ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
EVREUX, IIIPI11àlElilE DE CHARLES IIERISSEY Y
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DE
NEUROLOGIE
REVUE
UI5S MALADIES NEUVEUSES ET MENTALES
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
J.-11f. CHA itCO'l'
W Y.C LA COLLAUOItITIOP UB
MM. BABINSKI, BALLET, BATEMANN, BAUDOUIN (MARGE;.), B1TOT () ? A.),
BLANCHARD, BLOCQ, lI0NNA11tE (E.), BONNET (H.), ))OU('.U[ ! H] ! AU,
BUIAN1) BIIICON (P.). BU1SSAUD (E.), BIt01lA1tUI.I. (P.), CAMUSET,
CATSARAS. CEIAMBABD, CHARPENTIER, CHASLIN, COTA 111),
DEBOVE (M.), i)ELAS)AUYE, DENI', DUVAL (Matiiias). FERR1EK,
GILLES DE L\ TOURETTE, GOURAULT, GRASSET, JOIeFI10Y (A.),
IC(;ItA1'.11. (P.), LANUOll21', MABILLE, MAGNAN, MA111E, M1ERZF.JE\YSK.Y,
MINOR, 11111SG1tA\'I : -CLA1', PAIIINAtil), P[Eltlll ? T, PITIES,
l'OI'Olh', IIAOULT, ItA1'IVIONU Ih.), ItECNAItU (A.),
KUGNA1U) (P.), IUCHER (P.), ROUB1N0\V1SCH, W. ROUI, ROUSSELET (A.),
SI : GLAS, SECIIIN (E.-C.), SOLL1GH, SOURY (J.), TEINTURIER (13.),
T11UL1É (IL), TROISIER (E.), VIGOliltOUX (H ),
\'O1SIN (J.).
Rédacteur en chef : BOUItvliv11.1.1's
Secrétaires de la rédaction : J.-Il. CHARCOT FILS et G GUINON
Dessinateur : LEUBA.
Tome XVII. - 1889.
AVEC 9 FIGURES DANS LE TEXTE
PARIS
BUREAUX DU PIiOGliÈS MÉDICAL
14, rue des Carmes.
1889
Vol. XVII. Janvier 1889. N° 49
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
' MÉDECINE LÉGALE
. t
1 . .. QUELQUES FAITS MEDICO-LEGAUX; ,
Pai le D' II. \L1BILLL,,directeur mérlucin en Chef de t'asHe de Lafond.
Parmi les expertises médico-légales- dont nous
avons été chargé par la justice depuis plusieurs an-
nées, quelques-unes d'entre elles nous ont paru mé-
riter d'être relatées au moins succinctement, en raison
même de la difficulté qu'elles ont pu présenter.
1. Le nommé X..., âgé de quarante-cinq ans, ayant des
habitudes d'alcoolisme, se poste un jour sur une route et tire un
coup de revolver sur un huissier, sans l'atteindre, d'ailleurs. `
C'est un homme irascible, manifestant sa volonté avec énergie;
il présente du tremblement des mains, sans embarras de la
parole ni hallucinations dé la vue -et de l'ouïe; ses-pupilles sont
égales et on ne note pas chez lui de troubles de la sensibilité
générale. ' . ', ' . , .
Quand on l'interroge sur les actes qu'on lui reproche, il répond :
« Je voulais éveiller l'attention de la justice/Je suis ruiné par le
fait d'un jugement. Le juge de paix n'a pas voulu m'écouter. On
me devait de l'argent, et au lieu d'être payé, j'ai été condamné à
payer; on a saisi mes biens,' on m'a forcé à vendre mes récoltes;
j'ai été ruiné, et ma famille est dans-la misère. »
Quand on objecte à X ? qu'il n'a pas ainsi le droit de se faire
justice soi-même, il répond :
« Ne pouvant faire appel d'un jugement de simple police, j'ai
tiré sur l'huissier pour que ma cause puisse être reprise à nou-
veau.' Qu'on me rende ce qu'on m'a' pris, je ne dirai plus 'rien.
Ils ont été inhumains à mon égard et m'ont forcé à être plus
Archives, t. XVII. ' l
2' * MÉDECINE LÉGALE.
inhumain qu'eux. L'huissier avait saisi ma récolte, je ne pouvais
plus payer le boulanger; mes vignes étaient phylloxérées, j'étais
ruiné. Je pensais à mon malheur nuit et jour.
« Mais je ne suis pas fou ; je me rends fort bien compte de ce
que j'ai fait. Je savais fort bien ce que je faisais. Si j'avais voulu
véritablement tuer l'huissier, je n'aurais pas mis du plomb dans
mon arme. Je voulais qu'on me rendit justice, qu'on me restituât
les choses prises indûment. On m'a fait manger ce qui revenait
de mes vieux parents. C'était tout mon bonheur, ce que j'avais
de plus précieux au monde, et quand on est jugé comme cela, il
prend envie de se faire justice soi-même. Maintenant, on veut
me faire passer pour fou, je ne le suis pas. » Il est difficile de
Je faire sortir de cet ordre d'idées qu'il exprime sans incohé-
rence, d'ailleurs.
L'information révèle que X... se grisait souvent, qu'il a été
condamné pour vol deux fois et soupçonné d'avoir mis le feu.
Mais tous les témoins affirment qu'il n'a jamais donné de
preuves d'aliénation mentale. On ne note pas non plus d'hérédité
dans sa famille.
Nos conclusions furent les suivantes : X... est un
homme irritable chez lequel les contrariétés ont agi
peut-être avec plus d'intensité que sur une autre per-
sonne. 'Les pertes d'argent paraissent avoir tourmenté
vivement l'inculpé qui songeait continuellement à sa
ruine; à ces chagrins s'ajoutèrent des habitudes d'in-
tempérance qui accrurent encore son irritabilité ner-
veuse et cérébrale. Mais X... n'a jamais eu de visions
d'animaux; il n'est pas atteint d'alcoolisme chronique.
Il n'a pas commis l'acte qui lui est reproché sous
l'influence d'une impulsion, mais en connaissance de
cause. Mais les habitudes d'intempérance ont exagéré
les chagrins et siX... n'est pas aliéné, il n'en demeure
pas moins certain que sa responsabilité doit être
atténuée. Le jury de la Charente-Inférieure rendit un
verdict condamnant X... au minimum de la peine.
IL Le cas du nommé R .. se rapproche en plus
d'un point du précédent.
QUELQUES FAITS IEDICO-L&G.1UY. 0
li..., ancieu gardien de prison, d'une forte taille, à la tête régu-
lièrement conformée, on ne trouve pas chez lui de stigmates
d'hérédité et on ne connaît pas d'antécédents fâcheux dans sa
famille au point de vue mental.
Il est accusé d'avoir adressé des menaces de mort à M. le prébi-
dent du tribunal civil de la Rochelle : « Si vous ne me rendez pas
justice, a-t-il écrit, je vous brûlerai la cervelle. »
R... prétend être victime de calomnies. On l'a rendu respon-
sable de faits commis par d'autres, alors qu'il était gardien' de
prison. Il a été déplacé.
On l'accusait, prétend-il, d'avoir excité les hommes à réclamer
au sujet de Ja nourriture. Ce n'est pas sa faute si la quantité de
légumes. verts allouée par les règlements aux prisonniers n'était
pas donnée par le gardien-chef; de même, on lui devait le chauf-
fage, et il prétend qu'on lui a fait payer indûment une somme
de 30 fr. pour bois et éclairage.
C'est à la suite de ces difficultés qu'il a été déplacé, qu'il a quitté
son poste. Alors l'administration l'a considéré comme démission-
naire et lui a refusé sa retraite qui allait pouvoir lui être accordée.
S'il a quitté l'administration, c'est pour se faire rendre justice;
il voulait prouver que des faux rapports avaient été faits contre
lui ; il reproche au président du tribunal de la Rochelle de n'avoir
pas voulu l'écouler, alors que ce magistrat, à maintes reprises,
est intervenu en sa faveur pour lui faire obtenir sa retraite. Il
prétend d'ailleurs n'avoir pas eu l'intention de tuer M. le prési-
dent, et si, dit-il, j'avais eu l'intention de le faire, je ne l'aurais
pas écrit. Mais il ne cessera de menacer jusqu'au jour où justice
lui sera rendue.
R... s'obstine à répéter les mêmes choses, il se meut toujours
dans un même cercle d'idées, cercle fort restreint, poursuivant
ses récriminations toujours les mêmes. Il a d'ailleurs une foule
de placards qu'il se propose d'afficher sur les murs de la ville pour
dénoncer l'injustice.
Il ne comprend pas qu'on veuille le faire passer pour fou. Ses
écrits sont d'ailleurs l'écho de ses récriminations verbales,
mais ne présentent ni incohérence ni idées de grandeur. On ne
note pas de troubles de la sensibifité générale ou spéciale chez
le nommé R..., qui est sobre.
Nous crûmes pouvoir, après un examen très pro-
longé, tirer de notre étude de l'inculpé les conclusions
suivantes : « R... est, à notre avis, un de ces individus
ressemblant, à s'y méprendre, au type décrit sous le
nom de persécutés persécuteurs. Cette tendance aux
4 MÉDECINE LÉGALE.
idées de persécution sans hallucinations de l'ouïe se
rencontre, en général, chez les personnes entachées
d'hérédité. (Voir Pothier. Les aliénés persécuteurs,
Paris, 1886.) Dans le cas de R..., on n'a pas trouvé
d'hérédité nerveuse ou mentale. Et on peut toujours
objecter qu'il y a une part plus ou moins grande de
vérité dans les assertions de ces persécutés, que beau-
coup d'hommes à l'état normal se font illusion sur la
valeur de leurs griefs.
Néanmoins chez R..., la conduite et les actes sont
absolument dirigés par l'idée dominante qu'on a
commis à son égard des injustices. Rien ne lui coûte
pour poursuivre le but incessant de ses efforts; il ne
tient compte d'aucune considération, malgré la multi-
tude des échecs qu'il a éprouvés; il veut arriver à son
but, s'élever contre l'injustice de l'administration et il
envisage avec satisfaction le moment où on pourra lui
accorder une retraite avec une petite indemnité. Il est
donc difficile de faire la part exacte des manifesta-
tions diverses de son intellect, de ce qui se rapproche
de l'idée fixe et de ce qui, à un moment donné, pour-
rait faire croire à une tentative de chantage.
Nous considérons donc que le nommé R..., sans être
un persécuté ordinaire, puisqu'il n'a pas d'hallucina-
tions de l'ouïe et que d'autre part il n'est pas non
plus un héréditaire, n'en présente pas moins un état
mental particulier qui le place sur les frontières de
l'aliénation et par conséquent, sur les frontières de
l'irresponsabilité. La responsabilité de R... nous paraît
donc devoir être très atténuée.
Le tribunal de La Rochelle, adoptant ces conclusions,
condamna R... à une peine très minime.
QUELQUES FAITS MEDICO-LEGAUX. i
](I, Mmo X..., âgée de vingt-neuf ans, pâle, anémiée, très
maigre, est accusée de vols multiples.
' Depuis une fausse couche faite il y a trois ans, elle est prise à
chaque instant d'hémorragies utérines très fréquentes. Elle rend
des caillots de sang énormes et ses règles viennent plusieurs fois
par mois, suivant son expression.
De plus, son mari déclare que, depuis près de trois ans, il lui a
été impossible d'avoir aucun rapport sexuel avec sa femme,
« le canal étant comme bouché ».
Plusieurs médecins ont tenté vainement de l'examiner et nous
constatons nous-mêmes l'existence du vaginisme. Cependant, après
un badigeonnage et une injection de cocaïne, nous parvenons à
introduire un petit spéculum de Fergusson dans le vagin. La
muqueuse vaginale est rouge, boursouflée; granulations sur le
col utérin avec petites ulcérations.
11 ? X... a des constipations opiniâtres, et vers la dixième côte
elle porte une zone très sensible qui amènerait facilement une
crise nerveuse par la pression. Cependant elle n'a ni hémianes-
thésie, ni anesthésie disséminée. Elle est prise souvent d'étoufle-
ments et de syncopes consécutives. La grand'mère maternelle est
morte aliénée; un de ses frères a un tic nerveux de la face; une
tante est considérée comme bizarre, elle est somnambule ; une
autre tante est morte privée de sa raison à l'âge de vingt-neuf ans.
111 ? X... est triste depuis longtemps, se lamente, fait des scènes à
tout le monde. Elle est poursuivie sans cesse par l'idée qu'elle
deviendra folle comme sa tante ci vingt-neuf ans et qu'elle mourra
à cet âge.
L'information relève contre M-0 X... les faits suivants : depuis
trois mois, elle se livre à des vols répétés, s'emparant des objets
les plus disparates : côtelettes, morceaux de sucre, dentelles,
velours, serviettes, pastilles de gomme, etc. ,
Ce n'est qu'à la longue qu'elle se souvient d'avoir pris tel ou tel
objet dans tel ou tel endroit, et pendant la nuit, elle dit plusieurs
fois à son mari avec désespoir : « Mais aide-moi donc ! J'ai idée
d'avoir pris quelque chose. » C'est ainsi qu'elle arrive peu à peu à
à savoir où elle avait pris les objets qu'on lui réclamait et com-
ment elle les avait pris.
Elle entrait dans un magasin, voyait un objet, le touchait, le
mettait sous son manteau ou le replaçait après l'avoir touché.
Elle plaçait les objets emportés dans une armoire, n'importe où,
ne s'en occupait plus, ou s'en servait en travaillant devant sa
porte. Un jour, elle prit de l'argent sur un comptoir et retourna
chez elle avec l'argent dans sa main, sans se cacher. Au moment
des vols, Mmo X... avait des hémorragies utérines abondantes et
presque continuelles, cela depuis plusieurs mois.
(5 MÉDECINE LÉGALE.
L'ensemble des faits nous porte à voir un lien in-
time entre les faits reprochés et les troubles nerveux
divers de 111 ? X... Car, comme ditLegrand du Saulle,
les vols sont commis, en général, pendant les règles
ou à la veille des époques et la perte de souvenir du
vol est une chose à peu près constante chez les voleurs
aux étalages. Or, 111 ? X... est, avant tout, une héré-
ditaire avec troubles hystériques et vaginisme avec
métrite chronique et hémorrhagies utérines. Pour ces
raisons, nous crûmes devoir conclure à l'irrespon-
sabilité et I)lm" X... fut renvoyée des fins de la
plainte.
Depuis cette époque, le vaginisme traité par des
mèches iodoformées et les ulcérations utérines amen-
dées par des topiques ont disparu ainsi que les hémor-
rhagies et les rapports sexuels sont devenus possi-
bles. Il y a du reste à observer que par une sorte
d'hérédité homochrome, les troubles nerveux de
lI ? X.... ont eu leur summum à vingt-neuf ans, comme
ceux de sa tante morte aliénée à vingt-neuf ans.
IV. Mmo X... est atteinte d'aphasie avec hémiplégie droite
incomplète; elle a de la cécité verbale, de l'agraphie, la parole
volontaire spontanée est abolie, ainsi que la parole en écho; elle
ne peut écrire sous la dictée.
Sa famille veut la faire tester et le notaire s'y refuse. Consulté,
nous conseillons à la famille de ne pas insister; la tendance de
l'hémiplégie droite à disparaître nous fait d'ailleurs penser que
l'amélioration pourra survenir et l'aphasie s'amender. Quelques
semaines après, cette hémiplégie disparaît en effet. La malade a
la compréhension de l'écriture, la compréhension de la parole, la
possibilité de copier quelques mots. La parole volontaire spon-
tanée est revenue en grande partie ainsi que la parole en écho ; la
malade peut lire un peu, mais ne peut écrire spontanément.
« Je suis malheureuse, disait-elle avec la plus grande lenteur,
je sais ce que je veux faire et ne puis le dire; les détails, je ne
puis les dire, et je ne puis prononcer les noms propres. »
QUELQUES FAITS MEDICO-LEGAUX. i
1)[IIIP X... pouvait-elle tester ? Nous le pensâmes pas.
Le testament par acte public doit être dicté par le tes-
tateur. Or, llIn'eX ? ne pouvait dire les noms propres et
brouillait les détails; elle était agraphique et d'ailleurs
le notaire n'aurait pu légalement copier son testament;
elle ne pouvait donc faire de testament olographe.
Le testament mystique était aussi chez I)IIne X...-
bien difficile. En effet, elle avait encore de la cécité
verbale et n'aurait pu lire le testament après l'avoir
dicté, ce qui peut être une cause de nullité. De plus,
son oubli des noms propres et l'impossibilité où
M™ X... se trouvait de rassembler les détails nous
firent penser que le malade ne nous paraissait pas dans
de bonnes conditions pour faire un testament mystique,
alors même qu'elle l'eût écrit de sa main.
Depuis plusieurs mois, 111m X... a repris possession
de ses facultés; son aphasie et les troubles variés qui
la constituaient ont disparu. Elle a renvoyé de sa maison
les parents qui, pendant le cours de sa maladie, avaient
agi sur elle pour la faire tester en leur faveur.
Nous ne nous attarderons pas à donner la relation des
cas assez nombreux d'aliénés ayant commis des délits
ou crimes que nous avons pu observer; nous rappelle-
rons toutefois celui de la fille Madeleine, atteinte d'hys-
térie avec crises de sommeil, qui a été violée à l'état de
léthargie par quatre individus. Mais ce rapport ayant
été publié (Annales nédicopsJclaologiqzcés, année 1884,
p. 83), et relaté par M. Gilles de la Tourette. (L'liyp-
notisme au point de vue médico-légal), nous ne pouvons
que le mentionner.
PATHOLOGIE NERVEUSE
DI : R1101 : UROSI : S'l'GL3GOGLiAPIIIQUL, l : t' 1131"1'lIRIS111
' ' CflE7. UV flIBCCILI : ALCOOL1QU1 : ;
EL,iiesL CIIA.1B.RD, incieii iiiieiiie des lig)pitatix (le Pai-is,
Parle D' Prnest ClIAIt3.lRD, ancien interne des hôpitaux de Paris,
' médecin adjoint des asiles d'aliénés de la Seine.
Nous observons, en ce moment, à la division des
hommes de l'asile de Ville-Evrard ', un sujet de trente-
trois ans, nomméGeoresR..., atteintd'un certain degré
de débilité mentale et interné au cours d'accidents
alcooliques qui présente deux affections cutanées
intéressantes : l'une, de nature parasitaire et du res-
sort de la dermatologie pure ; l'autre, symptomatique
d'une véritable névrose vaso-motrice de la peau. La
première de ces affections est connue des dermato-
logistes sous le nom d'érylhrasma et nous n'en parlerons
que pour être complet ; la seconde, qui se rattache
davantage à nos études actuelles, n'a pas encore de
place bien déterminée dans le cadre nosologique :
nous l'appellerons provisoirement tlernaoncunose stéréo-
graphique, pour rappeler son caractère objectif le
plus remarquable et le plus saillant.
Observation. - ANlliCI3DE\ ? S héréditaires : Incomplets et peu
significatifs. ANTKCHnE.'<rS personnels. ANT(.Ci.1)1.N'I-S I,A-iilo-
logiques : convulsions dans la première enfance; fièvre typhoïde ;
excès alcooliques avoués remontant « plusieurs années ; interne-
' Cette division a été placée, depuis la rédaction de ce travail, sous la
direction médicale de NI. le Df Jlarmlun de \lontwl·
DERMONEUROSE STERÉOGRAPHIQUE ET NRYTRHASMA. 9
ment au cours d'un accès de délire alcoolique subaigu avec idées de
persécution, hallucinations injurieuses et terrifiantes de l'ouie et
de la vue. Etat actuel : Ilubifus et état mental ; fonctions
scazsilives, motrices, génitales, organiques. Euythrasma : carnc-
tères de cette dermatose ; son parasite : le microsporore minulissi- ? 211M. Stéréograpiiie cutanée : phases; caractères; conditions
occasionnelles ; actions des excitants mécaniques, chimiques, élec-
triques de la peau; sensibilité; température locale.
R... (Georges), entre le 3 août 1883 à l'asile de Ville-Evrard
avec les certificats suivants :
Certificat de police : débilité mentale avec idées confuses de
persécution. Hallucination de l'ouïe : on l'appelle voleur; on
menace de le dénoncer. Paroxysme d'agitation. Perte de la vision
de l'oeil gauche (P. Garnier). Certificat d'admission : débilité men-
tale avec hallucinations; idées de persécution; excitation passa-
gère; cataracte de l'oeil gauche (Magnan). Certificat immédiat :
Débilité mentale avec idées' de persécution; hallucinations : on
l'appelle voleur quand il passe dans les rues (Espiau de Lumacst·e).
AK<6cëJe ? ! /të;'eJ<<an-es. (Fournis par le malade). Père : peintre
en bâtiment, mort à trente-huit ans, de rétention d'urine. C'était
un homme assez sobre, intelligent et bon. Grands-parents pater- ? : e/6' : pas de renseignements; tante paternelle : rien de particulier.
Mèî,e : morte vers trente-huit ans de pneumonie : elle étaitbonné,
« comme du bon pain » et pas du tout nerveuse. Grands-parents
maternels : pas de renseignements ; oncle maternel : musicien, vivant
et bien portant.
Six frères, morts tout jeunes d'affections indéterminées. '
Les antécédents héréditaires de R... seraient donc négatifs : il
ne connaît dans sa famille ni buveur, ni aliéné, ni mauvais sujet,
ni criminel.
Antécédents personnels. Né à Paris. R... a fréquenté l'école
primaire de sept à treize ans et y a appris péniblement à lire, à
écrire et à compter. Il travailla ensuite dans le magasin de papiers
peints de son père puis, à dix-neuf ans, devint comme lui pein-
tre en bâtiment, métier qu'il continua jusqu'à son internement.
Il ne s'est pas marié et n'aurait jamais eu d'enfants.
Antécédents pathologiques. Vers trois ou quatre ans, convul-
sions et, plus tard, à une époque que le malade ne peut préciser,
fièvre typhoïde. Il n'a jamais eu ni incontinence nocturne d'urine,
ni attaque de nerfs, ni accès d'épilepsie, ni agitation choréique,
ni affections vénériennes. '
Depuis l'âge de vingt-quatre ans, c'est-à-dire depuis cinq ans
environ avant son entrée, R... se livrait à quelques excès alcooli-
quesqu'il avoue d'ailleurs de fort bonne grâce. Le matin à cinq heu-
res : café noir; à onze heures : déjeuner avec trois demi-setiers de
10 O PATHOLOGIE NERVEUSE,
vin, suivi du café sans la goutte; à dîner : trois autres demi-setiers,
café ordinairement « poussé » par une petite goutte. En outre,
R... faisait pour son patron de nombreuses courses pendant les-
quelles il absorbait de nombreux demi-setiers et quelques « petites
vertes et passait la soirée chez son marchand de vins qu'il
aidait à fermer sa boutique. Enfin, le jour de la paye, « grande
ribotte avec les amis ». Les accidents qui ont motivé son arresta-
tion étaient, d'ailleurs, de nature probablement alcoolique : il
avait été pris d'une vive agitation, se figurait qu'on allait l'arrêter,
entendait des voix l'appeler « voleur » et voyait, pendant la nuit,
son père et sa mère à table. C'est bien là le délire psycho-senso-
riel avec idées de persécution et hallucinations injurieuses et
terrifiantes de l'ouïe et de la vue, qui éclate sous l'influence de
l'alcool chez les faibles d'esprit de son espèce et souvent se dédou-
ble : la terreur et les hallucinations visuelles disparaissent en
quelques jours alors que les hallucinations de l'ouïe, les idées de
persécution et la croyance à la réalité du rêve pathologique per-
sistent un temps qui est quelquefois considérable.
État actuel. flexbitus et état mental. R... âgé de vingt-neuf
ans à son entrée, est aujourd'hui un garçon de trente-trois anse
de taille moyenne, d'embonpoint modéré, de physionomie douce
et ouverte ; mais présentant, en dépit de la nullité de ses antécé-
dents héréditaires qui, fournis -par lui, ne méritent aucune
confiance, divers stigmates physiques de dégénérescence : tête,
assez symétrique, mais, cylindrique, haute, étroite et fortement
aplatie latéralement; oreilles normales; voûte palatine ogivale-
mâchoire inférieure prognallia, de sorte que ses dents débordent
et recouvrent celles de la mâchoire supérieure. Il offre, en outre,
quelques attributs d'une constitution scrofuleuse : les chairs de sa
figure sont flasques et molles, son nez et ses lèvres sont gros,
ses extrémités sont froides et cyanosées et il porte à la région
cervicale et surtout sous la mâchoire, un chapelet de gan-
glions hypertrophiés. Il est atteint d'une cataracte dure,
d'un blanc opaque, de l'oeil gauche qui détermine le strabisme
externe de cet oeil. Ses organes génitaux, enfin, sontbien dévelop-
pés et son anus est normal.
L'excitation maniaque avec délire hallucinatoire dont R... était
atteint, lors de son entrée, s'était calmée paraît-il au bout de quel-
ques jours. Il est aujourd'hui très raisonnable et cherche à se
rendre utile. C'est un bon garçon, doux, serviable, d'humeur
égale et plaisante; mais d'intelligence très bornée et d'instruc-
tion presque nulle. Il n'a nullement le caractère d'un hystérique
ou d'un épileptique.
Fonctions sensitives et motrices. - 10 Odorat : R... reconnaît des
deux narines l'essence de térébenthine; il sent l'odeur du chloro-
DERMONEUROSE STÉREOSRAPHIQUE ET ÉRYTHRASMA. 11 1
forme et de l'éther; mais sans reconnaître ces substances; il prend
l'acide acétique pour de l'alcali et reconnaît ensuite l'odeur] de
l'ammoniaque tout en soutenant que le flacon précédent renfer-
mait de l'alcali moins fort. Il trouve enfin à l'essence de fenouil une
odeur d'orange et à l'essence de menthe une odeur de camphre,
erreur que commettent d'ailleurs beaucoup de personnes.
2° Goût. Le malade trouve à une goutte d'alcool mise sur sa
langue, un goût « fort »; mais n'en reconnaît pas la nature. Il
apprécie le goût sucré de la glycérine et se plaint de l'amertume
de l'acide picrique. Sa sensibilité gustative est égale des deux côtés.
30 ! 'ire. Toutes les couleurs sont parfaitement reconnues au
moins quant à leur teinte fondamentale : une solution d'acide
picrique est jaune ; la solution d'éosine primerose : rouge pâle; le
bleu de méthyle : bleu; le violet de gentiane : violet; le vert d'a-
niline est moins bien reconnu : le malade le voit aussi violet. La
cataracte qui le prive entièrement de la vision de l'oeil gauche
ne nous permet naturellement pas d'explorer comparativement la
sensibilité visuelle de ses deux yeux.
4° Ouie. L'ouïe paraît normale et à peu près égale des deux
côtés, tant pour la voie chucbottée que pour lé tic tac de la mon-
tre qui est entendu à près d'un mètre et demi.
5° Toucher. Toutes les sensibilités tactiles sont normales, et
également développées des deux côtés : le contact, la pression, la
piqûre, les excitations galvaniques et faradiques sont parfaite-
ment perçues. Le sens de position est également intact.
Les fonctions sensitives sont donc, chez notre malade, tout à fait
normales et s'il commet quelques erreurs dans la reconnaissance
de certaines substances sapides ou odorantes, d'ailleurs peu con-
nues de lui, on ne peut guère les attribuer qu'à son ignorance :
encore on en rencontre bien de plus graves chez des sujets plus
intelligents et plus instruits. Nous n'avons enfin, constaté chez lui,
ni anesthésie, ni hypéresthésie partielles,' ni zones hystérogènes,
ni sensibilité testiculaire.
La force musculaire de R... sans être considérable est suffisante
et il se livre, sans se plaindre de la moindre fatigue, aux divers
soins d'intérieur dont il est chargé. Trois épreuves dynamomé-
triques successives ont donné les résultats suivants auxquels la
mauvaise construction des dynamomètres actuels enlève à peu
près toute valeur absolue mais qui permettent, du moins, de
comparer l'effort de préhension qu'il peut développer avec l'une
ou l'autre main.
'11 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Fo ? ! C< ! o ? tS<yëH ! <ces.Bien que ses organes génitaux n'offrent
aucune anomalie de conformation et soient bien développés, R...
prétend ne s'être jamais masturbé et n'avoir jamais coïté : il
n'aurait que de rares érections sans éjaculations et sans désirs
vénériens. 11 ne se serait pas, livré à la pédérastie et son anus,
non plus que sa verge, ne présentent aucune déformation
compromettante : nous lui laissons, bien entendu, toute la respon-
sabilité de ses dires à cet égard. ·
Fonctions organiques. Les fonctions organiques sont absolu-
ment normales, chez R... et tous ceux de ses organes qui sont
accessibles à l'exploration clinique paraissent être en 'excellent
état : il boit, mange et dort bien, ses digestions sont des plus
régulières et sa santé générale est absolument satisfaisante.
Le malade, cependant, boit et urine beaucoup. Son urine est
ambrée, légèrement trouble et saquantité varie de 1500 à 2000 cen-
timètres cubes. Nous l'avons analysée à diverses reprises et nous
donnerons ici trois de ces analyses.
DERM0NEUR0SE STÉRÉOGRAPHIQUE ET ÉRYTHRASMA. '13
lequel nous reviendrons, nous y montra facilement la présence
du parasite de l'érythrasma : le microsporon minutissimum.
Le malade ne sait a quelle époque faire remonter le début de
cette affection qui ne s'accompagne d'ailleurs que d'une déman-
geaison insignifiante et sur laquelle il ne songeait nullement à
attirer notre attention. '
. Sténographie cutanée. C'est aussi par hasard en voyant se des-
siner sur sa peau, d'abord en rouge, puis en relief les objets qui
s'étaient trouvés en contact avec elle, que nous avons découvert la
dermaloneurose assez rare dont R... est atteint et à laquelle nous
consacrons ce travail.
Toute excitation mécanique de la peau et des dermo-muqueuses
détermine chez lui l'apparition d'une papule d'urticaire dont l'évo-
lution etles caractères objectifs sontidentiques à ceux d'une papule
d'urticaire spontanée et dont la configuration est subordonnée à
celle du corps excitant lorsqu'il est simplement appliqué sur le
tégument ou à son trajet lorsqu'on l'a promené à la surface de
cette membrane; aussi peut-on imprimer un objet quelconque
sur la peau de notre malade comme sur un cachet de cire ou
dessiner à la surface de son corps les figures les plus compliquées.
Ces empreintes et ces dessins sont visibles même à une grande dis-
tance et nous les avons facilement reproduitespar la photographie.
Traçons légèrement avec un corps mousse, baguette de verre
ou cylindre de papier roulé, sur la région sternale de R... une
raie rectiligne. Nous voyons d'abord apparaître une strie mince,
pâle, très fugitive qui se montre immédiatement au contact du
style traceur, le suit dans sa course et s'évanouit aussitôt après
son passage. Moins d'une minute après, se détache à la même
place une strie rosée, érythémateuse," qui gagne rapidement en
intensité et en largeur et devient bientôt une bande d'un rouge
vif, visible à plusieurs mètres de distance, beaucoup plus large
que la ligne pâle primitive. Cinq ou six minutes plus tard, la
bande rouge se soulève, pâlit dans sa région axiale, reste érythé-
mateuse sur les bords et se transforme en une véritable papule
linéaire d'urticaire dont la longueur varie, selon les dimensions
du corps mousse promené sur la peau, de cinq à dix millimètres
et dont le relief qui augmente encore pendant plusieurs minutes,
peut dépasser deux millimètres. Cette papule ne s'efface que très
lentement et peut persister au moins une heure.
Si l'excitation est plus vive, si nous appuyons un peu forte-
ment le style traceur, la ligne pâle primitive, au lieu de disparaître
aussitôt, persiste quelques instants : elle se borde de deux zones
érythémateuses diffuses qui s'élargissent dans les deux sens, ne
tardent pas à se réunir en l'absorbant tout entière; puis la bande
rouge ainsi constituée se soulève, pâlit à sa partie axiale et se
transforme peu à peu en papule ortiée.
14 PATHOLOGIE NERVEUSE.
. Quelle que soit donc l'intensité de l'excitation mécanique dont la
peau et aussi les dermo-muqueuses, telles que la muqueuse buc-
cale, sont le siège, l'évolution des papules ainsi déterminées, passe
avec celle des papules d'urticaire, par les phases successives sui-
vantes :
1° Au contact du-corps excitant : pâleur subite et fugitive, si
l'excitation est faible et rapide ; plus durable dans le cas contraire,
due à la.contraction probablement réflexe des vaso-moteurs cuta-
nés au niveau précis de la région excitée. {Phase d'ischémie vaso-
motrice.)
2° Quelques instants après, apparition d'une zone érythémateuse
large et diffuse due à la dilatation neuro-paralytique des vaisseaux
de la région excitée et même, par propagation, des régions
marginales voisines. (Phase érythémateuse par congestion netmo-
paralytique.)
3° Au bout de quelques minutes, apparition d'une papule érytho-
mateuse, répondant exactement comme forme et dimensions à la
macule érythémateuse qui lui sert de base, due à oedème péri-
vasculaire déterminé par le ralentissement de la circulation san-
guine dans les vaisseaux paralysés. (Phase de papulation par.oedèmi
neuro-paralytique.)
4° Presque en même temps, anémie relative des régions centrales
ou axiales de la papule érythémateuse, due à la compression secon-
daire des vaisseaux cutanés par la sérosité oedémateuse. (Phase
d'ischémie mécanique secondaire.)
50 Enfin, disparition très lente des papules, due à la résorption
de la sérosité oedémateuse par les espaces lymphatiques de la peau
et retour progressif à l'état normal. (Phase de résorption lympha-
tique.) .)
Telle est l'évolution et tels sont les caractères objectifs des pla-
ques d'urlicaire artificiel que détermine chez R... toute excita-
tion mécanique des téguments externes, quelque légère qu'elle
soit. Malgré leur identité morphologique complète avec la papule
d'urticaire spontané, elles ne s'accompagnent d'aucun trouble de
la sensibilité, d'aucun prurit. A leur niveau cependant, il existe
une notable élévation de température ainsi que nous nous en
sommes assuré en appliquant comparativement, pendant un
même laps de temps de quinze minutes, un thermomètre à tem-
pérature locale aux deux régions symétriques du corps dont l'une
était couverte d'une large papule ortiéeartificielte. Voici les résul-
tats de l'une de nos expériences à ce sujet :
DBRMONEUROSE STERÉOGRAPUIQUE ET ERYTHRASMA. 15
ortiées dont on peut si facilement couvrir la peau de R..., nous
nous sommes attaché à déterminer les conditions qui président à
leur développement :
L'inlluence des excitations mécaniques de la peau a d'abord attiré
notre attention. Nous avons vu que tout objet appliqué sur les
téguments de R... ou promené à leur surface laisse sur'eux son
empreinte ou la trace écrite en relief de son passage. L'on conçoit
dès lors que l'expérience puisse être variée de mille manières. C'est
ainsi que l'on peut à volonté imprimer sur la peau du patient le
chiffre d'un cachet ou l'effigie d'une pièce de monnaie, dessiner
sur elle avec un style mousse des figures ou des inscriptions quel=
conques, la cribler de petites piqûres d'aiguille dont chacune,
d'abord imperceptible, deviendra bientôt une papule conique de
plusieurs millimètres de diamètre, la couturer de lignes sail-
lantes dues à la constriction des membres et du tronc par des
liens circulaires ou la marquer de l'empreinte en relief d'une
main, stigmate indéniable d'une claque bien appliquée. Mais
quelque pittoresques que puissent être ces effets, ils ne nous en
apprendront pas plus que le simple tracé linéaire auquel nous
avons demandé notre expérience fondamentale et nous ne les
multiplierons pas davantage.
Un jet d'eau, compact ou divisé, et lancé avec une certaine
force (douche en colonne et en pluie) détermine à la surface de la
peau de R... les mêmes phénomènes que le conctact et le passage
d'un corps résistant (l'excitation hydro-mécanique). La douche en
lame produit, partout où elle est promenée, une large bande
érythémateuse qui ne tarde pas à devenir papuleuse. Avec la dou-
che en pluie, les effets sont encore plus curieux. Chaque goutte-
lette d'eau produit sa macule érythémateuse, puis sa papule
d'abord congestive, puis ortiée, de sorte qu'en localisant avec un
peu de soin l'action du jet d'eau divisée, l'on pourrait imprimer
dans le corps du malade des éruptions génériques artificielles
dont l'origine embarrasserait peut-être plus d'un dernatologiste
non prévenu. Après avoir aspergé les flancs et la face interne des
cuisses de R..., nous vîmes les régions se couvrir d'une magnifique
« roséole syphilitique », qui devint bientôt une non moins belle
roséole papuleuse et apparaître, en quelques points, des pupules
d'urticaire type dont aucun dermatologiste n'aurait révoquée en
doute la légitimité.
Les excitations électriques de la peau ne nous donnèrent pas
des résultats aussi positifs que nous l'avions espéré; nous en
dirons cependant quelques mots.
L'électricité statique fut d'abord essayée. Nous dirigeâmes sur la
peau de R... des étincelles d'une longueur variant de 1 à 15 ou
20 centimètres tirés du conducteur d'une machine diélectrique
de Carré, dont les plateaux inducteur et induit mesurent respec-
'16 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tlvement 3b et dU cenftmèlres, puis la décharge, modérée d'ail-
leurs, d'une bouteille de Leyde. L'effet fut absolument nul et ce
résultat négatif nous surprit d'autant plus que les étincelles de
cette machine avaient souvent déterminé chez nous l'apparition
de papules ecchyjiiotiques.
La faradisation fut suivie d'effets un peu plus probants :
Le courant induit d'un appareil à chariot du type Dubois-
Raymond, avec interruptions fréquentes, localisé à la peau à
l'aide d'un bouton métallique sec, ne détermina ni rougeur ni
papulation.
L'application du pinceau métallique fut suivie d'une série de
très petites papules conffuentes qui pouvaient être simplement
dues à l'excitation mécanique produite par le contact des fils qui
constituent le rhéophore. L'application pendant quelques secondes
d'un tampon circulaire recouvert de peau humectée d'eau, fut
cependant suivie de l'apparition d'une macule érythémateuse de
même forme et de même dimension qui se recouvrit bientôt d'une
série de papules coniques lesquelles, en se développant, tendaient
à se fusionner et rien de semblable ne se produisait ou, du moins,
tout se bornait à une légère rougeur, lorsque l'on appliquait le
tampon sans faire passer le courant. Il semble donc qu'un courant
induit, assez intense et assez pénétrant, produise sur la peau
de R... des effets neuro-paralytiques analogues à ceux que déter-
minent les excitations mécaniques.
Les effets d'un courant galvanique fourni par une pile Leclanché
furent moins bien caractérisés. Nous appliquâmes d'abord sous la
clavicule du malade deux plaques en étain, recouvertes d'une peau
humide, mais sans faire passer le courant. Cette application, pro-
longée pendant une minute, ne fut suivie que d'une rougeur peu
marquée, dessinant surtout la circonférence des plaques, qui ne
fut suivie d'aucunepapulation et disparut rapidement. Les plaques
étant placées de nouveau, sur une région cutanée très voisine,
nous fîmes passer progressivement pendant une minute, un cou-
rant de 5 milliampères, qui monta pendant l'expérience à 6 mil-
liampères : le résultat fut également nul. Il fallut un courant de
18 milliampères, maintenu pendant trois minutes, pour amener
l'apparition, tant au pôle positif qu'au pôle négatif, de disques
érythémateux légèrement chagrinés, mais sans papulation véri-
table.
Nous ne fûmes pas plus heureux en essayant de provoquer l'ur-
ticaire, chez R..., au moyen d'excitants chimiques, tels que l'ap-
plication d'un sinapisme. Ce topique produit, chez lui, comme
chez tout le monde une rougeur bien marquée; mais sans tendance
à la papulation. L'ingestion de divers aliments dont le rôle dans
la production de l'urticaire pathogénétique est bien connu, reste
également sans résultat et c'est en pure perte que nous fîmes
I)EIt110\EUItoSE STEREOGIi,APII1QUE ET ËRYTHUASMA. 17 i
insérer à notre malade, en uneseule fois, troisdouzaiucs démoules :
il trouva ces mollusques fort à son goût, se déclara tout prêt à
renouveler l'expérience aussi souvent que nous le voudrions, mais
n'eut ni le moindre embarras gastrique ni la plus petite éruption
cutanée.
Le malade dont nous venons de relater l'histoire,
mérite d'attirer à la fois l'attention des deriiiatolo-
gistes et des neurotogistes : il réunit, en effet, par une
coïncidence assez heureuse deux affections rares de
la peau, l'une parasitaire, ]'autre, d'ori- z
gine vaso-motrice à laquelle nous donnerons, au
moins provisoirement, le nom de stéréographie
cutanée.
I. L'érythrasma, décrite comme une dermatose
parasitaire distincte, par Burchardt, en 1859 et von
Bacrensprung, en 1862, était encore méconnue ou niée
par la plupart des dermatologistes, lorsqu'en 1879,
M. Ë. Besnier, attira de nouveau l'attention sur lui
et mit son existence hors de doute. Quelques années
plus tard, en 1881, l'un des élèves les plus distingués
de ce maître, M. Balzer, consacra à l'érythrasma un
travail descriptif court, mais substantiel, auquel nous
ne pouvons que renvoyer le lecteur '.
R... nous offre un cas d'érythrasma tellement typique
que nous n'eûmes aucune difficulté à le diagnostiquer
même avant tout examen microscopique. Ces placards,
siégeantà)a région inguino-crurate, bien limités, d'un
rouge brun sombre, presque prurigineux, couverts
d'unefine desquamation furfuracée sont bien différents
des surfaces diffuses, humides, douloureuses ou pruri-
gineuses, rouges vif ou couvertes de squames lamelli-
l3alier. De V Erythrasiiia (Annales de dermatologie et de ? ) ? <-
graphie, 7t, 12. 188.
Archives, t. XVII. 2
18 PATHOLOGIE NERVEUSE.
formes ou de croûtes de l'intertrigo et de l'eczéma de
cette région. Seul, l'érythème trichophytique pourrait
en imposer; mais, alors même qu'il n'affecte pas la
forme circinée qui lui est habituelle, il est plus rouge,
plus squameux, plus diffus et plus douloureux. Son
parasite, d'ailleurs, est tout autre; mais ce n'est pas
ici le lieu de faire de la dermatologie.
L'examen microscopique des squames récoltées en
raclant légèrement, à l'aide d'un rasoir, la surface des
placards érythrasmateus de R..., a pleinement confirmé
notre diagnostic et nous avons constaté l'existence du
Microsporon minutissimum de Burchardt dont Balzer a
récemment donné, dans le travail que nous citions
tout à l'heure, une description très précise à laquelle
nous n'avons rien à ajouter. Sa préparation est facile
(éther, éosine primerose et conservation dans l'eau
sucrée phéniquée ou le baume) ; mais son extrême
petitesse en rend l'étude assez minutieuse : des objec-
tifs puissants et à grand angle sont nécessaires pour
le bien voir et nous nous sommes servis pour l'exa-
miner de l'immersion homogène de i)20 de Leitz
avec le concentrateur d'Abbé.
Chez un imbécile sans prétention tel que R... le
pronostic de l'érythrasma, affection toute locale, indo-
lente et très peu contagieuse, n'offre aucune espèce de
gravité et bien que nous puissions le guérir en deux
ou trois semaines, nous n'éprouvons aucun remords
à lui conserver quelque temps cette dermatose comme
une curiosité à montrer aux visiteurs du service; il
en serait tout autrement chez une jolie femme, aussi
importe-t-il que les médecins apprennent à connaître
et à guérir cette petite affection dont la gravité est
bERMONEUROSE 51'GRCOGRAPllIQU$LT ÉRYTHRASMA. '19
nulle, mais qui peut, quelquefois, avoir au point de
vue esthétique, une certaine importance.
IL - Nous ne connaissons encore, au moins dans
la littérature médicale française, que peu d'exemples
de la dermatose vaso-motrice à laquelle ce petit tra-
vail est spécialement consacré.
La plupart ont été observés chez des femmes hysté-
riques. Chez uue de ces malades, M. Huchard' a vu,
au moment des époques menstruelles, survenir des
hémoptysies abondantes qu'annonçaient des plaques
d'urticaire et des (roubles vaso-moteurs de la peau;
mais il s'agissait là, si nous ne nous trompons, d'urti-
caire nerveuse spontanée. Chez deux hystériques bien
connues du service de M. Charcot l'on peut tracer,
avec une épingle, des caractères quelconques qui se
dessinent d'abord en rouge, puis avec un relief
de un ou deux millimètres. L'observation la plus com-
plète que nous possédions à cet égard est cell-o de cette
hystérique anesthésique, fille d'hystérique, que M. Du-
jardin-Beaumetz présenta le 11 janvier 1887 à la
Société médicale des hôpitaux', sur la peau de laquelle
l'on pouvait écrire en relief avec tant de netteté que
M. Mesnet, appelé à voir cette malade, lui avait donné
le nom de « femme cliché, femme autographique »
sous lequel elle était connue dans le service.
Si l'hystérie semble favoriser les troubles vaso-
moteurs de la peau et notamment la stéréographie
1 Huchard. Traité des névroses d'AxenfWl. 2" édition, 18S3.
- Bourneville et /co) : o ? v<p/tt'ep/io/o'a/t ! 'yMe de la Salpé-
trière, t. III. 1879-81.
3 Diijardln-Beaumetz. La femme autographique. Soc. i ? téd. des hdy-
séance du 11 juillet 1879, et Annales de dermatologie et de syphiligra-
phie, no I. 1880.
20 PATHOLOGUi NERVEUSE.
cutanée, les hystériques n'en ont pas le monopole,
ainsi que le démontrent deux faits sommairement
rapportés par M. Huchard, d'autres de MM. Duguet
et Vulpian' et surtout le nôtre. Si, en effet, R... est un
faible d'esprit, presque un imbécile, nous ne saurions
le regarder comme un hystérique : il n'en a ni les
stigmates, ni les accidents essentiels, ni les allures, ni
le caractère.
D'autre part, des phénomènes vaso-moteurs analo-
gues à ceux que nous observons chez notre malade,
mais beaucoup moins prononcés, s'observent sur la
peau de certains sujets atteints de pyrexie, adyna-
miques, telle que la dothiénenterie et d'affections cen-
trales ou même périphériques du système nerveux : la
raie rouge que l'ou trace sur le ventre des typhiques et
des sujets atteints de méningite est une expérience.
classique et M. Vulpian2 a vu des raies pâles ou
rouges, d'anémie ou d'hyperhémie cutanée, se montrer
avec facilité sous l'influence d'une friction légère sur
les membres malades de sujets paraplégiques, hémi-
plégiques ou même simplement atteints de sciatique.
Ces conditions pathologiques prédisposantes ne sau-
raient être invoquées dans le cas de R... qui jouit
d'une excellente santé.
Les conditions prédisposantes de la névrose dermo-
stéréographique que nous étudions nous sont donc
inconnues et nous pouvons seulement inférer de notre
observation que les excitations mécaniques de la
peau, même très légères, ont sur sa détermination
une influence occasionnelle évidente, puissante et
' Vu ! pin.n. Communication craie à M. Dujarelin-Bewmetz.
= Vulyian. Leçons Mr <'awet7 vaso-mulettr, t. I. 187 i.
DERMONEUROSE STERÉOGRAPHIQUE ET ERTTHRASMA. 21
presque exclusive. L'urticaire provoquée mécanique-
ment diffère beaucoup à cet égard de l'urticaire dite
spontanée et les causes occasionnelles de l'une de-
meurentsans action sensible sur l'apparition de l'autre.
Resterait à étudier le mécanisme, c'est-à-dire le com-
ment de ces troubles vaso-moteurs dont l'expression
la plus complète paraît être la papule ortiée, qu'elle
soit spontanée c'est-à-dire réflexe, ou consécutive,
comme dans le cas que nous envisageons, à des exci-
tations mécaniques delà peau. Les phases successives
et le mécanisme de ces phénomènes ont été bien étu-
diés par M. Marey',M. Petrowski' et surtout, au point
de vue histologique, par notre maître et ami le pro-
fesseur Renaut', dans son remarquable article derma-
toses du Dictionnaire encyclopédique et nous aimons
mieux renvoyer le lecteur aux travaux que nous venons
de citer que d'aborder, en ce moment, à propos d'une
simple observation, une question complexe et diffi-
cile. Nous ferons seulement remarquer, en terminant,
l'absence complète, chez notre malade du moins, de
prurit au niveau des papules, caractère négatif qui
semble infirmer la manière de voir de ceux qui ratta-
chent le prurit ortie vulgaire à une compression des
nerfs intradermiques par la sérosité épanchée dans
l'épaisseur du derme ?
' Mare ? Mémoire sur la contractilité vasczclaire (Ann. des se. M ? ? -elles, S5t, t. IX).
- Petrowslu. 1"e),halleit flatit gegen ! C/;<en : ee/taH ? e/te71et : K ! )c (Ce ? ! -
17,alblatt, 1873).
"Renaut. Art. Dermatoses, \x\Dict. encyclopédique des sciences médicales.
' Depuis la rédaction de ce travail. M. Lowff, a présenté, sous le nom
d'Urticaire graphique, un cas analogue à la Société médico-psycholo-
gique (Annales ! He'6 ! ! eo-psyc/M ! y : MS. K" de novembre 1888). '
CLINIQUE NERVEUSE
RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-
DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES' ;
Par M. le D' Michel CATSARAS,
Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes; Médecin de l'asile de Dromocaitis; Membre
de la Société Médico-psychologique de Paris.
III. Période DES syndromes spasmodiques ET TABÉ-
toïdes. Cette période commence avec les symptômes
spasmodiques et tabétoïdes. L'étude attentive des
différents symptômes qui constituent cette période
nous permet de mettre en relief : 1° des symptômes
positifs, c'est-à-dire des symptômes qui peuvent figurer
au tableau de cette forme; 2° des symptômes néga-
tifs, c'est-à-dire des symptômes qui ne peuvent et ne
doivent même pas prendre part à la constitution de
cette forme clinique d'accidents spinaux.
A. Symptômes positifs. On voit que dans notre
tableau, ces symptômes sont divisés en cinq groupes :
1° Syndrome de symptômes spasmodiques; 2° syn-
drome de symptômes tabétoïdes; 3° symptômes vaso-
moteurs ; 4° symptômes vésicaux; 5° symptômes rec-
taux.
a). Syndrome de symptômes spasmodiques Si l'on
jette un coup d'oeil au tableau précédent, on est en
' Voir Archives de Neurologie, n° 17, p. 1 ib, n° 18, p. 246.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 23 i
droit d'affirmer que ce syndrome est constant et que
loin de faire défaut, il est au contraire représenté
d'une manière constante dans toutes les observations;
par cela même, il devient un des caractères majeurs et
fondamentaux de cette forme ; c'est encore une nou-
velle confirmation de la loi que nous avons déjà posée,
que presque toutes les paraplégies, pour ne pas dire
toutes (mot qui sonne toujours mal aux oreilles), pro-
venant de l'emploi des scaphandres, sont spasmo-
diques.
Quant à l'exposé des symptômes dont l'ensemble
constitue le syndrome de la paraplégie spasmodique,
nous serons bref, car ils ne diffèrent pas de ceux qui
ont été observés au syndrome spasmodique de notre
forme centrale spinale latérale, dont il est le seul
aboutissant par excellence; et pour éviter la répéti-
tion, nous nous contenterons de les énumérer tout
simplement. Ce sont l'exaltation des réflexes, l'épilep-
sie spinale aussi bien spontanée que provoquée, les
secousses, la dyscampsie articulaire, les contractures
passagères et enfin la démarche spasmodique. L'étude
de l'évolution., du syndrome spasmodique de cette
forme a présenté les mêmes caractères dans sa marche
que celui de la forme centrale spinale latérale : à
savoir un mois environ après l'invasion de la para-
plégie ce syndrome commence à se développer, ce
qui est indiqué par l'exaltation des réflexes et l'épi-
lepsie spinale; un peu plus tard, les secousses, la
dyscampsie articulaire, les contractures passagères
viennent s'ajouter au tableau, enfin la rigidité mus-
culaire ayant augmenté d'intensité donne naissance à
la démarche spasmodique. Là l'évolution s'arrête et
21 ,. . CLINIQUE NERVEUSE.
le syndrome spasmodique fait sa station définitive.
Maintenant, de deux choses l'une, ou bien ce syn-
drome rétrograde, cette rétrogression pouvant mar-
cher un peu plus rapidement à un des membres
inférieurs (Oris. XV, XVII, XIX), pouvant même aller
jusqu'à la disparition complète de ce syndrome
(OBs. XIV) ou bien il ne rétrograde que très peu; en
-d'autres termes, il reste presque stationnaire. Mais il
- n'y a pas une seule observation, de quelque ancienne
date qu'elle soit, dont le syndrome soit arrivé à la
contracture permanente, au pied bot spasmodique.
b). Syndrome de symptômes tabétoïdes et sensitifs.
Nous voilà arrivés à l'étude d'un autre syndrome qui
ne peut, qui ne doit même pas manquer de jouer son
rôle dans la scène morbide de cette forme spinale.
On a pu facilement remarquer que ce syndrome n'a
jamais fait défaut dans aucune observation. En raison
de sa constance, il devient lui aussi au même titre que
le syndrome spasmodique un caractère fondamental.
Ces deux syndromes caractérisent la forme centrale
postéro-latérale. Le syndrome de symptômes tabé-
toïdes sert à la différencier de la forme centrale laté-
raie. L'existence constante au contraire du syndrome
spasmodique la distingue de la forme centrale posté-
rieure. Les différents symptômes qui constituent ce
syndrome sont :
u «). Les douleurs fulgurantes, cozzstrictives et en
ceinture. Les douleurs qui avaient le caractère
de fulgurance ont été présentées par tous nos ma-
lades. Dans la plupart des cas, les douleurs fulgu-
rantes viennent par crises, qui durent tantôt quelques
heures seulement (OBS. XIV, XIX), et tantôt quelques
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. )
jours (2-3) (OBS. XV et XVIII). Il est des cas où les dou-
leurs viennent isolées et à des intervalles très irrégu-
liers (Oss. XVII). Il va sans dire qu'elles peuvent
exister et par crises et isolées (Oas. XVI).
Les douleurs qui avaient le caractère de constric-
tion avaient été présentées parle malade de FOBSER-
ovation XV. Quant aux douleurs en ceinture, elles n'ont
existé que chez les malades des Observations XIV et
XVI.
p). Troubles du sens musculaire. Ces troubles ont
consisté chez nos malades : 1° au signe de Romberg
qui a existé dans toutes les observations; en consé-
quence, c'est un symptôme constant; 2° à la difficulté
de marcher les yeux fermés et dans l'obscurité, qui a
été présentée par tous les malades; 3° à la perte de
notion de position des membres présentée par les ma-
Jades des OBSERVATIONS XV, XVI, XVII, XVIII.
- ). Symptômes sensitifs. Nous avons vu qu'à la
deuxième période, ces troubles marchent de compa-
gnie avec les troubles de la motilité, sous forme de
paralysie, c'est-à-dire d'aneshcsie. Plus tard ces
troubles peuvent, soit disparaître complètement (OBS.
XV et XIX); soit se localiser, et alors, au lieu d'avoir
des anesthésies généralisées, nous avons des dy-
sesthésies ou anesthésies en plaques ; soit enfin
changer de forme et se pervertir. Cette perversion est
très curieuse pour le malade de ]'OBSERVATION XVII;
ainsi quand on pince à l'aide d'un instrument piquant,
par exemple une aiguille, une région quelconque du
membre droit, le malade ressent la même sensation
de picotements d'aiguilles sur toute la longueur du
membre. La même sensation se produit par le con-
26 CLINIQUE NERVEUSE.
tact. L'application du froid ne produit plus la même
sensation de picotements d'aiguilles, mais un senti-
ment très désagréable et indéfinissable de tout le
membre.
5). Crises gastriques. Elles ont existé seulement
chez le malade de l'OBSERVATION XVI et avaient tous
les caractères de crises gastriques, soit tabétiques, soit
symptomatiques d'une autre maladie organique du
système nerveux central.-Très souvent, elles accom-
pagnaient les douleurs fulgurantes, mais quelquefois
elles survenaient d'une manière isolée. Elles ne
duraient que quelques heures.
c). Symptômes vaso-moteurs. Parmi les six obser-
vations rapportées il n'y en a guère que trois qui
aient présenté des troubles vasomoteurs, ayant con-
sisté en une hypéridrose de la plante du pied gauche
(Cas. XV) et en une anidrose du pied droit pour l'OB-
SERVATION XVI, des pieds pour 1'OasERVA'noN XIX.
d). Symptômes vésicaux. Tandis.qu'au commen-
cement les troubles de la vessie accompagnent pres-
que constamment la paralysie de la sensibilité et de la
motilité, à une étape plus ou moins ultérieure ils s'at-
ténuent et plusieurs fois ils disparaissent; c'est ce qui
est arrivé aux Observations XVI, XVII et XVIII. Les
symptômes vésicaux qui ont survécu chez les trois
autres malades au moins jusqu'au moment de notre
examen, consistent en difficulté d'uriner survenant
de temps en temps pour l'OBSERVATION XVI; en fré-
quence d'uriner, venant par intervalles irréguliers et
parfois accompagnée d'incontinence pour l'OBSERVA-
tion XVII; en incontinence opiniâtre pour l'OBSERVA-
TION XVIII.
DES ACCIDENTS PAR 1.'EriPL01 DES SCAPHANDRES. 27 -1
Quant aux troubles du côté du rectum, nous ne
les rencontrons plus que chez le malade de l'OBSERvA-
tion XVIII, qui a une incontinence de selles intermit-
tente.
B. Symptômes 7égati/s.- Après avoirdéjà décrit les
divers groupes de symptômes positifs, dont nous
avons surtout mis en relief deux syndromes sympto-
matiques qui sont d'une importance capitale et très
constants, c'est-à-dire les syndromes spasmodique et
tabétoïde qui constituent les deux caractères sine quia
non de cette forme, passons à l'examen très rapide
des symptômes négatifs. Les symptômes négatifs sont
de deux ordres :
a). Les symptômes myatrophiques, qui n'ont jamais
existé dans nos observations, ce qui prouve une fois
de plus cette loi négative que nous avons déjà formu-
lée, à savoir que dans l'immense majorité des cas, les
paralysies, provenant de l'emploi de scaphandres
ne sont pas accompagnées de myatrophie.
b). Symptômes cêphaliques. Tandis qu'on est sur-
pris de la fréquence des symptômes céphaliques à la
période très fugitive du début, au contraire plus tard,
il n'y a pas un seul symptôme qui figure au tableau
clinique. - Pour peu qu'on fixe son attention sur la
symptomatologie de la première période, on est frappé
etde la multiplicité et de la variabilité des symptômes
du début de cette forme en d'autres termes le début
est éminemment polymorphe. Mais du moment qu'elle
passe à la deuxième période, le polymorphisme dispa-
raît et l'uniformité fait son apparition par un com-
plexus symptomatique presque invariable pour tous
28 CLINIQUE NERVEUSE.
les cas, C'(',St-21-dll'e, paralysie motrice et sensitive,
rétention d'urines et de selles; à une étape plus ou
moins ultérieure l'uniformité devient presque mono-
tone ; en effet, le tableau clinique aboutit à un fond
commun existant chez tous les malades et caractérisé
par deux syndromes, celui de symptômes spasmodiques
et celui des symptômes tabétoïdes.
Donc entrée en scène polymorphe et uniformité du
dénouement comme caractères cliniques généraux; les
nuances cliniques spéciales de symptômes du début,
l'intervalle spécial entre la disparition des symptômes
du début" et l'invasion de la paraplégie, le mode de
l'invasion de celle-ci, les symptômes positifs et les
symptômes négatifs de l'étape ultérieure de la ma-
ladie comme caractères partiels, enfin la marche de
l'affection qui est dans la plupart des cas rétrogres-
sive, parfois peu rétrogressive mais jamais progres-
sive, tous ces caractères, dis-je, pris dans leur ensemble
servent à spécialiser notre forme centrale spinale
postéro-latérale. Car son tableau clinique, tel qu'il
existe pour cette forme ne se rencontre dans aucune
autre maladie connue du système nerveux central.
C. FORME CENTRALE SPINALE POSTÉRIEURE.
Observation XX (M. P. Marie). Gromillet, trente-huit ans, mé-
canicien, père mort d'apoplexie; pas d'autres antécédents hérédi-
taires.
Marié depuis 1871 (quatre ans après son accident, sans enfants).
Bonne santé antérieure, quelques blenuorrhagies, jamais de
chancre ni d'accidents syphilitiques quelconques, pas d'alcoolisme.
Jamais d'accidents d'impaludisme. - Entré dans la marine à
dix-huit ans comme mécanicien chauffeur.
Le 30 janvier 1868, dans la rade d'Aden, un chaland ayant
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 29
coulé, G... reçut l'ordre de l'élinguer (attacher les chaînes pour le
retirer), il était déjà descendu en scaphandre, le 29 janvier, puur
reconnaître l'état du chaland et était resté pendant trois quarts
d'heure à une profondeur de vingt-deux mètres environ; tout
s'était bien passé cette fois-là et les jours précédents (pas d'étour-
dissement; pas de bourdonnements d'oreilles). Mais, le 30 janvier,
après être descendu à cette profondeur, lorsqu'il voulut, en quittant
son échelle, se diriger vers le chaland, tout d'un coup la colerette
du scaphandre se rompit et, à partir de ce moment, le malade ne
se rappelle plus rien, il n'eut même pas le temps de faire le signal
pour se faire remonter. 11 ne sait pas au bout de combien de temps
il fut remonté, mais ce temps peut être approximativement calculé,
car, d'après les règlements de la marine, au bout de cinq minutes
que le scaphandrier est sous l'eau, on lui donne un signal auquel
il doit répondre; s'il ne répond pas, on en fait un second au bout
d'une minute, et, si ce dernier reste aussi sans réponse, on doit le
remonter immédiatement. Or, notre malade n'entendit ni le
premier ni le second signal, et par conséquent, il est resté sous
l'eau environ six minutes, mais l'accident n'étant arrivé que
lorsqu'il était déjà descendu au niveau du chaland, c'est-à-dire à
une profondeur d'environ vingt-deux mètres, il faut déduire le
temps qu'il a mis à descendre (au moyen d'une échelle) et qui
peut être estimé, croyons-nous, à trois minutes; donc le malade
serait resté environ trois ou quatre minutes sous l'eau après son
accident.
Au moment de l'accident, il a perdu connaissance et est resté
dans cet état pendant trois semaines; il n'a eu absolument cons-
cience de rien. D'après ce qu'on lui a raconté, il avait la tête
considérablement augmentée de volume (il fallut scier le casque
pour le lui enlever), la face était extrêmement rouge, les conjonc-
tives complètement infiltrés de sang; il parait qu'il ne respirait
plus. On pratiqua une saignée cinq minutes après qu'il eut été
remonté, le sang coulait difficilement. 11 ne semble pas avoir
perdu de sang par les oreilles ni par la bouche. Au bout de trois
semaines environ, il commença à entendre parler autour de lui
et à reconnaître par la voix les personnes qui l'approchaient,
mais il ne voyait absolument rien (il ne distinguait pas le jour de
la nuit), il avait devant les yeux une grande tache noire changeant
quelquefois un peu de couleur.
Ce n'est qu'au bout de six semaines qu'il recommença à voir
clair petit à petit. A ce moment, les membres inférieurs étaient
complètement paralysés, les membres supérieurs l'étaient aussi un
peu, le malade avait une grande difficulté à les soulever. Les
urines et les matières fécales étaient rendues sans que le malade
en eût conscience; à ce moment, la sensibilité au niveau des
membres et même du tronc jusqu'au cou aurait été complètement
30 CLINIQUE NERVEUSE.
abolie. Dans les jambes, il avait des douleurs comme des éclairs
qui partaient tout d'un coup, souvent aussi sensations de brûlure
ou de froid.
Dans les yeux, il voyait des étincelles, des points brillants s'agiter
devant lui. Au niveau du thorax, il avait la sensation d'un corset
de fer. Souvent aussi, il éprouvait des secousses dans les jambes
qui se fléchissaient ou s'étendaient tout d'un coup.
Il lui était difficile de s'alimenter, car il vomissait presque tout
et ne digérait que le bouillon; à la même époque, il aurait aussi
vomi du sang et eu des hémoptysies presque tous les jours.
Au bout de trois mois de soin à Aden, G... fut rapatrié, il ne
perdait plus ses urines et pouvait alors se tenir un peu sur ses
jambes et s'en fut dans sa famille; mais là, au bout d'un mois, il
fut repris de telles douleurs dans les jambes qu'il dut rentrer à
l'hôpital de Toulon; on lui donna des bains sulfureux, et, au bout
d'un mois et demi, il fut assez amélioré pour en sortir, il marchait
alors assez bien et n'avait plus que, de temps en temps, de légères
douleurs. Déjà, lorsqu'il quitta Aden, il avait recommencé à avoir
des érections (elles avaient tout à fait disparu pendant les deux
mois qui suivirent l'accident).
A partir du moment où il quitta l'hôpital de Toulon, il travailla
comme ajusteur mécanicien (travail debout devant un étau) et
pouvait faire ses journées de dix heures sans être trop fatigué; il
se sentait seulement, le soir, toujours les jambes un peu raides,
surtout au niveau des genoux, la miction était parfaitement
normale; cependant, quand il était très fatigué, il lui arrivait la
nuit de perdre ses urines.
En 1870, il fut rappelé à bord du Montcalin, mais, comme le
travail de chauffeur lui aurait été trop pénible, il eut l'emploi de
graisseur (il restait assis près de la transmission et n'avait qu'à
verser un peu d'huile toutes les vingt minutes environ). Il fut
libéré à la fin de juillet 1871. A ce moment, il se maria (pas
d'enfants) et entra dans plusieurs usines commme mécanicien
ajusteur, et continua à pouvoir travailler debout environ dix heures
par jour.
Au commencement de 1875, il sentit ses jambes devenir plus
faibles, elles ployaient sous lui, ne perdait qu'accidentellement ses
urines, la nuit, quand il était très fatigué, mais ressentait de très
violentes douleurs au niveau de l'appendice xyphoïde (comme des
coups de poignard) et, en même temps, il lui semblait que ses
reins s'ouvraient en deux. On lui a donné là des bains sulfureux et
un certain nombre de médicaments qu'il ne peut indiquer au bout
de six semaines ; il sortit amélioré. Ses douleurs d'estomac
avaient presque disparu. Il reprit de nouveau du travail dans diffé-
rentes usines. Depuis cette époque, il n'a plus cessé de travailler,
quoique, à certains moments, il se sentit un peu plus fatigué.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 31
Au commencement de 1882, il sentit ses douleurs d'estomac
revenir plus violentes ; son médecin lui dit qu'il avait une gastralgie.
A partir de ce moment, pendant deux jours, il a vomi jour et nuit
(il n'avait fait aucun écart de régime). Or lui a fait une piqûre de
morphine, il a dormi un peu, ses vomissements se sont arrêtés ;
mais ses douleurs d'estomac et de reins continuaient, il ne put
reprendre son travail qu'au bout de quinze jours, les jambes
étaient, elles aussi, devenues plus faibles. Depuis ce moment, tous
les mois, presque à la même date, il s'est vu repris des mêmes
douleurs et de vomissements, cela durait quelques jours, puis
disparaissait, mais les jambes étaient de moins en moins fortes.
Puis les crises sont devenues un peu plus fréquentes et sur huit
jours il n'avait guère, dit-il, que deux ou trois jours de tranquillité,
tous les autres jours il vomissait.
Enfin, dans les six derniers mois, il s'est mis à vomir tous les
matins : il mangeait sa soupe, puis, trois quarts d'heure, une heure
après, il vomissait delà bile ou des glaires, mais non ses aliments.
Etat actuel (13 juin 1883). Motilité. Le malade lève bien les
jambes, étant dans son lit et frappe bien avec son pied où on lui
dit, mais il a un peu un mouvement de ressort, et le pied est lancé
avec une certaine violence involontaire. Quand on le fait marcher,
on voit qu'il a une certaine difficulté, cependant il pourrait faire ,
environ une demi-heure de chemin; le talon touche le sol un peu
avant le reste du pied, les pieds sont légèrement portés en dehors
et écartés l'un de l'autre, le malade frappe un peu le sol et chaque
fois qu'un pied louche le sol, il y a un léger mouvement de ressort
en même temps qu'un, peu d'incertitude de l'équilibre. Il peut se
tenir debout les pieds joints, même en regardant en l'air; mais,
dès qu'on lui fait fermer les yeux, il tombe en arrière.
La force des fléchisseurs des jambes semble un peu diminuée,
celle des extenseurs des jambes est normale, les fléchisseurs et
extenseurs des pieds ont conservé leur force. Les mains ont
certainement perdu de leur force. Il n'y a pas trace d'atrophie,
les muscles sont même bien conservés.
Les réflexes rotuliens sont légèrement augmentés des deux côtés;
il n'y a pas de phénomène du pied. Les réflexes testiculaires
(crémastes) sont normaux des deux cotes; le testicule droit est
augmenté de volume est très induré (orchite chronique ? ),
l'épididyme n'est pas induré ; sa consistance aurait plutôt un peu
diminué.
Pas de sensations anormales à la face ou au cou, mais à deux ou
trois travers de doigts au-dessus du mamelon jusqu'à quatre travers
de doigts au-dessous du nombril, il a une sensation de corset qui
le serre extrêmement fort et lui donne quelquefois des étouffements
violents; cette sensation du corset n'est pas continuelle, mais
survient à intervalles variables, quelquefois toutes les deux heures
32 U2 CLINIQUE NERVEUSE.
plus ou moins; elle dure un temps variable, généralement cinq
à dix minutes; quelquefois aussi c'est pendant des journées entières
qu'il a cette sensation et il souffre alors énormément.
Mais c'est surtout au niveau de la région sacrée que ces douleurs
sont les plus fortes, parfois même elles deviennent intolérables.
A cette observation était attachée une note de notre excellent
confrère Parinau qui, ayant examiné le malade le 4 1 juin 1883, a
noté : « Pas de lésions oculaires. »
Observation XXI. Accident provoqué le 13 mars 1886 à la
première immersion : séjour une demi-heure, décompression brusque.
Une heure d'intervalle de bien-être après l'enlèvement du casque
et l'invasion de l'accident. Surdité psychique; lourdeur de la
tète. Paralysie brusque qui ctpi-is successivement et 1res rapidement :
a), le membre supérieur droit ; b), l'inférieur droit; c), le supérieur
gauche; d), l'inférieur gauche; anesthésie ; parésie vésicale et rectale.
- Le 18 mars, retour de la motilité à l'extrémité supérieure gauche,
et le 20, au supérieur droit, sensations de brûlure, douleurs fulgu-
rantes, crises gastriques. Le avril, possibilité de se tenir debout.
Vers la fin de ce mois, le retour de la motilité aux membres
inférieurs s'effectue complètement. Douleurs en ceinture, perte de
notion de position de membres. - Au commencement de juin,
faiblesse progressive des membres.
Etat actuel (13 juillet 1886). Demnrc/te alaxique. Signe de
Romberg. Impossibilité de marcher sans le concours de la vue.
Douleurs en ceinture, douleurs fulgurantes, crises gastriques, aboli-
tioit de réflexes, incontinence d'urine accidentelle, constipation
habituelle, érections incomplètes suivies d'éjaculation immédiates
Traitement suivi pendant trois mois. Travail dans l'air comprimé,
pointes de feu, ioditi-e de potassium, hygiène appropriée.
Etat du malade le la octobre 1886. Amendement considérable
de ce syndrome dans son ensemble.
Le nommé Miche) Sgourdas, âgé de vingt-huit ans. Mère morte
de maladie cardiaque ; pas d'autres antécédents héréditaires.
Comme antécédents personnels, il n'y a ni accidents syphilitiques
ni impaludisme, enfin, rien qui soit digne d'être noté et qui ait
une relation quelconque, soit directe, soit indirecte avec la maladie
en question. Il a commencé à travailler dans l'air comprimé au
mois de mai 1884. Il a travaillé environ deux années sans avoir eu
aucun accident, quand le 9a mars 1886, à la première immersion
faite à une profondeur de vingt-cinq brasses, le séjour dans le fond
de la mer s'étant prolongé jusqu'à une demi-heure; il affirme que
plusieurs fois, il avait fait des immersions à celte profondeur sans
jamais prolonger son séjour au delà de dix minutes et n'a jamais
eu d'accidents; notons bien que le temps de la décompression
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 33
était toujours le même, c'est-à-dire quarante secondes à une
minute; pas d'indisposition, pas de repas avant l'immersion. Une
heure se passe après la décompression et l'enlèvement du casque,
et le malade se porte parfaitement bien; pas le moindre symptôme;
au bout de ce temps, il est pris tout d'un coup d'un état qu'il
appelle bizarre et qui consistait en ce qu'il ne comprenait absolu-
ment pas ce qu'on disait autour de lui, et cependant, dit-il, il
entendait parfaitement bien ce qu'on disait; il croyait qu'on se
moquait de lui et qu'on ne parlait pas grec, car, « comment arrive-
t-il quej'entendais sans comprendre ce que j'entendais ». Au moment
même de notre examen, malgré l'explication que j'ai tentée pour
lui faire comprendre qu'il est bien possible d'entendre sans conce-
voir ce qu'on entend et malgré l'affirmation catégorique d'un de
ses compagnons qu'on employait des mots d'un usage très commun,
et qu'on ne se moquait pas de lui, il hésite à le croire. II parlait
très bien; il ne savait ni lire ni écrire; en outre, il avait la tête un
peu lourde. Pas de symptômes, ni gastriques, ni respiratoires, ni
douloureux. Cet état, après avoir duré trois quarts d'heure, dispa-
rait complètement pour faire place à une paralysie brusque et
complète du membre supérieur droit, quelques minutes plus tard,
du membre inférieur droit. Une dizaine de minutes après, le
membre supérieur gauche est pris à son touret devient paralytique;
aussitôt après, le membre inférieur est lui-même atteint. A ce
moment donc, les quatre membres étaient paralytiques ; il ne
bougeait que la tête. La sensibilité au niveau des membres para-
lysés et du tronc aurait été complètement abolie. N'oublions pas
d'ajouter qu'il a rendu involontairement ses urines et ses selles.
Le 18 mars au matin, le malade commence à mouvoir son bras
gauche; vers le coucher du soleil, ce membre était complètement
dégagé de sa paralysie. Le 20 mars, à son réveil, il voit que son
extrémité droite commence, à son tour, à se dégager, et dans
quelques heures, le dégagement s'est tout à fait opéré. L'état de
ses membres inférieurs n'a pas du tout changé. Continuité de la
parésie vésicale et rectale. Dans les membres, il avait des sensations
de brûlure. Il est resté au lit une vingtaine de jours, durant lesquels
le malade avait dans les membres des douleurs isolées, comme des
éclairs qui partaient tout d'un coup. Il a eu aussi deux fois des
crises gastriques. Soudain le malade aurait été pris de douleurs à
l'apopliysexyphoïde d'une violence extraordinaire et de vomissements
opiniâtres, d'abord alimentaires, puis biliaires et parfois sangui-
nolents. Chaque crise a duré une journée.
Le 5 avril, il peut se tenir sur ses jambes. et marcher un peu à
J'aide de deux appuis. Depuis ce moment, l'amélioration de la
paralysie a si rapidement progressé, que le 8 avril il a pu marcher
sans appui, mais il sentit ses membres faibles et lourds pendant
quelques jours encore; de sorte que, à la fin du mois d'avril, ses
Archives, t. XVII. 3
31 CLINIQUE NERVEUSE.
membres ont recouvré leurs fonctions. Par contre, de nouveaux
symptômes se déclarent : 1° le malade sentait la base de son thorax
serrée comme dans un étau ; 2° il ne sentait pas bien le sol et il
lui arrivait fréquemment de perdre la notion de position de ses
membres. '
Au commencement de juin, après une très longue course, il sent
ses membres s'affaiblir et se ployer sous lui. Cette faiblesse
augmentait d'un jour à l'autre et rendait la marche difficile, surtout
quand il faisait obscur.
Etat actuel (13 juillet 1886). La marche du malade est nette-
ment ataxique, il projette brusquement ses jambes en marchant.
Le talon touche le sol un peu avant le reste du pied; le malade
frappe le sol. Toutes les fois que ses pieds touchent le sol, il a un
mouvement de ressort. Le malade oscille tellement, les yeux fermés,
qu'il est obligé de les ouvrir pour éviter de tomber en arrière. La
marche est impossible sans le concours de la vue. Il a des ailes-
thésies en plaques étendues. Les douleurs en ceinture n'ont pas
cessé de tourmenter le malade à des intervalles très irréguliers;
leur durée variait de dix minutes à quatre heures. Les dou-
leurs fulgurantes surviennent, plus espacées, mais, par contre, plus
fortes.
Les crises gastriques sont plus fréquentes, plus violentes et,
chaque fois, elles durent deux à trois jours. Aucun écart de régime
ne précède l'invasion des crises; des digestions immédiatement
après les crises sont normales. La force des muscles est bien conser-
vée, excepté celle de fléchisseurs de la cuisse qui semble un peu
diminuée. Il n'y a pas trace d'atrophie musculaire; pas de troubles
vaso-moteurs. Il y a une abolition complète de réflexes, facilement
couslalable par les procédés élémentaires.
L'incontinence d'urines ne survient qu'accidentellement, sur-
tout après la fatigue et les excès d'alcool. Il est habituellement
constipé. Les érections sont incomplètes et l'éjaculation se fait
immédiatement après l'introduction incomplète du pénis. Il n'y a
pas de symptômes céphaliques. Nous avons ordonné au malade
le travail dans l'air comprimé, l'application de petites pointes de
feu, l'iodure de potassium et une hygiène appropriée à son état.
Notre malade a fidèlement suivi le traitement prescrit pendant
trois mois.
Etat du malade le 1 octobre 1886. La démarche est incer-
taine, mais il ne projette plus brusquement ses jambes et il ne
frappe pas le sol ; le mouvement de ressort est très léger; il sent
ses jambes plus fortes et peut faire une heure de chemin sans se
fatiguer beaucoup. Le signe do Romberg est bien moins mar-
qué. Les douleurs fulgurantes sont améliorées sous tous lcsrapports :
fréquence, intensité.
Lcsdouleurs en ceinture sont plus tolérables, et ne donnent plus
DES ACDIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 33
la sensation d'étouffement qui les accompagnait avant le traite
ment. L.
Les crises gastriques n'ont pas reparu.
Les érections sont plus complètes, sans être encore tout à fait
normales. Nous l'avons engagé à continuer son traitement ;
malheureusement, nous avons perdu le malade de vue.
Observation XXII. Accident survenu le 13 juin 1883. Première
immersion, 1 1 heures du matin, ',)0 brasses de profondeur; une
heure et demie de séjour, décompression brusque. Interualle de
trois heures de bien-être parfait entre le moment de la décompres-
sion et l'invasion de l'accident. Dyspnée, loux qitiiiieuse, Aëmo-
thisie, douleurs de l'apophyse xyplwidc. A 10 heures du soir,
disparition de ces symptômes. Intervalle de bien-être pendant
un temps impossible à définir entre la disparition de ces symptômes
du début et l'invasion de la paraplégie. Paraplégie, anesthésie,
rétention d'urines, fièvre légère. Vers la fin de juin, douleurs
uréthrales; et un peu plus tard, douleurs comme des éclairs dans
les membres inférieurs. Au bout d'un mois après l'invasion de
l'accident, possibilité de se tenir debout et vers la fin de juillet,
possibilité de marcher sans appui. En septembre, pas de trace de
faiblesse des membres ; continuité de douleurs uréthrales et de
douleurs fulgurantes ; sensations de brûlure à la cuisse gauche.
Vers le commencement de 1884, faiblesse de membres, qui, dès lors,
augmentait de mois en mois.
Etat actuel (la mai 1885). Ataxie ébauchée. Signe de Rom-
bers. Anesthésie de la surface antérieure de la cuisse droite.
Engourdissement des pieds. Douleurs fulgurantes. Chute des
ongles. Pollution par crises. Incontinence d'urines pai-oxystique,
spasmodique. Traitement suivi de trois mois. Travail dans l'air
comprimé. Application de pointes de feu. Galvanisation de la
moelle et de l'urèthre par le cathéter galvanique trois fois par
semaine, iodure de potassium et arsenic.
Etat du malade (le 20 septembre 18S). Amendement considé-
rable qui équivaut presque ci la guérison.
C... Clzatzi-Yannahis, âgé de trente-trois ans. Père mort de fiè-
vre typhoïde; pas d'autres antécédents héréditaires ou personnels.
Il a commencé à travailler en juin 1882, et il a fait régulièrement
ses campagnes pendant une année, sans avoir jamais eu d'acci-
dents.
Le 13 juin 1883, à 11 1 heures du matin, à la première immersion,
20 brasses de profondeur, après avoir prolongé imprudemment
son séjour pendant une lieure et demie, il s'est fait brusquement
remonter comme d'habitude. Le malade affirme que, dans le
36 CLINIQUE NERVEUSE.
cours de l'année précédente, il avait déjà fait plusieurs fois des
immersions à cette profondeur et plus et avec la même décompres-
sion ; mais il n'a jamais séjourné au fond plus d'un quart d'heure ;
pas de refroidissement, pas de toux, pas de repas avant l'immer-
sion. Trois heures se passent, après la décompression et l'enlè-
vementdu casque, pendant lesquelles le malade se porte parfaite-
ment bien. Au bout de ce temps, il était 2 heures et demie, il a
été pris d'une dyspnée très intense, d'une toux quinteuse accom-
pagnée chaque fois d'hémoptysie en quantité assez abondante et, à
peu près au même moment, dérouleurs très violentes à l'apophyse
xyphoTdienne, au point qu'il poussait des cris pitoyables. Pas de
vomissements, pas de symptômes céphaliques,pas d'artropathies
ou myopathies douloureuses. A 8 heures, la dypnée disparait,
la toux quinteuse devient plus rare et la douleur gastrique
diminue beaucoup d'intensité, pour disparaître à 10 heures du
soir. A ce moment donc, il y a disparition complète de tous les
symptômes; le malade cause bien, mange bien, et à minuit
environ, il s'endort. Le lendemain matin, à son réveil, il constate
avec surprise qu'il est tout à fait paraplégique de ses membres
inférieurs, au point qu'aucun mouvement n'était possible. Rien
aux membres supérieurs ni à la face. La sensibilité aurait été
complètement abolie. Il n'a pu uriner. Pas de rétention de fèces.
On l'a fait transporter à la capitale de son pays (I'Ile de Chypre,
sur les côtes de laquelle il péchait des éponges) et le médecin,
dit-il, a constaté qu'il avait un léger mouvement fébrile, 38°. Le
médecin a appliqué le cathéter, il ordonne des frictions énergiques
avec l'esprit camphré, l'application de ventouses scarifiées à la
région lombaire et des purgatifs. '
Le J 5 juin, ce médecin constate l'absence de fièvre et commande
de continuer ses frictions énergiques et de lui appliquer une
seconde fois des ventouses scarifiées. Les jours suivants, il conti-
nuait le cathélerisme, des vésicatoires collants et des médicaments
qu'il ne peut pas définir.
Vers la fin de juin, le malade est tout d'un coup pris de dou-
leurs uréthrales, se produisant au cours de la miction qui, bien
qu'améliorée, se faisait cependant avec une grande difficulté et
avec lenteur. Il a gardé le lit à peu près un mois ; à cette époque,
il a eu dans les jambes des douleurs qui les parcouraient tout d'un
coup, comme des éclairs. Au bout de ce temps, il a pu se tenir
sur ses jambes, et marcher un peu, en s'aidant de deux appuis.
Dès ce moment, l'amélioration a si rapidement progressé que, vers
la fin de juillet, il aurait pirmarcher sans appuis.
Au mois de septembre suivant, il n'avait plus aucune faiblesse
dans ses jambes et faisait de longues courses sans se fatiguer. Il
n'en était pas de même pour ses douleurs uréthrales qui, survenan t
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 37
par intervalles irréguliers, se produisaient au cours de la miction.
Elles étaient variables d'intensité, parfois légères, le plus souvent
atroces, au point que le malade sentait son canal déchiré, par-
couru par des lames de rasoir; la dyurie coexistante servait à
prolonger le supplice du malade. Les douleurs fulgurantes n'ont
pas cessé de visiter le malade. Il avait des sensations de brûlures
à la cuisse gauche. Vers le commencement de 1884, après un
refroidissement, dit-il, il sent ses membres faibles. Cette faiblesse,
loin de disparaître, augmentait au contraire de mois en mois,
c'est ce qui l'a fait venir me consulter à Athènes.
État actuel (t3 mai 1885). Si l'on examine avec attention le
malade, il n'est pas trop difficile de se convaincre qu'il est en voie
de devenir réellement ataxique. C'est un ataxique ébauché z
qu'on me passe cette expression. Si on commande en effet au
malade de se lover subitement d'une chaise basse pour se mettre
immédiatement en marche, à ce moment, nous observons une
certaine hésitation et une certaine maladresse; il se tient debout
difficilement, c'est pour cela qu'il reste assis la plupart de la
journée et qu'il prend un bâton pour avoir un appui; il oscille
quand il essaye de se tenir sur une jambe. Il ne peut, lorsqu'il
marche, ni s'arrêter brusquement, ni se retourner très vite sans
osciller. Il lui est très difficile de marcher à reculons. Il descend
l'escalier très lentement et avec une grande circonspection, en
s'aidant de la rampe (signe). Il marche très difficilement, sans le
concours de la vue. Il a des oscillations très manifestes, détermi-
nées dans l'équilibre, même avec l'appui d'une canne, par
l'occlusion des yeux.- La force musculaire ne parait pas du tout
diminuée.
Toute la surface antérieure de la cuisse gauche, à savoir la
région qui, à une époque antérieure, était le siège de la sensation
de brûlure, toute cette surface, dis-je, est anesthésique sous tous
les modes. Très souvent, le malade est pris d'engourdissements de
pieds par suite desquels il a une sensation vague de ses chaus-
sures et de ses caleçons. Cet engourdissement variable d'intensité,
lorsqu'il se prépare un changement de temps, ou lorsqu'il se
fatigue, devient très fort en même temps qu'il s'étend à la cuisse.
Les douleurs fulgurantes sont aggravées aussi bien comme fré-
quence que comme intensité.
Les ongles sont tombés et cette chute a eu lieu en dehors de
toute cause locale préalable, soit traumatique, soit autre, et sans
être accompagnée soit de suppuration, soit d'inflammation, soit
d'ulcération.
« Un matin, dit-il, je me suis levé et j'ai observé que mes ongles
ne se tenaient plus que très peu à leurs racines, ils étaient
décollés : alors, je les ai détachés avec une grande facilité et sans
38 CLINIQUE NERVEUSE.
la moindre douleur. » Maintenant les ongles nouveaux sont petits,
difformes, arrondis et n'ont pas la moindre ressemblance avec un
ongle normal. Il n'y a pas de troubles vaso-moteurs.
Il n'y a aucune trace de myatroplie, pas d'altération de la
contractilité élastique.'
Le malade a des pollutions de deux, trois, quatre fois par nuit;
cela dure deux ou trois nuits de suite, au bout desquelles plusieurs
semaines se passent sans pollutions. Ces pollutions ne sont pas
du tout motivées ni par une continence préalable, ni par une
excitation érotique, ni par des rêves lascifs, etc., etc. Quelquefois
même il lui arrive d'avoir des crises immédiatement après avoir
eu des rapports avec sa femme. Elles ne sont pas du tout accom-
pagnées d'éréthisme vénérien. Ses érections sont incomplètes et
insuffisantes pour l'accomplissement intégral de l'acte de co'it.
L'éjaculation est hâtive et ne développe aucune sensation volup-
tueuse.
Les douleurs uréthrales depuis deux mois déjà n'ont plus
reparu. La dyosurie a été remplacée par l'incontinence, qui se
fait d'une manière paroxystique; tout d'un coup un jet d'urine
lui échappe involontairement.
Il n'y a rien du côté du rectum. Pas de symptômes cépha-
liques.
Nous lui avons ordonné des immersions dans l'air comprimé;
l'application de pointes de feu; la galvanisation de la moelle et
de l'urèthre par la sonde galvanique trois fois par semaine,
l'iodure de potassium et l'arsenic. Il a suivi ce traitement pendant
quatre mois et l'amélioration a été considérable.
Etat du malade, le 20 septembre z. L'ataxie ébauchée
n'existe presque plus, les oscillations déterminées dans l'équilibre
par l'occlusion des yeux sont à peine appréciables. Les engourdis-
sements n'ont plus reparu. Les douleurs fulgurantes sont très
rares et bien moins intenses. Les pollutions ont disparu et les
érections sont plus complètes.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 39
PATHOLOGIE DE LA FORME CENTRALE SPINALE POSTÉRIEURE.
Cette forme d'accidents spinaux est bien moins
fréquente que les deux précédentes ; en effet, on voit
que parmi un si grand nombre de cas d'accidents
provenant de l'emploi des scaphandres, qu'il nous a
été donné d'observer et d'étudier, il n'y a guère à
en rapporter que deux qui nous sont personnels
(uns. XXI et XXII). Nous devons la troisième (Ons. XX)
a. l'obligeance de notre cher et savant ami et confrère
M. Pierre Marie, chef préparateur de la clinique du
système nerveux à la Salpêtrière.
Par son observation, il nous a grandement secondé
dans l'étude de cette forme clinique etje suis heureux
de lui en témoigner ici ma vive et profonde reconnais-
sance. Ces cas, sans avoir l'importance du nombre,
sont cependant d'un intérêt clinique extrême, car la
symptomatologie spinale et l'évolution de l'étape ulté-
rieure de l'accident de ces trois malades, concordent si
bien, qu'on a' le droit de dire que tous présentent
presque la même physionomie clinique. Appuyés sur
ces trois cas, essayons d'esquisser les grands traits de
la pathologie de la forme centrale spinale posté-
rieure.
Avant de procéder à la description des différentes
périodes de cette forme, je me hâte de remarquer que
chez le malade de M. Marie, l'invasion de l'accident a
lieu immédiatement après la décompression, tandis
que chez les nôtres, quelque temps après, une heure
40 CLINIQUE nerveuse.
pour celui de l'OBSBR1'1TION XXI, et trois heures pour
celui de l'OBSL : It\'A1'ION XXII, la symptomatologie et
l'évolution ultérieure de ces trois cas nous permettent
de distinguer trois périodes : 1° la période des symp-
tômes du début ou extrinsèques; 2° la période de la
paraplégie ou paralytique, et 3° la période du syn-
drome tabétoïde.
I. Période DE symptômes DU début. Des divers
et multiples symptômes constitutifs de la symptoma-
tologie de la période du début chez nos malades, les
uns sont cépllaliques, les autres respiratoires et les
autres gastriques. ,
A. Symptômes céphaliques. Ce sont :
a). La perte de connaissance qui, ayant figuré une
seule fois (Ons. XX), a présenté une particularité re-
marduable : c'est sa durée, qui n'a pas été de moins de
trois semaines. Durant ce temps très long, le malade
n'avait absolument conscience de rien. Cette durée
est tout à fait exceptionnelle. Elle n'était pas accom-
pagnée de convulsions. Chez ce malade, la perte de
connaissance ayant disparu a fait aussitôt place à la
cécité complète. « Au bout de trois semaines environ,
dit 111. Marie, il commence à entendre parler autour
de lui et a reconnaître par la voix les personnes qui
s'approchaient, mais il ne voyait absolument rien (il
ne distinguait pas le jour de la nuit). »
b). Symptômes oculaires. Comme symptômes
appartenant à cette catégorie, nous avons : - 1° la
cécité, symptôme que nous avons déjà vu dans la
symptomatologie du début de la forme centrale spi-
nale latérale (OBS. V). Elle a été observée chez le
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 41
malade de l'OrsRVATton XX, dont la cécité a presque
les mêmes caractères, à savoir : brusque apparition,
maximum de son intensité dès le moment de l'inva-
sion et disparition rapide; il n'y a qu'une seule diffé-
rence qui est tout à fait secondaire, c'est que la dis-
parition chez notre malade s'est faite après cinq
minutes, tandis que celui de M. Marie a mis six
semaines pour recommencer à voir clair petit à petit;
2° l'infiltration du sang des conjonctives qui coexis-
tait avec les autres symptômes céphaliques.
c). Troubles du langage. Parmi les différentes
espèces de troubles du langage, nous avons à noter
seulement la surdité psychique du malade dé I'Obser-
vation XXI « qui ne comprenait absolument pas ce
qu'on disait autour de lui et qui cependant, dit-il, en-
tendait parfaitement bien ce qu'on disait ». Il pouvait
parler très bien, il ne savait ni lire ni écrire.
d). Augmentation du volume de la tête. D'après ce
qu'on a raconté au malade de M. Marie, il avait la tête
considérablement augmentée de volume, il fallut scier
le casque pour le lui enlever. Cet état de la tête coexis-
tait avec d'autres symptômes cépllaliques, à savoir :
perte de connaissance, rougeur de la face, infiltra-
lion de conjonctives, etc., etc.
e). Lourdeur de la tête.- Ce symptôme a existé seu-
lement une fois (0>;s. XXI) associé à la surdité psy-
chique.
B. Symptômes gastriques. Ce genre de symp-
tômes est représenté par le malade de lOsERVa1'roN
XXII, qui avait des douleurs à l'apophyse xyphoïde
très violentes, au point qu'il poussait des cris
42 CLINIQUE NERVEUSE.
pitoyables. Ces douleurs n'étaient accompagnées d'au-
cun autre symptôme gastrique.
C. Symptômes respiratoires. a). Dyspnée. Ce
symptôme a figuré à l'OBSERVATION XXII, et semble
avoir une double origine aux organes mêmes de la
respiration et au symptôme gastrique concomitant
les douleurs à l'apophyse xyphoïde qui gênaient les
mouvements thoraciques.
b). Toux quinleuse. Les quintes, suivant le récit
du malade, étaient précédées d'une inspiration pro-
longée et sifflante, suivie immédiatement après de
quintes de toux bruyantes et prolongées.
c). Hémoptisie. Ce symptôme accompagnait
chaque quinte de toux du malade de t'OBSERVATiON
XXII.
Tout ce qui précède démontre évidemment, et ce
n'est que trois observations que nous avons rappor-
tées, combien est grande et la multiplicité et la varia-
bilité des symptômes du début. Quant à la combi-
naison de ces différents symptômes pour la constitution
de la période du début, nous devons remarquer qu'elle
n'est soumise à aucune loi, à aucune règle. Qu'on
veuille bien jeter un coup d'oeil rétrospectif sur les
trois observations qui forment la base de cette forme
spinale, qu'on fixe son attention sur le mode du début
de chaque cas particulier, et on sera véritablement
frappé de la variabilité de la mise en scène du drame
morbide : on verra que chez le malade de I'Observa-
TION XX, l'accident a débuté par la symptomatologie
suivante : perte de connaissance, augmentation du
volume de la tête, conjonctives complètement infil-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 43
trées de sang, rougeur de la face, cécité. Chez celui
de INOBSERVATION XXI, le début est représenté par une
symptomatologie complètement différente, qui a con-
sisté en surdité psychique et en lourdeur de tête.
Enfin chez le troisième, Observation XXII, la mise en
scène a été signalée par les douleurs à l'apophyse
xyphoïde, la dyspnée, la toux quinteuse, l'hémoptisie.
Quel polymorphisme du début !
2. Période paralytique. Chez le malade de l'OBSER-
vation XX, l'invasion de la paraplégie a eu lieu avant
la disparition complète de tous les symptômes de la
période du début, en d'autres termes durant cette
période.
Chez le malade de l'OBSERVATION XXI, l'apparition
de la paraplégie est arrivée immédiatement après la
disparition des symptômes du début. Enfin, chez
celui de 1OBSEIIVATIOV XXII, l'invasion de la para-
plégie a eu lieu quelque temps après la disparition
complète de tout symptôme du début.
Durant cet intervalle, le malade se portait parfaite-
ment bien. Il nous a été impossible de définir exacte-
ment la durée de cet intervalle : le malade ayant
remarqué sa paralysie dans les conditions suivantes :
l'accident a éclaté à 2 h. et demie du soir; à
10 heures du soir, tout symptôme delà période du
début disparaît et le malade reste éveillé, parfaite-
ment bien portant jusqu'à minuit. A ce moment, il
s'endort, et le lendemain matin, à son réveil, il cons-
tate la paralysie de ses membres inférieurs, évidemment
survenue pendant son sommeil, mais à quelle heure ?
Il nous est naturellement impossible de le déter-
44 CLINIQUE NERVEUSE.
miner. Il est temps maintenant de passer à l'étude de
la paraplégie elle-même et de fixer notre attention sur
la description de son mode d'invasion, de ses symp-
tômes associés et enfin de son évolution.
A. Mode d'invasion. Le mode d'invasion de la
paraplégie provenant de l'emploi des scaphandres,
présente généralement les mêmes caractères, quelle
que soit la forme à laquelle elle appartient. En effet,
chez les trois malades, la paraplégie était survenue
brusquement et elle était complète aux premiers mo-
ments de son invasion.
Chez le malade de l'OBST.RVA1'lON XXII, la paraplé-
gie n'était précédée, ni accompagnée, ni suivie d'au-
cune paralysie de membres supérieurs. Il n'en est pas
de même pour le malade de l'OBSERVATION XX, qui
avait en même temps que la paralysie de ses membres
inférieurs un peu de paralysie aux supérieurs. Ce
qu'il y a surtout de remarquable c'est le mode d'in-
vasion de la paralysie du malade de l'ÛBSKRVATioN
XXI, qui a saisi successivement et très rapidement :
a). le membre supérieur droit, b), l'inférieur droit,
c). le supérieur gauche et d). l'inférieur gauche. En
d'autres termes, la paraplégie de chaque membre
inférieur était précédée pendant quelques moments
d'une paralysie du supérieur correspondant, de sorte
qu'en quelques minutes, les quatre membres étaient
paralytiques, le malade ne remuait plus que la tête.
Les paralysies des membres supérieurs, qui ont
accompagné la paraplégie sont, comme cela arrive
généralement, transitoires, elles n'ont duré que
quelques jours.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 43
B. Symptômes associés. Ils sont de trois sortes :
a). sensitifs, b). vésicaux et c). rectaux.
a). Symptômes sezzsitifs. L'altération de la sen-
sibilité générale parait marcher de compagnie avec
l'altération de la motilité. Cette altération est repré-
sentée chez nos malades sous la forme de paralysie.
La 'sensibilité aurait été complètement abolie.
b). Symptômes vésicaux. Les troubles de la
vessie que nous voyons figurer chez nos trois malades
ont consisté, chez ceux des Observations XX et XXI
en incontinence d'urines, tandis que chez celui de
l'O13SER\'A1'ION XXII, en rétention.
c). Symptômes rectaux. Les troubles du rectum
figurées dans les trois observations ont revêtu la
même forme que ceux de la vessie, à savoir : chez les
deux premiers malades, incontinence de matières
fécales; chez le troisième au contraire, de la réten-
tion.
C..E'uo<Mo7t de la paralysie. La période para-
lytique finit de jouer son rôle dans l'évolution du
drame morbide par la disparition graduelle et com-
plète de la paralysie, qui, après avoir duré un temps
variable, rétrograde et finalement guérit tout à fait.
C'est ce qui est arrivé chez les trois malades. La durée
totale de la paralysie a été très variable; ainsi chez le
malade de 1'013SERVATION XX elle a été de quatre mois
et demi ; chez celui de ! 'observation 1111, de trois
mois à peine, et chez celui de l'OBSERVATION XXI, d'un
mois et demi.
3. Période de sranisooe TnfroïnL. Cette période
commence immédiatement après la disparition de
116 CLINIQUE NERVEUSE.
toute trace de paralysie. On distingue très nettement
deux ordres de symptômes : A). Symptômes positifs,
c'est-à-dire des symptômes qui peuvent, et dont quel-
ques-uns même doivent figurer au tableau clinique,
et B). Symptômes négatifs, c'est-à-dire des symptômes
qui ne peuvent et ne doivent pas jouer de rôle dans
la représentation morbide. ·
A). Symptômes positifs. Les symptômes positifs
que nous avons rencontrés chez nos trois malades
peuvent être rangés en quatre groupes : a). le syn-
drome tabétoïde et sensitif; b). les symptômes vési-
caux ; c). les symptômes rectaux, et d). les symptômes
génitaux.
a). Syndrome tabétoïde et sensitif. Nous voilà à
arrivé à l'étude de ce syndrome qui existe dans les
trois cas et qui domine l'état des malades à cette
période. C'est le caractère essentiel et fondamental,
c'est l'aboutissant par excellence de notre forme cen-
trale spinale postérieure. Passons maintenant à
l'étude détaillée et spéciale des symptômes constitu-
tifs de ce syndrome.
1° Douleurs fulgurantes. Les douleurs comme
des éclairs, qui partaient tout d'un coup, ont été pré-
sentées par les trois malades. Ce symptôme a fait son
apparition pendant la période paralytique, dès le
début de la paralysie et persiste après la guérison de
celle-ci, constituant un des symptômes les plus sail-
lants de la troisième période.
2° Douleurs en ceinture. Ce symptôme qui a
figuré deux fois, a fait son apparition à des moments
chronologiques tout à fait différents; c'est ainsi que le
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 47
malade de M. Marie a commencé à avoir la sensation
d'un corset de fer, à la même époque que la paralysie,
tandis que le nôtre, (OBs. XXI) a commencé à sentir
'la base de son thorax serrée dans un étau, au moment
même de la disparition-complète de la paralysie; cette
sensation servant en quelque sorte de symptôme de
transition entre la période paralytique et celle du
syndrome tabétoïde. N'étant pas continuelle, elle
survenait par intervalles variables donnant lieu quel-
quefois à des étouffements violents. Cette sensation
de serrement durait chaque fois un temps variable,
généralement chez le malade de l'OBSERVATiON XX, de e
cinq à dix minutes, chez celui de l'OBSERVATION XXI,
de dix minutes à quatre heures. Quelquefois aussi
(OBs. XX), c'est pendant des journées entières que
cette sensation dure et le malade souffre alors énor-
mément.
3° Crises gastriques. Ce symptôme a été re-
marqué deux fois ; tout d'un coup, les malades des
OBSERVATIONS XX et XXI, sans écart de régime et sans
dyspepsie préalable, étaient pris de vomissements
accompagnés de douleurs violentes à la région gas-
trique ; ils vomissaient jour et nuit et rendaient parfois
du sang. Après chaque crise qui durait quelques jours,
l'estomac reprenait aussitôt ses fonctions normales ?
Les crises survenaient par intervalles irréguliers chez
le malade de l'OBSERVATION XXI. Celles de l'autre
(Obs. XX), étant au commencement un peu atypiques
et survenant par intervalles très irréguliers, étaient
devenues à un moment donné typiques et d'une pério-
dicité remarquable ; elles survenaient alors tous les
mois presque à la même date. Plus tard, les crises
48 CLINIQUE NERVEUSE.
gastriques de ce malade étaient devenues plus fré-
quentes et sur huit jours il n'en avait guère, dit-il,
que deux à trois de tranquillité; tous les autres jours
il vomissait. Cette fréquence a fini par troubler l'es-
tomac d'une manière permanente, au point que les
six derniers mois, il s'était mis à vomir tous les ma-
tins; il mangeait sa soupe, puis trois quarts d'heure
à une heure après, il vomissait de la bile ou des
glaires, mais non ses aliments.
4° Signe de Romberg. - L'occlusion des yeux
déterminait dans l'équilibre des trois malades des
oscillations très manifestes, au point que, si elle se
prolongeait, les malades tombaient en arrière. Il est
inutile d'ajouter que la marche devenait très difficile,
parfois même impossible sans le concours de la vue.
Aux troubles du sens musculaire, nous devons ne
pas oublier de rattacher la perte de notion de posi-
tion des membres inférieurs du malade de 1OBSI : RYA-
Tiori XX 1.
5° Démarche ataxique. L'ataxie a été observée
chez ces trois malades à des degrés de développe-
ment différents. Par exemple, l'ataxie des malades
des Observations XX et XXI est tout à fait typique :
projection des jambes avec déviation latérale, coups
du talon sur le sol, incorrection caractéristique des
mouvements, enfin rien ne manque au tableau. Par
contre, l'ataxie du malade de l'OI3SLIrvATIOr XXII est
pour ainsi dire ébauchée; l'hésitation et la mala-
dresse constatée au moment de se lever subitement
d'une chaise basse pour se mettre immédiatement en
marche, la peine qu'il éprouve à se tenir debout, les
oscillations quand il essaye de se tenir sur une
D35 ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRE ? . 49
jambe, l'impossibilité de s'arrêter brusquement ou
de se retourner très vite pendant la marche sans
osciller, la grande difficulté de marcher en arrière, la
rampe de l'escalier, et enfin les oscillations détermi-
nées dans l'équilibre par l'occlusion des yeux, mon-
trent évidemment que notre malade était en pleine
voie de devenir ataxique ou plutôt c'était un ataxique
ébauché.
6° Anesthésie en plaques. La paralysie de la sen-
sibilité qui a été constatée au moment de l'invasion de
la deuxième période, au sur -et à mesure que le temps
s'avançait, rétrogradait, elle se localisait, anesthésie.
de la surface antérieure de la cuisse droite, région
ayant été à une époque antérieure le siège de la sen-
sation de brûlure; parfois l'anesthésie disparaît com-
plètement.
7° Engourdissement des pieds. Nous avons re-
marqué l'existence de ce symptôme chez le malade de
l'OBSERVATION XXII, qui très souvent était tourmenté
d'engourdissements de pieds, par suite desquels il
avait une sensation vague de ses chaussures et de ses
caleçons. Lorsqu'il se préparait un changement de
temps, ou lorsque le malade se fatiguait, ses engour-
dissements variables d'intensité devenaient très forts,
en même temps qu'ils s'étendaient aux cuisses.
8° Abolition des réflexes. L'absence des symp-
tômes de Westphal a été constatée chez nos deux
malades. Il n'en est pas de même pour les réflexes
rotuliens du malade de M. Marie, qui étaient même
légèrement augmentés des deux côtés.
9° Chute des ongles. Ce symptôme a figuré une
fois (Ois. XXII). La chute n'a été précédée d'aucune
Archives, t. XVII. Il
50 CLINIQUE NERVEUSE.
cause locale, soit traumatique, soit d'autre nature,
ni accompagnée soit de suppuration, soit d'inflamma-
tion, soit d'ulcération. Un matin, le malade ayant
observé que ses ongles étaient décollés et ne tenaient
qu'un peu vers leur base, les a détachés très facile-
ment et sans la moindre douleur. Les ongles tombés
ont été remplacés par de nouveaux qui sont petits,
difformes, arrondis et n'ayant pas la moindre ressem-
blance avec des ondes normaux.
Nous sommes naturellement amené, après avoir
spécialement décrit chaque symptôme de ce syndrome,
à l'étude du développement de ce syndrome, de sa
marche et de sa terminaison, en un mot.nous allons
aborder l'étude de l'évolution du syndrome tabé-
toïde.
Ce syndrome a commencé chez les trois malades
dès le premier temps de la période paralytique : à ce
'moment, sa place au tableau clinique est secondaire,
la paralysie étant l'élément qui domine de la situa-
tion du malade. Petit à petit, le tableau clinique
change considérablement d'aspect et ce qui était secon-
daire devient' d'une, importance majeure et ce qui
était d'une importance majeure devient secondaire,
c'est-à-dire que le syndrome tabétoïde persiste, s'ag-
grave même, et peu à peu, domine l'état du malade;
tandis que l'élément paralytique rétrograde et diminue
considérablement d'intensité.. Finalement, l'état mala-
dif ne cessant pas un instant de changer son aspect
clinique toujours dans le même sens, il arrive en défi-
nitive un moment où l'élément paralytique disparaît
complètement, le syndrome tabétoïde dominant tout
à fait l'état du malade. A ce moment, le tableau cli-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. SI t
nique est presque exclusivement constitué par ce
syndrome, c'est à cette époque que le malade entre
dans la période du syndrome tabétoïde.
Poursuivons l'évolution ultérieure de ce syndrome,
Chez les trois malades, il tend à s'aggraver et marche
vers l'ataxie. Le signal de son arrivée est marqué par
la faiblesse des membres inférieurs, occasionnée peut-
être par la fatigue chez les deux premiers malades et
par le refroidissement chez le troisième. Le temps qui
s'est écoulé entre la disparition de la paralysie et le
commencement de l'ataxie marqué par la faiblesse
des membres inférieurs, c'est-à-dire le temps que le
syndrome tabétoïde a mis pour aborder son stade
ataxique, n été très variable chez les trois malades :
c'est ainsi que chez le malade de M. Marie, il a fallu
plus de six ans et demi; chez le malade de t'OBSERVA-
TION XXII, il n'a pas fallu plus de quatre mois; enfin,
chez le malade de l'OBSERVATIOI; XXI, un mois seule-
ment et quelques jours ont suffi pour que le syndrome
tabétoïde arrivât à son stade ataxique. Une fois ar-
rivé à ce point de développement, tantôt le syndrome
tabétoïde s'arrête dans son évolution, l'ataxie étant
avortée, ébauchée, et tel est le cas de l'OBSERVATION
XXII; tantôt, au contraire, il poursuit sou évolution
et l'ataxie se développe complètement (OBS. XX
et XXI).
Finissons la description de l'évolution du syndrome
tabétoïde par l'étude de sa marche ultérieure et de
ses terminaisons chez nos trois malades. Ce syndrome
une fois commencé ou complètement arrivé à l'ataxie,
il peut se présenter deux cas : ou bien il commence à
rétrograder peu à peu, et le syndrome tabétoïde avec
82 li CLINIQUE NERVEUSE.
son ataxie est considérablement amendé, ce qui est ar-
rivé chez le malade de ]'OBSERVATION XXI, qui, a l'aide
d'un traitement de trois mois, a eu uuamendement consi-
dérable de son syndrome tabétoïde, car il ne projetait
plus ses jambes, il ne frappait plus le soi, le mouvement
de ressort était très léger, il sentait ses jambes plus
fortes et pouvait faire une heure de chemin sans se
fatiguer beaucoup, mais la démarche était encore in-
certaine : le signe de Romberg était bien moins *
marqué, les douleurs fulgurantes étaient atténuées
sous tous les rapports, fréquence, intensité, etc. Les
douleurs en ceinture étaient plus tolérables, ne don-
nant plus la sensation d'étouffements. Les crises gas-
triques n'avaient plus reparu. Malheureusement, nous
avons perdu le malade de vue et nous ne pouvons
dire si le syndrome tabétoïde a disparu tout à fait.
L'amendement de ce syndrome peut être tel qu'il
équivaut presque à la guérison, à preuve par exemple
I'OBSnvnTrov XX II, dans laquelle l'ataxie rudimentaire,
sous l'influence des quatre mois de traitement disparut
presque totalement; les oscillations déterminées dans
l'équilibre par l'occlusion des yeux, étaient peine
appréciables, les engourdissements n'avaient plus
reparu. Les douleurs fulgurantes étaient très rares et
bien moins intenses. Ou bien le syndrome tabétoïde
avec son ataxie reste stationnaire, mais il ne progresse
pas ; tel est le malade de l'OBSERVATION XX qui est
resté ataxique pendant huit ans, sans que son ataxie
arrive à son dernier stade, c'est-à-dire sans que le
malade soit conflué au lit.
b). Symptômes vêsicaux. Nous avons à étudier
deux symptômes vésicaux : 1° les douleurs- uréthrales
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. je
du malade de l'OBSERVATIO ? XXII qui, survenant par
intervalles irréguliers, se produisaient au cours de la
miction. Elles étaient variables d'intensité, parfois
légères, le plus souvent atroces, au point que le ma-
lade sentait son canal déchiré, parcouru comme par
des lames de rasoir, la dyosurie coexistante à une
certaine époque servait à prolonger le supplice du
malade; 2° l'incontinence d'urines. L'incontinence
d'urines des malades des Observations XX et XXI
paraît de nature paralytique, survenant d'une façon
accidentelle surtout sous l'influence delà fatigue. Celle
au contraire du malade de l'OBSERVATION XXII paraît
de nature spasmodique, ayant lieu d'une manière pa-
roxystique; tout d'un coup un jet d'urine lui échappe
involontairement.
c). Symptômes rectaux. Nous n'avons à noter
comme symptômes de ce genre que la constipation
du malade de l'OBSERVATtON XXI.
d). Symptômes génitaux. Après une impuis-
sance de deux mois, dès l'invasion de l'accident, le
malade de l'OcsERVATtONXX n'a plus de troubles géni-
taux. Celui de l'OBSERVATION XXI avait des érections
incomplètes suivies d'éjaculation immédiate. Cet état
général s'est beaucoup amélioré après le traitement.
Enfin nous observons chez le malade de l'OBSERVA-
tion XXII des pollutions par crises, c'est-à-dire qu'il
avait des pollutions deux, trois et quatre fois même
dans le cours de la même nuit; cela durait deux ou
trois nuits de suite, au bout desquelles plusieurs se
passaient sans pollutions. Elles n'étaient motivées ni
par une continence préalable, ni par une excitation
érotique, ni par des rêves lascifs, etc., quelquefois
34 CLINIQUE NERVEUSE.
même il lui arrivait d'avoir des crises immédiatement
après avoir eu des rapports avec sa femme. Enfin,
elles n'étaient pas du tout accompagnées 'd'éréthisme
vénérien.
Les érections étaient incomplètes et insuffisantes
pour l'accomplissement de l'acte du coït, l'éjaculation
était hâtive et sans développement de sensation volup-
tueuse. Après le traitement, les pollutions ont disparu
et les érections étaient plus complètes.
B). Symptômes négatifs. A côté de symptômes
positifs de la période du syndrome tabétoïde, il y a
des symptômes négatifs, c'est-à-dire des symptômes qui
ne peuvent et ne doivent pas figurer au tableau cli-
nique de la force centrale postérieure. Ce sont :
a). Le syndrome de la paraplégie spasmodique.
Ce syndrome, qui était le seul aboutissant de la forme
centrale spinale latérale et qui constituait avec le
syndrome tabétoïde la vraie caractéristique de la
forme centrale spinale postéro-latérale fait au contraire
défaut à la forme centrale spinale postérieure.
b). Symptômes myatrophiques. Aucun de nos
trois malades ne présentait trace de myatrophie les
muscles étant parfaitement conservés.
c). Symptômes céphaliques. Il n'y avait pas un
seul symptôme céphalique. Ceux des malades des
Observations XX et XXI immédiatement après la dis-
parition de la période du début ont définitivement
disparu pour ne plus reparaître. Nous n'avons pas
oublié de fixer l'attention de notre lecteur sur le
polymorphisme de la période du début, mais au mo-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 55
ment de l'invasion de la deuxième période, l'unifor-
mité apparaît par une symptomatologie presque inva-
riable, paralysie, auesthésie, troubles de la vessie et
du rectum. A une étape plus ou moins ultérieure de
cette forme, l'uniformité est encore plus prononcée
chez nos trois malades. En effet, le tableau clinique
dégagé de sa paralysie après quelque temps, aboutit
invariablement à un complexus symptomatique carac- r
térisé par le syndrome tabétoïde. Donc, polymor-
phisme du début et uniformité de l'étape ultérieure
comme caractères généraux, les nuances cliniques
spéciales des symptômes du début, l'intervalle spécial
entre la disparition de symptômes du début et l'inva-
sion de ! a paraplégie, le mode d'invasion de celle-ci,
le mode de l'évolution du syndrome tabétoïde, les
symptômes négatifs comme caractères partiels, enfin
la marche qui deux fois a été éminemment rétrogres-
sive et une fois stationnaire mais jamais progressive,
tous ces caractères, dis-je, donnent à notre forme
centrale spinale postérieure un cachet de spécialité.
Après le long exposé des trois observations qui nous
ont servi à établir les grandes lignes de la pathologie
de cette forme, il devient inutile et superflu de réfuter
l'idée de considérer nosologiquement ces cas comme
des cas d'ataxie locomotrice, petite erreur commise
par un excellent et distingué confrère M. Charpentier
qui, par une coïncidence fortuite, ayant observé le
malade de M. Marie, Gromillet, a publié l'obser-
vation comme un cas d'ataxie locomotrice consé-
cutive à des accidents de décompression brusque par
rupture d'un scaphandre (Union médicale, n° 115 du
14 août 1883). C'est ce qui a amené aussi M. Reynaud
56 CLINIQUE NERVEUSE.
dans son intéressant travail à accepter à tort la pos-
sibilité de lésions systématiques survenant par l'em-
ploi des scaphandres; c'est ce qui est indiqué par son
passage suivant : « Les lésions peuvent être plus sys-
tématisées encore dans l'axe nerveux, et M. le Dr Char-
pentier a signalé à la Société de biologie, en 1884, un
cas d'ataxie locomotrice survenu chez un scaphandrier,
à la suite de la rupture de l'un des tubes. »
D. FORME SPINALE POSTÉRIEURE.
. Nous ne ferons que signaler l'existence de cette
forme, n'ayant à rapporter qu'une seule observation
qui est la suivante :
Observation XXIII. Accident survenu le 10 août 1884. Quatre
immersions de 2'r ci 2 brasses de profondeur ; dix ci douze minutes
de séjour; décompression brusque sans accidents. Cinq immer-
sions de suite, 28 brasses de profondeur, un quart d'heure de séjour.
Une heure, d'intervalle de bien-être parfait, entre le moment de
la décompression et l'invasion de l'accident. Pas de symptômes
du début. Vague sensation de pantalons et de caleçons.
Anesihésie sous tous les modes. Pas de sensation du sol. Le
soir, ci 10 heures, picotements d'aiguille, insomnie. Le leitde-
main matin, disparition de ces picotements pendant quelques
heures, qui réapparaissent bientôt. Perte de notion de position
des membres inférieurs.
Etat actuel (20 août 4 884). Anesihésie en plaques assez
étendues. Retards dans la sensibilité. Signe de Romberg. Difficulté
de la marche dans l'obscurité et les yeux fermés. Perle de notion
précise de position des membres. Abolition de tous les réflexes,
plantaires, crèmastériens et rotuliens. Picotements d'aiguille.
Traitement par immersions dans l'air comprimé de quatre jours.
Guérison complète et définitive.
Histoire. Basile Janachos, âgé de 34 ans, d'une constitution
1 Du rôle de la décompression brusque dans les accidents nerveux con-
sécutifs aux explosions du grisou. '
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. Il,)-,
fort robuste, ne présente pas d'antécédents héréditaires ni per-
sonnels, pas d'accidents syphilitiques ou paludéens; pas de mala-
dies antérieures.
Ayant commencé en 1878 son métier de scaphandrier, il a tra-
vaillé pendant six années environ, faisant régulièrement ses
campagnes pour la pêche des éponges, sans accident. Le 10 août
1884, après avoir déjà fait quatre immersions à une profondeur de
S4-25 mètres, 10-12 minutes de séjour et de décompression
brusque, sans accident consécutif; redescend pour la cinquième
fois à la profondeur de 28 brasses, ayant prolongé son séjour
d'un quart d'heure.
Une heure se passe après la décompression et l'enlèvement du
casque et le malade se porte parfaitement bien. Pas de perte de
connaissance; pas de vertiges; pas de troubles du langage; pas
de maux de tête, enfin aucun symptôme céphalique. Pas de
dyspnée, pas de toux, ni autre symptôme respiratoire. Pas de
gonflement de l'estomac, pas de douleurs, pas de pesanteur ni
autre symptôme gastrique. Enfin pas de douleurs, soit muscu-
laires, soit articulaires.
Au bout d'une heure, le malade a commencé à ne plus perce-
voir le contact de ses pantalons et de ses caleçons. Quand on le
touchait, qu'on le pinçait ou qu'on lui appliquait quelque chose
de froid ou de chaud, comme par exemple du vinaigre assez
chaud pour le frictionner suivant l'habitude des plongeurs, il ne
s'en apercevait pas du tout.
Etant sorti du bateau pour prendre de l'air, il a constaté que
pendant la marche, il ne sentait pas le sol; il croyait, dit-il, qu'il
marchait sur un sol tapissé d'épongés. Il n'y avait aucune trace
de paralysie des membres ou de la face. Pas de moindre trouble,
soit de la vessie, soit du rectum, soit des organes génitaux. Le
soir, à 10 heures, étant au lit, il a commencé à souffrir de dou-
leurs piquantes, d'une durée instantanée, se succédant très rapi-
dement les unes aux autres et qui lui firent passer une nuit
blanche.
Le lendemain malin, ces douleurs, que le malade comparait à
des piqûres d'aiguille, ont tout à fait disparu pendant quelques
heures, pour revenir le soir plus intenses, mais par contre, plus
espacées. Les jours et les nuits suivants, étant au lit, il a perdu
plusieurs fois la notion déposition des membres inférieurs et, par
moments, il les perdait tout à fait; il ne les sentait pas. Dix jours
après son accident, il est venu me consulter; pendant ce temps,
son état n'a pas été sensiblement modifié.
Etat actuel (20 août 1884). La sensibilité est profondément
altérée; on trouve des plaques d'anesthésie assez étendues aux
différentes régions do ses membres inférieurs. A d'autres régions,
nous avons conslalé des retards dans la sensibilité; 5-6 secondes
58 CLINIQUE NERVEUSE.
s'écoulaient entre l'excitation et la perception sensitive; une fois
la sensation perçue, elle durait plus qu'à l'état normal.
Le sens musculaire est à son tour altéré. Il y a des oscillations
très manifestes, déterminées dans l'équilibre par l'occlusion des
yeux. Il marche avec difficulté dans l'obscurité elles yeux fermés.
Il n'a pas une notion précise des différentes positions que l'on
imprime aux membres inférieurs. Les réflexes sont complètement
abolis des deux côtés; la projection de la jambe qui suit chaque
coup porté sur le tendon rotulien fait absolument défaut; les
réflexes crémastériens n'existent pas; quand on titille la plante
de ses pieds, il no contracte pas ses jambes.
Les picotements d'aiguille n'ont pas cessé de tourmenter le
malade, survenant à des intervalles très réguliers et variables
d'intensité. Il n'y a pas de troubles de la sensibilité et du sens
musculaire aux membres supérieurs. Réflexes normaux. Pas do
picotements. Il n'y a nulle part la moindre trace de paralysie
motrice. Pas de troubles myatrophiques, les muscles de son corps
étant même parfaitement bien conservés. Pas de troubles vaso-
moteurs. Rien du côté de la vessie, -du ]ectum et des organes
génitaux.
Nous avons chaudement recommandé au malade comme trai-
tement les immersions à l'aide de l'air comprimé, pas autre
chose. Chaque immersion devait se faire à une profondeur qui ne
devait pas dépasser les 12 brasses, et une demi-heure de séjour.
Il devait en faire 4-5 par jour. Il a continué quatre jours ce traite-
ment et, dès le premier jour, il a senti une amélioration considé-
rable qui n'a pas tardé de se transformer en une guérison com-
plète et définitive.
État du malade le 3S août 1884. Il n'y a plus de plaques
d'anesthésie. Plus de retards dans la sensibilité. Pas d'oscillation
par l'occlusion des yeux. Pas de difficulté dans la marche sans le
concours de la vue. Pas de perte de la notion précise, des diverses
positions imprimées aux membres. Retour de; réflexes rotuliens,
crémastériens et plantaires presque à l'état normal. Pas de pico-
tements d'aiguille.
Nous avons revu le malade plusieurs fois depuis cette époque
et nous avons constaté que la guérison ne s'est pas démentie un
seul instant.
Analyse. Si d'une part on ne peut nier l'exis-
tence de la forme spinale postérieure d'accidents spi-
naux provenant de l'emploi des scaphandres, car
l'observation que nous venons de rapporter est là
pour le démontrer, on ne peut pas d'autre part éta-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. je
blir la pathologie de cette forme, car un seul cas est
loin d'y suffire. Nous nous bornerons donc à analyser
brièvement l'observation rapportée. On a remarqué
qu'une heure s'est écoulée entre la décompression et
l'invasion de l'accident.
Les symptômes spinaux ne sont précédés, et c'est
ce qui arrive généralement chez les malades apparte-
nant aux formes précédentes, comme aussi à celle qui
suivra immédiatement, d'aucun des symptômes qui
appartiennent à la période du début des autres formes
spinales. En effet, pas de symptômes céphaliques,
pas de symptômes gastriques, pas de troubles respi-
ratoires, pas de douleurs soit musculaires, soit articu-
laires. On ne sera pas toutefois étonné de rencontrer
des cas appartenant à cette forme dont le tableau cli-
nique présente des symptômes du début. La patho-
génie même des accidents par l'emploi des scaphan-
dres et des symptômes de la période du début des
autres formes spinales nous donne le droit de s'y
attendre.
Or, le tableau clinique est représenté seulement
par la symptomatologie spinale. Cette symptomato-
logie exclusivement constituée par des picotements
d'aiguille et en général par des troubles de la sensi-
bilité, par des troubles du sens musculaire et par
l'abolition des réflexes des membres inférieurs, sans
aucune trace de paralysie, sans myatrophie et sans
symptômes du côté de la vessie, du rectum et des
organes génitaux, démontre évidemment que la lésion
consécutive aux embolies et à l'infiltration gazeuse
siège aux régions postérieures de la partie dorso-
lombaire de la moelle. Cette lésion doit être certaine-
60 CLINIQUE NERVEUSE.
ment très légère, ce qui est parfaitement démontré
par sa rapide disparition.
Les accidents provenant de l'emploi des scaphan-
dres nous fournissent un si grand nombre de cas que
j'espère rencontrer des malades appartenant, à cette
forme et pouvoir alors constituer les grandes lignes
de la pathologie de la forme spinale postérieure.
E. FORME UNILATERALE.
Suivant que le siège de la localisation a lieu, soit
dans la moelle épinière, soit dans les méninges, nous
distinguons la forme intra-spiuale ou intra-myélitique
et la forme extra-spinale ou extra-myéiitiquë.
A). Forme intra-spinale ou intra-myélitique.
D'après le programme que nous suivons et qui nous
paraît essentiellement clinique, nous rapporterons les
observations cliniques, et puis, appuyé sur elles, nous
établirons la pathologie de cette forme dans ses
grandes lignes.
Observation XXIV. - Accident provoqzcé le 2fi aocït 1882. Quatre
immersions de 20-22 brasses de profondeur et d ? c ci quinze mi-
nutes de séjour sans accident. Cinquième immersion, même
profondeur , une demi-heure de séjour. -Immédiatement après la
décompression, douleurs violentes ci l'épaule gauche, perte de con-
naissance, douleurs intenses aux diverses -articulations. Vers
le coucher du soleil, faiblesse se transformant en paralysie com-
plète du membre inférieur droit. Abolition de la sensibilité au
membre inférieur gauche. -Le 2 septembre, possibilité de se tenir
debout ci l'aide d'un appui. -Le 15 septembre, possibilité de mar-
cher sans appui, secousses. Les mois suivants, le membre para-
lytique se dégage de plus en plus, épihpsie spinale, contractures
passagères.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 61 t
Etat actuel (15 janvier 188;i;. - Purésie légère du nenzGne
inférieur droit. Secousses, exaltation des réflexes. Epilepsie spinale
spontanée et difficilement provoquée, légère diminution de la sen-
sibilité au niveau du membre' inférieur gauche.
Histoire. - Chrislos Roussis, âgé de vingt ans. Pas d'antécé-
dents héréditaires ou personnels. Il a commencé à travailler en
juin 488-2 et il a continué son travail dans l'air comprimé durant
les mois, de juin, juillet et jusqu'au 26 août sans accident. Ce
jour-là, il fait quatre immersions à une profondeur de 20 à 22
brasses et de dix à quinze minutes de séjour sans accident. Il en
fait une cinquième à la même profondeur et après avoir prolongé
son séjour une demi-heure; il se fait remonter. Immédiatement
après la décompression brusquement faite, il sent des douleurs
violentes à l'épaule gauche. Au bout de cinq minutes, le malade
perd connaissance pendant quatre heures; il n'avait conscience
de rien. Au bout de cet espace de temps, le malade revenu com-
plètement, est pris aux diverses articulations de douleurs très
intenses qui l'ont fait horriblement souffrir. Vers le coucher
du soleil, les douleurs articulaires disparaissent pour faire place
à une faiblesse du membre inférieur droit, laquelle dans un délai
de deux heures se transforme en une paralysie complète. La sen-
sibilité du membre inférieur gauche aurait été abolie. Rien du
côté de la vessie, du rectum et des organes génitaux. Le 2 sep-
tembre, il a pu se tenir debout et faire quelques par en traînant
son membre et à l'aide d'nn appui.
L'amélioration qui a si rapidement commencé a continué avec
la même activité, à tel point que, le quinze septembre, la malade
a pu marcher sans appui. A ce moment le malade commence
à avoir des secousses; son membre paralytique se fléchissait et
s'étendait tout d'un coup. Les mois suivants, son membre se dé-
gageait de plus en plus de sa paralysie et il marchait de mieux
en mieux. A cette époque, ce membreétaitsouventpris d'un trem-
blement rythmique, surtout après le réveil et sous l'influence de
la fatigue et des émotions morales. Plusieurs fois aussi, il avait
des contractures passagères ; son membre se raidissait en exten-
sion durant quelques minutes.
Etat actuel do janvier 1885. Toute la symptomatologie du
malade consiste en une parésie spatique dumembre inférieur droit.
La parésie est légère, car le malade peut faire une heure de
chemin sans se fatiguer et sans boiter, mais s'il veut dépasser ce
temps, il commence à sentir delà fatigue à son membre inférieur
droit, qui alors, si la marche se continue encore, commence à
trembler et bientôt le malade est obligé bon gré mal gré de se
reposer. Il faut faire marcher le malade pour pouvoir provoquer
l'épilepsie spinale, qui même alors ne se manifeste que faiblement.
62 CLINIQUE NERVEUSE.
Quelques secousses surviennent parfois à son membre parétique.
Il n'y a plus de contractures passagères. Il y a une exaltation
très marquée du réflexe cremastérien plantaire et rotulien de ce
..membre. Pas trace de parésie au membre inférieur gauche, aux
supérieurs et à la face. Nous'constations une légère diminution
de la sensibilité sous tous ses modes au niveau du membre infé-
rieur gauche. 11 n'y a aucune trace d'atrophie musculaire. Les
muscles du membre droit sont aussi bien conservés que ceux du
gauche. Pas de symptômes tabétoïdes.
Pas de troubles vaso-moteurs ou trophiques ou des organes gé-
nitaux delà vessie et du rectum. Il n'y a pas de symptômes cépha-
liques. ,
Observation' XXV. AcMdeK< survenu le 16 juillet 1884 ci la suite de
la 1 ? immersion, 18 brasses de profondeur, séjour de plus d'une
laezcre. Plusieurs immersions antérieures à la même profondeur et
au-dessus sans jamais avoir prolongé le séjour au delà de quinze
minutes; décompression toujours la même. Une heure et demie
d'intervalle entre la décompression et l'invasion de l'accident.
Aphasie motrice et surdité psychique, étourdissements. Au bout
de trois heures disparition de ces symptômes. Intervalle de
bien-être de quelques minutes de durée entre la disparition de
ces symptômes et l'invasion de la monoplégie du membre inférieur
droit. Abolition de la sensibilité de ce même membre. Le 18
juillet possibilité de se tenir debout et de faire quelques petits pas.
Le 29 juillet possibilité de marcher sans appui. Au mois.
d'août, dégagement progressif de la paralysie. Secousses. Épilepsic
spinale spontanée. Contractures passagères.
Etat actuel (2 septembre 1884). - Parésie du membre inférieur
droit. Très léger boitement, à peine perceptible. Exaltation des ré-
flexes. Epilepsie spinale spontanée. [Secousses. Altération de la
sensibilité du coté droit, depuis une ligne correspondant au dernier
vertèbre dorsal jusqu'au pied da·oit.-Traitcnzeaztdc2anois, poinles
de feu, iodure de potassium, seigle ergoté, hygiène appropriée.
Etat du malade l, 10 novembre 1884. Guérison.
Histoire. --Pierre Loulos, âgé de trente ans, son père est mort
de fièvre typhoïde, pas d'autres antécédents héréditaires. Pas
d'antécédents personnels. 11 a commencé à travailler dans l'air
comprimé en juin 1884 et il a travaillé jusqu'au z juillet, sans
accident, quand ce jour-là il fait sa première immersion à une
profondeur de 18 brasses et reste plus d'une heure pour pêcher la
grande quantité des éponges qu'ils a rencontrées prés de la côte
de Caramanie. Il avait fait plusieurs immersions à la même pro-
fondeur et bien au-dessus de 23 à 25 brasses sans accident mais
il n'avaitjamaisprotongésonséjourptus dedix à quinze minutes et
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 63 raz
c'était la première fois qu'il restait au fond plus d'une heure. Inu-
tile d'ajouter que la décompression était toujours brusque. Pas
de refroidissement, pas de toux, pas de repas avant l'immersion
qui a causé l'accident. Une heure et demie après la décompression
et l'enlèvement du casque, le malade tout d'un coup voit qu'il ne
peut articuler un seul mot, il ne comprenait pas non plus ce qu'il
entendait. Il entendait, dit-il, qu'on lui parlait mais qu'il ne com-
prenait pas. Il ne savait ni lire ni écrire. En même temps il était
pris d'une incommodité qui faisait que tous les objets environ-
nants lui paraissaient se mouvoir. Pas de perte de connaissance.
Au bout de trois heures, ces symptômes céphaliques disparaissent
complètement et le malade pendant quelques minutes était tout à
fait libre de tout symptôme; il se croyait sauvé, quand au bout
de ce faible délai, le sujet est pris de paralysie subite et com-
plète de son membre inférieur droit. La sensibilité de ce même
membre aurait été considérablement diminuée, quand on se met-
tait à le frictionner avec du vinaigre chaud; il n'aurait eu qu'une
très vague sensation de la friction. On l'avait pincé aussi et il
n'aurait pas senti. Pas de troubles de la vessie, du rectum et des
.organes génitaux. Le lendemain matin, 17 juillet, il a commencé
à pouvoir faire quelques petits mouvements. D'une heure à l'autre
l'amélioration marchait à pas rapides, de sorte que le 18 juillet il a
pu se tenir debout et faire quelques petits pas, sans trop de peine
mais à l'aide d'un bâton. L'amélioration n'ayant pas cessé un
seul instant de continuer, le malade, le 20 juillet, quitte le bâton
et marche sans appui. Au mois d'août son membre est dégagé
plus encore de sa paralysie. A cette époque notre homme a eu des
secousses et plusieurs fois son membre a été pris d'un tremblement
rythmique. La nuit son membre paralytique se raidissait parfois
en extension, pendant quelques minutes.
Etat actuel (2 septembre 1884). Le malade fait de longues
courses sans se fatiguer beaucoup; on peut toutefois constater
un léger boitement à peine perceptible. 11 y a une exaltation de
tous les réflexes du membre droit facilement constatable par les
procédés les plus élémentaires. 11 y a de l'épilepsie spinale spon-
tanée, mais non provoquée. Plusieurs fois, son membre se fléchit
et s'étend tout d'un coup. Pas de contractures passagères. Pas
d'allures de démarche spasmodique. La sensibilité estconsidérable-
ment et uniformément altérée du côté droit, depuis une ligne cor-
respondant à la dernière'vertèbre dorsale jusqu'au pied droit. Pas
d'altération du sens musculaire et en général pas de symptômes
tabétoïdes. Il n'y a aucune trace d'atrophie musculaire, les muscles
sont même bien conservés. Les fonctions de la vessie, du rec-
tum et des organes génitaux paraissent se faire régulièrement.
Pas de symptômes céphaliques.Nous l'avons soumis au traitement
par compression, à l'iodure de potassium,, au seigle ergoté et à
C4 CLINIQUE NERVEUSE.
l'application de petites pointes de feu tous les huit jours. Ce trai-
tement a été suivi deux mois.
Etat du malade le 10 novembre 1884. Le boitement n'est plus
du tout perceptible, il peut marcher deux ou trois jours sans se
fatiguer. Il n'y a plus de secousses, plus d'épilepsie spinale. Il n'y
a plus qu'une très légère diminution de la sensibilité et le seul
signe qui trahisse la préexistence de la monoplégie spasmodique
est l'exaltation du réflexe rotulien.
Observation XXVI. Accident provoqué le 20 août 1883, ci 0 heures
du matin, à la première immersion, 21 brasses de profondeur,
trois quarts d'heure de séjour. Plusieurs immersions antérieures de
la même profondeur sans accident, mais jamais plus d'un quart
d'heure de séjour; même décompression. Cinq minutes d'intervalle
entre la décompression et l'invasion de l'accident. Sensation de
pression à la nuque, engourdissements, anéantissement des forces.
Pas d'intervalle entre la disparition de ces symptômes et l'explo-
sion de la paralysie. o ! Mpeg'ie du membre inférieur gauche.
Abolition de la sensibilité du même membre. Un certain degré de
rétention d'urines. Le 13 août, possibilité de marcher à 1'tii(le d'un
appui. Le la octobre, possibilité de marcher sans appui. Secous-
ses. Tremblement. Les jours suivants, continuité de l'améliora-
tion.. ,
Etat actuel (19 novembre 1883). Parésie du membre infé-
rieur gauche. Exaltation des réflexes. Épilepsic spinale spontanée
et provoquée. Secousses, contractures passagères. Sensibilité nor-
male partout. Nécessité d'uriner dès le besoin perçu. Fonctions
génitales émoussées. Sensation du froid au membre parétique.
Nicolas Cirkas, âgé de vingt-sept ans, d'un tempérament très
fort, pas d'antécédents héréditaires ou personnels, il a commencé
son métier de scaphandrier au mois de mai 1883, et il a travaillé
trois mois sans accident.
Le 20 août 1883, à 9 heures du matin, il faitsa première immer-
sion à la profondeur de 21 brasses, concurremment avec un autre
plongeur au même endroit, prolonge son séjour troisquarts d'heure
et se fait remonter, il avait déjà fait antérieurement plusieurs
immersions à la même profondeur, sans accident, mais notons
bien qu'il n'avait jamais séjourné plus d'un .quart d'heure.
N'oublions pas d'ajouter aussi que, la décompression était tout à
fait isochrone, pas de refroidissement ni de toux, ni de repas avant
l'immersion. Cinq minutes se passent après la décompression et
l'enlèvement du casque, pendant lesquels le malade se porte par-
faitement bien, mais au bout de ce temps, le malade est pris d'une
très forte sensation dépression à la nuque, comme si un malaise
le saisissait et le pressait fortement, malaise suivi d'engourdis-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 65
sements des membres supérieurs, qui partaient des doigts pour
» remonter aux épaules, en outre ses forces étaient anéanties; pas
de perte de connaissance pas d'autres symptômes.
Au bout de trois heures à midi, la sensation de pression à la
nuque, les engourdissements, cet anéantissement de forces dis-
paraissent pour faire place à une parésie du membre inférieur
gauche, laquelle d'une heure à l'autre s'aggravait pour faire place
elle-même, vers le coucher du soleil, à une paralysie complète,
le malade ne pouvant faire aucun mouvement. La sensibilité
aurait été abolie au niveau de ce membre et peut-être un peu au-
dessus de sa racine; quand on le pinçait, il ne le sentait pas. Le
malade à ce moment aurait eu un certain degré de rétention
d'urines; il était forcé de pousser pour faire rendre l'urine.
