chroniques et insidieuses,

à des processus de dégénérescence, à des affections fonction-

nelles (psychoses, phénomènes hystériques et neurasthéniques).

Ces deux derniers accidents peuvent compliquer des affections

organiques, d'où obscurité du diagnostic.

M. le D1 Séguin dit que les signes subjectifs sont de peu de

valeur, attendu que l'hystérie peut simuler les malades nerveuses

les plus complexes, soit par suggestion extérieure, ou auto-

suggestion.

M. le -Dr Gray rend compte des difficultés de ce diagnostic au

point de vue de la médecine légale.

M. le Dr ZENNER dit que les phénomènes hystériques ne sont

pas d'ordinaire simulés. Il cite un tremblement survenu à la

suite d'un coup, disparu après trois séances d'hypnotisme.

M. le Dr Isaac OTT (d'Easton), des centres caloriques chez

l'homme. Ils résideraient dans le corps strié et près du sillon de

Rolando. (Ce dernier d'après les lésions pathologiques.)

M. le Dr HANE dit qu'il ne faut pas conclure d'après une lésion

pathologique, ces centres pouvant n'être que des centres d'inhibi-

tion calorique.

M. le Dl Fisiifr (de New-York). Observations d'épilepsie consécu-

tives à l'hémiplégie cérébrale.-Les lésions de cette sorte d'épilepsie,

de même que celle de l'épilepsie idiopathique, portent sur l'écorce

cérébrale.

M. le Dr ROBERT T. EDES (de Washington). Rapport entre les

maladies des reins et celles du système nerveux. (Urémie.)

M. le D'' C.-L. (de New-York). Localisations cérébrales des

sensations cutanées. Il y a une identité complète, entre les

zones motrices corticales sensitives et motrices. Quand il y a

anesthésie, on trouve une lésion plus profonde.

M. le Dr C.-K. Mills pense qu'il y a un grand nombre des lésions

des centres moteurs corticaux sans anesthésie,

490 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. le Dr Alleu STARR dit qu'il est fort difficile de juger des

lésions entraînant les troubles de la sensibilité, à cause du voisi-

nage de l'hypocampe et des pédoncules cérébraux. Il pense que

les centres tactiles sont bilatéraux. Dans certains cas d'hémi-

plégie, l'hémisphère normal-peut compenser les lésions de l'autre.

M. le Dr Séguin admet les localisations -corticales de la sensi-

bilité. Il a vu Schitt' enlever des points de l'écorce cérébrale chez

des chiens, avec des troubles d'anesthésie. Il a souvent constaté

l'aura sensitif dans l'épilepsie jacksonienne dans des cas de tumeurs

cérébrales ou d'autres lésions corticales. Une dysestésie spéciale

précède souvent les spasmes. Il décrit des cas de tumeurs sous-

corticales opérées, ayant donné les mêmes signes que dans les

cas du Dr Dana.

Deuxième jour. 19 septembre.

M. le D1' F.-X. DEMUM (de Philadelphie). Dystrophie du tissu

conjonctif sous-cutané, des bras et du dos, associée a des signes de

myxoedème. Le tissu sous-cutané présente un aspect muqueux avec

sclérose des nerfs et des ganglions. Il y avait anesthésie, la

glande thyroïde était absente. 11 n'y avait pas de lenteur de la

parole, de la pensée, du mouvement, ni d'imbécillité.

M. le Dr C.-K. Mills relate un cas semblable où la face était

prise. Le malade mourut subitement et on ne put faire l'autopsie.

AI. le Dr PUT-,4.&M pense que ce sont là des cas de transition vers

le myxoedéme.

M. le Dr G.-W. JACOBY (de : Vew-Yorl;). Polynzosile progressive

subaiguè. Cette affection débute par les muscles du membre

inférieur, puis envahit tous ceux de l'économie. Elle se manifeste

par de la douleur, de la paralysie avec atrophie de certains

groupes atteignant fatalement en deux ans ou un an et demi les

muscles respiratoires. De l'examen histologique, on trouve une

myosite parenchymateuse subaiguë. L'auteur conclut qu'il y a une

forme de myopathie primitive aigué, voisine des formes chroni-

ques.

M. le B. SACHES (de New-Yorl;). Dislrophles musculaires. Il

pense que l'atrophie à type péronéal a peut-être les mêmes lésions

que le type Aran-Duclieune.

Il propose de classer comme suit les atrophies musculaires :

I. amyotrophies spinales progressives (1° type de la main; 2° type

de la jambe dont une forme, la forme péronéale), Il. Dystrophies

primitives progressives (1° pseudo-hypertrophie; 2° forme d*Erb).

Il range la forme Déjerine-Laudouzy dans la forme d'L : rb.

M. le De JACOBY pense que l'atrophie myopathique est due à une

malformation embryonnaire.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 191 1

le D1' James H. Lloyd et JoaxB. DEAYEK : Un cas d'épilepsie

en foyer traitée avec succès par la trépanation et l'excision du centre

moteur, sans réapparition des attaques au bout de deux mois.

M. le D'' Fermer (de Londres) a eu le plus souvent des insuccès

dans des cas semblables. Le cas du Dr Lloyd est intéressant au

point de vue de l'expérimentation physiologique.

M. le Dr VICTOR HonsLEY (de Londres) mentionne un cas où

l'épilepsie s'est reproduite deux ans après l'opération, et un autre

avec guérison et retour de l'équilibre intellectuel. Il faut opérer

dans ces cas le plus tût possible. La cocaïne est très utile dans ces

opérations pour faire contracter les artérioles des membranes. Il

se sert du spray antiseptique pendant l'opération.

M. le Dl MtLus ajoute que dans le cas opéré par \I11. Llowd et

Deaver, il n'y avait pas de perte de la sensibilité après l'opération.

M. le Dr Séguin dit que dans le cas opéré par lui et le D'' Weir,

l'épilepsie a réapparu avec une parésie plus grande. Il y a en

outre une anesthésie tactile de la face, du bras et des doigts du

côté affecté. La température et le sens musculaire sont normaux.

La tumeur était située au niveau des centres de la face et du

bras, et avait 18 à 20 millimètres de diamètre.

M. le Dr James J. Putnam (de Boslon). Observations et expériences

itpropos de la pathologie de la névrite.

M. le'D,*S.-G WEJ3BEft a remarqué que la névrite siège surtout

au niveau des étranglements de Ranvier.

M. le Dr pyF Smru (de Londres) pense que la goutte est une

cause fréquente de névrite.

Troisisième jour. 20 septembre.

M. le D,G.-L. WALLON (de Boston). Fracture des vertèbres cer-

vicales. Dans deux cas, il y a eu guérison spontanée.

M. le Dr L.-C. Gray cite le cas d'un enfant qui s'est fracturé la

2c vertèbre cervicale deux fois de suite. Il présentait de la

paralysie du membre supérieur, de la parésie du membre infé-

rieur et de la difficulté de la déglutition. Il est actuellement en

bon état.

M. le 1)' Welber cite un cas de fracture de la colonne cervicale

qui a guéri, gardant une parésie des membres supérieurs.

AL le 1)' Putnam pense que dans un cas du D'' \1'alton, l'atrophie

peut être expliquée par une hémorrhagie au niveau de l'origine

d'un nerf.

M. le Dr Bannister cite un cas avec atrophie du bras et de la

langue due à de la pachy-méningite cervicale.

M. le D'' Saanoa C. Gray (de New-York). Symptômes typiques de

492 BIBLIOGRAPHIE.

sclérose diffuse, examen post-mootem révélant de la /ep(o-menM : 6 ? <.

11. le Dr S. Weir MtTCHELL (de Philadelphie). Anêvrysme d'une

artère anotzzarle, causant une division atttéro-postérieùre du chiasma

optique et une hémianopsie 6ttempo)'a.

M. le D'' F. Peterson (de New-York). Contribution a l'étude du

tremblement musculaire.

M. le Dl Pinnp C. z (de Boston). Troubles moteurs hémiplé-

giques chez les enfants.

M. le Dr J.-H. LLYOD (de Philadelphie). Un cas de tumeur de la

moelle cervicale.

M. le D1' Wiurton Sinkler (de Philadelphie). Chorée héréditaire.

Aimar Raootr.

BIBLIOGRAPHIE

X. Ivrognerie, ses causes et son traitement; traduit par P.-J.

Kovalevsky, professeur des maladies mentales et nerveuses à

l'Université de Kharkoff, 1888, traduit par WALDEMAR de Holstein.

Petit volume qui par la coquetterie de son format et de sa reliure

semble destiné aux gens du monde, mais sera lu avec intérêt par

le public médical en raison de son style clair, de son allure simple

et des nombreuses idées originales de l'auteur, idées que nous

nous bornons à exposer. L'ivrognerie est une maladie et une

maladie guérissable, tel est le sujet de l'avant-propos.

Dans le Jar chapitre : symptômes de l'ivrognerie, l'auteur dis-

tingue l'ivrognerie maladie de l'ivrognerie vice, nous donne les

symptômes de la première, mais non les signes de la seconde en

sorte que le lecteur n'est nullement fixé sur les caractères

distinctifs. Ce n'est que dans un chapitre très éloigné qu'il définit

l'ivrognerie « est un état particulier de l'organisme ou de la

totalité du système nerveux qui survient quand l'individu ressent

dans tout son être une faiblesse, un malaise particulier et un

besoin irrésistible de supprimer ces sensations par l'alcool. C'est

une faim ou une soif pathologique d'alcool ».

Il nous apprend quedéjà, en 1617, Wircungavaittraité del'ivro-

gnerie, maladie terrible qu'il décrivait immédiatement après la

perte.

L'auteur, avec Crothers et Mauns, admet deux périodes dans

BIBLIOGRAPHIE. 193

l'évolution de l'ivrognerie, la période nerveuse ou prémonitoire et

la deuxième celle de la dypsamonie.

La période prémonitoire présente d'abord les symptômes

vulgaires de la neurasthénie (défaut d'équilibre et irritabilité du

système nerveux, affaiblissement des centres supérieurs de

l'encéphale devenant ainsi incapables d'inhiber les réflexes et les

impulsions); puis ceux de neurasthénie alcoolique ou diathèse

alcoolique, à moins que celle-ci n'apparaisse d'emblée (hérédité),

bizarreries du caractère, devenant subitement soupçonneux au mo-

ment de l'excès de boisson, apparition subite dans les mêmes

conditions d'une manie se répétant toujours la même, manie de

marchander des chevaux, d'héberger des amis, de se préparer

à la mort, etc., ou bien des rêves nouveaux, étranges, qui plus tard

se confondent avec la réalité; bizarreries de régime hygiénique

ou non, souvent manque d'énergie comme par le surmenage

physique et intellectuel, d'où apparition de « cette faim de la

force » qui fait recourir à l'alcool à titie d'essai.

Comme symptômes de neurasthénie alcoolique héréditaire l'au-

teur mentionne des états d'ébriété sans alcool, survenant chez

les enfants ; d'autres fois à un âge avancé, parfois sous l'influence

d'un choc moral ou traumatique, dans d'autre cas s'éveillent par

contagion ; à la vue d'un homme ivre, le neurasthénique alcoolique

héréditaire deviendrait en état d'ébriété sans alcool ; l'auteur cite

de vieux membres de société de tempérance qui, quoique très

sobres, tombaient dans cet état rien qu'en dépeignant dans leurs

discours le désordre des alcooliques.

L'auteur termine ce chapitre par une indication que nous

approuvons celle d'éviter d'administrer des alcools aux neurasthé-

niques dans leurs maladies, quelle que soit la neurasthénie.

La deuxième période c'est l'ivrognerie proprement dite :

alcoolisme chronique, si elle est continue; dypsomanie, si elle est

périodique.

D'après l'auteur, les premières tares dans l'alcoolisme chronique,

débutent par le sens moral, l'étique qui s'émousse et finit par être

remplacé par des impulsions égoïstes, animales et ordurières, puis

par les facultés intellectuelles, paresse, défaut d'initiative, perte

de mémoire et des autres facultés, et à peu près en même temps

les troubles si connus des sphères motrices sensibles circulatoires

et viscérales.

L'incapacité de s'adopter, la négligence de la famille, de soi-

même, les idées de persécution avec des sous-idées de grandeurs

sont décrites de main de maître.

Dans ce chapitre, l'auteur rappelle les faits de Bourneville

relatifs à l'influence nuisible de l'alcool sur les enfants.

Le chapitre de la dypsomanie très complet ne contient pas de

vues nouvelles; l'auteur la considère avec tous ceux qui ont traité

494 BIBLIOGRAPHIE.

la question comme une psychose impulsive déterminée bien plus

par le besoin que par le goût de l'alcool.

Les chapitres suivants sont consacrés aux causes prédispo-

santes et aux causes provocatrices; souvent même la cause qui a

été prédisposante d'abord devient provocatrice ensuite.

La monomanie ou diathèse alcoolique congénitale, acquise ou

latente est la principale cause prédisposante.

Un peu d'obscurité de la part de l'auteur quand il cherche

comment elle est acquise, « l'acte de boire de l'alcool laisse une

trace, cette trace répétée engendre l'habitude, devient besoin et

le besoin de transforme en névrose >. Ici nous comprenons bien

les mois, mais non le mécanisme.

Les autres causes prédisposantes étudiées par, l'auteur, telles

que l'hérédité homogène ou hétérogène, directe ou indirecte, le

sexe, l'âge, la religion (rareté chez les juifs), le climat, l'état de

l'air (influence marquée des vents d'ouest), l'instruction, la profes-

sion, la fortune, toutes ces causes sont étudiées d'après des docu-

ments anglais et correspondent aux idées des aliénistes français.