Rien du côté du rectum. 11 a été forcé de garder le lit pendant
treize jours, au bout desquels (le 3 août), il a pu marcher un peu
à l'aide d'une béquille. A ce moment, la rétention d'urines a été
remplacée par une fréquence d'uriner dix à quinze fois par jour.
Presque immédiatement alors, il reprend son travail pour guérir,
faisant trois ou quatre immersions par jour, 10 à 42 brasses de
profondeur, et quinze à vingt minutes de séjour. D'après son dire,
d'un jour à l'autre, l'amélioration continuait, au point que le
15 octobre, le malade put marcher sans appui en boitant légère-
ment ; à ce moment, il commence à trembler. Secousses.
L'amélioration continuait toujours à se faire lentement et pro-
gressivement.
Etat actuel (19 novembre 1883). Pas de parésie du membre in-
férieur droit; par contre, le gauche est parétique, ce qui fait légère-
ment boiter le malade. Il y a une exaltation très marquée de tous
les réflexes, plantaires, rotuliens et crémastériens. Son membre est
plusieurs fois pris d'un tremblement rythmique qu'on peut d'ail-
leurs aisément provoquer en relevant brusquement l'avant-pied.
Ce membre se raidit parfois en extension, surtout la nuit, durant
quelques minutes. Pas de (roubles de la sensibilité. Il n'y a aucune
trace d'atrophie musculaire. La contractilité faradique est nor-
male. Ce membre est plus froid que l'autre. Plus de fréquence
d'uriner, mais le malade est obligé d'uriner dès le besoin perçu.$.
S'il veut y résister, ses urines alors lui échappent involontaire-
ment. Les fonctions génitales sont troublées, les érections sont
rares et incomplètes. Pas de troubles du rectum. Il n'y a aucun
symptôme céphalique.
OuSËRVATtOXXXVH. Accident provoqué le 15 juin 1881. Cinq
immersions précédentes, 20-22 brasses de profondeur, 40-15 inii2z £ -
tes de séjour et de décompression brusque sans accident. Sixième
immersion de la même profondeur, `r5 minutes de séjour. linii2é-
diatement u,.a'è lu G1 usrlHC décompression, douleurs violentes à
Aucune, t. MIL
66 CLINIQUE NERVEUSE.
l'estomac, s'irradianl aux côtes.- Au bout de 40 0 minutes, rempltt-
cement de ces douleurs par la monoplégie du membre inférieur
droit. Sensibilité du même membre énzozessée. Deux mois d'alite-
ment, secousses. - Le 16 août, possibilité de se tenir debout et
.de faire quelques petits pas à l'aide d'un appui. Epilepsic spinale
^spontanée. Contractures passagères. Travail dans l'air comprimé.
10-12 brasses de profondeur et 15 ci 20 minutes de séjour ; amélio-
ration rapide. Arrêt de l'amélioration; continuité de l'emploi
du scaphandre ; pas de nouvel accident, parfois aggravation ti,ttn-
sitoire de la monoplégie causée par quelques immersions; excès
d'alcocl.
Etat actuel (16 juillet 48884). Démarche spasmodique unila-
térale droite. Exaltation considérable des réflexes plantaires cré-
m(istéi,iei2s et rotuliens Epilepsie spinale spontanée et provoquée.
Secousses, contractures passagères. Sensibilité émoussée sous tous
les modes au même membre.
Stylianos Myris, âgé de vingt-cinq ans, pas d'antécédents héré-
ditaires ou personnels. Il a commencé son métier de scaphan-
drier en 1877. Il a travaillé pendant quatre ans, sans avoir jamais
eu d'accidents, quand le 15 juin 1881, après avoir fait cinq immer-
sions successives, à une profondeur de 20-22 brasses etdix à quinze
minutes de séjour et dépression brusque sans accident ; il est
redescendu pour la sixième fois par la même profondeur et, après
avoir prolongé son séjour au delà de vingt-cinq minutes, il se fait
brusquement comme toujours remonter. Immédiatement après
la brusque décompression et l'enlèvement du casque, le malade
est pris de douleurs violentes à l'estomac, lesquelles s'irradiaient
aux côtes, sans gonflement au moins apparent et sans autres
symptômes gastriques : pas de symptômes céphaliques ou autres.
Au bout de dix minutes environ, ces douleurs disparaissent
pour faire place à une paralysie complète du membre inférieur
droit. La sensibilité de ce membre aurait été émoussée. Pas de
troubles du côté de la vessie ou du rectum.
Il s'est alité deux mois, sans pouvoir se tenir debout.
A ce moment, il a commencé à se fléchir et à s'étendre tout
d'un coup. Le 16 août, il peut faire quelques petits pas à l'aide
d'un appui. 11 tremble du pied droit en marchant. A cette époque
plusieurs fois son membre se raidissait en extension pendant
quelques minutes. Aussitôt le malade reprend son travail par
compression, 10 à 15 brasses de profondeur et 15 à 20 minutes
de séjour et l'amélioration marche rapidement au point que, au
bout de dix jours, le malade marche sans bâton. Là, l'amé- z
lioration s'arrête, car il a recommencé à faire régulièrement
ses campagnes pour la pêche d'épongés.
11 n'a pas eu, c'est vrai, de nouveaux accidents, mais après un
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 67 1
interrogatoire très consciencieux, nous avons appris qu'il lui
arrivait parfois après la décompression de sentir son membre plus
fatigue, plus lourd, et sa marche devenait alors tiès difficile. En
outre, dans les intervalles des campagnes, il se livraitàdes excès de
femmes et de boisson (deux à trois litres de vin résiné par jour).
Malgré ces conditions absolument défavorables, l'état du malade
ne s'est pas empiré; il est resté stationnaire pendant trois années
entières, le malade traînant toujours son membre inférieur droit,
qui plusieurs fois s'était agité d'un tremblement rythmique et
frottait le sol.
Etat actuel (16 juillet 1884). La démarche du malade est
unilatéralement spasmodique ; c'est ainsi qu'il est forcé d'incliner
son tronc du côté gauche et un peu en arrière pour arriver à sou-
lever sa hanche droite et de cette façon pouvoir détacher du sol
et porter en avant son membre inférieur droit qui à ce moment
décrit un léger demi-tour en frottant le sol : son soulier droit
s'use très rapidement. Le membre inférieur gauche n'a pas trace
de paralysie. Rien aux supérieurs et à la face. Il y a une exaltation
considérable des réflexes plantaires crémastériens et rotuliens. Un
seul coup du marteau percuteur ou du bord cubital de la main sur
le tendon rotulien fait projeter deux, trois fois Ja jambe, parfois
même provoque un petit mouvement d'adduction du membre
inférieur opposé. Le membre paralytique est très souvent- agité
d'un tremblement rythmique, surtout sous l'influence de la fati-
gue et des émotions morales et, au moment du réveil, il suffit de
relever un peu l'avant-pied pour provoquer l'épilepsie spinale
qu'on ne peut faire cesser qu'en fléchissant brusquement le grand
doigt. Les secousses surviennent fréquemment à son membre et
surtout la nuit. Les contractures passagères sont encore assez
fréquentes. Quant on veut communiquer des mouvements aux arti-
culations du membre inférieur droit, on sent une résistance très
marquée, bien que le malade ne s'y oppose pas.
.La sensibilité est un peu émoussée sous tous ses modes : tempé-
rature, contact et douleurs. Pas d'atrophie musculaire, les muscles
sont bien conservés et la contractilité faradique est normale.
Pas de troubles vaso-moteurs. Rien du côté de la vessie, du rec-
tum et des organes génitaux.
Le malade a des hallucinations visuelles (animaux, figures gri-
marantes), tremblement alcoolique.
Pas d'autres symptômes céphaliques. Les fonctions des autres
organes paraissent se faire régulièrement.
bb CLINIQUE NERVEUSE.
PATHOLOGIE DE LA FORME' INTIIAMTÉLITIQUE
. OU INTRASPINALE UNILATÉRALE.
La forme intramyélitique ou intraspinale unilatérale
est très fréquente; mais pour ne pas trop fatiguer
l'attention de notre lecteur, nous n'avons publié que
quatre observations que nous avons cru suffisantes,
afin d'esquisser les grandes lignes de la pathologie de
cette forme.
La symptomatologie et leur évolution ultérieure
nous oblige à diviser en trois périodes la pathologie
de cette forme : 1° la période des symptômes du dé-
but ou extrinsèques; 2° la période monoplégique et
3° la période du syndrome spasmodique.
1° Période de symptômes du début. L'invasion des
symptômes du début chez quelques malades (Cas. XXIV
et XXVII) a eu lieu sans intervalle, immédiatement
après la décompression et l'enlèvement du casque,
tandis que chez d'autres un espace de temps s'écoule
entre le moment de la décompression et l'invasion des
symptômes du début : cinq minutes pour l'OBSERVATION
XXVI, une heure et demie pour l'OBSER1'ATIOY XXV.
Les symptômes du début de ces quatre cas ont con-
sisté en des symptômes : a), Céphaliques ; b), Symp-
tômes gastriques; c), douloureux sensitifs; d), Symp-
tômes céphaliques. Ces symptômes présentés par
les malades des Observations XXIV et XXV étaient
les suivants : '
a). Perte de connaissance chez le malade de l'OBSER-
vation XXIV, laquelle a duré quatre heures, le ma-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 69
lade n'ayant conscience de rien; pas de convulsions.
Ce symptôme, qui n'était accompagné d'aucun autre
symptôme céphalique, était précédé de douleurs à
l'épaule gauche et suivi de douleurs aux autres articu-
lations.
b. Troubles de là parole. Ces troubles qui ont
existé chez le malade de l'OBSERVITION XXV ont con-
sisté en aphasie motrice et en surdité psychique ; le
malade ne pouvait articuler un seul mot et ne com-
prenait pas non plus ce qu'il entendait. « C'est
curieux, dit-il, j'entendais qu'on me parlait, mais je
ne comprenais pas. « Le malade ne savait ni lire ni
écrire. Ces espèces d'aphasie n'ont pas duré plus de
trois heures, au bout desquelles elles ont disparu
presque brusquement et complètement.
c). Elourdissements. Ce symptôme céphalique a
figuré, associé aux troubles de la parole chez le ma-
lade de I'Observation XXV, qui était pris d'une incom-
modité de telle nature que tous les objets environ-
nants lui paraissaient se mouvoir, la durée a été la
même que celle des troubles de la parole.
d). Symptômes gastriques. Comme symptômes
appartenant à ce genre symptomatologique, nous
avons les douleurs violentes à l'estomac, lesquelles
s'irradiaient aux côtes sans gonflement au moins appa-
rent de l'estomac, ou autre symptôme gastrique con-
comitant. La durée de ces douleurs a été très courte,
pas plus de dix minutes (Ces. XXVII) environ.
e)..Iivenses douleurs et autres symptômes eyM ?
En matière de douleurs, il faut noter ces douleurs
violentes à l'épaule gauche qui ont précédé de cinq
minutes la perte de connaissance du malade de l'OB-
70 CLINIQUE NERVEUSE.
SERVATION XXIV, et les douleurs aux diverses articu-
lations, qui ont suivi cette perte de conscience du
malade et qui l'ont fait énormément souffrir pendant
quelques heures.
Au genre de symptômes sensitifs,nous devons rat-
tacher la sensation de pression à la nuque, comme si
une main le saisissait et le serrait fortement, les en-
gourdissements des membres supérieurs qui partaient
des doigts pour arriver en remontant aux épaules, et
peut-être l'anéantissement des forces.
Il suffit de rappeler que la symptomatologie du
début de l'OBSERVATION XXIV a été représentée par la
perte de connaissance précédée de douleurs à l'épaule
gauche et suivie de douleurs aux diverses articulations;
celle de l'OBSERVATION XXV par l'aphasie motrice, la
surdité psychique et les étourdissements; celle de
1'013SERVA-flON XXVI par la sensation de pression à la
nuque, les engourdissements et l'anéantissement des
forces; enfin celle de l'OBSERVATION XXVII par les
douleurs violentes à l'estomac s'irradiant aux côtes,
en d'autres termes, il suffit de se rappeler que ces
quatre cas ont eu quatre débuts dont la symptomato-
logie était tout à fait différente, constater une fois de
plus le polymorphisme du début qui constitue un des
grands caractères de toutes les formes d'accidents
spinaux provenant de l'emploi des scaphandres.
2° Période monoflégique. L'invasion de cette pé-
riode chez les malades des OBSERVATIONS XXIV, XXVI
et XXVII a eu lieu immédiatement après la dispari-
tion des symptômes du début, tandis que chez le ma-
lade de l'OBSERVA'rION XXV, quelques minutes se sont
écoulées entre la disparition des symptômes du début
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 71
et l'invasion de la monoplégie. Etudions maintenant
brièvement la monoplégie elle-même, c'est-à-dire
son mode d'invasion, ses symptômes associés et sa
marche.
a). Mode d'invasion. La monoplégie du membre
inférieur soit le gauche, soit le droit, survient presque
toujours brusquement. Deux fois, Observations XXV
et XXVI, la monoplégie était complète dès le premier
moment de son invasion; deux fois, par contre, il a
fallu à la monoplégie un certain temps, toutefois assez
court, deux heures, pour le malade de l'OBSERVATION
XXIV et plus de six heures pour l'OBSERVATION XXVI
afin d'arriver à son maximum d'intensité.
b). Symptômes associés. Les symptômes qui sont
associés à la monoplégie de ces quatre malades sont
l'altération de la sensibilité et les troubles vésicaux.
a). Altération de la sensibilité. Elle n'a jamais
manqué dans ces quatre observations. Deux fois elle a
consisté en une diminution notable, Observation XXV
etXXVII et deux fois en une abolition complète, Obier-
vation XXIV et XXVI. La paralysie de la sensibilité
paraît, dans la majorité des cas, exister du même côté
que celle de la motilité, comme dans . les Observa-
TLONS XXV, XXVI et XXVII.- Elle peut toutefois siéger
au membre opposé, à preuve l'OBSERVATMN XXIV où
la monoplégie siégeait au membre inférieur droit et
l'anesthésie, au membre inférieur gauche.
b). Troubles vésicaux. La vessie qui est presque
constamment troublée à cette période dans les autres
formes spinales, parmi les quatre cas de la forme in-
tramyélitique unilatérale, n'a été rencontrée altérée
qu'une seule fois, Observation XXVI et encore incom-
72 CLINIQUE NERVEUSE.
plètement, le malade étant forcé de pousser pour
uriner.
c). Marche. -Appuyé non seulement sur les quatre
observations rapportées, mais sur bien d'autres
encore que j'ai omises à dessein pour ne pas encom-
brer nos travaux d'observations plus ou moins ana-
logues entre elles et qui n'ajouteraient rien de nou-
veau, je puis affirmer que, dans l'immense majorité
des cas, la marche de la monoplégie est essentielle-
ment rétrogressive.
La rétrogression de la monoplégie se montre tou-
jours quelque temps après son invasion, quand le
malade peut se tenir debout et faire quelques pas. Ce
temps varie considérablement, c'est ainsi que chez le
malade de l'OBSERVATiON XXV il a été de deux jours,
chez celui de IOI3SERVATION XXIV de six jours, chez
celui de I'Observation XXVI de treize jours, et enfin
chez celui de l'OBSERYATiON XXVII de deux mois.
La marche rétrogressive de la monoplégie une fois
arrivée à ce point, à savoir la possibilité de se tenir
debout et de marcher à l'aide d'un appui, ne s'arrête
certes pas; au contraire, elle continue ses progrès et
avec rapidité. Ainsi, au malade de l'OBSGRVATIONXXV,
il a suffi de onze jours, à celui de l'OBSERVATION XXIV
de treize jours, à celui de l'OBSERVATION XXVI de douze
jours et enfin à celui de l'OBSERVATION XXVII de dix
jours pour pouvoir marcher sans appui. Nous revien-
drons dans la suite en décrivant la période du syn-
drome spasmodique sur l'évolution ultérieure de cette
monoplégie et de ses terminaisons.
3. Période DU syndrome spasmodique. L'examen
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. ni
attentif de ces cas nous rélève des symptômes positifs,
c'est-à-dire des symptômes qui peuvent figurer au
tableau clinique et des symptômes négatifs qui ne
peuvent et ne doivent pas y figurer. ,
A). Symptômes positifs. Ces symptômes sont : a)
ceux qui constituent le syndrome spasmodiques les
symptômes sensitifs; C) symptômes vaso-moteurs;
vésicaux ; génitaux.
a). Syndrome spasmodique. Un coup d'oeil -1 au
tableau qui précède suffit pour constater que le syn-
drome spasmodique n'a jamais manqué; je n'ai pas
observé un seul cas dans lequel le syndrome spas-
modique ait fait défaut, c'est le syndrome qui seul est
constant et doit être par cela même considéré comme
le caractère principal, fondamental de la forme iutra-
myélitique unilatérale, je me crois donc autorisé par la
clinique à poser la loi suivante : « Presque toutes, pour
ne pas dire toutes les monoplégies provenant de
l'emploi des scaphandres et qui se prolongeaient un
temps suffisant au développement des symptômes
spastiques, sont spasmodiques » et vice versa, « il n'y
en a aucune qui soit flacide. » Le syndrome spasmo-
dique de la monoplégie provenant de l'emploi des
scaphandres ne différant pas au point de vue sympto-
matologique de celui de monoplégies spastiques d'une
toute autre origine, nous serons bref dans la descril)-
tion spéciale de chaque symptôme de ce syndrome.
Passons en revue ces symptômes.
1° Exaltation des réflexes. Ce signe n'a man-
qué dans aucune de nos observations. Il est d'une
intensité variable, suivall t l'exci ta hil i té myél itique. Tous
74 CLINIQUE NERVEUSE.
les réflexes crémastériens, plantaires ou rotuliens ont
été très exaltés. "
- 2° Epilepsie SPINALE. - C'est un symptôme encore
constant. Presque tous les monoplégiques devenus tels
par l'emploi des scaphandres tremblent des pieds.
L'intensité de ce symptôme est très variable, c'est
ainsi que tantôt elle est seulement spontanée sans
pouvoir être provoquée (OBs. XXV), tantôt elle
peut être provoquée, mais difficilement; il faut faire
marcher le malade pour y arriver (uns. XXIV), tantôt
elle est facilement provoquable (OBs. XXVI), enfin
l'intensité de ce symptôme (Ous. XXVII), est parfois*
telle qu'il suffit de relever une seule fois l'avant-
pied pour provoquer l'épilepsie spinale.
3° Secousses. Voilà encore un autre symptôme
presque constant que l'on voit figurer dans les quatre
observations. Elles surviennent surtout la nuit.
4° Contractures passagères. Ce symptôme a existé
chez deux malades, Observation XXVI et XXVII, le
membre paralytique se raidit en extension durant
quelques minutes.
5). Dyscampsie articulaire. Quand on fait com-
muniquer des mouvements passifs au membre paraly-
tique du malade de t'OBSERVATiON XXVII, on sent une
résistance notable, sans que le malade s'y oppose.
6). Démarche spasmodique unilatérale droite. Telle e
est la démarche du malade de ]'OBSERVATION XXVII qui
est forcé d'incliner son tronc du côté gauche et un
peu en arrière pour arriver à soulever sa hanche
droite, et de cette façon, pouvoir détacher du sol et
porter en avant son membre inférieur droit, qui, à ce
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 75 e
moment, 'décrit un demi-tour en frottant le sol. Son
soulier droit s'use très rapidement.
Il est temps de passer à l'étude de l'évolution de ce
syndrome. Il commence à se développer un mois après
l'invasion de la monoplégie. A ce moment, les symp-
tômes qui le dénotent sont les secousses et l'épilepsie
spinale. A cette époque, nous n'avons pas examiné le
malade pour constater si les réflexes étaient exaltés;
mais, malgré cela, on peut l'affirmer, car cela ne
saurait être autrement. L'exagération des réflexes
chronologiquement se développe plus ou moins avant
que l'épilepsie spinale apparaisse.
Là, le symptôme peut s'arrêter dans son dévelop-
pement, il peut avorter; pour ainsi dire, comme cela
est arrivé aux malades des Observations XXIV et XXV.
Il arrive parfois que le syndrome se développe un peu
plus et que les contractures passagères viennent
s'ajouter aux autres symptômes spasmodiques (Ces.
XXVI). Une fois arrivé à ce point de développement,
le syndrome spasmodique rétrogresse, s'atténue .
(OBs XXIV et XXVI), et parfois disparaît complè-
tement, ce qui est arrivé à l'OBSERVATION XXV; il n'est
resté qu'un certain degré d'exaltion de réflexes, qui
révèle la préexistence de la monoplégie spasmodique.
Parfois ce syndrome, au lieu de s'arrêter dans son
développement, tend, au contraire, à se compléter et
alors aux symptômes, exaltation des réflexes, épilepsie
spinale, secousses, contractures passagères viennent
se joindre à la rigidité musculaire, la dyscampie arti-
culaire et la démarche spasmodique, ce qui est arrivé
chez le malade de l'OBSERVATION XXVII chez qui, une
fois arrivé à ce point de développement, il n'a pas
76 CLINIQUES NERVEUSES.
rétro-ressé, mais il n'a pas non plus progressé, malgré
l'imprudente reprise du travail, les aggravations pas-
sagères qu'il a causées et les excès alcooliques.
Nous n'avons pas observé un seul cas où ce syn-
drome ait progressé et soit arrivé à son complet déve-
loppement, c'est-à-dire à la contracture permanente,
au pied-bot spasmodique.
Or, de cette étude, il résulte : 1° que l'évolution du
syndrome spasmodique de la monoplégie provenant
de l'emploi des scaphandres n'arrive presque jamais
au terme de son évolution complète ; 2° qu'une fois
arrivée aux stations que nous venons de décrire, alors
l'évolution ultérieure, dans la majorité des cas , est
essentiellement rétrogressive, parfois peu rétrogressive
pu stationnaire, mais presque jamais, pour ne pas
dire jamais progressive. '
a). Symptômes sensilifs. On se rappelle que la
sensibilité a été trouvée constamment altérée, au mo-
ment de l'invasion de la monoplégie. Mais, à une étape
ultérieure de la monoplégie cette altération s'atténue,
et nous ne trouvons plus qu'une légère diminution de
la sensibilité, par exemple, au niveau du membre
opposé au paralytique, à savoir l'inférieur gauche (Ons.
XXIV). Cette atténuation peutaller jusqu'à la disparition
à peu près complète (OBs. XXV), ou tout à fait complète
(OBs. XXVI). Il est des cas où l'atténuation de l'altéra-
tiou de la sensibilité n'est pas notable (Cas. XXVII).
c). Symptômes vaso-moteurs. Excepté le malade
de l'OBSERVATION XXVI, qui avait une sensation de
froid au membre paralytique, ceux des Observations
XXIV, XXV et XXVII n'en ont pas du tout présenté.
d). Symptômes vt,sicazix. Parmi ces quatre obser-
DES ACCIDENTS PAR l'eMPLOI DES SCAPHANDRES. Il
valions, il n'y en a qu'une seule où l'on observe des
troubles vésicaux, qui, dans le cas en question, ont
consisté en la nécessité d'uriner dès le besoin perçu.
e). Symptômes génitaux. Comme symptômes ap-
partenant ace genre, nous n'avons a mentionner que
l'impuissance incomplète du malade de I'Observation
XXVI.
B). Symptômes négatifs. Ces symptômes sont de
deux ordres' : a) symptômes myatrophiques et b) symp-
tômes céphaliques.
a). Symptômes myatrophiques. Nous n'avons
jamais observé les symptômes qui dérivent de la lésion
des cornes antérieures, à savoir : l'absence des réflexes
et la myatrophie, les muscles mêmes bien conservés,
et la contractilité faradique normale; ce caractère
négatif est d'une importance majeure, en raison de sa
généralisation. En effet : « Presque toutes les mono-
ptegies spasmodiques provenant de l'emploi des sca-
phandres ne sont pas accompagnés de myatrophie . »
b). Symptômes e ? M. Si, d'une part, ces
symptômes sont parmi ceux qui, très souvent, figurent
dans la période du début, d'autre part, il n'y a pas
un seul cas où nous les trouvions à une période ulté-
rieure à son stade du syndrome spasmodique.
Les hallucinations visuelles et le tremblement du
malade de l'O.BsrRYATION XXVII sont des symptômes
indépendants de la lésion et dus à l'intoxication alcoo-
lique.
Avec un peu d'attention, on ne tarde pas à remar-
quer que le polymorphisme du début est, au moment
de l'invasion de la période monoptégiquc, remplacé
par une uniformité caractérisée par un complexus
78 CLINIQUE NERVEUSE.
clinique très simple, qui est le même pour tous les cas,
à savoir : monoplégie d'un membre inférieur quel-
conque, anesthésie, soit du même membre, soit du
membre opposé et parfois troubles vésicaux ; enfin, à
une étape ultérieure, cette uniformité devient extrême-
ment monotone, car la symptomatologie à ce stade est
éminemmentcaractérisée parun fond commun constant,
ne faisant jamais défaut, c'est-à-dire le syndrome
spasmodique, qui est l'aboutissant par excellence de
la forme intramyélitique unilatérale.
Or, nous retrouvons ici les deux grands caractères
qui caractérisent presque toutes les formes d'accidents
spinaux provenant de l'emploi des scaphandres, à
savoir : polymorphisme du début, ou entrée en scène
éminemment polymorphe et uniformité du dénoue-
ment ou évolution uniforme. A ces caractères
généraux, si nous ajoutons les particularités cliniques
spéciales des symptômes de la période du début, le
mode de l'invasion de la monoplégie, les symptômes
positifs et les symptômes négatifs de l'étape ultérieure,
enfin la marche de l'affection qui, dans la majorité des
cas, est rétrogressive, parfois peu rétrogressive, voire
même stationnaire, mais presque jamais progressive,
nous avons une affection spéciale qu'on ne saurait,
sans la dénaturer, faire entrer dans une maladie spi-
nale quelconque. '
variété extra-spinale OU EXTRA-MYËLlTIQUE
DE la forme unilatérale
Cette forme clinique doit être trop rare pour que
nous ne soyons en mesure d'en rapporter plus d'une
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 79
seule observation. En raison de l'intérêt extrême qui
s'attache à cette observation, nous la donnerons aussi
détaillée que possible.
Observation XXVIII. Accident provoqué le 18 septembre 1883,
.9 heures matin à la première immersion, 20 brasses de profondeur,
une demi-heure de séjour. Plusieurs immersions antérieures à la
même profondeur, le séjour au fond n'ayant jamais dépassé quinze
à vingt minutes, décompression toujours la même c'est-à-dire
brusque. Immédiatement après la décompression, douleurs
extrêmement vives, s'étendant à l'occiput et s'irradiant au membre
supérieur droit, exaspération de ces douleurs, de temps à autre,
sous forme d'attaque, rigidité musculaire du cou. Dans l'après-
midi, fourmillements et engourdissements dans le membre supérieur
droit, en même temps qu'un certain degré de parésie de ce membre.
Le 19 septembre, diminution de l'intensité des douleurs;
persistance des fourmillements et des engourdissements, agra-
vation de la parésie. - Le 20 septembre, paralysie complète
.de ce membre, localisation- des douleurs à la nuque et à l'épaule.-
La 3 octobre, faiblesse du membre inférieur droit.
Etat actuel (6 octobre). Paralysie et atrophie dégénérative
dominante dans la sphère du radial, deltoïde, biceps, brachial an-
térieur, long supinateur. Distribution de l'arzest7césie cutanée cor-
respondant à très peu de chose près à celle de la paralysie motrice.
Parésie spastique au membre inférieur droit. Traitement. Applica-
tion de petites pointes de feu sur toute l'étendue de l'axe spinal
et surtout à la nuque et sur le moignon de l'épaule. Séances quoti-
diennes d'électrisation galvanique, une demi-heure de durée, 12 à
16 éléments. Iodure de potassium à la dose de 3 grammes.
Au bout de deux mois et quelques jours de traitement, la guérison
a été complète et définitive.
Histoire. N. Chaïs, âgé de vingt-cinq ans; sa mère est morte
d'une fièvre typhoïde, pas d'antécédents héréditaires. Pas d'acci-
dents syphilitiques ou paludéens, pas de maladies antérieures.
Il a commencé le travail dans l'air comprimé, en mai 1883. Il
a travaillé pendant quatre mois et demi à peu près sans accident.
Le 18 septembre de là même année, à la première immersion
faite à 20 brasses de profondeur, séjour prolongé une demi-
heure, il s'est fait remonter toujours brusquement comme c'est la
règle. Il avait déjà antérieurement fait plusieurs immersions à
cette profondeur et avec la même décompression sans accident,
mais sans jamais avoir dépassé quinze minutes, il n'était pas
refroidi, il ne toussait pas et n'avait pas mangé avant son im-
mersion.
80 CLINIQUE .NERVEUSE.
Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du
casque, il est pris tout à coup de douleurs extrêmement vives qui
occupaient la partie postérieure du cou et surtout la moitié droite
de cette région, s'étendant jusqu'à l'occiput et s'irradiant aussi au
membre supérieur droit et surtout aux grandes articulations de
l'épaule, du coude et du poignet, qui, au dire du malade n'étaient
nullement gonflées. Ces douleurs, tout en étant permanentes,
s'exaspéraient néanmoins de temps à autre, sous forme d'accès
durant quelques minutes ; à ce moment les souffrances du malade
devenaient intolérables, elles étaient accompagnées d'une sorte
de raideur du cou ; le malade ne pouvait remuer la tête, son cou
étant immobilisé.
Dans l'après-midi, d'autres troubles de la sensibilité viennent se
joindre à ces douleurs vives, par moments même atroces, tels que
des fourmillements et des engourdissements dans le membre
supérieur droit, en même temps qu'un certain degré de parésie.
Le 19 septembre, les douleurs ont beaucoup diminué d'inten-
sité et leurs exaspérations, sous forme d'accès, sont devenues plus
espacées et moins vives, les engourdissements et les fourmille-
ments ne se sont pas du tout améliorés; la parésie même s'aggra-
vait d'un moment à l'autre. 0
Le 20 septembre, le malade est dans l'impossibilité de remuer
le membre supérieur droit qui pend le long de son tronc comme
une masse inerte. Les douleurs sont localisées à la partie posté-
rieure du cou et à l'épaule. A ce moment, le malade étant à
Egine consulte un médecin qui lui applique deux vésicatoires à
ces deux régions douloureuses; il lui donne aussi quelques médi-
caments qu'il ne peut pas définir. Il continue ce traitement une
vingtaine de jours; les douleurs qui occupaient les régions sus-
mentionnées s'irradiaient rarement Je long de son bras, mais les
engourdissements et les fourmillements n'ontcessé de tourmenter
le malade. De son membre paralysé, il pouvait faire quelques
mouvements. A ce moment, son membre aurait commencé à
devenir grêle. '
Le 3 octobre 1883, le malade a été effrayé en constatant que
son membre inférieur droit était faible et lui paraissait lourd. A
ce moment, il se décide avenir à Athènes; c'esL alors que nous
fûmes consulté.
Etat du malade (6 octobre 1883). Le membre supérieur droit
est pendant, dans une attitude incomplète depronalion; le dos de
la main porté un peu en avant.
Muscles du dos et de l'épaule. Le trapèze et le sterno-mastoï-
dien sont sains, les mouvements de rotation de la tête sur le cou
et l'élévation en masse des épaules paraissent se faire régulière-
ment. Les rhomboïdes et les grands dorsaux sont normaux, leurs
mouvements s'accomplissent physiofogiquonont. Le grand
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 81
1
dentelé est touché, car J'omoplate ne reste pas appliqué inti-
mement sur le thorax. Le grand pectoral parait un peu lésé.
La motilité des muscles rotateurs du bras, le sus-épineux, le
sous-épineux et le petit rond, parait complètement abolie.
Muscles innervés par le nerf radial. Deltoïde. Il existe une pa-
ralysie complète de ce muscle, il est matériellement impossible
au malade d'écarter directement le bras, il en est de même,
quand on lui commande d'élever le moignon de son épaule iso-
lément. Les faisceaux claviculaires du deltoïde ne sont pas moins
paralysés, comme il est facile de le constater, quand on place le
bras du malade dans l'adduction et qu'on lui fait porter la main
à la bouche.
Le court supinateur paraît avoir un certain degré de paré-
sie, car l'accomplissement des mouvements de supination est im-
parfait aussi bien quand le bras est étendu que quand il est fléchi.
Le long supinateur est à son tour paralytique, ce qu'on peut
constater en essayant de redresser l'avant-bras du malade préa-
lablement fléchi. Le biceps est fortement louché, ce qui est dé-
montré par la même manoeuvre. Au moment de sa contraction,
il ne forme plus relief sous la peau et à la palpation, il est flasque
et mou. Nous remarquons la même chose pour le brachial anté-
rieur.
Les mouvements physiologiques régis par les muscles de l'avant-
bras, fléchisseurs, extenseurs et interosseux ne sont pas atteints.
Le malade était dans la possibilité de fléchir et d'étendre le poi-
gnet, de fermer et d'ouvrir le poing, de mouvoir les doigts et de
les écartorsansta moindre difficulté, tous ces mouvements étaient
impossibles au début. Le triceps est très peu touché.
L'examen électrique nous a fourni des renseignements de la
plus haute importance. La contractilité faradique du grand den-
telé et des muscles rotateurs du bras, sus-épineux, sous-épineux
et petit rond est amoindrie. Ces muscles se contractent très bien
à la galvanisation, il n'y a pas d'inversion de la formule des réac-
tions normales, ce qui se traduit par Ka SZ > An SZ.
La contractilité faradique des muscles deltoïdes, biceps, brachial
antérieur et long supinateur est complètement abolie. L'explora-
tion galvanique de ces muscles dénote très nettement l'inversion
delà formule des réactions normales. En effet, on obtient An SZ Z
avec un nombre d'éléments qui ne suffit pas pour obtenir Ka SZ
ce qui se traduit par An SZ > Ka SZ. Il n'y a pas de modifi-
cations électriques au triceps; peut-être. la contractilité faradique
est un peu diminuée. L'examen électrique est négatif pour tous
les autres muscles du membre supérieur droit.
Sensibilité. Le malade se plaint encore avec amertume de
ses douleurs Ma région postérieure du cou, lesquels par moment
s'exaspèrent et s'irradient au moignon de l'épaule droite. La
Archive, t. XII. , 6
82 CLINIQUE NERVEUSE.
pression au niveau de l'apophyse transverse des trois dernières
vertèbres cervicales et surtout de la sixième est douloureuse.
Le moignon de l'épaule et le long du bord radial de l'avant-bras
est presque complètement anesthésique. Enfin, pour finir avec
le membre supérieur droit, n'oublions pas de noter quelques
troubles trophiques des ongles qui étaient atrophiés, amincis et
où l'on distinguait des stries transversales.
Afcm)'es ! <pe)' ! eu ! 'd)'ot. Ce membre est parétique. Il y a une
exaltation très marquée de ses réflexes, facilement constatable
par les procédés élémentaires. Au moment du réveil, sous l'in-
fluence des émotions et de la fatigue et dans certaines positions,
son membre inférieur droit commence à être agité d'un trem-
blement rythmique qu'on peut d'ailleurs aisément développer en
relevant brusquement et plusieurs fois l'avant-pied.
La sensibilité examinée sous tous ses modes a été trouvée tout
à fait normale. Il n'y a aucune trace de myatrophie. Les muscles
sont même bien conservés, la contractilité électrique est normale.
Il n'y a pas de troubles vaso-moteurs ni du sens musculaire.
Rien du côté de la vessie du rectum et des organes génitaux.
Pas de paralysie aux membres inférieur et supérieur gauches.
Il n'y a aucun symptôme céphalique.
Le traitement est ainsi institué : a), application de petites pointes
de feu tous les huit ou dix jours sur toute la région de l'axe spi-
nal et surtout sur la région de la nuque et sur le moignon de
l'épaule; 6), faire tous les jours pendant une demi-heure une
séance d'électrisation au moyen des courants continus d'inten-
sité moyenne, douze à seize éléments; c), à l'intérieur trois
grammes d'iodure de potassium par jour.
Etat du malade (21 octobre 1883). Au bout de quinze jours de
traitement. L'amélioration est notable. La motilité des
muscles grand dentelé, sus-épineux, sous-épineux et petit rond
est très améliorée, ce qui est démontré aussi bien par l'accom-
plissement bien plus régulier de leurs mouvements physiologiques
que par l'examen faradique. La contractilité faradique des
muscles deltoïde, biceps, brachial antérieur, et long supinateur
continue à être abolie , mais l'exploration galvanique donne
An S Z = Ka S Z au lieu de An S Z > Ka SZ.
Les douleurs de la nuque et du moignon de l'épaule sont bien
moins intenses. La sensibilité est complètement revenue à la ré-
gion du deltoïde et du biceps, elle est seulement un peu obtuse
au bord radial de l'avant-bras.
Il n'y a presque plus de parésie au membre inférieur droit.
L'épilepsie spinale survient très rarement; impossible de la pro-
voquer. Les réflexes sont bien moins exaltés. Nous avons conseillé
à notre malade d'insister sur le traitement institué.
Etat du malade (18 novembre 1883). L'amélioration est con-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 83
sidérable. Les mouvements physiologiques régis par les muscles
grand dentelé, sus-épineux, sous-épineux et petit rond ne sont
plus du tout altérés, leur contractilité faradique est normale. Les
muscles deltoïde, biceps, brachial antérieur et long supinateur
ont commencé à recouvrer leurs fonctions. Si la contractilité fara-
dique est encore presque abolie, l'exploration galvanique nous
montre un fait d'une importance majeure, c'est-à-dire qu'il n'y a
plus d'insertion de la formule des réactions normales, ce qui se
traduit par Ka SZ > An S Z. Pas de douleurs. La sensibilité est
complètement revenue au bord radial de l'avant-bras.
Il n'y a plus trace de parésie au membre inférieur droit. L'épi-
lepsie spinale a disparu. 11 n'y a qu'un certain degré d'exaltation
des réflexes, seul trait de passage de la parésie spasmodique
proexistante.
L'amélioration n'ayant pas cessé de continuer, vers le milieu
du mois de décembre 1883, le malade a intégralement recouvré
la motilité de ses muscles deltoïde, brachial antérieur long supi-
nateur biceps. La contractilité faradique est à son tour presque
normale; enfin, il est tout à fait guéri.
Analyse. Il n'est pas difficile de reconnaître que
le siège de la lésion initiale du cas que nous venons
de décrire longuement est extra-spinal, extra-myéli-
tique. C'est le siège de la lésion aux méninges de la
région cervicale de la moelle et surtout de sa partie
inférieure et l'irritation des racines du plexus brachial
droit qui ont donné lieu aux*vives douleurs, avec leur
exaspération de temps à autre, sous forme d'accès,
de la partie postérieure du cou, douleurs qui s'éten-
daient à l'occiput et s'irradiaient au membre supérieur
droit. C'est elle qui afait naître les fourmillements et
les engourdissements de ce membre.
Dans l'espace de deux jours, la lésion méningée, en
raison de son extension à la moelle épinière et l'alté-
ration plus profonde des nerfs périphériques ont fait
naître de nouveaux phénomènes qui viennentse joindre
au tableau clinique; ce sont la paralysie et, un peu
plus tard, la myatrophie du membre supérieur droit.
84 CLINIQUE NERVEUSE.
A une étape ultérieure de la maladie, il arrive un
fait très important, c'est la localisation presque exclu-
sive de la paralysie et de la myatrophieaux muscles qui
sont sous la dépendance du nerf radial, c'est-à-dire
deltoïde, biceps, brachial antérieur, long supinateur.
Nous assistons de la sorte à une nouvelle espèce de
paralysie radiculaire du plexus brachial survenant par
l'emploi des scaphandres.
Avant de procéder à l'explication des symptômes
qui sont présentés par le membre inférieur droit, nous
devons signaler la distribution de l'anesthésie culanée
qui correspondait, à très peu de chose près, à celle de
la paralysie motrice.
Rappelons enfin, cela mérite de fixer l'attention, la
rapidité de la guérison, aussi bien de la paralysie
radiculaire de notre malade que des autres troubles.
En effet, la guérison n'a pas exigé plus de trois mois.
Il ne nous semble pas difficile de fournir la raison
anatomique et physiologique de la parésie spasmodique
du membre inférieur droit, qui a paru quinze jours
après l'invasion de la monoplégie du membre supé-
rieur droit. Elle est due à la formation d'un foyer de
myélite transverse, consécutivement à la lésion mé-
ningée.
Quant aux symptômes spastiques, exaltation des
réflexes et. épilepsie spinale, ils sont déterminés par
une dégénération incomplète du faisceau pyramidal
droit, consécutivement au foyer de myélite transverse
qui, elle aussi, nous le répétons, est consécutive à la
lésion méningée. (A suivre.)
RECUEIL DE FAITS
UN CAS D'IDIOTIE AVEC CACHEXIE I'AClIYD13R111QUE;
Par le Dr CAMUSET,
Médecin-directeur de l'asile de Biiincitl.
M. Bourneville (Archives de Neurologie, ;t. XVI, p. 431),
énumère certaines particularités que l'on observe chez les
sujets atteints de cachexie pachydermique prononcée. Ces par-
ticularités, nous les avons toutes rencontrées chez l'idiote qui
fait le sujet de cette observation. Cette idiote n'est pas hospi-
talisée, elle habite chez ses parents. Nous avons connu son
existence, grâce aux renseignements que M. Bourneville nous
a donnés.
Amélina F... est une idiote atteinte de cachexie pachyder-
mique à un très haut degré. Elle est âgée de vingt-quatre ans.
Elle habite un petit village d'Eure-et-Loir, Vrainville, où elle est
née. Elle vit chez ses parents, qui la soignent assez bien. Sa mère e
s'est toujours efforcée de développer son intelligence, et il est
certain qu'elle est arrivée à relever un peu son niveau intellec-
tuel.
Antécédents héréditaires Il n'y aurait pas d'aliénés ni d'épi-
lepliques dans la famille paternelle, non plus dans la famille
maternelle. Le père et la mère sont bien portants. La mère
parait exempte de toute tare névropathique, mais elle est rhu-
matisanle et issue de rhumatisants. Le père, d'ailleurs bien
portant, est un ivrogne endurci très méchant après ses excès. Il
appartient à une famille nombreuse : six frères, une t'OE : ;)', tous
ivrognes. Leur père était également buveur.
La mère prétend que, pendant qu'elle était enceinte, son mari
étant ivre l'a menacée et frappée, et que c'est la terreur qu'elle a
éprouvée qui a été cause de la difformité de son enfant. Il no
faut retenir de cetle histoire qu'une chose, c'est que le père est un
ivrogne et qu'il entre en fureur quand il est ivre. Amélina In ... a
86 RECUEIL DE FAITS.
eu deux frères, ses aînés. Ils sont morts en bas âge, l'un du croup,
l'autre de la dysenterie.
Antécédents personnels. Notre idiote n'a jamais eu de maladie
sérieuse. A sa naissance elle n'offrait rien d'anormal, ce n'est que
plus tard qu'on s'est aperçu qu'elle devenait grosse et qu'elle se
développait mal. Elle a marché très tard, à cinq ans. Vers douze
ans, elle marchait seule, aujourd'hui elle ne peut plus le faire.
Elle n'a commencé à parler que vers six ou sept ans. Nous verrons
ce qu'est, chez elle, la faculté du langage.
Vers rage de quatorze ans, elle aurait perdu par la vulve quel-
ques gouttes de sang avec beaucoup de liquide glaireux. Depuis
. Fig. 1.
IDIOTIE AVEC CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 87 Î
ou n'a jamais observé le moindre écoulement sanguin, mais sou-
vent, à des intervalles irréguliers, il s'établit un écoulement vagi-
nal glaireux qui dure plusieurs jours. Pendant ces périodes, la
face deviendrait plus colorée, les lèvres plus livides encore
qu'elles ne le sont à l'état normal, enfin le sujet serait souffrant
et mangerait mal.
Etat actuel d'Antélina F... Une tête relativement énorme, aux
traits boursouflés et sans expression, aux lèvres épaisses, cyano-
sees et renversées en dehors, la langue très grosse faisant ordi-
nairement saillie, aux yeux très écartés et bridés par des paupières
hou(fie, au teint jaune cireux. Celte tête hideuse, qui seule suffit
à faire reconnaître une cachexie pachydermique prononcée, sur-
monte un corps tout petit, un corps d'un enfant de deux ans,
mais d'un enfant difforme, bossu et à gros ventre (il. 1).
La taille du sujet est de On,86, et le corps mesuré à partir de la
clavicule, c'est-à-dire sans la tête ni le cou, a 0"'GO de hauteur.
Il existe partout, sous la peau, un pseudo-oedème plus ou moins
abondant, selon les régions.' Cette couche sous-cutanée est très
épaisse à la face, au-dessus des clavicules, aux aisselles, aux par-
ties inférieures des joues et sous les oreilles (bajoues), aux extré-
mités, mains et pieds. En pressant la peau avec le doigt, on
éprouve une sensation sui generis, celle que donnerait une subs-
tance molle cédant sous la pression, mais, le doigt enlevé, il ne
subsiste pas d'empreinte. Ce sont là les caractères du pseudo-
oedème de la cachexie pachydermique.
La peau est jaune cireux à la face, sauf au milieu des joues où
elle est rouge foncé. Ailleurs, la teinte cireuse est moins pro-
noncée; aux cuisses et au dos, la peau est même rosée. La
peau est en général rugueuse. Aux bras, il existe une sorte d'ic-
ttyose léger ;- aux cuisses, elle est au contraire douce. Aux mains
et aux pieds, elle est particulièrement dure et épaisse. A la partie
inférieure du dos et sur une partie du ventre, elle est sillonnée
par de nombreuses veines très marquées.
Tête. Le crâne est symétrique, ou, du moins, la voûte du
crâne est symétrique.
88 RECUEIL DE FAITS.
Face. Elle est un peu asymétrique et bien plus large que le
crâne. Les yeux ne sont pas sur le même plan, le gauche est plus
haut que le droit. Si donc la voûte du crâne est symétrique, la
base ne l'est pas. Le front est très bas et sillonné de rides
horizontales profondes. Les sourcils sont à peine marqués.
Les i/ewoepeu ouverts sont bridés par les paupières pseudo-oedé-
mateuses. L'iris en est bleu. Ils sont très éloignés l'un de l'autre.
Il y a 4 centimètres entre l'angle interne des paupières d'un côté
et l'angle interne des paupières du côté opposé.
Le ne-- est fortement camard. Saillie des os propres presque
insensible à la naissance de l'organe, narines très écartées. La
respiration par le nez est difficile et bruyante, la muqueuse est
sans doute épaissie.
La bouche est très grande, un peu oblique de gauche à droite.
Les lèvres sont épaisses, bleuâtres, renversées en dehors. La
langue est énorme et reste presque toujours, en partie, hors de la
bouche. Elle est rouge bleuâtre comme les lèvres, comme toute la
muqueuse buccale, du reste.
Les dénis sont en partie gâtées. La première dentition a per-
sisté. Il y a dix dents, ou débris de dents, à la mâchoire supé-
rieure et autant à la mâchoire inférieure. En plus, quatre dents
permanentes ont poussé à la mâchoire inférieure, quatre inci-
sives. 11 y a donc à la partie médiane de la mâchoire inférieure
une double rangée de dents.
Coti. - Le cou est très court; sa circonférence est de On 33;
il est très myxcedémateux, surtout au-dessus de chaque clavicule.
On ne peut percevoir la thyroïde. Cette glande n'existe pas, autant
qu'on peut être affirmatif sur ce point en l'absence d'autopsie.
Tronc. Très rmxoedémateux, surtout au niveau des aisselles.
La colonne vertébrale est déviée à la région dorsale; la convexité
tournée à droite fait une saillie assez prononcée. Le ventre est
très gros, sa circonférences 0m60. Hernie inguinale droite qui
reste ordinairement réduite sous bandage, mais qui sort au
moindre effort. Une hernie ombilicale aurait guéri spontané-
ment. Elle ne sort plus depuis plusieurs années. - Chute du
rectum fréquente. La mère est habituée à réduire le rectum en
prolapsus.
Membres. Ils sont gros, potelés par le fait du pseudo-mdeme.
Les attaches sont épaisses. Les membres supérieurs égaux ont
0"'22 de longueur, les inférieurs, également égaux, ont0'"31.
La peau du bras est; nous l'avons déjà dit, très rugueuse, ictliyo-
sique. Aux mains et aux pieds, la peau est épaisse, rude et un
peu eczémateuse. Les extrémités rappellent celles des gros pachy-
dermes. C'est, on le sait, cette analogie, notée depuis longtemps,
qui a servi à M. Charcot pour dénommer l'affection. Les ongles
sont difformes et cassants. -
IDIOTIE AVEC CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 89
Organes sexuels. La vulve est celle d'une petite fille de trois
ou quatre ans. La muqueuse est bleuâtre, mais moins que celle
des lèvres. Au moment'de l'examen, il n'y avait pas trace d'écou-
lement vaginal. 11 n'y a pas de poils au pubis. Aux grandes
lèvres, on voit quelques poils follets courts et blonds.
Les mamelles ne sont pas développées. On ne sent pas trace do
glande sous les mamelons. La partie antérieure du thorax est
recouverte d'une couche pseudo-oedémateuse épaisse.
Viscères. Autant qu'il nous a semblé, ils sont sains et ne
présentent rien de particulier. Le coeur, que l'état cyanosiquo
des muqueuses pouvait faire supposer lésé, n'offre à la percussion
et à l'auscultation rien d'anormal.
Digestion. Amélina F... mange peu, mais régulièrement.
Son régime consiste presque exclusivement en pain et en lait;
ce sont les aliments qu'elle préfère, elle aime aussi les sucreries.
Les digestions sont ordinairement bonnes, F... est cependant
sujette à la diarrhée. Il est à propos de noter qu'elle a été
longtemps gâteuse. Sa mère avoue qu'elle n'est arrivée à la
rendre propre qu'en employant des moyens brutaux, en la
fouettant.
Circulation. Respiration. La respiration est normale.
Quand elle se fait par le nez, elle est bruyante et un peu gênée ;
ce qui tient sans doute au pseudo-oedème de la muqueuse nasale.
La circulation est peut-être défectueuse, aux extrémités au
moins; la température des extrémités est, en effet, relativement
trop basse. Les bruits du coeur sont bien rythmés et réguliers.
Le pouls bat 93 pulsations à Ja minute. La température axillaire
est de 35°,5. Mais les examens du pouls et de la température
ont été trop peu nombreux, la malade n'étant pas dans un service
d'hôpital ou d'asile, pour que nous puissions, sous ce rapport,
présenter les résultats d'une observation sérieuse.
Marche. La malade ne peut marcher sans s'appuyer sur les
meubles ou sur la muraille ou sans être tenue par la main. Elle
parvient alors à faire quelques pas lourds et pénibles. Elle peut
se tenir pendant quelque temps debout, immobile, sans point
d'appui. Il parait qu'autrefois elle marchait seule et sans
soutien.
Voix. Elle est rauque, le timbre en est très bas. Les paroles,
presque inintelligibles, sont lentement prononcées; le vocabulaire
est, du reste, très restreint. La tonalité et la raucité de la voix
dépendent probablement de la présence du myxoedème sous la
muqueuse du larynx et des cordes vocales.
.E<«(M;/c/tt(jf ! <e.Les facultés mentales sont très rudimentaires.
Amelina 1... passe sa vie assise sur un fauteml-lit, à jouer avec
une poupée ou avec des chiffons qu'elle pique avec une aiguille,
mais elle est incapable de coudre. Son faciès est alors absolument
90 RECUEIL DE FAITS.
impossible, sa bouche entr'ouverte, son énorme langue à moitié
tirée. Si on lui offre un bonbon, elle sourit, ce qui donne passa-
gèrement un peu d'expression à sa physionomie. Elle ne répond
guère qu'à sa mère et par monosyllabes : oui, non. Parfuis elle
prononce quelques mots que sa mère traduit. La mémoire est
relativement plus développée que les autres facultés. Elle nous
reconnaissait quand nous allions la voir et elle nous nommait
dans les intervalles de nos visites, sans doute dans l'attente de
quelques sucreries. Elle est douce et se met rarement en colère.
Somme toute, idiotie prononcée; un degré de plus, la vie
serait absolument végétative, et ce degré, elle l'eût atteint
sans les soins affectueux de sa mère qui trouve en elle, il faut
bien le dire, une source de profit en la promenant dans les
marchés et dans les foires de la région. Dans les fêtes de nos
campagnes, comme dans celles des faubourgs de Paris, un
oeau cas tératologique a toujours du succès.
Nous pensons que la cachexie pachydermique s'est déclarée
quelque temps après la naissance et qu'elle a provoqué l'arrêt
de développement du sujet. L'idiotie est la conséquence,
et de cet arrêt de développement et de la cachexie pachyder-
mique elle-même. Cette affection, on le sait, produit toujours,
même chez l'adulte, une lésion par défaut des fonctions psychi-
ques. Comme nous l'avons dit au début, Amélitia F... présente
l'état crétinoïde au degré le plus avancé. Aucun des signes
énumérés par M. Bourneville ne fait défaut.
NOTES ET RÉFLEXIONS A PROPOS DU CAS PRÉCÉDENT;
Pal' BOUTIVGVILLIs,
Nous avons pu ajouter à l'observation très intéressante de
M. le Dr Camuset la fiy. 1, d'après une photographie, prise à
titre de curiosité parle garçon de laboratoire de la clinique de
M. Charcot. De plus, nous donnons une figure représentant la
malade Pih... de Croisilles dont nous avons inséré l'observa-
tion dans le dernier numéro des Archives (p. 432). Cette
figure 2 est faite d'après une photographie due à un artiste de
IDIOTIE AVEC CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 91
passage, qui nous a été envoyée par notre ami le D'' Guil-
1 au m in '. 1.
Si l'on veut bien comparer ces figures à celles que nous
avons insérées dans notre ancien travail', on verra que tous
ces malades ont une physionomie tout à fait semblable et
caractéristique ; l'état du cou, des membres et, en particulier,
des pieds et des mains est toujours le môme. 1
Une étude attentive de ces nouvelles observations montre
aussi que les malades offrent tous les mêmes symptômes et
1 Ces figures ne sont point parfaites. En pareil cas, il faut bien mon-
trer les pieds, les mains, la tète, etc.
* Archives de Neurologie, 1886, t. XII, p. 137, 292.
Fig. 2.
92 REVUE CRITIQUE.
que ces symptômes sont absolument analogues à ceux que
nous avons minutieusement décrits.
Chez aucun des malades vivants dont nous avons publié
l'observation, ainsi- que chez une autre, Wau...., dont nous
parlerons plus tard, il n'a été possible de sentir la glande
thyroïde : il ne paraît y avoir rien entre la peau et les carti-
lages thyroïde et cricoïde. Les deux autopsies pratiquées par
Curling, celle de M. Fletcher Beach, celle de M. Bouchaud,
les nôtres, au nombre de trois, ont démontré que. dans ces
cas, la glande thyroïde n'existait pas*.
Aujourd'hui, il nous semble donc indiscutable que la forme
d'idiotie que nous avons décrite sous le nom d'idiotie c2,éli-
noïde avec cachexie pachydermique est parfaitement constituée,
qu'elle a ses symptômes particuliers et une lésion anatomique
constante. '
REVUE CRITIQUE
GRAND ET PETIT HYPNOTISME;
Par J. BABINSIL,
AnCtcnct)efdccHniqnea) : t5a)pctr)c''c.
L'histoire du magnétisme animal et do l'hypnotisme a subi
des fortunes diverses.
Longtemps mis en doute, repoussé et ridiculisé par les
Corps savants, le magnétisme animal finit par s'imposer sous
le nom d'hypnotisme, en 1845. On admit alors qu'il était pos-
sible de produire chez certains sujets prédisposés, un état ner-
veux spécial caractérisé par des contractures, des paralysies,
des troubles divers de l'intelligence. Cet état nerveux, décrit
avec soin par un médecin anglais, Braid, fut étudié ensuite par
divers médecins français, mais timidement; le monde scienti-
fique restait sur la réserve. C'est en '1878, seulement, grâce à
'Autopsie du Pacha; de Bourg-... (Fei-ii.), de sa sccur Bourg..., ces
deux dernières inédites.
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 93
l'initiative de notre maître, M. Charcot, que la question fit un
pas décisif; on peut dire que M. Charcot est le premier qui ait
donné une démonstration scientifique de l'hypnotisme ; il est
de fait que depuis la publication des travaux de la Salpêtrière,
la réalité des symptômes hypnotiques n'est plus mise en
doute. ,
On pouvait prévoir que par suite de l'essor nouveau donné
à ces études curieuses, les savants, les physiologistes, les psy-
chologues, s'y porteraient en grand nombre ; c'est en effet ce
qui est arrivé. Les célèbres études de la Salpètrière sont
devenues le point de départ d'un mouvement scientifique qui
n'est sans doute pas près de s'arrêter.
Seulement, à mesure que les travaux sur l'hypnotisme se
sont multipliés, des controverses se sont produites entre les
divers observateurs. Celui-ci n'a point observé ce qu'a décou-
vert celui-là. Les sujets de M. un tel n'ont pu produire aucun
des résultats qu'on a obtenus sur d'autres sujets.
Rien de plus naturel que ces différences, lorsqu'on sait
que les divers expérimentateurs n'emploient ni le même
genre de sujets ni le même genre de méthodes. Mais on
a cru qu'il était plus simple de se contredire, de nier ce qu'on
n'avait pas vu et de n'accorder de l'importance q-u'à ce qu'on
avait observé soi-même. La France, qui a tout fait pour le dé-
veloppement de l'hypnotisme, a été le principal théâtre de ces
controverses et de ces batailles. On a opposé Ecole contre
Ecole et nous avons aujourd'hui, suivant le langagedes auteurs,
une Ecole de Nancy qui est en opposition avec celle delà Sal-
pètrière et qui prend le contre-pied de tout ce que la Salpè-
trière a affirmé. Ce qui est une vérité à la Salpêtrière devient
. une erreur à Nancy. Ces discussions, faites en général, sans
suite, à bâtons rompus, à propos des sujets et avec des expres-
sions qu'on n'a pas eu au préalable le soin de caractériser suf-
fisamment, ont des inconvénients immenses ; le principal, est
d'inspirer au grand public et même aux Corps savants un grand
scepticisme à l'égard de faits que l'on voit sans cesse remis en
question.
Notre but est principalement de rappeler et de résumer ici,
avec autant de clarté que possible, l'enseignement traditionnel
de la Salpètrière, qu'on a un peu perdu de vue dans les dis-
cussions, et de montrer que les faits hypnotiques que M. Char-
cot découvrait en 1878 et dont il présentait en 1882 la synthèse
94 , REVUE CRITIQUE.
à l'Académie des Sciences n'ont, tant s'en faut, rien perdu de
leur réalité et de leur valeur.
11 nous semble que les critiques qui ont été faites à l'oeuvre
de M. Charcot tiennent, en partie au moins, à ce qu'on ne l'a
pas suffisamment étudiée et comprise. Aussi croyons-nous
qu'il ne sera pas inutile avant de chercher à établir l'exacti-
tude de la thèse que soutient M. Charcot, d'en faire ressortir
les traits essentiels, de bien faire connaître la façon dont on
conçoit l'hypnotisme à la Salpêtrière, de rappeler la manière
de voir de « Nancy » et de mettre ainsi en regard les opinions
des deux écoles.
En 1878, nous l'avons déjà dit, malgré les travaux de Braid
et de ses successeurs, le monde scientifique restait encore dans
une attitude fort réservée, pour ne pas dire plus. Les choses
étaient à ce point, qu'il était devenu nécessaire de démontrer
au milieu du scepticisme presque universel, la réalité même de
l'hypnotisme, sa réalité matérielle, grossière, si l'on peut ainsi
dire. Certes, il fallait un certain courage pour relever une ques-
tion mal famée et marcher à l'encontre des préjugés enracinés.
M. Charcot, éclairé déjà depuis longtemps par nombre d'ob-
servations rigoureuses, recueillies dans son service, n'hésita
pas. Il comprit, dès l'origine, que si ses devanciers n'avaient
pas réussi à convaincre, c'était parce qu'ils avaient commis
une faute de méthode; la plupart s'étaient bornés, en effet, à
étudier dans l'hypnotisme ce qu'il y a de plus subtil, de plus
délicat, de plus difficilement saisissable, à savoir, les phéno-
mènes intellectuels ; c'était commencer par où il fallait finir.
M. Charcot relégua d'abord au second plan les phénomènes
psychiques, il les écarta de parti pris et chercha à mettre pre-
mièrement en lumière chez les sujets en expérience, des phé-
nomènes objectifs, c'est-à-dire de ces faits grossiers que tout
le monde peut voir et toucher et qui constituent une preuve
matérielle de l'absence de la simulation. Ces signes objectifs
de l'hypnose appartiennent au domaine de la motilité.
Passons donc en revue les caractères somatiques les plus
importants. Occupons-nous d'abord de l'hypeîexcitabilité
neuro-musculaire'. Cette propriété consiste en ce que, sous
1 Consulter l'ouvrage : Le magnétisme animal, par Binet et Fere.
(Alcan éditeur, 1887), auquel nous empruntons quelques passages.
Consulter aussi l'article Hypnotisme, par il. llclier et Gilles de la
Tourette. Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales.
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 9 a
l'influence d'une excitation mécanique directe, les muscles de
la vie normale se contracturent. Le mode d'excitation est
variable : on peut employer le massage, la friction, la pression
soit avec la main, soit avec une bande élastique, la percussion
des tendons, etc. Les muscles de-la face se contractent seule-
ment au moyen de ces manoeuvres, mais n'entrent pas en con-
tracture. Faisons remarquer à ce propos que les muscles de la
face sont, dans l'hypnotisme comme dans l'hystérie, soumis à
d'autres lois que les muscles des membres. C'est ainsi que
jusqu'à présent on n'a jamais pu fournir une observation pro-
bante de paralysie flasque de la face dans l'hystérie, tandis que
du côté des membres, ces paralysies sont, comme on le sait,
très fréquentes.
L'excitation mécanique des troncs nerveux agit sur les mus-
cles' tributaires du nerf de la même façon que l'irritation
directe de ces muscles. Il en résulte que le membre sur lequel
on expérimente prend une attitude caractéristique qui est
déterminée par la distribution spéciale des rameaux muscu-
laires du nerf excité. Si, par exemple, on presse dans la gout-
tière olécranienne sur le nerf cubital, on voit aussitôt la main
se contracturer et prendre l'attitude dite de la griffe cubitale.
Cette hyperexcitabilité nerveuse ne peut être simulée surtout
lorsqu'il s'agit d'un sujet qui n'est pas très versé dans l'étude
de l'anatomie.
La contracture léthargique présente des caractères qui la
distinguent nettement d'une contracture volontaire et qui per-
mettent de s'assurer que le' sujet ne simule pas. Des expé-
riences de contrôle ont été faites sur des sujets sains et vigou-
reux, qui prenaient volontairement des attitudes semblables à
celle de la contracture léthargique, et voici ce qui résulte de
la comparaison. Sous l'influence d'une traction continue, le
membre contracture d'un sujet léthargique cède par degrés,
comme le membre raidi par la volonté, à ce point de vue il y
a ressemblance parfaite. Mais les tracés myographiques et
pncumographiques révèlent des différences fondamentales :
chez lu simulateur, le tremblement du membre et l'irrégula-
rité de la respiration ne tardent pas à trahir l'effort volontaire ;
chez l'hypnotique le rythme respiratoire ne varie pas et la
détente du membre contracture s'opère lentement, sans la
moindre secousse.
- Etudions maintenant cet autre caractère somatique, la plas-
96 REVUE CRITIQUE.
licite cataleptique, qui consiste en ce que les membres sou-
levés ou fléchis par l'observateur ne sont le siège d'aucune
résistance et que le sujet garde toutes les attitudes qu'on'im-
prime à ses membres ou à son corps.' .
On peut distinguer par des procédés graphiques semblables
à ceux que nous venons de signaler à propos de la contracture
léthargique, la catalepsie légitime, de la catalepsie simulée, le
simulateur serait-il très versé dans l'étude de l'hypnotisme.
Voici comment on procède : on commence, par exemple, par
placer le membre supérieur dans l'abduction de façon à ce qu'il
occupe une position horizontale. On applique alors un tam-
bour à réaction à l'extrémité du membre étendu qui servira à
enregistrer les moindres oscillations de ce membre pendant
qu'un pneumographe fixé sur la poitrine donnera la courbe
des mouvements respiratoires. Or, chez le cataleptique, pen-
dant toute la durée de l'observation, la plume qui correspond
au membre étendu trace une ligne droite parfaitement régu-
lière, tandis que chez le simulateur, le tracé, semblable d'abord
à celui du cataleptique, se modifie au bout de quelques minutes;
la ligne droite se change en une ligne brisée, très accidentée,
marquée par instants de grandes oscillations disposées en série.
Il existe des différences analogues en ce qui concerne les
tracés pneumographiques. Chez le cataleptique, la respira-
tion est rare et superficielle et la fin du tracé ressemble au
commencement, tandis que chez le simulateur la respiration
régulière au début, présente dans la phase qui correspond aux
indices de la fatigue musculaire notés sur le tracé du membre,
un rythme irrégulier et on constate de profondes et rapides
dépressions, signes du trouble de la respiration qui accom-
pagne le phénomène de l'effort.
Abordons enfin l'étude du troisième caractère somatique
l'laypeexr,aiaLilité cutano-musculai·e. Elle consiste en ce que,
sous l'influence de très légères excitations superficielles, comme
le frôlement, le souffle buccal ou l'agitation de la main à dis-
tance produisant un léger courant d'air, on provoque une
contracture des muscles soumis à cette action. Cette contrac-
ture, dite somnambulique, ne pourrait du reste pas plus que la
contracture léthargique être simulée, et les preuves que nous
avons fournies à propos de cette dernière pour démontrer l'im-
possibilité de la simulation s'appliquent aussi bien à la con-
tracture somnambulique.
ET PETIT HYPNOTISME. 97
- Eu même temps que M. Charcot relevait l'évidence de ces
précieux symptômes, il constatait que chez les sujets qu'il
avait sous les yeux les phénomènes hypnotiques pouvaient
affecter dans certains cas un groupement spécial en trois états
distincts. Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire les
principaux passages de la communication que M. Charcot a
faite à ce sujet à l'Académie.
« Essai d'une distinction nosographique des divers états tzer-
veux compris sous le nom d'hypnotisme. Les phénomènes si
nombreux et si variés qui s'observent chez les sujets hypno,
tisés ne répondent pas à un seul et même état nerveux. En
Téalité, l'hypnotisme représente cliniquement un groupe na-
turel, comprenant une série d'états nerveux, différents les uns
dus autres, chacun d'eux s'accusant par une symptomatologie
qui lui appartient en propre. On doit, par conséquent, sui-
vant en cela l'exemple des nosographes, s'attacher à bien
définir d'après leurs caractères génériques, ces divers états
nerveux, avant d'entrer .dans l'étude plus approfondie des
phénomènes qui relèvent de chacun d'eux.
- « Ces différents états, dont l'ensemble représente toute la
symptomatologie de l'hypnotisme, semblent pouvoir être
ramenés, suivant M. Charcot, à trois types fondamentaux, à
savoir : 1° l'état cataleptique; 2° l'état léthargique, et, 3° l'état
de somnambulisme provoqué; chacun de ces états comprenant
d'ailleurs un certain nombre de formes secondaires et laissant
place pour les états mixtes, peut se présenter d'emblée, primi-
tivement ; ils peuvent encore, dans le cours d'une même obser-
vation, chez un môme sujet, se produire successivement, dans
tel ou tel ordre, au gré de l'observateur, par la mise en couvre
de certaines pratiques. Dans ces derniers cas, les divers états
signalés plus haut représentent en quelque sorte les phases
ou périodes du même processus.
« lu Etat cataleptique. Il peut se produire : a). Primiti-
vement, sous l'influence d'un bruit intense et inattendu, d'une
lumière vive placée sous le regard, ou encore chez quelques
sujets par la fixation plus ou moins prolongée des yeux sur
un sujet quelconque, etc.; b). Consécutivement à l'état
léthargique lorsque les yeux, clos jusque-là, sont, dans
un lieu éclairé, découverts par l'élévation des paupières. - Le
sujet cataleptiso est immobile; il parait comme fasciné. Les
'Comptes (le de l'Académie des sciences, I CS3, z
.lncmvr- t. \1'It.. 7
98 REVUE CRITIQUE.
yeux sont ouverts, le regard fixe; pas de clignement des pau-
pières ; les larmes s'accumulent bientôt et s'écoulent sur les
joues. Assez fréquemment, anesthésie de la conjonctive et
même de la cornée. Plasticité cataleptique. Les réflexes ten-
dineux sont abolis. L'hyperexcitabilité neuro-musculaire fait
défaut. Il y a analgésie complète, mais certains sens
conservent du moins en partie leur activité (sens musculaire,
vision, audition). Cette persistance de l'activité sensorielle
permet souvent d'impressionner de diverses façons le sujet
cataleptique et de développer chez lui, par voie de suggestion,
des impulsions automatiques et de provoquer des halluci-
nations. Lorsqu'il en est ainsi, les attitudes fixes artificielle-
ment imprimées aux membres, ou d'une façon plus générale
aux diverses parties du corps font place à des mouvements
plus ou moins complexes, parfaitement coordonnés, en rapport
avec la nature des hallucinations et des impulsions provoquées.
Abandonné à lui-même, le sujet retombe bientôt dans l'état
où il était placé au moment où on l'a impressionné par sug-
gestion.
* 2° Etat léthargique. Il se manifeste : a), primitive-
ment, sous l'influence de la fixation du regard sur un objet
placé à une certaine distance. ; ), consécutivement à l'état
cataleptique, par la simple occlusion des paupières ou par le
passage dans un lieu parfaitement obscur. Fréquemment, au
moment où il tombe dans l'état léthargique, le sujet fait
entendre un bruit laryngé tout particulier, en même temps
qu'un peu d'écume se montre aux lèvres. Aussitôt il s'affaisse
dans la résolution, comme plongé dans un sommeil profond.
Il y a analgésie complète de la peau et des membranes mu-
queuses accessibles. Les appareils sensoriels conservent cepen-
dant parfois un certain degré d'activité; mais les diverses
tentatives qu'on peut faire pour impressionner le sujet, par
voie d'intimidation ou de suggestion, restent le plus souvent
sans effet'.
« Les membres sont mous, flasques, pendants, et soulevés,
ils retombent lourdement lorsqu'on les abandonne à eux-
mêmes. Les globes oculaires sont; au contraire, convulsés, les
yeux clos ou demi-clos, et l'on observe habituellement un
1 Certains sujets pourtant sont, dans celte période, susceptibles d'être
facilement suggestionnés, plus facilement même que dans la période
Homnambunque.
GhANt) Et PETIT hypnotisme. 99
frémisssement presque incessant des paupières. Les réflexes
tendineux sont exagérés; l'hyperexcitabilité neuro-musculaire
est toujours présente, bien qu'à degrés divers.
« 3^ Etat de somnambulisme provoqué. Cet état peut être
déterminé directement, chez certains sujets, par la fixation
du regard et aussi par diverses pratiques qu'il est inutile
d'énumérer ici. On le produit à volonté chez les sujets plongés
au préalable soit dans l'état léthargique, soit dans l'état cata-
leptique, en exerçant sur le vertex une simple pression ou une
friction légère. Cet état parait correspondre plus particulière-
ment à ce qu'on a appelé le sommeil magnétique.
« Les phénomènes très complexes qu'on peut observer dans
cette forme se soumettent difficilement à l'analyse. Ils ont été,
pour beaucoup d'entre eux, provisoirement relégués sur le
deuxième plan dans les recherches faites à la Salpêtrière. On
s'est attaché surtout à déterminer, autant que possible, les
caractères qui séparent l'état de somnambulisme des états
léthargique et cataleptique, et à mettre en évidence la relation
qui existe entre ce troisième état et les deux autres.
« Les yeux sont clos ou demi-clos ; les paupières se
montrent en général agitées de frémissements; abandonné à
lui-même, le sujet parait endormi, mais même alors la réso-
lution des membres n'est pas aussi prononcée que lorsqu'il
s'agit de l'état léthargique. L'hyperetcitabilité neuro-muscu-
laire fait défaut. Mais l'hyperexcitabilité cutano-musculaire
est présente.
« Il y a analgésie cutanée, mais en même temps hyperacuité
fort remarquable de certains modes de la sensibilité de la peau,
du sens musculaire et de quelques-uns des sens spéciaux (vue,
ouïe, odorat). Il est, en général, facile, par voie d'injection ou
de suggestion, de déterminer chez Je sujet la mise en jeu
d'actes automatiques très compliqués; on assiste alors aux
scènes du somnambulisme proprement dit. Ajoutons encore
qu'il est possible de développer une hémi-catalepsie, une hémi-
léthargie et un hémi-somnambulisme. Il suffit, par exemple,
chez un sujet en catalepsie, de fermer un oeil pour voir le côté
du corps correspondant à cet oeil prendre les caractères de la
léthargie, tandis que le côté opposé, qui correspond à l'oeil
ouvert, conserve les propriétés de la catalepsie.
« L'hypnotisme caractérisé par les trois états que nous
100 REVUE CRITIQUE.
venons de décrire, constitue ce que M. Charcot appelle le '
Grand hypnotisme. »
M. Charcot, dans sa description, a laissé de côté à dessein
les formes frustes, Les états mixtes, pensant qu'il était préfé-
rable de s'arrêter tout d'abord aux types réguliers, avant
d'étudier les formes mal dessinées. M. Charcot ne rejette donc
pas, tant s'en faut, les autres formes de l'hypnose. C'est ce
dont on peut se convaincre par l'exposé qu'a donné son élève,
M. Richer, des formes frustes de l'hypnotisme. Il reconnaît
même que le grand hypnotisme, s'il répond au type parfait,
représente cependant une forme rare. L'importance qu'il lui
accorde tient donc exclusivement dr ce que les caractères les
plus essentiels du sommeil hypnotique s'y trouvent dissociés,
et peuvent par conséquent être étudiés séparément d'une façon
plus précise. Le grand hypnotisme constitue donc pour notre
maître, nous le répétons, la forme la plus parfaite, la forme
type de l'hypnotisme, et c'est elle qui doit servir de point de
départ aux études sur ce sujet.
Le grand hypnotisme peut se présenter dans son état de
complet développement dès la première tentative d'hypnotisa-
tion faite sur un sujet absolument neuf, et l'on peut dire que,
dès la première épreuve, on peut décider si un sujet sera
apte ou non à présenter les phénomènes du grand hypno-
tisme ; mais, même dans ce cas, les caractères énumérés plus
haut ne sont pas toujours aussi accentués au début, qu'ils le
seront après le répétition d'un certain nombre d'expériences.
C'est ainsi, par exemple, que le développement de la con-
tracture léthargique peut nécessiter au commencement une
pression des masses musculaires énergique et prolongée pen-
dant quelque temps, tandis que chez un sujet entraîné, l'ap-
parition de ce phénomène, sous l'influence de la même ma-
noeuvre, est instantanée. Si, chez le sujet vierge, que nous
supposons dans la léthargie, on presse sur le nerf cubital, on
ne constatera peut-être du côté de la main que l'esquisse, en
quelque sorte, de la griffe cubitale qui se dessinera de plus en
plus lorsque l'expérience sera plus souvent renouvelée. Dans la
catalepsie, les membres soulevés et placés dans des attitudes
diverses ne gardent souvent tout d'abord, dans les premières
expériences, qu'un temps très limité, la position qu'on leur
donne. L'harmonie qui s'établit entre l'attitude corporelle
qu'on fait prendre au sujet pendant la catalepsie, et l'expres-
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 101
sion de la physionomie, n'est pas non plus au début aussi
frappante qu'elle le sera plus tard. Ce que nous disons des
caractères somatiques s'applique aussi aux phénomènes psy-
chiques; les malades peuvent être au début très peu impres-
sionnables à la suggestion. En un mot, les sujet se perfec-
tionnent avec l'exercice.
Dans'd'autres cas, le grand hypnotisme ne se constitue dans
ses trois états qu'après un certain nombre d'expériences. Le
mode de transition entre le petit et le grand hypnotisme peut
être progressif ou brusque. Nous allons montrer par quelques
exemples comment la transformation peut s'opérer.
Mais, auparavant, nous devons indiquer les formes les plus
importantes de l'hypnose dans lesquelles on ne trouve pas la
division en trois périodes. Un ou deux des trois états
peuvent manquer, d'où plusieurs variétés possibles ; la cata-
lepsie est, dans cette forme, la période qui nous parait man-
quer le plus souvent. Dans d'autres cas,. les trois périodes
se confondent, et alors, tantôt les caractères somatiques et
psychiques des trois périodes, se trouvent réunis, tantôt on ne
constate la présence que d'un ou de deux de ces caractères.
Deux périodes, les périodes léthargique et somnambulique,
peuvent être confondues, tandis que la catalepsie conserve les
caractères qui lui sont propres. M. Pitres a décrit une dé-
viation dans laquelle il a observé l'état cataleptoïde les yeux
fermés 1.
Toutes ces formes que nous venons de signaler et qui cons-
tituent une partie des éléments du petit hypnotisme se rap-
prochent du grand hypnotisme par la présence d'un ou de
plusieurs caractères somatiques et parce qu'elles s'observent,
sinon exclusivement, du moins dans l'immense majorité des
cas, chez des hystériques.
Ces diverses formes du petit hypnotisme peuvent, comme
nous l'avons dit précédemment, se modifier suivant telle ou
telle circonstance et se convertir en la forme type.
La transformation peut être progressive. Voici, par exemple,
un sujet chez lequel les trois périodes sont confondues pendant
un certain temps. A un moment donné, on remarque une
tendance à la formation de périodes distinctes; lorsque les
Consulter, Sur les J'ormes frustes, qui tonnent la transition entre le
grand et le petit hypnotisme, Richer.
102 REVUE CRITIQUE.
yeux sont fermés, la contracture léthargique se développe plus
facilement que la contracture somnambulique et la plasticité
cataleptique; inversement, lorsque les yeux sont ouverts, cette
dernière propriété est plus apparente que les autres. On voit
ainsi petit à petit la division s'accentuer et le grand hypno-
tisme se constituer.
La transformation est parfois brusque. Voici un exemple de
cette transformation que nous avons observée chez une ma-
lade de la Salpètrière. G., âgée de 16 ans, entre à la Sal-
pêtrière dans le service de M. Charcot, au mois de juin 1885.
Elle présente tous les stigmates de l'hystérie (hémianesthésie
sensitivo-sensorielle, rétrécissement du champ visuel, points
liystérogènes, grandes attaques). On cherche à l'hypnotiser par
la pression sur les yeux ; la malade s'endort en léthargie et
présente tous les caractères de cet état. On cherche alors, en
lui ouvrant les yeux, à la faire passer en catalepsie, mais on
ne peut y réussir. La pression sur le vertex fait passer la ma-
lade de la léthargie au somnambulisme et on constate toutes
les propriétés inhérentes à cet étal. La malade reste ainsi
dix-huit mois à la Salpètrière et, pendant cette période, on
essaie à maintes reprises de développer la catalepsie par l'ou-
verture des yeux lorsque la malade est en léthargie. Peine
inutile. Un jour, la malade était occupée à faire de la couture;
elle n'avait pas été depuis quelque temps soumise aux expé-
riences. Un bruit violent produit par un coup de .tam-tam
dans une pièce voisine et auquel elle ne pouvait s'attendre,
détermina immédiatement chez elle l'état cataleptique. Depuis
cette époque, l'état cataleptique a pris définitivement place
dans la série des phases hypnotiques. La présence de divers
signes physiques est donc, comme nous venons de le dire, un
caractère qui est commun il la forme type et aux formes frustes
que nous avons étudiées jusqu'à présent ; elle a une impor-
tance fondamentale.
Nous devons pourtant faire observer que, dans certaines cir-
constances, ces stigmates peuvent momentanément disparaître.
C'est ainsi que, d'après MM. Tamburini et Seppili, on peut
supprimer l'excitabilité neuro-musculaire dans un membre par
l'application d'eau froide ou de glace. Nous avons observé de
notre côté que chez certaines grandes hypnotiques, quand on
provoque par suggestion le développement d'une paralysie
llaccide dans un membre, on lui fait perdre, pendant la durée
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 103
de cette paralysie, toutes les propriétés somatiques, qui per-
sistent dans toutes les'autres parties du corps.
Outre les formes de l'hypnose que nous venons de passer
en revue, il en existe encore d'autres, dont on peut augmenter
ou diminuer le nombre, suivant qu'on attache plus ou moins
d'importance à telle ou telle particularité, mais qui se dis-
tinguent toutes par un caractère commun, l'absence de phéno-
mènes somatiques. Le petit hypnotisme comprend donc deux
catégories de sujets bien distinctes; à l'une appartiennent ceux
qui présentent des caractères somatiques, à l'autre.ceux qui
en sont privés. Ces derniers peuvent être des hystériques,
mais l'absence de tout stigmate de cette névrose est chez eux
assez fréquente.
Les phénomènes psychiques qu'on observe chez ces sujets
sont quelquefois aussi accentués que chez les hypnotiques qui
présentent des propriétés somatiques ; ces sujets paraissent
être parfois aussi impressionnables à la suggestion que les
grands hypnotiques. Mais chez d'autres, le plus souvent,
d'après notre expérience personnelle, les caractères psychiques,
toujours très accusés dans le grand hypnotisme, restent ici plus
ou moins effacés, et on arrive par degrés à des variétés telle-
ment frustes qu'on peut se demander, en présence de chaque
cas, s'il s'agit du sommeil hypnotique, du sommeil naturel, ou
encore du sommeil simulé.
L'aspect sous lequel se présente l'état hypnotique est donc
variable et il y a lieu de reconnaître l'existence d'une série
d'états^ intermédiaires entre la forme type et la forme la plus
effacée.
Nous rappellerons encore que l'hypnotisme est considéré
à la Salpètrière comme un véritable état pathologique, comme
une névrose artificielle, qu'on peut à beaucoup de points de
vue comparer à l'attaque hystérique. De même que diverses
formes convulsives ou psychiques, peuvent être rattachées au
type de la grande attaque d'hystéro-épilepsie, de même les
diverses variétés de l'hypnotisme, peuvent être reliées au
grand hypnotisme.
Dans l'attaque d'hysteria major, il existe plusieurs périodes
distinctes comme dans le grand hypnotisme. Les attaques
d'hystérie peuvent dévier du type normal par l'absence d'une
ou plusieurs périodes ou par la confusion de deux périodes.
N'est-ce pas ce que nous avons vu a propos de l'hypnotisme ?
- t04' REVUE CRITIQUE.
Tous les caractères somatiques de l'attaque hystérique, con-
tractures, mouvements convulsifs, grands mouvements, etc.,
peuvent faire défaut. L'attaque est constituée exclusivement
par des troubles psychiques. L'analogie avec l'hypnotisme se
poursuit comme on le voit. Enfin, on observe parfois, chez
certains hystériques, quelques phénomènes psychiques très
vagues, accès de colère, accès de rire, de larmes, qui peuvent
être considérés comme des formes effacées de l'attaque hysté-
rique. Ces cas correspondent aux variétés les plus frustes de
l'hypnose.
Cherchons maintenant à résumer ce que nous venons de
dire, et à mettre en lumière les traits fondamentaux de la
conception de M. Charcot sur l'hypnotisme. Sa doctrine est
contenue, croyons-nous, dans les propositions suivantes :
1° Les caractères somatiques qu'on observe chez certains
sujets dans l'hypnotisme ont une importance fondamentale,
car ils permettent seuls d'affirmer légitimement l'absence de
simulation. On comprend, du reste, l'importance majeure de
ces caractères, lorsqu'il s'agit d'établir scientifiquement la
réalité des phénomènes observés, ou encore lorsqu'on entre-
prend d'obtenir expérimentalement chez un sujet donné des
résultats sur lesquels on puisse compter. : 3° Les phénomènes hypnotiques peuvent affecter un grou-
pement spécial en trois états distincts. C'est là la forme la
plus parfaite de l'hypnotisme, celle qu'on doit prendre pour
type, et à laquelle on propose de donner le nom de grand
hypnotisme.
3° Aux deux propositions précédentes s'en rattache une
troisième sur laquelle nous insisterons longuement dans la
suite de ce travail, dont elle formera môme la partie essen-
tielle, et qui consiste en ce que les propriétés somatiques de
l'hypnotisme et le grand hypnotisme peuvent se développer
indépendamment de toute suggestion.
4° L'hypnotisme doit être considéré dans ses formes les plus
parfaites comme un état pathologique.
Nous devons maintenant exposer la manière de voir de
l'école de Nancy 1, ce qui ne nécessite pas du reste de longs
développements, car elle consiste essentiellement à nier tout
ce qu'on affirme à Paris.
1 Voir l'ou\rage do M. Iiernlieim : De la s : clreslion et de ses applica-
tio s ù la thérccpeulirlue. Octavo 1)oiu, 61lUeur. Paris... -
GRAND .ET PETIT HYPNOTISME. 1O5
M. Bernheim refuse de prendre pour type de l'hypnotisme
le grand hypnotisme qui est, dit-il, une création purement
artificielle. 11 n'attribue aucune importance à l'existence des
phénomènes somatiques qui ne sont, pour lui, que l'oeuvre do
la suggestion. « Il ne fait que mentionner la contracture et la
plasticité cataleptiques, sans en indiquer les caractères si précis
et si particuliers que nous avons signalés plus haut. Il consi-
dère l'hypnose comme une propriété physiologique plutôt que
pathologique. Il ne faudrait pas croire' que les sujets impres-
sionnés soient tous des névropathes, des cerveaux faibles, des
hystériques, des femmes ; la plupart de mes observations se
rapportent à des hommes que j'ai choisis à dessein pour ré-
pondre à cette objection. » Pour M. Bernheim, la suggestion
est la clef de toutes les manifestations de l'hypnotisme. c Ce
sera, dit M. Bernheim *2, une chose curieuse dans l'histoire de
l'hypnotisme que de voir tant d'esprits distingués égarés
par une première conception erronée, conduits à une série
d'erreurs singulières qui ne leur permettent plus de recon-
naître la vérité. Erreurs fâcheuses, car elles entravent le
progrès, en obscurcissant une question si simple en elle-même
et où tout s'explique, quand on sait que la suggestion est la
clef des phénomènes hypnotiques, s
L'Ecole de Nancy conteste donc d'une façon absolue l'exac-
titude des diverses affirmations de l'Ecole de la Salpêtrière.
Après avoir exposé sommairement les doctrines des deux
écoles, nous devons maintenant chercher à mettre en lumière
les arguments que M. Charcot et ses élèves font valoir en fa-
veur de la thèse qu'ils soutiennent, et essayer de démontrer
que, malgré tant de contradictions, l'oeuvre de M. Charcot
reste absolument intacte et inébranlable. Nous allons passer
en revue les diverses propositions qui constituent les fonde-
ments de cet édifice.
L'importance attribuée à la présence des phénomènes so-
matiques est peut-être le caractère essentiel de la thèse que
nous soutenons. Nous avons vu, en effet, que ces phénomènes
somatiques ne pouvaient être simulés; c'est là une vérité ad-
mise aujourd'hui sans conteste par tous ceux qui se .sont livrés
à ces études ; c'est cette preuve matérielle de l'absence de la
simulation qui a ébranlé le scepticisme qui régnait à l'époque
Loco cilato, p. 5.
- Loco cilalo, p. 90.... .
106 . REVUE CRITIQUE.
dans le monde médical à l'égard du magnétisme animal et
qui a permis à l'hypnotisme, si longtemps repoussé par les
savants, d'entrer définitivement dans le domaine de la science.
M. Bernheim ne conteste pas non plus l'existence de ces phé-
nomènes, mais, dit-il, ils ne sont que l'oeuvre de la suggestion ;
pour ce motif, ils lui paraissent sans importance et ne méritent
pas d'arrêter longtemps l'attention. Accordons pour le moment
à M. Bernheim que les phénomènes somatiques ne puissent se
manifester que sous l'influence de la suggestion. Perdent-ils
pour cela toute leur fondamentale importance ? En aucune
façon, car ils constituent, même dans cette hypothèse, un té-
moignage de la sincérité des sujets auxquels on s'adresse, tan-
dis qu'en leur absence, il est souvent impossible de pouvoir être
absolument fixé à cet égard. Si nous prenons, par exemple, un
sujet qui présente cet état de torpeur qui caractérise le pre-
mier degré de M.Liébeault et qui consiste simplement dans un
engourdissement plus ou moins prononcé, de la pesanteur des
paupières, de la somnolence, quelle garantie avons-nous de sa
sincérité ? On ne saurait se faire aucune illusion à cet égard,
nous ne possédons vraiment en pareil cas, aucune des garan-
ties réclamées par un observateur scrupuleux et sévère. Ce
n'est pas que nous ayons l'intention de soutenir que les sujets
appartenantà cette catégorie soientfatalementdes simulateurs;
mais nous prétendons qu'il n'existe pas de preuve rigoureuse
de la réalité de leur sommeil, et ce n'est que parce que nous
connaissons des types plus parfaits que nous sommes portés à
admettre la bonne foi d'un grand nombre de ces sujets. Il ne
faut pas perdre de vue, que dans cet ordre d'études, en tant
surtout qu'il s'agit de recherches scientifiques ou de constata-
tions médico-légales, la question de preuve reste la question
capitale.
Si la réalité -de l'état hypnotique est devenue aujourd'hui
une vérité incontestable, on peut du moins, dans chaque cas
isolé, se demander si un sujet déterminé est réellement en-
dormi d'un sommeil artificiel, et doit, par exemple, bénéficier
au point de vue médico-légal de l'immunité que peut lui con-
férer cet état. Or, comment peut-on démontrer à des juges la
réalité d'une suggestion donnée ? Evidemment, c'est par la mise
en évidence des phénomènes somatiques pouvant tomber sous
le contrôle de l'observation. Une hallucination, un rêve, un
délire, un phénomène psychique quelconque, ce sont là des
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. iot
faits dont l'existence réelle ne peut être prouvée directement
tant qu'ils ne s'accompagnent d'aucun signe extérieur. La réa-
lité ou pour mieux direla sincérité des phénomènes psychiques
est incontestablement beaucoup plus difficile à établir, et sou-
vent l'expert devra rester dans le doute. Nous accordons très
volontiers que si l'hypnotisme fruste, l'hypnotisme auquel on
pourrait appliquer bien des fois l'épithète de suspect, peut au
point de vue thérapeutique donner des résultats favorables,
et nous avons nous-môme observé qu'il en est parfois ainsi,
il y a tout lieu d'en faire bénéficier les malades qui ne peuvent
être amenés à un état d'hypnotisation plus parfait. Mais ces
sujets ne nous paraissent pas assez sûrs pour servir à des
expériences relatives à des questions de physiologie ou de
psychologie. En l'absence de preuve rigoureuse de la réalité du
sommeil, les phénomènes psychiques observés doivent être
soumis à caution. Il est légitime de suspecter la sincérité de
ces sujets, et il est dès lors impossible de tirer des observations
faites sur eux aucune conclusion définitive.
Au contraire, quand on se trouve en présence d'un individu
dont le sommeil hypnotique est marqué par des caractères
somatiques, on a déjà l'assurance qu'un certain nombre des
phénomènes qu'il présente sont réels, qu'il ne s'agit pas d'un
sujet quelconque, puisqu'il a des propriétés matérielles spécia-
les qui le distinguent, qui ne peuvent être simulées, et il y a
donc lieu de supposer que les phénomènes psychiques ne sont
pas non plus l'oeuvre de la simulation '.
Si la contracture léthargique, si la catalepsie, si la contrac-
4 Xous rappelerons d'ailleurs 1 ce sujet qu'on observe chez la plupart
des grandes hypnotiques, sinon chez toutes, certains phénomènes rela-
tifs à des hallucinations visuelles qui permettent comme les caractères
somatiques d'écarter l'hypothèse de simulation lorsqu'on obtient des
résultats dès la première expérience comme on l'a observé ù la Sa)pu-
trière.
' Voici en quoi consistent ces phénomènes : ,
Si par exemple on présente à uu malade en état de suggestion une
feuille de papier divisée en deux parties par une ligne, et qu'on lui
donne sur une des moitiés l'hallucination du rouge, elle aura sur l'autre
moitié la sensation du vert complémentaire (Parinaud). - On dit à une
malade en état de somnambulisme de regarder fixement un carré de
papier blanc, et on lui suggère que ce carré de papier est coloré en
rouge ou en bleu. Au bout de quelques instants, on retire ce carré de
papier et on lui en présente un autre semblable sur lequel la malade voit
la couleur complémentaire de celle qu'on lui a préalablement fait voir
par suggestion. S'il s'est agi du rouge, le second carré de papier paiait
108 REVUE D',INATO-,IIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
ture somnambulique étaient, comme leprétendM. Bernheim,
un effet de la suggestion, eh bien ! le caractère si précis de
ces phénomènes prouverait du moins la réalité de cette sugges-
tion. Aussi, quelle que soit l'idée qu'on se fasse de la nature de
ces phénomènes, qu'ils soient oui ou non exclusivement sus-
ceptibles d'être produits par la suggestion, il nous semble qu'on
ne peut en tous cas leur refuser une importance fondamentale.
Abordons maintenant la discussion delà deuxième proposi-
tion. Le grand hypnotisme caractérisé par les trois états, lé-
thargie, catalepsie et somnambulisme, n'est pas, disons-nous,
une création artificielle. Cette proposition se lie intimement à
la suivante, celle qui consiste à dire que les phénomènes soma-
tiques, ainsi que le grand hypnotisme, peuvent.se développer
chez certains sujets, sous l'influence de certaines manoeuvres,
sans l'intervention de la suggestion. Avant de chercher à dé-
montrer l'exactitude de cette assertion, nous croyons utile
d'entrer dans quelques développements sur ce phénomène de
la suggestion dont on veut faire dépendre toutes les manifes-
tations de l'hypnotisme. (i suivre.)
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES
I. Etude sur le trajet central des nerfs vaso-moteurs;
par IIELWEG. (Arch. f. Psch., XIX, 1.)
Dans les maladies mentales, il existe invariablement des troubles
du système vaso-moteur. Or, chez OS p. 400 des aliénés, on trouve
dans la moelle, entre les cordons antérieurs et latéraux, un
triangle caractérisé par un amincissement anormal des fibres
nerveuses. C'est là, d'après l'auteur, l'anomalie congénitale pro-
vert, et il paraît jaune si l'on a suggéré à la malade l'hallucination de la
couleur bleue sur le premier carré.
1(. Charcot a montré qu'il faut avoir la précaution de déterminer avec
soin la nature de la couleur qu'on suggère ; si par exemple on se contente
de suggérer du rouge, la malade peut se représenter soit le rouge qui a
pour complémentaire le vert, soit un rouge orangé dont le complémen-
taire est le bleu. On retrouve des phénomènes analogues dans la vi-
sion mentale de certains individus normaux (\"tin1t), mais l'état hypno-
tique exalte celte propriété physiologique.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 10'J
ductrice des troubles vaso-moteurs, c'est en elle que consiste celte
prédisposition aux affections psychiques. Ce triangle offre les dis-
positions suivantes. Au haut do la moelle cervicale, il a sa base
tournée en dehors, cette base mesure 4 mill. 7 ; son sommet
arrive à mi-chemin de la corne antérieure; il parait projeté par
compression d'arrière en avant surlesracines nerveuses antérieures.
Tandis que chez les individus sains d'esprit, les fibres nerveuses y
présentent un diamètre ordinaire, chez les aliénés les fibres ne
mesurent pas plus de 4 p. à 1 M 3. Ce triangle offre en arrière
de lui une zone diffuse plus foncée que les parties adjacentes du
faisceau pyramidal et latéro-cérébelleux et formée par des fibres
du plus mince calibre. Les meilleures coupes transverses sont prises
au milieu de la colonne dorsale (11. Hehveg n'a pu le suivre plus
bas), en remontant à la commissure postérieure du cerveau. Soit
par l'anatomie, soit par l'interprétation des faits physiologiques,
l'auteur est arrivé à en rattacher les zones supérieures à l'olive
inférieure, au milieu de la calotte, dont il sort avec le ruban de
Reil, pour gagner probablement les tubercules quadrijumeaux
antérieurs. L'origine corticale devrait en être cherchée dans le
lobe occipital ou temporal. Quant à la zone diffuse, elle passe
aussi dans l'olive inférieure, et la calotte (figure ovale), et gagne,
après s'être divisée en trois trousseaux distincts, la commissure
postérieure qu'elle forme exclusivement, la couche optique et le
lobe frontal (terminaison probable). P. Keraval
II. Contribution A la question DES dégénérescences secondaires
dans LE pédoncule cérébral; par V. 13CCIfTEREI1'.(A7·CIt. f. Psych.,
XIX, 1 .)
Il existe une espèce de dégénérescence descendante qui se dirige
du genou de la capsule interne aux tubercules quadrijumeaux. 11
en existe une autre qui occupe le segment médian de la couche
du ruban de Reil et se prolonge dans la portion inférieure du
noyau réticulaire (de Bechterew) au niveau du plan inférieur de
la protubérance} ce qui prouve que le segment en question ne se
termine pas dans la couche intermédiaire des olives. L'atrophie
de la portion externe du ruban de licil principal, doit être proba-
blement mise sur le compte de l'atrophie du noyau originaire du
cordon cunéiforme du côté opposé. Le segment médian du ruban
de Reil prend racine dans les ganglions de la base (noyau lenticu-
laire2),.le segment externe de ce ruban vient du giobuspaliidus du
noyau lenticulaire ; rien ne prouve leur origine dans l'écorce. P. K.
11f. EXAMEN IIISTOLOGIQUË d'un CS DE rage ; par K. SciirFEn.
(drclv. r, Psych., XIX, 1.)
Examen de la moelle d'une femme de quarante ans atteinte de
J'IO revue d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
rage un mois après la morsure, et morte en trois jours. Myélite
aiguë ascendante. Diapédèse et dissémination excessive de leuco-
cytes envahissant la substance grise ; on en trouve partout, autour
des vaisseaux ou dans la corne antérieure, en grappes encadrant
~les groupes de cellules et les capillaires, oblitérant le canal central
sur toute sa hauteur. Infiltration pigmentaire des grandes cel-
lules nerveuses des cornes antérieures, avec atrophie de quelques-
uns de ces éléments, et espaces péricellulaires très augmentés ; les
petites fibres de cette région ont disparu. Dans les cornes posté-
rieures, il n'y a plus que quelques cellules éparses. Les trousseaux
de fibres nerveuses ont perdu leur myéline et les cylindraxes dégé-
nérés ressemblent à des cheveux roulés sur eux-mêmes en spirale.
On constate encore un foyer apoplectique circonscrit; de véritables
pertes de substance criblent les cordons postérieurs, et les cor-
dons antéro-latéraux au pourtour des cornes grises. Hyperplasie
par places de la névroglie. Par-ci par-là, quelques corpuscules
sui eno, représentanls des produits de destruction, indemnes de
substance amyloïde. P. K.
IV. DES altérations PROGRESSIVES DES CELLULES NERVEUSES dans LES
inflammations. Appendice relatif aux altérations actives des cyltla-
draxes; par M. Friedmann. (Arch. f. Psych., XIX, 1.)
Expériences sur des lapins et des moineaux (action des causti-
ques). D'après ces recherches; l'hypergénese des noyaux ne serait
pas démontrée dans les cellules nerveuses pyramidales. Dans l'in-
flammatiou de la substance grise du cerveau, ce sont les cellules
fondes dont les noyaux se multiplient. Dès le troisième jour qui
suit la cautérisation, le protasplasmé du corps de celles des cel-
lules pyramidales qui possèdent encore leur forme et leurs pro-
longements normaux, au lieu de conserver la striatrion, devient
un beau réseau à larges mailles, qui prend un ton de plus en
plus clair ; la trame du noyau participe à l'altération. Tel est le
rajeunissement ou retour à l'état embryonnaire des cellules. Pour
que le noyau se divise, il faut que les cellules nerveuses se soient
transformées en gros éléments ronds semblables à des cellules
granuleuses. Quoi qu'il en soit, ce sont surtout les granulations
normales des couches cérébrales du système nerveux et non les
grosses cellules des cornes antérieures qui sont le plus capables
de ces modifications actives. Il n'est pas prouvé que les cylindraxes
subissent de semblables altérations actives. P. K..
V. Altération DES centres nerveux dans un ,C1S DE paralysie
infantile cérébrale; par WALLENBERG. (Arch. f. Psych., XIX, 2.)
Observation de paralysie cérébrale infantile, suite d'endocardite.
Accidents datantde l'âge de six ans; autopsie à de quarante-
REVUE D'ANAtOMtE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 111 i
neuf ans. Sorte de lésion systématique combinée, caractérisée par
la dégénérescence de diverses parties des cordons postérieurs et
la perte de fibres dans les faisceaux cérébelleux et pyramidaux ;
en même temps atrophie de cellules nerveuses au sein des co-
lonnes de Clarke. Mais l'hémiplégie unique du malade, la locali-
sation des lésions des cordons postérieurs à la moitié supérieure
de la moelle, au contraire la généralisation de celles des cordons
latéraux à toute la longueur de l'organe, l'analogie des altéra-
tion avec celles du pédoncule cérébral , leur forme au sein des
cordons postérieurs , l'absence d'ataxie et de lésions transversales
permettent d'éliminer l'idée de toute affection exclusivement et
primitivement spinale. En revanche, le foyer d2c pédonc2tle cérébral
gauche (kyste apoplectique) explique par son âge, son étendue,
sa nature, les altérations de la moelle; il se rattache lui-même e
à une embolie. P. KERAYAL.
VI. DES variations dans LE degré DE développement des vaisseaux
ENCÉPHALIQUES ET DE L'IMPORTANCE DE CES FLUCTUATIONS AU POINT
DE VUE PHYSIOLOGIQUE but P.1TIIOGÉNÎ : TIQUE; par L. LOEWENFËLD.
(Arch. f. Psyclt., RV111, 3.)
Le rapport entre le diamètre des artères et le poidsde l'eiicéplialo
est, dans les conditions normales, sujet à des fluctuations très con-
sidérables. Mais, dans l'immense majorité des cas, l'artère carotide
gauche présente le plus grand diamètre. Cela n'implique pas une
moindre irrigation de l'hémisphère cérébral droit, à raison des
communicantes et du cercle de Willis. Mais il est bon de rappro-
cher ce fait de l'excès de développement habituel de l'hémisphère
gauche. M. Loewenfeld a en outre tenté à l'aide de mesures prises
sur plus de deux cents cas, d'établir une répartition des deux
valeurs diamétrales additionnées des carotides et des vertébrales
(quotité vasculaire) par rapport à cent grammes de cerveau, de
façon à obtenir une sorte de coefficient de la largeur relative des
vaisseaux encéphaliques et par suite une sorte d'indice d'irrigation.
Nous ne voyons pas que les résultais soient encore bien précis.
P. IEIt 1\' : 1L.
VII. Contribution A l'étude DES lésions DE L\ zone motrice DU
cerveau; par 1V. Koe.nig. (Arc/i. f. Psych., VIII, 3.)
Deux observations. Observation I. Jeune dément de trente-
quatre ans ayant présenté longtemps, à la suite d'une chute, de
l'hémiparésie droite de la face, de la langue, des extrémités,
avec analgésie et aphasie motrice, suivie d'affaiblissement pro-
gressif des facultés. Autopsie. Sclérose des ascendantes gauches,
de l'opercule, du segment postérieur de la troisième frontale du
même côté. En outre, et toujours à gauche, hématome dure-
1112 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
mèrien, hydrocéphalie externe et interne, inflammation granu-
leuse de l'épendyme. Les cellules et les fibres de l'écorce out dis-
paru ; intégrité de la substance blanche. Observation Il. Epilep-
sie corticale. Tumeur du cerveau. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
1. La théorie de l'incohérence avec désordre dans LES idées ;
° par \\'rLLG. (Arch. f. Psych., XIX, 2.)
La France ne possède pas seule le privilège des discussions
terminologiques en matière de psychiatrie. Dans la folie systé-
matique aiguë hallucinatoire, des auteurs allemands, M. Wille
se préoccupe du symptôme qu'il considère comme principal, de
l'enchevêtrement dans hs idées dû à la multiplicité des hallucina-
tions et des conceptions délirantes qui se pressent et se transfor-
ment au gré des images morbides. Nous ne voyons pas qu'il y ait
lieu de démarquer ni de subdiviser l'entité dont nous connaissons
non seulement les types mais les variantes selon qu'on se trouve
en présence d'une des trois classifications de MM. Schuele, de
Krafït-Ebing, Meynert. M. Wille retire de ces trois classifications
un certain nombre de faits et les élève à la dignité d'entité
morbide nouvelle sous le nom de confusion psychique. P. K.
II. DE L1 folie systématique originelle (type S.1\DRn) j
par CL. 1\'r[SSLR. (A ? -eh. f. Psych., XIX, 2.)
L'auteur apporte quelques modifications aux idées de Sander.
L'hérédité aurait, d'après lui, moins d'importance ; les hallucina-
tionssingulièrement associées forment un fonds bigarré où puisent
les conceptions délirantes du malade ; celui-ci tronque ses souve-
nirs et brode avec ces éléments morbides un système merveilleux
relatif à sa propre origine. L'auteur propose, pour cette modalité
à tendance héroïque, le nom de paranoïa confabulans. Inté-
grité de l'intelligence; il faut rayer de cette maladie l'expression de
désordre dans les idées avec incohérence, surtout si l'on y prétend
voir de l'affaiblissement des facultés. P. K.
111. DE la FOLIE alternant avec l'asthme Par Co-
nolly Norman. (Tlee Journal of àlent(il science, avril 188 ? )
L'auteur relate sept observations dans lesquelles on constate une
alternance bien marquée entre les symptômes pulmonaires et les
symptômes mentaux. En effet dans la première, l'asthme chro-
revue DE Pathologie mentale. 113
nique disparaît lorsque la folie s'établit, et reparait dès que le
trouble mental devient chronique. Dans la seconde, l'asthme sup-
prime et remplace une crise d'aliénation. Dans la troisième, un
asthme habituel disparait pour faire place à la folie, qui disparait
à son tour dès que les crises d'asthme se montrent de nouveau.
Dans la quatrième, l'asthme chronique cesse chez un imbécile,
lorsque éclate une attaque aiguë de folie, pour reparaitre quand
celle-ci est passée. Dans la cinquième, l'enchaînement des faits
est analogue à la troisième. Dans la sixième, un asthme chronique
s'atténue et finit par disparaitre au sur et à mesure que la folie
s'établit. L.
Dans deux de ces cas la folie se présentait sous la forme de la
mélancolie aiguë ; dans un autre, il s'agissait de manie aiguë :
dans les quatre autres cas, on avait affaire à des affections mon-
tales chroniques de dégénérescence plutôt qu'à des étals aigus.
L'auteur rappelle que des faits analogues ont été observés c rap-
portés par le Dr Savage et le Dr Kelp. R. M. C.
IV. CONTRIBUTION A l'étude DES maladies DE l'appareil CIR-
CULATOIRE chez LES aliénés, par T. DUNCAN GREENLEES.
(7'/te Journal of Mental science, octobre 188S.)
Ce mémoire très intéressant, très nourri de faits, et qui a
obtenu le prix de l'Association médico-psychologique, se
résume dans les conclusions suivantes : .
10 Les affections cardiaques se rencontrent plus fréquemment
chez les aliénés que chez les sujets sains d'esprit.
2° Cette augmentation de fréquence est en partie réglée par la
fréquence des affections cardiaques parmi la population saine
d'esprit résidant au voisinage de l'asile où est faite l'observation.
3° Les affections cardiaques sont plus fréquentes chez les aliénés
des comtés dans lesquels le rapport du nombre des aliénés au
nombre des sujets sains d'esprit est le plus élevé.
4° La distribution des affections cardiaques chez les sujets sains
d'esprit est réglée par la position géographique, les influences
diététiques et autres, agissant comme causes prédisposantes. Des
conditions analogues paraissent exercer une influence sur la fré-
quence des affections cardiaques chez les aliénés.
50 La différence numérique entre les affections cardiaques chez
les aliénés et ces mêmes affections chez les sujets sains d'esprit
n'est pas considérable, si on prend une vue d'ensemble de la qites-
lion ; en effet, les maladies du coeur donnent une mortalité de
8,72 p. 100 chez les derniers et de 9,3G chez les premiers.
60 Il résulte des observations que j'ai recueillies à l'asile, que
les affections cardiaques se rencontrent chez 12,94 p. 1110 des
Archives, t. XVII. 8
114 revue DE pathologie mentale.
aliénés vivants et qu'elles causent la mort dans 13. ! il p. 100
des décès. Tant à l'époque de l'entrée à l'asile qu'a l'époque de la
mort, Cage du plus grand nombre des malades porteurs de mala-
dies du coeur était compris entre C70 et 70 ans.
7° Les symptômes cliniques du reflux mitral chez les aliénés
vivants, et ceux d'une affection mitrale avec hypertrophie à gauche
à l'autopsie, constituent les affections les plus communes.
8, Le coeur est plus lourd chez les aliénés que chez les sujels
sains d'esprit et cette augmentation de poids se remarque plus
spécialement dans la paralysie générale, où le coeur est très sou-
vent hypertrophié.
9° Dans beaucoup de cas de folie, la circulation générale est
paresseuse et les extrémités sont froides, livides ou même enflées.
Cet état est surtout fréquent dans les cas chroniques ou avancés.
10° Les artères sont fréquemment malades chez les aliénés ;
mais si l'on tient compte de l'âge, la dégénérescence athéroma-
teuse des tuniques artérielles ne paraît pas être plus précoce que
chez les sujets sains d'esprit. Cependant, dans la paralysie géné-
rale, l'épaississement des tuniques artérielles, ou même la dégéné-
rescence athéromateuse des artères cérébrales se manifeste d'une
façon absolument indépendante de l'âge et parait être influencée
plutôt par la durée de la maladie que par l'âge du malade.
11° Chez les sujets sains d'esprit, les affections cardiaques
paraissent exercer une influence considérable sur l'esprit, au point
de modifier le tempérament et de changer le caractère du malade;
ces modification-; peuvent devenir assez importantes pour que les
phénomènes psychiques auxquels elles donnent lieu soient ceux
de la folie véritable.
12° Non seulement les affections cardiaques modifient le type
et les délusions de la folie, mais il existe encore certains cas d'a-
liénation dans le : quels il est impossible d'assigner à l'aberration
mentale une autie cause que la lésion cardiaque ou le trouble
général de l'appa eil circulatoire : dans les cas de cet ordre, il
n'est pas douteux que la lésion cardiaque joue le rôle d'une cause
prédisposante à la folie.
Le mémoire se termine par quelques considérations sur la
structure des vaisseaux cérébraux à l'état sain et dans quelques
formes particulières d'aliénation. R. M. C.
V. Fracture DC sept côtes, reconnue après la mort, chez un
malade d'asile, par Ilanax A. 13h\11.1x. (Tite Journal of Mental
science, 5 aviil 188.)
La terreur qu'inspirait à ce malade le moindre contact lors de
son entrée à l'asile attira l'attention de l'auteur, qui soupçonna,
sans pouvoir rien découvrir à cet égard, un traumatisme anté-
SOCIÉTÉS SAVANTES. Ho
rieur. Le malade fut soumis à une surveillance très étroite, en
sorte que toute idée de violences subies à l'asile peut et doit être
écartée. Il succombabientôt à l'affection cérébrale qui avait motivé
son internement, età l'autopsie on constata que sept côtes étaient
fracturées; ces fractures n'étaient accompagnées d'aucun dépla-
cement. On apprit qu'avant son entrée à l'asile, ce malade, qui
était aveugle, s'était livré chez lui, à des actes de violence, tels
que bris de meubles et démolition d'une partie du toit de sa
maison. C'est probablement en accomplissant ces actes délirants
qu'il s'élait fracturé les côtes, dont le tissu osseux était d'ailleurs
dans un état de' dégénérescence très accusé. L'auteur a pensé qu'il
y avait intérêt à publier ce fait, parce que, lorsqu'on rencontre
des fractures de côtes, à l'autopsie d'un malade interné dans un
asile, on est naturellement enclin à accuser le personnel de l'asile
de violences intentionnelles ou non. Le cas actuel montre qu'il y
a des cas où ce personnel ne doit pas être incriminé, et où, en
faisant remonter l'enquête jusqu'à une période antérieure à l'ad-
mission du malade, on peut préciser l'origine des lésions consta-
tées. ' R. M. C.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ 11LDIC0-I'SiYClIOLOGlQUI : .
Séance du 29 octobre 1888. Présidence de M. COTARD.
Des dangers de l'hypnotisme. M. Séglas communique l'obser-
vation d'une hystérique affectée de troubles intellectuels d'une
certaine gravité et consécutifs à des tentatives d'hypnotisme pra-
tiquées par un magnétiseur.
M. 13ltIAND. La lievue de l'hypnotisme a publié dans un de ses
derniers numéros une observation analogue recueillie par mon
interne AL Lewolf. J'ai en ce moment même, dans mon service,
une autre malade qui a été prise d'hallucinations avec idées de
persécution à la suite d'une séance chez un hypnotiseur, Il est à
craindre que ces faits ne soient pas aussi rares qu'on le pense.
Rapport sur la clussificatiorz des maladies mentales, M. Garnier,
se tenant le plus possible à l'écart de toute discussion dogmatique,
rappelle que les essais de classification se sont adressés tour tour
à l'anatomie pathologique, aux lois de la psychologie normale
transportée dans le domaine de la psychologie morbide, à al
116 Sociétés savante^.
symplomatologie, à l'étiologie ou palliorénie. Il est résulté, ce qui
s'observe si souvent, l'application d'une théorie exclusive. Pour
chacune de ces méthodes de classement, on a été entraîné à
outrepasser les limites rationnelles ; on a obligé les faits àse plier
à l'esprit de système, car aucune d'elles ne se prêtait complète-
ment à l'esprit de généralisation qu'on poursuivait. Mais l'obser-
vation exacte reprend toujours ses droits, et les faits s'échappent
d'eux-mêmes des formules impropres ou trop étroites, où l'on a
voulu les enfermer.
C'est pour éviter ces menus écueils que la Commission a élaboré
une classification mixte, étayée sur une base composée de quatre
éléments : anatomie, étiologie, symplomatologie, évolution morbide.
Ainsi se trouve constituée la classification établie en 1883 par
M. Magnan et dont voici le tableau comparé avec la classification
proposée pour la statistique internationale par la commission
du congrès d'Anvers (1885).
SOCIÉTÉS SAVANTES. 'il7
Vous penserez sans doute comme nous, dit M. Garnier, qu'il
convient, pour répondre à l'appel qui nous est fait de nous tenir
autant que possible sur le terrain où l'accord est le plus près de
se faire, et je crois qu'il y a place pour une entente internationale
sur les bases indiquées, où déjà elle a commencé si manifestement
à s'opérer. Nous ne présentons rien là qui soit définitif et im-
muable, bien entendu; mais nous pouvons croire que la classi-
fication proposée donne l'expression des idées modernes et se
trouve en rapport avec le niveau de nos connaissances actuelles
en pathologie mentales. Nous estimons qu'elle peut représenter
dignement à l'étranger l'état de la science française et af-
firmer une fois de plus son bon renom dont vous êtes légitime-
ment fiers.
M. 111.aAnoov de lllOirTYEL pense qu'une classification écolo-
gique des maladies mentales est non seulement possible, mais est
la seule possible. Des quatre méthodes de classification jusque-là
tentées, la méthode symptomatologique et la méthode fonction-
nelle ne résistent pas à l'examen, la méthode anatomo-patholo-
gique est encore une impossibilité : M. Luys, le seul auteur qui ait
osé baser sur elle une description des maladies mentales, a pris
une... hypothèse pour point de départ. La méthode étiologique
résisterait donc seule si l'on n'avait parlé des classifications mixtes.
C'est une classification de cette nature que M. Garnier nous pro-
pose au nom de la commission. De l'aveu même du rapporteur,
cette classification est une attente. Pour l'accepter, encore fau-
drait-il, au moins, être certain de la nécessité de s'y résigner ! il
n'en est rien, car la classification étiologique est possible en prin-
cipe et en pratique. En principe, deux objections se sont élevées :
l'une de lierthier qui est puérile (il s'agit de la difficulté d'obtenir
des renseignements précis) ; la seconde de Falret père qui insiste
sur la multiplicité des causes dans chaque cas et sur la difficulté
de distinguer la part de chacune. Difficulté ne veut pas dire im-
possibilité. M. Alaraiidoii de Montyel termine en demandant que la
société se rallie à la méthode étiologique d'abord parce qu'elle
est la vérité, ensuite parce que cette vérité se trouve être un
émanation de la science française.
M. A. Voisin pense que la manie et la mélancolie ne devraient
pas figurer comme entités morbides. Il croit que, dans la classi-
fication mixte proposée par M. Garnier, une assez large place n'a
pas été accordée à l'anatomie pathologique. Celle-ci aurait cepen-
dant permis de démontrer qu'il existe précisément plusieurs
formes de manie et de mélancolie. La manie reconnaîtrait comme
cause, selon M. Voisin, diverses sortes de lésions, de la connexité des
hémisphères cérébraux ; on trouverait de même dans la mélancolie
des lésions de la base microscopiduement différentes.
1 18 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. J. Séglas présente l'observation tombée en état de mal hys-
térique à la suite de tentatives d'hypnotisme faites par un ma-
gnétiseur. Le fait de l'éclosion ou de l'aggravation de manifesta-
tions hystériques, somatiques ou psychiques, à la suite de tentatives
d'hypnotisme. Ce fait est très évident chez cette malade qui est
tombée alors dans un état mental particulier et dont les attaques
débutant à ce moment ont revêtu, par suite d'un phénomène
d'auto-suggestion, un caractère spécial leur donnant l'apparence
de certains étals hypnotiques. D'ailleurs, cette malade n'a jamais
dormi et ce pseudo-hypnotisme ne consiste en réalilé qu'en des
attaques hystériques d'une allure un peu particulière dans les-
quelles elles sont apparues, la malade ayant l'apparence d'une
cataleptique, mais étant en réalité plus ou moins conlraclurée.
La confusion, qui a été faite d'ailleur4, était d'autant plus possible
à un examen superficiel que la malade était suggestihie à l'état de
veille. D'un autre côté, si la suggestion à l'état de veille a pu
avoir ici quelque action curalive, toute tentative d'hypnotisme,
dans quelque but qu'elle soit faite, est formellement contre indi-
quée. Ces considérations diver-es, ainsi qu'une fugue de la
malade, hors de son domicile pour aller rejoindre le magnétiseur,
prouve le danger de l'hypnotisme entre les mains de gens inex-
périmentés ou peu scrupuleux, dont les manoeuvres constituent
un danger pour la. santé publique et doivent être sévèrement
réprimées. Marcel 13w.nn.
Séance du 16 novembre 1888. l'fi 1 nn M. Cotard.
Congrès international de médecine mentale. )I. LI : SECnÉrvnF
général fait connaître les résultats des travaux du comité d'orga-
nisation du Congrès international de médecine mentale de 1889.
Ce congrès se tiendra au grand amphithéâtre de la faculté
de médecine du 19 au 24 août. Il comprendra des membres fon-
dateurs qui sont les membres titulaires de la société et des
membres adhérents français et étrangers. La souscription des
fondateurs est fixée à 2'i Irancs, celle des adhérents français à
20 francs; celle des adhérents étrangers à 1,; francs. Les travaux
du congrès se composeront :
Io De communications sur les questions proposées par le
comité ; 2" de communications sur des sujets étrangers au pro-
gramme, mais relatifs à la pathologie mentale.
Le comité a arrêté le programme suivant :
a. Pvliaologie 7nenlole.-Obsessions avec conscience (iutellec-
tuelles, émotionnelles et instinctives). Rapporteur M. Faire[.
L. Législation. Législation conyaiée sur le placement des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 119
aliénés dans les établissements spéciaux, publics et privés.
Rapporteur M. Bail.
c. Médecine légale. De la responsabilité des alcoolisés.
Rapporteur M. Motet.
Pour faciliter les discussions, les rapports sur ces différentes
questions devront être publiés dans le n° de mai des annales
médico-psychologiques1. Les membres du congrès qui désireront
prendre la parole sur ces questions du programme, ou faire des
communications sur d'autres sujets, devront se faire inscrire au
plus tard le 15 juillet. Vingt minutes seront accordées pour
chaque communication.
Deux séances auront lieu chaque jour : une le matin et une
autre le soir. Celle du soir sera consacrée à la discussion des
questions du programme et à la lecture des communications
étrangères au programme ; celle du malin sera réservée à la
discussion des intérêts professionnels.
Le rapport de M. le secrétaire général est adopté et la Société
fait des voeux pour que le congrès de 1889 obtienne le même
succès que celui de 1878.
Morphinomanie guérie par suppression brusque du poison.
M. Christian communique la très intéressante observation d'un
morphinomane qui en était arrivé à s'injecter concurremment
avec de la cocaïne la dose énorme de 3 grammes de morphine
par jour. A son arrivée dans le service de M. Christian, la mor-
phine lui a été supprimée brusquement malgré ses supplications
les plus vives. On n'a pu faire longtemps usage de la spartéine
parcequ'elle a déterminé très vite des vomissements. Le malade a
guéri sans incidents. M. Christian termine sa communication par
un aperçu sur l'opportunité de la séquestration des morphino-
manes.
M. 13.r,u n'est pas surpris des troubles gastriques signalés par
AI. Christian. L'estomac supportant mal la spartéine, il vaut
mieux l'administrer par voie hypodermique.
M. l3 : Trt a vu guérir sans accidents, par suppression brusque,
des individus déjà traités sans succès par la démorphinisalion
progressive.
M. l3nmu est partisan de la suppression brusque. Les morphi-
nomanes qu'il a pu suivre ne sont pas faits pour modifier sa
manière de voir à cet égard, étant donné surtout la grande
difficulté qu'on éprouve à diminuer les doses avec certitude. Il
est toutefois des précautions élémentaires qu'il ne faut pas négti-
3 Nos lecteurs trouveront en temps voulu le résumé de ces rapports
dans notre compte rendu des séances de la Société médico-psycholo-
(.Vole de la rédaction.)
'120 a SOCIÉTÉS SAVANTES.
tes de prendre : soutenir le malade en lui administrant des
toniques et surveiller attentivement le coeur. Si le patient avait
des tendances syucopales, la digitale, la caféine, la spartéine et
autres agents du même ordre suffiraient rétablir l'équilibre. La
cocaïne que s'injectait le sujet de M. Christian me rappelle
ajoule-t-il, deux malades de mon service qui, elles aussi, avaient
pris l'habitude dans les derniers temps de mélanger la cocaïne à
leur dose quotidienne de morphine : Je n'ai pas présentes à l'es-
prit les quantités auxquelles elles m'étaient arrivées, mais ce qui
est certain, c'est que chez l'une et chez l'autre, peu de temps
après avoir fait usage de cocaïne, de singuliers troubles de la
sensibilité ont fait leur-apparition : c'étaient d'abord de petites
secousses convulsives et très courtes des muscles sous-cutanés,
plus fréquentes dans la région du dos, qui donnaient au malade
la sensation d'un léger choc. Plus tard, quand survinrent les hal-
lucinations de l'ouïe, les patients éprouvèrent la sensation d'une
main leur frappant sur l'épaule en même temps qu'une voix les
appelait. Plus tard enfin, se montrèrent d'autres troubles de la
sensibilité : il leur semblait qu'elles marchaient sur du coton. On
a pu constater aussi, chez l'une et chez l'autre, des plaques d'anes-
thesie cutanées liées à l'hystérie, laquelle se manifestait encore par
les modifications habituelles du caractère et un rétrécissement
notable du champ visuel. Y a-t-il entre les injections de cocaïne
et les premiers phénomènes une relation de cause à effet ? Je
n'ose le dire, mais j'ai cru qu'en tout cas le fait méritait d'être
rappelé.
Pour ce qui est de l'opportunité de la séquestration des morphi-
nomanes, il n'y a qu'à leur appliquer les mesures applicables aux
buveurs. Tant que le buveur ou le morphinomane ne délirent
pas, on n'a aucune raison de les séquestrer à moins qu'ils ne le
demandent. Mais dès que surviennent des hallucinations, la loi
commune aux autres aliénés leur devient applicable.
M. CIIIlISTI.1\. Mon malade ne m'a parlé d'aucune de ces sensa-
sions ; il est vrai que mes investigations ne se sont pas portées de
ce côté.
M. Legrain pense que dans certains cas, la séquestration du
morphinomane peut être légitimée avant môme qu'il n'ait des
hallucinations, car on doit le considérer comme un malade hanté
par des obsessions sous l'influence desquelles il peut réagir dan-
gereusement.
M. Ballet. Je ne nie pas que la démorphinisation progressive ne
soit bien difficile à régler. Personne, je crois, ne nie davantage
aujourd'hui qu'on ne puisse dans certains cas, supprimer brusque-
ment la morphine, mais il faut cependant se rappeler aussi que
cette méthode peut être suivie d'accidents Est-il possible de
SOCIÉTÉS SAVANTES. '121'
soigner et de guérir les morphinomanes en ville ? -Je ne le pense
pas, à cause de la facilité qu'ils ont de se procurer leur poison
favori. Mais doit-on pour cela les séquestrer dans un asile d'alié-
nés ? Cette mesure me semble bien excessive. Il existe entre la
famille et l'asile d'aliénés, des maisons de santé, où il est aisé de
faire assez bonne garde autour du patient pour l'empêcher de
continuer ses piqûres.
M. Christian. Si le malade veut bien entrer dans l'une de ces
maisons de santé ouvertes, rien de mieux, mais s'il s'y refuse,
l'abandonnerez-vous à ses impulsions ? ` ?
M. ne croit pas que la loi autorise à séquestrer malgré
lui, un morphinomane, sous le seul prétexte que ses pratiques sont
dangereuses pour sa santé.
M. Piciio,4 a observé dans les asiles, une vingtaine de morphi-
nomanes traités par la démorphinisation progressive; donc, elle
est possible. Il en a d'ailleurs publié un grand nombre d'observa-
tions et n'a qu'àse louer des résultats obtenus.
M. Riu cite deux observations : une première malade, de qua-
rante ans, entrée à l'asile dans de mauvaises conditions physiques,
avec des hallucinations de l'ouïe consécutives à des injections
hypodermiques de morphine, qu'elle se faisait depuis deux ans.
Traitée par la suppression brusque, elle a eu pendant six mois des
vomissements. Les hallucinations ont persisté pendant un an. Le
malade a guéri au bout de quinze mois.
La seconde observation est relative à une jeune hystérique de
vingt-trois ans, dont les attaques augmentaient de fréquence en
même temps que s'élevaient les doses du poison. Traitée par la
suppression brusque, elle a eu dès le deuxième jour des vomisse-
ments et aussi des selles diarrhéiques. Peu après, elle se plaignit
de crampes dans les mollets, de contractures des muscles lom-
baires et de fourmillements à la plante des pieds et à la paume
des mains. Le dixième jour, tous ces phénomènes disparaissaient.
La malade n'a plus d'attaques et on peut la considérer comme
guérie.
Classification des maladies mentales. (Suite de la discussion.)
M. DAGOpOE'r développe la thèse suivante : Il ne croit pas que l'évo-
lution morbide puisse servir de base à une classification des ma-
ladies mentales, parce que d'abord, il est impossible de prévoir
l'évolution d'une maladie, en l'observant à son début et ensuite,
parce que beaucoup de psychoses n'évoluent pas. Les lésions ana-
tomiques que M. A. Voisin parait considérer comme facteur, ne
doivent pas davantage entrer en ligne de compte, parce que le
plus souvent ces lésions n'existenl pas. La cause des maladies men-
tales presque toujours insaississable, il s'ensuit que l'étiologie
proposée par M. Marandon de doit, elle aussi, être écar-
129 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tée de toute classification. Comme conséquence, M. Dagonet pro-
pose de s'en tenir à la classification de Baillarger. M. B.
LUI, CONGRÈS DE L'ASSOCIATION DES MÉDECINS ANGLAIS
SECTION DE PSYCHOLOGIE.
. \I. le Dr SavIES C. lIoNDEN Le traitement de l aliénation mentale
L'orateur y retrace les progrès faits depuis vingt ans dans le trai-
tement des diverses affections mentales, dus en grande partie à
la connaissance des lésions cérébrales pour une partie d'entre elles :
Le système des aliénés pensionnaires chez les habitants adopté en
Angleterre est défendu par le Dr Turnbull, et vigoureusement com-
battu par la plupart des médecins aliénistes, tels que MM. llack-
Tuke, Yellowlees, Richardson etc. Le nombre des malades qui
peuvent être ainsi placés chez les paysans est relativement restreint
et leur présence peut y être un danger. D'un autre côté ces mal-
heureux sont parfois exploités par leur gardien. La plupart des
médecins réclament la formation de colonies annexées aux grands
asiles, pour y placer les aliénés tranquilles, colonies où la dépense
occasionnée par les malades sera moindre que celle qu'ils entrai-
neraient dans les seconds. Le D'' J. Wiglesworth considère
la monomanie comme due à une lésion des plexus cérébraux
chargés du contrôle et de la coordination. Ces lésions débute-
raient par les régions inférieures de l'encéphale, se manifestant
par des troubles des sens. L'orateur se base .')Ur ce que l'affection
commence par des hallucinations puis desillusionsavecconserva-
tion de la mémoire et des facultés de raisonnement. Ces phéno-
mènes de monomanie accompagneraient fréquemment l'ataxie
locomotrice lorsque se produisent les lésions des centres optiques.
Le D'' Conolly Norman admet que la monomanie existe souvent
sans hallucinations; pour lui c'est une alloclioti des dégénéré',
dont la lésion réside dans des malformations des circonvolutions
cérébrales. Le D'' Campbell Clark amène la discussion sur les ? -ela-
tions entre la folie et les fonctions sexuelles et de reproduction. Les
principaux points de ces relations portent sur la menstruation,
l'instinct sexuel et ses abus, la grossesse, la parturiton, la période
puerpérale, la lactation, l'onanisme. Les questions suivantes sont
discutées : folie de la masturbation, influence de celle-ci sur l'intel-
ligence, troubles nerveux et mentaux de la grossesse, manie tran-
sitoire pendant le travail, éclampsie puerpérale et aliénation
mentale, symptômes prémonitoires de la folie puerpérale. Dans
le même ordre d'idées, le D'' IL Sa v mie entretient le congrès des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 123
troubles mentaux associés aux engagements matrimoniaux : mélan-
colie, folie érotique ou religieuse, se manifestant chez des indi-
vidus nerveux, chez les dégénérés. Tous les troubles mentaux de
l'adolescence et de la puberté, sont pour le D1' Clonston insépa-
rables de la céphalalgie, de la chlorose, de la chorée etc., et sont
sous la dépendance d'un manque de développement de l'encé-
phale. La masturbation ne peut engendrer la folie que chez un
dégénéré.. Pour le D1' Wiglesworth c'est la dernière qui est la
cause de la première; il mentionne l'association de la folie puer-
pérale à la septicémie. Le Dr A. Apelin n'a pas observé l'ozène
chez les filles se livrant à la masturbation, comme on l'avait si-
gnalé précédemment, saut dans le cas de lésions des os du nez.
La paratdéhyde, la quinine, et l'acide salicylique ont donné des
résultats entre les mains delà plupart des médecins, dans ces cas
de folie d'origine sexuelle.
A propos de la construction des asiles, le 1)" Clonston expose les
qualités qu'on doit chercher à obtenir dans ces édifices. Le
Dr Francis Warner émet le désir que des médecins soient dési-
gnées, pour examiner les enfants des écoles, au point de vue du
développement de leur cerveau et de leur état intellectuel. Cet
examen se déduirait de la conformation du crâne, des déforma-
lions ou malformations des membres, enfin des différents signes de
troubles nerveux ou de dégénérescence. Ces recherches élimine-
raient de l'école un certain nombre d'enfants faibles d'esprit qu'on
pourrait instruire dans des écoles spéciales. Le D1' FLETCUER
reacii reconnaît que le cerveau des imbéciles présente plus souvent
des circonvolutions d'un volume réduit, que de l'hydrocéphalie,
des tumeurs, de la sclérose, etc. L'hydrocéphalie peut être congé-
nitale ou acquise. L'hypertrophie cérébrale, affection rare est due
d'après Hokitansky à une augmentation delà substance iutereellu-
laire ; elle est congénitale et se manifeste par des maux de tête
intenses, pouvant entraîner le coma, delà paresse intellectuelle,
de la difficulté à marcher et des convulsions. L'atrophie cérébrale*
est due à un développement incomplet ou à une destruction des
éléments nerveux. Dans la microcéphalie, les nerfs des sens, les
ganglions de la base sont normaux ou presque normaux, le cer-
velet est relativement plus développé que normalement. Une autre
forme d'atrophie est celle qui siège sur un hémisphère avec atro-
phie des membres du côté opposé ; cette lésion aurait pour l'au-
teur comme cause primitive, une inflammation des méninges pen-
dant la vie fajlale ou l'enfance. Le D1' Benedikt oppose ses résultats
Clil21(2leS ORte7t2lS p«r' la crcarziométrie et l« céphaloscopie clmas les
maladies mentales et cérébrales. ·
Le D'' Hack-Tuke admet que dans la production d'une idée sen-
sorielle assez forte pour produire unc leo.'f«cin t(iun non exlério-
124 SOCIÉTÉS SAVANTES.
risée, l'excitation peut ne pas dépasser l'écorce cérébrale. Si elle
s'extériorise, les organes des sens et leurs nerfs peuvent ne pas
être impressionnés, mais alors il peut se produire un courant
rétrograde vers le sensorium. Pour le D1' Robertson le siège de
l'hallucination peut être au niveau des organes des sens, des gan-
glions cérébraux et de l'écorce cérébrale; le point de départ peut
être extérieur ; le voisinage des centres auditif et visuel explique la
combinaison des hallucinations combinées dans la folie. Le Dr Ire-
land rappelle qu'on peut au moyen du prisme dédoubler les hallu-
cinations des hypnotisés, ce à quoi n'ajoutent pas foi les DD'S Bally
Tuke et Yellowlecs.
Le D1' Oscar T. WOJDS lit un travail sur la folie à deux dans la
même famille, dont il cite quatre cas. Le Dr W. JuiiusMickie lit
un lravail sur,l'autifébrine. ' A. Raoult.
XVI 11° CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'ALLEMAGNE
DU SUD-OUEST.
SESSION DE karlsruhe 1887. z
Séance du 29 octobre. Présidence DE M. Ludwig.
M. 1,UDWIG (de Ilappeufeim). Quelques propositions destinées ci
servir de fil d'Ariane dans la question en suspens ; Qu'a-t-on fait-
jusqu'ici dans les asiles allemands et que pourrait-on faire encore
pour augmenter le nombre des admissions en temps opportun dans
les établissements publics - 10 Dans l'immense majorité des cas,
l'admission opportune d'un aliéné est synonyme d'admission de
bonne heure après le prononcé du diagnostic; car en augmen-
tant les admissions opportunes, on fait croître le nombre des
malades guéris ou assez améliorés pour pouvoir être renvoyés.
20 Un aliéné a-t-il besoin d'être transporté dans un asile ? Quand
a-t-il besoin d'y êlre transporté ? Ce sont là deux questions qu'a
le premier à décider le médecin traitant. C'est dire que celui-ci
a besoin d'être psychiatre, de connaître le fonctionnement scien-
tifique et administratif des asiles publics.- 3° Insuffisance de l'en-
seignement. 4° Par suite, insuffisances de connaissances psychia-
triques des médecins qui se trouvent rarement en relation avec
' 11 D'y a pas eu de séance en 1885. Le rapport du XVIle Congrès
(1880) n'a pas été publié en Allemagne. Voyez donc Archives de Neurolo-
gie (XVIe Congrès), t. X, p. 245. A ce propos, rectifions une erreur : au
lieu de la Société 1)silchial),ique lisez des aliénisles.
Sociétés savantes. 1°t 11),
les asiies publics. C'est pourquoi toutes les mesures prises jus-
qu'ici pour augmenter le nombre d'admissions en temps utile sont
demeurées infructueuses. C'est surtout dans l'intérêt du public
qu'on séquestre les aliénés, quand il y a danger public, et non
dans l'intérêt du malade ? 5° On a bien fait certaines faveurs pour
le remboursement à l'établissement des frais de séjour, notam-
ment aux sociétés de bienfaisance. 6° Mais ces sociétés ont été
moins favorisées dans l'Allemagne du Sud-Ouest que dans la pro-
vince du Rhin et dans le district gouvernemental de Kassel. En
effet dans l'Allemagne du Sud-Ouest, il s'agit surtout d'asiles
d'Etat et non d'établissements communaux ou départementaux;
l'Etal peut donc renvoyer pour une raison ou pour une autre aux
sociétés en question leurs malades. Il faudrait plutôt pratiquer
la facililatiota systématique et l'allégement du remboursement du prix
de séjour aux particuliers peu aisés. 7° Sans doute assez souvent le
règlement des asiles contient un paragraphe qui se montre à cet
égard libéral envers les sociétés de bienfaisance et exceptionnel-
lement envers les particuliers, mais à la condition que le malade
ait été séquestré dans un délai déterminé à la suite de l'explosion
de la maladie. Ce sont là des exceptions fâcheuses, illégitimes,
propres simplement à introduire ou à multiplier, à grossir cer-
taines défectuosités dans la statistique officielle des établisse-
ments. Ce qu'il faut, c'est abaisser progressivement les prix de
journée, proportionnellement aux ressources des individus, à la
durée de la séquestration nécessitée par le traitement.-8° Il faut
encore simplifier les formalités d'admission et se prêter surtout à
l'admMMOM temporaire, préventive, prophylactique. Au lieu de cela
que fait-on ? On a besoin de l'intervention préalable de MM. les
médecins fonctionnaires pour séquestrer, c'est-à-dire soigner. 90 il
est avantageux de conserver la division en asiles de traitement
et hospitalisation, et asiles hospices, car dans les premiers on peut
réunir aux malades curables ceux des incurables qui ne nuisent à
aucun des intérêts des autres, réservant pour les seconds tous les
incurables de la catégorie inverse. 11 y a donc lieu de semer dans le
pays autour d'un grand établissement formant un asile-hospice
central, plusieurs petits asiles d'hospitalisation et traitement. Dans
l'asile-bospice, on aura plusieurs classes de pensions groupées à
côté d'un régime commun formant loi; dans l'asile de traitement
et hospitalisation on conservera le bénéfice médico-administratif
d'autant de régimes que d'individus, selon les nécessités de l'état
mental. 10° La dépense générale se multiplie quand, en présence
d'un encombrement imminent d'un asile d'aliénés, on tarde à y
remédier : de même l'Etal dépense d'autant plus pour l'assistance
des aliénés qui lui incombent,que l'on néglige, par les moyens con-
venables, d'augmenter l'admission en temps voulu opportun, dans
un asile d hospitalisation et de traitement. 1 io La réunion des
1t6 6 sociétés savantes.
sociétés de bienfaisance locales à la société départementale favo-
rise les admissions dont nous parlons, taudis qu'une société locale
combat, et cela d'autant plus qu'elle est plus petite, la sortie à
titre d'essai d'un malheureux non encore guéri (il faudrait en
effet payer). Or ces sorties sont utiles non seulement aux malades,
mais encore à l'admission opportune des nouveaux; il y a donc
intérêt à ce que des sociétés de secours bien organisées s'occupent
des aliénés congédiés de l'asile. Les agents de ces sociétés piur-
raient aussi recueillir les aliénés récemment atteints et justement
faciliter leur admission rapide.
Discussion :
MM. Fuerstxer, .IOLLY, Emhingiiaus, Schuele, Iïnnrn, Ditmann.