Il en est de même pour les causes provocatrices; signalons ici un

habile parallèle de l'auteur entre les surménages et l'oisiveté au

point de vue de leur influence nuisible sur l'ivrognerie.

Le dernier chapitre (traitement de l'ivrognerie) contient des

aperçus sur les sociétés de tempérance, sur le système de

Gotlienburg (accaparement du commerce de l'alcool par les

sociétés de tempérance appuyées par l'Etat (Suède et Norwège)

sur le traitement de la neurasthénie, l'indication des remèdes

dits spécifiques, l'exposé des régimes diététiques et hygiéniques

et surtout une étude sur les établissements spéciaux pour le

traitement des ivrognes, avec la suppression pour ceux-ci du

no-restreint dont l'auteur est au contraire partisan pour les

aliénés non alcooliques.

La statistique de tels établissements en Amérique donnerait de

30 à 40 p. 100 de guérison. Charpentier.

XI. Les maladies de la volonté; par Th. RuoT (Paris, Alcan).

La remarquable étude de Ai. Ribot se divise en deux parties bien

distinctes : l'une, sous le titre d'Introduction, est l'exposé de la

doctrine qui guide l'auteur ; l'autre renferme l'étude des faits

examinés à la lumière; cette doctrine se termine naturellement

par des conclusions conformes à la théorie. N'y a-t-il là qu'une

question de forme, un procédé d'exposition qu'il était loisible de pré-

férer à tout autre ? Ou bien, est-ce l'indice d'un reste d'anciennes

habitudes, la dernière trace d'un ancien pli de l'esprit dû à la pre-

mière discipline métaphysique qu'a subie M. Ribot et dont, malgré

les puissants efforts dont témoigne son livre, il n'aurait pu se

BIBLIOGRAPHIE. M5

débarrasser absoutment ? Au fond, cela importe peu; il [en reste

cependant, quoi qu'on fasse, une certaine impression de défiance.

On eût préféré voir la doctrine sortir de l'examen des faits au

lieu d'avoir l'air de découler d'axiomes ou de propositions établis

« priori : la conviction serait venue plus aisément.

Il nous faut encore chercher à 11. Ribot une querelle préalable,

dont est le sujet le titre même de son ouvrage. La volonté n'étant,

selon lui, ni une fonction, ni une propriété ou une faculté, pas

même une disposition psychique stable, se résolvant, au contraire,

en volitions instables, résultantes variables de causes incessam-

ment changeantes, la volonté n'ayant, en un mot, pas d'existence '

réelle, comment peut-elle être susceptible de maladies ? Nous

savons bien que l'on parle couramment de maladies de la vue,

du mouvement ; encore ces expressions, que nous n'aimons guère,

peuvent-elles à la rigueur passer pour de simples métaphores

désignant les troubles de l'appareil visuel ou du système moteur.

Pour la volonté, définie par AI. Ribot, on cherche eu vain le

substratum réel auquel la métaphore pourrait se rapporter pour

se justifier. Querelle de mots, si l'on veut, mais non pas sans im-

portance, parce qu'ici les mots contredisent le fond, parce que le

fond est toute la doctrine, parce qu'enfin, avec un homme comme

M. Ribot, on n'a pas le droit de rien négliger.

Devant tel autre auteur ou en face d'un traité d'oculistique,

nous n'aurions rien dit : maguarda der passa.

D'une bien autre importance toutefois est le point suivant.

M. Ribot a voulu étudier la pathologie de la volonté sans toucher

à la question du libre arbitre, poser la question sous une forme

conciliable avec toute hypothèse et conclure sans donner aucune

solution du problème métaphysique. L'abstention lui paraissait

nécessaire. C'était là sans doute la marche rationnelle, et ni. Ribot

a eu raison de ne s'enrôler au début sous aucune bannière; son

indépendance en eût péri ou ses recherches auraient été d'avance

inutiles. Il n'a eu garde de prendre pour point de départ ce qui

doit être le terme de toute psychologie vraiment scientifique. On

ne saurait trop l'en louer et il faut reconnaître que, fidèle à ses

promesses, il s'est efforcé de se tenir dans les limites de l'expé-

rience interne et externe. Est-il aussi sûr de n'avoir abouti à

aucune conclusion ? Il n'en exprime, à la vérité, formellement au-

cune ; mais peut-être ne faudrait-il pas beaucoup presser ses propres

expressions pour en faire sortir une capable de satisfaire le déter-

ministe le plus orthodoxe. D1. Ribot espère que « l'absence de

toute solution sur ce point (le libre arbitre) ne sera même pas une

seule fois remarquée n. Ne pourrait-on dire que si son espoir s'est

réalisé, si cette absence de solution ne se remarque pas, c'est que

la solution ressort de ce qu'il dit, bien qu'il ne la formule pas ?

S'il est vrai que des deux éléments de tout acte volontaire, le

496 BIBLIOGRAPHIE.

premier, l'état de conscience, n'a aucuile efficacité, taudis que le

pouvoir d'agir ou d'empêcher, réside uniquement dans le second,

dans un mécanisme psychophysiologique très complexe ; s'il est

vrai que ce mécanisme ait pour fond définitif et pour moteur

ultime le caractère, c'est-à-dire le moi en tant qu'il réagit; s'il

est vrai que le caractère est le produit, si complexe qu'il soit, de

l'hérédité, des circonstances physiologiques antérieures et posté-

rieures à la naissance, de l'éducation, de l'expérience, c'est-à-dire

l'état de l'organisation tel que l'ont fait les conditions de sa

genèse et de son développement ; si tout cela est vrai, c'est le

déterminisme qui triomphe. Et il ne servira de rien d'ajouter

que, pour les animaux supérieurs, la complexité de leur milieu

est une sauvegarde contre l'automatisme. Car, à cette pro-

position qui, pour le dire en passant, ressemble fort à une adhé-

sion à l'hypothèse de la liberté, on peut répondre que la difficulté

même l'impossibilité de préciser et de démêler les conditions

d'un phénomène n'implique nullement qu'elles ne sont pas en

elles-mêmes parfaitement définies.

M. Ribot admet que le réflexe est le type unique de toute action

nerveuse, de toute vie de relation. Chez le nouveau-né le réflexe

agit seul d'abord, et, en l'absence de tout état de conscience, il

n'y a point chez lui d'acte volontaire, il n'y a que transformation

des excitations en mouvements. Plus tard, le désir, première

esquisse du caractère individuel, marquent le passage de l'état

purement réflexe à l'élat volontaire. Accompagnés d'un état de

conscience souvent très intense, ils ont une tendance immédiate

et irrésistible à se traduire par des actes, comme les réflexes purs.