En ce qui concerne la conclusion 6, Illenau a déjà proposé la
fondation pour les familles peu aisées de sociétés acquittant à l'aide
de ses derniers, partiellement ou totalement, le prix de journée
de ses membres (secours mutuels). Il en existe d'ailleurs à Fuerth
et à Nüremberg; à Fuerth, elle fonctionne depuis des années
avec grand succès.
Sur la conclusion 9, M. Ludwig donne les explications complé-
nientaires suivantes. Il existe dans le public une opinion erronée
très répandue, d'après laquelle, au moment où l'on admet un
malade dans un asile de traitement et hospitalisation, la personne
qui paie la pension de la classe fixée contracte un engagement,
un traité avec le directeur. En vertu de ce traité, l'asile s'engage-
rait, en retour du prix de pension, à fournir, sous forme d'habi-
tation, de mobilier, d'alimentation, de boissons etc., des mar-
chandises absolument précises et de prime abord nettement
stipulées, détaillées. Or, il est évident que l'économie du traite-
ment matériel, intellectuel, moral incombe tout entière au méde-
cin seul, selon sa manière de voir chacun des moments de la
maladie. C'est ce qu'il importe de publier à son de trompe, il faut
rapprocher le plus possible l'asile d'un hôpital. C'est le seul moyen
de gagner la confiance et l'estime du public. Tout ce qui s'effectue
à l'intérieur de l'établissement n'a que la valeur d'une prescrip-
tion médicale formulée selon l'indication psychopathiquf.
M.Fuh : RSTNER(d'HeiJe)herg)./)e/'e<a(ac< : «;cnosco) : ) : ttt4XM ? ! ccs
en matière de la simulation des troubles psychiques. Conclusions :
Les cas de simulation de l'aliénation mentale ne sont pas aussi
excessivement rares qu'on veut bien le dire, surtout dans les
grandes villes. M... F. en a observé 12 cas frappants, ultérieure-
ment contrôlés. Les conditions actuelles lui permettent de peu-
ser que les tentatives de ce genre ont augmenté, surtout dans les
grandes villes ; ce sont les inculpés dont l'affaire s'instruit qui
forment le principal contingent des simulateurs et, aussi bien les
criminels par habitude que les inculpés pour la première fois. Les
sociétés savantes. 127
individus en question étaient presque toujours absolument sains
d'esprit avant leur tentative de simulation. Il est vrai qu'une
fraction d'entre eux comportait aussi des personnes atteintes
d'anomalies psychiques, mais qui néanmoins n'étaient que des
simulateurs; une troisième fraction plus petite est relative à des
individus ayant jadis été aliénés une fois, mais franchement et
exclusivement simulateurs à l'époque de l'observation. En somme
les tentatives de simulation se montrent rares chez les individus
frappés- par des pénalités. Il faut en outre se défier des commémo-
ratifs. Ce qu'on essaie le plus de représenter c'est la démence avec
complète apathie. On joue le mutisme; on agit, on parle, ou écrit
avec l'absurdité la plus parfaite. Puis vient la simulation des
troubles de la connaissance ou d'inconscience totale, l'acte incri-
miné correspondant soi-disant avec une période de ce genre. En
troisième ligne sont esquissés les complexes symptomatiques les
plus différents. Enfin, les sujets paraissent agités, maniaques et se
font violents. La première catégorie n'est difficile à diagnostiquer
que quand il y a mutisme obstiné. Les premier, second et qua-
trième groupes sont faciles à percer à jour. Le troisième genre est
difficile à cause de la combinaison fréquente de réelles anomalies
psychiques avec la simulation. La qualité de l'acte incriminé ne
peut servir à l'appui, sans plus ample informé, ni de la simula-
tion, ni de l'existence de la folie. Le rapport doitse baser sur une
observation suffisamment prolongée (surtout à l'asile en commun
avec d'autres malades), sur des commémoratifs pris avec soin, sur
la critique analytique de chacun des symptômes morbides, la com-
paraison de l'ensemble du tableau pathologique avec ce que l'on
sait en psychiatrie. (Ce mémoire sera publié in extenso plus tard.)
, 111. li.nlakn (de IClin;enmünster). De la fièvre typhoïde chez les
aliénés. Depuis que l'asile de Klingenmiinster est ouvert, depuis le
30 décembre 1857, on y a observé presque chaque année des cas
de fièvre typhoïde; seules les années 1869 et 1873 n'ont pas été
marquées par l'apparition de cette maladie. Pendant les dix-huit
premières années, ce furent plutôt des cas isolés, sévissant tantôt
sur l'un, tantôt sur l'autre des quartiers du service des femmes,
cas par-ci par-là mortels. En 18, pour la première fois, apparut
une sorte d'épidémie qui dura six mois, atteignant notamment
quatre aliénées femmes, cinq gardiennes, deux ouvriers. En
1878, un gardien et deux gardiennes furent affectés. En 1881, six
aliénées femmes, un seul.aliénée homme avaient été pris jusqu'ici.
En 1883, de la fin de juillet au début de novembre, 28 typhiques,
dont 16 aliénés hommes, 1 aliéné femme, trois gardiens. En 1884,
atteinte d'une gardienne, d'un enfant du directeur. En 1885,
13 typhiques, dont 5 aliénés hommes, 2 aliénées femmes, 2 gar-
diens, 2 gardiennes. En 1830, 2 aliénés hommes, 10 aliénées
femmes, 2 buandières. En 1887, 1 aliéné homme. Somme toute
128 SOCIÉTÉS SAVANTES;
SI aliénés (25 IL, 2C F.), 32 individus non aliénés (dont 7 gardiens
Il gardiennes). Aucune des personnes saines d'esprit ne mourut.
Parmi les aliénés Il décès (5 H., G F.). Proportion de la morta-
lité pour des aliénées 21,5G 0/0 (20 0/0 ponrles hommes, 23 0/0 pour
les femmes). Fièvre typhoïde grave chez les individus non aliénés,
les castes plus graves incombant au personnel secondaire. De 1883
à 1886, moururent 5 aliénés IL, 1 aliénée F., parmi lesquels 3 indi-
vidus très âgés (2 H., 1 F.). Dans les cinq dernières années, fièvre
typhoïde non maligne; en 1886, cas pour la plupart légers. L'évo-
lution permettait de remarquer l'apyrexie dès la troisième semaine
la défervescence commençant chez le plus grand nombre des
malades dès la seconde semaine; diarrhée modérée; rareté des
hémorrhagies intestinales, pas d'autres complications; délire chez
une seule aliénée; délire assez fréquent chez les typhiques sains
d'esprit. Influence de la maladie sur- l'aliénation mentale. On en
relève 13 observations jusqu'en 1882; 38 de 1883-1887 ; dans la
pluralité des cas, pendant et quelque temps après la fièvre typhoïde,
amélioration mentale des plus notables, les symptômes de la
psychopathie ayant tous presque disparu, mais l'aliénation repa-
raissait à la suite d'un laps de temps plus ou moins long. La fièvre
typhoïde n'exerça aucune influence sur la majorité des psychoses
chroniques. Sur les 38 observations dernières, deux cas dans
lesquels l'aliénation mentale, guérie avant l'explosion de la ma-
ladie infectieuse, ne subit aucune rechute de par la fièvre
typhoïde, 6 cas de morts, 28 psychopathies chroniques duraient
au moment où éclata la fièvre typhoïde depuis 8, 10, 2 ans
(moyenne 2 à ans), depuis 18 mois chez un paralytique général;
5 subirent pendant l'évolution typhique une modification psychi-
que ; deux furent aggravées; toutes les autres furent améliorées,
parmi lesquelles cinq demeurèrent améliorées longtemps encore
après le décours de la maladie infectieuse, soit 6 à 18 mois.
Il est cinq aliénés qui éprouvèrent un bien être remarquable et
manifestement dû à la fièvre typhoïde; ce sont :
1 maniaque dément de 20 ans, malade depuis 18 mois, qui guérit pen-
dant la convalescence de la fièvre typhoïde.
1 stupide, suite de délire aigu de 18 ans, .malade depuis 1S mois, qui
guérit pendant la convalescence de la fièvre typhoïde.
1 femme maniaque, 19 ans, malade depuis mois, qui guérit dès le
début de la fièvre typhoïde.
1 stupide, suite de folie systématique hallucinatoire aiguë, a la période
do désordre, avec incohérence dans les idées, 19 ans, malade depuis
2 mois, qui guérit pendant la convalescence de la fièvre typhoïde.
1 femme mélancolique chronique, j2 ans, malade depuis 2 mois, qui
guérit pendant la convalescence de la fièvre typhoïde.
En réalité, la fièvre typhoïde agit en pareils cas par la fièvre '.
1 Voir Arch. de t. t. 1T, p. S0;- X, p. Iào; IV, p. 100.
SOCIÉTÉS savantes. 129
Discussion :
M. Jolly a vu la fièvre typhoïde guérir une épilepsie avec trou-
ble mental, et la scarlatine agir de même dans l'épilepsie.
M. Schuele a vu la fièvre typhoïde déterminer une rémission
dans la démence aiguë accompagnée de grande excitation. A
Illenau, le personnel eut aussi beaucoup à souffrir; la raison, c'est
qu'il habitait près de latrines défectueuses. L'installation du sys-
tème des fosses mobiles a fait disparaître la fièvre typhoïde. C'est
en modifiant la circulation que la fièvre typhoïde agit sur l'état
mental. La phtisie détermine souvent la résolution de. la mélan-
colie stupide.
M. Dittmar signale dans une épidémie qu'il a vue la marche irré-
guiière de la fièvre.
Séance du 30 octobre. - Présidence de M. JOLLY.
Sont nommés curateurs-organisateurs pour l'an prochain :
MM. Fuerstner et Fischer.
M. Euminghaus se charge défaire un rapport sur les troubles des
processus de la pensée.
M. l\L1DL1'sR (d'llleuau). Observations et remarques sur le délire de
jalousie. Depuis longtemps on est habitué à spécifier la folie
systématique d'après la direction principale des idées délirantes
qu'on y rencontre, et, par suite, à regarder le délire de jalousie
comme une modalité spéciale dont le texte a trait à l'infidélité
conjugale, à des accusations erronée*, immotivées, et qui se tra-
duit par une désorganisation psychique de celui qui se plaint
tant ses allégations deviennent opiniâtres, dominantes, excru-
ciantes. L'auteur en a recueilli 16 cas. Il en existe une genèse
primitive, et une genèse secondaire, c'est-à-dire une forme primi-
tive, une forme secondaire. La forme primitive existe sur-
tout chez les alcooliques, mais il y a aussi des cas dans lesquels
on ne constate pas préalablement d'excès alcooliques. Chez l'alcoo-
lique, c'est graduellement, au milieu d'anomalies psychiques et
physiques bien connues, qu'apparaît une angoisse, une défiance,
un scepticisme cruel à l'endroit de sa femme; d'abord caché,
calme, le délire finit par prendre corps, par éclater un beau jour,
s'emparant de lui, le préoccupant matin et soir ; puis se manifes-
tent des hallucinations du goût, de l'ouïe, de l'odorat, de la vue,,
de même sujet; il en arrive aux menaces, aux mauvais traite-
ments. Les uns guérissent, mais gare aux rechutes. Les autres
s'apaisant deviennent utilisables dans l'asile et oublient en quel-
que sorte leur délire. D'autres enfin arrivent au désordre avec iu-
Archives, t. XVII. 9
130 'sociétés savantes.
cohérence dans les idées, hallucinatoire aigu, et finissent à la dé-
mence. La forme secondaire (7 observations de M. radier) arrive
au cours du délire des persécutions, comme épisode; il devient
impossible à l'épouse decontinuerasubirtavie commune parce que
soit qu'il conserve un ressentiment d'une première séquestration,
soit qu'il soit poussé à ce délire par des malaises somatiques, le
mari jaloux et querelleur maltraite sa femme ; en proie à des
hallucinations de tous les sens, il passe graduellement à la phase
du désordre dans les idées hallucinatoire aigu. L'étiologie
comporte : dans la forme primitive, outre l'alcoolisme, des inci-
dents- occasionnels divers (2 observations) ; dans la forme secon-
- daine, la séquestration antérieure (3 observations), des altérations
du côté de l'appareil sexuel (4 observations), telles qu'un rétrécisse-
ment consécutif à la chaude-pisse, la diminution de l'instinct
génésique après une fièvre typhoïde, une apoplexie cérébrale,
un priapisme. Les hallucinations, rares dans la première forme
(elles sont simplement rares et fugitives au début de la maladie),
accompagnent constamment la seconde forme. Conclusions : .'
- 10 Le délire de jalousie primitif est une forme de folie systéma-
tique fondamentale, propre aux buveurs aliénés ; elle constitue une
première étape dans le délire des persécutions; le délire de la
jalousie secondaire est un épisode ajouté au délire des persécutions
et tient généralement à des anomalies dans la sphère sexuelle ?
2° Le délire de jalousie primitif présente rarement au début des
hallucinations; celles-ci ne s'installent qu'avec la généralisation
du délire; le délire de jalousie secondaire est précédé et accompa-
gné d'hallucinations en masse. 3° Le délire de jalousie primitif
appartient à la verdeur de l'âge; le délire de jalousie secondaire
apparaît à un âge plus avancé. 4° La forme primitive hante
plutôt les hommes; la forme secondaire, surtout les femmes.
5° Le pronostic est généralement défavorable pour les deux formes
dans les deux sexes.
Discussion :
M. Fuerstner. Le délire de jalousie contient de prime abord
en soi d'autres idées délirantes. 11 n'y a donc pas de pur délire
systématique de ce genre. La forme dite originelle ne doit pas
seulement être rapportée à l'alcool; elle se produit aussi en l'ab-
sence de tout substratum alcoolique. Ce genre d'aliénés est très
dangereux. Il existe aussi des cas dans lesquels il n'y avait aucune
anomalie du côté de l'appareil sexuel. Chez bien des alcooliques
l'instinct sexuel est non diminué, maissuractivé. Quanta la genèse,
on peut en effet admettre deux formes de délire de jalousie.
M. SCIIUELE rapporte un cas de délire de jalousie dans lequel il
y avait anesthésie du vagin; celle-ci guérie, l'aliénation mentale
gu.érit.
SOCIÉTÉS SAVANTES. '131
M. ËMM)GH.\us. <1-t-on trouvé ce délire chez les femmes après
la ménopause, et chez les veuves ?
M. NADLER. Les observations chez la femme sont trop peu
nombreuses et de trop courte durée.
M. JOLLY. Alcool et maladies de l'appareil sexuel ne condui-
sent pas forcément à cette forme de délire. Chez les veuves et les
matrones on le rencontre très fréquemment. z
M. BUCHIIOLZ. Nouvelles contributions ci la connaissance de
l'hypertrophie de la névroglie dans l'écorce cérébrale. Préparations
empruntées à un cerveau présentant les mêmes altérations par-
tout. Atrophie du lobe frontal, des ascendantes, des lobes para-
centraux, des gyri recti, des circonvolutions du corps calleux,
particulièrement marquée dans le territoire des circonvolutions de
l'insula. Toutes ces circonvolutions sont parsemées de petites pro-
tubérances, très nettes, surtout après durcissement, à la coupe.
Multiplication des éléments granuleux et expansion de la première
couche(ou des granulations corticales de Meynert); transformation
de cette couche en un fin réseau de fibrilles dans lequel s'enche-
vêtrent des cellules araignées, des cellules rondes ; altérations vas-
culaires aboutissant à la raréfaction des vaisseaux, et formation
de tubérosités, saillantes à la surface, issues de ce tissu modifié;
l'écorce est également constellée de petites cavités entourées de
callosités de tissu conjonctif.' Encéphalite tubéreuse de Bourne-
ville, due à un processus inflammatoire chronique, d'origine in-
connue, probablement congénitale.
Discussion :
M. 1W : : eerr. Ces cavités ne seraient-elles pas des kystes issus
d'apoplexies ?
M. BUCIIIIOL7.. Il n'y a nulle part d'hémorrhagies dans l'écorce; ce
processus anatomo-pathologique n'entraîne jamais d'hémorrhagie.
Les parois des cavités sont trop épaisses et l'on constate tous les
intermédiaires anatomiques entre les altérations générales et la
formation spéciale des cavités.
M. Zaciier insiste sur la réfutation de M. Bucbholz. (Le mémoire
sera publié Mt extenso.)
M. Zaciier (deStephausfeld). Surdeuxcas de paralysie progressive.
Deux observations dans lesquelles il y eut complication d'un foyer
dans la capsule interne. Uansl'une, il s'agit d'un foyer de ramollisse-
ment assez étendu, ayant détruit, dans l'hémisphère droit, une partie
du noyau caudé, la partie antérieure du noyau lenticulaire, et la
portion intermédiaire de la capsule interne; il s'étendait, en
arrière, à peu près jusqu'au genou de la capsule. La seconde
observation concerne un foyer apoplectique dans la partie posté-
rieure du noyau lenticulaire gauche; il en partait deux raies d'un
brun rouillé allant jusqu'à la queue du noyau caudé et traversant
1 3' SOCIÉTÉS SAVANTES.
totalement la capsule interne dans son segment postérieur. -
Dans la première, absence de dégénérescence secondaire du
faisceau pyramidal. Dans la seconde, dégénérescence secon-
daire partant de l'endroit détruit pour gagner la partie la plus
inférieure de la moelle. Dans les deux cas, paralysies simple-
ment transitoires. (Le mémoire sera publié in extenso ailleurs.)
Discussion :
M. JOLLY. Les opinions relatives à la théorie de l'importance de
la capsule interne ont bien varié. La portion antérieure en est
actuellement principalement considérée comme non motrice.
M. KcEt'pEN (de Strasbourg). De la chorée et de l'aliénation men-
tale. Six cas de folie simple (tous d'agitation maniaque) avec
chorée, la psychose occupant le premier plan du tableau morbide
par son intensité et sa durée, la chorée constituant au contraire
un épiphénomène accessoire. Il en résulte qu'une observation
attentive permet assez souvent de trouver, avec les mouvements
dus à l'agitation de la manie, des mouvements choréiques. Voici ce
qui les différencie. Les mouvements choréiques se traduisent : l°par.
l'atteintede groupes musculaires qui, dans diverses parties du corps,
concourent à une fonction motrice définie (synergie), et aussi,
par celle de groupes d'une partie du corps exécutant une tout autre
fonction ici que là. 2° par une activité continue, même pendant
le repos ; leur activité qui augmente avec l'exercice d'un dépla-
cement fonctionnel, partiel ou total, d'un organe, à l'occasion d'un
mouvement voulu dans un but déterminé, sous l'influence d'une
émotion. 3° Ils sont involontaires. Les mouvements de l'agitation
maniaque, volontaires, se distinguent en deux espèces : 1° Les
uns correspondent au texte d'une conception quelconque, bien
que le fonds même de l'idée se montre, en l'espèce, tout accessoire;
du mouvement lui-même la connaissance n'éprouve que des chocs,
car elle ignore de quels muscles nous nous servons. La concep-
tion du mouvement est par suite bien rudimentaire (Meynert).
2° Tous ces mouvements se répètent fréquemment, ils sont stéréo-
typés. Au début, une conception les accompagne. Puis, plus tard,
ils sont presque détachés de la connaissance. On peut les compa-
rer aux mouvements par habitude, souvent complexes, que
l'homme sain qui s'y est exercé finit par exécuter mécaniquement.
3° Il y a encore quelques états convulsifs par lesquels peut débuter
la maladie, qui paraissent de nature hystérique, et, par suite, se
rattachent au groupe précédent. Il va de soi d'ailleurs que les
mouvements choréiques sont convulsifs. L'influence de l'activité
.psychique appert du reste. (4< ? Zeitsclar. f. P,clci«t., XLIV, 4, 5.)
l'. lllifi.l ? 1L.
SÉNAT
DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS.
Séance du lundi 6 décembre 18861. 1.
M. LE président. L'ordre du jour appelle la suite de la Ire déli-
bération sur le projet de loi portant revision de la loi du 30 juin
1838 sur les aliénés. Nous en sommes arrivés à l'article 22. J'en
donne lecture :
« Dans le cas de transfèrement d'un aliéné d'un établissement
dans un autre, l'admission de l'aliéné transféré a lieu sur le vu du
certificat délivré par le médecin de l'établissement d'où provient
ce malade et d'une copie des pièces légales concernant ce der-
nier.
a Le médecin de l'établissement où l'aliéné est transféré fait
les certificats de vingt-quatre heures et de quinzaine, et le chef
responsable fait les notifications prescrites par le paragraphe 2 de
l'article 20. Les autres prescriptions du susdit article ne sont pas
exigées. » '
M. Théophile Roussel, rapporteur. Messieurs, l'article dont M. le
Président vient de donner lecture est un article nouveau. Je de-
mande la permission d'en présenter une courte explication, pour
répondre à un doute, exprimé il y a quelques instants par un
de nos col ègues et qui pourrait venir à l'esprit de ceux qui,
comme lui, n'auraient pas lu le rapport sur la nécessité et l'utilité
qu'il peut y avoir à introduire dans la loi des dispositions particu-
lières sur le transfèrement des aliénés d'un asile dans un autre.
Ce transfèrement n'avait pas attiré l'attention du législateur
de 1838 ; le fait lui-même, s'il existait alors, passait inaperçu à
cause du peu d'importance numérique de l'internement des
aliénés dans les établissements spéciaux.
On se rappelle que ce nombre ne dépassait pas 7 à 8,000 ; mais,
à mesure qu'il s'est accru et que cet accroissement progressif
surtout dans les grands centres de population, à Paris en particu-
lier, a produit cet encombrement des asiles dont j'ai indiqué les
'Voir Aî,ch. de Neurol., t. XII, p. 13,ï, 208. 'r3J; t. XIV, p. 130, 307,
421; t. XV, p. 138, 311, iSt; t. XVI, p. 101, 30G, ij8.
134 SÉNAT. '
fâcheuses conséquences au début de la discussion, il a fallu cher-
cher des places ailleurs, souvent très loin, et c'est ainsi que Paris,
malgré ses constructions nouvelles et coûteuses, est obligé d'en-
voyer dans les asiles de province qui peuvent les recevoir des mil-
liers d'aliénés. On les envoie jusque dans les Pyrénées et au fond
des montagnes du plateau central de la France. Dans le départe-
meut de la Lozère, l'asile de Saint-Alban en contient plus de 200.
Dans quelles conditions légales s'opère ce déplacement de si
nombreux aliénés, loin de leur pays, de leur famille, lorsqu'ils en
ont une, et dans des conditions où ceux qui ont opéré le déplace-
ment, l'autorité administrative elle-même pour les placements
d'office, peuvent bien difficilement suivre leur destinée ?
La loi n'ayant rien prévu ni réglé sur cette question, les règles
du transfèrement ont beaucoup varié ; il s'est trop souvent opéré
sans règles, et lorsque l'administration, frappée des inconvénients
de cette situation, a voulu la soumettre à une sorte de jurispru-
dence, elle a dû admettre que l'aliéné transféré doit être traité à
son arrivée dansle nouvel asile comme il l'avait été précédemment
dans l'asile d'où il vient.
Les formalités des articles 8 et suivants de la loi de 1838 doivent
être remplies. Cette règle, du reste, n'a pu être jusqu'ici que très
imparfaitement observée, et il fallait nécessairement prendre
certaines dispositions sur ce point dans la loi nouvelle.
L'attention de la commission a été particulièrement appelée sur
ces faits et sur beaucoup d'aulres une importance pratique incon-
testable par M. l'inspecteur général Foville, qui lui a rendu dans
le cours de ses longs travaux des services pour lesquels je suis
heureux de trouver en ce moment une occasion d'acquitter, au
nom delà commission, une dette de reconnaissance.
J'aurais pu le faire déjà à propos d'autres articles, notamment
de celui qui a pour objet de poser des règles pour l'internement
des aliénés qui, de leur propre mouvement, se présentent à la
porte d'un asile pour réclamer cet internement, si cet article
n'avait pas été voté sans discussion. C'est pourquoi je tiens à rem-
plir aujourd'hui un devoir de reconnaissance envers le fonction-
naire éminent qui a été le collaborateur assidu et dévoué de la
commission, et qui a été aussi pour les délégués de cette commis-
sion à l'étranger, particulièrement en Angleterre, non seulement
un compagnon agréable, mais un guide aussi sûr qu'utile.
Après avoir reconnu l'importance de la question du transfère-
ment des aliénés, sous le régime actuel, la commission a compris
combien la gravité en serait accrue par suite de l'application de
la loi nouvelle, qui va soumettre tous les placements d'aliénés à
une décision des tribunaux en chambre du conseil.
L'admission d'un aliéné tranféré, d'après cette loi, ne pourrait
être considérée comme définitive et sa maintenue ne pourrait avoir
SÉNAT. 13S
lieu que lorsque le tribunal aurait prononcé. Il y aurait là, avec
des milliers de jugements déplus, des complications aussi fâcheu-
ses qu'inutiles.
Il était donc nécessaire de décider cette question dans la loi et
de déterminer avec précision quelles sont les formalités à exiger
pour les transfèrements d'aliénés d'un asile dans un autre. La
commission du Sénat a pensé que le but sera atteint à l'aide des
dispositions dont M. le Président vient de donner lecture, à savoir
que dans les cas de transfèrement, l'admission de l'aliéné trans-
féré aura lieu sur le vu du certificat délivré par le médecin de
l'établissement d'où provient ce malade et d'une copie des pièces
légales concernant ce dernier; que le médecin de l'établissement
où l'aliéné est transféré fera les certificats de vingt-quatre heures
et de quinzaine et que le chef responsable fera les notifications
prescrites par l'article 20. Les autres prescriptions de cet article ne
seront pas exigées. Voilà, messieurs, les motifs pour lesquels la
question du transfèrement des aliénés a dû prendre place dans
les dispositions nouvelles du projet de loi.
M. le Président. Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'article
22 ? .. Je le mets aux voix. (L'article 22 est adopté.)
M. le Président. « Art. 23. 11 y a dans chaque établissement
un registre coté et paraphé par le maire, sur lequel sont immé-
diatement inscrits les nom, profession, âge et domicile des per-
sonnes qui y sont placées, la mention du jugement d'interdiction,
si elle a été prononcée et le nom de leur tuteur, la date de leur
placement, les nom, profession et demeure de la personne, pa-
rente ou non, qui l'aura demandé.
« Sont également transcrits sur ce registre : 4° la demande
d'admission ; 2° les rapports médicaux prescrits par l'article 16 ;
3° le certificat de vingt-quatre heures elle certificat de quinzaine;
4° la décision de la chambre du conseil. Le médecin est tenu de
consigner sur ce registre les changements survenus dans l'état
mental de chaque malade, au moins chaque semaine pendant le
premier mois de séjour, au moins chaque mois pendant le reste
de la première année, et ultérieurement au moins chaque tri-
mestre.
« Le médecin constate également sur ce registre la date de la
sortie et l'état mental du malade au moment où elle a lieu, la
date et les causes du décès. Ce registre est exclusivement commu-
niqué aux personnes qui, d'après les articles 12 et 13, ont le droit
de visiter l'établissement; après chacune de leurs visites, elles
apposent sur le registre leur visa, leur signature et leurs obser-
vations, s'il y a lieu. »
M. le Rapporteur. Monsieur le président, je demande la per-
mission de faire remarquer une faute commise dans la dernière
136 SÉNAT.
impression du texte du projet de loi. Le texte de la commission,
au lieu des mots « les rapports médicaux », contient ceux-ci : le
rapport médical prescrit par l'article 16 ». Les mots « les rapports
médicaux » figuraient dans le texte primitif du Gouvernement,
qui admettait soit un seul rapport signé de deux médecins, soit
deux rapports signés chacun d'un seul médecin. Le Gouverne-
ment, pour des motifs expliqués dans le rapport, a admis le sys-
tème d'un rapport unique signé d'un docteur' en médecine. C'est
cette rédaction qui doit être mise aux voix.
M. le Président. Ainsi, c'est le singulier au lieu du pluriel.
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'article ainsi modifié ? ...
M. DE GAVARDIE. Monsieur le président, je demande qu'on mette,
au commencement du 2° paragraphe, le mot « mentionnés » au
lieu de celui de « transcrits ». A Paris, ce serait d'une exécution
absolument impossible; il faudrait des montagnes de registres.
M. le Président. Quel est l'avis de la commission sur la propo-
sition de M. de Gavardie ?
M. le Rapporteur. Nous savons bien que des directeurs d'asile
ont fait des observations critiques sur ce point; de même sur
quelques autres points précédemment votés, à cause des écri-
tures, très considérables, que la.loi nouvelle va leur imposer. Mais
le Gouvernement et la commission croient qu'il y a une grande
importance, pour les garanties réclamées au nom de la liberté
individuelle, à ce que toutes les circonstances des placements
soient relatées, et que ceux qui ont à vérifier la situation des
aliénés aient pour cela les documents dans leur entier. C'est pour-
quoi le mot « transcrits )'aétémainienu.C'est, je le répète, une
garantie à établir au profit des aliénés eux-mêmes.
M. de Gwardie. Je crois que c'est matériellement impossible.
M. LE Président. Insistez-vous, monsieur de Gavardie ?
M. DR G.11'AIiDIE. Oui, monsieur le président.
M. le Président. Je mets aux voix l'article 23 avec la substitution
des mots : « le rapport médical » à ceux de : « les rapports mé-
dicaux », en réservant le mot a transcrits ». (L'article 23 est adopté
sous la réserve du mot « transcrits».)
M. LE Président. Je mets aux voix le mot « mentionnés », que
M. de Gavardie propose d'inscrire dans l'article au lieu du mot
« transcrits ». (L'amendement de M. de Gavardie n'est pas
adopté.)
M. le Président. Je mets aux voix le mot « transcrits ». (Le mot
« transcrits » est adopté.) (L'ensemble de l'article 23, mis aux
voix, est adopté.)
M. le Président. « Art. 24. Toute personne placée dans un
SÉNAT. '137 Î
établissement d'aliénés en vertu des articles précédents, cesse d'y
être retenue aussitôt que les médecins de l'établissement ont
déclaré, sur le registre sus-énoncé, que la guérison est obtenue.
S'il s'agit d'un mineur ou d'un interdit, il est donné immédiate-
ment avis de la déclaration des médecins aux personnes auxquelles
il doit être remis, ainsi qu'au procureur de la République. » (L'ar-
ticle 24, mis aux voix, est adopté.)
M. LE Président. Nous reprenons la discussion du projet de loi.
c Art. 25. Avant même que les médecins aient déclaré la
guérison, toute personne placée dans un établissement d'aliénés
cesse également d'y être retenue, dès que la sortie est requise par
l'une des personnes ci-après désignées, savoir : 1° Le curateur
nommé en exécution de l'article 60 de la présente loi; 2° le con-
joint ; 3° à défaut du conjoint, les ascendants; 4° à défaut d'as-
cendants, les descendants; 5° la personne qui a signé la demande
d'admission, à moins qu'un parent n'ait déclaré s'opposer à ce
qu'elle use de cette faculté, sans l'assentiment du conseil de
famille :
« 6° Toute personne à ce autorisée par le conseil de famille ou
agréée par le tribunal. S'il résulte d'une opposition notifiée au
chef de l'établissement par un ayant droit qu'il y a dissentiment
soit entre les ascendants, soit entre les descendants, le conseil de
famille décide.
« Néanmoins, si le médecin de l'élablissement ou le médecin
inspecteur des aliénés est d'avis que l'état mental du malade
pourrait compromettre la sécurité, la décence, la tranquillité
publiques, ou sa propre sûreté, ou si l'administrateur provisoire
est d'avis que la personne qui réclame la sortie n'est pas en situa-
tion de lui donner les soins nécessaires, il en est immédiatement
donné avis : à Paris, au préfet de police, dans les départements
au préfet, et il est provisoirement sursis à la sortie. Ce sursis pro-
visoire cesse de plein droit, à l'expiration de la quinzaine, si le
préfet n'a pas, dans ce temps, donné l'ordre contraire, confor-
mément à l'article 33 ci-après. »
M. Lacomde. Et le dernier paragraphe, monsieur le président ?
AI. LE Président. Il est supprimé. Personne ne demande la
parole sur l'article 25 ? ... Je le mets aux voix. (L'article 25 est
adopté.)
M. le Président. « Art. 26. Dans les vingt-quatre heures de
la sortie, les chefs responsables des établissements en donnent
avis aux fonctionnaires auxquels la notification du placement a
été faite, conformément à l'article 20, et leur font connaître le
nom, la résidence des personnes qui ont retiré le malade, son
état mental au moment de la sortie et, autant que possible, l'in-
dication du lieu où il a été conduit. » (Adopté.)
138 SÉNAT.
« Art. 27. Le préfet peut toujours, après avoir pris l'avis du
médecin traitant ou du médecin inspecteur des aliénés, ordonner
la sortie des personnes placées dans les établissements d'aliénés.
Cet ordre, est notifié à la personne qui a signé la demande d'ad-
mission et au chef responsable de l'établissement, lesquels peuvent
former opposition dans les vingt-quatre heures de la notification.
L'opposition est jugée par le tribunal civil en chambre du con-
seil. » (Adopté.)
« Art. 28. En aucun cas, l'interdit ne peut être remis qu'à
son tuteur, et le mineur qu'à ceux sous l'autorité desquels il est
placé par la loi. » (Adopté.) -
Section IL DespacMH6n<s ordonnés par l'autorité publique
ou placements d'office.
a Art. 29. A Paris, le préfet de police, et dans les départe-
ments les préfets ordonnent d'office le placement dans un établis-
sement d'aliénés de toute personne interdite ou non interdite
dont l'état d'aliénation, dûment constaté par un certificat médi-
cal, compromettrait la sécurité, la décence ou la tranquillité
publiques, ou sa propre sécurité.
« Les ordres des préfets sont motivés et doivent énoncer les
circonstances qui les ont rendus nécessaires. Ces ordres, ainsi que
ceux qui sont donnés conformément aux articles 30, 32 et 33, sont
inscrits sur le registre prescrit par l'article 23 ci-dessus, dont
toutes les dispositions sont applicables aux individus placés
d'office. Les arrêtés des préfets qui n'ont pas reçu leur exécution
dans un délai de quinze jours, cessent d'être exécutoires. »
(Adopté.)
a Art. 30. En cas de danger imminent, attesté par le certi-
ficat d'un médecin ou par la notoriété publique, les commissaires
de police à Paris, et les maires dans les autres communes, ordon-
nent à l'égard des personnes atteintes d'aliénation mentale toutes
les mesures provisoires nécessaires, à la condition d'en référer
dans les vingt-quatre heures au préfet, qui statue sans délai. Ces
personnes doivent être envoyées directement dans l'asile qui reçoit
les aliénés du département, toutes les fois que le transport peut
s'effectuer dans la même journée. » (Adopté.)
« Art. 31. Les admissions prononcées en vertu des deux
articles précédents ne sont que provisoires; les dispositions des
articles 20 et 21 leur sont applicables. » (Adopté.)
« Art. 32. Les chefs responsables des établissements sont
tenus d'adresser aux préfets, dans le premier mois de chaque
semestre, un rapport rédigé par le médecin de l'établissement
sur l'état de chaque personne qui y est retenue, sur la nature de
sa maladie et les résultats du traitement. Le préfet, sur l'avis du
SÉNAT. d39
médecin inspecteur et de l'administrateur, prononce sur chacune
individuellement, ordonne sa maintenue ou sa sortie. »
M. de Gavardie. Il y a là une contradiction avec les articles pré-
cédents. Comment le préfet peut-il ordonner la maintenue sans
une intervention judiciaire ? II faut être conséquent avec les dis-
positions qui ont été précédemment adoptées.
M. le Président. Sur l'article 32, M. de Gavardie prétend qu'il y
a une contradiction avec les articles précédents, qui donnent au
tribunal, en chambre du conseil, le droit de s'expliquer sur la
maintenue.
M. le Rapporteur. Le préfet opère en vertu de l'article 22
comme il opère conformément aux dispositions de l'article 29; il
s'agit ici d'un internement d'office; le tribunal est appelé à pro-
noncer sur la maintenue ou la sortie par jugement.
M. le Président. Si j'ai bien compris, quand un fait de notoriété
publique vient à se produire, le préfet peut agir et, comme on lui
soumet toutes les pièces, même avant que le tribunal ait été
saisi, il prononce la maintenue ou la sortie. (Assentiment au banc
de la commission.)
M. le Rapporteur. L'article 31 nouveau a déclaré que les
admissions prononcées en vertu des deux articles précédents ne
sont que provisoires; les dispositions des articles 20 et 21 leur
sont applicables. » Donc le jugement interviendra en son temps
comme pour les placements volontaires.
M. le Président. Personne ne demande plus la parole sur l'ar-
ticle 32 ? ... Je le mets aux voix. (L'article 32, mis aux voix, est
adopté.)
M. le Président. « Art 33. A l'égard des personnes dont le
placement a été effectué volontairement ou sur la demande de
particuliers, et dans le cas où leur état mental pourrait compro-
mettre la sécurité, la décence ou la tranquillité publiques ou leur
propre sûreté, le préfet peut, dans les formes tracées par l'article
29 et sur l'avis du médecin inspecteur, décerner un ordre spécial
à l'effet d'empêcher qu'elles ne sortent de l'établissement sans
autorisation, si ce n'est pour être placées dans un autre établis-
sement.
« Les chefs responsables des établissements sont tenus de se
conformer à cet ordre. »
M. de Gavardie. Je signale les mêmes contradictions. Voilà des
mesures graves qui ne sont pas prises par l'intervention judi-
ciaire.. 1
M, LE Rapporteur. L'intervention judiciaire est parfaitement
réglée par les articles précédents; elle est assurée par l'article 31
pour les placements d'office. Il n'y a pas d'internement sans
140 SÉNAT.
mesure judiciaire, non pas préalable, mais consécutive à l'inter-
nement. '
M. le Président. Demandez-vous la parole, monsieur le rappor-
teur, pour répondre à M. de Gavardie ?
M. le Rapporteur. Je crois que le texte répond tout seul à l'ob-
servation qui vient de se produire.
M, le Président. Personne ne demande plus la parole sur
l'article 33 ? ... Je le mets aux voix. (L'article 33 est adopté.)
M. le Président. « Art. 34. Les ordres donnés en vertu des
articles 29, 30 et 33 ci-dessus sont notifiés administrativement,
dans un délai de trois jours, au maire du domicile des personnes
soumises au placement, qui en donne immédiatement avis aux
familles. Quelqu'un demande-L-il la parole sur cet article ?
M. de Gavardie. Il est impossible qu'on ne donne pas avis en
même temps à la famille. Ce n'est pas le maire qui doit être
chargé de donner cet avis.
M. LE Président. Et si l'on ne connaît pas la famille, monsieur
de Gavardie ? Vous voyez donc bien qu'il y a des mesures à
prendre ! Est-ce que vous proposez un amendement ?
M. de Gavardie. Non, monsieur le président; c'est une obser-
vation.
M. LE Rapporteur. Si M. de Gavardie voulait développer ses
observations, il pourrait lui être fait une réponse.
M. le Président. Ce n'est qu'une simple observation. Personne
ne demande la parole sur l'article 31 ? ... Je le mets aux voix.
(L'article 34 est adopté.)
M. le Président. « Art. 35. Les prescriptions de l'article 23
sont applicables aux personnes placées d'office.
« Aussitôt que le médecin a déclaré, sur le registre tenu en
exécution de l'article 23, que la sortie tout être ordonnée, les
chefs responsables des établissements sont EcLiu3, sous peine d'être
poursuivis, conformément à l'article 52 ci-après, d'en référer au
préfet, qui statue sans délai, après avoir pris l'avis du médecin
inspecteur et de l'administrateur. »
M. le Président. Personne ne demande la parole ? ... Je consulte
le Sénat.
M. de Gavardie. Je ferai remarquer que, suivant les dispositions
contenues dans cet article, le préfet joue un rôle que l'honorable
commissaire du Gouvernement lui refusait absolument à la der-
nière séance.
M..LE Rapporteur. Il s'agit des internements d'office, monsieur
de Gavardie. C'est une question bien différente de celles qui ont
été mises en discussion jusqu'ici et qui avaient pour objet les
SÉNAT. 141
internements opérés sur demande des particuliers : les règles ne
sont plus les mêmes.
M. Paris. Monsieur le président, il y a une question qui devrait
être bien précisée. Les internements demandés par les simples
particuliers sont soumis à l'autorité judiciaire, et les internements
prononcée d'office ne sont soumis, dans la pensée de la commis-
sion, qu'à l'autorité administrative.
M. LE Rapporteur. Non, monsieur Paris, ils sont soumis dans
tous les cas à la décision judiciaire. Je rappelais, en répondant à
M. de Gavardie, l'article 31, qui porte : « Les admissions pronon-
cées en vertu des articles précédents ne sont que provisoires; les
dispositions des articles 20 et 21 leur sont applicables. » C'est là
une réponse péremptoire à l'objection de M. de Gavardie reprochant
à la commission de n'être pas logique, de ne pas faire la même
règle pour tous et réclamant pour tous les cas une décision de la
justice.
M. Paris. Alors, l'autorité judiciaire interviendra toujours.
M. le Rapporteur. Elle intervient pour les placements d'office
absolument comme pour les placements dits volontaires. Il suffit,
pour s'en convaincre, je le répète, de lire l'article 31.
M. le Président. Personne ne demande plus la parole sur l'ar-
ticle 35 ? ... Je le mets aux voix. (L'article 35 est adopté.)
M. le Président, « Art. 36. Dans aucun cas, les aliénés diri-
gés sur un asile ne peuvent être conduits avec des condamnés ou
des prévenus, ni déposés dans une prison. Lorsque, pendant le
voyage de transport, un arrêt est indispensable, le malade est
déposé dans un hospice ou hôpital civil, ou, à défaut, dans un local
loué à cet effet.
« Dans tout chef-lieu judiciaire où il n'existe pas d'établissement
public, l'hospice ou l'hôpital civil qui doit recevoir provisoirement
les personnes qui leur sont adressées en vertu des articles 29 et 30
est tenu d'établir et d'approprier un local d'observation et de dé-
pût destiné à receyoir provisoirement les aliénés non encore inter-
nés, avant ou pendant leur voyage de transport à l'asile, et à
recevoir des inculpés présumés aliénés qui seraient soumis, par
décision de la justice, à une expertise médico-légale. L'organisa-
tion et le fonctionnement de ces quartiers ou locaux sont confiés
au préfet.
M. le Rapporteur. Je demande la parole.
M. LE Président. La parole est à M. le rapporteur.
M. le Rapporteur. Messieurs, l'article soumis en ce moment au
Sénat fait partie d'un ensemble de dispositions tout à fait nou-
velles ; il s'agit, comme vous le voyez, de régler les mesures à
prendre pour l'internement d'aliénés que l'administration est
142 SÉNAT.
obligée de placer d'office comme compromettant la sécurité, la
décence ou la tranquillité publiques, ou leur propre sécurité. Le
transport de ces aliénés, assez souvent dangereux, peut offrir des
difficultés, surtout quand il y a de grandes distances entre le lieu
où l'administration les a trouvés et l'asile qui doit les recevoir.
La loi de 1838, en prévision de ces transports, s'était bornée à
décider que a dans aucun cas les aliénés ne pourront être conduits
avec les condamnés et les prévenus, ni déposés dans une prison ».
Le projet du gouvernement, en reproduisant cette prescription,
avait cru suffisant d'abord d'ajouter que « lorsque, pendant le
voyage de transport dans un asile, un arrêt sera indispensable, le
malade sera déposé dans un hospice ou hôpital, ou, à défaut,
dans une hôtellerie ou un local loué à cet effet ». Et pour remé-
dier aux abus constatés du maintien de ces aliénés dans les hos-
pices ou autres dépôts de passage, le projet du Gouvernement
limitait la durée du séjour qu'ils pourraient y faire par la disposi-
tion suivante :
« Jamais ils (les aliénés) ne pourront être conservés dans un
établissement qui n'est pas spécialement consacré à leur traitement
pendant plus de quinze jours, à moins d'une autorisation spéciale
et motivée du préfet. »
- La commission du Sénat, en rendant justice au sentiment dont le
Gouvernement s'est inspiré en limitant strictement la durée du
temps pendant lequel des malades aliénés peuvent être gardés
sous prétexte de mise en observation dans des lieux de passage et
même dans les hôpitaux ou hospices civils ordinaires, adû exami-
ner la question de savoir si elle pouvait proposer de consacrer en
principe cette « mise en observation des aliénés » dans des locaux
quelconques autres que les établissements spéciaux créés par la loi.
L'expérience avait déjà résolu cette question par la négative en
démontrant, suivant les aveux mêmes que faisait le ministre de
l'intérieur en 18;i4, que « les aliénés (dans les établissements
.hospitaliers) sont généralement placés dans des cabanons étroits,
malpropres et malsains, loin des secours et de la surveillance z
qu'exige leur triste position ». Les rapports des inspecteurs géné-
raux ont jusqu'à ces dernières années montré que ces conditions
ne se sont pas améliorées. Dans le grand rapport publié en 1878,
et que j'ai précédemment cité,'on lit que « l'usage qui s'est trop
généralisé de placer dans les hôpitaux les aliénés en observation,
se maintient avec tous ses inconvénients... » et, rappelant la circu-
laire de 18,i4, à laquelle je viens de faire allusion, les auteurs du
rapport ajoutent : «Cette circulaire a été sans résultat; les locaux z
sont de plus en plus mauvais et les malades y sont toujours aussi
délaissés, pendant des mois, quelquefois pendant des années,
malgré une nouvelle circulaire qui limite à quinze jours au plus
la durée de cette période de mise en observation. »
SÉNAT. 143
La disposition du projet du Gouvernement pour limiter cette
durée ne serait, comme on le voit, que la reproduction dans la
loi nouvelle d'une prescription inutilement inscrite jusqu'ici dans
les arrêtés ministériels. Cette disposition n'ajoute rien ni pour
l'installation des locaux, le dépôt ou l'observation des aliénés, ni
pour les soins dont les malades doivent être l'objet, ni pour la
surveillance. La commission du Sénat a dû combler cette lacune.
Elle ne pouvait pas admettre la solution plus radicale proposée
par des hommes d'une incontestable autorité qui ont réclamé
l'interdiction de tout dépôt, de toute mise en observation en dehors
des établissements spéciaux. Il fallait tenir compte d'abord de la
situation des départements qui n'ont ni asile public d'aliénés, ni
asile privé faisant fonction d'asile public, ainsi que des chefs-
lieux judiciaires, où les expertises médico-légales dont la justice
peut avoir besoin ne sont possibles que dans une prison, à moins
d'un transfert du prévenu ou de l'accusé dans un asile souvent
très éloigné, transfert dont le moindre défaut, pour ces derniers
cas, est d'être contraire à la loi.
Je n'ai pas à m'occuper de cette dernière question en ce moment. L.
Mais je l'indique, parce qu'en l'examinant on y trouvera un argu-
ment de plus, démontrant la nécessité de mesures nouvelles pour
mettre à la portée de l'administration et aussi de la justice des
locaux convenablement disposés, tant pour le dépôt des aliénés de
passage que, pour l'observation de l'état mental des prévenus ou
des accusés présumés aliénés. '
Les dispositions que nous proposons auraient pu nous laisser
des doutes sur leur efficacité, si elles ne devaient pas être soute-
nues par les nouveaux moyens de surveillance et de contrôle du
service que la commission avait voulu créer dans chaque départe-
ment par l'institution de la commission permanente d'aliénés. La
valeur de ces moyens ne sera pas amoindrie par le vote de l'amen-
dement qui concentre dans la personne du médecin inspecteur des
aliénés cette partie du service.
Tels sont les motifs, messieurs, pour lesquels la commission,
d'accord avec le Gouvernement, propose au Sénat de décider que :
Dans tout chef-lieu judiciaire où il n'existe pas d'établissement t
public spécial, l'hospice, l'hôpital civil qui doit recevoir provisoi-
rement les aliénés est tenu d'établir et d'approprier un local
d'observation et de dépôt pour recevoir provisoirement les aliénés
non encore internés, avant ou pendant leur voyage de transport
à l'asile et à recevoir les inculpés présumés aliénés qui seraient
soumis, par décision de la justice, à une expertise médico-légale ;
de décider enfin que l'organisation et le fonctionnement de ces
quartiers ou locaux sont confiés au préfet.
Cette dernière question des expertises médico-légales en matière
d'aliénation mentale reviendra dans la troisième section du titre II
144 SÉNAT.
du projet de loi, qui a' pour objet propre les inculpés présumés
aliénés. Elle est réglée par un article spécial, l'article 42. Mais je
crois n'avoir pas besoin d'anticiper sur la discussion de cet ai ticle
pour justifier en ce moment les dispositions de l'article 36 et pour
obtenir l'adhésion du Sénat aux propositions de la commission.
~(Très bien ! très bien ! ) ! )
M. le Président. Personne ne demande plus la parole ? ... Je
mets aux voix l'article 36. (L'article 36 est adopté.)
M. le Président. c Art. 37. Les aliénés ne doivent être
retenus en observation dans les hôpitaux et hospices civils ordi-
naires que le temps nécessaire pour constater leur état d'aliéna-
tion mentale et pourvoir à leur transfèrement dans l'asile destiné
à les recevoir. Jamais ils ne peuvent être conservés dans un
établissement qui n'est pas spécialement consacré à leur traite-
ment, pendant plus de quinze jours, à moins d'une autorisation
particulière et motivée du préfet. » (Adopté.)
Section III. Des condamnés devenus aliénés; des aliénés dits
criminels; des inc ? ilpés présumés aliénés et soumis ci une expertise
médico-légale.
c Art. 38. - Les individus de l'un et de l'autre sexe, condamnés
à des peines afflictives et infamantes ou à des peines correction-
nelles de plus d'uii an d'emprisonnement, qui sont reconnus
épilepliquee ou qui deviennent aliénés pendant qu'ils subissent
leur peine, et dont l'état d'aliénation a été constaté par un certi-
ficat du médecin de l'établissement pénitentiaire, sont, après avis
du médecin inspecteur du département dans lequel l'établisse-
ment pénitentiaire est situé, conduits dans des quartiers spéciaux
d'aliénés annexés à des établissements pénitentiaires, et y sont
retenus jusqu'à leur guérison ou jusqu'à l'expiration de leur
peine. »
M. de Gavardie, de sa place. Monsieur le président, il y a quelque
chose de trop absolu dans cet article. On dit : « Les individus
de l'un et l'autre sexe condamnés à des peines atltictives et infa-
mantes, etc., qui sont reconnus épileptiques. Il y a des degrés
infinis dans l'épilepsie. Est-ce que, par cela seul qu'un individu sera
sujet de loin en loin à des attaques d'épilepsie, on pourra le
prendre au moment d'être libéré et le mettre en observation
pendant un temps plus ou moins long dans un asile spécial ? Cela
n'est pas possible ! 11 faudrait s'expliquer nettement sur ce point.
M. le Président. Vous voyez bien, monsieur de Gavardie, que
l'article dit : « ... y sont retenus jusqu'à leur guérison ou jusqu'à
l'expiration de leur peine ».
SÉNAT. '1 S
M. de Gavardie. Jusqu'à leur guérison ! Et s'ils ne sont pas
guéris ? ` ?
M. le Président. «... ou jusqu'à l'expiration de leur peine. »
M. de Gavardie. Cela veut-il dire qu'ils sortiront toujours à
l'expiration de leur peine ? Non ! 1
M. LE Rapporteur. Je demande la parole. '
M. LE Président. La parole est à M. le rapporteur,
M. LE Rapporteur. Messieurs, avec l'article 38 nous abordons
une section entièrement nouvelle du projet de loi, celle qui a
pour titre « des condamnés devenus aliénés; des aliénés dits
criminels; des inculpés présumés aliénés et soumis à une exper-
tise médico-légale ». Je n'ai pas besoin de rappeler que les dispo-
sitions proposées relativement aux deux premières catégories
d'individus constituent une des principales innovations du projet
du gouvernement. 1
L'article 38 s'occupe de la première de ces catégories : celle des
condamnés devenus aliénés. Le gouvernement a eu en vue d'abord
de consacrer par une disposition légale l'existence des quartiers
spéciaux annexés aux maisons centrales, quartiers dont le type
existe déjà à Gaillon et qui sont destinés à recevoir après enquête,
en vertu d'une décision ministérielle, les condamnés devenus
aliénés pendant qu'ils subissaient leur peine.
M. de Gavardie a trouvé inexplicable que dans cette partie du
projet de loi on puisse confondre avec des condamnés à des
peines afflictives et infamantes de simples épileptiques.' Je répon-
drai tout d'abord qu'il ne faudrait pas oublier que ces individus
reconnus épileptiques sont, comme les autres individus reconnus
aliénés, des condamnés, des individus frappés par la loi pénale,
et non de simples épileptiques dont l'état réclame l'assistance.
La commission du Sénat qui a eu à examiner sur place le
fonctionnement actuel du quartier des condamnés aliénés de
Gaillon, dont le gouvernement veut faire consacrer le principe
par la loi, y a vu une section entière affectée à des condamnés
épileptiques non aliénés.
J'ai déjà dit un mot, précédemment, des motifs qui ont dicté,
il y a dix ans, à l'administration pénitentiaire les règles, tirées
de son expérience, auxquelles elle soumet, en les retirant des
conditions ordinaires de l'emprisonnement, des condamnés épi-
leptiques qui sont dans les prisons un embarras et souvent un
danger plus grands que ceux qui résultent de la présence des
aliénés eux-mêmes. Aussi la commission a-t-elle reconnu la néces-
sité de ne pas s'écarter des dispositions déjà adoptées par l'admi-
nistration pénitentiaire au sujet des épileptiques qui sont, sous
le rapport de la loi pénale, dans des conditions indiquées à l'ar-
ticle 38.
Archives, t. XVII. 10
146 SÉNAT.
M. DE Gavnnum. En un mot, la commission entend parler
d'épilepsie bien caractérisée ?
M. le Rapporteur. Il s'agit dos épileptiques dont le directeur et
surtout le médecin des prisons reconnaissent que le séjour dans
la prison offre des inconvénients et réclame le transfèrement
dans une section spéciale du quartier affecté aux condamnés
devenus aliénés. *
M. Paris. Messieurs, l'article 38, que j'approuve en principe, me
parait rédigé en termes trop impératifs. En effet, si nous exami-
nons le texte de la proposition qui nous est soumise, nous voyons
qu'il s'applique non seulement aux condamnés à des peines afflic-
tives et infamantes, comme le proposait le gouvernement, mais
même encore aux condamnés à des peines correctionnelles de
plus d'un an d'emprisonnement, qui sont reconnus épileptiques
ou qui deviennent aliénés pendant qu'ils subissent leur peine. Les
individus appartenant à ces diverses catégories sont conduits dans
des quartiers spéciaux d'aliénés annexés à des établissements
pénitentiaires, et y seront retenus jusqu'à leur guérison ou jusqu'à
l'expiration de leur peine.
L'avis du médecin inspecteur ne sera pris évidemment que pour
constater l'aliénation ; du moment où cet état aura été ainsi établi,
la translation dans un quartier spécial d'aliénés sera obligatoire;
mais il arrivera souvent, surtout quand il s'agira de condamnés
à des peines correctionnelles, que l'épilepsie ou la folie se manifes-
tera à un moment rapproché de l'expiration de la peine, à la veille e
de la sortie de prison. N'estimez-vous pas que les dépenses qui
seraient alors imposées à l'administration et les mesures elles-
mêmes de translation seraient hors de proportion avec le but à
atteindre ?
Le condamné frappé d'épilepsie ou d'aliénation ne pourrait
subir un traitement efficace, puisqu'il n'aurait plus que quelques
jours à passer en prison, dans un quartier spécial d'aliénés.
Si cette observation est fondée, ne pensez-vous pas que dans
l'article 38, au lieu du mot c sont conduits », qui impose une obli.
galion en toute circonstance, il serait préférable d'employer le
terme « pourront être conduits » dans des quartiers spéciaux d'alié-
nés ? Nous laisserions ainsi à l'administration une certaine latitude
d'appréciation. L'internement serait la règle, mais cette règle
admettrait des exceptions dont l'administration serait juge. (bar-
ques d'approbation.)
M. le Président. La parole est M. le rapporteur.
M. le Rapporteur. Je répondrai à l'honorable M. Paris que, sur
le point qu'il indique, la commission a dû se rendre aux obser-
vations présentées par l'administration pénitenlière elle-même.
C'est l'expérience de cette administration qui a inspiré la dispo-
SÉNAT. 147 1
sition en vertu de laquelle le régime exceptionnel établi par l'ar-
ticle 38 s'étendrait non seulement aux condamnés à des peines
afflielives et infamantes, mais à tous les individus condamnés à la
peine de la réclusion.
M. Paris. Vous l'étendez aux individus condamnés correction-
nellement à un an et un jour.
M. le Rapporteur. Oui ! car l'expérience de l'administration péni-
tentiaire a démontré que c'est dans ces catégories que se trouvent
trop souvent les pires de ses recrues.
Quant à l'objection de M. Paris portant sur les inconvénients
de l'application de ces mesures d'exception à des individus qui
seraient à la veille de leur libération, la commission pense qu'il
y a lieu de s'en rapporter à l'administration, qui est le meilleur
juge et qui ne commettrait pas cette anomalie de faire transférer
dans le quartier Gaillon un condamné qui serait à la veille de sa
libération.
La commission ne voit pas d'ailleurs d'inconvénient à substi-
tuer, comme le demande M. Paris, les mots « pourront être con-
duits » à ceux-ci : x seront conduits». L'administration, qui reste
juge, le fera quand elle le jugera convenable. Je pense que M. le
commissaire du gouvernement ne fera pas plus d'opposition que
la commission à ce changement de mots.
M. LE Commissaire du Gouvernement. J'accepte la faculté au lieu
de l'obligation.
M. LE Président. M. Paris propose et la commission semble
consentir à cette modification de substituer au mot « sont » les
mots « pourront être ». Personne ne demande la parole sur cet
amendement ? ... Je mets aux voix l'article 38, en réservant l'amen-
dement. (Cette partie de l'article 38 est adoptée.)
M. le Président. Je mets aux voix l'amendement de M. Paris,
qui consiste à substituer les mots « pourrotitêtre » au mot « sont ».
(L'amendement est adopté.)
M. le Président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 38.
(L'article 38 est adopté.)
M. le Président. « Art. 39.- Est mis à la disposition de l'auto-
rité administrative, pour être placé dans un établissement d'alié-
nés, dans le cas où son état mental compromettrait la sécurité, la
décence ou la tranquillité publiques ou sa propre sûreté, et
après de nouvelles vérifications, si elles sont jugées nécessaires : -.
« 1" Tout inculpé qui, par suite de son état mental, a été consi-
déré comme irresponsable et a été l'objet d'une ordonnance ou
d'un arrêt de non-lieu ;
« 20 Tout prévenu poursuivi en police correctionnelle qui a été
acquitté comme irresponsable à raison de son état mental;
148 SÉNAT. ? 3° Tout accusé ou prévenu, poursuivi en cour d'assises qui a
été l'objet d'un verdict de non-culpabilité, si la défense a soutenu
qu'il était irresponsable à raison de son état mental ou si le
ministère public a abandonné l'accusation pour la même cause.
- Il est statué : dans le cas d'ordonnance de non-lieu ou d'ac-
quittement en police correctionnelle, par le tribunal en chambre
du conseil; dans le cas d'arrêt de non-lieu, par la chambre des
mises en accusation ; dans le cas de verdict de non-culpabilité,
par la cour d'assises en chambre du conseil ; ou, s'il y a lieu à de
nouvelles vérifications, la cour d'assises peut renvoyer l'individu
acquitté devant le tribunal en chambre du conseil.
« Les placements faits en vertu du présent article ne sont pas
soumis aux prescriptions de l'article 20, sauf celles du 2- paragra-
phe de cet article. Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'ar-
ticle 39 ?
M. LACOMBE. Je la demande, monsieur le président.
M. LE Président. La parole est à M. Lacombe.
M. Lacombe. L'article 39 est un des plus importants du projet
qui vous est présenté. Il édicté les dispositions tout à fait nou-
velles, et il touche non pas seulement aux règles du droit spécial
aux aliénés, mais encore aux principes générauxdu droitcriminel.
11 me parait donc nécessaire de présenter au Sénat quelques
observations sur les principales conséquences de cet article.
Il s'agit du cas où une personne ayant commis un délit, ou un
crime, ou, pour parler plus correctement, un fait qui pourrait
être qualifié de délit ou de crime, est traduite en justice. Devant
la juridiction répressive, il est quelquefois démontré, et il est
souvent soutenu, sans que cela soit bien démontré, que celte
personne n'était pas, au moment où elle a commis le fait qui lui
est imputé, dans une situation d'esprit telle, qu'elle puisse être dé-
clarée criminellement responsable.
Il peut intervenir, dans ce cas, suivant les phases de la procé-
dure, soit un arrêt de non-lieu, soit un jugement correctionnel
d'acquittement, soit un verdict de cour d'assises, duquel il résulte
que l'accusé doit être acquitté.
Le système de la commission est celui-ci : la décision a été ren-
due sur le motif que l'accusé était irresponsable à raison de son
état mental ; cet accusé ainsi acquitté sera remis à la disposition
de l'autorité administrative, qui pourra prescrire son interne-
ment pendant un temps absolument indéterminé dans un asile
d'aliénés.
Il y a des cas où l'application de cette disposition ne présen-
terait pas de difficultés; mais il y en a d'autres, au contraire, où
elle serait absolument irréalisable, à moins qu'elle ue constituât
un véritable excès de pouvoir.
SÉNAT. 149
Je conviens que s'il y a un arrêt de la chambre des mises en
accusation, un jugement ou arrêt correctionnel qui, décide en
propres termes que l'aliéné ou le prévenu est dans un tel état
habituel de démence ou d'imbécillité, qu'il ne puisse pas être con-
sidéré comme responsable de ses actes.
On peut voir là le motif unique de l'acquittement ou de l'arrêt
de non-lieu qui sera intervenu, et en tirer comme conséquence
la légitimité et la nécessité de l'internement dans une maison
d'aliénés. Mais en sera-t-il toujours de même ? Mettons-nous en
présence de quelques cas particuliers.
L'accusé peut, par exemple, avoir comparu devant la cour d'as-
sises. La défense a pu être présentée, je ne dis pas par lui-même
mais en en son nom, par l'avocat qui lui a été commis ou qu'il
aura choisi, et elle aura pu porter sur l'état mental de l'accusé.
La décision du jury non motivée, ne l'oubliez pas se con-
tentera de répondre négativement à la question de culpabilité qui
lui aura été posée. Or, il ne dépend ni du jury, ni de la cour d'as-
sises d'interpréter cette décision une fois rendue, et d'autre part,
je le répète, elle ne peut jamais être motivée.
Dès lors, je me demande comment, sans arbitraire et sans vio-
lation des principes du droit pénal jusqu'à ce jour, il pourra être
fait application du principe émis par la commission. En effet,
messieurs^ on peut plaider l'aliénation de plusieurs manières.
C'est quelquefois l'aliénation habituelle, un état mental tel, qu'on
puisse réellement considérer comme aliéné l'homme qui aura été
traduit devant le jury.
Mais ce n'est pas toujours avec cette clarté que se présente le
débat, et il arrive souvent que la défense ne dit pas au jury : Cet
homme est un véritable aliéné, habituellement irresponsable de
ses actes, mais simplement ceci : Cet homme n'a pas une très
grande intelligence; il ne mesure pas bien la portée de tous ses
actes ; ou bien : C'est un homme qui est sujet à la colère ou à
toute autre passion, à tel point, qu'il ne raisonne plus toutes ses
actions. Pour telle ou telle raison, au moment où il a accompli le
fait que vous lui reprochez et qui motive sa comparution devant
la cour d'assises, il n'était pas compos mentis; il n'était pas suffi-
samment responsable de ses actes pour être justiciable de la juri-
diction criminelle ; il ne peut donc pas être condamné, parce
que, s'il est bien l'auteur du fait à raison duquel il est poursuivi,
il n'est pas coupable de ce fait en prenant le mot de culpabilité
dans le sens précis que lui donne la loi criminelle.
Dans de tels cas, la décision du jury qui prononce un acquit-
tement peut n'avoir eu en vue que le moment strict où ce fait a
été commis. Cet homme n'a pu être maître de lui ; cet homme a
été, pour employer les expressions mêmes de l'article 39 du pro-
jet, irresponsable, à raison de son état mental au moment même
150 SÉNAT.
où le fait a été accompli. Mais est-il vrai, d'une manière générale,
que, dans l'habitude de la vie, cet homme ne soit pas responsable
de ses actes ? La question peutne pas avoir étéplaidée ; dans tous
les cas, elle n'a pas été résolue.
- Il y a plus et cette hypothèse, très fréquente dans la pratique
n'est pas la seule en présence de laquelle nous puissions nous pla-
cer il peut se faire, et il arrive d'une manière très fréquente
dans la réalité des faits, que l'argument tiré de l'irresponsabilité
de l'accusé ne soit pas isolé. Le défenseur peut soutenir, dans un
premier système, que le fait n'est pas vrai, qu'il ne peut être im-
puté à l'accusé, ou qu'il ne doit pas être puni à raison de telle ou
telle circonstance; il peut ajouter encore, à titre subsidiaire en
quelque sorte et pour venir à l'appui de sa première argumenta-
tion, que, d'ailleurs, cet homme n'est pas responsable de ses actes.
La décision non motivée du jury ne fait pas connaître quel est
celui de ces arguments qui a déterminé sa conviction.
Allez-vous donner ainsi à la cour d'assises jugeant en chambre
de conseil le droit d'apprécier la décision qui aura été rendue par
le jury et la mission de rechercher quel peut être le mobile qui a
entraîné un verdict d'acquittement ? Vous lui donneriez là unemis-
sion-qui lui a été refusée d'une manière constante jusqu'à ce jour.
Je n'ai à prendre comme exemple que le cas bien connu où il y
a eu un acquittement, mais où cependant il est demandé à la cour
d'assises une condamnation à des dommages-intérêts au nom de
la partie civile. Dans ce cas, c'est un point de doctrine et de juris-
prudence incontesté, que le verdict du jury échappe à toute inves-
tigation ; la cour de cassation a toujours maintenu avec la plus
grande fermeté le respect absolu dû aux décisions rendues par le
jury, et elle a complètement interdit à toutes les juridictions, soit
à la cour d'assises, soit au tribunal civil, d'interpréter ce verdict et
de décider si c'est par suite de telle ou telle considération que le
jury a acquitté l'accusé. Par conséquent, il me parait qu'il y a
dans le texte de l'article 39, tel qu'il est présenté par la commis-
sion, une modification tellement grave à notre droit criminel,
qu'il ne me semble pas possible que le Sénat l'accepte sans autre
examen.
Je n'ai pas voulu présenter d'amendement ; la rédaction, je le
reconnais, en eût été difficile et nécessiterait une étude sérieuse.
Mais je prie le Sénat de vouloir bien renvoyer l'article en discus-
sion à la commission, pour lui permettre d'en faire un nouvel
examen. Je suis persuadé que les considérations que je vient
d'avoir l'honneur de développer d'une manière très sommaire,
mais que je crois cependant suffisante, amèneront la commission
elle-même à modifier sa rédaction originelle. (Très bien ! et mar-
ques d'approbation sur plusieurs bancs à droite.) (A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE
I. Allgeiiieiiie Diagizostili der Nervenkrankheiten ; par von P.-J.
IOEBIU.5, 101 figures. Leipzig, in-8°, 4886. (F.-C.-W. Vogel,
éditeur.)
Sous ce litre, le savant privat-docent bien connu de Leipzig a
écrit un Manuel de séméiologie des Maladies du système nerveux
sans y comprendre les affections mentales proprement dites. Il se
place à un point de vue purement clinique. L'élève qui aborde un
malade doit en effet, s'enquérir avant tout des commémoratifs
(Anamnese) et inscrire méthodiquement l'histoire nosologique de
la famille du patient et du patient lui-même. Tel est l'objet de la
première partie (A) du volume en question, dans laquelle l'in-
terrogatoire que comporte ce soin se trouve esquissé avec les
motifs à l'appui.
Lasecondepartie (I3), qui constitue en somme le gros de l'ouvrage,
sa matière, concerne l'Examen du malade au moment où il se pré-
sente sous les yeux de l'observateur. 1° De quoi se plaint-il ? 2° Quel
est son état psychique, son faciès, son attitude, son habitus;
comment converse-t-il avec vous, comment écrit-il ? Sa connais-
sance a-t-elle subi des perturbations, etquelles perturbations à telle
ou telle époque, pendant combien de temps, sous quelle forme,
comment se comporte-t-elle maintenant ? Existe-t-il de l'affaiblis-
sement de l'intelligence ou de la mémoire, des hallucinations,
des conceptions irrésistibles, etc., etc.; et faut-il rattacher ces
manifestations à une maladie générale (intoxication, auto-
intoxication, affection fébrile, septique aiguë, chronique, etc.), ou
bien, soit à une lésion cérébrale organique, soit à un trouble fonc-
tionuel, névrosique, de l'encéphale (épilepsie, hystérie, apoplexie
commune, sclérose en plaques, paralysie générale, méningite).
Voilà la matière des deux premiers chapitres, matière qu'a tout
d'abord à traiter le médecin mis en présence d'un malade. Natu-
rellement l'auteur analyse chacun des syndromes dans ses rela-
tions avec les différentes lésions, localisées en tels ou tels points
de tels ou tels organes du système nerveux 'il en lire le diagnostic :
3° Examen de la parole. Revue de ses diverses anomalies; travaux
de fussmaul, Broca, Charcot ; utilisation du schéma de Lielitlicinil
1 Voy. Archives de Neurologie, tomes précédents.
183 BIBLIOGRAPHIE.
écriture, lecture, articulation. Même méthode que précédemment;
4° Examen de l'appareil de la motilité. Ce chapitre se subdivise en :
nutrition du muscle, tension musculaire, motilité, excitabilité
réflexe, mécanique, électrique. Nous signalerons plus particuliè-
rement les paralysies, les mouvements anormaux (ataxie, trem-
blements, convulsions fibrillaires, toniques, cloniques, mouve-
ments irrésistibles, associés, choréiques; athétose),les mouvements
de la pupille, l'électro-diagnostic et l'exposé d'électro-pathologie ;
5° Examen de la sensibilité générale et spéciale. Aujourd'hui,
l'étude de la sensibilité tactile ^comprend, non pas seulement le
tact mais la recherche de l'appréciation par le malade de la sen-
sation de pression, de douleur, du lieu d'application de la tem-
pérature, enfin, la sensibilité des parties sous-jacentes à la peau.
Les sensations excentriques sont en outre l'objet d'un paragraphe
à part, suivi d'une terminologie générale qui sert d'int : oduction
indispensable, afin de bien fixer les idées, à l'étude des signes et de
leur valeur diagnostique; 0° Examen du crâne et de la colonne
vertébrale. Court mémorandum; 7° Examen des fonctions végé-
tafives.Arthropathies tabétiques, crises laryngées, dyspnées neuro-
pathiques, crises gastriques, intestinales, clitoridiennes, troubles
cardiaques et vésicaux, anomalies de la salivation et de l'urine,
recherche de l'ovarie, signes de dégénérescence physiques; pour
ne mentionner que les principaux éléments de diagnostic, c'est ce
qu'il faut connaître; de même qu'il importe de se rendre compte
de l'état des organes de l'économie entière; 8°Diagnostic E JUVAN-
TIBUS ET nocentibus. Autrement dit faire servir la connaissance, à
' l'établissement du diagnostic, la façon dont se comportent dans l'éco-
nomie les médicaments. Provisoirement, comme ledit M. Moebius, on
ne saurait consacrer que quelques mots à cette question. Ainsi la
guérison des accidents par l'administration du mercure et de
l'iodure de potassium, celle des accidents convulsifs par le bro-
mure, la dispartion de la migraine à la suite de l'absorption de
salicylate de soude, permettent d'affirmer la nature des phénomè-
nes morbides observés. Quant aux agents nocifs, un tableau vient
sous forme d'appendice, donner « un aperçu des professions indus-
trielles ou manufacturières, comprenant la production et la ma-
nipulation de matières antihygiéniques (toxiques), d'après le degré
de leur action sur les travailleurs ».
Le livre pourrait se terminer là. Mais l'auteur a pensé qu'il
convenait de rafraîchir la mémoire en résumant, en deux autres
appendices, la physiologie des muscles et les modifications pro-
duites par leurs altérations, ainsi que les troubles fonctionnels
déterminés par la lésion des divers nerfs. Il a de cette façon très
heureusement complété son t)(t6-mect<m du ? 2euro-patitologiste au
lit du malade; cette expression, qu'il nous permettra de formuler,
traduit nettement notre pensée.
bibliographie. 153
Ajoutons que les citations viennent, de concert avec les figures,
donner la vie à ce -volume et en consacrer l'actualité.
P. KÉBAVAL.
II. La mort par la décapitation ; par M. le docteur Paul Loye.
Lecrosnier et Babé et Progrès médical, Paris, 1888.
Notre ami, M. Paul Loye, préparateur de physiologie à la Sor-
bonne et de médecine légale à la Faculté, dont les lecteurs du
Progrès médical ont pu apprécier déjà les qualités littéraires, vient
de publier un ouvrage fort intéressant, écrit avec clarté et élé-
gance, malgré la nature du sujet; ce n'est en effet qu'un travail
de physiologie pure, où sont réunies, développées, expliquées les
nombreuses recherches expérimentales et les études cliniques de
l'auteur. Qu'on nous pardonne de parler ainsi; mais est-il un mal
plus grand que la décapitation 1
Comme notre collaborateur le déclare dans son introduction, il
ne faudrait pas voir en ce livre le roman de la guillotine. D'ailleurs
M. le Doyen de la Faculté, M. le professeur Brouardel, le dit dans
la préface où il présente ce volume au public médical. « On ne
trouvera là que des faits très scientifiquement précisés, que des
discussions qui se maintiennent exclusivement sur le terrain de la
science. » La sentimentalité n'a rien à voir ici ; il ne s'agit pas de
savoir s'il faut, oui ou non, admettre la peine de mort. M. Loye,
en homme de science, n'a voulu s'occuper que des faits. Si les
gens du monde et les journalistes parcourent cet ouvrage, ils y
trouveront pourtant matière à enseignement; puissent-ils au moins
y apprendre à distinguer la Vérité de cette fausse science, mise
sans cesse à contribution par la plupart de nos écrivains littéraires
contemporains.
Ce travail renferme des notions qui se rapportent à la physio-
logie pure et d'autres qui sont du domaine de la médecine légale.
A la première de ces sciences se rattachent les nombreuses expé-
riences, tentées sur les animaux par M. Loye et grâce auxquelles
il a pu étudier une importante question, celle du noeud vital, puis
les observations de décapitation, prises au pied de la guillotine et
contrôlées par des savants connus.
Des documents rassemblés, notre ami a pu tirer les conclusions
suivantes : La mort par la décollation s'accompagne chez le chien de
phénomènes tout différents de ceux observés chez l'homme décapité.
Le chien s'agite, se convulsé ; l'homme est calme, inerte. Le pre-
mier meurt surtout par asphyxie ; le second, par le développement
de phénomènes inhibitoires, dus à l'irritation énergique et subite
du système nerveux. Chez l'homme donc, suspension immédiate
du pouvoir réflexe et pas d'agonie. Pour obtenir chez le chien les
mêmes effets que chez ce dernier, il est nécessaire de frapper
134 BIBLIOGRAPHIE.
l'animal en un point du bulbe qui est le noeud vital. La région
du noeud vital ne parait pas, pour l'homme, être aussi limitée que
pour'le chien.
Tout ceci est exposé dans une série de chapitres qui ont pour
titre : 1° La tête après la décapitation et le tronc après la déca-
pitation chez les animaux ; 2o La mort par la décapitation
(phénomènes dans la tête et le tronc) chez l'homme. On trouvera
au début de chacun d'eux un résumé des principales déductions.
Au point de vue médico-légal, mentionnons l'importance de ces
recherches, en ce qui concerne le diagnostic des décapitations com-
plètes et incomplètes. Quand la décapitation est incomplète, comme
dans la plupart des cas d'assassinat, la mort aurait lieu par asphyxie;
quand elle est complète, l'individu succombe par inhibition. Un
autre fait a bien son intérêt : après la décapitation, le coeur bat
encore pendant plus d'une heure-. Doit-on considérer comme
vivant un corps séparé de la tête ? Non évidemment; donc
l'arrêt du coeur ne peut plus être considéré comme le terme de
la vie. Tout un chapitre est, à la fin de l'ouvrage, consacré à
l'étude de la décapitation légale par la guillotine, la hache ou le
glaive, à la décapitation suicide (coups de rasoir, décollation par
une locomotive, par une sorte de guillotine, etc.), enfin à la dé-
capitation homicide. A ce propos, M. Loye discute le moment de
la mort d'un décapité et montre comment on peut déjouer une si-
mulation de suicide par la décapitation; il termine en prou-
vant que le procédé de supplice actuel est encore le meilleur,
le plus doux et le plus humain. Le mécanisme de la mort par
la fulguration n'est pas encore suffisamment élucidé, même
en Amérique, pour qu'on puisse substituer à la guillotine l'élec-
tricité. Marcel l3atlooot;v.
111. Dégénérescence et criminalité. Essai physiologique,
' par Ch. Féré. (Paris, Félix Alcan, 1888.)
M. Th. Ribot, dans sa très remarquable leçon d'ouverture du
cours de psychologie expérimentale au Collège de France, faisait
observer que, bien que la psychologie ne fût pour les physiolo-
gistes qu'un prolongement de- leurs recherches, elle n'en exer-
çait pas moins sur plusieurs d'entre eux une séduction louable.
C'est à cette tendance que nous devons l'ouvrage du médecin de
Bicêlre, et, nous ne nous en plaindrons pas, car outre qu'il con-
tient une critique judicieuse des idées défendues par l'Ecole ita-
lienne d'anthropologie criminelle, ce livre est également plein
de vues hardies originales et suggestives, qu'un style aisé ne con-
tribue pas pour peu à faire agréer.
Les notions anatomiques sont insuffisantes pour caractériser le
type criminel, mais la physiologie permet d'établir théoriquement
BIBLIOGRAPHIE. 155
certaines des relations qui existent entre la maladie et le crime :
la criminalité est une forme de dégénérescence et c'est comme
telle qu'on la doit considérer pour la prévenir ou la traiter. Ainsi
résumerions-nous la thèse que défend M. Féré.
L'étude à l'aide d'appareils enregistreurs des modifications
physiologiques qui se produisent sous l'influence des états émo-
tionnels, modifications caractérisées par l'augmentation ou la
diminution d'intensité des phénomènes vitaux, selon la nature ou
la force de l'émotion, sert d'introduction à l'ouvrage dont le
chapitre Ier est consacré à l'origine et à l'évolution du Droit de
punir. - Une société dont l'objet principal est la ' protection
des associés doit, pour remplir son but, empêcher, et sinon,
réparer les dommages causés à l'un de ceux-ci. La peine est tout
d'abord appropriée à l'une et l'autre fonction, puis appliquée
qu'elle est par le pouvoir religieux ou légal, elle dévie de cet
objectif pour ne plus servir qu'à sanctionner la morale artificielle
édifiée par ce pouvoir dans son intérêt propre, au mépris de
l'intérêt de tous; elle devient par suite, fréquemment injuste ou
excessive au point d'attirer la sollicitude publique sur ses victimes.
On en arrive alors à chercher à en exonérer certains criminels.
Les folies à grand appareil bénéficient à l'origine de ces immu-
nités qu'ultérieurement, grâce à Pinel, Trélat, Legrand du Saulle,
on étend aux folies avec conscience.
De là en vient-on à rechercher si tous les criminels ne sont pas
des aliénés, ou mieux si le crime n'est pas en somme une mala-
die. Or, entre le crime et la folie il est difficile de marquer une
limite, car il existe entre eux ce-lien indissoluble de la commu-
nauté originelle. La criminalité est à ce point associée aux dégé-
nérescences physique et psychique qu'on la peut affirmer n'être
qu'un de ses modes se distinguant seulement par la plus grande
fréquence de son hérédité directe.
Cependant, on ne peut en inférer, comme M. Lombroso tente
de le démontrer, qu'il existe un type d'homme criminel dont le
critérium anthropologique repose sur un ensemble de caractères
biologiques ou anatomiques.
L'anomalie. morale du criminel que cherche à établir M. Caro-
falo ne s'appuie non plus sur aucun document de valeur indis-
cutable. Aussi, est-il seulement permis d'affirmer que le malfai-
teur n'est caractérisé que par son méfait.
Il y aurait donc, d'après M. Féré, non pas identité mais
parenté étroite entre le crime et la folie. L'auteur trouve une
explication suffisante de ce lien dans l'origine commune de ces
dégénérescences, ce qui lui est prétexte à un intéressant chapitre
de sociologie pathologique. Les modifications cosmiques sont lentes,
mais elles déterminent néanmoins des modifications organiques
rapides, d'où nécessité pour l'homme de s'adapter à de nouvelles
156 BIBLIOGRAPHIE.
conditions d'existence en un délai relativement court; beaucoup
s'épuisent dans la lutte qu'ils soutiennent contre les éléments en
vue de cette adaptation, et devenus par suite incapables d'efforts
soutenus, sont amenés à s'entretenir aux dépens des efforts
d'autrui. `
Suit-il de cette apparente fatalité que l'épuisé, dégénéré, puis
criminel soit responsable lorsqu'il est reconnu coupable ? Pour la
solution de cette question, M. Féré se récuse, à juste titre, à mon
avis, se basant sur des raisons qui rendent pour le moins hypo-
thétique l'existence du libre arbitre dont on fait dépendre univer-
sellement la responsabilité.
Il lui suffit de définir ce qu'est le criminel au point de vue
physiologique et de rechercher les meilleurs moyens pour pré-
venir et traiter la criminalité.
Le dégénéré improducteur ou destructeur est un nuisible contre
lequel la société a le devoir de protéger ses membres. Et, comme,
ainsi qu'on l'a vu, les dégénérés sont les fruits, ou mieux les
résidus de l'évolution sociale, à la société incombe également
le soin de réparer intégralement les conséquences matérielles
des actes de ces nuisibles.
L'application de ces principes réaliserait, pense M. Feré, un
moyen préventif des plus efficaces, comme aussi la diffusion des
notions relatives à l'hérédité, et le perfectionnement physique et
psychique des dégénérés. Pour ce qui est des mesures à prendre
vis-à-vis des nuisibles, la société doit tenir le criminel en tutelle
jusqu'à ce qu'il ait réparé son dommage, et sinon se borner à le
mettre dans l'impossibilité de nuire en dépensant pour lui le strict
nécessaire. En tous cas, le principe de l'égalité devant la loi doit
être absolu en matière de criminalité, et rien n'autorise à décréter
une immunité en faveur d'une catégorie quelconque de dégénérés.
Sans doute, l'exposé de ces données sollicite la discussion, et
cette dernière notion en particulier semblera hardie, car elle
bouleverse les idées courantes. Mais sentiment n'est pas raison,
et nous acceptons volontiers avec l'auteur la conséquence logique
des conceptions qui précèdent.
Quant au traitement de la criminalité, le seul moyen curatif
auquel l'expérience semble favorable est l'assistance sous la forme
du patronage familial, auquel l'auteur consacre un exposé bien
fait. Quelques pages sur l'emprisonnement cellulaire terminent
ce livre dont je n'ai donné qu'une idée bien imparfaite, mais
suffisante, je pense, pour engager à le lire. Paul BLOCQ.
IV. De la suggestion et du somnambulisme dans leurs rapports avec
la jurisprudence et la médecine légale'; par M. J. Liégeois, pro-
1 9e édition, 1887. 2e édition (vient de paraître).
BIBLIOGRAPHIE. -187 Î
fesseurà la Faculté de droit de Nancy, un vol in-18 de 758 pages
Paris, 0 Doin, 1889.)
On se souvient qu'au mois de mai 1884, M. Liégeois, professeur
de droit à la Faculté de Nancy lisait devant l'Académie des
Sciences morales et politiques de Paris un mémoire sur la sugges-
tion hypnotique dans ses rapports avec le droit civil et le droit
criminel.
Dans ce mémoire l'auteur exagérait partilièrement le rôle des
suggestions dites criminelles et pour montrer combien était peu
fondée son opinion, nous le mettions au défi, dans notre travail
snr l'Hypnotisme et les états analogues au point de vue médico-légal
de nous apporter un seul fait, un seul crime dans la perpétration du-
quel la suggestion fut intervenue.
Depuis, il y a quelques jours à peine (20 octobre 1888), M. Lié-
geois a fait paraître sur la même question un important ouvrage
dans lequel, ainsi qu'il fallait s'y attendre, les arguments que nous
avions présentés, ont été vivement discutés. On nous permettra
donc de nous étendre quelque peu et de nous appesantir sur les
nouvelles raisons nous ne disons pas documents apportées
par M. Liégeois à l'appui de la thèse qu'il défend.
Mais, avant d'entrer dans le corps même de la discussion, nous
devons avouer que la première lecture de ce livre a été pour nous
une véritable acception. Nous nous attendions en effet pour en
faire notre profit à voir discutées par un professeur de droit
devant la compétence duquel nous nous inclinions à l'avance, les
questions juridiques qui se rattachent au viol chez les inconscients
à propos duquel notre législation est si défectueuse et si incomplète
comparativement aux législations étrangères. Nous espérions que
M. Liégeois voudrait bien nous faire connaître son opinion cir-
constanciée sur la responsabilité qui incombe aux hypnotiseurs
ayant déterminé des accidents graves chez leurs sujets ; sur la
question de savoir si les hypnotiseurs non médecins commettent
oui ou non le délit d'exercice illégal de la médecine, toutes choses
qui méritaient bien, ce nous semble, d'être traitées dans un livre
consacré à l'hypnotisme médico-légal.
Eh bien, de toutes ces questions, M. Liégeois n'a cure : le livre
dans sesgrandes lignes est une apologie delà thérapeutique sugges-
tive inaugurée, suivant l'auteur, par M M. Liébeault et Bernheim ; de
plus, les accidents consécutifs aux manoeuvres hypnotiques intem-
pestives n'existent pas ou tout au moins ne semblent pas exister par
lui. Quant au délit d'exercice illégal de la médecine, quant à la
question qui se pose partout aujourd'hui de l'interdiction des repré-
sentations théâtrales données par les magnétiseurs de tréteaux, elle
est tranchée par l'opinion suivante qu'on « doit à Donato, à Hauser
à Léon, une certaine reconnaissance pour la part qu'ils ont prise à
158 BIBLIOGRAPHIE.
la propagation de l'hypnotisme. »Nous reviendrons sur ce dernier
point de la question qui mérite après les exploits de ces empi-
riques plus que les éloges de M. Liégeois. '
Nous avons aussi été fort étonné, nous qui suivons les cours de
la Salpêtrière depuis 1876,. en apprenant qu'à l'époque (t884)où
M. Liégeois présentait son mémoire à l'Académie des Sciences « les
phénomènes que présentent l'hypnotisme, le somnambulisme et
la suggestion étaient fort peu connus ». Pour un peu M. Liégeois
aurait été le premier à s'occuper du côté juridique de la question,
car il laisse complètement ignorer à ses lecteurs qu'en 1860 Char-
pignon écrivait sur la matière une brochure des plus sublantielles.
Il est vrai que ce médecin ne se montre pas tendre pour les magné-
tiseurs-amateurs. Mais ce sont là des vétilles et nous avons bien
mieux à faire que de nous étonner, lorsque M. Liégeois veut bien
nous apprendre que, non seulement il est inutile d'être médecin
pour étudier convenablement l'hypnotisme, mais encore que cette
ignorance des choses de la médecine est un avantage dans l'espèce.
II parait, en effet, qu'on a opposé à M. Liégeois un déclinatoire
d'incompétence en la matière, pour parler le langage juridique.
Aussi, l'auteur qui, avec l'École de Nancy, considère l'hypnotisme
comme un sommeil non pas pathologique mais physiologique
qu'il n'est pas une névrose mais un sommeil réel toutes choses
pour l'appréciation desquelles il est beaucoup plus utile d'avoir
fait des études de droit que de médecine - l'auteur de cela, nous
écrit-il (p. V.) : « Les phénomènes hypnotiques, en médecine,
c'est ou peu s'en faut une révolution. Je suis d'autant plus à
l'aise pour le proclamer que je ne suis pas médecin. Si, à cause de
cela on me dit que je ne suis pas compétent, je répondrai que
c'est parfois un avantage parce que dans ce cas on n'a pas de
préjugés, et je rappellerai que Pasteur a fait d'assez belles décou-
vertes, que la médecine semble destinée à utiliser chaque jour
davantage. » Etre le Pasteur de l'hypnotisme, l'ambition n'est pas
minime, et véritablement, lorsque M. Liégeois veut bien nous
apprendre qu'il aura plus d'une fois l'occasion de nous citer nous
a médecin nourri des enseignements de la Salpêtrière » parlant
rempli de préjugés et « le plus souvent pour nous combattre »
nous tremblons hélas, pour les appréciations toutes médicales qui
forment le fonds de notre travail. Et pourquoi donc M. Liégeois
nous combaltra-t-il le plus souvent ? Parce que nous n'avons pas
fait la part assez large à la suggestion, parce que nous a\ons
refusé delà charger de tous les crimes commis par les hypnoti-
seurs, de tous les accidents, y compris ceux dont ne parle pas
M. Liégeois, tels par exemple que les attaques d'hystérie sur-
venues à la suite des hypnotisations lucratives, à la suite des
représentations théâtrales données par les magnétiseurs pour
lesquels M. Liégeois à de la reconnaissance. La suggestion ! mais
BIBLIOGRAPHIE. 159
c'est la clef de tous les phénomènes hypnotiques. La léthargie,
la catalepsie, le somnambulisme en tant qu'étals séparés, antono-
mes, tels que nous le comprenons à la Salpêtrière, n'existent pas
c'est la suggestion qui les détermine. Si l'on presse le nerf cubi-
tal d'un sujet endormi et qu'il se produise la griffe cubitale et
rien autre, c'est encore de la suggestion, car évidemment on a
suggéré au sujet, inconsciemment ou non, de mettre en oeuvre, les
ni usclesetlesseiils muscles animes parce nerf. Mais M. Liégeois n'est
pas médecin et « les préjugés» que nous avons sur la connais-
sance physioiogque de l'innervation de ces muscles n'existent évi- -
demment pas pour lui. 11 ne nous reste plus qu'à nous déclarer
confondu. Toutefois, qu'il nous soit encore permis delui demander
comment il reconnaît quand un sujet dort véritablement. C'est,
nous répond-il, avec M. Bernheim, qu'en état d'hypnose il est
suggestible. Vraiment, dans la vieordinaire, la réponse estaccep-
lable, mais croit-on, puisque M. Liégeois parle médecine légale,
qu'un tribunal déclarera non simulateur, un individu par ce fait
môme qu'il avalera pour un verre de Champagne, le verre d'eau
qu'on lui aura présenté. Cela nous paraît bien. insuffisant à
nous médecins qui, dans une expertise, avons l'habitude de
ne pas nous contenter de la simple affirmation que nous soup-
çonnonsintéressCe.ilélas, il faudrapourtant bien,quecomme nous
en traitant de la simulation, M. Liégeois en arrive lui aussi à
tabler sur ces .stigmates physiques de l'hypnotisé. Il sera bien
forcé d'admettre cette byperexcitabilite neuro-musculaire dont il
ne veut à aucun' prix lorsqu'il nous dit (p. 683) « qu'un homme
robuste peut difficilement rester les bras étendus plus de 10 a
15 minutes et qu'un hypnotisé pourra, au contraire, conserver
pendant des heures les positions les plus bizarres les plus hétéro-
clites données à ses bras ou à ses jambes. Il y a là un moyen très
sérieux de déjouer la simulation. » Est-ce que ce ne sont pas là
des stigmates physiques découverts, disons-le, en passant par
Cliarcot et Paul Richer, à l'aide de l'appareil enregistreur de
Marez, sur des hystériques liypuotisables, et pour notre part nous
n'hésitons pas a rapporter cette tétanisation cataleptique des
muscles à une forme modifiée de t'hyperexcitabitité neuro-mus-
culaire.
Et voilà encore que d'autres stigmates physiques « état des
pupilles rendues insensibles à une lumière vive, anesthésie géné-
ralisée ou localisée, piqûres ou pincements faits à l'improviste au
moment où le sujet s'y attend le moins» ont aussi une valeur
très sérieuse. » Qui donc trompe-t-on ici, se fût écrié Beaumar-
chais ? Mais M. Liégeois n'est pas médecin ; pour lui le sommeil
ordinaire est une auto-suggestion, le somnambulisme dit naturel
n'est qu'un état physiologique à l'instar de Hypnotisme : tout
par la suggestion, telle est sa devise. Aussi quelle indignation
160 BIBLIOGRAPHIE.
n'est pas la sienne lorsque, soutenant que les dangers réels de
l'hypnotisme ne résident pas dans la suggestion, nous écrivons :
« Qu'on nous apporte un cas authentique (de crime commis à
l'aide de la suggestion), nous nous déclarerons ébranlé mais pas
encore convaincu. » « En vérité, dit-il (p. 637) faudrait-il donc
pour faire prendre au sérieux la suggestion, apporter à nos contra-
dicteurs un crime réel, un cadavre véritable ? Cela nous ne
pouvons le faire, on le sait bien et alors on s'empresse d'en
triompher. »
Et certainement nous triomphons de cet aveu arraché à
M. Liégeois par son indignation même, et nous n'espérions pas
qu'il nous ferait la partie aussi belle. Toutefois, que M. Liégeois
se rassure; nos prétentions n'iront pas jusqu'à exiger de lui qu'il
nous apporte ce cadavre récalcitrant ; mais enfin, lorsqu'on s'est
montré aussi affirmatif, quelques bonnes preuves bien palpables
ne feraient pas mal dans le tableau, et nous constatons encore
une fois avec M. Liégeois lui-même que dopuis deux années
que nous avons formulé notre demande, à la série de viols en
léthargie que nous avions rapportée, aucun fait criminel n'est
venu se joindre qui fût susceptible d'être interprété par cette sug-
gestion, pierre angulaire de l'édifice que M. Liégeois a élevé à
l'hypnotisme médico-légal. Ce désir immodéré de faire la sug-
gestion, le bouc émissaire de tous les crimes commis en état
d'hypnotisme ne nous parait pas devoir être favorable àl. Liégeois
car à bout d'arguments palpables, elle le conduit à des discussions
dans lesquelles on reconnaît bien plus le professeur de droit,
habitué à discuter sur des textes que le médecin raisonnant d'ha-
bitude sur des faits, sur des observations.
Qu'on lise en effet les lignes qui suivent la tirade désespérée
dans laquelle M. Liégeois se refuse à jouer le rôle d'assassin par
persuasion et l'on constatera que son ardeur à la lutte l'entraîne
à des citations incomplètes qui ont pour effet immédiat de déna-
turer singulièrement ce que nous avons écrit.
« En terminant sur ce point, dit-il (p. G37) je demanderai à
M. Gilles de la Tourette, dont je ne veux méconnaître d'ailleurs
ni les mérites, ni les excellentes intentions on va voir que les
roses cachent toujours des épines de nous dire à laquelle des
deux opinions par lui exprimées, il s'arrête en définitive ? Car je
remarque qu'il nous dit (p. 382) « l'hypnotisme peut être la cause
9 ou le prétexte de grands dangers : ce N'EST pas dans la SUG-
« gestion que résident ces derniers; il avait écrit dix pages plus
« haut) : L& suggestion EST certainement une arme dangereuse ».
Mais nous nous arrêtons a une seule et même opinion, M. Liégeois,
et nous vous aurions été obligé de] ne pas nous mettre, malgré
nous-même, en contradiction devant ceux de vos lecteurs qui
ne possèdent pas notre livre, car la phrase est ainsi conçue :
VARIA. 161
« La suggestion est certainement une arme dangereuse ; mais de
la ti la charger de toutes les malédictions, jusqu'et en faire un danger
public il y a fort loin. » La voici notre opinion, et cette fois coin-
plète, comme la phrase qni l'exprime, celle que nous émettions
il y a deux ans et dans laquelle les faits heureusement du
reste n'ont fait que nous confirmer.
Nous nous arrêterons là dans cette discussion et dans l'analyse
du livre de M. Liégeois, dont à notre tour nous ne voulons
« méconnaître ni les mérites, ni les excellentes intentions ».
Nous l'engageons cependant à méditer la vieille formule c Qui
veut trop prouver, ne prouve rien » et étant donné les bizarres
théories médicales qui émaillent à chaque page l'ouvrage de
notre auteur, nous avons bien peur que l'Ecole de Nancy ait
trouvé en lui le malencontreux ami de la fable.
Gilles DE L1 TuuRrTrL.
VARIA
Afin de dégager notre responsabilité au sujet de l'arrêté minis-
tériel qui fixe les conditions du concours pour les places de méde-
cins adjoints dans les asiles, nous publions le rapport que nous
avons été chargé de faire sur cette réforme. ·
Rapport SUR l'orgvnisation d'un concours pour l'admission aux
emplois de médecins adjoints des asiles d'aliénés, au nom de la
Commission spéciale composée de MM. 13ouawEwLLS médecin de
Bicêtre, député de la Seine, président, 1)0-\Nt,T, médecin direc-
teur de l'Asile de Vaucluse, et Giiuud, médecin directeur de
l'Asile S'-Yon.
Monsieur le Ministre)
Par Un arrêté en date du 0 mars dernier, et conformément à
un avis du Conseil des inspecteurs généraux des établissements de
bienfaisance et des asiles d'aliénés, vous nous avez chargés d'étu-
dier le meilleur mode de concours à organiser pour l'admission
aux emplois des médecins adjoints des asiles publics d'aliénés.
La commission s'est réunie le samedi 17 mars. Elle a pris connais-
sance aussitôt après son installation par AI. Monod, directeur de
l'Assistance publique et des institutions de prévoyance, des docu-
ments mis à sa disposition par l'Administration et elle a retenu
comme base de sa discussion le rapport fait au Conseil des ins-
Arciuyes, t. XVII. 11 l
- 162 VARIA.
l'accompagne. Elle n'avait pas à se préoccuper de la question de
principe, c'est-à-dire du recrutement des médecins adjoints par le
concours, puisque ce mode de recrutement est admis dès mainte-
nant par vous. C'est en effet le meilleur moyen d'apprécier l'in-
telligence et les connaissances des candidats. Il y a longtemps
' d'ailleurs que le Conseil général de la Seine en a réclamé le réta-
blissement pour le recrutement du personnel médical de ses
asiles. Nous disons le rétablissement et non pas l'institution, car
le Concours a existé jusqu'en 1839 pour les quartiers d'hospice
de ]31cêLi,e et de la Salpêtrière qui ont constitué durant une longue
période les seuls asiles consacrés aux aliénés dans le départe-
ment. Le Concours supprimé par l'Empire a été rétabli en l8î9
par M. Herold, préfet de la Seine, pour ces deux établissements.
De plus, M. Ilerold avait ultérieurement décidé que la place de
médecin adjoint de l'Asile clinique (Sainte-Anne) serait donnée à
lasuite d'un Concours analogue à celui des médecins des quartiers
d'aliénés de l31cêlre et de la Salpêtrière. Il n'avait pas voulu
étendre ce mode de nomination au recrutement des médecins en
chef de Sainle-Anne', Vancluse et Ville-Evrard, malgré son vif
désir, parce que la question était soumise à l'étude de la Commis-
sion ministérielle chargée d'étudier les réformes que peuvent conz-
porter la législation et les règlements concernant les asiles d'aliénés.
Le cinquième groupe de cette commission, ainsi que le rappelait
M. Regnard, avait formuié ce voeu que les médecins adjoints et
les médecins en chef des asiles fussent nommés au concours 2.
Ceci rappelé, voyons comment il convient d'organiser le con-
cours. Les uns ont proposé de faire un concours central et unique
pour toute la France ; les autres défaire des concours régionaux,
et en particulier de faire un concours spécial pour les asiles du
département de la Seine. Le Conseil des inspecteurs généraux
s'estralliéau Concours régional. Voici, d'après le rapport de M. Re-
gnard, les raisons qui ont motivé la décision de ce Conseil :
« La première condition pour rendre le concours efficace, dit-il,
est évidemment de s'assurer un nombre suffisant de candidats.
Or, un examen rapide de la question en fait apercevoir de suite
toutes les difficultés. Etablira Paris le siège du Concours pour tous
les départements, en distribuant les candidats heureux de Lille à
lltarseille et de Paris à Nancy, suivant les vacances, parait d'abord
une tentative bien risquée. D'une façon générale, et en niellant à
part les hommes qui ont l'ambition de faire leur chemin à Paris,
' Arrêté du 3 mars 1879.
Botirrieville. Rapport sur le personnel médical et administratif des
asiles d'aliénés.
VARIA. 163
les médecins désireux d'entrer dans les asiles tiennent à rester,
sinon dans leur département d'origine, au moins dans une loca-
lité qui n'en soit pas trop éloignée. Et, comme les places vacantes
ne seraient pas déterminées dans le système d'un concours central
et uni que, beaucoup déjeunes gens seraient certainement détournés
de l'idée de concourir par la crainte d'être envoyés à cent lieues
de leur pays. On ne peut songer d'autre part à instituer le con-
cours par département : il est trop certain que dans beaucoup de
cas, les candidats ne se présenteraient qu'en nombre insuffisant.
« Pris entre les difficultés d'un Concours central et unique, et
l'impossibilité du système par département, vous avez pensé avec
moi, Messieurs, que l'établissement d'un Concours par région pou-
vait résoudre le problème. On prendrait pour centre des villes
possédant des facultés de médecine ou des Ecoles préparatoires,
comme Nancy, Lyon, Lille, Bordeaux, Caen ou Rennes, Angers
ou \antes, etc. Ce serait l'affaire d'une commission spéciale de
déterminer ces centres, qui, d'ailleurs, ne devraient pas être trop
multipliés. »
« S'il m'était permis d'ajouter mon opinion personnelle, ajoute
M. Hegnard, j'émettrais le voeu que le département de la Seine
formât une région à lui seul, tant en raison du nombre de ses
asiles, qu'à cause de sa situation spéciale. Les objections soulevées
contre cette opinion ont été réfutées d'une façon péremptoire, à
mon avis, par le Dr Bourneville, dans le rapport auquel je faisais
allusion plus haut. » . z
« On a objecté, dit-il, la crainte de créer une oligarchie médicale
et aussi celle d'éloigner plutôt les jeunes médecins de la spécialité
des maladies mentales. Mais cette oligarchie médicale existe dès
maintenant pour les médecins des hôpitaux de Paris, pour les mé-
decins des hôpitaux et les professeurs des facultés de médecine
de toutes les grandes villes-. Cette suprématie d'ailleurs est juste,
puisqu'elle repose en général sur la valeur scientifique démontrée
par des Concours répétés et par des publications souvent nom-
breuses. Loin d'éloigner les candidats, le Concours spécial en crée-
rait, car beaucoup d'internes des hôpitaux qui se font inscrire
pour le Concours de médecins ou de chirurgiens se dirigeraient
sur celui des asiles, et cela parce qu'ils pourraient demeurer à
Paris ou dans le voisinage, et rester dans le courant scientifique,
tandis qu'ils ne prendront jamais part à un Concours qui aurait
pour conséquence, s'il se termine en leur faveur, de les éloigner
pour longtemps des asiles de la Seine '. »
1 si, ? - l'organisation du personnel médical et administratif des
asiles d'aliénés, présenté à la Commission chargée d'étudier les réformes
que peinent comporter la législation et les règlements concernant les
asiles d'aliénés, parBOURNF.VILI.F (188,».
164 VARIA.
« Dans tous les cas, messieurs, reprend M. Regnard, si l'on n'ac-
cepte pas la spécialisation de la Seine, eu raison du caractère
insolite que pourrait avoir cette mesure en apparence, vous serez
certainement d'accord avec moi, pour reconnaître qu'on ne peut
joindre aux asiles de ce département, pour former la région dont
il sera le centre que les deux établissements les plus rapprochés,
ceux de Clermont et d'Evreux. »
La discussion s'est engagée sur le premier article de l'Avis du
Conseil des inspecteurs, article ainsi conçu :
« Le Concours devrait être établi par régions, en prenant pour
centre de chacune d'elles soit une faculté, soit une Ecole prépara-
toire de médecine. »
M. Donnet, après avoir rappelé que, suivant le nouveau projet
de loi sur les aliénés, adopté par le Sénat, les médecins adjoints
seront nommés sur une liste de présentation dressée à la suite
d'un concours public, déclare qu'on pourrait peut-être, dans l'in-
térêt de l'étude des maladies mentales dans les Facultés de pro-
vince, organiser au siège de ces facultés, un concours pour les
places de médecins adjoints vacantes dans les asiles du ressort de
chacune de ces Facultés. 11 écarte les écoles préparatoires. Enfin,
il estime que les médecins adjoints d'une région pourront être
nommés médecins en chef ou médecins directeurs dans toutes les
autres régions.
M. Giraud est partisan d'un concours uniqne pour toute la
France. Il croit que l'objection tirée de ce que les candidats pour-
raient reculer devant les frais d'un déplacement, lorsqu'ils rési-
dent loin de Paris ne lui paraît pas fondée. En pratique, les jeunes
docteurs qui désirent devenir médecins d'asile ne se conten-
tent pas de faire une demande écrite; ils viennent faire des
démarches à Paris. En second lieu, il soutient avec M. Donnet
que l'avancement des médecins adjoints ne devrait pas être limité
à la région dans laquelle ils ont été nommés. « Il n'y a pas lieu,
dit-il, de tenir compte des circonscriptions pour la nomination
des chefs de service, car ce serait créer des inégalités parmi les
médecins adjoints. » Ou serait même amené à retarder l'avance-
ment des uns au profit des autres moins méritants, si le hasard
veut que des vacances aient lieu dans telle ou telle région, et l'on
produirait ainsi du découragement.
Il y a dans les asiles des postes de début pour les chefs de ser-
vice. Ce sont les asiles de médiocre importance et loin des grands
centres de population. Si l'on supprime le roulement des chefs de
service au début de leur carrière, on nuira au bon recrutement
des médecins aliénistes, parce que ceux qui acceptent volontiers
une résidence peu agréable avec la perspective d'avoir un poste
plus important quand ils auront acquis do l'expérience et fait
VARIA. 103
leurs preuves se récuseront s'ils doivent passer toute leur carrière
dans ces postes qui sont aujourd'hui des postes de début. Ces
asiles ne seront plus demandés que par des médecins ayant des
intérêts dans le pays, et souvent n'ayant pas réussi à avoir une
clientèle. »
Bouriieville a insisté vivement en faveur d'un concours régio-
nal. C'est un excellent moyen d'exciter l'émulation au sein de
chacune des Facultés, sans compter qu'on est ainsi assuré d'avoir
des candidats en nombre suffisant. Beaucoup d'anciens internes
des hôpitaux de Paris, de Lyon, de Bordeaux, etc., prendront
part à des concours qui ont lieu sous les yeux de leurs maîtres,
de leurs camarades, et qui leur permettront de rester dans le
voisinage de leur pays.
Beaucoup d'anciens internes des hôpitaux hésiteront à prendre
part à des concours qui les exposent à aller comme médecins
adjoints à l'autre extrémité de la France. L'institution du con-
cours et sa spécialisation par régions auront pour résultat d'éle-
ver le niveau du corps médical des asiles d'aliénés.
A la suite de cette discussion, la commission a voté les résolu-
tions suivantes :
Le concours pour les places de médecins adjoints des asiles d'alié-
nés de France devra être établi par régions, en prenant pour centre
de chacune, d'eues les villes qui possèdent une Faculté de médecine
de l'Etat.
Les candidats devront être docteurs en médecine de l'une desdites
Facultés de l'Etat et de nationalité française. Ils seront admis à
concourir dans toutes les régions, suivant leur convenance.
Les médecins adjoints pourront être nommés médecins en chef ou
médecins-directeurs dans toute la France.
La Commission a ensuite examiné s'il y avait lieu de faire un
concours spécial pour les asiles du département de la Seine, en
raison du nombre et de l'importance des asiles qu'il renferme, ou
si, conformément à l'avis du conseil des inspecteurs, « on ne
devra joindre au département de la Seine, pour la région dont
Paris sera le centre, que les deux établissements les plus rappro-
chés, ceux de Clermont et d'Evreux ».
M. Bourneville a rappelé les raisons qu'il avait données autre-
fois en faveur d'un concours spécial pour les asiles du départe-
ment de la Seine : Multiplicité des asiles : (Bicêtre, la Salpêtrière,
Sainte-Anne, Vaucluse, Ville-Evrard, Villejuif, sans compter la
création d'un second asile sur le domaine de Ville-I;vrard) ;
population considérable des aliénés (plus de 10,000) ; candidats
nombreux fournis par l'internat des hôpitaux et l'internat des
asiles; nécessité de relever l'enseignement scientifique de la méde-
cine meutale à Paris et d'avoir dans les asiles d'aliénés un per-
166 VARIA.
sonnel instruit et aussi capable que celui des hôpitaux. Il a ajouté
que si, conformément à l'article 3 de la loi du 10 janvier 1849,
l'administration de l'Assistance publique avait conservé la tutelle
des aliénés, elle aurait procédé pour la nomination des médecins
de Sainte-Anne, Ville-Evrard et Vaucluse, comme elle l'a fait pour
les médecins des quartiers de Bicêtre et de la Salpêtrière et que
les chefs de service de ces asiles seraient médecins des hôpitaux
comme l'étaient ou le sont : \I11. Trélat, Archambautt, Baillarger.
Delasiauve, Moreau (de Tours), J. Voisin, Bourneville, Charpen-
tier, Deny, Ch. Féré et Chaslin.
Cette opinion avait été soutenue énergiquement par M. Herold,
devant la commission ministérielle. 11 avait signalé la nécessité
d'avoir dans les asiles d'aliénés de la Seine des chefs de service
dans la force de i'âge et capables par leurs travaux scientifiques
de contribuer à la bonne renommée de la Faculté de médecine de
Paris.
Ces raisons n'ont pas été acceptées dans leur intégrité par la
majorité de la commission. Mais elle a été unanime pour ad-
mettre que, dans l'intérêt de l'enseignement, il y avait lieu de
demander un concours spécial pour la nomination des médecins
aliénistes chefs de service dans les asiles les plus voisins de
chacune des Facultés, c'est-à-dire :
Pour Paris, les asiles de Sainte-Anne, Bicêtre et la Salpêtrière;
Pour Bordeaux, l'asile de Bordeaux ou du Château Picon ;
Pour Montpellier, le quartier des aliénés de l'hospice Saint-Eloi;
Pour Nancy, l'asile de Maréviile.
Il a été convenu aussi que les conditions de ce concours seraient
équivalentes, autant que possible, à celles des concours pour le
recrutement des médecins ordinaires des hôpitaux. A Paris, par
exemple,' les conditions pour les places des médecins, chefs de
service de l'Asile clinique (Sainte-Anne) seraient les mêmes que
celles qui ont été établies pour les concours des médecins alié-
nistes de Bicêtre et de la Salpêtrière, lesquelles sont calquées sur
les conditions du concours des médecins des hôpitaux. 11 va de
soi que les médecins de Bicetre, de la Salpêtrière et de Sainte-
Anne, nommés au concours, auront la faculté de choisir leurs ser-
vices, comme les médecins des hôpitaux, et au sur et à mesure
des vacances et jouiront des mêmes prérogatives. Il en est de
même pour les Facultés de province où il y avait deux asiles. La
Commission pense que, de cette façon, on exciteraitl'émutation des
médecins adjoints et on rendrait d'inconleslables services à
l'enseignement de la médecine mentale'.
' Le jury Ju concours des médecins aliénistes de Bicètre et de la Sal-
pêtrière se compose de trois médecins ordinaires des hôpitaux et de
quatre médecins aliénistes tirés au sort.
VARIA. d67
La Commission a ensuite abordé l'examen des conditions spé-
ciales du concours et elle a adopté les résolutions ci-après :
Un concours sera ouvert, au chef-lieu de la région, toutes les fois
que le nombre des places vacantes ou des vacances <t prévoir sera de
deux au moins. Le nombre des places données sera supérieur d'une
ci celui des places vacantes.
Cette proposition subsidiaire a été adoptée à la suite de re-
marques présentées par M.Giraud, au sujet des inconvénients que
peut présenter, pour le service, la vacance prolongée d'un poste
de médecin adjoint dans les asiles où il n'y a qu'un médecin de
ce grade. Dès que le médeèin disponible serait placé et qu'il se
produirait une vacance, on procéderait à un concours pour deux
places. Le premier médecin nommé occuperait la vacance et le
second resterait à la disposition de l'administration.
L'avis du conseil des inspecteurs porte « que le jury désigné par
M. le ministre de l'intérieur se composera de médecins en chef
des asiles et d'un inspecteur général des établissements de bien-
faisance, » et il ajoute que « un- professeur de la Faculté ou de
l'Ecole préparatoire de médecine, suivant le cas, pourra être dé-
signé aux lieu et place d'un des médecins des asiles d'aliénés et
que les juges seraient au nombre de cinq.
La Commission a été unanime pour modifier cet article, ainsi
qu'il suit ?
« Le jury sera composé : Il de trois médecins en chef des asiles de
la région; 2° d'un inspecteur général, docteur en médecine; -
3" d'un professeur désigné pur la Faculté de médecine ; 4° d'un
juge suppléant. -Les médecins en chef et le juge suppléant seront
tirés au sort parmi tous les médecins en chef des asiles de la région.
L'avis des inspecteurs généraux indique qu'il y aura deux
épreuves : 1° une question écrite, éliminatoire dans le cas où le
nombre des candidats serait supérieur à trois pour une place;
2° une épreuve orale, comprenant : a) une question de pathologie
interne ou exlerne ; 6) une question portant sur la pathologie
mentale et la médecine légale des aliénés.
La Commission a été unanime à modifier ainsi cet article :
Les épreuves seront au nombre de quatre : 1° une question écrite,
portant sur l'analomie et la physiologie du système nerveux, pour
laquelle il sera accordé trois heures au candidat. Le maximum des
points sera de trente;
21 Une question orale portant sur la médecine et la chirurgie ordi-
naires, pour laquelle il sera accordé vingt minutes de réflexion et
quinze minutes pour la dissertation. Le maximum des points sera de
vingt. Cette seconde épreuve sera éliminatoire dans le cas où le nombre
des candidats serait supérieur ci trois pour une place;
3° Une épreuve clinique sur deux malades aliénés. Il sera accordé
168 VARIA. ·
trente minutes pour l'examen des deux malades, quinze minutes de ré-
flexion et trente minutes d'exposition. L'un des deux malades devra être
examiné plus spécialement au point de vue médico-légal. Le maximum
des points sera de trente. -
La plupart des concours actuels présentent une lacune regret-
table et sur laquelle nous avons souvent appelé l'attention. C'est
qu'on n'y tient aucun compte des travaux antérieurs des candi-
dats. Aussi ne pouvons-nous qu'approuver l'innovation que de-
mande l'avis du Conseil des inspecteurs. Sur ce sujet, la Commis-
sion s'est arrêtée à la rédaction suivante :
4° Les travaux scientifiques antérieurs des candidats seront exami- ? 2és et appréciés par le jury et feront l'objet d'un rapport qui pourra
être communiqué aux candidats sur leur demande. Le maximum des
points sera de dix. Ils devront être donnés au début de la première
séance de lecture des compositions écrites.
La Commission a pensé que le concours pour les places de mé-
decins adjoints devrait être supérieur aux concours habituels de
l'internat et qu'il était, indispensable de se rendre compte si les
candidats avaient étudié non seulement la pathologie mentale,
mais encore et surtout la clinique mentale.
Tel est, monsieur le Ministre, le résultat des travaux de laCom-
mission que j'ai été chargé par elle de vous transmettre. Elle es-
père que vous accepterez les propositions qu'elle vous soumet et
que, dans un délai très rapproché, vous voudrez bien organiser le
concours pour le recrutement des médecins adjoints de lous les
asiles de France et un concours spécial pour les places de méde-
cins-chefs de service dans les asiles d'aliénés, situés dans le voisi-
nage des six Facultés de médecine de France.
La Commission s'est réuniele mercredi, 9 mai, pour entendre
la lecture du rapport qui précède. Elle en a approuvé les termes
et en a adopté toutes les conclusions que nous reproduisons
ci-après.
CONCLUSIONS.
I. -Le concours pour les places de médecins adjoints dans les
asiles d'aliénés de France, devra être établi par régions, en pre-
nant pour centre de chacune d'elles, les villes qui possèdent une
Faculté de médecine de l'Etat. Les candidats devront être docteurs
de l'une desdites Facultés de l'Etat et de nationalité française.
Ils seront admis à concourir dans boutes les régions, suivant leur
convenance.
)).Les médecins adjoints pourront être nommés médecins
en chef ou médecins-directeurs dans toute la France.
VARIA. 169
IK. Il sera installé un concours pour la nomination des mé-
decins aliénistes chefs de service dans les asiles les plus voisins de
chacune des Facultés, c'est-à-dire pour Paris, les asiles de Sainte-
Anne, Bicêtre et la Salpêtrière ; pour Lyon, l'asile de Bron;
pour Bordeaux, l'asile de Bordeaux; pour Lille, l'asile d'Ar-
mentières; pour Montpeffior, le quartier d'hospice; - pour
Nancy, l'asile de Maréviffe.
Les conditions de ce concours seront équivalentes à celles des
concours pour le recrutement des médecins ordinaires des hôpi-
taux. Dans le cas où il y aurait deux asiles ou quartiers d'asile, il
sera établi un roulement à l'unanimité entre tous les chefs de
service nommés au concours.
IV. Un concours sera ouvert au chef-lieu de la région toutes
les fois que le nombre des places vacantes de médecins adjoints,
ou des vacances à prévoir, sera de deux au moins. Le nombre des
places données sera supérieur d'une à celui des places vacantes.
V. - Le jury sera composé : 1° de trois médecins en chef des
asiles de la région ; 2° ,d'un inspecteur général, docteur en
médecine ; 3° d'un professeur désigné par la Faculté de méde-
cine ; 4° d'un juge suppléant. Les médecius en chef et le juge
suppléant seront tirés au sort parmi tous les médecins en chef de
la région.
VI. Les épreuves seront au nombre de quatre : 10 une qites-
lion écrite portant sur l'anatomie et la physiologie du système
nerveux, pour laquelle il sera accordé trois heures au candidat.
Le maximum des points sera de trente.
2° Une question orale portant sur la médecine et la chirurgie
ordinaires, pour laquelle il sera accordé vingt minutes de ré-
flexion et quinze minutes pour la dissertation. Le maximum des
points sera de vingt. Cette seconde épreuve sera éliminatoire dans
le cas où le nombre des candidats serait supérieur à trois pour une
place ;
3° Une épreuve clinique sur deux malades aliénés. Il sera accordé
trente minutes pour l'examen des deux malades, quinze minutes
d'exposition. L'un des deux malades devra être examiné et dis-
cuté plus spécialement au point de vue médico-légal. Le maximum
des points sera de trente ;
4° Une épreuve sur titres. Les travaux scientifiques antérieurs
des candidats seront examinés parle jury et feront l'objet d'un rap-
port qui pourra être communiqué aux candidats sur leur demande.
Le maximum des points sera de dix. Les points devront être don-
nés au début de la première séance de la lecture des compositions
écrites.
9 mai f888. -
Le rapporteur, BOUR\El'1LLE.
170 O VARIA.
Concours d'admissibilité aux emplois DE médecins "adjoints
des asiles publics d'aliénés DE NANCY.
Dans le numéro de septembre 1888, nous avons publié l'arrêté
de M. le Ministre de l'intérieur organisant le concours pour l'ad-
missibilité aux emplois de médecin adjoint des asiles publics
d'aliénés. Dans le numéro de novembre, nous avons adressé un
certain nombre de critiques à divers articles de cet arrêté.
L'administration a reconnu le bien fondé d'une partie de ces
critiques. Le Journal officiel du 19 novembre contient un arrêté
qui modifie la condition relative à la limite d'Age, et qui admet à
concourir les internes des hôpitaux nommés par le concours ;
malheureusement, il laisse entier l'article 8, sur lequel nous serons
encore forcé, malheureusement, de revenir. Voici les deux nou-
veaux arrêtés :
Le président du Conseil, ministre de l'intérieur : Sur la pro-
position du directeur de l'Assistance publique; vu la loi du 30
juin 1838, l'ordonnance du 18 décembre 1839 et les décrets des
6 juin 1863 et 4 février 1875; vu l'arrêté ministériel du 18 juillet
1888 instituant un concours pour l'admissibilité aux emplois de
médecins adjoints des Asiles publics d'aliénés, arrête :
Article premier. Les docteurs en médecine .nommés par la
voie du concours internes dans les hôpitaux sont assimilés aux
internes des Asiles d'aliénés, et comme tels admis à prendre
part, sous les mêmes condilions, aux concours institués par l'ar-
rêté ministériel susvisé du 18 juillet 1888 pour l'admissibilité aux
emplois de médecins adjoints des Asiles publics d'aliénés.
ART. 2. Le directeur de l'Assistance publique est chargé de
l'exécution du présent arrêté.
Paris, le 24 octobre 1888. Pour le président du Conseil, mi-
nistre de l'intérieur, Le sous-secrétaire d'État : Léon l3ocncrois.
Le président du Conseil, ministre de l'intérieur, Sur la pro-
position du directeur de l'Assistance publique; vu la loi du
30 juin 1838, l'ordonnance du 18 décembre 1839 et les décrets des
6 juin 1863 et 4 février 4815; vu l'arrêté ministériel du 18
juillet 1888, instituant un concours pour l'admissibilité aux emplois
de médecins adjoints des Asiles publics d'aliénés, et notamment
l'article 3, § 3 de ce décret, fixant à 30 ans l'âge maximum auquel
les candidats seront autorisés à y prendre part;
Considérant que, pour les concours à ouvrir eu 1888, il convient
de tenir compte aux docteurs en médecine du stage qu'ils peuvent
avoir accompli comme internes en vue de l'obtention d'un emploi
de médecin adjoint, alorsqu'aucune condition d'âge n'était exigée,
arrête :
, VARIA. 171 1
Article premier. Pourront, à titre transitoire et purement
exceptionnel, être autorisés à prendre part au premier concours
d'admissibilité aux emplois de médecins adjoints des Asiles pu-
blics d'aliénés qui doit avoir lieu en 1888 par application de l'ar-
ticle 4 de l'arrêté ministériel du 18 juillet 1888 susvisé, les doc-
teurs en médecine remplissant les conditions, autres que celle de
l'âge, déterminées par ledit arrêté, et qui, au jour de l'ouverture
du concours, n'auront pas dépassé l'âge maximum de 35 ans.
ART. 3 : Le directeur de l'Assistance publique est chargé de
l'exécution du présent arrêté.
Fait à Paris, le 19 octobre 1888. Pour le président du Con-
seil, ministre de l'intérieur, Le sous-secrétaire d'État :
Léon Bourgeois.
Par application de l'article 4, 1 el de l'arrêté ministériel du 48 8
juillet 1888, un premier concours en vue de l'admissibilité aux
emplois de médecins adjoints des Asiles publics d'aliénés aura
lieu à Lyon, Lille et Bordeaux, le 20 décembre prochain, et a
Paris,Wancyetdlontpellier, le 26 décembre prochain ; le concours
sera ouvert dans chacune des régions indiquées par le tableau
annexé audit arrêté. (Voir le numéro du Progrès médical du 15
septembre).
Les docteurs en médecine satisfaisant aux conditions détermi-
nées par les-arrêtés des 18 juillet et 24 octobre 1888 et qui désirent
prendre part aux concours devront faire parvenir leur demande,
sur papier timbré, au ministère de l'intérieur, direction de l'As-
sistance publique, avant le te, décembre prochain.
Cette demande, qui devra indiquer dans quelle région le can-
didat veut subir le concours, sera accompagnée des pièces ci-
après : 1 acte de naissance; 2° un certificat constatant que le
candidat a accompli un stage d'une année au moins, soit comme
interne dans un Asile public ou privé consacré au traitement de
l'aliénation mentale, soit comme interne nommé au concours
dans un hôpital ; 3° diplômes, états de services, distinctions
obtenues.
En vertu d'une décision ministérielle spéciale du 19 octobre,
les docteurs en médecine âgés de plus de 30 ans, mais remplissant
les autres conditions prescrites par l'arrêté du 18 juillet 1888,
pourront, par exception, être admis à prendre part au concours
du 20 ou du 26 décembre prochain, pourvu qu'à cette date ils
n'aient pas dépassé l'âge de 35 ans.
Les candidats qui seront autorisés par le président du Conseil,
ministre de l'intérieur, à prendre part au prochain concours, en
seront prévenus officiellement en temps utile et recevront égale-
ment les indications nécessaires au sujet du lieu où siégera le
jury d'examen et de l'heure à laquelle ils devront se présenter.
' ! 7 varia.
Assurément, nous sommes très heureux de voir réalisée une
réforme que nous avons réclamée si souvent et nous ne pouvons
que féliciter M. Léon Bourgeois de ce qu'il a fait, tout en regret-
tant l'anomalie de l'article 8. Il est aussi fâcheux qu'un délai si
court, un mois, ait été donné aux candidats pour se préparer. Les
concours ont eu lieu le 20 et le 20 décembre. Voici les renseigne-
ments que nous avons reçu.
Région de la Faculté de médecine (le Lille. Jury : MM. le
Dl Napias, inspecteur général des établissements de bienfai-
sance; le D'' Cortyl, médecin en chef de l'asile de Bailleul;
® le De Martinencq, médecin en chef de l'asile de Clermont; -
le Dr Viret, médecin en chef de Fasile de Prémontré; le
De Castiaux, professeur de médecine légale à la Faculté de Lille.
Epreuves : 1° Epreuve écrite : Cervelet (Anatomie et Physio-
logie); les questions restées dans l'urne étaient : Bulbe, circon-
volutions, plexus cervical. 20 Ep. orale : 1 : r3·sipéle et ses com-
plications ; les questions restées dans l'urne étaient : Etiologie et pro-
phylaxie de la fièvre typhoïde; Panaris. 3° Ep. Clinique : Deux
malades aliénés. Le concours s'est terminé par la nomination de
M. le D Journiac, interne des asiles d'aliénés de la Seine. Il a
obtenu les points suivants : Epreuve sur titre, 8 sur 10; Ep. écrite,
2 : : sur 30; Ep. orale, 14 sur 20; Ep. clinique, 26 sur 30.
Région delà Facultéde médecine de Paris.-Le concours s'est ou-
vert le 26 décembre à la Préfecture de la Seine. Jury : le
1), Regnard, inspecteur général des établissements de bienfai-
sance de l'État, président; le Dr Bail, délégué de la Faculté de
médecine de Paris; le Dr Magnan, médecin de l'asile Sainte-
Anne; Le Dr Faucher, directeur-médecin de l'asile de Limoges;
Le Dr Delaporte, directeur-médecin de l'asile de Quatremares;
M. le D'' Mordret, secrétaire. Candidats : MM. les Des Arnaud,
Dupain, Sérieux, internes des asiles de la Seine, et le Dr Com-
bemale. Question : La question sortie de l'urne est la suivante :
Nerf facial (anatomie et physiologie). Le concours s'est terminé
le 30 décembre, par la nomination par ordre de mérite, de MM.
les Des Sérieux, ARNauD et Co.113E.11,LE. La première place a été dis-
putée avec un acharnement digne de tout éloge, et M. l'Inspecteur
général A. Regnard, a félicité les candidats, au nom du jury, pour
leurs brillantes épreuves.
Région de la Faculté de médecine de Nancy. Deux candidats.
Jury : Président : M. l'inspecteur général inapias. Jurés titulaires :
M. le professeur Hecht, M. le professeur Bernheim, M. le Dl Lan-
glois, médecin en chef de l'asile public de Maréville (Meurthe-
et-Moselle), M. le Dr Sizaret, id. Juré suppléant : AI. le D' Guyot,
secrétaire-médecin de l'asile public de Chztioiis (un second pro-
fesseur de la Faculté de Nancy a dû être désigné pour remplacer
varia. 173 là
le Dr Bayle, malade et parce que la liste des Directeurs-médecins
et médecins en chef de la région était épuisée).
jRë ? ode.Ft<c ! dfëdejBordeaMa ? {Pas de candidat.) Jury :
Président : M. l'Inspecteur général Drouineau ; Jurés titulaires :
M. le professeur Picot, M. le Dr Fabre, directeur-médecin de
l'asile public de Saint-Alban (Lozère), M. le D'' Pons, médecin en
chef de l'asile public de Bordeaux, M. le Dr Bouteille, directeur-
médecin de l'asile public de Barqtleville (Haute-Garonne). Juré
suppléant : M. le D'' Belle, directeur-médecin de l'asile public de
Sainte-Catherine (Allier).
Région de la Faculté de Montpellier. {Pas de Candidat.) Jury :
Président : M. l'Inspecteur général Drouineau; Jurés titulaires
M. le professeur Mairet, M. le Dr Dauby, directeur-médecin
de l'asile d'Aix (Bouches-du-Rhône), M. le D1' Campagne, médecin
en chef de l'asile public de Mont-de-Vergues (Vaucluse), M. le
Dr Boubila, médecin en chef de l'asile public de MarseUie;JM'c
suppléant : M. le docteur Gallopain, directeur-médecin de l'asile
public de Pierrefeu (Var).
Région de la Faculté de Lyon. Le concours est ouvert le 20 dé-
cembre. Jury : Président : M. l'Inspecteur général, A. Re-
gnard. Jurés titulaires : MAI. les Drs Pierret, professeur de cli-
nique des maladies mentales à Lyon, médecin en chef de l'asile
de Bron; Danis, directeur-médecin de l'asile public de Saint-Di-
zier (Haute-Marne) ; Boudrie, directeur-médecin de l'asile de Bas-
sens (Savoie) ; Dumaz, directeur-médecin de l'asile de Dijon (Côte-
d'Qr). Juré suppléant : Dr Rousseau, directeur-médecin de
l'asile d'Auxerre (Yonne). Les candidats ont eu à traiter la ques-
tion écrite suivante : Anatomie et physiologie du lobe pnriéto-frott-
tal. Le concours s'est terminé par la nomination de MM. Ciiaujiier
et BRTII01(CUi'. ·
Bien qu'il n'y ait pas eu de candidats dans la région des Fa-
cultés de Bordeaux et de Montpellier, ce qui explique d'ailleurs
l'insuffisance du délai accordé, ce premier essai de concours a
donné de bons résultats. Ceux qui ont été nommés ont fait de
bonnes épreuves.
Il est évident que l'institution du concours a un premier effet,
c'est d'éliminer les candidats qui ne travaillent pas. Après la
mort du Dr Bertliier, médecin de Bicêtre, il y a eu une vingtaine
de demandes adressées à l'administration préfectorale pour la
nomination directe. Lorsque le concours a été institué, il n'y a eu
que six candidats.
Avis aux Auteurs et aux Éditeurs. Tout ouvrage dont il nous sera
envoyé un seul exemplaire sera annoncé. Il sera fait, s'il y a lieu, une ana-
lyse de tout ouvrage dont nous recevrons deux exemplaires.
Coure (A.). -Les criminels (caractères physiques et psychologiques).
Volume Ili-16 de 113 pages, avec î3 tig. 1889. - Librairie 0. Duin.
FAITS DIVERS.
Asile D'.1LIÉ1ÉS. - Nominations : M. le Dl ROUILL.In1), chef de la
clinique des maladies mentales à l'asile clinique (SaitiLe-Aiine), est
nommé, par arrêté du 12 novembre, médecin adjoint et compris
dans la 2° classe à partir du le, novembre. M. le if Mole, mé-
decin adjoint à l'asile public d'aliénés de Saint-Venant, est nommé,
par arrêté en date du 2 novembre, aux mêmes fondions à l'asile
public de Braqueville (Haute-Garonne), en remplacement du
D'* BARANDON, maintenu à la classe exceptionnelle.
Asiles d'aliénés de la SEtNH. Concours pour la bourse de
voyage des internes. Ce concours s'est terminé le 19 novembre.
La lecture des compositions a eu lieu dans l'une des salles de la
caserne Lobau (annexe de 1'llôtel de Ville) et les épreuves clini-
ques à la Salpêtrière. La bourse de voyage a été décernée à
M. AR,4AUD, qui a obtenu 89 points sur 100. Le prochain concours
aura lieu en 1891. 11 est vivement.a désirer que les internes des
quartiers d'aliénés de Bicêtre et delà Salpètrière y prennent part.
Concours pour l'internat en médecine. Le jury est ainsi
composé : médecins des asiles, MM. les D's Dagonet, médecin hono-
raire ; Aug. Voisin (Salpêtrière); Bouchereau (Sainte-Anne);
Febvré (Ville-Evrard); - Espiau de La Maestro, honoraire; -
2° médecin des hôpitaux : M. le Dr Huchard, médecin à Bichat;
S..., chirurgien des hôpitaux; M. le D'' Picqué, chirurgien du
bureau central. La composition écrite a eu lieu lundi 10 dé-
cembre. La question donnée a été : Cordon postérieur de la moelle
{anatomie et physiologie). Les candidats sont au nombre de 17 pour
8 places. Les questions restées dans l'urne étaient : ÀV. moteur
oculaire commun (a. et p.); Corps striés (a. et p.).
Les questions posées à l'épreuve orale ont été : 1° luxation de
l'épaule; signes et diagnostic de l'insuffisance aortique; 2° fracture
compliquée des jambes et signes, et diagnostic de l'érysipèle de la face ;
3° plaies pénétrantes de l'abdomen; lyphlile.
Huit candidats seulement ont été nommés comme titulaires et
quatre comme provisoires. Voici les noms des candidats, dans l'ordre
de nominations : 4. RoubinovitcU; 2. Bécbet; 3. Berber; 4. Bied-
der ; 5. A. Marie ; 6. Blin; 7. Bernard; 8. Ravé. - Les provisoires
sont : 1. MM. Guérin ; 2. Vigoureux; 3. Barazère; 4. 1'argo·la.
Concours pour l'internat en pharmacie. Le tirage au sort
des membres du jury du concours pour l'internat en pharmacie
dans les asiles publics d'aliénés de la Seine, a donné les résultats
ci-après : 1° pharmaciens des asiles : juré titulaire, M. 1'liabuis
(Vaucluse); jurés suppléants, MM. Magnin (Ville-Evrard), et
FAITS DIVERS. 175
Requier (Villejuif); 2° pharmaciens des hôpitaux : jurés titu-
laires, MM. Deret (hospice d'Ivry), Lutz (hôpital Saint-Louis),
Rourgoin, directeur de la Pharmacie Centrale; jurés supplémen-
taires, MM. Guinoehet (Charité), Lafont (Cochin), Samnié-Moret
(Enfants-Malades), Vialla (Bicêtre), Leidié (Necker); 3° pharma-
cieus de la ville : juré titulaire, M. Yvon (7, rue de la Fcuilladc);
jurés supplénietita ires, Viier (1'), boulevard Bonne-Nouvelle),
Schmidt (24, boulevard du Temple), Champisny (29, rue de Clichy),
Desnoy (17, rue Vieille-du-Temple).
Asiles d'aliénés de l'étranger. Décret restrictif contre l'ad-
mission des aliénés dans les asiles 2^'ivcs en Pi,tisse. Le Comité
central des Sociétés médicales d'arrondissement de Berlin a rédigé
le manifeste suivant, le 19 octobre dernier :
Considérant que le décret ministériel du 19 janvier dernier relatif à
l'admission des aliénés dans les asiles privés est propre au plus haut
point à déterminer un conflit entre les médecins fonctionnaires et les
médecins non-fonctionnaires; considérant en outre que non seulement
ce décret lèse les intérêts matériels du public et des médecins praticiens,
mais encore et surtout qu'il met en suspicion l'honorabilité et les capa-
9 cités de ces derniers. La Société des médecins de la ville de Berlin
(Friedrich-Wilhelm-Stadt, Berlin) invite instamment les chambres médi-
cales à soutenir, résolument, les intérêts les plus légitimes des médecins
praticiens contre ce décret.
11 sera de règle qu'un certificat basé sur l'examen du malade
soit dressé par le Physikus ou le chirurgien du district (Crets) où
habite l'aliéné. Le certificat devra porter que le malade qu'il vise
est aliéné, qu'il est atteint de telle ou telle forme d'aliénation
mentale, et qu'il est nécessaire qu'il soit admis dans un asile
d'aliénés. Si le malade en question a déjà été traité ou observé
par un autre médecin pendant l'affection actuelle, on y joindra,
s'il est possible, un rapport de ce dernier relatif à la genèse et à
l'évolution de la maladie ; ce rapport aura été présenté au Kreis-
physib-iis, et il accompagnera le certificat. Dans les cas urgents,
notamment quand l'aliéné constitue un danger public, son admis-
sion s'effectuera provisoirement de par la présentation d'un cer-
tificat détaillé et circonstancié de n'importe quel médecin diplômé,
mais ce malade devra être examiné, dans les vingt-quatre heures
qui suivront l'admission par le physikus du district où siège l'éta-
blissement. Dans les cas douteux, on pratiquera un nouvel exa-
men à de courts laps de temps, et le physikus devra établir un
certificat concluant au maintien de l'admission provisoire ou à
l'immédiat élargissement.
1 Le A ? ei. ! p/;y.<t7t;M est le médecin d'arrondissement olliciel de l'em-
pire; il en est de même du chirurgien d'arrondissement {Krciswa71dar : l).
Voy. R. Blanchard : Universités allemandes, bureaux du Progrès rctédi-
(,al; et 1). Loyi : , Progrès médical, ilo 1 : 1, 1888.
176 . FAITS DIVERS.
'l'elle est la question brûlante qui a dû être soumise il la séance
de novembre aux chambres médicales de la province de Bran-
debourg et du cercle de la ville de Berlin. Elle parviendra
ensuite aux chambres médicales des autres provinces. A raison
des motifs exposés, déjà adoptés par la Société psychiatrique
de Berlin et la société médicale des districts gouvernementaux
de Cologne et de Coblenz, il est à espérer, dit le rédacteur de
la Berlila. Min, lYoclectascliri/t, auquel nous empruntons cette
nouvelle (voyez nos 4b et 4G, p. 920 et 939) que la manière de voir
consignée dans la rédaction précitée sera unanimement partagée.
Assistance DES Enfants idiots. Dans sa session d'août dernier,
le conseil général de la Dordogne, sur la proposition de
MM. les Dis Gadaud, Poarteyron, Clament, a émis un voeu ten-
dant iL ce qu'il soit créé des asiles spéciaux pour les enfants idiots
et arriérés. Nous enregistrons cette nouvelle avec la plus vive
satisfaction, car elle démontre que la réforme sur laquelle nous
avons insisté tant de fois et dans bien des circonstances, a fini
par fixer l'attention et finira par aboutir.
Faculté DE médecine DE MoNTPELLIER. M. Mairet, vient d'être
nommé professeur de clinique des maladies mentales et nerveuses.
Médecins aliénistes sénateurs. M. le Dr DoixLT, médecin-
directeur de l'Asile de Vaucluse, a été nommé sénateur de la Haute-
Vienne et a donné sa démission de médecin-directeur à la date du
31 décembre.
REVISION DF. la LOI de 1838 sur les aliénés. Dans la séance
du 27 décembre, la commission de la Chambre des députés a
nommé M. BOUR.IEVILLE, rapporteur.
' Voir Progrès médical, n1" 43, iG et 18.