Plus tard encore interviennent les idées que M. Ribot classe,

suivant la force de leur tendance à se transformer en actes,

en -trois groupes : le premier comprend les états intellectuels

extrêmement intenses, passant à l'acte presque aussi rapidement

que les réflexes, surtout quand ils s'accompagnent de sentiments

vifs. Le deuxième groupe représente l'activité raisonnable où la

conception est séparée de l'acte par une délibération plus ou

moins longue. La tendance à l'acte est modérée, comme l'état

affecté. Enfin viennent les idées abstraites, avec lesquelles la

tendance au mouvement est au minimum, à moins qu'elle

n'éveille

XII. Der Vei-lauf der Phychoscn, par R. Ansnr et A. Doua ; Vienne

et Leipzig, in-8, 1887. Urban et Schuarzenberg, édit.

L'étoffe de ce mémoire est à peu près constituée par la théorie

du professeur Arndt, sur la folie en général. Nous avons dans ce

recueil même consacré, en temps opportun, une longue analyse

BIBLIOGRAPHIE. 497

à sa doctrine à propos de son Traité de Psychiatrie Il s'agit ici

de la représentation graphique de la marche de l'aliénation mentale,

obtenue à l'aide de courbes qui se meuvent le long d'une échelle

verticale dont chacun des échelons horizontaux constitue un des

épisodes symptomatiques , l'échelon du milieu figure le fonction-

nement normal. Des teintes savamment dégradées et géométri-

quement groupées forment les images de leur intensité ainsi que

de leur durée ; elles correspondent aussi aux dénominations

séméiologiques adoptées par M. Arndt. Les dates sont inscrites

au-dessous des tableaux ; on ne saurait mieux les comparer qu'aux

planches démographiques et statistiques d'un usage constant

aujourd'hui, dont on réunirait, à dessein, sur une feuille unique,

les divers éléments intéressant l'humanité. P. KERAVAL.

XIII. Le cerveau et l'activité cérébrale au point de vue psycho-

physiologique ; par A. HERZEN. (Paris, in-16, 1888. J.-B. Baillière,

éditeur.)

Le professeur de physiologie de Lausanne tente d'asseoir la

physiologie générale sur le fait, suivant lui, fondamental qu'il

n'y a point de mouvement d'activité psychologique sans mouvement

moléculaire corrélatif des éléments nerveux. 11 tire ses arguments

d'un judicieux usage, d'une habile association des deux espèces

d'associations : externe ou objective, interne ou subjective.

Il établit ainsi :

1° Que la face psychique se trouve avec le mouvement moléculaire

nerveux dans une corrélation telle qu'elle doit son existence à un mou-

vement qui expire en produisant un autre mouvement, ce qui prouve

qu'elle ne peut être elle-même autre chose qu'un mouvement;

2° Que toute cette psychique consiste en une transmission et une mo-

dification d'une impulsion extérieure, c'est-à-dire en une forme parti-

culière de mouvement (Première partie : notion de l'activité psychique).

Aussi comme tout mouvement, l'activité psychique est-elle liée

à la production d'une certaine quantité de chaleur (IIe partie,

chap. i). Il en résulte encore, dans l'ordre biologique, que rien

ne se créant, toute action n'est qu'une réaction, et que, par consé-

quent, la spontanéité témoigne simplement d'un excellent état de

la nutrition des tissus appelés à agir ; elle traduitaussi la modalité

de la réaction d'une organisation individuelle en face d'une

impression d'apparence identique pour tous et représente l'en-

semble des particularités d'organisations individuelles, innées ou

acquises, permanentes ou passagères qui donnent l'empreinte

individuelle à la réaction affective par un organisme dans un cas

' Voyez Archives de Neurologie, 1884, t. VIII, p. 388.

Archives, t. XVII. 32

498 BIBLIOGRAPHIE.

particulier (chap. u). La liberté est alors une évolution de la

spontanéité (ch. In) ; la résolution n'a rien à voir avec une éma-

nation soi-disant indépendante de la volonté ; elle est le résultat

nécessaire et inévitable : a, de l'organisation individuelle ;

6,- de l'ensemble des impressions qui fappent l'individu à un

moment donné ; c, de l'état dans lequel se trouvent, à ce

moment-là les centres nerveux de cet individu.

Dans une dernière partie, M. Herzen a étudié les conditions

dans lesquelles l'activité cérébrale devient consciente. Il formule

ainsi la la loi de la conscience :

Liée exclusivement à la désintégration fonctionnelle des éléments

nerveux centraux, la conscience possède une intensité en proportion

directe de cette désintégration, et, simultanément, en proportion inverse

de la facilité avec laquelle chacun des éléments transmet à d'autres la

désintégration qui s'empare de lui et avec laquelle il rentre dans la

phase de réintégration.

Malheureusement, M. Herzen est obligé de compter dans l'appli-

cation avec la compétence spécifique de diverses régions : moelle

épinière, centres sensorio-moteurs, centres corticaux, et de faire

de la conscience du moi ou personnalité un cas particulier de la

conscience en général, ce qui ne nous paraît pas élucider la

question. Il faut absolument quand on aborde l'examen des méca-

nismes, les soumettre de nouveau au contrôle de l'expérimen-

tation, les matériaux traditionnels deviennent toujours insuffisants.

P. KEHAVAL.

XIV. De quelques troubles moteurs post-hémiplégiques chez les enfants ;

par le D CoomBs ICNAPP. (Boston, Cupples et Hurd, édit.)

L'auteur rapporte trois cas d'hémiplégie enfantile avec contrac-

ture, qui ne semblent être autre chose que des troubles de sclérose

cérébrale. Ces hémiplégies ont été suivies de spasmes toniques du

côté paralysé, augmentés par les.excitations, les efforts pour se

servir du membre malade, au moment d'un mouvement associé.

Il en résulte une incoordination des mouvements volontaires,

ressemblant à l'hémiataxie décrite par Grasset. Le Dr lnapp pro-

pose de donner à cette forme le nom de spasme du mouvement.

- A. R.

X% La psychologie physiologique; par G. SERGI, traduction française

de M. Mouton. (Paris, in-8, 1888, F. Alcan, édit.)

L'étude de l'activité psychique par l'observation et par l'analyse

de phénomènes palpables qui en émanent ou l'engendrent, est

d'une lumineuse clarté dans cette traduction revue et complétée

NÉCROLOGIE. 499

par l'auteur. Voilà de la vulgarisation de bon aloi. On n'attendra

pas de nous que nous discutions un ouvrage de fonds, dont la

matière et la méthode ne sont plus à discuter ni à exposer. Ce

serait un travail inutile qui exigerait de longues pages d'une

revue. Mais nous ne saurions laisser passer sous silence un livre

d'ensemble bien supérieur aux traités de psychologie physiolo-

gique que nous possédons jusqu'ici en français, livre qui fait

autant d'honneur à M. Mouton qu'à M. Sergi. Il est en outre au

courant des toutes dernières recherches. P. KERAVAL.

XVI. Affections nerveuses consécutives à un traumatisme (commotion

spinale, t·o2ebles de la moelle et du cerveau après des accidents de

chemin de fer), parle Dr Cooncss KNAPP. (Boston, 1888. Cupples

et Hurd, édit.)

Cette étude comprend douze cas de ces troubles ; l'auteur émet

des doutes sur la commotion médullaire au sens strict du mot, à la

suite des traumatismes ; ceux-ci pourraient entraîner des troubles

musculaires, de l'irritation spinale et des névrites périphériques, à

des processus dégénératifs typiques. Fréquemment, ils sont les

causes de troubles nerveux tels que l'hystérie, la neurasthénie, les

psychoses (anxiété, hypocondrie, dépression cérébrale). L'auteur

à leur suite a rencontré un complexus symptomatique type avec

troubles psychiques, anesthésie, lenteur des mouvements, exa-

gérations des réflexes dus sans doute à une lésion organique. Le

pronostic de ces troubles est grave ; ils peuvent s'amender mais

non pas guérir complètement. A. R.

NÉCROLOGIE

MORT DU Dr PAUL BRICON.

Nous avons la douleur d'annoncer à nos lecteurs la mort

de notre ami, le D'' Paul BRICON, un des plus fidèles colla-

borateurs des Archives de neurologie, ancien secrétaire de

la rédaction du Progrès médical, décédé à la suite d'une

longue et douloureuse maladie le 8 avril dernier.

Né le lor août 1848, Bricon contraint d'obéir aux préfé-

rences de son père commença, au sortir du collège, l'étude

500 NÉCROLOGIE.

du droit. En 1870, il fit comme mobile son service militaire.

Mêlé au événements politiques de 1871, il échappa par

l'exil aux conséquences d'une condamnation à la transpor-

- station dans une enceinte fortifiée. C'est alors qu'abandon-

nant complètement les études du droit, et suivant son goût,

il se livra à l'étude de la médecine. Il se fit recevoir doc-

teur d'abord à la Faculté de Strasbourg avec une thèse in-

titulée : Nouvelles recherches sur les nerfs vaso-moteurs, et

ensuite à celle de Genève, où son assiduité et son intelli-

gence l'avaient, fait choisir par le Dr Zahn comme assistant

(anatomie pathologique), poste qu'il occupa jusqu'en 1879.

Dans le cours de ses études, qu'il commença à Berne, il sé-

journa quelque temps à Wurzbourg, à Lisbonne, etc.

Revenu en France après l'amnistie de 1879, Bricon s'em-

pressa de prendre ses grades et en 1882, il soutenait à la

Faculté sa thèse : Du traitement de l'épilepsie, faite avec le

plus grand soin dans le service de M. Bourneville à Bicêtre

et qui lui valut une mention honorable. Un grand nombre

de ses travaux ont été faits en collaboration avec M. Bour-

neville, dont il était l'intime ami : Manuel des injections

sous-cutanées ; Manuel des autopsies; De la rubéole ou

roséole idiopathique ; De l'idiotie crétizzoide avec cachexie

pachydermique; - De l'épilepsie procursive. Nous citerons

plusieurs notes et mémoires personnels sur la microbiologie,

l'anatomie pathologique et la thérapeutique. Bricon avait,

en 1885, accepté les modestes fonctions de conservateur du

Musée de Bicêtre fondé en 1879 par Ils. Bourneville et fut

professeur d'hygiène à l'école des infirmiers de cet hospice.

Fidèle à ses principes Bricon a voulu être enterré civile-

ment ; partisan du progrès, il s'est fait incinérer. Ses obsè-

ont eu lieu le 10 avril. L'incinération s'est faite au four cré-

matoire du cimetière du Père-Lachaise. A la suite de deux

discours prononcés l'un par M. Bourneville et l'autre par

M. Desesquelle, un de ses compagnons d'exil, le corps a été

introduit dans le four; une heure et demie après, les cendres

furent transportées dans un caveau provisoire.

La rédaction des Archives et tous nos lecteurs qui ont pu

apprécier le talent et la science de Bricon joindront leurs

regrets à ceux de tous ses nombreux amis et aux nôtres.

Ils conserveront comme nous de Bricon le souvenir d'un

vaillant mort à la tâche, et son nom restera dans leur mé-

moire comme celui d'un homme dont la vie entière a été

consacrée à la science et aux idées généreuses.

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VARIA

ENCORE UN asile d'idiots EN ALLEMAGNE.

Le duché d'Oldenbourg va posséder son asile d'idiots dont on

espère terminer la construction au 1 ? juillet 1889. C'est à l'initia-

tive de M. Partisch qui a su stimuler le zèle des philanthropes que

ce résultat est dû. Le ministre d'Etat du grand duché a accordé

sur les fonds d'excédents de la caisse d'épargne une somme de

35,000 marcs; 40,000 m a ras ont été fournis sur hypothèque, par

la banque d'épargne et de prêts (Sparsund Leihhank) du pays,

8,000 marcs appartiennent à l'asile, de sorte qu'il y a actuelle-

ment 109,000 marcs (136,000 francs) en caisse.

Le terrain a été accordé par le maire de la ville, à trois quarts

d'heure d'Oldenbourg. En attendant que les bâtiments soient

élevés et prêts à recevoir des enfants, on a dès cette année utilisé

au local qui permet d'assister 20 fillettes, cet asile provisoire

fournit à-la surveillante aussi bien qu'aux médecins et aux pro-

fesseurs, le prétexte de préluder par un exercice salutaire au

fonctionnement de celui qui va s'ouvrir. Le plan des nouveaux

bâtiments prévoit tous les aménagements que comportent l'instruc-

tion, l'éducation et les soins médicaux de 60 enfants des deux sexes.

Le prix de pension annuelle sera de 450 francs pour les malades

du grand duché qui sont à la charité publique ; - de 750 francs

pour ceux qui rentrent dans les conditions d'assistance publique,

mais qui n'appartiennent pas au grand duché ; - de 500 francs

pour ceux du grand duché qui paient leur pension. ·

Conditions d'admission : L'enfant aura moins de quinze ans; -la

demande d'admission sera adressée au président de la commission

en y joignant l'acte de naissance et de baptême de l'enfant, ainsi

qu'un certificat de vaccin.

Cet asile sera un établissement d'instruction dû à l'initiative de

la bienfaisance privée.

La . nécessité d'assister les idiots et de leur fournir les moyens

d'éducation mis en vedette par les recherches médicales ressort de

la statistique des aliénés et des idiots de 1880.