Avis A nos Adonnés. L'échéance du 1 ? janvier
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos abonnés de nous envoyer le plus tôt pos-
sible le montant de leur renouvellement. Ils pourront
nous adresser ce montant par mandat-poste, en laissant
ci notre charge tous les frais d'expédition de ce mandat.
Nous leur rappelons que, ci moins d'avis contraire, la
quittance, augmentée des frais de recouvrement, leur sera £
présentée le 2 : i janvier. Nous les engageons donc, pour
éviter ces frais, ci nous envoyer de suite le montant de
leur renouvellement.
Le rédacteur-gérant, l3ounnewm.e.
Evreux. Ch. 11ÉRissry, imp,- 189.
Z Tableau III. TABLEAU DE LA FORME CENTRALE SPINALE POSTÉRIEURE I
) ? -
CATSARAS. Tableau IV. TABLEAU DE LA FORME SPINALE UNILATÉRALE. Variété intramyélitique ou intraspinale
Vol. XVII. Mars 1889. NI 50.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
ANATOMIE
RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES CORDONS POSTÉRIEURS
' DE LA MOELLE ÉP1NIÈRE DE L'HOMME ;
Par le Professeur N. POPOFF, de Varsovie.
Les cordons postérieurs de la moelle épinière de
l'homme, présentant une région nettement séparée
des régions voisines, se divisent, comme on le sait, en
deux faisceaux : l'interne ou celui de Goll, qui se dis-
tingue par des fibres plus fines, adhère à la scissure
postérieure et se détache nettement du faisceau externe
de la partie cervicale, où sa limite extérieure, formée
par une cloison de tissu conjonctif fortement dévelop-
pée, prend naissance au sulcus intermedius posterior
(l3elliujeri); le faisceau externe, dit faisceau de Bur-
dach, occupe le reste des cordons antérieurs, touchant
au bord interne de la corne antérieure et des racines
postérieures.
Fleclisi ? d'après ses études du système nerveux
central, selon la méthode du développement embryon-
naire, confirme pleinement une telle subdivision. Au
' Die Leiti411gsbah ? ten iiee Gehim und, Ruckenmark des Menschen. An'
née 1876.
Archives, t. XVII. 12 ?
- 178 ANATOMIE.
moyen des coupes qu'il a pratiquées dans la moelle
épinière des foetus, à différentes époques d'évolution,
il a trouvé que les cordons de Burdach (Grundbündel
der Hinterstrange d'après Flechsi- se manifestent déjà
dès la quatrième semaine de la vie intra-utérine; mais
ce n'est que quatre mois plus tard que les fibres de ces
faisceaux reçoivent leur enveloppe de myéline. Quant
aux faisceaux de Goll, d'après Flechsig, ils ne se forment
que beaucoup plus tard, au début du troisième mois,
et ne se revêtent de myéline que vers l'issue dusixième
ou au commencement du septième mois de la vie foe-
tale.
Le professeur Bechterefï1, continuant les recherches
de Ftechsig, se servant de la méthode perfectionnée
de coloration de Veigert, a constaté que la division des
cordons postérieurs sus-mentionnée manquait d'exac-
titude, ces derniers consistant de trois et non de deux
faisceaux. Il se base sur le fait que les foetus de cinq
à six mois, dont les cordons postérieurs commencent
à peine à se recouvrir de myéline, ne l'obtiennent
pas sur toute l'étendue des cordes de Burdach, ainsi
qu'on aurait pu le supposer, mais rien qu'à leur bord
externe, le long de toute la limite interne des cornes
postérieures jusqu'à la commissure postérieure. Une
division de cette nature des faisceaux de Burdach était
encore à observer chez des foetus d'un développement
plus avancé (au commencement du septième mois de
la vie intra-uterine) dans les cordons postérieurs, où
les faisceaux de Goll étaient encore dépourvus de myé-
line. Quand la portion antéro-externe contenait des
' Ueber die Bestandtheile der ttinlerslrange des Ruekenmarks a : c%Grur : d
der Unlersachrtng. Neurol. ihrer Enlwicldung Centralb., 1885, n" 2.
DES CORDONS POSTERIEURS' DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 1 î )
fibres dont l'enveloppe à myéline était déjà sensible-
ment développée, les faisceaux postéro-périphériques,
contigus à ceux de Goll, offraient encore une couche
de myéline mince et délicate. Bechtereff, à ce qu'il me
paraît, rapporte le dépôt de myéline dans les cordons de
Goll à une époque plus éloignée, que ne le fait Flechsig,
généralement vers la fin du septième ou le commence-
ment du huitième mois de la vie utérine.
Ayant étudié la structure du système nerveux cen-
tral aussi d'après la méthode du développement em-
bryonuaire' et fait des investigations sur la moelle
épinière des embryons, principalement dans la se-
conde moitié de leur vie utérine, j'ai dû de mon côté
1 Je durcis la moelle épinière dans une solution de 2 p. 100 de bichro-
mate de potasse,.les coupes furent obtenues à l'aide du microtome de
Chanz et colorées d'après le procédé de Weigert. La moelle épinière d'un
foetus étant généralement très fragile, il est très difficile d'obtenir des
couches minces, d'après la méthode adoptée de plonger des fragments de
la moelle dans de la paraffine. C'est pourquoi le système d'immersion
des morceaux (jans de la celloïdine, employé actuellement au laboratoire
du professeur Flechsig, à Leipzig, mérite d'étte particulièrement noté,
bien que ce mode soit assez compliqué. Il consiste en ce que les fragments
de la moelle épinière, suffisamment durcie dans du bichromate de po-
tasse, soient ensuite déposés dans de l'esprit-de-vin, où ils demeurent au
moins vingt-quatre heures, et ensuite dans de l'alcool absolu coupé de
moitié d'éther sulfurique, où on les conserve selon leur dimension de
deux a quatre jours. Il est important de ne pas laisser ces morceaux
trop longtemps dans ce mélange, vu qu'il dissout la myéline et par cela
même rend l'examen ultérieur difficile. La formation d'un léger trouble
autour de la préparation sert d'indice qu'il faut la retirer sans retard.
La solution de la celloïdine dans de l'éther sulfurique, où^la préparation
est ensuite tiansférée, ne doit pas offrir une consistance plus forte que
celle d'un léger sirop, où les morceaux de la moelle doivent rester de
deux à quatre jours, pour être mis ensuite dans une solution plus dense,
où ils demeurent de deux à trois jours, et, enfin, dans une solution des
plus concentrées, où elles durcissent définitivement sous l'action de l'éva-
poration lente de l'éther. Les fragments fixés ensuite au moyen de cel-
loidine a des bouchons de bois se laissent aisément trancher et les coupes
obtenues se distinguent dans ce cas par une solidité qui facilite toutes
les manipulations suivantes.
L'huile de girofle, qui sert a éclaircir les coupes, dissout entièrement la
celloïdine.
180 ANATOMIE.
ratifier l'opinion de Bechtereff par rapport aux élé-
ments constituants des faisceaux de Burdach, mais sur
des coupes de la moelle épinière des foetus plus déve-
loppés, j'ai pu également me convaincre que les fais-
ceaux de Goll ne reçoivent pas simultanément leur
enveloppe à myéline. On a pu observer sur des coupes
de la moelle épinière des embryons au neuvième mois
de leur vie utérine, que les fibres des parties internes
des faisceaux de Goll possédaient déjà une couche de
myéline complètement formée, tandis que ceux de
leurs parties externes, qui limitent les cordons de
Burdach, en étaient encore presque dénués. Dans la
partie cervicale de la moelle épinière, où les faisceaux
de Goll sont les plus accentués, ce phénomène s'ex-
prime avec encore plus de précision, d'autant plus
que la présence de la cloison du tissu conjonctif sus-
A, Scptiiin posterius. J ! , La poition interne du faisceau de Goll. - C, 1 a porlion
externe du faisceau de Goll. I). Le faisceau de Burdach. - 1)' Lu portion posléio-
penphen<)neduYaisseandcUtud.n'h.E,J.apic-mi;re.
DES CORDONS POSTÉRIEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 181
mentionnée, servant de limite avec les faisceaux de
Goll et à ceux de Burdach, donne la possibibité d'af-
firmer avec certitude, que les portions dépourvues de
myéline font -partie du territoire de faisceaux grêles
(flq. 3 et 4).
Sur les coupes de la partie thoracique supérieure
(P. ni) de la moelle épinière, le tableau ci-dessus dé-
crit est moins précis, bien qu'on puisse y observer que
les parties des faisceaux de Goll avoisinant la scissure
postérieure, possèdent une couche de myéline infini-
ment plus développée que les extérieures, quoique les
limites de ces dernières soient beaucoup moins mar-
quées.
J'ai pu constater, comme cela est indiqué plus
haut, la même différence entre les portions externes
et internes des faisceaux de Goll sur les coupes de la
moelle épinière des embryons d'un âge comparative-
ment moins avancé, à peu près au commencement du
neuvième mois de la vie utérine, mais la limite externe
des faisceaux de cordons de Goll, privés de myéline,
ne tranchait pas assez sur les parties adjacentes de
ceux de Burdach, dont la couche de myéline est en-
core plus mince que celle des parties autéro-externes,
d'où il résulte que le tableau perd considérablement
de sa clarté. Le motif de ce que les fibres des fais-
ceaux de Goll ne se recouvrent pas simultanément de
myéline, mais se partagent sous ce rapport en deux
groupes, se trouve -probablement dans la dualité de
leur origine (flq. 5, G et 7). '
Une partie des fibres, d'après Flechsig, part de cor-
dons de Clark et de leur circonférence immédiate, se
dirige d'avant et de dehors en arrière et au dedans et
182 ANATOMIE. DES CORDONS POSTÉRIEURS DE LA MOELLE.
atteint ainsi la région des faisceaux de Goll ; la seconde
partie de fibres forme avant sa jonction à la substance
blanche la partie intégrante de la commissure posté-
rieure ; ces fibres émergent des cornes postérieures,
le long du bord antérieur des cordons postérieurs, elles
pénètrent dans la commissure postérieure et ayant
atteint la ligne médiane, changent brusquement de
direction qui devient sagittale et arrivent au septum
posterius. Le septum contient encore des fibres, pro-
ÉTUDE DE l'ÉTIOLOGIE DU TARES. 183
venant, comme celles de la première partie, des cordons
de Clark. J'ai pu constater sur mes préparations, que
les fibres de la commissure postérieure étaient encore
privées de la myéline, ou n'en avaient qu'une faible
quantité, quand les fibres des cordons de Clark se dis-
tinguaient déjà par une enveloppe complètement dé-
veloppée, offrant le même volume que celles de la por-
tion antérieure des faisceaux de Goll (fiq. 5, 6, 7).
Me basant là-dessus, je suis enclin à croire que les
fibres des faisceaux de Goll, qui débouchent des cor-
dons de Clark, se trouvent dans l'intérieur même de
ces faisceaux, tandis que les fibres de la commissure
postérieure constituent la partie externe. Quant à
l'extrémité de ces deux genres de fibres, il est évident
qu'elles la trouvent simultanément dans le bulbe,
dans les noyaux de faisceaux grêles.
PATHOLOGIE NERVEUSE
CONTRIBUTION A L'ETUDE DE L'ETIOLOGIE DU TABES;
Par le Dr L. MINOR,
Privat-docent à l'Université de Moscou.
I. SYPHILIS ET TARES.
La coïncidence excessivement fréquente du tabes
avec l'existence de la syphilis dans le passé du malade
a été reconnue par les médecins, grâce à une longue
série d'observations consciencieuses et importantes et
184 ' PATHOLOGIE NERVEUSE.
par la voie de la statistique. Selon quelques auteurs,
cette coïncidence se rencontre dans 90 p. 100 des cas
de tabes'. Il n'est donc-pas surprenant que, se basant
sur ce fait, la plupart des neuropatholo-istes aient
acquis la certitude de l'existence d'un rapport intime
entre la syphilis et le tabes ; cette certitude est encore
renforcée chez les neuropathologistes par de petites
statistiques de cas de tabes dressées personnellement
par chacun d'eux, statistiques qui sont relativement
faciles à établir grâce à la fréquence de cette maladie.
Parmi les statistiques de cette espèce, M. Moebius a
parfaitement apprécié la juste valeur de celle des cas
de tabes chez des femmes.
Et cependant, malgré cette masse de données sta-
tistiques, la question du rôle étiologique de la syphilis
dans le tabes est loin d'être résolue, même en ce qui
concerne le point capital, c'est-à-dire l'admission
même de l'existence de ce rapport, et je ne crois pas
me tromper en citant au nombre des auteurs qui sont
loin d'être d'accord avec les conclusions de MM. Four-
nier, Erb et Strümpell, les noms d'autorités médi-
cales comme MM. Charcot et Lancereaux, en France,
Westphal en Allemagne et Nothnagel et Leyden à
Vienne.
Vu cet état de la question, il nous semble que de
nouvelles données statistiques, et surtout des données
qui peuvent fournir de nouveaux points de départ
pour la solution de cette question, ne peuvent être
regardées comme superflues et inutiles pour l'éclair-
cissement de contradictions si fondamentales.
' Voir Strumpell. Neurol. CeitrulGlntt, n° 19, p. 439,
ÉTUDE DE l'ÉTIOLOGIE DU TABES. '185
C'est en me fondant sur ce point que je me per-
mets de présenter ici quelques données concises sur
l'histoire de huit cas de tabes observés par moi sur
des femmes pendant ces deux dernières années, soit
dans ma clientèle privée, soit à l'hôpital.
Observation I.
Mm0 A. S..., cinquante ans. Tomba malade à l'âge de trente-
huit ans environ. Chronologiquement, les premiers symptômes
furent des constipations et, de temps à autre, des rétentions
d'urine; à l'âge de quarante et un ans, se produisirent des accès
ressemblant à des crises gastriques; l'année suivante, un vacille-
ment à yeux clos; à quarante-cinq ans, douleurs lancinantes dans
les jambes et hyperesthésie cutanée très prononcée; la même
année, arthropathies labétiques caractéristiques accompagnées de
vomissements violents et d'un redoublement des douleurs lanci-
nantes.
En 1886, outre les phénomènes indiqués plus haut, j'ai constaté
l'absence du réflexe rolulien dans une jambe (dans l'autre l'examen
était impossible à cause de l'artUropathie). Force normale dans
les membres inférieurs; diminution notable de la sensibilité, tant
dans les parties profondes des articulations atteintes qu'à la surface
des jambes (dans ces dernières, la sensibilité à la température et
la sensibilité farado-edtatiée ont surtout baissé). Myose très pro-
noncée dans les deux yeux et symptôme d'Argyl-Robertson.
Antécédents. Il n'a pas été possible de trouver d'hérédité de
famille. A l'âge de vingt-deux ans et en parfait état de santé, la
malade épousa un ivrogne atteint peu avant le mariage de syphi-
lis ; plus tard, la malade eut des maux de gorge, fut atteinte
d'ulcères dans le pharynx, mais, à part cela, elle ne peut indiquer
aucun autre symptôme qu'on puisse rattacher à une infection
syphilitique antérieure.
Observation II.
A. S..., trente ans, femme de chambre, célibataire; a eu un
enfant. Entrée le 20 octobre ISSU, à l'hôpital pour les ouvriers,
section de la f3asmannaïa. Une année et demie avant d'être
admise à l'hôpital, la malade souffrait de froid et de douleurs
lancinantes dans les jambes, et d'une sensation de ceinture très
marquée. Plus tard parurent encore un engourdissement dans les
fesses et les reins et un vacillement à yeux clos. De temps à autre,
186 PATHOLOGIE NERVEUSE.
les douleurs lancinantes étaient accompagnées de vomissements
de masses bilieuses et de masses acides. Pendant son séjour à
l'hôpital, la malade fut atteinte à plusieurs reprises de diplopie.
Etat actuel (examen fait par moi, en août 1887). Outre les
symptômes déjà indiqués, la malade présente les suivants :
affaiblissement de l'ouïe dans les deux oreilles; myose marquée
et symptôme d'Argyl-Hobertson; de plus, certaine faiblesse dans
le bras droit remarquée depuis peu; ataxie très prononcée dans
les membres inférieurs pendant la marche et pendant les mouve-
ments au lit. Lorsqu'elle ferme les yeux, la malade tombe à l'ins-
tant. Force des jambes parfaitement normale; pas d'atrophie.
Sensibilité à la douleur très diminuée, surtout à la plante des
pieds'où une piqûre lui fait l'effet d'un simple contact. Retard
dans la transmission des sensations et polyesthésie (S. ressent
deux ou trois fois la même piqûre). Confusion dans l'estimation
de la place où se produisent les sensations tactiles (elle prend
souvent lajambe gauche pour la droite et vice versa). Sens mus-
culaire assez normal. Réflexes rotuliens totalement abolis dans les
deux jambes. (Je crois nécessaire de faire remarquer que tous les
examens ont été faits dans ces huit cas avec beaucoup de soin et
par moi-même, les réflexes rotuliens, dans les huit cas, ont été
examinés soit simplement, soit par le procédé de Jendrassik).
Je ferai remarquer un fait intéressant survenu dansle cours de
la maladie : c'est une amélioration considérable dans les dou-
leurs lancinantes après un état de fièvre assez aigu que la malade
eut à supporter pendant son séjour à l'hôpital (à en juger parles
remarques du médecin qui la soignait alors, il s'agissait proba-
blement d'une érésypèle de la face).
Antécédents. Les parents, les frères de la malade jouissent tous
d'une santé excellente; une de ses sceurs était autrefois anémique,
mais actuellement elle se porte bien. La malade n'a ni abusé, ni
même usé de boissons alcooliques ; elle ne se souvient pas d'avoir
jamais été atteinte de quelque affection nerveuse ou de quelque
autre maladie grave.
Il y a dix ans, elle eut des ulcères aux organes génitaux après le
coït; les médecins y reconnurent la syphilis et la malade entra
à l'hôpital de la Miassnitzkaja (réservé spécialement aux syphili-
tiques). Elle y fut soignée au moyen de frictions mercuriales,
but une décoction et se fit des injections dans le vagin, «parce que,
dit-elle, il y avait irritation dans la matrice ». Une année plus
tard, renouvellement de la maladie (éruptions sur tout le corps) :
elle rentra à l'hôpital des syphilitiques, y passa trois semaines et,
à l'expiration de ce terme, en sortit soulagée. Depuis ce moment
apparurent et disparurent de temps en temps des ulcères sur les
grandes lèvres et pendant longtemps la tête fut couverte de croû-
tes. Quatre ans après l'apparition de cette maladie, S... rcssen-
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 187
tit de violents maux de tête qui durèrent environ une année, puis
tout alla bien jusqu'au moment où se déclara l'affection dont elle
est actuellement atteinte.
Observation II1.
A. J..., paysanne, trente-cinq ans, environ, entra le 31 mars
1887 à l'hôpital pour les ouvriers, section de la Yausa, et en
sortitle 10 mai de la même année. Souffre, depuis un an, d'après
son dire, d'un malaise dans les jambes et depuis trois mois ne les
meut qu'à grand'peine.
Etat actuel. Ozène prononcée (syphilitique ? ), voix rauque.
Vue affaiblie dans l'eeil gauche (il n'a pas été fait d'examen
ophthalmoscopique) ; paralysie presque complète dans la région
du nerf oculomoteur de l'oeil gauche; ptosis, strabisme divergent,
absence des mouvements en haut, en bas et en dedans ; les autres
nerfs crâniens et les extrémités supérieures sont dans un état
normal. Dans les jambes, douleurs lancinantes et térébrantes,
sensation subjective de rigidité. Quand on exerce des mouve-
ments passifs on peut constater une flaccidité complète de toutes
les articulations. Sensation de froid et engourdissement dans la
plante des pieds.-Parmi les diverses espèces de sensibilité, la
plus atteinte est le sens musculaire (la malade ne peut se rendre
compte de la position d'un membre dans l'espace); les autres
espèces de sensibilité n'ont que peut souffert. La malade peut à
peine se tenir deboutavec les yeux ouverts; elle tombe dès qu'elle
les ferme. Quoique la force soit parfaitement intacte dans les jam-
bes, la malade peut à peine marcher quand on la soutient sous
les bras, et cela, grâce à une ataxie typique très forte. Les réflexes
rotuliens sont abolis dans les deux jambes.
Antécédents. -La malade est mariée. Sept ans avant l'appari-
tion de la maladie, le mari attrapa la syphilis avec une autre
femme ; peu de temps après, la malade vit apparaître des ulcères
aux organes génitaux et sur le corps se produisit une éruption
qui dura deux mois. Dès 1882, la malade ne fut pas atteinte d'au-
tres symptômes morbides. Pas d'abus de spiritueux, pas de refroi-
dissements. hialgré un interrogatoire minutieux, le sujet ne peut
indiquer aucune cause héréditaire.
Observation IV.
H. P..., cuisinière, quarante ans. Mariée depuis vingt ans.
Entra le 21 mai 1887 à l'hôpital des ouvriers, section de la Yausa.
Malade depuis trois mois, à ce qu'elle dit.
J88 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Etat actuel. Douleurs très vives dans les deux épaules, sur-
tout la nuit. Dans les membres inférieurs, douleurs lancinantes
sur le parcours du nerf sciatique ; ces douleurs se firent d'abord
sentir dans la jambe droite.seulement ; parfois douleurs fulgu-
rantes et térébrantes dans le bras droit ; douleurs et lourdeur dans
le creux de l'estomac, parfois, nausées et vomissements. Consti-
pations persistantes ; pas de règles depuis plus de deux ans. Or-
ganes intérieurs normaux. En ce qui concerne les nerfs crâniens,
je relèverai le fait que la réaction à la lumière et la conservation
des yeux sont intactes. Depuis un mois, l'ouïe et l'odorat se sont
affaiblis. Dans les membres supérieurs, il faut remarquer l'absence
complète du réflexe du tendon du muscle triceps dans le bras
droit et la conservation de ce réflexe dans le bras gauche (les arti-
culations des deux coudes sont normales). La démarche qui,
lorsque les yeux sont ouverts, semble parétique, devient, quand
ils sont clos, ataxique, surtout en ce qui concerne la jambe
gauche et la malade chancelle ; le même fait se remarque lorsque
la malade, couchée dans son lit, remue les jambes; elle ne peut
arriver à poser son talon gauche sur son genou droit et ne peut
pas non plus exécuter les divers mouvements que, dans le but de
faire ressortir l'ataxie, nous lui avons dit de faire. La force anus-
culaire des jambes est intarte. La sensibilité, en toutes ses branches,
semble normale. Les réflexes rotuliens manquent absolument dans
les deux jambes.
Antécédents. Le père et la mère de la malade étaient par-
faitement bien portants; la malade a accouché à terme, de 12
enfants, dont 4 sont vivants. Elle fut infectée de la syphilis,
en 1884 : ulcères aux organes génitaux, éruption sur la peau,
maux de gorge et chute du nez. Elle fut soignée à l'hôpital. Peu
de temps après une guérison apparente, elle devint enceinte et fit
une fausse couche. Depuis lors, pas dérègles; la malade nie tout
abus de spiritueux, refroidissements, etc.
Observation V.
C. J..., trente-cinq ans, dévideuse dans une fabrique de drap,
célibataire, entra à l'hôpital de la Yausa, le 28 octobre 4886. Se
sent malade depuis deux ou trois mois au plus; ressentit d'abord
des douleurs térébrantes dans les fesses et les reins et des douleurs
déchirantes dans les jambes ; dans ces dernières, se fait remarquer
une sensation d'engourdissement et des fourmillements ; quand
elle marche, la malade a sous les pieds l'impression d'un tapis
moelleux.
Etat actuel. Comme désordres dans les organes internes,
nous ne relèverons que, la descente de l'utérus. Dans l'oeil droit,
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 189
,strabisme divergent d'ancienne date et leucome (d'origine trau-
matique) ; dans l'oeil gauche, myose prononcée et symptôme d'Ar-
gyl-Robertson. L'examen opbtalmoscopique, fait par notre hono-
rable confrère, M. le Dl K. Adelheim, démontre dans cet oeil
.l'état normal des papilles des nerfs optiques.
Les bras sont normaux ; dans les extrémités inférieures, la force
musculaire est parfaitement intacte (contractilité électrique nor-
male, absence complète d'atrophie), démarche ataxique typique
très prononcée lorsque les yeux sont ouverts; quand elle les
.ferme, la malade tombe.- La jambe gauche est la plus atteinte ;
.dans la droite, la sensibilité tactile a beaucoup diminué dans la
région du nerf culaneus lateralis, du nerf ilio-inguinalis, du nerf
cutaneus posterior et dans la peau des fesses, où elle est réduite
à zéro. Hyperesthésie dans la jambe droite ; dans la gauche, anes-
thésie tactile dans la région du nerf cutaneus posterior. Anes-
thésie, mais moins prononcée dans la fesse gauche ; dans les
endroits indiqués, et dans les deux jambes, analgésie; une piqûre
fait l'effet d'un simple attouchement et il y a retard dans la trans-
mission des sensations. La sensibilité à la pression est très émous-
sée dans les deux membres inférieurs et est presque réduite à
zéro dans la région des nerfs sciatiques. Exagération marquée de
la sensibilité au froid dans les deux jambes. Les réflexes rotuliens
manquent absolument.
Antécédents. La malade ne peut évoquer aucune hérédité ner-
veuse, nie tout abus de spiritueux, refroidissement, etc. Il y a
douze ans, fut atteinte de la syphilis et soignée à l'hôpital de la
Mianitzskaïa (pour les syphilitiques).
Observation VI.
Mm0 ? Juive, cinquante ans, ressentit il y a quatre ou cinq ans
de très violentes douleurs « rhumatismales » dans les jambes.
Bientôt après l'apparition de la maladie, l'absence du réflexe rotu-
lien fut constatée par les médecins.
Etat actuel. Dans les jambes douleurs lancinantes terribles
ne permettant pas à la malade ni d'être assise, ni d'être couchée,
ni de manger, ni de dormir. Myose et symptôme d'Ar(, 1-Robert-
son dans les deux yeux. Ataxie lors des mouvements des jambes,
la malade étant au lit; cette dernière tombe lorsque, étant debout,
elle ferme les yeux. Force des muscles excellente. [Contractilité
électrique normale. Sensibilité très exagérée dans les membres
inférieurs et la moitié inférieure du tronc, mais, par endroits,
îlots d'anesthésie complète. Sensibilité à la douleur et à la pression
particulièrement diminuée. Hyperesthésie au froid. La malade ne
sent pas les objets chauds appliqués aux endroits atteints d'anes-
190 PATHOLOGIE NERVEUSE.
thésie. Sens musculaire aboli. L'urine et les excréments s'échap-
pent souvent involontairement; il est probable que cela provient
surtout de l'anesthésie de la muqueuse du canal urinaire et du
rectum. Dans les deux jambes, absence totale des réflexes rotuliens.
Antécédents. La malade, d'excellente constitution, nie absolu-
ment toute hérédité dans la famille; les conditions de sa vie ont
toujours été bonnes. Impossible de trouver dans sa vie des refroi-
dissements, excès de travail ou phases particulières, ni abus, ni
même usage de spiritueux. Etant très bien portante a épousé un
homme jouissant aussi d'une excellente- santé et en a eu de robus-
tes enfants. Douze ans avant la maladie actuelle, le mari de la ma-
lade reçut la syphilis d'une autre femme, se soigna attentivement et
régulièrement, mais se piaint cependant fréquemment, encore main-
tenant, de diplopie et de ptosis passagère dans un oeil. Il transmit la
maladie à sa femme, ce qu'il me déclara lui-même. Bientôt après
des spécialistes reconnurent chez elle la syphilis, la traitèrent au
moyen de frictions mercurielles et plus tard, l'envoyèrent à Teplitz.
Elle parut guérie, mais dans la suite fit, semble-t-il, deux fausses
couches. Depuis ce moment jusqu'à la maladie actuelle, rien de
particulier.
Observation VII.
Nilne iN.... Russe, cinquante-sept ans, dans la quarante-septième
année de sa vie, ressentit des douleurs « tiraillantes » dans les
membres inférieurs, « comme si les nerfs se tendaient et se relâ-
chaient ». Ces douleurs ont persisté jusqu'à maintenant, sont deve-
nues plus fréquentes et durent plus longtemps. En septembre 1882,
se déclara une ataxie qui se développa si rapidement que, depuis
lors, la malade est alitée.
Etat actuels La malade a excessivement maigri, mais cepen-
dant la force est normale dans les bras comme dans les jambes.
Contractilité électrique intacte. Ataxie très prononcée dans les
mouvements au lit. Se tient debout tant bien que mal et en vacil-
lant lorsque les yeux sont ouverts et tombe dès qu'elle les ferme.
Myose spinale et symptôme d'Argyl-Robertson dans les deux yeux;
par places, plaques d'anesthésie dans les jambes (analgésie sur-
tout) ; dans d'autres endroits, au contraire, hyperesthésie. Dans
les membres supérieurs, sensation d'engourdissement dans les trois
derniers doigts et du côté cubital des deux bras. On peut y obser-
ver, même objectivement, une anesthésie incomplète.
Ces derniers temps, se sont fait sentir de temps à autre des
douleurs lancinantes dans la moitié gauche du visage, et parfois
des accès d'engourdissement complet dans toute la face, à ce que
dit la malade; chaque crise est accompagnée d'un trismusqui dure
jusqu'à dix minutes. r
ÉTUDE DE l'ÉTIOLOGIE DU TABES. 191
J'ai assisté à l'un de ces accès; j'ai pu constater une anesthésie
totale dans la région des deux nerfs trijumeaux et un trismus
très violent qui passa au bout de trois ou quatre minutes après
l'introduction derrière les joues d'une petite quantité d'eau avec
des gouttes de valériane et une friction énergiqu e opérée sur les
deux joues, dans la région des masséters. La malade craint exces-
sivement ces attaques. Catarrhe très violent de la vessie avec réten-
tion de l'urine; grâce à ce dernier phénomène, le docteur qui la
soignait auparavant lui apprit à introduire elle-même son cathéter,
ce qu'elle fait maintenant au moindre désir d'uriner, c'est-à-dire
ttoisfois au moins par jour; il est bien possible que le catarrhe
de la vessie en soit le résultat. Les accès de douleur dans la région
de la vessie rappellent tout à fait les crises vésicales; la malade a z
ressenti en ma présence des douleurs ressemblant beaucoup aux
crises néphrétiques. Réflexes rotuliens abolis dans les deux jambes.
Antécédents. Lapatienle appartient à la classe aisée. Son père
est mort, déjà âgé, d'une affection pulmonaire ; sa mère, d'une hy-
dropisie. Pas de maladie nerveuse dans la famille. La malade s'est
toujours bien portée, n'a pas eu de refroidissement et ne buvait
pas; elle s'est mariée à l'âge de vingt-sept ans et a eu une fille.
Elle a été en parfaite santé jusqu'à l'âge de trente-neuf ans; il
n'y a que deux ans qu'elle a commencé à se plaindre de douleurs
dans le dos. A, l'âge de trente-neuf ans, elle acquit une syphilis
très grave, ce qui fut constaté par des spécialistes. Entre autres
symptômes, je relèverai des ulcères aux organes génitaux, des
condylomes à l'anus, une éruption sur la peau, des ulcères dans la
bouche et la gorge, sur la langue, des croûtes (rupia syphilitica) à
la plante des pieds et dans la paume de la main, couronne de Vé-
nus au visage, etc.
Grâce à l'opiniâtreté de la maladie, un traitement très éner-
gique fut suivi pendant deux ans et se termina au Caucase par
une série de bains sulfureux et des frictions mercurielles. Depuis
ce temps jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans, moment où appa-
.rurent les douleurs a tiraillantes dans les jambes, la malade ne
se plaignit de rien.
Observation VIII.
111 ? Z..., Juive, trente-six ans. En 1883, resseutitpour la première
fois dans les jambes de violentes douleurs lancinantes typiques
qui durent encore maintenant; de temps à autre, elle commença
à remarquer que l'urine s'échappait involontairement pendant la
marche.
Etat actuel. Outre les symptômes que nous venons d'indi-
quer, nous remarquons chez la malade : myose prononcée et
192 ), PATHOLOGIE NERVEUSE.
symptôme d'Argyl-Robertson dans les deux yeux; lorsque les yeux
sont fermés, léger vacillement et peut-être légère apparence d'a-
taxie ; à part cela, elle marche bien. Quelquefois elle ressent dans
les jambes, en même temps que les douleurs lancinantes, des
tiraillements ayant le caractère de crampes. Extrémités supérieu-
res normales. Dans les hanches, et en partie dans la peau du dos,
plaques d'hyperesthésie, et paresthésies de divers genres. Dans les
deux jambes, analgésie extrême, retard dans la transmission des
sensations. La sensibilité à la température est aussi très affai-
blie, la malade sent à peine le contact des objets chauds. Force
dans les jambes excellente. Réflexes rotuliens totalement abolis.
Antécédents. La malade appartient à la classe aisée de la
société; l'interrogatoire le plus minutieux ne fait découvrir
aucune trace d'hérédité morbide dans la famille. Le père de la
malade, qui a soixante-quinze ans, est en excellent état de santé;
sa mère est morte à l'âge de soixante-deux ans. Elle ne s'est
jamais plainte de refroidissement ; abus d'aucune espèce et, en
particulier, pas d'abus de spiritueux.
Il y a quinze ans, étant en bonne santé, elle épousa un homme
également bien portant et en eut un enfant robuste et sain ; un an
et demi plus tard, elle accoucha de nouveau d'un enfant en bonne
santé, qu'elle nourrit elle-même ; en même temps elle engagea
une bonne pour l'enfant ; vers la fin de l'allaitement, elle s'aper-
çut tout à coup qu'un ulcère s'était formé sur le mameloo de son
sein droit. En même temps (la malade ne se souvient pas si cela
apparut avant ou après), on constata chez l'enfant des condylomes
situés à l'anus. Le médecin à qui elle s'adressa, lui annonça,
qu'elle et son enfant étaient atteints de syphilis ; à ce qu'elle dit,
l'examen minutieux des organes génitaux ne fit constater aucun
vestige d'infection ; ce ne fut qu'un mois après l'apparition de
l'ulcère au sein que parurent des ulcères aux grandes lèvres. Les
médecins la traitèrent de la syphilis (quoique la malade dise
- qu'elle était parfaitement exempte d'éruption, d'inflammation
des amygdales, de douleurs dans la gorge et autres symptômes).
Trois mois après la guérison apparente de la.malade, cette der-
nière devint enceinte ; dans le septième mois de la grossesse, elle
mit au monde un enfant vivant qui mourut au bout d'une semaine;
quelques mois plus tard, nouvelle grossesse et avortement dans
le troisième mois ; six mois après, elle devint de nouveau enceinte,
mais malgré les plus grandes précautions (elle resta alitée presque
tout le temps), elle avorta encore, dans le sixième mois de la
grossesse. Enfin, elle fit une quatrième et dernière fausse couche,
au sixième mois également. Depuis ce moment, elle n'enfante
plus, il est difficile d'en dire la raison exacte, la malade recou-
rant mais depuis lors à divers moyens pour éviter la grossesse.
En 1881, la malade se rendit au Caucase, où elle se soigna par ,
ÉTUDE DE 1 ? ITIOI.OCIE DU TABES. 193
des frictions mercurielles et des bains sulfureux. Depuis l'époque
de sa dernière fausse couche environ, la malade commença à
souffrir de constipations opiniâtres persistant parfois toute une
semaine ; dans le but de se débarasser de cette pénible affection,
elle se rendit à Eranzensbad et à Marienbad, et c'est à son retour,
en 1883, qu'elle ressentit les premières douleurs lancinantes.
Tel est le petit groupe de femmes atteintes du tabès
que j'ai eues (et que j'ai en partie encore) sous ma
surveillance dans le courant des deux dernières
années. Outre ces cas, je n'en ai observé qu'un seul
autre, observation suivie d'autopsie ; dans ce cas
aussi l'infection syphilitique était indubitable; je me
réserve de parler ailleurs de ce cas. Quant à la collec-
tion que j'ai décrite, il est vrai qu'elle n'est pas con-
sidérable ; mais, à mon avis, elle n'en est pas moins
instructive.
Pour ce qui se rapporte à l'exactitude du diag-
nostic du tabes dans les cas décrits plus haut, c'est à
peine s'il peut naître le moindre doute après la lec-
ture du résumé concis de la description de ces mala-
dies ; parmi toutes mes malades, il n'y en avait pas
une seule qui présentât les symptômes douteux que
l'on regarde actuellement trop fréquemment, et sou-
vent mal à propos, comme le tabes incipient; toutes
étaient visiblement et sans doute possible atteintes de
tabès. Je n'aurais pas regardé l'abolition du réflexe
rotulien, remarquée chez tous les sujets, comme un
argument suffisant pour le diagnostic du tabès, puisque
comme on le sait, ce phénomène s'observe dans une
quantité d'autres tableaux pathologiques. Dans les
cas décrits, le diagnostic a toujours été basé sur l'en-
semble des symptômes : il suffit de rappeler que,
d'après les résumés des histoires des maladies, il
AticiiivLs, 1. XVII. ' 13
19 lé PATHOLOGIE NERVEUSE.
n'y avait d'amyotrophie dans aucun des huit cas; la
contractilité électrique était partout normale; dans
tous les huit cas, se rencontraient les caractéristi-
ques douleurs lancinantes et déchirantes et parfois
aussi d'autres désordres subjectifs de la sensibilité;
presque dans tous les cas se rencontraient aussi, à
différents degrés, les désordres objectifs de ! a sensi-
bilité (anesthésie et hyperesthésie) qui sont si caracté-
ristiques eu ce qui concerne le tabes.
Dans sept cas sur huit, il y avait vacillement visible
lorsque les yeux étaient fermés et dans six cas, il y
avait une ataxie fortement .prononcée. Dans le pre-
mier cas où, semble-t-il, il n'y avait pas d'ataxie, le
vacillement à yeux clos se retrouvait. Dans six cas il
y avait symptôme d'Argyl-Robertson très marqué et
myose spinale. Dans un cas (le troisième), il y avait
paralysie du nerf oculo-moteur; dans un cas, arthro-
pathie tabétique.
Faut-il encore ajouter que les cas que nous avons
étudiés dans notre clientèle privée ont été observés,
soit avant moi, soit en même temps que moi, par
d'autres spécialistes de Moscou et de l'étranger et que
tous, sans exception, ont reconnu dans ces cas-là
l'existence du tabes ?
Passons maintenant à la question qui nous inté-
resse tout particulièrement dans cette étude; c'est-à-
dire l'étiologie. Dans tous ces cas, cette dernière a
été étudiée aussi minutieusement que possible, sans
aucun désir de trouver à tout prix la syphilis et, nous
pouvons dire que le résultat de ces recherches est
éloquent, malgré le petit nombre de ces observations.
Tandis que dans aucun cas il n'a été trouvé ni abus de
ÉTUDE I)E L'1s'l'f0L0(xfE DU TABES. 195
spiritueux (il est durestepresqueimpossible de répoudre
de l'abstinence complète des sujets traités à l'hôpital),
ni refroidissement; tandis que dans tous ces cas (nous
attirons particulièrement l'attention sur ce point), Thé-
rédité nerveuse était niée ou impossible à retrouver,
dans sept cas sur huit (c'est-à-dire plus de 87 p. 100
nous avons trouvé l'existence indubitable de la
syphilis dans l'anamnèse et dans le premier cas, elle
était au moins très probable.
Outre l'aveu spontané des malades et t'interrogez
toire détaillé que je leur ai fait subir sur les symptô-
mes qui les avaient frappés et sur le mode de traite-
ment, nous pouvons ajouter que dans les cas VI, VII
et VIII, la syphilis a été constatée par des médecins
spécialistes, que les cas Il et V ont été soignés à l'hô-
pital pour ],es-syphilitiques (,)Iiastiitzskaïa), et que dans
les cas II, les signes de l'infection syphilitique exis-
taient encore en môme temps que le tabes.
Pour résumer, nous répétons que, de même que
dans aucun des cas il ne pouvait y avoir de doute sur
l'existence du tabes, à notre a is du moins, de même
dans sept cas sur huit, il ne pouvait y avoir l'ombre
d'un doute sur l'existence antérieure de la syphilis.
L'âge de mes malades était, par ordre descendant :
cinquante ans (deux cas), quarante-neuf, quarante,
trente-six, trente-cinq (deux cas) et trente ans. Par
conséquent, le tabes commença chez elles entre la
trentième et la cinquantième année. Le temps écoulé
entre l'infection syphilitique et l'apparition du tabes
était : dans un cas de trois ans ; dans un cas de sept
ans; dans un cas, de huit ans, dans un cas, de neuf
ans; dans un cas, de dix ans; dans deux cas, de douze
'196 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ans et dans un cas de seize ans. Par conséquent, les
signes de tabes visibles pour les malades se sont pro-
duits entre la troisième.et la seizième année après l'in-
fection.
La question du rapport entre la syphilis et le labes
a été étudiée avec tant de minutie pendant ces der-
nières années et on a rassemblé tant de données sta-
tistiques, que la comparaison des petits détails de ma
statistique avec ceux des cas de tabes observés chez
des hommes et des femmes et déjà décrits dans la lit-
térature, peut à peine être de quelque utilité.
L'importance de ma petite collection découle clai-
rement de ce qui précède et il est indubitable que
mes huit cas de tabès témoignent en faveur du rapport
qui doit exister entre le tabès et la syphilis. Je ne sais
pas si j'ai le droit d'affirmer aussi catégoriquement,
en me basant sur mes observations, que l'hérédité ne
joue aucun rôle dans le développement du tabes et
d'attaquer ainsi l'opinion de ceux qui accordent une
si grande importance à ce rôle de l'hérédité dans
l'évolution du tabès. Je crois que je ne puis le faire
par la raison que les données négatives ont toujours
moins de valeur que les données affirmatives.
Le fait que les malades que j'ai soignées à l'hôpital
pour les ouvriers niaient toute hérédité nerveuse, ne
peut être pour moi une preuve suffisante de l'absence
complète de cette hérédité, et cela en raison du niveau
intellectuel peu élevé de cette classe de malades, et à
cause du peu de renseignements que ces malades
peuvent fournir sur l'état de santé, non seulement de
leurs frères et soeurs, mais encore de leurs père et
mère. Mais ce qui est beaucoup plus éloquent, c'est le
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. '197
fait que les sujets pris dans ma clientèle privée ont
nié toute hérédité nerveuse ; leurs dépositions doivent
absolument être prises en considération dans la ques-
tion du rôle de l'hérédité dans le tabes. Comme nous
l'avons fait voir, nos observations ne parlent pas du
tout en faveur de ce rôle; il me semble au contraire
(en vertu de quelques considérations dont le lecteur
prendra connaissance plus loin), qu'elles parlent
contre l'importance particulière de l'hérédité dans le
tabès.
Ce n'est qu'en s'appuyant sur ces cas que même les
données négatives au sujet de l'hérédité fournies par
les malades soignées à l'hôpital acquièrent un cer-
tain poids. -
Outre l'importance que cette petite collection peut
avoir en tant, qu'adjonction à la statistique des cas de
tabès chez des femmes, je me permettrai d'y relever
encore un fait, savoir que deux de mes malades,
atteintes de tabès, étaient des juives appartenant à la
classe riche de la société.
Dans ces deux cas il n'y avait absolument pas d'hé-
rédité nerveuse; il ne pouvait être question d'abus de
spiritueux (abus qui, on le sait, est excessivement
rare chez les juifs) ; il n'y avait influence ni de refroi-
dissement ni de travail excessif, mais par contre
l'existence de la syphilis dans l'anamnèse des deux
cas était indubitable. Ce fait m'a conduit à l'idée de
l'importance des différences de nationalité dans l'évo-
lution du tabes.
Eu examinant la littérature au sujet des tableaux étio-
logiques dressés par divers auteurs, nous voyons quo
ces derniers ont pris en considération les données les
19N PATHOLOGIE NERVEUSE.
plus diverses pour arriver à résoudre la question de
l'étiologie du tabes. Au premier plan figure la syphilis
chez les malades; on compare la fréquence de la
syphilis dans l'anamnèse d'autres maladies, dans la
phthisie, par exemple; on prend en considération la
syphilis héréditaire (voir le beau cas de Strüempell,
dans la Centralblatt de Mendel, 1888, n° 5); puis vient
la question du sexe (ici se rattache la statistique du
tabes chez les femmes), la position sociale, les con-
ditions de famille (on peut rattacher ici les cas de
l'apparition simultanée du tabès chez le mari et la
femme tous deux syphilitiques - que vient de
décrire Strïiempell), l'âge (par exemple, le cas de Ber-
ger : tabes chez un vieillard de soixante-dix ans,
atteint peu auparavant de la syphilis), la profession,
lés fatigues de la vie militaire, les excès vénériens,
l'hérédité (très important travail de Ballet et Landouzy).
.Quelques-uns vont même, dans la question de l'étio-
Jogie du tabes et de la paralysie progressive, qui s'y
rattache si intimement, jusqu'à discuter sur l'influence
du thé, du tabac, de la station fréquente vers un poêle
chauffé, le dos étant appuyé au poêle.
Cependant, je n'ai trouvé nulle part dans les statis-
tiques ni les réflexions ni même une mention au
sujet de la nationalité des individus examinés; et
pourtant il me semble que c'est une question inté-
ressante. En effet, si nous faisons une analyse critique
de mes deux cas de tabes chez les juives, nous devons
bon gré mal gré nous y arrêter. A peine pourrait-on
trouver dans toute l'Europe un peuple chez lequel la
syphilis se rencontre comparativement aussi rarement
que chez les Juifs; ce fait nous semble au moins vrai
ÉTUDE DE 1,'ÉTIOLOGIE DU TABES. 199
pour la Russie où les juifs vivent en général assez à
part et ont conservé leurs traditions religieuses et
nationales. Les Juifs qui habitent la région orientale
de l'Allemagne et de l'Autriche offrent les mêmes
particularités, se distinguant en cela d'une manière
assez marquée des Juifs français, par exemple, qui,
grâce à certaines conditions particulières, se sont
presque assimilés à la population ambiante, du moins
en ce qui concerne le genre de vie.
Quant aux femmes juives, il est indubitable que la
syphilis est chez elles un fait rare. D'un autre côté,
à peine pourrait-on trouver une autre nationalité dans
laquelle l'hérédité nerveuse soit aussi fréquente qu'elle
l'est chez les Juifs. Etant donnés ces deux faits, je
n'ai pu ne pas être frappé du cas de mes deux Juives
atteintes de tabes, cas dans lesquels l'hérédité nerveuse
n'existait justement pas, mais dans lesquels la seule
affection grave formant époque dans les antécédents des
malades, était la syphilis.
Ayant fixé mon attention sur ce point et examiné
mes notes sur les malades que j'avais soignés, je suis
arrivé à la persuasion que sur un nombre égal d'in-
dividus russes et juifs atteints de'maladies nerveuses,
le nombre des juifs frappés de tabes ou de paralysie
progressive était considérablement moindre que celui
des Russes atteints des mêmes affections.
Voulant être encore plus exact dans mes conclusions,
j'ai dressé une petite statistique d'après mon journal
en ne prenant, pour plus d'exactitude, que les cas
dont il était dit « la syphilis a existé sans faute » ou
« il n'y a absolumeut pas eu de syphilis »; quant aux
cas où la syphilis était indiquée comme très douteuse
200 PATHOLOGIE NERVEUSE.
et ceux dans lesquels il n'en était pas parlé, je ne les
ai pas pris en considération; j'ai marqué d'un signe
particulier ceux où la syphilis était probable. Grâce à
la sévérité que j'ai ainsi apportée dans ce choix, je
n'ai pu prendre dans mon journal que 383 sujets
atteints d'affections nerveuses, se divisant en 260 Juifs
et 123 Russes.
Les données et le p. 100 que j'ai trouvés par cette
étude m'ont frappé et ce résultat me semble tellement
réussi que je dois croire que dans ce rapport le
hasard joue probablement un certain rôle. Voici les
faits fournis par ma statistique :
Sur 260 Juifs, il y avait 5 hommes et 3 femmes atteints indubi-
tablement de la syphilis, c'est-à-dire 3,07 p. 100. Si l'on ajoute à
ce chiffre, 3 cas, dans lesquels la syphilis était très probable (avec
chancre seulement), nous aurons 11 syphilitiques, soit 4,23
p. 100.
Sur 123 Russes, il y avait 20 personnes atteintes sans doute
possible de la syphilis, soit 16,2 p. 100. Si l'on y ajoute encore 0
cas dans lesquels la syphilis était très probable (avec chancre
seulement), nous aurons 26 personnes syphilitiques, soit 2L1
p. 100.
Ainsi par ce p. 100 tiré de ma clientèle privée,
nous voyons qu'en chiffres ronds, la syphilis était cinq
fois plus fréquente chez les Busses que chez les Juifs.
Sur 200 Juifs, 2 cas seulement de tabès, soit 0,7 p. 100 (un homme
et une femme).
Sur 123 Russes, 4 cas de tabès, soit 3,3 ? p. 100.
Nous voyons par ces chiffres qu'en chiffres ronds,
la fréquence proportionnelle du tabès est aussi de cinq
fois plus grande chez les Russes que chez les Juifs.
Enfin, sur 260 Juifs, il y avait 2 paralytiques, soit 0,7 p. 100.
Par conséquent, la paralysie progressive s'est aussi
ÉTUDE DE L'ETIOLOGIE DU TABES. 301
rencontrée six fois (6,S) plus fréquemment chez les
Russes que chez les Juifs.
De cette statistique, très étrange par les coïncidences
qu'on y trouve, découlent des faits très simples :
/). Parmi les malades atteints d'affections nerveuses,
le tabes et la paralysie progressive se rencontrent avec une
égale fréquence [chez les Juifs : tabès = 0, î p. 100; para-
lysie progressive = 0, 7 1). 100; chez les Musses : tabès
= 3,2 p. 100; paralysie = 4,8. 100.
2). Chez les liasses, la syphilis se rencontre cinq fois
plus fréquemment que chez les Juifs.
3). Le tabès et la paralysie progressive se rencontrent
aussi cinq fois plus fréquemment chez eux.
En examinant cette statistique, c'est à peine si l'on
peut douter, que cette fréquence indubitablement plus
prononcée du tabès et de la paralysie progressive chez
les Russes ne provienne que de l'existence plus fré-
quente de la syphilis chez eux et non d'autres causes
(par exemple la nervosité innée des Juifs joue un cer-
tain rôle dans l'apparition chez eux de graves affec-
tions nerveuses).
Pour mettre de côté ces propriétés de nationalité
possibles et non prises en considération, propriétés qui
peuvent avoir une influence sur la fréquence plus ou
moins grande du tabes, je me suis posé la question
suivante : « Si la cause de la fréquence plus grande
du tabes chez les Russes que chez les juifs provient
non pas de quelques particularités anthropologiques de
race, mais d'une cause extérieure, comme, par exemple,
la syphilis, sur cent Juifs atteints de maladies ner-
veuses et ayant eu auparavant la syphilis, il doit se
Ot2 PATHOLOGIE NERVEUSE.
trouver autant de sujets frappés de tabes que sur
cent Russes qui se trouvent dans les mêmes conditions.
J'ai reçu de nouveau une réponse concluante : Sur
huit Juifs atteints indubitablement de syphilis, il y
avait deux cas de tabes, soit 25 p. 100.
Sur onze Juifs syphilitiques (en comptant ceux chez
lesquels la syphilis était probable) il y avait deux
malades atteints de tabes, soit 18,18 p. 100. Sur *
vingt Russes atteints pour sûr de syphilis, il y avait
quatre cas de tabes, soit 20 p. 100. Sur vingt-six
Russes syphilitiques (en comptant les cas probables),
il y avait quatre cas de tabes, soit 15,4 p. 100.
Pour prouver que ces p. 100 sont en tout vrais et
ne sont absolument pas accidentels, il suffit de les
comparer aux intéressantes données, fournies par
M. Reumont. Il a justement examiné 3,400 cas de
syphilis; dans le nombre se trouvèrent 290 cas de
maladies nerveuses et parmi ces derniers 40 cas de tabes,
soit 14 p. 100. Mais ces données ne se rapportent
cependant pas exactement à notre question en ce qu'il
s'agit de syphilis dans l'état actuel et que nous avons
relevé l'existence de cette maladie dans les antécédents
des malades.
En admettant un écart de 4, 5 p. 100 comme faute
possible dans une statistique aussi petite que la nôtre
et nous souvenant que le syphilis se retrouve non
seulement dans l'anamnèse du tabes, mais aussi dans
celle d'autres affections nerveuses comme, par exemple,
l'hémiplégie, nous devons admettre que sur cent Juifs
atteints de maladies nerveuses et ayant eu auparavant
la syphilis, il se trouve autant de cas de tabes et de
paralysie progressive que sur cent Russes dans les
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 203
mêmes conditions : cela fortifie l'idée qui ressort de
ma statistique, c'est-à-dire que le tabes et la paralysie
progressive ne se rencontrent plus rarement chez les
Juifs que parce que chez eux la syphilis est plus rare
que chez les Russes. Ce fait a une immense impor-
tance pour la question de l'étiologie du tabes : il est
une nouvelle preuve que la syphilis joue un rôle capi-
tal dans cette étiologie.
Malgré l'éloquence des données que nous ont four-
nies nos 383 cas, nous ne nous serions cependant pas
décidé à les communiquer par la voie de la presse si
nous n'avions pas été fortifié dans les convictions que
nous avons puisées daus'notre pratique par d'impor-
tantes données statistiques qui nous ont été obli-
geamment fournies par d'autres spécialistes.
Désirant .vérifier les faits qui nous avaient frappé
sur un nombre de cas beaucoup plus grand, nous
nous sommes adressé à notre très honoré maître
M. le professeur Kojewnikoff et à notre estimable con-
frère M. le docteur Korsakoff, en les priant de faire
pour nous des extraits statistiques, semblables au nôtre
au point de vue de la nationalité, et tirés des maté-
riaux qu'ils ont recueillis.
Les personnes sus-indiquées ont accueilli ma prière
avec la plus grande complaisance et je considère
comme un agréable devoir de leur exprimer ici ma
sincère reconnaissance pour les abondants et, à tous
égards, précieux matériaux qu'ils m'ont fournis. Voici
les renseignements que m'a donnés M. le professeur
Kojewnikoff :
Dans les trois dernières années, il a inscrit dans
son journal 2,403 malades (1,364 hommes et 1,039
. 204 PATHOLOGIE NERVEUSE.
femmes). Dans ce nombre il y a 347 Juifs (159 hommes
et 188 femmes). Le nombre des cas de tabes était 67,
dont 60 cas indiscutables (55 hommes et 5 femmes),
et 7 cas douteux.
Sur les 5,i hommes atteints de tabès :
Dans 31 cas, il y avait eu syphilis, sans aucun doute ;
Dans 2 cas, la syphilis était probable ;
Dans 6 cas, il y avait eu chancre ;
Dans cas, il n'y a pas eu de syphilis, semble-t-il ;
Dans î cas, il n'y a pour sûr pas eu de syphilis;
Dans 3 cas, la question sur la syphilis était restée sans ré-
ponse.
Maintenant, si nous excluons ces trois derniers cas
et que nous admettions qu'il y ait eu syphilis dans la
moitié des cas avec chancre et des cas douteux, nous
voyons que dans les cinquante-deux cas de tabes in-
diqués, la syphilis se retrouvait dans l'anamnèse dans
une proportion de 73 p. 100. Mais si nous n'admet-
tons que les trente-un cas où la syphilis était indiscu-
table, nous aurons encore environ 60 p. 100 des cas
avec syphilis dans l'anamnèse. Il y avait 5 femmes
atteintes de tabes. Dans un cas, la question sur l'exis-
tence antérieure de la syphilis était restée sans réponse;
dans deux des quatre autres cas, la syphilis était indis-
cutable, c'est-à-dire dans 50 p. 100 des cas.- Parmi
ces cas indubitables de tabès, il n'y avait pas un seul juif .
Il y avait en tout cinquante-trois cas de paralysie
progressive, dont quarante-huit indubitables et cinq
douteux. Dans seize de ces quarante-huit cas (47 hom-
mes et une femme), il n'a pas été possible d'obtenir
des renseignements sur l'existence antérieure de la
syphilis; il reste donc en tout trente-un cas avec
anamnèse. Sur ce nombre :
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 1205
'Dans 14 cas, la syphilis était prouvée ;
Dans 1 cas, la syphilis était probable ;
Dans 3 cas, il y avait eu chancre ;
Dans 7 ctz, la syphilis était douteuse ;
Dans 6 cas, elle n'avait pas existé.
Par conséquent, dans les cas de paralysie progres-
sive, la syphilis se trouvait dans une proportion de
45,16 G p. 100, et si l'on admet les cas probables,
dans une proportion de 60 p. 100. 11 y avait trois
juifs atteints de paralysie progressive, soit deux
hommes et une femme, la seule qui soit indiquée
dans cette statistique. Chez un des deux hommes
malades, il y avait eu syphilis; chez l'autre, elle n'a-
vait pas existé. Pas de données sur la femme atteinte
de paralysie progressive. Nous voyons ce qui suit
dans cette intéressante statistique :
1). Le tabes-et la paralysie progressive se rencontrent
ci peu de chose près avec une fréquence égale chez les
malades atteints d'affections nerveuses (sur le même
nombre de malades, soixante cas indubitables de
tabes et quarante-huit de paralysie).
2). La syphilis se rencontre dans une proportion
égale dans l'anamnèse du tabès et de la paralysie pro-
gressive; et cela, dans 60 p. 100 des cas (en n'admet-
tant que les cas certains).
3). Enfin, tandis que sur 2,056 Russes, il se trou-
vait un nombre assez grand de cas de tabes et de para-
lysie, sur 347 Juifs, il n'y avait aucun cas de tabes et
trois cas seulement de paralysie. Cette dernière conclu-
sion confirme entièrement notre observation sur la
rareté relative du tabès et de la paralysie chez les
Juifs.
Examinons cependant les données que nous a obli-
200 6 PATHOLOGIE NERVEUSE.
geamment fournies M. le D'' Korsakoff. Pendant les
trois dernières années, il a noté 2,610 malades (2,041 1
ambulataires et 569 soignés chez eux); ce nombre se
divise en 1,196 hommes et 1,414 femmes. Parmi ces
malades il y avait 89 juifs (32 hommes et 57 femmes).
Les cas de tabes atteignaient le chiffre de 66 (58 hom-
mes et 8 femmes) et parmi ces malades se trouvaient
4 juifs (3 hommes et 1 femme); mais au nombre des
3 juifs malades, un des cas n'était que douteux,
taudis que les deux autres étaient évidemment frappés
de tabes.
Dans quarante-un cas, la syphilis était indubitable
(dans dix-neuf cas, il y avait eu traitement par le
mercure); dans quatre cas, la syphilis était très
probable; dans trois cas, elle était assez probable;
dans dix-huit cas, l'existence de cette maladie était
niée; dans neuf de ces cas, il y avait urétrite ou
cystite. En ne basant le p. 100 que sur les cas indu-
bitables de syphilis, nous trouvons une proportion de
62 p. 100 des cas de tabès avec syphdis dans l'anam-
nèse; si nous y joignons encore la moitié des cas pro-
bables, nous aurons sur soixante-six cas de tabès près
de 70 p. 100 des cas avec syphilis dans l'anamnèse.
Parmi les quatre cas de juifs atteints, il y en avait
3 (2 hommes et 1 femme) chez lesquels la syphilis
était indubitable; le quatrième niait la syphilis, mais
était atteint d'urétrite.
Chez les 8 femmes indiquées : dans trois cas, la
syphilis était indiscutable ; dans un cas, elle était
très probable; dans un cas, elle était assez pro-
bable ; - dans trois cas, elle était niée.
Par conséquent, ici aussi, 50 p. 100 des cas avec
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 207
syphilis dans l'anamnèse. Il y avait 69 malades
atteints de paralysie progressive (61 hommes et
8 femmes); dans ce nombre, 1 juif. Sur ces soixante-
neuf cas : dans quaraute cas, la syphilis était prouvée
(dans vingt cas traitement par le mercure) ; dans
neuf cas, la syphilis était très probable; dans douze
cas, la syphilis était assez probable; -dans huit cas,
la syphilis était niée. Par conséquent, la syphilis se
retrouve dans l'anamnèse de 60 p. 100 des cas, et si
l'on compte la moitié des cas probables, dans plus de
72 p. 100.
Parmi les femmes atteintes de paralysie :
Dans deux cas, il y avait eu syphilis; dans deux
cas, elle était très probable; dans trois cas, elle
était assez probable, dans un cas, elle était niée.
Le seul -juif indiqué avait été indubitablement
atteint de syphilis.
Eu examinant cette intéressante statistique, nous
eu tirons deux conclusions s'accordant parfaitement
avec celles que nous avons tirées de la statistique pré-
cédente, nous y voyons en effet que :
1). Parmi les malades atteints d'affections nerveuses,
le tabes et la paralysie se rencontrent aussi souvent
l'une que l'autre (soixante-six cas de tabes, soixante-
neuf cas de paralysie).
2). La syphilis se retrouve dans l'anamnèse des
deux maladies dans une proportion égale en tout d'ac-
cord avec celle qui se remarque dans la statistique de
M. le professeur Kojenwiiikoff, c'est-à-dire dans 60 à
70 p. 100 des cas. (-1 sccivre.)
208 PATHOLOGIE NERVEUSE.
LA SURDITÉ ET LA CÉCITÉ VERBALE;
Par le D, Fhkdéric BATEMAN,
Médecin de l'hôpital de Norwich (Anelctcrrr), membre correspondant étranger de
l'Académie de médecine.
De l'Aphasie sensorielle. Dans les dernières an-
nées, diverses formes d'aphasie ont été décrites par
Wernicke', et auxquelles Kussmaul ensuite donna
les noms de surdité verbale et de cécité verbale (Wort-
taubheit, Wortblit3dlieit). Bien que les écrits de ces
auteurs aient mis en plus grand relief ces états mor-
bides, le D'' Bastian avait, auparavant, reconnu com-
plètement la nature de ces affections, et, quoiqu'il ne
leur eut pas donné un nom spécial, il a entièrement
décrit ces singuliers troubles psychiques, ainsi que
les rôles importants joués par les fibres commissurales
entre les centres visuels et auditifs 2.
Ces formes particulières de troubles cérébraux
peuvent être considérées comme des types d'amnésie,
dans lesquels cette partie de la faculté de perception
de la parole, en rapport avec le sens de l'ouïe et le
sens de la vision, est déréglée. C'est essentiellement
impression ou la fonction centripète qui est diminuée,
Y expression ou la fonction centrifuge peut rester com-
plètement intacte; les malades n'ont pas perdu le pou-
voir de parler ou d'écrire, mais bien que l'audition
soit parfaite, ils ne peuvent plus comprendre les mots
Weviiicke. Der Aphasische Si/mploinencomplex.liros\au, 1871. î.
' On the Various Fornas of Loss of Speech in Cérébral Discase (l3rilisl
ancl Foreign dlecl. Chir. liev. April 1869).
SURDITÉ VERBALE. 209
qu'ils entendent; et, quoique la vision soit parfaite,
ils sont incapables de lire et de comprendre les mots
écrits ou imprimés qu'ils voient. Dans ces deux formes,
c'est la phase passive de la faculté du langage qui est
affectée.
Bien qu'on ait tant écrit sur l'aphasie sensorielle, des
opinions si diverses ont été émises par les différents au-
teurs, et le sujet est encore entouré d'une telle obscu-
rité que, avant de décrire les symptômes cliniques de
la surdité verbale, je me propose de faire une courte
allusion au traité philosophique de M. Ballet, qui, je
pense, est bien fait pour élucider cette branche obscm e
de la pathologie cérébrale.
Dans le chapitre qui traite de l'effacement partiel
ou total des images auditives des mots, M. Ballet dit
que les opérations cérébrales qui succèdent aux im-
pressions de l'ouïe, quelles qu'elles soient, sont de trois
ordres : 1° la perception brute du son qui nous donne
la conscience de ce dernier, et nous permet d'en
apprécier certains caractères généraux ; c'est Y audition
proprement dite; 2° la perception du son en tant
qu'image susceptible de réveiller l'idée d'un objet
donné, c'est Y audition des objets ou des choses; 3U enfin,
lorsqu'il s'agit d'un mot, la perception du mot, non
seulement comme' son ou collection de sons, mais
comme son différencié, capable de susciter l'idée qu'il
représente; c'est Y audition des mots ou audition ver-
bale.
Un exemple fera saisir les différences fondamentales
que présentent, entre elles, ces trois catégories d'opé-
rations. Lorsqu'une cloche résonne à notre oreille. 1°
nous distinguons le son qu'elle produit, voilà Y audition
Archives, t. XVII. 14 il
1210 PATHOLOGIE NERVEUSE.
proprement dite ; 2° par l'habitude que nous avons
d'entendre la cloche, nous percevons le son, non
comme le premier son.venu, mais comme le son pro-
duit par un objet spécial, une cloche; voilà l'auditioza
de chose ou d'objet, 3° enfin, cette même idée de
cloche pourra être éveillée dans notre esprit par un
son qui n'est plus celui de la cloche ; mais celui d'un
mot conventionnel que nous avons par éducation la
coutume d'associer à l'idée de l'objet. C'est Y audition
verbale.
Avec Munk, il convient de désigner l'abolition de
l'audition, sous le nom de surdité cérébrale ou corticale.
(7 ? MMM), l'abolition de l'audition des objets,
sous celui de surdité pJSrdchZqzle (Seeleniaubheit); et
enfin, avec Kussmaul, nous appellerons la perte de
l'audition verbale, surdité des mots ou surdité ver-
bale (Worttaubheit) '.
Surdité verbale. Cette affection peut être définie
une amnésie auditive, ou la perte de la mémoire du
sens et de la valeur des sons articulés qui constituent
le langage articulé.
D 0
La surdité verbale n'est pas la surdité aux sons, et
il n'y a aucun obstacle au passage des impulsions de
l'appareil auriculaire à la couche corticale du cerveau.
Dans le fait, la sensation auditive est quelquefois si
aiguë que le malade est susceptible de recevoir l'im-
pression acoustique la plus légère. Il entendra le tic-
tac d'une montre et même la chute d'une épingle sur
la table; son attention sera attirée par le bruit du
1 G. Ballet. Le Langage intérieur, p. iG.
SURDITÉ VERBALE. 211
vent passant à travers les arbres; et quand un bruit de
sifflet ou un bruit de quelque autre nature se pro-
duit dans son voisinage, il se retourne avec une expres-
sion intelligente pour découvrir d'où vient le son qui
lui est venu et qui a été transmis à son centre auditif.'
La surdité verbale, pour cette raison, est un trouble
purement psychique; le malade entend ce qui se fait
en sa présence, mais pour lui, c'est un bruit confus ;
les mots employés ne font pas revivre dans sa mémoire
les idées correspondantes, et l'effacement des images
auditives est la condition pathogénique de cette singu-
lière affection.
Le cas suivant, rapporté par M. Giraudeau, donne
un excellent exemple typique de surdité verbale, et ce
fait est d'autant plus intéressant que les exemples non
compliqués-d'aphasie sensorielle sont comparativement
rares, de même que~cette affection est souvent, sinon
fréquemment associée à la cécité verbale, jointe aussi
à plus ou moins de troubles moteurs. L'histoire cli-
nique de la malade dont je donne un résumé som-
maire, comprend la plupart des symptômes que les
écrivains récents en mentionnent comme caractéristi-
ques de la surdité verbale, et un surcroît d'intérêt
s'attache à cette observation parce qu'elle a été com-
plétée par un soigneux examen post-mortem.
Bouquine ! (Marie), âgée de quarante-six ans, blanchisseuse,
entre le 22 février 1882, à l'hôpital Saint-Antoine, dans le service
de M. le professeur llayem. Elle n'a fait aucune maladie antérieure,
elle n'a jamais été réglée; elle est veuve depuis six mois.
Élut actuel. Embonpoint notable, absence de fièvre, légère
dilatation de la pupille droite; céphalalgie violente qui oblige la
malade à porter de temps à autre la main à la tôle.
Lorsqu'on lui demande son nom, elle relève la tête, mais ne
répond pas. Interpellée de nouveau, elle répond : « Que me dites-
1 U2 PATHOLOGIE NERVEUSE.
vous ? » A la même question, elle dit : « Je ne comprends pas. » Si
on la prie aussitôt après de donner son adresse, elle dit : « Peut-
être depuis trois mois et demi. » A plusieurs reprises on varia son
interrogatoire, et toujours les réponses furent analogues à celles
citées plus haut.
' Cependant l'organe de l'ouïe est intact, il n'existe aucun écou-
lement d'oreille; elle entend le tic tac d'une montre et tourne la
tête lorsqu'un bruit léger se passe autour d'elle. La vue est intacte
des deux côtés, il n'existe pas non plus de cécité des mots; car,
phénomène important, elle lit très facilement l'en-tête des feuilles
d'observations, ainsi que les questions qu'on lui adresse par écrit;
elle y répond, soit de vive voix, soit par écrit, avec un peu de
réflexion cependant. La sensibilité tactile est conservée ; il en est
de même du goût et de l'odorat. La motilité est intacte des deux
côtés, et les réflexes rotuliens sont normaux'.
Dans l'histoire ci-dessus, nous avons un type remar-
quable d'un trouble psychique caractérisé par une
impossibilité de comprendre les mots parlés, quoique
l'organe de l'audition lui-même soit sain. Les noms
des objets et des personnes prononcés en présence de la
malade ne font pas revivre dans son esprit les images
auditives correspondantes, ce qui montre que la partie
de la faculté de perception de la parole en relation
avec le sens de l'audition est dérangée. On remar-
quera que bien que les impressions auditives des
mots ne se rétablissaient pas, les mémoires visuelle et
kinesthésique étaient intactes, car le malade pouvait
lire, parler et écrire.
Comme c'est seulement depuis peu d'années que la
pathologie de la surdité verbale a été connue, les ma-
lades qui en étaient atteints ont été fréquemment con-
sidérés comme sourds ou fous. Bernhardtcite l'exemple
d'un homme atteint de surdité verbale, consultant un
auriste qui, ne trouvant aucune lésion de l'appareil
' Giraudeau. Note sur un cas de sisi,dild ps ! lchiqite. (lievue de méde-
ciite, 1882, t. 1, p. 'r16.)
SURDITÉ VERBALE. 21 S
auditif, l'adressa à Bernhardt, comme souffrant d'une
maladie du cerveau'. Baillar,,er2 et Wernicke" ont tous
deux rapporté des cas dans lesquels les malades étaient
regardés comme aliénés; et comme dans la surdité
verbale il y a fréquemment une certaine somme de
paraphasie, je crois extrêmement probable que beau-
coup de personnes souffrant de cette affection ont pu
être envoyées dans un asile de fous. Les observateurs
cliniques soigneux d'aujourd'hui tomberont difficile-
ment dans cette erreur, car, comme le dit Kussmaul,
« les malades peuvent parfaitement avoir des idées cor-
rectes, mais l'expression correcte leur fait défaut; les
mots et non les pensées sont confus. Ils pourraient
même comprendre les idées des autres, s'ils pouvaient
seulement comprendre les mots. Ils sont dans la posi-
tion de personnes tout à coup transportées au milieu
d'une population qui se sert des mêmes sons, mais
qui emploie des mots différents; ceux-ci frappent leur
oreille comme un jargon inintelligible'.
Quelquefois la perception des sons musicaux est
abolie, ainsi que celle du langage articulé; dans le
cas de Bernhardt, déjà cité, le malade ne pouvait
reconnaître des airs bien connus chantés en sa pré-
sence. Grant Allen a rapporté un cas dans lequel le
trouble psychique était exclusivement musical 5. »
De la description qui précède, on remarquera que la
surdité verbale implique la perte complète des images
' CeH<< ? f<« sur )'M/te;7/ct<)t, 1882. ! Bulletin de l'Académie de Médecine, t. XXV, p. 828.
3 Der Apkasische Symptomen corrrplex, fat) 1 et 2. ,
1 Die Storungen der S proche, p. 177. ? 7tt/,avn))878,
2 ! 4 PATHOLOGIE NERVEUSE.
auditives des mots ; mais à côté de cette affection, il y
a un désordre plus léger, dont j'ai déjà donné ailleurs
plusieurs exemples, dans lesquels le trouble dans la
mémoire des représentations auditives était limité aux
substantifs ou aux noms propres, et l'on a donné
à cette forme le nom d'amnésie verbale. Bien que,
peut-être, il y ait seulement une différence de degré
entre l'amnésie verbale et la snrdité verbale, l'aspect
symptomatique des' deux affections est bien diffé-
rent.
Dans l'amnésie, l'idée d'un objet ou d'un événement
est représentée à la conscience, mais le malade ne peut
raviver le mot correspondant dans sa mémoire; mais
quoiqu'il ne puisse de son plein gré raviver ses images
auditives, si on le lui suggère, et si l'on prononce les
mots propres devant lui, l'audition des mots ravivera
l'image verbale endormie. Un bon exemple d'amnésie
verbale a été étudié sous mes yeux, à l'hôpital de
Norwich'. Quand ou montrait une bourse au malade,
et qu'on lui demandait de dire ce que c'était, le ma-
lade répondait : « Je ne puis dire le mot; je sais ce
que c'est; c'est pour mettre de la monnaie. » Est-ce
un couteau ? Non. Est-ce un parapluie ? Non.
Une bourse ? -Oui. On verra par là qu'il saisissait le
sens du mot qu'on prononçait devant lui. C'est tout à fait
différent du malade affligé de surdité verbale; en vain
son centre auditif peut être stimulé par la prononciation
des mots propres en sa présence, l'image auditive a
été complètement effacée et n'existe plus dans son cer-
1 J'ai décrit dans lotis leurs détails les symptômes observés chez ce
malade dans mon ouvrage sur l'A7asie, p. G5-73. Cette brochure,
traduite par M. Ydtard, se trouve au Progrès médical. '
SURDITÉ VERBALE. 215
veau, et ancune influence extérieure ne peut la faire
revivre.
La cécité verbale, est aussi une forme d'amnésie ver-
bale, dans laquelle le malade a perdu la mémoire du
sens conventionnel des symboles graphiques. La .vision
n'est pas affectée ; l'oeil, de même qu'un instrument
d'optique, est parfait, et l'ophtalmsocope n'y découvre
aucun trouble. Le malade voit les mots ; mais ne com-
prend pas leur sens, et il est exactement dans la même
position que s'il n'avait jamais appris à lire; mais,
chose curieuse, il peut écrire sous la dictée (ce qui
existe s'il n'y a pas de surdité verbale) ; il peut même
exprimer ses pensées par écrit; mais il est incapable
de lire ce qu'il a lui-même écrit.
Il faut, .encore une fois, s'en rapporter au travail
extrêmement précieux de M. Ballet qui, dans son cha-
pitre sur la cécité verbale, ou l'effacement partiel ou
total des images visuelles des mots, établit des distinc-
tions analogues à celles observées dans la surdité ver-
bale, et reconnaît les trois variétés suivantes, sous la
terme générique de cécité verbale : .
1° La cécité corticale c'est la perte de la perception
des impressions lumineuses; 2° La cécité psychique,
c'est la perte des images commémoratives des objets,
avec conservation au moins partielle de la vision
lumineuse; 3° la cécité verbale, c'esl la perte de la
vision des mots, ou plus généralement des signes écrits.
La forme de cécité corticale qu'on a l'occasion
d'observer en clinique, n'est pas une vraie cécité, en .
ce sens qu'elle ne porte que sur une moitié du champ
visuel, c'est une hémiopie. Par la partie du champ de
210 PATHOLOGIE NERVEUSE.
la vision qui reste intacte, le malade continue à per-
cevoir la lumière, et l'on peut, de la sorte, juger s'il
reconnaît les objets et comprend les signes'.
Un exemple frappant de cécité verbale est rapporté
par M. Charcot dans ses leçons professées à la Salpê-
trière ; et comme le malade était en observation depuis
un temps considérable, les symptômes cliniques ont
pu être étudiés dans des conditions exceptionnellement
favorables pour les analyses physiologiques. Voici un
court résumé des traits les plus importants de ce cas
intéressant et classique.
Un négociant, âgé de trente-cinq ans, après un accident de
chasse, fut tout à coup. frappé d'hémiplégie droite avec perte de
connaissance. Le lendemain, en revenant à lui, il bégayait en
parlant, substituant un mot à un autre. Il y avait un peu de para-
pliasie à ce moment ; car sa femme raconte qu'il disait : et J'ai
une maison dans le soleil. » Il reconnaissait les personnes et les
objets, mais il lui était impossible, de les désigner par leurs noms.
Au bout de trois semaines, le trouble de la parole avait presque
entièrement disparu, et c'était purement par hasard, qu'il substi-
tuait un mot à un autre. L'hémiplégie avait graduellement dimi-
nué, et les mouvements de la main étaient assez revenus pour
qu'il put écrire lisiblement. C'est alors que se montra un phéno-
mène extraordinaire. Désirant donner un ordre concernant ses
affaires chez lui, il prit une plume et écrivit ses instructions; puis
pensant qu'il avait oublié quelque chose, il demanda à voir la
lettre qu'il venait d'écrire, mais il lui fut impossible de la lire ! Ce
qui monlre ainsi, dans toute son originalité, cet étrange phéno-
mène, qu'il lui avait été capable d'écrire, mais qu'il lui était
tout à fait impossible de lire sa propre écriture.
En examinant plus en détail ce dernier symptôme, on observa
qu'il pouvait écrire une longue lettre sans faute d'orthographe
importante. « J'écris, dit-il, comme si j'avais les yeux fermés ; je
ne lis pas ce que j'écris. » Défait il écrivait aussi bien les yeux
fermés. Il vient d'écrire son nom; on lui dit de le lire : .< Je sais
bien, dit-il, que c'est mon nom que j'ai écrit, mais je ne puis le
lire. »
Quelques jours après, on observa un autre curieux symptôme.
' G. Ballet, 0/). cit., p. 97. '
SURDITÉ VERBALE. 217 -1
Il voulut essayer de jouer au billard. Il est droitier; sa main
droite, parfaitement libre, serrait bien la queue; mais il s'aperçut
presque aussitôt de l'impossibilité où il était de jouer, et cette
impossibilité tenait à ce que, du côté droit, le champ visuel était
pour lui limité au point qu'il ne voyait que la moitié du tapis
vert, la moitié de la bille, et qu'il perdait de vue les billes, dès que
celles-ci entraient dans la partie droite du champ visuel. était, en
fait, atteint d'hémiopie homonyme latérale droite '.
D'après l'analyse de cette histoire clinique, on voit
que le malade avait perdu toute notion des signes du
langage écrit au point de vue de la réception, tandis
qu'il avait conservé le pouvoir de réception audi-
tive, de même que celui de la transmission graphique
et verbale.
Le Dr Ross, dans un mémoire sur l'aphasie senso-
rielle, mentionne le cas d'un homme âgé de cin-
quante-sept ans, atteint de diabète, qui, quand on lui
demandait'de lire, se livrait à un travail d'application
soutenue et proférait alors quelques phrases qui n'a-
vaient pas une liaison la plus éloignée avec ce qui était
sous ses yeux, sur la page imprimée. En parlant de
lui, sa femme donnait le détail suivant au Du* Ross :
«Je savais à peine que faire avec lui; il essaya
de lire le journal, et continuellement disant : « Je ne
« sais ce qu'il y a dans les journaux d'aujourd'hui;
« ils sont remplis de sottises. » Je lui ai fréquem-
ment donné quatre journaux dans un jour, pour voir
si cela le contenterait. En dernier lieu, j'étais obligée
de lui dire que ce n'était pas le journal qui était mal
écrit, mais que c'était lui qui ne pouvait lire. » Ce
malade était atteint d'hémianopsie bilatérale homo-
nyme'.
1 Charcot. Maladies du syslème uercetta·, 1. 111., p. 15.
218 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Le diagnostic de cette affection peut, parfois, don-
ner lieu à quelques difficultés; car, par exemple, le
cas remarquable du D1' Osborne, si souvent cité',
peut à première vue paraître de la cécité verbale ? r
Quand on demandait au malade de lire un livre, il se
servait d'expressions impropres et manquant tout à fait
de sens, n'ayant aucun rapport avec le texte imprimé ;
mais il est évident que ses paroles n'étaient pas en rap-
port avec ses impressions mentales, car le D'' Osborne
affirme clairement que, en dépit du jargon dont il se
servait, il comprenait réellement le sens de ce qui était
écrit. Il est, en outre, établi qu'il comprenait parfaite-
ment le langage imprimé, qu'il continuait à lire un
journal chaque jour, et que, quand on l'a examiné, il
était certain qu'il avait une complète notion de tout ce
qu'il avait lu, quoiqu'il employât un jargon incom-
préhensihle, si on lui demandait de lire à haute
voix.
Un tel cas peut certainement ne pas être considéré
comme un exemple de cécité verbale, expression qui
serait limitée aux cas dans lesquels le malade n'ap-
précie pas le sens des mots imprimés ou écrits.
En analysant le cas de ce malade, on verra que les
conducteurs centripètes de réception delà parole étaient
intacts; c'était la fonction centrifuge qui était dimi-
nuée ; le désordre n'était pas dans l'entrée ou la fonc-
tion centripète, mais dans la sortie ou la fonction cen-
trifuge ; en d'autres termes, c'était un trouble moteur
ou un trouble de transmission.
Ross. - On Aphasie, 1887, 1). 13.
' Dublin journal of Médical and Chemical science, 1833, p. 160.
SURDITÉ VERBALE. 219
Pathologie. Bien qu'on ait récemment beaucoup
écrit sur la surdité verbale et la cécité verbale, la
science n'est pas capable de parler très nettement du
siège exact de la lésion dans ces affections, et nous
devons nous contenter d'hypothèses pfus ou moins
probables. Ainsi, quoique la région motrice de la
couche corticale ait été dessinée avec une précision
et une exactitude merveilleuses, on a obtenu un résul-
tat moins satisfaisant sous le rapport des localisations
des centres sensoriels.
Dans la surdité verbale, la lésion est généralement
supposée dans la première et peut-être aussi dans la
deuxième circonvolution temporo-sphénoïdale du côté
gauche, centre supposé de la perception auditive des
mots. La première circonvolution temporo-sphénoïdaie
était atteinte dans chacun des dix-sept cas de surdité
verbale recueillis par Sepelli'. Les recherches de Scha-
fer et de Sanger-Brown ne confirment pas ces locali-
sations. Chez six singes cependant, ils ont plus ou moins
complètement détruit la circonvolution temporale su-
périeure des deux côtés; et, dans une expérience, ils
ont séparé les sillons limitant les circonvolutions et
enlevé entièrement jusqu'au fond des sillons, jusqu'à
ce qu'il ne restât plus trace de circonvolutions. Dans
chacun des six cas, le résultat fut le même. L'audition,
non seulement n'était pas détruite d'une façon per-
manente, niais n'était pas atteinte d'une façon appré-
ciable. Les animaux, même immédiatement après le
réveil chloroformique avaient réagi à un léger son
d'un caractère inaccoutumé, tel qu'un léger bruit des
lèvres ou le froissement d'un journal. Quelques-uns
d'entre eux restèrent en observation pendant plu-.
220 PATHOLOGIE NERVEUSE.
sieurs mois, et il n'y eut jamais aucun doute sur la
possession entière de leurs facultés auditives'.
Le De Bastian qui, avec d'autres écrivains, reconnut
un centre auditif général, de même qu'un centre auditif
des mots, inclinait à localiser ce dernier dans la première
circonvolution temporo-sphénoïdale, et, en commen-
tant les résultats obtenus par Schafer et Sanger
Brown, il remarqua que les expériences sur les singes
sont négatives et qu'on ne peut en tirer aucune certi-
tude contre une affirmation basée sur l'évidence cli-
iiico-patholo-ique'.
Dans la cécité verbale, la lésion est localisée par la
majorité des observateurs dans le pli courbe et dans la
partie adjacente du lobe pariétal de l'hémisphère
gauche; mais les résultats les plus contradictoires ont
été obtenus par les différents observateurs; et la loca-
lisation exacte de la lésion produisant la cécité ver-
bale est encore à établir par les observations cliniques
et par les examens post-mortem.
A une certaine époque, Ferrier localisa les centres
visuels dans les plis courbes, à l'exclusion des lobes
occipitaux. Dans ses premières expériences, il négligea
l'antisepsie, et delà un léger degré d'inflammation, et
consécutivement des troubles de la substance grise, en
rapport direct avec la lésion actuelle, ce qui était iné-
vitable. Dans ses dernières recherches avec le profes-
seur Yeo, dans lesquelles les précautions antisepti-
ques furent prises, il paraît avoir obtenu des résul-
tats différents.
' Rivisla Sperimenlale di Frenialna, 1881, p. 9'r. 1.
' on Spécial Sensé Localisation in lhe Cortex Cerebri of
the Monkey bil F.-a. Sclialer. - Bi,aiii, janvier 1888.
SURDITÉ VERBALE. 221
De ces expériences, Ferrier tira les conclusions sui-
vantes : quoique les lobes occipitaux soient compris
dans les centres visuels, c'est néanmoins un fait re-
marquable, qu'ils peuvent être blessés, ou coupés à
peu près jusqu'à la scissure pariéto-occipitale, sur un
ou deux côtés simultanément, sans le plus léger affai-
blissement appréciable de la vision. La destruction
unilatérale du pli courbe produit seulement une
perte, passagère de la vision dans l'oeil opposé; et
même la destruction bilatérale du pli courbe n'est pas
une cause de perte totale ou permanente de la vision.
S'il y a destruction du pli courbe et du lobe occi-
pital dans un hémisphère, une amblyopie passa-
gère survient dans l'ceil opposé, et une hémiopie plus
ou moins durable dans les deux yeux, du côté opposé
à la lésion, -à cause de la paralysie des deux rétines
du côté correspondant à la lésion. Cette condition de
l'hémiopie, d'abord indiquée par Munk, a été, par er-
reur, attribuée par lui à la lésion du lobe occipital
seul, ce qui est dû à l'imperfection de sa méthode expé-
rimentale. Plus loin, Ferrier résume ses vues, comme
il suit : « Il me semble que, outre la représentation
des moitiés correspondantes des deux rétines dans la
région ôccipito-angutaire correspondante, le pli
courbe est la région spéciale de la vision claire ou
centrale de t'oei) opposé, et peut-être d'une petite
étendue aussi de l'oeil du même côté'.
Les récentes recherches du professeur Schafer et de
Sanger Brown, ont donné un résultat différent et con-
tredisent les conclusions de Ferrier. Ces physiolo-
1 On différent Idnds o/'J/tHst Bulish Médical Journal, oct. 1887.
222 PATHOLOGIE NERVEUSE.
gistes détruisirent, chez un singe, le pli courbe, d'un
côté d'abord, puis de l'autre, sans produire un
trouble appréciable, ni' dans les perceptions visuelles
de l'animal, ni dans ses mouvements oculaires, ou
dans la sensibilité du globe de l'ceil. Cet animal fut
gardé pendant plusieurs mois, et soumis à une obser-
vation soigneuse et générale. 11 fut aussi montré au
récent congrès de la société neurologique de Lon-
dres.
Comme on pouvait cependant objecter que la
couche corticale du pli courbe ayant été détruite jus-
qu'aux sillons le limitant, une portion a pu être laissée
au fond de ces sillons, il fut décidé de faire sur un
autre animal, une ablation complète du pli courbe,
dans toute sa profondeur et dans toute son étendue.
Les lèvres des sillons furent écartées en conséquence,
et la totalité du pli courbe d'un côté fut enlevée, pro-
duisant là un vide d'étendue considérable, dans la
substance du cerveau. Cette opération fut suivie d'un
trouble des perceptions visuelles, mais ce trouble n'é-
tait pas de l'amblyopie; c'était distinctement de l'hé-
miopie. Cet état dura seulement quatre ou cinq jours
et disparut graduellement, laissant la vision intacte.
Ces observateurs continuèrent alors leurs expé-
riences sur le lobe occipital qu'ils enlevèrent entière-
ment, au moyen d'une incision verticale, faite le long
de la ligue du sillon pariéto-occipital, laissant intact
le pli courbe. Il en résulta l'établissement immédiat
d'une hémiopie homonyme bilatérale et permanente,
qui persista pendant toute la vie du singe. Les objets
placés de façon que leurs images tombent sur la
moitié gauche de la rétine n'étaient pas percus; un
SURDITÉ VERBALE. 223 3
coup venant du côté droit du plan médian de la vision
n'était pas évité; des groseilles répandues sur le plan-
cher n'étaient prises que du côté gauche, l'animal
tournant autour dans cette direction.
Chez un autre singe, on enleva les deux lobes occi-
pitaux, laissant les plis courbes intacts; il en résulta
une cécité totale et persistante. L'animal ne pouvait
trouver ses aliments qu'en se servant du toucher et de
l'odorat; amené dans un endroit inconnu, il se heurta
contre chaque obstacle; placé dans une chambre obs-
cure où l'on fit jaillir sur lui une lumière éclatante,
il ne donna aucun signe de perception. Schafer,
en commentant ces expériences, prétend que les
résultats opposés obtenus par Ferrier, qui enlevait
les deux lobes occipitaux, sans déterminer de symp-
tôme de lésion de la perception visuelle, étaient
dus à ce que l'ablation était incomplète'.
Au moment d'écrire les lignes précédentes, mon
attention a été frappée par une importante communi-
cation de M. Chauffard, dans laquelle il donne un récit
détaillé de cécité subite survenue chez un malade de
son service, chez lequel, après la mort, il trouva une
lésion des deux lobes occipitaux 2. Dans le même ar-
ticle, parmi diverses autres observations semblables,
M. Chauffard cite le cas suivant rapporté par Pflügcr
in berline jE7. Woc ? cn ? M/' 1885 : un jeune
homme reçoit de près un coup de fusil qui l'atteint
dans la région occipitale; il est frappé de cécité
subite. Il est mort le trente-neuvième jour, et à l'au-
1 Ferrier. Functious ofthe lirain, 2e édition, p. ` ? i3. °8É, 288.
'Schafer Op. cil., p. 3, et 7.
3 Revue de Médecine, lévrier 1888, p. 132.
22'l Il PATHOLOGIE NERVEUSE.
topsie on trouvait des lésions profondes des deux
lobes occipitaux, où un certain nombre de grains de
plomb étaient restés fixés.
On observera que les deux cas de cécité verbale
dont j'ai parlé étaient compliqués d'une hémianopsie
bilatérale droite, symptôme fréquemment associé à la
cécité verbale. Selon les recherches récentes de
M. Charcot, qui a étudié ce sujet très minutieusement,
il semblerait que dans l'hémianopsie de cause cérébrale,
d'origine corticale, la lésion occupe à peu près la même
région que celle qui a été indiquée comme étant le
siège des altérations dont relèverait la cécité des mots.
M. Charcot cependant émet cette opinion avec une
très grande réserve, et, dans le même paragraphe, il
dit que si la cécité verbale et l'hémianopsie reconnais-
sent le même siège dans le cerveau, les deux phéno-
mènes cliniques devraient à peu près toujours se mon-
trer associés. Or, cela ne semble pas être, car on
peut citer des exemples d'hémianopsie cérébrale sans
cécité verbale, et de cécité verbale sans hémaniopsie1.
Les conclusions diamétralement opposées auxquelles
les différents physiologistes sont arrivés, laissent la
question de localisation de la lésion de l'aphasie sen-
sorielle encore indécise. En vérité, on peut presque
dire que les expériences sur les animaux sont entière-
ment inutiles pour élucider la théorie de la cécité
verbale; et même par rapport au centre visuel lui-
même, les résultats obtenus par les observations sur
les animaux peuvent à peine être considérées comme
rigoureusement applicables à l'homme.
' Charcot. Levons sur les Maladies dtt systéme nerveux, t. III, 1). 1 il. l.
SURDITÉ VERBALE. 212,
Bien que l'évidence de ceux qui ont fait des recher-
ches sur cette branche obscure de la pathologie céré-
brale soit sujette à contestations, on doit accorder que
l'opinion générale place l'aphasie sensorielle dans
l'aire des distributions des branches pariéto-sphénoï-
dales de la sylvienne gauche, mais les opinions contra-
dictoires qui l'emportent maintenant pour préciser la
localisation peuvent seulement être mises d'accord par
des observations cliniques et anatomo-pathologiques
plus considérables et plus soignées.
Norwich, avril 1888.
CLINIQUE NERVEUSE
RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-
DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES',
Par M. le D Michel CATSAReIS.
Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes : Médecin de l'asile de .Dromocaitis;
Membre de la Société Mhdico-psychologique de Paris.
F. FORME PARALYTIQUE SPINALE TRANSITOIRE.
Les paralysies qui appartiennent aux différentes
formes décrites jusqu'à présent sont plus du moins
durables. Les paralysies au contraire de la forme
paralytique, que nous allons esquisser dans un instant
sont transitoires, fugitives; elles ne durent que quel-
' Voir Archives de Neurologie, iil n, p. 1 FJ j n° 18. p. 246; u" 49, p. 22.
ARCHIVES, t. XVII. 15
226 6. CLINIQUE NERVEUSE.
ques minutes, quelques heures, ou quelques jours tout
au plus. .
Les paralysies transitoires sont très fréquentes; je
me bornerai à rapporter trois observations, qui suffi-
sent amplement pour donner une idée de cette forme.
Observation XXIX.
Antoine Sorocos, âgé de trente ans, pas d'antécédents hérédi-
taires ou personnels. Il a commencé à travailler sous l'air com-
primé au mois de mai 1886 et il aurait travaillé pendant un mois
sans accident.
Le 2 au 3 juin, il a passé une nuit d'agitation, d'inquiétude ;
il n'a pas fermé l'oeil. Le 3 juin, le matin, le malade se lève ayant
la voix rauque et toussant, pas de frisson ni de fièvre. A 40 heu-
res, il fait à jeun sa première immersion à 24 brasses de profon-
deur et après avoir demeuré dix minutes, il s'est fait remonter. Il
aurait déjà antérieurement fait beaucoup d'immersions exactement
dans les mêmes conditions de travail, c'est-à-dire même profon-
deur, même durée du séjour et même décompression sans acci-
dent. Il importe de remarquer qu'il n'avait pas été fatigué.
Cinq minutes après la décompression et l'enlèvement du casque,
ce scaphandrier tombe soudain complètement paralytique de ses
membres inférieurs, qui étaient en même temps absolument in-
sensibles. Il n'y aurait pas eu d'autres symptômes. Cette paralysie
n'a duré qu'un quart d'heure environ, au bout duquel elle a dis-
paru d'une façon complète et définitive.
Observation XXX.
Georges Stavros, âgé de vingt-deux ans, sans antécédents héré-
ditaires au personnels, a commencé le métier de plongeur à
scaphandre en 1885. Il aurait travaillé à peu près une année sans
accident.
Le la mai, il fait sa première immersion de la journée, à
8 heures du matin, à une profondeur de 22 brasses, ayant trouvé
beaucoup d'épongés, il prolonge son séjour pendant trois quarts
d'heure, au bout desquels il s'est brusquement décomprimé. Ce
plongeur, interrogé avec beaucoup de soin par nous, affirme qu'il
a déjà antérieurement fait un bon nombre d'immersions à cette
profondeur et d'une décompression absolument isochrone sans
accident, mais il n'a jamais prolongé son séjour au delà de 15 mi-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 227
nutes; pas de refroidissement, pas de repas, pas de troubles res-
piratoires avant l'immersion.
Dix minutes après l'enlèvement du casque, le plongeur est pris
d'une parésie du membre inférieur gauche, qui dans quelques
minutes s'est transformée en une paralysie complète. Il ne peut
pas nous donner de renseignements sur l'état de la sensibilité. Il
n'y aurait pas eu d'autres symptômes nulle part. Vers 1 heure du
soir, le membre a récupéré in integro sa motilité.
Observation XXXI.
DémeLrès Compotis, âgé de vingt-cinq ans, sans antécédents
héréditaires ou personnels, a commencé à travailler dans l'air
comprimé, en 1883. 11 a fait régulièrement ses campagnes pour
la pêche d'épongés, pendant trois ans, sans jamais avoir eu
d'accident. ' " *
Le 15 mai 1886, cet homme se lève le matin, mal portant;
toute la journée il a des frissons accompagnés d'un malaise géné-
ral ; il n'a pas voulu travailler.
La nuit du 15 au 20 mai fut agitée; insomnie; rien du côté de
la poitrine; il ne toussait pas.
Le matin, 20 mai, sans tenir compte de celte indisposition, il
descend à j-eun pour la première fois, à une profondeur de
22 brasses seulement et après avoir séjourné une dizaine de mi-
nutes, il s'est fait brusquement remonter.
Cet homme serait descendu dans les mêmes conditions du tra-
vail, telles que profondeur, séjour et décompression, sans acci-
dent. Notons bien aussi qu'il n'avait pas été fatigué. Un quart
d'heure se passe pendant lequel le malade se sent parfaitement
bien portant. Au bout de ce temps, il est pris tout d'un coup d'une
parésie des membres supérieurs, bientôt suivie de celle des
membres inférieurs.
Quelques minutes après, le malade est réduit à l'impossibilité
absolue de mouvoir ses quatre membres, il ne bougeait plus que la
tête. La sensibilité était complètement abolie. Il y avait en outre
de la rétention d'urines et de selles, ayant nécessité l'emploi de la
sonde et des purgatifs. Excepté quelques faibles vertiges, il n'y a
pas de symptômes céphaliques ou autres.
Le soir, le malade commence à mouvoir ses membres supérieurs
et dans le cours de la nuit, l'amélioration faisant des progrès éton-
namment rapides, il récupère complètement la motilité de ces
membres. Les membres inférieurs restent dans le même état.
Le 17 et le 18 mai, pas d'amélioration.
; Le 19 mai, à 3 heures du matin; le malade a pu se tenir debout
et faire de petits pas à l'aide de deux appuis. A 10 heures, possi-
228 CLINIQUE NERVEUSE.
bilité de marcher à l'aide d'un seul appui. A midi, il peut mar-
cher sans appui, traînant toutefois les jambes. Il a pu rendre seul
ses urines.
Enfin, le soir, le malade était complètement et définitivement
guéri, la motilité aussi bien-que la sensibilité de ses membres
inférieurs étant revenue à l'état normal.
Nous avons vu le malade le 16 juillet 1886, c'est-à-dire, deux
mois après l'invasion de son accident et nous n'avons pu rien cons-
tater. Comme on a pu le remarquer, cette forme peut se pré-
senter sous trois types distincts : 1° le type de paraplégie des
membres inférieurs ; 2° le type de double paraplégie et 3° le type
de paralysie partielle.
Quel que soit le type que cette forme puisse affecter, elle pré-
sente toujours les mêmes caractères, qui sont au nombre de deux :
A soudaineté ou brusquerie de l'invasion et B disparition rapide
de la paralysie en quelques minutes, en quelques heures ou en
quelques jours.
B. Accidents cérébraux ou formes cérébrales.
Les accidents cérébraux qui peuvent survenir chez
les plongeurs à scaphandre sont d'une variété et d'une
multiplicité aussi bien que d'une complexité extrême.
Or, pour les étudier systématiquement, il nous faut
tout d'abord examiner et décrire les cas pathologi-
ques qui sont d'une simplicité et d'une pureté remar-
quables. Ces cas nous permettent d'étudier les formes
simples fondamentales, isolées de tout élément étran-
ger et dégagées de tout mélange. Ce n'est qu'après
avoir étudié ces formes simples qu'il nous sera facile
d'analyser les cas complexes dont le tableau clinique
est constitué par des symptômes appartenant aux dif-
férentes formes simples et fondamentales.
Les cas qui sont tombés sous notre observation
nous permettent de distinguer les formes simples et
fondamentales suivantes : 1 , la forme aphasique;
2, la forme sensorielle; 3, la forme épileptiforme ;
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 229
.4, la forme cérébrale paralytique; 5, la forme verti-
gineuse ; 6, la forme de perte de connaissance.
1. FORME APHASIQUE.
On sait déjà que, parmi les symptômes de la période
du début, les troubles de la parole ont plus d'une
fois figuré comme constituant un des symptômes
du groupe céphalique. Maintenant nous allons les
voir non plus à titre de symptômes, mais à titre de
forme clinique. Les troubles de la parole font alors à
eux seuls tous les frais du tableau clinique. Ce sont
eux qui constituent toute la symptomatologie. Parmi
les modifications variées que la faculté du langage a
présentées chez nos malades appartenant à cette
forme, nous distinguons (a), l'aphasie motrice; (6),
la surdité verbale et (y), l'aphasie complexe. ,
' a). Aphasie MOTRICE.- Les trois observations
qui suivent sont des cas d'aphasie motrice simple et
pure dégagée de toute autre espèce de trouble du
langage. ,
Observation XXXII. `
Nicolas Tsarlampas, âgé de trente-cinq ans. Nous avons soi-
gneusement interrogé l'hérédité, sans avoir pu trouver aucun
antécédent nerveux dans sa famille. Les antécédents personnels
n'offrent non plus rien d'important.
Il commencé à travailler dans l'air comprimé, le 14 juil-
let 4878, il a travaillé pendant trois ans à peu près, sans accident,
faisant régulièrement ses campagnes pour la pêche des éponges.
Le 10 juillet 1881, après avoir déjà fait quatre immersions à une
profondeur qui variait entre 20 et 22 brasses et 7 à 8 minutes de
durée, il est redescendu pour la cinquième fois à la profondeur de
25 brasses, même séjour et même décompression brusque. Il se
230 ' " CLINIQUE NERVEUSE.
fait remonter et immédiatement après la décompression et l'en-
lèvement du casque il est pris de mal de. tête ; il essaye de parler,
mais il' ne peut y arriver; il a perdu tout à fait la mémoire des
mouvements spécialisés qu'il faut faire pour articuler les mots.
Tout son vocabulaire était réduit à l'émission de quelques sons
inarticulés
Il s'entendait parfaitement bien avec son entourage, par la
mimique et surtout par l'écriture. Le malade sachant bien écrire,
écrivait ce qu'il voulait. Le capitaine du bateau lui répondait
aussi, soit par l'écriture, le malade étant dans la possibilité de
comprendre très bien ce qui était écrit, soit en lui adressant des
paroles, le malade concevant parfaitement bien ce qu'on lui disait.
Ce plongeur n'aurait eu ni'perte de connaissance, ni bouche
de travers, ni paralysie des membres, ni autres troublées cépha-
liques.
Cet état a duré une heure et demie au bout de laquelle le
malade a brusquement récupéré l'usage, de la parole. Depuis
lors, il se 'portait bien, continuait à exercer son métier de sca-
phandrier, faisant régulièrement ses campagnes, durant deux
années environ.
Le 10 août 1883, après avoir fait cinq immersions à la profon-
deur de z à 26 brasses, six à sept minutes de séjour au fond, il
est redescendu non seulement pour la sixième fois à la même
profondeur, mais encore il a prolongé son séjour jusqu'à douze
minutes. '
Il se fait brusquement remonter comme toujours. Immédiate-
ment après la décompression et l'enlèvement du casque, il est
atteint de vertiges. A ce moment, il essaye de se plaindre à ses
compagnons de ses sensations vertigineuses, mais il ne peut pro-
noncer un seul mot. Il se rappelle que dans son attaque précé-
dente (il y avait déjà deux années) il pouvait écrire, il essaye et
il y arrive parfaitement. Profitant alors de la conservation de ce
mode d'exprimer sa pensée, il s'entendait avec ceux qui l'entou-
raient. '
Le malade concevait bien ce qu'on lui disait et ce qu'on lui
écrivait.'
Cette fois-ci encore, le malade n'avait eu ni perte de connais-
sance, ni bouche de travers, ni autres symptômes paralytiques.
Pas d'autres troubles cép.haliques.
La sensibilité, la vessie et le rectum n'auraient pas été troublés .,
Cette aphasie a duré pendant une heure, au bout de laquelle
elle a tout à fait disparu. Depuis ce moment, il n'a pas cessé son
travail dans l'air comprimé, faisant ses campagnes. ' ,
Le 10 juillet, à son retour à Erine, ayant fait sur les côtes de
cette lle sa première immersion, à la profondeur de z brasses,
il commet la faute de rester au fond vingt minutes, au bout des ?
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 231
quelles il se fait remonter brusquement. Le malade affirme
d'une manière catégorique qu'il avait déjà antérieurement fait
plusieurs immersions à cette profondeur sans accident, mais
jamais il n'avait prolongé son séjour au delà de 6-10 minutes. *
Dix minutes environ se passent après la décompression et
l'enlèvement du casque, et le malade se portait très bien et
n'avait aucun trouble du langage. Au bout de ce temps, il était à
peu près trois heures, tout à coup, dans le cours de sa conversa-
tion, il s'arrête et ne peut plus articuler un seul mot; il ne dit
que ho... ho... ho... On le fait transporter à Egine, où j'étais à
se moment en train de me livrer à mes recherches et on m'appelle
pour lui donner mes soins.
Etat actuel (10 juillet 1884, 10 heures du malin, c'est-à-dire
une heure après l'accident). Le malade se trouve dans une
incapacité presque absolue de parler, substituant toujours quel-
ques sons inarticulés à tout ce qu'il veut dire. Il comprend par-
faitement bien ce qu'il entend, car si par hasard on lui dit des
choses inexactes, il proteste énergiquement par la mimique. Je
lui ai donné un journal à lire; lui ayant demandé s'il comprenait,
il m'a fait un signe affirmatif. Mais, pour être plus sûr, je lui ai
écrit : « Donnez-moi la brosse, le crayon, l'encrier, etc., etc. » Il
le faisait aussitôt. Enfin, je lui ai proposé d'écrire son nom, son
pays, son âge, etc., etc., ce qu'il a fait correctement.
Le malade n'a pas perdu un seul instant sa connaissance. Il n'a
pas d'autres symptômes céphaliques. Pas de bouche de travers.
Pas de paralysie de membres.
Pas de troubles de la sensibilité, du sens musculaire, de la
vessie, du rectum et des organes génitaux. Pas de fièvre. Rien du
côté de la poitrine, du coeur, des artères, etc. Les fonctions des
autres organes paraissent se faire régulièrement.
Etant déjà en connaissance de la fu-itivité extrême des acci-
dents cérébraux, j'ai prédit au malade et à ses parents que ses
troubles de la parole disparaîtraient très rapidement. 1
Nous lui avons prescrit de l'eau colorée, ut aliquid fiât, pour ne
pas empêcher la marche naturelle de l'accident. J'ai recommandé
à son frère de m'appeler en toute hâte, dès l'amélioration com-
mencée.
A onze heures, le malade commence à pouvoir articuler quel-
ques mots. Je-fus appelé immédiatement, et je me rendis aussitôt
chez mon malade. Mon pronostic était pleinement confirmé, en
effet, le malade a recouvré intégralement la parole. La durée
totale de l'aphasie n'avait pas été de plus de deux heures.
' Observation XXXIII. Accident provoqué le 10 octobre, à la pré-
' mièie immersion, profondeur de 32 brasses, séjour de quatre mi-
232 CLINIQUE NERVEUSE.
nutes, décompression brusque. Immédiatement après la décom-
pression, à dix heures du matin, aphasie motrice. DftMS l'après-
midi, commencement du retour de la mémoire et des mouvements
spécialisés pour l'articulation des mots. Substitution de quelques
~ mots à tout ce qu'il veut dire.- A onze heures du soir, disparition
de l'aphasie motrice.
Le 15 août, deuxième accident d'aphasie motrice, d'une durée
de deux heures, survenu à la première immersion, profondeur (le
18 brasses, séjour d'une heure, décompression brusque.-Plusieurs
immersions antérieures faites dans les mêmes conditions, sauf le
séjour, qui n'a jamais duré plus de 13-18-20 minutes.
Histoire. Rigas (Emmanuel), âgé de vingt-neuf ans. Ses anté-
cédents héréditaires n'offrent rien d'important. Les antécédents
personnels non plus. Il aurait attrapé seulement à l'âge de vingt
"ans une chaude-pisse qui a guéri dans l'espace de deux mois.
- Il avait commencé son travail dans l'air comprimé en 18-5 et il
aurait travaillé pendant quatre ans de suite sans accident, .
Le 10 octobre, 1879, à la première immersion faite à une pro-
fondeur de 32 brasses, et après un séjour de 4 minutes, il s'est
fait brusquement remonter. Immédiatement après l'enlèvement
du casque, il était 10 heures du matin le scaphandrier est pris d'une
impossibilité absolue d'articuler nn seul mot ; il n'émettait que
quelques sons inarticulés. Le malade concevait parfaitement bien
ce qu'on lui disait, mais il ne pouvait y répondre. Le malade ne
savait ni lire ni écrire. ' '
Dans l'après-midi, vers z heures, le malade a commencé à
pouvoir articuler quelques mots qu'il substituait à tout propos.
Dès ce moment, son vocabulaire s'enrichit d'une heure à l'autre
avec une rapidité telle qu'à Il heures du soir le malade était dans
la capacité absolue déparier et d'articuler tous les mots. Le ma-
lade n'aurait eu ni bouche de travers, ni perte de connaissance ni
autre symptôme céphalique, pas de paralysie des extrémités. La
durée totale de cette aphasie motrice a été de 13 heures à peu
près.
Depuis cette époque, il a fait régulièrement ses campagnes
jusqu'en 1884, sans accident sérieux, sauf quelques accidents dou-
loureux des diverses articulations, le malade ne pouvant définir les
conditions qui ont causé ces douleurs.
Le 15 août 1884, il fait la première immersion de sa journée à
une profondeur de 18 brasses; il fait prolonger son séjour pendant
une heure. Il aurait fait antérieurement un grand nombre d'im-
mersions à la même profondeur et bien au-dessus de 18 brasses,
la décompression étant toujours la même, mais notons bien qu'il
n'aurait jamais prolongé son séjour à cette profondeur au delà
de z-48-20 minutes. Immédiatement après la décompression,
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 233 3
le malade est pris d'engourdissements aux lèvres et aussitôt après
de l'impossibilité d'articuler les mots ; il comprenait parfaitement
ce qu'on lui disait. ,
Pas de perte de connaissance, pas de paralysie des membres,
pas de bouche de travers enfin pas d'autres symptômes soit cépha-
liques soit autres. Cet état a duré 2 heures au bout desquelles
il a disparu tout à coup.
Observation XXXIV. Accident survenu le 2 juillet, à la cinquième
immersion, profondeur de 22-24 et quatre à cinq minutes de séjour.
' Quatre immersions antérieures faites tout à fait dans les mêmes
conditions. Décompression isochrone pour toutes les immersions.
Une heure d'intervalle de bien-être entre la décompression et l'in-
vasion de l'accident. Première aphasie motrice trois à quatre
minutes de durée suivie d'un intervalle de six, sept minutes.
Deuxième aphasie motrice quatre à cinq minutes de durée suivie
aussi d'un intervalle de six à sept minutes. Troisième aphasie
motrice de la même durée, suivie d'un intervalle presque isochrone
* aux deux autres. Quatrième aphasie motrice suivie cette fois-ci
de guérison complète du malade.
Histoire. = Paul Calamatas, âgé de 30 ans. Son père mort de
fièvre typhoïde, pas d'autres antécédents héréditaires. Les anté-
cédents personnels n'offrent non plus rien d'important ; il aurait
eu un catarrhe bronchique dans son enfance. 11 a commencé son
travail dans l'air comprimé, en mai 1886, il avait travaillé deux
mois sans accident. Le 2 juillet, ayant déjà fait quatre immer-
sions à une profondeur de 22 à 24 brasses, et quatre àcinq minutes
de séjour, il se fait descendre pour la cinquième fois tout à fait
dans les mêmes conditions. Inutile d'ajouter que la décompression
a été isochrone pour toutes les cinq immersions, il est intéressant
de noter que ce plongeur n'était pas du tout indisposé, qu'il n'a-
vait pas mangé avant son immersion, qu'il n'était pas fatigué.
Une heure après la décompression et l'enlèvement du
casque, le malade se porte à merveille. Au bout de ce temps,
le scaphandrier est pris tout à coup d'une incapacité absolue
d'articuler les mots; il comprenait parfaitement bien ce qu'on
lui disait, sans pouvoir y répondre, il n'émettait que des cris.
Le malade ne savait ni lire ni écrire. Au bout de trois à quatre
minutes, ce trouble de la parole disparait subitement et complè-
tement. Ce retour du langage n'était pas destiné à durer bien
longtemps ; en effet, après six à sept minutes, pendant qu'il par-
lait, il s'arrête tout d'un coup ; il ne peut plus continuer sa con-
versation, il criait.
Ce nouveau trouble du langage, qui consistait dans l'impossibi-
234 CLINIQUE NERVEUSE.
lité de parler, tandis qu'il comprenait parfaitement bien ce qu'il
entendait, n'était pas non plus destiné à durer plus longtemps
que le premier..En effet, au bout de quatre à cinq minutes, il
disparaît brusquement et complètement. Au bout de six à sept
minutes, un troisième trouble de la parole, tout à fait pareil aux
deux autres précédents et de même. durée, survient au malade.
Enfin, au bout de six à sept minutes d'intervalle, un quatrième et
dernier trouble de la parole a atteint le malade, exactement sous
le même aspect clinique que les trois autres.
Après cinq minutes environ, ce trouble de la parole disparaît et
le malade n'avait plus rien. Pas de perte de connaissance; pas
de bouche de travers ; pas de paralysie des extrémités; pas d'autres
symptômes quelconques.
Etat actuel, rien, coeur et système artériel, normaux.
S). SURDITÉ psychique ou verbale ou DES MOTS
(VORTTAUBHEIT). Nous n'avons à relater qu'une seule
observation de cette aphasie sensorielle qui est. la sui-
vante. On sait déjà que la- surdité des mots a figuré à
titre de symptôme de la période du début de la- forme
centrale spinale postérieure chez le malade de l'OBSER-
VATION XXI. Nous allons maintenant la voir à titre de
forme à part.
Observation XXXV. Accident survenu le 3 avril, il la suite de la
première immersion faite à une profondeur de 20 brasses, dix mi-
nutes de séjour; fatigue due à la marche et ci la lutte contre le cou-
rant de mer. Plusieurs immersions antérieures de la même pro-
fondeur', de même séjour et de même décompression ; pas de fatigue
toutefois; pas de refroidissement; pas d'affections pulmonaires,
pas de repas avant l'immersion. Immédiatement après la décom-
pression et l'enlèvement du casque, impossibilité absolue de conee-
voir tout ce qu'il entendait. Pas d'autres troubles du langage.
Durée de trois heures.
Histoire. Spyridion Caracatsanis, âgé de vingt-sept ans.
L'hérédité interrogée soigneusement n'a montré rien d'important.
Les antécédents personnels n'offrent non plus rien qui' mérite
d'être noté. Il avait commencé à travailler dans l'air comprimé, en
mars z. Il aurait travaillé un mois à peu près sans accident.
Le 3 avril ilfaitlapiemièreimmersiondesa sérieà uneprofondeur
- de20 brasses, il n'aurait pas séjourné plus de dix minutes mais il a
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 23o
été très fatigué, étant obligé de marcher et de lutter contre un
courant de mer très fort. Il se fait brusquement remonter. Les
jours précédents, il aurait fait plusieurs immersions dans des con-
ditions exactement semblables comme profondeur, comme durée
de séjour et comme rapidité de décompression, sans jamais, dit-
il, avoir été fatigué. Il importe aussi de noter que ce scaphandrier
'était parfaitement bien portant et qu'il n'avait pas chargé son
estomac avant son immersion.
Aussitôt après la décompression et l'enlèvement du casque, le
'scaphandrier est pris d'une sensation de brûlure qui commençait
des pieds et suivant alors une marche ascendante, remontait à la
tête. Presque en même temps, il a été atteint d'une impossibilité'
de comprendre ce qu'on lui disait.
Il aflirme d'une façon catégorique qu'il entendait parfaitement
ce dont on lui parlait mais il ne pouvait pas y répondre car il ne
comprenait pas les mots parlés par son entourage.
Il entendait si bien que le moindre frottement ou le moindre
bruit qui se faisait autour de lui était perceptible à ses oreilles.
II parlait très bien et aussi correctement qu'avant son accident.
Ce scaphandrier n'a appris ni à lire ni à écrire.
Le malade n'aurait eu ni vertiges,, ni perte de connaissanse,
ni autres symptômes céphaliques. Il n'aurait eu non plus ni
bouche de travers, ni paralysie des extrémités, ni autres troubles
quelconques. Cet élat n'avait pas duré plus de trois heures.
"f). Aphasie COMPLEXE.- De cette aphasie com-
plexe nous n'avons à relater qu'un seul cas que nous
avons observé de visu.
Observation XXXVI. Accident survenu le 10 Octobre. Première
immersion, profondeur de 16 brasses, séjour d'une demi^ heure,
décompression brusque. Plusieurs immersions antérieures' de la
même profondeur et bien au-dessus, de même décompression, le
' séjour n'ayant jamais duré plus de quinze à vingt minutes.
Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du casque
à 10 heures du malin, impossibilité de parler. - Incapacité incom-
plète de concevoir la parole entendue. Impossibilité de com-
prendre tout ce qui est écrit. ' Agraphie. Traitement par coin-
pression. Immersion à 4 heures du soir. Retour de la parole au
fond de la mer. Guérison complète à 5 heures.
Histoire. Nichitas Mavroyannis, âgé de trente ans. Sa mère
est morte d'un cancer à la matrice; pas de maladies nerveuses
dans sa famille, pas d'antécédents personnels , il aurait eu dans
336 CLINIQUE NERVEUSE.
son enfance la coqueluche. Il a commencé son travail dans l'air
comprimé, l'été de 1883, et il a travaillé pendant une année et
quelques mois sans accident.
Le 10 octobre, il fait sa première immersion près du Pirée à
une profondeur de 16 brasses seulement, et après avoir prolongé
son séjour au fond pendant une heure et demie, il se fait remon-
ter. Il va sans dire que ce scaphandrier avait déjà antérieure-
ment fait des immersions à la même profondeur et bien au-dessus
et de même temps de décompression sans jamais demeurer au
fond en pareil cas plus de quinze à vingt minutes. Pas de refroi-
dissement, pas d'affections pulmonaires; pas de repas avant l'im-
.mersion.
Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du
casque, à 10 heures du matin, il est surpris de constater qu'il est
dans l'incapacité absolue de proférer un seul mot, il ne pronon-
çait que quelques monosyllabes, il comprenait incomplètement
ce qu'on lui disait. On le fait transporter au Pirée et on m'ap-
pelle en toute hâte. Je me rendis aussitôt près de mon malade.
' Etat du malade le 10 octobre à deux heures du soir. Le
malade se trouve dans l'impossibilité d'articuler un seul mot. Il
ne profère que quelques monosyllabes, en les substituant à tout
ce qu'il veut dire. Il conçoit un peu ce qu'il entend, car si on lui
dit qu'il n'est pas un bon scaphandrier et qu'il ne descend pas à
des profondeurs très grandes au delà de 15 à 20 brasses, il pro-
teste énergiquement par ses monosyllabes et par la mimique. Il
faut toutefois noter que cette capacité de comprendre est res-
treinte. Ainsi, en mettant devant lui une tasse, un sucrier et un
morceau de papier et en lui disant : donnez-moi le morceau de
papier, il me donne l'encrier. Si on lui donne un journal à lire,
on constate qu'il ne comprend plus; impossible de déchiffrer un
seul mot : je vois, mais fait-il observer par signes, mais je ne
comprends pas. Si on lui propose d'écrire, on voit qu'il ne peut
y parvenir; pour la plupart des mots il n'écrit que la première
lettre ; pour quelques-uns, la première syllabe, et puis il s'arrête,
il ne peut plus avancer.
L'examen fait par les doigts parait montrer qu'il y a do l'hé-
miopie.
Excepté sa grande émotivité, il n'y a pas d'autres symptômes
céphaliques. Il n'y a aucune trace de paralysie nulle part. Il
n'existe pas de troubles de la sensibilité générale et sensorielle
et du sens musculaire. Rien du côté des urines. Les fonctions du
coeur et des autres organes paraissent se faire régulièrement
Je lui ai conseillé de faire immédiatement une immersion de
10 brasses de profondeur et de prolonger son séjour pendant une
heure. Il fait son immersion à quatre heures. Le malade affirme
que déjà au fondit a été surpt is de constater qu'il pouvait parler ; i
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 287 -
on le fait monter et immédiatement après la décompression, ses
compagnons voient non sans étonnement qu'il n'avait plus de
troubles du langage ; c'était à cinq heures du soir. Il vient me
remercier à Athènes à huit heures du soir, et nous avons remar-
qué qu'il parlait très bien, qu'il concevait parfaitement bien ce
qu'on lui disait, qu'il lisait et qu'il écrivait tout aussi bien qu'a-
vant l'invasion de son accident.
Les observations qui précèdent montrent à l'évi-
dence que la faculté que l'homme possède d'exprimer
sa pensée par des signes peut être atteinte tantôt
d'une manière isolée, un seul de ses éléments consti-
tutifs étant modifié, altéré, et complètement aboli.
C'est ainsi que, chez les hommes des Observations
XXXII, XXXIII et XXXIV, cette faculté n'a été modi-
fiée que dans un de ses éléments à savoir la mémoire
des mouvements coordonnés qu'il faut faire pour
articuler les .mots. Les malades de ces observations
étaient absolument incapables de proférer un seul
mot : par contre, la mémoire auditive n'avait pas été
modifiée, les malades entendaient tout et compre-
naient tout. En ce qui concerne les malades des
Observations XXXIII et XXXIV, la mémoire visuelle
des mots et la mémoire des mouvements graphiques
ne peuvent pas être prises en considération, car ces
deux personnes n'ont jamais acquis ces deux facultés
du langage. C'est seulement le malade de l'OBSERVA-
tion XXX11 qui possédait ces facultés d'exprimer sa
pensée et qui lisait, mentalement, tout avec facilité;
il écrivait couramment et il concevait parfaitement
tout ce qu'il lisait et tout ce qu'il écrivait. Or, nous
étions là en présence d'une aphasie motrice (type
Bouillaud-Broca).
Par contre, chez l'homme de t'OBSERVA'noN XXXV,
238 CLINIQUE NERVEUSE.
la facultas signatrix de Kant n'a été altérée ni modi-
fiée que sous le rapport de sa mémoire auditive des
mots; le malade entendait tout, mais il ne comprenait
rien. 11 n'aurait pas perdu la mémoire des mouve-
ments coordonnés pour articuler les mots ; il proférait
tous les mots. Chez lui, il n'y avait ni mémoire
visuelle des mots, ni mémoire- des mouvements gra-
phiques. Il n'avait jamais appris ni à lire ni à écrire.
Nous n'avons pas observé de cas de cécité verbale ou
cécité des mots (Wortblindheit), isolée et dégagée de
tout mélange. Tantôt plusieurs éléments constitutifs
de la faculté du langage peuvent être altérés. Ainsi,
chez le malade de l'OBSERVATION XXXVI, le langage a
été modifié sous plusieurs rapports. 11 avait perdu tout
à fait la mémoire des mouvements coordonnés qu'il
faut faire pour articuler les mots ; le malade ne profé-
rait pas un seul mot : b), la mémoire visuelle des
mots : il ne pouvait pas lire, mentalement, ce qui était
écrit; c), la mémoire des mouvements graphiques : il
n'était pas capable d'écrire; d), incomplètement la mé-
moire auditive des mots ; il concevait imparfaitement
ce qu'on lui disait. Les caractères généraux des trou-
bles du langage qui peuvent survenir par l'emploi des
scaphandres sont au moins dans la majorité des cas
les suivants : a), la brusquerie de l'invasion ; b), leur
durée très courte; et c), leur brusque disparition.
A propos de ces caractères qui spécialisent en quel-
que sorte les troubles du langage de cette origine, n'ou-
blions pas de noter le fait original qui s'est passé chez
le malade de I'Observation XXXI. Son aphasie motrice
survenant brusquement et d'une durée momentanée
disparaissait non moins brusquement durant quelques
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 339 9
minutes pour réapparaître après, et ainsi de suite,
quatre fois eu tout. On assistait là à une aphasie mo-
trice réitérée.
2. forme SENSORIELLE.
Le lecteur aura déjà remarqué que des troubles
oculaires et auditifs peuvent figurer dans la sympto-
matologie des formes diverses et multiples, provenant
de l'emploi des scaphandres. Aussi on n'aura certes
pas oublié la cécité de cinq minutes de l'OBSERYATION V,
les éblouissemeuts des yeux et la vision d'étincelles de
l'OBSERVATIO-,f XVII, la cécité de plus de six semaines
de l'OBSERVATION XX, et enfin les bourdonnements
d'oreilles avec un certain degré de confusion de l'ouïe
de l'OBSERVATION X.
Tous . ces'troubles sensoriels ont figuré comme
symptômes de la période du début des différentes
formes spinales ; en d'autres termes, à titre de symp-
tômes. Nous allons maintenant voir que les troubles
sensoriels peuvent survenir chez les plongeurs à
scaphandre à titre de forme clinique spéciale, autre-
ment dit, ces symptômes peuvent se rencontrer isolés,
dégagés de toute complication, d'une simplicité et
d'une pureté vraiment remarquables, et ils constituent
alors tout le tableau clinique. Il nous a été donné
d'observer cette forme sensorielle soit sous la variété
oculaire, soit sous la variété auditive.
A. Variété oculaire. De cette variété, nous
n'avons à rapporter que deux cas de cécité, dont la
durée totale chez le premier a été d'une demi-heure ;
I)l 110 CLINIQUE NERVEUSE.
et le deuxième de quatre semaines. En voici les ob-
servations :
Observation XXXVII.
Paul Rhodios, até de vingL-cinq ans, pas d'antécédents héré-
ditaires ou personnels. Il a commencé son métier de plongeur à
scaphandre au mois de février 1886. Il aurait travaillé durant
quelques mois sans accidents. Le 15 août il descend à une pro-
fondeur de 17 brasses, c'était la première immersion de la jour-
née, et après avoir demeuré une heure et trois quarts, il se fait
brusquement remonter.
Notons bien que ce plongeur était déjà antérieurement descendu
un grand nombre de fois à cette profondeur et bien au-dessus et
qu'il se faisait toujours brusquement, parfois en quelques secon-
des, décomprimé. Mais jamais, jamais, je le répète à dessein, il
n'avait dépassé les vingt minutes de séjour au fond. 11 importe
en outre de remarquer que cet homme n'était refroidi; il ne tous-
sait pas et il n'avait pas mangé avant son immersion.
Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du
casque, cet homme tout d'un coup a complètement perdu la vue,
il ne voyait rien. La perception lumineuse a tout à fait disparu ;
il ne distinguait plus le jour de la nuit. En même temps, il avait
une sensation de brûlure tellement intense dans les yeux qu'il les
frottait follement. Les conjonctives auraient été rouges.
Il n'y aurait eu ni vertiges, ni perte de connaissance, ni étour-
dissements, ni bourdonnements d'oreilles, ni troubles de la parole,
ni paralysie, soit de la face, soit des extrémités, enfin aucun autre
symptôme. C'était la cécité accompagnée de la sensation de
brûlure et de la rougeur des conjonctives qui faisait les frais de
toute la symptomatologie de cet accident.
Au bout d'une demi-heure, le malade a commencé brusque-
ment à voir clair et tout rentra dans l'ordre, sauf la rougeur
des conjonctives, qui aurait persisté jusqu'au lendemain matin.
Observation XXXVIII.
Basile Matzis, âgé de trente-deux ans; son père est mort d'un
cancer à l'estomac; pas d'autres antécédents héréditaires. Les
antécédents personnels n'offrent rien d'important. Il a commencé
son travail dans l'air comprimé en 1880 et aurait travaillé pen-
dant trois ans, sans accident. Le 13 août 1883, il fait sa première
immersion de la journée à une profondeur de vingt brasses et il
ne demeure que quinze minutes au fond. Il a été extrêmement
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DÉS SCAPHANDRES. 241
fatigué étant obligé pour garder sa place, de lutter contre un cou-
rant de mer très fort et de marcher même contre lui. Il s'est fait
brusquement décomprimer. ' C.,
Il aurait déjà antérieurement fait un grand nombre de fois des
immersions dans les mêmes conditions comme profondeur, comme
séjour, et comme décompression. Mais il affirme que depuis qu'il
travaille dans l'air comprimé, il n'avait jamais rencontré un cou-
rant de mer si fort et qu'il n'a jamais été aussi fatigué que cette
fois-là. Immédiatement après la décompression etl'enlèvement du
casque, c'était 10 heures matin, le malade est pris dans les yeux
de douleurs si intenses, qu'il poussait des cris, pitoyables; en
même temps, le malade avait perdu presque complètement la
vue; il distinguait un peu la lumière. Au bout de quelques minu-
tes, cette perception luminense disparait à son tour tout à fait et
le malade ne distinguait pins le jour de la nuit. Ses conjonctives
auraient été rouges.
Le lendemain matin, 14 août, les douleurs avaient presque
complètement disparu et( il ne lui reste qu'une sensation incom-
mode de plénitude dans les yeux et de brûlure, il se frottait les
yeux et les pressait pour se soulager. La cécité était absolue.
Vers la fin de la première semaine, ces sensations de pléni-
rude et de brûlure avaient disparu. Pendant trois semaines après
l'accident, le malade ne voyait rien et ne distinguait pas le jour
de la nuit, n'avait, dit-il, devant'ses yeux une grande tache noire
qui quelquefois changeait de couleur.
' Au début de quatrième semaine le malade, à sa grande joie;
avait commencé à voir clair. Dès ce moment, cette amélioration a
grandement marché au point qu'à la fin de la quatrième'
semaine, le malade voyait comme avant son accident. `
Ce malade, excepté quelques petits vertiges n'aurait eu ni perte
de connaissance, ni paralysie aucune. Le tableau clinique était
exclusivement constitué par les troubles oculaires. -- Etat actuel.
Rien.
Les observations qui précèdent, aussi bien que dans
celles du tableau clinique, la cécité figure comme
symptôme du début et nous servent à mettre en relief
quelques caractères qui donnent le.cachet de spécialité,
à la cécité provenant de l'emploi des scaphandres, soit
à titre de forme clinique spéciale, soit à titre de symp-
tôme. Ces caractères sont les suivants : 1° la brusque-
rie de son invasion ; chez tous nos malades, l'invasion
Archives, t. XVII. 16
.242 CLINIQUE NERVEUSE.
a été brusque ; 2° les troubles oculaires ont le maxi-
mum de leur intensité dès le début ; en effet, chez
tous les malades, la cécité a été complète ou presque
complète dès le premier moment de leur invasion ;
3° leur durée est très courte et parfois instantanée ;
six semaines pour l'OBSERVATION XX, quatre semaines
pour l'OBSERVATION XXXVIII ; une demi-heure pour
]'OBSERVATION XXXVII; et cinq minutes seulement
pour l'OBSERVATION V; 4° leur rapide disparition,
Observations XX et XXXV111, et parfois soudaine,
Observations V et XXXVII.
B. Variété auriculaire. Les troubles auditifs
occupent une place importante parmi les accidents cé-
rébraux qui proviennent de l'emploi des scaphandres.
Je trouve quatre cas de ce genre dans mes notes. Les
troubles auditifs présentés par mes malades con-
sistent essentiellement, comme symptôme majeur,
en une altération profonde des facultés auditives.
A ce symptôme principal, vient très souvent s'ajouter
un autre phénomène d'importance relativement se-
condaire ; ce sont les sentatious subjectives de bruits
auriculaires (bourdonnements, tintements, etc.). On
sait déjà que les troubles auditifs ont figuré une fois
Observation X (bourdonnements survenant par inter-
valles rapprochés, bruits de cascade), comme symp-
tôme de la période de début. Nous allons main-
tenant les voir à titre de forme clinique spéciale, la
symptomatologie de ce genre d'accident étant unique-
ment et exclusivement caractérisée. par les troubles
auditifs.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 243
Observation XXXIX.
Stylianos Cosmas, âgé de vingt-cinq ans. Pas d'antécédents
héréditaires ou personnels, il avait commencé son métier de plon-
geur à scaphandre en 1885 et il a travaillé durant une année sans
accident.
Le 10 juin 1886, il descend à une profondeur de vingt-deux bras-
ses il ne demeure que douze minutes seulement, au bout desquelles
il s'est fait brusquement remonter. C'était sa première immer-
sion. Il n'y avait pas de courant de mer, et en conséquence, il
n'était pas fatigué; il n'avait pas chargé son estomac avant sa des-
conte. Il se portait très bien avant son immersion.
Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du cas-
que, c'était 9 heures matin, il est pris de cophose, son ouïe s'était
éteinte des deux côtés. Il n'entendait absolument rien; en même
temps, il avait des bourdonnements intermittents, il avait la per-
ception des bruits de vapeur. Pas de vertiges. Pas d'autres symp-
tômes céphaliques. Pas de paralysie. Enlin il n'y aurait rien eu
nulle part. A 10 heures, presque subitement le malade recouvra
intégralement ses facultés auditives. Le scaphandier entendait, dit-
il, aussi bien qu'avant son accident. Etat actuel, 2 août 1886.
Rien.
Observation XL.
Le nommé Constantin Jannoulis, âgé de trente ans, sans anté-
cédents héréditaires ou personnels, a commencé à travailler dans
l'air comprimé au mois de mai 18SG; il aurait travaillé jusqu'au
10 juillet, sans accidents. Ce jour-là, après avoir fait six immer-
sions successives à une profondeur de vingt-trois à vingt-quatre
brasses, dix à douze minutes de séjour et d'une décompression
brusque, il redescend pour la première fois dans des conditions
exactement identiques de profondeur, de séjour et de décom-
pression. Il importe au point de vue étiologique de remarquer
que ce plongeur n'était pas refroidi. Il ne toussait pas et il n'avait
pas fait de repas avant son éclusement. Notons en outre qu'il
n'était pas fatigué.
Un quart d'heure après l'enlèvement du casque, le plongeur
est saisi d'une confusion de l'ouïe très prononcée; il ne pervenait
à percevoir que quelques mots seulement. La plupart des mois lui
échappaient complètement. Au bout de quelques minutes, la
surdité était devenue complète et absolue, il n'entendait rien.
A la surdité vient s'ajouter un autre phénomène secondaire,
c'était un bruissement continu qu'il compare au murmure d'un
vent léger.
'244 CLINIQUE NERVEUSE.
Au bout de deux heures environ, il' a commence de nouveau à
entendre d'une façon confuse. Dès ce moment, d'une minute à
l'autre sa perception auditive se complétait, au point qu'au bout
d'un quart d'heure environ le sens de Toute était revenu à l'état
normal.
Etat actuel, 28 juillet 1886. - (18 jours après l'accident.) Il n'y a
rien. Les facultés auditives sont excellentes.
013SERVATICN XLI.
- Pierre Challites, âgé de vingt-quatre ans ; son père est mort
d'apoplexie; pas d'autres antécédents héréditaires, pas d'antécé-
dents personnels. Il a commencé son métier de scaphandrier le
2 mai 1884, et il aurait travaillé pendant un mois environ sans
accident. Le 1er juin, il fait sa première immersion de la jonr-
née à une profondeur de dix-neuf brasses et demeure au fond
une heure et demie, étant tombé par hasard sur un endroit plein
d'épongés. Au bout de ce temps, il s'est fait brusquement remonter.
Il était déjà antérieurement descendu un grand nombre de fois à
la même profondeur, même temps de décompression, mais il
n'aurait jamais demeuré à cette profondeur plus de quinze à
vingt minutes. Il n'était pas refroidi, il ne toussait pas, il
n'avait pas mangé avant son immersion qui était la première de
ce jour.
Un quart d'heure après la décompression et l'enlèvement du
casque, cet homme est pris d'une surdité complète, absolue,
accompagnée de petits vertiges, pas de bourdonnements d'oreilles.
Pas d'autres symptômes céphaliques. Pas de phénomènes paraly-
tiques, enfin pas d'autres troubles quelconques.
Cet état de cophose complète n'a duré que cinq heures à peu
près au bout desquels il a disparu complètement et définiti-
vement. État actuel (15 mars 1885). Rien.
OI3SEIi1'ATION ilLlI.
Georges Carydas, figé de vingt-trois ans, pas d'antécédents
héréditaires ou personnels; il a commencé son métier de plon-
geur à scaphandre en 1885, et il aurait travaillé pendant une
année sans accident. Le 10 juin 1886, après avoir déjà fait cinq
immersions à une profondeur de 20 à 22 brasses, dix à treize
minutes de séjour et d'une décompression brusque, il redescend
pour la sixième fois dans les mêmes conditions. Il faut noter que
le plongeur à scaphandre n'était pas refroidi, il ne toussait pas
et il ne s'était pas chargé l'estomac. Pas de fatigue.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 24S 5
Immédiatement après la décompression, le malade n'entend
plus. Sa surdité est complète, absolue. Concurremment à la copliose,
il avait des bruits auriculaires continus et intenses que le malade
compare au bruit d'une chaîne de fer, violemment traînée. Pas
de vertiges ni autres symptômes céphaliques, pas d'autres
troubles quelconques. '
Au bout d'une semaine, il a commencé par entendre, toutefois
d'une façon très confuse. Dès ce moment, son état s'est fort amé-
lioré, mais son ouïe n'est jamais revenue à l'état normal, ses
bourdonnements étaient moins forts et intermittents.
État actuel (28 juillet 1887). Il est loin d'être sourd; il a les
oreilles dures, il entend mal dans une conversation générale;
mais dans le tête-à-tête, c'est à peine s'il est nécessaire de répéter,
de temps à autre, quelques mots qui lui échappent. En dehors de
cette dureté de l'ouïe cet homme ne présente rien d'anormal.
Ce court exposé des observations si pleines d'in-
térêt aura certes révélé au lecteur certaines parti-
cularités importantes qui sont presque caractéristiques
de la surdité provenant de l'emploi des scaphandres.
Citons surtout les suivants :
1° L'invasion brusque ; 2° l'intensité excessive et
existant dès le premier temps de l'invasion ; 3° la
curabilité habituelle et très rapide. Précisons davan-
tage.
1° Les surdités d'autres origines (la surdité sénile,
par exemple) ont la propriété de se développer avec
une excessive lenteur. Même la surdité tabétique,
malgré ses progrès remarquablement rapides, met
des mois, exceptionnellement des semaines, pour
atteindre le plus haut degré de son développement
et devenir complète. Par contre, la surdité en question
survient brusquement dans quelques minutes ou
quelques heures. C'est, à coup sûr, le caractère
le plus important.
2° Chez les quatre malades, l'intensité de la surdité
était excessive. Les malades n'entendaient rien, pas,
246 CLINIQUE NERVEUSE.
même les bruits les plus forts. Voici un autre carac-
tère de la plus grande importance ;
3° Le troisième caractère que nous désirons mettre
en relief, c'est la curabilité, le plus souvent complète
et brusque, survenant dans une heure pour l'O.BsER-
VATION XXXIX, deux heures et quart pour 1OBSEe-
VATION XL, et cinq heures pour l'OBSERVATION XLI,
parfois incomplète, lentement et graduellement rétro-
gressée, Observation XLII. Ce n'est qu'une seule fois
que nous avons observé une cophose unilatérale com-
plète et définitive qui a nécessairement suivi la rup-
ture du tympan gauche. Voici l'observation :
Observation L111.
" Le nommé JeanCalomyris, âgé de vingt-deux ans, sans anté-
cédents héréditaires ou personnels, a commencé à travailler sous
l'air comprimé en 1885. Il aurait travaillé pendant une année
ayant fait régulièrement ses campagnes pour la pêche des épon-
ges, sans accident.
Le 12 juin 1886, ce plongeur se lève indisposé, ayant des fris-
sons, mal à la tête et une lassitude générale. Il n'a pas voulu tra-
vailler. La nuit du 13 au 13 juin fut agitée; fièvre, céphalalgie
intense, insomnie.