On y voit que le grand duché d'Oldenbourg compte 266 idiots

atteints dès leur plus tendre enfance : 143 du sexe masculin,

123 du sexe féminin, - tandis que le nombre des aliénés ne

dépasse pas 542. Le total de psychopathes quelconques étant par

suite de 809, il y a plus d'un tiers d'idiots ; 42 d'entre eux sont en

502 FAITS DIVERS.

même temps épileptiques (26 du sexe masculin, 16 du sexe

féminin). (Allg. Zeitsch. f. psych., XLV, 56.) C'est là encore un

nouvel exemple qui montre la nécessité de la création d'asiles

interdépartementaux pour les idiots et les arriérés.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. Par arrêté en

date du 2 mars : M. le Dr DONNET, directeur-médecin de l'asile de

Vaucluse est mis en disponibilité sur sa demande. - M. ]eDrBOUI)RIE,

directeur-médecin de l'asile public de Bassens, est nommé direc-

teur-médecin de l'asile de Vaucluse (Seine-et-Oise), maintenu

dans la troisième classe. M. le Dr DumAz, directeur-médecin de

l'asile public de Dijon, est nommé directeur-médecin de l'asile de

Bassens (Savoie), maintenu dans la ire classe. M. le Dr Chambaiid,

médecin adjoint à l'asile de Ville-Evrard, est nommé médecin en

chef à l'asile de Pierrefeu (compris dans la 3° classe).

Par arrêté du 6 avril : MM. le DE GALLOPAIN, directeur-médecin

de l'asile de Pierrefeu, est nommé directeur-médecin de l'asile

de Fains (Meuse), en remplacement de M. Bayle, décédé (main-

tenu dans la 3° classe).-11L. le Dr GARDER,directeur-médecin, de

l'asile de la Charité, est nommé directeur-médecin de l'asile Dijon

(maintenu dans la 3° classe). M. le Dr Faucher, directeur-

médecin de l'asile de Nangeat, est nommé directeur-médecin de

la Charité (Nièvre) (classe exceptionnelle). M. le Dr DOURSOUT,

directeur-médecin de l'asile de Saint-Venant, est nommé directeur

médecin de l'asile de Nangeat (Haute-Vienne) (maintenu dans la

3e classe).

Par arrêté du 9 avril : M. le Dr Pâté, directeur de l'asile de Ville-

Evrard, est nommé en la même qualité à l'asile de Pierrefeu (Var),

(maintenu dans la 3° classe).- M. BALET, est nommé directeur de

l'asile de Ville-Evrard, compris dans la 30 classe.

Par arrêté du 14 avril : M. le Dr KERAVAL, médecin adjoint des

asiles de la Seine en disponibilité est nommé médecin adjoint à

l'asile de Ville-Evrard (rétabli dans la classe exceptionnelle).

Par arrêté du 17 avril : M. le Dr Jules LIZARET, interne à l'asile

public dé Maréville (Meurthe-et-Moselle), déclaré admissible au

concours du 26 décembre 1888 à Nancy, est nommé médecin

adjoint à l'asile public de Châlons (2e classe).

Par arrêté du 24 avril : M. le Dr Germain Cortyl, directeur-

médecin, à l'asile public d'Alençon, est nommé directeur-médecin

à l'asile public de Saint-Venant (Pas-de-Calais), en remplacement

FAITS DIVERS. 503

du Dr Doursout (maintenu à la 21leLasse).- M.* le Dr Paris, i)iédecin

adjoint à l'asile public de Châlons, est nommé directeur-médecin

de l'asile public de Saint-Venant (compris dans la 3e classe).

Congrès international DE médecine mentale. La Société

médico-psychologique a décidé, dans sa séance du 29 octobre 1888

l'organisation d'un Congrès international de médecine mentale

qui se tiendra à Paris du 5 au 10 août 1889. Le Congrès se com-

pose de membres fondateurs et de membres adhérents, nationaux

et étrangers. Sont membres fondateurs : les membres titulaires et

honoraires de la Société médico-psychologique, dont la souscrip-

tion est fixée à vingt-cinq francs. Sont membres adhérents : les

médecins, les directeurs des asiles de France et de l'étranger,

toute personne s'intéressant aux questions relatives à l'aliénation

mentale. La souscription des membres adhérents nationaux et des

membres étrangers est fixée à vingt francs.

Le Comité appelle plus particulièrement l'attention sur les trois

questions principales qui seront soumises aux discussions du

Congrès. Ces questions, dont on trouvera plus loin l'énumération,

seront chacune l'objet d'un exposé ou d'un rapport qui sera publié

dans les Annales médico-psychologiques, envoyé à tous les adhérents

trois mois avant l'ouverture du Congrès, et servira de point de

départ à la discussion. Les auteurs de ces rapports ont surtout

pour mission d'exposer l'état actuel de la science sur la question

dont ils seront chargés.

En dehors des questions portées sur le programme, d'autres

travaux concernant la pathologie mentale, l'assistance publique,

la législation et la médecine légale des aliénés pourront être sou-

mis au Congrès.

Les membres du Congrès qui voudront prendre la parole dans

la discussion des questions du programme, de même que ceux qui

désireront faire des communications sur d'autres sujets de méde-

cine mentale, sont priés d'envoyer' au secrétariat du Congrès les

titres et conclusions de leurs mémoires, au plus tard le 15 juil-

let 1889.

Trois excursions scientifiques seront faites pendant la durée du

Congrès :

1° A l'asile Sainte-Anne, à Paris; 20 à l'asile de Villejuif; 3° à

l'hospice de Bicêtre, dans le service des idiots et épileptiques de

M. le Dr Bourneville.

Les travaux du Congrès seront recueillis et publiés par les soins

du Comité d'organisation et les adhérents recevront gratuitement :

1° A bref déla'i, un procès-verbal résumé des travaux du Con-

grès ; 2° ultérieurement, un compte rendu du Congrès, compre-

nant : a. la liste des membres fondateurs et adhérents ; b. les

actes et.travaux du Congrès.

504 FAITS DIVERS.

Un exemplaire des statuts du règlement et du Congrès sera

adressé à tous les membres adhérents en même temps que les

rapports dont il a été parlé plus haut.

Le Comité espère que tous ceux qui s'intéressent aux études de

médecine mentale, aux questions si délicates d'assistance publi-

que, de législation et de médecine légale des aliénés, voudront

bien prendre part à cette importante réunion scientifique; il les

prie de faire connaître le plus tôt possible leur adhésion.

Le Secrétaire général, Dr Ant. RITTI. Le Président, Dr J. FALRET.

Questions posées par LE Comité d'organisation. I. Pathologie

mentale Obsessions avec conscience (intellectuelles, émotives et

instinctives). Rapporteur, M. J. FALRET. 11. Législation : Législa-

tion comparée sur le placement des aliénés dans les établissements

spéciaux, publics et privés. Rapporteur, M. B. Ball. III. Médecine

légale : De la responsabilité des alcoolisés. Rapporteur, M. Motet.