Le 13 juin, son état n'avait pas changé ; il avait des frissons,
pas de toux. Cependant, malgré son indisposition, il se décide à
travailler. Il fait étant à jeun sa première immersion à la pro-
fondeur de 23 brasses et après avoir demeuré dix minutes sans
être fatigué, il s'est fait brusquement remonter.
Ce scaphandrier, notons-le bien, aurait déjà antérieurement
fait un grand nombre d'immersions dans les mêmes conditions
de profondeur, de durée de séjour et de rapidité de décompres-
sion sans avoir jamais eu d'accident.
Une dizaine de minutes après la décompression et l'enlèvement
du casque, pendant qu'il se préparait à redescendre, il fut tout
d'un coup pris d'une forte douleur dans l'oreille gauche ; en
même temps il avait des vertiges. Dans quelques minutes, les
douleurs étaient devenues insupportables au point qu'il poussait
des cris déchirants, quand soudain le malade sent de l'air sortir
de son oreille en sifflant; ce fait a été immédiatement suivi d'un
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 247 Î
soulagement remarquable. Dans la suite les doulenrs avaient dis-
paru mais il n'enteudaitplus rien de l'oreille droite.
Etat actuel (20 mars 1887). La cophose est complète et défi-
unitive. Il a une rupture du tympan gauche.
3. FORME ÉPILEPTIFORME.
Cette forme cérébrale doit certainement être rare
pour que nous ne soyons en mesure 'de rapporter
qu'une seule observation qui, au point de vue symp-
tomatotogique, est un très beau spécimen d'épilepsie
jaksonnienne ou partielle. La voici :
Observation XLIV.
Sotiris Galaphas, âgé de trente ans. L'hérédité soigneusement
interrogée n'a pas'montré le moindre accident nerveux dans la
famille. Les-antécédents personnels n'offrent non plus rien d'im-
portant ; pas d'accidents syphilitiques, ni paludéens, pas de ma-
ladies antérieures, pas d'excès d'aucune sorte; il ne boit pas. 11 a
commencé son métier de plongeur à scaphandre en 1882 et il a
travaillé pendant deux ans, faisant régulièrement ses campagnes
de l'année pour la pêche des éponges, sans accidents sérieux.
Une fois seulement au cours de l'été 1883, il aurait eu des dou-
leurs au genou droit de quelques heures dans des conditions que
le malade ne peut pas définir.
Le 3 août 1884, de retour de la grande campagne d'été, il fait
sa première immersion près des côtes d'Egine, à une profondeur
de 25 brasses et après avoir séjourné au fond de la mer 5 minutes,
il ferme la soupape pour se faire instantanément remonter ; la
décompression n'aurait pas duré plus de 3 à 4 secondes. Ce plon-
geur aussi bien que ses compagnons affirment qu'il est déjà anté-
rieurement descendu un grand nombre de fois à cette profon-
deur et avait séjourné au fond 5 et même 7 minutes sans accident,
mais il ne s'est jamais décomprimé si brusquement.
Ce plongeur n'était pas refroidi, il ne toussait pas, il n'avait pas
chargé son estomac avant l'immersion, il n'a pas été fatigué au
fond. 2 à 3 minutes après la décompression et l'enlèvement du
casque, c'était à 7 heures du matin, le scaphandrier a senti un
malaise général indéfinissable ; un de ses compagnons lui
demande si il souffre et où ; il répond qu'il ne se porte pas bien,
mais il ne sait pas ce qu'il a. On se met à le déshabiller pour le
248 CLINIQUE NERVEUSE.
frictionner. On n'avait pas encore enlevé tous ses effets que cet
homme tombe en proie à dos convulsions qui se limitaient au
côté droit du corps.
On le fait aussitôt transporter à Egine où j'étais à ce moment
pour mes recherches, et on me fait appeler en toute hâte : je me
rendis aussitôt près de mon malade, et voici ce que nous avons
constaté.
Etat actuel 3 août 1884, 3 heures du matin. Le malade est cou-
ché dans le lit en proie à des accès convulsifs ; l'accès commence
par une flexion excessive du membre supérieur gauche au
niveau des articulations du poignet et du coude, qui prend en
même temps l'attitude de la pronation forcée. Au bout de
quelques secondes, ce membre s'agite dans toute son étendue par
des secousses rythmiques. Aussitôt après, la tête se tourne vers
l'épaule geuche et est ébranlée, elle aussi, par ces mêmes
secousses; simultanément le côté gauche de la face est pris de gri-
maces qui se succèdent rapidement et rhythmiquement. Le
membre inférieur gauche ne tarde pas à son tour à être envahi, il
se raidit dans l'extension forcée ; quelques secondes après, il est
vibré de trépidation et l'accès finit.
Dans certains accès, à ce moment, une perte de connaissance
survient en même temps que la rigidité et la vibration rhyth-
mique gagnent le côté opposé du corps. Chaque accès est suivi
d'une parésie assez marquée des extrémités de la moitié gauche
du corps. La température s'est élevée à midi à une grande
hauteur : 41° ; pouls, 150.
Nous sommes resté près de notre malade jusqu'à la disparition
complète et définitive de l'accident qui a eu lieu à midi 40 et qui
a été suivi d'une parésie des membres supérieurs et inférieurs
gauches. Cetle parésie a duré trois heures environ, au bout des-
quels elle guérit complètement et définitivement. Le nombre
total des accès qui ont eu lieu en ma présence s'est élevé au
chiffre de 20, sans compter les accès de 2 heures qui se sont écou-
lés depuis le moment de leur invasion jusqu'à celui de notre con-
sullation. Pas d'autres symptômes céphaliques. Les autres
organes paraissent fonctionner régulièrement.
Pour observer l'évolution naturelle de l'accident ; nous n'avons
employé aucune médication; un peu d'eau de menthe. Depuis ce
moment, nous avons plusieurs fois vu ce malade et nous avons
appris que depuis lors les accès n'ont jamais réapparu.
4. FORME CÉRÉBRALE PARALYTIQUE.
Les différentes paralysies d'origine cérébrale n'ont
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 249
pas, à coup sûr, la même fréquence que celles d'ori-
gine spinale, mais elles ne sont pas très rares. Elles
revêtent, cliniquement, tantôt le type d'hémiplégie
et tantôt le type de paralysie partielle.
A). Type d'hémiplégie. De ce type nous avons
deux observations que voici :
Observation XLV. Le 10 juillet 1873, hémiplégie gauche, une
demi-heure de durée, provoquée par la septième immersion faite à
une profondeur de 20 à 21 brasses, un quart d'heure de séjour au
fond, décompression brusque. Le 7 août \ 874, hémiplégie droite
de quatre jours de durée, survenue à la suite de la sixième immer-
sion faite dans les mêmes conditions que les cinq précédentes.
Dès celle époque jusqu'à 1882, treize hémiplégies tantôt gauches,
tantôt droites, 3 ci 5 heures de durée. L'hémiplégie sunve-
natt toutes les fois qu'il dépassait le nombre 5 des immersions,
toutes les autres conditions étant égales. De 1882, jusqu'en juillet
1886 plus d'hémiplégies; il iz*a jamais fait plus de cinq immersions.
Nistoire.-1\lichel Chais, âgé de trente-sept ans, les antécédents
aussi bien héréditaires que personnels n'offrent rien d'important.
Il est d'une constitution très forte. Il a commencé son travail dans
l'air comprimé en 1870 et il a travaillé pendant trois ans sans acci-
dent. t.
Le 10 juillet 1873, après avoir déjà fait six immersions à une
profondeur de 20 à 21 brasses, il en fait une septième; il n'a
demeuré dans le fond qu'un quart d'heure environ, au bout
duquel il s'est fait remonter. Immédiatement après l'enlèvement
du casque, on le voit se frotter les yeux, ce qui était dû à une
sensation de brûlure intolérable, ses conjonctives auraient été en
même temps rouges. Aussitôt après, le malade sent son bras
gauche extrêmement lourd et il ne peut l'élever; il avait aussi la
bouche un peu de travers, de façon à attirer l'attention. En même
temps, le malade se plaignait d'une douleur à la région gastrique
avec sensation d'angoisse. Cet état, qui n'était accompagné d'au-
cun autre symptôme soit céphalique soit de nature quelconque,
sauf une douleur vague aux lombes, a duré seul isolé une heure
et demie. Au bout de ce laps de temps, une paralysie du membre
inférieur gauche survint. A ce moment, le malade est pris de
vomissements qui l'ont soulagé de son poids épigastrique.
Quand on le pinçait, qu'on le frottait ou qu'on touchait le côté
gauche de son corps, le malade sentait très bien. Il se plaignait
seulement de douleurs lancinantes, qui siégeaient aux différentes
2S0 CLINIQUE NERVEUSE.
régions du côté paralysé. Cette scène morbide a duré au total
trois heures et le lendemain matin, il reprend son travail. Le
7 août 1874, il fait cinq immersions sans attaque, il redescend à
la même profondeur de 20 à 21 brasses et sans demeurer plus de
quinze minutes dans le fond de la mer, il s'est fait brusquement
remonter.
Après l'enlèvement du casque, il est pris d'une brûlure intolé-
rable aux yeux, qu'il frottait follement et qui étaient en même
temps rouges. En outre, il avait bientôt un poids à l'estomac,
sans gonflement au moins apparent, en même temps qu'une
paralysie du membre supérieur non plus le gauche, ce qui lui est
arrivé le 10 juillet de l'année précédente, mais le droit, le malade
étant dans l'incapacité de faire le moindre mouvement. La bouche
n'était pas cette fois-ci de travers,'au moins d'une 'façon visible.
Cette paralysie dure deux heures, au bout desquelles il est pris
d'une paralysie du membre inférieur droit, sans troubles de la
sensibilité, car le malade sentait bien, quand on le touchait ou
qu'on le pinçait, il était seulement tourmenté de temps à autre
de douleurs lancinantes. Cette hémiplégie dure quatre jours seu-
lement, au bout desquels il a repris son travail, étant parfaite-
ment bien portant.
Depuis lors jusqu'à présent, il a été atteint treize, fois encore
de pareils accidents, ce qui fait au total quinze fois : sept fois à
gauche et huit à droite. Toutes les fois qu'il dépassait les cinq
immersions de suite à la même profondeur et à la même durée
de séjour au fond de la mer, il était atteint des mêmes accidents,
à savoir une paralysie du membre supérieur tantôt gauche tantôt
droit avec ou sans paralysie faciale apparente, paralysie précédée
toujours des troubles oculaires, brûlure, rougeur, frottement,
accompagnée constamment d'une douleur gastrique avec sensa-
tion d'angoisse sans gonflement au moins apparent et suivie
après un temps qui varie entre une demi-heure et deux heures
d'une paralysie du membre droit correspondant avec des douleurs
vagues aux lombes et lancinantes aux membres affectés ; pas
d'autre symptôme céphalique, pas d'anesthésie, pas de troubles
urinaires ou génitaux ou rectaux, enfin rien. -- Cet état a duré
de 3 à 5 heures. Depuis 1882, étant persuadé qu'aucun accident
ne saurait lui arriver, quand il n'aurait pas dépassé les cinq
immersions, il n'a jamais osé faire la sixième et en conséquence
il n'a jamais été affecté. Etat actuel (28 juillet 1886.) Rien.
Tous les organes paraissent fonctionner régulièrement.
Observation XLVI.
Cosmas Cosmitis, âgé de vingt-six ans, sans antécédents here-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 2S1
ditaires ou personnels, a commencé à travailler dans l'air com-
primé en 1877 et il a travaillé sept ans sans accident.
Le 27 juillet 1884 il fait une première immersion à27 ou28 brasses
de profondeur et après avoir demeuré sept minutes il s'est fait
brusquement décomprimer. Il redescend une seconde fois par la
même profondeur mais il prolonge son séjour au fond de la mer
au delà de vingt minutes.
Un quart d'heure après l'enlèvement du casque, le plongeur est
pris de douleurs constrictives à la jambe gauche et bientôt d'une
hémiplégie gauche. Il n'y aurait pas de troubles de la sensi-
bilité. ZD c -
Il avait en même temps une sensation précordiale avec plénitude
et gêne de la respiration accompagnée de palpitations. 11 n'y a
pas eu d'autres symptômes céphaliques. Il n'y aurait pas eu d'autres
symptômes quelconques. Etat actuel (5 août 1884). Rien.
B). Type de paralysie partielle. De ce type nous
avons deux observations intéressantes dont l'une est
un exemple de paralysie de la face et du membre
supérieur gauche.
a). Paralysie faciale. '
Observation XLVII.
Aggelis Couroupis, âgé de vingt-trois ans. Pas d'antécédents
héréditaires ou personnels. Il a commencé son travail en 1885 et il
travailla pendant une année sans accident.
Le 13 juillet 1886, il fait sa première immersion à la profondeur
de 23 brasses, treize minutes de séjour, décompression brusque,
Il serait déjà antérieurement descendu exactement dans les mêmes
conditions de profondeur, de séjour et de décompression. Il n'a
pas été fatigué et il n'aurait pas mangé avant l'accident ; pas de
refroidissement, pas de toux. Dix minutes après l'enlèvement du
casque, le plongeur est pris de paralysie faciale gauche. Il fermait
l'oeil gauche aussi bien que le droit.
Il n'y aurait eu aucune trace de paralysie des extrémités. Pas de
vertiges, ni de perte de connaissance, ni de troubles du langage,
ni autres symptômes céphaliques. 11 n'y aurait non plus d'autres
symptômes quelconques. Cette paralysie faciale a duré à peu près
une demi-heure, au bout de laquelle elle a disparu tout à fait.
252 CLINIQUE NERVEUSE. ACCIDENTS PAR LES SCAPHANDRES.
b). Paralsie de la face et du membre supérieur droit.
Observation XLVIII.
Le nommé Jean Coussatakis, âgé de vingt-quatre ans, sans
antécédents héréditaires ou personnels, ayant commencé son mé-
tier de plongeur à scaphandre en 1882, a travaillé pendant deux
ans sans accident. Le 12 juillet 4884, après avoir déjà fait sept
immersions successives sans accident, à une profondeur de'
23 brasses, de douze à quinze minutes de séjour et d'une décom-
pression brusque, il en fait une huitième dans les mêmes condi-
tions que les sept précédentes.
Une dizaine de minutes se passent et le malade se porte parfai-
tement bien. Au bout de ce temps, tout d'un coup, il est pris de
paralysie complète du membre supérieur gauche. La bouche, en
même temps, était de travers. Il pouvait fermer l'oeil gauche aussi
bien que le droit. Il n'y a aucune trace de paralysie au membre
supérieur droit et aux inférieurs. Sauf quelques petits étourdisse-
ments, le malade n'avait aucun autre symptôme céphalique. Pas
d'autres symptômes.
Le 16 juillet, c'est-à-dire quatre jours après l'invasion de l'acci-
dent, le plongeur a repris ses immersions à des profondeurs
moyennes, 14 à 15 brasses, quinze minutes de séjour et brusque
décompression. 11 lui était impossible de se servir de son bras
gauche. Le 17 juillet, il a commencé à pouvoir exécuter quelques
petits mouvements. Sa paralysie faciale aurait été améliorée. Ses
immersions continuent comme moyen thérapeutique. Depuis lors
l'amélioration a continué de faire ses progrès.
Etat actuel (15 août 1884, le dix-neuvième jour de l'accident).
Le malade a une certaine difficulté de lever son bras gauche.
Sa main gauche serre bien moins que la droite. La force
dynamométrique est de 30 à gauche et de 65 à droite. Il ne peut
lever de lourds objets. Il lui arrive même parfois que les objets
légers lui échappent des mains.
La paralysie prédomine incontestablement aux muscles innervés
par les nerfs cubital et médian. Quand on pince la paume de sa
main gauche, il sent des engourdissements dans les doigts. Pas
d'autres troubles de la sensibilité.
Le sens musculaire est affecté. Ainsi, si on lui dit de porter le
doigt indicateur sur le bout du nez, alors le malade ne réussit pas
et déplace la main. Il est, en outre, absolument incapable d'appré-
cier le poids des objets.
Sa bouche est tirée à droite; il ferme très bien l'oeil gauche.
Il n'y a aucune trace d'atrophie musculaire. La contractilité
électrique est normale.
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 25H
Pas de troubles vaso-moteurs. Il n'y a pas de symptômes cépha-
liques. La vessie, le rectum et les organes génitaux paraissent
fonctionner régulièrement.
Nous avons revu le malade après trois mois, le 20 novembre 1884.
11 n'y a aucune trace de paralysie, soit faciale, soit du membre
supérieur gauche depuis un mois, époque de la disparition des
phénomènes paralytiques.
Nous retrouvons ici encore les mêmes caractères
qui servent à spécialiser les paralysies cérébrales
d'origine scaphandrienne, à savoir : 1° la brusquerie
de l'invasion; 2° l'intensité excessive; 3° leur durée
très fugitive ; 4° leur curabilité constante en cas d'ac-
cidents cérébraux, non fugitifs plus ou moins per-
sistants. C'est ainsi que le docteur A. Kindynis,
agrégé de notre faculté, nous a communiqué qu'il a
observé deux cas d'hémiplégies cérébrales chez deux
scaphandriers qui, après avoir duré quelques mois,
ont disparu complètement sans laisser la moindre
trace. Malheureusement, il a perdu ses observations.
(A suivre.) .
REVUE CRITIQUE
GRAND ET PETIT HYPNOTISME';
Par J. BABINSKI,
Ancien chef de clinique à la Salpètrière.
Autrefois, nous voulons dire avant ,1878, beaucoup niaient
l'hypnotisme, et expliquaient purement et simplement tous les
phénomènes produits pur l'hypothèse commode, de la simula-
' Voir Archiues de u'euroloyie, u° Ffl, p. 32. ,
254 REVUE CRITIQUE.
tion. Depuis les études de la Salpêtrière, on ne parle plus
guère de simulation, ou du moins si quelques personnes attar-
dées ou de parti-pris se servent encore de cette interprétation
simpliste, elles ne font qu'exprimer des opinions isolées et de
plus en plus timidement exprimées. On veut soutenir aujour-
d'hui que tous les phénomènes hypnotiques observés à la
Salpêtrière et ailleurs sont réels, mais que ce sont des produits
de la suggestion. La suggestion, a-t-on dit, c'est la clef du
braidisme. Ainsi, la controverse s'est déplacée; elle ne porte
plus sur ce point capital, à savoir si l'hypnotisme est une
réalité ou une jonglerie; elle porte sur la question de savoir
quelle est la cause, quelle est la genèse des phénomènes
hypnotiques.
L'assertion que la suggestion est la clef du braidisme a été
lancée par l'École de Nancy; on réunit d'ordinaire sous ce
nom quatre expérimentateurs. : MM. Liébault, Bernheim,
Beaunis et Liégeois.
Donc, d'après l'École de Nancy, tous les phénomènes dits
hypnotiques seraient le produit de la suggestion. La suggestion
est l'acte par lequel l'opérateur impose une idée à son sujet,
par la parole ou par des gestes ; un phénomène suggéré est
donc un phénomène qui a une cause psychique, qui est pré-
cédé par une opération psychique. Tout le monde admet au-
jourd'hui qu'un grand nombre de phénomènes hypnotiques
sont des effets de la suggestion, et la suggestion, dans tous ses
détails, a été longuement étudiée par divers expérimentateurs
qui appartiennent à l'École de la Salpêtrière'. On sait que
par cette méthode, il est possible de donner à un sujet con-
venablement préparé des hallucinations , des ordres , des
rêves, le frapper d'anesthésie et de paralysie. L'étude de la
suggestion ouvre à la psychologie des horizons nouveaux en
lui fournissant ce qui lui manquait jusqu'ici, une méthode
d'expérimentation.
Mais ceux qui ont étudié la suggestion n'ont pas tous été
jusqu'à prétendre qu'elle constitue la seule et unique cause de
tous les phénomènes présentés par les sujets hypnotisés. Cette
thèse appartient à l'École de Nancy et plus particulièrement à
M. Bernheim. M. Beaunis, en effet, a déclaré récemment qu'il
était convaincu que la suggestion ne suffit pas à tout expliquer.
1 Voir en particulier Binet et Féré, loco citalo.
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 255
La thèse de M. Bernheim a eu beaucoup de succès; cela
nous parait facile à comprendre. Elle a par-dessus tout le
mérite de la simplicité. On a dû trouver admirable de ramener
à l'unité les causes des faits si nombreux et si divers qu'on
réunit sous le nom d'hypnotisme. Ajoutons que cette prétention
a été grandement encouragée par les expériences qui ont été
faites dans ces derniers temps sur ce qu'on pouvait appeler les
suggestions organiques. On sait aujourd'hui qu'en employant
la suggestion sur des sujets appropriés, on obtient des effets
tout à fait remarquables; par exemple, on peut développer une
plaie sur une région de peau saine. Il était tout naturel que
certains expérimentateurs, frappés par cette puissance de la
suggestion, en vinssent à dire que la suggestion explique tout
et suffit à tout.
On peut se demander maintenant par suite de quelles expé-.
riences ou de quels raisonnements certains auteurs en sont
arrivés à affirmer que la suggestion est la cause unique et
suffisante de tous les phénomènes présentés par les hypno-
tisés. A priori, on pouvait supposer que les partisans de cette
théorie possèdent un grand nombre de faits qui en démontrent
la vérité. Ce serait cependant une erreur complète. La seule
raison invoquée par M. Bernheim consiste à dire et à répéter,
sous plusieurs formes différentes, qu'il n'a jamais pu repro-
duire chez ses sujets, sans le secours de la suggestion, les
phénomènes 'somatiques de contracture, de catalepsie, etc.,
observés par M. Charcot et ses élèves.
A cette objection, M. Charcot et ses élèves se contentent de
répondre avec avantage, croyons-nous, queles sujets surlesquels
on opère de part et d'autre étant différents, il n'y a pas lieu de
s'étonner que les effets soient différents, que les sujets de la
Salpêtrière étant des hystériques, l'hypnotisme de la Salpé-
trière est l'hypnotisme des hystériques, et que, dès lors, il est
facile de comprendre comment il est possible de produire chez
les malades de cette catégorie une série de symptômes caracté-
ristiques qu'on ne retrouve pas chez d'autres sujets.
Quoi qu'il en soit, la thèse de M. Bernheim nous parait
présenter un autre défaut. M. Bernheim, avant de soutenir
dans les termes les plus absolus, que la suggestion est la causa
réelle de tous les phénomènes braidiques, aurait dû commencer
par démontrer que la suggestion peut produire tous ces phé-
nomènes. C'est ce qu'il n'a pas fait. Prenons un exemple. La
256 REVUE CRITIQUE.
contracture léthargique provoquée est sans contredit un des
faits les plus importants de l'hypnose hystérique.
Si M. Bernheim prétend soutenir que la suggestion peut tout
produire, il devrait commencer par démontrer, dans une série
d'expériences correctes, qu'il est possible de suggérer à un indi-
vidu une contracture du type léthargique, présentant les
mêmes caractères et surtout la même précision que celle qu'il
est si facile de provoquer, par des manoeuvres purement
physiques, chez les grandes hystériques hypnotisables.
Puisque les cas de grand hypnotisme observés à la Salpé-
trière sont, suivant M. Bernheim, des cas artificiels, on peut
se demander, fait remarquer M. Charcot, pourquoi, ne fût-ce
que dans le but de .prouver son assertion relative à la toute
puissance de la suggestion, M. Bernheim ne se donne pas le
plaisir de créer artificiellement à Nancy des cas semblables.
MM. Binet et Féré ont insisté sur les conditions dans les-
quelles il faudrait se placer pour que cette expérience ait une
valeur réelle. On commencerait par éliminer tous les sujets
présentant, à un degré quelconque à l'état de veille, de l'hyper-
excitabilité neuro-musculaire ou n'importe quel autre stig-
mate hystérique, caries observations des auteurs précités ont
démontré que l'on peut, avec la suggestion seule, provoquer
une contracture léthargique chez un sujet hyperexcitable; la
suggestion ne fait dans ce cas que renouveler, sous forme
d'images, le souvenir de l'excitation cutanée qui a donné lieu
une première fois à la contracture. Il faut aussi remarquer que
l'élimination des sujets hyperexcitables devrait être faite avec
un soin et une sévérité tout particuliers..11. Bernheim, en
effet, ne parait guère prendre comme critérium de l'hystérie
que la crise, et semble négliger complètement les stigmates
permanents, ce qui l'amène nécessairement à considérer
comme sains des individus atteints de cette névrose.
L'expérience réussît-elle de la façon la plus complète que
M. Bernheim n'aurait pas encore gain de cause. Une fois qu'il
serait prouvé que la suggestion peut faire tout ce que fait
l'excitation périphérique, il resterait à démontrer que la réalité
du premier procédé exclut celle du second. C'est ici, il faut
bien le remarquer, que la question se complique.
Nous sommes tout disposés à admettre qu'en fait, lorsqu'une
personne a été soumise à des manoeuvres hypnotiques répé-
tées, elle garde un souvenir de ces manoeuvres, et que chaque
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 257 Î
fois qu'on la soumet à une expérience, elle peut comprendre
et par conséquent devancer l'expérimentateur, par un phéno-
mène d'auto-suggestion. On peut dire qu'après quelques expé-
riences du même ordre, la suggestion est toujours là invisible
et présente; souvent le sujet, avec une complaisance d'autant
plus remarquable qu'elle est tout automatique, s'applique à
deviner les intentions de l'opérateur. Il devient donc absolu-
ment impossible, quand les conditions deviennent aussi, com-
plexes, de faire la part respective de la suggestion et de l'exci-
tation périphérique. Nous reconnaissons même que chez
certains sujets on peut, par la suggestion, amener le dévelop-
pement d'une contracture, alors que les excitations périphé-
riques sont incapables de produire ce résultat. Mais tout cela
ne permet pas de conclure que la suggestion est tout, et que
l'excitation périphérique ne sert à rien.
C'est aussi par la suggestion qu'il faut expliquer en grande
partie comment il se fait que, quelquefois, tous les sujets
formés par un même expérimentateur se ressemblent plus ou
moins, et se trouvent modelés sur un même type, tandis que
ces mêmes sujets diffèrent totalement de ceux qui sont dressés
par un autre .expérimentateur. L'uniformité des résultats peut
être due à l'identité pathologique des sujets, à l'identité de la
méthode employée, mais elle est due aussi, en grande partie,
à la suggestion inconsciente qu'exerce l'opérateur sur les
malades, ou même la suggestion produite par un malade sur
les autres.
Ces faits démontrent la puissance de la suggestion, mais ils
ne démontrent nullement, nous le répétons, que la suggestion
soit la seule influence capable d'agir sur des hypnotiques.
Admettre une pareille opinion et la soutenir avec la rigueur
qu'on y met à Nancy, ce serait, en somme, vouloir prouver
que les causes psychiques sont les seuls modificateurs du sys-
tème nerveux en cause. La physiologie générale nous démontre
qu'un grand nombre des fonctions sont sollicitées à l'action
soit par des causes psychiques, soit par des causes physiques;
la réalité des premières causes n'exclut pas celle des autres.
Pour citer des exemples vulgaires, la sécrétion des larmes est
provoquée tantôt par un état moral déprimant, un chagrin,
tantôt par un corps étranger dont le contact irrite la cornée.
De même, certaines substances sont tout aussi efficaces que la
peur pour provoquer une diarrhée; et de ce qu'on peut apaiser
Archives, t. XVII. 17 i
258 REVUE CRITIQUE.
la faim par suggestion s'ensuit-il que l'aliment n'ait aucune
efficacité ?
Ainsi donc, comme on le voit, l'Ecole de Paris qui insiste
elle-même sur l'importance de la suggestion n'en conteste pas
la réalité, mais elle prétend que la suggestion n'est pas l'uni-
que source des phénomènes observés dans l'hypnotisme.
Nous venons de montrer que les objections de M. Bernheim
sont loin d'être démonstratives; ses observations font ressortir
tout au plus le rôle important que la suggestion peut jouer, mais
ne prouvent rien contre la thèse de l'École de la Salpêtrière.
Nous devons maintenant mettre en évidence les arguments
sur lesquels s'est appuyé M. Charcot pour établir l'exactitude
de ses assertions.
- Voici par exemple un individu qui n'a pas été jusqu'alors
fournis à des manoeuvres hypnotiqnes quelconques, il est abso-
lument étranger à la médecine et n'a jamais assisté à aucune
expérience sur l'hypnotisme. Ce sujet ainsi soumis à une pre-
mière expérience, vierge par conséquent jusque-là de toute
pratique d'hypnotisation, ce sujet, dis-je, dès qu'on est arrivé
à l'hypnotiser, présente les phénomènes de la contracture
léthargique; il suffit de presser sur les muscles, de comprimer
un membre avec une bande élastique, de presser sur un tronc
nerveux, pour voir la contracture se développer. Si ce phéno-
mène est obtenu, alors que le médecin a évité d'éveiller chez le
sujet par une parole, par un geste, l'idée de raideur, la sug-
gestion ne peut être invoquée; et c'est précisément dans ces
conditions qu'on s'est placé à la Salpêtrière dès les premières
expériences. 11 ne faut pas croire en effet que l'hypothèse de
suggestion ne se soit pas présentée à l'esprit des expérimen-
tateurs de Paris, et que c'est pour ne pas avoir réfléchi à la
possibilité de son existence que le développement des phéno-
mènes somatiques a été attribué à une autre cause. Mais, dira
peut-être M. Bernheim, comment affirmer que réellement
l'individu en observation n'a jamais été présent à des expé-
riences sur le magnétisme animal. Le nombre des magnétiseurs
de profession est grand, et il n'est presque pas une ville en
France où n'aient eu lieu des séances publiques de magné-
tisme. Or, comme la raideur musculaire est un phénomène que
les magnétiseurs font souvent observer à l'assistance, il est
possible que la vue de la contracture ait laissé un souvenir
dans l'esprit de l'individu dont nous parlons, et que ce soit là
GRAND El'PETIT HYPNOTISME. 2)
l'origine de la suggestion. A cela nous répondrons d'abord que
ce n'est là en tout cas qu'une hypothèse. Nous ferons remar-
quer d'autre part, que les manoeuvres employées par les
magnétiseurs diffèrent de celles que l'on emploie à la Salpè-
trière pour faire naitre la contracture, et que par suite la sug-
gestion ne peut pas être incriminée. En quoi en effet, la
compression d'un membre par une bande élastique ou celle
d'un tronc nerveux peut-elle éveiller l'idée d'une contracture ?
Du reste, s'il restait encore un doute dans l'esprit du
lecteur, et s'il persistait à admettre encore l'hypothèse de la
suggestion, nous rappellerions encore le phénomène de l'hyper-
excitabilité nerveuse, qui, lorsqu'on se place dans les condi-
tions que nous avons énumérées plus haut, est encore plus pro-
bant que l'hyperexcitabilité musculaire. On sait que si l'on presse
mécaniquement sur un nerf moteur, tous les muscles desservis
par ce nerf entrent en contraction ou en contracture, et com-
muniquent au membre sur lequel on opère une position inva-
riable et caractéristique. Ce phénomène est plus rare, il est
vrai, que le précédent, mais on le constate néanmoins dans
nombre de cas, et il a évidemment une valeur capitale. Il est
clair, en effet, qu'un individu ignorant les premières notions
de l'anatomie et de la physiologie musculaire serait incapable
de deviner, quand on excite un point de la peau, quels sont
les muscles qui doivent entrer en contracture. Inutile d'insister
sur ce point. C'est pour ce motif qu'à la Salpêtrière on a cons-
déré l'hyperexcitabilité neuro-musculaire comme un phéno-
mène réflexe dont le centre est dans la moelle ouïe cerveau et
dont le point de départ est dans l'excitation périphérique
des muscles et des tendons, et que les contractures hypnotiques
peuvent se développer indépendamment de toute suggestion.
En ce qui concerne la question des phases constituantes du
grand hypnotisme nous invoquerons des arguments du même
ordre. Les premières observations de M. Charcot ont évidem-
ment une valeur pour ainsi dire absolue : d'où, en effet, aurait
pu provenir la suggestion ? Quelle raison théorique M. Charcot
aurait-il pu avoir de supposer qu'il existait un grand hypno-
tisme caractérisé par trois états distincts ? S'il a constaté les
trois états, ce n'est donc pas en vertu d'une idée préconçue,
mais parce que ces trois états se sont présentés naturellement
à son observation. Depuis, de nouveaux cas analogues ont pu
être observés et on s'est placé toujours à la Salpêtrière dans les
2()0 REVUE CRITIQUE.
conditions que nous avons précisées plus haut et qui permet-
tent d'éliminer l'hypothèse de la suggestion.
Nous avons fait remarquer au début de ce travail que chez
les grandes hypnotiques les trois états pouvaient se dévelop-
per dès la première tentative d'hypnotisation, mais que dans
beaucoup de cas, au début, les caractères somatiques ne sont
pas aussi accentués que lorsque l'hypnotisation a été pratiquée
un grand nombre de fois. Si par exemple dans la léthargie,
on presse dans une première expérience, sur le nerf cubital, on
constate du côté de la main l'esquisse de la griffe cubitale, qui
se dessine de plus en plus à mesure que l'expérience est ren-
ouvelée. Si dans la catalepsie on soulève un membre, celui-
ci ne garde qu'un temps très limité la position donnée.
Nous avons observé récemment à la Salpêtrière, une malade
la nommée Ri..., qui s'est comportée exactement de cette
façon. Dès la première tentative d'hypnotisation on a pu cons-
tater l'existence des trois états avec toutes les particularités
qui les caractérisent, mais au début les phénomènes somati-
ques n'existaient qu'à l'état d'ébauche. Nous devons faire
remarquer que chez cette malade les phénomènes psychiques
étaient encore moins accentués. Il était impossible de pro-
voquer par suggestion, dans la période somnambulique, le dé-
veloppement d'une hallucination visuelle ou auditive. On pou-
vait, au contraire, par ce procédé faire naitre une paralysie
flasque ou spasmcdique; toutefois la suggestion simple n'agis-
sait pas d'une façon plus active que les excitations mécaniques
sur le développement des contractures. Sous l'influence de la
répétition des mêmes manoeuvres la malade s'est perfection-
née ; mais, et nous insistons sur cepoint dès la première expé-
rience, alors qu'elle était encore tout à fait ignorante des
choses de l'hypnotisme, tous les caractères somatiques du
grand hypnotisme pouvaient être mis en évidence. L'exercice
n'a donc fait qu'accentuer des propriétés qui existaient en elle
dès le début.
Ce fait que les propriétés hypnotiques se perfectionnent par
l'éducation prouverait-il qu'elles sont dès l'origine les résultats
de la suggestion. Il n'en est rien pensons-nous. Il en est de
ces propriétés comme de toutes les autres facultés que nous
possédons en germe et qui peuvent se développer par le fonc-
tionnement.
Nous avons vu aussi que chez certains sujets il n'existe pen-
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 261
dant longtemps qu'une ou deux des phases du grand hypno-
tisme et que le grand hypnotisme ne se constitue d'une façon
complète que lorsque le malade a été soumis à de nombreuses
manipulations. Nous rappelons à ce sujet l'observation de
C. G., citée plus haut. Cette observation, loin d'être défavo-
rable à notre thèse, nous parait, au [contraire, lui prêter un
appui très sérieux. Voici, en effet, une malade qui est restée
pendant dix-huit mois environ dans le service de M. Charcot,
à la Salpêtrière, entourée de grandes hypnotiques et ne pré-
sentant pendant toute cette époque que les deux états, léthar-
gie et somnambulisme, qu'on avait constatés chez elle dès son
entrée à l'hôpital. A plusieurs reprises, on avait cherché en
vain par l'ouverture des yeux, à la faire passer de la léthargie
en catalepsie. Or, dans une circonstance où la malade n'était
soumise à aucune expérience d'hypnotisme, qu'elle était
occupée à l'état de veille à un travail manuel, un violent bruit
produit par un coup de tam-tam dans une pièce voisine, et
auquel elle ne pouvait s'attendre la fit entrer en catalepsie, et
depuis cette époque les propriétés cataleptiques ont persisté
chez elle. N'est-il pas évident dans ce cas qu'une excitation
sensorielle a produit ce que la suggestion avait été incapable
de faire, et cette observation fait voir l'importance que peut
avoir le mode d'hypnotisation sur les caractères des phéno-
mènes qui se développent.
Mais, à bout d'arguments, ne viendra-t-on pas répéter encore
que les opinions que nous soutenons appartiennent exclusi-
ment à M. Charcot et à ses élèves et que jamais en dehors de
la Salpêtrière on n'a pu répéter les expériences que nous
venons de mentionner. «A Paris, dit M. Beriiheim 1, j'ai vu dans
trois hôpitaux des sujets hypnotisés devant moi, ils se com-
portaient tous comme nos sujets et les médecins des hôpitaux
qui les traitaient ont confirmé absolument ce que nous
avons vu. »
Pour quiconque est bien au courant de ce qui se passe dans
les hôpitaux de Paris, l'opinion ci-dessus énoncée n'a pas une
bien grande portée, car si l'on excepte deux ou trois services
où l'hypnotisme est étudiée avec quelque soin, il faut recon-
naître que partout ailleurs cette étude est absolument négligée.
Il ne s'agit donc pas là d'une opinion fondée sur des expé-
1 Loco citalo, p 9 ?
262 REVUE CRITIQUE.
riences méthodiques et répétées, ce qui est indispensable pour
pouvoir émettre un avis de quelque valeur, mais d'une simple
vue de l'esprit, d'une impression résultant sans doute de l'ob-
servation exclusive de quelques hypnotiques imparfaits. Du
reste, nous pouvons citer les noms de quelques expérimenta-
teurs absolument indépendants de la Salpêtrière dont les
observations ont été recueillies non seulement en dehors de la
Salpêtrière, mais même hors de France, et qui sont arrivés à
des conclusions identiques à celles de l'Ecole de Paris.
Dès 1881 , MM. Tamburini et Seppilil publiaient des
recherches sur les phénomènes des sens, des mouvements de
la respiration et de la circulation dans l'hypnose, et sur les
modifications de ces phénomènes sous l'influence des agents
esthésiogènes et thermiques. Ils étudiaient spécialement les
symptômes physiques de la léthargie et de la catalepsie et
enregistraient les premiers, au moyen de la méthode gra-
phique, la courbe respiratoire si caractéristique de la cata-
lepsie. Ces auteurs reproduisaient les trois états de la grande
hypnose sur une hystéro-épileptique et se mettaient en garde
contre la suggestion dont ils se sont toujours défiés.
Nous extrayons d'un article récent de M. Rummo 2, que
notre ami, M. Pio di Brazza a bien voulu nous traduire, le
passage suivant :
« On ne peut pas nier le type classique de l'hypnotisme
avec la succession des différentes phases présentant des carac-
tères déterminés, tel qu'il a été décrit magistralement par
M. Charcot.
c Le type parfait de l'hypnotisme, décrit par .M. Charcot, et
observé par des cliniciens éminents de toutes nations, et en
Italie avant tout par M. Famburini, est entré dans le domaine
de la science. En compagnie du Dr Vizzioli, j'ai observé un
cas classique de grand hypnotisme chez une jeune fille hysté-
rique de la province de Chicti, laquelle ignorait complètement
tout ce qui se rapporte à l'hypnotisme jusqu'à la première
hypnotisation. Sous l'influence de la simple fixation du regard,
et sans intervention quelconque de la suggestion, elle présenta,
en présence de son frère et du professeur Bianchi, tous les phé-
nomènes des trois états admis par l'École de la Salpêtrière. Je
' Revista )M'i'n : M<a/e di Freniatrica (1881, an Vtl, fasc. 3 et se([.). ! Rummo. Ri forma 2 ? e(lica, 1888, n° 3, p. li. v.
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 2(>fi i
n'ai pas publié cette observation, parce que je considérais ce
fait comme banal et établi sans qu'on puisse en douter. »
M. Vizzioli, au mois d'octobre 1888, a montré à la séance
du premier congrès des médecins italiens, une malade,
Mlle Medici, de Napies, qui présentait tous les phénomènes du
grand hypnotisme, qui s'étaient développés, dit M. Vizzioli,
indépendamment de toute suggestion.
Je mentionnerai aussi le travail récent de 1111. Octavio
Maira et David Benavente' qui, ayant expérimenté au Chili
avec des sujets qui n'avaient sans doute jamais subi le contact
des malades de la Salpêtrière, ont obtenu des résultats sem-
blables aux nôtres.
Enfin, nous citerons ce passage d'une note que M. Ladame,
de Genève, a bien voulu nous communiquer, qui résume une
observation qu'il a publiée en 188,12. Cette observation nous
parait capitale.
Il s'agit d'un jeune garçon de seize ans et demi, chez lequel
M. Ladame a constaté les particularités suivantes :
c J'avais lu dans le Progrès médical la relation de l'expé-
rience-du transfert d'une contracture opérée par M. Charcot
chez unejhystérique, au moyen d'un aimant, en octobre 1878.
Comme on pouvait très facilement provoquer des contractures
chez mon sujet, soit à l'état de veille, soit pendant son som-
meil hypnotique, il me vint à l'idée d'essayer le transfert. Je
n'en dis rien à personne et je tentai la première expérience au
commencement de décembre 1880, en présence de plusieurs
médecins de Neuchàtel (Suisse).
c Je contracturai les muscles de l'avant-bras droit chez mon
malade éveillé et assis devant une table, puis je plaçai un
aimant auprès de l'avant-bras gauche. Quel ne fut pas mon
étonnement, voyant après quelques minutes l'avant-bras
gauche être agité de quelques contractions, puis se raidir dans
la position contracturée qu'avait l'avant-bras droit, tandis que
ce dernier était devenu absolument libre. Le transfert s'était
accompli sous nos yeux. Or, personne n'en avait eu l'idée, et
moi-même je ne l'avais jamais vu. Sans avoir communiqué
ma pensée à qui que ce soit, j'essayai ainsi de réaliser sur un
hypnotique une expérience qui avait été faite par M. Charcot
' llipnotivîeo y 5'ugestion, par 0. Maira et D. Benavente. Santiago de
Cliile, 1887.
' Revue de la Suisse romande. no du la mai 1881, page 290. '
264 REVUE CRITIQUE.
sur une hystérique et dont je n'avais eu connaissance que par
un article de journal. Il ne peut pas être question ici de
suggestion. -
« Bien plus, j'ai fait l'expérience de transfert des contrac-
tures de la même manière, au moyen d'un électro-aimant, et
comme je tenais essentiellement à me mettre si l'ahri des
erreurs qui auraient pu provenir d'une simulation, je m'arran-
geai à faire passer le courant et à le suspendre pour aimanter
et désaimanter l'électro-aimant, sans que le malade s'en
aperçût. Je crois avoir pris alors toutes les précautions pos-
sibles pour éviter une suggestion. Cependant, nous devons le
dire, on ne se préoccupait pas encore de l'influence suggestive
comme on l'a fait depuis, et il peut peut-être rester un doute
sur ces expériences. Quoi qu'il en soit, j'ai noté à plusieurs
reprises que le transfert ne se produisait jamais quand le
courant ne passait pas. Je fis forger aussi une pièce de fer
doux, en forme de fer à cheval, semblable à l'aimant dont je
me servais pour mes expériences. J'enveloppais chacun des
deux instruments dans une serviette et je m'en servais alter-
nativement. Le malade ne pouvait donc pas savoir quel était
le véritable aimant. Or, dans ces expériences, comme dans les
précédentes, jamais le transfert ne s'accomplit quand on faisait
usage de la pièce de fer doux, tandis qu'il avait rapidement
lieu toutes les fois qu'on faisait agir l'aimant.
M. le professeur Despine, de Genève, vint me rendre visite
à Demhesson (canton de Neufchâtel), où j'habitais alors, au
mois de mars 1881. Je lui présentai mon malade. Sans m'a-
vertir de son projet, il pressa sur le tronc du nerf cubital au
coude, le sujet étant hypnotisé, et nous vîmes apparaître la
griffe cubitale, avec ses caractères bien tranchés. Nous fîmes
aussi d'autres expériences que M. Despine avait vues peu au-
paravant à la Salpêtrière, entre autres celle de l'bémi-cata-
lepsie (lorsqu'on ouvre un oeil) et de l'hémi-léthargie. Nous
pûmes constater à cette occasion que notre malade offrait
très nettement les phénomènes qui ont été indiqués par
M. Charcot comme caractéristiques des trois états du grand
hypnotisme. Il ne pouvait être question dans ces expériences
d'une suggestion donnée au sujet. »
J'ai cité dans cet extrait ce qui se rapporte au transfert de la
contracture au moyen de l'aimant, quoique je ne me sois pas
occupé dans ce travail de cette question; mais la netteté de
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 265
cette observation, en ce qui concerne l'absence de suggestion
dans le phénomène du transfert, m'a poussé à sortir un instant
de mon sujet.
Je n'insisterai pas davantage sur ce point et j'attirerai sur-
tout l'attention sur la fin du passage qui a trait à l'existence
des trois états, à la production de la griffe cubitale, de l'hémi-
catalepsie et de 1'liémi-létliargie. Est-il possible d'avoir une
confirmation plus éclatante de la thèse que nous défendons ?
Je pourrais encore invoquer le témoignage d'un certain
nombre de médecins français et étrangers qui, après avoir
suivi avec assiduité le service de la Salpêtrière, sont arrivés à
se convaincre de l'exactitude des opinions qu'on y soutient.
Nous croyons inutile de le faire. Nous avons voulu montrer
seulement que, quoi qu'on en ait dit, il est possible de voir
ailleurs ce qu'on observe à la Salpêtrière.
Mais sur ces questions comme sur bien d'autres, pour se
former une opinion qui ait quelque valeur, il ne faut pas se
contenter de quelques observations isolées, il est nécessaire de
multiplier les expériences, et l'on aura, si l'on a tant soit peu
de persévérance, l'occasion de constater tôt ou tard quelques
faits positifs qui lèveront tous les doutes, car ils ne pourraient
être ébranlés par les faits négatifs que l'on aurait enregistrés
jusqu'alors. Il faut donc répéter les observations, et cette con-
dition aurait dû surtout être remplie par les auteurs qui ont
affirmé que la suggestion était l'origine de tous les phénomènes
hypnotiques. Or, ceux qui ont écrit sur ce sujet n'ont pas tou-
jours procédé de la sorte.
C'est ainsi qu'un philosophe très distingué M. Delboeuf, de
Liège, voulant se faire une idée personnelle sur l'hypnotisme
dit de la Salpêtrière, s'est donné la peine de venir à Paris et il
a pu observer dans le service de M. Charcot quelques grandes
hypnotiques. )I. Delboeuf, après avoir fait quelques observa-
tions sur les malades qu'il a eus à sa disposition a acquis la
conviction que les phénomènes de l'hypnotisme devaient être
attribués à une suite de manoeuvres inconsciemment sugges-
tives et non à des particularités physiologiques Nous ferons
remarquer à M. Delbaeuf qu'il n'a eu à la Salpêtrière, pendant
les quelques heures qu'il y a passées, aucun élément lui per-
mettant de se faire une opinion bien fondée à ce sujet. Ce que
1 Delboeuf. Une visite à la Salpêtrière (Revue de Belgique, 1886,
Brwelles.
t)(7 REVUE CRITIQUE.
nous disons là de M. Delbceuf peut facilement s'appliquer, du
resteàtousceuxquise contentent d'assister une ou plusieurs fois
à des démonstrations relatives à l'hypnotisme et qui ne se livrent
pas à ces études d'une façon suivie. Il est impossible, en effet, de
se procurer sur commande pour un jour et une heure déter-
minés un sujet vierge de toute manoeuvre hypnotique et réali-
sant les conditions permettant d'éliminer la suggestion. Les
sujets que l'on peut présenter à un moment donné à une per-
sonne étrangère au service de la Salpêtrière ne peuvent être
naturellement, en général, que des sujets sur lesquels des
expériences antérieures ont été déjà faites. Or, cette seule con-
dition suffit pour empêcher d'affirmer à propos d'une expé-
rience que la suggestion fait défaut. Si déjà la contracture
hypnotique s'est manifestée une fois seulement sous l'in-
fluence de telle ou telle manoeuvre, il sera impossible d'affir-
mer dès lors dans une nouvelle expérience que la suggestion
fait défaut. La première expérience est donc seule probante, et
il faut par conséquent être à l'affût des malades encore imma-
culés, susceptibles d'être hypnotisés, si l'on veut fixer ses
idées à ce sujet.
Ces critiques ne peuvent évidemment s'appliquer à M. Ber-
nheim qui est un des médecins ayant expérimenté sur le plus
grand nombre de sujets. Nous avons déjà dit plus haut que la
différence des résultats tient sans doute à ce qu'il a expéri-
menté sur un terrain différent; il n'a fait aucun choix parmi
ses sujets, tandis qu'à la Salpêtrière toutes les expériences se
rapportant au grand hypnotisme ont été faites sur des hysté-
riques. Quelle que soit, du reste, l'explication que l'on puisse
donner de cette dissidence, il n'en reste pas moins établi que
les objections de M. Bernheim sont toutes d'ordre négatif; il
nie ce qu'on affirme à la Salpêtrière parce qu'il ne l'a jamais
observé. Les assertions de l'école de la Salpêtrière 'reposent,
au contraire, sur des preuves positives qui nous paraissent
absolument inattaquables.
J'arrive maintenant à la quatrième proposition.
L'hypnotisme est un état pathologique et non physiolo-
gique. C'est une manifestation névropathique qu'il est permis
de rapprocher de l'hyslérie.
Tout d'abord, j'insisterai encore une fois sur ce point essen-
tiel, à savoir que cette assertion s'applique plus particulière-
ment aux formes de l'hypnotisme étudiées par M. Charcot et
GRAND ET PETIT HYPNOTISME. 267 -1
qui s'observent, comme nous l'avons vu, chez des hysté-
riques.
Mais j'entrevois déjà une objection qu'on pourrait me faire.
On pourrait dire : « Vous affirmez sans le prouver que les
hypnotiques sont toujours des hystériques, vous n'avez choisi
que des hystériques, par simple fantaisie, mais les grandes
formes de l'hypnotisme peuvent' se rencontrer en dehors de
l'hystérie; la coexistence de ces deux états n'est donc qu'une
coïncidence. » -
Nous repousserions absolument cette objection qui ne serait
pas fondée; en effet, nos observations nous ont montré que les
grands hypnotiques et les hypnotiques appartenant à cette
catégorie qui se distingue par la présence de phénomènes
somatiques, sont toujours ou presque toujours des hystériques
avérés et qu'il ne peut être question d'une simple coïncidence.
Nous rappellerons de nouveau qu'un malade peut n'avoir
jamais eu une seule attaque et être pourtant bel et bien hys-
térique. Il faut donc, avant de rejeter l'hystérie, rechercher
avec soin tous les stigmates de cette névrose. Cette recherche
serait-elle infructueuse on ne serait pas encore en droit d'affir-
mer que le sujet n'est pas hystérique. Ne sait-on pas que
l'hystérie se traduit parfois par une manifestation unique, la
contracture d'un membre, le mutisme, par exemple ? c'est là
l'hystérie locale ou monosymptomatique. Il est de règle en
pareil cas de rechercher dans les antécédents personnels du
malade l'existence de quelques phénomènes qu'on puisse rap-
porter à l'hystérie, et il est souvent possible de prouver ainsi
par les commémoratifs que le malade est bien atteint de cette
névrose. Il faudrait procéder de la même façon avec un
hypnotique chez lequel il n'existerait au moment de l'examen
aucun stigmate.
Il est certain que l'école de Nancy est loin d'avoir toujours
suivi ces préceptes au pied de la lettre. Il nous suffira de rap-
peler cette phrase de l'ouvrage de M. Bernheim. « Il ne fau-
drait pas croire que les sujets impressionnés soient tous des
névropathes, des cerveaux faibles, des hystériques, des femmes;
la plupart de mes observations se rapportent à des hommes
que j'ai choisis à dessein pour répondre à cette objection. »
M. Bernheim, en présence d'un sujet mâle rejette donc a
priori l'hypothèse d'hystérie. Or, ne sait-on pas aujourd'hui
surtout depuis les travaux récents de notre maître que l'hys-
268 REVUE CRITIQUE. GRAND ET PETIT HYPNOTISME.
térie est très fréquente chez l'homme. Il s'ensuit que )). Bern-
heim a pu dans bien des cas considérer comme individus nor-
maux, des hystériques. -
Nous affirmons qu'en pratiquant un examen rigoureux
conforme aux- indications que nous venons de fournir on
arrivera à démontrer dans presque tous, sinon dans tous les cas,
que les hypnotiques dont nous parlons sont entachés d'hysté-
rie. Eh bien ! cette coexistence de l'hystérie et de l'hypnotisme
est une première preuve en faveur de la proposition que
nous développons.
Poursuivons. 11 semble, avons-nous dit, qu'il y a une pa-
renté entre l'hypnotisme et l'hystérie. Voici des arguments
qui plaident dans ce sens :
1° Un des caractères somatiques de l'hypnotisme les plus
importants, la contracture léthargique appartient aussi à
l'hystérie. Bien souvent on peut, en effet, chez un hystérique
provoquer l'apparition de la contracture par les manoeuvres
que nous avons déjà signalées (pression avec les mains, avec
une bande élastique, etc.) ; cette propriété a été appelée par
31. Charcot la diathèse de contracture. Mais chez les hypno-
tiques elle est beaucoup plus accentuée que chez les hysté-
riques l'état de veille.
2° Nous avons fait remarquer au commencement de ce
travail que l'hypnotisme pouvait être comparé au point de vue
de ses périodes, des variétés qu'il présente, di l'attaque hysté-
rique et qu'il y avait une véritable analogie entre ces deux états.
3° Il existe entre l'hypnotisme et les manifestations hysté-
riques un balancement analogue à celui qu'on peut observer
entre les divers accidents qui relèvent de l'hystérie. Nous
avons vu plusieurs fois des attaques hystériques diminuer de
nombre et d'intensité quand on hypnotisait les malades. Nous
avons, d'autre part, souvent observé chez les grandes hynoti-
ques la disparition des propriétés hypnotiques à l'occasion du
développement de quelque manifestation hystérique, d'une
attaque de sommeil, de la chorée rythmée, par exemple. C'est
ainsi que chez C. G... qui, d'habitude, peut être hypnotisée
dans l'espace d'une à deux secondes, nous avons à plusieurs
reprises, alors qu'elle était atteinte d'une chorée rythmée qui
a duré quatre jours, essayé en vain de provoquer l'apparition
du sommeil hynotique, et cela en poursuivant notre tentative
plus d'une heure chaque fois.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 2G(J
Ces arguments suffisent, d'après nous, à établir que, comme
nous l'avons avancé, les grandes formes de l'hypnotisme sont
sous la dépendance de l'hystérie, dont elles paraissent être
une émanation.
En ce qui concerne les formes frustes de l'hypnose, il
semble souvent, il est vrai, qu'il n'en soit pas de même. Les
sujets qu'on observe peuvent être, en apparence au moins,
indemnes de toute tare hystérique. Nous serons les premiers à
reconnaître qu'en biologie il n'existe pas, tant s'en faut, entre
les phénomènes physiologiques et les phénomènes pathologi-
ques un abîme infranchissable; ceux-ci, à tout prendre, ne re-
présentent en somme qu'une modification de ceux-là. Il ne
peut, dès lors, y avoir aucune difficulté à admettre que l'hyp-
notisme puisse exister en germe chez tous les individus; mais
nous sommes prêts à soutenir la thèse que, pour se réaliser,
cette tendance en quelque sorte normale à l'hypnotisme doit
être doublée d'une modification particulière de l'organisme,
d'une prédisposition, d'une imminence morbide, dont le fait
d'être hypnotisable sera, peut-être, la première révélation.
En d'autres termes, nous soutiendrons jusqu'à plus ample
informer; et rien n'y contredit dans les observations qu'on
nous offre nous soutiendrons, dis-je, que tout sujet qui se
montre sensible à l'hypnose appartient de fait à la'grande
famille névropathique'.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
RÉSUMÉ DES PRINCIPAUX TRAVAUX RUSSES,
CONCERNANT LA NEUROLOGIE5;
Par F. RAYMOND, professeur agrégé à la Faculté de médecine,
médecin de l'hôpital Saint-Antoine.
La première partie de ce rapport (Administration) a été pu-
bliée dans le Progrès médical (n° 4, p. 80, 1889.)
' En ce qui concerne la bibliographie de l'hypnotisme, nous renvoyons
le. lecteur à un travail récent de NI. Max Dessoir, consacré exclusivement
à ce sujet : Bibliographie des nzorlernetz Hypiiolisntits von Max Dessoir.
Bei-li7t, CalDie71cket,'s l'erlag, 1SSS.
'Extrait du rapport adressé à M. le ministre de l'instruction publique, le
1" nov. 1888 sur l'EtieÉle des maladies du système nerveux en Russie.
0 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Cette seconde partie, aussi condensée que possible, contient
le résumé succinct des travaux intéressants publiés en langue
russe pendant ces trois dernières années; j'ai retranché ceux qui
ont été déjà analysés dans~les Archives. Il est bien entendu
que je laisse à chaque auteur, la responsabilité de ses opi-
nions. Pour éviter les répétitions, je suivrai, autant que possi-
ble, l'ordre anatomique : Encéphale avec ses subdivisions, moelle
épinière, nerfs périphériques. Puis, dans deux chapitres à part,
je classe : 1° les maladies du système nerveux d'origine
toxique; 2° les névroses. Enfin je terminerai par la bibliog ? -a-
phie générale. '
I. ENCÉPHALE.
Le développement morphologique du cerveau fournit une
base solide aux études relatives au développement des élé-
ments différents des organes. Dans cet ordre d'idées, nous re-
levons les travaux suivants :
Anomalies morphologiques du cerveau. Les anomalies
des circonvolutions et des scissures fondamentales ne sont
pas communes. J'ai relevé dans les travaux russes deux exem-
ples d'anomalie de la scissure de liolando, relatés par M. le
I)''Biachkoff; dans ces deux cas, cette scissure était coupée par
un pont de substance blanche vers son tiers supérieur; au
delà de ce pont elle envoyait en avant et en arrière une bran-
che, puis empiétait sur la face interne de l'hémisphère. Le
premier sujet, homme instruit et très intelligent, mort à
vingt-trois ans, avait commencé à dix-huit ans à présenter les
symptômes de la démence secondaire apathique. Le second,
femme de soixante-dix ans, offrait depuis l'âge de cinquante
ans les signes de la démence sénile.
Rapports entre la structure d'un système anatomique et ses
fonctions. Si le rapport qui existe entre la morphologie
d'un organe et ses fonctions est évident on connaît moins
celui qui existe entre la structure de cet organe et ses fonc-
tions. Parmi les travaux qui existent sur ce sujet un des plus
intéressants est le suivant : Le D'' Kompaneyskaïa, après
étude comparative des circonvolutions homologues chez
l'homme et chez différents animaux, est arrivé à ce résultat
que les circonvolutions destinées aux mêmes fonctions physio-
logiques ont la même structure dans la série animale. Pour
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 271
chacune d'elles cette structure est caractéristique. Les cou-
ches de ces circonvolutions sont nettement limitées dans un
plan parallèle à leur surface.
Rapports du développement d'un système et de ses fondions.
Les recherches du D'' Bechterew montrent bien les varia-
tions des fonctions de l'organe en rapport avec les variations
que présentent sa structure pendant son développement.
Bechterew a découvert qu'il n'existe aucun rapport entre le
moment de l'ouverture des paupières et le développement des
centres psycho-moteurs, celui-ci n'étant pas, comme l'affirme
Soltmann, soumis à l'influence des excitations amenées du
dehors par les organes des sens. Mais, comme Soltmann, il
reconnaît que les centres moteurs se développent suivant un
certain ordre : les centres des extrémités avant ceux de la
face, et ceux-ci avant les centres des muscles du dos. Chez le
chien nouveau-né, les centres moteurs sont disposés autour
du glyrus symoïdeus comme chez l'adulte. Seulement, tandis
que chez le chien adulte, les centres moteurs sont bien cir-
concrits et régissent chacun un groupe de muscles, chez le
chien nouveau-né, il n'existe que trois points excitables qui
commandent chacun la contraction en masse de tous les mus-
cles d'un membre. Autour de ces centres primitifs se déve-
loppent peu à peu des centres destinés aux différents groupes
musculaires du membre innervé parle centre primitif. Chez
le chien nouveau-né, l'excitation même très intense de l'écorce
n'amène pas de phénomènes d'épilepsie, ni avant le dévelop-
pement des centres moteurs, ni à l'âge de un mois et plus,
alors que ce développement est terminé; en outre, l'excitation
électrique détruit rapidement l'excitabilité de l'écorce. L'exci-
tabilité de l'écorce parait en même temps que celle de la subs-
tance blanche sous-jacente, au moment où les tubes se recou-
vrent de myéline, avant que les cellules géantes soient
complètement développées. m
Rapports entre la constitution chimique et les fonctions.
Les récentes découvertes de la micro-chimie ont montré que
la composition chimique des cellules et des- tissus influe sur
les fonctions de l'organe aussi bien que sa structure histolo-
gique. MM. AdamkiewitzetBabès avaient décrit dans la moelle
un corps appelé par eux substance chromoleptique, sans affirmer
si c'était un corps inconnu jusqu'alors. M. Dioniidofl a étudié
cette substance en colorant des préparations par la safranine.
272 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Suivant cet auteur ce corps n'est, pas localisé dans certaines
zones claromoleptiques, comme le croyaient Adamkiewiz et
Babès; il est disséminé dans les centres nerveux et n'a aucun
rapport avec les fonctions.- A l'état pathologique on trouve
aussi d'autres substances colorées par la safranine et les autres
colorants, mais qui sont des produits morbides.
Rapports de la constitution chimique et de la constitution
anatomique. La différentiation des éléments anatomiques
repose sur leur constitution chimique, comme sur leur mor-
phologie. En effet, les dernières recherches sur la karyoki-
nèse montrent qu'à chaque mode de division de la cellule
correspondent des réactions distinctes. Les préparations du
Pur Lonkianoff, à 'arsovie, ne m'ont laissé aucun doute à cet
égard. C'est à la fois par l'étude des réactions chimiques et
par celle de l'histologie que les biologistes ont récemment
apporté un nouvel élément à la valeur pathologique et au
mode de formation de la vacuolisation des cellules. Les va-
cuoles se forment dans les cellules animales et végétales dans
des conditions physiologiques et dans des conditions patholo-
giques : à l'état physiologique elles servent de réservoir aux
aliments non utilisés ou aux sécrétions inutiles ; à l'état patho-
logique ce sont des pertes de substances produites soit par des
agents extérieurs, soit par des agents intérieurs, parties
nobles de la cellule qui se nourrissent aux dépens des autres.
Pour M. Anfimoff la vacuolisation des cellules est de nature
pathologique; en effet, sur un grand nombre de préparations
de moelles de lapins et de chiens bien portants, il n'a trouvé
que très rarement des cellules vacuolisées ; suivant lui, si ces
animaux ne présentaient aucun phénomène morbide apparent,
c'est parceque l'altération était trop minime.
Systématisation des altérations pathologiques dans la démence
sénile. Beaucoup de lésions pathologiques peuvent être
considérées comme des modes de différenciation des éléments
anatomiques : les maladies systématiques en sont la preuve.
Or, l'exemen attentif des recherches de Béliakoff suggère
cette idée, que -la démence sénile est une maladie systéma-
tique à cause de la différenciation des éléments atteints par le
processus morbide. De ces recherches très complètes et très
approfondies, il ressort les découvertes suivantes : le système
artériel de l'encéphale est sclérosé jusque dans ses dernières
divisions; les parois des vaisseaux ont subi la dégénérescence
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 273
graisseuse. Jamais Bcliakoff n'a trouvé de rupture des parois
des vaisseaux, mais il a rencontré fréquemment des anévrys-
mes miliaires. Le poids de l'encéphale est diminué, toutes les
parties sont amincies, les cavités dilatées et la quantité du
liquide céphalo-rachidien augmentée. L'examen microsco-
pique confirme l'existence d'un processus atrophique généralisé.
Les espaces lymphatiques, élargis, contiennent des granulations
graisseuses et pigmentaires. Les méninges épaissie^, opaques,
ont des adhérences nombreuses. Il est difficile de savoir si ce
processus inflammatoire chronique est idiopathique ou secon-
daire. Par endroits, surtout dans la substance grise qui est
infiltrée d'un exsudat plastique albuminoïde, on trouve des
îlots oùlaneuroglie est ramollie et qui se colorent plus facile-
ment parle carmin. Les circonvolutions sont plus aplaties qu'à
l'état normal. Les cellules y sont rares, quelquefois absentes ;
leur protoplasma, plus difficilement colorable par le carmin
est rempli de granulations jaunes et brunes ; ce pigment n'est
pas attaqué par les acides, ni par les alcalis, il est insoluble
dans l'alcool et l'éther. Le pourtour de la cellule présente des
usures, et souvent une portion se colore autrement que le
reste. Les cellules pyramidales s'arrondissent, perdent leurs
angles, et plus tard il n'en reste qu'un débris protoplasmique ; -,
ce n'est qu'en dernier lieu que le noyau change déforme. Les
fibres nerveuses subissent une dégénérescence graisseuse analo-
gue etdiminuent de nombre. Cette dégénérescence est plus avan-
cée dans la circonvolution de la corne d'Ammon que dans les
lobes antérieurs; elle est également plus avancée dans le lobe
frontal et dans la zone psycho-motrice que dans le lobe occipital.
On trouve dans l'écorce et surtout dans la substance blanche
de ces circonvolutions un grand' nombre de cellules en forme
d'araignées. Quelquefois Béliakoff a trouvé de petits amas
amyloides, très fortement colorés par le carmin. Les corps
striés, les couches optiques, l'avant-mur présentent le même
processus atrophique. Dans le cervelet, les cellules de Purhinje
seules sont atteintes, quoique les lésions artérielles soient
aussi avancées que dans les lobes frontaux : peut-être ces
cellules ont-elles moins besoin de matériaux de reconstitution
que les cellules des lobes frontaux ? Les tubercules quadriju-
meaux et la protubérance sont aussi'le siège de la même
dégénérescence. En général, les lésions atrophiques de la
moelle épinière sont moins avancées que celles des autres
Archives, t. XVII. iS
274 'REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
régions. Les ganglions intervertébraux ne sont pas atteints.
L'intensité de ce processus dégénératif est en raison directe de
lésions vasculaires.
-Systématisation des éléments anatomiques. Le développe-
ment des éléments anatomiques des tissus s'opérant suivant
un ordre systématique, il en est de même des modifications
qui surviennent dans ces éléments; aussi l'idée de la systéma-
tisation est-elle une conception qui s'impose aujourd'hui en
pathologie nerveuse. Les travaux suivants, do M. Bechterew,'
montrent combien est juste l'idée de la systématisation ana-
tomique.
Terminaisons centrales du nerf vague et constitution du
faisceau solitaire du bulbe. Le D1' Bechterew a étudié par
la méthode de Weigert les origines du nerf vague et le faisceau
solitaire du bulbe. Il s'est servi d'embryons humains de 28
centimètres de long ; à cette période, toutes les fibres de la
région comprise entre le plancher du quatrième ventricule et
les pyramides (excepté le corps trapézoïde), sont dépourvues de
myéline, tandis que les fibres radiculaires en sont déjà pour-
vues.
Les fibres du vague, arrivées dans le bulbe, entrent pour la
plupart dans le noyau classique, mais toutes ne s'y terminent
pas; les unes, contournant en avant le noyau de l'hypoglosse,
traversent le raphé et se terminent dans le nucleus ambiguus
du côté opposé ; d'autres se recourbent pouratteindre le nucleus
ambiguus du même côté. Le reste des fibres radiculaires gagne
le faisceau solitaire du bulbe. Ce faisceau s'étend de la partie
supérieure du bulbe à l'entre-croisement supérieur des pyra-
mides. Il ne dépasse pas en haut le point d'émergence des
fibres radiculaires du vague. Il ne contient que des fibres'du
vague et de l'hypoglosse. Sur des embryons humains de 28
centimètres, où le vague seul est muni de myéline, on cons-
tate que ces fibres ne forment que le tiers du faisceau solitaire.
Constitution du corps restiforme. Dans un second travail,
se rapportant au même ordre d'idées, Bechterew a étudié par
la méthode de Flechsi-, la constitution du corps restiforme.
Toutes les fibres du corps restiforme ne s'entourent pas de
myéline en même temps; elle forment cinq ordres qui sont,
suivant la date d'apparition de la myéline : Il fibres venant du
faisceau cérébelleux direct ; 2" fibres venant du noyau du
faisceau de Burdach du même côté; 30 fibres sortant du novau
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 215
du faisceau latéral du même côté; 10 fibres arciformes externes,
antérieures et postérieures, du faisceau grêle du même côté et
du côté opposé; 5° fibres venant de l'olive inférieure du côté
opposé. Toutes ces fibres forment trois faisceaux. Lé premier
contient trois systèmes de fibres : 10 des fibres du faisceau
cérébelleux; 2° des fibres du noyau du faisceau cunéiforme;'
3° des fibres du faisceau latéral. Toutes ces fibres montent en
haut et en avant, en se rapprochant de l'écorce du vermis
supérieur, une partie allant au côté opposé. Le deuxième
faisceau, constitué par les fibres du cordon grêle, se sépare du
précédent, se dévie un peu en dehors, et monte vers la moitié
correspondante de la région moyenne du vermis supérieur.
Le troisième faisceau, constitué par les fibres de l'olive infé-
rieure, se disperse dans la substance grise du corps dentelé.
Systématisation des lésions pathologiques et expérimentales.
Comme exemple de la systématisation du processus patho-
logique, dans les maladies du système nerveux, nous citerons
les faits suivants, publiés en langue russe.
'Constitution du faisceau longitudinal postérieur. D'après
Flechsig, le faisceau longitudinal postérieur, s'il n'est pas le
prolongement du faisceau basal, est en tout cas son homo-
logue ; il relie les masses grises de l'aqueduc de Sylvius et les
noyaux des nerfs moteurs. Ses fibres s'entourent de myéline
en même temps que celles des nerfs crâniens. M. Jakovenkô,'
en. relatant le premier cas connu de dégénérescense du
faisceau longitudinal postérieur, a exposé ses recherches sur
la constitution de ce faisceau qui contient, selon cet auteur :
1° des fibres commissurales à court trajet; 2° des fibres commis-
surales à long trajet, qui réunissent les noyaux moteurs des
yeux-, et dégénèrent de bas en haut; 3° des fibres qui passent
dans la partie centrale de la commissure postérieure, mais qui i
ne sont pas des fibres- d'association. D'après Darschlcevitch,
les quelques fibres du tractus optique qui- passent par le corps
géniculé latéral et la couche optique, traversent la commis-
sure postérieure et le faisceau longitudinal postérieur, pour-,
se terminer dans le noyau de la troisième paire. ;
Dégénérescence de la commissure blanche antérieure. Le',
D'' Popoft a publié un cas de dégénérescence de la commissure i
antérieure. On admet que quelques fibres de la commissure» e
blanche viennent des lobes olfactifs, mais la provenance délai
plupart des autres fibres est à peu près inconnue. Suivant
276 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Popoff, cette commissure sert principalement de lien de com-
munication aux lobules linguaux. Il a été conduit à cette con-
clusion par l'étude d'un cerveau présentant deux foyers de
ramollissement, symétriquement disposés dans les deux lobes
occipitaux; à gauche, tout le lobule lingual était atteint; adroite,
le bord externe du lobule était seul épargné ; les autres circon-
volutions étaient intactes, ainsi queles insulas. Au microscope,
M. Popoff a constaté la disparition presque complète de toutes
les fibres de la commissure antérieure, ce qui légitime par-
faitement sa conclusion.
Rôle de la commisssure postérieure dans le réflexe pupillaire.
LeDr Darschkevitch, nie l'influence des tubercules quadri-
jumeaux postérieurs sur la réaction de la pupille la lumière ;
suivant lui, l'abolition de ce réflexe dans les expériences faites
jusqu'à présent, est due à une lésion de la commissure posté-
rieure. .
Maladies à sylémalisation discutable. Parmi ces maladies,
se trouve l'ophtaliiioplégie externe. M. Kornilofr a publié une
étude très intéressante sur cette maladie, relativement né-
gligée en France. Le cas sur lequel est basé son travail, est
le suivant :
Un sujet était atteint de somnolence intense, sans maux de tête
ni nausées. Un peu d'ataxie des membres supérieurs et faiblesse
du membre inférieur gauche. Réflexes tendineux abolis partout.
Sphincters intacts. Sensibilité normale. Voile du palais complète-
ment paralysé; luette déviée un peu à gauche. Pas de troubles de
la déglutition ni du côté des mouvements de la langue. Orhicu-
laire des paupières paralysé; impossibilité de clore complète-
ment les paupières. Yeux presque immobiles, fixés en avant.
Réflexes pupillaires normaux.
En douze jours, ces symptômes atteignent leur maximum ;
cinq jours après la paralysie du voile du palais disparaît, et
deux semaines plus tard celle des yeux. Guérison complète après
deux mois de maladie.
M. Korniloff a éliminé plusieurs diagnostics, entre autres
celui de paralysie diphtéritique, vu l'absence d'antécédents ; ;.
s'appuyant sur d'autres cas analogues, il a émis l'hypothèse
d'une lésion passagère de la partie supérieure du plancher du
quatrième ventricule, lésion s'étendant à l'aqueduc de Sylvius
et comparable à celle de la poliomyélite antérieure chronique
où les muscles volontaires sont seuls touchés. Le diagnostic
vrai serait donc poliencùphalile subaiguë localisée.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 277
Maladies diffuses. Angio-sarcome diffus de la pie-mère
cérébrale et médullaire. Dans les faits de cet ordre se range
un cas d'angio-sarcome diffus de la pie-mère cérébrale et
médullaire, publié par 11\Z. Schatalolf et NilciforofF. Les sym-
ptômes ressemblaient à ceux d'une embolie cérébrale : une
hémiplégie droite, sans aphasie, après deux attaques apoplecti-
formes. A l'autopsie, on trouva une tumeur coiffant la moelle
épinière ; son épaisseur atteignait jusqu'à un centimètre à un '
centimètre et demi. La moelle comprimée, offrait par places
snr une coupe, la forme d'un quart de lune, et pourtant, ses
éléments histologiques étaient peu altérés.
Maladies congénitales. Tantôt ces malformations amènent
des troubles fonctionnels généraux ou locaux, tantôt elles
restent muettes; cela dépend des conditions de développement
et des rapports avec les organes voisins.
Ainsi, deux des signes de l'Hydi-o-méîziî2gocèle considérés
comme de grande valenr, sont : la réductibilité et les mou-
vements pulsatiles. Or, un cas de M. Tchoudnowky, montre
que ces deux signes n'ont pas la valeur qu'on leur attribue.
Voici lejait :
Une petite fille de trois ans porte à la racine du nez une tumeur
douloureuse au toucher, inédutibie, non pnlsatile, translucide.
Celte tumeur qui atteignait le volume d'une orange était à la
naissance, grosse comme une cerise. Pas de troubles de la marche
de la parole, de la sensibilité ni des organes sensoriels, pas de
' strabisme ; facultés intellectuelles intactes. Une ponction donna
issue à un liquide contenant de l'albumine, du chlorure de sodium.
Puis intervention chirurgicale mortelle. A l'autopsie, on ne trouva
pas de malformation des centres nerveux; la tumeur communi-
quait avec la cavité crânienne, par un orifice rond, formé aux
dépens des apophyses nasales de la bosse frontale moyenne ; la
paroi interne de la poche était formée par la dure-mère.
L'absence de réductibilité et de battements était due à une
légère saillie d'un des lobes frontaux hors de l'orifice osseux
qui était ainsi obstrué.
Différenciation des centres des mouvements volontaires et des
mouvements expressifs des mêmes muscles. Le Di- Rosenbach
a publié sur ce sujet une observation qui a été déjà analysée
dans le présent recueil (t. XIV. p. 416). Le D'' Bechterew
avait déjà démontré expérimentalement sur le singe, que le
centre expressif de la face siège dans les couches optiques.
278 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
II. MOELLE E1'INII'iRE.
Comme méthode d'étude de divers symptômes anatomiques
de la moelle, les savants russes ont presque toujours employé
la méthode de Flechsig.
Parcours central des racines postérieures ; leur terminaison.
Le D'' Bechterew, élève de Flechsig, a étudié le parcours
et la terminaison des racines postérieures dans la substance
grise de la moelle.
Il a reconnu dans les racines postérieures l'existence de
deux ordres de fibres qui se séparent à leur entrée dans la
corne postérieure et forment deux faisceaux : un faisceau
interne si grosses fibres et un faisceau externe à fibres grêles.
Les grosses fibres se développent les premières et se couvrent
de myéline au cinquième mois de la vie embryonnaire. Elles
se divisent en deux groupes : les unes, plus nombreuses pas-
sent dans la région antéro-interne des cordons de Burdach et,
après un court trajet vertical, se dispersent entre les cellules
de la colonne de Clarke. Les autres pénètrent dans la substance
gélatineuse de Rolando, et suivent un trajet horizontal dans la
substance grise ; quelques-unes de ces fibres entrent en con-
nexion avec les cellules de la région moyenne de la substance
grise; d'autres arrivent à la corne antérieure; enfin quelques-
unes traversent la commissure antérieure et vont dans la corne
antérieure du côté opposé, soit directement, soit en traversant
la zone radiculaire antérieure. Les fibres grêles se développent
peu de temps avant la naissance. Les unes pénètrent dans la
partie la plus postérieure des cordons latéraux et se terminent
dans les cellules de la corne postérieure, quelques-unes seule-
ment se prolongent jusqu'au noyau latéral de la corne anté-
rieure ; les autres vont directement dans la substance gélati-
neuse et se placent entre les grosses fibres. Dans le renflement
lombaire, cette dernière partie de fibres grêles occupe la région
la plus externe des cordons de Burdach. De la colonne de Clarke,
où aboutissent la plupart des grosses fibres, partent trois ordres
de fibres : 1° Les unes traversent le cordon latéral vers sa
périphérie pour constituer le faisceau cérébelleux direct;
2° d'autres vont à la partie postéro-interne des cordons de
Burdach ; quelques-unes de ces fibres prennent part à la cons-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 279
titution des cordons de Goll; 3° enfin les dernières se dirigent
en avant : une partie se continue dans la région correspond
dante de la corne antérieure, l'autre traverse la commissure
antérieure pour passer dans la corne antérieure du côté opposé.
Des petites cellules de la corne postérieure, où aboutissent
principalement les fibres grêles partent des fibres minces qu(
passent soit en dedans, soit en dehors de la colonne de Clarke,'
traversent la commissure grise et forment le faisceau limitant
du cordon antéro-latéral. D'autres fibres partant de ces cellules
forment le plus grande partie des cordons de Goll.
En résumé, il y a deux systèmes de fibres bien distincts ·.'
[" les grosses fibres internes, donnant naissance à la partie
périphérique des cordons de Burdach, et au faisceau cérébel-
leux direct ; 2° les minces fibres externes formant un système'
particulier du cordon antéro-latéral du côté opposé et les
cordons de Goll. Ces deux systèmes anatomiques, se déve-'
loppant isolément, forment deux systèmes physiologiques^
distincts.
Physiologie des racines postérieures. En effet M. Bechterew
se fondant sur les résultats de la vivisection, admet que le
faisceau externe dessert la sensibilité cutanée, tandis que le
faisceau interne remplit des fonctions réflexes (par les fibres
qui réunissent la corne postérieure-à la corne antérieure). Ce
dernier faisceau servirait aussi à la conduction du sens mus-
culaire, comme semblent le démontrer les lésions du tabes.
Or, la conservation du sens musculaire chez les animaux
après ablation totale du cervelet prouve que ce sens n'a pas
pour voie de conduction le faisceau cérébelleux direct; il reste
donc la région périphérique des cordons de Burdach pour des-'
servir cette fonction. Quant aux radicules externes, celles de,
leurs fibres qui participent à la constitution des cordons de Goll,
elles ne servent pas à la conduction de la sensibilité; en effet :
1° les expériences physiologiques et les données pathologiques
ne donnent que des résultats négatifs ; 2" ces fibres ne sont
pas entre-croisées tandis;que les faits physiologiques et cliniques
prouvent que la sensibilité cutanée est croisée. C'est donc le
faisceau formant la région limitante du cordon antéro-latéral
qui doit être considérée comme conducteur de ce mode de sen-
sibilité. On peut admettre que les cordons de Goll servent à
des réflexes cutanés nécessaires au maintien de l'équilibre, en
raison de leurs connexions avec le cervelet.
280 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
La plupart de ces recherches ont été répétées par M. Rosso-
limo ; cet auteur affirme que le centre trophique des cordons
postérieurs ne siège pas dans les ganglions intervertébraux, et
qu'il est difficile de préciser sa localisation. Ces recherches
fournissent de nouvelles preuves des rapports qui existent
entre le développement d'un système et ses fonctions physio-
logiques. D'autres études de M. Bechterew les montrent encore
mieux.
Excitabilité des différents faisceaux de la moelle chez les
animaux nouveau-nés. L'excitabilité des différentes parties
du système nerveux n'apparaît qu'à l'époque où les fibres du
système que l'on considère sont pourvues de myéline. Cette
corrélation a été instituée par M. Bechterew pour les décou-
vertes suivantes : A la naissance, la région antéro-interne des
cordons de Burdach est seule pourvue de myéline, dans les cor-
dons postérieurs ; leur excitation produit la contraction des
muscles innervés par le segment correspondant de la moelle.
L'excitation des racines postérieures donne le même résultat.
Au cinquième jour tout le cordon postérieur contient des
fibres à myéline, et le cordon de Goll excité donne naissance
à des contractions musculaires généralisées, sans douleur. Le
fait que le cordon de Goll ne devient excitable qu'à ce moment,
alors que les racines postérieures sont développées depuis
longtemps, démontre l'excitabilité propre de ses fibres.
. De même les fibres du faisceau pyramidal qui se couvrent
de myéline dix à douze jours après la naissance ne deviennent
excitables qu'à ce moment.
Nous exposerons maintenant les travaux qui se rapportent
à la systématisation des lésions pathologiques ou expérimen-
tales et des troubles fonctionnels causés par ces lésions.
Voies conductrices de la sensibilité et du mouvement dans la
moelle. - M. Rossolimo, dans des expériences d'hémi-section
de la moelle n'a jamais vu se faire la régénération des fibres
coupées, bien que les animaux eussent survécu assez long-
temps. Il a constaté les dégénérescences classiques du faisceau
pyramidal des cordons de Goll et du faisceau cérébelleux
direct. Il n'a pas observé la dégénérescence de la région dé-
crite par Gowers et Bechterew. Les symptômes présentés
réalisent le tableau de la paralysie de Brown-Séquard; mais,
tandis que la perte de la sensibilité persiste, la paralysie
motrice disparait au bout de quelques semaines; la regénéra-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 281 1
tion ne s'effectuant pas, il faut donc admettre que les impul-
sions motrices arrivent aux deux côtés de la moelle par le seul
côté resté intact. Une hémi-seclion gauche de la moelle au
niveau de la dixième vertèbre dorsale amène la paralysie du
membre inférieur gauche, paralysie qui disparait au bout de
trois semaines. Si alors on pratique une nouvelle hémi-section
gauche au-dessous de l'entrecroisement des pyramides, le
membre supérieur gauche seul est paralysé, tandis que la
même hémi-section, sur un cobaye sain, paralyse les deux
membres gauches. Donc les impulsions motrices, chez le co-
baye, ne passent d'un côté à l'autre qu'au niveau des racines
antérieures correspondantes.
anatomie des racines postérieures. Comme complément
des travaux de Bechterew, nous citerons une étude du profes-
seur Popoff ;
Au neuvième mois de la vie embryonnaire, les fibres
internes des cordons de Goll contiennent déjà de la myéline,
tandis que les fibres externes en sont dépourvues; donc le cor-
don de Goll contient au moins deux faisceaux particuliers.
M. Popoff soutient que les fibres internes émanent de la
colonne de Clarke.
Nous avons dit qu'il y a un rapport constant entre les alté-
rations d'un système anatomique et certains troubles fonction-
nels. Or le professeur Popoff a relaté un fait rare dans lequel
ce rapport a fait défaut.
Myélite diffuse compliquée d'une kémorrltagie médullaire qui
ne s'était traduite par aucun symptôme pendant la vie. Le
tableau clinique était celui d'une myélite aiguë et transverse.
Des masses caséeuses remplissaient tout l'espace sub-dural
entre la quatrième et la 7*' vertèbre thoraciques. Des foyers de
ramollissement de la moelle occupaient toute cette étendue. A
l'oeil nu on trouvait un foyer fusiforme étendu de la cinquième
vertèbre dorsale à la partie inférieure de la moelle thoracique;
au microscope ce foyer présentait une grande quantité de glo-
bules sanguius formant au centre une masse compacte et
devenant de plus en plus rares vers la périphérie. Ce foyer
hémorrhagique n'avait pas déterminé d'accidents au moment
de sa production, parce qu'à cette époque déjà les lésions de
la myélite avaient altéré la moelle à ce niveau.
Paralysie spinale périodique. Sous ce titre M. Greydenberg
a publié l'observation suivante :
282 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Un jeune soldat de vingt-deux ans, fort et bien musclé, présen-
tait depuis dix ans, à la suite d'une frayeur les symptômes sui-
vants : Chaque matin il se réveillait étendu sur le dos, sans pou-
voir faire aucun mouvement, jamais de paralysie des muscles de
le face ni de la langue, quelques groupes musculaires étaient à
l'état de rigidité. Réflexes cutanés et tendineux abolis. Abolition
complète de l'excitabilité électrique des muscles et des nerfs. Au bout
de quelques heures, les mouvements se rétablissaient par seg-
ments de membres, en commençant par les extrémités; les choses
se passaient de même pour les réflexes. Pas de signes d'hystérie.
C'était pourtant probablement croyons-nous un cas de para-
lysie hystérique et les réflexes, ainsi que l'excitabilité électrique
n'étaient sans doute abolis que par suite de la rigidité muscu-
laire.
La suspension comme traitement du tabès. Le D'' Moczout-
kovsky a découvert un nouveau mode de traitement du tabes,
c'est la suspension. Il se sert de l'appareil de Sayre; la durée
de la suspension varie de 1 à 5 minutes. M. Moczoutkovsky a
vu sous l'influence de ce traitement disparaître complètement
des douleurs atroces et des phénomènes d'incoordination mo-
trice très accusés. Nous avons pu constater par nous-mêmes
à Odessa les succès obtenus. '
En outre, la frigidité génésique diminue ou disparait; aussi
M. Moczoutkovsky a-t-il été conduit à employer le même
moyen contre l'impuissance des jeunes gens; il a réussi dans
plusieurs cas'.
III. - NERFS PERIPHERIQUES. REFLEXES.
Rapports entre l'excitation et l'excitabilité dans la contraction
musculaire. « Une impulsion, dit Helmoitz, survenant pen-
dant la période latente de l'excitation fournie par une impul-
sion antérieure, ne change en rien ni la forme ni la hauteur
de la contraction. » Cette loi est fondamentale. Dans un tra-
vail récent, Wedensky a découvert une autre loi, non moins
importante : « Pour chaque moment de l'état du nerf et du
muscle, existent un optimum et un pessimum de l'excitation
qui produit la contraction. » Si, pendant la contraction, on
1 Voir Progrès médical, p. 135, n° 3, 1889. (Note de la rédaction.)
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 283
augmente l'excitation d'un muscle en agissant sur son nerf,
à partir d'un certain degré, qui est 1' optimum de l'excitation,'
on voit la contraction diminuer, puis disparaître : c'est le
pessimum de l'excitation; mais si on diminue alors l'excitation,
le muscle se contracte de nouveau, puis se tétanise. Lapériode
dans laquelle chaque augmentation de l'excitation n'est pas
suivie d'une augmentation de la contraction est dile état de
pessimum. (Le professeur Marey, en France, avait déjà signalé
ce fait.) A l'état de pessimum, le muscle consomme une
certaine quantité de force; en effet, dans cet état, un muscle
récupère ses forces contractiles moins que s'il était à l'état de
repos. Dans cet état l'excitabilité du muscle est seulement
diminuée : si l'on produit une excitation soit directement sur
le muscle, soit sur un point du nerf plus rapproché que le
point d'application de l'excitation pessimum, on obtient une
contraction. L'optimum et le pessimum sont fonctions à la
fois de l'intensité et du nombre des excitations. Le tronc ner-
veux ne joue aucun rôle dans ces phénomènes, car, suivant
Wedensky, le nerf est infatigable. Dans ces études, il est
nécessaire de distinguer deux sortes de fatigue : 1° La fatigue
par épuisement proportionnelle au travail fourni.- 2° La
fatigue par intervalle insuffisant, proportionnelle au nombre
des excitations dans un temps déterminé. Ces deux formes
se superposent ordinairement, mais elles peuvent être distin-
guées. Dans le passage de l'optimum au pessimum et vice-
versà, le muscle se repose de l'une ou l'autre fatigue.
Terminaisons nerveuses périphériques. M. Mitrofanoff a
étudié par la méthode embryogénique la nature des terminai-
sons nerveuses. A une certaine époque, les terminaisons des
nerfs sensilifs ne sont pas en connexion organique avec les
éléments épithéliaux : la connexion du nerf avec le neuro-
épithélium se produit tardivement. Les terminaisons des
nerfs moteurs diffèrent peu de celles des nerfs sensitifs. La
plaque motrice terminale est un produit de la différenciation
du bout périphérique du cylindre-axe embryonnaire. Dans les
glandes les terminaisons nerveuses ont une grande ressem-
blance avec la forme simple des terminaisons des cellules ner-
veuses motrices; l'innervation de quelques-unes des cellules
de la glande est suffisante pour que celle-ci puisse accomplir
ses fonctions. Les recherches de Mitrofanoff détruisent la
base anatomique de l'hypothèse de Hensen.
284 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Je me bornerai à citer les quelques travaux suivants sur
l'anatomie descriptive des nerfs périphériques.
Le D'' Pototsky a étudié le plexus lombo-sacré.
Le-D'' Bechterew a étudié les terminaisons centrales du
trijumeau; il soutient que ses fibres radiculaires n'ont aucun
rapport avec le cervelet. M. Baginski ayant nié absolument le
rôle des canaux semi-circulaires, 111. BecUterew a invoqué, une
fois de plus, à l'appui des différences fonctionnelles des deux
branches du nerf acoustique, le fait que ces branches se dé-
veloppent à deux époques différentes.
IV. ORGANES DES SENS.
Les sens peuvent être considérés comme une différenciation
de la sensibilité générale; aussi cette sensibilité générale
peut-elle par elle-même amener certains actes qui semblent
exiger le concours des organes des sens et l'intégrité du cer-
veau.
Corrélation entre les fonctions du cerveau antérieur et les
excitations extérieures. -Le D1' Danilewsky a voulu démontrer
que certains actes complexes, volontaires en apparence, peu-
vent être exécutés sous l'influence des excitations extérieures,
par une grenouille privée de ses hémisphères cérébraux. Il a
conclu que l'influence excitatrice, aussi bien que l'influence
inhibitoire du cerveau antérieur, peut être remplacée par des
excitations sensitivo-sensorielles extérieures. A l'appui de sa
conclusion, Danilewskyafaitles expériences suivantes : si l'on
place sur les narines d'une grenouille privée de ses hémis-
phères, un morceau de papier qui empêche l'animal de res-
pirer, on voit la grenouille enlever le papier avec sa patte ; si,
au contraire, le papier ne gène en rien les fonctions de l'ani-
mal, celui-ci ne fait aucun mouvement pour l'enlever.
Réflexe anassétéarien. Ce réflexe existe chez tous les
hommes bien portants. M. Iliballçine prétend n'avoir jamais
vu se produire de mouvements cloniques en cherchant ce réflexe
à l'état de santé.
Application de la méthode graphique ci l'élude de lap2essioi
intra-oculaire et des mouvements de la pupille. Le procédé,
découvert par Siboulsky, consiste à photographier l'image de
la pupille. Cette image est reçue sur une bande de papier
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 283
sensibilisée à travers une fente verticale placée de telle sorte
qu'elle réponde juste au diamètre vertical de cette image. Si
le papier se déplace, l'image du diamètre pupillaire donnera
une bandelette à bords parallèles, divergents ou convergents,
suivant que la pupille restera immobile, se dilatera on se con-
tractera. Les autres parties de l'oeil marquent aussi leur
image. Cet appareil appelé pholocoréographe, permet d'indi-
quer sur le tracé le commencement, la fin et les différents
temps de l'expérience. Le D'' Béliarminoffa a montré à l'nide
de cet appareil, qu'il se produit des changements pupillaires
pendant le clignement des paupières et que l'occlusion de l'oeil
se fait beaucoup plus vite que son ouverture. L'éclairage,
même intense, n'a aucune action sur la dilatation de la pu-
pille qui s'opère par voie réflexe. La dilatation directe de la
pupille est produite par l'excitation du sympathique. La dilti-
tation réflexe, par l'excitation des nerfs sensitifs. La dilata-
tion directe présente une période latente moins longue, arrive
plus rapidement à son maximum, et cesse plus rapidement
que la dilatation réflexe. La dilatation réflexe atteint son maxi-
mum lentement, toujours après la fin de l'excitation, ce maxi-
mum est précédé d'un rétrécissement qui correspond exacte-
ment à la fin de l'excitation. La dilatation qui se produit
jusqu'à ce rétrécissement momentané est dite dilatation
primaire; celle qui suit est appelée secondaire. Les mêmes
phénomènes se produisent du côté opposé à l'excitation. Si
l'on sectionne le sympathique au cou, la période latente de la
dilatation réflexe devient trois fois plus longue, l'amplitude
de la dilatation diminue; il n'y a pas de rétrécissement
momentané, le maximum est atteint plus lentement et le
retour à l'état normal se fait graduellement.
La dilatation directe arrive rapidement à son maximum ; le
retour à l'état normal est plus court; le rétrécissement mo-
mentané manque.
La dilatation réflexe peut s'opérer en l'abscence de toute
communication par le sympathique entre la moelle et la pupille.
L'enregistrement graphique simullané des mouvements de la
pupille et des modifications de la pression vasculaire montre
qu'il n'y a pas de rapport entre ces deux ordres de phénomè-
nes : La période latente de la dilatation directe et de la dilata-
tion réflexe est plus courte que la période latente de l'augmen-
tation de pression dans les carotides. Mais si l'on sectionne les
286 REVUE DE pathologie nerveuse.
deux sympathiques ou cou, la dilatation réflexe de la pupille
devient synchrone au rétrécissement des branches de la caro-
tide. Lorsque la pression intra-oculaire augmente, la pupille se
contracte, ou reste immobile. Pour ces études, M. Béliarminoff
s'est servi du manomètre de Schulten, auquel il a adapté un
appareil photographique destiné à inscrire les déplacements
de la colonne liquide. Il a obtenu les résultats suivants : Si l'on
comprime la carotide, la pression intra-oculaire diminue rapi-
dement ainsi que le diamètre des vaisseaux du fond de l'oeil;
la pupille tend à se rétrécir. La compression des veines du
cou amène une augmentation de tension, mais la pupille se
rétrécit encore et cet état de contraction persiste. La respira-
tion et les battements artériels influent sur la pression intra-
oculaire, mais non sur la pupille.
De l'inégalité pupillaire dans les maladies du poumon. '
M. Paternatsk-v a constaté l'inégalité des pupilles dans 85 p. 100
des cas de pneumonie croupale. Dès le début on peut cons-
tater la dilatation de la pupille du côté lésé. Cette dilatation
atteint son maximum le quatrième ou le cinquième jour.'
Pendant cette période, la pupille réagit lentement à la lumière
et se fatigue vite. Peu de temps avant la crise, l'inégalité
commence à disparaître. Pendant la convalescence, la pupille
du côté malade se rétrécit légèrement ; elle réagit plus rapi-
dement à la lumière que celle du côté opposé. Cette inégalité
existe bien souvent dans la phtisie unilatérale : la pupille du
côté malade serait toujours dilatée.
De l'inégalité pupillaire chez les individus bien portants
Des recherches de Moebius, il ressort que la pupille est plus
petite chez le vieillard. Sur des soldats, M. Ivanoff a constaté
que les deux pupilles sont rarement égales. Sur 150 sujets, il=
trouvé l'inégalité 130 fois. Dans les deux tiers des cas la pu-
pille gauche et la moitié gauche de la face sont plus déve-
loppées que du côté droit. Le diamètre de la pupille est en
rapport direct avec le développement de la face du même côté
et des membres du côté opposé.
Nerfs dilatateurs de la pupille. M. Prjibilsky a découvert
sur le chat les faits suivants : Les fibros dilatatrices de la pu-
pille, issues de l'encéphale, sortent de la moelle avec la huitième '
paire cervicale et les première et deuxième paires dorsales ;
des rameaux communiquants les mettent en rapport avec le sym-
pathique cervical, puis elles se rendent au ganglion de Gaxer, et'
'REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 287
sortent avec le trijumeau. La section du trijumeau au delà du
ganglion supprime la dilatation directe. Ces fibres passent par
les nerfs ciliaires longs, car la section de ces nerfs supprime
l'action du sympathique ; la section des ciliaires courts et l'a-
blation du ganglion ciliaire ne produisent rien. Une partie de
ces fibres part directement de l'encéphale, et suivent, sans
doute le trijumeau, en effet la section des sympathiques n'a-
bolit pas la dilatation réflexe.
Le centre dilatateur de la pupille est situé dans l'encéphale ;
l'existence du centre cilio-spinal de Budge est inadmissible
car la section delà moelle au niveau de l'entrecroisement des
pyramides abolit complètement la dilatation réflexe de la
pupille par les excitations douloureuses.
Développement de la rétine. Suivant M. Kostewitch, les
bâtonnets et les cônes se forment aux dépens du protoplasma
des cellules de la couche granuleuse externe, au cinquième
mois de la vie foetale. Dans la couche granuleuse externe se
trouvent des éléments non nerveux. La différenciation se faitde'
la papille vers la périphérie. Le développement de la rétine
de l'homme se termine au huitième mois. La tache jaune
n'existe pas à la naissance.
Des organes du sixième sens chez les amphibies. Ces orga-
nes, appelés tubercules nerveux, découvert par Schultze et
décrits par Leydig, sont, suivant lllitrofanoff en connexion
étroite avec le nerf vague. Ils sont, au moment de leur appa-'
rition, logés dans l'épaisseur de l'épiderme, dont ils se diffé-
rencient complètement à une certaine époque. Il est certain
que la plupart des troncs nerveux qui s'y rendent provien-
nent d'un noyau bulbaire situé en arrière du noyau de l'acous-
tique. Ces tubercules servent spécialement à percevoir les
ondulations de l'eau, et le point de l'espace, d'où elles par-
tent.
IL DE quelques mouvements associés anormaux qui se montrent
FRÉQUEMMENT DANS LES PIEDS ET LES ORTEILS CHEZ LES 1\É\ROP.\-
THES ; par A. STRUEMPELL. (VG2li·Ol. CenlralGl., 1887.)
Quand, le malade, étant couché sur le dos, on lui dit de placer
son pied à plat sur le lit en fléchissant la cuisse sur le bassin et la
jambe sur la cuisse, on voit que, malgré lui, dès que la cuisse
commence à se soulever, le jambier antérieur se contracte forte-
ment (saillie du tendon), de sorte que le pied se fléchit sur la
jambe, tandis que son bord interne s'élève (flexion dorsale du pied
1288 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
oblique en dedans); en certains cas, il se produit encore une flexion
dorsale des orteils par le concours du long extenseur du pouce
et de l'extenseur commun des doigts. II n'est pas rare de voir ces
mouvements associés, apparaître à l'occasion de rotations simples
de la hanche. Enfin, il peut se faire qu'ils dépassent la sphère
d'action du côté examiné et occupent simultanément les deux
pieds. L'auteur les signale surtout dans les cas d'hémiplégie céré-
brale (mouvement associé bilatéral), quelle que fût la nature de
l'hémiplégie (apoplectique, syphilitique, infantile) ; dans les affec-
tions spasmodiques de la moelle (myélites chroniques, scléroses
multiloculaires, affections combinées des cordons); dans les lésions
hémilatérales de la moelle (mouvement associé unilatéral du côté
paralysé). Dans la paralysie spasmodique, souvent spontané-
ment, même pendant le décubitus dorsal tranquille, se produit une
contracture des orteils et surtout du gros orteil en flexion dorsale ; la
crampe persistant, si l'on fait fléchir la cuisse sur le bassin, on voit
survenir le mouvement associé décrit ci-dessus ; mais. quand le pied
vient à s'appuyer sur le lit, tout disparait ; dès que le malade
étend la jambe, la contracture reprend, et ainsi de suite cette
contracture est donc liée à l'extension volontaire de la jambe.
P. K.
III. Des modes d'examen ET D'L'TEltl'ttl.r'AT10\ de l'état de la SE1SI-
bilité DANS LE TARES ET LA PARALYSIE GÉNÉRALE TAUÉTIQUE ; par
0. Rinswanger. (Neurol. CeatrnlLl., 188î.) -
Rien n'est variable, non seulement en général, mais chez un
même malade, suivant le moment et les conditions de chaque cas
particulier, comme la sensibilité tabétique. A fortiori, pour peu que
l'intelligence ait subi quelque atteinte. Dans une série d'observa-
tions, dont l'auteur fournit un type, la sensibilité cutanée varia
en étendue, mode, quantité à diverses époques de l'examen; des
fluctuations se Firent sentir pour les régions considérées à des
intervalles de temps très courts. Les troubles de la conductibilité,
les changements de l'irritabilité cérébrale, l'aptitude variable à
la réceptivité des stations terminales de la moelle et du cerveau,
l'excitabilité modifiable des expansions nerveuses à la périphérie
de la peau, la prolongation même de l'examen (exercice delà fonc-
tion), transforment à vue d'oeil l'état de la sensibilité (une obser-
vation), ainsi que l'application de l'aimant et des courants galva-
niques minuscules (une observation), même dans ces maladies à
lésions. P. K.
IV. Contribution a la question de l'acoustique; par A. Fonix. '
HEPLIQL'LB AUX PRÉCÉDENTES REMARQUES; par P. lLECHStG. CON-
TRI13UTION A LA QUESTION DE L'ORIGINE DU NERF AUDITIF ET A L'nt-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 289
PORTANCE PHYSIOLOGIQUE DU NERF VESTIBULAIRE par V, L;EC11TERER !
(Neurol. Centralbl., 1887). '.
Nous n'entrerons pas dans la discussion soulevée par MM. Forel
et Fleclisig, à propos des nerfs et noyaux et de la priorité, ou de
l'excellence de leurs vues que nous avons déjà résumées en leur
lemp*. 11 ne sera pas sans intérêt cependant de condenser le mé-
moire de M. Bechterew. Du développement du système nerveux
chez des foetus humains, il est arrivé à établir que :
La racine postérieure de l'acoustique, qui constitue le prolongement du
nerf cochléaire, se divise, après son entrée dans le bulbe, en deux bran-
ches, de même que la racine antérieure du même nerf (prolongement du
nerf vestibulaire). L'une de ces branches pénètre dans le noyau anté-
rieur de l'acoustidue (noyau antérieur deMeynert),en connexion par des
fibres du corps trapézoïde avec l'olive du même côté et du côté opposé.
L'autre branche (interné) d'abord côtoyée par le noyau antérieur, le
dépasse en arrière, embrasse les fibres restiformes, fait un crochet en
dedans, et gagne ce qui reste des fibres restiformes au niveau du plan
supérieur de la formation réticulaire; ici cette branche devient un noyau
supéro-dorsal, au voisinage du raphé; mais ses fibres ne sont point en
rapport avec le noyau interne ou supérieur du même côté (tfente,
Sclmalbe,Edinger). La racine-antérieure de l'acoustique, après avoir atteint
la partie supérieure du noyau de Deiters, gagne le noyau situé en arrière,
en dehors, au-dessus de celui-ci (noyau angulaire de Bechterew; noyau
principal du nerf vestibulaire de Flechsig); une partie de cette même racine
s'infléchit en bas pour former la racine ascendante de l'acoustique.
Les racines des nerfs périphériques ne sont pas du tout en re-
lation avec le cervelet, elles sont déjà pourvues de myéline, bien
avant que le cervelet en ait. Mais le noyau principal du nerf ves-
tibulaire est en connexion, par un trousseau spécial qui traverse le
segment interne du pédoncule cérébelleux, avec les noyaux cen-
traux du cervelet. Et la racine ascendante de l'acoustique est le
prolongement de la deuxième branche de la racine antérieure du
même nerf. Enfin, au point de vue physiologique, il y a lieu de
considérer comme démontrée la diversité des fonctions du rameau
cochléaire et du rameau vestibulaire, de même que du limaçon et
des canaux semi-circulaires (Forel, Onufrowicz, Hoeg'yes,Fiourens,
Brown-Séquard, Goltz, Cyon, Laevemberg, Scoluclia, Loysaner,
13echtereiv). P. K.
DE LA PARALYSIE ASCENDANTE SUITE DE COQUELUCHE;
par Il. J. MOEBtus (Centrulbl. f. Nercenheilh., 1887.)
Une observation. Après la coqueluche, il se développa une paré-
sic d'abord des jambes, puis des bras, des muscles de la nuque et
du diaphragme. Disparition des réflexes tendineux. Aucun trouble
de la sensibilité, ni des réflexes superficiels, ni de la fonction des
nerfs crâniens, ni îles viscère*. Les accidents moteurs na furont
Archiaes, t. XVII. tU .
290 REVUE DE PATHOLOGIE- NERVEUSE-.
pas graves, ni atrophie, ni modification de l'excitabilité électrique.
Prompte guérison. La paralysie procéda par sauts, sans toucher
aux muscles abdominaux, à ceux de la colonne vertébrale, aux
-muscles intercostaux ; sinon, le diaphragme étant paralysé, la mort
se lût produite. Il est probable qu'il s'agissait de névrite multilo-
oculaire périphérique, car la vessie et l'intestin demeurèrent intacts.
et l'issue fut promptement favorable. Infection probablement ana-
]ogue à celle qui donne lieu à la paralysie diphtbéritidue (toxine
coqueluchale). L'auteur signale encore un cas du même ordre rap-
pelant la poliomyélite aiguë. P. K.
Vt.DE L'IiY'I'ÉIto-$P1LEP81E chez LES garçons; par K. Laufenauer
- (Centralbl. f. Nerenhcillc., 9887).
1,'Iivstéi-o-épi[opsie mâle ressemble en tous points à l'hystéio-
épilepsie femelle. Il en est ainsi pour l'hystéro-épiiopsie des
garçons. Toutefois elle est chez l'enfant moins marquée, moins
typique. Quatre observations. Diagnostic possible par les stigmates
et la marche de l'accès, en ce qui concerne l'épilepbie.l'Ilystro-
épilepsie des garçons diffère de celle des hommes par l'inégalité
pupillaire, la fréquence des hyperesthésies, la nature terrifiante
des délires qui succèdent aux attaques. Toujours héréditaire, elle
éclate parfois Si la suite d'une cause occasionnelle traumatique ou
psychique; la plithisie l'accompagne souvent. Elle guérit toujours
par l'isolement, les toniques, J'électrisalioti faradique et statique,
le massage, l'hydrothérapie. Ne donnez de bromure que si, au
début, l'excitabilité psychique et physique est très vive ; ne pro-
longez pas l'action du médicament. P. KERAVAL.
- V11. De la paraplégie dans LE MAL de POTT; par J. ÂLTUAUS
(CenlnalLl. f. \'ertenleeilfi., 1887).
Observation. Carie des corps, des cartilages et des ligaments
des 9° et 10e vertèbres dorsales ayant, par contiguïté, engendré
une pacbyméningile externe, avec épaississement et produits
caséeux- : compression ultérieure de la moelle. Myélite ititersti.
tielle des faisceaux pyramidaux (d'où paralysie avec exagération
des phénomènes tendineux), et des cordons postérieurs (douleurs
névralgiques podaliques) : intégrité probable de la substance
grise. Bons effets du fer rouge. Pas d'abcès par congestion. Etude
critique. Le fer rouge, mauvais dans les affections de la moelle,
convient aux affections de ses méninges. P. K.
Vill. DE la 1.11'LI1L de la maladie de B.4,EL)OV, par 1'. J. Moebius,
(CcnlralGl. f. IYervctahcilk., 1887).
D'après les chirurgiens (opérations), les physiologistes (extirpa-
Revue de pathologie nerveuse. »'1 1
lions), et les médecins (myxoedème), le corps thyroïde a une grande
importance trophophysiologique sur l'économie, et probablement
il exerce une action chimique (cachexie strumipriva). Comparai-
son du crétinisme goitreux et du myxeedème, du crétinisme et : du goitre exophthalmique, de la maladie de Basedow et du myxoe-
dème. Dans le myxoedème, la glande thyroïde a cessé de fonction-
ner ; dans la maladie de Basedow, elle est eu état d'activité patho-
logique, activité qui préexiste à l'ensemble symptomatique, avant
même qu'elle ait augmenté de volume. La cause de cette affection
glandulaire doit être un poison organique (leucomaïue quelconque)
qui agit chez un individu, déprimé, privé de résistance, de par
une tare héréditaire, une émotion ou tout autre cause générale.
P. K.
IX. Des troubles DE l'ouïe en DES cas DE paralysie faciale
périphérique légère; par 0. IlosF.Nj3.icH (C'e/ ! ()'f ! <6<. f. Nerven-
/t6< ? 1887).
Trois observations prouvant que, même dans les formes légères
de paralysie faciale rhumatismale, il peut exister un trouble assez
considérable dans le domaine des perceptions acoustiques, et que,
à moins qu'il ne s'agisse là que d'une coïncidence accidentelle,
dont l'avenir fera justice, il doit y avoir relation pathogéuétique
entre les deux ordres de manifestations, car les troubles de l'ouïe
diminuent de concert avec la diminution des symptômes paralyti-
ques, et disparaissent complètement avec la reslitutio ad inte-
grum du facial. Cette marche est caractéristique. Examen et dia-
gnostic traités du reste à fond. L'idée qui vient à l'esprit c'est que
l'inflammation du facial s'est transmise au nerf du muscle de
l'étrier ; en tous les cas il existe une légère paralysie du tronc de
l'acoustique. P. KERAYAL.
AfHBT03E bilatérale; par KURELLA
(Celahwlbl. f. Nerueaheilh., 1887)..
Observation avec autopsie. Athétose progressive et généralisée
aboutissant à une espèce d'attaque avec perte de connaissance
totale, représentant le maximum d'exagération de l'athétose en
étendue, de même qu'en intensité : les convulsions portent à la
fois sur les muscles déjà pris, à la fois sur ceux de la face, de la
langue : grincement des dents lésant lèvres, gencives, bord anté-
rieur de la langue ; convulsions des globes oculaires ; respiration
irrégulière et stertor; expiration soufflante (fume la pipe). L'atta-
que dure 3/4 d'heure,' elle cesse sous l'influence de 0,02 de mor-
phine : sommeil. Amnésie consécutive. Trois mois au lit. Se relève
amélioré. Puis, nouvelle aggravation, gâtisme; alimentation
passive. Phlhisie pulmonaire, mort. L'auteur insiste sur l'origine
2'J2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
congèniaie (12 ans); au début minime, elle s'aggrave à t'âge
adulte. Pèie choréique. Encéphalite corticale diffuse à la
période d'atrophie et d'organisation conjonctive au niveau des
deux ascendantes des deux côtés, et, à gauche, du lobule pariétal
supérieur et de la première occipitale d'Ecker. Pathogénie :
hyperexcitabilité inflammatoire, irradiations corticales et sous-
corticales. P. K.
XI. NEUftOPATIIOLOGIQUE.S ; par INI. Bernhardt
(Centralbl. f. Nei-ve ? iheill ? 1887).
I. Paralysie traumatique du radial. Coup de couteau lancé à
l'espagnole, ayant pénétré à la partie supéro-postérieure du bras
et comprimé, par bascule naturelle du manche, le nerf contre les
os (contusion). IL Paralysie partielle de la sensibilité (gliome
central de la moelle cervicale ? ). Lésion de la zone radiculaire des
nerfs cervicaux gauches, gliome avec formation de cavités dans la
substance grise centrale de la même région. Pas d'autopsie. P. K.
XII. De LA PARALYSIE SIMULTANÉE DE PLUSIEURS NERFS CRANIENS;
par P.-J. MOEmus (Centralbl. f. 11 erLenleeilfi., 1887).
Cinq observations, dont une avec nécropsie. Elles ont ceci de
commun que plusiers nerfs crâniens furent lentement affectés,
sans autres symptômes essentiels. Dans l'observation IV, il s'y
ajouta, en sus, des symptômes de lésion .cérébrale. Diagnostic,
confirmé par l'autopsie précisément de cette observation IV : lé-
sions de la base, siégeant principalement dans la fosse crânienne
moyenne, niais, dans quelques cas, portant aussi sur la fosse
antérieure. D'où l'atteinte des troisième, quatrième, cinquième,
sixième, septième et même dixième, onzième, douzième paires.
Dans l'observation V, t'ractute de la base. Syphilis supposable
avec infiltration primitive des troncs, pour trois de ces faits. Pas
de tuberculose. P. K.
XIII. Contribution A la morphologie et A LA morphogénése du tronc
des hémisphères cérébraux; par G. JEL01· : RS3f.l. Traduit du hollan-
dais, par iIUIIELL.1 (Centralbl. f. \'e)'Uelilteflfi., 1887).
Cette étude des ganglions de la base et de leurs organes des-
cendants est basée sur l'analyse anatomique de l'encéphale de
cinq idiots. L'auteur conclut ce qui suit. Le bulbe et le tronc des
hémisphères contient trois systèmes : A, un système intellectuel
qui est formé de faisceaux conducteurs et d'oasis de cellules dégé-
nérant dans leur totalité à la suite d'une lésion de l'écorce; B, un
système d'association reliant l'appareil intellectuel à l'arc réflexe
et se composant d'une partie centrifuge (système pyramidal) et
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 293
d'une partie centripète (ruban de Reil) ; C, un arc réflexe qui com-
prend aussi le premier relai central des nerfs auditifs et op-
tiques et les faisceaux de conjonction des divers centres primitifs.' *'
Les hémisphères se formant bien après que le tronc du cerveau
est terminé, c'est par degrés que le centre intellectuel, poussant
ses racines au travers de l'arc réflexe, crée le tronc de labase. Cha-
cun des organes des sens s'accentue et s'individualise dans le bout
central de l'arc réflexe.. Enfin l'appareil intellectuel ressort net-
tement des dégénérescences typiques de l'idiotie, et forme un
cercle fermé de l'écorce au cervelet et du cervelet à l'écorce
(double voie en sens inverse).
SCHÉMA
Ecorce cérébrale.
Capsula interne. Couche optique. Capsule interne.
Noyau rouge. Pied du pédoncule cérébral,
Raphé. Protubérance Olive.
Pédoncule cérébral. Raphé. liapllé.
Noyau dentelé. Pédoncule moyen. Corps restiforme.
Cervelet. Cervelet.
L'appareil intellectuel se relie donc à l'arc réflexe : ), dans le'
cerveau : par le système des pyramides et le ruban dé Réil,
il, dans le cervelet : par le faisceau iatéropyramidal et les fibres
cérébellobulbaires. Le cervelet s'associe en somme aux opérations
psychiques du cerveau. P. Kerwal.
XIV. Contribution IL la pathologie DE la maladie DE TH01tSFa;,
par M. 13ERVHaRDT (Centrulbl. t. y6)'KCHA.eifA, 1887).
' Suite de l'observation relatée dans son mémoire de 1879 (3lns-
kclsteifigkeit und Muskelhypertrophie. Fin selbsioendiger Symptomen
complex. Ili),ch,;tv*s Archiv., t. 1,XXV.,p. 3tG). Elle est à peu près la
même. Existence des réflexes tendineux rotuliens, à la condition,
qu'on emploie la méthode de Jendrassik. Toujours aspect athlétique.
Un peu d'hyperexcitabilité mécanique des muscles de la face, mais
non tonique. Excitabilité électrique des nerfs et muscles, comme
jadis. Un courant faradique prolongé provoque la houle et l'ondu-
lation d'un groupe musculaire, mais non les vagues contractiles
arythmiques de la cathode à l'anode. Elude critique des travaux
publiés depuis. P. K.'
XV. Un cas DE surdimutité chez un nYSTÉRO-ËPtLEPTtQL'E;
[par E. itll ? \DEL (Neurol. Centrnlbl., 1887.) ,
Après avoir établi chez son malade (homme de cinquante-et-un
ans), l'existence d'accidents hystériques, l'auteur fait remarquer
que la surdimutité remonte à quinze mois seulement, qu'elle s'est
présentée par accès plus ou moins prolongés, mais ayant bientôt
2 ! I4 i REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE,
laissé chaque jour au patient un répit de trois heures le matin,
cela depuis un an. De l'examen laryngoscopique et otoscopique
pratiqué au moment des accès, et de la discussion du diagnostic,
il résulterait qu'il s'agit -d'un trouble paralytique fonctionnel et
périodique du centre chargé de transformer en sous articulés les
représentations figurées du centre des mots par l'action combinée
de divers nerfs (facial, glossopharyngien, pneumogastrique, hypo-,
glosse). Ce centre pourrait bien être- le noyau lenticulaire. En
même temps, anesthésie d'un autre centre sous-cortical (tuber-
cule quadrijumeau postérieur, - couche optique ? ) expliquant la
surdité. Intégrité psychique dans l'espèce. L'hypnotisme associé à
l'application de l'aimant et des courants continus détermina une
amélioration. ' P. K.
XVI. Un cas d'ophthalmoplégie bilatérale avec accidents d'ataxïe
ET PARÉSIE LINILATÉRALE DE ' L'APPAREIL MUSCULAIRE DE L\ MASTI-
CATION', par ZIEU(Central6l. f. Neruenheilk., 1887).
Observation complète avec discussion du diagnostic. Affection
en foyer du côté droit du pédoncule cérébral (méningite plus ou
moins circonscrite de la fosse moyenne du crâne), avec lésion,
diffuse du lobe frontal ou de ses enveloppes, par suite d'exsudat
consécutif à une altération vasculaire diffuse, syphilitique. Le
traitement antisyphilitique avec courants d'induction détermina de
l'amélioration. P. K. '
XVII. Un cas D'OPIITI3dLMOPLÉGIE externe progressive terminée par
iuNE P : 1RALYSIS HULB.41RF. SA\S LÉSION NÉCROSCOPIQuF; parCElSEN-
- LOHR. Appendice A CETTE communication; par le même (Neurol-
Cent1·a161., 188). , '
Relation des accès de migraine avec la paralysie bulbaire et
l'ophthalmoplégie. Minceur et élroitesse de plusieurs racines but.
baires; nombre infini de fibres étroites pouvant peut-être imposer
l'idée d'une perturbation dans le développement anatomique d'où
trouble fonctionnel des nerfs périphériques ( ? ), mais intégrité des
troncs radiculaires des nerfs moteurs des yeux. Aucune autre
lésion organique à l'appui de la syphilis. Issue rapidement mor-
telle. ' ' P. K.
XVIII. DE LA PARALYSIE DU MOUVEMENT DE CONVERGENCE DES YEUX AU
début du tabès dorsal; par A. DE VATTRYIL1.E (iYeu ? ,ol. Cen-
Une observation de paralysie isolée de la convergence avec en-
térorrhée, parmi les premiers signes du tabès. Aucun des yeux ne
fixe bien un objet à la distance de un mètre, on a beau rapproche
SOCIÉTÉS SAVANTES.. î9o
l'objet, absence do contraction convergente (fixité, stabilité de
l'expérience); pas de diplopie, acuité visuelle et fond de l'mil nor-
maux. Des pointes de feu de l'occiput au sacrum, la faradisation
quotidienne de la nuque améliorèrent en huit jours. Il s'agit pour
l'auteur, d'une altération de cette portion de l'arc réflexe qui unit
le centre optique au groupe des cellules de l'oculomoteur commun
qui commandent au droit interne (lésions siégeant entre les tuber-
cules quadrijumeaux et les noyaux bulbaires), simple altération
fonctionnelle d'ailleurs. P. Keraval.
XIX. Contribution A L4 question DE la localisation du phénomène
du genou dans le tabès; par L. Minor (Neurol. CentanlLl., 1887).
Observation dans laquelle le signe de Westphal fut le seul symp-
tôme névropathique observé pendant la vie. La lésion fut consti-
tuée : dans la moelle dorsale, par une bande étroiteimmédiatement
cpntiguë au côté interne des deux cornes postérieures (zone d'en-
tréeradiculnire de Weslplial) ; cette bande, plus courte au sommet
de la moelle dorsale, unit le milieu de l'arête interne de la corne
postérieure à la cloison de la pie-mère intermédiaire au faisceau
de Goll et au faisceau de Burdach. P, K , ',
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ 111 : DIC0-PSYCHOLOOIQUF.
Séance du 21 décembre 1888. Présidence DE M. COTARD.
Classification des Maladies mentales. (Suite de la discussion.)
M. Lo5-s croit qu'il est possible de jeter les premières assises d'une
classification sur l'anatomie pathologique. Pour lui, la classifica-
tion mixte proposée par la Commission est une oeuvre plutôt
diplomatique que scientifique, dans laquelle l'opportunisme joue
un trop grand rôle. Il s'étonne du peu d'importance qu'on semble
accorder à ses recherches sur l'anatomie du système nerveux et
fait à cette occasion passer sous les yeux de la Société le dessin
d'une lésion du lobule paracentral qu'il a observée chez une femme;
atteinte de folie à double forme. C'est à celte lésion .qu'étaient
96 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.
dues les illusions et les hallucinations sensorielles présentées par
sa malade.
Le délire, auquel on attache une trop grande part dans la clas-
' sification proposée, n'est que le cri d'un cerveau en souffrance
comme la dyspnée, est le symptôme d'une maladie de poumon.
On, personne n'a jamais eu l'idée de baser sur la dyspnée, une
classification des organes respiratoires ! M. Luys critique aussi le
terme de démence simple qui n'est pas un type morbide mais
l'aboutissant commun de toutes les psychoses. Dussé-je être
ajoute-t-il, le seul de mon avis, j'ai pensé qu'il était nécessaire
de montrer le peu de consistance des éléments sur lesquels on
veut édifier une classification et je reprends la proposition de
M. Dagonet en demandant à la Société de s'en tenir comme ell-
sification d'attente, à la classification de Baillarger.
Elections. Par 24 voix', contre 20 données à NI. Bouchereau,
M. Bail est nommé vice-président pour 188 : i.
M. BALL remercie la Société de l'honneur qu'elle vient de lu
faire.
Homicide commis par un paralytique général. M. Caoucsrt
communique l'observation d'un paralytique général qui a assassiné
sa mère à l'aide d'un chenet. Cet acte a été accompli avec une
instanténeïté et un acharnement dignes d'un épileptique. Le
malade qui, passait pour avoir toujours été un peu original,
avait quelques antécédents héréditaires nerveux.
M. MARANDON DE Momtiiyel voit dans cette observation la confir-
mation d'une idée qu'il émettait dans une autre société, à savoir
que les paralytiques généraux qui commettent des crimes les
accomplissent souvent sans préparation et d'une façon automa-
tique peu en rapport avec la bienveillance que certains observa-
teurs sont tentés de leur concéder.
M. Legkain trouve dans les antécédents héréditaires du malade
l'explication de son impulsion.
M. Vallon pense qu'on a beaucoup trop abusé de oette préten-
due bienveillance. 11 a actuellement dans son service un pafaly-
1 Le vice-président est ordinairement élu avec l'unanimité ou la
presque unanimité des voix. Il est, en effet, dans les traditions de voter
pour le candidat indiqué par le bureau. La faible majorité des voix
données cette année à il. le professeur Ball, s'explique par ce l'ait que
beaucoup de membres se sont rappelés que le tour de M. Boucliereau
était arrivé. Depuis deux ans, en effet, M. Boucliereau, auquel la vice-
présidence avait été offerte, s'était retiré pour des motifs que nous
ignorons. Le bureau qui a proposé la candidature de M. Ball, parait
l'avoir oublié. Cet oubli est d'autant plus inexplicable que c'est précisé-
ment devant deux des membres de ce même bureau que M. Boucherean,
candidat cette année, s'était récusé les années précédentes.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 2 ! )' ? r
tiqué avéré qui cherche toujours à frapper ceux qui l'approchent.
M. Vallon rappelle à celte occasion l'histoire d'un autre paralytique
qui, sous un prétexe futile s'est embusqué derrière une porte
et a cassé un pot de tisane sur la tète d'un infirmier du service de
M. Dagonet.
M. l3nt.wo demande si le malade de M. Camuset était sujet à
des attaques épileptiforme qui pourraient expliquer dans une
certaine mesure, l'acte impulsif qu'il a commis.
M. CW1USLT. - Aton malade a été frappé de sa première attaque
épileptiforme quelques jours après son entrée à l'asile, par cou-
séquent après l'homicide. J'ai souvent recherché, ajoute-t-il, sans
jamais la rencontrer, la bienveillance qu'on donne comme signe
diagnostic différentiel de la paralysie générale, dans la folie à
double forme et je dois avouerque jel'ai vue aucontraire souvent
remplacée par un caractère particulièrement malicieux.
M. LE Secrétaire général donne lecture d'une note sur le sulfo-
ztal de JIM, Claret et Beltott. Marcel f3nc.avn.
Séance du 28 janvier 1889. - Présidence DE 1111. COTAaD F.T Ball.
, : 1LCoT.tno avant de quitter le fauteuil delà Présidence, résume
en quelques mois, les travaux de la société pendant l'année qui
vient de s'écouler
Prix Belhumme. Une Commission composée de MM. Briand,
Christian, Maquaus, Ségalas et Vallon est nommée à l'élection;
pour fixer le sujet du Concours Bellaonzrne.
Des dangers de l'hypnotisme expérimental. M. Chambard convie
la Société à mettre à l'ordre du jour de ses séances une discussion
sur les dangers de l'hypnotisme expérimental dont il se borne,
pour l'instant, à résumer le programme. En dehors des amateurs,
dit-il, deux classes de personnes se livrent d'une manière suivie
à la pratique de l'hypnotisme et de la suggestion. Ce sont les
savants, psychologiques ou médecins et les professionnels, profes-
seurs de magnétisme- donnant des représentations, directeurs de
journaux et de cliniques magnétiques, somnambules extra-lucides
dont la hiérarchie, s'étend de la Pythonisse à la mode « élève de
MI() Lenorntand» à la «dormeuse» des fêtes foraines. Il s'y fondra
peut-être avant peu, une catégorie de coquins avisés qui, dédai-
gnant les procédés ordinaires de vol et de meurtre encore en
usage, emprunteront aux ouvrages des uns et aux démonstrations
des autres des armes plus savantes et plus sûres.
Pratiqué par des hommes qui savent que leur droit de tout
étudier a pour seule limite le devoir de ne jamais nuire, l'hylrzo-
tisme scientifiqite n'est qu'un merveilleux agent d'analyse psycho-
298 SOCIÉTÉS SAVANTE ?
physiologique en attendant peut être qu'il devienne méthode de
régénération intellectuelle et morale. L'hypnotisme professionnel au
contraire, offre de graves inconvénients pour la moralité, la. santé
et la bourse de ses instruments et de ses dupes ; quant à l'hypno-
tisme criminel, il n'est guère de crimes ou de délits prévus ou non
par le code pénal auxquels ils ne puisse prêter son concours.
Illustrant cette partie de sa communication de quelques exem-
ples, M. Chambard conduit ses auditeurs dans ces sources de,
magnétisme où les somnambules du quartier invitent nombre de
jeunes gens des deux sexes en quête de bonnes fortunes, et
montre ainsi l'effet pernicieux de ces représentations publiques
sur le fragile équilibre de quelques-uns de leurs spectateurs. licite
même des exemples de crimes et délits dont les sujets hypnotisés
ou suggestionnés peuvent devenir les victimes ou les instruments.
H ne faut cependant rien exagérer, ajoute-t-il car l'impunité
d'un crime hypnotique est subordonné à un ensemble de condi-
tions qui ne seront que rarement réunies. Aussi, bien loin de
croire l'hypnotisme appelé à se substituer dans la pratique cou-
rante du crime à la pince du voleur, à la plume du faussaire ou
au couteau de l'assassin, M. Chambard ne voit-il en lui qu'une arme
d'exception précise et puissante, mais compliquée et à double
tranchant réservée à une élite de malfaiteurs qui pourront avec
elle et dans quelques cas assez rares frapper sans bruit et faire
coup double en se dçbarrassant de l'instrument du crime après
en avoir sacrifié la victime.
Ces faits sont bien connus aujourd'hui et la Société médico-psycho-
logique aura moins à en discuter la réalité qu'à en rechercher les
mesures prophylactique et répressive qu'ils rendent nécessaires.
Comme conclusion, M. Chambard demande la suppression des
séances publiques d'hypnotisme déjà décidée dans quelques pays
et réclame des poursuites énergiques contre les magnétiseurs
coupables tout au moins d'exercice illégal de la médecine. Pour
l'hypnotisme criminel, on ne peut que mettre le public en garde
confie lui et le combattre avec ses propres armes. 11 importe que
non seulement les médecins, mais encore les magistrats connais-
sent à fond les dangers de l'hypnotisme et de la suggestion et les
moyens d'en déceler l'abus criminel ; aussi le moment parait-il
venu de sceller l'accord indispensable de la science de l'homme
avec celle de la loi, en créant dans chaque faculté de droit un
enseignement de la médecine légale dans lequel une large part,
sera faite à la physiologie morbide. Marcel Briand.
SOCIÉTÉS SAVANTES. ~2(M)
CONGRÈS DES NATURALISTES ET MÉDECINS ALLEMANDS
, Session de Wimudex, 1887 '
Séances du 18 au 24 septembre.
I. SECTION DE NEUROLOGIE ET DE PSYCHIATRIE. ,
Présidence DE I\I. S1ELL, MEYXRRT, ScHROETEK.
M.POETx(d'Att-Sc))erbitz).Dg/«cotiS< ? fc'of ! des quartiers dé
surveillance continue. - Publié iii-exl(,izso*2.
M. Schroeter (d'Eiehberg. De la brièveté anormale du corps cal-
leux. Idem ».
M. Tuczek (de Marbourg). Des troubles nerveux dans la pellagre
(avec démonstration). Etudes [faites dans la haute Italie, et
prouvant qu'il s'agit d'une intoxication par usage longtemps pro-
longé de maïs altéré. Les psychopathies qui en émanent, sont :
en'première ligne, la mélancolie à forme stupide rarement la
manie jamais la folie systématique. Dans le cas où, à la suite
de l'accumulation des années d'empoisonnement, on trouve
un affaiblissement intellectuel avec euphorie, on constate un
complexus symptomatique semblable à celui de la démence
paralytique, mais sans caractère progressif, ni manifestation du
côté des nerfs crâniens. Il n'y a rien de nouveau à dire sur les
vertiges, les convulsions épileptiformes (épilepsie corticale), ni sur
les troubles d'origine spinale (paresthésies, phénomènes d'excita-
tion et de paralysie motrices, accidents vaso-moteurs). Sur plus
de trois cents cas, on constate, en un tiers des cas, de l'exagération,
même clonique, du réflexe tendineux patellaire, associée, en vingt-
trois faits à du clonus podalique, à de l'exagération des réflexes,
tendineux sur les extrémités supérieures, à des signes de para-
lysie spinale spasmodique ; sept exemples témoignaient de la dis-
parition du phénomène du genou; aucun fait ne révélait de
l'ataxie; enfin, chez les autres malades, les réflexes tendineux
étaient affaiblis, ou n'avaient subi aucune modification, mais il
était fréquent de constater des variations d'un côté à l'autre. 1 ? If-
1 Le Congrès de 1886 n'a pas été publié en Allemagne. Voyez donc
Archives de Neurologie, t. XII, p. 399.
2 Voy. Reviies a ? zalyliqties. L
'Idem. .
300 SOCIÉTÉS SAVANTES.
fection de la peau, à laquelle doit son nom la maladie, n'a
rien de pathognomonique en faveur de l'entité morbide, mais elle
existe constamment et s'exaspère de temps à autre, de concert
- avec les autres manifestations pathologiques. Des photographies
montrent les principales psychoses pellagreuses, l'affection cutanée
les troubles trophiques de la langue (fissurée, crevassée, dépouil-
lée de son épithélium). L'anatomie pathologique consisterait,
d'après huit autopsies, en : dégénérescence funiforme de la moelle
soit exclusivement dans les cordons postérieurs (deux cas), soit con-
curremment dans les cordons postérieurs et les parties postérieures
des cordons latéraux (lésion symétrique bilatérale associée). Géné-
ralement les zones d'entrée des faisceaux radiculaires dans les
cordons postérieurs sont épargnées, ou la lésion n'y est que faible.
L'étude microscopique parait démontrer que le processus anato-
mique ne marche que par poussées. Ce qu'on trouve presque tou-
jours, ce sont : des corpuscules amyloïdes accumulés en masse sur
la plus grande partie de la coupe transverse de la moelle ; un canal
central oblitéré par une prolifération endothéliale de l'épendyme;
des cellules nerveuses, surtout celles des cornes antérieures, très
pigmentées; un cas témoigna (il s'agissait d'une sclérose systéma-
tique combinée)d'une atrophie pigmentaire extrême descellules ner-
veuses, avec transformation de la substance grise en un tissu spon-
gieux constitué par des cellules-araignées occupant le centre des
deux cornes antérieures de la moelle cervicale. D'ordinaire, même
dans les colonnes de Clarke, la substance grise est normale (pré-
paration à l'appui). Analogie de ces lésions avec celles de t'ergo-
tisme, du lalhyrisme, de l'anémie pernicieuse, des expériences
rotatives de Fuerstiier (vulnérabilité des cordons postérieurs et
postéro-latératix) ; ressemblance de l'élément psychopathique dé-
pressif accompagné de contraction des fibres musculaires lisses et
d'affaiblissement de la contractilité des muscles stries, avec les
mêmes syndromes produits tantôt par des poisons, tantôt sponta-
nément. Pas plus que dans l'ergotisme, l'alcoolisme et les autres
intoxications les troubles nerveux du maïdismeoude tapsyehoné-
vrose maïdique ne sont progressifs.
Discussion : M. l,ippm.%NN. Est-ce que la pellagre n'est pas une
maladie microbienne, est-ce qu'on n'y rencontre pas des micro-
organismes, notamment dans les centres nerveux ? Est-ce que cette'
maladie, qui vient d'apparaître en Calabre, n'étend pas sa sphère
d'action plus qu'avant ?
M. TuczEK. Sans doute Maioki a rencontré dans le sang et les
tissus un -bacille qui est le même que celui du maïs corrompu,
' Voy. Archives de Neurologie. XIIe Congrès des neurologues et alié-
nistes de l'.111emaâne du Sud-Ouest. , «
SOCIÉTÉS SAVANTES.- 301
mais, avant d'admettre que c'est là le corps du délit pathogéné-
tique, il faut faire des expériences de culture et de contrôle. Les
essais faits jusqu'ici ont été exécutés avec un maïs si corrompu,
qu'il était complètement inutilisable comme aliment.
M. ll.%UPT. Combien durent les premiers accès ? En quoi consiste
le traitement ? : '
M. Tuczek. Traitement tonique simple.
M. Eulenburg. M. Tuczek sait-il quelque chose de la chorée éllc-
trique du Nord de l'Ilalie' ? Emploie-t-on encore les transfusions
dans la pellagre ? Réponse négative.
M. Guyp (d'Amsterdam). De 1'ttp ? ,osei,ie, psychose produite par
des troubles nasaux. Cette maladie consiste en l'impossibilité de
diriger son attention, de l'appliquer à un objet déterminé, à rai-
son de la gêne de la respiration due à des tumeurs adénoïdes de
l'espace naso-pharyngien, à des polypes du nez, etc... C'est ainsi
qu'un jeune garçon de sept ans ne put pendant une année complète
apprendre à l'école que les trois premières lettres de l'alphabet ;
opéré de ses tumeurs adénoïdes, il apprenait l'alphabet entier en
une semaine. Elèves de gymnases et étudiants ont remarqué que
si, dans ces conditions, ils font des efforts pour apprendre, les
voilà pris de céphalalgie, vertiges ; qu'au contraire ils lisent sans
attention six ou sept fois de suite, mais sans penser non plus à
autre chose, une proposition d'un journal du sens de laquelle ils
ne se préoccupent point, ils ne se trouvent pas fatigués. C'est ce
qui distingue cet état de la distraction commune. L'aprosexie
peut encore survenir à la suite de surmenage psychique. Patho-
génie. La pression exercée par les tumeurs sur la muqueuse du
nez entrave la circulation lymphatique en retour de l'encéphale;
c'est un épuisement cérébral par rétention produisant en somme
les mêmes symptômes que l'épuisement par fatigue. Avis conforme
de M. H4aTwrr, otiatre de Berlin.
Discussion : M. Jehn. Ce n'est pas là un compiexus morbide
bien arrêté; c'est plus souvent une affection symptomatique de
l'hébéphrénie, un double de développement juvénile simple, qui,
du reste, d'après la communication même de 11. Guye, n'est pas
toujours lié à des maladies du nez.
M. Arndt. Rappelons les manifestations cérébrales du rhume
de cerveau, surtout chez les personnes nerveuses. L'orateur com-
munique une observation de psychopathie guériechez un individu
de plus de trente ans, par le traitement d'une affection nasale da-
tant de la puberté.
M. Tuczek. Les malaises émanant de la maladie du nez agissent
comme excitant psychique à la manière des conceptions irrésis-
Uhtes des obsessions.
'àbi SOCIÉTÉS SAVANTES.
111. IllESCnEne. rapporte un fait dans lequel, à un traitement
prolongé d'une affection nasale, notamment par cautérisation
succéda immédiatement de l'érotomanie qui guérit en quelques
semaines.
M. Eulenburg (de Berlin). Des courants de tension cl de leur z(tili-
sation thérapeutique. A l'aide d'un appareil simple et très amé-
lioré par le constructeur M. W. Hirschmann, M. Eulenburg a appli-
qué ce genre d'électricité jusqu'ici à soixante-quatorze malades
convenablement choisis atteints de névroses diverses graves, parmi
lesquels six guérirent, trente-trois éprouvèrent une amélioration
considérable, trente-cinq durent être soumis à un autre procédé.
L'action la plus favorable fut obtenue dans les cas de neurasthénie
avec prédominance de symptômes céphaliques (tension cérébrale,
insomnie), -de céphalalgie de différents ordres (anémie hysté-
rique, hémicranie), de névralgies proprement dites. On eut à
se louer des courants d'étincelles excitant fortement la peau dans
les anesthésies cutanées, les atrophies musculaires, les paralysies,
atrophiques i. Dans l'hystérie et l'hystéroépilepsie, la charge
électrique n'est guère utile ou n'agit que par son facteur psychique.
Les nerfs et les muscles paralysés et dégénérés se comportent
d'une manière parallèle à l'égard des courants de haute tension
(frankiinéens et des courants farandiques).
Discussion : : 11. Stein. Il faut faire entrer en ligne de compte,
comme agent curatif, la production simultanée de l'ozone.
M. I : ULE11DURG en doute.
M. Haupt. L'électricité de tension est extrêmement favorable
dans la neurasthénie et l'hémicranie; mais, dans la neurasthénie,
il faut être prudent, se méfier de certaines susceptibilités itidivi.
duelles. L'orateur a vu chez une dame survenir non pas seule-
ment de violents accès de vertige, mais une longue et grave
attaque convulsive, alors que cette personne n'en avait jamais
présenté antérieurement.
M. Mund attribue aux courants d'un potentiel élevé des
actions mécaniques spéciales. Dans l'emploi général de l'électricité
statique, cette action mécanique consiste en une exagération de
la perspiration cutanée. Dans la frctnfiliniscttion locale, c'est une
action déshydratante ; c'est ce qui se passe dans les cas de col-
lections liquides,, entourant les nerfs (d'où les névralgies etc.), de
rhumatismes musculaires chroniques, de distorsions articulaires
ou d'hydropisies, la frankiinisation agissant comme une espèce de
massage central et améliorant les malades en quelques séances.
. ' A rapprocher des frictions, massages, procédés hydrothérapiques et à
comparer avec le coup de soleil électrique décrit par M. Defontaino.
()oc. cle cleineer,yie, 188a). (l'. li.)
SOCIÉTÉS SAVANTES'. 303
- M. Tn. Meynioit. Du diagnostic des synostoses crâniennes préma-
turées sur le vivant. En rapprochant habilement et judicieu-
sement certaines mensurations, on peut, lorsqu'il existe une gros-
sière altération de la forme du crâne (il ne saurait être ici
question de finesse) diagnostiquer les anomalies morphologiques
suivantes :
10 L'oblitération associée de la partie latérale de la suture
coronaire et de la portion postérieure de la suture sagittale ou
oxycéplialie (têtes, pointues, têtes en cloche) ;
a. Vient, par sa circonférence horizontale, après la`nanocéphalie ; elle
atteint tout . au plus la limite indéterminée de î9O millimètres chez
l'homme et de 475 millimètres chez la femme.
b. Peut avoir un index [de largeur égal à celui de la brachycéphahc,
de l'ortliocéphalie, de la dolichocéphale, l'index de la hauteur dépassant
celui de la largeur. On mesurera la hauteur sur le vivant, du conduit
auditif externe au bregma.
c. Le chiffre de l'index de la hauteur correspond à celui d'unebrachy-
céphalie caractérisée par ce fait qu'ici l'index en question exprime la
hauteur absolue du crâne.
d. De la brièveté antérieure du crâne, il résulte que le globe oculaire se
présente en avant, dans le plan même du bord de l'orbite. OEil plat.
2° La synostose complète de la suture sagittale ou dolichocé-
phalie-pathologique, scaphocéphalie, se reconnaît chez le vivant
aux caractères que voici :
n. La circonférence horizontale n'est pas au-dessous de la normale.
b. L'index de la hauteur dépasse celui de la largeur.
c. L'index de la hauteur ne correspond jamais au chiffre de l'index du
brachycéphale, parce qu'il est le résultat non pas de la hauteur absolue,
mais de l'expression relative de l'étroitesse des dolichocéphales.
d. Le crâne gagnant avec l'orbite en longueur pour suppléer à ce qui
lui manque en espace; d'autre part, le globe oculaire est anomalement
enfoncé dans l'orbite. OEil enfoncé.
' 3" La synostose postérieure, de la suture sagittale avec compen-
sation en hauteur du crâne par la région de la fontanelle. Ce qui
distingue ce crâne de l'oxycéphale, c'est l'enfoncement de l'oeil
(tête en coin, spliénocéphalie).
Discussion : M. Arndt. Il ne faut, en présence de crânes parais-
sant anormaux, penser à des conditions pathologiques que lors-
qu'on peut exclure les caractères ethnographiques.
M. L. Meyer rappelle qu'il a signalé sous le nom de crâne pro-
gène (progenoeum) en relation intime avec la folie, mais seu-
lement chez les Allemands, une forme qui constitue au contraire
un type normal dans les races anglo-saxonnes, surtout chez les
Anglais. Dans ce crâne, le diamètre transverse parait tordu de
haut en bas et d'arrière en avant, le visage faisant une forte
saillie par son sea-ment inférieur, notamment par le menton. Chez
304 SOCIÉTÉS SAVANTES.
un Allemand, un français, un Slave, cette forme permet de con-
clure à l'ali;nation mentale.
M. AUER13.CII (de Francfort). Des lobes optiques chez les poissons
osseux. L'auteur a étudié ces organes à la lumière du dévelop-
pement progressif et systématique des manches de myéline.
Voici ce qu'il a trouvé. Le faisceau longitudinal postérieur s'en-
toure de très bonne heure de substance blanche. Ce n'est que
plus tard que les autres systèmes qui prennent part lacoustruc-
tion des lobes optiques s'entourent de myéline. Les nerfs opti-
ques forment une racine postérieure et une racine antérieure
séparées l'une de l'autre par de la substance grise. La racine
antérieure envoie quelques fibrilles vers l'aqueduc de Sylvius,
mais elle se termine surtout dans les grosses cellules du toit ' qui
sont pourvues de prolongements auostomotiques et d'un noyau
apparent. La racine postérieure participe à la genèse d'un feu-
trage de fibres dans la substance grise du toit ; de ce feutrage
résultent des trousseaux assez forts qui se dirigent horizontale-
ment, en formant des arcs, le long de la limite interne de la
substance grise du toit, et donnent naissance à un système d'asso-
ciation tectobasal auquel appartiennent aussi les fascicules irra-
diant de la formation réticulaire de la base, les faisceaux qui,
issus de la commissure inférieure (de Gudden) et de l'entre-croi-
sement sous-thalamique (Ganser, Mayser) viennent s'entre-croiser
sur la ligne médiane, enfin les fibres qui pénètrent dans le stratum
zonal de ce qui sera le torus semi-circulaire (capsule interne).
Tout ce système d'association tectobasal ne reçoit pas de fibres
distinctes du nerf optique. La formalion réticulaire de la subs-
tance grise de la base provient des rameaux de la partie posté-
rieure du nerf optique, de la dissociation terminale du faisceau
longitudinal postérieur, d'un fascicule originaire du cervelet, de
fibres envoyées par le système d'association tectobasal. Cette for-
mation réticulaire participe aussi à la genèse de la partie pos-
térieure de la commissure antérieure qui, contrairement à ce
qu'en dit Mayser, ne dérive pas exclusivement de fibres ascen-
dantes. Les pédoncules cérébelleux supérieurs ne passentpas dans
le torus semi-circulaire; ils se terminent dans des cellules ovales
à uoyau vésiculaire. Parmi les fibres ascendantes, il faut, en sus
des faisceaux longitudinaux postérieurs qui perdent une partie de
leurs fibres dans les plans d'origine du moteur oculaire commun,
citer des tractus qui, aplatis sur la face ventrale, montent, et
envoient un fort prolongement (fasciculus subépiphysaire) dans le
ganglion de l'habenula'. Mentionnons finalement les fibres se
dirigeant au-dessus du lobe inférieur.
Voyez Archives de Scurologic, Liovucs anulyynev.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 305
l. ARNDT (de Greisswald). De la représentation graphique de la
marche des psychoses.-C'estla reproduction du développement de
son ouvrage '.
Discussion : M. Paeiz déclare qu'il a déjà essayé de représenter
l'évolution par un système graphique, mais que la méthode de
M. Arndt vaut mieux parce qu'elle permet de mieux détailler et
en même temps d'offrir une-vue synoptique, qu'elle a en un mot
une plus grande importance scientifique.
M. 0. 111uEr,Lr·;a. Des formes initiales des psychoses.- Les premiers
troubles de la santé mentale qui suivent les maladies épuisantes,
les efforts intellectuels, les chagrins et les soucis, rentrent encore.
dans le cadre de l'état normal. Ils émanent de modifications de
la nutrition attribuables à ces causes qui ont affaibli le système
nerveux. Ce sont des troubles gastriques, de l'atonie du tube
digestif, de l'insomnie, qui déterminent des souffrances du côté de
la sphère sensible, de l'humeur (sensibilité morale), diminuent
l'élasticité intellectuelle, la. mémoire, émoussen fia force de volonté,
l'énergie. Cet état peut, après avoir persisté sous une forme vague
durant des années, disparaître par le repos et la restauration
physique et mentale. Mais, si la dyserasieet les troubles de la cir-
culation engendrés établissent l'insomnie en permanence, on
voit apparaître de la dépression mélancolique, en un mot la
psychasthénie primitive (état de fatigue psychique). Malgré cela,
si les conditions sont favorables et qu'il n'y ait pas de tare névro-
pathique, la guérison aura généralement encore lieu; au con-
traire, dans les cas d'hérédité, de lacunes du côté du système ner-
veux, l'affection progressera souvent rapidement et d'une manière
inattendue, la forme changeant (paralysie progressive, neuras-
thénie psychopathique). Les causes somatiques en sont toujours
trophiques, cette dystrophie portant finalement sur le sympathi-
que qui commande à la digestion et à la circulation (affaiblisse-
ment de l'énergie du coeur et stases qui se surajoutent en plein
système nerveux central). Sortir le malade de chez lui, lui donner
le plus grand calme psychique possible, lui prescrire au besoin le.
repos au lit, un régime convenable, agencer sa manière de vivre,
son mode d'alimentation, lui faire respirer l'air pur des monta-
gnes bien abritées, lui administrer des bains tièdes avec addition
d'excitants (sel, moutarde, essence de pins), lui appliquer des
compresses ou des affusions froides sur la tête, ou encore le sou-
mettre (cas légers) à des frictions froides en frottant énergique-
ment la peau, employer peu les calmants, tels qu'opium, mor-
phine, bromure, chloral, paraldéhyde; enfin le masser, tel est le
traitement.
Discussion : M. Bruns. Ne supprimez pas complètement l'acti-
1 Voyez Archives de Neurologie, Bibliographie.
Archives, t. XVII. 20
'iù6 SOCIÉTÉS SAVANTES.
vite professionnelle, surtout en ce qui concerne l'élément morbide
hypocondriaque. Donnez contre l'insomnie le chloral en une dose
assez forte.
' M. Laquer. 11 est difficile de séquestrer les paralytiques géné-
raux au stade de début, les établissements ouverts n'en voulant
pas, et les parents ne comprenant que difficilement la nécessité
de les séquestrer en des asiles fermés.
M. Jehn suit les errements de M. Pelman de ne donner des hyp-
notiques qu'à des intervalles d'un ou de plusieurs jours jusqu'à
action. Les paralytiques généraux, relèvent dès le premier début
de la maladie, d'un asile d'aliénés.
M. KLENCKE. Si l'on ordonne aux neurasthéniques ou aux hypo-
chondriaques qui accusent des troubles gastriques et abdomi-
naux de l'eau de Carlsbad ou l'hydrothérapie, on voit immédia-
tement survenir une profonde dépression et de la mélancolie
caractérisée, ou des accidents qui font penser au tabes (douleurs
lancinantes, paresthésies). Mieux vaut le traitement galvanique
prudent associé à des bains tièdes.
. M. L' ULEN1SUAG. Si l'on ne peut, ce qui cependant serait désira-
ble, enfermer de très bonne heure les paralytiques généraux en
des établissements clos, il est préférable de les traiter chez eux
temporairement que de les mettre en des asiles ouverts ou en des
établissements d'hydrothérapie.
- hi. Meschbde (de Koenigsberg). Communications thérapeutiques'
Quatre cas d'aliénation mentale chez des paralytiques généraux, qui
ont guéri par l'emploi d'un traitement uatiphlogistique et chez les-
quels l'efficacité favorable des saignées locales se montra évidente.
Observation I. Mégalomanie avec manie aiguë furibonde, état
congestif, parésie hémifaciale. Sangsues à la tête, compresses
froides, tartre stibié à doses réfractées. Persistance de la guérison
après 15 années. Observation Il. Même complexus ; même
traitement; guérison maintenue au bout de cinq ans. Observa-
TION 111. Même complexus. immédiatement après la saignée locale,
rétrogradation du délire des grandeurs, retour de la connaissance
et du jugement. Observation IV. A la suite de phénomènes
congestifs, dus à un surmenage intellectuel et physique, brutale-
ment, au milieu de la nuit, manie avec délire anxieux bientôt rem-
placé par de la mégalomanie avec exaltation, (il est au paradis, il
est Dieu). A la saignée succède un sommeil, suivi, le lendemain, de
calme, conscience, jugement. -I1 est vrai que ces quelques cas ne
forment qu'une petite proportion sur un bagage d'observations
datant aujourd'hui de 30 ans, niais ils montrent que, dans les cas
récents, quand il existe des phénomènes cérébraux congestifs se tra-
duisant par des accidents psychiques et physiques aigus, il y a lieu
d'instituer un traitement contre ces symptômes et qu'en les faisant
SOCIÉTÉS SAVANTES. 307 1
cesser ce traitement peut couper la paralysie générale. M. Mes-
chede rapporte encore un exemple d'intoxication atropinique pro-
cédant par une psychose hallucinatoire typique dans laquelle une
injection sous-cutanée à'ésérine eut raison des accidents. Il
mentionne aussi l'action défavorable des feuilles de coca en infu-
sion chez un mélancolique avec hallucinations et idées de persécu-
tion. Sous l'influence de ce traitement le malade se crut transformé
en bouc et en prit les allures et les impulsions génésiques; le médi-
cament suspendu, ces phénomènes surajoutés disparurent sans
que ceux de la mélancolie même eussent subi de changement.
La discussion tend à mettre en évidence par les arguments
connus qu'il s'agissait de simple manie congestive (Poelz) au tran-
sitoire (Auerbacll), que M. Nasse a dû en rabattre relativement
aux faits de paralysie générale qu'il avait annoncés comme
guéris (Werner), que les seuls symptômes essentiels de la paralysie
générale sont les troubles de la parole (Werner, Nasse), que la
mégalomanie n'appartient pas, il s'en faut, exclusivement à la
paralysie générale (Arndt), qu'il existe une paralysie générale et
une folie paralytique comme le veut Baitlarger (Jehn).
II. SÉANCE GÉNÉRALE
M. VIn< : Irow. Du transformisme. Combien peu nous savons de
l'essence même de l'hérédité. Ou en est réduit à la statistique
pour distinguer la répétition atavique de la dégénérescence acquise.
Mais par ce procédé, n'avait-on pas jadis trouvé une gale hérédi-
taire, un favus héréditaire. Sans doute il oxisle des prédispositions
à contracter une maladie, mais de là à la contracter réellement,
il y a une distance ; il faut pour cela qu'interviennent de nou-
velles causes déterminantes. L'hérédité, elle s'effectue, par l'acte
même de la génération. Tout ce qui, cet acte terminé, agit sur
le germe et le modifie, même quand il s'en dégage une véri-
table anomalie de développement, tout cela n'a aucun titre à
la qualification d'héréditaire. Il s'agit simplement de déviations
précoces, prématurément acquises, et, par suite, très fréquent-"
ment congénitales. L'hérédité n'en demeure pas moins une pro-
priété générale de la vie même, sur laquelle repose la continuité,
la propagation du monde vivant.
.M. MEYOERT. Mécanisme de la physionomie. Darwin considérait
les mouvements delà physionomie comme un fruit de l'hérédité
d'habitudes associées à un but déterminé, puisées chez les aïeux, et
se. montrant chez les descendants sans que le but primitif ait
persisté. Pour M. Meynert, les phénomènes de la mimique sont la
résultante même, directe, du mécanisme cérébral sous-jacent. Ils
constituent des moweue : lsrNflexes en connexion avec les fibres
308 SOCIÉTÉS SAVANTES.
d'association par l'intermédiaire des images commémoratives lais-
sées par ces mouvements au sein du cerveau. Le même excitant
qui détermine une expression delà face modifie l'innervation des
artères et, par suite, la nutrition de l'encéphale, d'où une émo-
tion. La mimique se rattache donc ausssi à l'émotivité.
M. Benedikt. De l'importance de la crnnionzétrie pour la biologie
théorique et pratique. Sa méthode, ses instruments de précision
sont supérieurs aux mensurations non mathématiques que l'on
exécutait avant lui'.
III. SECTION D ANATOMIE PATHOLOGIQUE
M. de ZENKËH (d'Erlangen). Contribution à la pathogénie des
hémorrhagies cérébrales spontnnées. - La théorie des anévrysmes
miliaires est exacte. Sans doute les cas très rares dans lesquels on
n'arrive pas à constater ces anévrysmes ont besoin d'explication.
M. Leewenfeld distingue les ectasies diffuses des anévrismes ; M. de
Zenker les considère comme des anévrysmes diffus. Mais M. Loewen-
feld reconnaît que dans la plupart des cas ce sont des anévrysmes
qui sont la source de l'hémorrhagie et que l'artério-sclérose conduità
former ces anévrysmes (Charcot, Bouchard, de Zenker). (Allg.
Zeitschr. f. Psych., XLIV, 1.-5.) P. KÉRAVAL.
CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE
SESSION DE BRESLAU 1887.
Séance du 30 novembre 1887. PRÉSIDENCE DE M. WERNICKE.
Al. LlssauEa (de Breslau) communique trois cas d'affaiblissement
de la mémoire chez les alcooliques. Les deux premiers concernent
des épileptiques alcooliques qui, à la suite d'un épisode de délire,
conservèrent un profond affaiblissement delà mémoire caracté-
risé, non seulement par l'oubli rapide des impressions récentes,
mais aussi par l'oblitération très accusée de réminiscences d'un-
cienne date. Amélioration et guérison presque complète en quel-
' Voy. Manuel technique et pratique d'anthropométrii craviocéphalique.
BFNFDIKT et P. KERAVAL. Paris, iu-8°, 1889. Lecrosuieret Balié, éditeurs.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 309
ques mois. La troisième observation est relative à un délire insi-
dieux un peu prolongé, associé à des manifestations spinales et
à des paralysies des muscles de l'oeil; l'affaiblissement de la
mémoire lui succéda dans les mêmes conditions et le patient suc-
comba, sans retour à la santé psychique, de phthisie pulmonaire.
M. FREUND (de Breslau). Deux cas d'affaiblissement grave et géné-
ralisé de la mémoire. - Ils se rapportent à deux femmes, alcooli-
ques de vieille date. La première, âgée de 6b ans, est prise d'une
sorte de délire qui se termine par un coma grave. Néanmoins les
accidents s'amendent au bout de deux semaines, tout va bien. Mais
dans lasuite, série d'accès d'angoisse, de moins en moins fréquents
et légers, par instants. Ce qui persiste invariable, c'est l'affai-
blissement de la mémoire, relatif aux événements antérieurs à
l'explosion de la maladie aussi bien que pour les faits postérieurs
à l'ictus. Il en est de même à l'égard de la seconde observation.
Ici il s'agit d'une tabétique, de 52 ans; hépatomégalie; une poussée
délirante assez grave et assez tenace est chez elle suivie du même
genre d'amnésie. Ces deux démentes ne se rappellent même plus
qu'elles ont été mariées, qu'elles ont perdu leurs maris et leurs
parents, que leurs enfants ont grandi, que leur âge personnel ne
représente plus la première jeunesse, que le médecin vient de les
visiter,.qu'elles sontàl'hôpital depuis un certain temps; elles ne se
rendent même pas compte de l'endroit où elles sont, salle, cabi-
net d'aisances, lit. Une phrase, un vers, un objet qu'on vient de
leur lire ou dénommer, sortent deleur esprit en quelques minutes.
Sorte d'agraphie amnésique correspondante. '
M. NEISIER (de Leubus). De la folie systématique originelle [type
Sknder). Ce n'est pas tant l'hérédité ni les commémoratifs qui
méritent de l'importance dans cette entité morbide, que les illu-
sions de la mémoire à l'aide desquelles le malade brode de
fabuleux délires (confabulation). (Publié in extenso dans les Arch.
Psyclt 1.)
M. Leppmann. De l'aliénation mentale comme cause de divorce.
Une femme mariée, atteinte de folie systématique, suite de la
ménopause, a été interdite il y a 6 ans. On diagnostiqua à cette
époque la démence dans le sens légal. Le mari demandant le di-
vorce en se fondant sur le sens même d'un autre terme du code de
procédure, M. Leppmann affirma l'activité plus grande des idées
délirantes qui se traduisent, sans que la malade y puisse rien, dans
le moindre de ses actes, dans la moindre de ses manifestations
conceptuelles (systématisation délirante). Immédiatement l'arrêt
de divorce fut prononcé. La folie systématique est donc en ma-
tière juridique le prototype de la démence. (Allg. Zeitsch. f. Psych.,
XLIV, 6.) 1". KERAVAL.
1 Voy. Revues analytiques.
310 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SESSION DE BRESLAU 1888.
Séance du 23 février 1888. PRÉSIDENCE DE M. WERNICKE.
M. FREUND (de Breslau). Quelques cas mitoyens entre l'aphasie et
la cécité psychique. Huit observations avec autopsie. On est
d'après ces faits autorisé à distinguer, à côté de l'aphasie motrice
(de Broca) de l'aphasie sensorielle de Wernicke et des sous-
genres de ces deux types tout un groupe de troubles de la
parole d'ordre aphasique formant une catégorie à part.
- Ainsi, les fonctions de la parole demeurant intactes, il existera
une gène très accusée à trouver les substantifs propres, à exprimer
une notion concrète; le malade changera à tout instant de subs-
tantif, il le remplacera par une périphrase; quand on lui présen-
tera des objets, il n'en pourra trouver le nom, après avoir cherché,
réfléchi, s'être posé une série de questions, il s'en tiendra à un
synonyme. (Notons qu'il s'agit d'objets usuels.) Ce sont évidem-
ment les substratums optiques des notions et des objets qui pré-
sentent des lacunes. En effet, on constate en même temps des
troubles de la vue d'origine cérébrale : hémianopsie du côté droit,
trouble grave de la lecture et de l'écriture (ataxie optique cor-
ticale), cécité psychique secondaire; d'autre part, à l'aide des
impressions que lui fournissent les autres sens, le malade récu-
père l'activité verbale, en touchant les objets, il arrive à récupérer
le nom qui leur convient. D'après l'étude des lésions, on est en
droit d'admettre une altération interrompant la continuité des
fibres reliant les deux sphères visuelles au centre de la parole (du
côté gauche). Le terme d'aphasie optique serait le plus rationnel.
Les autres observations peuvent être divisées en trois groupes :
1° aphasie optique, avec hémianopsie du côté droit; 2° aphasie
optique avec cécité psychique; 3° aphasie optique avec cécité
psychique et aphasie sensorielle acoustique (Wernicke). Ce troi-
sième groupe permet difficilement de déceler l'aphasie optique,
à raison de la simultanéité de l'aphasie sensorielle acoustique. Les
cas d'aphasie optique combinée à la cécité psychique témoignent
d'altérations pathologiques bilatérales. On attribue d'ordinaire la
cécité psychique à des lésions de l'écorce occipitale; mais, à côté
de la perte des images commémoratives optiques due à la lésion de
l'écorce du lobe occipital, il faut aussi faire la part des ramollisse-
ments étendus de la substance blanche des deux lobes occipitaux,
l'écorce étant demeurée tout à fait normale (examen microsco-
pique).
' Quoi qu'il en soit, les images commémoratives optiques demeu-
rant intactes, la cécité psychique peut résulter de la destruction
des fibres d'association qui joignent les centres des images com-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 3111
mémoratives optiques aux autres réceptacles d'images sensorielles
d'un autre ordre. (Interruption de la correspondance ichono-
psychique.) .
ii. NFissER (de Leubas). La classification des maladies mentales
proposée par E«/t<6(tMme' : 1863. L'heure avancée ne permet pas
de procédé à cette communication qui sera publiée in extenso dans
le Jnrh61tcher. f. Psych 1.
M. Wernicke présente deux malades de sa clinique. C'est d'abord
un cas d'aphasie maniaque caractérisée par une émission spou-.
tanée de sons articulés dépourvus' de sens, inintelligibles, de syl-
labes inarticulées, sous forme de discours et de vociférations sans
fin. Quand on arrive à fixer l'attention du malade, on obtient une
parole intelligible. La manie, extrême, existe depuis huit jours, en
même temps que la plus grande agitation motrice. Les mouve-
ments présentent d'ailleurs un caractère plutôt choréique; et
l'on peut dire encore que, concurremment, il s'agit là d'une
aphasie choréiforme.Voici maintenant un paralytique général,
absolument sourd, et paraphasique. Cet état a déjà été assez sou-
vent observé, à la suite d'attaques congestives, d'une façon passa-
gère. L'aphasie sensorielle consécutive aux attaques congestives est
moins rare que la surdité absolue; on l'a également observée de
temps à. autre chez ce malade, on a cependant réussi dans ces
conditions à faire concourir le malade, bien qu'il ne comprit pas
un mot, à un choeur de mélodies sifflées devant lui. ,
- 11. Wernicke communique à l'assemblée qu'après avoir trans-
féré la clinique psychiatrique au nouvel asile d'aliénés de la ville,
on y a installé un laboratoire scientifique, qui contient six à
huit places, et tous les ustensiles nécessaires. Il est donc possible
de soumettre à l'étamine de l'analyse les matériaux de la clinique
et en même temps d'apprendre aux jeunes médecins l'anatomie e
normale et pathologique. (Allg. Zeitsch, f. Psch., XL1V, 6.) -
P. KERAVAL.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN
Séance du 16 décembre l88ï =. - Présidence DE M. LOEHR. '
M. MINDEL (de Berlin). Des formes périodiques de psychoses3.
L'étude des auteurs permet d'affirmer qu'en dehors des psychoses
Voy. Revues analytiques.
.'V. Archives de Neurologie, t. XVI, p. 294 1 306. - - 1
Nous résumons ici le mémoire publié a part. (P. K.)
312 SOCIÉTÉS SAVANTES.
circulaires (Baillarger et Falret) et des perturbations psychiques
liées aux accès périodiques de l'hystérie ou de l'épilepsie (épiphé-
nomènes ou équivalents), on n'a jusqu'ici décrit dans la folie pé-
riodique que la manie et la mélancolie de cette forme, auxquelles
il convient cependant de joindre les manifestations délirantes
hallucinatoires de Kirn et de Krafft-Ebing, méritant, selon nous,
l'appellation de délire hallucinatoire périodique 1. Nous nous per-
mettrons d'introduire la paranoïa (folie systématique) périodique.
A l'appui, trois observations de paranoia hallucinatoire qui puise'
ses éléments de diagnostic dans le concours et l'intrication d'idées
de persécution et d'idées de grandeur sans aucune manifestation-
somatique, sans accidents dans les commémoratifs, sans éléments-
épileptiques, ni hystériques; les malades peuvent continuer leurs
occupations ou se maintiennent au lit dans un semi-mutisme. Ces-
considérations sont décisives contre la manie, la mélancolie, le-
délire hallucinatoire pur. La réapparition régulière d'accès séparés-
par de courts intervalles, s'installant et s'épanouissant brusquement,
accès uniformes, homogènes, d'une fidélité d'aspect parfaite quasi
photographique, dans lesquels on retrouve les mêmes halluci-
nations, les mêmes conceptions délirantes, et l'habitus extérieur
identique, ce tableau témoigne de la périodicité, de l'intermit-
tence et exclut l'idée d'une récidive. La quatrième observation
présente du reste les particularités suivantes de la transformation
du mode. Une- femme de cinquante-un ans primitivement affectée
de mélancolie, ayant reparu régulièrement chaque année pen-
dant les huit dernières années, est, en 1877, au lieu d'un dixième
accès, frappée de manie à phase prodromique lypémaniaque.
En 1878, la mélancolie revient. Finalement c'est de la paranoia
composée d'idées de persécution et d'idées de grandeurs, sans
agitation considérable. L'étude du pronostic, toujours défavo-
rable dans les affections mentales périodiques, mérite plus ample.
observation, plus ample comparaison entre les autres folies et la
folie systématique de cet ordre.
Discussion : 111. Vio;r.I. M. Westphal, quand en 1876 il a établi son
type de folie systématique, a fait connaître les évolutions inter-
mittentes de la maladie, procédant par poussées avec intervalles
indemnes.
M. Arndt. J'ai fait connaître la stupeur et la catatonie périodi-
ques. Mais les cas de folie systématique périodique, je les
rangerais, tantôt dans. la. manie, tantôt dans la stupidité. Plus
éclairé, je préférerais les faire entrer dansledélire partiel de Grie-
singer. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'on n'y constate pas encore
« Kirn. Die periodischen Psychosen. Stuttgart, 1878.-De Krafft-Ebing,
Lelai,buch der Psycliiati,ie, 2e édit., p. 260, 1883, -
' SOCIÉTÉS SAVANTE^. 313
d'affaiblissement psychique vrai. Quant à la transmutation des
aspects des formes psychopathiques, la folie étant la maladie d'un
système nerveux fatigué, en état de faiblesse irritable, de langueur
se terminant par la déchéance, et, par suite, se prolongeant à tra-
vers le temps dans la vie d'un même individu, il n'est pas étonnant
qu'elle subisse, à son tour, les modifications de l'économie du sujet.
M. THOMSEN. Oui, il existe des cas de folie systématique périodi-
que se distinguant de la paranoia intermittente en ce que les
périodes sont espacées d'intervalles de lucidité pure.
M. Jartrowitz. Toute cette question de la paranoia qui aujourd'hui
embrasse des formes aiguës, alors que la folie systématique
typique avait pour caractère fondamental d'être chronique et pro-
gressive, mériterait un remaniement terminologique. Quoi qu'il
en soit, combien de fois M. Mendel a-t-il vu sa folie systématique
périodique se transformer en folie systématique-type, indéniable.
Nous préférerions le terme générique de folie périodique ou sim-
plement de délire périodique hallucinatoire.
M. MENDEL. Il ne me semble pas que j'innove avec hardiesse en
consacrant ce fait que tel malade continue ses occupations pen-
dant qu'il délire et que sa folie systématique est véritablement
périodique.
M. Jastrowitz. Délire hallucinatoire périodique, manie ou mé-
lancolie périodique, et paranoia aiguë ne sont pas synonymes.
Pour qu'il y ait paranoia, il faut constater un ensemble syllo-
' gistiqué de conceptions vraiment organisées dans lesquelles la dé-
raison repose sur un fait faux ou sur une série d'assertions erronées.
Sinon vous avez affaire à du désordre avec incohérence dans les
idées d'origine hallucinatoire et revêtant la forme morbide aiguë,
entité morbide qui se prolonge, traîne en longueur, comprend
diverses espèces d'épisodes ou de syndromes, mais ne se termine
pas par la paranoia.
M. MENDEL. Ce n'est pas du tout le cas visé par M. Jastrowitz.
Evidemment ma paranoia périodique se transforme, en certains
cas, en paranoia chronique, mais au bout d'un long temps, et tout
à fait de la même manière que la manie et la mélancolie pério-
diques ; c'est-à-dire qu'elle peut également, àl'instar de celles-ci,
occuper toute la vie d'un homme, sans cesser d'être périodique.
M. JASTROWITZ (de Berlin). Contribution à la connaissance de la
procédure actuelle en matière d'interdiction. Communication
montrant qu'aux termes du Code de procédure civil allemand,
une dame de haut rang, atteinte de délire de persécutions avec
hallucinations, ayant intenté une action en divorce contre son
mari, celui-ci obtint un examen médico-légal et l'interdiction.
Les différentes voies de défense des deux parties entraînèrent dix
procès sur la question d'interdiction et trois instances en divorce.
314' SÉNAT.
A la quatrième, l'avocat de l'interdite poursuit la destitution de
la tutelle du mari, parce qu'il espère qu'un autre tuteur la met-
tant en liberté, lui facilitera la défense légale par touteslesarmes
possibles. Il en résulterait pour le mari, des procès interminables,
des dépenses sans fin et d'infinis contre-temps. Voilà ce que per-
met le Code actuel. Et les directeurs d'asile n'ont pas le droit
d'intervenir d'aucune façon. C'estauxjuges et aux lois de l'avenir
à concilier les intérêts des malades et de leurs familles, avec
l'équité et, par-dessus tout, quand il s'agit de gens peu fortunés
ou indigents. Voici, par exemple, une malade à la charge de la
commune, qui réclame sa sortie au tribunal, parce qu'elle se pré-
tend guérie, le directeur-médecin consulté, affirme la persistance
de l'aliénation mentale. On lui demande alors si cette malade
serait en état de délibérer sur les suites de ses actes; cela cons-
titue, aux termes de la loi, un tout autre problème, absolument
Réparé des divers points de vue de la séquestration dont a seul à
s'occuper le directeur d'un établissement. Le tribunal réclame en
conséquence sur celte malade, un certificat médical du médecin
officiel (kreisphysikus) de l'Etat. Mais cette pièce coûte de l'argent.
On lui nomma un avocat d'office.
La discussion consécutive met en lumière la jurisprudence de
plusieurs parties de l'Allemagne ou de diverses personnalités.
M. LIEBE. Du diabète en aliénation mentale. Observation d'une
dame de cinquante-trois ans, atteinte de polysarcie généralisée,
et souffrant depuis des années de légères crises de dépression mé-
lancolique. Il est très probable qu'elle était diabétique depuis un
an. Sans cause déterminée, la psychose se transforme brutalement
en un appareil symptomatique aigu, qui guérit; simultanément,
diminution et guérison de la melliturie. Evolution presque paral-
lèle des deux espèces d'accidents. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat. XLIV 6.)
P. KFR.4VAL.
SENAT
DISCUSSION DU PROJET DE LOI SUR LES ALIÉNÉS.
Suite de la séance du lundi 6 décembre 1880 J.
M. DELSOL. Je demande la parole.
M. Le président. La parole est à M. Delsol.
M. DELSOL, membre de la commission. Messieurs, l'article 39, sur
4 Voir Arch. de Neurol., t. XII, p. 135, 2M. 439; t. XIV, p. 135, 307,
42) ; t. XV, p. 138, 311, 487; t. XVI, p. 101, 306, 458; t. XVII, p. 133.
sénat. 31 -li
lequel mon honorable collègue et ami, M. Lacombe a appelé l'at-
tention du Sénat, est un des articles qui ont été, dans le sein de
votre commission, l'objet de l'élaboration la plus réfléchie et la
plus approfondie. Elle a entendu sur la disposition qu'il contient
les magistrats les plus autorisés et les plus capables d'édifier sa
religion. Cet article vous propose une importante innovation rela-
tive aux aliénés dits criminels. La loi de 1838 était muette à leur
égard, et il en résultait que lorsqu'un individu traduit en police
correctionnelle ou en cour d'assises avait bénéficié d'un acquit-
tement, il était immédiatement rendu à la liberlé. Or, cette mise
en liberté devenait souvent un véritable péril pour la sécurité pu-
blique, et notamment pour' les personnes qui avaient pu encourir
les ressentiments de l'individu acquitté. '
Des faits extrêmement graves et des exemples récents ont
montré qu'il était' absolument indispensable de prendre des me-
sures, des précautions, contre ces aliénes dont la folie est si
manifestement dangereuse. Quel système conviendrait-il'd'adop-
ter ? Cette question a été examinée bien avant que le projet de loi
fût déposé; elle t'a. été par la Société générale des prisons, par la
société dé législation comparée, par les commissions extraparle-
mentaires qui ont été nommées à différentes époques, et c'est
après ces examens successifs que votre commission, messieurs, a
été amenée à vous proposer les solutions qui sont contenues dans
l'article 39, sur lequel je vais m'expliquer. Et d'abord, il me parait
qu'il n'y a aucune espèce de difficulté lorsqu'on se trouve en pré-
sence d'un individu qui a été acquitté par un jugement correc-
tionnel ou quia été l'objet d'une ordonnance de non-lieu rendue
soit par le juge d'instruction, soit par la chambre des mises en
accusation. En effet, dans ces différentes circonstances la décision
de la justice est motivée, et, en. conséquence, il est établi que l'in-
dividu est acquitté ou relaxé précisément parce qu'il n'était pas
responsable à raison de son état mental.
Un sénateur au centre. Habituel !
- )1. DELSOL. Dans ce cas-là, évidemment il doit y avoir des me-
sures à prendre, et il est naturel qu'elles soient ordonnées par la
juridiction même qui a prononcé l'acquittement. On me dit :
« état mental habituel ». Il peut en effet, se produire deux hypo-
thèses : la première, c'est que l'individu soit dans un état habituel
d'aliénation mentale. Tout le monde reconnaîtra que, dans ce
cas, il est absolument nécessaire d'examiner si l'aliéné est dan-
gereux et s'il doit être interné dans une maison d'aliénés.
, Mais examinons l'autre hypothèse. Voilà un individu qui est
acquitté ou qui bénéficie d'une ordonnance ou d'un arrêt de non-
lieu, non pas parce qu'il est dans un état habituel d'aliénation
mentale, mais parce que, au moment de l'acte incriminé, il n'était
316 SÉNAT.
pas responsable à raison de son état mental. Il a eu un accès de
folie et c'est dans cet accès passager qu'il a commis l'acte criminel.
Eh bien, messieurs, votre commission a pensé avec le gouver-
nement, avec tous ceux qui se sont occupés de cette question
délicate, que cet individu qui n'est pas dans un état habituel
d'aliénation, peut cependant être sujet à des accès de folie qui,
en se renouvelant, peuvent présenter les mêmes périls et amener
les mêmes malheurs. En d'autres termes, les rechutes et les réité-
rations des actes violents sont à redouter. Il y a donc lieu, dans ce
cas comme dans le précédent, à prendre des précautions pour
protéger la sécurité publique.
Que vous proposons-nous dans l'article 39 qui est en discussion ?
Les dispositions de cet article ne sont pas impératives. 11 ne dit
pas que tout individu acquitté ou bénéficiaire d'une ordonnance
ou d'un arrêt de non-lieu sera nécessairement interné; il dit sim-
plement qu'il y aura lieu, dans ce cas, d'examiner son état men-
tal ; et c'est précisément la justice qui sera appelée à se prononcer
sur cet état et à décider s'il n'y a pas péril pour la sécurité publi-
que rendre l'individu dont il s'agit à la liberté.
N'est-il pas, messieurs, donné ainsi satisfaction aux intérêts de la
liberté individuelle en même temps qu'à ceux de la sécurité publi-
que ? (Très bien très bien ! ) A proprement parler, la difficulté
d'application de ce principe n'existe que dans une seule hypothèse t
c'est lorsque l'individu a été l'objet d'un verdict de non-culpabilité
devant une cour d'assises. Ici, il n'y a pas de motifs; le jury a été
appeler à se prononcer sur cette question ; l'accusé est-il coupable
d'avoir commis tel crime ? et la réponse du jury a été négative.
Quel est le sens de ce verdict de non-culpabilité ? Il est évident,
messieurs, qu'on peut l'interpréter de diverses manières. La pensée
du jury a pu être l'une de celles-ci : ou le fait n'a pas été commis
par l'accusé; ou bien, le fait ayant été commis par l'accusé,
celui-ci n'est pas responsable, à raison de l'état mental où il se
trouvait au moment du crime. Par conséquent, la décision
du jury peut prêter à toutes sortes d'interprétations ; ce
n'est donc pas en vertu de la décision du jury; du verdict de non-
culpabilité, que l'on peut être amené à prendre des mesures
contre l'individu acquitté et dont la mise en liberté peut devenir
si dangereuse. Comment sortir de cette difficulté ? Tout d'abord,
il est un principe général sur lequel tout le monde est d'accord,
et ici je partage tout à fait l'avis de mon honorable collègue et
ami, M.Lacombe; nul n'a le droit d'interpréter le verdict du jury,
et ce verdict ne peut jamais donner lui-même sa propre inter-
prétation, puisqu'il se traduit par cette seule phrase : « Non,
l'accusé n'est pas coupable ».
Pour arriver à une solution du problème et permettre d'interner
des acquittés trop nombreux qui ne sortent de prison que pour
sénat. 317 Î
se livrer de nouveau à leur manie homicide ou incendiaire, on a
proposé, messieurs, plusieurs solutions; et vous allez voir si la
commission n'a pas adopté la plus simple et la meilleure parmi
celles qui se sont produites.
On a d'abord proposé de modifier le code d'instruction crimi-
nelle, et d'y insérer une disposition nouvelle en vertu de laquelle
le président de la cour d'assises devrait poser au jury la question
d'irresponsabilité à raison de l'état mental de l'accusé.
. Cette proposition n'a pas été accueillie par votre commission
et, je crois, avec raison. En effet, elle n'a pas jugé qu'il fût né-
cessaire d'apporter une modification au code d'instruction crimi-
nelle, et dans tous les cas elle n'avait pas mandat pour la provo-
quer. De plus, elle a pensé que le seul fait déposer au jury la ques-
tion d'irresponsabilité à raison de l'état mental de l'accusé était
dénature à provoquer dans la plupart des cas un acquittement.
Le jury serait trop souvent porté à échapper aux scrupules de sa
conscience et aux difficultés de sa tâche en acceptant la thèse
commode de l'irresponsabilité.
D'autres ont proposé d'insérer dans la loi une disposition aux
termes de laquelle le président de la cour d'assises devrait don-
ner au jury, en ce qui concerne l'irresponsabilité de l'accusé à
raison de son état mental, un avertissement analogue à celui qui
est relatif aux circonstances atténuantes.
Nous avons été d'avis, messieurs, que cette méthode et cette
solution présentaient absolument les mêmes inconvénients que la
première. En conséquence nous l'avons écartée. Alors, comment
arriver à une solution juste ? Votre commission a pensé que lors-
que dans les débats criminels, en dehors, d'ailleurs, de toute in-
terprétation du verdict du jury et en laissant à ce verdict cette
sorte d'inviolabilité dont le couvre la loi criminelle, il se révèle
des circonstances qui sont de nature à faire supposer qu'il existe
un état d'aliénation mentale, dans ce cas-là...
M. de GAVARDIE. Il n'y a pas besoin de cela.
M. DELSOL....il est nécessaire que l'individu acquitté fiatl'objet
d'un examen particulier à raison des dangers qu'il peut faire cou-
rir à la sécurité publique. Comment savoir si cet individu est ou
non atteint d'aliénation mentale ? Quels sont les indices que l'on
peut rencontrer dans un procès criminel pour faire supposer cette
aliénation et justifier un nouvel examen.
Nous en avons trouvé deux qui nous ont paru légitimes et fon-
dées. Supposons d'abord que le ministère public renonce à l'ac-
cusation à raison de l'état mental qu'il reconnaît avoir existé
chez l'accusé au moment ;du crime : en vérité, dans ce cas, il
est bien clair qu'un internement dans un établissement d'alié-
nés peut être nécessaire pour protéger -la sécurité publique, et
318 SÉNAT." .
qu'il y a lieu tout au moins d'examiner à nouveau l'individu
acquitté. '
A cette circonstance nous avons cru, messieurs, devoir en ajou-
ter une autre, qui est la suivante : un individu est traduit en cour
d'assises; le ministère public soutient l'ascusation et prétend que
cet individu est responsable du crime qui lui est reproché. Mais
l'accusé se défend en soutenant qu'il était atteint de folie au mo-
ment où le crime a été commis, et que cet état mental le décharge
de toute responsabiltié. Il lesoutient par lui-même ou il le fait sou-
tenir par son défenseur. Il y a là, évidemment, messieurs, une
circonstance grave, d'autant plus grave qu'elle émane de l'inté-
ressé lui-même, et qui tend à faire supposer qu'en effet il a existé
au moment du crime sinon plus tard, un état d'aliénation men-
tale.
'M. Lacombe. Je demande la parole.
M. DELSOL. Que vous propose la commission ? Elle vous propose
de décider, non pas que cet individu sera déclaré hic et MM ? : c
atteint d'aliénation mentale, mais qu'il y a une présomption, un
indice grave, à raison desquels il devra, après son acquittement,
être l'objet d'un examen et, si cela est nécessaire, d'un interne-
ment qui sauvegardera la sécurité publique. Voilà très simplement
ce que contient l'article 39 que nous avons l'honneur de vous pro-
poser. Cette innovation, messieurs, nous l'avons soumise aux ma-
gistrats si autorisés qui ont bien voulu déposer devant la commis-
sion. Elle a passé sous les yeux de M. le procureur de la Républi-
que, de M. le président du tribunal civil, de M. le premier président
actuel de la cour de cassation. Aucnn de ces magistrats n'a
critiqué la disposition ; plusieurs gardes des sceaux l'on t successi-
vement approuvée, et nous n'hésitons pas à la proposer à votre
sanction.
Messieurs; une seule observation nous a été faite sur l'article 39
par M. le directeur des affaires civiles', délégué de M. le garde des
sceaux; il nous a dit : J'accepte parfaitement votre disposition, et
je comprends qu'il peut y avoir un intérêt de premier ordre à
empêcher que cet individu acquitté, qui a commis un 'crime dans
un accès d'aliénation mentale, ne recouvre trop facilement sa
liberté. Mais au lieu de faire décider la question par la cour d'as-
sises statuant en chambre du conseil, je préférerais que l'acquitté
fût renvoyé purement et simplement devant le tribunal de pre-
mière instance siégeant en chambre du conseil. C'est la juridiction
que vous avez vous-même établie; c'est la juridiction ordinaire.
Le tribunal, après avoir pris des informations nouvelles, si cela
est nécessaire, déciderait si l'individu acquitté doit, oui ou non,
être' placé dans un établissement d'aliénés.
M. Paris. Voilà la vérité.
S,ÉNAT. 319
M. DELSOL. Et le représentant du gouvernement ajoutait : Cette
solution est la meilleure, parce que si c'est la cour d'assises elle-
même qui, réunie en la chambre du conseil, un instant après le
verdict d'acquittement, déclare qu'il y a lieu de placer l'acquitté
dans un établissement d'aliénés, elle aurait l'air de riposter à un
verdict d'acquittement par une décision d'internement. (Marques
d'approbation à gauche.)
Plusieurs sénateurs. C'est parfaitement juste.
. 11. DELSOL. Et le public croira que les magistrats ont répondu
par un manque d'égards et un mauvais procédé au jury qui vient
de rendre son verdict d'acquittement. Ces observations, messieurs,
ont paru justes à votre commission, qui a modifié en conséquence
le texte que vous avez sous les yeux et vous propose de le rempla-
cer par la rédaction suivante : « Dans le cas de verdict de non-
culpabilité, il est statué par le tribunal en chambre du conseil... »
au lieu de dire : « Il est statué par la cour en chambre du conseil. »
M. de GAVAROE. Cela revient absolument au même !
M. DELSOL. Non, monsieur de- Gavardie, cela ne revient pas
absolument au même, parce que nous faisons ainsi disparaître
une espèce de contradiction, non pas réelle mais apparente, qui
existerait entre la décision de la cour d'assises, qui va retenir l'in-
dividu enfermé dans un asile d'aliénés et le verdict de non-culpa-
bilité qui a ouvert à l'accusé les portes de la prison. Il y a un
autre avantage à cette rédaction; la voici : la cour d'assises n'est
pas permanente; or, il peut se faire qu'il existe des doutes sur le
point de. savoir si cet individu acquitté est ou non dangereux pour
la sécurité publique, et qu'il soit nécessaire de procéder à de nou-
velles vérifications, peut-être à une expertise médico-légale. La
chambre du conseil, qui est permanente, au contraire, sera tou-
jours là pour ces diverses opérations. Il y a donc tout avantage à
renvoyer devant elle l'individu suspect d'aliénation dangereuse.
, En conséquence, nous pensons que le nouveau texte résout de
la manière la plus simple, la plus pratique et, en même temps, la
plus conforme aux intérêts de la sûreté publique, le problème si
ardu que pose l'acquittement des aliénés dits criminels. Nous
demandons au Sénat de vouloir bien le voter. (Très bien ! très
bien ! Vives marques d'approbation.)
. M. Lacombe. Messieurs, "le Sénat me pardonnera de remonter à
la tribune, à raison de la gravité même du principe en discussion.
Les explications qui viennent dô'tre données par mon honorable
collègue et ami M. Delsol, sont de nature à démontrer l'impor-
tance et la difficulté de la question qu'il s'agit'de résoudre. Qu'il
y ait quelque chose à faire, j'en demeure d'accord avec la com-
mission ; mais je ne puis pas la suivre jusqu'au bout; je vais
essaver d'en donner le motif.
320 SÉNAT.
Il est impossible d'avoir été mêlé à l'administration delajustice
en matière criminelle, sans avoir remarqué que l'un des systèmes
de défense qui reviennent le plus souvent, non pas, il faut le dire,
dans la bouche des accusés, mais dans celle de l'avocat qui leur a
été donné d'office ou qui s'est chargé du soin de présenter leur
défense, sans avoir remarqué, dis-je, que l'un des arguments les
plus employés, c'est celui de l'irresponsabilité de l'accusé.
Il faut reconnaître aussi que cet argument de l'irresponsabilité
est développé devant les tribunaux, et surtout devant le jury,
dans des conditions diverses et tout à fait différentes les unes des
autres.
Quelquefois, c'est le petit nombre des cas, l'on vient plaider
devant le jury que l'accusé est irresponsable de ses actes, qu'il est
atteint de monomanie, ou de tout autre genre permanent d'alié-
nation mentale. Mais le plus souvent, on se contente de dire au
jury : L'accusé était irresponsable au moment où il a commis le
fait. Pourquoi procède-t-on ainsi de préférence ? Parce que si la
défense voulait soutenir l'irresponsabilité habituelle, l'aliénation
mentale confirmée, elle serait, en général, en opposition avec une
expertise médico-légale que le parqueta presque toujours soin de
provoquer lorsqu'il est en présence de ce système de défense ou
qu'il peut le prévoir.
L'expérience de chaque jour nous apprend cependant que,
même en présence d'un rapport médico-légal duquel il résulte
qu'il n'y a pas d'aliénation confirmée, on vient tous les jours sou-
tenir devant le jury que l'aliéné n'était pas responsable de ses
actes au moment où le fait incriminé s'est produit.
Voyez, par exemple, les cas si nombreux aujourd'hui où la vio-
lence a revêtu certaines formes : l'attaque par le vitriol ou par le
revolver. L'on voit traduire devant le jury un grand nombre d'ac-
cusés absolument convaincus d'être les auteurs du fait délictueux,
et souvent en faisant eux-mêmes l'aveu. Néanmoins'c'est le sys-
tème de l'irresponsabilité que soutiennent leurs défenseurs; ils la
plaident, il faut bien l'avouer, d'une manière excessive, et les
jurés, je l'admets, ont également une tendance exagérée à
accueillir ce moyen de défense. Mais est-ce l'aliénation perma-
nente, l'irresponsabilité absolue que l'on plaide ? Non ; on soutient
que M"" une telle, par exemple, quand elle a jeté du vitriol à la
face de la personne dont elle croyait avoir à se plaindre, où lors-
qu'elle lui a brûlé la cervelle, n'était pas responsable de cet acte,
parce qu'elle se trouvait, en ce moment-là, sous le coup d'une
animation telle, qu'elle ne pouvait pas raisonner l'acte qu'elle
commettait.
Voilà l'argument généralement employé, si généralement que
bien des personnes peuvent regretter la fréquence de cette argu-
mentation et son succès parfois excessif, que même ce regret peut
SÉNAT. 321 Il
être partagé par ceux-là mêmes d'entre nous qui ont sur la cou-
science d'avoir eu parfois recours, dans l'intérêt de leurs clients,
à ce système de défense.
D'après le projet de la commission, il suffira que l'état mental
de l'accusé ait été mis en doute ou que son défenseur ait plaide
devant le jury le système de l'irresponsabilité pour que cet homme
puisse être considéré comme atteint d'aliénation dangereuse et
pour qu'on le mette à la disposition de l'autorité administrative :
c'est excessif à mes yeux. '
Nous serions d'accord, je crois, avec la commission, si la rédac-
tion qu'elle propose était conforme à la dernière partie des obser-
vations que vient de présenter à la tribune l'honorable M. Delsol ;
si elle se contentait de prévoir le cas où un aliéné dangereux
aurait été acquitté en cour d'assises et de rechercher le moyen de
ne pas le laisser libre, même un moment, afin de l'empêcher de'
se livrer à de nouveaux actes de violence pouvant mettre le pro-
chain en danger; si donc on ne poursuivait pas d'autre but que'
celui que je viens d'indiquer, nous serions d'accord; mais il s'agit
de bien autre chose, il s'agit de faire statuer définitivement sur
son internement.
En effet, s'il ne s'agissait que de provoquer cette mesure, l'iti-
ternement le préfet en aurait le droit en vertu de l'article 29 que
vous avez volé, et d'où il résulte qu' « à Paris le préfet de police,
et dans les départements les préfets ordonnent d'office le place-
ment dans un établissement d'aliénés de toute personne, interdite
ou non interdite, dans l'état d'aliénation, dûment constaté par un
certificat médical, compromettrait la sécurité, la décence ou la
tranquillité publiques, ou sa propre sécurité ».
Fallût-il appeler l'intervention immédiate du préfet, empêcher
que l'aliéné acquitté ne recouvrât la liberté, même pour quelques
heures, et lui faire une application aussi prompte que possible de
l'article 29, il n'y aurait encore aucune difficulté entre la com-
mission et moi, et j'accepterais sa rédaction sans aucune protes-
tation.
Mais ce dont il s'agit réellement encore, et ce que la commis-
sion propose pour ce cas spécial, pour le cas où un certain système
de défense parait avoir été accueilli parle jury ou lui a seulement
été présenté, c'est de sortir des règles protectrices établies dans
d'autres articles de la loi, c'est de se contenter d'un mode de pro-
cédure tout à fait sommaire et ne présentant plus les mêmes
garanties, alors que l'état du conflit au moins apparent entre la
magistrature et le jury les rendent plus indispensables que
jamais.
Voilà ce que je ne puis pas admettre; voilà, comme le disait
tout à l'heure mon honorable collègue et ami, M. Delsol, ce qui
paraîtra toujours aux yeux du public comme la revanche prise
Archives, t. XVII. 21
321 SENAT.
par l'autorité judictaire contre une décision du jury qu'elle a dé-
sapprouvée ; voilà ce qui constitue un véritable danger, tant au
point de vue de la liberté individuelle que du respect dû aux arrêts
de justice. Peut-on arriver à combiner les deux systèmes ? Peut-
on se ménager une protection suffisante pour le cas d'aliénation
confirmée, sans cependant abandonner les garanties de la liberté
individuelle ? .
Il y aurait, je crois, un moyen de tout concilier : ce serait de
modifier l'article de la commission en ce sens, qu'il ne s'agirait
pour le tribunal correctionnel ou pour' la cour d'assises que de
prendre une mesure provisoire à laquelle succéderait l'examen de
l'état mental de l'accusé acquitté ; cet examen serait, d'ailleurs,
fait dans des conditions générales où se trouve placé tout homme
dont l'internement est provoqué pour cause d'aliénation mentale
confirmée.
La mesure que je propose de substituer à celle admise par la
commission écarterait encore un inconvénient sérieux de nature
à nuire à la dignité de la magistrature et auquel on n'a peut-être
pas pensé, c'est celui-ci : dans le plus grand nombre des cas, le
débat qui se déroulera devant le jury sera, d'une pari, l'affirma-
tive par le défenseur de l'irresponsabilité de l'accusé et, de l'autre,
la négation de cet état mental par l'organe de l'accusation.
Ne voyez-vous pas d'inconvénients à ce que, à quelques minutes
d'intervalle, le même membre du parquet qui aura demandé au
jury de condamner l'individu et qui aura fait de grands efforts
dans son réquisitoire pour établir qu'il n'est pas atteint d'alié-
nation mentale, vienne réclamer son internement dans une maison
d'aliénés parce qu'il serait réellement atteint de cette maladie ?
Cela n'est pas possible, et cette contradiction entre les attitudes
que prendrait successivement le ministère public ne serait pas de
nature à augmenter le respect auquel ont droit les magistrats du
parquet. Que l'on fasse ressortir une présomption du verdict d'ac-
quittement, je le veux bien ; mais, tout au moins, qu'il n'en résulte
qu'une présomption et que la' détermination de la réalité de
l'aliénation mentale soit faite dans les mêmes conditions que
pour tout autre malade dont l'internement est provoqué et suivant
les formes prescrites par les autres articles du projet de loi. C'est,
messieurs, sous l'empire de ces idées que, voulant donner un corps
aux observations que je viens d'avoir l'honneur de développer,
j'ai rédigé l'amendement suivant, qui devrait être substitué, selon
moi, au texte de l'article 39 :
« Le prévenu ou l'accusé au profit duquel intervient un juge-
ment ou un arrêt d'acquittement eii matière correctionnelle
ou un arrêt de non-lieu en matière criminelle, peut, par la
même décision, être mis à la disposition de l'autorité admi-
nistrative, si les magistrats estiment que son état mental le cocs-
SÉNAT. 323
titre l'état d'aliéné dangereux. La cour d'assises peut en agir de
même à l'égard de l'accusé qui bénéficiera d'un verdict de non-
culpabilité, lorsque la preuve de cet état mental lui parait résulter
des débats. L'autorité administrative, saisie parsuite de ce renvoi,
doit provoquer l'examen mental du prévenu ou de l'accusé
acquitté : cet examen aura lieu en conformité des articles 20 et
suivants de la présente loi. »
Je crois que cet amendement donnerait toute satisfaction aux
intérêts fort sérieux que la commission a eu pour but de défendre
et que, d'un autre côté, il ne prêterait pas le flanc à la critique
que j'ai cru devoir faire, quoique à regret, du projet de la com-
mission. (Très bien ! très bien ! sur divers bancs.) .
111. DI'sLSOL. Messieurs, il est difficile de discuter un amende-'
ment qui est déposé à cette tribune et que la commission ne
connaît que par la simple lecture qui vient d'en être donnée par
son auteur. Si je monte de nouveau à la tribune pour répondre à
mon honorable collègue et ami M. Lacombe, c'est pour dissiper
certaines confusions qui se sont établies dans son esprit au sujet
de l'article 39 proposé par la commission.
Que dit l'article 39 ? Il porte que lorsqu'un individu a été
acquitté par le tribunal correctionnel ou lorsqu'il a bénéficié d'une
ordonnance , ou d'un arrêt de non-lieu, la juridiction qui l'a.
relaxé en vertu d'une décision motivée par son état d'aliénation
mentale est naturellement celle qui doit décider s'il est dange-
reux et s'il doit être interné dans un établissement d'aliénés. Sur
ce premier point, il ne peut pas exister de difficulté.
Il ne reste donc que le cas d'un acquittement en cour d'assises.
Or, nion collègue disait : L'indice d'aliénation mentale que' vous
puisez dans ce système de défense invoqué par l'accusé devant la
cour d'assises peut n'être pas bien sérieux, et, dans tous les cas, il
n'est pas très souvent suffisant. La défense invoque l'irresponsabi-
lité à raison de son état mental. On ne peut se faire une arme
contre l'accusé du système de défense adopté par son défenseur.
Je reconnais volontiers qu'on abuse de l'irresponsabilité et de
l'argument de l'aliénation mentale en cour d'assises. On en use-
rait un peu moins, que, pour mon compte, je serais loin de le
regretter ; et si la disposition proposée pouvait avoir cette consé-
quence, je crois qu'il faudrait s'en féliciter.
Mais, enfin, ce système de défense qui consiste à soutenir l'ir-
responsabilité de l'accusé, ne suffit pas; dans le projet qui vous
est soumis, pour que l'individu acquitté soitparcela même interné
dans un asile d'aliénés, nous disons simplement qu'il y a là un
indice grave et qu'il faut examiner s'il y a lieu ou non de rendre
à la liberté cet individu, qui peut être un aliéné dangereux.
M. du La justice n'a pas le droit de le retenir.
324 4 SÉNAT.
M. DELSOL. Nous croyons que la justice a le droit, car elle est la
première gardienne de l'ordre public, et nous vous proposons de
confier la décision à la chambre du conseil qui est juge de droit
commun en matière d'aliénation mentale. Si, après de nouvelles
vérifications, dans le cas où elles seraient jugées nécessaires, elle
se prononce pour l'internement, l'individu sera mis à la disposi-
tion de l'autorité administrative, qui assurera l'exécution du juge-
ment. Quelles mesures peuvent mieux sauvegarder à la fois le
respect du verdict d'acquittement, les droits de la liberté indivi-
duelle et les intérêts de la sûreté publique ?
En vous proposant ces solutions, la commission croit avoir
répondu au sentiment qui a inspiré l'amendement de notre hono-
rable collège M. Lacombe. Elle donne môme, à mon avis, plus de
garantie à l'individu acquitté par la cour d'assises que le système
proposé par l'amendement, car au lieu de le livrer immédiate-
ment à l'autorité administrative, elle lui assure le bénéfice de l'in-
tervention judiciaire...
M. Paris. Je demande la parole.
M. DELSOL. Assurément, l'autorité judiciaire protégera en lui la
liberté individuelle aussi efficacement que pourrait le faire l'auto-
rité administrative, même assistée du médecin inspecteur des
aliénés. (Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)
M. LE Président. La parole est à M. Paris.
M. Paris. Messieurs, l'amendement de nI. Lacombe, lotit en
répondant aux vues de la commission, me paraît réaliser une amé- z
lioration importante que je demande la permission au Sénat de
faire connaître. Je constate tout d'abord que, sur plusieurs
points, M. Lacombe et la commission sont en parfait accord.
Aucun dissentiment ne peut exister à l'égard de l'individu qui a
bénéficié d'une ordonnance de non-lieu ou d'un acquittement pro-
noncé par jugement d'un tribunal correctionnel, parce qu'alors
l'ordonnance et le jugement seront motivés. Quand la difficulté'
se produira-L-elle ! Ce sera uniquement en cas d'acquittement
devant la cour d'assises, parce que le jury ne motive pas son
verdict.
La commission s'est préoccupée avec raison du danger que
présenterait pour la sûreté publique un individu accusé d'un
crime, acquitté par le jury et frappé d'aliénation mentale. Il sera
bien plus à craindre qu'un vulgaire prévenu traduit en police cor-
rectionnelle et également atteint de folie. Ce sera peut-être un
assassin ou un incendiaire acquitté et mis en liberté; il pourra,
sous l'empire de la folie qui l'obsède, exercer son ressentiment
contre un membre du jury, faire d'un témoin une victime. La-
commission a donc bien fait, dans un intérêt de sécurité sociale,
de prendre à l'égard des aliénés de cette espèce des mesures de
sénat. 323 5
précaution et de combler l'une des lacunes les plus importantes
qui aient été signalées dans la loi de 1838.
M. de Gavardie. Il n'y a aucune espèce de lacune :
M. Paris". Mais la commission s'est trouvée en présence d'une
difficulté : elle a craint qu'en présence de l'acquittement prononcé
par le jury, la cour ne semblât, aux yeux du public, le mettre en
opposition avec le verdict en décidant que le prévenu relaxé en
tant qu'accusé continuerait à être privé de sa liberté sous présomp-
tion d'aliénation. Cette préoccupation a amené la commission à
limiter à ce sujet les pouvoirs attribués à la cour. Mais je crains
qu'en agissant ainsi, la commission ne compromette l'intérêt supé-
rieur de la sécurité publique qu'elle veut sauvegarder. La commis- ^
sion limite l'intervention de la cour dans deux conditions : « Si
la défense a soutenu que le prévenu était irresponsable à raison
de son état mental, ou si le ministère public a abandonné l'accu-
sation pour la même cause. » Mettons-nous donc en présence de
cette double hypothèse.
Il arrivera rarement que le ministère public abandonne l'accu-
sation dans le cours même des débats. Si l'accusé est réellement
atteint de folie, les symptômes de cette maladie mentale se seront
révélés dans le cours de l'instruction et avant l'envoi devant la
cour d'assises. Convaincu de la culpabilité, et par conséquent de la
responsabilité du prévenu par tous les éléments du dossier, le
ministère public sera amené à soutenir, sauf des cas tout à fait
exceptionnels, les charges de l'accusation; il fera son devoir jus-
qu'au bout dans l'intérêt de la société et contre le prévenu.
M. LACOMBE. On ne le laisserait pas juger s'il était irrespon-
sable.
M. Paris. Je suis d'accord avec vous : on no le laisserait pas juger
s'il était irresponsable. Passons à la défense, et du siège du par-
quet arrivons à la barre. « Si la défense, dit la commission, a
soutenu que l'accusé était irresponsable... » En pareille matière,
il importe de préciser les termes.
Qu'entendez-vous par « soutenir ? » Est-ce poser des conclusions
formelles tendant à l'irresponsabilité à raison de la folie ? L'avo-
cat d'assises, dont l'habileté constitue le plus grand mérite, se
gardera bien de se conclure ». Au lieu d'invoquer la folie d'une
manière formelle, il déploiera toutes les ressources de l'art oratoire
pour atteindre son but : l'acquittement, en persuadant au jury
que son client ne jouissait pas de sa raison quand il a commis le
crime; il prendra des voies détournées au lieu de suivre, comme
vous le supposez, la ligne droite.
Direz-vous alors que la défense a soutenu l'irresponsabilité à
raison de l'état mental du prévenu ? La plaidoirie de l'avocat
d'assises, reconnaissez-le, mettra souvent la cour dans un singulier
326 BIBLIOGRAPHIE.
embarras. Si donc vous limitez ainsi le droit que vous attribuez à
la cour d'assises, vous en paralysez l'exercice.
L'amendement présenté par M. Lacombe est, au point de vue
pratique, autrement rationnel et efficace. Il dispose, en effet, que
la cour d'assises peut, comme la chambre des mises en accusa-
tion, comme le tribunal correctionnel, mettre à la disposition
administrative le prévenu qui aura bénéficié d'un verdict d'acquit-
tement, mais que son état mental constituera à l'état dangereux.
La cour d'assises aura cette faculté lorsque la preuve d'un tel état
mental « lui paraîtra résulter des débats ».
La cour quia entendu les témoins, les plaidoiries et le réquisi-
0 toire du ministère public, elle connaît le verdict du jury ; elle
est investie d'un pouvoir d'appréciation absolu; se préoccupant
du danger que présenterait la mise en liberté immédiate d'un
fou dangereux, elle l'acquitte comme prévenu d'un crime ; elle le
met la disposition de l'autorité administrative parce que, éclai-
rée qu'elle est par les débats, elle le croit atteint d'une folie qui
compromet la sécurité publique.
Cette disposition de l'amendement est en parfaite harmonie
avec l'ensemble de la proposition de loi. Rappelez-vous qu'en
vertu de l'article 29, l'autorité administrative, le préfet, est chargé
d'ordonner d'office le placement dans une maison d'aliénés de
toute personne dont l'état d'aliénation compromet la sécurité
publique. A la disposition de qui, d'après l'amendement de
M. Lacombe, la cour d'assises met-elle l'aliéné dit criminel ? A la
disposition du préfet, chargé d'ordonner le placement d'office.
Je crois donc, messieurs, qu'à ces divers points de vue, l'amen-
dement de M. Lacombe, en comblant la lacune signalée par
la commission dans la loi de 1838 sera en parfaite harmonie
avec les dispositions de la section Il que vous avez votées et sera,
en ce qui concerne les pouvoirs de la cour d'assises, à la fois plus
restreint et plus efficace que le système de la commission.
J'appuie cet amendement. (Très bien ! très bien ! sur plusieurs
bancs.) , (A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE
V. Différents états de délire dans l'alcoolisme;
par le Dr Crotiiers.
La plupart des auteurs se sont contentés d'étudier les états déli-
rants aigus et graves des alcoolique ? , sous le nom de delirium
BIBLIOGRAPHIE. 3 î
ti,einci2s,' sans chercher à reconnaître les étapes par où ont pu
passer ces malades avant d'arriver à ce dernier terme. En effet,
si on suit l'histoire de ces individus, on trouve des périodes de
délire portant -ur certaines choses, tandis qu'ils semblent raison-
ner parfaitement sur tout ce qui ne touche pas à ces points. C'est
surtout sur des dégénérés, des héréditaires, qu'on pourra recon-
naître ces phénomènes.
L'auteur relate plusieurs cas, où l'on pent observer des délires
partiels, pour ainsi dire prémonitoires du delirium treineîîs. Dans
un premier groupe, on peut comprendre des individus sobres
ordinairement, mais faisant par-ci par-là quelques excès de bois-
son ; on voit : les uns présentant une activité intellectuelle inusitée,
des commerçants inspecter de fond en comble leur comptabilité,
craignant d'avoir essuyé des pertes; un autre, voulant acheter des
chevaux, dont il;n'a nul besoin, achat pour lequel il ne possède
aucune aptitude; un autre, enfin, voulant adopter tous les enfants
qu'il rencontre. Ces divers troubles se manifestent après un excès
de boisson, et, lorsqu'ils sont passés, ceux qui en sont atteints
sont tout étonnés de se les entendre rapporter.
Une seconde catégorie comprend des individus buvant toujours
modérément, et qui, à certains moments, peuvent présenter les
mêmes signes du délire. La plupart de ces faits restent inaperçus
ou non reconnus; on les met sur le compte de la fatigue, du tra-
vail intellectuel, etc. C'est ainsi que quelques-uns de ces malades
s'enfuient subitement de leur domicile pendant plusieurs jours ou
sont pris de la manie des voyages; les autres sont pris de délire
religieux ou de persécution, ou sont atteints de mélancolie. Sou-
vent, tous ces faits passent sous silence, ou ne sont pas reconnus
par les médecins comme dus à l'intoxication alcoolique et comme
des avant-coureurs du delirimz tremens.
11 est donc utile de rechercher tous les signes de l'alcoolisme,
d'interroger les malades et leur assistance, afin de tâcher de
découvrir s'il y a chez eux intoxication lente ou rapide par les
spiritueux, lorsqu'on constate chez ces malades des changements
dans la conduite et dans le caractère, de l'instabilité mentale, et
surtout des rêves, dont l'excitation persiste au réveil. Il faut
savoir, en effet, que l'absorption même faible d'alcool, a beaucoup
d'action chez certains individus dégénérés prédisposés par l'héré-
dité à une excitation nerveuse considérable. (The Alienist aii-d
Neti,ologist, 1886, p. 44.) A. Raoult.
VI. La descendance des alcooliques ; par le Dr F. Combeuale.
Thèse de Montpellier, 1888. ,
Ce sujet, fort intéressant et tout à fait à l'ordre du jour, a été
traité longuement et avec beaucoup de soin par le Dr Combe-
3128 bibliographie.
maie. Il a apporté dans cette étude de nombreux faits, détaillés
dans plus de trente observations. C'est avec grand plaisir que
nous avons vu dans les dernières avec quelle vigilance étaient
recueillies toutes les tares héréditaires. Ces observations sont
accompagnées de tableaux généalogiques qui facilitent considé-
rablement les recherches du lecteur et lui remémorent rapide-
ment les faits exposés. Enfin cette étude de la vie des dégénérés et
de celle de leurs ascendants est fort complète; elle apporte de
nouveaux documents aux principes établis par More), Magnan,
Déjérine, H. Martin et un grand nombre d'aliénistes. L'auteur a
su montrer aussi, d'accord avec Trélat et Lasègue, que « n'est
pas alcoolique qui veut », et que le dégénéré fils d'alcoolique est
prédisposé par là même à tomber dans le vice paternel et ances-
tral. Mais cette déduction peut être tirée d'un grand nombre des
observations qu'il a relatées, et il nous semble qu'il aurait dû
insister un peu plus longuement et plus souvent sur cette vérité,
dont on voit à chaque instant la démonstration, quand on com-
pulse les observations d'un service d'aliénés ou d'épilepliques et
d'idiots. Nous reprocherons encore à l'auteur, qui prenait pour
titre de son mémoire c la descendance des alcooliques », d'avoir,
dans un bon tiers de sa thèse, traité deux chapitres, il est vrai
fort intéressants : 1° l'hérédité, 20 les signes et lésions de l'alcoo-
lisme aigu et chronique. Quelques pages eussent suffi pour les
exposer, sauf pour l'alcoolisme dans la race et l'espèce, où com-
mence réellement le sujet du travail.
M. Combemale nous montre au début les effets de l'ivresse sur
la conception, produisant si souvent des enfants idiots, et ceux de
l'alcoolisme chronique, s'étendant à plusieurs générations. Afin
d'avoir à sa disposition des faits complètement observés, l'auteur
a fait plusieurs expériences sur des chiennes pendant la gestation,
en leur faisant absorber soit de l'absinthe, soit de l'alcool. Les
produits de ces gestations étaient inintelligents ou mal conformés,
présentant des malformations des pattes, du crâne, des mâchoires;
enfin la plupart étaient débiles et moururent rapidement.
L'auteur expose ensuite le faciès et les diverses tares extérieures
des dégénérés fils d'alcooliques, si bien- relatées par Legrain dans
sa thèse, puis la faiblesse constitutive de ces individus qui, par là
même, offrent une résistance moindre aux maladies intercurrentes
et fonctionnelles, enfin leur stérilité par suite de l'anorchidie ou
de la cryptorchidie chez l'homme, et des troubles menstruels chez
la femme. Un chapitre fort important, et qui abonde en faits, est
celui de l'état intellectuel des héréditaires, que ces troubles soient
de nature constitutionnelle ou de nature fonctionnelle. La pre-
mière partie contient l'exposé de l'idiotie avec tous ses vices de
conformation, de la perversion et de l'instabilité mentale, de
l'excitation passionnelle. L'étude des troubles fonctionnels nous
bibliographie. 329 9
présente l'intelligence du dégénéré dans une sorte d'équilibre
instable, que peut renverser la moindre cause, et celle-ci ne
saurait avoir un effet fatal sur un individu sain et pondéré. Ces
causes, ce sont : tantôt la puberté, la puerpéralité, la ménopause,
tantôt des maladies organiques locales ou générales; l'alcoolisme
des parents peut encore développer d'autres affections nerveuses,
soit des névroses (hystérie, épilepsie), soit des maladies nerveuses
organiques, et surtout la paralysie générale souvent anticipée.
11 était intéressant, en résumant toutes ces observations, de
savoir s'il fallait admettre avec M. Magnan une forme spéciale de
délire chronique pour les dégénérés. L'auteur, en effet, est d'ac-
cord avec le médecin de Sainte-Anne pour reconnaître aux dégé-
nérés trois aspects cliniques : l'état mental, l'état syndromique,
l'état délirant. Pour lui aussi, ce délire est brusque, ou chronique
à marche irrégulière, polymorphe, intermittente, survenant dans
le jeune âge, aboutissant à une démence précoce. 11 considère les
syndromes épisodiques des héréditaires (folie du doute, agora-
phobie, etc.), comme des stigmates psychiques, dont le rapport
avec le délire est simplement contingent, et qui ne sont que des
complications de l'aliénation mentale.
Le mémoire se termine par deux chapitres fort importants,
dont l'un, malheureusement, est loin d'être complètement élu-
cidé, à savoir : la médecine légale et la thérapeutique, dans leurs
rapports avec la descendance des alcooliques. A. RaoULT.
VU. Sur un nouveau mode de traitement de la morphinomanie ;
par 0. Jennings.
Il s'agit de l'introduction dans le régime du morphinomane
de stimulations dynamiques de différentes espèces telles que la
faradisation, le massage, les frictions sèches, les vibration;
mécaniques, sonores et calorifiques. L'usage du hamac comme
lieu de repos, remplirait les conditions voulues du mouvement
passif. Bien entendu, on joindra à ces manoeuvres l'administra-
tion de la morphine par les voies digestives, pendant la suppres-
sion graduelle des injections hypodermiques. P. B.
VIII. Recherches sur l'action physiologique et thérapeutique
de 1'(icétdl)héizoize (Iivpiioiie); par MM. Mairkt etCoMBEM.\LE.
Une communication de MM. Dujardin-Beaumetz et Bardetestle
point de départ de ce travail de contrôle, où la nouvelle subs-
tance est étudiée expérimentalement avec le^plus grand soin. Les
conclusions des auteurs contraires à celles de M. Dujardin-
Beaumetz sont les suivantes : à dose faible, l'acélophénone ne
330 bibliographie.
produit pas le sommeil; à dose plus forte cette substance donne
lieu à un état de somnolence léger passager, inconstant et qui
s'accompagne de troubles graves du côté de la motilité; à dose
toxique enfin l'acétophénone produit un état comateux qui n'a
rien de commun avec le sommeil. Du reste, l'action thérapeu-
tique de ce médicament sur l'insomnie de diverses catégories de
vésanies a été nulle. Il. B.
IX. Contribution expérimentale ci la pathologie et ci l'anatomic
pathologique de la moelle épinièrc ; par M. E. A. Homent.
L'auteur s'est proposé de rechercher quel est le point de départ
delà dégénération secondaire quiintervient à la suite des sections
transversales de la moelle : au cours de ses expériences, il a noté
les troubles fonctionnels provoqués par les hémisections. Ainsi
son travail comprend-il deux parties, la première physiologique,
la seconde anatomique : on y trouve aussi un exposé critique inté-
ressant des nombreux travaux jusque-iainstituésdans cette direc-
tion.
Les opinions ont été dès l'origine fort différentes sur les suites
des lésions après sections partielles de la moelle épinière. Voici
en général ce qu'on observe en se plaçant dans les meilleures con-
ditions opératoires. Immédiatement, après l'opération, les membres
inférieurs sont paralysés, quelquefois rigides, et privés de sensibi-
lité. Après la disparition de ces troubles du début, il reste une
paralysie du membre correspondant à la lésion, paralysie qui se
dissipe ensuite progressivement pour disparaitre complètement
au bout de quelques mois. Ce rétablissement du membre serait
dû à des fibres suppléantes, car jamais on n'a pu constater de
régénération de nerfs dans la cicatrice.
Ou a peu étudié les premières altérations et la marche de la
dégénération secondaire. Les altérations ont leur origine et leur
siège principal dans les éléments nerveux, et non dans le tissu
conjonctif, comme le pensait Weslphall. Contrairement à l'opi-
nion généralement reçue jusqu'à ces derniers temps, c'est dans
les cylindres-axes que se montrent les[premières modifications : les
cylindres-axes sont par conséquence le point de départ ou d'ori-
gine de la dégénération. Leurs altérations se traduisent par la
tuméfaction et la décomposition en granules, ainsi que par l'im-
puissance à se colorer par les réactifs ordinaires, tandis qu'ils le
sont très fortement par la fuschine acide. Quelle est la cause de
la dégénération ascendante et descendante ? Il ne s'agit pas d'ir-
ritation par propagation. Est-ce alors la suite de l'inertie fonc-
tionnelle, comme le veut Turick, ou de la suppression de l'action
des cellules ou centres trophiques comme le pense le professeur
bibliographie. 33'1
Bouc)iard ? Cette dernière opinion est la plus vraisemblable : elle
explique non seulement que ce soient les'eyliudres-axes qui dégé-
nèrent les premiers,mais encore que la dégénération soit simul-
tanée sur tout le trajet des fibres. La question de la nature de la
dégénération se pose enfin. On estautorisé à croire que le proces-
sus de début est purement passif, mais à la suite de la dégéné-
ration des c3litidt-es-axes et de la myéline se produit dans la
névroglie une irritation de médiocre intensité laquelle aboutit à
l'épaississement et au racornissement de toute la partie qui en
est le siège. Paul BLOCQ.
X. L'inconscient, étude sur l'hypnotisme; par le D1' COSTE.
(Paris, J.-B. Baillière, 1889.)
Il nous suffirait pour analyser ce livre plus rigoureusement
encore qu'ingénieusement, quoi qu'il en semble, de dire en quel-
ques lignes qu'il ne répond pas à son titre, mais plutôt à l'inversion
de ce titre : Le D'' Coste, étude d'un inconscient; aussi nos lecteurs
médecins comprendront que nous leur épargnions le compte
rendu détaillé d'un travail qui ne semble pas avoir été écrit pour
eux, ainsi qu'ils en vont juger par ces quelques citations justifica-
tives de mon opinion.
La Préface émet déjà cette stupéfiante assertion c que deux per-
sonnes donnant à côté l'une de l'autre font de l'hypnotisme sans
le savoir». Il est donc impossible, en conclut M. Coste, de défendre
la pratique des procédés hypnotiques. Certes mon ami le Dr Gilles
de la Tourelle en réclamaut sa prohibition de l'hypnotisme de
tréteaux, ne prévoyait pas cet argument. Cet inconvénient, du
reste, est largement compensé, car on peut utiliser cette propriété
« pour assurer l'union entre époux et provoquer l'amour entre
conjoints ». -
J'extrais du livre, je n'ai pas dit libretto, quelque définitions :
hystérique, l'hystérique n'est pas une malade, c'est une per-
sonne chez laquelle l'état d'hypnose latent est perpétuel, » :
mascotte, la mascotte est une personne en état d'hypnotisme
latent, avec certaines facultés très développées, ensemble de
facultés dont la résultante est de porter bonheur; exemple :
« Joséphine était la mascotte de Napoléon 101'. »
Ou me saura gré de terminer par la seule énumération de ces
quelques découvertes de l'auteur consistant en ces nouvelles appli-
cations de l'hypnotisme. La suggestion peut servir, à diminuer la
criminalité (p. 82), à faire grandir les enfants (p. 39), à faire des
rentes à ses amis (p. 100), à donner de l'esprit (p. 100).... de
telles élucubrations se passant de commentaires. Paul l3coc.
332 bibliographie,
INDEX. BIBLIOGRAPHIQUE DU MEMOIRE DE M. ROTH 1.
Balmer. 7J« : d.</oArwcH bei progressive)' Mushelalrophie. (Aaclv. der
7fet ! f) : (<e, 187.1, p. 16 1, Beard. iXeiv-Yo),Ii Médical Journal, 187r,
XIX, p. 393. Bernhardt. Ifcitrag zur Lehrc uott dot sogennnnten
partiellen 7mp/mdM))( ? a/t))tK)M .Beauté ? ' klinische lVoclr,etzschrift,
n"31, 1883. Broca. Sur un cas de panaris analgésique de 0)'-
van. (Annales de iremnatologie, 188J,n° 5, p. 282.) Dreschfetd.
On sonze of Baver Porms of Musculav- Atrophies. (Brain. XXX,
July 188;>, p. 1G'r.) Erb. tCs, Ilzickeii ? ? a ? -Iis. Zie) ? ts-
sen's llanbucic, Bd. XI, p. 378. Freud. L'ittà Fctll votz Muskelatro-
phie mit ausgebreileten Sensibilitatsloruttrgen. W<'<')'. med. Wochen-
sclarift, n° 93, 9r, 1883. Furstner et Zacher. Zur pathologie und
Diagnostic der spinuletz HoAye) ! &tMM) ! 0', Arclviu sur Psychiatrie, 1883
Bd. XIV, p. 422. -Gueillod. Panaris anesticétigtte. (Gazette hebdoma-
daire, m 1883.)- Gunlber. Ueberdie typiscite Formder pvogressiven
Muskelatrophie Berliner klinische Wochenschrift, 11' 21, 188.
Kahler. Cusuislische Beitrage. V. Paraplegia cervicales mit eirgtz-
z Setzsibilitatstohruugen. Prager i ? ie(liciizische 7och elischv ?
18, X, 1882 (n° 35-45). Krauss. Ueber cinen Fall toit Syi,ii,go,
7 ? zyelie. (Yircleoto's arche. Hd. 100, Heft 2, 188.)- Landois und Mos-
ler. Partielle Empfindungslahmung bei progressive)- 31tisliel(it)-ophie.
Berlitzer h-liiiische Wochenschrift 1868, p. 4')8. Leloir. Contribu-
tion à l'étude des atrophies musculaires d'origine spinale, etc. Bulletin
de la Société d'anatomie de Paris, 1881, p. 233. Morvan. De la
paralysie analgésique, etc. (Gazelle hebdomadaire, ilo 35, 36, 38,
z Le même. Nouveaux cas de I)rti,éso-aicilgésie (1,,s extrémi-
tés supérieures. (Gazette hebdomadaire, n° 32-34, 1886.) Oppen-
lleim. Berlizzer Gesellschaft sur Psychiatrie M ? 1'eruetzlcrattlcheileaz.
Sitzttnrgvotn, 10 marz 1884, archiv sur Psychiatrie, Bd. XV, p. 8O.-
Reisinger. Uebcr das Gliomdcs Ruckenmarks, Virchoio's arch, 1884,
Bd. 98, p. 3G9.-Remah. Fin Tull von centrale)' Gliomatose (Syoingo-
myelie) Deutsche medicinische Vocheizsch7-ifi, iio 47, issu. Botli.
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jusqu'en 1878.) Le même. Travaux de la société des médecins
russes de Moscou, 188 ? . - Sander. Archiv sur psychiatrie, 1870,
Bd. Il, p. 780. Stern. Ueber clic Ajioiialieiz der limpfiiidiing und
deren Beziehung zur ataxie bei tabès dorsualis. Archiu f. psychiatrie
1880, Bd XVIII, IIeft 2, p. 785. Sciiiil[7e. UeberSpalt-Ilohletz und
Gliombildung im Ruckenniurke und in de)' medulbi oblongata Vir-
c/tOM's Arclvio, 1882, Bd 87 p. 510. Le même. Beitrag Lehi-e
' Voir Archives de Neurologie, 1888, p. 23, 195 et 395.
BIBLIOGRAPHIE. 333
von den Ruckenmarkstumoren, Archiu f. Psychiatrie, 73, Bd. VIII,
Heft 2, p. 367. Le même. Weiterer Beitragzur Lehre von der cetz-
tralen Gliose des Ruck-eiincirks mit Syvingomyelie Yirclcow's Archiv,
1885, Bd. f0, 43. Le même. UeberSyringomyelie. Verhandlun-
getz des Concasses sur itznere inediciii, v. p. 438, 1886. Schup-
pel. Ueber.liydromyelus. Archiu der lieilkunde, 1863, Bd. VI. Ni-
kolsky. Eczéma neuroyathique. Travaux du 2e congrès de la société
des médecins russes, 1887, t. II p. 13.Rosenbach. Zur Diagnostic
der Syringomyelie. Petersb. med. Wochenschrift, 11' 9, 1887. - Le
même. Ueber die neuropathischen Symptôme der Leprcc. Neurolog.
Centralblalt, 1-1' 16, 1884.
TRAVAUX NON CITÉS DANS CE MÉMOIRE ET DANS CELUI DE 1878
Bull (Eduard). Noi-(li5le ilitig. 3 R XI, p. 723, 1881. Eichorstund
Naunyn. Ueber die Régénération und Ycrutzderunyen Ruckett-
mark. Arcltiu f. exper. Pathol. II, 1874. Eickholt. Beitrag sur
cenlralev Sclérose. (Archiu. f. Psychiatrie, 1880, X 3, p. 613.
Heb3td. Itttramedullares Gliont des Ruckenmarks. (Archiv sur Psy-
chiatrie, 1883, Bd. XV, p. 800.)-Ilarri;.Syrttzyomelia, Brain, 1886,
p. 447. Joliet. Sur un cas d'anomalie du canal central de la moelle
épinière. (Gazette médicale de Paris, 1867.) Klebs. Beilrage zur
Gesclcwttlslehre. Prager 171eiteljalti-sch ? ,ift, 1877, Bd. 133, p. 73, 74.
Z Pick. Beitrage zur Pathologie und pctthologischen
Anatomie des Ilitckettmarks. Leipzig, 1879, p. 113. Langhaus.
Ueber 7jfo/teH<';<dM) ! y int Ritckettntark in Folge voit Blillsttt211111g. Vir-
e/tou/sfe/ttu, 1881, Bd 85, p. t. Meyer. Ein Full voit eillgeiiieiiici,
progressive)' tlluskelatrophie. (V<)'cActM''s Archiv 1863, Bd 27, p. 411 )
Mader. Ueber hochgradige ]Iy(li,omyclie. Wiener ttted. Blatter,
iil 32, 18S3. Nonat. Recherches sur le développement accidentel
d'un canal dans la moelle épinière. Archives générales, 1838, I,
p. 287. Oppenheim. Zur Aetiologie ztnd Pathologie der llolaletzbil-
ciiiiig im Rtcckctznutrk. Chctrité Anttnlcm, XI, Jahgrang, 1886, p. 409.'
Pick. Uber die Entstehung cines iiichi-ftzchen Cenlralkanals. Ar-
chiv f. Psychialr. VIII, 2, 1878. Strumpell. Beilruge zuv Ptitholu-
gie des Ritelie21 ? zai-lis. Archiv f. Psychiatrie. 1888, X, 3, p. 695.
Le même. Deutsches Arcltiu f. Klinische nledicin, Bd. 28, p. 70.
Z Ueber ein F(t// voit grauer Degetzcralion, etc. Charité Ait-
malett, Y111, 1883, p. 373. Le même. A Contribution to the sindy
of syringomyela (hvdromyela), Braiii XXII. lulv, 1883, p. 14;i. -
Wichmann. Geschzuulst uiid liohleizbildiiiig )/t Ruckenmark. Slug-
garl, 1887. Joffroy et Acliard. De la myélite eczvilaire. (Archives
de physiologie, 1887, p. 43 : i.)- A. Banmler. Ueber Ilohleiilildiiiig
im Rùckenmark. Deut. Arch. f. lilin. zzzed. Bd. 40, p. 443.
F. Zchullze. Klinischcs un anatomisches ueber Sy,iiijoiiiclie.
(Zcilschr. f. A/ ! )t ! 6cM ztted. 18S8, XIII, p. 523.)
FAITS DIVERS
Asile d'aliénés de France. Concours des médecins-adjoints.
Section de Nancy. Ce concours vient de se terminer par la
nomination de M. le Dr SIZARET fils. Nominations et promotions.
M. le D'' OLLÉ (asile de Saint-Venant, Pas-de-Calais) est nommé
médecin-adjoint a l'asile de Bracqueville (4,000 fr., classe excep-
tionnelle de son grade). - 111. le Dr GosseLm, professeur-suppléant
à l'école de médecine de Caen, est nommé médecin de l'asile d'alié-
nés de Bon-Sauveur, à Caen, en remplacement de M. Malien,
démissionnaire. M. le Dr Jousniac, médecin-adjoint à l'asile
public de Saint- Venant (Pas-de-Calais), nomme à la ? 0 classe.
(Déclaré admissible aux emplois de médecins-adjoints des asiles
publics d'aliénés à la suite du concours ouvert à Lille le 20 dé-
cembre 188S.) (Arrêté du 18 janvier 1889.)
Sont promus, à partir du 1er janvier, à la 2° classe : M. le D''
C.WU3ET, directeur-médecin de l'asile public de Bonneval (Eure-
et-Loir). A la classe exceptionnelle : M. le D'' BROQUÈRE, méde-
cin-adjoint à l'asile public de Bassens (Savoie), et M. le Dr Pichenot,
médecin-adjoint à l'asile public d'Auxerre. A la z classe :
M. le Dr BHLLETRun, médecin-adjoint à l'asile public de Saint-Méen
(Ille-et-Vilaine). (Arrêté du 18 janvier 1889.)
Un ancien interne, très au courant du service, demande un
emploi dani un asile public ou privé. Adresser les propositions à
M. le médecin-directeur de l'asile de Saint-Robert (Isère).
Asile d'aliénés de la Seine. - M. le Dr RoUILL.%RD. elief de cli-
nique des maladies mentales, est nommé médecin-adjoint de l'asile
Sainte-Anne et placé dans la 21 classe de son grade (23,000 fr.).
Asile d'aliénés DE Saint- Ylie (Jura). Le Président de la Ré-
publique a le 25 février 1888 promulgué la loi autorisant le dépar-
tement du Jura à emprunter 800.000 francs, pour agrandir l'asile
de SainL-Ylie.
Société médico-psychologique. Prix ri décerner. Prix pro-
posés pour 1890. Prix AUD.1NEL : 2,400 francs. Question : Des
difficultés du diagnostic différentiel de la paralysie générale avec les
diverses formes de la folie. Prix Beluomme. 1,000 francs.
Question : De Vêlai mental et du délire chez les idiots et les
imbéciles. Prix EsouIROL. Ce prix de la valeur de 200 francs,
plus les oeuvres d'laquirol, sera décerné au meilleur mémoire
manuscrit sur un point de pathologie mentale. Prix Moreau
(DE Tours). Ce prix de la valeur de 200 francs sera décerné au
meilleur mémoire manuscrit ou imprimé, ou bien à la meilleure
FAITS DIVERS. 33S
des thèses inaugurales soutenues en 1888 ou 1889 dans les facultés
de médecine de France, sur un sujet de pathologie mentale et
nprveuse.Ao<(t. Les mémoires manuscrits ou imprimés, ainsi
que les thèses, devront être déposés le 31 décembre 1889, chez
M. le D'' Ant. Ritti, médecin de la maison nationale de Charenton,
secrétaire-général de la Société. Les mémoires manuscrits seront
accompagnés d'un pli cacheté avec devise, indiquant les noms et
adresses des auteurs. J. B. C.
LE premier asile d'idiots en Irme. - Cet asile vient d'être ou-
vert à Chiavara (Liguria). C'est le premier établissement de ce
genre établi en Italie. Il sera dirigé suivant les mêmes règles que
les asiles qui existent et fonctionnent bien dans d'autres pays. Il
recevra, et autant que possible éduquera. les malades entre sept-
et vingt ans, venant de toutes les provinces du royaume.
Asiles d'aliénés en GRÈCE. Jusqu'à ce jour, en Grèce, les alié-
nés étaient recueillis par les couvents, assurent les Archives ita-
liennes des maladies nerveuses (n° 5 et 6, 1888). Nous apprenons,
disent-ils, le premier asile d'aliénés de l'Attique.
Une école d'infirmières a été fondée à l'asile de Rockwood
(Kingstown). Cette école fonctionne avec succès (Amènes) ! journal
ofinsanily, juin 1888, n° 1).- D'après le même journal, la seconde
classe de l'école d'infirmières de l'asile de l'État de BLiffalo a subi
ses examens dans de bonnes conditions et neuf élèves ont obtenu
les diplômes. Le jour de la distribution, le médecin en chef de
l'asile a insisté sur la nécessité d'avoir des infirmières instruites
sur les responsabilités qui leur incombent.
Le recensement DE l'asile DE ŸILLARD (État de New-York). Le
recensement de l'asile au le, juin était de 1919; 913 hommes
et 1,006 femmes, les nouvelles infirmeries sont enlièrement occu-
pées, l'infirmerie des femmes contient 250 malades, l'infirmerie
des hommes 150; l'expérience qui a consisté à employer un
homme et sa femme pour soigner les vieillards faibles et infirmes
a été très satisfaisante, et conduira à une augmentation du service
des femmes pour le soin de ce genre de malades.
La classe supérieure de l'école des infirmiers et infirmières
compte : hommes, 17; femmes, 4; la classe inférieure : hommes,
9; femmes, 13 = total, 43.
Pendant le mois de juin, miss Ida, 9; Merynard, de l'école culi-
naire de Boston, a dû faire l'instruction des deux classes.
Tous ces renseignements montrent combien on se préoccupe
aux États-Unis de l'instruction professionnelle des infirmiers et
des infirmières et quels soins on prend de les rendre aptes à
donner aux malades les soms les meilleurs et les plus intelligents.
En France, on ne songe pas encore à s'occuper sérieusement de
ces réforme-. La coiffe des religieuses parait suffire à tout.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
BAJEXOFF. Compte rendu sur l'étal médical et économique de l'asile
d'aliénés de ltiazan. (Année 1887-1888. Lliazau, 1888. Typographie de
M°"0rio<î.)
Cosrn. L'inconscient. Etude sur l'hypnotisme. Volume in-18 de 159
pages. Prix, 2 t'r.
Descourtis (G.). - Note sur l'alimentation forcée des aliénés au
moyen de la sonde trsophagientze et sur la façon d'empêcher l'introduc-
tion des liquides dans les voies aériennes. Brochure in-8° de 12 pages.
Paris, 1888. Bureaux de l'Encéphale.
Dufour (ex Asile public d'aliénés de 'a ! 7 : <-o&o'<. Compte rendu
statistique et compte moral administratif pour l'année. 1887. Brochure
n-8 ? de 58 pages. Greuoble, 1888. Allier père et fils.
Goubert (E.) Nouveau traitement de l'épilepsie ; sa guérison possible.
Brochure in-8» de 16 pages. Paris 1889. Lecrosnier et Babe.
GELLÉ. Etudes d'olologie. De l'oreille (aztalomie normale et coilt-
parée, embryologie, développement, physiologie, pathologie, hygiène).
Pathogénie et traitement de la surdité (1880-1888;. Tome II. Volume
iu-8" de 279 pages. - Paris, 1888. z Babé.
Kxapp (P.-C.). Neruous affections followit7 Iiij'iti,y, Concusson of
the Spine. Raikoay Spine a' : d /ta ! <tua.t/, atzd Brattz. Brochure iu-8 de
z pages. Boston, 1888. Cupples and Hurd.
Some pust-hentiplegie disturbances of motion in children. Brochure
iu-8 de 1 ? liages. Boston, 1888. Cupples aud llurd.
Kwalevsty (L.-J.). - Ivrognerie, ses causes et son traitement. Traduit
en Français z z Volume in-18 de 113 pages, car-
tonné. Kharkolf, 1889. Typographie Syibdberg.
Liégeois (J.). - De la suggestion et du somnambulisme dans leurs rap-
ports avec la jurisprudence et la médecine légale. Volume in-12 de
758 pages. - Paris, z. Librairie 0. Doin.
Urrewsm (H.). Dte'aMn : a<e/te<t ? Mro<e ! t ! ! ac/t de ? : M de/'jYer-
vei-klnik der Charitéin tien leil zen Jahren gesammelten Iteubachlungeu.
Brochure in-8» de 116 pages. Berlin, 1889. Vcrlag von A. Ilirs-
chwald.
Rouillaiid. La discussion sur le délire chronique à la Société
ttzédico-psychologique. Brochure in-8" de 15 pages. Paris, 1888.
Bureaux de l'Encéphale. 0
Sizuiet (rapport de M. le Dr). Asile public d'aliénés de Marevine,
1887. Brochure in-8° de 1J pages. Nancy, 1888. Imprimerie Berger
Levrault.
STETTEf. Vier : ,igsler Jahres-Bericht de'' Ileil- tind 7eea7M<(d</i/)'
Seliwacltsiititio ,7e und' Epileptische. Brochure in-8° de 63 pages. Scliorn
dorf, 1888. - lJalier'sclten Buchdruckerei. ,
Le BOURNEVILLE.
Evreux,Ch. Herissky, )mp. it8'J.
Vol. XVII. Mai 188C. N, 51.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PHYSIOLOGIE
LES FONCTIONS DU CERVEAU
DO(;1'nINES de l'école italienne ;
Par Jules SOURY,
\Iuitre de conférences à l'Ecole pr,ityuc des liautea-laudes.
La part de l'Italie dans l'étude scientifique des loca-
lisations cérébrales peut être dès maintenant indiquée
et caractérisée avec une assez grande sûreté. La cri-
tique qui ne recule pas devant les dernières précisions
reconnaît bientôt, sous l'ampleur de la phrase et
l'exubérance du langage, le goût des faits bien obser-
vés, la passion de l'ordre, l'aversion des solutions
extrêmes, l'instinct même de la méthode expérimen-
tale, bref, la solidité et la sobriété du génie italien.
Peu de peuples étaient aussi bien préparés à com-
prendre toute la portée de la grande découverte de
Hitzi- et de Fritsch. Des cliniciens et des physiolo-
gistes comme Tamburini, Luciani, Seppilli, Bianchi,
Atbertoni, lllorselli, Vizioli, Maragtiano, Riva, etc.,
sans parler de Lombroso, de Golgi, de Giacomini,
de Mossso, de Marchi, et sans oublier des noms tels
que Panizza et Buccola, ont étendu ou assuré les con-
.RC.HIVE, L. X\'11. 22
3j8 F111âlOLOGII ?
quêtes récentes de l'anatomie, de la physiologie et de
la pathologie du système nerveux. Les temps sont
revenus où, pour ne parler que des sciences biolo-
giques, il n'est pas plus loisible d'ignorer les travaux
des Italiens que ceux des Allemands ou des Anglais.
Pour reprendre son rang dans la science contempo-
raine, l'Italie n'a eu qu'à continuer les traditions
de ses savants des trois derniers siècles, de Galilée,
de Léonard de Vinci, de Borelli, de Malpighi, de Spal-
lauzaui, de Galvani.
Ce nouveau chapitre d'histoire des doctrines con-
temporaines des fonctions du cerveau ', n'embrassera
que l'étude des faits et des idées qui, dans l'école
italienne, et en particulier dans celle de Florence, ont'
trait d'une façon spéciale à la théorie scientifique des
localisations cérébrales. Cette théorie repose, on le
sait, sur le solide fondement de l'anatomie, delà phy-
siologie expérimentale et de l'observation clini-
que. Quoique la pathologie cérébrale ait devancé
l'expérimentation physiologique en ce domaine de la
connaissance, il est certain qu'une bonne anatomie
topographique du cerveau a été la première condition
de la science nouvelle. Sans cette anatomie, la cou-
naissance des fonctions du cerveau, à l'état normal ou
pathologique, serait encore plongée dans cette confu-
sion et cette obscurité où l'ont trouvée les médecins
et les psychologues il y a seulement vingt ans. Sur la
foi de Flourens, de ses précurseurs et de ses succes-
seurs, on considérait la surface du cerveau comme
' Voy. Histoire des doctrines psychologiques contemporaines. Les Ibite-
tions du cerveau. Doctrines de Fr. Goltz. Leçons professées à l'Ecole
pratique des Hautes Etudes, par Jules Soury. Paris, J.-B. Baillière et
lils, 1886.
LLS FONCTIONS DU CERVEAU. 339
douée, dans toutes ses parties, des mêmes propriétés,
si bien qu'un éminent psychologue compare encore le
cerveau à une sorte de polypier, dont les éléments
ont mêmes fonctions'.
Précisément à ce sujet, M. le professeur Charcot
écrivait, en 1876 : « En présence des expériences et
des observations qui démontrent la réalité des locali-
sations corticales, il faut renoncer à cette théorie'. »
Le théorie qui la remplace, la théorie des localisations
cérébrales, n'a été définie par personne en meilleurs
termes, et avec une autorité plus considérable, que
par ce maître illustre : « Le principe des localisations
cérébrales est fondé sur la proposition suivante, dit
M. Charcot : l'encéphale ne représente pas un organe
homogène, unitaire, mais bien une association, une
fédération constituée par un certain nombre d'organes
divers.A chacun de ces organes se rattacheraient
physiologiquement des propriétés, des fonctions, des
facultés distinctes. Or les propriétés physiologiques
de chacune de ces parties étant connues, il devien-
drait possible d'en déduire les conditions de l'état
pathologique, celui-ci ne pouvant être qu'une modifi-
cation plus ou moins prononcée de l'état normal, sans
l'intervention de lois nouvelles'. »
Tamburini, Luciani et Seppilli sont aujourd'hui les
' Il. Taine. De l'Intelligence, I, 2îl (3e édit.) : « C'est (le cerveau) un
organe répétiteur et multiplicateur dans lequel les divers départements
de l'écorce grise emplissent tous les mêmes fonctions », p 270.
e C. R. de la Soc. de biologie, 1876, `31 suic. Cf. 1875, 425, ce qu'il faut
penser des observations tirées d'observations anciennes, et en particulier
de celles que mettait alors en avant M. le professeur l3rown-Séyuard,
dans les mémorables discussions de la Société de biologie sur les locali-
sations cérébrales.
' Leçons sur les localisations dans les maladies du cewoeau et de la
moelle épinière, recueillies par Bomnevillo et Crissaud, 1876-80,. p. 3.
340 PHYSIOLOGIE.
principaux représentants, en Italie, de la théorie qui
vient d'être définie. L'oeuvre qui la résume, et qui
sert de lien en quelque sorte au faisceau de doctrines
nées ou élaborées à ce sujet en Italie, depuis les
recherches de Fritsch et Hitzig, de David Ferrier, de
Charcot, de Goltz, de Munk et d'Exner, est intitulée :
Le localizz-azionl Ainzioicili ciel cervello (Napoli, 1885),
Une traduction allemande de ce livre, contenant des
additions et des corrections importantes, ainsi qu'un
chapitre nouveau sur l'épilepsie corticale, peut en être
considérée comme une seconde édition '.
Un physiologiste, Luciani, professeur et directeur
de l'Institut physiologique de Florence, et un clinicien,
Seppilli, médecin du fameux manicome d'imola, sont
les auteurs de cet ouvrage. Mais ces savants ne pour-
ront que se trouver honorés si nous continuons
d'associer à leurs noms celui de Tamburini, l'illustre
professeur de psychiatrie et directeur de l'asile d'alié-
nés de Reggio d'Emilie, le premier collaborateur du
professeur Luciani, avec Maragliano et Riva. Il y a je
ne sais quoi de grave et de touchant dans ces colla-
borations désintéressées de savants, dont l'influence
secrète, j'entends la méthode et le tour des pensées,
survit aux jeunes années et aux anciennes études.
C'est ainsi que dans les Leçons sur les fonctions mo-
trices du cerveau, de François-Franck, revivent tant
d'admirables recherches du professeur Pitres, comme
en témoigne si souvent l'auteur de ce beau livre. Si
l'oeuvre de François-Frank a surtout mérité les éloges
de Charcot, par l'heureuse alliance des recherches de
' Die ? it) : c< ! o ? oca/tsa< ! 0 ! t au/' (Ici, Gi-o8shiî, ? &-iitde. Deutsche und
vermehrte Ausgabe von D' \I.-0. Iruenl : el. - Leitzig, IJÜG.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 3 i 1
laboratoire etdes données de la clinique, et cela grâce
à la collaboration d'un physiologiste et d'un médecin,
il faut reconnaître le même mérite à l'ouvrage de Lu-
ciani, qui s'est associé, après Tamburini, avec un cli-
nicien et un anatomo-pathologiste tel que Seppilli. Ici
aussi l'expérimentation sur les animaux et la clinique
de l'homme marchent du même pas.
Mais, comme il arrive lorsque l'on considère une
oeuvre de synthèse scientifique si laborieusement édi-
fiée, le livre des Localisations fonctionnelles du cerveau
ne serait guère intelligible en toutes ses parties sans
une connaissance particulière de ses éléments cons-
tituants, je veux dire sans l'étude préalable des
Mémoires publiés par Luciani et Tamburini Sur les
centres corticaux psycho-moteurs (1878-1879'), Sur les
centres corticaux psycho-sensoriels (1879) suivis de
leurs-Etudes cliniques sur les centres corticaux senso-
riels (1879)". Des 1878, Luciani avait publié Sur la
pathologie de l'épilepsie^ un travail magistral de phy-'
siologie expérimentale, dont le point de départ avait
été le premier des mémoires cités ici, et dont il faut
citer les termes lorsqu'on aborde l'analyse des récents
travaux de Seppilli sur l'épilepsie corticale. Enfin, il
1 Luigi Luciani e Auguste Tamburini. Ricerclee sperinaentali suite fun-
zioni del ceruello. Sui centri psico-naotori corticali. In Rivista sperim.
di freuiatria. IV-V, 1878-79. Et, à part, Kpggio-Emiiia, tipogr. di Ste
fano Calclerini, 1878.
* Sui centri psico-sensori corlicali. In Rivista sperim. di fren., 1879.
Siiidi clinici stvi centri sensorj corficali. Comunicazione preven-
tiva. Annali universali di medicina e chi2,tt,gici, vol. '2'iî, Fasc. 742,
aprile 1879.
4 Sulla palogenesi delta epilessia. Studio critico sperimentale de-
prof. Luciani. lu Rivista sperim. di fi·eniatria,1877-8. Coi ? t-, ? ? ica-io ? 2e-
al terzo congresso freniatrico in Heggio-Emitia, 1880. Disenssione frail
prof. Luciani, Vizioli e Morse)) ! . In Archivio lialiai2o per le malade ner-
t'ose, 1881.
3 li z2 PHYSIOLOGIE.
convient de tenir grand compte des idées vraiment
géniales de Tamburini Sur la genèse des hallucina-
tions'. Si l'on ignore toute cette littérature un peu
touffue, si l'on n'a point présentes à l'esprit les formes
diverses qu'ont traversées les doctrines de ces auteurs,
depuis leur origine rudimentaire jusqu'à leur épa-
nouissement, on risque fort de se trouver devant le
livre de Luciani et de Seppilli comme devant un
organe dont on ne connaît pas la lente évolution pro-
gressive.
Nous voudrions donc, sans toutefois sacrifier, s'il est
possible, ce que nous avons pu apprendre, après une
assez longue enquête, touchant les faits et les idées
des autres auteurs italiens, nous attacher surtout à
faire connaître les travaux de Tamburini, de Luciani
et de Seppilli sur les localisations des fonctions du
cerveau. Pour qu'un pareil travail soit utile, il doit
avant tout reproduire l'ordre des faits et des pensées
des auteurs italiens, en s'écartant aussi peu que possi-
des textes originaux. Si, dans l'exposition et la
discussion de ces faits et de ces doctrines, nous signa-
lons d'autres faits et d'autres doctrines, empruntés à
d'autres auteurs italiens, à Golgi, par exemple, dont
nous avons fait une étude particulière, et dont les tra-
vaux considérables, renommés dans le monde savant,
mériteraient une étude entière, ce ne peut être, à
moins de briser l'unité de notre sujet, qu'à titre d'illus-
trations, de corrections, d'additions.
Fixer, à un moment de son développement, la théo-
rie des localisations cérébrales en Italie, et en particu-
`' Sulla geiiesi délie alitici)i(t-io711. Rit,. di fi·r.u.. 1880, p. 126, sq.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 343
lier dans l'Ecole de Florence, comme nous l'avons fait
pour l'Ecole de Strasbourg, comme nous espérons le
faire pour l'Ecole de Berlin, et pour celles de Vienne
et de Paris, voilà l'unique fin que nous poursuivons,
oeuvre d'histoire et de critique, non de dogmatisme.
LA MÉTHODE ET LE BUT.
I.
L'élude singulièrement large et approfondie que
Luciani et Seppilli ont intitulée : Introduction à la
méthode expérimentale et clinique des centres fonction-
nels du cerveau, est une véritable logique inductive,
contenant les règles directrices et les lois fondamen-
tales que doivent suivre, dans l'état actuel de la
science-, les diverses méthodes expérimentales, l'obser-
vation clinique et l'interprétation des phénomènes qui
servent de base à la doctrine des localisations céré-
brales. Ces règles ou critères, au nombre de cinq, ont
souvent pour objet de permettre de distinguer les vrais
phénomènes de déficit des phénomènes collatéraux ou
d'arrêt, dus aux lésions destructives de l'écorce céré-
brale, soit expérimentales, soit pathologiques. Voilà,
en effet, le premier problème à résoudre. Tant qu'il
n'a point reçu de solution, au moins approximative,
il est impossible de déterminer la fonction d'une partie
quelconque du cerveau. Car si la méthode d'excitation
expérimentale de l'écorce, si les lésions irritatives du
cerveau réalisées par les maladies peuvent fournir des
indications d'une grande valeur, la méthode expéri-
mentale de destruction de l'écorce, ainsi que les lé-
3 li. liez PHYSIOLOGIE. ,
sions destructives de la maladie, ont seules la valeur
nécessaire et suffisante d'une preuve suivie de contre-
épreuve. « Les effets de la destruction (ablation) peu-
vent seuls décider de la nature fonctionnelle d'une aire
'excitable », écrivaient Luciani et Tamburini, en 1878,
dans leur premier mémoire '.
Mais, si ce problème est ici posé dans les termes
mêmes de Goltz, il s'en faut bien qu'il reçoive une
solution identique. Inutile de signaler, une fois pour
toutes, l'indépendance et l'originalité scientifique des
travaux des auteurs italiens dont on expose ici les
doctrines. Ainsi Luciani critique les diverses défini-
tions des phénomènes de déficit qu'a données Goltz.
Le caractère de persistance attribué à ces phénomènes
ne lui paraît pas toujours avoir été exact. Dans les cas
de lésions corticales unilatérales, ou même de lésions
bilatérales peu étendues, les phénomènes paralytiques
de déficit s'amendent et finissent par disparaître, aussi
bien que les phénomènes irritatifs collatéraux ou
d'arrêt, de nature transitoire. Dans les cas de lésions
étendues bilatérales du cerveau, il existe, il est vrai,
des phénomènes de déficit qui persistent durant toute
la vie, mais ils ne conservent pas toujours la même
intensité : ou ils s'atténuent ou ils s'aggravent. Aussi
Goltz a-t-il défini ainsi lui-même ces phénomènes :
« Par phénomènes de déficit, j'entends le minimum
des troubles qu'on observe, en quelque temps et en
quelque cas que ce soit, après une lésion déterminée
du cerveau. » (Ve Mém., 1884.) Luciani n'est pas
encore satisfait de cette nouvelle définition. Le phy-
' Ric. serim. di fnen., 1V (1878), p· 2a9.
LES RONCTIONS DU CERVEAU. il) Il 5
siologiste de Strasbourg lui semble ne pas vouloir
admettre le fait de la compensation ou suppléance,
fait en vertu duquel la fonction abolie d'un centre
serait suppléée, au moins en partie, par les parties
homonymes. Loin donc de reconnaître, dans les phé-
nomènes de déficit de Goitz, « la somme de tous les
troubles dépendant de l'abolition de la fonction de
l'organe détruit », il faudrait y voir le « minimum de
troubles que les organes homonymes du cerveau
demeurés intacts ont été hors d'état de suppléer ».
Objecte-t-on que la disparition progressive de ces
troubles résulte, non d'une suppléance véritable, mais
de la cessation des troubles de nutrition et de l'inhi-
'bition fonctionnelle qu'avait causés le traumatisme ?
Luciani, sans nier ces conséquencesde l'opération, ne
veut pas qu'on les exagère au point d'exclure l'idée
de la suppléance, car il est incontestable, selon lui,
que « les graves désordres consécutifs à l'extirpation de
régions déterminées du cerveau peuvent graduelle-
ment s'atténuer jusqu'à la restitutio ad integrum pres-
que complète, laquelle d'ailleurs peut avoir lieu seu-
lement après quelques mois, quand les conséquences
du traumatisme ont déjà depuis longtemps cessé.
Dans tous ces cas, les phénomènes de déficit de Goltz
sont réduits à un minimum presque indéterminable.
Il faut donc admettre ou bien qu'une véritable supplé-
ance quasi complète des désordres a eu lieu, ou refu-
ser toute fonction appréciable à la partie du cerveau
qui a été extirpée ' ».
' Le localizzazioni funzionali, p. 6. C'est nous qui avons souligné les
mots qui, sans que l'auteur y ait pris garde, ruinent en partie son argu-
mentation.
3'lG PHYSIOLOGIE.
On ne pourrait donner le nom de permanents aux
prénomènes de déficit, et celui de transitoires aux
phénomènes collatéraux , que dans les cas où
aucune sorte de suppléance n'est possible. Par
exemple, lorsque l'ablation d'un centre cortical a été
complète sur les deux hémisphères, et qu'il ne reste
aucun élément nerveux homonyme susceptible de le
suppléer. Mais c'est là l'exception, « comme le sait qui-
conque a en ce genre de recherches une longue expé-
rience ». Dans la plupart des cas, les faits consécutifs
à une destruction déterminée de l'écorce sont plus
complexes. Au lieu de deux périodes, l'une dans
laquelle les phénomènes de déficit se compliquent des
phénomènes collatéraux, l'autre où ils se montrent
seuls, Luciani croit devoir en distinguer au moins
trois : une première où les phénomènes de déficit sont
aggravés des effets du traumatisme; une seconde, où
les phénomènes de déficit vont s'atténuant par la
suppléance des éléments nerveux homonymes de
l'écorce; une troisième, où les phénomènes de déficit
sont réduits au minimum d'effet que les centres homo-
nymes n'ont pas été capables de suppléer.
Mais, en somme, toutes les méthodes d'investigation
directe des fonctions du cerveau, n'ont livré dans la
plupart des cas, suivant Luciani, aucun critérium
suffisamment exact pour la connaissance des fonctions
propres à tel ou tel territoire cortical. De là la néces-
sité d'en appeler à des critères approximatifs. Puisque
la voie directe ne mène pas au but, il faut y par-
venir par des voies détournées. Ces voies sont au
nombre de cinq : ce sont les cinq règles ou critères
dont nous avons parlé. Enumérons-les rapidement,
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 311-J
presque dans les mêmes termes que les auteurs ita-
liens.
I. Critère des effets négatifs des extirpations des
différentes parties du cerveau. On a vu que les
troubles consécutifs à la destruction d'une région du
cerveau ne doivent pas être tous attribués à la partie
détruite', les phénomènes de déficit' se trouvant com-
pliqués des phénomènes irritatifs collatéraux ou
d'arrêt. On ne peut parvenir à déterminer ainsi la
fonction véritable de la région détruite. Pour y arri-
ver, considérons les fonctions demeurées intactes. On
peut, en effet, scientifiquement soutenir que les fonc-
tions restées intactes n'avaient rien à faire avec les par-
ties du cerveau qui ont été détruites. Voilà le critérium
des effets négatifs. Il convient surtout au complexus
de phénomènes qui apparaissent immédiatement après
l'opération, ou dans la première période. Dans la
seconde période, on ne pourrait exclure absolument
l'intervention, au moins partielle, des processus de
suppléance.
II. Critère des effets positifs de destruction des par-
ties homonymes du cerveau. Une théorie vraiment
scientifique des localisations cérébrales implique né-
cessairement cette loi : chaque région déterminée du
cerveau d'un animal quelconque possède des fonctions
identiques chez tous les individus de la même espèce;
les régions cérébrales homologues des autres espèces
possèdent les mêmes fonctions (en tenant compte tou-
jours du développement morphologique variable de
ces régions). Théoriquement, les infractions à cette
loi ne sont pas admissibles. Dans la pratique, les diffé-
rences observées ne doivent pas être interprétées
? 8 PHYSIOLOGIE.
comme des exceptions à la loi; il faut supposer que
les lésions déterminant ces phénomènes divergents
n'ont pas intéressé des points du cerveau absolument
homonymes, ce qu'expliquent assez les anomalies
morphologiques si communes des sillons et des cir-
convolutions.
Puisque les phénomènes de déficit consécutifs à
l'ablation d'une même région du cerveau doivent être
constants, tandis que les effets collatéraux des lésions
sont variables, on possède un critérium pour distin-
guer les premiers des seconds : il suffit donc de com-
parer les effets positifs chez les animaux de la même
espèce, opérés dans les mêmes conditions.
III. Critère des effets positifs de destruction des par-
lies hétéronomes du cerveau. Le principe des locali-
sations cérébrales postule que des phénomènes de
déficit identiques apparaissent après la destruction de
parties identiques du cerveau. Le même principe
exige donc que des phénomènes de déficit différents
se montrent après la destruction des parlies diffé-
rentes du cerveau.
IV. Critère des effets négatifs et positifs d'extirpations
cérébrales successives pratiquées sur le ? ? Me ? ? ? M ?
La comparaison des effets de lésionsdestructives répétées
sur des points symétriques des deux hémisphères éta-
blit, d'une manière décisive, la réalité des suppléan-
ces cérébrales. Une extirpation pratiquée sur une
région déterminée de l'hémisphère gauche, amène à
droite un trouble de l'audition; ce trouble s'amende
peu à peu et, autant que nous pouvons en juger, finit
par.disparaître. Il est bien vraisemblable que c'est là
l'effet d'une suppléance fonctionnelle. Mais on pour-
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 39
rait aussi expliquer ce fait par la disparition progres-
sive des phénomènes collatéraux ou d'arrêt, qui se
manifestent, comme les phénomènes de déficit, du
côté opposé à la lésion. L'extirpation de la zone céré-
brale symétrique droite élucidera la question. Cette
seconde opération est suivie non seulement d'un trou-
ble de l'audition à gauche, mais de la réapparition de
l'ancien trouble de même nature à droite. « Voilà
une preuve irréfutable que l'amendement des désordres
qui existaient à droite a eu lieu par le fait d'une véri-
table suppléance, et que celle-ci était due à la zone
corticale de l'hémisphère droit. » Qu'ont à répondre
à cette argumentation, s'écrie Luciani, [Goltz] et
Munk, qui, opposés en tout le reste, s'accordent du
moins pour exclure toute idée de suppléance dans
l'interprétation des phénomènes' ?
V. Critère des plus petites extirpations cérébrales
nécessaires et suffisantes pour obtenir des phéno-
mènes déterminés de déficit au 'maximum. Pour
déterminer exactement les limites d'un centre
fonctionnel quelconque, on doit s'efforcer de produire
la moindre destruction possible de l'écorce. Si cette
partie du cerveau, extirpée sur les deux hémisphères,
embrasse réellement' la sphère d'une fonction don-
née, vision, audition, etc. comme la suppléance
1 'oy. la note de la page 2Ô0-2J1, où Luciani témoigne qu'il avait cru
atout que Goltz, connue Jlunlc, niait toute suppléance des phénomènes
de déficit. Luciani et Tamburini ont commencé par nier eux-mêmes
toute suppléance fonctionnelle des phénomènes de paralysie par les aires
" circonvoisines (Carville et Duret), par les régions symétriques de l'hé-
misphère opposé (Soltmaun), etc. Jacet anguis in herba. Sous l'hypo-
thèse des suppléances se cachait une conception qui, suivant les auteurs
italiens, était la négation même de la doctrine des localisations cérébrales.
Nous verrons plus loin quelle hypothèse ils y suhstitnaient. Sui centri
psico-naotori corticali. Riv. sperim. di fren., IV, 18-jS, 271 et concl. X.
i ? 0 rHYS)0;.OG)E.
est alors impossible, les phénomènes de déficit qui eu
résultent persisteront et représenteront le maximum
(le minimum, suivant ce qui a été dit plus haut) des
désordres appréciables à un moment quelconque du
temps postérieur à l'opération.
Dès ces prolégomènes, il est expressément noté
que, par phénomènes de déficit au maximum d'une
fonction de l'écorce cérébrale, de la vue ou de l'ouïe,
par exemple, Luciani n'entend pas ce que Munk
appelle cécité ou surdité absolues (corticales). « Nous
n'avons pas encore, dit-il, une connaissance suffisante
des fonctions de toute l'écorce cérébrale; nous ne
pouvons les distinguer nettement de celles qui appar-
tiennent aux ganglions sous-corticaux (corps striés et
couches optiques). D'après les faits acquis jusqu'ici à
la science, il est assez vraisemblable que le complexus
des fonctions du cerveau chez les différentes espèces
d'animaux n'est pas réparti de la même manière entre
l'écorce et les ganglions sous-corticaux, de sorte que
les phénomènes de déficit au maximum de la vue ou
de l'audition par lésion corticale, sont plus ou moins
accusés, selon les animaux mis en expérience. Pour
décider si, dans un cas donné, tels désordres de la
vue ou de l'ouïe représentent bien le degré le plus
élevé de déficit cortical de ces phénomènes, on doit
donc recourir aux résultats obtenus dans d'autres cas
d'extirpations plus étendues de l'écorce, ou appliquer
le critère précédent des effets d'extirpations succes-
sives. » Si le déficit de la vue ou de l'ouïe n'augmente
pas avec des extirpations de l'écorce plus considé-
rables, cela signifie que le phénomène de déficit
obtenu est vraisemblablement le maximum de ce qu'il
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 351
est possible de réaliser par la destruction de cette
partie de l'écorce cérébrale.
De même en clinique. Les mêmes lois doivent
diriger le savant dans l'étude des lésions plus ou moins
circonscrites ou diffuses du cerveau humain. Mais la
théorie scientifique des localisations cérébrales chez
l'homme ne saurait être uniquement édifiée sur les
données de l'observation clinique. Seppilli, qui paraît
prendre ici la parole à son tour, s'exprime sur ce
point avec la plus grande netteté. « Dans les expé-
riences sur les chiens et sur les singes, dit-il,
abstraction faite de leur valeur propre, l'essentiel
est la clarté qu'elles répandent sur la nature et les
fonctions du cerveau humain en ouvrant les yeux du
clinicien sur les troubles partiels de cet organe. Nier
que les faits généraux acquis par l'expérimentation
sur les animaux supérieurs, sur les singes en parti-
culier, ne soient applicables à la physiologie et à la
pathologie de l'homme, serait nier le principe fonda-
mental sur lequel repose toute la biologie moderne...
L'importance des observations cliniques n'est pas
diminuée' pour cela. Elles ne sont pas seulement
indispensables pour établir jusqu'à quel point la loca-
lisation des fonctions cérébrales diffère chez l'homme
de celle des autres animaux supérieurs : elles servent
à éclairer le côté subjectif des phénomènes observés
chez les animaux, et donnent un plus solide fonde-
ment à leur interprétation. »
Seppilli, écrivain délicat et fin, et dont les idées ont
un tour philosophique, a retrouvé plus d'une fois cette
verve. Le sujet qui l'inspire ici était bien fait pour
l'exalter, car, on l'a deviné, il s'agit du professeur
ù0 1-1 PHYSIOLOGIE.
Charcot et de ses doctrines. Si canimus sylvas, sylvp.
6 ? co/M«/e dignse.
Tout en reconnaissant les immenses services rendus
par l'expérimentation physiologique , Charcot et
Pitres ont revendiqué, on le sait, pour les recherches
cliniques, une sorte d'autonomie. « Les études patho-
logiques bien dirigées ont une valeur scientifique tout
aussi grande que les études expérimentales. Elles
n'ont pas besoin d'être tenues en tutelle. Elles doi-
vent seules intervenir dans la discussion et la solution
de certains problèmes, et, particulièrement dans le
cas qui nous occupe, elles peuvent seules fournir des
données précises pour la détermination de la topo-
graphie fonctionnelle du cerveau de l'homme'. »
Il suffit de relire tout entière cette page magistrale
pour défendre les auteurs français du reproche qu'on
leur fait d'avoir voulu,dans le pays de Claude Bernard,
élever on ne sait quelles murailles de la Chine entre
les différentes provinces de la biologie, entre la
physiologie expérimentale et la physiologie patholo-
gique du cerveau. Il est évident pour tout. le monde
qu'entre les diverses sciences de la vie, comme le
dit très bien Seppilli, il n'existe point de rapports de
subordination absolue; il n'existe que des rapports de
coordination. Charcot et Pitres ont simplement pro-
testé contre les « prétentions de certains physiolo-
gistes » qui réclament précisément pour leur science
une autonomie absolue, et dont les généralisations
imprudentes ont été la source d'erreurs presque sécu-
laires dans la physiologie et la pathologie cérébrales.
1 J.-M. Charcot et A. Pitres. Etude critique et clinique des localisa-
tions motrices Paris, 1883, p. 3.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 353
« Tout le monde sait, disent ces auteurs, comment
Flourens et Magendie ont été induits en erreur pour
avoir étendu à tous les animaux supérieurs les résul-
tats d'expériences pratiquées sur des pigeons, des
poules et des lapins. » -
Il ne reste donc rien de celte lutte courtoise entre
savants également épris de leur science. Elle était née,
chez les auteurs italiens, d'une pure apparence, qui
est maintenant dissipée.
Voyons comment Seppilli juge applicables aux cas
cliniques des lésions localisées du cerveau humain les
règles posées par Luciani pour arriver, au moyen de
l'expérimentation sur les animaux, à déterminer la
nature et le siège des fonctions cérébrales. Exner,
Charcot et Pitres ont naturellement une grande part
dans l'élaboration et la constitution de ces lois.
1. Critère des effets négatifs. Il ne s'applique
pas sans restriction aux cas cliniques. On connaît la
méthode des cas négatifs d'Exner. Pour déterminer
l'aire d'un centre cortical, la sphère d'une fonction
donnée, par exemple du mouvement volontaire d'un
membre, il réunit tous les cas de lésions cérébrales
dans lesquels la motilité de ce membre était demeurée
intacte. Puis il reporte sur un schéma du cerveau
toutes les lésions révélées dans ces cas par l'autopsie.
Ce qui ressort d'un tel graphique, c'est qu'au milieu
des différents centres corticaux plus ou moins chargés
et remplis, le centre du membre considéré reste en
blanc. Ce centre coïncide donc avec le centre cherché ;
tous les autres demeurent en dehors. Les. résultats
fondés sur cette méthode, quoique très importants
pour la médecine, paraissent trop vagues et incom-
AncmvES, t. XVII. 23
3S4 PHYSIOLOGIE.
plets aux auteurs italiens pour la topographie fonc-
tionnelle de l'écorce. Car, encore que le centre cher-
ché occupe bien l'aire corticale laissée en blanc, il est
de tous points probable qu'il ne s'étend pas à ce
territoire entier, mais à une partie seulement. Telle
est la principale critique, faite ici du point de vue
physiologique. Les auteurs italiens estiment que, si
l'on voulait procéder avec une rigueur vraiment scien-
tifique (mais il faudrait un temps très long pour ras-
sembler assez de cas cliniques de cette nature), on
devrait s'en tenir aux cas très rares d'hémorrhagies
récentes en foyer : elles se produisent subitement,
elles sont nettement limitées, enfin leurs effets sur les
différents sens et sur les mouvements volontaires
peuvent être étudiés avec soin pendant la vie.
11. Critère des effets positifs. Seppilli subdivise
en trois ce critérium, selon qu'il s'agit des effets des
lésions cérébrales homonymes , non homonymes, suc-
cessives, uni ou bilatérales, asymétriques ou symétri-
ques, le dernier caractère, celui des lésions successives,
n'ayant guère d'application en clinique. Une nouvelle
critique d'Exner et de sa méthode des cas positifs, sur
laquelle repose surtout la doctrine des centres absolus
et des centres relatifs du professeur de Vienne, repro-
duit en partie, en les citant, les objections de Charcot
et de Pitres.
Procédant à l'inverse, pour arriver à déterminer un
centre cortical, Exner réunit les observations clini-
ques dans lesquelles la fonction du centre cherché
estaltérée, puis il reporte et superpose surunschéma
les lésions révélées par l'autopsie, de manière à faire
ressortir, grâce à l'intensité différente des teintes plus
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 355
ou moins foncées, les régions les plus fréquemment
lésées. A l'aide de cet artifice chromographique, une
zone corticale assez étendue se détache des régions
environnantes restées intactes : c'est dans cette zone
qu'est le centre cherché, ou plus exactement dans
l'aire centrale de cette zone. Là est le centre absolu de
la fonction corticale considérée ; son centre relatif,
beaucoup plus étendu, rayonne au loin, constitué
d'éléments nerveux de même nature, mais en propor-
tion progressivement décroissante. La destruction d'un
centre relatif peut produire quelquefois, s'il s'agit
d'un centre moteur par exemple, la parésie ou la
paralysie du groupe musculaire correspondant : la
destruction du centre absolu doit la produire presque
sûrement.
Certes, c'est bien dans ces aires corticales que les
fonctions respectives doivent être localisées. Mais ces
aires sont trop étendues, plus étendues encore que
celles qu'avait déterminées la méthode des cas néga-
tifs. « Un simple examen des planches de l'ouvrage de
M. Exner montre que les centres déterminés par la
méthode des faits positifs sont toujours bien plus
étendus, beaucoup [plus diffus que les mêmes centres
déterminés par la méthode des faits négatifs : cela
prouve évidemment que les méthodes manquent de
précision ou que l'une d'elles est moins précise que
l'autre. La plus défectueuse est évidemment celle des
faits positifs '. » '
Enfin, comme le font remarquer les auteurs fran-
çais et les auteurs. italiens dont nous parlons, les
' Charcot et Pitres. Elude critique el clinique de la doctrine des locah-
sations motrices, p. M, ôo, 1., p. 20.
35H physiologie.
167 observations cliniques dont s'est servi Exner pour
construire ses diagrammes ne sont pas comparables
entre elles. Les centres absolus d'Exner répondent
bien à l'idée de centres fonctionnellement localisés,
distincts, isolables : malheureusement, entre les
confins de ces centres et ceux des centres relatifs, il
n'y a point de délimitation possible, et tout essai de
localisation véritable demeurerait arbitraire. '
Ce n'est pas le lieu d'insister sur les défauts ou les
avantages des méthodes d'Exner pour là détermina-
tion des différents centres fonctionnels de l'écorce
cérébrale. Nous aurons le loisir de la faire quand
nous exposerons sur ce sujet les doctrines de l'Ecole
de Vienne. Mais nous ne pouvons nous empêcher de
trouver bien sévères les critiques qui viennent d'être
présentées, moins celles de Charcot et de Pitres
cependant, que celles de Luciani et de Seppilli. Les
localisateurs français, en considérant comme erronée,
avec la méthode qui l'a produite, la topographie des
centres moteurs corticaux d'Exner, sont au moins
d'accord avec eux-mêmes : ils enseignent, en effet, en
se fondant surtout sur l'étude des monoplégies pures
et des lésions qui les déterminent, que les centres
fonctionnels de la motilité volontaire occupent, dans
le cerveau, des points différents, qu'ils se juxtaposent
sans se confondre, bref, qu'il yaun certain nombre
d'organes ^moteurs isolables. Ils ajoutent, il est vrai,
qu'en cherchant à circonscrire les divers centres mo-.
teurs de l'écorce, « on ne saurait prétendre à une
précision géométrique » (1878-79); qu'il est probable
qu'entre ces différents centres, « il n'y a pas de limites
brusquement tranchées», et qu'il est possible que
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 357
«les centres voisins se confondent au niveau de leurs
bords, qu'ils se pénètrent réciproquement ».
Mais, dans un concile de localisateurs, s'il était
permis d'un rêver un, Charcot et Pitres siégeraient
entre Ferrier et Munk, tandis que Luciani et Seppilli
devraient prendre place précisément entre Exner et
Goltz ! On verra par la suite de ce travail que ces
auteurs italiens pèchent par le même défaut que
Exner, si défaut il y a : eux aussi sont des latitudi-
naires en matière de localisation cérébrale, et l'ex-
tension qu'ils accordent à leurs zones corticales sen-
sorielles et sensitivo-motrices , qui se continuent
insensiblement entre elles et « s'engrènent » sans
délimitation nette, rappelle tout à fait les vagues
confins des centres relatifs d'Exner. Aussi, dans un
récent travail sur les Derniers résultats de l'étude des
localisations cérébrales, publié dans la Wiener naedi-
ziiîische Wochenschrift (1886)', Exner s'est-il borné à
remarquer que, quoiqu'ils le combattent, Charcot et
Pitres se sont plutôt rapprochés qu'éloignés, de lui
dans leur dernier Mémoire (1883), tandis qu'il
traite Luciani et Seppilli avec une ironie des plus
légères : « Comparez, dit-il, mon schéma avec celui
de Luciani et de Seppilli, qui m'attaquent, et, d'un
coup d'oei), vous verrez qu'il n'existe au fond
aucune différence entre nous. » Puis, après une réfu-
tation des objections qu'ont soulevées contre sa mé-
thode ces auteurs italiens, Exner ajoute : « Mais
eux-mêmes, ils ont encore emprunté à quelques cas
cliniques et aux autopsies de ces cas, leurs résultats
4 N0 ! f9-J8. Ifebéi- nettere Torschttngsresullale die Localisation in der
Birnrinde betreffend.
358 PHYSIOLOGIE.
sur les localisations qui se rapportent à l'homme.
Ils citent, comme on l'a déjà fait mille fois, un cer-
tain nombre de cas où il existait tel symptôme et où
telle région de l'écorce cérébrale se trouvait lésée,
quoique j'aie montré en son temps que c'est là une
méthode qui mène aux résultats les plus erronés. Pour
faire voir combien cette méthode est peu sûre, je me
suis autrefois amusé bien que personne n'ait
jamais prétendu que le centre moteur du bras fût dans
le gyrus angulaire, à réunir vingt et un cas dans
lesquels cette circonvolution était lésée et où il exis-
tait des troubles de la motilité du membre supérieur
du côté opposé à la lésion. On peut, si l'on est dili-
gent, rassembler une vingtaine de cas cliniques pour
prouver que le centre moteur du bras siège dans le
lobe frontal, etc. On peut ainsi tout prouver. J'estime
qu'on possède aujourd'hui de meilleures méthodes
pour étudier ces choses, et que là où il y en a une
autre à appliquer, on devrait laisser reposer l'an-
cienne. »
III. Critère des lésions minima avec phénomènes de
déficit au maximm. Théoriquement, on devrait
attendre de ce critère une délimitation plus exacte
des diverses sphères fonctionnelles de l'écorce céré-
brale. G'est sur ce critère, Luciani et Seppilli le rap-
pellent, que Charcot et Pitres ont fondé leur doctrine
des centres moteurs de l'écorce. « Pour déterminer la
topographie d'un centre, moteur cortical,... il vaut
mieux rechercher et comparer, sur le plus grand
nombre possible d'observations régulières, le siège
et l'extension des lésions minima, qui ont produit la
paralysie permanente des parties dont on veut déter-
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 359
miner les centres corticaux'. » Les conditions requises
pour l'application légitime du critère, telles qu'elles
sont nettement indiquées dans ces paroles, sont ainsi
énumérées par Luciani et Seppilli : 1° 'Les observa-
tions sur lesquelles porte la comparaison doivent,
pour être régulières, se rapporter à des cas cliniques
comparables entre eux à tous égards ; 2° les lésions
rencontrées doivent occuper la même région de
l'écorce, être superposables au moins en partie, pour
pouvoir déterminer le territoire de la lésion minima,
commun à tous les cas particuliers et représentant le
centre de la fonction cherchée ; 3° enfin, il est néces-
saire de connaître exactement, dans chaque cas parti-
culier, le cours entier de la maladie, et de savoir si
celle-ci a été d'assez longue durée pour qu'on soit
certain que la paralysie ou la perte absolue de la fonc-
tion du centre considéré était vraiment permanente,
qu'elle ne dépendait pas de phénomèmes collatéraux,
que toute compensation ou suppléance était impos-
sible, et qu'elle n'était point la suite de dégénérations
secondaires.
Les cas cliniques de Charcot et de Pitres remplissent-
ils ces conditions ? Les monoplégies pures d'origine
corticale n'ont-elles point la valeur que ces auteurs
leur attribuent dans ces paroles mémorables : « En
comparant entre elles un nombre suffisant d'observa-
tions de ce genre, on doit arriver à déterminer sur le
cerveau de l'homme la topographie des centres mo-
teurs corticaux avec autant de précision que cela
pourrait être fait sur les animaux par la méthode des
' Charcot et Pitres, Etudes critiques et cliniques de la doctrine, p, 55.
360 PHYSIOLOGIE.
vivisections. » Au dire de Luciani et de Seppilli, les
cas de monoplégies faciales (et linguales), brachiales
et crurales rassemblés par les auteurs français n'au-
raient point cette 'portée, c'est-à-dire qu'ils ne répon-
draient pas à tout ce que postule le critère des lésions
minima avec phénomènes de déficit au maximum.
D'abord ils ne seraient pas toujours comparables entre
eux; la terminaison fatale est survenue souvent après
peu de jours ; la marche de l'affection a été souvent
obscure; tout enfin conduirait à admettre que la perle
dès. fonctions motrices volontaires n'a atteint le degré
de paralysie observé que par une complication des
phénomènes collatéraux. Bref, la tentative d'édifier
une doctrine physiologique des centres moteurs de
l'écorce sur le critère des lésions minima soulèverait
les mêmes objections que le critère des cas négatifs et
positifs d'Exner. Avec les méthodes d'Exner, les
sphères fonctionnelles sont trop étendues, avec la
méthode de Charcot elles sont trop étroites. Il résulte
de tout cela, que, pour la détermination, au moins
approximative, de ces centres, les observations cli-
niques auraient moins de valeur que les expériences
physiologiques sur le cerveau du singe.