Comité d'organisation. Président : M. FALRET (J.), médecin de

la Salpêtrière, président de la Société médico-psychologique.

Vice-président : M. BaLL (B.), professeur de clinique des maladies

mentales à la Faculté de médecine de Paris, membre de l'Acadé-

mie de médecine, vice-président de la Société médico-psycholo-

gique. Secrétaire général : M. RITTI (Ant.), médecin de la Mai-

son nationale de Charenton, secrétaire général de la Société

médico-psychologique. Membres du Comité. MM. BLANCHE, mem-

bre de l'Académie de médecine ; CoranD, médecin de la maison de

santé de Vanves; Magnan, médecin de l'asile Sainte-Anne ; Motet

secrétaire général de la Société de médecine légale ; Voisin (Aug.),

médecin de la Salpêtrière, trésorier de la Société médico-psycho-

logique ; Charpentier, médecin de Bicêtre, secrétaire de la

Société médico-psychologique; Garnier (Paul), médecin de l'in-

firmerie du Dépôt de la préfecture de police, secrétaire de la

Société médico-psychologique.

Les communications ou demandes de renseignements, ainsi que les

adhésions, doivent être adressées au secrétaire général, M. le doc-

teur RITTI (Ant.), médecin de la Maison nationale de Charenton, à

Saint-Maurice (Seine).

Congrès des médecins aliénistes allemands. Ce congrès se

tiendra cette année à Jéna, les 12 et 13 juin.

Knapp (P.-C.). Z affections following injury. Concussion

of th spine. Railway spine and Railway and Brain. Brochure in'8" do

35 pages. Boston, 1888. Cupples and Hurd.

jontepM<-/M;nt'p/e<e <<M<U)'&OEtCM o/'moh'o; : in children. Brochure

in-8° de 12 pages. Boston, 1888. Cupples and Hurd..

Z (P.-J.). Ivrognerie, ses causes et son traitement. Traduit

en français z Volume in-18 de 113 pages car-

tonné. Kharkoff, 1889. Typographie Sylberbey. ;

Le rédacteur-gérant, 13OURNEVILLE.

TABLE DES MATIÈRES

Acoustique, parForel, Flechsig, 288;

- origine du nerf, - par Bechterew,

289.

Alcooliques (affaiblissement de la

mémoie cluz les), par Lissauer, 3G8.

Aliénation mentale (traitement de

l'), par Howdcn, 122; par \les-

cliede, 306 ; - poui, cause de di-

vorce, par Lipman, 309; - (dia-

bete et , par Lieb, 31f. '

Aliénés (ici des - au Sénat), 134,

314.

Antipyrine (influence sur le système

nerveux), 463.

Aphasie et cécité psychique, par

Freund,310.

Aprosexie, par Guy, 301.

Arsenic (lésions de la moelle dans

l'empoisonnement par 1'), 463.

Asiles (construction des', par Clous-

ton, 123 ; -allemands, par Lud-

wig, 191; - (nominations dans

les), 174, 334 : - décret restrictif

contre t'admissiondansiespri-

vés en Prusse, 175; en Grèce,

335 ; d'idiots en Allemagne,

499.

Assistance des enfants idiots, 176.

Athétose bilatérale, par Kurella,291.

Basedow (nature de la maladie de),

par llabius, 290.

Bibliographie (sémeiologie des ma-

ladies du système nerveux), par

Moebius, 151 ; mort par la déca-

pitation, par Loye, 153; dégé-

nérescence et criminalité, par

Féré, 15 1; - de la suggestion, par

Liégeois, 156; ivrognerie, par

Kovalewsky, 492 ; maladies de

la volonté, par ltibot, 491; - der

Verlaufdes psychosen, par Arndt,

496 ; - cerveau et activité céré-

brale, par Herzen, 197 ; - troubles

moteurs post-hémiplégiques chez

les enfants, par Knapp, 498 ;

psychologie physiologique, par

Sergi, 498 ; Affections nerveuses

consécutives au traumatisme, par

Knapp, 499.

Bulletin bibliographique, 336.

Cachexie pachydermique ( idiotie

avec), par Camuset, 85 ; ré-

flexions sur le cas précédent', par

Bourneville, 90 : nouveau cas,

par Cousot, 479.

Cellules nerveuses (altérations pro-

gressives des dans les inflam-

mations ! , par Friedmann, 110.

Cerveau (fonctions du), par Soury,

337.

Chorée et aliénation mentale, par

Koeppen. 132.

Circulatoire (maladies de l'appareil),

par Greeneles, 113.

Cocaïnisme, par Saury, 483.

Concours des médecins adjoints des

asiles, 161, 170, 334; - de la

bourse de voyage des asiles, 174;

de l'internat en pharmacie des

asiles, 174.

Congrès des naturalistes et médecins

allemands, 299; - des aliénistes

de l'Allemagne de l'est, 308 ;

des aliénistes de l'Allemagne du

sud-ouest, 12 1; - de l'association

des médecins anglais, 122;

international de médecine men-

tale, 118; des médecins et chi-

rurgiens américains, 489.

Cordons postérieurs (structure des

de la moelle chez l'homme), par

Popoff, 177.

Corps calleux (brièveté anormale

du), par Schroetter, 299.

Côtes (fracture de sept), par Ben-

tham, H4.

506 table DES matières.

Courants de tension, parEulenberg,

302.

Crâniométrie, par Beiiedilit, 308.

Délire restreint, avec exacerbations

cérébrales, troubles tabétiques, :

etc., par Bonnet, 433.

Dermoneurose stéréographiqueet

érythrasma chez un imbécile, par

Chambard, 8.

Diabète et aliénation mentale, par

Lieb, 314.

Electricité statique (Lésions du sys-

tème nerveux produites par l'),

461.

Empoisonnement par l'oxyde de

carbone, par Raffegeau, 484.

Faits divers, 17f, 334.

Folie systématique originelle, par

Neisser, 212, 309.

Hémisphères cérébraux (morpholo-

gie et morpho-genpse du tronc

des), par Kurella, 292.

Hémarrhagies cérébrales (pathogé-

nie des spontanées), par Zen-

ker, 368.

Homicide commis par un paralytique

général, par Camuset, 296.

Ilypérémie (influence sur le système

nerveux central), 462.

Hypnotisme (grand et petit), par

Babinski, 92, 258; (dangers et

accidents de 1'), par Séglas, 115;

par Chambard, 297 ; par Lvoff,

485.

Hystéro-épilepsie chez les garçons,

par Lauffnauer, 290.

Idiots (premier asile d' - en Italie),

335; asile d' en Allemagne,

499.

Idiotie avec cachexie pachyder-

mique, par Camuset, 85; par Cou-

sot, 479.

Incohérence (théorie de l' avec

désordre dans les idées), par Will,

112.