Les études cliniques ont toutefois une importance
capitale pour l'interprétation des phénomènes sub-
jectifs qui accompagnent, chez les animaux, les lésions
de l'écorce cérébrale. En outre, les maladies du cer-
veau sont souvent des merveilles d'analyse, qui dis-
joignent et isolent les différents éléments physiologi-
ques d'une fonction. L'observation exclusive des
animaux en expérience est incapable de révêler de pa-
reils faits au physiologiste : il lui faut l'aide et l'appui
LES FONCTIONS DU CERVEAU 361 1
du clinicien. Il est difficile de reconnaître chez l'animal
la cécité absolue, plus difficile de distinguer l'hémia-
nopsie de l'héiiiiamblyopie. Les différentes formes de
cécité chromatique ont échappé jusqu'ici à l'observa-
tion des animaux. Certains troubles de la vision que
Goltz avait considérés comme des lésions du sens des
couleurs et du sens de l'espace, ont été rapportés par
Munk, et avec raison, à la cécité psychique, état dans
lequel, on le sait, l'animal continue à voir sans pou-
voir reconnaître ce qu'il voit. « Or ces troubles de la
vision seraient demeurés obscurs et de signification
incertaine, si la clinique n'avait mis en relief, et sur-
tout Kussmaul, les cas de cécité verbale, où un individu
voit parfaitement les lettres et les mots sans pouvoir
les lire ni les comprendre. » De même pour ces trou-
bles de l'ouïe, observés chez les animaux, que Munk
a décrits sous le nom de surdité psychique, et qui per-
mettent seuls de bien interpréter les cas cliniques
d'aphasie sensorielle (Wernicke) ou de surdité ver-
bale (Kussmaul). ,
Ce qui caractérise la méthode dont nous venons
d'exposer les principes, et qui seule a paru capable
de mener au but entrevu, c'est un scepticisme profond,
raffiné, et comme résigné d'avance, uni à un ardent
besoin de foi scientifique, à une large intelligence des
opinions et des systèmes opposés, au désir de conci-
lier dans une synthèse supérieure les théories adverses
et contraires. Chez ces critiques, d'une si forte éru-
dition, d'un esprit si délié, on devine des apôtres,
mais qui ne sont jamais dupes de leurs passions, et
demeurent toujours froids et lucides. Ils savent les
faits; ils possèdent une méthode, et ne se font point
362 PATHOLOGIE NERVEUSE.
d'illusion sur la part d'erreur et de vérité de leur
oeuvre. C'est que ces savants sont des artistes, comme
l'ont été tous les physiologistes et tous les cliniciens
.de marque : ils sont supérieurs à leur oeuvre. L'étude
des fonctions sensorielles et celle des fonctions
sensitivo-motrices, que nous allons maintenant abor-
der, feront mieux comprendre et le caractère de ce
scepticisme, et cette tendance à présenterdes solutions
provisoires, éclectiques, dont on connaît la fragilité.
Aussi bien, dans l'état actuel de nos connaissances, il
ne s'agit pas de conclure, mais d'indiquer avec réserve
les directions de l'investigation scientifique et de faire
pressentir la nature et la portée des solutions pos-
sibles. (A suivre.)
PATHOLOGIE NERVEUSE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES';
Par le D, L. NIINOR,
, Privat-docent à l'Uiiiversité de Moscou.
Quant à ce qui se rapporte au troisième point, c'est-
à-dire à la fréquence de ces maladies chez les Juifs,
il semble à première vue que la statistique de M. le Dr
Korsakoff parle contre les conclusions que nous avons
tirées de notre statistique et de celle de M. le profes-
seur Kojewnitkoff puisque, quoique ce chiffre de 3 cas
' Voy. Arclt. de Neurologie, n° b0, p. 183.
? TUDE DE 1.'I'sTI0LOG1E DU T.1BES. 363 3
de tabès et de 1 cas de paralysie chez des Juifs pen-
dant 3 ans soit sensiblement inférieur à la somme de
130 cas de tabes et de paralysie chez des Russes, ces
4 malades sont pris sur 89 Juifs seulement, ce qui fait
un pour cent relativement assez élevé.
Mais cette donnée perd son importance, en premier
lieu, parce que la comparaison des résultats obtenus
sur un chiffre de 2521 cas et de celui obtenu sur un
chiffre de 89 cas ne peut être juste à cause de la dis-
semblance par trop grande des chiffres pris en consi-
dération ; mais le plus important c'est que l'un des 3
malades de M. le D'' Korsakou' figure déjà dans une
statistique; c'est donc un malade commun aux deux
statistiques; de plus, le seul malade atteint de para-
lysie que nous présente la statistique de M. Korsakoff,
figure, aussi comme un des 2 cas de la mienne. Par
conséquent, il est plus exact de prendre en considé-
ration la somme réunie des malades du Dr Korsakoff et
des miens, et la somme des cas de tabes et de para-
lysie inscrits dans ces deux statistiques.
Cependant nous pensons qu'il est encore plus exact
défaire notre compte d'après, les trois statistiques réu-
nies, nous aurons alors les résultats suivants :
Sur 4.700 Russes, il y avait 137 cas de tabès, soit 2,9 p. 100 ;
Sur 696 Juifs, il y avait 6 cas de tabes, soit 0,8 p. 100.
Sur 4.700 Russes il y avait 124 cas de paralysie, soit 2,6 p. 100.
Sur 696 Juifs, il y avait 6 cas de paralysie, soit 0,8 p. 100.
Mais ici, en ce qui concerne le tabes chez les Juifs,
j'ai mis en ligne de compte, mes deux cas et tous les
4 cas observés par M. le Dr Korsakoff ; si je prends en
considération le fait qu'il y avait des cas communs et
si j'exclus un cas très douteux de tabes, il y aura en
364 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tout 3 cas de tabès, soit 4 p. 400. De même pour les
cas de paralysie chez les Juifs, j'ai pris le plus grand
chiffre, car sur les 3 cas de M. le professeur Kojew-
nik-off, un est inscrit au nombre des 2 cas de ma
statistique (malade B); ce même cas est le seul qui se
trouve dans la statistique de M. le D'' Korsakoff.
En résumant de cette manière les résultats fournis par
ces trois statistiques, nous trouvons une nouvelle'con-
firmation de notre statistique, c'est-à-dire que le tabes
et la paralysie progressive se rencontrent aussi sou-
vent l'une que l'autre, et chez les Russes de 4 à 5 fois
plus fréquemment que chez les Juifs. Ce qui prouve
que ce rapport de 1 : 4 est vraiment trop minime,
c'est que le professeur Kojewnikoff n'a pas eu un seul
de ces tabes sur plus de 300 Juifs atteints de maladies
nerveuses; quanta la paralysie, nous jugeons d'après
les renseignements que nous a gracieusement fournis
M. le D1' Butzke, médecin en chef de l'hôpital de Préo-
brajensky, à Moscou., hôpital d'aliénés, renseigne-
ments pour lesquels je le remercie sincèrement. M. le
Dr Buzke m'a donné le droit de communiquer que,
pendant toute la durée de son service dans cet hôpital
(temps très considérable), il a eu à soigner un grand
nombre de Juifs, mais qu'il ne peut indiquer qu'un
seul cas de Juif atteint de paralysie, malade qui se
trouve encore actuellement dans cet hospice. Mais il
se trouve que ce patient (M. J...), est le second de mes
deux paralytiques; par conséquent, il n'augmente pas
le nombre de Juifs paralytiques indiqué plus haut.
En admettant même que le très honoré M. Butzke
puisse avoir oublié, en me communiquant ce rensei-
gnement, un ou deux cas de Juifs atteints de para-
ÉTUDE DE L'ET10LOG11 : DU TABES. 365
lysie, malades qui peuvent s'être trouvés à l'hôpital,
mais dont le souvenir lui échappe, nous avons cepen-
dant, en nous basant sur cette communication, pleine-
ment le droit d'assurer que dans le nombre considé-
rable. de Juifs atteints de maladies mentales, les para-
lytiques ne sont qu'une rare exception. ,
Il est à regretter que, par inadvertance de notre
part, il n'ait pas été dit dans les statistiques de M. le
professeur Kojewniko0' et de M. le Dr Korsakoff, com-
bien de malades, Russes ou Juifs, atteints d'affections
nerveuses, avaient élé anciennement infectés de la
syphilis, nous sommes néanmoins persuadé que, sous
ce rapport aussi, nos données auraient été d'accord et
que dans l'anamnèse des Russes, il se serait trouvé
plus de cas de syphilis que dans l'anamnèse des Juifs.
Il me reste aussi à relever le fait que chez les Juifs
atteints de paralysie et de tabes, la syphilis dans l'a-
namnèse est relevée dans une proportion beaucoup
plus considérahle que chez les Russes; chez ces der-
niers/d'après les statistiques de MM. Kojewiiikoff et
Korsakoff, par exemple, la syphilis se retrouve dans
60 70 à p. 100 des cas; chez les Juifs ce pour-cent est
plus considérable ; ainsi, outre les 2 cas de Juives
atteintes de tabes qui sont décrites dans ma statistique,
j'ai eu encore 3 cas de tabes chez des Juifs. Ces cinq
malades avaient eu indubitablement la syphilis. Dans
la statistique de M. le professeur Kojewnikoft', il n'y a
pas un seul cas; dans celle du Du Kosaloff, il y en a
4 ; si l'on en exclut une malade qui se trouve déjà dans
ma statistique, nous aurons 3 cas de Juifs atteints,
dont 2 ayant eu la syphilis. Donc, sur les 8 cas de Juifs
frappés de tabes que je connais, 7 avaient eu pour sûr
366 PATHOLOGIE NERVEUSE.
là syphilis, ce qui donne plus de 87 p. 100 et concorde
avec les résultats découlant de ma statistique de cas
de tabes chez les femmes.
Depuis que je pratique, j'ai eu 3 cas certains de
Juifs atteints de paralysie et 2 cas de probables. Ces
cinq cas avaient eu la syphilis. Eu égard aux coïnci-
dences que nous avons relevées plus haut, nous ne
pouvons y joindre qu'un seul cas pris dans la statis-
tique de M. le professeur Kojewnikoff. Par consé-
quent je connais 4 cas de Juifs atteints pour sûr de
paralysie et dans ce nombre, 3 avaient eu la syphilis,
ce qui donne 75 p. 100; en y joignant encore 2 cas
probables de paralysie progressive, nous aurons 5 ma-
lades atteints de syphilis sur 6, ce qui donne 83 p. J 00.
Le fait que la proportion des cas de syphilis chez
les Juifs est plus grande que celle que nous avons
relevée chez les Russes s'explique parce que l'anam-
nèse chez les Juifs est beaucoup plus exacte et plus
facile à rétablir que chez les Russes. Comme le prou-
vent les observations, il arrive souvent que ces derniers
ne connaissent pas bien leur passé et même cherchent
parfois à cacher l'existence antérieure de la syphilis,
tandis qu'au contraire les Juifs ayant eu la syphilis
l'avouent en général franchement au médecin.
AI. Charcot et ses élèves, dans la question de la
réunion des données relatives à l'hérédité, ont déjà
suffisamment relevé le fait que, dans la composition
de l'anamnèse, l'attention et la volonté du malade
jouent un grand rôle; maint malade qui, au premier
interrogatoire, avait déclaré que toute sa parenté était
en parfaite santé, est en réalité fils de parents atteints
d'affections nerveuses et proche parent d'hystériques,
ÉTUDE DE l'ÉTIOLOGIE DU TABES. 367
et de diabétiques, etc. En ce qui concerne la question
que nous traitons, cela se voit par la comparaison
des données fournies par les sujets appartenant à la
clientèle' privée, malades qui sont en général plus
intelligents et plus francs, avec les données relevées'
par les statistiques d'hôpital ; tandis que chez tous les
malades tabétiques appartenant à ma clientèle privée,
la syphilis est notée dans l'anamnèse de 90 à 100
p. 100 des cas, la syphilis n'est relatée que dans 72
p. 100 des cas de tabes soignés par moi à l'hôpital
(Compte rendu de la section des maladies nerveuses,
hôpital de la Yansa, pour 1887).
Il est indubitable que cette différence provient
en partie de l'ignorance dans laquelle les malades
se trouvent de leur passé; mais elle est causée
le plus fréquemment par le désir que le patient
éprouve de cacher sa maladie. Tous les médecins ont
vu de ces cas dans lesquels des affections nerveuses
anatomiques, la myélite, par exemple, ont été soula-
gées et ont même totalement disparu, grâce au traite-
ment parle mercure et cela quoique les malades nias-
sent opiniâtrement avoir eu la syphilis. Il n'y a pas
encore deux mois que nous avons renvoyé de notre
hôpital, après guérison, un malade qui y était entré
avec une paraplégie inférieure et qui niait avec entê-
tement toute infection syphilitique quoiqu'il eût
encore sur la face des traces évidentes de la syphilis
cutanée et une cicatrice caractéristique au prépuce. Ce
n'est qu'après un rétablissement très rapide au moyeu
de frictions mercurielles que je lui avais prescrites
que le malade avoua avoir eu la syphilis, ajoutant
qu'il voulait à tout prix le cacher, parce qu'il n'était
363 PATHOLOGIE NERVEUSE.
marié que depuis quelques semaines et qu'il craignait
que sa femme n'apprît sa maladie par d'autres
malades. , ,
Ainsi l'opinion qui s'affermit de jour en jour chez
les médecins que la principale cause du développe-
ment du tabes et de la paralysie progressive est, dans
la très grande majorité des cas, la syphilis, trouve une
preuve nouvelle et à notre avis de grand poids, dans
la statistique du tabes chez la race la plus sujette aux
maladies nerveuses, mais par contre, la moins sujette
à la syphilis. ,
Si le développement du tabès et de la paralysie pro-.
gressive était soumis aux mêmes lois que celui de 1liys-
térie, de la nécnaslhénie et de quelques psychoses, c'est
précisément chez, les Juifs que nous tî,otive-iois le î2îaxi-
«7 ! des cas de tabès et de paralysie et cependant les
faits prouvent tout le contraire. C'est pourquoi nous
devons croire que la condition fondamentale pour le
développement du tabès et de la paralysie pi'agressive
n'est pas une tendance innée aux affections nerveuses
et mentales, mais la syphilis. Quant à l'influence d'au-
tres causes agissant en même temps et déterminant
chez un malade l'apparition de l'hémiplégie, chez un
autre l'apparition du tabes, chez un troisième de la
paralysie progressive, ceci. c'est une question tout à
fait à part.
II. ATAXIE PROGRESSIVE ET AUTRES SYMPTOMES TABETIQUE ? ,
OBSERVÉS CHEZ UN OUVRIER ATTEINT DE SATURNISME CHRO-
NIQUE.
Si le tabes est la suite d'une infection syphilitique
antérieure, la question suivante se pose : cette cause
E'IEDE DE LETIOLOG1C DG T.1BE5. ' 360
existe-t-elle seulement dans la très grande majorité
des cas, comme cela se voit pour le moment dans les
statistiques, ou bien se retrouve-t-elle dans tous les
cas de tabès ?
On peut sans doute supposer que, même dans les
cas où la syphilis n'est pas relevée ou même est formel-
lement niée, cette maladie a cependant existé, mais
qu'elle a passé inaperçue aux yeux du malade et des
médecins; mais comme nous n'avons aucune preuve
positive en faveur de cette hypothèse et que nous vou-
lons rester sur le terrain des faits, nous devons pour
le moment admettre qu'il y a des cas de tabes dans
l'anamnèse desquels ne se retrouve vraiment pas la
syphilis. Si nous admettons l'existence de cas sem-
blables, nous devons rechercher pour eux aussi une
cause étiologique vraisemblable et, si nous en trou-
vons une, il sera possible de faire une comparaison
entre l'action de cette cause et celle de la syphilis
comme cause du développement du tabes vulgaire.
En discutant la question du mode d'action de la
syphilis causant dans l'avenir le tabes, nous nous
sommes rallié, le 8 décembre 1886, dans une séance
de la Société psycho-médicaie, au mode d'explication
formulé par M. Strumpell au mois de novembre de la
même année, dans son article : « Einige Bewegun-
gen ueber der Zusammenhang zwischen Tabès und
Syphilis » ;llTeccnol. (,'ertralblatl). Déjà alors, nous
avons émis l'avis qu'il est possible de regarder le
tabes comme une affection nerveuse post-sypliili tique,
analogue aux paralysies et ataxies post-fébriles, post-
diphthéritiques, etc., et nous avons démontré de notre
côté une série de faits confirmant cette manière devoir.
.\nnmn ? I. \1-I1. 21k
370 O PATHOLOGIE NERVEUSE.
Mais nous sommes loin de confondre des hypothè-
ses avec des faits indiscutables, c'est pourquoi nous
pensons qu'il convient d'examiner avec une attention
extrême les cas qui, semble-t-il, parlent en faveur de
ce point de vue. Aussi, tout en présentant à l'atten-
tion du lecteur un sujet que j'observe actuellement,
me hâté-je de dire que je suis loin de le présenter
comme un cas indiscutable de tabes; je suis égale-
ment loin de soutenir qu'il provient d'une intoxica-
tion métallique; je ne le cite que parce que je trouve
que c'est un cas qui peut être utile pour la discussion
de l'étiologie du tabes.
Mathieu Iwaiioff, trente-deux ans, célibataire. On ne peut re-
lever aucun signe d'hérédité. Buvait, parfois même avec abus. Le
malade sait lire et écrire, est intelligent et sensé, par conséquent,
il y a lieu d'ajouter foi à la catégorique déclaration faite par lui
qu'il n'a jamais eu ni la syphilis, ni aucune autre affection véné-
rienne. Un examen minutieux fait sur tout le corps et en particu-
lier sur les organes génitaux dans le but de s'assurer s'il n'existait
pas quelque cicatrice, enflure des glandes ou des taches pigmen-
taires, a donné un résultat absolument négatif. De temps à autre
seulement, on peut remarquer chez le malade une hyperplasie
assez considérable des glandes sous-maxillaires, ce qui s'explique
peut-être par le fait que le malade a beaucoup de dents cariées.
Il assure lui-même que cette hyperplasie des glandes sous-maxil-
laires se produisit pour la première fois à la suite d'un violent
refroidissement; le malade n'a jamais eu d'éruptions, d'ulcères
suspects, de rhumes opiniâtres, de maux dans la gorge, etc.
Depuis son enfance, pendant plus de vingt ans, le malade
s'occupe de la fabrication de papier de plomb pour le thé et de
capsules en plomb pour les bouteilles ; dès le bas âge, il habitait
Moscou; sept ans avant son arrivée dans notre hôpital, il alla s'é-
tablir à Odessa, où il continua le même genre de travail ; il rentra
à Moscou, six mois avant son admission à l'hôpital.
Pendant les huit premières années de son travail, le malade se
porta toujours bien ; au bout de cet intervalle de temps, se mon-
trèrent des constipations durant jusqu'à cinq jours et des accès
de coliques. Bientôt après l'apparition de ces coliques, il se leva
un matin, ayant un bras paralysé; à ce qui semble, aucun refroi-
dissement ne joua de rôle dans cette affaire ; la nuit on. cela arriva
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 371 1
I... dormit dans une chambre chaude et était de sang-froid.
D'après les indications précises du malade, il s'agissait ici d'une
paralysie typique du nerf radial, et, étant donnés l'intelligence et
le bon sens du malade, je ne puis ne pas croire en sa déposition
quand il dit que, quoique ne pouvant soulever la main, il pouvait
exécuter la supination de l'avant-bras. En conséquence, il faut
croire que c'était très probablement une paralysie de nerf radial
avec intégrité des muscles supinateurs, autrement dit, une para-
lysie saturnine.
Il fut traité pour cette maladie à l'hôpital Pierre et Paul, à
Moscou, et se rétablit vers le quarantième jour ; après quoi, il
rentra chez son patron. Bientôt après réapparurent les coliques,
si fortes qu'il était parfois obligé d'abandonner son travail pour
deux ou trois jours. Il y a sept ans il partit, comme nous l'avons
déjà dit, pour Odessa où il continua le même travail. Moins d'une
année après, il fut de nouveau atteint de constipation et pour la
première fois apparurent dans la région de la hanche et du genou
droits, des douleurs très vives qui, d'après la description, étaient
des douleurs fulgurantes typiques. Parfois se faisait sentir une
douleur continue, térébranle, dans l'articulation même. C'est
avec ces douleurs qu'il entra à l'hôpital où, à ce qu'il dit, les mé-
decins constatèrent en lui deux maladies, du rhumatisme et une
intoxication saturnine. Le traitement consista surtout en bains
sulfureux ; quand, à la suite de ces bains, son état se fut un peu
amélioré, il se remit de nouveau au travail, et de nouveau appa-
rurent les constipations, les coliques et les douleurs dans les jam-
bes (surtout dans la droite) ; à cinq reprises, il dut rester un mois
dans les hôpitaux d'Odessa.
Trois ans avant son retour a Moscou, I... commença à remarquer
en lui des accès d'un état fébrile, qui commençaient par un acca*'
blement, des frissons, et se terminaient par une transpiration.
Ces accès duraient deux ou trois jours, quittaient pour un temps
le malade, puis revenaient de nouveau. C'est pendant l'un de ces
accès que le malade entra dans notre hôpital.
Dès 1885, t...-avait remarqué une décroissance rapide dans les
facultés génératrices, décroissance qui est actuellement arrivée
à une impuissance complète.
Eu avril 188G, au retour du malade à Moscou, les coliques et
les constipations s'aggravèrent de nouveau et pendant quelque
temps il y eut une certaine enflure (la peau était rouge) dans la
région de l'articulation tibio-tarsienne. Cependant, I... continua
à travailler et, pondant tout l'été, il se sentit relativement assez
bien.
En août 1886, le malade passant le soir dans la cour obscure de
la fabrique remarque qu'il titubait souvent ; puis, il commença à
372 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tomber dans l'obscurité. En octobre, il tomba dans un état fébrile
(à ce qui semble, accès de fièvre intermittente) et après cela, les
troubles dans la marche devinrent si violents qu'il ne put plus
travailler et qu'il entra le 20 octobre 1886, à l'hôpital de la Jansa,
section des maladies nerveuses, à Moscou ; il s'y trouve encore
actuellement.
Etat actuel. Le malade est de taille moyenne, maigre, mais
pas trop cependant; son visage est d'une teinte pâle, jaunâtre,
cachectique, un peu bouffi, gonflé. -
1... a bon appétit, mais il se plaint d'une douleur et d'un poids
au creux de l'estomac, et de pyrosis. A l'examen, les organes in-
ternes semblent être normaux, à l'exception de la rate qui a un
peu augmenté de volume; tous les soirs le malade se sent mal.
Température, le matin, 36° 4; le soir, elle est ordinairement un
peu supérieure à 37°, elle est par exemple de 37° 2. Après la
prescription de la quinine, la température tombe, le matin à 36° 4
et le soir à 36° 8, et le malade se sent beaucoup mieux. Pouls de
moyenne tension, 78 pulsations à la minute. Sur les gencives se
c<f5S ! t : c< ! 'MH<'«cm<')i< ? se)'e)/omt ? «;«) ! HO<')'Kei<.
Examen du système nerveux. L'état psychique et la parole du
malade sont parfaitement normaux ; rien d'anormal dans les nerfs
crâniens. Les mouvements des yeux dans toutes les directions
s'opèrent normalement, les pupilles réagissent bien à la lumière
et à la convergence. Le malade se plaint de ce que depuis cinq
ans, il lui était devenu difficile de travailler à la lumière (les ob-
jets se confondent) ; l'examen ophthalmoscopique, fait parle très
honoré M. le D''AdeIheim, a démontré l'état normal des papilles
des nerfs optiques et de l'acuité visuelle dans les deux yeux, avec
un peu d'astigmatisme, surtout dans l'oeil droit; outre cela, une
héméralopie légère.
Le malade se plaint souvent de maux de tête et de vertige.
Les mouvements dans les extrémités supérieures sont parfaitement
normaux en ce qui concerne la force; mais lorsque les yeux du
malade sont fermés, on peut y remarquer une légère alaxie. Le
bras droit est en général plus faible que le gauche 1... est gau-
cher. Aucune rigidité dans les membres supérieurs. Les mouve-
ments passifs s'opèrent très aisément.
Dans les extrémités inférieures, la force est parfaitement inlacle;
le malade, étant couché et malgré sa faiblesse générale, peut
surmonter dans toutes les directions et dans tous les mouvements
les plus grands obstacles, de sorte qu'il ne peut être question 'non
seulement de faiblesse parétique, mais même d'aucune faiblesse
dans les jambes, de quelque nature que ce soil. Ajoutons que
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 373 Il
depuis l'entrée du malade à l'hôpital, le 20 octobre 188G, jusqu'à
maintenant, c'est-à-dire depuis près de deux ans, la force dans les
bras et les jambes n'a absolument pas varié et que maintenant
comme alors il n'y a pas la moindre parésie. J'appuie sur ce fait,
parce que-l'ataxie qui, comme nous allons le voir, existe chez
notre malade, n'est dans aucun cas paralytique.
Lorsque I... est couché, il accomplit avec l'une et l'autre jambes
les mouvements actifs par saccades, par secousses; cela se remarque
surlout dans la jambe droite; quand il veut redresser sa jambe
droite pliée, il ne le fait pas directement, mais avec une secousse :
il étend d'abord la jambe avec effort, puis, quand le mouvement
d'extension est à moitié effectué, il la redresse tout d'un coup.
Quand il a les yeux fermés, il lève trop haut les jambes et les
lance tantôt trop en dehors, tantôt trop en dedans. Il ne peut
absolument pas poser le talon sur le genou dé l'autre jambe et,
même quand il a les yeux ouverts, tous ses .mouvements n'atlei-
gnent pas le but qu'il se.proposait. " ....
Lorsque le malade entra à l'hôpital, il pouvait se tenir debout;
quand il avait les yeux clos, il chancelait. Maintenant il se tient
debout avec peine, et quand il ferme les yeux, il tombe. Sa dé-
marche est très caractéristique : ses. jambes, font une quantité de
mouvements superflus, se jettent de tous côtés; dans les genoux
s'opère une extension trop considérable, le talon frappe le plan-
cher à chaque pas, etc. Bref, nous avons devant nous une ataxie
tabétique typique avec cours progressif : Au commencement, le
malade marchait seul, à l'aide d'une canne; maintenant il ne
marche que soutenu par une autre personne et, de temps à autre,
que quand il est appuyé dés deux côtés.
La sensibilité est excessivement modifiée dans presque tout le
tronc depuis les deux spina scapuloe, dans les membres infé-
rieurs jusqu'à la plante des deux pieds et, en partie, dans les
extrémités supérieures. Ainsi, nous remarquons chez le malade
une anesthésie prononcée du côté droit du dos sur presque toute
l'omoplate jusqu'à la colonne vertébrale en dedans, la spina sca-
pu].% en haut et presque jusqu'au milieu du ventre en bas; par
devant, cette anesthésie continue en passant sous le bras presque
jusqu'au manubrium sterne en haut, au téton gauche et jusqu'au
milieu de l'hypocondre gauche. Toutes les autres parties du
tronc sont aussi atteintes d'anesthésie, mais à un degré un peu
moindre. Puis, sont frappées d'anesthésie : dans le bras droit
(depuis mars 1887j les régions des nerfs cutaneus, medialis, mé-
dius, cutaucus postérieur supérieur et de tout le nerf ulnariq. La
même anesthésie se fait remarquer ces derniers temps dans le
bras gauche aussi. Dans les membres inférieurs, un assez grand
espace à la jambe gauche est privé de sensibilité, dans les ré-
374 PATHOLOGIE NERVEUSE,
gions du nerf cutaneus lateralis a la hanche et du nerf peroneus
communisàfajamhe.
Passant à l'examen des différentes espèces de sensibilité, nous
trouvons que la sensibilité tactile existe presque partout, quoique
affaiblie, à l'exception des endroits que nous venons d'indiquer
dans les bras et les jambes, endroits, où elle est réduite à zéro.
Cet affaiblissement de la sensibilité se remarque surtout à l'exa-
men avec le compas de Weber. Les résultats de cet examen, qui
a été fait avec le plus grand soin et à plusieurs reprises, se résu-
ment dans le tableau suivant. Deux contacts ont été ressentis
comme tels aux distances :
ÉTUDE Di;L'ET ! OLOGtE DU TABES. 37o
droits seulement et sans ordre, se trouvent des îlots où la sensi-
bilité est plus grande, par exemple, dans la région des nerfs
saphènes, sur la face interne de la plante du pied gauche où par
moments les piqûres sont ressenties comme telles. Sur la plante
des pieds, les piqûres les plus profondes ne sont ressenties que
comme contacts. Aucun ralentissement dans la transmission des
sensations n'a pu être constaté dans les endroits où la piqûre fai-
sait l'effet d'un simple contact.
Quant à la température, le malade la distingue à peine aux
jambes, même avec un écart de 20°; le plus souvent, il ne sent
absolument pas les objets chauds appliqués à cet endroit tandis
qu'il sent les objets froids et peut tout de suite en indiquer la po-
sition. Dans la région des nerfs peroniers de la jambe gauche une
température de 330 n'est pas ressentie comme une impression de
chaud. Dans les hanches se fait par places remarquer une diffé-
rence entre 28° c. et 33° c. ; la température de 28° produit alors
une impression de froid; dans la hanche droite, il y a même des
endroits où le malade peut distinguer même la différence de 29°
3'->O; mais il ne distingue nulle part une différence de 2 degrés.
La sensation de pression est excessivement affaiblie ; dans la
région des deux crista* tibia;, le malade ne sent pas même la
plus fo1te pression; dans les hanches il perçoit la pression et peut
même jusqu'à un certain point, en évaluer l'intensité.
Le sots musculaire (c'est-à-dire la faculté de se rendre compte
de la position des membres) est extrêmement troublé dans les
membres inférieurs.
La localisation des sensations est très inexacte, mais il n'est pas
possible de dire que le malade ait indiqué le siège des sensations
trop près du centre seulement, ou seulement trop loin du centre :
il s'est trompé des deux manières. Les objets très froids lui font
souvent l'impression d'une brûlure.
En général, dans ce cas comme dans la majorité des cas de
tabes, les données fournies par les examens répétés de la sensibi-
lité n'étaient pas toujours concordantes, non seulement à un in-
tervalle de plusieurs jours, mais même à quelques heures d'inter-
valle ; il arriva souvent que des îlots, qui le matin étaient
complètement privés de sensibilité, devenaient vers le soir plus
sensibles, et vice versa. Nous devons néanmoins remarquer que
ces changements étaient assez fréquents dans chaque point en
particulier, mais que pourtant le caractère général de l'anesthé-
sie reste toujours le même : dans les membres supérieurs, la face
ulnaire, ainsi que les deuxième et troisième derniers doigts;
dans les membres inférieurs, les jambes (du genou au pied);
dans le tronc, la moitié droite de la poitrine et du dos et tout le
ventre sont constamment insensibles.
376 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Les résultats généraux de ces examens répétés à plusieurs re-
prises sont représentés dans les dessins suivants (fig. 8 et 9) :
La sensibilité farado-cutanée est sensiblement L affaiblie par places,
par exemple, dans la région des nerfs saheni de la jambe droite
où elle est réduite à zéro par endroits, elle est encore passable-
ment intacte, à la hanche droite, par exemple; à la hanche
gauche, dans la région du nerf cutaneus lateralis, le seul attou-
chement de l'électrode (sans courant électrique) n'est presque pas
perçu, mais le malade peut indiquer le point de contact quand le
courant électrique agit.
La sensibilité musculaire (faculté de se rendre compte des con-
tractions des muscles) semble être excessivement affaiblie; ainsi,
quand on fait passer un violent courant à travers le point exci-
table du nerf peroxeus sinister, le malade ressent à cet endroit
un tiraillement douloureux, mais il ne sait absolument pas s'il se
produit dans l'articulation tibio-tarsienne quelque mouvement et
si ses muscles se contractent.
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 377 -i
De même il ne se rend absolument pas compte de contractions
très violentes dans la région du muscle vaste interne.
Les réflexes cutanés sont presque complètement abolis dans les
plantes des pieds. *
Les réflexes l'Ofztlte7tS sont totalement tibolib dans les deux membres
inférieurs à ce que prouvent les observations répétées et diverses.
Les sphincters delà vessie et de l'anus agissent en général d'une
manière satisfaisante ; cependant il arrive de temps en temps que
J... est atteint de rétention d'urine. La nutrition des muscles est
parfaitement normale. Les réactions électriques sont également
normales dans les muscles des -membres supérieurs et inférieurs.
L'irritabilité mécanique des muscles est intacte.
Marche de la maladie. Les symptômes relevés chez le malade
pendant le cours de nos observations ont progressé d'une manière
sensible ; peu à peu J... a perdu toute possibilité de se tenir debout
sans appui et de marcher sans aide. L'ataxie a atteint des limites
extrêmes. A l'époque de son entrée dans notre hôpital, le malade
avait tous les soirs une certaine faiblesse, des maux de tête et
des frissons; le matin il se levait couvert de sueur. La rate a été
trouvée augmentée de volume. Après l'absorption d'une petite dose
de quinine, la température descendit, le soir, de 37°6 à 36°2
3G°,8, et le matin à 36° - 3G°r; les douleurs ressenties par le
malade"Tau côté gauche se calmèrent, mais par contre apparurent
des douleurs fulgurantes dans les membres inférieurs. Vers le
2 novembre 1886, l'augmentation de la rate n'était plus sensible ;
alors les douleurs fulgurantes furent remplacées par des douleurs
au côté droit, une sensation de ceinture et de constriction dans les
muscles du cou. Vers le 30 novembre, la rate se gonfle de nouveau,
des maux de tête et une douleur dans tout le corps apparaissent
dereclief ; à midi la température est de 37°, 4 le pouls a 96 pulsations
à la minute; le soir, transpiration. Après une nouvelle dose de
quinine, la température tombe le lendemain à 3605 ; l'état général
s'améliore, mais les douleurs térébrantes se montrent de nouveau
dans les jambes. Jusqu'au 28 décembre, la situation du malade
est assez satisfaisante, mais le soir de ce jour, la température
remonte de nouveau à 38°p. La rate augmente de nouveau de
volume, une indisposition se fit qui commença par un frisson et
se termina par une transpiration ; en même temps, on pouvait
remarquer des râles très fréquentes dans les deux poumons.
Après une amélioration de peu de durée (température 36°o 37°),
pendant laquelle le malade commença à se plaindre pour la pre-
mière fois d'une sensation de ceinture caractéristique à la partie
inférieure de la poitrine et au ventre, la température monta, le
soir du 31 décembre 1880, à 40° et le l01' janvier 18S7, au matin,
elle était de 37° : i, le pouls 108; pas de râle dans les poumons,
forte indisposition, douleurs dans tout le corps; la langue est
378 8 PATHOLOGIE XERVEUSE.
couverte d'une épaisse couche. Le 2 janvier, température, au
matin, 39°8, au soir, 3805, pouls 72; transpiration. Enfin le 4,
3G°5, le matin et 36°3, le soir. Le malade est très épuisé, pâle;
bientôt se produisirent des saignements de nez qui affaiblirent
' encore plus le malade.
C'est précisément à cette époque que se fit remarquer une
forte aggravation dans l'ataxie ; le malade ne pouvait déjà plus se
mouvoir tout seul et c'est à peine s'il pouvait se traîner quand on
le soutenait. Les douleurs lancinantes augmentèrent dans les
jambes ; il en était de même des douleurs térébrantes dans le
genou droit et le côté droit de l'aine; le malade ressent des
douleurs semblables entre les omoplates et dans l'épaule droite.
Le liseré plombique sur les gencives ne se voit déjà plus.
Le la mars 1887, J... commença à se plaindre de la sensation
de ceinture qui s'était calmée et pour la première fois se produisit
un engourdissement dans la région des quatrième et cinquième
doigts de la main droite. Le 27 juillet, nouvel accès de fièvre
(température, soir, 39°,2) qui se prolongea 3 jours et se termina
par une transpiration. Ensuite, le malade fut de nouveau sans
fièvre, mais il ressentit parfois une légère indisposition. Le 2 oc-
tobre 1887, après des vertiges annonçant un malaise et des
frissons qui durèrent toute la nuit, la température remonta de
nouveau à 39°,2; le pouls 120. Cet accès dura en tout vingt-
quatre heures et de ce moment jusqu'à maintenant, il n'y eut plus
d'état fébrile si l'on ne compte pas un jour de fièvre après un
essai d'hydrothérapie.
En résumé, nous avons un malade présentant les
symptômes d'un épuisement général, les symptômes
évidents d'une intoxication saturnine qui existe depuis
nombre d'années, et ayant eu précédemment une
paralysie saturnine, des constipations, des coliques et
un liséré plombique aux gencives. Puis nous remar-
quons une tuméfaction temporaire de la rate, accom-
pagnée d'une élévation de température de caractère
paludéen cédant rapidement à la quinine.
Du côté du système nerveux, nous trouvons dans
les mouvements une ataxie violente que nous voyons
progresser devant nos yeux dans les membres infé-
rieurs et moins prononcée dans les extrémités supé-
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 3 9
rieures. Du côté de la sensibilité, une anesthésie très
prononcée et très répandue atteignant inégalement
les différentes espèces de sensibilité, elle atteint au plus
haut point la sensibilité à la douleur et au moindre
la sensibilité au contact et au froid.
Subjectivement, nous trouvons une sensation de
ceinture, des douleurs lancinantes et des paresthésies
diverses; symptôme deRomberg; symptôme de West-
plial aux deux jambes ; la faculté de reconnaître la
position d'un membre dans l'espace est tombée; la
sensibilité farado-cutanée et le sens musculaire sont
affaiblis; impuissance génitale; malgré une violente
ataxie progressive qui va presque jusqu'à l'impossibi-
lité de marcher, la force dans les jambes est normale
jusqu'à maintenant, de même que la contractilité
électrique.
Avant tout, quelle est donc l'étiolo-ie de cet inté-
ressant assemblage de troubles nerveux que nous
retrouvons chez notre malade ?
Nous ne pouvons admettre comme cause de ces phé-
nomènes nerveux ni l'hérédité, ni l'action particulière
du froid, ni l'abus des spiritueux, ni enfin la syphilis,
puisque toutes ces causes sont niées catégoriquement
par notre malade et que nous n'avons aucune raison
de ne pas le croire. C'est pourquoi nous devons bon
gré mal gré attribuer son état nerveux aux causes qui
ont amené une déchéance si rapide et si prononcée de
son état général; il n'y en a que deux : l'intoxication
saturnine et la fièvre intermittente.
Laissant de côté les cas des diverses affections ner-
veuses intermittentes, spécialement des paralysies
intermittentes et des paralysies semblables qui sont
380 PATHOLOGIE NERVEUSE.
la suite de la fièvre intermittente (voir Herz', Bourru2,
Gibney , Gubler ? Btizzard ', Jaccoud", ]Macario\
Pearson Nash8), nous ne pouvons, pour eu faire la
comparaison avec notre cas, nous arrêter qu'à un cas
d'ataxie aiguë après la fièvre intermittente, décrit par
Kaher et Pich 9. Cependant, ce cas lui-même est très
dissemblable du nôtre, car, comme symptômes, outre
l'ataxie, l'affaiblissement du sens musculaire dans les
membres inférieurs et l'abolition de réflexes rotuliers,
on y a trouvé la sensibilité normale, un léger déran-
gement psychique, un trouble anarthrique dans la
parole ; nystagmus. Enfin, dans ce cas, il y avait début
aigu (deux jours) et la maladie se termina en dix jours
environ avec la réapparition des réflexes rotuliens.
Nous n'avons pu trouver dans la littérature aucun
cas d'ataxie après la fièvre intermittente, qui offrit
plus de ressemblance avec le nôtre que celui dont nous
venons de parler et par conséquent, nous n'avons à
notre disposition aucune observation sur laquelle nous
puissions directement nous baser pour voir dans la
fièvre intermittente la cause des troubles nerveux que
nous avons relevés dans notre malade. Mais, si même
il y avait des cas semblables, cette cause étiologique
serait à notre avis invraisemblable dans le cas qui
' 7/<'M ! MMM tfa ? i(li). rlrlic. Malaria',
s P·ogrés ntélical, 188î, n° 'r't.
'.7o'/)'n. of. Neurol., 188'2, il- 1.
* Des paralysies, de leurs rapports, etc. (.4rcl. Ydiléi ? 1860.)
5 Paralysis from penph. Neurit. 1886, p. 105.
Jaccolid. Les paraplégies et l'ataxie du mouv. Paris, 1864, p. 405.
' Des paralysies e.seitt. Ann. méd. de la Flandre occid. 1853. Des
par. dy7ani., )8j.
8 Caries of spinal haralysis. 1862. Lancel.
' Beili-age zur Pathologie... des Nerreit.c., 1819, p. 61.
ÉTUDE DE L'ET1ULJG1E DU TABES. 381
Hous occupe. Ici l'infection paludéenne était loin
d'être très prononcée; la rate enflait à peine pendant
les accès; 0 gr. 50 de quinine suffisaient pour lui
faire reprendre sa place derrière les côtes; la tempé-
rature ne dépassa 38° c. que du 28 décembre 1886 au
4 janvier 1887, en juillet et en octobre 1887 (chaque
fois pendant 2 ou trois jours); le reste du temps la
température atteignit à peine 37° 6 et cela de temps à
autre seulement; le foie n'augmenta pas une fois de
volume; les accès étaient en général si peu violents
qu'avant son entrée dans notre hôpital, il arriva sou-
vent que le malade continua son travail même pen-
dant ses accès et enfin depuis le mois d'octobre 1887
jusqu'à maintenant la température n'a plus remonté.
Et maintenant, voici comment Kahler et Pick décrivent
leur cas : « Le 1ex août, le malade, étant alors en
bonne santé, fut tout à coup pris de frissons, puis
se produisit un accès typique de fièvre. Le 2 août
et toutes les nuits suivantes jusqu'au 12 août, ces
accès se répétèrent ; accès excessivement pénibles,
frissons très violents mais de courte durée, périodes
de chaleur au contraire très longues; au contact,
peau brûlante; visage écarlate, forte douleur au front;
par moments, délire; transpiration toujours très abon-
dante; pendant cette transpiration, le malade est
extrêmement faible et reste couché comme étourdi.
A peine commençait-il à se remettre d'un accès,
qu'une autre crise se produisait. A cette maladie,
comme en étant la continuation immédiate, s'ajoute
l'ataxie, etc.
Il n'y avait rien de pareil dans notre cas. Enfin ce
qui, à notre avis, a. une importance capitale c'est que
382 PATHOLOGIE NERVEUSE.
chez notre malade le commencement des symptômes
nerveux a été remarqué beaucoup plus tôt que l'appa-
rition de la fièvre intermittente puisque les douleurs
lancinantes typiques s'étaient fait sentir en 1880, tan-
dis que la fièvre intermittente n'apparut qu'en 1884.
Ainsi, prenant en considération tout ce qui vient
d'être dit, nous n'avons aucune raison valable de
considérer dans le cas donné la fièvre intermittente
comme la cause des affections nerveuses que nous
avons relevées ; et il ne nous reste qu'une cause étio-
logique possible, c'est l'intoxication saturnine'.
Ce qui parle en faveur de cette étiologie, c'est que
pendant presque toute sa vie, le malade s'est occupé
sans interruption de travailler le plomb; outre cela,
nous avons chez lui pendant nombre d'années le
tableau d'une intoxication chronique par ce métal,
grâce à laquelle le malade a dû, à plusieurs reprises,
rester à l'hôpital. Il ya vingt ans que In... s'empoi-
sonne par son travail et depuis douze ans déjà, les
symptômes d'intoxication ne l'ont pas quitté; cette
intoxication s'est manifestée d'abord par des coliques
et une paralysie du bras et douze ans plus tard, le
malade entrait dans notre hôpital ayant un liséré
plombique aux gencives. Etant donnée l'existence de
ce phénomène, d'un phénomène qui est surtout si
connu spécialement par les lésions nerveuses qui
l'accompagnent, il est difficile de ne pas admettre la
pensée que, dans notre cas, c'est une intoxication'
1 Comme cela ee voit du reste par l'histoire de la maladie, les accès
fébriles ont sans aucun doute contribué à l'aggravation des phénomènes
nerveux; presque après chaque accès, on remarquait ou quelque symptôme
nerveux (par exemple : la sensation de ceinture), ou l'aggravation des
symptômes précédents (par exemple : l'ataxie).
ÈTUI)T bE l'étiologie. du TAI3Eg,. 383 a
saturnine qui a été la cause fondamentale des affections
nerveuses apparues plus tard.
Mais qu'est au fond cet ensemble des symptômes
nerveux que nous avons observés chez notre malade ?
Il est indubitable que chacun de ces symptômes, pris
a part, appartient au tabes vulgaire. Qu'est-ce qui
pourrait parler contre l'existence du tabes chez notre
sujet ? Naturellement, pas le fait que dans l'anamnèse
ne figure pas la syphilis, puisque dans la littérature
on trouve encore des cas typiques de tabes sans
syphilis dans les antécédents. La marche de la mala-
die, de même, ne parle pas contre le tabes ; quoi-
qu'elle ait été rapide, elle a cependant progressé pen-
dant des mois et des années et non pendant des jours et
des semaines. Les douleurs lancinantes ont commencé
chez le malade longtemps avant l'apparition de l'ataxie
et cette dernière était excessivement moins violente
lors de l'entrée des malades dans notre hôpital qu'elle
ne l'est maintenant. Si même on veut dire que la mar-
che de la maladie a été rapide, il est aisé d'énumérer
toute une série de cas indubitables de tabes dans
lesquels le commencement de la maladie a été très
aigu et dont la marche a été assez rapide.
Ce qui pourrait' encore parler contre l'existence du
tabes dans notre cas, c'est l'absence complète des
symptômes ophthalmiques qui jouent un rôle si impor-
tant dans le tableau clinique de tabès ; pourtant, en
nous arrêtant sur les cas de tabes vulgaire, nous pou-
vons trouver aussi, soit dans la littérature spéciale,
soit dans les manuels, des indications concernant des
diagnostics indiscutables dans lesquels n'existent pas
les symptômes oculaires.
384 pathologie nerveuse.
Nous reproduirons comme exemple les paroles de
M. Leyden' : « Er gehoert freilick nicht in allen...
raellen zuden ersten Symptomender Krankheit ; » les
paroles de M. Vulpian " : « Il convient de dire toute-
fois que ces troubles font défaut dans un certain nom-
bre de cas, » et plus loin; « l'état de l'iris est très
variable : tantôt les pupilles sont normales et répon-
dent bien aux influences lumineuses, se resserrant
lorsque la rétine reçoit une lumière plus vive, se
dilatant dans des cas contraires, etc. »
M. Eulenburg, dans son manuel des affections
nerveuses dit que dans un tiers de ses sujets il n'a
pas trouvé de troubles des muscles oculaires.
Enfin, il n'y avait également pas de symptômes
oculaires dans 3 des 20 cas de Duchcnne (de Boutogne),
et ce dernier dit lui-même dans sa classique descrip-
tion' « la paralysie des nerfs moteurs (de )'oei))... peut
même manquer ».
Le champ occupé par l'anesthésie est assez consi-
dérable dans notre cas, mais ces anesthésies, qui
remontent si haut dans le tronc, sont loin d'être rares
même dans les cas les plus simples de tabès; dans son
livre, M. Eulenburg dit même que des anesthésies si
hautes se rencontrent excessivement souvent («acus-
ser kaeung » ) et qu'elles frappent même la tète. Quant
aux anesthésies dans les bras, elles sont bien con-
nues, surtout depuis ces derniers temps.
Par conséquent, en basant notre diagnostic, non pas
' Real-Encyclopedic, t. XIII, p. 385. : Maladies du système nerveux, 1879, t. 1, p. 232 cl 233.
a 1`" GClilÎpil, 17. tt8.
1 Paralysies localisées, p. 638.
étude DE l'etiolcgie du tabès. S83
sur un symptôme isolé, mais sur l'ensemble des
symptômes existant chez notre malade, nous aurions,
malgré l'état normal des muscles oculaires et du fond
de l'oeil, pleinement le droit de diagnostiquer le tabes
ordinaire s'il n'existait dans la littérature toute une
série de cas concernant justement des gens empoi-
sonnés par un poison quelconque (l'alcool au premier
plan, le plomb, le sulfure de carbone, etc.) ou ayant
eu une maladie infectieuse (la diphtérie, par exemple),
cas dont les symptômes formaient un tableau ressem-
blant beaucoup à celui des symptômes du tabès, mais
dans lesquels le tabes n'existait cependant pas. Quel-
ques auteurs ont donné à des cas de ce genre le nom
de i)8etedo-labes ', d'autres celui d'ataxie aiguë, etc.
Eu nous servant d'un travail très intéressant de
M. Leval-Piquechef 2, nous pouvons reconnaître les
' Notre nomenclature n'a pas encore fixé de règles d'après lesquelles
les auteurs puissent se servir de cette particule pseudo », certain que
le lecteur comprendra au moins en quoi la pseudo-maladie se distingue
de la véritable. Pour cela, il suffit de comparer la signification de cette
particule dans les tableaux de la pseudo-sclérose (Weslphal, Arch. v.
Psrlclr. Bd. XIV, w. I), de la. pseudo-paralysie bttlbaire, de la pseudo-
hypertrophie musculaire, du pseudo-tabes, etc., par exemple. C'est pour-
quoi je suis pleinement d'accord avec SI. Attbaus (Ueber Sclérose des
lirickennacerks, 188t, p. 221), qui conseille de borner la dénomination de
pseudo-sclérose aux cas semblables a celui de M. Westplial; mais en
même temps, je ne puis considérer comme bien fondée la remarque faite
a ce sujet par lui à mon adresse et à celle de M. Ballet, parce que cette
remarque a été visiblement causée par le fait que M. Althaus n'a pas
justement compris le titre de notre travail commun publié dans le
tome VII des Archives de Neurologie. Nous n'avons justement pas décrit
une « fausse sclérose», mais une 'fausse sclérose systématique de la
moelle épinière » et si M. Atthaus avait bien voulu remplacer le mot
« fausse » par celui de « pseudo », il aurait du nommer notre cas
« sclérose pseudo-systématique » et non «pseitdo-scléi,ose systématique ».
Nous ne pouvions donc aucunement c amener de confusion dans la
nomenclature», puisque notre but était de démontrer non pas une pseudo-
sclérose, mais une sclérose véritable, mais pseudo-systématique, ce à
quoi %I. Althaus n'a pas fait attention, ce qui est à regretter.
Des pseudo-labes, 1885; Lille.
.lucmna, t. 1\ IL 2j
386 pathologie nerveuse.
signes qui distinguent la pseudo-tabes du tabes vul-
gaire.
Avant tout, c'est l'absence des altérations anato-
miques dans la moelle épinière; naturellement ce point
ne peut pas avoir d'importance dans notre cas, puis-
que notre malade est vivant.
Secondement, le développement aigu. Mais d'abord,
M. Leval-Picquechef admet même un délai de trois ans
comme développement aigu et de plus, il est lui-même
troublé par l'existence des tabes vulgaires rapides
(Fournier, Erb., Vincent, etc.). Qu'est-ce qui peut
donc décider le diagnostic dans une marche relative-
ment si rapide du tabès ? 1) l'autopsie, mais nous n'en
pouvons pas parler; 2) la suite typique ou non typi-
que du développement du tabes. En ce qui concerne
notre cas, nous avons justement fait remarquer que
le développement de la maladie était assez typique ;
3) « la terminaison est favorable » et « dans le tabes
on a affaire à une maladie où la mort est à peu près
certaine; dans l'autre cas (le pseudo-tabes), la gué-
rison est au contraire la règle » (voir l'introduction
du livre)». Cette amélioration s'opère habituellement
« sublata causa ». Cependant, dans notre cas, nous
voyons précisément le contraire : tandis que les symp-
tômes plombiques, constipations, coliques, liséré aux
gencives, ont disparu, les symptômes nerveux ont
progressé devant nos yeux et il ne se produit aucune
apparence d'amélioration ; 4) dans les pseudo-tabes
Jes troubles des organes génito-urinaires sont très
rares; dans notre cas, il y a impuissance génitale
absolue et tendance, peu fréquente il est vrai, à la ré-
tention d'urine; 5) dans le pseudo-tabes, il n'a pas de
étude de l'étiologie DU TABES. 387
symptômes ophthalmiques, myose, symptôme d'Argyt-
Robersom, etc.; mais nous avons déjà parlé de cela
en ce qui concerne notre sujet et nous y reviendrons
encore. Ensuite, dans le pseudo-tabes se remarquent
souvent des phénomènes parétiques et une douleur
lors de la pression des grands troncs nerveux : aucun
de ces phénomènes ne se retrouve chez notre malade.
Nous devons ajouter ici que ces parésies observées : i
souvent dans letableau clinique nommé pseudo-tabes,
ont donné, non sans fondement, le droit de considérer
beaucoup de cas d'ataxies pseudo-tabétiques comme
non véritables, mais comme des ataxies paralytiques
seulement. C'est ce qu'ont démontré avec raison
MM. Charcot. (Voyez Leval-Piquechef, 457 et Bris-
saud'.)
Sans entrer dans plus de considérations, si l'on ad-
met l'existence d'une telle unité clinique à laquelle
ou puisse donner le nom de pseudo-tabes, notre cas,
d'après ce que nous avons dit, ne se rapproche pas
de ce tableau clinique ou du moins, ne doit absolu-
ment pas être rangé dans cette catégorie.. z
Nous avons pourtant dans la littérature une série de
cas se rapprochant du tabes vulgaire par l'ensemble
de leurs symptômes, mais qui occupent pour le mo-
ment une place à part, grâce à leur étiologie spéciale
et à quelques signes particuliers, dépendant de cette
étiologie. Ce sont précisément les intéressants cas de
tabes causés par l'ergotisme décrits par M. Fuczek\
ils n'ont pas été. relevés par M. Leval-Picqueclief dans
l'histoire des cas de pseudo-tabes, parce qu'il s'y trou-
1 Des paralysies toxiques, 1886, p. 38.
' .9nch. f. Psch. Bi. \lll, n^ 1.
388 8 pathologie nerveuse.
vait des altérations très caractéristiques des cordons
postérieurs de la moelle épinière.
Par la comparaison avec les cas de tabes dus à l'er-
gotisme, notre cas acquiert un intérêt particulier en
ce que ces mêmes symptômes qui nous ont fait réflé-
chir dans notre diagnostic se retrouvent dans plusieurs
cas de Fuczek. Dans aucun de ces cas il n'y avait ni
myose, ni symptôme d'Argyl-Robertson, et dans les
Observations XX, XXII (ce dernier cas très curieux),
XXIV, XXV, XXVI, XXVII, la largeur de la pupille
était parfaitement normale; nous voyons donc que le
symptôme qui nous troublait le plus l'état normal
des yeux dans notre cas, n'est pas une preuve par-
lante contre la possibilité d'une lésion des faisceaux
postérieurs, et que même, au contraire, dans le tabes
toxique (non syphilitique) ces symptômes ophthalmi-
ques ne se reproduisent pas, d'ordinaire.
Une seconde coïncidence intéressante, c'est l'état
de la sensibilité chez quelques-uns des malades de
M. Fuczek. Dans le cas XXIII, par exemple, la sensi-
bilité tactile était normale, mais la sensibilité ci la
douleur était fortement affaiblie dans tout le corps
(p. 115, en cursive dans le texte). Dans le cas XV, où
les yeux étaient parfaitement normaux, on remarquait,
outre la perte des réflexes rotuliens, outre des four-
millements, etc., un violent affaiblissement de la sen-
sibilité dans tout le corps (p. 117). « Fiesste Nadel-
Stiche, écrit Fuczek, werden niergends schmerzhaft
empfuudeu »; les réflexes cutanés de la plante des
pieds très amoindris; sensibilité farado-cutanée égale
à zéro; dans ce dernier symptôme aussi, il y a coïnci-
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 389
dence avec notre cas'. Enfin, dans le cas XXVI, on
retrouve le même affaiblissement de la sensibilité à la
douleur-dans tout le corps, avec état tout à fait nor-
mal des yeux et de la sensibilité tactile.
Notre sujet présente donc des analogies frappantes
avec ceux de M. Fuczek, soit par les symptômes con-
cernant la moelle épinière, soit par l'étiologie; en
même temps, grâce à l'abondance des symptômes
d'un côté et à l'absence complète d'autres symptômes
(concernant le cerveau, par exemple) d'un autre côté,
notre cas présente un tableau si pur et si net que, par
cela même, il peut être, sinon identifié en tabes vul-
gaire, du moins placé tout près de celui-ci.
Si l'on considère ainsi notre cas, il acquiert de
l'importance dans la question de l'étiologie du tabes;
grâce à ce cas, on est disposé à considérer le tabes
ordinaire, avec la syphilis dans l'anamnèse, comme
une maladie toxique. Sous ce rapport, l'intoxication
saturnine chronique convient fort pour servir de point
de comparaison avec l'influence de la syphilis; l'in-
toxication saturnine, comme on le sait, développe
dans la plupart des cas, ses effets meurtriers d'une
façon très lente; de même que la syphilis, elle n'é-
pargne aucun organe du sujet qu'elle frappe et, même
après la disparition du plomb dans l'organisme, elle
- laisse dans ce dernier une prédisposition singulière
- de. graves affections nerveuses qui portent en elles
des signes caractéristiques grâce auxquels il est pos-
sible de reconnaître leur cause fondamentale.
1 Puisque la sensibilité tactile a été trouvée (dans notre cas) anormale
seulement à l'examen au moyen du compas de Weber; les contacts
simples étaient sentis presque partout par le malade.
390 pathologie nerveuse.
Un fait qui est très intéressant, c'est que les diverses
intoxications de l'organisme se manifestent en géné-
ral dans le système nerveux soit par une lésion des
nerfs périphériques, soit, sinon aussi fréquemment,
du moins plus souvent qu'on ne le croit en général, ou
bien encore par une lésion des faisceaux postérieurs,
de la moelle épinière ou bien encore par ces deux lé-
sions à la fois.
Sans parler de toutes les névrites si connues main-
tenant (alcooliques, plombiques, diphthéritiques, etc.),
je ne puis pas ne pas' indiquer la grande part qu'y
prennent justement les cordons postérieurs de la
moelle épinière; ainsi Fuczek cite déjà des cas de lé-
sion de ces faisceaux jiost-puerperium, après l'enahoi-
sonnenaeot par lcibsii ? tlie, à la suite de la lèpre, de la
pellagre, après la scarlatine, la dil)hthéîie; puis, nous
avons la description faite ces temps derniers par
avons )a description faite ces temps derniers par
M. Vierordt de troubles dans les faisceaux postérieurs
de la moelle épinière dans un cas à.' intoxication alcoo-
licce; il m'est arrivé à moi-même d'observer deux cas
de paralysie alcoolique (l'un est cité dans la thèse de
M. Korsakoff, et tous les deux ont été communiqués
par moi dans une séance de la société physico-médi-
cale de Moscou) ou, à côté d'autres altérations (dans
un des cas, forte dégénération des nerfs périphéri-
ques), il y avait des troubles dans les cordons posté-
rieurs de la moelle épinière sans foyers diffus. De-
.puis, il y a quelques années, j'ai eu à examiner très
en détail dans la clinique de 111. le professeur Kojew-
nikoff en cas de paralysie arsenicale dans lequel
outre la dégénération excessivement prononcée des
nerfs périphériques et des muscles, il y avait dégéné-
ÉTUDE DE L'ÉTIOLOGIE DU TABES. 391
ration très marquée et, sans doute possible, primitive
dans toute la longueur de faisceaux de Goll (la queue
de cheval était intacte). J'ai eu l'honneur de présen-
ter des préparations anatomiques de ce cas à 119. les
professeurs Charcot, Westphal, Merziejewsky, Fuczek,
etc. Il y a fort peu de temps, j'ai examiné, le plus
minutieusement possible, la moelle épinière d'un gnr-
çon mort du diabète et là aussi, dans les cordons pos-
térieurs, j'ai trouvé (la moelle était durcie au bichro-
mate de potasse) des taches plus claires que les par-
ties saines environnantes; sur des coupes teintes au
carmin, elles se dessinaient comme des dégénérations
légères et sur des préparations dissociées et d'autres
faites à l'hydrate de potasse et pratiquées dans ces
endroits, il y avait, en petit nombre, il est vrai, des
corps graisseux (surtout le long des parois des vais-
seaux).
Enfin, il y a peu de temps, on a indiqué, dans la
littérature, l'existence des troubles 'pathologiques des
faisceaux postérieurs dans l'anémie.
Tous ces faits font ressortir d'une manière toute
spéciale, le rôle des fibres des cordons postérieurs de
la moelle épinière; elles semblent être une place du
système nerveux central tout particulièrement prédis-
posée à subir l'influence des affections toxiques et
épuisantes de l'organisme et, par cela même, elles ont
une grande analogie, en ce qui concerne cette réaction,
avec les nerfs périphériques.
Moscou, mai 1888.
CLINIQUE i\'El l V 1 ? U S l,«,
RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-
DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES';
Par M. le Du Michel CÀTSARAS,
Professeur agrégé de la Faculté cl'.ltliènes : Médecin de l'asile de. Dromocaitis;
Membre de la Société )Iedico-psycliologiqtje de l'aiis.
0. FORME MENTALE.
Cette forme ne doit pas être très rare. Nous avons
entendu parler d'accidents mentaux présentés par
quelques plongeurs à scaphandre que nous n'avons
pas connu pour recueillir les éléments de leurs obser-
vations. Nous avons été assez heureux pour observer
de visu un malade déséquilibré héréditaire. Voici cette
belle observation :
Observation L1R. Accident provoqué le 25 juillet ci 10 heures du
malin. Première immersion, 28 brasses de profondeur, cinq minutes
de séjour, décompression instantanée. Cinq minutes après la
décompression, accès de manie transitoire bien caractérisé.
Disparition de l'accès à 5 heures du soir. ,
Histoire : .' Constantin Coulouchis, âgé de vingt-cinq ' ans.
L'hérédité interrogée avec grand soin nous a donné des renseigne-
ments importants. Son oncle paternel est épileptique, sa mère
est hystérique, son père est ivrogne, son frère est déséquilibré, il
ne peut pas se fixer à un travail, il vagabonde. Lui porte d'une
manière évidente des stigmates physiques, de la dégénérescence
héréditaire, asymétrie faciale, oreilles très grandes et fortement
détachées de la tempe, dents mal implantées.- La lare congéni-
' Voir Archives de Neurologie, n° 47, p. 1 45 ; n° 48, p. 21G; un 'r9, p. 22 ;
n 0, p. 225.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 393 Il
taie n'a pas manqué de refléter sur son moral. Il s'emporte facile-
ment, très souvent avec violence; il est menteur, onanisle, sodo-
miste, querelleur; ses parents avaient toutes les difficultés du
monde à le diriger dans son enfance. L'intelligence, de son côté,
parait au-dessous de la moyenne. Cependant, il est parmi les
meilleurs scaphandriers. Ses antécédents personnels n'offrent
plus rien autre de digne à noter. Pas d'accidents syphili-
tiques ou paludéens, pas de maladies antérieures. Il a commencé
sa profession de plongeur à scaphandre en 1882 et il a travaillé
pendant deux ans sans accidents sérieux; il aurait eu rarement
quelques douleurs articulaires insignifiantes.
Le 25 juillet 188t, il fait sa première immersion près de Salamis,
à une profondeur de 28 brasses, il ne séjourne que cinq minutes
seulement, au bout desquelles, pour s'amuser, il ferme la soupape
pour empêcher l'air de sortir du scaphandre et il s'est fait remon-
ter instantanément à quatre ou cinq secondes. Il importe de
remarquer que le plongeur avait déjà antérieurement fait bien 'des
immersions, tout à fait dans les mêmes conditions de travail,
comme profondeur et comme durée du séjour sans accident, mais
jamais il ne s'est fait décomprimer aussi instantanément. Pas de
refroidissement, pas de toux, pas de repas avant son immersion,
enfin, pas.de fatigue.
Cinq minutes après la décompression et l'enlèvement du casque,
il était 10 heures du matin, le malade commence à vociférer, à
crier, à faire des gestes, à parler à haute voix. La figure était très
animée.
Ses compagnons effrayés le font transporter au Pirée, dans la
maison d'un nommé S. M., à midi, et on me fait appeler en toute
hâte. Je me rends aussitôt auprès de mon malade et voici ce que
nous avons constaté :
Etat actuel (25 juillet, 2 heures du soir, quatre heures dès
l'invasion de l'accident). Sa figure est colorée en rouge, vul-
tueuse et grimaçante. Son regard est excessivement mobile et en
conséquence vague et incertain. Ses yeux sont vifs, brillants et
injectés. Ses cheveux, aussi bien que sa tenue, en désordre. Ses
habits sont déchirés. Ses membres sont'agités de mouvements
incessants.
Le malade a un besoin de mouvement impérieux; il s'agite, se remue,
il va et vient. Parfois ses mouvements deviennent violents et dange-
reux pour ceux qui l'entourent ; il faut, à ces moments, deux ou
trois hommes pour le contenir. 11 a une loquacité intarissable, puis-
samment aidée d'une mémoire très active, qui lui sert à exprimer
des idées banales et vulgaires relatives aux diverses campagnes
pour la pêche aux éponges, aux divers amusements qu'il avait
eus aux mariages de ses parents et ainsi de suite. Ses idées
se succèdent avec une telle rapidité, elles sont si mobiles et
394 CLINIQUE NERVEUSE.
si incohérentes qu'il est difficile de les suivre. Le malade tantôt
lance des sentiments tendres à son entourage , et tantôt vomit
des injures et fait les obscénités les plus grossières en imitant
l'acte de coït au complet et en provoquant l'entourage d'une
façon dégoûtante. Le malade voit rarement des animaux qui
l'effrayent et qui lui inspirent des injures. Il ne parait pas avoir
des hallucinations d'autre origine. Ses illusions sont très marquées.
Il croit de temps à autre être au fond de la mer et il prend les
objets de la chambre pour des éponges, en criant : « Voilà de
grosses et belles éponges, Il prend toutes les personnes qui l'en-
tourent pour des parents et amis. Quant à moi, je suis appelé par
lui Jean (c'est un nom qui appartient à un de ses anciens cama-
rades). La lumière et le bruit augmentent son excitation. La
sensibilité cutanée paraît troublée. Elle semble avoir un certain
degré d'hyperesthésie pour qu'il veuille se promener dans un état
de nudité complète. En effet, c'est dans ce but qu'il déchire ses
habits et qu'il repousse toute espèce de vêtements. Quand on le
touche aussi, il vocifère, il crie et il repousse.
Le pouls est fréquent et inégal, 95 pulsations par minute. A
l'auscultation, on entend au coeur des gargouillements très mar-
qués. La température est normale. Il y a une dilatation
énorme de l'estomac, la région gastrique formant une saillie con-
sidérable étant presque bombée. Le malade expulse continuelle-
ment par la bouche et par l'anus des gaz qui font du bruit. Il n'y
a pas de convulsions. Il n'a rendu involontairement ni ses urines,
ni ses matières fécales.Hn'yapasdepriapisme.
Cette scène morbide, après avoir duré sept heures au total, a
disparu complètement et définitivement par une crise de sommeil.
Pas de paralysie. Il n'a pas conservé le souvenir de ce qui s'est
passé; il répond seulement qu'il a eu quelque chose, mais qu'il ne
se rappelle rien.
Il s'agit évidemment ici d'un très beau cas de manie
transitoire. On connaît parfaitement dans la phréniatrie
une espèce de manie aiguë qui se présente sous forme
d'un accès caractérisé par une invasion brusque et
par une disparition étonnamment rapide, en quelques
heures. On l'a qualifié de manie transitoire. Les cas
de ce genre sont, en effet, rares ; mais ils ne sont pas
incontestables. Kriessinger, Marie , Leydesdorf et
d'autres auteurs ne mettent pas en doute l'existence
de manie transitoire.
DES ACCIDENTS PYR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. ? 5
. Si on interroge l'étiologie de cette manie , on
trouve des causes spéciales à la suite desquelles ces
accès dé manie transitoire sont déterminés. Ce sont :
l'excitation alcoolique, les excès de travail intel-
lectuel, l'insolation, la frayeur, les courses acciden-
telles, la suppression brusque de la menstruation,
une attaque d'épilepsie ou d'hystérie. Ce n'est pas le
lieu ici de discuter la valeur.de ces différentes causes
déterminatives de la manie transitoire, encore moins
le-mécanisme de leur action, car cela nous entraîne-
rait très loin et nous ferait sortir du cadre de nos
études. Ce que nous désirons mettre en relief, c'est :
1° que l'observation relatée est un très beau type de
manie transitoire; 2° que nous apprenons pour la
première fois l'existence de manie transitoire occa-
sionnée par l'emploi des scaphandres, au moins chez
des personnes prédisposées. Nous reviendrons, au
chapitre de Physiologie pathologique, sur le mode de
production de cet état morbide, et nous tâcherons
d'expliquer alors les éléments de son tableau clinique.
La forme mentale peut-elle revêtir d'autres types,
et lesquels ? ... C'est ce que nous ne savons pas...
6. FORME VERTIGINEUSE
Nous avons déjà rencontré les vertiges, surtout
parmi les symptômes de la période du début des
diverses formes cliniques. Il ne me serait pas difficile
de multiplier à l'infini les cas qui appartiennent aux
différentes formes cliniques et dont la symptoma-
tologie du début ait présenté des vertiges, à côté de
ses autres symptômes. On se rappelle que ce sont des
: 3t)G CLINIQUE NERVEUSE.
vertiges, tantôt de translation et tantôt giratoires.
Nous allons maintenant observer les vertiges non
plus à titre de symptôme d'importance secondaire,
mais à titre de forme clinique dans laquelle le ver-
tige est le symptôme principal, fondamental. Il se
trouve dans mes notes deux observations de ce genre,
qui représentent deux beaux exemples du syndrome
de Ménière. '
Observation L.
Le nommé Georges Myris, âgé de vingt-cinq ans, sans antécé-
dents personnels ou héréditaires, a commencé sa profession de
scaphandrier en 1870 et a travaillé, faisant régulièrement ses
campagnes, pendant cinq années, à peu près sans accident. Le
S juin 1875, après avoir fait trois immersions à 23 brasses, douze
minutes de durée, décompression brusque; il redescend pour la
quatrième fois absolument dans les mêmes conditions de travail.
Aussitôt après l'enlèvement du casque, il sent des vertiges telle-
ment forts qu'il a crié : « Tenez-moi ! je m'en vais, je me préci-
pite. » Il avait la sensation que sa chaise s'enfonçait et lui avec
elle; immédiatement on lui fait prendre la position horizontale; il
vomit. Après le vomissement, le vertige disparait complètement
pour ne plus reparaitre. Pas de bourdonnements d'oreilles ni
autres troubles auditifs.
Le 7 septembre 1877, ce qui fait deux années trois mois et
deux jours après le premier accident, il faisait des immersions à
24 brasses de profondeur, 't2 minutes de séjour au fond et décom-
pression brusque sans accident. Quand il a fini la troisième, faite
elle aussi, dans les mêmes conditions et qu'on lui a enlevé le
casque, il a été bientôt pris d'une sensation pareille à celle du
premier accident, c'est-à-dire que sa chaise s'enfonçait avec lui
au fond de la mer. On lui fait prendre la position horizontale et
à ce moment il vomit beaucoup sans être provoqué.
Mais cette fois, la crise ne s'est pas terminée, le malade par
les vomissements, n'est soulagé que momentanément de ses ver-
tiges qui augmentent aussitôt après d'intensité, le malade étant
forcé de garder la position horizontale pour se soulager. Dès
qu'il essayait de changer de position et de se coucher, soit du côté
gauche, soit du côté droit, ou bien dès qu'on lui communiquait le
moindre mouvement ou qu'on le touchait simplement, les vertiges
augmentaient tellement d'intensité et il vomissait avec de tels
DES ACCIDENTS PAR L'HMPLOI DES SCAPHANDRES. 39,
ciforts qu'il était obligé de gagner sa première position et de prier
ceux qui l'entouraient de ne pas le secouer ou le toucher. Cet état
qui était si effrayant a duré au total trois heures, sans que le ma-
lade ait perdu un seul instant connaissance. Les vertiges n'étaient
pas précédés de bruits auriculaires. 11 entendait très bien. Il n'y
aurait pas eu d'autres symptômes céphaliques. Pas de paralysie.
Les fonctions de la vessie, du rectum et des organes génitaux
n'ont pas été troublées. Pas de symptômes gastriques, respiratoires
ou autres.
. Depuis lors, jusqu'à présent, le malade a été atteint, tantôt une
fois, tantôt deux fois par an des mêmes accidents que ceux du
- 7 septembre sans la moindre différence et, à peu de chose près,
dans les mêmes conditions de travail; il est par conséquent tout
à fait inutile de les décrire.
Etat actuel (15 août 1884). Rien. Il entend parfaitement bien.
- Observation LI. ·
Le nommé Montasses, âgé de vingt-sept ans, sans antécédents
héréditaires ou personnels, a commencé son travail de plongeur à
scaphandre, il y a déjà .quatre ans, sans qu'il lui soit arrivé au-
cun accident.
Le 24 mai 1886, après avoir déjà fait quatre immersions à une
profondeur de 28 à 29 brasses, quatre à cinq minutes de séjour et
décompression brusque sans le moindre accident, il redescend
pour la cinquième fois et séjourne un quart d'heure, au bout du-
quel il s'est fait remonter. Dix minutes après l'enlèvement du
casque, soudain, le malade est pris d'un bruit auriculaire très fort,
surtout à l'oreille droite, et qui, d'après le récit du malade, pou-
vait être comparé à celui d'un coup de fusil. Cette fusillade a été
bientôt suivie d'une sensation vertigineuse intense; le malade avait
la sensation qu'il se trouvait dans un bateau très agité par une
tempête. Cet accès, accompagné de vision d'étincelles et de maux
de tête, surtout au front, après avoir duré une minute environ,
s'est terminé par des nausées. L'accès de vertige, une fois dissipé,
a fait place à un état vertigineux permanent accompagné de bour-
donnements légers. Son ouïe était un peu dure, il n'entendait pas
si bien. Toutes les quinze ou vingt minutes, au milieu de cet état
vertigineux se dessinaient des accès qui, sauf la vision d'étincelles}
étaient parfaitement semblables à celui qui vient d'être décrit, à
savoir : exaspération brusque des bourdonnements (fusillade), ver-
tige de translation très fort (sensation de bateau agité), terminai-
son par des nausées. Le malade avait la marche titubante, comme
si, d'après son récit, il avait pris beaucoup de vin. Cet état a duré
un moN sans le moindre amendement, mais au bout de ce Leiii : )s
398 CLINIQUE NERVEUSE.
la titubation se dissipe complètement. La sensation vertigineuse
permanente devientplus légère et les accès de vertiges bien moins
intenses et plus rares. Il est important de remarquer que le malade
n'a jamais perdu connaissance, même pendant les crises, quelle
qu'ait été leur intensité.
Le 26 juillet, il essaye de descendre à une profondeur de 15 5
brasses seulement et après avoir prolongé son séjour à dix minu-
tes, il s'est fait remonter. Immédiatement après la décompression
et l'enlèvement du casque, le malade est pris du même accès de
vertige et d'une aggravation de son état vertigineux permanent.
Fort heureusement cette aggravtion a été de courte durée, à peine
de trois heures, au bout desquelles il est revenu à son état anté-
rieur. Depuis ce moment, son état s'atténuait d'une semaine à
l'autre, lentement mais progressivement.
Etat actuel (17 novembre 1886). Il est très amélioré : son
état vertigineux permanent n'existe plus que deux ou trois heures
après son réveil. A ce moment, il a des bourdonnements d'oreilles.
Ce n'est que de temps à autre seulement que les crises vertigineu-
ses surviennent, à la vérité bien amendées, mais signalées toujours
par une fusillade, marquées par un vertige de translation et ter-
minées par des nausées. Il a l'oreille droite dure. 11 n'y a pas de
titubation. Il n'y a pas de troubles visuels. Enfin, sauf un certain
degré de lourdeur de tête, le malade ne présente aucun symp-
tôme céphalique. La motilité, la sensibilité, le sens musculaire, les
fonctions de la vessie, du rectum et des organes génitaux, aussi
bien que celles des autres organes, n'ont pas subi la moindre alté-
ration.
Il importe de faire remarquer que le malade est venu nous
consulter non seulement pour son état vertigineux et ses crises,
mais encore et surtout pour le fait suivant. Le malade est dé-
sespéré de ne plus pouvoir continuer son travail dans l'air com-
primé. Car, dit-il, dès que la compression commence a s'exercer
sur lui, il est pris aussitôt de vertiges si intenses qu'il est obligé
de se décomprimer. Traitement. Nous lui avons défendu sévère-
ment le travail dans l'air comprimé pour la raison qui sera donnée
au chapitre de Physiologie pathologique et nous l'avons soumis à
la médication quinique ; nous lui avons conseillé de prendre pen-
dant une vingtaine de jours de suite, douze grains de sulfate de
quinine. Au bout de ce temps, le malade vint me remercier pour
la disparition complète de son état vertigineux. Plus de crises de
vertiges, il peut se comprimer à six atmosphères et au delà, sans
qu'il soit pris d'accès vertigineux.
Analyse. Il n'est pas difficile, croyons-nous,
pour peu qu'on fixe son attention sur l'exposé des
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 3U9
deux observations qui précèdent, de reconnaître que
nous avons là le tableau du syndrome de Ménière,
les vertiges du malade de la première observation
considérés en eux-mêmes, nous offrent tous ces carac-
tères spéciaux si nettement que le doute n'est pas
permis; leur terminaison par des vomissements n'est
pas moins typique. En ce qui concerne la seconde,
ou a la symptomatologie de la maladie de Ménière à
son complet développement. Les crises vertigineuses,
on peut le dire classiques, développement soudain
ou exaspération brusque des bruits auriculaires,
fusillade, vertige de translation, nausées ; son état
vertigineux permanent, accompagné des bourdonne-
ments d'oreilles, enfin la titubation viennent s'y
ajouter pour que rien ne manque au tableau. Un syn-
drome- de Ménière reconnaissant une étiologie et une
pathogénie spéciale devrait présenter ses particularités
cliniques, qui servent -CI le différencier du syndrome
de Ménière d'autre origine. Si ou examine en effet
attentivement le mode d'évolution de ce syndrome,
chez nos malades, on aura certes remarqué son exces-
sive intensité dès le premier moment de son invasion.
Je précise davantage : quand le syndrome de Ménière
est à son origine, il se présente cliniquement sous
forme de paroxysmes; en d'autres termes, le ver-
tige fait son apparition sous la forme de crises
distinctes, courtes et séparées par des intervalles,
pendant lesquels il n'y a pas de sensations vertigi-
neuses ; le calme est parfait. Seuls les symptômes
locaux persistent.
Ce n'est que dans une période plus ou moins an-
térieure, au sur et à mesure que l'affection progresse,
400 CLINIQUE NERVEUSE.
que nous voyons les paroxysmes établir par leur rap-
prochement, par leur confusion, un état vertigineux
permanent. A ce moment, nous nous trouvons , on
le sait, en présence : 1° d'un état vertigineux per-
manent ; et 2° de crises qui éclatent au milieu de
cet état, ayant absolument les mêmes caractères que
celles de début, il faut donc des années pour que le z
syndrome de Ménière arrive à cette période. Main-
tenant, que le lecteur veuille bien jeter un coup d'oeil
sur nos observations et on aura certes remarqué la
différence extrême de l'évolution du syndrome de
Ménière provenant de l'emploi des scaphandres. Le
malade de 1'013SERVATION I, de par son accident du
7 septembre etles suivants, offre un exemple net de ces
crises subintrantes. Eu effet, après la décompression,
il a été pris d'une crise de vertige de translation, le
malade ayant la sensation que sa chaise s'enfonçait
avec lui au fond de la mer. Les vomissements qui ont *
suivi le vertige, n'ont fait que soulager le malade
momentanément de ses vertiges qui, aussitôt après,
augmentaient d'intensité ; le malade était forcé de
s'immobiliser dans la position horizontale pour se sou-
tager. Le moindre changement de position, le moindre
mouvement communiqué par autrui, même le simple
attouchement provoquent des crises vertigineuses si
intenses, suivies de vomissements si forts, qu'il est
forcé de reprendre sa première position et de prier
son entourage de ne pas le secouer ou de ne pas le
toucher. On voit donc que ces crises subintrantes
qu'on n'observe que chez les personnes affectées, depuis
des années, du vertige de Ménière, sont développées
chez noire malade dès le premier moment de son
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 401
invasion. Quelle différence énorme comme mode
d'évolution. Il en est de même pour l'autre malade de
l'O.BSrRVATION II. (Dès le premier moment, état ver-
tigiiieux- permanent au milieu duquel éclatent des
paroxysmes tous les 15, 20 minutes au début, plus
rarement ensuite, titubation.) Or, l'intensité exces-
sive, dès les premiers moments de son invasion,
constitue, pour nos cas, une particularité toute spé-
ciale, qui ne s'observe jamais dans le syndrome de
Ménière d'autre origine.
Mais il y a un autre fait qui est d'une importance
non moins capitale et qui sert à différencier notre
syndrome du vertige de Ménière d'autre origine,
c'est, on l'aura déjà deviné, la disparition si rapide
du syndrome chez ces deux malades. C'est ainsi que
chez le malade de l'OBSERVATION I, son accident de
vertige dé Ménière, toutes les fois qu'il survenait, ne
durait que quelques heures seulement. Chez l'autre
Observation II, la disparition se faisait lentement,
mais progressivement et sans aucune intervention
thérapeutique, si bien que le 17 novembre, que nous
avons examiné ce malade, ce qui fait six mois en-
viron depuis l'invasion de son accident, au lieu
d'avoir son état vertigineux d'une manière perma-
nente, il n'eu souffrait plus que deux ou trois heures
après son réveil ; ses crises survenaient bien plus
rarement et d'une intensité moindre; il ne titubait
plus. Enfin, cette tendance naturelle à la guérison,
favorisée peut-être aussi par le traitement quinique,,
n'a pas tardé en définitive à mettre fin à son état. La
guérison a été complète, absolue et sans surdité. La
maladie de Ménière d'autre origine, si elle n'est pas
Ancuiviis, t. XVII. 26
4(M CLINIQUE NERVEUSE.
enrayée dans sa marche par les médications de sul-
fate de quinine, de salycilate de soude et des révulsifs,
loin de rétrogresser, tend au contraire à progresser,
à s'aggraver, à empirer jusqu'au moment où la déter-
mination de la paralysie complète du nerf auditif, la
cophose, met fin à l'état effrayant des sujets en proie
depuis longtemps à la maladie de Ménière.
7. FORME DE PERTE DE CONNAISSANCE. '
La perte de connaissance figure parmi les symp-
tômes les plus fréquents dans le tableau clinique des
différents accidents survenant par l'emploi des sca-
phandres, et surtout, dans la symptomatologie de
la période du début des formes spinales. Les obser-
vations suivantes nous montrent que la perte de
connaissance peut figurer, non pas à titre de symp-
tôme, mais bien à titre de forme clinique distincte.
Elle constitue alors, à elle seule, le tableau clinique
de l'accident.
Voici ces deux observations :
Observation LU.
Alexandre Microgeorgis, âge de vingt-deux ans, sans antécé-
dents hériditaires ou personnels, a commencé son travail de
plongeur à scaphandre, en 1884, et il a travaillé pendant une
année sans accident. Le 18 juin 1883, il descend à une profon-
deur de 28 brasses, et, après avoir demeuré cinq minutes à peine,
il s'est fait brusquement décomprimer. Il a fait, dans le cours de
»on travail, un grand nombre d'immersions, à la même profon-
deur, même durée de séjour, même décompression sans accident.
Immédiatement après la décompression, le malade perd connais-
sance pendant quatre heures, au bout desquelles ce scaphandrier
revient un peu étourdi. Quelques minutes après, il se porte par-
faitement bien. Pas de paralysie, pas d'autres symptômes. Le
lendemain malin, il reprend son travail.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 403
Observation LUI.
Stephanos Marinidès, âgé de vingt-sept ans, sans antécédents
héréditaires ou personnels, a commencé, le 15 mai 1886, son
travail dans l'air comprimé. Ce jour-là, il ne fait qu'une seule
immersion à une profondeur de 15 brasses, et, un quart d'heure de
séjour au fond et décompression brusque comme toujours. Pas
d'accident.
Le lendemain matin, 16 mai, à 10 heures du matin, il descend
à une profondeur de 27 brasses et ne demeure au fond que cinq
minutes. Ne sachant pas encore bien manier la soupape, il la
ferme et se fait instantanément remonter. Cinq minutes environ
après la décompression et l'enlèvement du casque, il se sent
étourdi et bientôt après il perd complètement connaissance, il
reste dans cet état sans avoir conscience de rien pendant vingt-
quatre heures. Au bout de ce temps, le malade revient, se plai-
gnant d'un peu de mal de tête, qui à son tour disparaît bientôt
pour faire place à un bien-être parfait.
G.- FORME C&RBBRO-SPINALE. ,
Nous avons jusqu'à présent décrit les différentes
formes des accidents spinaux et cérébraux, suivant
que la localisation de l'agent pathogène se fait à la
moelle épinière ou bien au cerveau. En décrivant les
différentes- formes spinales, nous avons, il est vrai,
plusieurs fois rencontré des symptômes céphaliques
faisant partie de la période du début, mais ce sont là
des symptômes absolument transitoires, très fugitifs,
dans l'immense majorité des cas, ne durant que quel-
ques minutes ou quelques heures, très rarement quel-
ques jours, dépendance directe d'une embolie gazeuse
fugitive qui, suivant sa localisation dans tel ou tel
territoire cérébral , apporte tel ou tel dérangement
fonctionnel absolument transitoire et fugitif.
Ici, ce n'est plus ainsi que les choses se passent, les
symptômes céphaliques ne sont plus fugitifs, mais
404 - - CLINIQUE NERVEUSE.
bien permanents, ils ne durent plus des minutes et
des heures, mais des mois et des années; nous avons
là des véritables lésions cérébrales, qui coexistent avec
celles de la moelle ; en d'autres termes nous sommes
en présence des affections cérébro-spinales.
La forme cérébro-spinale ne parait pas fréquente,
nous avons à rapporter une belle observation intéres-
saute à plus d'un titre et que nous devons à l'obligeance
de notre très estimé et excellent maître, M. le profes-
seur de clinique médicale Karamitsas, qui suppléait à
ce moment le regretté professeur Préteuteris Typal-
dos et qui m'a fait l'honneur de m'appeler pour étu-
dier son malade. C'est avec plaisir que je saisis l'occa-
sion de le remercier ici et de lui attester ma recon-
naissance.
En voici le cas :
Obsluvation LIV.
Georges Pallis, âgé de trente-six ans; les antécédents hérédi-
taires n'offrent rien d'important, il n'y a pas d'accidents nerveux
dans la famille. Comme accidents personnels, cet h'omme a eu
des fièvres paludéennes, il y a quelques années ; pas d'accidents
syphilitiques ; pas d'autres maladies antérieures ; pas d'excès,
enfin, rien de digne d'être noté. H y a déjà une dizaine
d'années qu'il travaille dans l'air comprimé, dès 1874.
Vers le commencement de 1874, il a eu son premier accident ;
le malade ne peut en fixer exactement la date. Ce jour-là, il est
plusieurs fois descendu à une profondeur qui variait entre 25
et 28 brasses. Il n'aurait jamais prolongé son séjour au delà d'un
quart d'heure. La décompression était toujours brusque. La der-
nière immersion a été faite à la même profondeur et il n'a
pas demeuré au fond plus d'un quart d'heure.
Au fond delà mer, ce plongeur a été pris d'une gêne légère
de la respiration, devenue en même temps plus fréquente, et
d'éblouissements des yeux. Tous ces symptômes ont disparu
pendant sa montée.
Cinq minutes après la décompression et l'enlèvement du casque,
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 40S
se passent, pendant lesquelles ce soaphandrier se porte parfai-
tement bien. Au bout de ce temps, il a eu un malaise général,
vague, indéfinissable, disant à ses compagnons qu'il ne va pas
bien.A ce moment, il sent que sa tête tournait et bientôt après, il a
perdu connaissance pendant une vingtaine d'heures, de 2 heures
du soir à-10 heures du matin le lendemain.
Le malade revenu à lui a observé que ses quatre membres
étaient complètement et absolument paralysés. L'immobilité
était parfaite, il ne mouvait que la tête. Le pincement par l'ai-
guille a montré que la sensibilité aurait été abolie au niveau des
membres paralysés. Il avait en même temps des douleurs liés
fortes au bas-ventre et à la région lombaire. La rétention d'urines
concomitante a rendu nécessaire trois fois l'application du cathéter.
Constipation. A ce moment il voyait double. Les vertiges qui ont
précédé la perte de connaissance persistaient. Pendant treize
jours, le malade a dû garder le lit, ayant ses quatre membres
paralysés. Sa bouche n'aurait pas été de travers. La diplopie et
les vertiges persistaient.
Au bout de ce temps, les membres supérieurs étaient com-
plètement dégagés de la paralysie, il a pu en outre se tenir
debout et faire quelques petits pas à l'aide de deux appuis. Dès
lors, cette amélioration progressait à pas rapides si bien que
deux mois après, il marchait à peu de chose près comme avant
son aecident. A ce moment, il a rendu involontairement ses
urines et ses selles. Les mois suivants, le malade n'avait plus
qu'une petite faiblesse et un certain degré de parésie vésicale et
rectale qui survenait de temps à autre. Au mois de novembre de
la même année, il a repris son travail, faisant des immersions à
une profondeur qui variait entre 40 et 45 mètres ; il ne peut pas
exactement définir les autres conditions du travail.
Au cours de ce mois, après avoir déjà antérieurement et
successivement fait un certain nombre d'immersions à une pro-
fondeur de 40 à 45 mètres, il redescend à la même profondeur.
Impossible de définir le temps du séjour au fond, la décom-
pression était brusque comme toujours. Il n'a plus senti au fond
de la mer, c'est-à-dire pendant la compression, les petits
symptômes de son premier accident. Trois minutes après la
décompression et l'enlèvement du casque, le scaphandrier n'a
rien senti, mais aussitôt après, il a été pris de vertiges et bientôt
d'une perte de connaisssance, qui a duré une heure et demie à
deux heures environ.
Le malade revenu à lui a été pris d'un véritable accès de manie
transitoire, il avait une loquacité intarissable, il parlait si vite et
de questions si différentes, que c'est à peine si ses compagnons
parvenaient à concevoir ce qu'il disait, il vomissait des injures,
tl mouvait avec rage ses membres, il aboyait et se jetait sur ceux
406 CLINIQUE NERVEUSE. '
qui l'entouraient pour les mordre, ce qu'il a*fait en réalité à
l'un de ses compagnons. Sa face était très injectée, rouge.
Celte scène ! effrayante a duré au total .trois heures, au bout
desquelles elle a été suivie d'une paralysie aussi bien de la sensi-
bilité que de la motilité de ses quatre membres. La bouche
n'aurait pas été de travers. La parésie vésicale et rectale proexis-
tante a empiré. Cette fois-ci encore, le malade avait des vertiges
et de la diplopie. Il est resté au lit huit jours, au bout desquels il
a complètement récupéré l'usage de ses membres supérieurs. Quant
aux inférieurs, l'amélioration a été telle qu'il a pu marcher à
l'aide de deux appuis.
Vers la fin de février 187, il a été dans la capacité de marcher
à l'aide d'un appui, que depuis lors il n'a pas quitté. A ce moment,
ses membres s'agitaient d'un tremblement rythmique. Depuis
cette époque, jusqu'à présent, son état n'a pas beaucoup changé.
- État actuel (15 septembre 488'r). Symptômes spinaux. Le
fait qui domine l'état maladif, c'est une paralysie des. membres
inférieurs qui est beaucoup plus accentuée au membre gauche.
La démarche est tout à fait spasmodique. Le malade est forcé
d'incliner le tronc de son corps à droite et un peu en arrière,
pourélever sa hanche gauche et de cette manière arriver à détacher
du sol 'et porter en avant son membre inférieur gauche qui alors
décrit un demi-cercle en frottant de temps à autre le sol. Il n'en
est pas de même pour le membre inférieur droit qu'il peut
détacher du sol et faire avancer sans qu'il soit obligé d'incliner
le tronc à gauche. Il va sans dire qu'il lui est absolument impos-
sible de marcher sur un plan incliné ou descendre un escalier.
Il y a une exaltation des. réflexes plantaires, crémaslériens et
rotuliens, surtout à gauche, facilement constatable par les procédés
les plus élémentaires.
.' Il a des secousses surtout la nuit, plus souvent au membre infé-
rieur gauche. Les membres se fléchissent et s'étendent tout d'un
coup. Ses membres paralysés et surtout le gauche sont agités
souvent d'un tremblement rythmique qu'on peut aisément provo-
quer en relevant brusquement l'avant-pied. Il est facile de cons-
taterparles mouvements passifs communiqués aux membres qu'il va
une dyscampsie des articulations très marquée, surioutà gauche. -
Souvent,' son membre gauche et parfois le droit se raidit en
extension, surtout la nuit, pendant quelques minutes.
.. La sensibilité interrogée sous tous ses modes a montré des
plaques .d'anesthésie très étendues surtout au membre gauche.
Le sens musculaire ne parait pas altéré. Il n'y a pas de myatro-
phie.' La contractilité électrique est normale. Pas de troubles
vaso-moteurs. Il existe une parésie vésicale qui apparaît de
temps à autre. Constipation habituelle, Les fonctions des organes
génitaux sont abolies.
DES ACCIDENTS PAU L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 407
Symptômes céphaliques. De loin, on peut remarquer que
les axes oculaires ne sont pas du tout parallèles, il y a un certain
degré de strabisme. Si nous faisions regarder notre malade à droite,
la tête étant dans l'immobilité, nous voyions que le bord de la
cornée droite est loin d'arriver jusqu'à l'angle de la paupière et
le muscle droit externe se fatigue si rapidement que c'est avec la
plus grande difficulté qu'il peut se maintenir dans la direction
citée. Sa tendance à revenir à la ligne médiane était très grande.
L'insuffisance de droit interne de l'oeil droitétait très marquée ;
si on couvrait l'oeil droit et si on lui disait de fixer notre doigt,
à 15 ou 20 centimètres de distance, on constatait que le droit
interne de t'oeil droit que l'on découvrait, exécutait un mouve-
ment très visible de redressement en dedans. Ces paralysies nous
expliquent parfaitement la diplopie du malade.
L'examen du champ visuelfaitpar le périmètrede Landoltavait
montré un rétrécissement irrégulier du champ visuel de t'ceit
gauche. L'examen ophthalmoscopique nous fait voir l'atrophie de
la papille gauche, plusieurs vaisseaux artériels sont dilatés, ce qui
explique l'amblyopie du malade. , ,
Si on fait parler le malade, on ne tarde pas à remarquer un
certain embarras de la parole. Les vertiges n'ont jamais cessé de
fréquenter le malade, tantôt légers et tantôt forts. Le malade se
plaint d'une amnésie qui, en effet, est assez accusée. ·
Analyse. On aura certes remarqué que nous
avons affaire à une affection cérébro-spinale, car le
tableau clinique est constitué aussi bien par des symp-
tômes spinaux, parmi lesquels le syndrome de para-
plégie spasmodique domine et occupe le premier rang,
que par des symptômes céphaliques (paralysie du droit
externe, du droit interne de l'oeil gauche, rétrécisse-
ment irrégulier du champ visuel, atrophie de la papille
du même oeil, vertiges, amnésie). '
L'existence du syndrome spasmodique apporte une
nouvelle confirmation de la loi que nous avons déjà
posée, à savoir : « Presque toutes les paraplégies prove-
nant de l'emploi des scaphandres et qui se prolongent
au delà d'un mois, c'est-à-dire pendant un temps suf-
fisant au développement des symptômes spastiques,'
408 CLINIQUE NERVEUSE.
sont spasmodiques ». La marche de la paraplégie
spasmodique survenant par l'emploi des scaphandres
est, et nous l'avons déjà antérieurement démontré,
très souvent rétrogressive, parfois stationnaire, mais
jamais progressive; elle n'arrive jamais à la contrac-
ture permanente, au pied-bot spasmodique, et, en
effet, notre malade ne fait pas d'exception à cette loi :
il a sa paraplégie spasmodique depuis dix années et,
au lieu de marcher vers la contracture permanente,
au contraire, il s'est amélioré considérablement de son
membre droit; quant au membre gauche, si d'un côté
les symptômes spasmodiques n'ont que très peu rétro-
gressé, de l'autre ils n'ont pas du tout progressé.
Nous nous plaisons à fixer l'attention du lecteur sur
les symptômes mentaux qui ont suivi la perte, de con-
naissance et précédé l'invasion de la paralysie dans
son accident de novembre 1874. On avait là un tableau
de manie aiguë des plus caractéristiques ; en effet, le
malade avait une loquacité intarissable; il parlait si
vite et de questions si différentes les unes des autres
que c'est avec peine que ses compagnons comprenaient
ce qu'il disait. Il vomissait des injures, il mouvait ses
membres avec rage, il aboyait, il se jetait, pour les
mordre, sur ceux qui l'entouraient, ce qu'il a fait en
réalité à un de ses compagnons; la face était injectée,
rouge.
Si on prend en considération : 1° le brusque déve-
loppement des symptômes maniaques; 1° leur dispari-
tion très rapide, qui a eu lieu en trois heures, on a
alors sous les yeux un véritable accès de manie tran-
sitoire.
Le fait que la manie transitoire peut figurer à titre
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 409
de symptôme prodromique, comme dans le cas en
question, parait démontrer que la manie transitoire
peut exister à titre de forme clinique à part, consti-
tuant à elle seule tout le tableau clinique de l'accident,
même chez des personnes qui ne sont pas dégénérées
ou héréditaires.
C. Accidents extra-nerveux.
Jusqu'à présent, nous avons traité des accidents ner-
veux survenant par l'emploi des scaphandres, à savoir
ceux qui sont provoqués par la localisation de l'agent
pathogène au système nerveux. Cet agent peut très
bien se localiser en dehors du système nerveux, à un
autre tissu ou organe et nous avons alors les accidents
que nous appelons extra-nerveux.
La--lôcalisation extra-nerveuse, qui est d'une fré-
quence extraordinaire, est celle qui a lieu aux muscles
et aux articulations. C'est elle aussi qui a été constatée
depuis fort longtemps par tous les auteurs qui ont écrit
sur la question. J'entends les douleurs musculaires ou
articulaires, les myopathies ou arthropathies douloureux-
ses. Il y a très peu de plongeurs à scaphandre qui
n'ont pas eu d'accidents douloureux au cours de leurs
travaux. Ces douleurs peuvent siéger partout et se lo-
caliser à une région déterminée ou bien se généraliser,
de manière à ressembler alors à un rhumatisme arti-
culaire aigu. Elles sont ou non accompagnées de gon-
flement appréciable. La durée de ces douleurs, qui
ordinairement sont assez intenses pour arracher des
cris aux malades, est très courte et dans l'immense
majorité des cas, ne dépasse pas les vingt-quatre heures.
11.10 CLINIQUE NERVEUSE.
Cet accident est si bien connu que nous croyons
au moins inutile de rapporter des observations où
l'élément douleur ne figure plus à titre de symptôme,
comme nous l'avons déjà bien des fois rencontré, mais
bien à titre de forme clinique à part, c'est-à-dire que
l'élément douleur constitue alors exclusivement le ta-
bleau clinique de l'accident.
Lesautreslocalisationsextra-nerveuses paraissent très
rares. Je n'entends pas qu'il est rare de constater des
troubles viscéraux et surtout respiratoires, cardiaques et
gastriques; ce sont même au contraire des symptômes
que l'on voit souvent figurer dans la symptomatologie des
malades appartenant aux différentes formes cliniques.
Je dis seulement qu'il est rare de voir une localisation
de l'agent pathogène faite uniquement et exclusive-
ment aux poumons, au coeur ou au tube digestif.
Quant à moi, je n'ai pas observé des cas d'accidents
survenant par l'emploi des scaphandres dont le tableau
clinique soit constitué exclusivement et uniquement
par des symptômes respiratoires cardiaques ou gas-
triques.
A. Zoca/Ma/M ? ? aMe ? Une seule fois, j'ai ob-
servé un malade à localisation exclusive au foie. Il
s'agissait d'un malade dont j'ai malheureusement perdu
l'observation très détaillée et si intéressante qui, après
la décompression et l'enlèvement de son casque, a
senti des douleurs intenses à l'hypocondre droit : Je
l'ai observé quelques jours après son accident et son
foie débordait de quelques travers de doigts. Il a guéri, a,
dans un mois; le foie était revenu tout à fait à sa
placé, ne débordait plus et l'ictère concomitant s'est
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 411
complètement dissipé. Je ne l'avais soumis à aucun
traitement pour suivre la marche naturelle de soif
accident. . , .
Enfin, la localisation peut dominer au tissu conjonc-
tif sous-cutané et nous avons alors l'emphysème sous-
cutané dont voici une intéressante observation :
B. EMPHYSÈME SOUS-CUTANÉ GÉNÉRALISÉ.
Observation LV.
Jean Paloyanuos, âgé de trente-sept ans; les antécédents, aussi
bien personnels qu'héréditaires, n'offrent rien d'important,
il travaillait déjà depuis des années dans l'air comprimé.
Le 8 août z n'étant pas indisposé et n'ayant pas chargé son
estomac, il descend à une profondeur de 20 brasses; il n'avait
encore demeuré que quelques minutes (dix minutes environ) au
fond, quand tout d'un coup, le tube en caoutchouc se rompt sans
solution complète de continuité en deux pointes différentes, dont
l'une était à la partie du tube submergé et l'autre à celle qui se
trouvait-surie bateau. Immédiatement, le plongeur se sent .serré
par le costume. On le retire violemment, tandis que celui-ci'avait
déjà perdu, durant l'ascension, sa connaissance. On lui enlève le
casque et le plongeur marmottait quelques mots inintelligibles,
n'ayant conscience de rien. Sa narine droite et son oreille homo-
nyme saignaient abondamment.' Ce saignement avait déjà été ob-
servé par ses compagnons, pendant que le plongeur portait encore
le casque, à travers les verres.
On commence à le débarrasser de son costume, ce qui a été
obtenu non sans difficulté, à cause du gonflement généralisé de
tout le corps. La tête à son tour n'a pas tardé à participer à ce
gonflement et en effet, elle s'est gontlée monstrueusement, de
manière à défigurer d'une façon hideuse le visage du malade.
C'étaient surtout les paupières qui avaient formé des masses volu-
mineuses, faisant deux saillies frappantes qui ressemblaient à
deux oeufs, ce qui a effrayé énormément ses compagnons. Ce
gonflement continuait à augmenter et au bout d'une heure il avait
atteint son maximum d'intensité, de développement. A ce moment,
le malade était revenu de sa perte de connaissance. En même
temps", il y avait sur son corps des plaques plus ou moins éten-
dues, noirâtres. En lui ouvrant les yeux, on s'apercevait que l'oeil
droit était presque uniformément noir et on ne distinguait plus
la cornée de la sclérotique. Il n'y avait aucune trace de paralysie.
412 CLINIQUE NERVEUSE.
Si on le pinçait, on le frottait, on le touchait, il sentait très bien.
Il n'y avait pas de troubles de la vessie, du rectum, ou des
organesgénitaux. 11 n'y avait non plus ni palpitations, ni troubles
respiratoires, ni symptômes gastriques.
Le malade pendant trois jours n'a pas fait d'immersions et,
malgré les frictions énergiques qu'on lui faisait, le gonflement
persistait. Le quatrième on l'habille difficilement et il descend
dans un but thérapeutique, ayant fait plusieurs immersions aune
profondeur de 10 à 42 brasses et ne prolongeant pas son séjour
au delà de douze à quinze minutes. Le cinquième jour de son
accident, il était déjà très amélioré et sa périphérie assez dimi-
nuée de volume, il continue ses immersions. Le sixième jour,
après avoir fait cinq immersions, son corps reprend la forme,
c'est seulement les plaques noirâtres et les ecchymoses conjoneti-
vales qui ont persisté quinze jours.
C.-LOCALISATION THYROÏDIENNE.
Hémorrhagie dans le corps thyroïde. Cette locali-
sation extra-nerveuse a été observée par M. Pérochaud,
interne des hôpitaux de Nantes, dans son travail inti-
tulé : « Trois mois à la clinique chirurgicale de l'école de
plein exercice à Nantes, » et publié dans le Progrès
médical, n° z 2 août 1884. Voici la relation textuelle-
ment empruntée de ce fait : .
« Cette hémorrhagie est survenue chez un plon-
geur, en travaillant sous une cloche. La tumeur est
du volume d'une petite orange et siège au lobe droit.
La régression est lente, mais progressive. La façon
brusque et les circonstances dans lesquelles est surve-
nue la tumeur, sa consistance, sa régression, etc., ne
laissent aucun doute sur la nature de cette lésion fort
rare.
COMPLEXITÉ DES ACCIDENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI
DES SCAPHANDRES.
Maintenant que nous avons étudié les différentes
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 413
formes cliniques, isolées de tout mélange, et déga-
gées de toute complication, auxquelles se rangent
les cas d'une pureté et d'une simplicité remar-
quables, il ne nous est certes pas difficile d'analyser
les cas complexes, composés, les cas dont la sympto-
matologie est composée par des symptômes qui appar-
tiennent aux différentes formes décrites. C'est
ainsi que la surdité, par exemple, que nous avons vue
se manifester cliniquement seule, isolée et dégagée de
tout élément étranger et par cela même constituer la
variété auriculaire de notre forme sensorielle, l'apha-
sie qui, elle aussi, peut se présenter, nous l'avons
déjà étudiée, simple et pure, de manière à constituer
la forme aphasique. La perte de connaissance qui à
son tour peut, isolée de tout autre symptôme, figurer
à titre de forme clinique. Ces trois symptômes, dis-je,
l'aphasie, la surdité et la perte de connaissance, peu-
vent exister ensemble et se succéder, se grouper à
titre de symptômes pour constituer un accident céré-
bral complexe, composé, comme on le voit dans l'obser-
vatioii suivante :
Observation LVI.
Histoire. Nilcitas Pagonis, âgé de trente ans, homme robuste,
sans antécédents héréditaires ou personnels dignes d'être notés.
Il a commencé son travail en 1877. Il avait travaillé pendant
deux années, faisant régulièrement ses campagnes pour la pêche
des éponges, sans accident quel qu'il soit.
Le 10 juillet 1879, il faisait des immersions à une profondeur
de 20 à 22 mètres, demeurant quinze ou seize minutes au fond;
il faisait la concurrence à un autre plongeur qui péchait, lui
aussi, des éponges au même endroit. Il avait déjà, fait cinq im-
mersions sans rien sentir. Inutile de répéter que la décompression
était toujours brusque.
Il décide de faire une sixième immersion. il était déjà 2 heures,
il était descendu tout d'abord à une profondeur de dix brasses,
414 CLINIQUE NERVEUSE.
pour arriver graduellement à des profondeurs plus grandes.
Le vaisseau, à cause du vent contraire, l'entraînait malgré
lui, et après une vaine résistance, le plongeur était forcé de
le suivre en regrettant les éponges qu'il laissait derrière lui.
Cette lutte a continué pendant dix minutes, il était arrivé à la
profondeur de 23 brasses. Six minutes se passent après la dé-
compression et l'enlèvement de son casque pendant lesquelles le
plongeur se porte presque bien ; il n'avait qu'un certain degré
de céphalalgie ; il avait l'air d'un homme qui pense à quelque
chose de sérieux.
Au bout de ce temps, il se lève pour marcher, mais ayant
remarqué qu'il titubait trop, il a été obligé de se coucher.
On lui donne de l'huile pour vomir, ce qui en effet réussit.
Bientôt après il tourne les yeux, serre les mâchoires et est dans une
perte de connaissance complète. C'est avec beaucoup de peine
qu'on lui a ouvert la bouche pour lui administrer de l'huile et le
faire vomir, mais sans succès. Ses compagnons, comptant énor-
mément sur le vomissement comme moyen thérapeutique, lui
ont titillé la gorge avec une plume d'oie, ce qui l'a fait vomir.
Tous s'étaient mis à le frictionner, surtout à la région gastrique
qui était gonflée. A 4 heures du soir, le malade était complète-
ment revenu, et il riait, en voyant ses compagnons titiller son
pénis par plaisanterie. Cependant, il ne pouvait articuler un
seul mqt, il criait. Il concevait très bien la parole entendue ; il ne
savait ni lire ni écrire. A 5 heures du soir, ce malade commen-
çait à parler, mais il ne trouvait pas les mots voulus et très
souvent, il substituait quelques mots à tout ce qu'il voulait dire ;
c'est ainsi qu'au lieu de pain, il disait éponge, mot qui lui était
le plus cher. Peu à peu l'articulation des mots se faisait de mieux
en mieux et vers minuit, il n'y avait plus aucune trace d'aphasie ;
il parlait comme avant son accident. Pas de troubles, ni de la
motilité ni de la sensibilité. Le malade s'endort et se lève à
6 heures du matin parfaitement bien portant, ne se plaignant de
rien jusqu'à midi, lorsqu'il sort du bateau pour se promener sur
les côtes de Macri et prendre l'air sans être accompagné de per-
sonne.
Il retourne au bateau à 3 heures du soir ; on lui parle et on
remarque qu'il n'entendait rien et par conséquent ne répondait
pas; il était si sourd qu'il n'entendait pas le bruit de la chaîne
qu'on traînait.
II est resté dans cet état de surdité complète qui existait à ce
moment à l'état d'isolement pendant trois jours ; il n'avait pas
travaillé ces jours-là. Le quatrième jour, il fait une immersion
à une profondeur de 12 brasses et après avoir demeuré une
demi-heure, il s'est fait décomprimer. Il a aussitôt ressenti une
amélioration de sa surdité. Le cinquième jour, il descend deux
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 415
fois dans les mêmes conditions. L'amélioration était telle qu'il
entendait presque bien. Enfin, le sixième jour, il fait encore trois
immersions la suite desquelles le malade entendait aussi bien
qu'avant son accident. La guérison fut absolue et définitive.
Chez un autre malade, la rougeur des conjonctives
accompagnée de brûlure comme symptômes oculaires
de la forme sensorielle; les douleurs aux lombes et à
l'estomac, symptômes fréquents des divers accidents
survenant par l'emploi des scaphandres; la céphalalgie,
autre symptôme céphalique assez fréquent; l'aphasie
motrice de la forme aphasique ; une véritable crise
mentale de notre forme mentale; les vertiges de la
forme vertigineuse; enfin une parésie des membres
inférieurs avec anesthésie et un certain degré de réten-
tion d'urines qui, elle aussi, peut survenir à titre de
forme clinique à part, formant alors à elle seule le ta-
bleau-clinique de l'accident; tous ces symptômes., dis-
je, dont la plupart à l'état de simplicité, d'isolement,
constituent les formes cliniques spéciales, peuvent
coexister, se succéder, se grouper pour constituer
l'accident complexe, composé du malade dont voici
l'observation :
OBSERVAT ! ONLVIL
Le nommé R. Chais, frère de l'autre M. Chais, dont l'observa-
tion est relatée, âgé de trente ans, sans antécédents héréditaires
ou personnels, a commencé le métier de plongeur à scaphandre
en 1874. Il a travaillé pendant quatre ans, faisant régulièrement
ses campagnes de l'année sans aucun accident.
Le 5 juillet 1878, il travaillait à une profondeur de 24 brasses,
il était obligé de lutter contre un courant de mer assez fort, il à
demeuré chaque fois douze minutes. 11 fait, dans ces conditions,
cinq immersions sans accidents, il redescend pour la sixième fois
au même endroit.
Cinq minutes après l'enlèvement du casque, il a été atteint
41(5 ' CLINIQUE NERVEUSE.
d'une brûlure dans les yeux qu'il frottait fortement et qui étaient
rouges. Presque en même temps, un mal" de tête intolérable avec
des douleurs intenses aux lombes et à l'estomac surviennent au
malade. A ce moment, le malade était pris d'une parésie des
membres inférieurs qui lui paraissaient très lourds. La sensibilité
aurait été complètement abolie. Au bout de trois minutes, sur-
viennent des vertiges très forts, mais il n'avait pas perdu connais-
sance.
A ce moment, on lui demande comment il va; le malade ne
répond que ha ! ha ! ha ! et après quelques efforts, il finit par
bien prononcer la syllabe ta; il voulait dire Nickitas, c'était le
nom de son capitaine. Ayant constaté qu'il ne pouvait pas parler,
il fait signe, par la mimique, qu'il se trouve très mal. Il concevait
parfaitement bien ce que l'on disait autour de lui. Le malade ne
sait ni lire ni écrire. -- i
Au bout de vingt minutes, le trouble du langage et dans
l'espèce l'aphasie motrice, disparait pour faire place à des symp-
tômes mentaux suivants. Le malade se met à rire d'une façon
éclatante et spasmodique. Ce rire est tellement fort et si par-
ticulier, d'après le récit du capitaine Nickitas lannaras, homme
instruit et fort intelligent, qu'au lieu de les faire rire, il les a
effrayés. Notons bien que le malade se rappelle ce rire, mais
il ne parait pas en conserver un souvenir bien précis.
Ce rire s'est prolongé pendant un quart d'heure environ, au
bout duquel il se met à chanter une chanson turque de la caté-
gorie spéciale de chansons qu'on appelle manés et qui sont très
goûtées dans son pays.
Son capitaine ajoute qu'il a très bien chanté la chanson tout
entière. Le malade interrogé sous ce rapport nous affirme qu'il
n'a pas le moindre souvenir de cette chanson. Cette chanson
s'est prolongée aussi une demi-heure, au bout de ce temps, il a
recommencé à rire. Enfin, les chansons alternées avec les rires
ont fait durer cette scène pendant trois heures et demie, juste.
Pendant ce temps, le malade se frottait follement la tête avec
ses mains. Au bout de ce laps de temps, le malade revient à son
état normal, parfaitement bien portant et ne se plaignant de
rien, sauf peut-être d'un certain degré de lourdeur de tête.
Le 5 août 1880, c'est-à-dire vingt-cinq mois depuis son premier
accident, il descend à une profondeur de 40 mètres et demeure
douze minutes, au bout desquelles il s'est fait remonter. 11 avait
déjà fait cinq immersions dans la même journée et de suite.
Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du casque,
le plongeur est pris du même accident. 11 ne diflérait absolument
eu rien de l'accident antérieur au point de vue des symptômes
céphaliques : brûlure des yeux, rougeur conjonctivale, vertige,
mal de tête, douleurs aux lombes et à l'estomac, aphasie motrice,
DES ACCIDENTS PAU L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 417 -1
alternance des rires et des chansons, presque de même durée,
accompagné de frottement de la tête. La parésie seulement au lieu
de se dissiper avec les autres symptômes, au bout de trois heures
et demie, a au contraire persisté cette fois pendant trois jours,
où tout rentre dans l'ordre.
Nous croyons inutile de multiplier les cas de ce
genre. Cela serait abuser outre mesure et sans profit
de l'attention de notre lecteur. Il suffit de savoir que
les cas complexes sont composés par des symptômes
divers et multiples qui, à l'état de simplicité et d'iso-
lement, constituent les formes typiques et simples. Ces
combinaisons, cette complexité ne sont soumises à au-
cune loi, à aucune règle, parce que les accidents com-
plexes dépendant directement d'une localisation faite
au hasard à différents points de l'organisme humain,
et surtout de l'axe cérébro-spinal, l'on peut aisément
concevoir sous quels tableaux multiples et variés ils
peuvent se présenter au clinicien. Mais, malgré cette
complexité, nous pouvons parfaitement bien nous
rendre compte des accidents de ce genre, les interpré-
ter, les analyser, comme nous l'avons déjà démontré;
et quelle que soit la forme sous laquelle puisse se pré-
senter ce Prothée, nous sommes toujours dans la pos-
sibilité de le saisir et le reconnaître par la connais-
sance précise des formes simples et typiques que
nous avons déjà si longuement décrites.
C'est d'ailleurs la manière de procéder pour toutes
les maladies surtout du système nerveux. Nous tâ-
chons avant tout de connaître quoi ? le type. Et une
fois que nous le possédons à fond, notre oeuvre est
presque achevée. Toutes les formes atypiques et anor-
males peuvent être aisément interprétées et analysées.'
C'est là un des secrets du génie de Charcot, secret qui
Archives, t. XVII. 27
418 CLINIQUE ER1 EUSE.
a conduit cet illustre maître à éclaircir d'une lumière
si vive un si grand nombre de points concernant la
neuropathologie. ' · .
MULTIPLICITÉ ET VARIABILITÉ DES ACCIDENTS CHEZ LE MÊME
PLONGEUR A SCAPHANDRE AU COURS DE SON TRAVAIL DANS
' L'AIR COMPRIMÉ. -
Si parfois il arrive au même plongeur à scaphandre
d'être atteint à différentes époques de son travail de
la même forme d'accident, à preuve, par exemple, le
malade de ]'OBSERVATION XLV qui a eu depuis le 10
juillet 1873 jusqu'en 1882 quinze fois le même acci-
dent, c'est-à-dire quinze hémiplégies, ceux des OBSER-
vations XXXII et XXXIII, dont le premier a été atteint
trois fois et le second deux fois du même accident,
d'aphasie motrice au cours de leur travail; le plus sou-
vent, au contraire, le scaphandrier est atteint au
cours de son travail des accidents les plus@multiples et
.les plus variés. Pour démontrer combien est grande
la variabilité et la multiplicité des accidents qui peu-
vent survenir chez le même plongeur à scaphandre
au cours de son travail, nous allons relater un certain
nombre d'observations.
Observation LVIII. Le 10 juin 1878, « la suite de la première
immersion de la journée, ci la profondeur de 23 brasses, décom-
pression brusque, trente-cinq minutes au fond. Dix minutes d'in-
tervalle entre la décompression et l'invasion de l'accident.
Hémiplégie gauche, trois jours de durée. Le 20 juillet 1879,
première immersion, 20 brasses de profondeur, vingt-cinq minutes
de séjour, décompression brusque. Immédiatement après la
décompression : monoplégie du membre inférieur droit une heure
et demie de durée. Le 15 septembre 1880, première immersion,
22 brasses de profondeur, une demi-heure de séjour azc fond, décom-
pression brusque. Paraplégie double, deux heures de durée.
Histoire. Phots Catsourakis, âgé de vingt-trois ans, sans ante-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 419
cédents héréditaires ou personnels ; il a-coiiiiiieiicé son métier de
plongeur à scaphandre en mai 1878. a travaillé un mois sans acci-
dents. Le 10 juin de cette année, il fait sa première immersion à
une profondeur de 23 brasses et après avoir prolongé son séjour
au fond pendant trente-cinq minutes, il s'est fait brusquement
remonter. Il avait déjà fait plusieurs immersions antérieurement
à la même profondeur ; de plus, il s'est fait décomprimer aussi
brusquement que celte fois-ci, sans accidents ; mais il n'a jamais
demeuré plus d'un quart d'heure tout au plus. ' '
. Dix minutes après la décompression et l'enlèvement du casque,
il a été pris d'un engourdissement général accompagné de fris-
sonnement ; pas de perte de connaissance. Cet engourdisse-
ment après avoir duré une heure, a disparu pour faire place à
une hémiplégie gauche. La bouche était de travers, ses membres
supérieur et inférieur du côté gauche, ne pouvaient exécuter le
moindre mouvement. Cet état, accompagné d'un certain degré
de céphalalgie a duré trois jours seulement, au bout desquels le
malade se portait parfaitement bien, au point qu'il a repris son
travail.
Le 20 juillet 1879, il descend à une profondeur de 20 brasses,
et, après avoir séjourné vingt cinq minutes, il s'est fait, brusque-
ment, comme d'habitude, décomprimer. Il avait fait, antérieure-
ment, ti.es immersions dans les mêmes conditions, sauf le séjour
qui n'a jamais duré plus.de douze à quinze minutes, sans accidents.
Pas de refroidissement, pas de toux, pas de repas avant l'im-
mersion.
Presque immédiatement après l'enlèvement du casque, le ma-
lade est atteint, le long de l'extrémité supérieure droite, surtout
aux épaules, de douleurs intenses qui ont duré cinq minutes
environ. Au bout de ce temps, une paralysie de la sensibilité et
de la motilité survint au plongeur ; pas d'autres symptômes. Cette
paralysie a duré une heure et demie, au bout de laquelle le
malade se porte parfaitement bien, remuant son membre para-
lytique aussi bien qu'avant l'accident.
Le 15 septembre 1880, il fait sa première immersion de la
journée, à une profondeur de 22 brasses et après avoir demeuré
une demi-heure, il s'est fait brusquement décomprimer.
Ce plongeur affirme cette fois-ci encore qu'il est descendu un
grand nombre de fois à cette profondeur et avec la même décom-
pression, sans accident, mais il importe de remarquer qu'il n'a
jamais demeuré au fond plus de quinze minutes. Il était par-
faitement bien portant et il n'a pas mangé avant l'immersion.
Immédiatement après l'enlèvement du casque, cet homme est pris
d'un engourdissement général sans perte de connaissance et
presque en même temps, d'une paralysie de la sensibilité et de
la motilité des quatre membres. 11 ne pouvait bouger que la tête.
420 0 CLINIQUE NERVEUSE.
Pas d'autres symptômes. Au bout de deux heures, il recouvre
l'usage de ses membres et le malade le lendemain malin a repris
son travail. Ce plongeur, depuis celte époque jusqu'au tO avril 1885,
jour de notre examen, n'a pas eu d'accidents.
On voit donc que ce plongeur à scaphandre a été
atteint au cours de son travail de trois accidents tout
à fait différents. Le premier était une hémiplégie gau-
che, le second était une monoplégie du membre infé-
rieur droit et le troisième une paraplégie des quatre
membres. Tous les trois étaient fugitifs, transitoires.
Observation LIX. Plusieurs accidents douloureux à différentes
époques. Le 16 juin 1882, dans des conditions de li-avail im-
possibles à déterminer, hémiplégie droite fugitive. Le 20 juillet
1882, première immersion, 26 brasses de profondeur, vingt-cinq
minutes de séjour au fond, ce qui a provoqué une dyspnée et une
sueur abondante, décompression extrêmement brusque. Accident
appartenant à la forme centrale spinale latérale.
Histoire. Demetres Guaris, âgé de vingt-huit ans, sans an-
técédents héréditaires ou personnels, a commencé à travailler
dans l'air comprimé en 1877.
i° Il a été atteint plusieurs fois aux différentes régions du corps
d'accidents douloureux dont la durée variait de deux à vingt-
quatre heures.
2° Le 16 juin 1882, dans des conditions de travail que le plon-
geur ne peut pas déterminer, il a été pris d'une douleur extrême-
ment vive avec anxiété au creux épigastrique, qui au bout de
quelques minutes a été remplacé par un engourdissement très
fort suivi bientôt d'une paralysie du membre supérieur et inférieur
droit; sa bouche aurait été de travers. En même temps le malade
avait un trouble du langage assez prononcé, il ne pouvait arti-
culer qu'un certain nombre de mots qu'il substituait d'une ma-
nière indifférente à tout ce qu'il voulait dire. Au bout d'une demi
heure, la paralysie et l'aphasie ont complètement disparu et le
lendemain matin il reprend son travail.
3° Le 20 juillet 1882, ce scaphandrier étant descendu aune pro-
fondeur de 26 brasses environ fait prolonger de vingt-cinq mi-
nutes son séjour au fond, il fut pris d'une dyspnée avec sensation
de sutfocation et d'une sueur abondante. Immédiatement il fait
signe de le faire monter. Ses compagnons troublés l'ont fait
i emonter très rapidement et lui ont enlevé le casque, de sorte que
la décompression a été instantanée.
DES ACCIDENTS PAR 1, ll ? IPI,01 DES SCAPHANDRES. 4) 1
Aussitôt la décompression faite le plongeur à scaphandre est
pris d'une douleur très intense à l'estomac sans perte de connais-
sance. Au bout de quelques minutes, ces douleurs gastriques dis-
paraissent pour faire place à un engourdissement qui s'étendait
de l'estomac aux pieds et qui a été suivi d'une paralysie des
membres inférieurs qui est devenue complète dans deux heures.
A ce moment, le malade a eu une rétention d'urine qui a néces-
sité le sondage. La constipation est opiniâtre. Le malade sentait
bien quand on le pinçait et quand on le louchait. Notre homme a
été forcé de garder le lit pendant quarante jours. Au bout de ce
temps, c'est-à-dire environ vers le commencement de septembre,
il a commencé son métier dès qu'il s'est senti capable de remuer
un peu ses membres.
Le mieux se faisait sentir d'un jour à l'autre. Les membres
reprenaient des forces et après un mois il marchait sans appui.
Etat actuel (10 juin 1881). Le malade a un léger boitement,
quand il marche, il frotte le sol de temps en temps, il élève un
peu ses hanches et enfin il a les allures d'une marche spasmodique
à peine esquissée. Dyscampsie légère des articulations. Se-
cousses. Exaltation des réflexes.- Epilepsie spinale spontanée
et provoquée. Rien d'anormal à la sensibilité examinée sous
tous ses modes, de temps en temps le malade a des engourdisse-
ments aux membres surtout sous l'influence des variations atmos-
phériques. Sensation désagréable à la région lombaire. Pas de
troubles trophiques ou vasomoteurs. Il est quelquefois obligé
de pousser pour uriner. Constipation. Fonctions génitales
un peu émoussées. Pas d'autres symptômes céphaliques ou
autres.
Ce plongeur à scaphandre a eu donc trois accidents
absolument différents l'un de l'autre. Il a eu au cours
de son travail : 1° des accidents douloureux multiples;
2° Un accident cérébral appartenant à la forme pa-
ralytique, type hémiplégique ;
3° Un accident spinal appartenant à la forme cen-
trale latérale.
Observation LX.
le, accident. 29 septembre 1873. (Septième immersion faite sous les
mêmes conditions que les six précédentes, à savoir 24 brasses de
profondeur, dix minutes de séjour au fond et décompression
132 CLINIQUE NERVEUSE.
brusque. Accident cérébral complexe (pote de connaissance,
aphasie, hémiplégie.)
2° (13 septembre 1818.) Huitième immersion. Mêmes conditions de
travail profondeur de 22 brasses, séjour de dix à douze minutes et
' décompression toujoursLmtsqite. Perte de connaissance, para-
plégie transitoire.
3° (3 naurs lssl). - Troisiènze imnzca·sioaz fctite sozts les mêmes con-
ditions que les deux précédentes comme profondeur 20 brasses,
séjour une demi-heure.
4° (2 juin 1883.) Troisième immersion, profondeur de 24 brasses,
séjour de sept à huit minutes, décompression brusque comme les
deux précédentes. - Accident appartenant ci la variété inlramyé-
litique de la forme spinale unilatérale.
Le nommé Antoine Antonogim, sans antécédents héréditaires
ou personnels, âgé de trente-cinq ans, a commencé en mai 1873
son travail dans l'air comprimé, il a travaillé pendant cinq mois
environ sans accidents. Le 29 septembre, bien portant et à jeun,
après avoir déjà fait 6 immersions à une profondeur de 24 brasses,
dix minutes de séjour au fond et décompression brusque; il est
redescendu dans les conditions de travail exactement semblables,
pas de fatigue.
Immédiatement après la décompression et l'enlèvement du
casque, il perd connaissance et reste, n'ayant conscience de rien,
pendant dix heures, de 10 heures du matin à 8 heures du soir. Au
bout de ce temps, le malade revient sans pouvoir articuler un seul
mot, il ne prononçait que quelques sons inarticulés. En même
temps, le malade ne distinguait pas les objets environnants, il
n'avait conservé que la perception lumineuse.
Bientôt après, le malade est atteint subitement d'une paralysie
du membre supérieur et inférieur droit, la bouche était aussi de
travers. 11 importe de remarquer qu'un gonflement de la moitié
droite de la poitrine s'était développé, qui donnait naissance à un
trigmus, à un bruit de frottement quand on le. frottait, sans rou-
geur ni autre changement de la coloration de la peau de cette
région. Il comprenait parfaitement la parole entendue. A minuit,
'il articulait très bien tous les mots. A ce moment aussi, il a com-
mencé à remuer un peu ses membres paralysés. Il s'endort et le
matin se lève bien portant. C'est le gonflement qui seul a persisté
et dont il y a encore aujourd'hui des traces. 4
2° Le 13 septembre 1878, après avoir fait 6 immersions à une
profondeur de 22 brasses, dix à douze minutes de séjour et
décompression brusque, il redescend à jeun dans les mêmes con-
ditions de travail. Immédiatement après la décompression et l'en-
lèvement du casque, le plongeur perd connaissance pendant trois
heures, au bout desquelles il revient, n'ayant absolument rien.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. Il
3° Le 3 mars 1882, à la suite de la troisième immersion, faite à
une profondeur de 20 brasses comme les deux précédentes, pas
de refroidissement, pas de toux, pas de repas avant son écluse-
ment, enfin pas de fatigue.
Une heure après la décompression brusque et l'enlèvement de
son casque, c'était dix heures du matin, le plongeur est atteint
d'une paralysie complète des membres inférieurs, qui a été bien-
tôt suivie de perte de connaissance absolue. A une heure du soir,
cet homme revient complètement. La paralysie n'était plus com-
plète ; le malade a pu se tenir debout et à l'aide des appuis, faire
quelques petits pas. La sensibilité aurait été diminuée. Il n'a pas
pu rendre ses urines ni ses selles.
A 5 heures du soir, il revient à son état normal. Pas trace de
paralysie. La sensibilité est normale, il a pu rendre ses urines tout
seul. Enfin rien, et le lendemain matin il reprend son travail.
4° Le 2 juin 1883, n'ayant pas la moindre indisposition, après
être déjà descendu deux fois à la profondeur de 24 brasses,
demeurant toutefois 7 à 8 minutes et se faisant brusquement
remonter, il redescend à jeun pour la troisième fois dans les
mêmes conditions. Aussitôt aprèsla décompression, il a été frappé
d'une perte de connaissance complète qui n'a pas duré plus d'un
quart d'heure, au bout duquel il est pris d'une parésie du membre
inférieur gauche, les trois autres ayant conservé leur motilité
intacie.-La sensibilité aurait été émoussée, pas de troubles de la
vessie ou du rectum. Fonctions génitales normales. La parésie
s'améliorait d'un mois à l'autre, lentement, mais progressivement.
Etat actuel, 3 septembre 1883.
Le malade marche bien, on ne peut pas distinguer le moindre
boitement. C'est seulement après une longue course que notre
.homme sent de la fatigue à ce membre.
Son membre parélique après une fatigue ou sous l'influence
d'une émotion morale, s'agile souvent au réveil, d'un tremblement
involontaire. Impossible de provoquer ce tremblement. 11 y a
une exaltation considérable des réflexes de ce membre. Son
membre parétique parfois se fléchit et s'étend tout d'un coup.
Il y a des anesthésies par plaques, à ce membre, la sensibilité
est intacte à l'autre.
Rien du côté du sens musculaire, de la nutrition des muscles,
des vaso-moteurs, de la vessie, du rectum et des organes géni-
taux.
Aucun symptôme céphalique.
Les fonctions des autres organes paraissent se faire réguliè-
rement. '
Etat du malade, le 15 novembre 1883. Rien. Guérison com-
plète et définitive.
li ^2 't CLINIQUE NERVEUSE.
Ce scaphandrier, comme on l'a remarqué, a eu au
cours de son travail quatre accidents différents. Le
premier est un accident cérébral complexe. La perte
de connaissance qui peut figurer toute seule au tableau
clinique d'un accident survenant par l'emploi des sca-
phandres, l'aphasie de la forme aphasique et l'hémi-
plégie de la forme cérébrale paralytique ont contribué
à la constitution de cet accident complexe. Le second
est un accident cérébral simple, typique, la perte de
connaissance qui, à elle seule, constituait le tableau
clinique de l'accident. Le troisième est un accident
complexe à la constitution duquel ont contribué la
perte de connaissance et la paralysie spinale transi-
toire. Enfin le quatrième est un accident appartenant
à la forme spinale unilatérale et plus spécialement à
la variété intramyélitique de cette forme.
De ces observations, on peut voir combien est grande
la multiplicité et la variabilité des accidents qui peu-
vent survenir chez le même plongeur à scaphandre
ins le cours de son travail. Je pourrais multiplier les
- as de ce genre si je ne craignais de fatiguer l'atten-
tion de notre lecteur.
Nous terminerons ce chapitre par une courte des-
cription des troubles trophiques et urinaires des para-
plégiques scaphandriers et des accidents mortels.
MORT DES PARALYTIQUES SCAPHANDRIERS
ACCIDENTS MORTELS.
Je ne veux pas insister beaucoup sur les troubles
trophiques et urinaires qui se rencontrent dans ces
accidents spinaux des scaphandriers, car ils ne dine-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 425
rent absolument en rien de ceux qui s'observent dans
les affections spinales de toute autre origine. On a pu
remarquer parmi les observations rapportées déjà des
cas de ce genre Eschares sacrées à formation rapide.
Troubles uriuaires : l'urine est albumineuse, ammonia-
cale et parfois sanguinolente. Mais si les scaphan-
driers qui font les sujets de nosobservations ont échappé
à la mort, il n'en est pas moins vrai que l'appari-
tion de ces troubles, comme toujours du reste, est
redoutable, car l'état général s'aggrave, le marasme
se prononce et le malade meurt.
A preuve par exemple deux observations dont la
première est due à l'excellente thèse de M. Alphonse
Gai l et la seconde au travail de MM. Tetzis et Parissisz,
toutes les deux relatives à des plongeurs paraplégiques
morts, de suites d'eschares à développement rapide.
Je reproduis intégralement ces observations.
Le 1 ? juillet 1869, sur la côte de Rhodes, le nommé Nicolas
Roditis, qui plongeait à la machine depuis trois mois environ,
remonta d'une profondeur de 35 à 40 mètres. Au bout d'une demi-
heure, il est pris de fortes douleurs dans la région épigastrique,
et en même temps s'aperçoit qu'il ne peut plus se tenir sur ses
jambes. On le ramène à Rhodes, où il s'adresse d'abord à un
charlatan qui le fait mettre dans un four. Il n'est pas soulagé,
comme on le pense bien ; les douleurs d'estnmac persistent; la
paralysie de la partie inférieure du corps était complète et portait
sur les jambes, les cuisses, la vessie et le rectum, Aux douleurs
de la région épigastrique s'ajoutait la tension du ventre ; il y
avait trois jours qu'il n'avait pas uriné et qu'il n'avait pas eu de
selles, quand il fit appeler un médecin italien, qui para au plus
pressé en le soudant et qui essaya ensuite de guérir sa paraplégie.
On lui donna divers remèdes et on lui fit des frictions ; mais il a
été impossible de savoir au juste quel traitement on lui fit suivre.
Un mois après l'accident, il arrive à Calymnos où le voit le
Loc. cit.
Loe. cit.
't-26 CLINIQUE NERVEUSE.
Dr Pélicanos. A ce moment il est complètement paralysé de toute
la moitié inférieure du corps, aussi bien du côté de la motilité
que de celui de la sensibilité. La vessie et le rectum participent
à la paralysie.
De plus, il porte à la partie postérieure et inférieure du tronc
une large eschare de 14 centimètres sur 15. Toutes les parties
molles sont ulcérées et le sacrum est à nu. A la hauteur des deux
grands trochanters, on voit aussi deux plaies ; l'une a amené la
destruction de la peau ; dans l'autre, l'os est à nu. Eschare au
calcanéum droit. Eschare à la partie inférieure et externe du cin-
quième métatasien gauche et à la plante du même pied. Douleurs
atroces dans la région de l'estomac ; constipation constante. Le
malade est très anémié.
On lui donne d'abord du sirop de lactate de fer, du quinquina,
du vin vieux de Chypre et une alimentation aussi réparatrice que
possible. On lave les plaies avec une décoction de camomille et
de quinquina ; on le panse avec du vin aromatique. De temps en
temps un purgatif avec l'huile de ricin ou la poudre de jalap..
Pas d'amélioration; les eschares s'agrandissent ; une fièvre à
type intermittent quotidien, à exacerbations revenant tous les
soirs, se déclare. C'était évidemment de la fièvre hectique.
L'appétit est presque nul, l'état général s'aggrave encore; une
eschare gangreneuse envahit le prépuce et enfin le malade suc-
combe dans le marasme trois mois après son accident.
Il y avait un mois que la paralysie de la vessie avait cessé;
mais il n'avait eu aucune amélioration du côté de la motilité et
de la sensibilité des membres inférieurs.
J. Z... d'Hydra, âgé de vingt-cinq ans, s'étant plongé trois fois
de suite dans le golfe Argolique, le 26 décembre 1876, à une
profondeur de 15 brasses, commençant alors ;pour la première
fois l'ouvrage de plongeur, fut attaqué d'une paraplégie, aussi
fut-il transporté à Kranidiou du Péloponèse, où il demeura vingt
jours et où lui furent donnés les premiers soins. Je le visitai,
quand il fut transporté, ici, le 16 janvier 1877 ; il me raconta
qu'étant remonté du fond de la mer, après l'enlèvement du casque,
lui survint de la lypotlimie et qu'il perdit connaissance; étant re-
venu à lui, il vit ses membres inférieurs paralysés. Je l'examinai
et je vis que ses membres inférieurs étaient paralysés et insensi-
bles; la vessie était complètement paralysée et le rectum n'agis-
sait plus; les autres fonctions du corps étaient normales. Comme
étant loin de son pays, il n'était pas convenablement soigné, la
peau à la région du sacrum avait commencé à devenir rouge ;
j'attirai immédiatement l'attention de ses proches sur cela, en
ordonnant des couches convenables, des changements fréquents
de position et des lavements de cette région avec de l'eau de
Goulard et avec de la décoction de quinquina ; des toniques à l'in-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES 5(' : 1P11\DREc. 427
térieur et une nourriture tonique et du vin ; il est inutile de dire
que je le sondais deux fois par jour et que je provoquais des éva-
cuations par des lavements. L'état du malade s'améliora par ces
soins, la peau à la région du sacrum revint à son état normal et
le malade sembla pendant quelque temps marcher à la guérison.
11 commença alors à sentir le besoin d'uriner et à remuer les doigts
des pieds ; il semblait qu'il allait recouvrer entièrement le mou-
vement et la sensation des membres inférieurs; mais malheureu-
sement il était pauvre et ne pouvait pas suffire aux dépenses;
aussi continuait-il exactement le traitement médical, mais dans
la maison il n'y avait pas les personnes qu'il fallait pour l'aider
à changer souvent de position, ni les moyens pour avoir la pro-
preté nécessaire dans sa couche, etc., par conséquent au mois de
mars se présentèrent de nouveau les symptômes de la gangrène
très intenses; la peau devint de nouveau rouge, elle s'ulcéra et
les parties molles commencèrent à devenir gangreneuses ; les os
se dépouillèrent et le sphacèle de ces parties du corps s'étendit
jusqu'à la surface postérieure du tiers supérieur des cuisses. Je fis
usage contre la gangrène de l'acide phénique et de l'acide salyci-
lique qui arrêtait, à ce qu'il paraissait, davantage le progrès de
la gangrène ; enfin tout fut inutile ; la gangrène amena de grandes
lésions auxquelles le malade résista, gardant l'appétit et n'ayant
point de fièvre ; mais enfin la diarrhée survint et la fièvre avec
des frissons et des sueurs, et l'épuisement, faisant des progrès,
amena la mort le 21 juin.
Voici maintenant, entre autres, une observation
empruntée aux mêmes auteurs, qui est relative à un
scaphandrier mort de troubles urinaires.
11. D..., de Kalymnos, âgé de vingt-quatre ans, plongeant à
scaphandre depuis un an, très hardi, fut affecté de la paraplégie,
lorsque je le visitai, le le, septembre 1878, il me raconta que,
s'étant plongé trois jours avant à plusieurs reprises à une grande
profondeur de vingt-six à trente brasses, il avait senti, en remon-
tant, après l'enlèvement du casque, les symptômes ordinaires
de la paraplégie, c'est-à-dire, des vertiges, la tendance à la
lipothymie et des douleurs aux membres inférieurs; il demanda
qu'on le déshabillât et alors il vit qu'il avait la paraplégie; ses
camarades, comme il était loin delà ville d'Hydra, lui donnèrent
les soins ordinaires et le sondèrent : le troisième jour de son
attaque, il vint à Hydra et il me disait qu'il se trouvait bien, si ce
n'est que ses membres inférieurs étaient attaqués; ces membres
avaient perdu complètement la motilité; la sensibilité s'étendait
seulement jusqu'aux cuisses. Je lui ordonnai le traitement ordi-
428 CLINIQUE NERVEUSE.
naire, l'application des ventouses scarifiées, le sondage fait par
moi-même, l'emploi du calomel comme purgatif; ainsi pendant
quelques jours, son état semblait s'améliorer : le mouvement des
doigts des pieds avait déjà commencé, mais le malade détestant
le cathétérisme tâchait,* par des pressions fortes à l'hypogastre,
de provoquer la sortie de l'urine ; de là et du séjour prolongé de
l'urine dans la vessie, survint l'inflammation de celle-ci. Le ma-
lade commença à sentir des douleurs fortes à l'hypogastre ; la
vessie ne se vidant pas complètement, était saillante de quelques
doigts au-dessus de la symphyse pubienne. En examinant les
parois de la vessie, on trouvait qu'elles grossissaient peu à peu ;
l'appétit diminuait, la fièvre apparaissait avec des frissons et se
terminait par des sueurs; il survenait des délires s'alternant avec
le coma et les soubresauts des tendons ; la langue se sécha, les
vomissements survinrent, et le malade s'affaiblissant petit à petit
décéda le 21 octobre dans une pleine anesthésie, après qu'on eut
employé vainement tous les moyens pour le sauver ; pas d'es-
chares.
Le cas échéant, soit que ces troubles trophiques et
urinaires ne font pas du tout leur apparition, soit
qu'ils ne se terminent pas par la mort, le paralytique
scaphandrier survit. Quant à la marche ultérieure de
ces paralysies et leurs pronostics, je me suis déjà lon-
guement entretenu et on a pu remarquer que je ne
suis pas, tant s'en faut, autorisé par mes observations
de souligner les paroles suivantes de Paul Bert :
« Mais trop fréquemment les paralysies des mem-
bres inférieurs sont persistantes, et nous avons
rapporté des observations nombreuses qui font un la-
mentable tableau de ces malheureux dont presque
toujours la mort vient, au bout d'un temps variable,
terminer les souffrances. Dans aucun des faits que
nous avons rapportés une paraplégie ayant duré plus
de deux jours n'a été complètement guérie. »
Au contraire, j'ai fait suffisamment ressentir que
des paraplégies, qui durent des mois et plus d'une
année, guérissent fréquemment, s'améliorent dans la
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 429
majorité des cas, rarement restent stationnaires pour
ainsi dire indéfiniment, le scaphandrier restant en
qualité d'infirme pour toute sa vie. Mais je dois con-
fesser-que je n'ai pas encore observé de mort par les
progrès seuls' et naturels de la paralysie.
ACCIDENTS MORTELS.
Le plongeur à scaphandre peut être mortellement
frappé soit subitement au moment même de la dé-
compression soit rapidement, quelques heures rare-
ment un ou deux jours après elle. Quels sont les
symptômes qui constituent le tableau clinique de ces
terribles accidents ? Ma description sera forcément
incomplète, parce qu'il ne m'a jamais été donné d'ob-
server des cas de ce genre. La mort survient si
promptement qu'on arrive presque toujours tard.
Les expériences qui seront rapportées plus loin, les
expériences quej'ai pris sur cette question auprès des
compagnons des scaphandriers frappés d'accidents
mortels, aussi bien qu'un certain nombre d'observa-
tions incomplètement exposées, que l'on trouve dans
les travaux de mes devanciers, semblent démontrer
que dans l'immense majorité des cas la, mort arrive
par le syndrome d'apoplexie par hémorrhagie céré-
brale, que parfois c'est une attaque syncopale qui
termine la vie du plongeur.
Procédons maintenant à l'exposé de ce qui a été
publié jusqu'à présent sur ces accidents mortels.
M. Leroy de Méricourt fait simplement savoir que trois
plongeurs à scaphandre sont morts subitement en
430 CLINIQUE NERVEUSE.
quittant le travail sous-marin. Pas d'observations. La
lettre de M. de Nayrouse donne sur ce point les
renseignements suivants :
« Ceux qui sont morts n'ont jamais expiré au fond de l'eau,
ils remontaient, se plaignant de douleurs internes, au coeur en
particulier, se couchant dans leur barque et s'éteignaient au bout
de quelques heures. »
.Dans la thèse de M. Alphonse Gal, on trouve les trois
observations suivantes, fort succintes et incomplètes :
I. Le 23 juin 1868, à Navarin, Jorgieos Koutchourahi, des-
cendu par une profondeur de quarante à quarante-cinq mètres,
est resté un quart d'heure au fond. Selon la coutume des plon-
geurs grecs, il s'est fait hisser après ce temps ; il est arrivé sur le
pont du bateau en parfaite santé ; quelques minutes après, il s'est
plaint de tournoiements de tête, et il est tombé sur le pont. Perte
delà parole et de l'intelligence; face rouge. Mort subite.
Il. Le 10 juillet 1868, dans l'Archipel grec, Manolis Coulou-
maris, descendu par une profondeur de vingt-cinq brasses, c'est-
à-dire à peu près de quarante mètres est resté environ trois
quarts d'heure au fond. Au bout de ce temps, il a fait le signal
convenu, et il a été hissé. Il était sur le pont depuis un quart
d'heure à peu près, et, au dire de ses camarades, il, pressait les
éponges qu'il avait remontées, lorsqu'il fut brusquement saisi par
de fortes douleurs, et presque aussitôt, perte de connaissance
absolue. Il succomba rapidement.
III. Le 15 juin 1869, sur la côte de Bengasi, le nommé
Joannis Xippas descendit par vingt brasses de fond, c'est-à-dire à
peu près de trente à trente-cinq mètres. Ce plongeur était des-
cendu pendant cinq jours de suite, et à plusieurs reprises chaque
jour, par des profondeurs toujours supérieures à trente mètres, et
jusqu'alors il n'avait rien éprouvé de fâcheux, sauf un peu de dou-
leur dans le bras gauche. Le 15 juin, il en était à sa seconde des-
cente, lorsque l'accident lui arriva. Remonté après un séjour de
plus d'une demi-heure, il ne parut tout d'abord rien éprouver dia
fâcheux, et descendit sous le pont de son caique pour se reposer.
Ce ne fut qu'une heure après qu'un de ses camarades, descendant
auprès de lui, le trouva sans connaissance, la figure 7-uiige, les
membres complètement inertes et couverts de sueur froide. On
essaya de le réchauffer, sans pouvoir y parvenir.
On mit à la voile pour se rendre à Alexandrie, où l'on espérait
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 431 i
trouver du secours; mais la mort arriva au bout de vingt-quatre
heures. Le malade était resté tout ce temps dans l'immobilité la
plus absolue. Il n'y avait pas eu de selles ni de miction. Ceux qui
ont assisté à sa mort assurent qu'un peu avant de mourir, il
aurait donné quelques signes d'intelligence et de souffrance; mais
la paralysie des membres est restée complète.
, Le travail de M. Lampadarios' contient une seule
observation, fort succinte, du reste la voici :
Pendant l'été de l'année 1866 on m'a appelé pour visiter un
sieur L... Cet homme plongeait en scaphandre depuis quelque
temps pour pêcher l'éponge, il avait quarante ans. La veille, étant
retiré du fond de la mer, il était tombé dans un état comateux ;
lorsque je l'ai vu, il était aux derniers momeuls, la face bouffie,
bleuâtre, comme mort d'asphyxie.
Les observations les plus intéressantes en raison de
leur description relativement précise sont celles qui
sont contenues dans le travail de MM. Fetzis et Paris-
sis. Je les reproduis intégralement.
Ous. I. Un des plongeurs venait d'être attaqué, il avait perdu
connaissance, sa tête était déjà gonflée et noirâtre, sa langue était
sortie de ses lèvres enflées, ses yeux étaient saillants, ses mem-
bres supérieurs froids, son pouls était petit. faible et filiforme, ses
membres inférieurs étaient couverts et chauds par suite des fric-
tions. Il tomba dans l'anesthésie aussitôt qu'on lui enleva le
casque, et tous les soins que prirent de lui ses compagnons
furent inutiles. Il mourut bientôt après.
Ou ? IL Th. G..., d'Hydra, âgé de vingt-deux ans, s'étant
adonné l'été dernier pour la première fois à la profession de
plongeur, faisait des immersions près de Cythère à une profon-
deur de moins de vingt brasses. Dix jours avant son dernier acci-
dent, sentit après une immersion des douleurs fortes à la nuque et
interrompit ses immersions. Le 7 juillet il les reprit, après avoir
fait plusieurs immersions, il en fait sa dernière à 3 heures du
soir aune profondeur de dix-huit brasses. Après la décompres-
sion et l'enlèvement du casque, il se sentait bien; il fuma et il se
préparait à une nouvelle immersion, lorsque tout à coup, un
quart d'heure après, il se plaignait d'avoir une forte douleur à
l'oeil gauche et demandait à ses compagnons si ses yeux étaient
' Loc. cil.
4,3 CLINIQUE NERVEUSE. ACCIDENTS PAR LES SCAPHANDRES.
rouges; pendant qu'il disait cela, il fut pris de vertiges, devint
pâle, perdit connaissance, et en même temps de l'écume sortait
de sa bouche. Ses compagnons l'ayant déshabillé, lâchèrent
d'abord de lui ouvrir la bouche, de force pour lui donner à
avaler de l'huile, comme d'habitude afin de provoquer les vomis-
sements qu'ils considèrent comme utiles ; mais n'y parvenant pas,
ils lui firent les frictions ordinaires avec du vinaigre chaud. Le
malade parla trois heures après, en disant qu'il avait des douleurs
dans tout son corps, il tomba dans le coma dont il ne revint plus.
De temps en temps, il prononçait quelques mots incohérents ; quel-
quefois il remuait un peu seulement les membres supérieurs et avait
de la dyspnée depuis le commencement de l'accident jusqu'à la fin
de sa vie. Ses compagnons lui appliquèrent cinquante-cinq ven-
touses sèches le long de la colonne vertébrale, que le malade, par
de petits mouvements, montrait qu'il sentait. Puis toute sa tête se
gonfla, prit une couleur bleue noirâtre, ses lèvres et ses paupières
s'entièrent aussi, et la mort vint environ vingt-quatre heures après
son accident.
OBs. III. D. T..., d'IIydra, âgé de trente-six ans, exerçant la
profession de plongeur à scaphandre depuis quatre ans, a été
atteint l'année dernière de petits accidents.
Le 28 juillet 1881, ayant fait trois immersions sans accident, il
descend pour la quatrième fois par une profondeur de plus de
dix-sept brasses, et après avoir demeuré dans le fond de la mer
pendant une demi-heure. il monta de lui-même par la petite
échelle de la proue; quand on lui enleva le casque, il dit qu'il se
portait bien, et demanda qu'on le déshabillât, parce qu'il était
midi et que la série de ses immersions était finie ce jour-là.
Mais après avoir déposé la tunique irnmersive, il sentit des
douleurs et des engourdissements aux membres supérieurs et
inférieurs, qu'il remuait difficilement, sans avoir de l'étourdisse-
ment; le malade ne perdit point connaissance, et il parlait bien
pendant quelques minutes encore avant sa mort; il n'eut aucune
hémorrhagie extérieure, mais il avait seulement beaucoup de
taches livides au thorax ; ses membres supérieurs et inférieurs ne
cessèrent pas de remuer jusqu'à la fin. 11 se plaignait d'avoir une
gêne au thorax et une oppression à la région précordiale, mais il
ne semblait pas avoir de la dyspnée. Ses compagnons conti-
nuèrent de lui faire des frictions jusqu'à minuit, et avaient de
l'espoir en voyant que sa tête n'était pas gonflée et que ses
membres remuaient, quoique avec une certaine difficulté. Mais
tout à coup le malade fit un mouvement forcé de tout son corps
pour embrasser son beau-frère, qui était assis près de lui, et
ainsi, il expira immédiatement le bras tendu. (A suivre.)
RECUEIL DE FAITS
DÉLIRE RESTREINT AVEC EXACERBATIONS GÉNÉRALES , LESIONS DE
SENSIBILITÉS ; TROUBLES TABÉTIQUES ET DE NUTRITION, par
H. Bonnet, médecin en chef de l'asile de Châlons-sur-lliarne.
La nommée Marie P..., âgée de trente-cinq ans, qui est entrée
dans mon service, a toujours été, d'après les renseignements
donnés, très impressionnable; elle a eu la fièvre typhoïde à qua-
torze ans. Depuis quatre à cinq mois seulement, avant son
entrée, sa famille s'est aperçue qu'elle avait des scrupules reli-
gieux, qu'elle était devenue très mélancolique. Si on lui deman-
dait le sujet de son chagrin, elle répondait qu'elle était damnée
et que ce motif l'avait empêché de faire ses pâques; plus tard,
elle n'est plus damnée; mais Dieu et la vierge, avec qui elle com-
muniquait, qu'elle voyait et entendait souvent, l'appelaient à
eux; elle eut, même, des idées de suicide.
Lors de l'admission, le délire partiel est de toute évidence; se
roule sur des conceptions fanatiques religieuses et se complique
d'hallucinations de la vue et de l'ouïe. Mais, au milieu d'idées
erronées,, d'autres sontsaines; bien des réflexions sont judicieuses
sur beaucoup de sujets, mais à l'exception de ce qui se rapporte
au délire principal qui, néanmoins, subjugue les pensées raison-
nables qui surnagent et met obstacle aux déterminations des
termes d'un jugement normal. Souvent, la malade s'endort
sur son travail pour devenir rêveuse. Les facultés passent alors au
service de fausses conceptions;, elles sont suspendues pour le
monde réel; il y a, en un mot, stupeur.
Le même état existe plus tard, mais avec cette différence que la
dissimulation s'en mêle. Comment donner le change avec un air
si triste, une irrésolution continuelle sur les choses les plus simples
et les plus naturelles, l'insouciance du travail et cette attention
toujours fixée sur un objet inconnu, cette profonde méditation ?
Comment se tromper, du reste, quand, la nuit, alors que toute
surveillance semble éteinte, l'éréthisme cérébral contenu pendant
le jour éclate en gestes et en prières, quand on divague toujours
et qu'on ne dort jamais. Quel aveu plus complet peut-on faire
de ses erreurs qu'en se privant de manger et faire pénitence pour
aller à Dieu ! - Même état plus tard; la malade prétend que les
prières et les privations qu'elle s'impose ont fini par la guérir de
l'iniquité et qu'elle était agréable à Dieu. Elle réclame instamment
sa sortie, disant qu'elle n'est plus folle, ce qu'elle justifie par la
cessation de tout travail, un isolement complet de tout ce qui
Archives, t. XVII. 28
434 RECUEIL DE FAITS.
n'est pas son délire, toutes les erreurs du passé et un refus obstiné
de manger, qui nécessite l'emploi de la sonde oesophagienne. Ne
devons-nous pas la croire, puisque c'est Dieu, lui-même, qui lui fait
des révélations ? - Il n'est donc pas possible de donner de preuves
plus certaines d'aliénation mentale.
Nous ne voyons aucune amélioration avantageuse se produire
ultérieurement. Au contraire, les facultés s'altèrent dans leur en-
semble et sont visiblement entraînées sur la mauvaise pente. Le
somatisme, lui-même, suit ce travail de déchéance ; l'usure orga-
nique commence à apparaître par le fait d'une alimentation in- «-
complète et un état nerveux toujours en émoi, toujours en
éréthisme.
Enfin, ces deux facteurs de destruction vitale, qu'aucune force
compensatrice n'a pu enrayer dans leur marche, qui n'ont pas un
moment de rémission, la dénutrition par refus de manger et
l'éréthisme nerveux ontpour couronnement de leur effort incessant
un état général qu'on peut caractériser par ces mots : destruction
des facultés intellectuelles et affectives, diminution ou perte de
l'instinctivité elle-même, vie végétative, gâtisme.
Ces progrès incessants d'un délire qui était borné, il y a un an,
à quelques scrupules religieux, sont donc faciles à expliquer. On
comprend que ce tourbillon d'activité cérébrale morbide ait en-
traîné les forces de l'activité normale et fini par empêcher toute
manifestation volontaire consciente. Mais, dans ce deliquium où
est tombé le synergisme mental, il surnage un élément dont la
rareté lui crée une place spéciale à la fin de cette observation
avec l'explication plus ou moins exacte de sa pathogénie.
C'est un tremblement partiel ou général qui ne se manifeste
que dans des circonstances déterminées. Disons, d'abord, que
ce tremblement occupe les bras, les jambes, les lèvres, les yeux,
tout le corps quelquefois ou, du moins, les parties du corps qui
sont sous l'empire de la volonté. La malade est dans un état
d'inertie complète par elle-même; elle ne manifeste aucun auto-
matisme spontané, bien que les fonctions végétatives soient rem-
plies d'une manière presque normale. Mais, vient-on à la faire
manger à la sonde ou à ouvrir la bouche avec une cuiller, elle
exécute quelques mouvements de latéralité pour éviter l'instru-
ment ; et, aussitôt, commencent des mouvements précipités, des
tremblements des bras, des jambes, des lèvres, des paupières...
qui ne cessent que lorsque la malade se sent toute seule, isolée,
non excitée. Pareille chose advient quand on provoque chez elle
une action volontaire quelconque, quand on veut, par exemple,
la faire parler. Mais, de même que les bras, restent pendants, de
même les lèvres remuent convulsivement ; mais aucun mot ne sort
de la bouche, aucun son n'est articulé.
Il y a de l'anesthésie jusqu'à un certain point qu'il est difficile
DÉLIRE RESTREINT AVEC EXACERBATIONS GÉNÉRALES 435
d'apprécier bien au juste cependant, s'il faut. pincer assez fort
la peau pour provoquer des mouvements, un mot suffit quelque-
fois pour donner lieu à un courant centripète qui sera bientôt
réfléchi par le même phénomène, un tremblement plus ou moins
général. L'électricité agit très efficacement sur la contraction
des muscles qui se tendent et font saillie sous la peau, à peu près
comme chez tout le monde; et, d'un autre côté, la sensation élec-
trique est vivement sentie, car tout le corps devient presque trem-
blant. Je dois noter ici, en passant, que la sécrétion « sueur »
apparaît assez abondamment sous l'influence d'un courant même
faible mis en contact quelques minutes avec le corps; je tirerai
bientôt une conclusion de ce fait et de quelques autres exposés
plus haut à propos des lésions du grand sympathique.
Tout ce qui vient d'être exposé a pu se convertir en névrose,
mais dépend certainement de lésions de nutrition qui ont peu
frappé les centres psychiques d'abord, comme on a vu le
froid frapper les éléments des plaques motrices de certaines
régions dans un cas rapporté par M. Yulpian où les centres
excito-moteurs et sensitifs ainsi que les éléments de conduc-
tion étaient intacts, mais où les plaques seules avaient subi
l'influence du froid, agissant, comme le' curare, à la façon
d'un véritable poison. En effet, l'électricité n'amenait aucun
effet; elle était impuissante ; les plaques étaient paralysées.
Ici, au contraire, le travail de dénutrition a commencé par les
centres psychiques. Plus tard, il a envahi les centres moteurs '
qui sont peu à peu, devenus incapables d'extérioriser les inci-
tations de la volonté. L'harmonie des forces musculaires
avec les incitations internes est détruite ; l'influx nerveux s'est
altéré par dénutrition ; le sens musculaire est presque aboli.
De là, des mouvements nullement en harmonie avec l'effort
à vaincre, un tremblement qui n'est que la réflexion avortée
des centres moteurs malades.
On ne saurait expliquer autrement un tremblement qui
relève directement de la volonté dont ils ne sont qu'une mani-
festation avortée. -
La dénutrition peut bien avoir déterminé des troubles
périphériques, comme nous le voyons dans un certain degré
de maigreur, dans la flaccidité des muscles à l'état de repos et
dans une diminution de la chaleur animale, ainsi que dans un
ralentissement des sécrétions ; mais, c'est dans les centres
principalement, que ce travail a commencé, et a fait jusqu'à
présent, les plus grands ravages.
436 REVUE STATISTIQUE.
En résumé, c'est probable que : 10 les centres psycho-
intellectuels ont, les premiers éprouvé des lésions de nutri-
tion par surcroit d'activité, ou par une dépense nouvelle exa-
gérée, et par alimentation incomplète. Ceci est démontré par
le défaut absolu d'automatisme spontané; 20 les centres
moteurs, privés de cet excitant avec lequel ils sont en rapport
constant, ont subi, en second lieu, une régression vitale, et
cela au point qu'ils sont incapables d'élaborer l'influx nerveux
nécessaire à toute manifestation énergique ; que leur décharge
est incomplète et se résout en extériorisation avortée ;
3° la décadence des centres nerveux périphériques en rapports
direct avec les centres psycho-moteurs est moins avancée que
celle des centres dont ils émanent ou auxquels ils aboutissent
puisque sensibilités spéciale et générale et contraction mus-
culaire sont encore faciles à mettre en évidence par des exci-
tants extérieurs ; 4° enfin, le grand sympathique semble plus
respecté que les autres parties du système nerveux puisque,
sous l'influence de l'électricité, la sueur apparaîtabondamment,
puisque les fonctions de la vie végétative jouissent encore d'une
certaine régularité; l'intégrité relative de ce vaste système
s'explique, du reste, malgré les connexions intimes avec les
centres, par son indépendance et son autonomie spéciale.
REVUE STATISTIQUE
HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE
CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME "NERVEUX
Professeur : CHARCOT
Compte rendu du service ophthlamologique de M. le Dr PAMNAUD,
Pour l'année 1888; par M. MoRAx, externe du service.
Nous diviserons en quatre groupes les troubles oculaires
observés dans les affections cérébro-spinales. Les trois pre-
miers groupes, comprenant l'hystérie, le tabes et la sclérose en
plaques qui retentissent le plus fréquemment sur l'organe de
la vue et y produisent des symptômes caractéristiques. Le
quatrième groupe comprend les cas qui ne se rapportent pas
aux affections précédentes.
Nous ne consignons dans ce compte-rendu que les troubles
SERVICE OPHTHALMOLOGIQUE. 437
oculaires permanents. Les cas d'amblyopie transitoire ou mi-
graine ophthalmique n'y figurent pas. La neurasthénie pro-
duit des troubles d'innervation de l'appareil musculaire assez
caractéristiques, mais qui ne constituent pas des paralysies
proprement dites; ces cas sont considérés, à la Salpêtrière,
comme négatifs au point de vue des lésions oculaires. Ils ne
figurent donc pas non plus dans cette statistique.
HYSTÉRIE.
Les hystériques chez lesquels on a constaté des troubles
oculaires sont au nombre de 79, dont 49 femmes et 30 hom-
mes. L'énorme proportion des hommes tient à ce que beau-
coup d'hystériques femmes, dont la maladie était très carac-
térisée, n'ont pas été envoyées à l'examen ophthalmologique,
tandis que tous ou presque tous les hommes ont été examinés.
En outre plusieurs hystériques hommes ont été adressés de
différents hôpitaux à M. le professeur Charcot qui, dans ces der-
nières années, s'est particulièrement occupé de ces cas. Même
en tenant compte de ces circonstances, ce chiffre de 30 hysté-
riques mâles atteste la fréquence relative de cette maladie
chez 1'.homme. Dans 9 cas, l'hystérie était associée à une autre
affection nerveuse, déterminant des troubles visuels propres.
L'examen des yeux, chez les hystériques, porte sur le champ
visuel, la dyschromatopsie et deux autres symptômes qui
accompagnent presque toujours cette amblyopie la polyopie
monoculaire et la micromégalopsie. (M. Parinaud désigne ainsi
l'apparence de rapetissement ou de grossissement d'un objet
quand on l'éloigné ou qu'on le rapproche de l'oeil.)
La micromégalopsie qui est liée à la contracture de l'accom-
modation existe presque constamment dans l'amblyopie hysté-
rique. Elle est donc plus fréquente que la polyopie monocu-
laire qui est également sous la dépendance de la contracture,
mais qui exige pour se produire une contracture plus forte et
certaines conditions particulières.
On constate encore, mais plus rarement, chez les hysté-
riques, des troubles des muscles moteurs des paupières et du
globe oculaire, d'une nature particulière, qui tiennent tantôt
de la contracture, tantôt de la paralysie, sans qu'il soit tou-
jours facile de préciser quel est celui de ces états qui domine '.
' Voir pour ce qui concerne les troubbles oculaires des hystériques, le mé-
moire de M. Parinaud : Anasthésie de la rétine, in Ann. d'oculistique, 1886.
438 . REVUE STATISTIQUE.
A. Hystériques femmes.
SERVICE OPHTHALMOLOGIQUE. 439
440 REVUE STATISTIQUE.
SERVICE OPTHALMOLOGIQUE. 441
442 REVUE STATISTIQUE-.
SERVICE OPHTALMOLOGIQUE. 443
444 REVUE STATISTIQUE.
SERVICE OPHTALMOLOGIQUE. 448
446 REVUE STATISTIQUE.
SERVICE OPHTHALMOLOGIQUE. 447
448 REVUE STATISTIQUE.
SERVICE OPIITIIALNIOLOGIQUE. Il Il li
Nous trouvons quatre cas où les mouvements des globes
oculaires sont intéressés. Dans le cas n° 65, il s'agit d'une
paralysie de la divergence qui est une modalité de la paralysie
de la convergence signalée par M. Parinaud (Archives de Aleu2,o-
logie, 1885). Cette paralysie, qui parait relever de la lésion d'un
centre spécial, se distingue entre autres caractères par une di-
plopie particulière. Les images homonymes ou croisées suivant
que c'est le mouvement de convergence ou de divergence
qui fait défaut, persistent sans modifications notables de l'écar-
tement dans toutes les directions du regard. Il est difficile de
déterminer, dansle cas actuel, si le défaut de divergence tient
à de la contracture du mouvement de convergence ou à une
paralysie proprement dite du mouvement de divergence.
Le n° 43 est un exemple de paralysie associée ou conjuguée
des deux sixièmes paires, c'est-à-dire intéressant les deux
yeux pour la direction du regard à gauche ou à droite.
Les cas de ce genre ne doivent point être confondus avec le
précédent (paralysie de la divergence). La diplopie n'offre pas
les mêmes caractères. Contrairement à ce qui se passe dans
la paralysie de la divergence, le défaut de mouvement est
appréciable objectivement; il y a parfois un strabisme mani-
feste.
Le n° 66 est atteint d'une forme d'ophthalmoplégie externe
que M. Parinaud regarde comme spéciale à l'hystérie et qu'il
désigne du nom d'ophthalinoplégie hystérique pour le distin-
guer des autres formes. Dans cette ophthalmoplégie hys-
térique, ce sont surtout les mouvements volontaires qui
sont intéressés. Les malades sont dans l'impossibilité de
regarder à gauche, à droite, en haut, en bas, tandis que
les mouvements réflexes ou inconscients paraissent s'exé-
cuter assez . facilement. Il se passe dans les. mouvements
des globes oculaires quelque chose d'analogue à ce qui a
lieu pour la motilité des membres inférieurs dans l'abasie.
Le n° 67 nous offre aussi un exemple d'ophthalmopléoie
externe, mais moins sur que le précédent. L'ophthalmoplégie
est incomplète et il y a prédominence de la paralysie du droit
externe gauche avec strabisme. Ce malade présente en outre
un trouble du mouvement des paupières assez singulier. Il
semble y avoir une paralysie incomplète des deux antago-
nistes, le releveur et l'orbiculaire. Si on lui commande d'ouvrir
l'oeil, la paupière n'exécute aucun mouvement. Si on lui dit
Arciiines, t. \\11 : 29
50 REVUE STATISTIQUE.
de la fermer éncrgiquement, le plissement de la peau est très
incomplet.
Nous attirons particulièrement l'attention sur les cas où
l'hystérie se trouve associée à une autre affection et où nous
voyons les deux affections se* refléter dans l'oeil par leurs
symptômes propres, qu'un examen attentif peut généralement
discerner.
Le n° 19 où le scotome central de l'alcoolisme est greffé
.sur le rétrécissement concentrique de l'hystérie est particu-
lièrement intéressant.
TABES
SERVICE OPIITIL1L91OLOGIQUG. 4SI 1
loi REVUE STATISTIQUE.
SERVICE (1PIITFt I,\f0l.OGIQCR. hJJ
45t zut
REVUE STATISTIQUE.
SERVICE OPIITHAL\IOLOG1QUC. 4.).) O
/156 BEVUE STATISTIQUE.
SERVICE Z 457
458 ' REVUE STATISTIQUE.
SERVICE OPHTHALT101,OGIQUE. 439
1161) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
il. Charcot. Le malade habitué surtout à lire des lettres com-
merciales, présentait cette particularité qu'il lisait avec moins
de difficulté l'écriture manuscrite que l'impression typogra-
phique. Dans les cas de ce genre, l'hémiopie parait toujours
siéger à droite. Nous ferons remarquer que l'hémiopie droite
ou perte de la vision des deux moitiés droites du champ visuel,
correspond à l'anesthésie des deux moitiés gauches des rétines
et à une lésion de l'hémisphère gauche.
Chez le n° 132 où l'hémiopie et 1`hémiparésie siègent à
gauche, il n'y avait pas d'aphasie ni de cécité verbale.
Le n° 136 est un cas intéressant d'ophthalmoplégie externe
congénitale ou tout au moins datant de la première enfance. La
malade présentait avec la tendance au sommeil signalée dans
quelques observations de la polyurie en rapport avec la loca-
lisation bulbaire de l'affection (polycéphalite supérieure de
Vernick). C'est là la forme classique de l'ophthalmyplégie exter-
ne, qui respecte la musculature interne de l'oeil, ne produit
qu'un ptosis incomplet et peut rester stationnaire. Nous enrap-
procheronsl'ophthalmoplégie tabélique et l'ophthalmoplégichys-
tértque dont nous avons donné des exemples dans cette statis-
tique. '
Dans l'Observation 137 l'abolition totale de la sensibilité
générale de l'oeil, cornée, conjonctive, paupière; ne s'accom-
pagnant d'aucun trouble trophique vient à l'appui de l'opi-
nion de Schifl, Merkel, qui pensent que les altérations ocu-
laires ne relèvent pas directement de l'insensibilité mais
sont sous la dépendance de fibres trophiques spéciales.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
XX. RÉSUMÉ DES PRINCIPAUX TRAVAUX RUSSES,
CONCERNANT LA NEUROLOGIE';
Par F. RAYMOND, professeur agrégé à la Faculté de médecine,
médecin de l'hôpital Saint-Antoine.
V. DES LÉSIONS PATHOLOGIQUES DU SYSTÈME NERVEUX
CENTRAL' DANS. LES TROUBLES DE LA NUTRITION.
Depuis un certain nombre d'années, on s'est beaucoup
1 Voy. Archives de Neurologie, n°51, p. 269.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 1
occupé des altérations des éléments nerveux sous l'influence
des intoxications, d'autant plus que la signification du mot
intoxication a été considérablement étendue. En effet, on
comprend aujourd'hui sous ce nom, outre les intoxications
proprement dites (plomb, alcool, etc.), d'une part les intoxi-
cations produites- par les agents pathogènes, d'autre part
celles qui résultent d'agents toxiques fabriqués parles organes
eux-mêmes (auto-intoxications). La nutrition du système ner-
veux peut encore être troublée par l'action d'agents qui ne
pénètrent pas (électricité, vernissage, etc.). Il a été fait en
Russie, dans ces dernières années, des travaux importants sur
les altérations du système nerveux central et périphérique
produites par les intoxications. Les Dr3Popoff, Danillo, Tehige
et Rosenbach, de l'école de Mierjiewsky, ont démontré que
dans différentes intoxications (plomb, arsenic, mercure, pui-
sons végétaux, inanition) le système nerveux présente tou-
jours les mêmes lésions : l'atrophie simple des cellules ner-
veuses, leur vacuolisation, la perte de leurs prolongements,
la pigmentation et l'homogénéité de leur protoplasma. Ces
modifications, d'ailleurs indiquées par l'Ecole française (Char-
cot), 'ont été considérées comme artificielles par l'Ecole alle-
mande (sauf Erb, Leyden, Wernicke). R. Schultz, P. Krey-
sing et P. Schultze ont conclu que la vacuolisation est
artificiel le. R. Schultz n'a trouvé que deux cellules vacuolisées
dans vingt moelles examinées, moelles ayant appartenu à des
individus qui n'avaient succombé ni à une maladie du sys-
tème nerveux, ni à une intoxication. Mais M. Pekoeur, en
Russie, a fait remarquer que sur ces vingt moelles, quelques-
unes avaient appartenu à des vieillards de quatre-vingts ans;
or dans les moelles séniles, on trouve toujours une grande
quantité de cellules vacuolisées; il est étonnant que R. Schultz
n'en ait trouvé que deux. M. Pekoeur partage les opinions de
M. Anfiinoff au sujet de la valeur pathologique de la vacuo-
lisation.
Lésions du système nerveux central produites par les dé-
charges d'électricité statique. M. Rejedestvensky a fait sur
ce sujet plusieurs séries d'expériences.
Dans une première série, la décharge portait sur les centres
nerveux mis à nu; l'animal était tué par la décharge et on
trouvait les lésions suivantes : t
Les cellules de l'écorce étaient opaques; granuleuses. Dans
462 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
la substance blanche, l'exsudat avait l'aspect de masses amor-
phes. Dans la couche des cellules pyramidales s'étaient pro-
duites des hémorrhagies capillaires. Les globules sanguins
avaient pris une teinte noire. Les cellules des cornes anté-
rieures offraient les mêmes lésions que celles de l'écorce. Dans
une seconde série d'expériences, la décharge agissait sur les
centres à travers la boite crânienne intacte. Les animaux n'é-
taient pas tués par la décharge et n'étaient sacrifiés qu'au
bout d'un certain temps. Le microscope montrait des lésions
dégénératives des cellules ganglionnaires et la fragmentation
de la myéline.
Influence de l'layperémie sur le système nerveux central.
Des études ont été faites sur ce sujet par il. Kouznetzoff. A la
première période de l'hyperémie, une grande quantité de cel-
lules du cerveau et de la moelle se colorent mal par le carmin ;
ces cellules sont opaques, ont perdu leurs prolongements et
sont vacuolisées. Ces lésions existent dans toute l'écorce; elles
sont moins avancées dans les corps striés, les couches opti-
ques, les tubercules quadrijumeaux, le bulbe et la moelle ;
dans le cervelet, la couche des cellules de Purkinje est la plus
atteinte. Les extravasats et l'exsudat plasmatique suivent le
trajet des vaisseaux. A une période plus avancée, l'épaisseur
des cylindres-axes est quatre à dix fois plus considérable qu'à
l'état normal ; parfois ils sont détruits. La myéline se désa-
grège. Les altérations de la substance blanche sont les mêmes
que dans les myélites aiguës, subaiguës ou chroniques.
Quoique les capillaires soient dilatés, la circulation capillaire
se ralentit considérablement; il en résulte une asphyxie céré-
brale qui amène les lésions décrites.
Influence de la nicotine sur les centres nerveux. M. Tchcr-
bach a montré qu'une injection de nicotine, même à la dose
de 1/150 de gramme, faite chez un chien, augmente l'excita-
bilité électrique de l'écorce et de la substance blanche sous-
jacente. Cette exagération persiste pendant un certain temps ;
elle explique les attaques épileptiformes chez les animaux in-
toxiqués par la nicotine. L'intoxication par la nicotine ne dif-
fère pas de celle produite par la fumée du tabac.
Influence de l'usage du tabac sur l'assimilation des subs-
tances azotées. Les D" Grammatchikoff et Ossendowslcy ont
publié le premier travail sur ce sujet. Leurs expériences ont
porté sur cux-mcmes, et ils se sont entourés de toutes les pré-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. -463
cautions pour éviter les causes d'erreur. Ils ont découvert que :
1° le tabac diminue l'assimilation des principes azotés ; 2° cet
effet se produit rapidement chez les sujets non habitués à l'u-
sage du tabac; 3° cet effet diminue peu à peu si l'on continue
l'usage du tabac, puis arrive à un état stable qui dure tant
que le sujet continue à fumer.
Influence de V antipyrine sur le système nerveux. Le
D'' Blumenau. montré, en employant la méthode de Turck
pour l'exploration de la sensibilité, que les solutions concen-
trées d'antipyrine, en injections sous-cutanées, produisent
une anesthésie circonscrite au siège de l'injection, mais que le
contact prolongé de la solution avec la peau ne produit rien,
fait antérieurement constaté par le professeur G. Sée.
L'antipyrine injectée en solution à z1000 dans les veines
amène l'exagération des réflexes, des contractions tétaniques
et cloniques. Les réflexes à la douleur sont diminués; comme
ces réflexes persistent chez les animaux décapités, on doit en
conclure que leur diminution dépend exclusivement de l'inhi-
bition des centres encéphaliques. L'excitabilité de l'écorce cé-
rébrale diminue sous l'influence d'une dose de 0 gr. 20 par
kilogramme; elle est augmentée par des doses supérieures.
On n'obtient pas d'abaissement de la température si on sépare
l'encéphale de la moelle (Svvadowsky).
La myélite aiguë d'origine toxique. Le professeur Popoff
a démontré que l'arsenic, le plomb, le mercure, dans les cas
d'intoxication aiguë, provoquent dans cet organe des altéra-
tions internes, qui doivent être considérées comme analogues
à celles de la myélite centrale aiguë. Dans l'intoxication
chronique, la lésion empiète sur la substance blanche. Dans
l'intoxication aiguë, les nerfs périphériques n'offrent pas d'al-
térations appréciables.
Altérations de la moelle dans l' empoisonnement par l'arse-
nic. Suivant M. Popoff, la lésion prédominante est une
inflammation parenchymateuse siégeant dans la substance
grise. Les cellules sont granuleuses, opaques, leur forme est
arrondie, elles sont privées de leurs prolongements. Plus ra-
rement, les cellules se colorent mal par le carmin, leur noyau
est intact, leur protoplasma homogène ; quelquefois plusieurs
cellules sont vacuolisées.
Etude sur la paralysie alcoolique. M. Korsakoff a publié
un des traités les plus complets sur ce sujet. Le substratum
t(il 'REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
alcoolique constant est la névrite parenchymateuse multiple ;
le tissu interstitiel des nerfs est sain, ou peu altéré. Souvent
les lésions médullaires sont absentes ; s'il en existe, elles sont
de nature atrophique; les cellules sont désagrégées, ratati-
nées, vacuolisées. Pour M. Korsakoff, les troubles psychiques
ne sont pas une complication, ils sont un symptôme constant :
dans la névrite parenchymateuse multiple, quelle qu'en soit
la cause, la sphère psychique est toujours touchée. L'explica-
tion de cette relation est facile : une cause débilitante répan-
due dans tout l'organisme, si elle change les conditions d'exis-
tence de quelques éléments jusqu'à entraver le fonctionnement
doit agir plus ou moins sur les autres éléments. La nature
atrophique des lésions dans cette affection indique un trouble
profond dans la nutrition des éléments nerveux.
Altérations du système nerveux central dans les maladies
infectieuses. Ces modifications sont comparables à celles
qui surviennent dans le cours des intoxications; elles résultent
soit des troubles apportés dans la nutrition des cléments par
les poisons fabriqués, soit de la présence des agents organiques'
pathogènes dans le tissu nerveux lui-même.
il. Rosenthal a montré que dans la série des maladies in-
fectieuses, l'endothélium des capillaires est tuméfié. On trouve
par places la dégénérescence graisseuse et pigmentaire. On
rencontre souvent une infiltration granuleuse autour des
vaisseaux dans la névroglie et dans les espaces péricellulaires.
M. Rosenthal n'a jamais observé la présence de corpuscules
étrangers dans la substance même des cellules. Les cellules
sont très altérées. Dans l'écorce, ces altérations vont en aug-
mentant de la périphérie vers la profondeur. Les cellules ner-
veuses se divisent dans les maladies infectieuses : on observe
souvent deux ou trois cellules dans un même espace péricellu-
laire et l'existence fréquente de deux noyaux dans une même
cellule prouve la division possible des éléments nobles du
système nerveux central. Dans le bulbe et dans la moelle, les
lésions sont les mêmes. M. Rosenthal n'a pas trouvé de lésions
analogues dans les maladies autres que celles causées par l'in-
fection. Les lésions observées dans certaines maladies du coeur
étaient moins prononcées et dépendaient probablement de
l'état de la circulation.
Névrite multiple consécutive à la fièvre typhoïde. Dans
une observation de Mi Roudoff, un malade, à la suite d'une
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 163
fièvre typhoïde, présenta des douleurs le long des troncs ner-
veux avec hypéresthésie, paresthésie et anesthésie cutanées,
de l'atrophie musculaire, et une abolition complète de l'exci-
tabilité électrique des muscles atrophiés. Le diagnostic de né-
vrite multiple est basé sur la disposition de l'anesthésie et de
la paralysie.
Paralysie diplaléotique. M. Noriiiloff a discuté la question
des paralysies diphtéritiques à propos de l'observation sui-
vante : .
Vingt jours après le début d'une diphtérie, la malade perd le
sens du goût; parole nasonnanle, liquides rejetés par le nez.
Deux semaines après, faiblesse dans les membres inférieurs avec
diminution de la sensibilité, diminution de l'excitabilité fara-
dique, sans changement de l'excitabilité galvanique ; pas de
mouvements fibriNaircs, ni d'incoordination; sphincters normaux;
réflexes papillaires intacts. Guérison après cinq mois.
M. Korniloff rapporte les symptômes à une névrite multi-
ple pour les raisons suivantes : la paralysie de la sensibilité
et du mouvement augmentent du centre vers la phériphérie et
la parésie accompagne partout la paresthésie ; les réflexes cu-
tanés et tendineux sont abolis ou diminués. Il divise les paraly-
sies de la diphtérie en deux groupes : 1° paralysies diphtéritiques
proprement dites dues à la névrite multiple ; 2°, les paralysies
consécutives aux lésions diphtéritiques soit des vaisseaux, soit
des méninges. Ces dernières clitespa7,ailsies post-diphtéî,iliqzles,
ont des symptômes complexes tout à fait différents de ceux des
premières.
Lésions des nerfs périphériques dans la phtisie, D'après le
D'' Japp, dans tous les cas de de phtisie, il existe des lésions
des nerfs mixtes. Ces altérations relèvent de la névrite paren-
chymateuse dégénérative ; elles sont plus avancées dans les
petits rameaux que dans les gros troncs et elles prédominent
aux extrémités des membres inférieurs. Elles peuvent exister
sans la moindre lésion du cerveau et de la moelle. On trouve
plus souvent des altérations dans les rameaux sensitifs que
dans les branches motrices. Lorsque la névrite siège dans les
nerfs mixtes, elle se localise presque aux filets sensitifs. Les
symptômes cliniques sont des névralgies avec hypéresthésie et
anesthésie dans le domaine du même nerf.
Lésions des ganglions des nerfs périphériques dans la lèpre.
Aucuives, t. XVII. 3U
16b REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
- Le D'' Soudakevitch observé que dans la Icpro les cap-
sules des cellules nerveuses des ganglions sont épaissies;
leur endothélium desquame, prolifère et remplit la capsule.
Les cellules nerveuses contiennent des bacilles, leur pro-
toplasma devient homogène, hyalin et offre les caractères
des cellules sclérosées. La cellule devient petite et perd son
noyau. Une autre lésion est la vacuolisation : le protoplasma
forme un mince réseau de filets qui s'étendent dans toutes les
directions. Plus la cellule contient de bacilles, moins nom-
breuses sont les granulations pigmentaires ; de ces granula-
tions, les unes sont dans le protoplasma et ont une forme
irrégulièrement sphérique, les autres sont dans les vacuoles et
se présentent comme des débris irréguliers ; quand les bacilles
sont peu nombreux dans une cellule, ils sont complètement
désagrégés; au contraire plus ils sont nombreux, plus ils sont
développés.
Névrite multiple chronique d'origine syphilitique, - L'ob-
servation suivante est due à M. Laschkevitch :
Une femme de quarante-sept ans éprouve des douleurs et des
crampes, puis une paralysie des membres inférieurs ; vingt-
quatre heures après les membres supérieurs présentent les
mêmes phénomènes. Au moment de l'examen, on trouve les
symptômes suivants : paralysie complète de tous les muscles
du bassin, des membres inférieurs et des membres supé-
rieurs jusqu'aux épaules; pas de mouvements fibrillaires ni de
troubles du côté des sphincters, ni hypéresthésie cutanée ; dou-
leurs à la pression le long des troncs nerveux ; réllexes cutanés
et tendineux abolis, ainsi que l'excitabilité électrique des muscles;
sensibilité cutanée intacte ; amaigrissement extrême et en masse
des muscles. La syphilis est niée, mais le traitement spécifique
fait disparaître les douleurs éprouvées la nuit à la tête et le long
des os. Au bout de quelques* semaines, les mouvements commen-
cent à reparaitre aux avant-bras, puis aux doigts, puis à la main,
à la jambe et aux orteils.
Le phénomène intéressant consistait dans l'intégrité de la
sensibilité. M. Laschkevitch a émis l'hypothèse d'une névrite
parenchymateuse et il a cherché à éclaircir le diagnostic de la
névrite parenchymateuse et de la névrite interstitielle : en
effet dans la névrite parenchymateuse la lésion peut porter
exclusivement soit sur les fibres sensitives, soit sur les fibres
motrices (exemple : la lésion due au curare); la névrite
interstitielle -au contraire ne peut pas se localiser.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 467
Un cas de paralysie ascendante aiguë ( ? ). De l'observation
précédente, on peut rapprocher l'histoire du malade suivant,
rapportée par M. Platonoff.
Paralysie débutant par les membres inférieurs, puis gagnant
les membres supérieurs, et peu de temps après la face ; pas
d'atrophie musculaire, sensibilité intacte, excitabilité électrique
des muscles normale; réflexes tendineux abolis; acuité visuelle
diminuée. Mort au bout d'un mois de maladie. Pas d'autopsie.
S'il s'agissait comme semble le soutenir M. Platonoff d'une
lésion des cornes antérieures de la moelle et des noyaux mo-
teurs du bulbe, les centres moteurs des muscles seuls auraient
été touchés et le centre trophique des muscles ne répondrait
pas au centre des mouvements. Il est plus probable qu'il
s'agissait d'une névrite multiple parenchymateuse.
Altérations, des ganglions du nerf vague dans les maladies
infectieuses. Suivant 11. Levine, les ganglions du nerf vague
sont des lieux d'élection des lésions dans les maladies infec-
tieuses. Dans la fièvre typhoïde, ils paraissent tuméfiés, hypé-
rémiés, ramollis. Au microscope on observe une stase sanguine
dans les capillaires et les petits vaisseaux artériels et veineux ;
on remarque par place des hémorragies capillaires. Dans la
plupart des cas, le protoplasma des cellules devient homogène,
hyaloïde et peu colorable par le carmin. Plus souvent encore
il subit la dégénérescence granuleuse, qui se propage du
centre à la périphérie. A cet état, la cellule se désagrège et
ses granulations remplissent l'espace péricellulaire. i\i. Lévine
n'a pas pu déterminer le mode de disparition du noyau. La
vacuolisation est souvent assez prononcée pour donner au
protoplasma un aspect réticulé. La capsule des cellules est in-
filtrée, épaissie. Dans plusieurs cas d'endocardite ulcéreuse,
d'hypertrophie cardiaque et d'insuffisance valvulaire qu'il a
examinés, M. Levine a trouvé des altérations de môme nature
dans les gangliinodosi du nerf vague. Dans la phtisie les lésions
du nerf vague sont habituellement attribuables à la compres-
sion par des ganglions tuméfiés.
. Lésions du système, nerveux sympathique dans la paralysie
générale. -L'examen microscopique du nerf et des ganglions
sympathiques dans la paralysie générale a fait découvrir à
M. Popoff deux ordres de lésions : 1° d'un côté un épaississe-
ment des parois du vaisseaux, une prolifération du tissu con-
- 468 8 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
jonctif périvasculaire interstitiel des ganglions, indices d'une
inflammationchronique interstitielle avecformation d'éléments
conjonctifs persistants; 2° d'un autre côté, une diminution de
moitié et une pigmentation très intense du corps des cellules.
Il est évident que ce processus atrophique généralisé, portant
sur les éléments nobles, est consécutif à la prolifération du
tissu conjonctif. M. Popoff a observé la vacuolisation, mais
jamais la dégénérescence graisseuse des éléments nerveux.
Dans les autres formes de l'aliénation mentale, on trouve
exactement les mêmes lésions du sympathique. Il en résulte
que les troubles trophiques sous la dépendance du système
nerveux sympathique, ne diffèrent pas de ceux des autres
sujets atteints de maladies mentales; ils ne sont plus fréquents
dans la paralysie générale qu'en raison des soins que réclame
l'état de ces malades.
Altérations du système nerveux consécutives à l'ablation de la
glande thyroïde. L'ablation d'un seul lobe chez le chien est
bien supportée, tandis que l'ablation de la totalité de la glande
entraine la mort, au bout d'un temps qui varie de 4 jours à 4 se-
maines. L'animal devient triste, apathique, il est pris de trem-
blements, de secousses ; sa marche est incertaine, enfin survien-
nent des contractions tétaniques dans les muscles extenseurs
des extrémités et dans les muscles respirateurs. La sensibilité
cutanée et les réflexes tendineux diminuent ; la température ne
s'élève qu'au moment descrises épileptiformes. La mort survient
parfois à la première crise ; si l'animal survit quelque temps,
il meurt dans une cachexie extrême, paralysé des quatre
membres. M. Rogovitch, le premier, a montré qu'il s'agit d'une
encéphalo-myélite'parenchymateuse. Les cylindres-axes, les
prolongements de cellules, et ces cellules elles-mêmes paraissent
tuméfiés, opaques ; le corps cellulaire se désagrège, puis le
noyau disparait. La transfusion du sang des animaux cachée -
tisés ainsi à des animaux sains ne produit aucun de ces symp-
tômes. L'examen de la glande pituitaire de ces animaux a
montré la prolifératien de ses éléments et même la formation
de nouvelles alvéoles, indiquant l'hypertrophie vraie et fonc-
tionnelle de la glande.
Influence de l'extirpation de la glande thyroïde sur le sys-
tème nerveux central. L'excitabilité de l'écorce augmente
d'après les recherches de M. Avtokratoff, ZD
Modifications du système nerveux central dans le vernissage
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 469
de la peau. Les recherches de M. Anfimoff tendent à légi-
mer l'hypothèse d'après laquelle la mort des animaux vernis
est due à une action périphérique continue, agissant sur
les centres nerveux . Les lésions observées sont strictement
limitées à la substance grise, ce qui élimine l'idée d'un pro-
cessus inflammatoire ; leur nature est purement atrophique.
Les mêmes lésions ont été décrites à la suite de différentes
causes débilitantes agissant sur le système nerveux dans les
intoxications par Danillo, Popoff, Tchige, Hardine; dans l'ina-
nition par Roscnbach).
' VI. NÉVROSÉS.
Etudes comparées sur l'hypnotisme chez .les animaux. '
Le professeur Danilewsky (de Karkofi) a entrepris une série
d'expériences dans le but d'étudier les modifications de la sen-
sibilité et du mouvement volontaire chez les animaux hypno-
tisés. Il soutient que l'hypnotisme, chez l'homme, est plus
complexe que chez les animaux et que cette différence est en
rapport avec le développement cérébral. Le premier, il a com-
paré-1'hypnotisme des animaux auxquels il avait enlevé diffé-
rentes^ parties du système nerveux central, à l'hypnotisme
.d'animaux non mutilés. Ses sujets étaient des grenouilles, tê-
tards, écrevisses, poissons, tritons, serpents, lézards, tortues,
.petits crocodiles, oiseaux et mammifères. Il est arrivé à cette
conclusion qu'il existe chez les animaux un état spécial, com-
parable, sinon analogue à l'état d'hypnotisme chez l'homme.
Cet état est caractérisé par : la diminution de l'activité volon-
taire, la catalepsie et des modifications de la sensibilité cuta-
née, symptômes qui, joints à quelques phénomènes psychi-
ques, caractérisent l'hypnotisme de l'homme.
Une grenouille mise avec précaution sur le dos, et immobi-
lisée, s'agite quelques instants, puis devient immobile pendant
8 à '10 minutes. La grenouille est d'ailleurs susceptible de
recevoir une éducation hypnotique. La sensibilité cutanée est
très diminuée, la réponse aux excitations extérieures retar-
'dée ; ces excitations doivent être beaucoup plus fortes pour
que l'animal hypnotisé y réponde. Sous l'influence du courant
faradique, ses muscles se tétanisent, mais il reste immobile.
'Si on avait préalablement mis à découvert le coeur et les vis-
cères abdominaux, ces organes ne répondent pas à l'excitation
électrique.
470 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
La grenouille hypnotisée, mise dans une atmosphère de
vapeurs d'éther, au lieu de chercher à s'échapper comme à
l'état normal, reste indifférente; puis elle est narcotisée, et
meurt si on prolonge l'expérience. Si on la réveille avant nar-
cotisation complète, elle cherche à fuir. Cette expérience
montre la suppression des mouvements volontaires dans l'hyp-
notisme. La grenouille privée d'un seul hémisphère cérébral
se comporte dans les expériences d'hypnotisme comme la gre-
nouille normale. Si elle est privée des deux hémisphères, elle
arrive très vite à l'état hypnotique, et y reste plus longtemps.
La sensibilité cutanée ne diffère pas dans l'état de veille ou de
sommeil; il n'y a pas d'anesthésie, ni de retard dans les mou-
vements réflexes. Le retard des mouvements réflexes varie
d'une grenouille à l'autre, mais il est presque toujours le
même pour chaque grenouille intacte, tandis que toutes les
grenouilles privées de leurs hémisphères mettent le même
temps pour réagir contre les excitations extérieures. Aussi
M. Danilewsky a-t-il tiré cette conclusion : L'individualité
repose sur l'organisation des hémisphères. Pour M. Dani-
lewsky, la suggestion chez l'homme, même par la parole,
ne diffère pas de celle qu'on obtient chez les animaux,
- lorsque, par des moyens coercitifs, on veut leur faire com-
prendre l'inutilité de leurs mouvements.
Action de l'aimant sur le système nerveux. Le D'' Blume-
nau n'a obtenu que des résultats négatifs dans des expériences
'variées faites avec des aimants de différentes forces.
VII. FAITS ANATOMIQUES OBSERVES EN RUSSIE.
L'examen des préparations de M. Loukianotf, professeur
d'anatomie pathologique à Varsovie, démontre qu'à chaque
phase dé la karyokinèse, les différentes parties de la cellule
ont une électivité spéciale pour certains colorants. La cellule,
à l'état de repos, se colore autrement que la cellule en voie
de division. La coloration triple d'éosine, de safranine et
d'hématoxiline est la plus souvent employée.
Nous avons vu chez le professeur Mierjiewsky, à Saint-Pé-
tersbourg, une série de cerveaux d'idiots. Dans un cas, parti-
ticulièrement intéressant, toute la surface des hémisphères
était sillonnée de petites circonvolutions interposées aux cir-
convolutions fondamentales. Rien d'anormal au microscope,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 471
sauf que les cellules pyramidales paraissaient plus petites que
normalement. Mais il n'existait pas de fibres d'association
entre les petites circonvolutions et les circonvolutions nor.-
males. Ce fait prouve l'importance des fibres d'association et
l'inutilité d'un grand nombre de cellules non reliées entre
elles. '
Nous avons examiné, avec M. Erlitsky, agrégé à Saint-Pé-
tersbourg, des préparations provenant d'un cas de maladie de
't'eat. Outre la dégénérescence des cordons postérieurs
et d'une zone périphérique du cordon latéral, le faisceau pyra-
midal avait été touché par le processus pathologique; or le
malade avait présenté dans les derniers temps des phénomènes
paralytiques.
M. Erlitsky doit publier un travail sur l'anatomie patholo-
gique de la paralysie alcoolique. 11 veut démontrer que les
lésions périphériques ont souvent pour cause des lésions
atrophiques des cellules de la corne antérieure. Sous peu,
M. Erlitsky va également faire paraître : 1° Traité d'his-
fologie de la moelle épinière; 2° Histologie de la moelle allo ? Z-
gée (en collaboration avec M. Rosenbach).
11-Rosenbacli, chef de clinique du professeur Mierjiewsky,
nous a montré des préparations de cerveaux d'animaux morts
d'inanition. Le premier, il a fait conaitre l'atrophie simple des
cellules nerveuses.
Dans le même laboratoire, nous avons examiné les prépa-
rations de M. Avtokratoff, concernant les altérations des cel-
lules nerveuses chez les animaux privés de leur glande thy-
roïde. Les lésions ressemblent à celles de l'inanition.
. MM. Rosenbach et Avtokratoff instituent des expériences
sur la compression de la moelle. Ils introduisent dans le canal
rachidien une petite boule d'argent stérilisée, qui n'amène
pas d'inflammation appréciable. -
A Kiew, nous avons vérifié sur les préparations de M. Ro-
zowitch l'exactitude de sa description des lésions nerveuses
chez les animaux privés de la glande thyroïde, description ré-
sumée plus haut.
A Moscou, M. Minor nous a montré les pièces d'un sujet
mort dans le cours du tabès spasmodique; les symptômes
avaient été ceux de cette maladie, sans complication. La
seule lésion consistait en deux plaques de sclérose, identiques
' celles de la sclérose en plaques, qui occupaient les deux cor-
475 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
dons latéraux, au niveau de l'entre-croisement inférieur des
pyramides. Un examen attentif nous a montré d'autres plaques
échelonnées tout le long des faisceaux pyramidaux.
M. Minor nous a fait aussi examiner des préparations inté-
ressaiites de syringo-myélie. Dans certaines parties de la
moelle on voyait deux canaux épendymaires ; il était difficile
de juger si l'un d'eux était de formation nouvelle, ou congé-
nital. M. Minor incline à adopte cette dernière hypothèse.
Nous avons vu à Kiew des préparations de M. Jakimowitch,
prosecteur à l'Institut histologique : elles concernaient la
striation du cylindre-axe des nerfs périphériques et des cordons
nerveux centraux. Tous les nerfs présentent cette striation,
qui se continue au corps de la cellule. La technique a été
longuement exposée dans le Journal de l'anatomie de Ch. lio-
biîi et Pouchet, t. XXIV, 1888. Le nerf doit être enlevé encore
vivant, et pour chaque moment de l'état du nerf, il existe une
forme déterminée de la striation.
VIII. FAITS CLINIQUES.
. Je relate les principaux faits cliniques que j'ai observés
pour deux raisons : 1° La plupart offrent un intérêt particu-
lier ; 2° en outre, ils viennent tous à l'appui de cette idée que
les maladies nerveuses sont les mêmes dans tous les pays. Le
'manque des connaissances spéciales nécessaires pour détermi-
ner nettement une entité morbide est la seule cause de l'as-
- sertion de certains savants étrangers qui nient l'existence de
telle ou telle maladie dans leur racé.
U hystérie féminine et mâle est assez fréquente à Varsovie.
Les hystériques mâles sont presque tous des Israélites.
Dans l'hôpital du Saint-Esprit, de cette ville, nous avons
observé un cas d'héz>zi-chorée post-hémiplégique avec dimziru-
- lion de la sensibilité générale du même côté.
Une observation qui nous a beaucoup intéressé a été celle
- d'un malade atteint ^d'intoxication saturnine chronique : les
symptômes ressemblaient d'une manière frappante à ceux de
.la paralysie générale progressive (inégalité papillaire, embar-
ras de la parole, amnésie très prononcée, écriture caractéris-
tique, etc.). Ces symptômes s'atténuaient quand le malade
.cessait son métier de plombier; trois fois il était sorti guéri
-de.l'hôpital. Lorsque nous l'avons vu, il y était pour la qua-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 473 3
trième fois et son état était des plus graves; il présentait en-
core les symptômes de la paralysie générale et ceux de l'in-
toxication saturnine.
Au même hôpital de Varsovie se trouvait une jeune fille de
quatorze ans, qui, ayant eu une scarlatine à sept ans, avait
présenté une hémiplégie droite avec aphasie complète. Atro-
phie très marquée des membres droits, avec exagération des
réflexes du même côté. Au bout de dix-huit mois, elle com-
mençait à parler et l'éducation de la parole se faisait peu à
peu. A treize ans, elle parlait comme un enfant de deux ans,
et elle avait l'intelligence de cet âge. Quand nous l'avons vue,
elle prononçait encore les mots comme un petit enfant, mais
sans difficulté ; elle écrivait couramment.
Je citerai encore : un cas de maladie de Friedreich et un
autre de gliome de la moelle épinière avec hémorrhagie médol-
laire consécutive (atrophies lentes ayant débuté plusieurs an-
nées auparavant, tremblement fibrillaire, anesthésies, liypé-
resthésies, douleurs fulgurantes, conservation du tact dans
les régions complètement analgésiées).
A l'hôpital militaire de Varsovie, nous avons vu un cas de
tabès dorsalis compliqué de paralysie générale des aliénés.
A la clinique de M. Mierjiewsky, à Saint-Pétersbourg, le
D'' Blumenau nous a présenté un cas de Maladie de Tliomsez *,
et nous a communiqué ses recherches sur la contraction mus-
culaire dans cette maladie.
A Moscou, M. Minor nous a présenté un enfant de douze
ans atteint d'un gliome de la moelle : le tableau clinique était
celui d'une hémisection gauche de la moelle (analgésie
'gauche ; paralysie, atrophie musculaire à droite) ; avec dévia-
tion de la colonne'vertébrale. -
A l'hôpital municipal d'Odessa, nous avons visité la section
des maladies nerveuses, placée sous la direction de M. Moc-
xoutkowsky, agrégé de la Faculté de médecine de Saint-Pé-
tersbourg. Nous y avons vu, pour la première fois en Russie,
un cas de paralysie pseudo-hypertrophique vraie chez un en-
fant de douze ans..
- Un autre malade était atteint d'une ophtalmoplégie
externe.
Je citerai encore un cas de mélano-myélite (coloration bron-
zée des téguments avec symptômes d'une myélite'diffuse). «
Dans le même hôpital se trouvait un vieux soldat Israélite
474 ! k REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
atteint de grande hystérie. Il présentait de larges plaques
d'hyperesthésie dont le moindre attouchement provoquait une
crise. Ce sujet était suggestionnable à l'état de veille, et lors-
qu'on imitait le son de-la trompette, il croyait être au combat
et faisait des mouvements appropriés. Il était robuste, âgé
d'une cinquantaine d'années et avait fait plusieurs campagnes.
Il me reste à citer un cas de transformation de la perception
auditive en perception des couleurs, observé à Kiew dans le
service de M. le professeur Sikorsky. Le malade, aveugle de-
puis trois ans, avait remarqué, depuis quelque temps que
lorsqu'on lui parlait, il voyait devant lui une couleur qui
persistait pendant toute la conversation. Cette couleur variait
suivant les interlocuteurs, mais était constante pour chacun
d'eux.
M. Sikorsky, absent de Kiew lors de notre passage, nous a
fait part dernièrement d'un travail sur le changement des
expressions de la face chez les aliénés ; il a observé qu'un cer-
tain nombre de celles-ci ne sont susceptibles de change-
ments, ni sous l'influence de l'émotion, ni sous l'influence de
la volonté. Il est arrivé aux conclusions suivantes : l'expres-
sion de la physionomie, chez les aliénés, dépend souvent non
pas d'un état mental, mais d'une atrophie ou d'une hypertro-
phie des muscles de la face.
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XXI. IDIOTIE avec cachexie pachydermique,
Par le D' G. CousoT.
Dans le n° 51 du Bulletin de la Société de médecine mentale
de Belgique (1888), M. le D'' G. CousoT a publié un cas
très intéressant d'idiotie avec cachexie pachydermique. Con-
trairement à certains auteurs français, notamment \11. Ball,
Arnozan et Régis qui affectent d'ignorer les travaux que nous
avons publiés sur cette'question, soit seul, soit en collabo-
ration avec notre ami le D'' Bricon, ainsi que nous aurons
l'occasion de le démontrer, le médecin belge rappelle nos tra-
vaux et déclare que c'est après leur lecture qu'il a pu porter
un diagnostic exact. Voici son observation :
Observation. Père., éléphantiasis de la jambe gauche. Sceur
hémiplégique. Rien de particulier à la naissance. Premiers
signes de cachexie pachydermique. Etat intellectuel et 2)hy-
sique de la malade ik trente et un ans. Absence probable de
la glande thyroïde. Mort duns le marasme à trente-deux uns.
Elisa X..., de Lcsse (Dinanl), avait trente et un ans à l'époque
où nous l'avons examinée; elle ne mesurait pas un mètre de hau-
teur. Son père a souffert longtemps d'un éléphantiasis de la
jambe gauche; il mourut épuisé à soixante-huit ans. La mère est
une femme énergique, bien portante ; elle a eu neuf enfants : deux
garçons vigoureux et sept filles. Parmi celles-ci, l'une est morte
jeune, succombant à une affection que l'on n'a pu m'indiquer,
une autre est hémiplégique, une troisième, l'enfant cadet de la
famille) est le sujet de cette communication.
A la naissance, misa X... était un bel enfant, sain et bien por-
tant : à cet égard il ne doit subsister aucun doute, la mère dont
nous tenons ce renseignement) étant, par profession, habituée à
juger des enfants nouveau-nés. Vers l'âge de six mois, la figure
de l'enfant commença à manquer d'expression, la langue devint
volumineuse et sortait souvent de la bouche : la croissance fut
480 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
entravée. A l'âge de deux ans, Elisa X... subit une légère atteinte
de variole. '
On éprouvait un sentiment de répulsion quand on approchait
de ce pauvre être pour la première fois. Bourneville et Bricon
rapportent l'observation dû « crétin des Batitiolles » et celle d'un
idiot pachydermique que ses compagnons d'asile surnommaient
le Pacha. Les voisins de Elisa X... ne mettaient pas le même
esprit, ni la même charité dans leurs appellations !
Elisa X... présente un air bestial, sa figure est repoussante; la
peau est pâle, mate, bouffie ; les paupières, atteintes de bléplia-
rite chronique, sont dépourvues de cils; les paupières supérieures
sont très gonflées, comme dans un cas d'anasarque très prononcé ;
les yeux ne se découvrent jamais complètement; le nez est très
aplati à sa racine et largement implanté, les ailes du nez sont
grosses et les narines largement ouvertes (nez camus); les lèvres
sont épaisses ; la lèvre inférieure est retroussée vers le menton ;
la langue énorme sort constamment de la bouche d'où s'écoule un.
Ilot de salive qui mouille la partie inférieure du visage et les
vêtements; la partie inférieure du visage s'avance (en museau) ;
les oreilles sont bien ourlées, les mâchoires en partie dégarnies
supportent des dents noires, cariées, irrégulières de forme et
d'implantation ; la chevelure noire peu abondante est formée de
cheveux courts, gros et raides : la face entière est bouffie et les
joues pendantes ; le teint du visage est blême.
Le crâne ne présente aucun caractère particulier; en voici les
principales dimensions prises sur le vivant :
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 481
même aux lieux de prédilection (aisselles, etc.), on ne rencontre
trace de transpiration.
Les membres supérieurs sont gros ; les extrémités sont froides,
sèches, rugueuses. La main et les doigts sont élargis; le pied
est gonflé, épais. Dans les derniers temps de la vie, les membres
avaient beaucoup diminué de volume, la peau y était ridée, sans
moiteur et donnaient une très désagréable impression de froid.
On ne trouvait de poils sur aucune partie du corps.
Voici les dimensions des différentes parties des membres :
482 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Elisa 1 ? a présenté un écoulement vaginal sanguinolent mani-
feste.
Cette pauvre enfant est morte dans le marasmes, âgée de trente-
deux ans. L'ouverture du cadavre a été obstinément refusée.
Nous retrouvons là tous les caractères que nous avons rele-
vés dans nos précédentes observations, et en particulier dans
les n0* 48 (p. 43J ) et 49 (p. 8fi) des Archives de Neurologie : .'
physionomie bestiale, face pâle, mate, bouffie; lésions chroni-
ques des paupières qui sont gonflées ; nez camus ; lèvres
épaisses, langue volumineuse ; dents cariées irrégulières de
forme et d'implantation ; joues pendantes ; cheveux peu
abondants, courts, gros et raides ; cou court; glande thy-
roïde imperceptible au palper ; poitrine globuleuse ; dos
voûté; ventre énorme, proéminent, hernie ombilicale; mem-
bres supérieurs et inférieurs gros; mains et pieds élargis, gon-
flés, épais; cyanoses; froids; absence de poils aux aisselles et
au pénil; peau cireuse, blafarde, avec un peu de desquamma-
tion ; taille d'un mètre; enfin, au point de vue intellectuel,
tous les symptômes de l'idiotie complète.
Ce fait, joint à ceux que nous avons rapportés précédem-
ment, nous parait justifier la création d'une forme particu-
lière d'idiotie, sous le nom d'idiotie crétinoïde avec cachexie
pachydermique, liée à l'absence de la glande thyroïde'.
1 M. Régis a publié dans l'Encéphale (1888, p. G97), un cas de creli-
nisnie sporadique, qu'il rapproche des cas de Iiiltoii Pagge,
Flecliter Beach, etc., cas dont x aucun auteur français n'aurait encore
parlé ». En cela, il se trompe complètement. Nous avons en effet
publié la traduction complète de leurs observations en 1886, dans les
Archives de Neurologie et dans notre Compte-rendu de Iiicdtre, pour 1880.
Ai. ;Régis met en doute la réalité de l'idiotie crétinoïde avec cachexie
pachydermique. « Quant au myxaedtrue qu'on aurait observé chez les
enfants, j'avoue, dit-il, n'être pas bien sur qu'il ne s'agit pas ta préci-
sément de crétinisme spora(li(lite. » L% proposition inverse est ;Lit coii-
trahe la vérité. Il suffit de se reporter à nos observations personnelles et
à celles que nous avons reproduites pour en avoir la preuve. On
pourrait faire rentrer dans ce groupe, si elle ne présentait pas quelques
lacunes, une observation communiquée par M. Baillarger à la Société
nzédico-psyclzologique. (Annales ? iédico-psych., 1857, p. 598.) Voir aussi :
Langdom Down. On some or the mental allectio ? is of Childhood and
Youth, etc. tendon, 1887, p. 82-88. Nous rappellerons que nos idées
sur 1 idiotie crétinoïde avec cachexie pachydermique, ont été exposées
avec détail en 1885 dans le mémoire déposé par notre ami Bricon,pour
le prix Belhomme, ainsi que le constate d'abord le rapport de Ai. ri;ré.
(Annales médico-psychologiques, 1886.)
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ 11GDICO-YSYCIIOLOGIQU.
Séance du 23 février. 1889. lOE'tDEXCE de M. FALRFT.
Prix Belhonzme. La Société, adoptant les conclusions du rap-
port de M. Vallon, propose aux concurrents la question suivante :
De l'état mental et du délire chez les idiots et les imbéciles .
Du cocaïnisme ; Contribution à l'élude des folies toxiques.
M. SAURY. Parmi les troubles fonctionnels si variés que la cli-
nique et l'expérimentation permettent de rapporter à l'action de
la cocaïne, ceux qui louchent lasphère spychique ne paraissent ni
les moins, remarquables ni les moins profonds. Il est facile de s'en
convaincre en étudiant de près les relations déjà si nombreuses,
quoique récentes, ayant trait à l'intoxication cocaïnique.
Cependant pense M. Saury, il n'existe pas de description
exacte du délire cocaïnique; et sur ce point il croit pouvoir établi'
un certain nombre de faits nouveaux notamment en ce qui con-
cerne l'évolution hallucinatoire et délirante. Se basant sur trois
cas intéressants de cocaïnisme chronique, dont il détaille les
observations, il résume dans les propositions suivantes, les carac-
tères qu'il conviendrait d'attribuer à ce délire spécial.
A. - Le délire cocaïnique est essentiellement hallucinatoire.
Le trouble des idées n'est jamais primitif; il se greffe toujours
sur des troubles sensoriels (illusions et hallucinations).
B. -'fous les sens peuvent être affectés, mais ils le sont d'une
manière inégale. Les troubles de la sensibilité générale prédo-
minent le plus souvent. Après eux, les hallucinations de la vue,
paraissent l'emporter en degré et en fréquence sur les hallucina-
tions de l'ouie et celles-ci à leur tour, sur les hallucinations de
l'odorat et du goût.
C. Les troubles sensoriels sont pénibles, multiples et mobiles
comme ceux de l'alcoolisme, mais avec moins d'intensité, de per-
sistance et de variété. La phase de suractivité fonctionnelle qui
précède leur apparition peut-être aussi justement comparée à
l'ivresse alcoolique.
484 sociétés savantes.
D. Les phénomènes déihauts s'accompagnent de désor-
dres : 10 de la sensibilité paraphérique (analgésies totales ou par-
tielles, troubles inhibitoires de la vision, de l'audition, etc.) ;
2° de la motricité (hyperexcitabilité musculaire, convulsions,
-attaques épileptiformes). Ces derniers accidents rapprocheraient
particullièrement la cocaïnisme de l'alcolisme absinthique.
Le délire cocaïnique occuperait donc une place très impar-
faite dans le groupe des folies par intoxication. Dans leur
ensemble, les effets observés résultent d'une part des propriétés
excitantes de la cocaine sur la couche corticale des hémisphères
cérébraux, d'autre part sur son pouvoir d'arrêt sur les extrémités
nerveuses surexcitées. Les malades de M. Saury faisaient usage de
la morphine en même temps que de la cocaïne.
M. Gaiinieu retrouve dans les conclusions de M. Saury les phé-
nomènes qu'il a déjà observés dans des cas analogues.
M. Séglas. Plusieurs auteurs et entre autres Erlenmayer,
dans son mémoire sur les troubles intellectuels du cocaïnisme, ont
déjà décrit des symptômes du cocaïnisme. Les manifestations
psychiques sont pour lui comparables à celles de l'alcoolisme.
M. Pichon a eu entre les mains un manuscrit d'Erlenmayer qui
ne considère pas le délire cocaïnique comme très dissemblable du
délire morphinique. Les troubles observés par M. Saury semblent
à M. Pichon être la conséquence de l'usage concomitant de la
morphine, de l'alcool et de la cocaïne.
M. Saury reste convaincu que les caractères du délire qu'il a
indiqués sont imputables à la cocaïne seule. S'il est vrai, dit-il,
que l'empoisonnement morphinique n'agisse défavorablement sur
l'état mental, il est contestable qu'il puisse provoquer des hallu-
cinations et du délire. Les trois malades dont il a parlé ont pu
s'injecter impunément durant de longues années (de 5 à 45 ans)
des doses parfois considérables de chlorhydrate de morphine. Les
accidents n'ont éclaté qu'à la suite de l'emploi de la cocaïne.
M. Magnan. Les accidents les plus saillants de la cocaïne
sont les troubles de la motilité, les attaques épileptiformes et les
troubles de la sensibilité générale qu'on n'observe pas avec la mor-
phine seule. Il a eu l'occasion de donner des soins à une malade
qui avait été prise d'hallucinations de la vue et des troubles de la
sensibilité générale après application, sur un abcès, de compresses
imbibées d'une solution de cocaïne. Cette dame voyait et sentait
de petits vers sur ses mains.
Accidents cérébraux consécutifs (i l'empoisonnement par l'oxyde de
carbone. M. RAFFKGEAU rapporte l'observation d'un mari et de
sa femme tombés dans un état de démence plus ou moins accu-
sée à la suite de leur asphyxie accidentelle par un poêle mobile.
Chez l'homme une névrite optique détermina même la cécité.
SOCIÉTÉS savantes. 483
M. BOUCHEREAU a été témoin des faits rapportés par M. Roffe-
geau ; il ajoute que la femme a eu pendant quelques jours une
amnésie complète.
M. Vallon demande s'il est certain que la névrite ait débuté
depuis l'accident on bien si l'on ne peut pas admettre un début
antérieur.
M. Raffegeau n'a constaté la névrite qu'un an après l'empoi-
sonnement.
M. Pichon compare ces troubles de la vision aux amblyopies
professionnelles des blanchisseuses et des cuisinières.
M. Garnier vient de voir une femme inculpée d'homicide volon-
taire sur son enfant, qui à la suite d'une tentative de suicide à
deux, par le charbon, fut frappée d'amnésie. Elle eut en outre
une monoplégie brachiale.
M. Briand a publié des cas analogues qui ne sont pas rares.
Il demande si la mémoire était complètement abolie ou si plutôt
la malade de M. Garnier n'avait pas perdu seulement le souvenir
des faits accomplis depuis son intoxication ?
M. Garnier. La mémoire des faits antérieurs au suicide était
très précise, mais la femme ne se souvient d'aucune des circons-
tances de son suicide.
M. 11OUlLLARD croit aussi ces amnésies toxiques plus fréquentes
qu'on ne le pense. Il connaît des enfants dont la mémoire s'est
affaiblie par l'habitude qu'ils avaient contractée de vivre dans le
voisinage d'un poêle mobile.
Des troubles intellectuels consécutifs aux pratiques inopportunes
de suggestions hynoptiques. M. Livof qui a déjà publié une
observation analogue a pu suivre à Villejuif, dans le service de
M. Briand dont il était l'interne, une jeune femme qu'un prêtre avait
la coutume d'endormir. Cette femme ne pouvant se soustraire à
l'influence du magnétiseur est devenue subitement folle. Son délire
se manifestait par des hallucinations et des frayeurs qui nécessi-
tèrent son placement dans un asile d'aliénés. La malade poussait
des cris et se croyait en butte aux obsessions de son prêtre qui la
poursuivait pour la magnétiser encore. Elle a pu guérir après
quelques mois de traitement. Marcel BRIAND.
Séance du 25 mars 1889. - Présidence de M. FALRET.
Classification des maladies mentales. (Suite de la discussion.)-
M. Paul Garnier, sans vouloir raviver un débat près de s'éteindre,
tient seulement à montrer que MM. A. Voisin, Marandon de Mon-
tyel, Dagonet etLu3·s, qui ont fait des objectionsplusou moins ca-
ractérisées aux conclusions de son rapport, n'ont, cependant,
486 SOCIÉTÉS savantes.
point fourni les éléments d'une classification plus simple, plus en
harmonie avec les données actuelles de la science, plus pratique
enfin, au point de vue des exigences d'une statistique interna-
tionale que celle proposée par la commission. Ses contradicteurs
ont vanté, tour à tour, les avantages d'une nomenclature écolo-
gique, symptomatique, anatomique. Si, avec M. A. Voisin, le
désaccord est peu marqué, il est beaucoup plus accentué avec
MM. Marandon de Montyel et Luys. Pour le premier, la classifica-
tion étiologique de More ! est la seule possible; mais s'il reste
attaché à cette méthode de classement, il est loin d'accepter
complètement l'oeuvre du médecin de Saint-Yon, car il se refuse
à admettre la création de la folie héréditaire. M. Paul Garnier
remarque que c'est pourtant là le véritable point de départ de la
classification étiologique de More), ce qui en souligne l'idée mai-
tresse, ce qui, en un mot, en forme la clé de voûte. C'est parce
que ce clinicien asu montrer pourquoi et comment certains indi-
vidus se spécialisaient, si l'on peut ainsi dire, dans la nature et
l'évolution des déviations psychiques qu'il a si fortement marqué
de son empreinte la plupart des travaux publiés depuis trente ans.
De ce qu'il existe des conditions biopathologiques dégénératives,
en dehors de la taxe héréditaire, il ne s'ensuit pas qu'il faille
diminuer l'importance de ce principe dégénératif dont d'autres
influences nocives copient plus ou moins les effets. Il n'est que
logique d'ailleurs, que ces influences nocives surprenant l'être en
pleine formation tendent à imiter, par cette sorte d'analogie
d'atteinte les altérations typiques engendrées par la cause qui
agit encore de plus haut et de plus loin, à savoir le vice hérédi-
taire.
Morel avait été amené à créer, pour donner place à la paralysie
générale dans sa classification un groupe artificiel qui, de l'avis de
tous, est en contradiction avec le principe d'une méthode étiolo-
eique. M. Marandon de Montyel n'est pas davantage parvenu à
franchir cette difficulté. En admettant la congestion, comme cause
de l'encéphalite interstitielle diffuse, il semble confondre la cause
avec l'effet, le stade congestif, modification anatomique, étant la
première étape du processus morbide. Au surplus, la première
exigence d'une nomenclature étiologique, est démettre en lumière,
par la terminologie, la relation directe entre la maladie et son
agent causal et ce desideratum n'a pas reçu satisfaction. Il y a lieu
de s'étonner, en outre, que M. Marandon de Montyel ait fait figu-
rer dans la classification qu'il propose, un certain groupe dénom-
mé : jolies multiples. Que deux formes mentales se juxtaposent
chez un même individu, qu'un délire toxique même s'y surajoute,
il n'y a pas là motif à la création de nouvelles espèces. li'y en a
d'autant moins que chaque affection garde, dans cette évolution
simultanée, ses caractères propres et son autonomie. Que cette
sociétés savantes. 487
rencontre produise un aspect symptomatique, d'ensemble utile à
connaître, c'est ce qui est incontestable; mais, il convient, le
triage symptomatique opéré, d'attribuer chaque unité composante
à son cadre spécial et non de charger une nomenclature de
donner une place à ces hasards de la clinique. En somme, M. Ma-
randon de Montyel, malgré de louables efforts pour s'en garer,
a versé dans cette classification mixte qu'il condamne et qui reste
une regreltable mais actuelle nécessité.
Passant ensuite à la discussion des objections' soulevées par
M. Luys qui propose aussi une classification différente, M. Garnier
ajoute C'est sur un autre terrain que, dajis sa critique, M. Luys a
pris position. Il aurait voulu qu'on demandât l'anatomie les élé-
ments d'une classification et il nous fait part de ses travaux sur
cette question importante. On peut se sentir attiré par cette
séduction qui se dégage d'un vaste programme où tout se déduit,
s'enchaîne, se coordonne comme par enchantement; on peut se
laisser gagner, de prime abord, à ses idées exposées avec cette
certitude qui vous impressionne toujours. Mais, ce premier élan
passé, on éprouve la'nécessité de faire quelques réserves; on
hésite, si affranchi soit-on de tout esprit de routine, à suivre
M. Luys aussi loin qu'il veut nous mener. Il a reproché au rappor-
teur d'avoir négligé les hallucinations ? Mais ce n'est là qu'un
symptôme et tout le monde sait que, en faisant mention d'une
psychose Systématique progressive comme le délire des persécutions
ou délire chronique, on fait mention, parla même, de son symptôme
le plussaillaul, l'hallucination del'ouîe. Après les déclarations caté-
goriques de M. Luys, on devait penser qu'il ne transigerait point
et que, fort de ses découvertes, il opposerait formellement sa clas-
sification à celle de la commission. On a donc lieu d'être surpris
qu'il ait proposé, en fin de compte, de reprendre le classification
Baillarger Marée, dérivée de celle d'Esquirol.
Nul plus que moi, dit en terminant M. Paul Garnier, ne rend
hommage aux magnifiques travaux de M. Baillarger, qui mar-
quent comme une traînée lumineuse à travers noire science
spéciale, et je m'incline respectueusement devant sa grande tâche.
Mais s'il est de ceux qui nous ont le mieux montré la route du
progrès, par la direction anatomo-clinique de ses recherches, il
est aussi de ceux, certainement, qui applaudissent le plus à nos
conquêtes nouvelles, où il y a encore quelque chose de lui. Celte
justice rendue a ce savant maître, dont notre maître, M. Magnan,
s'honore d'avoir été l'élève, je veux vous demander, Messieurs, s'il
est possible, aujourd'hui, après la profonde modification qui s'est
opérée dans les idées, grâce aux travaux de More ! et de ses succes-
seurs/sur les déviations psychiques liées à la transmission héré-
ditaire dégénérative, grâce à la découverte du délire des persécu-
tions, entité morbide poursuivie, plus tard, jusque dans ses phases
488 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ultimes et décelée, ainsi, comme une psychose chronique à nom-
breuses périodes systématiquement étagées, grâce enfin à toutes
ces données cliniques précieuses fournies par l'étude plus attentive,
plus rigoureuse et plus prolongée de l'évolution morbide des espè-
ces, s'il est possible, dis-je, de se tenir en dehors de ce grand cou-
rant et d'agir comme si le classificateur n'avait pas à s'en préoc-
cuper ? Qui pourrait prétendre que notre carte nosographique ne
s'en trouva pa's profondément remaniée ? Nos appellations, nos
habitudes de langage ne sont déjà plus les mêmes. Les acquisi-
tions auxquelles je viens,de faire allusion témoignent de l'activité
constante et féconde de cette école clinique d'observations à
laquelle la science psychiatrique française doit ses plus sûrs pro-
grès. Elles portentbien votre marque et peuvent figurer avec avan-
tage sur le terrain d'un concours international. Non seulement,
leur influence se fait sentir sur l'universalité des travaux spéciaux
publiés dans notre pays, mais on en trouve encore comme le reflet
dans les ouvrages parus à l'étranger. Dire après cela qu'une no-
menclature émanée de vous doit en inscrire la mention, ce n'est
qu'énoncer une vérité qui s'impose. Nous n'aurons pas, pour cela,
Messieurs, adressé à la Société de médecine mentale de Belgique
une classification complète, homogène, irréprochable : indéfini-
ment perfectible comme la science même qu'elle représente, il est
bien entendu qu'elle reste ouverte à tous les progrès successifs
qu'il est légitime d'espérer, en l'attente de l'homme de génie qui
en fera une oeuvre à peu près parfaite.
M. BALL demande à répondre à M. Garnier dans la prochaine
séance.
De l'action thérapeutique du sulfonal. M. Marandon de Montyel
lit une note de laquelle il résulte que le sulfonal employé aux
doses indiquées par les auteurs qui l'ont préconisé, produit des
troubles intellecfuels se manifestant surtout par une sorte d'abru-
tissement avec vertiges, céphalies, paralysies transitoires, nausées
et aussi des troubles digestifs'assez intenses. Si la dose est moin-
dre, il ne procure pas le sommeil. Peut-être le sulfonal expéri-
menté par M. Marandon de Montyet ne provient-il pas du même
fabricant que celui employé parles autres expérimentateurs ?
M. A. Voisin n'a jamais constaté rien de pareil avec le sulfonal
dont il s'est servi. Marcel BillAND.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 489
CONGRÈS DES MÉDECINS ET DES CHIRURGIENS AMÉRICAINS.
SESSION DE WASHINGTON.
SECTION DE NEUROLOGIE.
1° jour : 18 septembre t888.
M. le D'' PHILIIIC. Knapp (de Boston). Affections nerveuses consé-
cutives ci un traumatisme. Le trauma peut donner naissance à
de grosses lésions mécaniques, mais aussi chroniques et insidieuses,
à des processus de dégénérescence, à des affections fonction-
nelles (psychoses, phénomènes hystériques et neurasthéniques).
Ces deux derniers accidents peuvent compliquer des affections
organiques, d'où obscurité du diagnostic.
M. le D1 Séguin dit que les signes subjectifs sont de peu de
valeur, attendu que l'hystérie peut simuler les malades nerveuses
les plus complexes, soit par suggestion extérieure, ou auto-
suggestion.
M. le -Dr Gray rend compte des difficultés de ce diagnostic au
point de vue de la médecine légale.
M. le Dr ZENNER dit que les phénomènes hystériques ne sont
pas d'ordinaire simulés. Il cite un tremblement survenu à la
suite d'un coup, disparu après trois séances d'hypnotisme.
M. le Dr Isaac OTT (d'Easton), des centres caloriques chez
l'homme. Ils résideraient dans le corps strié et près du sillon de
Rolando. (Ce dernier d'après les lésions pathologiques.)
M. le Dr HANE dit qu'il ne faut pas conclure d'après une lésion
pathologique, ces centres pouvant n'être que des centres d'inhibi-
tion calorique.
M. le Dl Fisiifr (de New-York). Observations d'épilepsie consécu-
tives à l'hémiplégie cérébrale.-Les lésions de cette sorte d'épilepsie,
de même que celle de l'épilepsie idiopathique, portent sur l'écorce
cérébrale.
M. le Dr ROBERT T. EDES (de Washington). Rapport entre les
maladies des reins et celles du système nerveux. (Urémie.)
M. le D'' C.-L. (de New-York). Localisations cérébrales des
sensations cutanées. Il y a une identité complète, entre les
zones motrices corticales sensitives et motrices. Quand il y a
anesthésie, on trouve une lésion plus profonde.
M. le Dr C.-K. Mills pense qu'il y a un grand nombre des lésions
des centres moteurs corticaux sans anesthésie,
490 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. le Dr Alleu STARR dit qu'il est fort difficile de juger des
lésions entraînant les troubles de la sensibilité, à cause du voisi-
nage de l'hypocampe et des pédoncules cérébraux. Il pense que
les centres tactiles sont bilatéraux. Dans certains cas d'hémi-
plégie, l'hémisphère normal-peut compenser les lésions de l'autre.
M. le Dr Séguin admet les localisations -corticales de la sensi-
bilité. Il a vu Schitt' enlever des points de l'écorce cérébrale chez
des chiens, avec des troubles d'anesthésie. Il a souvent constaté
l'aura sensitif dans l'épilepsie jacksonienne dans des cas de tumeurs
cérébrales ou d'autres lésions corticales. Une dysestésie spéciale
précède souvent les spasmes. Il décrit des cas de tumeurs sous-
corticales opérées, ayant donné les mêmes signes que dans les
cas du Dr Dana.
Deuxième jour. 19 septembre.
M. le D1' F.-X. DEMUM (de Philadelphie). Dystrophie du tissu
conjonctif sous-cutané, des bras et du dos, associée a des signes de
myxoedème. Le tissu sous-cutané présente un aspect muqueux avec
sclérose des nerfs et des ganglions. Il y avait anesthésie, la
glande thyroïde était absente. 11 n'y avait pas de lenteur de la
parole, de la pensée, du mouvement, ni d'imbécillité.
M. le Dr C.-K. Mills relate un cas semblable où la face était
prise. Le malade mourut subitement et on ne put faire l'autopsie.
AI. le Dr PUT-,4.&M pense que ce sont là des cas de transition vers
le myxoedéme.
M. le Dr G.-W. JACOBY (de : Vew-Yorl;). Polynzosile progressive
subaiguè. Cette affection débute par les muscles du membre
inférieur, puis envahit tous ceux de l'économie. Elle se manifeste
par de la douleur, de la paralysie avec atrophie de certains
groupes atteignant fatalement en deux ans ou un an et demi les
muscles respiratoires. De l'examen histologique, on trouve une
myosite parenchymateuse subaiguë. L'auteur conclut qu'il y a une
forme de myopathie primitive aigué, voisine des formes chroni-
ques.
M. le B. SACHES (de New-Yorl;). Dislrophles musculaires. Il
pense que l'atrophie à type péronéal a peut-être les mêmes lésions
que le type Aran-Duclieune.
Il propose de classer comme suit les atrophies musculaires :
I. amyotrophies spinales progressives (1° type de la main; 2° type
de la jambe dont une forme, la forme péronéale), Il. Dystrophies
primitives progressives (1° pseudo-hypertrophie; 2° forme d*Erb).
Il range la forme Déjerine-Laudouzy dans la forme d'L : rb.
M. le De JACOBY pense que l'atrophie myopathique est due à une
malformation embryonnaire.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 191 1
le D1' James H. Lloyd et JoaxB. DEAYEK : Un cas d'épilepsie
en foyer traitée avec succès par la trépanation et l'excision du centre
moteur, sans réapparition des attaques au bout de deux mois.
M. le D'' Fermer (de Londres) a eu le plus souvent des insuccès
dans des cas semblables. Le cas du Dr Lloyd est intéressant au
point de vue de l'expérimentation physiologique.
M. le Dr VICTOR HonsLEY (de Londres) mentionne un cas où
l'épilepsie s'est reproduite deux ans après l'opération, et un autre
avec guérison et retour de l'équilibre intellectuel. Il faut opérer
dans ces cas le plus tût possible. La cocaïne est très utile dans ces
opérations pour faire contracter les artérioles des membranes. Il
se sert du spray antiseptique pendant l'opération.
M. le Dl MtLus ajoute que dans le cas opéré par \I11. Llowd et
Deaver, il n'y avait pas de perte de la sensibilité après l'opération.
M. le Dr Séguin dit que dans le cas opéré par lui et le D'' Weir,
l'épilepsie a réapparu avec une parésie plus grande. Il y a en
outre une anesthésie tactile de la face, du bras et des doigts du
côté affecté. La température et le sens musculaire sont normaux.
La tumeur était située au niveau des centres de la face et du
bras, et avait 18 à 20 millimètres de diamètre.
M. le Dr James J. Putnam (de Boslon). Observations et expériences
itpropos de la pathologie de la névrite.
M. le'D,*S.-G WEJ3BEft a remarqué que la névrite siège surtout
au niveau des étranglements de Ranvier.
M. le Dr pyF Smru (de Londres) pense que la goutte est une
cause fréquente de névrite.
Troisisième jour. 20 septembre.
M. le D,G.-L. WALLON (de Boston). Fracture des vertèbres cer-
vicales. Dans deux cas, il y a eu guérison spontanée.
M. le Dr L.-C. Gray cite le cas d'un enfant qui s'est fracturé la
2c vertèbre cervicale deux fois de suite. Il présentait de la
paralysie du membre supérieur, de la parésie du membre infé-
rieur et de la difficulté de la déglutition. Il est actuellement en
bon état.
M. le 1)' Welber cite un cas de fracture de la colonne cervicale
qui a guéri, gardant une parésie des membres supérieurs.
AL le 1)' Putnam pense que dans un cas du D'' \1'alton, l'atrophie
peut être expliquée par une hémorrhagie au niveau de l'origine
d'un nerf.
M. le Dr Bannister cite un cas avec atrophie du bras et de la
langue due à de la pachy-méningite cervicale.
M. le D'' Saanoa C. Gray (de New-York). Symptômes typiques de
492 BIBLIOGRAPHIE.
sclérose diffuse, examen post-mootem révélant de la /ep(o-menM : 6 ? <.
11. le Dr S. Weir MtTCHELL (de Philadelphie). Anêvrysme d'une
artère anotzzarle, causant une division atttéro-postérieùre du chiasma
optique et une hémianopsie 6ttempo)'a.
M. le D'' F. Peterson (de New-York). Contribution a l'étude du
tremblement musculaire.
M. le Dl Pinnp C. z (de Boston). Troubles moteurs hémiplé-
giques chez les enfants.
M. le Dr J.-H. LLYOD (de Philadelphie). Un cas de tumeur de la
moelle cervicale.
M. le D1' Wiurton Sinkler (de Philadelphie). Chorée héréditaire.
Aimar Raootr.
BIBLIOGRAPHIE
X. Ivrognerie, ses causes et son traitement; traduit par P.-J.
Kovalevsky, professeur des maladies mentales et nerveuses à
l'Université de Kharkoff, 1888, traduit par WALDEMAR de Holstein.
Petit volume qui par la coquetterie de son format et de sa reliure
semble destiné aux gens du monde, mais sera lu avec intérêt par
le public médical en raison de son style clair, de son allure simple
et des nombreuses idées originales de l'auteur, idées que nous
nous bornons à exposer. L'ivrognerie est une maladie et une
maladie guérissable, tel est le sujet de l'avant-propos.
Dans le Jar chapitre : symptômes de l'ivrognerie, l'auteur dis-
tingue l'ivrognerie maladie de l'ivrognerie vice, nous donne les
symptômes de la première, mais non les signes de la seconde en
sorte que le lecteur n'est nullement fixé sur les caractères
distinctifs. Ce n'est que dans un chapitre très éloigné qu'il définit
l'ivrognerie « est un état particulier de l'organisme ou de la
totalité du système nerveux qui survient quand l'individu ressent
dans tout son être une faiblesse, un malaise particulier et un
besoin irrésistible de supprimer ces sensations par l'alcool. C'est
une faim ou une soif pathologique d'alcool ».
Il nous apprend quedéjà, en 1617, Wircungavaittraité del'ivro-
gnerie, maladie terrible qu'il décrivait immédiatement après la
perte.
L'auteur, avec Crothers et Mauns, admet deux périodes dans
BIBLIOGRAPHIE. 193
l'évolution de l'ivrognerie, la période nerveuse ou prémonitoire et
la deuxième celle de la dypsamonie.
La période prémonitoire présente d'abord les symptômes
vulgaires de la neurasthénie (défaut d'équilibre et irritabilité du
système nerveux, affaiblissement des centres supérieurs de
l'encéphale devenant ainsi incapables d'inhiber les réflexes et les
impulsions); puis ceux de neurasthénie alcoolique ou diathèse
alcoolique, à moins que celle-ci n'apparaisse d'emblée (hérédité),
bizarreries du caractère, devenant subitement soupçonneux au mo-
ment de l'excès de boisson, apparition subite dans les mêmes
conditions d'une manie se répétant toujours la même, manie de
marchander des chevaux, d'héberger des amis, de se préparer
à la mort, etc., ou bien des rêves nouveaux, étranges, qui plus tard
se confondent avec la réalité; bizarreries de régime hygiénique
ou non, souvent manque d'énergie comme par le surmenage
physique et intellectuel, d'où apparition de « cette faim de la
force » qui fait recourir à l'alcool à titie d'essai.
Comme symptômes de neurasthénie alcoolique héréditaire l'au-
teur mentionne des états d'ébriété sans alcool, survenant chez
les enfants ; d'autres fois à un âge avancé, parfois sous l'influence
d'un choc moral ou traumatique, dans d'autre cas s'éveillent par
contagion ; à la vue d'un homme ivre, le neurasthénique alcoolique
héréditaire deviendrait en état d'ébriété sans alcool ; l'auteur cite
de vieux membres de société de tempérance qui, quoique très
sobres, tombaient dans cet état rien qu'en dépeignant dans leurs
discours le désordre des alcooliques.
L'auteur termine ce chapitre par une indication que nous
approuvons celle d'éviter d'administrer des alcools aux neurasthé-
niques dans leurs maladies, quelle que soit la neurasthénie.
La deuxième période c'est l'ivrognerie proprement dite :
alcoolisme chronique, si elle est continue; dypsomanie, si elle est
périodique.
D'après l'auteur, les premières tares dans l'alcoolisme chronique,
débutent par le sens moral, l'étique qui s'émousse et finit par être
remplacé par des impulsions égoïstes, animales et ordurières, puis
par les facultés intellectuelles, paresse, défaut d'initiative, perte
de mémoire et des autres facultés, et à peu près en même temps
les troubles si connus des sphères motrices sensibles circulatoires
et viscérales.
L'incapacité de s'adopter, la négligence de la famille, de soi-
même, les idées de persécution avec des sous-idées de grandeurs
sont décrites de main de maître.
Dans ce chapitre, l'auteur rappelle les faits de Bourneville
relatifs à l'influence nuisible de l'alcool sur les enfants.
Le chapitre de la dypsomanie très complet ne contient pas de
vues nouvelles; l'auteur la considère avec tous ceux qui ont traité
494 BIBLIOGRAPHIE.
la question comme une psychose impulsive déterminée bien plus
par le besoin que par le goût de l'alcool.
Les chapitres suivants sont consacrés aux causes prédispo-
santes et aux causes provocatrices; souvent même la cause qui a
été prédisposante d'abord devient provocatrice ensuite.
La monomanie ou diathèse alcoolique congénitale, acquise ou
latente est la principale cause prédisposante.
Un peu d'obscurité de la part de l'auteur quand il cherche
comment elle est acquise, « l'acte de boire de l'alcool laisse une
trace, cette trace répétée engendre l'habitude, devient besoin et
le besoin de transforme en névrose >. Ici nous comprenons bien
les mois, mais non le mécanisme.
Les autres causes prédisposantes étudiées par, l'auteur, telles
que l'hérédité homogène ou hétérogène, directe ou indirecte, le
sexe, l'âge, la religion (rareté chez les juifs), le climat, l'état de
l'air (influence marquée des vents d'ouest), l'instruction, la profes-
sion, la fortune, toutes ces causes sont étudiées d'après des docu-
ments anglais et correspondent aux idées des aliénistes français.
Il en est de même pour les causes provocatrices; signalons ici un
habile parallèle de l'auteur entre les surménages et l'oisiveté au
point de vue de leur influence nuisible sur l'ivrognerie.
Le dernier chapitre (traitement de l'ivrognerie) contient des
aperçus sur les sociétés de tempérance, sur le système de
Gotlienburg (accaparement du commerce de l'alcool par les
sociétés de tempérance appuyées par l'Etat (Suède et Norwège)
sur le traitement de la neurasthénie, l'indication des remèdes
dits spécifiques, l'exposé des régimes diététiques et hygiéniques
et surtout une étude sur les établissements spéciaux pour le
traitement des ivrognes, avec la suppression pour ceux-ci du
no-restreint dont l'auteur est au contraire partisan pour les
aliénés non alcooliques.
La statistique de tels établissements en Amérique donnerait de
30 à 40 p. 100 de guérison. Charpentier.
XI. Les maladies de la volonté; par Th. RuoT (Paris, Alcan).
La remarquable étude de Ai. Ribot se divise en deux parties bien
distinctes : l'une, sous le titre d'Introduction, est l'exposé de la
doctrine qui guide l'auteur ; l'autre renferme l'étude des faits
examinés à la lumière; cette doctrine se termine naturellement
par des conclusions conformes à la théorie. N'y a-t-il là qu'une
question de forme, un procédé d'exposition qu'il était loisible de pré-
férer à tout autre ? Ou bien, est-ce l'indice d'un reste d'anciennes
habitudes, la dernière trace d'un ancien pli de l'esprit dû à la pre-
mière discipline métaphysique qu'a subie M. Ribot et dont, malgré
les puissants efforts dont témoigne son livre, il n'aurait pu se
BIBLIOGRAPHIE. M5
débarrasser absoutment ? Au fond, cela importe peu; il [en reste
cependant, quoi qu'on fasse, une certaine impression de défiance.
On eût préféré voir la doctrine sortir de l'examen des faits au
lieu d'avoir l'air de découler d'axiomes ou de propositions établis
« priori : la conviction serait venue plus aisément.
Il nous faut encore chercher à 11. Ribot une querelle préalable,
dont est le sujet le titre même de son ouvrage. La volonté n'étant,
selon lui, ni une fonction, ni une propriété ou une faculté, pas
même une disposition psychique stable, se résolvant, au contraire,
en volitions instables, résultantes variables de causes incessam-
ment changeantes, la volonté n'ayant, en un mot, pas d'existence '
réelle, comment peut-elle être susceptible de maladies ? Nous
savons bien que l'on parle couramment de maladies de la vue,
du mouvement ; encore ces expressions, que nous n'aimons guère,
peuvent-elles à la rigueur passer pour de simples métaphores
désignant les troubles de l'appareil visuel ou du système moteur.
Pour la volonté, définie par AI. Ribot, on cherche eu vain le
substratum réel auquel la métaphore pourrait se rapporter pour
se justifier. Querelle de mots, si l'on veut, mais non pas sans im-
portance, parce qu'ici les mots contredisent le fond, parce que le
fond est toute la doctrine, parce qu'enfin, avec un homme comme
M. Ribot, on n'a pas le droit de rien négliger.
Devant tel autre auteur ou en face d'un traité d'oculistique,
nous n'aurions rien dit : maguarda der passa.
D'une bien autre importance toutefois est le point suivant.
M. Ribot a voulu étudier la pathologie de la volonté sans toucher
à la question du libre arbitre, poser la question sous une forme
conciliable avec toute hypothèse et conclure sans donner aucune
solution du problème métaphysique. L'abstention lui paraissait
nécessaire. C'était là sans doute la marche rationnelle, et ni. Ribot
a eu raison de ne s'enrôler au début sous aucune bannière; son
indépendance en eût péri ou ses recherches auraient été d'avance
inutiles. Il n'a eu garde de prendre pour point de départ ce qui
doit être le terme de toute psychologie vraiment scientifique. On
ne saurait trop l'en louer et il faut reconnaître que, fidèle à ses
promesses, il s'est efforcé de se tenir dans les limites de l'expé-
rience interne et externe. Est-il aussi sûr de n'avoir abouti à
aucune conclusion ? Il n'en exprime, à la vérité, formellement au-
cune ; mais peut-être ne faudrait-il pas beaucoup presser ses propres
expressions pour en faire sortir une capable de satisfaire le déter-
ministe le plus orthodoxe. D1. Ribot espère que « l'absence de
toute solution sur ce point (le libre arbitre) ne sera même pas une
seule fois remarquée n. Ne pourrait-on dire que si son espoir s'est
réalisé, si cette absence de solution ne se remarque pas, c'est que
la solution ressort de ce qu'il dit, bien qu'il ne la formule pas ?
S'il est vrai que des deux éléments de tout acte volontaire, le
496 BIBLIOGRAPHIE.
premier, l'état de conscience, n'a aucuile efficacité, taudis que le
pouvoir d'agir ou d'empêcher, réside uniquement dans le second,
dans un mécanisme psychophysiologique très complexe ; s'il est
vrai que ce mécanisme ait pour fond définitif et pour moteur
ultime le caractère, c'est-à-dire le moi en tant qu'il réagit; s'il
est vrai que le caractère est le produit, si complexe qu'il soit, de
l'hérédité, des circonstances physiologiques antérieures et posté-
rieures à la naissance, de l'éducation, de l'expérience, c'est-à-dire
l'état de l'organisation tel que l'ont fait les conditions de sa
genèse et de son développement ; si tout cela est vrai, c'est le
déterminisme qui triomphe. Et il ne servira de rien d'ajouter
que, pour les animaux supérieurs, la complexité de leur milieu
est une sauvegarde contre l'automatisme. Car, à cette pro-
position qui, pour le dire en passant, ressemble fort à une adhé-
sion à l'hypothèse de la liberté, on peut répondre que la difficulté
même l'impossibilité de préciser et de démêler les conditions
d'un phénomène n'implique nullement qu'elles ne sont pas en
elles-mêmes parfaitement définies.
M. Ribot admet que le réflexe est le type unique de toute action
nerveuse, de toute vie de relation. Chez le nouveau-né le réflexe
agit seul d'abord, et, en l'absence de tout état de conscience, il
n'y a point chez lui d'acte volontaire, il n'y a que transformation
des excitations en mouvements. Plus tard, le désir, première
esquisse du caractère individuel, marquent le passage de l'état
purement réflexe à l'élat volontaire. Accompagnés d'un état de
conscience souvent très intense, ils ont une tendance immédiate
et irrésistible à se traduire par des actes, comme les réflexes purs.
Plus tard encore interviennent les idées que M. Ribot classe,
suivant la force de leur tendance à se transformer en actes,
en -trois groupes : le premier comprend les états intellectuels
extrêmement intenses, passant à l'acte presque aussi rapidement
que les réflexes, surtout quand ils s'accompagnent de sentiments
vifs. Le deuxième groupe représente l'activité raisonnable où la
conception est séparée de l'acte par une délibération plus ou
moins longue. La tendance à l'acte est modérée, comme l'état
affecté. Enfin viennent les idées abstraites, avec lesquelles la
tendance au mouvement est au minimum, à moins qu'elle
n'éveille
XII. Der Vei-lauf der Phychoscn, par R. Ansnr et A. Doua ; Vienne
et Leipzig, in-8, 1887. Urban et Schuarzenberg, édit.
L'étoffe de ce mémoire est à peu près constituée par la théorie
du professeur Arndt, sur la folie en général. Nous avons dans ce
recueil même consacré, en temps opportun, une longue analyse
BIBLIOGRAPHIE. 497
à sa doctrine à propos de son Traité de Psychiatrie Il s'agit ici
de la représentation graphique de la marche de l'aliénation mentale,
obtenue à l'aide de courbes qui se meuvent le long d'une échelle
verticale dont chacun des échelons horizontaux constitue un des
épisodes symptomatiques , l'échelon du milieu figure le fonction-
nement normal. Des teintes savamment dégradées et géométri-
quement groupées forment les images de leur intensité ainsi que
de leur durée ; elles correspondent aussi aux dénominations
séméiologiques adoptées par M. Arndt. Les dates sont inscrites
au-dessous des tableaux ; on ne saurait mieux les comparer qu'aux
planches démographiques et statistiques d'un usage constant
aujourd'hui, dont on réunirait, à dessein, sur une feuille unique,
les divers éléments intéressant l'humanité. P. KERAVAL.
XIII. Le cerveau et l'activité cérébrale au point de vue psycho-
physiologique ; par A. HERZEN. (Paris, in-16, 1888. J.-B. Baillière,
éditeur.)
Le professeur de physiologie de Lausanne tente d'asseoir la
physiologie générale sur le fait, suivant lui, fondamental qu'il
n'y a point de mouvement d'activité psychologique sans mouvement
moléculaire corrélatif des éléments nerveux. 11 tire ses arguments
d'un judicieux usage, d'une habile association des deux espèces
d'associations : externe ou objective, interne ou subjective.
Il établit ainsi :
1° Que la face psychique se trouve avec le mouvement moléculaire
nerveux dans une corrélation telle qu'elle doit son existence à un mou-
vement qui expire en produisant un autre mouvement, ce qui prouve
qu'elle ne peut être elle-même autre chose qu'un mouvement;
2° Que toute cette psychique consiste en une transmission et une mo-
dification d'une impulsion extérieure, c'est-à-dire en une forme parti-
culière de mouvement (Première partie : notion de l'activité psychique).
Aussi comme tout mouvement, l'activité psychique est-elle liée
à la production d'une certaine quantité de chaleur (IIe partie,
chap. i). Il en résulte encore, dans l'ordre biologique, que rien
ne se créant, toute action n'est qu'une réaction, et que, par consé-
quent, la spontanéité témoigne simplement d'un excellent état de
la nutrition des tissus appelés à agir ; elle traduitaussi la modalité
de la réaction d'une organisation individuelle en face d'une
impression d'apparence identique pour tous et représente l'en-
semble des particularités d'organisations individuelles, innées ou
acquises, permanentes ou passagères qui donnent l'empreinte
individuelle à la réaction affective par un organisme dans un cas
' Voyez Archives de Neurologie, 1884, t. VIII, p. 388.
Archives, t. XVII. 32
498 BIBLIOGRAPHIE.
particulier (chap. u). La liberté est alors une évolution de la
spontanéité (ch. In) ; la résolution n'a rien à voir avec une éma-
nation soi-disant indépendante de la volonté ; elle est le résultat
nécessaire et inévitable : a, de l'organisation individuelle ;
6,- de l'ensemble des impressions qui fappent l'individu à un
moment donné ; c, de l'état dans lequel se trouvent, à ce
moment-là les centres nerveux de cet individu.
Dans une dernière partie, M. Herzen a étudié les conditions
dans lesquelles l'activité cérébrale devient consciente. Il formule
ainsi la la loi de la conscience :
Liée exclusivement à la désintégration fonctionnelle des éléments
nerveux centraux, la conscience possède une intensité en proportion
directe de cette désintégration, et, simultanément, en proportion inverse
de la facilité avec laquelle chacun des éléments transmet à d'autres la
désintégration qui s'empare de lui et avec laquelle il rentre dans la
phase de réintégration.
Malheureusement, M. Herzen est obligé de compter dans l'appli-
cation avec la compétence spécifique de diverses régions : moelle
épinière, centres sensorio-moteurs, centres corticaux, et de faire
de la conscience du moi ou personnalité un cas particulier de la
conscience en général, ce qui ne nous paraît pas élucider la
question. Il faut absolument quand on aborde l'examen des méca-
nismes, les soumettre de nouveau au contrôle de l'expérimen-
tation, les matériaux traditionnels deviennent toujours insuffisants.
P. KEHAVAL.
XIV. De quelques troubles moteurs post-hémiplégiques chez les enfants ;
par le D CoomBs ICNAPP. (Boston, Cupples et Hurd, édit.)
L'auteur rapporte trois cas d'hémiplégie enfantile avec contrac-
ture, qui ne semblent être autre chose que des troubles de sclérose
cérébrale. Ces hémiplégies ont été suivies de spasmes toniques du
côté paralysé, augmentés par les.excitations, les efforts pour se
servir du membre malade, au moment d'un mouvement associé.
Il en résulte une incoordination des mouvements volontaires,
ressemblant à l'hémiataxie décrite par Grasset. Le Dr lnapp pro-
pose de donner à cette forme le nom de spasme du mouvement.
- A. R.
X% La psychologie physiologique; par G. SERGI, traduction française
de M. Mouton. (Paris, in-8, 1888, F. Alcan, édit.)
L'étude de l'activité psychique par l'observation et par l'analyse
de phénomènes palpables qui en émanent ou l'engendrent, est
d'une lumineuse clarté dans cette traduction revue et complétée
NÉCROLOGIE. 499
par l'auteur. Voilà de la vulgarisation de bon aloi. On n'attendra
pas de nous que nous discutions un ouvrage de fonds, dont la
matière et la méthode ne sont plus à discuter ni à exposer. Ce
serait un travail inutile qui exigerait de longues pages d'une
revue. Mais nous ne saurions laisser passer sous silence un livre
d'ensemble bien supérieur aux traités de psychologie physiolo-
gique que nous possédons jusqu'ici en français, livre qui fait
autant d'honneur à M. Mouton qu'à M. Sergi. Il est en outre au
courant des toutes dernières recherches. P. KERAVAL.
XVI. Affections nerveuses consécutives à un traumatisme (commotion
spinale, t·o2ebles de la moelle et du cerveau après des accidents de
chemin de fer), parle Dr Cooncss KNAPP. (Boston, 1888. Cupples
et Hurd, édit.)
Cette étude comprend douze cas de ces troubles ; l'auteur émet
des doutes sur la commotion médullaire au sens strict du mot, à la
suite des traumatismes ; ceux-ci pourraient entraîner des troubles
musculaires, de l'irritation spinale et des névrites périphériques, à
des processus dégénératifs typiques. Fréquemment, ils sont les
causes de troubles nerveux tels que l'hystérie, la neurasthénie, les
psychoses (anxiété, hypocondrie, dépression cérébrale). L'auteur
à leur suite a rencontré un complexus symptomatique type avec
troubles psychiques, anesthésie, lenteur des mouvements, exa-
gérations des réflexes dus sans doute à une lésion organique. Le
pronostic de ces troubles est grave ; ils peuvent s'amender mais
non pas guérir complètement. A. R.
NÉCROLOGIE
MORT DU Dr PAUL BRICON.
Nous avons la douleur d'annoncer à nos lecteurs la mort
de notre ami, le D'' Paul BRICON, un des plus fidèles colla-
borateurs des Archives de neurologie, ancien secrétaire de
la rédaction du Progrès médical, décédé à la suite d'une
longue et douloureuse maladie le 8 avril dernier.
Né le lor août 1848, Bricon contraint d'obéir aux préfé-
rences de son père commença, au sortir du collège, l'étude
500 NÉCROLOGIE.
du droit. En 1870, il fit comme mobile son service militaire.
Mêlé au événements politiques de 1871, il échappa par
l'exil aux conséquences d'une condamnation à la transpor-
- station dans une enceinte fortifiée. C'est alors qu'abandon-
nant complètement les études du droit, et suivant son goût,
il se livra à l'étude de la médecine. Il se fit recevoir doc-
teur d'abord à la Faculté de Strasbourg avec une thèse in-
titulée : Nouvelles recherches sur les nerfs vaso-moteurs, et
ensuite à celle de Genève, où son assiduité et son intelli-
gence l'avaient, fait choisir par le Dr Zahn comme assistant
(anatomie pathologique), poste qu'il occupa jusqu'en 1879.
Dans le cours de ses études, qu'il commença à Berne, il sé-
journa quelque temps à Wurzbourg, à Lisbonne, etc.
Revenu en France après l'amnistie de 1879, Bricon s'em-
pressa de prendre ses grades et en 1882, il soutenait à la
Faculté sa thèse : Du traitement de l'épilepsie, faite avec le
plus grand soin dans le service de M. Bourneville à Bicêtre
et qui lui valut une mention honorable. Un grand nombre
de ses travaux ont été faits en collaboration avec M. Bour-
neville, dont il était l'intime ami : Manuel des injections
sous-cutanées ; Manuel des autopsies; De la rubéole ou
roséole idiopathique ; De l'idiotie crétizzoide avec cachexie
pachydermique; - De l'épilepsie procursive. Nous citerons
plusieurs notes et mémoires personnels sur la microbiologie,
l'anatomie pathologique et la thérapeutique. Bricon avait,
en 1885, accepté les modestes fonctions de conservateur du
Musée de Bicêtre fondé en 1879 par Ils. Bourneville et fut
professeur d'hygiène à l'école des infirmiers de cet hospice.
Fidèle à ses principes Bricon a voulu être enterré civile-
ment ; partisan du progrès, il s'est fait incinérer. Ses obsè-
ont eu lieu le 10 avril. L'incinération s'est faite au four cré-
matoire du cimetière du Père-Lachaise. A la suite de deux
discours prononcés l'un par M. Bourneville et l'autre par
M. Desesquelle, un de ses compagnons d'exil, le corps a été
introduit dans le four; une heure et demie après, les cendres
furent transportées dans un caveau provisoire.
La rédaction des Archives et tous nos lecteurs qui ont pu
apprécier le talent et la science de Bricon joindront leurs
regrets à ceux de tous ses nombreux amis et aux nôtres.
Ils conserveront comme nous de Bricon le souvenir d'un
vaillant mort à la tâche, et son nom restera dans leur mé-
moire comme celui d'un homme dont la vie entière a été
consacrée à la science et aux idées généreuses.
) m n m -ii. m m - r 'M i lmmi^^t^J^ltMUUUSmlÊiiUBSi
VARIA
ENCORE UN asile d'idiots EN ALLEMAGNE.
Le duché d'Oldenbourg va posséder son asile d'idiots dont on
espère terminer la construction au 1 ? juillet 1889. C'est à l'initia-
tive de M. Partisch qui a su stimuler le zèle des philanthropes que
ce résultat est dû. Le ministre d'Etat du grand duché a accordé
sur les fonds d'excédents de la caisse d'épargne une somme de
35,000 marcs; 40,000 m a ras ont été fournis sur hypothèque, par
la banque d'épargne et de prêts (Sparsund Leihhank) du pays,
8,000 marcs appartiennent à l'asile, de sorte qu'il y a actuelle-
ment 109,000 marcs (136,000 francs) en caisse.
Le terrain a été accordé par le maire de la ville, à trois quarts
d'heure d'Oldenbourg. En attendant que les bâtiments soient
élevés et prêts à recevoir des enfants, on a dès cette année utilisé
au local qui permet d'assister 20 fillettes, cet asile provisoire
fournit à-la surveillante aussi bien qu'aux médecins et aux pro-
fesseurs, le prétexte de préluder par un exercice salutaire au
fonctionnement de celui qui va s'ouvrir. Le plan des nouveaux
bâtiments prévoit tous les aménagements que comportent l'instruc-
tion, l'éducation et les soins médicaux de 60 enfants des deux sexes.
Le prix de pension annuelle sera de 450 francs pour les malades
du grand duché qui sont à la charité publique ; - de 750 francs
pour ceux qui rentrent dans les conditions d'assistance publique,
mais qui n'appartiennent pas au grand duché ; - de 500 francs
pour ceux du grand duché qui paient leur pension. ·
Conditions d'admission : L'enfant aura moins de quinze ans; -la
demande d'admission sera adressée au président de la commission
en y joignant l'acte de naissance et de baptême de l'enfant, ainsi
qu'un certificat de vaccin.
Cet asile sera un établissement d'instruction dû à l'initiative de
la bienfaisance privée.
La . nécessité d'assister les idiots et de leur fournir les moyens
d'éducation mis en vedette par les recherches médicales ressort de
la statistique des aliénés et des idiots de 1880.
On y voit que le grand duché d'Oldenbourg compte 266 idiots
atteints dès leur plus tendre enfance : 143 du sexe masculin,
123 du sexe féminin, - tandis que le nombre des aliénés ne
dépasse pas 542. Le total de psychopathes quelconques étant par
suite de 809, il y a plus d'un tiers d'idiots ; 42 d'entre eux sont en
502 FAITS DIVERS.
même temps épileptiques (26 du sexe masculin, 16 du sexe
féminin). (Allg. Zeitsch. f. psych., XLV, 56.) C'est là encore un
nouvel exemple qui montre la nécessité de la création d'asiles
interdépartementaux pour les idiots et les arriérés.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. Par arrêté en
date du 2 mars : M. le Dr DONNET, directeur-médecin de l'asile de
Vaucluse est mis en disponibilité sur sa demande. - M. ]eDrBOUI)RIE,
directeur-médecin de l'asile public de Bassens, est nommé direc-
teur-médecin de l'asile de Vaucluse (Seine-et-Oise), maintenu
dans la troisième classe. M. le Dr DumAz, directeur-médecin de
l'asile public de Dijon, est nommé directeur-médecin de l'asile de
Bassens (Savoie), maintenu dans la ire classe. M. le Dr Chambaiid,
médecin adjoint à l'asile de Ville-Evrard, est nommé médecin en
chef à l'asile de Pierrefeu (compris dans la 3° classe).
Par arrêté du 6 avril : MM. le DE GALLOPAIN, directeur-médecin
de l'asile de Pierrefeu, est nommé directeur-médecin de l'asile
de Fains (Meuse), en remplacement de M. Bayle, décédé (main-
tenu dans la 3° classe).-11L. le Dr GARDER,directeur-médecin, de
l'asile de la Charité, est nommé directeur-médecin de l'asile Dijon
(maintenu dans la 3° classe). M. le Dr Faucher, directeur-
médecin de l'asile de Nangeat, est nommé directeur-médecin de
la Charité (Nièvre) (classe exceptionnelle). M. le Dr DOURSOUT,
directeur-médecin de l'asile de Saint-Venant, est nommé directeur
médecin de l'asile de Nangeat (Haute-Vienne) (maintenu dans la
3e classe).
Par arrêté du 9 avril : M. le Dr Pâté, directeur de l'asile de Ville-
Evrard, est nommé en la même qualité à l'asile de Pierrefeu (Var),
(maintenu dans la 3° classe).- M. BALET, est nommé directeur de
l'asile de Ville-Evrard, compris dans la 30 classe.
Par arrêté du 14 avril : M. le Dr KERAVAL, médecin adjoint des
asiles de la Seine en disponibilité est nommé médecin adjoint à
l'asile de Ville-Evrard (rétabli dans la classe exceptionnelle).
Par arrêté du 17 avril : M. le Dr Jules LIZARET, interne à l'asile
public dé Maréville (Meurthe-et-Moselle), déclaré admissible au
concours du 26 décembre 1888 à Nancy, est nommé médecin
adjoint à l'asile public de Châlons (2e classe).
Par arrêté du 24 avril : M. le Dr Germain Cortyl, directeur-
médecin, à l'asile public d'Alençon, est nommé directeur-médecin
à l'asile public de Saint-Venant (Pas-de-Calais), en remplacement
FAITS DIVERS. 503
du Dr Doursout (maintenu à la 21leLasse).- M.* le Dr Paris, i)iédecin
adjoint à l'asile public de Châlons, est nommé directeur-médecin
de l'asile public de Saint-Venant (compris dans la 3e classe).
Congrès international DE médecine mentale. La Société
médico-psychologique a décidé, dans sa séance du 29 octobre 1888
l'organisation d'un Congrès international de médecine mentale
qui se tiendra à Paris du 5 au 10 août 1889. Le Congrès se com-
pose de membres fondateurs et de membres adhérents, nationaux
et étrangers. Sont membres fondateurs : les membres titulaires et
honoraires de la Société médico-psychologique, dont la souscrip-
tion est fixée à vingt-cinq francs. Sont membres adhérents : les
médecins, les directeurs des asiles de France et de l'étranger,
toute personne s'intéressant aux questions relatives à l'aliénation
mentale. La souscription des membres adhérents nationaux et des
membres étrangers est fixée à vingt francs.
Le Comité appelle plus particulièrement l'attention sur les trois
questions principales qui seront soumises aux discussions du
Congrès. Ces questions, dont on trouvera plus loin l'énumération,
seront chacune l'objet d'un exposé ou d'un rapport qui sera publié
dans les Annales médico-psychologiques, envoyé à tous les adhérents
trois mois avant l'ouverture du Congrès, et servira de point de
départ à la discussion. Les auteurs de ces rapports ont surtout
pour mission d'exposer l'état actuel de la science sur la question
dont ils seront chargés.
En dehors des questions portées sur le programme, d'autres
travaux concernant la pathologie mentale, l'assistance publique,
la législation et la médecine légale des aliénés pourront être sou-
mis au Congrès.
Les membres du Congrès qui voudront prendre la parole dans
la discussion des questions du programme, de même que ceux qui
désireront faire des communications sur d'autres sujets de méde-
cine mentale, sont priés d'envoyer' au secrétariat du Congrès les
titres et conclusions de leurs mémoires, au plus tard le 15 juil-
let 1889.
Trois excursions scientifiques seront faites pendant la durée du
Congrès :
1° A l'asile Sainte-Anne, à Paris; 20 à l'asile de Villejuif; 3° à
l'hospice de Bicêtre, dans le service des idiots et épileptiques de
M. le Dr Bourneville.
Les travaux du Congrès seront recueillis et publiés par les soins
du Comité d'organisation et les adhérents recevront gratuitement :
1° A bref déla'i, un procès-verbal résumé des travaux du Con-
grès ; 2° ultérieurement, un compte rendu du Congrès, compre-
nant : a. la liste des membres fondateurs et adhérents ; b. les
actes et.travaux du Congrès.
504 FAITS DIVERS.
Un exemplaire des statuts du règlement et du Congrès sera
adressé à tous les membres adhérents en même temps que les
rapports dont il a été parlé plus haut.
Le Comité espère que tous ceux qui s'intéressent aux études de
médecine mentale, aux questions si délicates d'assistance publi-
que, de législation et de médecine légale des aliénés, voudront
bien prendre part à cette importante réunion scientifique; il les
prie de faire connaître le plus tôt possible leur adhésion.
Le Secrétaire général, Dr Ant. RITTI. Le Président, Dr J. FALRET.
Questions posées par LE Comité d'organisation. I. Pathologie
mentale Obsessions avec conscience (intellectuelles, émotives et
instinctives). Rapporteur, M. J. FALRET. 11. Législation : Législa-
tion comparée sur le placement des aliénés dans les établissements
spéciaux, publics et privés. Rapporteur, M. B. Ball. III. Médecine
légale : De la responsabilité des alcoolisés. Rapporteur, M. Motet.
Comité d'organisation. Président : M. FALRET (J.), médecin de
la Salpêtrière, président de la Société médico-psychologique.
Vice-président : M. BaLL (B.), professeur de clinique des maladies
mentales à la Faculté de médecine de Paris, membre de l'Acadé-
mie de médecine, vice-président de la Société médico-psycholo-
gique. Secrétaire général : M. RITTI (Ant.), médecin de la Mai-
son nationale de Charenton, secrétaire général de la Société
médico-psychologique. Membres du Comité. MM. BLANCHE, mem-
bre de l'Académie de médecine ; CoranD, médecin de la maison de
santé de Vanves; Magnan, médecin de l'asile Sainte-Anne ; Motet
secrétaire général de la Société de médecine légale ; Voisin (Aug.),
médecin de la Salpêtrière, trésorier de la Société médico-psycho-
logique ; Charpentier, médecin de Bicêtre, secrétaire de la
Société médico-psychologique; Garnier (Paul), médecin de l'in-
firmerie du Dépôt de la préfecture de police, secrétaire de la
Société médico-psychologique.
Les communications ou demandes de renseignements, ainsi que les
adhésions, doivent être adressées au secrétaire général, M. le doc-
teur RITTI (Ant.), médecin de la Maison nationale de Charenton, à
Saint-Maurice (Seine).
Congrès des médecins aliénistes allemands. Ce congrès se
tiendra cette année à Jéna, les 12 et 13 juin.
Knapp (P.-C.). Z affections following injury. Concussion
of th spine. Railway spine and Railway and Brain. Brochure in'8" do
35 pages. Boston, 1888. Cupples and Hurd.
jontepM<-/M;nt'p/e<e <<M<U)'&OEtCM o/'moh'o; : in children. Brochure
in-8° de 12 pages. Boston, 1888. Cupples and Hurd..
Z (P.-J.). Ivrognerie, ses causes et son traitement. Traduit
en français z Volume in-18 de 113 pages car-
tonné. Kharkoff, 1889. Typographie Sylberbey. ;
Le rédacteur-gérant, 13OURNEVILLE.
TABLE DES MATIÈRES
Acoustique, parForel, Flechsig, 288;
- origine du nerf, - par Bechterew,
289.
Alcooliques (affaiblissement de la
mémoie cluz les), par Lissauer, 3G8.
Aliénation mentale (traitement de
l'), par Howdcn, 122; par \les-
cliede, 306 ; - poui, cause de di-
vorce, par Lipman, 309; - (dia-
bete et , par Lieb, 31f. '
Aliénés (ici des - au Sénat), 134,
314.
Antipyrine (influence sur le système
nerveux), 463.
Aphasie et cécité psychique, par
Freund,310.
Aprosexie, par Guy, 301.
Arsenic (lésions de la moelle dans
l'empoisonnement par 1'), 463.
Asiles (construction des', par Clous-
ton, 123 ; -allemands, par Lud-
wig, 191; - (nominations dans
les), 174, 334 : - décret restrictif
contre t'admissiondansiespri-
vés en Prusse, 175; en Grèce,
335 ; d'idiots en Allemagne,
499.
Assistance des enfants idiots, 176.
Athétose bilatérale, par Kurella,291.
Basedow (nature de la maladie de),
par llabius, 290.
Bibliographie (sémeiologie des ma-
ladies du système nerveux), par
Moebius, 151 ; mort par la déca-
pitation, par Loye, 153; dégé-
nérescence et criminalité, par
Féré, 15 1; - de la suggestion, par
Liégeois, 156; ivrognerie, par
Kovalewsky, 492 ; maladies de
la volonté, par ltibot, 491; - der
Verlaufdes psychosen, par Arndt,
496 ; - cerveau et activité céré-
brale, par Herzen, 197 ; - troubles
moteurs post-hémiplégiques chez
les enfants, par Knapp, 498 ;
psychologie physiologique, par
Sergi, 498 ; Affections nerveuses
consécutives au traumatisme, par
Knapp, 499.
Bulletin bibliographique, 336.
Cachexie pachydermique ( idiotie
avec), par Camuset, 85 ; ré-
flexions sur le cas précédent', par
Bourneville, 90 : nouveau cas,
par Cousot, 479.
Cellules nerveuses (altérations pro-
gressives des dans les inflam-
mations ! , par Friedmann, 110.
Cerveau (fonctions du), par Soury,
337.
Chorée et aliénation mentale, par
Koeppen. 132.
Circulatoire (maladies de l'appareil),
par Greeneles, 113.
Cocaïnisme, par Saury, 483.
Concours des médecins adjoints des
asiles, 161, 170, 334; - de la
bourse de voyage des asiles, 174;
de l'internat en pharmacie des
asiles, 174.
Congrès des naturalistes et médecins
allemands, 299; - des aliénistes
de l'Allemagne de l'est, 308 ;
des aliénistes de l'Allemagne du
sud-ouest, 12 1; - de l'association
des médecins anglais, 122;
international de médecine men-
tale, 118; des médecins et chi-
rurgiens américains, 489.
Cordons postérieurs (structure des
de la moelle chez l'homme), par
Popoff, 177.
Corps calleux (brièveté anormale
du), par Schroetter, 299.
Côtes (fracture de sept), par Ben-
tham, H4.
506 table DES matières.
Courants de tension, parEulenberg,
302.
Crâniométrie, par Beiiedilit, 308.
Délire restreint, avec exacerbations
cérébrales, troubles tabétiques, :
etc., par Bonnet, 433.
Dermoneurose stéréographiqueet
érythrasma chez un imbécile, par
Chambard, 8.
Diabète et aliénation mentale, par
Lieb, 314.
Electricité statique (Lésions du sys-
tème nerveux produites par l'),
461.
Empoisonnement par l'oxyde de
carbone, par Raffegeau, 484.
Faits divers, 17f, 334.
Folie systématique originelle, par
Neisser, 212, 309.
Hémisphères cérébraux (morpholo-
gie et morpho-genpse du tronc
des), par Kurella, 292.
Hémarrhagies cérébrales (pathogé-
nie des spontanées), par Zen-
ker, 368.
Homicide commis par un paralytique
général, par Camuset, 296.
Ilypérémie (influence sur le système
nerveux central), 462.
Hypnotisme (grand et petit), par
Babinski, 92, 258; (dangers et
accidents de 1'), par Séglas, 115;
par Chambard, 297 ; par Lvoff,
485.
Hystéro-épilepsie chez les garçons,
par Lauffnauer, 290.
Idiots (premier asile d' - en Italie),
335; asile d' en Allemagne,
499.
Idiotie avec cachexie pachyder-
mique, par Camuset, 85; par Cou-
sot, 479.
Incohérence (théorie de l' avec
désordre dans les idées), par Will,
112.
Infectieuses (altérations du système
nerveux dans les maladies), 464 ;
altérations du neri vague dans
les maladies - , 467.
Interdiction (procédure pour l'), par
Jastrowitz, 313.
Jalousie (délire de), par Nadler,
129.
Maladies mentales (classification
des), par Garnier, 115, 485;
Dagonet, 121; Luys, 295;
Neisser, 311.
Médico-légaux (quelques faits), par
Mabille, 1.
Mémoire (deux cas d'affaiblissement
de la), par Freund, 309.
Morphinomanie guérie par sup-
pression brusque, par Christian,
119.
Myélite aiguë d'origine toxique, 463.
Nerfs crâniens (paralysie des), par
iloebi il s, 292.
Nerfs périphériques (lésions des
dans la phthisie), t65; - dans la
lèpre, 465,
Neuropathologie (observations de),
par Bernhardt, 292.
Neurologie (résumé des travaux
russes sur la), par Raymond, 269,
460.
Névrite multiple, consécutive à la
fièvre typhoïde. 464 ; d'origine
. syphilitique, 464. v
Névroglie(hypertrophie de la- dans
l'écorce cérébrale), par Buchholx,
131.
Névropathes (mouvements anormaux
associés des pieds et des orteils
chez les), par Struempell, 287.
Nicotine (influence sur les centres
nerveux), 462.
Ophthalmologique (compte rendu
statistique du service de la
Salpêtrière), par Morax, 436.
Ophlhalmoplégie bilatérale, par
Ziem, 294.
Optiques (lobes chez les poissons
osseux), par Auerbach, 304.
Paralysie alcoolique, 463.
Paralysie ascendante aiguë, 467 :
suite de coqueluche, par Môbius,
289.
Paralysie diphtêritique, 465.
Paralysie faciale (troubles de l'ouïe
dans la) par Rosenbach, 291.
Paralysie infantile (altérations des
centres nerveux dans un cas de),
par Wallenberg, 110.
Paralysie progressive, par Zacher,
131. 0
Paralysie dans le mal de Polt, par
Althaus, 290.
Pédoncule cérébral (dégénérescences
secondaires dans le), par Bech-
terew, 109.
Peau (modifications du système ner-
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 507
veux central dans le vernissage
de la), 468.
Pellagre (troubles nerveux dansla),
par Tuielizek, 299.
Physionomie (mécanisme de la), par
Meynert, 307.
Prix Belhomme, 483.
Psychoses, périodiques, par Mendel,
311; reproduction graphique de
la marche des -, par Arndt, 30;
formes initiales des -, par
Mueller, 305.
Rage (examen histologique d'un
cas de) par Schaefer, 109.
Revue critique, par Babinshi, 92,
258.
Scaphandres (accidents par l'usage
des), par Catsaras, 22, 225, 392.
Simulation des troubles psychiques,
par Fuerstner, 126.
Société, médico-psychologique, 115,
295; - prix de la , 334, 483;
psychiatrique de Berlin, 311.
Sulfonal, par Jlarandon de Montyei,
488.
Surdi-mutité chez les hystéro-épi-
leptiques, par Mendel, 293.
Surdité et cécité verbales, par Bate-
man, 208-
Surveillance (construction des quar-
tiers de-continue), par Poetz, 299.
Sympathique (lésions du système
dans la paralysie générale, 467.
Synostoses crâniennes prématurées,
par Aleynert, 303.
Tabac (influence de l'usage du
sur 1 assimilation des substances
azotées), 402.
Tabes (étiologie du), par linor, 183,
362; sensibilité dans le -, par
Binswanger, 288 ; paralysie des
mouvements de convergence des
yeux, au début du), par Watte-
ville, 294; localisation du phé-
nomène du genou dans le-, par
Minor, 295.
Thomsen (maladie de), par Ber-
nhardt, 292. '
Thyroïde (altérations du système
nerveux consécutives à l'ablation
de la glande), 468.
Transformisme, par Virchow, 307.
Typhoïde (fièvre chez les aliénés),
par Karrer, 127.
Vaisseaux encéphaliques (des va-
riations dans le degré de dévelop-
pement des), par Loewenfeld, 111.
Varia, 161, 499.
Vaso-moteurs (trajet central des
nerfs), par Hehvig, 108.
Yeux (paralysie des mouvements de
convergence des - au début du
tabes) par Wattevilte, 294.
Zone motrice (étude de la du cer-
veau), par Koning, 111.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Althaus, 290.
Arndt, 305, 496.
Auerbach, 304.
Babinski, 92, 258.
Batemau, 208.
Baudom, 153.
Beclitere)v, 109, 289.
Benedikt, 308.
Benliain, 111. t.
Bernharclt. 292.
Binswanger, 288.
Blocq, 1LF, 329, 330.331.
Bonnet, 433.
Bourneville, 90.
Briand, 115.
Buchholz, 131.
Camuset, 85, 29G.
Catsaras, 22, 215, 392.
Chambard, 8, 297.
Christian, 119.
Clouston, 123.
Combemale, 327, 329.
508 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Cousot, 479.
Crothers, 326.
Eulenberg, 302.
Féré, 154.
Flechsi ? 288.
Forel, 288.
Friedmann, 110.
lreund, 309, 310.
Fuerstner, 226.
Garnier, 115, 485
Gilles de la Tourelle, 157.
Greeneles, 113.
Guy, 301.
Heîwig, 108. z
Herzen, 497.
liowden, 122.
Jastrowitz, 313.
Jennings,329.
Karrer, 127.
Iéraval, 108, 109, 110, tll, I l2, 132,
153.
Knapp, 498, 499.
Kmppen,132.
Koning, 111.
Kovalewsky, 492.
Laufrnauer,290.
Lieb, 311. 4.
Lipman, 309.
Lissauer, 308.
Lmwenfeld, 111.
l.udwig, 121.
Mabille, 1.
Mairet, 329.
Marandon de Montyei, 488.
inleilciel, 293, 311.
\leschede, 30G.
111eynert, 303, 307.
Minor, 183, 295, 362.
Moebius, 151, 289, 290, 292.
Jlorax, 438.
Mueller, 305.
Musgrave Clay, 113, 114,
Nadler, 129.
Neisser, 112, 309, 311.
Pctz, 299.
Popoff, 177.
HatFe';eau,484.
Raoult, 123, 320, 327.
liaymonl, 2G9, 4G0.
Ribot, 494.
Rosenbach, 291.
Sarry, 483.
Sclioefer, 109.
Sclweeter, 299.
Séglas, 115.
Servi, 498.
Soury,327.
Struempelle, 287.
Tuckzek, 299.
Virchow, 307.
Wallenberg, 110.
\Vatteville, 291.
Win,l)2.
Zacher, 131.
Zrnker, 308.
Ziem, 294.
Fvfnrri (.1, IIiR111h1 IILi) - 5SI)