Infectieuses (altérations du système

nerveux dans les maladies), 464 ;

altérations du neri vague dans

les maladies - , 467.

Interdiction (procédure pour l'), par

Jastrowitz, 313.

Jalousie (délire de), par Nadler,

129.

Maladies mentales (classification

des), par Garnier, 115, 485;

Dagonet, 121; Luys, 295;

Neisser, 311.

Médico-légaux (quelques faits), par

Mabille, 1.

Mémoire (deux cas d'affaiblissement

de la), par Freund, 309.

Morphinomanie guérie par sup-

pression brusque, par Christian,

119.

Myélite aiguë d'origine toxique, 463.

Nerfs crâniens (paralysie des), par

iloebi il s, 292.

Nerfs périphériques (lésions des

dans la phthisie), t65; - dans la

lèpre, 465,

Neuropathologie (observations de),

par Bernhardt, 292.

Neurologie (résumé des travaux

russes sur la), par Raymond, 269,

460.

Névrite multiple, consécutive à la

fièvre typhoïde. 464 ; d'origine

. syphilitique, 464. v

Névroglie(hypertrophie de la- dans

l'écorce cérébrale), par Buchholx,

131.

Névropathes (mouvements anormaux

associés des pieds et des orteils

chez les), par Struempell, 287.

Nicotine (influence sur les centres

nerveux), 462.

Ophthalmologique (compte rendu

statistique du service de la

Salpêtrière), par Morax, 436.

Ophlhalmoplégie bilatérale, par

Ziem, 294.

Optiques (lobes chez les poissons

osseux), par Auerbach, 304.

Paralysie alcoolique, 463.

Paralysie ascendante aiguë, 467 :

suite de coqueluche, par Môbius,

289.

Paralysie diphtêritique, 465.

Paralysie faciale (troubles de l'ouïe

dans la) par Rosenbach, 291.

Paralysie infantile (altérations des

centres nerveux dans un cas de),

par Wallenberg, 110.

Paralysie progressive, par Zacher,

131. 0

Paralysie dans le mal de Polt, par

Althaus, 290.

Pédoncule cérébral (dégénérescences

secondaires dans le), par Bech-

terew, 109.

Peau (modifications du système ner-

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 507

veux central dans le vernissage

de la), 468.

Pellagre (troubles nerveux dansla),

par Tuielizek, 299.

Physionomie (mécanisme de la), par

Meynert, 307.

Prix Belhomme, 483.

Psychoses, périodiques, par Mendel,

311; reproduction graphique de

la marche des -, par Arndt, 30;

formes initiales des -, par

Mueller, 305.

Rage (examen histologique d'un

cas de) par Schaefer, 109.

Revue critique, par Babinshi, 92,

258.

Scaphandres (accidents par l'usage

des), par Catsaras, 22, 225, 392.

Simulation des troubles psychiques,

par Fuerstner, 126.

Société, médico-psychologique, 115,

295; - prix de la , 334, 483;

psychiatrique de Berlin, 311.

Sulfonal, par Jlarandon de Montyei,

488.

Surdi-mutité chez les hystéro-épi-

leptiques, par Mendel, 293.

Surdité et cécité verbales, par Bate-

man, 208-

Surveillance (construction des quar-

tiers de-continue), par Poetz, 299.

Sympathique (lésions du système

dans la paralysie générale, 467.

Synostoses crâniennes prématurées,

par Aleynert, 303.

Tabac (influence de l'usage du

sur 1 assimilation des substances

azotées), 402.

Tabes (étiologie du), par linor, 183,

362; sensibilité dans le -, par

Binswanger, 288 ; paralysie des

mouvements de convergence des

yeux, au début du), par Watte-

ville, 294; localisation du phé-

nomène du genou dans le-, par

Minor, 295.

Thomsen (maladie de), par Ber-

nhardt, 292. '

Thyroïde (altérations du système

nerveux consécutives à l'ablation

de la glande), 468.

Transformisme, par Virchow, 307.

Typhoïde (fièvre chez les aliénés),

par Karrer, 127.

Vaisseaux encéphaliques (des va-

riations dans le degré de dévelop-

pement des), par Loewenfeld, 111.

Varia, 161, 499.

Vaso-moteurs (trajet central des

nerfs), par Hehvig, 108.

Yeux (paralysie des mouvements de

convergence des - au début du

tabes) par Wattevilte, 294.

Zone motrice (étude de la du cer-

veau), par Koning, 111.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Althaus, 290.

Arndt, 305, 496.

Auerbach, 304.

Babinski, 92, 258.

Batemau, 208.

Baudom, 153.

Beclitere)v, 109, 289.

Benedikt, 308.

Benliain, 111. t.

Bernharclt. 292.

Binswanger, 288.

Blocq, 1LF, 329, 330.331.

Bonnet, 433.

Bourneville, 90.

Briand, 115.

Buchholz, 131.

Camuset, 85, 29G.

Catsaras, 22, 215, 392.

Chambard, 8, 297.

Christian, 119.

Clouston, 123.

Combemale, 327, 329.

508 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Cousot, 479.

Crothers, 326.

Eulenberg, 302.

Féré, 154.

Flechsi ? 288.

Forel, 288.

Friedmann, 110.

lreund, 309, 310.

Fuerstner, 226.

Garnier, 115, 485

Gilles de la Tourelle, 157.

Greeneles, 113.

Guy, 301.

Heîwig, 108. z

Herzen, 497.

liowden, 122.

Jastrowitz, 313.

Jennings,329.

Karrer, 127.

Iéraval, 108, 109, 110, tll, I l2, 132,

153.

Knapp, 498, 499.

Kmppen,132.

Koning, 111.

Kovalewsky, 492.

Laufrnauer,290.

Lieb, 311. 4.

Lipman, 309.

Lissauer, 308.

Lmwenfeld, 111.

l.udwig, 121.

Mabille, 1.

Mairet, 329.

Marandon de Montyei, 488.

inleilciel, 293, 311.

\leschede, 30G.

111eynert, 303, 307.

Minor, 183, 295, 362.

Moebius, 151, 289, 290, 292.

Jlorax, 438.

Mueller, 305.

Musgrave Clay, 113, 114,

Nadler, 129.

Neisser, 112, 309, 311.

Pctz, 299.

Popoff, 177.

HatFe';eau,484.

Raoult, 123, 320, 327.

liaymonl, 2G9, 4G0.

Ribot, 494.

Rosenbach, 291.

Sarry, 483.

Sclioefer, 109.

Sclweeter, 299.

Séglas, 115.

Servi, 498.

Soury,327.

Struempelle, 287.

Tuckzek, 299.

Virchow, 307.

Wallenberg, 110.

\Vatteville, 291.

Win,l)2.

Zacher, 131.

Zrnker, 308.

Ziem, 294.

Fvfnrri (.1, IIiR111h1 IILi) - 5SI)